Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

jeudi, 25 mars 2021

Biden : exporter la démocratie par d'autres moyens

200902-biden-editorial.jpg

Biden : exporter la démocratie par d'autres moyens

par Luigi Tedeschi

Source : Italicum & https://www.ariannaeditrice.it/

La guerre froide est-elle de retour? Non. Réponse de Biden lors de l'interview télévisée à la question sur Poutine. Vous connaissez Vladimir Poutine. Le fait de répondre "oui" n'aurait pas vraiment été une gaffe, mais plutôt l'expression claire des directives fondamentales de politique étrangère qui seront suivies par le nouveau président américain. En fait, la politique étrangère de Biden est en parfaite continuité et cohérence avec celle de ses prédécesseurs démocrates, Clinton et Obama. L'unilatéralisme américain, l'interventionnisme politique et militaire avec l'implication des pays alliés, la primauté de l'Amérique dans le monde, la défense des droits de l'homme et surtout du système économique et politique néolibéral au niveau mondial.

La guerre froide est née dans un contexte historique très différent. Celle de l'opposition politique, militaire et idéologique entre les deux puissances victorieuses de la Seconde Guerre mondiale: les États-Unis et l'URSS. Mais dans le contexte géopolitique actuel, issu de la fin de l'URSS, les Etats-Unis de Biden ne reconnaissent que la seule Chine comme puissance mondiale légitimement habilitée à dialoguer (même si c'est dans une position conflictuelle) avec les Etats-Unis. La Russie de Poutine n'est pas considérée comme une puissance mondiale par les États-Unis, au contraire de l'ex-Union soviétique. En effet, la Russie de Poutine a été définie par Obama comme une "puissance régionale". La politique de Poutine a toujours eu comme objectif stratégique le retour de la Russie au rôle de protagoniste sur la scène géopolitique mondiale et son interventionnisme politique et militaire au Moyen-Orient en défense de la Syrie, avec la défaite d'Isis, a produit des résultats importants. C'est pourquoi Poutine a toujours aspiré à établir avec les États-Unis une "relation d'égal à égal", prélude à un "retour à Yalta", ou à un tournant dans la géopolitique mondiale inspiré par un multilatéralisme entre puissances continentales capable de déterminer un nouvel équilibre des forces et d'assurer ensuite la sécurité dans les différentes régions du monde déchirées par des conflits récurrents. Les États-Unis de Biden, en revanche, ne font pas mystère de leur intention de préserver l'unilatéralisme et donc la primauté américaine dans le monde.

Traiter Poutine de "killer" est un acte d'hostilité ouverte de la part de Biden à l'égard de la Russie, qui rejoint, dans une continuité cohérente, la déclaration de Reagan dans les années 1980 à propos de l'URSS, alors définie comme un "empire du mal". La russophobie a toujours été inhérente à la politique américaine, et l'agressivité extrême de la déclaration de Biden est en parfaite conformité avec la conception propre à l'Ancien Testament, où un peuple élu est appelé à combattre le mal, incarné par l'ennemi absolu du jour. Cette inspiration biblique a présidé à la fondation des États-Unis et à leur expansion dans le monde. Giorgio Gaber a dit dans sa chanson America: "En dessous, il y a toujours un peu de western. Même dans les hôpitaux psychiatriques, ils arrivent à y mettre des Indiens".

En réalité, la déclaration de Biden envers Poutine trouve sa raison d'être dans l'ingérence mise en place par Poutine, en soutien à Trump, lors des récentes élections présidentielles. En particulier, Biden s'est senti offensé par la manœuvre de propagande perpétrée par Trump en collaboration avec Rudy Giuliani, qui impliquait le fils de Biden, Hunter, qui avait été nommé au conseil d'administration de Burisma Holding, une société ukrainienne d'extraction de gaz. L'ingérence des médias dans la politique intérieure des États, dans un monde interconnecté, est devenue la norme. Mais cette déclaration de Biden, d'une hostilité ouverte et agressive envers la Russie, dans un climat d'urgence pandémique mondiale, a une signification très spécifique. L'administration Biden, outre la crise de la pandémie, doit faire face à de très graves problèmes intérieurs. L'assaut contre le Congrès par les partisans de Trump est une expression claire des divisions internes du pays. De tels contrastes pourraient faire courir un risque de déstabilisation aux institutions démocratiques américaines elles-mêmes. En outre, n'oublions pas les fréquents et inquiétants épisodes de conflits raciaux qui affligent la société américaine. Reste le problème des flux migratoires, avec des milliers de mineurs retenus devant le mur le long de la frontière avec le Mexique, mur érigé par Trump, mais, on l’oublie, préalablement proposé par Clinton et Obama. Le problème du retrait des troupes américaines d'Afghanistan n'est toujours pas résolu. Aux problèmes de la crise économique déclenchée par la pandémie s'ajoutent ceux de l'agitation sociale croissante et des inégalités toujours plus grandes. Biden n'a même pas réussi à faire adopter par le Sénat le projet de loi visant à augmenter le salaire minimum.

EwnyDdUXAAEkqkj.jpg

Par conséquent, la tirade agressive de Biden contre Poutine, doit être interprétée comme une action destinée à distraire les masses, mise en place afin de détourner l'attention de l'opinion publique américaine et des partenaires internationaux, vers le danger d'un ennemi extérieur à vaincre. En fait, la politique impérialiste américaine a toujours été légitimée par la préfiguration médiatique d'un ennemi contre lequel il faut se défendre, d'un "axe du mal" réel ou présumé, ou de la défense contre les "États voyous". Un ennemi absolu et irréductible, c'est-à-dire qui s'attaquerait à la démocratie, à la liberté, aux droits de l'homme, à la sécurité intérieure des USA. Des valeurs dont la défense justifierait la suprématie américaine dans le monde.

Dans cette perspective, tout en condamnant l'ingérence de la Russie dans la politique américaine, le discours médiatique dominant reste silencieux sur les interventions américaines directes ou indirectes visant à déstabiliser les États dirigés par des régimes jugés incompatibles avec les intérêts stratégiques américains. À cet égard, il faut mentionner l'assassinat du général iranien Soleiman en Irak, perpétré sous le présidence de Trump, le printemps arabe en Afrique du Nord et les révolutions colorées comme celle d'Ukraine, organisées, financées et soutenues militairement par les États-Unis afin de déstabiliser la Russie. Outre le soutien qui a déterminé jadis la montée d'Eltsine en Russie, le seul régime russe qui, subordonné à l'Occident et corrompu jusqu'à la moelle, jouissait de la faveur des États-Unis. Les États-Unis sont en effet le seul pays légitimement habilité à accorder des brevets de démocratie et de respect des droits de l'homme à tous les pays du monde.

La politique étrangère de Biden est interventionniste, et se distingue en cela de l'"America frist" de Trump. Nous assistons en fait à la recomposition de l'OTAN en Europe dans une fonction antirusse. Le multilatéralisme, ainsi que la vocation atlantiste énoncée par Biden, consiste précisément à impliquer les alliés, dans un cadre strict de subordination, dans les stratégies expansionnistes américaines. L'Europe est également déchirée par l'action désintégratrice menée au sein de l'UE par les pays du pacte de Visegrad, dont la souveraineté revendiquée ne représente rien d'autre qu'une politique pro-atlantiste en opposition ouverte à la Russie. De nouvelles sanctions sont brandies contre la Russie, dans lesquelles les pays de l'UE seront également impliqués et en subiront les conséquences économiques. En réalité, les États-Unis veulent empêcher la construction de Nord Stream 2, un gazoduc qui, via la Baltique, devrait approvisionner l'Europe en gaz russe. Il est clair que les États-Unis veulent isoler la Russie en coupant progressivement ses relations avec l'Europe. Les États-Unis veulent donc remplacer la Russie en tant qu'exportateur de gaz et de pétrole de schiste vers l'Europe. Ce projet signifierait également la dépendance énergétique de l'Europe vis-à-vis des Américains. L'objectif de la politique américaine est d'isoler et de marginaliser la Russie. La politique de sanctions, le soutien à l'opposition interne, notamment la campagne médiatique menée pour le respect des droits de l'homme liée à l'affaire de la tentative d'assassinat du dissident Navalny, la condamnation du régime autoritaire russe, la campagne visant à criminaliser Poutine lui-même, sont des manœuvres qui ont un but bien précis : la déstabilisation interne de la Russie, en tant que puissance hostile à l'expansionnisme de l'OTAN à l'est. La politique étrangère de Biden est en parfaite continuité avec la stratégie d'expansion américaine vers l'Eurasie, autrefois théorisée par Brzezinski. Biden est donc le nouvel architecte de cette même politique d'exportation de la démocratie par d'autres moyens, comme la propagande et les sanctions.

Ce n'est pas par hasard que l'agressivité américaine renouvelée à l'égard de la Russie est reproposée justement au cours de la crise de la pandémie. Il existe en fait aussi une géopolitique des vaccins. Les Etats-Unis, à travers les sanctions et l'isolement de la Russie, veulent empêcher la diffusion du vaccin Spoutnik V, déjà adopté par 50 pays dans le monde et ainsi préserver le monopole et les méga-profits du Big Pharma anglo-saxon. Le rôle monopolistique assumé par les multinationales américaines et britanniques en Europe, d'ailleurs renforcé par le co-intérêt de l'Allemagne, est une preuve évidente de l'existence d'un vaccin atlantiste dont l'UE est l'esclave. Alberto Negri déclare à cet égard: "Poutine est un killer selon Biden. Que fera-t-il si l'UE devait acheter le vaccin russe ? Nous bombarder comme l'Irak? En 2003, Biden a voté pour l'attaque contre Saddam qui a ouvert la boîte de Pandore au Moyen-Orient. Ce vote a dévoilé ce qu'est Biden".

L'Europe, orpheline de l'atlantisme sous la présidence de Trump, a appelé de ses voeux un retour au multilatéralisme américain. Mais un tel multilatéralisme, posé comme idéal, se transforme inévitablement, pour l’Europe, en une participation au titre de vassaux subalternes, voire au titre d’appendice colonial, instruments commodes pour faire avancer la politique impérialiste américaine en Eurasie. Or, d'un point de vue géopolitique, l'isolement et la marginalisation de la Russie entraînent également l'isolement et la marginalisation de l'Europe dans le contexte mondial. Et seule une Europe non atlantique pourrait d'ailleurs désamorcer les objectifs stratégiques des Etats-Unis. En effet, l'Europe, par l'établissement d'accords de collaboration politique et économique avec la Russie, pourrait contribuer à la création de nouveaux équilibres géopolitiques, basés sur la sécurité de la zone eurasienne et moyen-orientale.

Sagesse chinoise et folie occidentale: Tucker Carlson et la notion de baizuo

xt99msqb2n451.jpg

Sagesse chinoise et folie occidentale: Tucker Carlson et la notion de baizuo

par Nicolas Bonnal

Folie du monde et sagesse de Dieu, dit Saint Paul. Folie de l’occident, et sagesse de l’orient, commentera-t-on. Un mot existe en mandarin pour désigner nos élites tarées, criminelles et suicidaires. C’est celui de baizuo. On y revient tout de suite.

Le basculement totalitaire en occident est dû à l’osmose entre la gauche sociétale (héritage de Cromwell et de la Terreur française, du New Deal et du traditionnel anarcho-nihilisme Us décrié par Poe ou Baudelaire) et les milliers de faux milliards de la technologie boursière. Tout cela nous fait plonger dans la tyrannie et dans l’extase suicidaire. Les trois pays les plus avancés sont la France, la Grande-Bretagne et les USA sans oublier l’élève modèle israélien qui fait dire à Gilad Atzmon la phrase du siècle : avec des gouvernants comme ceux-là, les juifs n’ont pas besoin d’antisémites ou d’ennemis. Techno-nazisme et médico-fascisme se tiennent maintenant main dans la main avec Gates et un gauche progressiste/éveillée toujours plus vendue aux marchés financiers.

Mais on n’est plus seuls. Il se trouve qu’on a assisté à un basculement (Verwandlung comme dirent les philosophes allemands) la semaine dernière, quand la première puissance mondiale, sur un ton très guénonien (voyez mon texte sur notre civilisation hallucinatoire) s’est lâchée à Anchorage, sur un territoire qui appartenait jadis à la Russie et que le tzar d’alors avait vendu pour une poignée de figues. Les chinois en ont assez, et ils se sont défoulés. Cela a frappé le meilleur journaliste  MSM mondial Tucker Carlson. Tout cela est passé la télé sur Foxnews.com ; rappelons que Cnn and Co s’écroulent et que ces médias vivent comme chez nous de subventions de la part d’Etats totalitaires surendettés et enragés.

D5yIb6kWwAA_Vgy.jpg

Tucker Carlson laisse la parole aux chinois alors que patriote américain il ne doit pas être prochinois (on croyait qu’ils avaient fait élire Biden comme Trump fut élu par les russes…). Et cela donne :

« Voici, pour commencer, l'évaluation du gouvernement chinois sur notre démocratie :
» Yang Jiechi [traduction] : “De nombreuses personnes aux États-Unis ont en fait peu de confiance dans la démocratie des États-Unis, et elles ont des opinions diverses concernant le gouvernement des États-Unis.”

