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mercredi, 07 mai 2008

Georges Sorel: socialisme et violence

Georges Sorel : Socialisme et violence

Source : Ange Sampieru, revue Orientations n°11 (juil. 1989).

Pour la plupart de nos contemporains, l'évocation de Georges Sorel revient le plus souvent à l'analyse du théoricien de la violence. Son ouvrage le plus célèbre, Réflexions sur la violence (1908), constitue une contribution irremplaçable au mythe révolutionnaire. On sait l'importance que constitue pour ce penseur exceptionnel le concept de "mythe". Le mythe révolutionnaire sorélien est inspiré d'une vision polémologique des rapports sociaux. La violence informe l'action révolutionnaire et l'investit d'une conception réaliste de l'histoire. Comme moyen d'agir sur le présent, le mythe prolétarien est un outil au service de la révolution anti-bourgeoise. C'est aussi un outil conceptuel qui doit d'abord s'opposer à la fois à l'utopie socialiste et au conservatisme libéral. Ce discours très original, activiste par excellence, donne une place privilégiée à l'œuvre de Sorel dans notre conception du socialisme.

Avant d'aborder l'analyse proprement dite du mythe de la violence comme idée-force chez Sorel, il est utile de présenter l'homme et son œuvre. C'est à partir de cette connaissance de l'environnement idéologique que nous pourrons, dans une 2nde partie, présenter les caractères de cette "violence" en tant que mythe et des conséquences qui en découlent sur notre propre position.

*** I. Sorel : l'homme et l'œuvre ***

Georges Sorel (1847-1922) commence sa carrière en 1889. C'est l'époque des 1ères traductions françaises des œuvres de Marx. Déjà, on peur trouver en librairie Le Capital et Socialisme utopique et socialisme scientifique ; il faudra en effet attendre 1895 pour que paraisse le fameux Manifeste du parti communiste. En France, il est un fait que le marxisme constitue en 1889 un mouvement idéologique, beaucoup plus qu'un parti révolutionnaire. Et c'est en 1893 que Sorel se convertit au marxisme. Ce rapprochement de Sorel marquera toute son œuvre. Il n'impliquera aucun attachement aveugle aux valeurs marxistes. Le personnage est trop indépendant pour inscrire ses réflexions dans un système total. Mais au fait, qui est Sorel ? Le personnage a été l’objet de nombreuses analyses aussi brillantes que contradictoires. Pour les uns, Sorel est un penseur attaché à l'école rationaliste. Pour d'autres encore, il serait un chantre remarquable de l'irrationnel. Dans ses opinions politiques, il apparaît à certains comme un conservateur révolutionnaire (une espèce rare à son époque) ; pour d'autres, il est un néo-marxiste. Et les ouvrages abondent qui veulent prouver définitivement le bien-fondé de l'une ou l'autre opinion. Pour notre part, nous ne rentrerons pas dans ce débat.

Nous suivrons une analyse chronologique, découpée en phases successives, mais où chaque strate soutient pour une part la pensée suivante. Il est indéniable que Sorel, par ex., a été séduit à un moment de son évolution par la nouveauté radicale des textes marxistes. Comment un intellectuel de son époque, ouvert aux idées neuves, en rapport épistolaire avec de nombreux intellectuels européens de toutes tendances (citons pour mémoire Roberto Michels, Benedetto Croce) n'aurait-il pas été attiré par un discours révolutionnaire proposant une lecture "scientifique" de l'histoire et de la misère. Mais il ne faut pas pour autant croire au "marxisme", orthodoxe ou non, de Sorel. De la même façon, nous ne croyons pas au soi-disant "fascisme" de Sorel, qu'il est difficile de rattacher à l'idée contemporaine (historique) que l'on s'en fait aujourd'hui où 66 années se sont écoulées depuis la prise du pouvoir par Mussolini. L'œuvre de Sorel est beaucoup plus complexe.

Selon Paolo Pastori (Rivoluzione e continuita in Proudhon e Sorel, Giuffre, Roma, 1980, 244 p.), l'œuvre de Sorel constitue "une alternative au conservatisme réactionnaire et au progressisme révolutionnaire". Ce dernier ajoute que la pensée sorélienne est un dépassement des oppositions traditionnelles de la pensée moderne entre, d'une part, les théories du droit naturel et, d'autre part, les théories subjectives du droit, du rationalisme absolu et du volontarisme. La finalité politique de l'idéologie est une révolution "pluraliste", qui restaure une société ouverte, seule à même de contrer la menace par l'entropie sociale du capitalisme. La modernité n’est pas niée, elle est intégrée dans un ensemble communautaire organique. Plus proche de Proudhon que de Marx, Sorel adhère aux fondements idéologiques du penseur socialiste français. C’est-à-dire :

  1. Une conception plurielle de la raison. Le marxisme est un rationalisme moniste et absolu qui, comme le capitalisme, inscrit un projet social desséchant.
  2. Une vision pluridimensionnelle de l'homme. Le marxisme est un réductionnisme dangereux pour l'homme (à cause de son déterminisme économique) et la société (mécanique de la lutte des classes). La prise en compte d'une dialectique sociale qui refuse le dualisme classe ouvrière/entrepreneurs capitalistes et reconnaît un jeu plus riche de rapports sociaux.
  3. Un projet de synthèse sociale, où le sens de l'équilibre (en devenir) des classes sociales souligne la dialectique autorité/liberté, individu/communauté, passé/présent.

Sorel et Proudhon : un rapport de continuité

Il y a sans aucun doute chez Sorel et Proudhon un rapport de continuité. Sorel est un élève de Proudhon, qui actualise sa réflexion, au cours des différentes phases de ses recherches. Pour Pastori, Sorel est d'abord : un conservateur libéral (1889-1892), puis un marxiste de "stricte obédience" (1893-1896) ; cette 2nde phase débouche sur une période de révision du marxisme déterministe et scientiste, pour aboutir en 1905-1908 à un retour à la pensée de Marx, qui sera définitivement abandonné en 1910-1911. Cette dernière phase constitue pour Sorel un point de retour à la pensée de Proudhon. Nous apprendrons donc à mieux connaître Sorel si nous voulons bien nous atteler à la tâche d'une étude sérieuse de l'auteur de La Guerre et la paix et de La capacité politique des classes ouvrières...

Proudhon est un penseur révolutionnaire dans ce XIXe siècle de la raison bourgeoise. Attaché à l'idée, il ne peut être considéré comme un "rationaliste" au sens commun du terme. Proudhon distingue plusieurs catégories du concept de raison : la raison humaine, la raison naturelle, la raison pratique, d'une part et, d'autre part, la raison publique et la raison particulière. La raison humaine est la faculté supérieure de concevoir "l'idéal qui est l'expression du libre pouvoir créateur des groupes historiques et des personnes". Face à la raison raisonnante de la pensée bourgeoise et du marxisme à prétention scientifique, Proudhon revendique avec force l'espace de liberté de la pensée historique des groupes sociaux, et même de l’homme conçu comme un être de culture non-conditionné par des déterminisnes absolus.

Cette 1ère raison est limitée à son tour par la raison dite, dans le langage proudhonien, "raison naturelle" ou "raison des choses". Elle est nécessité objective, qui retient dans certaines limites indépassables, les aspirations démiurgiques de l’homme. La raison pratique est la synthèse finale des 2 précédentes. C'est à travers elle que l'on peut appréhender la confrontation de 2 raisons, celle de l'homme libre non-déterminé par un mécanisme de la matière, et celle du réel qui est la frontière des pouvoirs créatifs humains. Proudhon s'inspire d'une conception pragmatique. La 2nde catégorie se décompose en raison publique ou générale, et raison particulière, reproduction de "l’instance de l'universalité" (la nécessité) et celle de la particularité (la liberté). La non-coïncidence des raisons évoquées implique une critique radicale des systèmes de pensée "absolutistes" en termes contemporains, des pensées totalitaires (marxisme, jacobinisme et rousseauisme démocratique). Proudhon, militant anti-totalitaire, privilégie la raison particulière. Ce "rationalisme pluraliste" informe alors la conception socio-politique de Proudhon.

La dialectique sérielle de Proudhon

La théorie des séries est un élément nécessaire pour comprendre sa pensée. Proudhon distingue dans tout processus 2 moments séparés : le 1er moment est la division-individuation (constitution de séries simples), le 2nd, celui de la recomposition de l'unité-totalité (constitution de séries composées). Proudhon affirme aussi l'indépendance des ordres de séries et l'impossibilité d'une science universelle (De la création de l'ordre dans l'humanité). Paolo Pastori parle de la "dialectique sérielle" de Proudhon, qu'il oppose à la dialectique hégélienne, et rapproche de la dialectique crocienne des instincts. Cette dialectique sérielle confirme Proudhon dans son refus de toute analyse réductionniste. L'existence sociale ne se ramène pas a un référent unique, universel et déterminant. La sociologie proudhonienne, que Sorel reprendra à son compte, est une "sociologie de la composition" (division du travail et organisation, reconnaissance des économies rurales et industrielles, fonctions centrales et décentralisation).

Cet aspect de la pensée Proudhon/Sorel est opposé aux tendances à l'unidimensionnalité de la société capitaliste. L'économie libérale qui est sa forme historique, confond ensuite liberté et libre concurrence, créant "une nouvelle féodalité anti-organique et anti-politique". Proudhon n'est pas ennemi de l'initiative individuelle. Il soumet celle-ci à sa théorie des séries. À savoir : le moment subjectif de l'initiative individuelle, et celui, objectif, de la soumission aux fins collectives du peuple.

L'apologie concomitante du monde rural constitue, chez les socialistes français, une véritable critique de "la réduction économiste de la réalité humaine" (Idée générale de la Révolution). Mais cette apologie ne doit pas être confondue avec un quelconque attachement réactionnaire au monde paysan. L'idéologie socialiste de Proudhon défend la production agricole sans lui coller des valeurs de droite, telles que le fit l'État français entre 1940 et 1944. La terre et l'industrie sont 2 facteurs de travail et de production reliées par un système englobant de fédérations. Et la révolution est "le refus de la réduction d'un ordre social pluridimensionnel à la seule finalité économique" (P. Pastori, op. cit.).

La révolution n'est pas un simple mouvement de destruction et de contestation d'une classe (la Révolution française est le mouvement de la bourgeoisie trop à l'étroit dans une société traditionnelle où les valeurs dominantes sont celles de l'aristocratie - valeurs sociales - et de l'État monarchique - valeurs du politique). Contre cette idée dévoyée de la révolution, les socialistes français (Proudhon et Sorel) ont une conception révolutionnaire de l'équilibre. La synthèse par le haut (le dépassement) de valeurs en apparence seulement contradictoires : individualité et communauté, propriété privée et intérêt public.

En ce qui concerne, par ex., la propriété, le socialisme s'oppose à la fois à son élimination radicale (communisme) et à son maintien en l'état. La bourgeoisie nie la signification sociale de la propriété. La propriété socialiste la reconnaît. D'où, chez ces penseurs, une valorisation constante de la JUSTICE, valeur pivot de la nouvelle société envisagée. Et, chez Proudhon, puis Sorel, le développement d'un discours fédéraliste, antiéconomique et anti-bourgeois (les socialistes parlementaires sont compris dans cette dernière catégorie).

Séduisante discipline marxiste et rigorisme déterministe

On doit remarquer que Sorel reste dans une position critique vis-à-vis de l'œuvre de Proudhon, qu'il accuse de tendances à un "esprit de système". "L'ontologisation" de la Justice est le fondement philosophique de l'apologie de l'équilibre. Au-delà de cette critique, Sorel reste néanmoins un élève fidèle du proudhonisme. Il rejoint Proudhon dans sa réflexion sur la liberté, qui est le nœud gordien de l'éthique socialiste. Il y a chez Sorel un attachement souvent proche de l'inconscience aux valeurs "libertaires" du "socialisme utopique". Cette méfiance et cette inconscience expliquent, pour une part, l'adhésion au socialisme "déterministe" de Sorel. Face à l'individualisme bourgeois, Sorel se tourne vers un socialisme radical, un socialisme de combat. Le marxisme représente alors chez Sorel un germe d'ordre face au chaos créé par le capitalisme de la bourgeoisie. Le monde de la production sous-tend alors cette révolution culturelle réclamée par Sorel. Sorel est partisan d'une raison pratico-politique, doublée d'une conception historiciste.

À partir de 1896, Sorel suit une évolution qui l'éloigne de cette raison déterministe. Sa critique philosophique du positivisme s'étend à un discours politique où la "raison absolue" tient le rôle souverain. Il y a, écrit P. Pastori, "une rupture radicale avec le rigide schéma matérialiste du marxisme orthodoxe". Et, en 1898, Sorel revient plus sérieusement vers Proudhon : il écrit alors L'avenir socialiste des syndicats. La révolution qui instaure la dictature du prolétariat est rejetée par Sorel. Il accuse ce projet de masquer la dictature des intellectuels. Derrière la conception finaliste et proprement "apocalyptique" de la révolution prolétarienne, entendue au sens marxiste, on reconnaît sans peine une tyrannie économico-intellectuelle, une idéocratie despotique. Et Sorel propose au prolétariat un 1er acte révolutionnaire : rejeter définitivement la dictature des intellectuels, qui reproduit la discipline externe du capitalisme. À la place, il faut instaurer une discipline interne, que Sorel qualifiera de "morale". Enfin, en 1903, Sorel, selon l'opinion de Pastori, rejoint une fois pour toutes Proudhon, quittant les terrains dangereux du marxisme orthodoxe. Il écrit alors son Introduction à l'économie moderne.

Sur 2 points surtout, Sorel est proudhonien : il faut conserver la propriété privée, qui est une garantie sérieuse de la liberté des citoyens. Cette propriété sociale est réelle face à la forme bourgeoise de "propriété abstraite" où le propriétaire du moyen de production n'est pas le producteur. 2nd point : restaurer l'idéal qui animait l'antiquité romaine d'une "compénétration harmonieuse des intérêts individuels, familiaux et sociaux". Sorel propose aussi un ordre juridique bien loin de tout "rationalisme politique". Il réclame l'apparition de nouvelles "autorités sociales". Enfin, il donne à l’État un rôle de médiateur et une fonction d'initiative.

Le mythe : outil spirituel de mobilisation

Sorel développe d'autre part une théorie des mythes sociaux. Le mythe est la synthèse nécessaire entre la raison et "ce qui n'est pas rationnel". Le mythe est une traduction symbolique du réel, qui autorise et favorise une mobilisation totale des masses. En ce sens, le mythe est le contraire du rationalisme intellectuel, par ex. celui des marxistes. Sans contester cette "raison des choses" dont parlait Proudhon et les "pesanteurs objectives" qui en découlent, Sorel retient le mythe comme outil spirituel de mobilisation. L'ordre social et ses dépendances idéologiques (comme le droit) sont fondés sur une conception commune du monde, une vision du social et du politique qui ne se réduisent pas à un pur discours rationnel. L'ordre est le résultat conjoint de cet ensemble d'images (le mythe) et d'une volonté populaire (la mobilisation).

Cette position sera à nouveau l'objet d'une révision provoquée par la "révolution dreyfusienne" de 1905-1908. Pour Pastori, il y a un retour à une conception "dichotomique" : Sorel est partagé entre la relation continue raison/irrationnel et la rupture révolutionnaire comme explosion totale et irrationnelle. On trouve ce partage dans ses écrits réunis sous le titre de Réflexions sur la violence. Sorel distingue la grève générale syndicaliste (création d'un nouvel ordre) et la grève générale politique (nous préférons dire : politico-partitocratique), c-à-d. exploitée et dirigée par les politicards sociaux-parlementaires. La révolution est un élan créateur, que la grève informe et qui consiste en une critique totale de l'ordre existant. La figure du héros révolutionnaire se dégage : le syndicaliste est le guerrier vertueux de cette révolution, mû par des valeurs de sacrifice, du désir de surpassement. Sorel analyse certaines institutions traditionnelles comme exemplaires d'une structure révolutionnaire : ainsi l'Église catholique, à la fois acteur séculier et dont les membres sont voués à un absolu. Idéalisme transcendant et action directe et permanente sur l'histoire sont les 2 qualités d'un parti de la révolution. En 1910, Sorel écrit de l’Église qu'elle est une élite.

C'est aussi l'époque où Sorel réfléchit sur les questions du droit romain et des institutions historiques qui composèrent l'ordre social antique. À savoir et principalement le patriarcat. Il distingue 3 sources de l'esprit juridique : la guerre, la famille, la propriété. La guerre est une des dimensions de la dialectique des relations sociales. Et la révolution doit utiliser à son profit cette pluralité des relations sociales, non point au nom d'un finalisme catastrophique (révolution finale du marxisme orthodoxe), mais pour le rétablissement de cette "justice supplétive", fondement de l'ordre juridique. Sorel exclut de tout compromis le domaine des relations avec la partie de la bourgeoisie qui "réduit tout à l’utile économique". D'où une certaine fascination pour la révolution bolchévique, qui n'est pas le résidu d'un quelconque attachement idéologique au marxisme, mais une reconnaissance de la révolution totale en actes. Peut-être est-ce aussi un désir de bien démarquer sa pensée de ce social-réformisme qu'il exécrait par dessus tout (Sorel parle du "socialisme hyper-juridique de nos docteurs en haute politique réformiste", in Introduction à l'économie moderne, cité par Marc Rives : À propos de Sorel et Proudhon in Cahiers G. Sorel n°1, 1983).

*** II. Socialisme et violence ***

Sorel est un grand penseur non pas tant pour ses œuvres que par l'originalité de ses réflexions et la "marginalité" de ses positions. Qui fut Sorel ? Un traditionaliste, un marxiste, un dreyfusard, un champion du syndicalisme révolutionnaire, un nationalisme volontariste ou un léniniste de cœur et d'esprit ? Certains hommes sont rétifs à toute classification. Les étiquettes ne parviennent pas à les maintenir dans une case et les maîtres en rangement ont des difficultés insurmontables à "normaliser" ce type d'hommes. Certains chercheurs se sont pourtant essayés à mieux cerner Sorel. Citons pour mémoire : Georges Sorel, Der revolutionäre Konservatismus de Michael Freund (Klostermann, 1972) ; Notre maître G. Sorel de Pierre Andreu (1982) ; enfin : Georges Sorel : het einde van een mythe, J. de Kadt (1938).

Pour Claude Polin, la question est claire : un homme qui fut tout à tour un admirateur de Marx, Péguy, Lénine et Le Play, Proudhon, Nietzsche, Renan, James, Maurras et Bergson, Hegel et Mussolini, etc. fut-il "brouillon" ? Sa réponse est tout aussi directe : il s'agit là d'un chaos apparent qui cache une logique hors des sentiers battus par la pensée universitaire. Sorel est l'homme des intuitions. Il est en même temps celui du refus total des systèmes de pensée, que beaucoup de ses contemporains voulaient imposer comme "horizons indépassables de leur temps" (exemples du comtisme et du marxisme). Cette liberté de pensée, ce désir de ne pas enfermer sa réflexion sur le monde et la société dans un cadre idéologique figé et mécanique, Sorel l’a exprimé dans un de ces ouvrages les plus forts : Réflexions sur la violence (1906).

Dans son ouvrage sur la "droite révolutionnaire", suivi de Ni droite, ni gauche, l'historien Z. Sternhell intitule un de ses chapitres : "La révolution des moralistes". Sorel est donné dans ce chapitre comme l'un des représentants les plus remarquables de ce courant "moraliste". Face au révisionnisme libéral de Bernstein et de Jaurès, attachés aux valeurs libérales traditionnelles (à propos de ces valeurs, Lafargue parlait de "grues métaphysiques", cité par Sternhell p.81), les "moralistes" sont les hommes du refus de tout compromis déshonorant : compromis avec les valeurs de la société bourgeoise, compromis avec le matérialisme sous toutes ses formes, c-à-d. : marxiste, bourgeois (on retrouve ce même sentiment dans d'autres groupements européens de notre époqu e: Congrès de Hoppenheim (1928), Congrès du Parti Ouvrier Belge (manifeste du 3 juillet 1940), où De Man évoque une révolution spirituelle et éthique devant les congressistes). Ce "socialisme éthique", on le retrouve à l'origine de ce mythe de la violence.

Violence, prolétariat et grève générale

Il est tout d'abord utile de ne pas confondre la "violence" sorélienne avec les formes physiques d'agressivité que nos sociétés modernes nous exposent. La notion de violence chez Sorel se conjugue avec 2 autres notions toutes aussi essentielles : celle de "prolétariat" (le monopoleur de cette violence) et celle de "grève générale", qui est l'arme de la révolution. Il y a en effet une liaison intime entre la grève générale et l'exercice de la violence. La grève générale est l'expression privilégiée et unique dans l'histoire contemporaine de la violence du prolétariat. C'est, écrit Sorel, un "acte de guerre", semblable à celui d'une armée en campagne. La grève générale est un acte de guerre, ce qui implique qu'elle en possède les mêmes caractéristiques. Notamment qu'elle se produit sans haine et sans esprit de vengeance. Sorel écrit : "En guerre, on ne tue pas les vaincus".

L'emploi effectif et actualisé de la violence physique n'est pas consubstantiel à la violence de la grève générale. Cette violence est une sorte de "démonstration militaire" de la force prolétarienne. La mort d'autrui n'est qu'un accident de la violence, ce n'est pas son essence. Sorel oppose la violence militaire bourgeoise et la violence guerrière prolétarienne limitée (les travaux des historiens démographes démontrent tout au contraire le caractère beaucoup plus sacrificateur et sanglant des guerres non-conventionnelles, dites "guerres atomiques", par rapport aux guerres traditionnelles). La violence de Sorel est donc une attitude, une attitude de détermination face à l'adversaire. La violence est une idée qui favorise la mobilisation et l'action qui en découle. Sorel écrit aussi : "Nous avons à agir".

Cette optique explique aussi le mépris sorélien de la classe des intellectuels, incapables de toute action offensive, ignorant du terrain des luttes. A contrario, on peut remarquer que ces mêmes intellectuels, qui refusent le contact de la réalité avec le réel, sont des dirigeants sanguinaires. Leur "violence" d'intellectuels au pouvoir (Sorel pense peut-être à la révolution de 1791 et à la répression de 1870) est erratique, cruelle, terroriste. La violence qu'ils exercent est pathologique. Elle traduit leur impuissance à réunir les masses autour de leurs valeurs. La violence sorélienne est tout à l'opposé de cette violence - on pense à la violence des jacobins de 1791, à la violence léniniste de la NEP contre les paysans d'Ukraine, etc. - parce qu'elle a pleine conscience de sa dignité, de sa générosité. Sorel se réfère à une violence guerrière qui, comme chez Clausewitz, est la marque d'une volonté. La violence est une manifestation de détermination, de fermeté dans ses objectifs et son idéal.

Cette idée de "violence créatrice" débouche sur un mythe historique chez Sorel : la grève générale. La violence volontariste est une idée qui doit se poser comme acte historique. L'idée anime une volonté et le mythe médiatise le rapport entre le réel (la grève générale) et l'idée. Le mythe, écrit Sorel, est la réalisation d'espoirs en actions, non pas au service d'une doctrine, parce que les doctrines et les systèmes sont des spéculations intellectuelles hors du champ de faction et de l'intérêt des prolétaires. La violence est la doctrine en actes, elle est volonté pure et non représentation pensée. L'idée de la grève générale est "une organisation d'images", un instinct collectif et un sentiment général qui manifeste la guerre du socialisme moderne contre la société bourgeoise. Et Sorel revient à cette notion d'intuition, qui n'est pas réductible à un classement clair, précis, bref mécanique, d'idées alignées et normalisées. La violence est, chez Sorel, proche de l'idée bergsonienne. Polin écrit : "Dans la violence, le mythe devient ce qu'il est". La notion de confusion entre le devenir et l'intuition joue le même rôle chez nos 2 auteurs.

Le syndicalisme révolutionnaire s'oppose au social-réformisme

La violence est enfin la matrice d'un socialisme prolétarien. Le socialisme de Sorel né de cette violence n'est pas un social-réformisme. Sorel fait confiance au syndicalisme révolutionnaire pour bâtir ce socialisme. Le syndicat est ce faisceau des forces vives du prolétariat. Le socialisme de Sorel refuse le socialisme du rêve ou de l'éloquence parlementaire, celui des partis et des intellectuels qui les mènent à des songeries creuses. Citons encore Sorel : "Le syndicat : tout l'avenir du socialisme réside dans le développement autonome des syndicats ouvriers" (Matériaux pour une théorie du prolétariat). Et Polin note avec justesse que le syndicat est dans l'idée sorélienne le "Cogito du prolétariat".

Sorel considère le syndicat comme la cheville de la révolution. Les groupements naturels du prolétariat sont les syndicats. Ils sont le creuset de sa volonté manifestée de libération. Le syndicat, qui exclut les intellectuels et les parlementaires, est une communauté de combat authentique. Sorel dit d'ailleurs aux marxistes que le vrai marxiste est celui qui comprend que le marxisme est inutile aux masses ouvrières. Le syndicat agit par lui-même, pour ceux qui sont ses membres. Il ne suit pas les programmes des partis et des professionnels de la pensée. Ces derniers, que Sorel appelle "les docteurs de la petite science", eurent à l'égard de ce jugement une réaction corporatiste dont Sorel se moqua. Sorel renvoie dos à dos les intellectuels des partis bourgeois et les intellectuels qui se prétendent prolétaires. Il dénonce leur nature proprement parasitaire. L'utopie de leurs discours est réactionnaire. L'intellectuel bloque le mouvement révolutionnaire et aliène la pensée des travailleurs. La révolution est pensée en actes. La révolution des intellectuels est pure image.

Mais il ne faut pas pour autant confondre "action violente" et "action pour action". Sorel, précise Polin, n'est pas un penseur nihiliste. L'agitation n'est pas la révolution. La violence ne se limite pas à une série de secousses. La violence engendre des actions que Sorel nomme "actions épiques". L'épopée révolutionnaire n'est pas négativiste, elle est une néguentropie sociale. La violence est la forme la plus haute de l'action, parce qu'elle a pour finalité de CRÉER. En ce sens, elle est responsabilisation des acteurs, noblesse des combattants, dépassement de soi-même. Elle éveille "le sentiment du sublime", et "fait apparaître au premier rang l'orgueil de l'homme libre" (Réflexions…). On peut rapprocher cet aspect créateur, proprement faustien de la violence, des valeurs nouvelles du "philosophe au marteau" de Sils-Maria.

La violence est un moyen de créer, elle n'est pas une fin en soi. Cette créativité l'investit d'une valeur sans pareil. Et elle est au service du socialisme puisque celui-ci veut, selon le mot fameux de Marx, transformer le monde et non plus seulement le comprendre. Le socialisme est une idée neuve pense Sorel. Il a cette jeunesse qui refuse les programmes et les idées claires et distinctes. Enserré dans un discours, il perd toute vitalité. Il devient vieux, identique à ses adversaires. Le socialisme est une idée en actes, c'est un produit spontané. Il est évident que ce socialisme-là n'a que peu de rapport avec les partis sociaux-démocrates actuellement existants dans les "démocraties occidentales". Le seul commun dénominateur est ce nom de "socialisme". Quant au reste...

Un socialisme étranger au monde des sophistes, des économistes et des calculateurs

Nous avons rappelé l'hypothèse de Sternhell selon laquelle Sorel est un penseur de la "Révolution moraliste". Polin le rappelle, Sorel est un "pessimiste par tempérament". Ainsi pour lui, le progrès traduit avant tout une notion bourgeoise. Il est contre Hegel et pense que "la nature humaine cherche toujours à s'échapper vers la décadence". L'homme est soumis à la loi éternelle du combat. Il doit éviter les obstacles que lui oppose la nature et sa nature elle-même (veulerie, lâcheté, médiocrité, etc.). Le grand danger de l'entropie guette l'homme. Sorel écrit : "Il est vraisemblable que les collectivités soient attirées vers un magma assez compliqué et dont la base serait le désordre". La violence révèle alors cette énergie créatrice qui combat l'entropie.

Sorel est un philosophe de l'énergie. L'homme, pense Sorel, se satisfait d'un sentiment de lutte. Dans cette optique, l'effort est plus que positif, recherché comme une fin en soi. La violence donne à l'homme une énergie salvatrice qui le retient d'être médiocre (Polin compare l'énergie sorélienne exprimée par la violence au thumos stoïcien). L'homme, par la violence émergée de son individualité créatrice, rejoint ultimement la morale. La violence est la forme permanente de la morale. La morale est donc une lutte contre l'entropie appauvrissante. On peut encore se référer à Nietzsche. La nouvelle table de morale du philosophe allemand est proche des valeurs de lutte et de dépassement que Sorel réclame des ouvriers.

Morale égale chez Sorel à sacrifice de soi, abnégation, héroïsme, désintéressement, effort. L'ouvrier est le guerrier romain, le conquérant du XXe siècle ; il doit posséder les qualités morales qui l'ennoblissent et lui assurent sa supériorité face à la bourgeoisie. Sorel parle avec sympathie de cette race d'hommes "qui considère la vie comme une lutte et non comme un plaisir". Ses maîtres-mots sont : énergie personnelle, énergie créatrice, énergie agissante. Ce type d'homme est élève du guerrier grec. Il refuse le monde des intellectuels qui l'affaiblit. Comme E. Burke, il est étranger au monde des sophistes, des économistes et des calculateurs. Et Sorel va plus loin quand il écrit : "Le sublime est mort dans la bourgeoisie" et ce sublime est l'apanage de la violence dans l'histoire. C'est la source de la morale révolutionnaire. Le syndicat renoue avec un monde de la morale, donc du sublime et de l'héroïsme. C'est un lieu, une école de moralisation collective. Le syndicat est autonome et sa morale est une conception du monde totale.

Mais Sorel est un apôtre de la violence parce qu'il croit dans la figure nouvelle du Travailleur. Sorel identifie pour nous le travail. Il récuse la dichotomie guerre/travail d'Auguste Comte. Le travail est une œuvre créatrice qui ne se plie pas au fond aux calculs sordides des capitalistes. Le travail est désintéressé. Comme la violence. La grève générale est aussi un acte libre de toute recherche de profits matériels. De même, Polin ressent la notion du travail comme une lutte à part entière. Le travail est, dans l'intuition de Sorel, un acte prométhéen. Le travail n'est pas seulement action de transformation sur les choses, il rétro-agit sur soi-même et la collectivité tout entière. La violence ennoblit la conscience du travail ; en d'autres termes, elle donne forme à l'œuvre de création et de transformation.

Le travail, qui n'est pas un simple "facteur de production" comme le prétendent les penseurs (?) et les économistes de l'école libérale, ni une source de profit pour le travailleur et de plus-values pour les entrepreneurs comme le croient les marxistes stricto sensu, est une forme sublimée de création. Il est bien évident que la violence sorélienne est une qualité qui est propre au monde des producteurs ; la réduction de la violence à une domination de l'homme par l'homme est le contraire de cette violence prolétarienne de Sorel. Sorel ajoute même qu'au cœur du travail lui-même, on trouve la violence comme moteur intime. Les notions sont ainsi reliées entre elles : Travail, Violence, Morale. Et le socialisme est ensuite le résultat de cette "vertu qui naît" (Réflexions...). Le travail est une lutte, où le producteur est soulevé par une violence absolue, et dont découle l’acte créateur historiquement.

La violence, antidote aux bassesses d'âme

Pour Sorel, il est évident que cette émergence du socialisme de la violence se fera au détriment du vieux monde bourgeois. Si la violence est une notion positive parce que créatrice, il faut qu'elle s'attende à des oppositions farouches. Sorel se propose de délimiter le territoire du conflit et de situer l'ennemi en face. La civilisation, c'est l'ennemi n°1 du socialisme naissant, ennemi qui s'appuie sur 2 autres instances du vieux monde : la démocratie et l'État. Les troupes qui défendent ces citadelles sont variées et quelquefois ennemies en apparence : c'est le camp de la bourgeoisie (libéraux, radicaux, partisans du capitalisme pur et dur, droite conservatrice) et des pseudo-socialistes (les membres responsables des partis réformistes, la "gauche" démocratique, les progressistes de toutes tendances).

Derrière ces abstractions (démocratie, civilisation, État), Sorel combat inlassablement les mêmes valeurs communes aux idéologies de la médiocrité. Il y a chez Sorel le sens de la guerre culturelle, du combat des valeurs. Il ne croit pas aux étiquettes que le discours bourgeois aime attribuer aux acteurs de son jeu. Les mots dans le jeu politique ne sont souvent que des apparences. Sorel cherche à fouiller les racines des discours. Être "socialiste" ne signifie rien si on n'est pas conscient d'une conception du monde en rupture avec la société marchande. Paresse, bassesse, hypocrisie, incompétence, veulerie, sont des traits communs aux partis officiels.

