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mardi, 10 janvier 2017

Salut à Boutang !

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Salut à Boutang !

par Georges FELTIN-TRACOL

boutangsoulié.jpg« Le 20 septembre 2016, Boutang aurait eu cent ans (p. 14). » Jeune étudiant toulousain, Rémi Soulié le découvre en 1987 par l’intermédiaire de ses entretiens télévisés avec George Steiner. Séduit, il lui écrivit. S’en suivit ensuite une décennie de correspondances épistolaires, de visites fréquentes et d’appels téléphoniques nombreux jusqu’à la mort de Pierre Boutang, le 27 juin 1998.

Disciple zélé et talentueux de Charles Maurras, le royaliste orléaniste intransigeant Pierre Boutang fut à la fois philosophe, romancier, journaliste, critique littéraire et redoutable pamphlétaire. Révoqué de l’Université pour avoir rallié le général Giraud en 1942, Boutang fonda un journal, La Nation française, dans lequel s’exprimaient l’« historien du dimanche » Philippe Ariès et le critique de cinéma Philippe d’Hugues, soutint la cause de l’Algérie française avant d’approuver l’action néo-capétienne de Charles De Gaulle en qui il espéra un moment une éventuelle restauration monarchique en faveur du comte de Paris. Ayant appris à lire dans les colonnes de L’Action française, Boutang partage l’antisémitisme d’État de son maître à penser, puis se fait le vibrant défenseur du sionisme et de l’État d’Israël peut-être parce qu’il « voit dans Israël un modèle théocratique moderne, la théocratie étant le contenu latent de son rêve (p. 58) ».

Rémi Soulié ne développe pas le parcours intellectuel de son ami parfois sujet à de vives colères ainsi que d’« engueulade en hurlements majeurs (p. 100) ». « Quel caractère de cocon ! (p. 101) », poursuit-il plus loin, ajoutant que « Boutang, c’est Ivan le Terrible, Attila, Tamerlan et Gengis Khan en un seul homme (p. 109) ». Bref, « faute d’avoir trouvé un sage équilibre intérieur entre la paix et l’épée, Boutang ne (se) maîtrisait pas (p. 14) ». Ce tempérament difficile n’empêche pas que « Boutang s’enflamme comme un enfant. Il a des accès d’enthousiasme politique comme j’ai des quintes de toux. Comment fait-il pour rester aussi naïf après tant d’années de combats et de revers, alors qu’il est plus que prévenu contre la démocratie dite libérale et représentative ? (p. 99) ». Cette remarque surprend. En effet, « Maistre et Boutang partagent une même idée de la politique. […] Pour eux comme pour Donoso Cortés, Blanc de Saint-Bonnet et toute l’école de la pensée catholique traditionnelle, les principes de la politique ne se peuvent penser qu’à partir de l’Incarnation, du Dieu un et trine, bref, de la théologie (p. 17) ». Rémi Soulié assène même qu’« au fond, Boutang reste trop biblique (p. 99) ». « Coléreux et généreux, tendre et tyrannique, cet ogre fut un homme de passion [… qui] a construit une œuvre philosophique et polémique parfois hermétique mais qui porte à incandescence les facultés de l’esprit (p. 14). »

Un temps proche des royalistes de gauche de la NAF (Nouvelle Action française) qui deviendra plus tard la NAR (Nouvelle Action royaliste) animée par Bertrand Renouvin et Gérard Leclerc, Pierre Boutang connaît à la perfection les mécanismes démocratiques. « Il travaillait sur la notion platonicienne de “ théâtrocratie ”. Il y voyait le concept idoine à l’intelligence des temps spectaculaires (p. 138). » Parfois suspicieux envers certains titres de Jünger – tels La Paix -, il reconnaît néanmoins volontiers que « l’anarque est celui qui échappe à toute arché. Sont bonnes toutes les archies (monarchies, anarchie…), et détestables toutes les craties (démocratie, ploutocratie…) (p. 101) ».

Il n’est pas anodin si l’ouvrage s’ouvre sur une étude fouillée consacrée à « Pierre Boutang et Joseph de Maistre » au croisement de l’histoire des idées politiques, de la philosophie et de la métapolitique, terme déjà employé par l’auteur des Soirées de Saint-Pétersbourg. Cela peut surprendre chez quelqu’un qui se référait habituellement au philosophe italien Vico. Rémi Soulié insiste aussi sur « l’axe biographique, politique, métaphysique et théologique fondamental pour Boutang : la paternité et la filiation (p. 45) ». Sa pensée s’articule donc autour de ces deux notions qui fondent la nationdans son acception étymologique.

Pour saluer Pierre Boutang est un essai lumineux sur une vie, une personnalité et une œuvre complexe qui devraient probablement faire l’objet d’une étude exhaustive. Les écrits de Boutang peuvent encore avoir aujourd’hui une résonance particulière. Le supposé « populisme chrétien » décrit par Patrick Buisson dans La cause du peuple y puiserait des idées susceptibles de le rendre effectif, cohérent et combatif. George Steiner le considérait d’ailleurs comme « la voix philosophique de l’aile autoritaire de la droite contemporaine en France (p. 16) ». Les jeunes catholiques non-conformistes du début du XXIe siècle auraient par conséquent tout intérêt à redécouvrir ce philosophe engagé après avoir médité le beau livre de Rémi Soulié.

Georges Feltin-Tracol

• Rémi Soulié, Pour saluer Pierre Boutang, Éditions Pierre-Guillaume de Roux, 2016, 141 p., 21 €.

lundi, 09 janvier 2017

Renaud Nattiez aux Amis de Hergé 2016

 

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Renaud Nattiez aux Amis de Hergé 2016

Renaud Nattiez est né entre Paris et la Belgique, pendant la gestation d'On a marché sur la Lune. Ancien élève de l'ENA et Docteur en économie, il est aujourd'hui inspecteur général de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche. Dans ce document, il nous parle de son livre, sorti aux édition "Les Impressions Nouvelles", de son livre intitulé "Le Mystère Tintin - Les raisons d'un succès universel".

dimanche, 08 janvier 2017

Culturellement incorrect, de Bertrand Allamel

 
par Francis Richard
Ex: http://www.francisrichard.net 

culturellement-incorrect-allamel.jpgAttention, danger! Ce livre est incorrect. Il ne respecte pas la pensée française dominante en matière de culture. Il ose en effet s'attaquer aux politiques culturelles, à l'interventionnisme de l'État. Ce qui ne signifie pas qu'il considère que la culture soit de peu d'importance dans la vie des hommes. Bien au contraire.

L'auteur pourrait ironiser comme le fait Frédéric Bastiat, qui, dans Ce qu'on voit et ce qu'on ne voit pas, écrivait: Pensons-nous que l'État ne doit pas subventionner les artistes? Nous sommes des barbares qui jugeons les arts inutiles...

Ce qu'on voit.

Bertrand Allamel, dans Culturellement incorrect, démontre d'abord le bien-fondé des politiques culturelles, qui, pour être légitimes, doivent être conformes à la morale, à la raison et à la justice:

Démontrer consiste à établir une vérité ou une évidence par un raisonnement.

Quel est le raisonnement? Il part de deux principes:

- préserver la culture des lois du marché.

- réduire les inégalités d'accès à la culture.

Avant tout, Bertrand Allamel définit de quoi il est question. Le mot culture a deux sens, liés l'un à l'autre:

- un sens esthétique puisqu'elle recouvre les différentes oeuvres de l'esprit

- un sens anthropologique puisqu'elle est propre à une population.

Ce que disait Condorcet de l'instruction publique s'applique à la culture: c'est un instrument privilégié de libération de l'esprit humain. Ce que disait Schiller de l'éducation esthétique ne s'y applique pas moins: c'est un instrument de conciliation du sensible et du raisonnable.

La conviction fondatrice de l'intervention publique se base sur ces effets bénéfiques que, selon Les Lumières, la culture a sur l'humanité. Les individus cultivés sont, de fait, ouverts d'esprit grâce à:

- la diversité des représentations du monde auxquelles ils sont confrontés

- la diversité des langages qu'ils acquièrent et qui leur permettent de comprendre les autres.

Comme la culture est un bien exceptionnel, collectif et pacifiant, c'est bien à la collectivité d'en assurer la plus large et la plus équitable diffusion pour que la variété et la diversité de l'offre ne soient pas réduites:

Les productions culturelles pointues sont moins rentables et ont tendance à être exclues du marché.

Il y a également le problème de l'entrée gratuite, soulevé par Ronald Dworkin: Les consommateurs de disques et de films financent la production du bien culturel dont bénéficient ceux qui choisissent de se procurer et de jouir du bien sans le payer.

Si ce comportement prend de l'amplitude et que de tels biens culturels ne puissent plus être financés, ne devient-il pas utile de recourir à l'impôt et pertinent de les subventionner pour maintenir un certain niveau de culture?

Il est évident qu'il existe des inégalités d'accès à la culture. Ce ne sont pas tant d'ailleurs des inégalités économiques que sociologiques: Il faut avoir un minimum de culture pour être intéressé par la culture, et s'intéresser à la culture donne envie de s'y intéresser encore plus.

Ce qui peut légitimer une action de la collectivité en faveur de ceux qui ne s'y intéressent pas: Si je n'ai pas un accès à la culture égal à mon voisin, ai-je la même liberté de penser que lui? [...] La personne cultivée a le choix de profiter ou non des biens culturels, celle qui ne l'est pas, non.

Enfin, il y a un devoir de transmission aux générations futures et donc une nécessité d'entretien de la culture, dans son sens anthropologique. L'État semble le plus apte à assurer cet entretien et à remplir ce devoir moral.

Ce qu'on ne voit pas

La légitimité de l'interventionnisme de l'État, dans le domaine culturel, comme dans d'autres, ne résiste pourtant pas à l'épreuve de la réalité. Et Bertrand Allamel le prouve:

Prouver revient [...] à établir une vérité mais en s'appuyant sur des faits ou des pièces à conviction.

Bertrand Allamel fait une remarque liminaire: tout le monde n'est pas d'accord avec l'idéalisme des Lumières. D'aucuns pensent, comme Rousseau, que la culture est néfaste à l'homme et à la société. D'autres que la culture de masse, non sacrée, va de pair avec le déclin de la spiritualité.

Il donne également des contre-exemples de créations culturelles, diversifiées et de qualité selon lui, faites par des opérateurs privés, dans le secteur télévisuel (que je connais mal) depuis les années 2000: des séries américaines et une émission française de divertissement.

Puis, et c'est là, où la légitimité des politiques culturelles est grandement mise à mal, il publie des statistiques de fréquentation des équipements culturels qui prouvent leur inefficacité. Ce sont des statistiques de fréquentation globales, par type d'équipement, par pratiques culturelles, par catégories sociales et par revenus.

Il ressort de ces statistiques, établies sur des années, que la fréquentation des équipements culturels est faible et que ceux qui profitent de ces équipements sont essentiellement ceux qui ont les moyens économiques de se passer de facilitation d'accès à la culture: Cela revient à dire, de façon caricaturale, qu'en matière culturelle, "le pauvre paie pour le riche".

Ce qui met encore plus à mal la légitimité de l'intervention publique, c'est un recensement effectué aux États-Unis, qui fait apparaître des pratiques culturelles proportionnellement identiques à celles des Européens, à la différence près que les financements là-bas sont privés:

Ce constat est plutôt embarrassant en regard des sommes investies par la collectivité et de l'état de dégradation avancée des finances publiques de notre pays.

Plus fondamentalement, dans un dernier chapitre, l'auteur soulève trois problèmes que pose l'intervention publique en matière culturelle: Un premier problème connu concerne les dérives bureaucratiques de l'action culturelle publique. Deux autres aspects sont moins fréquemment évoqués mais méritent attention. Il s'agit de l'atteinte aux préférences et la liberté de choix des individus, et du paternalisme.

Pour expliciter ces deux derniers aspects, force est pour l'auteur de faire de la sémantique et de montrer de manière synthétique, sur un tableau éloquent, ce qui sépare l'idéologie socialiste dominante en France de la pensée libérale qui y est inexistante, du moins sur le plan politique.

Cette distinction est nécessaire parce que la plupart des gens ignorent en France que le libéralisme est d'abord une philosophie du droit et une conception politique, avant d'être une doctrine économique. Alors que le socialisme est une idéologie politique qui repose sur le diagnostic d'une inégalité dans la répartition des richesses entre les hommes.

Quoi qu'il en soit l'intervention publique en matière publique ressort de l'idéologie socialiste, où la culture est une affaire publique car liée au destin collectif: il faut élever le niveau de culture des masses, et rendre la culture accessible au plus grand nombre. Pour un libéral, la culture est une affaire privée, individuelle, qui ne saurait faire l'objet d'une politique publique:

Les individus sont contraints de financer un bien collectif qu'ils ne désirent pas forcément, et la liberté de celui qui ne veut pas payer pour un spectacle, un musée, une exposition est atteinte.

Ce qui est vrai pour la culture l'est pour bien d'autres domaines, ce qui se traduit par une augmentation indéfinie du périmètre de l'État, devenu un État-providence démesuré. Où une élite décide pour le reste de la population, en exerçant une forme de paternalisme:

Dire que la culture est bénéfique ou indispensable et qu'il appartient à la collectivité d'en assurer les conditions de production comme de diffusion revient à se considérer comme un éclairé sachant ce qui est bon pour le peuple (et le sachant mieux que lui).

Au début de son livre, l'auteur écrit que tout le monde trouve aujourd'hui normal que la collectivité intervienne dans le champ culturel. A son terme, il écrit qu'il n'y a pas de mesure particulière à prendre, sinon un désengagement de la collectivité, accompagné tout au plus d'une meilleure politique d'incitation fiscale. On en est encore bien loin...

Francis Richard

Culturellement incorrect, Bertrand Allamel, 272 pages Les Éditions Libréchange

Mathieu Bock-Côté: Le multiculturalisme est une religion politique

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Le multiculturalisme est une religion politique

Ex: http://www.lesobservateurs.ch 

Passionnant entretien accordé par le sociologue québécois Mathieu Bock-Côté, à Politique Magazine, à l'occasion de la parution de son dernier ouvrage.

En quoi le multiculturalisme est-il une religion politique ?

Le multiculturalisme est apparu au mitan du xxee siècle comme une révélation. Il ne prétend pas améliorer la société, mais la démanteler pour la reconstruire radicalement selon une nouvelle anthropologie. Ce en quoi il est aussi une eschatologie : il y a le monde d’avant, coupable de péchés indélébiles contre la diversité, et le monde d’après, qui tend vers le paradis diversitaire et transnational, étape ultime de l’aventure humaine et seul visage possible de la modernité.

Selon les tables de la loi multiculturelle, les vieilles institutions sociales doivent s’effacer au profit des revendications exprimées par tous les « exclus » de la terre qui se trouvent parés, en tant que tels, de l’aura christique des réprouvés.

De là découle une conception particulière de l’affrontement politique. Car les grands prêtres du multiculturalisme ne conçoivent pas la démocratie comme la confrontation de conceptions concurrentes du bien commun mais comme un espace d’éradication du mal. Qui ne communie pas au culte de la diversité est le diable en personne – et le diable est intolérant, raciste, islamophobe, homophobe… C’est ainsi que le débat public en Occident a été confisqué par un petit clergé progressiste qui menace du bûcher toute pensée dissidente.

Vous expliquez que le multiculturalisme est né sur les décombres du soviétisme, comme une métamorphose de l’imaginaire marxiste…

Il est certain qu’à partir des années 1950, la plupart des intellectuels marxistes prennent conscience que l’URSS, leur nouvelle Jérusalem, ressemble davantage à un enfer concentrationnaire qu’à un paradis de travailleurs. C’est le début de ce que j’appelle le « socialisme migrateur » ou « socialisme tropical » : beaucoup vont chercher de nouvelles terres promises en Chine, à Cuba, en Afrique… Mais c’est à partir des années 1960 que le progressisme va profondément muter en se détachant du communisme.

Mai 68 et les Radical Sixties marquent le triomphe du gauchisme et de la contre-culture qui débordent le communisme par la gauche et transforment le rapport au mythe révolutionnaire. C’est l’époque où Herbert Marcuse parle avec dédain des « classes populaires conservatrices ». La gauche radicale constate que le prolétariat aspire davantage à la middle class qu’à la révolution. Désormais, elle fera la révolution sans le peuple et même, au besoin, contre lui. Et c’est aux minorités que le rôle de catégorie sociale révolutionnaire de substitution est dévolu.

Mais le muticulturalisme ne menace-t-il pas d’implosion violente les sociétés où il s’exerce ?

Pourquoi vivre en commun si on ne partage pas la même culture ? En laissant cette question sans réponse, le multiculturalisme, loin de tenir sa promesse du « vivre-ensemble », ne produit, au mieux, qu’une pluralité d’appartenances au sein de sociétés fragmentées et communautarisées. Mais ne réduisons pas sa critique aux aspects liés à la paix civile même s’ils ne sont pas négligeables.

L’idéologie multiculturelle obéit d’abord à une logique de déracinement qui passe par le démantèlement des institutions et des systèmes normatifs traditionnels. Elle est fondée sur une inversion du devoir d’intégration : l’immigré n’a plus vocation à se fondre dans le creuset de la culture d’accueil mais c’est la culture d’accueil qui doit s’accommoder de la culture d’importation. La culture d’accueil perd ainsi son statut référentiel et devient, en quelque sorte, optionnelle, sauf pour expier ses crimes contre la diversité, ce qui revient évidemment à œuvrer à sa propre destruction. C’est exactement ce qui est arrivé au Canada.

Le Canada, présenté par les thuriféraires du multiculturalisme comme un modèle de gestion ethnoculturelle… Qu’en est-il de la réalité ?

Je ne sais pas si on peut parler de modèle, mais le multiculturalisme est là-bas une sorte de doctrine d’état. Avec son enthousiasme coutumier, notre flamboyant Premier ministre, Justin Trudeau, vient d’expliquer dans le New York Times que c’était la diversité qui caractérisait le Canada. Et de fait, au pays des accommodements raisonnables, une immigrée peut prêter son serment de citoyenneté en niqab avec la bénédiction des tribunaux ou le Premier ministre d’une province comme l’Alberta peut se montrer dans une vidéo revêtue d’un voile islamique pour fêter la fin du ramadan…

Ce zèle diversitaire, ce multiculturalisme triomphant récoltent l’admiration béate des élites culturelles et médiatiques qui se congratulent entre elles de ces marques définitives de tolérance et d’ouverture d’esprit. Au Canada, le multiculturalisme est, si j’ose dire, entré dans les mœurs.

En revanche, on sait moins qu’il y a été utilisé et programmé comme une arme de guerre contre le nationalisme québécois. C’est Pierre Trudeau, le père de l’autre, qui l’a fait inscrire dans la loi constitutionnelle de 1982, imposée de force au Québec afin de désamorcer ses revendications historiques à se constituer en nation. Trudeau voyait en effet d’un très mauvais œil le souverainisme québécois qu’il accusait d’ethnocentrisme, alors même que le socle de l’identité canadienne reposait traditionnellement sur la figure des deux peuples fondateurs, les anglophones et les francophones.

Le résultat ne s’est pas fait attendre. Ainsi constitutionnalisé, le multiculturalisme a non seulement amputé le Canada de son identité française, mais il a aussi privé le Québec de son statut de nation fondatrice. Triste destin pour le peuple québécois, extrait de sa propre histoire, dépossédé d’une part de lui-même et rabaissé à l’état de communauté ethnique parmi d’autres au sein de la diversité canadienne…

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En France, la victoire de François Fillon à la primaire de la droite est parfois analysée comme une réaction à l’idéologie des élites, largement comparable à ce que vous décrivez pour le Canada. Est-ce aussi votre sentiment ?

Oui, d’une certaine façon, même si, en France, les références aux valeurs républicaines entretiennent l’illusion d’une communauté politique unifiée. Je dis bien l’illusion : on sait que la réalité est tout autre et qu’énormément de Français ont le sentiment que leur pays se décompose. C’est pourquoi je crois que les gens ont moins voté pour le programme de François Fillon que pour l’image d’une France traditionnelle et enracinée qu’il personnifie. De ce point de vue, il est l’exact contraire de Justin Trudeau qui incarne un cosmopolitisme diversitaire sans racines et la dissolution du politique dans la communication. Fillon est la sobriété faite homme. Pas de transgression outrancière chez lui. Ce qui le distingue aussi d’un populiste du genre Donald Trump.

Fillon l’a plus emporté pour la part de conservatisme qu’on lui attribue que pour sa promesse de rétablir les finances publiques ?

Sans aucun doute, même si le verbe « rétablir » que vous venez d’employer est celui qui lui convient. François Fillon doit avoir conscience des enjeux qu’il a fait naître. Il porte pour l’élection de 2017 tous les espoirs d’un certain conservatisme à la française. Je veux parler d’un mélange d’enracinement, de sens commun, de dignité qu’il lui faudra, sous peine d’immense déception, incarner personnellement mais aussi politiquement s’il est élu à la tête de l’État.

Ce conservatisme réclame une part de volontarisme car, dans le monde qui est le nôtre, il ne s’agit plus seulement de conserver, il faut également restaurer ce qui a été mutilé par quarante ans de progressisme maniaque. En France, cela commence par l’État, l’autorité de l’État. La psychologie politique de votre pays est profondément imprégnée de l’idée que c’est l’état souverain qui incarne le destin de la nation et il serait tout à fait illusoire de vouloir lui substituer la société civile comme le prône le philosophe anglais Roger Scruton. Le conservatisme français est une synthèse originale d’identité et de liberté, même sur les questions de mœurs.

Cela le distingue du conservatisme social américain qui peut avoir une dimension agressive, très éloignée du conservatisme tranquille qui s’est exprimé lors de la Manif pour tous. Si les Français sont à la recherche de leur conservatisme, qu’ils ne le regardent surtout pas avec une loupe américaine ou britannique !

Le problème de ce conservatisme n’est-il pas de ne jamais s’assumer en tant que tel ?

C’est tout le problème des dirigeants de ce qu’on appelle la droite. Alain Juppé était tellement heureux d’être célébré par la presse de gauche qu’il en a oublié que la France ne se réduisait pas à ce que pensent Les Inrockset Télérama. Le rêve d’une certaine droite, et c’est le danger qui guette Fillon désormais, c’est que la gauche lui dise qu’elle n’est pas vraiment de droite. Elle se croit donc obligée de prouver qu’elle est la plus moderne et, pour faire moderne, elle ne parle que d’Europe et de mondialisation, jamais ou presque jamais des questions sociétales et identitaires. Le débat public se résume ainsi depuis quarante ans à une querelle entre progressistes. C’est ce que j’appelle dans mon livre le « malaise conservateur » : bien que prégnant en France, le conservatisme n’a jamais trouvé sa traduction politique, sinon dans quelques discours électoraux vite oubliés une fois au pouvoir.

Pourtant, on entend beaucoup dire que les « réacs » auraient gagné la suprématie culturelle…

Et qui l’affirme ? Certes, quelques voix discordantes se font entendre un tout petit peu plus qu’avant, ce qui provoque un double phénomène : d’une part, la gauche hégémonique se croit assiégée parce que sa domination est très légèrement contestée ; de l’autre, la droite silencieuse se croit conquérante parce qu’elle est un tout petit peu plus entendue. Mais le fait est que la quasi-intégralité des pouvoirs institutionnels et culturels reste progressiste.

Un dernier mot sur le regard qu’on porte sur la France depuis le Québec ?

Il y a un vieux sentiment d’affection filiale qui vire à l’hostilité chez les élites car la France est perçue comme un rouleau compresseur laïciste qui étouffe sa diversité. Mais pour les souverainistes, qui représentent grosso modo 40% de la population, la France demeure la première alliée et un enjeu interne : même si la langue française est fragilisée à cause de l’État fédéral où elle n’existe quasiment plus, le Québec ne parle pas norvégien ou danois.

Il parle français, une des plus grandes langues du monde, et cela a contribué à sa survie. Si l’aventure coloniale a pu avoir des aspects positifs, c’est bien ici, en Amérique du Nord, où la France a accouché d’un peuple neuf !

Extrait de: Source et auteur

Entretien de Charlotte d’Ornellas avec Patrick Buisson

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Entretien de Charlotte d’Ornellas avec Patrick Buisson

À l'occasion de la sortie de son livre La Cause du peuple, Patrick Buisson évoque Nicolas Sarkozy, Donald Trump, le hiatus entre les promesses de campagne et l'action politique, le combat entre "les enracinés du local" et "les agités du global", l'absence de culture de la classe politique, l'identité, l'amitié française, le lien social, les enjeux métapolitiques, la révolution conservatrice, le fait religieux, le sursaut identitaire, la possible guerre civile... mais aussi son espérance : nous sommes à la fin d'un cycle et au début d'un autre.

vendredi, 06 janvier 2017

Guilluy et le crépuscule de la bobocratie

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Guilluy et le crépuscule de la bobocratie

 

Le géographe Christophe Guilluy vient de publier Le crépuscule de la France d’en haut (Flammarion), un ouvrage passionnant dans lequel il met en évidence la partition géographique, culturelle et sociale des deux France qui se font désormais face : d’une part, la France des bourgeois-bohêmes (très minoritaires) qui profitent de la mondialisation libérale et qui règnent sans partage sur la quinzaine de métropoles françaises et d’autre part, la France périphérique des perdants (très majoritaires) de cette même mondialisation. L’oligarchie a choisi de concentrer les richesses dans ces quinze métropoles dans lesquelles elle vit à l’écart des ‘’red-necks’’ de la périphérie qui sont supposés être fascistes.

La minorité de privilégiés qui bénéficie des effets de la mondialisation libérale pratique un apartheid qui ne dit pas son nom et utilise les lois du marché qui, du fait de l’augmentation du prix des biens immobiliers dans ces quinze métropoles, permettent de créer une barrière de verre infranchissable sans avoir à utiliser les méthodes habituelles (murs, grillages, forces de l’ordre…).

Une partie de la population de ces métropoles est d’origine immigrée et accepte de vivre dans des zones résiduelles de moindre qualité et désertées par les autochtones qui ne veulent plus vivre au contact de populations aux mœurs par trop différentes des leurs. Cette population immigrée sert d’alibi aux privilégiés qui se veulent ouverts aux autres et leur permet, en fait, de disposer d’une main d’œuvre bon marché dans le domaine des services domestiques et commerciaux (restaurants…).

Les bobos sont les bourgeois du XXIème siècle qui se donnent bonne conscience en participant au combat fantasmatique contre le fascisme et le racisme.  Fantasmatique parce que le danger fasciste n’existe pas (Jospin lui-même l’a reconnu) et parce que les Français ne sont pas racistes (seule une très petite minorité l’est) ; ils veulent seulement préserver leur culture, leur mode de vie, leur sociabilité, leurs institutions… qui sont menacés par l’immigration que nous subissons depuis quarante ans.

L’idéologie de la bobocratie est véhiculée par la quasi-totalité des médias mais, malgré cela, les Français ne tiennent plus compte des sermons, des mises en garde, des menaces, des injures, des mensonges qu’ils profèrent à longueur d’année. 90% d’entre eux ne leur font pas confiance (lors d’un sondage fait récemment par une radio très connue, 91% des auditeurs ont répondu que les journalistes sont des menteurs !) et Marine Le Pen a été la personnalité politique préférée par les Français en 2016, devant tous les candidats du système ! La bobocratie est en perdition, en France, comme en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis, en Europe centrale et à peu près partout dans le monde occidental.

L’idéologie de la métropole

 L’idéologie de la métropole est celle d’une nouvelle bourgeoisie, libérale-libertaire, dont le modèle est celui de la Silicon Valley californienne. Comme l’a écrit Jean-Claude Michéa, cité par l’auteur, : ‘’Ce modèle repose en effet sur cette idéologie libérale-libertaire qui « constitue depuis des décennies la synthèse la plus accomplie de la cupidité des hommes d’affaires libéraux et de la contre-culture californienne de l’extrême-gauche des sixties »’’. Cette nouvelle bourgeoisie, cool et décontractée, n’en partage pas moins avec la bourgeoisie du passé, un mépris à peine voilé pour les classes populaires : ‘’D’un côté des métropoles embourgeoisées qui travaillent, de l’autre une France périphérique peuplée d’assistés. Une représentation condescendante des classes populaires qui est, à peu de choses près, celle de la bourgeoisie traditionnelle depuis au-moins les Rougon-Macquart !’’.‘’Bénéficiaires d’un modèle économique et territorial qui assure aussi leur hégémonie politique et culturelle, les classes supérieures métropolitaines sont les gardiennes du temple libéral’’.

Dans ces métropoles désertées par les gros bataillons des autochtones les plus modestes au cours des vingt-cinq dernières années, il y a une population d’origine immigrée qui permet aux privilégiés de disposer d’une main d’œuvre peu exigeante, disponible pour des activités de services domestiques et commerciaux et qui leur donne le sentiment de vivre dans un univers mondialisé et ouvert , ce qui n’est qu’un trompe-l’œil : ‘’Cette présence populaire et immigrée permet aux tenants de la métropolisation de mettre en avant l’image d’une ville ouverte et mixte. La réalité est que la présence de ces catégories ne freine qu’à la marge le processus d’éviction des catégories modestes des métropoles. Par ailleurs, l’accentuation des inégalités spatiales montre que le modèle métropolitain ne favorise pas l’ouverture et la mixité, mais la ségrégation’’.