Et il commente Tucker (il nous rappelle le flamboyant film de Coppola sur l’ingénieur Tucker, un inventeur maudit et mort mystérieusement) sur la fraude électorale qui a fait élire un géronte gâteux :» Carlson : De nombreux Américains n'ont pas confiance dans leur propre démocratie, a-t-il dit. En d’autres termes, la dernière élection présidentielle a peut-être été frauduleuse. Soudain, le haut diplomate chinois ressemblerait beaucoup à l’un de ces insurgés suprématistes blancs d’extrême droite dont on entend toujours parler sur CNN, ceux que le département de la justice de Biden a mis en prison. »

Tucker continue à propos de cette diplomatie débile : parler à la Chine comme à la Tanzanie ? Et notre bon leader chinois voyage avec ses propres meubles, et comme on le comprend…) :

« Mais Yang n’avait pas fini. Ensuite, il a attaqué l’administration Biden pour sa politique étrangère néocon stupide :
» Yang Jiechi [traduction] : “Nous ne croyons pas à l'invasion par l'usage de la force, ni au renversement d’autres régimes par divers moyens, ni au massacre de la population d’autres pays, car tout cela ne ferait que provoquer des troubles et de l’instabilité dans le monde... Il est important que les États-Unis changent leur propre image et cessent de promouvoir leur propre démocratie dans le reste du monde.”

2gozmo.jpg

Tucker commente cruellement : « le gouvernement chinois méprise totalement l’administration Biden et n'a plus envie de le cacher. » Le Donald énervait, Sleepy Joe fait pitié. Et Caligula Blinken se fait tailler un mérité short au passage :

» Carlson : Oups ! Il ne s’agit pas du langage traditionnel de la diplomatie, élaboré, poli, oblique et indirect. C’est du talk-show. Le gouvernement chinois méprise totalement l’administration Biden et n'a plus envie de le cacher. Tony Blinken, qui est censé être notre secrétaire d’État, n’a clairement aucune idée de ce qu’il faut dire en réponse. Blinken n’est pas un diplomate par nature. Ce que Tony Blinken voulait vraiment être, c’est une pop star[...] » 

Et Tucker Carlson de se moquer de la contradiction débile américaine : comment faire la morale aux autres alors qu’on ne cesse de dire qu’on est soi-même une nation immorale, fasciste, débile et raciste (merci au gros bouquin d’Howard Zinn, bible de l’antiaméricanisme cheap, qu’il faut détourner au passage) ?

Les chinois ne se sont pas fait faute de se moquer les impudents et sourcilleux envoyés de l’oncle Shmuel, comme dit notre ami Le Saker :» Yang Jiechi [traduction] : “Il existe de nombreux problèmes au sein des États-Unis en matière de droits de l'homme [...] et les défis auxquels les États-Unis sont confrontés en matière de droits de l'homme sont profondément implantés. Ils ne sont pas apparus seulement au cours des quatre dernières années, comme les Black Lives Matter. Ils se manifestent depuis longtemps.”

Chinesen_verspotten_Angela_Merkel_als_naiven_weissen_Gutmenschen.jpg

On retourne la pénible question des droits de l’homme (comme disait déjà Raymond Aron en personne à l’époque de la fastidieuse diplomatie Mitterrand) contre son envoyeur. Effet boomerang garanti :

» Carlson : Le gouvernement chinois utilise donc Black Lives Matter comme une arme contre les Etats-Unis ! Vous avez les Chinois qui nous font la leçon sur les droits de l'homme ! Vous n’auriez jamais pensé voir le jour où cela se produirait. C’est incroyable mais en 2021 ça tient la route. C'est pourquoi ils le font. Les Chinois connaissent bien nos dirigeants. »

La diplomatie des droits de l’homme n’est pas seulement sotte, elle est aussi génocidaire. On ne reparlera pas du Vietnam, de Cuba, de la Syrie, de la Lybie, et de tous les pays martyrs du monde arabe, d’Asie ou bien d’Afrique. Ne faut-il pas exterminer les peuples qui n’ont pas votre profil pathologique et politique, à commencer par les siens propres quand ils deviennent trop populistes ? Ne faut-il pas tuer tout le monde – sauf une poignée de milliardaires, de robots et de technocrates -  pour sauver Gaia et notre mère la terre ?

On arrive au baizuo, notion délicieuse que je vous invite à retenir :

« En fait, ils ont un nom pour nos élites qui se détestent elles-mêmes.
» Ils les appellent “baizuo”. La traduction approximative du mandarin est “progressiste blanc”, et ce n’est certainement pas un compliment. Les médias d’État chinois décrivent les baizuo comme des personnes qui “ne s’intéressent qu’à des sujets tels que l’immigration, les minorités, les LGBTQ et l’environnement, qui n’ont aucun sens des problèmes réels du monde réel, qui ne prônent la paix et l’égalité que pour satisfaire leur propre sentiment de supériorité morale, et qui sont tellement obsédés par le politiquement correct qu’ils tolèrent des valeurs islamiques rétrogrades au nom du multiculturalisme”. »

C’est au nom d’ailleurs de ces valeurs islamiques rétrogrades (celles des wahhabites, qui sont à l’islam ce que Bergoglio est au catholicisme romain) que l’on détruit tous les pays arabes modernes et laïques depuis les années soixante. Je suis né en Tunisie au temps de Bourguiba et pourrais en parler pendant des heures.

Au-delà du baizuo on retiendra la stupidité folle, l’arrogance suicidaire et l’irresponsabilité eschatologique des élites façon Biden-Macron-Merkel et compagnie. Rien n’arrêtera ces fous ni le troupeau progressiste qu’ils ont conditionné. On verra ce que pourront faire la Chine et la Russie à cet égard, surtout à une époque où le Biden crache, insulte, menace au nucléaire, et ne sait pas grimper trois marches d’escaliers ou articuler trois phrases.

https://www.foxnews.com/opinion/tucker-china-america-white-liberalism-biden

00:11 Publié dans Actualité, Définitions | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, chine, définition, vocabulaire, baizuo | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Biden, le tueur des accords gaziers entre la Russie et l'Europe

Gazoduc-carte-min.jpg

Biden, le tueur des accords gaziers entre la Russie et l'Europe

par Alberto Negri

Source : Il Manifesto & https://www.ariannaeditrice.it/

Que cache les paroles de Biden qui ont provoqué un tel émoi ? La guerre des gazoducs. L'objectif est précis : faire sauter les accords énergétiques sur le gaz entre la Russie, l'Allemagne et l'Europe. Et comme corollaire évident, remplacer le gaz russe, si possible, par du gaz liquéfié américain, même si cela coûte plus cher en transport et en infrastructures. Alors Biden utilise les tons de la guerre froide et les pratiques de châtelain médiéval. En résumé, la guerre est la suivante: les États-Unis veulent frapper Poutine au niveau des revenus énergétiques et nous devons jouer leur jeu et payer de notre poche.

En attaquant Poutine et en le qualifiant d' « assassin », Biden a également lancé un avertissement aux Européens. Si vous prenez le gaz russe viendront les sanctions : la menace, déjà par Trump, n'est pas nouvelle mais cette fois plus explicite, mise noir sur blanc et avec un timing précis. Au moment même où le président américain donnait son interview, le département d'État publiait sur son site Internet une déclaration indiquant que le gazoduc Nord Stream 2 entre la Russie et l'Allemagne "est une mauvaise affaire pour l'Allemagne, l'Ukraine et tous les Européens, car il divise le continent et affaiblit la sécurité énergétique européenne".

Et l'ultimatum s’y ajoute immédiatement: "Les entreprises travaillant sur Nord Stream 2 doivent immédiatement abandonner les travaux sur le gazoduc offshore ou elles s'exposeront à des sanctions américaines". Des sanctions qui se traduisent généralement par l'inscription sur une "liste noire", l'impossibilité de travailler et d'avoir des commandes aux États-Unis ou de faire des affaires avec des entreprises américaines, jusqu'à l'interdiction d'effectuer des transactions avec des banques américaines et en dollars. En bref, cela signifie être rayé de la légalité financière, comme cela se passe avec des pays comme l'Iran, Cuba, le Venezuela. Malgré qu’ils sont atlantistes et partenaires des Américains, l'Allemagne et d'autres pays européens - mais ce n'est pas nouveau - sont traités par Washington comme des serfs.

Il est bien entendu que l'insulte de Biden à Poutine est une continuation du conflit énergétique et du conflit d'intérêts qui oppose les États-Unis, la Russie et l'Europe.

5072080.jpg

C'est une étrange coïncidence que les menaces américaines surviennent au moment où les raids français, américains et britanniques sur la Libye de Kadhafi remontent à dix ans : sans ces bombardements, le régime de la Jamahiriya ne serait probablement jamais tombé. Mais à l'époque les intérêts américains, français et britanniques coïncidaient: il s'agissait d'éliminer un Raìs qui détenait des milliards de mètres cubes de réserves de pétrole et de gaz, relié par un gazoduc, le Greenstream, à une moyenne puissance en déclin comme l'Italie, qui en fait, afin de préserver les intérêts de l'ENI, a rejoint les raids après un mois sous le parapluie de l'OTAN, abandonnant un allié qui, le 30 août 2010, avait été reçu à Rome en grande pompe.

La guerre des gazoducs vient de loin. Dans les années 2000, l’ENI et le russe Gazprom avaient construit le gazoduc Blue Stream qui transportait du gaz de la Russie vers la Turquie en passant par la mer Noire. Les Américains n'ont pas aimé ça. Puis, en 2007, l'Italie (au temps du gouvernement Prodi) avait signé un autre accord entre l’Eni et Gazprom pour construire le South Stream, un nouveau gazoduc destiné à relier directement la Russie à l'Union européenne, en éliminant tout pays non membre de l'UE du transit. Le projet a été suspendu en 2014 en raison des sanctions imposées à Moscou après l'annexion de la Crimée. Le South Stream a ensuite été remplacé par le Turkey Stream, un gazoduc construit suite à l'accord entre Poutine et Erdogan, par ailleurs opposés en Syrie, en Libye et dans le Caucase. Poutine a ensuite accordé à Erdogan une réduction de 6 % sur les livraisons de gaz, ce qui a encore moins plu aux Américains.

C'est pourquoi Poutine, selon les mots de Biden, est un "killer": il veut nous vendre du gaz au rabais et peut-être même des vaccins. C'est pourquoi Erdogan a également été attaqué par le président américain sur la question kurde. Ce qui serait bien si les Américains n’excitaient pas les Kurdes comme d'habitude pour ensuite les abandonner à leur sort comme Trump l'a fait en 2019 en laissant Ankara les massacrer.

Et pour tenir la Turquie à distance, les États-Unis encouragent, comme le rapportait Michele Giorgio il y a quelques jours dans Il Manifesto, l'alliance de plus en plus étroite entre Israël, la Grèce et Chypre pour la défense des champs gaziers de la Méditerranée orientale également revendiqués par la Turquie: des ressources énergétiques à acheminer vers les marchés continentaux grâce à un gazoduc offshore de deux mille kilomètres.

Comment les Européens réagissent-ils aux menaces américaines sur Nord Stream 2? Le projet - aujourd'hui achevé à 90% - disent les partenaires des Allemands sera conclu, même si la Pologne et l'Ukraine, pays de transit du gaz russe, sont furieux car ils craignent la réduction de leurs revenus. Mais la guerre des gazoducs n'est pas terminée : quelques nouveaux missiles nucléaires américains pourraient peut-être partir, en partant de la Pologne, un peu partout en Europe, juste pour faire comprendre à Poutine qu'il n'est pas obligé de vendre du gaz avec un rabais et des vaccins Sputnik V aux Européens. La nouvelle géopolitique en temps de pandémie teste la santé et sondent les poches.

mercredi, 24 mars 2021

Pierre Le Vigan : Nietzsche et l'Europe, une mise au point

8562f9c_925670280-01-friedrich-nietzsche.jpg

Pierre Le Vigan: Nietzsche et l'Europe, une mise au point

Pierre Le Vigan, urbaniste et essayiste, répond aux questions de Marianne Corvellec à l'occasion d'une mise au point sur Nietzsche et L'Europe. 
 
 
➡️ Abonne-toi, camarade !

L'eau est le composé chimique le plus abondant dans la nature, mais la guerre pour l'"or bleu" ne fait que commencer

l-eau.jpg

L'eau est le composé chimique le plus abondant dans la nature, mais la guerre pour l'"or bleu" ne fait que commencer

Pecus Ganèsh Tomasino

https://www.lintellettualedissidente.it/

Le composé chimique le plus abondant dans la nature est l'eau. Un être humain privé d'eau meurt au bout d'une poignée d'heures plus ou moins longues, et d'après ce que nous pouvons savoir, cette substance exerce naturellement sur tout et tous une force qui s'apparente d'une certaine manière à la gravité. Les premières grandes communautés humaines ont été fondées sur les rives de cours d'eau importants et constants (il va sans dire : le Tigre et l'Euphrate), et aujourd'hui encore, la disponibilité de l'eau par habitant est un indice de la richesse absolue du territoire analysé. Les communautés humaines gravitent autour de l'eau ou la font graviter autour d'elles. La question semble évidente, mais elle ne l'est peut-être pas tant que cela : à quoi sert l'eau dans l'Anthropocène? D'une manière générale, et en la réduisant à l'essentiel, elle est utilisée pour boire, nettoyer, irriguer, éclairer et fabriquer. Les entreprises qui se chargent généreusement de donner de l'eau aux assoiffés sont pléthore, et parmi elles, seules quinze se disputent un marché d'environ trois cents milliards d'euros par an. Les plus grands sont : français, américains, chinois ; et ils produisent de l'eau en bouteille, des boissons gazeuses et des produits assimilés. En revanche, en ce qui concerne les autres fonctions de l'eau, les questions se compliquent et prennent une forme qui vous fait prendre la tête. Les aspects technico-politico-économiques de la gestion des ressources en eau vont de la campagne aux universités, des plus hauts niveaux des géants financiers aux coulisses les plus secrètes.

1000xMBurry.jpg

Michael Burry.