La violence sorélienne est en effet très consciente de l'enjeu réel et historique de la lutte. Les non-valeurs, qui asservissent les producteurs et lui ôtent toute liberté, sont concentrées dans la conception économique de l'homme, que les maurrassiens ont appelé "l'économisme". Les principes de cet économisme sont au nombre de 2 : la croyance au progrès matériel, la réduction de l'homme à des valeurs matérialistes. L'homme bénéficie en même temps que le confort matériel d’un "confort" intellectuel. L’homme est un énorme estomac, destiné à la soumission sociale et politique. La société de consommation est alors le plus grand camp de normalisation intellectuelle. On peut penser que la violence sorélienne aurait été en en état de rupture avec le monde occidental, et tout ce que ce monde charrie derrière lui. De la même façon, il aurait du mal à se reconnaître dans certaines critiques progressistes de la société de consommation, dont le fondement réside dans une exigence encore plus grande de confort. La philosophie du bonheur est anti-sorélienne et Marcuse serait considéré par Sorel comme un cas typique d'utopisme bourgeois. L'homme qui réclame la fin du travail, qui refuse la lutte, qui conteste la guerre sociale, cet homme que nos philosophes des années 70 appellent de tous leurs vœux, n'a que de très lointains rapports avec le producteur à la mentalité guerrière des Réflexions sur la violence.

Les illusions du progrès

Quant au "progrès", Sorel a senti le besoin de lui consacrer un ouvrage entier tant il lui a semblé que ce concept était un fleuron de la mentalité bourgeoise. Il s'agit des Illusions du progrès. L'illusion suprême d'un paradis terrestre retrouvé à la fin des temps provoque chez Sorel une réaction épidermique. Le pessimisme sorélien est la conclusion d'un constat : l'homme ne change pas fondamentalement. Sorel approuve les actes de progrès matériels mais il s'agit chez lui d'une admiration pour la "créativité" dont ces actes sont les manifestations. De la même façon, il croit au prolétariat non pas comme Marx croyait à la "classe élue de l'histoire" mais parce qu'il constate que la bourgeoisie n'a plus l'énergie de mener la lutte éternelle.

L'histoire est pour Sorel une succession d'énergies manifestées dans des groupes restreints. Le capitaine d'industrie est une figure positive. Ce n'est plus qu'une idée à son époque. En outre, les valeurs marchandes sont des valeurs de dégénérescence. Partir en guerre contre la société moderne (entendez marchande) est un point commun de Sorel et de Maurras. La haine du bourgeois, écrit Polin, est un point de rencontre entre l'Action Française et Sorel. C'est une classe sans volonté, sans honneur, sans dignité. Le régime démocratique lui convient parce qu'il conserve, non parce qu'il est source de création. Sorel parle durement de la bourgeoisie puisqu'il constate chez elle "une dégradation du sentiment de l'honneur".

Cette démocratie, Sorel la vitupère, il écrit : " (la démocratie) est le charlatanisme de chefs ambitieux et avides" (Réflexions…). Peu importe que cette démocratie soit conservatrice ou populaire, elle conserve et favorise la même décadence. Les socialistes démocrates sont des "politiciens épiciers, démagogues, charlatans, industriels de l’intellect". En outre, non contents de maintenir le peuple sous un régime oppressif (où sont les libertés des ouvriers travaillant 16 heures/jour, 6 jours/7 ?). La démocratie établit le règne de l’argent. C’est une tyrannie, une tyrannie ploutocratique, dirigée par des hommes d’argent, qui veulent préserver leurs intérêts propres. Sorel écrit : "Il est probable que leurs intérêts sont les seuls mobiles de leurs actions". Quant aux responsables de l'Internationale Ouvrière, Sorel les dénonce comme des apprentis dictateurs. Leur objectif est l'instauration d'une "dictature démagogique".

Sorel ne veut pas d'un socialisme d'État. Il manifeste dans sa critique de l'État des tendances anarchisantes, fort peu compatibles avec la dictature d'État du prolétariat désirée par les marxistes. L'État (même socialiste) est un "État postiche", porteur d'une "merveilleuse servitude". L'État démocratique s'achève dans l'histoire avec les massacres de septembre. Et ce que C. Polin appelle, comme Sorel, "le cortège idéologique" de la démocratie (droits de l'homme, humanitarisme, charité, pacifisme, etc.) ne change rien au caractère oppressif de ce régime. Sorel est l’auteur d'une phrase célèbre sur la démocratie : "La démocratie est la dictature de l'incapacité" (Réflexions…). Deux mots nous frappent : la dictature, l'incapacité.

La critique anti-démocratique de Sorel ne doit pas être confondue avec l'idéologie réactionnaire du courant autoritaire ni avec le discours conservateur de l'Ordre-pour-l'Ordre. D'ailleurs, on voit bien chez Sorel un rejet des 2 camps : le camp de la bourgeoisie, où la lâcheté domine, et celui du social-réformisme mené par la corruption. Sorel croit en la lutte des classes. Ce qui le rend irréductible aux étiquettes conservatrices et social-démocrates. La violence qui manifeste cette lutte des classes est aussi un facteur d'énergie en action. Comme Pareto, il croit que la lutte des classes accouche de nouvelles élites sur les cadavres des classes déchues. La paix sociale est pour Sorel l'état d'entropie sociale absolu. Pourtant, Sorel ne peut être marxiste parce qu'il n'adhère pas à la vision finaliste du monde de Marx. La lutte est une activité normale de l'humanité. Elle n'a pas de sens, si ce n'est celui de faire circuler les élites dans l'histoire. En résumé, la violence est porteuse d'un projet de création en devenir infini, porteuse d'une conception morale de la vie, source d'une organisation des producteurs.

*** III. Conclusions ***

Dans son introduction aux Réflexions, Sorel écrit : "Je ne suis ni professeur, ni vulgarisateur, ni aspirant chef de parti ; je suis un autodidacte qui présente à quelques personnes les cahiers qui ont servi pour sa propre instruction". Les Réflexions constituent donc un ensemble de constatations pratiques. Sorel le répète : il ne veut pas faire une œuvre universitaire. C'est plutôt une pédagogie à l'usage des syndicalistes libres, qui sont prêts à recevoir un message révolutionnaire.

La violence sorélienne est la dimension purement morale et créatrice du socialisme de Sorel. Le message de Sorel est que le socialisme n'est pas un programme politique, ni non plus un parti politique. Le socialisme est une révolution morale ; en d’autres termes, le socialisme est d'abord un bouleversement des mentalités. On pourrait parler à la limite de "révolution spirituelle". Et la violence informe ce brutal changement dans les âmes. Le socialisme sans la violence n’est pas le socialisme. Seule l'utilisation de la violence assure une révolution positive. Sorel ne reconnaît pas dans les événements de la Révolution française une violence créatrice. Il rejette tout ce qui vise à détruire pour le plaisir de détruire. La violence donne au socialisme la marque de sa noblesse. Elle constitue une valeur essentielle de l’organisation progressive et indépendante des producteurs.

Il est certain que, pour nous, le socialisme n’est pas un discours rigide. Nous ne voulons pas reconnaître dans la social-démocratie un régime ou une idéologie socialiste. Le socialisme n’est pas un ersatz bâtard du libéralisme occidental. Les régimes occidentaux qui se réclament aujourd'hui du socialisme sont, à l'exception peut-être de l'Autriche en matière de politique internationale, des compromis honteux, ou "heureux", de social-libéralisme (à ce sujet, lire dans Le Monde Diplomatique de février 1984, l'article intitulé "Un socialisme français aux couleurs du libéralisme"). Sorel avait pressenti cette involution vers un discours mixte, où socialisme et libéralisme feraient "bon ménage"...

Le socialisme de Sorel n'est pas un compromis. Il se présente comme une révolution culturelle. Son objectif n'est pas de gérer le capitalisme par un nouveau partage du pouvoir (quelles différences entre un technocrate de gauche et de droite ?) mais de poser les vraies valeurs de la révolution. La violence est un garant de la fidélité aux valeurs révolutionnaires. Il ne s'agit pas de casser des vitrines des grands magasins ni de pratiquer une violence terroriste. La vraie violence consiste à renverser les tabous. Il faut dénoncer les blocages intellectuels de l'Occident. Il ne faut pas hésiter à remettre en cause le système. Voilà la vraie violence de Sorel : autonomie intellectuelle... Alors, Sorel, une alternative radicale ?...

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mardi, 06 mai 2008

P. Tulaev : Lo esencial de la cuarta guerra mundial

Pavel Tulaev
LO ESENCIAL DE LA CUARTA GUERRA MUNDIAL

  

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Una de las dudas principales del Mundo actual es saber qué tipo de lucha se está llevando a cabo globalmente. ¿Se trata realmente de una “Lucha contra el terrorismo”?. ¿O más bien es una continuación de la “Guerra Fría”? ¿Dónde está la frontera entre la Tercera y la Cuarta Guerra Mundial, si es que en realidad empezaron tanto la una como la otra?

  Entre los especialistas en teoría militar y los representantes del mundo político tampoco hay un acuerdo tácito en la naturaleza de este conflicto. Aún se discuten cuáles son sus causas, sus objetivos y cómo se manifiesta.

  Se ha establecido una analogía con las otras grandes conflagraciones mundiales, a saber: la Primera, Segunda y Tercera Guerras Mundiales. Los argumentos son los siguientes: La Primera Guerra Mundial (1914-18) fue una lucha entre potencias imperialistas que acabó con grandes revoluciones que hicieron desaparecer a los Imperios Ruso, Alemán y Austro-Húngaro.

  La Segunda Guerra Mundial (1939-45) fue concebida como una revancha de Alemania a causa de la humillación a la que fue sometida después del Tratado de Versalles. Acabó en un titánico conflicto entre ésta y la URSS, así como contra los Aliados occidentales.

  A partir de la Conferencia de Yalta asistimos al nacimiento de un nuevo orden geopolítico, en el que Rusia recupera sus territorios perdidos a causa de la revolución de 1917, e incluso se anexiona algunos más. A causa de la expansión rusa soviética, los “Occidentales” crearon la OTAN. Es entonces cuando Churchill empieza a hablar de una “guerra fría”, el objetivo de la cual es destruir a la URSS como estado y la idea del Comunismo en sí misma.

  ¿Quién, después de 1991, sería capaz de negar que estos planes fueron finalmente llevados a cabo con éxito?

  La desintegración de la URSS, la caída del Pacto de Varsovia y del COMECON, el desmembramiento de Yugoslavia y Checoslovaquia y la injerencia económica en esos países por parte de las potencias occidentales son una prueba del triunfo del sistema liberal-capitalista en esa “guerra fría” jamás declarada contra el mundo socialista.

  Ciertamente aún existen la “China Roja” y otros grupos de resistencia nacional-comunistas o antiglobalización que pretenden ser un punto de referencia en la lucha contra el Pentágono, pero que, ni mucho menos se pueden comparar con las contradicciones existentes entre las potencias vencedoras de la Segunda Guerra Mundial.

  La clase dirigente occidental y los jefes de la OTAN reconocieron abiertamente haber ganado la “guerra fría”. Desde la Rusia post-soviética también se ha reconocido esta victoria: en el Encuentro de Moscú del 20 de abril de 1996 entre los representantes del G-7 y Rusia se reconoció que “el fin de la guerra fría y las reformas políticas y económicas de Rusia han abierto una nueva era en nuestras relaciones; el Encuentro del Kremlin es un gran paso hacia la realización de nuestros objetivos”.

  Llegamos pues a la conclusión que la “Tercera Guerra Mundial” (llamada también “guerra fría”) acabó con la caída del bloque socialista, y que el conflicto actualmente en marcha sólo puede denominarse “Cuarta Guerra Mundial”.

  Visto desde fuera este conflicto no aparece como “caliente” (caso de las dos primeras guerras mundiales) ni “frío”, sino simplemente “oculto”; no se expresa mediante grandes maniobras ni declaraciones grandilocuentes, pero sin embargo está ahí, se está llevando a cabo con toda minuciosidad.

  Aún a pesar de la rapidez con la que la OTAN, con los Estados Unidos a la cabeza, se infiltró en los estados que una vez fueran aliados de la URSS, nadie se dio cuenta al principio de la magnitud de la infiltración, que causó una hipnosis colectiva en esos países, atrapados por el señuelo de las promesas de bienestar material y “moral” que prometían los mensajeros del Liberalismo occidental. Incluso en la misma Rusia, metida de lleno en el sangriento conflicto de Chechenia, las voces que se alzaron previniendo sobre las nefastas consecuencias de esa infiltración fueron ignoradas por gran parte de la sociedad, incluido el estamento militar, y solamente hallaron eco en algunos sectores minoritarios de la opinión pública.

  Fue únicamente a partir de los criminales bombardeos sobre Belgrado, comparables por su cinismo con los ataques atómicos sobre Hiroshima y Nagasaki, que se empezó a ver que la “guerra fría” había entrado en una nueva fase. Igualmente quedó claro este hecho tras la provocación global que se produjo el 11 de septiembre de 2001, pensada como una farsa pública y un show político-militar.

  A muchos especialistas no les pasó desapercibido que ese “ataque terrorista” que causó la desaparición de las dos Torres Gemelas, no fue más que una diversión. Para la realización de ese atentado se contó con la colaboración existente entre los servicios secretos americanos e israelíes. Bin Laden y los talibanes solamente fueron los “tontos útiles”. La finalidad del atentado era clara: Reforzar la presencia de los Estados Unidos (y la OTAN) en todo el orbe, y debilitar a sus potenciales oponentes, al mismo tiempo que relanzar la estancada economía occidental mediante la infiltración en diferentes mercados y la fabricación de armas ultramodernas.

  La diferencia principal entre la “Cuarta Guerra Mundial” y la anterior “guerra fría” es que la primera es llevada a cabo no por naciones ni estados sino por estructuras transnacionales. Con la ayuda de las nuevas tecnologías se ha expandido por todos los rincones del orbe. Por ejemplo, la empresa Microsoft, se expande por el mundo conquistando nuevos mercados no a causa de la fuerza de los tanques y aviones, sino a través de los canales informativos del ciberespacio.

  Las especificidades de estas agresiones aparecen más claras cuando se observa el mundo no como un “todo”, sino como compuesto de diferentes “realidades”: La Biosfera (naturaleza); la geografía; la historia (memoria); la religión (sistema de valores); la ciencia y la técnica; las comunicaciones; el ciberespacio (mundo virtual) y la esfera financiera. Todas estas realidades juntas constituyen lo que denominamos con una simple palabra: “Mundo”.

  Todas las fuerzas y los sujetos históricos que alguna vez han pretendido jugar un papel importante en tal o cual circunstancia han debido de tener en cuenta todas esas esferas citadas anteriormente. Los conflictos, la diplomacia abierta y secreta y las luchas de los servicios de seguridad, todos forman lo que se ha venido a llamar la “guerra mundial”.

  El resultado es que siempre ganará el que mejor comprenda la realidad del mundo circundante, el que mejor sepa utilizar las armas y recursos en su totalidad. El simple conocimiento solamente de una esfera (por ejemplo, religiosa o geográfica) y la posesión, igualmente, de un solo tipo de arma (de fuego o nuclear, pongamos el caso) no dará nunca como resultado la victoria en una guerra contemporánea.

  Occidente siempre ha sabido utilizar con provecho las viejas armas de sus rivales. La creación de disputas religiosas artificiales en una determinada etnia, por ejemplo, lleva a la destrucción de la nación. La proliferación de sistemas multipartidistas desemboca, igualmente, en la utilización inefectiva de los recursos humanos, a la lucha de clanes y a la división del estado en diferentes esferas de influencia económicas.
 

  Los conflictos nacionales en el interior de un estado multinacional llevan también hacia las luchas religiosas y civiles, hacia el secesionismo y la destrucción de los grandes espacios geopolíticos. La financiación de una u otra fuerza en conflicto dentro de los “puntos calientes” del planeta ayuda a las potencias mundiales a modificar en su provecho el equilibrio regional o global. Ejemplos de esta última táctica serían el apoyo prestado por la OTAN a los musulmanes albaneses o a la “oposición naranja” en Ucrania.

  Para desviar la atención de la opinión mundial de estas maniobras y ocultar sus verdaderos objetivos, el agresor enmascara su agresiva tarea. Con este fin, se recurre a la creación de una imagen demonizada del “sujeto” enemigo (este “sujeto” puede ser una persona concreta, una organización terrorista o un determinado país). En la historia reciente, Hitler, por ejemplo, ha personificado como nadie este miedo al “enemigo”. Con la caída del nacionalsocialismo alemán y del comunismo soviético (con sus Gulags), se ha creado un nuevo enemigo mundial, en este caso el “terrorismo islámico”.

  Pero, ¿quién organiza este juego, denominado “lucha por la paz”, “nuevo orden mundial” y “lucha contra el terrorismo”? Existe en realidad una única fuerza capaz de controlar todo el orbe terrestre?

  De hecho, una fuerza única como tal no existe. Hay, eso sí, una unión de las elites dirigentes, coordinadas para conseguir la dominación mundial. Sus órganos de trabajo son organizaciones internacionales como la OTAN, la Comisión Trilateral o el Club Bilderberg. Igualmente, diferentes iglesias, órdenes y clanes familiares y económicos colaboran en la consecución de estos objetivos.

  El tan utilizado concepto de “Judeo-masonería” no ayuda a explicar, ni mucho menos, quién está detrás de todas estas maniobras. Los judíos y los masones no son lo mismo. Dentro del mismo judaísmo existen luchas internas (por ejemplo, entre los sionistas y los ultraortodoxos). Aparte, fuerzas que parecen no entrar en este esquema, como los japoneses, participan de este juego por la dominación mundial.

  A menudo, en lugar de una visión real del conflicto mundial que se está llevando a cabo, solamente vemos a los dos polos enfrentados; los “judeo-masones” por un lugar, y los “terroristas” por el otro.

  Dejando de un lado los valores ideológicos, religiosos o emocionales, la esfera científico-técnica es una de las más importantes. A lo largo de la historia ha habido intentos de calificar a la Genética de “propaganda burguesa”, a la Cibernética de “invento de los judíos”, a los satélites (Sputnik) de “arma de los comunistas” y a Internet de “red del Anticristo”, pero todas estas denominaciones no aguantan ninguna crítica seria. La ciencia y la técnica son instrumentos útiles en manos de la gente libre. Pueden ayudar y reforzar cualquier ideología. No debe temerse a lo tecnológico; al contrario, debe ser utilizado para los propios fines. De otro modo, se corre el riesgo de quedarse por el camino. Con sables cosacos y popes con cruces en el mejor de los casos llegaremos al paraíso, pero no al Progreso.

  Si el suelo fue el campo de batalla de las guerras de los siglos anteriores y en el siglo XX lo fueron los espacios marítimos y aéreos, la esfera de la guerra actual y de las futuras, será lo que se ha venido a llamar “noosfera”, esto es, la inteligencia humana y los productos técnico-científicos que de ella se derivan. Toda la unión de la técnica moderna, telecomunicaciones, medios de transporte, armas modernas…dependen del ingenio humano, de su talento, y estos, a su vez, de la genética y la salud. De esta forma, los espías occidentales aprovechando la aparición de la “Perestroika”, lo primero que hicieron fue engañar a algunos de nuestros mejores especialistas. No pudieron comprarlos a todos, pero sí a muchos, de tal manera que las pérdidas producidas en nuestro país (1) aún se dejarán sentir bastante tiempo.

  Es por esto que en el centro de todas nuestras maniobras en esta Cuarta Guerra Mundial debemos situar a un nuevo sujeto, un Héroe fundador y libertador. Frente a la degeneración y la robotización que causa esta “guerra oculta” debemos oponer una Guardia Blanca del siglo XXI. Los miembros de ésta deben ser fuertes genéticamente, íntegros e intelectualmente preparados. Tienen que formar una nueva casta, educada en los misterios de nuestros antepasados pero, a la vez capaces de utilizar toda la técnica moderna, sin renunciar nunca a su Herencia. De esta forma nunca caerán en las trampas que, sutilmente, va tejiendo la modernidad.

  Esta es la tarea a la que debe dedicarse nuestro ejército y nuestros servicios secretos. De la llamada “clase media”, formada por “nuevos rusos” (2), antiguos funcionarios y “privatizadores”, así como los inmigrantes del sur y otra fauna que puebla nuestras megápolis, nunca podremos esperar individuos con las cualidades exigidas. Solamente el que ha combatido en la guerra contemporánea lo puede ser, pero no el que ha luchado en las montañas de Chechenia y el Daguestán, sino el que lo ha hecho en los frentes de batalla de la Cuarta Guerra Mundial.

  ¡La Revolución Blanca! La gloria en nombre de los Antepasados; el esfuerzo por el liderazgo en pro de nuevos espacios; la lucha por la Victoria; he aquí los objetivos que debemos enseñar a la juventud para devolver a Rusia su prestigio y gloria.
 

  Moscú, 24 de mayo de 2006. Traducido del ruso por Oriol Ribas
 

NOTAS:

  1 - Evidentemente, el autor se refiere a Rusia, pero este fenómeno (la conocida “Fuga de Cerebros”) se produce también en cualquier otro país (N del traductor).

  2 - La denominación “Nuevos rusos” se aplica a aquellos individuos, antiguos funcionarios soviéticos o miembros de la nueva clase empresarial, que se enriquecieron rápidamente tras la caída de la URSS (N. del traductor).

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Tibet: le "Grand Jeu" et la CIA

Tibet, le « Grand Jeu », et la CIA

 
Etant donné le contexte historique de l'agitation au Tibet, il existe une raison de croire que Beijing a été pris par surprise lors des manifestations récentes pour la simple raison que leur planification a eu lieu en dehors du Tibet et que la direction des manifestants est aussi entre les mains d'organisateurs anti-chinois, qui se trouvent en sécurité et hors de portée, au Népal et en Inde du Nord.

De même, le financement et le contrôle général de l'agitation sont liés au dirigeant spirituel tibétain, le Dalaï Lama, et par voie de conséquence à la CIA, à cause de la coopération rapprochée du Dalaï Lama avec le renseignement US depuis plus de 50 ans.

Effectivement, compte tenu de l'implication profonde de la CIA avec le Mouvement Free Tibet (Mouvement Liberer le Tibet) et son financement de Radio Free Asia suspicieusement bien informée, il semble peu probable que toute révolte puisse avoir été planifiée ou puisse avoir eu lieu sans que le National Clandestine Service ( Service National Clandestin auparavant connu sous le nom de Directorate of Opérations - Directoire des Opérations), qui se trouve aux quartiers généraux de la CIA à Langley, n'en ait eu au préalable connaissance.

L'ex haut responsable des services secrets indou et journaliste respecté, B Raman, a fait le 21 mars le commentaire suivant : « sur la base de preuves disponibles, c'est raisonnablement possible d'affirmer avec conviction que le soulèvement initial à Lhasa le 14 mars a été pré-planifié et bien orchestré. »

Se pourrait-il qu'il y ait une base factuelle suggérant que les principaux bénéficiaires de la mort et de la destruction qui a balayé le Tibet sont à Washington ? L'Histoire suggère que c'est effectivement une possibilité.

La CIA a mené une campagne d'actions clandestines de grande envergure contre la Chine communiste au Tibet et ce dés 1956. Cela a conduit à un désastreux soulèvement sanglant en 1959, faisant des dizaines de milliers de morts parmi les Tibétains, tandis que le Dalaï Lama et environ 100 000 de ses adeptes ont été obligés de fuir au Népal et en Inde en passant par les passages dangereux de l'Himalaya.

La CIA a établi un camp militaire secret d'entraînement pour les combattants de la résistance du Dalaï Lama à Camp Hale près de Leadville au Colorado aux US. Les guérilléros tibétains ont été entraînés et équipés par la CIA pour mener des opérations de guérillas et de sabotage contre les Chinois communistes.

Les guérilléros entraînés par les US ont mené régulièrement des raids à l'intérieur du Tibet, occasionnellement dirigés par des mercenaires sous contrat avec la CIA, et soutenus par des avions de la CIA. Le programme initial d'entraînement s'est terminé en décembre 1961, bien qu'il semble que le camp du Colorado soit resté ouvert au moins jusqu'en 1966.

La Force d'Intervention Tibétaine de la CIA crée par Roger E. McCarthy, parallèlement à l'armée tibétaine de guérilléros a continué à mener des opérations sous le nom de code ST CIRCUS, pour harasser les forces d'occupation chinoises pendant 15 ans jusqu'en 1974, puis l'implication approuvée officiellement s'est arrêtée.

McCarthy, qui a aussi dirigé la Force d'Intervention pour le Tibet lors du pic de ses activités de 1959 jusqu'en 1961, a continué plus tard à mener des opérations identiques au Vietnam et au Laos.

A mi chemin des années 60, la CIA avait remplacé sa stratégie de parachutage de combattants de la guérilla et d'agents des services secrets à l'intérieur du Tibet, par celle de la mise sur pied de l'armée de guérilléros, Chusi Gangdrük, comprenant 2000 combattants d'origine ethnique Khamba, regroupés sur des bases comme celle de Mustang au Népal.

Cette base n'a seulement été fermée par le gouvernement népalais qu'en 1974, après une formidable pression de Beijing.

Après la guerre Indo-Chinoise de 1962, la CIA a développé une relation rapprochée avec les services de renseignements indous, à la fois pour entraîner et fournir des agents au Tibet.

Kenneth Conboy et James Morrison dans leur livre The CIA's secret War in Tibet » révélent que la CIA et les services de renseignements indous ont coopéré dans l'entraînement et pour équiper des agents tibétains et des troupes de forces spéciales et pour former des unités aériennes spéciales de renseignements telles que l'Aviation Research Center (Centre de Recherche pour l'Aviation) et le Spécial Center (Centre Special).

Cette collaboration a continué pendant une grande partie des années 70 et certains des programmes qu'ils ont soutenus, spécialement celui concernant l'Unité des Forces Spéciales des réfugiés tibétains, qui deviendra une partie importante de la Force Frontalière Spéciale Indoue, est toujours présentement actif.

C'est la détérioration des relations avec l'Inde, qui a coïncidé avec celle de l'amélioration Inde - Beijing, qui a mis fin à la plupart des opérations conjointes CIA –Inde.

Bien que Washington est rétrogradé en matière de soutien aux guérilléros tibétains depuis 1968, on pense que la fin du soutien officiel pour la résistance s'est produite lors de rencontres à Beijing en février 1972, entre le président Richard Nixon et la direction communiste chinoise.

Victor Marchetti, un ancien officier de la CIA a décrit l'outrage ressenti par de nombreux agents de terrain quand Washington à effectuer finalement le déconnection, ajoutant qu'un certain nombre « se sont même mis, pour se consoler, aux prières tibétaines, qu'ils avaient apprises pendant ces années passées avec le Dalaï Lama ».

L'ancien chef de la Force d'Intervention Tibétaine de la CIA de 1958 à 1965, John Kenneth Knaus, a été cité disant : « ce n'était pas une opération « trou noir » de la CIA ». Il a ajouté : « l'initiative venait de …tout le gouvernement US. »

Dans son livre, « Orphans of the Cold War « (Orphelins de la Guerre Froide), Knaus décrit le sentiment américain d'obligation concernant la cause de l'indépendance du Tibet de la Chine. Il ajoute, significativement, que sa réalisation « justifierait les motifs les plus défendables que nous ayons eu d'essayer de les aider à réaliser ce but pendant plus de 40 ans. Cela soulagerait également certains de la culpabilité d'avoir participer à ces efforts, qui ont coûtés leurs vies à d'autres, mais qui était le fait d'une aventure menée principalement par nous. »

Malgré le manque de soutien officiel, des rumeurs circulent largement sur l'implication de la CIA, ne serait que par le biais de proxy, lors d'une autre révolte ayant échoué en 1987, l'agitation qui a suivi, et, conséquence, la répression chinoise qui a continué jusqu'à mai 1993.

Le moment choisi pour une autre tentative sérieuse de déstabiliser l'emprise chinoise sur le Tibet, est semble-t-il propice pour la CIA, et Langley gardera certainement toutes les options ouvertes.

La Chine est confrontée à des problèmes significatifs, avec les musulmans Uighur dans la province du Xinjiang, les activités des Falun Gong, parmi de nombreux groupes dissidents, et bien sûr le souci croissant d'assurer la sécurité des jeux olympiques de cet été en août.

La Chine est vue par Washington comme une menace majeure, à la fois économiquement et militairement, non pas seulement en Asie, mais aussi en Afrique et en Amérique Latine.

La CIA voit également la Chine comme « n'aidant pas » dans la « guerre contre le terrorisme », offrant peu ou pas de coopération et aucune action positive menée pour stopper le flux d'armes et d'hommes venant des zones musulmanes de l'Ouest de la Chine en soutien aux mouvements islamistes extrémistes en Afghanistan et dans les états d'Asie Centrale.

Pour beaucoup à Washington cela semble l'opportunité idéale pour déstabiliser le gouvernement de Beijing car le Tibet est toujours considéré comme le point faible potentiel de la Chine.

La CIA s'assurera sans nul doute que ses empreintes ne soient pas trouvées partout sur cette révolte ascendante. Des agents isolés, et des proxy seront utilisés parmi les réfugiés tibétains au Népal et dans les zones frontalières du Nord de l'Inde.

En fait, la CIA peut s'attendre à un niveau significatif de soutien de la part d'un certain nombre d'organisations de sécurité à la fois en Inde et au Népal, et n'aura aucun problème à fournir au mouvement de la résistance, conseil, argent et par-dessus tout, publicité.

Cependant, aucune arme ne sera autorisée à faire surface, tant que l'agitation ne s'accompagnera pas de signes révélateurs d'une révolte ouverte en devenir de la grande masse ethnique des Tibétains contre les Chinois Han et les Musulmans Hui.

D'importantes quantités d'armes légères et d'explosifs venant de l'ancien bloc de l'Est ont été introduites clandestinement au Tibet ces 30 dernières années, mais il y a de fortes chances qu'elles restent cachées, en sécurité, jusqu'à ce que le bon moment se présente pour les sortir.

Les armes ont été acquises sur les marchés mondiaux, ou de stocks sur lesquels les forces armées US et israéliennes ont mis la main. Elles ont été expurgées et ne présentent aucune trace pouvant les faire remonter jusqu'à la CIA.

Des armes de ce type ont également l'avantage d'être interchangeables avec celles utilisées par les forces armées chinoises et bien sûr elles utilisent les mêmes munitions, diminuant le problème de réapprovisionnement lors de tout conflit futur.

Bien que le soutien officiel pour la résistance tibétaine se soit terminé il y a 30 ans, la CIA a conservé ouvertes ses lignes de communication, et continuent de financer en grande partie le Tibetan Freedom Mouvement (Mouvement Liberté pour le Tibet).

Ainsi donc, la CIA est-elle une nouvelle fois entrain de jouer le « Grand Jeu » au Tibet ?

Elle en a certainement la capacité, avec une présence significative des renseignements et de forces paramilitaires dans la région. D'importantes bases existent en Afghanistan, en Irak, au Pakistan, et dans plusieurs états d'Asie Centrale.

On ne peut pas douter du fait que la CIA a un intérêt à saper la Chine, de même que la cible plus visible qu'est l'Iran.

Donc probablement que la réponse est oui, et effectivement, ce serait plutôt surprenant si la CIA ne manifestait qu'un intérêt passager pour le Tibet. C'est après tout ce pour quoi elle est payée.

Depuis le 11 septembre 2001, il y a eu une vague énorme de changement dans les attitudes des renseignements US, leurs exigences et leurs capacités. De vieux plans opérationnels ont été dépoussiérés et mis à jour. D'anciens atouts ont été réactivés. Le Tibet et une faiblesse repérée dans la position de Beijing là bas ont probablement été complètement réévalués.

Pour Washington et la CIA, cela peut apparaître comme une opportunité divine de créer un moyen de pression contre Beijing, sans gros risque pour les intérêts américains, une simple situation de gagnant- gagnant.

Le gouvernement chinois serait, à l'autre bout, celui sujet à une condamnation mondiale pour sa répression continuelle et sa violation des droits de l'homme et ce serait les jeunes tibétains qui mourraient dans les rues de Lhassa plutôt qu'encore plus de gamins américains en uniforme.

Cependant, les conséquences de toute révolte ouverte contre Beijing, sont une nouvelle fois la crainte que des arrestations, tortures et même des éxécutions se propagent à la fois dans tous les coins du Tibet et des provinces voisines où existent d'importantes populations tibétaines, comme le Gansu, Quinghai et le Sichuan.

Et le Mouvement Libérer le Tibet a toujours peu de possibilité, à long terme, de réussir à obtenir une amélioration significative de la part du pouvoir politique central chinois, et absolument aucune chance de faire cesser son contrôle sur Lhasa et son pays.

Une nouvelle fois, il apparaîtra que le peuple tibétain va se retrouver pris au piège entre l'oppresseur Beijing, et un Washington manipulateur.

La crainte que les US, la Grande Bretagne, et d'autres pays occidentaux puissent essayer de montrer le Tibet comme un autre Kosovo, peut en partie expliquer la raison pour laquelle les autorités chinoises ont réagi comme si elles étaient confrontées à de véritables révoltes de masse plutôt que leur description officielle d'un court soulèvement du à des mécontents soutenant le Dalaï Lama.

