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dimanche, 17 janvier 2016

Das Jahr der Entscheidung

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Das Jahr der Entscheidung

Thilo Sarrazin

Ex: http://www.achgut.com

1,2 bis 1,5 Millionen Menschen aus dem Nahen Osten und Afrika sind 2015 als Asylbewerber, Kriegsflüchtlinge oder illegal nach Deutschland eingewandert. Die genauen Zahlen kennt man nicht, da viele sich nicht haben registrieren lassen und es über viele Monate kein geordnetes Grenzregime mehr gab.

Mittlerweile hat die Verwaltung wieder besser Tritt gefasst. Auch hat letztlich nur derjenige Chancen auf Wohnung, Krankenversicherung und Geldleistungen nach dem Asylbewerberleistungsgesetz – mithin auf die Segnungen des deutschen Sozialstaats - der sich ordnungsgemäß registrieren lässt, sei es auch mit falschen Ausweispapieren, ganz ohne Papiere oder mit falschen Angaben zur Begründung seines Kommens. So werden sich am Ende wohl alle registrieren lassen, die wirklich in Deutschland bleiben wollen

thilo-sarrazin-t-shirt.gifAlle diese Menschen fanden Unterkunft, sie werden ernährt, gekleidet und medizinisch versorgt. Deutsche Bischöfe und auch Bundespräsident Gauck lobten das ehrenamtliche Engagement vieler Deutscher, und überall ist der Stolz spürbar, sich selbst und der Welt gezeigt zu haben, dass es das bessere Deutschland wirklich gibt.

Die Rolle des Ehrenamts erfüllt sich bei der Essensausgabe in Flüchtlingslagern und bei der Verteilung gebrauchter Kleider, aber sie endet auch dort: Wohnraum, Lebensunterhalt, Sprachkurse, berufliche Bildung, Beschulung der Kinder, medizinische Versorgung müssen aus Steuergeldern bezahlt werden. Polizisten, Sozialarbeiter und Lehrer tragen die erste Welle der Anpassungslast. Die zweite Welle tragen die materiell Schwächeren unter den eigenen Bürgern - am Arbeitsmarkt, beim Wettbewerb um günstigen Wohnraum und bei der Anspannung der medizinischen Versorgung. Die dritte Welle kommt auf den deutschen Steuerzahler zu, denn aus dem Laufenden lassen sich die langfristigen Kosten nicht abzweigen.

In der Vergangenheit betrugen die jährlichen Geldleistungen pro Asylbewerber durchschnittlich 6.000 Euro. Die Beanspruchungen an die soziale Betreuung, das Bildungssystem, die medizinische Versorgung, den Polizei- und Justizapparat treten hinzu. So ist es sicherlich niedrig gerechnet, wenn man die laufenden jährlichen Kosten eines Asylbewerbers mit 10.000 Euro ansetzt. Die Einwanderungswelle des letzten Jahres verursacht also dauerhafte jährliche Kosten von 12 bis 15 Milliarden Euro.

Wenn ein Teil der Zuwanderer Arbeit findet, können sich diese Kosten ermäßigen. Durch den absehbaren Familiennachzug werden sie andererseits erhöht. Wegen fehlender Qualifikation werden wohl 70 bis 80 Prozent der Zuwanderer auf sehr lange Sicht oder dauerhaft Geldleistungen der sozialen Mindestsicherung beziehen. Auch ist anzunehmen, dass die zumeist sehr jungen Zuwanderer einen erheblichen Familiennachzug auslösen, der (so die Erfahrungen der Vergangenheit) ihre Zahl auf das Drei- bis Fünffache steigen lässt. Mittel- und langfristig bedeutet also die Asylbewerber- und Flüchtlingswelle des letzten Jahres einen Bevölkerungszuwachs von 5 bis 6 Millionen Menschen, die zu 70 bis 80 Prozent von sozialer Mindestsicherung leben werden.

Das sind langfristige jährliche Kosten von 50 bis 60 Milliarden Euro. Wäre die Bundesrepublik Deutschland ein bilanzierendes Unternehmen, so müsste sie für diese Dauerlast, der keine finanziellen Erträge gegenüberstehen, Rückstellungen bilden.

Die durchweg sehr jungen Einwanderer haben im Durchschnitt eine fernere Lebenserwartung von 50 bis 60 Jahren. Deckt man nur die Hälfte dieser Zeit durch Rückstellungen ab, so ergibt sich ein kalkulatorischer Bedarf von 1,5 Billionen Euro. (Zum Vergleich: Die gesamte deutsche Staatsverschuldung betrug Ende 2015 2,2 Billionen Euro).

Diese Zahl muss noch nicht erschrecken. Schließlich hat Westdeutschland auch den Transferbedarf von rund 2 Billionen bewältigt, der durch die Wiedervereinigung mit der ehemaligen DDR entstand.

Was ist aber, wenn der Zustrom an Kriegsflüchtlingen, Asylbewerbern und illegalen Einwanderern nach Deutschland in den nächsten Jahren so weiter geht? Dann würde praktisch die Bank gesprengt. Nichts könnte in Deutschland so bleiben wie es ist. Das sozialstaatliche Versprechen wäre am Ende, und eine wesentliche Legitimationsgrundlage des demokratischen Deutschlands würde zerbrechen.

Die chaotischen Folgen und der verantwortungslose Charakter der von Angela Merkel betriebenen Willkommenskultur sind in den letzten Monaten immer wieder kritisiert worden. Zu Beginn des neuen Jahres ist das aber wie Jammern über verschüttete Milch.

Im Verlauf des Jahres 2016 wird sich zeigen, ob der Bundesregierung die Wende zu einer realistischen Politik gelingt. Alle Signale deuten darauf hin, dass es dazu sowohl an der Einsicht als auch am Willen fehlt.

Zuerst erschienen in der Zürcher Weltwoche

L'ennemi intime

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L'ennemi intime

Ex: http://idiocratie2012.blogspot.com

Pour saluer 2016, le Professeur du Dimanche se demande bien en cette année nouvelle quelle radicalité nous sauvera à la fois du terrorisme et de nos terrifiants apôtres de la modération. En direct d’Apachemag
 
L’inquiétude et le désarroi ont envahi les esprits depuis que le tragique est venu frapper à nouveau au cœur de nos vies, comme un éternel retour du concret que l’on aurait vainement tenté de dissimuler un moment. Les attentats du 13 novembre annonceraient le début d’une guerre, à l’instar de ce qu’ont pu connaitre les Etats-Unis à la suite du 11 septembre. La situation est toutefois inédite car nous sommes face à un Etat déterritorialisé, Daech, ce qui peut apparaître comme un paradoxe. L’ennemi n’est pas circonscrit à un territoire comme il pouvait l’être lors des guerres classiques, la frontière permettant une telle discrimination et, toutefois, il se veut le bras armé d’une entité politique à cheval sur l’Irak et la Syrie, et dont l’idéologie veut que la guerre doit avoir lieu sur un territoire aux géométries universelles.

Nous constatons malheureusement depuis quinze ans que la guerre contre le terrorisme a conduit globalement davantage à nourrir celui-ci plutôt qu’à assurer la sécurité des individus. Il ne suffit pas d’éliminer ses ennemis pour empêcher d’autres de vouloir se battre à leur place. Les candidats au jihadisme pratiquent un véritable nomadisme du fondamentalisme, hier pour le GIA, puis pour Al Qaeda, aujourd’hui pour Daesh, demain sous une autre bannière. Par conséquent la destruction de l’Etat islamique ne peut tout au plus que donner un coup de frein à ce phénomène de radicalisation. Certes, des mesures sont à prendre dans l’immédiat, ne serait-ce qu’en matière de renseignement et de coopération judiciaire afin de protéger, dans la mesure du possible, la population. Mais ne nous leurrons pas sur ces mesures sécuritaires à court terme qui, au mieux, permettront de déjouer quelques attentats parmi les nombreux à venir, au pire contribueront à terme à légitimer une terreur d’Etat.
 
L’analyse de ces événements est évidemment complexe et ne saurait se réduire à une seule explication, qu’elle soit géopolitique, sociale, psychologique ou religieuse, bien qu’elles aient toutes leur importance. Le problème est malheureusement beaucoup plus profond en ce qu’il est lié à une crise de sens de nos sociétés occidentales. Ce sont bien, pour la plupart, des individus nés et ayant vécu en Europe qui se portent volontaires pour le jihadisme. Des analystes comme Olivier Roy ont bien souligné le fait que ceux-ci sont en rupture générationnelle avec leurs parents, souvent non croyants, chrétiens, ou pratiquant un islam modéré. Le profil est somme toute à chaque fois relativement semblable, avec la même surprise des témoins relayée par les journalistes : « On ne comprend pas, c’était un gentil garçon, il ne pratiquait pas, buvait et fréquentait des filles, et puis un jour c’est vrai il s’est mis à se faire pousser la barbe et à régler sa vie quotidienne à partir de principes religieux. »
 
Souvent ils ne connaissent rien à la théologie et à l’Islam en général, mais ils sont sensibles à un discours qui leur apparaît comme désormais le plus radical et le plus révolutionnaire sur le marché. Comme l’écrivait Chuck Palahniuk dans Fight Club, « Nous sommes les enfants oubliés de l’histoire. Notre grande guerre est spirituelle. Notre grande dépression c’est nos vies. » C’est à partir de cet auto-diagnostic que le petit délinquant paumé de banlieue va choisir de s’ériger en justicier purificateur d’une société pour laquelle il n’a que du mépris.
 
« L’ennemi est la figure de notre propre question », écrivait Carl Schmitt. C’est à partir de cette juste réflexion qu’il nous est possible de penser radicalement, c’est-à-dire à la racine, la radicalisation islamiste qui est au fond davantage un extrémisme qu’un radicalisme. Une radicalité authentique s’y oppose et prévient toutes formes d’extrémismes qui constituent, au fond, les symptômes d’une société malade. Il est toujours opportun de rappeler à cet égard le célèbre diagnostic que portait Nietzsche dans Ainsi parlait Zarathoustra sur le nihilisme occidental moderne : « La terre alors sera devenue exiguë, on y verra sautiller le Dernier Homme qui rapetisse toute chose. Son engeance est aussi indestructible que celle du puceron-, le Dernier Homme est celui qui vivra le plus longtemps. ̎ Nous avons inventé le bonheur ̎, diront les Derniers Hommes, en clignant de l’oeil. Ils auront abandonné les contrées où la vie est dure ; car on a besoin de chaleur. On aimera encore son prochain et l’on se frottera contre lui, car il faut de la chaleur. La maladie, la méfiance leur paraîtront autant de péchés ; on n’a qu’à prendre garde où l’on marche ! Insensé qui trébuche encore sur les pierres ou sur les hommes! Un peu de poison de temps à autre; cela donne des rêves agréables. Et beaucoup de poison pour finir, afin d’avoir une mort agréable. »
 
Ces sociétés du « dernier homme » ont fragilisé toute une partie de la jeune génération, désespérément en quête d’un projet collectif et de repères solides, la poussant ainsi dans les bras des premiers fanatiques lui offrant une cause pour laquelle elle serait prête à sacrifier sa vie. Comme le souligne Daesh avec tout le cynisme qui lui sied : « Nous aimons la mort plus que vous n’aimez la vie ». Le futur nous demande d’être vivants, plus vivants que nous ne le sommes. Le passé nous demande d’être vivants, plus vivants que nous ne le sommes. Car du présent naît éternellement la fragilité de la vie dont nous sommes conscients de la préciosité. Seulement cette conscience a tôt fait de s’évanouir dans la médiocrité et dans la peur si elle n’est pas éveillée par un horizon salutaire. Comme l’écrit justement Chesterton : « Un soldat encerclé par l’ennemi, s’il veut s’en sortir, se doit d’allier un fort désir de vie et une étrange indifférence à la mort. Il ne doit pas trop s’agripper à la vie et succomber ainsi à la lâcheté : il ne réussira pas à s’échapper. Il ne doit pas être trop pressé de mourir non plus : il n’en réchappera pas. Il doit rechercher la vie avec un esprit d’indifférence furieuse à son égard ; il doit être assoiffé de l’eau de la vie et être prêt pourtant à ce que ce soit le vin de la mort qui étanche sa soif. » (Gilbert Keith Chesterton, Orthodoxy, IgnatusPress, San Francisco, 1995, p. 9.)
 
Encore faut-il que cette conjugaison entre un fort désir de vie, qui sans l’indifférence à la mort s’abîme dans le nihilisme du dernier homme, et l’indifférence à la mort, qui sans le fort désir de vie engendre la folie meurtrière et suicidaire du terrorisme, soit soutenue par une politique digne de ce nom, voire une métapolitique qui dépasse les simples intérêts ou rapports de force. Il ne s’agit pas tant d’être nostalgique d’un quelconque métarécit dont nous connaissons toutes les potentialités totalitaires (par exemple fasciste ou communiste) et dont l’idéologie salafiste constitue l’un des succédanés, mais de concevoir à tout le moins un récit porteur d’un espoir collectif, voire d’une révolution à la fois spirituelle et matérielle, dépassant la société de marché et ses symptômes destructeurs.
 

Feminism a Neo-Con Tool

Ex: http://www.craigmurray.org.uk

UPDATE

Minutes after I posted this article, the ludicrous Jess Phillips published an article in the Guardian which could not have been better designed to prove my thesis. A number of people have posted comments on the Guardian article pointing this out, and they have all been immediately deleted by the Guardian. I just tried it myself and was also deleted. I should be grateful if readers could now also try posting comments there, in order to make a point about censorship on the Guardian.

Catching up on a fortnight’s news, I have spent five hours searching in vain for criticism of Simon Danczuk from prominent or even just declared feminists. The Guardian was the obvious place to start, but while they had two articles by feminist writers condemning Chris Gayle’s clumsy attempt to chat up a presenter, their legion of feminist columnists were entirely silent on Danczuk. The only opinion piece was strongly defending him.

This is very peculiar. The allegation against Danczuk which is under police investigation – of initiating sex with a sleeping woman – is identical to the worst interpretation of the worst accusation against Julian Assange. The Assange allegation brought literally hundreds, probably thousands of condemnatory articles from feminist writers across the entire range of the mainstream media. I have dug up 57 in the Guardian alone with a simple and far from exhaustive search. In the case of Danczuk I can find nothing, zilch, nada. Not a single feminist peep.

The Assange case is not isolated. Tommy Sheridan has been pursuing a lone legal battle against the Murdoch empire for a decade, some of it in prison when the judicial system decided his “perjury” was imprisonable but Andy Coulson’s admitted perjury on the Murdoch side in the same case was not. I personally witnessed in court in Edinburgh last month Tommy Sheridan, with no lawyer (he has no money) arguing against a seven man Murdoch legal team including three QCs, that a letter from the husband of Jackie Bird of BBC Scotland should be admitted in evidence. Bird was working for Murdoch and suggested in his letter that a witness should be “got out of the country” to avoid giving evidence. The bias exhibited by the leading judge I found astonishing beyond belief. I was the only media in the court.

Yet even though the Murdoch allegations against Sheridan were of consensual sexual conduct, Sheridan’s fight against Murdoch has been undermined from the start by the massive and concerted attack he has faced from the forces of feminism. Just as the vital messages WikiLeaks and Assange have put out about war crimes, corruption and the relentless state attack on civil liberties have been undermined by the concerted feminist campaign promoting the self-evidently ludicrous claims of sexual offence against Assange.

As soon as the radical left pose the slightest threat to the neo-con establishment, an army of feminists can be relied upon to run a concerted campaign to undermine any progress the left wing might make. The attack on Jeremy Corbyn over the makeup of his shadow cabinet was a classic example. It is the first ever gender equal shadow cabinet, but the entire media for a 96 hour period last September ran headline news that the lack of women in the “top” posts was anti-feminist. Every feminist commentator in the UK piled in.

Among the obvious dishonesties of this campaign was the fact that Defence, Chancellor, Foreign Affairs and Home Secretary have always been considered the “great offices of State” and the argument only could be made by simply ignoring Defence. The other great irony was the “feminist” attack was led by Blairites like Harman and Cooper, and failed to address the fact that Blair had NO women in any of these posts for a full ten years as Prime Minister.

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But facts did not matter in deploying the organised feminist lobby against Corbyn.

Which is why it is an important test to see what the feminists, both inside and outside the Labour Party, would do when the leading anti-Corbyn rent-a-gob, Simon Danczuk, was alleged to have some attitudes to women that seem very dubious indeed, including forcing an ex-wife into non-consensual s&m and that rape allegation.

And the answer is …nothing. Feminists who criticised Assange, Sheridan and Corbyn in droves were utterly silent on the subject of Danczuk. Because the purpose of established and paid feminism is to undermine the left in the service of the neo-cons, not to attack neo-cons like Danczuk.

Identity politics has been used to shatter any attempt to campaign for broader social justice for everybody. Instead it becomes about the rights of particular groups, and that is soon morphed into the neo-con language of opportunity. What is needed, modern feminism argues, is not a reduction of the vast gap between rich and poor, but a chance for some women to become Michelle Mone or Ann Gloag. It is not about good conditions for all, but the removal of glass ceilings for high paid feminist journalists or political hacks.

Feminism has become the main attack tool in the neo-con ideological arsenal. I am sceptical the concept can be redeemed from this.

00:05 Publié dans Sociologie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : féminisme, néo-conservatisme, néocons | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Migrantencrisis: Duitse politie verwacht oorlog, wil met spoed burgers opleiden

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Migrantencrisis: Duitse politie verwacht oorlog, wil met spoed burgers opleiden

Agenten: ‘De grote knal zal komen’; ‘95% migranten jonge alleenstaande mannen’
Geen complot, geen gerucht, maar echt waar: op de achtergrond de advertentie om lid te worden van de ‘waakpolitie Sachsen ‘.

Nadat moslimmigranten in ‘Köln’ en vele tientallen andere steden een ware seks-jihad tegen Duitse vrouwen en meisjes begonnen, durven in heel het land steeds meer agenten zich eindelijk uit te spreken over de schrikbarende toestanden met asielzoekers in hun steden en dorpen. De politie in Dresden en Leipzig, die doordat velen ontslag hebben genomen de helft van zijn personeel is kwijtgeraakt*, zoekt zelfs burgers om met spoed op te leiden tot een soort hulpagent. De burgerwachten die zo ontstaan zullen waarschijnlijk al op korte termijn heel hard nodig zijn, omdat er een ware islamitische blitzkrieg tegen de autochtone bevolking wordt verwacht.

* Rectificate 19.45 uur (was: door de vele bezuinigingen).

Officieel mag er natuurlijk niets worden bevestigd, want de regering Merkel wil de Duitse bewolking zo lang mogelijk onwetend laten over wat komen gaat. Volgens inwoners heeft de politie in Dresden de afgelopen 2 weken posters opgehangen met oproepen om ‘waakman/vrouw’ bij de politie te worden. Ook op de lokale radio is het onderwerp ter sprake gekomen; de spoedcursus zou slechts enkele weken duren, een indicatie dat extra hulp binnenkort dringend nodig zal zijn. (1)

Germany_-_Berlin_-_Wachpolizei.jpgKanonnenvlees

Critici vragen zich af wie er zo gek zal zijn om dit te gaan doen, omdat deze mensen straks zonder enige bescherming (geen wapens) een door de oorlog gehard -en vermoedelijk door de Amerikaanse en Duitse geheime diensten zwaar bewapend- leger van tienduizenden jonge moslimmannen, die vermomd als ‘vluchtelingen’ naar Europa zijn gehaald, moeten bevechten. Met andere woorden: een baan om dienst te ‘mogen’ doen als kanonnenvlees. Zelfs de bestaande bewapende Duitse politie zal vermoedelijk geen schijn van kans maken en de hulp van het leger nodig hebben.

‘95% jonge alleenstaande mannen’

Nu tal van agenten met hun verhalen komen, blijkt opnieuw hoe onvoorstelbaar de bevolking in Europa werd en wordt voorgelogen over de ware omvang van de migrantencrisis. Een agent die werkzaam is bij het opvangen van ‘vluchtelingen’ op het station in München en de grensovergangen in Passau en Freilassing, zegt dat er alleen in het eerste begin van de crisis gezinnen met enige opleiding naar Duitsland kwamen, maar dat inmiddels 95% van de ‘vluchtelingen’ bestaat uit alleenstaande jonge mannen.

En hoe het er werkelijk aan toegaat wordt voor het publiek verborgen gehouden. Voorbeeld: een asielzoeker wilde een andere zijn keel doorsnijden. In het politiebericht werd dit ‘toebrengen van gevaarlijk letsel’ in plaats van ‘poging tot moord’. ‘Dat staat beter in de statistieken,’ aldus de agent. ‘In de laatste paar maanden heb ik maar één proces verbaal tegen een Duitser geschreven. De rest waren enkel vluchtelingen.’

Polizeihauptmeister_MZ.jpg‘De grote knal komt, als die er al niet is’

Seksueel geweld is aan de orde van de dag. Op het station van München worden vrouwen regelmatig betast en uitgescholden. ‘Als wij hen dan de toegang ontzeggen, schreeuwen ze tegen ons: You are not my police! You are racist!’ Migranten die weigeren mee te werken mogen niet worden vastgehouden, maar moet men laten lopen. ‘Want anders zou dat ‘lichamelijk geweld’ (tegen hen) zijn. Intern betekent dat: liever laten lopen.’

Een agent in Köln luidde de noodklok. ‘We hebben sterkere controles nodig, mee agenten en meer steun van de politiek. Anders komt op zeker moment de grote knal, als die er niet al is.’ (2)

Eén dag multiculti in Duitsland:

Alleen al in de nacht van 10 op 11 januari kwamen er uit heel Duitsland vele tientallen politieberichten over nieuwe aanrandingen en andere misdaden door asielzoekers. Een greep:

* Aurich: 3 asielzoekers randen een 15 jarig meisje aan, een voorbijganger weet erger te voorkomen;
* Soest: Een 17 jarig meisje wordt in een bus door een 20 jarige migrant aangerand. Medepassagiers schieten haar te hulp;
* Ellwangen: Twee ‘zuiderlingen’ randen een 35 jarige vrouw aan die net uit het station komt; door zich te verzetten en te schreeuwen weet ze zichzelf te bevrijden;
* Hanau: 2 Syrische broers worden gearresteerd wegens het doodsteken van hun zwangere zus;
* Hamburg: Een 25 jarige man uit Eritrea randt in een ambulance een 24 jarige hulpverleenster aan;
* Hamburg: Een 48 jarige vrouw wordt bij een woonwagenkamp door twee Noord Afrikanen aangerand; ze weet naar een tankstation te rennen en om hulp te vragen; de dader wordt niet gearresteerd;
* Hamburg: Twee 20 tot 25 jaar oude Arabische mannen randen twee 53 jarige vrouwen aan; een van de mannen had hen eerst provocerend zijn potloodje laten zien;
* Hamburg: De politie arresteert een 23 jarige Somaliër die bij een school een 10 jarig Duits meisje op haar mond had gekust; de dader wordt niet aangehouden, maar naar een ander AZC overgeplaatst;
* Hamburg: Een buschauffeur schakelt de politie in als 8 Afghaanse migranten van 17 tot 24 jaar oud een vrouw aanranden en een glazen fles naar haar gooien als ze zich verzet;
* Hamburg: In een AZC wordt een 34 jarige vrouw door twee mannen verkracht; wegens gebrek aan bewijs worden er vooralsnog geen arrestaties verricht;
* Puttgarden: Een 49 jarige Franse Jood wordt uitgescholden en gewelddadig beroofd door twee vluchtelingen uit Syrië en Afghanistan;
* Marburg-Biedenkopf: Een donkere man dringt zich extreem op aan twee jonge vrouwen, die een voorbijganger om hulp vragen;
* Mannheim: Een 19 jarig meisje wordt op het station van Weinheim, net als ze in de trein wil stappen, door twee ‘Zuid Aziatische mannen’ van 25 en 28 jaar oud aangerand;
* Oldenburg: In totaal vijf vrouwen worden door twee 20 en 24 jaar oude Algerijnse asielzoekers aangerand;
* Paderborn: Zo’n 8 tot 10 jonge ‘vluchtelingen’ uit Noord Afrika randen diverse vrouwen aan; enkelen van hen worden gearresteerd en blijken illegalen te zijn; één van hen is zeer agressief en probeert het wapen van een agent af te pakken;
* Hannover: In Gleidingen wordt een 45 jarige vrouw wordt door een Syrische ‘vluchteling’ aangerand; ook hij toont zijn potloodje aan haar; als hij haar vastgrijpt schreeuwt ze om hulp, waarna hij op de vlucht slaat;
* Hannover: Een 28 jarige Soedanese asielzoeker randt op het toilet in een disco een 25 jarige vrouw aan;
* Trier: Een 13 jarig meisje wordt in een trein lastig gevallen en bijna bestolen en aangerand door twee buitenlanders;
* Merzig: In een andere trein wordt een 17 jarige meisje door een ‘zuiderling’ die zich ‘Achmed’ noemt aangerand; ze probeert te vluchten, en drie vrouwen schieten haar te hulp.

