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vendredi, 08 octobre 2010

Olivier Bardolle - Petit traité des vertus réactionnaires

 

 

Vient de paraître chez L'Editeur, ce Petit traité des vertus réactionnaires d'Olivier Bardolle, que nous vous conseillons.

Présentation de l'éditeur
En Occident, depuis près d'un demi-siècle, les idées progressistes tiennent le haut du pavé. Il semblerait pourtant que l'on redécouvre aujourd'hui certaines vertus à la pensée réactionnaire. Ne serait-ce qu'une capacité de résistance certaine aux ravages de l'hypermodernité et aux bienfaits immodérés de la pensée unique. Sans tomber dans le manichéisme propre à l'époque, ce petit traité, particulièrement tonique, dénonce les fausses valeurs avec jubilation et poussera chacun, qu'il se prétende de droite ou de gauche, à réviser son catéchisme idéologique. C'est ainsi qu'Eric Naulleau, réputé de gauche, n'a pas hésité à préfacer ce texte en toute indépendance d'esprit. A lire sans modération

L'auteur
Olivier Bardolle, né en 1952, est un essayiste reconnu et un interlocuteur recherché (on l'a vu plusieurs fois dans l'émission de Frédéric Taddeï, Ce soir ou jamais). Du Monologue implacable (Ramsay, 2003) à De la prolifération des homoncules sur le devenir de l'espèce (L'Esprit des Péninsules, 2008) ou à ce Petit traité des vertus réactionnaires, Olivier Bardolle tisse, dans la lignée de Philippe Muray (à qui ce dernier ouvrage est dédié), le portrait de l'hypermodernité avec sagacité, ironie, mordant et, ce qui n est pas encore interdit : érudition. Chacun de ses essais épingle la bien-pensance et les idées toutes faites de ses chers contemporains.

Olivier Bardolle, Petit traité des vertus réactionnaires, L'Editeur, 2010.
Commande possible sur Amazon.fr.

 

jeudi, 07 octobre 2010

Céline et L'Oréal

Céline et L’Oréal

Ex: http://lepetitcelinien.blogspot.com/ 

 

Il a beaucoup été question, cet été, de l’affaire Bettancourt. Elle oppose, comme on sait, Liliane Bettencourt à sa fille, avec en outre des interférences avec le gouvernement français. Quel rapport avec Céline ? Le 17 février 1942, dans une lettre à Lucien Combelle, il eut des mots très vifs à l’égard du père de Liliane, Eugène Schueller (1881-1957) : « Votre Shoeller [sic] avec toutes ses pitreries me semble bien youtre. Il ne parle jamais des juifs dans ses livres. Il paraît que son conseil d’administration recèle de forts puissants youtres, anglais et américains. » C’est que deux jours auparavant, dans son journal Révolution nationale, Combelle avait publié un grand article d’Eugène Schueller sur « Le salaire proportionnel ». Dans une société libérée du capitalisme libéral et des syndicats, qu’il appelait de ses vœux, les ouvriers eussent touché un triple salaire : un salaire d’activité, un salaire familial calculé en fonction de leur nombre d’enfants, et un salaire de productivité. Schueller avait déjà traité ce thème dans son livre, La Révolution de l’économie, paru l’année précédente et que l’auteur des Beaux draps avait certainement lu. Si Céline se méfiait de Schueller, c’est parce qu’il participait à la direction du RNP de Marcel Déat. Lequel était également suspect aux yeux de Céline en raison de ses liens avec la franc-maçonnerie et de son appartenance au monde parlementaire de la IIIe République que l’écrivain n’avait guère en haute estime. Coïncidence : en exil, Céline sympathisera avec le représentant de L’Oréal au Danemark, Georges Sales, et sa jeune épouse. « Ma compatriote, la petite bretonne... » dira d’elle Céline (1).
Qui était Eugène Schueller ? Ce chimiste génial mit au point les premières teintures capillaires de synthèse puis créa en 1909 la Société française de teintures inoffensives pour cheveux, futur L’Oréal. Devenu riche, le père de Liliane Bettencourt finança la fameuse Cagoule dans les années trente. C’est après la victoire du Front populaire que Schueller s’intéressa au mouvement nationaliste et devint l’intime d’Eugène Deloncle, l’un des chefs cagoulards. Avec ce dernier, Jean Fontenoy et Jacques Dursort, il fonda en octobre 1940 le Mouvement Social-Révolutionnaire (MSR) qui fit long feu. Les réunions de la direction du MSR se tenaient au siège de L’Oréal (14, rue Royale à Paris) (2). L’année suivante, il devint le président de la Commission des Affaires Économiques du RNP. Après la guerre, nombreux seront ceux qui, soit épurés, soit ayant appartenu au mouvement cagoulard, se verront embauchés chez L’Oréal. Dont Pierre Monnier qui fit toute sa carrière dans ce groupe à partir des années 50. À propos de Schueller, Céline, qui l’avait rencontré avant guerre chez Denoël, lui dira : « Il était aussi intelligent et intuitif que vous le dites, et bien entendu paranoïaque !... ». À l’Oréal, Monnier eut comme patron François Dalle (1918-2005) auquel l’homme d’affaires Jean Frydman reprocha publiquement – mais en 1995 seulement – d’avoir fait de l’entreprise un refuge d’anciens cagoulards et de collaborateurs.
André Bettencourt (1919-2007) ne fut pas davantage exempt de reproches. On lui fit grief des articles parus dans La Terre française (dont il assurait la direction) qui soutenaient activement la Révolution Nationale. Et qui étaient parfois franchement antisémites. Ensuite, l’histoire de L’Oréal est intimement liée à celle de la IVe et de la Ve République. Si Bettencourt fut plusieurs fois ministre, ce fut aussi le cas de son ami de jeunesse (qui témoigna à la Libération en faveur d’Eugène Schueller) : un certain François Mitterrand, beau-frère d’une nièce de Deloncle. Et l’on sait qu’il dirigea pendant deux ans Votre beauté, mensuel du groupe L’Oréal. On imagine les commentaires sarcastiques que toute cette histoire inspirerait aujourd’hui à Céline !

Marc LAUDELOUT

1. Pierre Monnier, Ferdinand furieux, L’Age d’homme, 1979, p. 14.
2. Schueller faisait partie du Comité exécutif du MSR, présidait et dirigeait « toutes les Commissions techniques et Comités d’études » du mouvement (Révolution Nationale, n° 3, 26 octobre 1941).
Pour plus de détails, voir l’article de Bruno Abescat, « Les secrets de la première fortune de France », L’Express, 30 novembre 2000 (disponible sur http://www.lexpress.fr).

vendredi, 01 octobre 2010

Le Bulletin célinien n°323 (oct. 2010)

Le Bulletin célinien n°323 - Octobre 2010

 

Au sommaire du Bulletin célinien n°323 d'octobre 2010:

Marc Laudelout : Bloc-notes
M. L. : Les souvenirs de Naud et Tixier
David Alliot : Céline et ses juges
Thierry Bouclier : La défense de Tixier-Vignancour
André Brissaud : Louis-Ferdinand Céline est amnistié (1951)
Éric Mazet et Pierre Pécastaing : Naud le temporisateur
M. L. : L’accueil critique de « Bagatelles pour un massacre »
G. P. : Le paysage urbain crépusculaire dans « Voyage au bout de la nuit » et « Mort à crédit » (II)
M. L. : Céline et les châtaignes grillées

Le numéro 6 euros à :
Le Bulletin célinien
B. P. 70
B 1000 Bruxelles 22

 

 

Le Bulletin célinien n°323 - Bloc-notes

 

Louis-Daniel Hirsch fut le directeur commercial des éditions Gallimard de 1922 à 1974. « Hirsch, ses amis, les cocos, Sartre, etc... » (1). Dixit Céline dans un bel amalgame. En exil, il est plus incisif : « C’est Hirsch qui commande la NRF comme Mayer commande la justice. Le reste est blabla (2). ». Vieilles obsessions… Mais il faut prendre garde à ne pas se laisser abuser par un être plus ambivalent que le laissent supposer ses ultimes invectives.
C’est le piège dans lequel est tombé Mikaël Hirsch, petit-fils du précédent, qui signe un roman dans lequel Céline tient une grande place (3). Le personnage central est Gérard Cohen qui se définit « demi-juif ». Jeune coursier des éditions Gallimard dans les années cinquante, il se rend fréquemment à Meudon pour y apporter le courrier mais se garde bien de révéler son identité. Crédible. Ce qui l’est moins, c’est que, dès la première rencontre, Céline l’appelle « mon p’tit Gérard » (!). Vétille…
Pour le reste, c’est un Céline conforme à sa légende noire qui est imaginé par l’auteur : « J’étais tout ce qu’il haïssait profondément. (…) Eût-il su qui j’étais, son attitude aurait certainement changé du tout au tout. » Voire... Mikaël Hirsch serait sans doute bien étonné d’apprendre qu’à la même époque, Céline sympathisait avec un militant sioniste, ancien agent du groupe terroriste Stern qui avait lutté contre la colonisation britannique en Palestine. Voici son témoignage : « Quand la presse israélienne, à l’époque, eut vent de ma correspondance avec Céline, elle m’a attaqué de façon absolument ignoble. Ce qui ne m’a pas empêché de rencontrer Céline à deux reprises chez lui, à Meudon. Nous avons évoqué bien entendu la question juive. À sa demande pressante, je lui ai décrit l’aventure des premiers colons socialistes qui rêvaient d’une société nouvelle et s’étaient acharnés, dans des conditions impossibles, à défricher des marais, à fertiliser des déserts. “Je dois vous dire que j’admire profondément ces gens-là”, me disait-il, et je savais qu’il était sincère, qu’il avait une très grande considération pour l’État d’Israël (4) ». Singulier contraste avec l’antisémitisme rabique attaché à la figure de Céline jusque dans les dernières années de sa vie. Ainsi récolte-t-on ce que l’on a semé…
L’antisémitisme est chez lui l’arbre qui cache la forêt : un profond attachement à la sauvegarde de la race. À un autre admirateur juif, il écrivait : « Il est temps que l’on mette un terme à l’antisémitisme par principe, par raison d’idiotie fondamentale, l’antisémitisme ne veut plus rien dire — On reviendra sans doute au racisme, mais plus tard et avec les juifs — et sans doute sous la direction des juifs, s’ils ne sont point trop aveulis, avilis, abrutis. » Et dans une lettre ultérieure : « ...Les juifs sont précisément les premiers et les plus tenaces racistes du monde. Il faut créer un nouveau racisme sur des bases biologiques, les éléments existent (5). »
Ceci nous éloigne assurément de la figure convenue de l’ermite de Meudon décrite par Mikaël Hirsch. Dommage car, dans un roman évoquant le Céline des dernières années, il y avait là un thème qu’il eût été intéressant d’esquisser. Cette simplification n’enlève rien au talent de l’auteur. Le constat vaut pour le style et cette manière de transcender ses obsessions et sa fascination mêlée de répulsion pour un écrivain de génie.

Marc LAUDELOUT

1. Lettre à Gaston Gallimard, 8 décembre 1954 in Lettres à la N.R.F., 1931-1961, Gallimard, 1991, p. 264.
2. Lettre à Pierre Monnier, 12 mai 1950 in P. Monnier, Ferdinand furieux, L’Age d’homme, 1979, p. 133.
3. Mikaël Hirsch, Le réprouvé, L’Éditeur, 2010.
4. Éric Mazet, « Quatorze lettres à Jacques Ovadia » in L’Année Céline 1991, Du Lérot / Imec, 1992, pp. 55-66.
5. Lettres à Milton Hindus des 14 juin et 10 août 1947 in M. Hindus, L.-F. Céline tel que je l’ai vu, L’Herne, 1969, pp. 148 et 161.

mercredi, 29 septembre 2010

Les Etats-Unis draguent les "leaders" musulmans en France

Les Etats-Unis draguent les « leaders » musulmans en France


WASHINGTON (NOVOpress) – Al Kanz s’en fait l’écho aujourd’hui [1] : les Etats-Unis s’intéressent aux chefs d’entreprise musulmans qui prospèrent notamment en France. A l’initiative de l’IVLP (International Visitor Leadership Program), « 26 entrepreneurs, tous musulmans, sont pour trois semaines les hôtes du gouvernement américain », se félicite le site des consommateurs musulmans. Parmi ces invités, Nabil Djedjik [2], secrétaire général du syndicat patronal SPMF (synergie des professionnels musulmans de France)», et propriétaire de plusieurs restaurants « certifiés halal » en région parisienne.

Depuis plusieurs années, l’ambassade des Etats-Unis développe un réseau de partenariats avec des élus locaux, des associations, des entrepreneurs et des « leaders culturels ». Elle dispose pour cela d’un budget annuel de 3 millions de dollars pour soutenir des projets de rénovation urbaine, des festivals de musique et des conférences. Jeudi dernier, le site du journal La Croix rappelait que l’ambassadeur « a récemment fait venir en France l’acteur américain Samuel L. Jackson (photo) et invité des groupes de rap français à se produire dans sa résidence. Des jeunes des banlieues, en particulier des musulmans, participent chaque année au programme qui invite 20 à 30 « jeunes leaders » Français pour un séjour de plusieurs semaines aux Etats-Unis ». But de la manœuvre ? [3] « tenter d’établir un lien avec la prochaine génération de leaders en France et cela inclut les banlieues ». Autrement dit, la « diversité » au service d’une société de consommation indifférenciée sert les plans du libéralisme américain.


[cc [4]] Novopress.info, 2010, Dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention de la source d’origine
[http://fr.novopress.info [5]]


Article printed from :: Novopress.info France: http://fr.novopress.info

URL to article: http://fr.novopress.info/68051/les-etats-unis-draguent-les-%c2%ab-leaders-%c2%bb-musulmans-en-france/

URLs in this post:

[1] fait l’écho aujourd’hui: http://www.al-kanz.org/2010/09/27/spmf-usa/

[2] Nabil Djedjik: http://fr.linkedin.com/pub/nabil-djedjik/17/581/140

[3] But de la manœuvre ?: http://francois-d-alancon.blogs.la-croix.com/banlieues-francaises-la-difference-americaine/2010/09/23/

[4] cc: http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/2.0/fr/

[5] http://fr.novopress.info: http://fr.novopress.info

jeudi, 23 septembre 2010

Louis-Ferdinand Céline - An Anarcho-Nationalist

Louis-Ferdinand Céline

An Anarcho-Nationalist

Ex: http://www.counter-currents.com/

Celine04.jpgIn his imaginary self-portrayal, the French novelist Louis-Ferdinand Céline (1894–1961) would be the first one to reject the assigned label of anarcho-nationalism. For that matter he would reject any outsider’s label whatsoever regarding his prose and his personality. He was an anticommunist, but also an anti-liberal. He was an anti-Semite but also an anti-Christian. He despised the Left and the Right. He rejected all dogmas and all beliefs, and worse, he submitted all academic standards and value systems to brutal derision.  Briefly, Céline defies any scholarly or civic categorization. As a classy trademark of the French literary life, he is still considered the finest French author of modernity—despite the fact that his literary opus rejects any academic classification. Even though his novels are part and parcel of the obligatory literature in the French high school syllabus and even though he has been the subject of dozens of doctoral dissertations, let alone thousands of polemics denouncing him as the most virulent Jew-baiting pamphleteer of the 20th century, he continues to be an oddity eluding any analysis, yet commanding respect across the political and academic spectrum.  Can one offer a suggestion that those who will best grasp L. F. Céline must also be his lookalikes — the replicas of his nihilist character, his Gallic temperament and his unsurpassable command of the language?

Cadaverous Schools for Communist and Liberal Massacres

The trouble with L. F. Céline is that although he is widely acclaimed by literary critics as the most unique French author of the 20th century and despite the fact that a good dozen of his novels are readily available in any book store in France, his two anti-Semitic pamphlets are officially off limits there.

Firstly, the word pamphlet is false. His two books, Bagatelles pour un massacre (1937) and Ecole des cadavres (1938), although legally and academically rebuked as “fascist anti-Semitic pamphlets,” are more in line with the social satire of the 15th century French Rabelaisian tradition, full of fun and love-making than modern political polemics about the Jewry. After so many years of hibernation, the satire Bagatelles finally appeared in an anonymous American translation under the title of Trifles for a Massacre, and can be accessed online.

The anonymous translator must be commended for his awesome knowledge of French linguistic nuances and his skill in transposing French argot into American slang. Unlike the German or the English language, the French language is a highly contextual idiom, forbidding any compound nouns or neologisms. Only Céline had a license to craft new words in French. French is a language of high precision, but also of great ambiguities. Moreover, any rendering of the difficult Céline’s slangish satire into English requires from a translator not just the perfect knowledge of French, but also the perfect knowledge of Céline’s world.

Certainly, H. L. Mencken’s  temperament and his sentence structure sometimes carry a whiff of Céline. Ezra Pound’s toying with English words in his radio broadcasts in fascist Italy also remind  a bit of Céline’s style. The rhythm of Harold Covington’s narrative and the violence of his epithets may remind one a wee of Celine’s prose too.

But in no way can one draw a parallel between Céline and other authors—be it in style or in substance. Céline is both politically and artistically unique. His language and his meta-langue are unparalleled in modern literature.  To be sure Céline is very bad news for Puritan ears or for a do-good conservative who will be instantly repelled by Céline’s vocabulary teeming as it does with the overkill of metaphorical “Jewish dicks and pricks.”

Trifles is not just a satire. It is the most important social treatise for the understanding of the prewar Europe and the coming endtimes of postmodernity. It is not just a passion play of a man who gives free reign to his emotional outbursts against the myths of his time, but also a visionary premonition of coming social and cultural upheavals in the unfolding 21st century. It is an unavoidable literature for any White in search of his heritage.

These weren’t Hymie jewelers, these were vicious lowlifes, they ate rats together . . . They were as flat as flounders. They had just left their ghettos, from the depths of Estonia, Croatia, Wallachia, Rumelia, and the sties of Bessarabia . . . . The Jews, they now frequent the guardhouse, they are no longer outside… When it comes to crookedness, it is they who take first place . . . All of this takes place under the hydrant! with hoses as thick as dicks! beside the yellow waters of the docks… enough to sink all the ships in the world . . . in a décor fit for phantoms . . . with a kiss that’ll cut your ass clean open . . . that’ll turn you inside out.

The satire opens up with imaginary dialogue with the fictional Jew Gutman regarding the role of artistry by the Jews in the French Third Republic, followed by brief chapters describing Céline’s voyage to the Soviet Union.

Between noon and midnight, I was accompanied everywhere by an interpreter (connected with the police). I paid for the whole deal. . . . Her name was Natalie, and she was by the way very well mannered, and by my faith a very pretty blonde, a completely vibrant devotee of Communism, proselytizing you to death, should that be necessary. . . . Completely serious moreover…try not to think of things! …and of being spied upon! nom de Dieu! . . . . The misery that I saw in Russia is scarcely to be imagined, Asiatic, Dostoevskiian, a Gehenna of mildew, pickled herring, cucumbers, and informants. . . . The Judaized Russian is a natural-born jailer, a Chinaman who has missed his calling, a torturer, the perfect master of lackeys. The rejects of Asia, the rejects of Africa. . . . They were just made to marry one another. . . . It’s the most excellent coupling to be sent out to us from the Hells.

When the satire was first published in 1937, rare were European intellectuals who had not already fallen under the spell of communist lullabies. Céline, as an endless heretic and a good observer refused to be taken for a ride by communist commissars. He is a master of discourse in depicting communist phenotypes, and in his capacity of a medical doctor he delves constantly into Jewish self-perception of their physique . . . and their genitalia.

The peculiar feature of Céline narrative is the flood of slang expressions and his extraordinary gift for cracking jokes full of obscene humors, which suddenly veer off in academic passages full of empirical data on Jews, liberals, communists, nationalists, Hitlerites and the whole panoply of famed European characters.

But here we accept this, the boogie-woogie of the doctors, of the worst hallucinogenic negrito Jews, as being worth good money! . . . Incredible! The very least diploma, the very least new magic charm, makes the negroid delirious, and makes all of the negroid Jews flush with pride! This is something that everybody knows. . . . It has been the same way with our own Kikes ever since their Buddha Freud delivered unto them the keys to the soul!

Mortal Voyage to Endtimes

In the modern academic establishment Céline is still widely discussed and his first novels Journey to the End of the Night and Death on the Installment Plan are still used as Bildungsromane for the modern culture of youth rebellion. When these two novels were first published in the early 30s of the twentieth century, the European leftist cultural establishment made a quick move to recuperate Céline as of one of its own. Céline balked. More than any other author his abhorrence of the European high bourgeoisie could not eclipse his profound hatred of leftist mimicry.

Neither does he spare leftists scribes, nor does he show mercy for the spirit of “Parisianism.” Unsurpassable in style and graphics are Céline’s savaging caricatures of aged Parisian bourgeois bimbos posturing with false teeth and fake tits in quest of a rich man’s ride. Had Céline pandered to the leftists, he would have become very rich; he would have been awarded a Nobel Prize long ago.

In the late 50’s the burgeoning hippie movement on the American West Coast also tried to lump him together with its godfather Jack Kerouac, who was himself enthralled with Céline’s work. However, any modest reference to his Bagatelles or Ecole des Cadavres has always carefully been skipped over or never mentioned. Equally hushed up is Céline’s last year of WWII when, unlike hundreds of European nationalist scholars, artists and novelists, he miraculously escaped French communist firing squads or the Allied gallows.

His endless journey to the end of the night envisioned no beams of sunshine on the European horizon. In fact, his endless trip took a nasty turn in the late 1944 and early 1945, when Céline, along with thousands of European nationalist intellectuals, including the remnants of the French pro-German collaborationist government fled to southern Germany, a country still holding firm in face of the oncoming disaster. The whole of Europe had been already set ablaze by death-spitting American B17’s from above and raping Soviet soldiers emerging in the East. These judgment day scenes are depicted in his postwar novels D’un château l’autre (Castle to Castle (French Literature))  and Rigadoon
.

Céline’s sentences are now more elliptic and the action in his novels becomes more dynamic and more revealing of the unfolding European drama. His novels offer us a surreal gallery of characters running and hiding in the ruins of Germany. One encounters former French high politicians and countless artists facing death—people who, just a year ago, dreamt that they would last forever. No single piece of European literature is as vivid in the portrayal of human fickleness on the edge of life and death as are these last of Céline’s novels.

But Céline’s inveterate pessimism is always couched in self-derision and always stung with black humor. Even when sentenced in absentia during his exile in Denmark, he never lapses into self pity or cheap sentimentalism. His code of honor and his political views have not changed a bit from his first novel.

Upon his return to France in 1951, the remaining years of Céline’s life were marred by legal harassment, literary ostracism, and poverty. Along with hundreds of thousands Frenchmen he was subjected to public rebuke that still continues to shape the intellectual scene in France. Today, however, this literary ostracism against free spirits is wrapped up in stringent “anti-hate” laws enforced by the thought police— 70 years after WWII! Stripped of all his belongings, Céline, until his death, continued to use his training as a physician to provide medical help to his equally disfranchised suburban countrymen, always free of charge and always remaining a frugal and modest man.

From The Occidental Observer, March 24, 2010, http://www.theoccidentalobserver.net/authors/Sunic-Celine...

mardi, 21 septembre 2010

Louis-Ferdinand Céline et Roland Cailleux

Louis-Ferdinand Céline et Roland Cailleux

La création d'un site consacré à Roland Cailleux, www.roland-cailleux.weebly.com, écrivain méconnu, est l'occasion de rappeler le lien Céline-Cailleux.

Le volume Avec Roland Cailleux paru au Mercure de France (coll. " Ivoire ") en 1985, hommage à cet excellent auteur méconnu, comportait un important entretien de 1961 avec Céline que Philippe Alméras cite assez largement dans son Dictionnaire Céline. Mais au fur et à mesure de la mise à jour des archives Cailleux, d'autres commentaires apparaissent, dont celui-ci, daté du 19 juin 1957.
L’admiration pour le phénomène de la littérature française est, comme toujours, entière. Cailleux, cependant, place des bémols sur la sincérité de Céline, ses rapports à la chose littéraire, à l’argent, etc. Même plus que des bémols... Il s’exprime avec un excès de violence qui appelle une remarque : Cailleux souffrait de cyclothymie. Il subissait en alternance deux ans de déprime et deux ans de réactivité accrue. Très vraisemblablement se trouvait-il dans la seconde phase en abordant le cas Céline de la sorte. Cette notion précisée, la pièce n’en a que plus de spontanéité et, à ce titre, mérite d’être versée au dossier.
À cette occasion, il ne sera pas inutile non plus de rappeler le rôle que joua Roland Cailleux dans la genèse des Deux Étendards de Lucien Rebatet. Ils s’étaient connus à l’école Bossuet, où l’un était élève quand l’autre était pion. Une amitié de toute une vie s’en était suivie, indéfectible au point que Roland fut le plus fidèle soutien et visiteur de son aîné à Fresnes, extrayant de la clôture, page à page, le manuscrit du condamné. Il est le destinataire des Lettres de prison, de Rebatet, publiées en 1993 au Dilettante. Précisons toutefois que si la fidélité de Cailleux était légendaire, il n'approuvait pas les idées de Rebatet et, à plusieurs reprises par le passé, l'avait mis en garde.
Roland Cailleux (1908-1980) a partagé sa vie entre l’exercice de la médecine thermale à Chatel-Guyon pendant l’été, et une vie littéraire, l’hiver, dans les milieux de la N.R.F. Il fut le très exigeant et rare auteur de cinq livres: Saint-Genès ou la vie brève, Une lecture, Les Esprits animaux, À moi-même inconnu, et (posthume) La Religion du Cœur.

Christian DEDET


Le 19 juin 1957

Après avoir écrit à Nimier que je n'écrirai pas d'article sur Céline, j'ai envie de parler de lui aujourd'hui.
Il y a des mois, quand j'ai été le voir avec Nimier justement (je l'avais vu depuis la guerre une autre fois à Meudon, mais seul), il nous a lu le premier et le dernier chapitre d'Un château l’autre. On ne peut pas juger sur une lecture bien sûr (d'autant plus que Céline bafouille et accroche sans arrêt), mais il m'a semblé que je retrouvais l'auteur de Voyage et de Mort à crédit. Je suis sorti de là en disant à Nimier que c'était incontestablement le plus grand écrivain vivant. Je le pensais en entrant, et si la lecture avait été décevante je n'en aurais pas moins pensé la même chose. Mais j'aurais dit: le plus grand d'écrivain vivant baisse ou déconne, ce que j'ai dit pour pas mal d'ouvrages depuis Mort à crédit: les politiques avant tout, et ceux qui ont paru depuis son retour, excepté Casse-pipe. Mais j'ai beaucoup aimé des tas de morceaux des Entretiens avec le Professeur Y, et j’ai lu tout haut Normance (ça me paraissait mieux lu de cette façon, il est vrai que je ne l'ai pas terminé).
Entre-temps, Nimier l'a relancé, comme je lui écrivais hier, Céline lui doit une fière chandelle. J'avais moi-même écrit, quelques jours après ma visite à Céline, une lettre où je lui disais l'admiration profonde que j'ai pour lui et ma joie que c'était de connaître le plus grand écrivain français vivant, que, d'après cette lecture, on avait l'impression qu'on l'avait retrouvé.
Depuis, j'ai téléphoné à Nimier pour lui demander ce qu'il y avait dans l'intervalle, entre le premier et le dernier chapitre, et il ne m'a pas caché que c'était moins bon, il n'est pas fou, Ferdinand, en ayant l'air de feuilleter au hasard (tout en nous assurant avec un culot insensé, que tout était parfait dans son livre).
Depuis, le travail de Nimier a été effectif; le bouquin n'a pas encore paru et on ne parle que D’un château l’autre. C'est très bon pour Céline, mais c'est tout de même de curieuses mœurs. Ils me font chier avec leurs avant-premières; ça ressemble à de la publicité pour un savon gras qu’on lance. Ils vous détergent, c’est le meilleur, c’est insensé, quelle peau ça vous fait, oh, là, là, et personne ne s’est encore lavé, on n’a pas vu le produit. C’est du délire collectif. Faut-il que les gens soient bêtes et moutonniers ! Il doit bien rigoler Céline. Vous parlez d’un lancement. Tout ça n’est évidemment pas sérieux. Que Céline soit bien content parce que ça va se vendre, d’accord, mais que ça soit bon, j’attends de voir!
Oh, c'est très bien fait. Non seulement la presse de droite donne, dans Rivarol, Poulet qui avait été dur pour Normance et Féerie pour une autre fois, redélire (1). L'a-t-il lu, ce nouveau bouquin? Je n'en sais rien, car il n'en parle pas, ça sera pour un second article.
Dans la Nouvelle Revue Française, Nimier a fait un catéchisme tordant pour présenter Céline, et il y a un long extrait de Céline, c'est le début de son bouquin qu'il nous avait lu, avec: "À suivre" (2). Aujourd'hui, dans Arts, où on avait déjà reproduit la présentation presque intégrale de Nimier auparavant, il y a une interview de Céline, un très bon article de Bernard de Fallois sur le style de Céline (mais pas sur D’un château l’autre), et quatre jeunes romanciers parlent de lui aussi (3).
Enfin, ça c'est le plus beau succès de Nimier, j'imagine, il a trouvé le moyen de lui faire prendre un interview dans L’Express, où Céline met par terre tous les imbéciles du journal en dépit d'un chapeau dégueulasse de Françoise Giroud, d'un second chapeau avant l'interview et de dessins assez infâmes de Jean Eiffel (4). L'interview d'Arts est mauvaise, tandis que celle de L’Express est merveilleux car Céline y est prodigieux.

Céline a le front, dans Arts, aujourd'hui, de reconnaître qu'il est devenu le "faits-divers" à la mode et qu'il en donne aux interviewers pour leur argent. C'est bien mon avis, c'est pourquoi je n'écrirai pas d'article.
Autant il était bon d'en parler quand personne n’en disait rien, autant il est ridicule de prendre la suite du snobisme à la mode. Nous attendrons qu’il soit de nouveau dans la panade pour en reparler. En ce moment, il nous casse les pieds.
Et la panade d'ailleurs!...
Il se les est roulés pendant la guerre, et surtout pendant; il gueulait comme un sourd qu'il crevait de faim, et les gens marchaient. Je les connais, moi, les combines de Voyage et de Mort à crédit, et les éditions de luxe, et Gen Paul, qui bariolait avec un peu d'aquarelle ses gravures sur une édition de luxe pour la revendre un peu plus cher, sous les nazis, j'ai vu ça. Il y en avait d'autres qui crevaient de faim à ce moment-là, c'était pas Céline. Ça a changé quand il a foutu le camp, assez ignoblement, sans prévenir les copains, et puis, quand il a été en prison au Danemark. Mais à Sigmaringen, je connais la musique, moi, et il ne la raconte pas dans D’un château l’autre. Rebatet m'a raconté, j'en aurais, moi aussi, à dire. Seulement, moi je n'étais pas là-bas. Je comptais les tickets d'alimentation. J'avais pas des lingots de côté. Aussi je n'avais pas à les emporter avec les Allemands. Il avait un grand ami, Céline: Le Vigan. Il faut voir comment il l'a laissé tomber (5) . C'est pas croyable. Seulement, si moi, j'y étais pas, il y a des gens qui y étaient et qui sont encore vivants. Pour peu qu'ils parlent, on va voir déballer un joli linge sale. Je suis persuadé que Céline s'en fout, pourvu qu'il se vende. Mais il faut avouer qu'il s'est bien vendu, au sens précis du terme (au pluriel). Il nous fait suer, c'est le plus grand écrivain vivant, d'accord, mais c'est un beau salaud. Il a toute honte bue, le cochon, il a prétendu après guerre, qu'il avait pas été antisémite, qu'on avait mal compris. Aujourd'hui, il nous raconte dans Arts que c'était le plus grand ennemi d'Hitler. Je suis persuadé qu'il aimait pas Hitler, mais quand il écrivait dans les feuilles les plus antisémites et quand il publiait Les Beaux draps (là, il se retenait, il n'a pas pu trouver les vaincus), ça n'était pas joli, joli; ils étaient grassement payés, les articles dans les feuilles antisémites. Ne vous inquiétez pas, il n'avait pas de difficultés avec les tickets d'alimentation. D'ailleurs, il le sait bien, il le reconnaît qu'il est une ordure, aussi. Il n'y avait pas besoin de savoir non plus des détails sur sa vie privée (la façon dont il a traité ses enfants [sic] et ses petits-enfants qu'il ne voulait pas voir, qu'il ne recevait pas quand il crevait d'argent), pour le deviner, il n'y avait qu'à le lire (7). Le Bardamu, c'est aussi une crapule, un dégueulasse, ça n'est pas moi qui le dit: c'est lui. Et Robinson, qui est son double? Comme Monsieur Verdoux est le double du Charlot des Lumières de la ville, il est ignoble, et le fait de l'avouer n'enlève rien à sa saloperie.