Michael Burry, qui n'a même pas quarante ans, qui a parié en 2007 sur l'échec du fameux "too big to fail" et a gagné haut la main (aujourd'hui, il dirige la société Scion Capital Investment), à la question de savoir sur quoi il avait décidé d'investir, a répondu laconiquement : "Je vais investir dans l'eau". De la disponibilité en or bleu dépend, de manière directe, la capacité à produire des aliments et du bétail et donc, en bonne logique déductrice, à constituer une part fondamentale des balances commerciales entre les différents pays, mais aussi, et ce n’est pas la moindre des choses, la quantité d'énergie électrique qui peut être produite de manière totalement propre, en faisant face uniquement aux coûts d'investissement initial et d'entretien. Les centrales hydroélectriques associées à des réservoirs plus ou moins artificiels constituent aujourd'hui le moyen le plus économique et le plus propre de produire de l'énergie à des coûts d'exploitation techniquement négligeables. Surtout, si les investissements initiaux sont très importants et considérés comme stratégiques, s’ils sont pris en charge par les différents circuits éparpillés dans le monde et si ensuite, en raison de vicissitudes habituelles, de crises économiques, de guerres ou d'accords multilatéraux, ces structures se retrouvent entre les mains de géants privés de l'énergie.

L'énergie produite est évidemment utilisée pour les processus industriels, mais attention, car l'eau est utilisée dans les processus industriels de tellement de façons (de la chimie fine à l'industrie lourde) qu'il est peut-être commode de la définir comme le composé le plus abondant dans la nature, mais aussi comme le plus important pour les communautés humaines. Dans un monde surpeuplé et harcelé par l'instabilité climatique, il devient évident que les technologies de découverte, de collecte, de distribution, d'utilisation et de récupération de l'eau sont stratégiques, et les nations souveraines, plus ou moins animées par des tendances hégémoniques ataviques, le savent; et donc, de manière plus ou moins légitime, tendent à s'accaparer le plus d'eau possible.

waterfall-brazil-wild-force-of-nature-impressive-imposing-water-wall.jpg

Les pays les plus actifs dans ce secteur fondamental sont évidemment les États-Unis et le Royaume-Uni, les deux principales puissances anglo-saxonnes, la France et la Chine, la Russie étant apparemment à la traîne. Essentiellement donc les puissance qui occupent les sièges permanents des Nations Unies. Le Brésil, par exemple, qui est le pays disposant des ressources en eau les plus riches du monde et qui devrait donc être aussi l'un des plus riches, voit son indice de Gini - exprimé en pourcentage - égal à 51,3 (un coefficient qui, s'il est égal à zéro, indique que les revenus sont également et parfaitement répartis entre tous et égal à un indique, au contraire, qu'ils sont parfaitement centralisés entre les mains d'une seule personne). Le Brésil est l'un des pays les plus inégalitaires au monde, alors qu'il est l'un des plus riches en ressources, et pas seulement en ressources en eau. Mais c'est là une autre affaire. Au fil des ans, dans le plus grand pays d'Amérique latine, depuis la fin du siècle dernier, une riche série de privatisations a permis à des entreprises privées (dans le cas spécifique de Suez surtout) de s'emparer à des fins lucratives des structures de gestion et de distribution de l'eau brésilienne en échange de promesses contractuelles de nature souvent opaque.

Quelle est donc la géopolitique de l'eau ou des eaux ? Le fleuve Colorado est d'abord riche et florissant aux États-Unis, où il irrigue des millions d'hectares de terres et produit des quantités exorbitantes d'énergie, avant d'être réduit à un filet d'eau toxique à la frontière avec le Mexique. Le Danube traverse sur une longueur de 2800 km dix pays européens, jaillit en Allemagne et se jette dans la mer Noire sur les côtes roumaines. Depuis des siècles, il est le théâtre d'affrontements transfrontaliers. Son bassin hydrographique intéresse au total près d'une vingtaine de pays, dont l'Italie pour 0,15%. Le lac Aral, qui, à cause de ses dimensions est souvent appelé ‘’mer’’, n'existe presque plus aujourd’hui, tout simplement, à cause de l'utilisation forcenée et déséquilibrée des eaux de ses affluents et de son bassin. La mer Morte, l'un des bassins d'eau les plus fascinants et les plus salés au monde, est au centre d'un litige entre la Jordanie et Israël pour la construction d'un canal qui devrait amener les eaux de la mer Rouge à la mer Morte en produisant de l'énergie en exploitant la différence naturelle d’altitude de plus de 400 mètres qui existe entre les deux mers.

3308792282_1_3_ym5byCjI.png

Le réseau fluvial Yarlung-Tsangpo-Brahmapoutre est l'un des plus grands et des plus puissants réseaux hydrographiques de la planète. Il est au centre d'un conflit territorial très complexe concernant les droits d'utilisation des ressources entre deux des puissances les plus prometteuses de la planète (la Chine et l'Inde) qui veulent exploiter ce réseau fluvial, chacune pour sa part, au maximum. Et ce ne sont là que des exemples flagrants de conflits autour des eaux de surface. Il serait exagéré de dire qu'à la base de chaque conflit il y a une question d'approvisionnement en eau; mais il n'est certainement pas exagéré de dire que les ressources en eau d'un territoire poussent les pouvoirs politico-économiques à se déplacer jusqu'au point de confrontation afin de pouvoir en exploiter au moins une partie considérée comme équitable. La nappe aquifère dite des grès de Nubie est le plus grand bassin d'eau souterraine, considérée comme fossile, qui n’a jamais été découverte et peut-être même imaginée. Elle est située dans l'un des territoires les plus secs et les moins développés de la planète, qui se trouve également être, malheureusement depuis de nombreuses années, l'un des plus instables politiquement. Au-dessus de ce réservoir de vie aux dimensions bibliques se trouvent les déserts du Tchad, du Soudan, de la Libye et de l'Égypte. Khadafi avait commencé à réaliser un projet pharaonique d'exploitation des eaux de cette strate, plaçant, de ce fait et stratégiquement, la Libye dans une position enviable avec d’énormes avantages géopolitiques: est-ce un hasard si aujourd'hui ce même pays n'est plus qu'une sorte de vague souvenir ? Comme le disait Andreotti : "penser mal, c'est toujours avoir raison".

Et l'Italie ? Que fait l'Italie, que fait-elle avec l'eau ? En gros, il discute, de manière animée, et, comme d'habitude, conclut peu. Le numéro 3/2020 de la célèbre revue italienne de renseignement, Gnosis, est un volume très élégant, au ton presque poétique, entièrement consacré à l'eau, dans lequel l'état actuel et futur des arts et techniques concernant cette substance est exposé avec beaucoup de précision et d'acuité. Malheureusement, la position de l'Italie sur le plan géopolitique est vague et les choix effectués en matière de gestion de ses ressources en eau domestiques sont très rares, à l'exception de quelques bonnes pratiques mises en œuvre par Ferrero, l'une des plus grandes entreprises du secteur mondial de la distribution alimentaire et l'une des moins empêtrées dans le bourbier sociopolitique italien. En gros, l'Italie a fait la sourde oreille au merveilleux moment de civilisation exprimé par la population lors du référendum sur l'eau, rabaissant ce que le peuple a élevé au rang de bien commun universel à une simple affaire de parti ; l’Italie officielle ne comprend pas le potentiel éducatif consistant à optimiser et utiliser les ressources naturelles en général et de l'eau en particulier ; elle n'a aucun rôle au niveau local ou mondial dans l'exploitation durable des ressources en eau, sauf partiellement l’Eni ; elle n'a aucun rôle politique technologique et/ou industriel actif dans les secteurs les plus stratégiques de la gestion de l'eau, il suffit de dire que parmi les 25 personnalités les plus influentes dans le domaine de l'eau il n'y a même pas un Italien. Le nouveau ministre de la transition écologique Roberto Cingolani a non seulement compris l'état de dégradation et d'abandon dans lequel nous nous trouvons, mais il a prospecté l'avenir en avançant la un argument clé qui fera comprendre pourquoi l'eau est si importante maintenant. L'avenir proche, et selon toute vraisemblance le siècle entier qui nous attend, sera alimenté par des batteries, et aussi efficaces et écologiques qu'elles puissent être, elles doivent être et seront chargées et rechargées avec de l'électricité durable. Le ministre dit, et écoutons-le car il n'a pas tort, que oui, la fusion froide, comme on l'appelle improprement, sera le mécanisme de base de la production d'énergie pour l'avenir, nous ne savons pas encore à quelle distance temporelle, mais c'est à partir de l'eau que nous produirons la plus grande partie de l'énergie à court et moyen terme avec une technologie plus que centenaire : l'électrolyse. Voici le mystère. À partir de la molécule d'eau exposée à l'action magique de la cathode et de l'anode traversées par un courant électrique approprié, par oxydoréduction, la liaison entre l'hydrogène et l'oxygène est rompue, produisant les deux espèces chimiques distinctes. Isolé et correctement stocké, l'hydrogène est une source d'énergie propre et pratiquement inépuisable, car son utilisation génère à nouveau de l'eau.

Si le siècle dernier a été celui des combustibles fossiles et des plastiques hydrocarbonés, nous devons ramener notre mémoire à la splendeur imaginative de feu Enrico Mattei: l'homme dont la folie visionnaire l'a amené à exiger six pattes pour l’animal mythologique qui est devenu le symbole de l’Eni parce que quatre ne suffisaient pas, et dont la charité chrétienne l'a amené à penser naïvement qu'il était possible de créer un développement pour tous de manière équilibrée en suivant un partage équitable des biens que nous offre le Seigneur, bref un Icare moderne ; ou encore à nous rappeler les exploits scientifiques de l'éminent et brillant prof. Giulio Natta, qui a inventé la matière première, si plastique qu'elle est devenue précisément le Plastique, à la base de tout le design qu'aujourd'hui, si bien que nous en retrouvons bêtement un peu partout ne pouvant éviter d'en ingérer une certaine quantité chaque jour. Ce siècle sera le siècle de l'eau, et Michael Burry gagnera une fois de plus beaucoup d'argent. La vraie question est de savoir si l'Italie sera enfin capable de trouver sa place dans le monde, en commençant à penser et à formuler des demandes modérées et légitimes de développement qui soient cohérentes avec les niveaux et les capacités que nous sommes en mesure de mettre en œuvre dans ce pays. Il est clair que la position géographique n'aide pas, elle est trop stratégique ; à tel point que si nous devenions trop souverains en tant qu'Italiens, nous pourrions être trop influents. C'est à la classe dirigeante de comprendre comment s'y prendre. Le 22 mars, pour ce que cela vaut, est la Journée mondiale de l'eau et l'Italie n'a même pas été invitée.

00:55 Publié dans Actualité, Economie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, économie, eau, or bleu, géoéconomie | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Les ultimes paroles de Mishima

9.jpg

Les ultimes paroles de Mishima

par Bastien VALORGUES

Le 25 novembre 1970, le célèbre écrivain japonais Mishima Yukio se donnait la mort. Il protestait de la passivité de ses compatriotes. Il incitait par cet acte terrible à réveiller le vieil esprit nippon. Avant de commettre le seppuku rituel, il s’adressa aux unités d’auto-défense réunies à sa demande.

Les éditions Ars Magna viennent de traduire et de publier la dernière allocution du fondateur de la Société du Bouclier, l’organisation paramilitaire chargée de redresser l’Empire du Soleil Levant. Cet « appel aux armes » est précédé par une belle introduction de Georges Feltin-Tracol. C’est d’ailleurs la première fois que le public francophone dispose de cette intervention historique et tragique.

Mishima Yukio dénonce avec force « le Japon d’après-guerre [qui] s’est vautré dans la prospérité économique, il a oublié les fondamentaux d’une nation, perdu son esprit national, négligé ce qui est essentiel dans la poursuite de bagatelles, s’est engagé dans l’improvisé et l’hypocrisie et a perdu son âme. C’est ce que nous avons pu voir (p. 20) ». Il souhaite que la Jieitai (les forces d’auto-défense) « renoue avec l’origine des fondements de la force armée japonaise et devienne une authentique armée nationale grâce à une réforme constitutionnelle (p. 21) ». Il s’agit pour lui de réviser l’article 9 de la Constitution de 1946 qui interdit au Japon de déclarer la guerre. Mishima a raison d’avancer « que légalement et théoriquement, l’existence même du Jieitai est contraire à la Constitution d’après-guerre et que la défense nationale, comme composant fondamental d’une nation, est embrouillée par des interprétations juridiques pratiques afin d’assumer le rôle de la force armée sans employer le nom de force armée (p. 20) ».

image.htmlymaa.jpgPar-delà le rôle moteur de l’armée, Mishima Yukio défend le rétablissement de la pleine souveraineté de Tokyo. Or, il sait que son pays sorti des ruines de l’après-guerre est une colonie de l’Occident anglo-saxon. « Le soi-disant contrôle par le pouvoir civil des militaires anglais et américains est uniquement un contrôle financier (p. 25). » Il dénonce que l’île méridionale d’Okinawa soit encore sous la tutelle de Washington. Il ignore que les États-Unis la rétrocéderont au Japon en 1972. Il s’offusque que le Japon signe le traité de non-prolifération nucléaire et renonce ainsi à la détention d’une force de frappe atomique. Clairvoyant, il prévient que la soumission du Jieitai aux vainqueurs de 1945 en fera, « comme les gauchistes l’ont remarqué, une force mercenaire de l’Amérique pour toujours (p. 27) ».

