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lundi, 26 mars 2018

Dans l’antre du Minotaure

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Dans l’antre du Minotaure

par Georges FELTIN-TRACOL

En 2014, les éditions Le Cercle publient Le Minotaure planétaire. L‘ogre américain, la désunion européenne et le chaos mondial, de Yanis Varoufakis, un professeur d’économie gréco-australien qui a participé à la rédaction de la partie économique du programme de Georges Papandréou, futur Premier ministre socialiste grec entre 2009 et 2011. L’auteur ne sait pas encore qu’il rencontrera souvent ce Minotaure au cours de ses 162 jours de ministre grec des Finances.

varoulivre.jpgYanis Varoufakis raconte dans Conversation entre adultes. Dans les coulisses secrètes de l’Europe cette brève expérience ministérielle et les négociations âpres avec l’Eurogroupe, la Banque centrale européenne (BCE), le Fonds monétaire international (FMI), la Commission européenne et ses homologues, en particulier avec le plus puissant d’entre eux, l’Allemand Wolfgang Schäuble, qui en découlent. Il offre ainsi un témoignage de première main sur les mécanismes de ce qu’on croit être l’« eurocratie ». On reste cependant confondu devant sa naïveté et son absence de sens politique. L’« Homme de connaissance » se mue rarement en « Homme de puissance »…

Extérieur à Syriza dont il désapprouve publiquement le projet économique et affligé par l’alliance scellée avec les souverainistes des Grecs indépendants, Yanis Varoufakis se revendique libéral-démocrate, progressiste, pro-européen et humaniste. C’est par amitié pour Alexis Tsipras et par devoir envers ses compatriotes pressurés et appauvris qu’il accepte cette mission impossible : renégocier la dette de la Grèce. Il croit bénéficier de l’appui total du jeune et nouveau Premier ministre de gauche radicale. Or, dès son entrée en fonction, il apprend que son ministère dépend d’un ministère de l’Économie dont le titulaire n’est autre que le vice-Premier ministre, très lié à certains milieux bancaires. On lui impose ensuite un directeur de cabinet, véritable œil du parti à ses côtés. Varoufakis reconnaît volontiers « avoir été aveugle à une réalité aussi dure et déplaisante (p. 302) ».

En Grèce néo-colonisée

Son livre est poignant quand il mentionne les souffrances endurées par l’héroïque peuple grec. Celles-ci résultent des recommandations de la troïka (la BCE, le FMI et la Commission européenne). Cette officine guère respectable s’indigne de la diminution du traitement des haut-fonctionnaires grecs qui la servent, mais exige la suppression immédiate des aides financières aux plus défavorisés, la réduction du montant des pension des retraités, la hausse des taxes et le paiement immédiat des impôts par des entreprises exsangues. Les versements consentis à la Grèce en font selon l’expression de l’auteur un « Renflouistan » ! Il s’agit en réalité d’une « économie de la canonnière ».

Yanis Varoufakis dénonce l’indéniable processus de colonisation 2.0 de son pays par l’engeance financière cosmopolite. Par exemple, « l’administration fiscale grecque est un des exemples les plus sidérants de régime néocolonial des temps modernes (p. 172) ». En pratique, « le directeur de l’administration [fiscale et douanière] devait désormais être approuvé par la troïka et ne pouvait être renvoyé sans son approbation (p. 57) ». Pis, « certains départements des ministères-gruyères envoyaient d’abord leurs données et leurs documents à la troïka, qui les approuvait, et seulement ensuite à leur ministre. Comme si ce n’était pas assez, la troïka exigeait le droit d’envoyer des émissaires à Athènes, lesquels se rendaient dans les mêmes ministères et rassemblaient des données qu’ils triaient et vérifiaient avant que nous ne les ayons vues (pp. 307 – 308) ». Après juillet 2015, toutes les lois votées par la Vouli, le Parlement monocaméral, devront être en préalable approuvées par la troïka.

Certes, « l’insuffisance du développement, la mauvaise gestion et la corruption endémique de la Grèce expliquent sa fragilité économique permanente (p. 32) ». Il est possible d’y remédier alors que « son insolvabilité, plus récente, est due aux défauts de fabrication fondamentaux de l’Union européenne et de son union monétaire, autrement dit l’euro. À l’origine, l’Union européenne était un cartel de grandes entreprises conçu pour limiter la concurrence entre les principales industries lourdes d’Europe et s’assurer des marchés dans les pays périphériques – l’Italie et, plus tard, la Grèce. Les déficits de pays comme la Grèce étaient le reflet des excédents de pays tels que l’Allemagne. Tant que la drachme était sous-évaluée, les déficits étaient maîtrisés. Mais le jour où la drachme a été remplacée par l’euro, les prêts des banques françaises et allemandes ont envoyé les déficits grecs dans la stratosphère (p. 33) ». Yanis Varoufakis explique qu’avec les difficultés hellènes, « l’austérité révèle sa vraie nature : une politique économique de l’échec fondée sur un moralisme immoral (p. 51) » parce que le renflouement de la Grèce organisé sous la présidence de Sarközy « faisait reposer le plus gros du sauvetage des banques françaises et allemandes sur les contribuables de nations plus pauvres que la Grèce, par exemple la Slovaquie et le Portugal. Ces contribuables-là, de même que ceux de pays co-fondateurs du FMI comme le Brésil et l’Indonésie, seraient contraints, à leur insu, de virer de l’argent aux banques de Paris et de Francfort (pp. 36 – 37) ». Les médiats de propagande ont-ils répercuté cette information ? Non, car, comme le dit le président aviné de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker : « Quand les choses deviennent sérieuses, il faut mentir (p. 35). » Sinon la vérité aux peuples contribuables serait insoutenable d’autant que « plus un banquier est insolvable, surtout en Europe, plus il a de chances de s’approprier des parts importantes des revenus de tous les autres – : ceux qui triment, ceux qui innovent, les pauvres et, bien entendu, ceux qui n’ont aucun pouvoir politique (p. 38) ». Les petites frappes de la délinquance quotidienne devraient devenir des criminels de haut vol intouchables, c’est-à-dire des banksters.

varoumino.jpgSes compétences économiques et son ignorance des codes de la politique-spectacle font de Yanis Varoufakis une proie facile pour la désinformation bankstériste. Contre lui, « la machine de propagande de Bruxelles fonctionnait à plein régime (p. 287) ». Sachant que les « banquiers ont simplement pris le relais et financé les médias afin de manipuler l’opinion publique, donc de contrôler le jeu politique, qui lui permettait de garder les commandes des banques en faillite. Cela dit, contrairement aux promoteurs, ils ont été assez astucieux pour éviter de devenir propriétaires de chaînes de télévision et de journaux déficitaires. Ils ont maintenu en vie les médias en leur offrant des clopinettes en échange de publicités pour leurs banques (p. 66) », il estime qu’« à l’heure où l’establishment dit libéral se récrie face aux fake news de l’alt-right en pleine insurrection, il est utile de se rappeler que, en 2015, ce même establishment a lancé une campagne de retournement de la vérité et de diffamation terriblement efficace contre le gouvernement pro-européen et démocratiquement élu d’un petit pays européen (p. 10) ». La revendication du credo libéral n’est pour lui qu’un prétexte. Critique envers « les télé-évangélistes de l’asservissement (p. 164) », Varoufakis considère qu’« un establishment qui exploite sans vergogne des contre-vérités pour annuler un mandat démocratique et imposer des politiques dont ses propres fonctionnaires savent qu’elles ne sont pas efficaces ne saurait être qualifié de “ libéral ” (p. 476) ». Tout sera mis en œuvre pour briser cet opposant farouche « aux prêts en série insoutenables qui maquillent une faillite pour en faire un problème d’illiquidité (p. 46) ».

De féroces descriptions

Certains portraits croqués dans ce livre sont féroces. L’auteur se surprend de découvrir le socialiste Michel Sapin, ministre français des Finances, tout ignorer de la langue anglaise, maîtriser plus qu’imparfaitement les arcanes économiques et montrer une incroyable duplicité à son égard : cordial en privé, cassant devant les journalistes et les officiels. « La comédie de Michel Sapin était à l’image de ce qui ne fonctionne pas dans la République française (p. 198). » Quelques instants plus tôt, le même Sapin lui avait déclaré : « – Yanis, il faut que vous compreniez. La France n’est plus ce qu’elle était (p. 198). » Que voulait dire le vieux pote de « Flamby » ?

Au fil de ses rencontres électriques avec le président de l’Eurogroupe, le ministre néerlandais Jeroen Dijsselbloem, Varoufakis le trouve « encore plus vil que d’habitude (p. 429) ». Son jugement cinglant embrasse les socialistes français et les sociaux-démocrates allemands qui « n’ont cessé de se contredire, entre promesses creuses et vaines paroles (p. 397) ». L’auteur éprouve en revanche un véritable respect pour Wolfgang Schäuble. Ce partisan implicite du Grexit pense que « des élections ne sauraient changer une politique économique (p. 241) ». À quoi bon alors en organiser et ensuite tenter d’exporter ailleurs les « démocraties » occidentales ? Schäuble jette un temps le masque et se montre tel qu’il est : libéral et sécuritaire. Ancien du FMI et collaborateur de Varoufakis, Glenn Kim présente dans un courriel la personnalité de Schäuble qui « déteste au plus haut point les marchés. Pense qu’ils sont contrôlés par les technocrates. […] C’est un européiste ardent. Il croit au destin d’une Europe à l’allemande (pp. 216 – 217) ». L’auteur évoque un esclandre lors d’une réunion ministérielle, le 16 avril 2015. Ce jour-là, Michel Sapin envoie paître Schäuble qui envisageait accroître l’influence de la troïka au sein de l’Eurolande. En effet, « Wolfgang Schäuble rêvait de voir la troïka dicter sa loi à Paris (p. 479) ». Ce n’est que partie remise. L’auteur se montre en revanche assez bienveillant envers la directrice générale du FMI, Christine Lagarde, et couvre d’éloges Emmanuel Macron.

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Yanis Varoufakis n’approuve pas le Grexit autant de la Zone euro que l’Union pseudo-européenne. Il cherche plutôt une « politique de désobéissance constructive au sein de l’Union européenne. […] La seule alternative possible à la dystopie qui se met en place à mesure que l’Europe se désintègre (p. 481) ». Il soumet donc à la troïka plusieurs plans, mais elle « refusait systématiquement nos propositions sans en avancer une seule de son côté (p. 348) », non seulement pour des motifs techniques ou politiques, mais parce qu’il comprit bientôt que « ce que tous ces hommes avaient en commun : c’étaient tous des transfuges de Goldman Sachs (p. 244) ! » Cela expliquerait-il l’absence de vision politique dans les instances européennes et leur neutralisation par des procédures loufoques ? « La démocratie était morte le jour où l’Eurogroupe avait obtenu le pouvoir de dicter leur politique économique à des États privés de toute souveraineté fédérale démocratique (p. 241). » L’auteur apprend ainsi qu’il ne peut pas distribuer le moindre document de travail informel à ses homologues de l’Eurogroupe sous peine que ce papier soit ensuite débattu au Bundestag. Et si Varoufakis l’envoie en pièce jointe par courriel, il romperait le protocole et le document en question ne serait pas pris en compte ! L’inertie comme direction du désordre…

Yanis Varoufakis déplore en particulier le juridisme tatillon et les pesants rituels qui paralysent les séances de l’Eurogroupe et du conseil européen des ministres. Il apprend vite que les fonctionnaires européens lui mentent, le prennent de haut et ne lui communiquent jamais les documents officiels. Il regrette que la rédaction du communiqué final de l’assemblée soit plus importante que les choix adoptés (ou non). Il s’étonne de règles qui contreviennent aux propres valeurs de la démocratie délibérative. Le président de l’Eurogroupe introduit le sujet; il donne ensuite la parole respectivement aux représentants de la Commission européenne, du FMI et de la BCE; il laisse enfin s’exprimer dans un temps imparti relativement court les ministres. « Un spectateur impartial et sensé en conclurait que l’Eurogroupe n’est là que pour permettre aux ministres de valider et légitimer les décisions prises en amont par les trois institutions (p. 238). »

L’Eurogroupe existe-t-il vraiment ?

global minotaur spanish-cover2.jpeg« Les représentants de l’Europe officielle sont formatés pour exiger des ministres, des Premiers ministres, même du président de la France, qu’ils plient dès les premières menaces des gros bras de la BCE (p. 176). » La réalité est plus féroce encore. Jeroen Dijsselbloem ose tancer Pierre Moscovici, le Commissaire aux Affaires économiques et financières, ce qui « trahissait l’inféodation de la Commission à des forces qui manquent de fondement légal ou de légitimité démocratique. […] Par la suite, chaque fois que [… Pierre Moscovici] ou Jean-Claude Juncker essaieraient de nous aider, j’avais des frissons parce que je savais que ceux qui détenaient le pouvoir nous taperaient dessus sans pitié pour leur montrer l’exemple et remettre la Commission européenne à sa place (p. 265) ». Exaspéré, Varoufakis balance à Christine Lagarde : « Quand la BCE s’acoquine avec des banquiers corrompus et corrupteurs qui sabotent sciemment la démocratie, ça s’appelle une action ennemie (p. 362) ».

Les souvenirs de l’auteur prouvent que ministricules et bureaucrates font en sorte d’exclure et de nier tout cadre politique avec la ferme intention de mettre sur le même niveau fonctionnaires de la troïka et membres de gouvernement. « Les discussions techniques et les discussions politiques doivent être fusionnées et organisées au même endroit (p. 378) », affirme Pierre Moscovici. Le 27 juin 2015, suite à sa demande, le secrétariat de l’Eurogroupe lui répond que « l’Eurogroupe n’a pas d’existence légale, dans la mesure où il ne relève d’aucun des traités de l’Union. C’est un groupe informel réunissant les ministres des Finances des États membres de la la zone euro. Il n’existe donc pas de règles écrites sur ses procédures que son président serait tenu de respecter (p. 441) ». C’est exact, mais la reconnaissance de son caractère informel invalide toutes les restrictions que Jeroen Dijsselbloem a imposées à Yanis Varoufakis ! Oui, « l’Eurogroupe est une drôle de créature. Les traités européens ne lui confèrent aucun statut légal, mais c’est le corps constitué qui prend les décisions les plus importantes pour l’Europe. La majorité des Européens, y compris les politiques, ne savent pas exactement ce que c’est, ni comment il fonctionne (p. 237). » L’auteur s’aperçoit que « le Groupe de travail Eurogroupe (EWG) [est] sur le papier […] l’instance au sein de laquelle se préparent les réunions de l’Eurogroupe; en réalité, ce groupe est une sorte de sombre creuset dans lequel la troïka concocte ses plans et ses politiques (p. 127) ». Relais direct d’Angela Merkel, Thomas Wieser « était président du Groupe de travail Eurogroupe, cet organe dont le rôle est de préparer les réunions de l’Eurogroupe, là où les ministres des Finances de chaque pays prennent les décisions clés. En théorie, donc, Wieser était le délégué de Jeroen Dijsselbloem, ministre des Finances néerlandais et président de l’Eurogroupe. Ce que je ne savais pas et que je mesurerais plus tard, c’est que c’était l’homme le plus puissant de Bruxelles, beaucoup plus puissant que Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne, ou que Pierre Moscovici, le commissaire aux Affaires économiques et financières (le ministre des Finances de la Commission), voire, en certaines occasions, plus puissant que Dijsselbloem lui-même (pp. 143 – 144) ». Plus qu’une crise monétaire, financière ou économique, on devine que la crise est avant tout politique du fait de l’occultation volontaire et souhaitée du politique. Pourtant, « l’Europe peut donner naissance à des institutions efficaces : la Banque européenne d’investissement. La BEI appartient en effet aux États membres et elle est gouvernée par les ministres des Finances européens (p. 268) ». Le plus grave demeure le consentement béat de la plupart de minables politiciens. Wolfgang Schäuble le reconnaît volontiers au cours d’un échange privé avec Varoufakis : « Vous êtes le seul de l’Eurogroupe à avoir compris que la zone euro est insoutenable. L’union monétaire a été mal conçue. Nous avons besoin d’avoir une union politique, ça, ça ne fait aucun doute (p. 402). » Schäuble applique cependant une politique contraire parce qu’il écarte son européisme militant par rapport à de puissants intérêts atlantistes et mondialistes qu’il représente.

Mieux soutenu par son Premier ministre, Yanis Varoufakis serait peut-être parvenu à négocier avec les usuriers rapaces de la Grèce, car les « institutions », à savoir l’abjecte troïka, commençaient à se diviser entre elles et en leur sein autour de l’acceptation ou non des solutions réfléchies du gouvernement grec. Ce ne fut pas le cas. Dépité par les manœuvres politiciennes tortueuses de Tsipras, prêt à renier ses engagements de campagne afin de rester au pouvoir et d’en jouir quotidiennement, et écœuré par le viol gouvernemental du référendum du 5 juillet 2015 (61,31 pour le « non »), l’auteur démissionne dès le lendemain. La dissolution de la Vouli lui fera ensuite perdre son mandat de député, ayant refusé de se représenter. Aujourd’hui, il fait l’objet d’une accusation de « haute trahison » devant les parlementaires. Un comble ! En devenant ministre, Varoufakis savait qu’il servirait de fusible, mais pas si vite et pas comme bouc émissaire.

Conversation entre adultes est un ouvrage essentiel pour mieux comprendre les rouages absurdes de la machinerie pseudo-européenne, bankstérisée et effectivement proto-maffieuse qui massacre toute véritable idée européenne. Le récit de Yanis Varoufakis est un avertissement pour tout gouvernement qui tenterait de discuter avec les « institutions ». Celles-ci ne connaissent qu’un seul langage : la force. Heureusement que la France détient toujours de l’arme nucléaire…

Georges Feltin-Tracol

• Yanis Varoufakis, Conversation entre adultes. Dans les coulisses secrètes de l’Europe, Éditions Les liens qui libèrent, 2017, 526 p., 26 €.

lundi, 19 mars 2018

L'oeuvre de Carl Schmitt, une théologie politique

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L'oeuvre de Carl Schmitt, une théologie politique

L’auteur examine en quatre chapitres l’impact de celle-ci.

hm-lcs.jpgLa leçon de Carl Schmitt

Heinrich Meier

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L’auteur examine en quatre chapitres l’œuvre de Carl Schmitt, en montrant que ce qui l’unifie, c’est qu’elle constitue une «théologie politique». Toutefois, il faut se reporter à la fin de l’ouvrage pour comprendre ce qu’il faut entendre par ce terme. Dans la dernière partie du livre, l’auteur propose une rétrospective sur «la querelle de la théologie politique», qui permet de mieux comprendre le sens de cette expression utilisée dans le reste de l’ouvrage. Il y montre que si l’on interprète souvent l’expression de «théologie politique», à partir des textes mêmes de l’œuvre de Schmitt, comme «une affirmation relevant de l’histoire des concepts ou plutôt une hypothèse de la sociologie de la connaissance qui traite des «analogies de structures» entre des disciplines et des «transpositions» historiques» (p256), on restreint la portée et l’importance de ce concept que l’auteur estime central dans la pensée de Schmitt. Certes, C. Schmitt, évoquant une «théologie politique» a bien l’idée que des juristes ont transféré les concepts théologiques, comme celui de la toute-puissance de Dieu, sur le souverain temporel, dans les Temps modernes. Mais pour lui, la «théologie politique» désigne aussi, derrière cette opération de transfert, la volonté de ces juristes de répondre en chrétien à l’appel de l’histoire en «montrant le chemin à suivre pour sortir de la guerre civile confessionnelle.» Leur entreprise de sécularisation n’était pas portée par des intentions antichrétiennes, mais, bien au contraire, inspirée chrétiennement. Jean Bodin et Thomas Hobbes par exemple, que Schmitt désigne comme «ses amis», se tinrent, dans l’interprétation qu’il en donne, «solidement à la foi de leurs pères, et cela pas seulement de manière extérieure» (p261). Autrement dit, plus qu’un transfert de fait et historiquement repérable, la théologie politique désignerait pour Schmitt une attitude dans laquelle c’est à la politique de remplir une mission héritée de la religion, dans un monde qui se sécularise ou qui s’est sécularisé. La sécularisation, qui advient de fait, doit être gérée dans une intention qui demeure animée par la foi chrétienne. De là résulte entre autre que le critère du politique manifesté par la distinction entre ami et ennemi renvoie, pour l’auteur, en dernière analyse à l’opposition entre Dieu et Satan.

Chapitre 1: la réflexion schmittienne sur la morale

Dans le premier chapitre, centré sur la réflexion schmittienne sur la morale, l’auteur commence par montrer quel tableau –qui l’indigne– Schmitt dresse de son époque: un monde vivant aux pulsations de l’entreprise commerciale, rongé progressivement par la sécularisation et l’abandon de la foi, la démesure des hommes qui en «substituant à la providence les plans échafaudés par leur volonté et les calculs de leurs intérêts, pensent pouvoir créer de force un paradis terrestre dans lequel ils seraient dispensés d’avoir à décider entre le Bien et le Mal, et duquel l’épreuve décisive serait définitivement bannie.» (p15). La science elle-même n’est pour Schmitt que «l’auto-divination contre Dieu». Et Schmitt rejette ces formes d’auto-habilitation, par lesquelles l’homme prétend s’émanciper du Dieu transcendant.

Or, ce que souligne l’auteur, c’est que c’est chez Bakounine que Schmitt trouve en quelque sorte le paradigme de cette rébellion et de cette défense de la désobéissance, contre le souverain et contre Dieu. Bakounine en effet «conteste l’objet de la conviction la plus intime de Schmitt. Il attaque la révélation et nie l’existence de Dieu; il veut supprimer l’Etat et nie l’universalité revendiquée par le catholicisme romain.» (p19) ( «Dieu étant tout, le monde réel et l’homme ne sont rien. Dieu étant la vérité, la justice, le bien, le beau, la puissance et la vie, l’homme est le mensonge, l’iniquité, le mal, la laideur, l’impuissance et la mort. Dieu étant le maître, l’homme est l’esclave. Incapable de trouver par lui-même la justice, la vérité et la vie éternelle, il ne peut y arriver qu’au moyen d’une révélation divine. Mais qui dit révélation, dit révélateur, messies, prophètes, prêtres et législateurs inspirés par Dieu même; et ceux-là une fois reconnus comme les représentants de la divinité sur terre, comme les saints instituteurs de l’humanité, élus par Dieu même pour la diriger dans la voie du salut, ils doivent nécessairement exercer un pouvoir absolu. Tous les hommes leur doivent une obéissance illimitée et passive, car contre la Raison Divine il n’y a point de raison humaine, et contre la Justice de Dieu, point de justice terrestre qui tienne. Esclaves de Dieu, les hommes doivent l’être aussi de l’Eglise et de l’Etat, en tant que ce dernier est consacré par l’Eglise.» Mikhaïl Bakounine, Dieu et l’Etat). La devise «Ni Dieu ni maître» affiche le rejet de toute forme d’obéissance et détruit les fondements classiques de l’obéissance dans la culture européenne d’après Schmitt. Pour Bakounine, la croyance en Dieu est la cause de l’autorité de l’Etat et de tout le mal politique qui en procède. D’ailleurs Schmitt reprend à Bakounine l’expression de «théologie politique» que ce dernier emploie contre Mazzini. Pour Bakounine, le mal vient des forces religieuses et politiques affirmant la nécessité de l’obéissance et de la soumission de l’homme; alors que pour Schmitt – et dans une certaine tradition chrétienne – le mal provient du refus de l’obéissance et de la revendication de l’autonomie humaine.

cs-car.jpgChez ces deux auteurs, politique et religion sont mises ensemble, dans un même camp, dans une lutte opposant le bien au mal, même si ce qui représente le bien chez l’un représente le mal chez l’autre. Pour Schmitt, dans ce combat, le bourgeois est celui qui ne pense qu’à sa sécurité et qui veut retarder le plus possible son engagement dans ce combat entre bien et mal. Ce que le bourgeois considère comme le plus important, c’est sa sécurité, sécurité physique, sécurité de ses biens, comme de ses actions, «protection contre toute ce qui pourrait perturber l’accumulation et la jouissance de ses possessions» (p22). Il relègue ainsi dans la sphère privée la religion, et se centre ainsi sur lui-même. Or contre cette illusoire sécurité, Schmitt, et c’est là une thèse importante défendue par l’auteur, met au centre de l’existence la certitude de la foi («Seule une certitude qui réduit à néant toutes les sécurités humaines peut satisfaire le besoin de sécurité de Schmitt; seule la certitude d’un pouvoir qui surpasse radicalement tous les pouvoirs dont dispose l’homme peut garantir le centre de gravité morale sans lequel on ne peut mettre un terme à l’arbitraire: la certitude du Dieu qui exige l’obéissance, qui gouverne sans restriction et qui juge en accord avec son propre droit. (…) La source unique à laquelle s’alimentent l’indignation et la polémique de Schmitt est sa résolution à défendre le sérieux de la décision morale. Pour Schmitt, cette résolution est la conséquence et l’expression de sa théologie politique» (p24).). Et c’est dans cette foi que s’origine l’exigence d’obéissance et de décision morale. Schmitt croit aussi, comme il l’affirme dans sa Théologie politique, que «la négation du péché originel détruit tout ordre social».
Chez Schmitt, derrière ce terme de «péché originel», il faut lire la nécessité pour l’homme d’avoir toujours à choisir son camp, de s’efforcer de distinguer le bien du mal («Seule une certitude qui réduit à néant toutes les sécurités humaines peut satisfaire le besoin de sécurité de Schmitt; seule la certitude d’un pouvoir qui surpasse radicalement tous les pouvoirs dont dispose l’homme peut garantir le centre de gravité morale sans lequel on ne peut mettre un terme à l’arbitraire: la certitude du Dieu qui exige l’obéissance, qui gouverne sans restriction et qui juge en accord avec son propre droit. (…) La source unique à laquelle s’alimentent l’indignation et la polémique de Schmitt est sa résolution à défendre le sérieux de la décision morale. Pour Schmitt, cette résolution est la conséquence et l’expression de sa théologie politique» (p24).). L’homme est sommé d’agir dans l’histoire en obéissant à la foi («la théologie politique place au centre cette vertu d’obéissance qui, selon le mot d’un de ses plus illustres représentants, «est dans la créature raisonnable la mère et la gardienne de toutes les vertus» (Augustin, Cité de Dieu XII, 14). Par leur ancrage dans l’obéissance absolue, les vertus morales reçoivent un caractère qui leur manquerait autrement.» (p31-32).), et il doit pour cela avant faire preuve de courage et d’humilité. L’auteur montre ainsi que loin de se réduire à la «politique pure», la pensée schmittienne investit la morale en en proposant un modèle aux contours relativement précis.

Chapitre 2: Réflexion sur la conception politique de Schmitt

Dans chapitre II, H. Meier montre que la conception politique de C. Schmitt ne peut être entièrement détachée d’une réflexion sur la vérité et la connaissance. En effet, Schmitt écrit, dans La notion de politique, que le politique «se trouve dans un comportement commandé par l’éventualité effective d’une guerre, dans le clair discernement de la situation propre qu’elle détermine et dans la tâche de distinguer correctement l’ami et l’ennemi». Cela implique que le politique désigne un comportement, une tâche et une connaissance, comme le met en évidence l’auteur. Pour mener à bien l’exigence d’obéissance mise au jour dans le chapitre précédent, il faut une certaine connaissance. Cela semble relativement clair, mais l’auteur va plus loin et défend la thèse selon laquelle non seulement le politique exige la connaissance, mais il veut montrer que l’appréhension du politique pour Schmitt est «essentiellement connaissance de soi» (p46).

La distinction entre l’ami et l’ennemi s’appuie sur une notion existentielle de l’ennemi. L’ennemi présupposé par le concept de politique est une réalité publique et collective, et non un individu sur lequel on s’acharnerait, mu par une haine personnelle. Comme le précise H. Meier, «il n’est déterminé par aucune «abstraction normative» mais renvoie à une donnée de la «réalité existentielle» (…). Il est l’ennemi qui «doit être repoussé» dans le combat existentiel.» (p49). La figure de l’ennemi sert le critère du politique, mais chez Schmitt, selon l’auteur, elle n’est pas le fruit d’une élaboration théorique, voire idéologique, mais elle est ce en face de quoi je suis toujours amené existentiellement à prendre position et elle sert aussi à me déterminer et à me connaître moi-même, sur la base du postulat que c’est en connaissant son ennemi qu’on se connaît soi-même. Grâce à la distinction entre l’agonal et le politique, qui tous deux mettent en jeu la possibilité de ma mort et celle de l’adversaire ou de l’ennemi, mais qui s’opposent sur le sens de la guerre et la destination de l’homme ( Dans une compréhension politique du monde, l’homme ne peut réaliser pleinement sa destinée et sa vocation qu’en s’engageant entièrement et existentiellement pour l’avènement de la domination, de l’ordre et de la paix, tandis que dans la pensée agonale, ce qui compte, c’est moins le but pour lequel on combat que la façon de combattre et d’inscrire ainsi son existence dans le monde. E. Jünger, qui défend une pensée agonale écrit ainsi: «l’essentiel n’est pas ce pour quoi nous nous battons, c’est notre façon de nous battre. (…) L’esprit combattif, l’engagement de la personne, et quand ce serait pour l’idée la plus infime, pèse plus lourd que toute ratiocination sur le bien et le mal» (La guerre comme expérience intérieure).), Schmitt montre qu’il ne s’agit pas de se battre par principe et pour trouver un sens à vie, mais de lutter pour défendre une cause juste, ou mieux la Justice. Et c’est à ce titre que le politique est ce par quoi l’homme apprend à se connaître, à savoir ce qu’il veut être, ce qu’il est et ce qu’il doit être ( H. Meier développe ainsi un commentaire long et précis sur le sens d’une phrase de Theodor Däubler qui revient souvent chez Schmitt: «l’ennemi est la figure de notre propre question». Nous nous connaissons en connaissant notre ennemi et en même temps nous reconnaissons notre ennemi en celui qui nous met en question. L’ennemi, en quelque sorte, est aussi le garant de notre identité. Notre réponse à la question que l’ennemi nous pose est notre engagement existentiel-par un acte de décision – concret dans l’histoire.).

cs-pol.pngLa confrontation politique apparaît comme constitutive de notre identité. A ce titre, elle ne peut pas être seulement spirituelle ou symbolique. Cette confrontation politique trouve son origine dans la foi, qui nous appelle à la décision («La foi selon laquelle le maître de l’histoire nous a assigné notre place historique et notre tâche historique, et selon laquelle nous participons à une histoire providentielle que nos seules forces humaines ne peuvent pas sonder, une telle foi confère à chacun en particulier un poids qui ne lui est accordé dans aucun autre système: l’affirmation ou la réalisation du «propre» est en elle-même élevée au rang d’une mission métaphysique. Etant donné que le plus important est «toujours déjà accompli» et ancré dans le «propre», nous nous insérons dans la totalité compréhensive qui transcende le Je précisément dans la mesure où nous retournons au «propre» et y persévérons. Nous nous souvenons de l’appel qui nous est lancé lorsque nous nous souvenons de «notre propre question»; nous nous montrons prêts à faire notre part lorsque nous engageons ma confrontation avec «l’autre, l’étranger» sur «le même plan que nous» et ce «pour conquérir notre propre mesure, notre propre limite, notre propre forme.»« (p77-78).).

Aussi les «grands sommets» de la politique sont atteints quand l’ennemi providentiel est reconnu. La politique n’atteint son intensité absolue que lorsqu’elle est combat pour la foi, et pas simple combat, guerre limitée et encadrée par le droit des gens moderne (Les croisades sont ainsi l’exemple pour C. Schmitt d’une hostilité particulièrement profonde, c’est-à-dire pour lui authentiquement politique.). C’est pour une communauté de foi, et plus particulièrement pour une communauté de croyants qui se réclame d’une vérité absolue et dernière, au-delà de la raison, que la politique peut être authentique. C’est d’abord pour défendre la foi qu’on tient pour vraie, une foi existentiellement partagée – et qui éventuellement pourrait être une foi non religieuse – que la politique authentique peut exister. C’est ainsi que Schmitt pense défendre la vraie foi catholique contre ces fausses fois qui la mettent en danger et qui sont le libéralisme et le marxisme. Ce qu’on appelle ordinairement ou quotidiennement la politique n’atteint pas l’intensité décisive des «grands sommets», mais n’en est que le reflet.

Chapitre 3: théologie politique, foi et révélation

Dans le troisième chapitre, H. Meier établit l’inextricable connexion entre théologie politique, foi et révélation. Aussi la théologie politique combat-elle l’incroyance comme son ennemi existentiel. Comme le résume l’auteur: «l’hostilité est posée avec la foi en la révélation. (…) la discrimination entre l’ami et l’ennemi trouverait dans la foi en la révélation non seulement sa justification théorique, mais encore son inévitabilité pratique» (p102). Obéir sérieusement à la foi exige, pour Schmitt, d’agir dans l’histoire, ce qui suppose de choisir son camp, c’est-à-dire de distinguer l’ami de l’ennemi. Politique et théologique ont en commun la distinction entre l’ami et l’ennemi; aussi, note l’auteur, «quand le politique est caractérisé grâce à la distinction ami-ennemi comme étant «le degré extrême d’union ou de désunion» (…), alors il n’y a plus d’obstacle au passage sans heurt du politique à la théologie de la révélation. La nécessité politique de distinguer entre l’ami et l’ennemi permet désormais de remonter jusqu’à la constellation ami-ennemi de la Chute, tandis que se révèle le caractère politique de la décision théologique essentielle entre l’obéissance et la désobéissance, entre l’attachement à Dieu et la perte de la foi.» (p104). L’histoire a à voir avec l’avènement du Salut, les fins politiques et théologiques sont indissociables pour Schmitt. La décision entre Dieu et Satan est aussi bien théologique que politique, et lorsque l’ennemi providentiel est identifié comme tel, le théologique et le politique coïncident dans leur définition de l’unique ennemi. Le reste du temps, politique et théologique peuvent ne pas coïncider, dans la mesure où toute confrontation politique ne met pas en jeu la foi en la révélation et où toute décision théologique ne débouche pas nécessairement sur un conflit politique. Et si Schmitt développe une théologie politique, c’est parce que ce qui est fondamental est le théologique (qui toujours requiert la décision et l’engagement de l’homme («la foi met fin à l’incertitude. Pour la foi, seule la source de la certitude, l’origine de la vérité est décisive. La révélation promet une protection si inébranlable contre l’arbitraire humain que, face à elle, l’ignorance semble être d’une importance secondaire.» (p138).)) qui prend parfois, mais pas toujours nécessairement, la forme du politique pour sommer l’homme de se décider.

