lundi, 03 mars 2008
Hawai, Cuba, Mexique: les étapes de l'impérialisme américain
Hawaï, Cuba, Mexique : les étapes de l'impérialisme américain
Dans un long entretien que Robert Steuckers avait accordé à Marc Lüdders et paru dans Vouloir n°11 (1999), de même que dans divers autres textes sur les insuffisances doctrinales et pratiques de la "Nouvelle Droite" française, il avait insisté sur la nécessité de connaître l'histoire des Etats-Unis et les modi operandi de l'impérialisme américain. En Italie, le dissident américain, façon Chomsky, John Kleeves avait fait paraître dans la collection "Sinergie" un ouvrage important intitulé "Un paese pericoloso" (SEB, Milano, 2000). L'agence allemande DNZ de Munich étudie à son tour ces innombrables faits historiques, dans une série d'articles, dont l'un, que nous traduisons ici en français, porte sur les violations américaines de l'intégrité territoriale des Iles Hawaï, de Cuba, alors province espagnole, et du Mexique.
Après que l'Imperium de Washington se soit établi sur une très vaste portion du territoire nord-américain, du moins de la "côte à la côte", soit de l'Atlantique au Pacifique, avec pour toile de fond l'holocauste des Amérindiens et des guerres ou des "achats" de territoire forcés par menace militaire, contre la France, la Grande-Bretagne et la Russie, les castes dominantes des Etats-Unis ont caressé le projet de soumettre les îles des Caraïbes et l'ensemble de l'Océan Pacifique.
Examinons comment ce projet s'est concrétisé, en étudiant le destin du Royaume polynésien des Iles Hawaï. Dans un premier temps, les consortiums américains s'y sont établis, notamment "Dole Pineapple Company", avec ses plantations d'ananas. Ensuite, deuxième étape, les Américains ont forcé les autorités indigènes à accepter l'installation d'une base navale à Pearl Harbor. En 1893, dernière étape, les Américains aident au renversement définitif de la dernière Reine des Hawaï, Liliuokalani. Elle avait tenté d'empêcher le piètre destin, fait de soumission coloniale, que l'on préparait pour son peuple à Washington. La résistance des Hawaïens a été purement et simplement brisée. La reine et ses fidèles ont été jetés en prison. En 1898, les Iles Hawaï deviennent un protectorat des Etats-Unis; en 1959, en grande pompe, on annonce officiellement qu'elles deviennent le 50ième Etat des Etats-Unis. Entre-temps, les indigènes étaient devenus une minorité, leur culture était détruite et ils avaient été submergés par des vagues d'immigrants. La Reine Liliuokalani, poétesse, est l'auteur de cette chanson, toute empreinte de nostalgie et de tristesse, "Aloha Oe", que l'on connaît aussi en Europe, mais sans plus savoir quelle tragédie avait, en fait, suscité cette nostalgie et cette tristesse.
Il est intéressant de noter qu'à la même époque une autre reine, dans un autre royaume insulaire, Madagascar, avait été éliminée d'une manière similaire. Cette fois, ce sont les Français qui sont responsables de la tragédie. Comme sa consœur hawaïenne qui a subit un sort analogue, la Reine malgache Ranavalona III, avait tenté de maintenir l'indépendance de son royaume. Paris envoya des troupes, transforma Madagascar en une colonie française en 1895, et fit déporter la Reine en Algérie.
Le Saddam de 1898 était espagnol
Les Etats-Unis décident ensuite que l'Espagne, ex-puissance mondiale qui n'était plus que l'ombre de ce qu'elle avait été, devait être éliminée, en tant que facteur (géo)-politique en Amérique et dans le Pacifique, afin de satisfaire les pulsions impérialistes de la Maison Blanche et de Wall Street. Pour obtenir ce résultat, Washington déclenche une guerre contre l'Espagne en 1898.
L'incident qui déclencha ce conflit fut un mystérieux attentat à la bombe perpétré contre un navire américain, le Maine, dans le port de La Havane, à Cuba, alors province espagnole. Cet acte de terrorisme, qui a coûté la vie à plusieurs centaines de marins américains, est manifestement l'œuvre de provocateurs à la solde des services secrets. Néanmoins, la machine propagandiste américaine, sans produire la moindre preuve contre l'Espagne, s'empare de l'affaire et orchestre une campagne contre Madrid. Ce qui s'ensuivit ressemble étrangement aux événements après le 11 septembre 2001 (ou après l'"Incident Tonking" qui a déclenché la Guerre du Vietnam, ou encore, après l'attaque contre Pearl Harbor en décembre 1941).
Les médias américains de l'époque, comme le "New York Journal" de Hearst ou le "New York World" de Pulitzer, se firent concurrence pour publié les pires récits d'atrocités attribuées à la malheureuse Espagne. Les deux quotidiens publiaient sans discontinuité des histoires abominables mises sur le compte des gouvernants espagnols de Cuba. Même à l'encontre de Ben Laden ou de Saddam Hussein, on n'a pas osé écrire le quart du huitième de l'ombre de ce que l'on a publié à l'époque, dans les journaux new-yorkais, contre le gouverneur militaire espagnol de Cuba, le Général Valeriano Weyler. Au public américain, les journaux le présentaient comme un "monstre", comme un "être sans pitié", qui tuait de "sang froid", qui massacrait "en masse". Citation du "New York Journal" : « Rien ne peut arrêter ce cerveau animal, de s'esbaudir à la vue et à la pensée de tortures, à l'idée de faire couler le sang ». Quant à Pulitzer, il a tout simplement baptisé Weyler de "boucher de Cuba".
Inutile de préciser que ces mêmes journaux insistaient pour que l'on lance une guerre préventive contre l'Espagne. Parce que ce pays, ajoutaient-ils, en secret, préparait l'invasion des Etats-Unis! La guerre qui s'ensuivit permit aux Etats-Unis d'éliminer l'Espagne, en tant que puissance en Amérique latine et dans le Pacifique; elle eut aussi pour résultat d'étendre la domination américaine sur les Philippines, anciennement espagnoles, et de porter la puissance de Washington directement face au continent asiatique.
A la suite de l'élimination de l'Espagne, en l'espace de quelques années, les Etats-Unis sont intervenus, directement ou indirectement, une douzaine de fois dans les divers Etats d'Amérique centrale, pour bien prouver qui commandait, désormais, dans cette zone. La Colombie est contrainte de céder l'isthme de Panama en 1903. La Zone du Canal —dont le creusement s'achève en 1914, permet une communication par voie maritime à travers le double continent américain et constitue ainsi l'une des voies d'eau artificielles les plus importantes du globe— devient territoire américain.
Le Mexique, puissance récalcitrante, avait déjà perdu, vers la moitié du 19ième siècle, d'immenses territoires en faveur des Etats-Unis, comme le Texas, le Nouveau Mexique et la Californie. Au début du 20ième siècle, les Mexicains ressentiront à leurs dépens la nouvelle politique américaine, dit du "gros bâton". Très officiellement, le Président Théodore Roosevelt avait annoncé urbi & orbi que cette politique du "gros bâton" serait l'instrument privilégié de la politique extérieure américaine. Il nous paraît tout aussi intéressant de noter comment l'opinion publique américaine a été amenée à accepter cette guerre contre le voisin du Sud. Le modus operandi peut vraiment être hissé au rang de paradigme : le 8 mai 1914, les salles de cinéma de New York font projeter en première, et en grande pompe, le film "La Vie du Général Pancho Villa". La pellicule chante les faits et gestes glorieux de ce chef mexicain, considéré encore à l'époque comme un "allié" fidèle de Washington. A peine deux ans plus tard, la machine propagandiste américaine opère un véritable volte-face, à 180°. En un tournemain, le vaillant et glorieux Mexicain devient une "brute assoiffée de sang", un "boucher", etc. En fait, pressenti comme allié, l'homme ne s'était pas montré aussi "souple" qu'on l'avait espéré.
Après que Washington ait avancé des "preuves" (peu claires), on se met à raconter que le Mexique voulait attaquer les Etats-Unis, très vraisemblablement en collusion avec le méchant empereur Guillaume d'Allemagne. Les troupes américaines entrent au Mexique. L'expédition "punitive" —dénomination officielle!— s'effectue sous le commandement du Général Perhing, celui-là même qui sera appelé un peu plus tard à la tête d'une autre expédition punitive, cette fois contre l'Allemagne en 1917. Cette intervention dans les affaires européennes a empêché la signature d'un armistice, sur base de la "partie nulle". De grands débiteurs des puissances européennes, les Etats-Unis, à la suite de ce conflit, deviennent leurs grands créanciers; par le biais du Traité de Versailles, les ferments de la seconde guerre mondiale étaient en germe. Rappelons que les missiles "Pershing", alignés par la super-puissance américaine, doivent leur nom à celui de ce général, chef d'expédition punitive au Mexique et en Europe.
(article de DNZ / Munich, n°5/2003).
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dimanche, 02 mars 2008
Sur l'identité européenne
Communication de Robert Steuckers à la « Fête de l'Identité », Santes/Lille, le 28 juin 2003
Organisateurs : FLANDRE IDENTITÉ, BP 106 - F-59.482 Haubourdin Cédex ( flandreidentite@hotmail.com )
Sur l'identité européenne
Mesdames, Messieurs, Chers amis et camarades,
Définir l'identité de l'Europe dans un exposé d'une demi-heure tient de la gageure ! Mais, c'est vrai, il faut être capable de synthétiser ses idées, de transmettre l'essentiel en peu de mots. Mieux : en peu de cartes [projection de cinq cartes].
L'Europe, c'est avant toute chose une histoire. C'est cette histoire qui est son identité. C'est la somme des gestes qui ont été accomplies. Rien d'autre. Et certainement pas un code ou une abstraction qui se profilerait derrière cette histoire et qui serait plus “sublime” que le réel. L'histoire qui fonde notre identité est une histoire très longue, dont les origines ne sont pas connues du grand public, auquel on cache l'épopée initiale de nos peuples. Les choses sont en train de changer dans le bon sens; au cours des dix dernières années, les revues de bonne vulgarisation scientifique nous parlent de plus en plus souvent de la grande chevauchée des Proto-Iraniens, puis des Scythes, en direction de l'Asie centrale. Les archéologues Mallory et Mair viennent de retracer l'émouvante aventure du peuple qui nous a laissé les “momies du Tarim” dans le Sin Kiang chinois, des corps quasi intacts qui nous ressemblent comme des frères. Partis d'Europe centrale, en effet, des vagues de cavaliers européens ont poussé au moins jusqu'aux plaines du Sin Kiang, sinon jusqu'au Pacifique. Pendant des siècles, des royaumes européens ont subsisté dans ces régions, alors très hospitalières et fertiles. Une civilisation tout à la fois européenne, indienne et bouddhiste, a laissé des traces sublimes au cœur du continent asiatique.
Associer l'idée de divin à la lumière solaire et sidérale
Les racines de l'Europe se retrouvent, dans leurs traces les plus anciennes, essentiellement dans la tradition iranienne, ou avestique, dont Paul Du Breuil et Henry Corbin ont exploré l'univers mental. Paul Du Breuil retrace méticuleusement la religion très ancienne, guerrière, de cette branche aventurière du peuple européen, qui avait domestiqué le cheval, inventé les attelages et le char de combat. Cette religion est une religion de la Lumière et du Soleil, avec le dieu Aruna (l'Aurore) comme conducteur du char solaire. Garuda, le frère d'Aruna, est, dans cette mythologie, le “seigneur du Ciel” et le “chef des oiseaux”. Il personnifie la puissance masculine et on le représente souvent sous la forme d'un oiseau à tête d'aigle, blanc ou doré, parfois avec des ailes rouges. On constate très tôt, dit Paul Du Breuil, “que le symbolisme religieux eurasien, a associé l'idée du divin avec la lumière, solaire ou sidérale, et avec un oiseau fabuleux, fort et de haut vol”. Cette triple symbolique du Soleil, du Ciel et de l'Aigle, se retrouve chez le chef et père des dieux dans le panthéon romain, Jupiter. Et l'idée d'empire, dans les traditions européennes, conserve le symbole de l'aigle. De l'Iran avestique à nos jours, cette symbolique immortelle nous est restée. Sa pérennité atteste bel et bien que sa présence inamovible en fait un fondement de notre identité.
Le monde avestique, aboutissement d'une grande migration européenne aux temps proto-historiques, nous a légué les notions cardinales de notre identité la plus profonde, qui ne cesse de transparaître malgré les mutations, malgré les conversions au christianisme ou à l'islam, malgré les invasions calamiteuses des Huns, des Mongols ou des Turcs, malgré les despotismes de toutes natures, qui ont dévoyé et fourvoyé les Européens au cours d'une histoire qui ne cesse d'être tumultueuse. Arthur de Gobineau a démontré la précellence du monde iranien, sa supériorité pratique par rapport à un hellénisme trop discursif et dialectique. A sa suite, Henry Corbin, en explorant les textes que nous a laissés le poète médiéval persan Sohrawardi, nous a restitué une bonne part de notre identité spirituelle profonde, de notre manière primordiale de voir et de sentir le monde : pour Sohrawardi, légataire médiéval de l'immémorial passé avestique, l'Esprit Saint est Donateur de formes, la Lumière immatérielle est la première manifestation de l'Etre primordial, qui, lui aussi, est Lumière, pleine Lumière resplendissante, synthèse du panthéon ouranien des dieux diurnes (cf. Dumézil, Haudry); dans cette spiritualité euro-avestique de la proto-histoire, de cette époque où vraiment tout s'est révélé, il y a précellence du Soleil; les âmes nobles et les chefs charismatiques ont une aura que les Perses appelaient la Xvarnah ou la Lumière de Gloire et que l'on représente sous forme d'une auréole à rayons solaires. Ce culte lumineux s'est répercuté dans la tradition médiévale européenne dans la figure omniprésente de l'archange Saint-Michel, dont le culte est d'origine iranienne et zoroastrienne. Et surprise : le culte de Saint Michel va ressusciter à Bruxelles dans quelques jours, lors de la fête de l'Ommegang, en l'honneur de l'étendard impérial de Charles-Quint. Le géant Saint-Michel ressortira dans les rues, après une très longue éclipse, ajoutant l'indispensable spiritualité archangélique à cette fête impériale unique en Europe. Signe des temps? Osons l'espérer!
La force archangélique et michaëlienne
Pour Hans Werner Schroeder, les archanges, legs de la tradition iranienne dans l'Europe médiévale, insufflent les forces cosmiques originelles dans les actions des hommes justes et droits et protègent les peuples contre le déclin de leurs forces vives. L'archange aux vastes ailes déployées et protectrices, que l'on retrouve dans les mythologies avestiques et médiévales-chrétiennes, indique la voie, fait signe, invite à le suivre dans sa marche ou son vol toujours ascendant vers la lumière des lumières : la force archangélique et michaëlienne, écrit Emil Bock, induit une dynamique permanente, une tension perpétuelle vers la lumière, le sublime, le dépassement. Elle ne se contente jamais de ce qui est déjà là, de ce qui est acquis, devenu, de ce qui est achevé et clos, elle incite à se plonger dans le devenir, à innover, à avancer en tous domaines, à forger des formes nouvelles, à combattre sans relâche pour des causes qui doivent encore être gagnées. Dans le culte de Saint-Michel, l'archange n'offre rien aux hommes qui le suivent, ni avantages matériels ni récompenses morales. L'archange n'est pas consolateur. Il n'est pas là pour nous éviter ennuis et difficultés. Il n'aime pas le confort des hommes, car il sait qu'avec des êtres plongés dans l'opulence, on ne peut rien faire de grand ni de lumineux.
La religion la plus ancienne des peuples européens est donc cette religion de Lumière, de gloire, de dynamique et d'effort sur soi. Elle est née parmi les clans européens qui s'étaient enfoncés le plus profondément dans le cœur du continent asiatique, qui avaient atteint les rives de l'Océan Indien et s'étaient installés en Inde. L'identité la plus profonde de l'Europe est donc cette trajectoire qui part de l'embouchure du Danube en Mer Noire vers le Caucase et au-delà du Caucase vers les hauts plateaux iraniens et vers la vallée de l'Indus, ou, au Nord, à travers l'Asie centrale, la Bactriane, vers le Pamir et les dépressions du Takla Makan dans le Sin Kiang, aujourd'hui chinois.
Une chaîne ininterrompue de trois empires solides
L'idéal impérial européen s'est ancré dans notre antiquité sur cette ligne de projection : entre 2000 et 1500 av. J. C., l'expansion européenne correspond à celle des civilisations semi-sédentaires dites d'Androvno et de Qarasouk. A cette époque-là, les langues européennes se répandent en Iran, jusqu'aux rives de l'Océan Indien. Cimmériens, Saces, Scythes, Tokhariens, Wou-Souen et Yuezhi se succèdent sur le théâtre mouvant de la grande plaine centre-asiatique. Entre 300 et 400 de notre ère, trois empires se juxtaposent entre l'Atlantique et l'Inde du Nord : Rome, les Sassanides parthes et l'Empire gupta en Inde. L'Empire gupta avait été fondé par les Yuezhi européens, qui nommaient leur territoire le Kusana et étaient au départ vassaux des Sassanides. Les Gupta fédèrent les clans du Kusana et les Tokhariens du Tarim. A ce moment historique-là, une chaîne ininterrompue de trois empires solides, dotés d'armées bien entraînées, auraient pu faire barrage contre les pressions hunno-mongoles, voire se fédérer en un bloc partant d'Ecosse pour aboutir au delta du Gange.
Mais le destin a voulu un sort différent, pour le grand malheur de tous nos peuples : Rome a été minée par le christianisme et les dissensions internes; l'empire s'est scindé en deux, puis en quatre (la tétrarchie), puis s'est effondré. Les Sassanides connaissent une période de répit, traitent avec l'Empereur romain d'Orient, Justinien, et partent à la conquête de la péninsule arabique, avant de succomber sous les coups de l'Islam conquérant. L'Empire des Gupta s'effondre sous les coups des Huns du Sud.
La fin de l'antiquité signifie la fin des empires déterminés directement et exclusivement par des valeurs d'inspiration européenne, c'est-à-dire des valeurs ouraniennes, archangéliques et michaëliennes, voire mazdéennes ou mithraïques. Les peuples hunniques, mongols ou turcs se ressemblent en Asie centrale et en chassent les Européens, les massacrent ou les dominent, les transformant en petites peuplades résiduaires, oublieuses de leurs racines et de leurs valeurs. Au Sud, les tribus arabes, armées par l'idéologie religieuse islamique, bousculent Byzance et la Perse et pénètrent à leur tour en Asie centrale.
L'invasion des Huns provoque un chaos indescriptible
L'identité européenne ne peut s'affirmer que si elle demeure maîtresse des grandes voies de communication qui unissent la Méditerranée ou la Baltique à la Chine et à l'Inde. Dynamique, l'identité européenne s'affirme ou disparaît sur un espace donné; elle entre en déclin, se rabougrit si cet espace n'est plus maîtrisé ou s'il n'est plus accessible. Cet espace, c'est l'Asie centrale. A la fin de la période antique, les Ruan Ruan mongols bousculent les Xianbei, qui bousculent les chefferies turques des marges du monde chinois, qui bousculent à leur tour les Huns du Kazakhstan, qui passent sur le corps des Alains européens à l'Ouest de la Caspienne, dont les débris se heurtent aux Goths, qui franchissent la frontière de l'Empire romain agonisant, précipitant le sous-continent européen, berceau de nos peuples, dans un chaos indescriptible. Finalement, les Huns sont arrêtés en Champagne par l'alliance entre Romains et Germains. Le destin de l'Europe s'est donc joué en Asie centrale. La perte de contrôle de cette vaste zone géographique entraîne la chute de l'Europe : hier comme aujourd'hui. Les ennemis de l'Europe le savent : ce n'est donc pas un hasard si Zbigniew Brzezinski entend jouer la carte turque/turcophone contre la Russie, l'Inde, l'Iran et l'Europe dans ce qu'il appelle les “Balkans eurasiens”. Ce que je viens de vous dire sur la proto-histoire à l'Est de la Volga et de la Caspienne n'est pas la tentative d'un cuistre d'étaler son érudition, mais de rappeler que la dynamique amorcée par nos plus lointains ancêtres dans ces régions du monde et que la dynamique amorcée lentement d'abord, brutalement ensuite, par les peuples hunniques et turco-mongols à la fin de l'antiquité sont des dynamiques qui restent actuelles et dont les aléas sont observés et étudiés avec la plus grande attention dans les états-majors diplomatique et militaire américains aujourd'hui.
En effet, une partie non négligeable du succès américain en Afghanistan, en Mésopotamie, en Asie centrale dans les républiques musulmanes et turcophones de l'ex-URSS est due à une bonne connaissance des dynamiques à l'œuvre dans cette région centrale de la grande masse continentale eurasiatique. Encyclopédies, atlas historiques, thèses en histoire et ouvrages de vulgarisation, émissions de télévision s'accumulent pour les expliciter dans tous leurs détails. L'Europe continentale, les espaces linguistiques français, allemand et autres, sont en retard : personne, même dans les hauts postes de commandement, ne connaît ces dynamiques. Dans la guerre de l'information qui s'annonce et dont nous avons perdu la première manche, la connaissance généralisée de ces dynamiques sera un impératif crucial : mais les choses avancent, lentement mais sûrement, car des revues grand public comme Archeologia, Grands Reportages, Géo, National Geographic (version française) commencent systématiquement à nous informer sur ces sujets. L'or des Scythes, les villes florissantes de la Sérinde et de l'antique Bactriane, la Route de la Soie, les voyages de Marco Polo, la Croisière Jaune de Citroën sont autant de thèmes proposés à nos contemporains. François-René Huyghe, spécialiste de la guerre cognitive à l'ère numérique, figure cardinale de la pensée stratégique française aujourd'hui, nous a laissé un ouvrage de base sur l'Asie centrale. En Suisse, le Professeur Jacques Bertin nous a fourni en 1997 un “Atlas historique universel”, où tout ce que je vous dis est explicité par des cartes limpides et didactiques.
Une organisation optimale du territoire
L'objectif stratégique de cette vulgarisation, destinée à éveiller le grand public aux thèmes majeurs de la géostratégie planétaire, est de damer le pion à la stratégie préconisée par Zbigniew Brzezinski dont le but final est de soustraire l'espace noyau de l'Asie centrale au contrôle de toutes les puissances périphériques, surtout la Russie et l'Europe, mais aussi l'Inde et l'Iran. Brzezinski n'a pas hésité à dire que les Américains avaient pour but d'imiter les Mongols : de consolider une hégémonie économique et militaire sans gérer ni administrer le territoire, sans le mailler correctement à la façon des Romains et des Parthes. L'Amérique a inventé l'hégémonie irresponsable, alors que les trois grands Empires juxtaposés des Romains, des Parthes et des Gupta visaient une organisation optimale du territoire, une consolidation définitive, dont les traces sont encore perceptibles aujourd'hui, même dans les provinces les plus reculées de l'Empire romain : le Mur d'Hadrien, les thermes de Bath, le tracé des villes de Timgad et de Lambèze en Afrique du Nord sont autant de témoignages archéologiques de la volonté de marquer durablement le territoire, de hisser peuples et tribus à un niveau de civilisation élevé, de type urbain ou agricole mais toujours sédentaire. Car cela aussi, c'est l'identité essentielle de l'Europe. La volonté d'organiser, d'assurer une pax féconde et durable, demeure le modèle impérial de l'Europe, un modèle qui est le contraire diamétral de ce que proposent les Américains aujourd'hui, par la voix de Brzezinski.
Rien de tel du côté des Mongols, modèles des Américains aujourd'hui. Nulle trace sur les territoires qu'ils ont soumis de merveilles architecturales comme le Pont du Gard. Nulle trace d'un urbanisme paradigmatique. Nulle trace de routes. La dynamique nomade des tribus hunniques, mongoles et turques n'aboutit à aucun ordre territorial cohérent, même si elle vise une domination universelle. Elle ne propose aucun “nomos” de la Terre. Et face à cette absence d'organisation romaine ou parthe, Brzezinski se montre admiratif et écrit : «Seul l'extraordinaire empire mongol approche notre définition de la puissance mondiale». Une puissance sans résultat sur le plan de l'organisation. Brzezinski et les stratèges américains veulent réactiver une dynamique anti-impériale, donc contraire aux principes qui sous-tendent l'identité européenne, et asseoir de la sorte un foyer permanent de dissolution pour les formes plus ou moins impériales ou étatiques qui survivent dans son voisinage. Brzezinski écrit, admiratif : «L'empire gengiskhanide a pu soumettre le Royaume de Pologne, la Hongrie, le Saint-Empire (?), plusieurs principautés russes, la califat de Bagdad et l'Empire chinois des Song». Réflexion historique en apparence ingénue. Mais elle démontre, pour qui sait lire entre les lignes, que la réactivation d'un pôle turc, à références hunniques ou gengiskhanides, doit servir
- à annihiler les môles d'impérialité en Europe,
- à mettre hors jeu l'Allemagne, héritière du Saint-Empire et de l'œuvre du Prince Eugène de Savoie-Carignan,
- à tenir en échec définitivement l'Empire russe,
- à détruire toute concentration de puissance en Mésopotamie et
- à surveiller la Chine.
Connaître l'histoire des mouvements de peuples en Asie centrale permet de contrer la stratégie américaine, mise au point par Brzezinski, de lui apporter une réponse russe, indienne, européenne. Pour les Américains, il s'agit d'activer des forces de désordre, des forces dont l'esprit est diamétralement différent de celui de Rome et de la Perse sassanide. Si ces forces sont actives en une zone aussi cruciale de la masse continentale eurasienne, c'est-à-dire sur le territoire que la géopolitique britannique et américaine, théorisée par Mackinder et Spykman, nomme le “Heartland”, le Cœur du Grand Continent, elles ébranlent les concentrations périphériques de puissance politique, leur impose des “frontières démembrées”, selon une terminologie que Henry Kissinger avait reprise à Richelieu et à Vauban. Tel est bien l'objectif de Kissinger et de Brzezinski : “démembrer” les franges territoriales extérieures de la Russie, de l'Iran, de l'Europe, priver celle-ci d'un accès à la Méditerranée orientale. C'est pour cette raison que les Etats-Unis ont voulu créer le chaos dans les Balkans, en diabolisant la Serbie, dont le territoire se situe sur l'axe Belgrade-Salonique, c'est-à-dire sur la voie la plus courte entre le Danube navigable, à l'Ouest des anciennes “cataractes”, et la Mer Egée, dans le bassin oriental de la Méditerranée. Diaboliser la Serbie sert à bloquer le Danube en sa portion la plus importante stratégiquement parlant, sert aussi à créer artificiellement en vide en plein milieu d'une péninsule qui a servi de tremplin à toutes les opérations européennes en Asie Mineure et au Proche-Orient. Celui-ci doit demeurer une chasse gardée des Etats-Unis.
Quelles ont été dans l'histoire les ripostes européennes à cette menace permanente et récurrente de dissolution venue de la zone matricielle des peuples hunniques, turcs et mongols, située entre le Lac Baïkal en Sibérie et les côtes du Pacifique?
Luttwak : d'une étude du limes romain à l'occupation de la Hongrie par les troupes américaines
L'Empire romain, probablement mieux informé des mouvements de populations en Asie que ne le laissent supposer les sources qui sont restées à notre disposition, avait compris que l'Empire devait se défendre, se colmater et se verrouiller à deux endroits précis : en Pannonie, l'actuelle Hongrie, et dans la Dobroudja au Sud du Delta du Danube. Le Danube est l'artère centrale de l'Europe. C'est le fleuve qui la symbolise, qui la traverse tout entière de la Forêt Noire à la Mer Noire, qui constitue une voie d'eau centrale, une voie de communication incontournable. La maîtrise de cette voie assure à l'Europe sa cohésion, protège ipso facto son identité, est la garante de sa puissance, donc de sa survie, est finalement son identité géo-spatiale, la base tellurique du développement de son esprit de conquête et d'organisation, une base sans laquelle cet esprit ne peut se concrétiser, sans laquelle cet esprit n'a pas de conteneur. Ce n'est donc pas un hasard si les Etats-Unis déploient dorénavant leurs troupes en Hongrie le long du cours du Danube, qui, là-bas, coule du Nord au Sud, en direction de Belgrade. Le théoricien militaire américain, originaire de Roumanie, Edward Luttwak, avait rédigé un ouvrage magistral sur les limes romains en Europe centrale. Les militaires du Pentagone appliquent aujourd'hui dans le concret les conclusions théoriques de l'historien. De même, un général britannique à la retraite, après une longue carrière à l'OTAN et au SHAPE à Mons-Casteaux en Hainaut, publie une histoire des guerres de Rome contre Carthage, où, curieusement, les opérations dans les Balkans, les jeux d'alliance entre puissances tribales de l'époque, laissent entrevoir la pérennité des enjeux spatiaux, la difficulté d'unifier cette péninsule faite de bassins fluviaux, de vallées et de plateaux isolés les uns des autres. Rome a excité les tribus illyriennes des Balkans les unes contre les autres pour en arriver à maîtriser l'ensemble de la péninsule. On est frappé, dans le récit du Général Nigel Bagnall, de voir comme il convient d'éloigner de l'Adriatique et de l'Egée la puissance tribale centrale, dont le territoire correspondait peu ou prou à celui de la Serbie actuelle! L'historien militaire a parlé, les blindés et les F-16 de l'OTAN ont agi, quelques années après! Moralité : l'étude de l'histoire antique, médiévale ou contemporaine est une activité hautement stratégique, ce n'est pas de la simple érudition. Les puissances dominantes anglo-saxonnes nous le démontrent chaque jour, tandis que l'ignorance des dynamiques de l'histoire sanctionne la faiblesse de l'Europe.