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Les bourgeois-bohêmes ou la nouvelle bourgeoisie

Selon Christophe Guilluy, les bobos ont horreur de cette appellation parce qu’elle contient  le mot « bourgeois ». Ils ne peuvent pas imaginer qu’ils sont les nouveaux privilégiés, ceux qui profitent d’un système économique très dur pour l’immense majorité des Français (ou des Italiens, ou des Anglais…..la situation est la même partout). Pour se donner bonne conscience, le bobo affiche sa solidarité avec les homosexuels, les immigrés et les victimes des guerres. Çà ne lui coûte pas cher ; un tweet de temps en temps et la participation à une manifestation lui donnent l’impression d’être un rebelle. Le bobo vit claquemuré dans sa métropole dont il pense qu’elle est un monde ouvert, à la différence de la France périphérique qui serait, selon lui, intrinsèquement « pétainiste ». En fait, tout cela est faux. Le bobo est le bourgeois du vingt et unième siècle ; un bourgeois hypocrite qui essaie de dissimuler son aisance derrière un look débraillé et un langage branché, « cool ». ‘’Derrière le mythe de la société ouverte et égalitaire des métropoles cosmopolites, nous assistons donc au retour des citadelles médiévales, de la ville fermée, et à la consolidation d’un modèle inégalitaire de type anglo-saxon… Détachée de toute appartenance collective autre que celle de son milieu, la nouvelle bourgeoisie surfe sur la loi du marché pour renforcer sa position de classe, capter les bienfaits de la mondialisation et se constituer un patrimoine immobilier qui rivalisera demain avec celui de l’ancienne bourgeoisie’’.

 L’idéologie des bobos est un libéralisme poussé dans ses plus extrêmes conséquences en matière d’individualisme ; ce qui se traduit par un mondialisme radical, une désaffiliation à l’égard de toute communauté autre que socio-économique, une approbation totale du libéralisme économique et un libertarisme radical en matières de mœurs.

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L’antifascisme : une rhétorique qui vise à dissimuler une guerre de classes

Les bobos se donnent bonne conscience en ‘’militant’’ contre le racisme et contre le fascisme, deux maux illusoires dont ‘’Lionel Jospin reconnaîtra plus tard que cette « lutte antifasciste en France n’a été que du théâtre » et même que le « Front National n’a jamais été un parti fasciste »’’. Quant au racisme qui est peu fréquent au sein de la population autochtone, il est surtout le fait des immigrés musulmans dont l’antisémitisme est fréquent et parfois même criminel. ‘’Véritable arme de classe, l’antifascisme présente en effet un intérêt majeur. Il confère une supériorité morale à des élites délégitimées en réduisant toute critique des effets de la mondialisation à une dérive fasciste ou raciste. Mais, pour être durable, cette stratégie nécessite la promotion de l’ « ennemi fasciste » et donc la sur-médiatisation du Front National’’. ‘’La France du repli d’un côté, des ploucs et des ruraux, la France de l’ouverture et de la tolérance de l’autre. Mais qu’on ne s’y trompe pas, cet « antiracisme de salon » ne vise absolument pas à protéger l’ « immigré », le « musulman », les « minorités » face au fascisme qui vient, il s’agit d’abord de défendre des intérêts de classe, ceux de la bourgeoisie’’. Intérêts de classe qui sont dénoncés par la France périphérique qui, elle, ne profite pas de la mondialisation voulue par la nouvelle bourgeoisie et qu’il faut réduire au silence en la méprisant et en l’injuriant.‘’Car le problème est que ce n’est pas le Front National qui influence les classes populaires, mais l’inverse. Le FN n’est qu’un symptôme d’un refus radical des classes populaires du modèle mondialisé. L’antifascisme de salon ne vise pas le FN, mais l’ensemble des classes populaires qu’il convient de fasciser afin de délégitimer leur diagnostic, un « diagnostic d’en bas » qu’on appelle « populisme »’’.

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Le séparatisme des bobos

Les bobos ont abandonné toute idée de nation et l’Union européenne n’est, pour eux, qu’une étape vers un monde unifié dont les pôles seraient les métropoles dans lesquelles seraient rassemblées les élites culturelles, financières et techniques. Dans ce monde des métropoles interconnectées, les zones comprises entre elles seraient des zones réservées aux « losers » et seraient ignorées de la caste métropolitaine : ‘’Dans une tribune commune, Anne Hidalgo et Sadiq Khan font l’apologie du dynamisme des villes globales et ouvertes qu’ils opposent à la léthargie des Etats-nations, considérés comme le cadre du repli sur soi. Structurellement minoritaires, les partisans de l’ordre mondialisé prônent donc maintenant l’indépendance de leurs citadelles et l’abandon des périphéries populaires ! Les grands contempteurs de la France ou de l’Angleterre du repli préconisent ainsi le repli territorial de la bourgeoisie. Cependant, en attendant la création de ces cités-Etats, les classes dominantes et supérieures devront se confronter à un problème existentiel : comment assurer l’avenir d’un modèle mondialisé rejeté par une majorité de l’opinion ?’’.

Le mythe d’un monde nomade

attalinomade.jpgL’idée que les bobos se font du monde est celle d’un monde de nomades (l’ineffable Jacques Attali a dit que sa seule patrie était son ordinateur !). Or les études démographiques et sociologiques montrent qu’il en va très différemment.  ‘’ Contrairement à ce que laisse entendre le discours dominant, la majorité des gens sont sédentaires : ils vivent dans les pays, régions ou départements où ils sont nés… en France comme dans le monde, les classes populaires vivent et préfèrent vivre, là où elles sont nées. Si les gens apprécient le « voyage », le tourisme, ils ne choisissent pas le déracinement’’. L’idée d’un monde fluide, atomistique, est celle que tentent de nous imposer les classes dominantes libérales pour lesquelles il n’est de réalité qu’individuelle. ‘’Cette représentation permet d’imposer efficacement l’idée d’une société hors sol, d’individus libérés de toutes attaches, circulant comme les marchandises au gré de l’offre et de la demande, contrairement aux classes populaires réticentes au changement et tentées par le « repli »’’. Les nomades ne sont qu’une toute petite minorité au plan mondial et les sociétés enracinées restent la norme.

Les préoccupations ethnoculturelles de la France d’en bas

 La classe dominante rabat la contestation du système qu’elle impose sur les seuls succès électoraux du Front National mais cette contestation est le fait d’une part beaucoup plus importante du peuple français. Ce sont environ 70% de nos compatriotes qui considèrent qu’il y a trop d’immigrés et 60% qui ne se sentent plus vraiment chez eux. Le Front National a donc une marge de progression énorme s’il n’abandonne pas ce qui a fait son succès : la lutte prioritaire contre l’immigration et pour la préservation de la culture nationale. Christophe Guilluy souligne le fait que ce sont les plus âgés des Français qui continuent de soutenir le système tandis que ce sont les plus jeunes, surtout ceux des milieux populaires, qui, au contraire, le contestent massivement. Un sondage CEVIPOF de mai 2016, ‘’révèle ainsi que 37% des jeunes issus du milieu ouvrier et 60% des primo-votants chômeurs accorderaient leurs suffrages à Marine Le Pen, contre 17% des jeunes issus des catégories cadres et professions intellectuelles supérieures. L’étude souligne que « Marine Le Pen est particulièrement visible au sein des primo-votants issus de l’immigration européenne (Espagne, Italie et Portugal) et crée en cela une fracture politique et électorale au sein même de la population issue de l’immigration »’’. La tendance est donc au renforcement des contingents d’électeurs dits ‘’populistes’’, ce qui est confirmé par Jérôme Fourquet de l’IFOP  qui a dit ‘’que désormais les ressorts électoraux des électeurs populaires sont essentiellement « ethno-culturels »’’ (cité par Christophe Guilluy). ‘’Débarrassées des affiliations politiques traditionnelles, les classes populaires réinvestissent leur capital social et culturel. Ce processus n’est pas le signe d’un repli, mais la réponse à un modèle libéral mondialisé qui détruit les solidarités’’. Les classes populaires de la ‘’périphérie’’ (60% des Français selon Guilluy et non pas les quelques 15 à 20% de ruraux âgés et éloignés de tout dont parlent les statistiques officielles) rejettent désormais la mondialisation libérale et la culture qui lui est associée tout en se raccrochant à la culture nationale (le seul recours disponible puisqu’il n’y a pas de culture européenne et qu’il n’y a plus de cultures régionales dynamiques hormis dans quelques régions) qui lui sert de refuge, ce qui se traduit par un ré-enracinement strictement national qui court-circuite les projets européens du passé. Il semble bien que, comme l’a dit récemment Viktor Orban,  la nation ait de beaux jours devant elle.

Les bobos sont en train de perdre la partie

 ’C’est par ces périphéries que la France d’en haut est en train de perdre le contrôle. Maastricht a été le premier coup de semonce, le référendum de 2005, le deuxième. La déstabilisation ne viendra pas d’un hypothétique « grand soir », mais du lent processus de désaffiliation sociale et culturelle des classes populaires. De la classe politique au monde culturel et intellectuel en passant par les médias, l’ensemble de la classe dominante commence à redouter les conséquences du marronnage des classes populaires. Car il rend visible un conflit de classes, aux soubassements désormais sociaux et identitaires, et dont on a longtemps prétendu qu’il n’existait pas’’.  Désormais, l’antifascisme et l’antiracisme, les deux armes de la bourgeoisie bobo n’impressionnent plus personne. ‘’C’est terminé. Les classes populaires ne parlent plus avec les « mots » de l’intelligentsia. Le « théâtre de la lutte antifasciste » se joue devant des salles vides’’. ‘’Le discours de la classe dominante n’a plus aucune prise sur le réel, il fait apparaître une France privilégiée mais hors sol, une « France du vide »’’.

Des bobos sur la voie du totalitarisme

L’oligarchie commence à comprendre qu’au plan démocratique elle a perdu la partie et qu’elle ne maîtrise plus l’évolution de l’opinion (le Brexit et l’élection de Trump ont montré que, désormais, des changements de fond sont possibles malgré les tirs de barrage de l’oligarchie ; Breitbart et d’autres sites de moindre importance ont permis ces deux victoires électorales qui ont sidéré la bobosphère). Sûre et certaine de détenir la seule et unique vérité, elle réagit en dénonçant les travers de la démocratie et en affirmant de plus en plus clairement sa préférence pour un modèle despotique (forcément « éclairé ») : ‘’Réunie sous la bannière de l’antifascisme, partageant une représentation unique (de la société et des territoires), les bourgeoisies de gauche et de droite sont tentées par le parti unique. « Si les intellectuels sont portés au totalitarisme bien plus que les gens ordinaires » (Simon Leys), une tentation totalitaire semble aussi imprégner de plus en plus une classe dominante délégitimée, et ce d’autant plus qu’elle est en train de perdre la bataille des représentations. Ainsi, quand la fascisation ne suffit plus, la classe dominante n’hésite plus à délégitimer les résultats électoraux lorsqu’ils ne lui sont pas favorables. La tentation d’exclure les catégories modestes du champ de la démocratie devient plus précise’’.

Quand Alain Minc déclare que le Brexit, « c’est la victoire des gens peu formés sur les gens éduqués » ou lorsque Bernard-Henri Lévy insiste sur la « victoire du petit sur le grand et de la crétinerie sur l’esprit », la volonté totalitaire des classes dominantes se fait jour’’. Cette arrogance et ce mépris se sont manifestés à nouveau lors de la victoire électorale de Donald Trump dont l’oligarchie a stigmatisé les électeurs d’en bas forcément abrutis, incultes et alcooliques. L’oligarchie dépitée ne sait plus qu’injurier le peuple ; elle va tenter de reprendre la main et de limiter la pratique de la démocratie mais elle ne réussira pas à conserver le pouvoir durablement. Ironie de l’histoire, cette oligarchie ne sera même plus tentée de se réfugier aux États-Unis qui sont désormais dirigés par un nouveau diable. Prise en sandwich entre Poutine et Trump, désavouée en Grande-Bretagne et en Italie, dénoncée par les leaders politiques d’Europe centrale, rejetée par toutes les périphéries, en France et ailleurs, la bobocratie est en perdition !

Bruno Guillard

Christophe Guilluy – ’Le crépuscule de la France d’en haut’’ – Editions Flammarion

mardi, 03 janvier 2017

« Adieu l’Argent-Roi ! Place aux héros européens » de Marc Rousset

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Cartouches pour 2017 :

« Adieu l’Argent-Roi ! Place aux héros européens » de Marc Rousset

par Michel Lhomme, philosophe, politologue 

Ex: http://metamag.fr 

L’héroïsme est fondateur des cultures. Commentant sa résilience, Boris Cyrulnik souligne que « la vie est un champ de bataille où naissent les héros qui meurent pour que l’on vive. Les héros vivent dans un monde de récits merveilleux et terrifiants. Ils sont faits du même sang que le mien, nous traversons les mêmes épreuves de l’abandon, de la malveillance des hommes et de l’injustice des sociétés. » Aucun thème n’est plus incontournable pour comprendre notre actualité, faire face et ne pas désespérer de l’avenir que l’héroïsme.

Il ne manque pas d’analyses pertinentes, fouillées, concernant nos sociétés occidentales et leur devenir. Nous savons combien il est difficile d’analyser de telles sociétés parce qu’elles sont souvent traversées d’enjeux et de finalités contradictoires. Marc Rousset a choisi son fil rouge et sa clé dans un livre touffu, un pavé de 500 pages à dimension épique et cette clé, c’est une antinomie, celle de l’Argent-roi et de l’Héroïsme.

Le projet est colossal puisqu’il vise par trois tomes successifs dont le premier vient de paraître chez l’éditeur Godefroy de Bouillon, un héros curieusement oublié ensuite par l’auteur sans doute parce que trop chrétien alors que vainqueur de la première croisade, il refusa par désintéressement radical le titre de roi de Jérusalem pour celui d’avoué du Saint-Sépulcre. Ce premier tome porte comme titre : Adieu l’Argent-roi ! Place aux héros européens, avec pour sous-titre : Critique de la civilisation de l’Argent, Apologie de l’Héroïsme. Il se présente à nous comme une alternative de vie qui serait notre choix existentiel du moment : vivre pour l’Argent ou se risquer gratuitement mais mortellement en Héros ? De cette alternative, le matérialisme ou l’héroïsme, l’auteur se propose de dresser une analyse historique, conceptuelle et individuelle. L’ouvrage se déploie comme une anthologie thématique, historico-culturelle, enrichissante et passionnante. Elle est de fait extrêmement risquée car en visant le temps long, de l’Antiquité à nos jours, elle ne peut manquer de faire des impasses et d’opérer parfois des réductions et des simplifications. Dans le premier tome, les deux parties sont en tout cas clairement bien distinguées. On commence par l’argent (notre nihilisme) et on termine par l’héroïsme (notre idéal revisité). Suivons cet ordre de lecture imposé par l’auteur.

L’Or : de l’usurier à la finance

L’expression « L’Argent-roi » est emprunté au roman L’Argent d’Emile Zola : « L’argent, l’argent-roi, l’argent-Dieu, au-dessus du sang, au-dessus des larmes, adoré plus haut que les vains scrupules humains, dans l’infini de sa puissance » . Effectivement, l’argent ou plus précisément la cupidité et l’esprit de lucre jette quelque lumière sur les hommes de nos sociétés et Marc Rousset s’appuie sur une lecture en demi-teintes du progrès capitalistique de l’Occident et de son rationalisme pour expliquer notre nihilisme et la décrépitude du « dernier homme » postmoderne, celui dont la devise pourrait se résumer facilement en la trilogie Liberté, Egalité, Supermarché.

 

Pour l’entrée en matière, Marc Rousset oubliant au passage l’immense Abel Bonnard choisit dans son premier chapitre de nous traduire quelques pages d’un texte inédit de Werner Sombart (1863-1941), Marchands et Héros, publié en 1915 à Leipzig. Sombart fut le chef de la jeune école historique allemande du premier quart du vingtième siècle, une grande figure de la révolution conservatrice jadis présentée par Alain de Benoist, introducteur en réalité du terme de  »capitalisme » par son œuvre majeure en six volumes, Le Capitalisme moderne, aujourd’hui oublié mais qui influença en grande partie Schumpeter. Haendler und Helden, (Marchands et Héros) édité juste avant la première guerre mondiale peut en fait être assimilé à un argumentaire de propagande guerrière vieilli où l’on voit Sombart opposer l’« esprit commercial » anglais, son individualisme libéral à l’esprit communautaire de l’État prussien, le volksgemeinschaft là où Carl Schmitt opposait de son côté la Mer et la Terre. Il s’agit par la critique de l’argent d’opposer ici une société de droits infinis (les droits de l’hommisme mécontemporain) à des communautés de devoirs (les sociétés antiques et traditionnelles). La référence en la matière, Le crépuscule du devoir ou l’éthique indolore des nouveaux temps démocratiques de Serge Lipovetsky (1992) est d’ailleurs très souvent cité. L’« ère économique » celle du fameux homo economicus, est accusé d’être une époque pour laquelle les mobiles dits matériels prétendent prédominer et dominer toutes les autres aspirations de la vie. C’est l’époque de l’uniformisation des modes de vie par le dollar, la descente vers le bas par la consommation frénétique et même une pensée réduite au-dessous de la ceinture par une sexualisation outrancière du quotidien, la dévirilisation du mâle occidental par un hédonisme sans entraves où l’homme devient l’esclave féminisé de ses besoins artificiels et du luxe, déjà dénoncés en son temps par Rousseau.

 

La première partie du livre réalise une compilation assez large des religions et des auteurs sur l’argent. On y saisit le paradoxe de l’argent vu comme une malédiction chez les catholiques et une rédemption pour les protestants, la thésaurisation dénoncée par les Musulmans et l’argent considéré au contraire comme non coupable et presque une vertu chez les Juifs. L’intérêt de cette première partie est de nous dérouler une abondance de références, de résumés de thèses, un florilège de citations et de raccourcis sur le thème. Il servira aux bacheliers qui auront à disserter en fin d’année sur les échanges mais cette première partie peut aussi susciter chez nous quelques interrogations par des passages trop courts sur l’Islam, des oublis majeurs : la confrontation par exemple des Templiers et de Philippe le Bel ou l’irruption avec son scepticisme et son relativisme de la folie de l’or chez les Espagnols et les Portugais après la découverte de l’Amérique, ces colons héroïques aussi mais mués en « mangeurs d’or » pour reprendre l’expression du dernier roman de Ronald Wright à la traduction inédite. La critique de Bernard Mandeville et de sa Fable des Abeilles nous paraît vite expédiée mais l’auteur a cependant le mérite de citer cet essai important. Le paradoxe de l’équilibre invisible des vices et des vertus, et plus tard, la thèse d’Adam Smith de la recherche de l’intérêt privé comme source de l’intérêt collectif nous paraît en effet essentielle à la bonne compréhension de ce qui était alors envisagé comme une pacification civile par l’argent. Dans la partie sur l’argent, un chapitre par exemple sur le doux commerce de Montesquieu manque sérieusement à l’appel.

Après cette entrée en matière intéressante historico-culturelle sur l’Argent, on passe aux faits et en particulier aux chiffres pour remettre si je puis dire, l’Argent-roi d’aujourd’hui à sa juste place. Au regard des chiffres américains, les Français sont pauvres et la France, un pays en réalité de « gagne-petit » : « un salaire de cadre permet de vivre à peu près correctement en France, mais un seul salaire de cadre pour élever une famille avec deux enfants ne permet même pas d’atteindre le chiffre théorique du bonheur matériel de 4807 euros dans l’enquête américaine ». Le riche est défini : il possède un million d’euros de patrimoine et gagne dans les 5 000 euros mensuels mais l’argent ne lui apporte en réalité plus grand chose au-delà car pour ce qui regarde le bonheur matériel, passer cette somme, le gain concret pour le bien-être existentiel est nul. Comme l’avait déjà remarqué Adam Smith, au-delà d’un toit et d’une nourriture suffisante, l’argent n’a plus d’utilité en soi sauf par la distinction sociale ou la réputation. L’auteur cite ici Charles Feeney, le fondateur des Duty Free Shoppers : « certains sont attirés par l’argent, mais personne ne peut porter deux paires de chaussures en même temps ». Si la richesse permet de paraître riche et d’être heureux aujourd’hui dans l’apparence et l’ostentation, c’est qu’il est avant tout un processus spectaculaire au sens de Guy Debord, incarné par la mode et le suivi people, un mode d’être spéculaire et de simulacre au sens de Baudrillard. Comme ironisait Georg Simmel à propos des modernes dans sa Tragédie de la Culture de 1911 : « ils ont tout mais ne possèdent rien». Pour voir juste et vivre bien, il faut parfois aller dans les limites du snobisme matériel et en saisir et en comprendre alors toute la futilité et la vacuité. C’est sur le dandysme de Wilde pourfendeur de l’or ou sur l’ennui d‘une vie sans idéal dénoncé par Chesterton  que pousse et surgit le héros européen, objet de la deuxième grande partie de l’ouvrage et seul mérite au final, selon l’auteur, de notre civilisation.

Les Héros ne meurent jamais et se sacrifient pour rien

La deuxième partie du premier tome de notre Adieu l’Argent-roi ! est consacré à l’héroïsme et suit la même visée anthologique du début mais on sent qu’on s’oriente vers un livre de modèles et un geste d’enseignement. Pour cerner son sujet, Rousset répète plusieurs fois ce qu’il appelle un héros : un être humain qui choisit consciemment, librement, courageusement et d’une façon désintéressée son destin, l’accomplissement de son devoir en étant prêt pour cela à mourir, à faire le sacrifice de sa vie pour une cause qui le dépasse et de manière totalement désintéressée. La définition est pertinente car elle permet à Rousset d’écarter nos héros médiatiques, en particulier les footballeurs motivés par des salaires mirobolants comme les grands chevaliers d’industrie.

Il faut, selon Rousset pour être un héros non seulement risquer sa vie concrètement mais aussi ne chercher aucune récompense matérielle, aucun prestige ou honneur tel le poilu de 14-18, se sacrifiant délibérément dans les tranchées ou ces grands mathématiciens exemplaires comme Grigori Perelman ou Alexandre Grothendieck mourant en ermite à la campagne ou isolés dans leurs modestes appartements, refusant les honneurs et surtout les chèques libellés en dollars. Le héros est mystique : c’est un renonçant sâdhu. Le héros est rebelle mais aussi révolutionnaire (il compte, chez Rousset, Ravachol dans ses rangs). Le héros a la force de caractère des prophètes (Mahomet ?) et de tous ceux qui savent renverser les tables. On ne comprend pas alors tout à fait pourquoi le djihadiste n’en est pas un.

La deuxième partie énumère ainsi de nombreux portraits de héros européens, de grandes figures oubliées, militaires et civiles, qu’on ignorait même jusqu’alors, offrant au lecteur le plaisir de la découverte. Pour le jeune adolescent à qui il faut offrir ce livre pour combler sa soif d’idéal, c’est une galerie de portraits exceptionnels qui va défiler sous ses yeux, un panorama humain à imiter et qui est sans doute l’intérêt principal et honnête du livre.

Comme elle le fut toujours, la jeunesse est en dormition mais il suffit de se rendre aux abords des facultés, des lycées et d’écouter un peu plus les conversations intimes pour se rendre compte à la fois de l’immense fragilité spirituelle de la jeunesse mais aussi de son aspiration à l’intelligence. C’est la jeunesse qui fréquente avec avidité les sites complotistes qui déplaisent tant à leurs professeurs sans morale et chiens de garde du système, c’est la jeunesse qui s’engage totalement dans la subversion même si c’est hélas sous une forme quelque peu islamisée ou délinquante. C’est donc avant tout un livre à réserver aux adolescents, appelés à se forger un caractère. C’est un livre pour futurs lansquenets appelés à forger un idéal pour reconstruire l’Europe et surtout pour demain l’épurer. Ses explications compléteront Dominique Venner et serviront de colonne vertébrale aux engagés libres et aux cœurs rebelles. Mais le jeune Européen pourra-t-il se faire simplement le maître de lui-même en réinvestissant la figure héroïque ?


Sans remigration et grand rembarquement, les rues de demain, celles de 2050 auront des héros mais ils porteront des noms exotiques, ceux de Mohamed Merah ou d’Amedy Coulibaly. Nous connaissons déjà de jeunes musulmans engagés qui ont épinglé sur les parois de leur chambre – et encore plus dans leurs cellules de prison – la photo romantisée du franco-algérien de Toulouse de 2012 sortant de sa voiture. Ils ont aussi comme Marc Rousset et moi la haine des puissances d’argent.

Le projet du livre de Marc Rousset est éducatif : pour un retour de l’héroïsme européen

On sent qu’il vise à définir et à permettre les conditions culturelles et pédagogiques d’un retour de l’héroïsme européen, des grandes âmes et des forts caractères de France. Mais les héros sont des têtes brûlées. Nous sommes une tête brûlée – c’est même notre définition familiale. Nous ne fréquentons que des « voyous » et non des gens respectables. Faut-il alors à l’Europe une renaissance violente ? Il faudra demain prendre les armes puisque l’État multiracial ne nous défendra pas mais en serons-nous pour autant des héros ? Devons-nous enseigner la terre et le peuple et plus que tout encore, la race comme on enseigne un fanatisme religieux monothéiste ? Ce n’est pas si sûr car nous ne croyons plus, depuis belle lurette, aux arrière-monde. Le problème de cette galerie des héros présenté est qu’aucun n’est un Surhomme, aucun n’est en en réalité le héros du post-nihilisme et d’ailleurs, le post-nihilisme peut-il vraiment avoir des Héros ? Il faut donc que l’Homme européen aille beaucoup plus loin que l’héroïsme individuel.
Non, le nihilisme européen ne sera pas notre destin.

Derrière la volonté héroïque de se sacrifier pour un monde idéal ou dans toute volonté cornélienne finalement métaphysique, il y a une volonté de frapper de néant, de non-être, le monde que nous connaissons. Ce qui était au cœur de l’héroïsme, c’était encore une volonté de néant et de mort et si nous lisons bien le chapitre deux de ce premier tome, l’enjeu fondamental du livre, c’est bien le suicide de Dominique Venner qui est, par delà la traduction de Sombart, le véritable déclencheur du livre et sans doute le premier grand hommage écrit livresque à l’historien. Il y a dans l’héroïsme classique un désir de dévaluation, de dévalorisation du monde sensible et du réel. L’héroïsme est animé par une volonté de néant et de mort puisqu’il frappe de non-réalité tout ce qui n’est pas l’idéal (le cas exemplaire du djihadisme). Et de ce point de vue-là, le nihilisme, c’est-à-dire la volonté de néant est à l’origine de l’affirmation en soi de l’idéal héroïque. Par conséquent, derrière et dans notre héroïsme se trouve présent le nihil, se trouve bien présent le néant. Don Quichotte, contrairement à ce qu’affirme l’auteur, n’est pas fou. Il a déjà deviné que l’héroïsme des arrière-monde nous conduit tout droit au vide et au néant : il préfère donc s’en moquer, et rire comme Nietzsche, du « mensonge de l’idéal ».

 

Nous avons donc besoin de héros mais de héros européens nouveaux. Défendons-nous alors la tarte à la crème cinématographique pour westerns spaghettis des « héros fatigués » ? Pas si sûrs non plus ! Les djihadistes sont héroïques mais ils ne sont pas européens. Ce ne sont pas encore des héros fatigués mais ils se repentiront. Nous, nous sommes revenus des cimes et comme l’Herzog de l’Annapurna, nous sommes allés derrière les nuages avec Gagarine. Nous sommes européens et oui, osons-le dire, supérieurs parce que nous avons découvert que derrière les valeurs les plus hautes, on a toujours voulu en réalité autre chose. Ce que l’on avait voulu par l’exaltation de l’héroïsme, toujours après coup d’ailleurs, sur les tombes fleuries et anonymes de nos champs de batailles et après être le plus souvent morts sur le coup, c’est échapper à la fluidité des choses, à leur flexibilité, à leur caractère transitoire pour se sauver dans ce qui ne passe pas et qui serait de l’Etre. Or, nous ne pouvons plus revenir en arrière et nous ne croyons pas au retour heideggerien de l’être. Nous avons découvert que derrière les idéaux splendides de l’héroïsme se cachait aussi une volonté de mort et qu’en voulant les idéaux, en réalité ce qui était voulu, c’était tout à fait autre chose que les idéaux, c’était encore cette stupide volonté de survivre à tout prix, une volonté de se donner au monde qui, lui, échapperait à la mouvance des choses. Du coup, derrière les valeurs les plus hautes est apparu (et c’est un peu cela le drame de la mystique brisée de 14) les choses les plus viles qui soient, les plus basses : l’argent, la banque, la monnaie, l’économie de casino. Dans toutes les guerres modernes et jusqu’en Syrie et en Afghanistan, nous n’avons été que ces « cons glorieux » du Général Bigeard, combattants héroïques de camps retranchés et boueux à la Dien Bien Phu. Il nous faut nous regarder en face : nous ne pouvons pas méconnaître la raison plate de notre suicide collectif.

Derrière nos valeurs transcendantes et salvatrices, pour parler vulgairement, nous n’avons chercher qu’à sauver notre peau et échapper au redoutable. Inventeur de la perspective, l’idéal européen s’est perdu dans le point de fuite et il n’est donc pas étonnant que nous soyons déçus puisque le but et la finalités manquent à l’appel. On ne nous fera en tout cas plus marcher pour des visées mercantilistes et notre volonté de puissance juvénile et de résistance identitaire se trouve comme malade dès la racine parce que sans volonté. C’est le Umsonst de Nietzsche, le « à quoi bon » des foules sans regard, des « hommes de banlieue » de Bernanos quoique justement ceux-ci, aujourd’hui, ont un regard, le regard de la haine du sous-homme, celui qui cligne de l’œil contre notre système.

Marc Rousset veut nous réveiller mais Zarathoustra lui-même se méfiait des « prédicateurs de la vertu » c’est-à-dire de ceux qui veulent à nouveau le mobiliser en vue d’idéaux. Une des conséquences du nihilisme des sociétés que l’on pourrait qualifier de post-héroïque, c’est qu’une volonté qui est défaite, qui se méfie du sens, qui est prête à vouloir n’importe quoi plutôt que rien, et même à préférer le rien ou le non-sens à ce qui est, c’est une société de la soumission houellebecquienne, qui tente en un dernier soupir las le suicide civilisationnel dans la beauté de l’autel retournée d’une cathédrale ancienne consacrée.

