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jeudi, 27 novembre 2014

Obama régularise les clandestins

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Obama régularise les clandestins. Pourquoi? Vers l’explosion des USA?

 Passant par dessus l’avis du Congrès et utilisant la procédure du ”décret exécutif”, le président Obama vient de régulariser 5 millions de clandestins ”latinos”, originaires du Mexique et d’Amérique latine ; sur un total estimé (ou sous-estimé) de 11 millions de sans-papiers présents aux États-Unis. C’est la plus grande régularisation de toute l’histoire du pays, celles de Clinton et de Reagan ayant été beaucoup plus limitées. Un journal new-yorkais parle d’ « obamnestie ».

La vague hispanique

Après sa déroute aux élections législatives de mi-mandat le 4 novembre face aux Républicains hostiles à la régularisation des sans-papiers, Obama a décidé de passer en force. John Boehner, le chef de la majorité républicaine à la Chambre des représentants l’a accusé d’agir « en roi ou en empereur ». Joe Arpaio, un shérif du comté de Maricopa (Arizona) qui lutte depuis longtemps contre l’arrivée incessante des illégaux depuis le Mexique a lancé une procédure en justice contre le président. Les gouverneurs du Texas, Rick Perry, et du Wisconsin, Scott Walker, menacent de l’imiter. 

Le Congrès pourrait aussi refuser les crédits que nécessiteront cette régularisation en provoquant un shutdown (”verrouillage”) budgétaire. Les partisans de cette régularisation de grande ampleur avancent un argument sophistique auquel il fallait penser : cela fera 5 millions de contribuables en plus, puisqu’ils ne travailleront plus au noir ! 

Cela fait longtemps que les États-Unis font face à une véritable invasion migratoire venue d’Amérique latine. Pourtant, ils essayent de se protéger beaucoup plus efficacement que l’Europe de Schengen par la construction d’un mur et l’organisation de patrouilles de nombreux garde-frontières, le long du Rio Grande. La population blanche du Midwest est de plus en plus inquiète de cette vague hispanique qui bouleverse l’équilibre démographique, racial et culturel de la région. Autant dire que la décision d’Obama apparaît comme une aggravation de la menace et une catastrophe. L’élue républicaine du Minnesota, Michelle Bachman a déclaré : « tout ce que nous allons récolter, ce sont des électeurs illettrés  », en créant un scandale dans la sphère du politiquement correct, même dans son parti. 

En effet, cette régularisation va avoir un effet d’attraction sur  les millions d’autres candidats qui, au Mexique et en Amérique latine (voir venus d’ailleurs dans le monde !) ne rêvent que d’entrer illégalement aux Etats-Unis. Maintenant, ils peuvent espérer pénétrer d’abord et être régularisés ensuite, un jour. D’autant que, comme en Europe, les expulsions de clandestins, bien que plus sérieuses, ne touchent qu’une minorité. De plus, cette obamnestie risque évidemment d’avoir un effet en Europe et notamment en France où l’on pratique déjà des régularisations à petit flux continu et où l’on va être tenté par une opération massive de régularisation des fameux sans-papiers, tant choyés par l’oligarchie.

L’idéologie d’Obama

Que cherche Obama ? Passons sur les cuisines électorales internes : on prétend qu’il vise à diviser un peu plus le GOP (”Great Old Party”, le Parti républicain) déjà partagé sur l’immigration entre les opposants et ceux qui recherchent un électorat latino de tempérament conservateur, et aussi déstabilisé par le mouvement des Tea Party. Mais Obama ne se représentera pas, donc l’électoralisme ne l’intéresse pas. Sa démarche est peut-être idéologique. Mr. Obama n’est pas d’abord un politicien. Il a des idées derrière la tête, c’est un militant.

En effet, le premier président noir de l’histoire n’a jamais caché sa sympathie pour un modèle qui ne serait plus une ”Amérique blanche”  mais  un pays totalement multiracial et multiculturel.  Historiquement, le melting pot (”creuset”) américain n’a jamais signifié la multiracialité mais la fusion dans une même nation d’immigrants de diverses origines européennes ; les Etats-Unis se pensant comme une nouvelle Europe, c’est-à-dire comme un pays tout de même globalement homogène d’un point de vue ethnoculturel. (1)

Or, nous assistons à un basculement capital : pour des raisons démographiques et migratoires, les États–Unis sont en train, au cours de ce début du XXIe siècle, de voir les ”Blancs” (terme légal outre-Atlantique) passer en dessous de la barre des 50%. Il se pourrait qu’Obama cherche tout simplement à accélérer le mouvement. Il suit ses convictions : ”déseuropéaniser” l’Amérique. En faire le creuset du monde entier. Lui-même étant d’origine mêlée, keynianne et anglo-saxonne, il projette sur ses conceptions politiques sa situation et sa psychologie personnelles. Une Amérique majoritairement ”blanche”, d’origine ethnique européenne, ne lui semble pas acceptable. En ce sens, il est en phase parfaite avec l’idéologie dominante dans tout l’Occident, de Saint-Germain-des-Prés à Yale. L’Amérique profonde de la low middle class  (milieux populaires) ne partage pas cette vision des choses.

L’hypothèse de l’éclatement des États-Unis

Mais les mêmes lois produisant partout dans le monde les mêmes effets et  les pays multiraciaux et multiculturels ayant tendance à verser dans l’instabilité, la division et le conflit endémiques (comme le remarquait déjà Aristote), le risque existe pour les Etats-Unis de connaître de grave troubles voire des partitions au cours de ce siècle. Les rêves de fusion et de métissage pacifiques n’existent que dans le cerveau des utopistes cosmopolites.  Surtout en Amérique, espace continental aux dimensions immenses, où les métissages ne se pratiquent pas. Et où toutes les séparations sont possibles.

Ce qui peut donc se produire aux Etats-Unis où la cohabitation entre populations d’origines différentes risque d’échouer, de tourner au vinaigre, au conflit, c’est un éclatement et une partition territoriale.  Déjà, dans tous les États du sud, de la Californie à la Floride, la population hispanique est en train de devenir majoritaire. Au Mexique, il y a même des mouvements nationalistes qui militent pour une récupération de ces États perdus au XIXe siècle.

L’hypothèse suivante est donc possible :  après des troubles de haute ou de basse intensité, des États à majorité hispanique font sécession, ce qui ampute les É–U d’une partie du territoire fédéral.  Dans la foulée, il est possible que se créent des enclaves afro-américaines semi-indépendantes. Des mégalopoles cosmopolites comme New-York ou Los Angeles  pourront même accéder à un statut spécial. 

Ce sera évidemment la fin de la superpuissance américaine qui n’aura été qu’une comète dans l’histoire – trois siècles. Ceux qui balayent cette hypothèse devraient se rappeler la fin de l’Empire romain millénaire : les installations ”contrôlées” de Barbares ont fini aux Ve et VIe siècles par déboucher sur le démantèlement, le dépeçage de la romanité au profit de royaumes indépendants. (2) Partout, l’histoire se répète au fil des siècles, sous des lumières différentes mais avec la même logique, implacable.

Bien sûr, la doctrine officielle est que les É-U vont paisiblement devenir une nation multi-ethnique, à la fois anglo-saxonne, hispanique et tout ce qu’on veut d’autre, tout en conservant son dynamisme. Un modèle pour l’Europe, en somme. C’est une hypothèse possible mais je ne parierai pas un dollar sur elle.  Il y aura certainement  des Européens qui pourront se réjouir de ce possible éclatement ethnique de l’Amérique. Qu’ils fassent bien attention : ce spectre menace aussi l’Europe et il y sera beaucoup plus grave qu’aux É–U. Eux, risquent une sécession d’États ”hispanisés” et nous, en première ligne, nous affrontons déjà bien pis et plus urgent : une installation expansive, dans tous nos territoires, de populations fondamentalement hostiles, une hostilité ancrée dans l’histoire. Il est facile de comprendre de qui je parle. Notre destin est à la fois différent et commun. Mais la perspective de la victoire n’est pas exclue. 

(1) La thèse de l’identité européenne des É-U, consubstantielle à sa nature, est défendue par le think tank American Renaissance, présidé par Jared Taylor. 

(2) Cf. Michel De Jaeghere, Les derniers jours, la fin de l’empire romain d’Occident, Les Belles Lettres.  Paris, 2014.  

Dominique Venner, soldat politique

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mercredi, 19 novembre 2014

Georges Feltin-Tracol à la 8ème journée Nationaliste et Identitaire

Georges Feltin-Tracol à la 8ème journée Nationaliste et Identitaire

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mercredi, 12 novembre 2014

Sezession 62 - Oktober 2014

Sezession 62 - Oktober 2014

Bestellungen/Abo: http://www.sezession.de

heft62 gross Aktuelle Druckausgabe: Sezession 62, Oktober 2014 Editorial

Bild und Text

Prolog – »Wir sind also Kulturpessimisten, ja?«

Thema

Autorenporträt Friedrich Sieburg
Ellen Kositza

Kulturkritik
Erik Lehnert

Über den Verlust der Mitte
Volker Mohr

Zur Kritik des Geistes bei Ludwig Klages
und Theodor Lessing
Baal Müller

Das kulturkritische Echo der KR
Michael Rieger

Und dann und wann ein
Caspar David Friedrich
Armin Mohler

Bildinnenteil

Der Maler Clemens Fuchs
Martin Lichtmesz

Vom Wahren im Falschen –
Kulturkritik und Pop
Martin Lichtmesz

Neue Slowenische Kunst (NSK)
Götz Kubitschek

Ratlos, aber gut drauf –
Turbodinamismo in Rom
Ein Gespräch mit Adriano Scianca

Sinn und Widersinn der Nostalgie
Frank Lisson

Epilog – Du bist wohl nicht …
Kulturpessimist?
Ellen Kositza

Bücher

Rezensionen

Vermischtes
Sascha Anderson – Tumult – Vierteljahresschrift
für Konsensstörung – Christian Bruhn wird 80 –
Soldatenporträts: Antaios-Kalender 2015

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The Revolutionary Conservative Critique of Oswald Spengler

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The Revolutionary Conservative Critique of Oswald Spengler

Ex: http://www.motpol.nu

Oswald Spengler is by now well-known as one of the major thinkers of the German Conservative Revolution of the early 20th Century. In fact, he is frequently cited as having been one of the most determining intellectual influences on German Conservatism of the interwar period – along with Arthur Moeller van den Bruck and Ernst Jünger – to the point where his cultural pessimist philosophy is seen to be representative of Revolutionary Conservative views in general (although in reality most Revolutionary Conservatives held more optimistic views).[1]

To begin our discussion, we shall provide a brief overview of the major themes of Oswald Spengler’s philosophy.[2] According to Spengler, every High Culture has its own “soul” (this refers to the essential character of a Culture) and goes through predictable cycles of birth, growth, fulfillment, decline, and demise which resemble that of the life of a plant. To quote Spengler:

A Culture is born in the moment when a great soul awakens out of the proto-spirituality of ever-childish humanity, and detaches itself, a form from the formless, a bounded and mortal thing from the boundless and enduring. It blooms on the soil of an exactly-definable landscape, to which plant-wise it remains bound. It dies when the soul has actualized the full sum of its possibilities in the shape of peoples, languages, dogmas, arts, states, sciences, and reverts into the proto-soul.[3]

There is an important distinction in this theory between Kultur (“Culture”) and Zivilisation (“Civilization”). Kultur refers to the beginning phase of a High Culture which is marked by rural life, religiosity, vitality, will-to-power, and ascendant instincts, while Zivilisation refers to the later phase which is marked by urbanization, irreligion, purely rational intellect, mechanized life, and decadence. Although he acknowledged other High Cultures, Spengler focused particularly on three High Cultures which he distinguished and made comparisons between: the Magian, the Classical (Greco-Roman), and the present Western High Culture. He held the view that the West, which was in its later Zivilisation phase, would soon enter a final imperialistic and “Caesarist” stage – a stage which, according to Spengler, marks the final flash before the end of a High Culture.[4]

Perhaps Spengler’s most important contribution to the Conservative Revolution, however, was his theory of “Prussian Socialism,” which formed the basis of his view that conservatives and socialists should unite. In his work he argued that the Prussian character, which was the German character par excellence, was essentially socialist. For Spengler, true socialism was primarily a matter of ethics rather than economics. This ethical, Prussian socialism meant the development and practice of work ethic, discipline, obedience, a sense of duty to the greater good and the state, self-sacrifice, and the possibility of attaining any rank by talent. Prussian socialism was differentiated from Marxism and liberalism. Marxism was not true socialism because it was materialistic and based on class conflict, which stood in contrast with the Prussian ethics of the state. Also in contrast to Prussian socialism was liberalism and capitalism, which negated the idea of duty, practiced a “piracy principle,” and created the rule of money.[5]

Oswald Spengler’s theories of predictable culture cycles, of the separation between Kultur and Zivilisation, of the Western High Culture as being in a state of decline, and of a non-Marxist form of socialism, have all received a great deal of attention in early 20th Century Germany, and there is no doubt that they had influenced Right-wing thought at the time. However, it is often forgotten just how divergent the views of many Revolutionary Conservatives were from Spengler’s, even if they did study and draw from his theories, just as an overemphasis on Spenglerian theory in the Conservative Revolution has led many scholars to overlook the variety of other important influences on the German Right. Ironically, those who were influenced the most by Spengler – not only the German Revolutionary Conservatives, but also later the Traditionalists and the New Rightists – have mixed appreciation with critique. It is this reality which needs to be emphasized: the majority of Conservative intellectuals who have appreciated Spengler have simultaneously delivered the very significant message that Spengler’s philosophy needs to be viewed critically, and that as a whole it is not acceptable.

750480.jpgThe most important critique of Spengler among the Revolutionary Conservative intellectuals was that made by Arthur Moeller van den Bruck.[6] Moeller agreed with certain basic ideas in Spengler’s work, including the division between Kultur and Zivilisation, with the idea of the decline of the Western Culture, and with his concept of socialism, which Moeller had already expressed in an earlier and somewhat different form in Der Preussische Stil (“The Prussian Style,” 1916).[7] However, Moeller resolutely rejected Spengler’s deterministic and fatalistic view of history, as well as the notion of destined culture cycles. Moeller asserted that history was essentially unpredictable and unfixed: “There is always a beginning (…) History is the story of that which is not calculated.”[8] Furthermore, he argued that history should not be seen as a “circle” (in Spengler’s manner) but rather a “spiral,” and a nation in decline could actually reverse its decline if certain psychological changes and events could take place within it.[9]

The most radical contradiction with Spengler made by Moeller van den Bruck was the rejection of Spengler’s cultural morphology, since Moeller believed that Germany could not even be classified as part of the “West,” but rather that it represented a distinct culture in its own right, one which even had more in common in spirit with Russia than with the “West,” and which was destined to rise while France and England fell.[10] However, we must note here that the notion that Germany is non-Western was not unique to Moeller, for Werner Sombart, Edgar Julius Jung, and Othmar Spann have all argued that Germans belonged to a very different cultural type from that of the Western nations, especially from the culture of the Anglo-Saxon world. For these authors, Germany represented a culture which was more oriented towards community, spirituality, and heroism, while the modern “West” was more oriented towards individualism, materialism, and capitalistic ethics. They further argued that any presence of Western characteristics in modern Germany was due to a recent poisoning of German culture by the West which the German people had a duty to overcome through sociocultural revolution.[11]

Another key intellectual of the German Conservative Revolution, Hans Freyer, also presented a critical analysis of Spenglerian philosophy.[12] Due to his view that that there is no certain and determined progress in history, Freyer agreed with Spengler’s rejection of the linear view of progress. Freyer’s philosophy of culture also emphasized cultural particularism and the disparity between peoples and cultures, which was why he agreed with Spengler in terms of the basic conception of cultures possessing a vital center and with the idea of each culture marking a particular kind of human being. Being a proponent of a community-oriented state socialism, Freyer found Spengler’s anti-individualist “Prussian socialism” to be agreeable. Throughout his works, Freyer had also discussed many of the same themes as Spengler – including the integrative function of war, hierarchies in society, the challenges of technological developments, cultural form and unity – but in a distinct manner oriented towards social theory.[13]

However, Freyer argued that the idea of historical (cultural) types and that cultures were the product of an essence which grew over time were already expressed in different forms long before Spengler in the works of Karl Lamprecht, Wilhelm Dilthey, and Hegel. It is also noteworthy that Freyer’s own sociology of cultural categories differed from Spengler’s morphology. In his earlier works, Freyer focused primarily on the nature of the cultures of particular peoples (Völker) rather than the broad High Cultures, whereas in his later works he stressed the interrelatedness of all the various European cultures across the millennia. Rejecting Spengler’s notion of cultures as being incommensurable, Freyer’s “history regarded modern Europe as composed of ‘layers’ of culture from the past, and Freyer was at pains to show that major historical cultures had grown by drawing upon the legacy of past cultures.”[14] Finally, rejecting Spengler’s historical determinism, Freyer had “warned his readers not to be ensnared by the powerful organic metaphors of the book [Der Untergang des Abendlandes] … The demands of the present and of the future could not be ‘deduced’ from insights into the patterns of culture … but were ultimately based on ‘the wager of action’ (das Wagnis der Tat).”[15]

Yet another important Conservative critique of Spengler was made by the Italian Perennial Traditionalist philosopher Julius Evola, who was himself influenced by the Conservative Revolution but developed a very distinct line of thought. In his The Path of Cinnabar, Evola showed appreciation for Spengler’s philosophy, particularly in regards to the criticism of the modern rationalist and mechanized Zivilisation of the “West” and with the complete rejection of the idea of progress.[16] Some scholars, such as H.T. Hansen, stress the influence of Spengler’s thought on Evola’s thought, but it is important to remember that Evola’s cultural views differed significantly from Spengler’s due to Evola’s focus on what he viewed as the shifting role of a metaphysical Perennial Tradition across history as opposed to historically determined cultures.[17]

In his critique, Evola pointed out that one of the major flaws in Spengler’s thought was that he “lacked any understanding of metaphysics and transcendence, which embody the essence of each genuine Kultur.”[18] Spengler could analyze the nature of Zivilisation very well, but his irreligious views caused him to have little understanding of the higher spiritual forces which deeply affected human life and the nature of cultures, without which one cannot clearly grasp the defining characteristic of Kultur. As Robert Steuckers has pointed out, Evola also found Spengler’s analysis of Classical and Eastern cultures to be very flawed, particularly as a result of the “irrationalist” philosophical influences on Spengler: “Evola thinks this vitalism leads Spengler to say ‘things that make one blush’ about Buddhism, Taoism, Stoicism, and Greco-Roman civilization (which, for Spengler, is merely a civilization of ‘corporeity’).”[19] Also problematic for Evola was “Spengler’s valorization of ‘Faustian man,’ a figure born in the Age of Discovery, the Renaissance and humanism; by this temporal determination, Faustian man is carried towards horizontality rather than towards verticality.”[20]

Finally, we must make a note of the more recent reception of Spenglerian philosophy in the European New Right and Identitarianism: Oswald Spengler’s works have been studied and critiqued by nearly all major New Right and Identitarian intellectuals, including especially Alain de Benoist, Dominique Venner, Pierre Krebs, Guillaume Faye, Julien Freund, and Tomislav Sunic. The New Right view of Spenglerian theory is unique, but is also very much reminiscent of Revolutionary Conservative critiques of Moeller van den Bruck and Hans Freyer. Like Spengler and many other thinkers, New Right intellectuals also critique the “ideology of progress,” although it is significant that, unlike Spengler, they do not do this to accept a notion of rigid cycles in history nor to reject the existence of any progress. Rather, the New Right critique aims to repudiate the unbalanced notion of linear and inevitable progress which depreciates all past culture in favor of the present, while still recognizing that some positive progress does exist, which it advocates reconciling with traditional culture to achieve a more balanced cultural order.[21] Furthermore, addressing Spengler’s historical determinism, Alain de Benoist has written that “from Eduard Spranger to Theodor W. Adorno, the principal reproach directed at Spengler evidently refers to his ‘fatalism’ and to his ‘determinism.’ The question is to know up to what point man is prisoner of his own history. Up to what point can one no longer change his course?”[22]

Like their Revolutionary Conservative precursors, New Rightists reject any fatalist and determinist notion of history, and do not believe that any people is doomed to inevitable decline; “Decadence is therefore not an inescapable phenomenon, as Spengler wrongly thought,” wrote Pierre Krebs, echoing the thoughts of other authors.[23] While the New Rightists accept Spengler’s idea of Western decline, they have posed Europe and the West as two antagonistic entities. According to this new cultural philosophy, the genuine European culture is represented by numerous traditions rooted in the most ancient European cultures, and must be posed as incompatible with the modern “West,” which is the cultural emanation of early modern liberalism, egalitarianism, and individualism.

The New Right may agree with Spengler that the “West” is undergoing decline, “but this original pessimism does not overshadow the purpose of the New Right: The West has encountered the ultimate phase of decadence, consequently we must definitively break with the Western civilization and recover the memory of a Europe liberated from the egalitarianisms…”[24] Thus, from the Identitarian perspective, the “West” is identified as a globalist and universalist entity which had harmed the identities of European and non-European peoples alike. In the same way that Revolutionary Conservatives had called for Germans to assert the rights and identity of their people in their time period, New Rightists call for the overcoming of the liberal, cosmopolitan Western Civilization to reassert the more profound cultural and spiritual identity of Europeans, based on the “regeneration of history” and a reference to their multi-form and multi-millennial heritage.