Revenons à l'histoire antique. Dès que les Huns franchissent le Danube, dans la Dobroudja en poursuivant les Goths ou en Pannonie, l'empire romain s'effondre. Quand les Avares, issus de la confédération des Ruan Ruan, s'installent en Europe au 7ième siècle, les royaumes germaniques, dont ceux des rois fainéants mérovingiens, ne parviennent pas à imposer à notre sous-continent un ordre durable. Charlemagne arrête provisoirement le danger, mais le Saint-Empire ne s'impose qu'après la victoire de Lechfeld en 955, où Othon Ier vainc les Hongrois et fait promettre à leurs chefs de défendre la plaine de Pannonie contre toute invasion future venue des steppes. En 1945, les Hongrois de Budapest défendent le Danube héroïquement : les filles et les garçons de la ville, âgés de douze à dix-huit ans, sortent de leurs écoles pour se battre contre l'Armée Rouge, maison par maison, pan de mur par pan de mur. Je me souviendrais toujours des paroles d'une dame hongroise, qui me racontait la mort de son frère aîné, tué, fusil au poing, à 13 ans, dans les ruines de Budapest. Ces jeunes Magyars voulaient honorer la promesse faite jadis par leur Roi, mille ans auparavant. Un héroïsme admirable, qui mérite notre plus grand respect. Mais un héroïsme qui prouve surtout une chose : pour les peuples forts, le temps ne passe pas, le passé est toujours présent, la continuité n'est jamais brisée, les devoirs que l'histoire a imposés jadis doivent être honorés, même un millénaire après la promesse.
Après l'appel d'Urbain II à Clermont-Ferrand en 1096, les Croisés peuvent traverser la Hongrie du Roi Coloman et se porter vers l'Anatolie byzantine et la Palestine pour contrer l'invasion turque seldjoukide; les Seldjoukides interdisent aux Européens l'accès aux routes terrestres vers l'Inde et la Chine, ce que les Arabes, précédemment, n'avaient jamais fait. Urbain II était très conscient de cet enjeu géopolitique. Mais les efforts des Croisés ne suffiront pas pour barrer la route aux Ottomans, héritiers des Seldjoukides et des Ilkhans, dominateurs turco-mongols de la Perse vaincue. L'objectif des Ottomans, conscients de l'histoire des peuplades hunno-turques, animés par la volonté de perpétuer la geste pluri-millénaire de leurs peuples contre les Européens, est de prendre le Danube, son embouchure et son delta, son cours oriental à l'Est de ses cataractes entre l'actuelle frontière serbo-roumaine; ils entendent ensuite prendre Budapest, clef de la plaine pannonienne puis Vienne, capitale du Saint-Empire qu'ils appelaient la “Pomme d'Or”. Ils passent sur le corps des Serbes, des Bosniaques, des Croates, des Hongrois, des Frioulans et des Carinthiens, mais le bloc germanique, retranché derrière les premiers contreforts des Alpes, leur résistent. Il faudra une longue contre-attaque, une guerre d'usure de trois siècles pour envoyer enfin au tapis le danger ottoman. Cette lutte de reconquista, comparable à la reconquista espagnole, fonde, elle aussi l'identité politique et militaire de l'Europe. Ce n'est pas un hasard si la disparition du danger ottoman a ouvert l'ère des guerres civiles entre Européens, depuis les guerres révolutionnaires et napoléoniennes aux deux guerres mondiales, dont on ne mesure pas encore pleinement la tragédie démographique qu'elles ont représentée pour l'Europe.
L'arme redoutable du janissariat
Au départ, dans cette longue lutte de l'Europe danubienne contre les offensives continuelles des Ottomans, la balance démographique semblait en faveur de l'Europe. Le rapport était de 67 millions d'Européens contre une douzaine de millions de musulmans turcs. Mais la Turquie avait hérité et faite sienne une tradition persane-européenne de première importance: la notion de service armé de la jeunesse, la fotowwat, dont l'expression turque est l'Ordre des Janissaires. Pour Paul Du Breuil, l'origine des chevaleries et des ordres militaires remonte à la conquête de l'Asie centrale et des hauts plateaux iraniens par les peuples européens de la proto-histoire. Elle s'est transmise aux Perses (et aux Parthes), aux Alains, aux Sarmates, aux Goths et aux Arméniens de l'époque médiévale. De cette matrice iranienne et pontique, elle est passée, au temps des croisades, à l'Occident. Le nom même de l'Ordre de la Toison d'Or, fondé par les Ducs de Bourgogne, indique une “orientation” géographique vers l'aire pontique (la Mer Noire), l'Arménie caucasienne et l'Iran, berceau de la première organisation militaire rigoureuse des peuples européens, à l'aurore de l'histoire. C'est parce qu'ils ont traversé les territoires des Iraniens et des Arméniens que les Turcs seldjoukides comprennent l'importance d'un ordre militaire similaire à la fotowwat persane. C'est ainsi que naît l'ordre des janissaires, très discipliné, capable de vaincre des armées européennes plus nombreuses, mais moins disciplinées, ainsi que s'en plaint Ogier Ghiselin de Bousbeque, dans un texte qui figure aujourd'hui encore dans l'anthologie de la pensée stratégique de Gérard Chaliand, manuel de base des officiers français.
La discipline du janissariat ottoman culbute donc les armées serbes, croates et hongroises. La riposte européenne sera double : d'une part, les cosaques d'Ivan le Terrible prennent Kazan, la capitale des Tatars en 1552, puis descendent le cours de la Volga et coupent la route d'invasion traditionnelle des peuples hunniques et turcs au nord de la Caspienne, sur le cours de la Volga et dans son delta, à hauteur d'Astrakhan, qui tombe en 1556. Sur mer, les Portugais contournent l'Afrique et tombent dans le dos des puissances musulmanes dans l'Océan indien. Le cosaque sur terre, le marin sur l'océan ont représenté l'identité active et dynamique, aventurière et risquée de l'Europe au moment où elle était encerclée, de Tanger à Alexandrie, dans les Balkans, sur le Danube, sur la Volga et en Ukraine. La double opération maritime et terrestre des Russes et des Portugais desserre l'étau qui étranglait l'Europe et amorce une lente reconquista, qui ne sera jamais complètement achevée, car Constantinople n'est pas redevenue grecque; la dissolution bâclée de l'ex-URSS rend cette hypothétique reconquista plus aléatoire que jamais, en créant un espace de chaos non maîtrisable dans les “Balkans eurasiens”.
Eugène de Savoie : une excellente connaissance de la littérature militaire classique
L'esprit européen s'est incarné au 17ième siècle dans un personnage hors du commun : le Prince Eugène de Savoie-Carignan. Garçonnet chétif et disgrâcieux, auquel on impose la tonsure à huit ans pour en faire un moine, il voue son enfance et son adolescence à l'étude des classiques, mais rêve d'une carrière militaire, que Louis XIV lui refuse mais que l'Empereur d'Autriche accepte avec enthousiasme. Son excellente connaissance des classiques militaires en fait un capitaine méthodique, qui prépare la reconquête des Balkans, en organisant une flotte sur le Danube à l'imitation de celle que les Romains avaient construites à Passau (Batavia) en Bavière. Les plans d'Eugène de Savoie, le “noble chevalier”, permettent, avec la Sainte-Alliance qui allie Polonais, Bavarois, Autrichiens, Hongrois, Prussiens et Russes, de reconquérir 400.000 km2 sur les Ottomans. Avec les victoires successives d'Eugène de Savoie, le ressac des Ottomans est amorcé : ils n'avanceront plus d'un pouce. Quelques décennies plus tard, Catherine II et Potemkine reprennent la Crimée et font de la rive septentrionale de la Mer Noire une rive européenne à part entière, pour la première fois depuis l'irruption des Huns dans l'écoumène de nos peuples.
L'identité géopolitique européenne est donc ce combat pluri-millénaire pour des frontières stables et “membrées”, pour le libre passage vers le cœur de l'Eurasie, qu'avait réclamé Urbain II à Clermont-Ferrand en prêchant la première croisade.
L'identité culturelle européenne est cette culture militaire, cet art de la chevalerie, héritée des héros de l'ère avestique.
L'identité culturelle européenne est cette volonté d'organiser l'espace, l'ager des Romains, de lui imprégner une marque définitive.
Mais aujourd'hui, où en est-on ? Quelle est notre situation objective?
Au cours des quinze à vingt dernières années, nous avons accumulé défaite sur défaite. Nos maigres atouts géostratégiques sont tombés les uns après les autres comme s'ils n'étaient qu'un alignement de dominos. La stratégie “mongolomorphe” de Brzezinski semble porter ses fruits. L'Europe et la Russie ne sont plus que des territoires loques, pantelants, sans ressort et sans plus aucune énergie propre.
En effet :
- L'Europe a perdu sur le Danube : la Serbie, territoire qui relie l'Europe centrale danubienne à l'Egée, ancienne route des Doriens et des ancêtres macédoniens d'Alexandre le Grand, est soustraite à toute dynamique positive, vu l'embargo qu'on lui impose depuis Washington. L'Autriche a failli se faire diaboliser de la même manière, à l'époque très récente où Jacques Chirac et Louis Michel faisaient le jeu des Américains. Les armées américaines s'installent en Hongrie, aux mêmes endroits où campaient les légions de Rome pour "membrer" la frontière la plus fragile de l'Europe, la plaine hongroise, la Puszta, qui relie directement notre continent, via les plaines ukrainiennes et les immensités sibériennes, au territoire originel des peuples hunniques.
- L'Europe et la Russie perdent tous leurs atouts dans le Caucase, où la Géorgie de Chevarnadze joue à fond la carte américano-turque, où l'Azerbaïdjan est complètement inféodé à l'OTAN et à la Turquie, où les Tchétchènes, armés par les Turcs, les Saoudiens et les Américains, tiennent l'armée russe en échec et organisent des attentats sanglants à Moscou, comme en octobre dernier au théâtre Doubrovna. Dans ce contexte caucasien, la malheureuse Arménie est encerclée, menacée de toutes parts, n'a que des ennemis à ses frontières, sauf l'Iran, sur une longueur de 42 km à peine, zone que l'OTAN veut tout simplement “acheter” pour surveiller et menacer l'Iran.
- L'Europe, la Russie et l'Inde perdent dans le Cachemire, où la présence pakistanaise, solidement ancrée, empêchent la création d'un corridor de communication entre l'Inde et le Tadjikistan et entre celui-ci et la Russie. La présence pakistanaise empêche d'établir le lien qui aurait pu exister entre nos territoires à l'époque des trois empires juxtaposés, juste avant la catastrophe des invasions hunniques.
- L'Europe perd dans les mers intérieures : l'Albanie, inféodée au binôme américano-turc, surveille le Détroit d'Otrante. Des navires de guerre américains, basés en Albanie, pourraient complètement verrouiller l'Adriatique et étouffer l'économie de l'Italie du Nord, dont l'axe fluvial, le Pô, débouche dans cette Mer Adriatique, au sud de Venise. L'objectif est justement d'empêcher l'éclosion d'une nouvelle Venise, d'une nouvelle “Sérénissime”, dont l'hinterland serait la Mitteleuropa tout entière. L'objectif est aussi d'empêcher l'Europe de rééditer l'exploit de Don Juan d'Autriche, vainqueur de la flotte ottomane à Lépante en 1571. Qui plus est, l'Europe perd tous ses atouts et son allié potentiel dans le Golfe, zone stratégique de première importance pour contrôler notre sous-continent. En effet, à partir de 1941, quand les Britanniques s'emparent tour à tour de l'Irak, de la Syrie et du Liban, puis, avec l'aide des Soviétiques, de l'Iran, ils se dotent d'une base arrière permettant d'alimenter en matières premières, en matériels de tous ordres et en pétrole, les armées concentrées en Egypte, qui s'empareront de la Libye, de la Tunisie et de l'Italie; et aussi d'alimenter les armées soviétiques, via les chemins de fer iraniens, la liaison maritime sur la Caspienne et, de là, via la liaison fluviale de la Volga. Seule la bataille de Stalingrad a failli couper cette artère. Comme l'a souvent souligné Jean Parvulesco, l'Europe est à la merci de toute grande puissance qui tiendrait fermement en son pouvoir la Mésopotamie et les régions avoisinantes. Plus bref, Parvulesco a dit : «L'Europe se tient par le Sud-Est ». La victoire anglo-saxonne et soviétique de 1945 en est la plus belle démonstration. Et c'est parce que cette région est vitale, sur le plan géostratégique, que les Américains tiennent à s'en emparer définitivement aujourd'hui, ne veulent plus la lâcher. Le scénario de base est et reste le même. Nous pourrions citer d'innombrables exemples historiques.
Nous sommes ramenés des siècles en arrière
Dès lors, cette situation désastreuse nous ramène plusieurs siècles en arrière, au temps où les Ottomans assiégeaient Vienne, où les Tatars étaient solidement installés sur le cours des deux grands fleuves russes que sont la Kama et la Volga, où les sultans du Maroc envisageaient de reprendre pied dans la péninsule ibérique. Oui, nous sommes revenus plusieurs siècles en arrière depuis les événements du Golfe en 1991, depuis les événements de Yougoslavie dans la décennie 90, depuis l'éclatement de la mosaïque caucasienne et la rébellion tchétchène, depuis l'occupation de l'Afghanistan et depuis celle, toute récente, de l'Irak.
Cette situation implique :
- Que les Européens doivent montrer une unité de vue inflexible dans les Balkans et contester là-bas toute présence turque, saoudienne ou américaine.
- Que les Européens ôtent toute marge de manœuvre à la Turquie dans les Balkans et dans le Caucase.
- Que les Européens doivent rendre à nouveau toute circulation libre sur le Danube, en englobant la Serbie dans ce projet.
- Que les Européens doivent réaliser une triple liaison par canaux, routes et voies de chemin de fer entre Belgrade et Salonique, soit entre l'Europe centrale danubienne et l'Egée.
- Que les Européens doivent s'assurer la maîtrise stratégique de Chypre, faire pression sur la Turquie pour qu'elle évacue l'île sans condition.
- Que les Européens appuient l'Arménie encerclée contre l'alliance entre Turcs, Américains, Azéris, Géorgiens, Saoudiens et Tchétchènes.
- Que les Européens doivent jouer la carte kurde contre la Turquie.
- Que les Européens appuient l'Inde dans la lutte qui l'oppose au Pakistan, allié des Etats-Unis, dans la question irrésolue du Cachemire.
- Que les Européens mènent une politique arabe intelligente, se basant sur les idéologies nationales-étatiques de type baathiste ou nassériennes, à l'exclusion des intégrismes islamistes, généralement manipulés par les services américains, comme ce fut le cas des talibans, ou des frères musulmans contre Nasser, ou des Chiites contre Saddam Hussein.
Les deux anacondas
Pratiquer cette géopolitique, à multiples volets, nous conduit :
- à repenser la théorie de l'anaconda; pour Karl Haushofer, le célèbre géopolitologue allemand, que l'on redécouvre après une longue éclipse, l'anaconda, ce sont les flottes des puissances maritimes anglo-saxonnes qui enserrent le grand continent asiatique et le condamnent à l'asphyxie. Cet anaconda est toujours là. Mais, il est doublé d'un nouvel anaconda, le réseau dense des satellites qui entourent la Terre, nous espionnent, nous surveillent et nous condamnent à la stagnation. Cet anaconda est, par exemple, le réseau ECHELON. L'identité combattante de l'Europe consiste aujourd'hui à apporter une réponse à ce défi. Or le défi spatial ne peut être résolu que par un partenariat avec la Russie en ce domaine, comme le préconise Henri de Grossouvre dans son excellent ouvrage sur l'Axe Paris-Berlin-Moscou.
- A avoir une politique maritime audacieuse, comme celle qu'avait eue Louis XVI en France. L'Europe doit être présente sur mer, militairement, certes, mais doit aussi revendiquer ses droits aux richesses halieutiques. Ensuite, un système de défense des côtes s'avère impératif.
- A affirmer son indépendance militaire, à partir de l'Eurocorps, qui pourrait devenir une "Force de Réaction Rapide” européenne, celle-là même à laquelle la Turquie a opposé son veto naguère.
- A déconstruire les archaïsmes institutionnels qui subsistent encore au sein de l'UE.
L'identité politique européenne, seule identité vraiment concrète puisque nous savons depuis Aristote que l'homme est un animal politique, un zoon politikon, réside donc, aujourd'hui, en cette époque de calamités, à prendre conscience de nos déboires géopolitiques, que je viens d'énoncer, et à agir pour promouvoir une politique spatiale, maritime et militaire claire. Il est évident que cette prise de conscience et que ce plan d'action n'aboutiront au succès que s'ils sont impulsés et portés par des hommes qui ont le profil volontaire, actif et lumineux, archangélique et michaëlien, que nous ont légué, il y a plusieurs millénaires, les Européens arrivés sur les hauts plateaux iraniens, pour y donner naissance à la tradition avestique, la seule, la vraie, la Grande Tradition, celle de notre “Orient” pré-persan, noyau de toutes les chevaleries opératives.
Je vous remercie pour votre attention.
Robert STEUCKERS.
Bibliographie :
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- Jacques BERTIN, Jean DEVISSE, Danièle LAVALLÉE, Jacques NÉPOTE & Olivier BUCHSENSCHUTZ, Atlas historique universel - Panorama de l'histoire du monde, France Loisirs, Paris, 1997.
- Emil BOCK, Der Kreis der Jahresfeste - Advent - Weihnacht - Epiphanias - Passion - Ostern - Himmelfahrt - Pfingsten - Johanni - Michaeli, Fischer Taschenbuch Verlag, Frankfurt a. M., 1982.
- Jean BOISSEL, Gobineau (1816-1882), un Don Quichotte tragique, Hachette, 1981.
- Jacqueline BUENZOD, La formation de la pensée de Gobineau et l'Essai sur l'inégalité des races humaines, Librairie A. G. Nizet, Paris, 1967.
- René CAGNAT, La rumeur des steppes, Payot, PBP n°408, 2001.
- Franco CARDINI, Europe et islam - Histoire d'un malentendu, Seuil, coll. «Points»/Histoire, H302, 2002.
- Claude COLLIN-DELAVAUD, «Le Xinjiang», in : Hérodote, n°84, 1997.
- Jean-Pierre CLERC, L'Afghanistan, otage de l'histoire, Essentiels Milan, n°212, Toulouse, 2002.
- Henry CORBIN, L'homme de Lumière dans le soufisme iranien, Ed. Présence, Sisteron, 1971.
- Franck DE LA RIVIÈRE, L'Europe de Gibraltar à Vladivostok, L'Age d'Homme, Lausanne, 2001.
- Paul DU BREUIL, Des dieux de l'ancien Iran aux saints du bouddhisme, du christianisme et de l'islam, Dervy-Livres, 1989.
- Paul DU BREUIL, La chevalerie et l'Orient, Guy Trédaniel éd., Paris, 1990.
- Jean GAGÉ, La montée des Sassanides et l'heure de Palmyre, Albin Michel, 1964.
- Henri de GROSSOUVRE, Paris Berlin Moscou - La voie de l'indépendance et de la paix, L'Age d'Homme, Lausanne, 2002.
- René GROUSSET & George DENIKER, La face de l'Asie, Payot, 1955.
- Nicky HAGER, «ECHELON - Sottoposti al sistema di sorveglianza globale», in: Orion, n°179, août 1999 (source : www.ainfos.ca & www.tmcrew.org ).
- François-Bernard & Edith HUYGHE, Les empires du mirage - Hommes, dieux et mythes sur la Route de la Soie, Robert Laffont, 1993.
- Pierre LERICHE, Chakir PIDAEV, Mathilde GELIN, Kazim ABDOULLAEV & Vincent FOURNIAU, La Bactriane au carrefour des routes et des civilisations de l'Asie centrale - Termez et les villes de Bactriane-Tokharestan, Maisonneuve & Larose / IFÉAC, 2001.
- Edward LUTTWAK, La grande stratégie de l'Empire romain, Economica, 1987.
- Colin McEVEDY, The Penguin Atlas of Ancient History, Penguin Books, Harmondsworth, 1967-1981.
- J. P. MALLORY & Victor H. MAIR, The Tarim Mummies. Ancient China and the Mystery of the Earliest Peoples from the West, Thames & Hudson, London, 2000.
- S. A. NIGOSIAN, The Zoroastrian Faith - Tradition & Modern Research, McGill-Queen's University Press, Montreal/Kingston/London, 1993.
- Jean-Paul ROUX, Histoire des Turcs - Deux mille ans du Pacifique à la Méditerranée, Fayard, 1984.
- Hans-Werner SCHROEDER, Mensch und Engel - Die Wirklichkeit der Hierarchien, Fischer Taschenbuch Verlag, Frankfurt a. M., 1982-89.
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- François THUAL, Le Caucase, Flammarion, coll. «Dominos», n°227, 2001.
- Herwig WOLFRAM, Histoire des Goths, Albin Michel, 1990.
Revues :
- Muséart Hors Série n°4, 1995 - La Sérinde, Terre du Bouddha.
- Dossiers d'Archéologie, n°271/mars 2002 - Les Parthes.
- Dossiers d'Archéologie, n°270/février 2002 - Russie : carrefour de l'homo sapiens - Les révélations de l'archéologie russe.
- Dossiers d'Archéologie, n°266/septembre 2001 - L'Or des rois scythes - La civilisation originale des Scythes - Les Grecs en Mer Noire - Les témoignages d'Hérodote.
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samedi, 01 mars 2008
Nouvelles communications terrestres en Eurasie
Gerhoch REISEGGER :
La Russie construit de nouvelles communications terrestres en Eurasie
Introduction pour les lecteurs francophones : Gerhoch Reisegger, qui a derrière lui une longue expérience d'ingénieur bâtisseur d'infrastructures partout dans le monde, appartient aux traditions de Schumpeter, des institutionalistes et de l'école historique allemande (Schmoller, Rodbertus, etc.). Pour lui, l'économie libérale actuelle, impulsée depuis les Etats-Unis et reposant sur l'artifice de la bulle spéculative, est une erreur qui s'avèrera tôt ou tard fatale pour l'humanité. De nombreux voyages, notamment en Russie, lui ont permis de découvrir une alternative eurasienne prometteuse à la domination anglo-saxonne. Il nous en fait part dans cet extrait de son dernier livre (références infra), paru cette année à Tübingen. Un livre si riche en informations que nous y reviendrons souvent.
[texte de G. REISEGGER]:
Nous ne devons pas perdre de vue que d'autres Etats, que ceux de l'Occident, prennent aujourd'hui des mesures importantes, dans une perspective eurasienne (1), tant sur le plan politique que sur celui de la coopération économique, dans les domaines de l'énergie, du pétrole, du gaz naturel, des infrastructures et des communications. Notre propos, ici, est d'énumérer les mesures que prend la Russie, l'ancien antagoniste numéro un des Etats-Unis sur l'échiquier mondial. La nouvelle politique russe en Asie est intéressante à observer et dévoile clairement ses intentions : organiser la masse continentale eurasiatique.
La conférence euro-asiatique des communications et transports
Le 12 et 13 septembre 2000 une conférence euro-asiatique des communications et des transports s'est tenue à Saint-Petersbourg. Les décisions prises concernaient cinq corridors de communications:
◊ 1. Le corridor du nord, qui part d'Europe, suit le trajet du chemin de fer transsibérien, pour aboutir en Chine, dans les deux Corées et au Japon.
◊ 2. Le corridor central, qui part d'Europe du Sud, en passant par la Turquie, l'Iran et l'Asie central pour arriver en Chine.
◊ 3. Le corridor du Sud, ou, plus précisément, la branche méridionale du corridor central, qui part de l'Iran pour aboutir, via le Pakistan et l'Inde, à l'Asie du Sud-Est.
◊ 4. Le corridor TRACEACA, qui part d'Europe orientale, suit la rive septentrionale de la Mer Noire, pour mener à la Caspienne puis à l'Asie centrale.
◊ 5. Le nouveau corridor Nord-Sud, qui part d'Europe du Nord, traverse la Russie, aboutit à la Mer Caspienne et mène finalement en Inde.
La politique des chemins de fer transsibériens
Pendant l'automne de l'année 2000, le Président russe Poutine a présenté ses vues aux hommes d'affaires japonais, dont l'élément principal était le développement du chemin de fer transsibérien.
La ligne BAM (Baïkal - Amour - Magistral)
La ligne BAM est parallèle à celle du Transsibérien. Elle constitue l'élément de base dans les communications, qui permettraient d'exploiter de manière optimale les matières premières de l'Extrême-Orient russe. Le gouverneur de la région de Khabarovsk, sur la frontière sino-russe, Victor Ichaïev, est l'homme qui s'engage le plus pour faire revivre ce projet. Le ministre russe des communications, Aksenenko, a fait un rapport à Poutine en juillet 2000 sur les possibilités d'exploitation des gisements de fer, de titane et de vanadium de Khinaïski, de même que sur les communications par chemin de fer entre Khinaïski et le combinat de Kouznetski. L'exploitation avait commencé du temps de Staline —en mobilisant de la main-d'œuvre forcée— puis avait été interrompue à la mort du dictateur géorgien, pour reprendre ensuite sous Khrouchtchev. Depuis le début de l'«ère libérale», en 1990, tout est à nouveau tombé en quenouille. La population de la région est passée d'un million d'âmes à 600.000. Aujourd'hui, le projet BAM est à nouveau au centre des préoccupations stratégiques. Plusieurs projets de chemins de fer existent à nouveau, rien qu'au niveau des plans, ou sont déjà en construction.
Réactivation du chemin de fer de la «Route de la Soie»
Les présidents de la Corée et de la Russie sont convenus en juin 2000 de remettre en service le chemin de fer transcoréen (c'est-à-dire la liaison entre la Corée du Nord et la Corée du Sud) puis de le joindre au Transsibérien. De cette façon, dès que la liaison sera rétablie, trois voies de communications seront à nouveau disponibles:
◊ 1. La liaison entre Séoul et Vladivostok, via Ouensan (en Corée du Nord), et, via le Transsibérien, portera fret et voyageurs vers Moscou et Berlin. Une voie ferroviaire alternative passerait par Tchongdjin, bifurquerait vers le Nord, traverserait la frontière chinoise pour passer par Toumen, traverser la Mandchourie et rejoindre ainsi le Transsibérien (une voie de 13.500 km).
◊ 2. La liaison Pousan - Pyongyang - Sin Ouïdjou - Chenyeng - Datong - Erenhot pour rejoindre le chemin de fer transmongol et Oulan Bator, puis, de là, atteindre Oulan Oude, sur la ligne transsibérienne, et relier ainsi la Corée à Moscou et à Berlin (11.230 km).
◊ 3. La ligne transcoréenne et transchinoise : de Pousan à Pékin, via le second "pont terrestre" eurasien, vers Ouroumtchi et Aktogaï pour atteindre Moscou et Berlin (11.610 km).
Poutine s'est fait personnellement l'avocat de ces projets. Ce n'est donc pas sans raison que le Président nord-coréen Kim Jong-Il a fait le trajet transsibérien aller et retour jusqu'à Moscou, dans un train spécial, à l'invitation de Poutine. A la mi-février 2002, une délégation russe de 53 personnes, dirigée par le représentant du ministre des chemins de fer, Alexandre Tselko, s'est rendu en Corée du Sud. Thème de la visite: « Le pont terrestre transsibérien du 21ième siècle : perspectives pour le développement des relations russo-coréennes dans le domaine des transports ferroviaires ». La Russie a accepté de former 1500 ingénieurs coréens, spécialisés en chemins de fer, et de prendre en charge la majeure partie du coûts de la construction, qui s'élèvera à un milliard de dollars.
Relier l'île de Sakhaline et le Japon au continent eurasien
Déjà en 1950, Staline avait ordonné que commencent les travaux de percement d'un tunnel ou de construction d'un pont pour relier Sakhaline au continent. La “Manche de Tartarie”, qui sépare l'île du continent est large de 8 km à hauteur de Lazarev. Avec la mort de Staline, le projet a été arrêté. Vu la présence de gisements importants de gaz naturel au large des côtes, ce projet retrouve aujourd'hui, à nouveau, toute sa signification.
Le 20 septembre 2001, le ministre russe des chemins de fer, Alexandre Micharine, déclare que la liaison entre Sakhaline et le continent était à nouveau un projet mis à l'ordre du jour. En octobre 2002, les travaux de construction d'un pont de 8 km de long ont repris. Parallèlement à ces travaux, les travaux de construction d'une ligne de chemin de fer, longue de 450 km entre le Cap Lazarev et Komsomolsk, ont également commencé, ce qui permettra d'assurer une connexion avec l'un des corridors, que nous venons d'évoquer, en plus d'une liaison aux 130 km de chemins de fer déjà existants sur l'île de Sakhaline. Le coût total s'élève à 3,4 milliards de dollars.
Par cette construction, remarquait Micharine, la liaison par pont de 40 km entre Sakhaline et Hokkaïdo , la principale île du Nord de l'archipel nippon, devient un projet réalisable. Rappelons, ici, que les Japonais ont déjà réalisé le plus long tunnel sous eau du monde (54 km) entre la principale île de leur archipel, Hondo, et Hokkaïdo. Avec le projet suggéré par les Russes, le Japon serait relié au continent, en d'autres termes, le deuxième puissance économique du monde, aurait une liaison terrestre directe avec la masse continentale eurasienne.
Cela aurait pour résultat de transformer complètement la politique économique de la planète, dans des délais prévisibles : le développement et la fabrication de biens d'investissement de haute valeur pour l'industrie et pour les infrastructures. Les technologies de l'information, qui sont surévaluées, repasseraient au second plan. L'industrie d'exportation ne se déplacerait plus vers les pays à bas salaires. Ces deux paradigmes erronés —technologies de l'information et délocalisation— sont le propre de la politique économique basée sur les méthodologies individualistes (Hayek), qui prêche pour les avantages immédiats, sur une diminution drastique des coûts du travail et sur l'abolition des frontières au profit d'un marché unique. Ces paradigmes nous ont conduits à la situation actuelle où l'économie mondiale et le système des devises sont pratiquement en faillite. Le programme des Russes, des Coréens et des Japonais, dicté par les nécessités de l'espace, nous oblige à regarder le monde de manière globale et organique, dans une perspective d'intégration intelligente, qui s'incarne aujourd'hui dans le projet de l'EATU (“Eurasian Transport Union”).
Le Forum russo-japonais de Moscou (29 et 30 mai 2001)
Une délégation de 240 chefs de l'économie et de l'industrie japonaises, sous les auspices de la Keidanren, c'est-à-dire l'association qui chapeaute les consortiums économiques nippons, est venue à Moscou et à sillonné toutes les régions de Russie, par petits groupes, afin de mettre au point de nouveaux projets. C'était la première visite en Russie de la Keidanren depuis dix-huit ans. Elle avait reçu le blanc-seing et les pleins pouvoirs du Ministère japonais des affaires étrangères pour conclure tous les contrats nécessaires; pour la première fois depuis vingt-cinq ans, la délégation était menée par le Président même de l'organisation.
