Parution du numéro 454 du Bulletin célinien
Sommaire :
L’épigraphe de Voyage au bout de la nuit (Le chant de la Bérézina)
Entretien avec Jean Guenot (5e et dernière partie)
Guerre, antérieur à Voyage ?
Jean-Pierre Maxence, critique de Céline.
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Elizabeth Windsor et Elizabeth Truss: un bilan intermédiaire
par Maxim Medovarov
Souce: https://www.ideeazione.com/elizabeth-windsor-ed-elizabeth-truss-risultati-intermedi/
Une évaluation sobre des capacités du système politique britannique dans une nouvelle phase de crise exceptionnellement aiguë du développement mondial s'impose.
Deux jours après avoir rencontré son homonyme et l'avoir confirmée comme Premier ministre, la reine Elizabeth II, minée par un stress excessif, a quitté ce monde. Il est difficile d'imaginer un moment plus symbolique et providentiel.
La Reine a commencé à régner sur le pays avec Churchill et l'a laissé avec Truss: la dégradation est évidente, mais le vecteur politique du premier et de la seconde est le même. Elizabeth II, en tant que monarque, n'a jamais été une figure décorative et a toujours été impliquée dans les affaires publiques bien plus que ce que l'on pouvait attendre d'elle. Même la première fois qu'il lui a parlé de politique, Churchill a été interpelé par la profondeur de ses connaissances.
Il ne fait aucun doute qu'Elizabeth II partage non seulement formellement (en tant que monarque qui ordonne l'usage de la force), mais en fait avec ses premiers ministres, la responsabilité de toutes les interventions, guerres, répressions et coups d'État dans le monde déclenchés par la Grande-Bretagne au cours des 70 dernières années. Le symbole de la complicité personnelle de la Reine dans les crimes de guerre a été sa prestation devant un piano volé au palais de Saddam Hussein. Et puis il y a eu et il y a Suez, les Malouines, l'Irak, la Yougoslavie, la Libye, la Syrie, l'Ukraine: partout l'élite britannique a laissé des marques sanglantes dans le monde au cours des 70 ans de règne d'Elizabeth II. Les réseaux sociaux en Argentine, en Iran, en Égypte se réjouissent aujourd'hui de la nouvelle de la mort de la reine.
Pour la société britannique elle-même, ce furent 70 ans de dégradation de la culture, de l'éducation, des infrastructures, de la protection sociale, des soins de santé et de l'économie. Aujourd'hui, les gens ordinaires et les villes du Royaume-Uni sont plus pauvres et plus ruinés qu'il y a seulement un demi-siècle. Un tiers de la population britannique est constituée d'immigrants ou de descendants d'immigrants, un fait qui se reflète désormais de manière éclatante au niveau du gouvernement et du parlement.
Le Commonwealth britannique s'est effondré sous nos yeux au cours des deux dernières décennies. L'Inde a même rompu ses liens symboliques avec Londres et mène une politique totalement indépendante. Les Fidji ont fait sécession du Commonwealth, la Barbade de la Couronne britannique. L'Australie et la Jamaïque abordent pour la première fois une discussion politique sérieuse sur la sécession, sur le rejet de la souveraineté britannique suite au prochain couronnement de Charles. Bien sûr, il ne faut pas s'attendre à une sécession immédiate, mais le processus est en cours. En quelques années, Londres pourrait - si les circonstances extérieures le permettent - perdre non seulement ces territoires d'outre-mer, mais aussi l'Écosse et l'Irlande du Nord, devenant ainsi un royaume divisé.
Le décès d'Elizabeth II ne peut pas être simplement évoqué comme s'il s'agissait d'une simple question d'âge. Sa mère et son mari ont vécu plus longtemps qu'elle. Elle s'inscrit dans la tendance de l'année 2022, avec la grande guerre de libération en Ukraine et le glissement tectonique de l'économie mondiale vers la multipolarité, avec les décès symboliques de ceux qui incarnaient cette époque proche et révolue, de Jirinovski aux responsables de l'effondrement de l'Union soviétique. En l'espace de quatre mois, Chouchkevitch, Kravchuk, Burbulis, Bakatin et Gorbatchev sont morts les uns après les autres, ce qui ne peut être une simple coïncidence. Elizabeth II trouve logiquement sa place dans cette énumération nécrologique, tandis que les noms de Biden, Kissinger et Soros manquent encore à l'appel.
Elizabeth II était un symbole de l'atlantisme "doux". Il semble qu'elle n'ait fait des commentaires ouvertement anti-russes qu'une seule fois, il y a quelques années, dans un discours du trône devant le Parlement. Son rôle dans le système atlantiste était de représenter le "bon flic" face à ses premiers ministres. Aujourd'hui, les masques sont tombés et la catastrophe anthropologique vivante qu'est aujourd'hui la Grande-Bretagne, en la personne de Liz Truss, est harmonieusement complétée par le roi Charles III de Grande-Bretagne, caricatural et très mal aimé, qui a battu tous les records d'âge pour accéder au trône.
Le choix du nom de Charles pour le trône, d'une part, ramène pour la première fois la couronne britannique au souvenir des Stuarts et à ses racines écossaises. Bien qu'il n'y ait pas une goutte de sang anglais ou écossais chez Elizabeth et Charles, seulement du sang allemand et un peu de sang danois, tous deux ont pris soin de donner la priorité à l'Écosse dans leurs visites et leurs titres. Ce n'est pas une coïncidence si la reine a passé les derniers mois de sa vie au château de Balmoral, en Écosse.
D'autre part, Charles II (1766-1788) était le nom du prétendant au trône britannique, le légendaire favori Charles Edward Stuart, "Bonnie Prince Charlie", dont le monument se dresse même à Derby, en Angleterre. Dans cette optique, le choix par le nouveau roi du nom de Charles III révèle un accent délibérément provocateur de sa succession aux monarques libéraux et oligarchiques qui gouvernent les îles depuis 1689 et qui sont étroitement alliés à l'élite financière et politique de la City. Le Prince Charles a longtemps cherché à se créer une drôle de réputation de champion du traditionalisme, mais ces dernières années ont montré à quel point il l'était.
L'engagement du nouveau roi envers l'atlantisme et le mondialisme sera tout aussi ferme que celui du nouveau premier ministre. Mais une nouvelle ère se profile à l'horizon, une ère sans Gorbatchev, si vous voulez ; et les différences se manifesteront par une profonde crise politique intérieure, un effondrement énergétique et une rupture complète des procédures démocratiques, même apparentes (c'est déjà le troisième premier ministre à arriver au pouvoir sans élections générales et malgré la haine de la majorité de la population du pays).
Du point de vue de la Russie, il n'y a pas lieu de se réjouir ou de se désoler. Il est nécessaire de procéder à une évaluation sobre des capacités réelles du système politique britannique dans la nouvelle phase, extraordinairement aiguë, du développement mondial. Mais l'écrasante majorité de la population britannique, selon tous les sondages et enquêtes, n'est manifestement pas heureuse de voir Charles III devenir ou de voir Liz Truss ou Boris Johnson à la tête du gouvernement, ou de subir l'imposition autoritaire du programme LGBT ou de se voir administrer des factures astronomiques d'électricité et de chauffage. On ne peut que lui présenter nos condoléances.
18:11 Publié dans Actualité, Affaires européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, europe, affaires européennes, angleterre, grande-bretagne, royaume-uni, élisabeth ii, liz truss, charles iii | |
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Bertrand de Jouvenel et la démocratie totalitaire
Nicolas Bonnal
Sous les menaces et les souffrances de l'invasion, observe Taine, le peuple a consenti à la conscription: Il la croyait accidentelle et temporaire. Après la victoire et la paix, son gouvernement continue à la réclamer: elle devient permanente et définitive; après les traités de Lunéville et d'Amiens, Napoléon la maintient en France; après les traités de Paris et de Vienne, le gouvernement prussien la maintient en Prusse.
De guerre en guerre, l'institution s'est aggravée: comme une contagion elle s'est propagée d'État en État; à présent elle a gagné toute l'Europe continentale, et elle y règne avec le compagnon naturel qui toujours la précède ou la suit, avec son frère jumeau, avec le suffrage universel, chacun des deux plus ou moins produit au jour et tirant après soi l'autre, plus ou moins incomplet ou déguisé, tous les deux conducteurs ou régulateurs aveugles et formidables de l'histoire future, l'un mettant dans les mains de chaque adulte un bulletin de vote, l'autre mettant sur le dos de chaque adulte un sac de soldat: avec quelles promesses de massacre et de banqueroute pour le 20ème siècle, avec quelle exaspération des rancunes et des défiances internationales, avec quelle déperdition du travail humain, par quelle perversion des découvertes productives, par quel recul vers les formes inférieures et malsaines des vieilles sociétés militantes, par quel pas rétrograde vers les instincts égoïstes et brutaux, vers les sentiments, les moeurs et la morale de la cité antique et de la tribu barbare, nous le savons...
Comme dans les démocraties le peuple paraît faire à peu près ce qu'il veut, on a mis la liberté dans ces sortes de gouvernements, et on a confondu le pouvoir du peuple avec la liberté du peuple.
Cette confusion est le principe du despotisme moderne. On peut, par des institutions sagement combinées, assurer la garantie effective de chaque personne contre le Pouvoir. Mais il n'y a point d'institutions qui permettent de faire concourir chaque personne à l'exercice du Pouvoir, car le Pouvoir est commandement et tous ne peuvent commander. La souveraineté du peuple n'est donc qu'une fiction et c'est une fiction qui ne peut être à la longue que destructive des libertés individuelles.
La volonté royale était connue pour celle du personnage couronné, de son favori, de son ministre: elle était par là humaine et particulière, de plain-pied avec les autres volontés. La volonté du Pouvoir démocratique se dit générale. Elle accable chaque individu sous le poids de la totalité des individus qu'elle représente, et opprime chaque intérêt particulier au nom d'un intérêt général qui s'incarne en elle.
La fiction démocratique prête aux régents l'autorité du Tout. C'est le Tout qui veut, c'est le Tout qui agit.
Soin dont Tocqueville a été l'observateur effrayé: « Les vieux pouvoirs locaux disparaissent sans se rajeunir ou être remplacés par rien, et partout à leur place le gouvernement central prend la direction des affaires. Toute l'Allemagne donnerait plus ou moins le même spectacle, je puis dire tout le continent. Partout on sort de la liberté du Moyen Age, non pour entrer dans la liberté moderne mais pour retourner au despotisme antique, car la centralisation, ce n'est autre chose que l'administration de l'empire romain modernisée.» Lettre à H. de Tocqueville dans OEuvres, t. VII, p. 322-323.
Sieyès :
La France ne doit point être un assemblage de petites nations qui se gouverneraient séparément en démocraties, elle n'est point une collection d'États; elle est un tout unique, composé de parties intégrantes; ces parties ne doivent point avoir séparément une existence complète parce qu'elles ne sont point des touts simplement unis, mais des parties formant un seul tout. Cette différence est grande, elle nous intéresse essentiellement. Tout est perdu si nous nous permettons de considérer les Municipalités qui s'établissent, ou les Districts ou les Provinces, comme autant de républiques unies seulement sous les rapports de force et de protection commune.
Tout pouvoir fait nécessairement la guerre aux tendances centrifuges. Mais la conduite du Pouvoir démocratique offre des particularités remarquables. Il se présente comme venant libérer l'homme des contraintes que faisait peser sur lui l'ancien Pouvoir, issu plus ou moins directement de la conquête. Pourtant la Convention guillotine les fédéralistes, le Parlement d'Angleterre écrase, sous des répressions qui sont parmi les plus sanglantes de l'Histoire, le séparatisme national irlandais, le Gouvernement de Washington déchaîne une guerre telle que l'Europe n'en avait pas encore vu pour étouffer les tentatives des États du Sud de s'organiser en corps séparé. Faut-il citer encore l'action de la République espagnole en 1934 contre la volonté d'indépendance catalane?
Loin que le peuple soit seul auteur des lois, il ne lui est même pas permis de se prononcer sur les plus générales, qui affectent le plus profondément son existence. Quoiqu'il existe un mode de consultation populaire, le référendum, qui a fait ses preuves en Suisse, le Pouvoir démocratique n'a garde d'y recourir.
Le vocable même d'intérêt particulier est alors devenu et demeuré une manière d'injure, évolution du langage qui reflète, pour peu qu'on y réfléchisse, la perpétuelle mobilisation de l'opinion sociale contre les fractions constituantes de la communauté.
431 L'Autorité n'est plus alors qu'un enjeu, elle perd toute stabilité, toute considération. Le caractère de ceux qui l'exercent va sans cesse s'abaissant jusqu'à ce qu'enfin le Palais du Commandement ait un occupant qui décide de ne point s'en laisser chasser: c'est le tyran.
434 Et le philosophe rangeait parmi les passifs « tous ceux qui pour la conservation de leur existence, leur nourriture ou leur protection, dépendent d'un autre particulier », c'est-à-dire qu'il aurait refusé le droit de vote à tout le personnel salarié d'une usine. Ce n'est pas, chez d'autres penseurs, l'indépendance mais le loisir qui est le critère des droits civiques. Et ici l'on sent l'influence d'Aristote: c'est le loisir de réfléchir aux affaires publiques qui fait le citoyen, point de loisir point de citoyen. On trouve chez Sieyès et même chez Rousseau comme un regret honteux des facilités que l'esclavage antique donnait à l'homme libre pour former une opinion éclairée.
440 L'avilissement de l'électeur et l'abaissement de l'élu ne sont encore qu'accidentels. Ils vont progressivement devenir systématiques. Des syndicats d'intérêts et d'ambitions se formeront qui, regardant l'assemblée comme une simple attributrice du Pouvoir et le peuple comme un simple remplisseur de l'assemblée, s'ingénieront à capter les suffrages pour investir des députés dociles qui rapporteront à leurs maîtres l'enjeu de toute l'opération; le commandement de la Société.
441 C'étaient de grands esprits, les Rousseau, les Jefferson. Les techniciens de la machine n'ont pas de si hautes prétentions; mais ils connaissent l'homme réel, qui veut de la chaleur, de la camaraderie, de l'esprit d'équipe, et qui est capable pour son clan de nobles sacrifices. Fondée sur une psychologie empirique, la machine réduit au néant et au ridicule les prétentions de la philosophie politique.
444 Loin d'éveiller la capacité citoyenne chez ceux qui ne la possèdent pas encore, on l'éteint chez ceux qui l'ont acquise.
Pour étouffer la curiosité que peut inspirer un orateur éminent du bord adverse, pour combattre l'envie de s'instruire par la connaissance d'arguments différents, pour anéantir cette gentillesse naturelle qui prédispose l'homme en faveur de son prochain, on fait vibrer la corde du loyalisme. C'est trahison de lire le journal de l'ennemi, de se rendre à ses réunions sinon pour couvrir sa voix et ensuite le réfuter d'après un canevas passe-partout. Car la bataille politique est une véritable guerre. Baudelaire s'étonnait déjà d'y trouver un langage militaire: « L'avantgarde de la démocratie ", « à la pointe du combat républicain ", et autres. Le poète avait raison. On a transformé les électeurs en soldats, en « militants ". C'est que leurs meneurs sont des conquérants du Pouvoir.
445 La machine a commencé d'écarter les intelligences et les caractères. Maintenant ils s'écartent d'eux-mêmes. Le ton et l'allure de l'assemblée vont s'abaissant. Elle perd toute considérationl . La puissance effective quitte d'ailleurs l'assemblée à mesure que les partis gagnent en consistance et en discipline. Si l'un d'eux dispose d'assez de sièges pour dominer l'assemblée, elle n'est plus qu'une chambre d'enregistrement de ses décisions. Dans ces conditions aucun gouvernement n'est possible que celui voulu par le parti, que celui du parti.
448 Ainsi la pratique des partis a fait passer la Souveraineté du Parlement à la Machine victorieuse et les élections ne sont plus qu'un plébiscite par lequel tout un peuple se remet entre les mains d'une équipe.
449 Les citoyens acceptent cette tyrannie et ne la haïssent que trop tard.
425 Mais on remarque que là même où la poussée du Pouvoir ne les dépossède point, les citoyens se déchargent eux-mêmes.
17:49 Publié dans Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théorie politique, philosophie politique, politologie, sciences politiques, bertrand de jouvenel, nicolas bonnal | |
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Pour la Wallonie et l’Ordre Nouveau: Pierre Hubermont
par Christophe Dolbeau
Source: Christophe Dolbeau, Les Parias, Ed. Akribeia (commandes: https://www.akribeia.fr/collaboration-vichy/2163-les-parias.html).
Le 10 mai 1940, les troupes allemandes pénètrent en Belgique et déferlent sur les Ardennes. L’assaut est irrésistible : la Wehrmacht entre à Bruxelles le 17 mai et le roi Léopold III capitule onze jours plus tard. Réalisée en moins de trois semaines, cette invasion n’est pas ressentie de la même façon par tous les sujets du royaume. Force est de dire que si une majorité de patriotes en est indubitablement catastrophée, une forte minorité s’en accommode plutôt bien. Aux premiers rangs de cette minorité figurent bien sûr les nationalistes et séparatistes flamands, tous les pro-fascistes du pays, mais aussi de larges couches du prolétariat. Dans son manifeste du 28 juin 1940, Henri De Man (1), le chef du Parti Ouvrier Belge, se montre d’ailleurs très clair : « Pour les classes laborieuses et pour le socialisme », écrit-il, « cet effrondrement d’un monde décrépit, loin d’être un désastre, est une délivrance ». Ce constat, nombre de gens de gauche et d’extrême-gauche le partagent et c’est donc sans grands scrupules qu’ils vont rapidement adhérer à la politique de collaboration. On sait le rôle capital que jouera en France la gauche collaborationniste (2) et l’on se souvient de gens comme Marcel Capron (3), Georges Yvetot (4), André Thérive (5) ou Pierre Hamp (6). Eh bien, il en sera de même en Belgique où plusieurs « célébrités » de gauche vont résolument s’engager en faveur de l’ordre nouveau. On connaît généralement bien les noms d’Henri De Man et Edgar Delvo (1905-1999), les responsables de l’Union des Travailleurs Manuels et Intellectuels (UTMI), mais beaucoup moins celui de Pierre Hubermont, journaliste et écrivain wallon qui paiera fort cher son soutien à l’Europe Nouvelle.
Écrivain prolétarien
De son vrai nom Joseph Jumeau, c’est le 25 avril 1903 que Pierre Hubermont vient au monde à Wihéries, à l’orée du bassin borain. Fils de Nicolas Jumeau et de Maria-Bernardine Abrassart, il possède un frère aîné, François, et aura bientôt une sœur prénommée Adolphine (Addy). Le grand-père, Charles, était mineur de fond et membre de la Ière Internationale, et quant au père, Nicolas, il est également mineur ; fondateur et animateur de la section locale de la fédération des syndicats du Borinage, c’est un socialiste convaincu qui sera conseiller municipal (1908) et finira même par être bourgmestre (1921). L’enfance de Joseph est assez grise pour ne pas dire carrément morose : il a dix ans à peine lorsque sa mère, atteinte d’une sorte de folie mystique, est internée, ce qui traumatise profondément le jeune garçon. Sage et studieux, il fréquente l’école moyenne (collège) de Quiévrain et suit peu après des cours de sténo-dactylo, en vue de faire une petite carrière de col blanc, sans doute dans les bureaux des charbonages. Peut-être un peu déçu et contrarié par cette perspective qui rompt avec la tradition familiale, Nicolas oblige alors son fils à effectuer quelques travaux manuels. L’adolescent sera donc successivement manœuvre maçon, sur le chantier de construction de la Maison du Peuple, puis porteur d’eau, foreur de puits artésien, chargeur de briques et enfin aide-opérateur de cinéma. Ces activités ne lui ôtent pas l’envie d’écrire et de raconter, inclination qui le pousse à adresser quelques petits textes, dont un conte, à L’Avenir du Borinage, organe officiel du Parti Ouvrier. Au journal, quelqu’un a dû deviner le potentiel du jeune homme puisqu’en août 1920, tout juste âgé de 17 ans, il est embauché comme rédacteur. Au contact quotidien de cette presse militante et des professionnels de l’écriture, sa vocation va vite se confirmer. En 1923, il signe son tout premier ouvrage, Synthèse poétique d’un rêve, un modeste recueil de vers libres auquel Les Nouvelles littéraires de Maurice Martin du Gard font l’honneur de consacrer un écho élogieux. C’est un signal encourageant mais encore timide. En fait, le véritable élan va lui venir de sa rencontre, en 1927, avec Augustin Habaru (1898-1944), un jeune journaliste communiste, collaborateur du Drapeau rouge et bras droit d’Henri Barbusse, qui l’entraîne vers la littérature prolétarienne, un domaine avant-gardiste et révolutionnaire.
Cette même année 1927, Joseph Jumeau, alias Pierre Hubermont, publie un court roman, Notre mère la houille, dans les pages de La Nation belge, suivi quelques mois plus tard, mais cette fois dans les colonnes de L’Humanité, de La terre assassinée. L’engagement pro-communiste du jeune écrivain ne fait désormais plus aucun doute. Sa technique d’écriture s’améliore et sa renommée s’affirme. Bien conscient de posséder un style original et soucieux de créer, face à la littérature bourgeoise, une vigoureuse littérature du prolétariat, parlant « le franc et rude langage du peuple » (7), il s’associe à plusieurs auteurs de sa génération et lance avec eux la revue Tentatives dont la grande référence sera le Manifeste de l’équipe belge des écrivains prolétariens de langue française. Né en avril 1928 autour de Charles Plisnier et Marc Bernard, tous deux futurs prix Goncourt, Augustin Habaru, Francis André, Benjamin Goriely (8), Albert Ayguesparse (9) et lui-même, ce magazine de littérature et de culture prolétarienne va durer un an, avant de se transformer en Prospections. Jugeant dès lors que la publication a trop tendance à s’embourgeoiser et à faire montre de complaisance envers le surréalisme, le dadaïsme et autres modes non-prolétaires, il quitte le groupe et s’en va explorer d’autres territoires. En fait, à cette époque, il vient de faire paraître Les Cordonniers, un petit texte d’une trentaine de pages, et se rapproche d’Henry Poulaille (1896-1980) qui milite en faveur d’une littérature faite par le peuple et pour le peuple. Plus radicaux que les populistes (André Thérive, Eugène Dabit), ils n’admettent dans leurs rangs, à la revue Nouvel Âge, que des auteurs vraiment prolétaires (10). Du 6 au 15 novembre 1930, Hubermont est à Kharkov, en URSS, où il participe à une mémorable Conférence internationale des écrivains prolétariens et révolutionnaires. Plus que pour les débats théoriques (qui verront la condamnation de ses amis de la revue Monde), il est surtout venu discuter d’un projet d’adaptation cinématographique de l’une de ses nouvelles, Au fond de la veine 6. Au final, l’affaire ne se fera pas car les Soviétiques voudraient modifier la personnalité de l’un de ses personnages (un délégué socialiste qu’ils tiennent pour un traître à la classe ouvrière), ce que l’écrivain refuse catégoriquement. Il n’a aucunement l’intention d’abandonner la littérature pour faire de la propagande…
L’année 1930 voit également la sortie de Treize hommes dans la mine, un court roman qui va lui valoir un renom international. Inspiré par la terrible catastrophe minière de Courrières (11) et par l’incident de Marcinelle (12), ce livre paraît à Paris, chez Georges Valois (13), mais il sera bientôt traduit en néerlandais, en anglais et en russe. L’écho du récit d’Hubermont est d’autant plus fort qu’un incident survient, au début du mois de mai 1931, à Hornu-Wasmes où six mineurs se retrouvent coincés par un éboulement au fond du puits n° 8, à plus de 900 mètres sous terre. Adapté par une radio américaine (1931), ce texte donne également naissance à Germinal, une pièce radiophonique qui sera diffusée, en mai 1934, par l’INR (14). Il suscite enfin l’intérêt du musicien français André Jolivet (1905-1974) qui compose, pour baryton et piano, une Prière des treize hommes dans la mine (1931) que l’on interprète encore de nos jours. Remarqué par tout ce qui compte dans le milieu de la littérature prolétarienne, Treize hommes dans la mine vaut à Hubermont une vraie notoriété. Il sort désormais de la marginalité. En 1932, il adhère au manifeste du « groupe des écrivains prolétariens » de Poulaille, signe une nouvelle, Première descente, dans l’hebdomadaire anversois Tout (15 janvier) et publie Hardi ! Montarchain, un ouvrage qui attire à nouveau l’attention du public et de la critique. Dans ce roman, il met en effet en scène quelques personnages caricaturaux, notamment deux sœurs jumelles, institutrices à Ciply, qui se reconnaissent et portent aussitôt plainte contre l’auteur. Défendu par nombre de publications, dont le Figaro, Pierre Hubermont sera jugé à Mons, en 1934, et condamné pour diffamation envers les sœurs Liénard, ce qui assure un regain de publicité à son livre… « Pierre Hubermont », écrit Jacques Cordier (15), « est bien connu chez nous par tous ceux qui s’intéressent à la vie des lettres belges d’expression française ». On le dépeint, ajoute-t-il, comme « sensible, doux et cependant enthousiaste et énergique lorsqu’il s’agit de réclamer non point la pitié ou la charité, mais la justice pour ceux qu’il aime … les frustrés, les simples, les travailleurs dont il a bien connu l’existence lourde d’angoisse et de peine ».
Entré au journal Le Peuple, organe central du Parti Ouvrier, Pierre Hubermont, auteur consacré (certains affirment même qu’il aurait reçu, en 1936, le Prix du Hainaut), fait désormais partie des grandes plumes de la gauche belge. Proche d’Émile Vandervelde (1866-1938), le fondateur de l’Internationale ouvrière socialiste, il demeure néanmoins très indépendant et n’hésite pas, le cas échéant, à s’écarter de la ligne officielle, ce qui ne va pas sans créer parfois des problèmes. C’est ainsi qu’un désaccord avec Arthur Wauters (16) entraînera son départ du Peuple. Ces péripéties n’entravent toutefois pas la poursuite de sa carrière littéraire. En 1934, il publie, aux Œuvres libres (n° 151, février 1934) Du côté des anges, livre qui sera bientôt réédité chez Rieder, sous le nouveau titre de Marie des pauvres. Il s’agit d’un roman très intéressant qui traite du mysticisme, de la sainteté illusoire et de la folie ; on pense bien sûr à la maladie de la mère de l’auteur. Dans la revue Esprit (17) Edmond Humeau résume le livre en ces termes : « Journal d’une petite fille qui, dans la misère, s’est prise d’envie pour sainte Thérèse, voudrait être Ermelinde de Brabant et lentement cède à la folie (…) L’histoire se passe dans le Borinage (…) Il y a l’atmosphère du pays noir, ses luttes et la désespérante misère que les hommes corrigent en s’abrutissant et les femmes en se résignant ». Toujours très libre, Pierre Hubermont multiplie les contacts les plus divers : déjà en relation avec André Thérive et Georges Duhamel, qui ont relu Treize hommes dans la mine (18), il assiste, en juin 1935, au Premier congrès international des écrivains pour la défense de la culture, et fréquente également, à partir de 1936, le Groupe du Lundi dont il est l’une des figures de proue, avec Robert Poulet (1893-1989) et Franz Hellens (1881-1972). Très éclectique, ce cénacle, où l’on croise Michel de Ghelderode, Marie Gevers, le poète Georges Marlow, Gaston Pulings et Paul Werrie (19), publie, le 1er mars 1937, un manifeste à la gloire de la « France littéraire » à laquelle il rattache les lettres belges francophones. Journaliste en vue, Hubermont assure une chronique littéraire dans Le Rouge et le Noir, tout en poursuivant son œuvre romanesque. En 1938, il fait paraître L’Arbre creux, roman peut-être moins percutant et moins engagé que les précédents mais qui lui vaut tout de même une critique plutôt favorable, notamment de la part de Robert Poulet et du libertaire breton Armand Robin.
Vedette de la Collaboration
Lorsque la situation internationale commence vraiment à se détériorer, quelques intellectuels diffusent un manifeste qui prône la neutralité belge et la défense des valeurs de l’esprit. Sollicité, en septembre 1939, d’adhérer au texte, Hubermont ne donne pas suite. Promu par Robert Poulet, Mil Zankin (Gabriel Figeys) et Gaston Derijcke (Claude Elsen), le manifeste n’obtiendra le ralliement que de treize signataires. Bientôt appelé sous les drapeaux, l’écrivain se retrouve ensuite aux premières loges, en mai 1940, lors de la triste « campagne des dix-huit jours » et c’est en direct qu’il assiste à la déroute de l’armée belge. Rendu à la vie civile le 1er août, il est alors contacté par Paul Colin (1895-1943) qui lui offre de se joindre à l’équipe du Nouveau Journal qu’il s’apprête à lancer. Théoriquement, le quotidien a reçu le discret assentiment du roi Léopold, ce qui garantit la parfaite probité de l’entreprise. Pierre Hubermont répond donc favorablement et rejoint la rédaction du journal dont le premier numéro sort le mardi 1er octobre 1940. Dans la nouvelle publication, l’écrivain intègre le service qui traite des questions sociales, sous la houlette de Paul Herten (1894-1944). Il ne s’agit donc pas, en soi, d’une prestation bien compromettante, mais c’est en s’associant à une publication aussi franchement collaborationniste que Pierre Hubermont franchit le Rubicon. Pour mieux comprendre sa démarche, peut-être faut-il garder à l’esprit que, disciple de Sorel, l’homme n’a rien d’un modéré ni d’un attentiste, et qu’il subit alors la forte influence d’Henri De Man, dont nous avons rappelé plus haut les propos sans ambages. Fils du prolétariat hainuyer, Hubermont est loin d’être foncièrement hostile aux Allemands et à cet égard, il est à l’unisson de nombre de militants de gauche. « Pour ces militants », note une historienne, « l’allégeance allait au pays qui avait le système social le plus avantageux pour la classe ouvrière, en l’occurrence l’Allemagne, mère-patrie de la social-démocratie ». L’ordre social nazi, ajoute-t-elle assez justement, était tout à fait susceptible de séduire les ouvriers du Pays noir « dont l’idéologie était sociale-démocrate à la mode allemande et dont le type de vie était très proche de ceux de la Ruhr ou de la Sarre ». Et elle souligne enfin que « mines et sidérurgie forgent une solidarité implicite qui va au-delà de tous les autres clivages » (20).
Quoi qu’il en soit, Pierre Hubermont entre dès lors de plein pied dans la Collaboration. Caractère indocile (21), il ne restera cependant que quelques mois au Nouveau Journal où il supporte mal la férule de Paul Colin et l’acidité proverbiale de Robert Poulet, le rédacteur en chef. C’est surtout à partir de 1941 que s’accentue son engagement, l’écrivain se ralliant désormais très ouvertement à l’ordre nouveau et à l’Europe nouvelle. En Allemagne, quelques auteurs prolétariens ont fait des choix similaires (22) et en Belgique même, plusieurs collègues d’Hubermont cèderont, à des degrés divers, à la même tentation (23). « Il partait », écrira sa sœur Addy (24), « de l’idée que la Belgique avait toujours été le champ de bataille des puissances européennes rivales et que la fin des guerres européennes, que l’unification de l’Europe, ferait ipso facto la prospérité de la Belgique ». « Une cause », ajoute-t-elle, à laquelle mon frère restait fanatiquement attaché, en dehors des questions d’humanisme, était celle de l’Europe. Il était d’ailleurs européen dans la mesure où il était humaniste, considérant l’Europe comme la patrie de l’humanisme ». Il voit le futur Reich européen comme la renaissance du vieux Saint-Empire romain germanique. Dans cette perspective, le romancier multiplie les gestes symboliques. René Simar, un professeur de Duffel, ayant fondé une Communauté Culturelle Wallonne (CCW) qui se propose « de recréer l’âme et la culture wallonnes, d’en affirmer et d’en exalter l’originalité », Hubermont y adhère et en devient le secrétaire général. Il en sera bientôt le président, poste auquel il succèdera au peintre et statuaire Georges Wasterlain (1889-1963), lui aussi fils de mineur. Dans ce cadre, Hubermont insiste tout particulièrement sur l’existence et la vitalité d’une culture germanique mosellane, très proche de la culture rhénane… Forte d’un bon millier de membres, répartis en treize « chambres », cette CCW est un groupe extrêmement dynamique qui organise cours de langue, expositions, concerts, récitals et conférences. Soutenue par quelques personnalités connues et quelques experts (comme le germaniste liégeois Adolphe Léon Corin), la CCW diffuse plusieurs publications de bonne facture telles que le mensuel Wallonie (25) et les hebdomadaires Chez Nous et Terre Wallonne (26). Elle anime aussi des journées culturelles wallonnes (en mars 1942 à Liège, en septembre 1942 à Charleroi, en juin 1943 à Dinant) qui témoignent d’un assez bon niveau, évitent l’écueil de la propagande primaire et obtiennent, en conséquence, un écho certain. À l’initiative de Pierre Hubermont, la CCW envoie par ailleurs des enfants en colonies de vacances en Autriche, et organise au moins deux tournées d’artistes wallons dans le Reich. Regroupant une dizaine de personnes, un premier voyage se déroule entre le 23 septembre et le 5 octobre 1941. Il sera suivi d’une grande exposition (35 artistes) ou Wallonische Kunst der Gegenwart qui se produit à Düsseldorf (février-mars 1942), Wuppertal (26 avril-24 mai 1942) et Aix-la-Chapelle (août 1942). Ces événements permettent à des gens comme les sculpteurs Georges Wasterlain et Raymond Scuvée (prix de Rome), ou les peintres Henri Matthy et Pierre Duquène de vendre quelques œuvres et de se faire connaître en Allemagne.
