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mercredi, 31 mars 2021

Café Noir N.16: Boris, La Commune, La Syrie, Houellebecq

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Café Noir N.16

Boris, la Commune, la Syrie, Houellebecq

Café Noir – Un Autre Regard sur le Monde.
 
Émission du Vendredi 26 mars 2021 avec Pierre Le Vigan & Gilbert Dawed.
00:30 Boris Johnson (discours).
16:20 La Commune de Paris (150 ans).
39:10 Syrie (10 ans).
1:07:20 Houellebecq (l'écrivain).
 
 
SÉQUENCE SYRIE
Nombre de morts en Syrie.
Civils : 117 388 à 224 948 morts au moins.
Total : 500 000 à 600 000 morts, pour une population d'avant guerre (2011) de 20,8 millions.
 
Source: Wikipedia France.
 
ERRATUM. C'est bien entendu Mohamed Morsi, candidat du Parti de la liberté et de la justice (PLJ) issu de la confrérie des Frères musulmans (et pas le FIS) qui avait gagné les élections en Egypte.

« Safetycracy », le nouveau paradigme du pouvoir fondé sur la protection de la vie

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« Safetycracy », le nouveau paradigme du pouvoir fondé sur la protection de la vie

par Guido Salerno Aletta

Source : Milano Finanza & https://www.ariannaeditrice.it

La science, dans les domaines médical et biologique, devient un instrument de pouvoir. Un pouvoir qui peut devenir illimité et incontrôlable si l'urgence induite par la Covid-19 se poursuit.

Chaque homme est un untore, un "semeur de peste", en acte ou en puissance. Toute personne qui n'a pas encore été infectée devient un parasite par le simple fait d'approcher une personne ‘’séropositive’’, même si elle ne présente aucun symptôme de maladie. Même ceux qui ont déjà été guéris ne sont pas sauvés: ils peuvent encore être un agent de transmission du virus, et donc un ‘’non-traité’’, et peut-être même retomber malades.

C'est le syllogisme sur lequel repose la Safetycracy, le nouveau paradigme du pouvoir fondé sur la protection de la vie, sur l'utilisation instrumentale de la science dans le domaine médical et biologique d'une part et des outils technologiques de la connectivité et de l'intelligence artificielle d'autre part.

La pandémie du coronavirus a déjà provoqué un choc socio-économique mondial bien plus profond que n'importe quelle guerre conventionnelle, avec des milliards de personnes confinées pendant des semaines à l'intérieur de leurs maisons, la vie tissée de relations interpersonnelles a été proprement annulée, l'activité productive réduite au minimum. Les gouvernements imposent le confinement, ou la distanciation sociale, pour empêcher la propagation de la contagion: le port d'un masque pour couvrir le nez et la bouche, pour se protéger et protéger, pourrait devenir une règle sanitaire imposée à tous.

Mais ce n'est là qu'un épiphénomène: nous sommes entrés dans une nouvelle ère, dans laquelle le pouvoir se justifie et se légitime d'une nouvelle manière. Il n'y a plus de démocratie directe ou représentative, ni de libertés individuelles capables de prévaloir sur la protection de la santé dont les gouvernements se sont proclamés les garants absolus, se protégeant derrière une nouvelle caste de mandarins.

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La science, dans le domaine médical et biologique, devient un instrument de pouvoir. Elle perd sa fonction essentielle, celle d’être libératrice de l'angoisse de la mort pour prendre une fonction servile, ambivalente : ses relations avec le pouvoir politique renforcent en même temps ses répercussions économiques dans le domaine pharmaceutique. Au-delà des incertitudes sur l'évolution de l'épidémie, sur la mutation du virus dans le temps et sur la capacité des hommes à développer des anticorps capables de réagir à ses mutations, nous sommes déjà confrontés à trois étapes marquantes.

Premier point. Les mesures d'enfermement prises par les gouvernements de manière impérative, déterminant l'état d'exception et le réglementant, visent à sauvegarder la "vie nue" des hommes. Giorgio Agamben est intervenu sur ce point, avec un article très dur, intitulé L'état d'exception provoqué par une urgence injustifiée. Les mesures d'enfermement et d'éloignement réduisent l'essence même de l'homme, exerçant un pouvoir sans précédent puisqu'elles le dépouillent de son essence sociale. En fait, ils sacrifient la "vie pleine" qui distingue les êtres humains des autres animaux : une "vie pleine" qui va bien au-delà de l'activité économique. En ce sens, le débat sur les conséquences négatives qui découleraient de ces confinements vus comme des remèdes, et pour lesquels "le remède serait pire que le mal", apparaît également réducteur: la suspension de la production pourrait en effet entraîner encore plus de morts, par famine, que l'épidémie elle-même. Nous sommes confrontés à un banal exercice d'équilibrisme, entre la protection de la santé et les intérêts économiques, qui ne voit, une fois de plus, comme seul critère que la simple survie de l'homme. La mort contre la mort, et non la "pleine vie" contre la "vie nue".

Il y a plus: le pouvoir politique, qui se légitime donc actuellement par un confinement social visant à protéger la santé, exige par ailleurs une acquisition impressionnante de données sur les citoyens: tous les comportements habituels et naturels, et même la condition physique de chacun, sont analysés et mis en relation, depuis les contacts étroits avec d'autres personnes jusqu’aux déplacements, jusqu'aux relevés biométriques, tout est transformé en informations. Ces éléments sont posés comme importants pour la protection de l'individu et de la communauté: cela justifie et constitue le fondement de la Safetycracy. La vie même des êtres humains devient ainsi un contenu informationnel, et pas seulement leurs préférences en termes de consommation enregistrées lors de leurs achats ou leurs tendances récurrentes, dont le suivi s’effectue automatiquement grâce aux connexions aux sites d'information et aux réseaux sociaux.

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Le contrôle social ne se fait plus de manière médiate, par les convictions acquises car découlant des messages diffusés par la presse, la publicité ou les réseaux viraux: le comportement humain devient en soi un message, un contenu. La protection de la santé en est la justification contingente: l'attestation sur papier qui doit justifier tout déplacement, même anodin, a déjà été remplacée dans de nombreux cas par une plateforme numérique d'autorisation, de vérification et de contrôle.

Il y a ensuite un deuxième aspect, instrumental, totalement technologique, dont les polarités sont représentées d'une part par l'IOT (Internet of things) et d'autre part par l'AI (Artificial intelligence). L'’’Internet des objets’’, soutenu par la technologie 5G, bouleverse les métriques traditionnelles des télécommunications mobiles et personnelles, qui se sont concentrées pendant des années sur l'expansion de la capacité de transmission des données dans l'unité de temps, le passage de la voix aux images animées et l'augmentation de l'interactivité en termes de symétrie entre la vitesse de chargement et la vitesse de téléchargement. Or, avec l'IOT, il s'agit de connecter de manière asymétrique des millions d'émetteurs radio qui envoient en continu des contenus informationnels de très faible poids en termes de bits. Ce sont des capteurs de mouvement, de contact, de température ou d'autres gradients qui alimentent les bases de données sur lesquelles s'effectuent les élaborations d'intelligence artificielle. Il en résulte des mesures instantanées, c'est-à-dire des traces temporelles qui peuvent être soumises à différents niveaux de stratification. On peut s'attarder sur le comportement de l'individu et sur ses relations, ou élargir le champ d'observation aux territoires et aux clusters. L'intersection de ces données avec les données épidémiologiques constituera la grille invisible qui légitimera les décisions du pouvoir politique fondées sur la Safetycracy.

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Les informations diffusées quotidiennement sont symptomatiques de leur instrumentalisation à des fins de gestion politique de l'épidémie et non de compréhension du phénomène: rien ne peut être déduit des flux entrants et sortants, avec les nouvelles infections d'une part, les guérisons et les décès d'autre part, ni du nombre d'hospitalisations et d'admissions dans les unités de soins intensifs. On ne sait pas si les gens sortent guéris des unités de soins intensifs, et dans quel pourcentage ; ou si ceux qui sont guéris, cessant d'être positifs, sont principalement ceux qui, ayant des symptômes légers, sont restés chez eux en quarantaine assistée. La possession de données élémentaires est à nouveau un instrument de pouvoir.

Il existe un troisième aspect, crucial pour la transformation socio-politique en cours. La technocratie médicale, bigarrée entre épidémiologistes, infectiologues, virologues et hygiénistes, remplace celle des experts économiques et financiers. Ces dernières années, ce sont les économistes qui ont servi d'appui ou de contrepoids à la politique, en prescrivant ce qui est faisable ou non: ils considèrent le marché comme un sujet collectif capable d'agir et de réagir selon la logique d'interaction entre les réglementations et les comportements qui en découlent. L'économie, en revanche, étudie les meilleures combinaisons possibles entre les facteurs de production, en supposant que la terre, le capital et le travail sont naturellement et relativement rares. C'est à la politique de gérer les processus de distribution afin d'assurer un minimum de stabilité et d'acceptation sociale.

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Dans le cas de l'épidémie actuelle, nous avons affaire à un phénomène naturel dont il faut contrer les effets négatifs sur l'homme. En l'absence de vaccins ou de traitements médicaux adéquats, le pouvoir politique s'attaque au comportement humain, impose l'isolement et la distanciation sociale. La réduction des contacts entre les hommes, qui implique la suspension d'une série d'activités économiques, n'a donc rien de médical, en termes de traitement de la maladie: elle n'est que préventive, pour réduire les contagions et l'encombrement des structures hospitalières.

Nous sommes dans une phase de transition sombre: les gouvernements tentent de faire porter la responsabilité de leurs choix à la nouvelle technocratie de la santé. La mise en cause des relations sociales semble être la seule solution normative disponible, même en perspective: le sacrifice de la "vie pleine" récompense déjà celui de la "vie nue". La prochaine "vie pleine", au lieu d'être fondée sur l'autonomie des comportements et des relations humaines, garantie par deux siècles de constitutions libérales, sera dépouillée, contrôlée et gérée au moyen de réseaux de données et de l'analyse continue de nos comportements. C'est une "non-vie": l'humanité, infantilisée et déficiente, doit être protégée d'elle-même.

La logique du contrôle social par la biopolitique arrive ainsi à son terme: l'homme doit de toute façon être surveillé, car la présence de virus rend son comportement potentiellement dangereux pour lui-même et ses voisins.

Établir ce qui est légal a toujours été le fondement du pouvoir. Refuser le contrôle de son propre comportement et de ses relations sociales, en principe naturelles, devient en soi une infraction, la cause de la sanction: la "vie pleine", libre, sera dorénavant une utopie. Tous les hommes, les scientifiques en premier, sont face à une croisée des chemins: continuer à se battre pour se libérer de la souffrance et de l'obsession de la mort, ou devenir soumis et instrument du pouvoir.

Derrière cette épidémie se cache l'échec de la financiarisation de l'économie et d'une décennie de politiques monétaires qui ont vainement tenté de contrecarrer le caractère insoutenable des distorsions et des déséquilibres sous-jacents.

Dans la peste d'aujourd'hui, nous sommes tous coupables, tous « semeurs de peste » (untori). Une puissance illimitée et incontrôlable s'est placée devant nous pour protéger la "vie nue", la seule et simple survie animale : c'est elle, la Safetycracy. Heureusement, dans l'Histoire, les révolutions sont toujours au coin de la rue.

Parution du numéro 438 du Bulletin Célinien

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Parution du numéro 438 du Bulletin Célinien

Sommaire :

Céline et Gide 

András Hevesi, premier traducteur de Céline en hongrois (2e partie) 

L’Éternel féminin dans Voyage au bout de la nuit

Berl et Céline

2021-03-BC-Cover.jpgAu-delà de la mort, la fidélité de Bernard Morlino à Emmanuel Berl (1892-1976) est admirable. Ses nombreuses conversations rue de Montpensier, où Berl habita pendant 40 ans, furent son université. Outre une biographie, il poussa cette fidélité jusqu’à récolter à la Bibliothèque Nationale les articles de Berl pour en faire un recueil qui fut édité par Bernard de Fallois. Aujourd’hui, il est à l’origine de la réédition de Prise de sang, initialement paru en 1946, dans lequel Berl s’interroge sur la place des juifs en France, lui qui s’était toujours considéré français avant d’être juif. Curieux personnage qu’Emmanuel Berl. Appartenant à la même génération que Céline, il devint, comme lui, un pacifiste viscéral après avoir connu l’horreur de la Grande Guerre. Raison pour laquelle il soutint les accords de Munich. « J’ai été munichois. Il est étrange qu’en écrivant cette phrase, j’éprouve presque la sensation de faire un aveu ; l’immense majorité des Français fut non seulement résignée à Munich, mais exaltée par lui. » Au début de l’année 1939, ce pacifisme l’amena à accuser un certain Bollack, directeur d’une importante agence de presse, de corrompre des journalistes français pour qu’ils incitassent à la guerre contre l’Allemagne, accusation qui s’avéra fondée.  Cela ne l’empêcha pas d’être l’un de ceux qui dénoncèrent très tôt le caractère militariste et antisémite du national-socialisme.

Ses relations avec Céline furent pour le moins étonnantes. Lorsque parut Bagatelles pour un massacre, il publia un article dans lequel il relevait que « le lyrisme emporte dans son flux la malice et la méchanceté ». Et d’ajouter : « Juif ou pas juif, zut et zut ! j’ai dit que j’aimais Céline. Je ne m’en dédirai pas ¹» Un an plus tard, son libéralisme l’incita à condamner l’abus de censure que constituait, à ses yeux, le décret Marchandeau ² qui visait notamment les pamphlets céliniens. Il acceptait, en effet, l’idée de l’antisémitisme politique. Comme le lui reprochait son ami Malraux, il n’avait pas le sens de l’ennemi. Ce qu’il reconnaissait volontiers : « La haine n’est pas mon fort. » La mansuétude dont il fit preuve envers Céline n’était pas un cas particulier si l’on en juge par ces lignes : « Je suis persuadé que son cœur est pur de haine et que la provocation au meurtre fut toujours chez lui, figure de rhétorique. Les Juifs le croient antisémite Ils ont tort. Maurras n’est pas antisémite parce qu’il aime la Raison et qu’il n’est pas démagogue. Il ne vous reproche d’être juif que si vous ne dites pas comme lui… ». Aveuglement ? Libéralisme poussé jusqu’à l’outrance ? Les deux, sans doute… Après la guerre, il considéra que le racisme fut une formidable épidémie des années trente : « On ne parle pas avec indignation d’une épidémie. » Il dira à Bernard Morlino qu’il faut passer l’éponge sur Bagatelles pour ne retenir de Céline que l’inventeur d’un nouveau langage. Mais que restera-t-il de Berl ? Non pas ses pamphlets contre l’esprit bourgeois ou ses essais historiques, mais deux superbes récits parus après la guerre, Sylvia (1952) et Rachel et autres grâces (1965), sortes de confession d’un homme en quête de lui-même. Il rejoint ainsi Céline qui, après la guerre, rejetait la littérature des idées pour ne valoriser que celle où l’émotion prime.

• Emmanuel BERL, Prise de sang (présentation et bio-chronologie de Bernard Morlino ; postface de Bernard de Fallois), Les Belles Lettres, coll. “Le goût des idées”, 2020 (13,90 €)

  1. (1) Article reproduit dans Le Bulletin célinien, n° 390, novembre 2016. Voir aussi Robert Le Blanc, « Céline et les hommes de Marianne (Berl, Malraux, Fernandez) », Le Bulletin célinien, n° 361, mars 2014.
  2. (2) Ironie de l’histoire : sous l’Occupation, ce député radical-socialiste soutiendra Pétain et la Révolution nationale.

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Zinzin au pays des moviets

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Zinzin au pays des moviets

par Julien DARVANT

Zinzin au pays des moviets est un peu la version 2020 de Tintin au pays des soviets, dans lequel Hergé envoyait son courageux personnage qui l’a rendu célèbre démonter les mensonges du régime communiste et ses faux-semblants, qui bernaient encore une partie de l’intelligentsia occidentale. Mais cette fois, ce n’est pas le régime rouge dont les mensonges sont mis à nu, mais ceux de cette démocratie dans laquelle nous vivons. L’auteur dépêche Zinzin et son double, Tartempion, derrière les décors de pâte et carton qui occultent notre vue.

Mais contrairement à Tintin, Zinzin n’est pas un reporter adulé pour sa témérité, c’est un sans-abri qui, pour pouvoir rechercher la vérité et la déclamer, s’est coupé du monde. C’est là le prix à payer pour une liberté réelle et complète.

Il ne se fait pas d’illusion et reste plutôt aigri par ses années passées au sein de la société. Il en ressort lucide, mais n’hésite pas à se déclarer « misogyne, misanthrope, aigri, méchant, incapable de ne pas mordre, raciste, antisémite, méprisant, méprisable, anti-démocrate, anti-communiste, fasciste, réactionnaire et j’en oublie ».

« On croit qu’on est normal parce qu’on est comme tout le monde, alors que c’est tout le monde qui n’est pas normal, et qu’on soit le seul à être resté normal est une anomalie qui vous tape sur le système et qui, à sa manière, vous rend anormal, mais ça ne vous réconcilie pas pour autant avec tout le monde, et on en vient à penser qu’on est effectivement l’anormal, et on perd sa vitalité, on sait plus où on en est. […] Il faut avoir le courage d’être l’anormal des anormaux, quoi qu’il en coûte, même s’il faut passer pour un fou, pour sauver sa peau. »

Le souci de respectabilité ne l’effleure pas même un instant et on le sent jouissif, à la manière de Céline, quand il se campe dans la provocation. Il reproche d’ailleurs au mouvement nationaliste d’offrir sans cesse des gages de respectabilité à ses ennemis, alors qu’il n’obtient rien en retour pour ses génuflexions constantes. Les « dissidents » modernes, sauf exception, adhèrent aux deux valeurs les plus en vogue de notre société : lâcheté et médiocrité. Là où il faudrait des hommes prêts à renverser les étals des vendeurs du Temple, on ne retrouve que des mous recherchant l’approbation de leurs ennemis.

« Aujourd’hui, nous dit-il, la réalité dépasse le délire le plus noir, alors il faut bien délirer pour s’approprier du réel. Tout est faux. Même les sourires les plus avenants sentent la merde. » C’est là le respect que lui inspire ce monde délirant auquel on peine malheureusement à imaginer une alternative.

Pourtant, il en existe. Le fait de vivre dans un monde niant la nature humaine n’est pas une fatalité. Il faut simplement commencer par se défaire des mensonges et des chaînes mentales qui nous retiennent pour parvenir à envisager un ordre naturel, catholique et respectueux de notre nature.

Et même s’ils ne se bercent pas d’illusions, Zinzin et Tartempion se font un devoir de justement défaire un à un les mensonges qui sont devenus des vérités ou du moins des dogmes. Toutes les grandes croyances du siècle, démocratie, matérialisme, mondialisme et autres, sont pourfendues de façon rigoureuse, quoique parfois humoristique, laissant l’empereur plus nu que jamais.

Le lecteur sera parfois perplexe, parfois secoué, mais rarement indifférent aux propos de l’auteur qui fait converser Tartempion et la Conscience de notre époque, aérant ces dialogues philosophiques par les soliloques de Zinzin, qui nous raconte tantôt des anecdotes démontrant l’absurdité du monde dans lequel nous vivons, tantôt la vie même de l’auteur et comment il est devenu cet écrivain pas tout à fait cynique.

Julien Darvant

Tartempion, Zinzin au pays des moviets, Reconquista Press, 2020, 284 p., 16,50 €.

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mardi, 30 mars 2021

»Hans Fallada« Erik Lehnert und Götz Kubitschek im Livestream

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»Hans Fallada«

Erik Lehnert und Götz Kubitschek im Livestream

Livestream aus Schnellroda: Heute zu Hans Fallada
 
 
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Homère dans la Baltique : essai sur la géographie homérique

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Homère dans la Baltique : essai sur la géographie homérique

Un livre de Felice Vinci (*) paru aux Editions Fratelli Palombi à Rome

Pourquoi, Homère dans la Baltique ? Depuis l'Antiquité, tous les chercheurs ont été surpris par les nombreuses et inexplicables contradictions de la géographie de l'Iliade et de l'Odyssée concernant des lieux méditerranéens comme, par exemple, la situation et la topographie d'Ithaque, la configuration de son archipel, l'aspect plat du Péloponnèse, etc. Plutarque est celui qui nous donne la clé pour entrer dans le monde réel des deux poèmes lorsque, dans l'une de ses œuvres, De fade quae in orbe lunae apparet, il affirme une chose étonnante : Ogygia, l'île de la déesse Calypso, se trouverait dans l'Atlantique Nord" à cinq jours de navigation de cette île que nous appelons maintenant la Grande-Bretagne".

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Le monde d'Homère dans la Baltique et l'Atlantique Nord

Voici le début de nos recherches: en effet, l'archipel des Färöer, où se trouve une île appelée "Mykines", correspond parfaitement aux indications de Plutarque. De plus, sur une des îles du même archipel, appelée Stòra Dimun, face à la mer, se trouve une montagne appelée Högoyggj. D'ici, en suivant toujours les indications détaillées de l'Odyssée sur la route vers l'Est qu'Ulysse a suivie après avoir quitté l'Ogygie, on peut identifier le pays des Phéaciens, "Escheria", sur la côte méridionale de la Norvège: près de Stavanger, on découvre une région très riche en témoignages archéologiques de l'âge du bronze et, de plus, dans l'ancienne langue du Nord "skerja" signifiait "récif". En suivant ce littoral, un examen comparatif attentif nous permet de découvrir le véritable archipel d'Ithaque parmi les îles du Danemark, car selon l'Odyssée, près d'Ithaque se trouvaient trois îles principales : Dulychius ("la longue" en grec, introuvable en Méditerranée), Same et Zacinthe, qui correspondent respectivement à Langeland ("le long pays" en danois), Aere et Tâsinge, les principales îles de l'archipel danois du "Sud-Fyn". Et Ithaque, la patrie d'Ulysse, quelle est-elle ? Il s'agit simplement de l'actuelle Lyo, qui lui correspond parfaitement par sa position géographique: en effet, comme l'Odyssée le souligne à plusieurs reprises, elle est située à l'extrémité occidentale de l'archipel et à côté d'Aero; de plus, Homère nous apprend qu'entre Ithaque (Lyo) et Same (Aero) se trouvait une autre petite île, Asteris, qui correspond en fait à l'actuelle Avernako. Or, si l'Ithaque méditerranéenne est très différente de l'Ithaque homérique non seulement par sa situation dans l'archipel mais aussi par sa topographie, Lyo correspond à la patrie d'Ulysse tant dans les détails morphologiques que topographiques. On y trouve par exemple le "Port de Forcis" et le "Rocher du Corbeau" (un dolmen néolithique dans la partie occidentale de l'île). À l'est de Lyo se trouve le "Péloponnèse" homérique - ou "l'île de Pylos" - où régnaient les rois Atreus et Nestor, c'est-à-dire la grande île de Sjaelland (où se trouve aujourd'hui Copenhague, la capitale du Danemark). En effet, cette île est plate et correspond à la description d'Homère. Au contraire, le Péloponnèse grec n'est ni plat ni insulaire, malgré son nom ; il est néanmoins situé au sud-ouest de la mer Égée, c'est-à-dire dans une position correspondant à celle du Sjaelland dans la Baltique : voilà encore un témoignage de la transposition des noms géographiques faite par les Achéens lorsqu'ils descendirent du nord pour atteindre le sud de l'Europe.

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Et les voyages d'Ulysse après la guerre de Troie? Alors qu'il était sur le point d'atteindre Ithaque, il fut chassé de sa patrie par une tempête, après quoi il eut de nombreuses aventures dans des lieux fabuleux avant d'atteindre l'île d'Ogygie : aventures dont le cadre, comme nous allons le voir, est certainement celui de l'Atlantique Nord, où Plutarque nous a indiqué la situation d'Ogygie. En effet, l'île Aeolia, où règne le "roi des vents", fils d'Hippocrate, c'est-à-dire "le fils du chevalier", est l'une des îles Shetland (peut-être Yell) où soufflent les vents terribles et où vivent aussi de petits chevaux. Les Cyclopes - qui ressemblent aux Trolls, les géants mythiques du folklore norvégien dont la mère s'appelle "Toosa" - se sont installés sur la côte norvégienne (où il y a un "Tosen-fjorden"). La région des Lestrigones se trouvait également sur la même côte, plus au nord: l'Odyssée nous apprend que les journées y sont très longues. Et où se trouve l'île "Lamoy" (c'est-à-dire le "Lamos" homérique), l'île de la magicienne Circé, où le soleil est visible à minuit et où ont lieu les levers de soleil qui tournent (Homère les appelle "les danses de l'Aurore"), danses qui se retrouvent sous la forme des "danses d'Ushas" de la mythologie védique dont parle Tilak dans son ouvrage Origine polaire de la tradition védique ? Cette île peut être identifiée à Jan Mayen, au nord du cercle polaire. Il convient de noter que jusqu'au début de l'âge du bronze, le climat du Nord était beaucoup plus chaud. Il faut également noter que les "Wandering Rocks" (les rochers mouvants) sont des icebergs et que Charybde correspond sans doute au célèbre tourbillon appelé Maelström, près des îles Lofoten. Après l'épisode de Charybde, Ulysse débarque sur l'île de Trinacria, c'est-à-dire "le Trident" ; or, à côté du Maelström, il existe certainement une île à trois pointes appelée Vaeroy.

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Les Sirènes, qu'Ulysse rencontre avant d'atteindre le détroit de Charybde, sont en réalité des récifs très dangereux pour les marins qui sont attirés par le murmure mélancolique du ressac, et qui, s'ils s'en approchent en croyant que la côte est proche, courent le risque de s'échouer. Ainsi, le "chant des sirènes" est une métaphore comparable à celle des kennings de la littérature nordique. Enfin, le "fleuve océan" de la mythologie grecque correspond au Gulf Stream, qui longe les côtes de la Norvège jusqu'à la mer glaciaire arctique.

En un mot, ces aventures, probablement inspirées des récits de marins de l'âge du bronze sur la mer du Nord, datent d'une époque où la navigation était très développée, surtout en Norvège où le climat était plus doux qu'aujourd'hui, et rappellent les routes océaniques des marins de l'époque telles qu'elles ont été revues par l'imagination du poète ; ces aventures deviendraient incompréhensibles si elles étaient transposées dans un tout autre contexte, à savoir la Méditerranée.

513AS6RYABL._SX292_BO1,204,203,200_.jpgNotre enquête porte maintenant sur la situation de Troie : il existe aujourd'hui des chercheurs, comme le célèbre professeur anglais Moses Finley, qui nient que la Troie homérique puisse coïncider avec la ville découverte par Heinrich Schliemann sur la colline de Hissarlik en Anatolie. En effet, la ville chantée par Homère était située au nord-est de la mer, en face du "vaste Hellespontine" (dont on sait qu'il est très différent du détroit des Dardanelles), et l'historien médiéval danois Saxo Grammaticus a plusieurs fois fait mention d'un village des "Hellespontines", ennemis des Danois, dans la Baltique orientale. Or, dans une région du sud de la Finlande, entre les villes d'Helsinki et de Turku, on trouve de nombreux noms de lieux similaires aux noms de lieux et de villages alliés aux Troyens mentionnés dans l'Iliade: Askainen, Reso, Karjaa, Nâsti, Lyökki, Tenala, Killa, Kiikoinen, Aijala, et bien d'autres. De plus, des noms de lieux tels que Tanttala et Sipitä (le roi mythique Tantalus était enterré sur le mont Sipylus) ne rappellent pas seulement la géographie homérique mais évoquent aussi toute la mythologie grecque. Et Troie, où la trouve-t-on ? Au centre de cette région baltique, où se trouvent de nombreux témoignages archéologiques de l'âge du bronze, nous découvrons un lieu dont la morphologie est extraordinairement similaire aux descriptions homériques, c'est-à-dire un territoire vallonné dominant une plaine traversée par deux rivières, c'est-à-dire un territoire qui descend vers la mer avec une zone plus accidentée. Et puis nous découvrons que la cité du roi Priam a survécu aux pillages et aux incendies des Achéens et qu'elle a gardé son nom presque inchangé jusqu'à ce jour: c'est "Toija", comme on l'appelle maintenant. La vraie Troie est un paisible village finlandais qui a oublié son passé glorieux et tragique. Quelques kilomètres plus loin en mer, là où se trouvait l'ancien littoral, le village appelé Aijala rappelle cette plage qu'Homère appelle, en grec, "aigialos" (Iliade XIV, 34), la plage où les Achéens avaient débarqué et établi leur camp retranché.