La visite des Japonais a eu lieu à l'invitation même de Poutine, formulée en septembre 2000. Lors de sa visite au Japon, celui-ci avait déclaré, devant un parterre d'hommes d'affaires : « Je vais changer la Russie. Venez chez nous, rendez nous visite, vous verrez de vos propres yeux comment la Russie se transforme».
La Russie, l'Iran et l'Inde
Le 12 septembre 2000, les ministres des communications de la Russie, de l'Iran et de l'Inde ont signé conjointement un accord historique afin de réaliser un corridor Nord-Sud, combinant liaisons terrestres et liaisons maritimes. Il s'agit de relier l'Europe du Nord à l'Inde, afin d'éviter le détour par le Canal de Suez, ce qui permettrait de diminuer les coûts de transport de 20 à 25%, sinon plus! A cela s'ajoutent toutes les potentialités économiques qui pourraient devenir réalités le long de cette liaison, autant d'atouts qu'une voie maritime ne peut offrir. Chose encore plus inhabituelle : une instance unique administrera ce corridor et sera responsable de l'ensemble des tâches logistiques. Afin de faire avancer les projets de corridors de communication, le ministère russe des communications a fondé en mai 2001, avec l'accord de 40 pays européens et asiatiques, l'EATU, “Eurasian Transport Union”.
L'Iran sera la plaque tournante du corridor méridional
L'Iran s'est placé en toute connaissance de cause au centre de ce projet de développement. Sur son territoire, en effet, les liaisons entre le Nord et le Sud, entre l'Est et l'Ouest, entre l'Europe et l'Asie se croisent. Elles donnent à la Russie et à l'Asie centrale un accès aux ports iraniens, au Golfe Persique et à la Mer d'Arabie.
Le réseau transsibérien des oléoducs
Autre projet important : l'exploitation des immenses champs pétrolifères et gaziers d'Asie centrale, de Sibérie et des régions extrême-orientales de la Fédération de Russie. La construction d'oléoducs servira à alimenter l'Europe et l'Asie. Ce projet conduirait, à court ou moyen terme, à faire disparaître la suprématie de la région moyen-orientale en matière d'approvisionnement énergétique et porterait, ipso facto, atteinte aux intérêts anglo-saxons. 78% du pétrole (300 millions de tonnes annuelles) et 87% du gaz naturel (500 milliards de m3 annuels) qui sont pompés en Russie, proviennent de Sibérie. Aujourd'hui 85% du pétrole utilisé dans le monde proviennent de la région autour du Golfe Persique. 100% de ce pétrole est livré via des voies maritimes. Le Japon et la Corée en dépendent pour 90%. La Chine consomme 78% de l'exportation mondiale de gaz liquide. Ces chiffres démontrent clairement l'importance de la politique russe actuelle, visant à développer toutes ces infrastructures. Ils démontrent également que les intérêts anglo-saxons risquent d'être enfreints par un tel développement.
La Russie et la Chine
Le 9 septembre 2002, la Russie et la Chine ont signé un accord sur la construction d'un système d'oléoducs de 2400 km de long, partant d'Irkoutsk pour aboutir dans le Nord-Ouest de la Chine. Via ce système d'oléoducs, passeront, chaque année, de 20 à 30 millions de tonnes de pétrole. Le consortium russe de gaz naturel, Gazprom, planifie actuellement la construction de quatre oléoducs complémentaires :
◊ 1. Le premier de ces oléoducs partira de la région de Tomsk dans le Nord-Ouest de la Sibérie et aboutira dans le Nord de la Chine.
◊ 2. Le deuxième partira de la région d'Irkoutsk, traversera la Mongolie et aboutira dans le centre de la Chine.
◊ 3. Le troisième partira de Yakoutie, dans le Nord-Est de la Sibérie, sera installé parallèlement à la ligne de chemin de fer orientale, traversera la Chine et aboutira à Changhaï.
◊ 4. Le quatrième traversera l'île de Sakhaline et aboutira au Japon.
Pour l'exploitation des ressources pétrolières et gazières autour de Sakhaline, un budget de 25 à 45 milliards de dollars a été prévu pour les vingt prochaines années. Déjà en 1999, le premier pétrole du projet Sakhaline-2 jaillissait du sol.
D'après les données fournies par l'expert japonais en matières énergétiques, Masaru Hirata, de l'Université de Tokyo, le réseau d'oléoducs transasiatique, qui est en train de se construire, aura une longueur totale de 42.500 km. Ce projet concerne les régions suivantes :
◊ 1. Le Nord-est de l'Asie et la zone du Pacifique Nord.
◊ 2. Le Turkménistan, la Chine, la Corée et le Japon.
◊ 3. L'île de Sakhaline et le Japon.
◊ 4. La Malaisie, le Golfe de Thaïlande, le Vietnam et la Chine méridionale.
◊ 5. L'Australie et l'Asie du Sud-Est.
Les projets en cours autour du bassin de la Caspienne n'entrent pas en ligne de compte ici. A la dynamique extrême-orientale, s'ajoute bien entendu cette dynamique autour de la Caspienne, dont la région est aujourd'hui l'épicentre du «Grand Jeu», évoqué depuis plus de cent ans par les géostratèges anglo-saxons. Ainsi, Zbigniew Brzezinski, dans son livre Le Grand échiquier, a décrit les avatars contemporains de ce «Grand Jeu». Un simple coup d'œil sur la carte permet de juger de l'ampleur de ces projets.
Les conséquences de ces projets
On se rend compte de l'objectif stratégique de la Russie actuelle, qui cherche à tout prix à se lier plus étroitement à la Chine. On voit aussi clairement que les atouts géopolitiques de la Russie, et les potentialités économiques que recèlent les terres sibériennes, sont autant de cartes que joue Poutine dans sa grande politique. Ce qui étonne, c'est la vitesse ultra-rapide avec laquelle les accords sont pris, souvent entre des puissances jadis ennemies. Vitesse qui étonne d'autant plus que les Etats d'Asie orientale ne sont pas tous maîtres de leurs décisions, vu les limites imposées à leur souveraineté. Dans les perspectives que j'ai acquises à la suite de mes différents voyages récents en Russie, j'ai aussi appris à connaître les raisonnements de l'élite russe. Ils sont assez clairs et surtout très justes. J'ai aussi remarqué que la politique étrangère de la Russie contemporaine cherche un point d'appui en Europe et espère surtout que ce point d'appui sera l'Allemagne. Cet espoir est naturel et intelligent, car d'où pourraient bien venir les ingénieurs, les techniciens, les spécialistes, les équipements? Ce ne sont pas seulement les ressources, les matières premières, les débouchés commerciaux qui font l'économie et la politique, c'est surtout le “capital de nature supérieure”, c'est-à-dire le savoir-faire et le niveau technologique acquis, nécessaires à réaliser de tels projets. Or ce type de capital est l'atout premier de l'Allemagne.
L'Allemagne a également intérêt à ce que ses décideurs économiques comprennent enfin que le potentiel intellectuel et industriel allemand soit mis au service de la bonne cause, de projets cohérents, de projets qui ont de l'avenir. L'exemple à suivre nous vient du Japon et des pays asiatiques. Mais voyons une fois de plus comment la politique officielle russe jauge la situation. Le Président de la Commission des Affaires Etrangères, Dimitri Ragozine a exprimé sans fard la teneur de cette politique lors d'un Congrès sur la nouvelle situation politique dix ans après l'effondrement de l'Union Soviétique : «Une bonne partie des questions [que nous nous posons], ce sera à l'Allemagne d'y répondre». Ragozine a voulu dire par ces paroles que la Russie, elle, est prête à agir, mais que l'Allemagne, dans ce même contexte, n'a pas le droit d'agir, car elle doit tenir compte de l'avis des Etats-Unis. Il est donc extrêmement intéressant de voir comment l'une des plus hautes figures de la politique étrangère russe actuelle perçoit le rapport idéal à avoir avec l'Europe, l'Union Européenne et, plus particulièrement, avec l'Allemagne.
La Russie et l'Union Européenne
Ragozine : «Dans l'avenir, nous nous attendons à ce que les organisations internationales prennent encore des mesures contre la Russie, ce qui entraînera un éloignement de notre pays par rapport à l'Europe; mais, sans la Russie, l'Europe n'a pas d'avenir. La Russie détient les sources de toutes les matières premières dont les pays industrialisés ont besoin. Si l'Europe veut devenir quelque chose, nous, Russes, sommes prêts à accepter et respecter une solide unité européenne, mais cette Europe consolidée devra avoir des liens très étroits avec la Russie». Cette politique concerne directement :
◊ Les communications au sein de l'UE et les routes de transit à travers l'Europe;
◊ La signature d'une charte énergétique commune ;
◊ La coopération multilatérale ;
◊ La coopération économique.
L'Europe centrale est liée à la Russie par tradition et elle a tout à gagner d'une situation géopolitique et économique telle celle qu'esquisse Ragozine.
L'Union Economique Eurasienne (Eurasische Wirtschaftsunion)
Les Russes reconnaissent clairement que les Etats d'Europe occidentale profitent aujourd'hui des faiblesses de la Russie, mais qu'une telle politique arrive au bout de son rouleau. La Russie officielle pense sur le long terme, le très long terme, prévoit l'avenir plusieurs décennies à l'avance. L'Union Economique Eurasienne (UEE) recevra son impulsion dans l'avenir de la Russie. Ragozine a déclaré que la politique actuelle de son pays, orientée vers l'Asie et l'Extrême-Orient n'est pas seulement motivée par l'économie, mais vise surtout la création d'un nouveau pôle de puissance, dont l'existence même devrait inciter les Européens de l'Ouest à analyser la situation sur l'échiquier mondial de façon plus réaliste. Après avoir posé une telle analyse, les Européens devront, à leur tour, pratiquer une politique rationnelle, c'est-à-dire une politique eurasienne et non plus atlantiste.
Le monde est sur le point de subir une mutation en profondeur. Malgré leurs rodomontades, les Etats-Unis sont le dos au mur. En fait, les gesticulations militaires de l'équipe Bush indiquent un déclin plutôt qu'une victoire. Julius Evola, le penseur traditionaliste italien, dans Les hommes au milieu des ruines, avait écrit : « La puissance perd son essentialité lorsqu'elle ne recourt plus qu'à des moyens matériels, c'est-à-dire lorsqu'elle ne recourt plus qu'à la violence, lorsque, pour elle, la violence est un refuge, et que sa puissance n'est plus reconnue comme allant de soi. La puissance doit n'être rien d'autre d'un "moteur immobile" et agir en tant que tel».
Et Evola poursuit son raisonnement : « La supériorité ne repose par sur la force coercitive, mais, au contraire, c'est la force coercitive qui doit reposer sur la supériorité. Faire usage de la force coercitive, c'est démontrer son impuissance; celui qui comprend cela, comprendra sans doute aussi le sens et la voie d'un certain renoncement —un renoncement viril, qui repose sur le sentiment de ne pas “avoir besoin de l'inutile”, sur le sentiment de “posséder en suffisance”, même si on ne possède rien que l'essentiel et rien de superflu; cette vertu du renoncement est l'une des principales conditions pour accéder à la puissance supérieure; elle inclut par ailleurs une logique cachée, selon laquelle —sur base de traditions que la plupart de nos contemporains prennent pour des mythes, au contraire de nous— les ascètes, les saints et les initiés produisent soudain, de manière naturelle, l'exercice de puissances supra-sensibles, plus fortes que toutes les forces coercitives exercées par les hommes et par les choses».
Rappelons-nous aussi le témoignage historique de cet important homme d'Etat autrichien que fut le Prince Clemens Metternich. Dans son Testament politique, nous avons surtout retenu cette phrase : « Ce n'est pas dans la lutte de la société pour obtenir des progrès, mais dans une approche graduelle vers l'obtention de biens vrais, que j'ai vu le devoir de tout gouvernement et le véritable salut des gouvernés; et ces biens vrais sont la liberté de reconnaître les résultats impassables de l'Ordre [divin], l'égalité là où elle peut seulement s'incarner c'est-à-dire l'égalité de tous devant la loi, le bien-être, lequel n'est pas pensable sans les assises d'une sérénité morale et matérielle, le crédit qui ne peut reposer que sur base de la confiance. Le despotisme, quelle que soit la manière dont il s'exprime, je l'ai toujours considéré comme un symptôme de faiblesse. Là où s'installe le despotisme est un mal qui finit par se sanctionner lui-même; il est encore plus insupportable quand il se cache derrière une défense fallacieuse de la liberté!».
Aujourd'hui nous pouvons traduire ce terme de "despotisme" par "utilisation de la violence" (bien que, chez Metternich, l'idée de despotisme ne se rapporte qu'aux affaires intérieures de l'Etat). Quant au "masque" moralisant que prend le despotisme, en voulant promouvoir la "liberté", c'est bien la pratique de l'idéologie dominante et de la politique extérieure des Etats-Unis aujourd'hui : on a simplement remplacé le terme de "liberté" par l'idéologie des "droits de l'homme". Derrière l'évocation de ces droits de l'homme, en effet, l'appareil militaire américain utilise les armes les plus terribles, les plus meurtrières : bombes, fusées, missiles, obus à uranium traité, le tout selon la technique du "tapis de bombes".
La situation actuelle doit nous amener à conclure que :
◊ Les Etats-Unis ne sont plus vraiment au zénith de leur puissance. Leur force coercitive est certes plus présente que jamais, mais cette puissance purement matérielle n'a plus de légitimité acceptée, ne représente plus une spiritualité reconnue comme supérieure.
◊ Pour résoudre les conflits du Proche-Orient, de l'espace jadis occupé par l'Etat yougoslave titiste (surtout le conflit entre Serbes et Albanais) et dans les autres contrées de la planète; il faut être animé par une grande idée supra-sensible —comme d'ailleurs pour donner une forme véritable à l'Europe— il faut un mythe qui porte les esprits vraiment au-delà des contingences économiques ou des visées purement pragmatiques. Si une telle idée n'existe pas, personne ne sait ce qu'il faut faire, personne ne sait comment les choses doivent évoluer, comment elles doivent s'agencer et se porter vers l'avenir.
Les Etats-Unis, en tant qu'hyperpuissance dans le monde devenu unipolaire, ne peuvent plus s'affirmer autrement que par l'exercice d'une violence coercitive inféconde. Un simple coup d'œil sur l'histoire récente prouve la véracité de notre assertion : plus de 200 guerres ont animé et ensanglanté la scène internationale depuis 1945. Les Etats-Unis (et l'Angleterre) sont intervenu militairement dans 70 d'entre elles. L'American Way of Life, un style d'existence dépourvu de toute spiritualité et de toute consistance, se voit de plus en plus rejeter dans le monde.
Pire, dans ce contexte de dé-spiritualisation et de violence, la propagande américaine tente de coller de fausses étiquettes sur les peuples, de tromper les autres par la distribution d'étiquettes valorisantes (l'UÇK!) ou infamantes (la Serbie). Dans ce jeu, où l'on ne sait plus où se trouve la réalité et où se niche la fiction, les opinions publiques ne savent plus vraiment s'il y a ou non la guerre, et, plus généralement, ne savent même plus quels sont les véritables enjeux de ces conflits. Dans les euphémismes de la propagande de CNN, on ne parle évidemment plus de guerre mais de "pre-emptive defence" (défense préventive), ce qui nous amène à penser, à l'instar d'Evola, que l'ère de l'impuissance véritable est bien advenue, où la force coercitive joue seule, unilatéralement, et non plus la puissance naturelle et tranquille de l'évidence et de l'exemple. Les Etats-Unis et leurs satellites ouest-européens ne sont-ils pas définitivement condamnés à l'impuissance, parce qu'ils n'ont pas d'idée supérieure, n'ont aucune référence transcendante, non seulement pour construire l'Europe, mais aussi et surtout pour étayer le “Nouvel Ordre Mondial”, annoncé par Washington?
Gerhoch REISEGGER.
(Extrait de Wir werden schamlos irregeführt. Vom 11. September zum Irak-Krieg, Hohenrain, Tübingen, 2003, ISBN-3-89180-068-1).00:25 Publié dans Affaires européennes, Economie, Eurasisme, Géopolitique | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Réflexions flamandes et amères sur le Kosovo
Prof. Dr. Koenraad ELST :
Réflexions flamandes et amères sur le Kosovo
Deux pays se représentent sous la forme d’une carte sur leur drapeau, comme s’ils voulaient dire : « Pas un pouce de territoire ne nous sera jamais arraché ! ». Or Chypre n’exerce même pas sa souveraineté sur l’ensemble du territoire représenté sur son drapeau car un tiers de celui-ci forme officieusement un Etat à part, la « République Turque de Chypre du Nord ». Et maintenant nous avons le Kosovo, dont le drapeau tente d’imiter celui de l’UE : effectivement, il est bleu, présente une série d’étoiles qui ne sont pas jaunes mais blanches ; le jaune ne sert qu’à colorer la tache apparemment informelle qui représente les contours du pays et qui a été placée au centre du nouveau drapeau. Si les Serbes avaient eu quelque jugeote, le Kosovo n’aurait jamais eu ces frontières-là ou auraient dû céder rapidement du terrain.
Un bon nombre de militants nationalistes flamands se réjouissent du séparatisme kosovar anti-serbe. Ce que vient de faire le « Kosova » (graphie albanaise), il y a quelques jours, la Flandre le fera demain, pensent-ils. Bien. Qu’ils essaient d’abord d’expliquer aux belgicistes que cette indépendance autoproclamée du Kosovo a valeur de précédent, en même temps que leurs amis basques ou bretons, représentants d’autres nationalismes impuissants. Il vaut mieux qu’ils ne se fassent pas d’illusions : les forces qui ont œuvré à la fragmentation du territoire de l’ex-Yougoslavie ne favoriseront pas l’éclosion prochaine de l’Etat flamand.
Ceux qui se proclament « nationalistes » doivent comprendre clairement que les Etats-Unis et les quelques institutions internationales, qui ont soutenu l’indépendantisme kosovar, l’ont fait pour punir la Serbie, soupçonnée de développer un nationalisme inacceptable. Dans son discours, lors du cérémonial de l’indépendance, le Président kosovar Hashim Thaçi a décrit son Etat nouveau-né comme « multiculturel et tolérant ». Pour moi, c’est comme l’écho du discours que prononça jadis Mohammed Ali Jinnah lors de l’indépendance du Pakistan, Etat né du refus des musulmans de l’ancien Empire britannique des Indes de vivre en minorité dans un Etat séculier multiculturel, mais à majorité hindoue. Tandis que tous les non musulmans vivant à l’époque sur le sol du futur Pakistan furent chassés ou assassinés par millions, Jinnah déclarait benoîtement que dans son Etat fondé sur l’identité religieuse des musulmans, l’identité religieuse n’aurait plus aucune importance.
Jinnah n’a pas eu à rendre de comptes pour ces mensonges éhontés car il se plaçait simultanément sur la même longueur d’onde que les Britanniques et les Américains qui voulaient avoir, dans la région, une base territoriale importante pour observer, espionner, encercler et endiguer l’URSS et la Chine. Thaçi surfe sur le même type de vague : il offre l’hospitalité à une grande base américaine. Le Président serbe Voyeslav Kostunica ne donne pas l’hospitalité aux soldats américains ; il ne veut rien entendre d’une telle politique et, comme le dit notre proverbe, « qui ne veut rien entendre, doit sentir ». L’indépendance du Kosovo n’est pas davantage une victoire pour le droit des peuples à l’autodétermination : il est plus juste de dire que c’est une punition qu’inflige le nouvel ordre mondial à un pays qui est campé comme un bastion têtu du nationalisme.
Brutalité américaine
Qu’on se souvienne comment le Général américain Wesley Clark justifiait en 1999 les bombardements contre la Serbie : il disait que les Etats mono-ethniques ne pouvaient plus être tolérés sur la surface de la planète. C’était de la brutalité à l’état pur, de la brutalité pour justifier ses propres positions, de la brutalité basée sur le mensonge. En fait, la Serbie, dans son intégrité territoriale avant la sécession du Kosovo, était un Etat multi-ethnique ; et c’est justement la Serbie démembrée actuelle, à la suite des actions musclées de ce Clark, qui est devenue, par la force des choses et à son corps défendant, un de ces Etats mono-ethniques, auxquels les Etats-Unis dénient désormais tout droit à l’existence. Thaçi et la constitution du Kosovo font certes quelques maigres concessions à ce discours multiculturel pour plaire à leurs « sponsors » internationaux mais, en pratique, le Kosovo est devenu aujourd’hui un bel exemple d’Etat mono-ethnique, qui ne « devrait plus être toléré ».
Les braves militants nationalistes flamands pourront au moins apprendre une leçon : avoir raison n’aide en rien pour obtenir raison de la part de ceux qui tirent les ficelles dans le monde. Les Serbes ont été précipités dans la spirale de l’humiliation et de la défaite parce qu’ils avaient contre eux les faiseurs de l’opinion dominante. Pour les Flamands, ce sera la même chose. Exemple : un magazine en papier glacé destinés aux étrangers qui vivent à Bruxelles titrait en grandes lettres : « Francophones’ moving stories » (cf. « Together », janv.-fév. 2008). Cette anthologie d’ « histoires émouvantes » était faite de témoignages formulés de façon à briser mêmes les cœurs de granit, où de malheureux francophones se présentaient comme opprimés, prêts à prendre la fuite. Elle était accompagnée d’une photo, dont le fond était un ciel vespéral et menaçant et l’avant-plan un entrelacs de barbelés, avec une pancarte : « Flemish Region hostility towards the Francophone majority has grown » (L’hostilité de la Région Flamande à l’endroit de la majorité francophone a augmenté). Dans le landerneau belgo-belge, ce type de mise en scène correspond à la préparation de toute cette propagande ridicule de 1999, où l’on parlait d’un quart de million d’Albanais « génocidés », pour justifier les bombardements de l’OTAN contre la Serbie. Or le dossier de « Together » constitue une littérature servie aux eurocrates et aux otanocrates de Bruxelles pour expliquer les tenants et aboutissants du combat flamand. C’est avec ce type d’exagérations et d’idioties que ces fonctionnaires se forgeront une opinion sur la Flandre lorsqu’ils devront prendre position en cas de dislocation de la Belgique. Les politicards flamands, tous partis confondus, seront-ils plus avisés que Kostunica pour neutraliser les effets pervers de cette propagande haineuse ? On peut sérieusement en douter.
La politique du fait accompli
« Vive le Kosova » ? Les militants nationalistes flamands feraient bien de se rendre compte que le Kosovo ressemble plus à la Belgique qu’à la Flandre (potentiellement indépendante). D’abord, paraphrasons Jules Destrée : « Sire, il n’y a pas de Kosovars ! ». Ceux qui, bêtement ou malicieusement, parlent de « Serbes » et de « Kosovars », veulent dire, en fait, « Serbes du Kosovo » et « Albanais du Kosovo ». Remarquons, à ce propos, que la marée de drapeaux exhibés lors du discours de Thaçi sur l’indépendance, n’était pas une marée de ce nouvel emblème bleu et eurocratoïde, avec ses étoiles et sa carte stylisée, mais une marée de drapeaux rouges frappés de l’aigle bicéphale albanais. Exactement comme les séparatistes belges de 1830 brandissaient des drapeaux français et souhaitaient se rattacher à la France, les séparatistes albanais d’aujourd’hui veulent se rattacher à l’Albanie.
Le nom de « Kosova » est la prononciation albanaise de terme slave « Kosovo ». Les nationalistes flamands solidaires du Kosovo privilégient depuis de nombreuses années cette graphie albanaise. Exactement comme les sectaires du FDF parlent de « Rhode-Saint-Genèse ». Exactement comme les Francophones ont conquis la périphérie de Bruxelles par subversion démographique (« Unterwanderung »), les Albanais ont mis la main sur la Kosovo en créant une situation du fait démographique accompli. Exactement comme la communauté internationale nie abruptement les revendications serbes sur le Kosovo, même dans les enclaves qui ne sont peuplées que de Serbes, les revendications et les implorations des Flamands seront balayées d’un revers de la main par cette même communauté internationale, en cas de disparition de la Belgique. La Flandre, qui se flatte d’avoir une « propre » politique étrangère, a raté une belle occasion de se distinguer en proposant un compromis raisonnable, notamment la scission du Kosovo entre enclaves serbes et enclaves albanaises, sur base ethno-linguistique. Nos politicards avaient-ils la trouille qu’une telle suggestion aurait bien davantage préfiguré la séparation de la Belgique, bien plus que la sécession kosovar avec le maintien des frontières absurdes du nouvel Etat ?
Aujourd’hui, nous assistons aux protestations poignantes mais impuissantes des Serbes contre l’inéluctable vol de territoire qu’ils subissent. Mais qu’ont-ils fait au cours de ces dernières années quand les Albanais, avec la complicité des Américains, de l’OTAN et de l’UE, préparaient leur sécession ? Et que font les Flamands maintenant que les francophones consolident sans relâche leurs positions démographiques dans la périphérie et suggèrent la récupération, en leur faveur, de territoires que l’on croyait en Flandre non cessibles depuis l’établissement de la frontière linguistique ? L’histoire ne sera pas tendre pour les peuples qui n’auront pas hiérarchisé convenablement leurs priorités.
Koenraad ELST.
(article paru dans « ‘ t Pallieterke », 27 février 2008).
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vendredi, 29 février 2008
60 nationalistische figuren
60 nationalistische figuren
Dat het nationalisme in de Lage Landen, het natiegevoel en de wil om hiervoor een politieke ruimte te scheppen, géén eendagsvlieg is, zoals sommigen ons wel eens willen voor houden, bewijst de jongste uitgave van Uitgeverij Egmont, “60 nationalistische figuren”. Trouwens de auteur zelf van het werkje, dr. Roeland Raes, kan eigenlijk best beschouwd worden als een emanatie van de diepe wortels van deze identitaire stroming in de Nederlanden. Hij is hoofdredacteur van het Heel-Nederlandse vormingstijdschrift Revolte.
In 1934 in Gent geboren was hij al in de jaren 50 en 60 van vorige eeuw actief – op alle mogelijke bestuursniveaus trouwens – in de Volksunie, en later, vanaf de jaren 70 en 80, in het Vlaams Blok en tenslotte in het Vlaams Belang. Hij geraakte in de politieke actualiteit met uitspraken voor de Nederlandse televisie, die vervolgd worden omwille van een zogenaamd negationistische strekking. Maar Roeland Raes is meer dan dat. Er zijn met moeite naoorlogse tijdschriften in de radicaal nationalistische beweging te vinden, waar deze auteur niet aan heeft meegewerkt. Met bijzondere interesse steeds voor de nonconformistische en tegelijk goed onderbouwde (heel- of groot-) Nederlandse strekkingen binnen de Vlaamse Beweging. En mét een zeer open oog voor wat in Europa gebeurde. Kan het iemand verwonderen dat Roeland Raes een regelmatige redacteur werd van Dietsland-Europa (van de organisatie Were Di) of van Revolte (van de actiegroep Voorpost) en dat hij jarenlang de Vlaamse spil was waarop het bannelingentijdschrift De Schakel draaide?
Het is voor de nationalistische jongeren, van Voorpost, van de N.S.V. of het K.V.H.V. dat hij de verschillende teksten schreef, vanuit de vaststelling dat men toch heel weinig weet van de Vlaamse Beweging van de 19de of de 20ste eeuw. Met de vraag in hoeverre “(…) de namen van Vlaams-nationale leiders en militanten, hoe verdienstelijk ook, nog een echo oproepen bij jongeren vandaag”.
Of zoals inleider Johan Vanslambrouck terecht opmerkt: “Wij leven en werken vandaag, maar als nationalisten beseffen we dat we niet uit het niets komen. Ons collectief verleden bepaald mede wie we vandaag zijn, hoe we leven en werken. Daarom blijft een basiskennis van dat verleden voor ons zo belangrijk. Geschiedenis wordt gemaakt door mensen en dus is het van belang om de hoofdrolspelers goed in hun context te kunnen situeren. Daartoe levert dit boek een bijdrage”.
Hierin veel bekende, maar ook minder bekende Vlamingen en Nederlanders (Buls, Willem de Vreese, Jacob Heremans, Lucien Jottrand). Veel op het eerste gezicht bekende namen ook, waarop de auteur door ongekende typeringen toe te voegen, een nieuw licht werpt (Wouter Lutkie, Remi Piryns, René De Clercq, Kamiel Van Damme, Jaak Moerman, Karel Dillen).
Deze uitgave, die in de lijn ligt van hetgeen Jean Mabire in Frankrijk presteerde met zijn reeks “Que Lire”, schreeuwt gewoon om een voortzetting in een deel 2. Het zou trouwens voor de auteur een (ondankbare?) opgave moeten zijn om nog meer min of meer vergeten figuren uit de jaren 50 en 60 van de vorige eeuw terug voor het voetlicht te brengen. De moeilijke heropbouw van de nationalistische beweging in die jaren is eigenlijk maar mogelijk gebleken door de inzet van deze tientallen onbaatzuchtige werkers, en die nu in de vergetelheid verzeild dreigen te geraken. Kinderen van ons volk.
Voor jongeren is dit boekje hopelijk een aanzet naar méér. Daarom is het spijtig te noemen dat een (min of meer uitgebreide) bibliografie of lijst met verwijzingen helemaal achterwege is gebleven. Misschien wordt dit euvel in deel 2 uit de wereld geholpen? Maar laat u hierdoor niet tegenhouden om deze uitgave te kopen en aan jongeren door te geven.
60 nationalistische figuren
Raes Roeland
ISBN 978–78898–07–8
2008, Uitgeverij Egmont, Brussel,
222 pagina
Richtprijs: 12,50 euro
(P.L.)
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Hommage à Monique Crokaert
Robert STEUCKERS:
Discours d'hommage à Monique Crokaert, épouse de Marc. Eemans, lors de ses obsèques (janvier 2004)
Chers parents, chers amis,
Il est l’heure de prendre congé définitivement de Monique, aujourd’hui, en cette triste journée de janvier. Monique, la fille de Jacques, cet esprit politique génial, jamais remplacé et surtout irremplaçable, Monique l’effrontée, Monique la poétesse, Monique la compagne de Marc, Monique qui aimait la vie mais qui n’en avait plus le goût depuis la mort de son grand artiste de mari, nous a quittés, il y a un peu plus d’une semaine.
Une page d’histoire se termine ainsi, trop abruptement. Des souvenirs poignants et incommunicables viennent de s’effacer. Une époque de créativité extraordinaire, artistique, littéraire et philosophique, s’éteint encore un peu plus, avec la disparition de Marc et de Monique à quelque cinq ans d’intervalle, plongeant ce Pays encore un peu plus dans la froide obscurité du Kali Youga.