Sculptures de Georges Wasterlain.
Si la direction de la CCW constitue l’une des activités majeures de Pierre Hubermont, ce dernier n’en abandonne pas pour autant le journalisme. Lorsqu’il quitte le Nouveau Journal, c’est en effet pour entrer (novembre 1941) à La Légia, le nouveau quotidien de Liège, où il va dorénavant occuper le poste délicat de directeur politique. Succédant à La Meuse, dont elle récupère les installations, La Légia a commencé de paraître le 25 mai 1940 et a vite adopté une ligne clairement germanophile (ce qui ne l’empêche pas d’avoir une diffusion très honnête de 75.000 à 90.000 exemplaires). Afin d’éviter tout malentendu, précisons tout de suite que le titre ne fait aucunement référence à une quelconque légion (fût-elle « Wallonie »), mais bien à un petit cours d’eau local qui porte ce nom. Sous l’influence d’Hubermont, le ton du journal se durcit sensiblement. « Dans ses éditoriaux », écrit Raoul Folcrey (27), « Hubermont jette les bases idéologiques d’une collaboration germano-wallonne : défense de l’originalité wallonne, rappel du passé millénaire commun entre Wallons et Allemands, critique de la politique française visant, depuis Richelieu, à annexer la rive gauche du Rhin, défense de l’UTMI [Union des travailleurs manuels et intellectuels] et de ses spécificités syndicales ». Outre ces contributions à La Légia, l’écrivain anime une émission (Chronique de la vie wallonne) sur les ondes de Radio-Bruxelles, et collabore à diverses publications, comme l’hebdomadaire satirique Voilà et bien sûr Wallonie dont il est l’un des fondateurs. Dans cette revue, il n’est pas rare qu’il fustige « le cosmopolitisme d’inspiration juive qui s’infiltrait partout par la littérature ». Oublieux de son amour passé pour les lettres françaises, il lui arrive aussi de dénoncer la NRF et « le snobisme francophile ». Hormis ces thèmes opportunistes et un peu de circonstance, il reste bien évidemment très attaché à « un art pour le peuple et jailli du peuple » et demeure fidèle à ses idéaux socialistes (28). Ce qu’il appelle de ses vœux, c’est un État populaire belge qui permette aux cultures wallonne et flamande de s’épanouir dans le respect mutuel, et qui impose une certaine écologie, face au grand capital qui exploite les faibles et détruit les sites naturels. Et s’il soutient l’Allemagne, c’est parce que, selon lui, celle-ci réalise la vraie démocratie, qui part de la base et s’exprime au travers des organismes sociaux.
L’orientation politique de Pierre Hubermont est pleinement confirmée par son adhésion à la Société Européenne des Écrivains ou Europäische Schriftsteller-Vereinigung (ESV) qui voit le jour à Weimar, le 24 octobre 1941 (29). Placée sous l’égide du Dr Gœbbels et destinée à regrouper les écrivains favorables à l’Axe, cette association possède bien entendu une Section Wallonne et Belge de Langue Française (SWBLF) dont Hubermont sera le porte-parole et Guillaume Samsoen de Gérard le secrétaire. Le groupe connaît un certain succès et attire quelques personnalités comme le journaliste Pierre Daye, le dynamique abbé Norbert Wallez (30), Marie Gevers, Francis André, Marcel Dehaye, et le poète patoisant Joseph Mignolet (31). En 1943, le groupe prend le nom de Fédération des Artistes Wallons et Belges d’Expession Française (FAWBEF), mais Hubermont en demeure la cheville ouvrière. Son appartenance à cette société le conduit (ainsi que les écrivains flamands Ferdinand Vercnocke et Filip de Pillecyn) à se rendre, fin avril 1943 et à l’invitation des Allemands, sur le site du charnier de Katyn afin d’y assister à l’exhumation des victimes du NKVD. Lors de ce funèbre déplacement, il fera la connaissance de l’ancien Premier ministre polonais Léon Kozlowski (1892-1944). À leur retour de Biélorussie, les trois Belges donneront une conférence de presse à Bruxelles et Hubermont fera paraître un bref compte-rendu de huit pages (J’étais à Katyn ! Témoignage oculaire)-(32).
Maudit et impénitent
En fin compte, l’aventure collaborationniste de Pierre Hubermont s’interrompt brutalement le 23 septembre 1944, date à laquelle il est appréhendé par les libérateurs du royaume et incarcéré à la prison de Saint-Gilles. Tenu pour un traître d’envergure, avec la circonstance aggravante d’être ou d’avoir été de gauche, son avenir semble dès lors fort sombre. Transféré à Liège, il comparaît le 17 avril 1945 devant le Conseil de guerre local qui dresse à son encontre un réquisitoire implacable. Convaincu de l’innocence du grand allié soviétique, l’un des auditeurs militaires ira même jusqu’à lui reprocher « l’infâme reportage » (sic) qu’il a commis au sujet du massacre de Katyn… Hubermont est défendu par Pierre Nothomb (33) qui parvient, non sans adresse, à atténuer la responsabilité de l’accusé, en jouant notamment sur la démence précoce de sa mère et sur le fait que le futur romancier a tenté de se pendre lorsqu’elle fut internée. En tout état de cause, dextérité du plaideur ou scrupules des juges, Pierre Hubermont évite finalement le poteau d’exécution et écope d’un emprisonnement à perpétuité. Cette condamnation paraît aujourd’hui bien lourde mais au regard des pratiques judiciaires de l’époque (34), il s’agit d’un verdict plutôt clément. D’ailleurs, la peine sera bientôt commuée en 16 ans de détention et Pierre Hubermont sera libéré le 20 novembre 1950.
Lorsqu’il sort de prison, l’écrivain, à l’instar de la plupart des « inciviques », n’est qu’un pestiféré dont nul ne veut plus entendre parler. Il peut bien se remettre à écrire, il ne trouvera plus jamais d’éditeur. On sait par exemple qu’il achève, en décembre 1976, un ouvrage sur Katyn (Khatyn, ce n’est pas Katyn), mais ce dernier ne sera jamais publié ; le tapuscrit dort encore dans un placard des archives nationales (CegeSoma). La détention n’a cependant pas brisé l’ancien militant révolutionnaire. Il participe de temps à autres aux colloques sur la littérature prolétarienne qu’organise le jésuite Paul Feller (vétéran de la 2e DB), et on le retrouve, au moment de la grande grève de l’hiver 1960-1961, dans les parages du Mouvement populaire wallon (MPW). Sous le pseudonyme de René Lapierre, il contribue alors, discrètement, à Combat, le journal du mouvement, où il tient une rubrique intitulée « Vérité de granit ». En tout cas, très favorable à André Renard (photo, ci-dessous), le chef du MPW, il ne lui ménage pas son soutien. « André Renard », écrit-il (35) ainsi, dans La Révolution prolétarienne, « est apparu comme ayant l’étoffe d’un homme d’État prolétarien et européen (…) Ce gars, qui a une puissante personnalité, se dégage (à la faveur d’une grève prématurément engagée à l’encontre de son avis raisonnable et raisonné), se dégage du carcan de la lourde bureaucratie syndicale (…) Grâce à lui, une politique réactionnaire est ébranlée et un socialisme mal en point reprend pied dans un pays où il se mourait d’un excès d’engraissement dormitoire » (36). Comme on le voit, à l’approche de la soixantaine, l’écrivain prolétarien n’a rien renié de ses convictions de jeunesse.
Ces quelques manifestations de présence demeurent toutefois très marginales. Définitivement exclu des lettres belges en 1944, Pierre Hubermont n’obtiendra jamais aucun pardon. Il ne sortira plus de l’anonymat, et c’est dans l’oubli total et l’indifférence générale qu’il s’éteindra, le 18 septembre 1989, à Jette, dans la périphérie bruxelloise.
Notes:
(1) note 12, p. … (P.Daye)
(2) Par le biais notamment du Rassemblement national populaire (RNP), du Parti populaire français (PPF), du Parti ouvrier et paysan français (POPF) ou de la Ligue de pensée française.
(3) Ouvrier tourneur, Marcel Capron (1896-1982) fut maire communiste d’Alfortville puis député communiste de Sceaux. Secrétaire général du POPF, il sera condamné à deux ans de prison et à la dégradation nationale en 1944, mais sera amnistié en 1953.
(4) Ouvrier typographe, Georges Yvetot (1868-1942) fut un célèbre militant anarchiste et syndicaliste révolutionnaire. En 1942, il présidait le Comité ouvrier de secours immédiat (Cosi).
(5) Journaliste, professeur et écrivain, André Thérive (1891-1967) fut le célèbre critique littéraire du journal Le Temps et le fondateur de l’école dite « populiste ». Brièvement emprisonné à la Libération, il collaborera régulièrement à Rivarol, aux Ecrits de Paris, à Paroles françaises et Carrefour.
(6) Ancien pâtissier, chef de gare et inspecteur du travail, l’écrivain Pierre Hamp (1876-1962) fut un ami de Charles Péguy. Socialiste et pacifiste, il a consacré de nombreux livres à la condition ouvrière.
(7) Voy. Manifeste de l’équipe belge des écrivains prolétariens de langue française (février 1929), cité par Jacques Cordier dans « Pierre Hubermont, un homme dans la mire (1903-1989) », in Pierre Hubermont, Treize hommes dans la mine, Bruxelles, Labor, 1993, p. 137.
(8) D’origine juive russe, Benjamin Goriely (1898-1986) a traduit de nombreux textes de littérature russe et consacré plusieurs études au monde soviétique ainsi qu’au nazisme. Il collabora au Drapeau rouge mais aussi à la revue Esprit et à l’Encyclopédie de la Pléiade.
(9) Instituteur et poète, Albert Ayguesparse (1900-1996) sera membre de l’Académie royale de langue et de littérature françaises en Belgique.
(10) Pour être vraiment un « écrivain prolétarien », il fallait impérativement être né de parents ouvriers ou paysans, être autodidacte, et témoigner dans ses écrits des conditions de vie de sa classe sociale d’origine.
(11) Le 10 mars 1906 et suite à un coup de grisou, 1099 mineurs trouvèrent la mort à Courrières. Le 30 mars, treize hommes remontèrent vivants, suivis le 4 avril par un ultime rescapé.
(12) En 1928 et lors d’un éboulement accidentel, quarante hommes furent coincés durant plusieurs heures dans une galerie de mine à Marcinelle.
(13) Disciple de Georges Sorel, Georges Valois (1878-1945) fut le fondateur du Faisceau (1925) et du Parti républicain syndicaliste. Voy. Yves Guchet, Georges Valois, Paris, L’Harmattan, 2001 ; Jean-Claude Valla, Georges Valois : de l’anarcho-syndicalisme au fascisme, Paris, Dualpha, 2017.
(14) Institut National de Radiodiffusion (INR) ou radio d’État belge, fondée en 1930.
(15) Jacques Cordier, op. cit., p. 151.
(16) Arthur Wauters (1890-1960) fut directeur politique du journal Le Peuple, puis député, sénateur, plusieurs fois ministre et ambassadeur (Varsovie, Moscou).
(17) Voy. Esprit de février 1935, p. 848.
(18) Voy. Bernard Delcord, « À propos de quelques ‘chapelles’ politico-littéraires en Belgique (1919-1945) », Cahiers d’histoire de la IIe Guerre mondiale, Centre de recherches et d’études historiques de la IIe Guerre mondiale, n° 10 (Bruxelles, octobre 1986), p. 176.
(19) Ibid, p. 173.
(20) Voy. Elsa Van Brusseghem-Loorne, « La Libération et l’Épuration en Belgique », Le Crapouillot, n°120 (Paris, juillet-août 1994), p. 63.
(21) C’est pour cela sans doute que Jacques Willequet le décrit sèchement comme « un caractériel qui frisait le dérèglement cérébral et qui passa son existence à se brouiller avec tout le monde » – voy. J. Willequet, La Belgique sous la botte, Paris, Editions universitaires, 1986, p. 172.
(22) Par exemple Max Barthel (1893-1975), Karl Bröger (1886-1944), August Winnig (1878-1956) et Hans Zöberlein (1895-1964).
(23) Notamment René Baert (1903-1945), Constant Malva (1903-1969), Marcel Parfondry (1904-1968) et Fernand Jouan.
(24) Voy. A. Jumeau, Bon sang ne peut mentir, Bruxelles, 1949 – cité par Raoul Folcrey, « La Gauche et la Collaboration en Belgique: De Man, les syndicats et le Front du Travail », Vouloir-Archives EROE (en ligne) ou Le Crapouillot, n° 110 (Paris, septembre-octobre 1992), p. 20-22 [version abrégée du même article].
(25) Collaborent à Wallonie Jean Denis, Gaston Derijcke, Francis André, l’abbé Wallez, Gabriel Figeys, Marie Gevers, Marcel Parfondry et Marcel Dehaye.
(26) À Terre Wallonne (qui s’est d’abord intitulé Notre Terre Wallonne), on trouve les signatures de Gilles Anthelme (Francis Soulié), Fernand Jouan, André Combaire et Jules van Erck.
(27) Voy. supra Raoul Folcrey, Vouloir-Archives EROE (en ligne).
(28) « Ce gauchiste », écrit J. Willequet (op.cit, p. 172), « n’eut jamais que deux passions : la Wallonie et le sort de la classe ouvrière ».
(29) Voy. C. Dolbeau, « Weimar 1941-1942 : la Société Européenne des Écrivains », Tabou, vol. 25 (Saint-Genis-Laval, 2019), pp. 160-183.
(30) Directeur du quotidien Le Vingtième Siècle, l’abbé Norbert Wallez (1882-1952) était un admirateur de Mussolini. Correspondant régulier de Charles Maurras et Léon Daudet, il embauchera Hergé et Léon Degrelle dans son journal. Emprisonné en 1944, il sera condamné (1947 et 1948) à cinq ans d’emprisonnement pour collaboration.
(31) Voy. Bernard Delcord, op. cit., p. 181-182.
(32) Ferdinand Vercnocke fait de même et publie Ik was in Katyn.
(33) Sur ce personnage, voir Lionel Baland, Pierre Nothomb, Collection “Qui suis-je“, Puiseaux, Pardès, 2019.
(34) Si Robert Poulet, condamné à mort, finit par s’en sortir vivant, tel n’est pas le cas des journalistes René Baert, José Streel, Paul Herten et Jules Lhost qui sont passés par les armes.
(35) sous le nom de Pierre Hubermont.
(36) Voy. La Révolution prolétarienne (« mensuel syndicaliste révolutionnaire »), n° 465/164, octobre 1961, p. 11.
Bibliographie:
– La Révolution prolétarienne, n° 465/164 (Paris, octobre 1961).
– B. Delcord, « À propos de quelques ‘chapelles’ politico-littéraires en Belgique (1919-1945), Cahiers d’histoire de la IIe Guerre mondiale, Centre de recherches et d’études historiques de la IIe Guerre mondiale, n° 10 (Bruxelles, octobre 1986).
– J. Willequet, La Belgique sous la botte, Paris, Editions universitaires, 1986.
– R. Folcrey, « La Gauche et la Collaboration en Belgique : De Man, les syndicats et le Front du Travail », Le Crapouillot, n° 110 (Paris, septembre-octobre 1992) – repris sur le site Internet de Vouloir-Archives EROE.
– P. Hubermont, Treize hommes dans la mine, Bruxelles, Labor, 1993.
– Elsa Van Brusseghem-Loorne, « La Libération et l’Épuration en Belgique », Le Crapouillot, n° 120 (Paris, juillet-août 1994).
17:37 Publié dans Belgicana, Histoire, Littérature | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pierre hubermont, histoire, wallonie, belgicana, belgique, littérature prolétarienne, littérature, littérature belge, lettres, lettres belges, seconde guerre mondiale | |
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Peut-on encore railler le climat?
par Georges FELTIN-TRACOL
Si la combustion avait dégagé un bilan carbone neutre, on aurait déjà brûlé en place publique Christophe Galtier. Lors de la conférence de presse d’après-match du lundi 5 septembre dernier, l’entraîneur du PSG a effectué un impaire gravissime. En d’autres temps plus inclusifs et citoyens, il aurait été banni de la cité des Bisounours.
Un journaliste lui demande pourquoi les joueurs et leurs accompagnateurs, soit une soixantaine de personnes, ont voyagé en avion privé entre Nantes et Paris. Sur le ton de la boutade, Christophe Galtier répond qu’il envisage pour les prochains déplacements à l’extérieur d’utiliser le char à voile. Présent à ses côtés, le jeune attaquant vedette Kylian Mbappé ne se retient pas pour franchement rigoler. Quelle horreur ! Quelle indécence ! Quelle faute en éco-responsabilité !
Téméraires ou inconscients, l’entraîneur et le joueur ignorent certainement que dans l’Hexagone macronien de 2022, il est formellement interdit de plaisanter sur l’urgence climatique. Le propos comique de Christophe Galtier provoque une indignation intergalactique. Un tsunami de commentaires défavorables déferle sur les réseaux sociaux. Prompte à toujours donner des leçons, la caste politico-médiatique en rajoute volontiers. Élisabeth Borne elle-même, la ministresse des Sports, Amélie Oudéa-Castéra, la mairesse de Paris Anne « 1,74 % » Hidalgo - et on en passe… - condamnent ce trait d’humour malicieux. Dans son édition du 7 septembre, un journaliste de Libération qualifie la scène d’« ignoble ». Pas moins ! La complicité de crime contre l’humanité pointe à l’horizon ! La libération de la parole et l’expression sans aucun tabou ne concerne pas tout le monde, ni tous les sujets. Nous le savions depuis longtemps; cela se confirme.
Dès le lendemain, devant la tempête médiatique déclenchée par une bande de bouffons, Christophe Galtier a présenté ses plus plates excuses. En 2010 au moment des élections régionales, le même Galtier avait désapprouvé l’affiche du Front National montrant des minarets sous forme de missiles. Dommage qu’il n’ait jamais revenu sur cette critique.
À l’heure où planent chez les bien-pensants la fin des piscines privées, des barbecues et de la viande à la cantine scolaire, tels des Salman Rushdie menacés par une secte météo protéiforme, Galtier et Mbappé ont commis en direct un blasphème climatique. Qu’attendent donc les groupes Verts au Palais-Bourbon et au Palais du Luxembourg pour déposer une proposition de loi pénalisant sévèrement tout outrage au climat et à la planète ? La lithosphère, le climat et la planète ne sauraient être raillés, voyons !
Le système médiatique d’occupation mentale bombarde en permanence l’opinion publique de considérations catastrophistes sur l’urgence climatique. Victimes de cette propagande délirante, les jeunes générations développent maintenant des symptômes inquiétants d’une nouvelle pathologie mentale : l’« éco-anxiété ». Par ailleurs, prendre en compte cette urgence climatique implique des initiatives à l’échelle planétaire en tant que « citoyens du monde ». Les utopies mortifères ne sont pas mortes. Elles prolifèrent dans la grande industrie du divertissement dont la médiastructure et la politique politicienne sont les annexes.
Cosmopolite, la religion climatique est aussi une eschatologie séculière. En dignes rejetons de Philippulus le Prophète dans l’album de Tintin, L'Étoile mystérieuse, les Verts crient à l’imminence de la fin du monde. À la différence des grands remplacements productif et démographique, il faudrait croire ce néo-millénarisme insensé.
L’équipe du PSG doit-elle prendre des TGV ? La SNCF peut-elle proposer des horaires aménagés, en particulier la nuit alors que se réalisent les opérations indispensables de maintenance des voies ferrées ? En outre, la circulation ferroviaire des voyageurs et des marchandises arrive à saturation. La thrombose menace le rail à cause du non-renouvellement massif des personnels, souvent partis en retraite, et de la fermeture de nombreuses lignes ferroviaires dont le maintien aurait permis le délestage du fret.
Les belles âmes qui s’offusquent de ce persiflage climatique bon enfant ont gardé un silence pesant quand un gars faisait cet été du jet ski au large du fort de Brégançon. Elles ont en revanche soutenu les fiestas fort peu climato-correctes de la Première fêtarde de Finlande, Sanna Marin. Elles se sont enfin tues en voyant les courses estivales de karting dans la cour de la prison de Fresnes. Si ces engins avaient une propulsion thermique, quelle a donc été l’empreinte carbone de cette sympathique journée d’animation sur la planète ?
Une sotériologie artificielle se diffuse dans tout l’Occident moderne globalitaire. Le dogme infaillible de l’Immaculé Climat s’impose dans les rédactions et les cabinets ministériels. Et gare aux nouveaux mécréants ! Le député végan et « panzoo-iste » de Paris, Aymeric Caron, et son homologue Vert, Sandrine Rousseau, n’hésiteront pas à sévir. On en tremble déjà !
GF-T
16:28 Publié dans Actualité, Affaires européennes | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : climat, france, europe, affaires européennes, éco-anxiété | |
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La Suède détruit le cauchemar social-démocrate
par Enric Ravello
Source: https://euro-sinergias.blogspot.com/2022/09/suecia-destruye-la-pesadilla.html
Magdalena Andersson, Premier ministre suédois, démissionne après les résultats des élections législatives suédoises. La cause n'est pas le résultat de son parti, qui reste le premier parti du pays avec 30% (+2%), mais l'échec de sa coalition gouvernementale de gauche, qui se retrouve derrière le bloc droite+nationalistes, laquelle, avec 176 sièges, a la majorité absolue et la possibilité de former un gouvernement.
C'est le signe indubitable de l'échec du modèle social-démocrate qui, depuis les années 1970, s'est acharné à détruire la société suédoise et à la transformer en un cauchemar multiculturel (1).
Ces résultats ouvrent un processus de négociations. Étant donné que la majorité absolue est détenue par le bloc droite+nationalistes et que le résultat des élections reflète un rejet clair des politiques sociales-démocrates, il y a deux options et deux questions.
La première option - la plus logique - serait que Jimmie Akesson, leader des Démocrates suédois (SD), qui a remporté 21% des voix et est la force la plus représentative du bloc de droite en nombre de voix, soit à la tête du nouveau gouvernement. La deuxième option serait pour le leader du deuxième parti de droite, Ulf Kristersson des Modérés (17%), qui a subi lors de ces élections le raz-de-marée dans le bloc de droite en faveur des "Démocrates Suédois" (SD).
Pour savoir quelle option sera la dernière, il faut se poser deux questions: Akesson exigera-t-il d'être le nouveau Premier ministre? Le reste des partis de droite, libéraux, modérés et conservateurs, continuera-t-il à appliquer un cordon sanitaire contre ce qu'il est convenu, dans les médias mainstream, d'appeler l'"extrême droite", soit les SD ? Les chrétiens-démocrates sont les plus réticents à l'idée de le faire, des rumeurs indiquant qu'ils pourraient même soutenir un gouvernement social-démocrate si les SD n'arrivent pas au pouvoir.
Les négociations s'annoncent longues et intenses, et M. Akesson a fait des déclarations initiales en toute franchise et dans un esprit constructif, mais sans encore arrêter une position concrète:
"Deuxièmement, le peuple suédois a voté pour un changement de pouvoir. Les succès électoraux, tant pour le camp bleu-jaune que pour notre parti, impliquent une grande responsabilité envers les électeurs, et nous assumerons cette responsabilité de la meilleure façon possible et avec le plus grand respect. Il faut maintenant en finir avec la politique social-démocrate ratée qui, depuis huit ans, continue de mener le pays dans la mauvaise direction. Il est temps de commencer à reconstruire la sécurité, le bien-être et la cohésion. Il est temps de faire passer la Suède en premier. Les Démocrates suédois seront une force constructive et motrice dans ce travail".
Un processus commence maintenant pour pouvoir définir en détail comment l'équipe gagnante sera structurée et c'est un processus qui prendra le temps qu'il faut, tout cela afin de construire un nouveau gouvernement stable à long terme.
La formule du succès des SD est simple: être le seul parti qui ose pointer du doigt les conséquences désastreuses de l'immigration de masse, telles l'insécurité, la criminalité, le taux de viols élevés et le radicalisme islamique dans un pays où la gauche et la droite traditionnelle n'osaient pas dire un mot critique. Cette formule, associée à un processus interne de modération des formules, a fait passer les SD de 0,1 % en 1991 à 21 % aux dernières élections aujourd'hui.
Autres parties et tendances futures
Dans la section sur les autres partis, avec 1,4 % des voix, deux partis se distinguent par leurs positions et leurs positions antithétiques.
Le premier est Alternative pour la Suède (0,28%), une dissidence des SD, qui préconise une révision de tous les processus de légalisation et de naturalisation des immigrants et leur rapatriement. Si le vote anti-immigration s'est concentré sur les SD, le discours d'AfS augmente son soutien dans l'opinion publique suédoise. Dans une situation de radicalisation sur l'immigration, l'avenir dira si les SD durciront leurs discours ou si l'AfS parviendra à se développer au sein de l'électorat identitaire suédois. Beaucoup dépendra des performances des SD au cours des quatre prochaines années.
L'autre formation est le parti islamiste Nyans (0,44%) qui obtient des résultats compris entre 20 et 25% dans les banlieues de Stockholm et de Malmö. Nyans a été fondé récemment et est soutenu financièrement et logistiquement par le gouvernement turc (2). Sa croissance est due à une tendance claire: les immigrants musulmans, qui sont de plus en plus nombreux, se sentent politiquement et démographiquement plus forts et votent déjà directement pour leurs propres partis, délaissant les partis de gauche, qui recevaient traditionnellement leurs votes comme acquis ; la croissance des Nyans se fait aux dépens des sociaux-démocrates et des autres partis de gauche. C'est le vote ethno-religieux qui va changer la carte politique européenne. Aux Pays-Bas, DENK, un parti présentant les mêmes caractéristiques est déjà présent au Parlement néerlandais.
Notes:
1) https://www.enricravellobarber.eu/2021/06/rinkeby-como-paradigma-del-fracaso.html#.YyRNxLTP2Uk
2) https://www.enricravellobarber.eu/2021/06/nuevo-partido-musulman-en-suecia-apela.html#.YyRNf7TP2Uk
16:04 Publié dans Actualité, Affaires européennes, Politique | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : politique, actualité, europe, suède, scandinavie, affaires européennes, élections suédoises | |
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Hégémonie et contre-hégémonie de la norme juridique: vers une théorie juridique multipolaire
par Valentin Krotov
Source: https://www.ideeazione.com/egemonia-e-contro-egemonia-della-norma-giuridica-verso-una-teoria-giuridica-multipolare/
Si nous parlons d'hégémonie dans la politique mondiale, nous ne pouvons actuellement pas prendre l'influence hégémonique en considération sans aborder, en même temps, les mécanismes juridiques de l'hégémonie.
À cet égard, la théorie de Gramsci parle de l'exploitation spirituelle et culturelle de la classe ouvrière (du prolétariat) à travers des valeurs "bourgeoises", contribuant ainsi à l'embourgeoisement du prolétariat. De la même manière, la philosophie européenne, l'anthropologie européenne et la culture européenne sont devenues la source du droit international, de ses principes et de ses normes.
La formation du droit international dans sa forme moderne est un processus relativement récent. De plus, il n'y a pas si longtemps, dans les relations juridiques internationales, il y avait une division directe des peuples en "civilisés" et "non civilisés". Ce n'est que depuis l'adoption de la Charte des Nations unies en 1945 et jusqu'à ce jour que nous assistons à un ressac de l'arrogance directe des fondateurs du système moderne de relations internationales.
À cet égard, la théorie de l'origine du droit international a longtemps prévalu, selon laquelle le droit international s'est formé entre le 13ème et le 16ème siècles et s'est perfectionné en 1648 avec la paix de Westphalie, puis s'est étendu à d'autres nations et civilisations non européennes.
La nature néocoloniale du droit international est également toujours présente, car le modèle du système juridique international, dans son ensemble, est construit sur la logique civilisationnelle des États d'Europe occidentale.
La principale source du droit international est le traité international. La signification conceptuelle d'un traité international est que les sujets des relations internationales (les États) expriment mutuellement et librement leur volonté.
À son tour, l'État, en tant que partie d'un traité international, est un individu collectif (une personnalité internationale). Par conséquent, l'ordre international établi se présente comme le résultat d'un traité entre plusieurs États.
Si l'on regarde à travers le prisme de l'histoire et de la philosophie européennes, avant l'établissement de l'ordre mondial et du nouveau système de relations internationales, il y avait une "guerre de tous contre tous" (selon Thomas Hobbes).
Ainsi, dans les relations internationales avec leur structure conventionnelle (multilatérale) de traités internationaux, les idées de Thomas Hobbes, exposées dans son célèbre ouvrage Léviathan, ont été mises en œuvre.
Par conséquent, le droit international moderne est inconcevable sans la mise en conformité des systèmes juridiques nationaux avec les mêmes normes juridiques. Nous constatons que le droit international est plus que visiblement influencé par la philosophie européenne, c'est-à-dire que le droit international est un droit issu de l'ontologie européenne.
Montrons certaines des origines conceptuelles du droit international moderne.
1) Thomas Hobbes et la théorie du contrat social.
L'orientation anti-guerre du droit international moderne remonte au Pacte de Paris de 1928, un traité qui renonce à la guerre comme instrument de politique nationale. Le traité a été initié par le ministre français des Affaires étrangères Aristide Briand et le secrétaire d'État américain Frank Kellogg.
En particulier, l'activiste Jameson T. Shotwell incite Briand à conclure le traité anti-guerre. Shotwell a grandi dans une famille de quakers. Les Quakers étaient connus pour leur rejet de toute forme de violence et pour leurs vastes activités sociales visant à promouvoir les idéaux d'humanisme et de pacifisme dans la société.
Ainsi, une partie importante de la base du droit international reposait sur une option religieuse propre au christianisme occidental modernisé.
La base juridique de la sécurité internationale globale a finalement été institutionnalisée dans la Charte des Nations unies, qui proclame les principes garantissant le maintien de la paix et de la sécurité internationales, l'existence indépendante des États et le développement de la coopération internationale.
Aujourd'hui, les normes juridiques internationales sont l'incarnation du concept de stabilité hégémonique.
La version libérale de ce concept présente l'hégémonie comme un instrument de stabilité de l'ordre international et de sécurité internationale ; la destruction de cette stabilité, selon les idéologues libéraux, conduit à de nouvelles déstabilisations et à des guerres.
Par exemple, l'affaiblissement de l'hégémonie britannique a conduit à la déstabilisation de l'ordre international. Cette affirmation est étayée par les événements de la guerre mondiale de 1914, l'établissement de régimes fascistes en Europe et la Seconde Guerre mondiale. La prise de l'hégémonie mondiale par les États-Unis a conduit à la création du système de sécurité international actuel.
Le caractère libéral de l'hégémonie américaine souligne le fait que cet ordre mondial s'est positionné comme rationnel et le seul possible.
Depuis lors, la solution militaire des problèmes politiques est devenue d'importance secondaire, car l'agression ouverte est interdite par le droit humanitaire international, mais elle permet en fait de nouvelles méthodes d'expansion de l'influence grâce à la technologie des réseaux [1].
Dans le même temps, l'hégémon représenté par les États-Unis se permet d'ignorer les normes du droit humanitaire international, spéculant sur les valeurs de la démocratie et de la stabilité internationale tout en menant des interventions militaires, utilisant même les forces armées de l'Alliance de l'Atlantique Nord.
Cependant, l'opération militaire spéciale de la Russie en Ukraine a suscité une forte condamnation de la part du bloc occidental parmi les pays de l'ONU et un blocus économique sans précédent, qui ne correspond en rien au droit économique international, mais constitue un outil politique anti-juridique dans la lutte pour le maintien de l'hégémonie.
2) L'établissement du capitalisme international comme norme économique mondiale.
Au début de la nouvelle ère de l'économie internationale, le passage de la coopération bilatérale entre États à la coopération multilatérale a joué un rôle important.
L'émergence de traités internationaux multilatéraux (conventions) est un trait distinctif de la forme moderne de la mondialisation, qui a contribué à la création de principes et de normes communs pour réglementer les relations du marché mondial.