En effet, Beijing a pris tellement au sérieux la situation qu'une unité spéciale de coordination sécuritaire , le 110 Command Center (Centre 110 de Commande) a été installé à Lhassa, avec comme objectif principal de supprimer les troubles et restaurer complètement l'autorité du gouvernement central.

Ce Centre semble être sous le contrôle direct de Zhang Qingli, le premier secrétaire du Parti du Tibet, et un loyaliste du Président Hu Jintao. Zhang est aussi l'ancien vice secrétaire du parti Xinjiang, avec une expérience considérable en matière d'opérations de contre terrorisme dans la région.

Les autres qui occupent des positions importantes à Lhasa sont Zhang Xinfeng, secrétaire d'état au Ministère de la Securité Publique Centrale, et Zhen Yi, vice commandant des quartiers généraux de la Police Armée du Peuple à Beijing.

Le sérieux avec lequel Beijing traite l'actuelle agitation se retrouve de plus avec le déploiement d'un grand nombre d'unités de l'armée de la Région militaire de Chengdu, dont les brigades de la 149 ème Division d'Infanterie Mécanisée, qui agissent comme force d'intervention rapide de la région.

Selon un article de United Press International, des unités d'élite terrestres de l'Armée de Libération du Peuple ont été impliquées à Lhasa, et les nouveaux véhicules blindés de transports de troupes T-90, et d'autres véhicules blindés y ont été déployés. Selon l'article, la Chine a nié la participation de l'armée à la répression, disant qu'elle avait été menée par des unités de la police armée. « Cependant, de tels équipements tels que mentionnés ci-dessus, n'ont jamais été déployés par la police armée chinoise ».

Le soutien aérien est fourni par le 2ème régiment de l'armée de l'air, basé à Fenghuangshan, Chengdu, et la province de Sichuan. Il opère avec un mélange d'hélicoptères et d'avions de transport STOL, d'une base située sur le front près de Lhasa. Le soutien au combat aérien pourrait être rapidement mis à disposition grâce à des bataillons de combattants de l'infanterie d'attaque basés dans la région du Chengdu. Le District Militaire de Xizang forme la garnison du Tibet, qui a deux unités d'infanterie de montagne : la 52 ème brigade basée à Linzhi, et la 53 ème brigade à Yaoxian Shannxi. Elles sont soutenues par la 8ème Division Motorisée d'Infanterie et une brigade d'artillerie à Shawan, Xinjiang.

Le Tibet n'est plus si éloigné ou difficile à réapprovisionner pour l'armée chinoise. La construction de la première ligne de chemin de fer entre 2001 et 2007, a facilité significativement les problèmes de mouvement d'un nombre important de troupes et d'équipement, de Qunghai jusqu'au plateau accidenté tibétain.

D'autres précautions contre une résurgence des révoltes durables des années précédentes des Tibétains a conduit à une situation d'auto suffisance considérable en matière de logistique et de réparation de véhicules, et à une augmentation du nombre de petits aéroports construits pour permettre à des unités d'intervention rapide d'avoir accès aux zones les plus reculées.

On pense que le Ministère de la Sécurité chinoise et les services de renseignements ont eu une présence suffocante dans la province, et effectivement la capacité de détecter tout mouvement de protestation sérieux et de supprimer la résistance.

notes

Richard M Bennett, consultant en renseignement et sécurité AFI Research.
Copyright 2008 Richard M Bennett
Publié le 26/03/08 sur www.atimes.com
Traduction Mireille Delamarre pour www.planetenonviolence.org

Richard M Bennett

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lundi, 05 mai 2008

Moi !

Moi !

Moi !
Zentropa

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Un des traits les plus étranges, et les plus insupportables, de la psychologie moderne est peut-être la totale confusion entre « avoir de la personnalité » et « exprimer son égoïsme et son égocentrisme ».

En effet, aujourd’hui, tout ce qui peut, de près ou de loin, être assimilé à de l’altruisme, de l’humilité, du don de soi, de l’abnégation discrète, de la reconnaissance silencieuse ou de l’admiration muette est considéré comme de la faiblesse, voir, horresco referens !, de la « soumission ». Et comme chacun sait, toute « soumission » est indigne et infâme, non pas seulement lorsqu’elle est imposée mais même quand elle est choisie… Abjecte par sa nature même qui veut que l’on reconnaisse n’être pas l’individu le plus exceptionnel de l’univers créé, demi-dieu formidable « se suffisant à lui-même », mais un simple héritier doublé d’un serviteur, redevable du passé et débiteur des formes, principes, valeurs, et pourquoi pas personnalités, supérieurs qui entourent ses jours.

Dorénavant, hors de soi, point de salut ! Pour exister et briller socialement il convient de brasser du vent et de faire du bruit afin de s’imposer dans le grand carnaval des relations humaines ! Quel qu’en soit le prix !

Voici venus les temps de l’homme-gyrophare !

Pour capter un peu du regard de cette masse immonde et veule qu’on appelle « les gens », il faut se faire remarquer par tous les moyens possibles, les plus vils étant, bien sûr, privilégiés. Il est ainsi désormais vital de se « distinguer » en crachant à la gueule du monde le petit glaviot de sa « différence » et de son « originalité », évidemment fictives mais que l’on fera exister artificiellement quelques instants par les pitoyables procédés de la « contradiction systématique », du « contre-pied mécanique » ou de la « provocation stérile ».

Cette tendance est notamment abominablement prégnante dans le fonctionnement quotidien d’une foultitude de prétendus couples dont les membres, en apparente concurrence permanente, ne semblent pas avoir d’autre but que d’exhiber aux yeux d’autrui non pas ce qui les rassemble et les unis mais au contraire ce qui les différencie et les sépare, chacun voulant à tout prix prouver que sa formidable (et unique !) personnalité n’a nullement été oblitérée par la vie commune. D’où la grotesque et infinie compétition à laquelle s’adonnent ces paires d’égoïstes incapables de solitude qui ne seront jamais des couples véritables et encore moins des foyers. Rien ne leur tient plus à cœur que de faire la démonstration de leur supposée « indépendance » et de leur position « dominante » dans le « fonctionnement relationnel » auquel se résume leur collage plus ou moins éphémère.

Ainsi les disputes perpétuelles, les désaccords affichés et les sempiternelles contradictions sont-ils peu à peu devenus des preuves de « santé », de « vitalité » et de « caractère passionné » d’une relation conjugale liant « deux fortes personnalités » alors que ce ne sont en réalité que les tristes et piteux prolégomènes de l’échec inéluctable de deux crétins bouffis d’égoïsme et de prétention, incapables se sacrifier la moindre parcelle de leurs egos hypertrophiés pour fonder une entité plus grande et plus digne que la somme de leurs deux médiocrités.

Surtout ne pas simplement « aimer », « servir », « encourager », « aider », « soutenir » ou « suivre » son conjoint mais plutôt le « recadrer », le « remettre à sa place », le « surveiller », le « dénigrer » et le « moquer » (gentiment bien sûr ! la modernité n’est peuplée que de « gentils » !), pour bien montrer « qu’on n’est pas dupe ! » et « qu’on ne se laisse pas faire » ni « avoir ».

Les unions désacralisées étant devenues de vulgaires contrats de type néo-libéral, il est normal, au fond, que les relations qui les sous-tendent soient réduites aux pathétiques gesticulations d’un acheteur d’occasion qui, apeuré à l’idée de passer pour un naïf ou un gogo, expose lui-même, pour s’en gausser avant les autres, les défauts et dysfonctionnements de l’objet de son choix.


 

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Sorel, JÜnger et le mythe

Le mécanisme de l'illusion

Sorel, Jünger et le mythe

Source : Nicolô Zanon, revue Trasgressioni n°2 (1986), tr. fr. A. Coletti in Orientations n°11 (juil. 1989).

Dans son ouvrage Réflexions sur la violence, Georges Sorel écrivait : "Nous savons très bien que les historiens du futur ne manqueront pas de trouver que notre pensée a été pleine d'illusions puisque ils observeront derrière eux un monde déjà révolu. Au contraire, nous devons œuvrer, et personne ne saurait nous dire aujourd'hui ce que les historiens connaîtront ; personne ne pourrait nous fournir le moyen de modifier nos images motrices afin d'éviter leurs critiques".

Aujourd'hui nous pourrions donner de ces quelques lignes une interprétation triomphaliste et nous limiter à admirer la foi profonde et la passion politique qui anime leur auteur. Pourtant il n'y a rien là dedans de cet aveugle fanatisme qui anime les sectaires et rien de cette irritante imperméabilité au doute qui rend médiocres les prophètes. Par contre, on pourrait peut-être percevoir dans ces propos un peu de "cette trempe d'âme qui pourrait supporter même l'effondrement de tout espoir" et qui constitue, pour Max Weber, la caractéristique principale d'un individu très singulier : l'homme qui a la vocation pour la politique.

Les "images motrices" forcent les hommes à l'action

Seul un homme de ce genre, face à une réalité qui refuse tenacement de s'adapter à ses espoirs, face à un mystérieux mécanisme qui fait que chaque action provoque dans le monde des conséquences que celui qui a agi ne voulait (1) et ne prévoyait pas, pourra s'exclamer : "Aucune importance, on continue !". De la même façon, dans le passage cité, Sorel est parfaitement conscient que ces "images motrices", ces mythes, seront, dans l'avenir, considérés comme illusion. Mais malgré cela, il s'approprie la devise "aucune importance, on continue !" et il dit : "aucune importance, même s'il ne s'agit que d'illusions, nous devons œuvrer !

"Nous devons œuvrer politiquement" : les Réflexions sur la violence contribuèrent sûrement et de façon concrète à donner une nouvelle forme et une nouvelle vigueur aux espoirs révolutionnaires du prolétariat. En recevant l'héritage de Bakounine et de Proudhon, et surtout en adhérant avec conviction aux thèses de la philosophie bergsonienne, Sorel s'éloigne du rationalisme de Marx et construit une théorie du mythe qui est en même temps une philosophie de la vie concrète. Pour lui, ce que la vie exprime de plus valable et de plus noble ne dérive pas de la froide dictature de la raison mais se révèle dans les situations exceptionnelles, quand les hommes, possédés par les grandes images mythiques, participent à une lutte. Seuls les peuples ou les groupes sociaux prêts à embrasser vigoureusement la foi par le biais d'un mythe peuvent avoir une mission historique.

C'est dans la disponibilité au mythe que se trouve le secret de l'action, des héroïsmes et de l'enthousiasme. Les exemples de la grandiose efficacité du mythe sont, pour Sorel, l'idée de l'honneur et d'une glorieuse réputation pour le peuple grec, l'attente du Jugement Dernier dans le christianisme primitif, la foi dans la "vertu" et dans la liberté révolutionnaire pendant la révolution française et l'enthousiasme nationaliste dans la lutte des Allemands pour l'indépendance en 1813. Pour ce que Sorel peut observer de son époque, la disponibilité au mythe ne se prête certes pas à une bourgeoisie hantée par l'argent et par la propriété, bâtisseuse d'une société dominée par le scepticisme et le relativisme, à une bourgeoisie qui place une confiance ingénue dans les infinies discussions du parlementarisme.

La "clase discutidora" ne porte pas de mythe en elle

Ce n'est pas la clase discutidora (= la classe parlementaire), comme Donoso Cortès l'avait dénommée, qui peut être porteuse d'un mythe : seules les masses du prolétariat industriel révèlent un pouvoir de mobilisation autour d'un mythe politique. Le mythe ne peut pas être théorisé sur le papier par des intellectuels ou par des hommes de lettres mais est immanent à la vie concrète, à la foi instinctive des masses qui embrassent la cause du socialisme : c'est le mythe de la grève générale. D'après Sorel, ce que la grève générale signifie réellement et objectivement dans la situation politique n'a aucune importance : ce qui compte, c’est la foi que le prolétariat lui accorde, et les effets, provoqués par une telle foi, dans la dynamique de la lutte politique.

Le mythe n'est pas l'utopie

Sorel distingue très clairement le mythe de l'utopie. L'utopie, pour lui, n'est que le produit usé d'une pensée rationaliste et comme telle peut, tout au plus, souhaiter des "réformes" dans un futur plus ou moins proche. L'utopie se laisse décomposer et reconstituer dans ses diverses parties, en démontrant ainsi sa nature de construction mécanique et artificielle. Au contraire, chaque mythe, et par conséquent le mythe de la grève générale, doit être accepté ou refusé dans sa totalité. Il n'alimente pas l'espoir d'une lente et graduelle transformation de "l'instant" ; il ne trace pas non plus, avec une admirable perfection, les caractères d'une société future : le mythe de la grève générale agit au présent et maintient vive chez le prolétariat la tension palpitante pour le combat décisif avec la bourgeoisie, pour l'immense catastrophe finale.

Dans l'interprétation de Carl Schmitt (2), l'affirmation par Sorel de la théorie du mythe démontre que, aux alentours des années vingt, la confiance rationaliste dans le système parlementaire avait perdu de sa force et de son évidence. Dans l'organisation relativiste/libérale, chaque opinion doit avoir le même espace et la même légitimité, et puisqu'il n'existe pas de critère pour décider de manière absolue ce qui est juste et ce qui ne l'est pas, il s'avère nécessaire de discuter chaque problème et, après la discussion, de se soumettre à un compromis.

La faiblesse du relativisme libéral

Comme l'exposait Donoso Cortès vers le milieu du siècle dernier, le "principal intérêt du libéralisme est de ne jamais arriver au jour des négations radicales ou des affirmations souveraines. Et pour que cela n'arrive point, en se servant de la discussion, le libéralisme confond les principes et répand le scepticisme, puisqu'il sait fort bien qu'un peuple, qui écoute continuellement la voix des sophistes, est confronté sans cesse au pour et au contre de toute chose, finit par ne plus savoir en quoi croire et par se demander si la vérité et l'erreur, le juste et l'injuste, l'honnêteté et l'infamie sont des contraires ou bien sont une même chose observée à partir de points de vue différents. Mais une période aussi angoissante, continue Donoso Cortès, est toujours de brève durée. L'homme est né pour agir et la discussion éternelle est contraire à la nature humaine, puisqu'elle est "ennemie des œuvres". Le jour viendra où les peuples, poussés par leur penchant le plus violent, envahiront les rues et les places pour demander résolument Barabbas ou Jésus en précipitant dans la poussière les chaires des sophistes" (in Essai sur le catholicisme, le libéralisme et le socialisme, 1851).

À un siècle de distance, malgré ces paroles, substantiellement prophétiques et dûment confirmées par les faits, Hans Kelsen, dans son essai Absolutisme et relativisme dans la philosophie et dans la politique (1948), répétait que les promesses théorétiques de la démocratie moderne sont inclues dans le relativisme philosophique, tandis que les conceptions antidémocratiques trouvent leur pendant, en philosophie, dans la foi en une valeur absolue ! (3)

Mettons à part la nature problématique et le caractère superficiel d'un tel parallèle entre philosophie et politique, parallèle qui néglige d'emblée toute vraie réflexion sur les caractéristiques qu'une "forme politique bien fondée" doit présenter... Parce que même si l'on en parle à un niveau seulement abstrait, l'idée d'une forme politique qui se vante de son propre relativisme est un peu singulière... Il faut dire, en revanche, que la confiance dans le relativisme, que montre ce grand juriste, ne rend pas un bon service aux conceptions démocratiques qui, à l'ère des sociétés de masse ou des sociétés complexes, se trouvent en difficulté précisément pour concilier, d'une part, le maintien d'une définition minimale de procédure (qui est donc relativiste) de la démocratie, avec, d'autre part, l'exigence désespérée de préserver un minimum d'homogénéité sociale, politique et culturelle qui permette la survie et la stabilité à cette même démocratie (4).

Sorel, le nationalisme russe et le bolchévisme

Selon Sorel, des profondeurs de l'instinct vital authentique d'un groupe animé par la foi dans le mythe, peut surgir une impulsion. Impulsion, qu'à la façon de Carl Schmitt, on peut définir "d'orgueilleuse décision morale", laquelle efface les préoccupations relativistes. Une bonne partie des mouvements politiques qui, pendant les années 20 et 30, déchaînèrent une lutte à outrance contre les démocraties libérales, comptaient sur l'adhésion de masses possédées par des mythes, dont la charge, simultanément destructrice et dévastatrice, fut, sans aucun doute, déterminante.

Il est encore intéressant d'observer cette théorie sorélienne du mythe, analysée par un penseur se proclamant, à l'époque, socialiste et internationaliste tout en désignant le mythe de la grève générale comme multiplicateur des énergies du prolétariat. Cette théorie du mythe peut, en réalité, servir à comprendre les succès de toutes les luttes pour l'affirmation nationale et de tous les mouvements qui ont combattu animés par un sentiment nationaliste ou, du moins, leur extraordinaire énergie.

D'ailleurs, les autres exemples de mythe que Sorel cite, outre celui de la grève générale, paraissent indiquer que le mythe de la nation en particulier possède une extraordinaire efficacité politique. Et, dans l'Appendice, ajouté en 1919 aux Réflexions, Sorel, en faisant l'apologie de Lénine, dit que l'emploi de la violence a porté les Bolchéviques au pouvoir ou, du moins, à redonner à la Russie sa conscience nationale.

Un voyageur français, que Sorel cite, écrivait en 1839 : "Ou la Russie n'accomplira pas ce qui nous paraît sa destinée, ou Moscou redeviendra un jour la capitale de l'empire. Si je voyais jamais le trône de Russie majestueusement replacé sur sa véritable base, je dirais : la nation slave, triomphant, par un juste orgueil, de la vanité de ses guides, vit enfin de sa propre vie". Et voilà que, sous la direction de Lénine, qui réunit en lui les capacités d'homme d'État de Pierre le Grand et le sentiment national de Nicolas I, les Bolchéviques ont redonné à Moscou le titre de capitale de la Russie, conclut Sorel, et leur bolchévisme est russe et moscovite. Avec un certain bien-fondé, Schmitt pouvait souligner que "dans la bouche d'un marxiste internationaliste, ceci est un éloge surprenant puisqu'il démontre que l'énergie du mythe national est plus grande que l'énergie du mythe de la lutte des classes" (in Die geistesgeschichtliche Lage…).

Il est presque superflu de rappeler le fameux discours que Mussolini prononça à Naples en octobre 1922, un peu avant la marche sur Rome, dans lequel le mythe de la nation était exalté et opposé au socialisme, défini comme une mythologie inférieure. Pour les écrivains anarchistes tels que Bakounine ou Proudhon, les péroraisons contre l'uniformité centralisatrice de l'État moderne, contre la bureaucratie, l'armée, contre toute forme d'autorité, tant politique que métaphysique, allaient de pair avec l'exaltation d'une sorte de vitalisme libertaire, dont la plénitude instinctive ne pouvait être sacrifiée à l'autel d'aucun pouvoir.

De l'anarchisme à "l'autorité nouvelle"

Même chez Sorel survivent des influences anarchiques de ce genre. Mais cela ne fait pas de doute que l'adhésion au mythe politique fait surgir, dans cette "plénitude instinctive de la vie concrète", une nouvelle sensibilité à l'ordre, la discipline et la hiérarchie. La prétendue liberté de l'anarchiste, dans l'adhésion fidéiste au mythe, peut se muer en un nouveau lien solide, encore plus fort que les liens anciens de l'Autorité contre laquelle lutte l'anarchiste. L'obéissance aux chefs de celui qui se bat, possédé par un mythe, est à peu près inconditionnelle.

Et la nouvelle forme politique, la nouvelle grande "Autorité", que la lutte installe, obtient d'autant plus de consensus que sont puissantes ses capacités mythopoïétiques (= formation du mythe) ; le recours aux mythes est d'autant plus continu, plus obsessionnel, qu'il faut tenir les masses en état de mobilisation permanente. Voilà un résultat quelque peu paradoxal qui confirme cependant que l'on peut en réalité faire abstraction de certaines lois de la coercition politique.

Georges Sorel participa activement aux luttes politiques de son temps mais il n’œuvra pas seulement en tant qu'agitateur. En analysant la théorie du mythe, en fait, il accomplissait un travail scientifique et décrivait une loi de l'action politique. "Faire de la science veut dire, avant tout, savoir quelles sont les forces existantes dans le monde, écrit-il, et se mettre en condition de les utiliser en raisonnant d'après expérience. C'est pour cette raison que je dis qu'en acceptant l'idée de la grève générale, en sachant parfaitement qu'il s'agit d'un mythe, nous œuvrons exactement à la façon d'un physicien moderne, qui a pleine confiance dans sa science tout en sachant que dans l'avenir elle sera considérée comme dépassée". Il ne s'agit pas ici d'une déclaration de meeting, ni des propos d'un agitateur de foules : Sorel sait que la capacité de mobilisation, due au mythe, est indépendante de tout jugement "objectif" qui porte sur sa valeur heuristique, parce que, en fait, une telle réflexion entraînerait la mort du mythe.

Observateur lucide et fervent participant

Il y a ici une étrange et surprenante synthèse de 2 attitudes qu'il est difficile, en vérité, de concilier : on sait parfaitement que l'idée de grève générale est un mythe, une idée que la postérité jugera "illusoire", mais on n'hésite pas à le faire lourdement valoir dans le déroulement pratique de la lutte politique. "Nous devons opérer", dit Sorel, comme nous l'avons vu au début du présent exposé. Il est un observateur lucide des faits et des théories et sait les décrire avec réalisme. Mais, en même temps, il reste un fervent participant à ces mêmes dynamiques politiques dont il a révélé une des plus importantes arcanes.

Il serait injuste de le considérer comme cynique : Sorel a cru à ses propres mythes en les considérant comme tels. Ce n'est certainement pas chose courante. Ayant désormais dépassé l'âge de 70 ans, il est en mesure de lancer une puissante invocation qui prouve que sa foi est intacte : "maudites soient les démocraties ploutocratiques qui affament la Russie ! Je ne suis qu'un vieillard dont l'existence est à la merci de minimes accidents mais puissé-je, avant de descendre dans la tombe, voir humilier les orgueilleuses démocraties bourgeoises, aujourd'hui cyniquement triomphantes". Il n'y a pas de doute : Sorel avait la "vocation" politique.

L'expérience de Sorel nous paraît en effet singulière, non seulement pour la richesse globale de sa pensée qui constitue une intéressante convergence de tendances et de courants apparemment éloignés les uns des autres et contradictoires, mais aussi pour cette capacité qu'il possède de concilier la connaissance lucide de la réalité politique avec la disponibilité à l'action fidéiste, au cœur de cette même réalité. Presque jamais, si l'on analyse les penseurs décisifs dans l'histoire de la pensée politique, il n'est donné d'observer chez eux une telle absence de problématisation des rapports entre connaissance et action.

Dans le cadre de la politique active, quel individu, ni saint ni héros, peut afficher à la fois une sagesse profonde et une foi profonde ? Une connaissance approfondie des arcanes de la politique, en fait, produit souvent le scepticisme. Ce scepticisme n'arrêtera peut-être pas l'action mais il enlèvera à l'action même son caractère fidéiste, la privera de son élan idéal : parce que, à ce stade, il s'agira seulement de mettre en fonction un mécanisme dont l'efficacité est prouvée déjà par l'expérience. Même le mythe politique peut se révéler comme un mécanisme aux effets suffisamment sûrs. Celui qui en connaît le mode de fonctionnement pourra l'activer et, dans les coulisses de ce beau spectacle, son visage se contractera en un rictus : la grimace douloureuse du cynisme.

Deux routes se tracent, en effet, pour celui qui connaît ou croit connaître les arcanes de la politique : la 1ère route est celle de l'abstention, de la non-action et de la simple observation des faits, désenchantée comme celle d'un entomologiste ou souffrante comme celle du poète qui admire la primitivité instinctive de la vie qui se déroule devant ses yeux, mais qui est conscient d’être trop "savant" pour pouvoir y participer de façon innocente. La 2nde route est celle de la pure politique de puissance, de l'usage sans discrimination de la force et de la ruse pour se maintenir au pouvoir ou pour le conquérir,

Le cynique et le pouvoir

Chez le démagogue et chez l'agitateur de masses, qui luttent pour arriver au pouvoir, on peut observer une disponibilité d'âme cynique et sans scrupules, sinon parfois une bonne dose de cruauté. Celui qui est déjà au pouvoir pourra aussi faire preuve d’une certaine cruauté mais aux degrés les plus hauts de la conscience. Le cynisme du souverain aura ainsi des effets moins sanguinaires, il sera, pour ainsi dire, un cynisme "décadent". La conscience de la relativité et de l'inanité de tout effort est ici trop importante. Au moment de la relève de la garde, le cynique, s'il a sauvé sa vie, s'éloignera du pouvoir avec une certaine tranquillité d'esprit. S'il le pouvait, il dirait à son successeur triomphant que le monde n'est rien d'autre que le lieu où toutes les espérances nés du cœur font naufrage.

Ce profond désespoir intérieur, cette image d'un monde sans lumière, est typique de tous les penseurs qui ont d'abord fréquenté intensément le monde de l'activisme politique puis qui ont analysé froidement et enfin compris sa rude logique. Que l'on pense au Prince de Machiavel et aux durs conseils qu'il contient : des légions de moralistes ont, pendant des siècles, poussé de hauts cris à propos de son "scandaleux cynisme". Mais, comme on peut le noter, Machiavel analyse ici l'individu singulier dans sa situation d'absolue solitude :

"Dans la brève densité du Prince, tout s'échappe, oscille et tremble, écrit G. Capograssi, dans l'absence absolue de tout point à partir duquel l'esprit pratique puisse apaiser ses exigences et se débarrasser de son erreur empirique et utilitaire. C'est une humanité en proie aux diktats épouvantables d'une bataille, avec ses phases offensives et défensives, une humanité qui n'a pas d'autre alternative que de changer sans répit de position et de transformer toute chose en arme. Tous les moyens sont permis : les valeurs humaines et éthiques n'existent pas encore dans le monde de Machiavel, dont la réalité est un ensemble de choses décousues que chacun manie et utilise pour atteindre ses propres buts" (5).

Les passions mènent le monde

Voilà, en apparence, les résultats d'une observation désenchantée du monde de la politique et de la connaissance de ses mystères. Machiavel fut un excellent conseiller : mais serait-il possible de l'imaginer dans le rôle du souverain ou du démagogue ? Vraisemblablement pas, puisque dans cette descente dans l'Abgrund, aux abîmes du nihilisme politique, l'esprit humain paraît encore garder une dernière possibilité de défense : sortir de l'action, comme nous venons de le dire, et se contenter de la simple observation.

"Redoutable paradoxe du diplomatique, écrit Régis Debray dans La puissance et les rêves (Gal., p. 261), comment à la fois se tenir à distance des névroses ambiantes et des passions du jour sans jamais oublier que ‘les passions mènent le monde’ et que les temps forts de l'histoire sont ceux où des hommes meurent pour une idée ?" Dès que l'incrédulité professionnelle du spécialiste le conduit à négliger chez les autres la force motrice des croyances (c-à-d. des appartenances collectives dont elles sont l'empreinte individuelle), le stratège, affirme Debray, déchoit en conférencier et l'agnosticisme des forts se replie vers ce scepticisme mondain, ce relativisme fatigué et frivole qui conduit tant de diplomates et de politiciens à subir comme des aveugles l'histoire se faisant par d'autres aveugles, mais qui ont la foi.

Debray - cela lui arrive souvent - a mis le doigt sur la plaie. Son œuvre est, en France, un excellent exemple de transgression des lieux commun et des schémas idéologiques qu'il repousse pour essayer de nouvelles synthèses et emprunter des chemins inexplorés. Pourtant, sa tentative de concilier la puissance et les rêves va se révéler problématique. La politique de puissance assume la "force motrice des croyances", dans leur signification proprement littérale, à la façon d'un mécanisme que l'on active et dont on peut se servir. Les croyances ne sont plus des "valeurs", leur signification et leur importance résident simplement dans le fait d'être des "moyens" pour atteindre un but. L'usage du mythe reconnu comme arcanum dans la politique, permettra, peut-être, de rejoindre la puissance mais, alors, où sont restés les rêves ?

Les mystères des grandes politiques

Il est bien vrai qu'à chaque grande politique appartient un mystère. Ce n'est guère consolant, parce que l'idée que nous pouvons nous faire aujourd'hui des mystères politiques n'a rien de mystique et encore moins de mythique ou d'irrationnel. La conscience des arcana peut sûrement fonder une hiérarchie puisque toute secte d'initiés aux ésotérismes politiques pourra regarder de haut les "hommes communs", ceux qui "ne savent pas". Mais il s'agira d'une hiérarchie purement matérielle, presque d'un despotisme secret, où il ne survit rien du charisme ni rien de la capacité à se faire une "représentation visuelle" d'une quelconque transcendance (6). Et ceci parce que, depuis le début de l'époque moderne, l'arcanum politique a montré, avec une obscène évidence, son caractère artificiel, sa nature de moyen technique, pratique, pour la conservation ou la conquête du pouvoir. Comme le fait remarquer Schmitt, à l'origine même de l'État moderne, il y une orientation vers le rationalisme et la technicité (in La dictature, Seuil, 2000).

medium_friedrich_meinecke.jpgC'est d'une technique pratique que l'État moderne est né historiquement. Par réflexe théorétique, la doctrine de la "raison d'État" est née. Elle est une maxime sociologique et politique, tirée des nécessités imposées par le maintien et par l'extension du pouvoir politique et elle se situe donc au-dessus de toute considération sur le "juste" et "l'injuste". Dans l'interprétation historique de Meinecke, la "raison d'État" apparaissait encore dans son aspect rassurant de conciliation entre cratos et ethos, entre, d'une part, un agir déterminé par l'instant du pouvoir et, d'autre part, un agir déterminé par une responsabilité morale (in L'idée de raison d'Etat dans l'histoire des temps modernes [1924], Droz, 1973).

Une analyse moins fourvoyante nous dit qu'à un niveau encore plus élevé, au-dessus des conceptions de "raison d'État" et de "salut public", lesquelles se prêtent, à cause de leur obscurité, à des interprétations moralisantes, on trouve dans la littérature politique contemporaine, lorsqu'elle évoque la naissance de l'État moderne, une autre conception : celle de l'arcanum politique. Au départ de cette conception, le politique se développe en tant que science sous l'aspect d'une doctrine secrète. "Mais le concept d'arcanum en politique et en diplomatie, même quand il se rapporte aux secrets d'État, n'est pas plus ou moins mystique que la conception moderne de secret d'entreprise ou d'affaires" (Schmitt, La dictature). L'usage qu'on faisait de ce concept à l'époque, révèle la signification purement technique de l'arcanum : ce n'est qu'un secret de fabrication.

medium_Dr_Roman_Schnur.jpgIl va de soi que l'usage des métaphores mécaniques et techniques, qui renvoient à une artificialité générale et immanente de tout l'univers politique, n'est ni innocent ni fortuit. Il révèle, au contraire, aux origines de l'ère de l'État moderne et de l'État moderne lui-même, un problème philosophique de fond, qui nous apparaît considérable, puisqu'il implique et explique bon nombre de situations que l'on a abordées plus haut. Des études récentes - et on peut rappeler ici les noms de Roman Schnur et, en Italie, d'Emmanuele Castrucci - ont interrogé la situation intellectuelle des XVIe et XVIIe siècles en Europe, en mettant en évidence des filons de pensée, constamment laissés dans l'ombre par l'enquête idéaliste des XIXe et XXe siècles, ancrée dans les dilemmes du jusnaturalisme et de l'historicisme. L'image qui jaillit de ces recherches est celle de l'intellectuel libertin, vu dans une ambiance culturelle et politique que l'on qualifie du mot de "maniérisme".

Le maniérisme

Pourquoi tout ceci nous intéresse-t-il ? Avant tout parce que dans la sensibilité maniériste et baroque prédomine une allégorie désespérée du "vide", de la précarité du monde historicopolitique. Dans cette précarité, l'homme est lié à l'existence terrestre et il est son prisonnier, sans voie de sortie : "la sensibilité européenne du maniérisme et du baroque ne permet aucun signe d'espoir au-delà du profane et ramène constamment à la condition de départ, écrit Castrucci, à la réalité, c'est-à-dire, à un monde réglé par les seuls rapports de force et par la capacité résolutive des décisions politiques du souverain" (7).

L'affirmation de la pensée décisionniste dans la théorie politique des XVIe et XVIIe siècles signale l'avènement de la théorisation nihiliste-libertine : le décisionnisme, en fait, survient seulement là où le "principe espérance" a disparu, où toute tension révolutionnaire généreuse et agitée a manqué et où aucune valeur suprasensible ne donne plus d'illusions à l'homme historique en agitant devant lui l'espoir de la libération.