La langueur qui s’était emparée de Monique depuis le 28 juillet 1998, quand Marc s’est éteint, est sans nul doute empreinte d’une immense tristesse, mais elle nous interpelle, aujourd’hui, au-delà de sa mort. En effet, cette langueur est un appel, qu’elle a lancé à nous tous sans toujours cherché à bien se faire comprendre, un appel pour que nous continuions à œuvrer pour faire connaître, pour défendre la mémoire des peintures, des poèmes, de la pensée mystique de Marc, pour nous souvenir à jamais des poèmes de Monique, pour nous replonger dans l’œuvre politique de Jacques Crokaert.
Car tel était bel et bien le message de cette langueur, et parfois de cette rage, qui a progressivement exténué Monique au cours de ces cinq dernières années. Il serait incorrect de ne pas y répondre, car c’était, au fond, son vœu le plus cher. Que cette formidable mobilisation de l’intellect, de la volonté, de la sensibilité, de l’esprit n’ait pas été qu’un simple passage voué au néant. Que ce formidable feu d’artifice ne soit pas qu’une beauté éphémère. Qu’il y ait pour lui un lendemain. Une réhabilitation totale et définitive.
Tel était le contenu de mes conversations avec Monique au cours de ces cinq dernières années.
Je vous demande donc à tous, selon vos moyens, de réaliser son vœu, si ardent, si noble, si pressant, et de le lui promettre, ici, devant sa pauvre dépouille, devant celle qui ne pourra plus jamais nous parler, nous enjoindre de travailler, ou, même, —et je le dis avec tendresse— de nous « engueuler » parce que les choses ne bougent pas assez vite à son gré. Justement parce que la verdeur occasionnelle de son langage ne sera plus, pour aucun d’entre nous, un aiguillon ou un agacement, je vous demande de continuer ce travail.
Adieu, Monique, nous allons tous regretter tes poèmes, ta nostalgie de Marc, ta fidélité très difficile, vu les circonstances, à son œuvre, nous allons aussi regretter ta verdeur langagière, tes remontrances corsées, comme nous avons aimé les rouspétances de Marc, aigri d’être sans cesse boycotté par les Iniques.
Adieu, donc, et nous travaillerons, pour que les « Fidèles d’Amour » reprennent le flambeau et leur rôle de guide d’une humanité régénérée, pour que les « Lumières archangéliques et michaëliennes » resplendissent à nouveau, comme l’a voulu Marc pendant de longues décennies de combat mystique et philosophique.
Adieu, Monique, tu nous manqueras, parce que tu incarnais, tant bien que mal, parfois en tâtonnant, parfois en te débattant, plusieurs pages sublimes de l’histoire de notre pays. Adieu, mais, pour ne pas t’oublier, nous parlerons et reparlerons de ce qui t’a été si cher au cœur.
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jeudi, 28 février 2008
José Vasconcelos
28 février 1882: Naissance à Oaxaca au Mexique de José Vasconcelos, romancier, philosophe, pédagogue et homme politique. Recteur de l’Université de Mexico, puis ministre de l’Education entre 1920 et 1924, il réforma de fond en comble l’enseignement de base dans son pays, impulsa le mouvement politico-artistique national-révolutionnaire du muralisme mexicain. Sa philosophie repose sur la notion de “monisme esthétique”, terme qui tente d’exprimer son enthousiasme pour l’unité cosmique, perdue par le rationalisme occidental, avatar d’un dualisme qui rejette a fortiori une partie du réel. Les peuples d’Amérique latine, en puisant dans leur passé indien, pourront ainsi transcender les étroitesses que génèrent ce rationalisme et ce dualisme mutilant. On lira cette thèse, à fortes connotations indigénistes, en parallèle avec celles d’un grand dissident anglais, passionnément amoureux du Mexique : David Herbert Lawrence. En 1925, Vasconcelos publie La raza cosmica, ouvrage où il appelle cette synthèse cosmique et moniste sud-américaine, à la fois amérindienne et hispanique. En 1934, il écrit Bolivarismo y Monroismo, opposant la conception de Bolivar à celle de Monroe sur l’unité panaméricaine (Robert Steuckers).
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L'apothéose de Céline
Marc LAUDELOUT:
L’apothéose de Céline
Un double DVD, un livre sur l’exil danois et la réédition de la correspondance à Marie Canavaggia. Ces trois parutions ont suscité une presse abondante qui contraste singulièrement avec la façon dont Céline était traité par la critique dans les dernières années de sa vie. Petit aperçu.
Le Nouvel Observateur, organe de la gauche bien-pensante, n’est pas le moins dithyrambique : « Cinquante ans bientôt que l’écrivain est mort. Son œuvre n’a jamais été aussi vivante. (…) Comment ne pas être attiré par un bonhomme pareil, n’avoir pas envie d’aller y jeter un œil, dans ses livres qui suscitent pareils intérêts ? » ¹ Le quotidien Libération est également séduit : « On ne lit pas les lettres de Céline pour les croire ou s’en indigner. On les écoute. Ce sont d’abord des expériences musicales, de petites notes rapides, joyeuses et surprenantes qui font descendre et monter les tristes portées de la condition humaine. Les romans sont des concertos, des symphonies ; les lettres, c’est sa musique de chambre » ². Philippe Sollers, qui a le mérite de l’antériorité, n’est pas en reste : « Les lettres de Céline sont des chefs-d’œuvre, sa correspondance complète devrait être réunie un jour, magnifique volume électrique, au niveau (et ce n’est pas peu dire) de Voltaire et de Flaubert. » ³ Hélas, l’édition d’une correspondance générale semble relever de l’utopie. Car c’est bien une anthologie de cet océan que proposera cette année le cinquième et dernier volume de La Pléiade consacré à Céline.
Le double DVD « Céline vivant », centré sur ses dernières années, offre une image saisissante de l’écrivain qui n’a pas fini de retenir l’attention. « On reste hypnotisé par les monologues hallucinés de l’ermite de Meudon. (…) Ce clochard génial, dont toute la vie aura consisté à “ mettre par écrit l’émotion du langage parlé ” ensorcelle la caméra ». 4 C’est, en effet, peu dire que Céline captive les spectateurs : « Parmi les grands moments des “pièces” offertes par celui que l’un des témoins surnomme le “comédien du martyre”, il y a cette façon de revendiquer un raffinement inné et de déplorer l’accablante “lourdeur de l’homme”, son plaidoyer pour les auteurs qui inventent un style et mettent leur “peau sur la table”, ses diatribes et invectives contre la vulgarité, les plagiaires ». 5 Un constat s’impose : « On rit, car il est drôle et méchant. Céline maîtrise donc ses interviews comme il maîtrise ses livres, son style ». 6 Mieux : « À l’oral et dans ses écrits, Louis-Ferdinand Céline possède un style qui fait assurément de l’effet à ses interlocuteurs et lecteurs. Parler, écrire, ressentir… et danser sur un volcan ! Tel fut le destin tragique d’un homme libre dont la vie et l’écriture sont inséparables, et qui confesse ne pas croire en Dieu, mais « ne demanderait pas mieux d’y croire ». Sous le masque du tragique, apparaît alors le visage d’un grand créateur et dispensateur de vie » 7 Une belle conclusion assurément pour celui qui se disait du « parti de la vie ».
M. L.
1. Delfeil de Ton, « Voyage au bout de la télé. Céline, bête d’écran », Le Nouvel Observateur, 22 novembre 2007.
2. Philippe Lançon, « Céline et la “vache matière” », Libération, 29 novembre 2007.
3. Philippe Sollers, « Céline », Le Journal du Dimanche, 28 octobre 2007.
4. Jérôme Dupuis, « D’une caméra l’autre », L’Express, 2 novembre 2007.
5. Jean-Luc Douin, « Céline, par lui-même et ses proches », Le Monde, 29 novembre 2007.
6. Camille Aranyossy, « Céline vivant », Le littéraire.com, 12 novembre 2007
7. Arnaud Guyot-Jeannin, « Quand Céline crevait l’écran », Le Choc du mois, novembre 2007.00:25 Publié dans Littérature | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
mercredi, 27 février 2008
A. Romualdi: Introduccion a Gobineau
Introduccion a: Arthur de Gobineau; la desigualdad de las razas
Adriano ROMUALDI
Hay libros que actúan sobre la realidad de muchos de los hechos políticos y que, saliendo del círculo estrecho de la discusión, se convierten en idea-fuerza, mitos, sangre que alimenta los procesos históricos. El más típico es indudablemente El Capital de Marx, un estudio histórico-económico que se ha convertido en dogma religioso, arma de batalla, evangelio del vuelco mundial de todos los valores cumplimentado por la casta servil. A estos libros pertenece el Ensayo sobre la desigualdad de las razas humanas del conde de Gobineau, ignorado durante el tiempo que el autor vivió pero que - difundido en Alemania después de su muerte - fue destinado a transformarse en un de las más poderosas idea-fuerza del siglo XX: el mito de la sangre del nacionalsocialismo alemán.
Arturo de Gobineau nace en Ville d’Avray en el 1816 de una familia de antiguo origen normando. Poco antes de morir, en el Histoire d’Ottar Jara él revivirá los hechos del conquistador vikingo que arribó a las costas de Francia dando origen a su familia. El padre de Gobineau fue capitán en el Guardia Real de Carlo X. Después de la revolución del 1830 se apartó a vivir en Bretaña mientras el hijo fue a estudiar a Suiza. Aquí Gobineau aprendió el alemán y tuvo modo de asomarse a las vastas perspectivas que la filología germánica abrió en aquellos años. Ya Federico Schlegel en su Ueber die Sprache und Weisheit der Inder enseñó la afinidad entre las lenguas europeas y el sánscrito planteando una migración aria de Asia a Europa; en 1816, Bopp con su gramática comparada del griego, sánscrito, persa, griego, latino y gótico fundó la filología indoeuropea; por su parte, los hermanos Grimm redescubrieron el Edda y poesía germánica haciendo revivir el antiguo heroísmo y la primordial mitología germánica mientras Kart O. Müller halló en los dorios (Die Dorier, 1824) el alma nórdica de la antigua Grecia. Así, Gobineau tuvo modo que familiarizarse desde la adolescencia con un mundo que la cultura europea iba lentamente asimilado.
En 1834 Gobineau va a París. No es rico, y trata de hacerse paso como escritor y periodista. De sus obras literarias de entonces, Le prisionnier chancheux, Ternote, Mademoiselle Irnois, Les aventures de Nicolas Belavoir, E’Abbaye de Thyphanes, muchas páginas han resistido la usura del tiempo.
Un artículo aparecido en la Revue de deux mondes lo puso en contacto con Alexis de Tocqueville, el famoso autor de La democracia en América, también él de antigua estirpe normanda. Esta amistad les unió toda la vida a pesar de las fuertes diferencias de opinión entre los dos hombres: Tocqueville, el aristócrata que se resigna, y - sea incluso con melancolía - acepta la democracia como una realidad del mundo moderno y Gobineau, el aristócrata que se rebela e identifica la civilización con la obra de una raza de señores.
Fue Tocqueville, nombrado Ministro de Exteriores, quien llamó al amigo como jefe de gabinete. En vísperas del golpe de estado napoleónico Tocqueville dimitió; En cambio Gobineau hizo buen cara al cesarismo que - si bien no le reportaba a la predilecta monarquía feudal - al menos colocaba las esposas a la democracia y al parlamentarismo. Entró en diplomacia y fue como primer secretario a tomar la delegación de Berna. Es en Berna que escribió el Essai sur el inégalité des races humaines, cuyos dos primeros volúmenes aparecieron en el 1853, los segundos en 1855.
El ensayo retoma los movimientos del gran descubrimiento de la unidad indoeuropea, es decir de una gran familia aria extendida desde Islandia hasta la India. La palabra latina pater, el gótico fadar, el griego patér, los sánscritos pitar se revelan como derivaciones de un único vocablo originario. Pero si ha existido una lengua primordial de la que se han ramificado varios lenguajes, también habrá existido un estirpe primordial que - moviendose desde su patria originaria - difundirá este lengua en el vasto espacio existente entre Escandinavia y el Ganges. Es el pueblo que se dio el nombre de ario, término con el que los dominadores se designaban a sí mismos en contraposición a los indígenas de las tierras conquistadas (compara el persa y el sánscrito arya = noble, puro; el griego àristos = el mejor; el latino herus = dueño; el tudesco Ehre = honor).
Es aquí donde se encauza el razonamiento de Gobineau, movilizando a favor de sus tesis los antiguos textos indios nos muestra a estos arios prehistóricos - altos, rubios y con los ojos azules - penetrando en la India, en Persia, en Grecia, en Italia para hacer florecer las grandes civilizaciones antiguas. Con una demostración muy forzada también las civilizaciones egipcia, babilonia y china son explicadas con el recurso de la sangre aria. Cada civilización surge de una conquista aria, de la organización impuesta por una elite de señores nórdicos sobre una masa.
Si comparamos entre si a las tres grandes familias raciales del mundo la superioridad del ario nos aparecerá evidente. El negro de frente huidiza lleva en el cráneo "los índices de energías groseramente potentes". "Si sus facultades intelectuales son mediocres - Gobineau escribe - o hasta nulas, él posee en el deseo… una intensidad a menudo terrible". Consecuentemente, la raza negra es una raza intensamente sensual, radicalmente emotiva, pero falta de voluntad y de claridad organizadora. El amarillo se distingue intensamente del negro. Aquí los rasgos de la cara son endulzados, redondeados, y expresan una vocación a la paciencia, a la resignación, a una tenacidad fanática, pero que él diferencia de la verdadera voluntad creadora. También aquí tenemos que ver a una raza de segundo orden, una especie infinitamente menos vulgar que la negra, pero falta de aquella osadía, de aquella dureza, de aquella cortante, heroica, inteligencia que se expresan en el rostro fino y afilado del ario.
La civilización es pues un legado de sangre y se pierde con el mezcolanza de la sangre. Ésta es la explicación que Gobineau nos ofrece de la tragedia de la historia del mundo.
Su clave es el concepto de la degeneración, en el sentido propio de esta palabra, que se expresa en el alejamiento un género de su tipo originario (los alemanes hablarán de Entnordung, de desnorcización). Los pueblos antiguos han desaparecido porque han perdido su integridad nórdica, e igualmente puede ocurrir a los modernos. "Si el imperio de Darío todavía hubiera podido poner en campo a la batalla de Arbela persas auténticos, a verdaderos arios; si los romanos del basto Impero hubieran tenido un senado y una milicia formadas por elementos raciales iguales a los que existieron al tiempo de los Fabios, su dominación no habría tenido nunca fin."
Pero la suerte que ha arrollado las antiguas culturas también nos amenaza. La democratización de Europa, iniciada con la revolución francesa, representa la revuelta de las masas serviles, con sus valores hedonísticos y pacifistas, contra los ideales heroicos de las aristocracias nórdicas de origen germánico. La igualdad, que un tiempo era sólo un mito, amenaza de convertirse en realidad en el infernal caldero donde lo superior se mezcla con lo inferior y lo que es noble se empantana en lo innoble.
El Essai sur el inégalité des races humaines, si en muchos rasgos aparece hoy envejecido, conserva una sustancial validez. Gobineau tiene el gran mérito de haber afrontado por primera vez el problema de la crisis de la civilización en general, y de la occidental en particular. En un siglo atontado por el mito plebeyo del progreso, él osó proclamar el fatal ocaso de cada cultura y la naturaleza senil y crepuscular de la civilización ciudadana y racionalista. Sin el libro de Gobineau, sin los graves, solemnes golpes que repican en el preludio del Ensayo sobre la desigualdad de las razas humanas, y en aquellas páginas en que se contempla la ruina de las civilizaciones, toda la moderna literatura de las crisis de Spengler, a Huizinga, a Evola resulta inimaginable.
Falta valorar la solución que Gobineau ha ofrecido problema de la decadencia de la civilización. A menudo es simplista. El mito ario, queda como indispensable instrumento para la comprensión de la civilización occidental, no se puede explicar mecánicamente el nacimiento de las varias civilizaciones del globo. Gobineau se encarama sobre los espejos para encontrar un origen ario a las civilizaciones egipcia, babilona, chino. Aunque muchos recientes estudios ayudarían a sus tesis (piénsese en la hipótesis de un Heine-Geldern sobre una migración indo-europea de la región póntica a China, o a la comprobación de un elemento ario en el seno a los casitas que invadieron Babilonia y a los hyksos que dominaron Egipto), queda el simplismo de los métodos demostrativos gobinianos. Además, los materiales arqueológicos y filológicos de que él se servirá son completamente inadecuados frente a la masa de los datos de que disponemos hoy (1).
Y sin embargo, la idea de un diferente origen de las razas está demostrada por los estudios más recientes en la materia (Véase Coon. L’origene delle razze, Bombiani 1970), mientras que las estadísticas sobre los cocientes de inteligencia asignan un valor cuantitativo inferior a los negros con respecto de los blancos y a los amarillos. Mientras la civilización blanca arrastra en su movimiento a los pueblos de color, ellos se revelan en su mayor parte imitadores y parásitos, de lo que no hay duda que de que el mestizaje de la humanidad blanca conduciría a un estancamiento, si no a un retroceso. La crisis de las cepas germánicas y anglosajonas, a cuya voluntad e iniciativa se debe el dominio euro-americano sobre el mundo, y que en el tipo blanco representan el elemento más puro, es seguro la más dramática situación desde los principios de la historia.
La gran obra del Ensayo sobre la desigualdad de la razas fue terminada. Pero la cultura francesa no se dio cuenta.
Tocqueville intentó consolar a Gobineau profetizando que este libro sería introducido en Francia desde Alemania: fue en efecto una respuesta a un problema surgido en la cultura alemana, y de ella habría regresado a Francia, desde Alemania: fue en efecto una respuesta a problemas surgidos en la cultura alemana, y en ella habría sido discutida. De Berna, Gobineau pasó a Fráncfort, luego - como ministro plenipotenciario - a Teherán, Atenas, Rio de Janeiro y Estocolmo. El tiempo que estuvo en Persia le permitió dedicarse a sus predilectos estudios orientalísticos. El Traité des écritures cuneiformes, La Historie des Perses, Réligions et philosophie dans l’Asia centrale. También escribió las Nouvelles Asiatiques y, siempre en literatura, la novela Adelaida, el poema Amadis, el fresco histórico sobre La Renassance y la que es quizás su novela mejor lograda: Les Pleiades.
La guerra franco-prusiana le sorprende en el castillo de Trye que formaba parte del antiguo dominio de Ottar Jara y que él adquirió. No se hacía graciosas ilusiones (un biógrafo suyo cuenta: "El canto de la Marsellesa, los gritos: a Berlín!, repugnaron a su naturaleza. No le dio el nombre de patriotismo a esas sobreexcitaciones peligrosas, demasiado ayuntamientos con las razas latinas. Donde divisó síntomas funestos"), pero en su calidad de alcalde organizó la resistencia civil contra el invasor. Sobrevenidos los prusianos, se comporta con gran dignidad y, aunque se valiera de la lengua alemana como la suya propia, nunca quiso hablar con ellos otra que el francés.
El desastre del los años 70 y la suspensión de su candidatura a la Academia de Francia le disgustaron completamente. La misión a Estocolmo, en aquella Escandinavia que quiso como a una segunda patria, le fue de algún consuelo, hasta que en el 1877 fue jubilado anticipadamente. Para Gobineau transcurrieron los últimos años de su vida entre Francia e Italia. En Venecia conoció a Richard Wagner el cual dijo de él: "Gobineau es mi único contemporáneo". Un reconocimiento basado en una recíproca afinidad. Ambos advirtieron el atractivo romántico de los orígenes primordiales: los tonos profundos que se vislumbran en los abismos del caudal de El oro del Rin son los mismos que repican en el Essai sur el inégalité des races humaines. Fue Wagner quien presentó a Gobineau al profesor Schemann de Freiburg, el cual fundaría el Gobineau-Archiv.
Gobineau murió de repente en Turín en el octubre de 1882. Nadie pareció darse cuenta de su desaparición. Fue universalmente admirado como un hombre de espíritu y como brillante conversador. Años después, fue cuando en la universidad comenzaron a haber cursos sobre de él, Anatole France dijo: " Je el ai connu. El venait chez el princesse Matilde. Ello était un grand diable, parfaitement simple et très spirituel. On savait qu'il écrivait des livres, maíz personne de ello les avait lus. ¿Alors, el avait du génie? Comme c’est curieux."
Fueron los alemanes los que lo valorizaron. Wagner le abrió las columnas del Bayreuther Blätter: ahora el wagneriano Hans von Wolzogen, Ludwig Schemann, Houston Stewart Chamberlain anunciaron su obra. Fue Ludwig Schemann quien fundó el culto a Gobineau instituyendo un archivo cerca de la universidad de Estrasburgo, entonces alemana. En el 1896 Schemann fundó el Gobineau-Vereinigung que difundiría el gobinismo en toda Alemania. En el 1914 pudo contar con una red influyente de protectores y amistades; el Kaiser mismo la subvencionó y buena parte del cuerpo enseñante fue influido por sus ideas.
Sobre la estela de la obra de Gobineau nació el racismo: Vacher de Lapouge, Penka, Pösche, Wilser, Woltmann, H. S. Chamberlain y luego - después de la guerra - Rosenberg, Hans F. K. Günther, Clauss retomaron las intuiciones gobinianas y las amplificaron en un vasto organismo doctrinal. En el 1933 el Nacionalsocialismo - asumiendo el poder en Alemania - reconoció oficialmente la ideología de la raza. Se realizó así lo que Wittgenstein había profetizado a Gobineau: "Vos os decís un hombre del pasado, pero en realidad sois un hombre del futuro."
El batalla de Gobineau no fue en vano. Él escribió: "Quand la vie n'est pas un bataille, ell n'est rien."
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Las citas aquí indicadas están sacadas del primer libro del Ensayo sobre la desigualdad de las razas humanas, Ediciones de Ar, Padua 1964.
(1) Una exposición moderna de las migraciones arias y su importancia para la civilización he tratado de exponerla en mi "Introduzzione al problema indoeuropeo" en el prólogo al libro de Hans F. K. Günther, Religiosità indoeuropea, Edizioni de Ar, Padua 1970. A ella me remito para quién de este ensayo sobre Gobineau le llevara el deseo de conocer los puntos de vista más recientes en arqueología, filología y antropología.
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mardi, 26 février 2008
Guerre froide et globalisation: deux stratégies américaines
John KLEEVES :
Guerre Froide et globalisation : deux stratégies américaines pour dominer le monde
Depuis leur fondation en 1787, les Etats-Unis poursuivent une politique de “balance of powers” en Europe. Elle se synthétise parfaitement par la fameuse formule de George Washington : « Les malheurs de l'Europe sont autant d'avantages pour les Etats-Unis ». Pour la politique américaine, l'équilibre des puissances en Europe est une nécessité, pour éviter que ne se forme, sur ce sous-continent de la grande masse continentale eurasiatique, des agrégations de puissance, qui conduiraient à créer une entité capable de dominer facilement le commerce mondial. L'objectif suprême des Etats-Unis est de dominer pour leur propre bénéfice le commerce mondial. Les Etats-Unis ont d'abord voulu dominer le commerce avec la Chine : ce fut la fameuse question du “marché d'Orient”. Cette politique du “marché d'Orient” a toujours été d'une importance cardinale pour les Etats-Unis, tant et si bien qu'on peut dire que leurs interventions dans les deux guerres mondiales, mais surtout dans la seconde, a été la nécessité, à leurs yeux, de sauver le “marché d'Orient”, c'est-à-dire le marché chinois, de la mainmise japonaise, devenue réalité depuis l'invasion nippone de la Chine en 1937.
La conclusion de la seconde guerre mondiale a été une tragédie pour les Etats-Unis : en Europe, la sphère d'influence russe (soviétique) s'étendait jusqu'à l'Elbe, rendant théoriquement possible la formation d'un bloc hégémonique en Europe, ce que refusait la politique traditionnelle américaine. En Extrême-Orient, les Etats-Unis, après l'élimination du Japon, n'étaient pas parvenus à s'emparer de la Chine. Face à cette double situation, il leur fallait :
◊ 1. Tenter de détruire la Russie, en tirant profit de leur avantage militaire : ils étaient les seuls, à l'époque, à posséder l'arme nucléaire. Il fallait obliger la Russie a se maintenir sur la défensive sur ses frontières.
◊ 2. Il leur fallait intervenir dans la guerre civile chinoise. Mais Mao gagne la guerre. L'objectif est alors de le renverser.
◊ 3. Empêcher les pays d'Europe occidentale de développer un activisme commercial trop important.
◊ 4. Profiter de la faiblesse des pays européens de l'Ouest après les affres de la guerre pour s'installer dans le tiers monde et pour soumettre la plus grande majorité possible de pays de cette zone à une politique néo-coloniale.
Comment faire ? Comment mettre les choses en œuvre pour réaliser ce programme sans révéler leurs propres intentions? Pour atteindre leurs objectifs, les Américains devaient évidemment dissimuler leurs intentions de dominer le monde, sinon le monde entier se serait rebellé et leurs efforts se seraient avérés vains.
Ils ont organisé leur politique selon les critères spécifiques de la Guerre Froide, qui a pourtant été étudiée et réétudiée. Cette politique pose comme axiome premier que l'URSS, en tant qu'Empire communiste, est l'Empire du Mal, parce qu'il veut exporter son idéologie et asseoir de la sorte son hégémonie dans le monde entier : les Etats-Unis doivent dès lors s'opposer de toutes leurs forces à ce projet dangereux, non pas pour satisfaire leurs intérêts nationaux, mais par devoir moral, car ils se posent comme l'incarnation de l'Empire de la Liberté et du Bien, parce qu'ils sont viscéralement hostiles au communisme. Ce théâtre était pure comédie, une mise en scène planétaire, orchestrée par l'établissement le plus rusé et le plus comédien que l'histoire ait jamais vu. L'une des expressions de cette capacité de mettre de telles comédies en scène est bien entendu Hollywood. Les Américains savaient pertinemment bien que l'URSS ne cultivait pas d'intentions agressives. De plus, ils n'avaient rien à redouter de l'idéologie communiste, au contraire de ce qu'ils faisaient croire, mais craignaient seulement les effets de cette idéologie sur les multinationales américaines : les pays qui devenaient communiste se fermaient ipso facto aux trafics et aux spéculations internationales.
En montant ce théâtre, les Etats-Unis atteignirent leurs objectifs : avec le prétexte qu'il fallait bloquer l'avance du communisme, ils opposèrent artificiellement, en Europe, les Russes aux Européens de l'Ouest, ce qui leur permettait d'avoir les mains libres, dans le reste du monde, pour subvertir les pays qui leur résistaient et pour pratiquer leur politique néo-colonialiste. Le processus néo-colonialiste, mise en branle par les Etats-Unis, s'est fait par le biais de guerres, d'opérations de “counter-insurgency”, d'escadrons de la mort, de quelque 500 coups d'Etat, etc., qui ont provoqué la mort d'environ 30 millions de personnes entre 1945 et 1990. En Europe, l'OTAN servait à :
◊ 1. Faire croire à la “menace” russe, bien que l'OTAN ait été créée en 1949 et le Pacte de Varsovie en 1956…
◊ 2. Contrôler étroitement, influencer en profondeur voire subvertir les pays membres de l'OTAN, via des réseaux comme Gladio, etc.
◊ 3. Introduire dans la future Union Européenne leur cheval de Troie, la Grande-Bretagne.
Ce qu'il convient de bien souligner aujourd'hui, c'est que, pendant tout le temps qu'a duré la Guerre Froide, personne, en dehors du cercle restreint de ses metteurs en scène anglo-saxons, n'a jamais compris la véritable nature de comédie, d'instrumentalisation que revêtait cette Guerre Froide. Une comédie qui ne servait, en ultime instance, que les seuls intérêts américains. En Europe, politiciens et intellectuels (la “fine fleur” des journalistes, des philosophes, des politologues…) s'efforçaient de prendre très au sérieux les arguments avancés par les Américains. Certains faisaient du zèle : ils s'ingéniaient à trouver la meilleure formule pour lutter contre le “danger communiste”, comme, en Italie, des intellectuels comme Indro Montanelli, Arrigo Levi ou Enzo Biagi. Alors que la Guerre Froide était essentiellement une guerre anti-européenne! Non, jamais ces intellectuels et politiciens n'ont compris le truc au cours de ces 45 années. Cet aveuglément est dû à la perfection, il faut le dire, et à la cohérence de la mise en scène américaine. Par le truchement de l'USIA (United States Information Agency), véritable Ministère de la Propagande avec ses 30.000 employés, les Etats-Unis parvinrent à mobiliser et à uniformiser tous les médias américains : les écrivains, les universitaires, les acteurs (depuis 1953, Hollywood est sous le contrôle direct de l'USIA). Donc en dehors du cercle restreint, que je viens d'évoquer, peu nombreux furent ceux qui ont vraiment compris comment s'agençaient les choses. J'en fais partie —sans vouloir en tirer orgueil— et c'est en Italie qu'est paru mon livre sur les modi operandi des Etats-Unis : cf. Vecchi trucchi (Ed. Il Cerchio, Rimini, 1991). Or ma démonstration est limpide et logique; les critiques l'ont admis, mais tacitement seulement, car personne ne veut admettre de s'être trompé pendant quarante-cinq ans sans interruption. Plus personne ne parle aujourd'hui de l'anti-communisme déployé par les Américains pour en faire le moteur de la Guerre Froide.
Pire : si personne ne tire les leçons de la Guerre Froide, personne ne sera en mesure de comprendre les mécanismes de la globalisation, à l'œuvre aujourd'hui.
Récapitulons. Avec la Guerre Froide, tout allait bien pour l'Oncle Sam. Mais la perestroïka annule ce ronron. Que représentait-elle pour les Etats-Unis? Ceci : avec la perestroïka, la voie était aplanie pour une alliance entre l'Europe occidentale et la Russie. La Russie, de fait, n'était plus l'ennemie, mieux, elle pouvait devenir une alliée, dont l'arsenal nucléaire constituait un atout pour faire front aux Etats-Unis sur tous les marchés mondiaux et pour leur soustraire bon nombre de pays sous statut néo-colonial. En compensation, la Russie aurait bénéficié des technologies et des investissements européens. Ce rapprochement, s'il se réalisait, aurait été mortel pour les visées hégémoniques américaines. Les Américains ont tout de suite compris le danger et se sont mis à penser une politique alternative, devant remplacer la logique et les pratiques de la Guerre Froide. Il leur fallait forger une nouvelle politique, présentant d'autres motivations de façade, leur permettant de poursuivre substantiellement leur politique éternelle. L'objectif des Américains était de faire en sorte que :
◊ 1. L'Europe Occidentale soit dissuadée de faire ce qui correspond à ses intérêts; faire en sorte qu'elle ne s'allie pas à la Russie, au contraire, il fallait mettre tout en œuvre pour qu'elle s'oppose à Moscou, souhaite la dissolution de la Fédération de Russie, voire sa destruction.