Alors s’agit-il d’un destin inéluctable ? Le nihilisme enfin identifié, le nihilisme de l’Argent décrit par Marc Rousset nous emportera-t-il ? Y aurait-il une fatalité du déclin de l’homme européen ? Marc Rousset n’y croit pas et c’est sans doute la raison d’être de tout son projet herculéen : se refuser au nihilisme actif. En ce sens, le déclin de l’Occident déjà superbement analysé par Spengler (le livre y fait un peu penser par son coté fourre-tout et c’est un hommage), la décadence de l’Europe ne serait pas une fatalité. L’Européen devrait être capable de dire non et de découvrir par là-même que dire oui, cela suffit et cela peut sauver les choses maintenant. Nonobstant, il doit enfin comprendre que le monde du sens est du côté de l’option collective et non individuelle, du transcendant et du traditionnel organisé et politique, non de l’insensé (Anders Breivik). Marc Rousset écrit : « Ce qui doit être combattu dans nos sociétés, ce n’est pas l’argent mais l’hypertrophie de l’argent, la société unidimensionnelle de l’argent » mais ce qui doit être combattu aussi, c’est la lâcheté, celle qui ne nous fait pas réagir par le silence de la peur lors de l’agression d’un compatriote ou lorsque tout simplement là devant soi, l’homme de l’« autre race » étale ses pieds sur la banquette comme une provocation à nos bonnes mœurs.

L’homme post-héroïque ne croit plus à aucune espèce de valeur, il ne croit plus tout simplement aux valeurs des règles établies d’où l’échec déjà programmé de tous les pédagogismes civiques introduits par l’état d’exception. L’homme post-héroïque ne peut plus croire aux valeurs en raison de la contradiction existant entre la proclamation des valeurs idéales (celles du bisounours et du «vivre ensemble ») avec la réalité concrète de l’argent-roi qui domine. Lorsqu’on parle aujourd’hui de justice, de solidarité, de démocratie, ce qu’on découvre en réalité derrière ces idéaux, ce sont le plus souvent la corruption, le mensonge, la manipulation ou les « sans-dents », à savoir le véritable mépris des gens. Comment dès lors demander d’être créateurs, héroïques c’est-à-dire en somme décents à des individus qui doutent de leur identité et de leurs capacités créatrices ? Comment être fort sans contenu dans une époque de manufacture par correspondance ?

Il nous faut une révolte européenne collective, pas des héros individuels

Le retour de l’Héroïsme ? Comme s’il y avait un destin tout écrit d’éternel retour dans les choses européennes, comme s’il y avait une toile de fond sombre et opaque derrière l’Europa, une séquence de nihilisme actif déjà toute marquée dans l’histoire européenne et qui déroulerait encore son fil en fin de bobine, comme si rien d’autre n’était possible de ce que ce que nous avons connu. Ce qui est possible, nous avons à le créer en réhabilitant la volonté collective. C’est donc bien effectivement une culture et une pédagogie quasi spartiate de la volonté collective qu’il nous faut. La société post-héroïque des hommes sans regard est d’abord malade de l’absence de bien commun or la Volonté cela se soigne dans l’événement, à la guerre, au combat mais aussi par la philosophie politique et une doctrine de l’action collective Il faut enseigner à nouveau le désir du vouloir mais en un désir collectif. Il ne faut pas faire miroiter des mirages (les carcans paradisiaques des prescriptions terroristes islamiques) mais faire désirer aux jeunes Européens de se vouloir eux-mêmes en groupe, en horde, en bund plutôt que de s’abîmer dans le néant ou la fatigue de l’avoir.

Il faut que l’homme européen comprenne tout simplement sa différence fondamentale d’avec l’homme oriental : l’homme européen n’est voulu que pour lui-même et son autonomie populiste est le sens même de toute sa Tradition. L’homme européen n’est pas l’homme jugé moralement mais sur le contenu concret de son existence. L’homme européen n’est pas l’homme savonneux mais l’homme qui prend les choses à bras le corps, l’homme du combat des élites nouvelles, l’homme de caractère qui sert au lieu de se servir « car ce ne sont ni les murailles, ni en général les fortifications qui défendent les places mais les hommes qui sont dedans ». (article « Art militaire » de l’Encyclopédie raisonnée de Diderot reprise d’une citation célèbre de Thucydide ).

Retrouvons Oedipe. Par pitié, il s’avance vers le carrefour fatal et la cité funeste. Il est seul mais il est aussi vrai qu’il n’a, chemin faisant, qu’une pensée : se dérober à la prédiction, lui donner tort, se décider contre elle et contre le nécessaire pour la Cité. Il est encore roi. Sans la métamorphose de l’événement en destin, le crime ne serait qu’un fait divers. Or, au point de non retour où nous en sommes, un seul jour peut suffire demain à élever ou abaisser tout ce qui est européen. On peut bien tenter d’éradiquer l’héroïsme, vouloir le faire disparaître, il resurgira toujours dans les terreaux des sociétés en crise identitaire, en déliquescence morale et sociale parce que le héros possède une pensée subversive, diamétralement opposée à l’ordre établi. Cet arnarquisme est d’ailleurs partagée à l’ombre par beaucoup de nos concitoyens. Mais ce qui le distingue de ces derniers, c’est que l’anarque passe à l’action tels les lanceurs d’alerte pourchassés (Snowden et Manning). Le héros met en scène ses idéaux et ses actions parce qu’il se rebelle. Le héros prend des risques dans la société des assurances multirisques et c’est pour cela qu’il force très vite le respect et l’admiration de la société des assistés. Ce qui fait un héros, c’est ce sacrifice, le fait qu’il soit prêt à sacrifier sa vie, sa carrière, sa tranquillité, son anonymat, pour son idéal. Du coup, il nous semblerait que l’héroïsme à venir, ce sera d’abord l’insoumission et la désobéissance légitime et non ce sacrifice stupide et vain sur l’autel des sociétés de l’argent ? Ayons donc le cran de franchir la ligne jaune et de déborder le cadre.

Nous en appelons ainsi à un renouveau de l’héroïsme européen mais dans un héroïsme du quotidien seul garant de nos victoires à venir puisque nous avons finalement tant d’occasions, au jour le jour en désobéissant de renverser la vapeur à notre échelle (le mouvement des policiers). Faisons donc fi des conséquences matérielles et du prix carriériste à payer, (le héros est par définition désintéressé et c’est même le leitmotiv permanent et juste de la définition du livre). Le réarmement moral qui en résultera, lui, n’a pas de prix. Réagissons à contre-courant, marquons durablement de notre empreinte notre destin collectif de notaire, si habillement tracé par nos désorientateurs officiels. En somme, nous proposons de dépasser la contradiction individualiste du livre en invitant à la désobéissance civique et à l’héroïsme communautaire parce que d’actes isolés aussi frénétiques qu’ils soient, ne sortira pas grand chose que la prison. Or, on peut passer à une multitude d’actes héroïques au quotidien, éclatant ici et là, au travail, dans les transports en commun et dans les commerces, revendiquant la même chose, se liant entre eux, en réseau, et établissant progressivement une forme de résistance active pour reprendre prise, reprendre pied, suspendre le contrôle managérial de nos vies ! Plus nous serons nombreux et moins l’acte sera héroïque, certes, mais il sera alors beaucoup plus simple dans le désintéressement individuel et l’anonymat collectif de renverser le désordre marchand et de passer enfin à l’essentiel : sauver l’Européen.

L’homme européen ne se sent vivant que lorsqu’il agit et réagit collectivement. Nous devons avant toute chose renouer avec le communautaire.

Adieu l’Argent-roi ! Place aux héros européens, Critique de la civilisation de l’Argent, Apologie de l’Héroïsme de Marc Rousset, Godefroy de Bouillon éditeur, Paris 2016, 37 euros.

mardi, 27 décembre 2016

Laurent Obertone rencontre Piero San Giorgio

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Laurent Obertone rencontre Piero San Giorgio

Octobre 2016

L'immense écrivain Laurent Obertone rencontre Piero San Giorgio

La page de Laurent : https://www.amazon.fr/Laurent-Oberton...

La page de Piero : https://www.amazon.fr/Piero-San-Giorg...

dimanche, 18 décembre 2016

La Luz del Norte por Carlos X. Blanco

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La Luz del Norte por Carlos X. Blanco

17.50€

¿Quién fue realmente el Rey Pelayo?

¿Qué ocurrió en la batalla de Covadonga?

¿Qué acontecimientos vivía la península durante el siglo VIII?

http://editorialeas.com/shop/argos/la-luz-del-norte-por-c...

La historiografía tradicional da por establecido y concluido el relato sobre don Pelayo, noble astur que resistió a la conquista de la península Ibérica por los musulmanes, frenó la expansión del Islam en este territorio e inició la dinastía de los reyes asturianos. El asunto, sin embargo, no puede (ni debe) afrontarse desde una perspectiva única, la que sitúa a Pelayo como figura épica providencial que tras derrotar a los ejércitos africanos en Roncesvalles da inicio a la saga de nuestra Reconquista.

Carlos X. Blanco ha elegido la versión de don Pelayo, muy extendida y bastante plausible, de la Crónica Albeldense, conciliándola con la leyenda que lo traslada a Tierra Santa para huir de las intrigas de Witiza, sobre quien recaían sospechas de haber urdido la muerte de Favila, padre de nuestro protagonista. Adscrito a una sociedad iniciática fuertemente cohesionada por la fe cristiana y el convencimiento legitimista de la civilización hispano-romana, Pelayo vuelve a Hispania (el regresado del mar), e inicia su aventura, la diplomacia, la guerra y los dramáticos juegos del poder, hasta convertirse en adalid de la resistencia contra el Islam y primus inter pares entre la nobleza goda y astur.

José Vicente Pascual (escritor)

AUDIO: 

http://play.cadenaser.com/audio/1474022512_758888/

Carlos X. Blanco. Autor de La luz del norte. Pelayo, revisitado

   

Escrito por Lupercio González  

Ex: http://fuionasturias.com  

 
Es asturianista declarado, y va más allá: se considera covadonguista. 'Y no me avergüenzo. Cuando voy a Covadonga, reconozco mi identidad en aquella cascada y aquella gruta'. Como niño asturiano, se familiarizó con el mito de Pelayo y el inicio de la Reconquista. Como adulto, ha querido recrear aquellos escenarios y hechos históricos, rindiendo su particular homenaje al héroe astur.
Foto: Fusión Asturias
 

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-¿Por qué volver a contar la historia de don Pelayo?


-Me pareció justo, casi un deber, recrear esta figura que es muy desconocida entre los propios asturianos, y muchas veces no se toma ni en serio. Los historiadores han discutido mucho, que si era un noble godo, que si era astur... pero más allá de ese enigma, es fascinante lo que siempre se consideró su gesta: defender esta patria de un invasor extranjero. Así que la novela está enfocada como una especie de tributo a un héroe muy nuestro, asturiano y español, que fue un liberador al margen de cualquier ideología.


-¿Por qué La luz del norte?


-En los primeros capítulos se cuenta como esas fuerzas extranjeras dominaban, saqueaban, esclavizaban... Hispania entera estaba en una gran oscuridad, y en un país remoto, muy mal comunicado, se abre una luz de esperanza, un proyecto de futuro. Eso fue la batalla de Covadonga. En realidad no debió de ser más que una pequeña escaramuza, pero ahí el reino asturiano puso el freno a una pretensión de imperio mundial, algo que el islam tenía y tiene.

"Los que hemos estudiado la cultura y la lengua asturiana también somos culpables del mal momento actual. No hemos sabido transmitir un mensaje de autoestima y conocimiento"

-¿Cuánto de invención y cuánto de narración histórica hay en esta novela?


-Bueno, tenemos unas crónicas de la época muy parcas en información, así que yo parto de los datos históricos, pero también he incluido aventuras de mi propia cosecha: hay batallas, persecuciones, incluso algún elemento fantástico. En realidad tenemos muy pocos testimonios arqueológicos, e incluso hay quien desprecia la batalla de Covadonga como una leyenda. ¡Pero es que la leyenda es realidad para nosotros! A todo niño asturiano se le ha hablado de Covadonga, siempre se le ha hecho revivir lo que ahí pasó.


-No sólo con esta novela, usted siempre se ha movido en terrenos asturianistas, ¿Cómo percibe que se trata lo astur hoy en día?


-Pésimamente. Estamos en un momento crítico en el que o dejamos de tener conciencia colectiva como asturianos, o nos rearmamos para que permanezca al menos un rescoldo. Y, desde luego, los que hemos estudiado la cultura y la lengua asturiana también somos culpables. Lo hemos hecho fatal, no hemos sabido transmitir un mensaje de autoestima y conocimiento no de nuestros tópicos, sino de nuestra verdadera historia y nuestras raíces.
Esto no tiene que ver con ninguna ideología: ser asturianista no es ser de izquierdas ni de derechas, ser independentista o dejar de serlo. Es amar a tu patria, y eso implica investigar, conocer, transmitir ese amor a tus hijos.


-Sin embargo, se publica mucho sobre temas relacionados con lo asturiano. ¿Es un baremo fiable?


-No, porque en un mundo editorial muy falso, que depende de la subvención, se forman círculos cerrados de personas subvencionables. Hay un exceso de pedantería y una especie de cultismo de escribir sólo para unos críticos que te van a ser favorables ya a priori. El error es escribir para un grupo reducido, sin abrirse a ese pueblo asturiano que tiene pocos libros, revistas, documentales, actividades que le permitan reencontrarse con su identidad.


-¿Haría falta un nuevo Pelayo?


-Más que una figura individual, debería crearse un sujeto colectivo. Ni si quiera sería imprescindible que fuera político, pero sí que hubiera un grupo ilustrado, como en la época de Jovellanos, que supiera transmitir a sus hijos y a su entorno ese amor por lo propio, esa autoestima que estamos perdiendo.
En ese sentido, sería importante no dejarse llevar por un nacionalismo falso, porque a partir de la creación del estado de las autonomías en España se ha tendido a crear una especie de disfraz de identidad regional, que no es real. Es como cuando uno va disfrazado con el traje regional, que muchas veces no se corresponde con la verdadera indumentaria que habría que investigar y recuperar.

09:49 Publié dans Histoire, Livre, Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : don pelayo, wisigoths, asturies, espagne, reconquista, histoire, livre | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

dimanche, 11 décembre 2016

ENTRETIEN EXCLUSIF AVEC MAURIZIO BETTINI Auteur d'Eloge du polythéisme

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ENTRETIEN EXCLUSIF AVEC MAURIZIO BETTINI

Auteur d'Eloge du polythéisme

Ex: http://www.laviedesclassiques.fr 

Entretien avec Maurizio Bettini, à l'occasion de l'Éloge du polythéisme: ce que peuvent nous apprendre les religions antiques qui vient de paraître en français (Les Belles Lettres, 2016). 

LVDC. — Comment vous présenter ? historien ? latiniste ? philologue ? anthropologue ou classiciste ?

Eh bien, se définir soi-même est toujours difficile ! Pour ce qui concerne ma position universitaire, je suis professeur de philologie classique (à l’université de Sienne) et je donne aussi des cours d’anthropologie du monde classique. Je me sens un classiciste, latiniste plus qu’helléniste, qui pratique la philologie et la linguistique mais qui s’est tourné de plus en plus vers l’anthropologie.

bettiniPoly.jpgLVDC. — Êtes-vous par ailleurs un homme engagé ?

Engagé ? Un mot qu’il serait peut-être difficile d’expliquer à mes étudiants d’aujourd’hui… Mais qui a eu du sens dans ma formation humaine et intellectuelle. Oui, je dirais que dans mon travail il y a une dimension « civique » que je considère comme importante. Par ailleurs, elle l’est devenue de plus en plus depuis les années 2000, en raison de la collaboration avec des collègues modernistes (Marcello Flores in primis) sur des thèmes comme les droits de l’homme, la réconciliation, l’identité. Les derniers ouvrages de Marcel Detienne m’ont aussi invité à suivre cette perspective. Il s’agit d’utiliser l’Antiquité classique, et l’expérience de mes études en particulier, pour mettre en lumière des aspects « civiques » de notre culture qui faisaient et font partie du débat contemporain. Un de mes derniers ouvrages, pas encore traduit en français, s’appelle « Contre les racines » et est dédié à l’un des mythes les plus puissants et les plus controversés du monde contemporain : les prétendues « racines culturelles » qui nous identifieraient indépendamment de notre choix ou de notre volonté. Il s’agit d’un mythe que l’Antiquité a bien connu.

LVDC. — Que vous apporte la culture classique dans votre quotidien ?

Un point d’observation privilégié, un regard distancié. Dans une époque souvent aveuglée par le provincialisme du temps, comme l’appelait T. S. Eliot ‒ c’est-à-dire une époque qui ne sait plus voir au-delà et au dehors du présent ‒, la culture classique me permet d’observer la contemporanéité d’un regard plus libre et plus original.

LVDC. — Plus généralement que nous apprennent les Anciens ?

Qu’il n’y a pas seulement une manière de mener sa vie – la « nôtre », la « mienne »… ‒ mais qu’il y en a dix, cent, mille, qui sont toutes différentes et qui toutes nous offrent des modèles intéressants. Les Anciens ont élaboré une culture aussi riche que complexe, non seulement au niveau de leurs grandes créations philosophiques ou littéraires, mais aussi dans leur expérience quotidienne, disons « mineure », qui cependant mérite d’être connue.

LVDC. — Étudier l’Antiquité est-ce regarder en arrière, comme Orphée ?

Oui, d’une certaine manière. Parce que les Anciens sont une partie de nous, de notre culture, qui s’est bâtie pour une bonne part sur les bases qu’ils ont jetées dans le passé, à savoir leur langue (le latin vit encore dans l’italien comme dans le français, ainsi que dans les autres langues romanes, et en particulier dans le langage intellectuel), mais aussi les modèles de pensée qui nous ont été transmis par la lecture ininterrompue, à travers les siècles, de leurs textes, entre autres choses. Mais de l’autre côté il y a toujours l’altérité qui caractérise divers aspects de l’expérience humaine propre aux Anciens (leurs « mille façons de vivre » qui sont différentes des nôtres), qui ont le pouvoir de détourner notre regard du passé, de ce qui est derrière, pour le projeter en avant – ce qu’Orphée n’a pas voulu ni pu faire !

LVDC. – Quelle est votre attitude par rapport au passé ? au présent ? au futur ?

S’il faut croire Augustin, se situer dans le temps serait une tâche impossible. « Ces deux temps, disait-il, le passé et le futur, comment sont-ils, puisque le passé n’est plus et que le futur n’est pas encore ? Et le présent, pour être temps, doit s’en aller en passé. »

Mais Augustin était peut-être trop pessimiste, d’ailleurs il s’intéressait plutôt à l’éternité qu’au temps des hommes. Donc je dirais que le passé m’intéresse pour les raisons que j’ai déjà essayé d’expliquer : sortir du provincialisme du temps ; le présent c’est moi, donc il faut le vivre au mieux, pourvu qu’on puisse se soustraire à son « provincialisme » ; quant au futur, j’ai déjà cité Augustin, mais il faudrait citer aussi le Cicéron de Sur la divination :

« Pour César, écrivait-il, s’il avait lu dans l’avenir que, dans ce Sénat peuplé principalement d’hommes choisis par lui-même[…], il serait […] frappé à mort par les plus nobles citoyens […] puis que son corps resterait gisant sans qu’aucun de ses amis ni seulement de ses esclaves voulût s’en approcher, dans quelle torture morale n’eût-il pas vécu ? Certes l’ignorance du mal futur vaut mieux que sa connaissance. » Voilà encore une leçon qui nous vient des Anciens : avoir le courage de connaître mais aussi la patience d’ignorer.

LVDC. — Comment avez-vous rencontré la culture classique ?

Mon grand-père était latiniste lui aussi, professeur à l’université de Rome. Quand il est mort, très âgé, ma famille a hérité d’une bonne partie de sa bibliothèque. À ce moment, j’étais étudiant au liceo classico, et la beauté, la richesse de ses livres me ravissaient. Feuilleter les éditions des Belles Lettres (voilà ! on y est), explorer des travaux de linguistique historique, de philologie… Le destin avait déjà tissé sa trame, je l’ignorais encore. L’année suivante, je suis allé à l’université, à Pise, à la faculté des lettres. En vérité, au début, je ne voulais pas devenir classiciste, je voulais plutôt devenir italianisant, travailler sur Dante, Pétrarque, Arioste, mais, comme l’enseigne la tragédie grecque, l’homme ne peut pas résister à sa moira, à sa « part assignée », à son destin…

bettiniclass.jpegLVDC. — Racontez votre parcours intellectuel. Quels en sont les moments marquants ? les rencontres (de chair ou de papier) déterminantes ?

M’a marqué avant tout la rencontre avec mon professeur de latin, Marino Barchiesi, un classiciste exceptionnel, très ouvert. J’ai écrit ma thèse avec lui, sur Plaute. Pour être accepté par Barchiesi, il fallait bien connaître le latin, la grammaire historique, la métrique, etc., mais aussi la critique littéraire la plus récente, le théâtre de Shakespeare, et ainsi de suite. C’était un conférencier extraordinaire et un professeur magnifique, très clair et fascinant en même temps. Depuis, j’ai eu la chance de suivre des séminaires d’Émile Benveniste, à Pise. Il était venu invité par le professeur de linguistique de l’université, Tristano Bolelli, un homme plutôt difficile mais qui avait d’excellents contacts internationaux. Je suis resté littéralement ébloui par Benveniste. Je connaissais très peu le français, mais j’ai eu l’impression de tout comprendre ! La clarté, l’originalité de ces séminaires – dont le sujet depuis quelques années était devenu un fragment du Vocabulaire des institutions indo-européennes – m’avait même donné le courage de poser une question à Benveniste ! Moi, un jeune étudiant classiciste italien qui posait une question au maître… Quelques mois plus tard, Benveniste est tombé malade, j’ai eu la grande chance de le rencontrer avant que sa vie change dramatiquement. Je pense que cette expérience a marqué mon développement intellectuel. En écoutant Benveniste, j’ai découvert que la linguistique, l’analyse de textes et l’anthropologie pouvaient travailler ensemble, de nouveaux horizons intellectuels s’ouvraient devant moi. J’étais jeune, il était admirable. Après la mort de Barchiesi, qui nous a laissés trop tôt, j’ai poursuivi mes études de philologie et de linguistique latines en suivant le modèle des philologues plus âgés que moi comme Scevola Mariotti, Sebastiano Timpanaro – qui était aussi un grand intellectuel –, Alfonso Traina, Cesare Questa pour la métrique de Plaute (un sujet assez « abstrait » mais qui, en tant que tel, me passionnait) ; après, tous ces maîtres sont devenus pour moi des amis très chers. Entre-temps, l’anthropologie devenait de plus en plus importante pour moi, surtout après la lecture (vraiment passionnée) des Structures élémentaires de la parenté de Claude Lévi-Strauss, ce qui m’emmenait à écrire quelques contributions sur la parenté à Rome. Les ouvrages de Lévi-Strauss ont été fondamentaux dans ma formation non classiciste, pour ainsi dire. À partir des années 1980, je suis entré en relation avec « les Français », Jean-Pierre Vernant, Marcel Detienne, les plus jeunes Françoise Frontisi et François Lissarrague, qui sont aussi devenus des amis et qui m’ont beaucoup appris. Ensuite ç’a été l’Amérique, Berkeley en particulier, où j’ai enseigné et où j’enseigne encore : en Californie j’ai eu la chance de découvrir des approches de l’Antiquité qui auparavant m’étaient inconnues. Les parcours intellectuels sont toujours compliqués, sinueux, même ceux des antiquisants ! 

LVDC. — Vos livres traduits en français traitent surtout de mythologie (sauf le dernier) : pourquoi d’abord la mythologie ?

La mythologie m’a toujours passionné parce que dans les mythes classiques on trouve les deux aspects ou, mieux, les deux composantes de l’Antiquité, que je considère comme fondamentales : d’un coté sa permanence, parce que les mythes ont été repris, racontés de nouveau, modifiés, cités, etc. une infinité de fois jusqu’à présent – donc ils sont avec nous, ils sont nous ; de l’autre son altérité, que les mythes ont aussi le pouvoir de révéler : des mœurs oubliées, parfois bizarres à nos yeux, des inventions narratives extraordinaires, ou des solutions existentielles inattendues.

LVDC. — Votre dernier ouvrage a « fait débat » : pourquoi ?

L’Italie est un pays très catholique, même s’il l’est moins que par le passé. Le seul fait de comparer la religion « païenne » avec les monothéismes, de mettre sur le même plan une religion révélée (la vraie, la seule, la bonne) avec un ensemble d’institutions et de croyances considéré dans le meilleur des cas comme un objet de curiosité « mythologique » ou d’intérêt érudit, et, surtout, de soutenir que les monothéismes contemporains pourraient tout à fait apprendre quelque chose des religions « païennes », ça a fait débat, naturellement.

LVDC. — S’il fallait en retenir une phrase ou une idée, ce serait laquelle ?

Mettre en lumière les potentialités (réprimées) du polythéisme, donner voix aux réponses que son mode spécifique d’organisation du rapport avec le divin pourrait fournir à certains problèmes auxquels les religions monothéistes – comme nous les connaissons dans le monde occidental ou à travers lui – peinent à trouver une solution ou qu’elles ont souvent générés elles-mêmes : en particulier, le conflit religieux et, avec lui, le large spectre de l’hostilité, de la désapprobation, de l’indifférence qui entoure encore, aux yeux des « uns », les divinités honorées par les « autres ».

Les livres de Maurizio Bettini en français

aux éditions Belin

aux éditions Les Belles Lettres

 

mardi, 29 novembre 2016

Saul Alinsky’s Rules for Radicals

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Saul Alinsky’s Rules for Radicals

Ex: https://atlanticcenturion.wordpress.com

saulRules_for_Radicals.pngSaul Alinsky

Rules for Radicals: A Practical Primer for Realistic Radicals

New York: Random House, 1971.

Rules for Radicals is [in]famous for its purported influence, and that of author Saul Alinsky, among liberal and left-wing ideologues and politicians in the United States, including Barack Obama and Hillary Clinton. The political bent of this classic but reviled work by a community organizer from Chicago is shown on the very first page of the introduction by referencing “Joe McCarthy’s holocaust.” [It should be noted of course that declassified documents have revealed Senator McCarthy was pretty much always right about who was a bolshevik, but I digress].

The catch though is that the book isn’t  particularly ideological, even if the author’s sympathies are blatantly clear and he writes from the assumption that you believe in the same things he does. What Rules for Radicals is much more interested in is how to create the most effective community organizers, and how they should communicate if they want to be effective. Think of it as far-left metapolitics manual. There is thus a heavy focus on semantics, networks, pragmatism, and presentation. Being internally honest about power and self-interest in politics, understanding your audience, and using familiar terms rather than alien highbrow concepts are all considered critical. In (((Alinsky’s))) world of hyper-realism and self-rationalizing, things like principles, morals, qualms about the means used to achieve ends, and consistency are baggage and vices, not politically expedient values.

With that in mind it isn’t hard to see why the cuckservative, muh principles crowd that dominates the Republican party seems to be losing ground in our society at every turn. They cry that liberals don’t fight fair. They have what French New Right author Guillaume Faye calls “mental AIDS,” no immune system against the aggressive ideology of their enemies, whom they grant moral hegemony to. But what they do have, if not organized defense, is what social psychologist (((Jonathan Haidt))) calls the moral foundation of sanctity—they can be disgusted by things on the basis of their violation of core values.

(((Alinsky))) knows what disgusts these people. He advises against trampling on the American flag or burning it, for example, since that drives ordinary people away from radical politics. He instead says the radical should frame the values of that flag as having been perverted by the enemy. This is all too familiar a suggestion to readers in the current year, given leftist appeals to the validity of the Constitution of all things, and the redefinition of American history as having always been a march towards the equality of all people on planet Earth: blacks and Whites, men and women, heterosexuals and deviants, legal immigrants and illegal immigrants, documented persons and undocumented persons, etc. The only thing standing in the way are those evil Republicans, who have perverted everything that Hamilton the musical is about. See how that works? A lot better than saying burn it all down—it creates the impression you’ve been robbed of something that should be yours.

The enemy of the cause must be black-and-white. (((Alinsky))) cites the Founding Fathers, who in their Declaration of Independence had not one good thing to say about the Crown, only listing its transgressions. For if one is to make an inspiring case to the people, who will have to risk everything for the cause, it had better be one that leaves no doubts about its righteousness. You can’t be concerned about how Britain provided soldiers to defend against Indian attacks or kept the sea lanes safe for commerce. Making these kinds of black-and-white arguments in and of itself is totally apolitical; they could be for either side.

One insight in particular felt very familiar to me, echoing a Hillary Clinton speech leaked during the campaign which had been privately given to a multinational bank. The Supreme Catlady spoke about needing to have a public face and a private face as a politician, something ((Alinsky))) would readily endorse. In practice, one sells two different positions to two different audiences, which is in line with the whole ends-outweigh-means thing. Of course I am for free trade and open borders. No I am not for “open borders;” that’s a right-wing smear. On that note, (((Alinsky))) says the radical must always advocate for 100% to the community he wants to organize, but as soon as negotiations begin with the powerful, take anything that moves the needle, even 30%. Say one thing and do another, as long as you are on target. That’s the utility of extremism in politics.

saulBiFDJDGL._AC_UL320_SR212,320_.jpgThus, (((the long march through the institutions))) has a road-map that will take it up the mountain, while pseudo-reactionary Republican stonewalling of issues—for as long as is politically required by their constituents until leftward change is a done deal—leads to nothing. There is a reason why some of Bill Clinton’s campaign speeches from 1996 sound like Donald Trump’s in 2016, and it’s because the left has succeeded into converting many Goldwater-Reagan era Republicans into 1990s’ Democrats. Homosexual marriage will soon be a conservative issue when faced with transgenderism. And the latter will in time be accepted as well on the Beltway right. (((Alinsky’s)))  methods move the Overton window; cuckservatives merely follow Overton movements.