Lucian Tudor 

 

Notes

[1] An example of such an assertion regarding cultural pessimism can be seen in “Part III. Three Major Expressions of Neo-Conservatism” in Klemens von Klemperer, Germany’s New Conservatism: Its History and Dilemma in the Twentieth Century (Princeton: Princeton University Press, 1968).

[2] To supplement our short summary of Spenglerian philosophy, we would like to note that one the best overviews of Spengler’s philosophy in English is Stephen M. Borthwick, “Historian of the Future: An Introduction to Oswald Spengler’s Life and Works for the Curious Passer-by and the Interested Student,” Institute for Oswald Spengler Studies, 2011, <https://sites.google.com/site/spenglerinstitute/Biography>.

[3] Oswald Spengler, The Decline of the West Vol. 1: Form and Actuality (New York: Alfred A. Knopf, 1926), p. 106.

[4] Ibid.

[5] See “Prussianism and Socialism” in Oswald Spengler, Selected Essays (Chicago: Gateway/Henry Regnery, 1967).

[6] For a good overview of Moeller’s thought, see Lucian Tudor, “Arthur Moeller van den Bruck: The Man & His Thought,” Counter-Currents Publishing, 17 August 2012, <http://www.counter-currents.com/2012/08/arthur-moeller-van-den-bruck-the-man-and-his-thought/>.

[7] See Fritz Stern, The Politics of Cultural Despair (Berkeley & Los Angeles: University of California Press, 1974), pp. 238-239, and Alain de Benoist, “Arthur Moeller van den Bruck,” Elementos: Revista de Metapolítica para una Civilización Europea No. 15 (11 June 2011), p. 30, 40-42. <http://issuu.com/sebastianjlorenz/docs/elementos_n__15>.

[8] Arthur Moeller van den Bruck as quoted in Benoist, “Arthur Moeller van den Bruck,” p. 41.

[9] Ibid., p. 41.

[10] Ibid., pp. 41-43.

[11] See Fritz K. Ringer, The Decline of the German Mandarins: The German Academic Community, 1890–1933 (Hanover: University Press of New England, 1990), pp. 183 ff.; John J. Haag, Othmar Spann and the Politics of “Totality”: Corporatism in Theory and Practice (Ph.D. Thesis, Rice University, 1969), pp. 24-26, 78, 111.; Alexander Jacob’s introduction and “Part I: The Intellectual Foundations of Politics” in Edgar Julius Jung, The Rule of the Inferiour, Vol. 1 (Lewiston, New York: Edwin Mellon Press, 1995).

[12] For a brief introduction to Freyer’s philosophy, see Lucian Tudor, “Hans Freyer: The Quest for Collective Meaning,” Counter-Currents Publishing, 22 February 2013, <http://www.counter-currents.com/2013/02/hans-freyer-the-quest-for-collective-meaning/>.

[13] See Jerry Z. Muller, The Other God That Failed: Hans Freyer and the Deradicalization of German Conservatism (Princeton: Princeton University Press, 1987), pp. 78-79, 120-121.

[14] Ibid., p. 335.

[15] Ibid., p. 79.

[16] See Julius Evola, The Path of Cinnabar (London: Integral Tradition Publishing, 2009), pp. 203-204.

[17] See H.T. Hansen, “Julius Evola’s Political Endeavors,” in Julius Evola, Men Among the Ruins: Postwar Reflections of a Radical Traditionalist (Rochester: Inner Traditions, 2002), pp. 15-17.

[18] Evola, Path of Cinnabar, p. 204.

[19] Robert Steuckers, “Evola & Spengler”, Counter-Currents Publishing, 20 September 2010, <http://www.counter-currents.com/2010/09/evola-spengler/> .

[20] Ibid.

[21] In a description that applies as much to the New Right as to the Eurasianists, Alexander Dugin wrote of a vision in which “the formal opposition between tradition and modernity is removed… the realities superseded by the period of Enlightenment obtain a legitimate place – these are religion, ethnos, empire, cult, legend, etc. In the same time, a technological breakthrough, economical development, social fairness, labour liberation, etc. are taken from the Modern” (See Alexander Dugin, “Multipolarism as an Open Project,” Journal of Eurasian Affairs Vol. 1, No. 1 (September 2013), pp. 12-13).

[22] Alain de Benoist, “Oswald Spengler,” Elementos: Revista de Metapolítica para una Civilización Europea No. 10 (15 April 2011), p. 13.<http://issuu.com/sebastianjlorenz/docs/elementos_n__10>.

[23] Pierre Krebs, Fighting for the Essence (London: Arktos, 2012), p. 34.

[24] Sebastian J. Lorenz, “El Decadentismo Occidental, desde la Konservative Revolution a la Nouvelle Droite,”Elementos No. 10, p. 5.

lundi, 10 novembre 2014

Elementos 84: Julien Freund

ELEMENTOS Nº 84.

JULIEN FREUND: LO POLÍTICO EN ESENCIA

 
 
 
 
 
Sumario
 
Julien Freund: una introducción, por Juan Carlos Corbetta
 
Julien Freund, un politique para nuestro tiempo, por Jerónimo Molina
 
 
 
Evocación de Julien Freund, por Günter Maschke
 
Julien Freund, por Dalmacio Negro Pavón
 
Conflicto, política y polemología en el pensamiento de Julien Freund, por Jerónimo Molina
 
Julien Freund, analista político: contextos y perspectivas de interpretación, por Juan C. Valderrama Abenza
 
Lo público y la libertad en el pensamiento de Julien Freund, por Cristián Rojas González
 
El realismo político. A propósito de La esencia de lo político, de Julien Freund, por Felipe Giménez Pérez
 
Julien Freund. Del Realismo Político al Maquiavelismo, por Jerónimo Molina
 
Situación polémica y terceros en Schmitt y Freund, por Jorge Giralda Ramírez
 
Orden y situación política en Julien Freund, por Juan C. Valderrama Abenza
 
Las nociones de mando y obediencia en la teoría política de Julien Freund, por Jerónimo Molina
 
Julien  Freund: la paz como medio de la política, por José Romero Serrano
 
Julien Freund: entre liberalismo y conservadurismo, por Sébastien de la Touanne

dimanche, 09 novembre 2014

Elementos N°79, 80 y 81

ELEMENTOS Nº 81.

¿FIN DE LA HISTORIA O DE LA CIVILIZACIÓN? HUNTINGTON Y FUKUYAMA (II)

 
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Sumario


Quién es Francis Fukuyama?, por Israel Sanmartín


Huntington, Fukuyama y el Eurasismo, por Alexander Dugin


Francis Fukuyama: una presentación, por Ramón Alcoberro


Kondylis, el anti-Fukuyama. La política planetaria tras la "Guerra Fría", por Armin Mohler


El neoconservadurismo en el final de la Guerra Fría: Fukuyama y Huntington, por Joan Antón Mellón y Joan Lara Amat y León


Las tesis de Fukuyama sobre el fin de la historia, por Andrés Huguet Polo


El “fin de la historia” como mito de la sociedad consumista/capitalista, por Pedro A. Honrubia Hurtado


El error antropológico de Fukuyama, por Alfredo Sáenz


Francis Fukuyama y la Hegemonía del Liberalismo: Desafíos a "El Fin de la Historia", por Graciano Gaillard


Fukuyama. Un réquiem por el neoconservadurismo, por Kenneth Anderson


Fukuyama y Huntington, en la picota, por Fernando Rodríguez Genovés


Francis Fukuyama: ¿el fin de la historia o de un fraude intelectual?, por Alberto J. Franzoia


El profesor Fukuyama y la enseñanza de la economía, por José F. Bellod Redondo


Un ejemplo de post-modernidad tecnológica: Francis Fukuyama, por Fernando R. García Hernández


¿El Fin de la Historia? Notas sobre el espejismo de Fukuyama, por Luis R. Oro Tapia


Trust: ¿qué tanta confianza conceder a Francis Fukuyama?, por Eduardo A. Bohórquez


Los motivos de la resistencia a la tesis del «Fin de la historia» en el sentido de Fukuyama, por Gustavo Bueno

 

ELEMENTOS Nº 80.

¿FIN DE LA HISTORIA O DE LA CIVILIZACIÓN? HUNTINGTON Y FUKUYAMA (I)

 
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Sumario.-


El Nuevo Orden Mundial: entre Fukuyama y Huntington, por José Javier Esparza


De Fukuyama a Huntington o la legitimación del etnocidio, por Carlos Caballero


En torno a Samuel Huntington: algunas consideraciones sobre el Choque de Civilizaciones, por Fernando Cacho Canales y Jorge Riquelme Rivera


Una crítica político-antropológica al «choque de civilizaciones» de Samuel P. Huntington, por Anna Quintanas


Crítica al Choque de Civilizaciones de Huntington, por Alejandro Uribarri


Sam Huntington, por Rodolfo A. Díaz


Samuel Huntington, el penúltimo profeta, por Antonio Golmar


La teoría democrática de Huntington, por Roberto García Jurado


La dinámica de la civilización occidental: Huntington a debate, por Raimundo Otero Enríquez


Por qué se equivoca Huntington, por Ulrich Beck


Samuel Huntington, ¿el Spengler americano?, por Carlos Martínez-Cava


La guerra de civilizaciones: plan para extender la hegemonía estadounidense, por Thierry Meyssan


¿Choque de civilizaciones? Una revisión crítica de la teoría de Samuel Huntington, por Joan Manuel Cabezas


Samuel P. Huntington: un intelectual pragmático del “sueño americano”, por María Luisa Parraguez Kobek

ELEMENTOS Nº 79.

CONTRA OCCIDENTE: SALIR DEL SISTEMA OCCIDENTAL

 

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Sumario
 
 
Occidente como decadencia, por Carlos Pinedo
 
¿Existe todavía el mundo occidental?, por Immanuel Wallerstein
 
¿Qué es Occidente?, por Juan Pablo Vitali
 
Romper con la civilización occidental, por Guillaume Faye
 
Sobre Nietzsche y el masoquismo occidental, por Carlos Javier Blanco Martín
 
Hispanoamérica contra Occidente, por Alberto Buela
 
El paradigma occidental, por H.C.F. Mansilla
 
El decadentismo occidental, por Jesús J. Sebastián
 
Critica del sistema occidental, por Guillaume Faye
 
¿El ascenso de Occidente?, por Immanuel Wallerstein
 
René Guénon, ¿profeta del fin de Occidente?, por Antonio Martínez
 
Más allá de Oriente y Occidente, por María Teresa Román López
 
Civilización y hegemonía de Occidente, por Jaime Parra
 
Apogeo y decadencia de Occidente, por Mario Vargas Llosa
 
Europa vs. Occidente, por Claudi Finzi
 
Occidente contra Occidente. Brecha intelectual francesa, por José Andrés Fernández Leost
 
Civilización e Ideología occidentales, por Guillaume Faye
 
Occidente como destino. Una lectura weberiana, por Jacobo Muñoz

vendredi, 07 novembre 2014

Guillaume Faye aux asisses de la remigration

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De la Servitude universelle...

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De la Servitude universelle...

Claude Bourrinet

Ex: http://synthesenationale.hautetfort.com

L'émergence, dans la France chloroformée par des lustres d'endoctrinement, de discours émollients, et de délires idéologiques, d'un mouvement contestataire protéiforme, qui se décline par des manifestations impressionnantes, des opérations spectaculaires de dénonciation, des actes de résistance, a encouragé la prise de parole de Français, longtemps tenus de se taire et de souffrir en silence.

orientations-rebelles-de-georges-feltin-tracol.jpgGeorge Feltin-Tracol est l'un de ceux-là. Il nous propose régulièrement des analyses pertinentes sur notre monde, passe au peigne fin, si l'on ose dire, la question du contrôle de la société par les puissances étatiques, financières, médiatiques, dont l'objectif est d'instaurer un État mondial de tonalité totalitaire. Son ouvrage, En Liberté surveillée, remarquablement documenté, se veut, en même temps, une chronique des prémisses d'une « mise au pas » de la société française par un régime qui n'a plus aucune espèce d'inhibition « démocratique ». Les résistances multiformes, que tout le monde a en mémoire, et qui témoignent de la richesse plurielle (terme adéquat, cette fois!) de la lutte populaire, par exemple les manifestations contre les spectacles blasphématoires « Piss Christ », « Golgota picnic », l'affaire de Tarnac, le « cas » Dieudonné, la « Manif pour tous », ont pour réponses  les emprisonnements politiques, la censure, la brutale répression policière, les manipulations. La sphère politique est empoisonnée par l'idéologie nihiliste, les « nouvelles sacralités », qui suscitent des « phobies », lesquelles arment le bras de la « Justice », sans compter la vidéo-survillance, qui contrôle les routes et les rues, la novlangue, qui formate les consciences, l'endoctrinement scolaire, le néo-puritanisme, expression extrême de la clitocratie triomphante, dont l’égérie est la Suède, matrice du totalitarisme postmoderne dévirilisant, infantilisant, Grande Nursery dont Big Mother est la maquerelle fouettarde. Ces liens tressés par des Lilliputiens doctrinaires, liens dont le plus puissant, en ce moment, est incarné par le communautarisme, pendant symétrique d'un individualisme consumériste, sont destinés à étouffer notre identité... Ainsi cette entreprise liberticide évoque-t-elle la mise en place d'un despotisme nouveau, plus complexe, plus subtil, plus savant que les anciennes tyrannies, qui n'étaient que des ateliers artisanaux à côté de lui.

L'analyse ne se limite pas à une recension de notre servitude organisée, mais aussi à ses causes. La description de l' « État profond » est d'un intérêt capital : il s'agit en effet d'une « structure de gouvernement à la fois invisible et continue », qui gère réellement la société, tandis que les institutions apparentes, souvent élues, « représentatives », ne sont là que pour exécuter, ou amuser la galerie.

George Feltrin-Tracol, En liberté surveillée Réquisitoire contre un système liberticide, Éditions Les Bouquins de Synthèse nationale, 23€ - cliquez ici

Table Ronde de T&P: Reconquête!

jeudi, 06 novembre 2014

Coeur rebelle par fidélité

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Coeur rebelle par fidélité

Dominique Venner rappelle que la guerre est aussi un lieu de fraternité

Ex: http://www.causeur.fr

« Tout homme porte en lui une tradition qui le fait ce qu’il est. Il lui appartient de la découvrir. La tradition est un choix, un murmure des temps anciens et du futur. Elle me dit qui je suis. Elle me dit que je suis de quelque part. » Ce murmure traverse le Cœur rebelle, il enfle quelquefois et se fait chant tragique pour raconter l’engagement, l’aventure, les combats et surtout la fraternité exigeante des hommes et celle, tragique, des peuples. Dans ses belles Réflexions sur les hommes à la guerre, le philosophe américain Jesse Glenn Gray distinguait l’amitié, sentiment ouvert et libre, de la fraternité, au caractère plus exclusif, qui se forge dans les conditions particulière de la caserne, de l’usine, de l’école, de la guerre et du front. Au-delà des engagements politiques radicaux dont il témoigne, le Cœur Rebelle dépeint le parcours d’un individu dont l’existence s’est intimement attachée à ce « grand moment lyrique » de la fraternité au combat.

« Heureusement que la guerre est si terrible, autrement nous finirions par trop l’aimer », disait le général sudiste Robert E. Lee. La tradition que Dominique Venner a découverte et portée en lui est celle du combat qu’il a aimé et passionnément recherché et qu’il n’a cessé d’éprouver à la lumière des amitiés et à l’épreuve des camaraderies. Récit d’un ancien combattant de l’Algérie rallié à l’OAS, d’un activiste politique radical et d’un essayiste ayant signé plus d’une cinquantaine d’ouvrages, le livre de Venner est un témoignage historique qui se lit à hauteur d’homme. Venner, guerrier appliqué, enrage que les peuples occidentaux « comme abrités dans un espace de bien-être, tandis qu’alentour le reste de l’univers est soumis à la violence, à la précarité, à la faim », aient pu croire que ce tribut de la violence guerrière n’était plus qu’une vague réminiscence des temps anciens. « Et pourtant, ce monde de boue et de sang est bien réel. C’est le monde habituel de l’histoire, amplifié par les nuisances modernes, la démographie vertigineuse, la puissance meurtrière surmultipliée des armements, en attendant les catastrophes nucléaires ou écologiques. »

Le Cœur Rebelle n’est pas un livre qui souffre l’inconstance. On le traverse d’une traite, sans lanterner, comme on se lance dans un coup de main. L’histoire que raconte Dominique Venner, c’est celle d’un jeune homme en quête d’aventures pendant soixante ans dans une France qui aime de moins en moins les aventuriers : « J’avais soif de vie et je me sentais périr d’ennui. À cela personne ne pouvait rien. » Peu étonnant pour le jeune homme qui a dévoré Jack London ou James Oliver Curtwood, qui s’est nourri des fresques épiques de Georges d’Esparbès ou Prosper Mérimée et s’est laissé griser par l’histoire de Sparte, la cité guerrière. Des grands auteurs de la droite littéraire, Dominique Venner dit simplement qu’il les a lus « pour ne pas paraître idiot dans les conversations entre initiés. Mais je ne peux pas dire qu’ils aient vraiment compté dans ma formation. » Plus tard viendront cependant Ernst Jünger, Julius Evola, Rainier Maria Rilke, Curzio Malaparte, Ernst Von Salomon ou Vladimir Illitch Lénine dont le titre de l’ouvrage Que faire ? pourrait résumer l’existence de Dominique Venner s’il était vraiment possible d’enfermer une vie entière dans une simple phrase. Le jeune amateur de grand large qui trouva un jour, caché dans un placard de sa grand-mère, un petit revolver devenu le symbole de la vie romanesque à laquelle il aspirait, fuit à quatorze ans à Marseille dans l’intention de s’engager dans la Légion Etrangère à Sidi Bel Abbes, en Algérie. Le billet est ruineux, il choisira donc la Corse, pour tenter de rallier la caserne d’Ajaccio. À sa descente du bateau, le fugueur est cueilli par la gendarmerie et renvoyé chez lui. L’Algérie attendra. Pas longtemps, car c’est peu dire que la guerre d’Algérie occupe une place centrale dans la vie de Dominique Venner et dans le Cœur Rebelle.

L’ouvrage de Dominique Venner est un témoignage difficile à accepter pour ceux pour qui estiment que l’histoire se décrit et s’écrit sur le mode binaire et simple du manichéisme idéologique et l’auteur a de plus le mauvais goût de refuser de se situer dans le registre de la déploration. Quand la conquête coloniale française a commencé en 1830, l’Algérie n’était encore qu’une vaste province éloignée d’un empire ottoman qui avait entamé sa longue agonie. Elle s’est forgée une conscience nationale à la faveur de la colonisation, nourrie des rêves universalistes des partisans de la civilisation du progrès et des appétits plus triviaux des décideurs économiques, puis est devenue une nation à l’issue d’une guerre sanglante au cours de laquelle chacun des adversaires a estimé qu’il se battait pour sa propre survie. « L’Histoire, écrit Hegel, n’est rien d’autre que l’autel où ont été sacrifiés le bonheur des peuples, la sagesse des Etats et la vertu des individus.[ La Raison dans l’histoire]» Dans la guerre d’Algérie de Dominique Venner, il n’y a pas de victime, pas de bourreaux et les seules vertus qui font foi sont celles des armes et de ceux qui les portent. « Quand s’affrontent les droits inconciliables de deux peuples, il n’y a pas de cause juste et injuste. Il n’y a que la guerre, arbitre impartial et froid pour décider entre deux forces, deux logiques, deux mondes. (…) Toute guerre comporte un vainqueur et un vaincu. En Algérie, nous avons été vaincus. »

Cinquante ans après la fin de la guerre d’Algérie, la France se console en biberonnant l’alcool douceâtre de la repentance et rêve qu’elle pourrait se fondre progressivement  dans le néant confortable de la fin de l’histoire. L’Algérie, quant à elle, continue de se griser comme elle peut des souvenirs héroïques de la geste de l’indépendance pour oublier que ses dirigeants corrompus ne sont jamais parvenus à bâtir complétement une nation sur la terre du pays libéré. Le livre de Venner témoigne à sa façon de la fraternité hostile de deux peuples séparés et unis à jamais par une guerre qui forgea deux républiques et une génération de part et d’autre de la Méditerranée.