Si, le 25 novembre 1970, Mishima Yukio demande en vain aux forces japonaises de renverser le régime parlementaire, il invite surtout les Japonais à retrouver le sens du sacrifice. Il désavoue tout « patriotisme constitutionnel ». Il se demande vraiment : « Y a-t-il quelqu‘un qui veut mourir en se sacrifiant pour la Constitution qui a privé le Japon de sa colonne vertébrale ? (p. 27) » Il lance un vrai défi à la société moderne japonaise : « Rendons au Japon son visage authentique et mourons pour lui (p. 27). » Plus que réussir un coup d’État, Mishima Yukio rappelle plutôt aux troupes que « la signification originale et fondatrice de l’armée du Japon ne consistait en rien d’autre que la “ protection de l’histoire, de la culture et des traditions du Japon centrées sur la monarchie ” (p. 22) ».

Rétif aux actes valeureux et pétri de préjugés démocratiques, l’auditoire militaire de Mishima Yukio s’irrite de l’action sublime de l’écrivain qui met alors fin à ses jours dans une mise en scène traditionnelle héroïque. Bien qu’encore aujourd’hui sous-estimée et mal jugée, la tentative de putsch de Mishima Yukio continue à secouer l’âme profonde des Japonais les plus patriotes. Son sacrifice sublime et celui des membres du Tatenokai n’ont pas été inutiles.

Bastien Valorgues

• Mishima Yukio, Un appel aux armes. Le discours final de Mishima Yukio, Ars Magna, coll. « Les Ultras », 2021, 32 p. 15 €.

L’Europe doit investir dans les technologies du futur

robot-the-thinker.jpg

L’Europe doit investir dans les technologies du futur

Par Jérémy Silvares Jeronimo
 
Ex: https://eurolibertes.com/

Comme des millions de personnes, j’étais vissé sur mon fauteuil devant mon écran de télévision le 18 février afin de voir le robot Persévérance se poser sur la planète Mars. Construit par la NASA (1), le robot Persévérance montre une fois de plus que les Occidentaux des deux côtés de l’Atlantique continuent d’être des explorateurs hors-normes.

En matière de spatial les Américains dominent, suivis des Européens. Les chinois ne sont pas encore à notre niveau mais cela ne saurait tarder. Et si les Américains dominent encore c’est aussi à cause du nombre de scientifiques qui sortent de leurs excellentes universités et qui peuvent, avant d’aller travailler pour la NASA, travailler dans des start-up sur tous types de projets innovateurs dans ce que l’on appelle la vallée du Silicone (Silicon Valley).

Pourtant je lis, ici et là, sur les sites dits de « réinfosphère », de violentes critiques sur ce que la Silicon Valley, les entreprises et les personnes qui y travaillent représentent, c’est-à-dire le camp progressiste, le politiquement correct et le danger pour la démocratie que sont les GAFA. Mais il importe de souligner que les GAFA sont réellement un danger pour la démocratie. Il suffit de se rappeler la manière dont Twitter et compagnie ont expulsé Donald Trump.

Que ces compagnies soient ou non d’accord avec le contenu des tweets on doit se poser la question cruciale : une entreprise privée peut-elle censurer le président des USA ? D’autant que l’importance que ces réseaux sociaux ont eue sur les élections est préoccupante. La pression que les GAFA exercent sur les petits réseaux sociaux libres surtout après que des millions d’utilisateurs ont quitté Facebook et Twitter pour aller vers Parler est scandaleuse (2).

Ceci est vrai, mais, il y a un mais… Car la Silicon Valley c’est bien plus que les GAFA ou le progressisme, c’est une des régions de l’Occident où l’on rêve encore du futur, et ça, ça n’a pas de prix. Et quand je dis rêver du futur, je parle des capacités que certaines personnes ont – Elon Musk n’en n’est qu’un exemple – à penser l’homme de demain, les technologies de demain, les conquêtes de demain.

Après avoir tout inventé ces derniers siècles (3), les nations d’Occident risquent de se faire dépasser par les nations d’Extrême-Orient, Japon, Corée, Taiwan, et surtout la Chine. Nos leaders politiques, à part quelques rares exceptions, ont depuis les années soixante-dix laissé partir nos brevets, nos inventions, notre technologie. En France, jusqu’aux années soixante-dix nous étions dans les premiers de cordées (pour citer un certain président).

Le TGV, le Minitel, le Concorde pour n’en citer que quelques-uns furent des fleurons à leur époque… Et c’était pareil dans tout l’Occident. Et maintenant ? Nous inventons toujours, mais les États donnent de moins en moins d’argent à la recherche scientifique. Et certains scientifiques n’hésitent pas à quitter la France afin de pouvoir poursuivre leurs travaux. Ce qui en dit long sur l’intérêt que ceux qui tiennent les cordons de la bourse leur vouent.

Robot_Intelligence_Artificielle_IA_Conseiller_Technologie_Futur_Industrie_800x600.jpg

Or aux USA, que l’on aime ou que l’on n’aime pas ce pays, on continue de rêver et d’inventer, dans les grandes universités, à la NASA, dans la Silicon Valley. Avec de l’argent privé et public. On y travaille sur la Deep Tech, ce qu’en français on nomme les « jeunes pousses disruptives », l’intelligence artificielle, la robotique, les énergies propres, la nanotechnologie, l’aérospatial ou l’informatique quantique…

En Europe aussi on travaille sur ces sujets, mais pas autant que nous devrions car l’argent manque pour ces projets… les gouvernements préfèrent financer des ONG et des associations qui déconstruisent nos Nations.

Et cependant… cependant même aux USA, de plus en plus de chercheurs, d’inventeurs et de scientifiques partent pour la Chine. Le nombre est encore très petit mais… C’est une catastrophe pour l’Europe et pour les USA. Si les nations d’Occident ne se maintiennent pas sur le podium de l’inventivité, nos pays n’auront plus aucune attractivité et deviendront des nations secondaires.

Nous continuons, nous Occidentaux, à avoir de très « grosses têtes ». Ne les laissons pas fuir vers la Chine. Que la prochaine Renaissance soit à nouveau en Occident et non pas en Chine. Comme le disait Philippe Coué sur CNews, lors de l’atterrissage de Persévérance, il n’y a pas de grandes nations sans grands projets. À nos leaders d’investir dans ces grands projets.

Notes

(1) En plus des Américains, principaux concepteurs du projet, il y avait aussi des pièces européennes, comme la camera SuperCam construite par des Français.

(2) Le fait qu’Amazon coupe l’accès à ses serveurs justement au réseau social Parler est tout aussi honteux… lien : 12/0172021, Amazon coupe l’accès du réseau social Parler à ses serveurs, Le Temps, France, lien : https://www.letemps.ch/monde/amazon-coupe-lacces-reseau-s...

(3) Je vous renvoie à mon dernier texte, Ce que le monde doit à l’Occident. Pour ceux qui l’auraient oublié, lien : https://eurolibertes.com/culture/ce-que-le-monde-doit-a-loccident-pour-ceux-qui-lauraient-oublie

00:10 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, futur, technologies, high tech, europe | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

mardi, 23 mars 2021

Racines historiques de la théorie des « deux nations » en Inde

Partage_de_l'Inde.svg.png

Racines historiques de la théorie des « deux nations » en Inde

Par Daniele Perra

Ex: https://www.eurasia-rivista.com/

"Nous ne sommes pas des Afghans ni des Tartares ou des Turcs,

nous sommes nés d'un seul jardin, d'une seule branche bourgeonnante.

Distinguer les couleurs et les odeurs est une faute grave pour nous,

car nous avons tous, un seul et unique, engendré le printemps".

(M. Iqbal, quatrain XX, Messages de l'Orient)

L'idée de deux nations distinctes dans le sous-continent indien n'a pas accompagné tout le parcours politique de Muhammad Ali Jinnah. Ce ne fut le cas qu'à partir du milieu des années 1930, face à la crainte que le nationalisme indien ne se transforme rapidement en nationalisme hindou (l'adoption du Vande Mataram comme hymne du Congrès inquiète Jinnah, qui y voit un chant "idolâtre" fondé sur la "haine des musulmans") [1]. C’est alors que cette idée prend une place prépondérante dans la pensée du père fondateur du Pakistan. Et Jinnah lui-même était fermement convaincu que cette idée n'était pas nouvelle du tout. En fait, elle n'est pas un produit de la modernité, mais est née au moment même où le premier hindou, également pour échapper au système rigide des castes, s'est converti à l'Islam.

8544a40f2082ed622527a48311293be4.jpg

Ali Jinnah.

L'idée que la théorie des deux nations a une origine prémoderne, bien qu'elle ne soit pas articulée en référence au concept moderne d'État-nation, n'est pas sans fondement. À la veille de la deuxième bataille de Tarain, le sultan des Ghurides [2] Mu'izz al-Din suggère à son rival, le souverain hindou Prithiviraj du Chahamana, une sorte de partition ante litteram par une division de l'Hindoustan qui anticipe largement les idées proposées par Muhammad Iqbal dans son discours d'Allahabad en 1930. Selon l'historien persan Firishta (1560-1620), les musulmans avaient droit à la région de Sirhind, au Punjab et au Multan, tandis que les hindous avaient droit au reste de l'espace subcontinental.

L'idée que les hindous et les musulmans représentaient inévitablement deux communautés distinctes, difficiles à faire coexister l'une avec l'autre, était récurrente à l'époque moghole.

La dynastie d'origine turco-mongole, bien qu'adhérant formellement au courant sunnite de l’islam (de rite juridique hanafite), a eu un rapport assez complexe (et en phases alternées) avec la religion. La religion, en fait, a été conçue principalement comme un instrument du pouvoir politico-militaire. Babur (1483-1530), fondateur de la famille impériale, par exemple, n'a redécouvert la ferveur religieuse que lorsqu'il était sur le point de faire la guerre aux Rajputs belliqueux de Rana Sanga : des guerriers hindous connus pour la pratique consistant à tuer leurs propres femmes et enfants dans l'imminence d'une défaite pour éviter d'être réduits en esclavage par les vainqueurs. Ainsi, à l'approche de la bataille de Khanua (1527), Babur déclara solennellement à ses hommes :

"Nobles et soldats! Celui qui participe à la fête de la vie doit, avant la fin, boire à la coupe de la mort. Il vaut donc mieux mourir avec honneur que de vivre dans l'infamie. Le Très-Haut nous a fait grâce. Il nous a maintenant placés dans une situation où, si nous tombons au combat, nous mourrons en martyrs; si nous survivons, nous serons les vengeurs victorieux de Sa Sainte Cause. Nous jurons donc d'un commun accord sur la Sainte Parole de Dieu [le Coran] qu'aucun d'entre nous ne pensera même un seul instant à tourner le dos à cette guerre; ou à se retirer de la bataille et du massacre qui suivra jusqu'à ce que son âme soit séparée de son corps "[3].

akbar.jpg

Akbar le Grand.

Toujours à l'époque moghole, bien que sous le règne d'Akbar (petit-fils de Babur), l'idée d'incompatibilité entre hindous et musulmans a trouvé une nouvelle fortune avec la prédication d'Ahmad al-Faruqi al-Sirhindi (1564-1624). Membre de la confrérie Naqshabandi, Sirhindi a non seulement théorisé l'interdépendance entre les pratiques soufies et la Shari'a, mais, malgré les critiques des milieux orthodoxes, a soutenu la supériorité de la Réalité du Coran (haqiqat-i quran) et de la Réalité de la Ka'ba sur la Réalité du Prophète (haqiqat-i Muhammadi); cette doctrine aura une influence décisive sur le développement des théories de l'exégèse coranique et de la méthodologie du philosophe pakistanais Fazlur Rahman Malik (1919-1988). Ravivant la tension constante dans l'histoire de l'Islam entre préservation et innovation, Sirhindi est devenu le porte-parole d'une bataille acharnée pour la redécouverte de la pureté originelle de l'Islam face à la tentative impériale de construire une forme religieuse syncrétique, tentative visant à aplanir les divergences au sein de l'Empire. Cet épisode mérite une brève enquête.

L'histoire de l'empereur moghol Akbar est assez complexe. Bien qu'il ait réussi à satisfaire ses ambitions de conquête en plaçant l'Hindoustan sous son pouvoir, Akbar a toujours montré une tendance à la mélancolie (peut-être causée par de fréquentes crises d'épilepsie) qui transparaît dans l'inscription qu'il a dictée pour le majestueux portail de la Jama Masjid (la mosquée du vendredi, qu'il avait fait construire à Fatehpur Sikri, après la conquête du Gujarat) : " Le monde est un pont: passez-le, mais ne construisez pas de maison dessus [...] Le monde ne dure qu'une heure : passez-la dans la prière "[4].

Toujours à Fatehpur Sikri, en 1575, l'empereur a voulu établir un centre d'investigation philosophico-religieux, connu sous le nom d'Ibadhat Khana, dont l'objectif initial était de surmonter les différences entre les divers courants de l'Islam pour redonner à la religion sa force et sa pureté originelles. Cependant, surtout après l'ouverture des portes du centre par Akbar et la participation subséquente au débat de représentants d'autres religions (juifs, chrétiens, zoroastriens, hindous, etc.), son sentiment d'appartenance à l'Islam (bien qu'il n'ait jamais été complètement répudié) s'est lentement estompé. En particulier, 1578 est l'année du tournant (peut-être dû à une crise d'épilepsie plus lourde que d'habitude au cours d'une expédition de chasse): il passe du statut de souverain musulman orthodoxe à celui de réformateur radical.