En nog steeds laat ook onze regering de grenzen wagenwijd openstaan.


Xander

(1) Hartgeld
(2) Zuerst! Nachrichtenmagazin
(3) Deutsche Wirtschafts Nachrichten

samedi, 16 janvier 2016

L'ouverture de nos frontières contribue à détruire les pays du Moyen-Orient

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L'ouverture de nos frontières contribue à détruire les pays du Moyen-Orient

Le père Fadi Najjar, jeune prêtre grec-melkite catholique d’Alep, déclare à Christianophobie Hebdo :

"Aucun chrétien ne pensait à partir avant la guerre ; aujourd’hui, l’hémorragie chrétienne est dramatique. Nous vivons les mêmes horreurs que tous les Aleppins, mais les chrétiens se sont sentis trahis par les pays occidentaux plus que n’importe qui. Je n’ai pas peur de dire que l’Europe chrétienne nous a trahis, et qu’elle est en partie responsable de cette disparition si préoccupante.

Vous en voulez à l’Occident ?

Évidemment. Ils ont créé et alimenté l’islamisme le plus destructeur et l’Europe le regrettera un jour… La France le sait déjà trop bien. Quelle tristesse de voir que vous goûtez au même mal que nous, alors que nous vous prévenons depuis des années.

Que pensez-vous de la politique d’immigration de l’Europe ou du Canada ?

Mais pourquoi ces pays ouvrent-ils subitement leurs frontières ? C’est une catastrophe évidemment ; cela contribue à la destruction de notre pays. Pour moi, ces politiques d’immigration sont une trahison, a fortiori lorsque des pays historiquement chrétiens facilitent le départ des chrétiens syriens. [...]"

Duitse minister Financiën: Eurosysteem stort snel in bij nieuwe grenscontroles

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Duitse minister Financiën: Eurosysteem stort snel in bij nieuwe grenscontroles

Alleen Duitsland, Nederland en Oostenrijk hebben hun grenzen nog volledig openstaan

Ex: http://xandernieuws.punt.nl

Na Europees president Jean Claude Juncker en bondskanselier Angela Merkel waarschuwt nu ook de Duitse minister van Financiën dat het herinvoeren van grenscontroles door Berlijn waarschijnlijk al binnen enkele weken of zelfs dagen zal leiden tot het instorten van het complete eurosysteem. Met deze regelrechte –maar onterechte- paniekzaaierij proberen Berlijn en Brussel er op bijna wanhopige wijze voor te zorgen dat Europa ook dit jaar miljoenen moslimmigranten blijft toelaten. Dat gebeurt zoals u weet doelbewust om onze samenlevingen te ondermijnen en te doen instorten, zodat de weg wordt vrijgemaakt voor de door niet één gewone burger gewilde Europese Superstaat.

De migrantenaanval van de met de islam samenwerkende Europese gevestigde orde doet onze landen inmiddels wankelen. Dat zorgt met name in Oost Europa al maanden voor veel weerstand. Ook in Noord Europa begint men echter de grenzen af te sluiten, waardoor de enige landen die hun grenzen nog volledig hebben openstaan –Duitsland, Nederland en Oostenrijk- dit jaar naar schatting zo’n 8 tot 10 miljoen moslims zullen moeten opnemen.

Bovendien zijn van de 160.000 moslims die over de Unie moeten worden verdeeld er nog maar 272 verplaatst. De taal vanuit Brussel en Berlijn aan het adres van de EU-landen die hun soevereiniteit, identiteit, cultuur en welvaart willen behouden en daarom hun grenzen deels of geheel hebben afgesloten voor islamitische asielzoekers, wordt dan ook steeds dreigender.

Brussel en Italië woedend op elkaar

Juncker zei vandaag in reactie op de Italiaanse premier Matteo Renzi dat ‘ik de vuisten gebald heb, maar ze in mijn zak laat.’ Renzi had kort daarvoor forse kritiek geuit op de begrotingsregels van Brussel, en gezegd dat de Europese Commissie mede verantwoordelijk is voor moeizame economische herstel van zijn land, waar de bevolking meer dan in iedere andere lidstaat extreem negatief is over de eurozone.

Tevens is Brussel erg boos op Renzi, omdat die de € 3 miljard die Turkije krijgt om de migrantenstroom in te dammen –iets wat Ankara overigens niet of nauwelijks doet- in twijfel trekt. Het is echter vooral Italië dat vanuit het zuiden overspoeld is met boot’vluchtelingen’ uit Noord Afrika, wat een ondraaglijke last blijkt voor het nog altijd in een crisis verkerende land. (3)

Berlijn en Brussel willen islamisering Europa hoe dan ook doorzetten

Merkel en Juncker zijn wat de islamisering van Europa betreft als twee handen op één buik, en gebruiken nu al hun macht en invloed om de ‘onwillige’ Europese lidstaten te dwingen hun grenzen alsnog te openen of open te laten. Daarbij wordt gebruikt gemaakt van het aanwakkeren van allerlei valse angsten, zoals miljoenen- of zelfs miljardenschade aan de economie. Men lijkt er daarbij vanuit te gaan dat de mensen zijn vergeten dat de Europese Gemeenschap ‘ondanks’ de nationale grenzen in het verleden uitstekend functioneerde en voor ongekende voorspoed zorgde.

Schäuble waarschuwt nu met drastische bewoordingen dat het Schengen open-grenzen gebied op het randje van instorten staat. ‘Als Duitsland gedwongen wordt om net als Zweden opnieuw grenscontroles in te voeren, dan zou Griekenland heel snel de dupe zijn. En dat is dan geen kwestie van maanden.’

Hoge rechter: Merkel volgens grondwet verplicht grenzen te sluiten

Nu men ook in Wenen nerveus begint te worden –Oostenrijkse politici eisen inmiddels openlijk een einde aan de Duitse ‘welkomscultuur’ (2)- en de voormalige Duitse grondwetrechter Udo Di Fabio vaststelde dat Merkel volgens de grondwet verplicht is de grenzen te sluiten als de EU daar -zoals duidelijk is gebleken- niet toe in staat blijkt of dat niet wilt, wordt de wederzijdse druk die de verschillende partijen op elkaar uitoefenen almaar groter, waardoor het risico –wij zeggen liever: de hoopvolle kans- op het instorten van de EU in zijn huidige vorm dit jaar alleen maar groter zal worden. (2)

Xander

(1) Deutsche Wirtschafts Nachrichten
(2) Deutsche Wirtschafts Nachrichten
(3) Deutsche Wirtschafts Nachrichten

Avec la mort de Pierre Boulez, une page de l’histoire de la musique française se tourne

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Avec la mort de Pierre Boulez, une page de l’histoire de la musique française se tourne

par Jean-François Gautier

Ex: http://cerclenonconforme.hautetfort.com

(Breizh-info.com) – La mort de Pierre Boulez, né en 1925 à Montbrison (Loire), clôt un chapitre de l’histoire de la musique française qu’il avait illustrée avec éclat.

Collégien au petit séminaire de Montbrison, il prépara ensuite une mathématique supérieure à Lyon avant d’entrer en 1943 au Conservatoire de Paris dans la classe d’analyse musicale d’Olivier Messiaen. Pianiste remarquable, prodigieux lecteur, analyste incomparable, Boulez tenta très rapidement d’appliquer à l’écriture musicale ce que les mathématiciens de l’époque – le groupe Bourbaki, fondé en 1935 à Besse, en Auvergne – tentaient pour leur science : une approche systématique, dédiée à une construction générique telle que, partant de quelques propositions initiales, toutes les autres peuvent s’en déduire logiquement.

Appliquée par Boulez à l’écriture musicale, cette méthode, répandue de congrès musicaux en festivals de musique contemporaine, connut un succès planétaire, notamment grâce aux enseignements américains donnés dans des Universités, et non dans des Conservatoires à la manière française, où les instrumentistes côtoient les compositeurs. La position d’avant-gardiste adoptée par Pierre Boulez essaima d’autant mieux qu’elle clouait au pilori les références admises, dans de fortes polémiques qui participèrent à sa réputation. De son maître Messiaen, il disait publiquement : « Il ne compose pas, il juxtapose… ». Et son aîné André Jolivet, ami de Messiaen, fut affublé par lui du sobriquet de ‘Joli Navet’.

Organisateur né, Boulez se trouva néanmoins des relais en Allemagne, au Canada et aux États-Unis, qui répandirent sa bonne parole. Il y eut un grain de sable en France, en 1964 : André Malraux, alors ministre de la Culture du général De Gaulle, nomma à la tête de la direction de la musique le compositeur Marcel Landowski, et non Boulez que précédait sa réputation de caractère intraitable et colérique. Jugeant les structures des écoles et des orchestres français ‘sclérosées et vieillies’, Boulez s’exila alors à Darmstadt où l’accueillit une école de musique réjouie d’une recrue de ce format.

Il intriguera ensuite pour obtenir des postes en France. Grâce à ses réseaux, qui remontent jusqu’à Claude Pompidou, l’épouse du président de la République, il trouve des crédits pour faire bâtir en 1969, à côté du Centre Beaubourg-Georges-Pompidou, un Institut de Recherche et de Coordination Acoustique/Musique (Ircam), qui devient une autorité internationale pour les jeunes compositeurs. Cette création est suivie, en 1976, de celle de l’Ensemble Intercontemporain qui ne joue que des partitions de Boulez ou celles approuvées par lui.

Des querelles d’école s’en suivent, notamment en direction des ‘baroqueux’ qui émergent alors et tentent de reconstituer un répertoire du XVIII° siècle que Boulez juge ‘historiquement dépassé’, Bach mis à part. Polémiques aussi avec les jeunes confrères qui ne suivent pas ses orientations, et que Landowski regroupe en 1991 au sein de l’association Musique Nouvelle en Liberté, soutenue par le violoncelliste russe Rostropovitch et par l’anthropologue Claude Lévi-Strauss.

Boulez, qui avait pour mot d’ordre dans sa jeunesse de « brûler les maisons d’opéras », n’hésita pas en 1976, lorsque Wieland Wagner lui proposa de diriger à Bayreuth les quatre épisodes de L’Anneau des Nibelungen, pour le centenaire de leur création. Et il récidiva en 1979 en créant à l’Opéra de Paris la Lulu, d’Alban Berg, une œuvre entièrement dodécaphonique et inachevée qui avait dormi quarante-cinq ans dans les tiroirs. Dans les deux cas, la mise en scène assurée par Patrice Chéreau assura aux représentations le succès scandaleux qu’appréciait Boulez.

Sa réputation internationale doit aussi à sa capacité de conduire avec clarté les œuvres les plus disparates, à la tête des orchestres les plus divers, ceux de la BBC, de Cleveland, de Chicago, le Concertgebouw d’Amsterdam, le Philharmonique de New York, et tant d’autres encore. De chaque concert il faisait une leçon, ce que les instrumentistes et les étudiants en musique appréciaient par dessus tout.

De 1976 à 1995, Boulez fut aussi professeur au Collège de France, titulaire de la chaire d’Invention, technique et langage en musique. Malgré une présence raréfiée certaines années, il montra là une forte capacité à manier le concept, et ses résumés de cours, traduits dans le monde entier, rencontrèrent tout à la fois un public enthousiaste et une opposition virulente.

Au total, Boulez aura plus convaincu par son entreprise de chef d’orchestre et de brillant analyste de partitions (Stravinsky, Debussy, à propos desquels il initia une jeunesse avide d’analyses claires), que comme compositeur. Si des œuvres de jeunesse comme Le Soleil des eaux (1950) ou Le marteau sans Maître (1954), sur des textes du poète René Char, ont montré combien il savait manier tout à la fois le lyrisme et la rigueur, ce qui permit d’ailleurs à nombre d’instrumentistes de réfléchir plus avant sur leur métier, les deux douzaines de partitions qui suivirent, constamment remaniées, ont consacré un statut partagé par nombre de compositeurs dans les sociétés modernes : ils sont coupés tout à la fois de leurs traditions populaires, tant mélodiques que rythmiques, et d’un public ordinaire tel que celui de Bach à la paroisse Saint-Thomas de Leipzig, ou au Café Zimmermann quand il y dirigeait, dans des pages totalement ‘contemporaines’, le Collegium Musicum cofondé en 1729 avec Telemann.

Le chef helvétique Ernest Ansermet, qui dirigea nombre de compositeurs du XX° siècle, fut l’un des principaux opposants à l’avant-garde boulézienne. Il lisait dans les partitions du nouveau maître des « produits de décomposition », ajoutant qu’il faisait partie de ceux qui « croyaient être à l’avant-garde de l’histoire – et n’importe quel imbécile vous dira qu’ils « avancent ». En réalité ils reculent, et en reculant ils sont tombés au-dessous de ce qu’était la musique à l’aube de l’histoire, à ce moment où les sons ne faisaient pas encore de la musique pour l’oreille humaine. »

Des polémiques dont il fut la cible – souvent des réponses à celles qu’il engageait lui-même – Boulez n’avait cure, tant ses réseaux et les postes qu’il avait conquis étaient solides. Reste maintenant, après sa mort, à attendre le jugement de la postérité. Il sera sans polémiques inutiles. Parlera-t-on encore de lui en 2050, et ses œuvres seront-elles encore jouées ? Et par qui ? Réponse dans trente-cinq ans.

J.F. Gautier

Photo : DR
Breizh-info.com, 2016, dépêches libres de copie et diffusion sous réserve de mention de la source d’origine.

Breizh-info

Osteuropäer gegen Osmanen

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Osteuropäer gegen Osmanen

Ex: http://www.blauenarzisse.de 

Die osteuropäischen Nationen lehnen die muslimische Masseneinwanderung ab. Sie wollen sie nicht und haben dafür gute Gründe. Ein Blick in die Geschichte von Young German.

Die Osteuropäer besitzen auch eine historische Erfahrung mit den Türken oder Osmanen, die sie in dem Gefühl bestärkt, dass dieser Flüchtlingsandrang aus der islamischen Welt sehr viel Ungutes im Kielwasser mit sich führen könnte. Die Erinnerungen an die heftigen Abwehrkriege gegen die muslimischen Armeen der Sultane, welche bis ins heutige Polen vorstießen und auch schon vor Wien standen, sind noch frisch. Es sind eigentlich nur knapp einhundert Jahre vergangen, seit die Türken aus Osteuropa vertrieben wurden. Mit der Niederlage des osmanischen Reiches im Ersten Weltkrieg zerbrach auch die Herrschaft der Türken auf dem Balkan und in nördlicheren Gebieten wie zum Beispiel der Ukraine. Was Erdogan für die Türkenheit restaurieren möchte, wurde erst „kürzlich“ von den europäischen Nationalbewegungen der verschiedensten Färbungen von der Herrschaft Istanbuls befreit.

Die Schlacht von Vaslui

In Vaslui, heute ein Teil von Rumänien und im Jahre 1475 ein Teil von Moldawien, kam es zu einer gewaltigen Schlacht zwischen den Heerscharen der Osmanen und der Koalitionsarmee der Polen, Ungarn und Moldawier. 40.000 Christen standen 120.000 Muslimen (und christlichen Sklavensoldaten) gegenüber, welche von Hadim Suleiman Pasha angeführt wurden. Eine dreifache Übermacht stand den europäischen Christen gegenüber. Der Fall von Konstantinopel im Jahre 1453 und die scheinbar unaufhaltsame Expansion der Muslime nach Westen hatte die Nationen in unmittelbarer Nachbarschaft zu den Türken in eine Schockstarre versetzt. Rom hatte keine Illusionen über die Chancen der von Stefan III. von Moldawien angeführten Koalitionstruppen.

Niederlage auf Niederlage hatten die Europäer bis dato erdulden müssen. Einer dreifachen Übermacht siegestrunkener Osmanen würden sie nicht gewachsen sein. Für den König der Moldawier bestand kaum Hoffnung auf einen Sieg. Von den Polen und Ungarn hatte er zwar Hilfe erhalten. Doch seine Armee war bis auf wenige tausend Reitertruppen eine Ansammlung von Bauern, welche mit Knüppeln und Äxten bewaffnet waren. Alle wehrfähigen Männer ab 14 Jahren wurden von dem König in seiner Verzweiflung herangezogen. Die Armee, welche sich den Osmanen bei Vaslui entgegenstellte, war geradezu lächerlich. 30.000 Männer gingen zu Fuß. Auf der osmanischen Seite gingen 90.000 zu Fuß und die restlichen 30.000 waren Reiter. Schwere und leichte Kavallerie. Die türkische Streitmacht war Symbol des aufsteigenden Großreiches und vereinte viele Völker unter dem Halbmond. Christliche Vasallenfürsten aus der Wallachei und Transylvanien hatten sich den Osmanen angebiedert um ihre Kronen zu behalten und etliche Janitschare, christliche Sklavensoldaten, die man in deren Kindheit aus Europa geraubt hatte und im muslimischen Kriegsschulen ausgebildet hatte, dienten ebenfalls als Elitetruppen in der osmanischen Armee.

hussardail&d926355dc2d739056a0aac.jpgTaktik der „Verbrannten Erde“

Bis auf kleine lokale Siege und den Widerstand kleinerer Nationen war der Balkan und große Teile Osteuropas bisher erfolglos in der Abwehr des islamischen Dschihad gewesen. Doch dieses Mal sollte alles anders kommen. Stefan III. kannte sein Land und nutzte es. Obwohl er vermutlich keinen Zugriff auf die „Kunst des Krieges“ hatte, beherzigte er die vielleicht wichtigste Regel und wählte selbst den Ort der Schlacht aus. Durch die Taktik der „Verbrannten Erde“ entzog er der anrückenden osmanischen Armee viel ihrer Vitalität und erschöpfte das gewaltige Heer des Pascha. Aus der Stärke der feindlichen Armee, ihrer Größe, machte er eine Schwäche. Die sich schwerfällig bewegende und mit viel Kriegsgerät beladene Streitmacht fand kaum Nahrung auf dem Weg durch Moldawien und überall hatte Stefan die Brunnen und Gewässer vergiften lassen.

Die sich wie eine Schlange durch die Landschaft bewegende Armee der Muslime war zudem immer wieder an verschiedenen Punkten ihrer länglichen Formation in Hinterhalte geraten. Ähnlich der Taktik des Arminius im Kampf gegen die Römer, schwächte Stefan die Armee des Sultans beständig durch kleine Nadelstiche. Statt seine Bevölkerung der Plünderung und der Mordlust der Feinde preiszugeben, hatte er diese über die Berge evakuieren lassen. So fanden die Osmanen nichts außer ödem Land und verpestetem Wasser. Und überall lauerten Partisanen, welche die große Armee langsam ausbluten ließen.

Stefan lockte die Osmanen bei Podul Înalt am Fluss Bârlad in eine vorbereitete Falle. Marschland und ein in sich durch Forst und Gebirge abgeschlossenes Tal ließ die große osmanische Streitmacht in einen Flaschenhals schlüpfen. Wie die Perser bei den Thermopylen, nutzte die Größe ihrer Streitmacht auf dem ungangbaren Terrain wenig.

Die Osmanen in der Flaschenhalsöffnung

Am 10. Januar lag schwerer weißer Nebel über dem Tal und dem Morast. Nieselregen fiel und die ermüdeten Truppen der Osmanen hörten zunächst nur die Trompeten der Moldawier. Suleiman, der glaubte es auf der anderen Seite mit der versammelten Streitmacht der Christen zu tun zu haben, befahl den sofortigen Angriff. Aber in dieser Flaschenhalsöffnung konnte sich die osmanische Übermacht nicht richtig entfalten und nur kleine und mittelgroße Kontingente erreichten überhaupt die andere Seite, wo jedoch nicht die Moldawier warteten, sondern eine Mulde. Darüber standen die Kanonen und Schützenkompanien der christlichen Armee, welche von dort aus ein Taubenschießen eröffneten und die Fußtruppen der Osmanen regelrecht massakrierten. Von den Hilferufen der Fußtruppen erschrocken, befahl der Pascha seine schwere Kavallerie über die Brücke, welche daraufhin kollabierte und viele Reiter mit in den Tod riss.

Bogenschützen und Kanoniere ließen große Salven auf die völlig desorientierten Infanteristen der Osmanen niedergehen, welche sich daraufhin bestürzt über das flache Marschland zur Flucht wandten. Von der Unübersichtlichkeit der Lage überfordert, versäumte der Pascha die Tatsache, dass überall um ihn herum die christlichen Streiter bereits im Hinterhalt lagen. In den Wäldern, Mooren und Binsenfeldern hatten sich die Ritter und Bauernsoldaten von Stefan versteckt gehalten. Auf das Zeichen des Königs hin, begann der Angriff von allen Seiten. Vier Tage lang fochten die beiden Armeen im Schneeregen und Frost, ehe die osmanische Streitmacht die chaotische Flucht antrat.

45.000 getötete Osmanen

Wo die Formation der Osmanen nicht völlig aufgelöst war, bestand noch Hoffnung auf Überleben. Andernorts hatten die Scherenschnitte der Christen tiefe Wunden in das Gefüge der muslimischen Armee geschnitten. Die gesamte Streitmacht des Sultans zerfiel vor seinen Augen in unzählige kleine Teile, die ziellos durch die Wälder irrten und versuchten ihr nacktes Leben zu retten. Wer versuchte zu flüchten, wurde oft von den Rittern seiner Majestät erschlagen. Wer blieb und weiterkämpfte, konnte nicht in kleiner Gruppe gegen die geordneten Verbände der Christen bestehen.

Polnische Quellen sprechen von 45.000 getöteten Osmanen und nur wenigen tausend toten Koalitionstruppen. Ganze Wälder von aufgespießten Leibern der gefallenen Muslime sollen aufgesteckt worden sein. Der erste große, ja womöglich größte Sieg bis dato, sollte die Osmanen abschrecken und ihnen die Lust an der Eroberung ein wenig verderben.

Bild: Battle of Cecora during the Polish-​Ottoman wars

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vendredi, 15 janvier 2016

The Pentagon’s Dangerous “New” Base Plan

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The Pentagon’s Dangerous “New” Base Plan

By David Vine
TomDispatch.com

Ex: http://www.lewrockwell.com

Amid the distractions of the holiday season, the New York Times revealed that the Obama administration is considering a Pentagon proposal to create a “new” and “enduring” system of military bases around the Middle East.  Though this is being presented as a response to the rise of the Islamic State and other militant groups, there’s remarkably little that’s new about the Pentagon plan. For more than 36 years, the U.S. military has been building an unprecedented constellation of bases that stretches from Southern Europe and the Middle East to Africa and Southwest Asia.

The record of these bases is disastrous. They have cost tens of billions of dollars and provided support for a long list of undemocratic host regimes, including Saudi Arabia, Bahrain, Qatar, and Djibouti. They have enabled a series of U.S. wars and military interventions, including the 2003 invasion of Iraq, which have helped make the Greater Middle East a cauldron of sectarian-tinged power struggles, failed states, and humanitarian catastrophe. And the bases have fueled radicalism, anti-Americanism, and the growth of the very terrorist organizations now targeted by the supposedly new strategy.

If there is much of anything new about the plan, it’s the public acknowledgement of what some (including TomDispatch) have long suspected: despite years of denials about the existence of any “permanent bases” in the Greater Middle East or desire for the same, the military intends to maintain a collection of bases in the region for decades, if not generations, to come.

Thirty-Six Years of Base Building

According to the Times, the Pentagon wants to build up a string of bases, the largest of which would permanently host 500 to 5,000 U.S. personnel. The system would include four “hubs” — existing bases in Afghanistan, Iraq, Djibouti, and Spain — and smaller “spokes” in locations like Niger and Cameroon. These bases would, in turn, feature Special Operations forces ready to move into action quickly for what Secretary of Defense Ashton Carter has called “unilateral crisis response” anywhere in the Greater Middle East or Africa. According to unnamed Pentagon officials quoted by theTimes, this proposed expansion would cost a mere pittance, just “several million dollars a year.”