Puis l’auteur examine la critique de la conception de l’Etat dans la doctrine de Hobbes (dans Le Léviathan dans la doctrine de l’Etat de Thomas Hobbes. Sens et échec d’un symbolisme politique) qu’il étudie en trois points.

Thomas_Hobbes_(portrait).jpgD’une part, Schmitt reproche à Hobbes d’artificialiser l’Etat, d’en faire un Léviathan, un dieu mortel à partir de postulats individualistes. En effet, ce qui donne la force au Léviathan de Hobbes, c’est une somme d’individualités, ce n’est pas quelque chose de transcendant, ou plus précisément, transcendant d’un point de vue juridique, mais pas métaphysique. A cette critique, il faut ajouter que, créé par l’homme, l’Etat n’a aucune caution divine: créateur et créature sont de même nature, ce sont des hommes. Or ces hommes, véritables individus prométhéens, font croire à l’illusion d’un nouveau dieu, né des hommes, et mortels, dont l’engendrement provient du contrat social. Et cette création à partir d’individus et non d’une communauté au sein d’un ordre voulu par Dieu, comme c’était, selon Hobbes, le cas au moyen-âge, perd par là-même sa légitimité aux yeux d’une théologie politique ( C. Schmitt écrit ainsi que: «ce contrat ne s’applique pas à une communauté déjà existante, créée par Dieu, à un ordre préexistant et naturel, comme le veut la conception médiévale, mais que l’Etat, comme ordre et communauté, est le résultat de l’intelligence humaine et de son pouvoir créateur, et qu’il ne peut naître que par le contrat en général.»).

D’autre part, Schmitt critique le geste par lequel l’Etat hobbesien est à lui-même sa propre fin. Autrement dit, cette œuvre que produisent les hommes par le contrat n’est plus au service d’une fin religieuse, d’une vérité révélée, mais, au contraire, est rendu habilité à définir quelles sont les croyances religieuses que doivent avoir les citoyens, qu’est-ce qui doit être considéré comme vrai. Enfin, Schmitt désapprouve le symbole choisi par Hobbes pour figurer l’Etat, le Léviathan.

Comme le note l’auteur, Schmitt pointe la faiblesse et la fragilité de la construction de Hobbes: «C’est un dieu qui promet aux hommes tranquillité, sécurité et ordre pour leur «existence physique ici-bas», mais qui ne sait pas atteindre leurs âmes et qui laisse insatisfaite leur aspiration la plus profonde; un homme dont l’âme artificielle repose sur une transcendance juridique et non métaphysique; un animal dont le pouvoir terrestre incomparable serait en mesure de tenir en lisière «les enfants de l’orgueil» par la peur, mais qui ne pourrait rien contre cette peur qui vient de l’au-delà et qui est inhérente à l’invisible.» (p167). Autrement dit, chez Hobbes, l’Etat peut se faire obéir par la peur de la mort, ce qui rend l’obéissance des hommes relatives à cette vie terrestre, alors que pour Schmitt, ce qui rend décisif et définitif l’engagement politique, c’est qu’il a à voir avec la fin dernière, le salut. Aussi peut-on être prêt ou décidé à mourir pour lutter contre l’ennemi, ce que nous craignons alors le plus est moins la mort violente que l’enfer post mortem. Et on comprend ainsi bien comment le libéralisme est ce qui veut éviter cet engagement, en niant la dimension proprement politique de l’existence humaine.

Chapitre 4: l'histoire comme lieu de discernement

Dans le dernier chapitre, centré sur l’histoire comme lieu de discernement dans lequel doit toujours se décider l’homme, l’auteur montre comment morale, politique et révélation sont liées à l’histoire pour permettre une orientation concrète («Pour la théologie politique, l’histoire est le lieu de la mise à l’épreuve du jugement. C’est dans l’histoire qu’il faut distinguer entre Dieu et Satan, l’ami et l’ennemi, le Christ et l’Antéchrist. C’est en elle que l’obéissance, le courage et l’espérance doivent faire leurs preuves. Mais c’est en elle aussi qu’est porté le jugement sur la théologie politique qui se conçoit elle-même à partir de l’obéissance comme action dans l’histoire.» (p177).). L’exemple privilégié par Schmitt pour mesurer un penseur qui se décide à l’histoire dans laquelle il se fait condamné à naviguer est celui de Hobbes. En effet, pour Schmitt, Hobbes prend position, avec piété pour l’Etat moderne, dans un cadre historique précis, celui des luttes confessionnelles, et sa décision en faveur de l’Etat qui neutralise les oppositions religieuses et sécularise la vie est liée à ce contexte historique. Si pour Schmitt, l’Etat n’est plus au XXème siècle une bonne réponse politique à la situation historique, au temps de Hobbes, se déterminer en faveur de cet Etat était la bonne réponse, puisque l’Etat «trancha effectivement à un moment historique donné la querelle au sujet du droit, de la vérité et de la finalité en établissant le «calme, la sécurité et l’ordre» quand rien ne semblait plus urgent que l’établissement du «calme, de la sécurité et de l’ordre»« (p183). En revanche, une fois conçu, l’Etat comme machine ou comme appareil à garantir la sécurité, il peut tomber entre les mains du libéralisme, du bolchévisme ou du nazisme qui peuvent s’en servir pour parvenir à leur fin, d’où sa critique de l’Etat au XXème siècle.

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La question que pose alors l’auteur est celle de l’engagement de Schmitt. Il montre que Schmitt dans les années 1920 et au début des années 1930 commence par soutenir le fascisme mussolinien dans lequel il voit le modèle d’un Etat qui s’efforce de maintenir l’unité nationale et la dignité de l’Etat contre le pluralisme des intérêts économiques. Il oppose ce type d’Etat au libéralisme qu’il considère comme un «système ingénieux de méthodes visant à affaiblir l’Etat» et qui tend à dissoudre en son sein le proprement politique. Il critique l’Etat de droit bourgeois et en particulier le parlementarisme ( Il écrit ainsi dans l’article «l’Etat de droit bourgeois»: «les deux principes de l’Etat de droit bourgeois que sont la liberté de l’individu et la séparation des pouvoirs, sont l’un et l’autre apolitiques. Ils ne contiennent aucune forme d’Etat, mais des méthodes pour mettre en place des entraves à l’Etat.»). Il démasque l’imposture des prétendues démocraties qui n’intègrent pas le peuple, qui ne lui permettent pas d’agir en tant que peuple ( Pour Schmitt, le peuple ne peut être que réuni et homogène (c’est-à-dire non scindé en classes distinctes ou divisé culturellement, religieusement, socialement ou «racialement»). Il estime également que seule l’acclamation permet d’exprimer la volonté du peuple, à l’opposé des méthodes libérales qu’il accuse de falsifier la volonté du peuple.) mais l’atomisent, ne serait-ce que parce qu’au moment de la décision politique, les hommes sont isolés pour voter, alors qu’ils devraient être unis: «ils décident en tant qu’individus et en secret, ils ne décident pas en tant que peuple et publiquement.» (p204). Ce qui fait que les démocraties libérales sont pour lui des démocraties sans démos, sans peuple. Schmitt veut fonder la politique sur un mythe puissant et efficace, et dans cette optique, il estime que le mythe national sur lequel se fonde le fascisme est celui qui donne le plus d’intensité à la foi et au courage (plus, par exemple, que le mythe de la lutte des classes). Ce que souligne l’auteur cependant, c’est que pour Schmitt, tout mythe est à placer sur un plan inférieur à la vérité révélée. Il s’agit donc pour le théologien politique de ne pas croire ce mythe, national ou autre, parce qu’il est éloigné de la vraie foi, mais de l’utiliser pour intensifier la dimension politique de l’existence que tend à effacer le libéralisme européen de son époque.

Comment concilier la décision de Schmitt en faveur du nazisme au printemps 1933? Pour Heinrich Meier, il faut considérer avant tout que cet engagement est fait en tant que théologien politique et non en tant que nationaliste. Il faudrait la lire comme l’essai pour sortir de deux positions antagonistes et qu’il rejette toutes les deux: le libéralisme et le communisme, tous deux adversaires du catholicisme et animés par une commune tradition visant un objectif antipolitique (L’auteur écrit ainsi: «Pendant les dix années, de 1923 à 1933, durant lesquelles Schmitt, empli d’admiration, suivit le parcours de Mussolini, sa conviction que le libéralisme et le marxisme s’accordaient sur l’essentiel ou en ce qui concerne leur «métaphysique» ne fit que se renforcer: l’héritage libéral était toujours déterminant pour le marxisme, qui «n’était qu’une mise en pratique de la pensée libérale du XIXème siècle». La réunion du libéralisme et du marxisme dans la «nouvelle croyance» du temps présent (…) disposant d’un fonds de dogmes communs et poursuivant le même objectif final antipolitique, devait faire apparaître le fascisme et le national socialisme comme les antagonismes les plus résolus.» (p212-213).). A cela s’ajoute, selon l’auteur, l’idée que le nazisme s’appuie sur la croyance au destin et à l’importance d’agir dans l’histoire. Mais peu après cette explication des raisons de l’adhésion de Schmitt au national-socialisme, l’auteur s’attache à montrer que des critiques du régime apparaissent dans ses écrits. On peut ainsi selon l’auteur lire de nombreux passages du livre sur Hobbes comme des critiques indirectes du régime nazi qui ne pouvaient pas ne pas être prises comme telles à l’époque (par exemple, des passages dans lesquels il explique que si l’Etat ne protège pas efficacement les citoyens, le devoir d’obéissance disparaît, ou des passages exposant que si un régime relègue la foi à l’intériorité, le «contre-pouvoir du mutisme et du silence croît».) Cependant, l’auteur prend également soin de distinguer d’un côté l’éloignement de Schmitt du pouvoir nazi en place et de l’autre la persistance de son antisémitisme. Ainsi le livre sur Hobbes est foncièrement antisémite – l’antisémitisme de ce livre ne serait pas qu’un fond, un langage destiné à répondre aux critères de l’époque – comme, du reste, dans de nombreux ouvrages. Et pour l’auteur cet antisémitisme a son origine dans la tradition de l’antijudaïsme chrétien, ce qui n’a pas détaché Schmitt de l’antisémitisme nazi. Au contraire, comme le souligne H. Meier, «on est bien obligé de dire que c’est l’hostilité aux «juifs» qui lie le plus durablement Schmitt au national-socialisme (…) Et il restera fidèle, même après l’effondrement du Troisième Reich, à l’antisémitisme» (p220).

Puis l’auteur s’intéresse à l’interprétation que Schmitt fait de l’histoire en mettant au cœur de cette interprétation le katechon, qu’on trouve dans la seconde lettre de Paul aux Thessaloniciens, et qu’il définit comme «la représentation d’une force qui retarde la fin et qui réprime le mal» ( Schmitt écrit ainsi dans Terre et Mer: «Je crois au katéchon; il représente pour moi la seule possibilité, en tant que chrétien, de comprendre l’histoire et de lui trouver un sens.»). Schmitt expose une vision chrétienne de l’histoire (notamment exposée dans une critique de Meaning in History de Karl Löwith) qu’il entend opposer à celle du progrès défendue par les Lumières, le libéralisme et le marxisme. La Providence ne peut être assimilée aux planifications prométhéennes humaines. La notion de katechon permet d’une part de rendre compte du retard de la parousie – et donc de l’existence perse de l’histoire ( C’est d’ailleurs dans cette perspective que Paul en parle.); d’autre part, elle «protège l’action dans l’histoire contre le découragement et le désespoir face à un processus historique, en apparence tout-puissant, qui progresse vers la fin. Enfin, elle arme à l’inverse l’action dans l’histoire contre le mépris de la politique et de l’histoire en l’assurant de la victoire promise.» (p231-232). En effet, sans le katechon, on est conduit à penser que la fin de l’histoire est imminente et que l’histoire n’a qu’une valeur négligeable.

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Ainsi, l’auteur parvient à montrer efficacement comment morale, politique, vérité révélée et histoire sont liées dans la pensée schmittienne, pensée ayant son centre dans la foi catholique de Schmitt. On ne peut comprendre la genèse des concepts schmittiens et leur portée véritable qu’en ayant à l’esprit cette foi expliquant sa pensée est moins une philosophie politique – si la philosophie doit être pensée comme indépendante de la foi en la révélation – qu’une théologie politique, pour ainsi dire totale en ce qu’elle informe tous les aspects de l’existence. La tentative d’H. Meier d’expliquer et de rendre compte et de l’engagement de Schmitt dans le nazisme –sans évidemment l’excuser ou n’en faire qu’une erreur malencontreuse– par l’antagonisme que ce régime pouvait manifester à l’encontre des autres régimes (libéralisme, marxisme) qui luttaient contre le catholicisme est pertinente, d’autant qu’elle ne le disculpe pas et qu’elle prend soin de souligner son indéfendable antisémitisme. Il faut aussi reconnaître à l’auteur une connaissance extrêmement précise des textes de Schmitt, de leur contexte et des adversaires que vise ce dernier même lorsqu’ils ne sont pas nommés, ce qui contribue à la clarification de maintes argumentations de Schmitt parfois équivoques ou elliptiques.

samedi, 17 mars 2018

Brooks Adams and the Law of Civilisation and Decay

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Brooks Adams and the Law of Civilisation and Decay

 
 
Ex: https://www.blackhousepublishing.com

There are many causes given for the death of Civilisations, including environmental, moral, racial, economic, and dysgenic. However, those who reject political economy whether of the English Free Trade School or its Marxian and other socialist derivatives, give too little attention to the central role of materialism in the decline and fall of civilisations. Indeed, it can be contended that the latter is a primary cause of cultural etiolation, with other factors being symptoms of a prior culture-pathogen. For it is the way money is regarded as a culture-symbol that reflects the state of a Civilisation.

The towering genius of Western historical-philosophy, Oswald Spengler, detailed this culture-problem in his epochal Decline of the West nearly a century ago.[i]Even prior to Spengler however, the American Brooks Adams wrote a masterful study on the role of money in the decline of cultures in a no less remarkable book, The Law of Civilisation and Decay.[ii] For here, as with Spengler, we have the diagnostic method of culture-pathology and the possibilities of a cure once the cause is known.

It was for this reason that Ezra Pound, who was committed to overthrowing the money-power, enthusiastically recommended Brooks Adams’ book as essential reading.[iii]

Brooks_Adams,_c._1910.jpgThe Law of Civilization and Decay was published in 1896; that is, several decades prior to Spengler’s Decline of the West. Like Spengler, Adams traces through the analogous epochs of Civilizations the impact these epochs have upon the Culture in its entirety, from architecture to politics, focusing on the economic influences. He shows, like Spengler, that Civilizations proceed through organic cycles. Spengler used the names of seasons to illustrate the organic character of culture-life, going through the stages of birth (Spring; Culture), youthful vigor (Summer, High Culture), maturity (Autumn, Civilization), old age and senility (Winter), with an intervening era of revival – a dramatic final bow on the world stage – ending in death due to the primacy of money over spirit.

Adams first noted the ‘law of civilization and decay’ in the differences in architecture between the city-states in Civilizations that had maintained their cultural ethos, or what Spengler referred to as the culture-cities, and those that had been founded as centers of commerce. In the commercial cities such as Venice, Genoa, Pisa and Florence, of the early Western Medieval epoch, ‘the religious idea,’ expressed elsewhere in the Gothic style (which Spengler identified as one of the purest Western – Faustian – culture forms, epitomized by the Gothic Cathedral)[iv] was not defined. Adams wrote of this, like Spengler several decades later:

Furthermore, commerce from the outset seemed antagonistic to the imagination, for a universal decay of architecture set in throughout Europe after the great commercial expansion of the thirteenth century; and the inference I drew from these facts was that the economic instinct must have chosen some other medium by which to express itself.[v]

Adams concluded that a ‘mercantile community’ would instead express itself through its type of coinage. Another primary factor, Adams concluded, was that men act through impulse and instinct, and only rationalise their actions once they have attained their aims. Characteristics, states Adams, are inherited through familial generations, but as changes occur, and the inherited characteristics become redundant in new circumstances, families fall from fame to obscurity. ‘Particularly has this been true in revolutionary epochs such as the Reformation; and families so situated have very generally become extinct.’[vi]

There is a dichotomy that utilises a stored collective energy, either impelling great achievements or dissipating that energy. This is based on two drives: fear that prompts feelings of religion, imagination, the metaphysical and priesthood; and greed that ‘dissipates energy in war and trade.’[vii] These two primary drives as we might call them today, fear and greed, equate, I believe, with the Spring/Summer and Autumn/Winter epochs of Spengler’s morphology of cultures respectively.

‘Fear’ equates with a religious instinct. This should not be seen as having negative connotations, as Marx and other materialists, rationalists and atheists would insist. Rather, it is that primal quality of feeling of cosmic awe that Spengler saw in the Spring of a High Culture, where great art and great adventures are played out to a Culture’s ‘glory to God’ or Gods. That this religious instinct is transformed into a new pseudo-religious form in the Autumn and Winter epochs of a Civilisation can be seen from the use emerging economic classes – the bourgeois – made of Puritanism and Calvinism.[viii] Such forces were at the foundation of the USA.

BA-laws.jpgAdams’ theory of energy seems akin to C. G. Jung on the ‘canalisation’ of psychical energy (libido);[ix] with the two primary drives, fear and greed, in Adams’ theory, being the means by which what Jung called ‘canalisation’ manifests. In both Adams’ and Jung’s theories, instinct is at the base of this energy activation. Likewise with Spengler, instinct is at the base of the flowering of a High Culture in its Spring epoch, before ossifying into ‘reason’ in the Late or Winter epoch.

Like Spengler, Adams states that the formative stages of a High Culture, still based on ‘fear’, that is to say, the imaginative qualities, produce a culture that is ‘religious, military, artistic.’[x] Adams states that, ‘as consolidation advances, fear yields to greed, and the economic organism tends to supersede the emotional and martial.’[xi] Hence we arrive with Adams at the same place as Spengler, where money dominates at the late cultural epoch; and energy is expended on material gain at the expense of the founding spiritual ethos. Energy that is not expended is stored. Again we come to the theory similar to the libido of psychology. This surplus energy might be stored as wealth. Eventually conquest for booty or empire, still undertaken under the impress of the founding spiritual ethos, is displaced by the ‘greed’ impulse manifested as economics. Adams writes of this process:

However large may be the store of energy accumulated by conquest, a race must, sooner or later, reach the limit of its martial energy, when it must enter on the phase of economic competition. But, as the economic organism radically differs from the emotional and martial, the effect of economic competition has been, perhaps invariably, to dissipate the energy amassed by war.[xii]

The next passage by Adams is remarkably suggestive of Spengler in describing the cycles of decay:

When surplus energy has accumulated in such bulk as to preponderate over productive energy, it becomes the controlling social force. Thenceforward, capital is autocratic, and energy vents itself through those organisms best fitted to give expression to the power of capital. In this last stage of consolidation, the economic, and, perhaps, the scientific intellect is propagated, while the imagination fades, and the emotional, the martial, and the artistic types of manhood decay. When a social velocity has been attained at which the waste of energetic material is so great that the martial and imaginative stocks fail to reproduce themselves, intensifying competition appears to generate two extreme economic types, – the usurer in his most formidable aspect, and the peasant whose nervous system is best adapted to thrive on scanty nutriment. At length a point must be reached when pressure can go no further, and then, perhaps, one of two results may follow: A stationary period may supervene, which may last until ended by war, by exhaustion, or by both combined, as seems to have been the case with the Eastern Empire; or, as in the Western, disintegration may set in, the civilized population may perish, and a reversion may take place to a primitive form of organism.[xiii]

Here the primary elements of Spengler can be identified in Adams in terms of materialism giving rise to scientism or the ‘Age of Reason’ as it is called in the Western epoch, on the ruins of faith and an intuition of one’s place in the cosmos. The latter is replaced by a rootless struggle for economic existence or power, as approvingly observed by Marx in The Communist Manifesto. The intellectual replaces the priest, the banker replaces the aristocrat, and the proletarian replaces the craftsman and peasant. After the death of the Civilisation, the peasant reverts to his former existence outside of history, fellaheen as Spengler terms him in a post-civilisation, as in Egypt and India. Very close to the passage from Adams above, is the following from Spengler:

BA-empire.jpgAt this level, all Civilisations enter upon a stage, which lasts for centuries, of appalling depopulation. The whole pyramid of cultural man vanishes. It crumbles from the summit, first the world-cities, then the provincial forms, and finally the land itself, whose best blood has incontinently poured into the towns, merely to bolster them up awhile, at the last. Only the primitive blood remains, alive, but robbed of its strongest and most promising elements. This residue is the Fellah type.[xiv]

According to Adams, the law of civilisation and decay shows that energy is expended on economic competition to the point of culture exhaustion. The prolonged inertia that Adams refers to where the survivors of the dissipated old Civilisation exist devoid of vigour is analogous to the Fellah type described by Spengler. Both refer to the exhaustion of vigour expended for economic motives.

The evidence, however, seems to point to the conclusion that, when a highly centralized society disintegrates, under the pressure of economic competition, it is because the energy of the race has been exhausted. Consequently, the survivors of such a community lack the power necessary for renewed concentration, and must probably remain inert until supplied with fresh energetic material by the infusion of barbarian blood.[xv]

Where that fresh blood is to be found to reinvigorate a decaying West is problematic, given that culture-pathology has spread to every corner of the globe through international commerce, and is perhaps even exported as a world control mechanism to break down traditional barriers.[xvi] Spengler suggested, even in 1919, regardless of Bolshevism, that the fresh blood and new ethos might come eventually from Russia.[xvii]

As both Spengler and Adams state, the Late (Winter) epoch, i.e. the epoch in which we are now living, is based on Money and commerce, with the usurer, as Adams states, being the highest incarnation of Late Civilisation. The Late epoch makes literature, theatre, art and music, commodities like any automobile or refrigerator, as a quick turnover for profitability, and designed for quick obsolescence. Power is exercised through money, loans, international finance, and the power centres of the world are the money centres: New York and The City of London.

Money rules during the closing epoch of a Civilisation, until overthrown by an internal resurgence of authority and faith, or by invasion. Adams points out that decay soon set into Rome because the land-tiller-soldier was not equipped to deal with the rise of a mercantile elite, and the whole edifice became debt-ridden. The patrician class became money-lenders and shaped policy according to their interests. Debtors or their children often became slaves of the money-lenders. ‘The stronghold of usury lay in the fiscal system, which down to the fall of the Empire was an engine for working bankruptcy’. Although one thinks of Rome primarily as ruled by a stern martial ethos, Adams shows that at an early period ‘Romans had been bred destitute of the martial instinct’.

The Roman spiritual ethos was reasserted when the oligarchic families were overthrown by Pyrrhus, who saw Rome’s strength in her farmers. However, with Roman greatness and her imperial expansion came the conquest of populations that had already succumbed to decay, ‘and their cheap labour exterminated the husbandmen of Italy’, writes Adams. This passage from Adams cogently expresses the problem:

By conquest the countries inhabited by races of a low vitality and great tenacity of life were opened both for trade and slaving, and their cheap labour exterminated the husbandmen of Italy. Particularly after the annexation of Asia Minor this labour overran Sicily, and the cultivation of the cereals by the natives became impossible when the island had been parcelled out into great estates stocked by capitalists with eastern slaves who, at Rome, undersold all competitors. During the second century the precious metals poured into Latium in a flood, great fortunes were amassed and invested in land, and the Asiatic provinces of the Empire were swept of their men in order to make these investments pay. No data remain by which to estimate, even approximately, the size of this involuntary migration, but it must have reached enormous numbers, for sixty thousand captives were the common booty of a campaign, and after provinces were annexed they were depopulated by the publicans.[xviii]

ba-socrev.jpgWhere there were slaves imported from the subject peoples, long since etiolated, filling an Italy whose population was being denuded, there is today an analogous process in an analogous epoch: that of immigration from the ‘third world’ into the Western states whose populations are ageing. Oligarchy constituted the core of the Empire. Nobility became defined by wealth.

Just as Spengler notes how the cities suck the country and form a proletarianised mass, Adams relates that the same process took place in Italy. Free trade with Egypt caused the destitution and proletarianisation of the Italian farmers. Does this not seem very ‘modern’, very present-day?

By 22 AD Tiberius was trying to address the matter of how to return the Romans, who had become obsessed with opulence, to a simpler life. A trade imbalance in the pursuit of luxury items from the East brought Italy to ruin, with a financial crisis culminating in 33AD. Rome to maintain any military vigour, was obliged to recruit or press gang from its Germanic subject tribes. ‘This military metamorphosis indicated the extinction of the martial type, and it extended throughout society. Rome not only failed to breed the common soldier, she also failed to produce generals’. In a passage particularly reminiscent of Spengler, Brooks Adams provides what might be regarded as a summary of the condition of Roman Civilisation:

This supremacy of the economic instinct transformed all the relations of life, the domestic as well as the military. The family ceased to be a unit, the members of which cohered from the necessity of self-defence, and became a business association. Marriage took the form of a contract, dissoluble at the will of either party, and, as it was somewhat costly, it grew rare. As with the drain of their bullion to the East, which crushed their farmers, the Romans were conscious, as Augustus said, that sterility must finally deliver their city into the hand of the barbarians. They knew this and they strove to avert their fate, and there is little in history more impressive than the impotence of the ancient civilization in its conflict with nature. About the opening of the Christian era the State addressed itself to the task. Probably in the year 4 AD, the emperor succeeded in obtaining the first legislation favouring marriage, and this enactment not proving effective, it was supplemented by the famous Leges Julia and Papia Poppsea of the year 9. In the spring, at the games, the knights demanded the repeal of these laws, and then Augustus, having called them to the Forum, made them the well-known speech, whose violence now seems incredible. Those who were single were the worst of criminals, they were murderers, they were impious, they were destroyers of their race, they resembled brigands or wild beasts. He asked the equites if they expected men to start from the ground to replace them, as in the fable; and declared in bitterness that while the government liberated slaves for the sole purpose of keeping up the number of citizens, the children of the Marcii, of the Fabii, of the Valerii, and the Julii, let their names perish from the earth.[xix]

We come now to the present, when the pre-eminent world-city is New York as a symbol of the much-heralded ‘leader of the Western world,’ the USA. Here we see in the USA not the beginning of something new and vigorous, but the outgrowth of the most decayed elements of Western Civilisation: a dichotomy of Europe’s late Enlightenment Deism, and of English Puritanism. The latter sanctioned money-making as a divine commandment, and culture as a devilish waste of time.[xx] It is an ethic that worked against the development either of an American High Culture or America as the custodian of Western High Culture. For example, at the founding Puritan American Colonies, music was excluded as a profession[xxi], while Puritan functionalism worked against the development of a significant Puritan visual art.[xxii] While, as Adams states, the Reformation of Henry VIII paved the way for the dictatorship of money,[xxiii] the impetus was given by the English Puritan Revolution of 1642-1648. Adams stated of this that but for the hostility of The City, Charles the First would never have been vanquished, and that without the help of The City, Charles the Second could scarcely have been restored.[xxiv] The establishment of the Bank of England in 1688, facilitated with the usurpation of the Throne by William III of Orange signified the subordination of the Throne to the money-lender.

Hence, the dictature of money in the West was formalized in 1688 after several centuries of conflict between tradition and money. The world money centre shifted from London to New York in recent times in the same way that it had shifted from Amsterdam to London during the 17th Century. The reasons and consequences of these historical dynamics are perhaps no better explained to the Anglophone world than by Brooks Adams’ Law of Civilization and Decay.

Notes:

[i] Oswald Spengler, The Decline of the West (London: Allen and Unwin, 1971).

[ii] Brooks Adams, The Law of Civilisation and Decay (London: Macmillan Company, 1896), https://archive.org/stream/lawofcivilizatio00adam#page/n6/mode/1up

[iii] Ezra Pound, (1942) A Visiting Card (London: Peter Russell, 1952), 8-9.

Pound (1944) America, Roosevelt and the Causes of the Present War (London: Peter Russell 1951), 8, 13, 16.

Pound (1944) Gold & Work (London: Peter Russell 1951), 6.

[iv] Oswald Spengler, The Decline of The West, op. cit., Vol. I, 396: ‘The character of the Faustian cathedral is that of the forest… the architectural actualising of a world-feeling…’

[v] Brooks Adams, vi.

[vi] Ibid., vii.

[vii] Ibid., ix.

[viii] Max Weber, The Protestant Ethic and the Spirit of Capitalism (London: George Allen and Unwin, 1950).

[ix] Calvin S. Hall and Vernon J. Nordby, A Primer of Jungian Psychology (New York: New American Library, 1973), ‘Canalization of Energy’, 76-80.

[x] Brooks Adams, ix.

[xi] Ibid.

[xii] Ibid., x.

[xiii] Ibid., x-xi.

[xiv] Oswald Spengler, op. cit., Vol, II, p. 105.

[xv] Brooks Adams, xi.

[xvi] Ralph Peters, ‘Constant Conflict’, Parameters, US Army War College, Summer 1997, pp. 4-14, http://www.carlisle.army.mil/usawc/parameters/Articles/97summer/peters.htm

[xvii] Oswald Spengler, ‘The Two Faces of Russia and Germany’s Eastern Problems’, 14 February 1922, Politische Schriften, Munich, 1922.

[xviii] Brooks Adams, 12-13.

[xix] Brooks Adams, 42.

[xx] F. J. Bremer, The Puritan Experiment: New England Society from Bradford to Edwards (New York: St. Martins Press, 1976).

[xxi] R. Crawford, (ed.), America’s Musical Life: A History (New York: W. W. Norton, 2005).

[xxii] F. J. Bremer.

[xxiii] Brooks Adams, 233.

[xxiv] Brooks Adams, 292-293.

 

L’eurasisme ou le retour du sacré en géopolitique

Il existe, qui plus est, chez Douguine une dimension eschatologique qui le distingue de tous les nationalistes pan-européistes qui l’ont précédé (l’on pense, par exemple, à Jean Thiriard[1] et à sa Grande Europe islando-touranienne). Conjuguée à un goût très prononcé pour la géopolitique, cette approche confère à ses analyses une originalité parfois déroutante, mais jamais inféconde pour qui adopte, finalement, le point de vue quasi homérique d’un monde écartelé entre la propension prométhéenne des mortels et les plus contrariés desseins des dieux. C’est dire, en d’autres termes, que la dialectique de l’ordre et du chaos irrigue la pensée eurasiste de Douguine qui apparaît alors comme une véritable herméneutique permettant d’exhumer cette primordiale et ancienne complémentarité – que le monde moderne a artificiellement dissociée – du sacré et du profane et, partant, de mettre à jour « la vraie spiritualité, la pensée supra-rationnelle, le logos divin, la capacité à voir à travers le monde son âme secrète [2] » (p. 400).

On saisit mieux ce présupposé fondamental dans la philosophie douguinienne – directement inspiré du schéma structuraliste propre à la tradition indo-européenne – si l’on se penche, précisément, sur son terreau naturel, la géopolitique. Le processus de désacralisation de la géopolitique a conduit à une laïcisation de cette dernière qui l’a coupé de sa source hiérophanique, la géographie sacrée. Néanmoins, Douguine n’hyperbolise pas cette ligne de fracture, puisque, d’une part, « la géopolitique se tient à une place intermédiaire entre la science traditionnelle (la géographie sacrée) et la science profane » (p. 382), d’autre part, « les deux sciences convergent dans la description des lois fondamentales de l’image géographique des civilisations » (p. 394). Les rapports entre les deux sciences sont d’autant moins inexistants que « même dans notre monde anti-sacré, à un niveau inconscient, les archétypes de la géographie sacrée ont presque toujours été préservés dans leur intégrité, et se réveillent dans les moments les plus importants et les plus critiques des cataclysmes sociaux » (p. 390).

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Douguine ne perd pas de vue sa quête de la Tradition primordiale dans la mesure où elle constitue ce qu’il y a véritablement de caché dans un monde dominé par le matérialisme, l’hédonisme et l’accumulation capitalistique illimitée, soit le nouvel ordre mondial, ou encore le mondialisme – dans son acception à la fois technico-cybernéticienne et transhumaniste, sinon post-humaniste. Ainsi, par exemple, au « Nord riche » ne doit-on pas opposer le « Sud pauvre », mais bien le « Nord pauvre […], idéal sacré du retour aux sources nordiques de la civilisation. Ce Nord est ‘‘pauvre’’ parce qu’il est basé sur l’ascétisme total, sur la dévotion radicale envers les plus hautes valeurs de la Tradition, sur le mépris complet du matériel par amour du spirituel » (p. 415). Quant au « Sud pauvre », il doit nécessairement former une alliance avec ce « Nord pauvre ». De ce renversement du monde surgira un chaos nécessairement porteur d’ordre, celui de la Tradition originelle, attendue, toutefois, que cette « cette voie [n’ira] pas de la géographie sacrée à la géopolitique mais au contraire, de la géopolitique à la géographie sacrée » (p. 418).