Moi, pauvre idiot, quand j'ai appris qu'on fondait le prix des Écrivains médecins et que tous les médecins de un à cent dix ans pouvaient s'y présenter (il y avait Pierre Dominique (8) qui avait de la bouteille et le Doyen de la Faculté de Médecine, ce vieux con de Binet qui avait le front de se présenter aussi, et des tas d'autres, tous des merdes... tout de même Duhamel n'avait pas osé), j'ai été voir Mondor, et je lui ai dit: "Y en a qu’un, un seul, c’est Céline, c’est à lui qu’il faut donner le prix", il a été un peu épaté. J’ai l’impression qu’il ne savait pas très bien ce qu’était Céline à ce moment-là. J’exagère. D’ailleurs, il s’est rattrapé depuis, et il a fait pour Céline tout ce qu’on pouvait faire. Un homme admirable, Mondor (9).
Malheureusement, à ce moment-là, ce n'était pas possible, paraît-il, de lui donner le Prix, il était trop marqué pour le genre de Jury du Prix des Médecins Écrivains. On me l'a donné à l'unanimité quand Mondor m'a dit que je devais me présenter. Ça ne m'a pas rapporté la réédition de mon livre qui était épuisé. Les journalistes, à la sortie du Prix, n'ont pas pu le trouver chez Gallimard. J'avais une publicité formidable huit ans après la publication de Saint Genès, mais ça ne m'a servi rigoureusement à rien. Il n’est toujours pas réédité, Saint Genès. Alors, moi aussi, je l'aime Gallimard, comme Céline, seulement j'ai plus de raisons.
Ça m'a tout de même rapporté deux cent mille francs, ce Prix. Je n'avais pas beaucoup d'argent, j'étais criblé de dettes à ce moment-là, et puis, moi j'avais gardé mes enfants, pas comme Céline. J'ai tout de même téléphoné à Marcel Aymé pour lui demander si Céline n'était pas dans la panade, autant qu'on le disait, et pour savoir si je devais lui envoyer l'argent. Marcel Aymé m'a dit de ne pas faire une pareille sottise et que Céline se démerdait très bien, et c'était vrai qu'il avait touché des millions de ses éditeurs qu'il vilipendait. Moi, quand je touche cinquante ou cent mille francs d'avance, je suis bien épaté, et mon Saint Genès n’a été tiré qu’à six mille. Quant à Une lecture et Les Esprits animaux, il y en a encore plein les réserves. Et on les avait tirés pourtant qu'à trois mille, à 10 % que ça me rapporte, calculez combien je suis riche.

Alors, de la pitié pour Céline, je veux bien, mais c'est pas moi qui l'aie obligé à faire de la politique, il n'avait qu'à rester médecin comme moi. Paie un peu trop sa connerie, c'est vrai, mais pourquoi a-t-il été si con? Il gémit aujourd'hui dans Arts parce qu'il s'est trompé de cas. C'est un comble. Il voudrait la place de Mauriac, il est écœurant.

J'ai entendu aussi Rebatet raconter ça, qu'il s'était trompé de cas et que c'était sur Staline qu'il aurait dû miser. Ah, ils sont propres, nos pamphlétaires !

Mais ils ont des excuses. Le second surtout qui n'a aucun sens pratique, tandis que Céline est beaucoup plus roué. Il crie à la misère et à force de la crier, ça prend. Il peut pas manger, il faut qu'il fasse son marché lui-même, il n'a pas d'auto, il est vieux, sa femme travaille (ça c'est vrai, mais ça ne doit pas rapporter beaucoup, avec ses leçons de danse, à Meudon!), mais enfin il n'en serait pas là (si vraiment il en est là) s'il n'avait pas fait tout ce qu'il a fait. Oui, il a eu une vie difficile (mais pas en Amérique où il a épousé une femme américaine, qui était riche (11), mais pas à la Société des Nations où il avait une planque confortable, mais pas, encore une fois, au temps du succès et surtout au temps des Allemands). Où ils sont passés, ces lingots? Il se plaint qu'on lui ait tout barboté dans son appartement, même les murs. Tel que je le connais, quand il avait foutu le camp, il n'avait pas dû laisser grand-chose. Il n'a rien retrouvé quand il est revenu. Admettons-le. Il est déchu national (12). On s'en fout. Mais enfin, les millions qu'il a eus au retour, qu'est-ce qu'il en a fait? C'est une question que lui pose Parinaud dans Arts ce matin. Il prétend qu'il cherche une combine qui lui permettrait de gagner les vingt mille ou trente mille francs qui, en plus de sa retraite, lui permettraient de vivre. "— Mais votre éditeur vous a déjà avancé des millions et avec ce livre il vous fait une rente"; il ne trouve qu’à répondre, le Céline (c’est pas brillant): "Qui vous a dit ça?" Réponse de Parinaud: "C’est mon métier de savoir." Alors une dérobade insensée de Céline: "Cela ne m’empêche pas de manger des nouilles et de boire de l’eau", à quoi l’autre rétorque excellemment: "Le Docteur Destouches sait mieux que personne pourquoi Céline est au régime." Dernière riposte de Céline qui éclate de rire: "J’ai toujours été masochiste et con."

On ne peut pas mieux dire.
D'autre part, il a été grand mutilé de guerre de 1914, et il a des droits sur nous, mais peut-être pas le droit de s'engraisser sous les Allemands, pas le droit de nous faire prendre des vessies pour des lanternes, et de crier à la misère. Il l'a tout de même achetée, sa maison de Meudon (13) . C'est ce qu'il voulait dans Les Beaux draps, et que tous les Français aient un pavillon en banlieue et cent francs par jours. Maintenant, ça ferait trois mille francs. Je suis tranquille, il les a, et il a même un grand jardin. C'est lui qui nous prend pour des cons. Il a raison d'ailleurs, ça réussit toujours. Je ne donnerai pas cher de la reconnaissance qu’il aura pour Nimier (11) . On verra bien. Mais à la façon dont il a traité Paulhan qui a fait tout pour lui, au moment où c'était le plus difficile, et sur lequel il bave déjà dans le Professeur Y et plus encore dans D’un château l’autre, ça promet du joli. Nimier, d'ailleurs, s'en moque. Encore une fois, on verra bien.

Ceci dit, et les choses mises un peu au point, je me sens tout à fait à l'aise pour parler de mon admiration pour notre plus grand écrivain vivant. vais même faire une conférence à Cambridge sur lui. Tout ça c'est des intentions bien sûr, et je suis cossard. Je suis généreux, mais paresseux. Je suis généreux quand Céline est par terre, mais je suis aussi vaniteux, et quand Céline dans L’Express déclare qu'il n'y a pas un écrivain de la jeune génération qu'il connaisse et qui en vaille la peine, j'ai envie de lui foutre mon pied dans le cul. D'ailleurs, il ne lit pas, il écrit des sottises insensées sur Proust dans Bagatelles pour un massacre. En dépit de la citation que fait aujourd'hui Fallois sur le même Proust, dans les Voyages. Il n'y a que Céline qui compte. Aucune importance, c'est ce qui fait sa force.

Je suis injuste. Je ne crois pas lui avoir envoyé Une lecture, et je ne sais pas s'il a lu Les Esprits animaux. S'il les a lus, il a bien le droit de ne pas les aimer (quoique ça pourrait lui plaire). Mais pour Saint Genès je le lui ai envoyé en lui demandant de me dire ce qu'il en pensait. Et, direct, et sans fioritures, il m'a répondu. Une belle lettre.

Donc, il faudrait parler avant tout de son style. Fallois, qui prétend en parler, ne fait que des citations. Il y a eu un article de Claude Jamet pendant la guerre, que je voudrais me procurer, mais que je n'ai pas lu (14) . Je n'ai rien de sérieux sur son style, la seule chose sérieuse. D'ailleurs, aucun critique ne parle du style, il en serait incapable. Ou bien ils le pignochent au microscope, comme Marcel Berger. Ils n'y comprennent rien. C'est que c'est très difficile. Il n'y a que les auteurs qui pourraient bien en parler. C'est pour ça que j'aime tant quand ça arrive. C'est exceptionnel. Ils n'ont pas le temps. Ils y réfléchissent en écrivant. Pour leur propre compte. Ce ne sont pas des critiques. Mais il y a, heureusement, deux ou trois bouquins de Gide, et, les dépassant infiniment, le Contre Sainte-Beuve de Proust.
Et puis aussi quelques notes de Céline sur son style dans les Entretiens avec le Professeur Y.
C'est de là qu'il faudrait partir, car il sait tout de même de quoi il parle. Ce qui n'empêcherait pas de contrer tout ce qu'il y a de mauvais dans son style, sa facilité... son désossement, son manque de rigueur, tout ou à peu près tout ce qui a paru depuis Voyage et Mort à crédit. Il écrit ou il éjacule. On n'écrit pas un bouquin uniquement avec des cris de jouissance ou de torture. Ça fait poétique à bon compte. Lui aussi, il est responsable de la décadence de la langue française, il l'a désarticulée, liquéfiée, tout est à refaire; tu parles d'un trait de décomposition! Il faudra absolument que j'en parle de ce côté-là, c'est nouveau.

Et puis, il n'est pas unique, ça n'est pas un météore, on oublie que James Joyce avait commencé.
Dutourd, aujourd'hui, cite, ce qui est beaucoup moins profond, Vallès, Rictus, Barbusse et Vadé (!) au dix-huitième. Et Restif de la Bretonne. C'est bien facile.
Mais il n'y a pas que son style qui — j'y reviens, et ce n'est pas contradictoire — est admirable aussi. Dans Voyage, Mort à crédit, et Casse-pipe.
Il y a aussi son merveilleux bon sens, ça n'est pas d'aujourd'hui que les fous, les délirants, font sortir la vérité de leur bouche comme les enfants. C'est affolant, elle est toute nue, c'en est même obscène. Mais c'est ça. C'est criant, c'est scandaleux. J'adore ça. C'est vrai, ça me suffit. Pas: dégueuler, vomir. Chier à la face.
Montaigne, c'est très bien, mais c'est tout de même précieux par rapport à Céline. Au dix-septième siècle, n'en parlons pas. Ils ont tous des perruques dans leur style, et La Bruyère a des côtés petit marquis, Montesquieu est voltairien avant la lettre, il est persan à sa manière. Au dix-huitième, les encyclopédistes ont tout de même des crinolines. Et Rousseau est une chochotte, qui se balance majestueusement sur son escarpolette à la Gide. Ah, les belles tirades! Ah, je m'aime-t-y! Ah, je m'en fous! Au dix-neuvième, c'est le délire ou la comédie. Romantiques ou hérétiques, toujours moqueurs, ou presque tous. Depuis Rabelais, on n'avait plus entendu ça. Et encore Rabelais avait-il une bonne couche moyenâgeuse, des replis hercyniens de culture.
Oui, l'arrivée de Céline a été un grand moment de la littérature française.

Roland CAILLEUX
Source


Notes
1. Allusion au bref article de Robert Poulet paru le 13 juin 1957 dans Rivarol. La critique littéraire proprement dite parut le 4 juillet. À noter que le livre sortira le 20 juin, le lendemain même de la rédaction de ces notes dictées par Roland Cailleux à sa secrétaire.
2. "Céline au catéchisme", article sous forme de questions-réponses, par Roger Nimier, accompagné de bonnes feuilles de D’un château l’autre, La N.N.R.F., juin 1957.
3. Cette interview d'André Parinaud était accompagnée d'une enquête auprès de quatre jeunes romanciers : Jean Dutourd, Pierre Gascar, Jacques Perret et Roger Vailland.
4. Cette interview, faite (à l'instigation de Nimier) par Madeleine Chapsal et titrée "Voyage au bout de la haine ", parut le 14 juin 1957, soit une semaine avant la sortie du livre en librairie.
5. Robert Le Vigan fit pourtant l'éloge de Céline lors de son procès.
6. En réalité, Céline a toujours refusé d'être payé pour les lettres-articles qu'il donnait parfois à la presse.
7. "[Destouches] vint voir son père à Meudon plusieurs fois, et ils se téléphonaient assez souvent, mais il lui interdit de lui amener ses enfants. Quand elle insistait, il répondait toujours qu'il était trop sensible, qu'il s'attachait trop facilement, surtout aux enfants. Il refusait d'aller au-devant de nouvelles affections et préférait les ignorer pour n'avoir pas ensuite à en souffrir" (François Gibault, Céline, III, Mercure de France, 1981, p. 306).
8. Pierre Dominique (1891-1973).
9. Henri Mondor, futur préfacier de Céline dans la Pléiade et témoin à décharge lors du procès devant la Cour de justice de Paris.
10. "Oh que cela est magnifique ! Quelle résurrection ! grâce à vous !...". Lettre de Céline à Roger Nimier (17 juillet 1957) in Lettres à la N.R.F., 1931-1961, Éd. Gallimard, 1991.
11. Allusion à Elizabeth Craig que Roland Cailleux croit donc avoir été l'épouse de Céline.
12. Céline avait été déclaré en état d'indignité nationale.
13. Le pavillon de Meudon fut acquis grâce à un héritage que fit Lucette Destouches.
14. Allusion à un article intitulé "Préliminaires à l'esthétique de L.-F. Céline" paru le 25 mars 1944 dans Révolution nationale. Cet article sera repris en 1948 dans le recueil d'articles de cet auteur, Images mêlées de la littérature et du théâtre (Éditions de l'Élan).

 

 

dimanche, 19 septembre 2010

Chantage au "nazisme" à la SNCF

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Chantage au « nazisme » à la SNCF

Les commandes sont particulièrement attrayantes car elles impliquent d’énormes sommes d’argent, soit, plus de 35 milliards d’euro. C’est la somme que devrait mobiliser le plus grand projet ferroviaire de l’histoire des Etats-Unis. D’ici à l’année 2030, des liaisons TGV devraient être mises en oeuvre entre Los Angeles et San Francisco, d’une part, et entre Sacramento et San Diego, d’autre part. Au cours des prochaines décennies, des tracés similaires devraient être installés et exploités dans plus de dix régions des Etats-Unis, car le Président Obama veut étoffer et moderniser les chemins de fer américains. L’Etat écologique qu’est la Californie devrait jouer un rôle de pionnier dans ce projet. Sur le modèle du TGV français, l’Etat californien devrait, d’ici 2020, construire un nouveau tracé, pour éviter toutes éventuelles collisions avec les trains de marchandises, plus lents. La SNCF et la firme Alstom, qui construit les TGV, espèrent recevoir les avances nécessaires pour une partie des commandes. Mais en Californie, une résistance est en train de se former : la commande formidable qu’espèrent obtenir les Français risque de capoter face à une clause, évoquant le « nazisme ».

 

Blumenfield_070910.jpgLe Sénat de Californie vient d’entériner une proposition de loi spéciale formulée par le député Bob Blumenfield (photo), élu du Parti Démocrate. Le 1 janvier 2011, des conditions particulières pourront être imposées, dont l’objectif est de demander d’énormes compensations, sous prétexte que les chemins de fer français ont joué un certain rôle pendant la seconde guerre mondiale. Blumenfield et ses alliés visent essentiellement la déportation des juifs entre 1942 et 1944. Ils reprochent à la SNCF d’avoir participé au transport de déportés en direction des camps de concentration. L’entreprise d’Etat française refuse depuis des années d’accepter toute forme de responsabilité en cette affaire. Blumenfield rétorque : « Maintenant, on voit arriver cette entreprise en Californie en voulant prendre une part de la plus grande commande publique de l’histoire de notre Etat. Je pense que si une entreprise veut obtenir l’argent du contribuable, elle doit assumer la responsabilité de ses actes dans le passé ». La SNCF doit dès lors payer un dédommagement aux survivants des camps de concentration.

 

De fait, plusieurs procès ont déjà eu lieu en France, concernant les transports de déportés juifs, qui ont eu lieu pendant l’occupation allemande du pays. En 2006, la SNCF a été reconnue coupable mais une juridiction, en appel, a tranché en faveur des chemins de fer, annulant ainsi le premier jugement. Ensuite, le Conseil d’Etat, soit la plus haute juridiction en France, a déclaré, fin 2009, qu’il ne prendrait pas de décision contraire en cette affaire. Tout jugement qui irait dans le sens voulu par Blumenfield ne pourrait donc être prononcé qu’aux Etats-Unis ; dans ce pays, toutefois, un groupe de plusieurs survivants des persécutions nationales-socialistes à l’encontre des Juifs, ont introduit une plainte contre la SNCF auprès d’un tribunal de New York. Outre des dédommagements, ces plaignants réclament aussi, d’après certaines sources, que la SNCF ne puisse plus faire fonctionner des chemins de fer sur le territoire des Etats-Unis, comme le fait la société Keolis depuis peu en Virginie du Nord.

 

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Denis Douté, responsable principal de la SNCF aux Etats-Unis, rejette les reproches formulés contre les chemins de fer français, en avançant l’argument que les cheminots français ont agi « sur ordre de l’occupant » et ont, de surcroît, été très « actifs dans la résistance contre le nazisme ». Et il a ajouté : « Il existe en France, en Israël et aux Etats-Unis une commission très active qui a traité environ 24.000 cas et a payé des dédommagements pour un montant de plus de 550 millions de dollars ». Blumenfield estime, pour sa part, que cette déclaration de Douté, et ces compensations effectivement payées, ne doivent nullement empêcher le paiement de futurs dédommagements.  Il rappelle que de nombreuses entreprises, notamment allemandes, ont payé des dédommagements bien plus élevés, « indépendamment de leur Etat ou de leurs actionnaires », ou « ont créé des fonds ou pris d’autres initiatives ». « La différence avec la SNCF, c’est que celle-ci n’a rien mis en œuvre qui soit similaire », ajoute Blumenfield, qui, en outre, estime que le travail, entrepris jusqu’ici pour corriger l’histoire officielle de l’entreprise, n’est qu’une « fausse idéalisation ».

 

H. W.

(article paru dans DNZ/Munich – n°35/2010).

vendredi, 17 septembre 2010

Bulletin célinien n°322

Le Bulletin célinien n°322

Septembre 2010

Au sommaire du Bulletin célinien n°322 de septembre 2010 :

Marc Laudelout : Bloc-notes
La citation du mois (Michel Marmin)
Frédéric Saenen : Céline et le droit. Entretien avec Maître François Gibault
Marc Laudelout : Céline et L’Oréal
Jean Rougerie : Adapter Céline au théâtre (1979)
Paul Chambrillon : Mon ami Jean Rougerie
G. P. : Le paysage urbain crépusculaire dans Voyage au bout de la nuit et Mort à crédit (I)
Jean-Paul Louis : L’Année Céline 2009

Un numéro de 24 pages, 6 euros franco de port:

Le Bulletin célinien
B. P. 70
B 1000 Bruxelles 22

 
 
À l’instar de leur écrivain de prédilection, certains céliniens, même s’ils ne sont pas nécessairement aussi sobres qu’il l’était, ont « la mémoire atroce des buveurs d’eau (1).» En 2003, Jean-Paul Louis rendit compte du livre d’Émile Brami (2). Critique peu amène, jugez en par sa conclusion : « Force est de remarquer que le tunnel où il nous entraîne n’a ni entrée, ni sortie, ni voies de dégagement. Sans hauteur de vue, sans vision pittoresque, il est d’époque, étroit et répétitif (3).» Sept ans plus tard, Émile Brami n’a pas oublié cette flèche du Parthe : « Au contraire de beaucoup de céliniens, je n’ai pas besoin que Céline soit un saint laïc. Certains de ses admirateurs inconditionnels veulent que ce soit un grand écrivain et un homme parfait. Cela m’est complètement égal. Un célinien bien connu appelle Céline “le vieux”, comme si c’était son père. Un père idéal, puisque c’est un “vieux” de substitution qu’il s’est inventé et choisi. Et l’éreintement le pire que j’ai eu à propos de Céline vient de ce monsieur, parce que justement, je montrais dans la biographie que j’ai écrite certaines facettes de Céline qui étaient peu glorieuses (4). » Je me garderai bien de porter un jugement sur cette querelle. Cela étant, l’éditeur de L’Année Céline a été suffisamment pris à partie par ses pairs ces derniers temps (5) pour que l’envie ne me prenne – non pas de le défendre (il est assez grand garçon pour le faire tout seul) – mais de dire la réalité des choses. Dans son article, Jean-Paul Louis s’attachait surtout à mettre en lumière plusieurs erreurs d’interprétation de l’auteur. À l’époque, j’en avais relevé d’autres (6). Mais présenter (sans le nommer, soit dit en passant) ce célinien comme un admirateur inconditionnel de l’écrivain est excessif. S’il n’a jamais dissimulé son attachement profond pour la figure de l’écrivain (7), il a néanmoins marqué ses distances avec le pamphlétaire sans que cette prise de position ne soit motivée par quelque conformisme convenu. Ainsi, à propos des fameux textes interdits : « Ce n’est pas donné à tout le monde d’exprimer les plus mauvaises idées au plus mauvais moment, dans les termes les moins adéquats. » (8) Quant à considérer que Jean-Paul Louis voit en Céline une figure paternelle parce qu’il l’appelle, avec une ironie teintée d’empathie, « le Vieux », n’est-ce pas verser dans la psychanalyse de bazar ? (9) Pour le reste, nous sommes quelques uns à admirer Céline tout en regrettant pour sa mémoire qu’il se soit commis avec des « crapules d’exhibition qui polluaient dans des cloaques (10). »

Marc LAUDELOUT

1. « Je possède, médecin, buveur d’eau, non fumeur, une mémoire atroce. »(Lettre de Céline à Jean Galtier-Boissière, mars 1953)
2. Émile Brami, Céline. « Je ne suis pas assez méchant pour me donner en exemple... », Écriture, 2003.
3. [Jean-Paul Louis], « Livres reçus. Céline (II) », Histoires littéraires, vol. IV, n° 16, octobre-novembre-décembre 2003, pp. 178-180.
4. Émile Brami, « Pour qui aime la littérature, il y a des écrivains indispensables » [propos recueillis par Joseph Vebret], Le Magazine des Livres, n° 25, juillet-août 2010, pp. 36-38.
5. Le Canard enchaîné, sous la plume d’un célinien patenté, a déploré qu’il défende parfois Céline « bec et ongles jusqu’à l’indéfendable ». La revue Études céliniennes, elle, estime que certains de ses commentaires « laissent une impression de malaise » [sic].
6. Marc Laudelout, « Le Céline d’Émile Brami », Le Bulletin célinien, n° 246, octobre 2003, pp. 3-5.
7. « Le lecteur verra que je ne cherche pas à cacher mon attachement pour Céline, pour son art, du meilleur au pire : curieuse sympathie qui se développe, entre un écrivain et son éditeur, par-delà le temps qui les sépare, sans laquelle nul ne saurait lire, comprendre et faire connaître quelque œuvre que ce soit. » (Lettres à Marie Canavaggia, 1936-1960, Gallimard, 2007, p. 33).
8. Jean-Paul Louis, « Ménage de printemps » in Autour de Céline, 3, Le Lérot rêveur, n° 57, printemps 1994, pp. 23-26.
9. D’autant que l’explication est plus simple : « Je l’appelle : le Vieux, par référence à Flaubert qui, on le sait, désignait Sade ainsi dans les lettres familières. » (Jean-Paul Louis, Histoires du Vieux et autres nouvelles in Le Lérot rêveur, n° 59, printemps 1999, p. 12).
10. Le mot est de Pol Vandromme qui ajoute : « Il faut se rappeler ce qu’était Au Pilori, officine de délation où des stipendiés en proie au délire se flattaient de leurs mouchardages. Que le plus grand écrivain du siècle participe à la carmagnole en compagnie d’individus tarés et de propagandistes tarifés a de quoi scandaliser l’esprit le plus indulgent à l’inconscience des littérateurs. » (Pol Vandromme, Journal de lectures, L’Age d’Homme, 1991, pp.65-66.)

 

Pétain, De Gaulle: deux figures d'un tragique destin

Pétain, De Gaulle : deux figures d’un tragique destin

Pétain, De Gaulle… Réfléchissons un instant à ces personnages d’une époque lointaine. Et d’abord, quelle étonnante destinée que celle du maréchal Pétain ! Avoir été porté si haut et avoir été jeté si bas ! Dans la longue histoire de la France, d’autres grands personnages furent admirés, mais aucun sans doute n’a été plus aimé avant d’être tant dénigré.

Son malheur fut d’hériter, non seulement d’une défaite à laquelle il n’avait pris aucune part, mais plus encore d’un peuple, jadis grand, qui était tombé effroyablement bas. Pourtant, de ce peuple, jamais il ne désespéra. Le général De Gaulle, dont le destin croisa si souvent le sien, ne nourrissait pas les mêmes espérances, sinon les mêmes illusions. « J’ai bluffé. confiera-t-il vers 1950 à Georges Pompidou, mais la 1 ère armée, c’était des nègres et des Africains (il voulait dire des « pieds-noirs »). La division Leclerc a eu 2 500 engagés à Paris. En réalité, j’ai sauvé la face, mais la France ne suivait pas. Qu’ils crèvent ! C’est le fond de mon âme que je vous livre : tout est perdu. La France est finie. J’aurai écrit la dernière page. » (1)

Cela, même aux pires moments, Pétain eût été incapable de le penser.

Il était né en 1856 dans une famille de paysans picards, sous le règne de Napoléon III, avant l’automobile et avant l’électricité. Trois fois, il connut l’invasion de sa patrie, en 1870, en 1914 et en 1940. La première fois, il était adolescent et son rêve de revanche fit de lui un soldat.

En 1914, il avait 58 ans. Son indépendance d’esprit l’avait écarté des étoiles. Simple colonel, il se préparait à la retraite. L’assassinat à Sarajevo d’un archiduc autrichien et l’embrasement de l’Europe en décidèrent autrement. L’épreuve, soudain, le révéla. Quatre ans plus tard, il commandait en chef les armées françaises victorieuses de 1918 et recevait le bâton de maréchal de France. De tous les grands chefs de cette guerre atroce, il fut le seul à être aimé des soldats. Contrairement à tant de ses pairs, il ne voyait pas dans les hommes un matériel consommable. Le vainqueur de Verdun était l’un des rares à comprendre qu’il ne servait à rien d’être victorieux si le pays était saigné à mort.

Il y a bien des explications à la défaite de 1940, mais pour le vieux Maréchal, l’une des causes premières se trouvait dans l’effroyable saignée de 14-18. L’holocauste d’un million et demi d’hommes jeunes avait tué l’énergie de tout un peuple.
La première urgence était donc de maintenir ce peuple autant que possible à l’abri d’une nouvelle tuerie. Simultanément, Pétain espérait une future renaissance d’une « révolution nationale ». On l’en a blâmé. Certes, tout pouvait être hypothéqué par l’Occupation. En réalité, il n’avait pas le choix. La « révolution nationale » ne fut pas préalablement pensée. Avec toutes ses équivoques, elle surgit spontanément comme un remède nécessaire aux maux du régime précédent.

Aujourd’hui, dans la sécurité et le confort d’une société en paix, il est facile de porter sur les hommes de ce temps-là des jugements définitifs. Mais cette époque brutale et sans pitié ne pouvait se satisfaire de pétitions morales. Elle exigeait à chaque instant des décisions aux conséquences cruelles qui pouvaient se traduire, comme souvent en temps de guerre, par des vies sacrifiées pour en sauver d’autres.

À Cangé, en conseil des ministres, le 13 juin 1940, ayant pris la mesure exacte du désastre, le maréchal Pétain, de sa voix cassée, traça la ligne de conduite qui allait être la sienne jusqu’au bout, en 1944 : « Je déclare en ce qui me concerne que, hors du gouvernement, s’il le faut, je me refuserai à quitter le sol métropolitain. Je resterai parmi le peuple français pour partager ses peines et ses misères. »

Pour qui n’assumait pas de responsabilité gouvernementale, il était loisible de prendre un autre parti et de relever symboliquement le défi des armes. Et il est salubre que quelques audacieux aient fait ce choix. Mais en quoi cela retire-t-il de la noblesse à la sacrificielle résolution du maréchal Pétain ?

Les adversaires du général De Gaulle ont tenté de minimiser la portée et la hauteur de son propre geste, l’appel à une résistance ouverte. Ils ont fait valoir que l’ancien protégé du Maréchal ne s’était pas embarqué dans l’aventure sans parachute. Ils ajoutent qu’affronter les Allemands, depuis Londres, derrière un micro, était moins périlleux que de le faire en France même, dans un face à face dramatique, inégal et quotidien. Peut-être. Mais, parachute ou pas, le choix rebelle du Général était d’une rare audace. Fruit d’une ambition effrénée, ripostent ses détracteurs. Sans doute. Mais que fait-on sans ambition ?

Ce type d’ambition, cependant, faisait défaut au maréchal Pétain. A 84 ans, avec le passé qui était le sien, il n’avait plus rien à prouver et tout à perdre.

Si notre époque était moins intoxiquée de basse politique et de louches rancunes, il y a longtemps que l’on aurait célébré la complémentarité de deux hommes qui ont racheté, chacun à leur façon, ce qu’il y eut de petit, de vil et d’abject en ce temps-là.

Dominique Venner

Notes:

1. Georges Pompidou, Pour rétablir une vérité, Flammarion, 1982, p 128

Source : DominiqueVenner.fr

La "Nouvelle revue d'histoire" est disponible en kiosque!

mercredi, 15 septembre 2010

Mütterrevolution in Frankreich: Frauen wollen wieder ins Haus zurück!

Mütterrevolution in Frankreich: Frauen wollen wieder ins Haus zurück!