Far from new, however, this strategy predates both the Islamic State and al-Qaeda.  In fact, it goes back to 1980 and the Carter Doctrine. That was the moment when President Jimmy Carter first asserted that the United States would secure Middle Eastern oil and natural gas by “any means necessary, including military force.” Designed to prevent Soviet intervention in the Persian Gulf, the Pentagon build-up under Presidents Carter and Ronald Reagan included the creation of installations in Egypt, Oman, Saudi Arabia, and on the Indian Ocean island of Diego Garcia. During the first Gulf War of 1991, the Pentagon deployed hundreds of thousands of troops to Saudi Arabia and neighboring countries. After that war, despite the disappearance of the Soviet Union, the U.S. military didn’t go home. Thousands of U.S. troops and a significantly expanded base infrastructure remained in Saudi Arabia and Kuwait. Bahrain became home to the Navy’s Fifth Fleet. The Pentagon built large air installations in Qatar and expanded operations in the United Arab Emirates (UAE) and Oman.

Following the 2001 invasion of Afghanistan and the 2003 invasion of Iraq, the Pentagon spent tens of billions of dollars building and expanding yet more bases. At the height of those U.S.-led wars, there were more than 1,000 installations, large and small, in Afghanistan and Iraq alone. Despite the closing of most U.S. bases in the two countries, the Pentagon still has access to at least nine major bases in Afghanistan through 2024.  After leaving Iraq in 2011, the military returned in 2014 to reoccupy at least six installations. Across the Persian Gulf today, there are still U.S. bases in every country save Iran and Yemen. Even in Saudi Arabia, where widespread anger at the U.S. presence led to an official withdrawal in 2003, there are still small U.S. military contingents and a secret drone base. There are secret bases in Israel, four installations in Egypt, and at least one in Jordan near the Iraqi border.Turkey hosts 17 bases, according to the Pentagon. In the wider region, the military has operated drones from at least five bases in Pakistan in recent years and there are nine new installations in Bulgaria and Romania, along with a Clinton administration-era base still operating in Kosovo.

In Africa, Djibouti’s Camp Lemonnier, just miles across the Red Sea from the Arabian Peninsula, has expanded dramatically since U.S. forces moved in after 2001. There are now upwards of 4,000 troops on the 600-acre base. Elsewhere, the military has quietly built a collection of small bases and sites for drones, surveillance flights, and Special Operations forces from Ethiopia and Kenya to Burkina Faso and Senegal. Large bases in Spain and Italysupport what are now thousands of U.S. troops regularly deploying to Africa.

A Disastrous Record

After 36 years, the results of this vast base build-up have been, to put it mildly, counterproductive. As Saudi Arabia illustrates, U.S. bases have often helped generate the radical militancy that they are now being designed to defeat. The presence of U.S. bases and troops in Muslim holy lands was, in fact, a major recruiting tool for al-Qaeda and part of Osama bin Laden’s professed motivation for the 9/11 attacks.

Across the Middle East, there’s a correlation between a U.S. basing presence and al-Qaeda’s recruitment success. According to former West Point professor Bradley Bowman, U.S. bases and troops in the Middle East have been a “major catalyst for anti-Americanism and radicalization” since a suicide bomber killed 241 Marines in Lebanon in 1983. In Africa, a growing U.S. base and troop presence has “backfired,” serving as a boon for insurgents, according to research published by the Army’s Military Review and the Oxford Research Group. A recent U.N. report suggests that the U.S. air campaign against IS has led foreign militants to join the movement on “an unprecedented scale.” 

Part of the anti-American anger that such bases stoke comes from the support they offer to repressive, undemocratic hosts. For example, the Obama administration offered only tepid criticism of the Bahraini government, crucial for U.S. naval basing, in 2011 when its leaders violently cracked down on pro-democracy protesters with the help of troops from Saudi Arabia and the UAE. Elsewhere, U.S. bases offer legitimacy to hosts the Economist Democracy Index considers “authoritarian regimes,” effectively helping to block the spread of democracy in countries including Cameroon, Central African Republic, Chad, Djibouti, Egypt, Ethiopia, Jordan, Kuwait, Oman, Qatar, Saudi Arabia, and the UAE.

avion-militaire-am-ricain-sur-base-a-rienne-Manas-au-Kirghizstan_0.jpgLow-Balling

The Pentagon’s basing strategy has not only been counterproductive in encouraging people to take up arms against the United States and its allies, it has also been extraordinarily expensive. Military bases across the Greater Middle East cost the United States tens of billions of dollars every year, as part of an estimated $150 billion in annual spending to maintain bases and troops abroad. Camp Lemonnier in Djibouti alone has an annual rent of $70 million and at least $1.4 billion in ongoing expansion costs. With the Pentagon now proposing an enlarged basing structure of hubs and spokes from Burkina Faso to Afghanistan, cost estimates reported in the New York Times in the “low millions” are laughable, if not intentionally misleading. (One hopes the Government Accountability Office is already investigating the true costs.)

The only plausible explanation for such low-ball figures is that officials are taking for granted — and thus excluding from their estimates — the continuation of present wartime funding levels for those bases. In reality, further entrenching the Pentagon’s base infrastructure in the region will commit U.S. taxpayers to billions more in annual construction, maintenance, and personnel costs (while civilian infrastructure in the U.S. continues to be underfunded and neglected).

The idea that the military needs any additional money to bring, as the Times put it, “an ad hoc series of existing bases into one coherent system” should shock American taxpayers. After all, the Pentagon has already spent so many billions on them. If military planners haven’t linked these bases into a coherent system by now, what exactly have they been doing?

In fact, the Pentagon is undoubtedly resorting to an all-too-familiar funding strategy — using low-ball cost estimates to secure more cash from Congress on a commit-now, pay-the-true-costs-later basis.  Experience shows that once the military gets such new budget lines, costs and bases tend to expand, often quite dramatically. Especially in places like Africa that have had a relatively small U.S. presence until now, the Pentagon plan is a template for unchecked growth.  As Nick Turse has shown at TomDispatch, the military has already built up “more than 60 outposts and access points…. in at least 34 countries” across the continent while insisting for years that it had only one base in Africa, Camp Lemonnier in Djibouti.  With Congress finally passing the 2016 federal budget, including billions in increased military spending, the Pentagon’s base plan looks like an opening gambit in a bid to get even more money in fiscal year 2017.

Perpetuating Failure 

Above all, the base structure the Pentagon has built since 1980 has enabled military interventions and wars of choice in 13 countries in the Greater Middle East. In the absence of a superpower competitor, these bases made each military action — worst of all the disastrous invasion of Iraq — all too easy to contemplate, launch, and carry out.  Today, it seems beyond irony that the target of the Pentagon’s “new” base strategy is the Islamic State, whose very existence and growth we owe to the Iraq War and the chaos it created. If the White House and Congress approve the Pentagon’s plan and the military succeeds in further entrenching and expanding its bases in the region, we need only ask: What violence will this next round of base expansion bring?

Thirty-six years into the U.S. base build-up in the Greater Middle East, military force has failed as a strategy for controlling the region, no less defeating terrorist organizations.  Sadly, this infrastructure of war has been in place for so long and is now so taken for granted that most Americans seldom think about it.  Members of Congress rarely question the usefulness of the bases or the billions they have appropriated to build and maintain them. Journalists, too, almost never report on the subject — except when news outlets publish material strategically leaked by the Pentagon, as appears to be the case with the “new” base plan highlighted by the New York Times.

Expanding the base infrastructure in the Greater Middle East will only perpetuate a militarized foreign policy premised on assumptions about the efficacy of war that should have been discredited long ago.  Investing in “enduring” bases rather than diplomatic, political, and humanitarian efforts to reduce conflict across the region is likely to do little more than ensure enduring war.

Reprinted with permission from TomDispatch.com.

Les principes régaliens de l'État

Les principes régaliens de l'État

par François de Carennac

« Les principes régaliens de l'État »,

conférence de François de Carennac

du 10 janvier 2016 à Angers.
Durée : 31 minutes + 31 minutes de questions-réponses.

Jeans troués sur les autoroutes de l’émancipation

Jeans troués sur les autoroutes de l’émancipation

Jan Marejko
Philosophe, écrivain, journaliste
Ex: http://www.lesobservateurs.ch

g2107911_amanda_24.08.15_mc_532797.jpgMa femme porte des jeans troués et j’adore ! Elle se fiche de ce qu’on pense d’elle. Elle est une femme libérée. Elle vit sa vie. Et moi aussi je vis la mienne. Je méprise toutes les conventions !  Jamais de cravate et mes jeans, s’ils ne sont pas troués, sont vieux et pas trop propres. Je les porte tous les jours sans me soucier de les laver. J’aimerais bien les trouer, comme ceux de ma femme, mais je n’ose pas encore. Curieux comme seules les femmes déchirent leurs pantalons ! Ça les place à l’avant-garde de notre grand combat pour l’émancipation. C’est ça qui m’intéresse ! Se battre pour libérer l’humanité de tout ce qui l’opprime, renverser toutes les barrières, toutes les frontières et jouir partout d’une libre circulation. Quand nous avons voté pour Schengen j’ai laissé éclater ma joie ! Finis les postes de douane. Je pouvais prendre ma voiture et aller où je voulais.

Comme il est beau notre combat pour l’émancipation de tout et de tous ! C’est ce qui donne sens à ma vie. Que deviendrais-je sans ce combat ? Que deviendrais-je sans les jeans troués de ma femme ? Nous laissons derrière nous toutes les poussiéreuses règles morales et surtout religieuses qui entravent l’humanité depuis au moins deux mille ans. Quel bonheur ! Dès 1945, les générations ont avancé en chantant sur le chemin du progrès avec, à l’horizon, un monde nouveau où chacun pourrait pleinement s’épanouir, surtout les femmes opprimées par le christianisme. On leur a parlé de la Vierge et certaines en sont devenues folles. Comment peut-on être vierge et avoir un enfant ? Non mais…

Quand on me demande quel sera le monde vers lequel nous avançons, je réponds qu’il sera un immense champ libéré où chacun pourra être ce qu’il veut, comme David Bowie. Il est vrai qu’il vient de mourir, mais peu importe. Toute la presse le célèbre en parlant de lui comme d’un immense artiste et d’un génie universel. A tel point qu’il est devenu, nous explique-t-on, immortel. Que demander de plus ? Un plein épanouissement de soi, comme celui de Bowie, fait entrer dans la vie éternelle. Plus besoin de croix, de clous plantés dans les mains ou les pieds, de sang dégoulinant partout. Désormais il suffit de se débarrasser de tous les carcans qui ont empoisonné la vie de l’humanité depuis les origines. Rousseau l’avait bien compris qui recommandait le retour à l’état de nature. D’ailleurs lui aussi s’est débarrassé un jour de ses chemises mais hélas il n’est pas allé jusqu’aux pantalons troués.

En arrivant dans la terre promise, les Juifs durent tout de suite se battre contre des ennemis. Pas question d’ennemis pour nous. Notre émancipation va coïncider avec l’avènement d’une paix éternelle et universelle. Toutes les portes vont s’ouvrir. Plus rien ne sera fermé, les frontières auront disparu. Sur les autoroutes de l’émancipation, la voie est libre ! Il faut toutefois reconnaître que, dans l’intervalle qui nous sépare de la terre promise, il y a encore beaucoup d’obstacles à la libre circulation des âmes et des corps.

Parmi ces obstacles, il y a d’affreux réactionnaires. Ils veulent rétablir les frontières, la discipline à l’école, fermer les portes aux réfugiés. Parfois j’ai envie de les étrangler ces réactionnaires, presque de les égorger. Vous croyez que je plaisante ? Pas tout à fait, parce que j’ai lu Sartre, mon grand maître à penser. Lui, il n’y va pas par quatre chemins puisqu’il nous encourage à tuer. « Abattre un Européen, a-t-il écrit, c’est faire d’une pierre deux coups, supprimer en même temps un oppresseur et un opprimé : restent un homme mort et un homme libre ». Pas impossible que les djihadistes aient trouvé là une source d’inspiration, mais passons ! L’essentiel est que nos grands intellectuels occidentaux ont, à la suite de Sartre, repris le flambeau d’une grande marche en jeans troués vers une universelle libération. D’ailleurs en 68 ils étaient tous maoïstes et avaient bien compris que le « grand timonier » montrait le chemin d’une libération universelle en proposant un grand bond en avant. Nous aussi nous allons bondir vers une nouvelle terre et de nouveaux cieux où nous pourrons être pleinement ce que nous sommes. En jeans troués !

C’était donc plein d’espoir que j’avançais dans notre quotidien pourri par les réactionnaires. Et un jour, patatras ! J’ai vu ma femme sortir avec d’élégants vêtements. Du Versace ! Je lui demandai ce qui se passait. Elle me répondit qu’elle allait voir son amant. Comme j’étais pour la libération sexuelle, j’étais coincé mais voulus savoir tout de même de quoi il avait l’air son amant. Elle me répondit qu’il était très distingué et portait costume-cravate. C’en était trop et je fondis en larmes, tandis qu’elle me quittait sur ses hauts talons.

Aujourd’hui, je sèche mes larmes sur ses jeans troués et, torturé par la jalousie, j’ai envie de la tuer, elle et son amant. Je suis dans un dilemme cornélien. Vais-je les étrangler ou les égorger ?

Notes : la citation est tirée de la préface que Sartre a écrite pour l’ouvrage de Frantz Fannon,  Les damnés de la terre, 1985, p. 16. Elle m’a été rappelée par le livre d’Alain Finkielkraut, La seule exactitude, Stock 2015.

Jan Marejko, 13 janvier 2015

jeudi, 14 janvier 2016

Bruno de Cessole : « Le déclin politique de la France est inséparable de son déclin littéraire »

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Bruno de Cessole: «Le déclin politique de la France est inséparable de son déclin littéraire»

Propos recueillis par Mathieu Giroux
Ex: http://philitt.fr

B. de Cessole.jpgCritique littéraire et écrivain, Bruno de Cessole a dirigé pendant vingt ans le service culturel de Valeurs Actuelles et, pendant 5 ans, La Revue des deux Mondes. Il a notamment publié L’Heure de la fermeture dans les jardins d’Occident (La Différence, prix des Deux Magots en 2009) et Ben Laden et le salut de l’Occident (La Différence, 2002). Nous l’avons interrogé sur sa conception de la littérature en nous appuyant sur deux de ses essais : Le Défilé des réfractaires (L’Éditeur, 2011) et L’Internationale des francs-tireurs (L’Éditeur, 2014).

Bruno de Cessole a obtenu le prix Henri Gal de l’Académie française en 2015 pour l’ensemble de son œuvre

PHILITT : Dans votre préface au Défilé des réfractaires, vous tordez le cou, en vous appuyant sur Oscar Wilde, à un lieu commun qui fait du critique d’art un homme incapable de création. Si donc création il y a chez le critique, en quoi consiste-t-elle ?

Bruno de Cessole : C’est en effet un lieu commun et qui a la vie dure que de prétendre que le critique, faute d’être un créateur, se contente de juger la création d’autrui. Ce truisme conserve « toute la vitalité de l’erreur, et le manque de nouveauté d’un vieil ami » pour  citer Wilde. L’assertion a été maintes fois répétée, notamment depuis Victor Hugo et Balzac dans le procès intenté par eux contre Sainte-Beuve. À les en croire, le critique serait à l’art ce que l’eunuque est à l’amour… À l’encontre, Oscar Wilde, dans La Critique et l’art et La Vérité des masques soutient, avec un goût de la provocation et du paradoxe qui n’est que le paravent de l’intelligence et de la raison, que l’antithèse entre faculté créatrice et faculté critique est purement arbitraire. À la source de toute création artistique se trouve l’esprit critique, sa faculté de compréhension et de discernement, son intuition de l’omission salvatrice. La création est le plus souvent répétitive ; d’où surgissent, depuis les Grecs, les formes nouvelles si ce n’est de l’esprit critique ? Avec une délicieuse mauvaise foi, Wilde va même jusqu’à assurer que la critique est supérieure à la création puisqu’elle exige infiniment plus de culture, qu’elle suppose la connaissance intime des grandes œuvres du passé. Et qu’il est beaucoup plus difficile de parler d’une chose que de la faire…

En quoi la haute critique – je ne parle pas de la critique journalistique et de la critique professorale, mais de la plus rare, la critique des artistes – est-elle créative ? En ce qu’elle ne se borne pas à analyser l’objet de son étude, à signaler ses défauts ou ses qualités, mais qu’elle cherche à percer le secret même de la création, à mettre en parallèle l’objet d’art et le concept universel de beauté. Le véritable critique comble les vides que l’artiste a laissé dans son œuvre, y perçoit ce dont celui-ci n’avait pas même conscience, et la refait ou la complète. Il doit être à la fois subjectif et partial, et d’un tempérament suffisamment plastique pour entrer en empathie avec les artistes sur lesquels il se penche.  Vous m’objecterez peut-être que je trace un portrait idéal du critique, tel qu’il s’est rarement incarné. À quoi je répondrai par des exemples : Diderot, Baudelaire, Sainte-Beuve, Charles du Bos, Rémy de Gourmont, Wilde, Ruskin, Walter Benjamin, Albert Thibaudet, Roger Nimier, Jean Starobinki, George Steiner, Philippe Sollers et, bien sûr, Julien Gracq, qui ont illustré la conception wildienne de la critique : « une création dans la création ». Si la littérature française actuelle se caractérise par un étiage faible, la faute en est au dépérissement de l’esprit critique, vertu autrefois éminemment française et tombée en quenouille.

Vous engagez également une réflexion – cette fois en vous basant sur une boutade d’Antoine Blondin – afin de savoir si la littérature est de droite. Lire l’art à travers le prisme du politique n’est-il pas un écueil très français ?

Antoine Blondin ironisait à propos des maitres censeurs des Temps Modernes qui stigmatisaient les écrivains – en l’occurrence le groupe des Hussards – qui ne croyaient pas au sens de l’Histoire et au devoir de l’engagement, en disant : « ils nous qualifient d’écrivains de droite pour faire croire qu’il existe des écrivains de gauche ! » C’était une boutade, mais elle n’était pas seulement impertinente… Durant l’entre-deux-guerres le critique Albert Thibaudet, qui  penchait du côté du radical-socialisme, écrivait dans sa très subjective et savoureuse Histoire de la littérature française que, depuis la Révolution, la pente politique de la France et de la province inclinait à gauche tandis que la littérature et Paris étaient à droite, presque le contraire de la situation actuelle… Thibaudet soutenait même que les plus grands écrivains français, à quelques exceptions près, comme Michelet, Hugo, Vallès et Zola, se situaient à droite voire à l’extrême droite. Sur le plan sociologique et économique, il est vrai que la littérature a longtemps été l’apanage des classes privilégiées, qui n’écrivaient pas pour vivre. Il n’est pas nécessaire, d’autre part, d’exprimer des idées ou un engagement déterminés pour être un écrivain de droite. C’est un tempérament, un style, une sensibilité, plus que des convictions, qui classent un écrivain à droite. Sans généraliser, les écrivains d’idées sont plutôt des écrivains de gauche et les écrivains à style plutôt à droite. À mes yeux, la littérature est le deuil des illusions politiques perdues, la revanche des vaincus de l’histoire, des perdants de la modernité. Elle représente le parti permanent de l’opposition. Le clivage gauche-droite structure la politique et la société françaises depuis la Révolution et c’est une illusion, entretenue par la mondialisation, que de croire qu’il est devenu caduc. Ce n’est pas un écueil mais une singularité française que d’interpréter la littérature à travers le prisme politique. Parce que la France est avant tout une nation littéraire, que son identité politique s’est forgée à travers sa langue et sa littérature, que ses grands écrivains ont exprimé, plus que les politiques, sa vocation et son destin. En ce sens, le déclin politique de la France est inséparable de son déclin littéraire.

41vz0JZBWHL._SX323_BO1,204,203,200_.jpgQu’est-ce qui caractérise les « réfractaires » et les « franc-tireurs » ? Qu’est-ce qui rapproche des écrivains aussi différents les uns des autres ?

Dans Le Défilé des réfractaires, portraits choisis d’écrivains français du XIXe et du XXe siècle, j’ai tâché d’appliquer la notion de réfractaire, substantif et adjectif qui s’entend à la fois au sens matériel (un matériau réfractaire est celui qui combine une haute dureté, une faible vitesse d’évaporation et une forte résistance à la corrosion) et au sens psychologique et moral (l’inclination à l’insoumission, la réticence à ployer l’échine ou le genou devant les puissances, la résilience aux consensus…) à une famille d’écrivains que réunissent l’indépendance de l’esprit, du jugement et du comportement. Ce sont des individualistes, plus soucieux de cultiver leur différence que d’approfondir leur communion, qui ont en partage des rejets, des refus et des dégoûts. Hétérodoxes ou hérétiques, ils suivent leur propre voie, quel que soit le prix à payer. Indifférents à l’esprit du temps ou en rébellion contre lui, ils ne cherchent pas à faire école, ne s’adonnent pas au prosélytisme, mais cultivent, à l’écart, une sagesse désabusée ou l’ivresse de la lucidité. Les réunit enfin et surtout le style, cette prérogative des perdants magnifiques. Les francs-tireurs rassemblés dans un second livre, L’Internationale des francs-tireurs, appartiennent à la même famille, mais ce sont des écrivains étrangers, et c’est pour ne pas faire doublon avec le précédent livre que j’ai utilisé le mot de franc-tireur au lieu de réfractaire.

La confusion actuelle entre ce qui relève véritablement de la littérature et le reste est-elle spécifique à notre époque ? Comment se fait-il que nombre de livres ne soient plus, à proprement parler, « écrits » ?

Non, cette confusion existait déjà au XIXe siècle, je vous renvoie aux attaques de Sainte-Beuve contre ce qu’il appelait « la littérature industrielle », une « infralittérature » commerciale, destinée au divertissement du grand public et soutenue par la publicité. Cette tendance s’est développée et accrue au XXe siècle et de nos jours au point que l’on ne sait plus vraiment ce qui relève de la littérature ou des produits du marketing éditorial. Pour ma part, je suis convaincu que le nombre de connaisseurs et d’amateurs de littérature est resté inchangé depuis le Second Empire : un noyau dur entre 3 000 et 8 000 personnes. Au-delà de ce nombre, nous avons affaire à un malentendu. Le problème est que la production littéraire actuelle est dix fois plus élevée qu’à cette époque, si bien que les véritables écrivains peinent à se faire reconnaître et que triomphent les « écrivants », producteurs de livres vite lus et vite oubliés. La pente la plus commode est la pente qui descend, c’est aussi la raison du succès des livres non « écrits ». De cet appauvrissement de la langue, de la réduction du français à un basic french exportable et traduisible partout, la dégradation de l’école et de l’enseignement, le déclassement des « humanités » classiques, sont évidemment les premiers responsables. Avec la volonté politique de tout réduire au plus petit dénominateur commun, d’éradiquer la notion d’héritage et de culture, ces obscènes survivances bourgeoises. Il suffit d’écouter parler nos hommes politiques pour constater le degré d’avilissement de la langue française, que reflète une bonne part de notre littérature.

Croyez-vous à la légende selon laquelle des auteurs à succès comme Guillaume Musso ou Marc Lévy amènent les lecteurs à découvrir de véritables écrivains ?

Il est facile de jeter la pierre aux écrivains qui ont la faveur du grand public, comme ceux que vous citez. La jalousie et le ressentiment sont les sentiments les plus répandus parmi les « mains à plume », et je m’efforce de m’en préserver… Il n’y a pas de succès sans raisons, ils répondent sans aucun doute à une attente des lecteurs. Après  avoir lu Musso et Lévy, ceux-ci iront-ils découvrir des écrivains plus exigeants ? Une minorité, peut-être… Mais enfin, toute lecture est encourageante et doit être encouragée. C’est en lisant toutes sortes de livres – y compris des médiocres et même des mauvais – qu’un lecteur forge son goût.

9782262041526.jpgPierre-Guillaume de Roux, que nous avions interviewé, évoquait une stratégie d’édition équilibrée. D’un côté, les auteurs à succès, qui permettent de faire tourner la machine et, de l’autre, les auteurs qu’on publie par conviction en sachant qu’ils ne feront pas gagner d’argent. Cette tradition éditoriale est-elle perdue ? Dans quelle mesure les éditeurs sont-ils responsables de l’état actuel de la littérature ?