 

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« A vingt ans, l’aventure de la guerre et des conjurations fut offerte à ceux de ma génération qui le voulurent. Peu y étaient préparés. Rares furent ceux qui purent changer cette occasion en destin. Au moins ceux-là ont-ils vraiment vécu, même et surtout ceux qui en moururent. » Pour Dominique Venner, l’Algérie fut l’expérience du feu, puis celle de la clandestinité avant de déterminer l’engagement politique et intellectuel, extrême et radical. « C’est alors, autour de ma vingtième année, que me furent révélées quelques vérités qui ont compté dans ma vie d’homme. » Le Cœur Rebelle confirme aussi, s’il était besoin, à quel point l’Algérie fut une étape cruciale dans l’évolution de la société française. Sur le plan militaire, elle a refondé les techniques de contre-insurrection, parmi lesquelles l’usage de la torture qui contribua à dresser l’opinion métropolitaine contre cette guerre sale. Mais c’est moins l’usage de la torture qui indigna d’ailleurs Dominique Venner que la politique de déportation menée systématiquement par l’Etat français à partir de 1956. « Elle a transformé des centaines de milliers de fellahs en clochards déracinés, enfermés dans des enceintes barbelées. »

Les méthodes utilisées au cours de la bataille d’Alger en 1957, qui furent détaillées avec précision dans le film La Bataille d’Alger en 1966, ont été réemployées depuis aussi bien par la CIA en Amérique du sud que par l’armée américaine sur différents théâtres d’opération et notamment en Irak, en suscitant également l’indignation de l’opinion internationale, quand furent révélés les sévices perpétrés dans la prison d’Abou Ghraib. Quant aux moyens mis en œuvre par le FLN en Algérie pour lutter contre l’armée française et s’assurer le soutien de la population par l’adhésion ou la terreur, ils furent utilisés de même manière par le GIA dans les années 90, au cours d’une guerre civile qui ne dit pas son nom et coûta la vie à près de cent mille personnes de 1991 à 2002. Les même moyens furent employés à l’encontre des troupes américaines en Irak après 2003 tandis qu’à l’opposé, les théories anti-insurrectionnelles mises en œuvre par David Petraeus en Afghanistan et en Irak ne différaient pas vraiment de celles présentées par le colonel Mathieu, alter ego de Bigeard, dans La Bataille d’Alger.

Pour une partie des partisans de l’Algérie française et des militaires français entrés dans la clandestinité, la fin de la guerre d’Algérie permit aussi d’appliquer à l’action politique une partie des techniques de subversion et d’actions ciblées apprises sur le champ de bataille. Dans les rangs de l’OAS on croise nombre d’anciens soldats mais aussi d’anciens résistants qui passent en vingt ans d’un champ de bataille à l’autre et de la lutte contre l’occupant à celle contre les fellaghas, puis à l’opposition armée contre l’Etat français et De Gaulle. Comme beaucoup d’anciens de l’Algérie ou de pieds noirs, Venner conserve son admiration pour le De Gaulle de 1940 mais n’a jamais pardonné à celui de l’indépendance même s’il a revu son jugement en revanche sur l’ennemi qu’il combattait en tant que soldat : « Il combattait pour conquérir une patrie, pour se donner une identité, pour édifier une nation. » Dominique Venner a conservé en revanche toute son animosité pour ceux qui à ses yeux furent les véritables artisans de la défaite : intellectuels et journalistes de la métropole, contempteurs d’une « guerre sale » qu’ils ne connaissaient ni ne comprenaient en rien. « Toute guerre est ‘propre’ pour celui qui croit à sa légitimité. Toute guerre est ‘sale’ pour celui qui s’est laissé détourner de son bon droit. Et celui-là, par avance, est vaincu. »

Pour les vaincus de l’Algérie qui n’ont pas accepté la défaite, le romantisme de la clandestinité a remplacé celui de la guerre. Sur fond de guerre froide et de règne gaullien, l’agitation idéologique et politique qui va déboucher sur le grand chambardement de 68 commence. Elle commence à droite pour Venner : « De 1961 à 1962, une fraction de la société française – une fraction seulement – était entrée en effervescence. (…) La dramatisation de l’action, la précipitation des événements, la succession des conspirations avortées agissaient comme une drogue. » Ce romantisme brutal qui se donne libre cours dans une France à peine remise de ses guerres coloniales n’est pas sans évoquer le roman qu’Alberto Garlini consacrait il y a quelques temps à l’Italie des années de plomb et de l’après 68, dans lequel Stefano, activiste d’extrême-droite, recourt à la violence « la violence comme antidote aux imperfections du ciel.1» L’aventure bien réelle de Dominique Venner s’est terminée le 21 mai 2013, devant l’autel de la cathédrale Notre-Dame de Paris, comme pour reprocher une dernière fois au ciel ses imperfections à travers le choix ultime de la mort volontaire et du  blasphème le plus éclatant. De manière troublante, Dominique Venner concluait le Cœur Rebelle, publié initialement en 1994, en évoquant le suicide de François de Grossouvre, le 7 avril 1994, dans son bureau de l’Elysée, mais également celui d’Enver Pacha, en 1922, qui décida, abandonné de tous, de mourir au cours d’une dernière charge en montant seul à l’assaut d’un bataillon de bolcheviks arméniens. « Il n’y a que la mort, parfois, écrit Venner, pour donner un sens à une vie. » Dominique Venner soumit la sienne à un credo, forcément radical : « Je suis du pays où l’on fait ce que l’on doit parce qu’on se doit d’abord à soi-même. Voilà pourquoi je suis un cœur rebelle. Rebelle par fidélité. »

Le coeur rebelle, Dominique Venner, éditions Pierre-Guillaume de Roux.

*Photo: couverture de Le coeur rebelle

  1. Alberto Garlini. Les Noirs et les Rouges. Gallimard. Janvier 2014

ERNST JÜNGER: DE HÉROES, TITANES Y DIOSES

ELEMENTOS Nº 78.

ERNST JÜNGER: DE HÉROES, TITANES Y DIOSES

 

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Sumario
Ernst Jünger: la revuelta del anarca, por José Luis Ontiveros
 
Un guerrero contra la vulgaridad. El joven Jünger, por Manuel Domingo

 

Ernst Jünger y el emboscado real, por Ángel Sobreviela

 

 

El Trabajador de Ernst Jünger, por Julius Evola

 

Ernst Jünger: Tempestades de Acero o la entrada en escena de los Titanes, por Adolfo Vásquez Rocca

 

Ernst Jünger: el tercer héroe, por Alexander Dugin

 

Ernst Jünger: radiaciones de un escritor revolucionario, por Eduardo Mórlan

 

Ernst Jünger, un pensador contracorriente, por Antonio Escohotado,

 

El meridiano cero: la disputa de Heidegger con Jünger, por Diego Tatián

 

Guerra, técnica y modernidad. Sobre la muerte en la obra de Ernst Jünger, por Vicente Raga Rosaleny

 

Contraposición entre imagen y naturaleza a través del mundo del Trabajador y el mundo del Burgués en Ernst Jünger, por Guillermo Aguirre
 
La sombra del mal en Ernst Jünger y Miguel Delibes, por Vintila Horia
 
Teoria de la rebeldia a partir de Ernst Jünger y Albert Camus, por Jesús Nava Ranero
 
Ernst Jünger y Ortega y Gasset. El lugar de la libertad en las sociedades nihilistas, por David Porcel Dieste

 

mercredi, 05 novembre 2014

Het Eurazisme van Aleksandr Doegin

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Woensdag 12 november 2014, 19 uur!

mardi, 04 novembre 2014

Nouvelle revue d'histoire n°75

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La Nouvelle Revue d'Histoire est en kiosque

(n° 75, novembre - décembre 2014).

 

Le dossier central est consacré à l'impôt, à sa perception par l'état et aux réactions qu'il a pu suscité au fil de l'histoire. On peut y lire, notamment,  des articles de Emma Demeester ("Aux origines de l'impôt royal" ; "La dîme, un impôt millénaire"), de Philippe Conrad ("Soulèvements paysans contre l'impôt" ; "1789 : la tyrannie du fisc" ; "Juillet 1914 : naissance de l'impôt sur le revenu"), de Jean-Joël Brégeon ("Gabelle, faux-sauniers et gabelous"), de Martin Benoist ("La Dîme royale de Vauban"), de Jean Kappel ("Les fermiers généraux"), de Virginie Tanlay ("Napoléon et l'impôt") et de Philippe Parroy ("1953 : Poujade, le rebelle contre le fisc").

 

Hors dossier, on pourra lire, en particulier, deux entretiens, l'un avec Christian Harbulot ("La France détruit sa puissance") et l'autre avec Bernard Lugan ("Atlas des guerres africaines"), ainsi que des articles d'Emma Demeester ("Brantôme, de l'épée à la plume"), d'Henri Levavasseur ("Des Européens aux portes de la Chine"), de Rémy Porte ("1914 : la mêlée des Flandres"), de Tancrède Josseran ("1914 : l'impossible neutralité de l'Empire ottoman") et d'Aude de Kerros ("Conflits autour de l'art abstrait").

samedi, 01 novembre 2014

Destruction de l’Armée française et sacrifice de la Défense

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Destruction de l’Armée française et sacrifice de la Défense

Depuis maintenant près de trente ans, sous les gouvernements de droite de gauche, l’Armée française est sacrifiée. Dans ses effectifs, ses équipements, son budget. Analysons ce drame, le sacrifice de la Défense, son ampleur, ses causes, ses conséquences et ce qu’il faudrait faire pour y remédier. Bien entendu, les autres pays européens suivent la même voie funeste de diminution drastique des budgets de Défense. Ce qui donne l’impression que l’Europe, aux frontières ouvertes, baisse la garde.  Au moment même où les menaces intérieures et extérieures s’accroissent.

Sacrifier la Défense : une constante politique droite/gauche.

Chirac a été le premier à restreindre le budget militaire et a entamer la réduction du format des armées et même, à réduire les vecteurs de la dissuasion nucléaire aux composantes sous marines et aériennes en supprimant  les composantes  fixes et mobiles terrestres. Chirac, le pseudo-gaulliste, a entamé la démolition de l’armée française. Non pas tant en supprimant le service militaire qu’en inaugurant une diminution des effectifs et des budgets des armées professionnelles.

Aucune des LPM (lois de programmation militaire) n’a vraiment été respectée depuis trente ans. Non seulement on baisse régulièrement les crédits de l’armée française, mais les promesses de ”sanctuarisation” du budget de la défense n’ont jamais été tenues. Tous les gouvernements, adeptes du mensonge élastique,  se sont assis sur les besoins des armées. Avec à peine 1,9% du PIB, leur budget est ridiculement insuffisant.  

 Moins naïfs que les Européens et pas si bêtes, les Américains maintiennent leurs capacités militaires. Le budget du Pentagone représente 50% de tous les autres budgets militaires internationaux. Partout dans le monde, on réarme, sauf en l’Europe où l’on désarme. Depuis 30 ans,  l’armée ne cesse de fondre comme peau de chagrin ; un tiers des départements n’a plus de garnison ; cette désertification militaire provoque à la fois un délitement du tissu social et un recul de l’activité économique locale. Entre 2009 et 2019, au terme de la loi de programmation militaire en cours, l’armée professionnelle aura perdu 80.000 hommes, soit un quart des effectifs.  Beau suicide, accompli au nom de la ”rationalisation”. La loi de programmation militaire 2008-2014, votée par l’UMP et le PS, a sabré 54.000 postes. Les socialistes prévoient encore 23.500 suppressions d’ici 2019. Dissoudre des régiments, couper dans les budgets d’équipement ou les reporter, voici les principales missions des ministres de la Défense successifs. Aucun(e) n’a osé protesté, droite et gauche confondues, puisque leur carrière politicienne passe avant tout.

À la paupérisation des unités s’ajoute l’obsolescence des matériels. L’armée accomplit ses opérations dans des conditions acrobatiques. Les réformes successives de réduction du format des armées les ont affaiblies dans leurs capacités et minées dans leur solidité psychologique. On se dirige vers une situation de rupture, de la troupe comme de l’encadrement. L’armée est employée à 120% de ses capacités. Chaque année, la liste des régiments dissous s’accroit.. On s’attaque même maintenant à l’hôpital militaire du Val de Grâce ! Cette réduction globale des moyens et du format des trois armées avait commencé avec Chirac, preuve qu’il s’agit bien d’une politique (suicidaire) consensuelle partagée par la classe politicienne de droite comme de gauche.

Nos voisins et amis européens belges, néerlandais, italiens, espagnols, allemands,  scandinaves, portugais, etc. suivent la même politique de baisse des budgets de la Défense, négligeant leurs capacités militaires. La situation des armées allemandes, Bundeswehr, Luftwaffe et Bundesmarine, (seulement 1,4% du PIB ) est dramatique : plus de 50% des matériels des trois armes, déjà très réduits, sont hors d’usage, faute de crédits de renouvellement et de maintenance. Bien sûr, en tout, les Européens entretiennent 1,5 millions de militaires. Mais ces chiffres sont fallacieux et cachent une autre réalité : de moins en moins de soldats capables de se battre, des matériels hors d’usage, des moyens de transports déficients.  

Sacrifier la Défense : une ineptie économique.

 Sacrifier les dépenses et investissements de la Défense, en les considérant comme variables d’ajustement budgétaire est d’une stupidité économique totale à notre époque. Car le secteur de la Défense, porteur de hautes technologies aux retombées importantes multisectorielles, est capital pour les exportations et l’emploi. Restreindre les crédits d’achats et d’équipements pour l’Armée française induit une baisse des exportations de notre industrie de Défense, aéronautique, maritime,  terrestre, électronique, équipementière, etc. L’industrie de la Défense assure, de manière directe ou indirecte, par sous-traitance et retombées technologiques civiles, environ un million d’emplois. Et pas n’importe lesquels : des emplois hautement qualifiés, pas des balayeur ou des livreurs de pizzas. Sacrifier le budget de la Défense, c’est torpiller un peu plus l’industrie et la recherche françaises. Comme politique ”anti-croissance”, il n’y a pas plus efficace que de sabrer dans le budget de la Défense. Le programme spatial européen Ariane est la retombée directe de budgets militaires français sur les missiles.

Internet (dont la domination mondiale est américaine) est né grâce aux budgets de la défense du Pentagone. Les commandes du complexe militaro-industriel américain alimentent toujours le dynamisme des grands groupes américains, notamment informatiques et numériques. Idem en Chine. Le budget d’équipement de nos armées est le seul budget d’État qui soit  créateur, en termes de retombées technologiques dans tous les secteurs innovants. Et c’est le seul que l’on sacrifie. Cherchez l’erreur. Elle est le fruit de la bêtise idéologique.

Sacrifier la Défense : un ineptie idéologique et stratégique

Derrière cette diminution constante du budget de la Défense et de la réduction de la taille de l’outil militaire se cachent des relents d’idéologie antimilitariste et antipatriotique. Ainsi qu’une vision  pacifiste et irénique du monde, naïve et irréaliste. Mais il faut mentionner aussi une inconscience géopolitique : on s’imagine que le XXIe siècle sera pacifique, dominé par les négociations, les petites crises gérables, les interventions humanitaires des armées. Après l’effondrement de l’URSS, on s’est dit que toutes les guerres étaient finies et que seules ne compteraient plus sur une planète globalisée que les opérations de police ponctuelles. Or les conflits majeurs, les guerres de haute intensité ont autant de chance  de disparaître que le soleil de cesser de se lever chaque matin. 

Au moment où le monde s’arme, la France et l’Europe désarment. Très intelligent ! La Russie est le seul pays européen à accomplir un effort de défense et à essayer d’augmenter ses capacités. Mais on présente la Russie de Poutine comme agressive, comme un danger, un contre-exemple. C’est au contraire un exemple

Pour s’amuser, les chefs d’État (Sarkozy, puis Hollande) lancent des OPEX (Opérations extérieures), mini-guerres inefficaces, improvisées, en Afrique ou au Proche-Orient, avec de moins en moins de moyens, puisqu’ils coupent eux mêmes dans les budgets.  Pour ces OPEX, l’armée est à bout de souffle, en capacités ou en moral.  Moins on lui donne de moyens, plus on la sollicite sur des terrains extérieurs, et souvent pour des missions stupides et contre productives, lancées par des présidents de la République avides de se poser, de manière immature, en ”chefs de guerre”. Ces opérations inutiles et précipitées réduisent d’autant plus les budgets.

Prendre le budget militaire comme variable d’ajustement sacrificielle constitue une quadruple faute : sur le plan de la cohésion nationale, du rang international de la France (et de l’Europe), de la croissance économique et de la sécurité face aux menaces prévisibles et imprévisibles. Quand le ministre de la Défense, Le Drian, raconte qu’ « il faut faire porter aux armées leur part dans l’effort budgétaires du pays », il se moque du monde. Car, en réalité, seules les armées sont appelées à faire des efforts.

Où sont les efforts sérieux d’économie dans l’Éducation nationale pachydermique et impotente, les dépenses sociales délirantes de l’État Providence, les aides et allocations aux migrants clandestins, etc. ? En réalité, deux catégories ont été sacrifiées : les familles des classes moyennes (par hausses fiscales et coupes dans les allocations familiales) et les armées. Tout un symbole : la famille et l’armée. Tout ce que déteste sans l’avouer vraiment une oligarchie formatée selon certains dogmes idéologiques officialisés depuis Mai 68.

Les deux seuls secteurs qui ne devraient pas ”faire d’effort” dans la rigueur budgétaire mais au contraire bénéficier de crédits accrus sont précisément la politique familiale et la Défense ! Et c’est sur eux qu’on s’acharne ! Toujours ce suicide français. Les bla-blas politiciens flatteurs sur l’ ”armée, symbole de la République et de la Nation” ne doivent tromper personne.  Ils sont destinés à prévenir une possible révolte (sous forme de démissions d’officiers et de rébellion gréviste ?) des forces armées.

Questions polémologiques prédictives et inquiétantes

Il est facile de sacrifier le budget de la Défense, puisqu’on s’est habitué à ce les militaires (de tout rang) se taisent, obéissent, se sacrifient. Mais à un moment, trop c’est trop. La corde casse à partir d’un certain seuil de tension. Un risque d’implosion des armées existe, ce qui, depuis que nous connaissons ce qui s’est produit dans les légions romaines au IVe siècle, se nomme d’un terme dévastateur : la désobéissance. Les chefs militaires sont souvent tentés de créer un clash et de dire les choses clairement. Mais les dirigeants de la ”grande muette” renoncent et, en bons fonctionnaires obéissants, pratiquent la langue de bois ou se taisent. Pour combien de temps ?

L’armée est la colonne vertébrale de la Nation – de toute Nation pourvue d’une ambition de rang et de rayonnement, d’indépendance et de souveraineté –  parce qu’elle représente, d’un point de vue pratique et moral, l’organe de sa sécurité et de sa crédibilité. De plus, répétons-le, au XXIe siècle, les budgets de défense sont devenus des facteurs  centraux de cristallisation et de retombées technologiques et économiques de pointe dans la recherche et innovation (R&D) et les exportations. Les grandes et moyennes puissances mondiales l’ont parfaitement intégré.  Apparemment pas les gouvernements européens, ni les opinions publiques. Ce genre d’indifférence peut devenir dramatique. 

Au XXIe siècle, nous sommes entrés dans un monde ”plurimenaçant”. Les menaces sont polymorphes et viennent de partout.  La chute de l’URSS en 1991 a joué comme une gigantesque illusion pour les Européens. Qui peut savoir  – au delà de la ”menace terroriste” et de la ”cyberguerre” souvent exagérées – si l’Europe au XXIe siècle ne risque pas une guerre civile ethnique, une ”attaque intérieure” armée sur son propre territoire ? Voire même une agression extérieure sous une forme classique, voire nucléaire ? Les armées européennes seront-elles capables d’assurer la défense du territoire ? Au rythme actuel d’embâcle et de fonte des moyens, certainement pas. Et inutile de faire un dessin : la menace physique ne vient plus du tout de l’Est européen slavo-russe, mais du Sud et du Moyen-Orient. 

Et ce ne sont pas les Etats-Unis qui nous défendront. Notre seul véritable allié serait la Russie.

Faute d’une armée robuste et disciplinée, suffisamment nombreuse et équipée, la France ajoute encore un handicap aux autres. Pour l’instant, elle n’a pas encore, comme la Grande Bretagne, sacrifié sa dissuasion nucléaire, mais qui sait si nos politiciens pusillanimes ne vont pas être tentés de le faire ? La logique suicidaire est une pente savonneuse. D’autre part, un autre problème lourd se pose : le recrutement très important dans l’armée de personnels issus de l’immigration, notamment musulmane. Cette question, c’est le tabou absolu. Je n’aborderai pas ce point ici mais un parallèle éclairant doit être fait avec les légions romaines du Bas-Empire qui engageaient pour défendre Rome les frères de ceux qui l’assaillaient. On sait  comment la tragédie s’est terminée.  

La constitution d’une armée européenne, serpent de mer récurrent depuis la CED des années 50,  faussement revigorée depuis vingt ans par toutes les tentatives d’”euroforces”, franco-allemandes ou autres, est une impossibilité, qui s’appuie sur des gadgets. L’Europe n’a aucune politique étrangère commune, mis à part la blague des Droits de l’homme et la soumission volontaire à Washington et à l’OTAN.

Le Front National  a raison de protester contre le sacrifice du budget des armées. Il demande un minimum de 2% du PIB consacré à la Défense – ce qui est d’ailleurs encore insuffisant, il faudrait 3%. C’est un point positif dans son programme, par rapport à ses positions erronées socialo-étatistes dans l’économie. Mais il se méprend quand il affirme que c’est ”Bruxelles” qui oblige les pays européens à tailler dans leurs dépenses militaires ; même l’Otan incite au contraire à les augmenter !  Ce qui  pousse la classe politicienne française à tailler dans les budgets de Défense, c’est un mélange d’indifférence, de solutions de facilités à court terme et d’ignorance des enjeux stratégiques et économiques.  Il est tellement plus facile de sacrifier des régiments ou des commandes d’équipement que de s’attaquer à la gabegie de l’ État Providence.   