C'est pourquoi, dans les récits de l'Iliade, un "brouillard épais" s'abat souvent sur les guerriers qui combattent dans la plaine de Troie. Il est maintenant facile de comprendre pourquoi la mer d'Ulysse ne ressemble en rien à la mer brillante de la Grèce, mais est toujours décrite comme "grise" et "brumeuse": le monde homérique est empreint de la rigueur du climat nordique, dans lequel prédominent le froid, le vent, le brouillard, la pluie, la tempête, la glace et la neige (Iliade XII, 284), et où le soleil et la chaleur sont absents. En effet, les personnages d'Homère sont toujours enveloppés dans de lourds manteaux de laine - des manteaux semblables à ceux que l'on trouve dans les tombes danoises de l'âge du bronze - même pendant la saison la plus propice à la navigation. En bref, ce monde homérique n'a rien à voir avec les plaines torrides d'Anatolie. De plus, les murs de Troie, faits de pierres et de rondins, ressemblent davantage à ceux des anciennes cités du Nord qu'à ceux des puissantes forteresses mycéniennes.

619QPOKLpuL._SX331_BO1,204,203,200_.jpgAinsi, ce qui est étrange dans la longue bataille, dans la partie centrale de l'Iliade, avec deux midi (XI, 86 ; XVI, 777) et une "nuit terrible" (XVI, 567) mais sans aucune interruption des combats pendant la nuit - ce qui est impossible dans le bassin méditerranéen, où toutes les batailles sont interrompues par l'obscurité - est immédiatement expliqué : il s'agit d'une description de la nuit claire du solstice d'été dans les hautes latitudes qui permet aux troupes reposées de Patroclus, qui sont entrées dans le combat le soir, de combattre sans repos jusqu'au lendemain.

Et maintenant, après avoir découvert le monde d'Ulysse dans les îles danoises et celui de Troie dans le sud de la Finlande, le "Catalogue des navires", tiré du chant II de l'Iliade, nous permet de reconstituer tout l'univers perdu d'Homère et de la mythologie grecque en suivant les côtes de la Baltique dans le sens inverse des aiguilles d'une montre. Un exemple: la région de Stockholm correspond à la Béotie homérique; ici, la baie suédoise de Norrtälje, d'où partent aujourd'hui les ferry-boats pour Helsinki, correspond à l'ancienne Aulide béotienne, où la flotte achéenne se rassemblait avant de partir pour Troie. Autre exemple : dans l'archipel d'Åland, entre la Suède et la Finlande, l'actuelle Lemland est Lemnos, où les Achéens s'arrêtaient pendant la traversée, tandis qu'au retour de la guerre ils passaient devant Chios, qui correspond à Hiiumaa, ou Chiuma, une île estonienne. Notons également que près de Stockholm, Täby est Thèbes, la ville d'Œdipe, Tyresö rappelle le devin thébain Tirésias, et une colline appelée Nysättra est le mythique mont Nyssa, où naquit le thébain Dionysos. L'Athènes d'origine de Thésée se trouvait sur la côte sud de la Suède, près de Kalkskrona: en effet, selon le dialogue de Platon, Critias, elle était située dans une plaine sinueuse avec de nombreux fleuves, très différente de sa morphologie actuelle ; ensuite, le "Catalogue des navires" mentionne les régions du Péloponnèse, de Dulychium et de l'archipel d'Ithaque, selon une séquence impossible en Méditerranée, et confirme son identification avec Sjaeltand, Langeland et Lyo, déjà obtenue par l'Odyssée. La Crète, qu'Homère n'appelle jamais "île" mais "le vaste pays", était située le long de la côte polonaise de la Baltique: c'est pourquoi l'art minoen crétois ne fait aucune allusion à la mythologie grecque (d'ailleurs, le nom de la Pologne, "Polska", rappelle les "Pélasgiens", habitants mythiques de la Crète). De plus, en suivant le mythe de Thésée et Ariane, qui nous dit qu'entre "Crète" et "Athènes" se trouvait l'île de Naxos, nous pouvons voir qu'entre les côtes polonaises et suédoises se trouve une île, Bornholm, avec une ville appelée Nekso. Toujours selon le "Catalogue", le long de la longue côte finlandaise, la ville mythique de Jason, Yolco, correspond à l'actuelle Jolkka, près du golfe de Botnie. Toujours en Finlande, le mont Pallas (Pallastunturi) ressemble à Pallas, c'est-à-dire à Athéna, et la rivière Kyrön (Kyrönjoki) évoque le centaure Chiron, et semble indiquer que les Lapons actuels seraient les descendants des mythiques Lapithes, ennemis des Centaures. Ainsi, dans le monde balte, on trouve aussi d'autres peuples que l'on croyait perdus: les descendants des Danaens et des Curètes homériques seraient respectivement les Danois actuels et les habitants de Curlandia, une région de Lettonie.

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Et que dire de l'île de Paros, "à une journée de navigation du fleuve Égypte", et de la ville appelée "Thèbes d'Égypte", qui, selon Homère, était proche de la mer ? C'est l'une des plus célèbres énigmes de la géographie homérique, car l'île égyptienne de Paros se trouve près de la côte, devant le port d'Alexandrie, et la ville de Thèbes est à une centaine de kilomètres à l'intérieur des terres. Or, le fleuve qui, dans la Baltique, se trouve dans une position correspondant à celle du Nil est la Vistule. En effet, devant son embouchure (un delta semblable à celui du fleuve africain), au milieu de la Baltique (c'est-à-dire "à une journée de navigation"), se trouve une île appelée Fårö. C'est donc ici que Ménélas rencontre Protée, le "Vieux de la mer", que l’on retrouve dans la figure du "marmendill", un devin de la mythologie nordique. De plus, à la même bouche du fleuve, la ville polonaise de Tczew rappelle le nom de la Thèbes homérique. Quant à l'Égypte que nous connaissons, son ancien nom était "Kemi", tout comme celui de Thèbes était "Wò'se" : les noms actuels ont été donnés par les Mycéniens qui, après leur descente en Méditerranée, ont voulu reconstituer ici leur monde d'origine.

En somme, la géographie homérique, qui souffre en Méditerranée d'innombrables et irrémédiables contradictions, trouve sa place naturelle dans le monde balto-scandinave: cette localisation nordique dessine un tableau géographique, morphologique, toponymique et climatique totalement cohérent avec le monde des deux poèmes et de la mythologie grecque. De plus, la civilisation chantée par Homère présente des affinités singulières avec celle des Vikings, ainsi qu'avec leur mythologie, malgré l'énorme distance temporelle qui les sépare. Toutefois, les spécialistes ont remarqué que le monde homérique semble nettement plus archaïque que celui des Mycéniens, apparus en Grèce aux alentours du XVIe siècle avant J.-C. De toute évidence, ces derniers, qui étaient de grands navigateurs et commerçants, ont immédiatement établi des contacts avec les civilisations méditerranéennes les plus raffinées après leur arrivée en zone méditerranéenne: c'est la raison de leur évolution rapide.

Pour le reste, en ce qui concerne l'origine nordique de la civilisation mycénienne, tout cela est corroboré par les preuves archéologiques recueillies en Grèce. En effet, l'archéologie l'a constaté (Prof. Martin P. Nilsson, Homère et Mycènes, Londres 1933, pages 71-86) :

  1. la présence d'une grande quantité d'ambre, probablement balte, dans les tombes mycéniennes les plus anciennes et son absence dans les autres;
  2. les caractéristiques nordiques de son architecture: le mégaron mycénien "est identique à la salle de réunion des anciens rois scandinaves";
  3. "la ressemblance frappante" des dalles de pierre, trouvées dans une chambre funéraire près de Dendra, "avec les menhirs connus de l'âge du bronze en Europe centrale";
  4. les crânes de type nordique de la nécropole de Kaîkani, etc.

34468748._SY475_.jpgD'autre part, les chercheurs ont trouvé des similitudes remarquables entre la représentation des figures de l'art minoen (mycénien et crétois) et certaines gravures uniques trouvées sur les dalles de sarcophage appartenant à un énorme monticule de l'âge du bronze (75 mètres de diamètre) à Kivik, dans le sud de la Suède. Et que dire de la présence d'un "graffiti" représentant une dague mycénienne sur un mégalithe à Stonehenge en Angleterre? En outre, on trouve dans cette région d'autres traces ("civilisation du Wessex") qui rappellent la civilisation mycénienne, mais qui semblent avoir précédé de quelques siècles ses débuts en Grèce. À cet égard, l'Odyssée mentionne un marché de bronze dans une localité étrangère, située outre-mer, appelée "Tamise", jamais identifiée en Méditerranée: en se rappelant que le bronze est un alliage de cuivre et d'étain et que, en Europe du Nord, ce dernier était produit presque exclusivement en Cornouailles, on pourrait en déduire que cette "Tamise" homérique correspondait à l'estuaire de la Tamise (appelé "Thamesis" ou "Tamensîm" dans l'Antiquité).

En bref, le véritable lieu d'origine des poèmes homériques et de la mythologie grecque était le monde balto-scandinave, où l'âge du bronze, favorisé par un climat exceptionnellement doux, s'est épanoui avec des produits splendides semblables à ceux de la Méditerranée. Rappelons que les savants fondent leurs spéculations sur un "optimum climatique", après la dernière glaciation, qui aurait duré jusqu'au début du deuxième millénaire avant J.-C., ce qui confirme également la thèse de l'origine arctique des Aryens soutenue par Tilak en Inde. Notons également que lorsque cette période s'est terminée et que le climat est devenu très rude (plus qu'aujourd'hui), c'est le moment où commencent les migrations des Indo-Européens: ainsi, alors que les Aryens se sont installés en Inde, leurs "cousins" achéens se sont dirigés vers la Méditerranée - en descendant peut-être les grands fleuves russes, comme le Dniepr - et ont donné naissance à la civilisation mycénienne; de sorte qu'ils ont attribué, aux différents lieux où ils se sont installés, des noms identiques à ceux des régions qu'ils avaient quittées dans leur patrie perdue, en se servant d'une certaine similitude entre les deux bassins, la Baltique et la Méditerranée. En outre, les vieilles histoires de leurs ancêtres ont été transmises d'une génération à l'autre, à partir desquelles ont germé les premières graines de l'Iliade et de l'Odyssée, et qui peuvent être considérées comme des "fossiles littéraires" ayant survécu à l'effondrement de l'âge du bronze en Europe du Nord.

C'est pourquoi on ne sait rien de leur(s) auteur(s). Enfin, l'effondrement de la civilisation mycénienne (causé par les Doriens vers le XIIe siècle avant J.-C.) a fait oublier définitivement le souvenir de leur émigration du Nord, pourtant attestée par l'archéologie: ainsi, leurs anciens récits, transmis par les aèdes jusqu'à l'âge classique, ont perdu leur contexte "hyperboréen" originel, bien que celui-ci n'ait jamais été complètement oublié par les Grecs anciens, et ont ensuite été transférés dans le monde méditerranéen, où ils sont restés dans une dimension mythique hors de l'espace et du temps (1).

Felice_Vinci-240x300.jpgFelice Vinci

(*) Italien, né à Rome, spécialisé dans l'ingénierie nucléaire ; cependant, son penchant pour la Grèce antique l'a fait travailler pendant des années avec érudition sur l'approche inédite de la géographie des œuvres d'Homère.

Note :

(1) En avril 2017, une conférence internationale sur "Homère dans la Baltique" a été organisée dans un institut académique grec à Athènes. Un résumé actualisé de cet article a été publié par le Athens Journal of Mediterranean Studies. Pour accéder au contenu, rendez-vous sur le site :

https://www.athensjournals.gr/mediterranean/2017-3-2-4-Vinci.pdf

Par ailleurs, une critique de l'article, signée par Arduino Maiuri, philologue à l'Université de Rome, vient d'être publiée dans l'American Journal et peut être consultée sur le site :

Http://www.davidpublisher.com/Home/Journal/SS

ou également à :

Http://www.davidpublisher.org/index.php/Home/Article/index?id=31714.html

 

Le meilleur des mondes de Jacinda Ardern

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Le meilleur des mondes de Jacinda Ardern

par Georges FELTIN-TRACOL

Ex: http://www.europemaxima.com

Bien que située aux antipodes d’un Occident plus que jamais porteur de son propre déclin, la Nouvelle-Zélande préfigure certainement l’avenir édifiant souhaité par l’idéologie globalitaire.

Ce cauchemar en cours prend les traits avenants du Premier ministre néo-zélandais Jacinda Ardern. Née en juillet 1980, elle gouverne l’archipel austral depuis octobre 2017. La grasse presse officielle aux ordres de l’hyper-classe considère déjà la responsable travailliste comme l’une des personnalités les plus influentes au monde. Elle la compare à Angela Merkel. Élevée dans une famille mormone, la jeune Jacinda abandonne la foi familiale pour l’incroyance quand elle apprend que l’Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours n’approuve pas l’homosexualité. Elle a toujours montré de la sympathie pour l’idéologie LGBTQXYZ etc. Trois membres de son second gouvernement appartiennent d’ailleurs à des minorités sexuelles. Cette féministe engagée a un compagnon, le géniteur de leur fille, qui joue maintenant au père au foyer modèle.

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Ouvertement cosmopolite et multiculturaliste, Jacinda Ardern soutient en septembre 2019 aux côtés des dirigeants des Fidji, de l’Islande, de la Norvège et du Costa Rica (des poids hyper-lourds de la scène internationale) un accord sur le changement climatique, le commerce mondial et la « durabilité » ou comment obtenir sans trop de dégâts le beurre, l’argent du beurre, voire le sourire de la crémière…

En Nouvelle-Zélande, il est habituel que les membres du gouvernement exercent plusieurs fonctions ministérielles à la fois. L’équipe de Jacinda Ardern ne déroge pas à la règle. Tout en étant « Première ministresse » (féminise-t-on ou pas les titres ?), elle occupe les ministères de la Sécurité nationale et du Renseignement, de la Réduction de la pauvreté infantile, des Services ministériels ainsi que du ministère associé à la Culture, à l’Héritage et au Patrimoine. Suite à la fusillade dans la mosquée de Christchurch en mars 2019, elle a fait interdire la vente et la détention de fusils d’assaut et d’armes semi-automatiques. Elle a aussi limité la liberté d’expression sur Internet. Cette limitation ne concerne bien sûr qu’un segment particulier de l’opinion publique, celui qui s’oppose à la mondialisation. Elle n’hésite pas à soumettre l’auteur de l’attaque anti-musulmane à des tortures psychologiques propres au sadisme anglo-saxon : on l’empêche de lire la presse, d’écouter la radio et de regarder la télévision en cellule. Il n’a même pas le droit de visite ! Est-il ainsi exclu du champ de l’humanité ? Pourquoi un violeur d’enfants, un trafiquant de drogue, un tueur de personnes âgées ne subissent-ils pas ce même traitement dégradant profondément discriminatoire ?

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Ce triste cas de détention se multiplie avec la pandémie de covid-19. Jacinda Ardern s’est tellement surpassée dans l’actuelle crise sanitaire qu’elle peut prétendre au prestigieux Prix Guantanamo de l’assignation à résidence. Malgré son insularité, la Nouvelle-Zélande connaît des périodes répétées, plus ou moins longues, de confinement. Outre le transport aérien, un passeport vaccinal nommé « certificat de santé numérique » disponible sur une application est obligatoire pour prendre le bus, le train ou le taxi. Le patron du Forum de Davos, Klaus Schwab, en rêve; Jacinda Ardern le fait !

Bien entendu, grands benêts devant l’Éternel, les électeurs néo-zélandais ont reconduit le Parti travailliste, donc Jacinda Ardern, au pouvoir avec une étonnante majorité absolue en octobre 2020. Il faut reconnaître que l’ensemble du système médiatique local n’a pas mégoté son aide quasi-officielle à la nouvelle diva intercontinentale de la sociale-démocratie épuisée.

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Si son chef du gouvernement cache mal son républicanisme, la Nouvelle-Zélande demeure une monarchie dont le souverain n’est autre que la reine Elizabeth II. Jacinda Ardern pourrait néanmoins renoncer à son idéal républicain dans une perspective cosmopolite plus dévastatrice encore. Qu’Auckland se sépare du palais de Buckingham tout en restant une royauté et l’actuelle « Première ministresse » placerait alors sur le nouveau trône un couple de prolétaires réfugiés en Californie : Meghan Markle et Henry Mountbatten-Windsor.

Georges Feltin-Tracol

« Chronique hebdomadaire du Village planétaire », n° 207, mise en ligne sur TVLibertés, le 23 mars 2021.

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L'Iran signe un accord stratégique avec la Chine pour déjouer les sanctions américaines

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L'Iran signe un accord stratégique avec la Chine pour déjouer les sanctions américaines

par Michele Giorgio

Source : Il Manifesto & https://www.ariannaeditrice.it

Tous deux dans le collimateur des Etats-Unis, Pékin et Téhéran ont signé hier l'accord de coopération de 25 ans dont on parle avec insistance depuis l'été dernier. La poignée de main entre le chef de la diplomatie de Téhéran, Mohammad Javad Zarif, et le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, en visite en République islamique, a sanctionné un pacte entre les deux pays que les médias chinois qualifient de "coopération stratégique, au niveau politique et économique’’. Lors des sommets iraniens, l'ambiance a été tout simplement euphorique. Les investissements de 400 milliards de dollars que la Chine va réaliser dans la République islamique en échange d'un approvisionnement avantageux en pétrole, ne sont pas seulement un moyen d'annuler partiellement les sanctions américaines qui étranglent l'économie iranienne. Ils montrent que l'Iran est capable de se défendre et de résister au blocus asphyxiant mis en place par l'administration Trump passée et que le nouveau président Joe Biden ne lèvera que si Téhéran fait des concessions majeures, et pas seulement sur ses ambitions nucléaires.

Pékin fait comprendre une fois pour toutes qu'elle n'a plus seulement des ambitions économiques au Moyen-Orient. Elle proclame qu'elle est prête à jouer un rôle de premier plan à la table de la relance du JCPOA - l'accord international sur le nucléaire iranien dont Donald Trump est sorti en 2018 - et à celles de la diplomatie régionale, en concurrence avec Washington. "La coopération entre l'Iran et la Chine aidera à la mise en œuvre de l'accord nucléaire par les signataires européens et au respect des engagements pris dans le cadre de l'accord", a déclaré le président iranien Hassan Rohani, espérant le soutien de la Chine contre l'unilatéralisme américain. Il y a quelques jours, Pékin a proposé d'accueillir un sommet international avec les Israéliens et les Palestiniens. "Pour que la région sorte du chaos et bénéficie de la stabilité, elle doit se libérer de l'ombre de la rivalité géopolitique des grandes puissances... Elle doit construire une architecture de sécurité qui réponde aux préoccupations légitimes de toutes les parties", a ensuite déclaré un porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères. Traduction: nous sommes présents maintenant là aussi où il n’y a plus seulement les Américains (et les Russes) qui dictent leur volonté. Et ce n'est probablement pas une coïncidence si Wang est arrivé à Téhéran pour signer l'accord une semaine après le clash de la réunion d'Anchorage entre les États-Unis et la Chine. Une sorte de réponse sèche de Pékin aux intimidations de Washington.

Les projets à mettre en œuvre sont ambitieux. Des télécommunications au secteur bancaire, en passant par les ports et les chemins de fer jusqu'au système de santé. En échange, l'Iran vendra du pétrole à la Chine à des prix avantageux et en quantités suffisantes pour répondre aux besoins croissants de Pékin. Les deux pays coopéreront également sur le plan militaire en organisant des exercices conjoints. Le New York Times, qui a une vision américaine de l'accord, doute de la réalisation de nombreux projets tant que la question du programme nucléaire iranien n'est pas résolue: "Si l'accord nucléaire s'effondre complètement, écrivait-il hier, les entreprises chinoises pourraient également devoir faire face à des sanctions secondaires de la part de Washington".

En vérité, les critiques ne manquent pas, même en terres iraniennes où certains avertissent que trop d'espace et d'influence ont été accordés à la Chine. Mais Téhéran, en grande difficulté à cause de la pandémie et des sanctions économiques américaines, n'avait pas d'alternative à l'énorme investissement promis par la Chine. "Pendant trop longtemps, nous avons mis tous nos œufs dans le panier de l'Occident et cela n'a pas donné de résultats", a déclaré Ali Shariati, un analyste iranien, "maintenant si nous changeons notre politique et regardons vers l'Est, ce ne sera pas plus mal".

lundi, 29 mars 2021

Joe l’Endormi s’est réveillé : Syrie, Russie et Chine. Qu’est-ce qui va suivre?

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Joe l’Endormi s’est réveillé : Syrie, Russie et Chine. Qu’est-ce qui va suivre?

Par Giorgio Spagnol

Ex: http://ieri.be

Joe Biden a été surnommé "l’endormi" par Donald Trump. Quoi qu'il en soit, après seulement 30 jours de présidence, il s'est réveillé et a bombardé la Syrie. Le 25 février, Biden a ordonné de frapper la Syrie en réponse à des attaques à la roquette contre les forces américaines dans la région, suscitant l'inquiétude des législateurs démocrates car il n'avait pas demandé l'autorisation nécessaire au Congrès.

Le 16 mars, M. Biden a accusé Poutine d'être un "tueur" et l'a averti qu'il "paierait le prix fort" pour l'ingérence présumée des services russes dans les élections américaines.

Le 18 mars, la première réunion de haut niveau entre les États-Unis et la Chine sous la présidence de M. Biden s'est ouverte à Anchorage, en Alaska, les deux parties s'échangeant des injures dès le début.

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L'état des lieux

La frappe contre la Syrie a suscité des critiques de la part des députés, qui ont reproché à la Maison-Blanche de ne pas les avoir informés à l'avance. Le site bombardé n'était pas spécifiquement lié aux tirs de roquettes contre les Américains, mais était simplement censé être utilisé par les milices chiites soutenues par l'Iran qui ciblent les forces américaines en Irak. Reuters a cité des rapports locaux selon lesquels au moins 17 personnes avaient été tuées dans le bombardement, tandis que l'Observatoire syrien des droits de l'homme a fait état de 22 morts.

La Russie a nié les allégations d'ingérence, formulées de longue date. Les Russes ont dit qu’elles étaient sans fondement et ont déclaré que leur ambassadeur quittait les États-Unis et qu'il discuterait des "moyens de rectifier les liens entre la Russie et les États-Unis, qui sont en crise" à son arrivée à Moscou. Il a ajouté que "certaines déclarations irréfléchies de hauts responsables américains ont mis les relations, déjà excessivement conflictuelles, sous la menace d'un effondrement".

Le 18 mars, Poutine a répondu au commentaire de Biden, qui le posait comme un ‘’tueur’’, en disant "il en faut être un pour en connaître un autre", ajoutant qu'il souhaitait à Biden une ‘’bonne santé’’ (il convient de mentionner que Biden a survécu à deux anévrismes cérébraux à la fin des années 1980 et que son état s'est ensuite compliqué d'une thrombose veineuse profonde et d'une embolie pulmonaire). Quoi qu'il en soit, Poutine a mis Biden au défi de tester ses facultés dans un débat en ligne.

Poutine a fait remarquer que la Russie continuerait à coopérer avec les États-Unis lorsqu'ils soutiennent les intérêts de Moscou, ajoutant que "beaucoup de personnes honnêtes et décentes aux États-Unis souhaitent la paix et l'amitié avec la Russie." Mais après ce tac au tac, les relations entre les États-Unis et la Russie ont été en chute libre. En adoptant une position ferme à l'égard de la Russie, M. Biden a déclaré que l'époque où les États-Unis se pliaient à Poutine était révolue.

La réunion entre les hauts fonctionnaires américains et chinois a été entachée d’une série de réparties mordantes entre les deux superpuissances, les envoyés des deux pays échangeant des critiques acerbes sur la gouvernance et les défauts de l'autre.

Le début des discussions de deux jours à Anchorage, en Alaska, a été marqué par les propos du secrétaire d'État américain Antony Blinken, qui a déclaré à ses homologues chinois que les États-Unis allaient faire part de leurs "profondes préoccupations" concernant les politiques de la Chine au Xinjiang, à Hong Kong et à Taiwan.

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La Chine, représentée par le ministre des affaires étrangères Wang Yi, a répliqué que les États-Unis et la Chine avaient chacun leur propre style de démocratie et que Pékin s'opposait fermement à l'ingérence de Washington dans ses affaires intérieures, ajoutant que les relations avec la Chine devaient être fondées sur le respect mutuel.

Les États-Unis ont ensuite publié une déclaration accusant la Chine de faire de la figuration et de prononcer un discours d'ouverture qui a largement dépassé les deux minutes initialement convenues.

Plus tard, lors d'un briefing suivant la réunion, des responsables chinois ont déclaré que les États-Unis avaient lancé des attaques déraisonnables contre les politiques intérieure et extérieure de la Chine en ajoutant : "Ce n'est pas une manière d’agir car elle n’est pas conforme à l'étiquette diplomatique".

Biden et la Russie

En janvier dernier, le vice-ministre russe des affaires étrangères, M. Ryabkov, avait accusé l'administration du président Joe Biden de "russophobie", déclarant qu'il s'attendait à ce que les relations avec les États-Unis aillent "de mal en pis".

Les relations entre Moscou et Washington se sont détériorées ces dernières années sur des questions telles que la saisie par la Russie de la région ukrainienne de la Crimée en 2014, son rôle dans les guerres dans l'est de l'Ukraine, en Syrie et en Libye, son ingérence présumée dans les élections aux États-Unis , et une série de cyberattaques majeures imputées aux Russes.

La Russie, bien qu'incapable d'agir comme une grande puissance mondiale, est la quantité qui, en jetant son poids sur la balance, peut être décisive, grâce à son formidable arsenal nucléaire, dans le match entre les États-Unis et la Chine.

La Russie existe et résiste en tant qu'empire depuis au moins six siècles. C'est un État puissant armé jusqu'aux dents, dirigé par un leader charismatique sans opposition, mais bien conscient qu'il ne peut pas se précipiter seul dans des aventures militaires contre des voisins comme les États-Unis ou l'OTAN.

L'espace, la culture et l'ambition impériale permettent à Moscou de disposer d'une élite russe dotée d'une ambition géopolitique. En raison de sa position géographique, la Russie est un élément central de la sécurité en Eurasie, son territoire étant contigu à toutes les grandes zones de crise dans le monde.

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Biden et la Chine

Les liens économiques, géopolitiques et sécuritaires entre les régions du Pacifique occidental et de l'océan Indien ont créé un système stratégique dans lequel l'océan Indien a remplacé l'Atlantique en tant que corridor commercial le plus fréquenté et le plus important sur le plan stratégique, transportant deux tiers des expéditions mondiales de pétrole et un tiers des marchandises en vrac.

Environ 80 % des importations de pétrole de la Chine sont acheminées du Moyen-Orient et/ou de l'Afrique via l'océan Indien. L'Indo-Pacifique devient ainsi le centre de gravité économique et stratégique du monde. Les intérêts, les capacités et les vulnérabilités de la Chine s'étendent à l'ensemble de l'océan Indien et c'est pourquoi la Chine a établi en 2017 une énorme base navale militaire à Djibouti, dans la Corne de l'Afrique.

Les liens stratégiques entre la Chine et la Russie

La Chine et la Russie entretiennent actuellement des relations difficiles avec les États-Unis suite à l'imposition de droits de douane à la Chine et aux sanctions infligées à la Russie. Pour la première fois, les deux grandes puissances sont considérées comme "révisionnistes, concurrentes stratégiques et rivales" dans la série des documents stratégiques américains de 2017 et 2018.

La Chine et la Russie ont récemment envoyé des messages forts par le biais de mesures telles que des patrouilles stratégiques aériennes conjointes et la critique commune de l'unilatéralisme américain.

Il convient de mentionner que lors de deux événements distincts, la Russie et la Chine ont publiquement annoncé une nouvelle ère de diplomatie entre les deux pays: avec l'exercice Vostok 2018 et l'exercice Joint Sea 2019, la Russie et la Chine ont signalé à l'Occident qu'elles travaillent plus étroitement ensemble pour faire contrepoids à l'"impérialisme" américain.

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En particulier, Vostok 2018, un exercice militaire russo-chinois de grande envergure, a impliqué plus de 300.000 soldats, 1.000 avions et plusieurs navires de guerre, tandis que Joint Sea 2019 a impliqué de nombreux sous-marins, navires, avions, hélicoptères et marines des deux pays.

Ce qui lie ces puissances entre elles, c'est leur accord sur la nécessité de réviser le statu quo. La Russie essaie tant bien que mal de reconstituer son aire d’influence du temps de l'Union soviétique. La Chine n'a pas l'intention de se contenter d'un rôle secondaire dans les affaires mondiales, pas plus qu'elle n'acceptera le degré actuel d'influence des États-Unis en Asie et le statu quo territorial qui y règne.

Les dirigeants des deux pays sont également d'accord pour dire que la puissance américaine est le principal obstacle à la réalisation de leurs objectifs révisionnistes. Leur hostilité à l'égard de Washington et de son ordre est à la fois offensive et défensive: non seulement ils espèrent que le déclin de la puissance américaine facilitera la réorganisation de leurs régions, mais ils craignent également que Washington ne tente de les renverser en cas de discordes durables au sein de leurs pays.