Le modèle économique de l’édition française explique et justifie cette production double : d’un côté la publication de livres dont l’éditeur peut attendre des ventes significatives mais qui ne relèvent pas de la littérature, de l’autre, la publication d’auteurs qui, pour reprendre la distinction de Gracq, ont un public et peu d’audience, mais qui contribuent à l’image littéraire de la maison. La vocation d’un éditeur digne de ce nom est d’être un passeur, dont l’ambition est de participer à l’élaboration d’un patrimoine littéraire durable, de révéler des talents qui, sans lui, seraient restés inaperçus ou inaboutis. D’un autre côté, il lui faut assurer le rôti de veau mensuel, et donc faire preuve d’opportunisme voire de cynisme, s’il entend poursuivre son activité. En quelques décennies j’ai pu constater que le niveau d’exigence par rapport aux manuscrits avait sensiblement baissé. Il se publie aujourd’hui des livres qui n’auraient pas connu l’honneur d’une publication il y a trente ans, et qui, souvent, n’ont pas fait l’objet d’un véritable travail éditorial. Travail qui, paradoxe, se maintient chez de petits éditeurs qui publient peu et avec discernement.

Les mots « littérature » et « écrivain » sont dévoyés. Pouvez-vous nous expliquer ce qu’ils signifient pour vous ? En somme, nous rappeler leur noblesse ?

L’imposture étant la reine de notre merveilleuse époque, et la confusion des valeurs étant générale, ces mots glorieux, à  force d’être employés à toutes les sauces, et de désigner l’inverse de ce qu’ils sont censés représenter, se sont dévalorisés. Cette dévalorisation est plus sensible en France, nation la plus littéraire de l’Europe, où le prestige de l’écrivain a longtemps été suréminent, et le reste encore un peu. Regardez l’appétence que suscite l’Académie française, chaque fois qu’un fauteuil se libère ; regardez l’envie que provoquent la collection de la Pléiade et la perspective, pour un écrivain, d’être « pléiadisé » de son vivant ; regardez l’importance qui s’attache aux prix littéraires, et notamment au prix Goncourt ; regardez même nos hommes politiques qui rêvent d’ajouter à la légitimité issue des urnes le sacre suprême de la littérature, soit qu’ils signent des livres écrits par des ghost-writers, soit qu’ils s’entourent d’écrivains susceptibles de faire passer leurs actions à la postérité ! Dans le reste de l’Europe et aux États-Unis un écrivain n’est pas davantage considéré qu’un bon plombier ou qu’un honnête employé de banque, sauf s’il gagne beaucoup d’argent, ce qui n’est pas le critère principal de la littérature ni la pierre de touche d’un bon écrivain…

Je vais essayer de résumer en une formule ce que signifie la littérature à mes yeux : la métamorphose d’une expérience individuelle en vérité universelle par le biais d’une écriture qui n’appartient qu’à son auteur. Quant à ce qu’est ou devrait être un écrivain, les noms de Balzac, de Flaubert, de Bloy, de Larbaud, de London, de Proust et de Céline, me viennent spontanément aux lèvres. En quelque sorte, des saints et martyrs de la littérature qui ont sacrifié la vie à l’impératif de l’œuvre.  L’écrivain autrichien Thomas Bernhard a magnifiquement dressé le portrait de l’écrivain absolu et dressé l’inventaire des exigences auxquelles il doit répondre : «  Ce dont vous avez besoin c’est tout simplement de la vie même, de la beauté et de la flétrissure du monde, du combat intérieur auquel doivent vous mener votre propre faim et votre propre flétrissure […] ce qu’il vous faut ce n’est pas des prix d’encouragement, des bourses ou des assurances sociales ; c’est le déracinement de votre âme et de votre chair, la désolation, la déréliction quotidienne, le gel quotidien, l’impasse quotidienne, le pain pas plus que quotidien, qui ont engendré autrefois des créatures aussi magnifiques et misérables que Thomas Wolfe, Dylan Thomas et Walt Whitman… » Tout est dit…

41lwMbNoGPL._AC_UL320_SR210,320_.jpgY-a-t-il une forme littéraire particulière qui vous touche plus que les autres (poésie, théâtre, roman, épopée) ?

Tout dépend du moment et, parfois, du lieu. Il est des heures où ma préférence va à la poésie, d’autres où le roman s’impose, certaines où j’ai envie de théâtre. La littérature est un banquet qui excède l’appétit du lecteur le plus vorace. Cela dit, j’aime particulièrement les livres inclassables, qui transgressent les genres et les catégories usuelles de la littérature, comme les Vies imaginaires de Marcel Schwob, les recueils d’aphorismes de Lichtenberg ou de Cioran, les Papiers collés de George Perros, les Petits traités de Pascal Quignard, les livres de W. Sebald, les journaux-essais de Jean Clair…

Y-a-t-il encore aujourd’hui des écrivains qui trouvent grâce à vos yeux ? Pouvez-vous en évoquer un ou deux et dire pourquoi ils retiennent votre attention ?

Prétendre que le paysage littéraire actuel est un désert relève d’une vision partiale ou fausse. Comme tout phénomène vivant, la littérature passe par des phases de vitalité et de stagnation. Nous ne sommes pas dans une période d’apogée, certes, comme durant l’entre-deux-guerres ; nous ne pouvons même pas nous flatter d’un renouvellement des formes littéraires, même s’il fut formaliste et finalement stérile, comme dans les années 1960 avec l’école du « Nouveau Roman ». Cela dit, les bons écrivains ne manquent pas, qui expriment dans une langue à nulle autre pareille un univers à eux. Je me contenterai de citer, Milan Kundera, Pascal Quignard et Richard Millet, au risque d’être injuste envers d’autres.

Questions à David L'Epée

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Questions à David L'Epée

Ex: http://www.spiralezone.net

N’est-ce pas un vrai challenge de traiter la question sociale dans un pays qui a le portefeuille bien rangé dans la poche intérieure droite ?

La concentration de richesses s’accompagne toujours d’importantes inégalités sociales. La Suisse, qui donne l’image de s’en sortir globalement mieux que ses voisins sur ce point, ne fait pourtant pas exception à la règle. Seulement, l’image caricaturale et biaisée que donne la Suisse à l’étranger tend à se fonder uniquement sur les spécificités de son système bancaire, sa réputation de paradis fiscal et l’image des très grosses fortunes qui tourne autour de ces deux sujets. Or, d’une part, réduire la Suisse à cette face économico-financière revient à faire abstraction du fait qu’il s’agit aussi d’un Etat, avec des lois, des règles et un système social qui, bien qu’en butte à des attaques incessantes des libéraux, continue vaille que vaille de maintenir un semblant de cohésion dans le pays. Et d’autre part, définir la Suisse comme un paradis fiscal (alors qu’on parle essentiellement de certaines zones) est devenu absurde dans un monde qui, aujourd’hui, grouille justement de paradis fiscaux, le cas helvétique n’ayant – hélas – plus rien d’une exception. Et si les banques suisses sont moins ménagées par l’étranger ces vingt dernières années qu’auparavant (ainsi que le révèle bien la presse française qui, à la suite des Etats-Unis, ne cesse de s’en prendre au secret bancaire), c’est tout simplement parce que l’étranger ressent moins le besoin de ménager ce petit voisin qui, au temps de la guerre froide, rendait de grands services comme interface diplomatique, rôle qu’il continue malgré tout d’assurer auprès d’interlocuteurs comme Cuba ou l’Iran.

D’autre part encore, il est fallacieux de réduire l’image d’un pays à celle de ses élites financières tout comme il est fallacieux de réduire l’image d’un peuple à celle de son gouvernement – nuance que les patriotes français opposés à la présidence Hollande ou à la Vème République comprendront aisément. Lorsqu’à la suite d’une votation populaire qui n’a pas eu l’heur de lui plaire, le député européen Cohn-Bendit fustige une décision de la Suisse comme étant l’expression d’un « égoïsme de riche » (c’est la formule qu’il emploie dans un entretien accordé au quotidien romand Le Temps en décembre 2009), il insulte la très grande majorité du peuple helvétique qui, moins bien lotie que ce monsieur et obligée, contrairement à lui, d’avoir un vrai travail pour vivre, n’est certainement pas riche et motive ses votes par des préoccupations qui n’ont rien de strictement égoïstes. Alors oui, la Suisse traite la question sociale, dans l’Etat par les lois et les départements prévus à cet effet, et hors de l’Etat par l’action d’un tissu associatif riche et volontiers généreux lorsque les circonstances le nécessitent.

portrait-01.jpgNéanmoins on a l’impression qu’en Suisse vous êtes moins gênés par les clivages. Par exemple, en France il serait inenvisageable qu’on ait un Oskar Freysinger et un Hani Ramadan qui s’en envoient plein la figure lors d’une conférence-débat retransmise… C’est à peine si on ne doit pas aller sous fausse identité aux conférences de certaines personnes dite « controversées »…

Je ne suis pas sûr du tout que les clivages dont tu parles soient plus effacés en Suisse qu’en France. Ils le sont peut-être même moins dans la mesure où le grand parti placé à l’extrême droite de notre échiquier politique (l’UDC) a réellement des caractéristiques de droite très marquées (son programme économique est globalement néolibéral) alors que chez vous, le Front National, du moins dans sa version actuelle, présente un profil beaucoup plus centriste, avec quelque chose d’un peu néo-gaulliste qui ne permet pas de le classer aussi facilement sur un axe gauche-droite. S’il y a un briseur de clivages en France aujourd’hui, c’est bien M. Philippot ! Alors qu’en Suisse, les partis de droite continuent de se définir eux-mêmes comme partis bourgeois, ce qui montre bien la persistance d’un clivage gauche-droite dont la désuétude ne date pourtant pas d’hier.

Quant à l’ouverture au débat, elle est très relative. Ayant moi-même été invité, puis désinvité au dernier moment, dans diverses émissions radiophoniques ou télévisées, je me suis rendu compte que ce qui dérangeait les émissions en question tenait moins aux opinions que j’exprimais (encore que…) qu’au fait que je les exprime sans me placer sous la bannière d’un parti. La Suisse milicienne de l’engagement citoyen, à laquelle je suis très attaché par principe et par héritage, a peut-être ce défaut-là : elle laisse peu d’espace pour le débat d’idées si celui-ci tente de s’émanciper de la tutelle politicienne, ce qui fait que les seuls intellectuels non encartés à avoir voix au chapitre sont généralement des universitaires, des experts très lisses liés ou à l’Etat ou aux grands médias, purs produits de la technocratie sous contrôle, et rarement des écrivains indépendants et autres francs-tireurs. Je me souviens que lorsqu’Eric Zemmour avait fait paraître son livre Le Suicide français, il avait été invité sur le plateau de l’émission Infrarouge, à la télévision romande, et les producteurs n’avaient trouvé pour lui porter la contradiction qu’un jeune cadre du PS, une linguiste féministe de l’Université et la responsable d’un salon littéraire, chroniqueuse dans un grand hebdomadaire libéral – plus notre bon vieux Jean Ziegler, de l’ONU, qui était finalement celui qui avait le plus de répondant. Le débat avait évidemment été très mauvais, sans réel échange, sans réelle émulation dialectique, parce que les contradicteurs choisis par l’émission n’avaient ni le niveau d’analyse ni le bagout de Zemmour. C’est à ce type d’exemples que je pense lorsque tu m’interroges sur la qualité du débat public en Suisse romande…

Par contre, puisque tu cites les deux frères Ramadan ou Oskar Freysinger, il est vrai qu’il font partie, chacun dans leur camp, de cette petite minorité de bretteurs doués qui redonnent un peu de couleur au débat public, avec quelques autres figures telles que l’avocat Marc Bonnant ou l’éditeur Slobodan Despot. Mais il s’agit plutôt de l’exception que de la règle, et le dialogue tend souvent à s’enliser, à balbutier, à faire bâiller. La démocratie d’opinion idéale serait celle qui parviendrait à conjuguer une grande tolérance pour tous les points de vue et une vraie vivacité du débat, sur un mode sportif, pour ne pas dire polémologique. La Suisse ne remplit malheureusement aucun de ces deux objectifs et bien souvent, l’on s’y ennuie, tandis que les voix les plus dissidentes sont exclues de facto de la discussion.

tete-humaine-avec-un-point-d&-39;interrogation_318-46475.png.jpgQu’est-ce qui t’a rapproché de la Nouvelle Droite et du GRECE ?

Pour résumer très brièvement mon itinéraire politique en quelques phases, j’ai commencé dès l’adolescence par un engagement marxiste, qui a pris par le jeu des circonstances la forme du militantisme trotskiste (quand bien même mes véritables sympathies me portaient davantage vers le communisme), avant de faire un bout de chemin avec mes amis d’Egalité & Réconciliation, interpelé par les idées dites nationales-révolutionnaires, ensuite de quoi j’ai pris mes distances avec le militantisme, non pas tant pour des raisons idéologiques que pour des raisons pratiques (travail, vie de famille, etc.). Ayant été actif une quinzaine d’années dans des milieux associatifs et partisans, je pense avoir fait ma part du boulot et ne pas – ou ne plus – avoir forcément le profil du parfait petit soldat de la cause. J’avoue humblement que je suis devenu plus individualiste avec l’âge et qu’il m’importe maintenant en priorité d’avancer dans mon travail intellectuel, lequel est en grande partie un travail solitaire, comme c’est le cas de tous ceux qui font profession d’écrire. Je tiens toutefois à préciser qu’en disant cela je ne fais pas une critique du militantisme mais que je tire simplement un constat pour ce qui me concerne. J’encourage bien évidemment tous ceux, et notamment les jeunes, qui ont un idéal à défendre, à s’engager dans la lutte de terrain et à s’associer en vue des changements qu’ils appellent de leurs vœux. Le militantisme, avec toutes les valeurs extrêmement positives qu’il implique – le bénévolat, la camaraderie, la solidarité, la volonté, la mobilisation, l’esprit collectif – est une école de vie incomparable et constitue, par sa simple existence, une antithèse admirable au mode de vie libéral promu par notre société, dans lequel le corps social est atomisé et où chacun est invité à se concentrer sur ses propres petites affaires.

C’est dans ce contexte que j’ai été amené à me rapprocher de la très mal-nommée Nouvelle Droite, qui n’est ni un parti, ni un syndicat, ni une association politique, mais une famille de pensée riche et variée dans laquelle les individualités ont toute leur place et où le débat d’idées prime sur la discipline de groupe. C’est à Alain de Benoist que je dois mon entrée dans l’équipe de la revue Eléments début 2012, et c’est Thibault Isabel qui m’a fait l’honneur de m’inviter à rejoindre la revue Krisis l’an passé. Si je me retrouve dans de nombreux combats portés par cette école, je pense néanmoins que c’est l’esprit, plus que les idées elles-mêmes, qui m’y ont amené. Un esprit de stimulation intellectuelle réciproque, de curiosité, de tolérance, un goût pour l’altérité, pour les aventures de la pensée, les synthèses les plus audacieuses et les plus transversales – un esprit qui rejoint tout à fait cet idéal démocratique qui est le mien et qui n’est pas qu’une affaire de fonctionnement politique mais une vraie éthique du quotidien. Lassé par les crispations doctrinales des sectes gauchistes et nationalistes, je trouvais dans la Nouvelle Droite le souffle de liberté dont j’avais besoin pour progresser. Si nous nous retrouvons tous autour de quelques fondamentaux – la critique radicale du libéralisme et du mondialisme, l’amour de l’histoire et du patrimoine européens, le souci écologique, la défense inconditionnelle de la liberté d’expression, etc. – il arrive aussi que nous différions sur de nombreux sujets, ce qui serait impensable dans un groupe étroitement politique ! Ainsi, je suis sans doute plus patriote et plus républicain que quelqu’un comme De Benoist, chez qui l’idéal européen l’emporte sur les nations et qui pense pis que pendre de cette Révolution française que je m’obstine à défendre… Mais ces divergences n’ont jamais posé de problème, elles sont au contraire vécues chez nous comme un enrichissement, et les discussions sont toujours plus animées et intéressantes entre gens d’avis différents qu’entre gens persuadés des mêmes choses. J’ajoute, car cela me semble important, que j’ai trouvé dans cette famille de pensée la même camaraderie conviviale que j’avais trouvé à l’extrême gauche ou chez les patriotes. Il ne s’agit pas que de publier des livres, d’écrire des articles ou d’organiser des conférences, mais aussi de se retrouver en bonne compagnie pour bien boire et bien manger !

Selon-toi, va-t-on vers la fin des partis politiques en Europe occidentale ?

C’est une question délicate, car si le maintien des partis politiques dépendait uniquement de l’adhésion des citoyens, ils auraient déjà dû disparaître depuis un certain temps. Le taux d’affiliation partisane des populations de nos pays est en baisse constante, et ce n’est pas que le nombre de partisans qui décroit mais également le nombre de simples sympathisants. Au-delà des citoyens qui ne votent pas et ne participent plus aux élections, il faut prendre en compte le grand nombre de gens qui, dans les urnes, soutiennent alternativement l’un ou l’autre parti en fonction de la nature des scrutins soumis au vote. Un coup à gauche pour la justice sociale, un coup à droite pour la sécurité, et ainsi de suite. Cette volatilité partisane se retrouve également lors des élections : quiconque a participé un jour ou l’autre à un dépouillement électoral (pour ma part j’ai été réquisitionné une fois pour le faire au niveau de ma commune) n’a pu que remarquer que la plupart des électeurs font du « panachage » comme on dit en Suisse, c’est-à-dire qu’ils portent sur une même liste des candidats de plusieurs partis, passant allégrement et sans complexe les vieilles barrières sanitaires censées isoler la gauche et la droite. Certains politiciens attribuent ça à une tendance individualiste et versatile des électeurs, mais ce n’est là qu’une explication bancale pour leur éviter de se remettre en question. Si les gens ne soutiennent plus les partis en bloc, c’est peut être tout simplement parce ces blocs ne font plus sens, que les partis sont traversés de contradictions, qu’ils reposent souvent sur des héritages historiques aujourd’hui obsolètes et qu’aucun ne propose une vision suffisamment solide et cohérente pour englober l’ensemble des problèmes posés à la cité.

Ce qui n’exclut pas que ce système puisse encore durer un bon moment, en dépit du désaveu des urnes, car il est bien rodé et participe d’un certain processus spectaculaire censé maintenir l’illusion de l’alternance et sauver les apparences démocratiques. Une renaissance du syndicalisme, que rien n’annonce encore mais qui pourrait survenir à la faveur de la crise, m’étonnerait moins qu’une renaissance des partis. L’attention des gens, désorientés par la mondialisation et les nouvelles échelles qu’elle met en place (échelles auxquelles il est de plus en plus difficile de s’identifier de par leur taille et l’éloignement de leurs centres) tend aujourd’hui à se tourner plutôt vers la défense d’intérêts sectoriels, corporatifs entre autres mais pas uniquement, plutôt que vers les partis et leurs prétentions à édicter des programmes globaux. La montée en puissance des lobbys et des groupes d’intérêts plus ou moins déclarés en est un exemple parmi d’autres. Il n’est évidemment pas sûr que tout ceci soit non plus très bon pour la démocratie… Toutefois, le lobbyisme ne se limite pas à la défense de prérogatives financières et il ne devrait pas se traduire uniquement par une intrusion sournoise des intérêts de l’économie privée dans les rouages de l’Etat. Il peut aussi prendre la forme de think tanks, de laboratoires d’idées mises au service non seulement des citoyens mais également de toutes les forces politiques (y compris les partis) avec lesquelles il serait envisageable de tomber d’accord. Bien sûr, il est possible que ma position d’intellectuel m’incite à penser dans ce sens, dans la mesure où je me sentirais bien plus à l’aise et bien plus utile dans une structure comme celle-ci que dans un parti ! Toutefois, l’évolution du politique en Europe occidentale semble prendre cette direction, pour le meilleur ou pour le pire.

suisse.pngQuelles sont chez vous les conséquences de la mondialisation sur votre économie ?

Elles sont grosso modo les mêmes qu’en France : délocalisation d’entreprises dans des pays où la main-d’œuvre est moins coûteuse, libre circulation des personnes, des capitaux et des biens qui entraine les problèmes sociaux que l’on sait, tourisme fiscal de grandes compagnies qui savent que ce sont la concurrence des régimes fiscaux et non plus les frontières nationales qui dictent les implantations d’entreprises (même si, en dépit de la mondialisation, ce problème existe déjà chez nous à l’échelle nationale, chaque canton ayant son propre régime en la matière, fédéralisme oblige), etc. A cela il faut ajouter, dans les régions limitrophes et parfois même au-delà, les déséquilibres causés par la concurrence des travailleurs frontaliers venus de France, d’Italie et d’Allemagne, au grand dam des travailleurs suisses. Le fait d’avoir toujours refusé (grâce à la démocratie directe !) d’adhérer à l’Union européenne nous a permis de limiter les dégâts et d’éviter l’effondrement économique qui est actuellement celui des pays membres, avec des taux de chômage vertigineux et une paupérisation croissante, mais nous sommes nous aussi tenus par certains accords de libre circulation et par certains « traités inégaux » avec l’UE, qui nous amènent notre lot de désordre. Mais ne peignons pas le diable sur la muraille : comparativement à nos voisins, c’est un moindre mal. Je pense d’ailleurs que si la Suisse a un rôle à jouer aujourd’hui au sein de l’Europe, c’est celui d’exemple d’insoumission (relative) à Bruxelles. Ce que nous voyons chaque jour, de la Grèce au Portugal en passant par la France, nous conforte dans notre choix de souveraineté, tout en vous signifiant à vous que oui, chez vous aussi, si le peuple reprend le pouvoir, vous pouvez vous dégagez de la tutelle de l’UE. C’est évidemment tout le bien que je vous souhaite.

Tu es un des rares à remettre en cause, avec pertinence, les théories dites conspirationnistes. Pourtant, sans chercher la polémique, une historienne comme Marion Sigaut recycle un peu Barruel…

Tu touches là à une question extrêmement complexe qui mériterait beaucoup plus de nuances que celles que je pourrais formuler dans le cadre d’un entretien comme celui-ci. Je ne considère pas Marion Sigaut comme une conspirationniste et cela fait des années que je salue son travail, quand bien même les thèses qu’elle défend se situent quelquefois bien loin des miennes. Les textes que je lui ai consacrés, dans les revues Eléments ou Rébellion, sont, je crois, très clairs quant aux mérites que j’attribue à son travail et quant aux limites de mon adhésion à celui-ci. Je ne partage pas ses sympathies catholiques et monarchistes et je ne rejette pas la Révolution française comme un bloc, ce sont principalement sur ces points-là que nous divergeons. Par contre, je la suis tout à fait dans son travail de démystification des structures traditionnelles de l’Ancien Régime (noircies à dessein par l’historiographie républicaine) et dans son analyse des origines du capitalisme en France – elle a écrit des pages éloquentes sur le ministère Turgot, les conséquences désastreuses des premières expériences libérales dans l’agriculture et le commerce des grains, la crise des subsistances, etc. Elle ne serait peut-être pas d’accord avec ces qualificatifs mais je vois dans sa démarche d’historienne une sorte de point de jonction entre une certaine historiographie marxiste et une certaine historiographie contre-révolutionnaire, dans le sens où sa « réaction » est motivée en grande partie par l’idéal humaniste et par des préoccupations d’ordre social.

Par ailleurs et pour en revenir à ta question, je la considère comme une historienne révisionniste, dans le meilleur sens du terme. Le mot, chargé à tort d’une connotation sulfureuse, ne signifie rien d’autre qu’une démarche scientifique remettant en cause une théorie officielle, quel que soit le domaine d’étude dont il est question. Le livre que Marion a consacré à Voltaire est révisionniste par excellence puisqu’il s’attaque à la légende dorée d’un philosophe en s’appuyant sur des faits et des écrits qui révisent le jugement dominant portant sur ce philosophe. Le révisionnisme n’est évidemment pas le conspirationnisme (et Marion n’entre certes pas dans cette dernière catégorie) mais celui-ci est une variété de celui-là puisque l’existence d’un complot présuppose généralement qu’il est caché et que les gens n’en ont pas connaissance. L’abbé Barruel, que tu cites, se situe dans cette perspective puisqu’il tente de nous faire accroire que la Révolution se résume in fine aux machinations tramées et mises en œuvre dans le cadre d’un large complot maçonnique. Je n’en crois évidemment pas un mot. Il est intéressant de lire ses pamphlets comme on lit par exemple ceux de Marat : non pas comme des travaux d’historien, non pas comme des travaux de journaliste, mais comme des écrits engagés de nature militante.