Eva Herman

Ex: http://info.kopp-verlag.de/

 

Es tut sich was im Staate Deutschland. In Frankreich. In ganz Europa. Die Menschen sind aufgewacht. Sie protestieren, demonstrieren, widersprechen und fordern! Sie gehen auf die Straße und melden sich, sprechen endlich aus, was sie sich gestern noch nicht getrauten: Im Ausland sind es Einschnitte ins sozial abgesicherte Leben, hier ebenso. Und mehr: das Sarrazin-Buch, die Schulreform Hamburg, Projekt Stuttgart 21, der Atomdeal der Bundesregierung, die Diskussion um die Atommüll-Endlager, die Castortransporte usw. Die Bundes- und Landesregierungen haben derweil immer schlechtere Karten. Zu lange und zu offensichtlich wurde amtlich vertuscht, gelogen und betrogen. Ja, es tut sich gewaltig etwas. Doch noch sind längst nicht alle Themen auf dem Tisch. Frankreich führt uns gerade vor, was auch hierzulande über kurz oder lang explodieren wird: die Familienpolitik!

 

 

Wenn man die hierzulande überhaupt noch so nennen darf. Richtiger hieße es wohl eher: die Anti-Familienpolitik. Frau von der Leyen, die ehemalige Krippenministerin, wird sich bei einem Blick auf den französischen Nachbarn verwundert die Augen reiben, ebenso ihre eher linksgerichtete Vorgängerin Renate Schmidt. Ach ja, und nicht zu vergessen die amtierende, kinderlose Familienministerin Schröder, die sich, ebenso wie ihre resoluten Vorgängerinnen, heute für die Krippen stark macht wie einst schon Margot Honecker.

Die fatalen Anti-Mama-Thesen, die den Frauen hierzulande seit Jahrzehnten übergestülpt werden, haben bereits immensen Schaden angerichtet. Sie zerstören die natürlichen, intuitiven Anlagen der Mütter und ersetzen sie durch die straff getaktete Botschaft: Ein erfülltes, globalisiertes Leben besteht aus einem strammen Berufsdasein! Kinder? Sind kleine Störfaktoren, die man schon früh in die Krippe bringen kann, bringen soll. Je mehr Krippen vorhanden, desto gelungener wird dies als familienfreundliches Modell gelobt. Deswegen: Ausbau des deutschen Krippennetzes auf 750 000 Plätze. Dabei werden sämtliche Forschungen über das natürliche Bindungsverhalten, wie es uns jede Straßenkatze mit ihren Jungen vor Augen führt, arrogant und sträflich vernachlässigend ignoriert. Mehr noch: Es wird tatsächlich, rein amtlich, sogar behauptet, Krippenhaltung bei Kindern fördere die Geburtenquote. Das ist ebenso dreist erlogen, was sogar der Familienforscher Hans Bertram aus von der Leyens Expertenteam einräumen musste, als er letztes Jahr vor den bundesdeutschen Medien einknickte: Ob sich Elterngeld und Kita-Ausbau auf die Geburtenzahlen auswirkten, werde sich erst in »zehn bis fünfzehn Jahren« zeigen.

Es ist schon jetzt klar, dass das System gescheitert ist. Es wagt nur noch keiner, das laut zu sagen. Seit Jahren ist Deutschland auf der inzwischen langen Liste der europäischen Länder Schlusslicht, was die Geburtenquote angeht.

Nicht nur von der Leyen beschwor das Nachbarland Frankreich als rühmliches Vorbild. Alle deutschen Feministinnen, deren erklärtes Ziel die Zerstörung mütterlicher Gefühle ist, schielten ebenso zu den »frankofrohen« Nachbarn mit dem Hinweis: So müssen wir es auch machen! Alle Kleinkinder kämen dort schon früh in die Krippe, alle Mütter arbeiteten und alle seien ja sooo glücklich!

Und jetzt? Auf einmal Pustekuchen. Eine mittelschwere Mütterrevolution ist in Frankreich plötzlich im Gange: Die Frauen wollen nicht mehr! Sie wollen nicht mehr den anstrengenden Spagat zwischen Karriere, Kind, Haushalt und Ehemann leisten müssen. Immer mehr gut ausgebildete französische Mütter kündigen ihren Job und bleiben zuhause. Wohlwissend, dass sie von der Gesellschaft für diese Entscheidung nicht geliebt werden, in Kauf nehmend, dass sie mit weniger Geld auskommen und sich ständig ihrer Familie und dem Bekanntenkreis gegenüber erklären müssen. Doch das ist ihnen egal. Die neue Sehnsucht der Frauen in Frankreich heißt: Rückkehr zu den traditionellen Grundwerten.

Bereits Ende der siebziger Jahre zog die französische Journalistin und vierfache Mutter Christiane Callonge (l’Express, Elle) in einem aufsehenerregenden Buch Bilanz. Unter dem Titel Ich will ins Haus zurück schrieb Callonge: »Ich will ins Haus zurück, nicht immer nur erzwungenermaßen, sondern öfter, länger, freiwilliger. Ich will nicht meine Kinder nur zwei Stunden täglich sehen. Ich weigere mich zu wählen zwischen Beruf und Familie. Ich will beides. Ich will leben!« Dieses Buch hatte in Frankreich der Diskussion um die Befreiung der Frau bereits vor dreißig Jahren entscheidende neue Impulse gegeben.

Nun ist die Debatte wieder öffentlich geworden, doch längst nicht mehr so zaghaft und vorsichtig. Selbstbewusste Mütter, jahrelang erfolgreiche, durchsetzungsfreudige Macher- und Karrierefrauen, hängen ausdrücklich ihren Job an den Nagel und bleiben selbstbewusst zuhause. Sie wissen, auf was sie sich einlassen: auf das Natürlichste der Welt, auf die Liebe. Und genau das wollen sie auch. Der bisherige gesellschaftliche Status, nach dem die Arbeit das Wichtigste sei, verliert für besonders gut ausgebildete Frauen zunehmend den Reiz. Immer mehr Französinnen brechen mit den alten, familienunfreundlichen Traditionen.

Der französischen Feministin und Beauvoir-Anhängerin Elisabeth Badinter gefällt das neue Mutterideal überhaupt nicht. Sie sorgt sich um die Freiheiten, die sich Frauen einmal erkämpft haben, schreibt sie in ihrem neuen Buch Der Konflikt. Diese seien seit 30 Jahren zunehmend bedroht – in Deutschland noch mehr als in Frankreich. Badinter, auch Philosophin und Bestsellerautorin, macht dafür genau jene neuen Ideale von der perfekten Mutter verantwortlich. Sie flößten allen Müttern ein schlechtes Gewissen ein, die ihrem Kind nicht ständig den Vorrang vor sich selbst, ihrem Partner und ihrem Beruf einräumen, ist die Meinung der Publizistin.

Das, was den Menschen erst zum Menschen macht, nämlich seine Verbindung zur Schöpfung, kritisiert die engagierte Kämpferin. Das neue Mutterbild, vor dem sie sich augenscheinlich fürchtet, würde dominiert vom Diktat der Natur. Die ständige Nähe zwischen Mutter und Kind sei angeblich natürlich, mault sie; sie soll für die gesamte Entwicklung des Kindes unverzichtbar sein? Eng mit diesem Naturbild verknüpft sei das Stillen. Dass es daher weit über das erste Jahr hinaus moralisch geboten sei, gefällt Badinter ebenso wenig. Was sei denn eigentlich wirklich natürlich? Und sollten Frauen im Namen der Natur wieder verzichten lernen? Badinter fürchtet sich, wie viele fehlgeleitete Feministinnen, vor Nähe, Zärtlichkeit und vor Abhängigkeit durch Liebe. Das betrifft Kinder gleichermaßen wie auch Männer. Umso engagierter kämpfen sie dagegen.

Das ist der neue Konflikt Frankreichs. Er wird sicher auch in allernächster Zeit zu handfesten Debatten in Deutschland führen. Das Bewusstsein für diese drängenden, lebensbestimmenden Fragen wächst täglich. Auch wenn deutsche Mainstream-Medien wie DER SPIEGEL, DIE WELT oder die Süddeutsche Zeitung die Feministin Badinter derzeit ebenso emphatisch hochjubeln wie ihre deutschen Mitstreiterinnen Dorn oder Schwarzer – angesichts der alarmierenden Zahlen, dass jede zweite berufstätige Mutter über Burn-out-Syndrome klagt, und angesichts der Tatsachen, dass seit den siebziger Jahren die Zahl alkoholanfälliger bzw. alkoholgefährdeter Frauen drastisch zugenommen hat , verweigern sich auch hierzulande die Frauen zunehmend dem Diktat der globalisiert-notwendigen Erwerbstätigkeit, die zulasten ihrer eigenen Gesundheit und zulasten des Seelenfriedens der ganzen Familie geht.

Wenn die Menschen dann erkennen werden, dass sie auch im Bereich der Familienpolitik zu Opfern von staatlicher Propaganda und Manipulation geworden sind, wenn sie den Zerfall der Gesellschaft aufgrund der Atomisierung der kleinsten gesellschaftlichen Zelle, der Familie, erkennen müssen, dann wird der Schmerz darüber sie traurig und wütend machen. Diese Wut der Bürger ist eine mindestens ebenso große Gefahr wie die derzeitig wachsende Erkenntnis, dass scheinbar überall amtlich getäuscht, gelogen und betrogen wird: Sie wird die Menschen zunehmend auf die Straße führen, sie wird sie suchen lassen nach neuen Möglichkeiten, zu ihrem Recht zu kommen. Vielleicht in einer neuen Partei, die weitab von den derzeitigen Volksparteien einstehen will für Werte, Tradition und ein Empfinden für die eigene Kultur? Warum auch nicht?

 

vendredi, 10 septembre 2010

Nice: hommage à Catherine Ségurane

Nice : Hommage à Catherine Ségurane

NICE (NOVOpress) – En 1543, sur les remparts de Nice, Catherine Ségurane, une lavandière, assomma de son battoir à linge un porte-étendard de l’armée turque qui assiégeait la ville et ceci redonna force et ardeur aux combattants niçois. Ainsi, Nice a résisté à ceux qui depuis soixante-dix ans faisaient trembler l’Europe. Les Turcs se replièrent mais en emmenant en esclavage les populations dont ils avaient pu s’emparer.

Pour la huitième année consécutive les jeunes niçois fier de leur identité ont défilé aux flambeaux le premier dimanche de septembre pour honorer cette héroïne nissarde.

Source des photos : Jouinessa Rebela, les jeunes Identitaires du Pays Niçois [1].

 

 

 

 

 

 


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[1] Jouinessa Rebela, les jeunes Identitaires du Pays Niçois: http://www.jouinessa.com/

mercredi, 08 septembre 2010

Immigration et identité: les erreurs de la Nouvelle droite et de l'Eglise catholique romaine

Immigration extra-européenne et identité : les erreurs de la Nouvelle droite et de l’Eglise catholique romaine…

Ex: http://tpprovence.wordpress.com/

Le dernier numéro de la revue Eléments pose la question en gros titre de couverture  et s’interroge pour savoir si certains intellectuels dits de La Nouvelle droite  dans leur combat remarquable contre le monde individualiste, droit de l’hommiste, globalisé, anglo-saxon, et de la consommation effrénée n’appartiendraient pas en fait à la Nouvelle gauche ?

Après tout,  le fait que Mohammed soit le nouveau prénom le plus usité  des naissances dans la région bruxelloise ne serait pas aussi grave que certains Européens traditionalistes, xénophobes et dépassés auraient tendance à le croire ! Finalement, une identité n’est pas immuable en soi et ne peut qu’évoluer au fil des siècles. L’immigration extra-européenne, à tout prendre, est un moindre danger pour notre identité européenne que le règne aliénant de la marchandise et de la consommation. Le vrai danger serait le capitalisme financier visant toujours plus à étendre son empire et transformant les êtres vivants en objets inanimés (1).

Nous tenons à nous élever avec force contre cette idée qui est très belle sur le papier et qui se rapproche effectivement de la conception (Weltanschauung) des hommes de gauche pratiquant trop facilement  et allègrement le déni des réalités.

Le véritable et plus grave  danger  pour les Français qui se définissent avant tout comme des Européens de langue française, c’est bien l’inacceptable phénomène migratoire extra-européen car il porte atteinte, au-delà des risques évidents de guerre civile et à une difficile politique du retour, d’une façon irréversible, à l’identité européenne, à la substance ethnique du peuple français. Le système économique, lui, pourrait  être adapté et changé sans trop d’encombres du jour au lendemain ! (fin du libre échange, mise en place de la préférence communautaire, mise en place d’un capitalisme volontariste industriel). L’immigration au contraire, engage la patrie charnelle du peuple français qui a pris son origine bien avant 1789. Le système économique suicidaire actuel ne présente pas les mêmes dangers à long terme ; il est , nonobstant les trop nombreuses  vies  déjà gâchées et les emplois définitivement  perdus  suite aux délocalisations inconscientes, plus facilement  modifiable et réversible.

Lorsqu’on voit les réactions de jeunes vierges effarouchées telles que celles de Jean-Pierre Raffarin ou de Michel Rocard, suite au renvoi volontaire avec un pécule de 300 euros, avion payé, de quelques Roms dans leur pays d’origine, on réalise à quel point est grave pour la société française le cancer mortel droit de l’hommiste. La réaction des élus de l’UMPS est d’autant plus inacceptable que ces mêmes Roms expulsés auront le droit de revenir d’ici quelque temps dans notre douce France ! En fait, pour la majorité d’entre eux, ce sont des congés payés dans leur pays d’origine aux frais du contribuable français ! A noter  également que  La France est un des rares pays au monde où des clandestins peuvent manifester publiquement  et tranquillement pour se faire régulariser   à tour de bras !

Ces réactions de l’UMPS sont d’autant plus stupides et scandaleuses que ces expulsions ne contribuent en rien  et pas le moins du monde à la diminution du véritable  danger  migratoire qui consiste, sous le règne médiatique  des seuls effets d’annonce du Président Sarkozy, à ne rien faire contre l’entrée annuelle effective de 250 000 nouvelles  personnes par an en France, essentiellement du Maghreb et de l’Afrique subsaharienne, soit une nouvelle agglomération lilloise extra-européenne tous les 3 ans dans l’hexagone, nonobstant une natalité délirante de ces nouveaux arrivants  et un nouvel appel d’air pour les mariages mixtes et les regroupements familiaux ! Et avec Madame Ségolène Royal, Madame Aubry et les socialistes, ce serait 450 000 personnes par an !

Quant aux réactions de certains hommes d’Eglise pour ces mêmes Roms,  elles nous rappellent que le christianisme a contribué au déclin et à la chute de l’Empire romain. Thomas Molnar a bien analysé les causes principales de la décadence européenne actuelle qui prennent leurs sources dans l’Eglise catholique romaine, l’Université et la Culture.(2)

Orateur et homme politique important vivant au IVème siècle, époque du chaos qui vit triompher le christianisme, Symmaque  le romain est célèbre pour avoir protesté publiquement quand les chrétiens, soutenus par Théodose, enlevèrent du Sénat de Rome, en 382, la statue et l’autel de la Victoire. Tout cela se termina par le sac de Rome par  Alaric en 410 ! L’Europe avec une fin possible du christianisme connaitra-t-elle un sort équivalent à la fin de l’Empire romain et du paganisme, se demandait à juste titre Thomas Molnar ?

L’Eglise catholique, les droits de l’hommistes, les intellectuels soit disant éclairés contribuent donc à cette « peste de l’esprit » selon Dominique Venner (3) qui s’est étendue à l’ensemble du monde blanc jusqu’à combiner sournoisement son autodestruction par la voie d’un brassage généralisé. Nietzsche avait aussi déjà vu le danger voyant dans le christianisme la religion des faibles avec tout ce que cela comporte de beau pour les envolées humanitaires, mais aussi de risques mortels et bien réels pour notre civilisation.

Seuls résistent finalement  à ces absurdités et à la catastrophe programmée, comme à la veille de la chute de l’Empire romain, quelques intellectuels épars, quelques hommes et  partis politiques, le  bon sens, l’âme populaire, la Russie et ne l’oublions pas, l’Eglise catholique  orthodoxe qui a un point de vue très différent de l’Eglise catholique romaine. Selon la religion catholique orthodoxe, « il existe des valeurs qui ne sont pas inférieures aux droits de l’homme tels la foi, la morale, le sacré et la Patrie ».

N’est ce pas un certain Poutine qui a prédit qu’au rythme où vont les choses, « la France finirait par devenir la colonie de ses anciennes colonies » ! Seuls le populisme, le nationalisme et la droite identitaire peuvent sauver la France ! La situation est grave. Il n’est plus possible de rester « Zen », de jouer au philosophe éclairé  à l’esprit  impassible et supérieur. L’heure semble bien au contraire venue de baisser les masques, de sortir  très vite du bois et de  donner la Garde car sinon la bataille dores et déjà engagée pour la survie de l’identité française et européenne pourrait  bien être définitivement perdue !

Marc Rousset*

*Marc Rousset est l’auteur de « La nouvelle Europe Paris-Berlin-Moscou », Editions Godefroy de Bouillon, 2009 . Il collabore régulièrement à la revue Synthèse nationale.

Notes

(1) Alain de Benoist, Nous et les autres, Problématique de l’identité, p 134, Krisis,  2007

(2)Thomas Molnar, Moi, Symmaque, L’Age d’Homme, Lausanne-Paris, 2000

(3) Dominique Venner, Histoire et tradition des Européens, Editions du Rocher, p 38, 2009

Armin Mohler: Réflexions sur les thèses de Zeev Sternhell

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1986

 

Armin MOHLER:

Réflexions sur les thèses de Zeev Sternhell

 

ZSnidroite.jpgUn livre, paru à Paris en 1983, a complètement bouleversé l'historiographie du fascisme. Ce livre porte le titre de: Ni droite ni gauche. L'idéologie du fascisme en France. Gros de 412 pages, il est publié par les éditions du Seuil, maison pourtant connue pour ses tendances de gauche.

 

L'auteur, Zeev Sternhell, professeur de politologie à l'Université Hébraïque de Jérusalem, est né en Pologne en 1935. Il est actuellement le Directeur du "Centre d'Etudes Européennes" et, peu avant la parution de Ni droite ni gauche, il avait fondé le Centre Interdisciplinaire de Recherche sur la Civilisation Française.

 

Son livre est très dense. Il abonde en outre de répétitions car, ce qui importe pour Sternhell, homme au tempérament fougueux, c'est d'inculquer au lecteur certains jugements  inhabituels. Mais il serait erroné de lui reprocher l'emploi de "concepts vagues". A l'opposé du spécialiste jusqu'ici accrédité de l'étude du fascisme, Ernst Nolte, Sternhell n'a pas reçu de formation philosophique. Il est un authentique historien qui se préoccupe de recenser le passé. Pour lui, chaque réalité historique est "irisable", on ne peut la ramener à un seul concept, il faut en considérer les diverses facettes. Dès lors, contrairement à Nolte, Sternhell ne construit pas un schéma abstrait du fascisme, dans lequel il conviendra d'enserrer ensuite les phénomènes concrets. Il renvoie de préférence ces phénomènes à toute une variété de concepts qu'il puise toutefois dans le vocabulaire politique traditionnel, afin de les cerner et de les localiser.

 

S'il entre dans notre propos de résumer ici un ouvrage aussi complexe, notre exposé ne pourra cependant pas remplacer la lecture de ce livre. Il en est plutôt l'introduction.

 

1. Qui est Zeev Sternhell?

 

1.1. Indubitablement, il est un authentique homme de gauche. Le journal Le Monde  (14.1.1983) déclare à son sujet: Sternhell entra en mai 1977, après la victoire électorale de Begin et la chute du Parti Travailliste, dans la vie politique israëlienne. Il créa le Club 77, un rassemblement d'intellectuels de l'aile d'extrême-gauche du Parti Travailliste. Ce Club s'engagea dans une politique de modération envers le monde arabe et milita pour l'évacuation de la Cisjordanie; en matière de politique interne, il chercha à favoriser une politique aussi "socialiste" que possible, c'est-à-dire accordant le maximum d'égalité. Au sein du Parti Travailliste, Sternhell fait partie d'une minorité, tout en étant membre du Comité Exécutif".

 

1.2. Sternhell est un "gramsciste". A l'instar de toute la gauche revendicatrice et contestatrice de sa génération, il s'est libéré de l'orthodoxie marxiste. Il rejette expressément la conception matérialiste de l'histoire (pp.18-19).

 

A la suite de Gramsci (et a fortiori de l'inspirateur de ce communiste italien, Georges Sorel), Sternhell se rallie à la conception historiographico-philosophique qui veut que les idées ne soient pas le reflet des réalités, mais l'inverse.

 

1.3. Le point de départ de la démarche de Sternhell: le révisionnisme. Le fait que Sternhell se soit consacré à l'étude du fascisme s'explique sans aucun doute par son intérêt pour la biographie des révisionnistes, ceux qui ont tenté de changer et de réformer le marxisme orthodoxe. De Ni droite ni gauche,  il ressort que le révisionnisme de "droite" (p.35) ou révisionnisme "libéral" (p.81), qui mène à des alliances et des compromissions avec le libéralisme bourgeois et qu'incarne un Eduard Bernstein (en France, Jaurès) fascine moins Sternhell que le révisionnisme de "gauche" (p.290), mouvement amorcé par Sorel et les syndicalistes révolutionnaires qui refusaient les "ramollissements" du socialisme et passèrent ultérieurement au fascisme. Sternhell s'intéresse en particulier à un nouveau courant socialiste d'alors qui, dépassant l'opposition Sorel/Bernstein, vit le jour au lendemain de la Grande Guerre: le révisionnisme "planiste" ou "technocratique" (p.36) du socialiste belge Henri De Man et du néo-socialiste français Marcel Déat. Ce révisionnisme-là aboutit directement au fascisme.

 

1.4. Sternhell contre le fascisme de salon. L'orientation "socialiste", qui sous-tend l'étude de Sternhell sur la problématique du fascisme, se traduit par le peu d'intérêt marqué pour les formes de fascismes philosophiques ou littéraires. Trait caractéristique: Sternhell ne mentionne nulle part les deux écrivains les plus importants appartenant au fascisme, Céline et Rebatet. Et Sternhell néglige encore d'autres aspects du fascisme de salon, du fascisme des penseurs "qui finissent leur vie en habit vert" (p.22). Vu les multiples facettes du fascisme français (et européen)(p.21), Sternhell s'adjuge le droit de poser une analyse pars pro toto: il prétend se consacrer en ordre principal à l'étude de secteurs négligés jusqu'ici (p.9).

 

2. La France, modèle du fascisme?

 

2.1. Pourquoi la France?  Le livre de Sternhell veut développer une définition du "fascisme" en se basant sur l'exemple français. Cette intention peut étonner. La France, en effet, si l'on excepte l'intermède de l'occupation allemande, n'a jamais connu un régime qualifiable de "fasciste". L'Italie, l'Allemagne voire l'Espagne seraient à cet égard de meilleurs exemples. Mais Sternhell, nous allons le voir, déploie de très sérieux arguments pour justifier son choix.

 

2.2. Les études antérieures de Sternhell. Ces arguments, pour nous, ne sauraient se déduire des travaux antérieurs de Sternhell, qui portaient tous sur la France. Dès le départ, il orienta son attention vers le fascisme, même s'il l'on peut supposer qu'un changement de perspective aurait pu se produire et lui faire choisir un autre territoire de recherches. Ce que Sternhell découvrit très tôt dans ces secteurs délaissés par la recherche qu'il se trouvait sur la bonne voie. Deux livres aussi copieux avait précédé Ni gauche ni droite. Le premier s'intitulait Maurice Barrès et le nationalisme français  (1972). Le second, La droite révolutionnaire 1885-1914. Les origines françaises du fascisme  (1978), traitait de la même époque historique, mais le grand thème de Sternhell, le fascisme, apparaissait pour la première fois dans le sous-titre. La recherche a imméditament considéré ces deux ouvrages comme des classiques. Les sujets de ces livres sont à la fois plus sectoriels et plus généraux que la thématique du troisième, que nous commentons ici. Dans Ni gauche ni droite, Sternhell cherche à forger un classification globale et détaillée du phénomène fasciste qu'il entend maîtriser conceptuellement.

 

2.3. La France a inventé le fascisme. Le premier argument de Sternhell, pour situer le champ de ses recherches en France, c'est que ce pays a vu naître le fascisme vingt ans avant les autres, notamment vers 1885 (p.41). Sternhell n'emploie qu'occasionnelle- ment le terme de "pré-fascisme" pour qualifier les événements entre 1885 et 1914 (p.21). Une figure comme celle de Maurice Barrès portait déjà en elle les germes de tout le fascisme ultérieur. Et quand j'ai énoncer la même hypothèse en 1958, je me suis heurté à une surprenante incompréhension de la part des experts français...

 

2.4. La France comme contre-modèle. Le second argument qu'avance Sternhell est plus complexe. Il contourne deux écueils. Parmi les grands pays de l'Europe continentale, la France est celui où la position dominante de l'idéologie et de la praxis politique du libéralisme a été la moins menacée, du moins jusqu'à la défaite militaire de 1940 (p.41). Sternhell souligne (p.42) le fait que la révolution libérale la plus importante et la plus exemplaire de l'histoire s'est déroulée dans ce pays et attire notre attention sur les phénomènes du "consensus républicain" (p.43) et du "consensus centriste" (p.52) qui sont les clés de voûte de l'histoire française contemporaine. C'est précisément à cause de ces inébranlables consensus que Sternhell opte pour la France comme champ d'investigation. Car le fascisme, en France, n'est jamais parvenu au pouvoir (p.293) et, écrit Sternhell, "le fascisme n'y a jamais dépassé le stade de la théorie et n'a jamais souffert des compromissions inévitables qui faussent toujours d'une façon ou d'une autre l'idéologie officielle d'un régime. Ainsi on pénètre sa signification profonde et, en saisissant l'idéologie fasciste à ses origines, dans son processus d'incubation, on aboutit à une perception plus fidèle des mentalités et des comportements. Et on comprend mieux, semble-t-il, la complexité des situations et l'ambiguïté des attitudes qui font le tissu des années trente". C'est là, de toute évidence, un principe heuristique, dérivé d'une option radicalement gramsciste qui pose le primat des idées et réfute celui des contraintes factuelles.

 

3. Les problèmes de "périodisation"

 

3.1. Impossibilité de poser des datations exactes. Comme doit le faire tout véritable historien, Sternhell fait varier légèrement les dates. Mis à part pour les événements ponctuels, il n'est pas aisé de fournir des dates précises, bien délimitées dans le temps, pour désigner l'émergeance ou l'assomption d'un courant d'idées politiques. C'est pourquoi Sternhell examine le phénomène "fasciste" dans l'espace d'un demi-siècle.

 

3.2. Continuité entre 1885 et 1940.  Fait essentiel pour Sternhell: cette période est "dans l'histoire de l'Europe, une période véritablement révolutionnai- re". Et il poursuit: "En moins d'un demi-siècle, les réalités sociales, le mode de vie, le niveau technologique et, à beaucoup d'égards, la vision que se font les hommes d'eux-mêmes changent plus profondément qu'à aucun autre moment de l'histoire moderne" (p.45). Dès lors, cette période forme une unité, si toutefois l'on met entre parenthèses les quatre années de la Grande Guerre (pp.19 et 290). Et Sternhell l'écrit expressément: "Au cours de ce demi-siècle, les problèmes de fond n'ont guère varié" (p.60).

 

3.3. Trois générations. Bien qu'il soit conscient de cette continuité, Sternhell procède cenpendant à des subdivisions dans le temps; ainsi, par exemple, quand il parle des "fascistes de 1913" comme des fascistes d'un type particulier. Il distingue trois générations de fascistes (cf. pp. 30, 52 et 60): d'abord les boulangistes et les anti-dreyfusards de la fin des années 80; ensuite, avant 1914, ceux de la "deuxième génération", celle du mouvement des "Jaunes" dans le monde ouvrier et de l'Action Française  de Maurras, qui atteint alors son apogée; en finale, il évoque, comme troisième génération, le "fascisme d'après-guerre".

 

3.4. Le poids d'une époque. Il est à remarquer que Sternhell accorde nettement plus de poids aux premières décennies de l'époque qu'il étudie. Pour lui, sur le plan qualitatif, les années qui précèdent la Grande Guerre revêtent davantage d'importance que les décennies qui les suivirent car, dans cette avant-guerre, tout ce qui est essentiel dans l'élaboration du fascisme doctrinal a été dit et mis en œuvre.

 

4. Prolégomènes du fascisme

 

4.1. Refus de prendre en considération les groupuscules excentriques. Sternhell s'intéresse aux "propagateurs d'idées". Il ne ressent aucune envie de perdre son temps à étudier ce fascisme folklorique de quelques illuminés qui jouent aux brigands, fascisme caricatural dont les médias font leurs choux gras. Il n'a que mépris pour ceux qui axent leurs recherches sur ce type de phénomènes marginaux (p.9): "A l'époque déjà, quand un groupe de la Solidarité française se fait photographier à l'entraînement au pistolet, toute la presse de gauche en parle pendant des semaines: un quelconque défilé de quelques dizaines de "chemises bleues" soulève alors beaucoup plus d'intérêt que le patient travail de sape d'un Thierry Maulnier ou d'un Bertrand de Jouvenel...".

 

4.2. Le fascisme, une idéologie comme les autres. Sternhell parle de la "banalité du fascisme" (p.296): "Dans les années trente, le fascisme constitue une idéologie politique comme les autres, une option politique légitime, un état d'esprit assez courant, bien au-delà des cercles restreints qui assument leur identité fasciste...". Selon Sternhell, le fascisme était "un phénomène possédant un degré propre d'autonomie, d'indépendance intellectuelle" (p.16). Il s'élève contre "le refus fondamental de voir dans le fascisme autre chose qu'un accident de l'histoire européenne" (p.18). Pour Sternhell donc, c'est une erreur de ne considérer le fascisme que comme "une simple aberration, un accident, sinon un accès de folie collective..." (p.18). A la fin de son ouvrage (p.296), Sternhell nous met en garde contre ceux qui propagent l'opinion que les fascistes n'étaient que des "marginaux". Nombreux sont les "fascistes" qui ont été jugés, par leurs contemporains, comme les "plus brillants représentants de leur génération" (Luchaire, Bergery, Marion, de Jouvenel).

 

4.3. Les courroies de transmission. "L'idéologie fasciste constitue, en France, un phénomène de loin plus diffus que le cadre restreint et finalement peu important des adhérents aux groupuscules qui s'affublent de ce titre" (p.310). Deux pages plus loin, Sternhell explique comment il s'est fait que "l'idée fasciste" ait pu se propager dans un milieu si prêt à recevoir son message: "Les fascistes purs furent toujours peu nombreux et leurs forces dispersées. Leur influence véritable s'exercera par une contribution continue à la cristallisation d'un certain climat intellectuel; par le jeu des courroies de transmissions secondaires: des hommes, des mouvements, des revues, des cercles d'études,..." (p.312).

 

4.4. Difficulté de situer sociologiquement le fascisme. Sternhell insiste sur le fait que le fascisme "prolifère aussi bien dans les grands centres industriels de l'Europe occidentale que dans les pays sous-développés d'Europe de l'Est" (p.17). Et il aime se moquer de ceux qui croient pouvoir ranger le fascisme dans des catégories sociales bien déterminées. Il est significatif que Sternhell attire notre attention sur une constante de l'histoire des fascismes: "le glissement à droite d'éléments socialement avancés mais fondamentalement opposés à la démocratie libérale" (p.29). Si cette remarque se vérifie, elle s'opposera à toutes les tentatives de rattacher l'idéologie fasciste à des groupes sociaux trop bien définis.