C'est pourquoi ils tiennent dûment compte de la devise divide et impera (diviser pour régner) qui est née de besoins pratiques: Rome, matériellement, ne pouvait pas faire face à son ennemi lorsqu'il était uni.

Biden pousse-t-il la Chine et la Russie à se rapprocher ?

Les relations sino-russes sont principalement façonnées par la pression exercée par les États-Unis sur ces deux États.

L'évolution de la politique américaine à l'égard de la Chine - qui s'éloigne de tout engagement pour se rapprocher de la stratégie du néo-contrôle - a survalorisé la coopération potentielle plus étroite entre Moscou et Pékin, devenu l’ennemi principal. Les relations sino-russes se sont particulièrement épanouies dans des domaines tels que l'opposition politique et normative envers l'Occident, l'énergie, la sécurité, le nucléaire et l'espace.

Parallèlement, la rhétorique anti-américaine de Xi Jinping a commencé à ressembler à celle de Vladimir Poutine. La Russie et la Chine ont également amélioré leur position au sein du système des Nations unies, notamment en se faisant élire au Conseil des droits de l'homme.

Biden avait prévu de tendre la main à l'Union européenne afin d'apprivoiser l'influence de la Chine au niveau régional et mondial. Ces plans ont été compliqués par la décision de l'UE d'aller de l'avant avec un nouvel accord d'investissement avec la Chine quelques semaines seulement avant que Biden n’entre en fonction.

Actuellement, la politique intérieure russe offre un terrain fertile pour des relations plus étroites avec Pékin: le Kremlin ne considère pas que la puissance croissante de la Chine sape sa légitimité intérieure ou menace la survie du régime, tandis que la Chine apprécie également le soutien de la Russie.

C'est cet alignement normatif qui illustre le plus clairement leur position anti-occidentale. Il est certain que la Chine et la Russie considèrent que les problèmes internes de l'Occident (Brexit, manifestations de Black Lives Matter, etc.) légitiment davantage leurs propres régimes.

Considérations

Si vous êtes président des États-Unis, vous ne pouvez pas dire "Poutine est un tueur". Vous ne pouvez pas le dire, vous n'êtes pas obligé de le dire. Trump, le président des excès, ne l'avait pas dit non plus. L'attaque vise aussi à faire barrage à tout achat du vaccin russe Spoutnik V. Est-ce aussi une façon détournée d'imposer subrepticement des sanctions contre toutes les entreprises de l'UE qui participent à l'achèvement du gazoduc Nord Stream 2 reliant la Russie à l'Allemagne?

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Les relations des États-Unis avec la Chine ont plongé à leur point le plus bas depuis la visite de Nixon dans l'État communiste dans les années 1970. Les liens entre les États-Unis et la Russie sont, quant à eux, à leur point le plus difficile depuis la chute de l'Union soviétique.

Toute tentative de faire ouvertement fléchir le pouvoir au sein de deux puissances nucléaires constitue une action extrêmement dangereuse. C'est dangereux lorsque les hommes les plus puissants du monde, dont les doigts peuvent presser les boutons déclenchant le feu nucléaire, se retranchent dans des impasses rhétoriques et risquent ainsi une épreuve de force entre superpuissances.

Malgré la fanfaronnade de Biden, "L'Amérique est de retour", les États-Unis sont affaiblis par deux décennies d’offensives et de retraits au Moyen-Orient, par leurs divisions politiques paralysantes et par les pires réponses apportées à une pandémie mondiale.

Et la Chine s'est hérissée d'une déclaration conjointe des États-Unis et du Japon cette semaine, qui fait partie d'un effort de l'administration Biden pour créer un front uni d'alliés afin de contrer la puissance économique, stratégique et militaire de la Chine et de forcer Pékin à accepter des règles internationales que la Chine rejette comme étant une tentative de limiter son pouvoir.

Conclusion

Après qu'une foule a pris d'assaut le Capitole américain, Xi et Poutine se demandent probablement: "Est-ce là la nation dont nous devons avoir peur ? Est-ce là la nation qui veut être l'exemple paradigmatique de la démocratie et qui veut exporter sa démocratie dans le monde entier ?".

Biden aura sûrement du mal à convaincre la Chine et la Russie qu'il s'agissait d'un événement isolé, passager, et que la démocratie américaine est plus forte que jamais. Il aura encore plus de mal à les convaincre qu'une Amérique aussi divisée est, malgré tout, consensuelle, cohérente et unie, prête à faire face à toute menace extérieure possible et à diriger le monde.

Biden devrait définir une stratégie d'équilibrage avec la Chine avant que les deux nations ne dépassent les limites de ce que les cercles stratégiques appellent la "nouvelle guerre froide" pour entrer dans un véritable conflit direct, faisant ainsi entrer dans la réalité le fameux "piège de Thucydide".

Nous ne pouvons qu'espérer que la situation fortement concurrentielle entre les États-Unis et la Chine se retrouvera très vite entre des mains plus sereines. Après tout, ce qui met réellement en danger la paix et la stabilité mondiales, ainsi que l'avenir des relations entre les États-Unis et la Chine, ce n'est pas une "concurrence stratégique" entre les deux grandes puissances, mais l'incertitude résultant d'une concurrence dans laquelle aucune des deux puissances ne suit les règles du jeu traditionnelles, mais se comporte arbitrairement en fonction de son seul intérêt personnel, lequel est très étroitement défini.

En résumé, la Chine peut aujourd'hui compter sur la Russie, le plus grand pays du monde qui s'étend sur la masse continentale eurasienne. Les deux principaux acteurs ‘’orientaux’’ sont à bien des égards complémentaires: la Russie possède des ressources naturelles, des sciences fondamentales et des armes; la Chine possède des capitaux, des technologies commerciales et des industries lourdes. La Russie a un problème de sous-population, la Chine le contraire. Un principe ancien "l'ennemi de mon ennemi est mon ami" lie Pékin et Moscou.

L'une des leçons de la politique étrangère américaine de ces dernières décennies est que les plans élaborés à Washington ne survivent souvent pas au contact avec le monde extérieur. Et il n'est pas certain que les alliés des États-Unis adhèrent à la stratégie Biden: comme je viens de le souligner, ils ont envoyé un signal en concluant un accord commercial avec la Chine juste avant que Biden ne prenne ses fonctions.

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Le canal, l'Égypte et l'Italie - Le plan (réel) d’Enrico Mattei

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Le canal, l'Égypte et l'Italie

Le plan (réel) d’Enrico Mattei

Par Marco Valle

Nous publions, avec l'aimable autorisation de l'éditeur, un extrait du livre de Marco Valle, Suez. Le canal, l'Egypte et l'Italie (Historica)

51Kavy22snL.jpgÀ partir de 1954, grâce aux bons offices du colonel Younes, le groupe Eni  -avec Agip Mineraria, Snam et Nuovo Pignone-  s'engage dans une série d'opérations importantes : la recherche de pétrole, le forage, la distribution de pétrole et de GPL et les projets autour du barrage d'Assouan. Une collaboration fructueuse à laquelle s'ajoutent la construction d'un oléoduc entre Suez et la capitale égyptienne ainsi que la mise en oeuvre d'une raffinerie. C'est lors de l'inauguration de l'usine, qui a lieu le 24 juillet 1956 en présence d'Enrico Mattei, que Nasser communique à Younes sa décision de nationaliser le Canal trois jours plus tard. Bien que les archives de l'Eni relatives à cet événement soient étrangement (ou délibérément ?) incomplètes, il est difficile d'imaginer que Mattei, invité d'honneur ce jour-là, n'avait aucune idée de la crise qui s’annonçait, imminente ; plus que probablement, il n'avait pas été averti de manière confidentielle. Ce brillant entrepreneur de la région des Marches n'avait certainement aucun doute sur l’issue des événements. Lorsque la crise éclate, il tente de convaincre Gronchi et le Premier ministre Segni de promouvoir une médiation italienne entre les parties, tandis qu'Il Giorno, le quotidien de l'Eni, rassure l'opinion publique et les milieux économiques sur les intentions des Égyptiens. Non content de cela, l'homme de Matelica s'est immédiatement mobilisé pour venir en aide à son précieux ami Younes qui avait été catapulté par Nasser à la direction de la toute nouvelle Autorité du Canal de Suez. Mattei savait que le principal problème des Égyptiens était d'assurer la navigation le long de la voie d'eau, une tâche techniquement exigeante qui, jusqu'alors, était assurée par les pilotes de la Compagnie. Selon les calculs d'Eden et de Mollet, sans la contribution des 323 techniciens étrangers, le trafic aurait été réduit de moitié, provoquant des embouteillages, des retards et, finalement, le chaos. Une excellente excuse pour intervenir et reprendre le contrôle de la voie navigable.

marco-valle-resize.jpgAfin d'accélérer la paralysie, les gouvernements de Londres et de Paris ordonnent à la Compagnie de rappeler tout le personnel non égyptien encore présent sur l'Isthme avant le 15 septembre. Mais en ce jour fatidique: "Les autorités égyptiennes ont réussi à faire face au départ de 212 opérateurs, dont 90 pilotes, sans affecter le trafic maritime. Vingt-cinq pilotes étrangers qui avaient répondu à la campagne de recrutement lancée par les autorités égyptiennes ont contribué à ce premier succès: quinze Russes, quatre Yougoslaves, trois Italiens et trois Allemands de l'Ouest se sont joints aux quarante pilotes grecs qui n'avaient pas accepté l'invitation de la compagnie à quitter leurs postes. À la recherche de personnel spécialisé capable d'opérer à bord des navires en transit, les Égyptiens avaient pu compter sur une formidable agence de recrutement: depuis la fin du mois de juillet, Enrico Mattei et ses collaborateurs s'étaient affairés dans les ports italiens, offrant des engagements somptueux, pour trouver des spécialistes disposés à poursuivre leur expérience professionnelle à Suez. En outre, le président de l'ENI était retourné au Caire dans les journées du 15 au 17 septembre, au moment même où le retrait redouté des pilotes étrangers avait lieu" (10). Inévitablement, la crise égyptienne a eu des répercussions sur la scène politique italienne, radicalisant l'affrontement entre les "néo-atlantistes" Gronchi, Fanfani, Taviani et Tambroni et les atlantistes "orthodoxes" comme Segni, Pacciardi, le vice-président du Conseil des ministres, Saragat et le ministre des Affaires étrangères, Gaetano Martino. Face à l'activisme du président de l'ENI et de ses amis, le Conseil des ministres opte d'abord pour une solidarité totale avec les Anglo-Français, mais l'intervention directe du Quirinal impose un changement de cap drastique et Segni, avec de nombreuses incertitudes, opte pour une attitude de "compréhension" et de modération envers l'Egypte, et les raisons qu’elle invoquait, dans l'espoir d'une solution internationale qui garantirait la liberté de navigation.

Mettre l'Ego à l’épreuve - Evola et la philosophie

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Mettre l'Ego à l’épreuve - Evola et la philosophie

Par Giovanni Sessa

Ex : https://www.ereticamente.net/

Les études les plus sérieuses et les plus significatives consacrées à la pensée d'Evola partent ou, en tout cas, ont comme thème central de discussion, ses œuvres spéculatives. Pensez au travail pionnier de Roberto Melchionda, brave exégète d’Evola récemment décédé, qui a mis en évidence la puissance théorique de l'idéalisme magique, ou à l'étude d'Antimo Negri, critique à l’égard des résultats atteints par la philosophie du traditionaliste italien. Depuis plus d'une décennie, dans le travail d'analyse de ce système de pensée, se distinguent des auteurs comme Giovanni Damiano, Massimo Donà et Romano Gasparotti, dont les essais sont motivés par une authentique vocation exégétique et loin des conclusions hâtives ou motivées par des jugements politiques, qu'ils soient positifs ou négatifs.

9788855291293_0_0_626_75.jpgUn élève de Donà, le jeune Michele Ricciotti, a récemment publié une monographie consacrée au philosophe, qui s'impose comme un livre important dans la littérature critique sur le sujet. Nous nous référons à "Prouver l'ego". Julius Evola et la philosophie, paru dans le catalogue de l'éditeur InSchibboleth (pour les commandes : info@inschibbolethedizioni.com , pp. 217, euro 20.00).

L'auteur parcourt et discute, avec une évidente compétence théorique et historico-philosophique, l'itinéraire d'Evola, en utilisant une bibliographie des plus actuelles, mû par la conviction, rappelée par Donà dans la préface, que: « le vrai philosophe, pour Evola, ne peut se limiter à "démontrer". Mais il doit d'abord faire l'expérience, sur sa propre peau, de la véracité des acquis qui, en vérité, ne peuvent jamais être simplement ‘’théoriques’’ » (pp. 11-12). Il ressort clairement des pages du livre qu'Evola est resté fidèle à cette hypothèse tout au long de sa vie. Naturellement, son parcours n'a pas été linéaire, mais caractérisé, en particulier, à partir de la fin des années 20, par le "tournant" traditionaliste imposé par sa rencontre avec René Guénon.

Afin de présenter au lecteur la complexité d'une pensée très articulée, Ricciotti a divisé le texte en trois chapitres. Dans le premier chapitre, il affronte, avec des accents et des arguments convaincants, l'expérience dadaïste d'Evola, au cours de laquelle se dessine le "problème" théorique, central pour lui, lié à l'Ego : "de son affirmation et de sa "preuve"", mais: "non sans avoir brièvement thématisé la signification spirituelle que l'Art de la Règle" (p. 17) tient dans la réalisation d'une telle tâche. Oui, l'idéalisme d'Evola était "magique", capable d'intégrer, en termes de praxis, le besoin de certitude propre à l'idéalisme classique et l'actualisme gentilien, considéré comme le sommet de la pensée moderne.

Dans le deuxième chapitre, ce n'est pas un hasard, le rapport d'Evola avec l'idéalisme est abordé, en particulier avec sa déclinaison actualiste. Le lecteur doit savoir que les pages consacrées par Ricciotti au dépassement par Evola du gentilisme (c’est-à-dire du corpus philosophique de Gentile) sont parmi les plus profondes de celles écrites jusqu'à présent: "L'actualisme se configure à notre avis comme une station qui doit nécessairement être franchie par l'Ego pour devenir - de transcendantal qu'il est - "magique"" (p. 18). La philosophie et la magie, en effet, comme Donà l'a bien illustré, ont historiquement partagé le même horizon, dans lequel la pensée et l'action correspondaient. L'individu absolu est celui: "qui est certain du monde grâce au fait qu'il se rend identique à lui, en vertu de sa capacité à en faire une image dont le pouvoir magique s'identifie à la même volonté inconditionnelle du Moi" (p. 19). Le troisième chapitre traite du thème de la descente de l'individu absolu dans l'histoire, suivi de la tentative du philosophe de construire un symbolisme du processus historique. Pour ce faire, le penseur s'est servi des apports théoriques de Bachofen, synthétisés dans la méthode empathique-‘’antiquiste’’, ainsi que de Guénon et de la "méthode traditionnelle". Une courte phrase peut bien clarifier ce que Ricciotti pense du processus de la pensée évolienne: "de l'image magique du monde au symbole", où le premier terme détient une valeur positive et le second représente une diminutio, une dé-potentialisation théorique. Cette torsion des acquisitions magico-dadaïstes initiales se manifeste, explique Ricciotti, à partir des pages d’Impérialisme païen, une œuvre au centre de laquelle se trouve: "un sujet souverain capable d'établir la loi en se plaçant en dehors et au-dessus d'elle, se faisant le représentant d'une liberté inconditionnelle " (p. 27).

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L'individu souverain a des caractéristiques similaires à celles de l'individu absolu, car en tant que sage taoïste, il le sait: "Avoir besoin de pouvoir est une impuissance [...] exprime une privation d'être " (p. 29). D'autre part, le sujet souverain, identifié au Rex de la Tradition, est ici placé dans un contexte historico-chronologique et, par conséquent, est dépourvu de pouvoir par l'"absoluité" du sujet magique. La même situation se retrouve dans les pages de La Tradition hermétique. D'une part, la transmutation alchimique y fait allusion à la " reconstitution du royaume de Saturne [...] et au comblement de la privation dont la matière est le symbole" (p. 37); d'autre part, dès l'organisation du volume, se manifeste l'adhésion du penseur à la méthode traditionnelle. Elle consiste, d'un point de vue général, à tenter de retrouver dans l'histoire le patrimoine symbolique commun à toutes les civilisations traditionnelles, mais aussi à retracer les interférences avec la suprahistoire et la souveraineté. De cette manière, le dualisme réapparaît fortement chez Evola. Elle animera le contraste entre Tradition et Modernité dans les pages de Révolte contre le monde moderne et dans les œuvres de la période "traditionaliste".

Dans cette voie, affirme Ricciotti, Evola arrive à la définition d'une métaphysique de l'histoire centrée "sur une théorie spécifique du symbole compris [...] comme facteur opératoire de l'histoire elle-même" (p. 177). Le traditionaliste y incorpore l'idée guénonienne centrée sur la valeur supra-historique du symbole, à l'idée bachofénienne qui soulignait, au contraire, son historicité. Pour cette raison, le philosophe ne pourra pas "sauver" in toto, même en faisant référence à un éventuel "cycle héroïque", le dynamisme de l'arché. La tradition, paradoxalement, placée dans un passé ancestral, finit par pouvoir être récupérée dans une projection utopique, dans le futur. L'auteur rappelle que seule la réflexion sur les thèses de Jünger, sur le retour de l'élémentaire et du pouvoir négatif dans le monde contemporain, a permis à Evola de retrouver la Nouvelle Essence, l'horizon existentiel et cosmique de l'individu absolu. Les pages de Chevaucher le Tigre en témoigneraient.

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C'est la structure générale du volume. Nous ne pouvons manquer de signaler quelques plexus théoriques pertinents, explicités dans ses pages: tout d'abord, le concept de "valeur" dans l'idéalisme magique. Il indique la résolution de ce qui est matière dans ce qui est forme. Dans toute expérience, le Moi doit s'élever de la forme de l'expérience:  à la forme de toute forme [...] il faudra rendre la forme coextensive au réel, la valeur coextensive à l'être" (p. 96). Cela explique le titre du livre, Provare l’Ego. En effet, "rendre raison de l'Ego signifiera rendre raison de toute la réalité, à partir de l'identité de l'Ego avec la déterminité empirique" (pp. 99-100).

Le livre de Ricciotti remet sous les projecteurs du débat philosophique une pensée puissante et trop longtemps négligée.

Giovanni Sessa.

Maurice Barrès, le Prince de la Jeunesse!

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Présentation d'écrivain

Maurice Barrès, le Prince de la Jeunesse!

NOUVEAU FORMAT : 1 épisode sur 2 dans Vive l'Europe, l'autre dans Super Danny Live, ici : https://superdannylive.com
 
Dans cette vidéo, nous parlerons de Maurice Barrès, un écrivain trop peu lu aujourd’hui mais dont l’influence politique et littéraire était immense. Il a été le premier à utiliser le mot "nationalisme" en politique, et était un des plus grands littérateurs de la fin du XIXème et du début du XXème siècle. Si vous voulez en savoir plus sur Barrès, je vous conseille l’excellente biographie de Yves Chiron : Maurice Barrès, le Prince de la Jeunesse. Et bien évidemment la lecture de ses deux grandes trilogies : Le Culte du Moi et le Roman de l’énergie nationale.
 
 
Si vous désirez m’écrire :
- Par mail : jeremieBraves@protonmail.com
- Sur Twitter : twitter.com/jeremie_B04

dimanche, 28 mars 2021

Au-delà du conservatisme, une nouvelle figure de l'homme (Ernst Jünger)

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Au-delà du conservatisme, une nouvelle figure de l'homme (Ernst Jünger)

Dans cette vidéo, nous verrons comment Ernst Jünger propose de dépasser le conservatisme politique classique en traçant la figure de l’homme de l’avenir, unissant l’esprit héroïque et la domination technique. Son chef-d’œuvre politique, « le Travailleur », montre sa volonté de poser les bases d’un nouvel état d’esprit, révolutionnaire et actif, seul capable de dépasser le nihilisme passif de son époque.
 
 
Pour se procurer le livre de Julius Evola « La Figure du Travailleur chez Ernst Jünger »: https://nouvelle-librairie.com/boutiq...
 
41u6SIcCe9L._SX325_BO1,204,203,200_.jpgPour se procurer les livres de Robert Steuckers sur la Révolution Conservatrice : http://www.ladiffusiondulore.fr/552-l...
 

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Musiques utilisées dans la vidéo :
- Anton Bruckner, Symphonie n°7, III - sherzo (Karajan)
- Friedrich II "Der Grosse" - Symphony No.1: II (German Symphony)
- Anton Bruckner, Symphonie N°4 - I - Celibidache. Bewegt, nicht zu schnell
- Anton Bruckner, Symphonie N°3, III - Scherzo. Ziemlich schnell

Égalité - Inégalité. Les deux concepts-clés de l'univers politique

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Égalité - Inégalité. Les deux concepts-clés de l'univers politique

Le Soleil noir Du nihilisme marxiste à la musique sans nom

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Le Soleil noir

Du nihilisme marxiste à la musique sans nom

par Francis P. Ubertelli, D.M.A.

Dans les rues ronronnaient sans cesse des voitures en tout genre, des vélos qui filaient comme des gazelles, quelquefois des autobus perdus entre une avenue bloquée et une autre, défrichant à la dernière minute des contrées étriquées pleines d’une gente affairée, des tramways qui sillonnaient d’archaïsmes des chaussées trop étroites envahies d’un labyrinthe de piétons costumés de corps de doctrines et d’utopies, le chantier frénétique d’un essaim d’abeilles. Partout la ville, le tintamarre des avertisseurs et des trompes qui n’avertissent plus, la jungle des pneus, des rails, le rodage aigu des freins, le battement des bottillons et des écrase-merde.

Mais ce matin-là, c’était en mai 2011, tout était calme, il y avait le vrai silence, aucune fausse frayeur, aucun mouvement, aucune foule, personne. Le printemps s’épuisait, l’école, la sociologie du préfabriqué, allait bientôt dormir les vacances. C’était samedi matin et tout le monde dormait, sauf le petit Tony, le Calabrais qui préparait mon café allongé. J’étais à la table de la fenêtre, émerveillé des rues désertes bordées de voitures-synonymes.

Le café était une culture, une histoire de goût, une vision du monde. Ayant commencé sa vie en Éthiopie puis au Caffè Florian, c’est à mon palais qu’elle allait la consommer ce matin-là. Le silence des rues était le sujet d’une perpétuelle méditation que mes lèvres de citadin maintenant torréfiées voulaient absolument raconter.

Au coin, de l’autre côté de la rue somnolente, une grande figure apparut soudain. Le soleil naissant me laissait l’éplucher du regard. Râblé, l’homme semblait athlétique et plutôt jeune. Il avançait lentement, un pas bourru suivait l’autre avec maladresse, comme s’il retenait une féroce envie de faire ses besoins. Par étapes, à pas comptés, on devinait des cicatrices ou des brûlures au visage et le long des bras. Mais quelques pas de plus et des tatouages monstrueux ressortaient plutôt de la netteté grandissante de l’image, un marquage polychrome immanquable dont il s’était cousu les bras et le visage, des images de mort et d’obscénité qui inspiraient une certaine crainte, du moins une méfiance inconfortable. Il avait le physique imposant, une taille assez corpulente pour soutenir une frappe, l’air menaçant, la lourde démarche révoltée prête à attaquer n’importe qui sur son passage. Il était la loi dans la solitude du trottoir ce matin-là, sa propre beauté, son juge ad hoc et la terreur des autres — il n’y avait personne. Aurait-on pu définir son apparence, elle n’inspirait nullement confiance, surtout avec les anneaux noirs qui perçaient ses oreilles, son nez et sa lèvre inférieure. Fallait-il définir l’apparence de quelqu’un selon le bonheur qu’elle procure ? Ce serait aller au-delà des mots. Mais si la beauté existait en fonction du bonheur qu’elle suscite, on ouvrirait la porte à un universel esthétique.

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Il s’arrêta brusquement au feu. Pourquoi ? Intrigués, mes sourcils questionnèrent le geste. En y regardant de près, il y avait une main rouge qu’illuminait un panneau électrique et qui lui interdisait de traverser. Mais la rue était déserte. Soumission apparemment habituelle aussi étrange qu’inattendue. Il attendait. Voyait-il que les fruits de sa rébellion, tous ces tatouages insensés et cet air menaçant, n’étaient qu’une illusion à l’égard de lui-même ? Pourquoi se prêter à une telle obéissance civique ? Où donc était sa personne, sa véritable individualité, la figure de sa volonté et de son esprit (il n’y avait personne, les rues étaient désertes) ? Pourquoi cette obéissance servile ? Puis un signal vert apparut et il reprit aussitôt son théâtre révolté dans une ronde de pas tout aussi farouche et téméraire. Il ne s’était pas arrêté, on l’y avait conditionné, il n’en avait déjà plus aucun souvenir. La dichotomie entre l’apparence et la vérité touchait les nues.

Quel spectacle étonnant ! Je ne pouvais croire la scène dont je venais d’être témoin, sans nullement chercher pour autant à me hisser au-dessus de quiconque. Je demeurais ni plus ni moins pétrifié, imprégné d’un étrange malaise devant une conduite aussi lamentable, disons-le, par le comportement d’un homme sans doute vaincu, d’un personnage anéanti, un personnage que la propagande du préfabriqué avait brisé, un personnage incapable de penser. J’étais violemment interpellé, comme si on eut cherché par tous les moyens à me faire rire sur quelque chose qui n’avait absolument rien de réjouissant ; la colère diabolique des partisans d’une fausse gaieté qui s’abattrait sur moi à la vue de ma perplexité était pénible à imaginer. Les gens ont cette capacité de croire en n’importe quoi. Ce marcheur solitaire avait conduit mes pensées vers le monde grandiloquent de la médiocrité, une fausse lumière, un « Soleil noir ». Son imaginaire avait été peuplé des gardes du corps de l’obéissance aveugle où toute rébellion est interprétée comme une menace, un crime de la pensée, une opinion psychiatrisée expressément comme une maladie mentale. Comment en est-on arrivé là, à cette abrogation de la force d’âme, pour se conformer, zombifié, à un panneau de signalisation de l’autorité publique dans un tel contexte ? Avait-on anéanti l’humanité ce matin-là ?

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Le Son, le Silence et le demi-ton

Avec 4’33’’, œuvre en six pages pour « tout instrument ou toute forme d’instrumentation possible », l’expérimentateur John Cage avait détruit la musique d’expression traditionnelle, c’est-à-dire la musique écrite du « répertoire historique de l’Occident » (œuvres intentionnelles, de Pérotin, disons-nous, en passant par Beethoven, jusqu’à Strauss et feu Boulez), nourriture de tous les Conservatoires. En août 1952, un peu plus de dix ans après les massacres d’Auschwitz, point de repère morbide mais nécessaire, on disposa les pages de la partition sur le couvercle d’un piano, le pianiste le referma puis reposa ses mains. Chronomètre en main, il comptait les minutes réparties en trois mouvements sans rien jouer. Il rouvrit le couvercle à deux autres reprises durant les quatre minutes trente-trois secondes de « l’œuvre », un happening dirions-nous, alors que le public commençait à quitter la salle, « grommelant une exaspération de moins en moins silencieuse ».[1] Plus tard, Cage notera : « car [le silence] se dressait seul entre nous et l’expérience ».[2] Il avait questionné l’acte d’écrire, une lente psychanalyse de la conscience, puis l’ensevelit d’un coup, « fracassant l’atome musical ».[3] C’était la liberté dans l’acte d’écrire, de composer de la musique, la communication, ce qui caractérise l’être humain, qui avait été attaquée, comme celle du marcheur solitaire par la sociologie du préfabriqué. 4’33’’ fut l’abrogation de la force d’âme pour la conformité au vide où on ne peut plus rien dire, la fausse gaieté du « néant ». Qu’avait dit le marcheur autre que cela ? Avait-on anéanti la musique ce jour-là ?

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Arnold Schoenberg.

En 1908, à travers ses propres revers personnels, le compositeur Arnold Schoenberg avait cherché sans le vouloir à redéfinir le bonheur à travers un marxisme musical sans le nommer en vidant la cadence classique de sa substance grâce à la similitude du demi-ton et de la parfaite égalité des nouvelles forces en présence. La musique tonale n’avait plus le droit de citer, c’est-à-dire que, des formidables balbutiements harmoniques de l’École de Notre-Dame au XIIIe siècle jusqu’aux cris de douleurs d’un Strauss devant Berlin en ruines à l’été 1945, on était soudain passé de pratiques courantes à « répertoire du passé ». Pour communiquer quelque chose d’important, on ne pouvait plus écrire de la musique tonale sans essuyer la moquerie d’une nouvelle caste de compositeurs sérieux issus et promus par une fausse idéologie tirée de la doctrine Truman et du Plan Marshall.[4] Comme Cage, ne faut-il plus écrire, sinon des intentions, pour être entendu ?