Cela étant dit, j’ai en effet généralement peu de sympathie pour le conspirationnisme, quand bien même j’adhère par principe à la démarche intellectuelle qui sous-tend cette révision des « vérités » imposées. En effet, le doute critique, le scepticisme, la remise en cause des thèses officielles m’a toujours semblé être quelque chose de très sain, propre aux esprits vraiment scientifiques. Je n’ai pas changé d’avis sur la question mais la science demande un certain esprit de sérieux qui est souvent désespérément absent des thèses complotistes qui fleurissent de nos jours. Toute révision est, ou devrait être, une investigation. Avoir la prétention – prétention ô combien nécessaire en ces temps troublés – de contredire les vérités officielles implique d’être plus rigoureux, plus exigeants, plus scientifiques que ceux qui nous livrent ces vérités-là sur un plateau. Or que voyons-nous la plupart du temps ? Des monomaniaques incultes qui posent les résultats de l’enquête avant ses prémisses, qui se fient à des postulats arbitraires et non à une étude factuelle, qui ont rarement les moyens intellectuels de leurs prétentions et qui, de toutes façons, n’ont aucune intention de sortir de chez eux pour vérifier leurs hypothèses. Je caricature un peu bien sûr mais le type du complotiste que je croise le plus souvent pourrait se résumer de la manière suivante : jeune, passablement désocialisé, d’un faible niveau socio-éducatif, culturellement désarmé, idéologiquement conditionné, souffrant d’une certaine frustration due à son déclassement et à l’hostilité qu’il éprouve à l’encontre de toute forme d’autorité, cette dernière étant considérée par lui comme l’expression d’une prétention inacceptable. Ce n’est qu’à contrecœur que j’articule un tel jugement, dans ce qu’il peut avoir de méchant, d’injuste, voire de suffisant. En effet, de quel droit est-ce que je me permets de taper sur les faibles, les réprouvés, les non-alignés, alors qu’au fond leur révolte est en partie la mienne et que leurs ennemis sont, pour un grand nombre, aussi les miens ? La seule chose que je puisse dire pour ma défense, c’est que qui aime bien châtie bien.

Je ne voudrais pas paraître élitiste mais là où je rêverais de voir entrer en scène des Sherlock Holmes, des Harry Dickson ou, au moins, des Fox Mulder, je ne vois que des geeks qui, sans avoir réussi à obtenir leur certificat d’études, prétendent avoir tout compris de la géopolitique et mis à jour toutes les stratégies du Mossad et de la CIA… Le tout à l’aide de quelques vidéos en streaming et sans avoir levé les fesses de leur fauteuil. Peut-on vraiment se satisfaire d’une telle contestation, qui n’en est en fait que la parodie involontaire ? Ces imbéciles si sûrs d’eux ne contribuent-ils pas, à travers la pauvreté de leurs arguments et leurs textes illisibles truffés de fautes d’orthographe, à discréditer le principe même de la contestation ? Nous aurions sans doute besoin de nouveaux Galilée, de nouveaux Copernic mais, en lieu et place de ces révisionnistes-là, nous avons des désœuvrés paranoïaques shootés aux rayons gamma qui scrutent les chemtrails dans l’azur du ciel et comptent les points de barbe dans les caricatures de Charb pour voir si ce ne serait pas par hasard une représentation des trois points maçonniques… Quelle tristesse.

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As-tu un avis sur les néo-maoïstes dont on ne parle que très rarement : Belhadj-Kacem, Badiou… ?

Les maoïstes, même au temps de leur splendeur, n’ont jamais été en Europe qu’un épiphénomène du gauchisme, et lorsqu’ils ont pu donner de la voix, il s’est vite avéré que ce maoïsme n’avait finalement pas grand chose de commun avec le communisme chinois dont il se réclamait. Il faut lire à ce propos le livre très intéressant de Christophe Bourseiller, Les maoïstes, la folle histoire des gardes rouges français, qui revient sur les péripéties assez rocambolesques de ces groupuscules un peu confus. J’ai moi-même été assez fasciné, lorsque j’avais vingt ans, par la figure de Mao et certains aspects de l’expérience révolutionnaire chinoise, je suis même parti vivre un an à Pékin par curiosité et intérêt pour cette aventure politique très particulière, l’année pendant laquelle la Chine célébrait justement les soixante-dix ans de la Longue Marche. Je possède d’ailleurs toujours une collection assez précieuse de divers objets liés à la Révolution culturelle, vieilles affiches, petits livres rouges, photos d’époque, médailles de gardes rouges, etc. Mais j’y attache surtout une valeur romantique, voire fétichiste, et il ne s’agit évidemment pas d’une adhésion idéologique de ma part, cette expérience révolutionnaire étant devenue indéfendable de par le nombre de morts qu’elle a entrainé.

Quoi qu’il en soit, si le maoïsme français des années soixante était assez insignifiant, le néomaoïsme résiduel d’aujourd’hui l’est davantage encore, et ceux qui l’incarnent n’ont même plus l’excuse de la mode ou de la jeunesse. Badiou est loin d’être un intellectuel inintéressant, il a écrit quelques textes qui valent la peine d’être lus, mais appliquées aux problèmes de notre temps, ses options idéologiques (qui, là encore, n’ont plus grand chose à avoir avec la pensée de Mao Zedong) ne diffèrent pas tellement du gauchisme ordinaire de nos bobos. Comme Toni Negri et tant d’autres, il tente d’articuler une théorie révolutionnaire dans laquelle le peuple des gens ordinaires est le grand absent, renvoyé au purgatoire de la réaction. Parmi les auteurs proches de Badiou, le philosophe slovène Slavoj Zazek est autrement plus intéressant. Si un éditeur souhaitait redonner ses lettres de noblesse au maoïsme sans tomber ni dans le dogmatisme poussiéreux ni dans l’impasse du gauchisme bourgeois, il serait bien inspiré de faire traduire certains intellectuels chinois contemporains qui se réclament de ce qu’on appelle là-bas le courant de la Nouvelle Gauche. En dehors du Courrier International et de quelques autres revues gardant un œil sur l’Asie, ces penseurs-là n’ont jamais été traduits en français et ils le mériteraient pourtant, ne serait-ce que par la synthèse intéressante qu’ils articulent entre patriotisme et idéal de justice sociale.

Que penses-tu sur l’émergence d’une certaine gauche américaine ?

Sur cette question je botte en touche car j’avoue n’avoir encore jamais mis les pieds sur le sol américain et ne connaître que très peu le paysage politique des Etats-Unis. Il va de soi qu’un pays où Obama est présenté comme un homme de gauche et où ses adversaires le caricaturent en bolchevik doit avoir une vision du spectre politique bien différente de la nôtre ! La seule chose que je pourrais relever à ce propos, c’est que la qualification de liberal que s’attribue une certaine gauche américaine a au moins le mérite de clarifier le débat et d’annoncer clairement la couleur. Les gauches social-démocrates européennes sont tout aussi libérales mais elles ont banni ce terme de leur vocabulaire afin de sauvegarder les apparences d’un socialisme qu’ils ne défendent pourtant plus depuis longtemps. A nous de les mettre face à leurs contradictions et à les forcer à se révéler telles qu’elles sont. Il importe, aujourd’hui plus que jamais, de combattre le libéralisme, mais pour cela il faut commencer par le démasquer !

Etat islamique et retour de l'histoire

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Etat islamique et retour de l'histoire

Chronique de livre : Pierre-Jean Luizard, Le piège Daech, l'Etat islamique ou le retour de l'histoire, La Découverte, Paris, 2015

Ex: http://cerclenonconforme.hautetfort.com

Pierre-Jean Luizard est directeur de recherche au CNRS, historien spécialiste du Moyen-Orient, en particulier de l'Irak, de la Syrie et du Liban. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages sur cette région du monde comme La Formation de l’Irak contemporain (CNRS Éditions, 2002) ; La Question irakienne (Fayard, 2002 ; nouvelle édition augmentée 2004) ; La Vie de l’ayatollah Mahdî al-Khâlisî par son fils (La Martinière, 2005) que pour ma part je n'ai pas consulté. Il publie avec Le piège Daech, l'Etat islamique ou le retour de l'histoire, un ouvrage éclairant sur la question de l'Etat islamique, ce nouveau califat qui agite l'actualité nationale et internationale, particulièrement depuis les attentats du vendredi 13 novembre.

L'ouvrage de 178 pages, agrémenté d'une chronologie et de trois cartes, se lit rapidement et permet de se faire une idée assez claire du sujet traité. Nous regretterons simplement l'absence d'un lexique répertoriant tous les termes spécifiques – en arabe – employés par l'auteur, et l'absence, plus embêtante encore, d'une bibliographie permettant au lecteur intéressé de poursuivre ses investigations. Je ne traiterai par ailleurs ici que de quelques aspects de l'ouvrage, faisant volontaire l'impasse sur Al Qaeda, Al Nosra, l'émergence concrète de l'Etat islamique, entre autres thèmes abordés dans celui-ci.

piege7186102.JPGAchevé le 28 décembre 2014 et paru en février 2015, il ne concerne donc pas des événements de l'année 2015. Ne cherchez pas ici une quelconque analyse des évolutions géopolitiques de l'année écoulée, ni des événements qui ont secoué notre pays. En revanche il permet de se faire une idée beaucoup plus claire de l'histoire et de la situation de la région, l'auteur s'attaquant d'abord à expliquer la formation de l'Etat islamique, avant de faire un retour en arrière vers le découpage de la région par les puissances coloniales britanniques et françaises. Il analyse aussi la faillite des états irakiens et syriens, apporte des réflexions sur un bouleversement total et durable du Moyen-Orient et tente de justifier le titre de son ouvrage dans la dernière partie éponyme. Le moins que l'on puisse dire c'est que cet ouvrage est une réussite. Je suis toujours précautionneux face aux différentes publications en lien avec l'actualité, où certains universitaires veulent surtout se faire mousser. Point de tout cela chez Pierre-Jean Luizard qui ne fait un livre à charge contre personne, pas même l'Etat islamique, et cherche à nous livrer des clefs pour comprendre ce phénomène. Je n'ai tiqué qu'à deux reprises, la première par l'emploi systématique de l'expression « régime de Bachar al-Assad », qui certes correspond sûrement à la réalité d'un Etat qui a perdu le contrôle sur une bonne partie de son territoire, mais ne traduit pas que jusqu'à preuve du contraire, il s'agit du régime légitime reconnu par la communauté internationale. La seconde lorsque l'auteur nous livre une phrase élogieuse au sujet de l'Armée Syrienne Libre qui serait « pétrie de nationalisme arabe » alors qu'il me semble pourtant que des éléments salafistes y ont joué un rôle dès l'origine, comme ce fut le cas dans de nombreux mouvements de protestations issus du « printemps arabe » de 2011. A cette occasion l'auteur n'étaye d'ailleurs pas son propos par des déclarations ou toute autre forme de démonstration, nous devrions donc le croire sur parole, et en toute bonne foi.

Hormis ces détails, l'ouvrage vous en apprendra beaucoup sur la région et il adopte une grille de lecture qui nous semble tout à fait valable : temps long historique et prise en compte du fait ethno-confessionnel.

Pour le temps long historique, à l'instar de ce que j'écrivais d'ailleurs dans un article publié le 23 juin 2015,  nous pouvons prendre comme une des clefs de lecture la chute de l'empire ottoman et le redécoupage du Moyen-Orient par les puissances coloniales, et mandataires, françaises et britanniques qui n'a pas tenu compte des anciennes velayets (ou wilayas) de l'empire Ottoman, ni des aspirations des populations. La décennie 1915-1925 semble être un tournant majeur dans l'histoire régionale. En effet en 1916, Français et Britanniques concluent un accord secret nommé Sykes-Picot, du nom des deux personnages en charge de cet accord, qui prévoit le redécoupage du Moyen-Orient. Après moultes tribulations et trahisons expliquées dans l'ouvrage, on assiste à la définition des frontières des états que nous connaissons : Liban, Syrie, Irak, (Trans)Jordanie et Palestine (plus tard Israël) qui sont fixées en 1925. L'auteur mentionne également les accords de Balfour entre britanniques et sionistes qui prévoient, dès 1917, l'installation d'un foyer national juif en Palestine. Les britanniques auront comme à leur habitude (l'Afrique du sud en est un autre exemple patent) semé les graines de la discorde. Ils iront jusqu'à mener en bateau le chérif de La Mecque, lui promettant une grande union pan-arabe qui ne verra jamais le jour. Les Britanniques appuieront ensuite en Irak la minorité sunnite face à la majorité chiite. Les Etats-Unis en feront d'ailleurs de même après la révolution islamique d'Iran. Alors que le régime irakien n'aurait jamais dû survivre aux années 80, il profita de l'appui de Washington qui y voyait un allié contre l'Iran et un territoire intéressant pour le pétrole.

En Syrie, où l'influence européenne était encore plus importante du fait de la situation géographique méditerranéenne du pays et de l'importance des communautés chrétiennes, c'est un phénomène assez similaire qui se produit mais en faveur des chiites et des chrétiens. Les fondateurs du baassisme syrien sont pour la plupart des chrétiens voulant échapper au statut de minorités face à la majorité sunnite. L'arabité y est perçu comme un facteur unitaire permettant de dépasser les clivages confessionnels. En cela les baassistes importent les éléments issus de l'histoire politique européenne dont ils ont été nourris dans les universités françaises (nationalisme, ethnicisme, laïcité, état de droit, etc...). L'auteur explique que pour les minorités de la région, ce qui importe c'est d'accéder à une égalité de droit. Partout les minorités veulent s'extraire de leur statut. Le fait donc qu'en Irak des chiites, qui traitent aujourd'hui les sunnites comme ils furent eux-mêmes traités par ces derniers, passent de l'islam confessionnel au communisme avant de retourner à l'islam confessionnel, ou que des sunnites passent du baassisme irakien à l'Etat islamique n'est donc pas étonnant si l'on prend en compte la clef de lecture ethno-confessionnelle, c'est à dire la mosaïque identitaire de cette région. Hussein lui-même joua cette carte contre l'Iran persan et chiite en opposant une identité arabe et sunnite. L'Etat islamique est donc une réponse à la fois pan-arabe et islamique, fonctionnant sur un enracinement territorial et une arabité culturelle d'une part et sur un universalisme islamique salafiste (wahhabite) d'autre part, permettant l'intégration de populations diverses (tchétchènes, néo-convertis occidentaux, maghrébins, etc...). L'auteur rappelle également que la Syrie est un foyer historique du hanbalisme dont est issu le wahhabisme. Le terreau y était donc fertile, surtout si la majorité sunnite est exclue des sphères du pouvoir... A cela il faut rajouter toutes les questions tribales, claniques, la parenté, la descendance du prophète, les différentes sectes religieuses, etc... faisant de ces régions un authentique sac de nœud communautaire (18 communautés au Liban, par exemple). Si La Yougoslavie, formée en 1919-1920, a explosée dans les années 1990, il semblerait que le Moyen-Orient suive le même chemin et que l'Etat islamique ne soit - entre autre - qu'une manifestation de ce phénomène. Ces derniers ne s'y sont pas trompés en détruisant symboliquement la frontière syro-irakienne avec un tractopelle en faisant référence aux accords Sykes-Picot. Car si l'unité des arabes n'apparaît au final que rhétorique en Syrie et en Irak, et a surtout permis à des clans de s'assurer le pouvoir, cet élément de propagande est repris par l'Etat islamique. Ce que les Etats syriens et irakiens n'ont jamais fait - car ils étaient créés et (en partie) inféodés aux occidentaux -, alors l'Etat islamique le fera. Voila dans les grandes lignes ce qu'on peut comprendre. A cela s'ajoute la dimension islamique salafiste « takfiri » qui considère que les autres branches de l'islam se sont compromises avec l'Occident.

L'auteur s'attaque également à la position difficile des Etats voisins, qu'ils soient modestes comme le Liban ou beaucoup plus influents comme la Turquie et l'Arabie Saoudite. Au Liban, c'est le Hezbollah qui apparaît comme le principal ennemi de l'Etat islamique, l'armée libanaise se retrouvant coincée entre des sunnites assez hostiles au Hezbollah et à la Syrie et des chiites et des chrétiens plutôt favorables. Pour la Turquie il considère que l'AKP n'a effectué que des mauvais choix qui se sont retournés contre-lui. Erdogan, en refusant de désigner un ennemi principal et en mettant dos à dos en terme de menaces les minorités alévis et kurdes avec l'Etat islamique, semble perdre le contrôle de la situation. Il rappelle cependant que la frontière passoire entre l'EI et la Turquie n'est pas une nouveauté et que déjà avec Saddam Hussein les trafics de pétrole y étaient nombreux. En Arabie Saoudite, le pouvoir qui a joué le grand écart entre son rigorisme salafiste et son alliance avec les Etats-Unis semble aujourd’hui dans une situation complexe. L'auteur titre même « le roi est nu ». La plupart des officines salafistes ou liées au Frères musulmans, qui profitèrent jadis du régime, se retournent depuis quelques années contre lui. Les chiites qui eurent l'espoir de s'intégrer il y a dix ans vivent aujourd'hui un redoutable retour au réel avec les répression de leurs congénères à Bahrein et au Yémen où sont impliqués les Saoudiens. L'exécution récente d'un responsable chiite saoudien ne peut que donner raison aux intuitions de l'auteur sur la fuite en avant du régime saoudien. Les Saoudiens s’attellent donc à protéger leurs frontières en surveillant les 800 km qu'elle a en commun avec les Etats en pleine déconfiture et, élément que ne mentionnent pas l'auteur, ils ont augmenté leur budget militaire depuis deux ans (4eme en 2014 derrière les Etats-Unis, la Chine et la Russie). Avec l'effondrement des rentes pétrolières, la dissidence d'une partie des élites saoudiennes favorables à l'EI et le soutien de grandes familles qataris aux Frères musulmans et à l'EI, la situation semble tendue pour ce pays qui se veut un gardien des lieux saints. Bémol de cette partie de l'ouvrage, l'auteur ne s’attaque pas à la pérennité de l'Etat d'Israël ni à son implication dans la région. Je fus par contre très agréablement surpris de voir que l'auteur mentionne l'effet miroir entre Occidentaux et salafistes de l'EI, rappelant par là le conflit mimétique cher à feu René Girard. Jean-Pierre Luizard indique par exemple que l'EI emploie à son profit des expressions qu'on retrouve dans Le Choc des civilisations d'Hutington. L'auteur n'hésite pas à pointer du doigt l'échec de la politique américaine depuis 2003, politique dont d'ailleurs il ne comprend pas la logique pour les intérêts des Etats-Unis eux-mêmes. Ceux-ci ont cru qu'en redonnant le pouvoir aux chiites et en valorisant les Kurdes, ils régleraient les difficultés de l'Irak sunnite de Saddam Hussein ; ils n'auront au contraire fait que détricoter le Moyen-Orient créé par les Européens, et libérés les conflits ethno-confessionnels. Fabius n'est pas en reste, l'auteur estimant qu'il n'a toujours pas pris la mesure de la réalité du terrain et que les appels à la souveraineté de l'Irak ne risquaient pas de trouver un écho chez des sunnites en conflit larvé avec les chiites.

L'auteur considère donc que l'EI a très bien manœuvré en provoquant les différents acteurs sur un terrain qui les conduiraient à s'impliquer, nous les premiers. Avec les attaques sur les minorités ou les femmes et en diffusant des vidéos scénarisées destinées à faire réagir notre opinion publique, et donc nos politiciens sur le mode émotionnel, l'EI a marqué des points contre nous. Il modère en revanche la question chrétienne en rappelant qu'en tant que « Gens du Livre » ils peuvent profiter du statut de dhimmis, comme à Raqqa. Dans d'autres territoires contrôlés par l'EI, ce sont les chrétiens qui ont refusé la conversion ou le statut de dhimmis et les différentes conditions de l'EI prévues par la charia, et se sont exilés, comme c'est le cas à Mossoul. Il ne traite pas en revanche la question des réfugiés/migrants/clandestins qui arrivent en Europe. Il faut dire que le phénomène s'est amplifié depuis la parution du livre. En revanche il n'hésite pas à mentionner que les nombreux réfugiés sont des foyers de déstabilisation dans leurs pays d'accueils : Liban ou Jordanie. Et nombreux sont les pays qui y voient de potentiels djihadistes infiltrés. Les européens, qui méconnaissent totalement le champs des conflits inter-ethnique et interconfessionnel depuis longtemps, ne sont donc pas encore préparés à appréhender le phénomène des réfugiés avec le regard des pays moyen-orientaux qui en ont l'habitude. Les bagarres qui éclatent dans les camps de clandestins en Europe sont pourtant une illustration de ce phénomène de tension inter-ethnique. Il ne serait pas étonnant que cela arrange bien les différents Etats de la région de nous envoyer leurs réfugiés, s'épargnant des émeutes et troubles potentiels dans un contexte déjà très tendu.

Au final, tous les pays sont donc tombés dans le « piège Daech » et on devine d'où Alain de Benoist tire sa réflexion lorsqu'il écrit « Il ne sert à rien de supprimer l’État Islamique si l’on ne sait pas par quoi le remplacer ». L'auteur conclue en effet son ouvrage, entre autre, par ces mots : « Une longue période historique s'achève : on ne reviendra pas au Moyen-Orient que nous avons connu depuis près d'un siècle. Une guerre lancée sans perspectives politiques n'est-elle pas perdue d'avance ? C'est le piège que l'Etat islamique tend aux démocraties occidentales pour lesquelles il représente certainement un danger mortel. Les leçons de l'Histoire doivent aussi servir à le combattre. »

L'avenir qui se dessine ressemble en tout cas étonnamment au projet de « Grand Moyen-Orient ». Il est de toute façon clair que cette mosaïque ethnique, aux frontières dessinées par les Européens, ne pouvait pas durer, comme c'est aussi le cas en Afrique, du reste. Le retour de l'histoire, c'est le retour des grandes aires de civilisation, c'est le retour du temps long et des revendications ethno-confessionnelles. Un coup de surin dans le monde hérité des Lumières.

Jean / C.N.C.

Note du C.N.C.: Toute reproduction éventuelle de ce contenu doit mentionner la source.

mercredi, 13 janvier 2016

Second Thoughts About the Germans

Second Thoughts About the Germans

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Ex: http://www.lewrockwell.com

For the last thirty years I have devoted my energies to defending the German people against a variety of charges directed against them by their leftist and neoconservative critics in the US and Germany. Many of the points that I’ve raised about the historical past don’t have to be amended, because they continue to be true, e.g., about the Allied responsibility for the outbreak of World War One,  the silliness of looking for Nazi ideas throughout the German past, and the brilliance of German philosophical and literary accomplishments. Nothing that is now occurring would cause me to revise my critical judgments about the grossly unjust Treaty of Versailles, the terror bombing of German cities during the last year of World War Two, the arrogant stupidity of the post-World War Two re-education of the German people carried out by the “Western democracies” and the kangaroo court held in Nuremberg in 1946 and 1947. These are not things that I feel impelled to reconsider.

What I am changing my mind about is whether the Germans are totally blameless for the antifascist horror into which they’ve descended. As German friends tell me, what transpired on New Year’s Eve, when over a thousand Near Eastern Muslims attacked 121 women near the central train station in Cologne, tore off their clothes and in some cases began to rape them, is only the “tip of the iceberg.” There have been hundreds of other incidents of violence across Germany that have been reported since Angela Merkel, to the near unanimous support of her Christian Democratic-captains, encouraged Muslim migrants to enrich her country by their presence. The German media have tried to hush up the embarrassing incidents or after the attacks in Cologne shifted the blame to the victims. Apparently the verbally abused and assaulted women didn’t “stay at arm’s length” from their attackers. It is hardly surprising that the police came belatedly to the crime scene or that Cologne’s feminist social democratic mayor, Henriette Reker, insists that the failure of the victims to maintain the proper distance from their attackers led to their fate. But, according to Reker, this setback will not hinder the construction of a German multicultural society. The federal minister of justice, Heiko Maas, who is also a feminist Social Democrat (read antinationalist, antifascist enthusiast) has expressed the same optimistic judgment as the one issued by the Cologne mayor.