Le développement de la mondialisation est directement lié à la propagation de l'économie de marché, qui a remplacé le système de commande et de contrôle établi dans les pays du bloc socialiste. Un facteur direct de la propagation de la mondialisation est l'effondrement de l'URSS et du bloc des États socialistes.
C'est ainsi que gagne le capitalisme mondial, qui dictera dorénavant ses conditions au monde entier.
Le principe de base de la mondialisation des marchés est le respect des "quatre libertés": la liberté de circulation des biens, des services, des capitaux et de la main-d'œuvre. La convergence des marchés donne naissance à des sujets interétatiques de droit international, qui créent un cadre juridique commun pour la coordination de la politique économique.
Les théoriciens libéraux du capitalisme international affirment que l'existence d'un État hégémonique libéral est l'une des conditions fondamentales du plein développement de l'économie de marché mondiale.
Au fil du temps, le développement du capitalisme mondial est devenu de plus en plus centralisé.
Ainsi, en 1947, les États-Unis ont lancé l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT), qui est devenu la base de la formation d'une immense zone de libre-échange. De plus en plus de pays à l'esprit libéral ont rejoint la zone.
Entre autres choses, l'intégration politico-juridique est nécessaire parce que les États-nations perdent leur capacité effective à exercer un contrôle sur les marchés des matières premières et les marchés financiers qui ont depuis longtemps dépassé un certain territoire [3].
L'hégémonie capitaliste mondiale prend ainsi forme.
La justification éthico-juridique de cette hégémonie est la théorie des droits de l'homme, qui se veut universelle à l'échelle mondiale.
3) Les droits de l'homme en tant que doctrine politique et juridique hégémonique.
La doctrine moderne des droits de l'homme remonte à la Renaissance (14ème et 16ème siècles). Au cours de cette période, le concept d'humanisme a commencé à émerger, dans lequel le libre arbitre et la dignité de l'homme ont commencé à être interprétés comme expression de la bonté et de la ressemblance avec Dieu. L'âme est présentée comme quelque chose d'inconditionnellement noble et pur. L'homme est considéré comme déjà sauvé et rien ne peut défaire son salut. L'homme est ainsi placé au centre de l'univers et acquiert, du point de vue du droit, un statut juridique différent.
Les idées d'empirisme et de mécanisme comme forme de philosophie séculaire ont gagné en popularité dans le Nouvel Âge.
Empirisme - "philosophie de l'expérience", cette doctrine reconnaît l'expérience sensuelle de l'homme comme le seul moyen de connaître le monde. En tant que tel, il rejette le caractère sacré et l'expérience de la révélation.
Mécanisme - l'idée que la structure du monde est comme une machine globale.
Dès lors, le mécanisme et l'empirisme de la modernité contribuent à la désacralisation du monde et de l'homme (l'homme est un microcosme).
"La place de Dieu dans le monde, c'est l'esprit dans l'homme, la place de la matière dans le monde, c'est la place du corps en nous." - Sénèque, Lettres, 65, 24.
L'homme, quant à lui, est perçu comme un mécanisme et, en tant que tel, perd progressivement, au fil de l'histoire, sa subjectivité.
La personne est remplacée par un individu, et c'est l'individu qui devient le sujet des relations juridiques et aussi du droit international.
Toutes les notions conceptuelles (dignité humaine, droits de l'homme, valeur de l'individualité de chacun) ont une signification abstraite et donc purement technique.
La définition, le statut juridique et la signification de l'individu dépendent de l'évolution des circonstances politiques et des approches de l'interprétation du droit international.
La méthode doctrinale d'interprétation du droit, largement utilisée dans le droit international des droits de l'homme, permet d'interpréter les normes juridiques en fonction des tendances politiques immédiates.
C'est ainsi, par exemple, qu'est apparu le discours sur les "droits des LGBT", qui a été conceptuellement dérivé de la théorie générale des droits de l'homme et en est ensuite devenu une partie intégrante.
Les principaux instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme sont la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966.
Ce sont ces deux documents qui constituent la base juridique de la création des garanties des droits de l'homme.
En élargissant la portée de ces textes, les instances internationales ont ainsi fait de l'homosexualité, déjà protégée par le droit international, un sujet de notoriété publique.
Le résultat est que le processus de normalisation de l'homosexualité, propre à la civilisation occidentale, est désormais au centre du discours du droit international.
À cet égard, nous portons notre attention sur la jurisprudence du Comité des droits de l'homme des Nations unies. En particulier, dans les affaires Toonen contre l'État de Tasmanie et Young contre l'Australie de 1992. Ces deux cas sont parmi les premières preuves officielles de l'existence d'un discours légalisé sur les relations homosexuelles.
En général, le discours sexuel est un sujet public depuis la révolution sexuelle aux États-Unis et en Europe (dans les années 1960 et 1970). La sexualisation de la société occidentale a fait entrer le côté intime des relations humaines dans la sphère publique et, comme nous l'avons vu dans la pratique du Comité des droits de l'homme de l'ONU, dans la sphère des relations internationales.
La participation d'un État à des groupements interétatiques a également pour effet de transférer certains de ses pouvoirs souverains. Cependant, aujourd'hui, la source des obligations internationales ne réside pas seulement dans les décisions juridiques des organes interétatiques, mais aussi dans les interprétations des normes des traités internationaux, qui constituent ensuite l'ordre juridique de l'État à travers les positions interprétatives des organes interétatiques, souvent les tribunaux. L'un de ces organismes est la Cour européenne des droits de l'homme.
En outre, la Cour européenne des droits de l'homme se considère autorisée à adapter les droits de l'homme reconnus en fonction de l'évolution de la société européenne, ce qui peut conduire à la reconnaissance de droits qui ne sont pas directement inscrits dans la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales [4].
À partir de la jurisprudence du Comité des droits de l'homme de l'ONU et de la Cour européenne des droits de l'homme, nous observons le phénomène de l'hégémonie juridique des États d'Europe occidentale. Cela se produit lorsque les particularités morales, éthiques et juridiques d'une civilisation particulière sont présentées comme communes à l'ensemble de la communauté mondiale, ce qui ne correspond pas au principe de l'égalité souveraine des États et aux particularités socioculturelles des différentes civilisations.
L'arrogance ontologique des architectes de l'ordre international traverse tout le système du droit international.
La communauté internationale se positionne comme la communauté exclusive, tandis que tous les autres États qui ne font pas partie de la Déclaration occupent une position inclusive. L'un des principaux mécanismes d'hégémonie en droit international est donc le prestige. Le prestige en tant que catégorie sociologique peut également être considéré dans le contexte du droit international.
A l'aube de la création des Nations Unies (la Société des Nations), l'anthropologue américain Melville Hescovitz et un groupe de scientifiques de l'American Anthropological Association ont publié un mémorandum, exprimant leur opinion sur le contenu de la Déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948. "La déclaration devrait être fondée sur des normes universelles de liberté et de justice, sur la base du principe selon lequel <...> un homme n'est libre que s'il peut vivre à la hauteur de la conception acceptée de la liberté dans sa société" [5]. La déclaration est donc fondée sur le principe selon lequel <...> un homme n'est libre que s'il peut vivre à la hauteur de la conception acceptée de la liberté dans sa société.
Ainsi, alors que dans la théorie de l'hégémonie classique de Gramsci, la classe dominante veut convaincre toutes les autres classes qu'elle est fondée sur un consensus de classe (l'état du tout), le droit international moderne part du principe qu'il est le destin et le droit de toute l'humanité.
Cette stratégie du droit international, renforcée par les résultats bien connus de la guerre froide, a transformé toute la réalité géopolitique.
La Russie dans le contexte juridique international
En 1991, l'Union des républiques socialistes soviétiques a cessé d'exister et le Pacte d'amitié, de coopération et d'assistance mutuelle (Pacte de Varsovie) a été dissous.
Le monde bipolaire a donc cessé d'exister. Pour la même raison, la confrontation entre les deux approches du statut de la propriété, de la démocratie et du droit a cessé.
La défunte Union soviétique, puis la Fédération de Russie, ont signé un certain nombre d'instruments juridiques internationaux importants dans le domaine de la politique et des droits de l'homme, s'intégrant ainsi au contexte juridique et idéologique de l'Europe.
Ainsi, le parlementarisme, la démocratie légale des partis et le capitalisme sont devenus partie intégrante du système politique et économique de la nouvelle Russie.
La définition de notre État comme "État de droit" a établi un vecteur précis pour l'ensemble du système politico-juridique de la Fédération de Russie. Ainsi, d'une manière ou d'une autre, nous subordonnons le système politique de notre État à l'ordre juridique international (directement ou indirectement par le biais d'une législation nationale fondée sur des principes et des normes juridiques internationaux).
Cependant, l'Union soviétique s'est engagée sur la voie de l'intégration éthico-juridique avec l'Europe occidentale dès 1966, lorsqu'elle a signé les premiers documents internationaux dans le domaine des droits de l'homme : le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels.
Depuis lors, de la perestroïka jusqu'à récemment, la Russie a fusionné avec le monde global dans le contexte éthique et juridique.
L'ensemble du système constitutionnel, et par conséquent la législation sectorielle, est construit en fonction de ces obligations juridiques internationales.
En d'autres termes, l'ensemble du système juridique public et privé était fondé sur les valeurs et les idéaux politiques occidentaux. Cela est resté le cas aujourd'hui, mais a récemment commencé à évoluer vers la souveraineté de l'esprit-valeur, et donc du système juridique.
La situation a changé radicalement avec le début de l'opération militaire spéciale en Ukraine. Le déclenchement des hostilités a mis en évidence les contradictions entre la Russie et les pays d'Europe occidentale. L'une des conséquences du conflit a été le retrait de la Fédération de Russie du Conseil de l'Europe (une décision de j ure a été prise par le Comité des ministres du Conseil de l'Europe d'expulser la Fédération de Russie de l'organisation).
Le retrait de la Fédération de Russie de l'organisation pourrait, d'une certaine manière, servir à construire un modèle d'institutions étatiques et juridiques sur une base fondamentalement différente. En outre, le modèle existant présente des inconvénients importants, qui font l'objet de recherches par certains universitaires nationaux.
Le professeur Y. I. Skuratov, récipiendaire du titre de docteur en jurisprudence, conclut que "l'emprunt des institutions étatiques et juridiques occidentales, l'idéologie politique et juridique libérale sont devenus l'une des raisons de la déstabilisation du système juridique et politique national, de l'augmentation de la criminalité, de l'aliénation des gens vis-à-vis du gouvernement et de l'État... La modernisation de la société russe dans le courant de l'occidentalisation a causé de graves dommages à la culture juridique nationale..." [6].
À la lumière de la restructuration globale de l'ensemble de l'ordre mondial et de la destruction du modèle unipolaire, il est nécessaire de développer une nouvelle théorie juridique qui soit pertinente dans un monde multipolaire [7].
Vers une théorie juridique multipolaire
Les idées d'un autre marxiste célèbre (outre le susmentionné Antonio Gramsci), Georg Lukacs, peuvent être pertinentes pour la formation d'un droit mondial multipolaire.
Ce philosophe a largement contribué au développement du concept de conscience de classe.
Lukacs a présenté la conscience de classe comme un système de croyances partagé par ceux qui appartiennent collectivement à une classe socio-économique particulière.
Lukacs a également souligné que la conscience de classe n'est pas la conscience agrégée des individus d'une classe particulière, mais la conscience intégrale d'un groupe de personnes partageant la même position de classe.
D'autre part, le concept de conscience de classe dans le capitalisme selon Lukacs implique la présence d'une fausse conscience dans le prolétariat. Ces derniers n'ont pas une idée claire de leurs véritables intérêts et ne comprennent pas leur véritable position socio-historique et économique.
Tout comme la fausse conscience du prolétariat selon Lukacs, les peuples du monde moderne se trouvent aujourd'hui dans une fausse conscience, qui a abandonné sa propre identité afin de s'intégrer au système politique et juridique moderne.
Ainsi, la fausse conscience des peuples non-européens inclut le libéralisme en général et, en particulier, sa doctrine éthico-juridique des "droits de l'homme".
Il est possible d'opposer à la fausse conscience des peuples non-européens une "conscience de civilisation" qui correspondrait organiquement au code géopolitique, historique et culturel-religieux d'une civilisation particulière.
Il convient de noter que la base de la formation d'un ordre juridique multipolaire existe depuis des milliers d'années sous la forme des traditions juridiques de divers États et civilisations.
Pendant de nombreux siècles, de nombreuses régions du monde ont eu leur propre vision de l'homme, de la propriété, du crime et de la punition, qui s'est développée indépendamment du système juridique romano-germanique, mais elles disposaient en même temps d'institutions juridiques autonomes qui régulaient organiquement les relations sociales dans les sociétés non-européennes.
Notes:
[1] Voir pour plus de détails : Savin L.V. "Network-centric and Network Warfare. Une introduction au concept".
[2] Giplin R. L'économie politique des relations internationales. Princeton : Princeton University Press. 1987. 85.
[3] Ohmae K. La fin de l'État-nation : l'essor des économies régionales. N.Y., 1995 ; Scholte J.A. Globalization, First edition : A Critical Introduction. N.Y., 2000.P. 211-215.
[4] Voir : Mathieu B. Trouver un équilibre entre la protection de l'identité nationale et le respect des obligations internationales : la liberté d'expression face à des défis surmontables // Journal of Foreign Law and Comparative Law. 2021. Т. 17. № 1. С. 20 - 21.
[5] Déclaration des droits de l'homme, soumise à la Commission des droits de l'homme des Nations unies par le Comité exécutif de l'American Anthropological Association // American Anthropologist. 1947. № 49. P. 541.
[6] Skuratov Y. I. La nature eurasienne de la Russie et certains problèmes modernes de développement des institutions juridiques de l'État. - Ulan-Ude, 2012.
[7] Voir en détail : Dugin A. G. Théorie du monde multipolaire. Pluriversum. Tutoriel. - 2015.
15:21 Publié dans Actualité, Droit / Constitutions | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : droit, constitution, politique internationale | |
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Parution du numéro 454 du Bulletin célinien
Sommaire :
L’épigraphe de Voyage au bout de la nuit (Le chant de la Bérézina)
Entretien avec Jean Guenot (5e et dernière partie)
Guerre, antérieur à Voyage ?
Jean-Pierre Maxence, critique de Céline.
Thibaudat a lâché le morceau cet été : le détenteur des fameux inédits n’était autre qu’Yvon Morandat (1913-1972), celui que Céline appelle comiquement « mon occupant » puisqu’il emménage dans son appartement, réquisitionné par la Résistance, à la Libération. Ailleurs il évoque « celui qui occupe [s]on lit à Montmartre ». On savait que ce résistant, gaulliste de la première heure, avait placé le mobilier de Céline dans un garde-meuble. Et que celui-ci avait refusé de le récupérer contre le paiement des frais de gardiennage. On savait aussi que l’écrivain n’avait pas tenu à recouvrer ces manuscrits qui n’avaient, disait-il, aucun intérêt pour lui ¹. Ce qui ne l’empêcha pas de se poser en victime de Morandat. Mais se souvenait-il de tout ce qu’il avait laissé ? On ignorait par ailleurs que le nouveau locataire détenait aussi, dans une malle, des documents personnels de Céline dont des lettres, photographies et autres archives privées. C’est l’une des filles du résistant qui, via un ami de la compagne de Thibaudat, lui a remis le tout à l’aube des années 80. Il a donc détenu ces inédits pendant quarante ans. Il ne s’agissait en aucun cas de les remettre à Lucette Destouches car c’était « s’exposer à voir des documents gênants pour Céline disparaître ou être interdits de publication. » Il importait aussi de ne pas faire de cadeau à celle qui « avait déployé beaucoup d’efforts pour tenter de gommer l’ignominie antisémite de son époux » [sic]. On comprend aussi qu’il ne fallait pas entacher la mémoire de Morandat que de mauvais esprits eussent pu accuser de recel puisqu’il conserva par-devers lui, outre les manuscrits (que Céline déclina), des documents privés qu’il aurait pu lui remettre en mains propres lorsqu’il le rencontra, au domicile de Pierre Monnier, au début des années cinquante. Quid d’Oscar Rosembly ? C’est de toute évidence lui qui, en août 1944, subtilisa le manuscrit complet de Casse-pipe (plus de 800 pages, selon Céline), la version cédée par Morandat étant, elle, très lacunaire ².
Que sont devenus les manuscrits dérobés par Rosembly (car il y aurait aussi la version finale de La volonté du roi Krogold) ? Les ayants droit comptent-ils s’adresser au petit-fils de Rosembly, journaliste à Marseille, afin de savoir ce qu’il en est ? Guère d’espoir de ce côté puisqu’on se souvient qu’il tomba des nues lorsqu’il apprit, l’été précédent, les “exploits” de son grand-père. Comme on le voit, bien des zones d’ombre subsistent et, avec Céline, on n’est pas au bout de nos surprises. Toutes ces péripéties sont d’ailleurs très céliniennes. De même le fait que cette histoire suscite tant de commentaires imbéciles. Ainsi, à la suite de l’ineffable Roussin, l’ancien journaliste de Libération relève que, dans l’exposition organisée par Gallimard, la médaille militaire de Louis Destouches a été exposée sans que ne fût rappelé qu’il n’avait plus le droit de la porter par décision de justice. Cette hargne envers un auteur mort il y a 60 ans a quelque chose de fascinant…
• Jean-Pierre THIBAUDAT, « Céline, le trésor retrouvé. La piste Morandat », Mediapart, 10 août 2022. Neuf épisodes ont été publiés au total [https://blogs.mediapart.fr]
22:30 Publié dans Littérature, Revue | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : louis-ferdinand céline, lettres, lettres françaises, littérature, littérature française, revue | |
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L'espace instable entre l'ancien et le nouvel ordre
Markku Siira
Source: https://markkusiira.com/2022/09/13/vanhan-ja-uuden-jarjestyksen-epavakaa-valitila/
Selon le diplomate et universitaire indien Shivshankar Menon, "une sorte d'anarchie se glisse dans les relations internationales" - non pas l'anarchie au sens strict du terme, mais plutôt "l'absence d'un principe central d'organisation ou d'un hégémon".
"Les États-Unis ont mené deux ordres après la Seconde Guerre mondiale", divise Menon (photo). Premièrement, "un ordre keynésien qui ne s'intéressait pas particulièrement à la manière dont les États géraient leurs affaires internes dans un monde bipolaire de guerre froide".
Dans les années 1990, c'était le tour de "l'ordre néolibéral dans un monde unipolaire", dans lequel une Amérique puissante ignorait complètement la souveraineté nationale et les frontières nationales des autres États quand elle le voulait.
Les deux ordres ont affirmé être "ouverts, fondés sur des règles et libéraux" et ont prétendu "défendre la démocratie", les soi-disant "valeurs du libre marché, les droits de l'homme et l'État de droit".
En réalité, ils étaient fondés sur la "domination et la coercition militaires, politiques et économiques" des États-Unis. Dans l'ère post-soviétique, la plupart des grandes puissances, y compris la Chine émergente, ont suivi, du moins dans une certaine mesure, les règles truquées de l'ordre dirigé par l'Occident.
Mais les événements de ces dernières années laissent penser que cet arrangement appartient au passé. Les grandes puissances, y compris les États-Unis, se comportent désormais, selon Menon, de manière "révisionniste", c'est-à-dire qu'elles poursuivent leurs propres objectifs au détriment de l'ordre international.
Ce révisionnisme se manifeste souvent par des différends territoriaux, comme ceux qui opposent la Chine à ses voisins, l'Inde, le Japon, le Vietnam et d'autres pays de la région maritime asiatique, et le conflit entre la Russie et l'Ukraine, qui est renforcée par l'alliance de l'OTAN.
Selon Menon, le révisionnisme se reflète également dans les actions de nombreuses autres puissances, "comme la suspicion croissante à l'égard du libre-échange aux États-Unis, le renforcement militaire d'un Japon autrefois pacifiste et le réarmement de l'Allemagne".
De nombreux pays sont mécontents du monde tel qu'ils le voient et cherchent à le changer à leur avantage. Cette tendance pourrait conduire à une géopolitique plus conflictuelle et à des perspectives économiques mondiales plus faibles.
Menon estime qu'à l'heure actuelle, "le monde est à la dérive". Dans l'espace instable actuel entre l'ancien et le nouvel ordre, les grandes puissances n'adhèrent plus à des principes et des normes clairs (on peut se demander si elles l'ont jamais fait).
De nombreux autres pays suivent leur propre voie. Le "principe de la souveraineté des États" est désormais invoqué pour mener une politique fondée sur la préférence des États, plutôt que la politique "fondée sur les valeurs" mise en avant par l'Occident (qui est, après tout, très fausse).
Ces dernières années, les États-Unis ont cultivé la rhétorique trompeuse selon laquelle le monde serait à nouveau défini par une confrontation entre deux blocs - le "monde libre" dirigé par l'Occident et les "États autocratiques". Les États soumis aux sanctions occidentales ont formé des partenariats stratégiques entre eux.
Alors que les anciennes normes et institutions s'érodent, des caractéristiques autoritaires sont déjà évidentes dans de nombreuses démocraties. Cette tendance s'est accélérée à l'époque de la pandémie, lorsque des restrictions à la libre circulation des personnes ont été imposées en raison de la crise sanitaire. "Les lois et règlements élaborés dans les circonstances exceptionnelles de la 'nouvelle normalité' permettent de renforcer le contrôle de l'État à l'avenir.
L'économie mondiale globalisée se fragmente en blocs commerciaux régionaux et la concurrence pour les avantages économiques et politiques entre les grandes puissances s'intensifie. Les pays doivent apprendre à se débrouiller dans cet entre-deux et se préparer à un avenir incertain.
"Une solution consiste à se tourner vers l'intérieur", analyse Menon. La Chine, l'Inde, les États-Unis et bien d'autres pays l'ont fait ces dernières années, en soulignant d'une manière ou d'une autre leur autosuffisance: la "stratégie de double circulation" de la Chine, la promesse de M. Biden de "reconstruire en mieux" et l'engagement de l'Inde, sous la direction du Premier ministre Narendra Modi, en faveur de l'aatmanirbharta, ou autosuffisance, en sont des exemples.
Si les pays veulent devenir plus indépendants économiquement, ils veulent aussi être mieux préparés militairement. Toutes les grandes puissances ont cherché à étendre leurs capacités de défense. Malgré les conséquences économiques de l'ère pandémique, les dépenses mondiales de défense ont dépassé les deux mille milliards de dollars pour la première fois en 2021.
Selon un professeur indien, une autre réponse à la situation actuelle est que les États forment des "coalitions ad hoc". La dernière décennie a vu l'émergence d'un certain nombre d'arrangements multilatéraux, tels que la Quad Alliance, les BRICS, l'Organisation de coopération de Shanghai et le regroupement I2U2 de l'Inde, d'Israël, des Émirats arabes unis et des États-Unis.
Chaque problème semble donner lieu à un nouvel acronyme. Ces arrangements servent des objectifs géopolitiques spécifiques et, bien qu'ils puissent contribuer à renforcer les relations bilatérales entre certains pays, ils ne se rapprochent pas des groupements de l'époque de la guerre froide.
De nombreux États de taille moyenne ou plus petite franchissent inévitablement les lignes de démarcation et cherchent à équilibrer leurs relations avec les grandes puissances. La réaction de l'alliance des pays d'Asie du Sud-Est (ASEAN) aux différends entre les États-Unis et la Chine et le développement des relations entre Israël et les monarchies sunnites du Golfe par le biais des "pactes abrahamiques" sont des exemples de cette tendance.
Plus récemment, de nombreux pays d'Afrique, d'Asie et d'Amérique latine ayant des liens étroits avec l'Occident ont résisté à l'envie de rejoindre le front des sanctions anti-russes, alors que le conflit gelé en Ukraine se réchauffait à nouveau. Ces pays ne manifestent pas automatiquement de la sympathie pour le jargon cynique sur les "valeurs" propagé par l'Occident.
Cet équilibrage et cette couverture encouragent la recherche de solutions locales aux problèmes locaux, qu'il s'agisse d'accords économiques et commerciaux régionaux ou de solutions négociées aux différends politiques. Le processus de mondialisation, qui estompe les frontières, est-il en train de se retourner contre nous ?
Si les grandes puissances remettent bruyamment en question la sagesse de l'ancien ordre, les pays plus faibles ont déjà perdu la foi en la légitimité et l'équité de "l'ordre international fondé sur des règles".
C'est particulièrement vrai pour les pays du Sud, qui ont vu l'ONU, le FMI, la Banque mondiale, l'OMC, le G20 et autres échouer dans leurs efforts. Aujourd'hui, plus de 53 pays sont menacés par une grave crise de la dette.
Alors que l'ancien ordre se désintègre et que le nouveau peine à émerger, le Prof. Menon estime que "les pays ayant une compréhension claire de l'équilibre des pouvoirs et une vision d'un ordre futur coopératif qui sert le bien commun auront un avantage".
Il est peu probable que l'équilibre des pouvoirs, qui évolue rapidement, fournisse la base d'un nouvel ordre stable avant un certain temps. Menon prévoit que les grandes puissances "se déplacent de crise en crise au fur et à mesure que leur insatisfaction à l'égard du système international et que la méfiance des unes à l'égard des autres grandit, comme une sorte de mouvement sans mouvement".
Le penseur indien est pessimiste quant à l'avenir. Menon note que "la capacité des grandes puissances s'est affaiblie en termes de gestion des relations étrangères, de gestion des crises, ou de capacité à résoudre les problèmes transnationaux".
Étant donné que les conclusions de Menon sont publiées dans Foreign Affairs, un journal du groupe de réflexion "Council on Foreign Relations" fondé par David Rockefeller, on peut se demander s'il ne suggère pas également que la solution réside dans une "gouvernance mondiale plus centralisée".
22:05 Publié dans Actualité, Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, politique internationale, instabilité, ordre mondial, shivshankra menon, inde, théorie politique, politologie, sciences politiques | |
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Syndrome du Titanic : Ernst Jünger et la culture de la panique
par Nicolas Bonnal
A la fois prophète olympien et descripteur de la débâcle, Jünger prévoit notre anéantissement économique et anthropologique. Dans Soixante-dix s’efface, alors qu’il raconte des petits voyages (Maroc, Canaries) souvent décevants, le maître soudain catastrophé écrit :
« Les autos ruinent les villes ; le séjour devient une « saison en enfer » - les bruits, les gaz d’échappement, les dangers de mort. Quand on ne se fait pas écraser, on dépérit lentement. Même les îles lointaines en sont inondées. Sur les plages, les hôtels poussent comme des champignons, non isolément, mais par chaînes entières. Ils sont identiques, jusqu’à leurs trous de serrure ; leur modèle se trouve quelque part à New York ou à Tokyo. On estime par conséquent que le nombre des voyageurs va constamment croître, et qu’il faut, dans cette perspective, engager de plus en plus de personnel. Dans les îles, l’eau va aussi se raréfier. Fièvre du boom commercial. Qu’arrivera-t-il en cas de restrictions, de crise économique, de guerre ? L’évolution est irréversible. Un hôtel vide se change bientôt en ruine ; d’un garçon de restaurant, on ne refera jamais un berger. Viennent alors des paysages spectraux (p. 534).»
L’effondrement qui nous arrive dans les années 2020, et qui est autant subi que provoqué via le Reset, devient chez Jünger un syndrome du Titanic. Vingt ans avant, dans son livre le plus important pour les survivalistes, le Traité du rebelle donc, Jünger écrit :
« La peur est l’un des symptômes de notre temps. Elle nous désarme d’autant plus qu’elle succède à une époque de grande liberté individuelle, où la misère même, telle que la décrit Dickens, par exemple, était presque oubliée. »
Jünger évoque justement le Titanic ; on se souvient du succès effarant de ce film répugnant. Il écrit donc :
« Comment ce passage s’est-il produit ? Si l’on voulait nommer l’instant fatal, aucun, sans doute, ne conviendrait mieux que celui où sombra le Titanic. La lumière et l’ombre s’y heurtent brutalement : l’hybris du progrès y rencontre la panique, le suprême confort se brise contre le néant, l’automatisme contre la catastrophe, qui prend l’aspect d’un accident de la circulation. »
Jules Verne a bien montré que l’automatisme (la civilisation mécanique) croissait avec la peur. Voyez les 500 millions de la Bégum qui montre la montée du péril allemand sur fond de grosse industrialisation. Il y a une grosse promesse, raconte Jünger, mais elle croît avec un grand risque et une grosse trouille :
« Il est de fait que les progrès de l’automatisme et ceux de la peur sont très étroitement liés, en ce que l’homme, pour prix d’allègements techniques, limite sa capacité de décision. Il y gagne toutes sortes de commodités. Mais, en contrepartie, la perte de sa liberté ne peut que s’aggraver. La personne n’est plus dans la société comme un arbre dans la forêt ; elle ressemble au passager d’un navire rapide, qui porte le nom de Titanic, ou encore de Léviathan. Tant que le ciel demeure serein et la vue agréable, il ne remarque guère l’état de moindre liberté dans lequel il est tombé. Au contraire : l’optimisme éclate, la conscience d’une toute-puissance que procure la vitesse. Tout change lorsqu’on signale des îles qui crachent des flammes, ou des icebergs. Alors, ce n’est pas seulement la technique qui passe du confort à d’autres domaines : le manque de liberté se fait sentir, soit que triomphent les pouvoirs élémentaires, soit que des solitaires, ayant gardé leur force, exercent une autorité absolue. »
Jünger a vu le lien entre les mythes grecs et le progrès technique, comme Anouilh, Giraudoux, Domenach, Cocteau et quelques autres pendant et après la Guerre. Le Titanic n’est pas seul en cause. C’est aussi le syndrome du radeau de la méduse, épisode affreux de notre histoire et qui rappelle que la méduse nous transforme en pierres (en cœurs de pierre).
Jünger ajoute :
« Et nous finissons comme des bougies dans un tableau de Bosch :
On pourrait élever une objection : d’autres ères de crainte, de panique, d’Apocalypse ont suivi leur cours, sans que ce caractère d’automatisme vînt les renforcer, leur servir d’accompagnement.
Laissons ce point : car l’automatisme ne prend ce caractère terrifiant que s’il s’avère être l’une des formes, le style même de la fatalité, dont Jérôme Bosch donnait déjà une représentation incomparable. »
Mais Jünger souligne l’essentiel. Nous crevons de trouille et c’est la marque du monde moderne (la vie aurait dû rester un « risque à courir, pas un problème à résoudre », comme disait un Bernanos écœuré) :
« On constatera que presque tous, hommes ou femmes, sont en proie à une panique telle qu’on n’en avait plus vu dans nos contrées depuis le début du Moyen Age. On les verra se jeter avec une sorte de rage dans leur terreur, en exhiber sans pudeur ni retenue les symptômes. »
Umberto Eco dans un bel essai sur le moyen âge avait parlé du retour impromptu de ces grandes peurs. Flaubert avait déjà souligné dans sa correspondance la trouille liée à un simple épisode météo (voyez mon texte) ; et c’est aujourd’hui sur fond de paniques climatiques que nos élites et gouvernements veulent nous anéantir. On veut alors se cacher (collapsologues, catastrophistes, apocalyptiques, à vos bateaux, à votre or, à vos cavernes !) et Jünger ajoute presque humoristiquement :
« On assiste à des enchères où l’on dispute s’il vaut mieux fuir, se cacher ou recourir au suicide, et l’on voit des esprits qui, gardant encore toute leur liberté, cherchent déjà par quelles méthodes et quelles ruses ils achèteront la faveur de la crapule, quand elle aura pris le pouvoir. »
L’automatisme progresse évidemment avec la panique, et dans le pays qui reste le plus avancé, l’Amérique :
« La culture de panique va s’appesantir, là où l’automatisme gagne sans cesse du terrain et touche à ses formes parfaites, comme en Amérique. Elle y trouve son terrain d’élection ; elle se répand à travers des réseaux dont la promptitude rivalise avec celle de l’éclair. Le seul besoin de prendre les nouvelles plusieurs fois par jour est un signe d’angoisse ; l’imagination s’échauffe, et se paralyse de son accélération même. »
Jünger va même plus loin en dénonçant l'horreur télévisuelle qui crée péril russe, virus, Reset, dictature et pénurie (voyez mon texte "De Platon à Cnn"):
« Toutes ces antennes des villes géantes ressemblent à des cheveux qui se dressent sur une tête. Elles appellent des contacts démoniaques. »
Nous avons parlé du rôle narcotique de l’info dans un texte ici-même, en citant Platon, Théophraste, Fichte et Thoreau. Reprenons Thoreau :
« À peine un homme fait-il un somme d’une demi-heure après dîner, qu’en s’éveillant il dresse la tête et demande : « Quelles nouvelles ? » comme si le reste de l’humanité s’était tenu en faction près de lui. Il en est qui donnent l’ordre de les réveiller toutes les demi-heures, certes sans autre but ; sur quoi en guise de paiement ils racontent ce qu’ils ont rêvé. Après une nuit de sommeil, les nouvelles sont aussi indispensables que le premier déjeuner.