Another important (((Alinsky))) insight is that you need to have something of a “vague” vision of a better, inspiring future. At the same time, don’t become a single-issue organization. While 88-point policy plans may win over wonkish autistes, if you actually want to create a large community organized around common goals and oriented towards a common opponent, you need to go broader and less specific on the details. Consider the mental gymnastics that fiscally conservative Republicans go through to sell trickle-down economics—lower taxes on people and corporate persons who are responsible for providing employment so that they can expand operations and recruit more human capital, owing to their higher net income from reduced taxation of their business. Democrats simply run on a platform of doling out free shit to net tax recipients, including but not limited to a better economy jobs, social programs, and universal pre-kindergarten. Or they just blather about equality for 20 minutes and call it a historic speech. That’s a lot easier than talking about family values, national interest, civic virtue, trade policies, foreign affairs, etc. Just say we all deserve to be equal and my agenda is to make it happen. It’s an easy sell and no one really cares about the particulars other than critics. So, long live the ethnostate. What ethnostate? Doesn’t matter yet.

The long discussion on means versus ends is particularly useful. (((Alinsky))) talks about how people lionize Indian independence leader Mahatma Gandhi as a pacifist, but notes that pacifism was really the only means available in the first place of resisting the British at the time. He jokes that Gandhi must have noticed how Indians seemed to sit around all day in prayer or mediation, and then told them to shout slogans while they were doing it. Probably not the exact chain of events, but that is effectively what happened—multitudes of people engaging in sit-in protests. Which India banned almost immediately after independence—since those who usurp power generally, and correctly, wish to keep it and prevent the next batch of revolutionaries from unseating them in the same way they did in their predecessors. (((Alinsky))) also cites Lenin’s remarks about how the bolsheviks had to say they were for peace—well until they didn’t have to say they were for peace. In other words, the chosen means are just the most effective ways of reaching an end. If they don’t work, you don’t use them. If they stop working, you change them. And if they’ve never worked, you are doing it wrong.

saul204,203,200_.jpg(((Alinsky))) tactics work and continue to work for the left. Whether it’s calling every opponent a racist, or framing the enemy as always being a fascist, or having no attachment to anything that doesn’t effectively further the political power of their faction, the left we are dealing with now is smarter on culture, coalition, and community outreach than movement conservatives have ever been. The left, in true (((Alinsky))) style, sees itself on the side of “angels,” while its enemies are “devils.” The Beltway right only uses the term “crusade” to refer to tax policy adjustments.

The crucial question—Why I am writing about Rules for Radicals? Simply put, the Alt-Right is a radical movement that is interested in community organizing and propaganda. (((Alinsky))) wanted to organize “Have-nots” and “Have a little, want mores” against the “Haves,” and for them to meme effectively to that end. The Alt-Right wants to organize White people against the occupation government  (a globalist coalition comprised of Davos men, Hart-Celler Americans, and overseas Israelis), and for them to meme effectively to that end. Reading Rules for Radicals won’t change anything you believe ideologically, since (((Alinsky))) never really makes the case for what he believes in anyway. (Even if he did, if you are reading this you already know he is wrong). But hopefully, young radicals, you will take some lessons from it about how to better approach your task.

Probably the most important section for our purposes is the author’s drill-down of how he believes power works. He gives us 13 rules: I will attempt to give some translation:

  1. “Power is not only what you have, but what the enemy thinks you have.” – I have read innumerable articles in recent months from the lying press about how the GOP is full of crypto-White nationalists. Sounds good. Big if true.
  2. “Never go outside the expertise of your people.” – We’re not going to get most people to do things they have no habit of doing. We need to play to the strengths of our existing human resources.
  3. “Whenever possible, go outside the expertise of the enemy.” – This and the above rule are standard Sun Tzu; know the enemy and know yourself or else you will be defeated. We must always stay abreast of the opposition, always be more informed, and always make them look stupid.
  4. “Make the enemy live up to its own book of rules.” – There are two key forms of this: concern-trolling and malicious compliance. Doing so will stress them out by increasing their cognitive dissonance load, bleed them of resources, and generally waste their time and energy. You can also bait your opponents into producing specific outcomes if they are inflexible and dogmatic enough.
  5. “Ridicule is man’s most potent weapon.” – Most of the Alt-Right’s troll ops consist of making a mockery of things. Ditto for our memes and critiques, e.g. cuckservative. It will probably go down as one of the greatest political slurs of all time: implying that your opponent gets off to watching his country be destroyed while his wife’s son votes against him. Cuckservative captures perfectly, and ridiculously, how the target serves every interest but the national.
  6. “A good tactic is one your people enjoy.” – Trolling. Shitposting. Meme magick. It never gets old because there is always something new to provide a perspective on, or some new journalist to troll, or a comments section to raid, or a viral media campaign to be fought.
  7. “A tactic that drags on too long becomes a drag.” – I think the only area the Alt-Right sees diminishing returns on is putting out too blackpilled of a message, or being too gloom and doom. People don’t really want to hear that all the time, even when it has to be said. Things getting worse is after all part of the sales pitch as to why the Alt-Right’s solutions are necessary. On the other hand, we have to have a positive and future-oriented message to put out, and that reaches a bigger audience than commiseration.
  8. “Keep the pressure on. Never let up.” – I tend to think this won’t be much of a problem because there is nothing the regime can offer us that would be satisfying other than its resignation.
  9. “The threat is usually more terrifying than the thing itself.” – This certainly works in our favor given how (((neurotic))) the people we are engaged in holy memetic warfare with are. Even the implication of our presence somewhere or in something is enough to produce media hysteria and maelstroms of kvetching.
  10. “The major premise for tactics is the development of operations that will maintain a constant pressure upon the opposition.” – At the moment this is our endless streams of daily content across multiple platforms, something we should continue to scale up and diversify.
  11. “If you push a negative hard enough, it will push through and become a positive.” – We want to get to a point where being labeled by the establishment as a racist, sexist, or antisemite is a sign of having done something correct, being that bad people are saying it about you.
  12. “The price of a successful attack is a constructive alternative.” – In other words, to win you actually need an answer to the issue. It can’t just be about opposition. We must be more than reactionary.
  13. “Pick the target, freeze it, personalize it, and polarize it.” – This is my favorite and I think Alt-Right troll ops have done this quite well. First you get ahold of a luegenpresse journalist’s attention. Then you apply the other above tactics to him or her. Finally you get some sort of overdone reaction from them AND their supporters against you, which helps reinforce your own battle lines by showing that the issue you are up against is supported by x and x-plus, all of whom are against you. Many journalists noted during the 2016 presidential campaign that if one were of a Semitic surname (or known to follow a cult of volcanic demonology) and said something critical of Donald Trump, that he or she would be targeted and harassed on their social media or in the comments section. They began to reach out to one another about this and write about the responses they were getting, many going as far as labeling themselves with the triple parentheses symbol in solidarity. So what had basically happened was that our argument all along that overseas Israelis were uniquely opposed to nationalism in the United States was proven—by getting them to band together and admit that they were, and that they were proud about it too. See, all those people who hate Trump have (((something in common)))!

I think the Alt-Right is already in something of an unholy alliance with (((Alinsky))). That our trademark tactic is trolling while that of our enemies is banning and/or overreacting says something about how much society has been restructured since the 1960s. We’re the ones causing headaches for the regime, we’re the ones doing the culture-jamming, we’re the ones speaking on behalf of a marginalized class, we’re the ones tipping the sacred cows, and we’re the ones calling for revolutionary change. The meme war favors the offense.

vendredi, 25 novembre 2016

Lennart Svensson’s Science Fiction Seen from the Right

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Lennart Svensson’s Science Fiction Seen from the Right

Lennart Svensson

Science Fiction Seen from the Right [2]
Manticore Books, 2016

“Ursula Le Guin wrote about socialist utopias. Heinlein fought against them. There you have Science Fiction Seen from the Right in a nutshell.”

LS-SF-.jpgReaders of Counter-Currents will be familiar — and likely agreeable to — the notion that despite what you heard in school, most all the truly great writers of the XXth century were “men of the Right.” This has been the theme of books like Kerry Bolton’s Artists of the Right: Resisting Decadence,[1] or Jonathan Bowden’s Western Civilization Bites Back.[2]

Bowden also gave us Pulp Fascism,[3] with its subtitle “Right-Wing Themes in Comics, Graphic Novels, and Popular Literature” and including coverage of Anthony Burgess’ A Clockwork Orange, George Orwell’s Nineteen Eighty-Four, Sarban’s The Sound of His Horn, and Brian Aldiss’ Moreau’s Other Island; why not then SF as a genre, tout court?

As if in response, comes now this book; with a title like Science Fiction from the Right, one can consider this an automatic purchase for anyone on the “Alt Right.” If you’re looking for a well-informed study of the SF genre that’s decidedly not from the hard or soft Left perspective that seems de rigueur for both academics and SF writers themselves, this book is for you. Svensson, however, has grander ambitions, and that’s where the book begins to be a bit of a disappointment.

Despite its title, Svensson is not really interested in “the Right” as such; he is interested in tradition, or, as he sometimes spells it, Tradition. And therein lies a perhaps unconscious indication of the problem: is it tradition, or Tradition?

LS-Portr.JPGSvensson is certainly straightforward from the start:

My definition of “right,” “a man of the right,” is “a man adhering to traditional, eternal values.”

These eternal values can be exemplified as: duty, honor, honesty, accountability, selflessness, modesty, fidelity, faith, courage, justice, mercy, clemency, compassion, magnanimity, equanimity — values that are in harmony with the eternal natural law, with Dharma and Tao, with Physis and Lex Nauralis.[4]

And to clarify: to merely advocate limited government, personal responsibility, moral values and productivity . . . is not to be a traditionalist. It’s a start, but it’s not enough. There has to be an esoteric element present, a connection with the causal realm in which all of existence can be anchored in the Platonic World of Ideas. Here, ultimately, the eternal values have their footing.

To vindicate these ideals is what I do as a man of the right. I honor Tradition. To systematically embrace eternal values within a spiritual framework of Christianity, Hinduism and the Ancient way of the West, of esoteric strains in Greek, Roman and Norse thought, is called traditionalism. . . . There you have my outline of traditional values and their sources.

And if that’s not clear enough, he adds that

For a textbook rendering of the Perennial Thought intimated above, see René Guénon, . . . the Crisis of the Modern World, Julius Evola, . . . Revolt Against the Modern World, or Shri Dharma Pravartaka Acharya, . . . The Dharma Manifesto. Another lion of traditionalism currently alive, is Seyyed Hossein Nasr.[5]

He is equally forthright about his intentions in what follows:

My focus in this book is on conservative, right-wing SF and fantasy, of fantastic stories having the character of being based in eternal values as the ones sketched above, fantastic literature having some discernable relationship to Tradition.

Putting all this together, we get, as an example:

Frank Herbert’s Dune, dealing with meditation, courage and honoring your fathers, in the framework of this study, is an SF story of “the right-wing” kind, a story rooted in Tradition.

Now, it’s interesting that Svensson chooses Dune as his exemplar. It’s not the first book/author he looks at; that’s Heinlein, who is, as he says, the “most iconic right-wing SF author ever.” But it is the first — and pretty much the only — book/author that fits the notion of “having some discernable relationship” to capital-T Traditionalism.[6]

See, Svensson is operating with two rather different notions of tradition, which we might call majuscule and miniscule. Miniscule tradition — what he derisively calls “the Conservapedia definition” — could indeed be “exemplified” by that list of virtues but it, and them, have nothing in particular to do with majuscule Tradition.

Now, I’m not saying Guénon, for example, would reject those virtues, not at all; but they would be merely “finite,” pertaining only to social organization in the Kali Yuga. They may be necessary for a society in which Tradition is preserved and handed down; they may also be a necessary first step in moral training for the path of Realization; but no more than that. The “Perennial Thought” is a matter of metaphysics, not morals.[7]

To illustrate my point, consider that both Mike Hammer and his creator, Mickey Spillane, are certainly “men of the Right” in Svensson’s small-t traditional sense; Hammer, as even Ayn Rand perceived,[8] is, however violent and brutal, a man with a solid ethical code that he deviates from not one whit, and uses any means, however violent or illegal, to make sure no one else does either. And his creator was, to a remarkable degree, essentially the same man.[9]

But — to make the contrast clear – the film version of Kiss Me Deadly is, however accidentally, and despite being conceived as an attack on everything Hammer and Spillane represented, a work embodying and bodying forth Traditional themes, while The Girl Hunters, though written and even starring Mickey Spillane himself, is just another thriller, though an excellent exemplar of Hammer’s sadistically chivalrous values.[10] By contrast, Svensson would have a hard time defending Kiss Me Deadly as even small-t traditionalist, since the filmmakers portray Hammer not as a White Knight[11] but as a moronic sadist.

Svensson needs his two kinds of tradition, because unless he can shift from one to the other, he doesn’t have much of a book left.[12] It would be extremely interesting to find Traditional themes in SF;[13] but that’s because it seems, on the face of it, unlikely.

starship_troopers_03.jpgSo mostly, Svensson falls back on miniscule tradition; Heinlein, for example, is hardly a Traditional thinker, even before his ’60s-hippie phase, but he certainly meets the “right-wing” criterion.

Svensson has also given himself another arrow for his quiver. Those who fail or refuse to acknowledge eternal values are defined here as “nihilists.” Those who stand against them, however, fall into two classes: those who passively observe their effect on society, and those who take up arms and by opposing (sometimes) end them.[14] The latter are praised, the former chided or condemned. Thus, authors as different as Heinlein and Lewis can be bracketed together for praise of their stand against nihilism.

The reader might think I’m condemning the book outright, but that’s not really the case. It has the virtue of its vice; with so broad a canvas, the value here rests in whatever Svensson can find to say about some book or author, and if the reader persists, he will find much value here.

Take this bracing insight on Ray Bradbury, which applies to many other areas of the Right:

We all know that Ray Bradbury (1920-2012) was a man longing for years gone by, for the American 1920s with T-Fords, striped cotton suits and icecream sundaes. But this kind of sentimentality can’t be tolerated in a study like this. Tradition isn’t about being sentimental, it’s about acknowledging Eternal Values, values that still can lift us, inspire us and guide us, offering an alternative to the current materialism and nihilism. For in essence, sentimentality is a form of nihilism.

Again, while J. G. Ballard is clearly an “active nihilist,” who, by “not putting up a credible counter-image to the forces of evil” has “superficially, nothing … to say to a radical conservative,” he is praised for at least being an honest skeptic, seeing through and rejecting the clichés of the liberal order. Svensson “gets” Ballard where so many don’t, seeing how Ballard goes on to find the creepy beauty of the new; Cambridge is just “a bicycle rack in front of Gothic backdrop”; the real action is at the US air base nearby, “with its concrete runways and landing lights.”

There’s beauty in the Ballardian urban landscapes and the Jüngerian Marble Cliffs.[15] This we sorely need, anything except the left-liberal chewing of General Buzzword No. 1: pity the weak.

Symbols abound, arresting hieroglyphs. Like the burnt-out shell of a B-29, its tailfin like a billboard advertising its own squadron. And the incomparable haze over the pale fields, antitank ditches and mounds, the same light seen after the dropping of the bomb, heralding the end of the war and the beginning of the next.[16]

So, another WWII story? No, not by far. This is the new kind of SF the 1960s sometimes gave us: “speculative fiction,” a free rendering of the modern world with all its symbols and attitudes, condensed into a more urgent narrative. . . . By 1964 his literary attitude had gained a sense of necessity and tragedy not reached by any other contemporary author, inside or outside the field.

One positive feature of this omnium-gatherum approach is that the reader finds himself introduced to new names and new books. For example, Karin Boye, and her novel Kallokain, apparently considered a Swedish modern classic for all to read, like our To Kill a Mockingbird, perhaps.[17] Svensson, in his brief chapter, makes me want to read this work of a Swedish poet/Valkyrie.

Another book/author unknown to me is Robert Holdstock’s Mythago Wood (1985), where the protagonist finds a primeval forest which is “a dimensional crossroads” where mental intentions interact with mythic energy, “co-creating” the intended results.

By contrast, the following chapter on the expected Orwell, Huxley, Zamyatin, and (perhaps less expectedly, the Metropolis of) von Harbou, really has nothing to say, although students will appreciate the suggestion that they need only read Chapter Three of Brave New World to get the gist of it. But by and large, the hits outnumber the misses.

One major misstep here is that Svensson seems to swerve from his basic theme and give in to the desire to present a kind of encyclopedia of SF matters. A chapter on SF illustration seems pointless without illustrations, and one on the origins and history of SF publishing delves into such thrilling matters as the evolution of pulp magazine binding techniques. The author would have been well advised to leave such matters aside and follow his own taste in the novella format,[18] concentrating on a few major figures and making his arguments tighter.

One has the impression that Svensson started with a list of authors — some essential, like Heinlein, some not that well known, like Boye, some ringers, like Marinetti or Castaneda — along with some topics, like war and nihilism; then he set to work writing something about each one, sometimes finding something to say on their literary or esoteric value, sometimes not.

In the end, one wonders why Svensson burdens his book, and himself, by bringing up the whole Traditionalist business. SF, as already intimated, doesn’t on the surface seem very “Traditionalist” at all.[19] I think the answer is hinted at here:

The ideal of SF, according to Holmberg, is this: man exploring nature with science and technology, thus conquering and understanding his universe, and in the process gaining insights leading to some kind of transcendence. As an esotericist I fully embrace this definition of SF. It’s about venturing out Beyond the Beyond and Within the Within.

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Nor are the Beyond and the Within merely two, distinct aspects; Svensson notes several times his agreement with SF master Norman Spinrad, that the key motif of SF in space travel, but adds that to really travel in space requires inner transformation; otherwise, one may travel to the moon but only bring back some rocks.[20]

The Apollo project went to the moon, a much sought-after event, only to bring home a sample of rocks. In his diary Jünger wrote about this: “the only found a desert because they had the desert inside.”

But while SF may think of space exploration as requiring inner transformation, the Traditionalists themselves refuse to see any such link. Indeed, they are infamous for their contempt for mere technology or even science itself; Traditional societies, says Guénon in the book Svensson directs us to, had better things to do than waste their time with such toys. “Exploring nature with science and technology” and “thus conquering and understanding his universe” is nothing but “dispersion into the horizontal realm” rather than vertical ascent to the Beyond.[21]

So the connection Svensson sees between SF and Traditionalism is at best one-way. If SF leans toward something like Traditionalism, what’s really going on?

We find a clue here in a kind of reflex that Svensson retains from the Traditionalists: the use of the term “titanic” or “titanism” as a derogative, as in fact a synonym for nihilism. Lewis is praised for battling it, while Heinlein is rebuked for yielding to it. That should tell you something’s off here; isn’t Heinlein the “iconic” SF writer? Isn’t SF essentially Promethean, from Frankenstein (“The Modern Prometheus”) on, and even further back, to the various utopias that take inspiration from Plato’s Myth of Atlantis (the realm of Atlas)?

I suppose the Titans are “nihilists” not because they deny any “connection with the causal realm” but because they boldly reach out and grasp it for themselves, “storming Heaven” and “winning the Grail by violence.” The process of self-transformation that Svensson refers to is not so much a matter of Traditionalism as it is of Hermeticism, as even Evola admits.[22]

This “Ancient way of the West, of esoteric strains in Greek, Roman and Norse thought,” finds its “framework” not with Traditionalism but with something along the lines of Jason Reza Jorjani’s Prometheus and Atlas, where both science and SF are confronted and assimilated in the Titanic mode of the West.[23]

Periodically, Svensson drops the ill-fitting Traditionalist garb and promotes a doctrine of Will-Power as something against which SF authors are evaluated (the shift from the one to the other is eased because remember, one must not only diagnose nihilism but fight it!). This emphasis on the training of the Will so as to develop the ability to bring about changes in accordance with will (as Crowley would say) justifies the publisher’s reference to Colin Wilson.[24]

NG-.jpgIndeed, interviewed elsewhere, Svensson sounds an awful lot like that modern exponent of the Hermetic Tradition Neville Goddard himself:

[Q] Man’s life is short. The border is always near. How can be a man educated in such a short period of time to understand the main things of life?

[A] Indeed, life is short. But any man can learn the two words, “I AM”. Christ said them seven times in the Gospel of Joh (“I am the light of the world, I am the door into the sheep, I am the good shepherd” etc.), as such a mirror of the” I Am That I Am”– saying of God in the burning bush of Exodus fame. And if the individual does the same, says “I am”, he acknowledges his eternal, divine nature, of being a spark of the eternal light. This I touch upon in Borderline[25] and this is the succinct summation of my creed: I AM. Modern man, if he so chooses, can reach spirituality this way. The I AM-saying is my formula for a more spiritual life, taught to “the man in the street.”[26]

To stay on the “man in the street” level of physical detail: the book has the quality we’ve come to expect from a Manticore publication; nicely proofread and typeset, with a sturdy binding and an atmospheric wrap-around cover illustration. The translation is serviceable, but another pass or two might have smoothed things out more and made it read a bit less like, well, a translation. Also, in a work of this sort, covering many names and topics, an index would have been appreciated.

In the end, one wishes Svensson would trust his Titanic instincts more, and liberate himself from his Olympian chains. Nevertheless, the reader will find much here that is provocative and truly thought-provoking; a book which not just looks at literature “from the Right” but raises questions about what, ultimately, is the Right itself.

Notes

1. Edited by Greg Johnson; San Francisco: Counter-Currents, 2012.

2. Edited by Greg Johnson; San Francisco: Counter-Currents, 2014.

3. Edited by Greg Johnson; San Francisco: Counter-Currents, 2015.

4. To anticipate a bit, I must point out that “natural law” has little or nothing to do with Tradition; it originates in Stoicism, which Evola, in the book Svensson later cites, dismisses as an “oriental” current alien to Aryan culture, and in its Christian form results from a further misunderstanding of the Greek concept of law as equivalent to “YHVH’s command.” The Stoic advising “live according to nature’s law” is more like our life coaches counselling “You should eat more organic” than a Bible-thumper screaming about da fegz. For more on this, see my essay “A Review of James Neill’s The Origins and Role of Same-Sex Relations in Human Societies” (Amazon.com Kindle Single, 2013).

5. For more on Nasr as a “lion of traditionalism,” see my review of Al-Rawandi’s Islamic Mysticism, “The Bad Samaritan: A Glance at the Mohammed Mythos,” here [3].

6. Guénon would no doubt approve of its Sufi elements, but ultimately dismiss it as mere “syncretism;” Evola might have approved the emphasis on jihad. One must also point out that C. S. Lewis, whose works Svensson also considers exemplars of tradition, would surely have condemned Traditionalism as a blasted heresy and one of the worst tricks of the Devil.

7. Traditionalist would point to a similar mistake made by Jung and others who try to assimilate Tradition to psychoanalysis: the Path is not a method mental healing, but rather assumes an undivided and controlled mind as a starting point.

8. “Despite their apparent differences, Rand admired Spillane’s literary style, and Spillane became, as he described it, a “fan” of Rand’s work.” See McConnell, Scott, ed., “Mickey Spillane,” 100 Voices: An Oral History of Ayn Rand (New York: New American Library, 2010), pp. 232-39.

9. See my “A Hero Despite Himself: Bringing Mike Hammer to the Screen,” here [4].

10. See, of course, my essay “ ”Mike Hammer, Occult Dick: Kiss Me Deadly as Lovecraftian Tale,” here [5] and reprinted in The Eldritch Evola … & Others (San Francisco: Counter-Currents, 2014); for comparison of the films, see my “Essential Films . . . & Others,” here [6].

11. Svensson approves the use of plate armor in the Lord of the Rings films, since it recalls the image of “knights in shining armor.”

12. “But I also admit that there are SF authors in this study hard to categorize. For instance, J. G. Ballard isn’t an author you would think of as a traditionalist. Rather, he’s some kind of modernist. But he isn’t explicitly Marxist.” Later, Ballard’s “The Atrocity Exhibition hasn’t got much to say about Tradition, the theme of this study. But taken for itself this is a great read.” Again, “It’s true that the praising of Tradition and the virtues of old don’t occupy center stage in Michael Moorcock’s novels.” Again, “Karin Boye was a left-leaning intellectual. But she still fits into this survey. Why? Because she wasn’t expressly anti-tradition.”

13. As the reader will know, or have inferred by now, I myself have done a bit of such exploring, mostly in the realm of fantasy — see the essays collected in The Eldritch Evola. . . & Others: Traditionalist Meditations on Literature, Art, & Culture (Ed. Greg Johnson; San Francisco: Counter-Currents, 2014) — but also in SF, such as the works of Olaf Stapledon — see “A Light Unto the Nations: Reflections on Olaf Stapledon’s The Flames” in The Eldritch Evola, and “‘The Wild Boys Smile’: Reflections on Olaf Stapledon’s Odd John” in Green Nazis in Space! New Essays on Literature, Art, & Culture (Edited by Greg Johnson; San Francisco: Counter-Currents, 2015). Oddly enough, Stapledon does not appear in Svensson’s book. Stapledon was of course a parlor pink, but — and admittedly it’s an ironic point — his novels are filled with traditional and even Traditionalist themes, illustrating my point about the return of the Traditional in popular culture.

14. “Nihilists! Fuck me. I mean, say what you like about the tenets of National Socialism, Dude, at least it’s an ethos.” Walther Sobchak, The Big Lebowski (Coen Bros, 1998).

15. Svensson has written a biography of Jünger: Ernst Jünger — A Portrait (Manticore, 2014). The chapter on Jünger here seems like a condensed version, but it does make me want to see the full text.

16. To anticipate a bit, cf. Jason Reza Jorjani, “Promethium Sky over Hiroshima,” Right On, Nov. 3, 2016, here [7].

17. Amazon tells me that the University of Wisconsin put out an edition in 1966, in its dourly titled “Nordic Translation Series,” and a paperback in 2002 in its flashier “Library of World Fiction.”

18. Constant Readers will recall many occasions when I have joined with Henry James in praising “the dear, the blessed nouvelle” format. Writing of Moorcock’s Elric novels, that originally appeared as slim volumes but now comprise 400 page collections, “Having the Eternal Champion books as separate, slim volumes make the saga into a random access myth, an epic where you can begin where you want, merely reading one book or two and then leave it with the sense of having seen an aspect of Multiverse, the whole mirrored in a facet, as it were…. Otherwise, the ideal of the fantasy novel is always ‘thick as a brick’ and this will not engender classics in itself.” He also praises Ballard’s “The Terminal Beach” as “an embryoic condensed novel” with a “condensed, urgent narrative.”

19. Svensson gives himself another free pass by including the clearly more traditional if not Traditionalist genre of fantasy in his definition of SF; like the SF authors, his coverage varies from interesting – Tolkien, Lewis – to just going through the motions in the urge to completeness – Clark Ashton Smith, Lord Dunsany. I tend to agree with Kingsley Amis in New Maps of Hell; the two are best studied apart. Amis’s classic study – arguably the first truly serious critical work on SF – is not in Svensson’s bibliography, though he tells us that he intends his book to be “mapping out new lands,” and the publisher explicitly compares his book to Amis’s, as well as Colin Wilson’s The Outsider; possibly the first time both have ever been invoked at the same time.

20. The key work here is 2001: A Space Odyssey, which Svensson calls “absolutely unique in the history of cinema” and scores as 60% Kubrick, but a necessary 40% Clarke. This point about “inner space” was often made by William Burroughs, who’ mentioned but whose works — Nova Express, for example — are curiously absent.

21. “[But to Traditionalists like Nasr] the events that produced the modern world are not signs of life in contrast to the cadaverous rigidity of Islam but signs of a Promethean betrayal that refuses the demands of heaven.” Al-Rawandi, op. cit.

22. See, of course, his The Hermetic Tradition: Symbols and Teachings of the Royal Art (Rochester, Vt.: Inner Traditions, 1995), especially Chapter One on the myth of Eden.

23. Prometheus and Atlas (London: Arktos, 2016). See also the same author’s “Against Perennial Philosophy,” Right On, Oct. 21, 2016, here [8]. On the other hand, Prof. Jorjani might appreciate Svensson’s discussion of Heinlein’s use of parapsychological themes to challenge both science and SF.

24. It also may explain the bizarre inclusion of Carlos Castaneda among the authors discussed; Carlos’ first wife was a disciple of Neville.

25. Borderline: A Traditionalist Outlook for Modern Man (Numen Books, 2015).

26. “Lennart Svensson: ‘The I AM-saying is my formula for a more spiritual life, taught to “the man in the street”’,” here [9]. Compare Neville, basically in any of his books or lectures; here [10], for example. On Neville and both Hermeticism and Traditionalism see “Magick for Housewives: The Not-so New (and Really Rather Traditional) Thought of Neville Goddard” in Aristokratia IV (Manticore Press, 2017) and my afterword to Neville’s Feeling is the Secret (Amazon Kindle, 2016).

 

 

 

Article printed from Counter-Currents Publishing: http://www.counter-currents.com

URL to article: http://www.counter-currents.com/2016/11/science-fiction-seen-from-the-right/

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[2] Science Fiction Seen from the Right: http://amzn.to/2gjzNuy

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[4] here: http://www.counter-currents.com/2016/06/bringing-mike-hammer-to-the-screen/

[5] here: http://www.counter-currents.com/2014/02/mike-hammer-occult-dick-kiss-me-deadly-as-lovecraftian-tale/

[6] here: http://www.counter-currents.com/2015/02/essential-films-and-others/

[7] here: https://www.righton.net/2016/11/03/the-promethium-sky-over-hiroshima/

[8] here: https://www.righton.net/2016/10/21/against-perennial-philosophy/

[9] here: http://www.radikaliai.lt/radikaliai/3263-lennart-svensson-the-i-am-saying-is-my-formula-for-a-more-spiritual-life-taught-to-the-man-in-the-street

[10] here: http://realneville.com/txt/you_can_never_outgrow_i_am.htm

dimanche, 20 novembre 2016

Petit monarque et catacombes de Olivier Maulin

maulinport.jpg

Petit monarque                        
et catacombes
de Olivier Maulin
 

Critique de Pascal Magne

Ex: http://www.larevuecritique.fr

Olivier Maulin, né en 1969, est écrivain. Il a été sacré "Prince des poètes" en novembre 2009. Il a publié récemment  En attendant le roi du monde (L’Esprit des Péninsules, 2006), Les évangiles du lac (L'Esprit des Péninsules, 2008), Derrière l'horizon (L'Esprit des Péninsules, 2009).

maulinmoncat7361.jpgOlivier Maulin, Petit monarque et catacombes,  Paris, Balland, L'Esprit des péninsules, octobre 2009, 286 pages.