Comme on retrouve dans la pensée d'Akbar l'idée que le rituel exécuté mécaniquement et sans conscience intérieure rend le culte de Dieu inutile, le roi était extrêmement intéressé et fasciné par le soufisme. Cet intérêt l'a cependant amené à convoquer non seulement des maîtres du courant ésotérique de l'Islam comme Shaikh Tajuddin (qui a identifié la doctrine soufie de l'unité de l'être avec le monisme de la métaphysique hindoue), mais aussi des samanas (ascètes bouddhistes et jaïns), des yogis, des brahmanes et des savants zoroastriens. En effet, à partir de 1580, sous l'influence du zoroastrien Dastur Mahyragi Rana, Akbar adopte également en public les rites de l'ancienne religion iranienne. Mais le conflit avec les autorités orthodoxes de l'islam a commencé dès 1579, lorsque, à l'occasion de l'anniversaire de la naissance du prophète Mahomet (qui tombait cette année-là le 26 juin), il a lu pour la première fois et conclu la khutba (le sermon du vendredi) dans le Jama Masjid en prononçant les mots "Allahu Akbar".

Cette expression est assez célèbre et courante en Islam. Elle suscita cependant l'ire des oulémas orthodoxes qui l'interprétèrent non pas avec le sens traditionnel "Dieu est plus grand", mais avec la volonté du souverain d'affirmer sa propre divinité, puisqu'elle pouvait aussi se prêter à un "Akbar est Dieu" plus que blasphématoire.

Quelques mois après l'événement, Akbar a obtenu de certains érudits religieux de la cour un document le déclarant Sultan-i adil (souverain vertueux). Ce document, fondé sur le dicton coranique "obéissez à Dieu, obéissez au Prophète et à ceux d'entre vous qui détiennent l'autorité", lui permettait, entre autres, d'agir en tant qu'arbitre dans les affaires religieuses et d'émettre un décret contraignant (pour autant qu'il soit conforme au Coran) pour le bien de l'empire en cas de conflit d'opinions entre les savants.

Akbar s'est servi de ce stratagème pour promulguer en 1582 sa propre religion syncrétique, le Din Ilahi, en opposition ouverte à l'orthodoxie islamique, qu'il considérait, comme le rapporte l'historien Firishta précité, comme un obstacle à ses idées. Cette nouvelle religion se présentait comme un credo syncrétique, dont le but était de trouver un point de convergence entre toutes les croyances, afin que tous puissent l'approuver tout en restant fidèles à leurs propres croyances. Il s'agissait d'une religion "régicentrique", qui, à certains égards, peut rappeler l'expérience monothéiste solaire du pharaon égyptien Akhénaton et dont les connotations étaient principalement socio-politiques. L'idée fondamentale défendue par Akbar était que la vénération du souverain faisait partie de la même vénération de Dieu ; et que la vénération de Dieu, pour le souverain, n'était rien d'autre que la pratique d'une administration conforme à la justice.

Outre le caractère assez confus de la doctrine, l'expérience d'Akbar échoua non seulement en raison du caractère élitiste (pseudo-initiatique) que le souverain voulait donner à sa "religion", mais aussi en raison de l'hostilité des érudits musulmans orthodoxes et de la réticence des communautés majoritaires respectives de l'Empire à s'amalgamer entre elles. En fait, malgré les efforts d'Akbar, les "deux nations" du sous-continent avaient déjà été largement consolidées.

Un autre précurseur de l'idée des "deux nations" est Sayyed Ahmad Barelvi (1786-1832), qui a tenté de convaincre les Pachtounes d'abandonner définitivement leur droit coutumier particulier et de construire un "État islamique" par le biais du djihad offensif contre le royaume sikh de Ranjit Singh. Avant lui, un autre représentant musulman qui mérite qu'on s'y attarde est sans doute Shah Waliullah (1703-1762), l'inspirateur du mouvement déobandi qui, au cours du XVIIIe siècle, a invité le fondateur de l'empire Durrani dans l'actuel Afghanistan, Ahmad Shah Abdali (1722-1772) [5], à intervenir dans le sous-continent pour défendre les musulmans contre les persécutions hindoues.

Ahmad-Shah-Abdali.jpg

Ahmad Shah Abdali.

Cependant, celui à qui l'on attribue généralement la première formulation de l'idée de deux nations distinctes dans le sous-continent indien est Sayyed Ahmad Khan : le fondateur de l'Anglo-Oriental Muhammadan College d'Aligarh, par lequel il proposait d'éduquer une nouvelle classe dirigeante musulmane "occidentalisée" (il n'est pas surprenant que sa pensée ait été prise comme référence idéologique sous le régime désastreux de Pervez Musharraf). Son nom mérite toutefois une attention particulière car c'est à partir de ses réflexions que la théorie des "deux nations" a pris un caractère proprement moderne et structuré, également en réponse anticipée au développement ultérieur des idées sur le "nationalisme composite", dont l'origine est principalement due à la pensée de Bipin Chandra Pal (1858-1932) [6] dans la première décennie du XXe siècle. Ainsi, Ahmad Khan a déclaré dans un discours prononcé en 1883 à Patna, dans l'Inde actuelle, "Mes amis, il existe en Inde deux nations importantes qui se distinguent par les noms d'hindous et de musulmans. Tout comme le corps humain possède certains organes principaux, de la même manière, ces deux nations représentent les deux principaux membres de l'Inde" [7].

En prenant note de la paternité de l'idée, il convient de noter que l'historiographie pakistanaise a mené une enquête approfondie pour savoir qui a été la première personne à formuler de manière accomplie au 20e siècle le projet de construire deux nations distinctes en Inde britannique. L'historien Sheikh Muhammad Ikram, par exemple, rapporte que la déclaration suivante du juge Abdur Rahim au congrès de la Ligue musulmane à Aligarh en 1925 a suscité une certaine consternation : "Les hindous et les musulmans ne sont pas deux sectes différentes comme les catholiques et les protestants en Angleterre, mais forment deux communautés distinctes de personnes, et se considèrent ainsi. Leurs attitudes respectives à l'égard de la vie, leurs cultures distinctes, leurs habitudes sociales et leurs civilisations, leur histoire et leurs traditions, non moins que la religion, les divisent si complètement que le fait d'avoir vécu pendant environ mille ans dans le même pays n'a rien fait pour les fusionner en une seule nation [...] Chacun d'entre nous, Indiens musulmans, voyageant par exemple en Afghanistan, en Perse ou en Asie centrale, chez les musulmans de Chine, chez les Arabes ou les Turcs, se sentiront toujours chez eux, retrouvant des coutumes auxquelles ils sont déjà habitués. Au contraire, en Inde, nous nous trouvons complètement étrangers à toutes les questions sociales dès que nous traversons la rue et entrons dans la partie de la ville où vivent nos compatriotes hindous."[8]

1373087248_d92404d22d_b.jpg

Nehru et Jinnah.

Cependant, l'exposé philosophique et politique de la théorie des "deux nations" est généralement attribué à Muhammad Iqbal et à Muhammad Ali Jinnah. Le premier, en effet, dans le discours déjà cité d'Allahabad, a promu l'idée d'une forme d'"autonomie au sein de l'Empire britannique" (ou sans lui) pour les musulmans du sous-continent. Selon le poète et penseur (qui a également reconnu comment les Britanniques exploitaient les divisions entre hindous et musulmans pour des raisons géopolitiques) [9], la création d'un "État islamique" était dans le meilleur intérêt de l'Inde et de l'islam lui-même. En fait, elle aurait représenté une force fondamentale pour la sécurité, la paix et l'équilibre des pouvoirs au sein d'un sous-continent dont l'unité devait être reconstruite non pas dans la négation des différences, mais dans l'harmonie et la coopération mutuelles [10]. Cette position est également résumée dans la déclaration faite par Iqbal en réponse aux accusations de Jawaharlal Nehru après l'échec de la série de tables rondes organisées à Londres au début des années 1930 sur les réformes à adopter en Inde. En voici un extrait : "En conclusion, je veux poser une question directe au Pandit Jawaharlal : comment le problème indien peut-il être résolu si la communauté majoritaire ne veut ni accorder la protection minimale nécessaire à la protection d'une minorité de 80 millions de personnes, ni accepter l'existence d'un tiers, mais continuer à parler d'un nationalisme qui ne fonctionne qu'à son propre avantage ? Cette position ne peut admettre que deux alternatives. Soit la majorité indienne doit accepter pour elle-même le rôle d'agent pérenne de l'impérialisme britannique en Orient, soit le pays doit être redistribué sur la base des affinités historiques, religieuses et culturelles. "[11]

Une vague accusation d'être un agent de l'impérialisme britannique, pour être juste, a également été portée contre Muhammad Ali Jinnah, précisément en raison de son soutien à la cause de la partition. En 1943, cette accusation a conduit un activiste supposé être associé au mouvement Khaksar (à fort caractère social-révolutionnaire)[12] à attenter à la vie du leader politique musulman. Jinnah, cependant, continua sans se décourager à soutenir l'idée que, au contraire, c'était la fausse représentation d'une Inde unie qui maintenait les Britanniques sur le sol du sous-continent.

Comme nous l'avons déjà mentionné, le Qaid-e Azam a embrassé la cause des "deux nations" sur le tard. Brillant avocat passé à la politique, Jinnah termine ses études à Londres, où il devient membre de l'Honorable Society of Lincoln's Inn (l'une des plus prestigieuses guildes professionnelles de juges et d'avocats au monde) sur l'entrée principale de laquelle le prophète Mahomet figure parmi les grands hommes d'État et législateurs de l'humanité. À Londres, Jinnah devient l'assistant du politicien libéral (et franc-maçon) Dadabhai Naoroji [13], le premier Asiatique (de confession zoroastrienne) à devenir membre du Parlement britannique ; de lui, Jinnah hérite de la dévotion presque obstinée aux méthodes constitutionnelles et de l'idée d'émancipation (surtout des jeunes) par l'éducation. Cette insistance sur les méthodes constitutionnelles (même au moment où il s'est rendu compte qu'il n'y avait pas d'autre solution que la partition) était surtout liée au fait que, comme cela s'est effectivement produit, une fin abrupte de la domination britannique conduirait inévitablement à la violence sectaire.

Si, comme il a été dit plus haut, Jinnah a opté pour la théorie des "deux nations" dès 1937 et suite aux tensions croissantes entre le Congrès et la Ligue musulmane, il est tout aussi vrai que son idée n'a été ouvertement présentée que dans le discours qu'il a prononcé à Lahore le 22 mars 1940 :

"Il est extrêmement difficile d'apprécier le fait que nos amis hindous ne peuvent pas comprendre la nature même de l'islam et de l'hindouisme. Ce ne sont pas des religions au sens concret du terme, en fait, ce sont des ordres sociaux différents et distincts, et c'est un rêve de penser que les hindous et les musulmans peuvent développer un sens commun de la nationalité, et cette incompréhension de la nation indienne pose des problèmes et conduira l'Inde elle-même à la faillite si nous ne reconstruisons pas cette notion à temps. Les hindous et les musulmans appartiennent à deux philosophies religieuses différentes, à des littératures différentes et à des coutumes sociales différentes. Ils ne se marient pas entre eux et appartiennent à deux civilisations différentes qui reposent sur des concepts et des idées contradictoires. Leur idée de la vie et sur la vie est différente. Il est tout à fait clair que les hindous et les musulmans tirent leur inspiration de sources historiques différentes. Ils ont des épopées différentes, des héros différents et des événements différents. Souvent, le héros de l'un est l'ennemi de l'autre et leurs victoires et défaites se chevauchent. Réunir de force dans un même État ces deux nations, l'une majoritaire et l'autre minoritaire, alimentera le mécontentement et conduira à la destruction définitive de toute constitution gouvernementale conçue pour un tel État" [14]. Il s'agissait d'une déclaration similaire faite un an plus tôt.

Choudhry_Rahmat_Ali.jpgUne déclaration similaire a également été faite quelques années plus tôt par Choudhry Rahmat Ali (photo) (exactement en 1933 et à la fin des tables rondes de Londres) dans un pamphlet qui a acquis une certaine notoriété sous le titre de « Déclaration du Pakistan ». Rahmat Ali écrit : "Nos religions et nos cultures, nos histoires et nos traditions, nos codes sociaux et nos systèmes économiques, nos lois sur l'héritage, la succession et le mariage sont fondamentalement différents de ceux des personnes vivant dans le reste de l'Inde. Les idées qui poussent notre peuple à faire les plus grands sacrifices sont essentiellement différentes de celles qui inspirent les hindous à faire de même. Ces différences ne se limitent pas aux principes de base. Ils s'étendent jusqu'aux moindres détails de nos vies. Nous ne dînons pas ensemble. On ne se marie pas entre nous. Nos coutumes nationales et nos calendriers sont aussi différents que notre nourriture et nos vêtements"[15]. Nous ne sommes pas les mêmes.

Lors d'une rencontre en 1934 entre Jinnah et Rahmat Ali lui-même, le premier suggère au second de faire preuve d'une certaine prudence. Toutefois, le zèle missionnaire conduit le fondateur du Mouvement national pakistanais à se rapprocher des thèses du national-socialisme et à entrer en opposition avec Jinnah lui-même ; cela se produit lorsque ce dernier accepte une solution territoriale qui réduit l'espace géographique du futur Pakistan par rapport au projet idéal de Rahmat Ali, fondé sur l'idée de libérer les musulmans du sous-continent de la "barbarie de l'indianisme"[16].

La théorie des "deux nations" trouve également un soutien dans les milieux purement religieux. La vision de Jinnah, comme on le sait, était celle d'un État inspiré par les principes de l'Islam, bien que lui-même ait toujours refusé toute caractérisation religieuse de son rôle. À ceux qui voulaient lui donner le titre de "Maulana", par exemple, il s'est toujours fermement opposé, déclarant être un politicien et non un homme de religion [17]. En tout cas, c’est ce qu’il a déclaré lors d'une interview avec une radio nord-américaine :

"Le Pakistan est le premier État islamique [...] La Constitution du Pakistan n'a pas encore été discutée par l'Assemblée constituante. Je ne sais pas quelle sera la forme finale de cette Constitution, mais je suis sûr qu'il s'agira d'un modèle démocratique capable d'intégrer les principes essentiels de l'Islam. Celles-ci sont toujours aussi applicables aujourd'hui qu'elles l'étaient il y a 1300 ans. L'Islam et l'idéalisme nous ont appris la démocratie. L'Islam nous a enseigné l'égalité entre les hommes et la justice"[18]. L'appel à l'égalité et à la justice est important.