En réponse à l’héritage russe de l’époque, vue comme une agression culturelle, le Bureau of Educational and Cultural Affairs (BECA) avait implanté une philosophie politique et inductive ad hominem destinée à contrer l’influence de la Russie soviétique en Europe et en Amérique, car Lasky voyait la substance de la Guerre froide naissante justement comme « étant d’essence culturelle ».[5] Il s’agissait d’une campagne anti-communiste basée sur les notions éthérées de paix et de liberté où la libre divergence d’opinion définissait le principe de tolérance selon la loi d’Habeas corpus.[6] La directive NSC-68 (NSC-20/4) de la Sécurité nationale, déclassifiée par Kissinger en 1975, devint un des documents de référence de la Guerre froide et stipulait, outre le refus du contrôle de l’énergie nucléaire d’un côté et de l’autre, la supériorité de l’idée de liberté par le truchement de son application pratique à travers la guerre psychologique.[7] Il fallait persuader les intellectuels occidentaux de se dissocier des fronts communistes par le développement d’arguments allant dans la ligne de mire de l’Oncle Sam et destinés à des groupes de pression sous faux drapeaux non-gouvernementaux.

41RW03xGjOL._SX298_BO1,204,203,200_.jpgD’ailleurs, les particularités de l’aile culturelle et du portefeuille de fonds de recherche de la Central Intelligence Agency (CIA) avaient profondément influencé les tenants et les aboutissants des idées qui avaient été mises de l’avant à l’époque par de si nombreux compositeurs sélectionnés — ceux de l’école de Darmstadt, entre autres — et révélait une certaine ignorance de la réalité communiste de l’autre côté de l’Atlantique : « Je ne pouvais accepter l’attitude philosophico-communiste de si nombreux intellectuels américains et européens de l’Ouest », se plaignait Nabokov. « Ils étaient étrangement ignorants des réalités du communisme russe et ne réagissaient qu’aux tendances fascistes qui balayaient l’Europe à la veille de la grande dépression ».[8] C’était la dégénérescence américaine, décadence qu’avait déjà observée Faulkner,[9] une dégénérescence déterminée par une certaine complaisance à saveur impérialiste alors que le « monde civilisé » de l’après-guerre était en ruines.

En réalité, Nabokov, la CIA et le BECA n’ont ni vu ni compris que les expériences de musique atonale et le radicalisme de Darmstadt qu’ils promouvaient sans le savoir n’étaient qu’un matérialisme dialectique dans la représentation théorique du marxisme à l’échelle technique, une musique purgée de toute croyance religieuse ou d’énoncé métaphysique, une musique dirigiste aux techniques d’écriture a-musicales parfaitement opposée aux objectifs américains de l’époque. C’est précisément dans la promotion du demi-ton, mais non au sein de la mélodie d’essence tonale et historiquement informée, que les idées communistes si vaillamment combattues à l’échelle militaire et politique s’y retrouvaient concentrées avec toute la force des arguments mécanistes, entre autres élaborés à Darmstadt, suite aux idées originelles de Schoenberg quarante ans plus tôt. La volonté nationaliste d’améliorer puis d’ennoblir l’idée d’une culture yankee privée d’histoire allait consolider une vision communiste de la musique[10] dans les institutions américaines et européennes.

La liberté et la captivité

Le communisme comprend la société humaine à travers une forme matérielle en évolution et promeut l’uniformité entre l’esprit et la matière ; le transhumanisme semble être maintenant son plus cher désir, d’où la redéfinition de la liberté au sein d’un nouvel homme, notre marcheur solitaire, et d’une nouvelle musique, la fausse gaieté d’un néant atonal grâce à la similitude du demi-ton. Cette musique est soit une perpétuelle angoisse, soit de la non-information grâce à la liquéfaction des conventions anthropologiques.[11]

Le communisme embrasse la musique issue de la tradition occidentale dans la similitude du demi-ton et non dans la mélodie mahlérienne ou ravélienne, une musique où toutes les forces naturelles de l’harmonie classique cessent d’exister dans une chasse aux systèmes hiérarchiques générés par les propositions dodécaphoniques de Schoenberg dès 1908.[12] Pour Schoenberg, les douze demi-tons de l’échelle chromatique tempérée (les demi-tons au sein de la gamme) deviendront un même équivalent sans aucune différence entre eux, sans aucune appartenance à quelque accord privé que ce soit, sans prévalence fonctionnelle harmonique. Quel est le bonheur que procure l’écoute d’un Boulez ou d’un Cage, l’un adorateur, l’autre élève de Schoenberg, à l’exception peut-être d’une fascination morbide pour le paramètre en tant que nouvelle idée mélodique ?

Le communisme amène le ghetto social de la Covid où les forces humaines sont isolées à l’image des demi-tons schönbergiens dans un silence cagéien celui-là, où le public est tenu de cesser d’exister et doit avoir peur. Il faut absolument que le public ait peur, cette peur qui engendre toute l’armée des marcheurs solitaires. La Fontaine avançait déjà cet étrange propos il y 343 ans : « On apprend la tempérance aux chiens, [mais] et l’on ne peut l’apprendre aux hommes ».[13] Du reste, un des points de détail les plus effrayants de ce machiavélisme pathogène actuel n’est-il pas l’octroi d’un pouvoir de décision à des forces de police parfaitement candides et antipathiques capables des pires agressions dans un obscurantisme surnaturel ?

L’Occident masqué est devenu le silence de Cage. Que se passe-t-il ?

La Caponiera, Février 2021

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Francis P. Ubertelli est compositeur, professeur et écrivain.

Il a étudié à Québec, Rome et Toronto.

La foi et la raison se serrent la main.

 « Le Soleil noir, du nihilisme marxiste à la musique sans nom » copyright © 2021

par Francis Patrick Ubertelli, tous droits réservés.

https://ubertelli.com

[1] John Cage, 4’33’’, John Cage centennial edition (Leipzig: Edition Peters № EP6777c, 1986), page titre.

[2] Robert Charles Clark, “Total Control and Chance in Musics: A Philosophical Analysis.” The Journal of Aesthetics and Art Criticism, Vol. 28, № 3 (1970): 355.

[3] David Schiff, “Unreconstructed Modernist,” The Atlantic (septembre 1995): 104.

[4] Doctrine définie de façon surprenante lors du 296e Harvard Commencement le 5 juin 1947 et moment critique pour le destin de l’Europe de l’après-guerre — Foreign Relations of the United States, Vol. 3, United States Government Printing Office, Washington, 1947 in Colleen Walsh, Birth of a peaceful Europe. Reproduit en partie dans le Harvard Gazette, 22 mai 2017. En France, René Leibowitz n’acceptait que la musique la plus radicale possible, i.e., celle qui rompait totalement avec le passé, alors que les cours d’été de l’académie de musique de Darmstadt, initiative du gouvernement militaire américain, étaient farcis de querelles et d’hostilité — National Archives and Records Administration, Records Relating to Monuments, Museums, Libraires, Archives, and Fine Arts of the Cultural Affairs Branch, OMGUS, 1946-49, M1921, Ardelia Hall Collection, dossier 62D-4, entrée 3104A.

[5] Giles Scott-Smith, A Radical Democratic Political Offensive: Melvin J. Lasky, Der Monat, and the Congress for Cultural Freedom. Journal of Contemporary History, Vol. 35 № 2 (2000): 263. La directive NSC-4 du Conseil de sécurité nationale de Truman contenait une annexe classée « top-secret » sur les opérations psychologiques secrètes en vue de la mise sur pied d’une politique américaine anti-communiste.

[6] Dans le droit anglais, l’Habeas corpus fut votée pour la première fois au XVIIe siècle par le Parlement anglais, garantissant la liberté individuelle et soustrayant l’individu à l’arbitraire de la détention par justification judiciaire.

[7] Déclassifié le 27 février 1975: A Report to the National Security Council – NSC 68. Truman Library Institute, National Archives.

[8] Nicolas Nabokov, Bagázh : Memoirs of a Russian Cosmopolitan. New York, Atheneum (1975): 233.

[9] William Faulkner, The Sound and the Fury. Cape & Smith, 1929 (Penguin Random House).

[10] Francis P. Ubertelli, La musique de la Bête. Strategika.fr, avril 2020 – en ligne sur https://strategika.fr/2020/06/03/la- musique-de-la-bete-deconstruction-artistique-a-travers-une-certaine-histoire.

[11] Lors du XIVe gala annuel des MTV Video Music Awards, en 1997, Marilyn Manson proclamait que « … nous ne serons plus opprimés par le fascisme de la chrétienté ni par le fascisme de la beauté » — Radio City Hall, New York, le 4 septembre. La véritable question qui saute alors à l’esprit est celle-ci : Y a-t-il une beauté autre que la beauté chrétienne qui soit possible sans avoir à sacrifier les conventions anthropologiques à l’origine de l’Occident ?

[12] Traité d’harmonie. Traduit et présenté par G. Gubisch. Paris, éditions Lattès, 1983.

[13] Jean de La Fontaine (1678), Le Chien qui porte à son cou le dîné de son Maître. Livre VIII. Les Fables de La Fontaine, Classiques France, Librairie Hachette (1940): 66.

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Comment la Russie est présentée comme un cyber-agresseur

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Comment la Russie est présentée comme un cyber-agresseur

Source Oriental Review

Les médias occidentaux ont longtemps fait les gros titres sur l’ingérence sans fin de la Russie en tout et partout, les politiciens et les experts de tous niveaux disant régulièrement la même chose. Autrefois peu critique, son public est aujourd’hui fermement convaincu que les « pirates informatiques russes » et les « trolls russes » constituent la plus grande menace pour la société occidentale et qu’ils cherchent constamment à saper « les fondements de la démocratie ». Heureusement, cependant, les « bons » aux États-Unis et au sein de l’OTAN – qui travaillent sans relâche pour protéger les peuples de l’Ouest, sans oublier de leur soutirer des opportunités supplémentaires et des fonds pour eux-mêmes – parviennent toujours à déjouer les attaques de ces « mauvais Russes ».

Comment se fait-il que ces mêmes médias, politiciens et experts occidentaux parlent ouvertement de la création de nouvelles unités de cyber-commandement, d’énormes centres de traitement des données, de programmes spéciaux de surveillance et d’échange d’informations entre les agences de renseignement, du développement de cyber-armes très efficaces, etc. en Europe et en Amérique, mais que ce soit la Russie que l’on qualifie volontiers de « cyber-agresseur » ? Comment se fait-il que la soi-disant « Big Tech » – qui se compose exclusivement de sociétés informatiques américaines (Google, Facebook, Twitter, Amazon, Apple, etc.) qui ont empêtré presque tout l’Internet dans leurs services et leurs médias sociaux – puisse recueillir des données personnelles et cibler les utilisateurs à des fins commerciales et politiques, notamment en recourant à la censure et à une répression ouverte de tout ce qui est répréhensible, mais que les accusations d’ingérence ne soient portées que contre la Russie ?

Voyons voir.

Il ne fait aucun doute que nous sommes face à une bataille dans le cyberespace, et une information peut en contredire une autre selon son objectif. Par conséquent, tout jugement doit être fondé uniquement sur des faits et non sur leur interprétation. Alors, quels sont ces faits ?

Toutes les accusations de cyberattaques contre la Russie se résument généralement à des déclarations audacieuses et non fondées et aux discussions approfondies qui en découlent. Les rapports sont remplis de descriptions sur ce que les présumés malfaiteurs faisaient, mais, curieusement, on ne dit pas grand-chose sur leurs objectifs, et ce qui est dit est extrêmement vague. Des preuves convaincantes ne sont jamais produites. Les responsables américains et leurs alliés expliquent ce manque de preuves par le fait qu’elles sont hautement confidentielles et qu’ils protègent les sources de leurs services de renseignement.

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Chacun comprend que le travail effectué par les agences de renseignement est extrêmement secret. Cependant, le fait est que ce ne sont pas les méthodes de travail des agences de renseignement ou leurs sources qui sont cachées aux lecteurs intéressés, mais les buts réels de ces prétendues cyberattaques et les dommages causés.

Essentiellement, ce sont les théories du complot dignes d’un film de science-fiction hollywoodien qui prévalent. Pour que l’intrigue semble plus convaincante, elle est en outre tapissée de personnes et de circonstances qui, selon la confiance des « réalisateurs », orienteront leur public vers l’implication russe. Il s’agit notamment de nombreuses références au président russe, qui aurait donné l’ordre ; de descriptions détaillées des agences de renseignement russes menant des activités secrètes dans l’intérêt de leur État ; et d’histoires concernant des messages en cyrillique sur Internet qui n’auraient pu être écrits que par des Russes.

Il est parfaitement clair que la forme l’emporte sur le contenu.

À maintes reprises, ces ingrédients sont soigneusement mélangés dans le cyberespace avec l’aide de ces mêmes politiciens, experts et médias, de sorte que le spectateur, l’auditeur ou le lecteur non averti commence rapidement à percevoir ce qui se passe comme si réel que la nécessité de toute confirmation supplémentaire devient sans objet. Après tout, si toutes les sources disent la même chose, comment peuvent-elles se tromper ? Le fait qu’elles se citent toutes les unes les autres échappe à toute remarque.

L’expérience montre qu’une fois que des « histoires à sensation » informatives comme celles-ci sont diffusées, elles prennent une vie propre. Même une réfutation complète des faits sur lesquels l’histoire est basée n’aura que peu ou pas d’effet sur sa diffusion continue dans le cyberespace. L’échec de l’enquête du procureur spécial Robert Mueller sur l’ingérence présumée de la Russie dans l’élection présidentielle américaine de 2016 n’a rien changé à la rhétorique trop familière sur la cyber-agression russe.

Mais pourquoi l’idée de la Russie en tant que cyber-agresseur est-elle poussée avec autant de force ?

Le fait que les États-Unis soient un leader mondial dans le domaine des technologies de l’information et des télécommunications n’est jamais évoqué. Ces dernières années, cependant, Washington a cherché de plus en plus à développer et à utiliser ces technologies à des fins militaires, pour militariser activement le cyberespace.

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En 2010, les États-Unis ont développé le virus Stuxnet et l’ont utilisé contre l’Iran. L’attaque était une sorte de « cyber-Hiroshima » et a servi d’avertissement à l’ensemble de la communauté mondiale, car de telles actions agressives auraient pu avoir des conséquences irréparables non seulement pour l’Iran, mais pour toute la région dans son ensemble. Ainsi, l’Amérique a été en fait le tout premier pays à utiliser une cyber-arme contre un État.

L’année précédente, en 2009, le Cyber Command avait été créé sous la direction du Pentagone. Ce nouveau commandement militaire combine des pouvoirs défensifs et offensifs qui sont exercés sur la base d’informations reçues de la principale agence de renseignement – l’Agence de sécurité nationale (NSA).

En août 2017, le Cyber Command est devenu une structure indépendante sur ordre du président américain et a été élevé au rang de commandement unifié. Ainsi, la nouvelle unité de commandement a été mise sur un pied d’égalité avec neuf autres commandements de combat américains. Le Cyber Command a été doté de 130 unités et de plus de 6 000 employés, dont des cyber-opérateurs qualifiés capables de participer à des opérations tant défensives qu’offensives.

Le chef de la NSA et du Cyber Command américain, le lieutenant général Paul Nakasone, estime que Washington doit adopter une approche plus agressive à l’égard de ses adversaires dans le cyberespace. C’est pourquoi le Cyber Commandement américain a élaboré une nouvelle feuille de route en mars 2018 intitulée « Atteindre et maintenir la supériorité dans le cyberespace ». Selon cette nouvelle stratégie, l’armée américaine devrait effectuer des raids sur les réseaux étrangers sur une base quasi quotidienne et désactiver les serveurs suspects avant qu’ils ne tentent de lancer des logiciels malveillants.

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Toutefois, comme le rapporte le New York Times, certains responsables américains craignent que l’action des États-Unis dans les réseaux étrangers n’entraîne des représailles sur les banques, les marchés financiers ou les réseaux de communication américains. Les auteurs de la cyber-stratégie n’excluent pas non plus certains risques diplomatiques, puisque le Cyber Command estime que les principaux opposants de l’Amérique ne sont pas tant des acteurs non étatiques comme les terroristes, les criminels et les militants, mais des pays comme la Chine, la Russie, l’Iran, etc.

Comme on peut le voir, les États-Unis développent leurs cyber-capacités pour mener des cyber-offensives agressives, allant jusqu’à des cyber-attaques préventives visant les structures d’information d’États souverains.

Outre le développement de cyberstructures, les États-Unis pratiquent l’espionnage mondial depuis 1947 dans le cadre du programme de surveillance électronique Échelon. Les technologies modernes de l’information et des télécommunications ont permis à Washington de renforcer considérablement les capacités de ses services de renseignement. Le programme PRISM (Program for Robotics, Intelligent Sensing, and Mechatronics) du gouvernement américain, en cours depuis 2007, en est une preuve frappante. Il permet de collecter secrètement des données en masse sans sanction judiciaire. Des preuves documentaires fournies par Edward Snowden, ancien employé de la CIA et de la NSA, en 2013, ont montré que les agences de renseignement américaines utilisent le programme PRISM pour accéder aux serveurs centraux des neuf principales sociétés Internet – Microsoft, Yahoo, Google, Facebook, Paltalk, YouTube, AOL, Skype et Apple.

Le personnel du 624e centre d’opérations mène des cyber-opérations en soutien au commandement et au contrôle des opérations en réseau de l’armée de l’air et aux besoins communs de la composante de l’armée de l’air du cyber-commandement

En fait, les agences de renseignement américaines sont en train de compiler une base de données globale des données personnelles des utilisateurs de médias sociaux, des fichiers audio et vidéo, des photographies, des courriels et des documents électroniques. Snowden a également révélé que la NSA avait utilisé le programme PRISM pour écouter les conversations téléphoniques de 35 chefs d’État et de certains diplomates étrangers. Les experts affirment que les agences de renseignement américaines, en collaboration avec le siège des communications du gouvernement britannique (GCHQ), ont illégalement craqué pratiquement toutes les normes de cryptographie sur Internet en utilisant des superordinateurs et les services de pirates informatiques de premier ordre.

Ainsi, l’accumulation d’armes cybernétiques et les activités de cyber-espionnage de Washington menacent la sécurité mondiale, et tous les faux discours sur l’« ingérence russe » et les « pirates russes » ne sont qu’une couverture destinée à écarter ce fait de l’agenda international.

Il s’avère que nous avons mal formulé la question. L’Occident ne défend pas l’idée que la Russie est un cyber-agresseur, mais l’idée que le cyber-agresseur est la Russie. Pourquoi ? Pour détourner l’attention.

Traduit par Hervé, relu par Wayan pour le Saker Francophone

samedi, 27 mars 2021

Le rôle de l’Empire britannique dans la création et la mort de George Orwell

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Le rôle de l’Empire britannique dans la création et la mort de George Orwell

par Martin Sieff

Ex: https://reseauinternational.net/

La British Broadcasting Corporation (BBC), heureusement amplifiée par le Public Broadcasting System (PBS) aux États-Unis qui diffuse ses World News, continue de déverser régulièrement ses larmes sur le prétendu chaos économique en Russie et sur l’état misérable imaginaire du peuple russe.

Ce ne sont que des mensonges, bien sûr. Les mises à jour régulières de Patrick Armstrong, qui font autorité, y compris ses rapports sur ce site web, sont un correctif nécessaire à une propagande aussi grossière.

Mais au milieu de tous leurs innombrables fiascos et échecs dans tous les autres domaines (y compris le taux de mortalité par habitant le plus élevé de COVID-19 en Europe, et l’un des plus élevés au monde), les Britanniques restent les leaders mondiaux dans la gestion des fake news. Tant que le ton reste modéré et digne, littéralement toute calomnie sera avalée par le crédule et chaque scandale et honte grossière pourra être dissimulée en toute confiance.

Rien de tout cela n’aurait surpris le grand George Orwell, aujourd’hui décédé. Il est à la mode ces jours-ci de le présenter sans cesse comme un zombie (mort mais prétendument vivant – de sorte qu’il ne peut pas remettre les pendules à l’heure lui-même) critique de la Russie et de tous les autres médias mondiaux échappant au contrôle des ploutocraties de New York et de Londres. Et il est certainement vrai que Orwell, dont la haine et la peur du communisme étaient très réelles, a servi avant sa mort comme informateur au MI-5, la sécurité intérieure britannique.

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Mais ce n’est pas l’Union soviétique, les simulacres de procès de Staline ou ses expériences avec le groupe trotskiste POUM à Barcelone et en Catalogne pendant la guerre civile espagnole qui ont « fait de Orwell Orwell », comme le dit le récit de sagesse conventionnelle anglo-américain. C’est sa haine viscérale de l’Empire britannique – aggravée pendant la Seconde Guerre Mondiale par son travail pour la BBC – qu’il a finalement abandonnée par dégoût.

Et ce sont ses expériences à la BBC qui ont donné à Orwell le modèle de son inoubliable Ministère de la Vérité dans son grand classique « 1984 ».

George Orwell avait travaillé dans l’un des plus grands centres mondiaux de Fake News. Et il le savait.

Plus profondément, le grand secret de la vie de George Orwell se cache à la vue de tous depuis sa mort, il y a 70 ans. Orwell est devenu un tortionnaire sadique au service de l’Empire britannique pendant ses années en Birmanie, le Myanmar moderne. Et en tant qu’homme fondamentalement décent, il était tellement dégoûté par ce qu’il avait fait qu’il a passé le reste de sa vie non seulement à expier, mais aussi à se suicider lentement et délibérément avant de mourir prématurément, le cœur brisé, alors qu’il avait encore la quarantaine.

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La première percée importante dans cette réévaluation fondamentale de Orwell provient de l’un des meilleurs livres sur lui. « Finding George Orwell in Burma » a été publié en 2005 et écrit par « Emma Larkin », pseudonyme d’une journaliste américaine exceptionnelle en Asie dont je soupçonne depuis longtemps l’identité d’être un vieil ami et un collègue profondément respecté, et dont je respecte l’anonymat.

« Larkin » a pris la peine de beaucoup voyager en Birmanie pendant la dictature militaire répressive et ses superbes recherches révèlent des vérités cruciales sur Orwell. D’après ses propres écrits et son roman profondément autobiographique « Burmese Days », Orwell détestait tout son temps en tant que policier colonial britannique en Birmanie, le Myanmar moderne. L’impression qu’il donne systématiquement dans ce roman et dans son essai classique « Shooting an Elephant » est celle d’un homme amèrement solitaire, aliéné, profondément malheureux, méprisé et même détesté par ses collègues colonialistes britanniques dans toute la société et d’un ridicule échec dans son travail.

Ce n’est cependant pas la réalité que « Larkin » a découverte. Tous les témoins survivants s’accordent à dire que Orwell – Eric Blair comme il était alors encore – est resté très estimé pendant ses années de service dans la police coloniale. C’était un officier supérieur et efficace. En effet, c’est précisément sa connaissance du crime, du vice, du meurtre et des dessous de la société humaine pendant son service de police colonial, alors qu’il avait encore la vingtaine, qui lui a donné l’intelligence de la rue, l’expérience et l’autorité morale pour voir à travers tous les innombrables mensonges de la droite et de la gauche, des capitalistes américains et des impérialistes britanniques ainsi que des totalitaires européens pour le reste de sa vie.

La deuxième révélation qui permet de comprendre ce que Orwell a dû faire au cours de ces années provient d’une des scènes les plus célèbres et les plus horribles de « 1984 ». En effet, presque rien, même dans les mémoires des survivants des camps de la mort nazis, ne ressemble à cette scène : C’est la scène où « O’Brien », l’officier de police secrète, torture le « héros » (si on peut l’appeler ainsi) Winston Smith en l’enfermant le visage dans une cage dans laquelle un rat affamé est prêt à bondir et à le dévorer si on l’ouvre.

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Je me souviens avoir pensé, lorsque j’ai été exposé pour la première fois au pouvoir de « 1984 » dans mon excellente école d’Irlande du Nord : « Quel genre d’esprit pourrait inventer quelque chose d’aussi horrible que cela ?) La réponse était si évidente que, comme tout le monde, je l’ai complètement ratée.

Orwell n’a pas « inventé » ou « proposé » cette idée comme un dispositif d’intrigue fictif : Il s’agissait simplement d’une technique d’interrogatoire de routine utilisée par la police coloniale britannique en Birmanie, le Myanmar moderne. Orwell n’a jamais « brillamment » inventé une technique de torture aussi diabolique qu’un dispositif littéraire. Il n’a pas eu besoin de l’imaginer. Il l’utilisait couramment pour lui-même et ses collègues. C’est ainsi et pour cette raison que l’Empire britannique a si bien fonctionné pendant si longtemps. Ils savaient ce qu’ils faisaient. Et ce qu’ils faisaient n’était pas du tout agréable.

Une dernière étape de mon illumination sur Orwell, dont j’ai vénéré les écrits toute ma vie – et je le fais encore – a été fournie par notre fille aînée, d’une brillance alarmante, il y a environ dix ans, lorsqu’elle a elle aussi reçu « 1984 » à lire dans le cadre de son programme scolaire. En discutant avec elle un jour, j’ai fait une remarque évidente et fortuite : Orwell était dans le roman sous le nom de Winston Smith.

Mon adolescente élevée aux États-Unis m’a alors naturellement corrigé. « Non, papa », dit-elle. « Orwell n’est pas Winston, ou il n’est pas seulement Winston. C’est aussi O’Brien. O’Brien aime bien Winston. Il ne veut pas le torturer. Il l’admire même. Mais il le fait parce que c’est son devoir. »

Elle avait raison, bien sûr.

Mais comment Orwell, le grand ennemi de la tyrannie, du mensonge et de la torture, a-t-il pu s’identifier et comprendre aussi bien le tortionnaire ? C’est parce qu’il en avait lui-même été un.

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Le grand livre de »Emma Larkin » fait ressortir que Orwell, en tant que haut fonctionnaire de la police coloniale dans les années 20, a été une figure de proue dans la guerre impitoyable menée par les autorités impériales britanniques contre les cartels criminels de la drogue et du trafic d’êtres humains, tout aussi vicieux et impitoyables que ceux de l’Ukraine, de la Colombie et du Mexique modernes d’aujourd’hui. C’était une « guerre contre le terrorisme » où tout et n’importe quoi était permis pour « faire le travail ».

Le jeune Eric Blair était tellement dégoûté par cette expérience qu’à son retour, il a abandonné le style de vie respectable de la classe moyenne qu’il avait toujours apprécié et est devenu, non seulement un socialiste idéaliste comme beaucoup le faisaient à l’époque, mais aussi un clochard sans le sou et affamé. Il a même abandonné son nom et son identité même. Il a subi un effondrement radical de sa personnalité : Il a tué Eric Blair. Il est devenu George Orwell.

Le célèbre livre de Orwell « Dans la dèche à Paris et à Londres » témoigne de la façon dont il s’est littéralement torturé et humilié au cours de ces premières années de son retour de Birmanie. Et pour le reste de sa vie.

Il mangeait misérablement mal, était maigre et ravagé par la tuberculose et d’autres problèmes de santé, fumait beaucoup et se privait de tout soin médical décent. Son apparence a toujours été abominable. Son ami, l’écrivain Malcolm Muggeridge, spéculait sur le fait que Orwell voulait devenir lui-même la caricature d’un clochard.

La vérité est clairement que Orwell ne s’est jamais pardonné ce qu’il a fait en tant que jeune agent de l’empire en Birmanie. Même sa décision littéralement suicidaire d’aller dans le coin le plus primitif, froid, humide et pauvre de la création dans une île isolée au large de l’Écosse pour finir « 1984 » en isolement avant de mourir était conforme aux punitions impitoyables qu’il s’était infligé toute sa vie depuis qu’il avait quitté la Birmanie.

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La conclusion est claire : malgré l’intensité des expériences de George Orwell en Espagne, sa passion pour la vérité et l’intégrité, sa haine de l’abus de pouvoir n’a pas trouvé son origine dans ses expériences de la guerre civile espagnole. Elles découlaient toutes directement de ses propres actions en tant qu’agent de l’Empire britannique en Birmanie dans les années 1920 : Tout comme sa création du ministère de la vérité découle directement de son expérience de travail dans le ventre de la bête de la BBC au début des années 1940.

George Orwell a passé plus de 20 ans à se suicider lentement à cause des terribles crimes qu’il a commis en tant que tortionnaire pour l’Empire britannique en Birmanie. Nous ne pouvons donc avoir aucun doute sur l’horreur et le dégoût qu’il éprouverait face à ce que la CIA a fait sous le président George W. Bush dans sa « guerre mondiale contre la terreur ». De plus, Orwell identifierait immédiatement et sans hésitation les vraies fausses nouvelles qui circulent aujourd’hui à New York, Atlanta, Washington et Londres, tout comme il l’a fait dans les années 1930 et 1940.