Présentation de l'éditeur.

Palais de l'Elysée, 1992. Le président Mitterrand est malade, le régime usé. Rodolphe Stockmeyer, jeune dilettante, y effectue son service militaire, entouré d'une galerie de personnages hauts en couleur. Tandis qu'éminences grises et autres chargés de mission se débattent dans les affres de la basse politique, les couloirs du palais bruissent bientôt d'une surprenante nouvelle, celle du retour imminent du roi... Après En attendant le roi du monde et Les Evangiles du lac, Petit Monarque et Catacombes mêle avec brio humour féroce, satire politique et nostalgie d'un monde antérieur à la grande catastrophe, celle du désenchantement généralisé.

La critique de Pascal Magne. - Le choc du mois, n°35, novembre 2009. 

Maulin l'enchanteur. En attendant le roi du monde, son premier roman, avait réuni dans un même élan enthousiaste les critiques littéraires Jean-Claude Lebrun de L’Humanité et Christian Authier du Figaro Magazine, avant de remporter le prix Ouest France/Étonnants Voyageurs, en 2006. Autre exploit qui n’est pas près de se reproduire : Olivier Maulin avait réussi le prodige de réconcilier Points de vue et la revue Éléments ! Chapeau bas pour quelqu’un dont le manuscrit fut tout d’abord oublié dans un tiroir par Éric Naulleau, le patron des éditions L’Ésprit des Péninsules, l’alter ego d’Eric Zemmour dans l’émission « On n’est pas couché ». Il fallut une lettre d’insultes maulinesque en diable pour réveiller l’homme de lettres de sa torpeur, qui s’exécuta ensuite de bonnes grâces après avoir reconnu le talent du bonhomme. La publiera-t-on un jour cette lettre ? Il y a prescription.

À l’heure de clore (définitivement ?) sa trilogie avec la parution le mois dernier de Petit monarque et catacombes, toujours aux éditions L’esprit des Péninsules, et de partir vers d’autres horizons littéraires, notamment le roman policier, Olivier Maulin a eu la gentillesse de bien vouloir nous livrer quelques clés pour que les lecteurs du Choc du mois ne tombent pas tous de leur chaise en le lisant pour la première fois. Avis de tempête aux lecteurs distraits : la lecture de Maulin l’enchanteur est fortement déconseillée aux pisse-vinaigre et autres fesse-mathieu, qui se piquent de littérature. Scandales, cris d’orfraies et hululements moralisateurs assurés dès la troisième page… Faut reconnaître, c’est du brutal!

Maulin, c’est la puissance de feu d’une grosse farce poétique avec des personnages échappés de Voyage au bout de la nuit, et les flingues de concours d’un A.D.G. ou d’un Michel Audiard. Avec en prime, le goût des solstices païens, des bacchanales romaines et des banquets grecs à faire rougir les zombies de la gay-pride et tous les « mutins de Panurge » du Marais et de San Francisco réunis. La quarantaine venue, notre satiriste a fait sienne la remarque de l’écrivain colombien Nicolas Gomez Davila, auteur du trop peu connu Le Réactionnaire authentique : « Dans la société qui s’esquisse, même la collaboration enthousiaste du sodomite et de la lesbienne ne nous sauvera pas de l’ennui ». Comme dirait Suzy Fuchs : « Tu sais, il faut que tu comprennes une chose, c’est qu’on n’est pas des hippies pourris qui pensent que les esprits sont tous gentils. Nous, on sait qu’ils peuvent être terribles. Pigé ? » À l’instar de Lucien, le héros qui inspire ce triptyque anarchiste et royaliste, Maulin prône dans ses romans l’harmonie dans la débauche. C’est un symposiarque qui veut bien utiliser ses vices dans ses romans pour accéder à un état qui les transcende. « Il faut mettre du rite partout, sinon on est foutus », ne cesse d’affirmer ses personnages dans ses romans.

Comme ses illustres devanciers, Olivier Maulin n’a pas le cœur sec ni le cul serré quand il écrit. Il a la plume drôle, voire acide, et un talent de dialoguiste indéniable, que lui reconnaissent même ses détracteurs les plus acharnés. Ses héros ressemblent à s’y méprendre aux clochards célestes et aux perdants magnifiques, chers à l’ami Blondin. Ils ont d’ailleurs l’insulte abondante et le coup-de-poing facile devant la connerie contemporaine, surtout quand ils ont ingurgité quelques ballons de gentiane et pintes de bière. Mais pas que… Certains de ses personnages les plus exaltés ne répugnent pas aussi à passer à l’action directe contre les marchands du temple, aux coups d’État qui finissent mal et aux restaurations royales fantasmées. Il faut dire que Maulin est ouvert à tous les fanatismes pour la résurrection du Grand Pan. Chez cet Alsacien particulièrement attachant, l’ogre rabelaisien a décidé une fois pour toutes d’écraser le cartésien. Sa famille littéraire a des racines profondes qui plongent au cœur de l’Europe buissonnière : de l’anarcho-communiste tchèque Jaroslav Hasek, écrivant le burlesque Brave Soldat Chvéïk, à l’anarcho-païen finlandais Arto Paasilinna, inoubliable auteur du Lièvre de Vatanen. Comme eux, Maulin redoute par-dessus tout le désenchantement généralisé de la société occidentale. Son remède ? « Le retour du sacré et de l’oint royal ».

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Maulin n’a jamais caché son inclination pour l’imaginaire et la langue médiévale. Qui est-il au juste? « Un chrétien paillard médiéval à la Léon Bloy, aimant le guignol et le grand style », nous a-t-il avoué après avoir vidé une bouteille d’un honnête picrate. Sous le sceau de la confidence, il a même parlé de la décadence de l’Europe, qu’il date du xve siècle, « à peu près l’époque où le peuple a cessé de danser dans les cimetières », amorçant selon lui une longue descente « vers l’ennui mortel et la civilisation bourgeoise ». Pourquoi pas, après tout… La littérature contemporaine ne l’inspire guère. Dans un récent entretien accordé à la revue Éléments, il avait même lâché, comme soulagé, qu’il n’en lisait plus pour se consacrer à présent exclusivement à la lecture de vieux ouvrages de fabrication de cloches d’églises, de livres pratiques sur l’élevage de porc et de vieux traités d’équitation à l’usage de la cavalerie française. Dont acte. Que dire de ses romans ? Il ne voit que cette phrase, de Davila toujours : « Le pur réactionnaire n’est pas un nostalgique qui rêve de passés abolis, mais le traqueur des ombres sacrées sur les collines éternelles ».

« C’est elle qui avait eu cette idée foireuse. Elle était d’origine portugaise et comme les choses n’allaient pas brillamment à Paris, elle avait pensé “rentrer au pays”. Cette conne m’avait transformé en immigré ». Le ton est donné. Avec son premier roman, En attendant le roi du monde, Maulin explorait les dédales de la tradition lusitanienne. En toile de fond ? Dom Sébastien, le roi caché qui restaurera le destin du Portugal pour établir le cinquième empire. Mais avant de se mettre en quête d’un roi qu’ils n’avaient d’ailleurs jamais eu l’idée de chercher auparavant, Romain et Ana vont échouer dans une pension de famille miteuse de Lisbonne. Rencontrer Dulce, une pétulante nymphomane, et Cécile qui aboie quand on la baise. Faire la connaissance de Pépé, un ancien colon d’Angola cloué sur son fauteuil roulant qui tape des fados à faire pleurer des bars entiers. Puis tomber sur Lucien, un grutier qui se prend pour un chaman, et parle en direct et sans intermédiaire avec le baron Roman Fédorovitch von Ungern-Sternberg. Lui, il voyage dans le monde des esprits dès qu’il fait l’amour. Le lecteur ne s’étonnera donc pas de croiser des anges pourchassés par une meute de cavaliers bouriates ni George Bush manquer de s’étrangler en avalant un bretzel. En le lisant, les puceaux pourront toujours apprendre quelques positions originales dans la partouze finale.

Prévenons les prudes derechef de jeter un voile pudique sur les pages décrivant la rencontre avec les esprits de la forêt dans le deuxième opus, Les Évangiles du Lac. Paru en 2008, ce roman d’initiation burlesque suit les pérégrinations d’un publicitaire trentenaire parisien, lassé par la vie de bureau, qui fait l’apprentissage du recours aux forêts le temps d’un week-end à Kruth, une petite bourgade des Vosges alsaciennes. Il y a aussi l’abbé Nonno, un curé de choc, en rangers, qui pensent que « c’est cuit depuis ce laïcard de Philippe le Bel », Suzy la païenne qui jette des crapauds dans les bûchers de la Saint-Jean en criant : « Tournez, tournez, cabus. Devenez aussi gros que mon cul », Fifty-Fifty « sept générations sur les rails dont trois dans le contrôle », disciple de Fourrier et mystiques du rail, un Grec, un écureuil et un simple d’esprit. Troisième et dernier tome, Petit monarque et catacombes nous plonge dans la mitterrandie finissante. Nous sommes en 1992. Rodolphe Stockmeyer, appelé deuxième classe, fils de vigneron, effectue son service militaire comme loufiat au vestibule d’honneur, au Palais de l’Élysée. La planque est bonne: il observe le président Mitterrand traîner son cancer dans un château à la dérive, en éclusant quelques bouteilles de Romanée Conti. Reste le point d’orgue, une scène qu’on lit et relit, une fois, deux fois en riant, dix fois en rêvant qu’elle se produise un jour :

« – Agence France Presse, bonjour, a dit une voix.

– Bonjour Monsieur, a répondu Pierrot. Je vous appelle pour vous communiquer une information de la plus haute importance.

– Je vous écoute.

– Alors voilà. Ce matin très tôt, il y a eu un coup d’État à l’Élysée…

Quelques secondes de silence du côté de l’AFP…

– Un coup d’État à l’Élysée ?

– C’est ça.

– Ne quittez pas.

Au bout du fil, des bruits de combiné et des murmures étouffés pendant une minute…

– Un coup d’État, donc… Vous pouvez m’en dire plus.

– Bien sûr. Avec la complicité de la garde républicaine, un petit commando dont j’ai l’honneur de faire partie a rétabli le roi sur le trône de France, à l’aube, sans tirer un seul coup de feu ni verser une goutte de sang.

– Bonne nouvelle, a dit le type. C’est une super info, les gars. Et comment il s’appelle votre roi ? Louis XXVI ?

– Bois-Bois Ier.

– Bois-Bois… Ier ? »       

 

Erik L'Homme, Des pas dans la neige

Chronique de livre :

Erik L'Homme, Des pas dans la neige

(Gallimard)

Ex: http://cerclenonconforme.hautetfort.com

erik-l-homme-des-pas-dans-la-neige.gifGallimard jeunesse vient de publier une nouvelle édition de l'ouvrage d'Erik l'Homme, Des pas dans la neige. L'occasion de se replonger dans ce roman d'aventure qui détonne dans la bibliographie de son auteur.

Erik L'Homme s'est spécialisé dans la littérature jeunesse et a publié en particulier Le livre des étoiles, un succès de librairie vendu à plus de 600000 exemplaires, primé au Festival de géographie de Saint-Dié-les-Vosges et traduit en plusieurs langues. Son récit au Pakistan n'est pas, à l'inverse de ses autres publications, à classer dans le fantastique, bien que le moteur de l'histoire mobilise une créature imaginaire : l'homme sauvage.

Erik, son frère Yannick, photographe, et leur ami Jordi Magraner (aujourd'hui décédé), s'envolent il y a une vingtaine d'années à la recherche de l'homme sauvage. Celui-ci serait un hominidé autre que Sapiens et qui n'aurait pas connu notre évolution. On le retrouve dans le mythe du Yéti ou en Amérique du nord de « Big foot » mais il ne faut pas confondre le Yéti de Tintin et l'homme sauvage dont il est question ici, appelé barmanou par les Chitrali, une population du Pakistan avec laquelle l'auteur et ses acolytes vont nouer de nombreux contacts.

Le livre se dévore tellement il est passionnant. Je ne sais pas pour autant si il est tellement adapté aux jeunes lecteurs étant donné qu'Erik L'Homme décrit des territoires inconnus et s'autorise des digressions un peu complexes autant sur la géopolitique, la décroissance ou notre regard occidental sur le monde. Il sera assez adapté à des lycéens ou à des collégiens déjà éveillés. Les adultes ne s'ennuieront pas bien que certains critiques semblent trouver le récit un peu trop descriptif.

L'ouvrage nous rappelle d'emblée que « […] tout est affaire de regard, du regard qu'on porte sur le monde. » et c'est de cela dont il est question ici. D'une aventure qui peut paraître assez folle mais qui va pourtant permettre à nos trois protagonistes de découvrir qui ils sont. Ces trois Occidentaux, isolés dans des territoires hostiles, souvent à une haute altitude, à l'écart du confort moderne et confrontés à des populations aux langues, aux traditions et donc aux représentations très différentes nous adressent une leçon d'humilité. Loin de vanter un monde gris et sans âme, Des pas dans la neige nous narre un monde fragile où la diversité des cultures enracinées fait la richesse de notre planète. Une diversité souvent fragile et conflictuelle, en particulier en raison de l'islam. La survie du peuple Kalash par exemple, auquel Jordi Magraner va ensuite dédier sa vie avant d'être tué le 2 août 2002 par les talibans, se pose clairement dans l'ouvrage.

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L'esprit qui anime les trois protagonistes nous rappellera Sylvain Tesson, c'est à dire ce type d'hommes qui vivent en marge de l'aventure. Comme l'écrit Erik L'Homme, « c'est aujourd'hui dans les marges, j'en suis persuadé, que se dissimulent les derniers hommes libres. ». Les chemins noirs de Tesson dans notre hexagone vont dans le même sens que les pas dans la neige d'Erik L'Homme.

Que sont ces pas ? Ceux d'un « homme sauvage » insaisissable, nous rappelant qu'au final, l'homme n'a pas simplement domestiqué la faune et la flore depuis le néolithique mais qu'il s'est domestiqué lui-même. Le barmanou, si il existe, mais les témoignages récoltés plaident en faveur de cette thèse un peu loufoque, incarne cette liberté sauvage des premiers hominidés. Nos plus lointaines origines, bien avant les impôts ou le recensement et plus encore avant les supermarchés et les bouchons sur les autoroutes. Cette quête est celle d'une liberté retrouvée, mais cette liberté a un prix : la fragilité de l'existence. Les conditions de vie difficile, l'absence de la médecine, se font ressentir et nos amis en sauront quelque chose.

ErikLHomme.jpgL'ouvrage d'Erik L'Homme nous prouve qu'il est encore possible de faire des choix, de vivre une autre existence, une existence qui n'est accessible qu'à quelques uns. Mais l'ouvrage ne saurait se résumer à cela et il s'agit d'une enquête menée avec sérieux, notamment par Jordi Magraner. Ce dernier va d'ailleurs publier un mémoire, Les hominidés reliques d'Asie centrale (http://daruc.pagesperso-orange.fr/hominidesreliquesasiece...). Certains de ses croquis représentant le barmanou sont dans l'ouvrage. Le livre peut sonner comme un hommage à ce grand défenseur du peuple Kalash. Un peuple qui n'intéresse pas grand monde dans notre Occident pourtant si plein de bonnes âmes, toujours promptes à verser une larme pour les malheureux du « tiers-monde »...

On n'a pas de mal à deviner qu'il n'a pas du être facile pour Erik L'Homme de recomposer le puzzle de sa mémoire et de faire remonter à la surface les souvenirs enfouis, les bons comme les mauvais. Le récit est en tous les cas d'une grande cohérence, sans longueurs inutiles, sans apitoiement, sans moraline et avec une vraie dose de lucidité. La vie, la vraie, se forge dans l'épreuve, et dans toutes les aventures que nous pouvons traverser. Celles-ci démarrent souvent par un pas de côté et sont une affaire de regard. Il n'est peut-être pas nécessaire de partir au Pakistan pour vivre des aventures et être libre, mais il n'est pas possible de vivre des aventures et d'être libre si on regarde le monde en captif.

Jean/ C.N.C.

Note du C.N.C.: Toute reproduction éventuelle de ce contenu doit mentionner la source.

lundi, 14 novembre 2016

"Against Our Better Judgment" The Hidden History of How the U.S. Was Used to Create Israel,

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Review:
"Against Our Better Judgment"
The Hidden History of How the U.S. Was Used to Create Israel, by Alison Weir
 
Ex: http://www.unz.com
 
weir.jpgAlison Weir's relatively short book covers the history of Zionism in the United States from the last decades of the 19th century until the creation of the state of Israel in 1948. (She is working on a second volume that will carry this history to the present.) Its brevity does not mean, however, that it is in any sense superficial, as it brings out key historical information, all well-documented, that sets the stage for the troubled world in which we now live. While histories of Zionism have usually focused on Europe, Weir shows that American adherents of this ideology have been far more important than generally has been recognized

The basic theses of this book are encapsulated in the title and subtitle. The history of how American Zionists used America to create Israel was “hidden” in two respects. First, it was “hidden” in the sense that American Zionists often worked behind the scenes. More importantly, however, that history is known but has been kept hidden from the general public, who rely on the mainstream media, and exists almost exclusively in works produced by small publishers—often of a scholarly bent—read by only a few. As Weir points out, those who have tried to bring this information to the general public have suffered both venomous verbal attacks and economic threats that quickly silence the message and often destroy the messenger. This treatment obviously serves to prevent others from doing likewise—“Pour encourager les autres.”

America’s support for Israel ran “against our better judgment” in the sense that American foreign policy experts of the era covered by this work recognized that support for Zionist goals would damage American national interest and that this support only came about because of the political power of American Zionism.

While Weir is not a professional historian, she has intensively studied the literature on this subject for years, much of it rather arcane, as well as spending considerable time traveling in the region. Having a Ph.D. in history myself, I would like to point out that the writing of history does not require any specialized talents as are needed in such fields as theoretical physics or medicine, so that intelligent, hardworking laypersons can often produce works of great value. Weir does not purport to have pored over primary sources to discover new information, which is the hallmark of the professional historian’s craft, but rather synthesizes information from existing published studies that are largely unknown to the general public. Moreover, she brings to her work knowledge of the land and the peoples which she has picked up from her travels.

For those who still might find her background insufficient for her task, it should be further added that Israel apologist Alan Dershowitz, who lacks as far as I can tell any college degree in history, manages to produce works on Israel that are picked up by major publishers who would not think of publishing anything done by most academic historians. It might be added that academic historians, who specialize in monographs, would be loath to produce a comparable account of this subject from Weir’s perspective, since it would do little for their careers and might serve as their professional death knell.

While the book’s narrative is very readable and the key points can easily be digested by the average reader, it is nonetheless well-documented. To satisfy the more academic reader, the book has a section of extended endnotes longer than the narrative. I found the endnotes section valuable not only for confirming and expanding upon the content of the narrative but also in serving as a point of departure for additional research. I often switched from my Kindle book to a Web search, coming up with names of related books and articles that I would like to peruse, should I ever have the time to venture to a research library.

The work goes over a large number of little known but very important topics to demonstrate the powerful influence of Zionism over American foreign policy. Space, naturally, precludes me from discussing all the topics in detail so I have focused on those which seem to deal most directly with the major themes of the book.

The early political influence of Zionism is illustrated by the fact that in 1887 a Jewish American was made ambassador to the Ottoman Empire, which then controlled Palestine and was thus considered by Zionists as the key country with which to deal. This set the precedent of a Jewish ambassador to this country that was continued for the next 30 years, by which time the Zionist search for outside support had turned elsewhere.

The book brings up the central importance of Louis Brandeis and his disciple Felix Frankfurter in advancing the interests of Zionism. Brandeis was a noted social and economic reformer who was a Zionist and happened to be very close to President Wilson, who would put him on the Supreme Court in 1916, the first Jew to hold such a position. Even after joining the Supreme Court, Brandeis used this access to Wilson to promote Zionist interests, sometimes acting as a go-between for Wilson and British Zionists.

Brandeis would head the international Zionist Central Office during the teens but, perhaps even more significant, he would be a leading member of a secret society, the Parushim, the Hebrew word for “Pharisees” and “separate,” which covertly advanced the interests of Zionism in the United States and Europe. The Parushim was founded in 1913 by a University of Wisconsin philosophy professor, Horace M. Kallen, who ironically is considered to be the father of cultural pluralism in the United States. Obviously this idea conflicted completely with his support for the creation of a Jewish exclusivist state, but it is a contradiction that is rather commonplace among many Jews and liberal gentiles alike.

kallen.jpgKallen was regarded by some as first promoting the idea for what became the Balfour Declaration, which would set the stage for the modern state of Israel. He promoted this scheme in 1915 when the U.S. was still a neutral. He told a British friend that this would serve to bring the United States into World War I. It should be pointed out that at that time, despite serious diplomatic issues regarding German submarine warfare, the great majority of the American people wanted to avoid war and Wilson would be re-elected president in November 1916 on the slogan “He kept us out of war.” Kallen’s idea for advancing the Zionist goal, however, soon gained traction.

Frustrated in their efforts to achieve a Jewish homeland in Palestine from the Ottoman Empire, the American Zionists turned toward Britain to bring this about. In 1916 as World War I dragged on indecisively, Zionist leaders promised the British that in return for a Jewish homeland in Palestine—which the British could expect to gain from the Ottomans as one of the spoils of a victorious war—American Zionists would work to bring the United States into the war on behalf of Britain and its allies. Many British strategists at the time, such as Winston Churchill, believed that such an event would turn the tide for victory. Weir holds that it “appears” that the Zionists’ activity was one factor in bringing America into the war [1] and cites a number a number of reputable books and leading contemporary figures—such as then-British Prime Minister Lloyd George—that held that Zionists carried out their side of the bargain by pushing the United States into war.

The Balfour Declaration was a letter, dated November 2, 1917 (and coming out in the press one week later), from British Foreign Secretary Arthur Balfour to Walter Rothschild, a British Zionist leader, officially stating that Britain would use its “best endeavours to facilitate the achievement” of a Jewish Homeland in Palestine.

Now even to give attention to the Balfour Declaration in a history of World War I is somewhat outré; to claim that it caused the United States to enter war is one of those ultra-taboos. Although my Ph.D. was in American history with a focus on diplomacy (and a minor in 20th Century European history), never did I come into contact with anything about the Balfour Declaration in my college studies (which, granted, did not deal with the Middle East). I only knew about it from reading what the mainstream historical profession would regard as disreputable authors.

Reference to the Balfour Declaration and the Zionist role in it was considered one of the daring things done by the iconoclastic Israeli “New Historian” Tom Segev who discussed it in his book, One Palestine, Complete: Jews and Arabs Under the British Mandate (2000). In a lecture on his book that I heard at the University of Maryland in 2002, Segev, though acknowledging that the British goal was winning over Jews to their side [2], derided the idea of any real Jewish power, attributing that mode of thinking to “anti-Semitism.” In 2010, Segev expressed this view in a review of a new book on the Balfour Declaration: “Obviously there was no ‘Jewish power’ controlling world affairs, but Weizmann [3] successfully pretended that the Jews were in fact turning the wheels of history. For once, the anti-Semitic image of the Jews proved useful — they were believed to be so maliciously dangerous that one would do best to acquire them as allies rather than as enemies.”[4]

segev.jpgAlthough Segev is a daring historian who often rejects the Zionist myths on the creation of Israel, in this case he essentially relies on a classic Zionist-constructed strawman, which involves greatly exaggerating the view that the Zionists (and Jews in general) don’t like. It is highly doubtful that the British foreign office believed that Jews were so powerful as to be “turning the wheels of history.” (If that had been the case, one would think that the British would have offered Jews much more than Palestine from the very start of the war.) Furthermore, as noted earlier, Weir does not subscribe to anything like this Zionist strawman in regard to the Balfour Declaration, or anything else, I should add.

However, what is important is not only whether the American Zionists were able to bring the United States into a war, but that they made a solemn promise to a foreign country that they would try to do so. As a matter of fact, since Zionists such as Brandeis knew much about Wilson’s thinking and undoubtedly were kept abreast on what Germany was likely to do (it being well-known that Germany was suffering from the British “starvation” blockade and that politically powerful voices there wanted to retaliate by pursuing a harsher submarine policy toward neutrals such as the U.S.), they may have realistically thought in 1916 that there was a good chance that the United States would shortly go to war whether they interceded or not, which meant it would be a wise move to make such a deal and be able to get credit for a result that was not of their own making.[5]

It is also of significance that the American Zionists promised to push the U.S. into war not because they believed that it was in their own country’s national interest—as was the case for a number of prominent Americans such as former President Theodore Roosevelt—but solely for what they considered to be in the interests of world Jewry. Ascribing “dual loyalty” to any Jews is regarded as a classic anti-Semitic canard. In this case, however, the American Zionists’ position did not even rise to the level of “dual loyalty,” being purely singular in that it evinced no apparent concern whatsoever for American interests.

Linked to the Balfour Declaration, Weir points out that “American Zionists may also have played a role in preventing an early peace with the Ottoman Empire.”[6] In 1917, the U.S. State Department had heard that the Ottomans were becoming weary of the war, and it decided to send a secret mission to explore the possibility of detaching the Ottoman Empire from its alliance with the other Central Powers. Such a separate peace would likely leave the Ottoman Empire (or Turkey as it would become shortly)[7] in control of its Asian possessions, which would mean that since Britain would not gain Palestine, no home for Jews could emerge there.

This mission was headed by former Ambassador Henry Morgenthau, who, though Jewish, was not a Zionist. However, he was persuaded by Zionists such as Brandeis protégé Felix Frankfurter, who was a member of the mission’s delegation, to abandon the effort. In a meeting with Morgenthau, Chaim Weizmann, a leading British Zionist who was alerted by American Zionists as to the danger posed by Morgenthau’s mission, also played a major role in stopping the potentially-peacemaking mission, as is indicated in Weir’s endnotes.[8]

Other obstacles to the Zionists’ goal in Palestine would also arise soon after the end of the war in November 1918. Important Christian Americans who were intimately involved in the Near East and supported self-determination for the Arabs recognized that this could not take place if the Zionists were able to set up an ethnic Jewish enclave on Arab land. They went to the Paris Peace Conference which, among a number of issues stemming from World War I, would deal with the territorial settlement.

As a result of the divergent views on the future status of the territory to be given up by the Ottoman Empire, President Wilson decided to send an investigatory commission to the region, which became known as the King-Crane Commission.[9] In line with Wilson’s goal of national self-determination, the commission sought to discover how the region’s inhabitants wanted to be governed, and they overwhelmingly expressed opposition to a Jewish home in Palestine.

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Weir points out that “Zionists through Brandeis dominated the situation, however, and the report was suppressed until after the Peace Accords were enacted.”[10] At the Paris Peace Conference, Weir writes, “[t]he U.S. delegation was forced to follow Zionist directives.”[11]

kingcranebook.jpgOne minor criticism here is that the reader might incorrectly get the impression that the King-Crane Commission dealt solely with Palestine, while it actually involved all the territories severed from, or expected to be severed from, the Ottoman Empire (Turkey).[12] The issue of Palestine made up about half of the report on “Syria,” which also included present day Syria and Lebanon. The other two geographical sections of the report were “Mesopotamia” and “Non-Arabic speaking portions of the Former Ottoman Empire (Asia Minor).”[13] Thus the suppression of the commission’s report was likely due not only to opposition by Zionists, but also to other interested parties disturbed by its findings in areas other than Palestine. These parties would include the British, French and Greeks.

In regard to the report’s description of Palestine, however, Weir’s presentation was completely on the mark. The King-Crane report reflected extreme opposition to Zionism expressed by those Muslims and Christians who lived in Palestine as well as by those who lived in neighboring areas.

Weir points out that during the inter-war period, when Palestine was governed by Britain under a League of Nations mandate, which was intended to prepare the country for eventual independence, the American Zionists moved away from openly pushing for the establishment of an exclusivist Jewish state in Palestine since this ran counter to the temper of the times—which reflected American opposition to militant nationalism and dual loyalty, and respect for majority rule and national self-determination. Instead, Zionists focused on the development of Jewish institutions in Palestine, which would serve as a basis for a Jewish state. Zionist leaders, such as David Ben-Gurion, still viewed American support as key to their establishment of a Jewish state.

With World War II on the horizon, Zionists began to return directly to their goal of a Jewish state. A precursor of the current Israel lobby, the American Zionist Emergency Council (AZEC), began in 1939. In order to pressure the U.S. government to support a Zionist state, AZEC worked to establish more than 400 local committees under 76 state and regional branches to promote this goal. These committees distributed Zionist pamphlets, circulated petitions, and engaged in letter writing campaigns to promote the Zionist cause. AZEC also funded books, articles and academic studies for this same purpose.

By the end of World War II, Zionist efforts gave them considerable power in American politics. In order to appeal to the general American populace, they stressed the needs of the many Jewish European refugees, connecting the refugee problem to Palestine, the latter destination purportedly being the only solution to their existing homelessness. By this humanitarian argument, Zionists could thus appeal to many Americans who did not necessarily believe the Zionists’ contention that Jews had a historical right to control Palestine.

As Britain opted to turn over the troublesome issue of Palestine to the United Nations in 1947, Zionists pushed for a partitioning of Palestine between Jews and the indigenous Palestinian population. The partition plan discriminated in favor of the Zionists, since while the Jewish population comprised about 30 percent of Palestine’s population, the plan would award them with 55 percent of the land. And the Zionists’ real goal was not to be content with that amount but to also grab the remainder.

U.S. State Department officials strenuously opposed the partition plan, looking upon this approach as both contrary to America’s professed principle of national self-determination and its vital interests in the Middle East, where a vast majority of the governments and their people were vehemently opposed to Zionism. A leading State Department official in this opposition was Loy Henderson, Director of the Office of Near Eastern and African Affairs. Zionists viciously attacked him, demanding his removal and even threatening his family. The State Department chose to move him elsewhere and in 1948 President Truman named him Ambassador to Nepal, which kept him far away from anything to do with Palestine.