La référence à la justice et à l'égalité entre les hommes apparaît également dans certaines déclarations de nature plus purement économique. Par exemple :

"Le système économique de l'Occident a créé des problèmes insolubles pour l'humanité [...] Il n'a pas réussi à créer la justice entre les hommes et à éliminer les diatribes dans l'arène internationale [...] L'adoption d'une théorie économique occidentale ne nous aidera pas à atteindre l'objectif de créer un peuple autosuffisant et heureux [...] Nous devons construire notre propre destin à notre manière et présenter au monde un système économique basé sur le concept islamique d'égalité" [19].

1979-Shaikh-Sayyid-Abul-Ala-Al-Mawdodi.jpg

Maulana Abul A'la Maududi.

Sur la base de ces déclarations, de nombreux représentants du soufisme barelvi se sont prononcés en faveur de la partition. Au contraire, Maulana Abul A'la Maududi soutenait que l'idée de partition et de fermeture de l'islam au sein d'un État moderne était fondamentalement non islamique (contraire au concept traditionnel d'Umma). Cependant, sa Jama'at-e-Islami, malgré une relation difficile avec les institutions pakistanaises après la partition, a trouvé dans le militarisme islamiste de Zia ul-Haq, l'allié idéal pour développer un projet d'islamisation forcée par le haut, également contraire aux principes coraniques.

Parmi les groupes qui ont soutenu le plus activement le processus de séparation en deux États figure sans conteste la Ahmadiyya Muslim Jama'at. Il s'agissait d'un mouvement d'inspiration messianique, dont le premier leader (Mirza Ghulam Ahmad, 1835-1908) s'était déclaré le Mahdi attendu, invoquant le retour à la pureté originelle de l'Islam. Pendant la première guerre indo-pakistanaise de 1947-48, ce mouvement a créé l'organisation paramilitaire connue sous le nom de Furqan Forces, qui a combattu au Cachemire [20].

Bien sûr, même au sein de la sphère hindoue, certains penseurs et intellectuels ont adopté ou se sont opposés à la théorie des "deux nations". Il suffit de mentionner Indira Ghandi qui, lorsque le Pakistan oriental est devenu indépendant en tant que Bangladesh après la guerre de 1971 [21], a déclaré l'échec de la théorie des "deux nations". Toutefois, comme l'analyste pakistanais et ancien militaire Masud Ahmad Khan a eu l'occasion de le souligner, le Bangladesh n'est pas du tout un État laïque, c'est un État musulman. Et l'affirmation toute récente du nationalisme exclusiviste hindou du Bharatiya Janata Party, inspiré par la pensée de Vinayak Damodar Savarkar (1883-1966), est la démonstration la plus claire que la théorie de deux nations distinctes dans le sous-continent indien est plus vivante que jamais[22].

NOTES

[1]   Le Vande Mataram raconte l’histoire d’une société secrète hindoue qui, au 18ème siècle, a cherché à renverser le gouvernement islamique au Bengale.

[2]    Dynastie perse, auparavant de religion bouddhiste, qui s’est convertie à l’islam et qui a battu la dynastie turque persisée de Ghaznavides en 1186, tout en conquérant leur capitale Lahore, aujourd’hui sur territoire pakistanais.

[3]    A. Eraly, Il trono dei Moghul. La saga dei grandi imperatori dell’India, Il Saggiatore (2000), p. 43.

[4]    Il trono dei Moghul, ivi cit., p. 188.

[5]   Descendant des tribus pachtounes Sadozai et Alokozai, Ahmad Shah Abdali est le héros national de l’Afghanistan et est considéré comme le « Père moderne de la Nation ».  

[6]   Un des architectes majeurs du mouvement Swadeshi (en même temps que Sri Aurobindo) qui s’est opposé à la partition du Bengale décidée par le gouvernement britannique d’Inde en 1903. Chandra Pal était également membre du triumvirat nationaliste Lal-Bal-Pal (les deux autres membres étaient Lala Laipat Raj et Bal Ganghadar Tilak), triumvirat qui dirigea la lutte anticoloniale indienne dans les premières années du 20ème siècle.

[7]    R. Guha, Makers of modern India, Harvard University Press (2011), p. 65.

[8]    S. M. Khan, Indian muslims and partition of India, Atlantic Publisher & Dist (1995), p. 308.

[9]   L’historien David Hardiman partage également cette idée et cette théorie, selon lesquelles aucune hostilité particulière n’opposait les musulmans aux hindous au moment où les Britanniques sont arrivés dans le sous-continent indien. Ce sont donc, d’après cette théorie, les Britannques qui ont articulé la très célèbre pratique impérialiste du divide et impera afin de maintenir leur contrôle colonial sur cette région du monde. Voir  D. Hardiman, Gandhi in his time and ours: the global legacy of his idea, Columbia University Press (2003), p. 22.

[10]  Voir I. S. Sevea, The political philosophy of Muhammad Iqbal. Islam and nationalism in late colonial India, Cambridge University Press (2012), p. 14.

[11]  Dans Iqbal and the Pakistan Movement, www.allamaiqbal.com.

[12]  Ce mouvement, de caractère militariste rigide, a été fondé en 1931 par Allama Mashriqi (mathématicien et théoricien politique) qui se proposait de libérer l’Inde des Britanniques par le biais de la lutte armée et de la construction d’un Etat hindou/musulman.41DFPcBOIxL._SX327_BO1,204,203,200_.jpg 

[13]  Naoroji est aussi considéré comme le mentor de l’activiste politique et intellectuel Bal Ganghadar Tilak(déjà cité comme membre du triumvirat Lal-Bal-Pal et auteur d’un ouvrage célèbre La dimora artica nei Veda) et d’un homme politique indien très important, Gopal Krishna Gokhale, fondeteur de la « Société des Serviteurs de l’Inde ».  

[14]  Jinnah. Creator of Pakistan, Oxford University Press (1953), p. 140.

[15]  T. Kamran, Choudhry Rahmat Ali and his political imagination: Pak Plan and the continent of Dinia, contenuto in A. Usmani – M. Eaton Robb (a cura di), Muslims against the Muslim League, Cambridge University Press (2017), p. 92.

[16]  K. K. Aziz, Rahmat Ali: a biography, Steiner Verlag Wiesbaden (1987), p. 123. Rahmat Ali forgea le terme d’ « indianisme » pour définir une force qui avait dominé tout le sous-continent et s’était opposé aux efforts de ses peuples pour améliorer leur propre condition. Cette force était donc perçue comme « destructrice », comme quelque chose qui avait conduit à la servitude d’au moins la moitié de la population du sous-continent. Pour ce motif, Rahmat Ali s’opposait avec virulence à la création d’une « Fédération Indienne » sous l’égide du Congrès.

[17]  Hector Bolitho raconte, à ce propos, que Jinnah cultivait une admiration particulière pour l’expérience nationaliste, laïque et réformiste de Mustafa Kemal en Turquie, dont il critiquait toutefois les tendances libertines. Dans le même contexte, il est curieux de noter que  Muhammad Iqbal n’appréciait pas du tout le Père de la République turque.

[18]  Dans : M. A. Z. Qureshi, Decolonization and Nation-Building in Pakistan. Islam or Secularism?, IDSS Research Paper 2011.

[19]  Jinnah. Creator of Pakistan, ivi cit., p. 177.

[20]  S. Ross, Islam and the Ahmadiyya Jama’at. History, belief, practice, Columbia University Press (2003), p. 204.

[21]  L’un des préoccupations principales qui tourmentaient Jinnah au moment de la partition était l’absence d’une communication directe, soit d’un corridor terrestre, entre les deux parties du Pakistan.

[22]  Voir M. S. Khan, Jinnah’s two Nation theory, www.nation.com.pk.

Daniele Perra

Depuis 2017, Daniele Perra collabore activement avec "Eurasia. Journal of Geopolitical Studies" et le site informatique correspondant. Ses analyses portent principalement sur les relations entre la géopolitique, la philosophie et l'histoire des religions. Diplômé en sciences politiques et en relations internationales, il a obtenu en 2015 un master en études moyen-orientales de l'ASERI - Alta Scuola di Economia e Relazioni Internazionali de l'Università Cattolica del Sacro Cuore de Milan. En 2018, son essai Sulla necessità dell'impero come entità geopolitica unitaria per l'Eurasia a été inclus dans le vol. VI des "Quaderni della Sapienza" publiés par Irfan Edizioni. Il collabore assidûment avec plusieurs sites Internet italiens et étrangers et a accordé plusieurs interviews à la radio iranienne Radio Irib. Il est l'auteur du livre Être et Révolution. Ontologie heideggérienne et politique de la libération, préface de C. Mutti (NovaEuropa 2019).

13:48 Publié dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, inde, musulmans, hindous, pakistan, asie, affaires asiatiques | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Les variations de la Ligue

matteo_salvini.jpg

Les variations de la Ligue

par Georges FELTIN-TRACOL

Ex: http://www.europemaxima.com

Il faut revenir sur le soutien officiel qu’apporte la Lega de Matteo Salvini au gouvernement de Mario Draghi. On ne doit cependant pas oublier que la vie politique italienne riche en exemples transformistes (le passage d’élus d’un camp à un autre) s’apparente à une comedia dell’arte permanente.

Malgré l’impulsion dans un sens national-souverainiste donné par le secrétaire fédéral Salvini, la Lega demeure foncièrement un mouvement fédéraliste qui garde en son sein des tendances composites. Avant de devenir le chantre de la cause du Pô, Umberto Bossi était proche de l’extrême gauche. Sa rencontre avec les autonomistes francophones du Val d’Aoste, par ailleurs disciples du philosophe suisse Denis de Rougemont, l’ancien non-conformiste des années 30, est cruciale dans son itinéraire politique. Quant à Salvini, le journal Le Monde a naguère publié une photographie de lui, jeune élu au conseil municipal de Milan portant à la boutonnière une épinglette du drapeau basque et une autre à l’effigie du Che Guevara. Matteo Salvini animait alors une faction « Communistes pour la Padanie ». Ce groupe cohabitait à l’intérieur de la Ligue du Nord avec des tendances libertariennes ou néo-celtiques paganisantes.

En décembre 1989, la Ligue du Nord naît de l’accord conclu entre des formations autonomistes, régionalistes, voire indépendantistes : les puissantes Ligues lombarde et vénète s’allient à Piémont autonomiste, à l’Union ligure, à l’Alliance toscane et à la Ligue d’Émilie – Romagne. Le discours officiel de la Ligue va alors varier au gré des circonstances politico-électorales. Tantôt elle prône la sécession de la Padanie, tantôt elle envisage une république fédérale constituée d’une Italie méridionale ouverte à la Méditerranée, d’une Italie centrale orientée par Rome et d’une Haute-Italie plus tournée vers les mondes alpin et danubien (les Habsbourg ont régné de 1815 à 1859 sur la Lombardie et jusqu’en 1866 sur la Vénétie).

On retrouve ces fluctuations politiques au Parlement européen. De 1989 à 1994, les euro-députés liguistes siègent dans le groupe écologiste – fédéraliste « Arc-en-ciel » aux côtés de la Volksunie flamande et des nationalistes de gauche écossais. La Ligue soutient en 1994 l’euro et entre au groupe centriste des libéraux, démocrates et réformateurs en compagnie de l’UDF de Valéry Giscard d’Estaing. En 1999, la Ligue participe avec le FN, le Vlaams Blok et les libertaires italiens au Groupe technique des indépendants que la Cour de justice de l’Union européenne invalide en 2001. En 2004, les liguistes adhèrent à « Indépendance et Démocratie » avec Philippe De Villiers, l’UKIP et les calvinistes fondamentalistes néerlandais. Les élus de la Ligue rejoignent ensuite successivement l’« Union pour l’Europe des Nations » (avec le RPF de Charles Pasqua et le PiS polonais), puis « Europe de la Liberté et de la Démocratie » (avec le LAOS national-conservateur grec). En 2015, la Lega s’associe avec le FPÖ autrichien et le FN dans le cadre d’« Europe des Nations et des Libertés ». Enfin, en 2019, le RN, l’AfD, le FPÖ et la Ligue forment « Identité et Démocratie ». Certains spéculent déjà sur une adhésion prochaine au Parti populaire européen

matteo-salvini-lega-simbolo-633x360.jpg

Par-delà l’activisme de Matteo Salvini, la Ligue du Nord n’est pas un mouvement centralisé et monolithique. Son principal dirigeant doit compter sur une opposition interne qui reprend les aspirations des PME et des entrepreneurs de Lombardie et de Vénétie. Candidat malheureux au secrétariat de la Ligue face à Salvini, Gianni Fava (20 % des votes militants) déplore dans l’hebdomadaire français L’Express du 15 août 2018 que « Salvini a volé notre rêve. Il s’est approprié notre mouvement d’inspiration libérale et pro-européenne, et il l’a transformé en parti souverainiste d’extrême droite, résolumment hostile à Bruxelles ».