Mais qui est donc l'intellectuel libertin ? Il fait partie d'une élite qui a pu réfléchir sur l'épouvantable déchaînement des guerres de religion et qui a dû être saisie d'horreur face aux abîmes de chaos et de violence dans lesquels la foi en des valeurs a conduit les hommes. Il a donc mûri un "scepticisme relativiste" qui théorise jusqu'au bout la désillusion vis-à-vis des valeurs mais en même temps se rend compte que les valeurs, même si elles sont rendues indémontrables et sont épurées de toute aura traditionaliste, continuent toujours à faciliter l'intégration sociale, comme autant de mythes politiques. Mais l'ordre qui en découle est un ordre purement conventionnel - c'est exactement la "tentative d'un ordre maniériste", d'après l'expression de Schnur - qui essaie de concilier la suspension subjectiviste des valeurs et la nécessité d'un ordre institutionnel. L'intellectuel libertin s'oriente vers une explication mécaniciste des lois qui président aux catégories du politique.

L'utilisation de l’arcanum

Les élites politiques - auteurs et utilisateurs du savoir/pouvoir qui permet le gouvernement des masses – "devinent la présence, au fond de l’existence de l’existence de l'homme, de forces occultes et très puissantes qui constituent les véritables principes d'origine d’une anthropologie politique. La soif de plaisir, la volonté de puissance, dans l'ensemble de leurs articulations ambiguës et multiples, apparaissent comme un noyau irrationnel, irréductible à toute forme conceptuelle, mais, par contre, riche en renvois vers le territoire inexploré du mythe politique. Cet esprit irrationnel doit être contrôlé et dirigé par des hommes armés de critères d'action rationnels par rapport au but. L'usage du mythe à des fins politiques est d'ailleurs exclusivement instrumental, émancipé par la valeur et dirigé vers la satisfaction de la volonté qui veut la puissance" (7). L'usage de l'arcanum politique est donc un moyen technique/pratique pour essayer d'assurer un ordre conventionnel et artificiel, et le mythe politique est l'instrument le plus efficace pour atteindre ce but. Dans son for intérieur, le maniériste politique vit pourtant de la valeur qu'il a déjà largement dépassée : mais "son sourire est sans joie, car Behemoth peut l'emporter aussi" (7).

Il ne peut en effet ressentir de la joie, celui qui a enlevé sa signification au monde. Beaucoup des "apprentis sorciers" qui se sont dévoués pour atteindre ce but risquent de devoir verser par la suite des larmes amères parce que, au-dessus de cet univers politique artificiel, au-dessus de cette pure mécanique mise en marche uniquement pour des fonctions de contrôle, est suspendue la possibilité - voire la probabilité - de l'auto-dissolution. Et il ne peut y avoir aucune complaisance de la part de celui qui doit prendre acte de cette situation, caractérisée par l'absence radicale de fondement et par l'artificialité inscrite dans les origines mêmes de l'histoire de la modernité politique. Mais aucune connaissance éthique ingénue, aucune "nostalgie humaniste résiduelle", ne sont des refuges possibles, d'autant plus pour l'activiste ou l'homme politique qui projette et espère retrouver un sens dans le monde.

"Nous devons œuvrer", disait Sorel. Si l'on veut répéter ces paroles, et sans être ni des saints ni des héros, en essayant même d'oublier les vociférations et les malhonnêtetés propres à un certain type de "vocation" pour la politique, on doit assumer jusqu'au bout les noyaux cruciaux de "cette" modernité (8).

On vient d'évoquer le maniériste politique. Cette figure vivait dans le contexte historique et politique de l'absolutisme, c-à-d. dans un ordre qui nous paraît profondément lié aux métaphores mécanicistes, qui trouveront par après leur expression accomplie dans la construction hobbesienne du Léviathan. C’est là une donnée intéressante parce qu’un mécanisme ne peut jamais être totalitaire : "C’est quelque chose d’extérieur, que l’on peut utiliser pour obtenir des citoyens une obéissance extérieure, sans que leur intériorité ne soit touchée, sans que leur conscience ne soit éprouvée" (9).

À ce stade de notre exposé apparaît une lecture possible, qui distingue, tant sur le plan historique que sur le plan théorique, l'absolutisme du totalitarisme, puisque ce denier "isme" paraît mû, en général, par une instance unanimisante, qui ne tient pas compte de la libre manifestation de la conscience dans la sphère intérieure. Comme on le devine déjà dans Sorel, le mythe politique, dans sa capacité de mobilisation, imprègne une collectivité de façon globale : avec lui s'évaporent les individualités ; une issue différente ne serait pas possible. Possédant un degré maximal de conscience, le maniériste politique, malgré son désespoir, dispose d'un avantage : une grande liberté intérieure par rapport à ce qu'il a créé lui-même. Il se soumet extérieurement mais sa conscience possède une autonomie totale.

L'Anarque de Jünger

Même sans vouloir forcer de manière excessive le parallèle, il se rapproche sensiblement d'une autre figure, celle de l'Anarque de Jünger. En effet, nous avons jusqu'ici parlé de normes et des tristes impasses auxquelles conduisent les persistances pernicieuses de la norme. Et si l'on cherche maintenant une possibilité de transgression face à toutes les lourdes régularités, face aux lois dont on observe l'immuable répétition dans l'univers politique, l'Anarque présente, peut-être, un formidable exemple de liberté et d'autonomie. Presque sous l'influence d'une conjonction astrale favorable, l'Anarque paraît en mesure de ré-amorcer le jeu, de se projeter vers d'autres solutions, jusqu'alors inconcevables, solutions qui seraient aussi des issues : elles permettraient de sortir des blocages paralysants et désespérants nés du rapport entre conscience et action politique.

"Neutralité intérieure. On y participe quand et si on en a envie. Si dans l'omnibus, il n'y a plus de confort, on descend" (10). L'Anarque connait en profondeur le pouvoir et la politique. Dans la ville imaginaire d'Eumeswil, il dispose même de l'extraordinaire Luminar, pour étudier chaque manifestation de l'histoire, même la plus cachée. L'Anarque, en tant qu'historien, peut analyser le pouvoir et la politique en direct, puisqu'il dépend directement du Condor, le tyran qui a renversé les tribuns et qui règne sur Eumeswil. En tant qu'Anarque, il n'est pas contre l'autorité, même s'il croit ne pas en avoir besoin, puisqu'il a une idée bien précise de la grandeur. Historien, tout l'intéresse, même s'il sait que peu de choses changent. Les drapeaux sont importants pour lui, mais sans signification. "Je les ai déjà vus tantôt hissés, tantôt baissés, dit Martin Venator, comme les feuilles de mai et de novembre (...) On continuera : fêter le 1er Mai, mais avec une interprétation différente. D'autres portraits seront affichés en tête des cortèges".

L'Anarque n'est pas l'adversaire du monarque, il est son pendant

Pour l'Anarque, peu de choses changent. Il porte un uniforme, en partie comme une veste, en partie comme une cape mimétique. Et cet uniforme couvre sa liberté intérieure qu'il saura objectiver dans chaque transition. Tout ceci le différencie de l'anarchiste qui, objectivement privé de liberté, sera l'objet de crises furieuses tant qu'on ne l’enfermera pas dans une camisole de force encore plus rigide. L'anarchiste est l'antagoniste du monarque dont il médite l'anéantissement. Il frappera la personne mais il renforcera la succession. Dans le mot "anarchisme", le suffixe "-isme" a donc une signification restrictive, puisqu'il accroît la volonté mais réduit la substance. L'Anarque, par contre, n'est pas l'antagoniste du monarque mais la personne la plus éloignée de lui. Il n'est pas son adversaire mais son pendant.

"Le monarque veut dominer beaucoup de monde. En fait, il veut dominer tout le monde. L'Anarque ne veut dominer que lui-même. Cela lui permet d'entretenir un rapport objectif, tout empreint de scepticisme, avec le pouvoir, dont il laisse défiler devant lui les images et figures, avec, bien sûr, de l'indifférence dans le cœur. Dans son for intérieur, néanmoins, il n'est ni impassible ni dépourvu de passion stoïque". Martin (ou Manuel) Venator est le serviteur du Condor qui est le tyran : le Condor a sa fonction, comme l'Anarque a la sienne : "Nous avons tous les deux la possibilité de nous retirer à l'intérieur de notre substance qui est l'élément humain dans sa singularité spécifique". L'Anarque se considère comme l'égal du tyran parce qu'il peut le tuer quand il le veut et ceci est la seule et unique forme d'égalité qu'il admet. Le pouvoir de le gracier est naturellement sien aussi.

L'Anarque et le maniériste

La liberté de l'Anarque dépasse aussi celle du maniériste politique. Avant tout, parce que l'Anarque est serein même si sa sérénité est songeuse. Par contre, le maniériste politique est prisonnier de sa conscience désespérée même quand, loin de la malhonnêteté du pouvoir, il pourra se livrer à des méditations où la liberté sera confite dans la mélancolie. Ce qui fait toute la différence, c'est que le scepticisme du maniériste est fatigué et résigné, même s'il n'est pas dépourvu de grandeur tragique. Le scepticisme de l'Anarque, lui, est relié, en fait, à une "disponibilité toujours intacte", ce qui n'est pas simplement une jolie formule mais aussi le signe d'un destin.

"Je suis Anarque dans l'espace ; dans le temps, je suis méta-historien, dit Martin. Donc je ne suis engagé ni avec le présent politique ni avec la tradition, je suis comme une page blanche, je suis puissance et ouvert en toute direction". Comme historien, il est sceptique, mais comme Anarque, il est sur ses gardes. "Ma liberté personnelle est un avantage secondaire, dit-il. Au-delà du temps, je suis prêt à la Grande Rencontre, à l'irruption de l'Absolu dans le temps. C'est là que l'histoire et la science trouvent leur fin".

Le maniériste politique n'est, en toute vraisemblance, concerné que par "son" seul Pouvoir, même si, en certaines circonstances, il peut s'en éloigner. Il disparaîtra avec lui. Pas l'Anarque : chaque lieu n'est, pour lui, qu'un lieu de passage, sa liberté est totale, même face à l'obligation de se donner une limite. Pour le temps d'intervalle, pour les "en attendant", c-à-d. dans les intermèdes entre 2 dominations, il possède un refuge qui n'est pas uniquement intérieur. À la façon du muscadin, l'Anarque a bâti son repaire loin de la ville. Là-bas, il pourra disparaître pendant qu’il faudra.

L'Anarque et le pouvoir

Son rapport avec le pouvoir n'est pas seulement de nature sceptique, mais est aussi ouvert aux suggestions de la magie. Au "bar de nuit", il écoute les dialogues des puissants et, quand l’heure est tardive et que la fatigue s'installe, leurs figures, leurs silhouettes se découpent, hiératiques, plus nettes, dans un maintien presque sacré. "Je voyais leurs visages se durcir comme dans le rite sacrificateur. Il se formait ensuite une aura de mystère". Très certainement, il s'agit ici, comme parfois chez Jünger, d'une pure fascination esthétique. Mais il est vraiment très symptomatique que, dans le calme et l'indifférence absolue de l'Anarque, survient quelquefois une sorte d'impatience nerveuse, une inquiétude fébrile. Tout compte fait, c'est là le contrepoids à sa disponibilité toujours intacte, c'est une sorte de péage qui est dû, mais l'Anarque semble penser que cela en vaut la peine.

L'entrée en scène de l'anarchiste/nihiliste conforte la société et renforce son unité. L'Anarque, lui, reconnaît au fond de son intimité l'imperfection fondamentale de l'État et de la société. C'est pour cela que cette position peut s'avérer plus dangereuse pour lui. L'État et la société suscitent sa répulsion mais il sait toutefois que "des temps et des lieux peuvent se présenter où l'harmonie invisible transparaît dans l'harmonie visible. Cela se constate surtout dans l'œuvre d'art. Dans ce cas, dit l'Anarque, il est encore possible de servir dans la joie". Mais, en général, l'Anarque fait preuve de circonspection et d'une prudence hors pair dans ses rapports avec le pouvoir. Il cultive un penchant instinctif pour les normes, parce qu'elles lui évitent de trop réfléchir, du moins aux choses superflues. Il se fera difficilement apprécier et les puissants seront toujours contents de ses services, mais de façon discrète, modérée.

L'Anarque, les dieux, la religion

L'Anarque peut aussi devenir "excessif" : cela arrive quand l'inquiétude survient à nouveau. Ses prétentions deviennent alors exorbitantes. Par ex. en matière de religion. Certes, pour lui, le terme est usé et corrompu. Religio, comme on le sait, se rattache à "lien" et c'est justement cela que refuse l'Anarque. Il ne veut rien savoir des divinités et des rumeurs qui les concernent, sinon en tant qu'historien. En tant qu'Anarque, il demande davantage. "Le fait que les dieux se soient montrés, non seulement dans la préhistoire, mais aussi à la fin de l'époque historique, explique-t-il, n'est pas à mettre en doute. Ils ont participé à nos banquets et à nos luttes". Mais voilà la requête totale : "Qu'apporte à l'affamé la splendeur des festins d'antan ? Que rapporte au pauvre le tintement des pièces d'or qu'il perçoit à travers le mur du temps ? C'est la présence qu'il faut exiger".

Ce jeu de relance, que joue l'Anarque, nous apparaît parfois surprenant. La cité imaginaire d'Eumeswil advient dans un temps, où toute chose semble être définitivement passée. Passée, l'ère chrétienne. Passé, l'État mondial. Passée, l'époque des "grands incendies". Chaque temps réel et chaque temps possible sont révolus. Historien, Martin le sait bien : "... je suis convaincu de l'inadéquation, ou, mieux, de l'inutilité de tout effort ; j'admets qu'y contribue aussi l'hypersatiété des temps les plus récents. Le catalogue des possibles paraît épuisé. Les grandes idées sont consommées par la répétition : on ne peut plus rien en tirer". C'est là un problème qui renforce la douleur de l'historien : la faillite des idéaux se fracassant contre l'esprit du temps, qui les dégradent en illusions.

De ce point de vue, il faudrait renoncer alors aux exigences excessives, apaiser cette disponibilité faite d'inquiétude. "Dans une telle situation, la tentation d'invoquer les dieux est très forte et il y a alors grand mérite à y résister", reconnaît l'Anarque. Parce qu'Eumeswil semble se poser comme un lieu d'observation privilégiée pour attendre une récapitulation définitive et concluante et ainsi préparer l'opération "fin du temps". L'Anarque suivra les puissants dans le "recours aux forêts". Cette métaphore indique sans doute que la fin est nécessaire ou bien elle suggère la voie des révélations occultes, permettant de rêver à un monde au visage autre, d’y rêver à la façon des dieux. Le "recours à la forêt" indique peut-être aussi ce passage qui est la mort, ou le retour au chaos, ou un simple passage sans limitation. Il est probablement inutile de chercher un "message". Et même, s’il parvenait à le cerner, ce message, l’Anarque l’aurait déjà dépassé. Tandis que nous resterions ici, à chercher comment diable il serait possible d’œuvrer, et sur quel mode.

Notes :

  1. Cf. Jules Monnerot, Les lois du tragique, PUF, 1969. Monnerot écrit, en rappelant Jaspers : "Le type d'action qui ainsi échappe à l'agent alors qu'il importerait qu'elle ne lui échappât point, c'est l'action tragique. L'hétérotélie, lorsque les conséquences des décisions voulues entraînent une catastrophe pour l'agent, et non la plupart du temps pour lui seul, c'est le tragique", p. 10.
  2. C. Schmitt, Die geistesgeschichtliche Lage des heutigen Parlamentarismus : "La théorie du mythe est la manifestation la plus forte qui prouve que le rationalisme relatif de la pensée parlementaire a perdu son évidence". [tr. fr. in Parlementarisme et démocratie, Seuil, 1988]
  3. Pour Kelsen, Ponce Pilate eut la figure pouvant le mieux symboliser l'attitude relativiste qui est à la base de la démocratie. Face au Christ qui se présente "pour rendre témoignage à la vérité", Ponce Pilate demande "Qu’est-ce que la vérité ?". Et parce que lui, Pilate, le sceptique relativiste, ne sait ce qu'est la vérité, l'absolue vérité en laquelle croit l'homme qui est devant lui, il s'en remet, en toute bonne conscience, à la procédure démocratique et laisse la décision au vote populaire. Cf. aussi La polémique entre H. Kelsen et C. Schmitt sur la justice constitutionnelle, N. Zanon, in Annuaire international de justice constitutionnelle n°V, 1989, p. 177 sq.
  4. Il m'apparaît assez imprudent de résumer en quelques lignes une question aussi décisive et fondamentale. Récemment est parue une défense de la "démocratie sans valeurs" : c'est l'ouvrage de Norberto Bobbio, Il futuro della democrazia. Una difesa delle regole del gioco, Einaudi, Torino, 1984. La démocratie est perçue ici comme modalité structurelle et réglementation procédurière : elle trouve sa justification en un relativisme politique radical qui ne connaît aucun absolu mais seulement des formes entre lesquelles les diverses valeurs admises peuvent louvoyer. On peut ajouter que la "démocratie sans valeurs" est conceptuellement liée au développement du Rechtsstaat, c-à-d. d'un État qui vit dans le droit mais ne reconnaît aucun droit ou, mieux, d'un État qui ne peut lui donner aucune définition matérielle ni aucun contenu et ne peut que lui attribuer des connotations en termes de mécanisme juridique. Ainsi, la "démocratie sans valeurs" et l'État de droit acceptent le principe de n'être que le cadre juridique qui cherche à déterminer et à circonscrire un champ de rencontre, un terrain de contradiction et de contraste. La "démocratie sans valeurs" et l'État de droit se posent, en d'autres mots, comme les règles du jeu. Aux antipodes de cette conception, se trouve le Carl Schmitt qui écrit la Verfassungslehre : pour lui, la démocratie signifie essentiellement l'homogénéité politique du peuple, dont la cohésion fonde un organisme politique basé sur l'exclusion de l'autre, de tout ce qui, politiquement, ne relève pas de tel peuple. L'antithèse formel/substantiel qui se trouve sous-jacente dans le rapport entre, d'une part, la démocratie comprise comme ensemble de règles de jeu et, d'autre part, la démocratie comprise comme homogénéité politique, peut être parfaitement considérée comme un problème encore actuel.
  5. Cité par E. Castrucci, Ordine convenzionale e pensiero decisionista, Giuffrè, Milano, 1981, p. 37.
  6. Sur le concept de Repräsentation, voir C. Schmitt, Römischer Katholizismus und politische Form, Theatiner Verlag, München, 1925. Dans cet essai, [réédité chez Klett Cotta, Stuttgart, 1984], l’A. soutient la thèse que l'Eglise est forma politica au sens le plus éminent, c-à-d. est un ordre dans lequel la souveraineté apparaît visible, "représentée", comme complexio oppositorum, comme institution (aussi au sens juridique) qui donne forme aux contraires et conserve inaltéré la racine théologique de la transcendance.
  7. in Storia delle idee e dottrina decisionistica, essai d’introduction à : R. Schnur, Individualismo e assolutismo, Giuffrè, 1979, p. IV.
  8. Cf. Peppe Nanni, Destini del politico in Diorama Letterario n°76, nov. 1984, p.11-16.
  9. R. Schnur, Individualismo e assolutismo, p. 87. Tr. it. de Individualismus und Absolutismus. Zur politischen Theorie vor Thomas Hobbes, Berlin 1963.
  10. E. Jünger, Eumeswil. Toutes les citations qui suivent sont tirées de ce livre. Les pages n’ont pas été mentionnées non seulement pour ne pas alourdir la lecture mais surtout parce que c’est inopportun. Certaines phrases de cet auteur n’appartiennent en effet pas à telle ou telle page mais bien plutôt à des états particuliers de la conscience, accessibles uniquement à ceux s’en montrant disponibles.

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dimanche, 04 mai 2008

La fin de la mondialisation heureuse

La fin de la « mondialisation heureuse » : un retour vers des économies plus autocentrées ?

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Les mois de mars et d'avril 2008 ont été marqués par un tumulte médiatique sur des sujets anecdotiques : les heurs et malheurs d’Ingrid Betancourt, la perturbation du parcours de la flamme olympique, les banderoles de mauvais goût du PSG, les profanations de cimetières ou les agonies télévisées : un programme de divertissement et d'ahurissement de l'opinion qui a permis d'occulter les sujets majeurs. Notamment l'ampleur de la crise économique – 1.000 milliards de dollars de pertes annoncés par le FMI – qui marque la fin de la « mondialisation heureuse ». Heureuse pour certains, sans doute. Mais malheureuse pour beaucoup.

Explications :

Le libre-échangisme mondial

Durant la campagne électorale présidentielle française de 2007, Dominique Strauss-Kahn (DSK) se présenta comme le candidat de la « mondialisation heureuse ». Jolie formule qui ne lui permit pas de devenir président de la République mais qui en a fait un président du Fonds monétaire international (FMI) acceptable pour les Américains.

La « mondialisation heureuse » est l'expression médiatique utilisée pour désigner le libre-échangisme mondial, courant de pensée qui a imposé, au cours des trois dernières décennies, la disparition de tout obstacle à la libre circulation des marchandises, des services, des capitaux et des hommes. Selon cette doctrine, la suppression des frontières, en permettant l'allocation optimale des ressources à l'échelle mondiale, déboucherait sur l'amélioration de la situation dans chaque pays et pour chaque groupe social.

Cette doctrine s’est d’autant mieux imposée qu’elle a assis sa domination par un processus de « ringardisation » et de diabolisation de ses adversaires ; s'y opposer c’était prendre le risque de se placer à l'écart de la modernité et de la rationalité économique et par conséquent d’être déconsidéré.

La mondialisation a été « heureuse » pour la superclasse mondiale

Dans « Qui sommes nous », Samuel Huntington décrit l'existence d'une superclasse mondiale : les « cosmocrates », les « transnationaux économiques », qui mettent l'accent sur la mondialisation, les échanges sans frontières et font carrière en se déplaçant d'un pays à l'autre.
http://www.polemia.com/contenu.php?iddoc=1392&cat_id=...

Huntington estime cette population à 20 millions, dont 40% d'Américains, en 2003, avec la perspective qu'elle atteigne 40 millions en 2010.

Ces « transnationaux » ont été les grands bénéficiaires de la mondialisation : aux Etats-Unis, la croissance enregistrée depuis 1996 a bénéficié à moins de 10% de la population, les revenus des autres Américains stagnant. A titre d'exemple et pour la seule année 2006, les bénéfices des cinq plus grandes banques d'affaires new-yorkaises (Goldman Sachs, Lehman Brothers, Bearn Stearns, Morgan Stanley et Merrill Lynch) ont porté sur 28 milliards de dollars. Et 170.000 banquiers et courtiers d'établissements new-yorkais ont reçu cette même année 2006 en moyenne 212.000 euros de bonus annuel. Des sommes qui, comme le dit Madame El Karoui, professeur de mathématiques financières à l'école Polytechnique, aurait dû alerter (1). La crise de 2007 n'a pas modifié ces pratiques puisque les 100 courtiers les mieux payés du monde ont gagné en moyenne 304 millions de dollars, cinq d'entre eux dépassant le milliard de dollars de gains personnels !

En Chine, en 2006, le nombre de Rolls Royce vendues a, lui, augmenté de 60%.

En France, les 3.500 foyers les plus riches ont vu leurs revenus réels progresser de 43% de 1998 à 2005.

Ces évolutions ne reflètent évidemment pas la croissance générale.

 

L'ouverture des frontières européennes s'est accompagnée du ralentissement de la croissance française

De 1947 à 1957 puis de 1957 à 1967 l'économie française a vécu dans une ambiance protectionniste, stricto française d'abord, européenne ensuite avec le tarif extérieur commun ; durant cette période, la croissance moyenne annuelle a été de 5,4% (2).

L'aboutissement des négociations Kennedy et de celles de Tokyo, puis les enchaînements libre-échangistes qui ont suivi ont abouti à une suppression progressive des frontières ; parallèlement le taux annuel de croissance a reculé à 3,3% durant la période 1967/1980, puis à 2,12% de 1979 à 2005.

Le taux de chômage initialement à 2% s'est installé autour de 10% bien que la mise en place de préretraites, d'un côté, du RMI et des minima sociaux, de l'autre, contribue à le minorer.

Encore faut-il nuancer ce taux de 2,12% de croissance annuelle puisqu'il tombe à 0,52% pour le revenu moyen disponible des ménages, la croissance nominale étant à partager entre un plus grand nombre de bénéficiaires du fait de l'immigration, d'une part, du vieillissement de la population, de l'autre ; le vieillissement s'accompagnant par ailleurs de la marchandisation de tâches familiales et domestiques qui n'entraient pas jusqu'ici dans le cadre de la comptabilité nationale et contribuant ainsi indirectement à une augmentation du PIB en partie artificieuse.

Ajoutons que de 1998 à 2005 les revenus déclarés par 31,5 millions de foyers fiscaux, soit 90% de la population fiscale, n'ont augmenté que de 4,6% (3).

Enfin, la mondialisation et la financiarisation se sont accompagnées d'une amélioration de la situation des détenteurs de capitaux (rentes et fonds de retraites notamment) au détriment des producteurs et des jeunes.

En France, l'écart entre les jeunes et les vieux actifs, notamment pour les cadres, s'est accru pour la génération née entre 1970/1980 par rapport à la situation connue par la génération née de 1950 à 1970. Ce sont les classes d'âge jeune et en âge de constituer les familles qui se sont trouvées financièrement pénalisées, ce qui contribue à la baisse du taux de fécondité et au déclin démographique des populations européennes.

 

Libre échange et financiarisation : l'augmentation des coûts de friction économiques et sociaux

Le libre-échange international et la financiarisation de l'économie n'ont cessé de pousser les entreprises à améliorer leur compétitivité.

Des efforts considérables ont été accomplis en France et en Europe pour diminuer les coûts de production ; ils ont porté sur l'amélioration de la productivité des industries et des services et souvent débouché sur la délocalisation d'une partie de la production (4).

Si une partie de ces efforts ont bénéficié aux consommateurs, d'un côté, et à ceux des travailleurs qui ont pu garder leur emploi, de l'autre, ils n'ont pas été, non plus, sans augmenter les coûts de friction économiques, sociaux et psychologiques.

D'abord, le courtermisme et la versatilité des marchés (notamment des devises et des matières premières) n’ont cessé de rendre difficile, voire impossible, l'allocation optimale des ressources. D'autant que les changements rapides de stratégies et les chocs brutaux des prix ne sont pas absorbables sans dommages ni gaspillages. Tout cela fragilise l'inscription dans la durée des projets de vie professionnels et personnels.

Enfin, la sortie de l'emploi – de manière provisoire ou définitive – de nombreux agents économiques engendre un coût social élevé pour la collectivité, les gains économiques en termes de productivité étant souvent compensés par des charges sociales et fiscales supplémentaires. En termes de revenus le jeu risque alors d'être à somme nulle tout en étant à somme négative en termes d'équilibre social et psychologique.

C'est ce qui a conduit Giulio Tremonti, vice-président de Forza Italia, à rompre avec le libéralisme mondialiste dans son livre « Crainte et Espoir ». Il y dénonce la vélocité et la violence dans le processus de compétitivité et voit dans la précarité de l'emploi et la chute du pouvoir d'achat la conséquence de la « folie de la mondialisation ». Dénonçant à l'origine de ce phénomène (5) « un groupe de fous, d'illuminés ayant décidé dans les vingt dernières années de diviser le monde en deux : production à bas coût en Asie et consommation aux Etats-Unis et en Europe. Et au final la situation a empiré pour nous comme en Asie ».

 

Libre-échange et spéculation : l'émergence d'une crise alimentaire mondiale

L'ouverture générale des frontières tout comme la spéculation débouche aujourd'hui sur le retour d'une crise alimentaire dans certains pays d'Afrique ou d'Asie.

D'abord, l'accès à la richesse de centaines de millions d'Indiens et de Chinois modifie leurs habitudes alimentaires. La viande qu'ils consomment désormais, poulets ou porcs, augmente la demande en céréales et oléagineux qu'il faut produire pour nourrir le bétail ou les volailles, ce qui crée une tension dans l'économie réelle entre l'offre et la demande, conduisant à une hausse des prix. Celle-ci est amplifiée par les mouvements spéculatifs, la crise boursière et l'éclatement de la bulle immobilière conduisant les détenteurs de capitaux et les acteurs des marchés à terme à rechercher d'autres placements.

En se portant sur les matières premières et les produits alimentaires, l'économie casino déclenche leur renchérissement. Cela nourrit les craintes légitimes sur le pouvoir d'achat dans les pays développés et se traduit par des révoltes frumentaires dans de nombreux pays d'Afrique, comme la Côte d'Ivoire, le Sénégal, le Cameroun, l'Egypte ou les Caraïbes comme Haïti, voire d'Asie du Sud (Bengladesh).

Enfin certains producteurs de riz comme le Vietnam, la Thaïlande ou l'Inde ont choisi de protéger la consommation de leurs nationaux en limitant leurs exportations.

Vers un retour à des économies réelles plus autocentrées

Selon de nombreux analystes, la crise actuelle est la plus profonde depuis la grande dépression de 1929. Son ampleur doit conduire à une complète réorientation de l'économie mondiale :

– d'abord par l'arrêt de la fabrication artificielle de monnaie, la limitation de l'endettement des acteurs financiers et une meilleure couverture des risques qu'ils prennent par l'existence d'actifs réels pour les garantir ;

– ensuite par une meilleure maîtrise des autorités nationales sur les grands échanges économiques ; sauf à dénier toute souveraineté aux Etats – et à vider la démocratie de tout sens dans les pays qui la pratiquent encore – il faut rapprocher les centres de décisions politiques et les centres de décisions économiques ; ce que la mondialisation ne permet pas ;

– les pays les moins développés seront d'ailleurs conduits à agir dans le sens de la recherche de l’autosuffisance pour des raisons sociales : garantir l'accès aux produits alimentaires de première nécessité (céréales, oléagineux) à leur population ;

– les pays les plus avancés seront, eux, conduits aux mêmes nécessités pour protéger la rareté de leurs espaces et la qualité de leur environnement ; des règles strictes dans ces domaines étant difficilement compatibles avec la mise en compétition des entreprises européennes avec celles des pays aux normes beaucoup moins exigeantes.

Il faut reconstruire l'ordre économique des nations, selon les perspectives tracées depuis plus de 10 ans déjà par le prix Nobel français d'économie Maurice Allais, politiquement incorrect mais économiquement lucide !

http://etienne.chouard.free.fr/Europe/messages_recus/La_c...
et :
http://www.polemia.com/contenu.php?cat_id=37&iddoc=16...

Polémia

NOTES :
(1)     Dans « Le Monde » du 29 mars 2008. La Lettre de Polémia de janvier 2007 avait signalé le caractère exorbitant de ces chiffres.
(2)     Pierre Milloz, « Les frontières ou le chômage », Editions nationales.
(3)     Camille Landais, « Les hauts revenus en France (1988/2006) », Paris School of economics, 2007.
(4)     Voir le dossier de Polémia sur « Les stratégies possibles pour les entreprises industrielles dans la mondialisation » :
http://www.polemia.com/campagne.php?iddoc=1494&cat_id...
(5)     Le 6 mars 2008 sur la 2e chaîne de télévision de la RAI.

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Elitair socialisme

Elitair Socialisme

Elitair Socialisme
Heimdallr, Schepper van de Germaanse kasten en daarom esoterisch metafoor voor elitarisme.

Image Hosted by ImageShack.usHet interbellum zorgde voor een enorme toevloed van ideeën op zowat alle vlakken. De humanist Lord Boyd Orr noemde de naoorlogse periode niet zonder reden ‘de grootste en snelste overgangsfase in de menselijke beschaving’ (1). Vooral Duitsland was een bijzonder vruchtbare regio op vlak van politieke ideeën, hoewel we dichterbij uiteraard ook genoeg interessante figuren kunnen vinden. Het interbellum bewees op politiek-filosofisch vlak vooral dat de grenzen tussen socialisme, marxisme en nationalisme helemaal niet zo abstract zijn als men zou denken. ‘Les extrèmes se touchent’. Een open geest is dus noodzakelijk.

De Eerste Wereldoorlog had zo’n effect, dat de ellende ervoor zorgde dat het rechtsradicale spectrum een culturele regeneratie wilde teweegbrengen. Het sterk geloof dat een geestesaristocratie deze regeneratie zou teweegbrengen leefde sterk bij denkers zoals Ernst Jünger, Stefan George, Ernst Niekisch en vele andere denkers van die periode. De pleidooien van de vergeestelijking van de staat en maatschappij waren van het begin tot de laatste dagen van de Weimarrepubliek te horen. Zo was de linkse activist Kurt Hiller er vroeg bij door de ‘Rat geistiger Arbeiter’ tot een ‘Herrschaft des Geistes’ uit te roepen en werkte een programma uit dat veel bijval kende maar weinig teweegbracht. Dit artikel is uiteraard te kort om genoeg nuances aan te brengen, maar het raakt wel genoeg interessante elementen om nader onderzoek te verdienen.