Dites-moi, je vous prie, qu’importe ce qui a pu encore arriver à quelqu’un, n’importe où sur ce globe ? »
Nous risquons toujours la guerre avec la Chine et la Russie, comme durant la Guerre Froide. Jünger remarque :
« Il est certain que l’Est n’échappe pas à la règle. L’Occident vit dans la peur de l’Est, et l’Est dans la peur de l’Occident. En tous les points du globe, on passe son existence dans l’attente d’horribles agressions. Nombreux sont ceux où la crainte de la guerre civile l’aggrave encore.
La machine politique, dans ses rouages élémentaires, n’est pas le seul objet de cette crainte. Il s’y joint d’innombrables angoisses. Elles provoquent cette incertitude qui met toute son espérance en la personne des médecins, des sauveurs, des thaumaturges. Signe avant-coureur du naufrage, plus lisible que tout danger matériel. »
Ce naufrage n’est pas très prometteur d’autant que la solution semble impossible : on combat pour la forme le minotaure au milieu des zombis. Jünger envoie promener le yoga, pourtant recommandé avec la Kabbale dans Sex and the City :
« Mais notre temps exige autre chose que la fondation d’écoles de yoga. Tel est pourtant le but, non seulement de nombreuses sectes, mais d’un certain style de nihilisme chrétien, qui se rend la tâche trop facile. On ne peut se contenter de connaître à l’étage supérieur le vrai et le bon, tandis que dans les caves, on écorche vifs vos frères humains. »
Reconnaissons que nous avons progressé. On les écorche moins vifs, on les bourre vifs et on les sur-informe vifs. Mais passons. Jünger encore pour conclure (si c’est encore possible) :
« Car nous ne sommes pas impliqués dans notre seule débâcle nationale ; nous sommes entraînés dans une catastrophe universelle, où l’on ne peut guère dire, et moins encore prophétiser, quels sont les vrais vainqueurs, et quels sont les vaincus. »
Ici il rejoint Mgr Gaume : pour ce dernier l’Apocalypse aurait lieu quand le monde serait unifié. Comme dira Guy Debord : « dans un monde unifié on ne peut s’exiler ». Les démons de Davos peuvent alors se rassembler comme à la fin du chant I de Milton et entamer l’œuvre de destruction et de dépeuplement.
Ernst Jünger défendait le recours aux forêts. Comme on sait aussi les montagnes-parcs nationaux sont bourrées de parkings payants et nous venons d’apprendre que dans les Pyrénées, la balade sera payante. On paiera un automate. Mais ne paniquons pas...
Sources:
Jünger – Traité du rebelle, le recours aux forêts – archive.org
https://lecourrierdesstrateges.fr/2022/06/27/de-platon-au...
https://lesakerfrancophone.fr/monseigneur-gaume-et-le-car...
https://www.dedefensa.org/article/flaubert-et-notre-abrut...
21:52 Publié dans Actualité, Littérature, Philosophie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ernst jünger, nicolas bonnal, panique, littérature, littérature allemande, lettres, lettres allemandes | |
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La cour royale de Grande-Bretagne et les mots d'ordre mondialistes
Markku Siira
Source: https://markkusiira.com/2022/09/09/britannian-kuningashovi-ja-globalistien-agendat/
Le décès de la reine d'Angleterre a été rapporté dans les médias du monde entier. Monarque qui régna plus de 70 ans, Elizabeth II, décède tout récemment au château de Balmoral en Écosse, unjeudi soir de septembre, à l'âge de 96 ans. Elle a bénéficié d'un grand succès populaire pendant la majeure partie de son règne - du moins c'est ce qu'on nous assure.
Certains disent que c'est l'Empire britannique qui a lancé le projet de mondialisation qui révolutionne le monde. Il est ironique que le décès du leader symbolique du Commonwealth soit pleuré par des personnes qui, dans le même temps, s'indignent du fait que leur île natale soit envahie par des immigrants venus des anciennes colonies, tandis que les Britanniques de souche seront bientôt une minorité dans leur propre pays.
Selon l'ordre de succession britannique, le fils aîné de la reine deviendra désormais roi. Né à Buckingham Palace en 1948, Charles est peut-être plus connu pour son mariage raté avec Lady Diana Spencer, qui est décédée dans un accident de la circulation à Paris en 1997, un an seulement après son divorce.
En tant que duc et prince de Windsor, Charles est dépeint en public comme un personnage maladroit mais aimable qui parle à ses plantes, aime l'architecture traditionnelle et protège la nature. Charles a même été considéré comme un "prince philosophe" antimoderne qui apprécie les religions du monde et est un partisan de l'école traditionaliste de la philosophie pérenne.
Mais dans une réalité plus dure, il est une noble figure de proue de l'empire mondialiste, où les manœuvres économiques et géopolitiques douteuses d'un petit groupe supranational sont hypocritement dissimulées derrière une façade philanthropique.
Combien se souviennent encore que c'est Charles, le futur roi du "développement durable", qui s'est prononcé en 2020 en faveur du "Great Reset" du Forum économique mondial ? Charles partageait l'idée de Klaus Schwab et de ses partenaires que la "pandémie" offrait une opportunité de changer fondamentalement le monde.
Dans la pratique, cela signifie que l'héritier du trône britannique - ainsi que les familles fortunées et la nouvelle figure de proue politique du Royaume-Uni, le Premier ministre nouvellement élu Liz Truss - continuera à combiner techno-féodalisme, faux écologisme et capitalisme d'entreprise.
Lorsque le père de Charles, le prince Philip, est décédé lors de la crise sanitaire en avril 2021, de nombreux journalistes sinistres se sont souvenus que le prince, qui cultivait les remarques désobligeantes et l'humour noir, avait un jour déclaré qu'il espérait être réincarné en un "virus mortel qui contribuerait à résoudre la surpopulation".
Comme de nombreux eugénistes de l'élite dirigeante, Charles a appelé à freiner la croissance démographique dans les pays en développement, et son fils, le prince William, a provoqué l'indignation avec ses commentaires sur la croissance démographique en Afrique. Étrangement, même à notre époque politiquement trop correcte, de telles déclarations racistes et éco-fascistes sont pardonnées assez facilement lorsqu'elles sont éructées par les membres des familles royales.
La cour royale britannique, avec son étiquette et son esthétique, peut apparaître aux monarchistes les plus ardents comme une "gardienne de la tradition", mais Elizabeth II et ses descendants promeuvent des agendas mondialistes depuis des décennies, des politiques d'immigration libérales aux programmes de l'ONU et aux politiques d'identité pour les minorités sexuelles.
Le futur roi Charles III continuera à jouer son rôle dans le maintien d'un empire mondial d'exploitation. La gestion de cet empire comprend des familles puissantes, des familles de banquiers, des membres de la royauté et des propriétaires de sociétés internationales et de conglomérats médiatiques, qui ne renonceront pas volontairement à leur pouvoir et à leurs plans, qui ont été affinés dans les sociétés secrètes des élites pendant des décennies.
15:16 Publié dans Actualité, Affaires européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : royaume-uni, grande-bretagne, charles iii, mondialisme | |
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Werner Olles vient de fêter ses 80 ans: un social-patriote, un doux réactionnaire
par Siegfried Bublies
Source: https://wir-selbst.com/2022/09/12/werner-olles-zum-80-geburtstag-ein-sozialpatriotischer-ein-sanfter-reaktionar/
Les chemins de la vie ne sont souvent pas rectilignes, ils connaissent des hauts et des bas, des obstacles à surmonter, des bifurcations, des croisements, des pauses et aussi l'agitation d'une avancée constante, toujours vers de nouveaux horizons.
Lorsque Werner Olles a pris contact avec la rédaction de wir selbst en 1982, il y a exactement 40 ans, il avait déjà derrière lui un parcours qui l'avait mené à travers les catacombes de la gauche militante et révolutionnaire: adhésion au SDS en 1968, après sa dissolution, membre des "Panthères rouges", une organisation annonciatrice des "Cellules révolutionnaires" terroristes, séjour au Liban en 1969 avec une délégation du SDS dans un camp d'entraînement du Fatah, suivi d'une fuite avec l'aide de milices chrétiennes de la Falange pour revenir en RFA, rupture avec la gauche radicale en 1972 et membre du SPD de 1973 à 1977.
En revanche, l'équipe fondatrice de wir selbst venait du camp politique opposé, de l'extrême-droite: nous étions des nationalistes déçus, dégoûtés par le caractère rétrograde et la pauvreté intellectuelle de la Vieille Droite, nous cherchions des alternatives. C'est l'histoire toujours assez passionnante des "gens de gauche de la droite" et des "gens de droite de la gauche" qui se rencontrent et constatent que les points communs l'emportent sur ce qui les sépare. On pourrait alors se lancer dans une recherche intéressante pour savoir ce qu'il y a de commun. Il y a bien sûr des interfaces politiques et programmatiques évidentes, qui existent effectivement entre la vraie gauche et la vraie droite: une aspiration anticapitaliste un peu diffuse, un malaise face à la modernité et ses signes évidents de décadence, et un rejet de la faute sur l'esprit libéral de l'époque, qui ne connaît pas de traditions ni de valeurs transcendantes, mais seulement le marché, l'homme en tant que consommateur et l'hédonisme voulu et encouragé d'une société en décomposition.
Mais cela n'explique que partiellement la topographie du fer à cheval (Jean-Pierre Faye, Armin Mohler), où les extrémités gauche et droite du fer à cheval sont assez proches et où l'establishment, le centre méprisé, est à égale distance. Il faut toujours ajouter quelque chose d'individuel, quelque chose qui harmonise de manière presque magique les différentes expériences de vie dans des milieux politiques dissonants. C'est ainsi que Werner Olles nous a rendu visite pour la première fois (probablement en 1982) et, en tant qu'ex-gauchiste, il a tendu la main aux ex-droitiers avec simplicité et franchise : un homo politicus et un caractère fondamentalement honnête qui refusait la stigmatisation en raison d'une socialisation politique différente et qui, malgré des opinions différentes sur des questions particulières, a su apprécier notre idéalisme rebelle.
Werner Olles avait et a toujours une gaieté juvénile et contagieuse, qui n'admet que de légères touches de moquerie, mais qui parfois, lorsque les conversations évoluent vers un diagnostic de l'époque, montre aussi un fond d'humour noir. Cet homme extraordinairement érudit et cultivé avait une longueur d'avance sur nous, les plus jeunes, en termes de connaissances et d'expérience de la vie. A partir de 1982, il est devenu un auteur permanent de notre revue et aussi un compagnon de route et un conseiller amical. Son attitude douce et conciliante, son aimable modestie et son sens de l'humain ne doivent pas faire oublier que, sur les questions politiques existentielles, Werner Olles est d'une intransigeance, d'une dureté et d'une fidélité aux principes tout à fait inhabituelles. Un antilibéralisme prononcé, qui s'est affiné au fil des décennies dans l'amitié la plus étroite et l'échange intellectuel avec Günter Maschke, certainement le meilleur connaisseur de Carl Schmitt, doit être considéré comme une constante de la vie de l'homme politique et du publiciste Werner Olles.
Que personne ne s'y méprenne : Werner Olles est un amoureux de la liberté, un contempteur de la restriction de la parole libre, un adversaire des interdictions de penser, des entraves de l'État et des prescriptions langagières idéologiquement justifiées. Et c'est précisément pour cette raison qu'il est l'un des publicistes allemands les plus marquants qui affirment ouvertement leur hostilité au libéralisme - sous le couvert duquel se cachent le mondialisme, l'universalisme destructeur de la culture, l'exploitation capitaliste, le consumérisme et l'hédonisme.
Dans ce contexte, il est compréhensible que Werner Olles se soit consacré de plus en plus, au cours des deux dernières décennies, à des questions d'une importance supra-temporelle et qu'il ait retrouvé un accès à la foi chrétienne d'inspiration ultra-catholique. Dans un monde en décomposition, où les ordres, les traditions et les valeurs s'effritent, où les peuples et même les sexes humains sont dénigrés comme des constructions sociales, Olles cherche et trouve un appui dans le religieux, dans la certitude d'une toute-puissance divine. Comme cela n'est plus transmis par l'Église catholique officielle, Werner Olles s'est mis à la disposition des courants critiques envers l'Église, des courants sédévacantistes, en tant que publiciste et y trouve de plus en plus d'écho.
Depuis plus de 30 ans, Werner Olles travaille comme pigiste pour l'hebdomadaire conservateur Junge Freiheit. Ses critiques de livres, de magazines et de films y sont extrêmement populaires et sont déjà devenues une rubrique incontournable dans ce média intellectuel, phare des conservateurs allemands.
Depuis 2019, trois livres de Werner Olles sont déjà parus aux éditions Lindenbaum : Grenzgänger des Geistes (Écrivains oubliés, méconnus et bannis du XXe siècle, 2019), Feinberührungen (Contre le totalitarisme de gauche, 2020) et "Résistance ou émigration intérieure. Pourquoi nous nous battons" (2022).
Nous te félicitons de tout cœur, cher Werner, à l'occasion de ton 80ème anniversaire et te souhaitons de rester en bonne santé, d'être créatif et d'œuvrer de manière bénéfique pour le bien de notre peuple. Nous sommes fiers de t'avoir à nos côtés.
Pour toutes commandes: https://lindenbaum-verlag.de/
Werner Olles - un parcours de vie
Né en 1942 à Bensberg (Bergisch-Gladbach), il est le cadet de deux frères et sœurs plus âgés. Son père est fonctionnaire de la Reichsbahn, sa mère enseignante. Après plusieurs bombardements et mutations de son père, il vit temporairement dans le Pays des Sudètes (à Reichsstadt) et à Wilhelmshorst près de Berlin. De là, il s'enfuit à l'ouest en traversant le Harz de nuit et dans le brouillard. Scolarisation à Mechernich (Eifel). Après une nouvelle mutation de son père, il s'installe à Francfort-sur-le-Main en 1950. Après l'école primaire, il passe quatre années d'études au Freiherr-vom-Stein-Gymnasium, puis s'inscrit à l'école de commerce. Il suit une formation d'agent d'assurance et exerce le métier de rêve de nettoyeur de vitres et de bâtiments. De 1963 à mi-1964, il effectue son service militaire à Homberg/Efze et Fritzlar. Ensuite, il travaille à nouveau comme vitrier et nettoyeur de bâtiments. En 1968, il adhère au SDS, puis, après sa dissolution, devient membre des "Panthères rouges", une organisation annonciatrice des "cellules révolutionnaires" terroristes. En 1972, après l'attentat contre les Jeux olympiques, il se détourne de la gauche militante et révolutionnaire.
Il adhère à la SPD en 1973. Il démissionne en 1976 en raison de désaccords politiques. Travaille depuis 1975 à la bibliothèque d'un établissement d'enseignement supérieur. Démissionne du syndicat à la fin des années 1970 en raison du refus du secrétaire responsable de rédiger une résolution de solidarité pour le syndicat polonais Solidarnosc "par égard pour les collègues du DKP". Cela entraîne une prise de distance avec la gauche politique et ses mensonges éhontés sur la "solidarité internationale".
Au début des années 1980, rupture définitive avec la gauche. Contacts avec des cercles nationaux-révolutionnaires et activité de rédacteur et d'auteur dans des revues de la mouvance nationale-révolutionnaire et de la Nouvelle Droite (Wir Selbst, Aufbruch, Neue Zeit). Au milieu des années 1980, évolution vers la "droite", collaboration à "Nation Europa" jusqu'au début des années 1990. Depuis 1993, collaboration occasionnelle à Junge Freiheit, dont il est, jusqu'à aujourd'hui, collaborateur indépendant. Il a publié des articles, des critiques et des interviews dans Criticón, Eckartbote, Europa, Aula, Zur Zeit, Neue Ordnung, Catholica, éléments, Nouvelles de Synergies Européennes, Gegengift, Sezession, la revue littéraire Rabenflug, les magazines de cinéma Morgengrauen, X-Tro et XUN ainsi que des contributions régulières dans la revue catholique romaine sédévacantiste Einsicht. Contributions à des livres dans Bye-bye '68 (Graz,1998), Sobre la konservative Revolution (Barcelone, 2000), Ein Leben für Deutschland. Denkschrift für Wolfgang Venohr" (Berlin, 2005), ainsi que de nombreux articles dans Enzyklopädie des Phantastischen Films (Meitingen).
Dans les années 1990, conférences auprès de Burschenschaften et Landsmannschaften. Après s'être converti au conservatisme, se rapproche à nouveau du catholicisme traditionaliste ou sédévacantiste dans son rite préconciliaire.
14:57 Publié dans Actualité, Hommages | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nationalisme révolutionnaire, hommage, werner olles, siegfried bublies, wir selbst, allemagne | |
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Le Jus Publicum Europaeum de Schmitt : un ordre européen pour le monde
Le continent au centre du monde, le no man's land à l'extérieur. Limiter la guerre en la faisant ailleurs
par Francesco Dalmazio Casini
Source: https://aliseoeditoriale.it/jus-publicum-europaeum-carl-schmitt-geopolitica-diritto/
"Vous dites qu'une bonne cause sanctifie même la guerre ? Et je vous le dis : la bonne guerre sanctifie toute cause."
Friedrich Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra
La guerre est le concept central de toute relation entre entités politiques. Toute tentative de créer un ordre international passe nécessairement de la confrontation à la limitation du conflit. Aujourd'hui criminalisée, la guerre est maintenant dissimulée derrière les asymétries de la technologie de guerre moderne, parfois donnée pour morte mais jamais tout à fait expurgée dans sa forme ancestrale de violence de l'un contre l'autre.
Selon le père du réalisme Kenneth Waltz, les États mènent (et mèneront) leurs affaires "à l'ombre d'une violence dominante". Comme tout ordre, le Jus Publicum Europaeum décrit par Carl Schmitt dans Le Nomos de la Terre est issu d'une réflexion sur la violence. Sa genèse est liée à la limitation de la guerre en tant qu'acte d'extermination, dans le but de parvenir à une utilisation réglementée de l'instrument militaire. C'est une tentative de contenir sa portée destructrice et de canaliser les énergies les plus terribles, sous-produit de toute vie sociale, au-delà des limbes de l'espace européen.
Le jus est avant tout un ordre mondial, reposant sur des États qui se reconnaissent et se font la guerre d'une certaine manière. C'est la co-présence du droit et de l'ordre territorial visible, qui regarde la planète à travers le prisme de la centralité de l'Europe, la bipartitionnant en un monde européen et un monde non-européen.
Elle est née des cendres de la Res Publica chrétienne médiévale, qui a dû céder la place à la révolution spatiale inaugurée par l'ère des découvertes. Son histoire se déroule entre la fin du XVIIe siècle et la Première Guerre mondiale, lorsque l'ordre eurocentrique sera irrémédiablement compromis par l'entrée des États-Unis d'Amérique dans les affaires mondiales.
Les dates du début et de la fin de ce nomos coïncident avec la Paix de Westphalie de 1648, qui va construire l'unité exclusive du Jus publicum Europaeum, c'est-à-dire l'État territorial fermé, et la Paix du Cateau Cambrésis avec laquelle une partition provisoire de l'espace maritime est réalisée. Autour de ces deux dualismes, Terre et Mer et Europe/non-Europe, se développe tout le récit généalogique de Schmitt.
Le Jus Publicum Europaeum et l'État
L'acteur unique et exclusif du droit public européen est l'État. Fondé sur le principe cuius regio eius religio, l'ordre étatique représente le dépassement des "factions super-territoriales qui avaient inspiré les guerres civiles des 16ème et 17ème siècles". Les conflits motivés par la justa causa avaient montré leur visage le plus terrible lors de la guerre de Trente Ans, un conflit qui avait coûté entre 5 et 10 millions de vies.
En neutralisant les "brimades confessionnelles", l'État européen a désormais exclu la justice a priori du paysage du droit international. Avec l'élimination de la justa causa, l'accent a été mis sur la personne morale qui détient seule la décision en matière d'action politique - le domaine réservé de l'État. De cette façon, l'État européen devient "le premier produit de l'ère de la technologie, le premier mécanisme moderne de grand style, machina machinarum" (On Leviathan, p.69).
L'État qui a vu le jour depuis la fin du XVIIe siècle trouve sa formulation la plus célèbre dans le Léviathan de Hobbes, mais Schmitt souligne, plus encore que le penseur anglais, le sens spatial du nouvel acteur de la politique européenne. C'est en effet dans la confrontation de différents Léviathans que naît la réflexion de Schmitt, imprégnée d'un "primat de la géopolitique" qui la rapproche de la pensée des réalistes.
L'État occupe un territoire déterminé et se conçoit au sein d'un continent fragmenté en d'autres entités spatiales juridiquement souveraines. Le jus est un ordre pragmatique, inscrit dans l'espace et l'histoire, qui ne sépare pas l'implication géographique de l'implication juridico-politique. Elle existe parce qu'elle est immédiatement visible sur la carte et dans les marques imprimées sur le territoire qu'elle occupe.
Le discours de Schmitt est sous-tendu par la souveraineté absolue de l'État au détriment de tous les autres sujets qui habitent son territoire, qui ne seront voués à la prééminence et à la pleine subjectivité seulement avec l'avènement du libéralisme. Schmitt regarde l'État moderne à travers le prisme de la simplification interne selon un schéma stylistique déjà cher, une fois de plus, à l'école réaliste américaine.
En ce sens, Nomos der Erde est une "contre-histoire de l'État" (Galli). Schmitt rejette dans son intégralité le récit élaboré par la pensée moderne pour fournir une justification métaphysique de l'État, d'abord religieuse puis, avec le triomphe de l'hémisphère occidental, avec la sécularisation de la religion en une mission universelle.
Pour ce faire, il dépouille Hegel de cette critique qui situe les raisons de l'État dans l'empyrée, accusé de déformer la perspective de quelque chose d'essentiellement pratique: "Les formulations de Hegel, qui prétendent se perdre dans la dimension métaphysique, soutiennent en fait que c'est la forme d'organisation historique et concrète de cette époque - l'État - qui opère comme porteur du progrès compris comme rationalisation et limitation croissantes de la guerre" (pp.176). L'État, en bref, est une question de praxis, qui a vu le jour afin de déduire un ordre concret que seule "la décision pour la politique dans un espace territorial fermé, c'est-à-dire [la] décision pour la souveraineté de l'État" (Galli) pouvait assurer.
Des guerres en forme
Le juriste allemand convient que le sens fondamental du droit international est de parvenir à limiter la guerre. Le système de droit public européen atteint cet objectif par le paradoxe de la désidéologisation du conflit, devenu un instrument d'action géopolitique pleinement légitime.
En partant de la doctrine de guerre de l'Espagnol Ayala, la raison transcendante est expurgée de la vie politique des États européens et la qualité de la personne qui initie les opérations militaires prend une place centrale absolue. Le droit de guerre est en effet exclusif à la personne morale de l'État. Oubliant les factions supranationales des guerres de religion, dans lesquelles chaque partie revendiquait une justa causa de nature supérieure, le Jus Publicum Europaeum exige du conflit des caractéristiques purement formelles :
- La guerre devient maintenant une guerre de forme, une guerre en forme, et ce uniquement parce qu'elle devient une guerre entre des États européens clairement délimités territorialement, c'est-à-dire une confrontation entre des entités spatiales présentées comme des personae pubblicae, qui construisent sur le sol commun de l'Europe la famille européenne et peuvent se considérer mutuellement comme des justi hostes (p. 165)
- L'ennemi cesse d'être considéré comme un mal à anéantir et devient un autre sujet politique avec lequel la confrontation militaire est nécessaire et légitime le cas échéant. Plus précisément, la distinction entre l'agresseur-criminel et l'agresseur-légitime à se défendre tombe. Les États européens sont en fait des hostes equaliter justi, des ennemis mutuellement légitimes sur la base de la qualité de l'entité juridique qu'ils représentent.
La métaphore du duel, utilisée par Schmitt lui-même, est particulièrement appropriée : un duel, en d'autres termes, n'est pas juste parce que la cause juste y gagne toujours, mais parce que certaines garanties sont assurées dans la protection de la forme : la qualité des duellistes, le respect d'une certaine procédure et notamment l'utilisation égale des témoins.
Dans le Jus Publicum Europaeum, les magni homines, les grands léviathans, se tiennent face à face sans aucun droit de supprimer la juridicité de l'autre ou de le discriminer comme mauvais - tout au plus de prendre les armes contre le même dans un climat d'égale légitimité.
La guerre décriminalisée et déthéologisée conduit également à la dé-systématisation de la guerre elle-même. À l'heure des grandes guerres de religion, où l'ennemi est une entité maléfique à anéantir totalement, la neutralité des puissances tierces est inadmissible. Éviter de prendre position face à une guerre archétypale entre le bien et le mal reviendrait à sympathiser avec le mal et à prendre son parti.
À une époque où la guerre prend la valeur d'un instrument légitime de politique étrangère, la neutralité et l'intervention dans un conflit d'autrui sont des choix tout aussi légitimes qui sont laissés au calcul de puissance de l'État tiers. Au même titre que l'espace, le droit de guerre est partagé exclusivement entre les États souverains et reconnus de la famille européenne. Le pirate, le criminel et le rebelle ne jouissent pas de la qualité juridique de faire la guerre, les États entretiennent des relations avec eux par le biais du maintien de l'ordre et non de la guerre - ils ne sont pas considérés comme des ennemis, mais comme des "objets de poursuite et de répression".
Terre et mer
L'ordre mondial eurocentrique est étayé par les deux archétypes qui caractérisent la pensée schmittienne depuis le début des années 1940 : la terre et la mer. Bien plus que de simples principes géographiques, les éléments de terre et de mer sont pour Schmitt des éléments qui guident les positions politiques des pouvoirs qui les adoptent. Les puissances terrestres et les puissances maritimes ont chacune leurs propres concepts de guerre, de proie, d'ennemi et de liberté.
Cependant, il serait erroné de lire dans les pages de Nomos un projet, à la manière de Kant, de confiner les puissances maritimes, traditionnellement libérales et ouvertes à la conception mercantile de la politique, dans la subordination. Si Schmitt est et sera toujours un Allemand amoureux de son Allemagne, puissance terrestre par excellence, installée au cœur de l'Europe, au sein du Jus Publicum Europaeum, les deux éléments s'y côtoient en tension harmonique. À côté de l'Europe enclavée, en effet, le système de Schmitt voit l'Angleterre, élevée au rang de maître unique des océans, comme le stabilisateur et le contrepoids de la politique continentale:
- L'Angleterre devient ainsi porteuse d'une nouvelle vision maritime universelle de l'ordre eurocentrique, gardienne de l'autre aspect du Jus Publicum Europaeum, maîtresse de l'équilibre entre Terre et Mer. L'espace océanique échappe par nature à toute mesure terrestre : aucune frontière ne peut être tracée entre les vagues, tout comme il n'existe aucune division géographique claire entre les belligérants et les civils.
- La mer est le royaume de l'illimité par opposition au continent mesuré, ordonné et divisé. En Europe, la politique post-westphalienne est caractérisée par l'équilibre des forces, un ordre tectonique, bien illustré par l'affrontement en temps de guerre où des carrés d'hommes s'affrontent sur des terres frontalières. En revanche, les Flammes se caractérisent par le déséquilibre, par la guerre de course qui frappe le ventre de l'ennemi et préserve l'héritage du conflit d'anéantissement qui a précédé l'avènement du Jus.
Le raid de l'amiral néerlandais Michiel de Ruyter remontant la Tamise pour frapper la capitale même de l'Empire britannique, mettant le feu aux navires anglais à l'ancre, relève des guerres disciplinées du continent comme la terre relève de la mer. D'autre part, la victoire définitive des Anglais sur la mer a contraint la Hollande, avec le traité d'Utrecht, à une abdication totale de sa puissance maritime, dénaturant son essence et la forçant à une pénitence terrestre.
Après 1713, seule l'île britannique sera une puissance maritime, l'unique porteuse de la bannière des vagues, un non-ordre maritime qui, seulement dans sa polarité avec le reste de la terre, donne naissance au nomos de la terre et, finalement, au moderne.
Le Jus Publicum Europaeum et le monde
L'infrastructure du Jus est pour Schmitt quelque chose qui transcende le légitimisme artificiel des congrès et des conférences. Il est conscient que l'équilibre des forces en Europe est possible grâce à l'existence d'une "non-Europe" dont les États du Vieux Continent peuvent disposer à leur guise. Le reste du monde est la soupape de décharge de l'excès de pouvoir de l'État européen, l'endroit où il peut concrètement accumuler les bénéfices de sa force sans déclencher de changements catastrophiques dans le système.
Introduites comme une clause secrète dans le traité de Cateau Cambrésis, les lignes d'amitié marquent les limites au-delà desquelles le système de droit public européen cesse de s'appliquer. En particulier, la ligne de faille a été établie en 1634 par le roi de France au Tropique du Cancer : au-delà de cette ligne, la guerre cessait de répondre aux règles du Jus Publicum Europaeum.
Le seul principe qui est reconnu dans cet outre-mer est celui de la liberté des nouveaux espaces. Les Européens acceptent donc d'établir un "espace de guerre entre les puissances contractantes" où tout est permis. Avec la disparition du katechon, le pouvoir restrictif de la foi chrétienne commune, l'excès d'énergie cinétique a besoin des espaces illimités du nouveau monde pour expérimenter son potentiel sans donner lieu aux guerres systémiques qui ont sanctionné la fin de la Res Publica Christiana.
C'est dans cette polarité que Schmitt déploie l'aspect le plus intéressant et le plus controversé de sa pensée internationaliste. L'ordre européen est implicitement reconnu comme supérieur : le monde est une terre de conquête, voire de "gros gibier" (Galli). Au-delà de l'équateur se trouve le sauvage dont la subjugation par les armes européennes est la clé de voûte sur laquelle repose l'ordre continental.
L'existence même du titre juridique de découverte - le seul titre juridique reconnu dans le système de droit public européen pour l'appropriation de nouvelles terres - s'inspire fortement de la conception eurocentrique dans la mesure où il fait référence à la découverte de terres jamais visitées par les Européens et non par l'homme :
Du point de vue de ceux qui sont "découverts", la découverte n'est jamais légale: ni Colomb ni aucun autre découvreur ne s'est jamais présenté devant les princes des pays "découverts" avec un visa d'entrée. Les découvertes sont faites sans l'autorisation préalable du découvreur. Leur titre juridique consiste donc en une légitimité supérieure. Les découvertes ne peuvent être faites que par ceux qui, sur un plan spirituel et historique, sont suffisamment supérieurs pour comprendre la réalité découverte avec leur propre connaissance et conscience.
La philosophie de Schmitt, avons-nous dit, est une philosophie de dualismes. Contre la terre monte la mer, contre l'Europe le reste du monde. La non-Europe est le royaume de l'irrationnel et du non-ordre, une terre dépourvue de l'afflux ordonné du politique, articulée autour de communautés territoriales fermées et en conflit perpétuel - et le juriste refuse ici de reconnaître aux grands empires non-européens, qui s'y trouvaient, la pleine dignité de corps politiques souverains.
C'est ici que l'Européen a le droit de laisser libre cours à son élan vers le désordre et l'irrationalité et que se déroule le grand processus qui donne naissance à la Modernité. La forme et le fond, dans la modernité, sont liés mais perpétuellement divergents. Ce sont deux impulsions naturellement discordantes que la vie politique doit nécessairement s'efforcer de tenir ensemble.
Le souverain se voit confier la tâche de réaligner par une décision arbitraire le réel de l'idéal au sein de la communauté politique nationale. Le Jus Publicum Europaeum connaît, comme tout système d'organismes politiques, la même dérive : l'ordre est continuellement mis en danger par la déconnexion entre les règles du système et les actions chaotiques des différents Etats. C'est en cela que nous saisissons l'essence du moderne par opposition à l'ancien. Lorsque l'action du katechon échoue, les contraintes forçant les forces destructrices de l'action politique dans l'ordre chrétien sont brisées. Le besoin se fait immédiatement sentir d'un prisme, un joint de connexion qui empêche la déconnexion finale et réaligne les deux plaques de temps en temps.
Et c'est dans les terres au-delà de la mer que Schmitt situe la bouée de sauvetage de l'ordre européen. L'afflux perturbateur et nihiliste, l'âme noire de la modernité, est dirigé contre les communautés indigènes situées à des milliers de kilomètres, qui paient le prix de la sauvegarde d'une réalité ordonnée dans les frontières du Vieux Continent. C'est sur ce terrible secret que repose le sens de la guerre en tant que duel chevaleresque, ordonné et réglementé, que les États européens ont adopté dans le cadre du Jus Publicum Europaeum.