◊ 2. Les Etats-Unis trouvent un autre prétexte pour remplacer l'anti-communisme devenu inutile, afin de subvertir le tiers monde et le maintenir sous statut néo-colonial.
Ils vont réussir leur pari et infléchiront les choses dans le sens voulu, en inventant le concept de “globalisation”. Mais qu'est-ce que la globalisation, autrement dit le mondialisme? C'est avant toute chose une nouvelle comédie, une nouvelle mise en scène pour illusionner les nigauds. Pour être plus précis, c'est une comédie en deux actes, pour deux publics différents, mais dont la finale reste une surprise.
L'acte premier
Le premier acte a pour public le monde dans son sens le plus vaste. Il consiste à faire croire à ce vaste monde que la globalisation n'est rien d'autre qu'un projet d'amélioration généralisée de nos conditions. Les Américains s'empressent de nous dire qu'elle est une idée généreuse, désintéressée. C'est un système où le monde fonctionnera mieux, disent-ils. Pour éviter des conflits, des effusions de sang, des affrontements ethniques et religieux, des tentatives expansionnistes, des révolutions, des régimes despotiques, des économies dysfonctionnantes, etc., comme on en a vus à profusion depuis toujours, il faut imposer au monde, pour son bien, certaines règles fondamentales, valables pour tous. Pour être bref, il s'agit des règles de la démocratie parlementaire, du libre marché et des droits de l'homme : si tous les Etats de la planète finissent par respecter ces règles, les maux de notre monde cesseront un à un d'exercer leurs ravages. Mais pour que tous les Etats les respectent, ces règles, il faut absolument mettre sur pied une “force internationale” qui puisse punir, le cas échéant, les déviants, ou mettre un holà à leurs pratiques haïssables. Le champ d'intervention de cette “force internationale” ne connaît évidemment pas de frontières. Cette “force internationale” ne peut être que celle de l'Occident (donc l'OTAN, puisque l'OTAN = Etats-Unis + Europe occidentale), puisque c'est l'Occident qui a intégré au mieux ces règles jusqu'ici, comme le démontre son succès économique, technologique et moral (cet Occident a inventé les droits de l'homme), bref, comme le démontre le “Progrès”. En d'autres termes, cet Occident, sous la houlette de l'Amérique, se fait un point d'honneur à mettre le monde sur le droit chemin, celui qu'il a lui-même emprunté. Afin, bien entendu, d'améliorer la vie de tous les Terriens.
Mais ce discours est mensonger, car le monde ne s'est pas amélioré. Tout au contraire. Que se passerait-il si cette globalisation serait partout en acte? La “démocratie parlementaire” apporterait partout le règne du grand capital, parce que les élections dépendent toujours des médias et que les médias dépendent de leurs propriétaires. Toutes les protections érigées au fil des décennies de lutte sociale pour les citoyens les plus démunis tomberaient. Le “libre marché” jetterait bas toutes les structures d'aide sociale; dans les pays les plus faibles, le développement cesserait aussitôt; tout enracinement local de l'industrie se verrait extirpé. Les catégories les plus pauvres de la population, dans les pays faibles (formant la majorité dans le monde) augmenterait en nombre, jusqu'à la démesure; elles seraient oubliées de leurs gouvernants. En compensation, les droits de l'homme seraient respectés en tous lieux : la liberté d'expression, mais uniquement pour louer le système parce que les propriétaires des médias ne permettraient pas d'autres discours; la liberté de vote également, mais pour des citoyens qui n'auront été informés que par les mêmes médias; la liberté de religion, mais uniquement pour les religions qui respectent les droits de l'homme : l'Islam devrait abandonner le tchador. En substance, nous aurons une misère accrue et une chute dans la barbarie pour la majeure partie de l'humanité.
Mais alors où se trouve l'erreur conceptuelle de la globalisation, si nous partons du principe qu'elle est une idée désintéressée? Elle se trouve dans la formulation même des droits de l'homme : ceux-ci ne prévoient le droit fondamental à la vie et au travail. Ce droit élémentaire, vital, pour l'homme, n'a pas été inscrit dans les droits de l'homme, tout simplement parce que, pour le respecter, les Etats auraient dû, [comme l'avait prévu Fichte en son temps - ndt], protéger leurs économies par des barrières douanières et maintenir de puissantes législations sociales, ce qui postule l'installation d'une autocratie ou d'une démocratie parlementaire parfaite, où n'existerait aucun médium privé, où le vote serait obligatoire pour tous, selon le mode de la proportionnelle absolue, etc. En effet, les droits de l'homme, tels que nous les connaissons, ont été formulés en ne tenant compte que des exigences du capitalisme le plus sinistre : les droits de l'homme sont en effet leur masque moral.
Acte second
Le second acte concerne l'Europe occidentale. Les Américains lui disent : vous avez compris que notre discours n'est qu'un tissu d'historiettes pour nigauds. Mais faire fonctionner le monde de cette façon ne convient qu'à nous, pays occidentaux, car nous utilisons déjà plus ou moins le même système et nous avons acquis un avantage en agissant au sein du libre marché, lequel ne fera plus que se dilater démesurément. En particulier, ce système convient à nos multinationales qui ont toujours rêvé de pouvoir agir sans l'obstacle des frontières. Nous avons des milliers de multinationales, mais vous aussi, vous en avez, n'est-ce pas? Bref, nous pouvons agir de concert, dans la mesure où nous respectons le jeu de la concurrence. L'idéologie de la globalisation donne aux Occidentaux l'excuse de subvertir les pouvoirs politiques ailleurs et d'intervenir partout pour leurs intérêts.
Comme les pays occidentaux sont tous aux mains des cénacles du grand capitalisme, dominés à leur tour par les multinationales, ils ont accepté les arguments des globalistes car, à terme, ils sont gagnants. Pour réaliser ce projet, ils doivent abandonner l'idée d'une alliance opérative avec la Russie, idée qui avait été envisagée entre 1990 et 1998 en Italie, en France et en Allemagne. Ils devront dès lors se retourner contre elle pour l'émietter territorialement et pour conquérir, avec les Américains, les marchés qu'elle recèle. Ensuite, viendra le tour de la Chine. Ce projet a pris forme : le rapprochement avec la Russie a été interrompu brusquement et les premiers actes d'hostilité ont eu lieu, lors de l'attaque de l'OTAN contre la Yougoslavie.
La finale est une surprise. Elle concerne l'Europe occidentale. Déjà, au moment de l'attaque par l'OTAN de la Yougoslavie, les Etats-Unis avaient l'intention de déclencher un affrontement nucléaire en Europe, qui aurait éliminé et la Russie et l'Europe occidentale. Mais même si tout va bien pour les Européens et que la globalisation euro-américaine progresse, cela ne signifie pas que les multinationales américaines ont l'intention de partager le monde avec les Européens. Aujourd'hui, l'Europe occidentale sert à éliminer la Russie, mais dès que les Américains auront atteint leur objectif de rester la seule et l'unique superpuissance nucléaire, ils diront adieu à l'Europe, laissant pantois les nigauds qui auront cru à leurs boniments. Les multinationales européennes finiront une à une par être absorbées par leurs homologues américaines. L'Europe deviendra ainsi un gigantesque Guatemala. Enfin, la Grande-Bretagne restera la dernière alliée des Etats-Unis mais sera trahie à son tour.
Voici ce qu'est la globalisation. Jadis les politiciens et les intellectuels européens ont gobé les fables qui se profilaient derrière la comédie de la Guerre Froide. Jusqu'à satiété! Aujourd'hui, ils chantent les louanges de la globalisation, jusqu'à l'indigestion. Il faudra à l'avenir mieux sélectionner les hommes d'influence au sein des médias. Il n'est pas nécessaire, à cette fin, d'instituer des procédures complexes pour examiner leurs curricula, leurs titres académiques, leurs références, etc. : il suffirait de leur faire passer un simple test d'intelligence…
John KLEEVES.
(article paru dans Orion, octobre 1999).
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lundi, 25 février 2008
De zegeningen van de globalisering
Peter W. LOGGHE :
De zegeningen van de globalisering
Dat wij van de Deltastichting vraagtekens plaatsen bij de globalisering en vooral bij het neoliberaal pleidooi voor het volledig open stellen van de grenzen en voor een onvoorwaardelijk vrij verkeer van goederen, diensten, kapitalen en mensen, mag duidelijk zijn. Recente berichten in de Nederlandse pers sterken ons nog eerder in onze achterdocht.
Enkele jaren geleden werd de Europese Unie uitgebreid met een aantal voormalige Oostbloklanden. Toen reeds voorspelden allerlei kritische geesten massale migratiebewegingen en ontwrichtingen van zowel de oude lidstaten als van de nieuwkomers, voor zover de arbeidsmarkten onvoorwaardelijk zouden worden open gezet.
Groot-Brittannië en Ierland zetten hierop de poorten wagenwijd open. Op enkele maanden tijd kwamen zo’n 800.000 Polen Groot-Brittannië binnen en Ierland zelf trok er ook zo’n 500.000 aan. In Dublin lijken ganse straten “verpoolst”. Andere Oost-Europese ethnieën volgden in snel tempo. In NRC Handelsblad (09.01.2008) trekken verschillende voormalige Oostbloklanden ondertussen aan de alarmbel: het eigen land geraakt namelijk ontwricht. Zo meldt de Nederlandse krant: “De uitbreiding van de EU en de openstelling van de grenzen heeft zelfs voor een van de grootste migratiebewegingen sinds de Tweede Wereldoorlog gezorgd. De gevolgen voor de nieuwe EU-lidstaten zijn tamelijk desastreus; Delen van het platteland van de Baltische staten lopen leeg. Litouwen heeft sinds de toetreding tot de EU 10% van zijn bevolking naar het Westen zien vertrekken. In Bulgarije en Roemenië zijn dorpen waar alleen nog wat bejaarden wonen. Roemenië zoekt in China naar gastarbeiders voor zijn textielindustrie.”
Gevolg van het onvoorwaardelijk openen van de grenzen is een migratie zonder weerga. Dit leidt dus in het emigratieland tot leegloop en ontwrichting. Op zijn beurt trekken deze fenomenen dan weer een nieuwe migratie op gang richting emigratieland. Dat de natte droom van de liberalen – de markt die zichzelf perfect organiseert en reguleert zonder staatstussenkomst – blijkt een grote, vette illusie. NRC Handelsblad wijst er verder fijntjes op dat het argument van de arbeidskrapte om nieuwe migratie toe te laten, eigenlijk ook al op ‘onwaarheid’ berust. Immers: “het is ook niet zo dat er in het Westen geen arbeidsreserve meer is. Toen Nederland in 1964 gastarbeiders ging werven, had het 25.000 werklozen, een absolute schaarste dus. Nu zijn het er 320.000”.
Misschien zou Europa best proberen zijn “eigen” werklozen aan het werk te krijgen? Of zien we het weer té simpel?
(Peter Logghe)
00:35 Publié dans Définitions, Economie, Politique, Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
1500: Naissance de Charles-Quint
Naissance de Charles-Quint à Gand
25 février 1500 : Naissance à Gand de Charles, second fils de Jeanne de Castille et de Philippe de Bourgogne. Il est le petit-fils de Maximilien I d’Autriche, Empereur d’Allemagne, et des Rois Catholiques, Isabelle de Castille et Ferdinand d’Aragon. Sa naissance fusionne les traditions et, partant, les projets politiques du Saint Empire, du lotharingisme bourguignon et de l’Espagne, purgée du joug des Maures. Son règne sera malheureux, ses projets buteront contre la ténacité de ses ennemis, mais, en dépit de ces revers, constitue toutefois une apogée de puissance pour les états, unis par sa personne et par la spiritualité mystique et militaire de l’Ordre de la Toison d’Or. Et son héritage doit nous conduire à vouloir réunir à nouveau ce faisceau de puissance et à ruiner ceux qui l’ont anéanti, par un esprit, des attitudes et des politiques anti-traditionnelles. Pour nous, il s’agit d’abord de restaurer les anciens Pays-Bas dans leur intégralité territoriale, avec les comtés et duchés voisins et alliés, tels la Lorraine, l’Alsace, la Franche-Comté, la Bresse, la Savoie et la Provence. Ce n’est pas une utopie : il suffit de le vouloir, d’avoir la patience et le sens de la durée ; il suffit d’agir comme si les entorses et les blessures faites au bel ensemble impérial lotharingien (au sens maximal de la Lotharingie de 843) et espagnol avaient toujours été nulles et non avenues. Imitons les Irlandais : affirmer haut et clair l’existence de ce que l’on veut qui soit. Et cela adviendra. La survie de l’Europe en dépend : ou bien l’Empire avec ses alliés bourguignons et espagnols redevient le modèle à suivre et offre au continent un esprit de continuité ou bien le processus de déliquescence, de désordre, d’éparpillement se poursuivra jusqu’à la mort spirituelle et physique de nos peuples.00:30 Publié dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
Les souverainistes ont-ils vraiment lu Maurras?
Maurras père putatif des souverainistes.
Mais l'ont-ils seulement lu?
Le début du processus de ratification par voie parlementaire du traité de Lisbonne a commencé ces 15 et 16 septembre à l'Assemblée nationale. Ne doutons pas que les groupes souverainistes de droite et de gauche vont chercher, ils en ont déjà commencé la démarche, à développer une agitation sur le thème du recours référendaire croyant possible de renouveler le rejet de 2005 si largement occasionné par l'impopularité et les maladresses de Chirac.
Indépendamment de toute évaluation du rapport de force entre cette campagne et le pouvoir d'État, – lequel ne saurait se soustraire aux obligations européennes qu'il a souscrites, et largement annoncées lors de la campagne présidentielle de 2007, – il nous paraît intéressant d'évoquer la logique ultime, la doctrine sous-jacente des actuels souverainistes.
Contrairement à ce que l'on entend si souvent il peut difficilement être invoqué une filiation gaullienne. C'est le général De Gaulle qui, à partir de 1958, a joué le rôle décisif dans la ratification et la mise en œuvre du traité de Rome, et dans son évolution vers le concept de "construction européenne" dont tout découle. C'est son successeur immédiat et son collaborateur le plus fidèle Georges Pompidou qui a accepté, et fait avaliser par voie référendaire en 1971 l'entrée de la Grande Bretagne dans cette Europe en gestation. Ne parlons même pas du traité de 1963 associant la Turquie à l'union douanière dont, 30 ans plus tard, sous l'impulsion de M. Alain Juppé elle a été acceptée en tant que membre à part entière.
Ainsi donc le souverainisme d'aujourd'hui, en tant que courant de rejet de ce que ses sympathisants appellent "l'Europe de Jean Monnet", ne saurait se réclamer du gaullisme d'hier.
Il existe sans doute un souverainisme de gauche : il prend racine sans difficulté dans la filiation qui mène du jacobinisme de 1793 au parti communiste français tel qu'il fut relooké et rebaptisé après la liquidation formelle du Kominterm par Staline en 1943.
Nous pensons qu'un très petit nombre de nos lecteurs seaient éventuellement amenés à se poser des questions quant à la pertinence de ce dévoiement du patriotisme.
En revanche on peut s'interroger quant à la parenté possible du souverainisme et du maurrassisme.
Tel est donc mon propos du jour.
D'abord, reconnaissons que beaucoup de choses nous séparent de Maurras.
En relisant son Dictionnaire politique et Critique édité en 1932, nous mesurons à quel point certaines de ses ambiguïtés comme de ses imprécations sont devenues hors d'âge voire odieuses quand il s'en prend aux prétendus Quatre états confédérés. Inutile d'épiloguer : sur son antisémitisme nous nous permettrons quand même de rappeler que Marx et son compère Engels ont écrit encore pire.
Reste que l'ombre de Maurras plane encore, en bien comme en mal, sur la pensée politique française.
1° En négatif, n'hésitons pas à souligner son inculture économique absolue.
Quand en 1926 par exemple au plus fort du cartel des gauches "plusieurs milliers de commerçants et d'industriels réunis salle Wagram avaient émis le vœu que le parlement soit privé de tout pouvoir financier" (1), à cette préoccupation légitime dans son contexte de fiscalisme grandissant, ambiguë par sa formulation, Maurras répond doctement, par des considérations historico-littéraires.
Et il conclue par cette proposition inouïe : "le transfert du pouvoir financier d'une Chambre souveraine aux états particuliers, et le cas échéant aux États Généraux est devenue l'idée qui flotte dans l'air". On se rapproche ainsi de ce qui s'appellait déjà, depuis 1922, la Synarchie, drapée dans les plis de la corporation, ou plutôt dans l'illusion d'un ordre corporatiste, autre idée surannée. Mais Maurras et l'Action française trouvent cela très bien.
Il poursuit donc "la logique de la Nature, plus forte, plus vive et plus pénétrante que celle de l'Esprit, est en train de la fortifier, de la propager, de l'accréditer" [permettez-moi de trouver la phrase aussi belle que l'idée me semble fausse, et profondément païenne]. Et Maurras conclut : "elle l'imposera".
Myopie historique évidente ! L'idée dangereuse qui se fait jour au cours des années 1920, dans divers pays européens, et qui durera une dizaine d'années, avant de dégénérer, tendait alors à ce qu'on appelait la dictature du ministère des Finances. Avec sa dérivation corporatiste et antiparlementaire la droite française va se fourvoyer dans ce sens.
On n'accablera pas non plus l'absence de sensibilité musicale d'un auteur dont la "Musique intérieure" reste malheureusement paralysée par sa surdité – dont il décrira lui-même non sans esprit "la tragi-comédie". Hélas cette infirmité l'empêchera de comprendre quoi que ce soit à l'Allemagne, en laquelle il ne veut voir que la terre des "nuées philosophiques".
2° En bien, au contraire, on reconnaîtra à cet héritage la volonté d'une nécessaire rupture avec le jacobinisme.
Une première curiosité toutefois : la place finalement petite et tardive (l'Action française est née en 1899) de l'analyse du fait révolutionnaire. Car contrairement à tous les auteurs monarchistes du XIXe siècle, de toutes nuances, contrairement à un Hippolyte Taine qui consacre la deuxième partie de ses "Origines de la France contemporaine" à la "Conquête jacobine", contrairement au magistral Charles Freppel, Maurras n'a pas écrit véritablement de critique générale ou d'étude systématique de la Révolution française.
L'intéressant volume intitulé "Réflexions sur la révolution de 1789" ne date que de 1948, c'est-à-dire, de la fin de sa vie, certes consacrée à la lutte contre les idées révolutionnaires, mais tout cela ne constitue qu'un recueil de textes disparates. Cette compilation d'articles épars se révèle parfois éclairante, consacrés à Jean-Jacques Rousseau, à la démocratie en général, etc… Mais les périodes si contradictoires de la Constituante, de la Législative, des diverses phases de la Convention, du Directoire, du Consulat et de l'Empire ne semblent guère le préoccuper.
Pour lui comme pour Clemenceau "la Révolution est un bloc".
En 1932 lorsque paraît l'immense Dictionnaire politique et critique aucun article ne répond à la question du jacobinisme. À la lettre "J" on trouvera en revanche un article instructif consacré à l'inoubliable Janicot Gustave, etc…
Ce sont ses deux principaux disciples Léon Daudet d'une part avec "Deux idoles sanguinaires. La Révolution et son fils naturel Bonaparte" publié en 1939 et Jacques Bainville avec son magistral "Napoléon" en 1931 qui nous fournissent les meilleurs éclairages sur le sujet.
3° Au total, cependant, cet héritage contrasté ne saurait se voir en aucun cas assimilé ou annexé à ce qu'on appelle aujourd'hui le souverainisme qui n'exprime jamais que la synthèse dégénérée des filiations jacobines et bonapartistes, en aucun cas la continuation du félibre de Martigues et du Chemin de Paradis.
En 1900 Maurras reconnaît admirablement, selon moi:
"Je ne sais pas du tout en quoi réside la souveraineté, ni si elle réside en quelques-uns.
"Les lois de l'Univers sont seules souveraines et quand aux "droits du peuple", "droits imprescriptibles et inaliénables", cette mythologie très pure ne me dit rien". (2)
En 1912 Maurras écrit :
"Ni implicitement, ni explicitement nous n'acceptons le principe de la souveraineté nationale". (3)
N'oublions quand même pas que ce "nationaliste", mot totalement dénaturé de nos jours, distingue très fortement sa pensée de celle de Déroulède et de sa Ligue des patriotes. Sous sa plume le terme"nationaliste" a donc un sens précis, fort différent de celui auquel s'attendent les lecteurs actuels. Rappelons que jusqu'à son dernier souffle, celui qui disait "Je suis de Martigues, je suis de Provence, je suis de France, je suis Romain, je suis humain" appartenait au Félibrige, association des poètes de langue provençale, généreusement étendue aux Occitans, et c'est en langue provençale rhodanienne qu'il publia depuis sa prison son Breu de Memori (5) pour répondre devant cette académie poétique et régionaliste illustrée par Mistral et Roumanille de sa politique pendant l'occupation.
Il y a dans Maurras un sens des libertés beaucoup plus aigu que ne le laissent deviner ses disciples. Il y a dans Maurras un sens particulièrement élevé des liens culturels que la France peut entretenir avec l'Italie, l'Espagne, la Roumanie, le Portugal et certains pays d'Amérique latine, et bien entendu avec la Grèce. Aucun Grec bien né ne saurait l'ignorer. Et je ne passe jamais par Athènes sans rendre une petite visite à la statue de son disciple et ami Jean Moréas dans le petit paradis ombragé du Jardin national.
Ce qui demeurera vivant de cette pensée se situe donc aux antipodes du chauvinisme, imbécillité exaltée par la gauche au XIXe siècle, reprise on ne sait pourquoi par la droite, et depuis quelques années sous l'étiquette, putride à force d'ambiguïté de "souverainisme".
JG Malliarakis (http://www.insolent.fr/2008/01/maurras-pre-put.html )
Notes
- cf. L'Action française 1er.3.1926
- cf. Le Soleil 20.5.1900.
- cf. L'Action française 10.6.1912
- (Abrégé d'un Mémoire) "par Carle Maurras, ancien majourau dou felibrige, ancian membre de l'académi franceso, coundana de la cour d'injustici de Lioun".
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dimanche, 24 février 2008
Sur Gustave Ratzenhofer (1842-1904)
Robert STEUCKERS :
Sur Gustave RATZENHOFER (1842-1904)
Né à Vienne le 4 juillet 1842, le sociologue et Maréchal des armées impériales autrichiennes Gustav Ratzenhofer fut l'exemple même du self-made-man. Fils d'horloger, orphelin très tôt, Ratzenhofer devient cadet dès l'âge de seize ans, en 1859. Sa volonté, son entêtement opiniâtre, ont triomphé des barrières sociales strictement hiérarchisées de l'Autriche-Hongrie du XIXième. L'œuvre de Ratzenhofer est un reflet de cette lutte constante qu'il mène, lui, le fils d'horloger, pour s'imposer aux aristocrates de l'état-major et de la bonne société viennoise. Il gravira tous les échelons de la hiérarchie militaire et terminera sa carrière comme président du tribunal militaire suprême de Vienne en 1898 et comme Feldmarschall-Leutnant en 1901, année de sa retraite. Les idées et les notions sociologiques défilent dans ses livres comme des troupes à la parade et s'imposent au lecteur comme les ordres indiscutables d'un commandeur à ses troupes. Sa philosophie politique et sa sociologie font irruption dans l'histoire des idées comme un retour du romantisme politique de Fichte et de Schelling, mais sous les auspices d'une autre méthode, en l'occurrence la méthode biologique, en vogue depuis l'émergence des écoles darwiniennes. Chez Ratzenhofer, en effet, la méthode dialectique fait place à la méthode biologique.
Après avoir entamé une carrière d'écrivain militaire, Ratzenhofer se tourne vers la sociologie et la philosophie politique, armé des théories positivistes de Comte, Mill et Spencer et des idées de Ludwig Gumplowicz sur la lutte des races. Son premier ouvrage, Wesen und Zweck der Politik, als Teil der Soziologie und Grundlage der Staatswissenschaften (Essence et but de la politique en tant qu'élément de la sociologie et assise des sciences politiques), paru en trois volumes à Leipzig en 1893, est d'inspiration résolument comtienne, à la différence que, pour Comte, la philosophie positive débouche sur la sociologie, tandis que la Weltanschauung de Ratzenhofer, elle, se base sur la sociologie. Partant de la formule héraclitéenne polemos pathr pantwn, Ratzenhofer déduit que l'inimitié absolue est la force motrice primordiale de la politique. L'histoire humaine n'est pas seulement un cas spécial de l'histoire naturelle générale. L'homme est un élément de la nature globale: il n'est donc pas seulement soumis aux lois générales de la nature dans ses mécanismes et ses chimismes mais aussi dans son vécu intérieur, dans son psychisme.
Autre perspective développée par l'œuvre politique et sociologique de Ratzenhofer: l'évolution des divers types d'associations humaines. Une évolution réduite, par la méthode biologisante de Ratzenhofer, aux dimensions physiques, chimiques et biologiques des pulsions de l'âme humaine. Deux pulsions principales animent les hommes, les poussent à l'action: l'auto-conservation, soit la concurrence entre les sociétés pour les denrées alimentaires (Brotneid), et le sexe, pierre angulaire des liens de consanguinité (Blutliebe). Dans le monde des hordes primitives, le conflit, la règle de l'hostilité absolue, sont l'essence des relations entre les hordes. A l'intérieur d'une horde particulière, l'hostilité absolue est tempérée par les liens de consanguinité. L'Etat survient quand il y a conquête d'un territoire et de sa population par une ethnie forte: les vaincus sont réduits en esclavage et contraints d'exécuter les travaux de la sphère économique. La multiplication des contacts entre sociétés, favorisée par le commerce, atténue la rigueur des ordres sociaux nés des conquêtes violentes: c'est la civilisation.
Essence et objectif de la politique en tant que partie de la sociologie et fondement des sciences de l'Etat
Wesen und Zweck der Politik, als Theil der Sociologie und Grundlage der Staatswissenschaften, 3 vol., 1893
Cet ouvrage en trois volumes débute par une définition des fondements sociologiques de la politique. Les rassemblements humains commencent au niveau de la horde; ensuite, vient le stade la communauté, fermée sur le monde extérieur mais où l'on repère déjà les gentes et les clivages entre dominants et dominés. Le stade suivant est celui de l'Etat, porté par le peuple (Volk), ouvert par nécessité sur le monde —et par nécessité seulement— et organisé par un gouvernement, expression de la personnalité sociale. Le stade ultime, venant immédiatement après celui de l'Etat, est le stade du Kulturkreis, de l'aire culturelle, laquelle est hypercomplexifiée et présente des ramifications sociales multiples. La lutte sociale est le produit du contact entre la société et les éléments qui lui sont étrangers. La vie sociale conduit à une différenciation continue des individualités sociales.
D'où Ratzenhofer déduit les lois essentielles de la sociologie: les sociétés politiques structurées tempèrent la lutte sociale mais cette temporisation n'est pas éternelle; les structures temporisatrices finissent pas s'essouffler et pas se révéler caduques. Elles doivent alors faire place à de nouvelles structures, mieux adaptées aux nécessités que la société doit affronter. Ensuite, Ratzenhofer constate que les Etats en phase de croissance cherchent l'adéquation de leurs institutions politiques avec les exigences de la société qu'ils policent. Les Etats en déclin sont ceux qui subissent le choc d'éléments culturels nouveaux, c'est-à-dire les Etats dont les structures sont progressivement disloquées par le choc de l'innovation et doivent céder le terrain à de nouvelles individualités politiques, mieux adaptées aux nécessités. Toutes les expressions de la vie sociale doivent conduire à des actes politiques. De ce fait, la sphère politique peut et doit tirer profit des développements de la science sociologique. Une bonne connaissance des rythmes et des diversités de la société conduit les serviteurs de l'Etat à adapter et à moderniser continuellement les structures politiques et à assurer de la sorte leur durée.
Ratzenhofer affirme ensuite que les lois de la société sont les mêmes que celles de la nature. Ainsi, le concept de politique équivaut à la Lebensklugheit, c'est-à-dire l'intelligence intuitive des lois de la vie qui perçoit sans détours les nécessités politiques et opère sans cesse un recours sans illusion à l'environnement naturel. Cette Lebensklugheit, ajoute Ratzenhofer, est le fait de l'homme libre, non de celui qui est contraint d'obéir pour survivre. L'égoïsme, dans la sphère du politique, est égoïsme collectif car l'homme politique véritable est celui qui est capable de mettre sa propre Lebensklugheit au service d'une instance collective, poussé par l'impératif éthique.
La célèbre loi de l'hostilité absolue, pierre angulaire du système sociologique de Ratzenhofer, nous révèle que les pulsions égoïstes, individuelles ou collectives, sont les moteurs des mouvements sociaux. Egoïsmes moteurs qui contredisent les théories eudémonistes du social car l'action politique, aux yeux de Ratzenhofer et de son inspirateur Ludwig Gumplowicz, n'est pas de dévoiler le sublime qu'il y a dans l'homme mais de mesurer très objectivement les forces, les dynamismes qui agissent dans le tissu social. Ces forces, ces pulsions sont la source de la puissance politique d'une nation. L'objectif du politique, c'est de les harmoniser et de les canaliser dans le sens de l'idée motrice, du mythe mobilisateur qui fait la personnalité politique de la nation. Il faut donc comprendre les pulsions des hommes, puis les classer selon qu'elles appartiennent à telle ou telle «personnalité politique». Faire de la politique, c'est mobiliser les pulsions et prévoir les conséquences d'une mobilisation circonstantielle de telle ou telle pulsion. L'énergie de la volonté donne son plein rendement aux pulsions politiques et les poussent vers la créativité.