Ernst Niekisch noemde de massa onbekwaam en vond de rol van de elites onmisbaar om zo de stem van de massa te kunnen vertolken. Waar in het verleden deze rol werd vervuld door de feodale heren, zou een ‘Elite des Geistes’ deze rol binnenkort overnemen. ‘Het is die elite die het zelfbewustzijn van de massa tot ontwikkeling zal brengen en voor een handzame wereld- en maatschappijbeschouwing kan zorgen’ (2). Niekisch behoorde tot de socialistische vleugel van de ‘Conservatieve Revolutie’. Het elitisme van de proponenten van deze Revolutie en het rechts-radicale socialisme van sommige leden maakte veel furore en werd volgens J.A.A. Doorn door velen als het enige Duitse toekomstperspectief gezien. Het autoritarisme en de neiging tot een plangerichte economie zorgde er dan ook voor dat er met angst en bewondering werd gekeken naar de Sovjetunie. Niekisch, die bekend stond als nationaal-bolsjewist, pleitte voor een Duits-Russisch verbond, gericht tegen het verachte democratische en kapitalistische westen. Ook bracht Niekisch in 1935 in het tijdschrift Der Tat een hommage aan Lenin en de Sovjetplaneconomie.

Uiteraard vormde deze Conservatieve Revolutie geen homogeen blok, zoals dat meestal is in gevallen waar het aantal politieke denkers het aantal politieke dieren overstijgt. Niekisch klaagde vaak de ‘socialistische verkleedpartij’ van de burgerij aan. Er werden zoveel modellen van ‘socialisme’ ontwikkeld, waardoor de oppervlakkigheid ervan enkel maar is toegenomen terwijl de diepgang werd ontnomen. Ook met het marxisme had Niekisch, zelf volleerd marxist, een eitje te pellen: ‘[…] de marxisten hadden ooit de bedoeling de bourgeoisie materieel te onteigenen, maar lang voordat ze daarin slaagden, werden ze door burgerlijke struikrovers geestelijk onteigend’ (3). Oswald Spengler, zelf aangeklaagd door Niekisch als zo’n ‘onnodige verruimer’, voegt in heel deze kwestie nog een interessante dimensie toe. In zijn politiek essay ‘Preußentum und Sozialismus’ herdefinieerde hij het socialisme als typisch Pruisisch erfgoed. Hij keerde af van het marxistische materialisme en propageerde het ‘ware Pruisische socialisme’, dat idealistisch gericht was. “Es gibt für den Arbeiter nur den preußischen Sozialismus oder nichts”. Hier ging de arbeider op in de natie, en was er geen arbeiderscultus. Lapidair gesteld zei Spengler dat elke echte Duitser een arbeider is, waaruit hij concludeerde dat Duitsers socialisten zijn.

Zowel het veteranennationalisme van Jünger als het Spengleriaanse Pruisische socialisme reflecteerden het beeld van de arbeider als een politieke soldaat, een zogenaamde militieman van het socialisme. In het boek ‘Der Arbeiter’ meldde Jünger zelfs dat de arbeider wordt verheven boven de burger als de nieuwe mens van de toekomst. Spengler ziet het Arbeitertum de waardige erfgenaam van het Preußentum. In ieder geval waren de Conservatieve Revolutionairen het er allen roerend overeen over de positie van de politiek en staat tegenover de economie. Arthur Moeller van den Broeck oreerde, naar de geest van het integrale nationalisme dat wij huldigen, dat het materiële moment het subalterne is. Hierdoor werd de marxistische verdeling omgekeerd: ideeën, macht, recht en staat vormen de basis en dragen de economie. Via een wat wonderlijke logica kon daarmee het marxisme in dezelfde categorie geplaatst worden als het kapitalisme: twee kanten van de ‘materialistische’ medaille’ (4). De geestesaristocratie kan daar tegenover gesteld worden, en trapt niet in de verraderlijke val van het materialisme.

Heimdallr
Scriptor NSV!-Antwerpen 2007-2008
[Heimdallr is Commilito en medewerker aan de Nationalistische Vormingscel. De meningen geuit in dit opiniestuk weerspiegelen echter niet noodzakelijk deze van de NSV!]

_________

Noten

(1) BUGGENHOUT, J. van, Enkele aspecten van de pedagogiek in verband met de Vlaamse openbare lagere school, periode 1919-1940, Gent, 1961, 7
(2) DOORN, J.A.A., Duits socialisme, Mets & Schilt, Amsterdam, 159-160
(3) Ibidem, 160
(4) Ibidem, 165


 

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La OTAN: de Marruecos a Chechenia

Enrique Ravello
LA OTAN COMO ESTRUCTURA MILITAR ANTITÉTICA
A LOS INTERESES EURO-RUSOS:
DE MARRUECOS A CHECHENIA

 

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 LA OTAN: GÉNESIS DE UNA ORGANIZACIÓN DE OCUPACIÓN MILITAR

  Si hacemos memoria recordaremos que la Organización del Tratado del Atlántico Norte (OTAN) es una organización internacional establecida en 1949 con el objetivo de colaborar en la defensa en los campos político, económico y militar. Nació a raíz de un acuerdo denominado Tratado del Atlántico Norte que fue firmado en Washintong D.C el 4 de abril de 1949.

  Teóricamente destinada a ser una garantía de seguridad de los estados de Europa occidental ante la Unión Soviética y sus aliados. Como era propio de la guerra fría la OTAN actuó sólo como fuerza disuasoria.

  …. Y AHORA, ¿DE QUÉ NOS DEFIENDE LA OTAN?

  Tras la desintegración de la Unión Soviética, la OTAN ha reformulado sus objetivos y actividades hasta apropiarse del control político y militar de la Europa central y occidental. En este marco se desarrolló la única operación de ataque a un país por parte de la OTAN, el criminal ataque a Yugoslavia en 1999, causando una gran cantidad de víctimas entre la población civil y usado como un campo de pruebas para nuevos armamentos. No olvidemos que el ataque a Yugoslavia se produce pocas fechas después de que Polonia y Hungría entraran en la Alianza Atlántica y fuera entonces, el yugoslavo, el único ejército con capacidad militar que quedaba entre la OTAN y la antigua frontera de la URSS: ése fue el motivo real del ataque.

  Una vez disuelto el Pacto de Varsovia, ¿se puede seguir hablando de función defensiva?, ¿contra quién? Aquí son los servicios de inteligencia norteamericanos los que dan la respuesta, creando enemigos fantasmagóricos que puntualmente justifican intervenciones aquí y allí con la excusa del terrorismo internacional

  Y son los servicios de propaganda americanos los que esgrimiendo el concepto de “Choque de Civilizaciones” pretenden involucrar a Europa centrooccidental con la coarta de la “lucha contra el Islam”, mientras que objetivamente usa al mundo árabe-islámico como punta de lanza contra Euro-Rusia, el potencial competidor de los EE. UU. por la hegemonía mundial La realidad es que la OTAN ha contribuido a crear un “cinturón verde” desde Pakistán, en el extremo oriental, pasando por Chechenia (con la ayuda del régimen wahabita de Arabia Saudita) hasta Bosnia y Kosovo (donde la guerrilla narcoterrorista de la UCK suele dar sus ruedas de prensa con la bandera de Albania flanqueada por la de EE.UU y de la OTAN) por un lado, y Marruecos por otro, en el extremo occidental.

  Uno de los puntos de fricción entre Eurosiberia y el mundo islámico se sitúa en la zona suroccidental de nuestro Continente, precisamente en la frontera entre Marruecos (África) y España (Europa). Un caso quizás menos conocido, pero al que como español quiero dedicar un momento de atención y denuncia como ejemplo paradigmático de la sinergia EE.UU-Islam contra Europa y de la falsedad de la OTAN como estructura de defensa militar de sus miembros

  Para empezar recordemos que teóricamente España es parte de la OTAN y Maruecos no, aunque tenga un tratado de cooperación bilateral con los EE. UU en el que se le reconoce como “aliado preferencial”.

  Como es sabido por todos en este momento las zonas de mayor fricción, al ser reivindicadas por Marruecos son Islas Canarias (españolas desde el siglo XVI), Ceuta y Melilla, que no son restos de ninguna presencia colonial sino ciudades españolas desde inicios de la Edad Moderna, es decir varios siglos antes de que Marruecos existiera como Estado.

  La presión marroquí en estos territorios, poblados hasta hace poco por españoles de estirpe europea como una minoría áraboislámica en las ciudades de Ceuta y Melilla, es en una primera fase demográfica: continuo desembarco de Pateras en Canarias, en Ceuta y Melilla donde de cada cuatro nacimientos, tres son musulmanes. En sólo 15 años la mayoría de la mayoría de población en Ceuta y Melilla será árabo-musulmana. Un dato revelador, los bancos españoles no dan a sus ciudadanos créditos a más de 10 años para adquirir viviendas en esas dos ciudades, seguramente porque saben que después de esa fecha habrán dejado de ser españolas.

  Siempre quedaría la posibilidad de una defensa militar por parte de la OTAN a la integridad territorial de uno de sus miembros (España) frente al ataque de un estado ajeno (Marruecos), pero es sabido que en las negociaciones para la incorporación de España a la OTAN, la Alianza atlántica exigió que las ciudad de Ceuta y Melilla quedaran fuera del territorio OTAN y la Alianza quedara eximida del compromiso de defenderlas frente a una posible invasión marroquí.

  Como ejemplo paradigmático de la actitud norteamericana en un posible conflicto hispano-marroquí sería muy conveniente recordar los sucesos de la isla Perejil sucedidos durante julio de 2002:

  La isla de Perejil es un diminuto islote en el mar que separa España y Marruecos. Hasta julio de 2002 era territorio español y la bandera roja y amarilla ondeaba allí.

  11 de julio, Marruecos invade la isla con el desembarco de 12 gendarmes e iza la bandera marroquí. Luego llegarán numerosos refuerzos para asegurar el control

  18 de julio, después de varias advertencias diplomáticas, 28 soldados españoles desalojan la isla de marroquíes en pocas horas, una rápida operación sin víctimas. Se iza de nuevo la bandera española. La legión española se despliega para asegurar la defensa del islote. El gobierno marroquí declara que esa acción equivale a una declaración de guerra por parte española.

  19 de julio, Colin Powell se “ofrece” como intermediario.

  20 de julio tras la intervención de Colin Powell se cierra la crisis, el presidente español del momento, José María Aznar ordena retirar los soldados y afirma que se vuelve al “status quo” previo a la intervención marroquí. Nada más falso, el acuerdo alcanzado establece que –al contrario del status quo anterior- además de las tropas, España, conservaba teóricamente la soberanía del islote pero no podía en ningún caso izar la bandera española lo que sería entendido como una “provocación”, también se comprometía y juraba no volver a usar la isla como base de apoyo policial en sus operaciones contra los traficantes de droga –prácticamente todos vinculados al haschis marroquí- que utilizan el estrecho de Gibraltar como vía de introducción de la droga en España y Europa.

  Evidentemente la negociación americana favoreció a Marruecos (no miembro de la OTAN) y perjudicó a España (miembro de la Alianza). La pregunta surge de inmediato, ¿de qué le sirve a España estar en la OTAN?, ¿de qué nos defiende?

  Señalar que existe un cuerpo del ejército español con base en Ceuta y Melilla llamados los “regulares”, actualmente está compuesto en un 40% por musulmanes, ninguno de ellos acudió a la llamada de sus oficiales durante el conflicto del Perejil, por no enfrentarse a “sus hermanos marroquíes”. El gobierno español no tomó las pertinentes medidas que todos los Códigos militares establecen para la deserción, de hecho, no tomó ninguna media coercitiva ni correctora concreta.
 

EL ESCUDO ANTIMISLES:
ENTRE LA HIPOCRESÍA Y LA PROVOCACIÓN
1.

  La creación del escudo antimisiles fue una de las promesas electorales de George Bush en su campaña de 2000, siendo una evolución del antiguo proyecto conocido como “Guerra de las Galaxias”. El sistema que los EE. UU pretenden instalar en Chequia y Polonia para 2012, técnicamente apenas sirve para neutralizar un ataque balístico bastante limitado, en ningún caso para neutralizar los sofisticados misiles rusos. Como máximo sí estaría en condiciones de neutralizar pequeños ataques desde los países árabes a Israel, lo que es cuanto menos curioso.

  Eso sí, el escudo tiene un elevadísimo presupuesto que sanearía las cuentas de la industria aeronáutica norteamericana hoy afectada por la competencia del Airbus europeo. El proyecto es una simple confirmación del “matrimonio” entre el gobierno de los EE.UU y la industria armamentística.

  Los EE.UU sólo pueden inquietarse con la potencia militar de Rusia y China y ninguno ha mostrado la menor intención ofensiva. Por lo que la justificación del Escudo es de otro tipo.

  a) Económica: beneficios para la industria militar.

  b) Geopolítica: presencia militar en Europa occidental y central, coacción en Europa oriental (Rusia, Serbia).

  c) Política: EE.UU ya ve a la UE como presente y futuro competidor, si el competidor se aleja de su esfera de influencia y comienza su natural acercamiento a Rusia, su hegemonía terminaría. Es necesario prestar atención a un proceso reciente, en Europa occidental ya muy pocos creen en la OTAN, la mayor potencia militar de esta zona, Francia, aboga cada vez más por una política militar europea independiente de EE.UU; hoy los máximos valedores de los EE.UU, dentro de la UE, son precisamente los antiguos países comunistas: Polonia, Chequia, Rumanía, es precisamente ahí donde EE. UU pretende instalar su escudo por tres motivos:

  1) Por entender que la zona de control geoestratégico del continente ha pasado de la Europa occidental a la centro-oriental más cercana a Rusia.

  2) Por crear tensiones internas en Europa entre los países más pro-americanos (Rusia, Chequía, Rumanía) y los más críticos con la OTAN-EE.UU (Francia, España y Alemania).

  3) Para aumentar la tensión/provocación a Rusia instalando el nuevo sistema militar de “defensa” en el territorio del antiguo Pacto de Varsovia, excesivamente cercano a la frontera de rusa. La enérgica reacción del gobierno ruso da a entender que el rearme y recuperación de la capacidad militar de la gran potencia europea –Rusia- es un hecho con el que los EE. UU tendrá que empezar a contar.

  Retomando el tema anterior del conflicto entre Marruecos y España, hay que decir que España, país de la OTAN, queda fuera del territorio de cobertura del escudo antimisiles, evidenciando que los EE.UU no tienen el meno interés en la defensa de Europa del mundo árabeislámico (Marruecos, Argelia, etc.) y sólo ve enemigos en el Este (Rusia).

  Por el contrario, a los EE. UU., sí le interesa la defensa del Estado de Israel, que, paradójicamente sin ser miembro de la OTAN sí que queda bajo el área de defensa del escudo. Repito la pregunta, ¿para que le sirva a España estar en la OTAN?
 

POR UNA OFENSIVA EURO-RUSA

  Denunciando sus insuficiencias y sus verdaderos objetivos, se trata ahora de demostrar la real naturaleza de la OTAN, su antítesis con los objetivos militares, y también políticos y económicos de Europa occidental y al mismo tiempo, defender una alianza Europa-Rusia como embrión de la futura confederación de la primera potencia mundial, como nos acaba de hablar Guillaume Faye.

  La desconfianza hacia los EE.UU. y la OTAN crece en los países de Europa occidental, cuyas opiniones públicas se muestran cada vez más críticas y contrarias a la sumisión de sus gobiernos ante la política estadounidense. Estamos en el momento preciso –y entiendo que ése es uno de los objetivos de esta reunión- de lanzar una contraofensiva propagandística y mediática que no se limite a la función “destructiva” de crítica sino que trascienda a la función constructiva de “propuesta”. Una campaña que debía estar sincronizada y coordinada entre:

  a) Los identitarios de Europa occidental, hoy los mayores defensores de Serbia y Rusia. Sólo como anécdota recordemos que fue el europarlamentario del partido italiano Fiamma Tricolore, Luca Romagnoli, el primero en proponer en esa institución que la negativa de la entrada de Turquía a la UE estuviese acompañada del ofrecimiento a Rusia y Ucrania para hacerlo.

  b) Y los identitarios de Europa occidental, con espacial énfasis en los rusos, quienes con la fuerza de sus instituciones y organizaciones serían capaces de dar una intensidad realmente efectiva.

  El mensaje a transmitir debería definir un lema principal y varios argumentos complementarios de ese lema principal.
 

  -Lema principal:
  “La única opción para una autonomía política, económica, energética y militar de Europa occidental para por terminar con la actual situación de colonización de baja intensidad por parte del entramado EE.UU-OTAN es iniciar inmediatamente una política de acercamiento a Rusia.
  La única opción para Rusia de terminar con la amenaza militar norteamericana y de establecer una entente política estable y beneficiosa para ambas partes, es hacerlo con Europa occidental buscando instaurar el eje París-Berlín-Moscú, o más ampliamente el eje Lisboa-Madrid-París-Roma-Berlín-Estocolmo-Moscú./p>

  Argumento básico y distintivo del tema principal: El acercamiento euro-ruso y la futura confederación Eurosiberiana traerían beneficios desde le punto de vista económico, político y militar, pero la “ultima ratio” está en la comunidad cultural, histórica y étnica de los pueblos que comprende. No se debe simplemente a beneficios o situaciones coyunturales, sino a principios esenciales: la comunidad de sangre y destino de todos los pueblos europeos de origen boreal.

  Argumentos complementarios:

  1) El periodo de la Guerra Fría (1948-1989) debe considerarse como una excepción negativa en la historia de Europa occidental.

  Sólo en ese periodo se sintió la amenaza de una invasión desde el este de Europa acompañada con la expansión de una ideología destructiva como fue el comunismo. Muerta esta ideología también hay que matar el temor a un acercamiento a la Europa oriental y más concretamente a Rusia

 

  Sólo durante este anómalo período Europa occidental hizo dejación de su autonomía política para permitir situarse bajo el “paraguas americano”

 

  2) La nueva sinergia euro rusa está muy lejos de pretender sustituir un imperialismo (americano) por otro (ruso). Se difundirá la idea de un confederación paritaria, y descentralizada.

  3) Las instituciones europeas deberán de ser marionetas de intereses americanos. La UE (mientras exista) deberá oponerse a la entrada de Turquía y comenzará a establecer tratos de relación económica privilegiada con Rusia, Serbia, y demás países europeos ajenos a la UE.

  4) Rusia deberá entender a Europa occidental como el gran aliado presente y futuro, a la que exigirá trato de privilegio económico, pero con la que también tendrá una relación privilegiada a la hora en cuestiones energéticas y militares, en detrimento de los países asiáticos (Eurosiberia frente a Eurasia)
  La unión entre la potente economía de la Europa occidental, y los recursos energéticos y potencia militar rusa, constituirían, con mucha diferencia, la primera potencia planetaria.

  5) Denuncia de la cultura-parvulario norteamericana como algo ajeno a la complejidad y riqueza del pensamiento europeo. Especial empeño en la difusión de las grandes obras culturales de la historia europea, con el objetivo de demostrar la similitud existente a lo largo de los siglos del arte y cultura rusa con la europea occidental.

  6) Presentación de la alianza euro-rusa como la única posibilidad de defensa no sólo de Europa sino también de todo el mundo blanco (de Australia a Argentina, pasando por la pronto minoría blanca de Norteamérica) denunciado la función destructiva que, en ese sentido, tiene el gobierno de los Estados Unidos.

  Para terminar quiero agradecer al señor Tualev y a su magnífica revista Ateney, al señor Ivanov y al resto de camaradas rusos, la organización de este II encuentro del Mundo Blanco y animo a organizadores y participantes a acudir puntualmente a nuestra cita en esta hermosa capital europea que es Moscú, y mantenernos unidos y coordinados en nuestra común defensa de Eurosiberia, Euro-Rusia y de todo el Mundo Blanco.
 


  1 Para ampliar información cfr. http://infokrisis.blogia.com, la página personal de Ernesto Milá. “El escudo antimisiles no protege, “enriquece”.

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samedi, 03 mai 2008

Les renseignements occidentaux en Tchétchénie

Tchétchénie: le renseignement occidental soutenait les séparatistes (TV)

 

MOSCOU, 22 avril - RIA Novosti. Les services secrets occidentaux ont mis au point dans les années 1990 un plan visant à rendre effective l'indépendance de la Tchétchénie vis-à-vis de la Russie, affirme un documentaire intitulé "Plan Caucase" qui sera diffusé mardi soir sur la chaîne publique russe Pervi Kanal.

Selon un communiqué publié par la chaîne, la France imprimait des passeports d'Itchkérie (le nom donné à la république par les séparatistes), et des armements étaient acheminés vers la république à travers la Géorgie dans le cadre de cette opération.

Le citoyen turc d'origine tchétchène Aboubakar, connu depuis 40 ans sous le pseudonyme de Berkan Iachar, à la suite d'un contrat signé avec la CIA, raconte l'organisation dans les années 1990 d'une plateforme politique visant à obtenir la sécession de la république russe.

Selon lui, ce projet était financé par plusieurs Etats. Les passeports destinés à la République d'Itchkérie étaient imprimés par la France, la monnaie était fondue en Allemagne.

"Dans les années 1990, Aboubakar devient en quelque sorte l'éminence grise à travers laquelle on réalise les transactions financières plus ou moins juteuses destinées aux combattants du Caucase du Nord", affirment les réalisateurs du documentaire.

Selon eux, une des affaires les plus secrètes remonte au temps du leader séparatiste Djokhar Doudaïev dans les années 1990. M. Iachar participe alors à la mise au point d'un plan visant à acheminer illégalement des pierres précieuses à l'aéroport de Grozny.

"Le bénéfice dégagé servait à acheter des armes. Il ne s'agissait pas de sommes très importantes, entre 10 et 20 millions de dollars à chaque convoi", a confié Aboubakar, selon lequel cette filière n'a été découverte que plusieurs années plus tard.

"Ce ne sont que quelques exemples du soutien fourni par les services secrets étrangers à la sécession de la Tchétchénie", affirme le documentaire.

RIA NOVOSTI

http://fr.rian.ru/russia/20080422/105603573.html<......

La géopolitique en Inde

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La géopolitique en Inde

Bertil HAGGMAN

Introduction

Je ne révèle pas une surprise en disant que la géopolitique est bien vivante en Inde. L'importance stratégique de ce sous-continent est en effet très importante. La géopolitique indienne se repère bien entendu dans des champs tels celui des relations internationales et celui des “études indiennes”. Fait intéressant à noter: les travaux du géopolitologue et professeur suédois Rudolf Kjellén a influencé la pensée et les analyses géopolitiques en Inde. Le Prof. M.M. Puri, sans doute le géopolitologue le plus intéressant d'Inde a montré l'importance de l'œuvre de Kjellén dans son discours inaugural lors de l'International Seminar on Afro-Asian Geopolitics en avril 1990: «... il nous apparaît très nécessaire d'examiner attentivement l'œuvre qu'a écrite Rudolf Kjellén dépuis le début des années 1890 jusqu'à sa mort en 1922... Le fait qu'il ait écrit en suédois rend son œuvre quasi inaccessible, non disponible à tous ceux qui ne maîtrisent pas la langue suédoise. Le suédois limite considérablement le lectorat et empêche les universités étrangères de faire connaissance de son œuvre et de l'étudier... Quelques-uns de ses livres ont été traduits en allemand... Il était un écrivain très prolifique... Je veux ici reconnaître formellement la dette intellectuelle que les organisateurs de ce séminaire ont envers la pensée de ce grand politologue suédois, Rudolf Kjellén, qui a véritablement donné substance, signification et ampleur à la science politique pendant la dernière décennie du XIXième siècle. Il était vraiment en avance sur son temps» (1).

Le Président de la Société d'Etudes géopolitiques, le Prof. V.P. Dutt, dans ses remarques formulées à propos du séminaire en question, a déclaré que nous “pouvions prévoir l'émergence de six, et peut-être de dix, centres [géopolitiques] de grande importance dans le monde: les Etats-Unis, l'Europe  —en fait, il s'agit de l'“Europe germanique”, laquelle se développe plus rapidement que l'“Allemagne européenne”— dont la Mitteleuropa deviendra le foyer le plus actif” (2).

Le Prof. Dutt identifiait en 1990, l'Europe, les Etats-Unis, la Russie, le Japon, la Chine et l'Inde comme les futurs centres les plus importants du monde. Il songeait également à l'émergence en puissance d'un ou de deux pays d'Amérique latine et d'Afrique.

Analyse géopolitique de l'Océan Indien

Le rôle régional, global et géopolitique de l'Inde ne peut pas être évalué si l'on ne prend pas en compte la problématique de l'Océan Indien. La région de l'Océan Indien a été dans l'histoire une vaste avenue où se sont croisés des courants culturels divers venus d'Asie et d'Afrique. L'Océan Indien est l'Océan du Tiers-Monde, dont les pays riverains ont des populations en croissance rapide.

Par Océan Indien, on entend généralement les masses océaniques situées grosso modo entre 20°E et 120°W de longitude et de 30°N à 40°S de latitude. Au cours de ces dernières années, la Pan-Indian Ocean Science Association a voulu étendre le concept d'Océan Indien vers le Sud, jusqu'à l'Antarctique.

Dans un article paru en 1986 (3), le Prof. Puri décrit les caractéristiques de l'Océan Indien comme suit (nous nous bornerons à énoncer cinq points):

1. Pour l'essentiel, la zone de l'Océan Indien est fermée sur trois côtés par des terres, la partie méridionale de l'Asie formant comme un toit au-dessus de cette masse océanique.

2. Le sous-continent indien se lance comme un promontoire dans cette masse océanique, sur une distance de plus de mille miles.

(...)

4. Dans la majeure partie de son étendue, l'Océan Indien possède les caractéristiques d'une mer fermée.

(...)

6. La Mer arabique est l'une de ces mers dont l'importance est vitale dans le monde, dans la mesure où elle reste une grande voie maritime, où le commerce et les échanges de tous ordres s'effectuent. Cette mer est une zone d'importance majeure pour la navigation.

(...)

9. Les immensités océaniques au Sud de l'Océan Indien s'étendent jusqu'aux eaux de l'Antarctique, continent inhospitalier, mais qui constitue toutefois un défi car ce n'est que maintenant qu'il s'ouvre à l'exploration et à toutes sortes d'expérimentations. Potentiellement, l'Antarctique sera l'objet de contentieux politiques à l'échelon international, dès avant la fin de ce siècle (4).

Menace russe?

Le Prof. Puri a écrit son article sur l'importance géopolitique de l'Océan Indien avant la chute du régime communiste en URSS en 1991. Bien sûr, la seule superpuissance demeurant en piste, les Etats-Unis, a intérêt à asseoir sa présence dans l'Océan Indien. Aujourd'hui, la Russie est sans doute trop faible pour y exercer une quelconque influence, mais n'oublions pas que l'homme politique ultra-nationaliste russe Vladimir Jirinovski, dans son fameux manifeste, intitulé La poussée finale vers le Sud (1993) a déclaré qu'il prévoyait le jour où les soldats russes iraient se baigner sur les plages de l'Océan Indien: «Mais cela ne sera possible que si la Russie s'ouvre au Sud, pour arrêter sa progression sur les rives de l'Océan Indien» (5). «Car», ajoute-t-il, «nous avons ensuite la plus longue frontière du monde, celle qui sépare la Russie de la Chine. Cette frontière doit connaître la paix pour toujours, car la Chine a des visées vers le Sud et non vers le Nord. L'Inde nous a manifesté son amitié. A la fin, il ne nous reste plus qu'à pousser vers l'Océan Indien» (6).

«Que la Russie fasse son bond final vers la Sud! J'imagine déjà les soldats russes se préparant pour cette expédition finale vers le Sud. J'imagine déjà les officiers russes aux échelons divisionnaires et dans les quartiers généraux de l'armée, dresser les cartes de la route qu'ils emprunteront avec leurs unités, et marquer sur ces cartes les points finaux de leur progression. J'imagine déjà les avions rassemblés sur les bases aériennes dans les régions du Sud de la Russie. J'imagine déjà les sous-marins faisant surface près des côtes de l'Océan Indien, je vois déjà les engins amphibies donner l'assaut et s'approcher des plages, tandis que les soldats russes se mettent en branle, manœuvrent leurs transporteurs de troupes blindés et lancent des nuées de chars d'assaut vers l'avant. La Russie entreprendra alors son ultime expédition militaire» (7).

La Chine a-t-elle des visées vers le Sud?

Jirinovski prévoit l'expansion de la Chine vers le Sud. D'autres experts prédisent déjà que la prochaine grande guerre éclatera entre l'Inde et la République Populaire de Chine.Selon ces experts, les Chinois considèrent que l'Inde est un adversaire potentiel, du fait que l'objectif stratégique de New Delhi reste l'Océan Indien et le Sud-est asiatique. La Chine estime être sous la menace de l'aviation et des missiles indiens. Un rapport rédigé par les hautes sphères de l'armée chinoise prétend que l'Inde pourrait préparer une attaque contre la Chine et que les forces armées de Beijing pourraient parfaitement contre-attaquer victorieusement.

L'importance géopolitique de l'Inde

La montée en puissance de l'Inde est un fait évident. Comme le remarque très justement le Prof. Puri: «La position centrale de l'Inde dans l'Océan Indien, satisfait aux six exigences qu'a fixées Mahan pour le développement et la conservation de la puissance maritime» (8):

- position géographique;

- étendue du territoire;

- ampleur de la population;

- formes physiques (nature des côtes);

- caractère national (aptitude à développer des activités commerciales);

- nature du gouvernement.

La population de l'Inde, sa proximité avec la zone du Golfe, ses innombrables ressources font de la région de l'Océan Indien l'une des régions les plus importantes de l'hémisphère sud.

Il est donc normal que l'intérêt pour les choses géopolitiques et géostratégiques croît en Inde. Pendant les années 80, deux importants centres d'études en ces matières ont vu le jour.

Les Institutions géopolitiques en Inde

The Society for the Study of Geopolitics

Cette société a été mise sur pied en 1985 à Chandigarh. L'initiateur et sécrétaire général était et est resté le Professeur Madan Mohan Puri, Directeur du “Center for the Study of Geopolitics” à la Panjab University. Le Président en est le Prof. Dr. V. P. Dutt. Lors de la toute première manifestation de la Society, les animateurs ont clairement expliqué que la géopolitique avait été mal interprétée et mal conçue depuis la seconde guerre mondiale. Cependant, dès les années 60, on a pu assister à un regain d'intérêt pour cette thématique en Europe et en Amérique. Le Prof. Puri a également souligné la nécessité urgente de prendre continuellement en considération les facteurs géographiques et physiques dans toute approche de matières politiques. Le but de la Society est de généraliser et de favoriser la conscience géopolitique. Les buts et les objectifs de la Society sont mentionnés dans les statuts:

(I) Encourage l'intérêt pour la géopolitique et promouvoir l'étude de la géopolitique

(II) Favoriser la compréhension des phénomènes politico-géographiques, tels qu'ils surviennent et se déploient dans notre environnement proche ou lointain.

(III) Promouvoir la conscience de la continuité existant entre la géographie et la politique, en tant que disciplines académiques et en tant que faits réels de la vie.

(IV) Susciter et favoriser un corpus d'opinion bien informé sur tous les facteurs, forces et phénomènes géopolitiques à l'œuvre dans la société, bien distinct des facteurs, forces et phénomènes géostratégiques ou psycho-politiques.

(V) Initier, entreprendre, soutenir et répandre les recherches et les analyses portant sur les multiples aspects de l'interaction et des interrelations à l'œuvre dans les domaines en expansion de la géographie et de la politiques à tous niveaux.

(VI) Collecter, susciter, engranger, préserver, déchiffrer, publier et répandre toutes données et informations relatives à la géographie et à la politique, spécialement dans le domaine de la géographie politique.

(VII) Constituer et conserver des archives, une documentation et une bibliothèque sur les questions géopolitiques.

(VIII) Constituer à Chandigarh, si possible et dès que possible, un Centre d'information et d'analyses géopolitiques.

(IX) Organiser des réunions, des cours, des débats, des discussions, des séminaires, etc., en accord avec les buts et objectifs de la société.

(X) Initier, assister, encourager et financer des recherches et des analyses en matières géopolitiques.

(XI) Offrir et réceptionner toutes informations, consultations, avis et expertises en matières géopolitiques.

(XII) Echanger et partager des données, des résultats de recherches et des analyses en matières géopolitiques avec des institutions de haut niveau académique, avec des organisations de recherches ou des institutions similaires de bona fide, sans aucune discrimination, afin d'établir des normes académiques ou de dégager les grandes lignes de l'intérêt national (9).

The Centre for the Study of Geopolitics

Ce Centre a été créé en 1987 à la Panjab University à Chandigarh. Il est financé par la Commission des subsides de l'Université indienne et constitue un appui aux recherches du Département des Sciences politiques. Il semble que ce soit la seule institutions constituée en Inde qui s'occupe de recherches en géopolitique. Le Directeur en est le Prof. M. M. Puri, formé en Inde et en Allemagne. Il a publié de nombreux ouvrages dans les domaines des relations internationales et de la géopolitique.

Bertil HAGGMAN.