Les sept pistes à suivre

Examinons maintenant ce qu’il faudrait faire, dans l’absolu:

1) Rétablir le budget de la Défense à 3% du PIB minimum.

2) Honorer et augmenter les commandes de l’armée à l’industrie nationale de défense, dans les domaines terrestres, aéronautiques/spatiaux et  maritimes, mais aussi dans les budgets R&D.

3) Mettre en chantier un second porte-avion à propulsion nucléaire.

4) Rétablir les régiments dissous et durcir les conditions de recrutement.

5) Effectuer les commandes promises à la Russie de navires BPC.

6) Construire un ensemble techno-industriel européen de défense indépendant, avec obligation pour chaque pays de l’UE de pratiquer la préférence de commandes à l’industrie européenne et non plus américaine.   

7) Travailler  intelligemment à moyen terme, avec pragmatisme et  avec diplomatie à une dissolution de l’OTAN au profit d’une organisation militaire intra-européenne puis euro-russe. Sans que, bien entendu, les USA n’aient rien à craindre et ne soient désignés comme ennemis. Au contraire, ils pourraient être des alliés s’ils ont l’intelligence de comprendre qui sont les véritables ennemis communs.

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vendredi, 31 octobre 2014

Notre vocabulaire

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Notre vocabulaire

par Georges FELTIN-TRACOL

 

Il s’agit de l’intervention inaugurale de Georges Feltin-Tracol à la 8e Journée nationaliste et identitaire de Synthèse nationale du 12 octobre 2014 à Rungis.

 

Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, Chers Amis,

 

À l’été 1993, dans Foreign Affairs, la revue du C.F.R. (en anglais Conseil des relations étrangères), un cénacle mondialiste installé aux États-Unis, paraissait un article du professeur Samuel P. Huntington sur « Le choc des civilisations » (1). Cet enseignant de Harvard répondait ainsi à la thèse de la fin de l’histoire lancée en 1989 par le futur ex-néo-conservateur étatsunien d’origine japonaise Francis Fukuyama (2). Trois ans plus tard, Huntington sortait de cet article son célèbre essai avec la fameuse expression polémologique (3).

 

Grâce à cet universitaire d’outre-Atlantique, le concept de civilisation prenait un sens polémique certain, même si la civilisation ici définie contient des confusions non négligeables. En effet, Samuel P. Huntington y mentionne une civilisation occidentale qui couvrirait l’Amérique du Nord, l’aire européenne chrétienne romano-protestante, l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Il s’agit de l’actuel Occident atlantiste.

 

Huntington n’est pas le seul à associer l’Europe, l’Amérique et l’Occident dans une même collectivité. Dès 1985, le sociologue français Jules Monnerot estimait qu’« il faut souhaiter aujourd’hui une étroite concertation avec tous les États dont les lois témoignent des mêmes tendances que les nôtres et qui prolongent avec nous la même filiation de cultures, la même lignée de civilisation. C’est ce que j’appelle la préférence occidentale. Derrière l’alliance avec les États-Unis d’Amérique. Derrière l’Europe totale, encore future mais plus que jamais nécessaire, nous devons reconnaître en nous-mêmes, comme variante historique d’époque de notre identité nationale française, un patriotisme de civilisation (4) ».

 

Il va de soi que la théorie de Huntington ne nous convainc pas, car elle néglige toutes les différences essentielles entre l’Occident américanomorphe dont il se fait le porte-parole et notre vision de l’Europe. Nous tenons à l’originalité existentielle d’une civilisation européenne qui ne serait pas la pâle copie d’une production atlantiste.

 

Depuis Oswald Spengler et son célèbre Déclin de l’Occident (5), on connaît la dichotomie entre la civilisation et la culture. D’après Spengler, la culture incarnerait pour les peuples le moment ascendant de leur histoire. Puis viendrait le temps de la civilisation avec une lente et longue déperdition d’énergies vitales collectives, l’engoncement, les rigidifications structurelles jusqu’à la nécrose, l’agonie et la disparition.

 

À cette opposition binaire, on préférera la conception d’une civilisation européenne, polymorphe à travers le temps, tissée par de multiples cultures à la fois spécifiques et consubstantielles à son étymon. Certes, le mode de vie d’un Espagnol diffère de celui d’un Letton qui n’est pas celui d’un Arménien du Haut-Karabakh ou d’un Islandais. Mais, au-delà leurs langues, leur quotidien, leurs mentalités perdurent deux constantes déterminantes : une évidente substance anthropologique et un riche héritage spirituel pagano-chrétien. Il n’y a de civilisation européenne que par l’énergique médiation de ses cultures.

 

Ces dernières se déclinent en cultures nationales et en cultures régionales ou vernaculaires. La nation constitue en soi un objet de débat. Venant du latin nascio, qui veut dire naître, le mot prend une autre acception pour désigner la forme moderne d’organisation politique, cet aboutissement de l’individualisme collectif. Idée défendue, développée et propagée par les révolutionnaires de 1789, la nation politique comprise comme un ensemble de citoyens égaux a au cours des deux derniers siècles plongé le continent européen dans les tourments nationalitaires. Il serait toutefois dément de la nier comme le rêvent les escrocs de la pseudo-construction européenne. Avec la mondialisation et l’immigration de peuplement massive, indéniable contre-colonisation, le fait national connaît un regain certain face aux dangereuses menées mondialistes, européistes et séparatistes régionales.

 

Considérées par certains commentateurs comme des régions, – ne sachant pas qu’elles furent des royaumes médiévaux -, l’Écosse et la Catalogne montrent la vivacité de l’affirmation identitaire avec le risque préjudiciable d’affaiblir finalement la civilisation européenne toute entière. La robustesse des nations impose néanmoins que leurs cultures régionales ou vernaculaires ne soient pas broyées par un centralisme administratif dépassé. Souvent, hélas !, l’indépendantisme régional et le nationalisme étatique œuvrent en vecteurs involontaires (?) du mondialisme. Or une nation n’est en réalité solide que si ses régions trouvent elles-mêmes leur dynamisme ! Force est de constater, dans le cas de l’Hexagone, que les cultures régionales sont plutôt moribondes, étouffées par la prédominance mortifère de Paris. Heureusement, Flamands, Normands, Bretons, Basques, Catalans, Occitans, Provençaux, Corses, Nissarts, Savoisiens, Arpitans, Alsaciens et Thiois tentent de préserver ce qui peut l’être encore, et en premier lieu, la terre, notre terre.

 

La terre appartient aussi à notre champ lexical. Oublions ici l’habituelle et lassante antinomie géopolitique entre la Mer et la Terre sur laquelle reposerait la lutte incessante entre les thalassocraties et les puissances continentales. Plus prosaïquement, on entend par terre le milieu vivant qui nous entoure et dans lequel nous interagissons. Ces relations complexes sont étudiées par l’écologie qui a fourni une version théorique – politique. On sait tous que l’écologie politique a été détournée par les trotskystes, les sociétalistes, les gendéristes, les multiculturalistes, les féministes et les mondialistes. Dans la revue L’Or vert, Robert Dun signalait dès les années 1970 la nécessité écologique. Pourquoi préserver nos identités si les lieux sont bétonnés, les terrains pollués, des paysages dévastés ? Au moment où un mini-candidat réclame l’exploitation du gaz de schiste, ce qui reviendrait à défigurer des campagnes déjà meurtries par le productivisme, l’exode rural et la politique agricole commune, refusons cet appel rentable aux seules firmes multinationales prédatrices et néo-coloniales ! Un écologiste conséquent devrait être clairement identitaire. Il l’est d’une certaine manière puisque Les Verts soutiennent les mouvements régionalistes progressistes sans comprendre la prégnance majeure de l’appartenance collective. pour sa part, un identitaire cohérent se doit d’être écologiste, surtout s’il refuse la société de marché libérale, la société de la G.P.A. (autorisée, soit dit en passant, en Russie) et la société de la charia. La préoccupation écologique constitue un troisième pilier, fondamental, de nos principes à côté des piliers d’identités (continentale, nationales, régionales) et social. Face à l’étalement urbain et à la destruction programmée des terres arables (il faut ensuite quarante ans – deux générations ! – pour qu’un sol naguère urbanisé retrouve sa fertilité première), les identitaires devraient au moins soutenir les valeureux opposants à l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, au barrage de Sivens ou à l’O.L. Land (le stade de foot privatisé) érigé dans la banlieue lyonnaise ! Que ces combats soient menés par des écolo-gauchistes importent peu parce qu’il vaut mieux voisiner avec un écolo ultra, voire un fan de Julien Coupat, qu’avec un lecteur sarkocufié du Figaro et de Valeurs actuelles !

 

Si l’on considère que l’Europe est la patrie de nos nations et de nos régions, notre réflexion militante se doit d’adopter le triptyque révolutionnaire exposé dans les années 1970 par Georges Gondinet et Daniel Cologne et en 1991 par Jacques Marlaud. La civilisation européenne constitue, avant d’être un évident dessein géopolitique, une patrie spirituelle albo-ethnique. Ses nations forment souvent des patries politico-historiques tandis que les régions demeurent bon gré mal gré des patries charnelles. L’indispensable conciliation entre l’authentique diversité ethno-culturelle et l’urgente unité géopolitique et économique passe par un dépassement salvateur : l’Empire.

 

Unité décisive de destin collectif, l’Empire est mal vu et mal compris en France. Il est desservi par le verbe « empirer » qui signifie « s’aggraver », « devenir pire ». Il se confond en histoire avec les deux expériences bonapartistes – napoléoniennes au XIXe siècle. Maints Français ignorent en outre que leur pays est intrinsèquement un empire qui a mal tourné alors que l’idée impériale hante sa psyché collective. Dans le présent contexte anxiogène, « seuls les nationalistes peuvent faire l’Europe (6) » affirmait en 1973 Adriano Romualdi. Tous les nationalismes régionaux et étatiques doivent par conséquent entreprendre leur mue. « Le seul moyen de résoudre l’épineuse question des ethnies, dont le réveil menace les nations d’éclatement, est d’ouvrir les nationalismes sur l’Europe, avertissait Daniel Cologne. D’une part, le nationalisme doit emprunter à la grande tradition politique de notre continent la notion d’État organique qui concilie l’unité nécessaire à toute société évoluée avec le respect, voire l’encouragement de sa diversité naturelle. Conçu de façon organique, le nationalisme s’accommode d’une certaine autonomie des régions. D’autre part, si la nation, loin de s’ériger en un absolu, se considère seulement comme une composante autonome du grand ensemble organique européen, les régions et les ethnies n’auront aucune peine à se considérer comme les incarnations nécessaires du principe de diversité au sein de la grande unité nationale. Dans une Europe organique des nations organiques, être breton ou français, basque ou espagnol, flamand ou belge, jurassien ou suisse ne sont que des manières parmi d’autres d’être européen (7). » Par le biais du principe ordonnateur de la subsidiarité, l’Empire fédère autour des domaines diplomatique, stratégique et militaire la formidable variété nationale et vernaculaire de notre patrie continentale civilisationnelle.

 

Par-delà cette référence ternaire subsumée par l’idée organique d’Empire interviennent d’autres termes qui consolident notre langage militant. Le premier est celui de communauté. Évoquer maintenant en public ce mot équivaut quasiment à voir surgir cette hantise des Occidentaux indifférenciés, ce nouveau diable des plateaux télé, le communautarisme ! Et pourtant quel beau mot ! Suivant son échelle d’implication, la communauté coïncide à des espaces de vie. À l’Union (pseudo-)européenne, il aurait été judicieux de conserver la « Communauté européenne » comme avant 1992 et le détestable traité de Maastricht. Les nations d’Europe resteraient des communautés politiqueshistoriques de destin qui parviendraient à s’enchâsser les unes dans les autres dans un nouvel agencement continental. Mais les régions sont elles aussi des communautés vernaculaires de destin infra-nationales.

 

Les cadres régionaux sont des communautés de proximité comme le sont d’ailleurs les entreprises, ces communautés productives de destin. L’entreprise moderne pratique ce nouvel esclavage : le salariat. Or le justicialisme – solidarisme européen combat cette aliénation sociale. À l’entreprise libérale ou étatisée, promouvons des « communautés de travail » comme le fit déjà le candidat bien trop méconnu à la présidentielle de 1965, Marcel Barbu dont le directeur de campagne travaillait à Rivarol (8). Que serait aujourd’hui une telle « communauté de travail » ? Une unité de production dirigée par ceux qui y travaillent. Un bon début existe avec la S.C.O.P. (société coopérative et participative). Alors que la moitié du CAC 40 se soumet aux multinationales, une société coopérative préserve l’indépendance économique, perturbe les mécanismes aveugles du libéralisme et se détourne de la mondialisation libérale. La « communauté de travail » idéale rassemblerait les travaux de Hyacinthe Dubreuil, l’ergonisme de Jacob Sher, l’association Travail – Capital du gaullisme d’opposition (1947 – 1953), la participation chère aux gaullistes de gauche, la cogestion promue par l’ordo-libéralisme allemand, le corporatisme social-chrétien, voire l’autogestion de Proudhon reprise par les anarchistes.

 

On a compris que les communautés territoriales et professionnelles agiraient en véritables Rei Publicae. Le Système liberticide et albo-génocidaire répète jusqu’à la nausée ses valeurs républicaines alors que sa République n’est qu’une supplétive zélée des forces de l’Or et de l’Argent. Son unicité fallacieuse doit s’effacer devant des unités républicaines partielles constituées de communautés de travail (ou de production) et de vie identitaires.

 

L’identité est l’autre maître-mot de notre registre. Le mettre au pluriel serait plus satisfaisant parce qu’elles englobent les cultures, les ethnies, les langues, les métiers, les histoires, les croyances… Toutes nos identités sont la sève qui part des racines des patries charnelles pour aller au feuillage de la patrie civilisationnelle en passant par le tronc des patries historiques et l’écorce des communautés professionnelles. Sauvegarder les identités signifie de préserver le peuple.

 

Le peuple est une notion centrale. Sans lui, vaines seraient toutes nos actions. Il importe de l’appréhender dans toutes ses acceptions. Le peuple est aussi bien l’ensemble de personnes d’origine ethnique commune que l’immense majorité de la société composée de producteurs et de consommateurs ainsi que les détenteurs de la souveraineté politique moderne qui indispose tant les oligarchies transnationales. Longtemps s’affrontèrent les tenants de l’ethnos, du demos et du laos. En 2014, il apparaît crucial de rassembler ces trois définitions et de s’élever contre la confiscation de la légitimité, les ravages d’une immigration de peuplement métisseuse et les oukases de la ploutocratie bancaire mondialisée.

 

Il y a quarante-cinq ans, l’extrême gauche souhaitait représenter le peuple avec l’insuccès que l’on sait. À l’ère du Village cosmopolite interconnecté global, il faut partout en Europe et sur d’autres continents susciter la révolution des peuples ! Le soulèvement radical des communautés, des nations, des patries vernaculaires, des identités et des civilisations commence toujours par un bon vocabulaire !

 

Je vous remercie.

 

Georges Feltin-Tracol

 

Notes

 

1 : Samuel P. Huntington, « The Clash of Civilizations ? », dans Foreign Affairs, été 1993.

 

2 : Francis Fukuyama, The End of History and the Last Man. Free Press, 1992, traduction française : La Fin de l’histoire et le Dernier Homme, Flammarion, coll. « Histoire », 1992.

 

3 : Samuel P. Huntington, The Clash of Civilizations and the Remaking of World Order, Simon & Schuster, 1996, traduction française  incomplète : Le Choc des Civilisations, Éditions Odile Jacob, 1997.

 

4 : Jules Monnerot, « Désintox ». Au secours de la France décérébrée, Albatros, 1987, p. 63, souligné par l’auteur.

 

5 : Oswald Spengler, Der Untergang des Abendlandes. Umrisse einer Morphologie der Weltgeschichte, Verlag C.H. Beck, 1918 et 1922, traduction française : Le déclin de l’Occident, 2 volumes, Gallimard, coll. «  Bibliothèque des Idées», 1948.

 

6 : Adriano Romualdi, La droite et la crise du nationalisme, « Totalité », 1982, p. 23.

 

7 : Daniel Cologne, Éléments pour un nouveau nationalisme, Cercle Culture et Liberté. Pour une Europe libre et unie, 1977, p. 18.

 

8 : Information donnée par Emmanuel Ratier au cours du n° 84 de l’émission de Web-radio « Méridien Zéro » du 20 février 2012 consacrée à une « Histoire non conformiste de l’élection présidentielle ».

 


 

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jeudi, 30 octobre 2014

Projet de Cercles d’Études enracinés

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Projet de Cercles d’Études enracinés

par Claude BOURRINET

 

Qui ne sent qu’un monde a disparu, ou est en train de se dissoudre ? L’État, qui abandonne de plus en plus rapidement ses prérogatives traditionnelles, ses fonctions régaliennes mêmes, déléguant au marché la tâche de gérer, à sa manière, la société, ne dispense plus la vision qui était la sienne, et qui servait de boussole, ou de contre-boussole, au citoyen. L’Exécutif n’exécute que ce que lui enjoignent les puissances d’argent. Le Législatif entérine les lois décidées par des aréopages de technocrates apatrides. La Justice et la Police se politisent à outrance et obéissent à des officines privées ou communautaires. Et l’École, devenue un tas de ruines, ne s’occupe plus que de rendre compatibles avec l’entreprise des cerveaux et des corps endoctrinés sur des patrons libertaires et libéraux.

 

Dans le même temps, les contre-pouvoirs, qui existaient encore il y a une trentaine d’années, époque qui semble maintenant appartenir à une autre civilisation, ont été discrédités, ou se sont dilués dans la société dite « civile ». Presse, partis, organisations, associations, syndicats sont passés dans le champ des pouvoirs contrôlés par l’oligarchie, ou ne subsistent que comme l’ombre de leur ombre. Seuls les réseaux sociaux numériques, par le truchement d’un Internet animé par un mouvement brownien pour une durée dont on commence à percevoir, par ailleurs, les limites, paraissent apporter un peu de cet oxygène sans lequel l’intelligence critique ne saurait fonctionner.

 

Toutefois, une réunion dans une arrière-salle enfumée de café, au milieu des invectives, des propositions, des analyses et des exclamations, portait sans doute plus de potentialité belliqueuse, en tout cas pratique, que les inter-connexions spasmodiques d’utilisateurs virtuels, quand bien même ces communications seraient riches et suggestives.

 

Du reste, le trop plein d’informations et de contributions réflexives tue l’action, et même, parfois, brouille la compréhension de ce qui se trame dans le monde. Les articles, les papiers, les interventions plus ou moins brèves, les vidéos, les analyses ou les nouvelles, les réflexions et les faits transmis par les « dissidents », dans le meilleur des cas, apportent un éclairage salutaire, mais aussi promeuvent, tout simplement, une coterie, un leader d’opinion. C’est aux dépens souvent d’un approfondissement nécessaire, et de liens concrets, qui ne se résolvent piteusement qu’en manifestations de sympathie, traduites par des « likes » ou des commentaires obligeants. Le discours normatif, qui faisait autorité, et sur lequel étaient axées les gloses, a été remplacé par un flux horizontal et ubiquiste, aux éléments duquel rien ne confère d’autorité, sinon la qualité intrinsèque de l’auteur de la source d’émission. Derrière l’intellectuel, l’individu, il n’est rien d’autre que son savoir, sa science, et sa puissance de conviction.

 

Autrefois, la vulgate doctrinale du Parti communiste, son appareil idéologique et ses armes politiques, efficacement déployés, détenaient, une puissance opératoire efficace. Les militants, sans état d’âme, dispensaient la bonne parole en assurant un contact personnel avec les groupes sociaux visés. Des cours de formation politique et culturelle tentaient d’apporter aux ouvriers un corps de savoirs qui avait pour conséquence d’offrir la possibilité d’appréhender la lutte en étant doté d’une morale élevée. Aussi le Parti communiste se manifestait-il comme une contre-société, une contre-culture, parfois, tant il mêlait à ses ambitions prétendument « scientifiques » les attributs de la foi, une religion alternative. Il en allait de même, mutatis mutandis, pour l’Église de cette époque.

 

Le mot, la phrase, le discours étaient, il y a seulement encore une cinquantaine d’années, lestés d’un arrière-plan historique, d’un mythe national, dont seuls les spécialistes de la déconstruction communautaire disent qu’il n’était qu’une légende mensongère. Dans une société normale, le mythe a valeur de vérité, car il génère un récit vrai, chargé de sens, et pourvoyeur de lisibilité, donc de visibilité. Les contempteurs du passé national sont ceux-là qui adulent le mythe libéral et mondialiste.

 

La parole grave et directrice, c’est-à-dire « autoritaire », qui faisait autorité, n’était possible que dans un contexte historique où l’humanisme programmatique, issu de la Renaissance, et suractivé par les Révolutions américaine et française, supposait que l’homme pouvait être acteur de sa propre histoire, et qu’il était tributaire de l’éducation. Avec le changement de paradigme civilisationnel qui a suivi la chute du Mur de Berlin, les certitudes se sont effondrées, et il ne semble plus aller de soi qu’on ait prise sur le destin de sociétés qui s’atomisent, se diluent dans les flux mondiaux de la marchandise, rendant vaines les frontières et les associations cohérentes d’êtres unifiant leurs visions politiques, et qu’il y ait à dire quoi que ce soit de juste et de solide à propos de ce monde. Les Grands Récits sont morts, et, avec eux, c’est toute tentative de construction historique qui paraît vouée à l’échec.