L'objectif réel de toute lutte politique c'est l'acquisition d'espace. Pour Ratzenhofer comme pour Ratzel, le but des conflits politiques, c'est de conquérir de l'espace (Raumgewinn) ou d'acquérir des moyens pour mettre son espace propre en valeur (esclaves, avantages commerciaux, etc.). Ensuite, deuxième objectif du conflit: asservir d'autres hommes pour assouvir des besoins (le Dienstbarmachen).
Le droit en politique est facteur de puissance, comme l'a démontré, avant Ratzenhofer, Rudolf von Ihering. Dans cette optique, le droit acquis constitue le socle des pulsions politiques. Le droit en vigueur constitue l'assise sur laquelle se déroule la lutte politique. Il est contesté mais détermine les règles d'action des antagonistes tout en favorisant, en dernière instance, le pouvoir de ceux qui détiennent l'autorité.
Dans toutes les sociétés, on trouve des principes de progression et des principes de régression. Les forces ou les personnalités politiques jouent sur les deux types de principes pour avancer leurs pions à leur avantage. Les mouvements autonomistes visent la dissolution de certaines structures en place, tandis que les mouvements centralisateurs cherchent à renforcer et à simplifier la puissance politique en place. Ces idées-forces sont en fait des instruments manipulés par des personnalités organisées en corps (ou en corporations). De ce fait, la politique n'est rien d'autre qu'un effet des forces de la nature. Ratzenhofer définit ensuite l'essence de la politique sociale. La société est un tissu d'associations et d'organisations, basées sur les communautés de sang (les groupes de descendants d'un même ancêtre ou des mêmes ancêtres), les communautés locales, les nationalités, les communautés confessionnelles et les Stände (les états).
Cette hétérogénéité conduit à une multitude d'«opérations politico-sociales» contradictoires et antagonistes. Les communistes agissent et s'organisent sur base d'une pulsion humaine très ancienne: donner aux éléments sociaux dépourvus de propriétés et de droits un accès à la propriété et au droit. La noblesse n'a eu de fonction sociale que jusqu'au XIIIième siècle, où elle détenait les fonctions juridiques, exécutives et militaires. Après son rôle a été de moins en moins pertinent, jusqu'à l'inutilité complète; d'où l'aristocratisme militant est stérile, surtout en France. Le grand capital tente de s'emparer de tout le pouvoir. Les classes moyennes sont trop hétérogènes pour pouvoir s'organiser de façon cohérente. Les nationalités, les ethnies, forment des parentés de langue et de mœurs et trouve leur point culminant dans les mouvements pangermaniste, panromaniste et panslaviste. L'Eglise tente de s'emparer d'un maximum de pouvoir dans les Etats modernes. Les Juifs veulent conserver les droits qu'ils ont acquis depuis leur émancipation mais ne forment pas un bloc homogène: ils sont divisés, notamment, entre assimilés et orthodoxes. Le rôle de l'Etat, c'est de contrer les opérations socio-politiques menées par tous ces groupes.
Toute doctrine du politique procède d'une étude psycho-pathologique de l'homme, ce qui n'est pas toujours enthousiasmant. Conclusion: la civilisation consiste en un pouvoir croissant de la société sur les individus. Avec elle, le général triomphe du particulier. Toute éthique repose sur nos devoirs sociaux, sur la maîtrise de nos pulsions individuelles au profit d'un projet collectif. Toute éthique déduite de l'intériorité de l'individue, comme celle de Schopenhauer, est dépourvue de valeur sociale et néglige une dimension essentielle de notre existence. de l'intériorité de l'individualeur sociale et néglige la essentielle de notre existence, c'est-à-dire notre imbrication dans une collectivité. Le postulat kantien («agis toujours de façon à ce que la maxime de ta volonté puisse être en même temps le principe d'une loi générale») correspond pleinement à la volonté ratzenhoferienne d'imbriquer l'éthique dans les réflexes collectifs.
Wesen und Zweck der Politik nous explique également la différence entre civilisation et barbarie. La civilisation est un effet de la production de biens et de valeurs; elle est un développement culturel de l'humanité sous l'influence constante de la politique, qui crée et consomme forces et biens de façon équilibrée. La barbarie a pour caractéristique de consommer de façon effrénée, sans compenser par une production réparatrice. La barbarie est ainsi marquée par le déficit permanent, le gaspillage désordonné des forces. D'où, les objectifs pratiques de la politique «civilisante» sont 1) de limiter le principe d'hostilité absolue en circonscrivant la lutte politique au terrain du droit (but: la paix politique); 2) de favoriser l'égalité de tous devant le droit; 3) d'accorder la liberté par des lois, sous réserve que les individus se soumettent aux nécessités collectives; 4) d'accroître les sources de production de façon à assurer l'avenir de la collectivité; 5) de promouvoir le développement des sciences; 6) de promouvoir le développement des arts, afin de sublimer la nature et ses formes; 7) de laisser se déployer us et coutumes naturels; 8) de laisser se déployer la religiosité intérieure, laquelle exprime des aspects insaisissables de la nature); 9) de promouvoir l'hygiène afin d'allonger l'espérance de vie; 10) de favoriser une conscience éthique, de façon à ce que tous connaissent clairement leurs droits et leurs devoirs.
L'autorité libère les hommes du sort peu enviable que leur laisserait l'hostilité absolue et les pulsions brutes, non bridées. De ce fait, pour Ratzenhofer, l'autorité, c'est la liberté. La politique civilisante doit s'opposer à deux dangers: 1) l'orientalisme ou la barbarie centre-asiatique, contre laquelle la Russie s'érige en rempart. Malheureusement, pense Ratzenhofer, les offensives successives de l'Empire ottoman ont contribué à orientaliser le monde slave et partiellement la Russie; 2) le communisme, dû à la dislocation des structures d'organisations corporatives en France et à la mainmise progressive du grand capital. Le Culturkreis européen doit organiser les Balkans, de façon à les soustraire à l'influence orientale/ottomane. Mais l'hostilité entre les différents peuples européens empêche le progrès de la civilisation et l'organisation rationnelle des sociétés: la France, par exemple, refuse d'appliquer certaines sciences, sous prétexte qu'elles ont été élaborées en Allemagne.
L'essence de la civilisation, c'est d'être un produit du politique, de la lutte contre les égoïsmes spontanés des hommes pour faire triompher les objectifs collectifs. Tout progrès civilisateur dérive d'un succès politique ayant eu pour objet une tâche d'intérêt commun. La civilisation s'oppose à la pulsion négative de vouloir exercer à tout prix le pouvoir (Herrschzucht) et de soumettre la collectivité à ses intérêts propres (que ce soient ceux d'un chef, d'un parti, de confessions, de nationalités, etc.). La civilisation, par ailleurs, a le droit de s'opposer à la barbarie. Elle doit transformer les égoïsmes privés, individuels ou organisés, en forces bénéfiques pour la collectivité. Elle doit affiner les mœurs naturelles et les faire accéder au niveau éthique. La civilisation connait des rythmes sinusoïdaux ascendants et descendants. Les phases de haute conjoncture sont celles où l'hostilité absolue est bien bridée et où les communautés politiques croissent et s'épanouissent. Les phases de basse conjoncture sont celles où les communautés sont détruites et où les privilèges se multiplient, où les pulsions égoïstes refont surface, où les arts et les sciences dégénèrent et où l'économie se fonde sur l'exploitation de tous par tous.
En guise de conclusion, Ratzenhofer la politique en tant qu'élément de la sociologie et assise den gouvernement, expression d'une vitales/socialesse n'a eu d'utilité Par la suite, de langue et de mœurs et s'organisent, en ultime instance, catholiquects insaisissables de la natureen sur le fonctionnement de toutes les sociétésK(Herrschs prône un socialisme qui n'est pas celui des sociaux-démocrates (lequel est en fait un individualisme des masses déracinées) mais une force politique agissant sur les forces sociales qui développent la société et créent la civilisation. Les individualismes de toutes natures, privés ou collectifs, disloquent la société.
Ethique positive. Réalisation du devoir-être éthique
Positive Ethik. Verwirklichung des Sittlich-Seinsollenden, 1901
L'objet de cet ouvrage est d'ancrer le devoir-être éthique dans la pratique socio-politique. L'homme, explique Ratzenhofer, dispose d'atouts que n'ont pas les animaux: le langage, l'utilisation d'outils, la maîtrise du feu, la station verticale, etc. Ces atouts ont avantagé l'homme dans la concurrence qui l'oppose aux animaux. Ce qui a conduit à l'extermination d'espèces concurrentes. Au cours de leur expansion coloniale, les Anglais ont transposé cet état de choses dans les rapports inter-raciaux: ils ont exterminé les Tasmaniens, après avoir quasi éliminé les Indiens d'Amérique du Nord, les Aborigènes d'Australie et les Boshimans. Ce processus est en œuvre depuis longtemps, constate Ratzenhofer, en embrayant sur le discours racisant, propre à son époque: la disparition des primates anthropomorphes et des races dites primitives sont un seul et même mouvement qui aboutira au triomphe de l'«Aryen» qui s'opposera ensuite au Juif.
Cette élimination des espèces concurrentes provoque une distanciation toujours plus accentuée entre l'homme et le monde animal. Car l'homme ne tue pas seulement pour se nourrir immédiatement mais pour dominer la terre. Cette volonté de domination totale, Ratzenhofer la juge négative: elle est ce qu'il appelle l'individualisme. Cet individualisme, ce processus qui vise à s'individuer, est le plus intense chez l'homme; individuellement, l'homme a intérêt à se placer au-dessus de toutes les créatures qui vivent à ses côtés et à se considérer comme le point focal de tous les phénomènes. Et à agir en conséquence. Mais d'où vient cet individualisme délétère? Dans les conditions primitives, les hommes vivent une socialisation de niveau tribal, à l'instar des animaux vivant en groupes. La pulsion naturelle est alors de privilégier le collectif, l'utilité collective plutôt que la pulsion individuelle. La conscience naturelle, au départ, est collective, tant chez les hommes que chez les animaux. Elle est facteur d'ordre, de stabilité (exemple: les fourmis).
Cette pulsion primitive naturelle grégaire s'estompe chez les prédateurs: l'intérêt physiologique acquiert plus de poids que la pulsion grégaire (par exemple chez les félins), qui, elle, décline. Chez l'homme, les progrès de la culture ébranlent la conscience grégaire au profit des intérêts physiologiques individuels, ce qui conduit à l'égoïsme et au désir pathologique de dominer les autres. Comment s'amorce le processus individualisant chez l'homme préalablement grégarisé, vivant en horde? Des incitations extérieures de diverses natures font que les individualités douées s'aperçoivent qu'il y a moyen de bien vivre en dehors du cadre restreint de la horde primitive.
Ce processus, essentiellement favorisé par l'attrait du lointain, amorce le développement intellectuel et culturel de l'homme. Le circuit limité des réflexes grégaires, quasi animaux, est rompu. Dès lors, l'homme doué qui crée, provoque, suscite cette rupture offense l'intérêt social de sa communauté, qu'il négligera ou voudra dominer, afin de satisfaire ses aspirations à un «lointain» séduisant. Au stade grégaire, la volonté est quasi nulle; c'est le règne de l'indifférence et de la morale de l'utile (le «bon») et du nuisible (le «mal») à l'échelon de la horde. Quand s'amorce le processus d'individualisation, cette distinction entre le bien/l'utile et la mal/le nuisible se transpose au niveau de l'individu: est bon ce qui va dans le sens de ses aspirations non grégaires; est mauvais ce qui les contrarie. Or toute éthique doit être fondée sur des rapports sociaux concrets et non sur une vérité détachée des relations sociales.
Ratzenhofer observe de ce fait: 1) que l'éthique, au stade de la horde, n'est pas un besoin ressenti; 2) que les individualités émergentes entrent en conflit avec les lois implicites de la horde; 3) que les expériences collectives positives de l'histoire démontrent l'existence d'une éthique de l'utilité collective; l'éthique, quasi inexistante au stade grégaire pur, éclot comme un avertissement permanent de revenir au souci de la collectivité. Tel est le Seinsollende (le devoir-être): une barrière morale nécessaire pour éviter la dislocation puis la disparition et des individualités fortes et des espèces (Gattungen). La culture est constituée de l'ensemble des volontés d'élargir l'horizon, limité au départ à celui de la horde. La Sittlichkeit, la moralité, est la pratique du devoir-être qui ramène sans cesse les esprits à l'intérêt collectif. La conjonction de la Sittlichkeit et de la culture donne la civilisation, dans laquelle sont unis les lois naturelles, l'épanouissement culturel de l'homme et l'éthique du devoir-être. Dans les rythmes sinusoïdaux de la civilisation, le devoir-être est présent dans les phases ascendantes; dans les phases descendantes, au contraire, son impact est de moins en moins évident.
La philosophie morale de Ratzenhofer, qu'il appelle «éthique positive», repose sur une dialectique entre l'individualisation et l'éthique. Le propre des races supérieures, c'est de réussir à faire triompher l'éthique de l'intérêt social qui se déploie sous divers oripeaux: militaire, religieux, scientifique.
Pour Ratzenhofer, il n'y a plus de peuples plongés dans la grégarité originelle. Tous subissent, à un degré ou à un autre, le processus d'individualisation. Si le processus d'individualisation culturante est freiné par des circonstances d'ordre spatial, ou intellectuel ou transcandental, il se mue en un processus vicié d'individualisation égoïste, sans que l'impératif éthique ne puisse agir en tant que correctif. Ces sociétés demeurent alors prisonnières de leurs égoïsmes jusqu'au moment où un puissant agent extérieur provoque l'éclosion d'un processus d'«éthicisation». Certains peuples déploient leurs énergies dans le monde grâce aux efforts de personnalités égoïstes et conquérantes. Celles-ci peuvent basculer soit dans la civilisation soit dans la barbarie. Le mélange racial peut être un facteur dynamisant ou un facteur de déliquescence (comme en Autriche où se mêlent toutes les races européennes, affirme Ratzenhofer). En Grande-Bretagne, les éléments du mixage racial étaient proches les uns des autres (Angles, Saxonx, Scandinaves - Ratzenhofer omet de mentionner l'élément celtique, pourtant très différent) et l'insularité a provoqué une endogamie positive, prélude à l'éclosion d'un profil éthico-politique bien distinct.
La civilisation, ajoute Ratzenhofer, signifie une lutte constante pour imposer un devoir-être éthique conforme à une race donnée (artgemäß). Le processus de civilisation passe par une promotion des connaissances scientifiques, de la religiosité intérieure, en tant que propension à satisfaire les impératifs collectifs (que ceux-ci dérivent de confession ou de la philosophie moderne moniste), par un développement des corpus juridiques, dont l'effort est civilisateur parce qu'il régule des rapports conflictuels d'ordre politique ou économique. Le processus de civilisation passe enfin par une élimination des inégalités en matières de droit et de propriété, par l'élévation spirituelle, intellectuelle, morale et physique de la race. La civilisation, ajoute Ratzenhofer, aide les meilleurs à détenir l'autorité.
Le développement de l'intellect favorise l'«éthicisation» avec l'appui des institutions de l'Etat. Le déploiement de l'éthique ne tue pas l'individualité collective, l'individualité du peuple, mais la renforce dans la lutte générale qu'est la vie.
Enfin, l'«éthique positive», que préconise Ratzenhofer, n'est pas celle, égoïste, de Nietzsche, qui dissocie l'individu de son peuple. Elle n'est pas non plus celle de Marx, dont le socialisme est «individualisme des masses» et favorise l'«animalité qui gît dans les masses». Elle n'est pas celle du christianisme qui transforme le peuple, personnalité politique, en «un troupeau de faibles». Le processus d'individualisation doit viser le bien commun. Si tel est le cas, nous avons affaire, dit Ratzenhofer, à un positivisme moniste, où les héros éthiques rendent les masses nobles. Les peuples qui vivent ce positivisme moniste sont sûrs de triompher dans la compétition générale entre les peuples du monde.
Parti aux Etats-Unis pour une tournée de conférences, il meurt sur le navire qui le ramène en Europe, le 8 octobre 1904.
- Bibliographie:
A. Ecrits militaires: «Die taktischen Lehren des Krieges 1870-1871» in Streffleurs Österreichische Militärische Zeitschrift, 1872; Unsere Heeresverhältnisse, 1873 (anonyme); Die praktische Übungen der Infanterie und Jägertruppe, 1875, 2ième éd., 1885; Zur Reduktion der kontinentalen Heere, 1875; Feldzüge des Prinzen Eugen, Bd. IV (le quatrième volume de cet ouvrage collectif édité par l'état-major général des armées royales et impériales autrichiennes est entièrement dû à la plume de Ratzenhofer), 1879; Im Donaureich (sous le pseudonyme de Gustav Renehr), vol. I («Zeitgeist und Politik»), 1877, vol. II («Kultur»), 1878; Die Staatswehr. Untersuchung der öffentlichen Militärangelegenheiten, 1881; Truppenführung im Karst Serajewo, 1888; de 1874 à 1901, Ratzenhofer publie plus d'une trentaine d'articles à thèmes militaires dans le Streffleurs Österreichische Militärische Zeitschrift et l'Organ der militärwissenschaftlichen Vereine.
B: Ouvrages sociologiques et philosophiques: Wesen und Zweck der Politik, 3 vol., Leipzig, Brockhaus, 1893; Soziologische Erkenntnis, ebenda, 1898; Der positive Monismus, ebenda, 1899; Positive Ethik, 1901; Kritik des Intellekts, 1902; à partir de 1900, Ratzenhofer publie de nombreux articles dans les revues viennoises Die Wage, N.Fr. Presse, Politische-anthropologische Revue (cette dernière étant éditée par Woltmann); Die Probleme der Soziologie, discours prononcé à Saint Louis (USA) en septembre 1904; éd. américaine: «The Problems of Sociology», in Vol. 5, pp. 815-824, International Congress of Arts and Science, St. Louis, 1904, édité par Howard J. Rogers, Boston. Le même texte paraît dans American Journal of Sociology, Vol. 10, pp. 177-188; quelques-uns des nombreux manuscrits laissés à sa mort ont été publiés sous le titre de Soziologie: Positive Lehre von den menschlichen Wechselbeziehungen, Leipzig, Brockhaus, 1907.
- Sur Ratzenhofer:
Ludwig Stein, «Gustav Ratzenhofer» in Anton Bettelheim (Hrsg.), Biographisches Jahrbuch und Deutscher Nekrolog, IX. Band, 1904, Berlin, Duncker & Humblot, 1906; Otto Gramzow, Gustav Ratzenhofer und seine Philosophie, Berlin, Schildberger, 1904; Albion W. Small, General Sociology: An Exposition of the Main Development in Sociological Theory from Spencer to Ratzenhofer, University of Chicago Press, 1905; Albion W. Small, «Ratzenhofer's Sociology», American Journal of Sociology, vol. 13, pp. 433-438; Floyd N. House, «Gustav Ratzenhofer», in David L. Sills (ed.), International Encyclopedia of the Social Sciences, vol. 13, The Macmillan Company & The Free Press, 1968.
(Robert Steuckers).
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samedi, 23 février 2008
Quelques fleurs pour Knut Hamsun...
Quelques fleurs pour Knut Hamsun…
Dans son livre richement documenté : “Ecology in the 20th Century. A History”, 1989, (épuisé, non réédité), Anna Bramwell a consacré un large paragraphe à Knut Hamsun. Elle en parle dans le contexte des écrivains qui ont participé fin 19ième et début 20ième siècle à la création d’une Idéologie Ecologique (E. M. Forster, D. H. Lawrence, mais surtout Richard Jefferies, Henry Williamson et Knut Hamsun). De ce paragraphe intitulé “And Life can be Wastefull” (”Et la nature peut se révéler prodigue”) voici quelques citations (autotrad.) :
« Knut Hamsun naquit dans une famille de paysans norvégiens en 1859 et mourut en 1952 à Nörholm en Norvège. On lui décerna le prix Nobel (1920) comme nouvelliste. Ses livres furent exceptionnellement populaires en Allemagne et furent traduits dans toutes les langues majeures. … De sa nouvelle de l’habitat paysan, Growth of the Soil*, Thomas Mann écrivait en admirateur :
“Un ouvrage splendide, bien que totalement apolitique, en contact profond avec toutes les aspirations actuelles : glorification du fermier solitaire, de l’autonomie rustique, aversion pour la ville, l’industrie, le commerce; jugement ironique sur l’état – tout cela est du communisme poétiquement conçu ; ou mieux; de l’anarchisme humainement poétisé … plein de simplicité, de bonté, de santé, d’humanité … assurément l’esprit du futur.”…
Hamsun a même été comparé à Homère. Mais en 1945, déclaré traître à la patrie et dément, il fut incarcéré dans une clinique psychiatrique. Âgé de près de 90 ans, il publia un récit de son parcours, pour justifier son action et prouver qu’il n’était pas fou.… (”Sur les sentiers où l’herbe repousse”). …
En 1911, Hamsun – comme Williamson l’avait fait en 1935 – acheta une ferme dans un endroit reculé de la montagne norvégienne, et, comme lui, il se sentait concerné par des problèmes de fertilité/fécondité du sol et par les relations entre la culture, l’homme et la glèbe. En 1913 et 1915, il publia ses premiers livres étendus à des sujets plus vastes. Dans deux ouvrages, il disséqua le processus de la désintégration et la dégénérescence de toute une communauté : “Enfants de leur temps” et “La ville de Segelflos” brossaient le portrait d’un village norvégien transformé en centre industriel prospère par la réussite d’un émigrant, M. Holmengrâ. Holmengrâ racheta les propriétés familiales du village et créa des usines et un centre commercial. Les villageois oublièrent leur propre savoir-faire, et se laissèrent corrompre par des Ersatz, comme la margarine, des chaussures achetées et des friperies diverses. Contrairement aux socialistes réalistes, comme Zola, ou même Dickens, la critique de Hamsun de la décadence spirituelle apportée par la croissance industrielle est un criticisme intégral, qui ne se focalise pas sur les problèmes spécifiques, mais sur ce qu’il considère une qualité d’aliénation inhérente au marché. Cette qualité absolutiste est une autre caractéristique du penseur écologiste. …
Mais Hamsun avait développé ses idées bien avant la première guerre mondiale. Sa sympathie pour les anarchistes condamnés à mort à Chicago en 1889 Hamsun l’avait exprimée, comme le fit son soutien ultérieur au populisme russe. Qu’il ait également soutenu Hitler, il est probable que ce fut à cause de son aversion pour l’Angleterre et son opposition au libre marché. La désapprobation de Hamsun pour l’éthique affairiste (business ethic) concernait l’Angleterre, qu’il décrivait comme source du libre marché Protestant ennemi de toutes valeurs : les ‘Juifs Protestants’. …
En fait, l’assimilation faite entre Hamsun et le nazisme est due plus vraisemblablement à l’influence que sa propre idéologie paysanne avait exercée sur le nazisme rural plutôt qu’à l’influence du nazisme sur Hamsun. Non seulement les premiers idéologues, mais les troupes allemandes sur le Front de l’Est ont acheté ses livres par centaines de milliers. Les condamnés de Nuremberg, Jodl, Kaltenbrunner et Streicher ont souhaité avant leur exécution lire et ont lu Hamsun. …
L’épouse de Hamsun, qui avait quitté son métier d’actrice, est partie durant la deuxième guerre mondiale en tournée de lecture des oeuvres de son mari, tournée organisée par la Société Nordique (Nordische Gesellschaft ?), fondée à Lubeck en 1921 et patronnée par Walther Darré et par Alfred Rosenberg. En Allemagne, devant une audience attentive, elle lisait des extraits des oeuvres de Hamsun … . Devant une salle comble de soldats attentifs et silencieux, elle devait lire l’introduction de “Growth of the Soil”, le roman qui décrivait en langage précis mais biblique la vie du paysan en quête de terres nouvelles à cultiver, et l’arrivée d’une femme :
“L’homme est venu, marchant vers le Nord … Il est fort et mince, arbore une barbe rousse … peut-être est-ce un ancien prisonnier … peut-être est-ce un philosophe, à la recherche de la paix; en tout cas il est là, un vagabond dans cette immense solitude … ”
“Le matin elle s’était arrêtée, et elle ne partit pas de la journée. Elle se rendait utile, trayait les chèvres et frottait le fourneau avec du sable fin. Et elle ne repartit plus. Elle s’appelait Inger. Lui, on l’appelait Isak.” »
D’ailleurs parmi l’évocation des rares penseurs qui, dans le domaine écologique, ont pensé différemment sans qu’on puisse les suspecter de connivences avec le nazisme, il y avait le pasteur Oberlin. Je suis personnellement convaincu que la rage avec laquelle toute allusion à un modèle nazi a été anéantie sans réflexion, aura été la cause du retard d’un demi-siècle irrattrapable de la réflexion écologiste.
Martin Heidegger avait également manifesté son empathie pour Hamsun, en particulier dans son “Introduction à la métaphysique” cit. de l’éd. Gallimard 1967, traduite par Gilbert Kahn, p.38.
« Le véritable parler ayant trait au néant reste toujours inhabituel. Il est rebelle à toute vulgarisation. …
Citons ici un passage d’une des dernières œuvres de Knut Hamsun, “Au bout d’un an et un jour” … (qui) nous montre les dernières années et la fin de cet Auguste, en qui s’incarne l’universel savoir-faire déraciné de l’homme d’aujourd’hui, sous forme d’ailleurs d’une existence qui ne peut pas perdre son lien avec l’inhabituel, parce que, dans son impuissance désespérée, elle reste authentique et souveraine. Auguste passe ses derniers jours solitaire dans la haute montagne. L’auteur dit : “Il y est assis au milieu de ses deux oreilles et entend le vide véritable. Extrêmement drôle, une fantasmagorie. Sur la mer (il a souvent été à la mer autrefois) remuait (tout de même) quelque chose, et il y avait là-bas une rumeur, quelque chose d’audible, un chœur des eaux. Ici — le néant rencontre le néant et n’est pas là, n’est pas même un trou. Il ne reste qu’à secouer la tête avec résignation.” »
* Traduit en français sous divers titres : “L’éveil de la glèbe”, “Les fruits de la Terre”, …
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vendredi, 22 février 2008
Traité de Turkmanchay
22 février 1828 : Signature du Traité de Turkmanchay qui met fin à la guerre entre la Russie et la Perse (1826-1828). Sur le plan territorial, la Russie libère ainsi l’Arménie (région d’Erivan) et le Nakhitchevan, occupés par les Perses. Le traité contient essentiellement des clauses commerciales, favorisant les marchands russes (de même que tous les autres Européens) et réduisant le droit des Perses à lever des taxes douanières sur les produits venant de Russie. Ce Traité consacre une réelle avancée de la Russie en direction du Golfe Persique et de l’Océan Indien.
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Robin George Collingwood
Le philosophe a dès lors pour tâche première de se replonger dans les événements des époques où ont émergé les idées, afin de bien saisir les dynamiques à l’œuvre dans les cultures et les civilisations. C’est par conséquent par une empathie de ce type que l’on peut dépasser les approches trop intellectualistes de l’histoire. Aujourd’hui, toute relecture de Collingwood —que l’on effectuera peut-être en parallèle avec la relecture récente de Merleau-Ponty par Myriam Revault d’Allones— implique une critique des poncifs a-historiques qu’assènent les médias et les propagandes, qui visent à distraire les Européens actuels des véritables enjeux géopolitiques de la planète —la géopolitique en général étant, elle aussi, une investigation empathique de l’histoire et, plus précisément, de l’histoire de la conquête et de la maîtrise des espaces terrestres (Robert Steuckers).
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Introduction à l'oeuvre de L. F. Clauss
Robert Steuckers:
Introduction à l'œuvre de Ludwig Ferdinand CLAUSS (1892-1974)
Né le 8 février 1892 à Offenburg dans la région du Taunus, l'anthropologue Ludwig Ferdinand Clauss est rapidement devenu l'un des raciologues et des islamologues les plus réputés de l'entre-deux-guerres, cumulant dans son œuvre une approche spirituelle et caractérielle des diverses composantes raciales de la population européenne, d'une part, et une étude approfondie de la psyché bédouine, après de longs séjours au sein des tribus de la Transjordanie. L'originalité de sa méthode d'investigation raciologique a été de renoncer à tous les zoologismes des théories raciales conventionnelles, nées dans la foulée du darwinisme, où l'homme est simplement un animal plus évolué que les autres. Clauss renonce aux comparaisons trop faciles entre l'homme et l'animal et focalise ses recherches sur les expressions du visage et du corps qui sont spécifiquement humaines ainsi que sur l'âme et le caractère.
Il exploite donc les différents aspects de la phénoménologie pour élaborer une raciologie psychologisante (ou une «psycho-raciologie») qui conduit à comprendre l'autre sans jamais le haïr. Dans une telle optique, admettre la différence, insurmontable et incontournable, de l'Autre, c'est accepter la pluralité des données humaines, la variété des façons d'être-homme, et refuser toute logique d'homologation et de centralisation coercitive.
Ludwig Ferdinand Clauss était un disciple du grand philosophe et phénoménologue Edmund Husserl. Il a également été influencé par Ewald Banse (1883-1953), un géographe qui avait étudié avant lui les impacts du paysage sur la psychologie, de l'écologie sur le mental. Ses théories cadraient mal avec celles, biologisantes, du national-socialisme. Les adversaires de Clauss considéraient qu'il réhabilitait le dualisme corps/âme, cher aux doctrines religieuses chrétiennes, parce que, contrairement aux darwiniens stricto sensu, il considérait que les dimensions psychiques et spirituelles de l'homme appartenaient à un niveau différent de celui de leurs caractéristiques corporelles, somatiques et biologiques. Clauss, en effet, démontrait que les corps, donc les traits raciaux, étaient le mode et le terrain d'expression d'une réalité spirituelle/psychique. En dernière instance, ce sont donc l'esprit (Geist) et l'âme (Seele) qui donnent forme au corps et sont primordiaux. D'après les théories post-phénoménologiques de Clauss, une race qui nous est étrangère, différente, doit être évaluée, non pas au départ de son extériorité corporelle, de ses traits raciaux somatiques, mais de son intériorité psychique. L'anthropologue doit dès lors vivre dans l'environnement naturel et immédiat de la race qu'il étudie. Raison pour laquelle Clauss, influencé par l'air du temps en Allemagne, commence par étudier l'élément nordique de la population allemande dans son propre biotope, constatant que cette composante ethnique germano-scandinave est une “race tendue vers l'action” concrète, avec un élan froid et un souci des résultats tangibles. Le milieu géographique premier de la race nordique est la Forêt (hercynienne), qui recouvrait l'Europe centrale dans la proto-histoire.