Removing Henderson, however, did not make the State Department favorable toward transforming any part of Palestine into a Jewish state. Among the higher level opponents were the head of the State Department‘s Division of Near Eastern Affairs, Gordon P. Merriam; Undersecretary of State Dean Acheson, who later became Secretary of State; and George F. Kennan, the State Department‘s Director of Policy Planning, noted as the architect of America’s containment policy against Soviet Communism.

The State Department was not the only part of the executive branch of the United States government that opposed the Zionist goal for Palestine. The newly-created CIA reported in 1947 that the Zionists were seeking goals that would be harmful to both Jews and “the strategic interests of the Western powers in the Near and Middle East.”[14] The Joint Chiefs of Staff opposed partition and expressed the prescient fear that the Zionist aim was to involve the U.S. in their conflict with their Middle East enemies.

Despite this opposition from a consensus of foreign policy and national security experts within his own government, Truman opted to support the Zionist partition plan for political reasons, relying heavily on the views of his domestic political advisor, Clark Clifford, who maintained that the Jewish vote and financial backing were necessary to win the presidential election in 1948. Truman‘s Secretary of State George Marshall, noted for the famed Marshall Plan that helped to rebuild devastated Western Europe, and Secretary of Defense James Forrestal remained staunchly opposed to what they regarded as Truman’s willingness to sacrifice vital national security interests on the altar of domestic politics.

Weir points out that a number of wealthy Zionist Jews provided financial support for Truman’s presidential campaign in 1948, which may put us in mind of Zionist mega-donors of today such as Sheldon Adelson. One of these backers was Abraham Feinberg who funded Truman’s epic whistle-stop train campaign. Truman would give Feinberg credit for his victory. As quid pro quo, the Truman administration remained inert when the CIA later reported that Feinberg was involved in illegal gun-running to Zionist groups in Palestine.

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I should add that while Truman has become something of an idol for recent historians, he was looked upon during his time as being driven by what would benefit his own political interest. As the redoubtable journalist H. L. Mencken quipped about Truman’s 1948 campaign: “If there had been any formidable body of cannibals in the country he would have promised them with free missionaries, fattened at the taxpayer’s expense.” In Truman’s defense, however, it should be pointed out that two of his key opponents in the 1948 presidential election, Republican Thomas Dewey and the left-wing Progressive Party candidate Henry Wallace, Franklin Roosevelt’s former Vice-President, were both staunchly pro-Zionist.[15]

Weir describes a number of Zionists who maintained personal contact with Truman and likely played a role in shaping his policies. David K. Niles, Truman’s executive assistant, was regularly briefed by the head of the Washington Office of the Zionist Organization of America and was believed to be passing top-secret information to the Israeli government. Truman’s long-time friend and former business partner, Eddie Jacobson, was a staunch Zionist with close access to Truman who would describe his information to be of “decisive importance.”[16] Sam Rosenman, a political advisor to Truman, screened State Department memos to Truman.

Although the United States had announced its support for the partition of Palestine, it was apparent that the partition plan still lacked the necessary two-thirds vote to pass in the UN General Assembly. Consequently, the Zionists were able to get a delay in the vote and used that time to intimidate or bribe opponents to reverse their positions.

For example, Weir notes that Wall Street financier and perennial presidential adviser Bernard Baruch threatened war-torn France that it would be denied aid from the United States if it voted against partition. David Niles was able to get rubber baron Harvey Firestone to tell the Liberian president that he would terminate his planned expansion in his country if it did not vote in favor of partition. Haiti was promised economic aid if it would change its vote and support the measure. Costa Rica’s President Jose Figueres was said to have received a blank checkbook to get his country’s vote.

As a result of this behind the scenes skullduggery, the UN General Assembly on November 29, 1947, voted in favor of the adoption and implementation of the partition plan as UN General Assembly Resolution 181. Although this resolution is widely believed in the United States to have created Israel,[17] Weir correctly points out that it “was of limited (if any) legal impact” since General Assembly resolutions, as opposed to those of the Security Council, are not binding on member states. Although the resolution recommended that the UN Security Council implement the partition, it never did.[18]

The effect of the General Assembly’s resolution, however, was to increase the fighting in Palestine. While the Zionist myth would have it that the Jews in Palestine were simply a peaceful community set upon by violent Arabs intent on genocide, Weir points out that Zionist military forces had been covertly preparing for war for some time. They had amassed extensive armaments, some of it coming illicitly from the U.S., and their troop numbers exceeded those of their foes even after five Arab governments had joined the fray. The traditional Zionist portrayal of Israel’s war for independence (which, of course, prevented independence for the Palestinians) as a David versus Goliath conflict in which the Jews miraculously overcame overwhelming odds is pure fiction, but it is still believed in many quarters today and continues to generate sympathy for Israel. On May 15, 1948, Zionists announced the establishment of their new state of Israel, for which they did not establish any boundaries.

sniego.jpgA quick aside here: somewhat ironically, in my view, Weir barely touches on the United States decision to recognize Israel. Moreover, what does exist is largely in the endnotes. Although there will be a second volume to Weir’s history, and the cut-off point for this volume has to be somewhere, still the fact that the book does make reference to events in 1948 would seem to have made it appropriate to discuss in some detail the issue of America’s quick recognition of Israel.

A number of interlocking organizations operated in the U.S. to raise money for Zionist paramilitary groups in Palestine, though this goal was kept secret. These organizations were under the direction of the leader of the Irgun Delegation, Hillel Kook, who operated under the name of Peter Bergson. During World War II, these organizations purported to be trying to alert people to the genocide of European Jews and trying to rescue those still alive. By promoting this purpose these organizations were able to attract substantial public support, including from those who would be repulsed by their funding of terrorist activities, which, Weir implies, was their real intent. The latter, she maintains, was made manifest by the organizations’ failure to actually rescue Jews from Europe.

The Irgun group engaged in numerous public activities to raise money, one of the most successful being a pageant entitled “We Will Never Die!” which, woven within the backdrop of the Nazi genocide, celebrated the Jewish contribution to Western civilization. Written by Ben Hecht, an Academy Award-winning screenwriter, the pageant included such Broadway and Hollywood celebrities of the era as Edward G. Robinson, Dean Martin, Frank Sinatra, and Leonard Bernstein. Forty thousand attended the extravaganza’s New York performances. It went on to play in a number of other large American cities. The group produced a number of other plays and rallies, one of which featured a young Marlon Brando, and raised $1 million.[19]

Some American Zionists, Weir observes, actually planned terrorist activities outside of Palestine in order to influence developments there. One such terrorist activity conceived by a group of American Zionists headed by an Orthodox Rabbi named Baruch Korff consisted of a plan to drop bombs along with threatening leaflets on the British foreign office in London, or anywhere in London if that were too difficult. The airplane pilot sought for this task, however, went to the Paris Police—he and Korff both being in France at the time—and Korff was arrested. Powerful people rushed to Korff’s defense and the charges were dropped. Korff thus was able return to his former activities in America as if nothing had happened. With this particular event thrown down the Orwellian “memory hole,” Korff resurfaced over two decades later as a public figure close to President Richard Nixon, influencing the latter’s Middle East policies.

The amount of money raised for Zionist groups during in the United States during these years is impossible to calculate accurately, but it would be enormous. Weir writes that between 1939 and May 1948 the Jewish Agency for Israel alone raised the equivalent of $3.5 billion in today’s dollars.

David Ben-Gurion, then de facto leader of the Jewish community in Palestine, realized that the international concern for Jewish refugees could be used to advance the cause of a Jewish state by making it appear that no other safe refuges for Jews existed. Weir illustrates this deception by a discussion of the famous ship Exodus, which carried Holocaust survivors to Palestine when the British were not allowing illegal immigration there.

Weir points out that what is generally unknown to the public is that the French were willing to take in those Exodus refugees but Ben-Gurion rejected that solution, forcing those survivors to remain on board the ship for seven months. Weir quotes historian Baruch Kimmerling on the significance of the Exodus affair: “Ben-Gurion‘s strategy in the Exodus affair paid off. The fate of the refugee ship attracted considerable and sympathetic attention around the world, and served the Zionist cause well. Few observers at the time knew that many of the refugees from the Exodus had applied for immigration visas to the United States, and were hardly anxious to settle in Israel . . . . By dramatizing the fate of the survivors, in whom he had little interest except as future residents of the state he was building . . . Ben-Gurion helped to make Israel the world’s chief power broker over Jewish affairs.”[20]

urisexo.jpgWeir includes a brief reference to Leon Uris’s bestselling 1958 novel on the Exodus ship, and though it falls outside the chronological purview of this volume, I would add that the impact of the already mythologized Exodus event was greatly magnified by Uris’s book, which sold over 7 million copies and was turned into a blockbuster movie in 1960 by Otto Preminger, a leading film director of the era. The film has been identified by many commentators as having greatly enhanced support for Israel in the United States by Jews as well as gentiles and in the view of some scholars this movie has had a lasting effect on how Americans view the Israeli–Palestinian conflict. Weir even acknowledges that it had initially shaped her thinking on the subject.[21]

While the pro-Zionist propaganda that inundated the American media played up the existence of Jewish refugees who allegedly sought to come to Israel, there was little popular attention paid toward the hundreds of thousands of Palestinians who were being driven from their homeland as a result of Zionist massacres and other forcible expulsion measures. A State Department study in March 1949 found the American public was “unaware of the Palestine refugee problem, since it has not been hammered away at by the press or radio.”[22]

To underscore the importance of what Weir presents on this subject, it should be pointed out that until fairly recently, Israel’s denial of ever having expelled the Palestinians dominated the public discourse in the U.S. It was alleged that when Arab armies were about to invade the newly-declared state of Israel, Palestinians left their homes in the new Israel at the behest of their leaders, expecting to return with the victorious Arab armies. Beginning in the 1980s, however, Israel’s so-called “New Historians,” relying on newly released Israeli documents, exploded this myth. They concluded that the major cause of Palestinian flight was Israeli military action, which included terrorist massacres and the fear of them.

Even without the discovery of this Israeli documentary evidence, or any other documentary evidence for that matter, the use of the cui bono test would strongly point to Zionist culpability for the removal of the native Palestinians. For the Zionists planned to create a state that was both democratic and Jewish. This would be impossible if a large number of non-Jewish people, who were largely hostile to Zionism, resided within the country. From this fact, it would seem reasonable to conclude that the emptying of Palestine in 1948 was not a serendipitous development from the perspective of the Zionists, but one that was intentionally brought about by them.

Weir observes that U.S. State Department experts at the time were aware of Israel’s inhumane actions and sought to take action to at least moderate Israel’s effort to achieve a permanent removal of Palestinians. The State Department threatened to withhold $49 million of unallocated funds from an Export-Import Bank loan to Israel if it did not allow at least 200,000 refugees to return to their homes. Although Truman sympathized with the Palestinians’ plight, and in early 1948 even briefly considered backtracking from the partition and supporting a UN trusteeship for the entirety of Palestine, he ultimately prevented the State Department’s move from being implemented.

Weir points out that those in the mainstream media who attempted to alert the American people to the reality of the dispossession of the Palestinian people were effectively prevented from doing so by pro-Zionists. The latter relied on hurling the career-destroying charge of “anti-Semitism” and threatening economic measures to harm any media outlet that would dare to disseminate information they deemed to be too negative toward Israel.

The individual whom the Zionists caused to fall the farthest was Dorothy Thompson. Weir deserves much credit here for pulling this once well-known figure out of the Orwellian memory hole. Thompson happens to have been one of the principal figures in my doctoral dissertation titled, ”The Intellectual Wellsprings of American World War II Interventionism, 1939-1941.”[23] And I have added a few additional points to what Weir has in her book to illustrate the high reputation Thompson had at one time.

Thompson was an early and persistent critic of Nazism. She had an interview with Hitler in 1931 before he had become German Chancellor, which was made into a book. Thompson portrayed Hitler and Nazism in a negative light and in 1934, the now Nazi government of Germany expelled her when she attempted to visit the country. From 1934 onward, the bulk of her writing dealt with the danger posed by Nazism to the Western democracies. After the start of World War II in Europe in September 1939, Thompson was a staunch interventionist who initially advocated greater American aid to the allies but by the latter part of 1941 she was advocating American entrance into the war.

doroth.jpgIn 1939, Time Magazine named Thompson the second most popular and influential woman in America behind Eleanor Roosevelt.[24] She spoke out about anti-Semitism and the plight of the Jews in Europe, and urged a relaxation of immigration restrictions so the U.S. could be a safe haven for Jews under threat in Europe. She also was a strong supporter of Zionism.

In early 1945 she took a trip to Palestine where she saw firsthand Jews oppressing Palestinians. She came to realize that the Zionists sought to create a Jewish exclusivist state, not one that would include all of its current inhabitants. Her criticism of Zionism led to charges against her of “anti-Semitism” and even pro-Nazism, as absurd as that was given her background.[25] As a result of this all-out Zionist attack, newspapers began to drop her columns. Especially harmful was her loss of an outlet in New York City—where she had received a large proportion of her income—when the New York Post dropped her column with no other major New York City daily being willing to pick it up. Her radio program and speaking engagements also disappeared. Despite these problems, Thompson would not back away from her criticism of Zionism. And she continued to do so in the dwindling number of newspapers that still took her column, which did not end until 1958.

It is significant that the black-out of Dorothy Thompson has continued after her death, and perhaps even become worse. In the effort to make the subject of American history more inclusive, recent historians have often added women who were little known in their own eras, whereas Thompson who had been an important figure remains unmentioned. It seems likely that she has remained largely unmentioned both for what she had to say about Zionism and also by the fact that she was blacklisted by pro-Zionists, the power of whom one is not allowed to publicly acknowledge. (This contrasts with those Americans who were blacklisted for being pro-Communist, who are now often praised as martyrs because of this treatment.)

To conclude the review, it should be emphasized that this concise book should be of value to a wide audience. The general reader with little background knowledge should easily pick up a number of key points that serve to dispel the many myths that loom large today in the mainstream media, while even those individuals familiar with the subject are almost guaranteed to profit from little known facts, especially in the notes section, that should augment their knowledge. And it is essential that many more Americans become aware of this knowledge if America’s position is to change regarding Israel and the Middle East in general. Such a change is essential not only to bring about some degree of justice for the Palestinians but in order to extricate the United States from the debilitating regional conflicts that its close connection with Israel has entailed. It will be interesting to see how Weir, in her forthcoming volume, deals with the problems America has faced in more recent years that ineluctably derived from the events described in this work.

References

[1] Alison Weir, Against Our Better Judgment: The Hidden History of How the U.S. Was Used to Create Israel, (CreateSpace Independent Publishing Platform, 2014), Kindle Edition, Kindle Location 364. Weir contends that there were a number of factors that caused the United States to enter World War I in April 1917, some of which she lists, and that “Zionism appears to have been one of those factors.”

[2] Some historians have diluted this Jewish factor, attributing motivation to British foreign policy goals in the Near East. A Jewish homeland allegedly could serve as a buffer zone that would protect the Suez Canal.

[3] Chaim Weizmann was a leading figure in the Zionist movement who served as President of the Zionist Organization and later as the first President of Israel.

[4] Tom Segev, “‘View With Favor’, Review of The Balfour Declaration: The Origins of the Arab-Israeli Conflict by Jonathan Schneer, International New York Times, August 20, 2010, accessed December 13, 2015, http://www.nytimes.com/2010/08/22/books/review/Segev-t.ht...

In other parts of his review, Segev’s analysis is impressive. For example he writes: “The Balfour declaration thus finds its place among a multitude of fruitless schemes and indulgent fantasies, except, of course, that in this case, surprisingly, the British by and large kept their word. For at least two decades they allowed the Zionist movement to bring hundreds of thousands of Jewish immigrants into Palestine, and these new arrivals set up hundreds of settlements including several towns, as well as the political, economic, military and cultural infrastructure of the future state of Israel. But if Israel’s existence originated with the British, so did the Palestinians’ tragedy.”

[5] The controversial House-Grey memorandum, developed with Britain in February 1916, stated that at an appropriate time Wilson would call for a peace conference. If the Allies accepted the offer and Germany rejected it or acted intransigently at the conference, the United States would go to war against Germany. And if Germany accepted the offer and a peace conference did take place, the settlement would not be unfavorable to the Allies. Wayne S. Cole, An Interpretive History of American Foreign Relations (Homewood, Ill.: Dorsey Press, 1968), 363

[6] Weir, Against Our Better Judgment, Kindle Location 449.

[7] The Wikipedia entry for “Ottoman Empire,” states that the “’Ottoman Empire’ and ‘Turkey’ were often used interchangeably, with ‘Turkey’ being increasingly favored both in formal and informal situations. This dichotomy was officially ended in 1920–23, when the newly established Ankara-based Turkish government chose Turkey as the sole official name,” accessed December 13, 2015, https://en.wikipedia.org/wiki/Ottoman_Empire .

[8] Weir, Against Our Better Judgment, Kindle Locations 2668-2669 .

[9] The King-Crane Commission was originally created as the American Section of the Inter-Allied Commission on Mandates in Turkey, which was also to include British and French members, and be like a number of other fact finding missions stemming from the Paris Peace Conference of 1919. These two countries failed to participate. Ken Grossi, Maren Milligan, and Ted Waddelow, Restoring Lost Voices of Self-Determination: Background to the Commission, August 2011, Part of the King-Crane Commission Digital Collection, Oberlin College Archives, accessed December 13, 2015, http://www.oberlin.edu/library/digital/king-crane/intro.h... .

[10] Weir, Against Our Better Judgment, Kindle Locations 502-503.

[11] Weir, Against Our Better Judgment, Kindle Location 505.

[12] The King-Crane Commission Report, August 28, 1919, http://www.hri.org/docs/king-crane/. The report includes discussions of territory intended to have been taken from Turkey in the Treaty of Sevres, which Turkey never accepted and was not implemented.

[13] Ibid.

[14] Quoted in Weir, Against Our Better Judgment, Kindle Location 798.

[15] Wallace had no chance of winning the election but Truman’s backers feared that he could syphon off enough liberal votes in large Northern and Midwestern states to enable Dewey to win the election. The issue of Israel did not play a role in Strom Thurmond’s 1948 campaign in the South, which focused on states’ rights and racial issues.

[16] Quoted in Weir, Against Our Better Judgment, Kindle Location 894.

King-Crane Commission Report, August 28, 1919.

[17] Jeremy R. Hammond, “The Myth of the U.N. Creation of Israel,” Foreign Policy Journal, October 26, 2010, accessed December 13, 2015, http://www.foreignpolicyjournal.com/2010/10/26/the-myth-o...

[18] More than this, the UN General Assembly, after the vote, created another committee that came to quite different conclusions. Jeremy Hammond writes: “The Ad Hoc Committee on the Palestinian Question was established by the General Assembly shortly after the issuance of the UNSCOP report in order to continue to study the problem and make recommendations. A sub-committee was established in turn that was tasked with examining the legal issues pertaining to the situation in Palestine, and it released the report of its findings on November 11. It observed that the UNSCOP report had accepted a basic premise ‘that the claims to Palestine of the Arabs and Jews both possess validity’, which was ‘not supported by any cogent reasons and is demonstrably against the weight of all available evidence.’ With an end to the Mandate and with British withdrawal, ‘there is no further obstacle to the conversion of Palestine into an independent state’, which ‘would be the logical culmination of the objectives of the Mandate’ and the Covenant of the League of Nations. It found that ‘the General Assembly is not competent to recommend, still less to enforce, any solution other than the recognition of the independence of Palestine, and that the settlement of the future government of Palestine is a matter solely for the people of Palestine.’’’ Hammond, “The Myth of the U.N. Creation of Israel.”

[19] Marlon Brando was very close to Jews before he became a movie star and later donated a considerable amount of money to Zionist causes. He expressed more negative views of Jews toward the end of his life. See: Allan M. Jalon, “How Marlon Brando Became Godfather to the Jews,” Forward, September 16, 2015, accessed December 13, 2015, http://forward.com/culture/320671/how-marlon-brando-becam...; Danielle Berrin, “Marlon Brando and the Jews,” Jewish Journal, July 30, 2014, accessed December 13, 2015, http://www.jewishjournal.com/hollywoodjew/item/marlon_bra....

[20] Weir, Against Our Better Judgment, Kindle Locations 1249-1256.

[21] The movie had an all-star cast (and a very popular, award winning theme song), which included: Paul Newman, Eva Marie Saint, Peter Lawford, Sal Mineo, and Lee J. Cobb.

[22] Weir, Against Our Better Judgment, Kindle Locations 1370-1371.

[23] Stephen John Sniegoski, “The Intellectual Wellsprings of American World War II Interventionism, 1939-1941,” (PhD diss., University of Maryland-College Park, 1977).

My research on Thompson included a visit to the archival collection of her papers at the George Arents Research Library at Syracuse University in Syracuse, New York, in 1976, where I perused some material dealing with her break with American Jews, which was outside the scope of my dissertation.

[24] Thompson’s correspondence in her manuscript collection at Syracuse University illustrates her importance. The Overview of the Collection states: “Correspondents include authors (John Gunther, Wallace Irwin, Alfred M. Lilienthal, Edgar A. Mowrer, Vincent Sheehan, Johannes Urzidil), literary figures (Jean Cocteau, Rose Wilder Lane, Thomas Mann, Rebecca West), politicians and statesmen (Bernard M. Baruch, Winston Churchill, Ely Culbertson, Ralph E. Flanders, Felix Frankfurter, Charles de Gaulle, Cordell Hull, Clare Boothe Luce, Jan Masaryk, Gamal Abdel Nasser, Franklin D. and Eleanor Roosevelt, Harry S. Truman).” Overview of the Collection, Dorothy Thompson Papers, Syracuse University Libraries, accessed December 13, 2015, http://library.syr.edu/digital/guides/t/thompson_d.htm.

[25] Thompson’s relationship with American Jews actually began to sour toward the end of the war before the emergence of the issue of Zionist mistreatment of Palestinians. She differed with the Jewish establishment regarding her opposition to the Anglo-American incendiary bombing of German cities, which involved the killing of tens of thousands of civilians, and also the demand for a Carthaginian peace with Germany that was reflected in the Morgenthau Plan. She viewed these actions as violating the alleged idealistic purpose of the war, whereas many Jews sought punishment of the German people because of what the Nazis had done to their co-religionists.

samedi, 12 novembre 2016

Pierre Manent et Natacha Polony: La France post-Charlie

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Pierre Manent et Natacha Polony: La France post-Charlie

Ex: http://lenouveaucenacle.fr

Réflexions sur la France post-Charlie après lecture des essais de Pierre Manent, Situation de la France, Desclée de Brouwer, septembre 2015, et de Natacha Polony, Nous sommes la France, Plon, octobre 2015.

 « Sous le nom de marché mondial, nous avons construit un système d’action que l’on ne peut mieux décrire que comme une Providence artificielle : à la fois la seule chose que nous puissions faire, et le mieux que nous puissions faire, c’est de répondre avec docilité aux indications du marché mondial, chacune d’elles ayant pour elle la force surhumaine du Tout et son autorité. » – Pierre Manent, op. cit.

« Refonder l’école pour revivifier la République.Et revivifier la République pour éviter que la Nation ne se délite. Tel est aujourd’hui le défi qui s’impose à nous. D’abord parce que la remise en cause progressive du pacte républicain à travers la destruction de l’école, le creusement des inégalités, l’éradication de toute forme de méritocratie au profit de la pétrification d’élites oublieuses de leurs devoirs, tout cela ressemble à un nuage de grêle flottant au-dessus du pays et annonçant la catastrophe. » – Natacha Polony, op. cit.

Manent, partant du constat que les attentats de janvier ont été perpétrés pour « venger le prophète » et analysant les réactions consécutives (notamment celles, diverses, des musulmans, divers eux aussi), propose un contrat au groupe social musulman.

Cet automne 2015 ont paru deux essais de qualité sur la France post-Charlie, avec analyses pertinentes et propositions iconoclastes à la clé. Intellectuel majuscule, loin des élucubrations outrées d’une grande partie des intellos médiatiques, Pierre Manent redonne ses lettres de noblesse à la figure décriée, dans notre démocratie de marché, de l’intellectuel, ce frein au business is everything. Manent constate, analyse, propose, questionne, doute. Il n’impose pas de pensée pré-mâchée, au contraire : la lecture de Manent dérange, interroge les certitudes, incite à réfléchir, oblige à l’introspection et à la remise en question… Situation de la France est un essai de haut vol, écrit pour être lu – entendez par là que Pierre Manent ne jargonise pas pour « faire intellectuel », il s’adresse à tous. Le propos de cet essai est fondamental dans le débat public qui nous occupe aujourd’hui. Les attentats de janvier 2015 ont cruellement révélé le délitement de la Nation et mis en avant la problématique de la place de l’islam en France : personne ne peut nier qu’un fossé s’est creusé entre une large partie du groupe social musulman et le reste de la population française ; personne ne peut nier que depuis 1945, rarement la Nation a été aussi divisée, malmenée de l’intérieur, soumise aux feux croisés de ceux qui – communautaristes, mondialistes alter ou non, européïstes[1], libéraux-libertaires… – veulent l’amoindrir à défaut de ne pouvoir la liquider purement et simplement. Manent, partant du constat que les attentats de janvier ont été perpétrés pour « venger le prophète » et analysant les réactions consécutives (notamment celles, diverses, des musulmans, divers eux aussi), propose un contrat au groupe social musulman (qu’il ne baptise pas communauté), leur concédant de conserver l’essentiel de leurs mœurs en échange d’un investissement réel dans la vie de la Nation et du respect des principes fondamentaux de la République.

La question de l’école

Dans un genre différent, la journaliste Natacha Polony revient sur les attentats des 7 et 9 janvier 2015, en recherche les causes profondes, analyse la manifestation du 11 janvier… Après avoir constaté et démontré le déni de réalité de la part de nos élites, à commencer par nos dirigeants, elle propose un état des lieux, une généalogie de ce qui a conduit la France dans cette situation dégradée, et esquisse des solutions fondées sur le retour à la Nation, entendue comme un legs riche du passé et un présent commun, partageant des valeurs et une volonté de progresser ensemble. C’est le seul cadre de la démocratie réelle. Polony se base sur la revalorisation de l’école républicaine pour transmettre cet héritage nécessaire à tout un chacun, au-delà de son origine, pour se sentir Français. Moins iconoclaste et plus attendu de la part d’une journaliste ayant quasi-quotidiennement la parole dans de grands médias nationaux, Nous sommes la France n’en est pas moins un essai intéressant en ce qu’il propose de se baser sur ce qui fait rêver de la France pour restaurer son identité, sa Nation, sa démocratie. On est loin du retour en arrière que ne manqueront pas de dénoncer les professionnels des « heures sombres de notre histoire » sans même avoir lu l’ouvrage.

Chacun à sa manière, Polony et Manent constatent cet abandon de l’État par les élites politiques, économiques, médiatiques.

Autant l’annoncer d’emblée, si la lecture de Pierre Manent a été stimulante et passionnante, nous sommes plus sensibles au propos de Natacha Polony. Manent constate que l’Etat souverain a atteint ses limites, abandonné le spirituel et l’éducation. Il est devenu incapable de comprendre le fait religieux, se bornant à invoquer une laïcité brandie comme un totem, devenue caduque par son impossibilité selon l’essayiste. L’abandon de la transcendance (la Nation pour Polony, le spirituel pour Manent) et de l’éducation sont flagrants. De fait, l’État en France est décrié, délégitimé, par les actes de ses représentants mêmes, ceux qui depuis quarante ans se sont attachés avec autant d’hypocrisie que de zèle à le vider de son sens : soumission au marché via l’Union européenne au lieu de l’Europe des Nations voulue par de Gaulle, abaissement volontaire du niveau scolaire pour faire de parfaits consommateurs-producteurs stupides et manipulables, destruction de l’histoire, de la géographie et de la Nation pour obtenir des êtres parfaitement interchangeables et déracinés, n’étant plus en mesure de se défendre contre les voraces sans visage inféodés au Saint-Fric mondialisé, seul maître de nos dirigeants de gauche comme de droite aujourd’hui. Bien entendu, tout cela s’est fait en tenant le discours exactement inverse.

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Chacun à sa manière, Polony et Manent constatent cet abandon de l’État par les élites politiques, économiques, médiatiques. En revanche, si nous partageons le constat que l’État est devenu incapable de comprendre le fait religieux, la religion ayant été remplacée par le marché et la course sans fin aux droits individuels, il nous semble, avec Polony, que la laïcité est la solution, et non comme le pense Manent, qu’elle devenue illusoire, voire impossible.

La fin d’une communauté de destin

Pour nous, le problème ne se situe pas essentiellement dans la différence de culture entre l’islam et la France, mais dans l’abandon de l’assimilation républicaine et dans le rejet idéologique de la Nation telle que l’entendait Renan. Cette communauté de destin fondée sur des valeurs partagées, un héritage commun et la volonté de construire ensemble a été sacrifiée au nom des droits de l’homme et de la concurrence libre et non-faussée. La traduction dans les faits, nous l’avons évoquée plus haut et dans d’autres articles : abandon de l’exigence, du mérite, de l’éducation, substitution de l’égalité par l’égalitarisme, adoption en douce du modèle communautariste anglo-saxon au nom des droits de l’homme et en prônant l’unité indivisible de la France… La somme de ces abandons, de ces mensonges et de ces lâchetés est, bien plus que le souvenir de la colonisation ou de l’esclavage exploité à des fins idéologiques, la raison réelle de la difficulté de certains de nos compatriotes musulmans à trouver leur place.

La démocratie se fondant sur la distinction entre vie privée et vie publique, chacun est libre de conserver ses traditions et ses rites dans son cadre intime.