 

106657.jpgToutefois, en croyant en finir avec l’Histoire, l’idéologie libérale rencontre un obstacle, cette réalité qu’elle tente d’abolir par la liquéfaction discursive et l’arraisonnement des fondements de la vie. Même en creux, par l’expansion mélancolique des dysfonctionnements mentaux, sociétaux, par la raréfaction de l’humain, la désertification sociale, le broyage familial, les déchirures du tissu relationnel, la solitude, la violence, la réduction de la vie intérieure, la contamination des sources originelles de l’existence saine, normale, décente, l’immense et désespéré besoin d’authenticité, de normalité, d’équilibre, se fait sentir universellement. Les mœurs décalées de l’oligarchie, son cynisme, son matérialisme grossier et brutal, n’ont pu fleurir que parce que la société a été surprise, violée, déshonorée sans qu’on l’ait préparée à l’annihilation qu’elle a dû subir. Les séductions vulgaires qui l’ont désarmée, en la dépravant, l’ont préparée à la dégradation qui est son malheur aujourd’hui. Et, comme une femme humiliée, elle n’a plus les mots pour dire sa souffrance. Qu’est devenue cette princesse de conte de fées, dont parlait le général de Gaulle, au début de ses Mémoires ? Il n’est pas exagéré d’évoquer un traumatisme collectif, tel que notre nation en a connu durant sa longue histoire, et dont elle su se relever, grâce à des sursauts qui tenaient, parfois, du miracle.

 

Ainsi, ce qui nous tue, ce qui nous condamne à la mort historique, qui abolit en nous toute ressource civilisationnelle, c’est la perte d’un langage commun, communautaire, historial, capable de porter l’espoir d’un destin. Nous devons réapprendre à parler. Entre nous. À partir d’un substrat commun, qui serait un savoir, une expérience, une visée. Mais ces impératifs ne se décrètent pas, et leur nécessité n’a pas force de loi. Si l’Histoire est le champ de la liberté humaine, toute prescription historique doit être le fruit de la volonté. Si la force des choses, comme disait Saint-Just, prévaut sur les volontés, nous sommes bien à plaindre, car les peuples occidentaux semblent se ruer vers la servitude volontaire, ou, du moins, la subir avec une résignation proche du suicide.

 

La tentation des groupements, ou des individus, qui désirent retrouver la sensation d’agir sur la réalité politique, consiste, parfois, à récupérer les vestiges des discours idéologiques de jadis, et à essayer de réanimer les vieux fantômes. À vrai dire, même s’il se trouve encore des nostalgiques du fascisme, du nazisme, du stalinisme, et d’autres « ismes », à supposer qu’ils ne soient pas utilisés comme idiots utiles, ils sont de moins en moins crédibles et audibles. Les défenseurs de l’« Occident », néanmoins, semblent être les plus belliqueux des ennemis de l’Europe indépendante et libre. Mais ce qui est sans doute le plus insupportable, c’est l’infection de la parole par des bribes pétrifiées de la parole d’antan, des lambeaux réfrigérés de catéchismes disparus, des stéréotypes de langages poussiéreux. Les meilleures intentions peuvent en être méconnaissables. Cependant, des analystes brillants sont de plus en plus nombreux pour faire comprendre le nouvel état des lieux, et ils rencontrent un certain succès sur la toile. Mais leurs éclairages, aussi subtils et pertinents soient-ils, se manifestent sur le mode de la dénonciation, et n’ont pas prise sur une société atomisée et impuissante, sidérée par les médias propagandistes.

 

Ce qu’il faut concevoir et réaliser, c’est ce lien en même temps exigeant culturellement, et assez pragmatique pour dépasser le cadre d’un cercle élitiste. Ce que j’envisage-là, c’est un travail sur plusieurs dizaines d’années, un projet aussi ambitieux et de longue haleine que la constitution des Écoles cathédrales aux XIe et XIIe siècles. Celles-ci, échappant à l’emprise des monastères, se présentaient comme une forme souple, adaptée à la nouvelle société des villes, et visaient à former les cadres du clergé, puis une élite laïque. Elles étaient groupées autour de Maîtres, qui jouissaient d’une certaine liberté. Tenant pour principe que ce n’est pas dans les vieilles outres qu’on fait le meilleur vin, il nous est nécessaire de trouver la bonne formule pour renouveler, et notre parole commune, et les cadres d’une société que nous pourrions appelée « nôtre ».

 

Il faut sans doute citer Danton : « Il nous faut de l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace, et la France sera sauvée ! » À vrai dire, quel choix avons-nous pour retrouver la vie ? Chacun percevra dans cette citation des raisons de rêver, qui aux élections, qui à la lutte armée. Pour ma part, je ne crois pas qu’on ait quelque espoir de réformer le système. On ne recouvrera pas notre identité en investissant une place qui est tellement reconfigurée, rebâtie, et en grande partie ruinée, qu’on a plus à gagner à restaurer notre demeure à côté de l’ancienne.

 

Nous (sur)vivons dans un cadre de plus en plus totalitaire. La seule question valable devient celle du degré de tolérance que nous accordera encore pour un temps le système. Si nous voulons être libres, vraiment, ce sera une épreuve de vérité que le degré de liberté qui nous sera laissée. La patience dont nous bénéficierons ne sera pas la mesure de la générosité de nos ennemis, mais celle de notre combativité.

 

Quant aux écoles libres, il semblerait qu’elles dussent se répandre, pour des raisons multiples. C’est un phénomène qui se remarque aussi bien en Europe qu’aux États-Unis. Peut-être est-il l’un des symptômes de l’émergence d’une nouvelle société, qui n’existera que par la création de zones libérées, intérieures ou extérieures, mentales ou locales. Comme l’a très bien expliqué Laurent Ozon, l’avenir est à la relocalisation. Ce processus se produira en partie de lui-même, par opposition au gigantisme babylonien d’une logique qui rend la vie, même biologique, impossible. Mais tout ce qui est « culturel » doit être le résultat d’une volonté et d’une organisation.

 

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Le projet d’une École relocalisée, en phase avec notre identité française et européenne, plongeant ses racines dans une mémoire longue, et réactivant le levain de la pensée, de la découverte, de la recherche philosophique et religieuse, s’inscrit dans un programme méta-politique de réappropriation de notre pouvoir historial dans l’espace de notre vie concrète, quotidienne, de proximité, et dans celui, plus vaste, du continent eurasiatique, siège et cœur de notre civilisation, les deux pôles étant intimement liés par un combat vital contre le mondialisme létal.

 

La conjonction historique actuelle est non seulement inédite, car nulle époque ne présente une configuration civilisationnelle telle que toute civilisation, au sens français (qui s’oppose au sens spenglérien) soit devenue impossible, mais aussi particulièrement favorable à une révolution véritable (au sens littéral), c’est-à-dire à un retour aux valeurs traditionnelles (ce qui ne signifie pas « traditionalistes »). En effet, le mondialisme n’est pas un Monde, c’est-à-dire un Ordre, mais un Chaos. Sa logique est illogique, son organisation est l’anarchie, sa hiérarchie est un aplatissement matérialiste des conditions sur le plus petit dénominateur commun de l’animalité. De ce fait, les valeurs suprêmes de l’humanité, celles qui font sens, sacralité, respect, rejoignent les intérêts vitaux des peuples. Aussi semble-t-il possible de joindre les héritages spirituels anciens aux luttes les plus actuelles.

 

C’est pourquoi un mouvement éducatif, fondé sur une enquête individuelle et collective, susceptible de nourrir culturellement la Résistance au système totalitaire qui cultive l’oubli et le néant, est indispensable.

 

Concrètement, je propose un dispositif très modeste, en ayant à l’esprit que, à moyen terme, dans les trente ans, s’il est encore possible d’en arriver là, si une catastrophe n’a pas eu lieu, et si le peuple possède encore quelque degré de résilience, il sera concevable de créer de nouvelles Universités.

 

Ainsi serait-il peut-être envisageable de constituer des structures régionales qui accueilleraient, quel que soit leur niveau scolaire, des hommes et des femmes, de la pré-adolescence à un âge avancé, désireux d’armer culturellement leur désir de retrouver des racines et de renforcer leur combat.

 

L’organisation de tels cercles est à débattre ensemble (1), mais je peux tenter quelques propositions.

 

D’abord, on peut imaginer que ces cercles d’Étude seraient fédérés, et ordonnés selon des degrés de complexité croissante. À la base serait proposée une formation que l’on appellerait « élémentaire », relevant de corpus premiers et allant de soi, sans être d’une difficulté d’approche insurmontable. Puis, un autre niveau, supérieur, serait proposé, avec des problématiques approfondies. Enfin, un cercle de recherche couronnerait le tout, qui donnerait occasion d’une publication régulière.

 

À mon sens, les domaines d’études pourraient être ceux-ci :

 

•L’Histoire (tout ce que l’Éducation nationale laisse tomber) comme passé qui nous a fait ce que nous sommes.

 

• La littérature (grecque, latine, française, européenne) comme témoin de notre sensibilité et de notre esprit.

 

• Les sources philosophiques, comme intelligence de ce que nous sommes.

 

• Les sources religieuses, comme itinéraire de l’âme et lien aux racines.

 

• L’art, comme expression esthétique de notre être.

 

Il va de soi que la participation à de tels cercles serait très large et varié. Un seul critère d’appartenance à cette aventure serait exigé : l’opposition radicale au « nouvel ordre mondial » voulu par le libéralisme globalisé. Quant à l’esprit qui présiderait aux études, ils seraient tout de tolérance, de respect, et de désir ardent de vérité.

 

Claude Bourrinet

 

1 : Les « Cercles » d’Études seraient, bien entendu, d’importance variable, allant de l’unité à un nombre indéfini de membres. Il paraît essentiel, cependant, qu’ils soient situés de telle sorte qu’ils soient assez proches géographiquement. C’est pourquoi une répartition régionale semble appropriée. Quant aux lieux où ils se tiendraient, tout est possible.

 


 

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mercredi, 29 octobre 2014

Les chroniques acérées de Tomislav Sunic

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Les chroniques acérées de Tomislav Sunic

par Georges FELTIN-TRACOL

Les lecteurs d’Europe Maxima connaissent bien sûr notre ami Tomislav Sunic. Ancien diplomate croate et naguère professeur de sciences politiques aux États-Unis, il vécut dans le système titiste yougoslave avant de se retrouver confronté au système occidental étatsunien. Dans les deux cas, il comprit, par-delà les maigres différences de l’un et de l’autre élevées en données majeures rivales, leur fonctionnement similaire. Pour le public francophone, il vient de publier dans une nouvelle collection, « Fahrenheit 451 », dirigée par un autre vieil ami, l’infatigable combattant des ondes Pascal G. Lassalle, un recueil d’articles, d’entretiens et de conférences sobrement intitulé Chroniques des Temps Postmodernes.

 

Richement illustré par les magnifiques peintures du Serbe Dragos Kalajic (1943 – 2005), l’ouvrage développe trois axes principaux : la question de la liberté d’expression en Occident globalitaire, le destin contrarié de l’Amérique d’origine européenne et le sort des Balkans. Tomislav Sunic ne se contente pas d’utiliser les enseignements de la géopolitique. Il met à son profit les connaissances de la philosophie politique, de l’histoire et de la sociobiologie (ou psychologie évolutionnaire).

 

Très attaché à la liberté de recherche en histoire, il ose aborder un talon contemporain : « la “ solution finale ” de la question allemande (p. 113) ». Il s’inquiète de l’instrumentalisation de l’histoire et de son piratage par une mémoire reformatée qui dévalorise l’héroïsme et encourage la victimisation. « L’esprit victimaire découle directement de l’idéologie des droits de l’homme. Les droits de l’homme et leur pendant, le multiculturalisme, sont les principaux facteurs qui expliquent la résurgence de l’esprit victimaire. Quand tous les hommes sont déclarés égaux, chacun a droit à sa victimologie (p. 104). » Toutefois, « dans “ la concurrence mondiale pour la mémoire historique ”, soutient-il, toutes les victimes ne bénéficient pas des mêmes droits (p. 241) ». L’auteur observe que « le Système multiculturel actuel est par force conflictuel : chaque doctrine victimaire persiste dans sa propre unicité et ne se propage qu’aux dépens des autres (p. 245) ». Or « le multiracialisme, qui se cache derrière l’hypocrite euphémisme du “ multiculturalisme ”, mène à la guerre civile et à la haine interraciale. Les Serbes et les Croates, toujours immergés dans leurs victimologies conflictuelles, ignorent toujours que l’Europe occidentale a franchi depuis belle lurette le cap du Camp des Saints et que nous, les Européens, nous sommes tous menacés par une mort raciale et culturelle (p. 99) ». Et c’est gravissime, car « lorsqu’un peuple oublie son mythe fondateur, il est condamné à périr. Pire, il peut se transformer en un agrégat de robots heureux dont le nouveau principe des droits de l’homme universel pourrait n’être qu’un masque pour un hédonisme insouciant (p. 43) ».

 

 

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Dans le même temps, « l’Europe orientale subit deux maux : d’une part, le tragique héritage du mental communiste, d’autre part, la grotesque imitation de la sphère occidentale. […] Les Européens de l’Est absorbent essentiellement le pire de l’Occident : décadence et anomie (p. 84) ». Pourquoi ? Parce que « le communisme a disparu en Europe orientale parce qu’en pratique, il a su beaucoup mieux réaliser ses principes égalitaires en Europe occidentale quoique sous un autre signifiant et sous un autre vocable. Le Système, soit sous son vocable communiste, soit sous son vocable multiculturel, croit que toutes les nations européennes sont remplaçables au sein du Système supra-étatique et supra-européen (p. 215) ». Il en découle que « le libéralisme, avec son jumeau le marxisme et son avatar moderne le multiculturalisme, sont des systèmes profondément inhumains (p. 27) ». Mais, optimisme ou réalisme ?, « l’Amérique actuelle est devenue un système hautement balkanisé qui fonctionne de plus en plus comme l’ancien système soviétique et où les formes élémentaires de “ survivalisme ” de chaque groupe ethnique risquent de déclencher des guerres interraciales (p. 186) ». Toutefois, on ne doit pas se focaliser sur le seul fait étatsunienne. « L’homo americanus n’est pas propre à la seule Amérique. C’est une figure transpolitique mondiale qui réside partout et surtout en Europe (p. 161). » Il remarque enfin que « l’américanisme est devenu un concept liquide qui fonctionne de plus en plus comme un système supra-étatique aux identités disparates (p. 139) ».

 

Avec une rare lucidité, Tomislav Sunic pense que « les grands conflits du futur n’opposeront plus la gauche à la droite, ni l’Est à l’Ouest, mais les forces du nationalisme et du régionalisme au credo de la démocratie universelle (p. 39) » et formule un vœu : « Les Blancs en Europe et en Amérique se doivent de surmonter leur sentiment d’enracinement territorial ainsi que des querelles intra-ethniques : l’identité raciale et culturelle européenne va de l’Argentine à la Suède et de la Russie à bien d’autres coins du globe. Plus important encore : les Blancs doivent clairement accepter leur identité de Blanc (p. 199). » Attention cependant aux éventuels contresens ! Il avertit que « l’Identité, lorsqu’elle repose seulement sur l’hérédité, a peu de sens si elle manque de “ Gestalt ” – si elle refuse de s’assigner un nom, un prénom et un lieu d’origine. Une identité blanche abstraite, dépourvue d’« âme raciale », n’a pas de sens. Nous portons tous des noms et nous traînons tous notre mémoire tribale et culturelle  (p. 205) ». Il prévient par ailleurs que « tous les beaux discours contre l’immigration non européenne, tous les récits sur un certain axe Paris – Berlin – Moscou, tous les projets d’une Europe empire, qui sont de bon ton parmi les identitaires ouest-européens, ne veulent pas dire grand-chose en Europe de l’Est (p. 133) ». Il se méfie en outre du concept d’Empire. « Il nous faut être fort prudent avec l’emploi du vocable “ empire ” – vu que ce terme porte des signifiés fort différents des deux côtés du Rhin – et de l’autre côté de l’Atlantique (p. 298). »

 

Ces précautions indispensables prises, cela n’empêche pas l’auteur d’insister sur « notre ennemi principal : le capitaliste local et son alter ego, le spéculateur globalitaire (p. 142) ». Il suppose dès lors que « très probablement, nous aurons besoin de davantage de chaos dans notre cité, parce que c’est seulement du chaos que de nouvelles élites et un nouveau système de valeurs peuvent émerger (p. 25) ». Le dissident à l’Occident global vient encore de frapper les esprits ! Écoutons et méditons ses judicieux conseils.

 

Georges Feltin-Tracol

 

• Tomislav Sunic, Chroniques des Temps Postmodernes, Avatar Éditions (B.P. 43, F – 91151 Étampes C.E.D.E.X.), coll. « Fahrenheit 451 », 2014, 303 p., 25 €.

 


 

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mardi, 28 octobre 2014

Entretien avec Georges Feltin-Tracol sur son dernier livre "En liberté surveillée"...

Entretien avec Georges Feltin-Tracol sur son dernier livre "En liberté surveillée"...

Propos recueillis par Catherine Robinson

Ex: http://synthesenationale.hautetfort.com

AAA946028896.jpgPrésent : En liberté surveillée est votre cinquième ouvrage. En regardant votre bibliographie, on relève la grande diversité des sujets abordés. Comment êtes-vous venu à écrire ce livre ?

Georges Feltin-Tracol : C’est l’affaire Dieudonné en janvier dernier qui en est l’étincelle. Mon éditeur et ami, Roland Hélie, me demanda une réaction. En y réfléchissant et en utilisant les nombreuses notes extraites de la Grosse Presse, j’en suis arrivé à la conclusion que la censure préventive contre l’artiste s’inscrivait dans un cadre liberticide plus large et plus global. Dès lors, plutôt que de me focaliser sur un seul exemple édifiant, j’élargissais la thématique et en explorait tous les rouages.

Présent : Dans plusieurs chapitres convaincants, vous revenez sur la répression orchestrée par le pouvoir socialiste à l’occasion des « Manifs pour tous ». Mais vous ne cachez pas non plus votre détestation des gouvernements de droite qui l’ont précédé. Pourquoi ?

GF-T : L’histoire des idées politiques françaises montre que ce qu’on appelle la « droite » est souvent d’anciennes gauches poussées à tribord par de nouvelles… Une certaine « droite » intègre déjà en acquis intangibles l’avortement, l’abolition de la peine de mort, etc. Elle se prépare à accepter l’homoconjugalité si bien que dans deux décennies, elle le défendra avec force. En outre, les organisateurs des manifestations anti-loi Taubira ont manqué de courage en ne faisant pas des places de la Concorde ou de la Nation des Maïdan parisiens. Mais il est vrai qu’on ne déclenche pas des révolutions avec des poussettes et des carrées Hermès ! Voir la récupération de ce vaste mouvement populaire par l’UMP, les sarközystes et l’Église de France montre surtout l’ignorance des enjeux par les manifestants. Et puis, sont-ils prêts à manifester contre les ravages du libéralisme, le travail dominical, le contrôle du vivant par les multinationales ou les méfaits de l’immigration ? Je ne le crois pas. Ils veulent conserver cette société. Je souhaite pour ma part la renverser. L’ennemi principal s’appelle par conséquent la droite, le libéralisme, l’Occident.

Présent : À plusieurs reprises, vous employez des néologismes tels que « financialisme », « gendérisme » ou « sociétalisme ». Qu’apportent-ils de pertinent à votre démonstration ?

AAAliberté-surveillée.jpgGF-T : « Financialisme » est un invention sémantique du théoricien russe Alexandre Douguine pour évoquer la toute-puissance du fait marchand et son caractère planétaire. Le « gendérisme » incarne l’idéologie du genre. Quant à « sociétalisme », il repose sur un simple constat : le social, produit du monde du travail, s’efface au profit de préoccupations futiles excessives qui présentent l’avantage de détourner l’attention des peuples du coup d’État bankster. Tous proviennent toutefois de la même matrice délétère.

Présent : Vous n’hésitez pas à vous affranchir des limites territoriales françaises et à regarder l’étranger. La situation est-elle pareille ailleurs ?

GF-T : À peu de choses près, c’est le cas ! La situation hexagonale n’est pas unique. En Allemagne, la liberté d’expression est de plus en plus restreinte. En Grande-Bretagne, la vidéo-surveillance espionne toute la population et poursuit en justice ceux qui ne jettent pas leurs ordures aux heures prévues. Aux États-Unis, l’endettement des ménages constitue un véritable esclavage ultra-moderne. Bref, l’Occident correspond à un effroyable bagne.

Présent : En liberté surveillée est-il un essai foncièrement pessimiste ?

GF-T : D’un pessimiste actif et héroïque ! En dépit des nombreux exemples de déliquescence des libertés publiques et privées, l’espoir demeure avec les concepts révolutionnaires-identitaires de B.A.D. (bases autonomes durables) et d’autochtonopie. Il faut inciter à la sécession froide, douce, discrète, voire secrète et indolore, de nos territoires afin de bâtir une « contre-société » identitaire, solidariste, illibérale et anti-capitaliste. Un travail de très longue haleine !