À cette aune, l’islam que Douguine estime « directement relié à la Tradition [3] » (p. 543), représente, à ses yeux un fait géopolitique majeur pouvant conduire au sacré d’une géographie islamique traditionnelle. Il prend soin, malgré tout, d’opérer la distinction entre le salafisme, « pur islam » selon ses zélateurs et l’islam traditionnel qui « représente l’immense majorité des musulmans modernes ». Selon Douguine, la métaphysique salafiste est d’essence eschatologique ce qui la rend incommunicable au chiisme, « très similaire au traditionalisme » et au soufisme ésotériste. Il y voit la clé d’une concorde anti-occidentale fondée sur la reviviscence de la Tradition, à l’expresse condition, précise-t-il, que chacun suive sa tradition : « à un niveau purement individuel, le choix est possible, mais voir les Russes se convertir en masse à l’islam me répugne, car ils cherchent le pouvoir en dehors d’eux-mêmes et en dehors de leur tradition, et ils sont donc infirmes, faibles et lâches » (p. 544).

La prétendue « islamophilie » de notre penseur est appendue au paradigme inoxydable de la nordicité hyperboréenne que la géopolitique moderne a recouvert d’un monceau de colifichets. Sous la tectonique physique et démographique des continents, les méta-continents archétypaux de la géographie sacrée révèlent l’intemporalité de la Tradition qui explique que « quand les hommes du Sud restent en harmonie avec les hommes du Nord, c’est-à-dire quand ils reconnaissent l’autorité et la supériorité typologique (et non raciale !) de ceux-ci, l’harmonie règne parmi les civilisations. Lorsqu’ils revendiquent la suprématie à cause de leur relation archétypale avec la réalité, alors surgit un type culturel dévié, qui peut être globalement défini par l’adoration des idoles, le fétichisme ou le paganisme (au sens négatif, péjoratif de ce mot) » (p. 401).

En somme, aujourd’hui vivons-nous sous l’empire du fétichisme de la marchandise qui s’oppose, dans une lutte de préséance, à l’impérialisme du paganisme islamique. Point de Tradition, ni de traditions…

Pour le Front de la Tradition, Alexandre Douguine (Ars Magna).

douguine-ouvrage-208x300.jpgAlexandre Douguine, Pour le Front de la Tradition, Ars Magna, collection « Heartland », 34 euros

Notes

[1] Sur cette figure fascinante du nationalisme européen, on renverra à Yannick Sauveur et à son « Qui Suis-Je ? » éponyme publié chez Pardès en 2016 ainsi qu’à Le prophète de la grande Europe, Jean Thiriart, ouvrage rassemblant articles et entretiens depuis longtemps introuvables, publié chez Ars Magna (2018).

[2] Autant de qualités idiosyncrasiques qu’il attribue à l’homme du Nord, lesquelles se retrouvent selon lui « chez les Indiens d’Amérique du Nord et chez les anciens Slaves, chez les fondateurs de la civilisation chinoise et chez les indigènes du Pacifique, chez les Allemands blonds et chez les chamans noirs d’Afrique de l’Ouest, chez les Aztèques à peau rouge et chez les Mongols aux pommettes saillantes », tous ces peuples possédant le « mythe de ‘‘l’homme solaire’’ ».

[3] Sans que la Tradition ne se résume à l’islam.

vendredi, 09 mars 2018

Politique des racines

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"Enracinement", par Manon Potvin

Politique des racines

par Georges FELTIN-TRACOL

GB-limites.jpgEn 2014, dans le sillage de la « Manif pour Tous », Gaultier Bès se faisait connaître par Nos limites. Pour une écologie radicale, un essai co-écrit avec Marianne Durano et Axel Nørgaard Rokvam. Le succès de cet ouvrage lui permit de lancer en compagnie de la journaliste du groupe Le Figaro, Eugénie Bastié, et de Paul Piccarreta, la revue trimestrielle d’écologie intégrale d’expression chrétienne Limite.

Au deuxième trimestre 2017, Gaultier Bès a publié Radicalisons-nous ! qui use et parfois abuse des métaphores végétales. Il a néanmoins averti que « la métaphore (“ transport ”, en grec) n’est pas un rapport d’identité, mais d’analogie (p. 27) ». Le titre est déjà un savoureux contre-pied à l’opinion médiatique ambiante qui pourchasse toute manifestation de radicalité. Pour les plumitifs stipendiés, la radicalité signifie l’extrémisme. « Tous ceux qui sortent des sentiers battus, on les disqualifie en les traitant d’extrémistes (ou d’« ultra », de “ khmers ”, d’« ayatollas », et bien sûr de “ radicaux ” (p. 13). » Pour preuve, les terroristes islamistes. Or, « l’extrémisme se pense toujours contre, en marge, aux extrémités, par rapport à un centre dont elle cherche toujours à s’éloigner. La radicalité, au contraire, se suffit à elle-même. Elle va au bout de sa propre logique (p. 114) » parce qu’elle part de la racine du sujet et/ou du diagnostic. Les militants radicaux ne sont surtout pas des dingues extrémistes bien souvent manipulés par des officines discrètes… Tout le contraire des « djihadistes [qui] sont de nulle part et de partout. Leurs places fortes sont semblables en cela aux grandes places financières, multiculturelles, cosmopolites même (p. 110) ». Les « soldats du Califat universel » sont en réalité des triples déracinés du point de vue de la géographie, de la culture et de l’histoire. L’auteur aurait pu les qualifier d’« individus unidimensionnels » au sens marcusien du terme.

Radicalité et enracinement

GB-rad.jpgDans sa préface, Jean-Pierre Raffin estime quant à lui que la radicalité « est une notion noble qui fait appel aux fondements, aux racines de notre être, de notre vie en société puisque l’être humain est un être social qui, dépourvu de liens, disparaît ou sombre dans la démence (p. 7) ». Gaultier Bès prévient aussi que « sans la profondeur de l’enracinement, la radicalité se condamne à n’agir qu’en surface et se dégrade en extrémisme. Sans la vigueur de la radicalité, l’enracinement n’est qu’un racornissement, qui, faute de lumière, conduit à l’atrophie (p. 16) ». Il se réfère beaucoup à la philosophe Simone Weil malgré une erreur sur l’année de son décès, 1943 et non 1944, en particulier à son célèbre essai sur l’Enracinement.

Il existe une évidente complémentarité entre radicalité et enracinement. Il entend « réhabiliter la notion de radicalité et montrer qu’elle n’est viable qu’à condition d’être enracinée (p. 12) ». Il insiste volontiers sur le fait que « l’enracinement […] n’est pas nostalgique, mais politique. Il ne rêve à aucune restauration, il ne fantasme aucun âge d’or, il se pense plutôt comme une force révolutionnaire, une quête de justice qui s’appuie sur une tradition non-violente. […] Ce n’est ni une réaction ni un figement, mais un mouvement spirituel, une actualisation dynamique qui s’appuie sur le passé pour mieux embrasser l’avenir (pp. 19 – 20) ». Par conséquent, il désapprouve l’expression de « Français de souche ». Il a raison. Il y a plus d’une décennie, un rédacteur de Terre et Peuple privilégiait « l’expression “ Européen de racine ” à celle d’« Européen de souche » couramment employé parmi nous, car la racine c’est vivant alors que la souche est morte (1) ».

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Gaultier Bès

S’appuyer sur les racines n’implique pas un quelconque fixisme. Outre la nécessité d’éviter deux tentations, « celle du statu quo (p. 15) » et « celle de la table rase, et elle est à la mode. Le Progrès rase gratis ! (p. 15) », Gaultier Bès conçoit l’identité « comme une continuité permanente, c’est-à-dire comme une réalité à la fois durable et mouvante, évolutive et constante (p. 63) ». L’identité est comme la vie d’un homme : l’allure physique d’une même personne varie au fil de l’âge. L’identité française de 2018 n’est pas celle de 1830 et encore moins celle de 1580. Elle repose pourtant sur un socle ethnique indubitable d’origine boréenne. Gaultier Bès n’évoque pas ce patrimoine génétique et anthropologique commun. Pour lui, « les peuples ont des racines qui les rattachent et à un territoire et à une histoire, et que les nations qu’ils forment au gré des circonstances sont moins des radeaux de fortune que des “ maisons communes ” (p. 75) ». L’expression « maison commune » serait-il un clin d’œil (incongru ?) au mouvement métapolitique naguère animé par Laurent Ozon ? Gaultier Bès connaîtrait-il par ailleurs les travaux de l’excellent revue Le recours aux forêts qu’Ozon dirigea dans les années 1990 ? Cette belle revue défendait déjà l’enracinement et l’écologie réelle, étudiait Jacques Ellul et Bernard Charbonneau et se doutait que « l’enracinement sans radicalité est artificiel, la radicalité sans enracinement superficielle (p. 80) ».

Identité(s) et politique

Gaultier Bès se montre parfois sinon ambigu, pour le moins confus. Il considère que « l’identité comme le chemin le plus sûr vers l’altérité (p. 52) ». Très bien ! Mais comment concilier cette indispensable altérité quand il écrit par ailleurs que la France est une vieille nation politique, un État-nation qui s’est édifié sur un déracinement concerté des peuples, des territoires et des métiers, sur l’ethnocide des campagnes et la suppression des corporations ? Certes, « l’État-Nation n’est pas l’alpha et l’oméga de la vie politique, reconnaît-il. C’est moins, à l’instar de la laïcité, une “ valeur ” qu’un principe de gouvernement (p. 70) ». Émanation de la Modernité, l’État-nation déracine tout, y compris ces nations que sont les ethnies et les peuples. Mondialisme inassumé et partiel, il arrase les différences essentielles. Il aurait pu introduire dans sa réflexion la notion clé de terroir. Il semble l’oublier. Or, sans terroir, l’enracinement se révèle impossible. Le terroir est l’appropriation par le sang, l’égrégore communautaire, l’histoire et la culture, le sol investi par les génies de lieu. La nation dans sa fibre la plus authentique, avant de subir une évolution stato-nationale, coïncidait à « une culture enracinée dans le terroir (bodenständig Kulture) (2) ». Pourquoi dès lors vouloir opposer la nation à l’empire, cette forme politique qui met en cohérence des nations culturelles plus ou moins proches, dont il ne paraît pas saisir les implications pratiques de ces diversités mises à l’unisson ? Le modèle impérial diverge de la fallacieuse construction dite européenne. Il déplore les transferts de souveraineté stato-nationale prévues par les traités européens vers une strate européenne inexistante du fait de leur dépolitisation de ses instances. Il en résulte leur neutralisation politique (Carl Schmitt).

L’Europe n’est pas le miroir du monde, mais la consécration d’un polyculturalisme enraciné et autochtone. « La polis ne saurait se superposer au cosmos (p. 71) », et ce, malgré que « mondialisation culturelle et globalisation économique sont les deux faces d’une seule et même médaille (p. 76) ». Certes, « contre la City et son monde, précise-t-il plus loin, être radical, c’est user pleinement de son droit de cité (p. 123) ». Ce droit de cité ne présuppose-t-il pas l’établissement de limites, appelées par exemple frontières non seulement en géopolitique, mais aussi d’un point de vue juridique ? Force est de constater que Gaultier Bès n’aborde pas ce sujet brûlant. En effet, quelque soit sa nature, un État se doit d’établir des bornes tant territoriales que civiques. L’appartenance à une citoyenneté suppose une distinction radicale entre les citoyens et les autres, et justifie la préférence nationale. En bon Français, Gaultier Bès confond citoyenneté et nationalité. « La nation est une fiction ? Sans doute ! Mais elle est une fiction utile, condition d’une vie politique que soit autre chose que la chambre d’enregistrement des grandes firmes mondialisées (p. 64). » La nation comme peuple vivant n’est jamais fictive. C’est la citoyenneté qui l’est, surtout à l’heure de ces saloperies de réseaux sociaux et de matraquage télévisuel incessant, sans oublier les méfaits de la partitocratie. Le temps est venu de dissocier la nation et l’État. La première retrouve son caractère communautaire et identitaire; le second prend enfin une tournure spécifiquement politique en devenant sciemment communautariste autochtone et en promouvant un aspect authentiquement plurinational.

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L’auteur aurait pu se référer à l’excellente Note sur la suppression générale des partis politiques de Simone Weil. L’État-nation meurt d’un leurre démocratique et de la malfaisance des partis politiques. Outre la politicaillerie et l’invasion de la Technique, la croyance en une illusoire « fin de l’histoire (Francis Fukuyama) » favorise le pacifisme, abolit les volontés et ricane du citoyen prêt à se sacrifier pour sa cité et les siens. Le courage a déserté le Vieux Continent. Citoyenneté et res publica demeurent pourtant des concepts hautement polémogènes. La cité n’existe qu’à travers la perception, réelle ou supposée, d’un danger plus ou moins imminent envers elle. Du coup, le paragraphe « La nation et la paix » évacue le conflit comme permanence politique et nécessité historique. La lecture d’un ouvrage méconnu de Régis Debray, Le code et le glaive (3), lui aurait été profitable dans une perspective « nationiste ».

Gaultier Bès confond aussi le tribalisme, manifestation tangible de l’hyper-modernité ultra-individualiste, du communautarisme, véritable bête noire de la doxa ordo-républicaine hexagonale. Oublie-t-il que l’Ancienne France d’avant 1789 était un agencement dynastique de communautés multiples et variées ? On ne peut mettre dans une même équivalence des démonstrations néo-tribales suscitées par le consumérisme libéral (adeptes des rave parties, vegans, féministes hystériques, gays) et l’affirmation salutaire de communautés spirituelles, ethniques, culturelles et linguistiques. Les droits à la différence charnelle et à la reconnaissance institutionnelles ne concernent que les Alsaciens, les Basques, les Bretons, les Catalans, les Corses, les Savoisiens, voire les musulmans, et nullement les fumeurs de shit, les joueurs de boules ou les fans de piercing ! Seule la renaissance de communautés organiques enracinées favoriserait un renouveau démocratique de proximité. L’auteur constate que « la politique se meurt de n’être plus qu’une grande surface où le citoyen-consommateur erre, éperdu, entre les rayons pleins de promesses et de programmes affriolants (pp. 13 – 14) ». Bref, « il nous faut repenser radicalement la politique. La remettre à sa place (p. 15) ». Comment remédier à la dépréciation du politique ? Par l’intermédiaire des AMAP, des SEL, des coopératives, des jardins partagés, du recyclage généralisé, des monnaies locales ? Toutes ces excellentes initiatives n’influent cependant qu’en marge de la « société liquide (Zygmunt Bauman) ». Le tissage des liens sociaux participe au réenracinement et au maintient de son identité, de sa liberté et de sa souveraineté. « Plus un peuple a des racines solides, plus il a de ressources pour préserver son indépendance (p. 68). » Que faire alors quand les racines s’étiolent et se sclérosent ? C’est le cas pour des Français de plus en plus hors-sol.

Affranchissement du local

racines2.jpgGaultier Bès fait finalement trop confiance aux racines. Il a beau distinguer « l’image végétale des “ racines [à] celle, toute minérale, des “ sources ” (p. 25) », il se méprend puisque l’essence bioculturelle de l’homme procède à la fois aux racines, aux sources et aux origines. Ces dernières sont les grandes oubliées de son propos. Ce n’est toutefois qu’en prenant acte de cette tridimensionnalité que l’enracinement sera complet. Pourtant, il prend soin de préciser que « le global n’est pas l’universel, c’est l’extension d’un local hégémonique (p. 76) ». L’avertissement fait penser à l’opuscule du Comité invisible, À nos amis. Le local « est une contraction du global (4) ». « Il y a tout à perdre à revendiquer le local contre le global, estime le Comité invisible. Le local n’est pas la rassurante alternative à la globalisation, mais son produit universel : avant que le ne soit globalisé, le lieu où j’habite était seulement mon territoire familier, je ne le connaissais pas comme “ local ”. Le local n’est que l’envers du global, son résidu, sa sécrétion, et non ce qui peut le faire éclater (5). » Outre le collectif d’ultra-gauche, Guillaume Faye s’interrogeait sur l’ambivalence du concept. « L’enracinement doit […] se vivre comme point de départ, la patrie comme base pour l’action extérieure et non comme “ logés ” à aménager. Il faut se garder de vivre l’enracinement sous sa forme “ domestique ”, qui tend aujourd’hui à prévaloir : chaque peuple “ chez soi ” pacifiquement enfermé dans ses frontières; tous folkloriquement “ enracinés ” selon une ordonnance universelle. Ce type d’enracinement convient parfaitement aux idéologues mondialistes. Il autorise la construction d’une superstructure planétaire où s’intégreraient, privés de leur sens, normés selon le même modèle, les nouveaux “ enracinés ” (6). »

En lisant Radicalisons-nous !, on a l’impression que l’enracinement des peuples du monde entier assurerait une paix universelle, ce qui est à la fois irréaliste et fort naïf. En effet, l’auteur écarte les facteurs d’imprévisibilité de l’histoire. Même si tout un chacun (re)trouverait un enracinement approprié, tensions et contentieux plus ou moins virulents persisteront.

En célébrant « la politique par la racine », sous-titre de ce bon essai qui fait la part belle aux formules bien tournées : « Pour que notre avenir soit fécond, notre présent se doit d’être profond (p. 54) » et s’achève sur un manifeste en dix points parmi lesquels « la radicalité ne croit pas au Progrès (p. 120) » et « la radicalité est la condition de toute écologie (p. 121) », Gaultier Bès ignore peut-être que l’intérêt pour les racines n’est pas nouveau. Aux élections européennes de 1999, la liste CPNT (Chasse, pêche, nature et traditions) avait pour sympathique slogan « De toute la force de nos racines ». Plus anciennement, en 1977, le Club de l’Horloge publiait Les racines du futur, un magistral travail de reconquête intellectuelle qui mentionne « le triple enracinement ». Le constat de cet essai démontre un plus grand pragmatisme que celui de Gaultier Bès. « De cet enracinement dans l’espace et le temps pourra naître une communauté de destin. La définition d’un projet collectif doit enrayer les effets pervers d’un enracinement qui pourrait favoriser l’éclosion d’une multitude d’égoïsmes locaux ou régionaux. […] La définition d’un destin commun, qui est de la compétence souveraine de l’État, la conquête collective d’une “ nouvelle frontière ” économique, sociale, scientifique voire géographique (comme la construction européenne), pourra, seule, sublimer les égoïsmes et les particularismes, dans le respect des différences et des autonomies (7). »

La récente exposition éditoriale (y compris médiatique) d’une quête des racines lui (re)donne cependant une sympathique notoriété métapolitique. Qu’elle soit fertile auprès des Albo-Européens !

Georges Feltin-Tracol

Notes

1 : Jean-Patrick Arteault, « Guerre culturelle et combat identitaire », Terre & Peuple la revue, n° 25, Équinoxe d’automne 2005, p. 18.

2 : Martin Heidegger, Lettres à sa femme Elfride. 1915 – 1970, le Seuil, 2007, lettre du 8 juillet 1918, p. 109. En matière d’enracinement et nonobstant une langue souvent hermétique et déroutante, y compris pour les germanistes, la pensée de Heidegger présente plus que jamais un atout considérable, surtout à l’heure où une cohorte de sycophantes « universitaires » ose contester l’auteur des prophétiques Cahiers noirs.

3 : Régis Debray, Le code et le glaive. Après l’Europe, la nation ?, Albin Michel – Fondation Marc-Bloch, 1999.

4 : Comité invisible, À nos amis, La fabrique éditions, 2016, p. 191.

5 : Idem, pp. 190 – 191.

6 : Guillaume Faye, Europe et modernité, Eurograf, 1985, pp. 53 – 54.

7 : Club de l’Horloge, Les racines du futur. Demain la France, Masson, 1977, p. 194. Lisons aussi Bernard Charbonneau, L’Homme en son temps et en son lieu, préface de Jean Bernard-Maugiron, RN Édition, coll. « Ars longa, vita brevia », 2017.

• Gaultier Bès, Radicalisons-nous ! La politique par la racine, préface de Jean-Pierre Raffin, Éditions Première Partie, coll. « À la limite », 2017, 127 p., 7 €.

Pourquoi lire “Mesure de la France” de Pierre Drieu la Rochelle ?

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Pourquoi lire “Mesure de la France” de Pierre Drieu la Rochelle ?

Franck Buleux

Ex: https://metamag.fr

Les éditions Pardès ont réédité, très récemment, “Mesure de la France”, rédigé par Pierre Drieu la Rochelle (1893-1945) en 1922.

mesure-de-la-France-Pierre-Drieu-la-Rochelle-couv.jpgL’intérêt essentiel de cet essai est de souligner le fait, pour Drieu la Rochelle, de ne pas se satisfaire, comme les nationalistes français, de la victoire sur l’Allemagne lors de la Première Guerre mondiale, qui s’est soldée par le Diktat de Versailles, en 1919. Au-delà de l’Europe exsangue, meurtrie par cette guerre civile européenne, Drieu la Rochelle nous propose une Europe digne de son passé, qui retrouve son Imperium.

L’expression « mesure » était faite pour choquer. Qui oserait « mesurer » la France éternelle, présente sur les cinq continents ? Le Normand Drieu la Rochelle rêve d’Empire mais a conscience de la faiblesse démographique française. Visionnaire lorsque l’auteur exprime cette nécessité d’union continentale, cet essai mérite d’être lu parce qu’il annonce (prématurément ? à tort ?) la fin des nations, alors que brille encore dans les yeux des Français, la victoire en trompe l’œil, selon l’auteur, de 1918. Une victoire certes, mais à quel prix ? Au prix d’une population dévastée sur un territoire, devenu un champ de bataille et de ruine, une Europe exsangue soumise à des traités qui, loin d’en satisfaire les parties, la renvoient vers d’autres interminables et sanglants conflits. Mais qui s’en soucie, en 1922 ?

C’est dans l’euphorie générale de la victoire, dans la germanophobie ambiante, que Drieu la Rochelle en appelle au dépassement de la notion de patrie. Sans nier cette réalité, « l’ère des patries n’est pas close » tient-il à préciser d’emblée, il ouvre l’avenir européen à celui des alliances entre États. Il constate notre faible démographie déjà, parle de « suicide » et ouvre les yeux, lucide, face à des mondes qui nous entourent, ces « énormes morceaux » d’Amérique et d’Asie, lire les États-Unis et l’Union soviétique. Supputant la fin des colonies, Drieu la Rochelle ne peut se représenter la France que dans le cadre d’une alliance continentale. Il évoque, en les appelant de ses vœux, ces futures unions entre patries comme ayant une « physionomie propre », qui « mêleront les traits des États »… Vaste débat qui sera largement repris lors de la construction européenne dans les années 1950, et bien au-delà.

PDlR-gilles.jpgFace à l’euphorie de l’éphémère victoire, cette alliance européenne (car il s’agit bien de cela) est une « question de vie ou de mort », selon l’auteur lui-même : ne pas aller vers cette union nous entraînerait inéluctablement et irrésistiblement vers d’autres conflits. Intégrer l’Allemagne, contre laquelle la France vient de combattre, avant que celle-ci ne se tourne vers d’autres alliances, plus à l’Est. N’oublions pas que l’Union soviétique est en train de se construire, à l’intérieur, comme une véritable fortification socialiste (et un modèle pour beaucoup !) et qu’en serait-il de nous, Français, si l’Europe centrale (Mitteleuropa) se tournait vers elle ? L’insularité britannique et la défaite allemande ne sont-ils pas des risques de division du Vieux Continent ? La perfide Albion tournée vers l’Amérique et l’Allemagne, humiliée par le traité de Versailles, lorgnant vers l’Empire communiste… Dans cette saisissante hypothèse, que resterait-il de la France éternelle ?

Anticipant les travaux de Carl Schmitt sur la distinction entre puissance maritime et puissance terrestre, Drieu la Rochelle rappelle le positionnement géographique central de l’Allemagne, qu’il situe « en pleine terre, en plein Europe ». En développant cet aspect d’union continentale, Drieu la Rochelle rêve de cet empire romain germanique disparu qui mobiliserait la jeunesse européenne.

Mais Drieu la Rochelle demeure d’un tempérament pessimiste. Il condamne les Français, en les dépeignant comme « résignés », s’attachant à une armée nationale alors que des transformations commencent à poindre à l’horizon du monde. C’est résolument vers l’Allemagne qu’il faut nous tourner, pense l’auteur, pour fonder l’Europe unique qu’il appelle de ses vœux et dont il aimerait voir la France fer de lance.

À défaut, Drieu la Rochelle, en visionnaire éclairé, s’interroge sur la Russie naissante qui se dresse « dans sa steppe » et « dont le mystère semblait plein de promesses ». La jeunesse du prolétariat russe préfigurerait-t-elle l’avenir ? S’interroge l’auteur, observant cette montée en puissance de l’Est face à l’Amérique, grand vainqueur économique du premier conflit mondial.

Pourtant, Drieu la Rochelle rejette ce qu’il appelle le parti de la Production, c’est-à-dire le parti de l’argent, celui qui domine l’Amérique mais il retrouve, dans le bolchevisme, cette même idée fondée sur le matérialisme, comme unique ressort de l’humanité.

Née sous les cendres de la Première Guerre mondiale, la Société des nations (SDN) semble préfigure, pour Drieu la Rochelle, une avancée vers cette union européenne face aux dangers qui s’annoncent. Il développera cette idée, lui “Le jeune Européen” (texte paru en 1927), dans” Genève ou Moscou”, paru en 1928. Ce choix, que l’on pressent déjà dans” Mesure de la Franc”e, ce choix « central » de l’Europe permettrait de résister aux deux impérialismes qui s’annoncent. Il entrevoit Genève (rappelons-le, c’est dans cette ville que siège, à l’époque, la SDN) comme capitale, pour résister d’abord à l’impérialisme américain (Les États-Unis ont refusé d’intégrer la SDN). Le second rempart possible contre l’hégémonie américaine serait le communisme, représenté par Moscou. Or, le rempart communiste ne représente qu’un simulacre, « l’ombre du capitalisme », symbolisant pour Drieu le triomphe de la Production et, au terme, celui de la mort. « Il faut faire l’Europe parce qu’il faut respirer quand on ne veut pas mourir. Il faut faire l’Europe à moins qu’on ne soit bolchevik d’extrême droite ou d’extrême gauche, à moins qu’on ne veuille laisser un grand bûcher s’amonceler sur lequel flambera, avant vingt ans, toute la civilisation, tout l’espoir, tout l’honneur humain. ». Dans les années vingt, si Drieu La Rochelle était encore hésitant sur sa voie politique, fréquentant les surréalistes et l’Action française, l’approche des années trente le fait sortir de sa réserve en choisissant l’Europe et martèle-t-il inexorablement face au monde, encore incrédule : « Si la capitale politique et économique des États-Unis d’Europe ne se fait pas, si Genève ne se fait pas, Moscou se fera.»

Ainsi, “Mesure de la France” préfigure d’autres écrits, considérés comme majeurs, de Drieu la Rochelle. Cet essai de 1922 annonce aussi son choix de l’Allemagne, non par idéologie, mais par qu’elle lui semble, à une époque incertaine, le meilleur rempart contre les impérialismes et le meilleur allié pour espérer, au-delà de la France seule, donner à l’Europe une place dans l’Histoire, celle qui lui revient.

jeudi, 08 mars 2018

Ulysses Grant, « Étoile du Nord » et némésis du Sud

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Ulysses Grant, « Étoile du Nord » et némésis du Sud

par Franck ABED

grantbouquin.jpgUlysses S. Grant n’a pas eu une vie mais plusieurs. Vincent Bernard nous fait découvrir celui qui fut tour à tour, un enfant timide et effacé de lOhio, un fermier malhabile du Missouri, un employé obscur et sans grand talent de l’Illinois, un cavalier émérite de West Point, un soldat courageux lors de la guerre du Mexique, général des armées « nordistes », et enfin président des États-Unis d’Amérique. Il est également connu comme le reconstructeur de lUnion, et surtout « l’Étoile du Nord et Némésis du Sud ». Sherman, son ami et bras droit, écrit en 1865 : « Pour moi, Grant est un mystère et je crois qu’il est mystère pour lui même. » C’est ce mystère que tente de percer Vincent Bernard. L’auteur est historien de formation (Université Montaigne – Bordeaux III), enseignant puis rédacteur en chef de magazines d’histoire dans les années 2000. Il est surtout connu pour être le premier biographe français de Robert E. Lee et d’Ulysses S. Grant.

Grant écrit à la fin de sa vie : « J’ai peu lu de vies de grands hommes, car les biographes se font une règle de ne pas en dire assez de la période formatrice de la vie. Ce que je veux savoir c’est ce qu’un homme a fait quand il était enfant. » Prenons donc le temps d’évoquer ses origines familiales et sociales en nous attardant, quelques instants, sur la figure du père d’Ulysses. « Grant père s’était forgé au feu d’une jeunesse particulièrement difficile, vécue dans une hantise extrême de la pauvreté, du dénuement et de l’abandon, nourrissant un sens aigu du travail, de l’effort et du gain. En corollaire il avait développé une violente aversion pour les vices sudistes, présentés comme amollissant le corps et l’esprit, à commencer par le tabac, l’alcool et l’esclavage » et Bernard poursuit : « Non pas que cette dernière institution eut été perçue moralement comme une atteinte au droit des Noirs de vivre libres et égaux, mais bien plutôt comme un vice instillant la paresse, chez le maître en le déchargeant des dures obligations du labeur quotidien. ». Au sujet de la mère de Grant, voici ce qu’en dit l’auteur : « Hannah Simpson Grant, femme effacée et secrète de ses mots, et de ses élans, que certains iront la penser jusque mentalement déficiente et que son célèbre fils n’évoquera presque jamais dans ses mémoires. » Le décor familial est planté.

Grant naît dans une famille de la classe moyenne inférieure aux conditions de vie précaires. « L’histoire de Grant débute le samedi 27 avril 1822 dans une brinquebalante masure de bois louée deux dollars par mois dans le tout jeune état pionnier de l’Ohio sur la berge de la rivière du même nom. » L’auteur donne des précisions sur l’enfance de Grant. « Fréquentant tôt les très modestes écoles du voisinage, entretenues par souscription des habitants, où se côtoient enfants et adolescents de tous âges, en une classe unique, il n’y brille pas particulièrement mais est déjà singulièrement qualifié de lent et sûr, dans son travail, empreint d’une distinction modeste qui le signale comme une personnalité à part, taciturne et réservé, fortement, a-t-on dit, influencé par le caractère maternel. » Grant père, après un dur labeur, parvient à s’élever dans cette société pionnière et il dirige avec succès une tannerie. Celle-ci permet à la famille de Grant de mieux vivre et de s’élever socialement. Ulysses n’apprécie guère ce travail et supporte mal les émanations du cuir. Un jour, son père lui intime l’ordre d’exécuter une tâche. Il répond : « Je vais le faire, mais dès que j’aurai l’âge, je ne mettrai plus jamais les pieds à la tannerie. » Ulysses souhaite entreprendre des études longues, mais les écoles coûtent cher et sa famille ne dispose pas de moyens financiers conséquents pour payer l’inscription. Finalement, il s’inscrit à West Point grâce aux solides amitiés familiales. Il devient, après quatre ans, le 1187e cadet de cette prestigieuse académie militaire depuis sa fondation en 1802. Rapidement Grant s’aperçoit que la vie militaire lui pèse. Il déclare que « la vie militaire n’avait aucun attrait pour lui ». Il ne goûte donc que modérément à la vie de camp, aux bivouacs et au fait de dormir sous la tente. L’auteur précise : « Jamais plus après ce long été 1843, Grant ne verra la vie militaire avec les yeux plein d’espoir et de fierté du jeune cadet de West Point. » Effectivement, il songe déjà à quitter l’armée, mais se demande bien comment il pourra subvenir aux besoins de sa future famille. Les questions d’argent reviennent souvent dans la vie de Grant, lui qui ne profitera jamais de ses différentes et avantageuses positions pour s’enrichir honnêtement ou malhonnêtement…

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Au cours d’une permission, il rend visite à un collègue de West Point, Frederik Dent, et rapidement Grant se rapproche sa sœur Julia. S’en suit une longue correspondance, agrémentée de rares visites, carrière militaire oblige. Grant désire faire de Julia son épouse. Bien que n’étant un abolitionniste, Grant ne partage pas les idées politiques de sa belle-famille « sudiste ». De plus, il doit faire face à l’hostilité de son futur beau-père. « Le colonel Dent ne cache pas son mépris pour la condition militaire et la vie de garnison promise à sa fille, si elle épousait un officier. » L’union est finalement approuvée par les deux familles. Par la suite, Grant participe à la guerre contre le Mexique, au sujet de l’annexion du Texas et se fait remarquer comme brillant cavalier. Il est présent avec succès à la bataille du Resaca de la Palma et à la bataille de Monterrey. La guerre est remportée assez facilement malgré tout. Il propose une vision très claire de ce conflit. « Grant analyse la guerre du Mexique avec hauteur et recul, d’un point de vue militaire et aussi politique. Conflit injuste et prédateur, impie même, écrit l’agnostique, provoquée sciemment contre une puissance plus faible, son déroulement militaire même découle de calculs politiques et de la crainte de voir émerger un général trop victorieux susceptible de devenir un adversaire politique. » Après plus de trois longues années, il retrouve Julia avec laquelle il s’était fiancé secrètement. Ils se marient. Seule une des sœurs de Grant est présente au mariage. Ses parents prétextent le manque de temps de préparation pour justifier leur absence à la noce. En réalité, ils ne veulent pas sympathiser avec une belle famille aux tendances esclavagistes. Après la guerre, il connaît la vie de garnison et ne supporte pas les différentes contraintes de la vie militaire. Grant pense que ses supérieurs veulent l’humilier, alors qu’ils appliquent de manière stricte et étroite le code militaire. Il finit par démissionner. S’ouvre alors une traversée du désert qui dure sept ans, de 1854 à 1861.