L’inflexion prise par le « Capitaine » vers le national-souverainisme ne l’empêche pas de louvoyer. Ainsi renonce-t-il à sortir de l’euro après la défaite présidentielle de Marine Le Pen en 2017. Il donne aussi des gages à la bien pensance médiatique. Il refuse de reconduire aux européennes de 2019 le sortant Mario Borghezio. Cinq ans auparavant, la direction liguiste cherchait déjà à s’en débarrasser en l’envoyant dans la circonscription électorale de l’Italie centrale (Latium, Toscane, Ombrie, Marches) où l’ancien militant de la branche italienne de Jeune Europe de Jean Thiriart aurait perdu son mandat. Or, Mario Borghezio fut réélu (5837 voix au vote préférentiel) grâce à l’appui décisif de CasaPound. Rappelons que les ministres liguistes de l’Intérieur n’ont jamais cessé de persécuter le mouvement de Gianluca Ianonne et se sont montrés incompétents dans l’arrêt de l’immigration clandestine.

À la lumière de ce rappel historique, on ne doit donc pas être surpris par le parcours sinueux de la Ligue du Nord. Malgré une volonté séparatiste qui anime maints de ses militants et de ses cadres, la Lega appartient bien à l’esprit politique italien.

Georges Feltin-Tracol

• « Chronique hebdomadaire du Village planétaire », n° 206, mise en ligne sur TVLibertés, le 16 mars 2021.

L'art de trouver ses sentiers de légende ou comment suivre les "papillons-guides"

f978623289dd79bf3a47a186b9f8493f.jpg

L'art de trouver ses sentiers de légende ou comment suivre les "papillons-guides"
 
par Frédéric Andreu-Véricel

Il marchait au côté de son fils dans la vaste prairie, en direction de la forêt. Devant eux, la légende verte du près se terminait devant une rangée d'arbres. Au-delà de la forêt, se tenaient les contreforts de la montagne à peine visibles sous la brume mais trapue comme un animal à l'affut, puis, au-delà encore, les nuages qui semblaient un autre étagement, le dernier avant les insondables empyrées célestes. Tout en bas de la montagne, comme au pieds d'un mystère, la prairie s'ouvrait sous leurs pas sereins.

À les voir marcher de loin, on aurait dit que les deux hommes suivaient un chemin de fleurs mais, à y regarder de plus près, quelques passages d'animaux avaient laissé comme une écriture dans l'herbe. Là, des herbes foulées ; ici, des fleurs endormies et quelques pierres groupées qui semblaient posées là depuis le premier jour. Et c'est ce sillon qu'ils suivaient comme on suit un sentiment ou une rêverie de demi-sommeil.

Alors que le contours des arbres commençaient à faire silhouette, la rumeur du sous-bois, pareille à des bruits de pas dans une cathédrale, parvenaient jusqu'aux promeneurs. Mais ils étaient encore à bonne distance de l'aura sombre des arbres. Cependant, c'est un peu de la vie cachée de la forêt qui se donnait à entendre devant sa falaise d'elle-même, inaudible aux gens ordinaires et que ces hommes, pourtant ouverts à l'inconnu, écoutait sans l'entendre. On dit que cette forêt s'appelait Alcudia.

1e5yq727-front-shortedge-384.jpgLe couple inégal ralentit le pas. Il était seul devant la forêt aux portes fermées pour eux. Je dis "inégal" car l'un d'entre eux, le plus jeune, savait des choses que le plus vieux ignorait totalement. La preuve de cet aveuglement, de ce rejet obstiné de l'invisible, ce sont ces appareils de mesure qu'il portait en permanence sur lui et qui lui donnait une allure de scaphandrier. À la campagne, ces appareils miniaturisés, micro-ordinateur, caméra avec pluviomètre intégré, entre autres prothèses, étaient le pendant de ces panneaux de circulation et autres passages piétons du monde urbain sans lesquels il ne pouvait vivre.

Je ne sais devant quel bouquet de fleurs les deux hommes s'arrêtèrent soudain, subjugués devant tant de beauté, sans doute devant ces marguerites odorantes au cœur jaune que l'on découvre aux premières altitudes de la montagne. L'un d'eux sortit de son sac un appareil-photo avec un long objectif et prit les fleurs sous tous les angles.

Un échange s'en suivit, discret et presque religieux car, à leur approche, l'essaim de papillons qui sommeillait dans les fleurs se mit à virevolter tout autour. On aurait dit une farandole de flammes ! Quelle spectacle magique !
Mais alors pourquoi sortir cette "arme de guerre" en pleine nature au lieu de suivre les "papillons-guides" ?

"L'homme moderne est lourd, très lourd" disait Louis-Ferdinand Céline ; et lorsqu'il vit en ville, l'homme pèse encore plus lourd : il ne peut pas s'empêcher de prendre en photo la vie même pour aussitôt la rejeter de son cœur. Il ignore que les papillons sont ses éclaireurs de conscience, les animaux-guide des sentiers poétiques. À l'orée d'une forêt, vous en trouverez toujours un pour vous conduire jusqu'aux clairières enchantées où sont d'autres fleurs, d'autres mystères, ceux de la pénombre des sous-bois. Notre "mythologie personnelle" est construite de telles expériences et l'écrivain Robert Brasillach en a donné des exemples précis dans son roman "Comme le temps passe".

L'homme moderne ne connaît de la nature que le carré vert produit par sa tondeuse à gazon. Il ignore tout de la vie subtile parce qu'il ignore les voies de l'âme et par là, ne sait pas lire les traces dans la nature. L'écran a remplacé le symbole ; du coup, il passe à côté des guides comme à côté d'un trésor, sans les voir.

Les papillons lui font signe de s'approcher et de les suivre avec un langage qui parle directement à l'âme. Mais pour les suivre, encore faut-il avoir conscience que l'âme a ses propres principes qui ne sont pas ceux de l'esprit calculateur.

NzBtzTAs7jSdEx2ObMlliHmf6KA@1050x891.jpg

L'homme moderne, incapable d'aucune réminiscence, répond à l'invite des papillons par la prise compulsive de photographies. La fascination du "double" l'emporte sur l'original d'autant plus que le "clic" sur l'appareil se fait sans effort ; celle de l'écran l'emporte sur l'appel intérieur.

Alors, chers lecteurs, en ce début de printemps, retrouvons notre magistère légendaire, suivons les papillons de nos jardins. Et si les épreuves de la vie nous conduit à l'hôpital, suivons ceux de nos cœurs !

Frédéric Andreu-Véricel.

Texte tiré de LA FORÊT D'ALCUDIA où le reboisement de l'imaginaire :
https://www.lulu.com/en/en/shop/fr%C3%A9d%C3%A9ric-andreu/la-foret-dalcudia-ou-le-reboisement-de-limaginaire/paperback/product-1e5yq727.html?page=1&pageSize=4

Quelques écrivains oubliés

ob_3642d7_style-3.jpg

Quelques écrivains oubliés

par Daniel COLOGNE

Je remercie Bernard Baritaud et ses collaborateurs du CRAM (Centre de réflexion sur les auteurs méconnus) de m’avoir accueilli dans le numéro 16 de leur revue. Je leur dois bien une recension de La Corne de Brume (livraison d’avril 2020). On y trouve notamment des textes de Nino Frank (1904 – 1988) exaltant les beautés de Milan, Gênes et Venise, en une sorte de périple stendhalien d’où émane « une poésie délicate et plaisante ». Ce ne sont pas exclusivement des écrivains oubliés qu’évoque cette intéressante publication. On y parle aussi d’un fait d’armes que l’Histoire n’a pas retenu et qui a pour décor la Guyane en 1963. Le célèbre Max Jacob s’y invite à la faveur de la Sainte-Hermandade, « version théâtralisée d’un de ces poèmes en prose drolatiques du Carnet à dés (1917) ».

9782868690777-475x500-1.jpgAutant ce recueil de Max Jacob est « légitimement le plus connu », autant Jean Reverzy et son roman Le Passage sont imméritoirement écartés par la postérité littéraire. Il s’agit pourtant d’un auteur qui partage avec Céline son métier initial de médecin des pauvres et son évolution vers un pessimisme décrivant « le lent travail de la vie, cet effritement invisible et ininterrompu ». Un rapprochement est aussi esquissé entre Le Passage de Reverzy et L’Étranger de Camus : « la mer, les hommes simples, une réflexion sur la vie, cet étrange cadeau empoisonné par la mort » et un personnage final d’aumônier « dépeint comme un intrus ».

L’actualité éditoriale n’est pas absente et l’un des rédacteurs, Henri Cambon, souligne la récente parution des Lettres d’Indochine et de France de Georges Pancol (L’Harmattan, 2019). Avant de mourir au front en 1915 et de rejoindre les rangs de la « génération perdue », à laquelle appartiennent aussi Péguy et Alain-Fournier, Pancol fait un séjour dans le Tonkin qui lui inspire « certains jugements désobligeants » sur les Asiatiques. C’est le regard d’« un jeune Européen qui ne remet guère en cause le fait colonial ». C’est un « témoignage » dont la « valeur historique » est indéniable, même si « on se serait attendu » de la part de l’auteur « à une plus grande ouverture d’esprit devant les richesses humaines et culturelles de ces pays dans lesquels il a été plongé ».

Bernard Baritaud se souvient de sa jeunesse antillaise et son pittoresque récit autobiographique est couronné par un magnifique poème dont voici un extrait :

« Notre-Dame de la Guadeloupe

Tu portes un nom de vierge espagnole

Et de sierra

Notre-Dame de la Guadeloupe

Tu es un nom d’os et de sang.

Je ne t’ai pas vue mais je te connais et je sais

Que tu es noire, vierge d’ivoire

Drapée de pierre. »

rogissart_historique1-175a4.jpgC’est encore Henri Cambon qui ravive le souvenir de Jean Rogissart (1894 – 1961). Certes, l’auteur de la saga des Mamert a fait encore récemment l’objet d’une étude universitaire (à Dijon, en 2014). Mais cette fresque familiale reste relativement méconnue alors qu’elle s’inscrit dans un majestueux courant littéraire français dont Georges Duhamel et Roger Martin du Gard sont d’illustres représentants.

L’histoire de la famille Mamert commence, dans le premier des sept volumes, par l’installation des industriels, de leurs usines et de leurs machines dans cette Vallée de la Meuse « qui remonte en méandres serrés et encaissés vers Givet, et au-delà la Belgique ». Jean Rogissart est né dans cette région, non loin de Charleville. Mais la cité de Rimbaud, ainsi que sa voisine Sedan, élisent leurs premiers députés socialistes aux alentours de 1900, tandis que « des courants anarchistes et libertaires » dénoncent déjà « certaines manœuvres politiciennes » et des dérives « bourgeoisies survenant même parmi les forces de gauche ».

Les membres de la famille Mamert se divisent parfois sur la question du choix politique, mais tout au long des quatre générations dont Jean Rogissart déroule le parcours, revient le problème « de l’engagement face à ce qui pèse sur l’homme – injustices sociales, guerres », l’obsédante interrogation sur l’attitude qu’il faut opposer aux malheurs qui accablent l’humanité. Le sixième tome intitulé L’Orage de la Saint-Jean amène le lecteur au seuil de la Seconde Guerre mondiale et le déclenchement du conflit est évoqué dans un style à al fois sobre et puissant. « Vers minuit on frappe à notre porte; on frappait à toutes les portes. C’était lugubre ces chocs sourds dans le silence. Accompagné du secrétaire de mairie, le garde-champêtre avertissait les habitants. Par ordre supérieur nous devions quitter le village avant cinq heures du matin. Tous les ponts de la Meuse sauteraient alors et les retardataires seraient bloqués sur la rive droite. »

metadata-image-28611002.jpegOn attribue à Jean-Baptiste Clément la création du Temps des Cerises, célèbre chanson qui aurait été inspirée par la Commune de Paris. Ce titre est aussi celui du deuxième volume du cycle romanesque de Jean Rogissart. Jean-Baptiste Clément est de passage dans la contrée mosane et y répand sa conception d’un « socialisme pur » grâce auquel « l’homme rompt ses chaînes millénaires et peut enfin croire en Dieu ». remarquons ici l’intéressant renversement de l’idée marxiste de la religion comme « opium du peuple », dont il faut se débarrasser pour mener à son terme le processus d’émancipation économique et sociale. Pour Rogissart, au contraire, il faut d’abord vaincre l’esclavage ouvrier qui pèse sur l’humanité comme une sorte de fatalité originelle, un obscur destin dont la volonté militante doit s’affranchir pour pouvoir accéder à la lumière de la Providence divine. Destin – Volonté – Providence : c’est l’une des « grandes triades » analysées par René Guénon.

Tirer de l’oubli des écrivains talentueux alors que les jurys et les media glorifient beaucoup de plumitifs médiocres : tel est l’immense mérite du CRAM et de sa belle revue La Corne de Brume.

Daniel Cologne.

lundi, 22 mars 2021

Lecture de la lettre de Martin Heidegger sur l'humanisme

heidegger-at-spring-gelassenheit.jpg

Lecture de la lettre de Martin Heidegger sur l'humanisme

par Alberto Buela

Ex: https://legio-victrix.blogspot.com/2019/10/

(2019)

lettre_sur_l_humanisme-522735-264-432.jpgAvec Silvio Maresca nous réalisons tous deux, pour la télévision, un programme appelé "Disenso", qui porte sur la métapolitique et la philosophie, et cela depuis 2012 ; ce programme est accessible sur youtube. Et après avoir interviewé presque tous ceux qui essaient de faire de la philosophie en Argentine (s'il en reste, que nous aurions oubliés, nous les invitons à participer), nous avons commencé à traiter divers sujets philosophiques et ce commentaire en fait partie.

La Lettre, écrite en 1946 et publiée en 1947, est une réponse à trois questions posées par le professeur Jean Beaufret à la fin de la Seconde Guerre mondiale.