(Paper no. 17, «Geopolitics in India», 1994, Centrer for Research on Geopolitics/CRG, P.O. Box 1412, S-25.114 Helsingborg, Suède).

Notes:

(1) Rapport intitulé «Afro-Asian Geopolitics», séminaire organisé par le Département de Sciences politiques, Center for Geopolitics and Society for the Study of Geopolitics, 4 au 11 avril 1990, Chandigarh, Inde, pp. 44-45.

(2) Ibid., pp. 49-50.

(3) Madan Mohan Puri, «Geopolitics in the Indian Ocean: The Antarctic Dimension», Journal of the School of International Studies, Jawaharlal Nehru University, New Selhi, Vol. 23, no. 2, avril-juin 1986.

(4) Ibid., pp. 158-159.

(5) «Zhirinovsky in His Own Words: Excerpts from The Final Thrust South», The Heritage Foundation, Washington D.C., Février 4, 1994, p. 5 (dans l'original, p. 127).

(6) Ibid., p. 11 (dans l'original, pp. 138-139).

(7) Ibid., p. 11 (dans l'original, p. 142).

(8) Puri, «geopolitics in the Indian Ocean...», p. 161.

(9) Rapport, «Afro-Asian Geopolitics», pp. 30-31.

Sources (non mentionnées dans les notes):

- M. M. PURI, The Antarctic - A Study in the Geopolitics of Peace, London, Routledge/Cambridge University Press, 1993.

- M. M. PURI, Afro-Asian Geopolitics (à paraître).

- Indian Ocean Geopolitics: the Enduring Imperatives, Proceedings of the Tenth European Conference on Modern South East Asian Studies, Venise, 28 septembre/4 octobre 1988 (publié en 1990).

- Ashwini SHARMA, Wealth of the Indian Ocean, manuscrit non publié, mémoire pour l'obtention du titre de M. Phil., Panjab University, Chandigarh, 1983.

 

 

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vendredi, 02 mai 2008

Connaître et aimer Knut Hamsun

Avec Michel d’Urance, une invitation à connaître et aimer Knut Hamsun

Pierre Le Vigan

Avec Michel d’Urance, une invitation à connaître et aimer Knut Hamsun
Dans la collection Qui suis-je ? de Pardès (initiative sympathique si ce n’est son dispensable thème astral qui clôt chaque volume), le jeune essayiste Michel d’Urance, rédacteur en chef d’Eléments, aborde un homme du grand Nord, et aussi un grand homme du Nord, l’écrivain norvégien Knut Hamsun. Le petit et gracieux ouvrage constitue une introduction à l’œuvre et à l’homme très rigoureuse, très complète sans être exhaustive bien entendu, et une excellente invitation à la lecture ou à la relecture, que l’on pourra aisément compléter par le numéro de Nouvelle Ecole sur le même thème (56, 2006).

Né en 1859, mort en 1952, Hamsun – ce « personnage original et puissant » comme disait Octave Mirbeau – est déjà de notre temps, de la première modernité en tout cas, sans l’être tout à fait : il n’a connu que la première phase de son déchaînement, il est vrai significative puisqu’elle comporte Hiroshima, Dresde février 45, les camps nazis, les camps staliniens, et aussi la TSF, l’avion, le téléphone. Hamsun a connu cela, et il a connu aussi le temps d’avant, celui que chacun d’entre nous n’a pas connu, le temps des chevaux, des charrettes, des dialogues sur la place du bourg, des amours cachés dans les foins et non sur le web.

Dans une œuvre longue, ponctuée par le prix Nobel en 1920, pour Les fruits de la terre (traduit sous le nom de L’éveil de la glèbe), le héros hamsunien, note d’Urance, « figure son époque par delà l’infinité ou la différence des personnages. » « Fixer l’ambiance d’époque, devenir un mémorialiste de son temps » c’est à cela, écrit encore justement d’Urance, que l’on reconnaît un grand écrivain. Ce héros hamsunien dit, comme celui de Balzac, l’époque et l’époque qui change – et l’homme qui change avec son époque. « Nous changeons même si c’est infime, dit l’un des personnages d’Hamsun. Aucune volonté, aussi stricte soit-elle, ne peut avoir d’influence sur cette progression naturelle (…). Du point de vue historique, le changement est un signe de liberté et d’ouverture » (Crépuscule, 1898).

Knut Pedersen-Hamsun a voyagé, notamment aux Etats-Unis, et a exercé plusieurs métiers. Il a vu les nuances du monde et c’est pourquoi il convient de porter sur lui un jugement plein de nuances. En Amérique, il est frappé par la solidité des bases morales données par la religion ainsi que par le patriotisme exagéré des Américains (August le marin, 1930). Il note l’excès de morale et la faiblesse de l’analyse, la faiblesse de ce que les Français appellent « l’esprit » qui caractérise ce peuple. Il est encore frappé par quelque chose d’une extrême dureté que l’on trouve selon lui dans la mentalité des Américains. En Caucasie, au contraire, ce qui lui parait décisif c’est que plus on va vers l’est, plus on va vers le silence, plus le sort de l’homme devient non plus de parler, mais d’écouter la nature, celle-ci devenant de plus en plus massive, de plus en plus tellurique. « J’en aurais toujours la nostalgie » écrit Hamsun.

Patriote norvégien – il est pour l’indépendance de son pays en 1905, au moment de la séparation avec la Suède -, moderniste en littérature, dénué de xénophobie et d’antisémitisme, qu’est-ce qui a poussé Knut Hamsun à se « rallier », avec des nuances bien entendu, au régime pro-allemand de Quisling de 1940 à 1945 et d’une manière plus générale à la cause de l’Allemagne national-socialiste et de l’Axe (un de ses fils sera combattant dans une unité de Waffen SS comme nombre de nordiques et de Baltes).

Ce choix aventureux - dans lequel Hamsun avait beaucoup à perdre et rien à gagner - n’est de fait pas venu par hasard, et Michel d’Urance éclaire de manière fine cet épisode qui donne un caractère de souffre à l’approche d’Hamsun dont les amitiés littéraires (il fut préfacé par André Gide notamment) n’avaient strictement rien de « fasciste ». Pour autant, il est exact que Hamsun était critique quant à la modernité, il est exact qu’il souhaitait un équilibre entre celle-ci et des valeurs traditionnelles comme la proximité avec la nature, l’expérience personnelle, toutes choses qui amenaient à critiquer les sociétés de masse, à refuser le communisme, à ne pas se satisfaire non plus du libéralisme et son culte du commerce. D’où un intérêt pour tout système paraissant ouvrir une nouvelle voie.

Il est de fait aussi que, trente ans avant l’arrivée de Hitler au pouvoir, Hamsun avait manifesté sa sympathie pour l’Allemagne. Il est de fait que l’Allemagne devenue nazie, sa sympathie n’a pas faibli. Comme beaucoup, Hamsun n’a pas voulu voir la réalité de l’antisémitisme nazi et a sous-estimé son extrême violence (dont les manifestations et l’aboutissement criminel n’étaient pas forcément décelable vu de Norvège, les nazis ayant mis en place une politique du secret et du camouflage qui trompa bien des observateurs). Bien entendu, des facteurs plus personnels sont à prendre en compte : Hamsun a 81 ans en 1940, et il est sourd. Sans aller jusqu’à dire que sa surdité explique sa cécité ( !) sur le nazisme, il est certain que ce handicap l’éloigne du monde. Hamsun est toutefois parfaitement lucide durant ces années. En 1940, il souhaite publiquement l’arrêt des combats et la collaboration de la Norvège avec le Reich. Sa principale motivation est la détestation des anglo-saxons et de leur civilisation. Nulle hystérie antisémite chez lui. Très vite, Hamsun est déçu de la forme que prend la politique de collaboration. Il reste toutefois fidèle à ses prises de position initiale. Le 7 mai 1945, il rend hommage dans la presse à Hitler en des termes lyriques et quasi-christiques (on pense à Alphonse de Chateaubriand), le présentant comme un homme qui « proclamait son évangile de la justice pour toutes les nations » et « une de ces figures éminentes qui bouleversent le monde » (la seule chose que l’on ne contestera pas, c’est le fait qu’Hitler ait bouleversé le monde en parachevant la catastrophe inaugurée en 1914 et qui a vu l’Europe presque au bord de la sortie de l’histoire. Cf. Dominique Venner, Le siècle de 1914, Pygmalion, 2006). En vérité, un entretien d’Hamsun avec Hitler en 1943 avait montré l’ampleur des malentendus, comme le montre bien Michel d’Urance. Hamsun était un idéaliste et rêvait d’une Europe nordique fédérée, faisant vivre une civilisation débarrassée des excès de l’économisme et Hitler était avant tout un pangermaniste darwinien, scientiste et ultra-moderniste qui souhaitait que la Norvège lui cause le moins de souci possible.

En 1945, Hamsun est mis en résidence surveillée puis jugé. Il est libéré au bout de 5 ans, il a alors 90 ans et est complètement ruiné. Il meurt 2 ans plus tard. On ne connaît pas de personnes qui ait été arrêtées suite à des dénonciations venant de lui, par contre, plusieurs personnes lui doivent la vie ou leur libération suite à des interventions qu’il a faite durant la guerre auprès des Allemands. Il avait écrit : « Il est bon que certains gens sachent comment un homme de fer se comporte devant une morsure de serpent ».

notes

Michel d’Urance, Hamsun, Qui suis-je, Pardès, 2007, 128 p., 12 €.

La vraie crise mondiale, c'est l'alimentation

Oubliez le pétrole, la vraie crise mondiale, c’est l’alimentation Version imprimable Suggérer par mail
Crise alimentaire
Une nouvelle crise alimentaire mondiale est en train d’émerger, et elle pourrait être bien plus dramatique que tout ce que le monde a connu par le passé. La crise du crédit et les conséquences de l’envol du prix du pétrole seront peu de choses en regard de ce qui nous attend.


Telles sont les prévisions dont Donald Coxe, un gestionnaire du fonds BMO Financial Group, a fait part aux investisseurs réunis à Toronto par l’Empire Club. « Il ne s’agit pas de si mais de quand », a-t-il averti son auditoire avant de prévenir que « cela va frapper fort cette année. »

M. Coxe estime que les fortes hausses des denrées alimentaires observées l’année dernière allaient s’intensifier durant les années à venir, en raison de la demande accrue de viande et de produits laitiers des classes moyennes en Chine et en Inde et de la forte demande de l’industrie des biocarburants.

« Le plus grand défi mondial ce n’est pas le pétrole à 100 dollars, c’est d’obtenir assez de nourriture pour que les nouvelles classes moyennes puissent vivre de la même façon que les nôtres le font, et cela signifie que nous devons accroître considérablement la production ».


L’impact d’un marché de produits alimentaires plus tendu est déjà évident sur le prix des produits bruts qui ont augmenté de 22% l’an passé. M. Coxe a déclaré que cette envolée serait ressentie dans les prix à la consommation dans les 6 prochains mois. Les consommateurs ont déjà dépensé 6,5% de plus pour l’alimentation l’année dernière. Le prix du blé a bondi de 92% en 2007 et a clôturé hier à 9,45 dollars le boisseau de 35 litres à la bourse de Chicago.

Au cœur de cette catastrophe imminente se trouve le maïs, qui est la première ressource utilisée par l’industrie des biocarburants. Son prix a augmenté de 44% durant les 15 derniers mois, clôturant hier à 4,66 dollars à Chicago, au plus haut depuis juin 1996. Ces impacts ne se font pas seulement ressentir sur les prix des nourritures à base de céréales, mais influent également sur le prix de la viande, en entraînant une augmentation du prix des aliments pour le bétail.

« Il va y avoir de vrais problèmes dans les pays qui sont importateurs de nourriture, car nous voyons déjà se développer des embargos sur l’exportation de la part de pays qui auparavant tentaient à tout prix de vendre à l’étranger »
, note-t-il, en citant la Russie et l’Inde à titre d’exemples.

« Ceux qui ont de la nourriture vont avoir un avantage énorme »
: avec 54% du maïs mondial cultivé dans les états du Middle-West, les USA feront partie de ces pays avantagés. Mais M. Coxe avertit que les exportations de maïs sont en danger d’ici trois ans si le pays continue de subventionner la production d’éthanol. On s’attend à ce que les biocarburants aient accaparé un tiers de la production de grain en 2007.

Selon lui, les stocks de réserves de céréales américains sont au niveau le plus bas jamais enregistré, comparativement à la consommation. Il existe une vingtaine de ces stocks de par le monde, qui vont définir le futur contour de l’offre mondiale, et dit-il « ces stocks prendront une valeur précieuse avec le temps qui passe ». M.Coxe estime que les rendements du maïs dans le monde devront tendre vers ce que l’on observe dans l’Illinois, qui produit 500 boisseaux l’hectare, alors que la moyenne mondiale n’est que de 75 boisseaux. « Cela sera possible avec plus d’engrais, plus d’OGM, et grâce à une mécanisation et une technologie de pointe », prévoit-il.

Alia McMullen, Financial Post, 7 janvier 2008

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jeudi, 01 mai 2008

G. Faye : Euro-Russie

Guillaume Faye
EURO-RUSSIE: BASES CONCRÈTES
D’UNE FUTURE CONFÉDÉRATION IMPÉRIALE

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Intervention au Colloque de Moscou de juillet 2007

  J’avais nommé l’idée d’une union continentale entre tous les peuples d’origine européenne, de la France à la Russie, de l’Atlantique au Pacifique “Eurosibérie”. Et mon ami Pavel Toulaev m’a fait discrètement remarquer qu’il faudrait mieux parler d’Euro-Russie.-, parce que la Sibérie est au fond un terme géographique et la Russie un terme ethnique et historique.  Je pense qu’il avait raison. Mieux vaut parler pour ce projet d’Euro-Russie
 

La confédération impériale euro-russe,
projet mobilisateur pour le XXIe siècle.

  Une telle idée n’est pas destinée à s’appliquer pragmatiquement dans les dix ans à venir, évidemment ! Il s’agit d’une “utopie positive ” ou de la construction d’un “mythe agissant”.  Au XVIIIe siècle, l’idée de l’Union de l’Europe occidentale avait pris corps et s’est finalement réalisée (avec de redoutables imperfections) ; au XIXe siècle, les fondateurs de l’idée sioniste ont réussi à aboutir à la création de l’État d’Israël. Les Pères fondateurs des Etats-Unis d’Amérique au XVIIe siècle ont réussi leur pari. De même aujourd’hui, l’idée d’une Union impériale et fédérale de l’Europe occidentale, de l’Europe centrale et de la Russie doit être envisagée, pour servir de modèle aux générations futures qui devront la réaliser.

  Ce projet prolonge et dépasse à la fois l’Union européenne, qui, à mon avis, était un moment dialectique important dans l’histoire mais a atteint ses limites et s’avère, à mon sens, aujourd’hui, un échec. Pourquoi un échec ? Parce que l’Union européenne n’a pas été capable d’affirmer la souveraineté de l’Europe comme grande puissance face aux USA, parce qu’elle a été incapable d’éviter l’invasion de l’Europe par les populations du tiers monde et de l’islam. Pis encore, l’Union européenne en vient aujourd’hui à nier et à détruire l’idée même d’Europe par le projet d’y faire participer la Turquie, voire même pour d’autres politiciens irresponsables, les pays du Maghreb.  Néanmoins, je le répète, l’Union européenne était dialectiquement importante (au sens hégélien) mais elle doit être maintenant être dépassée, surmontée et prolongée, à la fois négativement et positivement, par l’Union euro-russe.  

  L’idée selon laquelle les peuples européens sont extrêmement différents les uns des autres et que les Russes sont encore plus différents des autres doit être soumise à une sorte de relativisme critique. L’idée de divergence entre les peuples de souche européenne sera de moins en moins vraie au cours du XXIe siècle. Ce siècle verra surgir une opposition de plus en plus grande entre les peuples d’origine européenne et tous les autres. Et nous allons tous prendre progressivement conscience, des rives de l’Atlantique à la Sibérie, que l’ensemble euro-russe forme une unité homogène relative de civilisation, de culture, d’histoire, de mentalité et de potentiel génétique.  Un Breton ou un Catalan de souche, un Bavarois, et un Russe de Carélie sont beaucoup plus proches entre eux sur le plan génétique mental et comportemental qu’il ne le sont d’un Chinois. Les racines culturelles, artistiques, historiques de la France ou de l’Italie sont beaucoup plus proches de celles de la Russie qu’elles ne le sont de l’Afrique francophone. 

  Si l’on raisonne en termes d’ethnopolitique autant que de géopolitique, l’ensemble euro-russe apparaît comme une nécessité vitale dans ce monde du XXIe siècle qui verra à la fois le choc des civilisations et la nécessité de se regrouper en grands blocs.

  Les esprits, dira-t-on, ne sont pas prêts pour un tel projet révolutionnaire. Mais avec les bouleversements du XXIe siècle, les choses pourront évoluer beaucoup plus vite que nous ne le pensons. Les grands principes concrets sont les suivants :
 

Quelle organisation politique et constitutionnelle ?
Le confédéralisme impérial.

  Il est impossible ici d’imaginer dans le détail la forme politique et constitutionnelle interne d’une union euro-russe, mais on peut néanmoins en poser les principes fondamentaux. Ils sont extrêmement éloignés de ceux de l’actuelle Union européenne qui n’est qu’un agrégat technocratique impuissant et flou, qui cumule tous les inconvénients du centralisme bureaucratique et de l’anarchie.

  1) Un faut un État central fort et maigre, centre de décision, comme un cerveau, qui possède le monopole de la politique étrangère et de la diplomatie, de la politique économique générale, de la politique monétaire, des forces armées et du contrôle des frontières extérieures communes ; et qui soit le garant des grands principes.

  2) Les différents peuples et nations doivent posséder la plus grande autonomie intérieure. Les “États” composant l’Union euro-russe pourront être les États actuels ou provenir du démembrement de certains d’entre eux en régions, qui seront ainsi de nouveaux États.  Tout État doit pouvoir sortir quand il le désire de l’Union et recouvrer sa souveraineté. Il est libre de posséder les institutions qu’il veut, libre de son système constitutionnel, judiciaire et éducatif, de sa politique fiscale et économique intérieure. Mais il doit, sauf à être expulsé de l’Union, respecter les grands principes fondamentaux dont il sera question plus loin et ne pas nuire aux autres États membres.

  3) La solidarité entre les États doit être assurée par des compensations financières organisées par l’État central.  

  Ce modèle s’inspire partiellement de la constitution des Etats-Unis d’Amérique, qui est la plus ancienne du monde et qui fonctionne assez bien.

  Mais il faut immédiatement préciser ici  que, dans un premier temps, cette Union Euro-Russe ne prendra pas nécessairement la forme d’un État confédéral, mais d’une sorte de concertation, d’entente entre les États européens et la Russie, une “union de nations”. Les choses doivent se construire de manière progressive et pragmatique. Et pourquoi ce mot « impérial » ? Parce que l’idée d’Empire, si elle bien comprise, est la libre association de peuples apparentés par la culture, la civilisation, la proximité raciale et la continuité géographique. Les ensembles hétérogènes finissent toujours par éclater. Il faut construire la Maison commune, pas à pas, progressivement, mais néanmoins dans l’urgence.
 

Quelle politique extérieure ? Le neutralisme de puissance

  L’alliance confédérale euro-russe affrontera trois menaces principales : l’une est le tiers monde sous la bannière de l’islam, par sa volonté de conquête sous le biais de l’immigration de masse. L’autre est le gouvernement de Washington, qui voit comme un cauchemar toute alliance euro-russe et qui tente par tous les moyens de nous affaiblir, de nous diviser, de nous encercler. La troisième est la Chine, qui nourrit une volonté mondiale hégémonique et qui d’ailleurs, s’emploie actuellement à peupler subrepticement la Sibérie russe.

  Il faut en finir avec l’OTAN, qui n’est rien d’autre qu’une structure de sujétion des Européens par les USA, et construire, dans un premier temps, une alliance militaire intégrée de tous les pays européens et de la Russie. 

  Sur le plan de la dissuasion nucléaire, il faudra coupler les forces françaises et les forces russes. La Grande-Bretagne ne pourra y participer que si elle libère de son asservissement aux Etats-Unis, ce qui n’est pas le cas actuellement.

  La politique étrangère de l’Euro-Russie devra être celle du « hérisson géant », avec ce double impératif : pas d’impérialisme vis-à-vis de l’extérieur, pas d’ingérence des puissances étrangères dans notre espace vital. Ce neutralisme est justifié par l’autosuffisance économique. Nous avons toutes les ressources, toutes les matières premières, et nous n’avons pas besoin des autres. Nous n’avons pas besoin d’aller guerroyer chez les autres`et d’imiter l’irresponsable impérialisme américain, mais nous ne pourrons pas tolérer que les autres viennent faire la loi dans notre espace vital. À l’inverse de ce que pratiquent les Etats-Unis, il ne saurait être question de menacer les autres mais d’assurer la défense rigoureuse de notre intégrité, de notre sécurité et de nos intérêts.

  Vis-à-vis des Etats-Unis, il ne s’agit pas de manifester de l’hostilité, mais de la méfiance.L’objectif est de convaincre les Américains que leur politique extérieure actuelle est erratique et stupide. Notre conviction doit être que la Américains ne  seront nos amis que s’ils admettent qu’ils ne sont pas les maîtres du monde. L’arrogance américaine est immature, infantile car elle ne débouche que sur des échecs. Mais, à partir du moment où  existerait un ensemble confédéral euro-russe, nous serions tout-à-fait d’accord pour coopérer avec les Américains si ces derniers renoncent à leur tradition impérialiste.

  Il faut également en finir avec cette “religion des droits de l’homme” inconsistante qui tient lieu à l’Union européenne actuelle de politique étrangère. De même l’ “aide au tiers monde ”, inutile et improductive, doit être remise en cause. La présence de l’islam sur le territoire de l’Union euro-russe devra être dans un premier temps jugulée et dans un deuxième temps drastiquement restreinte. Vis-à-vis du conflit israélo-arabe, la position doit être celle de la neutralité. Aucune participation militaire à une quelconque intervention de l’ONU hors de nos frontières ne peut être admise.

  Quelle organisation économique ? L’autarcie des grands espaces.

  Il ne faut pas s’inspirer du socialisme étatique, dans son organisation intérieure – inefficace – ni du capitalisme spéculatif mondialiste actuel. Un nouveau modèle économique pourrait se construire, fondé sur des principes que j’ai développé depuis longtemps en m’inspirant du Prix Nobel français d’économie Maurice Allais et du regretté Pr François Perroux, du Collège  de France, sous le thème général de l’économie organique qui est une troisième voie entre le socialisme et le capitalisme mondialisé.

  1) Refus du principe de libre-échange mondial (qui est catastrophique pour toute l’humanité) avec instauration de barrières douanières et de contingentements économiques protégeant l’espace euro-russe, autosuffisant dans tous les domaines, premier espace économique de la planète.

  2) En revanche, il faut un marché unique, une monnaie commune, un libre-échange intérieur dans l’espace euro-russe, un refus de l’économie assistée, socialisée, rigide, telle qu’on la pratique en France. Un libre capitalisme intérieur, qui formera une puissante dynamique, compte tenu de la taille gigantesque de l’ensemble euro-russe, tel est le choix qu’il faut faire.

  3) L’État central ne pourra intervenir dans l’économie que de manière politique, législative, planificatrice, et non plus financière. La fonction souveraine ne doit pas se substituer aux entreprises, mais définir de grands axes de politique économique. Il faut s’inspirer là du modèle très efficace des USA où l’État soutient les firmes sans entrer dans leur capital.

  4) Aucune prise de participation majoritaire dans le capital des grandes entreprises de l’Union ne peut être possible de la part d’investisseurs étrangers à l’Union. En revanche, les transferts financiers et les prises de participation à l’intérieur de l’espace euro-russe sont libres.

  5) Respect rigoureux de l’environnement, développement de l’énergie nucléaire, politique active de recherche et de haute technologie, notamment sur les énergies renouvelables, politique spatiale intégrée, construction de grands pôles aéronautiques et militaires strictement euro-russes, préférence systématique pour les firmes de l’espace euro-russe dans tous les grands marchés industriels (appels d’offres, mais aussi en matière de  commerce de produits agricoles ; interdiction pour les États de s’endetter pour les dépenses de fonctionnement, mais seulement d’investissement : tels sont quelques uns des principes économiques que devront impérativement respecter l’État central et les États membres.
 

Quels axes de politique intérieure? L’ethnocentrisme et le natalisme,
la justice sociale et la discipline collective

  Des principes généraux de politique intérieure doivent être contractuellement définis pour tous les États-membres, faute de quoi ils ne peuvent pas entrer dans l’Union ou doivent la quitter.

  1) L’Euro-russie, berceau des peuples blancs aujourd’hui sévèrement menacés dans leur démographie, doit se fonder sur le principe ethnocentrique de l’homogénéité ethnique. Il n’y a rien d’immoral à cela, puisque ce principe est appliqué par la majorité des pays du monde non-Blanc : Chine, Inde, Japon, Afrique, etc. Ce qui suppose  les principes constitutionnels suivants imposés à tous les États membres : refus de toute immigration de travailleurs extérieurs à l’espace euro-russe (sauf, par quotas, cadres supérieurs et personnels très qualifiés) ; interdiction du regroupement familial et du droit d’asile ; expulsion effective et administrative sans appel de tous les clandestins ; impossibilité pour les étrangers extérieurs à l’Union de percevoir la moindre allocation sociale ou de santé (fin des “pompes aspirantes ”) ; exclusion de tout ressortissant étranger à l’Union des élections ; expulsion immédiate et définitive de tout étranger à l’Union coupable du moindre délit ; abandon du droit du sol au profit du droit du sang (fin des naturalisations) ;  retour progressif au pays pour tous les immigrés du tiers-monde ; possibilité d’immigration libre et de naturalisations à l’intérieur seulement de l’espace euro-russe, pour ses citoyens, en fonction de la législation de chaque État.  Le critère ethnique doit être au centre du projet constitutionnel d’organisation intérieure. L’homogénéité ethnique blanche est le fondement du projet euro-russe, tout comme l’homogénéité ethnique noire est le fondement des Africains qui veulent, à juste titre, unifier leur continent. L’homogénéité ethnique est le socle même de la paix sociale et des libertés publiques, vérité de bon sens qu’avait parfaitement vue Aristote.

  2) Compte tenu du déclin démographique dramatique des peuples de l’espace euro-russe, chaque État sera tenu de mettre en œuvre une politique nataliste, qui ne pourra bénéficier qu’aux ressortissants de l’Union.

  3) Autres principes constitutionnels que devront respecter tous les États de l’Union et qu’ils mettront en œuvre selon leurs législations et leurs traditions propres : justice sociale, méritocratie, éducation disciplinée et s élective, égalité devant la loi, éradication de la pauvreté, répression impitoyable de la criminalité, politique familiale, prohibition des unions et adoptions entre homosexuels, etc.
 

*************

  Il s’agit simplement de s’unir pour affronter le monde extérieur de plus en plus menaçant.

  Et surtout, il faut reconnaître que ce qui divise, dans les mentalités, les habitudes culturelles, la mémoire historique, les Russes des Européens de l’Ouest est beaucoup moins important que ce qui nous unit tous. Et cela sera de plus en plus vrai au cours du XXIe siècle. Question cruciale : le nationalisme russe peut-il se sentir blessé et dépossédé par un tel projet impérial d’union euro-russe ? Non, dans la mesure où cette Union ne serait pas contraignante, mais volontaire et associative, et où les bénéfices pour la Russie seraient considérables.

  On m’a dit que l’ “âme russe ” se sentait partagée, voire déchirée entre l’Europe et l’Asie et que la Russie n’était donc pas vraiment européenne. Ce que signifierait le symbole de l’Aigle bicéphale qui regarde à la fois vers l’Orient et l’Occident. Mais je pense que cela est un sophisme géographique. Les Russes n’ont rien d’un peuple “semi-asiatique” ; c’est un peuple européen qui a conquis une partie de l’Asie géographique et qui se l’est appropriée. L’opposition entre les Russes et les Slaves de l’Est d’une part, et les autres Européens de l’Ouest d’autre part est beaucoup forte qu’on ne croit. Nous appartenons tous à la même souche génétique ,éthnique et civilisationnelle, à une grande famille, dont les différences sont moins importantes que les ressemblances..
 

************

  On me reprochera de ne pas avoir parlé de « démocratie » ? C’est volontaire, car on ne sait plus du tout ce que ce terme, employé par tous les régimes politiques du monde entier, veut dire. Dans l’Union européenne, où le peuple est totalement dépossédé des grandes décisions le concernant (notamment en matière d’immigration, d’ouverture incontrôlée des frontières, de politique économique, etc.), les dirigeants se vantent de représenter le modèle supérieur mondial de démocratie et de culte des “droits de l’homme”. Or la liberté d’opinion n’y est pas respectée, puisque , par exemple, on ne peut pas dénoncer l’invasion par l’islam et le tiers-monde sans être criminalisé comme « raciste » par un arsenal législatif et un système judiciaire néo-totalitaire. Le concept de démocratie, tel qu’il est utilisé en Occident, est tout à fait voisin,  dans le simulacre et le mensonge sémantique (mais en plus subtil et “publicitaire”), de la propagande communiste soviétique. L’Union européenne, telle qu’elle fonctionne actuellement, avec un Parlement sans pouvoir et une technocratie non-élue mais omnipotente, ne peut pas prétendre respecter la volonté des peuples. Elle a inventé la pratique de la tyrannie douce. De même, c’est au nom de sa croisade pour la fameuse “démocratie” que le gouvernement de Washington a semé un indescriptible désordre au Proche-Orient et s’emploie actuellement à essayer d’encercler et d’affaiblir la Russie et de pratiquer une ingérence dans ses affaires intérieures.

  C’est la raison pour laquelle, dans ce projet d’Union euro-russe, il est hors de question d’unifier sous un même modèle les pratiques institutionnelles et le droit interne des États membres. Simplement, ces derniers, et l’État central, s’il existe un jour, devront respecter les trois principes suivants : État de droit, élections libres au suffrage universel, référendums et respect absolu des décisions du peuple. Par peuple, il faut entendre évidemment le “peuple de souche”. En référence à la seule vraie démocratie, qui n’est ni occidentalo-américaine, ni socialiste ou communiste, mais d’origine grecque et athénienne. Inspirons-nous de Périclès et de l’esprit d’Athéna.
 

*********

  J’ai bien  conscience qu’un tel projet d’Union euro-russe est très complexe. Tout cela suppose un renversement des mentalités, l’Umwertung, dont parlait Nietzsche, qui était aussi adepte de la «grande politique». Mais ce renversement, cet orage mental viendront avec les catastrophes qui s’annoncent. Ces catastrophes sont dialectiquement positives– et là, je me réclame de Hegel et de sa  «poursuite de la Raison dans l’Histoire». Sauf que Hegel avait compris un mécanisme implacable sans en voir le sens. Cette « raison » n’est pas une transcendance, mais l’union possible d’une grande tendance historique implacable et d’un volonté politique exceptionnelle qui utilise et renverse le chaos créé pour le métamorphoser en nouvel ordre.   Les fatalistes, les matérialistes (qu’ils soient marxistes ou libéraux, ce sont exactement les mêmes philosophiquement), les traîtres, les nationalistes étroits, les faux sages, les déprimés et déçus de l’Histoire, les progressistes accrochés à leurs fausses prophéties, les optimistes hallucinés,  les conservateurs nostalgiques, les calculateurs politiciens décadents, les intellectuels dans leur tour d’ivoire n’ont jamais compris que le destin des hommes et des peuples n’était jamais écrit d’avance, que rien n’est jamais nécessairement perdu ni gagné. 

  Deux questions difficiles à résoudre se posent maintenant : tout d’abord, quelle capitale fédérale pour l’Union euro-russe ? Il ne saurait être question que ce soit Paris, Berlin ou Moscou car alors, on soupçonnerait des calculs matérialistes.  Je propose – comme l’ont fait le Brésil ou les USA – de créer de toutes pièces une capitale nouvelle, qui serait autant une oeuvre politique qu’architecturale, à l’image de Saint-Pétersbourg ; mais reste évidemment à déterminer dans quel pays.

  La seconde question qui se pose est : quelle langue de travail dominante ? Quelle sera la langue de l’État central et fédéral?  Le système plurilingue actuel de l’Union européenne est très coûteux, anarchique, et aboutit de fait à une domination de l’anglais, ce qui n’est pas une bonne chose. Il ne faut pas créer une langue artificielle, comme l’espéranto, ça ne fonctionne jamais. Cela ne peut être une grande langue, comme le russe, l’allemand ou le français, au risque de vexer les autres`peuples. Je vais faire une proposition surprenante : pourquoi pas le breton ? C’est une langue vivante, parlée, moderne, très structurée, que les élites politiques du Continent pourraient facilement apprendre. Encore une suggestion qui est destinée à faire son chemin …

  Pour l’instant les esprits, que ce soit en Europe occidentale ou en Russie, ne sont pas encore prêts à un tel bouleversement de perspective. On m’a toujours reproché ma mentalité utopique. Les intellectuels français pensent que je manque de sagesse, mais moi, je pense qu’ils manquent de courage. Mais aussi de lucidité. Il faut avoir confiance, car on observe qu’aujourd’hui l’histoire ressemble à un cheval qui court au galop. Nous devons apprendre à la prochaine génération la réalité suivante : de Brest, à la pointe de la Bretagne, jusqu’ à Providenia, sur le détroit de Behring, existe l’espace vital d’un même peuple : le nôtre. Marx disait : «prolétaires de tous les pays, unissez-vous !». Murmurons plutôt : « Blancs de tous les pays, unissez-vous !  Autour de la confédération impériale euro-russe.Et réfléchissons dès aujourd’hui à sa future organisation, car les idées font leur chemin dans l’Histoire, comme les vers dans les fruits mûrs.