Last Sunday when a demonstration against the abuse of the victimized German women took place at the site of the attacks, the police quickly intervened and threw canisters of gas at the demonstrators. The government and various corporate heads have pledged to take action against those who are heard to disparage the “welcoming culture.” This culture has been generated for the benefit of more than one million Muslim migrants who have entered Germany, with the blessings of the political and journalistic class. If the “conservative” German head of state Angela Merkel falls from power and her totally submissive party is “abgewählt” (voted out of office), the new government would likely be the most Culturally Marxist regime on the face of this planet. PC totalitarianism will then descend on the Germans in a hurry rather than with measured strides.

Up until recently I might have explained away this situation by pointing to German antifascist re-education after the War, a subject on which I have written a great deal. I might also have cited the fact that the Germans have lost two great wars, a fate that has left them utterly demoralized. I would also have brought up the understandable reaction to the crimes committed by the Third Reich and the concomitant responsibility felt by the younger Germans to somehow make amends for the Third Reich. Although Germans, I would have argued, have been excessive in their atonement frenzy and have drawn the wrong conclusions from the recent past, at least their motives seemed decent. One German lady provided another interpretation that was at least plausible when I asked why Germans revel in their atonement rites. She explained that they still regard themselves as being “occupied” by the victors of World War Two and therefore are intent “die Amis zu befriedigen (to please the Yankees).”

Although there may be a measure of truth in most of these explanations, I no longer accept them as definitive. I now consider the Germans to be responsible for their own mess and reaping a well-deserved punishment. The fanatically intolerant leftist politicians who inhabit the German political scene were democratically elected. No one put a gun to the head of any German to vote for them. Moreover, there’s nothing like a Trump movement or the National Front that has emerged on the German right, which hardly exists as a political force. The only slightly right-of-center party in Germany, and the one that is stepping forth to address the exploding Muslim violence, is the Alternative für Deutschland. This is a party that only in Germany would be viewed as occupying the “far Right.” In the US the AfD would be hardly indistinguishable from the GOP establishment; and like our establishment Republicans, the leaders of this party are forever pummeling each other for being “too right-wing.” When Angela Merkel praised Germany for not needing “a party of the Right,” she knew whereof she spoke. Until now all her opposition has come from a Left that would make Bernie Sanders look like Edmund Burke.

Workers and state employees dutifully report to the government about who is expressing rightist sentiments, for example, by not participating in the welcoming culture for the migrants. Universities, which in Germany are entirely state-run institutions, would not give anyone a position in a history or social science department if that person were thought to hold insufficiently antinational opinions. The renowned modern historian Christopher Clark was shocked at the anti-German animus that he encountered while lecturing at German universities on the causes of World War One. Last year I too was shocked when German President Joachim Gauck accepted blame on behalf of his country for “the massacre of the Armenians” in 1915. I’m still trying to figure out how the German Imperial army participated in the mass murder that Gauck has laid on them. From what I’ve read on the subject, (and it is a great deal), German officers, like Liman von Sanders, tried to prevent Turkish military units from massacring Armenians, despite the fact that some Armenians had taken up arms on the side of Russia against Germany and Turkey. But since German politicians relish recounting their nation’s sins, real and imagined, why shouldn’t they throw in more nonsense? We might even add to their mea culpa list all the lesbians that the Third Reich is imagined to have killed but never did.

It is entirely possible that Germans act as they do because as one young American friend who is studying in Germany noted: “They follow their leaders, right over the cliff.” Although this explanation may be drawing on unfair stereotypes, the person who offered it is far from an inveterate German hater. He went to study at a German university because of his deep respect for the humanistic accomplishments of mostly dead Germans. But Germans of the present generation have embraced a lunatic, antifascist ideology, and they have done so with a moral intensity that is characteristically German. Other nations do not act in this way, at least not to the same degree.

Claiming this behavior is due to the forced re-education inflicted on Germans after World War Two and to the bad self-image that Germans took away from the Nuremberg show trials is not entirely credible. World War Two ended in 1945 and Germany is no longer an occupied country. If the Germans stopped waging war on themselves as a people, the American army would not likely reinvade their territory. In fact except for a handful of German-hating journalists and academics, who are located exclusively between Boston and D.C., most people wouldn’t even notice if the Germans became a self-respecting nation again. Perhaps they could start by closing their borders to migrants. They might also think about filling their universities with academics who don’t loathe their country’s entire existence up until the moment the Allies occupied it.

Critique du prolongement des sanctions de l’UE contre la Russie

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«Il nous faut l’abandon des sanctions»

Critique du prolongement des sanctions de l’UE contre la Russie

par Eckhard Cordes*

Ex: http://www.horizons-et-debats.ch

Après une perte de 6,5 milliards d’euros en 2014, les exportations allemandes vers la Russie en 2015, vont très probablement encore diminuer de 8,5 milliards d’euros. Dans le commerce avec l’Ukraine et d’autres pays de la région, nous continuons également à observer des pertes massives.


Même si ces sanctions réciproques ne sont pas seules responsables de ce développement dramatique, il est néanmoins évident que nous avons besoin de toute urgence, dans l’intérêt de toutes les parties, le début de la fin des sanctions.


Après que le gouvernement russe ait envoyé les mois derniers des signes de désescalade, nous aurions aimé voir nettement plus de courage des dirigeants de l’UE pour tendre la main à la Russie. Il est décevant que les sanctions de l’UE viennent, sans grand débat, d’être prolongées de six mois. L’occasion est encore une fois ratée de tendre la main à la Russie et d’entamer à nouveau une dynamique positive en direction de relations réciproques. [ ... ]


Ce serait également avantageux pour le développement économique de Ukraine, si les relations entre la Russie et l’UE s’amélioraient. Pour les années à venir, il n’est guère pensable qu’un commerce renforcé avec l’UE puisse compenser les pertes massives que subit l’Ukraine dans son échange commercial avec la Russie. Dans ses exportations avec l’Allemagne, l’Ukraine n’a pu atteindre en septembre 2015 qu’une faible augmentation de 50 millions d’euros (+3%). Les exportations ukrainiennes vers l’UE vont globalement continuer à baisser en 2015 malgré les privilèges commerciaux accordés unilatéralement.


Actuellement, il est à craindre que l’application intégrale de l’accord d’association entre l’UE et l’Ukraine, dès le 1er janvier 2016, vienne renforcer les conflits commerciaux avec la Russie. Les cycles de négociations trilatérales à Bruxelles entre l’Ukraine, la Russie et l’UE, où il était prévu de développer des solutions techniques sur les points critiques avancés par la Russie, sont voués l’échec.


Nous nous félicitons donc de l’initiative du ministre des Affaires étrangères Steinmeier proposant d’introduire une coopération économique renforcée de l’Allemagne avec la Russie et l’Union économique eurasienne dans les négociations trilatérales. Le gouvernement allemand doit tout faire pour obtenir le soutien, faisant actuellement encore défaut, des partenaires de l’UE et de la Commission.


Une nouvelle escalade du conflit avec l’Ukraine, après la mise en œuvre de l’Accord d’association le 1er janvier, doit absolument être évitée, afin de ne pas augmenter l’incertitude existante des investisseurs dans la région. L’Ukraine a besoin de l’accès à l’UE, tout comme l’accès au marché russe, pour pouvoir retrouver sa santé économiquement.     •

*    Eckhard Cordes a été président de l’«Ost-Ausschuss der Deuschen Wirtschaft» jusqu’au 31 décembre 2015. Cette organisation fut créée en 1952 en tant que première initiative régionale de l’économie allemande. Elle représente l’économie allemande dans les organes bilatéraux et organise chaque année de nombreuses séances d’information, des voyages pour entrepreneurs et des congrès dans et sur plus de 21 pays. Cette organisation, sise à Berlin, est un centre de compétence de l’économie allemande pour les marchés futurs d’Europe orientale et d’Asie centrale. Cette organisation est financée par cinq grandes organisations économiques et 220 entreprises adhérentes.

Source: www.ost-ausschuss.de/node/l035  du 17/12/15

(Traduction Horizons et débats)

mardi, 12 janvier 2016

Nous avons tout intérêt à nous préparer à des conflits, des crises et des catastrophes

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«Nous avons tout intérêt à nous préparer à des conflits, des crises et des catastrophes»

par le commandant de corps André Blattmann, chef de l’Armée suisse

Ex: http://www.horizons-et-debats.ch

Terrorisme, Bru­xelles, Paris. Ces trois notions résument une grande partie de ce qui a tenu l’opinion publique mondiale en haleine au cours des derniers jours de novembre, du mois de décembre et actuellement encore. Mais il en va davantage de la sécurité de notre société démocratique, moderne et connectée et de la question de savoir comment et par quels moyens le pays et ses habitants peuvent être protégés.


Nous avons tous besoin de sécurité. L’économie, la formation et la recherche, même la culture et le sport ont besoin de sécurité. Un regard sur le monde suffit à le confirmer. Dans l’Arctique plusieurs Etats mettent la main sur des gisements supposés de matières premières, dans la mer de Chine méridionale des revendications territoriales créent des tensions, en Europe de l’Est la guerre fait rage, au Proche-Orient un groupe de terroristes s’est transformé en puissance étatique, en Afrique – guère pris en compte par les médias internationaux – femmes et enfants sont enlevés, abusés, tués.


Aussi avons-nous intérêt à vérifier de manière permanente la situation sécuritaire et à prendre toutes les mesures nécessaires. Cela s’adresse aussi bien aux individus qu’aux entreprises ou à l’Etat: les précautions sécuritaires sont-elles encore adéquates à la maison, la prévoyance dans les domaines de la santé et de la vieillesse est-elle suffisante? Le système informatique et le centre de calcul de notre entreprise sont-ils protégés contre les cyber-attaques, nos employés sont-ils suffisamment sensibilisés; comment puis-je protéger mes avoirs contre des pertes de change? A quels risques et menaces la Suisse va-t-elle être confrontée au cours des années à venir?


Après la chute du mur de Berlin, notamment les Etats occidentaux ont commencé à verser des dividendes de paix. En même temps, on a réduit les ressources de la défense (au sens le plus large). D’autres secteurs étatiques avaient prétendument (ou opportunément?) de plus grands et plus importants besoins. Les résultats sont connus. Au cours des deux dernières années, les évènements se sont précipités dans le domaine de la sécurité.


Entretemps, on a recommencé à faire des manœuvres militaires des deux côtés. On augmente à toute vitesse les potentiels militaires. Ce qu’on se procure aujourd’hui à intention pacifique – pour se défendre – peut servir demain de nouveaux objectifs, selon la volonté des personnes au pouvoir. C’est comme dans une communauté de propriété par étages. Quand l’un des propriétaires n’observe pas les règles, alors d’abord le torchon brûle, puis on intente un procès, et ensuite … Vu sous cet angle, la communauté des Etats doit être sûre que les règles internationales sont respectées de tous. Si nécessaire, il faut trouver des solutions négociées. Seulement: qu’advient-il si l’un des concernés manque à la table des négociations?


La Suisse a derrière elle une phase de 160 ans sans guerre – un véritable privilège. La guerre des Balkans ne remonte qu’à environ 15 ans en arrière. Les expériences sont très diverses. Même si nous ne sommes aujourd’hui pas (encore) directement affectés par les situations de guerre dans le monde, nous en subissons déjà les conséquences:


•    Le risque d’attaques terroristes augmente; des guerres hybrides ont lieu tout autour du globe.
•    Les perspectives économiques s’assombrissent, des moteurs importants ont des ratées.
•    Les flux migratoires résultant (expatriés de guerre et réfugiés économiques) ont déjà pris une ampleur inouïe. Le citoyen attentif n’en est pas trop surpris.


Les risques augmentent donc doublement: au ralentissement économique s’ajoutent la concurrence sur le marché du travail et l’augmentation des coûts du soutien social. Des troubles sociaux ne peuvent être exclus; le vocabulaire devient dangereusement agressif. Chez nous, l’infrastructure critique est soumise à des pressions. Suite aux différences dans le traitement des problèmes, la solidarité au sein des communautés d’Etats est en danger.


La mixture est de moins en moins appétissante. Les fondements de notre prospérité sont remis en question comme cela n’a plus été le cas depuis bien longtemps. Les expériences des événements de 1870/71, 1914?–1918 et 1939?–1945 doivent nous rappeler que l’expression «Seule la catastrophe est mobilisatrice» est un mauvais conseiller.


Nous avons donc tout intérêt à nous préparer à des conflits, des crises et des catastrophes. Le moyen contre les risques et menaces modernes – pour ainsi dire la réserve sécuritaire de notre pays – est l’armée de milice suisse. Cette armée est en train de se développer pour pouvoir au mieux se battre, protéger et aider le pays et sa population. Les objectifs sont clairement décrits dans le Rapport sur l’armée 2010.


Pour cela, il faut, outre les ressources financières nécessaires, avant tout nos soldats de milice suisses qui ont fait leur preuve – des citoyens responsables prêt à s’engager pour préserver la sécurité et la liberté du pays et de ses habitants.    •

Source: Schweiz am Sonntag du 27/12/15

(Traduction Horizons et débats)

Migrants - Violences contre les Femmes

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Migrants - Violences contre les Femmes

Entretien avec Dominique Baettig sur les incidents de Cologne

Propos recueillis par Alimuddin Usmani
Journaliste indépendant, Genève
Ex: http://www.lesobservateurs.ch

Les agressions sexuelles et les vols commis de façon étendue à Cologne, ainsi que dans d’autres villes allemandes et européennes à Nouvel an, ont suscité l’émoi dans l’opinion publique. Ces incidents ont également affaibli la ligne d’ouverture envers les migrants adoptée par la chancelière allemande Angela Merkel. Entretien avec Dominique Baettig, psychiatre et personnalité politique qui s’affranchit du politiquement correct.

Alimuddin Usmani : Les incidents de Cologne étaient largement prévisibles, particulièrement par ceux qui critiquaient une immigration massive et incontrôlée. Quelle a été votre première réaction en apprenant la nouvelle d’une agression aussi massive et organisée?

Dominique Baettig : Oui, comme très souvent les Cassandre (ceux qui disent qu’il y a un problème deviennent le problème !) avaient raison. Les risques étaient d’ailleurs très élevés, si l’on en juge déjà par les images prémonitoires d’une vague déferlante, menaçante, encadrée par des passeurs « professionnels » spécialisés aussi dans les trafics d’êtres humains, l’industrie des faux papiers, revendiquant ses droits et appuyée sans réserve par les medias.

Ma première réaction a été la surprise, pas des faits qui se sont déjà déroulés à maintes reprises dans des contextes de « saturnales culturelles » comme les Fêtes de la bière, les beuveries collectives du Nouvel An et bien sûr le Carnaval où la démesure et le défoulement sont la règle, mais de la levée soudaine de l’interdit de parler de ce qui n’est pas politiquement, sociologiquement et culturellement correct. Pourquoi le voile se lève-t-il maintenant, l’autocensure ne fonctionne-t-elle plus efficacement ? A cause des réseaux de réinformation, peut-être ? Mais l’analyse d’un tel harcèlement collectif et les réactions de déni des milieux habituels qui exploitent ces sujets et en ont fait leur fonds de commerce (féministes, antifas et autres petites frappes moralistes au service de la haine de soi, gauche des valeurs et droite économique immigrationiste) mérite d’être faite en profondeur. Comme politique, comme psychiatre, comme décodeur de la propagande du consentement « fabriqué », je pense que nous avons affaire à une superposition et un renforcement de mécanismes qui créent un sentiment de chaos et d’impuissance acquise et qui induiront un renoncement. La stratégie de la tension, en vue d’imposer un multiculturalisme de morcellement de la société et réaliser un programme d’immigration massive planifié par les institutions internationales mondialistes passe à un échelon et une vitesse supérieure.

La psychologie des foules, de Le Bon, nous donne des clés utiles pour comprendre un événement comme celui de Cologne. L’individu construit une relation particulière avec un autre individu, issu d’une culture différente et cette relation change dès qu’il y a foule. L’effet de groupe, de meute est facilitateur de régression et de désinhibition, permettant tous les excès sur d’autres individus isolés ou un groupe plus petit. Le groupe devient irrationnel, ne se contrôle plus et suscite des réactions de crainte des individus n’appartenant pas à ce groupe. Le nombre industriel de migrants, les forces de l’ordre dépassées, font changer de paradigme et de rapport de forme. L’intégration dorénavant signifie s’adapter à des groupes plus nombreux, modifier activement ses comportements, renoncer à des libertés, des habitudes culturelles et sociales, à son mode de vie.

Il est piquant de noter que, dans le cas qui nous occupe, le fossé entre la lutte contre le mobbing et le harcèlement sexuel tel qu’il est pensé dans notre culture, souvent basé sur des faits en disproportion ou des procès d’intention, et la minimisation qui s’est passée avec des groupes culturels intouchables ( des pauvres victimes pour la gauche bobo), qui peuvent être beaucoup plus primaires, surtout sous l’influence de l’alcool et l’incitation culturelle à s’éclater. Depuis longtemps, beaucoup de femmes avaient tiré la sonnette d’alarme. Le respect de la femme, sa liberté de comportement, sa liberté de choix va être freinée par le comportement de mâles vraiment machos, possessifs et violents. L’immigration, la globalisation en confrontant massivement des sociétés à grand écart culturel représentent un risque de régression culturelle et sociale et l’augmentation de l’insécurité. Nous y sommes dorénavant.

Choc des mentalités : l’immigration massive, arme de destruction sociale et culturelle massive pose de plus en plus de problèmes mais elle s’inscrit dans le cadre d’une guerre économique et une guerre de domination de l’oligarchie. L’Islam n’est ici qu’un phénomène secondaire par rapport à la migration. Certains cherchent maintenant à insister sur la domination masculine dans l’immigration qui transite par la Turquie, venant de Syrie, d’Irak, d’Afghanistan ou d’Afrique du Nord. Il faut reconnaître qu’avec un arrière fonds de culture et de formatage musulmans, une religion qui est encore trop proche de la névrose obsessionnelle, à la différence des formes modernes et traditionnelle du christianisme avec peu d’intériorisation morale autonome, importance des interdits externes, rigidité, intransigeance, la forme l’emporte sur le fond, prise au pied de la lettre du discours, l’explosion est garantie en cas de confrontation aux valeurs libérales de consommation. Confronté au monde occidental des désirs, sans frein, le risque de péter un plomb est très grand. Les psychiatres connaissent bien les manifestations parfois massives de l’alcoolisme chez des musulmans migrants et hors protection religieuse.

La problématique culturelle éducative de l’enfant Roi (tyran) au migrant, bon Sauvage idéalisé, pas corrompu par le matérialisme, la névrose de consommation, le fascisme, le racisme, mérite aussi d’être mise en évidence.

Coup dur pour la gauche bobo que de voir ses protégés idéalisés se comporter comme les pires machos, violents, misogynes et homophobes. Mais le migrant, auquel tout est dû, victime de discrimination, de préjugés, non coupable par essence car mal intégré par « rejet de l’Autre » devient comme l’enfant Roi sans limites, une véritable bombe à retardement et de désillusion. Dur, dur pour les gentils bisounours. Une intégration réussie passe par l’imposition et l’acceptation de limites et de respect d’autrui. La gauche a échoué dans ses réformes éducatives, la culture de l’excuse, le droit à la susceptibilité pour les minorités, le culte inadéquat et toxique du « Grand Autre » paré de toutes les vertus xénophiles.

Certains n’hésitent pas à faire un parallèle entre ce qui s’est passé en 1945, lors du déferlement de soldats soviétiques qui violaient des Allemandes en masse, et la situation actuelle. Les immigrés venus en Europe se comporteraient comme une armée de vainqueurs et en terrain conquis à l’instar des Soviétiques. Que pensez-vous de cette comparaison?

Ceux qui dissertent à l’infini, lorsqu’ils parlent de la guerre civile yougoslave ou les exactions d’ISIS, sur le viol comme arme de guerre ne veulent pas voir ce qui s’est passé à la fin de la deuxième guerre mondiale pour la population allemande : déportations, viols de masse, crimes de guerre et contre l’Humanité. Il faut se garder de faire des comparaisons inappropriées. Les abus sexuels des occupants, russes, américains, anglais, français, en Allemagne, mais aussi au Japon et ailleurs en Asie sont connus. Les migrants ne sont pas globalement une armée d’occupation (ils ne présentent pas tous les mêmes comportements) même s’ils sont utilisés comme armes de guerre économique et politique dans l’hypothèse d’un « choc des civilisations » qui est instrumentalisé. Ceci dit le peuple allemand est l’exemple réussi d’une culpabilisation masochiste par lavage de cerveau. La haine de soi poussée jusqu’à l’absurde et l’intériorisation.

Si 1000 hommes allemands avaient commis les mêmes actes dans les rues de Tunis ou de Casablanca, il est probable qu’ils auraient été lynchés par une foule en colère. La société occidentale ne souffre-t-elle pas de dévirilisation pour laisser commettre des actes aussi abjects?

Je ne me pencherai pas sur le tourisme sexuel de masse, y compris pédophile qui a lieu dans les pays du Maghreb. La liberté féminine et le comportement d’égalité respectueuse affirmé en Allemagne est incompréhensible pour des sauvages qui ne voient la sexualité que comme une prédation, une domination ou une prestation achetable. L’homme occidental, sûrement dévirilisé psychologiquement, n’est pas plus outillé pour se défendre et adopter le bon comportement que la femme qui ne se rend plus compte de la provocation mal interprétée de son comportement, la mauvaise gestion de la distance, son habillement ou la consommation d’alcool pour un « sauvage » aux pulsions explosives et aux aguets.

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On n’entend pas tellement les organisations féministes dénoncer ces actes qui devraient les révulser. Comment l’expliquez-vous?

Pour le féminisme, le problème c’est l’Homme occidental, le Père, l’abuseur sexuel de la famille, le Patron, le macho local, le collabo. Ses œillères idéologiques l’empêchent encore de voir la réalité puisqu’il ne faut pas faire le lit de l’extrême-droite et surtout ne pas faire d’amalgames. L’idéologie dominante s’impose avec préjugés, autocensure, déni de la réalité qui est forcément « fasciste ».

Quelle est selon-vous la meilleure recette pour éviter de tomber dans le piège de la guerre civile qui nous est tendu?

Je pense que la campagne faite actuellement est un indice du changement de rapport de force (plus de 800’000 migrants illégaux et requérants d’asile en Allemagne qui s’imposent et sont imposés par les milieux économiques mondialistes, c’est colossal). Les milieux politiques, et Madame Merkel qui ont annoncé que les migrants étaient les bienvenus en masse, jouent sur la peur de la migration mais pour obtenir, par les réactions émotionnelles, juste l’’inverse c’est-à-dire la soumission et la redistribution ailleurs en Europe par pression morale et économique. Les solutions proposées seront les cours de respect, peu efficaces, explorer les moyens juridiques de renvoi, tigres de papier, et surtout la criminalisation de toute critique du vivre ensemble imposé. Les lois de surveillance antiterroristes serviront d’abord à museler la vraie opposition. C’est dorénavant aux peuples européens d’accepter, y compris avec les aspects criminels (trafics, travail au noir, abus de prestations sociales, exploitation) la migration de masse incontournable. Faire peur c’est induire l’impuissance et le renoncement. Pas une bonne nouvelle. Mais il faudra lutter, même si dans la vision de nos adversaire, se défendre c’est ajouter un nouveau problème et qu’il serait plus facile de s’écraser. Notre système juridique, qui permet des recours infinis, paie gratuitement un avocat pour ses recours et ne débouche que rarement sur des expulsions ne fait pas peur à ceux qui n’ont rien à perdre et resteront sans risques. Accepter l’initiative de mise en œuvre, le 28 février, de l’initiative sur l’expulsion de criminels étrangers, même si on reste dans le symbolique, est important. Voter massivement sera un bon signal. Défendre son identité, sa culture, son mode de vie, sa langue, sa religion est un Droit légitime.

Entretien de Alimuddin Usmani avec Dominique Baettig,  Publication commune : Lapravda.ch et Lesobservateurs.ch, 11 janvier 2016

http://lapravda.ch/index.php/2016/01/11/entretien-avec-do...

Le latin, discipline de l’esprit... par Antoine Desjardins

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Le latin, discipline de l’esprit...

par Antoine Desjardins

Ex: http://metapoinfos.hautfort.com

Nous reproduisons ci-dessous un point de vue d'Antoine Desjardins, cueilli sur Causeur et consacré au projet d'éradication de l'enseignement du latin porté par les pédagogistes du ministère de l’Éducation Nationale. Professeur de Lettres modernes, Antoine Desjardins est membre de l'association Sauver Les Lettres.