Sauf à considérer que le musulman est ontologiquement incompatible avec la France, ce qui est pour le moins réducteur. La France est un pays multi-ethnique, mais ce n’est pas un pays multiculturel. La République est laïque, la France est chrétienne, pour reprendre les mots du Général de Gaulle ; ce qui n’a jamais empêché la France d’accueillir des Juifs, des athées, des musulmans… Le principe qui doit nous guider est celui de l’hospitalité pour les immigrés légaux (à Rome, fais comme les Romains) et celui de l’assimilation républicaine pour les Français d’origine étrangère (seul principe qui leur évitera d’être renvoyés en permanence à leurs origines et qui permet de préserver la cohésion nationale). La démocratie se fondant sur la distinction entre vie privée et vie publique, chacun est libre de conserver ses traditions et ses rites dans son cadre intime. En revanche, la discrétion est de mise en public. Raciste me diront Médiapart, Libération, l’Obs et tutti quanti ? Alors quid de l’Arabie saoudite ? Des États-Unis ? De la Chine ? Du Japon ? Natacha Polony le montre dans son essai, l’assimilation républicaine ne détruit en rien les identités propres de chacun, elle les respecte et les laisse s’exprimer dans la mesure du respect de la loi (qui, rappelons-le, n’est pas en France l’imposition par la force d’une volonté dictatoriale à des populations faibles, mais le fruit du vote démocratique, c’est-à-dire de la volonté du peuple souverain – ou de ce qu’il en reste aujourd’hui). Cela implique effectivement que dans l’espace public, on s’empêche, comme dirait Camus (Albert, pas Renaud). Cela étant, personne – pas même les sectateurs de la liberté des femmes de porter niqab – ne se choque de cette concession faite à la société en ce qui concerne les naturistes…

Pierre Manent face à la République

C’est pourquoi lorsque Pierre Manent propose d’autoriser franchement les mœurs musulmanes, à l’exception sine qua non du voile intégral et de la polygamie, nous ne pouvons pas être en accord. Cela signerait la fin de la République une et indivisible, démocratique, sociale et laïque telle que définie par la constitution. La proposition de Manent est-elle pour autant scandaleuse ? Elle le serait si elle était le fruit d’une lâcheté ou d’une soumission, or tel n’est pas le propos de l’essayiste. Partant du constat que « c’est la réalité même qui s’est déjà rendue largement indépendante de l’ordre politique légitime – de la République ou de la laïcité », il établit que « l’institution politique légitime, telle que nous la comprenons, n’est pas en état d’opérer ce que nous attendons d’elle. Cela ne signifie pas que l’on renonce à la République, moins encore que l’on souhaite l’abolir, cela signifie plutôt que l’on cherche les moyens de ranimer l’intention du projet républicain dans ce que celui-ci a de plus essentiel, de la ranimer dans des circonstances où la forme qu’il a prise depuis deux siècles a épuisé ses vertus »[2].

C’est, depuis Giscard, la trahison des politocards qui est en marche.

Compte-tenu de cela, il serait irresponsable de ne pas réfléchir à une solution. Cependant, il nous semble que ce n’est pas le cadre politique légitime qui est en crise. C’est jeter le bébé avec l’eau du bain. Ce n’est pas le verre qui est sale, mais bien le pastis qui est frelaté. Le problème est le personnel politique dont les qualités intellectuelles, morales, patriotiques, démocratiques ne cessent de se dégrader depuis le décès de Pompidou. C’est, depuis Giscard, la trahison des politocards qui est en marche. Depuis lors, les « élites » politiciennes de gauche comme de droite et dans leur majorité ont décidé que la France était un petit pays et qu’il fallait se fondre dans la globalisation, se soumettre au marché, se renier pour survivre. La classe politicienne est le problème, pas la République ou la laïcité. Ses intérêts n’épousent ni l’intérêt général, ni le respect des choix démocratiques du peuple. Preuve en est la frilosité incroyable manifestée par les parlementaires quand il s’agit de connaître leurs sources de revenus (i. e. pour prévenir les conflits d’intérêts) : c’est la ruée contre ce populisme qui voudrait savoir pour qui roulent réellement les élus ! Si les politiciens servaient la France au lieu de se servir de la France, cette question n’intéresserait personne.

accommodements-raisonnables.jpgManent se garde bien de postuler une ontologie du musulman, comme il l’écrit : « il ne s’agit pas de postuler une essence immuable de l’islam, seulement de reconnaître son existence et pour ainsi dire sa consistance (…). Notre régime politique et nos mœurs nous incitent à ramener les masses spirituelles aux individus qui les composent, mais enfin, aussi désireux que nous soyons de ne voir partout que des sujets titulaires de droits et des individus cherchant leur intérêt, nous nous heurtons à quelques grands faits collectifs qui sont déterminants pour la vie du monde. Nous nous y heurtons chaque jour davantage. Qui a peur du scandale trébuchera sur la pierre du scandale »[3]. Par ailleurs, il constate avec raison la négligence des gouvernants quant aux masses spirituelles, aveuglés qu’ils sont par l’individualisme libéral-libertaire du toujours plus de droits. Toutefois, sa réponse ne nous paraît pas souhaitable. Si nous sommes d’accord pour dire que les humiliations sont vexatoires et inutiles, autoriser les menus confessionnels, les horaires réservés et autres « accommodements raisonnables » comme on dit dans la Belle Province revient à rompre de fait l’égalité républicaine (rien à voir avec l’égalitarisme socialiste). Le groupe social musulman est composé de citoyens égaux en dignité et en droits aux autres. Il n’a pas a bénéficier de règlements spécifiques. D’une part, la population musulmane en métropole n’en a jamais eu besoin avant la lâcheté de Jospin en 1989, quand ce dernier s’est défaussé devant l’entrisme intégriste à Creil, et d’autre part, étant de peuplement récent en France (majoritairement arrivée à partir du regroupement familial dans les années 1970), elle doit s’adapter au pays qui l’accueille et dont elle a choisi de prendre la nationalité.

Le peuple français est un peuple hospitalier pourvu qu’on le respecte dans son identité et ses choix démocratiques.

Cela implique la liberté complète d’expression, que Manent invite à rétablir, et notamment la liberté de caricaturer Mahomet et de critiquer l’islam ; cela implique l’égalité homme/femme ; cela implique l’acceptation de l’apostasie et des mariages exogènes. Comme le disait le Général de Gaulle, « Si une communauté n’est pas acceptée, c’est qu’elle ne donne pas de bons produits, sinon elle est admise sans problème. Si elle se plaint de racisme à son égard, c’est qu’elle est porteuse de désordre. Quand elle ne fournit que du bien, tout le monde lui ouvre les bras ». Le peuple français est un peuple hospitalier pourvu qu’on le respecte dans son identité et ses choix démocratiques. Cela n’en fait pas un peuple raciste, xénophobe, racialiste ou que sais-je encore… C’est juste un peuple qui a une identité, une histoire, une géographie communes et qui entend être respecté pour ce qu’il est, comme n’importe quel peuple. La proposition de Manent ne nous semble pas souhaitable pour toutes ces raisons. En revanche, il serait bon d’entendre Pierre Manent pour restaurer la République et la laïcité. Son analyse de la situation est très pertinente, et même nécessaire pour comprendre les problèmes, préalable à toute solution. Manent a raison quand il écrit que « l’affaiblissement politique et spirituel de la nation en Europe est sans doute le fait majeur de notre temps » (p.123). De même, il a raison sur le fait que « si l’islam s’étend et se consolide dans un espace dépourvu de forme politique, ou dans lequel toutes les formes du commun sont livrées à la critique rongeuse des droits individuels devenus la source exclusive de toute légitimité, alors il n’y a guère plus d’autre avenir pour l’Europe qu’une islamisation par défaut » (p.124).

La faute à l’État ?

Si la vigueur de l’islam dans le monde et l’intrusion d’un certain islam en France expliquent en partie les difficultés que peuvent éprouver un certain nombre de musulmans en France, il faut reconnaître que depuis la loi Haby, les gouvernements successifs ont tout fait pour que ni eux ni personne ne puisse se sentir Français. Natacha Polony le montre bien : l’abandon de la langue, de l’histoire, de la géographie, les perpétuels renvois idéologiques à l’esclavage, la colonisation, aux « heures les plus sombres de notre histoire » interdisent l’assimilation républicaine. La France en perte d’identité est faible du fait de l’abandon de ce qu’elle est imposé par ses dirigeants au nom des droits de l’homme et du cours de la bourse. On ne s’intègre pas à un pays ou à une culture faibles, on ne s’y assimile pas. Au mieux, on y cohabite, chaque communauté scrutant l’autre en chiens de faïence ; au pire on l’efface.

L’abandon de l’État-Nation comme cadre naturel de l’exercice démocratique et l’abandon de l’éducation au profit du mondialisme et du pédagogogisme ont conduit in fine à la situation dans laquelle nous sommes.

Sans identité, pas d’âme, pas de projet, pas de fierté à vivre ensemble dans une même Nation, pas d’intégration, pas d’assimilation, pas d’hospitalité. L’abandon de l’État-Nation comme cadre naturel de l’exercice démocratique et l’abandon de l’éducation au profit du mondialisme et du pédagogogisme ont conduit in fine à la situation dans laquelle nous sommes. Il est à craindre que les attentats se multiplient, renforçant la méfiance entre le groupe social musulman et le reste de la population, suscitant les haines et attisant les peurs. C’est le résultat de 40 années d’abandon de la France et de son peuple par ses élites. La solution, Natacha Polony la propose : retrouver ce qui fait la fierté de la France en se basant sur ce qui l’a fait envier dans le monde. À partir de là, restaurer l’État-Nation démocratique et légitime, et restaurer l’éducation. Les perspectives pour 2017 nous laissent pessimiste sur une résolution démocratique et pacifique de cette crise majeure d’identité.

Le Librairtaire

[1]Nous entendons par le barbarisme européïstes les sectateurs de l’Union européenne telle qu’elle s’exprime dans ses dérives anti-démocratique, ultra-libérale, anti-historique, dont Junker, avec son fameux « il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens ».

[2]Pierre Manent, op. cit., p. 58.

[3]Pierre Manent, op. cit., pp. 62-63.

jeudi, 10 novembre 2016

Royauté et Sacré dans les civilisations

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Royauté et Sacré dans les civilisations

 

Dans l’histoire de l’humanité, politique et transcendance sont intimement liées. A la lecture du dernier essai de Christophe Levalois, on découvre même que ce lien est commun à bien des sociétés et des civilisations : de la Chine à l’Egypte, de l’Inde ancienne au Moyen-Orient jusqu’à l’Europe moderne, royauté et sacré ne font qu’un. C’est cette unicité, ce lien entre royauté et sacré que Storiavoce vous propose de découvrir. Qu’est-ce qu’un roi ? Au nom de quoi règne-t-il ? Quelles relations entretient-il avec ces autres pouvoirs que sont le clergé, l’armée, le peuple ? Et, surtout, peut-on édifier une théorie de la royauté par-delà la diversité des temps et des lieux ? S’appuyant sur les fondements et les légendes, les récits et les rites de la monarchie, mais aussi sur les faits de l’histoire, Christophe Levalois répond à ces questions avec simplicité, pédagogie et érudition.


Christophe Levalois, La royauté et le sacré, Editions du Cerf, Coll. Lexio, 128 pages, 10€.

En savoir plus…

  • Christophe Levalois sur le site des éditions du Cerf: lien.
  • Le blog de Christophe Levalois: lien.
  • Le discours de Benoît XVI à Westminster, 17 septembre 2010: lien.

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mercredi, 09 novembre 2016

Progressive Foreign Policy Fails Again

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Progressive Foreign Policy Fails Again

impech.jpgWhat happened in Libya and Syria is simply a manifestation of a very dangerous mindset known as progressivism.  Progressivism amounts to a blind faith that government force can improve any given situation.  It is usually associated with domestic policy but progressivism also operates in foreign policy. Progressives ignore costs and consequences.  Progressives plunge into situations they do not understand, heedless of the consequences.  When progressives fail, they invariably attribute the failure to not using enough government force.  Thus, Obama, explaining his failure in Libya, stated, “I think we underestimated... the need to come in full force.”[1]

Thus, it is not merely Obama and Clinton who need to be held responsible.  Their underlying ideology also needs to be called to account.  We need to impeach progressivism too lest that dangerous ideology leads us into an endless series of future foreign policy disasters as it has already led us into 100 years filled with them. 

It is important to understand that a callous disregard of consequences is intrinsic to progressivism,[2] whether applied to domestic or foreign policy. One consequence of foreign intervention which the progressives utterly ignore is blowback in the form of terrorist attacks in direct retaliation against the intervention.  It is probably a Freudian slip that those who supported overthrowing Gaddafi and Assad were oblivious to the consequences as these men had few ties to terrorism in recent years.  However, if all that was said about them was true, then they should have been concerned about such retaliation.  There is no similar excuse concerning ISIS, however.  And true to form, ISIS has delivered, in Paris, in the skies of Egypt and in San Bernardino and Orlando.  As of November of 2015, ISIS had engaged in over 1500 terrorist attacks.[3]

Another consequence of war that is rarely discussed in advance is the legal risk of engaging in war.  When a state is attacked, it has the legal right to respond and defend itself.[4]  Such a response may include attacking any military facility in the attacking state. Obviously, any such attacks in modern war run the risk of civilian casualties.  Since this is rarely if ever mentioned by politicians, they apparently expect us to simply put all of this out of our minds.

What is truly revolting is this.  Obama and Clinton, who are protected by heavy security, have launched the United States into wars against parties likely to retaliate against innocent and vulnerable civilians, when the perpetrators of these illegal wars are utterly incapable of stopping such attacks or protecting such civilians.  The only legal remedy for such moral depravity is impeachment. 

Although foreign progressivism is a species of the same genus as domestic progressivism, it is important to understand that foreign progressivism is even worse.  Foreign progressive intervention has several features that differ from the domestic variety.  First, progressives know even less about foreign lands than they do about their own country where they still make huge policy blunders.  They are particularly unaware of the age-old conflicts among racial, ethnic and religious groups. They bring with them a Western-style assumption, rooted in archism, that national borders are rational, just and sacrosanct.  Thus, they are blind to the fact that the state boundaries in most parts of the world are unjust, arbitrary and usually imposed by imperial powers after violent conquest.  Of course, as progressives (and archists), the notion that states need to be broken up into smaller parts that would allow the various warring tribes and groups to run their own nations, is loathsome to them.  Centralization is a primary progressive value.  So, for example, after the U. S. conquest of the artificial state of Iraq, they insisted on its continued integrity.  It was thus predictable that the Shiite majority would control the entire state after elections and impose its will on the minority Sunnis and Kurds, leading to the inevitable civil war.  Hillary Clinton, who voted for the Iraq War, was herself blissfully unaware of this inevitability.

progrostrow.jpgSecond, people in foreign lands have never approved in any way the progressives’ intervention into their own country.  Third, that being the case, while domestic intervention has a number of tools at its disposal, foreign intervention has only one primary tool, war.  War involves killing people and destroying property.  Not only does this directly engender resistance and retaliation but it also strips away the protective coating of propaganda that usually cloaks state action.  For example, since most people comply with tax laws, the state only rarely has to use actual force to collect them.  Thus, the violent nature of taxation is hidden underneath the usual avalanche of birth-to-death progressive propaganda.  For example, it is based on voluntary compliance; it is the citizens’ duty, and it’s all good because it was democratically approved.  While all these rationalizations are nonsense, it is not easy to cut through the propaganda when the audience spent twelve years in a government school being brainwashed.  In sharp contrast, when a bomb blows up an apartment building and kills thirty people, the facts are plain and the ability of propaganda to make people think that black is white, is minimal.  Naturally, they tend to react, resist and retaliate.

To sum up, progressivism fails in foreign policy for a number of important reasons.  First, the progressives are pervasively ignorant about the countries they are invading and conquering.  Second, such intervention fails to deal with the underlying causes of problems, usually being related to the preexisting culture and character of a people or the arbitrary borders into which disparate ethnic, racial and religious groups have been consigned.  Third, such intervention sparks resistance and retaliation among the victims. Finally, such intervention usually results in unforeseen and unintended bad consequences.

Thus, the lesson of this book is not just that Obama and Clinton blundered by intervening into Libya and Syria but that, once again, progressives applied their utopian theory beyond the borders of the United States with the usual disastrous consequences.

Notes:

[1] T. Friedman, “Obama on the World,” nytimes.com, Aug. 8, 2014 (emphasis added); Progressivism: A Primer, supra at 21, et seq.

[2] And archism as well.

[3] M. Keneally & J. Diehm, “Sobering Chart Shows ISIS Is the Terror Group With Most Mass Killings Since 2000,” abcnews.go.com, Nov 16, 2015.

[4] See, United Nations Charter, Article 51.

James Ostrowski is a trial and appellate lawyer in Buffalo, NY. He is CEO of Libertymovement.org and author of several books including Progressivism: A Primer on the Idea Destroying America. See his website.

vendredi, 04 novembre 2016

Soft power, hard power et smart power: le pouvoir selon Joseph Nye

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Soft power, hard power et smart power: le pouvoir selon Joseph Nye

Recension:
The Future of Power
Éditeur : PublicAffairs
320 pages / 12,97 € sur
 
Résumé : Avec ce nouvel ouvrage, l'internationaliste américain poursuit sa réflexion sur la notion du pouvoir étatique au XXIe siècle. Après avoir défini le soft et le smart power , comment Joseph Nye voit-il le futur du pouvoir ?
 
Ex: http://www.nonfiction.fr

Nye.jpgEn Relations Internationales, rien n'exprime mieux le succès d'une théorie que sa reprise par la sphère politique. Au XXIe siècle, seuls deux exemples ont atteint cet état : le choc des civilisations de Samuel Huntington et le soft power de Joseph Nye. Deux théories américaines, reprises par des administrations américaines. Deux théories qui, de même, ont d'abord été commentées dans les cercles internationalistes, avant de s'ouvrir aux sphères politiques et médiatiques.

Le soft power comme réponse au déclinisme

Joseph Nye, sous-secrétaire d'Etat sous l'administration Carter, puis secrétaire adjoint à la Défense sous celle de Bill Clinton, avance la notion de soft power dès 1990 dans son ouvrage Bound to Lead. Depuis, il ne cesse de l'affiner, en particulier en 2004 avec Soft Power: The Means to Success in World Politics. Initialement, le soft power, tel que pensé par Nye, est une réponse à l'historien britannique Paul Kennedy qui, en 1987, avance que le déclin américain est inéluctable . Pour Nye, la thèse de Kennedy est erronée ne serait-ce que pour une raison conceptuelle : le pouvoir, en cette fin du XXe siècle, a muté. Et il ne peut être analysé de la même manière aujourd'hui qu'en 1500, date choisie par Robert Kennedy comme point de départ de sa réflexion. En forçant le trait, on pourrait dire que l'Etat qui aligne le plus de divisions blindées ou de têtes nucléaires n'est pas forcément le plus puissant. Aucun déclin donc pour le penseur américain, mais plus simplement un changement de paradigme.

Ce basculement de la notion de puissance est rendu possible grâce au concept même de soft power. Le soft, par définition, s'oppose au hard, la force coercitive, militaire le plus généralement, mais aussi économique, qui comprend la détention de ressources naturelles. Le soft, lui, ne se mesure ni en « carottes » ni en « bâtons », pour reprendre une image chère à l'auteur. Stricto sensu, le soft power est la capacité d'un Etat à obtenir ce qu'il souhaite de la part d'un autre Etat sans que celui-ci n'en soit même conscient (« Co-opt people rather than coerce them » ).

Time to get smart ?

Face aux (très nombreuses) critiques, en particulier sur l'efficacité concrète du soft power, mais aussi sur son évaluation, Joseph Nye va faire le choix d'introduire un nouveau concept : le smart power. La puissance étatique ne peut être que soft ou que hard. Théoriquement, un Etat au soft power développé sans capacité de se défendre militairement au besoin ne peut être considéré comme puissant. Tout au plus influent, et encore dans des limites évidentes. A l'inverse, un Etat au hard power important pourra réussir des opérations militaires, éviter certains conflits ou imposer ses vues sur la scène internationales pour un temps, mais aura du mal à capitaliser politiquement sur ces « victoires ». L'idéal selon Nye ? Assez logiquement, un (savant) mélange de soft et de hard. Du pouvoir « intelligent » : le smart power.

Avec son dernier ouvrage, The Future of Power, Joseph Nye ne révolutionne pas sa réflexion sur le pouvoir. On pourrait même dire qu'il se contente de la récapituler et de se livrer à un (intéressant) exercice de prospective... Dans une première partie, il exprime longuement sa vision du pouvoir dans les relations internationales (chapitre 1) et s'attache ensuite à différencier pouvoir militaire (chapitre 2), économique (chapitre 3) et, bien sûr, soft power (chapitre 4). La seconde partie de l'ouvrage porte quant à elle sur le futur du pouvoir (chapitre 5), en particulier à l'aune du « cyber » (internet, cyber war et cyber attaques étatiques ou provenant de la société civile, etc.). Dans son 6e chapitre, Joseph Nye en revient, une fois encore, à la question, obsédante, du déclin américain. La littérature qu'il a déjà rédigée sur le sujet ne lui semblant sûrement pas suffisante, Joseph Nye reprend donc son bâton de pèlerin pour nous expliquer que non, décidément, les Etats-Unis sont loin d'être en déclin.

Vers la fin des hégémonies

Et il n'y va pas par quatre chemins : la fin de l'hégémonie américaine ne signifie en rien l'abrupte déclin de cette grande puissance qui s'affaisserait sous propre poids, voire même chuterait brutalement. La fin de l'hégémonie des Etats-Unis est tout simplement celle du principe hégémonique, même s'il reste mal défini. Il n'y aura plus de Rome, c'est un fait. Cette disparation de ce principe structurant des relations internationales est la conséquence de la revitalisation de la sphère internationale qui a fait émerger de nouveaux pôles de puissance concurrents des Etats-Unis. De puissants Etats commencent désormais à faire entendre leur voix sur la scène mondiale, à l'image du Brésil, du Nigeria ou encore de la Corée du sud, quand d'autres continuent leur marche forcée vers la puissance comme la Chine, le Japon et l'Inde. Malgré cette multipolarité, le statut prééminent des Etats-Unis n'est pas en danger. Pour Joseph Nye, un déclassement sur l'échiquier n'est même pas une possibilité envisageable et les différentes théories du déclin américain nous apprendraient davantage sur la psychologie collective que sur des faits tangibles à venir. « Un brin de pessimisme est simplement très américain » ) ose même ironiser l'auteur.

Même la Chine ne semble pas, selon lui, en mesure d'inquiéter réellement les Etats-Unis. L'Empire du milieu ne s'édifiera pas en puissance hégémonique, à l'instar des immenses empires des siècles passés. Selon lui, la raison principale en est la compétition asiatique interne, principalement avec le Japon. Ainsi, « une Asie unie n'est pas un challenger plausible pour détrôner les Etats-Unis » affirme-t-il ). Les intérêts chinois et japonais, s'ils se recoupent finalement entre les ennemis intimes, ne dépasseront pas les antagonismes historiques entre les deux pays et la Chine ne pourra projeter l'intégralité de sa puissance sur le Pacifique, laissant ainsi une marge de manœuvre aux Etats-Unis. Cette réflexion ne prend cependant pas en compte la dimension involontaire d'une union, par exemple culturelle à travers les cycles d'influence mis en place par la culture mondialisée . Enfin, la Chine devra composer avec d'autres puissances galopantes, telle l'Inde. Et tous ces facteurs ne permettront pas à la Chine, selon Joseph Nye, d'assurer une transition hégémonique à son profit. Elle défiera les Etats-Unis sur le Pacifique, mais ne pourra prétendre porter l'opposition sur la scène internationale.

De la stratégie de puissance au XXIe siècle

Si la fin des alternances hégémoniques, et tout simplement de l'hégémonie, devrait s'affirmer comme une constante nouvelle des relations internationales, le XXIe siècle ne modifiera pas complètement la donne en termes des ressources et formes de la puissance. La fin du XXe siècle a déjà montré la pluralité de ses formes, comme avec le développement considérable du soft power via la culture mondialisée, et les ressources, exceptées énergétiques, sont pour la plupart connues. Désormais, une grande puissance sera de plus en plus définie comme telle par la bonne utilisation, et non la simple possession, de ses ressources et vecteurs d'influence. En effet, « trop de puissance, en termes de ressources, peut être une malédiction plus qu'un bénéfice, si cela mène à une confiance excessive et des stratégies inappropriées de conversion de la puissance » ).

softpoweer14DUBNWQEL.jpgDe là naît la nécessité pour les Etats, et principalement les Etats-Unis, de définir une véritable stratégie de puissance, de smart power. En effet, un Etat ne doit pas faire le choix d'une puissance, mais celui de la puissance dans sa globalité, sous tous ses aspects et englobant l'intégralité de ses vecteurs. Ce choix de maîtriser sa puissance n'exclue pas le recours aux autres nations. L'heure est à la coopération, voire à la copétition, et non plus au raid solitaire sur la sphère internationale. Même les Etats-Unis ne pourront plus projeter pleinement leur puissance sans maîtriser les organisations internationales et régionales, ni même sans recourir aux alliances bilatérales ou multilatérales. Ils sont voués à montrer l'exemple en assurant l'articulation politique de la multipolarité. Pour ce faire, les Etats-Unis devront aller de l'avant en conservant une cohésion nationale, malgré les déboires de la guerre en Irak, et en améliorant le niveau de vie de leur population, notamment par la réduction de la mortalité infantile. Cohésion et niveau de vie sont respectivement vus par l'auteur comme les garants d'un hard et d'un soft power durables. A contrario, l'immigration, décriée par différents observateurs comme une faiblesse américaine, serait une chance pour l'auteur car elle est permettrait à la fois une mixité culturelle et la propagation de l'american dream auprès des populations démunies du monde entier.

En face, la Chine, malgré sa forte population, n'a pas la chance d'avoir de multiples cultures qui s'influencent les unes les autres pour soutenir son influence culturelle. Le soft power américain, lui, a une capacité de renouvellement inhérente à l'immigration de populations, tout en s'appuyant sur « [des] valeurs [qui] sont une part intrinsèque de la politique étrangère américaine »(« values are an intrinsic part of American foreign policy » (p.218))). Ces valeurs serviront notamment à convaincre les « Musulmans mondialisés »  de se ranger du côté de la démocratie, plutôt que d'Etats islamistes. De même, malgré les crises économiques et les ralentissements, l'économie américaine, si elle ne sert pas de modèle, devra rester stable au niveau de sa production, de l'essor de l'esprit d'entreprise et surtout améliorer la redistribution des richesses sur le territoire. Ces enjeux amèneront « les Etats-Unis [à]redécouvrir comment être une puissance intelligente » ).

Le futur du pouvoir selon Joseph Nye

L'ouvrage de Joseph Nye, s'il apporte des éléments nouveaux dans la définition contemporaine de la puissance, permet également d'entrevoir le point de vue d'un Américain - et pas n'importe lequel... - sur le futur des relations internationales. L'auteur a conscience que « le XXIe siècle débute avec une distribution très inégale [et bien évidemment favorable aux Etats-Unis] des ressources de la puissance » ). Pour autant, il se montre critique envers la volonté permanente de contrôle du géant américain. Certes, les forces armées et l'économie restent une nécessité pour la projection du hard power, mais l'époque est à l'influence. Et cette influence, si elle est en partie culturelle, s'avère être aussi politique et multilatérale. Le soft power prend du temps dans sa mise-en-œuvre, notamment lorsqu'il touche aux valeurs politiques, telle la démocratie. Ce temps long est gage de réussite, pour Joseph Nye, à l'inverse des tentatives d'imposition par Georges Bush Junior, qui n'avait pas compris que « les nobles causes peuvent avoir de terribles conséquences » ).

Dans cette quête pour la démocratisation et le partage des valeurs américaines, la coopération interétatique jouera un rôle central. Pour lui, les Etats-Unis sont non seulement un acteur majeur, mais ont surtout une responsabilité directe dans le développement du monde. La puissance doit, en effet, permettre de lutter pour ses intérêts, tout en relevant les grands défis du XXIe siècle communs à tous, comme la gestion de l'Islam politique et la prévention des catastrophes économiques, sanitaires et écologiques. Les Etats-Unis vont ainsi demeurer le coeur du système international et, Joseph Nye d'ajouter, « penser la transition de puissance au XXIe siècle comme la conséquence d'un déclin des Etats-unis est inexact et trompeur [...] L'Amérique n'est pas en absolu déclin, et est vouée à rester plus puissant que n'importe quel autre Etat dans les décennies à venir » ).

Comment dès lors résumer le futur des relations internationales selon Joseph Nye ? Les Etats-Unis ne déclineront pas, la Chine ne les dépassera pas, des Etats s'affirmeront sur la scène mondiale et le XXIe siècle apportera son lot d'enjeux sans pour autant mettre à mal le statut central des Etats-Unis dans la coopération internationale. Dès lors, à en croire l'auteur, le futur de la puissance ne serait-il pas déjà derrière nous ?

 
Théo CORBUCCI, Pierre-William FREGONESE

Une histoire de la NSA par Claude Delesse

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Une histoire de la NSA par Claude Delesse

L’auteure qui enseignait à la BEM Management School Bordeaux, est une spécialiste des sciences de l’information et de la communication. Elle a déjà exploré le sujet en étudiant le système Echelon (1). Une histoire de la NSA des origines à nos jours comble un vide car il y a bien peu d’écrits en langue française. L’analyse, dense de la richesse de la documentation basée sur des sources ouvertes, occupe la majeure partie du livre, une autre étant consacrée aux notes et aux annexes.

nsa-delesse.jpgL’étude replace toujours l’action de l’agence dans le contexte historique tant international qu’étatsunien avec, en creux, une critique de la politique hégémonique des Etats-Unis. Comme elle l’avait fait dans son livre précédent avec Echelon (2) , l’auteure se penche sur les stratégies de domination technologique et informationnelle de la NSA et montre sans détour combien la maîtrise de l’information est un enjeu fondamental de suprématie pour des Etats-Unis de plus en plus concurrencés en tant que puissance mondiale. Et au XXIe siècle, l’enjeu est de garder la main dans le nouveau champ qu’est le cyberespace. La guerre globale contre le terrorisme au nom de la défense des valeurs démocratiques et de la sécurité des Etats-Unis n’est alors qu’un prétexte à maintenir un leadership mondial de plus en plus contesté. Détentrice du pouvoir de renseigner, la NSA constitue l’un des instruments de la puissance américaine et de la sauvegarde d’intérêts de plus en plus menacés.