La Grande Forêt hercynienne a marqué les Européens de souche nordique comme le désert a marqué les Arabes et les Bédouins. La trace littéraire la plus significative qui atteste de cette nostalgie de la Forêt primordiale chez les Germains se trouve dans le premier livre évoquant le récit de l'Evangile en langue germanique, rédigé sous l'ordre de Louis le Pieux. Cet ouvrage, intitulé le Heliand (= Le Sauveur), conte, sur un mode épique très prisé des Germains de l'antiquité tardive et du haut moyen âge, les épisodes de la vie de Jésus, qui y a non pas les traits d'un prophète proche-oriental mais ceux d'un sage itinérant doté de qualités guerrières et d'un charisme lumineux, capable d'entraîner dans son sillage une phalange de disciples solides et vigoureux. Pour traduire les passages relatifs à la retraite de quarante jours que fit Jésus dans le désert, le traducteur du haut moyen âge ne parle pas du désert en utilisant un vocable germanique qui traduirait et désignerait une vaste étendue de sable et de roches, désolée et infertile, sans végétation ni ombre. Il écrit sinweldi, ce qui signifie la «forêt sans fin», touffue et impénétrable, couverte d'une grande variété d'essences, abritant d'innombrables formes de vie. Ainsi, pour méditer, pour se retrouver seul, face à Dieu, face à la virginité inconditionnée des éléments, le Germain retourne, non pas au désert, qu'il ne connaît pas, mais à la grande forêt primordiale. La forêt est protectrice et en sortir équivaut à retourner dans un “espace non protégé” (voir la légende du noble saxon Robin des Bois et la fascination qu'elle continue à exercer sur l'imaginaire des enfants et des adolescents).
L'idée de forêt protectrice est fondamentalement différente de celle du désert qui donne accès à l'Absolu: elle implique une vision du monde plus plurielle, vénérant une assez grande multiplicité de formes de vie végétale et animale, coordonnée en un tout organique, englobant et protecteur.
L' homo europeus ou germanicus n'a toutefois pas eu le temps de forger et de codifier une spiritualité complète et absolue de la forêt et, aujourd'hui, lui qui ne connaît pas le désert de l'intérieur, au contraire du Bédouin et de l'Arabe, n'a plus de forêt pour entrer en contact avec l'Inconditionné. Et quand Ernst Jünger parle de “recourir à la forêt”, d'adopter la démarche du Waldgänger, il formule une abstraction, une belle abstraction, mais rien qu'une abstraction puisque la forêt n'est plus, si ce n'est dans de lointains souvenirs ataviques et refoulés. Les descendants des hommes de la forêt ont inventé la technique, la mécanique (L. F. Clauss dit la Mechanei), qui se veut un ersatz de la nature, un palliatif censé résoudre tous les problèmes de la vie, mais qui, finalement, n'est jamais qu'une construction et non pas une germination, dotée d'une mémoire intérieure (d'un code génétique). Leurs ancêtres, les Croisés retranchés dans le krak des Chevaliers, avaient fléchi devant le désert et devant son implacabilité. Preuve que les psychés humaines ne sont pas transposables arbitrairement, qu'un homme de la Forêt ne devient pas un homme du Désert et vice-versa, au gré de ses pérégrinations sur la surface de la Terre.
A terme, la spiritualité du Bédouin développe un “style prophétique” (Offenbarungsstil), parfaitement adapté au paysage désertique, et à la notion d'absolu qu'il éveille en l'âme, mais qui n'est pas exportable dans d'autres territoires. Le télescopage entre ce prophétisme d'origine arabe, sémitique, bédouine et l'esprit européen, plus sédentaire, provoque un déséquilibre religieux, voire une certaine angoisse existentielle, exprimée dans les diverses formes de christianisme en Europe.
Clauss a donc appliqué concrètement —et personnellement— sa méthode de psycho-raciologie en allant vivre parmi les Bédouins du désert du Néguev, en se convertissant à l'Islam et en adoptant leur mode de vie. Il a tiré de cette expérience une vision intérieure de l'arabité et une compréhension directe des bases psychologiques de l'Islam, bases qui révèlent l'origine désertique de cette religion universelle.
Sous le IIIième Reich, Clauss a tenté de faire passer sa méthodologie et sa théorie des caractères dans les instances officielles. En vain. Il a perdu sa position à l'université parce qu'il a refusé de rompre ses relations avec son amie et collaboratrice Margarete Landé, de confession israélite, et l'a cachée jusqu'à la fin de la guerre. Pour cette raison, les autorités israéliennes ont fait planter un arbre en son honneur à Yad Vashem en 1979. L'amitié qui liait Clauss à Margarete Landé ne l'a toutefois pas empêché de servir fidèlement son pays en étant attaché au Département VI C 13 du RSHA (Reichssicherheitshauptamt), en tant que spécialiste que Moyen-Orient.
Après la chute du IIIième Reich, Clauss rédige plusieurs romans ayant pour thèmes le désert et le monde arabe, remet ses travaux à jour et publie une étude très approfondie sur l'Islam, qu'il est un des rares Allemands à connaître de l'intérieur. La mystique arabe/bédouine du désert débouche sur une adoration de l'Inconditionné, sur une soumission du croyant à cet Inconditionné. Pour le Bédouin, c'est-à-dire l'Arabe le plus authentique, l'idéal de perfection pour l'homme, c'est de se libérer des “conditionnements” qui l'entravent dans son élan vers l'Absolu. L'homme parfait est celui qui se montre capable de dépasser ses passions, ses émotions, ses intérêts. L'élément fondamental du divin, dans cette optique, est l' istignâ, l'absence totale de besoins. Car Dieu, qui est l'Inconditionné, n'a pas de besoins, il ne doit rien à personne. Seule la créature est redevable: elle est responsable de façonner sa vie, reçue de Dieu, de façon à ce qu'elle plaise à Dieu. Ce travail de façonnage constant se dirige contre les incompétences, le laisser-aller, la négligence, auxquels l'homme succombe trop souvent, perdant l'humilité et la conscience de son indigence ontologique. C'est contre ceux qui veulent persister dans cette erreur et cette prétention que l'Islam appelle à la Jihad. Le croyant veut se soumettre à l'ordre immuable et généreux que Dieu a créé pour l'homme et doit lutter contre les fabrications des “associateurs”, qui composent des arguments qui vont dans le sens de leurs intérêts, de leurs passions mal dominées. La domination des “associateurs” conduit au chaos et au déclin. Réflexions importantes à l'heure où les diasporas musulmanes sont sollicitées de l'intérieur et de l'extérieur par toutes sortes de manipulateurs idéologiques et médiatiques et finissent pas excuser ici chez les leurs ce qu'ils ne leur pardonneraient pas là-bas chez elles. Clauss a été fasciné par cette exigence éthique, incompatible avec les modes de fonctionnement de la politicaille européenne conventionnelle. C'est sans doute ce qu'on ne lui a pas pardonné.
Ludwig Ferdinand Clauss meurt le 13 janvier 1974 à Huppert dans le Taunus. Considéré par les Musulmans comme un des leurs, par les Européens enracinés comme l'homme qui a le mieux explicité les caractères des ethnies de base de l'Europe, par les Juifs comme un Juste à qui on rend un hommage sobre et touchant en Israël, a récemment été vilipendé par des journalistes qui se piquent d'anti-fascisme à Paris, dont René Schérer, qui utilise le pseudonyme de «René Monzat». Pour ce Schérer-Monzat, Clauss, raciologue, aurait été tout bonnement un fanatique nazi, puisque les préoccupations d'ordre raciologique ne seraient que le fait des seuls tenants de cette idéologie, vaincue en 1945. Schérer-Monzat s'avère l'une de ces pitoyables victimes du manichéisme et de l'inculture contemporains, où la reductio ad Hitlerum devient une manie lassante. Au contraire, Clauss, bien davantage que tous les petits écrivaillons qui se piquent d'anti-fascisme, est le penseur du respect de l'Autre, respect qui ne peut se concrétiser qu'en replaçant cet Autre dans son contexte primordial, qu'en allant à l'Autre en fusionnant avec son milieu originel. Edicter des fusions, brasser dans le désordre, vouloir expérimenter des mélanges impossibles, n'est pas une preuve de respect de l'altérité des cultures qui nous sont étrangères.
Robert STEUCKERS.
-Bibliographie:
Die nordische Seele. Artung. Prägung. Ausdruck, 1923; Fremde Schönheit. Eine Betrachtung seelischer Stilgesetze, 1928; Rasse und Seele. Eine Einführung in die Gegenwart, 1926; Rasse und Seele. Eine Einführung in den Sinn der leiblichen Gestalt, 1937; Als Beduine unter Beduine, 1931; Die nordische Seele, 1932; Die nordische Seele. Eine Einführung in die Rassenseelenkunde, 1940 (édition complétée de la précédente); Rassenseelenforschung im täglichen Leben, 1934; Vorschule der Rassenkunde auf der Grundlage praktischer Menschenbeobachtung, 1934 (en collaboration avec Arthur Hoffmann); Rasse und Charakter, Erster Teil: Das lebendige Antlitz, 1936 (la deuxième partie n'est pas parue); Rasse ist Gestalt, 1937; Semiten der Wüste unter sich. Miterlebnisse eines Rassenforschers, 1937; Rassenseele und Einzelmensch, 1938; König und Kerl, 1948 (œuvre dramatique); Thuruja, 1950 (roman); Verhüllte Häupter, 1955 (roman); Die Wüste frei machen, 1956 (roman); Flucht in die Wüste, 1960-63 (version pour la jeunesse de Verhüllte Häupter); Die Seele des Andern. Wege zum Verstehen im Abend- und Morgenland, 1958; Die Weltstunde des Islams, 1963.
- Sur Ludwig Ferdinand Clauss:
Julius Evola, Il mito del sangue, Ar, Padoue, 1978 (trad.franç., Le mythe du sang, Editions de l'Homme Libre, Paris, 1999); Julius Evola, «F. L. Clauss: Rasse und Charakter», recension dans Bibliografia fascista, Anno 1936-XI (repris dans Julius Evola, Esplorazioni e disamine. Gli scritti di “Bibliografia fascista”, Volume I, 1934-IX - 1939-XIV, Edizioni all'Insegna del Veltro, Parma, 1994); Léon Poliakov/Joseph Wulf, Das Dritte Reich und seine Denker. Dokumente und Berichte, Fourier, Wiesbaden, 1989 (2ième éd.) (Poliakov et Wulf reproduisent un document émanant du Dr. Walter Gross et datant du 28 mars 1941, où il est question de mettre Clauss à l'écart et de passer ses œuvres sous silence parce qu'il n'adhère pas au matérialisme biologique, parce qu'il est «vaniteux» et qu'il a une maîtresse juive); Robert Steuckers, «L'Islam dans les travaux de Ludwig Ferdinand Clauss», in Vouloir, n°89/92, juillet 1992.00:50 Publié dans anthropologie, Biographie, Histoire, Islam, Psychologie/psychanalyse, Révolution conservatrice, Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
jeudi, 21 février 2008
La tradicion perenne en A. Romuladi
La tradicion perenne
en Adriano Romualdi
Tommaso ROMANO
Fue a finales de los años sesenta, frecuentar un Liceo en Palermo –como dirigente de la Giovane Italia– a partir del 1968, era peligroso. Lo que me salvó entonces a mí y a parte de los jóvenes de Destra, de la deriva nihilista y violenta (pensemos en Magiameli y en Concutelli), fue precisamente el encuentro decisivo con Adriano Romualdi a través del símbolo de una época que fueron las noventa paginas publicadas, por el nunca suficientemente recordado ingeniero Giovanni Volpe en la "Collezione Europa", bajo el título de Julius Evola: l’uomo e l’opera en el año fatídico de 1968, septuagésimo del Maestro nacido en Roma –quizás por voluntad del Hado– pero ciertamente de la muy siciliana familia de los Guisi, provincia de Palermo.
Aquella pequeña obra, cuando yo tenía catorce años, me hizo descubrir al barón, que después habría conocido y frecuentado durante los últimos tres años de su vida, reeditando, entonces, en mi neo-nata Edizione Thule, dos pequeñas obras que el mismo Evola quiso titular como Note sulla Monarchia (1972) y Prospettive sui Miti della Spiritualità Eroica (1973). Pero fue al principio de los años 70, cuando tuve experiencia asociativa y formativa de mi juventud. Esto es, la participación activa en el Centro siciliano di Studi Tradizionali de la calle General Atreva en Palermo animado por Gaspare Canonizzo (benemérito y todavía hoy un coherente y combativo Director de Via della Tradizione) y Orazio Sbacchi, hombre de indudable profundidad intelectual, con otros bravos amigos como Salvador Ruta de Messina, Felice Cammerata, Lorenzo Giordano, Guido Laure, Angelo Cona, Francesco Ragonese, Alfredo Montini, Pier Luigi Aurea. Fue precisamente con el grupo palermitano y con la revista de Canizzo, en la que Adriano Romualdi comenzó a colaborar tempranamente. Y fue gracias al profesor Giuseppe Tricoli, historiador y hombre político de una raza desaparecida, que Adriano Romualdi pudo ser nombrado, en la Facultad de Magisterio de Palermo, profesor adjunto ordinario. Y fue Tricoli quien corrigió con amor y rigor el volumen póstumo, querido por su padre, Il Fascismo come fenomemo europeo. Entre el “Centro” de calle Atreva y los paseos palermitanos surgió un intensa camaradería con Adriano y me gusta recordar el día entero transcurrido con Él en el Monte Pellegrino, a la búsqueda de los mitos que acompañan la época de los grafitos de las grutas del Addarra, el sagrado monte palermitano.
Adriano Romualdi, no sólo porque fue un muy digno hijo de Pino (al que incluso tuve el honor de frecuentar y luego publicar, su Intervista sull’Europa), fue ciertamente un hombre de la Derecha radical europea, ni patriotera ni conservadora (aunque, con reserva, Adriano admiró el conservadorismo de Giusseppe Prezzolini), heredero, sin banales nostalgias, de los muchos y variados «fascismos». Lo que intentaba Adriano, hombre sin embargo sabiamente templado, era reconducir, resumir y actualizar el «problema del la Tradición europea». Sobre estos temas, llevó a cabo muchas búsquedas, filológicamente irreprochables, e indudablemente motivadas por un pathos viril y consciente, en una palabra clásico. A la decadencia de la Europa de aquellos años (de esta Europa de nuestro tiempo de los mercaderes y los banqueros, de los agnósticos y de los mentecatos de la política, es superfluo hablar, ¡basta con constatar!), Romualdi opuso la raíz del mito y la historia eterna. Contra la lectura racionalista e iluminista, localizó cautelosamente los símbolos permanentes, los valores fundamentales. Consciente del ocaso de Spengler, Romualdi quiso citar a los Maestros clásicos y los «buenos» del Romanticismo, pero sobre todo propugnó, como a Su Mayor y Maestro Evola, la revuelta contra el mundo moderno, activa y contemplativa al mismo tiempo. Adriano, lo escribió y me lo expresó muchas veces, la lectura cautísima, de René Guénon, de la Crisis y sus aspectos nivelados, no bastaba.
El guerrero, el caballero tenía que ser (sin ilusiones de Victoria, porque ésta poco contaba) libre y determinado, fuerte en la fe y hábil en la espada. Un combatiente, no un soñador.
La «Tradición Perenne» en Adriano Romualdi es ciertamente dinámica, revolucionaria en la acepción –también nietzcheana– del «eterno retorno» al punto originario.
Es precisamente en las páginas palermitanas de Via della Tradizione, donde Romualdi traza un cuadro orgánico del mundo de la Tradición con un largo ensayo publicado en tres partes: en los números 3, 4 y 5 –es decir desde el número de julio de1971 al número de enero-marzo de 1972–, con el título Sul problema de una Tradizione Europea. Bien entendida, sin sustraer nada a la tradición específica de la otra Europa, y por tanto, espiritual y civilizadora, escribe, al «espiritualismo genérico y anti-histórico que pudiera degradarse y llegar a ser una "segunda religiosidad" de función antioccidental».
El objetivo de Romualdi, hablando de Tradición y de Europa, está dirigido a «intentar una síntesis cuyo significado sea la identificación de una tradición europea».
Para dar un contenido, un sentido a tal hipótesis, para hacer brillar tal fundamento que como un resto precioso debe señalarse, Romualdi no identifica en la ecuación «cristianismo-civilización europea», porque ya en el mundo clásico grecorromano o en los pueblos del Norte, pero incluso también a los que llama los «occidentales del Oriente», es decir de India y Persia, juegan «un papel de primer plano en la definición de una espiritualidad indoeuropea y blanca», basada en el Orden. En efecto cita el Himno a Mitra y Varuna: «Con el Orden vosotros sujetáis todo el mundo. En el cielo vosotros colocáis el chispeante carro del Norte». «Esta concepción del orden – continuaba Romualdi– es distinta a una actitud quietista e inmovilista. Al contrario, esta es una intuición sobre multiplicidad del ser por la que cualquier riesgo, pérdida o herida se vanifican frente al principio reintegrador del Todo». No al azar cita luego los versos de Goethe del Eins un dalles. En buena sustancia los europeos, Romualdi dice, son el «pueblo de la luz».
«El pueblo destinado a llevar el logos, la ley, el orden, la medida. El pueblo que ha divinificado al Cielo frente a la Tierra, el Día frente a la Noche. La raza olímpica por excelencia». Es una elección, continua, destinada a señalar una orientación durante milenios; contra la nivelación y a la promiscuidad, está el orden de la luz, la familia y el Estado. La decadencia en la «fraternidad» espuria, tiene en el cristianísimo de los orígenes –para Romualdi– la articulación de una abjuración del clasicismo en su sentido extenso, con nuevos modelos espirituales y sociales. Es sólo alrededor del año mil cuando las «generaciones románico-germánicas emprenden, cada vez más rápidamente, un proceso de reasimilación del cristianismo»; será, todavía dice, bajo la mirada clara de los rostros góticos del cristianismo en el que se «alumbra su sustancia y se hace olímpico» y con ello «la restauración de un Imperio que es romano y sagrado a un tiempo. Así, al pacifismo cosmopolita del primer cristianismo, sucede el movimiento de la guerra santa y la bernardiniana laus novae militiae».
La concepción orgánica del kosmos propia de la cultura griega reflorece, a través de los estudios aristotélicos en Santo Tomás de Aquino. Con ello, la cultura clásica recobra el dominio del espíritu europeo mucho antes del Renacimiento y en un contexto menos individualista e intelectualista. Es por esto que la estación medieval de la civilización europea, lejos del ser aquella abstracta «negación del mundo», es en realidad la de una integración del kosmos visible en lo ininteligible. No es de extrañar que Romualdi cite, copiosamente, en este sentido, el itinerarium mentis in Deum de san Buenaventura y con él, Dante en la dimensión no fideística sino la de la recta ratio, como «certeza de cosas esperadas y argumento de lo que se tiene apariencia»
El discurso de la edad media religiosa es para Nuestro autor (Romualdi) «siempre en función de una lógica del orden (…) la antigua vocación a la racionalidad olímpica resurge y, con la misma pasión geométrica que proyectó en el espacio las columnas dóricas, se mide el kosmos con la valiente matemática de las catedrales góticas. En tal modo el cristianísimo, romanizado en los órdenes jerárquicos, germanizado en la sustancia humana y helenizado por la continua transfusión de aristotelismo y neoplatonicismo, que adquiere plena ciudadanía en Europa». Romualdi en todo caso subraya que «la letra del dogma cristiano choca contra una metafísica originaria» y por ejemplo toma en consideración, siguiendo la estela de Evola, la mística medieval europea, que tendería a «evadirse del cuadro del cristianismo»: cita Meister Eckart y al «centro del alma» de Plotino, para llegar a la afirmación «pagana» que «el hombre noble es el que se aventura en esta zona que lo hace idéntico a Dios».
En todo caso, «el injerto de la religiosidad cristiana en la sustancia espiritual europea es un hecho innegable» y dura hasta el final del siglo XVIII, cuando «el concepto de cristiandad: un ecumene unida no sólo por una religión, sino por una costumbre de mansedumbre y firmeza alejada de cada exceso y que opone de hecho al cristiano, como el europeo al bárbaro. Es en este sentido que Nietzsche alabó el auténtico cristiano como uno de los tipos más respetables de la civilización europea. Frente al salvaje, pero también al turco y al oriental, el cristiano se definía por la «medida» en el practica de la fe y en el comportamiento; es esta mayor medida o pureza que es sentida inmediatamente como el carácter de la civilitas europea de raíz cristiana. Así, la cristiandad deviene la fórmula en que se recogen las características del “Homo Aeropaeus”». Pero el cristianismo, en tal acepción, para Romualdi, no es más que una estación, incluso importante, de la vuelta al Clasicismo, del «canon clásico». La crítica que Romualdi le hace al hombre europeo de los últimos cientos de años (estamos a principio de los años setenta) está motivada fuertemente (no tanto a los efectos de la reforma, ni a Napoleón -pongamos- a Cavour, personajes que podrían admirarse) sino en que «la curación es un patrimonio exclusivo del enfermo». Está aquí la clave de la investigación y de la perspectiva romualdiana: no considerar –contra escolásticas a menudo embalsamadas– el ciclo como conclusivo. Más bien el problema no se soluciona en la abstracción existencialista y/o espiritualista sino «en encontrar una forma espiritual capaz de contener tres o más milenios de espiritualidad europea».
Una forma no sincretista, sino «activa en un mundo cuyo tema central es del dominio de las fuerzas elementales. La invasión de lo elemental -técnica, distancia, excitación - parece ser la característica de nuestra época. Esto hace necesaria una capacidad de disciplina y ejemplificación ajena de toda caída espiritualista. Un estilo que casi quiera coger de las luces blancas, firmes y metálicas de cierta modernidad, el presagio de un nuevo clasicismo. El estilo de una metafísica del esfuerzo y la formación del sí mismo».
Fundir «claridad antigua y audacia moderna» es, para Adriano Romualdi, la temática propuesta para una «nueva espiritualidad europea». En eso es profeta y anticipador, también en retomar y mirar la naturaleza «como manantial de meditación religiosa. La niebla en los bosques por la mañana, los perfiles sauros de los montes nos hablan de pureza y distancia».
Incluso insistiendo sobre el «Hombre blanco» de modo determinista, con los límites de una investigación que tuvo que desenvolverse y principalmente caracterizarse, la aportación innovadora hacia una Tradición perenne, es una importante y decisiva contribución innovadora a cualquier estéril y paralizante ortodoxia. De Platón y Nietzsche, de Evola a los combatientes del honor de Europa, refulge a los despavoridos, a los traidores, la coherencia adamantina de Adriano Romualdi y con él la búsqueda de nuevas vías de la Tradición y la Política, en mayúsculas, «destinada a ser nuestro destino» según sus palabras. Tendremos, teníamos, necesitamos del ejemplo y de la enseñanza de Adriano Romualdi a treinta años de su trágica desaparición, para no ceder, para no enterrar en el fraccionamiento infantil, un elevado mensaje. Encontrar el fundamento de la política es, por lo tanto –hoy en estos tiempos oscuro para nuestra Patria– volver viviente la perenne Tradición de los Padres y darle renovado sentido.
Tommaso Romano.
00:10 Publié dans Définitions, Révolution conservatrice, Traditions | Lien permanent | Commentaires (19) | | del.icio.us | | Digg | Facebook
mercredi, 20 février 2008
Communiqué Kossovo
Synergies Européennes – Communiqué – 20 février 2008
Réflexions sur la proclamation unilatérale de l’indépendance du Kosovo
La question se pose : faut-il ou ne faut-il pas reconnaître l’indépendance du Kosovo ? En d’autres termes, peut-on reconnaître le droit d’une population, disposant d’un parlement infra-étatique, à proclamer son indépendance, si la majorité de ses représentants sont en faveur d’une telle démarche ?
Dans ce questionnement, deux principes se télescopent :
1) Le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, le droit de toute identité, reposant sur des critères objectifs et des bases concrètes (ethniques, linguistiques, historiques, etc.), à se doter d’un système de représentation politique propre dans un cadre spatio-temporel déterminé, que ce soit dans le cadre d’un Etat multiethnique (selon le modèle helvétique) ou dans un Etat qui prévoit un fédéralisme, plus ou moins étendu, selon d’autres modèles, comme le fédéralisme allemand ou l’Etat de communautés autonomes qu’est actuellement l’Espagne. Ce droit à l’autonomie donne-t-il le droit à l’indépendance ? La question peut demeurer ouverte dans le cadre européen.
2) Le droit des peuples européens à refuser toute balkanisation qui affaiblit le continent dans son ensemble, génère en son sein des conflits exploitables par des puissances tierces, généralement étrangères au territoire européen (selon la terminologie de Carl Schmitt : des « raumfremde Mächte »).
Le premier de ces principes est un principe de droit. Le second de ces principes est un principe géopolitique. La déclaration unilatérale de l’indépendance du Kosovo suscite une contradiction : elle oppose, du fait même d’avoir été proclamée unilatéralement, le droit à la géopolitique, alors qu’en Europe droit et géopolitique ne devraient pas s’opposer mais former, de concert, une unité indissoluble. Le droit doit aider à consolider l’ensemble territorial, à barrer la route à toute tentative de dislocation et non à sanctionner des pratiques débouchant sur l’affaiblissement ou le démantèlement.
Le droit à l’autonomie, même la plus étendue qui soit, voire à l’indépendance étatique, est inaliénable dans la perspective jadis dessinée par Herder, défenseur philosophe des identités populaires, dans le monde germanique, comme dans les Balkans, justement, où il a compté beaucoup de disciples. Cependant, ce jeu dialectique complexe entre l’identité locale et particulière, d’une part, et, d’autre part, la nécessité d’assurer un cadre solide où toutes ces identités locales et particulières pourraient se déployer en paix et en harmonie implique de bâtir, tous ensemble en Europe, un cadre commun tiré des expériences vécues, souvent tragiquement, par les peuples d’Europe au fil des siècles. Ce cadre commun devrait être l’avatar contemporain d’une unité initiale commune, qui a pris son envol et son essor à partir d’un territoire centre-européen dès la fin de la préhistoire, dans les prémisses de la proto-histoire. Le fait ethno-historique européen s’est diffusé au départ d’un centre, principalement haut-danubien (territoire des cultures du Michelsberg, puis des civilisations de La Tène et de Hallstatt), qui s’est, en suivant les rives du grand fleuve, propagée ensuite dans les Balkans (cultures de Lipinski-Vir, de Starcevo, etc.). Les Balkans sont nôtres, s’ils sont notre Ergänzungsraum immédiat, notre tremplin vers la Méditerranée orientale, l’Egypte, l’Anatolie, le Croisant Fertile.
Ce droit à l’autonomie est certes un droit, mais uniquement pour ceux qui reconnaissent pleinement l’unité primordiale de nos peuples avant leur diffusion dans leurs vastes périphéries. L’albanité, comme l’hellenité, la celticité ou l’italité, n’échappent pas à cette règle. Nous reconnaissons donc totalement le principe d’une albanité européenne, en marche vers le Sud, vers la Méditerranée orientale et vers l’Egypte (Mehmet Ali était d’origine albanaise). Mais le Kosovo, en devenant musulman après la conquête ottomane, cesse d’être cette albanité capable de se projeter vers ce Midi et cet Orient pour agrandir l’ager europeus. C’est la trahison par rapport à l’esprit du grand héros Skanderbeg, capitaine en Adriatique au XV° siècle, aux portes de la Méditerranée orientale, contre les Ottomans. En devenant ottomane et musulmane, l’albanité tourne ses forces contre le centre de l’Europe, se fait fer de lance de deux directions géopolitiques étrangères et donc ennemies de l’Europe : la direction des peuples turco-mongols (qui part de Mongolie vers la puszta hongroise et vers l’Adriatique) et la direction des peuples hamito-sémitiques (qui part de la péninsule arabique vers tous les azimuts).
Indépendant, le Kosovo deviendrait le troisième Etat musulman dans les Balkans après l’Albanie et la Bosnie. Il formerait avec elles une avant-garde pantouranienne (turco-mongole) et arabo-musulmane (hamito-sémitique) au beau milieu d’une région qui fut toujours le tremplin de l’Europe vers sa périphérie est-méditerranéenne et égyptienne. Une Europe verrouillée en cette région même des Balkans n’aurait plus de réelle ouverture sur le monde, serait condamnée au sur-place et à l’implosion. Que l’on se souvienne des peuples pré-helléniques qui feront la gloire de la Grèce antique : ils ont d’abord transité par les Balkans, y compris les Macédoniens de Philippe et d’Alexandre. Que l’on se souvienne de Rome, qui a d’abord dû pleinement maîtriser les Balkans avant de passer à l’offensive en Asie Mineure et de jeter son dévolu sur l’Egypte. L’Europe ne peut tolérer de corps étranger dans cette région hautement stratégique. Tout corps étranger, c’est-à-dire tout corps qui entend appartenir à des ensembles qui ne respectent pas les directions géopolitiques traditionnelles de l’Europe, empêche le développement actuel et futur de notre continent. Dans les luttes planétaires qui se dessinent en cette aube du XXI° siècle, accepter un tel affaiblissement est impardonnable de la part de nos dirigeants.
Dans les querelles qui ont animé, au cours de ces dernières années, la petite scène intellectuelle parisienne, certains polémistes ont argué qu’il y a, ou avait, alliance implicite entre le germanisme centre-européen et l’ottomanisme, puis entre le germanisme et les indépendantistes bosniaques et albanais, pendant les deux grandes conflagrations mondiales de 1914-1918 et de 1939-1945. Cet argument ignore bien évidemment le changement de donne. Le pôle majeur de puissance, qui se projetait en ces époques, se situait justement au centre de notre continent, dans les bassins fluviaux parallèles du nord de l’Europe et dans le bassin danubien, et entraînait le pôle ottoman dans une dynamique dirigée vers le Sud, vers l’Océan Indien. Dans le conflit balkanique qui a émergé dans les années 90 du XX° siècle, le centre de l’Europe n’était plus du tout un pôle de puissance ; il était divisé (balkanisé !) et vassalisé. La réactivation des particularismes bosniaques et albanais n’était plus le fait d’un pôle de puissance européen, cherchant à se projeter vers le bassin oriental de la Méditerranée ou vers la Mésopotamie et l’Océan Indien, en neutralisant positivement, par une politique de la main tendue, quelques minorités musulmanes. Cette nouvelle réactivation, dans la dernière décennie du XX° siècle, était le fait de l’alliance entre Wahhabites saoudiens et Puritains d’Outre-Atlantique cherchant, de concert, à créer une « dorsale islamique » (selon la terminologie des géopolitologues serbes, dont notre ami tant regretté Dragos Kalajic) dont la fonction géostratégique devait être double : 1) bloquer le Danube à hauteur de la capitale de la Serbie et 2) installer sur la ligne Belgrade-Salonique un bloc territorial soustrait à la souveraineté serbe, parce que cette ligne est la voie terrestre la plus courte entre le centre danubien de l’Europe et le bassin oriental de la Méditerranée.