 

4.5. Pour expliquer le fascisme: ni crises économiques ni guerres. Ce qui m'a frappé aussi chez Sternhell, c'est l'insistance qu'il met à montrer la relative indépendance du fascisme vis-à-vis de la conjoncture (pp.18 et 290). Il ne croit pas que la naissance du fascisme soit due à la pression de crises économiques et, assez étonnamment, estime que la première Guerre mondiale (ou tout autre conflit) a eu peu d'influence sur l'émergence du phénomène. En ce sens, Sternhell s'oppose à la majorité des experts ès-fascisme (pp.96 et 101). C'est dans cette thèse, précisément, que se manifeste clairement l'option "gramsciste" de Sternhell, nonobstant le fait que jamais le nom de Gramsci n'apparaît dans l'œuvre du professeur israëlien. Sternhell ne prend les "crises" au sérieux que lorsqu'il s'agit de crises morales, de crises des valeurs ou de crise globale, affectant une civilisation dans son ensemble.

 

4.6. "Auschwitz" en tant qu'argument-massue n'apparaît nulle part. Sternhell fait preuve d'une étonnante objectivité, ce qui est particulièrement rare dans les études sur le fascisme. Mais une telle attitude semble apparemment plus facile à adopter en Israël qu'à New York ou à Zurich. Ainsi, Sternhell n'hésite pas à reconnaître au fascisme "une certaine fraîcheur contestataire, une certaine saveur de jeunesse" (p.80). Il renonce à toute pédagogie moralisatrice. Mais il est très conscient du "problème de la mémoire", mémoire réprimée et refoulée; il l'évoquera notamment à propos de certaines figures au passé fasciste ou fascisant qui, après 1945, ont opté pour la réinsertion en se faisant les porte-paroles du libéralisme: Bertrand de Jouvenel (p.11), Thierry Maulnier (p.12) et surtout le philosophe du personnalisme, fondateur de la revue Esprit , Emmanuel Mounier (pp 299 à 310).

 

5. La formule du fascisme chez Sternhell

 

5.1. Les carences du libéralisme et du marxisme. Après cette introduction, nous sommes désormais en mesure d'expliciter l'alchimie du fascisme selon Sternhell. Pour cet historien israëlien, le fascisme s'explique en fonction d'un préliminaire historique, sans lequel il serait incompréhensible: l'incapacité du libéralisme bourgeois et du marxisme à assumer les tâches imposées par le XXème siècle.Cette incapacité constitue une carence globale, affectant toute notre civilisation, notamment toutes les institutions, les idéologies, les convictions qu'elle doit au XVIIIème, siècle du rationalisme et du mécanicisme bourgeois. Libéralisme et marxisme sont pour Sternhell les deux faces d'une même médaille. Inlassablement, il souligne que la crise de l'ordre libéral a précédé le fascisme, que cette crise a créé un vide où le fascisme a pu se constituer. Fallait-il  nécessairement que ce fascisme advienne? Sternhell ne se prononce pas, mais toute sa démonstration suggère que cette nécessité était inéluctable.

 

5.2. Révisionnistes de gauche et nationalistes déçus. Généralement, pour expliquer la naissance du fascisme, on évoque la présence préalable d'un nationalisme particulièrement radical et exacerbé. Sternhell, lui, trouve cette explication absurde. D'après le modèle explicatif qu'il nous suggère, l'origine du fascisme s'explique bien davantage par le fait qu'aux extrémités, tant à gauche qu'à droite, du spectre politique, des éléments se sont détachés pour se retrouver en dehors de ce spectre et former un troisième et nouvel élément qui n'est plus ni de gauche ni de droite. Dans la genèse du fascisme, Sternhell n'aperçoit aucun apport appréciable en provenance du centre libéral. D'après lui, le fascisme résulte de la collusion de radicaux de gauche, qui n'admettent pas les compromis des modérés de leur univers politique avec le centre mou libéral, et de radicaux de droite. Le fascisme est, par suite, un amalgame de désillusionnés de gauche et de désillusionnés de droite, de "révisionnistes" de gauche et de droite. Ce qui paraît important aux yeux de Sternhell, c'est que le fascisme se situe hors du réseau traditionnel gauche/centre/droite. Dans l'optique des fascistes, le capitalisme libéral et le socialisme marxiste ne s'affrontent qu'en apparence. En réalité, ils sont les deux faces d'une même médaille. L'opposition entre la "gauche" et la "droite" doit disparaître, afin qu'hommes de gauche et hommes de droite ne soient plus exploités comme chiens de garde des intérêts de la bourgeoisie libérale (p.33). C'est pourquoi la fin du XIXème siècle voit apparaître de plus en plus de notions apparemment paradoxales qui indiquent une fusion des oppositions en vigueur jusqu'alors. L'exemple le plus connu de cette fusion est la formule interchangeable: nationalisme social / socialisme national. Sternhell (p.291) insiste sur la volonté d'aller "au-delà", comme caractéristique du climat fasciste. Le terme "au-delà" se retrouve dans les titres de nombreux manifestes fascistes ou préfascistes: "Au-delà du nationalisme" (Thierry Maulnier), "Au-delà du marxisme" (Henri De Man), "Au-delà du capitalisme et du socialisme" (Arturo Labriola), "Au-delà de la démocratie" (Hubert Lagardelle). Ce dernier titre nous rappelle que le concept de "démocratie" recouvrait le concept de "libéralisme" jusque tard dans le XXème siècle. Chez Sternhell également, le concept de "capitalisme libéral" alterne avec "démocratie capitaliste" (p.27).

 

5.3. L'anti-ploutocratisme. L'homme de gauche qu'est Sternhell prend les manifestations sociales-révolutionnaires du fascisme plus au sérieux que la plupart des autres analystes, historiens et sociologues de son camp. Si Sternhell avait entrepris une étude plus poussée des courants philosophiques et littéraires de la fin du XIXème, il aurait découvert que la haine envers la "domination de l'argent", envers la ploutocratie, participait d'un vaste courant à l'époque, courant qui débordait largement le camp socialiste. Cette répulsion à l'encontre de la ploutocratie a été, bien sûr, un ferment très actif dans la gestation du fascisme. De nombreux groupes fascistes s'aperçurent que l'antisémitisme constituait une vulgarisation de cette répugnance, apte à ébranler les masses. L'antisémitisme, ainsi, offrait la possibilité de fusionner le double front fasciste, dirigé simultanément contre le libéralisme bourgeois et le socialisme marxiste, en une unique représentation de l'ennemi. Parallèlement, cette hostilité envers la ploutocratie pré-programmait très naturellement le conflit qui allait opposer fascistes et conservateurs.

 

5.4. La longue lutte entre conservateurs et fascistes. Vu la définition du fascisme qu'esquisse Sternhell, il n'est guère étonnant qu'il parle d'une "longue lutte entre la droite et le fascisme" (p.20) comme d'une caractéristique bien distincte, quoiqu'aujourd'hui méconnue, de l'époque et des situations qu'il décrit. Et il remarque: "Il en est d'ailleurs ainsi partout en Europe: les fascistes ne parviennent jamais à ébranler véritablement les assises de l'ordre bourgeois. A Paris comme à Vichy, à Rome comme à Vienne, à Bucarest, à Londres, à Oslo ou à Madrid, les conservateurs savent parfaitement bien ce qui les sépare des fascistes et ils ne sont pas dupes d'une propagande visant à les assimiler" (p.20). Aussi Sternhell s'oppose-t-il (p.40) clairement à la classification conventionnelle de la droite française, opérée par René Rémond, qui l'avait répartie en trois camps: les ultras, les libéraux-conservateurs et les bonapartistes. Il n'y a, en fait, jamais eu que deux camps de droite, les libéraux et les conservateurs, auxquels se sont opposés les révolutionnaires, les dissidents et les contestataires.

 

5.5. A la fois révolutionnaires et modernes. Avec ces deux termes, utilisés par Sternhell pour désigner le fascisme, l'historien israëlien a choqué ses collègues politologues. Pour lui, en effet, le fascisme est un phénomène réellement révolutionnaire et résolument moderne. "Une idéologie conçue comme l'antithèse du libéralisme et de l'individualisme est une idéologie révolutionnaire". Plus loin (p.35), Sternhell expose l'idée, d'après lui typiquement fasciste, selon laquelle le facteur révolutionnaire qui, en finale, annihile la démocratie libérale est non pas le prolétariat, mais la nation. Et il ajoute: "C'est ainsi que la nation devient l'agent privilégié de la révolution" (p.35). Les passages évoquant le modernisme du fascisme sont tout aussi surprenants. A propos d'un de ces passages (p.294), on pourrait remarquer que cette attribution de modernisme ne concerne que les fascismes italien et français:"Car le fascisme possède un côté moderniste très développé qui contribue à creuser le fossé avec le vieux monde conservateur. Un poème de Marinetti, une œuvre de Le Corbusier sont immédiatement adoptés par les fascistes, car, mieux qu'une dissertation littéraire, ils symbolisent tout ce qui sépare l'avenir révolutionnaire du passé bourgeois". Un autre passage s'adresse clairement au fascisme dans son ensemble: "L'histoire du fascisme est donc à beaucoup d'égard l'histoire d'une volonté de modernisation, de rajeunissement et d'adaptation de systèmes et de théories politiques hérités du siècle précédent aux nécessités et impératifs du monde moderne. Conséquence d'une crise générale dont les symptômes apparaissent clairement dès la fin du siècle dernier, le fascisme se structure à travers toute l'Europe. Les fascistes sont tous parfaitement convaincus du caractère universel du courant qui les guide, et leur confiance dans l'avenir est dès lors inébranlable".

 

6. Eléments particuliers de l'idéologie fasciste

 

6.1. L'anti-matérialisme. Puisque, pour Zeev Sternhell, le fascisme n'est pas simplement le produit d'une mode politique, mais une doctrine, il va lui attribuer certains contenus intellectuels. Mais comme ces contenus intellectuels se retrouvent également en dehors du fascisme, ce qui constitue concrètement le fascisme, c'est une concentration d'éléments souvent très hétérogènes en une unité efficace. Citons les principaux éléments de cette synthèse. Sternhelle met principalement l'accent sur l'anti-matérialisme (pp. 291 & 293): "Cette idéologie constitue avant tout un refus du matérialisme, c'est-à-dire de l'essentiel de l'héritage intellectuel sur lequel vit l'Europe depuis le XVIIème siècle. C'est bien cette révolte contre le matérialisme qui permet la convergence du nationalisme antilibéral et antibourgeois et de cette variante du socialisme qui, tout en rejetant le marxisme, reste révolutionnaire...Tout anti-matérialisme n'est pas fascisme, mais le fascisme constitue une variété d'anti-matérialisme et canalise tous les courants essentiels de l'anti-matérialisme du XXème siècle...". Sternhell cite également les autres éléments de l'héritage auquel s'oppose le fascisme: le rationalisme, l'individualisme, l'utilitarisme, le positivisme (p.40). Cette opposition indique que cet anti-matérialisme est dirigé contre toute hypothèse qui voudrait que l'homme soit conditionné par des données économiques. C'est quand Sternhell parle de la psychologie que l'on aperçoit le plus clairement cette opposition. Ainsi, il relève (p. 294) que les "moralistes" Sorel, Berth et Michels "rejettent le matérialisme historique qu'ils remplacent par une explication d'ordre psychologique". "Finalement", poursuit Sternhell, "ils aboutissent à un socialisme dont les rapports avec le prolétariat cessent d'être essentiels".Et il insiste: "Le socialisme commence ainsi, dès le début du siècle, à s'élargir pour devenir un socialisme pour tous, un socialisme pour la collectivité dans son ensemble,..." (p. 295). Plus explicite encore est un passage relatif au révisionnisme de Henri De Man, qui, lui, cherche la cause première de la lutte des classes "moins dans des oppositions d'ordre économique que dans des oppositions d'ordre psychologique".

 

6.2. Les déterminations. Il serait pourtant faux d'affirmer que, pour le fascisme, l'homme ne subit aucune espèce de détermination. Pour les intellectuels fascistes, ces déterminations ne sont tout simplement pas de nature "mécanique"; entendons par là, de nature "économique". Comme l'indique Sternhell, le fasciste ne considère pas l'homme comme un individu isolé, mais comme un être soumis à des contraintes d'ordres historique, psychologique et biologique. De là, la vision fasciste de la nation et du socialisme. La nation ne peut dès lors qu'être comprise comme "la grande force montante, dans toutes ses classes rassemblées" (p. 32). Quant au socialisme, le fasciste ne peut se le représenter que comme un "socialisme pour tous", un "socialisme éternel", un "socialisme pédagogique", un "socialisme de toujours", bref un socialisme qui ne se trouve plus lié à une structure sociale déterminée (Cf. pp. 32 & 295).

 

6.3. Le pessimisme. Sternhell considère comme  traits les plus caractéristiques du fascisme "sa vision de l'homme comme mu par des forces inconscientes, sa conception pessimiste de l'immuabilité de la nature humaine, facteurs qui mènent à une saisie statique de l'histoire: étant donné que les motivations psychologiques restent les mêmes, la conduite de l'homme ne se modifie jamais". Pour appuyer cette considération, Sternhell cite la définition du pessimisme selon Sorel: "cette doctrine sans laquelle rien de très haut ne s'est fait dans le monde" (p. 93). Cette définition rappelle en quoi consiste le véritable paradoxe de l'existentialité selon les conservateurs: la perception qu'a l'homme de ses limites ne le paralyse pas, mais l'incite à l'action. L'optimisme, au contraire, en surestimant les potentialités de l'homme, semble laisser celui-ci s'enfoncer sans cesse dans l'apathie.

 

6.4. Volontarisme et décadence. Sternhell, qui n'est pas philosophe mais historien, n'est nullement conscient de ce "paradoxe du conservateur". Il constate simplement la présence, dans les fascismes, d'une "énergie tendue" (p. 50) et signale sans cesse cette volonté fasciste de dominer le destin (pp. 65 & 294). Sternhell constate que le problème de la décadence inquiète le fasciste au plus haut point. C'est la raison pour laquelle celui-ci veut créer un "homme nouveau", un homme porteur des vertus classiques anti-bourgeoises, des vertus héroïques, un homme à l'énergie toujours en éveil, qui a le sens du devoir et du sacrifice. Le souci de la décadence aboutit à l'acceptation de la primauté de la communauté sur l'individu. La qualité suprême, pour un fasciste, c'est d'avoir la foi dans la force de la volonté, d'une volonté capable de donner forme au monde de la matière et de briser sa résistance. Sternhell se livre à de pareilles constatations jusqu'à la dernière ligne de son ouvrage; ainsi, à la page 312: "Dans un monde en détresse, le fascisme apparaît aisément comme une volonté héroïque de dominer, une fois encore, la matière, de dompter, par un déploiement d'énergie, non seulement les forces de la nature, mais aussi celles de l'économie et de la société".

 

6.5. La question de la vérité. D'une part, le pessimisme; d'autre part, le volontarisme. Pour une pensée logique, ce ne pourrait être là qu'un paradoxe. Mais le fascisme se pose-t-il la question de la vérité? Voyons ce que Sternhell déclare à propos de l'un des "pères fondateurs" du fascisme: "Pour un Barrès par exemple, il ne s'agit plus de savoir quelle doctrine est juste, mais quelle force permet d'agir et de vaincre" (p. 50). Comme preuve du fait que le fascisme ne juge pas une doctrine selon sa "vérité", mais selon son utilité, Sternhell cite Sorel au sujet des "mythes" qui, pour l'auteur des Réflexions sur la violence, constituent le moteur de toute action: "...les mythes sont des "systèmes d'images" que l'on ne peut décomposer en leurs éléments, qu'il faut prendre en bloc comme des forces historiques... Quand on se place sur le terrain des mythes, on est à l'abri de toute réfutation..." (pp. 93 & 94).

 

En résumé...

 

Nous n'avons pu recenser le livre de Sternhell que dans ses lignes fondamentales. Nous avons dû négliger bien des points importants, tels son allusion à la "nouvelle liturgie" comme partie intégrante du fascisme (p. 51), à son anti-américanisme latent (même avant 1914) (p. 290); nous n'avons pas approfondi sa remarque signalant que, pour le fascisme, la lutte contre le libéralisme intérieur a toujours été plus importante que la lutte menée contre celui-ci pas certains dictateurs... (p. 34). En tant que recenseur, je me permets deux remarques, pouvant s'avérer utiles pour le lecteur allemand. D'abord, l'Allemagne n'est que peu évoquée chez Sternhell. En fait de bibliographie allemande, il ne cite que les livres de Nolte traduits en français; on peut dès lors supposer qu'il ne maîtrise pas la langue de Goethe. Ma seconde remarquer sera de rappeler au lecteur allemand ma tentative de redonner une consistance au concept de "fascisme", en le limitant à un certain nombre de phénomènes historiques (Cf. Der faschistische Stil, 1973; trad.franç.: Le "style" fasciste, in Nouvelle Ecole, n°42, été 1985). Sternhell, pour sa part, a donné au terme "fascisme" une ampleur énorme. Son effort est justifiable, dans la mesure où sa vaste définition du "fascisme", au fond, correspond à ce que je désignais sous l'étiquette de "révolution conservatrice". Bref, on peut dire du livre de Sternhell qu'il a envoyé au rebut la plupart des travaux consacrés jusqu'ici à l'étude du fascisme...

 

Armin MOHLER.

(recension tirée de la revue Criticón, Munich, n°76, mars-avril 1983; traduction française d'Elfrieda Popelier).     

 

jeudi, 02 septembre 2010

Expulsions de Roms: agitation et poudre aux yeux électoraliste?

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Expulsions de Roms : agitation et poudre aux yeux électoraliste ?

Ex: htp://blogchocdumois.hautetfort.com/

Si une majorité de français voit avec soulagement le démantèlement des campements sauvages de Roms et l’expulsion du territoire d’un certain nombre d’entre eux, il ne faut pas perdre de vue que ces grandes manœuvres sarkozystes ont essentiellement, pour ne pas dire uniquement, une visée électoraliste, leur utilité réelle étant plus que contestable (doux euphémisme).

En effet à quoi riment ces expulsions fort coûteuses vers un Etat européen dont les frontières ont été totalement démantelées par l’idéologie libérale de Bruxelles (comme d’ailleurs c’est le cas pour tous ses homologues de l’UE )?
Ces « charters » si médiatisés ne font finalement que déplacer le problème dans le temps, le gouvernement français n’ayant absolument aucun moyen d’empêcher le retour de ces expulsés de courte durée.

Encore une fois, le traitement du problème choisi par Nicolas Sarkozy est totalement inadapté à la situation.  En effet, il est absurde de vouloir traiter la question des Roms, peuple nomade par nature ayant toujours fait partie de l’histoire européenne,  de la même façon qu’on le ferait pour l’immigration maghrébine ou africaine. Renvoyer « chez eux » des gens dont la patrie est le voyage, il faut  bien avoir le cerveau d’un énarque pour envisager une si brillante solution.
La délinquance de certains Roms ne doit pas être confondue avec d’autres phénomènes liés en effet, eux, à l’absence de contrôle des flux migratoires et aux tensions ethnico-culturelles qui en découlent, le tout saupoudré de confrontations religieuses sur fond de problématiques internationales. La délinquance des Roms est un problème de simple police qu’une application ferme et volontaire de la loi suffirait à juguler.

Par ailleurs, alors que certains, éternels naïfs et futurs cocus, s’enthousiasment à nouveau, comme en 2007, face au discours droitier et à l’attitude en apparence « sécuritaire » de Nicolas Sarkozy, il convient de rappeler encore une fois le bilan totalement catastrophique du président sur les questions de la sûreté publique et de l’immigration.

On sait bien que cela ne sert à rien, tant l’électeur « de droite » semble avoir une inclination intime pour la persévérance dans l’erreur suicidaire, mais cela fait quand même du bien de le rappeler.

Xavier Eman

dimanche, 22 août 2010

We Anti-Moderns

We Anti-Moderns

Ex: http://www.counter-currents.com/

Antoine Compagnon
Les antimodernes:
De Joseph de Maistre à Roland Barthes
Paris: Gallimard, 2005

“Ce qu’on appelle contre-révolution ne sera
point une révolution contraire, mais le
contraire de la révolution.”
—Joseph de Maistre

joseph-de-maistre-source-catholicism-org.jpgThough Antoine Compagnon’s eloquently written and extensively researched essay won a number of prizes and set off a stir among France’s literati, there is little to recommend it here—except for its central theme, which speaks, however implicitly, to the great question of our age in defining and classifying a form of thought whose mission is to arrest modernity’s seemingly heedless advance toward self-destruction.

The antimoderne, Compagnon argues, was born with the birth of liberal modernity. Neither a reactionary nor an antiquarian, the anti-modernist is himself a product of modernity, but a “reluctant” one, who, in the last two centuries, has been modernity’s most severe critic, serving as its foremost counter-point, but at the same time representing what is most enduring and authentic in the modern. This makes the antimoderne the modern’s negation, its refutation, as well as its double and its most authentic representative. As such, it is inconceivable without the moderne, oscillating between pure refusal and engagement. The anti-modernist is not, then, anyone who opposes the modern, but rather those “modernists” at odds with the modern age who engage it and theorize it in ways that offer an alternative to it.

Certain themes or “figures” distinguish anti-modernism from academism, conservatism, and traditionalism. Compagnon designates six, though only four need mentioning. Politically, the antimoderne is counter-revolutionary; unlike contemporary conservatives, his opposition to modernity’s liberal order is radical, repudiating its underlying premises. Philosophically, the antimoderne is anti-Enlightenment; he opposes the disembodied rationalism born of the New Science and its Cartesian offshoot, and he sides with Pascal’s contention that “the heart has its reasons that reason knows not.” Existentially, the antimoderne is a pessimist, rejecting the modern cult of progress, with its feel-good, happy-ending view of reality. Morally or religiously, the antimoderne accepts the doctrine of “original sin,” spurning Rousseau’s Noble Savage and Locke’s Blank Slate, along with all the egalitarian, social-engineering dictates accompanying modernity’s optimistic onslaught.

The greatest and most paradigmatic of the antimoderns was Joseph de Maistre (1753–1821). Prior to the Great Revolution of 1789, which ushered in the modern liberal age, Maistre had been a Freemason and an enthusiast of the Enlightenment. The Revolution’s wanton violence, combined with Burke’s Reflections, helped turn him against it. Paradoxically indebted to the style of Enlightenment reasoning, his unorthodox Catholic critique of the Revolution became the subsequent foundation not only for the most meaningful distillations of Continental conservatism, but of the antimodern project.

The tenor of Maistre’s anti-modernism is probably best captured in his contention that the counter-revolution would not be a negation of the Revolution, but its dépassement (i.e., its overtaking or transcendence). Unlike certain reactionary anti-revolutionaries who sought a literal restoration of the old regime, the grand Savoyard realized the Revolution had wreaked havoc upon Europe’s traditional order, and nothing could ever be done to undo this, for history is irreversible. The counter-revolution would thus have to be revolutionary, going back not to the old regime, but beyond it, to a new order representing both the Revolution’s completion and transcendence. In this sense, the anti-modern project—by rejecting what is decadent and perverted in the modern, while defending what is great and necessary in it—holds out the prospect of rebirth.

Between the Great Revolution and the Second World War, as anti-modernists were excluded from the leading spheres of French political and social life, they took refuge, Compagnon argues, in literature and letters—their “ideological resistance [being] inseparable from [their] literary audacity.” Balzac, Baudelaire, Flaubert, Proust, Péguy, Céline—to name those most familiar to English-speaking readers—are a few of the great figures of French literature who, in implicit dialogue with Maistre, resisted the modern world in modernist ways. (Not coincidentally, for it was also a European phenomenon, the great Welsh Marxist scholar, Raymond Williams, makes a similar argument for English literature in his Culture and Society, 17801950 [1958], though in anti-capitalist rather than anti-modernist terms.)

But if Compagnon develops a suggestive term to designate the nineteenth- and twentieth-century resistance to modern liberal dogmas, he himself is no anti-modernist—which is what one would expect from this professor of French literature occupying prestigious chairs at both the Sorbonne and Columbia University. For anti-modernism is not simply modernity’s aesthetic auxiliary, as Compagnon would have it, but an ideological-cultural tradition frontally challenging the modern order. Given, moreover, the anti-liberal and frequently anti-Semitic implications of the anti-modern temper, as well as its uncompromising resistance to the reigning powers, no feted representative of the system’s academic establishment could possibly champion its tenets. Thus, despite Compagnon’s invaluable designation of one of the great figures opposing modernity’s destructive onslaught, he not only characterizes the antimoderne in exclusively literary terms, missing thereby its larger historical manifestations and contemporary relevance, he never actually comes to term with its defining antonym: the “moderne.”

The concept of modernity, though, is crucial not only to an understanding of the anti-modern, but to an understanding of—and hence resistance to—the forces presently threatening the European life world. There are, of course, a number of different ways to understand these anti-white threats. In an earlier piece in TOQ, I argued that they stem ultimately from the ontological disorder (“consummate meaninglessness”) that marks the foundation of the modern age. Others in these pages have pointed to the Jewish “culture of critique” and the managerial revolution of the Thirties, both of which throw light on the subversive forces threatening us. At other venues, there are those emphasizing the predatory nature of international capitalism, the suicidal disposition of our secular, humanist civilization, or the complex and perplexing forces of modern structural differentiation, to mention just a few of the contending interpretations. Because the historical process is a complicated affair and rarely lends itself to a single monolithic interpretation, the wisest course is probably an eclectic one accommodating a variety of interpretations.

However, if it were necessary to put a single label on the historical process responsible for the “decomposition and involution” preparing the way for our collective demise as a race and a culture, the best candidate in my view is the admittedly imprecise and difficult to define term “modernity”—and its variants (modernism, modernization, modern times, etc.). Over the last century and a half, some of our greatest thinkers have wrestled with this term, offering a variety of not always compatible interpretations of that “certain something” which distinguishes modern life from all former or traditional modes of existence. Compagnon adopts the view of Baudelaire, who invented the term, defining “modernité” as an experience “which is always changing, which does not remain static, and which is most clearly felt in the [bustling] metropolitan center of the city [where everything is] constantly subject to renewal.” The Baudelairian conception, like other interpretations of the modern stressing its fleeting, fragmented, and discordant nature, relates back to the Latin modernus or the early French modo, meaning “just now”—that is, something that is of present and not of past or “old-fashioned” times. In this sense, it is associated, positively, with the new, the improved, the unquestionably superior; negatively, with the ephemeral, the fashionable, and the superficial.

Here is not the place to review the history of this key term. Suffice it to note that the modernist sees life in the present as fundamentally and qualitatively different from life in the past. In contrast to traditionalists, who view the present as a continuation, a transmission, and a recuperation of the past, modernists (and today we are all, to one degree or another, modernists) emphasize discontinuity, favoring reason’s endless capacity to create ever more desirable forms of existence, opposing, thus, the historic, organic, and traditional orders of earlier social forms and identities. Racially, culturally, and in other ways, modern civilization cannot, then, but pursue its abstract, disordering cult of progress in a manner that contests who we are.

There is also a geography to modernity. It began as a European idea, but its fullest historical realization came in lands where the European tradition was weakest, specifically in America (“the home of unrelenting progress . . . where tomorrow is always better than today”) and, to a lesser extent, Soviet Russia. Thus it was that up to 1945 anti-modernists dominated European literature and letters and anti-modernist principles not infrequently found their way into the European public sphere. Since das Jahre Null, however, all has changed, and anti-modernists have been largely exiled to Samizdat and marginal publications—a sign of modernity’s increasingly totalitarian disposition to regulate, level, and homogenize for the sake of America’s modern “way of life.”

Flawed as it may be, Compagnon’s book not only helps us rediscover the anti-modern tradition that stands as an antidote to a runaway modernity, it comes at a time when modern civilization, in the form of globalization, faces its gravest crisis. Phillipe Grasset (at dedefensa.org), arguably the greatest living student of modern, especially American, civilization, claims that a triumphant modernity is today completely unchained, drunk on its own power, as it remakes the planet and transforms our lives in ways that destructure all known identities and beliefs. Like earlier French Jacobins, who exported their revolution to the rest of Europe, American Jacobins in the White House and on Wall Street are today imposing their revolutionary disorder on the rest of the world, as they turn it into a monochrome, amorphous herd of consumers shorn of everything that has traditionally been the basis of our civilization.

A single force compels the spiritless modernism of these latter-day Jacobins: the chaos-creating imperatives of their techno-economic cult of progress, which runs roughshod over every organic, historic, and traditional reference. Evident in Iraq, along our southern border, and in the antechambers of the European Commission, they thrive not just on the illusion that the past is discontinuous with the present, but on a “virtualism” whose artificial and self-serving constructions bear little relationship to the realities they endeavor to affect. As one White House official said to a New York Times reporter (October 17, 2004) on the subject of Bush’s “faith-based community”: “When we act, we create our own reality.” The modernist is prone, thus, to taking refuge in the illusory idea he makes of reality. This “virtualist” affirmation of illusion as reality inevitably leads to chaos, madness, and a world which is no longer our own.

Because our age’s defining conflict increasingly revolves around the battle between a destructuring modernity, in the form of globalism, and the anti-modernist forces of order rooted in the cultural and genetic heritage defining the European, the anti-modernist project has never been more pertinent. In Grasset’s view, what is at stake in this conflict is “the consciousness of existing as a specific phenomenon”—that is, identity. For as the modernist impetus of an American-driven globalism imposes its virtualist identities (based on creedal abstractions, not history, nature, or tradition), it clashes with the anti-modern project of forging an identity based on a synthesis of primordial identities and modern imperatives, as the temporal and the untimely meet and merge in a higher dialectic.

Throughout the nineteenth century and into the first half of the twentieth century, anti-modernists commanding the cultural heights of modern civilization were able, at times, to mitigate modernity’s destructive import. Since the American triumph of 1945, especially since 1989, as liberals and globalists subjected the spirit to new, more iron forms of conformity, this has changed, and anti-modernist writers and critics have been systematically purged from the public sphere.

The anti-modern, though, is not so easily suppressed, for it is the voice of history, heritage, and a reality that refuses to adapt to the modernist’s Procrustean demands.

Banned now from literature and letters, it is shifting to other fields. With the terrorist assault of 9/11, fourth-generation war in Iraq, the European referendum of 2005, etc.—the anti-modern forces of history and heritage continue to make themselves felt, for as our clueless modernists fail to understand, the past is never dead and gone.

TOQ, vol. 7, no. 4, Winter 2007–2008

König Schwein

König Schwein

Karlheinz WEISSMANN

ex: http://www.sezession.de/

Jürg Altwegg ist ein Konformist. Nicht ganz, das gehört sich für einen Intellektuellen, aber in der Hauptsache. Der Schweizer Journalist ist in allen deutschen Feuilletons wohlgelitten. Ein Linksliberaler der üblichen Sorte und Veteran im Kampf gegen „rechts“. Andere Gefahren gab es für Altwegg bis dato nicht. Er hat einen Namen als Naziriecher und in Deutschland wesentlich zur Diffamierung der Nouvelle Droite beigetragen („Nach den Büchern die Bomben von rechts“); Alain de Benoist erscheint bei ihm immer noch als „Faschist“.