Le latin, discipline de l’esprit

« Le grammairien qui une fois la première ouvrit la grammaire latine sur la déclinaison de “Rosa, Rosae” n’a jamais su sur quels parterres de fleurs il ouvrait l’âme de l’enfant. »

Péguy, L’Argent, 1913

Dès lors qu’on s’en prend au latin, à l’allemand (langues à déclinaisons), qu’on affaiblit ou qu’on dilue ces enseignements, on s’en prend à la grammaire mais aussi aux fonctions cognitives : à l’analyse et à la synthèse, à la logique, à la mémoire pourtant si nécessaire, à l’attention. On s’en prend à la computation sémantique et symbolique, au calcul (exactement comme on parle de calcul des variantes aux échecs), à la concentration. On s’en prend donc indirectement à la vigilance intellectuelle et à l’esprit critique.

« L’âme intellective » qu’Aristote plaçait au dessus de « l’âme animale », elle-même supérieure à « l’âme végétative » : voilà désormais l’ennemi.

Mais le pédagogisme a déclaré la guerre à cette âme. Il est un obscurantisme qui travaille à humilier l’intelligence cartésienne, présumée élitiste : il est un mépris de la mathématique et de la vérité, il sape le pari fondateur de l’instruction de tous, il nie les talents et la diversité, fabrique de l’homogène ou de l’homogénéisable. Il mixe et il broie, il ne veut rien voir qui dépasse. Il est d’essence sectaire et totalitaire. Il est un ethnocentrisme du présent  comme le souligne Alain Finkielkraut : « Ce qu’on appelle glorieusement l’ouverture sur la vie n’est rien d’autre que la fermeture du présent sur lui même. »  Il utilise à ses fins la violence d’une scolastique absconse,  jargon faussement technique destiné à exercer un contrôle gestionnaire. Le novmonde scolaire exige en effet sa novlangue. Activement promue par nos managers, elle est loin d’être anodine : elle montre l’idée que ces gens se font de ce qu’est la fonction première du langage : une machine à embobiner et à prévenir le crime par la pensée claire.

L’URSS, à qui ont peut faire bien des reproches, eut au moins cette idée géniale, à un moment, de faire faire des échecs à tout le monde ! Quel plaisir pour beaucoup d’enfants, quelle passion dévorante qui vit éclore tellement de talents. De très grands joueurs vinrent des profondeurs du petit peuple russe : c’est cela aussi ce que Vilar appelait l’élitisme pour tous, utopie pour laquelle je militerai sans trêve ! Si j’avais la tâche d’apprendre les échecs à mes élèves, je ne leur ferais pas tourner des pièces en buis avec une fraise à bois dans le cadre d’un EPI (enseignement pratique interdisciplinaire) ! Je leur apprendrais, pour leur plus grand bonheur, le déplacement des pièces, les éléments de stratégie et de tactique ! je les ferais JOUER : Je ne pars pas du principe désolant, pour filer mon analogie, que ce noble jeu est réservé à une élite, aux happy few, tout simplement parce que c’est faux ! Je ne pars pas du principe également faux que ce jeu est ennuyeux !

Le plaisir de décortiquer une phrase latine est unique : c’est un plaisir de l’intelligence et de la volonté, une algèbre sémantique avec ses règles, comme les échecs. On perce à jour une phrase de latin comme Œdipe résout l’énigme du Sphinx. Tout le monde devrait pouvoir y parvenir. Construire une maquette de Rome avec le professeur d’histoire ou un habit de gladiateur avec celui d’arts plastiques… ne relève pas du même plaisir ! Je pense que ce qui ressortit au périscolaire, même astucieux, ne doit plus empiéter sur le scolaire.

Mais la logique, aujourd’hui, est attaquée et l’Instruction avec elle. Des dispositifs « interdisciplinaires » nébuleux proposant des « activités » bas de gamme et souvent franchement ridicules, viennent jeter le discrédit sur les disciplines et dévorer leurs heures. Comme si des élèves qui ne possèdent pas les fondamentaux allaient magiquement se les approprier en « autonomie » en faisant n’importe quoi. Pauvre Edgar Morin ! La complexité devient… le chaos et la transmission, le Do it yourself. Portés par une logorrhée toxique produite en circuit industriel fermé, des « concepts » tristement inspirés du management portent la fumée et même la nuit dans les consciences. La « langue » des instructions officielles donnerait un haut-le-cœur à tous les amoureux du français : on nage dans des « milieux aquatiques standardisés », on finalise des « séquences didactiques », on travaille sur des « objectifs » (de production), on valide des « compétences » (Traité de Lisbonne), on doit « socler » son cours, donner dans le « spiralaire » et le « curriculaire », prévoir des « cartographies mentales ». Voilà à quoi devrait s’épuiser l’intelligence du professeur. Voilà où son désir d’enseigner devrait trouver à s’abreuver. Cela ne fait désormais plus rire personne… En compliquant la tâche du professeur, on complique aussi celle de l’élève. On plaque une complexité didactique artificieuse et vaine sur la seule complexité qui vaille : celle de l’objet littéraire, linguistique, scientifique, qui seul devrait mobiliser les ressources de l’intelligence.

Dans les années 2000, déjà, le grand professeur Henri Mitterand, spécialiste de Zola,  appelait le quarteron d’experts médiocres qui s’appliquaient et s’appliquent encore  à la destruction de l’école républicaine, les « obsédés de l’objectif » ! Depuis, ils sont passés aux « compétences » et noyautent toujours l’Institution : rien ne les arrête dans leur folie scientologico-technocratico-égalitaro-thanatophile. Finalement ces idéologues fiévreux ne travaillent pas pour l’égalité (vœu pieu) mais pour Nike, Google, Microsoft, Coca-Cola, Amazon, Bouygues, etc. Toutes les multinationales de l’entairtainment, de la bouffe, des fringues, de la musique de masse, disent en effet merci à la fin de l’école qui instruit : ce sont autant de cerveaux vierges et disponibles pour inscrire leurs injonctions publicitaires. Bon, il est vrai que nos experts travaillent aussi pour Bercy : l’offre publique d’éducation est à la baisse, il faut bien trouver des « pédagogies », si possible anti-élitistes et ultra démocratiques, pour justifier ou occulter ce désinvestissement de l’État et faire des économies.

Après trente ans de dégâts, il serait temps de remercier les croque-morts industrieux de la technostructure de l’E.N. qui travaillent nuit et jours à faire sortir l’école du paradigme instructionniste à coup de « réformes » macabres. Des experts pleins de ressentiment, capables de dégoûter pour toujours de la littérature (bourgeoise !) et de la science (discriminante !) des générations d’élèves ! Des raboteurs de talents qui, et c’est inédit, attaquent à présent, en son essence même, l’exercice souverain de l’intelligence : les gammes de l’esprit ! Ils n’ont toujours pas compris que l’élève joue à travailler et que l’art souriant du maître consiste à exalter ce jeu.Plus que jamais aujourd’hui, nos élèves ont besoin, avec l’appui des nouvelles technologies s’il le faut, mais pas toujours, de disciplines de l’esprit qui fassent appel à toutes les facultés mentales. Ils doivent décliner, conjuguer, mémoriser, raisonner, s’abstraire. Ils doivent apprendre la rigueur, la concentration et l’effort : toutes choses qu’un cours transformé en  goûter McDo interdisciplinaire ne permet guère. Ils ont besoin d’horaires disciplinaires substantiels à effectifs réduits, de professeurs  passionnés et bien formés et non d’animateurs polyvalents : la réforme du collège prend exactement le chemin inverse.

Quant à moi, dans l’œil de tous mes élèves, je la vois, oui, l’étincelle du joueur d’échecs potentiel, du latiniste en herbe qui s’ignore, du musicien ou du grammairien, du germaniste, de l’helléniste en herbe qui veut aussi faire ses gammes pour pouvoir s’évader dans la maîtrise. Déposer dans la mémoire d’un élève de ZEP, pour toujours, le poème fascinant et exotique de l’alphabet grec. Peu me chaut qu’on ne devienne pas Mozart ou Bobby Fischer ou Champollion, c’est cette étincelle ou cette lueur qu’il me plaît de voir grandir. L’innovation en passera désormais par une ré-institution de l’école et une réaffirmation de ses valeurs. Il faut participer à la reconstruction d’une véritable culture scolaire, où l’élève apprenne à conquérir sa propre humanité. Au lieu de moraliser, il faut instruire ! Au lieu d’abandonner l’élève il faut le guider.

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Par la pratique assidue des langues, la lecture des grands textes, il faut maintenir les intelligences en état d’alerte maximum au lieu de baisser pavillon et de glisser plus avant dans l’entonnoir de la médiocrité en prêchant un catéchisme citoyen bas de gamme à usage commun. Il ne s’agissait pas pour Condorcet et les autres de fabriquer du citoyen pacifié, docile, lénifié, mais bien de porter partout la connaissance, l’esprit de doute méthodique, l’esprit scientifique, la fin des préjugés ! Dans le même mouvement, qu’on en finisse avec cette espèce de maximalisme égalitaire qu’on dirait inspiré de doux idéologues cambodgiens génocidaires. Comme l’a montré Ricœur en son livre sur l’histoire (La mémoire, l’histoire, l’oubli) une société dépense une grande violence pour ramener à chaque instant une position d’équilibre (égalité/normalité) quand il y a un déséquilibre (inégalité/anormalité). A grande échelle, cette violence peut s’avérer meurtrière et criminelle. Relisons notamment Hannah Arendt sur les questions d’éducation et sur l’analyse du totalitarisme. L’égalité ne saurait être l’égalisation, elle doit être l’égalité des chances : chacun a le droit de réussir autant qu’il le peut et autant qu’il le mérite.

Pour un pouvoir politique, quel qu’il soit, c’est prendre un grand risque d’émanciper le peuple, de le rendre autonome. L’école des « compétence » et de « l’employabilité » qu’une poignée de réformateurs nous impose est une école du brouillage et de l’enfumage des esprits, de l’asservissement du prof-exécutant et des élèves « apprenants ». En attaquant le latin, elle s’en prend de façon larvée non pas à un ornement scolaire, mais à sa substance même : la gymnastique de l’esprit.

Si, comme le pensait Valéry, la politique est l’art d’empêcher les gens de se mêler de ce qui les regarde, on comprend mieux que l’école programme désormais l’impuissance intellectuelle et l’art d’apprendre à ignorer.

Antoine Desjardins (Causeur, 6 janvier 2016)

lundi, 11 janvier 2016

Entretien avec Tom Sunic (ex-dissident croate) sur la crise du système en Europe

Entretien avec Tom Sunic (ex-dissident croate) sur la crise du système en Europe

Tomislav Sunic est écrivain, traducteur et ancien professeur en sciences politiques aux Etats-Unis. Il est né en Croatie en 1953, alors partie intégrante de la Yougoslavie communiste. Il est polyglotte et parlez notamment l’anglais, l'allemand, le français et le croate. Il est docteur de l'Université de Californie et ancien diplomate de l’État Croate. Son père, Mirko Sunić, était un avocat catholique qui a été emprisonné de 1984 à 1988 pour ses critiques contre le régime communiste yougoslave. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages dont "Contre la Démocratie et l’Égalité : la Nouvelle Droite Européenne" ou encore "Homo americanus ; rejeton de l’ère postmoderne".

La conduite du changement dans l'ingénierie sociale

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La conduite du changement dans l'ingénierie sociale
 
Ex: http://www.oragesdacier.info
 
La résistance au changement, tel est le problème principal à surmonter en ingénierie sociale. La question qui se pose toujours au praticien est "Comment provoquer le moins de résistance à mon travail de reconfiguration, comment faire en sorte que les chocs infligés ne provoquent pas une réaction de rejet ?" Donc comment faire accepter le changement, et si possible comment le faire désirer, comment faire adhérer aux chocs et au reformatage qui s'en suit ? Comment faire aimer l'instabilité, le mouvement, la précarité, le "bougisme" ? Bref, comment inoculer le syndrome de Stockholm à des populations entières ? Un prélude consiste à préparer les esprits en faisant la promotion dans l'espace public de mots-clés tels que nomadisme, dématérialisation, déterritorialisation, mobilité, flexibilité, rupture, réformes, etc. Mais ce n'est nullement suffisant. Dans tous les cas, l'attaque directe, dont la visibilité provoque un cabrage réactif contre-productif, doit être abandonnée au profit d'une tactique indirecte, dite de contournement dans le vocabulaire militaire (Sun-Tzu, Liddell Hart).
 
     En termes de management et de sociologie des organisations, cette stratégie du choc indirect est appelée "conduite du changement", ou "management dirigé". Le numéro 645 de l'hebdomadaire Charlie Hebdo rapporte ces propos de Renaud Dutreil, à l'époque ministre de la Fonction publique, tenus le 20 octobre 2004 dans le cadre d'un déjeuner-débat de la Fondation Concorde sur le thème "Comment insuffler le changement ?" : "Comme tous les hommes politiques de droite, j'étais impressionné par l'adversaire. Mais je pense que nous surestimions considérablement cette force de résistance. Ce qui compte en France, c'est la psychologie, débloquer tous ces verrous psychologiques (...). Le problème que nous avons en France, c'est que les gens sont contents des services publics. L'hôpital fonctionne bien, l'école fonctionne bien, la police fonctionne bien. Alors il faut tenir un discours, expliquer que nous sommes à deux doigts d'une crise majeure, c'est ce que fait très bien Michel Camdessus, mais sans paniquer les gens, car à ce moment-là, il se recroquevillent comme des tortues (...)" La méthode illustrée par ce propos résume à elle seule l'esprit de l'ingénierie sociale - faire changer un groupe alors qu'il n'en éprouve pas le besoin puisque, globalement, ça marche pour lui - et la méthode proprement dite : le dysfonctionnement intentionnel de ce qui marche bien mais que l'on ne contrôle pas pour le remplacer par quelque chose que l'on contrôle ; en l'occurrence, la destruction des services publics qui marchent bien mais qui échappent à la spéculation et au marché pour les remplacer par des services privatisés et sur fonds spéculatifs.
 
     Pour ne parler que de la France, ce pays est, depuis la prise de pouvoir du gouvernement Sarkozy, l'objet d'une destruction totale, méthodique et méticuleuse, tant de ses structures sociales que politiques et culturelles, destruction accompagnée d'un gros travail de fabrique du consentement de sa population à une dégradation sans précédent de ses conditions de vie afin de les aligner sur celles de la mondialisation libérale. Par le passé, une destruction d'une telle ampleur, à l'échelle d'une nation, nécessitait un coup d'Etat ou une invasion militaire. Ses responsables étaient accusés de crime de haute trahison et d'intelligence avec l'ennemi. (Ce que l'exécutif semble effectivement craindre, une révision de février 2007 du statut pénal du chef de l'Etat ayant abandonné l'expression haute trahison pour celle de manquements à ses devoirs manifestement incompatibles avec l'exercice de son mandat.) De nos jours, une conduite du changement bien menée réalise la même chose qu'un putsch ou qu'une guerre mais sans coup férir, par petites touches progressives et graduelles, en segmentant et individualisant la population impactée, de sorte que la perception d'ensemble du projet soit brouillée et que la réaction soit rendue plus difficile. Ainsi, Denis Kessler, ancien vice-président du MEDEF écrivait dans le magazine Challenges en octobre 2007 : "Le modèle social français est le pur produit du Conseil national de la Résistance. Un compromis entre gaullistes et communistes. Il est grand temps de le réformer, et le gouvernement s'y emploie. Les annonces successives des différentes réformes par le gouvernement peuvent donner une impression de patchwork, tant elles paraissent variées, d'importance inégale, et de portées diverses : statut de la fonction publique, régimes spéciaux de retraite, refonte de la Sécurité sociale, paritarisme... A y regarder de plus près, on constate qu'il y a une profonde unité à ce programme ambitieux. La liste des réformes ? C'est simple, prenez tout ce qui a été mis en place entre 1944 et 1952, sans exception. Elle est là. Il s'agit aujourd'hui de sortir de 1945, et de défaire méthodiquement le programme du Conseil national de la Résistance !"

  socialengineering1.jpg   D'autres appellations peuvent encore qualifier cette méthode : stratégie de tension, pompier pyromane, ordre à partir du chaos, destruction créatrice, "dissoudre et coaguler", ou encore la trilogie du problème-réaction-solution. Kurt Lewin et Thomas Moriarty, deux fondateurs de la psychologie sociale, ont théorisé cette méthode en trois temps dans l'articulation entre ce qu'ils ont appelé "effet de gel" et "fluidification". L'effet de gel qualifie la tendance spontanée de l'être humain à ne pas changer ses habitudes et ses structures internes de fonctionnement, à entretenir son "habitus" dirait Bourdieu, tendance qui se trouve au fondement de toute culture et de toute tradition comme ensemble d'habitudes ordonnées propres à un groupe et transmises à l'identique entre générations. La fluidification désigne l'action extérieure au groupe consistant à jeter le trouble dans sa culture et ses traditions, créer des tensions dans le but de déstructurer ses habitudes de fonctionnement et de disloquer ce groupe à plus ou moins brève échéance. Affaibli et vulnérable, ses défenses immunitaires entamées et son niveau de souveraineté abaissé, le groupe peut alors être reconstruit sur la base de nouvelles normes importées, qui implantent un type de régulation exogène permettant d'en prendre le contrôle de l'extérieur.
 
     La célèbre phrase de Jean Monnet, un des pères fondateurs de l'Union européenne, "Les hommes n'acceptent le changement que dans la nécessité et ils ne voient la nécessité que dans la crise", pourrait servir de maxime à tous les ingénieurs sociaux. Une conduite du changement bien menée consiste ainsi en trois étapes : fluidifier les structures "gelées" du groupe par l'injection de facteurs de troubles et d'éléments perturbateurs aboutissant à une crise - c'est l'étape 1 de la création du problème, la destruction intentionnelle ou "démolition contrôlée" ; cette déstabilisation provoque inévitablement une réaction de désarroi dans le groupe - c'est l'étape 2, dont la difficulté consiste à doser avec précaution les troubles provoqués, une panique totale risquant de faire échapper le système au contrôle de l'expérimentateur ; enfin, l'étape 3, on apporte une solution de re-stabilisation au groupe, solution hétéronome que le groupe accueillera avec enthousiasme pour calmer son angoisse, sans se rendre compte que, ce faisant, il s'est livré à une ingérence extérieure

Gouverner par le chaos

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dimanche, 10 janvier 2016

Les réformes scolaires actuelles favorisent-elles l’esprit critique?

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Les réformes scolaires actuelles favorisent-elles l’esprit critique?

Stevan Miljevic
Enseignant
Ex: http://www.lesobservateurs.ch

L’école qui transmet des connaissances est régulièrement présentée comme une institution remplissant des têtes de notions n'ayant que peu de sens au lieu d’apprendre aux élèves à raisonner.  J’ai déjà montré que cette idée est fausse et trompeuse car c’est sur la base des connaissances que s’élabore le raisonnement (1). Le but du présent billet est d’approfondir encore un peu plus la question afin d’exercer une lecture critique des réformes qui secouent l’école francophone ces dernières années.

Qu’est-ce que le raisonnement ?

Qu'entend-on par pensée critique ou raisonnement? Raisonner, c’est "exercer une activité mentale par laquelle on produit des arguments complets, ou par laquelle on produit ou évalue la conclusion d’un argument ou sa preuve". (2) Un argument se compose de deux types de propositions : d’une part des propositions évidentes  par elles-mêmes  ou démontrées dans un autre raisonnement appelées prémisses et d’autre part une proposition unique appelée conclusion qu’on tente de justifier, d’affirmer ou  de soutenir par le biais des prémisses. Les prémisses et la conclusion sont reliées par des liens ou connexions. Pour donner un exemple très simple, « Si le chevalier combat, alors la reine est inquiète » est un argument dans lequel « le chevalier combat » est une prémisse alors que « la reine est inquiète » en est la conclusion. La liaison s’effectue à l’aide de « Si, alors ».(3)

Sans titre

Pour pouvoir argumenter ou juger de la validité d’un argument, il faut donc être au minimum capable de comprendre ses prémisses et sa conclusion, d’en juger la pertinence ainsi que  d’établir ou d’interroger la validité des liens et connecteurs les liant entre elles.  En d’autres termes, il faut avoir des connaissances portant sur ce qui constitue les prémisses et la conclusion et être capable de faire des inférences logiques pour relier ces deux ensembles.

Notez bien que l’activité de résolution de problème suit globalement la même structure et s’inscrit elle aussi parfaitement dans cette définition du raisonnement.

Le rôle des connaissances

L’architecture cognitive humaine impose des limites strictes. L'esprit ne peut traiter que peu d’éléments simultanément. (4) La seule manière de pouvoir mobiliser de nombreuses connaissances en parallèle consiste à les avoir déjà retenues et comprises. Tout ce qui est déjà mémorisé est gratuit en terme de coût cognitif alors que les informations provenant de  l’environnement (internet, livres etc) pèsent lourdement sur les capacités de la mémoire de travail et peuvent amener à une surcharge. Le cerveau n’est alors plus apte à faire ce qu’on lui demande. Il est donc évident  que tout ce qui est du domaine du travail sur les prémisses ou la conclusion qu’implique d’argumenter est largement favorisé par la possession et la maîtrise d’une solide culture générale.  Et redisons-le une énième fois: cette acquisition est maximisée par la pédagogie explicite par opposition aux méthodes dites actives. (5)

Certains thuriféraires de la fausse modernité ripostent que notre société génère tant de connaissances que celles-ci sont très rapidement désuètes. Et de conclure sur l’inutilité de les apprendre. Coupons court à ces affabulations : les contenus scolaires sont traditionnellement des connaissances éprouvées depuis des lustres. Ce qui implique que leur durée de vie est bien plus longue que celle des savoirs générés par les dernières avancées scientifiques,  encore largement débattues et dont la pérennité n’est pas encore assurée.

Développer la capacité d’inférence ?

Reste à savoir  s’il est plus opportun d’accentuer l’acquisition de connaissances ou la capacité d’inférer. Et le cas échéant, de trouver la meilleure manière de bonifier celle-ci. Plusieurs écoles de pensées s’opposent puisque « certains théoriciens défendent l’idée que les individus effectuent des inférences logiques de façon parfaitement naturelle et spontanée car ces inférences relèvent d’une base innée, alors qu’à l’opposé d’autres soutiennent qu’elles sont le produit de l’expérience et de l’apprentissage. » (6) Il n’y a donc pas de consensus et les positions varient, partant de celles affirmant n’avoir jamais rencontré d’erreurs pouvant être attribuées sans ambiguïté à un raisonnement erroné jusqu’à celles niant à peu près toute forme d’innéité en passant par des postures mixtes et intermédiaires.

Les deux traditions majeures de la psychologie cognitive qui se sont penchées sur la question, à savoir celle des travaux sur l’expertise et celle qui analyse ce qui ressort de la lecture du journal peuvent nous éclairer. Elles arrivent à la conclusion que la caractéristique la plus universelle de la pensée critique est la possession d’un vaste background de connaissances bien maîtrisées. (7) La plupart du temps, ce n’est pas l’éventuel manque de structure logique des inférences qui est à l’origine de l'incapacité à penser de manière critique mais bien plus l'incapacité à concevoir ou à comprendre des prémisses. Cette position serait justifiée par plusieurs études empiriques sérieuses. (8)

Il semble donc que l’accent doive être mis sur les connaissances plutôt que sur le développement de stratégies spécifiques à l’élaboration d’une pensée critique si on veut maximiser les  gains éducatifs. Ce qui n’empêche bien entendu pas un travail sur les deux aspects en simultané. Tout en gardant bien  à l’esprit où doivent se situer les priorités.