Un bloc territorial de cette nature, recevant l’appui wahhabite et américain, est inacceptable d’un point de vue européen, même si la galerie des traîtres, des crétins et des écervelés qui se piquent de représenter l’Europe à Bruxelles ou à Strasbourg prétend le contraire. Cette galerie d’idiots raisonne en dissociant le droit de la géopolitique, alors qu’il faudrait les penser en fusion et en harmonie.
Le Kosovo, qui plus est, outre cette position centrale qu’il occupe sur la ligne Belgrade-Salonique, est l’ancien « Champ des Merles », site de la bataille sanglante qui a opposé l’armée médiévale serbe aux envahisseurs ottomans. Sur ce sol sacré, l’aristocratie serbe a versé tout son sang pour la sauvegarde de l’Europe. Le « Champ des Merles » est donc devenu, par le sacrifice de cette chevalerie, un territoire sacré, hautement symbolique, non seulement pour la Serbie et pour les autres peuples balkaniques en lutte contre la barbarie ottomane, mais aussi pour les Hongrois, Bourguignons et Impériaux qui ont tenté des croisades infructueuses pour rendre nulle et non avenue la victoire turque du Champ des Merles. L’oublier constitue une autre faute cardinale et impardonnable : c’est désacraliser l’histoire, désacraliser le politique, privilégier le procédurier et le présentisme dans les raisonnements et les démarches politiques et géopolitiques ; c’est oublier, en amont comme en aval, le long terme au profit de l’immédiat et du superficiel. Non possumus : nous ne basculerons jamais dans de tels travers.
Plusieurs pays européens refusent de reconnaître l’indépendance du troisième maillon de la « dorsale islamique », dont l’Espagne, et les pays majoritairement orthodoxes comme la Roumanie et la Bulgarie. En France, dans la sacro-sainte « République » posée comme la parangonne indépassable de toutes les vertus philosophiques, les deux nouveaux plastronneurs burlesques de la politique, l’universaliste médiomane Kouchner et son président, Sarközy, surnommé le « nain hongrois », s’apprêtent bien entendu à reconnaître, trompettes pétaradantes et tambours battants, l’entité wahhabito-américaniste qu’est le Kosovo. On se demande comment Voltaire ou Robespierre, dévots de la Déesse Raison, concilieraient leur laïcisme et la bigoterie des Wahhabites et de leurs alliés américains. Mais la reconnaissance par Sarko et Kouchner du Kosovo est au moins une bonne nouvelle, car on se demande ce que les deux larrons pourraient bien rétorquer si demain une brochette de puissances européennes ou autres acquerrait brusquement l’envie de reconnaître une république corse, un nouveau duché de Bretagne ou un nouvel Etat insulaire dans les DOM-TOM ou, plus facilement encore, le retour à l’indépendance savoisienne qui existe de jure. L’indépendance de la Savoie pourrait devenir très légalement le premier levier pour réanimer l’existence politique et étatique de la Bresse (province savoisienne), de la Lorraine (grand-duché impérial), de la Franche-Comté, etc. De fil en aiguille, la vieille Lotharingie reprendrait forme, reprendrait pied le long du Rhône en Provence et dans le Dauphiné, rendant tout à coup actuel le Testament de Charles-Quint (que nous n’aurions jamais dû oublier, ni à Munich ni à Vienne ni à Rome ni à Madrid ni à Bruxelles).
La Russie, pour sa part, pourrait, par le biais d’une interprétation jurisprudentielle de l’indépendance du Kosovo, faire accepter l’indépendance de deux provinces géorgiennes : l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud, disloquant du même coup le principal pion américain et otanesque dans le Caucase.
Quelle que soit l’issue de l’indépendance kosovar en Europe, elle nous offre des possibilités d’action :
1) si personne ne la reconnaît ou si de fortes résistances s’opposent à sa pleine reconnaissance, il n’y aura pas de « dorsale islamique » ni de bloc territorial obstruant sur la ligne Belgrade-Salonique.
2) Si tous reconnaissent le Kosovo indépendant, nous avons un prétexte pour disloquer la France et reconstruire le flanc occidental et roman du Saint Empire défunt mais dont seule la restauration permettrait à l’Europe de se redonner une épine dorsale politico-spirituelle. Cette restauration signifierait simultanément la mort définitive de l’idéologie républicaine, cette nuisance pernicieuse qui atteint le sommet du ridicule avec le binôme Sarközy-Kouchner. Le seul danger d’une reconnaissance générale de l’Etat kosovar serait de donner prétexte aux Musulmans des presidios de Ceuta et Melilla de réclamer une indépendance analogue, avec la bénédiction des mêmes parrains wahhabites et yankees. Raison pour laquelle l’Espagne refuse de reconnaître le nouvel Etat auto-proclamé (outre le fait basque).
Dans tous les cas de figure, nous aurons l’occasion de militer en faveur de notre vision de l’Europe. De demeurer des combattants. De véritables « zoon politikon ». Les Vestales d’un inéluctable Grand Retour de la tradition impériale.
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Les théories de l'interétatique
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Les théories de l’interétatique - Traité de Relations internationales (II)
De Gérard Dussouy
Collection « Pouvoirs comparés »
ISBN : 978-2-296-04592-7 •33,50 € • 354 pages
Comme dans le tome précédent consacré aux théories géopolitiques, Gérard Dussouy se livre à une analyse particulièrement précise et innovante des théories de la science politique centrées sur les relations entre les États, qui sont majoritairement anglo-américaines. Sans qu'il y ait lieu de tout confondre, l'école anglaise, plus pragmatique, mérite d'être connue.
L'auteur met en perspective les contextes et les enjeux qui les conditionnent, après avoir analysé les origines, l'évolution et les mutations de leur acteur unique, l'État. Il relativise ces théories les unes par rapport aux autres, sachant qu'aucune, en soi, ne saurait être une « copie du réel ». Il peut ainsi mettre en valeur leurs limites, parfois leurs errements quand elles se veulent par trop prescriptives, comme celles de la mouvance néo-kantienne à la mode.
Mais il saisit aussi des complémentarités qui, au-delà des préjugés des théoriciens, sont susceptibles de contribuer à une modélisation systémique du monde des États, à laquelle l'immense majorité d'entre eux aspirent.
Il montre alors le caractère toujours central de la puissance, sous ses faces multiples, que les tenants de la « construction sociale de la réalité » internationale, rendus à l'évidence, finissent eux-mêmes par réintégrer après l'avoir proscrite.
Enfin, en incluant une présentation inédite des théories traditionnelles chinoises, ce traité apparaît sans doute comme l'un des plus achevés sur la problématique du système international.
Un dernier tome suivra qui abordera enfin les théories de la mondialisation.
L’AUTEUR
Gérard DUSSOUY est professeur de géopolitique à l'Université Montesquieu de Bordeaux. Chercheur au CAPCGRI (Centre d'Analyse politique comparée, de Géostratégie et de Relations internationales), il a publié aux Éditions Complexe, Quelle géopolitique au XXIe siècle ?, ainsi que divers articles, notamment dans l'Annuaire français de Relations internationales.
TABLE DES MATIERES
Introduction
L'ÉTAT, ACTEUR CENTRAL
L'État territorial, produit de l’histoire et de la culture européennes
L'État, acteur souverain ?
Les deux niveaux de reterritorialisation de l’État
Du réalisme classique à la société des États
Conclusion : l’équilibre des puissances aujourd’hui
SÉCURITÉ OU COOPÉRATION ? NÉORÉALISME ET NÉOLIBÉRALISME
Les premiers contestataires du réalisme
Le libéralisme international et le champ des organisations intergouvernementales (OIG)
Le réalisme structural ou néoréalisme (Kenneth Waltz et Robert Gilpin)
Le réalisme structural selon l’École anglaise
Le renouveau du paradigme de la paix kantienne
Les discussions de l’après-guerre froide : sécurité et structure du système international
Les écoles traditionnelles et les approches chinoises des relations internationales
Conclusion : le jeu des grandes puissances se poursuit
CONSTRUCTIVISME OU PRAGMATISME ?
Images et perceptions des relations internationales : l’apport de Robert Jervis
L'approche constructiviste des identités et des intérêts en relations internationales
L'idéalisme stato-centrique d’Alexander Wendt
Retour au holisme pragmatiste
Conclusion : la connaissance contingente de la réalité internationale
***
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G. Miglio: une Europe impériale et fédéraliste
Pour une Europe Impériale et fédéraliste, appuyée sur ses peuples
Entretien avec le Prof. Gianfranco MIGLIO
«L'Europe future renouera avec la formidable structure que fut le Saint Empire Romain de la Nation Germanique; elle ne sera pas une Europe des Etats-Nations comme le voulait De Gaulle ni une Europe d'Etats centralisés, comme actuellement. Les Américains s'en sont aperçus comme le prouve le récent discours de Clinton à Aix-la-Chapelle». Gianfranco Miglio n'est pas l'homme à se laisser aller à des vaticinations ou, pire, à des prophéties dictées par les passions et l'enthousiasme. Ses mots sur les mutations en cours dans les structures territoriales et politiques d'Europe revêtent dès lors une grande importance, car ils viennent d'un savant érudit qui, pendant des décennies, a perfectionné et développé des modèles constitutionnels et politiques qui ont été pris en considération en Italie du Nord mais aussi dans toute l'Europe.
Après un isolement studieux de quelques mois, le Professeur Miglio nous revient aujourd'hui tout ragaillardi et sa verve batailleuse anime chacun de ses paroles. Les temps changent, nous dit-il, et la vieille Europe semble se réveiller après les sombres décennies de la Guerre Froide, où l'équilibre (balance of power) se faisait entre les deux super-puissances qui, à Yalta, avaient hérité des destinées du monde.
Aujourd'hui, seuls les Etats-Unis demeurent en piste et c'est de là-bas que nous viennent des messages sans équivoque qui en disent long sur les idées et les préoccupations du gouvernement américain en ce qui concerne notre continent. «L'idée est neuve et ancienne tout à la fois et elle se répand dans les secteurs les plus influents de la diplomatie européenne: cette idée, c'est celle du Saint Empire Romain de la Nation Germanique, explique Miglio, une idée impériale européenne qui ne doit effrayer personne. Car elle est prête à ouvrir un chapitre nouveau et très intéressant dans l'histoire millénaire de notre continent».
Q.: Professeur Miglio, le Président américain Bill Clinton vient de prendre acte de l'importance de la dévolution en Europe et des identités des vieilles nations européennes, qui ont été englobées au cours de l'histoire dans les Etats nationaux issus des idées du XVIIIième siècle: la Lombardie, le Piémont, la Vénétie, la Catalogne, la Silésie, etc. Vous attendiez-vous à cela?
GM: A mon avis, Clinton et ses hommes ont une vision de l'Europe qui est également dépassée, parce les déclarations du Président américain ne m'enthousiasment nullement. Quoi qu'il en soit, c'est un fait avéré maintenant, que les hommes politiques américains se rendent compte que l'Europe est à la veille d'un changement profond et que les institutions parlementaires qui ont fait l'efficacité de l'UE sont inexorablement sur le déclin. Dès lors, la possibilité est ouverte désormais de mener une opération de type fédéral, actualisable par une refonte géopolitique générale interne. Les grandes régions, celles que l'on appelle les macro-régions d'Europe, pourront, dans ce processus, se repositionner en dehors des Etats nationaux décadents et dépassés, qui les avaient avalées jadis.
Q.: Pour ce qui concerne plus spécifiquement notre aire géographique, nous pourrons assister à la renaissance de la Mitteleuropa?
GM: L'idée de Mitteleuropa est d'une brûlante actualité. Mais cette fois Berlin ne la conteste pas. Au contraire! La capitale allemande est devenue le nouveau laboratoire politique du continent, où se construit une nouvelle civilisation. Dans la culture allemande, une idée nouvelle est en train de germer. Prenons par exemple le Ministre des Affaires étrangères d'Allemagne, Joschka Fischer. C'est un ancien militant écologiste qui s'est converti à la Realpolitik, en abandonnant la démagogie de son ancien parti. Fischer a du génie, à mon avis, et il oppose désormais sa vision de l'Europe à celle des Français.
Q.: Mais qu'en pensent les Français?
GM: Ils s'accrochent encore et toujours aux conceptions de De Gaulle, c'est-à-dire à une vision de l'Europe formée d'Etats nationaux, de patries (ndt: au sens petit-nationalitaire du terme). Ce sont là des conceptions entièrement obsolètes, inadaptés à la tâche qui nous attend. Les Etats nationaux actuels sont désormais en déliquescence à tous les niveaux. Pour parler comme Nietzsche, accélérons sa disparition! Fischer et les Allemands, au contraire, proposent une nouvelle mouture du Saint Empire Romain de la Nation Germanique. Pendant toute ma vie, j'ai étudié en long et en large le fonctionnement de cette structure continentale pondéreuse, au Moyen Age comme aux temps modernes.
Q.: Fonctionnait-elle mieux que les structures actuelles?
GM: Certainement mieux que l'Europe actuelle. L'Empire était une structure multinationale qui servait aux Reichsstädten, aux Cités de l'Empire, à régler les conflits qui surgissent aux niveaux locaux. Mais pour le reste les communautés urbaines ou locales avaient la liberté de s'auto-gouverner, à promulguer leurs propres lois. L'autorité impériale les laissait en paix, au contraire de ce que fait Bruxelles aujourd'hui.
Q.: De ce fait, vous avez un jugement favorable sur ce que vient de dire Umberto Bossi à propos du Saint Empire?
GM: Oui. Mais Bossi devrait se montrer plus calme quand il parle de l'Allemagne. Le “Quatrième Reich”, qu'il semble craindre, ne pourra pas exister dans une Europe conçue sur le mode impérial. Les Allemands ne veulent pas tout germaniser. Ils semblent menaçants dans la mesure où ils utilisent ouvertement les bases de leur grande tradition culturelle européenne, mais Bossi est trop intelligent pour ne pas comprendre que le symbole du Saint Empire servira à relancer une fédération de peuples européens libres et souverains.
Q.: Dans la structure impériale européenne, basée sur les cultures et sur les identités des peuples, les populations du Mezzogiorno italien ont-elles leur place? Comme l'a écrit le philologue vénétien Gualtiero Ciola, nous, Padaniens, sommes les héritiers des Celtes et des Lombards, peuples présents dans toute l'Europe continentale. Qu'en est-il alors des peuples de l'espace méditerranéen?
GM: Votre observation est juste. La partie de l'Europe qui est baignée par la Méditerranée a des traditions et des cultures différentes de celles qui animent le continent et dont fait partie la Padanie. La Padanie est une terre de la Mitteleuropa et devra nécessairement tourner ses regards vers les peuples de cette Mitteleuropa. Mais sans oublier les liens commercieux et les liens de bons voisinage avec les Européens de la Méditerranée. Du reste, nous ne devons pas oublier que la première guerre mondiale a éclaté quand le Kaiser allemand Guillaume II a manifesté son intention de construire une grande voie de chemin de fer à travers tout notre continent pour arriver à Bagdad. Il y a eu toujours des échanges intenses entre la Mitteleuropa et les Balkans, comme il faudra maintenir, dès aujourd'hui, des rapports profonds entre l'Europe continentale et l'Europe méditerranéenne.
Q.: Quels seront alors nos rapports avec l'Est, avec la Russie qui subit un ressac important?
GM: Je pense que les futurs rapports entre l'Europe et la Russie seront profitables aux deux parties. Surtout pour contrebalancer l'hyper-puissance américaine.
Q.: Suivez-vous toujours les initiatives politiques de la Lega Nord?
GM: Je les suis avec le plus extrême intérêt. Pour moi, les idées “liguistes” sont centrales aujourd'hui. L'idée d'une Europe des régions et des peuples peut recevoir un appui fondamental par une action politique au sein du Carroccio, partant du niveau régional. Bossi doit continuer à brandir bien haut la bannière de la dévolution et de la “question septentrionale”. Je crois que, finalement, le processus de la fédéralisation s'est mis en marche et la Padanie, dans ce jeu, jouera sa part. Elle sera actrice et protagoniste dans ce prochain grand changement.
(propos recueillis par Gianluca SAVOINI et parus dans La Padania, le 15 juin 2000; http://www.lapadania.com).
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mardi, 19 février 2008
L'écrivain prolétarien Kristofer Uppdal
19 février 1878: Naissance à Beitstad en Norvège de l’écrivain prolétarien Kristofer Uppdal, à qui l’on doit dix volumes denses de nouvelles et de romans sur l’histoire de la classe ouvrière norvégienne, montrant la transition d’un peuple essentiellement paysan et rural en direction d’un prolétariat urbain. C’est une préoccupation centrale de la littérature norvégienne de la fin du 19ième siècle et du début du 20ième. Uppdal a fait bon nombre de métiers jugés subalternes. Son œuvre doit être relue aujourd’hui en parallèle avec celle de Knut Hamsun, avec les littératures prolétariennes des autres pays d’Europe (notamment Pierre Hubermont et Constant Malva), et comme arrière-plan du néo-socialisme planiste de Henri De Man, car Uppdal, comme De Man, insiste davantage sur les métamorphoses d’ordre psychologique dans la classe ouvrière que sur les aspects strictement économiques ou politiques. On sait que De Man avait une bonne connaissance des socialismes scandinaves, qu’il trouvait leurs expériences intéressantes: l’œuvre d’Uppdal a-t-elle contribuer à la genèse de son ouvrage majeur, Au-delà du marxisme, dont le titre allemand original était Zur Psychologie des Sozialismus (Robert Steuckers).
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Rabbi Ovadia et les querelles entre théologiens en Israël
Rabbi Ovadia Joseph et les querelles entre théologiens en Israël
Depuis toujours, Israël a deux Grands Rabbins: le premier est le chef spirituel de la communauté askhénaze (c'est-à-dire la communauté originaire d'Europe), et le second est le chef spirituel de la communauté sépharade (orientale). Les communautés sépharades ont été dispersées de la côte atlantique du Maroc jusqu'au Yémen et à l'Iran. Le terme "sépharade" vient du nom arabe de l'Espagne ("Sfarad"). Une bonne partie des Juifs d'Orient sont les descendants des Juifs chassés d'Espagne par l'Inquisition.
A peu d'exceptions, comme les communautés de Salonique et de Rome, les Juifs sépharades n'ont pratiquement pas eu à souffrir de l'holocauste. Celui-ci a été essentiellement dirigé contre la diaspora juive d'Europe.
Un équilibre entre les deux communautés
Israël est sans hésitation une création des Juifs askhénazes. Ce n'est qu'après la fondation de l'Etat d'Israël qu'un fort contingent d'immigrants sépharades, chassés des pays arabes, s'est installé dans le pays. A un certain moment de l'histoire d'Israël, il y eu un équilibre démographique entre les deux communautés. Cet équilibre a toutefois été rompu récemment au profit des Juifs askhénazes, à la suite de l'émigration massive vers Israël des membres de la communauté juive de l'ex-Union Soviétique.
La plupart des Juifs sépharades étaient pauvres, peu scolarisés et qualifiés, et, avant leur arrivée en Israël, n'avaient eu que peu de contacts avec le monde moderne occidental. A leur arrivée, on les aspergeait de DDT pour les débarrasser de leurs poux et on les envoyait dans des camps d'immigrants rudimentaires, installés dans le désert du Néguev. Ils vivaient au sein de grandes familles claniques et ont peu contribué à la mise en forme du nouvel Etat moderne. La plupart d'entre eux ont toujours voté traditionnellement pour les partis conservateurs, car ils ne savaient pas très bien que faire des idées socialistes propagées par les travaillistes, piliers du nouvel Etat.
Séculiers et orthodoxes
Les césures qui traversent la société israélienne sont nombreuses et ne se limitent pas à la séparation qui existe de fait entre les Askhénazes et les Sépharades. D'autres clivages sont vivaces, comme par exemple celui qui sépare les séculiers des orthodoxes. Tant l'orthodoxie askhénaze que l'orthodoxie sépharade ont tenté, dès le départ, de s'articuler politiquement, en créant leurs propres partis. Le groupement askhénaze le plus connu est le "Parti national religieux", dont le leader fut, pendant longtemps, Joseph Burg, originaire de Dresde. Son fils fut pendant un temps le porte-paroles du Parlement israélien. La formation politique des orthodoxes sépharades est le parti "Shas", fondé en 1984; c'est l'œuvre d'un ex-Grand Rabbin sépharade, Ovadia Joseph, âgé de 79 ans.
Le Shas, parti social et sépharade
Le Shas offre au prolétariat sépharade un mixte complexe de foi religieuse, de fierté ethnique et de compassion sociale. Les succès du Shas reposent sur une recette, également appliquée par les partis fondamentalistes du monde arabe, que ce soient les frères musulmans, la Djihad islamique ou le Hizbollah. Le Shas, par exemple, chasse les drogués de la rue, réceptionne les détenus à leur sortie de prison, dès qu'ils franchissent le portail de la maison d'arrêt, et les accueille dans des écoles religieuses, aide les prostituées à commencer une nouvelle vie. Le Shas a fondé des crèches, des jardins d'enfants et a développé son propre système scolaire. Pour pouvoir financer ses programmes sociaux, le Shas a toutefois besoin de l'argent de l'Etat. Ce besoin a fait de lui un partenaire potentiel de tout gouvernement, peu importe que celui-ci soit dirigé par les travaillistes de gauche ou par le Likoud de droite. Le Shas peut se montrer modéré dans ses revendications religieuses ou politiques, il montre une évidente souplesse dans les négociations, pour pouvoir obtenir les fonds qu'il ne pourrait obtenir autrement; dans le fonctionnement d'une démocratie parlementaire, il est l'exemple classique du parti qui fait pencher la balance du côté qui l'agrée. Avec ses dix-sept parlementaires, il est le troisième parti du pays, sans lequel les coalitions ne verraient le jour qu'avec les plus extrêmes difficultés. Cette position, le Shas l'a exploitée à fond sous la direction spirituelle et politique de Rabbi Joseph, maître dans l'art politique d'exercer des pressions. Que ce soit pour le financement d'écoles ou pour libérer les étudiants des "Yeshivas" du service militaire, le Shas n'a négligé aucun moyen. Arie Deri, ancien ministre et président du parti grâce à l'appui de Rabbi Joseph, était un homme au charisme immense, un brillant élève et protégé d'Ovadia Joseph, a été condamné en avril 1999 à quatre ans de prison, pour escroquerie et détournement de fonds au profit des institutions appartenant au parti.
Rabbi Joseph, né à Bagdad, est un homme doué d'une mémoire prodigieuse pour retenir des textes, s'est rangé dans le camp des "colombes", en posant un jugement dit "halakhique" —équivalent de la fatwa d'un haut dignitaire de l'Islam— selon lequel la vie humaine a plus de valeur que la possession de territoires, et, qu'en conséquence le principe "des terres contre la paix", utilisé dans les pourparlers avec les Palestiniens, est théologiquement justifié.
Quand Rabbi Joseph se mue en ultra du néo-nationalisme israélien
Mais lorsque avant la conférence de Camp David, quand on commençait à s'apercevoir qu'Ehud Barak était prêt à briser le tabou de “Jérusalem”, intangible jusqu'alors, Rabbi Joseph a changé de cap, une nouvelle fois, et a ordonné à ses ministres du Shas de quitter le gouvernement. Rabbi Joseph se transforme alors en nationaliste, voire en raciste dans tous les sens du terme.
Ce samedi-là, après qu'ait commencé la fête du Sabbat, le Rabbi se sert des deux stations de radio du Shas et d'un chaîne de télévision par satellite établie à l'étranger, pour diffuser sa doctrine. Le 5 août, il prononce un prêche qui dépasse en intensité tout ce qu'il avait jamais dit auparavant, étant considéré comme une “bouche paisible”; il insulte les juges de ce monde, usant des expressions bibliques les plus obscènes.
Quand il parlait de l'intention de Barak, de partager Jérusalem, ses sentiments s'échauffaient outre mesure, alors qu'il était plutôt connu auparavant pour la modération de ses propos. Il traitait le premier ministre israélien de “cinglé qui courait derrière les Arabes”. Mais, ajoutait-il, les Arabes sont des “serpents”. Barak amènerait dès lors “les serpents dans notre voisinage”. “Mais qui pourrait donc bien vivre à côté de serpents?”. Pire: “Les fils d'Ismaël (c'est-à-dire les Arabes) sont tous mauvais, tous sont des ennemis d'Israël”. “Le Tout Puissant —Loué soit son Nom— regrette d'avoir un jour créé ces Ismaëlites”.
Se réincarner pour expier?
Mais ces dérapages bibliques et racistes n'ont pas ému outre mesure l'opinion publique juive, qu'elle soit d'Israël ou de la diaspora. Ce sont les propos de Rabbi Ovadia Joseph sur l'Holocauste qui ont provoqué une vive émotion. Jugeons-en: “Les six millions de malheureux Juifs, assassinés par les méchants Nazis —que leur nom puisse être biffé— sont-ils morts pour rien? Non. Ils étaient les réincarnations d'âmes antérieures, qui avaient commis péché, qui étaient devenues séculières, qui avait accepté des choses interdites, qui avaient commis ce qui ne pouvait pas être commis, et qui donc s'étaient réincarnées pour expier”. Le lendemain, le Rabbi tenta de modérer ses propos a posteriori, voire de déclarer saintes les victimes de l'holocauste: en vain! Le djinn était sorti de la bouteille!
Effectivement, de tels propos sont forts et ne peuvent que susciter l'émotion chez les Juifs. D'abord parce que dans la théologie juive, on ne trouve aucune doctrine de la réincarnation. Certes, de telles doctrines existent dans les branches mystiques du judaïsme, notamment dans le Livre de Zohar ou chez certains kabbalistes. On y parle de “retour des âmes”. Mais la théologie juive “classique” ne connaît pas de renaissance des âmes, ni d'ailleurs ne possède de doctrine sur une vie après la mort.
Après l'holocauste, un vif débat, un débat déchirant, a animé la communauté des théologiens juifs; et en son sein, des voix ont effectivement affirmé que les souffrances endurées par le judaïsme étaient les conséquences de péchés commis. C'est notamment la conviction des rabbins qui pensent ne pas pouvoir accuser Dieu d'être “responsable” de ce qui s'est passé, et cherchent dès lors la responsabilité chez les hommes. D'autres pensent que Dieu a oublié ses enfants élus. Quelques rabbins jugent qu'il est trop tôt pour pouvoir interpréter l'holocauste, car, en fin de compte, disent-ils au risque de choquer bon nombre de consciences, celui-ci pourrait “s'avérer positif pour les Juifs”. Le Rebbe de Satmar, Teitelbaum, a enseigné, à un certain moment, que l'holocauste était une punition infligée par Dieu pour châtier les menées sionistes, car l'Etat des Juifs ne pourra exister qu'avec l'arrivée du Messie. Beaucoup d'orthodoxes sont ainsi devenus athées après l'holocauste (de même, au sein du christianisme, on a parlé d'une “théologie de la mort de Dieu”, après la seconde guerre mondiale).
Le thème de la “deuxième élection”
Le motif caché de ces écarts de langage du Rabbi Ovadia Joseph provient sans doute d'une sorte de frustration particulière. En pratique, pendant des décennies, les Juifs sépharades ont été largement exclus des débats exégétiques sur l'holocauste. Ce débat, surtout dans la communauté juive américaine, à induit l'émergence d'une conscience nouvelle qui évoquait une “deuxième élection”. L'holocauste, dans cette perspective, est un événement unique (et incomparable) dans toute l'histoire du monde, pense la nouvelle théologie juive, et ceux qui ont traversé l'unicité incomparable de cette souffrance, sont eux-mêmes des êtres uniques et incomparables; c'est plus précisément le sentiment d'une “deuxième élection”, qui ne concerne pas les Sépharades, pour des raisons historiques évidentes: ils en sont donc exclus. Adolf Eichmann n'a évidemment pas eu l'occasion, ni les moyens, de déporter les Juifs du Maroc ou du Yémen. Cette exclusion des Juifs sépharades de la “deuxième élection” fâche le Rabbi Ovadia Joseph à tel point, dixit le député de la Knesset Joseph Lapid, “qu'il justifie a posteriori l'antisémitisme de Hitler”, qui, lui aussi, disait que les Juifs dans leur ensemble étaient “mauvais”, des “pécheurs”. D'autres observateurs israëliens pensent que Rabbi Ovadia Joseph est, plus simplement, un vieux monsieur, devenu sénile, voire bouffon.
Ivan DENES.
(article paru dans Zur Zeit, Vienne, n°35-36/2000).
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lundi, 18 février 2008
Otto Ferdinand von Abensperg und Traun
18 février 1748: Décès à Hermannstadt / Sibiu du Feldmarschall Comte Otto Ferdinand von Abensperg und Traun, l’un des maréchaux du Saint Empire les plus habiles du 18ième siècle. Pendant la guerre de succession d’Autriche, il battit successivement les Espagnols en Italie, agrandissant dans la plaine du Pô le périmètre des possessions impériales, bat les adversaires du Saint Empire sur le cours du Rhin, dont il fait une frontière militaire sûre, force les Prussiens de Frédéric II à évacuer la Bohème en 1744 et chasse au-delà du Rhin les Français qui cherchaient à satelliser les royaumes d’Allemagne méridionale en 1745, mais, hélas, sans pouvoir reprendre pied en Alsace, en Lorraine et en Franche-Comté, territoires encore occupés aujourd’hui, envers et contre toute légitimité. Grâce à ses victoires militaires, l’époux de l’Impératrice Marie-Thérèse, François I, put devenir Saint Empereur Romain Germanique. Il a rétabli la légitimité impériale en Europe. Les Dragons de Latour, régiment de cavalerie hennuyer, notamment montois, ont servi ce général et acquis, sous ses ordres, une réputation légendaire (Robert Steuckers).
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