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Il s’agit pour les Grant, d’une période familiale heureuse, mais difficile sur le plan économique, nonobstant l’aide matérielle et financière de la belle-famille. Il devient fermier et se voit très bien dans ce nouveau métier. « Pour quiconque entendra parler de moi dans dix ans, ce sera en tant que vieux fermier missourien accompli. » Il n’est pas doué dans les affaires, l’activité agricole se montre guère florissante. Il se pose même la question de revenir chez ses parents, pour travailler dans la tannerie familiale. Il se lance également dans la vente de produits divers et variés, notamment en cuir, sans plus de succès. La famille Grant s’agrandit. Le couple aura quatre enfants. L’appel de Lincoln de 1861 pour lever 75 000 volontaires pour 90 jours afin de combattre la rébellion naissante le conduit, sans hésitation aucune, à rejoindre l’armée. La Guerre Civile dure quatre longues années, alors que tous les belligérants prévoyaient une guerre courte. Bernard décrit parfaitement les enjeux politiques et stratégiques de ce conflit, qui reste à ce jour le plus meurtrier auquel ont participé les États-Unis d’Amérique. Nous suivons Grant dans ces principales batailles : Shiloh, Vicksburg Chattanooga, etc., et manœuvres tactiques. Sa réputation se construit rapidement. Amis et ennemis le voient comme un jusqu’au-boutiste qui ne recule devant rien pour l’exécution de ses plans. Certains l’accusent d’être indolent, imprudent voire alcoolique. Lincoln loin de s’en séparer le défend, expliquant que c’est un des rares généraux à remporter des batailles et à porter de rudes coups à la Confédération. Il reçoit la Médaille d’or en 1863, qui est la plus haute distinction civile qui puisse être accordée par le Congrès. 1863 marque donc un tournant personnel pour Grant et pour la poursuite de la guerre. Effectivement, après la défaite de Gettysburg, les États confédérés perdent l’initiative et ne peuvent plus remporter la guerre. De plus, il devient également général en chef des armées de l’Union. Grant se retrouve seul pour affronter Lee, durant une série de sanglantes batailles regroupées sous le nom de « Overland Campaign ». Bien que Grant subisse de terribles pertes et de multiples défaites tactiques au cours de cette campagne, elle est considérée comme une victoire stratégique de l’Union, car elle conduit Lee à s’enfermer dans la ville assiégée de Petersburg. Beaucoup n’apprécient pas le style militaire de Grant et ses victoires à la Pyrrhus, à commencer par la femme du président Lincoln, Mary Tood Lincoln. « Grant est un boucher, indigne d’être à la tête de notre armée. Il s’arrange généralement pour revendiquer la victoire, mais quelle victoire. Il perd deux hommes alors que l’ennemi un seul. Il ne sait pas diriger, n’a aucun respect pour la vie. Si la guerre devait durer quatre ans de plus, et qu’il reste au pouvoir, il dépeuplerait le Nord. Je pourrais tout aussi bien conduire une armée moi-même. » Il convient de préciser, non pour nuancer ce propos mais pour l’éclairer, que plusieurs membres de la famille de Mary Tood, notamment ses frères, combattaient sous l’uniforme gris.

unionstroops.jpgGrant est lucide au sujet de cette Guerre Civile. Voici comment il la considère. « La rébellion du Sud fut l’avatar de la guerre avec le Mexique. Nations et individus sont punis de leurs transgressions. Nous reçûmes notre châtiment sous la forme de la plus sanguinaire et coûteuse guerre des temps modernes. » Lui l’agnostique la juge comme un châtiment suite à l’agression étasunienne à l’endroit du Mexique, nation jugée plus faible, lors de la guerre américano-mexicaine de 1846 – 1848. Grant note par la suite, que le carnage de Shiloh lui avait fait réaliser que la Confédération ne pourrait être vaincue que par la destruction complète de ses armées. Dans les premiers temps, la Guerre Civile est presque considérée comme une guerre en dentelles, on la définit même comme une guerre de gentlemans. Très vite cette guerre se transforme et les acteurs et observateurs parlent alors à son sujet de rivières et de fleuves de sang. La guerre est remportée par le Nord, après tant d’efforts et de sacrifices. Grant écrit à ce sujet qu’il est « moins facile de sortir d’une guerre que d’y rentrer ». Le Sud et son brillant général en chef Lee finissent donc par être vaincus. Concrètement, les Sudistes succombent à la force numérique et industrielle de l’Union qui surpassent de loin, le courage et la supériorité tactique militaire de la Confédération. Une fois la paix faite, il faut noter que Grant est un fervent partisan de la modération et de la réintégration des Sudistes dans l’Union. « La guerre est terminée, les rebelles sont à nouveau nos compatriotes, et la meilleure manière de se réjouir après la victoire sera de s’abstenir de toute démonstration. »

Cependant comme le dit l’auteur, l’après-guerre se montre confuse et ouvre une période très compliquée dans l’histoire américaine. « La Reconstruction témoigne des paradoxes d’une Amérique à la fois réunie et déchirée. La Guerre Civile est achevée. Le Nord est victorieux mais soucieux de tourner une page sanglante et de reprendre sa marche vers son destin particulier. Le Sud est ruiné et résigné, mais arbore toujours fièrement les stigmates de sa lutte avortée et de sa cause perdue, cherchant à reconstituer, au détriment des populations noires affranchies, les oripeaux de son paradis perdu. » L’abolition de l’esclavage et la reconnaissance des droits civiques des populations noires n’étaient pas partagées par nombre d’Américains, à commencer par les Nordistes eux-mêmes. « J’admets que les Nègres ne sont pas assez intelligents pour voter, mais jusqu’à quel point sont-ils plus ignorants que la population blanche illettrée du Sud ? » dit John Sherman, sénateur de l’Ohio et frère du général Sherman, le fidèle séide de Grant. Ce dernier écrit également. « J’ai recommandé que le président devrait autoriser à lever 20 000 troupes de couleur en cas de nécessité, mais ne recommande pas l’emploi permanent de troupes de couleur, parce que notre armée en temps de paix devrait être la plus petite et efficace possible. En temps de paix, je pense que l’artillerie utilisée en tant qu’école de formation sera plus efficace si composée exclusivement de Blancs. » Finalement les lois de ségrégations raciales sont définitivement abolies aux Etats-Unis d’Amérique en 1964 après leur mise en vigueur dès 1876.

Après avoir été le premier personnage de l’armée, il devient l’homme le plus important de son pays en devenant le 18e président de la jeune nation américaine pour deux mandats (1868 – 1877). Bernard décrypte parfaitement les mécanismes humains et politiques qui poussent Grant à se présenter et à conquérir la magistrature suprême. Toutefois, il existe un énorme paradoxe dont souffre Grant sa vie durant et qui continue une fois celui-ci enterré, comme nous l’explique l’écrivain. « Pourtant, si Ulysses S. Grant est demeuré profondément ancré dans la mémoire et l’histoire américaines, c’est bien plus au titre du général en chef de l’Union victorieux en 1865 qu’à celui du Président aux ambitions réconciliatrices dirigeant de 1869 à 1877 une nation en pleine reconstruction politique et aspirant tout à la fois à achever son expansion messianique vers les grands déserts de l’Ouest et son ascension au rang de véritable puissance mondiale. » Effectivement ses deux mandats présidentiels sont marqués par les dissensions du Parti républicain, la panique bancaire de 1873 et la corruption de son administration. Plusieurs de ses proches collaborateurs s’enrichissent malhonnêtement, profitant de la double situation exceptionnelle d’alors qui permet toutes les tripatouillages possibles : la conquête de l’Ouest et la reconstruction du Sud. Grant subit les contrecoups de ses affaires de corruption et de malversation, bien qu’il ne soit jamais directement soupçonné ou rendu coupable par les tribunaux. Sa probité ne peut être mise en cause, mais certains lui reprochent un manque évident de charisme, dont ne souffrait pas son ancien adversaire le général Lee. Cependant, laissons parler John Wisse qui nous brosse un portrait de Grant bien différent de l’image qu’il a laissée dans l’historiographie. « Nul homme ne pouvait échanger un moment avec Grant sans ressentir de l’admiration pour ses talents ainsi que du respect. C’était un homme des plus simple et digne de confiance. La plus grande erreur jamais faite par le peuple sudiste fut de ne pas réaliser que s’il le lui avait permis, il aurait été son meilleur ami après la guerre. » Preuve d’une popularité certaine qui se dégradera pourtant très vite avec le temps, des millions de personnes, de civils, de politiques, d’anciens soldats de l’armée de l’Union, de jeunes cadets de West Point, etc., assistent à son enterrement et lui rendent hommage par la suite. Son corps repose dans un sarcophage situé dans l’atrium du General Grant National Memorial achevé en 1897; avec 50 mètres de haut, il est le plus grand mausolée d’Amérique du Nord.

unionsreenacte.jpgDe son vivant et après sa mort, d’aucuns opposeront le « bon général » au « mauvais président ». Les choses sont en réalité plus complexes. La très intéressante biographie de Bernard nous permet de percer le « mystère » Grant. Les analyses proposées sont réellement intéressantes et ce livre nous donne à découvrir un homme, finalement assez commun, mais qui eut une vie et une carrière exceptionnelles. L’enfant timide de l’Ohio, le mauvais homme d’affaires, le soldat qui n’appréciait ni la guerre, ni la vie militaire remporta la Guerre Civile, et fut par deux fois président de la plus grande puissance de ce bas-monde, lui qui aimait tant la simplicité de la vie de famille et monter ses chevaux.

Franck Abed

Vincent Bernard, Ulysses S. Grant. L’Étoile du Nord, Éditions Perrin, coll. « Biographies », 2018, 400 p., 23 €.

D’abord mis en ligne sur Fréquence Histoire, le 3 février 2018.

mardi, 06 mars 2018

EUROPA - Volume I, II & III (R. Steuckers)

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EUROPA - Volume I, II & III

(10 janvier 2018)

I : VALEURS ET RACINES PROFONDES DE L'EUROPE

Les valeurs qui nous déterminent ou devraient encore et toujours nous déterminer sont nées aux périodes axiales de l’histoire, nous expliquait Karl Jaspers. Pour l’Europe et pour les peuples de souche européenne, Jaspers situait cette émergence de valeurs dans l’antiquité, aux époques de Zoroastre ou de Socrate.

Pour la Grèce, nous situerions cette émergence à l’ère homérique. D’autres filons philosophiques voient la naissance de valeurs fondatrices en Europe à d’autres époques, portée par d’autres figures individuelles ou collectives : Marc-Aurèle, Maître Eckhart, Sohrawârdî, Nietzsche…

Il s’agit désormais, à une époque de nihilisme profond, de vide, de ressusciter ces valeurs fondamentales et traditionnelles par un combat métapolitique permanent et vigilant, créant tout à la fois une rétivité sociale, politique et militante, dirigée contre les vecteurs du nihilisme délétère, et, chez chacun des combattants politiques ou métapolitiques, du plus humble au plus prestigieux, une force intérieure tranquille, inaccessible aux séductions perverses de la modernité dévoyée.

II : DE L'EURASIE AUX PÉRIPHÉRIES, UNE GÉOPOLITIQUE CONTINENTALE

Les deux guerres mondiales du XXème siècle nous ont appris que seuls comptaient sur l’échiquier planétaire les grands espaces, théorisés par les écoles géopolitiques et par le juriste Carl Schmitt.

Pour l’Europe, il s’agit de s’insérer dans un espace eurasien qui englobe la Sibérie russe, comme au temps de l’alliance tacite entre Louis XVI, Marie-Thérèse et Catherine II ou comme au temps, trop bref, de la Sainte-Alliance post-napoléonienne.

Cette convergence eurasienne implique un regard bienveillant sur les espaces perse, indien ou chinois (confucéen), de façon à créer un monde multipolaire où le politique repose sur des assises éthiques traditionnelles et solides, sur les longues mémoires, sur la plus grande profondeur temporelle possible.

III : L'EUROPE, UN BALCON SUR LE MONDE

L’Europe, c’est d’abord une identité anthropologique. Mais c’est aussi une réalité géographique : une presqu’île à l’ouest d’une masse continentale eurasienne, perpétuellement assiégée, depuis les Huns, les Avars ou les Ottomans jusqu’aux faux réfugiés économiques arrivant aujourd’hui à Lampedusa ou à Lesbos.

Une Europe réveillée doit connaître son passé tragique, son passé de sous-continent et d’humanité assiégée, doit se remémorer la volonté de combattre de ses générations antérieures et les ressorts religieux et idéologiques de ses voisins, amis ou ennemis. Il n’y a pas de politique cohérente possible, pas d’avenir stable, sans longue mémoire.

Ce livre entend surtout, et de manière didactique, fournir les éléments de cette mémoire qu’il faudra impérativement, impérialement, retrouver, sous peine de mort, de disparition dans la honte et la misère.

 Editions BIOS
Directeur: Laurent Hocq
 
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Janvier 2018
Trois volumes d'un total de 996 pages
ISBN : 979-10-94233-01-6
75.00 €
(chaque volume peut s'acquérir individuellement au prix de 25 euros chacun)
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lundi, 26 février 2018

“Da Wagner al jazz”, un nuovo libro su Julius Evola

Giuseppe Brienza

dimanche, 25 février 2018

Buñuel et le grand néant des sociétés modernes

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Buñuel et le grand néant des sociétés modernes

par Nicolas Bonnal

Ex: http://www.dedefensa.org

Je découvre enchanté le livre de sagesse de Luis Buñuel, mi ultimo suspirio. Il résume sa vie aventureuse et formidable, à la pointe de la modernité comme on dit ; mais aussi il décoche çà et là, comme un autre grand de la rébellion d’alors, Orson Welles, des traits remarquables contre notre monde (nos « sociétés ») moderne.

Il commence par me rassurer, Don Luis : le moyen âge a duré plus qu’on ne le croit dans le milieu traditionnel !

bunuelsuspirio.jpg« On peut dire que dans la ville où je suis né (22 février 1900) le Moyen Age a duré jusqu'à la Première Guerre mondiale. C'était une société isolée et immobile, dans laquelle les différences de classe étaient bien marquées. Le respect et la subordination des travailleurs aux grands seigneurs, aux propriétaires terriens, profondément enracinés dans les vieilles coutumes, semblaient immuables. La vie se développa, horizontale et monotone, définitivement ordonnée et dirigée par les cloches de l'église d'El Pilar. »

Cet arrogant monde moderne dont parle aussi Ortega Y Gasset  se manifestera par la guerre d’Espagne et son million de morts. Fascisme et cléricalisme certes, mais aussi communisme et anarchisme pour empiler des corps. Le libéralisme privatisera les survivants.

Buñuel parle très bien de Calanda, son pueblo aragonais, et de son vendredi saint, rythmé par des tambours cosmiques (à découvrir sur Youtube.com). Mais il ajoute :

« Aujourd'hui, à Calanda, il n'y a plus de pauvres qui sentent les vendredis à côté du mur de l'église pour demander un morceau de pain. La ville est relativement prospère, les gens vivent bien. Le costume typique, la ceinture, le cachirulo à la tête et le pantalon étroit ont disparu depuis longtemps.

Les rues sont pavées et éclairées. Il y a de l'eau courante, des égouts, des cinémas et des bars. Comme dans le reste du monde, la télévision contribue efficacement à la dépersonnalisation du spectateur. Il y a des voitures, des motos, des réfrigérateurs, un bien-être matériel bien préparé, équilibré par cette société à nous, où le progrès scientifique et technologique a relégué dans un lointain territoire la morale et la sensibilité de l'homme. L'entropie - le chaos - a pris la forme de plus en plus effrayante de l'explosion démographique. »

Tel quel. Je ne commente même pas.

Don Luis rappelle comme Michelet (On se permet de mépriser Michelet maintenant ?) que le Moyen Age a eu la vie dure (1789 en France, 1914 en Espagne et ailleurs parfois !) :

« J'ai eu la chance de passer mon enfance au Moyen Âge, cette période «douloureuse et exquise», comme le dit Huysmans. Douloureux dans le matériel. Exquis dans le spirituel. Le contraire d'aujourd'hui. »

Tout est dit. Comme Guy Debord Buñuel aime boire. Mais comme pour Guy Debord il y a eu un mais (moi je suis arrivé trop tard, le monde était déjà mort dans les années 70). Les centres commerciaux remplacent les collèges jésuites à Saragosse et on vide les lieux :

« Malheureusement, et pour aucune raison valable, le bar a fermé. Nous nous voyons encore Silberman, Jean-Claude et moi en 1980, l'hôtel errant comme des âmes perdues à la recherche d'un niveau acceptable, il est un mauvais souvenir, notre temps dévastateur détruit tout ne respecte pas même les bars. »

Une ligne admirable sur la fin des apéritifs :

« Malheureusement, ces combinaisons admirables sont en train de disparaître. Nous assistons à une effroyable décadence de l'apéritif, triste signe des temps. Un de plus. »

bunuelphoto.jpgComme Samuel Beckett alors (« nous sommes tous cons, mais pas au point de voyager », voyez mon Voyageur éveillé ou mon apocalypse touristique), Buñuel envoie digne promener le tourisme :

« Puis, après 1934, je me suis installé à Madrid. Je n'ai jamais voyagé pour le plaisir. Cet amour pour le tourisme, si répandu pour moi autour, c'est inconnu pour moi. Je ne ressens aucune curiosité pour les pays que je ne connais pas et que je ne rencontrerai jamais. Au contraire, j'aime retourner aux endroits où j'ai vécu et à ceux qui lient mes souvenirs. »

Théophile Gautier écrivait vers 1843 dans son critique Voyage en Espagne pas trop médiévale :

« Quand tout sera pareil, les voyages deviendront complètement inutiles, et c’est précisément alors, heureuse coïncidence, que les chemins de fer seront en pleine activité. À quoi bon aller voir loin, à raison de dix lieues à l’heure, des rues de la Paix éclairées au gaz et garnies de bourgeois confortables ?

Nous croyons que tels n’ont pas été les desseins de Dieu, qui a modelé chaque pays d’une façon différente, lui a donné des végétaux particuliers, et l’a peuplé de races spéciales dissemblables de conformation, de teint et de langage. C’est mal comprendre le sens de la création que de vouloir imposer la même livrée aux hommes de tous les climats, et c’est une des mille erreurs de la civilisation européenne ; avec un habit à queue de morue, l’on est beaucoup plus laid, mais tout aussi barbare. »

Luis Buñuel découvre aussi que le monde moderne ou la société actuelle feront disparaitre l’amour (on est en 1980 !) :

« A l'époque de notre jeunesse, l'amour nous semblait un sentiment puissant, capable de transformer une vie. Le désir sexuel, inséparable pour lui, s'accompagnait d'un esprit d'approximation, de conquête et de participation qui devait nous élever au-dessus du simple matériel et nous rendre capables de grandes choses.

L'une des enquêtes surréalistes les plus célèbres ont commencé par cette question: «Si je l'aime, tout l'espoir, sinon l'amour, non » « ? Quel espoir, vous met dans l'amour » je l'ai dit, aimer nous a semblé indispensable à la vie, pour toute action, pour toute pensée, pour toute recherche.

Aujourd'hui, si je dois accepter ce qu'on me dit, il en va de l’amour comme de la foi en Dieu. Il a tendance à disparaître, du moins dans certains médias. Il est généralement considéré comme un phénomène historique, comme une illusion culturelle. Il est étudié, analysé ... et, si possible, il est guéri. »

Buñuel écrit de belles pages favorables à Marcuse et à mai 68. Il note simplement que tout cela se termina mal, comme la révolution surréaliste. Je lui laisse le soin de le dire lui-même :

“Al igual que nosotros, los estudiantes de Mayo del 68 hablaron mucho y actuaron poco. Pero no les reprocho nada, Como podría decir André Breton, la acción se ha hecho imposible, lo mismo que el escándalo.”

Redécouvrons le rêve…

 

Sources

Bunuel – Mi ultimo suspirio

Bonnal – Les voyageurs éveillés ; l’apocalypse touristique

samedi, 24 février 2018

La libertad en el Estado Mundial

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La libertad en el Estado Mundial

José Javier Esparza

Ex: http://www.posmodernia.com

Jünger relexionó incesantemente sobre la libertad, en particular sobre la libertad personal. Lo hizo al mismo tiempo que expresaba su convicción de que la humanidad caminaba hacia formas de organización colectiva cada vez más férreas y hasta asfixiantes. Esas formas de organización, vistas desde la perspectiva jüngeriana, revestían en los años 30 los colores del mundo del Trabajador y en los años 50 se manifestaron cada vez más como Estado Mundial, que en realidad son dos fases distintas del mismo proceso. La pregunta es cómo concebir la libertad personal en semejante contexto. Y a modo de guía en el camino, Jünger aporta una interpretación que descansa en dos conceptos clave: organismo y organización.

El Estado Mundial de Jünger es, ante todo, la constatación y la explicación de una tendencia que se está acelerando a medida que el poder técnico se desarrolla; en cierto modo, podemos decir que es una pionera exploración metafísica de lo que hoy se ha llamado “globalización”. El Estado Mundial es la forma de organización del estado en la era de la técnica. Pero frente a esa organización, surgen las correspondientes resistencias. Y aquí se basa la perspectiva jüngeriana del eterno conflicto entre organismo y organización:

“Desde siempre ha sido dominante la desconfianza frente al Estado. Los esfuerzos hechos por él, sus intervenciones, despertaron desde el primer momento unos temores en los que se expresa algo más que la simple prudencia política y que la reivindicación de un modo propio de ser. Aquí no son sólo la persona singular y sus comunidades naturales, como la familia, la parentela, la tribu, el pueblo, las que se ven expuestas a una exigencia que penetra hondamente en la substancia y cuyas ventajas y desventajas es difícil ponderar. Aquí es la vida misma la que está en una de sus grandes encrucijadas. En ella el organismo y la organización se encuentran” (pp. 193-194).

Lobos y abejas

Jünger obtiene estos términos, “organismo y organización”, de una máxima del escritor francés Rivarol: “El poder es la fuerza organizada” (La puissance est la force organisée), síntesis de sus aforismos políticos . Pero Jünger intenta ir más allá de la perspectiva de este autor y se sitúa en una posición en la que la organización es aprehendida al mismo tiempo que su contrario, el organismo . Tampoco es difícil hallar aquí ecos de la tradición organicista alemana, en la que la materia y el organismo se contraponen como, en Tönnies, se contraponen sociedad (mecánica) y comunidad (orgánica).

El organismo es la forma de ser de las realidades vivas, naturales; la organización es la “plantilla”, el “molde” que se impone sobre el organismo ya para facilitar su supervivencia, ya para incrementar su poder. Al orden del organismo pertenecen la familia, el clan, la comunidad; al orden de la organización pertenecen el Estado y la división del trabajo. En el orden del organismo, la libertad es muy amplia, pero también el riesgo, pues la capacidad de supervivencia disminuye; en el orden de la organización, la seguridad es intensa, así como la riqueza, pero a costa de enormes sacrificios de la libertad. Esta díada de potencias no es exclusiva del orden humano, sino que echa sus raíces en la propia estructura del mundo natural:
“La elección es honda y penetra profundamente, llega hasta la célula. Tiene su balance de pérdidas y ganancias. Un ejemplo: cuando las células de la visión se diferencian, la ganancia de fuerza perceptiva tiene como contrapartida una pérdida de fuerza sensorial, erótica. Cuando se forman colonias, como ocurre en el caso de las esponjas, la seguridad de los individuos afectados aumenta, pero su libertad disminuye. Cuando, como ocurre en el caso de los insectos estatizadores, la ordenación del trabajo y su división han hecho progresar la economía hasta un grado tal que posibilita el acumular reservas, esa riqueza es comprada con sacrificios asombrosos. La abeja obrera es una hembra mutilada, producto de una reducción; el asesinato de los zánganos es un modelo de implacable razón de Estado. En las termitas y en las hormigas encontramos formas que anticipan idealmente no sólo la agricultura, sino también la esclavitud” (p. 194).

jungerPAZ.jpgJünger constata que la tendencia a la estatización (a la “organización”) se hace más rara a medida que ascendemos en la escala de los animales superiores. En ellos –por ejemplo, en los lobos, en numerosos grupos de aves, etc.- es frecuente hallar ejemplos de socialización, pero muy rara vez asistiremos a los sacrificios que la estatización impone a los insectos. En ese sentido, el hombre ocupa un lugar especial: la estatización no es algo que le sea natural, aunque el proceso de desarrollo de la civilización técnica muestre claras tendencias estatizadoras. En el mundo natural, la tendencia hacia la organización es un rasgo específico de los animales sociales; en el caso de la especie humana, es el síntoma más evidente del avance del proceso de civilización. Y sin embargo, la tendencia a la organización no es inapelable, inevitable; ni siquiera natural. Ese es el sentido de la pregunta que Jünger se formula: ¿Acaso el mundo está lleno de organismos que esperan ser organizados y reivindican tal organización? No, e incluso lo contrario es lo cierto, pues por todas partes puede percibirse como actúa “la tentativa de sustraerse al poder”. De manera que la organización no es un hecho natural, o al menos no lo es más que la resistencia a la organización.

Más allá del Estado y el Mercado

A nuestro juicio, lo que hace especialmente interesante la perspectiva jüngeriana es su capacidad para sentar un marco de interpretación que trasciende las habituales polémicas entre diversas formas de organización, cada una de las cuales pretende a su vez encarnar mayores cotas de libertad. Por ejemplo, ¿cuántas veces se ha invocado la libertad en nombre del Estado? ¿Y cuántas otras veces se ha invocado esa misma libertad en nombre del Mercado y contra el Estado? La división jüngeriana entre organismo y organización nos brinda un esquema bastante más profundo que el que aporta Hayek con su dialéctica entre “orden tribal” y “orden amplio”: la verdadera espontaneidad reside en el organismo, donde los impulsos naturales actúan con mayor libertad; la organización, por el contrario, significa la imposición de una estructura racional sobre los impulsos primarios, y esa estructura no es sólo de tipo estatal, sino que también puede adoptar otras formas. El mercado, sin duda, es una de ellas. Cambian las reglas del ejercicio de la organización, pero no el hecho de la organización en sí. Desde la perspectiva de la organización que se contrapone al organismo, Estado y Mercado no representan fuerzas esencialmente contradictorias, sino que ambas responden a una misma lógica: las dos, por su potencia reglamentadora, normativizadora, constituyen otras tantas formas de organización, esto es, otras tantas formas de someter al organismo, vale decir, a la libertad.

Como suele ocurrir en Jünger, erraríamos el tiro si tratáramos de incorporar juicios de valor demasiado simples a los términos de este esquema. No tiene mucho sentido ver en la organización una suerte de desdicha; más bien se trata de un hecho inevitable, porque cuanto más arriesgada es la vida, más necesaria es la cooperación, esto es, la sociedad. Y toda vida en sociedad, en la medida en que exige la imposición de normas, presenta necesariamente ciertos rasgos de alienación –eso es algo que está en la naturaleza humana. En consecuencia, cuanto más compleja es la sociedad, esto es, la organización, mayor es su carácter alienante. Ahora bien, la tendencia hacia el organismo, hacia la libertad, tampoco deja nunca de estar presente, porque forma parte igualmente de las pulsiones naturales. Y en el caso de la especie humana, además, esta tendencia se hace consciente, pues sólo el hombre es racionalmente consciente de su libertad. En cierto modo, la búsqueda del equilibrio entre organismo y organización es una de las claves fundamentales de la historia natural, no sólo en la especie humana. Toda la cuestión, pues, reside en que el ser humano sea capaz de mantener siempre alta la guardia de su libre albedrío:

“Cuando el Estado y con él el pensamiento organizativo cobran dimensiones enormes, tal como lo están experimentando en el presente los hombres y los pueblos, ocurre que los peligros son en parte sobreestimados y en parte subestimados. Consisten no tanto en la amenaza física que representan para los pueblos y los hombres que los componen –esa amenaza es desde luego evidente- cuanto en el riesgo que corre la especie como tal, sobre todo porque es afectada en su nota específica: el libre albedrío. Ello haría que la luminosidad de una civilidad superior desapareciese en el brillo de la perfección. El peligro real del plan no está tanto en que fracase cuanto en que obtenga un éxito demasiado fácil (…)
La especificidad del ser humano está en su libre albedrío, o sea, en su imperfección; está en su capacidad de convertirse en culpable, de cometer errores. La perfección hace superflua, por el contrario, la libertad; el orden racional cobra entonces la precisión del instinto” (pp. 204-205).

Jünger no cree que la marcha de la civilización, que apunta hacia una creciente complejidad de la organización, hacia una creciente perfección de la técnica , sea reversible. No estamos en condiciones de decidir si queremos entrar en esa nueva casa, porque ésta se nos impone de manera irresistible. Pero sí estamos en condiciones de preguntarnos qué queremos llevarnos con nosotros al entrar en la nueva casa, y aquí es donde Jünger reivindica el libre albedrío como seña principal de la especie humana. La conclusión del texto apunta inequívocamente en esa dirección. Y sostiene, precisamente, que tal cosa será más fácil en el Estado mundial que en los Estados que el mundo han conocido hasta ahora:

“La forma del Estado humano viene determinada por el hecho de la existencia de otros Estados. Viene determinada por el pluralismo. No siempre ha sido así y, esperémoslo, no siempre será así. Cuando el Estado era una excepción en la Tierra, cuando era insular o, en el sentido de su origen, único en su género, los ejércitos de guerra resultaban innecesarios, más aún, estaban fuera de lo imaginable. Eso mismo habrá de ocurrir cuando el Estado en su sentido final se vuelva único en su género. Entonces el organismo humano podría destacar con más pureza como lo auténticamente humano, liberado de la coacción de la organización” (p. 217).

Una libertad difícil

Toda la posición de Jünger frente al Estado/Organización en sus obras posteriores mantiene esta misma línea. La organización, aupada sobre el poder técnico, representa una fuerza que no es posible invertir, aunque sí es posible actuar dentro de ella. En el lado contrario, el organismo, la libertad, no podrá consistir en una declaración de derechos o en una lista de libertades formales, sino en una actitud de espíritu que pasa por mantener el libre albedrío como fundamento de la persona singular.

Todos los protagonistas de novelas jüngerianas como Heliópolis, Eumeswil e incluso El problema de Aladino se caracterizan por ese talante . La misma atmósfera se respira en ensayos como La emboscadura. Y es muy importante subrayar que todo este planteamiento guarda perfecta coherencia con las posiciones del Jünger anterior a 1933. El descreimiento de las libertades formales se halla ya en los textos de la “Revolución conservadora”, al mismo título que la desconfianza en los movimientos basados en “principios universales”. La percepción del Estado como máquina subsidiaria, dependiente de devoradores procesos técnicos, nace en las trincheras de la Gran Guerra y se prolonga a través de La movilización total y El Trabajador hasta llegar a las opresivas ciudades-Estado de Eumeswil y Heliópolis. La idea aristocratizante de la libertad –la libertad interior como signo de una aristocracia del espíritu- enlaza con el anarquista prusiano de El corazón aventurero, el libro que marcó su separación de la órbita nacionalista alemana en 1929, y se prolonga en Sobre los acantilados de mármol y en La emboscadura.

Ahora la pregunta post-jüngeriana podría ser esta: ¿Qué ocurre cuando la nueva casa, el Estado Mundial, exige como señal de entrada la renuncia al libre albedrío, a la libertad interior? Entonces volveríamos a la necesaria insurgencia, al mismo tiempo espiritual y política, que alimentó los grandes incendios de Sobre los acantilados de mármol.

 

Jünger, Ernst “La Paz seguido de El nudo gordiano, El Estado Mundial y Alocución en Verdún”, traducción de Andrés Sánchez Pascual), Tusquets Editores, Barcelona, 1996.

Reseña del libro “¡Identitarios de Europa, uníos!”

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Reseña del libro “¡Identitarios de Europa, uníos!”

Ex: http://www.posmodernia.com

identitarioslibro00012.jpgTítulo: ¡Identitarios de Europa, uníos!

Autores: Mathilde Forestier, Stéphane François, Robert Steuckers, Emmanuel Casajus, Yannick Cahuzac, Jesús Sebastián Lorente, Eric Dupin.

Editorial: Fides, 2017.

Se trata del primer libro en español que trata monográficamente el tema de los “Identitarios” con el provocativo título “¡Identitarios de Europa, uníos!” (Ediciones Fides), abordándolo de forma multidisciplinar: orígenes, organización, pensamiento, práctica política, simbología, acciones en la calle y en las redes, etc. El libro reúne textos de Mathilde Forestier, Stéphane François, Robert Steuckers, Emmanuel Casajus, Yannick Cahuzac, Jesús Sebastián Lorente, una entrevista a Eric Dupin, así como varios textos internos de los Identitarios suscritos por sus principales dirigentes.

¿Qué significa ser identitario? ¿Qué visión del mundo quieren transmitir? ¿Cómo están organizados? Estas son las cuestiones que intenta responder el libro.