Francesco Dalmazio Casini
Archéologue, journaliste, passionné de géopolitique. Né à Rome, il y est revenu après un bref intermède à Milan pour paericiper au projet Aliseo. "J'aime rendre compte des conflits, des interactions et du facteur humain des acteurs internationaux. De temps en temps, je fais des paris dans les domaines de l'énergie, de la politique et de la logistique. En d'autres termes, j'aime expliquer ce qui se cache derrière ce qui se passe dans le monde. Une mission : apporter la culture de l'information approfondie (et lente) en Italie".
14:05 Publié dans Révolution conservatrice, Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jus publicum europaeum, carl schmitt, théorie politique, philosophie politique, politologie, sciences politiques, révolution conservatrice | |
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Post-politique vs. politique existentielle
Darya Platonova Douguina
Source: https://www.geopolitika.ru/en/article/post-politics-vs-existential-politics?fbclid=IwAR2JunF6yn5IUsupqgrlyBzbclznJcOqVCWNtCvSvYpaVxKxi0DOFemrUB0
Le 20ème siècle a été un siècle de rivalité entre trois idéologies. Certaines ont réussi à régner pendant plusieurs siècles (le libéralisme), d'autres pendant des décennies ou seulement quelques années (le communisme et le national-socialisme). Mais leur disparition nous semble évidente. Ces trois idéologies, filles de la philosophie des Temps Modernes, ont quitté l'espace de la politique. L'ère de la modernité a pris fin.
La fin de l'ère de la modernité
La mort du libéralisme ne semble pas aussi évidente que celle du communisme ou du national-socialisme. Francis Fukuyama proclame "la fin de l'histoire", c'est-à-dire la fin de la rivalité entre les trois idéologies et la victoire finale de la doctrine libérale. Mais le libéralisme n'a pas encore gagné... On peut s'en rendre compte en prêtant attention à la politique aujourd'hui. Si, dans le libéralisme classique, le sujet de la politique était l'individu (sa principale vertu était la liberté au sens négatif : décrite avec précision par Helvétius, "Un homme libre est un homme qui n'est pas enchaîné, n'est pas emprisonné, n'est pas intimidé comme un esclave par la peur du châtiment..."), aujourd'hui cet individu-là n'existe plus. Le sujet du libéralisme classique est éliminé de toutes les sphères, on se méfie de sa globalité; son identité, même si elle est posée négativement, est caractérisée comme une défaillance dans le fonctionnement du système virtuel global de la modernité. Le monde est entré dans le domaine de la post-politique et du post-libéralisme.
La politique rhizomique
L'individu s'est transformé en rhizome, le contour du sujet s'est dissous en même temps que la foi en un Nouvel Âge ("Il n'y a pas eu de Nouvel Âge/de Temps Modernes !" proclame Bruno Latour, constatant dans la modernité les nombreuses contradictions et le non-respect de ses propres règles de fonctionnement - la constitution). "On est fatigué de la langue de bois", le logos de la modernité est moqué par la société liquide et fusionnelle de la postmodernité. Un nouvel acteur de la politique émerge : le post-sujet. Il pense de manière chaotique : les diapositives se succèdent dans sa tête à la vitesse de la lumière, interférant avec les stratégies classiques de pensée logique. La nouvelle pensée est celle d'un têtu chaotique, la pensée glitch. La politique se transforme en un pays des merveilles dans lequel l'acteur-Alice tantôt augmente, tantôt diminue dans le schéma psychédélique de la nouvelle post-rationalité.
La gauche et la droite contemporaines sont un exemple de ce schéma. La récente coalition de la gauche et de la droite contre le Rassemblement National en France après le premier tour des élections régionales a montré la fin du modèle politique de la modernité. Nous assistons à la fusion des valeurs de la gauche et de la droite, désormais unies par un virus libéral d'un nouveau genre. La gauche moderne commence à flirter avec le capital, défend activement les valeurs politiques de la droite (l'écologie par exemple) et la droite prend le visage comique des faux nationalistes.
Une caractéristique de la post-politique est le brouillage des contours de l'échelle de l'"événement". L'échelle se déplace de façon spectaculaire ("Alice grandit, Alice rétrécit"). La confrontation moderne entre le système et le terrorisme a été appelée par Baudrillard la Quatrième Guerre mondiale. Contrairement aux guerres précédentes - l'échelle mondiale 1-2, la troisième guerre mondiale - l'affrontement des deux pôles géopolitiques clés (États-Unis et URSS) - une guerre softpower, semi-médiévale, prête à devenir une guerre avec de nouvelles armes à tout moment ; la quatrième guerre mondiale - une guerre post-moderne dans laquelle l'ennemi et l'ami sont habilement imbriqués (le terrorisme devient une partie du système politique). La 4ème GM flirte avec l'échelle : sa principale caractéristique est le hasard, le chaos et l'arbitraire dans la définition de l'échelle de l'événement (le micro-narratif devient l'événement, les macro-narratifs sont ignorés). Un acte terroriste occupe une petite surface : un bâtiment, un couloir, quelques pièces ou quelques terrasses (micro-narration). Mais son importance est aussi grande que la bataille de Stalingrad (macro-narration).
Dans les guerres classiques, il existait des points de référence auxquels nous pouvions rattacher l'événement et sa signification. Dans le monde politique moderne, il n'y a pas de points de référence : c'est comme Alice au pays des merveilles. Il diminue, puis augmente, mais sa croissance "normale, idéale" est impossible à identifier (le chaos décrit par Deleuze dans La logique du sens). La logique du politique est abolie.
Les attentats terroristes (130 morts - Paris, vendredi 13 novembre 2015) ébranlent le "politique" plus que les guerres à grande échelle (Syrie). Cela montre que le monde entre dans une nouvelle phase : celle de la politique rhizomique. Pour comprendre la politique contemporaine, nous devons apprendre à penser en termes rhizomiques. Absorber le chaos.
La post-politique est un monde de technologie politique, 5 secondes de gauche, socialiste - 5 secondes de droite, républicain. L'identité change avec le clic d'une télécommande de télévision, la technologie. (Seule la question se pose : qui contrôle la télécommande, qui décide de changer la diapositive). Dans les termes de Martin Heidegger, la force principale de la post-politique moderne : la Machenschaft und Technè.
Une alternative à la politique rhizomique dans une situation où les idéologies sont mortes
Les écrits de Heidegger offrent une perspective particulière sur l'organisation du politique. Dans la société occidentale libérale, l'œuvre de Heidegger et surtout sa philosophie politique (qui ne nous est pas livrée explicitement) n'ont pas été suffisamment explorées. En règle générale, l'étude de la philosophie politique de Heidegger se réduit à une tentative de trouver chez le philosophe une apologie du fascisme et de l'antisémitisme (un exemple en est la réaction de la communauté philosophique à la récente publication des Cahiers noirs, particulièrement éloquente de la part de l'historien français de la philosophie Emmanuel Faye). Une telle interprétation ignore la dimension métaphysique de la philosophie de Heidegger et semble inutilement superficielle et déformer l'enseignement de Heidegger.
Martin Heidegger ne peut être interprété dans le contexte d'aucune théorie politique du 20ème siècle. Sa critique de la Machenschaft ne s'applique pas seulement aux Juifs (et non pas sur un principe biologique, mais métaphysique), mais aussi, dans une bien plus large mesure, au national-socialisme. En ce sens, nous pouvons dire que Heidegger représente une critique fondamentale du national-socialisme, dans lequel il voit des manifestations de la Machenschaft (par opposition au national-socialisme "spirituel", authentique - qui, selon Heidegger, ne s'est pas réalisé sous le régime d'Hitler).
Heidegger reconnaît une crise profonde des systèmes politiques. Appliquant l'histoire de l'être à l'histoire du politique, la politique apparaît comme un processus d'oubli progressif de l'être et d'approche de l'être. Le politique moderne n'a pas de dimension existentielle, il existe de manière inauthentique. Politique et ontologie sont inséparables, Platon l'avait déjà souligné dans la République en introduisant l'homologie entre le politique et l'ontologique ("la justice dans l'âme est la même que la justice dans l'État").
En appliquant la Fundamentalontologie au domaine du politique, nous pouvons suggérer que le politique peut exister de manière authentique et inauthentique. L'existence authentique de l'homme politique est son engagement envers l'être, l'inauthentique est sa préoccupation excessive de l'être, son oubli de l'être. L'état dans lequel l'homme politique devient authentiquement existentiel est hiérarchique. L'ontologique se tient au-dessus de l'ontique. L'authentique au-dessus de l'inauthentique. Les types de domination se situent sur une ligne verticale stricte : de la Machenschaft à la Herrschaft.
Dans la situation actuelle de crise du "politique", la politique existentielle mérite une attention particulière et nous semble une véritable alternative à la politique rhizomique. Elle nécessite une étude approfondie et un développement plus poussé.
12:41 Publié dans Philosophie, Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : daria douguina, philosophie, philosophie politique, théorie politique, russie, politologie, sciences politiques | |
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Top Gun - La propagande hollywoodienne pour l'armée américaine au cinéma
Alexander Markovics
Les Etats-Unis au milieu des années 1980 : après la médiatisation des crimes de guerre commis par l'armée américaine au Vietnam, un important mouvement pacifiste dans les années 1960 et 1970 et une vague de films anti-guerre comme Apocalypse now et Ceux qui traversent l'enfer ont ruiné la réputation des forces armées américaines. Mais un film a largement contribué à changer la donne : Top Gun, de Jerry Bruckheimer, avec Tom Cruise dans le rôle principal. Doté d'un budget de 15 millions de dollars, le film a rapporté 356,8 millions. Le grand succès du film est sans aucun doute dû en partie à l'US Navy qui, par le biais du DOD Entertainment Office, met des porte-avions et des chasseurs à la disposition de la production. Ce bureau du ministère américain de la Défense existe curieusement depuis 100 ans et a coopéré pour la première fois avec des cinéastes en 1927 pour le film Wings, sur les pilotes de chasse pendant la Première Guerre mondiale. Et la marine en a également profité : après la sortie du film en 1986, on a assisté à une augmentation de 500% du nombre de jeunes pilotes dans la marine, notamment parce qu'il y avait en même temps des recruteurs militaires devant les salles de cinéma.
Parallèlement, le ministère américain de la Défense contrôle ainsi les messages véhiculés par le film : l'ensemble du scénario doit être approuvé au préalable. Top Gun, avec ses scènes d'action rapides et ses manœuvres aériennes audacieuses, n'est donc pas seulement un bon film d'un point de vue technique, mais aussi un message publicitaire efficace en faveur de l'impérialisme américain. Il ne fait aucun doute que le film laisse un goût amer lorsque l'on sait que ce sont précisément les pilotes américains qui ont bombardé l'Irak, la Yougoslavie, la Libye et bien d'autres pays au cours des trente dernières années, causant la mort de millions de personnes. Trente-six ans plus tard, Tom Cruise et les forces armées américaines réitèrent cette manœuvre dans les salles de cinéma, cette fois avec le film Top Gun : Maverick. Cette fois encore, il s'agit essentiellement d'un film pornographique de guerre qui glorifie l'armée américaine de manière ridicule et dépeint une troupe qui place la camaraderie et l'abnégation au-dessus de tout. Si l'on considère le taux élevé de suicides dans les forces armées américaines, cela aussi se moque de la réalité.
Ce qui est intéressant dans ce film, c'est qu'il manque de contexte ou qu'il le laisse dans l'ombre : Top Gun Maverick ne prend même pas la peine de justifier la politique étrangère américaine. Un État voyou non identifié veut construire un réacteur nucléaire et l'escadron d'élite Top Gun doit le détruire lors d'une opération commando. Il n'y a pas de débat sur la motivation de l'État voyou à vouloir construire ce réacteur (peut-être pour pouvoir défendre sa souveraineté contre les États-Unis ou pour ne pas avoir à subir les sanctions énergétiques américaines?), et on ne montre pas non plus les protagonistes de l'État ennemi sans visage, qui ne servent que de chair à canon anonyme pour les as de l'aviation américaine. Du point de vue des Etats-Unis, de tels films peuvent être compréhensibles, mais seuls les maîtres du complexe de divertissement militaire d'Hollywood et de Washington savent pourquoi les spectateurs allemands et européens, qui ont également eu à souffrir des bombes américaines dans le passé, sont contraints de voir de tels films.
11:56 Publié dans Cinéma, Film | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : hollywood, top gun, états-unis, propagande, propagande américaine, cinéma, film | |
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22:29 Publié dans Cinéma, Film, Hommages | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : cinéma, france, film, hommage, nicolas bonnal, jean-luc godard | |
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L'Arthashastra de Kautilya : les origines orientales du réalisme politique
Le réalisme, un héritage politique et un grand aperçu de la philosophie indienne
par Matteo Borgese
Source: https://aliseoeditoriale.it/arthashastra-kautilya-india-realismo-politico/
"Une flèche tirée par un archer peut tuer un homme ou ne pas le tuer du tout, mais l'intellect utilisé par un homme compétent peut tuer même un bébé dans le ventre de sa mère".
Cette phrase attribuée à Kautilya, le premier théoricien du réalisme politique, est la preuve concrète qu'un certain type de pensée peut être la plus efficace des stratégies pour la survie d'une nation. Le réalisme politique ou 'Realpolitik' peut être résumé comme la théorie de la philosophie politique selon laquelle le maintien concret du pouvoir est central.
Pour le réalisme, les questions morales, éthiques ou religieuses ne sont pas admissibles lorsqu'il s'agit de la théorie du gouvernement d'un peuple. La signification plus large de Realpolitik est aussi claire pour ceux qui s'intéressent à la géopolitique que l'évolution que ce terme a subie tout au long de l'histoire occidentale. Les noms de Kissinger et de Bismarck vous seront sans doute familiers, mais en remontant encore plus loin dans l'histoire du réalisme, nous pouvons rencontrer des figures tout aussi connues qui se distinguent comme des précurseurs de la Realpolitik : Machiavel, à la Renaissance, et Thucydide, dans la Grèce classique.
Bien que ces grands penseurs aient défini avec leurs idées les concepts qui constituent le réalisme politique et qu'ils aient joui d'une grande considération en Occident, il faut se tourner vers l'Asie du Sud pour retrouver les origines, au moins littéraires et documentées, du courant de pensée réaliste. Kautilya, également connu sous le nom de Chanakya ou Vishnugupta, est l'auteur de l'Arthashastra, terme sanskrit traduit par le philosophe et orientaliste G. Maggi par "Code du pouvoir", un traité composé entre le 4ème et le 2ème siècle avant J.-C. sur l'art du gouvernement, couvrant des sujets tels que l'économie, la guerre, la gestion des infrastructures, la politique étrangère et, au sens moderne des termes, le renseignement et la sécurité.
La figure de Kautilya et le contexte historique
Kautilya vivait dans le nord de l'Inde à la fin du 4ème siècle avant Jésus-Christ. Il a étudié dans l'une des plus anciennes universités du monde antique, dans la ville de Taxila, et est considéré comme un "faiseur de roi" car il a déposé la dynastie régnante de l'époque, les Nanda, et a fait couronner le jeune Chandragupta Maurya (statue, ci-dessous), dont il est devenu le mentor, sur le trône du royaume de Magadha, ouvrant ainsi l'ère de l'Empire Maurya. Kautilya devient le conseiller du souverain Maurya, jouissant d'une influence extraordinaire sur les décisions à prendre dans la gestion de l'État.
Ce fut le premier des empires pan-indiens, grâce aux directives de Kautilya; la domination de Chandragupta s'est étendue en très peu de temps de l'actuel Pakistan au Bangladesh, englobant tout le nord de l'Inde et une partie du sud de l'Inde. C'est dans ce contexte que le conseiller de l'empereur Maurya a pu écrire l'Arthashastra. L'empire de Chandragupta comptait une population de 50 à 60 millions d'habitants, soit environ 35 % de la population mondiale de l'époque, et pouvait se targuer d'une puissance militaire hors du commun. On estime que l'armée comptait plus de 600.000 soldats et près de 10.000 éléphants.
Ils formaient l'épine dorsale de la puissance militaire de Maurya, et notre vision de la guerre moderne ne doit pas nous conduire à sous-estimer l'importance de ces animaux en tant qu'arme de guerre, aussi cruciale à l'époque que la marine ou l'aviation peuvent l'être pour les forces armées contemporaines aujourd'hui. Bien conscient de la puissance politique et militaire de l'empire Maurya, Kautilya s'est montré astucieux pour façonner un modèle durable en proposant à son souverain un système de gouvernement qui ne se limite pas à la guerre mais qui est complet et conforme à une pensée réaliste concrète et sans préjugés.
L'Arthashastra, le contenu du "Code du pouvoir"
La pensée de Kautilya est finement condensée dans son œuvre la plus célèbre, l'Arthashastra. Le traité est en fait la première preuve littéraire de la Realpolitik, et je n'en veux pas au Chinois Sun Tzu, dont les maximes, bien que d'une immense valeur, prennent une saveur presque philosophique lorsqu'elles sont - parfois de force - étendues hors du contexte de la guerre. Le traité était déjà connu de nombreux intellectuels du vivant de Kautilya et est devenu une lecture obligatoire pour les souverains après l'ère Maurya. Pourtant, le texte a été perdu pendant de nombreux siècles pour n'être redécouvert qu'en 1904, et peut aujourd'hui à nouveau jouir de la renommée qu'il mérite grâce aux traductions modernes.
Pour se faire une idée de l'Arthashastra et de ses 15 chapitres, on pourrait comparer l'œuvre à un ouvrage qui a eu une résonance extraordinaire en Occident dans le domaine du réalisme, comme Le Prince du philosophe florentin Niccolò Machiavel, déjà mentionné. Selon Weber, cependant, malgré la crudité de la pensée machiavélique, l'œuvre du Florentin est même "inoffensive" en comparaison de l'Arthashastra. Kautilya est surprenant par la modernité de son regard analytique qui voit dans "conquérir ou être conquis" la seule règle dans les jeux de politique intérieure et extérieure du gouvernement.
Dans le traité, le penseur indien construit une série de situations dans lesquelles il est nécessaire de s'attaquer à des instruments considérés, surtout dans la société de l'époque, comme "déloyaux" : cela va de l'utilisation d'espions, principalement des femmes chargées des assassinats, mais aussi des enfants et des mendiants sous couverture, à la manipulation de l'opinion publique au moyen d'activités de propagande et à la création ciblée de la dissidence et du mécontentement à l'égard des ennemis politiques. Bien que le terme "renseignement" n'apparaisse jamais dans le traité dans son sens moderne, ces types de mesures détaillées par Kautilya peuvent être définies comme des mesures actives et couvrent des actions ante litteram.
Une importance considérable est accordée à la guerre en tant qu'instrument concret de résolution des conflits qui est presque nécessaire pour atteindre la paix et le bien-être de la nation. Selon Kautilya, il existe trois types de guerre : il y a la guerre ouverte, qui est à éviter car elle est imprévisible et coûteuse ; ensuite, il y a la guérilla, qui est préférable à la guerre ouverte malgré le fait que les forces de l'ennemi sur le terrain sont inférieures ; et enfin, il y a la guerre basée sur l'utilisation d'espions, d'assassins et de propagande, qui est bien plus efficace et moins chère que les types précédents. Il convient de souligner que Kautilya, selon certains historiens, a poussé le contrôle des citoyens à l'extrême en utilisant des espions de l'Empire et que Chandragupta était un souverain craint, plutôt qu'apprécié, en raison de cette surveillance oppressive.
Un quatrième type de guerre que Kautilya expose provient de la conception culturelle hindoue qui considère l'art de la diplomatie comme un instrument de guerre inestimable. Pour le philosophe indien, en effet, dans la conclusion de pactes et de traités, les intentions des gouvernants sont dissimulées et leurs actions futures peuvent être lues. Pour prendre un exemple moderne, on pense au pacte Molotov-Ribbentrop entre l'Allemagne nazie et la Russie soviétique, dans lequel il était facile de lire entre les lignes comment le pacte était plus adapté pour gagner du temps en vue d'une rupture future plutôt que de représenter un accord solide dans le temps entre deux puissances qui étaient à l'époque en conflit idéologique et politique avéré.
L'héritage de Kautilya dans l'Inde contemporaine
Les capacités d'analyse de Kautilya, bien que peu communes pour l'époque, ne doivent pas faire oublier le contexte culturel de l'époque et l'importance de certaines valeurs religieuses dans la société hindoue. L'Arthashastra est chargé d'une composante éthique et morale qui, à première vue, sans une connaissance de l'appareil culturel complexe issu de l'hindouisme - et du bouddhisme - pourrait heurter la teneur du réalisme extrême de l'œuvre. La philosophie et la religion hindoues apparaissent puissamment dans le texte lorsque l'on arrive à la conclusion que le but ultime de la guerre, malgré les moyens "injustes", est la paix et le bien-être des citoyens.
La vision hindoue de Kautilya, dynamique et conforme à la culture hindoue, admet que la nature de l'homme est de faire la guerre puisque toute action pour la survie de la nation est un acte guerrier, plus ou moins manifeste. Dans ce conflit perpétuel, le souverain doit profiter de ses réalisations, non pas de manière hédoniste, mais plutôt en façonnant la prospérité et en aspirant à une société meilleure pour ses sujets. Kautilya est également le père de la théorie du mandala, un concept applicable en politique étrangère qui est souvent résumé par un diagramme. La théorie part de l'hypothèse que deux États voisins, ayant donc des territoires voisins, sont ennemis par nature.
Ce concept est évoqué lorsqu'on cite le proverbe "l'ennemi de mon ennemi est mon ami", un aphorisme que l'on a cru pendant de nombreux siècles être d'origine arabe, mais qui trouve au contraire son origine et sa confirmation littéraire dans l'Arthashastra. La théorie du mandala est une évidence si l'on pense à la politique asiatique de ces dernières décennies. La menace pakistanaise a en effet poussé l'Inde à intensifier ses relations diplomatiques avec l'Afghanistan, tandis que la menace chinoise a poussé le pays vers le bloc occidental et dans QUAD, l'alliance quadrilatérale avec le Japon, l'Australie et les États-Unis. Dans cet échiquier où les cases voisines constituent une menace pour la sécurité nationale, on voit bien que l'amitié cultivée par Modi avec la Russie de Poutine est d'une importance capitale.
Inconnu des Occidentaux depuis des siècles, Kautilya a toujours été présent dans la culture indienne en tant que maître de la stratégie et du réalisme politique, au point qu'il est coutume de dire que "tout est Arthashastra en Inde". Son nom a été donné à une rue du centre de Delhi, où se trouve le siège des services de renseignement indiens, ce qui souligne encore l'héritage que cette figure a laissé à l'Inde contemporaine. La Realpolitik ne semble donc pas être quelque chose qui a influencé les dirigeants indiens au cours de l'histoire, mais apparaît plutôt comme un produit de la culture hindoue, de l'art de la gouvernance et de la pensée philosophique raffinée, facteurs liés par le besoin intemporel de survivre en tant que culture et nation.
Matteo Borgese
"Né à Rome en 1996. J'ai fréquenté un collège classique, puis j'ai continué sur la voie de la croissance et de l'étude des sciences humaines qui m'a rapproché de plus en plus de la philosophie orientale. Je m'intéresse au sous-continent indien et à tout ce qui a trait à la culture et à l'histoire indiennes, anciennes et contemporaines. Passionné par l'histoire des religions, le mysticisme et la relation entre l'homme et le divin dans sa globalité, j'essaie de discerner les échos des doctrines philosophiques anciennes dans la politique contemporaine".
22:02 Publié dans Philosophie, Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : inde, kautilya, arthashatra, philosophie, philosophie politique, realpolitik, réalisme politique, sciences politiques, politologie, théorie politique | |
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David Engels réfléchit sur l'œuvre de Spengler : penser à l'avenir
Par Javier Navascués
Source: https://elcorreodeespana.com/hispanidad-y-geopolitica/558345695/David-Engels-reflexiona-sobre-su-obra-Spengler-Pensando-en-el-futuro-Por-Javier-Navascues.html
Le célèbre historien David Engels (né à Verviers, en Belgique, en 1979) est professeur en charge de recherches à l'Instytut Zachodni de Poznan (Pologne), où il se consacre à l'étude approfondie de toutes les questions liées à l'histoire intellectuelle occidentale et à l'identité européenne. Il est également président de la Société Oswald Spengler. Auteur d'un livre fondateur, intitulé Le declin, David Engels consacre également une grande partie de son ouvrage à l'esquisse d'une possible réforme des institutions européennes basée sur ce qu'il appelle "l'Hespérialisme", une combinaison profonde et rénovatrice du meilleur patriotisme européen avec le conservatisme culturel le plus élaboré. Auprès de l'éditeur espagnol Letras Inquietas, il a participé à l'ouvrage collectif Las 13 claves del Nuevo Orden Mundial.
Pourquoi Spengler a-t-il été le grand scrutateur de l'âme occidentale ?
Spengler est sans aucun doute l'un des plus grands philosophes de l'histoire de la civilisation occidentale. On peut discuter de la valeur de sa pensée métaphysique - il appartenait à l'école du vitalisme, qui se résume finalement à un dualisme très difficile à maintenir sur le plan de la logique - mais les parallèles factuels qu'il a découverts entre les grandes civilisations humaines comptent parmi les choses les plus importantes jamais écrites dans ce domaine. Personnellement, ce n'est pas tant l'analyse de l'histoire européenne que je qualifierais d'originale - dans une large mesure, ses contemporains la considéraient également comme telle - mais la découverte de son inévitable nécessité à la lumière de développements analogues dans d'autres cultures ; un double "éloignement" historique qui nous permet non seulement de voir l'Occident sous un jour entièrement nouveau, mais aussi d'aborder les civilisations non européennes dans une perspective complètement différente.
Il faut ajouter à cela la précision presque mathématique avec laquelle Spengler a également tenté de prédire l'avenir de l'Europe sur cette base ; une tentative qui doit être largement considérée comme vérifiée 100 ans après la publication du Déclin de l'Occident, où l'on annonçait le déclin de la population, le déclin du christianisme, le socialisme à plusieurs milliards de dollars, la pollution environnementale, le populisme, les migrations de masse, la montée des peuples non-européens (notamment d'Asie et du monde musulman), le pacifisme, l'extinction des villages, la fatigue spirituelle, la désindustrialisation, le leadership allemand sur l'Union européenne et bien d'autres encore, tandis que la guerre en Ukraine pourrait marquer le dernier chapitre du césarisme. Mes propres recherches sur Spengler sont donc guidées par deux impératifs : d'une part, en tant qu'historien, pour approfondir la pensée de Spengler par analogie (et la corriger à l'occasion), et d'autre part, en tant qu'Occidental du 21ème siècle, pour contribuer à façonner de manière analytique et essayistique notre propre présent à la lumière de la morphologie culturelle de Spengler.
Parlez-nous brièvement du mythe de Faust et de son application à l'homme européen, et donc de la nature faustienne.
Pour Spengler, chaque culture se caractérise par une vision du monde unique et inimitable, profondément ancrée dans son âme culturelle, une façon spécifique et inimitable de voir et de comprendre Dieu, l'Homme et le monde. L'Égyptien voit le monde comme une longue route menant directement au royaume des morts et à l'au-delà, l'Oriental comme un espace de destinée entièrement déterminé par l'incalculable arbitraire divin, le Grec et le Romain comme une collection de corps concrets et matériels, et l'Occidental comme un espace de puissance abstraite et infinie qui invite à atteindre constamment l'horizon, à se dépasser et à traduire tout ce qui existe en pouvoirs et en fonctions. Comme le légendaire Faust, l'Occidental est insatiable, insatisfait, intempestif, toujours aussi curieux que mégalomane. Son avidité de "plus" s'exprime aussi bien dans la dimension architecturale des cathédrales et des gratte-ciel que dans la dimension musicale de la polyphonie des orgues de salle et des grands orchestres symphoniques, dans la dimension politique des croisés et des conquérants que dans la dimension scientifique des voyages spatiaux et de la fission nucléaire. On aurait donc tort de considérer l'histoire comme une sorte de développement linéaire du progrès par rapport à l'état actuel des connaissances des Européens : la haute technologie est plutôt un pur produit de l'homme occidental (qui, pour sa part, est incapable d'apprécier à leur juste valeur nombre des grandes créations des autres civilisations) et disparaîtra avec lui dans le temps prévisible de quelques générations et périra à l'exception de quelques rudiments de technologie de simple application.....
Quelles solutions proposez-vous pour éviter ce déclin ?
Soyons francs : nous ne pouvons pas empêcher le déclin ; tout au plus pouvons-nous le freiner un peu et, surtout, essayer de le façonner de manière à pouvoir défendre notre honneur et maintenir notre civilisation comme cadre de vie le plus longtemps possible malgré sa pétrification naissante ; c'est le devoir que nous avons non seulement envers nos ancêtres, qui ont construit cette civilisation au prix de grands sacrifices, mais aussi envers nos descendants, à qui nous voulons la laisser aussi indemne que possible. L'Empire romain, la dynastie chinoise des Han ou les Ramessides égyptiens sont des exemples typiques de la manière dont une telle civilisation fossilisée a pu perdurer pendant de nombreuses générations, bien que sous une forme de plus en plus affaiblie et simplifiée, et transmettre son héritage aux civilisations ultérieures.
À cet égard, j'ai mis l'accent sur deux solutions dans mes différents ouvrages récents sur le sujet. Dans "Que faire ? Vivre avec le déclin de l'Europe" (Ed. esp.: Madrid, EAS, 2019), j'ai montré des approches quant à la façon dont les individus peuvent rester fidèles aux idéaux de leur civilisation, même contre la résistance de toute une société, et les transmettre aux générations suivantes ; dans Renovatio Europae (Renovatio Europae. Por una renovación hesperialista de Europa; éd. esp.: Madrid, EAS, 2020) et mon dernier volume, Europa Aeterna (pas encore publié en anglais), j'ai exposé avec de nombreux co-auteurs l'idée politique de l'"hesperialisme", c'est-à-dire un patriotisme européen culturellement conservateur qui pourrait nous aider à surmonter notre crise actuelle et à initier la phase finale de notre civilisation sur la base de la connaissance des rouages de l'histoire.
El Correo de España n'est pas responsable des opinions de ses contributeurs, qui en sont les seuls responsables.
Javier Navascués
Directeur adjoint de El Correo de España. Présentateur de radio et de télévision, conférencier et scénariste. Il a été rédacteur sportif de El Periódico de Aragón et de Canal 44. Il a collaboré à des médias tels que EWTN, Radio María, NSE et Canal Sant Josep, Adelante la Fe, dont il a été le directeur, et Agnus Dei Prod. Acteur du documentaire Cura de Ars et d'une autre œuvre contre le marxisme culturel, John Navasco. Il a réalisé des vidéos virales telles que El Master Plan et El Valle no se toca. Il tient actuellement un blog sur le prestigieux portail InfoCatólica et participe occasionnellement à Somatemps, Ahora Información, Español Digital et Radio Reconquista à Dallas, au Texas. Il collabore avec le programme Javier Cárdenas sur OKDIARIO.
20:39 Publié dans Entretiens, Philosophie, Révolution conservatrice | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : david engels, hespérialisme, philosophie, philosophie de l'histoire, oswald spengler, révolution conservatrice | |
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"Immortel Mishima"
Le livre, que je rencence ici, est un cadeau de mon ami et camarade Alejandro Linconao lors de ma dernière visite à Buenos Aires. Comme il me l'a dit, "ce livre est un hommage au courage universel".
Par Enric Ravello Barber
Le livre est édité par le Grupo Minerva (Argentine): https://grupominerva.com.ar/2021/01/novedad-editorial-mis...
Compilé par Alejando Linconao, le livre est une anthologie d'articles signés par différents auteurs qui naviguent littérairement à travers la vie, les idées, l'esthétique et surtout la mort de l'écrivain japonais le plus connu en Occident.
Les contributions de Francesco Marotta, Andreas Scarabelli, Rubén González, Carmino Mohomed, Christofer Pankhurst, Kerry Bolton, Troy Southgate, Giuseppe Fino, Emanuel Pietrobon et Alejandro Linconao lui-même, qui écrit le dernier chapitre, forment en quelque sorte un ensemble narratif et explicatif qui permet au lecteur de se faire une idée complète et globale de la réalité qui a entouré et incarné Kimitake Hiraoka, connu dans le monde entier sous le nom de Yukio Mishina. De sa naissance dans une famille japonaise traditionnelle, à sa mauvaise santé qui l'a empêché de participer en tant que soldat à la Grande Guerre contre les États-Unis et le monde moderne. Une guerre qui, cependant, marquera son destin à jamais.