Wenn ein Konformist erkennbar seine Auffassung ändert, dann hat das im allgemeinen damit zu tun, daß er eine Korrektur der Generaltendenz wittert. So muß man sich wohl den neuesten Beitrag Altweggs für die FAZ erklären. In der heutigen Ausgabe geht es um den „Kulturkampf“, der in Frankreich wegen des Beginns des Ramadans ausgebrochen ist, um die Konjunktur von Halal-Produkten und den allfälligen Protest von Brigitte Bardot gegen das Schächten, das in französischen Schlachthöfen allgemein üblich wird, über die Sperrung einer Straße in Paris wegen des Freitagsgebets und die Wutausbrüche wegen einer Vorspeise mit „Wurst und Wein“ im Pariser Araberviertel Goutte d’ Or, aber auch um die Weigerung der traditionellen Medien, die Konflikte zwischen Moslems und Nichtmoslems zur Kenntnis zu nehmen.

Der Vorstoß des Nachrichtenmagazins L’ Express, das einige ungeschminkte Berichte brachte, scheiterte an der Heftigkeit der Leserreaktionen. Die Kommentarseiten der Internetpräsenz mußten geschlossen werden. Im Netz tobt der „Kulturkampf“ allerdings weiter, und Altwegg äußert Zweifel, daß es bei verbalen Exzessen bleiben wird. Er zitiert einen Rap-Clip mit dem Text „Hier wo das Schwein König ist / Haß über die Kinder von Jeanne d’ Arc / hoch und kurz werden wir sie aufhängen.“

Altweggs Hinweis, daß ähnliche Aussagen von Rechtsradikalen mit Verboten geahndet würden, zeigt nur, daß er bestenfalls am Anfang eines Erkenntnisprozesses steht. Der „Faschismus“, den er bisher bekämpfte, war ein marginales Phänomen und insofern ungefährlich, der religiöse Fanatismus, um den es jetzt geht, tritt massenhaft auf, ist tatsächlich „extremistisch“ und ihm ist auf die übliche Weise ganz sicher nicht beizukommen, mehr noch, sein Erstarken hat mit dem zu tun, was Altwegg und die vielen anderen seines Schlages vorzubereiten geholfen haben.

samedi, 14 août 2010

A.M. Le Pourhiet: la discrimination positive marque le "retour au droit des orangs-outans"

Anne-Marie Le Pourhiet : la discrimination positive marque le « retour au droit des orangs-outans »

Ex: http://www.communautarisme.net/

Anne-Marie Le Pourhiet, professeur de droit public à l’Université Rennes-I, se livre dans cet entretien à l'Observatoire du communautarisme à une dénonciation en règle des principes de la discrimination positive et du règne du politiquement correct qui pèse chaque jour davantage sur le débat public. Rappel des principes républicains élémentaires, défense de l'assimilation comme modèle historique, du droit à la distinction et au jugement et critique de l'indifférenciation postmoderne : un entretien tonitruant et décapant !



Anne-Marie Le Pourhiet (droits réservés)
Anne-Marie Le Pourhiet (droits réservés)
Entretien réalisé par courrier électronique

B[Observatoire du communautarisme : Quels sont les principes de la discrimination positive ?]b

B[Anne-Marie Le Pourhiet :]b Le terme de discrimination lui-même est aujourd’hui tellement galvaudé qu’on ne sait plus du tout de quoi l’on parle. Il paraît donc nécessaire de « déconstruire » un peu notre sujet.

Le mot « discriminer » n’a a priori aucun sens péjoratif ou répréhensible puisqu’il désigne simplement le fait de distinguer, séparer, sélectionner ou discerner et vous m’accorderez qu’il est en principe tout à fait louable de savoir distinguer les êtres, les choses, les caractères ou les oeuvres. Il est rassurant de jouir de ses « facultés de discernement » et c’est le contraire qui est jugé inquiétant par le corps médical. Savoir distinguer un homme courageux d’un lâche, un homme vertueux d’un fainéant, un savant d’un ignorant, le permis de l’interdit ou encore un chef d’œuvre d’un barbouillage est traditionnellement une qualité.
Il se trouve cependant que par un glissement sémantique dont on ignore l’origine mais qui est peut-être lié au goût postmoderne pour l’indifférenciation, le terme de discrimination a acquis une signification essentiellement péjorative désignant des distinctions arbitraires et mal fondées. Dès lors, une discrimination devient une sélection négative préjudiciable à celui qui la subit au point d’être moralement et/ou juridiquement condamnée. C’est ce qui résulte clairement de la politique dite de « lutte contre les discriminations ». On n’affirme pas haut et fort vouloir lutter contre de bonnes actions. En conséquence, parler de discrimination positive n’a a priori pas de sens puisque cela revient à reconnaître un caractère positif à ce contre quoi on prétend lutter y compris pénalement ! Il faut donc être cohérent : si la discrimination c’est le mal, alors toutes les discriminations sont mauvaises, sans exception.

La vérité est cependant plus complexe car elle est essentiellement idéologique.

Tout d’abord, il n’est plus certain que la capacité de discernement soit encore perçue comme une qualité dans nos sociétés. Distinguer une tenue de sport d’une tenue de classe et s’étonner qu’une élève vienne au collège en jogging constitue désormais une « humiliation », de même que rendre les copies par ordre de notes décroissantes (Le Monde, 14 septembre 2005) ; qualifier un certain art contemporain d’« excrémentiel » est un scandale ; distinguer les sexes et les âges est pénalement répréhensible tandis que différencier l’enfant légitime de l’enfant adultérin est civilement inacceptable ; donner une dictée ou une dissertation à faire à des élèves ou candidats est un « mode de reproduction des inégalités sociales » ; vouloir sélectionner à l’entrée des Universités est une faute politique impardonnable. De façon plus générale, sélectionner, préférer, hiérarchiser ou tout simplement juger est devenu révélateur d’une « phobie » c'est-à-dire d’une maladie mentale à soigner d’urgence par les moyens idoines. Dans ces conditions, le terme de discrimination est évidemment voué à un usage illimité et la « Haute Autorité » en charge de la lutte contre cette infamie à un fabuleux destin de Big Brother. L’« apparence physique » étant récemment devenue un motif de discrimination sanctionné par le droit français on se demande comment les agences de mannequins et le concours de Miss France sont encore tolérés.
Il est donc désormais interdit de discriminer sauf ... quand il s’agit d’attribuer des privilèges à ceux qui ont la chance d’appartenir au club très prisé des « dominés ». Femmes, handicapés, « issus de l’immigration africaine et maghrébine », homo-bi-trans-sexuels, originaires de régions « à identité forte », etc. ont le droit de bénéficier d’avantages refusés aux hommes mâles, blancs, valides, hétérosexuels et originaires de régions hexagonales à … identité faible. Voilà très exactement ce qu’est une discrimination « positive » : un passe-droit reconnu aux membres de catégories ethnico-culturelles ou sexuelles ayant réussi à se forger un statut de victimes d’une domination perpétrée par une catégorie de bourreaux qui ne sera donc pas fondée à s’en plaindre. Préférer une femme à un homme n’est pas répréhensible, c’est, au contraire une discrimination « positive » fortement encouragée. Préférer recruter un chômeur français qu’un étranger est révélateur d’une « xénophobie populiste » mais réserver les emplois et professions des collectivités d’Outre-mer aux autochtones est une judicieuse prise en compte de la « situation de l’emploi local ». La « Haute Autorité » précitée devrait plutôt s’intituler de « lutte contre certaines discriminations seulement ».
Mais le terme de discrimination positive est un oxymore si flagrant et révélateur de l’imposture intellectuelle qu’il désigne que les promoteurs de cette politique de passe-droit le laissent aujourd’hui au placard pour lui préférer une terminologie plus neutre et moins voyante du type « promotion de l’égalité des chances » ou « diversité ».
Il existe aussi une autre forme de camouflage terminologique qui consiste à utiliser, au contraire, la notion de discrimination positive tous azimuts pour tenter de la banaliser en la neutralisant. C’est ce qu’a tenté de faire Eric Keslassy
dans son livre consacré aux discriminations positives. On prétendra alors voir des discriminations positives dans la moindre subvention aux agriculteurs, prime à la délocalisation d’entreprise ou à l’emploi dans les zones rurales. Une dispense de concours d’entrée dans une grande école pour les candidats à la peau basanée sera ainsi mise sur le même plan que l’adoption d’une mesure fiscale d’aménagement du territoire … anodine et inoffensive donc. La stratégie consiste à feindre de confondre discrimination positive et politique publique prioritaire. Dans ces conditions la loi de finances de l’année n’est plus qu’une collection de discriminations positives et on réussit ainsi à « noyer le poison ».
Personnellement, je ne considère pas la politique des zones d’éducation prioritaires comme une discrimination, c’est une priorité scolaire comme tant d’autres. Quand il faut rénover cinquante lycées il faut bien hiérarchiser les urgences et commencer par les plus abîmés. Un instituteur qui s’attarde à l’école pour aider à faire ses devoirs un élève qui a de mauvaises conditions de travail chez lui ne pratique pas une discrimination, en revanche s’il s’amuse à le dispenser d’épreuve ou à lui remonter ses notes il trahit l’esprit républicain et renie son métier. C’est toute
la différence entre le système de l’ESSEC et celui de Sciences-Po : le premier aide à affronter l’obstacle alors que le second l’enlève, le premier respecte la règle du jeu méritocratique le second la bafoue, il triche. La raison pour laquelle la vraie discrimination positive, celle qui déroge à la règle, est si sulfureuse c’est qu’elle transgresse précisément nos grands interdits républicains, philosophiques et juridiques.


B[OC : En quoi sont-ils opposés aux principes de la République française ?]b

B[AMLP :]b Dans notre pays où la Révolution a substitué le droit écrit à la coutume et donc l’autodétermination à la tradition, les principes de la République ne sortent pas de l’air du temps mais de textes explicites auxquels il suffit de se référer pour comprendre en quoi la discrimination positive est en totale contradiction avec ces valeurs. Je constate souvent que pas un seul de nos dirigeants n’est capable de citer un article de la Déclaration de 1789 ou de la Constitution de 1958 et qu’en particulier, le Président de la République, pourtant garant de notre texte fondamental, semble ignorer copieusement son contenu. Lisons-le.
I[« Les hommes naissent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune »]i (article 1er de la Déclaration de 1789), « La loi doit être la même pour tous, soit qu’elle protège soit qu’elle punisse. Tous les citoyens, étant égaux à ses yeux, sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents » (article 6). I[« Tout être humain, sans distinction de race, de religion ni de croyance possède des droits inaliénables et sacrés »]i (préambule de la Constitution de 1946, alinéa 1), « La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme » (alinéa 3). La France « assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion » (préambule de la Constitution de 1958).
Tous ces textes ont pleine valeur constitutionnelle et sont d’une parfaite clarté : ils proclament l’égalité de droit, elle-même consubstantielle à la liberté, mais aucunement une égalité de fait. C’est Marx qui a précisément critiqué le caractère formel des libertés révolutionnaires en les qualifiant de libertés bourgeoises que seules les nantis auraient les moyens d’exercer. Mais il s’inscrivait ouvertement dans une remise en cause radicale de ces conceptions. Or on constate aujourd’hui que de nombreux hommes politiques, militants ou « sociologues » en arrivent à revendiquer une rupture de l’égalité juridique et une remise en cause de ces principes explicites en invoquant pourtant les valeurs de la République, c’est un comble ! On convie la République à sa répudiation, quelle imposture !
Lorsque le Conseil constitutionnel explique, en 1982 et en 1999, que « ces principes constitutionnels s’opposent à toute division par catégories des électeurs ou des éligibles » et qu’il invalide en conséquence les quotas par sexe ou la parité dans les élections, il applique à la lettre et dans son esprit la philosophie juridique de la République française. En contournant cette jurisprudence pour pouvoir imposer la parité, le pouvoir politique a donc délibérément écarté les valeurs de la République et introduit une contradiction fondamentale au sein du texte constitutionnel. De même, en consacrant une « préférence autochtone » en matière d’accès aux emplois et professions et même à la propriété foncière en Nouvelle-Calédonie puis dans toutes les collectivités d’Outre-mer régies par le nouvel article 74 de la Constitution, la droite et la gauche françaises confondues ont renié l’article 1er qui interdit les distinctions entre citoyens français fondées sur la race ou l’origine. Lorsque Monsieur Baroin ose citer l’Outre-mer comme modèle de non-discrimination (Le Figaro du 12 juillet 2005) il oublie les « horreurs constitutionnelles » qui ont été commises sous l’égide de son ministère et feint d’ignorer que les collectivités qui relèvent de sa responsabilité baignent entièrement, comme la Corse, dans la discrimination « positive » c'est-à-dire les privilèges systématiques, de fait ou de droit, avec les résultats finaux (désastreux) que l’on sait. Le même ministre ne propose t-il pas d’introduire une nouvelle discrimination ultra-marine dans le droit de la nationalité ?


B[OC : Que penser du débat autour des « statistiques ethniques », c'est-à-dire la mise en place d’indicateurs statistiques triant la population en ethnies ? Que vous inspirent les récentes déclarations d’Azouz Begag : « Il faut inoculer dans le corps social le virus de l’origine pour se débarrasser de l’origine dans le corps social. J’utilise en quelque sorte la méthode Pasteur » ?]b

B[AMLP :]b Il faut bien comprendre ce qu’on est en train de faire et pourquoi on le fait. Si je me mets, comme Renaud Camus, à compter le nombre de journalistes juifs à France-Culture c’est parce que je m’apprête évidemment à juger qu’il y en a « trop » à partir d’un critère standard qu’il me faudra bien expliciter. Que veut dire « trop » ou « pas assez de » ? Si le gouvernement et le patronat demandent à la CNIL l’autorisation de recenser les origines ethniques ou nationales des salariés c’est bien pour que ce comptage débouche sur une appréciation de type « trop » ou « pas assez de » d’inspiration proportionnelle. Et où cela nous mène t-il directement ? A des quotas, bien entendu, même si le mot est pudiquement caché et si l’on se garde bien d’afficher publiquement les standards numériques retenus. L’IEP de Paris n’a sans doute pas fixé à l’avance un pourcentage officiel de Beurs ou de Noirs à recruter chaque année, il n’en demeure pas moins que l’objectif est bien, pour parler comme Fernand Raynaud, d’en faire entrer « un certain nombre ». On introduit bien le poison de l’ethnicité dans les critères de recrutement et de promotion. Or ce critère est foncièrement injuste et pervers. Alors que le concours et le mérite provoquent une concurrence et une compétition stimulante entre les individus, l’introduction d’un critère ethnique ne peut que provoquer des rivalités inter-ethniques et un permanent sentiment de frustration et d’injustice. C’est une erreur politique et psychologique colossale.

Ayant plusieurs fois lu et entendu Monsieur Azouz Begag avant sa nomination je ne peux m’empêcher de penser que celle-ci constitue elle-même une discrimination positive car la vacuité et la médiocrité de ses idées ou propos ne le destinaient certainement pas objectivement à une carrière ministérielle. Quand il ne compare pas la France à une voiture il se prend lui-même pour Pasteur en confondant cependant les microbes et les virus, c’est lourd et c’est irresponsable. Les déclarations de Dominique de Villepin sur sa prétendue hostilité aux discriminations positives alors qu’il nomme monsieur Begag ministre délégué auprès de lui-même c'est-à-dire chargé d’agir et parler pour le compte et sous la responsabilité de Matignon sont d’une incroyable hypocrisie, on baigne dans le mensonge public le plus effronté et on prend les Français pour des imbéciles. C’est bien M. Begag qui affirmait que « la police nationale a besoin de recruter des jeunes issus de l’immigration magrébine et africaine » (mesure effectivement adoptée sous le nom trompeur de « cadets de la République ») et proposait d’imposer une présence systématique de policiers issus de l’immigration dans les jurys ainsi que d’abandonner des épreuves « trop culturellement marquées » ! Tout cela commence à sentir sérieusement le népotisme. C’est aussi ce que proposent certains syndicats étudiants d’obédience musulmane : il faudrait « adapter » les modalités d’examens et de notation universitaires aux différences culturelles ! On va finir en république bananière !

On constate cependant, depuis très peu de temps, une tendance à rendre publiques un certain nombre d’informations jusque là occultées. Le journal Le Monde se met à révéler l’existence de réseaux puissants et structurés de personnalités « issues de l’immigration » dont le lobbying (Club du XXIème siècle, Club Averroès, notamment) est à l’origine desdites revendications et qui démontrent de façon éclatante la fausseté des affirmations selon lesquelles les « minorités visibles » seraient absentes des lieux de pouvoir (« L’« élite beurre » mène le débat sur les minorités … hors des partis », Le Monde, 20-21 février 2005). Ces clichés victimaires sont, en effet, totalement faux et la liste est longue des personnes très influentes qui effectuent un lobbying efficace en faveur des discriminations positives rebaptisées « diversité ». De même, plusieurs
rapports récents remettent en cause les préjugés généralement colportés sur l’échec scolaire des enfants d’immigrés. A force de concentrer l’attention médiatique et politique sur les « sauvageons » des mauvais quartiers on a fini par occulter la réussite tout à fait répandue de très nombreux Beurs et Noirs. J’ai moi-même distribué d’excellentes notes d’oral à un très fort pourcentage d’étudiants issus de l’immigration qui ont fait ensuite de belles carrières. Bien entendu, ces étudiants sont parfaitement assimilés, s’expriment dans un français impeccable et ont une culture et une tenue correctes, on n’imagine pas que des individus incultes au vocabulaire limité à moins de cent mots et déboulant au collège en jogging à capuche en injuriant des professeurs vont pouvoir rentrer à l’ENA ! Un chasseur de têtes africain expliquait récemment dans la presse qu’il recrute en France des diplômés d’origine africaine pour essayer de les faire revenir au pays, c’est donc bien que cette élite existe (Le Monde, 16 septembre 2005). Quant aux Antillais - dont je ne parviens pas à comprendre pourquoi ils veulent s’assimiler aux immigrés alors qu’ils sont Français depuis plus longtemps que les Corses et les Savoyards - cela fait longtemps que les « hussards » de la République en ont fait des avocats, des procureurs, des professeurs, des énarques, des médecins etc.… Un ancien député martiniquais se plaît à affirmer que son île est la région de France où il y a le plus d’intellectuels au mètre carré … ce qui n’est d’ailleurs pas forcément un gage de bonne santé économique.


B[OC : Quel bilan peut être fait des politiques de discrimination positive aux Etats-Unis ?]b

B[AMLP :]b Votre question présuppose déjà que le but de l’Affirmative Action est en soi légitime et qu’il suffit de vérifier s’il a été atteint ou non. Or précisément, on peut être tout à fait colour ou sex blind et se moquer du point de savoir s’il y a ou non des Noirs ou des femmes dans telle profession ou assemblée politique. Je ne serais pas du tout gênée s’il n’y avait aucune femme à l’Assemblée Nationale car je me moque du sexe des députés comme de celui des anges d’autant que les interventions et travaux des parlementaires féminins ne sont guère brillants et que la parité n’apporte évidemment et absolument rien au regard de l’intérêt public. Je suis un jour tombée des nues en entendant un de mes étudiants martiniquais me faire remarquer qu’il y avait deux professeurs juifs dans un jury de thèse que j’avais composé … je ne m’en étais pas aperçue et j’ai trouvé cette remarque obscène. Je dois sans doute être « ethnophobe » et le simple constat qu’il y a ou qu’il n’y a pas de Noirs, d’Arabes, de Juifs ou de Bretons dans un endroit me choque profondément, je trouve cela vulgaire et déplacé. Ernest Renan appelait cette comptabilité de la « zoologie » et y voyait un « retour au droit des orangs-outans », je partage tout à fait son analyse. Je suis trop individualiste et libre pour pouvoir raisonner en termes de groupe et ne comprends pas qu’on puisse accepter d’être rangé dans un troupeau.
Le bilan de l’AA aux USA est évidemment impossible à faire sérieusement puisque son évaluation véritable supposerait qu’on puisse savoir où en serait aujourd’hui l’Amérique sans cette politique. Autant dire qu’on ne pourra jamais vraiment juger. Il y a de toute évidence en Amérique beaucoup de Noirs qui ont parfaitement réussi naturellement, sans le secours de l’AA (Condoleezza Rice et le maire de la Nouvelle-Orléans, Ray Nagin, par exemple). Il est coutumier de dire que l’AA a permis l’émergence d’une moyenne bourgeoisie noire mais il est difficile d’affirmer que celle-ci n’aurait pas existé sans cette politique. Je suis personnellement tellement habituée à côtoyer une grande et moyenne bourgeoisie antillaise, pur produit de l’élitisme républicain, que j’ai peine à imaginer que des progrès similaires ne se sont pas aussi faits spontanément aux USA. Pour ce qui est du domaine que je connais, c'est-à-dire l’Université, il faut bien admettre que les quotas ayant évidemment conduit à recruter au moindre mérite ont surtout débouché sur la spécialisation des Noirs dans les voies de garage des black studies. Les sciences sociales sont le réceptacle privilégié des étudiants moyens ou faibles qui n’ont pas le niveau pré-requis pour les disciplines littéraires ou scientifiques. Lorsqu’on n’est pas recruté sur les mêmes critères d’exigence que les autres on n’arrive pas non plus à suivre le même cursus. On n’entre pas par effraction dans l’élite scientifique. Ceci s’observe évidemment aussi en France où les écoles Centrale et Polytechnique ne pourraient pas s’offrir un gadget de type Sciences-Po, on ne triche pas avec la science et ce qui est possible dans une école de pouvoir ne l’est pas forcément dans un lieu de savoir. On peut dispenser de dissertation dans une école de « tchatche », on ne peut pas dispenser de résoudre une équation dans une école d’ingénieurs. Si l’on pratiquait des discriminations positives à l’Ecole nationale d’aviation civile je ne monterais plus dans un avion !


B[OC : Vous avez vécu aux Antilles : quelle est votre expérience des politiques de discrimination positive là-bas ?]b

B[AMLP :]b Il n’y a pas officiellement de politique de discrimination positive dans les DOM puisque, contrairement aux collectivités de l’article 74 (ex-TOM), ils sont soumis au principe de l’assimilation juridique simplement « adaptée ». Il y a néanmoins des méthodes de recrutement qui aboutissent de facto à une préférence autochtone : par exemple si on déconcentre le recrutement de certains fonctionnaires territoriaux en organisant les concours sur place, il est évident que des candidats métropolitains ne vont pas faire le voyage et que ce système privilégie partout, mais surtout dans les collectivités insulaires, le recrutement local.
Mais on trouve cependant aux Antilles et en Guyane, à la différence de la Réunion où ne sévit pas cette mentalité, le même comportement « nationaliste » qu’en Corse qui aboutit à une discrimination positive de fait dans tous les domaines. Du point de vue économique, on connaît d’abord les privilèges fiscaux, sociaux et salariaux délirants aux effets pervers inouïs mais qu’on ne parvient pas à supprimer puisqu’ils sont considérés comme des « droits acquis » intouchables par des syndicats qui se disent indépendantistes mais dont le comportement infantile plombe l’économie de leur région et l’enfonce définitivement dans la dépendance. On retrouve la même spirale qu’en Corse, dans le Mezzogiorno italien et, maintenant aussi, dans les länder d’Allemagne de l’Est qui vivent sous perfusion et dont la population s’aigrit d’un système de transfert censé lui profiter mais qui l’installe durablement dans l’assistanat et le ressentiment. Du point de vue ethnique la « préférence nationale » est également revendiquée aux Antilles et en Guyane et le « modèle » calédonien a fait des envieux. En tout état de cause la racialisation des rapports sociaux et professionnels est omniprésente et délibérément entretenue car elle permet des chantages efficaces. En métropole des militants antillais se plaignent des « écrans pâles » mais en Martinique, le personnel de RFO n’hésite pas à se mettre en grève pour protester contre la nomination d’un directeur blanc. La vulgate habituelle consiste à dénoncer le fait que les magistrats et les hauts fonctionnaires de l’Etat sont majoritairement métropolitains en faisant semblant d’imputer cela à la « persistance d’une situation coloniale » alors qu’il s’agit évidemment des conséquences quantitatives d’une simple logique minoritaire. Dès lors que le personnel de direction de l’administration d’Etat est recruté par concours nationaux et que la mobilité est une condition essentielle de l’impartialité et de la qualité du service, il est inévitable que les préfets, recteurs et directeurs de services soient essentiellement métropolitains. Cela résulte du caractère unitaire de l’Etat français et n’a rien à voir avec le colonialisme. J’ajoute que bon nombre de hauts fonctionnaires et magistrats antillo-guyanais ne souhaitent nullement être affectés dans leur région d’origine par crainte des pressions du milieu local mais aussi par préférence pour l’horizon et l’esprit continentaux plus larges. Dans l’enseignement supérieur la préférence raciale joue depuis longtemps dans le recrutement et la promotion des enseignants-chercheurs et le résultat est regrettable. Alors que l’université de la Réunion s’en sort plutôt bien grâce à un esprit d’ouverture, l’université des Antilles et de la Guyane a raté ses ambitions. Par exemple, le président de l’université de la Réunion peut parfaitement être métropolitain alors que c’est impensable aux Antilles où on préférera avoir comme doyen de faculté un assistant « local » non docteur à la légitimité scientifique absolument nulle plutôt que d’avoir un doyen blanc aux titres reconnus. Pour le contingent local de promotion des maîtres de conférences et des professeurs, on assiste parfois à des situations ubuesques : sera promu un professeur « local » non agrégé dont les publications se résument à quelques articles sans intérêt dans une revue locale ou même dans France-Antilles tandis qu’un professeur agrégé métropolitain au CV exemplaire devra renoncer … Cela n’a heureusement pas de conséquence personnelle grave dans la mesure ou la majorité des promotions est bien assurée au niveau national mais cela discrédite totalement l’établissement ainsi voué à végéter scientifiquement. J’ai vu le conseil d’administration de l’Université refuser d’entériner le recrutement d’un très bon maître de conférences métropolitain pour réserver le poste à la promotion ultérieure d’un candidat local dont aucune université métropolitaine n’aurait voulu. L’« antillanisation » du corps enseignant est désormais ouvertement prêchée par certains de mes anciens collègues. Le problème est que lorsqu’une institution commence à faire passer le mérite au second plan elle recrute des médiocres qui ne supportent pas, ensuite, de voir arriver des meilleurs de telle sorte que le pli s’installe durablement et qu’on ne peut plus remonter la pente. Même entre deux candidats locaux on préférera, au bout du compte, choisir le moins bon pour qu’il ne fasse pas d’ombre et la rivalité devient plus aiguë encore à l’intérieur même du milieu local. Quand le mérite s’efface, il ne reste plus que l’arbitraire et la « tête du client » c’est à dire la loi de la jungle et le ridicule. Les spécialistes de sciences des organisations analysent très bien ces phénomènes psychologiques à l’œuvre dans les ressources humaines et devraient s’emparer davantage de l’audit des discriminations positives. Le problème est que le sujet est tabou et que personne n’ose vraiment l’affronter.
On parle aussi souvent du racisme des Corses à l’égard des continentaux et des maghrébins mais on retrouve le même aux Antilles à l’égard des Métropolitains, des Haïtiens ou des Saint-Luciens et je ne parle pas de la campagne antisémite effroyable qui s’est développée il y a quelques années dans un journal martiniquais auquel collaborent les principaux apôtres de la « créolité ». La « concurrence des victimes » sévit partout.


OC : Quelles sont les forces politiques qui poussent à l’adoption de politiques de discrimination positive ? Pourquoi ?

B[AMLP :]b Bonne question à laquelle je n’ai malheureusement pas de réponse. Là aussi il faut approfondir l’analyse pour essayer de comprendre. On voit bien quels sont les lobbies à l’œuvre dans cette affaire, les associations et réseaux divers et variés de minorités défendant leur part de gâteau. Ce qui est plus difficilement explicable c’est le positionnement politique sur cette question. Globalement, je pense que l’état de faiblesse de nos dirigeants de tous bords et surtout leur clientélisme éhonté les empêche de dire « non » à quelque revendication que ce soit y compris la plus immorale et la plus nocive pour la société. Depuis une décennie, hormis la loi sur le voile, nous n’avons pas vu une seule décision politique de refus : c’est toujours « oui ». Qu’un gouvernement censé appartenir à la droite libérale ait pu faire adopter une loi liberticide, digne des soviets, sur la répression des propos sexistes et homophobes malgré l’
avis négatif de la Commission nationale consultative des droits de l’homme est proprement ahurissant. La vénalité et la couardise de notre classe politique défient l’entendement.
La gauche nous a habitués à préférer l’égalité réelle à la liberté, c’est l’essence du marxisme et on ne s’étonne donc pas trop de sa conversion aux discriminations positives.
Mais à droite je ne comprends pas. On veut m’expliquer que le libéralisme et le communautarisme vont de pair mais je ne parviens pas à saisir le lien logique qui les unirait. Quoi de plus anti-libéral que la sanction des discriminations dites « indirectes », les CV anonymes et l’obligation de recruter des membres des minorités ? Tout est autoritaire voire totalitaire là dedans. J’avoue que ce que Pierre Méhaignerie peut trouver aux discriminations positives m’échappe complètement.
Quant à la prétendue opposition entre messieurs de Villepin et Sarkozy sur cette question elle et évidemment totalement factice et Azouz Begag est là pour le démontrer quotidiennement. Jacques Chirac s’était offusqué à Nouméa de ce que les fiches de recensement comporte la mention de l’origine ethnique alors que c’est lui qui a promulgué les lois constitutionnelle et organique qui consacrent l’ethnicisation juridique du « caillou », et que c’est encore lui qui a étendu cette préférence autochtone aux autres collectivités d’Outre-mer à la demande de son ami Gaston Flosse. Il a aussi commencé par juger que ce n’était pas « convenable » de chercher un préfet musulman puis s’est quand même empressé d’en nommer un et il se fait maintenant le chantre de la fameuse « diversité » qui n’est évidemment que le faux nez de la discrimination positive. A vrai dire je ne suis pas certaine que le président de la République pense beaucoup. Il semble n’avoir aucune conviction réelle et lire des discours préparés par des collaborateurs dont la culture philosophique et juridique est inégale. Tout cela est consternant et je ne crois pas qu’il faille réellement chercher d’autres explications à ces choix que le clientélisme, la lâcheté et peut-être la bêtise.
La seule chose réjouissante à observer est le parfait accord des républicains de gauche comme de droite sur la condamnation des discriminations positives. L’avenir leur donnera raison mais peut-être trop tard.