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Warum 1.Mai-Kampftag?

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Warum 1.Mai-Kampftag?

Zu Beginn des Zeitalters der Industrialisierung war die Situation für das arbeitende Volk wenig erfreulich. Die Unternehmer und das Kapital bestimmten die Bedingungen, zu denen gearbeitet werden durfte. Es gab keinen bezahlten Urlaub, keine Lohnfortzahlung im Krankheitsfall, keinen Kündigungsschutz, keine tarifliche Bezahlung, keine geregelten Arbeitszeiten, keine Absicherung für den Fall der Arbeitslosigkeit, keinen Arbeitsschutz. Stattdessen Unterbezahlung, Arbeitszeiten bis zu 18 Stunden, Kinderarbeit und ein elendes Dasein in Baracken und Mietskasernen. Je weiter die Industrialisierung fortschritt, desto mehr nahm auch die soziale Verelendung des arbeitenden Volkes zu. Ein typisches Merkmal des Kapitalismus. Nur langsam und unterdrückt durch gewaltsame Abschreckungsmethoden der Betriebe formierten sich Interessenvertretungen, um diese unsozialen Verhältnisse zu ändern. Aber wie jede Bewegung, die vom Volk ausgeht, war auch diese nicht zu stoppen. Auf einem internationalen Arbeiterkongreß im Jahre 1889 in Paris wurde beschlossen, daß an einem bestimmten Tag in vielen Ländern und in vielen Städten das arbeitende Volk auf die Straße gehen soll mit der Forderung einer Arbeitszeitverkürzung. Dies sollte der 1.Mai 1890 sein. Von einer jährlichen Wiederholung war zunächst keine Rede. Die Mobilisierung für den 1.Mai 1890 stieß auch im Deutschen Kaiserreich auf große Begeisterung. Nicht allerdings bei der SPD, die aus Furcht vor einer Verlängerung des "Sozialistengesetzes" vom geplanten Generalstreik abriet. Die SPD, die sich bis heute so gerne als Arbeiterpartei darstellt, hatte damals also ihre eigenen Interessen über die Interessen des arbeitenden Volkes gestellt. Nicht zum letzten Mal. Auch die Unternehmer bereiteten sich auf den 1.Mai vor. Sie gründeten am 1.April 1890 in der Hamburger Börse den Arbeitgeberverband. Ziel war die Zerschlagung des Streiks und die Aussperrung der Streikenden. Doch auch die Unternehmer konnten die Entwicklung für sozialere Arbeits- und Lebensverhältnisse nicht aufhalten.

Hamburg als Schwerpunkt des Arbeitskampfes

Schon in der Mobilisierungsphase wurde deutlich, daß Hamburg zu einem der Schwerpunkte des Widerstandes werden würde. Hamburg lag mit 133 Mobilisierungsveranstaltungen an der Spitze, wobei 33 dieser Veranstaltungen sogar mehr als 10.000 Besucher gehabt haben sollen. Am ersten Kampftag des arbeitenden Volkes streikten in Deutschland rund 100.000 Arbeiter und nahmen stattdessen an Demonstrationen teil. Davon rund 20.000 – 30.000 alleine in Hamburg. Die Arbeitgeber reagierten mit Aussperrung von fast 20.000 Hamburgern. Die Streiks und Aussperrungen wurden über 10 Wochen aufrecht erhalten. Daß die Arbeitnehmer so lange durchhalten konnten, lag an der gewaltigen finanziellen Streikunterstützung. Um den Arbeitskampf in Hamburg – wo die meisten Arbeiter betroffen waren – durchzufechten, wurden aus Solidarität in allen anderen Städten die Streiks frühzeitig beendet und die restlichen Streikgelder nach Hamburg geschickt.
Es sollte jedoch noch bis in die 30er Jahre dauern, ehe sich die Arbeits- und Lebensverhältnisse des arbeitenden Volkes grundlegend besserten. Soziale Errungenschaften von damals auf der Grundlage der Bismarckschen Gesetze wurden nach dem Zweiten Weltkrieg in der BRD übernommen. Jedoch in einem System, wo das vom Volk erwirtschaftete Geld von den etablierten Versagerparteien in alle Welt verschleudert wird, lassen sich auch die besten sozialen Absicherungen langfristig nicht finanzieren.

Niedergang der erkämpften Rechte und Absicherungen

Mit wachsender Mißwirtschaft, Überfremdung und Internationalisierung wurden soziale Errungenschaften systematisch wieder abgebaut. Auf Geheiß der immer globaler werdenden Wirtschaft haben die Politiker mittlerweile unsere Hoheitsrechte an EU und Welthandelsorganisation abgetreten, dem weltweiten Freihandel Tür und Tor geöffnet und nationale Schutzmechanismen für soziale Arbeitsbedingungen ausgehebelt. Die Überreste der bodenständigen deutschen Wirtschaft sind einer hemmungslosen Konkurrenz aus aller Welt ausgesetzt, die Grundversorgung des Volkes vom Wasser über Strom bis zur Infrastruktur wird in die Klauen profitgieriger Multikonzerne hineinprivatisiert, wer keine lebenserhaltende Vollbeschäftigung findet wird in kürzester Zeit zum Sozialfall und kann nur noch zwischen totaler Verelendung oder Minijob-Versklavung wählen. Immer mehr ausländische Konzerne machen sich in Deutschland breit, die Arbeitnehmer nicht mehr nach deutschen Arbeitsgesetzen sondern zu ihren eigenen Bedingungen beschäftigen. Kurzum: Wir haben heute schon fast wieder die unsozialen, ausbeuterischen Verhältnisse erreicht wie zu Beginn des Zeitalters der Industrialisierung! Allerdings verschlimmert um die globale Komponente, denn die Kapitalisten und ihre Marionetten in der Politik haben sich im Gegensatz zu damals inzwischen von den Nationalstaaten gelöst und überstaatlich organisiert, um ihre Macht über die Völker noch unkontrollierbarer auszubauen.

Eine andere Welt ist möglich: Mit nationalem Sozialismus!

Nur ein nationaler Sozialismus kann eine andere Welt möglich machen: Eine Welt der freien Völker und der souveränen Volkswirtschaften. Nur eine nationale und sozialistische Volkswirtschaft kann das Kapital zugunsten des Volkes bändigen und soziale Arbeitsbedingungen schaffen. Nur ein nationales und sozialistisches Gesellschaftsmodell kann gewährleisten, daß alle Deutschen unabhängig von ihrer sozialen Herkunft die gleichen Zukunftschancen in einer klassenlosen Volksgemeinschaft haben, wo nicht Geld und Stände zählen, sondern Fleiß und Begabung.

Die Rechte des arbeitenden Volkes werden von diesem System, der EU und allen globalen Zwangsbündnissen mit Füßen getreten! Das lassen wir uns nicht gefallen! In der Tradition des 1.Mai-Kampftages fordern wir Arbeit und soziale Gerechtigkeit für alle Deutschen!

Gemeinsam gegen Globalisierung! Gemeinsam für ein freies, soziales und nationales Deutschland!

 

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mercredi, 30 avril 2008

Céline e Alessandro Piperno

Louis-Ferdinand Céline:

Céline e Alessandro Piperno

008.jpgTratto da http://lf-celine.blogspot.com/

Riportiamo un articolo di Alessandro Piperno su Céline, apparso sul Corriere della Sera del 7 gennaio 2008.

Voyage au but de la nuit, di Louis-Ferdinand Céline andava come qualsiasi altro bestseller natalizio. Lascio ad altri la riflessione sui celiniani tempi che viviamo, e mi chiedo: chi più di Céline ha patito gli sbalzi di umore del pubblico e della critica? E tutto per via di quel libro: Bagatelle per un massacro, il primo dei pamphlet filo-nazisti, che qualcuno ritiene il prodotto di «un delirante teppismo antisemita» (la definizione è di Mengaldo), e qualcun’altro — come Emile Brami — uno dei vertici dell’opera celiniana. Contagiato da quel fermento parigino, ho acquistato Céline vivant, un cofanetto di dvd con le interviste televisive concesse da Céline del dopoguerra. Molto di questo materiale mi era noto.

Ma vedere Céline, sentirlo parlare, be’ è un’esperienza impagabile. Sicché eccolo lì, sullo schermo del televisore della mia stanza d’albergo: il collo avvolto dai leziosi foulard con cui i barboni si danno un tono. Eccolo lì, nella dimora-tomba di Meudon, ostentare il corpo martoriato con la cristologica impudicizia di Artaud. La vacuità dello sguardo corrisponde all’atonia della voce: monotona come quella di certi bambini autistici, marcata da uno smangiucchiato accento parigino. È il Céline che ti aspetti, che gioca a depistare gli intervistatori con risposte vezzose. A quello che gli chiede perché ha scritto il Voyage risponde che lo ha fatto per pagare l’affitto. A quello che gli domanda se lui pensa che si possa scrivere solo del proprio vissuto, oppone ancora un’altra metafora economica: «Solo delle cose che hai pagato». E allora quello gli chiede se non ci sia affettazione in tutto quel dolore esibito dalla sua voce e strillato dai suoi libri. Céline s’infuria. Quello che nessuno capisce è che lui è figlio di una ricamatrice di merletti e come tale, a dispetto di molti suoi colleghi che utilizzano formule corrive (Mauriac, un politicante; Morand, un rincoglionito; Giono, insignificante), lui ha una artigianale dedizione per la raffinatezza dello stile. Ma certo il solito adagio celiniano: io sono solo uno stilista.

Ma perché Céline insiste tanto sulla raffinatezza? Perché conosce i suoi punti di forza. Perché sa di rappresentare uno di quei casi virtuosi in cui la rivoluzione stilistica trova sontuosa corrispondenza nella rivoluzione della sensibilità.

Lo capì Robert Denoël, un giovane editore, quando, nella primavera del ‘32, s’imbatté nel manoscritto del Voyage e sentì di avere tra le mani uno dei libri del secolo. Fu così che nella Parigi di Breton e di Cocteau atterrò quell’astronave giunta da un’altra galassia, guidata da un medico non ancora quarantenne, invalido a un braccio per una gravissima ferita di guerra, con la sua collezione di viaggi in capo al mondo: dall’Africa nera agli Stati Uniti. Un libro che, sotto forma di monologo, irradiava un’energia titanica. Ferdinand Bardamu — il Narratore — era un vitalista delle tenebre: la sua voce appariva moderna, mimetica, capace di esprimere tutto il sarcasmo della disperazione e di irradiare l’infuocata luce delle grandi disfatte. A suo modo Ferdinand si rivelava perfino un umorista (qualità che, purtroppo, il suo creatore avrebbe sacrificato in seguito sull’altare della paranoia). Ma ciò che rendeva davvero speciale il Voyage era quella miscela di lucidità e pietà per la condizione umana. Ed è esattamente questo cocktail che spinse tutti a urlare al miracolo: da Sartre a Daudet, da Bernanos a Nizan, da Bataille a Trotzkij, tutti intuirono che l’entità copernicana di quella rivoluzione era nel modo con cui Céline aveva sporcato la sua prosa di mille inflessioni tratte dalla vita vera e, allo stesso tempo, nel modo in cui tutta quella sporcizia aveva reso la sua prosa scandalosamente raffinata. Così i francesi, dopo Flaubert, hanno di nuovo uno scrittore il cui virtuosismo stilistico è pari solo al disincanto nichilista delle sue convinzioni. D’altra parte, a dispetto delle abiure con cui Céline negli anni successivi avrebbe provato a ridimensionare la potenza innovativa di quel capolavoro, nessuno meglio di lui sapeva cosa lo avesse spinto a scrivere il libro in quella precisa maniera. «Non si sa niente della vera storia degli uomini» esclama a un tratto Ferdinand, nel romanzo.

Esiste aspirazione più novecentesca di questa? Raccontare la vera storia degli uomini. Come ogni scrittore di genio (come James Joyce con il quale condivide un debole per l’ellisse grammaticale e per la scatologia), Céline sapeva che tale ricerca della «vera storia» passava attraverso un nuovo modo di esprimersi. E quindi, banalmente, attraverso un nuovo modo di girare le frasi.

Ecco cosa intende Céline per raffinatezza. Il problema è che ci si può ammalare di stile. Già in Morte a credito — il secondo memorabile romanzo — la consapevolezza stilistica si è come cristallizzata. La prosa sta assumendo la forma che non perderà più. L’ironia cede al sarcasmo. La frase si spappola in singulti inframmezzati dai celebri tre punti di sospensione. Il presente indicativo sta prendendo il sopravvento su tutti gli altri tempi e modi verbali. La lucidità è offuscata dal delirio. La pietà dall’odio. La misantropia degenera in razzismo. Molti anni dopo Simone de Beauvoir annoterà: « Morte a credito ci aprì gli occhi. Vi è un certo disprezzo velenoso per la piccola gente. Che è un atteggiamento prefascista». Atteggiamento prefascista che inaugura l’era sciagurata dei Pamphlet nazisti (come altro chiamarli?). Cosa spinge lo scrittore pacifista del Voyage a inneggiare allo sterminio degli ebrei? A mettersi al fianco della più violenta organizzazione criminale della storia, in nome di una pace che sicuramente i nazisti tradiranno? Ragioni personali e non confessabili? Un’idea pervertita dell’anticonformismo e dell’anarchia? O semplice opportunismo?

A tal proposito Sartre scrisse: «Se Céline ha potuto sostenere le tesi socialiste dei nazisti, è perché lui era pagato». Ma purtroppo le motivazioni erano più nobili del danaro e quindi ancora più aberranti. L’antisemitismo di Céline non ha niente di originale. Non c’è nulla in quello che lui dice che non abbia detto Drumont — e con lui tanti altri — molti decenni prima. Bagatelle, con buona pace di chi ne apprezza certi passaggi, è un libro schifoso. E lo è tanto più perché è scritto con raffinatezza. La cosa più sconcertante è come l’uomo distintosi per lucidità di visione e capacità empatica, dia prova stavolta di ottusità e mancanza di simpatia.

«Vorrei proprio fare un’alleanza con Hitler. Perché no? Lui non ha detto niente contro i Bretoni, contro i Fiamminghi… Lui ha parlato solo degli ebrei… Lui non ama gli ebrei… E neanch’io… E non amo neppure i negri fuori dal loro Paese…». Una frase (in mezzo a tante altre dello stesso tenore) che dimostra come uno degli errori di questo libro stia nell’aver confuso le vittime con i carnefici. E come l’errore di questo stile così esagitato (ormai totalmente celiniano) sia di essersi messo al servizio di quell’errore di valutazione storica. Così come c’era una relazione inestricabile tra la lucidità esibita da Céline nel Voyage e l’innovazione stilistica, allo stesso modo c’è un nesso tra la cantonata ideologica e l’oracolare impreziosirsi dello stile. Ecco perché concordo con quelli che dicono che Bagatelle fu un fallimento artistico (e intellettuale) ancor prima che etico. E non mi convince Pasolini quando bacchetta gli intellettuali di sinistra, che in nome di Céline, si sono messi a distinguere tra le scelte ideologiche di uno scrittore e il suo valore letterario. Questa «dissociazione» a Pasolini è indigesta. Bah, non credo che le scomuniche politiche abbiano importanza in letteratura. Il problema di Céline non è di aver scelto l’ideologia sbagliata, ma di aver consacrato a quell’ideologia una troika di libelli eccessivamente raffinati, incapaci di raccontare il dramma che l’umanità stava per vivere. Tre pamphlet che nulla tolgono all’esemplare magnificenza del Voyage edi Morte a credito, ma che forse gettano una luce fosca sui tre libri della maturità: la così detta Trilogia del nord. Ancora una volta i detrattori di Céline considerano Da un castello all’altro, Nord e Rigadon opere biecamente auto-apologetiche di un nazista che non ha voluto fare i conti con il passato.

Jean-Pierre Martin, nel suo Contre Céline, scrive: «In Rigadon, Céline ci dice, dall’inizio alla fine, in lungo e in largo: io muoio razzista ». Ancora una volta un’osservazione mal calibrata. Nelle opere di Sade o di Lautréamont troviamo confessioni non meno indigeste. La questione anche stavolta è artistica: la Trilogia è l’affascinante scoria di un genio paranoico ormai incapace di entrare in relazione con il mondo. Un’opera fallita per eccesso di ambizione e di stile (un po’ come la joyciana Finnegans Wake). C’è qualcosa nell’ossessiva ripetitività dei suoi stilemi che appare fin troppo estetizzante. È quella che Massimo Raffaelli, con felice espressione, non senza ammirazione, chiama: «stilizzazione dell’orrore».

Così quando uno degli intervistatori (quello che gli ha dato più filo da torcere) chiede conto a Céline dei suoi eventuali sensi di colpa, lui risponde che tutti gli uomini sono colpevoli, tranne lui.

È possibile scrivere qualcosa di necessario senza sentirsi — almeno un po’! — colpevoli?

Credo che non si debbano sprecare molte parole su questo “compitino” di Piperno. Trascureremo di evidenziare le boutade stilistico-radical chic come “i leziosi foulard con cui i barboni si danno un tono”, notazione che, sia in riferimento ai senzatetto, sia alla drammatica situazione di Céline nel dopoguerra, poteva venire in mente solo ad un ragazzino mantenuto, che nella vita ha pagato ben poco di suo, e la metafora non è solamente, per l’appunto, “economica”. Céline ha pagato con il carcere e l’isolamento il suo genio, come gli scrisse nel 1949 Roger Nimier. Mi vergogno a citare nello stesso capoverso l’Hussard Nimier e il professorino saccente Piperno, ma tant’è, spero che i due grandi francesi mi perdoneranno. Piperno dimostra di conoscere l’opera e soprattutto la vita di Céline in maniera molto superficiale, altrimenti non avrebbe scritto:

“Atteggiamento prefascista che inaugura l’era sciagurata dei Pamphlet nazisti (come altro chiamarli?). Cosa spinge lo scrittore pacifista del Voyage a inneggiare allo sterminio degli ebrei? A mettersi al fianco della più violenta organizzazione criminale della storia, in nome di una pace che sicuramente i nazisti tradiranno? Ragioni personali e non confessabili? Un’idea pervertita dell’anticonformismo e dell’anarchia? O semplice opportunismo? A tal proposito Sartre scrisse: «Se Céline ha potuto sostenere le tesi socialiste dei nazisti, è perché lui era pagato». Ma purtroppo le motivazioni erano più nobili del danaro e quindi ancora più aberranti. L’antisemitismo di Céline non ha niente di originale. Non c’è nulla in quello che lui dice che non abbia detto Drumont — e con lui tanti altri — molti decenni prima. Bagatelle, con buona pace di chi ne apprezza certi passaggi, è un libro schifoso.”

Céline non si mise mai “al fianco” di alcun partito o organizzazione, tantomeno “la più violenta organizzazione criminale della storia”. Piuttosto, quando i Piperni deprecheranno a chiare lettere altre “organizzazioni criminali”, minori o maggiori che siano, senza se e senza ma, sarà un bel momento.

Si ripropone la leggenda del “Céline pagato dai nazisti”, negandola retoricamente, come si propone un passo della de Beauvoir, dove Céline è definito “prefascista”. In realtà quest’ultima scopre Céline “prefascista” ovviamente solo DOPO che Céline aveva rifiutato di schierarsi con il marxismo, come aveva rifiutato capitalismo e fascismo. Sartre, e altri, avevano invece solamente una pura, folle invidia dell’abilità di Céline quale scrittore. Forse, anche nel caso di Piperno, c’è un pò di miserabile invidia verso il successo dell’opera di Céline “Voyage… andava come un best seller natalizio”, e della sua grandezza come scrittore, a fronte del piccolo, piccolo omicciuolo Piperno.

Bagatelle e i cosidetti pamphlet sono una violenta denucia del Potere; in questo caso, per Céline, a ragione o torto, questo Potere -potere economico e politico, potere che stava spingendo la Francia ad una guerra che Céline avvertiva come inutile agli interessi della Francia, e per questa nazione fatale- aveva il volto dell’ebreo. I temi pipernici non sono nuovi, vedi http://louisferdinandceline.free.fr/indexthe/opprobr/albe...

Poi Piperno cita la Trilogia del Nord:

La questione anche stavolta è artistica: la Trilogia è l’affascinante scoria di un genio paranoico ormai incapace di entrare in relazione con il mondo. Un’opera fallita per eccesso di ambizione e di stile (un po’ come la joyciana Finnegans Wake). C’è qualcosa nell’ossessiva ripetitività dei suoi stilemi che appare fin troppo estetizzante. È quella che Massimo Raffaelli, con felice espressione, non senza ammirazione, chiama: «stilizzazione dell’orrore».

Niente di nuovo sotto il sole: già nelle opere di critica letteraria stampate in URSS si divideva il Céline “buono”, ossia il Céline che denunciava colonialismo, capitalismo, povertà (temi considerati “buoni” perchè affini all’ortodossia marxista), del Voyage, e il Céline “cattivo” di tutto il resto; Piperno, pavidamente “stronca” la Trilogia solo dal punto di vista del critico letterario “affascinante scoria… fin troppo estetizzante”, almeno i redattori sovietici, il “compitino” lo svolgevano sino in fondo.

Cfr. Gor’kij, al primo congresso degli scrittori sovietici: “[Céline]… non avendo alcun requisito per aderire al proletariato rivoluzionario, è del tutto maturo per accettare il fascismo”.

Da Gor’kij a Piperno; buon sangue non mente.

Comunque, la foto di Piperno e la sua prosa involuta, mi ricordano il Sartre tratteggiato da Céline ne L’Agité du bocal:
Nel mio culo dove si trova, non si può pretendere da J.-B. S. di vederci bene, né di spiegarsi chiaramente, sembra tuttavia che il J.-B. S. avesse previsto la solitudine e l’oscurità del mio ano… J.-B. S. evidentemente parla di se stesso quando scrive a pagina 451: “Questo uomo teme tutte le specie di solitudine, quella del genio come quella dell’assassino”. Cerchiamo di capire…

Facendo fede ai rotocalchi, il J.-B. S. non si vede ormai più che nei panni del genio. Ma secondo me e visti i suoi stessi scritti, io sono costretto a vedere J.-B. S. solo nei panni dell’assassino, o meglio ancora di un marcio delatore, maledetto, laido, merdoso servente, mulo occhialuto.
Ecco, mi sto agitando troppo! Non me lo posso più permettere, l’età, la salute… La chiuderei qui… disgustato, ecco… Ma ripensandoci…

Assassino e geniale!? Può anche succedere… Dopo tutto… Ma sarà il caso di Sartre? Assassino lo è, o lo vorrebbe essere, questo è inteso, ma geniale? Questo piccolo stronzo attaccato al mio culo, geniale? Hum?… si vedrà… si, certamente, può ancora fiorire… manifestarsi… ma J.-B. S.!? Questi occhi da embrione? queste spalle da mezza sega!?… questo panzone finto magro!? Tenia sicuramente, una tenia d’uomo, attaccata dove sapete… e filosofo, per giunta… fa un po’ di tutto… Sembra che, in bicicletta, abbia anche liberato Parigi.

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Pierre Benoit dans la magie de l'Orient

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Frédéric SCHRAMME:

Pierre Benoit dans la magie de l'Orient

 

Dès la sortie de son premier roman Koenigsmark, Pierre Benoit s'est très vite imposé comme le nouveau maître du roman fantastique français. Les fantasmes véhiculés alors autour de la conquête coloniale ne pouvaient qu'ê­tre propices à son imagination fertile et bien vite des œu­vres  comme L'Atlantide et La châtelaine du Liban al­laient suivre leur aînée plongeant des milliers de lec­teurs dans les mystères de l'Orient.

 

La grande épopée de la colonisation! Au tournant de l'é­poque moderne, les principales nations européennes enté­rinent en l'achevant, leur conquête du monde commencée quelques siècles plus tôt avec le partage du Nouveau Mon­de. Seule une poignée d'Etats échappe à la mise en coupe réglée, comme l'Ethiopie, la Perse, le Siam. Qu'est-ce qui a bien pu pousser ces nations européennes aux régimes politiques tellement dissemblables à se jeter d'un même élan dans la colonisation du globe? Objectifs financiers et mercantiles? Désirs de conquêtes militaires? Quêtes vers la Connaissance supposée de ces terres lointaines  —d'autant plus chargées d'une aura mystérieuse et magique qu'elles demeurent inconnues et inaccessibles? Probablement les trois à la fois, tellement cette synthèse presque dumézi­lien­ne suffit à résumer à elle seule l'inconscient motivé de l'âme européenne. Depuis toujours, de grands hommes ont fait « Le rêve le plus long de l'Histoire », recherchant aux con­fins de l'Orient ou en Afrique l'accomplissement d'un des­tin qui ne pouvait être qu'exceptionnel. Si Jacques Be­noist-Méchin a su retracer la vie de quelques-uns de ces per­sonnages hors du commun, d'autres tel Pierre Benoit ont préféré, souvent au moyen de l'imagination, s'attacher aux pas des aventuriers et explorateurs, des simples capitaines ou pères-blancs, quidams qui jamais n'ont noirci la moindre page des manuels d'Histoire. « Mais ceux-là étaient seuls à s'ex­poser. Responsables de leur vie seule, ils étaient libres» de s'éveiller à la magie de l'Orient au moment où «l'ame­rican way of life» après Jack London ne pouvait promettre plus rien d'autre que des destins d'épiciers bedonnants.

 

Le géant touareg

 

L'intérêt de Pierre Benoit pour les contrées désertiques n'est absolument pas fortuit, pas plus qu'il n'est le fruit d'un calcul commercial. Fils d'un officier supérieur de l'armée française, il doit sa découverte des portes du Sahara au gré des mutations de son père. Parmi les souvenirs de ces temps-là, il en est un qui éclaire particulièrement la réelle fascination qu'opèrent sur lui l'immense désert et ses ha­bitants : « [Je vis] une espèce de géant vêtu de cotonnades obscures, avec de terribles yeux qui brillaient dans la fente d'un voile gainant la tête à la manière d'un heaume. C'était un chef targui (ndlr: Touareg) [.] Il rit en m'apercevant, me saisit à bout de bras et m'enleva plus haut que lui. Je vo­yais dans l'évasement de sa manche, son poignard, qu'un an­neau de cuir retenait contre le biceps nu; à son cou, ses amulettes de perles blanches et noires. J'étais au comble de l'épouvante, de la curiosité, de l'orgueil».

 

Nanti de ces quelques vagues souvenirs et d'une imagina­tion sans bornes, Pierre Benoit va se plonger dans une des­cription minutieuse et quasiment encyclopédique des pays dans lesquels il emmène ses lecteurs. En effet, mis à part son enfance nord-africaine, Pierre Benoit n'aura voyagé dans les lieux qu'il avait décrits que bien longtemps après. Mais la description se révèle toujours exacte et c'est autant ce souci du réalisme qui contribuera à son succès que sa spéculation sur l'insondable et le mystérieux. En ce début de 20ième siècle l'auteur prend prétexte des zones laissées en blanc du planisphère ou des cartes d'état-major pour les combler de son imagination, comme pour le massif du Hog­gar dans lequel il situe son Atlantide échouée. Cette bien­heureuse alchimie entre le détail et l'inconnu amènera Jean Cocteau à dire de lui que « Benoit est celui qu'on lit le plus et dont on parle le moins dans les revues graves. Il a le gé­nie de l'imprévu, mais il invente juste et tombe encore plus juste. C'est un médium. Ceux qui ne savent pas le lire ne sauront jamais».

 

L'œuvre de Pierre Benoit suit une constante dans son é­vo­lution tragique. Que l'on soit au cœur du Sahara ou au Li­ban après la mise sous tutelle française, les héros sont tou­jours des officiers français au faîte de leur gloire. Elite par­mi l'élite, ils sont méharistes, de cette noblesse des déserts qui font d'eux les égaux des Bédouins et des Touaregs. De plus leur connaissance des us et coutumes des habitants du dé­sert les amènera à être chargés de mission de renseigne­ments et d'espionnage au profit de leur patrie.

 

L'espionnage est précisément au cœur de l'intrigue dans «La châtelaine du Liban»: Une fois la première guerre mon­diale terminée, la paix » semble reprendre ses droits et avec elle l'hostilité sourde entre les deux « alliés » français et britannique. Rapidement, la « perfide Albion » est soup­çonnée d'être à l'origine du massacre d'une troupe française en opération de manœuvres. Dans « l'Atlantide », il est éga­lement question du souvenir du massacre de la «mission Flatters» et la prospection de renseignements confiée au Ca­pitaine de Saint-Avit a pour but de prévenir tout nouveau désastre. Au renseignement d'ordre militaire s'ajoute une au­tre quête, celle du passé: au Liban, on se souvient des Templiers et des Chevaliers teutoniques en parcourant la ligne tracée par les vestiges de leurs châteaux, et dans le Sahara on recherche des signes laissés par des tribus ber­bè­res chrétiennes ayant résisté un certain temps à l'islami­sa­tion. On ne saurait trouver de héros plus parfaitement é­qui­librés; sûrs de leur bons droits et au service d'un idéal su­périeur à leur propre existence, ils pourraient même a­voir la prétention d'être le lien entre le passé et l'avenir, entre le souvenir et la clairvoyance.

 

Perdre de vue sa mission

 

Rien ne semble pouvoir les ébranler mais pourtant, «on n'est pas impunément des mois, des années, l'hôte du dé­sert. Tôt ou tard, il prend barre sur vous, annihile le bon of­fi­cier, le fonctionnaire timoré, désarçonne son souci des responsabilités. Qu'y a-t-il derrière ces rochers mystérieux, ces solitudes mates, qui ont tenu en échec les plus illustres traqueurs de mystères?». La solitude pesante à laquelle ces hommes sont quotidiennement confrontés —ici les ordon­nan­ces indigènes et autres ascaris font intégralement par­tie du décor et ne sont pas meilleurs compagnons que les mé­haris eux-mêmes— les mène toujours au bord du préci­pi­ce dans lequel tout homme finit par perdre de vue sa mis­sion, son devoir, sa famille et sa patrie.

 

Dans l'œuvre de Pierre Benoit, la raison (ou plutôt la dé­raison) qui oblige à franchir le dernier pas est toujours la ren­contre fatidique avec une femme, avec La Femme. Ex­tra­ordinairement belle et totalement recluse aux confins du désert, que ce soit dans un ancien château templier ou dans la mythique Atlantide, elle est l'exact opposé de la fian­cée promise et personnifie l'amour charnel, la liberté, la puissance et la fortune. Elle seule est capable de briser les serments et les idéaux des hommes. Si l'Anglaise Athel­stane oblige son amant le Capitaine Domèvre à trahir son pays et à vendre des renseignements à son complice des ser­vices secrets britanniques, l'Atlante Antinéa exige pour sa part, le sacrifice ultime et attend de ses amants qu'ils meu­rent d'amour pour elle. Ainsi le Capitaine de Saint-Avit revendiquera sa place dans la salle de marbre rouge dans laquelle sont réunis les corps embaumés, statufiés dans un métal inconnu, des anciens amants de la dernière reine de l'Atlantide. Pour y parvenir, il ira jusqu'à l'innommable, le meurtre de son compagnon de route Morhange, véritable moine-soldat, capitaine d'active et prêtre de réserve, seul homme à avoir su résister à Antinéa et également le seul qui ait véritablement été aimé d'elle. Plus chanceux, le Ca­pitaine Domèrve sera sauvé de l'influence d'Athelstane par la fraternité d'armes qui le lie aux officiers de son ancien ré­giment, l'amitié entre les hommes en armes étant la seu­le à pouvoir contrer l'amour d'une femme fatale.