Récupérons donc et embrassons le vrai George Orwell : La cause des combats visant à empêcher une troisième guerre mondiale en dépend.

source : https://www.strategic-culture.org

traduction Aube Digitale

via https://www.aubedigitale.com

Iran contre Israël : une guerre secrète explose en mer

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Iran contre Israël : une guerre secrète explose en mer

Par Lorenzo Vita

Ex : https://it.insideover.com/

La base d'Aitlit, en Israël, est l'un des endroits les plus inaccessibles au monde. Des eaux cristallines, un maquis méditerranéen et un château des croisés font de cette portion du territoire israélien un véritable joyau de nature et d'histoire. Mais personne ne peut la visiter. A quelques mètres de la forteresse d'Aitlit se trouve en effet le quartier général de l'unité la plus redoutable de la marine israélienne: le Shayetet 13. Une unité qui a vu le jour aussi grâce à la contribution fondamentale de notre Dixième Flotille. Certains des meilleurs éléments de la marine italienne sont arrivés en Israël afin de former les hommes qui devront constituer les unités d'élite de la marine de l’Etat hébreu. Mais en plus des hommes, la marine israélienne a importé d'Italie des moyens et des techniques de combat: bateaux à moteur, esquifs explosifs et tactiques de sabotage - les mêmes qui avaient terrorisé la Royal Navy dans toute la Méditerranée - sont désormais entre les mains des commandants militaires de l'État juif. Un "savoir-faire" qui a servi à la flottille 13 d’Israël pour mener à bien la première véritable grande opération de son histoire: le naufrage du navire égyptien Emir Farouk. Pour former le groupe de saboteurs il y avait une vieille connaissance de la Décima: Fiorenzo Capriotti.

Cette prémisse historique nous permet de comprendre l'importance qu'a toujours eue la guerre menée par Israël à l’aide de ces moyens. Et elle nous relie directement à notre époque, avec l'escalade croissante qui  s’amorce entre l'État juif et l'Iran dans les eaux entourant le Moyen-Orient. Le golfe Persique, la mer d'Arabie, la mer Rouge et la Méditerranée orientale elle-même sont devenus ces dernières années de véritables théâtres de guerre de "basse intensité", où se déroule un conflit secret et d'une importance fondamentale impliquant les meilleurs services d'Israël et de la République islamique d'Iran.

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L'attaque rapportée hier par les médias israéliens - un missile aurait frappé un porte-conteneurs appartenant à une société de Haïfa alors qu'il naviguait de la Tanzanie vers l'Inde - n'est que le dernier épisode d'une longue série. Fin février déjà, le gouvernement israélien avait accusé l'Iran d'avoir frappé un autre navire, le Mv Helios Ray, l'obligeant à effectuer des réparations dans le port de Dubaï. Un épisode plutôt obscur, étant donné que les enquêtes se poursuivent et que Téhéran, évidemment, nie toute implication. Mais c'est un événement qui s'inscrit dans une dynamique de guerre qui n'est certainement pas nouvelle, ni pour Israël ni pour l'Iran. Tant en termes d'attaques de navires que de méthodes.

Ces dernières semaines, deux enquêtes, l'une du Wall Street Journal et l'autre du quotidien israélien Haaretz, ont établi que depuis au moins 2019, la marine israélienne a mené des attaques contre des cargos iraniens à destination de la Syrie. Selon l'enquête d'Amos Harel, il y aurait eu des dizaines d'attaques israéliennes contre les pétroliers et les cargos de Téhéran. "Les navires iraniens partent des ports du sud de l'Iran et traversent la mer Rouge, passant par le canal de Suez pour rejoindre la Méditerranée", explique-t-il à Haaretz, "leur port de destination est généralement Banias, dans le nord de la Syrie, qui est situé entre les deux plus grands ports de la côte syrienne, Tartous et Lattaquié". Beaucoup d’observateurs se sont demandés pourquoi ces attaques n'ont jamais été signalées par Damas, Téhéran ou les commandements israéliens eux-mêmes. La réponse pourrait être double. D'une part, Israël n'aurait jamais pu admettre de frapper des navires en Méditerranée, près de Suez et en mer Rouge, car cela aurait révélé un conflit dans une zone où des milliers de navires transitent chaque année. D'autre part, l'Iran et la Syrie ne pourraient pas avouer avoir contourné les sanctions en faisant circuler des navires chargés de pétrole, d'armes et d'autres produits de contrebande. Le seul aveu tacite, du moins du côté israélien, est représenté par l'augmentation exponentielle des honneurs et des médailles pour les hommes de la marine: en l'absence de campagnes évidentes, il est possible qu'il y ait eu des opérations secrètes derrière elles.

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Des opérations dans lesquelles, très probablement, est impliquée précisément la Flottille 13, le Shayetet. Comme l'écrit Gianluca Di Feo dans Repubblica, les commandos "n'auraient pas utilisé d'explosifs, se limitant à saboter les hélices, les gouvernails et autres équipements des pétroliers". Un choix qui génère ipso facto un conflit de basse intensité qui, pourtant, pourrait parfaitement s’inscrire dans les méthodes utilisées par l'élite israélienne. Et qui pourrait également remonter au même type d’escalade amorcée par l'Iran dans le golfe Persique au cours des années précédentes, lorsqu'une série d'enlèvements, de sabotages et de mystérieuses explosions avaient mis en péril le transit naval dans le détroit d'Ormuz. La différence, cependant, réside dans le secret. Cela est très probablement dû aussi au niveau technologique atteint par Israël qui, en ce qui concerne les opérations des forces spéciales, est certainement parmi les premières armées au monde à les mettre en oeuvre.

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Une source qualifiée a évoqué à InsideOver la possibilité que des véhicules pilotés à distance aient également été utilisés, sans qu'il soit nécessaire de saboter le navire en utilisant l'élément humain. Cela les différencierait des forces des Pasdarans, qui ont plutôt été repérées en train de placer des explosifs sur la ligne de flottaison d'une cible. Mais dans tous les cas, poursuit la source, il est important de prendre en considération le type de sabotage perpétré. Un drone, ou tout autre moyen, peut, le cas échéant, appliquer une charge explosive avec un système de fixation magnétique. Les cas de sabotage d’hélices et de gouvernails sont différents, car, au contraire, ils tendent à nécessiter l'action d’un être humain qui doit alors effectuer un travail complexe et, surtout, s’avérer capable de réagir aux facteurs inconnus de la mission. Évidemment, ce type d'attaque ne peut être réalisé qu'avec un navire stationnaire dans un port ou éloigné de la côte mais au mouillage. En revanche, pour les attaques à l’aide missiles, le navire peut aussi être en route. Le navire israélien Lori naviguait en mer d'Arabie, tandis que le Shahr e Kord naviguait au large des côtes israéliennes lorsqu'un incendie s'est déclaré dans les conteneurs.

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En tout cas, le conflit clandestin risque de se transformer de plus en plus en une dangereuse guerre froide impliquant l'une des régions les plus importantes du monde. L'administration de Joe Biden risque d'être entraînée dans un conflit de faible intensité qui rend néanmoins impossible la poursuite des négociations en vue de trouver un accord sur le programme nucléaire iranien et sur la question connexe des missiles de la République islamique. Les risques d'escalade affectent directement le commerce du pétrole, du gaz liquéfié et même de toutes les autres marchandises. Et ils se multiplient. On l'a vu avec Suez: il suffit de rien pour provoquer un effet domino très dangereux pour le monde entier. Et dans ce cas, ce ne sont pas seulement les compagnies marchandes qui seraient concernées, mais aussi les flottes militaires qui n'auraient besoin que d'une seule erreur pour déclencher un gigantesque incendie.

Dante, Duits, Tolkien: la vision de la Femme

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Dante, Duits, Tolkien: la vision de la Femme

par Rémi Mogenet

Ex: http://remimogenet.blog.24heures.ch/

Le voyage d'un homme au paradis et en enfer a souvent été regardé comme ayant pris son modèle dans l'antiquité grecque et latine, et que Dante, dans sa Divine Comédie, eût choisi pour guide Virgile, qui avait raconté la descente d'Énée aux enfers, semblait le confirmer. Mais il y a la référence officielle, qui s'accorde avec la bienséance, et il y a les influences plus souterraines, plus diffuses, et souvent plus importantes. Or, la visite systématique et, pour ainsi dire, scientifique de l'autre monde, sans autre but que de le découvrir, de le connaître et de l'explorer, ne correspond pas tant au récit de Virgile qu'à celui de Mahomet se rendant au pays des défunts, bons ou mauvais.

Au treizième siècle, en Espagne, avait été traduit de l'arabe en latin un tel récit de voyage, précurseur à la fois de celui de Marco Polo et de celui de Dante. On le trouve en français sous le titre Le Livre de l'échelle de Mahomet. Le prophète, en effet, a utilisé une échelle, peut-être celle de Jacob, pour se rendre dans le royaume divin.

9782253056447-G.JPGJ'avoue adorer ce petit livre, amplification de quelques lignes du Coran. Mahomet y parcourt sans passion particulière un monde fabuleux, rempli d'anges, de démons, de figures incroyables. Dante l'a, consciemment ou non, repris, en le personnalisant davantage - en créant, entre le tableau théologique des trois royaumes d'après la mort et sa propre personne, un lien intime, dramatique, individualisé. C'est ce qui, en plus d'une somme théorique sur le monde spirituel, fait de son poème un chef-d'œuvre.

Mais cette domestication du monde divin n'a pas laissé d'agacer certains catholiques rigoureux, tel J.R.R. Tolkien. On pouvait reprocher à Dante d'être subjectif dans ses choix de damnés et de bénis, et d'évoquer un peu trop la politique italienne de son temps. Comme très souvent la critique intellectuelle, méprisant les tableaux du monde spirituel, s'intéresse au contraire surtout aux soucis personnels de Dante, Tolkien a rué dans les brancards en disant que c'était justement cet aspect qui le rendait défectueux. Il est également possible que la façon dont une femme mortelle était divinisée parce qu'elle avait plu au poète durant sa vie, ne l'ait pas vraiment convaincu. Dans ses lettres, il s'en prend à la tendance à diviniser les femmes terrestres, propres à l'amour courtois, gaulois et italiote. La littérature médiévale méridionale l'agaçait, et cela d'autant plus, sans doute, que les philosophes et poètes agnostiques la glorifiaient, la tirant vers un profane libéré des religions. On peut songer à la manière dont, dans Le Fou d'Elsa, Louis Aragon fait de l'Espagne islamique un paradis terrestre dans lequel on ne s'occupait que d'amour sans réellement croire à l'autre monde. Cet arabisme déplaisait souverainement à Tolkien. Or, il est possible que Dante en ait gardé quelque chose.

duits.jpgSi Tolkien avait lu Charles Duits, il ne l'eût sans doute pas aimé. Car l'auteur de La Seule Femme vraiment noire ne dit pas seulement que la beauté des femmes de chair reflète le Ciel, mais aussi que le désir charnel émane de l'amour cosmique - en est l'écho dans le corps humain. Cela peut donner une logique à l'amour courtois, qui faisait d'une femme de chair l'inspiratrice du bien, pour les chevaliers. En elle se reflétait la beauté de Dieu, et l'amour du Bien en venait spontanément!

Mais Tolkien pensait que le désir terrestre est corrompu par essence, et là où on le comprend, c'est que le bien qu'on désire peut n'émaner que du caprice et n'avoir aucune valeur objective. On confond son plaisir personnel avec l'altruisme en général, on assimile ses lubies au bien idéal.

Que la femme soit une dame indique même une tendance au fixisme social, puisque le bien apparaît comme étant ce qui convient à la noblesse. Or, pour le chrétien, c'est dans la solitude de son âme, et dans l'intimité avec le Christ, que le bien suprême peut être trouvé. Pour le catholique, même, c'est dans l'enseignement des prêtres, et les commentaires de la Bible. Les évêques se sont donc souvent opposés aux seigneurs. Tolkien n'aimait pas la poésie qui flattait les princes; il était mystique, en son genre.

Si le bien se révèle dans la relation intime avec le Christ, dira néanmoins Duits, cela passe par la Femme cosmique, la beauté répandue dans le Ciel, et que reflète la beauté de la femme. Sans doute Tolkien ne laisse pas de rappeler une telle idée, lorsqu'il déploie la figure de Galadriel. Mais celle-ci est peu sexualisée, et Boromir est condamné d'avoir eu des pensées érotiques en ce qui la concerne. Pour Tolkien, la beauté était détachée de la sensualité, et l'amour charnel ne menait pas loin. Pour Duits, à cet égard plus oriental, il en allait autrement, et son Isis est nue: on pouvait en pensée s'unir à elle.

51qYRTV5qaL.jpgCela dit, dans la légende de Beren et Luthien, Tolkien s'est assimilé à un mortel, et a assimilé son épouse à une immortelle. Cela ne laisse pas de rappeler Dante et Béatrice. Toutefois Tolkien est plus romanesque et pour le coup moins religieux.

Tout de même le couple fait des enfants, et Duits aurait pu se poser la question légitimement: qu'a de spécifique la relation charnelle avec une fée? Peut-on en faire un simple acte mécanique destiné à la procréation, comme a tendu à le faire le catholicisme après le stoïcisme? Tolkien fait de Luthien, c'est à dire sa propre épouse, la fille d'une divinité qui a pris un corps et d'un roi elfe, et donc une puissante magicienne dans la lignée de Circé, quoique pleine de sentiments nobles. L'union charnelle se doublait donc forcément d'une union mystique. Mais, pudique et traditionaliste, Tolkien s'est bien gardé d'en parler. Il tendait du reste à dire que cela avait pour inconvénient de ramener la fée à terre, comme pour Arwen, femme immortelle d'Aragorn qui est contrainte, pour l'épouser, de devenir mortelle. Mais l'homme, lui, ne s'en trouvait pas grandi? Tolkien n'osait sans doute pas le formuler, même en pensée, bien que cela soit tout l'enjeu de Beren and Luthien.

Un auteur peut-être peut unir Dante, Duits et Tolkien: c'est Boèce, très aimé du premier et du troisième. La Philosophie, chez ce philosophe chrétien et platonicien à la fois, prenait les traits d'une dame radieuse et splendide, comme l'Isis parlante de Duits, et on pourrait faire d'elle l'origine du culte de la dame dans l'amour courtois.

De la philosophie comme allégorie, à la vénération des belles femmes comme foyers de sagesse, il n'y avait qu'un retournement à faire, une descente d'un degré dans le monde physique, que Tolkien déplorait, et que peut-être Dante et Cavalcanti ont effectuée, sous l'influence de la poésie galante en langue d'oc. Duits opposait comme Tolkien, cependant, la Femme comme manifestation de la divinité, et qui apparaît spirituellement, et l'esprit des jolies femmes tel qu'il s'incarne ordinairement, et dont il admettait qu'il pouvait être dénué de sagesse et de noblesse.

La beauté reflète le vrai, mais dans l'âme de celui qui l'admire. Les pensées des personnes, quant à elles, émanent souvent de l'environnement ordinaire. L'écart entre les deux est un problème pour l'homme, un souci constant, une forme de déception, une source d'amertume. Dante ne résolvait l'énigme de cette opposition entre l'essence et l'existence (pour ainsi dire) qu'au paradis.

00:34 Publié dans Traditions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : dante, tolkien, charles duits, femme, féminité | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Les États-Unis et leurs partenaires des Five Eyes, utilisent la « persuasion », le sabotage et la désinformation pour obtenir la suprématie en matière de vaccins

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Les États-Unis et leurs partenaires des Five Eyes, utilisent la « persuasion », le sabotage et la désinformation pour obtenir la suprématie en matière de vaccins


Par Moon of Alabama

Ex: https://lesakerfrancophone.fr/

Les États-Unis et certains de leurs alliés s’efforcent de dénigrer le vaccin russe Sputnik V et de promouvoir les vaccins à ARNm, plus coûteux et produits par des sociétés « occidentales ».

En novembre dernier, nous avions prévenu que la concurrence entre les vaccins serait impitoyable :

Les vaccins à ARNm vantés par les médias américains sont tout simplement 
trop chers pour être utilisés dans le monde entier. Si nous voulons limiter
les effets mondiaux de la pandémie de SRAS-CoV-2, nous devrons utiliser les
vaccins à vecteur, moins chers. Le fait que le vaccin AstraZeneka ait été immédiatement attaqué dans les
médias américains par un auteur non qualifié citant une banque d'investissement
et Antony Fauci, le promoteur des industries pharmaceutiques américain (Remdesivir !),
est assez suspect. Pfizer et Moderna espèrent gagner des milliards de dollars
avec leurs vaccins. Ils utiliseront tous les moyens possibles pour vaincre
toute concurrence potentielle.

Vladimir Poutine, le président de la Russie, a récemment fait remarquer que des pratiques de concurrence déloyale sont utilisées pour empêcher certains vaccins de parvenir aux nations qui en ont un besoin urgent :

Les producteurs se disputent le marché mondial des vaccins, qui représente 
un marché de 100 milliards de dollars, a déclaré jeudi le président russe
Vladimir Poutine. Certains producteurs se livrent une concurrence déloyale, vendent un petit
lot de vaccins à un prix inférieur à condition d'être le fournisseur exclusif,
a déclaré M. Poutine, qui s'exprimait lors d'une réunion vidéo sur les mesures
visant à stimuler l'activité d'investissement à Moscou. "Nous voyons comment les concurrents se comportent sur le marché mondial des
vaccins, qui est évalué à 100 milliards de dollars. Ils viennent, vendent
un petit lot de leur vaccin à un prix réduit, à la condition que tout le
reste ne soit acheté qu'auprès de ce producteur"
, a-t-il déclaré.

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Sans que cela n’étonne personne, le gouvernement américain est directement impliqué dans ces manipulations. Comme l’a constaté Brazil Wire :

Le département américain de la santé et des services sociaux a récemment publié 
son rapport annuel pour 2020. "2020 a été l'une des années les plus difficiles de l'histoire de notre pays
et de l'histoire du département de la santé et des services sociaux"
, a déclaré

l'ancien secrétaire américain à la santé et aux services sociaux, Alex Azar,
en présentant le rapport. "La fin de la pandémie est en vue", poursuit-il, "avec la livraison de vaccins
sûrs et efficaces grâce à l'opération Warp Speed"
. En page 48, le rapport révèle la manière choquante dont les Etats-Unis ont
fait pression sur le Brésil pour qu'il rejette le vaccin russe Sputnik V.

Le rapport annuel du HHS est ici. À la page 5, il est écrit :

Développer une stratégie pour soutenir l'accès mondial aux vaccins : L'Office 
of Global Affairs (OGA) de HHS a dirigé le développement d'une stratégie
inter-agences, coordonnée par le Conseil de sécurité nationale, pour fournir
un accès international aux vaccins COVID-19 une fois les besoins nationaux satisfaits.

« Une fois les besoins nationaux satisfaits » n’est certainement pas une stratégie altruiste ni même une stratégie de priorisation raisonnable dont on peut être fier. Un effort raisonnable pour sauver des vies et mettre fin à la pandémie donnerait la priorité aux groupes à risque dans tous les pays de la planète avant d’inoculer des personnes chez elles qui présentent peu de risques de complications graves liées au Covid-19.

À la page 47, le rapport du HHS indique que les États-Unis coordonnent avec leurs partenaires en espionnage des Five Eyes la diffusion de messages sur les vaccins :

Combattre l'hésitation à l'égard des vaccins au niveau mondial : L'OGA dirige un groupe 
venant des pays dit des Five Eyes (Royaume-Uni, Canada, Australie, Nouvelle-Zélande
et États-Unis) sur la confiance dans les vaccins, en alignant les efforts de nos
nations et en partageant les meilleures pratiques pour améliorer les messages de
confiance dans les vaccins au niveau mondial.

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Une page plus loin, nous apprenons ce qu’implique une telle communication :

Combattre [sic !] les influences malveillantes dans les Amériques : L'OGA a utilisé 
les relations diplomatiques dans la région des Amériques pour ralentir les efforts
de certains États, notamment Cuba, le Venezuela et la Russie, qui s'efforcent
d'accroître leur influence dans la région au détriment de la sûreté et de la
sécurité des États-Unis. L'OGA s’est coordonné avec d'autres agences du
gouvernement américain pour renforcer ses liens diplomatiques et offrir
une assistance technique et humanitaire afin de dissuader les pays de la
région d'accepter l'aide de ces États mal intentionnés. Les exemples incluent
l'utilisation du bureau de l'attaché sanitaire de l'OGA pour persuader le Brésil
de rejeter le vaccin russe COVID-19, et l'offre d'une assistance technique du
CDC pour éviter que le Panama accepte une offre faite par les médecins cubains
.

« Persuader le Brésil de rejeter le vaccin russe COVID-19 » est, pour faire simple, un comportement criminel qui a des conséquences quasi génocidaires. Le Brésil est actuellement submergé par une variante plus infectieuse du virus SRAS-CoV-2 et ses institutions médicales sont au bord de la rupture :

"On a l'impression de mettre un pansement sur une blessure par balle", a déclaré 
Eduarda Santa Rosa Barata, une infectiologue de 31 ans qui travaille dans trois
unités de soins intensifs dans la capitale du nord-est de l'État de Pernambuco,
qui sont toutes débordées. "Nous sommes engagés dans la réduction des dommages...
On installe de nouveaux lits et ils se remplissent immédiatement".
 

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Quelques jours plus tôt, Barata avait admis un homme de 37 ans qui ne présentait 
aucune pathologie sous-jacente mais dont les poumons étaient si endommagés qu'il
devait être intubé. "Cela semble tellement aléatoire", dit-elle. "C'est une
maladie bizarre. C'est effrayant."
... "Avant la fin 2020, vous aviez une famille dont un membre serait infecté
mais pas les trois ou quatre autres membres, même s'ils vivaient dans le
même environnement. On ne voit plus cela aujourd'hui. S'il y a un cas confirmé,
tout le monde finit par être infecté par le virus"
, a-t-il déclaré. "Il est
évident que cette nouvelle variante circule désormais parmi nous"
.

Le Panama qui, sous la pression des États-Unis, a rejeté l’offre d’aide médicale de Cuba, a l’un des taux de mortalité les plus élevés de Covid-19. C’est une des raisons pour lesquelles son économie a diminué de 18%.

Le rapport du HHS parle également de la Bolivie :

Ouvrir la Bolivie à la diplomatie de la santé : Après des décennies de silence 
entre les États-Unis et la Bolivie, l'OGA a rétabli des relations diplomatiques
en matière de santé avec le ministère de la Santé de Bolivie à la suite des
élections nationales. Ce réengagement permet aux États-Unis de renforcer leurs liens dans la région, ce qui est important pour leur influence dans les forums régionaux et multilatéraux, notamment l'Organisation panaméricaine de la santé.

Ce qui s’est passé « à la suite d’élections nationales » en Bolivie fut un coup d’État fasciste qui a engendré répression et tyrannie. Les États-Unis ont utilisé leur coopération avec les putschistes pour influencer d’autres organisations.

Pendant ce temps, les États-Unis affirment également, à tort, que la Russie diffuse de la désinformation sur les vaccins, suite à un article du Wall Street Journal écrit par des fonctionnaires américains dans lequel ils affirment, sans preuve, que la Russie sème la peur au sujet des vaccins à ARNm :

Dimanche, le Wall Street Journal rapportait que quatre publications, toutes 
servant de façade aux services de renseignement russes, ont pris pour cible
les vaccins COVID-19 produits par les pays occidentaux, avec une couverture
trompeuse qui exagère le risque d'effets secondaires et soulève des questions
quant à leur efficacité. Le département d'État a confirmé ce rapport lundi, en indiquant que les
responsables américains avaient identifié quatre plateformes en ligne russes
qui diffusaient des informations erronées sur les vaccins COVID-19.

Cependant, le paragraphe 21 de l’article original du WSJ, co-écrit par Michael Gordon, propagandiste des ADM en Irak, reconnait que :

Dans chaque cas, les médias russes répétaient des informations réelles…

Les « médias russes » n’ont fait que répéter les informations que les agences de presse « occidentales » diffusaient. Il est cependant agréable de voir que l’on reconnaît qu’il s’agit souvent de désinformation.

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Certains signes indiquent que les États-Unis se coordonnent avec leurs partenaires en espionnage pour dénigrer le très efficace vaccin Sputnik V. Le Royal United Services Institute (RUSI) britannique a récemment publié un commentaire qui met en garde contre le gain de puissance de la Russie grâce à la diplomatie du vaccin, notamment en Amérique du Sud :

L’intrusion rapide de Sputnik V sur de nouveaux marchés en Amérique latine pourrait 
en effet avoir des implications à plus long terme dans une région qui a
traditionnellement été l'arrière-cour des États-Unis. L'Argentine a reçu
avec gratitude plus d'un demi-million de doses en janvier. Elle a en quelque
sorte servi d'ambassade pour Sputnik V ; selon les informations disponibles,
les délégations argentines qui se sont rendues à Moscou fin 2020 ont traduit
des quantités de détails en espagnol et les ont communiqués à la Bolivie,
au Pérou, au Mexique, à l'Uruguay et au Chili pour accélérer leur prise de
décision. Le premier lot pour la Bolivie est arrivé à la fin du mois de janvier.
À la mi-février, le Mexique a reçu ses 200 000 premières doses. À la mi-mars,
le Brésil et le Pérou semblaient sur le point de conclure leurs accords respectifs.

S’ensuivent des réflexions sur les cibles potentielles de sabotage :

Plusieurs facteurs pourraient faire en sorte que le rebond actuel de Sputnik V 
soit de courte durée. L'incapacité à fournir des approvisionnements rapides
est un facteur immédiat. La Russie a reconnu sa pénurie de production, ce qui
soulève des doutes quant à sa capacité à honorer ses engagements en matière de
vaccins. Elle est tributaire du respect des bonnes pratiques de fabrication
par des usines comme celles du Brésil, de l'Inde et de la Corée du Sud, ainsi
que de la réalisation rapide et à grande échelle de la promesse de Moscou de
fournir rapidement des centaines de millions de flacons de qualité.

L’article se termine par un appel à l’action de mauvais augure :

La science biomédicale de Spoutnik V pourrait bien être véritablement la bienvenue 
dans le monde entier, une fois que toutes les données seront disponibles et auront
fait l'objet d'un examen approprié. Mais les ramifications politiques correspondantes
d'une influence russe plus profonde et plus large dans le monde pourraient ne pas
être aussi bénéfiques. Le Royaume-Uni et les États-Unis ne doivent pas être aveugles
face à l'ampleur de la diplomatie vaccinale russe déjà en cours.

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Les efforts déployés par les États-Unis pour empêcher la distribution du vaccin russe ont échoué en Argentine, où le président Alberto Fernández a mené une action précoce et fructueuse pour introduire le vaccin russe :

Face au scepticisme du public, Buenos Aires a envoyé des missions à Moscou en 
octobre et décembre 2020 pour examiner les données de l'essai de la phase 3
du vaccin. Un collaborateur du président argentin a déclaré que la délégation avait traduit
en espagnol des centaines de pages d'informations sur le vaccin - nécessaires à
l'approbation - qu'elle a ensuite partagées avec d'autres gouvernements de la
région, notamment la Bolivie, le Pérou, le Mexique, l'Uruguay et le Chili. C'est ainsi qu'un jour avant la publication des résultats de la phase 3, des
camions de vaccins Sputnik V circulaient déjà dans les campagnes boliviennes.
La photo d'une livraison dans un camion frigorifié drapé d'un drapeau bolivien -
une solution créative (et approuvée par le ministère de la santé) pour répondre
aux exigences en matière de stockage au froid - est devenue virale. L'Argentine
a commencé à vacciner avec Sputnik en décembre dernier, tandis que le Mexique
a annoncé l'achat de 24 millions de doses de Sputnik le 25 janvier.

Les efforts des États-Unis pour dissuader les pays d’acquérir Sputnik V n’ont pas été pleinement couronnés de succès. Cela nécessite à nouveau de lancer une campagne de propagande pour dénigrer Sputnik V partout où il est distribué :

Maxim A. Suchkov @m_suchkov - 15:35 UTC – 13 Mars 2021

1. #Poutine : "Le marché mondial des vaccins #COVID19 vaut 100 milliards de 
dollars. Nous voyons comment les concurrents de nos producteurs se comportent :
ils entrent dans un pays [qui a besoin de vaccins], vendent un petit lot de vaccins
à un prix réduit, mais conditionnent la vente à ce que...
2. " ...le pays n'achètera ce vaccin qu'auprès de ce producteur à l'avenir ".