Georges Feltin-Tracol, En liberté surveillée. Réquisitoire contre un système liberticide, Les Bouquins de Synthèse nationale, 284 p., 23 € (+ 3 € de port), à commander à Synthèse nationale, 116, rue de Charenton, 75012 Paris, chèque à l’ordre de Synthèse nationale.

Site du quotidien Présent cliquez ici

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“Giambattista Vico and Modern Anti-Liberalism”

Counter-Currents Radio
Vico & the New Right

This is Greg Johnson's lecture

“Giambattista Vico and Modern Anti-Liberalism”

delivered at the London Forum on Saturday, September 27, 2014. 

 

Vico.jpgTo download the mp3, right-click here [2] and choose “save target or link as.”

To subscribe to our podcasts, click here [3].

 


 

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lundi, 27 octobre 2014

Anatomie de l'Occident globalitaire

 

 

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Libre Journal des lycéens du 18 octobre 2014 :

“Anatomie de l'Occident “globalitaire” : de l'imposture sécuritaire à la tyrannie liberticide”

 

Par Pascal Lassalle

 

Pascal Lassalle recevait Georges Feltin-Tracol, essayiste, conférencier, rédacteur en chef du site Europe Maxima. Thème : “Anatomie de l'Occident “globalitaire” : de l'imposture sécuritaire à la tyrannie liberticide”.

Pour écouter:

http://www.radiocourtoisie.fr/22436/libre-journal-des-lyceens-du-18-octobre-2014-anatomie-de-loccident-globalitaire-de-limposture-securitaire-a-la-tyrannie-liberticide/

 

samedi, 25 octobre 2014

Terre & Peuple Magazine n°61

Le nouveau numéro (n°61) de "Terre et peuple magazine" est paru :

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En savoir plus cliquez ici

lundi, 20 octobre 2014

En souvenir de Jean Mabire

Robert Steuckers:

En souvenir de Jean Mabire

jm2.jpgPour autant que je m’en souvienne, j’ai dû lire Jean Mabire pour la première fois en 1972, dans un numéro spécial d’“Historia”, sans trop bien me souvenir si l’article était signé Henri Landemer ou de son nom propre. C’était la belle époque de nos adolescences, que je narre très superficiellement dans mon hommage à Yves Debay, camarade d’école, futur directeur des revues “Raids” et “L’Assaut” et bien entendu, fervent lecteur précoce, lui aussi, de Jean Mabire. Finalement, par le biais des premiers numéros d’“Eléments”, au début des années 70, l’image de Jean Mabire, écrivain, se précise pour moi: non seulement, il est celui qui narre, avec simplicité et puissance, la geste des soldats de tous horizons mais il est aussi celui qui s’intéresse aux réalités charnelles et vernaculaires, au vécu des gens, disciple qu’il est, à ce niveau-là, d’Olier Mordrel, l’ancien directeur de la revue nationaliste bretonne “Stur”, pour qui l’engagement devait être dicté par les lois du vécu et non par des abstractions et des élucubrations intellectuelles. Mordrel et Mabire sont en ce sens nos “Péguy” païens, ceux qui nous demandent d’honorer les petites et honnêtes gens de chez nous, nos proches, nos prochains, et d’honorer aussi le brave soldat qui, avec l’humilité de sa condition, accomplit son devoir sans récriminer.

C’est en 1981 d’ailleurs que je rencontre pour la première fois Jean Mabire, en chair et en os, lors de la présentation du livre d’Olier Mordrel, “Le Mythe de l’Hexagone”, à Paris, dans une salle au pied de la Tour Montparnasse. Quand Jean Mabire est entré et s’est tout de go dirigé vers la table où Mordrel signait ses livres, c’est un véritable bulldozer de joie de vivre, de ferveur, d’énergie qui a fait irruption dans cette salle surchauffée et enfumée. Nous nous sommes simplement salué sans entamer la moindre conversation. Il faudra attendre quelques années, je crois, pour que nous nous retrouvions face à face, au “Dauphin”, à Paris, avec Pierre Vial et pour que nous entamions une conversation plus approfondie sur des sujets divers, tournant tous bien sûr autour des deux thèmes de fond qui nous sont chers: l’enracinement et l’aventure. J’y reviens. Depuis ce déjeuner au “Dauphin”, Mabire m’adressera chacun de ses livres, assortis d’une gentille dédicace. Nous nous reverrons dans le Beaujolais, milieu des années 80, où le G.R.E.C.E. avait organisé une “Fête de la Communauté” et où Jean Mabire, ainsi que Robert Dun, tenaient des stands pour vendre et dédicacer leurs ouvrages. Guibert de Villenfagne de Sorinnes m’avait accompagné, avec son épouse et sa fille, et y a acheté le livre de Jean Mabire sur les “Chasseurs alpins” pour l’offrir à son père Jacques, un des organisateurs du régiment des Chasseurs ardennais, dès les années 20 avec le Colonel Chardome, puis combattant du front de la Lys pendant les “Dix-Huit” jours de mai 1940 et animateur du maquis de la Semois pendant la deuxième guerre mondiale.

Quand Jean Mabire débarque à Bruxelles, fin des années 80, pour venir présenter ses ouvrages sur les “Bourguignons”, il me demande de lui servir de guide pour trouver la salle à Sterrebeek, qui doit le recevoir. Nous y apprenons la mort, sur l’autoroute Liège-Bruxelles, d’un ancien (très jeune) officier, venu chercher son exemplaire et sa dédicace particulière, lui, le défenseur des quais de Stettin à l’âge de dix-huit ans... J’avais connu son fils en 1983, qui lui ressemblait comme deux gouttes d’eau, à l’Hôpital militaire de Neder-over-Hembeek, affligé qu’il était d’une maladie infectieuse, émacié sur son lit mais gardant, héritage paternel, un regard de feu et la fibre énergique que nous aimons voir vibrer chez nos interlocuteurs. La transmission avait été faite, aussi par l’apport d’Alexis Curvers et de Marcel Decorte, mais la Parque, méchante, avait tranché le fil qui reliait le Lieutenant Régibeau, valeureux Liégeois, à la vie.

jm3.gifJean Mabire m’invite ensuite, près de dix ans plus tard, à l’Université d’été des “Oiseaux Migrateurs”, un mouvement de jeunesse qui lui tenait fort à coeur. Au programme de la journée que j’ai animée avec d’autres: le long processus d’unification de l’Hexagone à partir du bassin de la Seine et de l’axe Paris-Orléans, soit la distance la plus courte entre la Seine et la Loire. Belle leçon de géopolitique, sur le modèle d’un cours prodigué à l’Ecole de guerre et évoqué, sous Weimar, par deux éminents géopolitologues allemands, aujourd’hui oubliés et pillés, Henning et Körholz! Personnellement, je devais parler de l’époque de la christianisation de l’Europe, entre l’effondrement mérovingien, le renouveau pippinide et la renaissance carolingienne. Mais une fois de plus, ce furent nos longues conversations vespérales puis à la terrasse d’une taverne de village qui furent les plus passionnantes: sur la Normandie, sur la métapolitique, sur l’histoire en général et surtout, ces jours-là, sur l’oeuvre de Marc. Eemans, qui venait tout juste de décéder à Bruxelles. Mabire était fort ému: il avait appris le décès du peintre surréaliste, poète et historien de l’art quelques jours auparavant. Deux jours après l’annonce de cette triste nouvelle, Mabire avait reçu une dernière lettre du peintre, prouvant que celui-ci avait bien l’intention de demeurer actif, au-delà de ses 91 ans. Mabire avait déjà été victime de la maladie qui devait l’emporter un peu moins de huit ans plus tard: il avait gagné la première bataille. Il était heureux. Actif. Nous partagions le même dortoir, sur un matelas, à même le sol, comme en bivouac. Mabire était septuagénaire et ne craignait pas les nuits à la spartiate, sur une paillasse à même le carrelage. Je me suis promis de faire pareil, au moins jusqu’à 75 ans. Jusqu’ici, j’ai tenu ma promesse.

Je reverrai ensuite Mabire près de Lille, où il était venu prononcer une conférence sur Drieu la Rochelle dans le cadre des activités de “Terre & Peuple”, magistralement gérées par le camarade Pierre Loubry à l’époque. Mais, la plus poignante de nos rencontres fut incontestablement la dernière, début décembre 2005. C’était dans le cadre du “Cercle de Bruxelles” de l’époque, qui se réunissait le plus souvent rue des Renards, près du “Vieux Marché” (cher à Hergé qui l’a croqué dans “Le Secret de la Licorne”). Les membres et animateurs du “Cercle de Bruxelles” —dont le regretté Ivan de Duve, mort en mars 2014—  avaient décidé de dîner avec Jean Mabire dans un restaurant animé par la Comtesse de Broqueville, la “Flûte enchantée”, également situé dans les Marolles. Ce restaurant était un resto du coeur de haute tenue: on y jouait du Mozart, forcément, mais aussi les meilleurs morceaux de jazz, on y avait organisé une bibliothèque et les démunis pouvaient manger chaque jour à leur faim un repas complet, en trois suites, pour 3,50 euro, servi par des garçons en veste blanche, avec boutons argentés et belles épaulettes. Ceux-ci étaient généralement des musiciens ou des chanteurs d’opéra venus d’Europe orientale ou de l’ex-URSS, qui logeaient aux étages supérieurs pour un loyer plus que modeste et, en échange, servaient en semaine les démunis du quartier. Les samedis et les dimanches, le restaurant était ouvert au public: on y servait le même repas qu’aux démunis mais on le facturait 20 euro. Les bénéfices étaient affectés à la cuisine et permettaient, sans déficit, de nourrir les déclassés pendant une semaine. Le “Cercle de Bruxelles” avait décidé de participer avec Jean Mabire, à une conférence organisée à la “Flûte enchantée” par les “Patagons”, les amis de Jean Raspail. Un couple qui avait vécu au fin fond de la Patagonie et y avait rencontré Raspail dans la gargotte au milieu de nulle part, qu’il avait construit de ses mains, nous a évoqué ces voyages de l’auteur du “Camp des Saints” dans un pays dont la nature est pleine de contrastes: où un glacier coule le long d’une forêt tropicale ou d’un désert aride. Les orateurs commentaient un vaste diaporama, illustrant cette luxuriance ou cette aridité, ces paysages si diversifiés. On comprenait dès lors la fascination de Raspail pour cette région du monde.

jm4.pngAprès la conférence et le diaporama, les conversations sont allés bon train. Mabire était certes marqué par le mal sournois qui le rongeait. La présence de la maladie était palpable mais Maît’Jean, superbe, l’ignorait délibérément, faisait comme si elle n’était pas là. Il parlait comme il avait toujours parlé: Ana, Hupin, de Duve, moi-même, nous l’écoutions, muets, car il exprimait sans détours tous les enthousiasmes qui animaient sa carcasse d’enraciné normand, de combattant des Aurès, d’écrivain prolixe. Son érudition, dépourvue de toute sécheresse, relèvait indubitablement de ce “gai savoir” que préconisait Nietzsche. Mabire, effectivement, avait franchi les caps que Nietzsche nous a invités à franchir: il n’était plus —et depuis longtemps!— le chameau de la fable du Zarathoustra de Nietzsche qui traînait un savoir lourd et sans joie ni le lion qui se révoltait contre les pesanteurs des prêtrailles de tous poils et cassait tout autour de lui: il était devenu un compagnon de l’enfant joyeux et insouciant qui joue aux billes, qui ne voit malice nulle part, qui n’est pas affecté par les pesanteurs et les ressentiments des “derniers hommes”. La faconde de Jean Mabire, en ce 9 décembre 2005, a été une formidable leçon de virilité romaine, de stoïcisme joyeux. Le flot ininterrompu des joies et des aventures, des pieds-de-nez aux sots qui nous gouvernent ou, pire, veulent gouverner nos âmes, ne doit pas s’interrompre, même si l’on doit mourir demain. En écrivant ces lignes, je nous revois sur le trottoir, en face de la “Flûte enchantée”, et je revois les yeux perçants de Mabire qui se braquent sur moi et m’intiment l’ordre de continuer le combat auquel il ne pourra bientôt plus participer. Et puis il me serre longuement la pince, la secoue doucement: je sens l’adieu du chef. Je ne pourrai plus jamais me dérober. Je me disais souvent: “J’y suis, j’y reste!”. Après l’ultime poignée de main de Mabire, je dis: “J’y suis et j’y resterai!”.

ete-rouge-de-pekin.jpgTelle fut donc ma dernière rencontre avec Mabire. La plupart de nos conversations passaient toutefois par le téléphone. Comment exprimer l’essentiel de ce qui est passé entre lui et moi, entre l’écrivain et le lecteur, entre l’ancien qui évoque ses idées et ses sentiments et le jeune homme qui écoute? Mabire, c’est avant tout un charisme, sûrement inégalé dans l’espace politico-idéologique qui est le nôtre. Mabire a traité des sujets brûlants, controversés, sans jamais blâmer les hommes dont il décrivait les aventures et les sentiments, fussent-ils totalement contraires aux principes figés de la “rectitude politique”. Mabire était capable de balayer les objections par le simple ton de sa voix, toujours enjouée et chaleureuse. Et de fait, Mabire n’a jamais été vraiment attaqué par les petits organes de presse, chargés par le système et ses polices de traquer les non-conformistes et de leur tailler “un beau costume”, pour qu’ils soient honnis par la postérité, houspillés hors des cercles où l’on cause, hors des médias, couverts d’opprobre. Souverain et parfaitement maître de sa propre parole, Mabire a largement échappé, grâce à son charisme si particulier, aux chasses aux socières, dont il n’aurait, de toutes les façons, pas eu cure.

Le fond philosophique de la vision du monde de Mabire est un existentialisme, le seul vrai. Né dans la seconde moitié des années 20, Mabire vit son adolescence pendant la seconde guerre mondiale et arrive à l’âge adulte en 1945, quand sa Normandie a été totalement ravagée par les bombardements alliés et les combats, quand s’amorcent des années de déchéance et de misère pour la vieille Europe, une ère noire que les historiens ne commencent qu’à décrire aujourd’hui, notamment dans les pays anglo-saxons: je pense à Ian Buruma et à Keith Lowe, auteurs de livres à grand succès sur la déréliction de l’Europe entre 1945 et 1952. L’engouement littéraire de cette époque est l’existentialisme, dont on ne retient que les figures de Sartre et de Camus, avec leur cynisme ou leurs interrogations morales biscornues et alambiquées. Cependant le primat de l’existence sur l’essence —ou plutôt le primat de l’existence sur les fabrications purement intellectuelles ou les morales désincarnées— peut s’interpréter en un tout autre langage: l’aventure, la projection de soi vers un monde souvent dangereux, vers un monde non conforme, sont des formes d’engagement, politique ou non, plus pétulantes, plus enthousiastes, plus fortes que l’immersion facile dans les glauques caves “existentialistes” des quartiers branchés de Paris dans les années 50 où l’on protestait en abandonnant toute tenue, toute forme et surtout toute éthique. L’oeuvre toute entière de Mabire, y compris son oeuvre militaire, est l’affirmation haute et claire du primat des existences fortes, des volontés tranchées mais cette fois trempées dans une beauté, une luminosité, une éthique naturelle et non affichée, que le sinistre sartrisme, ponctué de sa jactance politicienne et communisante, ne possédait évidemment pas.

jm5.gifBernard Garcet, qui avait animé les écoles de cadre du mouvement “Jeune Europe” de Jean Thiriart, au moment où Mabire, avec Venner, côtoyait “Europe-Action”, le MNP et le REL, nous a un jour rappelé un cours qu’il avait donné et où était esquissée l’humanité idéale que devait incarner le militant de “Jeune Europe”: une humanité enracinée et désinstallée. Quant à l’humanité en déchéance qui avait promu la société triviale du “coca-cola et du frigidaire de Tokyo à San Francisco”, elle était, aux yeux des cadres formateurs de “Jeune Europe”, déracinée et installée. Mabire recourait aux racines, —normandes pour lui— et prônait le grand large, l’aventure, le désinstallement. Le bourgeois frileux, fustigé par tous les existentialistes, y compris les sartriens, n’avait plus le souci de ses racines et s’installait dans un confort matériel post bellum que secoueront pendant un bref moment les plus pugnaces des soixante-huitards. Mabire a donc été un homme de son temps. Mais il a clairement dépassé l’existentialisme mainstream de la place de Paris, qui n’est qu’une sinistre caricature, expression de la trivialité d’une époque de déclin, d’endormissement des énergies.

La désinstallation, pour Mabire, était éveil et aventure. La notion d’éveil, chez lui, est un éveil permanent au message subtil des racines, à leur chant intérieur qui doit nous saisir et nous mobiliser entièrement. C’est dans cet esprit que Maît’Jean a voulu entamer une longue enquête sur les “éveilleurs de peuple”, dont, hélas, un seul volume seulement paraîtra chez Fayard, vu le désintérêt du public français pour ces figures d’Irlande, de Hongrie ou de Danemark. La notion d’éveilleur est la marque la plus patente du “Jungkonservativismus” de Mabire. Il entend conserver les valeurs innées du peuple, avec ses éveilleurs, mais les mettre au service d’un bouleversement régénérateur qui va culbuter les notables moisis de l’univers de Mauriac, les modérés d’Abel Bonnard, ceux qui se délectent dans les compromis. Mais l’élément “jung”, l’élément de jeunesse, est précisément ce qui doit redonner en permanence un élan nouveau, un “Schwung”, à une entité politique ou à un groupe ethnique marginalisé et persécuté. Cela amène notre Maît’Jean tout droit dans l’optique de la philosophie sphérique de l’histoire, mise en exergue par Armin Mohler dans son célèbre ouvrage sur la “révolution conservatrice” allemande des années 1918-1932. Pour la “révolution conservatrice”, tributaire de la nietzschéanisation de la pensée allemande, le temps historique n’est ni linéaire ni cyclique, c’est-à-dire ni messianique/déterminé ni répétitif/déterminé mais sphérique, c’est-à-dire qu’il reçoit à intervalle régulier —quand les âmes cessent soudain de subir le processus d’endormissement— l’impulsion d’élites, de peuples vivants, de personnalités énergiques, donc d’éveilleurs, qui le poussent dans le sens voulu par leurs volontés. Il n’y a pas d’existentialisme possible sans ces coeurs rebelles, sans ces cerveaux hardis, sans ces peuples enracinés, sans ces éveilleurs aventureux.

Jean Mabire est aussi notre encyclopédiste. Sa série “Que lire?”, issue d’une chronique dans “National-Hebdo”, nous indique la voie à suivre pour saisir justement, dans les patrimoines littéraires européens, toutes les facettes possibles de cet existentialisme profond et impassable qui fera, un jour encore, bouger les choses, culbutera les institutions vermoulues, impulsera à la sphère du temps une direction nouvelle. Les “Que lire?” sont donc des bréviaires, qui attendent, d’une génération nouvelle, de recevoir suite. Où sont les volontaires pour constituer l’équipe?

Robert Steuckers.

Forest-Flotzenberg, 25 mai 2014.

mercredi, 08 octobre 2014

Robert Steuckers:De quelques questions géopolitiques inhabituelles

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Robert Steuckers:

De quelques questions géopolitiques inhabituelles

 

Entretien accordé à J. P. Zúquete, dans le cadre d’un mémoire universitaire

 

Acceptez-vous l’étiquette de “nouvelle droite”?

 

Personne dans la “nouvelle droite” ou en marge de celle-ci n’a jamais accepté l’étiquette, inventée par les journalistes dénonciateurs du Nouvel Observateur de Paris en 1979. Seul peut-être Jean-Claude Valla, aujourd’hui décédé, a-t-il profité de ce label pour ancrer son équipe dans le paysage journalistique français, à une époque où elle investissait le Figaro Magazine. Dans le cadre de ce nouvel hebdomadaire à succès, dirigé par Louis Pauwels, cette étiquette pouvait séduire. Aujourd’hui, il convient de dire tranquillement qu’elle n’est plus de mise, qu’elle est une sorte de vocable-reliquat, de joujou idéologique pour faire mousser les dinosaures d’une gauche hystérique et groupusculaire, généralement utilisée par les services pour perpétrer des “coups tordus”. L’évolution ultérieure de quasi tous les animateurs du “Groupe de Recherche et d’Etudes pour la Civilisation Européenne” (ou GRECE) et, même, du “Club de l’Horloge” (qui en était distinct à partir de la fin des années 70), a amené leurs réflexions bien au-delà de l’ensemble circonscrit des droites françaises, sans pour autant nier certaines bases théoriques qui sont soit conservatrices au sens le plus général du terme, soit nationalistes-révolutionnaires, au sens proudhonien du terme ou au sens du non-conformisme des années 30. Alain de Benoist, qui aime qu’on écrive de lui qu’il est une “figure de proue” de ce mouvement dont il récuse pourtant l’étiquette, ne peut plus, aujourd’hui, être considéré comme appartenant au champ des droites françaises, vu qu’il s’est très nettement démarqué de l’actuelle idéologie dominante, le néo-libéralisme, flanqué de son cortège d’idéologèmes boiteux et de nuisances idéologiques que l’on appelle le “politiquement correct”.