 

Attitudes droitières

 

Le succès de Pierre Benoit reposait donc sur des recettes sim­ples: sur la mise en scène d'une intrigue convenue, il brosse le tableau mirifique d'un paysage enchanteur avec grands renforts de personnages plus ou moins caricaturaux. Comme sa transposition de la haute société française dans les colonies libanaise et algérienne qui se laisse fréquenter de loin par les notables autochtones (tout au moins au Li­ban), ses marchands druzes ou maronites qui se livrent une concurrence à grands coups de dessous de table, ses trafi­quants d'or juifs, ses tribus révoltées de Bédouins et de Toua­regs, etc. L'écriture de Pierre Benoit reste probable­ment influencée par les romans-feuilletons du siècle pré­cé­dent, mais « tout cela est mené sur un rythme haletant, avec une ingéniosité qui ne peut que provoquer l'ad­mi­ra­tion et même la nostalgie de ce que peut être «le vrai ro­man», celui qui nous raconte une histoire, comme le rap­pel­le Jean Mabire qui a placé cet écrivain dans le premier recueil de sa série « Que lire ? », donc en très bonne place dans son Panthéon personnel, qui, on s'en doute, est meu­blé selon des critères fort différents de son homonyme na­tional, autrement appelé la Maison de Tolérance de la Ré­pu­blique. Si l'auteur de «L'Atlantide» est aujourd'hui un é­cri­vain que l'on s'efforce de faire oublier —puisqu'il fut l'ami des maîtres de l'Action française et, circonstance aggra­vante, on peut reconnaître dans son vocabulaire une at­titude droitière —, il faut tout de même saluer l'initiative de Jacques-Henry Bornecque qui, en 1986, à l'occasion du cen­tième anniversaire de sa naissance, lui a consacré une bio­graphie intitulée « Pierre Benoit le magicien ».

 

Frédéric SCHRAMME.

 

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mardi, 29 avril 2008

Paul Nothomb: le délire logique

Paul Nothomb: le délire logique

 

Les éditions Phébus rééditent Le délire logique de Paul No­thomb. L'éditeur écrit: «Malraux resta toujours fidèle à sa première impression. Le délire logique, qui se donne pour­tant comme un roman, était bien, pour lui, "le premier témoignage sur la Gestapo où l'auteur ne romance pas". Paul Nothomb raconte ici l'histoire d'un homme qui, torturé par la police militaire allemande pendant la guerre, com­men­ce par résister aux coups, puis finit par comprendre dans la nuit de sa cellule qu'il ne pourra bientôt éviter de parler, et invente pour ses bourreaux une fable si délirante qu'elle lui vaudra d'échapper à leurs tourments. L'auteur à l'é­poque avait vécu une aventure presque semblable et l'a­vait fait savoir. On ne lui avait pas pardonné: il était peut-être permis de parler sous la torture (surtout si c'était pour sauver les copains), non de raconter qu'on l'avait fait. Un grand demi-siècle après, il a voulu remettre au jour ce tex­te (publié en 1948 par Gallimard), accompagné ici d'un nou­vel appareil de présentation —et de trois lettres inédites d'André Malraux. "Pour en finir avec quelques mensonges pieux qui empoisonnent notre histoire" (PM).

 

Paul Nothomb, Le délire logique, 1999, 180 pages, Editions Phébus, 119 FF.

 

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Pour saluer Monsieur Jadis !

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Dix ans déjà!

Pour saluer Monsieur Jadis: Antoine Blondin (1922-1991)

 

La presse amie, et même celle "sous licence", ont fait à An­toine Blondin, décédé d'un cancer, le 8 juin 1991, âgé de 69 ans, sa juste place. On a pu lire les notices élogieuses qui lui ont été consacrées, sans doute parce qu'après avoir il­lustré, avec ses amis Nimier, Jacques Laurent, Michel Déon, la "Droite buissonnière" (expression de Pol Van­drom­me) il avait effectué un léger virage à gauche. Mais con­trai­rement à des transfuges arrivistes tels Claude Roy ou Do­mi­nique Jamet, il mérite notre estime.

 

Le Cercle Prométhée ne peut qu'ajouter quelques mots à ce qui a été, dans l'ensemble, fort bien dit, concernant ce doux non-conformiste qui débuta en exerçant divers mé­tiers. Parti en 44 au titre du Service du Travail Obligatoire, il travaillera dans une ferme en Allemagne, comme vacher. Il relatera ses aventures tragi-comiques dans son premier roman, L’Europe buissonnière (Prix des Deux Magots, 1949). Il écrit peu, difficilement, mais valablement. Il nous montre un mari léger dans Les enfants du Bon Dieu (1952), des solitaires voués à l'hôpital, à la prison, dans L’humeur vagabonde (1955), un père alcoolique dans Un singe en hi­ver (Prix Interallié, 1959), porté à l'écran et revu à la télé­vision, enfin Monsieur Jadis (1970), son roman capital qui met en scène un marginal.

 

Sa passion pour le sport (Tour de France, rugby) est bien con­nue. Il donne aux chroniques sportives leurs lettres de noblesse littéraire. Deux cents sur les milliers qu'il a écrites pour l'Equipe sont réunies sous le titre L’ironie du sport  (1988). Dans les années cinquante, à celui qui allait le voir pour les Amis de Robert Brasillach, Bardèche avait dit: «Vo­yez-le avant 9 heures du matin (avant qu'il ait trop bu)». Il lui avait réservé un accueil sympathique et donné son ad­hésion.

 

Vous pourrez lire ses Œuvres complètes  en un volume de 1.408 pages publié sur papier bible à la Table Ronde pour un prix très abordable.

 

Cercle PROMÉTHÉE.

 

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lundi, 28 avril 2008

In memoriam Jacques Laurent

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In memoriam Jacques Laurent

Le dernier des "Hussards" est mort…

 

Le dernier des "Hussards" est mort. Les "Hussards" étaient ce petit groupe d'écrivains, qui s'étaient rassemblés dans les années cinquante autour de Roger Nimier, un surdoué des lettres françaises, et n'avaient rien de commun entre eux, si ce n'est une volonté de résister à Sartre et à tout ce que celui-ci représentait. Dans cette résistance au pape de l'existentialisme, Jacques Laurent était indubitablement la figure la plus marquante. Il vient de mourir à Paris, juste avant le troisième millénaire, juste avant de fêter ses 82 ans. Avec lui disparaît l'un des écrivains français les plus importants de ce siècle, un des rares dont le talent était reconnu à l'unanimité. Sans doute aussi parce que les pas­sions des décennies écoulées se sont apaisées… Car Jacques Laurent, le hussard qui s'était insurgé contre l'engagement intellectuel et idéologique obligatoire, est monté jadis sur les barricades. Contre le terrorisme intellectuel de Saint-Germain-des-Prés. Contre le Général De Gaulle. Pour l'Algé­rie française. Pour le Maréchal Pétain. Et plus tard, beau­coup plus tard, pour Mitterrand.

 

Stendhal: le modèle par excellence

 

L'histoire de Jacques Laurent commence le 5 janvier 1919, quand il naît à Paris dans le 9ième arrondissement, fils d'un avocat très connu. Mais la carrière d'avocat ne l'intéresse pas du tout. Avant même de fêter ses dix ans, Jacques Lau­rent termine d'écrire un roman d'aventure. C'est décidé: il sera écrivain. Plus encore: il deviendra célèbre. Célèbre et riche, si bien qu'il aura la liberté d'écrire ce qu'il voudra, de la manière qu'il voudra. Cela signifie qu'il fera comme le grand Henri Beyle, mieux connu sous le nom de Stendhal, qui écrivit Le Rouge et le Noir. Car Stendhal est le modèle par excellence du jeune Jacques Laurent. Si bien qu'un jour il écrira une suite et une fin à Lamiel, un chef-d'œuvre resté inachevé de Stendhal, le géant du XIXe siècle.

 

Mais avant que La fin de Lamiel n'arrive sur le marché, Jacques Laurent s'est déjà taillé un solide créneau dans le grand public. D'une autre manière… Non pas avec son premier roman Les Corps tranquilles, qu'il avait commencé à écrire pendant la guerre, quand il devait monter la garde dans un poste de commandement isolé sur la ligne de démarcation. Cette ligne séparait la France occupée de la France de Vichy. De ce roman, qui n'est paru qu'en 1948 et qui n'avait pas été remarqué, les critiques ont dit, beau­coup plus tard, que c'était un chef-d'œuvre oublié. Non, Jac­ques Laurent est d'abord devenu célèbre sous pseu­do­nyme, sous le nom de Cécile Saint-Laurent, le créateur de "Caroline Chérie", dont on a vendu des millions d'exem­plaires dans le monde. Ce personnage a permis à Jacques Lau­rent de fumer les cigares les plus chers, de boire des quan­tités impressionnantes de whisky de malt et d'honorer un nombre tout aussi impressionnant de jolies femmes. Car, pour Jacques Laurent, l'écrivain ne vient pas au monde pour l'améliorer. L'écrivain doit prendre le temps, comme Jacques Laurent, de coucher sur le papier une Histoire des dessous féminins.

 

«La littérature, c'est la vengeance de la vie sur l'idéologie»

 

«La littérature, c'est la vengeance de la vie sur l'idéologie», ne cessait de répéter Jacques Laurent. Lorsque Jean-Paul Sartre ouvrit le débat en 1948 sur la littérature qui, selon lui, devait être obligatoirement "engagée", la réponse de Jacques Laurent ne s'est pas longtemps fait attendre. Elle paraît sous la forme d'un petit roman, intitulé Le Petit Canard, et aussi, sous une forme plus académique, sous la forme d'une revue, La Parisienne, la feuille des "Hussards", qui sont aussitôt partis en guerre contre Les Temps mo­der­nes, la revue intolérante de Sartre et des existentialistes "engagés". Dans Le Petit Canard,  Jacques Laurent écrit que le romancier est un homme qui doit chercher des circon­stan­ces atténuantes pour ses personnages. Le jeune An­toine, qui part, volontaire, sur le Front de l'Est, ne le fait pas par conviction idéologique, mais parce qu'un officier po­lonais lui a fauché sa petite amie. Un tel scénario est impensable chez Sartre, expliquait Jacques Laurent. Chez Sar­tre, l'homme doit poser des choix. Chez Sartre seu­le­ment, l'homme est contraint d'être responsable pour tout ce qu'il fait. Un écrivain de droite ne peut pas admettre une telle contrainte. Plus tard, dans Paul et Jean-Paul, il af­finera sa pensée, réalisant du même coup une exécution en bonne et due forme de Sartre. Ce livre fut aussi le début d'une belle carrière de polémiste, un genre littéraire qui commençait à disparaître des lettres françaises.

 

«Pour le singulier, contre le pluriel»

 

Jacques Laurent appartenait au camp de la droite litté­raire. Et il l'affirmait. «Nous faisons partie de la droite lit­téraire parce que nous sommes pour le singulier contre le plu­riel». Mais Jacques Laurent ne s'est pas contenté de rester dans les cercles littéraires de la droite. Pendant la guerre d'Algérie, Jacques Laurent prend le parti de l'OAS, qui veut que l'Algérie reste française. La politique choisie par Charles De Gaulle l'amène à écrire Mauriac sous De Gaulle, un règlement de compte avec l'écrivain catholique qui vouait une admiration aveugle au général. Je n'exagère pas: Mauriac sous De Gaulle est un des pamphlets les mieux écrits de ce siècle. Il n'existe pas d'autres pamphlets où le mythe du général est aussi cruellement mis à mal. Il a même valu à Jacques Laurent un procès en 1964 pour in­jure au chef de l'Etat. Le livre subit la censure. Malgré les très nombreuses célébrités qui ont plaidé, dans ce cas pré­cis, pour la liberté d'expression, dans la salle d'audience ou par le biais de pétitions, citons Jean Anouilh, Antoine Blon­din, Marcel Aymé, Emmanuel Berl, Jules Roy, mais aussi Fran­çoise Sagan et Bernard Frank. Et aussi, bien sûr, Fran­çois Mitterrand, qui était opposé au fondateur de la Ve Ré­publique lors des élections présidentielles de 1965. Jacques Laurent n'oubliera jamais le geste du futur président so­cia­liste: en 1981 et en 1988, il appellera à voter pour lui.

 

Je voudrais encore mentionner Les Bêtises, un roman volu­mi­neux, qui valut à Jacques Laurent le Prix Goncourt en 1971 et qui lui ouvrira la voie vers l'Académie Française. Dans cette assemblée, Jacques Laurent s'est ennuyé. Mais l'an­cien provocateur avait acquis une certaine sagesse et avait cessé de distribuer coups de pied et horions. Il est resté un écrivain à facettes multiples. Avec des livres sur Stendhal et sur la déroute de la langue française, avec Du mensonge, ode étrange au mensonge, sans compter des mé­moires, Histoire égoïste, et des romans dont l'intrigue se passe presque toujours pendant la guerre. Parmi eux, Le Dormeur debout et Clotilde Jolivet (ce dernier sous son pseudonyme d'antan, Cécile Saint-Laurent). Le grand public se souviendra sans nul de ce nom-là plutôt que de celui, réel, de Jacques Laurent. Et pourquoi pas?

 

"Guitry".

(Texte paru dans 't Pallieterke, 56ième année, n°2, 10 janvier 2001).

 

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Bhim Rao Ambedkar

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Bhim Rao Ambedkar

Christophe Jaffrelot publie le premier livre en français sur le Dr Ambedkar (1891-1956). Voici la présentation de l'édi­teur: «Bhim Rao Ambedkar fut longtemps seul contre tous, et notamment contre Gandhi, pour qui les intouchables de­vaient demeurer partie intégrante de la société hindoue. Cela ne l'empêchera pas de participer au premier gouver­ne­ment de Nehru et d'être chargé de rédiger la Constitution de l'Inde en 1947, en raison de ses talents de juriste. Il uti­li­sera ces fonctions pour contenir l'influence du gandhisme et au mieux des intérêts des intouchables. Homme d'état, Am­bedkar était aussi un penseur. Son action politique repo­sait sur une analyse sociologique de système des castes dont il conclut qu'il était consubstantiel à l'hindouisme et que les divisions des castes inférieures interdisaient la for­mation d'une classe laborieuse, dont les marxistes indiens espéraient encore l'avènement. D'où les deux stratégies qu'il mettra en œuvre dès les années 1920. La première vi­sait à améliorer la position des intouchables dans l'espace pu­blic, en les mobilisant à travers un parti politique et en ob­tenant pour eux des concessions auprès des Britanniques puis du Congrès. La seconde n'était autre que la conversion à une autre religion, perçue comme une migration collec­tive vecteur d'émancipation sociale dès lors qu'elle permet­tait d'échapper au monde hindou». Ambedkar se convertira au bouddhisme quelques mois avant sa mort. Nous rappel­le­rons que les éléments essentiels d'une compréhension du système des castes se trouvent dans le livre Castes et races de F. Schuon (Editions Arché) (JdB).

Christophe JAFFRELOT, Dr Ambedkar, 2000, Presses de Scien­ces Po, 256 pages, 155 FF.

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Tombeau pour Jacques Laurent

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Tombeau pour Jacques Laurent

« C’était un combattant », Michel Déon, le 6 janvier 2001.

« Je suis comme Marcel Aymé, contre l’armée, contre les curés, contre le travail, la famille et, bon, je suis de droite »

Jacques Laurent.

 

Un seigneur s’en est allé le 29 décembre 2000: Jacques Laurent est mort de chagrin quelques semaines après sa fem­me. Avec lui, tous les amoureux de la littérature et de la liberté perdent un modèle. Libertin et érudit, surdoué et protéiforme, Jacques Laurent-Cély était né en 1919: sa dis­parition à la fin d’un siècle, oui bien stupide, est gran­de­ment symbolique. La discrétion de la « grande presse », à l’exception du Figaro et du Point en dit long aussi sur le climat intellectuel et esthétique que nous autres, ses ca­dets désolés, devrons affronter sans faiblir. Il est vrai que Jacques Laurent fut toute sa vie un homme libre, subtile­ment hostile à toutes les formes de sectarisme et de sco­lastique que la gauche idéologique, aujourd’hui installée au pouvoir, incarne avec une bonne conscience en béton ar­mé. Ayant fréquenté l’Action française dès 1934, il avait été formé à l’école de Maurras (« un nettoyeur de l’intel­ligence ») et du classicisme français. C’est précisé­ment cette imprégnation classique qui le rendit imperméa­ble au romantisme fasciste, vu comme une démesure à fuir com­me la peste. Ceci explique qu’il ne fut pas cagoulard mal­gré ses liens familiaux avec Eugène Deloncle et son goût du combat même violent: le romantisme de ces conspi­ra­teurs l’arrêta. Son engagement à Vichy, au Ministère de l’In­for­mation (sous Paul Marion et Philippe Henriot), ses articles dans la presse de la Restauration Nationale réunis en un livre publié en 1944, Compromis avec la colère (sous le nom de Jacques Bostan), puisent leur inspiration dans une volonté de restaurer l’ordre classique. Il est en cela pro­che de Mounier: « promouvoir le réel, le vivant, l’orga­ni­que, l’évolutif contre l’abstrait, le géométrique, l’im­mua­ble mis en fiche, le général et le totalitaire ».

 

Il y a quel­ques années, répondant à un journaliste du Fi­ga­ro, Laurent définissait la droite comme suit: « La droite in­terdit à l’humanité d’espérer quelque chose de mieux, de croire, béatement, en un avenir meilleur. La gauche a le rôle de la collection Harlequin ». Ceci fait de lui l’un de nos maîtres, qui nous rappelle le refus des utopies comme fondement de notre attitude. Autre leçon de Laurent: son activité d’éditeur: ses revues Arts, La Parisienne furent dans les années 50 des « oasis de liberté » pour citer Michel Déon. Sous l’apparente frivolité du dandy, Laurent cachait une générosité, un flair et un courage rarement égalés dans la droite d’après-guerre. Il faut relire ses Chroniques de ce temps (rééditées chez B. de Fallois), comme son au­to­bio­gra­phie Histoire égoïste (Table ronde), livres à la fois bril­lants et solides: la quintessence de l’authentique subver­sion, la subversion classique, alliance parfaite - et raris­sime - du style et des idées. Disciple de Stendhal (et du cher Alexandre Dumas), Laurent est enfin le romancier de l’élan vital et du divin imprévu: lire ses chefs d’œuvre Les Corps tranquilles ou Les Bêtises, constitue la meilleure des thérapies face à la morosité hivernale. Pour tous les dissi­dents, Laurent restera un maître, celui qui nous enseigne «qu’il n’y a pas d’intelligence sans liberté, sans solitude, et sans courage ».

 

Patrick CANAVAN.

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dimanche, 27 avril 2008

Rolao Preto et l'intégralisme lusitanien

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Rolão Preto et l'intégralisme lusitanien

 

Francisco de Barcelos Rolão Preto, né le 5 février 1894 au Portugal, est le père d'une idéologie que l'on a nommée "l'intégra­lis­me lusitanien". Etudiant à Louvain, au Collège portugais, il ap­prend à connaître personnellement, à Paris, en pleine guer­re, en 1917, les principaux représentants du nationa­lis­me français: Barrès, Maurras, Daudet, Bainville. Plus tard, dans les années 30, il fonde le "Mouvement National-Syn­di­caliste Portugais", avec son ami Alberto de Monsaraz. L'or­gane de ce parti est “A Revolução”. A la différence du fas­cisme de Mussolini et du national-socialisme de Hitler, l'in­tégralisme lusitanien de Preto rejette toute divinisation de l'Etat, racines catholiques obligent. Mais malgré cette pa­ren­té catholique avec le régime de Salazar, le MNS est in­ter­dit et Preto prend la route de l'exil, vers l'Espagne voisi­ne. Il y rencontre José Antonio Primo de Rivera, avec qui il coopère pour rédiger, notamment, les fameux “27 points doctrinaux” de la Phalange. Quand éclate la guerre civile espagnole, Preto lutte aux côtés des camarades de José Antonio, orphelins de leur chef. Après la révolution des œil­lets en 1974, âgé de 80 ans, Preto fonde le PPM (Parti Po­pulaire Monarchique). Il meurt le 19 décembre 1977. En 1994, le Président Mario Soares, lui octroie, à titre post­hume, la “Grande Croix de l'Ordre de l'Infante D. Henrique” pour récompenser "son patriotisme et son amour de la li­ber­té”. Une étude brève et succincte sur ce personnage hors du commun peut se lire sur la grande toile, en langue por­tugaise: José Manuel Alves Quintas, «Rolão Preto e o In­tegralismo Lusitano»,

http://www.dundee.ac.uk/politics/cphrc/jose.htm... (Robert Steuckers).

 

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Cosaques au combat

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Cosaques au combat

Superbe ouvrage que proposent les éditions normandes Heim­dal: la somme sur les unités cosaques engagées aux côtés de l’Allemagne contre Staline entre 1942 et 1945. Le livre bilingue (français/anglais), magnifiquement illustré, retrace la tragique histoire récente de ces « Cosaques sans patrie » pour reprendre le titre d’un beau roman de F. Traut publié en 1962 à La Table ronde. Apparus au XIVème siècle, les Cosaques sont les héritiers directs des peuples indo-européens de cavaliers de la steppe, Scythes et Sar­mates. Rapidement slavisés, les Cosaques serviront les Tzars en échange de libertés concrètes: statut de paysans libre et exemption d’impôt, droit d’élire leurs atamans, ignorance superbe de la propriété individuelle, ...

 

Leur mission est de défendre les frontières de l’Empire rus­se face aux Mongols; ils servent aussi dans les opérations de maintien de l’ordre face à la canaille. A la veille du coup d’état bolchevique, ils sont 5 millions répartis en 5 groupes distincts: Don, Oural, Kouban, Térek, Orenbourg. Massi­ve­ment engagés aux côtés des Blancs, ils subissent une ré­pres­sion féroce sous le régime communiste. Pour eux, l’ar­rivée des Allemands est vécue comme une libération: c’est d’ailleurs le cas d’une grande partie des peuples soumis à la botte soviétique, qu’ils soient du Caucase ou de la Bal­ti­que. Tous paieront très cher cette tentative de se libérer du joug soviétique: déportations en masse dans les camps de la mort sibériens, extermination des élites, relégation lointaine pour les survivants et calomnie généralisée... jusque chez des universitaires européens, par exemple un certain François Arzalier, communiste bon teint qui publie encore en 1990 (!) un ouvrage de propagande soviétique (et donc bourré d’inexactitudes): Les perdants. La dérive fas­cis­te des mouvements autonomistes et indépendantistes au XXème siècle (La Découverte). L’album de Fr. de Lannoy que publie Heimdal ne tombe pas dans ces travers. Rien que la qualité, la rareté des 350 documents photogra­phi­ques en fait un objet de collection: superbes gueules de cavaliers (qui ne devaient certes pas être des anges), d’of­ficiers comme ce beau reître le général von Pannwitz, ar­mement et uniformes d’un autre temps, bref l’ouvrage sau­ve tout un monde de l’oubli. Il rappelle aussi l’abjecte fé­lo­nie des Britanniques qui livrent les Cosaques aux Rouges malgré leur promesse... mais, en vrais gentlemen, gardent les chevaux. Il est vrai que les Alliés ne font rêver personne au contraire des chevaleries vaincues.

 

Patrick CANAVAN.

 

Fr. de Lannoy, Les Cosaques de Pannwitz 1942-1945, Heim­dal, 2000. A commander à Heimdal, Château de Dami­gny, BP 320, F-14403 Bayeux cedex, internet: Editions.Heimdal@wanadoo.fr .Voir aussi le film d’Enrico, Vent d’est avec Malcolm McDowell et un court roman de Claudio Magris, Enquête sur un sabre, Desjonquères 1987.

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samedi, 26 avril 2008

Plus est en vous !

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"Plus est en vous"

 

Parlant du Verdinaso de Joris Van Severen (1894-1940) mou­vement politique aux allures d'ordre monastique et guer­rier, un ministre social-chrétien belge, pourtant hosti­le, déclarait qu'il s'agissait de "la tentative la plus honnête d'un groupe autoritaire de réagir, entre les deux guerres, contre la démagogie parlementaire". A la tête de cette u­nion nationale-solidariste thioise, un jeune officier flamand (mais parfaitement francophone comme l'élite de son temps) nourri de Maurras, Barrès, Maritain et Valois, fou de littérature romantique et amateur de jolies femmes: Joris Van Severen, sans doute le personnage le plus étonnant de la Belgique de l'entre-deux-guerres. L'histoire de cet hom­me respecté même par ses adversaires est mal connue: d'au­­tres figures ont monopolisé l'attention des chercheurs et du public cultivé, comme celle d'un Léon Degrelle, dé­ma­gogue n'arrivant pas à la cheville du Leider thiois quant à la valeur morale, à l'ampleur des visions politiques et stra­tégiques. On devait déjà à Luc Pauwels, éditeur de la revue dextriste Tekos (anciennement Teksten, kommen­taren en studies fondée par un groupe d'intellectuels fol­cistes aux visions paneuropéennes) une présentation de Van Severen publiée dans Nouvelle Ecole (n°50, 1998).

 

Pauwels publie aujourd'hui le mémoire de licence qu'il a présenté à l'Université Catholique de Louvain (KUL) sur les évo­lutions idéologiques de Van Severen. L'ouvrage (272 pa­ges) est du plus haut sérieux, parfois scolaire, mais con­sti­tue une somme. L'auteur a dépouillé une masse d'archives et de revues (dont L'Ordre thiois et Pays-Bas Belgiques pu­bliées alors en français), rencontré témoins et acteurs (dont L. Delafortrie fidèle depuis plus de cinquante ans à son chef, Jef François, Pol le Roy, Jef van Bilsen, etc.). Il a bénéficié de l'aide des disciples de Van Severen toujours ac­tifs, au sein du Mouvement flamand notamment. Il faut es­pérer qu'une adaptation française verra le jour, qui per­mettrait au public francophone de se familiariser avec cet­te fascinante et noble figure.

 

«Je poursuis l'idéal, hardiment, sans faiblir»!

 

Car le Verdinaso fut bien plus qu'un parti politique: un or­dre à l'idéal ascétique que l'on peut rapprocher, sans tou­te­fois  les confondre, avec le mouvement d'un Codreanu ou d'un José Antonio; bien plus qu'un groupe flamingant: une union panthioise regroupant dans la dernière phase de sa com­plexe évolution Flamands, Luxembourgeois, Frisons et Wallons des marches romanes. Ce qui frappe, c'est la réelle influence de cet homme qui ne joua pas un rôle politique de premier plan puisque relégué dans l'opposition par un système parlementaire qu'il méprisait souverainement. Van Severen était partisan d'une oligarchie d'aristocrates instau­rant un ordre nouveau personnaliste et communautaire qu'il voulait différent des ordres allemands et italiens, ce qui va­lut des défections à son mouvement. Fier de l'héritage ger­manique des Pays-Bas Belgiques, Van Severen était un lec­teur attentif des thèses de Franz Petri (Germanisches  Volks­erbe in Wallonien und Nordfrankreich, Bonn, 1937). Mais il connaissait les limites de la germanité: "Ils cons­truisent des tours, ces Thiois, et des digues, mais jamais ils n'ont bâti un Etat" et se rattachait aussi à une certaine la­tinité sur laquelle il fonda sa Rijksgedachte, sa pensée d'Em­pire. Dès 1934, Van Severen rompit avec le flamin­gan­tisme classique, micro-jacobin et revanchard, pour prendre comme modèle le Cercle de Bourgogne, les XVII Provinces. Luc Pauwels étudie l'évolution de sa pensée depuis les pre­mières sympathies bolcheviques, à travers des thèmes com­me le solidarisme, le corporatisme, l'ordre,… Il définit Van Se­veren comme un révolutionnaire-conservateur, disciple d'A­ristote et de Thomas d'Aquin. Voilà donc une figure di­gne d'intérêt, rendue encore plus attachante par sa beauté (su­perbe portrait par le photographe Willy Kessels aujour­d'hui voué aux gémonies par une clique d'intellocrates par­ticulièrement haineux) et par son tragique destin: Van Se­veren est abattu par des soldats français à Abbeville dans des conditions atroces avec vingt autres prisonniers le 20 mai 1940, en pleine débâcle.

 

"Je poursuis l'Idéal, hardiment, sans faiblir".

 

André DUCHENOY.

 

L. Pauwels, De ideologische evolutie van Joris Van Severen, Studiecentrum Joris Van Severen, Paddevijverstraat 2, B-8900 Ypres. 1100 FB (environ 190 FF). Le centre organise un pè­lerinage annuel sur la tombe de Van Severen à Abbeville.

 

 

 

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Hommage à Goulven Pennaod

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Hommage à Goulven Pennaod

 

Décédé à l’âge de 71 ans le 29 novembre 2000, Goulven Pen­naod (en français Georges Pinault) aura été fidèle jus­qu’à son dernier souffle à ses idéaux celtiques et grand-eu­ropéens. Il était ce que notre honoré confrère E. Ratier (Faits et Documents, BP 254-09, F-75424 Paris cedex 09, eratier@faits-et-documents.com) nomme justement un com­­­battant de l’Occident extrême. Combattant, il le fut dès l’adolescence: dépité de ne pouvoir entrer dans l’Euro­corps de son époque (alors impliqué dans des opérations humanitaires à l’Est), ce jeune militant du Parti National Breton opte pour les Jeunes de l’Europe Nouvelle, mouve­ment de scoutisme multiculturel créé à l’origine par le spor­­tif et écrivain Marc Augier, futur Saint-Loup, celui qui faillit avoir le Goncourt en 1953. Contrairement à plusieurs membres de ce groupe de jeunes qui s’engagent dans la 2è­me DB, Pennaod est arrêté et interné au camp de Sainte-Marguerite de Rennes, à l’âge de quinze ans. C’est en pri­son que ce descendant de chouan, fils d’un militant socia­liste devient tout à fait païen. Ce jeune surdoué —il con­naissait une vingtaine de langues— passe son baccalauréat sous la surveillance des gendarmes. Ainsi débute la carrière peu banale de celui qui finira linguiste, spécialiste des lan­gues celtiques et chercheur au CNRS. Mais avant de se pen­cher sur les inscriptions gauloises avec le grand archéo­lo­gue P.M. Duval (qui loue ses connaissances linguistiques et mathématiques), Pennaod fit tous les métiers, au Pays de Galle où il fréquente les partisans de l’Armée de Libération galloise et de l’IRA, à Saint-Germain-des-Prés et Montpar­nas­se chez les Bretons de Ker Vreizh où il se livre à de my­stérieux cultes druidiques, fréquente divers militants eth­nistes frisons ou normands, notamment au sein d’une in­téressante union antitotalitaire et fédéraliste.

 

Engagé dans l’armée, il passe vite sous-lieutenant d’artille­rie et se porte volontaire pour sauter « blind » sur Dien Bien Phu le 22 avril 1954: ce sera son premier et dernier saut, sans armes (l’intendance n’a jamais aimé perdre son matériel) et avec des bottes payées de ses deniers. Son ami Saint-Loup a décrit cet épisode épique dans Les Nostalgi­ques: la cuite avec d’anciens volontaires français sur le front russe (dont un futur archéologue de renom) la veille du départ, les ultimes grenades lancées sur les Viets et l’a­mertume d’un sergent plus ou moins suisse: «Dien Bien Phu est tombée le 30 avril 1945». Ce à quoi Pennaod renchérit en déplorant l’issue du deuxième conflit européen qui retar­da en effet la construction de l’autoroute Gibraltar-Vla­divostok. Dernier officier breton à cesser le feu, Pen­naod est l’un des rescapés des camps de la mort asiatiques, ce qui lui vaut le grade de capitaine et une proposition de Légion d’Honneur, qu’il refuse très décemment.

 

Il accom­plira diverses missions au Maroc et en Afrique noire comme consultant en pacification et gestionnaire de res­sour­ces hu­maines avant de solliciter un congé pour conve­nances personnelles. Il se lance alors dans des études de lin­­­guistique et d’archéologie, s’intéresse de près au calen­drier gaulois de Coligny. Pennaod collabore aussi à diverses revues culturelles (Europe-Action de Dominique Venner, De­venir Européen d'Yves Jeanne, Nouvelle Ecole d'Alain de Benoist) dans une optique hautement citoyenne, hostile au totalitarisme communiste, à l’intolérance judéo-chrétienne et au matérialisme capitaliste, respectueuse des différen­ces et favorable à l’ouverture à l’autre. Son credo peut se ré­sumer ainsi: « un devenir spécifiquement breton, à côté et en collaboration avec elles, de la France et de la Celtie in­sulaire dans une Europe fraternelle ».

 

Une carrière scientifique jalousée

 

Sa carrière scientifique suscite la jalousie de divers res­capés du stalinisme passés au service du capitalisme turbo, ce qui ne troublait guère ce Celte qui en avait vu d’autres. Ces derniers temps, il préparait une traduction bretonne d’un traité de polémique antichrétienne de l’empereur Ju­lien. Il semble que les Dieux ne lui aient pas permis d’a­chever cette œuvre: ceci obligera sans doute un jeune Bre­ton de reprendre ce flambeau lâché. Réfugié aujourd’hui à Tir na nOg, dans l’Autre Monde, le camarade Goulven, ba­roudeur et érudit, druide et guerrier, y jouit enfin de la paix, loin des dénonciateurs et des larves. Comme le dit l’un de nos textes,  la Navigation de Bran: « On n’y connaît ni tristesse ni trahison, dans le pays bien connu du plaisir ». Oui, à lui les musiques douces et les vins exquis. A nous le cha­grin et la détermination.

 

Patrick CANAVAN.

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