Il y a donc bien une véritable lutte pour les marchés. 3. 100 milliards de dollars, c'est un gros marché. #La Russie réalise plus de
15 milliards de dollars sur les ventes d'armes (des statistiques non officielles
font état de 55 milliards de dollars), environ 25 milliards de dollars sur les
ventes de produits agricoles, environ le même montant sur les ventes de gaz
(mais cela dépend de l'approvisionnement), le pétrole et les produits pétroliers
représentent un peu plus de 100 milliards de dollars. 4. Tout d'un coup, il y a ce marché énorme et il y a une lutte acharnée pour
le conquérir. @dimsmirnov175 cite une "source anonyme au #Kremlin" qui a déclaré
que les services de renseignement russes sont conscients que leurs homologues
étrangers cherchent à lancer une guerre d'information massive contre
la #Russie/ses vaccins. 5.La source aurait déclaré que de nombreux rapports seront bientôt publiés

sur l'inefficacité des vaccins #Russes et qu'ils seraient même dangereux
pour la santé. Des "cas mis en scène de pertes massives de vies humaines
après l'utilisation de Sputnik V seront propagés via @USAID, @georgesoros
@thomsonreuters"
. 6. Le public cible de cette campagne sera celui des pays européens qui

ont enregistré #SputnikV pour leur utilisation d'urgence - #Hongrie, #Slovaquie,
#Monténégro, #SanMarino et N.#Macédoine. 7. Parallèlement, les États-Unis et leurs alliés, selon la "source du
Kremlin", publieraient des "enquêtes" sur "l'incompétence des spécialistes
russes et nationaux de la vaccination et de l'immunologie afin d'empêcher
leur certification par l'OMS et d'autres organismes compétents, ce qui
ferait baisser la demande de vaccins russes dans d'autres pays"
. 8. "La source #Kremlin" ajoute que les #US "promeuvent agressivement
@pfizer, s'assurent que les États-Unis soient dispensés non seulement du
paiement d’une potentielle compensation pour les citoyens en cas de
procès pour effets secondaires, mais aussi de la responsabilité en cas de
négligence de la part du fabricant"
9. #SputnikV est désormais le deuxième produit le plus demandé au monde,

plus de 50 pays ayant autorisé son utilisation. La lutte pour les marchés
en #Europe, #Amérique latine, #Afrique et #Asie s'intensifiera encore
lorsque nous apprendrons [très probablement] que la vaccination n'est
pas une opération ponctuelle mais une routine saisonnière/FIN PS. Ce tableau est révélateur des astuces que l'on peut utiliser : #La
chaîne russe #SputnikV a franchi toutes les étapes, mais les concepteurs
du graphique (1) l'ont placé en bas, (2) n'ont pas utilisé le nom de son
produit, (3) l'ont marqué d'un astérisque (*), mettant en doute son efficacité,
comme si ABC avait "vérifié les autres de manière indépendante".

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Source : ABCnewsAgrandir

Les graphiques ci-dessus ne sont qu’un exemple des manipulations médiatiques à l’appui de la « diplomatie » occidentale en matière de vaccins. Il ne s’agit pas seulement d’arrogance :

La réaction de l'Occident n'a pas été exactement objective en août 2020 lorsque 
la Russie a présenté le premier vaccin anti-corona au monde. Des mots comme
"merde vaccinale de Moscou", "méchante propagande pour le vaccin", et des
accusations de "manipulations maladroites" d'une "expérience à haut risque
sur les humains"
. La méfiance, la malveillance et la suspicion furent faciles.

Un journal a plaisanté en disant que Spoutnik V était efficace non seulement
contre le virus, mais aussi contre "l'homosexualité ainsi que l'épilepsie et
l'urticaire"
.

Les Five Eyes, leurs agences de renseignement et leurs amis, tirent sur toutes les ficelles possibles pour gagner les marchés pour leurs vaccins. Le report continu de l’autorisation officielle de l’UE à Sputnik V fait évidemment partie de ce plan de sabotage.

Le fait que ces efforts éloignent les gens d’autres bons vaccins disponibles et que cela coûtera inévitablement la vie à un certain nombre d’entre eux est considéré comme un prix raisonnable pour obtenir la suprématie dans le domaine des vaccins.

Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par Hervé pour le Saker Francophone

00:12 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, five eyes, états-unis, pandémie, coronavirus, vaccins | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

vendredi, 26 mars 2021

Géopolitique et Empire britannique: l'impérialisme libéral de Halford Mackinder

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Géopolitique et Empire britannique: l'impérialisme libéral de Halford J. Mackinder

Ben Richardson

Source : https://katehon.com/en/

Les racines de la discipline que sont devenues les études sur les relations internationales font aujourd’hui l'objet d'une enquête ‘’postcoloniale’’. Une figure intellectuelle qui nécessite un tel examen est Halford John Mackinder, un des pères fondateurs de la géopolitique. Les idées de Mackinder, qui ont maintenant plus d'un siècle, conservent une réelle influence de nos jours. C'est notamment son bref essai de 1904 intitulé The Geographical Pivot of History, qui traite de l'importance stratégique de l'Eurasie, qui a été cité avec insistance par les faucons défendant l'invasion de l'Afghanistan et de l'Irak par les États-Unis. Comme eux, Mackinder avait aussi des ambitions impériales. L'œuvre de sa vie a été consacrée au renouveau de l'Empire britannique, dont il craignait qu'il ne soit dépassé par les puissances continentales rivales. Fidèle à sa foi dans la praxis de la connaissance géographique et dans la maîtrise des territoires par les États, Mackinder a également cherché à faire carrière en politique. Les premiers signes de cette transition apparaissent en 1900, lorsqu'il se présente aux élections générales, c’est en soutien à une faction largement oubliée du parti libéral, celle qui s’autoproclamait ‘’impérialiste libérale’’. L'histoire de ses mésaventures électorales permet d'éclairer le contexte idéologique dans lequel la géopolitique a émergé et les buts qu'elle a poursuivis.

Mackinder a commencé le nouveau siècle comme un homme en pleine ascension. Le 22 janvier 1900, il arrive triomphalement à la Royal Geographical Society pour donner une conférence sur son ascension du mont Kenya. Il fut non seulement le premier Européen à atteindre le sommet de cette montagne africaine, mais aussi le premier à présenter ses résultats à la Société en utilisant la photographie couleur. En combinant le prestige national et l'avancement scientifique, l'expédition a étoffé la réputation de Mackinder en tant que pionnier de la géographie. À ce moment-là, il était surtout connu pour ses contributions scientifiques en tant que directeur du Reading College et que lecteur à l'Oxford School of Geography, deux établissements récemment créés grâce à ses efforts. Au printemps de l’année 1900, il parcourut le pays pour donner des conférences sur le mont Kenya et le 3 octobre - jour du scrutin des élections générales - il devait s'adresser aux nouveaux étudiants à l'hôtel de ville de Reading et recevoir les demandes de bourses pour Oxford. Mais à deux semaines de l'échéance, il met ces projets de côté et décide de se présenter lui-même aux élections dans la circonscription de Warwick et Leamington, dans les Midlands.

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Cette décision soudaine est curieuse. Mackinder n'avait aucun sponsor politique à cette époque et aucun lien avec la circonscription où il se présentait, si ce n'est qu’il avait donné quelques cours complémentaires du programme de l'université à l'hôtel de ville de Leamington, une décennie auparavant. Il est possible qu'il ait été recommandé à l'association libérale locale par J. Saxon Mills, un ancien maître du Leamington College et devint ainsi le premier choix de ce caucus politique comme candidat. Mills aurait connu Mackinder par le biais du mouvement pour l’extension de l'université et aurait eu des opinions similaires aux siennes sur les questions relatives à l’Empire. Mais pourquoi entrer dans la course électorale si tard dans la campagne? Peut-être Mackinder cherchait-il à se distraire. Alors qu'il recevait l'adulation du public pour ses exploits en Afrique de l'Est, dans sa vie privée, il traversait une séparation douloureuse avec sa femme. Tout ce que nous savons avec certitude, c'est que le jour où il reçut l'offre de l'association libérale de Leamington, il a immédiatement télégraphié en retour et est parti les rencontrer le soir même.

L'élection générale de 1900 fut une élection ‘’kaki’’, ainsi nommée parce qu'elle fut dominée par des questions militaires relatives à l'annexion britannique des États indépendants des Boers. Mackinder est sans équivoque sur cette question. Il soutient la guerre des Boers et pense que tout sentiment pacifiste ou anti-impérial doit être mis de côté afin que la Grande-Bretagne puisse demeurer dans le monde ‘’une force pour la liberté’’. Désireux de faire comprendre sa position à l'Association libérale, Mackinder lui dit : « Si nous tenons à nos libertés britanniques, nous devons être prêts à défendre ces libertés lorsque l'occasion se présente, non seulement contre de petites puissances, mais contre de grandes puissances mondiales, presque aussi grandes que nous. Par conséquent... il est impossible à notre époque, quels que soient nos souhaits, de rester des ‘’petits Anglais’’ ». Mackinder était donc un impérialiste libéral, mais ne croyait pas pour autant que toutes les guerres étaient bonnes, car la guerre est toujours un désastre - (‘’écoutez, écoutez’’) – mais, ajoutait-il, ‘’il ne serait pas partie prenante pour omettre quoi que ce soit qui rendrait moins facile pour eux d'apprécier leurs libertés britanniques ou de conserver le pouvoir d'étendre ces libertés’’.

C'est un message qu'il répète tout au long de sa campagne, insistant sur la nécessité pour la Grande-Bretagne de se protéger contre les puissances en développement rapide qu’étaient à l’époque l'Allemagne et les États-Unis ; cette protection devrait s’articuler, pendait-il, par la mise en place d’une fédération impériale avec l'Australie (blanche), le Canada et l'Afrique du Sud: "une ligue de démocraties, défendue par une marine unie et une armée efficace". Sa position optimiste et son éloquence renommée inquiètent manifestement l'opposition, à tel point que le gros bonnet unioniste Joseph Chamberlain se rend à Warwick et Leamington à la veille des élections pour parler en faveur du candidat sortant. Après des remarques introductives dans lesquelles Mackinder était qualifié de "bâtard" en raison de son appartenance politique indéfinissable, Chamberlain ridiculisa ensuite son allégeance mal placée, déclarant : ‘’la seule faute que je trouve à M. Mackinder, c'est qu'il n'est pas membre de notre parti... J'espère qu'après cette élection, il jugera bon de rejoindre les Liberal Unionists’’.

En fait, les arguments de Mackinder en faveur de l'impérialisme libéral n'ont pas convaincu l'électorat. Bien qu'il ait manqué toute l'élection parce qu’il s’occupait d’affaires gouvernementales en Afrique du Sud, son adversaire Alfred Lyttelton a consolidé sa majorité et a gagné avec 59 % des voix. De manière quelque peu vaniteuse, Mackinder attribue cette défaite à la mauvaise organisation de l'association libérale locale, en leur rappelant que "les élections ne sont pas gagnées par des réunions publiques": « Les élections ne se sont pas jouées dans les réunions publiques, aussi enthousiastes aient-elles été, sinon nous les aurions gagnées ». Malgré cette défaite et ces reproches, l'association l’a dûment remercié et l'a acclamé avec le célèbre refrain de He's a jolly good fellow.

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Sir Alfred Lyttelton.

Mais Mackinder n'en avait pas encore fini avec la politique politicienne. Trois ans plus tard, une élection partielle fut convoquée, car Lyttelton avait été promu au poste de secrétaire aux Colonies et  un candidat devait se représenter dans sa circonscription. Cette promotion de Lyttelton fait suite à la démission de Joseph Chamberlain, qui dut quitter le cabinet suite à une controverse ; il se mit alors à faire campagne en faveur d'une réforme tarifaire. Mackinder est en plein accord avec le désir de Chamberlain de faire de l'Empire britannique un bloc commercial protégé. Il rejoint la Tariff Reform League et, répondant à l'espoir de Chamberlain, passe effectivement dans le camp des Unionistes. Il propose même de se rendre à Leamington pour parler en faveur de son ancien adversaire, ce qui est, selon ses propres termes, "le seul comportement viril que je puisse adopter". La réaction du Liberal Club de la ville a été de décrocher la photo de Mackinder du mur, de la lacérer et de brûler ce qui en restait. On a conseillé à Mackinder de ne pas se rendre dans la ville.

Au moins, Lyttelton a apprécié l'offre. L'année suivante, en tant que secrétaire aux Colonies, il a présidé à la conférence de Mackinder sur l'Empire britannique, soutenue par de nombreuses illustrations. La teneur de cette conférence  -et les illustrations qui l’accompagnaient-  devaient être utilisées dans les écoles pour édifier des émules patriotiques, prêtes à servir l’Empire. Le projet se concrétisera dans les manuels préparés pour le Visual Instruction Committee du Colonial Office, que Lyttelton encourage les gouverneurs coloniaux à adopter. La relation entre les deux hommes se cimenta lors des élections générales de 1906, lorsque Mackinder proposa à nouveau de parler pour Lyttelton, ainsi que pour Arthur Steel-Maitland, un autre réformateur du tarif douanier, qui faisait campagne dans la circonscription voisine de Rugby. Cette fois-ci, l'offre fut acceptée, mais une fois encore, elle tourna mal. Comme le rapporta le London Daily News, lorsque Mackinder se lèva pour prendre la parole lors d'une réunion publique dans une école de Leamington: ‘’ce fut le signal d'une scène de tumulte assourdissant, au-dessus duquel s'élevaient des cris de Mongrel. Il est resté debout pendant cinq minutes en souriant d'un air quelque peu sardonique, puis, demandant un tableau noir, il a écrit à la craie Be fair, as Englishman. De nouveau, prenant place sur l'estrade, M. Mackinder attend patiemment l'occasion, qui ne se présentera jamais, de s'adresser aux électeurs’’.

Sans se décourager, les deux hommes poursuivent leur programme commun et le lendemain, Mackinder prononça un long discours en faveur de la position unioniste sur la réforme tarifaire, qu'il décrivit comme "une question de vie ou de mort pour le pays". Il s'efforça en particulier de discréditer l'affirmation du Parti libéral selon laquelle les tarifs protectionnistes entraîneraient une hausse des prix des denrées alimentaires, ce que Mackinder pensait pouvoir éviter en exploitant "les vastes champs du Canada" comme fournisseur garanti de céréales bon marché. Les électeurs ne sont toujours pas d'accord et Lyttelton perd son siège lors du raz-de-marée libéral qui balaie l'alliance des conservateurs et des unionistes.

Mackinder entre finalement au Parlement en 1910 en tant que député conservateur et unioniste pour la circonscription de Camlachie à Glasgow, mais au début des années 1920, il abandonne complètement la politique partisane pour un rôle technocratique à la présidence de l'Imperial Shipping Committee. Il s'était méfié de la menace que représentait la démocratie représentative pour les experts et l'ordre social ; une réponse directe à ce qu'il considérait comme l'endoctrinement socialiste des travailleurs par le parti travailliste, mais peut-être aussi une amertume persistante à l'égard de ses premières expériences, qui avaient meurtri son ego à Warwick et Leamington. Il avait également le sentiment qu'au Parlement, il n'avait rendu justice ni à son talent ni à sa cause, n'ayant jamais été introduit dans le cercle restreint du gouvernement. À la fin de sa vie, il regrettera de "ne pas s'en être tenu à la géographie seule". Peut-être les choses se seraient-elles passées différemment s'il ne s'était pas précipité dans la politique, surtout pour un parti auquel il allait plus tard tourner le dos. Mais bon, qui a entendu parler d'un impérialiste prudent ?

La 6G, bataille technologique sino-américaine décisive pour la suprématie mondiale

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La 6G, bataille technologique sino-américaine décisive pour la suprématie mondiale

par Catherine Delahaye

Ex: https://www.ege.fr

La technologie 5G, dont les spécifications ont été publiées en juin 2020 par l’organisation internationale de normalisation 3GPP (3rd Generation Partnership Project)[1], et la future 6G, qui devrait être effective dans une petite dizaine d’années,[2] sont primordiales pour contrôler les communications tant civiles que militaires, récolter et exploiter une quantité de données toujours plus croissante ; elles sont également stratégiques dans la conquête de l’espace. Et selon une étude sud-coréenne, le marché économique de la 5G+ (la 5G et les futures générations de technologies mobiles) représentera mille milliards USD d’ici 2026.

La notion de route de la soie digitale a été présentée pour la première fois dans un livre blanc chinois en 2015. Partie intégrante de la Belt and Road Initiative (BRI), la technologie de télécommunication mobile n’est cependant pas représentée par une simple ligne tracée sur une carte du monde à l’instar des routes de la soie terrestres et maritimes. C’est surtout, aux yeux du gouvernement chinois, la promesse d’un véritable maillage d’un territoire sans frontières.

Aux Etats-Unis, la technologie est vue à la fois comme l’instrument de puissance par excellence, comme l’indice du niveau de puissance et comme la variable d’ajustement stratégique. De là naîtront des inventions déterminantes pour la géopolitique américaine : l’Arpanet (Internet), le GPS et les drones. Lancée durant le mandat de Donald Trump, la Diplomatie de la technologie et de la science décrit la vision politique américaine appliquée aux nouvelles technologies : faire progresser la liberté par la technologie ainsi que mettre la science et la technologie au premier plan dans la politique étrangère afin d’assurer la sécurité et la prospérité des États-Unis. Parmi les actions de cette diplomatie, figure le 5G Clean Networks : visant à créer un réseau 5G sécurisé et fiable et à protéger les frontières numériques, il s’impose désormais au monde puisqu’en octobre 2020, il fut adopté par 40 pays et 50 opérateurs de télécommunications, dont 25 des 30 alliés de l’OTAN.

La rivalité Chine / États-Unis a évolué depuis 2018[3] et ne s’est jamais autant exprimée ouvertement que ces dernières années. Cependant, les enjeux de télécommunications étaient sur la table dès le départ. Au travers de ce leadership technologique dont les télécommunications mobiles grand public ne sont qu’une des faces visibles, la Chine vise la suprématie mondiale en évinçant les États-Unis et, par-là, les valeurs qu’ils portent en matières politique, économique et sociétale.

La Chine aux commandes des normes mondiales

Dans le secteur des télécommunications co-existent plusieurs organismes internationaux de normalisation tels que le 3GPP, l’ITU (Union Internationale des télécommunications, membre onusien influent auprès du 3GPP) et l’ISO (Organisation Internationale de Normalisation).

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Il existe également des instances de normalisation régionales ou nationales ; ainsi par exemples, l’ANSI (Institut national de normalisation américain), la NTIA (Administration nationale des télécommunications et information) et la FCC (Commission fédérale des communications) aux États-Unis, la SAC (Administration de normalisation chinoise) et la CCSA (Agence chinoise de normalisation des télécommunications) en Chine. Il est intéressant de remarquer une brique américaine au sein de cette agence : Qualcomm, via sa filiale chinoise, en est l’un des membres. Ces organismes n’ont généralement que peu de liberté face aux standards internationaux : uniquement dans le cadre des parties manquantes/des options offertes par la norme, à moins de ne pas adopter la norme au niveau national.

Les représentants du secteur (instances nationales, fabricants de puces, autres industriels et équipementiers télécoms, opérateurs…) se réunissent au sein de ces organismes internationaux pour étudier, négocier et établir les normes qui seront ensuite appliquées dans tous les pays. Ainsi, les membres du 3GPP se réunissent trois fois par an pour définir les aspects techniques (features) et les dénominations correspondantes à utiliser, chacun disposant d’un droit de vote égal. Selon des acteurs interrogés,[4] il y a toujours des débats soutenus lors des réunions de standardisation au sein de ces instances internationales.

Dans les faits, les normes sont principalement écrites et promues par les grands équipementiers. Chacun pousse ses propres solutions, le but étant d’avoir un leadership technologique et économique. En effet, les détenteurs de brevets dits « essentiels »[5], utilisés dans une norme peuvent prétendre à des royalties et ont un meilleur accès au marché car ils peuvent fabriquer les équipements nécessaires avant même que leurs concurrents commencent à y réfléchir.

A ce jour, la Chine maîtrise parfaitement les organismes internationaux du secteur. Ainsi, le haut fonctionnaire et ingénieur chinois, Houlin Zhao, a entamé son deuxième mandat de quatre ans le 1er janvier 2019 à la direction de l’ITU. L’IEC (Commission électrotechnique internationale) comprend 188 membres chinois répartis au sein des différents comités techniques, soit le plus grand nombre de représentants à égalité avec la France, l’Italie, l’Allemagne, la Suède et le Japon, les Etats-Unis avec 171 membres étant au 19è rang.

Cette coopération internationale n’existait pas à l’époque de la 2G et de la 3G, d’où les problèmes d’interopérabilité des systèmes. Par exemple, à l’époque de la 3G, un appareil américain ne fonctionnait pas à l’étranger en raison de normes différentes, et vice versa.

Si la 4G et la 5G sont devenus des standards mondiaux par l’entremise de ces instances internationales de normalisation, rien ne permet, à ce jour, d’affirmer qu’il en sera de même pour la 6G. Alors que les instances de normalisation n’ont encore fixé aucune feature de la 6G, les centres de recherche, les universités et les acteurs industriels de la 5G travaillent déjà depuis plusieurs années sur des technologies et des applications qui pourraient un jour relever de cette 6G, renversant ainsi les rôles entre instances de normalisation et acteurs industriels. C’est d’ailleurs l’un des risques pour la 6G.

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Les enjeux technologiques de la 6G

Pourtant, la 6G n’en est encore à ses débuts. Selon un livre blanc publié par l’Université finlandaise d’Oulu, elle doit surmonter plusieurs obstacles techniques en matière de recherche fondamentale, de conception du matériel et d’impact environnemental avant d’être commercialisée.

Ce que les scenarii de films de science-fiction ont imaginé il y a des années, la 6G le permettra. Parmi les améliorations de la 6G est envisagée une latence extrêmement faible, notamment nécessaire aux performances des marchés financiers, des véhicules autonomes, de l’intelligence artificielle, de la médecine et de la défense... Si la 5G réduit aujourd’hui la latence à 5 millisecondes, la 6G pourrait la réduire à moins d’une milliseconde. C’est le pari qu’a fait Cisco en décembre 2019, en rachetant Exablaze, spécialiste de la faible latence. Le débit sera bien plus élevé que celui de la 5G (de 10 à 8000 fois selon les premières estimations). Ainsi, les applications que la 6G semble pouvoir rendre réelles sont nombreuses :

  • Les machines équipées de caméras alimentées par la 6G seraient capables de traiter des données avec des résolutions, des angles et des vitesses inimaginables ; et ainsi connaître la position exacte d'un objet terrestre, maritime ou aérien et le contrôler à distance deviendrait un jeu d’enfant.
  • Des puissances de calcul démultipliées en exploitant au mieux les ressources de l’intelligence artificielle ; et ainsi gérer en temps réel la multitude de données et d'informations exponentielles, nécessaires à une prise de décision.
  • La réalité virtuelle augmentée permettrait d’afficher des hologrammes volumétriques à taille réelle, en interaction possible avec l’original physique : tout pourrait être reproduit numériquement et à taille réelle ; un moyen aussi d’explorer et de surveiller la réalité dans un monde virtuel, sans aucune contrainte temporelle ou spatiale.
  • Utilisée dans l’espace, elle unifierait les modes de transmission entre satellites et réseaux terrestres et aussi couvrirait les océans.

« À l'ère 6G, nous verrons des applications qui non seulement connecteront les humains aux machines, mais également les humains au monde numérique, assure Peter Vetter, responsable de la technologie au sein du centre R&D Bell Labs. Une connexion aussi sécurisée et privée peut être utilisée pour des soins de santé préventifs ou même pour créer un réseau 6G avec un sixième sens qui comprendrait intuitivement nos intentions, rendant nos interactions avec le monde physique plus efficaces et anticipant nos besoins, améliorant ainsi notre productivité. »

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Plusieurs visions techniques s’affrontent, par exemples celles de Huawei et Google. L’enjeu de l’une comme l’autre de ces solutions reste un accès facile aux données stockées grâce à la 6G, afin qu’elles puissent être transformées en intelligence (sécurité, machine learning, transports -la Chine a pour objectif une complète automatisation des autoroutes pour 2028).

Ainsi, Huawei a une vision très centralisée de la gestion des données : construire des smart data centers utilisant l’intelligence artificielle, solution la plus simple et la moins chère, car déjà existante pour la 5G. Wang Ruidan, directeur adjoint du Centre national des infrastructures scientifiques et technologiques, a déclaré lors d’un forum à Pékin dédié à la recherche scientifique numérisée que « le partage, l’analyse et la gestion des données sont essentiels pour l’innovation scientifique et technologique à l’ère du big data. »

La vision de Google est totalement à l’opposée. Grâce au Google Mistral+, un data center miniaturisé sur quelques centimètres carrés, l’intelligence est distribuée entre plusieurs milliards de machines interconnectées.

L’Europe : terrain de confrontation sino-américaine ?

La confrontation sino-américaine sur le territoire européen est déjà présente au travers des nouvelles associations interprofessionnelles et projets en rapport avec la 6G qui se sont développés dans les milieux universitaires, industriels et publics.

Ainsi, l’Université d’Oulo en Finlande a mis en place le 6G Flagship, écosystème de recherche et de création conjointe pour l’adoption de la 5G et l’innovation 6G, programme nommé par l’Académie de Finlande, une agence gouvernementale de financement de la recherche scientifique de haute qualité. Le budget total du programme de huit ans est de 251 M EUR. En septembre 2019, le 6G Flagship a publié le premier livre blanc 6G au monde intitulé Key Drivers and Research Challenges for 6G Ubiquitous Wireless Intelligence. Mehdi Bennis, professeur agrégé à l’Université d’Oulu, déclare que « la normalisation ne commencera pas avant 2028, et [que] nous sommes donc en train de préparer le terrain pour les besoins de cette génération ».

Le 6G Flagship organise un sommet annuel international depuis 2019. Le 2è sommet s’est tenu virtuellement en mars 2020 autour d’experts du monde entier, y compris la Chine et les États-Unis. Côté chinois, industriels et universitaires se sont relayés dans les présentations : ZTE, Huawei, l’Institut de recherche de China Mobile, l’Université des sciences et technologies de Hong Kong et l’Université de Tsinghua. Côté américain, ce sont essentiellement des universitaires qui sont intervenus : Cornell University, Northeastern University, Columbia University, Rice University ainsi que deux acteurs industriels : RF Communications Consulting & Eridan Communications et Intel.[6]

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Les opérateurs s’emparent de la 6G et leurs jeux d’influence se déploient également au sein des associations professionnelles existantes. Basée en Allemagne, notamment membre du 3GPP et de la GSMA[7], l’alliance NGMN (Next Generation Mobile Network) est une initiative fondée en 2006 par les principaux opérateurs de réseaux mobiles mondiaux. Elle revendique plus de 80 membres, acteurs de l’industrie et de la recherche en télécommunications mobiles. Environ un tiers sont des opérateurs mobiles, ce qui totalise plus de la moitié des abonnés mobiles au niveau mondial. Les autres membres sont des fournisseurs et fabricants représentant plus de 90 % du marché mondial du développement de réseaux mobiles, ainsi que des universités ou des instituts de recherche privés. Parmi eux, peuvent être cités de nombreux acteurs chinois et américains tels que : China Mobile, Huawei, ZTE, T-Mobile, Intel, Mavenir, Qualcomm et Johns Hopkins University.

En octobre 2020, l’alliance a lancé un nouveau projet, Vision and Drivers for 6G, élaboré pour insuffler une orientation dans les recherches et applications 6G auprès de toutes les parties prenantes. Il facilitera également les échanges d’informations entre les membres et les parties prenantes concernées.

Au niveau de l’Union européenne, le consortium Hexa-X, dédié à la 6G et opérationnel depuis janvier 2021, entre également dans le terrain de confrontation entre Etats-Unis et Chine. Le projet s’inscrit dans Horizon 2020, le programme-cadre de recherche et d'innovation de l'Union européenne (80 milliards EUR d'investissement sur sept ans). Nokia en est à la tête aux côtés d’Ericsson et d’une vingtaine de laboratoires de recherches et d'entreprises, tous acteurs européens du secteur. L’influence américaine s’infiltre cependant dans le projet : les Etats-Unis y sont représentés via le fabricant de puces Intel.

Sur le front américain : la course à l’armement a commencé

Les Etats-Unis restent à la traîne dans la 5G. S’ils sont présents dans les routeurs avec Cisco, les transmissions optiques avec Ciena, les puces avec Qualcomm et les smartphones avec Apple, ils ne disposent plus d’équipementiers mobiles. Les trois grands acteurs dans ce domaine, Nortel, Motorola et Lucent Technologies, ont tous disparu lors des transitions vers la 3G puis la 4G.

Ainsi, malgré la multitude d’acteurs industriels et numériques américains, les États-Unis sont conscients d’avoir perdu la bataille de la 5G. Ils essaient de limiter les pertes en utilisant l’extra-territorialité de leur droit et leur longue pratique de la communication d’influence auprès de leurs alliés historiques, plus particulièrement pour promouvoir la défense de la démocratie, en soutenant le club des « techno-démocraties » en zone Indo-Pacifique, Taïwan, Japon et Corée du sud, et contrer la montée en puissance de la Chine, jugée « techno-autoritaire ».

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En février 2019, Trump indiquait dans un tweet vouloir développer la 6G dès que possible.[8] Néanmoins, l’Administration américaine n’en a fait un élément essentiel de souveraineté et de sécurité nationale que récemment et n’avait jusqu’alors pas débloqué de budget pour soutenir les actions R&D des acteurs du secteur.