B[OC : Face à la question des « discriminations » quel diagnostic et quelles politiques mener ? Quelles réflexions vous inspirent la question de la lutte contre les discriminations ?]b

B[AMLP :]b Pour « diagnostiquer » des discriminations il faut d’abord s’entendre sur la définition de ce terme et s’accorder sur ce qui est juste et ce qui ne l’est pas. Constater qu’il y a peu de descendants d’immigrés maghrébins ou africains à Polytechnique ou peu de handicapés au barreau de Paris ou aucune femme sur les échafaudages des ravalements d’immeubles ou derrière les camions-poubelles ne permet pas forcément de crier à l’injustice et à la discrimination. Encore faut-il accepter d’examiner les choses avec bonne foi et réalisme au lieu de le faire avec du sectarisme idéologue et de l’opportunisme militant.
Il est évidemment, naturellement et normalement plus difficile à des enfants d’immigrés de réussir rapidement dans la société d’accueil qu’à des nationaux de souche. Et plus la différence culturelle et économique avec cette société est grande, plus longue et difficile sera l’intégration. I[A fortiori]i si une idéologie multiculturaliste conseille aux migrants de ne pas s’assimiler et de cultiver leur différence, les chances d’intégration se réduisent et le risque de rejet et de ghettoïsation se développe. Prétendre contester ces évidences ou les combattre relève de l’angélisme ou de l’intégrisme. Avant de dénoncer la « panne » de l’ascenseur social regardons donc ce qu’on inflige à cet ascenseur : n’est-il pas trop ou mal chargé, auquel cas il est inévitable qu’il s’arrête ?
Il n’est pas anormal pour un client de préférer être défendu par un avocat valide que par un handicapé, il n’est donc pas forcément discriminatoire pour un cabinet de tenir compte des exigences de la clientèle. Il n’est pas interdit aux femmes de bouder les métiers du bâtiment et leur absence des chantiers n’est donc pas forcément révélatrice d’une discrimination sournoise.
J’ai entendu le président de la HALDE, Louis Schweitzer tenir dans l’émission « Les matins de France Culture » des propos parfaitement circulaires et vides de sens qui semblaient en lévitation au-dessus du réel et révélaient son incapacité à savoir exactement contre quoi l’institution qu’il préside est chargée de « lutter ». Cela n’a rien d’étonnant car le sujet des discriminations baigne dans le politiquement correct tel que le décrivent fort bien André Grjebine et Georges Zimra (1), c'est-à-dire « un discours hypnotique qui anesthésie l’esprit critique et qui s’impose comme une croyance ». On ne sait tout simplement plus de quoi on parle tant le slogan creux s’est substitué à l’argument.
Nul ne répond d’abord à des questions de pure légitimité. Pourquoi, si l’on a un studio à louer ou un emploi à offrir, serait-ce « mal » de préférer le donner à un citoyen français qu’à un étranger et pourquoi serait-ce au contraire « bien » de faire le choix inverse ? Pourquoi inscrit-on dans la Constitution de la République la préférence locale de type ethnique dans les collectivités d’outre-mer et pourquoi la simple préférence nationale, juridique et non ethnique, au niveau de la France entière est-elle condamnée pour xénophobie ? L’existence même de l’Etat n’implique t-elle pas, par définition, une solidarité et une priorité nationales ? Pourquoi le Premier ministre peut-il faire preuve de « patriotisme d’entreprise » pour s’opposer aux OPA d’actionnaires étrangers et pourquoi ne pourrait-on pas donner la priorité d’emploi aux demandeurs français ?
Si un employeur préfère un candidat français blanc moins diplômé et expérimenté qu’un candidat français noir, il est certainement raciste et commet sans doute une grosse erreur managériale préjudiciable à son entreprise, mais à CV équivalent en quoi est-ce « mal » de préférer le Blanc et, au contraire, « bien » de préférer le Noir ?
En quoi est-ce critiquable, pour un jeune créateur d’entreprise aux débuts difficiles, de préférer recruter un homme plutôt qu’une femme enceinte qui va devoir partir rapidement en congé ? En quoi est-ce condamnable de préférer mettre en contact avec le public un employé élégant au physique agréable plutôt qu’un handicapé ou un obèse ? En quoi est-ce répréhensible de ne guère apprécier la collaboration avec un homme maniéré et efféminé ?
Faute de vouloir aborder ces questions toutes simples le législateur s’expose à l’incompréhension des citoyens qui ne parviennent plus à distinguer en quoi tel ou tel comportement qui leur paraît parfaitement légitime est cependant illégal. Le divorce entre les deux appréciations mènera au mieux au mépris de la loi, au pire au goulag.
Il devient indispensable de crever la bulle politiquement correcte et de passer chaque questionnement au crible si on ne veut pas continuer à dire et faire n’importe quoi.
La « concurrence des victimes » a débouché sur un nivellement et une indifférenciation entre les différentes revendications qui se traduit par une législation fourre-tout ou l’on mélange absolument tout : les Noirs et les homosexuels, les femmes et les handicapés, les Juifs et les obèses, la religion et l’âge, l’apparence physique et l’opinion, l’origine nationale et l’appartenance syndicale, les violences physiques et les plaisanteries verbales, etc…
Les conséquences de cette disparition du jugement au profit d’une confusion mentale et morale généralisée peuvent être dramatiques. Un jeune Noir me disait récemment dans une réunion publique que la mauvaise indemnisation des Sénégalais engagés dans l’armée française était un « génocide » ! On utilise les mêmes notions pour désigner un massacre et une injustice matérielle !
Max Gallo s’est récemment fait traiter de « révisionniste » pour avoir osé dire qu’il ne savait pas si l’esclavage était un crime contre l’humanité. Examinons la question de plus près. Il n’a pas nié l’existence matérielle de l’esclavage en prétendant qu’il n’avait pas eu lieu mais a seulement exprimé un doute sur le bien-fondé de sa qualification politico-juridique, c'est-à-dire sur le point de savoir si on peut ou non le qualifier de crime contre l’humanité (au même titre que la Shoah, cela s’entend). Cette question est tout à fait légitime car la notion de crime contre l’humanité est évidemment politique et a été forgée en 1945 pour décrire une extermination physique moderne de telle sorte qu’utiliser le même terme pour désigner aussi une exploitation économique ancienne est évidemment très discutable au regard de la rigueur nécessaire aux catégories juridiques. Et ce que révèle ce refus de la hiérarchisation et cette tendance à la confusion conceptuelle c’est bien, au final, la non-discrimination généralisée.

En somme, il est devenu juridiquement obligatoire d’être idiot et de ne plus rien savoir distinguer. Monsieur Schweitzer et sa HALDE pourraient ainsi se transformer bientôt en instrument totalitaire de lutte contre l’intelligence.

B[OC : Le dernier concept à la mode est celui de « diversité ». S’oppose t-il celui d’ « assimilation » qui semble être devenu un véritable tabou ?]b

B[AMLP :]b J’ai déjà indiqué auparavant que la diversité est simplement devenue le faux nez de la discrimination positive. Ce terme n’a pas d’autre fonction que de camoufler la politique de passe-droit généralisé qui se met en place. Mais en lui-même, il ne signifie absolument rien, c’est un slogan débile.
J’avais pu vérifier en 1996 aux Antilles, lors de l’anniversaire de la loi de départementalisation, combien le mot « assimilation » était curieusement devenu imprononçable. C’est un repoussoir absolu pour la doctrine multiculturaliste mais je constate cependant que ce terme est encore largement revendiqué à la Réunion … autre mentalité. J’approuve personnellement le mouvement de Nicolas Dupont-Aignan, Debout la République, qui aborde cette question de façon très décomplexée en utilisant délibérément le terme d’assimilation au lieu et place de celui d’intégration.
Le journal Libération avait accusé Le Fabuleux destin d’Amélie Poulain de propagande frontiste au motif que le seul Arabe du film se prénommait Lucien ! Ce prénom « assimilé » semblait déplaire au journaliste pour lequel un « bon » Arabe est sans doute exclusivement celui qui s’appelle Mohammed ou Mustapha. Pour ma part, si ma fille faisait un jour sa vie en Italie je lui conseillerai vivement d’appeler ses enfants Massimo ou Umberto pour signifier leur appartenance à la nouvelle patrie, j’y vois une question d’hommage à la terre d’accueil et de respect pour celle-ci.
Je crains que la nouvelle idéologie qui nous submerge nous apporte davantage « d’indigènes de la République » schizophrènes, pétris de bêtise et professionnels du ressentiment que de citoyens dignes de ce nom et bien dans leur peau. Je ne suis guère optimiste.

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1) « De la langue de bois au politiquement correct : un dialogue », Géopolitique n°89, 2005, « Le politiquement correct », p.53

D'Anne-Marie Le Pourhiet, lire :

mercredi, 04 août 2010

Sarközy ou la trahison du gaullisme

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Bernard TOMASCHITZ :

 

Sarközy ou la trahison du gaullisme

 

En France, la résistance au sarközisme s’organise car le Président a mené le pays à l’impasse

 

La France vit déjà à l’ombre des présidentielles de 2012. En juin de cette année, l’ancien chef du gouvernement, Dominique de Villepin, un adversaire de longue date du Président Nicolas Sarközy, a formé son propre parti, « République solidaire ». De Villepin, dit-on, cultive depuis longtemps l’ambition d’accéder à la magistrature suprême. Par conséquent, il critique la politique de Sarközy, notamment l’important déficit budgétaire, qui livre la France « aux bonnes grâces de ses créanciers », de même que le retour dans le giron de l’OTAN et de ses structures de commandement, ce qui met en péril l’indépendance de la nation.

 

Même si Villepin attend encore pour annoncer sa candidature, la lutte pour le pouvoir bat déjà son plein dans le camp gaulliste. Finalement, les deux hommes se perçoivent comme les  héritiers du fondateur de la 5ème République, même si, depuis l’entrée en fonction de Sarközy il y a trois ans, le gaullisme n’est plus rien d’autre que du folklore politique. Il y a belle lurette que la politique étrangère de la « Grande Nation » est déterminée par le sarközisme : elle se manifeste de la manière la plus patente dans le rapprochement entre la France, d’une part, et les Etats-Unis et l’OTAN, d’autre part. Dès l’été 2007, à peine quelques semaines après son entrée à l’Elysée, Sarközy annonçait : « L’alliance atlantique est notre alliance : nous l’avons fondée, nous sommes aujourd’hui l’un de ses principaux bailleurs de fonds ». L’enthousiasme que manifeste Sarközy pour le « partenariat transatlantique » va si loin que les conflits d’intérêt entre la France et les Etats-Unis, comme par exemple la résistance de Paris à l’attaque contre l’Irak en 2003, sont complètement mis entre parenthèses au nom de l’harmonie nouvelle. En mars 2009, Sarközy défendait les opérations des Etats-Unis et de l’OTAN contre la Yougoslavie et l’Afghanistan : « Non, l’Alliance atlantique ne pratique pas le ‘choc des civilisations ‘ ; elle a défendu les Musulmans de Bosnie et du Kosovo contre les agressions de Milosevic et elle défend le peuple afghan contre tout retour des talibans et d’Al Qaeda ». L’ancien Président américain, George W. Bush, n’aurait pas mieux défendu la politique hégémoniste des Etats-Unis.

 

Par la politique pro-américaine de son Président, la France court le risque de perdre toutes ses marges de manœuvre en politique étrangère et sur le plan de la défense. Après l’ère de la décolonisation dans les années 60, Paris s’est toujours efforcé de défendre ses intérêts en Afrique, par la force des armes s’il le fallait, afin d’apporter son soutien à ses favoris. Le meilleur exemple reste le Tchad, où la France a réussi à atteler ses « partenaires européens » sous un prétexte humanitaire pour appuyer le potentat du lieu, Idriss Deby. Aujourd’hui, des appels viennent de Washington, demandant aux Français de s’engager davantage en Afghanistan, pays où, selon Sarközy, « le peuple afghan doit être défendu contre le retour des talibans et d’Al Qaeda ». Paris doit dès lors s’exécuter et envoyer plus de troupes dans l’Hindou Kouch, troupes qui y seront clouées et ne pourront donc plus servir à défendre la « Françafrique », la zone d’influence française sur le Continent Noir. Les Etats-Unis seuls profiteront de cette situation car, dans la concurrence qui oppose aujourd’hui les puissances pour le contrôle des richesses minières africaines, ils se débarrassent ainsi subrepticement de leurs derniers concurrents européens dignes d’être pris au sérieux.

 

Renoncer aux projets politiques gaulliens  –qui entendaient former un contre-pôle européen solide face aux superpuissances américaine et soviétique, tout en réclamant l’instauration de rapports particuliers avec Moscou–  signifie aussi un fameux recul dans le développement d’une Communauté de sécurité et de défense au sein de l’UE. Car sans la France comme puissance motrice, il n’y aura pas, face aux Etats-Unis, d’émancipation européenne sur les plans de la sécurité et de la défense. Cette capitulation va dans le sens des forces les plus influentes qui, au sein des innombrables « think tanks » américains, se cassent la tête pour savoir comment agir pour que l’Europe demeure sur le long terme dans un statut semi-colonial. Le journaliste français Thierry Meyssan émet l’hypothèse que la CIA « a fait de l’un de ses agents le Président de la République française ». D’après Meyssan, les services secrets américains ont programmé en trois étapes « l’annihilation du courant gaulliste » et la montée de Sarközy. « D’abord, la mise hors jeu de la direction du parti gaulliste et la prise de contrôle de son appareil ; ensuite l’élimination du principal rival à droite, puis la nomination d’un candidat gaulliste à la présidence et, finalement, l’élimination de tout challengeur sérieux à gauche » : tel aurait été le scénario, selon Meyssan.

 

Entretemps, surtout dans les rangs de la droite, on s’est rendu compte en France que le sarközisme était en contradiction avec les intérêts stratégiques du pays. L’ancien premier ministre Alain Juppé, homme de confiance de Jacques Chirac, le prédécesseur de Sarközy, a critiqué ce dernier en février 2009, juste deux semaines avant que l’Assemblée nationale ne donne son feu vert au retour de la France dans les structures de commandement de l’OTAN ; Juppé écrivait, à ce propos, dans une tribune libre du quotidien Le Monde : «Fondée dans le contexte de l’opposition entre les blocs soviétique et occidental, l’OTAN doit aujourd’hui repenser le but de son existence et de ses missions et réfléchir au lieu où celles-ci s’exercent. La conception que s’en font les Etats-Unis ne correspond pas nécessairement à celle des Européens, surtout les Français ». Il est donc fort possible que Juppé et d’autres hommes politiques influents de la droite française iront soutenir de Villepin lors des prochaines présidentielles.

 

Bernhard TOMASCHITZ.

(article paru dans « zur Zeit », Vienne, n°27/2010 ; http://www.zurzeit.at/ ). 

 

 

lundi, 05 juillet 2010

Se Cioran il nichilista scopre l'amore assoluto

Se Cioran il nichilista scopre l'amore assoluto

di Mario Bernardi Guardi

Fonte: secolo d'italia


 



Se c'è uno scrittore che, per la sua vocazione apocalittica e il suo moralismo bruciante, cupo e derisorio, si presta a definizioni "tranchant", questo è Emil Michel Cioran. Di volta in volta battezzato "barbaro dei Carpazi", "eremita antimoderno", "esteta della catastrofe", "apolide metafisico", "cavaliere del malumore cosmico". Ma anche lui, da buon Narciso, ci ricamava sopra e sulla sua "carta di identità" scriveva cose come "idolatra del dubbio", "dubitatore in ebollizione", "dubitatore in trance", "fanatico senza culto", "eroe dell'ondeggiamento". Ora, raccontare Cioran significa fare i conti con tutti questi appellativi e prendere atto che la loro indubbia suggestione trova punti di forza in una vita per tanti versi scandalosa...
 Visto che prima del Cioran "parigino"- è nel 1937 che il Nostro approda in Francia -, capace di confezionare le sue aureee sentenze nihilistico-gnostiche in un brillantissimo francese, c'è un Cioran duro e puro, di fiera stirpe rumena, che fa propri i miti del radicamento e dell'identità, simpatizzando per il fascismo di Codreanu e delle sue Guardie di Ferro, e scrivendo un bel po' di cose "compromettenti". Di questo, Antonio Castronuovo in un agile profilo pubblicato da Liguori, Emil Michel Cioran (pp.100, euro 11,90), dà solo rapidi cenni, ricordando che, comunque, Emil Michel dedica un intero capitolo del suo "Sommario di decomposizione", alla "Genealogia del fanatismo", collocandosi così "all'opposto delle fascinazioni giovanili". E cioè delle, chiamiamole così, "fascio-fascinazioni".
Ora, Castronuovo fa bene a ricordarci, con la consueta eleganza, il grande "stilista" e il grande "moralista", lo scrittore impertinente e beffardo che si interroga sul senso della vita e della morte, il chierico extravagante che cerca di stanare Dio dai suoi misteri e dai suoi abissali silenzi. E tuttavia siamo convinti che Cioran e altri "dannati" dello scorso secolo - Pound e Céline, Drieu e Heidegger, Eliade e Jünger, tanto per fare i primi nomi che ci vengono in mente - non debbano essere alleggeriti dalle loro "responsabilità" con la vecchia storia dei "peccati di gioventù", una specie di rituale giustificativo-assolutorio che li "disinfetta" e li rende "presentabili", ma toglie loro qualcosa, e cioè la "ragioni" di una scelta. Per scandalose che possano apparire alle "animule vagule blandule" del "politicamente corretto". Ed è per questo che, a suo tempo, non ci è dispiaciuto il saggio di Alexandra Laignel-Lavastine Il fascismo rimosso: Cioran, Eliade, Ionesco nella bufera del secolo che, sia pure con una "vis" polemica non aliena da faziosità, si sforza di illuminare/documentare le stazioni di una milizia intellettuale che sarebbe sbagliato ignorare o sottovalutare. Non si può esaurire la forza testimoniale di Cioran nell'ambito delle acuminate provocazioni, immaginandone la vita come una fiammeggiante costellazione di (coltissime) invettive. Sia dunque reso merito a Friedgard Thoma che ci racconta un Cioran innamorato (Per nulla al mondo. Un amore di Cioran, a cura e con un saggio di Massimo Carloni, (L'orecchio di Van Gogh, pp.160, € 14,00), addirittura un Cioran "maniaco sentimentale": un genio dell'aforisma, ma anche un umanissimo, fragile, tenero settantenne, tutto preso da lei, giovane insegnante tedesca di filosofia e letteratura, che, folgorata dalla lettura del libro L'inconveniente di essere nati, nel febbraio del 1981 gli ha scritto una calda lettera di ammirazione. C'è da stupirsi del fatto che Cioran non fosse "corazzato" di fronte ai complimenti di una donna intelligente e affascinante? Come, lui, l'apocalittico, così inerme, così indifeso! Eppure, in Sillogismi dell'amarezza è proprio il "barbaro dei Carpazi" a invitarci a tenere la guardia alta di fronte al vorticoso nichilismo degli "apocalittici" e magari a scavarvi dentro. «Diffidate - scrive - di quelli che voltano le spalle all'amore, all'ambizione, alla società. Si vendicheranno di avervi "rinunciato". La storia delle idee è la storia del rancore dei solitari». Dunque, Cioran, uomo di idee ma anche di emozioni, compiaciuto per quella lettera affettuosa, risponde immediatamente alla sua "fan", con un mezzo invito ad andarlo a trovare a Parigi.
Lei, che ci tiene ad essere una interlocutrice culturale e cita Walser, Hölderlin e Gombrowicz, non manca di allegare alla risposta una sua foto. E siccome si tratta di una donna giovane - capelli sciolti, bocca carnosa, sguardo intenso -, le coeur en hiver di Cioran comincia a battere furiosamente. Lui stesso le confesserà un paio di mesi dopo: «Tutto in fondo è cominciato dalla foto, con i suoi occhi direi». E' una tempesta dei sensi, un'"eruzione emotiva". Ancor più incontrollabile, allorché lei decide di trascorrere qualche giorno a Parigi. Lui va a prenderla all'hotel e arriva dieci minuti prima: è «un uomo di costituzione fragile, con un ciuffo di capelli grigi, arruffati, e gli occhi dello stesso colore». Lei «cerca di apparire attraente, indossando un abito nero non troppo corto, sotto un lungo cappotto chiaro». Seguono conversazioni, passeggiate, cene, visite a musei, telefonate… Cioran vive una sorta di voluttuoso invasamento, al punto che, quando lei torna a Colonia, le scrive con spudorata audacia: «Ho compreso in maniera chiara di sentirmi legato sensualmente a lei solo dopo averle confessato al telefono che avrei voluto sprofondare per sempre la mia testa sotto la sua gonna». Poi, è lui ad andarla a trovare in Germania. «Vestita di rosso e nero», Friedgard lo accoglie alla stazione. Lui è innamorato pèrso, lei, sedotta intellettualmente, continua a sedurlo fisicamente, senza nulla concedere. Lui soffre, la chiama «mia cara zingara», le scrive: «Non capisco cosa sto cercando ancora in questo mondo, dove la felicità mi rende ancora più infelice dell'infelicità». Friedgard vuol tenere intatte "venerazione e amicizia", parlando di autori e di libri, entrando nella sua intimità, portando alla luce le sue contraddizioni. Ma confessando anche, con franchezza: «Dunque, caro: lei mi ha trascinato nell'immediatezza inequivocabile d'una relazione fisica, mentre io cercavo l'erotica ambiguità della relazione "intellettuale"». Proprio quella che a Cioran non basta. È innamorato, desidera la giovane prof. con una sensualità "vorace", le fa scenate di gelosia perché lei, ovviamente, ha un "compagno" cui è legata.
«Sono vulnerabile - le scrive - e nessuno quanto Lei può ferirmi tanto facilmente». E consolarlo, anche. Così, la immagina nelle vesti di una suora, "dalla voce sensuale però". E come uno studentello inebriato d'amore, che non rinuncia alle battute, confessa che vorrebbe morire insieme a lei: «A una condizione, però, che ci mettessero nella stessa bara». Così potrebbe raccontarle tante cose, «tante, ancora non dette».
Non manca nemmeno la proposta di matrimonio. Friedgard annota: «Al telefono, Cioran si dilettava volentieri con la proposta di sposarmi, contro tutti i suoi principi, addirittura secondo il rito ortodosso ("su questo devo insistere"), il che per lui significava essere cinti entrambi da corone. Quante risate, su un sogno triste». Un sogno che, così, non poteva continuare. La non appagata, sofferta, estrema accensione dei sensi di Emil «s'incanalerà negli anni lungo i binari d'una tenera, affettuosa amicizia». Nella cui calma piatta si spengerà fatalmente la "tentazione di esistere", carne e spirito almeno una volta insieme.

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samedi, 03 juillet 2010

"Deux individus contre l'histoire. Pierre Drieu La Rochelle, Ernst Jünger" par Julien Hervier

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« Deux individus contre l'histoire. Pierre Drieu la Rochelle, Ernst Jünger » par Julien Hervier

 

ex: http://www.polemia.com/

L’auteur et le livre

Ce livre est la réédition revue, corrigée et augmentée d’une postface, d’un texte publié pour la première fois en 1978 et qui était lui-même la version allégée d’une thèse d’État soutenue en Sorbonne. Professeur honoraire de l’université de Poitiers, Julien Hervier est le principal traducteur de Jünger et a dirigé l’édition des Journaux de guerre dans la Pléiade, il a également traduit des ouvrages de Nietzsche, Heidegger et Hermann Hesse, et a édité de nombreux textes de Drieu, notamment son Journal 1939-1945.

Comme le souligne lui-même l’auteur dans sa postface, le contenu de son livre serait bien différent s’il devait l’écrire aujourd’hui, notamment en ce qui concerne Jünger dont l’œuvre a pris une autre ampleur, en particulier avec les cinq volumes du journal de vieillesse Soixante-dix s’efface, jusqu’à sa mort en 1998. Quant à Drieu, il faudrait « insister sur la dimension religieuse de [son] univers » plutôt que de « le réduire à son image de grand séducteur et d’essayiste politique ». Durant les quelque trente ans qui se sont écoulés entre l’édition princeps de cet ouvrage et la présente réédition, le contexte idéologico-politique a profondément changé et ce texte doit donc être lu sans jamais perdre de vue le moment où il fut écrit.

Deux écrivains individualistes et aristocratique : quatre grands thèmes

En 1978 donc, J. Hervier (JH) se propose d’étudier deux écrivains « d’esprit individualiste et aristocratique » qui ont accordé dans leur œuvre « une large place aux problèmes de la philosophie de l’histoire » qu’ils ont « transcrits en termes romanesques ». Son livre se décline selon quatre grands thèmes (la Guerre, la Politique, l’Individu et l’Histoire, la Religion), abordés sous différents aspects pour chacun des deux auteurs. 

  • La Guerre - Pour Jünger comme pour Drieu, la guerre est perçue comme une « loi naturelle », et la Première Guerre mondiale est « l’expérience fondamentale de leur jeunesse ». Rappelons seulement quelques titres. Pour le premier : Orages d’acier (1920), La guerre notre mère (1922), Le boqueteau 125 (1925), les journaux de guerre de 1939 à 1948… et cette sentence : « Le combat est toujours quelque chose de saint, un jugement divin entre deux idées ». Pour le second, les poèmes Interrogation (1917) et Fond de cantine (1920), et surtout le roman La comédie de Charleroi (1934). Pour Drieu, les hommes « ne sont nés que pour la guerre »
Jünger considère également la guerre comme « technique » et écrit à cet égard : « La machine représente l’intelligence d’un peuple coulée en acier », tandis que Drieu juge que « la guerre moderne est une révolte maléfique de la matière asservie par l’homme ».
Le livre de Jünger La guerre notre mère illustre parfaitement l’idéologie nationaliste qui régnait alors dans l’Allemagne meurtrie par la défaite, avec son exaltation du sacrifice suprême : mourir pour la patrie. Si, à cette époque, Drieu est sensible à cette idée de sacrifice patriotique, avec la Seconde Guerre mondiale il évoluera du nationalisme au pacifisme.

  • La politique - En matière de politique, les nationalistes que sont initialement Jünger et Drieu estimeront rapidement que le nationalisme est dépassé et qu’il doit évoluer, pour l’un vers l’État universel et pour l’autre vers une Europe unie. Tous deux cependant appellent à une révolution, « conservatrice » pour Jünger et « fasciste » pour Drieu. On connaît les engagements de ces deux intellectuels, mot que Drieu définit ainsi : « Un véritable intellectuel est toujours un partisan, mais toujours un partisan exilé : toujours un homme de foi, mais toujours un hérétique ». Pour l’auteur de Gilles, l’engagement est nécessaire, mais « difficile » et « ambigu ». Pour Jünger, l’engagement est paradoxal : « Ma façon de participer à l’histoire contemporaine, telle que je l’observe en moi, observe-t-il, est celle d’un homme qui se sait engagé malgré lui, moins dans une guerre mondiale que dans une guerre civile à l’échelle mondiale. Je suis par conséquent lié à des conflits tout autres que ceux des États nationaux en lutte ». Une chose est sûre, ces deux intellectuels sont des « spectateurs engagés », mais Jünger « préfère finalement refuser l’engagement – même si un remords latent lui suggère que, malgré tout, en s’établissant dans le supratemporel, il peut réagir sur son environnement politique » (JH), tandis que l’engagement de Drieu « est placé sous le signe du déchirement et de la mauvaise conscience ».

  • L’individu et l’histoire - L’individualisme est une caractéristique essentielle de la personnalité de Drieu (« Je ne peux concevoir la vie que sous une forme individuelle » avoue-t-il en 1921), comme de celle de Jünger pour qui c’est dans l’individu « que siège le véritable tribunal de ce monde ». Mais leur individualisme est à la fois semblable et différent. Le premier, « individualiste forcené » par tempérament et formation, « condamne historiquement l’individualisme comme une survivance du passé, tout en étant incapable d’y échapper dans ses réactions psychologiques personnelles » (JH), le second, individualiste exacerbé également, prononce la même condamnation historique, mais dépasse la contradiction en affirmant, par-delà le constat de la décadence de l’individualisme bourgeois, « la nécessité d’une affirmation individuelle qui fait de chacun le dernier témoin de la liberté » (id.). Devant l’Histoire, Jünger et Drieu ont des attitudes parfois proches et parfois opposées. Jünger la conçoit, à l’instar de Spengler, comme essentiellement cyclique : les civilisations naissent, se développent, déclinent et disparaissent. De fait, il s’oppose aux conceptions de l’Histoire héritées des Lumières comme à celles issues du marxisme. Il envisage cependant « une disparition probable de l’homme historique ». (JH).

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Drieu est fortement marqué par l’idée de décadence, son « pessimisme hyperbolique et métaphysique » dépasse le « déclinisme » de Spengler, mais, pour lui, il existe un « courant rapide » qui entraîne tout le monde « dans le même sens » et que « rien ne peut arrêter ». Il se rapproche donc, d’une certaine manière de la conception marxiste du « sens de l’histoire », mais va jusqu’à dire que l’Histoire, c’est ce « qu’on appelle aujourd’hui la Providence ou Dieu ».
Dans leurs « utopies romanesques », Jünger (Sur les falaises de marbre, Heliopolis) et Drieu (Beloukia, L’homme à cheval) procèdent de manière radicalement différente : le premier « part de l’histoire présente pour aboutir à l’univers intemporel de l’utopie », tandis que le second « part de l’histoire passée pour aboutir à l’histoire présente » (JH). Tous deux sont déçus par le présent, mais alors que Jünger « lui substitue un monde mythique », Drieu « l’invente dans le passé ».
Face au « problème de la technique », Jünger et Drieu estiment tous deux que celle-ci a détruit l’ancienne civilisation sans lui avoir jamais trouvé de substitut. La solution, selon eux, ne réside pas dans un simple retour en arrière, mais dans la création de quelque chose qu’on n’appellera plus « civilisation » et qui relèvera de « la philosophie, de l’exercice de la connaissance, du culte de la sagesse » (Drieu)

 

  • La religion - Après la Guerre, la Politique, l’Individu et l’Histoire, la dernière partie du livre est consacrée au rapport à la religion de Jünger et de Drieu, et c’est sans doute, pour le lecteur qui ne connaît pas l’ensemble de l’œuvre de ces deux auteurs, la plus surprenante. Un long chapitre traite de « la pensée religieuse de Drieu ». Celui-ci, vieillissant, délaissant les femmes, rejetant l’action politique, se tourne de plus en plus vers la religion. Il passe de « l’ordre guerrier » de sa jeunesse à « l’ordre sacerdotal », et écrit, aux abords de la cinquantaine, des « romans théologiques ». Il admire dans le catholicisme « un système de pensée complexe » et une religion qui « représente pour la civilisation d’Europe son arche d’alliance, le coffre de voyage à travers le temps où se serre tout le trésor de son expérience etde sa sagesse ». Toutefois, s’il vénère le christianisme sub specie æternitatis, il déteste ce qu’il est devenu, c'est-à-dire une religion « vidée de sa substance », muséifiée, et qui ne représente plus qu’« une secte alanguie », à l’image du déclin général de l’Occident. L’Église n’est plus qu’une institution bourgeoise liée au grand capitalisme. À ce « catholicisme dégénéré » (JH), Drieu oppose le christianisme « viril » du Moyen Âge, celui du « Christ des cathédrales, le grand dieu blanc et viril ». Ce dieu « n’a rien à céder en virilité et en santé aux dieux de l’Olympe et du Walhalla, tout en étant plus riche qu’eux en secrets subtils, qui lui viennent des dieux de l’Asie ». Pour Drieu, il n’y a pas de véritable antagonisme entre le christianisme et le paganisme, mais seulement une façon différente d’interpréter la Nature. À ses yeux, c’est le catholicisme orthodoxe qui a le mieux conservé l’héritage païen.. Mais, au-delà des différentes religions, païennes ou chrétiennes, Drieu croit profondément en une sorte de syncrétisme universel, celui d’« une religion secrète et profonde qui lie toutes les religions entre elles et qui n’en fait qu’une seule expression de l’Homme unique et partout le même ».
Pour Jünger comme pour Drieu, la dimension religieuse est fondamentale et « transcende toutes les autres » (JH). Mais, contrairement à Drieu, le mot même de « Dieu » est peu fréquent dans son œuvre, caractérisée pourtant par une vision spiritualiste du monde. De fait, il semble qu’il ait envisagé une « nouvelle théologie », sans lien véritable avec l’idée d’un Dieu personnel, relevant plus sûrement d’une « religion universelle », au sens où il parle d’« État universel ». L’ennemi commun des nouveaux théologiens comme des Églises traditionnelles demeure, en tout état de cause, le « nihilisme athée ». La sympathie générale qu’il éprouve pour toutes les religions relève davantage de sa philosophie de l’histoire que d’un véritable sentiment religieux, mais ne l’empêchera pas, tout au long de la Seconde Guerre mondiale, d’exprimer des préoccupations chrétiennes. Son journal de guerre comprend d’innombrables références à la Bible, dont il loue le « prodigieux pouvoir symbolique », tandis que Sur les falaises de marbre et Heliopolis mettent en scène deux importantes figures de prêtres. « Au temps de la plus forte douleur, écrit-il, le christianisme « peut seul donner vie au temple de l’invisible que tentent de reconstruire les sages et les poètes ». Pour lui, le christianisme est avant tout ce qui, dans notre civilisation, « incarne les valeurs religieuses permanentes de l’humanité » (JH). À ses yeux, le christianisme constitue un humanisme qui prône une haute conception de l’homme. Il n’en accepte pas moins le « Dieu est mort » nietzschéen qui, souligne-t-il, est « la donnée fondamentale de la catastrophe universelle, mais aussi la condition préalable au prodigieux déploiement de puissance de l’homme qui commence ». La mort de Dieu n’est pour lui que la mort des dieux personnels, elle n’est donc pas un obstacle à la dimension religieuse de l’homme. Au mot de Nietzsche, il préfère celui de Léon Bloy, « Dieu se retire », ce qui annonce l’avènement du Troisième Règne, celui de l’Esprit qui succèdera à ceux du Père et du Fils.
En matière de religion, Drieu et Jünger sont « étrangement proches et profondément différents » (JH). Tous deux défendent les religions contre le rationalisme tout-puissant, sont convaincus de l’évidence de la mort du Dieu personnel et donc de la nécessité de « reconstruire à partir d’elle une nouvelle forme d’appréhension du divin » (JH).