La déclaration de l'empereur du Japon, Hiro Hito, dans laquelle - contraint par les troupes du capitalisme et de la décadence - il renie sa nature divine, a eu un fort impact sur Mishima. Pour lui, l'Empereur est et sera éternellement le fils d'Amaterasu ; il faudra créer les conditions pour qu'il se proclame à nouveau tel. Mishima a été formé dans des cercles nationalistes de plus en plus radicaux, où il était courant de critiquer le bouddhisme et de revendiquer le shinto comme seule religion du Japon. Mishima ressent aussi intérieurement le besoin de rendre leur dignité à tous ceux qui sont morts pour le Japon et l'Empereur en devenant des kamikazes, comme il le dit dans Le Vent des Dieux.
Mishima lit et intériorise le grand ouvrage du samouraï Hagakure et déclare : "J'y ai découvert que la voie du samouraï est la mort". Il s'est donc préparé à sa mort en créant une armée non armée, la Tatenokai (la société du bouclier), dont les principes fondateurs sont les suivants : "l'Empereur est le seul symbole de notre communauté historique et de notre culture, ainsi que de notre identité raciale". Il réussit à recruter une centaine de patriotes pour cette armée, qui - comme le vent kamikaze - était également très divine.
Le 25 novembre 1970, Mishima et quatre membres de sa Tatenokai pénètrent dans le quartier général des Forces d'autodéfense japonaises, l'armée très réduite que l'occupant américain a permis à l'ancien Empire du Soleil Levant de posséder. Une fois à l'intérieur, Mishima prononce un discours visant à provoquer un soulèvement des soldats en faveur de l'empereur et de la renaissance du Japon. Les soldats ne l'écoutent pas, ils sont déjà des hommes d'une autre époque - une époque sans doute la pire et la plus dépourvue d'héroïsme. Déçu, Mishima se détourne et accomplit le seppuku, la mort la plus douloureuse et traditionnelle réservée aux samouraïs. Le second de son armée fait de même. Il avait écrit: "Je veux que ma vie soit un poème", et pour le rendre plus esthétique, il avait cultivé son corps faible pour en faire un corps dur et athlétique et pris des photos inspirées du martyre de Saint Etienne, ce qui l'érotisait profondément.
Mishima a réussi à faire de sa vie un poème et de sa mort un rite qui invoque les dieux du shinto et leur fils terrestre, l'empereur du Japon.
23:58 Publié dans Littérature, Livre, Livre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : japon, yukio mishima, lettres, lettres japonaises, littérature, littérature japonaise, livre | |
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La charge de cavalerie qui a sauvé l'Europe
À Vienne en 1683, les Polonais ont soutenu l'Empire autrichien en écrasant les Turcs lors de la dernière bataille qui a sauvé l'Europe
Andrea Muratore
Source: https://www.ilgiornale.it/news/cultura/carica-cavalleria-che-salv-leuropa-cos-vienna-fu-rotto-1971412.html?fbclid=IwAR2tfxT8owTYl28X_jiDSIYy5CHO-YQc_DGlYtt8DPzmBU-VNkt3PIanRsY
La charge de cavalerie qui a sauvé l'Europe : comment le siège a été brisé à Vienne
Vienne, le 11 septembre 1683. Sur le mont Kahlenberg, soit la colline de Kahlenberg située non loin de la capitale de l'empire des Habsbourg, une mêlée confuse oppose les troupes ottomanes qui assiègent la ville et les forces de l'empereur Léopold Ier. Le siège turc de Vienne, le deuxième après celui de 1529, est arrivé à son dernier jour. Plus d'un siècle après la bataille de Lépante, l'Europe fait face à une nouvelle avancée du Grand Turc, cette fois-ci par voie terrestre. Les Janissaires, les forces spéciales les plus avancées de l'armée ottomane, et les forces du duc Charles V de Lorraine, parmi lesquelles se trouvait un jeune officier qui allait faire carrière, Eugène de Savoie, se sont âprement battus à quelques kilomètres de la ville assiégée. À l'époque, on craignait que la grande peur de l'invasion turque ne se matérialise à nouveau pour l'Europe, mais lorsque les faits se sont avérés, une seule attaque a suffi à changer le cours du siège et, à sa manière, de l'histoire.
"Jesusmmaria" : au milieu de la mêlée, un cri retentit et en un rien de temps, le Kahlenberg est envahi par ce qui semble être une légion d'anges. Ce sont des cavaliers en armure, armés d'un sabre et d'une lance de six mètres ; sur leurs épaules, ils portent un montage en bois auquel est attaché un ensemble de plumes d'oiseaux, qui forment des ailes, rendent le combattant plus imposant et produisent, pendant la charge, un sifflement et un bruissement qui terrifient leurs ennemis. Il s'agit des hussards ailés, l'élément central de l'armée du roi Jean III Sobieski de Pologne qui s'est précipité vers la ville sans être inquiété. Quatre bataillons écrasent les Turcs, 15.000 hommes restent sur le terrain, l'armée ottomane subit une nouvelle raclée, cette fois définitive. En 1664, elle avait été stoppée dans sa progression par les armées impériales dirigées par Raimondo Montecuccoli (1609-1680) à la bataille du Saint-Gothard en Hongrie, pour reprendre sa marche suite aux pressions exercées par Louis XIV de France sur Istanbul pour que l'Empire ottoman prenne l'initiative contre l'Empire des Habsbourg. En 1683, l'avance ottomane est brisée et se transforme en une contre-offensive vers la Hongrie et les Balkans dans les années suivantes.
De juillet à septembre, la dernière "Grande Peur" est mise en scène, le metus d'une conquête turque du cœur de l'Europe qui s'était déjà fait sentir après la chute de Constantinople en 1453, avec le premier siège de Vienne en 1529 et avec le défi de Lépante en 1571. La participation des Polonais a donné corps à la dernière grande coalition née à des fins religieuses dans l'histoire européenne, dans une phase historique où même le roi de France avait depuis longtemps choisi une autre voie, comme l'avaient confirmé les alignements de la guerre de Trente Ans. Hors du temps et autonome, l'épisode du siège mené par Kara Mustafa Pacha n'était pas apparu comme un chant du cygne, au contraire, mais comme la continuation d'une ambition démesurée de domination de la part des Turcs. En fait, c'était un pas de trop, un pari risqué que la Sublime Porte a payé avec le début de son déclin.
L'écart entre les organisations militaires européennes et turques s'était réduit, l'art de la fortification avait produit des forteresses presque imprenables, et le déclin du moral et de l'organisation des Turcs rendait les pertes moins supportables. Le premier 11 septembre de l'histoire a toutefois été décidé par un véritable épisode de guerre psychologique : l'apparition des hussards a grandement terrifié les Turcs, leur a fait perdre le moral et a été perçue comme un signe divin de punition.
Ce Lépante sur terre a été un épisode décisif, et le reflux de la marée turque a entraîné l'avancée des bannières autrichiennes et des domaines des Habsbourg. Vienne est devenue avide d'expansion territoriale et voulait le retour à la couronne de régions cruciales comme la Hongrie. À partir de ce moment-là, c'est la politique et la soif d'expansion territoriale, plutôt que le dualisme entre l'Islam et la Chrétienté, qui inspireront l'assaut continu de l'Autriche-Hongrie, de la Russie et d'autres puissances contre l'Empire ottoman. Il a été poussé au déclin en subissant une raclée bien prévisible due à trop d'hybris de la part de ses chefs militaires, convaincus que Vienne pouvait tomber. En un sens, l'Europe a été sauvée une dernière fois après Lépante : la dernière "guerre de religion" de l'Europe, avec le siège de Vienne, a été la dernière bataille qui pouvait être connotée comme telle de façon claire, et son extraordinaire anachronisme ne peut être comparé qu'à son rôle de tournant historique. Par la suite, masquer la logique du pouvoir par de nobles idéaux aurait été beaucoup plus difficile : l'assaut continu contre les positions ottomanes des siècles suivants en témoigne.
20:58 Publié dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, europe, hussards ailés, pologne, autriche, empire ottoman, siège de vienne, vienne | |
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L'alternative eurasienne
Lectures à méditer : la vision d'Alexandre Douguine pour l'ère post-américaine
A propos de l'édition allemande de "Mission Eurasie"
Karl Richter
Il y a quelques semaines, le journaliste, philosophe et géopoliticien russe Alexandre Douguine s'est brièvement retrouvé sous les feux de l'actualité dans son pays, lorsque sa fille Daria a été victime d'un attentat à la bombe non loin de Moscou en août.
Dans ce contexte, les médias occidentaux ont qualifié à plusieurs reprises Douguine, né en 1962, d'homme qui murmure à l'oreille des puissants, voire qui serait le "cerveau de Poutine" ("Putin's brain"). C'est sans aucun doute exagéré. Ce qui est vrai, c'est que Douguine, qui s'était déjà fait un nom dans la Russie post-soviétique dans les années 1990 en tant que penseur patriotique et révolutionnaire, était au tournant du millénaire le conseiller de Gennady Selesnov, alors porte-parole de la Douma.
Dans les années qui ont suivi la fin de l'Union soviétique, il a été l'un des premiers à évoquer le concept d'un ordre mondial "multipolaire" comme alternative au "One World" dominé par les États-Unis, concept que la politique étrangère russe a également adopté à l'époque. Au fil des années, Douguine a élargi son approche à la philosophie, voire à la spiritualité, et il est considéré aujourd'hui en Russie comme un éminent inspirateur d'idées. Il est également vrai que la politique étrangère russe suit depuis quelques années un cours de plus en plus "impérial", qui tient compte des nécessités géopolitiques. Douguine, qui a publié une douzaine de livres et d'innombrables articles dans des revues depuis les années 1990, a sans aucun doute contribué à cette évolution.
Son dernier livre, intitulé Eurasische Mission, vient de paraître en traduction allemande et se veut une "introduction au néo-eurasisme". Il est déjà clair que l'"eurasisme" ou la "pensée eurasienne" n'est pas vraiment une nouveauté. Douguine fait référence à une poignée de penseurs et de scientifiques russes du siècle dernier comme étant ses fondateurs, tels le philologue et linguiste Nikolai S. Troubetskoï (1890 - 1938), l'historien Lev Nikolaevitch Gumilev (1912 - 1992) ou l'historien de la culture et philosophe Ivan A. Ilyine (1893 - 1954) ; ce dernier a été honoré il y a des années par Poutine lors d'une petite cérémonie ; il est considéré comme une sorte de "philosophe maison" par le chef du Kremlin.
Selon Douguine, l'eurasisme a été formulé très tôt comme une idée reflétant les origines "multiculturelles" et supranationales de la Russie, c'est-à-dire l'oblitération par les Mongols et les Tatars pendant des siècles. L'idée eurasienne est donc également en certaine contradiction avec le concept de nationalisme occidental et bourgeois: "Cette originalité de la culture et de l'État russes (qui présente des traits à la fois européens et asiatiques) définit (...) la voie historique particulière de la Russie et son programme national et étatique, qui ne coïncide pas avec celui de la tradition d'Europe occidentale".
D'un autre côté, cela représente une grande chance, surtout aujourd'hui: car l'idée eurasienne montre une voie praticable pour que de grands espaces culturels et géographiques puissent trouver un ordre intérieur pacifique, fondé sur le respect et la diversité, même sans guerres d'extermination (USA!) ni nivellement culturel (One World!).
C'est la thèse centrale de Douguine : si le monde veut survivre à l'effondrement inévitable de l'ordre mondial américano-capitaliste, il doit se mettre d'accord sur un contre-projet radical qui permette fondamentalement une coexistence pacifique: "Le mouvement eurasianiste est un lieu de dialogue multilatéral égalitaire pour des sujets souverains. (...) Nous devons unir nos efforts pour dessiner une carte accessible pour les peuples d'Eurasie pour le nouveau millénaire".
Remarquable : même l'UE, avec sa tendance à la formation d'États supranationaux, semble utile dans cette voie - elle pourrait contribuer à ce que l'Europe retrouve un rôle autonome, indépendant des États-Unis, dans son propre environnement géopolitique.
Mais en fin de compte, Douguine ne se fait pas d'illusions : il n'y aura pas de coexistence pacifique avec l'hégémon mondial américain. Car celui-ci, suivant sa logique capitaliste libérale, ne tolère pas de cultures, de peuples et d'espaces économiques autonomes à côté de lui. Les États-Unis sont le "pays du mal absolu". "L'empire américain devrait être détruit, et tôt ou tard, il le sera".
Face au cancer de la mondialisation occidentale, le contre-projet "eurasiatique" a la fonction d'un message révolutionnaire qui peut encore tout changer pour le mieux à la douzième heure : "L'idée eurasiatique est un concept révolutionnaire au niveau mondial qui doit servir de nouvelle plate-forme de compréhension mutuelle et de coopération pour un grand conglomérat de puissances différentes : États, nations, cultures et religions qui rejettent la version atlantiste de la mondialisation".
La guerre en Ukraine, que Douguine voit comme une conséquence inévitable des provocations atlantistes continues, n'a fait qu'accélérer cette évolution. La guerre se joue en fin de compte sur le visage futur du monde. Douguine ne cache pas que la Russie est ici "destinée à prendre la tête d'une nouvelle alternative globale, eurasienne, à la vision occidentale de l'avenir du monde".
Pour certains lecteurs de "droite", tout cela est très fort de tabac - d'autant plus que Douguine déclare explicitement que l'État-nation classique est dépassé. Les droitiers occidentaux peuvent ne pas être d'accord. D'un autre côté, l'Allemagne dispose, avec le Saint Empire romain germanique, d'une vision d'empire vieille de plusieurs siècles, qui présente de nombreux points communs avec le concept eurasien de Douguine.
Au final, son livre - dont Constantin von Hoffmeister a assuré une traduction fluide et agréable - est une lecture captivante et inspirante pour tous ceux qui en ont assez de l'Occident, de l'OTAN, des gay prides et de l'obsession du genre. Certes, Douguine n'est pas un "homme de droite", encore moins un "nationaliste". Mais c'est un penseur visionnaire du 21ème siècle. Tout porte à croire qu'il aura raison. L'ère "multipolaire" n'en est qu'à ses débuts.
Karl Richter
20:39 Publié dans Actualité, Eurasisme, Géopolitique, Livre, Livre, Nouvelle Droite | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, politique internationale, eurasisme, géopolitique, alexandre douguine, nouvelle droite, nouvelle droite russe, russie, livre | |
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Bertold Brecht - l'agitateur implacable
Par Alexander Markovics
Le 10 février 1898, le poète, auteur de chansons et dramaturge communiste Bertold Brecht nait à Augsbourg. Élevé dans la religion protestante à la demande de sa mère, Brecht, bon élève, commence très tôt à écrire et à composer des poèmes. Comme beaucoup d'autres de sa génération, il vit le début de la Première Guerre mondiale en 1914 comme l'effondrement d'un monde qui se fait également sentir en lui : après les premiers éloges patriotiques, le jeune Bertold Brecht devient pacifiste. Il est néanmoins mobilisé comme infirmier, et pendant la guerre, il commence à rassembler autour de lui un cercle d'amis partageant les mêmes idées que lui, qui travaillent ensemble sur des chansons et des publications. De même, le jeune poète commence à courir après le beau sexe et connaît ses premières amours. Dans le sillage de la Révolution de novembre et de l'effondrement de l'Empire de Guillaume II, Brecht participe à la République des Conseils de Bavière, qu'il vit en tant que membre des conseils d'ouvriers et de soldats, sans se distinguer particulièrement.
Au cours de plusieurs voyages à Berlin, Brecht commence à nouer des contacts dans le milieu théâtral de la jungle urbaine, dans laquelle il finit par s'installer définitivement en 1924. C'est dans l'interaction entre la misère des Berlinois ordinaires, son traumatisme de la guerre et la vie trépidante de la ville que Bertold Brecht développe son talent d'agitateur communiste et de dramaturge. Son théâtre dialectique se caractérise par le fait qu'il doit empêcher le public de s'identifier aux personnages et soulever au contraire des questions. Ce caractère éducatif des pièces sert bien sûr à inculquer l'opinion de Brecht aux spectateurs. Bertold Brecht y parvient brillamment avec les moyens les plus modernes de son époque : les "chansons" de ses pièces (fortement influencées par le jazz), souvent écrites de manière ironique et humoristique, conquièrent le public, ce qui contribue au succès de son Opéra de quat'sous.
Dans cette pièce, où l'on retrouve notamment les ouvriers miséreux de Berlin, et où les capitalistes et les voyous sont tous représentés comme des criminels - et si les banquiers s'en sortent, les voyous finissent en prison. Ce faisant, Brecht souligne l'impossibilité de se comporter conformément à la morale bourgeoise lorsqu'on est pris dans une profonde misère matérielle - on mange d'abord, la morale vient ensuite, selon l'expression consacrée de sa pièce. Bien sûr, tout cela ne sert pas uniquement à divertir: l'athée radical qu'est Brecht ne croit pas au paradis, c'est pourquoi il veut que le monde sur terre en devienne un le plus rapidement possible. C'est pourquoi il veut changer le monde par son art, c'est pourquoi il se bat pour la suprématie culturelle de son camp en Allemagne, qui pourra y parvenir avec ses pièces. Dans ce contexte, Brecht devient le dramaturge le plus influent d'Allemagne. Bien que le dramaturge d'Augsbourg parvienne à tendre un miroir au capitalisme, son théâtre, influencé par les classiques du marxisme, manque d'introspection.
Dans la tradition de Machiavel et de la politique moderne, Brecht méprise l'homme bon et vertueux : ce n'est pas la pitié pour les opprimés qui est à l'ordre du jour chez lui, mais la transformation de cette émotion humaine en colère contre la classe dirigeante. C'est précisément cette attitude que Brecht, agitateur implacable, promeut dans sa pièce "La mesure". Ici, le révolutionnaire sans scrupules, prêt même à tuer ses propres camarades, non seulement n'est pas bon mais doit devenir mauvais pour faire triompher la révolution socialiste: cette figure est érigée en idéal. Dans le même temps, Brecht élève le parti communiste au rang de figure divine et rédemptrice autour de laquelle toute vie humaine doit s'orienter. En fin de compte, dans cette pièce phare du théâtre stalinien, le jeune camarade moralement intègre doit mourir parce qu'il fait obstacle à la révolution avec ses pensées morales. Les classiques du communisme doivent être suivis servilement et ne doivent pas être remis en question - c'est sans doute en partie à cause de cette attitude que les communistes allemands n'ont pas compris la nécessité de la question nationale, à quelques exceptions près comme les combats de Schlageter en Rhénanie, et qu'ils n'ont pas pu s'opposer efficacement à l'État social sous la République de Weimar ou à l'idée de la communauté du peuple (Volksgemeinschaft) dans les premières années du Troisième Reich, pas plus qu'aux lois raciales, qui n'apparaissaient pas sous cette forme dans les analyses marxiennes du capitalisme. L'œuvre de Brecht a été confrontée très tôt à une réaction violente et massive de la part du national-socialisme, qui l'a finalement contraint à fuir le pays.
Dans sa pièce "Arturo Ui", il analysait l'hitlérisme tel qu'il le fut jusqu'à la Nuit des Longs Couteaux, mais ne pouvait pas expliquer l'échec de la lutte des classes en Allemagne. Arrivé en Amérique, Brecht met en scène avec "La vie de Galilée" une parabole sur l'oppression et le bridage idéologique de la science en Allemagne, sans certes se rendre compte, comme Ernst Jünger, que cette chaussure conviendrait également au pied d'un régime communiste ou libéral. Non seulement Brecht ne parvient pas à percer aux États-Unis, mais il est même convoqué en 1947 devant le "Comité des activités anti-américaines" pour s'expliquer sur son agitation communiste. Il répond finalement à un appel de la RDA, où il veut participer à la construction du socialisme dans la zone d'occupation soviétique. Brecht y est accueilli à bras ouverts et le rêve de sa vie d'avoir son propre théâtre sur le Schifferbaudamm à Berlin se réalise. Bertold Brecht est enfin arrivé au sommet de l'industrie culturelle, il note lui-même non sans fierté qu'il appartient désormais à la classe des locataires. Mais même le communiste convaincu qu'était Brecht, dont on voulait même donner le nom à une place de Berlin-Est, ne peut pas fermer les yeux sur la misère des ouvriers en RDA, face aux dommages de guerre, aux réparations qu'exige l'URSS et au blocus occidental. Lorsque les Allemands osent se révolter le 17 juin 1953, il veut publier un message de solidarité ambivalent aux dirigeants du nouvel Etat prolétarien, mais elle ne sera pas publiée dans son intégralité.
Son poème "La Solution", dans lequel il suggère ironiquement au gouvernement de changer le peuple s'il n'est pas satisfait de lui, ne sera cependant publié que six ans plus tard en Occident. Elle inspirera quelques décennies plus tard Renaud Camus pour sa thèse du "Grand Remplacement", décrivant le remplacement des Européens autochtones par des immigrés. Ce qui reste de Brecht aujourd'hui, c'est sa critique intelligente et polémique du capitalisme et de ses crimes, qui est plus que jamais d'actualité face à la menace de la misère que font peser les politiques occidentales qui imposent des sanctions et des restrictions d'énergie, en plongeant le peuple dans la misère. En revanche, son agitation amorale en faveur du communisme ne peut que nous rappeler ce que l'absence de traitement de la question sociale et la violence du capitalisme peuvent faire naître comme démons chez un être humain.
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par Bruno Racouchot
Source: http://www.communicationetinfluence.fr/2022/09/08/9-septembre-2022-hommage-a-francois-bernard-huyghe-lun-des-plus-fins-analystes-francais-de-linfluence/#more-1261
François-Bernard Huyghe nous a quitté en ce début septembre à l’âge de 71 ans, des suites d’une longue maladie. Homme d’une immense culture, d’une hauteur de vue qui n’avait d’égale que sa simplicité et sa verve, François-Bernard Huyghe s’était imposé au fil des années comme l’un des meilleurs spécialistes français de l’influence, en tout cas l’un des analystes les plus avisés. Fidèle compagnon de route de Communication & Influence, il était aussi un ami personnel avec lequel je me sentais en totale symbiose. Son rire, son esprit caustique, sa connaissance amusée des méandres de l’âme humaine et de la comédie sociétale qui lui est consubstantielle, son amour des arts et des périples lointains en faisait un homme aussi atypique que noble. Fidèle en amitié comme à ses idées, grand voyageur, de la Terre comme des zones de l’intellect pur, il avait le panache et la profondeur d’un seigneur de la Renaissance italienne.
Né en 1951, docteur d’État en Sciences politiques et habilité à diriger des recherches en Sciences de l’information et de la communication, il avait enseigné la sociologie des médias et l’infostratégie au CELSA, université de Paris IV-Sorbonne, et intervenait régulièrement à l’Ecole de Guerre Economique, à HEC et à l’ENA. Conseiller scientifique et membre du CSFRS (Conseil Supérieur de la Formation et de la Recherche Stratégique), il était également chercheur associé à l’IRIS (Institut des Relations Internationales et Stratégiques) et dirigeait des recherches à l’IR2I (Institut de Recherche en Intelligence Informationnelle).
Mais avant d’embrasser cette carrière d’universitaire et de chercheur, François-Bernard Huyghe avait été réalisateur de télévision, fonctionnaire international pour l’UNESCO de 1984 à 1987, et délégué culturel à Venise en 1989-1990. Les amateurs d’histoire de l’art se souviendront que François-Bernard Huyghe était le fils de l’Académicien René Huyghe, professeur et conservateur en chef du Musée du Louvre, remarquable spécialiste de l’imaginaire, proche du GRECE (Groupement de recherche et d’étude sur la civilisation européenne) et pionnier en matière de réalisation de films d’art. Bon sang ne saurait mentir…
Outre l’un de ses derniers ouvrages, L’art de la guerre idéologique (Cerf, 2019), François-Bernard Huygue avait publié de nombreux essais. Ce fut d’abord la fameuse et incroyablement visionnaire Soft-idéologie (avec Pierre Barbès, Robert Laffont, 1987), puis La langue de coton (Robert Laffont, 1991) et Les Experts ou l’art de se tromper de Jules Verne à Bill Gates (Plon, 1996). Vinrent ensuite l’Histoire des secrets : de la guerre du feu à l’Internet (avec Édith Huyghe, Hazan 2000), L’ennemi à l’ère numérique (PUF, 2001), Faire mourir et faire croire (Editions du Rocher, 2004), Comprendre le pouvoir stratégique des médias (Eyrolles, 2005), Les écoutes téléphoniques (PUF, Que sais-je ?, 2009), Les terroristes disent toujours ce qu’ils vont faire (avec Alain Bauer, PUF, 2010), Terrorismes : violence et propagande (Gallimard, 2011), Think tanks : quand les idées changent vraiment le monde (Vuibert, 2013), Gagner les cyberconflits : au-delà du technique (avec Olivier Kempf et Nicolas Mazzucchi, Economica, 2015), Désinformation : les armes du faux (Armand Colin, 2016), Daech : l’arme de la communication dévoilée (VA Press, 2017), Fake news : la grande peur (VA Press, 2018), Dans la tête des Gilets jaunes (avec Xavier Desmaison et Damien Liccia, VA éd., 2019).
Grand voyageur, François-Bernard Huyghe avait aussi écrit avec son épouse Edith (décédée en 2014) de passionnants récits d’aventures dont Les coureurs d’épices (Payot, 1996), ou encore La route de la soie (Payot, 2006).
Cher François-Bernard, après avoir parcouru le monde avec Edith, voici venu pour toi le temps du grand voyage pour la retrouver. Je vous souhaite de voguer ensemble vers ces îles mythiques de notre Grèce originelle que vous chérissiez tant. Que les hôtes de l’Olympe vous aient ainsi en leur garde bienveillante. Nul doute qu’un échange avec eux sur les jeux d’influence entre les dieux et les hommes accompagné de belles libations réjouira votre cœur !
Adieu l’ami ! Semper fidelis !
Bruno Racouchot, directeur de Communication & Influence
Pour en savoir plus sur ses travaux, voir son site, d’une grande richesse pour tous ceux qui s’intéressent aux questions informationnelles et communicationnelles : http://huyghe.fr/
Télécharger les deux n° de Communication & Influence avec François-Bernard Huyghe comme invité
Décembre 2019
http://www.comes-communication.com/files/newsletter/Commu...
Mai 2011
http://www.comes-communication.com/files/newsletter/Commu...
Hommage de la revue géopolitique Conflits
https://www.revueconflits.com/deces-de-francois-bernard-h...
Hommage de la revue Eléments
https://www.revue-elements.com/deces-de-francois-bernard-...
Quelques textes, entretiens et vidéos de François-Bernard Huyghe sur « euro-synergies » (liens activés). Liste non exhaustive.
- Fake news : Débat avec François-Bernard Huyghe, directeur de recherches à l’IRIS
http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2018/11/15/f...
- « La désinformation » - Trois questions à François-Bernard Huyghe
http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2016/02/17/l...
- F.B Huyghe : "Il y a un retour de la censure !"
http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2019/11/29/f...
- De la “pandémie médiatique” : entretien avec François-Bernard Huyghe
http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2020/05/08/d...
- Progressisme, populisme, écologisme - Une interview de François-Bernard Huyghe sur l’art de la guerre idéologique
http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2019/12/25/p...
- François-Bernard Huyghe : Crise sanitaire et guerre de l'information
http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2020/05/13/f...
- François-Bernard Huygue : les Fake News
http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2018/05/03/f...
- Todd, Zemmour, Onfray, Houellebecq, peut-on vraiment tout dire en France? - Entretien avec François-Bernard Huyghe
http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2015/06/13/t...
- Fascistométrie et rééducation des masses...
par François-Bernard Huyghe
http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2018/11/10/f...
- Gilets jaunes : la bataille de la dignité... par François-Bernard Huyghe
http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2018/11/26/g...
- Au secours: les intellectuels reviennent... par la droite!
par François-Bernard Huyghe
http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2015/10/17/a...
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Art et métapolitique dans l'Espagne du 20ème siècle: le rapport Dali/Franco
Juan Montis-Christus
Source: https://septentrionis.wordpress.com/2022/09/10/arte-y-metapolitica-en-la-espana-del-siglo-xx-dali-franco/
"La révolution russe est la révolution française arrivée en retard, à cause du froid".
Salvador Dalí
"N'insistez pas pour être moderne. Malheureusement, quoi que vous fassiez, c'est la seule chose que vous ne pouvez pas vous empêcher d'être".
Salvador Dalí
"Franco et Dalí, Dalí et Franco : non pas une sympathie extravagante pour cacher ou déformer, mais une relation complexe pleine de recoins fascinants et contenant peut-être plus d'une clé décisive pour notre propre avenir".
Antonio Martínez, "El Manifiesto".
Le monde de l'art a donné à l'Espagne deux figures exceptionnelles de renommée mondiale au milieu du 20e siècle : Antonio Gaudí et Salvador Dalí; le premier a excellé dans le monde de l'architecture, le second dans la peinture. Les œuvres que les deux artistes ont produites tout au long de leur vie étaient d'une grande richesse symbolique et beaucoup d'entre elles avaient une grande charge mythique, précisément dans un monde horriblement désacralisé, profane et matérialiste, ainsi qu'anti-mythique et anti-symbolique par définition; et tous deux ont suivi, chacun à sa manière, une "voie mystique" particulière. Cette dernière était plus évidente chez Gaudí, un fondamentaliste catholique dévot et pratiquant ; dans le cas de Dalí, son mysticisme sui generis présentait des caractéristiques plutôt problématiques... Ce qui chez l'un était une religiosité dévotionnelle (extérieurement, bien sûr...), une introspection, un abandon de la "voie mystique", l'abandon du "bruit du monde", l'austérité véritablement spartiate, le dédain du luxe, du faste et de l'apparat, le détachement, surtout dans la dernière phase de sa vie ; d'autre part, chez l'autre, chez Dali, malgré son catholicisme théorique - voire national - étroitement lié aux grands mythes légendaires et patriotiques (l'apôtre Santiago, Covadonga, Don Pelayo, la Reconquête, le Cid, la Découverte de l'Amérique, la Vierge du Pilar, Philippe II, etc. ), c'était tout le contraire : excentricité, exhibitionnisme, extravagance, goût du scandale, de la provocation et une apparente superficialité ; et nous disons apparente, car Salvador Dalí a été très clair à ce sujet dans des propos qu'il a tenus tout au long de sa vie, tels que : "Les sociétés démocratiques ne sont pas adaptées à la publication de révélations tonitruantes comme celles que j'ai l'habitude de faire".
Le mépris de Dalí pour les sociétés bourgeoises et libérales, qui le divertissent sans même le comprendre, est absolu ; il est révulsé par la démocratie et les sociétés de masse, qu'il considère - à juste titre - comme de la pure camelote ; "le clown, ce n'est pas moi, mais cette société, si monstrueusement cynique et inconsciemment naïve, qui joue un rôle sérieux pour masquer sa folie". Salvador Dalí, symboliquement "chevauchant le tigre" au milieu d'un monde en ruines, un tigre qui finira par le dévorer ; voilà ce que c'est que de suivre un chemin très personnel et autonome vers la transcendance, en dehors d'une véritable doctrine sapientielle traditionnelle et orthodoxe ; comme nous l'avons dit plus haut, son catholicisme national a toujours été très particulier, même dans la période dite "mystique" où il a produit - à notre avis - la meilleure et la plus florissante de son oeuvre picturale...
Ernesto Milá, dans son merveilleux livre sur le génie de l'Empordà (1), avance une théorie très intéressante. Au sein des deux voies autonomes vers la transcendance et la réalisation du soi indiquées par la tradition sapientielle, à savoir la "Voie de la Main Droite" et la "Voie de la Main Gauche", selon la thèse très suggestive de Milá, Antonio Gaudí incarnerait spécifiquement la première, tandis que Salvador Dalí incarnerait la seconde ; alors que la première était toute de retenue et de recueillement, la seconde était son contraire, fait d'excès et de débridage : "La voie de Gaudí peut être considérée, du point de vue de l'ésotérisme traditionnel comme la 'Voie de la main droite', celle qui consiste en une forte ascèse intérieure de caractère purificateur. Si nous l'avons appelé "voie autonome", c'est parce qu'elle a été construite spontanément par Gaudí, accumulant des expériences intérieures... il ne fait aucun doute que Gaudí était catholique, mais il ne fait aucun doute non plus qu'il a dépassé le simple catholicisme de dévotion" ; en ce sens, il n'y a rien de plus à voir et à étudier que ses fabuleuses constructions, toutes empreintes de symbolisme traditionnel, préchrétien et chrétien, même dans la version la plus ésotérique de ce dernier (le Graal, le Pélican, la Croix des Six Directions, la Croix du Tau, la Rose+Croix, etc.)