En septembre 2020, le cabinet de conseil BCG publiait une étude à l’attention des décideurs politiques américains afin de les encourager à se concentrer sur cinq facteurs clés critiques (le réseau, le spectre, l’innovation R&D, le climat et les talents humains). Ils souhaitaient aussi s’assurer que les États-Unis aient un avenir minimum dans l’industrie des télécommunications, ces mêmes cinq thématiques étant elles aussi étudiées par les Chinois. « J’ai l’impression que nous nous sommes enthousiasmés sur d’autres choses comme l’intelligence artificielle et les progrès logiciels comme le cloud, déclarait le professeur Tommaso Melodia, directeur de l’Institut des objets sans fil de l’Université Northeastern, en novembre 2020. Nous avons pris le sans-fil comme un acquis et nous nous rendons maintenant compte, avec la pandémie, que toute notre économie dépend de la recherche sur les communications. Nous ne pouvons pas tenir cela pour acquis ; la Chine ne l’a pas fait. » Peter Vetter confirme que « cette technologie est si importante qu’elle est devenue dans une certaine mesure une course à l’armement. Il faudra une armée de chercheurs pour être compétitif. Contrairement à la 5G, l’Amérique du Nord ne laissera pas la Chine prendre le leadership. »

Dans les faits, il est vrai que seuls les universitaires américains travaillent sur la 6G depuis 2018. Par exemple, en 2019, NYU Wireless luminary Ted Rappaport, un des premiers partisans de la 5G dans le spectre d’ondes millimétriques, a publié un article sur la 6G dans les fréquences supérieures à 100GHz. Également en 2019, la FCC a approuvé des expériences dans le spectre au-dessus de 95GHz. Et en 2020, la Spectrum Innovation Initiative de la NSF (Agence nationale pour recherche scientifique fondamentale) a commencé à préconiser un nouveau Centre national de recherche sur le spectre sans fil (SII-Center) pour « aller au-delà de la 5G, de l’IoT et des autres systèmes et technologies existants ou à venir afin de tracer une trajectoire assurant le leadership des États-Unis dans les technologies, systèmes et applications sans fil à venir, en science et en ingénierie, grâce à l’utilisation et au partage efficaces du spectre radio. »

Aujourd’hui, les États-Unis ont commencé à dresser des lignes communes pour le combat 6G.

En février 2021, Apple annonce recruter des ingénieurs télécoms pour « faire partie d’une équipe définissant et effectuant des recherches sur les normes de prochaine génération comme la 6G ».

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L’ATIS (Alliance for Telecommunications Industry Solutions), a lancé la Next G Alliance en octobre 2020 pour « faire progresser le leadership nord-américain en matière de 6G ». Les membres de l’alliance comprennent des géants (Google, Apple, Facebook, Microsoft), des opérateurs mobiles (AT&T, Verizon, T-Mobile), des fournisseurs de technologies et de logiciels (Ciena, Qualcomm, VMware) ainsi que Nokia, Ericsson et Samsung considérés comme des alliés. Les sujets traités vont de la réalité augmentée, à la communication entre machines inférieure à la milliseconde, aux données toujours plus concentrées et accessibles, au développement des interfaces cerveau-machine comme celles de Neuralink, société fondée par Elon Musk. Cette initiative servira également à influencer les priorités de financement de l’Administration américaine et les mesures qui soutiendront l'industrie technologique. La Présidente d’ATIS, Susan Miller, souhaite que l’Administration, la communauté universitaire américaine et l’industrie américaine du secteur travaillent en partenariat public-privé pour accélérer le développement de la 6G. Plus précisément, l’ATIS demande un financement fédéral et des crédits d’impôt pour la R&D 6G, ainsi que plus de spectre et de zones de développement dans le pays.

En Chine : l’expansionnisme sur terre et dans l’espace

La Chine compte plus d’abonnés 5G que les États-Unis, non seulement au total mais par habitant. Plus de smartphones 5G y sont commercialisés, et à des prix plus bas. La couverture 5G est plus répandue et les connexions en Chine sont, en moyenne, plus rapides qu’aux États-Unis.

Alors qu’à l’heure actuelle la Chine compte près de 700 000 stations de base 5G à travers son territoire (les Etats-Unis ne disposant pas d’une centaine de milliers), elle compte en construire plus de 600 000 nouvelles au cours de l’année 2021 a annoncé le ministre chinois de l’Industrie et de l’Informatisation, Xiao Yaqing, en décembre 2020 lors d’une conférence. Selon les estimations de Wu Hequan, membre de l’Académie chinoise d’ingénierie, le nombre total de stations de base 5G en Chine pourrait même atteindre plus de 1,7 million d’ici la fin de l’année prochaine.

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Et la crise sanitaire de la COVID-19 ne va pas stopper cette expansion nationale et internationale. Bien au contraire, durant la session annuelle du Parlement en mai 2020, le Premier ministre a clairement indiqué que le plan de relance chinois passerait notamment par le développement de nouvelles infrastructures numériques et centres de données.

Malgré plusieurs embargos et moratoires commerciaux, les entreprises chinoises ont encore leur mot à dire dans le marché des équipements et technologies mobiles. Huawei apparaît clairement comme le chef de file de l’industrie 6G en Chine. Fin septembre 2019, Ren Zhengfei, PDG fondateur de Huawei, affirmait que cela faisait « entre trois et cinq ans que son groupe travaillait sur la 6G ». Il ajoutait que même si l’entreprise travaillait simultanément sur la 5G et la 6G, elle en était au début et avait encore beaucoup de chemin à parcourir avant que la commercialisation ne commence. Les recherches chinoises sur la 6G passent aussi par l’Europe et le continent américain. Selon les médias locaux, Huawei dispose d’un centre de recherches 6G au Canada et a lancé, à Sophia Antipolis en France, une chaire de recherche sur la 6G avec l'école d'ingénieurs Eurecom. « Les Etats-Unis placent leurs espoirs dans la 6G. Mais en matière de recherche 6G, Huawei mène le monde » avait affirmé Ren Zhengfei dans une interview au New York Times en 2019.

D’autres entreprises chinoises participent également à cette R&D 6G. China Unicom, l’un des trois plus grands opérateurs chinois, a mis en place dès 2019 un groupe de recherche axé sur les communications Térahertz, l’une des technologies de base pressenties pour la 6G.[9] En mai 2020, ZTE s’est associé à China Unicom pour développer la 6G et « promouvoir la fusion profonde entre le 6G et les réseaux satellites, l’IoT, l’IoV (Internet des véhicules) et l’Internet industriel ». En juin 2020, Huawei a annoncé avoir conclu un partenariat stratégique avec China Unicom et Galaxy Aerospace pour développer une solution d’intégration air-espace-sol pour la 6G. Par ailleurs, Huawei s’attaque à la région Indo-Pacifique en commençant par l’Australie, l’un des alliés historiques des Etats-Unis mais également signataire du RCEP. En effet, le Sydney Morning Herald a récemment indiqué que Huawei voulait entamer des discussions avec le gouvernement australien sur la meilleure façon de collaborer à la R&D 6G et d’éviter une répétition de l’interdiction de la 5G. « La discussion que nous voulons maintenant avoir avec le gouvernement australien est : Que faisons-nous lorsque la 6G sera là ? Parce que Huawei ou une autre entreprise chinoise sera définitivement leader dans ce domaine. » a précisé Jeremy Mitchell, directeur des affaires commerciales de Huawei en Australie.

La Chine semble véritablement en tête de cette course technologique à la 6G

Elle a commencé la recherche autour des technologies 6G dès 2018 avec l’ambition de déployer la 6G en 2029. Dès novembre 2019, le ministère des Sciences et des Technologies a créé deux groupes de travail pour mener des recherches sur la 6G et valoriser les travaux de Huawei déjà menés sur ce sujet. Le premier groupe est composé des ministères concernés chargés de promouvoir la R&D 6G dans le pays ; le deuxième groupe, Objectif 2030, rassemble trente-sept spécialistes issus d’universités, d’institutions et d’entreprises. Le Vice-Ministre Wang Xi des Sciences et des Technologies a déclaré que la voie technique pour la 6G reste floue et a souligné que les indicateurs clés et les scenarii d’application n’ont pas encore été standardisés.

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Le lancement d’un satellite 6G par l’agence spatiale chinoise le 6 novembre 2020 en est une première concrétisation. Connu sous le nom de Tianyan-5, le satellite de télédétection a été développé par l'Université des sciences et technologies électroniques de Chine qui a travaillé avec Chengdu Guoxing Aerospace Technology et Beijing MinoSpace Technology. Il va permettre de vérifier les performances de la technologie 6G dans l’espace car sa bande de fréquence s’étendra de la fréquence des ondes millimétriques 5G à la fréquence Térahertz. Ils espèrent ainsi pouvoir étudier le comportement de cette technologie depuis l’espace et tester la communication entre un satellite et le sol terrestre : un moyen d’améliorer la couverture Internet mais aussi d’unifier les modes de transmission entre les satellites, les réseaux terrestres et de couvrir toute la planète, océans inclus. Le satellite devrait également permettre de surveiller et de détecter les catastrophes naturelles comme les incendies de forêt mais sera aussi utile pour superviser les ressources forestières, surveiller la conservation de l’eau. On peut cependant aisément imaginer bien d’autres motifs de surveillance.

Les lignes de combat sont également alignées côté chinois. En mars 2021, comme chaque année, l’événement China’s Two Sessions permet aux dirigeants des plus grandes entreprises technologiques chinoises de rencontrer les membres du gouvernement pour définir une politique commune. Cette année, les propositions des géants du web, entre autres Tencent, Xiaomi, Baidu et Lenovo, font écho aux objectifs du gouvernement en matière de 6G, d’intelligence artificielle, de conduite autonome ou encore d’informatique quantique.

Conclusion

A l’instar du Royaume-Uni qui contrôlait la planète en tenant la mer au 19è siècle, la puissance qui dominera la 6G dirigera le monde du 21è siècle. Mais cette bataille sino-américaine de la 6G sera-t-elle la dernière pour la suprématie et un nouvel ordre mondial ? Il reste une dizaine d’années avant que la 6G ne se concrétise et obtienne un certain potentiel de profits pour les opérateurs et industriels télécoms, mais il est certain que le premier pays à détenir des brevets technologiques 6G gagnera. La 6G promet des applications stratégiques dans les domaines militaire et civil. De l’Internet of Things, elle va nous faire passer à :

  • l’Internet of Senses, des technologies qui permettent de « communiquer numériquement le toucher, le goût, l’odorat et la sensation de chaleur ou de froid » ;
  • et à I’Internet of Behaviors, des technologies qui analyseront, imiteront et géreront sans cesse nos modes de fonctionnement et de pensée.

Pour l’instant, les États-Unis et la Chine sont surtout impliqués dans une démonstration musclée, sur leurs territoires mais également dans le reste du monde, avec des batailles d’annonces médiatiques et des organisations structurées en parallèle pour obtenir le leadership dans ce qui sera le prochain système de communication sans fil au monde, ou la prochaine révolution industrielle.

Cependant, les observateurs du secteur craignent de plus en plus que la rupture géopolitique entre les États-Unis et la Chine ne finisse par casser le travail sur la norme 6G créant ainsi une version américaine et une version chinoise de la technologie qui ne seraient pas interopérables. Si, tel qu’il apparaît aujourd’hui, la Chine reste en avance dans la recherche 6G, Pano Yannakogeorgos, expert du New York University’s Center for Global Affairs, craint que les États-Unis ne repartent sur l’ancien système différencié en créant leurs propres normes.

Le monde pourrait alors se retrouver coupé en deux, avec deux standards de communication différents, l’un dominé par les Chinois, l’autre par les Américains.

Catherine Delahaye.

Le souverainisme gallois, pas plus identitaire que sa version écossaise

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Le souverainisme gallois, pas plus identitaire que sa version écossaise

Les récents sondages effectués dans le Pays de Galles, au nord-ouest de l’Angleterre, démontrent qu’il y aurait un engouement pour l’indépendance. Ils seraient aujourd’hui 40%, particulièrement les jeunes (https://www.theguardian.com/uk-news/2021/mar/04/westminster-warned-as-poll-shows-record-backing-for-welsh-independence), à s’affirmer en faveur d’un tel projet, alors que l’option souverainiste a longtemps stagné sous la barre du 10%. Le contexte y est pour beaucoup; nombreux sont les Gallois qui soulèvent de nombreux griefs face à la gestion pandémique de Boris Johnson et d’ailleurs les travaillistes gallois n’hésitent pas à utiliser cette vague séparatiste pour tenter de négocier un « fédéralisme renouvelé. »

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En tant que tel, le projet de souveraineté est officiellement porté par le Plaid Cymru d’Adam Price, parti dont le programme n’est pas sans rappeler celui des socio-démocrates du Scottish National Party (SNP) ou du Parti québécois (PQ). À l’origine ce parti fondé en 1925 faisait de la défense des traditions et de l’ethnie galloises le point central de son programme, une démarche “volkish” qui le rapprocha idéologiquement d’autres mouvements anticonformistes de l’avant-guerre. Toutefois, il s’est converti dans les années 60 dans la défense d’une souveraineté civique vidée de tout substance. Le parti annonce d’entrée de jeu son adhésion au multi-culturalisme en faisant une profession de foi, qui, bien qu’historiquement pas tout à fait vraie, est sans ambiguïté : « L’idée du Pays de Galles comme une communauté de communautés, unies dans sa diversité, a toujours été au cœur de la mission du Plaid Cymru. » (LIEN).

Exactement comme c’est le cas dans cette constellation séparatiste qui comprend les Écossais, les Catalans, les Basques, les Québécois, les Bretons et tant d’autres.

Ce n’est pas nécessairement que ces peuples ont renié leurs racines ou ne tiennent pas à leur identité, mais plutôt que les élites indépendantistes rejettent toute forme de nationalisme pour adopter une approche mièvre dictée par la rectitude politique. La souveraineté peut donc avancer sans risque de se faire diaboliser. Mais le remède est parfois pire que le mal qu’on veut curer : en renonçant à définir le peuple qu’ont dit représenté, en le limitant à une expression purement géographique, on porte un projet vide. L’indépendance est un projet visant à permettre à un peuple, doté de caractéristiques qui lui sont propres, et non à un territoire, qui n’est sans le peuple qui l’habite qu’une parcelle de terre, au rang de nation souveraine.

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Sans cette prise de conscience, tout rêve souverainiste reste un simple projet de bureaucrate qui espère éviter de dédoubler sa paperasse à deux administrations.

Mais il y aussi le terme souveraineté que ni le SNL, ni le PQ, ni même le Plaid ne définissent réellement. On fait l’impasse sur le « peuple » mais également sur la « souveraineté » comme telle. Car dans les faits, comme l’a fort bien souligné Pierre Hillard, ce que proposent souvent les souverainistes actuels c’est de simplement faire sauter l’administration nationale pour se placer directement sous tutelle des organismes internationaux. Sur ce point il n’a pas tout à fait tort : le SNL et le Plaid sont partisans d’une Union européenne forte et le Parti québécois n’envisage pas de se libérer de la tutelle mondialiste actuelle; il aimerait juste qu’un siège à l’OTAN, à l’ONU et au FMI soit marqué d’un fleurdelysée. La souveraineté en ce sens n’est qu’une déformation sémantique : on recherche dans les faits une gestion plus localisée du mondialisme.

Pour en revenir au Pays de Galles, il est peu probable qu’un référendum soit tenu sur la question à brève échéance. Lorsque la poussière retombera après la pandémie, la balloune indépendantiste risque de se dessouffler, à moins bien sûr que le Plaid ne redonne un moteur à sa cause en lui insufflant un sens profond.

A quoi servent les poètes? - Réflexions à l’heure du septième centenaire de Dante

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A quoi servent les poètes?

Réflexions à l’heure du septième centenaire de Dante

par Alessandro Sansoni

Source : Incursioni & https://www.ariannaeditrice.it/

"A quoi servent les poètes ?". Cette question, qui a aujourd'hui la saveur d'une question d'adolescent qu'un lycéen pourrait poser à son professeur de littérature ou lors d'une discussion entre amis, Martin Heidegger l'a jugée si essentielle qu'il en a fait le titre d'un de ses textes fondamentaux, écrit non par hasard en 1946, pour ensuite se fondre dans le recueil intitulé Sentieri interrotti (ou ‘’errant’’, selon le traducteur des Holzwege), celui du tournant (Kehre) avec lequel le philosophe allemand s'apprête à défier, accompagné des vers de Rainer Maria Rilke et surtout de Hölderlin, la crise de la métaphysique occidentale et la propagation du nihilisme.

Bien sûr, les "poètes" auxquels le grand penseur faisait référence ne sont pas ceux qui se délectent de vers, de rimes ou de liberté, mais ceux qui sont capables d'explorer, avec la force de leurs mots, les profondeurs du langage, entendu comme ‘’maison de l'Être’’, et de s'aventurer jusqu'à déchirer un instant le voile qui recouvre le monde, plaçant le lecteur (ou l'auditeur) sur les traces de ces dieux qui l'ont désormais abandonné.

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En bref, Heidegger entend cette catégorie particulière et très rare de poètes qu'il appelle des ‘’dictateurs’’ et qui, avec la force des images qu'ils représentent à travers les mots, ordonnent l'univers, parce qu'après tout ils le pensent.

Et en effet, ce sont eux qui donnent naissance aux civilisations: d'Homère naît la tradition européenne, Virgile formalise la latinitas, Goethe fonde la nation allemande moderne et la liste pourrait être longue, mais les ‘’dictateurs’’ n'exercent pas une simple fonction politique, agissant avec la force de leur ‘’dictée’’ sur les peuples qui utilisent leur propre langue, ils construisent même de véritables cosmogonies de valeur universelle: ils dévoilent la Lumière et la Vérité.

Et le questionnement heideggérien, avec les significations complexes qu'il dévoile, nous amène inévitablement à réfléchir sur Dante Alighieri, peut-être le plus conscient des ‘’dictateurs’’ de la puissance de son Art.

Dante codifie une langue, conçoit une nation, définit une axiologie, légitime une idéologie (l'impériale), cisèle un chef-d'œuvre artistique, mais surtout il se conduit, et nous avec lui, à la rencontre de ce qui est primordial. Ce n'est pas une coïncidence si tout le cadre théologique de l'Église catholique des sept cents dernières années, tant dans la comparaison entre les sages que dans la représentation populaire de l'au-delà, ne pouvait ignorer ce qui est contenu dans la Divine Comédie.

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Ce que Dante nous raconte, en milliers d'endécasyllabes en tercets enchaînés, c'est un véritable Pèlerinage, comme l'ont constaté tous ceux qui ont entrepris une telle démarche et qui ont en même temps réfléchi au fait que, à la fatigue et au renforcement physique et biologique progressif que produit un parcours effectué à pied au fil des jours et des semaines, correspond une lente mais inexorable transformation et progression spirituelle. Un parcours intérieur, qui de la recherche et de l'installation dans les souvenirs les plus lascifs et pécheurs visant à atténuer la souffrance des efforts des premiers jours de marche, conduit lentement, à mesure que le corps s'entraîne et gagne en force, d'abord à une réflexion intellectuelle plus méditée sur les choses du monde et ensuite à la recherche du sens authentique, transcendant, mystique, auquel l'itinéraire entrepris doit finalement conduire : l'ouverture du regard sur l'Ineffable.

Surtout, "on a besoin des poètes pour cela" et d'autant plus aujourd'hui, alors que, comme le dit Agamben, la maison brûle, que nos certitudes s'effondrent et que l'inquiétude face à la pandémie et les mesures prises pour la combattre semblent vouloir nous réduire à notre seule matrice biologique, où la protection médicale devrait être le seul but de nos actions. Comme si la Vie n'était pas beaucoup plus, n'était pas d'abord un Risque (plus ou moins grand) pour attraper ce qui est Beau dans le monde.

Un monde devenu indigent, pour le dire encore avec Heidegger, précisément parce que les dieux et Dieu l’ont fui, précisément parce que tout semble se réduire à la peur et à l'absurdité de vouloir éviter à tout prix la mort imminente: comme si la Mort ne nous emportait pas toujours, étant consubstantielle à la Vie, la complétant.

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En somme, en nous souvenant de Dante au cours des sept cents ans qui se sont écoulés depuis sa mort, nous ressentons l'absence des ‘’dictateurs’’ et nous comprenons que nous aurions besoin d'eux, sinon précisément parce que nous voudrions suivre leurs traces dans une époque si démunie que nous ne sommes même plus capables de remarquer l'absence de Dieu comme un manque, du moins de la rendre plus supportable et moins désorientante, esthétiquement parlant, avec un peu de vernis sur rien.

00:10 Publié dans Philosophie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : dante, heidegger, philosophie, poésie | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

jeudi, 25 mars 2021

Tomislav Sunic : « Il faudra un certain temps pour que nos idées progressent, mais nous sommes sur la bonne voie »

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Tomislav Sunic : « Il faudra un certain temps pour que nos idées progressent, mais nous sommes sur la bonne voie »

Propos recueillis par Andrej Sekulovic (Slovénie)

Source : https://tradicijaprotitiraniji.org/2021/03/11/

Le Dr Tomislav Sunić est un auteur et conférencier croate et l'un des plus éminents représentants de l'école de pensée qu’est la Nouvelle Droite. Il est né en 1953 à Zagreb, où il a obtenu un diplôme d'anglais et de français. De 1983 à 1992, il a vécu aux États-Unis en tant que réfugié politique, où il a obtenu un doctorat en sciences politiques. Il est l'auteur de plusieurs livres, essais et autres articles en anglais, français, allemand et croate. Nous lui avons parlé de la nouvelle droite, du grand bouleversement démographique, de l'hégémonie culturelle, etc.

Racontez-nous quand et dans quelles circonstances vous avez commencé à vous intéresser aux idées de la droite ?

Je suis né dans un certain ‘’climat’’. Plus précisément, dans l'ancienne Yougoslavie communiste et dans une famille catholique et anticommuniste. Mon père était avocat. En ce qui concerne mon intérêt pour les idées dites de droite, il ne s'agissait pas d'un simple hobby, mais je m'y intéressais principalement parce que je suis par nature une personne à la curiosité très développée. C'est pourquoi, dès mon plus jeune âge, alors que je n'avais que six ou sept ans, j'ai aimé poser des questions et m'interroger, y compris de manière critique, sur le milieu politique, sociologique et culturel dans lequel je vivais. Il s'agissait, bien sûr, de la Yougoslavie communiste au début des années 1960, lorsque j'étais élève de l'école primaire et plus tard de l'école secondaire dans le Zagreb communiste. J'ai toujours aimé découvrir les idées qui étaient différentes des idées généralement acceptées et standardisées. À cette époque, bien sûr, je ne savais pas comment l'exprimer de manière académique, car j'étais très jeune.

Plus tard, à la faculté de philosophie de Zagreb, au début des années 1970, j'ai commencé à exprimer un peu mieux ces idées, qui étaient très critiques à l'égard du système de l'époque. J'avais peut-être un avantage et un privilège. Je suis né dans une famille modeste. Mon père était avocat, mais il a eu beaucoup de problèmes avec les autorités communistes de l'époque et a même été emprisonné deux fois. J'ai néanmoins eu le privilège d'avoir des livres à la maison. Nous n'avions pas la télévision, mais nous avions beaucoup de livres. J'ai donc été exposé aux langues étrangères dans ma jeunesse et à la littérature allemande, anglaise, française, latine et un peu italienne. J'ai toujours été intéressé par l'autre côté de la médaille, pour ainsi dire. Comme je l'ai déjà dit, il y avait une atmosphère anticommuniste à la maison, mais plus tard, j'ai aussi fréquenté l'école religieuse et je suis allé à l'église, non pas tant par amour de Dieu ou de la théologie et du christianisme, mais pour la simple raison que dans la Yougoslavie communiste de l'époque, l'église en Croatie, et je crois aussi en Slovénie, représentait un contrepoids au système communiste, où certaines choses pouvaient être dites et exprimées de manière critique. C'est une autre raison pour laquelle j'ai commencé à formuler mes idées à cette époque.

Comment cette formulation d'idées a-t-elle évolué au cours de vos années d'études ?

Je dois admettre que lorsque j'étudiais le français et l'anglais à l'université, j'ai peut-être eu de la chance car j'étais en compagnie de professeurs qui faisaient bien sûr partie du régime, mais qui n'étaient pas communistes, ou qui n'étaient guère favorables à la Yougoslavie, même s'ils ne l'exprimaient pas publiquement. En particulier dans les départements d’études romanes des années 1970, on pouvait voir que ces universitaires étaient assez critiques à l'égard du communisme et du titisme, y compris le regretté professeur Matvejevic. Il se considérait sans doute comme un gauchiste et un Yougoslave, mais il était très correct avec moi et m'a même permis de lire de la littérature qui était alors interdite non seulement en Yougoslavie mais aussi en France. Notamment Louis Ferdinand Céline, un écrivain célèbre qui a écrit des pamphlets antisémites qui sont encore interdits en France aujourd'hui, et aussi Robert Brasilliach et la multitude d'écrivains et d'auteurs qui étaient très actifs en France pendant la période de l'occupation allemande, de 1940 à 1944. J'ai donc toujours voulu, non pas par sympathie pour une sorte de "fascisme", mais par curiosité intellectuelle, connaître l'autre côté de la médaille. Je crois que même si, disons, les fascistes, les nationaux-socialistes ou la NDH étaient au pouvoir aujourd'hui, j'aurais également certaines difficultés, car j'ai toujours été intéressé justement par cet ‘’autre côté de la médaille’’. Je pense que c'est un penchant positif chez moi, et je pense que c'est plus une question de caractère que d'idées politiques. Je pourrais continuer à raconter comment, lorsque j'ai émigré en Amérique, où j'ai obtenu l'asile politique, j'ai élargi mes horizons grâce aux livres, car à cette époque, j'ai découvert un grand arsenal d'écrivains, de philosophes et de sociologues de droite qui avaient été pratiquement oubliés et exclus des programmes d'études, même en Europe occidentale et aux États-Unis. J'ai donc lentement évolué sur le plan intellectuel et je peux dire que, avec le recul, je ne vois pas de grande différence, si ce n'est que je continue à élargir mes horizons. Je me relativise toujours, je me regarde d'un œil critique et je pense à la façon dont mes adversaires me voient.

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Vous êtes également l'auteur de Contre la démocratie et l'égalité, un livre dont le thème principal est l'école de pensée de la Nouvelle Droite. Pouvez-vous nous en dire plus sur le livre lui-même ?

Tout d'abord, je dois mentionner que l'ouvrage Contre la démocratie et l'égalité - La nouvelle droite européenne a été traduit en flamand, en espagnol et, il y a environ dix ans, également en croate sous le titre Europska nova desnica - korijeni, ideje i mislioci ("Nouvelle droite européenne - racines, idées et penseurs"). Par ailleurs, il s'agissait en fait de ma thèse de doctorat, car j'ai fait mon doctorat sur le sujet à l'université de Californie aux États-Unis, sauf qu'en tant que thèse, elle portait le titre plus acceptable, ou, si je puis dire, plus ‘’politiquement correct’’, de European New Right and the Crisis of Modern Politics, puis European New Right and the Crisis of Modern Political Society. Bien sûr, plus tard, j'ai fait un peu de marketing autour de ma thèse de doctorat, que j'ai soutenue en 1988, et j'en ai changé le nom un peu pour des raisons commerciale. J'ai opté pour un titre plus explosif pour la simple raison que je pensais, et je n'avais pas tort, que le livre se vendrait non seulement mieux en termes quantitatifs, mais c'était le cadet de mes soucis, mais qu'il bénéficierait également d'une plus grande publicité. Je peux dire que ma décision a été la bonne. Ce livre est encore relativement bien lu aujourd'hui, et il est également largement cité. Je n'entre pas dans une grande controverse dans ce livre ; il est écrit de manière sobre et académique. Je suggère également aux étudiants et à vos lecteurs de se familiariser avec le thème principal de ce livre.

Quelle a été la réaction des autres auteurs et des représentants de la Nouvelle Droite à votre livre ?

Quant au titre lui-même, mon bon collègue Alain de Benoist, qui connaît bien le livre, c'est-à-dire ma thèse de doctorat, qu'il a beaucoup aimée, m'a dit plus tard, bien sûr en toute bonne foi, "Tomislav, quant au titre lui-même, il risque de susciter quelques réactions négatives, car nous ne sommes pas des adversaires de la démocratie, nous sommes juste très critiques à l’endroit de la démocratie libérale". Je le cite ici, mais la même attitude s'applique à moi. Il a également approuvé le contenu du livre et a compris pourquoi j'avais choisi ce titre. Comme je l'ai déjà dit, la thèse de doctorat portait un titre politiquement correct qui était acceptable pour mes collègues avec lesquels j'ai soutenu ma thèse en 1988. J'ai ensuite publié le livre en trois éditions sous le titre Contre la démocratie et l'égalité. Alain de Benoist n'était pas tout à fait d'accord avec ce titre, mais il était d'accord sur le fond avec le livre, avec la table des matières et la bibliographie, pour laquelle il m'a également aidé en partie, étant donné que tout le livre lui est en quelque sorte dédié, puisque j'y traite d'un sujet sur lequel il avait écrit bien avant moi, dès la fin des années 1960.