Toutefois, si décision est prise de focaliser sur le développement des inférences, les expériences menées à ce jour démontrent là aussi que la meilleure manière de procéder est de transmettre  explicitement les manières de faire plutôt que de miser sur l’implicite, la découverte ou autre faribole axée projet. (9)

Le raisonnement comme inhibition des automatismes

Certains auteurs ajoutent une  dimension supplémentaire au raisonnement. Selon eux, raisonner c’est aussi être capable, dans certaines circonstances, de stopper les réflexes automatiques afin de laisser place à la réflexion logique. Pour les constructivistes, le prétexte était trop beau et permettait de critiquer les apprentissages menant à l’automatisation. Mais même en admettant cette hypothèse, les expériences empiriques réalisées à ce jour leur donne tort puisque la manière la plus efficace pour apprendre aux élèves à faire cette transition de l’automatisme à un système logique consiste à émettre des alertes exécutives verbales. (10) Dit plus simplement, il s’agit d’indiquer aux élèves concrètement le piège et comment y remédier. On est donc à mille lieux des méthodes dites actives…

A première vue, il peut sembler raisonnable qu'un automatisme empêche de raisonner. Mais c'est oublier que tout automatisme permet de diminuer la charge cognitive qui s’exerce sur l’esprit. Et permet ainsi de traiter plus de données en parallèles ! Un équilibre fin doit ainsi être trouvé. Ce d’autant plus qu’un certain nombre d’études démontrent que plus le niveau d’expertise (que l’automatisation facilite et dont elle est un des traits) dans un domaine augmente, plus la pensée se dérigidifie et permet à l’expert de basculer plus facilement consciemment de l’automatisme au raisonnement logique. (11) Dès lors, l’automatisation n'est ni plus ni moins qu'un passage nécessaire afin de permettre à un individu de mieux contrôler sa pensée.

Explication de ce pseudo paradoxe: le fait de continuer à travailler avec une connaissance déjà apprise permet de la rendre flexible : la manière dont elle est stockée en mémoire à long terme va évoluer vers quelque chose de plus profond, de plus abstrait. La multiplication des situations où ces connaissances interviennent permet de les comparer et de déplacer ainsi peu à peu  l'attention de l'élève des connaissances vers la structure profonde de la situation, la manière dont les concepts et connaissances se lient entre eux. (12)

L’esprit critique se transfère-t-il aisément d’un domaine à l’autre?

Puisque des structures profondes identiques se retrouvent dans un certain nombre de situations à priori radicalement différentes, on peut dès lors se demander s’il ne serait pas utile d’enseigner ces structures profondes directement. Malheureusement, l’esprit ne fonctionne pas de la sorte. Si les éléments composants les prémisses ne sont pas maîtrisés au point d’être des connaissances flexibles, il sera très difficile de passer directement à la structure profonde de la situation. Ce d’autant plus que la capacité de travail de la mémoire à court terme va se retrouver réduite d’autant que les divers éléments de la situation ne sont pas acquis.

Si donc on veut augmenter au maximum les capacités de transfert, on est obligé de maximiser la quantité des connaissances réellement acquises et  de multiplier autant que possible la nature des structures profondes dans lesquelles on les utilise.  Pour y arriver, la meilleure manière est de mettre l’accent sur l’acquisition des connaissances tout en réinvestissant systématiquement les anciennes connaissances dans les activités qui ont trait aux nouvelles.

Quid de l’interdisciplinarité ?

Mettre sur pied des dispositifs scolaires d’interdisciplinarité n’a pas grand sens au regard de ce qui a été dit. Certes le mérite de rendre plus flexibles les connaissances utilisées existe, mais cela ne contribue pas à créer une capacité générale à relier des connaissances de nature différente. Tout au plus cela permet-il de déplacer le cloisonnement existant entre les différentes savoirs acquis dans les diverses branches et de re-cloisonner le tout autrement. Mais surtout, le temps consacré à réaliser des projets (qui, rappelons-le, ne sont pas du tout efficaces en terme d’acquisition de nouvelles connaissances) est un temps sacrifié en terme d’augmentation du capital de savoir disponible. Et cela sans même évoquer les problèmes de coordination entre enseignants ou de savoirs  que partiellement maîtrisés par ceux-ci (puisqu'hors de leur champ disciplinaire) qui ne peuvent que tirer encore un peu plus le niveau vers le bas.

Tout au plus, si vraiment un besoin irrépressible d’interdisciplinarité se fait sentir, peut-on imaginer un dispositif où l’acquisition des connaissances dans une branche se ferait en partant des savoirs acquis dans une autre discipline (Par exemple, un enseignement d’histoire partant des connaissances géographiques, de sciences prenant appui sur les mathématiques etc. L’inverse étant tout aussi valable). Dans ce cas, on se retrouverait effectivement dans une situation impliquant le franchissement des frontières disciplinaires désiré, l’augmentation du capital-savoir et la flexibilisation des connaissances déjà acquises.

Au vu de ce qui a été dit, je vous laisse juge pour évaluer la pertinence des réformes engagées dans le monde scolaire francophone, que cela soit les plans d’étude axés sur le travail d’analyse au détriment de l’acquisition des connaissances, sur l’imposition de modalités pédagogiques peu efficaces (méthodes de l’enquête, de la découverte, du projet, de l’entrée par le complexe, du ludique etc.) ou sur les fantasmes d’interdisciplinarité.

Stevan Miljevic, le 8 janvier 2016

pour lesObservateurs.ch et contrereforme.wordpress.com

NOTES:

(1) https://contrereforme.wordpress.com/2015/12/17/les-tetes-...

(2) « Psychologies du Raisonnement » sous la direction de Sandrine Rossi et Jean-Baptiste Van der Henst, de Boeck, Paris, 2007, p.15

(3) http://www.unifr.ch/philo/modern-contemporary/lauper/docu... consulté le 3 janvier 2016

(4) https://contrereforme.wordpress.com/2015/12/17/enseigner-...

(5) Voir par exemple le classement établi par John Hattie qui relègue les pédagogies axées sur la découverte ou le jeu bien loin derrière http://visible-learning.org/hattie-ranking-influences-effect-sizes-learning-achievement/

(6) « Psychologies du Raisonnement » sous la direction de Sandrine Rossi et Jean-Baptiste Van der Henst, de Boeck, Paris, 2007, p.41

(7) D. Hirsch JR « The Schools we need  and why we don’t have them“, Anchor Books, New York, 1999, p.152

(8) Ibid p.136-1377

(9) Lisa M. Marina, Diane F. Halpern « Pedagogy for developing critical thinking in adolescents: Explicit instruction produces greatest gains » https://drive.google.com/file/d/0B9acqT9DN0pjMzdmODRhMzQt... consulté le 3 janvier 2016

(10) Olivier Houdé « Le raisonnement », Que sais-je ?, PUF, Paris, 2014, p.85

(11) Fernand Gobet, « Psychologie du talent et de l’expertise », De Boeck, Bruxelles, 2011, p.129

(12) http://www.formapex.com/daniel-willingham/1004-les-connai... Consulté le 4 janvier 2016

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Déchéance, confusion politique, clarification idéologique

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Déchéance, confusion politique, clarification idéologique

Ex: http://www.huyghe.fr

L'interminable affaire de la déchéance de nationalité provoque une confusion politique qui dissimule une paradoxale clarification idéologique.

La confusion politique s'est développée à partir d'une manœuvre présidentielle, habile au départ. Pour un Hollande commémorant et incarnant à tout va, tout ce qui évoque fermeté et unité nationale est bon à prendre. Et s'il peut d'un même mouvement se présenter comme au-dessus des partis, envoyer un signal fort à l'électorat de droite dans la perspective de 2017 et susciter la confusion chez les Républicains, obligés de voter une mesure qu'ils ont réclamée, pourquoi s'en priver ? Une occasion de rassurer neuf Français sur dix ne se refuse pas.

Puis l'affaire est partie dans tous les sens dès que la gauche morale se soit opposée à la gauche pragmatique autour du syndrome de la stigmatisation (le fameux risque de faire "deux catégories de Français").

Du coup, au lieu d'un consensus pour exclure de la Nation ceux qui combattent la République les armes à la main, la classe politique se divise en :

- partisans de ne rien changer

- partisans d'une indignité qui priverait les terroristes de leurs droits civiques (au cas où l'un d'entre eux désirerait se présenter à la présidence de la République ou s'engager dans l'armée une fois purgée sa peine) mais ce qui ne permettrait pas de les expulser

- partisans d'une déchéance applicable un binationaux nés Français, dont on peut penser qu'à la sortie de prison ils seraient renvoyés dans leur autre pays. Encore faudrait-il que celui-ci n'ait pas eu la bonne idée de les déchoir de l'autre nationalité entretemps, ou qu'il ne leur réserve pas des châtiments tellement effroyables que nous serons obligés de les garder...

- partisans d'un déchéance applicable à tous les Français à titre de peine emblématique, quitte à faire des apatrides et à jouer des trous du droit international (nous n'avons pas exactement ratifié la convention de l'ONU, etc.). Là encore, l'affaire reste hypothétique et on imagine mal ce que l'on ferait d'un apatride, ex Français, ayant purgé une longue peine. Le remettre à l'UNHCR ? Mais au moins la valeur d'anathème de la mesure serait manifeste.

- partisans de toute exigence supplémentaire conditionnant l'acception du projet gouvernemental et qui donnerait un prétexte pour ne pas le voter sans perdre la face (stratégie Sarkozy si nous avons bien compris)

- partisans de n'importe quelle autre option qui permettrait de compliquer encore le pataquès qui précède.

Ce débat ne touche que la classe politique, les médias et les élites en général, le bon peuple étant, lui, partisan de la déchéance sans chichis et méprisant les états d'âme des prescripteurs d'opinion en cette affaire comme en beaucoup d'autres.

Sur le plan idéologique, en revanche, la chose se simplifie. Elle reflète deux conceptions de la Nation et de la souveraineté.

On connaît les arguments des opposants : le soutien objectif apporté aux thèses d'extrême droite et le scandale de distinguer "deux catégories de Français" (comme si la séparation entre mono et bi nationaux ne constituait pas déjà cette différence).

Le premier reproche s'est un peu usé par répétition. Mais ici Hollande commet le péché dont fut si souvent accusé son prédécesseur : libérer la parole, prononcer les mots interdits, stimuler les mauvaises peurs....

Mais c'est surtout le second reproche qui peut faire des ravages. La proposition du gouvernement viole en effet plusieurs tabous: le droit du sol présenté comme consubstantiellement républicain (ce qui historiquement douteux), le principe d'égalité poussé à l'extrême et l'obsession de ne rien faire qui soit discriminant (ici, la peur d'envoyer un "mauvais signal" à nos compatriotes musulmans).

Pour le dire autrement, il y a trois totems menacés :

- les "valeurs" dont l'évocation rituelle est sensée servir de pierre de touche (ce qu'elles font d'autant plus facilement que personne ne se prononce ouvertement contre la liberté, l'égalité ou la fraternité).

- le refus des appartenances héritées : tout ce qui peut faire un lien entre nationalité et transmission est réputé réactionnaire par une pensée qui ne connaît que des individualités.

- le culte de l'Autre, qui semble réduire le malheur du monde par un facteur unique : le repli sur soi, le déni de la différence.

Tout cela se résume en une peur d'offenser (offense au droit naturel, offense passée faite à l'étranger ex colonisé, offense future infligée au citoyen "de seconde zone" binational et qui nourrirait son ressentiment). Comme si le dernier marqueur d'une gauche fantasmique était de présenter perpétuellement des excuses et de "respecter" toujours mieux les sensibilités de communautés. Ou comme si le combat pour l'égalité sociale se transformait en compétition de bienveillance. On peut penser ce que l'on veut de cette attitude - et le lecteur a compris que nous sommes plutôt d'une école pour qui la Nation accueille, protège et sanctionne, a des frontières, ennemis et des amis, etc. -, mais là n'est pas la question. Il y a quelque chose de pathétique dans la transformation d'une exigence historique de justice, sensée être de gauche, en une exhibition de supériorité morale, totalement coupée des préoccupations populaires. Et sans doute quelque chose d'inquiétant pour le fonctionnement de notre système politique.

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Les valeurs populistes comme résistance au narcissisme

Les valeurs populistes comme résistance au narcissisme

par Renaud Garcia

Ex: http://www.oragesdacier.info

lashnarc.jpgOn le pressent, une fois ce diagnostic établi, la solution proposée par Lasch n’a rien de bien « transgressif », en apparence du moins. Lasch propose simplement de retrouver le sens des limites. Sur ce point, il convient cependant de ne pas se méprendre. Que l’individu doive retrouver le sens des limites n’a jamais signifié pour Lasch l’impératif de rétablir par la force l’autorité qui châtie et punit aveuglément. C’est ici que des « conservateurs droitiers » tels qu’Alain Finkielkraut ou Pascal Bruckner cessent de de pouvoir se référer sans mauvaise foi à Lasch. La permissivité et la peur du conflit d’une part, l’autorité qui ne sait qu’interdire d’autre part, forment pour Lasch deux faces d’une même médaille. A moins que les normes éthiques, suggère-t-il dans Le Moi assiégé, ne s’enracinent dans une identification émotionnelle avec les autorités qui les font respecter, elles n’inspireront rien de plus qu’une obéissance servile. 
 
     En réalité, aux yeux de Lasch, un ordre humain conforme aux idéaux révolutionnaires d’égalité, de liberté et de décence ne semble possible que si les individus cultivent la modestie face à la vie, la loyauté dans leurs rapports et un esprit général de gratitude. Or, cette culture-là, Lasch pense la trouve dans le fonds de valeurs du populisme américain, dont il recompose les origines et les luttes du XIXe au XXe siècle dans Le Seul et Vrai Paradis. Alors que sous l’impulsion d’intellectuels experts en politologie tels que Dominique Reynié le « populisme » en est venu aujourd’hui à incarner une sorte de peste politique, remettant prétendument en question par son appel racoleur au peuple les fondements de la démocratie parlementaire, l’insigne mérite de l’ouvrage Le Seul et Vrai Paradis est de rendre au populisme sa vigueur critique et révolutionnaire face aux promesses du progrès capitaliste. 
 
 lashport.jpeg    Dans une enquête de grande ampleur, qui évoque notamment le radicalisme chrétien d’Orestes Brownson (1803-1876), le transcendantalisme de Ralph Waldo Emerson (1803-1882), le mouvement de résistance non violente de Martin Luther King (1929-1968), en passant par le socialisme de guilde de George Douglas Howard Cole (1889-1959), Lasch met en évidence tout un gisement de valeurs relatives à l’humanisme civique, dont les Etats-Unis et plus largement le monde anglo-saxon ont été porteurs en résistance à l’idéologie libérale du progrès. Il retrouve, par-delà les divergences entre ces œuvres, certains constances : l’habitude de la responsabilité associée à la possession de la propriété ; l’oubli volontaire de soi dans un travail astreignant ; l’idéal de la vie bonne, enracinée dans une communauté d’appartenance, face à la promesse de l’abondance matérielle ; l’idée que le bonheur réside avant tout dans la reconnaissance que les hommes ne sont pas faits pour le bonheur. Le regard historique de Lasch, en revenant vers cette tradition, n’incite pas à la nostalgie passéiste pour un temps révolu. A la nostalgie, Lasch va ainsi opposer la mémoire. La nostalgie n’est que l’autre face de l’idéologie progressiste, vers laquelle on se tourne lorsque cette dernière n’assure plus ses promesses. La mémoire quant à elle vivifie le lien entre le passé et le présent en préparant à faire face avec courage à ce qui arrive. Au terme du parcours qu’il raconte dans Le Seul et Vrai Paradis, le lecteur garde donc en mémoire le fait historique suivant : il a existé un courant radical très fortement opposé à l’aliénation capitaliste, au délabrement des conditions de travail, ainsi qu’à l’idée selon laquelle la productivité doit augmenter à la mesure des désirs potentiellement illimités de la nature humaine, mais pourtant tout aussi méfiant à l’égard de la conception marxiste du progrès historique. Volontiers raillée par la doxa marxiste pour sa défense « petite bourgeoise » de la petite propriété, tenue pour un bastion de l’indépendance et du contrôle sur le travail et les conditions de vie, la pensée populiste visait surtout l’idole commune des libéraux et des marxistes, révélant par là même l’obsolescence du clivage droite/gauche : le progrès technique et économique, ainsi que l’optimisme historique qu’il recommande. Selon Lasch qui, dans le débat entre Marx et Proudhon, opte pour les analyses du second, l’éthique populiste des petits producteurs était « anticapitaliste, mais ni socialiste, ni social-démocrate, à la fois radicale, révolutionnaire même, et profondément conservatrice ». 
 
     Après avoir exposé avec le narcissisme et le populisme deux registres de valeurs et deux visions de la société humaine, Lasch en a finalement appelé à la résurgence de la critique sociale, en posant une question fondamentale : « La démocratie mérite-t-elle de survivre ? » 
 
Renaud Garcia, « Christopher Lasch, le culte du narcissisme » in Radicalité, 20 penseurs vraiment critiques
 

samedi, 09 janvier 2016

2015 : année du drame identitaire et de l’autisme gouvernemental

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2015 : année du drame identitaire et de l’autisme gouvernemental

par Thomas Ferrier

Ex: http://thomasferrier.hautetfort.com

Les mots-clé de 2015 en France, c’est « Charlie », « Bataclan », « Front National » et « Corse ». Le mot-clé de 2015 en Europe, c’est la crise migratoire. Tous ces mots illustrent à eux seuls l’effondrement du système politique en place depuis 1945, et depuis 1990 pour ce qui concerne l’Europe centrale et orientale. A l’affrontement entre un bloc atlantiste et un bloc soviétique a suivi la domination sans partage du mondialisme né de la victoire finale du premier camp sur le second. Ce mondialisme d’essence totalitaire, reposant sur un certain nombre de mythes et de (non-)valeurs, et notamment sur le caractère positif des phénomènes migratoires contemporains, a engendré en conséquence des réactions identitaires, certaines légitimes et d’autres qui le sont moins.

Les dirigeants d’Europe occidentale l’ont tous à un moment ou à un autre reconnu. Le modèle multiculturaliste (« multikulti ») a échoué sur toute la ligne. Il ne pouvait en être autrement. Promu uniquement par une classe politique sans cervelle, ou corrompue moralement, il n’a jamais reçu l’assentiment des peuples, bien au contraire. Cette idéologie de l’hyper-classe est même totalement déconnectée du réel.

Jusqu’à présent, le système en place taisait ses méfaits ou les présentait même contre tout bon sens comme des vertus. Malgré les émeutes de 2005 en France et celles de 2010 au Royaume-Uni, et malgré les évènements tragiques de l’année 2015, il maintient ses postulats de principe. Il ne veut pas reconnaître son impact en matière de criminalité, préférant cacher le nom des coupables alors qu’il n’a pas d’état d’âme à afficher le visage des victimes. Tout l’appareil étatique et tous les media, dont la veulerie quotidienne montre qu’ils sont à sa botte, ce qui est indigne dans une prétendue démocratie, assènent les « vérités » d’une caste protégée dans ses tours d’ivoire ou du moins qui se croit protégée. Quant aux victimes de cette barbarie d’importation, qu’on ose nous présenter comme endogène, elles ne comptent pas, une fois qu’a eu lieu l’instrumentalisation de leur mort par un pouvoir en berne dans les sondages mais sans scrupule.

Il suffit de songer à la façon dont les migrations clandestines massives que l’Europe subit, et de manière démultipliée en 2015, sont traitées par le pouvoir politico-médiatique. Au lieu de se prémunir contre des flux migratoires non désirées, de mettre en place des dispositifs dissuasifs, nos gouvernants ne font rien. Ils déplorent parfois le phénomène, tout en prônant un fatalisme démoralisateur, mais préfèrent culpabiliser les Européens, leur faisant porter le poids d’une responsabilité qui n’est pas la leur. Angela Merkel (CDU) a même tenu un discours suicidaire en évoquant un devoir moral justifiant d’accueillir concrètement n’importe qui sur le sol allemand pour peu qu’il se présente comme un « réfugié ». Alors qu’une extrême minorité parmi les personnes concernées, et notamment les chrétiens de Syrie et d’Irak, pourrait concrètement être considérée comme menacée au point de devoir tout abandonner, et ce sont ceux d’ailleurs qui n’ont reçu aucune aide, les autres profitent du laxisme de nos dirigeants pour s’engouffrer dans la brêche. Leur motif est purement économique et d’ailleurs l’appel du patronat allemand en leur faveur ne doit pas tromper.

En outre, au nom de quoi il serait le devoir de l’Europe de payer le prix des égarements coupables du Moyen-Orient. Pourquoi les richissimes pétro-monarchies du Golfe Persique ont-elles le droit de les refuser, et d’ailleurs ceux-ci ne cherchent même pas à se présenter à leur porte, mais que les Européens n’auraient pas le droit en revanche de leur indiquer la leur ? Mais ce droit, on leur refuse, on nous le refuse. Nous devons subir et avec le sourire ce que nous sommes en droit et que nous devrions même être en devoir de refuser. Et pour nous contraindre à accepter cette injustice, des images extraites de la propagande turque sont exploitées pour nous culpabiliser davantage. Voilà Hollande et Merkel contraints par leur lâcheté de « négocier » en position de soumission avec le tyranneau d’Ankara pour que celui-ci veuille bien garder sur son territoire plusieurs millions de migrants. Pourtant ce n’est pas Poutine, qu’on sanctionne économiquement, qui encourage bien au contraire les fous d’Allah de l’Etat Islamique, mais bien Erdogan. Mais c’est avec ce dernier qu’on pactise à coups de milliards d’euros pourtant durement gagnés par les travailleurs européens. Et on ose même relancer le processus d’adhésion de ce pays asiatique et musulman à une construction européenne en panne.

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Les conséquences de cette folie collective qui atteint nos dirigeants ne se sont pas faits attendre. Elles se sont manifestées en premier lieu dans les urnes. Le Front National a été le premier bénéficiaire de cette crise identitaire. A tort ou à raison, il est présenté par les partis du système en place comme son adversaire principal, voire même unique, et donc comme sa seule alternative sérieuse. Avec près de 28% des voix aux élections régionales de décembre 2015, le FN a fait retentir un véritable coup de tonnerre dans un ciel calme. Au premier tour il était même en mesure sur le papier d’emporter plusieurs régions.

A coups d’amalgames fallacieux, de manipulations médiatiques attisant des peurs irrationnelles et d’un matraquage quotidien pendant une semaine, le pouvoir en place a empêché le FN de gagner la moindre région. Alors que la menace qu’il représente est fictive, et qu’il est bien loin lui-même de remettre en cause tous les paradigmes qui ont amené la France et l’Europe à la situation actuelle que nous connaissons, et notamment ces principes universalistes qu’on ose mensongèrement présenter comme « républicains », nous avons eu droit à « Hitler ad portas ». Si le programme du FN sur l’Europe est mauvais et repose sur une mythologie souverainiste, ce n’est pas sur ça que la critique a porté. Le FN a été présenté comme le « parti de la remigration », ce qu’il n’est plus depuis les années 1990, à supposer qu’il l’ait jamais été, et c’est aussi l’une des raisons de son succès. On lui prête donc un crypto-programme qui n’est pas le sien mais qui correspond  en revanche à celui de ses partisans.

Les évènements récents de Corse illustrent également ce décalage entre la théorie multiculturaliste et la réalité identitaire. Alors que les régionalistes corses ont connu un beau succès électoral, des citoyens de Corse ont décidé de mettre fin à la zone de non-droit d’Ajaccio, suite à l’agression dont des pompiers furent victimes par des bandes organisées « issues de la diversité ». Ce sont bien sûr eux qui sont mis en accusation par les pouvoirs publics, alors que les coupables de la lâche attaque initiale courent toujours. Et les figures régionalistes corses font profil bas, admettant les poncifs universalistes d’un régime qu’ils prétendent combattre. Difficile en effet d’émanciper la Corse de la tutelle « jacobine » en reprenant tous les dogmes de cette dernière. Encore une fois, les « élites » politiques donnent tort au peuple dont ils président aux destinées alors que c’est lui qui, en démocratie, est normalement le seul souverain.

Elites mondialisées contre peuples identitaires. Voilà la vraie opposition en Europe. Et à un moment donné, le peuple finit toujours par se faire entendre et à se doter des chefs que le système en place lui refuse. Si les réactions identitaires actuelles sont légitimes mais débouchent sur des impasses politiques, électorales ou non d’ailleurs, cela ne durera qu’un temps.

Les leçons tragiques de 2015 n’ont pas été retenues ni même apprises par les dirigeants de la France et de l’Union Européenne. En conséquence elles sont amenées à se répéter en s’aggravant et ce seront là encore les Européens qui en seront les premières victimes. Mais nous ne pouvons pas attendre de salut de la part de ceux-là même qui nous ont mis dans cette situation. Les maux du système en place disparaîtront avec ceux qui l’ont installé.

Thomas FERRIER (PSUNE/LBTF)