Mathilde Forestier nos ofrece una introducción muy ilustrativa sobre los rasgos generales de este movimiento identitario. El gran especialista en las corrientes alternativas, Stéphane François, describe el ámbito ideológico del movimiento y sus tendencias etnopolíticas y geopolíticas, así como, junto a Yannick Cahuzac, las estrategias comunicativas y propagandísticas de los Identitarios en la prensa, en la calle y en las redes sociales. Robert Steuckers traza un dibujo filosófico del movimiento, situándolo como heredero de la Nouvelle Droite, pero subrayando sus diferencias. Emmanuel Casajus describe su forma de expresarse, de vestirse, en fin, de “distinguirse” como cualquier otra “tribu urbana”. Al final, dos de sus dirigentes, Fabrice Robert y Philippe Vardon, presentan las “algunas cuestiones para conocer mejor a los Identitarios”, en lo que bien podría ser su “programa” frente a la opinión pública.

El Bloc Identitaire (ID), parte integrante del más amplio movimiento identitario surgido en Francia a comienzos del nuevo siglo, se crea en abril 2003. Los medios liberal-libertarios no dudan en calificarlo como un lobby del FN, una estrategia lepenista de “entrismo” en las tupidas redes identitarias europeas. En su seno nació también Génération Identitaire, sección de la juventud identitaria que actúa con autonomía del grupo fundacional. Sus principios, actividades y reflexiones se difunden a través de boletines del grupo como IDentitaires, actualmente ID Magazine.

Con su presidente Fabrice Robert y otros dirigentes como Jean-David Cattin, Philippe Vardon y Guillaume Luyt, los Identitaires, como ahora se denominan oficialmente, se dirigen principalmente a la lucha contra el crecimiento del islam en Europa y contra el multiculturalismo y el inmigracionismo, que consideran desintegradores de la identidad de los pueblos europeos. Favorables a una Francia de las regiones integrada en una Europa de las naciones, una Europa antioccidentalista, no-atlantista, etnista y eurasiática, ponen el acento sobre la constitución de una red de acción social (“ayudar a los nuestros antes que a los otros”) y de activismo militante de agitación ideológica y mediática.

Fundamental en este combate es la inspiración de la tesis del libro Le grand Remplacement (la gran sustitución o gran reemplazo) de Renaud Camus en relación con la “inmigración de repoblación” de los invasores africanos en Europa, motivo por el cual abogan por la “remigración” de las minorías extraeuropeas, cuestión en la que coinciden precisamente con otro conocido, Laurent Ozon, antiguo militante de una Nouvelle Écologie muy próxima a las tesis conservatistas de la Nouvelle Droite, y fundador del Mouvement pour la Remigration (Ozon abandonó la actividad política en mayo de 2016).

identitairesafficheEUR.jpgLos “Identitarios” son herederos de la reflexión sobre la identidad efectuada por los autores de la Nouvelle Droite hasta mediados de los años 80. No así de la reflexión sobre la identidad protagonizada posteriormente por Alain de Benoist, el cual rechaza estas derivas identitarias: este autor ha pasado de «una defensa de la identidad de los “nuestros” a un reconocimiento de la identidad de los “otros”». El propio Benoist toma distancias con la “afirmación étnica” de los Identitarios: «La reivindicación identitaria deviene en pretexto para legitimar la indiferencia, la marginación o la supresión de los “otros”. […] En tal perspectiva, la distinción entre “nosotros” y los “otros”, que es la base de toda identidad colectiva, se plantea en términos de desigualdad y de hostilidad por principio». En definitiva, se trata de una nueva generación identitaria que no ha combatido cultural ni políticamente en las filas de la Nouvelle Droite pero que, sin duda alguna, ha bebido en sus fuentes y ha leído sus publicaciones. Los propios Identitaires incluyen entre sus filiaciones ideológicas a la Nueva Derecha. Stéphane François, incluso, considera que la ideología identitaria es más antigua que la propia ND y que entroncaría con los grupúsculos organizados en torno a Europe-Action.

Robert Steuckers, sin embargo, establece una neta distinción entre la tradición neoderechista y la posmodernidad identitaria: aunque establece un paralelismo entre la cosmovisión antioccidental, antiamericana, filorrusa y proeuropea (en sus niveles imperial, nacional y étnico) de ambas tendencias, como una reacción frente a los “grandes relatos” de la modernidad, Steuckers traza una nítida división entre la “identidad” concebida por los “neoderechistas” (una identidad de reconocimiento de las diferencias, de comunidad, de convivencia hacia el interior), y la “identidad” preconizada por los “Identitarios” (una identidad de civilización, de arraigo, de defensa frente a lo exterior), esto es, una identidad inclusiva frente a una identidad exclusiva.

identitaireslogo.jpgLos militantes de Generación Identiraria se visten de colores amarillo y negro y han tomado como símbolo la letra griega “lambda” (^), que es también una referencia a los espartanos (spartiatas), especialmente a la película “300” realizada por Zack Snyder. El film 300, que es la adaptación del cómic de Frank Miller del mismo nombre, no es sólo una película popular que relata las guerras médicas entre griegos y persas. Este film está cargado de simbolismo para los militantes identitarios: los espartanos (representantes de la civilización europea) repelen la invasión de los persas (civilización no europea, originaria de Oriente Medio, hoy tierra musulmana). La analogía con los objetivos de los Identitarios es total: los europeos rechazan la invasión musulmana. Pero la representación simbólica va todavía más lejos: los espartanos son representados como filósofos y defensores de la democracia frente a los persas, representados como hordas de bárbaros. El hecho de que los espartanos combatieran la invasión de los persas les dotaría de una mayor legitimidad: como el recurso a la fuerza y a la violencia sólo estaría hoy moralmente legitimado para repeler una agresión, los Identitarios se situarían en la escena como víctimas de una invasión islámica –facilitada por la complaciente clase política– frente a la cual ellos deberían defender a su pueblo. Los militantes de GI forman parte plenamente de la llamada “generación 2.0”, lo cual es bastante apreciado por los dirigentes más adultos, porque la generación 2.0 controla las herramientas de internet, el marketing viral y el trabajo en redes.

Ya se trate de jóvenes militantes o de sus mayores veteranos, la idea de base está clara: “alzar el estandarte de la identidad frente a la uniformidad”. Atacan tanto la “americanización” como la “islamización” de Francia, aunque sus acciones están dirigidas principalmente contra la comunidad musulmana. La uniformidad (impuesta por el exterior) pondría, según ellos, la identidad francesa en peligro. Esta noción de identidad reagrupa “las tradiciones populares y orales (el lenguaje), las costumbres y la moral, la aceptación de un pasado común (la historia) y la voluntad de vivir juntos en el futuro”.

La identidad jugaría en tres niveles: la identidad “carnal” que es una identidad regional, la identidad “histórica”, es decir, la identidad francesa, y la identidad “civilizacional”, es decir, la identidad europea.

La noción de identidad a la que se refieren los militantes identitarios es tan problemática como esencialista: según los Identitarios, la identidad se adquiere y se transmite a través de la filiación. Así, nuestra identidad nos sería dada por el nacimiento y no podría cambiar en el curso de una vida. Sería casi parte de nuestra genética. Sin embargo, en las ciencias sociales, la identidad es frecuentemente definida como un proceso que se construye a lo largo del desarrollo individual. No puede ser, entonces, remitida al nacimiento.

Mientras los “pensadores de la tolerancia” pueden imaginar que la aceptación de un pasado común y la voluntad de vivir juntos en el futuro podrían llegar a representar el cimiento de una sociedad multicultural y la superación de las rivalidades étnicas o religiosas, ello parece ser diferente para los Identitarios. La comprensión de la historia por los Identitarios puede resumirse a través de su eslogan, “una tierra, un pueblo” (prestado de Terre et Peuple de Pierre Vial). En la concepción identitaria existen pueblos bien definidos, separados los unos de los otros, de tal forma que no deberían entrar en interacción.

identitrassismus.jpgLos Identitarios reniegan de un Estado jacobino y unitario que viola las identidades locales tanto como los valores de la revolución francesa. En su comprensión de la identidad, los Identitarios se refieren a personajes prerrevolucionarios tales como los espartanos o incluso Charles Martel. Sus referencias hacen abstracción de los últimos siglos de historia de Francia para no recordar sino las referencias guerreras o romantizadas y edulcoradas de los campesinos trabajando la tierra (como puede comprobarse en los motivos medievales y caballerescos de sus carteles de propaganda).

Con el eslogan “100% identidad, 0% racismo”, el movimiento identitario intenta distanciarse de una imagen racista o xenófoba: dado que el movimiento identitario no habla nunca de razas sino de culturas e identidades y que no explicita claramente una jerarquía entre esas culturas, no se puede, desde nuestra definición del racismo, calificar de racista.

Uno de los grandes temores de los Identitarios se llama “uniformización”. «Nosotros diríamos que el enemigo principal es la ideología de lo Mismo, según la cual la igualdad y la uniformidad son las claves del paraíso en la tierra». En este esquema, cualquier movimiento o idea con ambición universal se convierte en una amenaza para los Identitarios. Ellos distinguen cinco grandes amenazas: 1. El jacobinismo y el centralismo, que ha unificado Francia e intenta unificar Europa. 2. El complejo “antirracista” y “etnomasoquista”, que engendra la uniformización por la promoción del mestizaje. 3. El capitalismo ultraliberal, que conduce a la uniformización mundial mediante la promoción del modelo ciudadano-consumidor. 4. La política expansionista de los Estados Unidos, que intenta imponer el “american way of life” por todo el planeta. 5. El Islam que, con una vocación universal, es una “religión conquistadora” que quiere uniformar el mundo “sometiendo a los no-musulmanes a la Sharía”.

De esta forma, los Identitarios abogan por la homogeneidad de los pueblos y la heterogeneidad entre los pueblos. Son adversarios de una uniformización por el exterior, imponiendo en una sociedad multicultural la uniformización por el interior. Rechazan todo lo que puede venir del exterior, sea en la lengua, la alimentación (“ni MacDonald, ni Kebab”), los gustos musicales y todo lo que atraviesa la vida cotidiana. La lucha de los Identitarios contra la “hegemonía islámica” y contra la “islamización de la sociedad francesa” justifica para ellos cualquier acción contra el islam.

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Por otra parte, el programa de los Identitarios tiene una tendencia regionalista, bastante anclada en lo local y en la lucha contra la globalización. Cuatro líneas políticas deben discernirse: 1. Reforzamiento de las identidades locales mediante el paso de un Estado central a un Estado federal. 2. Una construcción social más fuerte, que se dirigiría a los franceses “de origen” (de pura cepa). 3. Reflexiones sobre la protección del medioambiente. 4. Europa: “Una Francia de las regiones en una Europa de las naciones”.

En términos de inmigración, los Identitarios estiman que “la integración no funciona”. La integración habría fracasado y “una buena parte de las poblaciones de origen inmigrante jamás podría integrarse en Francia”. Esta es la razón por la que los Identitarios desearían ver a los inmigrantes retornar a sus países de origen. Contra la lógica integracionista, los Identitarios proponen una política de expulsión en dos tiempos. A corto plazo, los Identitarios desean simplemente expulsar a los clandestinos y a los delincuentes. A medio plazo quieren firmar acuerdos de colaboración con los países de origen para facilitar el retorno de los extranjeros a su país en un plazo de quince años. Según los Identitarios resulta insuficiente impedir la instalación de inmigrantes en Francia, habría que lograr también que los inmigrantes que ya viven en Francia regresen a sus países de origen. Desearían que los inmigrantes recobren un “estatuto de extranjero”, es decir, que ellos vinieran a Europa para formarse y trabajar, retornando posteriormente a su país de origen para hacer fructificar la experiencia adquirida”.

jeudi, 22 février 2018

Europa, Eurasia ? Identité et géopolitique du grand espace continental par Robert Steuckers

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Europa, Eurasia ? Identité et géopolitique du grand espace continental par Robert Steuckers

Méridien Zéro, émission n°330 : « Europa, Eurasia ?
Identité et géopolitique du grand espace continental,
discussion avec Robert Steuckers ».
 
PGL vous propose un entretien avec Robert Steuckers,
à l’occasion de la trilogie qu’il publie aux éditions Bios
et qui est la somme de ses écrits et réflexions sur le
destin de notre continent.
 
Ce sera l’occasion également de revenir sur son
parcours.
La trilogie "Europa" de Robert Steuckers, disponible
sur le site des éditions "Le retour aux sources" : https://www.leretourauxsources.com/25...
 
Le Retour aux Sources Éditeur :
 
 
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Michel Drac sur Fire and Fury (de Michael Wolff)

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Michel Drac sur Fire and Fury (de Michael Wolff)

 
Une note de lecture sur la chronique écrite par un journaliste américain sur la Maison Blanche pendant la première année de la présidence Trump.
 

mercredi, 21 février 2018

Greek Biopolitics and Its Unfortunate Demise in Western Thinking

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Greek Biopolitics and Its Unfortunate Demise in Western Thinking

Guillaume Durocher

Ex: http://www.theoccidentalobserver.net

greek-origins-of-biopolitics.jpgMika Ojakangas, On the Origins of Greek Biopolitics: A Reinterpretation of the History of Biopower
London and New York: Routledge, 2016

Mika Ojakangas is a professor of political theory, teaching at the University of Jyväskylä in Finland. He has written a succinct and fairly comprehensive overview of ancient Greek thought on population policies and eugenics, or what he terms “biopolitics.” Ojakangas says:

In their books on politics, Plato and Aristotle do not only deal with all the central topics of biopolitics (sexual intercourse, marriage, pregnancy, childbirth, childcare, public health, education, birthrate, migration, immigration, economy, and so forth) from the political point of view, but for them these topics are the very keystone of politics and the art of government. At issue is not only a politics for which “the idea of governing people” is the leading idea but also a politics for which the question how “to organize life” (tou zên paraskeuên) (Plato, Statesman, 307e) is the most important question. (6)

The idea of regulating and cultivating human life, just as one would animal and plant life, is then not a Darwinian, eugenic, or Nazi modern innovation, but, as I have argued concerning Plato’s Republic, can be found in a highly developed form at the dawn of Western civilization. As Ojakangas says:

The idea of politics as control and regulation of the living in the name of the security, well-being and happiness of the state and its inhabitants is as old as Western political thought itself, originating in classical Greece. Greek political thought, as I will demonstrate in this book, is biopolitical to the bone. (1)

Greek thought had nothing to do with the modern obsessions with supposed “human rights” or “social contracts,” but took the good to mean the flourishing of the community, and of individuals as part of that community, as an actualization of the species’ potential: “In this biopolitical power-knowledge focusing on the living, to repeat, the point of departure is neither law, nor free will, nor a contract, or even a natural law, meaning an immutable moral rule. The point of departure is the natural life (phusis) of individuals and populations” (6). Okajangas notes: “for Plato and Aristotle politics was essentially biopolitics” (141).

In Ojakangas’ telling, Western biopolitical thought gradually declined in the ancient and medieval period. Whereas Aristotle and perhaps Plato had thought of natural law and the good as pertaining to a particular organism, the Stoics, Christians, and liberals posited a kind of a disembodied natural law:

This history is marked by several ruptures understood as obstacles preventing the adoption and diffusion of the Platonic-Aristotelian biopolitical model of politics – despite the influence these philosophers have otherwise had on Roman and Christian thought. Among these ruptures, we may include: the legalization of politics in the Roman Republic and the privatization of everyday life in the Roman Empire, but particularly the end of birth control, hostility towards the body, the sanctification of law, and the emergence of an entirely new kind of attitude to politics and earthly government in early Christianity. (7)

mika.ojakangas.jpgOjakangas’ book has served to confirm my impression that, from an evolutionary point of view, the most relevant Western thinkers are found among the ancient Greeks, with a long sleep during the Roman Empire and the Middle Ages, a slow revival during the Renaissance and the Enlightenment, and a great climax heralded by Darwin, before being shut down again in 1945. The periods in which Western thought was eminently biopolitical — the fifth and fourth centuries B.C. and 1865 to 1945 — are perhaps surprisingly short in the grand scheme of things, having been swept away by pious Europeans’ recurring penchant for egalitarian and cosmopolitan ideologies. Okajangas also admirably puts ancient biopolitics in the wider context of Western thought, citing Spinoza, Nietzsche, Carl Schmitt, Heidegger, and others, as well as recent academic literature.

At the core of the work is a critique of Michel Foucault’s claim that biopolitics is a strictly modern phenomenon growing out of “Christian pastoral power.” Ojakangas, while sympathetic to Foucault, says the latter’s argument is “vague” (33) and unsubstantiated. Indeed, historically at least, Catholic countries with strong pastoral power tended precisely to be those in which eugenics was less popular, in contrast with Protestant ones.

It must be said that postmodernist pioneer Foucault is a strange starting point on the topic of biopolitics. As Ojakangas suggests, Foucault’s 1979 and 1980 lecture courses The Birth of Biopolitics and On the Government of the Living do not deal mainly with biopolitics at all, despite their titles (34–35). Indeed, Foucault actually lost rapidly lost interest in the topic.

Okajangas also criticizes Hannah Arendt for claiming that Aristotle posited a separation between the familial/natural life of the household (oikos) and that of the polis. In fact: “The Greek city-state was, to use Carl Schmitt’s infamous formulation, a total state — a state that intervenes, if it so wishes, in all possible matters, in economy and in all the other spheres of human existence” (17). Okajangas goes into some detail citing, contra Arendt and Foucault, ancient Greek uses of household-management and shepherding as analogies for political rule.

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Aristotle appears as a genuine forerunner of modern scientific biopolitics in Ojakangas’ account. Aristotle’s politics was at once highly conventional, really reflecting more widespread Greek assumptions, and his truly groundbreaking work as an empirical scientist, notably in the field of biology. For Aristotle “the aim of politics and state administration is to produce good life by developing the immanent potentialities of natural life and to bring these potentialities to fruition” (17, cf. 107). Ojakangas goes on:

Aristotle was not a legal positivist in the modern sense of the word but rather a representative of sociological naturalism, as for Aristotle there is no fundamental distinction between the natural and the social world: they are both governed by the same principles discovered by empirical research on the nature of things and living beings. (55–56)

And: “although justice is based on nature, at stake in this nature is not an immutable and eternal cosmic nature expressing itself in the law written on the hearts of men and women but nature as it unfolds in a being” (109).

This entailed a notion of justice as synonymous with natural hierarchy. Okajangas notes: “for Plato justice means inequality. Justice takes place when an individual fulfills that function or work (ergon) that is assigned to him by nature in the socio-political hierarchy of the state — and to the extent that everybody does so, the whole city-state is just” (111). Biopolitical justice is when each member of the community is fulfilling the particular role to which he is best suited to enable the species to flourish: “For Plato and Aristotle, in sum, natural justice entails hierarchy, not equality, subordination, not autonomy” (113). Both Plato and Aristotle adhered to a “geometrical” conception of equality between humans, namely, that human beings were not equal, but should be treated in accordance with their worth or merit.

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Plato used the concepts of reason and nature not to comfort convention but to make radical proposals for the biological, cultural, and spiritual perfection of humanity. Okajangas rightly calls the Republic a “bio-meritocratic” utopia (19) and notes that “Platonic biopolitico-pastoral power” was highly innovative (134). I was personally also extremely struck in Plato by his unique and emphatic joining together of the biological and the spiritual. Okajangas says that National Socialist racial theoriar Hans F. K. Günther in his Plato as Protector of Life (1928) had argued  that “a dualistic reading of Plato goes astray: the soul and the body are not separate entities, let alone enemies, for the spiritual purification in the Platonic state takes place only when accompanied with biological selection” (13).[1]

Okajangas succinctly summarizes the decline of biopolitics in the ancient world. Politically this was related to the decline of the intimate and “total” city-state:

It indeed seems that the decline of the classical city-state also entailed a crisis of biopolitical vision of politics. . . . Just like modern biopolitics, which is closely linked to the rise of the modern nation-state, it is quite likely that the decline of biopolitics and biopolitical vision of politics in the classical era is related to the fall of the ethnically homogeneous political organization characteristic of the classical city-states. (118)

The rise of Hellenistic and Roman empires as universal, cultural states naturally entailed a withdrawal of citizens from politics and a decline in self-conscious ethnopolitics.

cicero1.jpgWhile Rome had also been founded as “a biopolitical regime” and had some policies to promote fertility and eugenics (120), this was far less central to Roman than to Greek thought, and gradually declined with the Empire. Political ideology seems to have followed political realities.  The Stoics and Cicero posited a “natural law” not deriving from a particular organism, but as a kind of cosmic, disembodied moral imperative, and tended to emphasize the basic commonality of human beings (e.g. Cicero, Laws, 1.30).

I believe that the apparently unchanging quality of the world and the apparent biological stability of the species led many ancient thinkers to posit an eternal and unchanging disembodied moral law. They did not have our insights on the evolutionary origins of our species and of its potential for upward change in the future. Furthermore, the relative commonality of human beings in the ancient Mediterranean — where the vast majority were Aryan or Semitic Caucasians, with some clinal variation — could lead one to think that biological differences between humans were minor (an impression which Europeans abandoned in the colonial era, when they encountered Sub-Saharan Africans, Amerindians, and East Asians). Missing, in those days before modern science and as White advocate William Pierce has observed, was a progressive vision of human history as an evolutionary process towards ever-greater consciousness and self-actualization.[2]

Many assumptions of late Hellenistic (notably Stoic) philosophy were reflected and sacralized in Christianity, which also posited a universal and timeless moral law deriving from God, rather than the state or the community. As it is said in the Book of Acts (5:29): “We must obey God rather than men.” With Christianity’s emphasis on the dignity of each soul and respect for the will of God, the idea of manipulating reproductive processes through contraception, abortion, or infanticide in order to promote the public good became “taboo” (121). Furthermore: “virginity and celibacy were as a rule regarded as more sacred states than marriage and family life . . . . The dying ascetic replaced the muscular athlete as a role model” (121). These attitudes gradually became reflected in imperial policies:

All the marriage laws of Augustus (including the system of legal rewards for married parents with children and penalties for the unwed and childless) passed from 18 BC onwards were replaced under Constantine and the later Christian emperors — and even those that were not fell into disuse. . . . To this effect, Christian emperors not only made permanent the removal of sanctions on celibates, but began to honor and reward those Christian priests who followed the rule of celibacy: instead of granting privileges to those who contracted a second marriage, Justinian granted privileges to those who did not  (125)

The notion of moral imperatives deriving from a disembodied natural law and the equality of souls gradually led to the modern obsession with natural rights, free will, and social contracts. Contrast Plato and Aristotle’s eudaimonic (i.e., focusing on self-actualization) politics of aristocracy and community to that of seventeenth-century philosopher Thomas Hobbes:

I know that in the first book of the Politics Aristotle asserts as a foundation of all political knowledge that some men have been made by nature worthy to rule, others to serve, as if Master and slave were distinguished not by agreement among men, but by natural aptitude, i.e. by their knowledge or ignorance. This basic postulate is not only against reason, but contrary to experience. For hardly anyone is so naturally stupid that he does not think it better to rule himself than to let others rule him. … If then men are equal by nature, we must recognize their equality; if they are unequal, since they will struggle for power, the pursuit of peace requires that they are regarded as equal. And therefore the eighth precept of natural law is: everyone should be considered equal to everyone. Contrary to this law is PRIDE. (De Cive, 3.13)

It does seem that, from an evolutionary point of view, the long era of medieval and early modern thought represents an enormous regression as compared with the Ancients, particularly the Greeks. As Ojakangas puts it: “there is an essential rupture in the history of Western political discourse since the decline of the Greek city-states” (134).

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Western biopolitics gradually returned in the modern era and especially with Darwin, who himself had said in The Descent of Man: “The weak members of civilized societies propagate their kind. No one who has attended to the breeding of domestic animals will doubt that this must be highly injurious to the race of man.”[3] And: “Man scans with scrupulous care the character and pedigree of his horses, cattle, and dogs before he matches them; but when he comes to his own marriage he rarely, or never, takes any such care.”[4] Okajangas argues that “the Platonic Aristotelian art of government [was] more biopolitical than the modern one,” as they did not have to compromise with other traditions, namely “Roman and Judeo-Christian concepts and assumptions” (137).

Okajangas’ book is useful in seeing the outline of the long tradition of Western biopolitical thinking, despite the relative eclipse of the Middle Ages. He says:

Baruch Spinoza was probably the first modern metaphysician of biopolitics. While Kant’s moral and political thought is still centered on concepts such as law, free will, duty, and obligation, in Spinoza we encounter an entirely different mode of thinking: there are no other laws but causal ones, the human will is absolutely determined by these laws, freedom and happiness consist of adjusting oneself to them, and what is perhaps most essential, the law of nature is the law of a self-expressing body striving to preserve itself (conatus) by affirming itself, this affirmation, this immanent power of life, being nothing less than justice. In the thought of Friedrich Nietzsche, this metaphysics of biopolitics is brought to its logical conclusion. The law of life is nothing but life’s will to power, but now this power, still identical with justice, is understood as a process in which the sick and the weak are eradicated by the vital forces of life.

I note in passing that William Pierce had a similar assessment of Spinoza’s pantheism as basically valid, despite the latter’s Jewishness.[5]

The 1930s witnessed the zenith of modern Western biopolitical thinking. The French Nobel Prize winner and biologist Alexis Carrel had argued in his best-selling Man the Unknown for the need for eugenics and the need for “philosophical systems and sentimental prejudices must give way before such a necessity.” Yet, as Okajangas points out, “if we take a look at the very root of all ‘philosophical systems,’ we find a philosophy (albeit perhaps not a system) perfectly in agreement with Carrel’s message: the political philosophy of Plato” (97).

Okajangas furthermore argues that Aristotle’s biocentric naturalist ethics were taken up in 1930s Germany:

Instead of ius naturale, at stake was rather what the modern human sciences since the nineteenth century have called biological, economical, and sociological laws of life and society — or what the early twentieth-century völkisch German philosophers, theologians, jurists, and Hellenists called Lebensgesetz, the law of life expressing the unity of spirit and race immanent to life itself. From this perspective, it is not surprising that the “crown jurist” of the Third Reich, Carl Schmitt, attacked the Roman lex [law] in the name of the Greek nomos [custom/law] — whose “original” meaning, although it had started to deteriorate already in the post-Solonian democracy, can in Schmitt’s view still be detected in Aristotle’s Politics. Cicero had translated nomos as lex, but on Schmitt’s account he did not recognize that unlike the Roman lex, nomos does not denote an enacted statute (positive law) but a “concrete order of life” (eine konkrete Lebensordnung) of the Greek polis — not something that ‘ought to be’ but something that “is”. (56)

Western biopolitical thought was devastated by the outcome of the World War II and has yet to recover, although perhaps we can begin to see glimmers of renewal.

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Okajangas reserves some critical comments for Foucault in his conclusion, arguing that with his erudition he could not have been ignorant of classical philosophy’s biopolitical character. He speculates on Foucault’s motivations for lying: “Was it a tactical move related to certain political ends? Was it even an attempt to blame Christianity and traditional Christian anti-Semitism for the Holocaust?” (142). I am in no position to pronounce on this, other than to point out that Foucault, apparently a gentile, was a life-long leftist, a Communist Party member in the 1950s, a homosexual who eventually died of AIDS, and a man who — from what I can make of his oeuvre — dedicated his life to “problematizing” the state’s policing and regulation of abnormality.

Okajangas’ work is scrupulously neutral in his presentation of ancient biopolitics. He keeps his cards close to his chest. I identified only two rather telling comments:

  1. His claim that “we know today that human races do not exist” (11).
  2. His assertion that “it would be childish to denounce biopolitics as a multi-headed monster to be wiped off the map of politics by every possible means (capitalism without biopolitics would be an unparalleled nightmare)” (143).

The latter’s odd phrasing strikes me as presenting an ostensibly left-wing point to actually make a taboo right-wing point (a technique Slavoj Žižek seems to specialize in).

In any event, I take Ojakangas’ work as a confirmation of the utmost relevance of ancient political philosophy for refounding European civilization on a sound biopolitical basis. The Greek philosophers, I believe, produced the highest biopolitical thought because they could combine the “barbaric” pagan-Aryan values which Greek society took for granted with the logical rigor of Socratic rationalism. The old pagan-Aryan culture, expressed above all in the Homeric poems, extolled the values of kinship, aristocracy, competitiveness, community, and manliness, this having been a culture which was produced by a long, evolutionary struggle for survival among wandering and conquering tribes in the Eurasian steppe. This highly adaptive traditional culture was then, by a uniquely Western contact with rationalist philosophy, rationalized and radicalized by the philosophers, untainted by the sentimentality of later times. Plato and Aristotle are remarkably un-contrived and straightforward in their political methods and goals: the human community must be perfected biologically and culturally; individual and sectoral interests must give way to those of the common good; and these ought to be enforced through pragmatic means, in accord with wisdom, with law where possible, and with ruthlessness when necessary.


[1]Furthermore, on a decidedly spiritual note: “ rather than being a Darwinist of sorts, in Günther’s view it is Plato’s idealism that renders him a predecessor of Nazi ideology, because race is not merely about the body but, as Plato taught, a combination of the mortal body and the immortal soul.” (13)

[2] William Pierce:

The medieval view of the world was that it is a finished creation. Since Darwin, we have come to see the world as undergoing a continuous and unfinished process of creation, of evolution. This evolutionary view of the world is only about 100 years old in terms of being generally accepted. . . . The pantheists, at least most of them, lacked an understanding of the universe as an evolving entity and so their understanding was incomplete. Their static view of the world made it much more difficult for them to arrive at the Cosmotheist truth.

William Pierce, “Cosmotheism: Wave of the Future,” speech delivered in Arlington, Virginia 1977.

[3] Charles Darwin, The Descent of Man and Selection in Relation to Sex (New York: Appleton and Company, 1882), 134.

[4]Ibid., 617. Interestingly, Okajangas points out that Benjamin Isaac, a Jewish scholar writing on Greco-Roman “racism,” believed Plato (Republic 459a-b) had inspired Darwin on this point. Benjamin Isaac, The Invention of Racism in Classical Antiquity (Princeton, New Jersey: Princeton University Press, 2004), 128.

[5]Pierce, “Cosmotheism.”

mardi, 20 février 2018

Revoir l’Europe: la construction européenne selon Laurent Wauquiez

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Revoir l’Europe: la construction européenne selon Laurent Wauquiez

par Georges FELTIN-TRACOL

LW-livbre.jpg« La force de l’Europe est sans doute d’avoir été perpétuellement traversée par une envie d’ailleurs, une forme de doute existentiel qui nous a poussés à aller toujours plus loin, à nous questionner et à nous remettre sans cesse en cause. Ce besoin de dépassement est pour moi la plus belle forme de l’esprit européen (p. 290). » C’est à tort qu’on attribuerait ces deux phrases à Guillaume Faye. Leur véritable auteur n’est autre que Laurent Wauquiez, le nouveau président du parti libéral-conservateur de droite Les Républicains. Il avait publié au printemps 2014 Europe : il faut tout changer. Cet essai provoqua le mécontentement des centristes de son propre mouvement, en particulier celui de son mentor en politique, Jacques Barrot, longtemps député-maire démocrate-chrétien d’Yssingeaux en Haute-Loire. Après sa sortie sur le « cancer de l’assistanat » en 2011, ce livre constitue pour l’ancien maire du Puy-en-Velay (2008 – 2016) et l’actuel président du conseil régional Auvergne – Rhône-Alpes une indéniable tunique de Nessus. Il convient cependant de le lire avec attention puisqu’il passe de l’européisme béat à un euro-réalisme plus acceptable auprès des catégories populaires.

Laurent Wauquiez avoue volontiers avoir cru à 16 ans que « nous serions cette génération qui accoucherait du fédéralisme européen (p. 9) ». Le projet européen conduit par François Mitterrand, Helmut Kohl et Jacques Delors stimulait son imagination juvénile. « La cause était entendue : les limites nationales étant trop étroites pour enfermer nos rêves de grands espaces, c’est résolument vers l’Europe que nos regards rêveurs se tournaient (p. 9). » Il ne s’agit pas d’une allusion aux grands espaces schmittiens : l’auteur ignore tout de ce penseur majeur du XXe siècle… Ce n’est pas son seul manque. Bien que major à l’agrégation d’histoire, il avoue volontiers ignorer la vie et l’action de Grundtvig (p. 256). Preuve qu’il n’a jamais lu les ouvrages de Jean Mabire. Trois décennies plus tard et après ses expériences d’élu local et de secrétaire d’État porte-parole du gouvernement (2007 – 2008), de secrétaire d’État chargé de l’Emploi (2008 – 2010), de ministre des Affaires européennes (2010 – 2011), et de ministre de l’Enseignement supérieure et de la Recherche (2011 – 2012), son enthousiasme s’étiole et se tiédit. Certes, « les grands desseins politiques ont besoin d’incarnation (p. 27) ». Or, il remarque à juste titre que « l’Europe manque cruellement de grands projets mobilisateurs et fédérateurs (p. 27) ».

Ses critiques font mouche quand il ironise respectivement sur la Commission européenne qualifiée de « tapir qui se regarde le nombril (p. 112) », le Conseil européen de « tribu des Lémuriens (p. 119) » dont « les grandes manœuvres [… en font un] pays des grands fauves (p. 123) », le Parlement européen de « grenouille et […] bœuf (p. 128) » et la Banque centrale européenne de « dernier rempart fédéral (p. 213) ». Il prévient que les bâtiments à Bruxelles – Strasbourg – Francfort – Luxembourg sont cernés par « la meute des lobbies (p. 135) ». À qui la faute ? À la sempiternelle coalition libérale – sociale-démocrate-chrétienne qui monopolise l’eurocratie ?

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Refonder politiquement l’Europe ?