Un mélange détonnant

Ce qui ressort de cette étude comparative de Jünger et Drieu, « c’est le mélange détonnant qui se produit en eux entre un esprit réactionnaire incontestable et une volonté révolutionnaire ». Toutefois si Jünger est plutôt un national-bolchevique et Drieu un révolutionnaire fasciste, face au « bourgeoisisme » tous deux sont des révolutionnaires.

Julie Hervier a intitulé son travail : « Deux individus contre l’histoire ». Le mot « individu » prend ici tout son sens lorsqu’on comprend, après avoir refermé le livre, que Jünger et Drieu sont fascinés par la singularité de l’individu. Jünger incarne un individualisme métaphysique qui est le contraire de l’individualisme bourgeois que Drieu, dans sa mauvaise conscience, croit représenter. Tous deux aspirent à l’avènement d’une nouvelle aristocratie, mais pour Drieu il s’agit d’une aspiration essentiellement politique, alors que pour Jünger le but c’est la constitution d’une « petite élite spirituelle ». Dans sa postface, l’auteur de cette magistrale et admirable étude justifie a posteriori son titre de 1978 en rappelant et en se réclamant de la formule de Kafka : « Il n’y a de décisif que l’individu qui se bat à contre-courant ».

Didier Marc
11/06/2010

Julien Hervier, Deux individus contre l’Histoire. Pierre Drieu la Rochelle, Ernst Jünger. Eurédit, 2010, 550 p.

Correspondance Polémia – 22/6/2010

jeudi, 24 juin 2010

"Voyage au bout de la nuit" brûlé par le IIIe Reich?

Voyage au bout de la nuit brûlé par le IIIe Reich ?

Ex: http://lepetitcelinien.blogspot.com/
Les lecteurs de ce blog connaissent assurément le remarquable travail que Henri Thyssens consacre au premier éditeur de Céline. Son site internet constitue une somme impressionnante sur la vie (privée et surtout professionnelle) de Robert Denoël mais aussi sur les circonstances de son assassinat survenu le 2 décembre 1945, à proximité de l’esplanade des Invalides. Ce que l’on sait moins, c’est que Thyssens revoit, corrige et complète en permanence les informations figurant sur son site. Il s’agit donc d’une œuvre éditoriale sans cesse en mouvement – « work in progress », comme on dit outre-Manche – grâce aux recherches effectuées par son auteur. Lequel apporte des trouvailles du plus grand intérêt, notamment par un travail de dépouillement de la presse française du XXe siècle. Céline a naturellement toute sa place sur ce site puisqu’il fut incontestablement l’auteur majeur de cette maison d’édition créée à la fin des années vingt. Le site (1) comprend une passionnante chronologie allant de l’année de la naissance de Denoël à nos jours.
Prenons, par exemple, l’année 1933 pour nous intéresser à l’édition en langue allemande de Voyage au bout de la nuit. En décembre de l’année précédente, Robert Denoël a signé un contrat avec le Berliner Tageblatt pour la publication en feuilleton du roman. Il a également conclu un accord avec l’éditeur Reinhard Piper, à Munich, pour la parution du livre en volume. En février 1933, cet éditeur contacte Denoël pour lui signifier qu’il considère non satisfaisante la traduction due à Isak Grünberg, et que, par conséquent, il souhaite la confier à un autre traducteur, Ferdinand Hardekopf. Denoël s’insurge, défend le travail de Grünberg, appuyé en cela par Céline qui prend, lui aussi, fait et cause pour le traducteur juif autrichien (2). D’autant que celui-ci s’était lui-même proposé pour traduire Voyage en allemand après lui avoir consacré un article élogieux dans le Berliner Tageblatt. En réalité, précise Thyssens, l’éditeur allemand a vu le vent tourner : le parti national-socialiste est au pouvoir depuis février 1933 et cette traduction n’est plus du tout à l’ordre du jour. Aussi cède-t-il le contrat à Julius Kittls, un confrère éditeur installé à Mährisch-Ostrau, près de Prague, qui l’éditera en décembre 1933. Le 17 mai, L'Intransigeant publie un écho étonnant à propos du Voyage, mais ne cite pas ses sources. Il prélude, en tout cas, au refus du Berliner Tageblatt de publier le roman en feuilleton, conformément au contrat signé en décembre 1932 (3). Titré « Céline au bûcher », tel est cet écho : « Le Voyage au bout de la nuit, de M. Louis-Ferdinand Céline, a été, par ordre gouvernemental, retiré de toutes les librairies allemandes et brûlé la semaine dernière avec les autres ouvrages que condamne le régime hitlérien » (4). Cet autodafé de Céline par l’Allemagne hitlérienne est-il confirmé par une autre source ? Si son livre fut effectivement détruit par les nationaux-socialistes, voilà assurément un fait que Céline aurait pu mentionner dans son mémoire en défense de 1946 !

Marc LAUDELOUT

1. « Robert Denoël, éditeur » :
www.thyssens.com.
2. Marc Laudelout, « Quand Céline et Denoël défendaient Isak Grünberg », Le Bulletin célinien, n° 293, janvier 2008, pp. 8-9.
3. Le 15 juin, L'Intransigeant annonce que les Éditions Denoël et Steele viennent d'assigner le Berliner Tageblatt, pour rupture de contrat. Le journal allemand, « se retranchant derrière le cas de force majeure (le changement de régime) », a renoncé à publier en feuilleton Voyage au bout de la nuit.
4. C’est effectivement le 10 mai 1933 que le ministre de la Propagande, Joseph Goebbels, préside à Berlin une nuit d’autodafé pendant laquelle des milliers de « mauvais livres » d'auteurs juifs, marxistes, démocrates ou psychanalystes sont brûlés pêle-mêle en public par des étudiants nazis ; la même scène se tiendra ensuite dans d’autres grandes villes, comme Brême, Dresde, Francfort, Munich et Nuremberg.

 

 

 

vendredi, 18 juin 2010

Douteuse provocation ou scandaleuse récupération, qu'importe!

saupinard.jpgDOUTEUSE PROVOCATION OU SCANDALEUSE RÉCUPÉRATION, QU'IMPORTE !

Chronique hebdomadaire de Philippe Randa

Si le but des organisateurs de l’Apéro “Saucisson et Pinard à la Goutte-d’or”, ce quartier parisien au taux de population immigrée largement – euphémisme ! – au-dessus de la moyenne nationale, était de faire du “buzz” comme on dit désormais, c’est gagné. Depuis quelques jours et à l’approche du fatidique rendez-vous, les medias, effrayés par l’ampleur annoncée du nombre des participants, s’en sont fait l’écho quotidiennement. Quant à son interdiction par la Préfecture de police, c’est à l’évidence le point d’orgue de ce “coup” incontestablement réussit.

Certains jugeaient qu’une telle initiative est du plus parfait mauvais gout, au niveau des provocations de militants homosexuels venant sur les parvis des églises s’embrasser goûlument tout en se tripotant ce qui ne leur sert généralement guère pour se reproduire…

D’autres s’indignaient de son insupportable récupération partisane.

Ainsi du ban et de l’arrière-ban de la gauche extrême et militante – Parti de Gauche au PCF, en passant par les Verts-Europe Écologie, le NPA, RESF, la LDH, Alternative libertaire, La Maison Verte, la Gauche unitaire, Action antifasciste – bref de tous les habituels brailleurs contre la supposée resurgence d’une “lueur immense et rouge” qui fascina voilà plus de quatre-vingt ans l’écrivain Robert Brasillach et continue depuis lors de hanter leurs existences tout autant que celle de leurs grands-parents.

Ainsi de la Nouvelle droite Populaire qui s’est fendue d’un long communiqué rageur pour dénoncer au contraire “cette initiative (plutôt sympathique, mais) récupérée par toutes sortes d’organisations post socialistes qui découvrent aujourd’hui, après avoir craché pendant plus de vingt ans sur le mouvement nationaliste, que l’immigration est un problème pour notre pays. Certes, il n’est jamais trop tard pour ouvrir les yeux et se rendre compte que l’eau est mouillée et chacun a bien sûr droit à l’erreur. Mais ce qui est insupportable, c’est lorsque ces gens se permettent de nous donner des leçons (…) il est logique que les forces du Système tentent de récupérer cette légitime et salvatrice réaction de notre peuple.”

Quoi qu’il en soit, personne n’aura plus besoin de se déplacer – au risque d’incidents probables avec des “autochtones” locaux – pour que la France entière soit interpellée quant aux réalités ethnico-religieuses de certains lieux de son territoire national, si tant est qu’il puisse encore y avoir une citoyenne ou un citoyen distrait qui ne l’aurait pas remarqué… Entre autre la réquisition illégale par des musulmans de la voie publique pour organiser la prière du vendredi, comme dénoncée à juste titre par Marine Le Pen, vice-présidente exécutive du Front National, qui n’a pas manqué de condamner l’interdiction de cet Apéro “saucisson-pinard” à Paris auquel son mouvement ne s’était toutefois pas associé.

Certes, cet Apéro “saucisson-pinard”, officiellement à la seule initiative d’une habitante exaspérée du XVIIIe arrondissement parisien, fut néanmoins quasi-simutanément soutenu par plusieurs mouvements d’une droite identitaire habituellement qualifiée d’extrême.

Mais elle le fut également, et quasi-immédiatement, par d’autres associations qui ne le sont pas, voire pas du tout, tel Riposte laïque… qui se présente comme un groupe de gauche antireligieux dont le combat laïque est une telle priorité qu’il ne cherche “donc pas à la cloisonner dans le seul camp de la gauche”…

Et un des collaborateurs de son journal en ligne (www.ripostelaique.com) Maxime Lépante, se présentant comme “spécialiste de l’islamisation de La Goutte d’or”, a accordé un long entretien à l’hebdomadaire Minute (n°2464, 9 juin 2010) parce que celui-ci, précise-t-il, est “le troisième media à (s’)intéresser au scandale des prières musulmanes illégales dans les rues de Paris et ailleurs et qu’aucun des principaux medias français ne se préoccupe de cette affaire.”

Nul doute que ce ne soit plus le cas à l’avenir, puisque “sur Facebook, le projet d’Apéro “pinard-saucisson” fait des petits à Toulouse, Lyon, Bruxelles ou Londres. Plusieurs centaines de membres s’y sont déjà agrégés”, indiquait hier le quotidien Libération.

Alors, au-delà de l’opinion que l’on peut avoir de l’opportunité d’une telle initiative, force est de constater qu’elle a permis de fissurer l’insupportable ligne de fraction droite/gauche de la politique française.

Les sévères garde-chiourmes d’une démocratie de plus en plus totalitaire parviendront-ils à colmater cette fissure, riche d’espoirs politiques ? N’est-il déjà pas trop tard ?

En attendant, buvons-un coup ! Et même deux ! Ce qui est pris ne sera plus à prendre.

Le saucisson est-il anticonstitutionnel?

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Le saucisson est-il anticonstitutionnel ?

La provocation à la Goutte d’Or, c’est tous les vendredis

Elisabeth LEVY

Ex: http://www.causeur.fr/

Je ne connais pas les groupes qui ont appelé vendredi à un “apéro saucisson et pinard” dans le quartier de la Goutte d’or, et je ne doute pas que parmi eux se trouvent des gens avec qui je n’ai aucune envie de festoyer parce qu’ils ont de la France une vision étroitement ethnique, voire raciale. Mais je suis sûr que pas mal d’autres gens, en particulier des habitants du quartier, seraient tentés par ces festivités si on ne nous rabâchait pas depuis quelques jours qu’il s’agit d’une provocation islamophobe d’extrême droite. Cette manifestation qui susciterait l’enthousiasme si elle s’appelait “fête des voisins” et se déroulait à Boboland peut en effet séduire pour des raisons honorables qui n’ont rien à voir avec le racisme et tout avec le souci de neutralité de l’espace public, ce qui est l’exacte définition de la laïcité.

L’alcool, c’est le racisme, sa prohibition la tolérance

Dans les médias, on nous explique avec gourmandise qu’un groupe s’est créé sur Facebook pour appeler à un “apéro géant halal et thé à la menthe”. Voilà en apparence une magnifique réponse du berger à la bergère. Sauf qu’à l’exception de quelques cinglés, personne ne s’offusque parce que quelqu’un ne boit pas d’alcool ou ne mange pas de porc, alors que pratiquer ces deux activités, traditionnelles sinon anodines pour un grand nombre de nos concitoyens, est considéré comme insultant par une autre partie de nos concitoyens. À ma connaissance, aucun élève ne s’est fait casser la figure parce qu’il jeunait pendant le Ramadan. Il faut en conclure que manger du porc est un signe d’intolérance quand ne pas en manger et s’offusquer parce que d’autres en mangent prouve à quel point on aime toutes les cultures. Ou encore que boire est un acte raciste et qu’interdire aux autres de le faire est une manifestation de tolérance.

Oublions, par charité républicaine, l’ânerie proférée par Jean-Luc Mélenchon qui a repéré dans l’affiche appelant au saucissonnage un rappel de l’insigne de la SS : soit l’estimable Jean-Luc avait bu des breuvages que l’islam réprouve, soit il a peur de s’aliéner le vote de musulmans s’estimant stigmatisés par le rejet de cet islam ostentatoire qu’ils affirment pourtant rejeter. Comme j’aime bien Jean-Luc Mélenchon et que je le tiens pour un authentique républicain, je préfère penser qu’il avait, exceptionnellement, forcé un peu sur la bouteille – ou que sa vue baisse. Quant à Bertrand Delanoë, il a vertement condamné les saucissonneurs, rappelant que “l’expression du racisme et de l’intolérance n’avait pas sa place à Paris”. Ceux qui prient dans la rue, empêchant ceux qui ne prient pas de circuler et de picoler, sont évidemment les apôtres de la tolérance et de l’antiracisme. Pour le maire de Paris, le fait que cet apéro-saucisson coïncide avec la date du match Algérie-Angleterre est une circonstance aggravante : peut-être conviendrait-il de mettre en berne tous les drapeaux tricolores qui pourraient apparaître comme autant de provocations si l’Algérie perdait. De ce point de vue, nous devrions être rassurés : si j’en crois mes amis initiés, il y a de fortes chances pour que l’Algérie et la France soient éliminées en même temps. Reste à savoir quels drapeaux nous brûlerons tous ensemble pour manifester notre amour du sport et de la fraternité.

Qui sont les provocateurs ?

À en croire Le Point.fr, “cette manifestation centrée sur la consommation de viande de porc et l’alcool, exclut de fait les participants de confession juive ou musulmane”. J’ignorais que la charia et la halakha étaient devenues des lois de la Républiques et que les Français musulmans et juifs étaient désormais obligés de se conformer aux préceptes de leur religion. On attend avec impatience que la HALDE exige que les bars cessent de servir de l’alcool afin de n’exclure personne – à part les alcooliques, bien sûr.

Ce qui donne envie de hurler dans la présentation de cette affaire d’apéro, c’est que personne ne dit que si provocation il y a – et il y a -, elle répond à une provocation plus grande encore, persistante depuis des mois mais, il est vrai, dûment autorisée par la Préfecture de police : l’organisation de la prière musulmane du vendredi à ciel ouvert, des milliers de fidèles occupant plusieurs rues du quartier. Qu’ils bloquent la circulation est certes fâcheux mais en vérité véniel à côté de l’insulte faite aux mœurs de notre République – et ce serait aussi scandaleux s’il s’agissait d’une autre religion. Il faut d’ailleurs saluer le recteur Dalil Boubakeur qui a appelé les fidèles à venir prier à la Mosquée de Paris – monument éminemment parisien au demeurant et qui témoigne de la présence d’un islam respectueux de la laïcité qui a toute sa place en France.

Apéro interdit, prière autorisée ?

Il ne s’agit pas d’être candide. Les saucissonneurs associés ont certainement des arrière-pensées politiques, et pas des plus ragoûtantes. Mais ce n’est pas en recouvrant le réel d’un voile de bons sentiments qu’on le fera disparaître. Que ces prières publiques soient dénoncées par des gens peu sympathiques voire infréquentables, ne change rien au fait qu’elles sont inacceptables. La France qui a connu une quasi-guerre civile pour sortir le christianisme de l’espace public devrait maintenant accepter que l’islam s’y déploie ? La Préfecture de Police, qui a reçu les organisateurs de cet apéro du 18 juin et ceux du contre-apéro hallal annoncé, a décidé, certainement avec d’excellentes raisons d’ordre public, de tout interdire. Tout sauf, semble-t-il, la prière (à moins que pour calmer le jeu, on ne demande aux prieurs de se faire oublier pour une semaine).

En vrai, peu me chaut que l’on interdise cet apéro auquel je n’irai pas parce qu’on ne boit pas des coups avec n’importe qui. En revanche, j’aimerais savoir ce qu’on attend pour interdire ces prières sur la voie publique. Il faudra surtout expliquer aux Français de tous bords et de toutes origines qu’inquiète l’affirmation d’un islam militant et identitaire, que dans leur pays, on a le droit de prier en public, mais pas de manger du porc. La bonne nouvelle, c’est qu’on pourra jouer à l’antifascisme quand l’extrême droite raflera la mise parce qu’une fois de plus, on lui aura laissé, selon l’expression d’Alain Finkielkraut, le monopole du réel.

mercredi, 16 juin 2010

Terre & Peuple Magazine n°43

Communiqué de "Terre & Peuple" - Wallonie

 

 

 

tp-43.jpg TERRE & PEUPLE Magazine n°43

 

 

Le numéro 43 de TERRE & PEUPLE Magazine (équinoxe de printemps 2010) est consacré au thème révolutionnaire de l’identité.

 

Pierre Vial, dans son éditorial, souligne que les faits nous donnent raison. Il en veut pour exemple les heurts sanglants entre chrétiens et musulmans qui, depuis des décennies, déchirent le Nigéria. Le conflit n’est pas religieux, mais ethnique, entre les Fulanis et les Beroms. Refusant tout compromis à l’égard de l’utopie criminelle de la société multiethnique, nous choisissons joyeusement le camp des maudits.

 

Jean Le Blancmeunier brûle un cierge au film ‘Avatar’ de l’Américain James Cameron, que le Vatican a jugé bon de stigmatiser à cause de son culte païen de la nature, l’Eglise s’interdisant de considérer celle-ci comme divine. Aux humains qui sont devenus dégénérés et pervers, Cameron oppose les Na’vi, pour qui la nature est le seul bien vraiment précieux. On remarquera qu’ils sont pourvus d’un Uplink, cordon cérébral qui leur permet de se connecter aux animaux et aux arbres de la forêt. Il faut avoir d’abord vu Avatar pour retourner le voir.

 

Jean-Patrick Arteault se laisse questionner sur les racines du mondialisme occidental. Il les discerne dans l’évolution du vocabulaire. Ainsi, le terme gouvernance a été préféré à gouvernement dans le rapport 1975 de la Commission Trilatérale. L’objectif étant à l’évidence de désarmer les gouvernements des Etats, on a substitué à un mot masculin volontariste, qui désigne des acteurs concrets, un mot féminin impersonnel, qui échappe encore mieux au citoyen de base. La notion de gouvernance mondiale remonte à l’essai manqué de la SDN en 1919, qui sera repris et complété en 1945 avec l’ONU. Dans un monde unifié sous un système oligarchique participatif, la gouvernance ramène la politique à l’économie. Le cœur de cette oligarchie est un triptyque : l’ONU, à qui les Etats reconnaissent une priorité, les institutions de régulation (FMI, Banque mondiale, OMC, OMS) et les groupes d’influence et OMG, qui assurent un contrôle culturel et moral. Le système cherche à se justifier par une pastorale de la peur (insécurité, terrorisme, pollution, réchauffement, pénurie d’eau et d’énergie).

 

Le Forum de Davos n’est pas le Club des maîtres, mais un simple rouage du système oligarchique participatif, qui se présente comme un réseau de réseaux. Il a été fondé en 1971 par Klaus Schwab, un obscur économiste de l’université de Genève, comme ‘European Management Forum’, visant à répandre parmi les cadres politiques, militaires et économiques européens la vision messianique américaine (faire des affaires, mais en servant l’humanité). Il devient le Forum Economique Mondial en 2003 et est alors invité par le Groupe de Bilderberg, fer de lance du mondialisme. C’est un vivier où sont sélectionnés les futurs mandarins.

 

Christine Lagarde en est un modèle typique.  En 2005, elle s’est trouvée parachutée ministre du Commerce extérieur, et ensuite des Finances, dans le gouvernement Raffarin et, en 2007, ministre de l’Economie et de l’Emploi de Sarkozy.  Elle ne tombait pas du ciel, mais du cabinet du député républicain US William Cohen qui avait été choisi par le démocrate Clinton pour être secrétaire d’Etat à la Défense.  Elle avait fait carrière depuis 1981 dans le premier cabinet d’avocats d’affaires américain Baker & McKenzie, dont elle était devenue présidente en 1999.  En 1995, elle avait été recrutée par le CICS (Center of Strategic and International Studies) un think tank animé par Kissinger et Brzezinski.  Christine Lagarde, agent d’influence US, a joué un rôle déterminant dans la Commission USA/UE/Pologne, notamment pour l’achat par cette dernière d’avions américains de préférence au Rafale français.

 

Quelque réserve qu’on nourrisse à l’endroit des ‘conspirationnistes’, on ne peut qu’être frappé par l’agressivité à leur égard des adversaires de thèses auxquelles il devrait suffire d’objecter leurs fragilités et leur œillères idéologiques.  Définissant le complot comme ‘la mise en œuvre de moyens d’influence détournés pour que des groupe modifient inconsciemment leurs comportements afin de les affecter à des buts fixés par les maîtres d’œuvre du complot, on distinguera utilement deux familles de conspirations, qui visent toutes deux le bonheur de l’humanité.  L’une est la conjuration planétarienne pour le réalisation de la promesse biblique d’un règne sur les nations et d’une terre sainte. Le sionisme lui a donné une forme agissante.  La seconde est la conspiration mondialiste occidentale anglo-saxonne, qui est à peine moins jalouse que la première à l’égard des critiques, voire de simples révélations indiscrètes.  Héritiers des sectes bibliques puritaines et du poète Milton, les protestants anglais du XIXe siècle considèrent volontiers que Dieu est anglais et que la nation anglaise est devenue la bénéficiaire, depuis la défaite de l’Invincible Armada, de la même élection divine que le peuple hébreux sur le monde.  Saint Empire sur lequel le soleil ne se couche jamais, le Commonwealth semble gratifié de l’approbation divine par son système parlementaire et par la révolution industrielle.  Mais l’indépendance américaine et la concurrence du Continent auront vite fait d’effilocher son avance.  C’est alors que naît un projet de revitalisation, à l’échelle de l’Occident et de la Planète, de l’évident destin privilégié des anglo-saxons, qui va se développer au point de convergence des influences de personnalités parmi lesquelles émergent le poète John Ruskin (1819-1900), Arnold Toynbee (1852-1883), Alfred Milner (1854-1925) et Cecil Rhodes (1853-1902).

 

John Ruskin est leur maître spirituel.  Platonicien, il enseigne à l’université d’Oxford.  Les chrétiens socialistes lui inspirent de ne pas s’en tenir à interpréter le monde, mais de le remodeler à partir d’un code moral.  Dénonçant ‘la rage de devenir riche’, il vise un progrès qui doit être d’avantage spirituel que matériel. Il sélectionne dans cette perspective les meilleurs de ses étudiants pour qu’ils élèvent les masses aux valeurs d’une aristocratie à qui il recommande dès lors la discrétion.  L’aristocratie se doit d’intégrer l’élite plébéienne.

 

Toynbee, Milner et Rhodes sont les plus marquants des étudiants qu’ait influencés Ruskin.  Arnold Toynbee enseigne à Oxford, avec un tel charisme qu’il réunit autour de lui un cercle d’étudiants choisis, parmi lesquels Milner va puiser.  Toynbee leur insuffle trois idées : 1.- que le principe de liberté est à la base de l’Empire britannique et doit en préserver l’unité ; 2.- que le devoir primordial est le service de l’Etat et 3. – que c’est spirituellement qu’il faut élever les classes laborieuses.  Ces trois idées font du monde anglo-saxon le sommet de l’évolution de l’humanité.  Avec Alfred Milner et Cecil Rhodes, cet objectif d’élévation des masses va être étendu à tout l’Empire et bientôt au monde.  Ces impérialistes ne sont toutefois pas des libéraux : l’économie doit être dirigée ‘d’en haut’.  Ils mettent sur pied une organisation d’amis qui, à une notoriété publique personnelle vont préférer un pouvoir discret.

 

Alfred Milner rencontre à Oxford Toynbee, qui l’introduit dans la pépinière de Lord Balfour.  Devenu journaliste au Pall Mall Gazette, il se lie avec le rédacteur en chef, le célèbre William Stead, lui-même un des plus fidèles amis de Cecil Rhodes (qui donnera bientôt son nom à la Rhodésie-Zimbabwé).  L’asthme contraint alors Rhodes de quitter Oxford pour rejoindre son frère sous le climat plus clément de l’Afrique du Sud, où on découvre précisément des gisements de diamant.  Plutôt que de suivre son frère qui a acheté une concession, Rhodes préfère fournir les chercheurs en matériel, équipement et subsistance.  Il fait rapidement fortune et, rachetant les concessions des irréalistes déçus, il fonde avec l’appoint de Lord Rotschild la compagnie De Beers, qui va bientôt contrôler le marché mondial.  Reçu en maçonnerie, le goût des organisations secrètes que lui a inspiré Ruskin l’amène à constituer, sur le modèle de l’ordre des Jésuites, une ‘Société des Elus’. Ceux-ci s’engagent à coopérer dans le secret à l’extension au monde entier de l’idée anglo-saxonne. La Société recherche les hommes de capacité et d’enthousiasme, pour qui la richesse n’est pas un objectif, mais un moyen.  Rhodes affectera son immense fortune à subventionner les ‘boursiers Rhodes’ : Bill et Hilary Clinton en sont deux produits. (à suivre !)

 

Pierre Vial souligne, à propos du livre ‘Au temps des idéologies à la mode’ qu’Alain de Benoist a opportunément dédié à Jean-Claude Valla, le courage de Louis Pauwels qui a permis la belle aventure de ce qu’il a lui-même baptisé la Nouvelle Droite.  Elle a braqué les projecteurs sur nombre de nos fondamentaux : les Indo-Européens, le pouvoir culturel, la pensée de Carl Schmitt, le débat race-intelligence, l’éthologie et la fonction de l’imaginaire.

 

Pierre Vial, encore, ouvre le dossier de la Révolution identitaire.  A la différence des messianismes économistes des frères jumeaux marxisme et libéralisme, elle se fonde sur la réalité.  Il rappelle que c’est en 1988 qu’il fondé, avec notamment Jean-Jacques Mourreau, la revue ‘Identité’, que dans son éditorial du n°1 de la revue Terre & Peuple, en 1995, il appelait au combat identitaire et que, dans l’éditorial du n°2 qui s’intitulait ‘Le mouvement identitaire’, il soulignait que l’identité, « avec son mouvement multipolaire » échappe aux clivages partisans.

 

Jean Haudry fait observer que, chez les Indo-Européens anciens, le vocable ‘identité’ n’apparaît que tardivement, comme si être soi-même allait sans le dire et, comme la religion, ne demandait que d’être vécu. Hors de toute abstraction, l’identité ne s’exprime alors que par les pronoms ‘soi’ et ‘sien’, qui marquent l’appartenance aux communautés de la société des lignages et aux compagnonnages guerriers, les ‘quatre cercles d’appartenance sociale’ d’Emile Benveniste.  Chaque groupe est ‘sien’ pour ses membres et ‘autre’ pour les étrangers. Mais il est à la fois ‘sien’ et ‘autre’ au sein du cercle supérieur, comme des compatriotes sont ‘siens’, même s’ils sont ‘autres’ quand ils ne sont pas de la même famille ou du même clan.  L’autre est un ennemi potentiel, susceptible toutefois d’être reçu comme hôte (hostile, hostellerie).  A l’égard des autres, la guerre est naturelle et la paix n’est qu’un accord formalisé sous la tutelle du dieu de l’hospitalité.  Les royautés historiques vont installer la paix entre les clans, mais pas encore entre les peuples du même sang.  Ils s’affrontent continuellement, mais ils vont s’unir sous l’égide de leur dieux communs contre les barbares, ceux avec qui n’existent que des rapports de force.  Tandis que les guerres entre la Grèce et la Perse sont dites sont dite ‘entre sœurs de même sang’.  D’où l’importance accordée à la ressemblance physique et au type physique idéal et à la ressemblance morale, liée pour partie au physique et pour partie à l’éducation.