L’analyse est méthodique et comprend quatre parties. La première rappelle quels furent les précurseurs de ce service de renseignement tourné vers les écoutes électromagnétiques. La NSA fut créée en 1952 afin d’intercepter, de collecter par les moyens clandestins et de déchiffrer les transmissions étrangères d’origine électromagnétique. La mission consiste à pénétrer le renseignement des signaux, le SigInt pour les Signals Intelligence mais aussi à protéger les communications et les systèmes de l’Etat indispensables à la sécurité des Etats-Unis (p 15). Cette entité gouvernementale relève du département de la Défense, elle apporte une aide à la décision aux dirigeants politiques, particulièrement au président des Etats-Unis et aux chefs militaires devenant une machine à produire du renseignement pour les trois armées et le corps des marines. Elle agit aussi pour l’ensemble de la communauté américaine du renseignement : CIA, FBI….ce qui n’empêche pas leur cloisonnement, leur manque de communication, leur compétition interne et leurs jeux d’influence. Elle est restée une puissance de l’ombre jusqu’aux révélations vite oubliées de deux anciens analystes, à la fin des années 1950 renouvelées par nombre de lanceurs d’alerte jusqu’à celles dévoilant le système Echelon à la fin des années 1990 et enfin celles d’Edouard Snowden, en 2013.

Dès sa création et durant toute la période de la guerre froide, elle alimente en informations le gouvernement sur les crises en cours, elle ne cesse de chercher à casser les systèmes cryptographiques soviétiques et à repérer d’autres menaces ce qui l’oblige à une course technologique permanente à la recherche de méthodes d’interception et de traitement des informations sophistiqués ainsi que d’équipements informatiques les plus performants. Etant un service secret, elle s’affranchit des règles internationales telles que le survol des espaces aériens. Elle est aussi à l’origine de manipulations et de contre-manipulations, d’information et de désinformation. La fin de la guerre froide provoque une mutation du renseignement au profit de l’intelligence économique qui est l’espionnage économique car les rapports des forces mondiaux et les enjeux ont changé.

La deuxième partie décortique le fonctionnement, l’organisation, le budget colossal et les ressources humaines de l’agence elles aussi en constante croissance. Son quartier général situé à Fort Meade dans le Maryland ressemble à une véritable ville : SigInt City ou Crypto City (p 103). Il est au cœur d’une gigantesque toile d’araignée avec des centres régionaux, des stations et des moyens mobiles d’interception mais surtout la coopération avec ses alliés. Bien que la NSA les espionne aussi ce qui est la règle dans le monde du renseignement, les Etats-Unis ont constitué plusieurs cercles d’alliances dont le premier est celui des Five Eyes issu de l’accord secret BRUSA de 1943 entre les Etats-Unis et la Grande-Bretagne étendu aux membres du Commenwealth (3) par l’accord UKUSA en 1946 qui fait des agences anglo-saxonnes les « Second Party Nations » (p 37, 171). Un cercle très fermé qui se répartit le renseignement SigInt en zones planétaires. Le fonctionnement implique des relations avec le Congrès qui a le droit de contrôler les activités de l’Exécutif considérées comme secrètes tout en ayant la responsabilité de protéger les secrets de la défense nationale quitte à limiter les pouvoirs de l’agence laquelle doit respecter les lois protégeant les libertés individuelle et la vie privée garanties par le 4e commandement de la Constitution. Son rôle est en réalité très ambiguë fait d’intransigeance et de connivence du fait du jeu des lobbies.

Enfin, afin que l’agence détienne la puissance de calcul et domine l’infosphère, elle est engagée dans une course technologique en mobilisant la communauté des chercheurs dans les domaines de pointe car le pôle RD de la NSA ambitionne de dominer les réseaux informatiques et de communication au niveau mondial et de transformer la surinformation en avantage stratégique (p 205). Pour y parvenir, elle noue des partenariats avec des laboratoires universitaires et cherche à attirer les meilleurs experts et les étudiants prometteurs.

La troisième partie porte sur les dérives et les paranoïas de l’agence. Pour cela, l’auteure revient sur les limites du renseignement électromagnétique tactique, les échecs puis les relations avec les partenaires industriels, les opérateurs télécoms et les fournisseurs d’accès à Internet très motivées par le patriotisme et l’appât du gain bien que, depuis les révélations d’Edouard Snowden, certains résistent. Sont dévoilés les mensonges, les manipulations et les infractions de la haute autorité de l’agence et enfin les compromissions des commissions parlementaires souvent présidées par de fidèles partisans de la NSA. Elle montre l’habillage pseudo-démocratique de la Présidence y compris du président Obama justifiant les transgressions de la Constitution et des libertés civiles au nom de la sécurité nationale. Elle s’appuie sur sa promesse faite en 2013 de réforme du US Patriot Act et d’un meilleur encadrement des activités de surveillance de la NSA par la loi US Freedom Act de 2015 qui n’apporte guère de changement. Et l’auteure de conclure à une violation délibérée des libertés et de la vie privée qui a fini par provoquer critiques et résistances des citoyens. Les médias soutenant les autorités ou défendant les libertés afin de préserver la démocratie menacée à l’ère numérique.

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La dernière partie est tournée vers les relations étrangères et les guerres secrètes actuelles menées dans le cyberespace. Hormis le pilier des Five Eyes, les Tier A avec lesquels l’agence partage des procédures communes, des données et des opérations militaires tout en imposant sa domination, elle calibre ses relations avec d’autres pays : le groupe Third Party. La collaboration est ponctuelle et ciblée lors de programmes spécifiques encadrés par des accords où chacun trouve un avantage. Sur la trentaine, une vingtaine constitue le Computer Network Operations. La NSA entretient des coopérations limitées avec des partenaires de troisième rang comme la France et Israël. Parmi les partenaires de la NSA, certains collaborant entre eux en fonction d’intérêts géographiques ou stratégiques comme les membres de l’OTAN qui discutent des questions SigInt au sein du NATO Advisory Committee on Special Intelligence :NACSI. Et depuis Londres, siège du SigInt seniors Europe : SSEUR, le groupe des Five Eyes s’est ouvert à des Européens dont la France au sein des 14-Eyes en vue d’une coalition contre-terroriste européenne en matière de renseignement électromagnétique militaire. Ce fut le cas pour l’Afghanistan. Il existe une coalition similaire pour l’Asie-Pacifique : les 10-Eyes.

Il reste un dernier niveau autour de coopérations exceptionnelles avec des pays plus ou moins hostiles aux intérêts américains et classés de « l’amical » au « neutre ». A l’heure de la guerre froide digitale, toute cette architecture est tournée contre les pays cibles : Chine, Russie, Iran, Venezuela, Syrie, Corée du nord. Les généralités posées, l’auteure détaille les ententes ambigües avec Israël et la France. A ce propos, l’étude aurait gagné à ajouter aux sources ouvertes un entretien avec le vice-amiral Arnaud Coustillière qui, à l’EMA, est l’OGCyber. Elle passe en revue un certain nombre de tensions comme celles liées à l’affaire Snowden et met l’accent sur les défis liés au cyberespace du point de vue de la gouvernance d’Internet qui pose la question de la souveraineté numérique. Le cœur du chapitre montre comment la NSA adapte son organisation en créant un US Cyber Command dans le seul but de gagner les guerres numériques futures afin de contrôler le cyberespace par la domination technologique et la maîtrise de l’information. Car depuis la création de la NSA, en 1952, son objectif n’a pas varié : espionner sans retenue afin de dominer, de répandre les valeurs américaines dans le monde tout en protégeant les intérêts américains.

  1. Echelon et le renseignement électronique américain, Editions Ouest-France, collection espionnage, 2012, 175 p.
  2. Il s’agit d’un système intégré de surveillance et d’espionnage planétaire des télécommunications, placé sous l’égide de la NSA, en collaboration avec les agences de renseignement électromagnétique des alliés du premier cercle UKUSA.
  3. Canada, Australie et Nouvelle-Zélande.
  • Claude Delesse, NSA, Tallandier, 2016.

Martine Cuttier

Laurent Obertone à Lille

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Sylvain Tesson: Sur les chemins noirs

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Sylvain Tesson: Sur les chemins noirs

Ex: http://cerclenonconforme.hautetfort.com

Sylvain Tesson est géographe, aventurier et écrivain. Aucun de ces trois termes n'est usurpé pour le qualifier.

Géographe, Sylvain Tesson l'est par ses diplômes – un DEA de géographie – mais aussi, et peut-être surtout, par son regard sur le monde.

Aventurier, car il a fait un pas de côté pour se rendre dans les confins du monde : la Sibérie, les altitudes de l'Himalaya et bien d'autres territoires inaccessibles.

Ecrivain, avec une vingtaine d'ouvrages dont le dernier, Sur les chemins noirs, paru en 2016 chez Gallimard, que nous allons présenter.

Sylvain Tesson a perdu sa mère et aussi l'équilibre, se fracassant huit mètres plus bas du toit où il faisait le pitre. Les deux événements, tragiques, vont agir sur lui comme un révélateur. Perdre sa mère et une partie de ses facultés quand on est un cœur aventureux, voilà deux épreuves que l'on doit surmonter. Si le deuil est inévitable, les limites physiques, elles, peuvent être repoussées. C'est ainsi qu'à sa sortie de l'hôpital, Sylvain Tesson se décide à une aventure assez banale pour un aventurier du bout du monde : traverser la France du sud-est (aux alentours du Mercantour) vers le nord-ouest (la presqu'île du Cotentin, en Normandie).

tessoncouv.gifPendant deux mois et demi, du 24 août au 8 novembre, Sylvain Tesson va parcourir ce qu'il nomme les chemins noirs, d'après le titre du livre de René Frégni, Les chemins noirs. S'appuyant sur un très sérieux rapport traitant de « l'hyper-ruralité », il va bâtir sa route grâce aux précieuses cartes IGN au 1/25000e. Une façon au passage de nous rappeler que nos cartographes ont effectué de très notables progrès depuis la guerre de 1870... Il pourrait paraître étonnant que notre écrivain baroudeur ne se soit pas aventuré sur la route du sud-ouest au nord-est, la fameuse « diagonale du vide » aujourd'hui appelée « diagonale des faibles densités », mais il n'en est rien car son objectif est de rallier la Manche pour terminer son périple du haut des falaises surplombant l'horizon maritime.

Le regard de Sylvain Tesson sur la France est, fait rare chez lui, empli de nostalgie. Témoin impuissant d'une France rurale et enracinée qui disparaît sous les coups de boutoir de l'aménagement du territoire, de l'Union européenne et de la mondialisation, ce périple constitue un témoignage nécessaire autant que cynique. Agrémenté de nombreuses réflexions personnelles et de quelques développements que ne renieraient pas la géographie libertaire des éditions l'Echapée, puisant ses références dans un panel varié de philosophes et d'auteurs comme Xénophon, Jünger, Maurras, Braudel ou Vidal de la Blache, cheminer avec Sylvain Tesson est riche d'enseignement et ne peut laisser insensible le lecteur.

Bien qu'assez court, 142 pages, on ne sait pas dire en refermant le livre si on en voudrait plus ou pas. Peu de mots suffisent parfois à capturer une réalité complexe et Sylvain Tesson est passé maître dans l'art de faire fuser ses phrases comme des balles. Véritable géographe du sensible, il porte un regard acéré sur le monde, faisant sienne une philosophie qui puise dans la géographie. Celle de Tesson a une âme, elle n'est pas la discipline parfois rébarbative des bancs de l'école ou celle des Commissaires au plan, des gestionnaires ou des économistes.

A la lecture du livre, pour ceux qui en doutent on mesure que la France n'est pas juste un territoire qui doit être compétitif et que « l'hyper-ruralité » ce concept terrible, n'est pas une malédiction ? Les croyants en la religion du progrès peuvent-ils vraiment comprendre cela ? Comprennent-ils la France éternelle ? La lecture de Sylvain tesson sonnera sûrement comme une sentence : ceux qui refusent cette France des ZAC, des ZUP, des périph' et autres stigmates sont de la confrérie des chemins noirs.

« Certains hommes espéraient entrer dans l'Histoire. Nous étions quelques-uns à préferer disparaître dans la géographie. »

Un livre à lire et à offrir, pour que les chemins noirs de la littérature ramènent nos contemporains dans le réel. Une ode à la redécouverte de notre pays et au dépassement de soi. Un signe des temps.

Jean / C.N.C.

Note du C.N.C.: Toute reproduction éventuelle de ce contenu doit mentionner la source.

 

mercredi, 02 novembre 2016

Richard Millet : « Province » ou le délitement de la France

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Richard Millet: Province ou le délitement de la France

par Louis Galibert
Ex: http://www.breizh-info.com

Richard Millet, cet amoureux fou de la langue française, est devenu un écrivain maudit après la publication en 2012 de Langue fantôme, suivi d’Éloge littéraire d’Anders Breivik. Figure des éditions Gallimard, il fût contraint de démissionner du comité de lecture, tout en restant salarié. Son récent licenciement vient de le priver de salaire et de parachever la volonté de le tuer socialement.

milletprovince.gifCela n’a pas réussi à tarir sa production littéraire, ni à le priver de son talent. D’autres éditeurs à l’esprit libre, Pierre-Guillaume de Roux, Fata Morgana, Léo Scheer, L’Orient des livres, Les Provinciales,  publient ses dernières oeuvres. Province, roman sur le délitement de la société française, est la dernière en date.

Ce roman s’inscrit, comme le dit son titre, dans la veine provinciale de Richard Millet, mais aussi dans son obsession des femmes et de leur mystère. Son personnage principal, l’écrivain parisien Saint-Roch de son vrai nom Mambre, revient dans sa ville natale d’Uxeilles. De l’aveu même de Richard Millet, il s’est inspiré d’Ussel pour créer cette ville imaginaire, métaphore de la société française contemporaine.

Uxeilles se divise en trois parties, la ville haute plus riche et bourgeoise, la ville moyenne intermédiaire et la ville basse plus populaire. C’est par cette dernière qu’arrivent les turcs, image de l’immigration de remplacement, avant de progresser dans les autres quartiers. Sa population se partage entre les  » Océaniques « , ouverts aux influences atlantiques, et, parce qu’ils font profession de s’opposer aux musulmans, les  » Lépantistes « . Uxeilles représenterait un conservatoire moribond des traditions françaises.

C’est dans ce cadre que va se dérouler la nouvelle vie de Saint-Roch – Mambre. Elle nous sera contée à travers les yeux et témoignages d’un petit milieu local, intrigué par son retour, qui l’a plus ou moins connu avant son exil parisien. Est-il là pour « baiser le plus de femmes possible » selon un mot qui fait le tour de la ville? A t-il l’ambition d’écrire le roman local toujours attendu à la manière de Jouhandeau et de damer le pion aux gloires littéraires locales?

Les discussions de ces divers protagonistes permettent à Richard Millet de décrire la vie d’aujourd’hui, tel que les ravages de la société de consommation et de l’individualisme : «  trois générations sacrifiées sur l’autel du bien-être européen et de la liberté personnelle, de l’égoïsme, du reniement de soi, de la consommation déculpabilisée des plaisirs. « . Par un groupe de jeunes, qui se baptisent les chevaliers, qui  « voulaient perfectionner un nihilisme non comme un accomplissement du narcissisme mais comme une critique, par l’absurde, de la société contemporaine« , il montre l’impasse qu’affrontent les générations montantes.

En contrepoint, nous assistons aux multiples conquêtes féminines du revenant, qui finissent par phagocyter le récit.

Au final, Richard Millet nous offre un roman au style éblouissant, comme à son habitude. Mais cette Province, qu’on peut croire le refuge de la France  profonde, n’incite pas à l’optimisme, pour l’avenir.

Louis Galibert

Province, Richard Millet, Éditions Léo Scheer, 336 pages, 19 euros (à commander en cliquant sur l’image ci-dessous) :

lundi, 31 octobre 2016

A LIRE : Le Questionnaire, d’Ernst von Salomon

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A LIRE : Le Questionnaire, d’Ernst von Salomon

Ex: http://www.theatrum-belli.com

Le célèbre auteur des Réprouvés, cadet prussien qui racontera sa perception presque romantique de l’histoire des corps-francs d’après-guerre et du terrorisme des groupuscules nationalistes, a également publié en 1951 un livre fameux, Le Questionnaire, que Gallimard a la bonne idée de rééditer.

Questionnaire.jpgL’architecture générale du livre s’appuie sur les quelques 130 questions auxquelles les Américains demandèrent aux Allemands de répondre en 1945 afin d’organiser la dénazification du pays, mais en les détournant souvent et prenant à de nombreuses reprises le contre-pied des attentes des vainqueurs. A bien des égards, le livre est ainsi non seulement à contre-courant de la doxa habituelle, mais camoufle également bien des aspects d’une réalité que l’Allemagne de la fin des années 1940 refusait de reconnaître : « Ma conscience devenue très sensible me fait craindre de participer à un acte capable, dans ces circonstances incontrôlables, de nuire sur l’ordre de puissances étrangères à un pays et à un peuple dont je suis irrévocablement ». Certaines questions font l’objet de longs développements, mais presque systématiquement un humour grinçant y est présent, comme lorsqu’il s’agit simplement d’indiquer son lieu de naissance : « Je découvre avec étonnement que, grâce à mon lieu de naissance (Kiel), je peux me considérer comme un homme nordique, et l’idée qu’en comparaison avec ma situation les New-Yorkais doivent passer pour des Méridionaux pleins de tempérament m’amuse beaucoup ». Et à la même question, à propos des manifestations des SA dans la ville avant la prise du pouvoir par les nazis : « Certes, la couleur de leurs uniformes était affreuse, mais on ne regarde pas l’habit d’un homme, on regarde son coeur. On ne savait pas au juste ce que ces gens-là voulaient. Du moins semblaient-ils le vouloir avec fermeté … Ils avaient de l’élan, on était bien obligé de le reconnaître, et ils étaient merveilleusement organisés. Voilà ce qu’il nous fallait : élan et organisation ». Au fil des pages, il revient à plusieurs reprises sur son attachement à la Prusse traditionnelle, retrace l’histoire de sa famille, développe ses relations compliquées avec les religions et les Eglises, évoque des liens avec de nombreuses personnes juives (dont sa femme), donne de longues précisions sur ses motivations à l’époque de l’assassinat de Rathenau, sur son procès ultérieur et sur son séjour en prison. Suivant le fil des questions posées, il détaille son éducation, son cursus scolaire, son engagement dans les mouvements subversifs « secrets », retrace ses activités professionnelles successives avec un détachement qui parfois peu surprendre mais correspond à l’humour un peu grinçant qui irrigue le texte, comme lorsqu’il parle de son éditeur et ami Rowohlt. Il revient bien sûr longuement sur les corps francs entre 1919 et 1923, sur l’impossibilité à laquelle il se heurte au début de la Seconde guerre mondiale pour faire accepter son engagement volontaire, tout en racontant qu’il avait obtenu en 1919 la plus haute de ses neuf décorations en ayant rapporté à son commandant… « un pot de crème fraîche. Il avait tellement envie de manger un poulet à la crème ! ». Toujours ce côté décalé, ce deuxième degré que les Américains n’ont probablement pas compris. La première rencontre avec Hitler, le putsch de 1923, la place des élites bavaroises et leurs rapports avec l’armée de von Seeckt, la propagande électorale à la fin des années 1920, et après l’arrivée au pouvoir du NSDAP les actions (et les doutes) des associations d’anciens combattants et de la SA, sont autant de thèmes abordés au fil des pages, toujours en se présentant et en montrant la situation de l’époque avec détachement, presque éloignement, tout en étant semble-t-il hostile sur le fond et désabusé dans la forme. Les propos qu’il tient au sujet de la nuit des longs couteaux sont parfois étonnants, mais finalement « dans ces circonstances, chaque acte est un crime, la seule chose qui nous reste est l’inaction. C’est en tout cas la seule attitude décente ». Ce n’est finalement qu’en 1944 qu’il lui est demandé de prêter serment au Führer dans le cadre de la montée en puissance du Volkssturm, mais « l’homme qui me demandait le serment exigeait de moi que je défende la patrie. Mais je savais que ce même homme jugeait le peuple allemand indigne de survivre à sa défaite ». Conclusion : défendre la patrie « ne pouvait signifier autre chose que de la préserver de la destruction ». Toujours les paradoxes. Dans la dernière partie, le comportement des Américains vainqueurs est souvent présenté de manière négative, évoque les difficultés quotidiennes dans son petit village de haute Bavière : une façon de presque renvoyer dos-à-dos imbécilité nazie et bêtise alliée… et donc de s’exonérer soi-même.

Au final, un livre qui doit être lu, car au-delà même de ce qu’il raconte de von Salomon et de l’entre-deux-guerres, il est également très éclairant sur la façon dont une partie non négligeable de la population allemande s’est en quelque sorte « auto-protégée » en 1945.

Gallimard, Paris, 2016, 920 pages. 18,50 euros.

Source : Guerres & Conflits

dimanche, 30 octobre 2016

L'art occidental de perdre la guerre

Ex: http://quebec.huffingtonpost.ca

Parmi les géopoliticiens contemporains, Gérard Chaliand, né en 1934, est sans aucun doute le plus marquant. Pas seulement pour sa connaissance remarquable du terrain - ce qu'il appelle le « savoir de la peau » -, pas seulement non plus pour l'ampleur et la diversité de sa culture ou son style incroyablement sobre, incisif, précis, mais surtout pour son approche résolument non idéologique des conflits et des relations internationales, sa capacité spinoziste à ne pas détester (ce que tout le monde peut faire), mais comprendre (ce qui est aussi précieux que rare).

chaliandpq.jpgDans son dernier livre, Pourquoi perd-on la guerre ? Un nouvel art occidental, Gérard Chaliand cherche à comprendre comment les Occidentaux, avec la supériorité matérielle qui est la leur, n'ont cessé, depuis le Vietnam, de multiplier les échecs sur le terrain militaire et politique, alors qu'ils avaient, lors de la période coloniale qui précède, gagné l'ensemble des guerres asymétriques ou irrégulières (malgré quelques batailles perdues).

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Le livre commence par évoquer la conquête du Mexique par H. Cortés et celle du Pérou par F. Pizarre. Gérard Chaliand rappelle, en ce qui concerne le Mexique, le rôle primordial de la Malinche, esclave indienne qui deviendra la maîtresse et l'interprète de Cortés, et grâce à laquelle les Espagnols auront accès à ce que pensent leurs adversaires, à leur conception du monde, alors que les Aztèques, de leur côté, ne sauront rien des Espagnols, ou très peu. Sans être le seul avantage de Cortés sur Moctezuma, cet élément fut décisif.

Au 19e siècle, les Occidentaux disposent d'un avantage du même ordre : les peuples colonisés les connaissent mal, ou même pas du tout. La révolution scientifique du 17e siècle, le mouvement des Lumières du siècle suivant, la Révolution industrielle au 19e siècle, tout cela est incompréhensible pour des sociétés qui n'ont pas connu le même développement historique. En revanche, du côté occidental, on exige « un enracinement du corps des officiers dans un milieu qui devient partie de l'existence et dont ils acquièrent une connaissance concrète ». Les troupes sont immergées dans la population locale et restent présentes, comme les officiers, sur le long terme.

Cette méconnaissance de l'adversaire s'accompagne aujourd'hui d'un facteur aggravant : l'adversaire, lui, nous connaît, et souvent fort bien.
 

Telle n'est plus désormais la situation sur le terrain, que les soldats occidentaux n'apprennent guère à connaître et où, de toute façon, ils sont, dans une large mesure, de passage. Robert McNamara reconnaissait déjà, à propos de la guerre du Vietnam : « Je n'avais jamais été en Indochine. Je n'en connaissais ni l'histoire ni la culture ». En Irak, en 2003-2004, Paul Bremer n'avait, lui non plus, pas la plus petite connaissance du terrain, multipliant ainsi les erreurs d'une façon qu'il faut bien - même si certaines reproduisaient celles du passé - qualifier d'exceptionnelle.

Cette méconnaissance de l'adversaire s'accompagne aujourd'hui d'un facteur aggravant : l'adversaire, lui, nous connaît, et souvent fort bien. Un adversaire comme l'État islamique sait manipuler avec brio l'opinion publique occidentale, exercer, même, une espèce de fascination, d'ailleurs inlassablement stimulée, ravivée et revivifiée par des médias davantage attirés par le spectaculaire que par la contextualisation instruite. Pourtant, « le phénomène terroriste, dans sa version islamiste, est aujourd'hui, sur le plan militaire, surévalué. Son effet majeur est psychologique : il vise les esprits et les volontés ».

Avant la Première Guerre mondiale, les opinions publiques ne savent pas grand-chose des combats qui se déroulent au loin : « Elles sont soit indifférentes, soit parfois fières des succès remportés, lorsque ceux-ci flattent l'orgueil national ». Le rapport à la guerre en Occident - et en Occident seulement - s'est profondément modifié. Lors de la première guerre d'Irak (1991), le nombre de morts du côté de la coalition menée par les États-Unis s'élevait à 350. Le nombre de morts du côté irakien n'a pas été donné (vraisemblablement entre 35 000 et 70 000). On a estimé que l'opinion publique occidentale n'encaisserait pas une telle disproportion. Nous ne sommes plus à l'époque où l'on pouvait se vanter des lourdes pertes essuyées par l'ennemi.

Gérard Chaliand conclut, de là, que l'asymétrie majeure réside finalement moins dans l'armement ou la technologie que dans l'idéologie. La victoire de Cortés sur les Aztèques a très largement été de l'ordre de l'esprit : « On craint la fin du monde chez les Aztèques avec, en face, des conquérants assurés de leur foi et de la grandeur de leur souverain ». Sur ce plan, l'intense propagande de l'Arabie saoudite à partir de la première crise pétrolière (1973-1974) pour répandre l'idéologie islamiste radicale (dans sa version wahhabite) a porté ses fruits. Le travail de sape opéré sur les populations par les Frères musulmans, rivaux de l'Arabie saoudite, a aussi largement contribué à renforcer l'islamisme radical (comme l'ont montré les élections en Égypte en 2012). Une telle mobilisation des populations par l'idéologie ne peut se comparer qu'à celle du marxisme-léninisme ou à celle de Mao en Chine.

Le succès rencontré par la France au Mali - car il y a quelques succès - s'explique justement en partie par l'incapacité des islamistes à constituer une « base de masse » en raison du fait qu'ils opèrent, au Nord-Mali, dans des zones sous-peuplées. Dans ces conditions, la supériorité technologique des militaires français redevient un avantage de poids - sans compter que la France opère ici sur un terrain qu'elle connaît bien.

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Le succès au Mali s'explique aussi par le fait que, dès le départ, on a « pensé l'après ». L'accompagnement qui s'effectue après la victoire était la donnée majeure de la période coloniale. Il faut, écrit Joseph Gallieni, « développer le plus vite possible le réseau électrique. [...] C'est certainement plus à coup de routes et de télégraphes qu'on fait la conquête d'une colonie, qu'à coup de troupes ». Hubert Lyautey, sous les ordres de Gallieni à Madagascar, reprend le principe de la « tache d'huile » au Maroc : on apporte des améliorations économiques immédiates dans la zone contrôlée et l'on s'étend. Chaliand souligne, par contraste, qu'à l'été 2003, « les forces américaines n'ont pas pris les moyens de rétablir l'électricité à Bagdad, malgré la chaleur torride de l'été ». D'une manière générale, l'après-seconde guerre d'Irak est le contre-modèle des victoires coloniales.

L'islamisme est «condamné à perdre» dans la mesure où ses objectifs sont «totalement illusoires»
 

Les Américains n'ont pas tenu compte du fait que la minorité sunnite représentait la « classe dirigeante » non pas seulement depuis Saddam Hussein, mais déjà à l'époque de l'Empire ottoman, puis pendant le mandat britannique. En renvoyant l'armée et en interdisant à tout membre du parti Baas de faire partie de la future administration, Paul Bremer marginalisait entièrement les sunnites et se condamnait ainsi à l'échec. « Jamais, comme le précise Chaliand, un État anciennement communiste n'avait rejeté ainsi en bloc tous les membres du parti ». Le prix à payer pour cette erreur fondamentale a été, depuis, particulièrement élevé. Comme on sait, les sunnites marginalisés sont passés, comme c'était prévisible, à l'opposition armée : « Finalement, le rejeton de l'intervention américaine en Irak s'appelle l'État islamique ».

Le bilan pour les Occidentaux, depuis le Vietnam, n'est pas glorieux. Et nous n'avons rien dit de la Libye, où l'on ne s'est pas davantage donné les moyens de conquérir la paix. Les problèmes qui s'annoncent sont de taille : l'instabilité de l'Afrique subsaharienne au cours des années à venir laisse présager, en Afrique de l'Ouest comme en Afrique Orientale, une propagation de l'islamisme, nouvelle idéologie de contestation après le marxisme. Un tel problème doit être anticipé et traité, d'autant que la démographie ne nous sera pas favorable. Les erreurs commises dans le passé n'ont rien de fatal, à condition d'en tirer les leçons.

À terme, selon Gérard Chaliand, l'islamisme est « condamné à perdre » dans la mesure où ses objectifs sont « totalement illusoires ». Contrairement à la Chine ou à l'Inde, on ne voit rien, dans un mouvement révolutionnaire de ce genre, qui soit porteur d'avenir. On ne se développe pas par l'ivresse identitaire, mais par le travail. Ce dont disposent les islamistes, c'est d'une capacité de perturbation, elle bien réelle et durable. Dans ce contexte, conclut Chaliand, tout succès militaire de leur part sur le terrain « constitue une dangereuse propagande par l'action. C'est pourquoi, quelle que soit l'ambiguïté de nos alliances officielles, il faut agir de telle sorte que les mouvements islamistes ne remportent pas de victoires militaires, ni en Syrie ni ailleurs ».