Cet ouvrage s’inscrit dans la continuité des essais signés naguère par Michel Poniatowski, Philippe de Villiers, voire Bruno Mégret (1), avec cette sous-estimation notable des enjeux de puissance. Les manques y sont notables ! Laurent Wauquiez agrémente sa démonstration de nombreuses et parfois savoureuses anecdotes ministérielles. Ainsi, dès qu’il faut aborder les questions européennes, les députés français quittent-ils en masse l’hémicycle… Il déplore « la démission du politique face à l’expertise administrative (p. 121) » et constate que « c’est le politique qui a abandonné Bruxelles et non le fonctionnaire qui a pris la place (p. 123) ». Comment alors redonner aux institutions européennes un sens politique quand celles-ci persévèrent à neutraliser toute action du politique ?

Si les plumitifs le poursuivent de leur vindicte, c’est probablement parce que Laurent Wauquiez défend un « choc des civilisations » et les racines spirituelles de l’Europe. Outre l’humanisme et les Lumières, il se rabat sur l’habituel et paresseux triangle Athènes – Rome – Jérusalem bien qu’il reconnaisse que l’« apport barbare constituera la matrice des futurs États-nations (p. 287) ». À ses yeux, les billets en euro témoignent de l’absence d’identité concrète. « L’identité européenne vue par les institutions actuelles s’y trouve toute entière résumée : une construction artificielle, sans frontière, sans début, sans fin, sans contenu (p. 276). » Il assume pour sa part que « l’Europe a été chrétienne et on se condamne à ne rien comprendre si l’on cherche à tout prix à nier ce pan de notre histoire (p. 284). » En revanche, il ne voit pas Charlemagne en père de l’Europe. « Le véritable enfantement historique de l’Europe est le Moyen Âge. Cette naissance […] est la résultante de deux tendances : l’action du christianisme et l’opposition à l’islam (p. 279). » Il souligne que « notre histoire est une histoire commune, mais c’est l’histoire d’un affrontement entre la civilisation européenne et la civilisation ottomane (p. 168) ». Par conséquent, « historiquement, la Turquie n’a jamais été un pays européen. […] Le combat entre la Sublime Porte et les puissances européennes était un combat à mort pour la suprématie d’une puissance sur l’autre (p. 167) ». Cette logique d’affrontement est plus qu’actuelle avec la nouvelle Turquie du Reis Erdogan qui maintient son inacceptable occupation du Nord de Chypre et son blocus scandaleux envers la vaillante Arménie.

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La Turquie ne devrait pas rejoindre l’Union européenne comme d’autres États candidats à l’adhésion tels que « l’Ukraine a vocation à être un pays charnière entre Europe et Russie et doit le rester (p. 88) ». Il rappelle qu’à l’instar d’Emmanuel Macron, Nicolas Sarközy défendait l’élargissement aux États des Balkans, ce que ne veut pas Wauquiez qui rejette, quant à lui, les élargissements récents. Il considère même que « c’est l’élargissement qui a tué l’Europe (p. 293) ».

Pour ce livre, l’auteur entreprend un vibrant « plaidoyer pour une rupture (p. 171) ». Il existe une particularité européenne par rapport à d’autres continents eux aussi européens. « Il y a en Europe une combinaison de facteurs que l’on ne trouve pas en Amérique : l’enracinement dans un paysage (l’architecture, la nature travaillée par l’homme, les frontières); l’enracinement dans des langues et, au final, une recherche permanente d’équilibre (pp. 289 – 290). » C’est quand même à demi-mot que Laurent Wauquiez s’insurge contre une certaine forme du politique correct. « Tétanisés par Maastricht, les pro-européens n’osent plus émettre la moindre critique. Ils ont abdiqué toute forme d’esprit critique (p. 16). » D’après lui, « dénoncer les défaillances de l’Union européenne ne revient pas à se classer automatiquement dans le camp des anti-européens (p. 22) ». Les pro-européens manquent de lucidité critique, ce qui favorise la perdition certaine des institutions de l’Union pseudo-européenne. Il condamne l’idéologie mortifère de la Direction générale de la concurrence sise à Bruxelles. Ses lubies idéologiques ultra-libérales nuisent aux intérêts européens. « La concurrence devrait être un moyen et non une fin en soi (p. 47). » Quant aux normes de plus en plus intrusives et dispendieuses, elles « ne sont pas une dérive, elles sont le mal profond d’une Europe qui faute de faire des grands projets s’ennuie dans des sujets accessoires (p. 34) ». Les instances soi-disant européennes ne sont pas les seuls responsables de cet ennui existentiel. « Les États membres contribuent à cette dérive (p. 33). » Qu’on ne s’étonne pas ensuite que « l’Europe n’arrive plus à dépasser les lobbies et les querelles d’intérêts entre États membres (p. 34) ». En effet, « dans les négociations européennes, chacun met toute sa pugnacité à faire reconnaître tel ou tel particularisme local, qui alimente encore plus le luxe de détail des directives européennes (p. 33) ». L’absence de coordination effective incite les participants à jouer leur propre carte sans s’aviser de la dimension continentale des défis. Par ailleurs, bien qu’impolitique, « l’Europe a une capacité étonnante à se faire des ennemis. L’accès aux aides européennes est ainsi un épouvantable parcours du combattant (p. 25) ». Il regrette par exemple la lenteur d’application du programme Galileo du fait de la nonchalance du commissaire italien de l’époque, Antonio Tajani, « un homme sympathique mais qui a manqué de rigueur et de détermination (p. 29) ». Aujourd’hui, Antonio Tajani préside le Parlement européen et serait le probable candidat Forza Italia de Silvio Berlusconi à la fonction de président du Conseil en cas de victoire aux législatives de mars prochain de la Coalition des droites.

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Pour l’euro

Laurent Wauquiez se veut pragmatique. S’il s’oppose à « notre folie libre-échangiste (p. 226) », il aimerait que « l’Europe doit nous permettre de bâtir un patriotisme industriel européen à même de faire face à la Chine et aux États-Unis (p. 53) ». Cela ne l’empêche pas d’approuver la logique libre-échangiste globalitaire de l’OMC. Il paraît ne pas connaître les travaux d’Emmanuel Todd, ni même les écrits du Prix Nobel d’économie Maurice Allais qui était un libéral atypique. Wauquiez aurait tout intérêt à s’en inspirer. Mais il ne le fera pas de crainte de déplaire aux médiats officiels de désinformation.

L’entité soi-disant européenne est une bureaucratie. Soit ! Mais « quand la technocratie prend le pouvoir, ce n’est pas la technocratie qu’il faut blâmer mais le politique (p. 214) ». Comment politiser l’Europe alors que celle-ci est foncièrement impuissante ? La question se fait pressante. Par « un réarmement intellectuel à un moment où l’Europe doit faire face aux défis venus des continents qui se réveillent (p. 279) », écrit-il. Il se doute que « le danger est tout simplement que l’Europe sorte de l’histoire et s’enfonce dans une molle décadence (p. 21) ». Pour Laurent Wauquiez, l’Europe est une nécessité, sinon « ce rendez-vous est sans doute le dernier. […] Différer, attendre, revient à choisir de sortir de l’histoire. Nous sommes dans la position des empires décadents. Nous avons encore la possibilité de choisir notre destin, mais demain il sera trop tard et l’avenir se fera alors sans nous (p. 297) ». Il réclame un changement profond des structures institutionnelles européennes. La France devrait sortir de l’Espace Schengen, retrouver la maîtrise complète de ses frontières, exiger que l’immigration revienne aux États membres et que Paris pratique une politique migratoire fondée sur des quotas ! Dans le même temps, l’Union dite européenne devrait établir des limites géographiques précises à son extension. « Oui, il faut des frontières, oui, il faut des protections et des règles : cela vaut pour l’immigration comme pour l’économie. L’Europe, si elle renonce à défendre son limes, se condamne (p. 252). »

Hostile au sans-frontièrisme, il conspue l’action délétère de la Cour européenne des droits de l’homme et invite les fonctionnaires européens à travailler pour de courtes périodes dans les administrations nationales. Là où son discours ne surprend plus concerne la monnaie unique. Laurent Wauquiez « reste convaincu que renoncer à l’euro serait une folie (p. 195) ». Parlant des États membres de l’Eurolande, il a bien compris que « l’euro les oblige à être ensemble mais la réalité est que leurs divergences restent fortes et ne permettent pas de constituer un véritable affectio societatis européen (p. 181) ». En fait, « la crise de l’euro n’est pas une crise de la dette ou des déficits excessifs. […] La crise de l’euro est avant tout la crise de pays dont les chemins économiques divergeaient de plus en plus et qui n’avaient plus du tout la même compétitivité. Les marchés se sont tout simplement pris à douter qu’il soit possible de tenir la même monnaie entre une Allemagne forte et une Grèce ou une Espagne exsangues sur le plan économique (p. 199) ». Il ignore là encore l’influence néfaste de la Haute Finance cosmopolite. Donc, conclut-il, « l’euro a besoin d’un exécutif fort (p. 217) ». Oui, mais comment ?

euro-373008_640.jpgIl reste sur ce point d’une grande ambiguïté. « Toute tentation fédéraliste, tout renforcement quel qu’il soit des institutions européennes dans le cadre actuel doit être systématiquement rejeté (pp. 293 – 294). » Il est révélateur qu’il n’évoque qu’une seule fois à la page 187 la notion de subsidiarité. Il pense en outre qu’« il n’y a pas un peuple européen, et croire qu’une démocratie européenne peut naître dans le seul creuset du Parlement européen est une erreur. Il faut européaniser les débats nationaux (p. 139) ». Dommage que les Indo-Européens ne lui disent rien. Il reprend l’antienne de Michel Debré qui craignait que le Parlement européen s’érigeât en assemblée constituante continentale. « Construire l’Europe avec la volonté de tuer la nation est une profonde erreur (p. 285). » À quelle définition de la nation se rapporte-t-il ? La nation au sens de communauté de peuple ethnique ou bien l’État-nation, modèle politique de l’âge moderne ? En se référant ouvertement à la « Confédération européenne » lancée en 1989 – 1990 par François Mitterrand et à une « Europe en cercles concentriques » pensée après d’autres par Édouard Balladur tout en oubliant que celui-ci ne l’envisageait qu’en prélude à une intégration pro-occidentale atlantiste avec l’Amérique du Nord, Laurent Wauquiez soutient une politogenèse européenne à géométrie variable. Dans un scénario de politique-fiction qui envisage avec deux ans d’avance la victoire du Brexit, il relève que « le Royaume-Uni a quitté l’Union européenne suite à son référendum, mais a contribué à faire évoluer les 27 autres États membres pour qu’ils acceptent une forme plus souple de coopération autour d’un marché commun moins contraignant (p. 191) ». D’où une rupture radicale institutionnelle.

Un noyau dur « néo-carolingien »

EUR6.pngLa configuration actuelle à 28 ou 27 laisserait la place à une entente de six États (Allemagne, Belgique, Espagne, France, Italie et Pays-Bas) qui en exclurait volontairement le Luxembourg, ce paradis fiscal au cœur de l’Union. « Le noyau dur à 6 viserait une intégration économique et sociale forte (p. 185). » Il « pourrait s’accompagner d’un budget européen, poursuit encore Wauquiez, qui aurait comme vocation de financer de grands projets en matière de recherche, d’environnement et de développement industriel (p. 186). » On est très loin d’une approche décroissante, ce qui ne surprend pas venant d’un tenant du productivisme débridé. Cette « Union à 6 » serait supervisée par « une Commission restreinte à un petit nombre de personnalités très politiques qui fonctionnerait comme un gouvernement élu par le Parlement (pp. 187 – 188) ». S’il ne s’agit pas là d’une intégration fédéraliste, les mots n’ont aucun sens ! Laurent Wauquiez explique même que « la politique étrangère et la défense sont d’ailleurs toujours parmi les premières politiques mises en commun dans une fédération ou une confédération d’États (p. 92) ». Il n’a pas tort de penser que ce véritable cœur « néo-carolingien » (2) serait plus apte à peser sur les décisions du monde et surtout d’empêcher le déclin de la civilisation européenne. Faut-il pour le moins en diagnostiquer les maux ? « La première défaite, observe-t-il, c’est d’abord une Europe qui a renoncé à être une puissance mondiale. Elle accepte d’être un ventre mou sans énergie et sans muscle. Elle a abandonné toute stratégie et ne cherche plus à faire émerger des champions industriels (pp. 250 – 251) ». L’effacement de l’Europe a été possible par l’influence trouble des Britanniques. Londres imposa la candidature de l’insignifiante Catherine Ashton au poste de haut-représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité « a méthodiquement planifié par son inaction l’enlisement de la politique étrangère de sécurité et de défense (p. 90) ». Un jour, Laurent Wauquiez discute avec son homologue britannique. Quand il lui demande pourquoi avoir choisi cette calamité, le Britannique lui répond qu’« elle est déjà trop compétente pour ce qu’on attend d’elle et de la politique étrangère européenne, c’est-à-dire rien (p. 90) ». Résultat, le projet européen verse dans l’irénisme. « L’Europe a pensé que sa vertu seule lui permettrait de peser alors qu’il lui manquait la force, la menace, les outils d’une diplomatie moins morale mais plus efficace (p. 93). » L’essence de la morale diverge néanmoins de l’essence du politique (3).

Map_of_Visegrad_Group.pngAutour de ce Noyau dur européen s’organiseraient en espaces concentriques une Zone euro à dix-huit membres, puis un marché commun de libre-échange avec la Grande-Bretagne, la Pologne et les Balkans, et, enfin, une coopération étroite avec la Turquie, le Proche-Orient et l’Afrique du Nord. Cette vision reste très mondialiste. L’auteur n’envisage aucune alternative crédible. L’une d’elles serait une Union continentale d’ensembles régionaux infra-européens. Au « Noyau néo-carolingien » ou « rhénan » s’associeraient le « Groupe de Visegrad » formellement constitué de la Pologne, de la Hongrie, de la Tchéquie, de la Slovaquie, de l’Autriche, de la Croatie et de la Slovénie, un « Bloc balkanique » (Grèce, Chypre, Bulgarie, Roumanie), un « Ensemble nordico-scandinave » (États baltes, Finlande, Suède, Danemark) et un « Axe » Lisbonne – Dublin, voire Édimbourg ? C’est à partir de ces regroupements régionaux que pourrait ensuite surgir des institutions communes restreintes à quelques domaines fondamentaux comme la politique étrangère, la macro-économie et la défense à condition, bien sûr, que ce dernier domaine ne soit plus à la remorque de l’Alliance Atlantique. Il est très révélateur que Laurent Wauquiez n’évoque jamais l’OTAN. Son Europe ne s’affranchit pas de l’emprise atlantiste quand on se souvient qu’il fut Young Leader de la French-American Foundation.

Dès lors, il a beau proclamé que « l’Europe c’est […] faire ensemble des projets que l’on ne peut faire seul, aborder fièrement la concurrence et montrer à la face du monde qu’unis, les Européens ont de l’énergie à revendre, qu’ils forment un continent d’ingénieurs et d’industriels capables de relever tous les défis (p. 39) ». Cela reste de pieuses intentions. Tout son exposé se fonde sur les méthodes viciées de la démocratie bourgeoise libérale représentative et de la sinistre partitocratie.

Étonnante synthèse

JMon-Time.jpgLaurent Wauquiez méconnaît les thèses fédéralistes intégrales et non-conformistes. Il semble principalement tirailler entre Jean Monnet et Philippe Seguin. « Les deux sont morts aujourd’hui, et c’est la synthèse de Monnet et Séguin qu’il faut trouver si l’on veut sauver l’Europe (p. 18). » Cette improbable synthèse ne ferait qu’aggraver le mal. Wauquiez affirme que « Monnet et Séguin avaient raison et il faut en quelque sorte les réconcilier (p. 17) ». À la fin de l’ouvrage, il insiste une nouvelle fois sur ces deux sinistres personnages. « La vision de Monnet n’a sans doute jamais été aussi juste ni d’autant d’actualité (p. 293) » tandis que « définitivement, Philippe Séguin avait raison et le chemin suivi depuis maintenant vingt ans est en mauvais chemin (p. 291) ». Se placer sous le patronage à première vue contradictoire de Monnet et de Séguin est osé ! Jean Monnet le mondialiste agissait en faveur de ses amis financiers anglo-saxons. Quant à Philippe Séguin qui prend dorénavant la posture du Commandeur posthume pour une droite libérale-conservatrice bousculée par le « bougisme » macronien, cet ennemi acharné de la Droite de conviction représentait toute la suffisance, l’illusion et l’ineptie de l’État-nation dépassé. Sa prestation pitoyable lors du débat avec François Mitterrand au moment du référendum sur Maastricht en 1992 fut l’un des deux facteurs décisifs (le second était la révélation officielle du cancer de la prostate de Mitterrand) qui firent perdre le « Non » de justesse le camp du non. François Mitterrand n’aurait jamais débattu avec Marie-France Garaud, Philippe de Villiers ou Jean-Marie Le Pen…

Europe : il faut tout changer est un essai qui tente de trouver une voie médiane entre une Union actuelle en dysfonctionnement total et l’option souverainiste. Certaines suggestions paraissent intéressantes, mais Laurent Wauquiez demeure malgré tout un modéré. S’il a les mêmes convictions que Séguin, voire du Chirac de l’« appel de Cochin » (décembre 1978), les droitards sans cesse cocufiés risquent de voir leurs cornes encore plus poussées… Wauquiez devine l’enjeu européen sans s’extraire du train-train politicien. Pas sûr que cet entre-deux de pondération mitigé incite les électeurs de la « France périphérique » à voter pour la liste que soutiendra Wauquiez aux élections européennes de 2019.

Georges Feltin-Tracol

Notes

1 : cf. de Michel Poniatowski, l’excellent L’avenir n’est écrit nulle part, Albin Michel, 1978, et L’Europe ou la mort, Albin Michel, 1984; de Philippe de Villiers, Notre Europe sans Maastricht, Albin Michel, 1992, La Machination d’Amsterdam, Albin Michel, 1998, etc., de Bruno Mégret, La Nouvelle Europe. Pour la France et l’Europe des nations, Éditions nationales, 1998, L’Autre Scénario pour la France et l’Europe, Éditions Cité Liberté, 2006, ou Le Temps du phénix. Récit d’anticipation, Éditions Cité liberté, 2016.

2 : Ce cœur « néo-carolingien » ou « rhénan » s’apparente aux thèses de Marc Rousset développées dans La nouvelle Europe de Charlemagne. Le pari du XXIe siècle (Économica, 1995), préface d’Alain Peyrefitte.

3 : cf. Julien Freund, L’essence du politique, Dalloz, 2003.

• Laurent Wauquiez, Europe : il faut tout changer, Odile Jacob, 2014, 302 p.

lundi, 19 février 2018

L'Homme en son temps et en son lieu de Bernard Charbonneau

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L'Homme en son temps et en son lieu de Bernard Charbonneau

par Juan Asensio

Ex: http://www.juanasensio.com


Quel merveilleux petit texte que cet Homme en son temps et en son lieu dont bien des fulgurances pourraient être rapprochées des pensées d'un Max Picard sur le délitement de notre monde, la fuite de Dieu et la déréliction de l'homme contemporain, celui des foules !

Aussi court soit-il, le texte de Bernard Charbonneau, écrit en 1960 alors qu'approchant de la cinquantaine, il n'a pas encore publié un seul ouvrage comme Jean Bernard-Maugiron l'explique dans sa Préface, est remarquable d'intuitions et de profondeurs, mais aussi de paradoxes. C'est sans doute d'ailleurs la nature essentiellement paradoxale des propositions que Charbonneau ne prend guère le temps d'expliciter en concaténations de pesants concepts qui risque de dérouter le lecteur, non seulement de plus en plus paresseux mais, et c'est plus grave, de moins en moins capable de comprendre une intelligence et une écriture qui avancent par bonds et intuitions plutôt que par démonstrations.

41B64ffrThL._SX292_BO1,204,203,200_.jpgL'homme est au centre de l'univers selon Charbonneau, qui ouvre son texte de bien belle façon en affirmant qu'avant «l'acte divin, avant la pensée, il n'y a ni temps, ni espace : comme ils disparaîtront quand l'homme aura disparu dans le néant, ou en Dieu» (1). Si l'homme se trouve au centre d'une dramaturgie unissant l'espace et le temps, c'est qu'il a donc le pouvoir non seulement d'organiser ces derniers mais aussi, bien évidemment, de les déstructurer, comme l'illustre l'accélération du temps et le rapetissement de l'espace dont est victime notre époque car, «si nous savons faire silence en nous, nous pouvons sentir le sol qui nous a jusqu'ici portés vibrer sous le galop accéléré d'un temps qui se précipite», et comprendre que nous nous condamnons à vivre entassés dans un «univers concentrationnaire surpeuplé et surorganisé» (le terme concentrationnaire est de nouveau employé à la page 31, puis à la page 50), où l'espace à l'évidence mais aussi le temps nous manqueront, alors que nous nous disperserons «dans un vide illimité, dépourvu de bornes matérielles, autant que spirituelles».

Ainsi ni l'espace ni le temps ne sont a priori hostiles à l'homme, pourvu bien sûr que celui-ci, en s'obstinant à «remonter sa pente», finisse «un jour ou l'autre par dominer sa vie» (p. 20). Charbonneau a écrit son livre pour saluer l'unique beauté de l'homme : sa liberté, moins donnée que conquise. Cela signifie qu'il doit tenter de maîtriser l'espace et le temps, mais point tenter de les soumettre ni de les forcer, car la tentation totalitaire dont nous faisons montre ne peut que nous conduire à dépasser toutes les bornes, c'est le cas de le dire : «Notre faim d'espace nous conduira peut-être à la quitter [la Terre] en nous lançant dans le vide interstellaire, mais cette liberté n'appartiendra pas à un individu, tout au plus à un Empire. Il ne reste plus aux individus qu'un espace où se perdre : celui d'un vide intérieur où tourbillonnent des mondes imaginaires» (p. 25), car c'est à l'individu isolé que sont réservées «les errances du Bateau ivre, et aux ingénieurs et aux militaires disciplinés les fusées» (p. 26).

De la même façon, c'est son désir de maîtriser le temps qui confère à l'homme la volonté d'affronter le devenir qui est destruction, puisque c'est «le heurt de ce torrent du devenir sur sa conscience vacillante qu'il appelle le temps" (p. 28). Comme chez Max Picard, l'homme selon Charbonneau ne peut qu'exister dans la continuité, sauf à n'être qu'un démiurge dont le néant troue non seulement la conscience mais l'action, ainsi que l'est Adolf Hitler selon l'auteur de L'Homme du néant. Dès lors, écrit Charbonneau, si l'homme «renonçait à dominer la durée, son dernier éclair de conscience lui révélerait le visage d'un monstre, avant de s'éteindre dans l'informité du néant", car l'abandon à l'instant poursuit l'auteur, «la religion du devenir qualifiée de Progrès, ne sont que fantasme et fracas dansant sur l'abîme où le cours du temps engloutit l'épave de l'humanité» (p. 30).

9782021163025.jpgHélas, l'homme moderne ne semble avoir de goût, comme le pensait Max Picard, que pour la fuite et, fuyant sans cesse, il semble précipiter la création entière dans sa propre vitesse s'accroissant davantage, la fuite appelant la fuite, bien qu'il ne faille pas confondre cette accélération avec le «rythme d'une existence humaine [qui] est celui d'une tragédie dont le dénouement se précipite». Ainsi, la «nuit d'amour dont l'aube semblait ne jamais devoir se lever n'est plus qu'un bref instant de rêve entre le jour et le jour; du printemps au printemps, les saisons sont plus courtes que ne l'étaient les heures. Vient même un âge qui réalise la disparition du présent, qui ne peut plus dire : je vis, mais : j'ai vécu; où rien n'est sûr, sinon que tout est déjà fini» (p. 22).

C'est le caractère éphémère de la vie humaine, nous le savons bien, qui en fait tout le prix, et c'est aussi en affirmant sa liberté qu'il arrivera à faire du temps et de l'espace autre chose que des grilles où s'entrecroisent courbes et dates, de véritables dimensions où il pourra se risquer : «La liberté se risque, mais se situe. Devant elle, s'étendent les brumes du doute et de l'angoisse, les ténèbres de l'erreur. Mais elle taillera sa voie dans le vide si, partant d'un roc inébranlable, elle se fixe à l'étoile qui ne varie pas» (p. 32). Mais comment se fixer un cap si nous ne cessons de nous agiter et si nous détruisons l'espace qui nous a été donné, et le temps accordé pendant lequel gagner notre liberté ? Comment prétendre conquérir notre propre liberté en faisant de l'espace et du temps des territoires à explorer si le mouvement de l'histoire s'élargit comme la fissure d'une banquise (cf. p. 38) et que «le monde change trop pour que nous ne changions pas nous-mêmes», tandis que «le cours de ces changements est maintenant plus rapide que celui d'une vie» (p. 39) ?

Partant, «l'homme, aujourd'hui, sait qu'il meurt deux fois; les amarres qui l'ancraient dans le temps se sont rompues. Il le voit s'écouler sans fin au-delà de lui-même, comme une machine dont les freins auraient cédé sur la pente d'un abîme sans fond; tel un Styx qui tourbillonnerait éternellement tout autour de l’œil bleu de l'instant. D'autres civilisations, un autre homme... puis autre chose qui ne serait ni l'univers, ni le temps...» (p. 40), qui ne serait rien sans doute, qui serait le Néant, qui serait un temps et un espace privés d'homme pour en ordonner les royaumes, y promener son insatiable curiosité, en étudier les richesses prodigieuses.

De la même manière que le temps, l'espace est déformé, moins courbé que détruit, car nous «sommes tous là, les uns sur les autres, les Chinois de Taichen, les boutiquiers du Lot, les mineurs de la Ruhr, coincés entre Eisenhower et Khrouchtchev, dans ce globe qui tourne en rond dans le vide» (p. 41), et aussi car il n'y a plus «d'espace infini, d'au-delà sur terre; plus d'inconnu et de terreurs, mais aussi plus de terres libres dans un pays neuf pour le pauvre et le vaincu. Le désert où fuyait le prophète devient la zone interdite où César cache ses secrets d’État» (p. 42). C'est en somme dire que si tout nous maintient à notre place, «rien ne nous attache», puisque nous «n'avons ni feu ni lieu" et que «nous sommes perpétuellement en marche vers un ailleurs, que nous soyons le touriste individuel ou le numéro matricule de quelque division motorisée» (p. 43).

Le constat que pose Bernard Charbonneau est pour le moins amer, crépusculaire : que faire pour que la «tradition vivante» (p. 47) puisse résister à l'écoulement du temps ? Je ne suis pas certain que nous puissions lire le petit texte fulgurant de l'auteur comme un de ces manifestes faciles qui, aux idiots qui aiment se leurrer, fixent un cap commode agrémenté d'une multitude de repères clignotant comme autant de sémaphores dans la nuit ainsi balisée. Je n'en suis pas sûr car nous manquent les raisons de ne pas fuir l'atrocité de ce monde, mais de la combattre. En effet, «le monde actuel s'attaque à l'homme par deux voies apparemment contradictoires : d'une part, en l'attachant à une action et à des biens purement matériels; de l'autre, en privant ce corps sans âme de toute relation profonde avec la réalité». Dès lors, répudiant, selon l'auteur, «ce matérialisme et cet idéalisme, un homme réel, mais libre, cherchera d'abord à s'enraciner en un lieu», ce qui supposera qu'il accepte l'immobilité, qualifiée par l'auteur comme étant un «autre silence», et cela «afin de pénétrer ce lieu en profondeur plutôt que de se disperser en surface». Or, pour «accepter ainsi de rester à la même place», et, de la sorte, ne pas fuir, il faut que ce lieu en soit un, «et non pas quelque point abstrait» (p. 49). Il nous manque donc ce que George Steiner a appelé la réelle présence et d'autres, moins suspects de lorgner vers le vocabulaire de la théologie catholique, des raisons de ne pas désespérer.
Il faudrait dès lors tenter de faire renaître une société véritablement libre, et privilégier pour ce faire «la maison plutôt que l'immeuble, le bourg plutôt que la ville», solutions que nous sommes en droit de penser totalement inapplicables au monde actuel, comme s'en avise l'auteur qu'il serait ridicule de qualifier de doux naïf, qui affirme qu'elles «exigent évidemment une population moins dense et une autre économie» (p. 50) sur laquelle il ne souffle mot, alors que les dernières lignes de son texte semblent trahir la véritable nature de l'attente de l'auteur et, au fond, et même dans ses formes les plus bassement politicardes, de l'écologie, qui est proprement apocalyptique, messianique peut-être. De ce fait, toute écologie conséquente avec ses présupposés métaphysiques est parfaitement irréalisable dans le cadre d'une banale politique de la ville et même, plus largement, sauf à parier sur celui d'une organisation méta-politique de l'homme moderne dont, une fois de plus, Charbonneau ne nous dit rien, du moins dans ce petit texte, si ce n'est, magnifiquement, cela : «Puissions-nous accepter notre vie, soutenus par la nostalgie d'un autre règne, où l'espace et le temps, l'homme, ne seraient pas abolis mais accomplis», et aussi où «la moindre poussière et la plus humble seconde seraient recueillies dans le triomphe d'un amour infini» (p. 51).

Note
(1) Bernard Charbonneau, L'Homme en son temps et en son lieu (préface de Jean Bernard-Maugiron, RN Éditions, 2017), p. 19. Je salue une nouvelle fois ce jeune éditeur, aussi courageux qu'intéressant dans ses choix de publication.

Considérations sur la France de Joseph de Maistre

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Considérations sur la France de Joseph de Maistre

par Juan Asensio

Ex: http://www.juanasensio.com

Voir aussi: L'état de la parole depuis Joseph de Maistre (étude sur les rapports entre Les Soirées de Saint-Pétersbourg et Cœur des ténèbres de Joseph Conrad).


Les temps étant ce qu'ils sont puisqu'ils glissent à la facilité générale, nous ne nous étonnerons pas que les Éditions Bartillat dont nous avons évoqué plus d'un ouvrage se soient contentées de reproduire les Considérations sur la France telles qu'elles avaient été publiées à Bruxelles par les éditions Complexe, en 1988, agrémentées d'une préface de Pierre Manent qui a été reprise à l'identique. Il y a toutefois deux différences assez significatives entre ces éditions de poche successives : la première proposait au lecteur le texte mentionné suivi d'un intéressant Essai sur le principe générateur des constitutions politiques absent de la seconde, cette dernière ajoutant par ailleurs un nombre conséquent de fautes diverses et variées à la première (1).

Même une faute par phrase, et avouons que c'est une chance pour Bartillat, ne suffirait pas à nous gâcher l'intérêt de ces Considérations sur la France qui paraissent en 1797, l'Introduction que Pierre Glaudes donne à ce texte, dans une édition infiniment plus soignée, évoquant les différents modèles et contre-modèles dont Joseph de Maistre a pu s'inspirer, comme la Lettre à un ami de Louis-Claude de Saint-Martin ou encore De la force du gouvernement actuel et de la nécessité de s'y rallier de Benjamin Constant.

9782841006359.jpgPourtant, les Considérations sur la France sont bien autre chose, comme le souligne ce même Pierre Glaudes, qu'un simple pamphlet contre-révolutionnaire puisque ce texte «est aussi un essai de philosophie politique et une vaste méditation sur l'histoire, aux ambitions métaphysiques» assez évidentes, preuve que la grande et mystérieuse «illumination» (voir p. 185 de l'Introduction précédemment citée) qui au cours de l'été 1794 a modifié profondément la vision qu'avait Joseph de Maistre de la Révolution n'a pas été qu'une simple métaphore derrière laquelle, d'habitude, se cache un événement finalement banal mais qui aura pu être, pour l'intéressé, comme l'impureté autour de laquelle l'huître forme sa perle. Pierre Manent lui aussi est d'accord pour souligner l'importance du texte de Joseph de Maistre, dans lequel son célèbre providentialisme est mis à l'honneur, bien qu'il n'ait pas manqué d'opposants. Pourtant, comme Pierre Manent le remarque, «toute la pensée européenne, à la suite précisément et en conséquence de cette même révolution, allait devoir faire face à la même difficulté : si les événements ne sont pas intelligibles à partir des intentions et des actions des acteurs politiques placés dans des circonstances données, où est le principe d'intelligibilité ?» (p. 9).

Le providentialisme de Joseph de Maistre, Pierre Manent a d'ailleurs bien conscience d'énoncer un paradoxe, est un humanisme pour le moins étrange, bien qu'il s'oppose au constructivisme des modernes, car l'homme, pour l'auteur des Soirées de Saint-Pétersbourg, peut sembler n'être qu'un vassal très obéissant, qui de toute façon ne peut guère modifier le cours des événements : «L'homme ne peut faire advenir ce qui n'est pas; il peut tout au plus faire advenir ce qui est déjà, le rendre visible» (pp. 10-1). Pierre Manent résume l'aporie à laquelle la position providentialiste de Maistre nous confronte, lequel «veut restaurer la souveraineté royale dans sa splendeur, sise au-dessus des hommes qui ont voulu se l'approprier et au sens strict la faire. Mais puisque précisément les hommes ne peuvent pas faire la souveraineté, elle est toujours déjà là», seulement dormante, comme en attente d'être découverte, relevée, utilisée. Et le commentateur de poursuivre : «Dès lors qu'un corps politique dure, la souveraineté est présente. Le désir maistrien de restaurer la souveraineté ne peut être que désir de la voir restaurée par les circonstances. L'attitude politique de Maistre paraît extraordinairement agressive ou polémique; c'est qu'il s'agit de résister à la tentation quiétiste qui est consubstantielle à sa pensée; contempler la présence permanente de la souveraineté qui ne fait qu'un avec l'histoire de la nation» (pp. 15-6, l'auteur souligne).