Pourriez-vous donner à nos lecteurs une idée des grands principes et des idées de la Nouvelle Droite?

Je vais maintenant dire quelque chose à ce sujet. Qu'est-ce que la nouvelle droite ? Je l'explique également dans le premier chapitre du livre déjà mentionné. Il s'agit peut-être d'un pléonasme linguistique, car je ne suis pas sûr qu'il soit nécessaire de mentionner une "nouvelle" ou une "vieille" droite. En fait, je peux dire brièvement qu'il s'agit des idées qu'Alain de Benoist et moi-même, entre autres, représentons et que mon livre décrit également. Pour être clair, ce n'est pas un pamphlet, c'est un livre sérieux avec de nombreuses citations. Alain de Benoist et l’association qu’il patronne, le GRECE (Groupement de recherche et d'études pour la civilisation européenne), ont voulu faire revivre, en quelque sorte, la tradition conservatrice en philosophie, en sociologie, en littérature et dans d'autres domaines de la connaissance humaine, qui était pratiquement tombée dans l'oubli après la Seconde Guerre mondiale, ou qui n'était plus accessible pour des raisons politiques, parce que, comme nous le savons, après la Seconde Guerre mondiale, une hégémonie culturelle complètement nouvelle a commencé à émerger.

9781912079391.jpgDites-nous en plus sur cette hégémonie culturelle et pourquoi elle est importante ?

J'ai également consacré un chapitre du livre à ce sujet, dans lequel j'explique pourquoi cette hégémonie culturelle est importante dans la lutte politique. Chaque parti ou mouvement politique, qu'il s'agisse de Trump aux États-Unis, de Janša en Slovénie ou de Plenković en Croatie, doit établir une certaine hégémonie culturelle avant de pouvoir accéder au pouvoir, ou même avant d'être capable d'accéder au pouvoir. En d'autres termes, toute force politique doit compter un certain nombre d'intellectuels dans ses rangs et avoir une emprise sur le discours dominant, ou bien elle doit maîtriser ses propres idées et être capable de les imposer, comme l'ont fait les libéraux en Europe occidentale et les communistes en Europe orientale en 1945. Un exemple typique, peu importent son œuvre et la qualité de ses travaux, de cette hégémonie culturelle établie en 1945 est Slavoj Žižek. Malheureusement, dans cette hégémonie culturelle, on ne pouvait entendre que le côté gauche, ou plutôt la scolastique freudo-marxiste, qui incluait la French theory, etc. Mais la philosophie politique qui était auparavant assez forte en France et en Allemagne, comme les filons de la célèbre révolution conservatrice allemande sous la République de Weimar, est complètement tombée dans l'oubli. Ainsi, aujourd'hui, les étudiants n'ont aucune idée de ce qui se passait sur la scène intellectuelle conservatrice et de qui en étaient les principaux leaders, ou, si je puis dire, de la grosse Bertha conservatrice, ou artillerie lourde, qui est très peu connue dans les universités aujourd'hui, qu'il s'agisse de la faculté des arts de Ljubljana, de Zagreb ou de Berkeley aux États-Unis. Ce que je veux faire avec mes livres, et je dois aussi faire l'éloge d'Alain de Benoist sur ce point, c'est de rééquilibrer d'une certaine manière ce déséquilibre et de montrer que la droite, qu'on appelle aujourd'hui la nouvelle droite, a aussi sa propre artillerie lourde intellectuelle, qui se répand lentement, comme on peut le voir aux États-Unis, mais aussi en France, en Allemagne et ailleurs. Il ne faut cependant pas oublier que l'hégémonie culturelle des anciens freudo-marxistes, qui ont bien sûr changé de nom et opèrent sous la forme de diverses associations indépendantes qui aiment parler de tolérance, ou de divers groupes homosexuels et alternatifs de gauche, est toujours forte. Il serait difficile de soutenir que ces groupes font aujourd'hui appel à Marx ou à Freud, car ils ne sont plus en vogue, mais d'autres auteurs le sont, mais néanmoins l'idée d'une nouvelle droite est encore loin d'être implantée dans le cœur et l'âme des gens et des jeunes étudiants d'Europe, précisément parce que cette hégémonie de l'ancienne gauche, ou des antifascistes, ou des anciens et nouveaux ‘’culturistes’’, comme nous les appelons en Croatie, est encore assez forte. Ils ont des sponsors et des financiers puissants, il faudra donc du temps pour que nos idées percent, mais nous sommes sur la bonne voie.

Dans vos essais, vous mentionnez plusieurs fois les titans de la Grèce antique et vous êtes également l'auteur de la nouvelle Les Titans sont en ville. Que représentent réellement les titans aujourd'hui ?

Je suis content que vous me demandiez ça. Lorsque les gens me demandent quelle est ma profession, je leur réponds généralement que j'ai étudié les sciences politiques et la littérature, mais je peux aussi me vanter de ne pas être ce que les Allemands appellent un "Fachidiot". Dans l'enseignement supérieur, notamment aux États-Unis, où l'on parle d'"expertise", ou de "compétence", cela m'a toujours dérangé qu'il y ait aussi, malheureusement, ce "Fachidiotismus", où de grands scientifiques et experts connus se concentrent exclusivement sur leur sujet. Aujourd'hui, malheureusement, il n'y a plus en Europe ou aux États-Unis de penseurs du type de ceux qui ont fait jadis la Renaissance : on voit grouiller des dizaines d’universitaires qui sont seulement forts dans leur "Fach", qui, dans mon cas est la sociologie politique ou la philosophie politique. Mais on ne rencontre plus qu’une misérable poignée d’intellectuels qui connaissent encore la littérature, ou du moins sont familiers avec la littérature classique, qu'il s'agisse d'Homère ou d'Hésiode, ou savent ce que signifient dans la mythologie les Titans, les figures représentées sur les gargouilles et les différents dieux. En parlant de titans, on peut dire que Prométhée est l'un des principaux héros "légitimes" de notre littérature. Nous le rencontrons dans le Faust de Goethe, mais bien sûr, nous le retrouvons surtout dans la mythologie grecque antique. Prométhée est aujourd'hui, même, je suppose, pour le citoyen ordinaire, qu'il soit slovène ou croate, ainsi que pour l'intellectuel, le symbole d'un homme libre-penseur capable de résister à toutes sortes de mythes modernes, même si ces mythes sont faux ou corrects, et capable de risquer sa vie, comme Prométhée, qui a passé 30.000 ans attaché à un roc dans le Caucase, où l'aigle légendaire lui tenaillait constamment le foie. Mais il ne pouvait pas mourir, car les titans, comme les dieux, sont immortels. 

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Dites-nous en plus sur la nouvelle Les Titans sont en ville?

Tout cela m'a un peu inspiré pour écrire une nouvelle, qui, je le souligne, n'est pas un essai politique. Les Titans sont dans la ville est exclusivement une nouvelle d'environ quatre-vingts pages, dans laquelle j'ai dépeint une sorte de ville mythique, et j'avais Vukovar dans mon subconscient, mais en même temps c'est une projection de villes européennes en général, que ce soit Ljubljana, Kranj, Klagenfurt ou Zagreb, montrant à quoi ressembleront ces villes dans environ vingt ou trente ans dans ce grand conflit entre les Saturniens négatifs et les Titans positifs. D'une certaine manière, c'est une allégorie, et j'ai été assez inspiré par le frère d'Ernst Jünger, Friedrich Georg Jünger. J'ai beaucoup lu Ernst Jünger, mais malheureusement je ne l'ai jamais rencontré. Mort en 1998, il est l'une des principales figures parmi les grands écrivains, romanciers et romancières de la littérature allemande. Ce que l'on sait moins, c'est que son frère était également un bon écrivain et qu'il a beaucoup écrit sur les titans. Il a publié un livre pendant la guerre, en 1944, intitulé Die Titanen (Les Titans), que je possède en allemand et aussi en traduction française et anglaise, dont je peux dire qu'elle est très bonne. Ce livre m'a donné un peu d'élan pour écrire ma nouvelle sur cette ville mythique, Titan Town. Je ne mentionne nulle part Vukovar en particulier, mais en général, il pourrait s'agir de n'importe quelle ville d'Europe occidentale, peut-être même des États-Unis, où les gens sont entourés de ces fameux Saturniens que l'on ne voit jamais et dont on ne sait même pas quelle est la forme de leur corps, de leur visage ou de leur morphologie, mais dont on peut dire qu'ils sont négatifs. Mais ici, nous avons aussi des titans positifs, dont l'un s'appelle Held, ce qui signifie héros en allemand, et sa femme s'appelle Heroine, qui patrouillent dans cette enclave isolée, qui est en fait au bord de la mort, entourée de Saturniens, avec des armes. Ils sont confrontés à la mort, et je dois dire à nouveau que la ville de Vukovar m'a aussi un peu inspiré, mais ils se battent, malgré les faibles chances, parce qu'ils savent qu'il vaut mieux se battre en sachant qu'on s'est battu que d'abandonner, de se rendre ou de se suicider collectivement. Bien sûr, je ne parle pas de Vukovar ou de la Croatie, mais je fais en tout cas allusion à des villes européennes qui sont en un sens également assiégées aujourd'hui, bien qu'indirectement, non pas par un ennemi direct ou armé, mais par ce que nous pourrions appeler une migration silencieuse, qui a une note humanitaire et un peu larmoyante. Cette note lui est donnée par le système, et je pense ici en particulier au système libéral de l'Union européenne et à l'État profond des États-Unis, qui contrôlent tout cela de manière pratiquement très fine en favorisant l'arrivée de non-Européens dans cette ville, défendue par les restes de ces titans déjà un peu dépassés.

Avez-vous été inspiré pour écrire cette nouvelle par d'autres livres que l'œuvre de Jünger mentionnée ci-dessus, que vous pourriez recommander à nos lecteurs ?

Je me suis également inspiré d'un livre de Jean Raspail que j'ai lu il y a longtemps, intitulé Le camp des saints. Je peux dire que la traduction anglaise de ce livre est également très bonne, je l'ai lu moi-même dans les années 1980 et je l'ai comparé avec l'original français. Je peux dire qu'il est en effet très bien traduit, et je vous recommande sans hésiter ce livre. Jean Raspail a écrit ce brillant roman en 1973 sur ce que nous voyons aujourd'hui dans l'Union européenne, ou plutôt en Méditerranée, sur l'arrivée constante de migrants non européens qui modifient la composition de la population. Cela part peut-être d'une bonne intention, mais je ne veux pas porter mes jugements moraux maintenant, de peur d'être accusé de racisme. Je pourrais parler de cela aussi, de cette inversion des mots, mais le fait est qu'il s'agit d'un remplacement de population. Je peux mentionner ici un autre auteur français proche de la nouvelle droite, Renaud Camus. J'ai son livre Le Grand Remplacement. Je ne sais pas s'il a été traduit en anglais, mais je le cite beaucoup, parce qu'il parle précisément des choses dont Alain de Benoist, la Nouvelle Droite et une foule d'auteurs de ces milieux ont déjà parlé de manière indirecte, c'est-à-dire de ce qu'ils prévoyaient il y a trente ans, ce remplacement de la population et la disparition progressive des Européens et du patrimoine culturel de l'Europe. Mon bref roman n'a peut-être rien d'exceptionnel, et je pourrais peut-être y ajouter quelques éléments, mais il me tient à cœur. Il est écrit de cette manière culturellement pessimiste, que je fais mienne, et fait référence à ce qu'ont écrit Camus et Raspail, aux thèses de Friedrich-Georg Jünger, mais aussi à Spengler. Tous, d'une certaine manière, peuvent être comptés parmi les précurseurs de la Nouvelle Droite.

81DPzzzqPYL.SR160,240_BG243,243,243.jpgAujourd'hui, nous, Européens, sommes tous confrontés à des problèmes similaires, tels que les migrations de masse, la mondialisation, etc. Néanmoins, il existe de vieilles rancœurs et des conflits entre certaines nations européennes qui sont le résultat de conflits du passé. C'est également le cas entre les Serbes et les Croates. Comment voyez-vous cela et avez-vous des contacts avec les groupes de droite et les identitaires serbes?

J'ai certains contacts avec l'organisation NAŠI de Serbie. J'ai également participé avec eux à un séminaire sur les thermes romains en Slovénie, organisé par l'association Svetilnik. Ivan Ivanović et son collègue au sein de cette organisation m'ont fait une très bonne impression. J'ai souvent des nouvelles d'eux et je corresponds avec eux, et j'ai été invité à Belgrade pour donner une conférence sur l'immigration de masse et le grand changement démographique, à laquelle auraient pu participer le professeur Kevin MacDonald des États-Unis, ainsi que moi-même, parce que nous voulions organiser quelque chose à une échelle un peu plus grande, mais malheureusement cela a été annulé à cause de la crise sanitaire actuelle. J'ai donc certains contacts, mais ils sont loin d'être ce qu'ils devraient être, pour la simple raison que c'est aussi un sujet clé dans cette thématique. Il existe encore une certaine méfiance, je ne dirai pas ‘’haine’’, car le mot est trop fort, mais une certaine incompréhension entre les conservateurs serbes et croates. Je les encourage, aux côtés de mes collègues slovènes, c'est-à-dire à vos côtés, à se joindre d'une manière ou d'une autre à cette lutte commune, et à voir tous ensemble quelles sont nos priorités, sans pour autant renier nos identités nationales et culturelles.

Quelle est votre vision globale des relations entre la Croatie et la Serbie aujourd'hui ?

Il est difficile d'en parler à l'heure actuelle car la Croatie est un pays spécifique et il existe de nombreux malentendus dans ses relations extérieures, qu'il s'agisse de la Republika Srpska, de la Bosnie-Herzégovine ou de la Serbie. J'aimerais donc beaucoup donner un jour une conférence spéciale sur ce sujet. Je dois dire que, bien que j'aie de bonnes relations avec des personnes issues de milieux nationalistes, voire même nationalistes et de droite dits ‘’extrêmes’’ (membres de l'idéologie dite de droite et du ‘’Parti croate du droit’’, op. cit.), je n'ai pas la même opinion qu'eux sur certaines approches, ou je ne suis pas d'accord avec leur méthodologie. Leur point de vue est correct sur de nombreux détails concernant le début de la guerre lors de l'éclatement de la Yougoslavie, mais je ne suis pas le genre de personne obsédée par sa conscience historique au point de couper complètement tout contact avec les Serbes, qu'ils vivent à Chicago, Banja Luka ou Belgrade. Je pense qu'il est très mauvais, nuisible et néfaste de construire son identité nationale sur l'exclusion, ou plutôt sur la diabolisation, la satanisation et l'insulte d'un autre peuple. J'appelle cela une identité négative. Je n'ai pas besoin des opposants serbes pour développer ma conscience nationale et être un bon Croate. Malheureusement, en Croatie, et je crois aussi en Slovénie et en Serbie, il y a un nombre important de personnes, dont beaucoup font partie du gouvernement, qui construisent leur identité serbe ou croate sur la haine, ou sur la diabolisation de toute la nation serbe ou de toute la question serbe, etc. Attention, ce n'est pas seulement le cas ici, mais malheureusement ce problème existe aussi ailleurs en Europe, mais peut-être pas dans la même mesure, par exemple avec les Catalans et les Castillans, ou avec les Hongrois et les Roumains.

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Dans quelle mesure pensez-vous qu'il est important que les peuples européens travaillent ensemble dans cette lutte pour la préservation et l'existence de l'Europe ?

Il ne s'agit pas de broutilles, mais de différences importantes et fatales. Que l'on lise Ante Starčević ou certains auteurs serbes qui glorifient la grande Serbie, il faut savoir tout cela et être capable de replacer ces personnes dans un contexte historique. Cependant, en ce moment de l'histoire, et je ne pense pas qu'il s'agisse d'une déclaration prétentieuse de ma part, nous sommes vraiment au dernier souffle de l'Europe. Le profil ethnique, ou plus exactement racial, de l'Europe a radicalement changé. Ce n'est plus l'Europe d'il y a trente ans ou celle d'il y a soixante-dix ans. Aujourd'hui, c'est un profil de personnes complètement différent. Nous parlons de soixante ou soixante-dix millions de personnes vivant dans l'Union européenne qui ne sont pas d'origine européenne. Par conséquent, une décision doit maintenant être prise, qu'il s'agisse de la baie de Piran ou de certaines parties de la Slovénie autour de Bregana ou peut-être autour de Medjimur, si, en tant que nationaliste croate, c'est mon objectif principal et mon centre d'intérêt, pour ne pas dire mon obsession, de discuter avec vous ou avec l'un de vos politiciens importants au sujet de morceaux de terre qui sont sous la juridiction slovène, ou notre objectif commun est de maintenir plus ou moins le statu quo et d'essayer de nous protéger de ce remplacement de population très subtil, qui ne se fait pas actuellement par un conflit armé, bien que nous ne puissions pas non plus l'exclure à l'avenir, et qui, en même temps, a le potentiel de détruire la nation serbe, ainsi que la nation croate, la nation slovène et toutes les autres nations d'Europe.

Ce dont je parle maintenant concerne notre micro-environnement en particulier, mais ce micro-environnement peut facilement être transféré en France ou en Allemagne. Il y a 20 millions d'étrangers en Allemagne, dont 10 millions, voire plus, sont d'origine non-européenne. Il s'agit de chiffres vraiment "conservateurs", qui sont en réalité beaucoup plus élevés, sans parler de la France, où les statistiques changent littéralement d'un jour à l'autre. En regardant la Suède, l'Allemagne, pratiquement toutes ces villes multiculturelles, on doit se demander si, aujourd'hui, on marche dans le centre de Paris ou de Francfort, ou si on vit à Tombouctou, en Algérie, dans une banlieue d'Istanbul, ou si on est encore dans une ville européenne. Je suis d'avis que, nonobstant nos politiques et nos haines mutuelles qui se sont avérées désastreuses, nous devons nous débarrasser complètement du nationalisme qui nous a fait tant de mal, ce nationalisme de la première moitié du XXe siècle, et nous n'avons tout simplement pas le choix en la matière. Ce nationalisme a causé d'énormes dommages aux Slovènes, aux Croates et aux Serbes, ainsi qu'aux Polonais et aux Allemands, sans parler d'une multitude d'autres nationalités. Nous avons un objectif commun, et je dirais franchement que notre problème fondamental et principal est le système du globalisme et du capitalisme.

Dites-nous en plus sur ce lien entre migration de masse et capitalisme ?

La chose la plus facile à faire est de dénigrer les migrants qui sont venus du Bangladesh et qui peuvent maintenant traverser le Gorski kotar, entrer dans Novo mesto ou errer autour de la frontière slovène de votre côté ou du nôtre. Il est trop facile d’attaquer ces migrants, trop facile de se moquer des Algériens et des Somaliens, en disant qu'ils ne se lavent pas, qu'ils sont laids ou qu'ils sont des terroristes potentiels. Tout cela est en partie vrai, mais nous devons nous demander quelles sont les causes de cette migration et quelles sont les possibilités d'y remédier, ou de revitaliser l'Europe. Alors, où se situent les causes ? Beaucoup de mes collègues qui sont des défenseurs du marché libre et, disons-le, du capitalisme, sont aussi de bons anticommunistes, comme moi, qui suis fier d'être anticommuniste, et nous pourrons en parler une autre fois. Toutefois, avant d'analyser certains problèmes, nous devons savoir où se trouvent les causes profondes. Je vais maintenant attirer votre attention sur un certain paradoxe. D'une part, vos collègues, comme vous-mêmes, sont opposés à la migration et au remplacement de la population, et ce à juste titre. Ils s'opposent au fait qu'un grand nombre de criminels, qu'il s'agisse des prisons viennoises et autrichiennes ou des prisons allemandes, voire plus de 60 %, sont composés de personnes d'origine africaine ou asiatique. Tout cela est vrai. Cependant, nous devons comprendre un fait : vous ne pouvez pas arrêter les migrations de masse si vous ne mettez pas d'abord fin au principe libéral du libre marché, ou à la libre circulation des personnes et des capitaux.

Alors, en fait, le capitalisme est-il en grande partie responsable des migrations de masse et du remplacement de la population ? Comment cela fonctionne-t-il en pratique ?

L'Union européenne et l'ensemble de la doctrine libérale, d'Adam Smith à Hayek et tous ces théoriciens libéraux d'aujourd'hui, sont fondés sur le principe que nous devons avoir la libre circulation des capitaux et des personnes. C'est, après tout, un des principes fondamentaux de l'Union européenne. Donc, pour revenir au paradoxe, et pour l'illustrer un peu de manière simple, j'ai un bon collègue, bon catholique et anticommuniste, grand analyste, qui s'exprime constamment contre les migrants, mais qui est aussi un grand défenseur du marché libre... Ce n'est tout simplement pas cohérent. Si je peux me permettre une petite allégorie, pour un commerçant, qu'il s'appelle Schmitt, Kovac, Maréchal ou Kovacevic, et où qu'il soit dans le monde, qu'il soit catholique ou juif, croate ou slovène, le plus important est qu'il vende ses marchandises. C'est pourquoi l'ouverture des frontières est dans son intérêt. Vous ne pouvez pas l'empêcher d'en profiter. Il y a des employeurs croates qui ont leurs magasins et leurs restaurants à Zadar, pour vous donner une illustration un peu plus poussée de tout cela, et ils ont de grandes croix accrochées dans ces restaurants. Ils sont ultra-catholiques et affichent parfois leur ‘’croatitude’’ de manière un peu grotesque, tout en embauchant une main-d'œuvre bon marché de Bosnie-Herzégovine et du Kosovo, pour la simple raison que pour eux, le profit passe avant l'idée nationale. Je ne veux pas perdre mon temps avec de telles personnes. Je ne veux pas perdre mon temps avec ces faux Croates, Serbes ou identitaires, dont beaucoup sont des gens honnêtes. Je le répète donc, nous ne pouvons pas arrêter la migration si nous n'analysons pas d'abord le capitalisme. Après tout, les principaux "employeurs" de ces migrants sont précisément les grandes entreprises capitalistes, qui ont tout intérêt à obtenir une main-d'œuvre bon marché aujourd'hui et demain, tout en réduisant les salaires et revenus mensuels de la population blanche autochtone.

Mais quels sont les intérêts des néo-marxistes d'aujourd'hui, qui soutiennent aussi avec passion ce changement de population ?

En ce qui concerne les marxistes, il faut comprendre qu'il a toujours été dans leur intérêt et celui des communistes de créer une société mixte, car pour eux tout nationalisme sent le fascisme. Pour être clair, je peux me moquer d'eux, ce sont mes adversaires, de classe ou de race, pourrait-on dire. Mais il faut admettre que si les nationalistes européens, comme je l'ai déjà dit, on peut aussi les appeler les ‘’identitaires’’, avec leurs éternelles guerres tribales qui remontent à cent cinquante ans, qu'ils soient français, allemands, croates, serbes, catalans, castillans, bretons, jacobins et j'en passe, ne vont pas s'arrêter un jour, alors bien sûr, ils donnent du pain et des jeux, ou des opportunités tant pour les capitalistes que pour ces néo-marxistes ou antifascistes modernes, comme ils s'appellent aujourd'hui, pour une légitimité et une alimentation supplémentaires, d'inviter, ou plutôt d'ouvrir la porte légalement à des millions de candidats à l'immigration qui attendent en Afrique du Nord, en Libye, sans parler des trois millions et demi qui attendent en Turquie et d'un peu plus d'un million en Jordanie et en Syrie. Donc, en théorie, il y a environ dix millions de personnes qui attendent en Afrique et en Asie de venir en Europe.

Vous avez vous-même vécu à la fois dans la Yougoslavie communiste et multiethnique et dans les États-Unis multiraciaux. Quelle est votre expérience de la "multiculture" ?

Je n'ai pas besoin d'expliquer ce que cette migration massive peut nous apporter. J'ai vécu assez longtemps dans la Yougoslavie multiculturelle pour voir la fin de cette fraternité et de cette unité dont on parle aujourd'hui aux États-Unis, où je vivais avec ma famille à Los Angeles. Là-bas, il fallait être armé, et il n'y avait pas de téléphones portables à l'époque, mais aujourd'hui il faut avoir deux téléphones portables et une bonne voiture performante. Lorsque je vivais là-bas, j'étais constamment dans une sorte de peur et sous tension, car le soir, on entend presque constamment des coups de feu dans le Los Angeles multiculturel. Je ne pense pas exagérer, car vous pouvez également voir à la télévision les preuves empiriques de ce qui se passe aujourd'hui, non seulement à Los Angeles, mais aussi à Seattle et dans toutes les grandes villes et maintenant dans les petites villes des États-Unis. Maintenant, je ne veux pas porter ici de mauvais jugements sur les Afro-Américains, les Asiatiques ou même les antifascistes blancs, quels qu'ils soient. Il faut toujours chercher d'abord les causes de tout cela, il faut comprendre leur façon de raisonner. En Europe aussi, il y a encore beaucoup à faire, notamment avec la crise actuelle du COVID et l'énorme changement démographique. Je ne peux pas prédire s'il y aura des guerres ou non, car un homme peut perdre une guerre sans tirer un seul coup de feu.

Comment voyez-vous la société de consommation moderne créée par l'idéologie libérale?

Ce qui me gêne personnellement, c'est cette note un peu décadente que je remarque même chez moi et chez mes collègues, qui sont habitués à une certaine dictature de la prospérité et à ce progrès constant, à vouloir toujours, comme disent les Américains, "plus, toujours plus". Nous sommes une société trop opulente et trop riche, nous ne sommes plus habitués à une certaine note prométhéenne, à savoir que chaque chose a son prix. Comme le disait Alain de Benoist, dans le libéralisme, ou plutôt dans le mondialisme auquel nous assistons aujourd'hui, plus rien n'a de valeur, mais chaque chose a un prix. Et nous allons devoir payer ce prix de manière assez sanglante dans les années à venir.

Merci pour cette interview ! Enfin, dites-nous quels sont vos projets pour l'avenir proche et y a-t-il autre chose que vous aimeriez dire à nos lecteurs ?

Je tiens à remercier vos lecteurs. J'aimerais que plus de gens lisent mes livres, donc toutes les personnes sérieuses et les étudiants qui aiment lire peuvent me contacter par e-mail. Je serais également heureux de donner une conférence chez vous, pas nécessairement sur des sujets politiques, mais peut-être sur le thème du prométhéisme dans la littérature européenne, où nous pourrions également aborder la politique du moment. Nous avons également pu aborder les sujets plus sensibles de la Seconde Guerre mondiale et de la catastrophe qui a eu lieu dans la Corne de Kočevje en 1945. Je suis ouvert à la conversation et j'aime entendre, non seulement des applaudissements, mais aussi des questions critiques plus complexes. Je serais heureux si quelque chose pouvait être organisé à l'avenir. J'apprécie les identitaires et je suis en contact avec eux dans une certaine mesure. Le problème de l'organisation de ces événements est généralement la logistique, mais ma vieille règle, je crois que c'est Nietzsche qui l'a dit, est que rien ne tombe du ciel. En fait, je vais très bientôt donner une conférence en anglais en Finlande sur Nietzsche, intitulée "Nietzsche et la signalisation de la vertu". Il s'agit du nouveau terme "virtue signalling", qui fait référence à la moralisation. Nous devons travailler sur notre hégémonie culturelle et faire preuve d'un peu plus de courage civique. Je tiens à vous remercier une fois de plus, ainsi que vos lecteurs. Si quelqu'un souhaite en savoir plus et aussi apprendre quelque chose, il peut me contacter à l'adresse tom.sunic@gmail.com  ou visiter mon site web www.tomsunic.com .

En français:

http://www.ladiffusiondulore.fr/home/792-la-croatie-un-pays-par-defaut-.html

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Tomislav Sunic décrit le phénomène de la « soudaineté » et des aléas dans la notion du politique chez les peuples dépourvus d’États stables. En s’appuyant sur de nombreux ouvrages d’écrivains allemands, français, croates et américains, il s’intéresse plus particulièrement au cas de la Croatie avant d’élargir sa réflexion et de passer en revue les « fausses identités » qui interviennent dans la construction des nationalismes européens. Ce livre incontournable présente les identités nationales par « défaut » ou par « procuration ».

Les victimologies et les hagiographies communistes, véhiculées par une certaine gauche occidentale et les médiats fantasmagoriques, ont été volens nolens à l’origine de l’exacerbation du conflit en ex-Yougoslavie — comme elles le seront peut être demain dans l’Union Européenne.

L’ouvrage traite également du glissement sémantique des vocables à la mode, tels que « fascisme », « antifascisme »,  « racisme », etc., et présente au lecteur la face cachée d’une forme de postmodernité mimée à outrance par les Européens de l’Est.

Cette nouvelle édition s’enrichit d’une introduction de Robert Steuckers nous éclairant sur le parcours de l’auteur et son œuvre.