Quant au peintre de l'Empordà, il incarnerait la Voie de la Main Gauche (2), une voie beaucoup plus dangereuse à suivre, surtout dans les périodes de dégradation et de dissolution du monde comme celle que nous vivons actuellement ; dans l'ésotérisme extrême-oriental, cette voie de réalisation de soi est symboliquement connue sous le nom de "Chevaucher le Tigre". À cet égard, Ernesto Milá dit de Dalí que "son catholicisme - très sui generis, d'ailleurs - est loin d'être de la même nature que celui du grand architecte (Gaudí). Les deux personnalités sont, par essence, différentes.
Dalí est un esprit mondain qui méprise la bourgeoisie et les "daliniens", mais partage sa vie avec eux car, au fond, il en vit. Il est repoussé par la plupart de ses admirateurs et a tendance à les traiter avec plus que quelques mots durs et blessants qui, dans de nombreux cas, sont moqués par les intéressés comme s'il s'agissait d'une originalité de plus. La mondanité, en revanche, est impensable chez Gaudí...". En Occident, et plus précisément en Grèce, nous avons une doctrine analogue à la voie tantrique extrême-orientale, qui a fini par exercer une certaine influence à la fin de l'époque romaine ; nous parlons de l'épicurisme (3), une école philosophique qui est née à Athènes à la fin du IVe siècle avant Jésus-Christ ; cette doctrine prônait l'absence - évidemment pour l'homme vraiment différencié - de soucis et la jouissance de tous les plaisirs de la vie (bonheur, félicité, bien-être, fortune, richesse), mais tout cela sans perdre l'Axe ou le Centre, en suivant toujours et malgré tout un Nord et un Guide existentiels, vivre et errer sans fuir le "bruit mondain", mais sans se laisser entraîner par le courant général de la subversion et de la désintégration, "vivre à l'intérieur de soi, et non décentré et détaché" (Antonio Medrano), en cherchant toujours, même dans le chaos et la dégradation - dans les enfers - un principe d'Ordre, de détachement et de déconditionnement. Comme le dirait Julius Évola, "se tenir droit au milieu d'un monde en ruines".
De nombreux modernes et postmodernes, poussés par une imbécillité et une ignorance vraiment suprêmes, ont interprété de manière erronée la doctrine de cette école philosophique, comme une simple voie vers l'hédonisme le plus absolu, une erreur grossière ; à cet égard, le fondateur de cette école a écrit : "Lorsque nous disons que le plaisir est la fin, nous n'entendons pas les plaisirs lascifs et licencieux, comme le disent certains ignorants de notre doctrine ou contraires à celle-ci ; mais nous unissons l'absence de douleur du corps à la tranquillité de l'esprit. Ce ne sont pas les festins et les banquets, ni les plaisirs des garçons et des femmes, ni les poissons et autres délices que l'on peut donner à une table somptueuse qui rendent la vie douce, mais un raisonnement sobre qui étudie parfaitement les motifs de tout choix et de tout refus... l'homme lucide et prudent sait discriminer, et cette opération le rend heureux.
La douleur provient d'appétits désordonnés qui ne sont pas discriminés selon l'intelligence, c'est-à-dire vivre de façon irrationnelle dévoré par des passions et des appétits tordus. L'homme intelligent, au contraire, s'abstrait de toute perturbation possible en se réfugiant dans l'autarcie, le contrôle de soi, la maîtrise de soi. L'autarcie, quant à elle, mène à l'ataraxie, l'imperturbabilité, la sérénité intérieure" (Épicure de Samos). Il est clair que Dalí s'inscrit beaucoup plus dans cette conception du monde que Gaudí, mais seulement en partie, car il finira par être vitalement brisé, déséquilibré et désaxé (perte de l'"autarcie intérieure", de la "maîtrise de soi"), comme tous ceux qui marchent sur le fil du rasoir ou qui "chevauchent le tigre" (4), sans points d'appui spirituels et métaphysiques solides, comme c'était son cas.
Le Dali métapolitique
Pendant une grande partie de sa vie, Salvador Dalí a toujours ressenti un certain détachement et une certaine distance par rapport à la politique du monde - apoliteia - mais pas par rapport à une certaine métapolitique - au-delà de la politique - son admiration pour les grandes figures politiques du 20ème siècle telles que Hitler, Mussolini, Franco, José Antonio Primo de Rivera, voire Lénine et Mao Tse Tung, était due à la "dimension mythique" qu'il entrevoyait derrière ces personnages historiques, qu'ils soient "bons" ou "mauvais". À son retour en Espagne en 1948, alors qu'il s'imprègne - à sa manière, bien sûr - de la mystique nationale-catholique affichée par l'État du 18 juillet et personnifiée dans la figure "mythique" de Francisco Franco, ainsi que du riche symbolisme et du rituel qui l'accompagnent à travers les organisations du Mouvement officiel, il s'attache progressivement à une certaine "droite" traditionnelle et métapolitique, abandonnant totalement ses idéaux révolutionnaires de jeunesse, prônant une véritable Monarchie, condamnant la démocratie, le libéralisme, l'égalitarisme, le machinisme, la standardisation, la médecine moderne et toutes sortes d'aberrations collectivistes, et se prononçant en faveur de la hiérarchie, d'une Aristocratie de l'Esprit (par opposition à celle du blason), de l'autorité, de l'esthétique, de la diversité, des valeurs de la personnalité par opposition à la massification, de la métaphysique, d'une "vraie Renaissance", de la Magie et de la Tradition; "Je ne crois qu'en la réalité suprême de la Tradition", disait Dalí. Il affirmait vivre au milieu d'une époque vulgaire, et que la vulgarité devait être vaincue "verticalement", tandis qu'en même temps la société devait être complètement déprolétarisée (précisément aujourd'hui le démonisme mondialiste cherche exactement le contraire) ; il parlait aussi d'une véritable "révolution culturelle" et "mystique" qui dissoudrait les fondations sur lesquelles les sociétés bourgeoises et démocratiques pourries étaient construites, et restaurerait ainsi la Tradition : "Ce n'est pas la vraie révolution mais celle qui retrouve la Tradition cachée sous la poussière de la fausse tradition". Re-volvere, remettre, revenir à la restauration de la Norme, au Centre, à l'Origine, à la Vérité, aux valeurs éternelles de l'Esprit ?
Juan de Ávalos, fils du célèbre sculpteur de la Basilique de la Vallee de los Caidos, l'œuvre suprême - et extraordinaire - du national-catholicisme franquiste, nous raconte un épisode curieux ; nous savons que Salvador Dalí a été l'un des premiers intellectuels espagnols à rejoindre avec enthousiasme le Mouvement national en 1937 ; il s'avère que juste après la fin de la Croisade en 1939, il a présenté à la Phalange un projet monumental qualifié de "macabre" : "Il a même proposé un monument commémoratif plutôt extravagant à la Phalange. L'idée était de fondre ensemble, tous les os de tous les morts de la guerre. Ensuite, tous les kilomètres entre Madrid et l'Escorial, une cinquantaine de piédestaux seront érigés sur lesquels seront placés des squelettes fabriqués à partir des vrais os. Ces squelettes seraient de plus en plus grands. Le premier, au départ de Madrid, ne ferait que quelques centimètres de haut. Le dernier, en arrivant à El Escorial, aurait trois ou quatre mètres de haut. Il semble que le projet n'ait pas du tout plu à Franco et qu'il ait été finalement rejeté, mais c'est là qu'a commencé une relation d'amitié et même d'admiration mutuelle entre les deux génies de l'Espagne du 20ème siècle (5) ; à une occasion, il est même allé jusqu'à dire que les deux grands inspirateurs de son œuvre étaient la Santina (la Vierge de Covadonga) et le Caudillo, ce qui horrifierait n'importe quel nabot progressiste ou politiquement correct d'aujourd'hui.
De toute évidence, Salvador Dalí, comme le souligne Ernesto Milá, était l'un des très rares artistes "modernes" pour qui les symboles n'étaient pas simplement des signes muets et vides, mais des porteurs potentiels d'idées suprasensibles et métaphysiques. D'où sa fascination pour le symbolisme et l'attirail qui accompagnaient les monarchies sacrées d'antan, ainsi que les États modernes et les grands dirigeants totalitaires du XXe siècle, face à la mentalité anti-symbolique et à la médiocrité répugnante et mesquine de la bourgeoisie libérale, caractérisée par sa crasse, sa bassesse et sa pauvreté symbolique-doctrinale sans limites.
"Dans la monarchie, une autorité maximale coexiste avec des possibilités maximales pour l'individu. Hétérogénéité en bas et unité en haut... J'ai toujours été anarchiste et monarchiste. Monarchiste dans l'ordre. Ainsi, cette anarchie est de nous, ceux d'en bas, et elle est à protéger par l'ordre d'en haut. Et la monarchie est l'ordre parfait". C'est ainsi que Dalí concevait sa "Monarchie-anarchie" ; une hiérarchie, une aristocratie, une totalité et une autorité maximales au sommet de l'État et de la société, et une liberté et un pluriformisme maximaux à la base - "La liberté dans l'ordre", comme le disait José Antonio Primo de Rivera, un leader qu'il admirait aussi profondément ; c'était le genre de monarchie sacrée dont Dalí (et très probablement Franco lui-même) rêvait et qu'il idéalisait, mais qui était totalement incompatible avec la vision du monde moderne ou postmoderne, à savoir qu'une monarchie libérale, démocratique et parlementaire - parodique et caricaturale en somme- n'est rien d'autre qu'un charlatanisme et une farce, une sorte de République couronnée où la figure du roi est celle d'une simple marionnette qui ne règne ni ne gouverne, une simple marionnette au service de la partitocratie et de la ploutocratie ("El Augusto Cero", comme le grand Juan Vázquez de Mella décrivait les monarques libéraux), raison pour laquelle la "Monarchie du 18 juillet" ou la "Monarchie du Mouvement national" instaurée par Franco - et à laquelle Dalí s'identifiait - est mort-née le 22 novembre 1975 (6).
Deux génies qui s'admirent mutuellement
"Un saint, un mystique, un être extraordinaire".
Salvador Dalí sur Francisco Franco
"Dalí n'a pas seulement sympathisé avec un certain franquisme, mais a également connu personnellement le dictateur et partagé des moments intimes avec lui. Il a peint un portrait de sa petite-fille et a dédié un poème au prince d'Espagne de l'époque, le successeur de Franco. Soyons clairs : Dalí a séduit Franco et la sympathie était réciproque. Sur quoi était-elle basée ? En effet, l'admiration et la sympathie étaient réciproques ; en 1964, le gouvernement de Franco lui décerna la Grand-Croix d'Isabelle la Catholique et en 1972, Dalí fit don de toute son œuvre à l'État espagnol (au grand dam de la foule séparatiste ; curieusement, aucune rue ne lui est dédiée à Barcelone...), ainsi que le financement de son Théâtre-Musée de Figueras, inauguré en 1974. À partir du moment où il s'installe définitivement en Espagne en 1948, plus précisément à Port Lligat, il ne cesse de louer la figure du Caudillo, qu'il considère comme un Mythe vivant ou comme une figure sacrée et métahistorique, au grand scandale de la poubelle intellectuelle et politicienne du monde démolibéral et ploutocratique.
L'admiration de Dalí pour la figure du Caudillo était si grande que sa mort, le 20 novembre 1975, le surprit lors d'une réunion à New York ; lorsqu'on lui annonça la nouvelle de la mort de Franco, Dalí demanda à être laissé seul et pleura, pressentant peut-être ce qui allait arriver à l'Espagne avec la disparition de sa dernière pierre d'achoppement avant qu'elle tombe comme un fruit mûr, proie et victime de la domination de la subversion mondiale qui l'emporta en 1945 après la Seconde Guerre mondiale, comme elle finit par l'être ; le penseur traditionaliste Álvaro d'Ors, ami de Carl Schmitt, a dit à juste titre que Franco avait gagné la guerre de 1936-39 mais qu'il avait néanmoins perdu la guerre de 1939-45, même sans y avoir participé directement, puisque les vainqueurs de cette dernière étaient les ennemis "éternels" -physiques et métaphysiques- de l'Espagne, et qu'ils n'allaient en aucun cas permettre une survie d'un post-franquisme solide en Espagne après la mort du Caudillo ; les trente années entre la fin de la Seconde Guerre mondiale et la mort du Caudillo ont été une sorte d'ajournement, comme nous le verrons plus loin...
Statue d'Alvaro d'Ors.
Il faut rappeler qu'une petite indication de cela a été l'avalanche de protestations internationales et de manifestations délirantes de haine anti-espagnole émanant du monde ploutocratique (avec des attaques et des agressions contre nos ambassades, des menaces d'expulsion de certaines organisations internationales, etc.), y compris le Vatican maudit, anti-espagnol et traître, qui a eu lieu en octobre 1975 après l'exécution par fusillade, plus que justifiée, de trois criminels de l'ETA et de deux autres du FRAP ; Dalí a non seulement soutenu pleinement les politiques du Caudillo, mais aussi ses décisions antiterroristes, au grand scandale et à l'embarras des répugnants progressistes bien pensants qui grouillent dans les démocraties occidentales décadentes ; lors de la dernière apparition publique de Franco sur la Plaza de Oriente, le 1er octobre 1975, à l'occasion du XXXIXe anniversaire de son exaltation en tant que chef d'État, et également en tant que démonstration de répulsion contre l'ingérence étrangère dans les affaires nationales, devant des centaines de milliers de partisans, Dalí a déclaré avec émotion que le Caudillo était "le plus grand héros d'Espagne" ; de sorte que plus tard, divers imbéciles qui cherchent une certaine "homologation systémique" de l'artiste, disent que le franquisme de Dalí était imposture, mensonge ou pure apparence. Après tout, comme l'a dit Salvador Dalí lui-même, "la télévision est le plus grand instrument de crétinisation du monde d'aujourd'hui", comme le sont tous les médias d'"information" de masse du système démocratique délétère (il disait avec dérision qu'il lisait toujours les nouvelles dans les journaux à l'envers pour mieux les comprendre), même si le trash télévisuel remporte la palme et est aujourd'hui le meilleur moyen de diffuser le satanisme mondialiste et sous-humain ; nous savons déjà que quelque chose d'aussi démocratique que l'information et la propagande systémiques (le lavage de cerveau écrasant et destructeur), sont finalement la contre-figure parodique et sinistre -diabolique- de la vraie Culture, ainsi que de la formation intégrale de l'individu. Art, Mysticisme, Spiritualité, Métaphysique, Métapolitique face aux forces dissolues et désintégratrices de la Modernité, tel était en substance le véritable sens que Dalí donnait au concept qu'il avait de la véritable "Révolution culturelle" (7). .
"Depuis la Révolution française, il s'est développé une tendance vicieuse et crétine à considérer le génie comme un être humain égal en tout point à tous les autres". Salvador Dalí, génie et figure jusqu'à la tombe ; Franco, quant à lui, a un jour prononcé en privé une phrase qui est aujourd'hui aussi ridiculisée qu'incomprise, et qui suscite habituellement la dérision des "terroristes de la plume", comme Onésimo Redondo avait l'habitude d'appeler les déchets journalistiques : "Faites comme moi, ne vous mêlez jamais de politique" ; de toute évidence, lorsque le Caudillo a fait une telle déclaration, il faisait référence à la "petite politique", à la politique étroite, myope et à courte vue, si consubstantielle à la démence démocratique, bourgeoise et libérale ; au contraire, le Caudillo a toujours parlé d'une autre politique éminemment supérieure, la politique comme "acte de service", comme Milice, la politique exécutée de manière sacrée, solaire, ouranique-virile -vraiment royale-, comme un acte de Service et de Sacrifice à la tête de la Communauté Populaire, la politique comme une fonction "presque divine" (José Antonio), la politique qui regarde plus les générations futures que les prochaines élections. C'est ainsi que Franco et Dalí ont tous deux compris la vraie politique, comme un véritable Art ; la Grande Politique : Métapolitique, "au-delà de la politique", Métaphysique de la politique...
Enfin, le grand Dalí est mort d'une crise cardiaque le 23 janvier 1989 à l'âge de presque 85 ans. Il est mort en écoutant son opéra préféré "Tristan et Isolde", de son compositeur allemand admiré, Richard Wagner. Il a été enterré dans la crypte de son Théâtre-Musée à Figueras, en face de l'église Sant Pere (photo), où il avait été baptisé et où il avait fait sa première communion.
L'alpha et l'oméga d'une vie certainement fascinante, folle en de nombreuses occasions, mais aussi pleine d'épisodes sombres et de figures sinistres et orageuses, une vie de fortes contradictions et aussi d'"affirmations souveraines", d'intuitions brillantes et de comportements autodestructeurs, comme tous ceux qui, au cours de leur vie, ont marché "sur le fil du rasoir", toujours au bord de l'abîme, ou qui ont vécu - ou plutôt ont choisi de vivre - existentiellement et volontairement dans "les régions les plus sombres et les plus souterraines de l'enfer".
"Le vrai peintre est celui qui est capable de peindre des scènes extraordinaires au milieu d'un désert vide. Le vrai peintre est celui qui est capable de peindre patiemment une poire entourée des tumultes de l'Histoire" (Dalí). Il en va de même pour un véritable artiste en politique, comme pour la Grande Politique.....
SALVADOR DALÍ PRESENT !!!!!
FORCE, HONNEUR ET TRADITION!
Juan Montis-Christus
NOTES :
(1) "Dalí entre Dieu et le diable. Le magique et le paranormal dans sa vie et son œuvre". Ernesto Milá, 2002. Un livre extraordinaire et hautement recommandé. Les chapitres VII ("Politique hermétique") et IX principalement, à encadrer, très intéressants du point de vue métapolitique et qui nous donnent un aperçu de la vision du monde de Dalí.
(2) Ernesto Milá, dans son livre "Le mystère Gaudí" - également brillant - pointe du doigt une autre figure au sein de ce que nous pourrions appeler "un chemin très particulier vers la transcendance" : Adolf Hitler. Il est curieux qu'Hitler, fondateur d'abord du Parti national-socialiste des travailleurs allemands, puis du Troisième Reich, se soit toujours considéré comme un "artiste" plutôt que comme un homme politique. Amateur de peinture et d'architecture, il a toujours rêvé de transformer l'État qu'il a fondé et dirigé en un "État artistique". Ernesto Milá attribue également à Adolf Hitler la "Voie de la Main Gauche", mais le Caudillo allemand, en agissant ainsi - comme Dalí - en marge d'une doctrine véritablement traditionnelle, orthodoxe et sapientielle, a fini par sombrer dans le titanisme le plus absolu et une "volonté de puissance" exaspérante, véritablement démoniaque, qui l'a conduit à sa propre catastrophe et à celle de tout le gigantesque Mouvement qu'il dirigeait et qui tournait autour de sa figure véritablement énigmatique. D'autre part, Dalí éprouvait également une fascination particulière pour la figure d'Hitler, auquel il a même consacré trois tableaux, le premier en 1939, peu avant le début de la Seconde Guerre mondiale : "L'énigme d'Hitler" (illustration, ci-dessous), presque comme une prémonition de ce qui allait arriver ; curieusement, l'un des peintres qui a le plus influencé Salvador Dalí était précisément Arnold Böcklin, un peintre suisse du XIXe siècle qui appartenait au mouvement artistique du symbolisme et était également très admiré par Adolf Hitler. Tous deux ont trouvé l'œuvre de ce peintre, aujourd'hui oublié, fascinante et très mystique. "Le Führer a acheté son œuvre la plus célèbre, L'île des morts, dont il existait cinq versions différentes. Mais bien qu'étant un grand peintre, Böcklin a été oublié. Chaque trait classique nous rappelle le monde moderne dans lequel le peintre ne semblait pas non plus s'intégrer, mais dont la manière de peindre a tout changé" (Pola Sierra). Les œuvres de ce peintre, fortement influencé par le romantisme et le symbolisme, sont chargées d'une atmosphère mythique, souvent sinistre, "ses œuvres esquissent des figures fantastiques et mythologiques sous des constructions issues de l'architecture classique (révélant souvent une obsession de la mort), créant un monde étrange et fantastique" (Alfred Heinrich Schmid) ; des œuvres qui ont grandement influencé Dalí et sa méthode "paranoïaque-critique".
"L'énigme Hitler" de Dali et "L'Ile des morts" de Böcklin.
(3) Épicure de Samos, (341 avant J.-C., né à Samos, mort à Athènes en 271/270 avant J.-C.).
(4) Dans le symbolisme extrême-oriental, le tigre représente les forces du chaos et de la dissolution, de la subversion. Symboliquement, le monter signifie dominer, contrôler ces forces en restant fermement en selle sans tomber, jusqu'à ce que ces forces tombent de leur propre poids, abandonnées par épuisement. En Europe, plus précisément dans le mithraïsme, la figure du taureau et son sacrifice avaient un symbolisme analogue, et le rite de la tauromachie des temps modernes est comme un écho dégradé de ce mythe sacré, un symbolisme de la tauromachie qui a également toujours fasciné Salvador Dalí.
(5) "En réalité, Dalí admirait Franco politiquement et humainement pour des raisons très proches de cette préférence qu'il avait pour la forme monarchique. Il définit Franco comme "le summum du calme" et affirme qu'en tant que Galicien, il possède un caractère très approprié pour gouverner l'anarchisme du peuple espagnol. Cependant, il ne s'agit pas seulement ici d'une aptitude psychologique particulière, du silence proverbial de Franco, de son flegme celtique, de sa réserve et de sa circonspection, si adaptées à l'homme d'État obligé de prendre des décisions sérieuses en permanence. Dalí, à la fois ultramoderne et ultraconservateur à sa manière très personnelle, a compris que Franco, bien plus que dans le domaine du fascisme pur, se situait dans la tradition spirituelle de Philippe II : un Philippe II qui a construit le monastère catholique-hermétique de l'Escorial et qui, de manière très significative, admirait Jérôme Bosch - dont il possédait de nombreuses œuvres - de la même manière que Franco l'a fait avec Dalí. Philippe II, un grand roi qui a dû faire face à des circonstances tragiques, a bien compris la vocation universelle et le destin méta-historique de l'Espagne. Franco aussi, même si l'on s'est beaucoup moqué - aussi sarcastiquement que superficiellement - du cliché de la "réserve spirituelle de l'Occident" et d'autres notions similaires, si chères pendant des décennies aux intellectuels du Régime" (Antonio Martínez). À une occasion, Dalí a exprimé sa surprise lorsqu'il a découvert que l'un des peintres préférés de Franco était précisément l'un des peintres qui le fascinait également le plus : le peintre baroque néerlandais Johannes Vermeer van Delft (1632-75). Il convient de souligner que Franco était également passionné de peinture et d'architecture, et qu'il a toujours voulu établir une certaine éthique et esthétique à cet égard dans le Mouvement qu'il a fondé et dirigé, bien que la régression - dans tous les sens, y compris les aspects culturels et artistiques - que l'État du 18 juillet a subie à partir des années 1956-59 allait faire échouer de manière spectaculaire cette initiative véritablement révolutionnaire ; de l'Espagne missionnaire de la Croisade, nous sommes passés à l'Espagne de la "stabilisation", du "développement", de la "technocratie" et de la folie consumériste, bref ce fut "la mort de l'esprit du 18 juillet", comme le dénonçaient déjà de nombreuses figures de proue du Régime dans les années 1960. Cependant, pour Salvador Dalí, tout cela n'avait aucune importance ; ce qui était fondamental pour ses conceptions métapolitiques, c'était la richesse des grands symboles - dont beaucoup étaient mythiques -, l'attirail rituel et cultuel qui accompagnait la figure du Caudillo et le système qu'il fondait et dirigeait, des symboles qui reliaient l'Espagne dans laquelle il vivait à la Grande Espagne des meilleurs temps, à l'Espagne de Covadonga, de la Reconquête, des Rois Catholiques, de l'Âge d'Or. Il existe quelques livres d'un certain intérêt, puisqu'il n'y a pas grand-chose à ce sujet, qui abordent le sujet de l'art en général et de la culture pendant le régime franquiste, en dehors de l'idéologie et des commentaires biaisés de leurs auteurs, bien sûr : "Art et idéologie dans le franquisme (1936-51)" et "Esthétique dans le franquisme" ; dans les deux livres, on conclut plus ou moins qu'il y a bien eu une éthique et une esthétique spécifiques pendant le soi-disant "premier franquisme" (1936-59), ou plutôt, une application ou une manifestation cosmovisionnelle de "l'esprit du 18 juillet" dans les expressions et les déclarations artistico-culturelles de l'État nouveau. Aujourd'hui, il est normal dans cette Espagne apocryphe, démente et ultra-dégradée que toutes ces manifestations du franquisme soient considérées par une masse imbécile, empoisonnée, sans âme et illettrée comme "carcasses", "anachroniques", "obscures", "rétrogrades", "mégalomanes", "impérialistes", "totalitaires", etc, etc.....
(6) Le 22 novembre 1975, le Prince Juan Carlos de Borbón est proclamé Roi d'Espagne par les Cortes Orgánicas et le Conseil National du Mouvement inclus dans celles-ci, après avoir juré sur les Saints Evangiles d'être fidèle à l'héritage reçu (le franquisme, l'Etat du 18 juillet), et de garder et faire respecter les Lois Fondamentales du Royaume et autres Principes qui informaient le Mouvement National. À peine un an plus tard (18-XI-1976, "La trahison de novembre"), ces mêmes Cortes organiques et ce même Conseil national du mouvement approuveront massivement une "loi de réforme politique" qui ne réformera absolument rien, mais détruira complètement tout le système juridico-politique et institutionnel franquiste, ouvrant à nouveau l'Espagne à la démocratie bourgeoise et libérale, ce que Franco et Dalí détestaient tout autant. C'est pourquoi nous avons dit que la rêvée "Monarchie du Mouvement National" établie par Franco, était déjà mort-née après le "couronnement" du Parjure...
(7) C'est précisément l'homme qui a été ministre du Travail pendant la plus grande partie de ce qu'on appelle le "premier franquisme", le Falangiste de la vieille garde José Antonio Girón de Velasco (photo ci-dessus), qui a dit que le franquisme avait finalement échoué parce qu'il n'avait pas réalisé, ou n'avait pas abordé, ou n'avait pas su réaliser, la seule révolution qui lui manquait, ayant réalisé avec plus ou moins de succès - comme il le disait, bien sûr - les révolutions politique, sociale, agraire et industrielle : la Révolution culturelle...
16:32 Publié dans art, Histoire | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : art, espagne, salvador dali, antoni gaudi, histoire, franco, franquisme, métapolitique | |
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Giorgia Meloni et les prochaines élections italiennes
Entretien avec Marco Malaguti, directeur d'Essenzialismi
Marco Malaguti (né en 1988 à Bologne), directeur du nouveau portail culturel et philosophique Essenzialismi (www.essenzialismi.it). Auteur pour la plateforme géopolitique Aliseo depuis mai 2022, membre du groupe de réflexion "Centro studi politici e strategici Machiavelli". Expert en philosophie romantique et postmoderne.
L'entretien a été réalisé et traduit de l'anglais par Alexander Markovics pour le journal allemand Deutsche Stimme.
Cher Monsieur Malaguti !
Vous êtes vous-même journaliste et vous vous intéressez depuis des années à la politique intérieure italienne. Le 25 septembre, l'Italie réélit son Parlement. La favorite est Giorgia Meloni, connue entre autres pour sa phrase célèbre "Je suis Giorgia. Une femme, une mère et une chrétienne. Et personne ne m'enlèvera cela". Comment évaluez-vous personnellement Mme Meloni et ses chances de gagner les prochaines élections ?
Ce que Giorgia Meloni récolte est le résultat d'un travail de plusieurs années. Contrairement à Salvini, Meloni a toujours eu une vertu fondamentale en politique: la patience. Son héritage politique comprend le MSI, un descendant direct du parti national fasciste, et elle s'est toujours préparée à participer au gouvernement, une nécessité que Salvini n'a jamais ressentie comme urgente. Par conséquent, Salvini s'est rapproché de tous les partis "marqués" au sein de l'UE, y compris le FN français. Bien que ce dernier soit historiquement plus proche du parti de Meloni, les Fratelli d'Italia (FdI) se sont plutôt rapprochés des partis conservateurs au pouvoir dans plusieurs pays de l'UE, notamment le PiS polonais et le FIDESZ hongrois. Cette manœuvre a également concerné l'autre côté de l'Atlantique : alors que Salvini tentait de se faire une réputation d'ami de Poutine (une opération qu'il a complètement annulée après l'invasion de l'Ukraine), Meloni a assisté à de nombreux événements conservateurs aux États-Unis, comme le CPAC, et est devenue membre de l'Institut Aspen. De ce point de vue, elle a fait preuve de clairvoyance : bien qu'elle ait également eu des sympathies pro-russes dans le passé et que beaucoup dans son parti les partagent, elle a compris à l'avance que l'Occident allait radicaliser son action contre la Russie et qu'elle devait faire le ménage à temps, une mesure que ni Salvini ni Berlusconi, qui est un ami proche de Poutine, n'ont été en mesure de mettre en œuvre. Les FdI seront le parti le plus fort dans une coalition de droite et probablement le parti le plus fort d'Italie, mais il serait faux de considérer ces voix comme un héritage de Meloni. L'écrasante majorité de ces voix proviendront de la Ligue, qui les avait précédemment obtenues de Forza Italia. De manière générale, les électeurs de droite en Italie se sentent largement sous-représentés et cherchent à chaque fois un autre candidat pour défendre leurs intérêts. Meloni était tout simplement la seule candidate restante. Ce serait une erreur de considérer ces électeurs comme des habitués du FdI.
Marco Malaguti.
Giorgia Meloni remporte les élections législatives en s'alliant avec Silvio Berlusconi et Matteo Salvini, qui ont tous deux une grande expérience politique et ont déjà travaillé avec Meloni par le passé. Malheureusement, Berlusconi et Salvini ont tous deux déçu de nombreux électeurs et légitimé le gouvernement technocratique européen de Draghi. Les critiques mondialistes décrivent l'ancienne journaliste comme une candidate d'"extrême droite" et mettent en garde contre un glissement de l'Italie vers un nouveau fascisme. Comment évaluez-vous idéologiquement la nouvelle alliance de droite en Italie ? Pourrait-elle réellement conduire à une révolution conservatrice en Italie ?
Meloni a réussi à se forger une réputation de pureté idéologique et d'intransigeance pour elle-même et son parti, mais la réalité est différente. Les FdI ne sont rien d'autre que les successeurs de l'Alleanza Nazionale (AN), un parti qui a déjà passé de nombreuses années dans une coalition avec Berlusconi, et de nombreux membres de l'AN font désormais partie des FdI. Meloni a elle-même été ministre de la Jeunesse dans le dernier gouvernement Berlusconi. L'idée qu'on se fait d'elle comme d'une femme politique intransigeante qui ne s'est jamais aventurée dans les bas-fonds de la gouvernance est donc romantique, mais fausse.
D'un point de vue idéologique, la coalition des droites italiennes a toujours été d'une grande confusion : des libéraux aux nostalgiques du mussolinisme, des régionalistes aux centralistes. Si je devais montrer ce qui unit cette coalition, je devrais d'abord citer l'aversion pour les impôts, une politique de sécurité stricte en termes de loi et d'ordre, ainsi qu'une hostilité voilée envers l'immigration et l'agenda LGBT. Si je cite des thèmes particuliers, c'est parce qu'il n'existe pas d'idéologie ou de philosophie formulée à laquelle la droite italienne adhère en bloc.
Le travail culturel qui définit une fois pour toutes ce que doit être la droite italienne n'a été fait que récemment et arrive trop tard, souvent écrasé en outre par le lourd héritage du fascisme, dont les Italiens ont encore aujourd'hui une bonne opinion, si l'on exclut les lois raciales. Je ne pense pas qu'un gouvernement de droite puisse déchaîner une "révolution conservatrice" en Italie, et encore moins un retour généralisé du fascisme. De manière réaliste, on peut s'attendre à un assouplissement de la censure des médias et à un arrêt momentané de l'agenda LGBT, mais tout cela sera perdu avec le prochain changement de gouvernement si cette politique n'est pas accompagnée d'un travail culturel profond en coulisses, qui n'a été mené que de manière très partielle et inefficace jusqu'à présent.
En matière de politique étrangère et de géopolitique, Giorgia Meloni adopte des approches plutôt non conventionnelles pour un parti de droite. Elle a ainsi déclaré publiquement vouloir suivre les directives de Bruxelles et livrer des armes à l'Ukraine. Que pensez-vous de ce positionnement géopolitique? Est-ce que cela permettra à l'Italie de récupérer sa souveraineté auprès de l'UE et des États-Unis ou est-ce que cela signifie une consécration de son statut de vassal des États-Unis ?