De fait, et Pierre Glaudes a raison d'insister sur ce point, la pensée providentialiste de Joseph de Maistre est un paradoxisme «où le jeu des antinomies et, plus encore, leur ultime renversement suspendent l'esprit entre la terreur et l'admiration» (Introduction, op. cit., p. 189), paradoxisme tout entier contenu dans la première ligne de l'ouvrage («Nous sommes tous attachés au trône de l’Être suprême par une chaîne souple, qui nous retient sans nous asservir», p. 21) et la si célèbre dernière ligne du chapitre 10 («le rétablissement de la monarchie, qu'on appelle contre-révolution» qui fut le sujet d'un ouvrage de Thomas Molnar, «ne sera point une révolution contraire, mais le contraire de la Révolution, p. 157, l'auteur souligne) (2).

Il n'est pas étonnant que le texte de Joseph de Maistre, servi par une langue riche en images surprenantes, soit non seulement ambivalent mais paradoxal, puisque ses Considérations sur la France eussent pu s'intituler Considérations sur la Providence, qui est en fait le véritable moteur de l'Histoire humaine selon l'auteur, et comme«une main souveraine» (p. 149) : la Providence est l'ordre, et elle n'est jamais plus visible que «lorsque l'action supérieure se substitue à celle de l'homme et agit toute seule», la principale caractéristique de la Révolution française, outre son caractère parfaitement satanique (3), étant sa force surpuissante d'entraînement. Rien ne résiste en effet à «cette force entraînante qui courbe tous les obstacles», puisque son «tourbillon emporte comme une paille légère tout ce que la force humaine a su lui opposer», personne n'ayant «contrarié sa marche impunément» (p. 23). Joseph de Maistre insiste sur ce point : «Le torrent révolutionnaire a pris successivement différentes directions; et les hommes les plus marquants dans la révolution n'ont acquis l'espèce de puissance et de célébrité qui pouvait leur appartenir, qu'en suivant le cours du moment : dès qu'ils ont voulu le contrarier ou seulement s'en écarter en s'isolant, en travaillant trop pour eux, ils ont disparu de la scène» (p. 25). Nous sentons la justesse de la vue de Joseph de Maistre à la lecture du somptueux Siècle des Lumières d'Alejo Carpentier, l'écrivain ajoutant, à ce torrent qui emporte tout sur son passage, l'évidence de l'absurdité d'une histoire qui ne cesse de se redire.

C'est la violence même de l'événement révolutionnaire qui en signe l'appartenance à un ordre supérieur, invisible, qu'il convient de pouvoir discerner, comme seul peut le faire un voyant («mais quel œil peut apercevoir cette époque ?» se demande ainsi l'auteur, p. 142; le sien, bien sûr !) : «On dit fort bien, quand on dit qu'elle va toute seule. Cette phrase signifie que jamais la Divinité ne s'était montrée de manière si claire dans aucune événement humain». Dès lors, si la Divinité agissante au travers de la Révolution «emploie les instruments les plus vils, c'est qu'elle punit pour régénérer» (p. 26, l'auteur souligne).

9782919601912.jpgLe providentialisme de Joseph de Maistre ne saurait être séparé de la théorie d'une régénération de la France par l'épreuve et le sang. L'image suivante est saisissante à ce titre : «Chaque goutte du sang de Louis XVI en coûtera des torrents à la France; quatre millions de Français, peut-être, paieront de leurs têtes le grand crime national d'une insurrection anti-religieuse et anti-sociale, couronnée par un régicide» (p. 31). C'est la Providence, donc, qui punit. Certes, elle n'a pas besoin de punir «dans le temps pour justicier ses voies» mais, précise Joseph de Maistre, «à cette époque elle se met à notre portée, et punit comme un tribunal humain» (p. 33), étant donné que «tous les monstres que la révolution a enfantés n'ont travaillé, suivant les apparences, que pour la royauté» (p. 36).

Le châtiment qu'est la Révolution est donc juste selon Joseph de Maistre, et il convient de remarquer ainsi qu'elle a criblé les prêtres (cf. p. 39). En effet, si la Providence «efface, sans doute c'est pour écrire» (p. 40), car la «grande commotion» (p. 43), la «grande époque» qu'est la Révolution française, dont les suites «se feront sentir bien au-delà du temps de son explosion et des limites de son foyer» (p. 42), a provoqué une «horrible effusion du sang humain», ce «moyen terrible» étant en fait «un moyen autant qu'une punition» (p. 43).

Joseph de Maistre est dès lors beaucoup moins royaliste que le Roi, puisqu'il admet qu'il faut que la Révolution aille jusqu'au bout de ses terribles connaissances avant qu'une restauration de l'autorité royale non seulement soit envisageable, mais tout bonnement souhaitable.

Le paradoxisme de Joseph de Maistre n'est certes pas, à l'aune de nos frayeurs toutes modernes, un humanisme, car il n'hésite pas à se demander si la Révolution, aussi destructrice et fondamentalement perverse qu'on le voudra, (dés)ordonnée trompeusement sous «l'empire d'une souveraineté fausse» (p. 140), a cependant atteint «les limites pour l'arbre humain», façon toute imagée de nous faire comprendre qu'une «main invisible» ne doit pas craindre de le tailler «sans relâche» (p. 51). Joseph de Maistre, alors, considérant le fait que «nous sommes continuellement assaillis par le tableau si fatigant des innocents qui périssent par les coupables», introduit la grande idée d'une «réversibilité des douleurs de l'innocence au profit des coupables» qu'il qualifie de «dogme universel» (p. 53) qui sera repris par un Bloy et un Massignon, lequel s'insère je crois dans le grand principe cher à ces trois auteurs (mais aussi à Baudelaire qui n'hésita jamais à reconnaître sa dette à l'égard de Maistre) qui n'est autre que l'analogie (cf. p. 55), «l'inépuisable fonds de l'universelle analogie» comme l'a écrit le grand poète, fondée sur le fait que «l'éternelle nature s'enveloppe suivant les temps et les lieux» d'un «habit variable» que «tout œil exercé pénètre aisément» (p. 58). En l'occurrence, c'est dire que c'est par ce qu'il y a de plus faible que sera confondu ce qu'il y a de plus fort (cf. p. 124).

Tout de même, l'action de l'homme, si elle est relativisée d'une façon drastique et comme liée dans le réseau interprétatif que déploie Joseph de Maistre, n'y est pas complètement vaine car, «toutes les fois qu'un homme se met, suivant ses forces, en rapport avec le Créateur, et qu'il produit une institution quelconque au nom de la Divinité», et cela «quelle que soit d'ailleurs sa faiblesse individuelle, son ignorance et sa pauvreté, l'obscurité de sa naissance, en un mot, son dénûment absolu de tous les moyens humains, il participe en quelque manière à la toute-puissance dont il s'est fait l'instrument» (p. 72).

9782851979162.jpgDès lors, le châtiment doit être exemplaire, l’Église et le Roi mais aussi les croyants, eux, doivent être humiliés, tamisés et même, nous l'avons dit, émondés, avant que la contre-révolution qui, nous le savons aussi, est tout ce que l'on voudra, et d'abord le «Contraire de la Révolution», mais n'est en aucun cas une «révolution contraire» (p. 157), puisse apporter son baume sur les plaies ouvertes de la France et redonner, là encore paradoxalement, toute leur place aux hommes, qui ont été balayés par un esprit d'abstraction devenu fou (4).

C'est la question de la souveraineté, dont le prestige est «tout moral» (p. 147), qui est seule capable de créer autour du pouvoir humain une espèce d'«enceinte magique qui en est la véritable gardienne» (p. 140), enceinte cruciale pour Joseph de Maistre, et cette dernière ne peut exister dans un temps où «tout est factice, tout est violent» (p. 91); puisqu'elle ne peut qu'émaner de Dieu (cf. p. 122) (5), elle seule peut donner aux hommes le sens de l'honneur car «c'est d'elle, comme d'un vaste réservoir, qu'il est dérivé avec nombre, poids et mesure, sur les ordres et sur les individus» (p. 92).

C'est ainsi que «Sous un Roi citoyen, tout citoyen est Roi» selon le beau vers de «Racine le fils» (p. 101), ce qui signifie, d'abord, que le Roi seul peut garantir que l'esprit d'abstraction ne conduise pas des milliers de citoyens à voir leur tête rouler dans un panier en osier et, en somme, empêcher que les dirigeants d'un peuple pressuré de violences ne décident de «passer le pouvoir humain» (p. 107) en s'aventurant dans un royaume qui est celui du Père du mensonge. Joseph de Maistre, dès lors, ne cesse d'affirmer, et la suite des événements nous montrera la qualité de son analyse autant que de sa prescience, que l'ordre factice établi par la Révolution ne peut durer car il n'est pas construit sur des «bases sacrées, antiques, légitimes» (p. 144), car encore «l'invincible nature doit ramener la monarchie» (p. 117) en France, et aussi parce que toutes les factions de la Révolution française «ont voulu l'avilissement, la destruction même du christianisme universel et de la monarchie», d'où il suit, ajoute Joseph de Maistre comme s'il s'agissait d'une banale concaténation ne souffrant aucune objection, «que tous leurs efforts n'aboutiront qu'à l'exaltation du christianisme et de la monarchie» (p. 123), le retour à l'ordre excluant de toute façon la vengeance, que nécessite au contraire l'anarchie (cf. p. 153) pour asseoir son pouvoir meurtrier, labile et fallacieux.
Finalement, tout providentialiste qu'il est, Joseph de Maistre dresse ses considérations prophétiques contre l'horreur de ces régimes à venir qui, sur les brisées de la Révolution française, tiendront l'homme pour fort peu de chose voire rien du tout, ne le considérant que comme un matériel parfaitement sacrifiable, une pâte qu'il sera loisible et même nécessaire de pétrir, pour, avec ce ciment immonde composé du sang de millions de personnes, bâtir un royaume de fer.

Notes
(1) Joseph de Maistre, Considération sur la France (Préface de Pierre Manent, Bartillat, 2017). Je donne quelques exemples de ces fautes, dues très probablement aux modes de reproduction des textes désormais largement plébiscités par les éditeurs, consistant à scanner un livre mais sans bien sûr daigner le relire, puisqu'il est fait totalement confiance à la machine, pourtant bête par essence. Cette confiance aveugle donne un texte lardé de fautes qu'une toute simple relecture eût évitées : «Joseph de Maistre... matérialisme mystique» au lieu de matérialiste mystique en guise de titre d'un essai de Robert Triomphe (p. 17); «souvent ou s'est étonné» (p. 25); «telle qu'on l'entendant» (p. 32); «Si ou l'envisage» (p. 42); «qui disait-il n'y a pas longtemps" (p. 45); «le glaive et l'alcoran parcourut» (p. 47); «Mahomet Il» (p. 49); «sur une surface moins étendu» (p. 50); «Constantin devait, l'étouffer» (p. 76); «4 Brumaire au IV» (p. 88); «mais aujourd'hui ou est sûr qu'il le sait» (p. 114); «Comme ces fils, qu'un enfant romperait» (p. 115); «Jacques Il» (p. 139); «Le brigandage exercé à égard» (p. 141); etc. car, hélas, cette liste n'est sans doute pas exhaustive. Je cite donc cette édition qui m'a été envoyée en service de presse, mais le lecteur sérieux se reportera à celle donnée par Pierre Glaudes dans le fort volume paru en 2007 dans la collection Bouquins chez Robert Laffont, des pages 175 à 289, les divers textes réunis dans ce livre étant systématiquement précédés d'une introduction de l'auteur.
(2) Je rétablis la majuscule, manquante dans le texte donné par Bartillat, au dernier mot.
(3) Ainsi les événements révolutionnaires sont-ils qualifiés de «magie noire» qui «disparaîtrait comme un brouillard devant le soleil» (p. 37), «sort du cercle ordinaire des crimes, et semble appartenir à un autre monde» (p. 69). Point n'est besoin de relever toutes les occurrences où Joseph de Maistre évoque le caractère satanique de la Révolution française (cf. pp. 66-69) puisque, en fin de compte, cette dernière ressortit du Mal que l'auteur, en théologien chrétien orthodoxe, qualifie dans une image frappante comme étant «le schisme de l'être» (p. 64), donc par nature faux, car ce qui «distingue la révolution française, et qui en fait un événement unique dans l'histoire, c'est qu'elle est mauvaise radicalement» (pp. 64-5, l'auteur souligne). Dans tous les cas, le Mal se caractérise par son inaptitude à produire quoi que ce soit de durable, Joseph de Maistre écrivant une phrase que Georges Bernanos eût pu reprendre à son compte en disant qu'il ne croira «jamais à la fécondité du néant» (p. 71), et c'est à bon droit que l'auteur des Considération sur la France peut affirmer que la pourriture ne mène à rien (cf. p. 67).
(4) La citation est célèbre : «La constitution de 1795, tout comme ses aînées, est faite pour l'homme. Or, il n'y a point d'homme dans le monde. J'ai vu, dans ma vie, des Français, des Italiens, des Russes, etc., je sais même, grâces à Montesquieu, qu'on peut être Persan : mais quant à l'homme, je déclare ne l'avoir rencontré de ma vie; s'il existe, c'est bien à mon insu» (p. 85).
(5) Voir le beau passage lyrique de la page 130 qui se conclut, à la page suivante, par ces mots : «Ouvrez l'histoire, vous ne verrez pas une création politique; que dis-je ! vous ne verrez pas une institution quelconque, pour peu qu'elle ait de force et de durée, qui ne repose sur une idée divine, de quelque nature qu'elle soit, n'importe» (p. 130).

dimanche, 18 février 2018

Trois ouvrages aux éditions du Lore

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Trois ouvrages aux éditions du Lore

Pour toute commande: www.diffusiondulore.fr

Nietzsche Hyberboréen ou l'école du Surhomme, par Olivier Meyer

76 pages, 14 euros.

« Regardons-nous en face. Nous sommes des Hyperboréens. »
Ce jugement de Nietzsche tiré de L’Antéchrist répond à la question posée dans Le Gai Savoir : « Que dit ta conscience ? - Tu dois devenir celui que tu es. »
Nietzsche a montré la voie. Il a surmonté, dans un effort surhumain, son héritage familial protestant, sa culture chrétienne, son environnement social, le confort petit-bourgeois, sa carrière universitaire, pour devenir lui-même, un bon Européen, un Hyperboréen. Le surhomme est en vous. N’attendez plus, sortez du troupeau et devenez ce que vous êtes.
Nietzsche Hyperboréen ou l’école du surhomme , inspiré de sa philosophie, constitue une véritable méthode du grand devenir nietzschéen. La décision est entre vos mains.
« L’homme est quelque chose qui doit être surmonté. Qu’avez-vous fait pour le surmonter ? »

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Les idées politiques de Henry de Monfreid à travers son oeuvre littéraire, par Jean-Louis Lenclos

162 pages, 24 euros.

Cet ouvrage inédit présente le mémoire universitaire de droit soutenu par Jean-Louis Lenclos en octobre 1977, sous la direction du Professeur De Lacharrière, à l’université de Parix X- Nanterre.

Lorsqu’on consultait les proches d’Henry de Monfreid, ils répondaient invariablement : « il n’avait pas d’idées politiques, cela ne l’intéressait pas ; c’était un Aventurier ! »

Contrairement à divers fantasmes colportés, Henry de Monfreid ne fut à aucun moment cet individu louche, dénué de sens moral et de scrupules que recouvre habituellement ce terme d’aventurier.

En se penchant méticuleusement sur son œuvre littéraire prolifique, ce livre explore les idées politiques bien tranchées d’Henry de Monfreid.

Certaines de ses idées sont à rapprocher des penseurs traditionalistes tels que Louis de Bonald ou Joseph de Maistre, mais aussi Nietzsche par certains aspects.

Par ailleurs, Henry de Monfreid semble acquis à l’idée de hiérarchisation des races humaines. Plus surprenant, il vécut une extase quasi-religieuse en la présence de Mussolini…

Cette étude très bien documentée vous fera découvrir les grandes lignes politiques d’un homme qui considérait l’homme comme une créature foncièrement mauvaise et qui n’eut de cesse de s’affranchir des servitudes humaines.

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L'Europe, pas le monde - Un appel à la lucidité, par Georges Feltin-Tracol

224 pages, 25 euros.

En trois quarts de siècle, le projet européen en partie formulé par les milieux non-conformistes de l’Entre-deux-guerres est devenu un cauchemar pour les peuples du Vieux Continent. Dans le cadre d’une mondialisation désormais illimitée, les sectateurs mondialistes de l’actuelle imposture européenne ne cachent même plus leur volonté d’intégrer au plus vite cet espace dans un ensemble planétaire global.

Cette terrible désillusion favorise le souverainisme national et les
revendications régionalistes. Faut-il pour autant rejeter toute idée européenne ?

Non, affirme Georges Feltin-Tracol qui en appelle à une salutaire lucidité.
Ancien animateur de la revue L’Esprit européen et collaborateur naguère à Éléments pour la civilisation européenne, ce Français d’Europe (ou Européen de France) considère que l’Europe n’est pas ouvert aux populations du monde entier, mais l’héritage des peuples boréens. Se détournant à la fois de l’État-nation dépassé, du mondialisme mortifère et d’un altermondialisme parodique, il envisage un autre défi continental, soucieux de la personnalité historique de ses cultures et susceptible d’assumer un destin de puissance géopolitique.

Contribution révolutionnaire pro-européenne à la grande guerre des idées, ce recueil d’articles, d’entretiens, de conférences et de recensions démontre la persistance d’un authentique esprit européen, surtout si de nouvelles chevaleries militantes surgies des communautés populaires enracinées relèvent le nouvel enjeu civilisationnel du XXIe siècle : maintenir la spécificité albo-européenne. Pendant que se prolonge l’éclipse de l’Europe, c’est dans la pénombre que s’esquissent quelques jalons fondamentaux d’une nouvelle Europe polaire, fière et solsticiale.

Né en 1970, collaborateur aux revues dissidentes Réfléchir & Agir et Synthèse nationale, rédacteur en chef et co-fondateur du site identitaire de langue française Europe Maxima, présent sur des sites Internet rebelles comme EuroLibertés, Georges Feltin-Tracol est aussi conférencier, chroniqueur radio et essayiste. Auteur, seul ou en collaboration, d’une dizaine d’ouvrages, il a publié en 2016 aux Éditions du Lore Éléments pour une pensée extrême.

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samedi, 17 février 2018

Editorial EAS: Tienda

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Editorial EAS: Tienda

IMPERATOR ROMANORUM: Enrique I, Otto el Grande y el surgimiento del Primer Reich Alemán por Troy Southgate

12.95€

¿Qué acontecimientos ocurrieron en Europa tras la ruptura del Sacro Imperio Romano?

¿Qué nueva dinastía se presentó en el corazón de Europa?

¿Cómo surgió el Primer Reich Alemán?

¿Quienes fueron Enrique I y Otto el Grande?

Descripción

Sugerir que los cautivantes eventos de la Alemania del siglo X fueron complejos y tumultuosos sería un eufemismo. Luego de la muerte del emperador Carlomagno, en 814, el Sacro Imperio Romano se había roto y una sucesión completa de monarcas europeos —comenzando con Luis el Piadoso (778-840)— mostró una marcada incapacidad para cumplir con las rigurosas exigencias del legado imperial. En el momento oportuno, sin embargo, una nueva dinastía se presentó en el Reino Alemán de Sajonia y cambió para siempre el rostro de la política europea. Comenzó con Enrique el Pajarero (876-936), un rey que pasó gran parte de su reinado intentando sofocar las hordas eslavas y magiares que se levantaban en el Este, una tarea que más tarde fue completada por su hijo, Otto el Grande (912-973). Este último, un líder más formidable y ambicioso, se sobrepuso a una serie de rebeliones aristocráticas dentro de sus propias fronteras, antes de emprender una campaña exitosa en Italia, para finalmente convertirse en emperador. Como resultado de su enfoque inflexible hacia el Papado Católico y el empleo de algo de diplomacia bastante astuta en relación con el Imperio Bizantino, Otto pasó a convertirse en una de las figuras más importantes en la historia alemana. Bien organizado y empleando una amplia variedad de fuentes primarias y secundarias, este apasionado y vigorizante relato examina algunos de los más fascinantes e intrigantes aspectos de la Alemania Otoniana y es una adición valiosa dentro del campo de la historia europea medieval.

Troy Southgate

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Programación Mental: El arma oculta de las élites por Manuel Quesada y Ramón Irles

14.95€

“La característica de la gobernación moderna es que no se sabe quién gobierna de facto, lo mismo que de jure. Vemos al político, pero no a quien lo respalda y menos aún al que respalda al respaldador ni (lo que es más importante) al banquero del respaldador. Entronizado entre todos nosotros está el profeta oculto de las Finanzas, gobernando las vidas de los hombres y lanzando exorcismos en una lengua desconocida por todos.”

G.K. Chesterton

“La herramienta básica para la manipulación de la realidad es la manipulación de las palabras. Si puedes controlar el significado de las palabras, puedes controlar la gente que debe usar las palabras.”

Philip K. Dick

“Se puede ver sólo lo que se observa y se observa sólo lo que está en la mente”

Alphonse Bertillon

No puedo sino suscribir con la más fuerte de las convicciones lo que ha dejado escrito en el prólogo Felipe Botaya “El trabajo … es de una profundidad que rara vez se puede ver en un texto de estas características”.

El libro creará escuela y será un referente imprescindible para los políticos decentes de la nueva generación. El libro es sencillamente ¡GENIAL!

Antonio Hernández (Premio Accesit Universidad de Valladolid)

Descripción

Siempre he dicho y por ello valoro enormemente este libro, que las élites tienen unos conocimientos, a través de sabios y eruditos mercenarios y lacayos sobre la psique humana que no se enseña en las universidades. Llegan mucho más lejos y en silencio a campos mentales totalmente nuevos que aplican sobre nosotros.

Hoy la PNL o Programación Neuro-Lingüística aglutina lo que antes se hacía de forma casi casual y eran las técnicas de control mental o también el llamado proceso de educación mental de las personas. Es evidente que desde la antigüedad ha habido un interés de los gobernantes por controlar a sus gobernados, para dirigirlos a su antojo y tenerlos controlados. En el fondo y aquí radica el éxito de esta técnica actual, la principal consecuencia es el cambiar la personalidad natural de la persona y sus inclinaciones, hasta convertirle en la personalidad deseada por el gobernante.

El trabajo de Manuel Quesada y Ramón Irles es de una profundidad que rara vez se puede ver en un texto de estas características. Al mismo tiempo, su lectura es amena, comprensible y el lector irá viendo a medida que avanza, que lo que explican ambos escritores está a la orden del día.

Verá ejemplos muy claros de manipulación, como la población de las sociedades occidentales admite sin discutir y sin darse cuenta de la realidad que vive, encaminándose hacia la destrucción sin parangón en la historia.

Aquí no hablamos de guerras convencionales, con ejércitos bien definidos y geográficamente localizados, hablamos de la batalla por la mente humana y esa guerra la están ganando aquellos que quieren someternos y esclavizarnos.

Dr. Felipe Botaya

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Manifiesto de la Izquierda Nacional: La síntesis del siglo XXI por Laureano Luna

9.95€

En la era del capitalismo global la izquierda nacional es la izquierda a secas, la única izquierda posible.

Fco. José Fernández-Cruz Sequera

Descripción

Las clases trabajadoras de los países desarrollados asisten a un deterioro continuado de sus derechos laborales y de sus salarios reales desde los años ochenta. Se trata de un formidable ataque de las nuevas formas del capitalismo ‒el capitalismo global‒ contra las conquistas laborales de los trabajadores y el modelo social europeo.

La humanidad carece hoy por hoy de la posibilidad de construir una autoridad política mundial capaz de sobreponerse al poder del dinero. Solo los Estados nacionales y aquellas instituciones supranacionales que se apoyen en ellos tienen la posibilidad de someter el poder del dinero a los valores de la civilización y a los intereses de las clases trabajadoras. Por eso en la era del capitalismo global la izquierda nacional es la izquierda a secas, la única izquierda posible.

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El Hombre de la Tradición por Eduard Alcántara

12.95€

Sin duda son las actitudes propias del Hombre de la Tradición las que suponen el antídoto idóneo ante las dinámicas disolventes de los tiempos presentes.
 
Descripción

En un mundo que ha llegado a las más altas cotas de disolución imaginables se hace imprescindible que el hombre que quiera sobrevivir en medio de tantas ruinas sepa qué actitudes existenciales debería seguir por tal de intentar no sucumbir en medio del marasmo envilecedor, desarraigante y desgarrador al que la modernidad y la postmodenidad lo quieren arrastrar. Sin duda son las actitudes propias del Hombre de la Tradición las que suponen el antídoto idóneo ante las dinámicas disolventes de los tiempos presentes.

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Notas sobre peronismo por Alberto Buela

14.95€

La exposición de esta idea puede desarrollarse en tres secciones o partes:

La primera consiste en fijar el marco teórico donde se sitúa y qué significa la noción de Comunidad Organizada. La segunda estriba en ubicar esta idea en la obra de Perón. La tercera es una exposición sistemática de la misma.

Descripción

La Comunidad Organizada tiene dos lecturas posibles: Como sistema social a construir; y como sistema de poder.

Como sistema social; sostiene que el pueblo suelto, aislado, atomizado, no existe. Sólo existe el pueblo organizado y como tal se transforma en factor concurrente en los aparatos del estado que le son específicos a cada organización del pueblo.

Como sistema de poder, sostiene que el poder procede del pueblo que se expresa a través de sus instituciones intermedias. Ni el poder procede del gobierno, ni del Estado. Ni el pueblo delega su poder en las instituciones del Estado.

Estas dos lecturas constituyen el círculo hermenéutico que explica la idea de Comunidad Organizada. El pueblo como pueblo organizado crea un sistema social que genera un poder político real, (no virtual como la parodia democrática: “Un hombre igual a un voto”) que le permite la recreación permanente de un sistema social para el logro de la “buena vida”.

El presupuesto ideológico de la Comunidad Organizada es su populismo que consiste en:

1) considerar al pueblo como fuente principal de inspiración.

2) Término constante de referencia y…

3) depositario exclusivo de valores positivos.

Mientras que la crítica política que se desprende de la Comunidad Organizada es que las instituciones formales del Estado demo-liberal no alcanzan, no son suficientes para expresar las demandas auténticas de los pueblos.

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La guerra del fin del mundo por Francisco J. Fernández-Cruz Sequera

9.95€

El escrito de Fernández-Cruz explica el cambio en el mundo desde el siglo XVIII al XXI, de Kant a Putin.

Gustavo Morales

Descripción

El liberalismo económico se ha quedado con el poder ocultando su existencia y para ello necesita los medios de comunicación. Ya no es el carro de combate ni el soldado quienes expresan el orden, son los medios. “La globalización de la cultura y la información es un componente fundamental que subyace a todas las otras dimensiones institucionales de la globalización”.

La economía financiera ha sustituido a la real. La información pasa a ser un útil de trabajo y una mercancía. Los mercados financieros son la realidad económica dominante, el lugar donde se asigna el valor de compra. La globalización es, sobre todo, financiera.

El escrito de Fernández-Cruz explica ese cambio en el mundo desde el siglo XVIII al XXI, de Kant a Putin.

Gustavo Morales

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mercredi, 14 février 2018

Le signe secret entre Carl Schmitt et Jacob Taubes

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Le signe secret entre Carl Schmitt et Jacob Taubes

par Juan Asensio

Ex: http://www.juanasensio.com

«En effet, même si elle n’est ni nécessité, ni caprice, l’histoire, pour le réactionnaire, n’est pourtant pas une dialectique de la volonté immanente, mais une aventure temporelle entre l’homme et ce qui le transcende. Ses œuvres sont des vestiges, sur le sable labouré par la lutte, du corps de l’homme et du corps de l’ange. L’histoire selon le réactionnaire est un haillon, déchiré par la liberté de l’homme, et qui flotte au vent du destin.»

Nicolás Gómez Dávila, Le Réactionnaire authentique.


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Noté cette idée, lue dans une lettre adressée à Armin Mohler (le 14 février 1952) par le génial et déroutant Jacob Taubes : «Qu’est-ce qui aujourd’hui n’est pas théologie (en dehors du bavardage théologique) ? Ernst Jünger, est-ce moins de la «théologie» que Bultmann ou Brunner ? Kafka, en est-ce moins que Karl Barth ?» (1). J’y retrouve ainsi la notion, chère à Gershom Scholem, selon laquelle le sacré souffle où il veut et, particulièrement, sur les grandes œuvres de la littérature qui, quoi que prétendent les imbéciles de stricte obédience laïcarde, ne peuvent (et ne semblent vouloir) se passer de Dieu.

C’est d’ailleurs à propos de Carl Schmitt que Jacob Taubes, philosophe qui a «entièrement consacré la force de sa pensée à la parole vivante» selon Elettra Stimilli (p. 9) et n'a donc publié qu'un seul livre (sa thèse, soutenue à l'âge de vingt-trois ans, intitulée Eschatologie occidentale éditée en 2009 par Michel Valensi pour les Éditions de l’Éclat), qui fut l’un des plus exigeants lecteurs du juriste qui jamais n'hésita, tel un Grand Inquisiteur, à pourfendre ceux qu'il considérait comme des hérétiques (cf. p. 36), Jacob Taubes donc, tentant même de comprendre les errements du grand penseur catholique sans jamais le condamner (2), a écrit : «Carl Schmitt était juriste, et non théologien, mais un juriste qui foula le sol brûlant dont s’étaient retirés les théologiens» (p. 25).

Jacob Taubes, qui a pris le soin de lire le texte douloureux de Schmitt s'intitulant Ex captivitate salus, sans doute celui où le grand juriste a été le plus sincère et a tenté de justifier ses prises de position, poursuit, cette fois en rappelant Walter Benjamin et sa notion de théologie souterraine, voilée, grimée, de contrebande pourrais-je dire : «Si je comprends un tant soit peu ce que Walter Benjamin construit là comme vision mystique de l’histoire en regardant les thèses de Carl Schmitt, tout cela veut dire : ce qui s’accomplit extérieurement comme un processus de sécularisation, de désacralisation et de dédivinisation de la vie publique, et ce qui se comprend comme un processus de neutralisation allant par étape jusqu’à la «neutralité axiologique» de la science, index de la forme de vie technico-industrielle – comporte également un virage intérieur qui témoigne de la liberté des enfants de Dieu au sens paulinien, et donc exprime un parachèvement de la Réforme» (pp. 53-4).

CSJT-schh.jpgÉvidemment, tout, absolument tout étant lié, surtout lorsqu'il s'agit des affinités électives existant entre les grands esprits qui appréhendent le monde en établissant des arches, parfois fragiles mais stupéfiantes de hardiesse, entre des réalités qu'en apparence rien ne relie (cf. p. 38), je ne pouvais, poursuivant la lecture de cet excellent petit livre qui m'a fait découvrir le fulgurant (et, apparemment, horripilant) Jacob Taubes, que finalement tomber sur le nom qui, selon ce dernier, reliait Maritain à Schmitt, qualifié de «profond penseur catholique» : Léon Bloy, autrement dit le porteur, le garnt ou, pourquoi pas, le «signe secret» (p. 96) lui-même. Après Kafka saluant le génie de l'imprécation bloyenne, c'est au tour du surprenant Taubes, au détour de quelques mots laissés sans la moindre explication, comme l'une de ces saillies propres aux interventions orales, qui stupéfièrent ou scandalisèrent et pourquoi pas stupéfièrent et scandalisèrent) celles et ceux qui, dans le public, écoutèrent ces maîtres de la parole que furent Taubes et Kojève (cf. p. 47). Il n'aura évidemment échappé à personne que l'un et l'autre, Kafka et le grand commentateur de la Lettre aux Romains de l'apôtre Paul, sont juifs, Jacob Taubes se déclarant même «Erzjude» «archijuif», traduction préférable à celle de «juif au plus profond» (p. 67) que donne notre petit livre : «l'ombre de l'antisémitisme actif se profilait sur notre relation, fragile comme toujours» (p. 47), écrit ainsi l'auteur en évoquant la figure de Carl Schmitt qui, comme Martin Heidegger mais aussi Adolf Hitler, est un «catholique éventé» dont le «génie du ressentiment» lui a permis de lire «les sources à neuf» (p. 112).

La boucle est bouclée, mais avouons que son nœud gordien était bel et bien visible dans ce passage : «Il ne fait pas question pour moi que le peuple juif a poursuivi Carl Schmitt toute son existence, que 1936 ne fut pour lui que l'occasion d'une prise de parti «conforme au temps" face à un problème comportant pour lui de tout autres profondeurs. Il était chrétien issu de ces peuples qui regardaient avec haine et jalousie «ceux qui sont d'Israël, auquel appartiennent l'adoption et la gloire et l'alliance et la loi et le culte et les promesses; auquel sont également les pères et duquel provient le Christ selon la chair» (Paul, Épitre aux Romains, chapitre IX dans la traduction de Luther)» (p. 49).

Il n'y a pas là qu'une simple métaphore, car la théologie politique est le nœud, coulant plutôt que gordien, qui serre le cou de notre époque, et ce n'est sans doute pas un hasard si l'étrange dialogue qui s'est noué, c'est le cas de le dire, entre Taubes et Schmitt, soit entre deux apocalyptiques, «bien que l'un appartienne à la révolution et l'autre à la contre-révolution» (p. 10) (3), nous rappelle celui qui a tant fait couler d'encre, parfois fort pâle, entre Heidegger et Celan.