 

Les animateurs de la “nouvelle droite” (selon l’étiquette forgée par le Nouvel Observateur) n’ont donc pas adopté les schèmes du néo-libéralisme, toutes variantes confondues, et n’ont jamais embrayé sur la vague néo-atlantiste que l’on observe en France depuis l’arrivée de Mitterrand au pouvoir en 1981, vague qui s’est renforcée et a submergé les ultimes redoutes du gaullisme de tierce voie. En critiquant le néo-libéralisme, comme nouvelle idéologie nuisible et posée par ses thuriféraires comme universaliste, et en refusant la logique atlantiste, ces animateurs dits “néo-droitistes” ont forcément emprunté des formes critiques auparavant ancrées à gauche de l’échiquier idéologique français et abandonné l’anti-gaullisme des vieilles droites françaises pour opter en faveur d’une sorte de néo-gaullisme, hostile aux politiques suggérées par l’hegemon américain depuis Carter et Reagan. La critique du néo-libéralisme (toutefois assez insuffisante au sein de l’actuelle “post-nouvelle-droite” quant au nombre de textes fondateurs) et le rejet de l’atlantisme des post-gaullistes et des socialistes font que les avatars actuels de la “nouvelle droite” —fustigée par les journalistes du Nouvel Observateur en 1979— sont l’expression d’une fusion originale d’éléments auparavant (et apparemment) hétérogènes. Par rapport à ce qu’elle a pu être éventuellement dans sa préhistoire (années 60 et première moitié des années 70) ou à ce qu’elle était quand une partie de ses animateurs investissait avec Jean-Claude Valla le Figaro Magazine de Louis Pauwels, le mouvement pluriel (à têtes multiples) que l’on appelle toujours par convention et par paresse intellectuelle la “nouvelle droite” constitue aujourd’hui une synthèse nouvelle, qui opère des convergences, mais toujours partiellement, avec des mouvements issus de milieux complètement différents, ancrés ailleurs avant 1979 ou nés de circonstances nouvelles, propre aux années 90 du 20ème siècle ou aux quinze premières années du 21ème.

 

Reste aussi à signaler que les rangs de la génération fondatrice se sont éclaircis, par la force des choses, et que les réflexes politiques et les sentiments de ces anciens ne sont plus nécessairement partagés par des générations nouvelles (moins nombreuses toutefois) qui, sociologiquement parlant, ont eu d’autres jeux, d’autres distractions, vécu au sein d’un système scolaire différent (et surtout déliquescent), se sont plongées dans l’univers de l’informatique puis du multimédia, n’ont plus que de vagues souvenirs des réalités si pesantes, si déterminantes, d’avant 1989 (guerre d’Algérie, décolonisation, Rideau de Fer, bloc soviétique, etc.).

 

J’appartiens évidemment à une fournée tardive qui s’est forgé dès la prime adolescence une vision du monde alternative, disons, à partir de l’année 1970, où j’avais quatorze ans. La période de maturation première et confuse s’est déroulée jusqu’en 1974, année où j’achève mes secondaires et où je rentre à l’université. Dès 1974, ma vision philosophique et politique se précise grâce à des amis comme Bernard Garcet, Frédéric Beerens, Alain Derriks, etc. Ces citoyens belges ne sont évidemment pas marqués par les événements d’Algérie, comme leurs contemporains français, et ne raisonnent jamais selon les clivages habituels du monde politique français, en dépit de la très forte influence de la presse et des médias français sur la partie francophone de la Belgique (j’étais le seul qui lisait en néerlandais et en allemand, vu que j’étudiais les langues). Garcet s’intéressait surtout à l’école italienne (Mosca, Pareto), Beerens aux sciences de la vie (Konrad Lorenz, Robert Ardrey), Derriks, journaliste de formation, aux idéologies politiques, à l’actualité la plus brûlante. C’est dans nos échanges hebdomadaires, ou au cours de voyages, où nous commentions nos lectures et l’actualité, que mes options personnelles se sont consolidées entre 1974 et 1980, années où, justement, la géopolitique revient à l’avant-plan, surtout parce que depuis le coup de Kissinger, qui parvient en 1972 à s’allier à la Chine maoïste, on s’aperçoit, d’abord timidement, que les critères géopolitiques pèsent plus lourd que les positions idéologiques. Derriks et moi potasserons —suite à un article de la revue évolienne et “traditionaliste-révolutionnaire” Totalité, animée par Georges Gondinet, Philippe Baillet et Daniel Cologne— le travail du général italien Guido Giannettini (Dientre la Granda Muraglie) qui fut quasiment le premier à préconiser un renversement d’alliance pour l’Europe: si les Etats-Unis, sous l’impulsion de Kissinger et de Nixon, s’alliaient à la Chine pour faire pression sur l’Union Soviétique et pour se maintenir par la même occasion en Europe occidentale, il fallait, sans adopter nécessairement le système économique communiste, s’allier à Moscou pour fédérer les peuples de souche européenne dans la partie septentrionale de l’Eurasie. Jean Parvulesco et Jean Thiriart emboîteront le pas. Par ailleurs, Alexander Yanov, un dissident libéral soviétique exilé en Californie, hostile au néo-slavisme officiel en plein développement dans l’URSS d’alors, démontrait que la néoslavophilie du régime et de la dissidence enracinée s’opposait à un occidentalisme russe présent dans la dissidence (Sakarov) et dans le PCUS au pouvoir. Notre position face à cette première définition par le libéral-occidentaliste Yanov de la “Russian New Right” (1): soutenir la néo-slavophilie dans le régime et dans la dissidence, chez Valentin Raspoutine, primé en URSS, et chez Soljénitsyne, exilé dans le Vermont. Position implicitement partagée par de Benoist (qui recense l’ouvrage de Yanov dans les colonnes du Figaro Magazine) et par l’observateur du monde slave dans la presse non conformiste allemande de l’époque, Wolfgang Strauss, ancien déporté du Goulag de Vorkhuta, qui n’a cessé de plaider pour une alliance de tous les slavophiles.

 

Les travaux géopolitiques de Jean Thiriart ont-ils influencé vos thèses sur l’Europe?

 

robert steuckers, entretien, géopolitique, politique internationale, nouvelle droite, synergies européennes, jean thiriart, ayméric chauprade, front national, eurasisme, eurasie, brics, Jean Thiriart n’a pas, à proprement parlé, rédigé de travaux spécifiquement géopolitiques. Dans les années 60, à l’apogée de son engagement politique sur la petite scène belge (assurément trop étroite pour lui!), il a cependant montré qu’il avait du flair en la matière. Dans l’espace de plus en plus réduit de ceux qui déploraient la défaite européenne (et non pas seulement allemande) de 1945, Thiriart, qui avait horreur des nostalgies qu’il considérait comme des anachronismes incapacitants, voulait réconcilier les volontés, de gauche comme de droite, rejetées dans les marges de nos mondes politiques au moment où se déployait la société de consommation, celle “du frigidaire et du Coca-Cola de Tokyo à San Francisco”. On peut évidemment affirmer que Thiriart opte pour cette position —celle de réconcilier les volontés apparemment hétérogènes sur le plan idéologique— afin d’adopter un discours de “libération continentale”, de dégager l’Europe de l’Ouest et l’Europe de l’Est de la bipolarité instaurée à Yalta en 1945, parce qu’il est lucide et rationnel et sent bien que cette césure au beau milieu du continent entraîne, sur le long terme, la déchéance de notre espace civilisationnel. De fait, Thiriart vouait aux gémonies les irrationalismes politiques, ce qu’il appelait les “romantismes incapacitants”, les délires du “zoo politique” et du “racisme des sexuellement impuissants” relevant, selon lui, psychanalyste amateur à ses heures, de la psycho-pathologie et non de la “politique politique”, selon l’expression de Julien Freund, autre pourfendeur des “impolitismes”. Thiriart ne mâchait jamais ses mots, il avait la parole dure, il nous engueulait copieusement et c’est surtout pour cela que je me souviens de lui avec grande tendresse, notamment en circulant dans le quartier que nous habitions tous deux et où je le vois encore promener son chien noir ou embarquer dans son mobile-home, monté sur 4X4 Toyota. Cependant —et nous ne le devinions que vaguement— Thiriart était tributaire d’un contexte idéologique d’avant-guerre, aujourd’hui exploré pour la première fois scientifiquement, et de manière exhaustive.

 

robert steuckers, entretien, géopolitique, politique internationale, nouvelle droite, synergies européennes, jean thiriart, ayméric chauprade, front national, eurasisme, eurasie, brics, En effet, il existait un “européisme” belge avant 1940, qui avait pris son envol au lendemain de la première guerre mondiale. Docteur en histoire à l’Université catholique de Louvain, Geneviève Duchenne a systématiquement cartographié ces “esquisses d’une Europe nouvelle” (2), où les adversaires de toute réédition de la Grande Guerre évoquaient les possibilités de transcender les inimitiés létales qui avait fait déchoir l’Europe face, notamment, aux Etats-Unis montants ou face, déjà, à une URSS qui se targuait de forger un modèle de société indépassable, annonçant au forceps “la fin heureuse de l’histoire”. Parmi ces mouvements européistes, ou paneuropéens (Coudenhove-Kalergi), il y eut le “Bloc d’Action européenne”, qui a émergé dans les milieux d’une gauche très non conformiste, sympathique et anarchisante, “Le Rouge et le Noir”, où officiait Pierre Fontaine qui, après 1945, évoluera vers une “droite” représentée par l’hebdomadaire Europe magazine (première mouture); ensuite, ce “Bloc d’Action”, qui a oeuvré de 1931 à 1933, fut suivi d’un “Front européen” (1932-1933), animé par des diamantaires juifs d’Anvers et par des Flamands francophones, plutôt catholiques, actifs dans la biscuiterie, se réclamant de l’idéologie briandiste, fustigée par les nationalistes d’Action française. De 1932 à 1940, se crée l’”Union Jeune Europe” (UJE), dont l’inspiration initiale sera “helvétisante” —on veut une Europe démocratique selon le modèle suisse—, comme l’attestent ses premiers bulletins Agir puis Jeune Europe. L’UJE plaide pour un recentrage continental européen, jugé plus efficace que la fédération universelle qu’entendait incarner la SdN. Le mouvement cherchera, sous la bannière du briandisme, à parfaire une réconciliation belgo-allemande, à purger les discours politiques de toutes les scories de germanophobie, en vigueur depuis le viol de la neutralité belge en août 1914. Il finira germanophile au nom d’un pacifisme intereuropéen. Il est difficile de dire, aujourd’hui, quels sont les ingrédients de ces discours briandistes et paneuropéens, plus ou moins germanophiles, qui ont influencé le jeune Thiriart entre, disons, 1937 et 1940. Il est toutefois évident que les strates pensantes de la société belge d’avant-guerre, à gauche comme à droite de l’échiquier politique, optent pour une carte européiste, qui pourra éventuellement déboucher sur une forme ou une autre de collaboration pendant la seconde guerre mondiale. Après 1945, les factions non collaboratrices reprendront les aspects les plus “démocratiques” de ce briando-européisme et l’appliqueront au processus de construction européenne, comme le démontre l’historienne flamande Els Witte (VUB) (3), qui constate aussi, par ailleurs, que les historiens qui ont plaidé pour ces formes “démocratiques” (néo-briandistes, sociales-démocrates et maritainistes/démocrates-chrétiennes), entendaient se débarrasser de “tout finalisme belgiciste”, c’est-à-dire de tout finalisme “petit-nationaliste”, comme le dira Thiriart, en fustigeant les éléments nationalistes et “belgicistes” de droite, présents dans son propre mouvement “Jeune Europe” au début des années 60.

 

Je ne pense pas que l’on puisse encore penser l’originalité marginale du mouvement “Jeune Europe” de Thiriart sans prendre en compte le contexte fort vaste de l’européisme belge de l’entre-deux-guerres, cartographié par Geneviève Duchenne. En résumé, pour Thiriart, avatar tardif et résilient de cet européisme d’avant 1940, il faut faire l’Europe en réconciliant les Européens, en créant les conditions pour qu’ils ne se fassent plus la guerre, et mettre un terme à toutes les formes non impériales de petit nationalisme diviseur. Vers 1968-69, Thiriart constate, avec grande amertume, que ce projet européiste, qu’il a cultivé, en lisant Pareto, Freund, Machiavel, Hobbes, etc., ne peut pas se concrétiser au départ d’une petite structure militante, en marge du monde politique officiel, parce que de telles structures n’attirent que des marginaux, des délirants ou des frustrés (“Je ne veux plus voir tous ces tocards...”, me dira-t-il à bord de son voilier, un jour très froid de printemps, au large de Nieuport). Il abandonne la politique et ne reviendra sur scène qu’à la fin de l’année 1981, où, comme Giannettini et Parvulesco, il opte pour un projet “euro-soviétique”, affirmant par la même occasion que l’Europe ne peut se libérer du joug américain —de plus en plus pesant au fur et à mesure que l’URSS déclinait— qu’en regroupant ses forces contestatrices du statu quo autour d’une structure comparable au PCUS et à un avatar réactualisé du “Komintern”. Thiriart, bien qu’assez libéral sur le plan économico-social, opte pour une logique néo-totalitaire, pour un communisme rénové et mâtiné de nietzschéisme. Quand s’effondre l’Union Soviétique et que la Russie tombe dans la déchéance eltsinienne, il fait connaissance avec Alexandre Douguine, lui rend visite à Moscou et espère que les forces patriotiques et néo-communistes russes vont renverser Eltsine, transformer la nouvelle Russie en un “Piémont” capable d’unir l’Europe et l’Eurasie sous l’égide d’une idéologie néo-communiste nietzschéanisée (Thiriart lisait le seul exégète soviétique de Nietzsche, un certain Odouev). Deux mois après être revenu de sa tournée moscovite, dont il était très heureux, Thiriart meurt d’un malaise cardiaque dans son chalet ardennais, en novembre 1992.

 

J’ai été tributaire de l’européisme de Thiriart parce que j’avais découvert un exemplaire de son ouvrage 400 millions d’Européens chez un bouquiniste, plusieurs années avant de le rencontrer personnellement dans son magasin d’optique, avenue Louise à Bruxelles. Nous avons échangé de nombreuses impressions, par lettres et de vive voix, entre 1981 et sa mort, en novembre 1992.

 

Croyez-vous possible un front commun eurasiatique contre le “nouvel ordre mondial” américain?

 

Ce front commun existe déjà, dans le chef du Groupe dit de Shanghaï et dans le BRICS, qui s’étend à l’Amérique latine, avec le Brésil et, partiellement, l’Argentine, et à l’Afrique avec la République sud-africaine. Ce groupe vise la “dé-dollarisation”, qui ne prendra pas effet tout de suite mais érodera lentement la domination de la monnaie américaine dans le domaine des échanges commerciaux internationaux. Ensuite, le centre de la masse continentale eurasiatique sera unifié par le réseau des gazoducs et oléoducs qui amèneront les hydrocarbures vers l’Ouest, c’est-à-dire la Russie (et éventuellement l’Europe si elle s’abstient de maintenir les sanctions exigées par les Etats-Unis), et vers l’Est, c’est-à-dire la Chine et l’Inde. Ce réseau est dans l’espace-noyau eurasien, celui qui était à l’abri des canons des “dreadnoughts” britanniques, et qui ne peut être conquis au départ du “rimland” littoral, seulement bouleversé par des guerres de basse intensité, menée par des fondamentalistes fous. Par ailleurs, la Chine a déjà, fin des années 90, exigé que l’interprétation des “droits de l’homme” par le Président américain Carter et ses successeurs soit contre-balancée par des éléments éthiques issus d’autres civilisations que l’occidentale, notamment des éléments bouddhistes, taoïstes et confucéens, et que ces “droits de l’homme” ne puissent jamais plus servir de prétexte pour s’immiscer dans les affaires intérieures d’un pays ou y générer du désordre. Le front uni eurasiatique, s’il veut exister un jour comme facteur incontournable sur l’échiquier planétaire, doit donc agir sur trois fronts: celui de la dé-dollarisation, celui de l’aménagement du réseau des oléoducs et gazoducs sur la masse continentale eurasiatique, celui du principe sino-confucéen de la non-immixtion, assorti d’une diversification éthique et philosophique de l’interprétation des “droits de l’homme”.

 

Quelles sont les différences pour vous entre Eurosibérie et Eurasie?

 

Le terme d’Eurosibérie a été forgé dans les milieux “post-néo-droitistes” par Guillaume Faye, sans doute la figure historique de la dite “nouvelle droite” qui était la plus proche, par la pensée, de Jean Thiriart: même intérêt pour les questions géopolitiques, même aversion pour les fanatismes religieux, même engouement pour la pensée politique pure (Hobbes, Machiavel, Pareto, Freund, Schmitt, etc.). Historiquement, le concept d’Eurosibérie nous vient de Youri Semionov (Juri Semjonow), un Russe blanc de l’entre-deux-guerres, qui deviendra professeur de géographie à Stockholm en Suède. Dans son Sibirien – Schatzkammer des Ostens, dont la dernière version allemande date de 1975, Semionov démontre que l’Europe a perdu, avec la guerre de 1914 et la révolution bolchevique qui s’ensuivit, ses principales réserves de minerais et de matières premières, dont elle bénéficiait entre la Sainte-Alliance de 1815 et la première guerre mondiale. Semionov pariait, comme Faye et Thiriart, pour une rentabilisation de la Sibérie par le truchement d’un nouveau Transsibérien, le BAM, réactualisation des projets de Witte dans la première décennie du 20ème siècle. Le concept d’Eurosibérie est avant tout un projet économique et technique, comme le souligne Semionov. Thiriart a dû glaner des éléments de la démonstration de Semionov via des travaux analogues d’Anton Zischka, un auteur allemand qu’il appréciait grandement et qui était beaucoup plus lu en traduction française ou néerlandaise en Belgique qu’en France.

 

Le concept d’Eurasie vient tout droit de la littérature russe: avant 1914, la Russie se voulait européenne et craignait, par la voix de bon nombre de ses écrivains, l’“enchinoisement” des âmes, soit l’endormissement des énergies vitales propres à la civilisation grecque et européenne au bénéfice d’une massification prêtée, par les idées de l’époque, à la civilisation chinoise, alors en plein déclin. Avec la révolution bolchevique, certains intellectuels soviétisés adoptent des positions eurasistes, en se réclamant des Scythes, peuple cavalier et nomade, des steppes d’Ukraine au Kazakhstan et au plateau iranien, puis d’une idéologie russo-touranienne, rêvant d’une fusion nouvelle des peuples turco-mongols et slaves, capable de balayer un Occident vermoulu. L’eurasisme actuel s’inspire de cette vision fusionniste et quelque peu apocalyptique. Il existe aussi un eurasisme impérial, qui prend forme concrètement dès les conquêtes par les armées d’un Tsar moderne, Alexandre II, qui s’empare, au grand dam des Britanniques de tous les sultanats centre-asiatiques jusqu’aux frontières de la Perse et de l’Afghanistan, menaçant potentiellement les Indes sous souveraineté anglaise. Ici l’eurasisme est l’expression d’un hégémonisme russe sur l’Europe (ou sur la partie d’Europe dévolue à la Russie) et sur l’Asie centrale, coeur du continent, avec projection possible vers le sous-continent indien.

 

Dans un débat amical, qui a eu lieu en Flandre, Pavel Toulaev et Guillaume Faye ont confronté leurs idées quant à l’Eurosibérie et l’Eurorussie. Toulaev estimait, à juste titre —et Faye l’a reconnu— que la Sibérie n’était pas un sujet de l’histoire, ne l’avait jamais été. Le sujet de l’histoire dans l’espace eurasien et eurosibérien a été la Russie, d’Ivan le Terrible à Poutine. C’est la raison pour laquelle on parle davantage d’Eurorussie dans nos régions que d’eurasisme.

 

Finalement, croyez-vous que le Front National français devient russophile?

 

robert steuckers, entretien, géopolitique, politique internationale, nouvelle droite, synergies européennes, jean thiriart, ayméric chauprade, front national, eurasisme, eurasie, brics, Ma réponse ne sera pas très utile, d’abord parce que je ne suis pas français même si j’utilise le plus souvent la langue française. Je n’ai guère d’affinités, comme la plupart de mes compatriotes, avec la pensée politique française, très éloignée de nos modes d’action et de nos préoccupations idéologiques et politiques. Sur l’Europe et sur la Russie, les Français ont toujours eu dans l’histoire des visions totalement différentes des nôtres. On nous enseignait que le modèle indépassable pour l’Europe était la vision lotharingienne de Charles dit le Téméraire (nous devions dire: “Charles ou Karle le Hardi”, le terme “téméraire” étant jugé injurieux et de fabrication française), la Grande Alliance forgée par l’Empereur Maximilien I entre l’héritage des Bourguignons et des Habsbourgs et celui de la Castille-Aragon par le mariage de son fils Philippe et de la princesse Jeanne, l’Empire universel de Charles-Quint, toutes formes politiques respectables que d’affreux personnages, disaient nos instituteurs, comme Louis XI (“l’Universelle Aragne”) ou le félon François I avaient délibérément saboté en s’alliant aux Ottomans. Je vous passe les descriptions très négatives que l’on nous donnait de Louis XIV, des sans-culottes et des jacobins ou encore de Napoléon III. Ce dernier a notamment participé à la première guerre, fomentée par les Britanniques, contre la Russie tsariste, la Guerre de Crimée, une fois de plus avec le concours des Ottomans, tandis que la Belgique, à l’époque, était plutôt pro-russe, à l’instar de Bismarck. Le communisme a connu des succès retentissants en France, en s’alliant avec le vieux fonds criminel jacobin, tandis qu’en Belgique le communisme a toujours été très marginal, n’a pas connu des figures avides de sang comme en URSS ou en France.