 

Jeanne et François Desnoyers retracent le long chemin du théâtre, de la haute antiquité à nos jours comme, étant une expression typiquement européenne.  L’altération de la tragédie en comédie et finalement en pantomime et en démonstrations à effets spectaculaires.  Et le regain dans les drames liturgiques, les miracles et les mystères paraphrasant les textes saints. Et le glissement vers la trivialité des parvis, des baladins des foires, des mascarades des carnavals, jusqu’au coup de barre de la Réforme.  Et puis les grandes traditions théâtrales européennes, espagnole, italienne, anglaise, allemande, française.

F.F. se félicite des affirmations vestimentaires des ‘autres’, qui entendent se discriminer clairement, voire agressivement, par leur vêtement, depuis la bourqa jusqu’à la kippa. Il nous recommande de donner notre réplique.  Mais tout plutôt que les jeans et aussi fréquemment que possible les Tracht et les Dirndl si seyants.

Pierre Gillieth décline une savoureuse carte du film français des bonnes années, avec ses titis éternels, ses rebelles fils du peuple, ses râleurs poétiques, son populisme si cher à nos cœurs, ses légendes et ses rêves filmés, son esprit aristocratique ou plébéien. Mais y a-t-il encore des hommes chez qui trouvent un écho des films tels que ‘La 317e section’, ‘Le Crabe-Tambour’ ou ‘L’Honneur du capitaine’ ?

 

Pierre Vial, toujours, brûle un cierge à l’identité indienne, à l’occasion du film ‘Le dernier Cheyenne’ de Tab Murphy.  Il raconte le repli dans des montagnes d’un clan cheyenne ‘oublié’ que découvre un archéologue, qui décide finalement de rester vivre avec eux.

 

Pélage, citant en exergue Guillaume Faye (« Je n’appelle pas à la guerre, je la vois venir, hélas. »), dresse l’état de l’islamisation de la France, le plus atteint des pays européens.  Les musulmans n’étaient que 500.000 en France, quand De Gaulle a lâché l’Algérie pour s’éviter un ‘Colombey-les-deux Mosquées’. Ils sont aujourd’hui au bas mot sept millions et atteignent 60% de la population de plusieurs villes.  Il y avait en France 23 mosquées en 1974.  Il y en a cent fois plus à présent, dont une cinquantaine de ‘cathédrales’ (jusque 7.000 fidèles).  Les islamistes modérés sont évidemment les plus nombreux, comme avant toute révolution lancée pas les radicaux.  Les Frères musulmans (équivalent des Loups gris et du Milli Görüs des Turcs) sont présents partout et plaisent aux jeunes.  Leurs structures, bien organisées, sont financées par l’Arabie saoudite (30 à 50%) et par le filon halal.  L’Union des Jeunes Musulmans (UJM) et Tariq Ramadan bénéficient du soutien de l’Eglise catholique et de la gauche alter-mondialiste.  Le Tabligh forme des missionnaires zélotes.  Les extrémistes chassés d’Algérie (FIS) alimentent le salafisme, qui prône le retour à la pureté des origines (barbe, djellabaa, repas pris accroupi, polygamie) et est très actif et bien équipé.  Il tient plusieurs centaines de mosquées et n’hésite pas à intimider les imams hésitants.  Les convertis sont le plus souvent des paumés des cités qui, demeurant des ‘gouals’ (suspects), sont incités à la surenchère.  La police connaît parfaitement les ‘terroristes dormants’ sur leurs arsenaux des banlieues, dans l’attente du mot d’ordre. La propagande islamique n’est guère le fait des quelques imams collabos diplômés de l’Institut catholique de Paris, car les jeunes leur préfèrent les purs et durs.  Les sites internet prosélytes sont légion.  La télévision Al-Jazeera (Le Caire), Al-Arabiqya (La Mecque) et Al-Mustaqila (Londres) règne sur tous les foyers, de même que Radio-Orient et Radio-Méditerranée (Mecca-Cola).  Les éditions Le Figuier (Tabligh) et Tawhid diffusent, outre le Coran, des textes sulfureux qui ont déjà valu des condamnations pour antisémitisme.  En dépit de quelques pieuses proclamations républicaines, la charia est solidement installée dans les cités : 60% des jeunes musulmans y sont favorables et 90% respectent le ramadan (contre 60% en 1989) et se chargent d’en faire la police.  La nourriture halal (un marché de 5,5 milliards €) est imposée de fait à l’ensemble des consommateurs, car les musulmans, comme les Juifs d’ailleurs, ne consomment que certains morceaux de l’animal et c’est nous qui écoulons le reste !  Plus de 80% des jeunes déclarent réciter leurs prières quotidiennes et souhaiter des écoles coraniques.  De plus en plus de directeurs des écoles publiques admettent des pauses pour ces prières, des horaires pour le ramadan et des absences pour les fêtes musulmanes.  Une police des mœurs se charge de surveiller la bienséance vestimentaire, rectifiant à l’occasion les putes gauloises.  Comme se font rectifier dans les écoles les professeurs d’histoire, de littérature, de sciences de la vie, notamment par les créationnistes.  Craignant d’être taxées d’islamophobie, nombre d’entreprises veillent à ne pas faire manger les impurs dans les réfectoires des croyants et à servir tout le monde en aliments halal.  La ségrégation est pratiquée de même dans les sports (où la mixité est offensante) et à l’hôpital (où les incidents sont quotidiens). Dans la rue, elle est ostensible dans entraves à la circulation qui sont organisées communément pour la prière.  A l’armée (qui serait encore attachée aux valeurs de la France !), il y aurait (secret Défense) entre 10 et 15% de musulmans (proportion des repas halal) et les aumôneries organisent les pèlerinages à La Mecque.  Dans les prisons, on reconnaît le chiffre de 50% de musulmans et de 80% en région parisienne et dans le Nord.  Les recruteurs salafistes y pratiquent un prosélytisme forcené.  La finance islamique, qui pèse déjà 700 milliards $, est pure dans le respect de la charia, mais n’en est pas moins responsable de la faillite de Dubaï.  L’islamo-business justifie ses trafics contraires au Coran par la bonne cause du pourrissement de l’Occident impie, dans la perspective du grand soir.  Le vêtement islamique sert de drapeau, car du voile, admis à présent par 79% des moins de 30 ans, on passe au niqab et à la bourqa, portés par deux mille femmes (dont 25% de converties) qui forment la pointe de l’iceberg.  La polygammie est déjà le fait de 20 à 50 mille foyers, soit au moins 200.000 personnes qui vivent sous ce régime.  La France est le refuge des musulmans polygames qui n’en ont pas les moyens dans leur pays.  La garantie de virginité a été consacrée par le Tribunal GI de Lille comme cause d’annulation d’un mariage.  En France, les matrones continuent de mutiler les petites filles en pratiquant l’excision de leur bout de chair satanique.

 

Prodrome d’une guerre annoncée, le refus des musulmans d’être nos hôtes marque leur détermination à mettre en place un Etat islamique et à nous islamiser. Que Sarkozy s’aventure à déclarer que le bourqa n’est pas bienvenue en France et on lui promet vengeance. Khaddhafi appelle au jihad contre la Suisse qui refuse les minarets. Occultée ou minimisée par les politiciens et les journalistes, la violence islamique est banalisée. On siffle la Marseillaise et on brûle le drapeau français au nez de gendarmes réduits à la passivité.  Les liesses sportives tournent à la guerilla.  La mosquée de Drancy, modérée, est mise à sac comme la maison de son imam.  On asperge d’essence en plein Paris une comédienne musulmane libérale.  La France semble avoir perdu jusqu’au goût de se défendre et le ministre en charge proclame qu’il n’y a plus de Français de souche, mais une France de métissage.  Sarkozy avoue : « Notre modèle d’intégration ne fonctionne plus, » pour remettre enfin en question la discrimination positive.  La dénonciation du référendum suisse sur les minarets, comme étant une honte fasciste, voire un crime contre l’humanité (Kouchner, Cohn-Bendit, Erdogan) en regard des majorités écrasantes de révoltés que révèlent les sondages mesure le gouffre qui sépare l’oligarchie du peuple réel.  Ce ne sont pas les minarets que celui-ci refuse, mais l’expansion de l’islam.  Face aux affirmations de conquête de celui-ci, il est désormais devenu impossible de faire taire ce peuple.

 

Jean Haudry propose un recension détaillée du numéro 388 de la revue Dossiers d’archéologie, lequel est tout entier consacré aux Indo-Européens.  Il a été constitué sous la direction de l’ineffable Jean-Paul Demoule, ce qui laissait présager une excommunication de plus. Mais il n’en est rien : « La question mérite d’être étudiée  Le numéro réserve même de bonnes surprises, privilégiant l’hypothèse des steppes, de Marija Gimbutas, à l’hypothèse anatolienne de Colin Renfrew et Demoule approuvant enfin l’apport de Dumézil.  Toutefois, le dossier reste muet sur les données significatives que sont le formulaire et l’hydronymie.  Depuis la découverte fortuite, en 1854, de la formule ‘la gloire impérissable’, courante tant en védique qu’en grec, on a pu relever dans les différents parlers indo-européens des centaines de concordances de formules imagées, ce qui a permis à Martin West de publier son livre ‘Indo-european Poetry and Myth’ (Oxford 2007).  Par ailleurs, l’incomparable stabilité, dans les dénominations des lieux de la géographie (toponymie), des appellations qui désignent les voies d’eau (hydronymie) révèle une dispersion de vocables indo-européens à travers l’Europe et l’Asie, avec une concentration dans les régions baltiques. Ce que Demoule écarte, bien sûr, comme étant national-socialiste !

 

Note sur une lignée d'écrivains: de Stendhal à Dostoïevski et Ernst von Salomon

stendhal_1214892515.jpgArchives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1998

Note sur une lignée d'écrivains: de Stendhal à Dostoïevski et Ernst von Salomon

par Jérémie BENOIT

 

“Timidement, je caresse la reliure avec le dos de ma main. Je tourne la feuille de garde et je lis: «Stendhal, le Rouge et le Noir»”. Ainsi s'achève l'un des chapitres du roman d'Ernst von Salomon (1902 - 1972), Les Réprouvés (Die Geächteten) (1), œuvre phare de l'époque des corps-francs en Allemagne après la défaite de 1918. L'admiration envers Stendhal (1783-1842) dont témoigne la phrase de von Salomon suscite évidemment une réflexion sur les rapports que l'on peut établir entre ces deux écrivains, éloignés d'un siècle dans le temps, et a priori fort différents par leur culture. Mais le débat devra encore être élargi grâce à un aphorisme de Nietzsche (1844-1900), qui marque un relais dans la filiation Stendhal/von Salomon, en introduisant la personnalité de Dostoïevski (1821-1881). Dans Le Crépuscule des Idoles  en effet (2), Nietzsche relève: «Dostoïevski est, soit dit en passant, le seul psychologue qui ait eu quelque chose à m'apprendre. - Je le compte au nombre des plus belles aubaines de ma vie, plus encore que ma découverte de Stendhal»).

 

C'est donc cette lignée d'écrivains que nous allons tenter d'appréhender ici, sachant que, plutôt qu'à leur style, c'est à leur démarche intellectuelle, à leur idéologie, que nous nous attacherons prioritairement. Car Julien Sorel, le héros stendhalien apparaît comme le prototype de tout un courant d'idées dont le XXe siècle a vu —et voit encore—  se développer la descendance, au travers de personnages que l'on a qualifié de nihilistes, mais qui sont en fait des révolutionnaires détachés des contingences de la société bourgeoise.

 

La haine sociale

 

A propos du Rouge et le Noir, Paul Bourget notait en effet: «Plus nous avançons dans la démocratie, plus le chef-d'œuvre de Stendhal devient actuel» (3). C'est une manière de projeter le roman dans le XXe siècle, et donc de poser le principe d'un rapport direct, si l'on veut, avec Les Réprouvés de von Salomon. La grande figure de Julien Sorel incarne en effet «la rébellion moderne», selon les termes de Maurice Bardèche (4). Cette rébellion, personne mieux qu'Ernst von Salomon ne l'a décrite: «Nous étions enragés, écrit-il. Des drapeaux de fumée noire jalonnaient notre route. Nous avions allumé un bûcher où il n'y avait pas que des objets inanimés qui brûlaient: nos espoirs, nos aspirations y brûlaient aussi, les lois de la bourgeoisie, les valeurs du monde civilisé, tout y brûlait, les derniers vestiges du vocabulaire et de la croyance aux choses et aux idées de ce temps, ce bric-à-brac poussiéreux qui traînait encore dans nos cœurs» (5). Libération, purification, régénération, telles sont les thèses que pose ainsi Ernst von Salomon dans son roman. La question est finalement de retrouver l'homme au sein du dédale social. L'identité humaine, la recherche passionnée du moi, sont ainsi les seules valeurs qui subsistent aux yeux de l'écrivain.

 

Mieux que dans Les Réprouvés cependant, l'analyse de la révolte contre l'ordre établi se rencontre dans Le Rouge et le Noir. «La haine extrême qui animait Julien contre les riches allait éclater», écrit Stendhal au chapitre 9, puis: «Il ne vit en Mme de Rénal qu'une femme riche, il laissa tomber sa main avec dédain, et s'éloigna» (6). Ce sentiment d'abjection envers tout ce qui médiatise l'homme pour en faire un être social, empêtré dans des idées préétablies, forme le fond de l'attitude de Julien Sorel, quand bien même il cherche à entrer dans cet univers maniéré qu'il perçoit cependant comme ridicule. Car il n'y croit pas. Dès le premier contact avec la société policée, il se sent étranger, différent. Il aspire avant tout à se libérer du carcan social, pour se retrouver lui-même, homme. Supérieurement intelligent, ce cérébral ne pouvait laisser Nietzsche indifférent. Il possède son effet en lui les qualités du surhomme, capable de se surpasser, de transgresser les valeurs. La réflexion, l'analyse et finalement le crime de Julien Sorel trouvent un écho dans la démarche de Rodion Romanovitch Raskolnikov, le héros de Crime et Châtiment, œuvre de Dostoïevski (7).

 

La recherche de l'homme intégral

 

Raskolnikov, conscient lui aussi de sa supériorité, cherche également à se libérer du bourbier social, et sa pensée se fixe sur une vieille usurière, Aliona Ivanovna. «Quelle importance a-t-elle dans la balance de la vie, cette méchante sorcière?», se dit-il. Mais au-delà de la seule réflexion sociale, qui fait finalement le fond du roman de Stendhal, Dostoïevski introduit de plus une dimension psychologique propre à son œuvre. Si la vieille est l'obstacle social à abattre pour se libérer  —« Ce n'est pas une créature humaine que j'ai assassinée, c'est un principe»—  l'idée du crime germe aussi comme un défi à la propre libération du héros. «Suis-je capable d'exécuter cela?», se demande Raskolnikov. Car le héros étouffe entre les murs de la morale officielle. Il se sent, comme Julien Sorel, différent du troupeau de l'humanité. Le destin l'a désigné pour, ainsi que le dit Henri Troyat (8), «la terrible aventure de l'indépendance spirituelle». Des êtres comme lui possèdent le droit de dépasser les limites du social. Leur but unique est la recherche de l'homme intégral. Cette démarche en fait des sur-hommes nietzschéens. Car ni Julien Sorel, ni Raskolnikov ne regrettent leur crime. «Après tout, je n'ai tué qu'un pou, un sale pou, inutile et malfaisant», s'écrie Raskolnikov, tandis que Julien Sorel attend son exécution avec sérénité, entièrement libéré et purifié. «J'ai aimé la vérité... dit-il, Où est-elle?... Partout hypocrisie, ou du moins charlatanisme (...). Non, l'homme ne peut pas se fier à l'homme».

 

Leur recherche est donc essentiellement celle de l'humanité sincère. Par-delà les considérations sociales, Julien Sorel analyse ainsi la situation: «Avant la loi, il n'y a de naturel que la force du lion, ou le besoin de l'être qui a faim, qui a froid, le besoin en un mot». Car ajoute-t-il, en rupture totale avec la pensée rousseauiste sur laquelle s'appuie la société bourgeoise du XIXe (et du XXe) siècle, «il n'y a point de droit naturel». Au droit, il substitue le besoin, à la société, il oppose l'homme. Cette position est celle, nous l'avons vu plus haut, d'Ernst von Salomon, dégagé de toute contrainte avec ses camarades des corps-francs.

 

Chez Stendhal et Dostoïevski se trouvent les prémisses de la pensée libératrice de Nietzsche. L'homme est une créature naturelle, et comme telle, il est un prédateur. Tout homme supérieur a le droit et le devoir de prélever sa proie dans le troupeau. C'est pourquoi Raskolnikov se demande pour quelle raison son acte apparaît aussi odieux à son entourage: «Parce que c'est un crime? Que signifie le mot crime? Ma conscience est tranquille». Et, tout comme Julien Sorel, il s'offre en pâture à la société: «Certes, j'ai commis un assassinat... Eh bien! pour respecter la lettre de la loi, prenez ma tête et n'en parlons plus...». C'est à peu de choses près ce qu'exprime Julien Sorel au juge venu le visiter dans sa prison: «Mais ne voyez-vous pas, lui dit Julien en souriant, que je me fais aussi coupable que vous pouvez le désirer? Allez, monsieur, vous ne manquerez pas la proie que vous poursuivez».

 

Napoléon, modèle de liberté

 

La parallélisme entre Raskolnikov et Julien Sorel rencontre encore un autre écho dans l'admiration semblable qu'ils portent à Napoléon. «Un vrai maître, à qui tout est permis, songe le héros de Dostoïevski, canonne Toulon, organise un massacre à Paris, oublie son armée en Egypte, dépense un demi million d'hommes dans la campagne de Russie, et se tire d'affaires, à Vilna, par un jeu de mots. Et c'est à cet homme qu'après sa mort on élève des statues. Ainsi donc, tout est permis...». C'est là la terrible conclusion de Dostoïevski, qui hante toute son œuvre (9). Cette conclusion, nous la retrouvons chez Stendhal, bien que moins nettement dégagée: «Depuis bien des années, Julien ne passait peut-être pas une heure de sa vie sans se dire que Bonaparte, lieutenant obscur et sans fortune, s'était fait le maître du monde avec son épée» (10). Ernst von Salomon écrit quant à lui: «Dans une armoire, j'avais encore un portrait du Corse que j'avais décroché au début de la guerre» [de 1914]. Cette phrase montre là encore la totale admiration de tous les révolutionnaires pour Napoléon, quand bien même ils condamnent l'expansionnisme français.

 

Un prédateur régénéré dans la violence

 

Car ni Dostoïevski, ni von Salomon ne sont des adulateurs de l'Empereur. Leur nationalité limite l'enthousiasme que l'on ressent chez Julien Sorel. Abstraction faite de cette réserve, Napoléon est cependant un modèle absolu, celui de l'homme libéré du carcan social, du poids des considérations sociales. Lui seul porte à agir Julien Sorel et Raskolnikov, qui brûlent, l'un comme l'autre, de passer à l'action, et que les conditions sociales de leur époque empêchent de donner leur mesure. Le meurtre apparaît ainsi comme le substitut à l'héroïsme qu'on ne leur offre pas. Stendhal relève d'ailleurs dans son roman: «Depuis la chute de Napoléon (...) l'ennui redouble» (11). Ce sont ces contraintes qui poussent parfois Julien Sorel à se dévoiler violemment: «L'homme qui veut chasser l'ignorance et le crime de la terre doit-il passer comme la tempête et faire le mal comme au hasard?». Nous tenons là le véritable lien qui relie Stendhal à Ernst von Salomon. Prédateur, l'homme ne peut se régénérer que dans la violence, que déchaînent la guerre ou la révolution. Or, à l'inverse de Julien Sorel et de Raskolnikov, le destin d'Ernst von Salomon  —héros de son propre roman—  se dessina dans une époque de périls pour l'Allemagne, après la Première Guerre mondiale. Comme le personnage de Stendhal, il fut, en tant qu'élève à l'école des Cadets, frustré de «sa» guerre. Mais il put cependant se libérer grâce à l'épopée des corps-francs. Il ne s'agissait d'ailleurs pas seulement d'une lutte pour sauvegarder l'intégrité du territoire allemand, il s'agissait aussi  —et peut-être surtout—  de mettre en pratique cette nouvelle mentalité révolutionnaire, en conquérant de nouveaux espaces. Ce fut l'aventure du Baltikum qui permit de dépasser le nihilisme et de briser l'individualisme...

 

Le lieutenant Erwin Kern, compagnon de von Salomon, et l'un des assassins de Walter Rathenau en 1922, également héros du roman, recoupe entièrement ce que pensent Julien Sorel et Raskolnikov, lorsqu'il dit: «Pourquoi sommes-nous différents? Pourquoi existe-t-il des hommes comme nous, des Allemands comme nous, étrangers au troupeau, à la masse des autres Allemands? Nous employons les mêmes mots et pourtant nous ne parlons pas le même langage. Quand ils nous demandent “Que voulez-vous?”, nous ne pouvons pas répondre. Cette question n'a pas de sens pour nous. Si nous tentions de leur répondre, ils ne nous comprendraient pas. Quand ceux d'en face disent “intérêt”, nous répondons “purification”» (12). Purification, c'est-à-dire libération, sur-humanisation nietzschéenne.

 

De la liberté à la politique

 

Si la filiation s'établit assez facilement de Stendhal et Dostoïevski à Nietzsche et Ernst von Salomon, il existe cependant une grande différence entre les XIXe et XXe siècles. Les personnalités des différentes figures que nous avons considérées s'expliquent parfaitement d'un point de vue social et psychologique. Cependant, la révolte de Julien Sorel ou de Raskolnikov n'est pas la révolution programmée d'Ernst von Salomon, annoncée par Nietzsche (et d'autres penseurs). Il ne s'agit plus de se reconnaître différent en tant qu'individu, il s'agit de combattre les causes de la destruction de l'humanité. Dès lors, deux tendances vont se conjuguer, la réflexion et l'action, qui toutes deux se trouvaient en germe dans le romantisme. Le but suprême est la lutte contre la société bourgeoise, et par là-même, la régénération de l'humanité.

 

De là naîtra le mouvement que l'on nomme “révolution conservatrice”, dont Arthur Moeller van den Bruck (1876-1925) a certainement donné la meilleure définition (13): «Un révolutionnaire, écrit-il, n'est pas celui qui introduit des nouveautés, mais au contraire celui qui veut maintenir les traditions anciennes». Il ne nous appartient pas ici d'étudier ce courant d'idées (14). Notre dessein n'est que d'en repérer les origines et la continuité au travers d'un type de héros de roman. Cependant si Ernst von Salomon nous autorise à poser Le Rouge et le Noir de Stendhal comme étant une des sources des idées de la révolution conservatrice, il est permis de se demander pour quelles raisons les penseurs français classés à gauche, Zola ou Aragon (15), ont également tenté de récupérer la figure de Julien Sorel. Certes, la lutte anti-sociale du héros explique leur position. Mais c'est oublier une dimension essentielle de la personnalité de Julien Sorel, paramètre qui n'a pas en revanche échappé à von Salomon. Inférieur socialement aux personnages qu'il côtoie, Sorel se sent cependant supérieur à eux. Il considère l'injustice sociale non sur le plan strict du droit, mais sur le plan humain. Il ne cherche même pas à égaler ses maîtres, il revendique sa différence intellectuelle. Selon lui, tout comme pour Raskolnikov d'ailleurs, les mérites tiennent aux talents, nullement à la position sociale.

 

Or, cette supériorité n'a pas été remarquée —volontairement?—  par les critiques de gauche. En cela, on peut dire que leur annexion de Julien Sorel est abusive. Ce qui n'est pas le cas chez certains penseurs de droite. On se souviendra comment Ernst von Salomon s'éloigna du national-socialisme, parce qu'il considérait ce parti politique comme trop plébéien. Seule sa notoriété lui valut de ne pas être inquiété durant la période hitlérienne. Cette position d'extrême conscience de sa valeur avait également été celle de Stendhal durant son existence.

 

Psychologie du révolutionnaire

 

Nous avons vu se dessiner, dans ce qui précède, la psychologie du révolutionnaire. Mettons de côté cependant la problématique propre de Dostoïevski, qui est celle du rachat de l'homme marqué par la perspective chrétienne du Salut  —encore que les considérations religieuses et sociales ne soient pas absentes du Rouge et le Noir—,  et étudions en revanche la pathologie de ces personnages, si proches les uns des autres. On a souvent dit que les héros de Dostoïevski étaient tous des psychopathes. C'est possible. Mais une telle constatation, formulée dans le vocabulaire réducteur de l'aliénisme matérialiste, n'explique pas tout, bien au contraire. Car Stendhal, qui n'a guère fouillé la psychologie de Julien Sorel  —en dehors de ses réactions sociales—  note rapidement au chapitre 40: «Deux ou trois fois par an, il était saisi par des accès de mélancolie qui allaient jusqu'à l'égarement». C'est déjà l'annonce des crises des personnages de Dostoïevski, qui par-delà les démonstrations, fouille leur psychologie. Ainsi, après son crime, Raskolnikov se trouve-t-il en proie à un délire et à une inactivité qui révèlent une personnalité irrégulière, déréglée. C'est aussi l'explication que l'on peut donner au cri poussé par Ernst von Salomon au fond de sa prison. Captif de la société qui cherche à l'annihiler, le héros n'a plus d'autre solution que de hurler sa détresse. Réfractaire à toute mise au pas, désespéré, il laisse échapper sa soif de liberté dans un cri.

 

la société bourgeoise: un leurre

 

Conscients de leur supériorité intellectuelle, tous ces personnages se perçoivent si différents des gens établis, qu'ils en sont écrasés. Ecrasés parce qu'ils sont seuls face à la société. Leur sursaut est une déviation de l'action, qui passant par une sorte de dépression, les fait tomber dans le crime en les élevant. Mais ce n'est pas la dépression qui explique leur position face à la société. Cela doit être bien compris. La dépression n'est qu'un résultat. Elle n'est nullement originelle. Parce que la société les brime, les contraint, elle apparaît devant eux. Non l'inverse. Ainsi, ces personnalités s'analysent en fonction du cadre social dans lequel elles évoluent. Sans l'injustice, sans l'imbécillité, sans la lâcheté, sans l'ennui, toutes les figures que nous avons vues, auraient pu s'exprimer librement. Jamais elles ne seraient tombées dans la mélancolie  —voire dans la folie comme ce fut le cas pour Nietzsche—  si elles avaient été garanties par des sociétés libres. Toute leur réflexion démontre que la société bourgeoise n'est pas naturelle. Elle n'est pas la liberté. Elle n'est qu'un leurre, un piège. L'homme ne peut être libre que dans la nature, qui offre au plus fort la possibilité de la lutte.

 

Pourquoi tant de mouvements gymnastiques naquirent-ils en Allemagne dès la fin du XIXe siècle? Précisément pour faire contrepoids à une société bourgeoise étriquée, n'offrant à l'homme que des possibilités de jouer des rôles, sans que jamais il puisse s'épanouir pleinement. Or, ces rôles, Julien Sorel, Raskolnikov ou Ernst von Salomon en avaient dès l'abord décrypté l'hypocrisie. Originellement, ils ne sont pas des personnages déséquilibrés. Seule la société bourgeoise, artificielle, les a forgés comme ils sont, les a poussés dans leurs retranchements. Et c'est toute leur noblesse que de la refuser et de combattre pour l'élaboration d'une autre société, naturelle et humaine. L'égalitarisme démocratique est donc condamné en bloc par ces personnalités, qui ne rêvent que de sociétés fortes et viriles. Là en fait se situe la carence des psychologues, qui ne font que constater des faits, et qui ignorent délibérément un paramètre essentiel, le contexte social. Psychopathes, à tout le moins dépressifs, Julien Sorel ou Raskolnikov le sont sans doute selon les normes bourgeoises. Mais ils le sont parce qu'ils sont incapables de rentrer dans une société qui ne leur convient pas, une société de médiocres calculateurs, une société mercantile, essentiellement faite pour les faibles.

 

Or, ce sont ceux-ci qui jugent et condamnent ces personnages, sans être à même de les comprendre. Parce qu'ils ont été piégés par la société. Parce qu'ils manquent de grandeur morale. Parce qu'ils manquent simplement d'intelligence et de courage. Il faut en effet être particulièrement fort pour se mesurer à la société et à soi-même. C'est ce qu'affirment dramatiquement ces trois héros de la révolte européenne.

 

Jérémie BENOIT.

 

NOTES:

 

(1) Die Geächteten, Berlin, Rowohlt Verlag, 1930, trad. franç. (Les Réprouvés), Paris, Plon, 1931, p. 396.

(2) Le Crépuscule des Idoles, (1888) «Divagation d'un Inactuel», 45, trad. fr., Paris, Folio, p. 133.

(3) P. Bourget, Essai de Psychologie contemporaine, Paris, Lemerre, 1889.

(4) M. Bardèche, Stendhal romancier, Paris, La Table ronde, 1947.

(5) Les Réprouvés, op. cit. p. 120-121.

(6) Le Rouge et le Noir, Paris, Levavasseur 1830, chap. 10.

(7) Crime et Châtiment, publié dans Le Messager russe en 1866.

(8) H. Troyat, Dostoïevski, Paris, Fayard, 1960, p. 239.

(9) Cette idée que tout est permis à l'homme, parce qu'il n'y a pas de dieu, se retrouve en particulier dans les réflexions d'Ivan Karamazov. C'est en s'inspirant de lui que Smerdiakov, le bâtard, sorte de double infernal de son maître, tue le père Karamazov. Car, comme le fait observer H. Troyat, op. cit., p.356, «Smerdiakov confond la liberté avec l'arbitraire». On remarquera à ce propos que Dostoïevski, tout comme Stendhal d'ailleurs, n'a écrit qu'un seul roman, n'a créé qu'un seul type de héros, déclinés sous tous leurs aspects.

(10) Est-ce un hasard si Stendhal écrivit une Vie de Napoléon, éditée seulement en 1876?

(11) On se souviendra à ce propos de ce qu'écrivait Alfred de Vigny (1797-1863) dans Servitude et grandeur militaires (1835): «Cette génération née avec le siècle qui, nourrie de bulletins par l'Empereur, avait toujours devant les yeux une épée nue, et vint la prendre au moment même où la France la remettait dans le fourreau des Bourbons». A quoi répondait Alfred de Musset (1810-1857) dans La confession d'un enfant du siècle (1836): «Alors s'assit sur un monde en ruines une jeunesse soucieuse. Tout ces enfants étaient des gouttes d'un sang brûlant qui avait inondé la terre».

(12) Cité par D. Venner, Histoire d'un fascisme allemand. Les corps-francs du Baltikum et la Révolution conservatrice, Paris, Pygmalion/Gérard Watelet, 1996, p.251.

(13) A. Moeller van den Bruck, La Révolution des peuples jeunes, Puiseaux, Pardès, 1993, p.137. On relèvera par ailleurs que Moeller van den Bruck fut un excellent connaisseur de Dostoïevski qu'il traduisit en allemand. Selon lui, «Dostoïevski était révolutionnaire et conservateur à la fois» (op. cit., p. 136)

(14) Sur ce point, on lira en particulier les publications des éditions Pardès, dont Armin Mohler, La révolution conservatrice en Allemagne, 1918 - 1932, 1993. On relèvera aussi le fait que parmi les maîtres penseurs de ce courant idéologique, Ernst Jünger avait d'abord pensé à intituler son roman Orages d'acier (1920), «Le gris et le rouge», par référence à Stendhal.

(15) L. Aragon, La lumière de Stendhal, Paris, Denoël, 1954.