JTCS-abesch.jpgC'est l'importance, capitale, de cette thématique que Jacob Taubes évoque lorsqu'il affirme que les écailles lui sont tombées des yeux quand il a lu «la courbe tracée par Löwith de Hegel à Nietzsche en passant par Marx et Kierkegaard» (p. 27), auteurs (Hegel, Marx et Kierkegaard) qu'il ne manquera pas d'évoquer dans son Eschatologie occidentale (Nietzsche l'étant dans sa Théologie politique de Paul) en expliquant leur philosophie par l'apocalyptique souterraine qui n'a à vrai dire jamais cessé d'irriguer le monde (4) dans ses multiples transformations, et paraît même s'être orientée, avec le régime nazi, vers une furie de destruction du peuple juif, soit ce peuple élu jalousé par le catholiques (et même les chrétiens) conséquents. Lisons l'explication de Taubes, qui pourra paraître une réduction aux yeux de ses adversaires ou une fulgurance dans l'esprit de ses admirateurs : «Carl Schmitt était membre du Reich allemand avec ses prétentions au Salut», tandis que lui, Taubes, était «fils du peuple véritablement élu par Dieu, suscitant donc l'envie des nations apocalyptiques, une envie qui donne naissance à des fantasmagories et conteste le droit de vivre au peuple réellement élu» (pp. 48-9, le passage plus haut cité suit immédiatement ces lignes).

Nous pourrions ici, peut-être, retrouver la trace du Léon Bloy du Salut par les Juifs, ce livre si difficile, extraordinairement polémique, ordurier et, tout à la fois, prophétique, éblouissant et mystique, mais je ne sais si Taubes, qui a mentionné nous l'avons vu Léon Bloy, a lu ce texte, et je ne puis m'aventurer à établir de fallacieux rapprochements entre les visions de l'écrivain et certaines des concaténations, quasi-juridiques dans leur formalisme, des propositions schmittiennes.

Je ne sais pas plus si Léon Bloy aurait fait sienne la thèse de Jacob Taubes sur le katechon de Carl Schmitt censé retenir le déclenchement de l'apocalypse : il s'agirait en fait, par l'instauration d'un régime totalitaire que le juriste a appelé de ses vœux et légitimé intellectuellement, c'est-à-dire juridiquement, de conserver ce qui peut être menacé voire soumis à une destruction certaine, le juriste selon Jacob Taubes investissant dans, pariant alors, quitte à frayer avec le diable, sur ce monde et voyant, dans l'apocalypse, «sous quelque forme que ce soit, le principe adverse», cette évidence l'ayant conduit à faire «tout [son] possible pour le subjuguer et le réprimer, parce que venant de là peuvent se déchaîner des forces que nous ne sommes pas en situation de surmonter» (p. 111). Jacob Taubes n'hésite même pas à affirmer que, s'il avait «eu à choisir entre la démocratie et le gouvernement avec le paragraphe 48 pour faire obstacle aux nazis», il n'aurait pas hésité (p. 110).

Une telle idée, pariant sur l'existence d'une espèce secrète de force d'opposition, de retenue eschatologique, est bien évidemment le contraire même des appels innombrables qu'émit le Mendiant ingrat, désireux, surtout durant ses dernières années de vie, de voir advenir le plus rapidement et violemment possible le déchaînement de la brisure des sceaux.

Le style d'écriture de Jacob Taubes est difficile, heurté, il mime l'oralité, la parole vivante dont il fut un maître (cf. p. 9) par ses nombreuses ellipses, mais il est vrai que les textes recueillis dans ce petit volume passionnant trahissent, en effet, un auteur complexe, ambigu, qui ne semble pas avoir été, c'est le moins qu'on puisse dire, un de ces professeurs à petites lunettes rondes estimant sa réussite universitaire au seul nombre de ses textes publiés. Mais qu'attendre d'autre, après tout, d'un auteur qui se prétend révolutionnaire (et non, comme Schmitt, contre-révolutionnaire) et apocalyptique ?

JT-apo.jpgCette complexité se retrouve dans le jugement de Jacob Taubes sur Carl Schmitt qui, ce point au moins est évident, avait une réelle importance intellectuelle à ses yeux, était peut-être même l'un des seuls contemporains pour lequel il témoigna de l'estime, au-delà même du fossé qui les séparait : «On vous fait réciter un alphabet démocratique, et tout privat-docent en politologie est évidemment obligé, dans sa leçon inaugurale, de flanquer un coup de pied au cul à Carl Schmitt en disant que la catégorie ami / ennemi n'est pas la bonne. Toute une science s'est édifiée là pour étouffer le problème» (p. 115), problème qui seul compte, et qui, toujours selon Jacob Taubes, a été correctement posé par le seul Carl Schmitt, problème qui n'est autre que l'existence d'une «guerre civile en cours à l'échelle mondiale» (p. 109). Dans sa belle préface, Elettra Stimilli a du reste parfaitement raison de rapprocher, de façon intime, les pensées de Schmitt et de Taubes, écrivant : «Révolution et contre-révolution ont toujours évolué sur le plan linéaire du temps, l'une du point de vue du progrès, l'autre de celui de la tradition. Toutes deux sont liées par l'idée d'un commencement qui, depuis l'époque romaine, est essentiellement une «fondation». Si du côté de la tradition cela ne peut qu'être évident, étant donné que déjà le noyau central de la politique romaine est la foi dans la sacralité de la fondation, entendue comme ce qui maintient un lien entre toutes les générations futures et doit pour cette raison être transmise, par ailleurs, nous ne parviendrons pas à comprendre les révolutions de l'Occident moderne dans leur grandeur et leur tragédie si, comme le dit Hannah Arendt, nous ne le concevons pas comme «autant d'efforts titanesques accomplis pour reconstruire les bases, renouer le fil interrompu de la tradition et restaurer, avec la fondation de nouveaux systèmes politiques, ce qui pendant tant de siècles a conféré dignité et grandeur aux affaires humaines» (pp. 15-6).

De fait, l'explication selon laquelle des penseurs de la trempe intellectuelle de Heidegger ou de Schmitt auraient cédé aux sirènes du nazisme pour la simple raison que c'étaient, en tout premier (mais aussi en dernier) lieu, des salauds est évidemment simpliste : ainsi, dire que l'histoire allemande, «que ce soit à partir de Luther, de Bismarck, ou de Charlemagne, ou encore de Schmitt [aboutirait] à Hitler» cela écrit-il, il n'y croit pas, car ces «généalogies sont faciles et ne coûtent rien, on peut les échafauder sans mal. Si l'affaire s'était passée en France, j'aurais pu vous la présenter avec Maurras en remontant jusqu'à Gobineau» (p. 109). On n'ose penser ce que Jacob Taubes eût pu écrire de terrible et définitif sur les travaux d'un historien tel que Zeev Sternhell, habitué, lui, à ce genre de raccourci aussi séduisant que contestable, mais nous savons que, dans le jugement de Taubes sur Schmitt, c'est la prise en compte de l'homme qui a prévalu, non celle de ses idées ou de ses livres, non celle de la pure théorie du droit, cette chimère contre laquelle le juriste s'est battu toute sa vie. En fait, ce qui, in fine, intéresse Jacob Taubes, c'est le fait que Carl Schmitt a dominé, par la pensée, son époque, tout en ne refusant pas de se confronter à la réalité, c'est-à-dire, et cela signe la nature véritable d'un penseur qui est, avant tout, un homme, devoir décider (5), quoi qu'il lui en coûte, s'engager, au-delà même de la loi, par le biais de la miséricorde, de l'amour ou du pardon, trois situations exceptionnelles, absolument personnelles, convoquant plus que toute autre la force de l'individu kierkegaardien, auxquelles Jacob Taubes, dans sa «misérable vie» nous dit-il, n'aura jamais pu renoncer (cf. p. 63).

Notes

(1) En divergent accord. À propos de Carl Schmitt (traduit de l'allemand par Philippe Ivernel, Préface d'Elettra Stimilli, Rivages Poche, coll. Petite bibliothèque, 2003), pp. 61-2. Les chiffres entre parenthèses renvoient à notre édition.

(2) Sur ce refus de condamner Schmitt, à l'inverse de ce que font beaucoup de nos midinettes intellectuelles, Jacob Taubes a des mots remarquables : «Nous [les Juifs] avons bénéficié d’une grâce, en ce sens que nous ne pouvons être de la partie. Non parce que nous ne voulions pas, mais parce qu’on ne nous laissait pas en être. Vous, vous pouvez juger, parce que vous connaissez la résistance, moi je ne peux être sûr de moi-même, je ne peux être sûr de moi-même ni de quiconque, je ne peux être sûr que personne ne soit à l’abri d’une contamination par cette infection du «soulèvement national» et ne joue un jeu fou pendant une ou deux années, sans scrupule, comme le fut Schmitt» (pp. 107-8).

(3) J'ai déjà cité le propos d'Elettra Stimilli. Plus loin, Jacob Taubes écrit : «Car Schmitt pense en terme d'apocalypse, mais d'en haut, à partir des puissances; moi, je pense au contraire d'en bas. Cela étant, nous est commune à tous deux cette expérience du temps et de l'histoire comme délai, comme dernier délai» (p. 45) ou comme «délai limité» (p. 96). Il poursuivra le parallèle entre Schmitt et Benjamin en écrivant : «tous deux ont en propre une conception mystique de l'histoire, dont la pièce essentielle concerne le rapport de l'ordre du sacré à l'ordre du profane» (p. 53).

(4) Je renvoie le lecteur curieux de ces questions éminemment complexes à la préface fouillée que Raphaël Lellouche a donnée à la traduction française, déjà mentionnée, d'Eschatologie occidentale, sous le titre La guérilla herméneutique de Jacob Taubes.

(5) «Schmitt lit la montée de la pensée contre-révolutionnaire, à partir de de Maistre jusqu'à Donoso Cortès, c'est-à-dire jusqu'à la décision absolue, comme une réaction à l'encontre de la passivité traditionaliste et légitimiste», préface de Raphaël Lellouche, op. cit., p. 20. Souvenons-nous également que Schmitt a fait dans sa Théologie politique une lecture de Kierkegaard au travers du concept de la décision.

mardi, 13 février 2018

Bêtes, hommes et dieux - L’énigme du Roi du Monde

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Vient de paraître aux editions Déterna :

Bêtes, hommes et dieux

L'énigme du Roi du Monde

de Ferdinand Antoni Ossendowski, préface de Michel Gaudart de Soulages.

« On lira avec plaisir ce livre de Ferdinand Ossendowski
qui retrace son voyage véritablement initiatique
et qui le conduira non seulement
à des rencontres avec des êtres de légende,
mais aussi à le faire pénétrer dans les mystères
d’une Asie immémoriale et éternelle »

 

(propos sélectionnés par Fabrice Dutilleul)

 

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Qui était Ferdinand Ossendowski ?

 

Nommé ministre des finances des forces anti-bolcheviques durant la guerre civile russe, par le Gouverneur Suprême de la Russie Alexandre Vassilievitch Koltchak (1874-1920). En 1920, dans une Russie toujours déchirée par la guerre civile entre les Bolcheviques et les Blancs, l’auteur, brillant ingénieur géologue polonais au service de la Russie tsariste, va être arrêté par un détachement de l’Armée rouge voulant le fusiller.

Pour sauver sa vie, il décide de traverser à pied la Sibérie, la Mongolie et le Tibet pour atteindre l’Inde anglaise ; ce périple lui fait traverser une nature hostile, à cheval et bien armé avec des compagnons de voyage tout aussi menacés. Son récit n’est pas une simple histoire de fuite et de survie : il rend hommage à la beauté âpre de l’Asie.

Après de nombreuses péripéties – comme la débâcle de l’Iénisséi : les énormes blocs de glace qui partent à la dérive dans des claquements assourdissants entraînent derrière eux les cadavres encore frais des innombrables victimes de l’automne précédent– qui le conduise à Pékin, après une tentative manquée pour s’échapper par le Tibet.

 

Grand amateur de mystères, Ferdinand Ossendowski donne enfin une dimension ésotérique à son odyssée…

 

Oui, lorsqu’il évoque ses expériences chamaniques et sa révélation du mythe du Roi du monde : en Mongolie, il rencontre ainsi des personage historiques, tel le Bouddha vivant, le « roi du monde », le Bogdo Khan, des chamans visionnaires, des lamas empoisonneurs, un monde de magie et de folie mystique…

Dans le présent ouvrage est relaté sa rencontre de dix jours avec le premier, Roman Fedorovich von Ungern Sternberg (1886-1921), dernier khan de Mongolie, surnommé après sa mort le « baron fou » par ses détracteurs.

 

Remarquable notamment est l’évocation faite de l’Agarttha…

 

En effet, rappelons que l’Agarttha est ce sanctuaire souterrain caché sous la chaîne de l’Himalaya où officieraient les Maîtres du Monde : « Le roi du Monde appraîtra devant tous les hommes quand le temps sera venu pour lui de conduire tous les bons dans la guerre contre les méchants ; mais ce temps n’est pas encore venu. Les plus mauvais de l’humanité ne sont pas encore nés. »

 

On lira avec plaisir ce livre de Ferdinand Ossendowski qui retrace son voyage véritablement initiatique et qui le conduira non seulement à des rencontres avec des êtres de légende, mais aussi à le faire pénétrer dans les mystères d’une Asie immémoriale et éternelle.

 

Bêtes, hommes et dieux. L’énigme du Roi du Monde – Ferdinand Antoni Ossendowski, préface de Michel Gaudart de Soulages (éditions Déterna, 334 p. – 31 euros)

BON DE COMMANDE

à renvoyer à : Francephi diffusion - Boite 37 - 16 bis rue d’Odessa - 75014 Paris - Tél. 09 52 95 13 34 - Fax. 09 57 95 13 34 – Mél. diffusion@francephi.com

Commande par internet (paiement 100 % sécurisé par paypal ou carte bancaire) sur notre site www.francephi.com.

Bêtes, hommes et dieux - L’énigme du Roi du Monde

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Vient de paraître aux editions Déterna :

Bêtes, hommes et dieux

L'énigme du Roi du Monde

de Ferdinand Antoni Ossendowski, préface de Michel Gaudart de Soulages.

« On lira avec plaisir ce livre de Ferdinand Ossendowski
qui retrace son voyage véritablement initiatique
et qui le conduira non seulement
à des rencontres avec des êtres de légende,
mais aussi à le faire pénétrer dans les mystères
d’une Asie immémoriale et éternelle »

 

(propos sélectionnés par Fabrice Dutilleul)

 

Ferdynand_Antoni_Ossendowski',_1933_(cropped).jpg

Qui était Ferdinand Ossendowski ?

 

Nommé ministre des finances des forces anti-bolcheviques durant la guerre civile russe, par le Gouverneur Suprême de la Russie Alexandre Vassilievitch Koltchak (1874-1920). En 1920, dans une Russie toujours déchirée par la guerre civile entre les Bolcheviques et les Blancs, l’auteur, brillant ingénieur géologue polonais au service de la Russie tsariste, va être arrêté par un détachement de l’Armée rouge voulant le fusiller.

Pour sauver sa vie, il décide de traverser à pied la Sibérie, la Mongolie et le Tibet pour atteindre l’Inde anglaise ; ce périple lui fait traverser une nature hostile, à cheval et bien armé avec des compagnons de voyage tout aussi menacés. Son récit n’est pas une simple histoire de fuite et de survie : il rend hommage à la beauté âpre de l’Asie.

Après de nombreuses péripéties – comme la débâcle de l’Iénisséi : les énormes blocs de glace qui partent à la dérive dans des claquements assourdissants entraînent derrière eux les cadavres encore frais des innombrables victimes de l’automne précédent– qui le conduise à Pékin, après une tentative manquée pour s’échapper par le Tibet.

 

Grand amateur de mystères, Ferdinand Ossendowski donne enfin une dimension ésotérique à son odyssée…

 

Oui, lorsqu’il évoque ses expériences chamaniques et sa révélation du mythe du Roi du monde : en Mongolie, il rencontre ainsi des personage historiques, tel le Bouddha vivant, le « roi du monde », le Bogdo Khan, des chamans visionnaires, des lamas empoisonneurs, un monde de magie et de folie mystique…

Dans le présent ouvrage est relaté sa rencontre de dix jours avec le premier, Roman Fedorovich von Ungern Sternberg (1886-1921), dernier khan de Mongolie, surnommé après sa mort le « baron fou » par ses détracteurs.

 

Remarquable notamment est l’évocation faite de l’Agarttha…

 

En effet, rappelons que l’Agarttha est ce sanctuaire souterrain caché sous la chaîne de l’Himalaya où officieraient les Maîtres du Monde : « Le roi du Monde appraîtra devant tous les hommes quand le temps sera venu pour lui de conduire tous les bons dans la guerre contre les méchants ; mais ce temps n’est pas encore venu. Les plus mauvais de l’humanité ne sont pas encore nés. »

 

On lira avec plaisir ce livre de Ferdinand Ossendowski qui retrace son voyage véritablement initiatique et qui le conduira non seulement à des rencontres avec des êtres de légende, mais aussi à le faire pénétrer dans les mystères d’une Asie immémoriale et éternelle.

 

Bêtes, hommes et dieux. L’énigme du Roi du Monde – Ferdinand Antoni Ossendowski, préface de Michel Gaudart de Soulages (éditions Déterna, 334 p. – 31 euros)

BON DE COMMANDE

à renvoyer à : Francephi diffusion - Boite 37 - 16 bis rue d’Odessa - 75014 Paris - Tél. 09 52 95 13 34 - Fax. 09 57 95 13 34 – Mél. diffusion@francephi.com

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New Books at ARKTOS' Shop

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Travels in Cultural Nihilism

Author(s): Stephen Pax Leonard

In 2015, the magnitude of the migration crisis was such that the future of Sweden, the country that had welcomed more migrants than any other country (on a per capita basis) and that is frequently described by the UN as the ‘best country to live in in the world’, looked less than certain. Its neighbour, Norway, began preparing for its collapse. And yet, the majority of Swedes approved apparently of the changes imposed on their model society.

The essays in this book attempt to deconstruct the ideology of this liberalist multiculturalism. However, the essays’ thematic focus reaches far beyond Sweden, addressing topics as diverse as political correctness, the psycho-cultural problem of groupthink, the threat of Islamism, infringements on the freedom of speech and the flawed democracy of a federalist Europe. What ties all the essays together is an urgent need for a new kind of green conservative thinking that can more effectively challenge the discourse of globalisation, the ideology of liberalism and that can prioritise the local over the global.

There is some evidence that the tide is beginning to change. In one of the most momentous events in living history, Britain voted to leave the European Union. Political parties that wish to preserve national sovereignty have gained in support. With the referendum result, Britain can perhaps begin to look ‘over the brow of the hill’ to a more independent, outward-looking and free future. But for countries like Germany and Sweden which struggle with a liberal guilt complex, it is not yet clear whether their people will break free from the liberalist ideology, and grasp once again basic common-sense. Or whether they will become in the name of ‘multiculturalism’, the new failed States of the European Continent.

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Titans are in Town

Author(s): Tomislav Sunic

Titans are in Town consists of a novella and cultural essays by Dr. Tomislav Sunic. In the novella and his essays, Sunic discusses the state of Europeans in their postmodern wasteland. Confronted by endless interracial chaos, Europe longs for the return of Titans. Based on Friedrich Georg Jünger’s seminal 1944 work Die Titanen, the dormant Titans represent the only salvation for slumbering Europeans. The Titans’ unexpected return from mid-earth will start a resumption of Europe’s greatness.

Sunic’s protagonist Held in his novella struggles to maintain his dignity amidst a dystopian landscape in which consumerism, alien migrants and a never-ending struggle against nobility of character are unceasing. Confronted by decay all around him, he fervently hopes for the return of Europe’s Titans as foretold by the ancient Greeks. They will augur an age in which Indo-European values are restored and degeneracy forever extinguished. These final days will reassert European mythos as superior to Judeo-Christian values. Held is an Everyman for the Current Year and his struggles are reflected in the experiences of today’s Europeans.

Dr. Sunic also includes essays concerning the current degradation present within contemporary education. Intended for curious students, he discusses such topics as literature and politics along with tragedy and mythos in ancient Europe and the modern West. Titans are in Town also offers a guide on what to read in order to better understand Europe’s ancient patrimony of myths and lore. Excavating through the rubble of high culture, Dr. Sunic capably depicts pathways towards real learning for young Europeans.

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World State of Emergency

Author(s): Jason Reza Jorjani

Apocalypse. In its original Greek sense, the word means “revelation.” Over the course of the next several decades, within the lifespan of a single generation, certain convergent advancements in technology will reveal something profound about human existence. Biotechnology, robotics, virtual reality, and the need to mine our Moon for energy past peak oil production, will converge in mutually reinforcing ways that shatter the fundamental framework of our societies.

It is not a question of incremental change. The technological apocalypse that we are entering is a Singularity that will bring about a qualitative transformation in our way of being. Modern socio-political systems such as universal human rights and liberal democracy are woefully inadequate for dealing with the challenges posed by these developments. The technological apocalypse represents a world state of emergency, which is my concept for a state of emergency of global scope that also demands the establishment of a world state.

An analysis of the internal incoherence of both universal human rights and liberal democracy, especially in light of the societal and geopolitical implications of these technologies, reveals that they are not proper political concepts for grounding this world state. Rather, the planetary emergency calls for worldwide socio-political unification on the basis of a deeply rooted tradition with maximal evolutionary potential. This living heritage that is to form the ethos or constitutional order of the world state is the Aryan or Indo-European tradition shared by the majority of Earth’s great nations — from Europe and the Americas, to Eurasia, Greater Iran, Hindu India, and the Buddhist East.

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Dissident Dispatches

Author(s): Andrew Fraser

An Alt-Right Guide to Christian Theology

Dissident Dispatches is about Christian theology. It also gives voice to the ethno-patriotic concerns now fuelling the growth of the secular Alt-Right movement. Both reject the ongoing spiritual degeneration and concomitant demographic displacement of every white European ethno-nation.

The author, Andrew Fraser, has studied and taught history and law at leading universities in Canada, the United States, and Australia. He was born a British subject when people of British stock still counted as one of Canada’s two “founding races”. Indeed, at that time, there was no such thing as a “Canadian citizen”.

A “late loyalist” in his own personal development, Fraser deplores the ethno-masochistic eagerness with which far-too-many other WASPs still spit upon the graves of their ancestors.

He recognizes, however, that it is not enough to mourn the loss of once-secure and legitimate ethno-religious identities. Nor will politics alone save us. Dissident Dispatches outlines the fundamental elements of the Christian ethno-theology sorely needed by the Alt-Right if it is to halt, much less reverse, the rising tide of colour.

Dissident Dispatches identifies the main currents in modern Christian theology responsible for the moral and spiritual collapse of both the Anglican Church and Christendom more generally.

Given the rusted-on secularism of the Alt-Right, the book offers a critical comparative analysis of the major alternatives to a Christian ethno-theology; namely, the political theology of popular sovereignty and the cornucopian civil religion of perpetual progress.

Across a wide range of issues in systematic and practical theology, in bible studies and church history, the essays collected here provide the basic ingredients for the counter-revolutionary theology of Christian nationhood needed in contemporary debates with Christian universalists and disingenuous white liberals.

The book counters the Christophobia endemic among neo-pagan white nationalists with an intellectually respectable Christian apologetic as well as a biblical hermeneutic informed by both “kinism” (aka covenantal creationism) and “preterism” (aka covenant eschatology).

But Dissident Dispatches is more than a theological treatise. It is also a personal memoir.

The author, Andrew Fraser, is a racially aware, former law professor who became a theology student at a divinity school in suburban Sydney, Australia. He discovered there a multiracial college community of professedly Christian teachers and students promoting the postmodern cult of the “Other”. There, to be Christian is to celebrate the fact that Australia, Canada, the United States, even England, are no longer “Anglo-Saxon countries”.

Following in the author’s footsteps from one class to another, the book provides insight into the academic and personal problems likely to face pro-white students engaging in politically-incorrect speech or behaviour in a divinity school anywhere in the white, English-speaking world.

The author has considerable personal experience on the receiving end of politically correct thought policing. Early on, Dissident Dispatches explores the background to the one-year suspension meted out to the author for “offending” faculty members and/or female and ethnic students by the allegedly racist, sexist, and anti-Semitic remarks made by him in classes and seminars.

Dissident Dispatches is the unplanned product of the culture shock experienced on all sides when an Alt-Right senior citizen cum cultural warrior decides to rattle his politically-correct bars by going to a theological college run by a church often confused with the Communist Party at prayer.

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Yockey: A Fascist Odyssey

Author(s): Kerry Bolton

Francis Parker Yockey, herald of Western resurgence, sought to apply the philosophy of Oswald Spengler to the problems of post-1945 Europe. Yockey’s ‘Cultural Vitalism’ provides an organic and enduring method of analysis for the life-course of Civilizations.

Yockey: A Fascist Odyssey is the first sympathetic, full-length biography of this enigmatic figure. It analyses Yockey in his historical context: a post-war Europe divided between American plutocracy and Russian Bolshevism; the Europe of scaffolds, ruined cities, and Cold War confrontations.

Drawing on FBI and other state files, hitherto unpublished archives, and numerous personal interviews with those involved, this biography introduces a wealth of new material. The Allied ‘war crimes trials’ and the Communist Prague trials, both of which Yockey personally observed; opinions on Yockey by Sir Oswald Mosley, Ivor Benson, Adrien Arcand, and other important thinkers; the founding and activities of Yockey’s European Liberation Front; the genesis and impact of Yockey’s greatest writings; profiles on Yockey’s colleagues and followers; the use of psychiatry as a political weapon against dissident Rightists; the background to Yockey’s arrest, trial, and suicide — these subjects, and many more, receive unique treatment in this comprehensive biography of a political visionary.

Foreword by Tomislav Sunic.

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lundi, 12 février 2018

Matthew Crawford: Creating a Place to Be

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Matthew Crawford: Creating a Place to Be

Review:

Matthew Crawford
The World Beyond Your Head
Farrar, Straus and Giroux, 2016

jacket_med.jpgMatthew Crawford is a new but powerful intellectual. His debut in the public sphere began in 2009 with his book Shop Class as Soulcraft, which was affectionately dubbed “Heidegger and the Art of Motorcycle Maintenance” by Slate [2], and positively reviewed by Francis Fukuyama [3]. Crawford’s second polemic, however, is more far-reaching, and stands to usurp his first work as a philosophical masterpiece.

The book seeks to resolve the crisis of attention in which we find ourselves. Modernity has gently but completely entrapped much of the world, not merely in advertisements and clickbait, but in automated distractions that have no care or interest in the cognitive cost that these stimuli impose on their audience. These claims on our attention make it difficult to develop a coherent thought, discern what is valuable, or build competence in a skill—all of which require periods of uninterrupted focus that our world doesn’t seem interested in allowing us. But perhaps worse than that, these distractions seem designed to create values—or even dependencies—in line with the interests of those crafting the distractions. Because the distribution of attention is a zero-sum equation, valuing what is procured for us by “choice architects” comes at the expense of other things we might otherwise value. Focusing on a social media or email notification on my phone, for instance, means that in that moment, I cannot focus on work that I get paid for, giving my daughter a bath, or paying attention to my wife. The constant stream of interruptions reduces our ability to marshal our attention effectively in the creation of an authentic self.

Crawford argues that the origins of the problem can be found in an Enlightenment idea of freedom most powerfully espoused by Immanuel Kant, which separates our will from the material world. The goal was to save human freedom from the mechanistic determinism of Thomas Hobbes by placing human autonomy on a plane of existence beyond the reach of the world. According to Kant, action must be inspired by the realm of the pure intellect, of a priori moral laws, if we are to be free agents, untarnished by mechanistic infringements upon our autonomy. This retains “free will,” and the dignity of humans as agents touched by the divine spark . . .  or does it?

The book meanders through the relevant literature on perception and cognition, eventually concluding that our ability to see is inseparable from motion, and that thinking similarly contingent upon objects in our environment, including our bodies. In other words, the agency Kant was seeking to protect is not shielded by running away from the material world, but rather is expanded (to whatever degree it can be) by orienting ourselves in relationship to the world.

By way of explanation, Crawford introduces the reader to the concepts of ‘jigs’ and ‘nudges.’ Jigs are contraptions—usually ad hoc—that allow a carpenter to make cuts at exactly the same length without having to measure every individual piece. More broadly, they are ways that experts design their own environment to take some of the cognitive burden of their work, allowing them to focus on other things. The term “nudge” was coined by Cass Sunstein, the head of the Office of Information and Regulatory Affairs under President Obama. Nudges are similar to jigs in principle, in that they accept the limitations of human attention and attempt to engineer behavior, usually by establishing default choices (in Cass Sunstein’s case, by changing the default employee 401k choice to “opt-in”). However, unlike the jig, which is organic creation and usually an indirect product of the environment itself, the nudge is the product of administrative fiat.

The efficacy of the jig and the nudge in the real-world show that this materially grounded conception of human will is not actually escaped by embracing Kant’s Grounding for the Metaphysics of Morals. All that happens is that the reins of attention—our physical world—are presented for control to someone else.

The book takes a downright sinister turn in the exploration of the psychology of casinos. The phenomenon of the casino demonstrates the naivete—or insidiousness—of people who moralize about pulling ourselves up by our bootstraps in an environment purposely engineered to keep that from happening. The design philosophy behind casinos, and perhaps of much of social media, is essentially autistic. It affords the participant the gratification of pseudo-action, having ‘made something happen,’ and this provides a sense of comfort. But this pseudo-action happens within such a constrained system that increases in skill or experience are not relevant, and sometimes not possible. Individual growth does not result in any meaningful change in outcome. By contrast, one can be constrained by the nature of a motorcycle engine, and by accepting and learning these constraints, the individual gradually become more competent in fixing them. Being constrained by the rules of a slot-machine, however, gives the actor the feeling of power over their environment (I push a button, and the machines spins) without any possibility of meaningful improvement.

MC-shop.jpgSuch a design philosophy does not make people more free. By placing their “free will” beyond the reach of their material environment, we make room for all sorts of impositions on people’s ability to act in their own interests, and we may even make them vulnerable to exploitation. In the casino, this can include exploitation “to extinction.”

The book lays out a lethal criticism of the libertarian idea that “people should be allowed to make their own decisions” on this point. Our decisions are not free, and cannot be free, because absolute freedom of choice would render decision-making impossible. The defense of libertarian freedom requires us to join Pennsylvania governor Ed Rendell, and say of problem gamblers that “anyone who has that bent is going to lose their money anyways.”

Even a few weeks of familiarity with smart phones, video games, alcohol, sex, cigarettes, or porn is enough to know that all humans ‘have that bent’ in some capacity. The defense of libertarian freedom is, at best, a failure to understand the environmental effect of decision-making; at worst, something more nefarious.

The “freedom” that both those on the left and the right want to preserve is not a kind of “ability to do otherwise,” though people often attempt to describe it in this way. Rather, it is the kind of feeling of power that Nietzsche articulated, which Crawford captures in his description of a line-cook who feels “like a machine” when he is performing at his best.

What he seems to convey when he exults “I’m a machine,” ironically enough, is that he is caught up in a moment of savoring his own distinctly human excellence. One virtue of the extended-mind rubric is that it offers a theoretical frame for understanding a very basic, low-to-the-ground mode of human flourishing, in which we are wholly absorbed in activity that joins us to the world and to others. The cook finds pleasure in his ability to improvise; to meet the unpredictable demands of the situation, and to do so within the structure imposed by the kitchen.

This feeling of power is accomplished by tuning ourselves to our environment, and also by tuning our environment to ourselves, to create an ecology of attention that gives a feeling of coherence in our lives.

It may be less surprising to some than to others that a writer like Rebecca Newberger Goldstein [4] might take issue with Crawford’s diagnosis, particularly with his assessment of the Enlightenment. While Crawford’s argument is, as Goldstein rightfully points out, by no means a complete history of enlightenment thought, the incompleteness of his account of Spinoza and Hume is not particularly relevant to the argument. Crawford is not saying ‘the Enlightenment was bad,’ but rather ‘this particular conception of the self is wrong.’ By outward appearances, Goldstein’s fixation on the Enlightenment looks like a superficial excuse to disagree with Crawford’s account of coherent self-hood, agency, and a moral theory of attention, without actually addressing the argument itself.

In the end, Crawford’s theory of attention and the self presents a challenge to the neoliberal and libertarian conceptions of individual agency that have separated us from the legacy of those who did have our best interests at heart. It is an argument which—red herrings about the Enlightenment aside—does not appear to have a strong counterargument. If it is correct, then it poses the reader with the challenge of finding some way to ‘jig’ our collective environment in such a way that the possibility of forging a coherent self is possible. If we don’t, then we will be ‘nudged’ into accepting an autistic existence in a kind of Brave New Casino.

Given the rates of porn addiction [5] and suicide [6] that we have presently, such a future may not be very far off.

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[1] Image: https://www.counter-currents.com/wp-content/uploads/2018/02/WorldBeyondYourHead.jpg

[2] Slate: http://www.slate.com/articles/arts/books/2009/05/heidegger_and_the_art_of_motorcycle_maintenance.html

[3] Francis Fukuyama: http://www.nytimes.com/2009/06/07/books/review/Fukuyama-t.html?pagewanted=all

[4] Rebecca Newberger Goldstein: https://www.theatlantic.com/magazine/archive/2015/05/dont-overthink-it/389519/

[5] porn addiction: https://www.webroot.com/us/en/home/resources/tips/digital-family-life/internet-pornography-by-the-numbers

[6] suicide: https://www.counter-currents.com/2017/07/chester-bennington-and-white-male-suicide/