 

Je ne peux pas me représenter ce que ressentirait un adepte du nouveau FN de Marine Le Pen face à la Russie actuelle. Je pense que l’électorat français de base —du FN ou de tout autre parti— ne sait guère ce que représente la Russie sur le plan géopolitique. Il est donc inutile pour un parti, quel qu’il soit, de faire de la géopolitique, pro-russe ou anti-russe, pro-américaine ou anti-américaine, pro-arabe ou anti-arabe, pro-israélienne ou anti-israélienne, etc. Ce n’est pas sa tâche et, s’il en fait sa tâche, il finira par commettre des bêtises, comme le constatait d’ailleurs une figure tragique de la première moitié du 20ème siècle, l’officier, diplomate et explorateur allemand von Niedermeyer, face aux interventions insuffisantes et ineptes des partis politiques de la République de Weimar en matières de politique étrangère. Les interventions des sociaux-démocrates pour contrer les politiques de coopération avec la jeune URSS étaient l’objet des colères de von Niedermeyer. Le personnel politique de base est généralement trop inculte pour aborder raisonnablement ces questions.

 

Ceci dit, le FN, qu’on le veuille ou non, que l’on l’accepte ou que l’on ne l’accepte pas, remplit deux vides dans la politique française: il a recueilli énormément de voix communistes, celles d’un populisme de gauche, russophile parce qu’anciennement soviétophile, et, par voie de conséquence, des sentiments favorables à la Russie, dont son arithmétique électorale prospective doit dorénavant tenir compte; ensuite, deuxième vide, dû aux politiques successives de l’atlantiste Sarközy et du social-démocrate filandreux Hollande; tous deux ont effacé de l’horizon politique français les dernières traces du gaullisme non-aligné et, en vertu de ce non-alignement, hostile à toute prépondérance de l’hegemon américain. Le FN recueille donc, actuellement (provisoirement? définitivement?), en son sein, les résidus de russophilie communiste et les résidus du gaullisme assassiné une bonne fois pour toutes par Sarközy.

 

Les orientations apparemment pro-russes du nouveau FN de Marine Le Pen sont également un résultat de la fameuse affaire Chauprade. Le professeur Ayméric Chauprade, qui enseignait il y a quelques brèves années à l’école de guerre de Paris, développait une vision nationale-française et para-gaullienne dans des ouvrages de référence absolument incontournables pour tous ceux qui s’intéressent à la géopolitique comme science et comme pratique. Pour Chauprade, la France avait sur la scène internationale et en vertu de son droit de veto à l’ONU une mission anti-impériale à parfaire, en se distanciant autant que possible des projets imposés par Washington. Bref, Chauprade était une sorte de maurassien moderne, gaullien en sus. Position intéressante sauf qu’elle était justifiée par une revalorisation scandaleuse de la figure de François I, ennemi de Charles-Quint, position absolument inacceptable pour vous, Espagnol, et pour moi, Impérial. Son précis de géopolitique est toutefois indispensable pour son interprétation originale et gaullienne des stratégies anglo-saxonnes dérivées de la géopolitique de Sir Halford John Mackinder et de ses disciples. Encore plus intéressant a été le livre de Chauprade sur le choc des civilisations, où ne transparaissait heureusement plus cette apologie indécente du stato-nationalisme avant la lettre de François I (le “petit-nationalisme” fustigé par Thiriart!). Inutile de vous dire que ces deux ouvrages trônent en bonne place dans ma bibliothèque, à côté de ceux d’autres géopolitologues français: ceux de l’homme de gauche Yves Lacoste et ceux du directeur des collections “Major” des “Presses Universitaires de France”, Pascal Gauchon, qui vient de fonder la revue “Conflits” ainsi que ceux du très regretté Hervé Couteau-Bégarie, prématurément décédé. Sarközy a commis l’indicible infâmie de casser la carrière de Chauprade à l’école de guerre, sous prétexte que ce géopolitologue hors pair ne développait pas des thèses atlantistes, pareilles sans doute à celles, fumeuses et hystériques, de l’insupportable sycophante Bernard-Henry Lévy, dont les délires ont conduit à l’anéantissement de la Libye et à l’horrible guerre civile et fratricide qui n’est pas encore terminée là-bas.

 

robert steuckers, entretien, géopolitique, politique internationale, nouvelle droite, synergies européennes, jean thiriart, ayméric chauprade, front national, eurasisme, eurasie, brics, A mon très grand étonnement, Chauprade, n’a pas fait front commun avec Gauchon, par exemple, en prenant la plume pour fustiger l’abandon de toutes les positions gaulliennes par les affaires étrangères françaises, en organisant des colloques avec des sceptiques de gauche comme Jacques Julliard ou Jacques Sapir. Au lieu de tout cela, au lieu de toutes ces bonnes actions potentielles, il a adhéré au FN, ce qui n’est pas une bonne idée pour défendre sur le long terme ses positions sans risquer les entraves politiciennes que peut subir, tout d’un coup et le cas échéant, tout intellectuel pointu et pertinent qui s’embarque dans une aventure politique. Car la politique, en toute période triviale de l’histoire comme la nôtre, est un espace irrationnel, flou, imprécis, soumis à toutes les variations possibles et imaginables. Celles-ci, d’ailleurs, ne se sont pas fait attendre: hostile à la géopolitique de l’hegemon américain dans ses excellents ouvrages de référence, Chauprade, par compromis politicien, aligne ses positions de militant FN néophyte sur la nouvelle politique d’Obama face à l’EIIL, alors que ce sont les Etats-Unis, l’Arabie Saoudite et le Qatar qui sont responsables de l’émergence de ce djihadisme virulent et du chaos indescriptible qu’il a provoqué en Syrie, au détriment du régime baathiste et en Irak au détriment de la majorité chiite et de la minorité kurde (dans une moindre mesure). Une position vraiment non alignée, gaullienne, aurait été de dire: “nous refusons de participer au nettoyage du Levant et de l’Irak, réclamé par Obama —les Américains et leurs alliés pétro-monarchistes y ont créé le chaos et les Européens doivent maintenant payer pour réparer les dégâts!— car notre seule politique est de vouloir le retour au statu quo ante dans la région, car ce statu quo ante évitait la présence belligène d’éléments fondamentalistes incontrôlables et créait la paix civile par l’imposition d’un système militaro-politique moderne et syncrétique, seul apte à gérer les diversités et divergences effervescentes de cette zone-clef de la géostratégie internationale; de plus, le prix à payer pour ce travail de nettoyage est trop élevé pour une Europe encore fragilisée par la crise de l’automne 2008: cet argent doit servir exclusivement à nos infrastructures hospitalières, à nos écoles, à nos départements de recherche et développement, au sauvetage de notre sécurité sociale”. Chauprade vient d’ailleurs d’être mis sur la sellette dans les colonnes du mensuel Le Causeur (octobre 2014), où on l’appelle à justifier ses positions actuelles, parfois contradictoires par rapport à ses écrits scientifiques antérieurs.

 

Seules les visites de Chauprade à Moscou, où il plaide en faveur de la politique familiale du Président Poutine, permettent de conclure à une néo-russophilie non communiste au sein du FN, puisque, désormais, le géopolitologue, chassé de sa chaire par Sarközy, en fait partie. Ce soutien à la politique familiale n’est pas exclusivement géopolitique: la France profonde —avec le mouvement “Manif’ pour tous”, téléguidé entre autres par “Civitas”— entend défendre la famille contre les politiques socialistes et sociétalistes (comme on se plait à le souligner maintenant par le biais de ce néologisme) du gouvernement de François Hollande au point que même l’électorat catholique de la France profonde préfère la politique familiale du président russe, en dépit d’une indécrottable russophobie occidentale, qui marquait aussi la France non communiste, et que dénonce avec brio l’éditeur Slobodan Despot, installé sur les rives du Lac Léman.

 

(Forest-Flotzenberg, octobre 2014).

 

Notes:

(1)   Alexander Yanov, Alexander YANOV, “The Russian New Right – Right-Wing Ideologies in the Contemporary USSR”, Institute of International Studies, University of California, Berkley, 1978.

(2)   Geneviève DUCHENNE, Esquisses d’une Europe nouvelle – L’européisme dans la Belgique de l’entre-deux-guerres (1919-1939), P.I.E. Peter Lang, Bruxelles, 2008.

(3)   Els WITTE, Voor vrede, democratie, wereldburgerschap en Europa – Belgische historici en de naoorlogse politiek-ideologische projecten (1944-1956), Uitgeverij Pelckmans, Antwerpen, 2009.

 

L'Europe pharisienne contre les droits des citoyens

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L'Europe pharisienne contre les droits des citoyens

par Yvan Blot

Ex: http://www.zentropaville.tumblr.com

L’oligarchie politique et administrative qui contrôle les institutions européennes à l’heure actuelle, au sens large, (Union européenne mais aussi Conseil de l’Europe et ses prolongements) est animée d’une idéologie typiquement pharisienne.


oligarchie-246x300.jpgLe mot pharisien vient du terme hébreu « péroushim » qui signifie « séparés ». Les pharisiens sont séparés ou veulent se séparer de ceux qui leur semblent « impurs ». En politique actuellement, sont considérés comme « impurs » les « populistes », les « nationalistes » les « identitaires » mais d’une façon générale tous ceux qui sont suspectés défendre leurs intérêts nationaux en menaçant les « droits de l’homme ».

Quand les « droits de l’homme » se retournent contre les libertés

Dans ce sens, les « droits de l’homme » ne sont plus les « libertés fondamentales », ce qu’ils étaient à l’origine et qui se traduisaient politiquement dans des droits concrets accordés aux citoyens. Dans une optique égalitaire considérant les hommes comme des matières premières interchangeables, les « droits de l’homme » deviennent une arme politique et juridique pour empêcher les nations de sauvegarder leur identité propre et les libertés qui y sont liés. Les droits de l’homme dans cet esprit finissent par se retourner contre les libertés.

Les pharisiens politiques sont toujours prêts à jouer les procureurs. Le Conseil de l’Europe notamment s’est donné le ridicule de créer il y a quelques années une commission d’enquête contre le Liechtenstein soupçonné de menacer les « droits de l’homme » parce qu’une réforme constitutionnelle approuvée par référendum populaire renforçait les pouvoirs du Prince (tout en créant une possibilité de le renverser par référendum d’initiative populaire, ce qui est interdit aux citoyens dans les pays « républicains ».

Autre exemple, l’affaire « Lautsi » par laquelle la Cour européenne des droits de l’homme interdit à l’Italie la présence de crucifix dans les classes des écoles publiques. Vingt états européens se sont insurgés contre cette décision de novembre 2009. Le gouvernement lituanien a mis en parallèle cet arrêt avec la persécution religieuse qu’elle a subie sous le régime soviétique où les symboles religieux étaient strictement interdit dans la sphère publique. Il est révélateur que la plupart des anciens pays de l’Est qui ont subi la dictature communiste font partie de la liste des pays qui soutiennent l’Italie aujourd’hui contre le plan de sécularisation forcée des écoles qui inspire la Cour européenne dite des droits de l’homme.Mgr Hilarion du patriarcat orthodoxe de Moscou déclare de façon pertinente : le sécularisme qui prospère aujourd’hui en Europe est lui aussi une pseudo-religion qui a ses dogmes, ses normes, son culte et sa symbolique. A l’instar du communisme russe du XXème siècle, il prétend au monopole et ne supporte aucune concurrence » (1)

La dérive égalitariste et discriminatoire

Evidemment les pharisiens européens donnent des leçons sans regarder leurs propres turpitudes, à savoir le fameux « déficit démocratique » des institutions européennes, Union européenne, conseil de l’Europe et Cour européenne des droits de l’homme confondus.

Tous ces organismes sont de types caricaturalement oligarchiques et violent dans leur manière de se structurer et de fonctionner la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen française de 1789.

Cette déclaration qui fait des droits de l’homme des libertés fondamentales dans son article deux n’a rien à voir avec la dérive égalitariste anti- discriminatoire actuelle qui a pour but de faire des citoyens des sujets passifs interchangeables, matière première du système techno économique dirigé par des managers, lesquels n’ont rien à voir avec les propriétaires de la théorie économique libérale autrichienne.

Son article 16 déclare sans la moindre ambigüité : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution. » C’est exactement le cas de l’Union européenne actuelle où le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif sont totalement confondus.

La confusion des pouvoirs dans l’Union européenne

Ainsi, c’est la Commission, organe exécutif qui a le monopole, nous disons bien, le monopole de l’initiative des lois. Non seulement l’initiative des lois ne revient pas au parlement européen ou aux parlements nationaux, totalement démunis, mais encore les citoyens en sont totalement exclus à la différence de ce qui se passe en Suisse, démocratie modèle qui devient la tête de Turc des oligarques de Bruxelles.

De plus, le Conseil des ministres et le parlement européen peuvent édicter des lois en codécision : le terme même viole de plein fouet l’article 16 de la déclaration de 1789. Pour les rédacteurs de cette déclaration, l’Union européenne n’aurait pas de constitution assurant la liberté des citoyens faute de séparation des pouvoirs.

Les juges de la Cour européenne des droits de l’homme sont nommés sur des listes de trois noms présentés par chaque exécutif de chaque Etat puis élu par l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe : procédure oligarchique de confusion des pouvoirs qui viole aussi l’article 16 de la déclaration de 1789. Cette oligarchie judiciaire est irresponsable devant le peuple faute de procédure de « rappel » telle qu’elle existe aux Etats-Unis pour les juges de cours suprêmes de beaucoup d’Etats fédérés (2)

Liberté, propriété, sûreté et résistance à l’oppression : des droits bafoués

Huit autres articles de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 (qui fait partie de nos textes constitutionnels) sont bafoués d’une manière ou d’une autre par les institutions européennes telles qu’elles sont, c’est-à-dire fort peu démocratique.

L’article 2 dispose : « le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l’homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression ». On notera que les notions d’égalité, d’égalitarisme et de lutte contre les discriminations n’ont pas leur place ici et que ces notions doivent être subordonnées aux droits de l’homme listés de façon limitative à l’article 2. Par exemple, l’égalitarisme ne saurait passer avant la liberté ou le droit de propriété ne saurait être vidé de sa substance au nom de la « lutte contre la discrimination ». L’égalitarisme contenu dans l’interprétation récente des droits de l’homme est en fait la matrice d’un nouveau totalitarisme qui se retourne contre les libertés fondamentales.

La souveraineté de la Nation et des citoyens : d’autres droits bafoués

L’article 3 dispose : « le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la Nation ». Ce principe est bafoué ouvertement par l’idéologie anti nationale qui domine dans les institutions européennes.

L’article 5 dispose : « la loi n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société ». En quoi des crucifix dans les écoles italiennes sont ils « nuisibles à la société » ? En quoi le renforcement du pouvoir du prince du Liechtenstein sous le contrôle de la démocratie directe est-il nuisible à la société ? En quoi l’interdiction des minarets en Suisse serait-elle « nuisible à la société » ? On voit ici à quel point le Conseil de l’Europe et sa Cour satellite cherchent à acquérir des pouvoirs qui vont bien au-delà des pouvoirs tolérés par la déclaration de 1789.

L’article 6 est bafoué, non seulement par les institutions européennes par la plupart des institutions des Etats membres du Conseil de l’Europe, à l’exception de la Suisse, du Liechtenstein, de l’Italie et de l’Allemagne au niveau de ses Etats fédérés, les Länder.
Il dispose en effet : « la loi est l’expression de la volonté générale. TOUS les citoyens ont droit de concourir PERSONNELLEMENT ou par leurs représentants, à sa formation ». Cet article affirme que la démocratie directe et la démocratie parlementaire doivent se compléter. Or la plupart des Etats européens n’ont toujours pas la démocratie directe qui permet aux citoyens d’être à l’initiative des lois (par pétition) et de pouvoir décider de celles-ci (par référendum). Le Traité de Lisbonne ne tolère que la pétition pour les citoyens de l’Union européenne. Résultat : il est fréquent que des lois sont adoptées pour faire plaisir à des lobbies divers sans égard pour la « volonté générale ». La population n’a alors plus confiance dans les institutions existantes : l’absence de démocratie véritable menace la démocratie elle-même. En France, environ 40% des citoyens ont confiance dans le parlement alors qu’il est élu par le peuple (mais celui-ci ne peut choisir que des candidats choisis par les états majors des partis politiques : là encore oligarchie et non démocratie !) A titre de comparaison le système de santé ou l’armée ont en France un taux de confiance de 90% (mais 38% pour les medias contrôlés par les oligarques et 18% de confiance seulement pour les partis politiques) (3)

L’article 10 de la déclaration de 1789 dispose : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi ». En quoi les crucifix dans les écoles italiennes troublent-ils l’ordre public ? Cet article est violé par les institutions européennes lorsqu’elles cherchent à effacer du paysage européen les manifestations du christianisme.

La libre communication des pensées malmenée

L’article 11 dispose : « la libre communication des pensées et des opinions est un droit des plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement sauf à répondre à l’abus de cette liberté dans des cas déterminés par la loi ». Cet article est surtout violé par le droit interne de beaucoup de pays européens mais cela ne semble pas gêner le Conseil de l’Europe et son satellite judiciaire. Le prix Nobel d’économie Milton Friedman, juif américain libertarien s’insurgeait à juste titre contre la loi Gayssot française (inspirée par un communiste) qui sous prétexte d’antiracisme limite la liberté d’expression et créée des catégories de citoyens privilégiés alors que la loi doit être la même pour tous. Plus récemment le tribunal constitutionnel fédéral allemand a annulé un jugement de la Cour d’Appel de Munich qui interdisait pour cinq ans une publication « d’extrême droite » : le tribunal suprême jugeait que le qualificatif d’extrême droite appartient à la polémique politique courante (comme extrême gauche d’ailleurs) et n’est pas un critère juridique d’interdiction de publication dans un Etat de droit défendant la liberté d’expression. Cela montre qu’il y a débat sur ce point désormais dans certains Etats d’Europe.

C’est un mécanisme oligarchique qui décide de l’impôt

L’article 14 de la déclaration de 1789 est totalement bafoué : « TOUS les citoyens ont le droit de constater par eux-mêmes ou par leurs représentants la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette et la durée. Seuls les Etats à démocratie directe comme la Suisse, le Liechtenstein ou les 27 états fédérés américains (sur 50) respectent cet article. En général l’impôt est décidé par un mécanisme totalement oligarchique : même le pouvoir des « représentants (députés) est purement formel : c’est l’administration d’Etat qui décide des impôts comme dans l’ancienne Union soviétique.

Enfin l’article 15 n’est guère appliqué en réalité : « la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ». On a en général organisé l’irresponsabilité à tous les niveaux, administratifs et parlementaires, ce qui explique la gabegie, les déficits, l’endettement monstrueux de la plupart des Etats européens (sauf la Suisse bien entendu, décidément fort gênante).

On a déjà parlé de l’article 16 qui exige la séparation des pouvoirs législatifs, exécutifs et judicaires.

Cette revue montre que l’Europe ne porte pas tous les péchés. Les Etats membres aussi ne respectent guère les véritables droits de l’homme et du citoyen de la déclaration de 1789. Après tout, ces états oligarchiques ont créé une Europe à leur image, ce qui est bien logique mais en aggravant les défauts au détriment des droits des citoyens.

Retrouver les libertés par la démocratie directe

Pour sortir de cette dérive menaçante pour nos libertés que les connaisseurs de l’ancienne dictature communiste comme le président tchèque Vaclav Klaus savent mieux identifier que les Occidentaux inexpérimentés donc inconscients, il faut de toute urgence réformer les constitutions des pays européens pour y introduire la démocratie directe. Il faut revoir les traités fondant l’Union européenne, le Conseil de l’Europe et la Cour européenne des droits de l’homme pour démocratiser ces institutions. Cela n’aura servi à rien de faire tomber le rideau de fer si par une dérive lente, hypocrite mais inexorable, les libertés des européens et de leurs nations sont grignotées par un pouvoir irresponsable. Une nouvelle forme de dictature menacerait ainsi l’Europe au moment même où elle a pu se libérer de l’oppression rustique du communisme. Nos Etats, à la différence des anciens pays de l’Est, respectent encore certaines libertés traditionnelles mais leur processus de décision, de moins en moins démocratiques et de plus en plus favorables à des pouvoirs irresponsables rendent à bon droit inquiets pour notre avenir. Nous risquons de devenir, non pas de libres citoyens, mais des matières premières interchangeables à la merci des managers du public comme du privé.

Yvan Blot

Notes :

  1. Voir l’article de Grégor Puppinck sur l’affaire Lautsi dans La Nouvelle Revue Universelle n°22 de 2010
  2. Le rappel (recall) est une procédure de démocratie directe américaine qui permet à une pétition de citoyens de déclencher un référendum pour démettre un juge d’une Cour Suprême. Ce procédé a pour but d’éviter la confiscation du pouvoir souverain par une oligarchie judiciaire irresponsable.
  3. Voir les travaux notamment de Pierre Bréchon et Jean-François Tchernia in La France à travers ses valeurs 2010