Aucun des partis de droite de la coalition n'a actuellement la volonté et la possibilité de changer la position atlantiste de l'Italie. La position vis-à-vis de l'UE est plus nuancée, mais la Lega et les FdI sont désormais sceptiques quant à une sortie de l'Italie hors de l'UE, alors que Forza Italia a toujours été pro-UE. Cependant, l'européisme des FdI est très différent de celui des libéraux et plus proche de la vision eurocritique de Varsovie et Budapest que de l'européocentrisme français ou de la forte adhésion à l'euro en Allemagne. Ce recentrage permet d'une part d'éviter que les électeurs eurosceptiques ne quittent les FdI pour des partis plus radicaux (par exemple Italexit ou ISP), mais d'autre part il place l'Italie dans une situation d'assiégeant du noyau européen franco-allemand, sous contrôle américain.
Cet axe, qui marche de concert avec le groupe consolidé de Visegrad, serait complété par l'Italie et les pays du sud de l'UE. Ce processus joue sur le profond mécontentement en Italie et dans ces pays en raison des politiques d'austérité mises en place par l'UE du Nord au détriment de l'UE du Sud. Ce n'est pas un hasard si Meloni a signé un pacte d'amitié avec le leader du parti espagnol Abascal. Si elle l'emporte en Italie et que la droite triomphe à Madrid grâce à Vox, nous serions alors face à la réalisation d'un rêve de Donald Trump : l'implosion de l'UE et la poursuite de cette politique de "diviser pour mieux régner" qui empêche l'Europe de s'émanciper de ses maîtres de Washington.
14:06 Publié dans Actualité, Affaires européennes, Entretiens | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : marco malaguti, giorgia meloni, italie, fratelli d'italia, élections législatives italiennes, europe, affaires européennes, entretien, politique internationale | |
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La revue de presse de CD
11 septembre 2022
EN VEDETTE
Katya Kopylova, diplomate russe : « La réponse en cas d’attaque sera radicale ! »
Katya Kopylova est diplomate et juriste russe. Jeune, très jolie, francophone sans aucun accent, interview d’un ovni : une tête – très - bien faite qui nous donne une belle leçon de géopolitique, historique et politique.
Livre noir
https://www.youtube.com/watch?v=xedMf06kWdU
ALLEMAGNE
L'industrie allemande met en garde contre l'explosion des coûts énergétiques : « L'Allemagne devient un musée industriel »
Les mises en garde contre les conséquences de la politique énergétique actuelle et l'explosion des coûts de l'énergie qui en résulte se font désormais entendre dans les milieux industriels. Début août déjà, le célèbre propriétaire de Trigema, Wolfgang Grupp, entre autres, avait mis en garde contre une « grande vague de licenciements ». Et la Chambre bavaroise de l'industrie et du commerce (BIHK) a déclaré qu'au vu des prix actuels de l'électricité, des milliers d'emplois étaient menacés rien qu'en Bavière ; si le gaz russe venait à manquer, ce chiffre pourrait atteindre un million rien qu'en Bavière.
euro-synergies.hautetfort.com
http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2022/09/02/l...
Lu à l’étranger : Thilo Sarrazin, Les vœux pieux en politique
Figure majeure du SPD, exclu après avoir publié un livre critique sur l’immigration, Thilo Sarrazin continu d’analyser la vie politique allemande avec des livres qui sont toujours des bestsellers. Son dernier ouvrage analyse la prise de contrôle du sentimentalisme sur la vie politique. La rationalité et le temps long sont effacés pour être remplacés par l’émotivité et la réponse au court terme. Un livre non encore traduit en français mais qui permet de comprendre les débats intellectuels en Allemagne.
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https://www.revueconflits.com/lu-a-letranger-thilo-sarraz...
CHILI
Réforme constitutionnelle au Chili : la « voix du peuple » contre la gauche
Le dimanche 4 septembre, tous les Chiliens sont allés voter et les résultats sont sans ambiguïté : le texte constitutionnel, porté avec enthousiasme par le président Boric a été rejeté par 61,86 % des voix.
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https://www.contrepoints.org/2022/09/06/438306-reforme-co...
COMPLOTISME (?) – « c’est celui qui l’dit qu’y est »
A quoi sert la vaccination de masse ? De l’infertilité au transhumanisme…
Ce qui est appelé vaccin aujourd’hui semble se rapprocher toujours plus d’un outil de bricolage génétique qui permettrait aux dieux de l’enfer du great reset de prendre le contrôle de la production et de l’exploitation humaine. Une image qui m’a frappée récemment est la suivante. Elle sort directement des tiroirs de sympathisants de l’UE. Devant une Tour de Babel, flanquée de 11 étoiles inversées, se trouvent des « humains ». A les regarder de plus près, on imagine que ce sont des personnages de Légo. Or, ces gens seraient les « Nouveaux » européens. Autant de transhumains ?
lilianeheldkhawam.com
https://lilianeheldkhawam.com/2022/09/04/a-quoi-sert-la-v...
DÉCONSTRUCTION
« Le Seigneur des anneaux » d’Amazon souille le chef-d’œuvre de Tolkien
La plus grande menace de la Terre du Milieu et du monde du Seigneur des anneaux n’est plus Sauron ou Morgoth, mais les wokes.
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https://www.contrepoints.org/2022/09/04/422688-le-seigneu...
L’idéologie woke s’attaque aux sciences de l’Homme
Censurer préventivement la science au nom du moralisme progressiste n’est pas seulement idiot, immoral et dangereux : c’est aussi se placer sur le terrain du lyssenkisme, du nom de Trofim Lyssenko, la pseudo-science stalinienne.
contrepoints.org
https://www.contrepoints.org/2022/09/03/438003-lideologie...
Sandrine Rousseau a raison
Dans une vidéo très bien réalisée, le Youtubeur Lapin du Futur se paye Sandrine Rousseau. Tout en appelant ceux qui la critiquent à ne pas se contenter de le faire en se moquant ou en rigolant. Car il a parfaitement saisi que derrière Sandrine Rousseau et quelques autres extrémistes de la « déconstruction » et de la « Table rase », il y a un véritable projet de société révolutionnaire qu’ils veulent mettre en place, pendant qu’une autre partie de la société se conforte dans son immobilisme sans bâtir un projet de société parallèle à celle que veulent ces nouveaux Khmers rouges.
lelapindufutur
https://www.youtube.com/watch?v=4_ud394BiVQ
Vers l’euthanasie à marche forcée
C’est un puzzle qui se met en place sous nos yeux. Chaque pièce y trouve sa place. La vie politique étant pensée en séquences de communication, en fenêtres de tir afin de parvenir à faire adopter sans heurts tel ou tel texte de loi, il semble désormais clair qu’Emmanuel Macron proposera une loi consacrée à l’euthanasie active et au suicide assisté. « La réforme des retraites n'est pas dans les 60 priorités du gouvernement, mais il s'apprête à lancer le processus qui conduira – sans surprise – à légaliser l'euthanasie active et le suicide assisté. S'offrir facilement un succès dans l'opinion plutôt qu'affronter la contestation », analyse avec clarté Guillaume Tabard.
laselectiondujour.com
https://www.laselectiondujour.com/vers-leuthanasie-a-marc...
DÉSINFORMATION/CORRUPTION/CENSURES/DÉBILITÉ
L’Express, parfait exemple de propagande de guerre
Le 24 mars 2022, un mois après le début de l’invasion de l’Ukraine par les forces russes, l’Ojim revenait sur les dix principes de la propagande de guerre. Pour nos lecteurs avides de mettre en pratique leurs capacités à repérer ces axiomes, la lecture du numéro 3712 (25 août 2022) de L’Express sera éclairante.
ojim.fr
https://www.ojim.fr/lexpress-nous-les-ukrainiens-propagan...
Revue de presse RT du 28 août au 3 septembre 2022
Notre exercice hebdomadaire de ré/désinformation grâce au média russe Russia Today. Cette semaine, il est visible que RT cherche, par sa sélection d’infos, à montrer la totale contre productivité des sanctions prises contre la Russie. Elles n’ont qu’un effet, mettre l’unité politique occidentale en danger, l’économie européenne à genoux et les citoyens au froid. Et l’Ukraine qui se prépare à devenir un centre terroriste, sous couvert de résistance…
lesakerfrancophone.fr
https://lesakerfrancophone.fr/revue-de-presse-rt-du-28-ao...
Censure et fake news : Le Monde et LCI dans la tourmente
La onzième édition 2022 d’un rapport conduit par Le Reuters Institute for the Study of Journalism (RISJ) analysant l’activité des consommateurs sur le secteur des médias au niveau mondial, a été rédigée en interrogeant 93 000 « consommateurs » répartis sur tous les continents et 46 marchés distincts. D’après cette étude, il s'avère que seulement 29 % des Français ont confiance dans les médias, ce qui démontre une véritable crise de confiance. Et pour cause : le narratif sur les Gilets jaunes, le covid et la guerre en Ukraine, a beaucoup accentué cette séparation entre la presse et le citoyen. En témoigne ces deux exemples : avant de présenter ses excuses à ses lectrices et lecteurs ainsi qu’au président de la République, Le Monde, journal quotidien autrefois prestigieux, a dépublié suite à la colère de l'Elysée une tribune du politologue Paul Max Morin car « ce texte reposait sur des extraits de citation qui ne correspondent pas au fond des déclarations du chef de l’État ». Seulement quelques jours plus tard, c'est au tour de LCI de faire des siennes. Lors d'une émission, un journaliste provoque la stupeur. Assurant qu'il s'agissait de « propagande russe », celui-ci affirme qu'une manifestation, organisée notamment contre les rationnements énergétiques et pour la sortie de l'Otan, ne s'est jamais déroulée... alors qu'elle a bel et bien eu lieu le samedi 3 septembre.
francesoir.fr
https://www.francesoir.fr/opinions-tribune/censure-et-fak...
Les influenceurs virtuels sont-ils plus puissants que les influenceurs humains?
Face aux dangers liés à la réputation et au comportement des influenceurs « réels », les influenceurs virtuels apparaissent comme une solution efficace, car ils accomplissent des missions similaires sans exposer aux mêmes risques. Le phénomène des influenceurs virtuels prend de plus en plus d’ampleur et semble être privilégié par certaines entreprises. Plus fiables, moins chers, toujours disponibles, les influenceurs virtuels sont aussi incroyablement populaires et réalisent des performances remarquables auprès des consommateurs. Ils permettent aux marques d’être plus créatives tout en maîtrisant totalement le contenu.
theconversation.com
https://theconversation.com/les-influenceurs-virtuels-son...
Une presse française lâche et paresseuse
Ah, finalement, qu’il est doux d’être journaliste en France dans un journal de révérence ! Jadis, c’était un travail fatigant, voire stressant et parfois même risqué : il fallait aller chercher l’information directement sur le terrain et la corroborer le carnet de notes à la main. Certains événements pouvaient impliquer de mettre sa vie en danger ; et certaines informations, une fois obtenues, pouvaient signifier une exposition directe aux rétorsions des puissants…
contrepoints.org
https://www.contrepoints.org/2022/09/07/438385-une-presse...
Palestine : la désinformation au 20h de France 2 continue
En juillet 2021, nous nous intéressions à la couverture qu’infligeait le « 20h » de France 2 au conflit opposant Israël aux Palestiniens. Nous notions alors à quel point c’est une constante dans cette rédaction, pour ne pas dire une ligne éditoriale, que de mutiler l’information (et le droit d’être informé) sur ce conflit en accumulant les œillères, les angles morts et les biais, voire les mensonges. Un constat qui ne s’est pas démenti depuis, y compris lorsqu’une journaliste palestinienne, mondialement reconnue, a été récemment assassinée par l’armée israélienne.
les-crises.frs
https://www.les-crises.fr/palestine-la-desinformation-au-...
ÉCOLOGIE
Environnementalisme systémique contre environnementalisme instrumental
La protection de l'environnement est l'une des questions les plus cruciales et les plus facilement instrumentalisées du monde contemporain. Pour comprendre la nature structurelle du problème, il faut commencer par une compréhension de base des mécanismes sous-jacents de la dynamique du capital, caractérisée par le besoin intrinsèque de croissance pérenne et de concurrence entre les agents économiques. L'état stable pour la société et l'économie décréterait l'effondrement du modèle capitaliste.
euro-synergies.hautetfort.com
http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2022/09/06/e...
ÉCONOMIE
La « shrinkflation », cette arnaque tapie dans les rayons de vos supermarchés
Le mot « shrinkflation » est une contraction du verbe to shrink (« réduire », en anglais) et du mot « inflation ». C’est la tablette de chocolat qui a gardé le même nombre de carrés et son prix mais a perdu un demi-centimètre de chaque côté ; c’est le pot de fromage blanc ou de rillettes dont le fond remonte désormais jusqu’à la moitié ; le tube en carton des rouleaux de toilette qui a pris du diamètre ; les kilos qui ne font plus que 980 grammes, les céréales qui se baladent à l’aise dans leur boîte en carton ou certaines bouteilles d’eau minérale qui ne contiennent plus que 1,15 litre, contre 1,25 hier et 1,5 avant-hier. Etc.
Bvoltaire.fr
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ÉNERGIES
Nucléaire : une énergie qui dérange (vidéo)
Alors que près d’un Français sur deux considère comme prioritaire le maintien de nos capacités nucléaires actuelles, l’atome fait un retour remarqué sur le devant de la scène – et ce après une longue période de disgrâce. A la faveur de la lutte contre le réchauffement climatique, dans la recherche d’une indépendance énergétique réaffirmée, ou bien encore pour limiter l’envolée des prix de l’électricité, tous les politiques – ou presque – semblent recommander son remède. Pour autant il est légitime de s’interroger sur cette source d’énergie et les fantasmes qu’elle véhicule. Qu’en est-il vraiment ? Professionnels et experts nous donnent les clefs pour mieux comprendre l’atome. Une excellente enquête.
documentaire-et-verite.com
https://documentaire-et-verite.com/nucleaire/
La crise énergétique s’aggrave en Finlande du fait des sanctions prises contre la Russie
Les effets secondaires des sanctions anti-russes deviennent de plus en plus insupportables pour les pays occidentaux. La Finlande a activé le niveau d’alerte maximal en raison de la crise énergétique, en prenant des mesures exceptionnelles pour gérer les difficultés d’approvisionnement. Le chef du gouvernement a même déclaré que le pays allait connaître une « économie de guerre », alors que la Finlande n’est manifestement en guerre avec aucun autre État. Ce scénario révèle la voie désastreuse que l’Occident a choisi de suivre par sa propre décision.
breizh-info.com
https://www.breizh-info.com/2022/09/03/207488/la-crise-en...
Nucléaire : machine arrière toute !
Il est toujours possible de faire machine arrière. La Californie a reconsidéré la fermeture de la centrale nucléaire de Diablo Canyon.
contrepoints.org
https://www.contrepoints.org/2022/09/03/438086-nucleaire-...
ÉTATS-UNIS
Les États-Unis pompent les poches des Européens avec l'excuse de la guerre
L'Occident collectif parle de l'introduction éventuelle d'un plafond sur les prix du pétrole en provenance de Russie. Toutefois, Moscou ne vendra pas d'or noir aux pays qui prennent une telle mesure, a déclaré le vice-premier ministre Alexander Novak. Quelles conséquences se cachent derrière le désir des États-Unis et de leurs alliés d'isoler la Russie, a demandé l'expert en économie Dmitry Adamidov
euro-synergies.hautetfort.com
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LA CIA ET LES MÉDIAS (6/6) – Le rôle de la Commission Church
Comment les médias les plus puissants d’Amérique ont travaillé main dans la main avec la Central Intelligence Agency et pourquoi la Commission Church les a couverts.
les-crises.fr
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FRANCE
Énergie : Macron, président de la disette
Pourquoi avons-nous abandonné l’énergie nucléaire dont l’abondance était garantie ? Pour des raisons électoralistes (glaner des votes écologistes) pour inonder des industriels de l’énergie renouvelable de subventions (capitalisme de copinage).
Frédéric Bastiat fut le premier à dénoncer le système d’accaparement par la ruse de la spoliation légale par l’État (« cette grande fiction selon laquelle tout le monde s’efforce de vivre aux dépens de tout le monde ») au nom d’une prétendue solidarité (« la Fraternité légalement forcée »). Il faudrait que chaque électeur mécontent puisse expédier Sophismes économiques et La loi à son député, sénateur, maire, et pourquoi pas à l’Élysée et Matignon pour qu’un peu de bon sens revienne dans les cerveaux de « la France d’en haut ».
contrepoints.org
https://www.contrepoints.org/2022/09/07/438353-energie-ma...
Le nucléaire français, histoire d’un désastre politique et idéologique
Prix en gros du mégawattheure à plus de 1.000 euros, Élisabeth Borne appelle les entreprises françaises à la « responsabilité collective » et n'exclut pas des coupures de courant cet hiver pour les particuliers. Comment la France, pays exportateur d'électricité, a-t-elle pu en arriver là ? Retour sur les 10 ans qui ont tué l'industrie nucléaire. Schizophrénie ou/et imbécillité ?
bvoltaire.fr
https://www.bvoltaire.fr/reportage-le-nucleaire-francais-...
Jean-Luc Mélenchon en mode Guy Mollet
Depuis son résultat au premier tour de l’élection présidentielle, Jean-Luc Mélenchon a adopté un comportement qui peut apparaître comme erratique mais qui finalement obéit à une logique et permet de le rattacher à un précédent politique. Juste après la deuxième Guerre mondiale, et avant le début de la guerre froide, Guy Mollet avait pris le contrôle de la SFIO (nom du PS de l’époque) avec des positions très à gauche et un discours résolument marxiste. Il avait même initié des contacts avec le PCF pour discuter d’une éventuelle fusion des deux partis !
vududroit.com
https://www.vududroit.com/2022/09/jean-luc-melenchon-en-m...
Zones rurales contre zones urbaines : deux France s’opposent-elles vraiment dans les urnes ?
À la suite des élections présidentielle et législatives de 2022, de nombreux commentateurs ont mis en avant le clivage entre les ruraux et les urbains pour rendre compte des résultats du vote. Ce discours médiatique est produit principalement par des commentateurs qui pointent depuis des années, cartes à l’appui, le fossé – croissant – entre le vote des grandes villes et le vote d’une « France périphérique ». Il y aurait une opposition politique entre une France des métropoles, multiculturaliste, gagnante de la mondialisation et une France éloignée des grands pôles urbains, perdante de la mondialisation, subissant un déclin industriel et économique. Mais existe-t-il véritablement deux France opposées sur le plan électoral ? Si tel est le cas, l’origine de cette fragmentation est-elle essentiellement liée au contexte économique local ou à la composition de ces territoires ?
revueconflits.com
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GAFAM
Référé de BonSens contre Bill Gates: l'audience aura lieu le 22 septembre au tribunal de Nanterre
L'association BonSens.org et trois de ses administrateurs ont assigné en référé le co-fondateur de la multinationale Microsoft Bill Gates devant le tribunal judiciaire de Nanterre par le biais de leur avocat Me Diane Protat. Après que cette assignation a été dument délivrée au domicile américain de M. Gates, le cabinet d’avocats américain K&L Gates, un cabinet de Seattle fondé en 1883, dont l’un des principaux associés fut William H. Gates, père de Bill Gates, s’est constitué avocat le 6 septembre et représentera donc le milliardaire dans ce dossier. L'audience aura lieu le 22 septembre 2022 au tribunal judiciaire de Nanterre.
francesoir.fr
https://www.francesoir.fr/politique-france/refere-de-bons...
Les réseaux sociaux vous espionnent, contrez-les !
Les réseaux sociaux sont devenus des armes dont nous sommes les munitions. Heureusement, nous pouvons arrêter les tirs.
contrepoints.org
https://www.contrepoints.org/2022/09/10/438330-les-reseau...
Plus de 50 employés de l'administration Biden impliqués dans une vaste opération de censure des réseaux sociaux
Selon les documents publiés le 31 août 2022 par le journal The Epoch Times, plus de 50 responsables de l’administration du président Biden issus d’une douzaine d’agences, ont été impliqués dans des efforts pour faire pression sur les entreprises de médias sociaux afin que celles-ci luttent contre « la désinformation » présumée. L'objectif : censurer les opinions qui vont à l’encontre du narratif selon lequel le vaccin « sûr et efficace » est la seule possibilité de venir à bout de l’épidémie de Sars-CoV-2.
francesoir.fr
https://www.francesoir.fr/politique-monde/plus-de-50-empl...
GÉOPOLITIQUE
Dossiers déclassifiés : La Grande-Bretagne a soutenu les États-Unis après la destruction d’un avion de ligne iranien
En 1988, un navire de guerre de la Marine américaine a abattu un avion de ligne iranien, tuant les 290 civils à bord. Des dossiers récemment déclassifiés montrent comment le gouvernement de Margaret Thatcher a offert un soutien immédiat aux États-Unis et a participé à la dissimulation de l’affaire.
les-crises.fr
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GRANDE-BRETAGNE
Décès de Elisabeth II, un obstacle au RESET levé. Refondation de la France.
Le roi Charles, portant la couronne des Objectifs de Développement durable de l’Agenda 2030 à la rencontre du World Economic Forum de 2020. La veille de la « pandémie » covidienne. Elisabeth II est décédée ce 8 septembre 2022 à l’âge de 96 ans. Avec elle disparaît une figure de poids qui n’aurait pu cohabiter avec l’officialisation de la Nouvelle gouvernance associée au Nouveau Monde. Sa fonction est incompatible avec l’organisation transversale mondiale. C’est en ce même 8 septembre qu’une campagne médiatique française a annoncé la mise en place d’un Conseil National pour la Refondation du pays. Ce hasard de calendrier aidera grandement à atténuer les réactions populaires au lancement de ce projet.
Le blog de Liliane Held Khawam
https://lilianeheldkhawam.com/2022/09/09/deces-de-elisabe...
LECTURES
Deux citations extraites de l’excellente revue hebdomadaire Antipresse (N° 352 | 28.08.2022), de Slobodan Despot :
« Le mot “cybernétique” est de la même étymologie grecque que “gouvernail“ et “gouverner“ : kubernetikè. La Domination planétaire tire ainsi le plus imparable parti de la Cybernétique, qui n’est pas tant la science des ordinateurs que la modalité moderne, mathématiquement assistée, de ce que Heidegger nomme la Führung, c’est-à-dire la direction impulsée par les ‘’chefs’’ (les Führers), et de sa doublure d’animosité et d’annihilation à l’encontre de l’animal. » Séminaire sur La Gestion Génocidaire du Globe, citation extraite de l’intervention intitulée « Les animaux malades de la Cybernétique », de Stéphane Zagdanski :
« Le temps des révolutions est aujourd’hui clos, nous vivons celui de l’extermination et, par ricochet, celui de la survie et de l’autodéfense. » « Vers l’autodéfense, Le défi des guerres internes », de Bernard Wicht, Jean-Cyrille Godefroy éditeur.
Titre :
COVID 19. Une autre vision de l’épidémie. Sous-titre : Ils ne pourront pas dire qu’ils ne savaient pas, de Laurent Toubiana. L’Artilleur, 272 p., 2022.
Auteur :
Laurent Toubiana est docteur en physique, épidémiologiste et chercheur à l’Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (INSERM). Dirige de sa création en 2014 l’IRSAN (Institut de Recherche pour la valorisation de Santé).
Présentation :
Il s’agit du livre d’un honnête homme, savant sachant de son état, qui écrit pour ceux qui veulent comprendre ce qui s’est passé depuis 2020 et ces deux ans (pour l’instant) de démence, de propagande, de manipulation et de totalitarisme plus que rampant. Très clair, agrémenté de différents graphiques qui auraient mérités une présentation plus immédiate, il s’agit certainement du livre le plus clair et honnête sur la pseudo-pandémie que nous aurions subie.
Extraits :
« |…] la politique de massification des tests voulue par le gouvernement. Cette politique d’utilisation dévoyée des tests est parfaitement scandaleuse. En moins de deux ans, plus de 220 millions de tests ont été effectués pour une population de 67 millions d’habitants. Cela ne s’était jamais produit avant le Covid dans l’histoire du suivi des épidémies. »
« C’est apparemment Monsieur Jean Castex] qui, de 2005 à 2006, a été le directeur de l’hospitalisation et de l’organisation des soins au ministère des Solidarités et de la Cohésion sociale, où il a participé à l’introduction de la notion d’objectifs et de rentabilité dans l’hôpital et à une rationalisation des coûts dans le cadre du plan hôtel 2007. Nous sommes donc collectivement renseignés sur l’une des origines de la détérioration des soins. »
« Au début de ce livre, j’ai dit que mon propos était radical. Il n’a de radical que celui d’analyser les données épidémiologiques de la crise Covid et d’en conclure finalement que nous avons eu de la chance car cette épidémie était banale. Là où nous avons eu moins de chance, c’est dans la manière dont elle a été traitée. ça ce n’était pas banal. En vérité, mon discours n’apparaît comme radical qie par contraste avec la radicalité des mesures mises en place par les autorités sanitaires et avec le climat d’anxiété généralisée entretenu pour que les populations s’y soumettent. »
MONDIALISME
Donation américaine de plusieurs millions de dollars: une fondation de gauche veut renverser Orbán - et Soros se pointe à nouveau...
Le responsable de la communication du Fidesz, István Hollik, a indiqué aux médias qu'il était illégal en Hongrie qu'un parti reçoive des fonds de l'étranger. Selon lui, Márki-Zay et son équipe ont « abusé de la loi » puisqu'ils ont reçu les fonds sur le compte de leur association. Hollik a également attiré l'attention sur le fait qu'Action for Democracy avait des « milliers de liens » avec George Soros. (mü)
euro-synergies.hautetfort.com
http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2022/09/02/d...
RÉFLEXIONS
Alain de Benoist : « La guerre qui se déroule actuellement en Ukraine est en fait une guerre des Etats-Unis contre la Russie »
En cette rentrée scolaire 2022-2023, nous avons donné la parole à Alain de Benoist, afin de faire le point sur l’actualité chaude du moment (guerre en Ukraine, crise politique et économique en France) mais aussi sur les perspectives, y compris chez nous, à moyen et long terme. Un entretien qui ouvre de nombreuses perspectives, loin des clichés éculés de nos politiciens et de nos « médias ».
breizh-info.com
https://www.breizh-info.com/2022/09/06/207529/alain-de-be...
« Le totalitarisme prend le pas sur la démocratie »
Pour l'instant pas censurée sur ma chaîne : archivez-la et diffusez-la ailleurs. « Aujourd'hui les représailles contre les défenseurs des droits humains sont très inquiétantes, et sont des exemples du traitement prochainement réservé à la société civile, de manière arbitraire. Lorsque les premières lignes, représentées par les citoyens qui se sont exposés depuis plus de deux ans à manifester leur inquiétude pour la protection des droits humains, auront été muselées et éliminées, c'est à ce moment-là que le peuple comprendra à quel pouvoir il a affaire, car le totalitarisme se déchaîne une fois qu'il a éliminé toute véritable opposition politique. »
arianebilheran.com
https://www.arianebilheran.com/so/adOBvPrZp?languageTag=e...
Small is beautiful: Leopold Kohr et le refus de l’Etat totalitaire moderne
Nous allons vivre un cauchemar étatique dans tous les pays. Le penseur austro-américain Léopold Kohr était cité avec Jacques Ellul et Guy Debord à la fin du documentaire apocalyptique Koyaanisqatsi. C’est comme cela que je l’ai découvert en 1983. En réalité son nom est inconnu alors que son lemme est mythique : small is beautiful. Kohr est l’esprit qui a mis en doute le monde moderne dans tout ce qu’il a de gigantesque, de titanesque, d'autoritaire et de compliqué.
euro-synergies.hautetfort.com
http://euro-synergies.hautetfort.com/archive/2022/09/03/s...
L’absolue nécessité de la peur
Les gouvernants ne font plus qu’une chose : surfer sur les peurs pour accroître leur pouvoir. Le pire ? Cela semble marcher.
contrepoints.org
https://www.contrepoints.org/2022/09/09/438473-labsolue-n...
RUSSIE
Retour sur les allégations de crimes de guerre russes en Ukraine : Boutcha (3/3)
Le 3 avril 2022, une vidéo commence à tourner sur les réseaux sociaux montrant une route jonchée de cadavres (ici reprise floutée par Sky News). Elle n’a ni date, ni explication. Mais, les internautes qui la partagent sur Twitter en sont déjà persuadés : il s’agit de victimes ukrainiennes de la barbarie russe. Qui a besoin de preuves quand les images semblent parler d’elles-mêmes ? Qui d’autre que les méchants envahisseurs russes pourraient massacrer ainsi des civils en pleine rue ? Cela semble tout à fait logique pour la majorité des gens qui croient déjà que les Russes ont bombardé la maternité et le théâtre de Marioupol, juste pour le plaisir de tuer des femmes et des enfants. La diabolisation était déjà lancée. Boutcha ne fait que confirmer ce dont beaucoup étaient déjà convaincus : les Russes sont des barbares et commettent des crimes de guerre en masse.
Francesoir.fr
https://www.francesoir.fr/retour-sur-les-allegations-de-c...
SANTÉ/LIBERTÉS
Le professeur Didier Raoult répond aux accusations de l’IGAS et des ministres
Afin de tirer un bilan de la crise du Covid-19, nous recevons le professeur Didier Raoult : angle de couverture médiatique des traitements précoces, conflits d’intérêts liés à l’industrie pharmaceutique, effets secondaires de la vaccination anti-Covid, ou encore attaques médiatiques et politiques contre l’IHU Méditerranée Infection, sur l’ensemble de ces thèmes brûlants, le célèbre microbiologiste répond sans concession à toutes nos questions dans le cadre de cet “Entretien essentiel“ fleuve.
francesoir.fr
https://www.francesoir.fr/le-professeur-didier-raoult-rep...
UKRAINE
[PODCAST] Ukraine : un siècle de tragédies – avec Stéphane Courtois
Stéphane Courtois est historien (directeur de recherche honoraire au CNRS), spécialiste de l’histoire d’Europe de l’Est et des régimes communistes. Dans cet entretien réalisé fin mai 2022, nous parlons de l’Ukraine. Quelle est l’histoire de cette nation, de son peuple, de son État, et de son territoire ? Des principautés vikings à l’époque contemporaine, Stéphane Courtois nous emmène à travers des siècles d’une histoire riche, rude et passionnante.
contrepoints.org
https://www.contrepoints.org/2022/09/09/438459-podcast-uk...
UNION EUROPÉENNE
La folle stratégie de l’Europe pour la sécurité alimentaire
Ce rapport officiel de l’UE a été rédigé par des personnes aux ventres pleins, aux rêves idéologiques de pureté alimentaire et qui n’ont aucune idée du défi que représente l’obtention d’une récolte. Douloureux à lire mais encore plus à ignorer, je présente ici mes commentaires sur certains passages. Je ne cesse de me pincer quand je dis que c’est l’état d’esprit de nos dirigeants européens. Ce serait drôle si tant de gens ne risquaient pas de mourir ou de souffrir de malnutrition, en grande partie à cause de leur idéologie ignorante du culte de la nourriture.
contrepoints.org
https://www.contrepoints.org/2022/09/05/426312-la-folle-s...
L’enfer est pavé de bonnes intentions : l’Europe
L’Europe est un sujet qui nous a toujours été vendu comme répondant à de nobles intentions. Certes. Mais de quelle Europe parlons-nous ? Et la prééminence du politique sur tous les sujets ne fausse-t-elle pas tout débat de fond, menant petit à petit à l’enfer de la désillusion ?
contrepoints.org/
https://www.contrepoints.org/2022/09/03/167472-lenfer-est...
L’avenir de l’Union Européenne selon Olaf Scholz
Le chancelier allemand Olaf Scholz a prononcé un important discours sur sa vision de l’Union européenne, à l’Université Charles de Prague, le lundi 29 août (texte intégral en lien ci-dessous, traduit par la revue Le Grand Continent). Affirmant à quatre reprises que l’UE doit s’adapter au « changement d’époque », il a esquissé un programme de réformes pour qu’elle renforce son rôle « géopolitique » et défende sa « souveraineté ». Le point essentiel de ce programme est l’abandon de la règle de l’unanimité au profit de la « majorité qualifiée » dans les domaines de la politique étrangère et de la fiscalité. Autrement dit : un pays membre de l’UE ne disposerait plus d’un droit de véto pour bloquer une décision prise à la « majorité qualifiée » (c’est-à-dire adoptée par 55 % des États membres représentant au moins 65 % de la population de l'Union européenne : c’est l’un des modes de vote actuellement appliqué au sein du Conseil des ministres de l’Union européenne dans certains secteurs : Agriculture et pêche, Compétitivité, Emploi, etc.).
laselectiondujour.com
https://www.laselectiondujour.com/lavenir-de-lunion-europ...
13:08 Publié dans Actualité, Affaires européennes | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, europe, france, affaires européennes, politique internationale, presse, journaux, médias | |
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