La première de ces questions est : comment redonner du sens au mot humanisme ? La réponse à cette question occupe la majeure partie de la Lettre, qui, dans mon édition, va jusqu'à la page 54. La deuxième est : la relation entre l'ontologie et l'éthique est-elle possible, ce qui nous amène à la page 66 et la troisième est : comment sauver l'élément d'"aventure" qui présuppose toute investigation sans faire de la philosophie un simple "aventurisme", ce qui occupe les deux dernières pages de ce petit livre.

Nous voyons comment les réponses aux questions ne sont pas proportionnelles les unes par rapport aux autres, et c'est la dimension de la première réponse qui donne son titre à la Lettre.

Heidegger commence la Lettre comme s'il était Aristote: l'essence du travail est de réaliser. Réaliser signifie: déployer quelque chose dans la plénitude de son essence, conduire cette chose à sa plénitude, producere.

Heidegger commence comme il finit, lorsqu'il parle de la pensée et affirme que sa trinité est: " la rigueur de la réflexion, la sollicitude attentive du dire et la sobriété de la parole". La clarté avec laquelle il commence et termine implique un texte libre où Heidegger "heideggerisera" d'une manière qui lui est tout à fait propre.

Le point central porte sur l'essence de la vérité, un thème qui avait fait l'objet d'une conférence du même nom en 1930. En ce moment, il y avait "le tournant de Heidegger", qui se produit dans L’Être et le Temps (1927), avec l'affirmation que "la vérité est pour le Dasein ce que le Dasein est pour la vérité", c'est-à-dire que la vérité est adéquation, avec l'affirmation que la vérité est aletheia, c'est-à-dire dévoilement. Ainsi, il affirme: "l'homme doit, avant de parler, laisser l'être lui parler à nouveau".

L'humanisme n'est rien d'autre que de penser et de se soucier que l'homme soit humain et non inhumain, c'est-à-dire en dehors de son essence. Et il donne trois versions de l'humanisme:

  1. a) Celle du marxisme, où l'être humain se trouve dans la société parce qu'elle garantit l'alimentation, l'habillement, la reproduction et la suffisance économique. L'erreur fondamentale du marxisme serait de réduire l'être au "matériel de travail". Et il affirme dans la ligne suivante: "L'essence du matérialisme est cachée dans l'essence de la technique".
  2. b) La seconde version est celle du christianisme, qui voit l'homme comme le fils de Dieu pour qui le monde n'est qu'un transit vers l'au-delà.
  3. c) La troisième est la vision du monde gréco-romaine, pour laquelle l'homme humain s'oppose à l'homo barbarus. Paideia a été traduit " À Rome, nous trouvons le premier humanisme et la Renaissance des XIVe et XVe siècles en Italie est une renaissance de la romanité. Et c'est la version et la vision qui atteint tout l'humanisme moderne à partir du XVIIIe siècle avec Goethe, Schiller et Kant qui remonte à l'antiquité, pour qui "l'inhumain est maintenant la prétendue barbarie de la scolastique gothique du Moyen Âge".

92b2b52905a7f222a6544c02ab38941c.jpgRien n'est plus éloigné de l'opinion de Heidegger, qui développe, à partir de là, la thèse centrale de la Lettre, selon laquelle la culture humaniste, en raison de sa rationalité moderne, celle de la raison calculatrice, ne pouvait nous apporter que la Seconde Guerre mondiale, avec sa civilisation de la technique à laquelle ont collaboré aussi bien le gigantisme nord-américain que le marxisme soviétique.

Il en est ainsi parce que la figure métaphysique qui potentialise l'humanisme est la subjectivité. Cette subjectivité est la figure qui donne son nom à l'homme des Lumières élevé au rang de sujet historique par la métaphysique moderne.

Ainsi, la seconde guerre mondiale n'a pas été, comme l'affirment les marxistes de l'école de Francfort, Adorno et Horkheimer, dans Dialectique des Lumières, une guerre inter-impérialiste, mais la raison qui a déclenché cette grande guerre aurait été l'erreur anthropologique à laquelle a conduit la métaphysique moderne de la subjectivité.

Pour échapper à ce piège, il faut se remettre à l'écoute de l'être. L'homme doit s'ouvrir à l'être par l'"ek-sistence", pour retrouver son caractère "ek-statique". Ce n'est pas en inversant la vieille phrase selon laquelle l'essence précède l'existence, comme le fit Sartre en affirmant que l'existence précède l'essence, que nous nous libérerons de la métaphysique de la modernité, mais en " ek-sistant " dans un état d'ouverture à l'être.

Puisque aucun des humanismes expérimentés n'a considéré la dignité particulière de l'homme, nous proposons l'état d'"ouverture" à l'être et à la vérité comme possibilité d'un nouvel humanisme.

Le déracinement est l'un des défauts les plus notables de l'humanisme moderne. "C'est la marque de l'oubli de l'être. L'homme n'est pas le seigneur de l'être, au sens où sa fin serait de dominer toutes choses, il est "le berger de l'être", où il acquiert la pauvreté essentielle du berger.

Arrivé à ce point (p. 44), Heidegger répète la première question: " Vous me demandez comment redonner un sens au terme humanisme? "Affirmer que l'essence de l'homme réside dans l'"ek-sistence". Que l'essence de l'homme est essentielle à la vérité de l'être. Que lorsqu'on parle contre l'humanisme actuel, cela ne signifie pas être inhumain, "parce qu'on parle contre l'humanisme, on craint que l’on défende la brutalité barbare", de même que penser contre la logique ne signifie pas défendre l'irrationalité ; que penser contre les valeurs est une défense de l'inutilité ; que postuler un "être-au-monde" nous conduit à la négation de la transcendance; ou que la mort de Dieu nous fait postuler l'athéisme, ou que lorsqu'on parle contre le politiquement correct, on dérive vers le nihilisme.

Et il termine cette partie par un jugement lapidaire sur l'idée de l'homme comme sujet: "Avant tout, l'homme n'est jamais l'homme en tant que "sujet" de ce côté-ci du monde, que ce "sujet" soit pris comme "je" ou comme "nous". Il n'est pas non plus un simple sujet qui se rapporte toujours en même temps à des objets, de sorte que son essence est toujours dans la relation sujet/objet. L'homme est, avant tout, ex-sistant dans son essence, dans son ouverture à l’être".

Vient ensuite la deuxième question: est-il possible de préciser la relation entre l'ontologie et l'éthique?

heidegger2.jpgA quoi Heidegger répond brièvement en disant que l'éthique prédominante de la modernité a été l'éthique des normes, du devoir-être, qui se fonde sur l'éthique kantienne et la projection politique pratique de la morale bourgeoise, mais que tant l'éthique que l'ontologie sont des disciplines philosophiques établies depuis Platon, que les penseurs avant lui ne connaissaient pas en tant que telles.

Et il présente le cas d'Héraclite, rapporté par Aristote, qui, lorsqu'il est interpellé par des touristes, se trouve en train de se réchauffer près d'un feu. Ils sont déçus par le philosophe et il leur répond: ici aussi, les dieux sont présents. Ceci est une traduction libre d'un fragment dont la traduction actuelle est: le personnage est le daimon de chaque homme.

De telle sorte qu'il faut remonter aux présocratiques pour trouver une réponse qui n'est autre que la réflexion sur la vérité de l'être, qui est, en même temps, le fondement de l'éthique et de l'ontologie, "et il est inutile de les appeler ainsi".

Troisième question: comment sauver l'élément d'"aventure" qui présuppose toute enquête sans faire de la philosophie un simple "aventurisme"? A cette question Heidegger accorde pieusement les deux dernières pages de la Lettre, pour ne pas dire à Beaufret, ‘’soyons sérieux’’. "Nécessaire est, dans la pénurie actuelle du monde, moins de philosophie, mais plus de sollicitude pour la pensée ; moins de littérature, mais plus de soin aux lettres". Pour une bonne compréhension, un demi-mot suffit, et il termine en disant: "La pensée recueille le langage dans le simple dicton. Le langage est le langage de l'être comme les nuages sont les nuages du ciel.

La Lettre sur l'humanisme (1947) n'est pas seulement une récapitulation de tout ce que Heidegger a pensé pendant les vingt ans qui séparent L’Être et le Temps (1927), vingt ans qui ont produit le "tournant" heideggérien, mais aussi et surtout tout un manifeste sur la manière dont la philosophie doit désormais être faite.

Vincent Held et le grand asservissement numérique et sociétal (interview)

imageVHass.png

Vincent Held et le grand asservissement numérique et sociétal (interview)

Notre ami suisse Vincent Held, chercheur courageux et savant, a publié Asservissement (Editions Réorganisation du Monde), un recueil implacable qui détaille la manière dont on nous contrôle et prive de tout progressivement, dans la société libérale démocratique. La technologie vient au secours de la remarque de Tocqueville selon laquelle on nous ôterait même la peine de vivre. Plus récemment on pourrait rappeler la vision de Jouvenel qui dénonçait après la guerre même la démocratie totalitaire. Vincent Held nous a demandé d’écrire une postface pour son livre, et nous en profitons pour rédiger quelques questions angoissées.

Questionnaire à Vincent Held

  • Le livre constitue un catalogue des horreurs de la mondialisation capitaliste et technocratique. Comment avez-vous eu l’idée de ces chroniques – et où trouvez-vous votre documentation ?

Disons que je rends compte d’un certain nombre de projets et scénarios rendus possibles par l’évolution technologique. Avant tout, merci de me permettre de préciser d’emblée que tout est étayé par des sources mainstream : documents de l’ONU, publications de grands médias, de sites universitaires, etc. Et aussi du Forum de Davos, qui va d’ailleurs très loin dans les scénarios dystopiques qu’il envisage pour notre avenir proche.

Après, il n’est absolument pas certain que ce soient les projets les plus spectaculaires – comme cette fameuse « connexion cerveau-machine » dont nous parlent Klaus Schwab et Elon Musk, qui auront le plus d’impact sur nos sociétés. En revanche, l’idée d’utiliser des « intelligences artificielles » pour discriminer les gens à l’embauche en fonction de leurs opinions me paraît par exemple très concrète. En Suisse, des gens qui ont pignon sur rue le proposent ouvertement. Et leurs produits sont même déjà utilisés par un certain nombre de grandes entreprises !

  • Vous vivez en Suisse, a priori le pays le plus riche et le plus libre du monde (Guillaume Tell…). Or c’est ce pays qui décide de gâcher la vie des gens et vous le détaillez très bien dans votre livre. Pourquoi la Suisse ?

Les velléités de surveillance numérique totale alliée à une reprise en main comportementale de la population – que ce soit au travail, dans l’espace public ou à la maison sont très bien documentés. Évidemment, en Suisse comme ailleurs, certains ont vu dans la crise du covid une opportunité de normaliser un certain nombre de pratiques déjà existantes. Et même de pousser le bouchon un peu plus loin…

000672374_896x598_c.jpg

Je prends un exemple très concret : l’arrivée soudaine en Europe de robots équipés de « reconnaissance faciale » pour détecter le (non-)port du masque et le respect des nouvelles normes de « distanciation sociale » dans l’espace public… Évidemment, cette volonté de normer les comportements n’est pas limitée à la « crise du covid », qui finira par passer. Voyez l’exemple de la Chine avec son fameux « crédit social », qui consiste à noter les citoyens en fonction de la manière dont ils se comportent au quotidien… Chez nous, les comportements attendus seraient assurément différents, mais la tentation de normer les rapports sociaux n’en est pas moins présente. Edward Bernays en parlait déjà dans les années 1920 avec son idée d’un « code de conduite standardisé ». L’idée est loin d’être nouvelle…

  • Comment expliquez-vous le fait que tant de gens soient passés du côté obscur, milliardaires, bureaucrates, fonctionnaires, politiciens ?

A mon avis, les élites occidentales sont profondément divisées sur les grandes questions de société, comme je l’explique au début du livre. C’est pour cela que les scénarios les plus extrêmes en termes de surveillance ou de décroissance démographique par exemple, me paraissent avoir peu de chances de succès. Ceci dit, il y a toute une palette de projets potentiellement très déstabilisants pour nos sociétés qui vont certainement faire l’objet d’un lobbying important dans les prochaines années. Et ce notamment en matière de restrictions de la mobilité, de surveillance numérique et d’automatisation du travail. En fait, nous sommes déjà en plein dedans. Il suffit de lire le dernier livre de Klaus Schwab pour s’en rendre compte.

  • La volonté de nous empêcher de voyager ou de bouger est bien expliquée dans le livre. On découvre aussi une volonté de nous empêcher de manger. Pouvez-vous expliquer ?

Là, vous faites allusion à mon fameux article sur le recyclage des eaux d’égout à des fins alimentaires… Des gens m’ont expliqué qu’ils n’avaient même pas commencé à le lire parce qu’ils n’arrivaient tout simplement pas à y croire ! Pourtant, l’intérêt de l’État et de certaines multinationales suisses pour la question est bien documenté… C’est un projet qui est censé s’intégrer à « l’économie circulaire », pour contribuer au « développement durable »… Quoi de plus écologique en effet que de consommer des excréments humains transformés grâce à des méthodes 100% naturelles et peu coûteuses ?

imageede.jpg

  • Les mondialistes ont toujours été dangereux mais ils semblaient moins fous jadis. Qu’est-ce qui selon vous les rend fous depuis dix-quinze ans en mode accéléré ?

La « folie » dont vous parlez ne me semble pas nouvelle. L’Histoire du XXème siècle nous a démontré de façon suffisamment spectaculaire de quoi l’Occident postchrétien était capable. Comme le soulignait Soljenitsyne dans son fameux discours d’Harvard, Hitler et Staline sont des sous-produits de l’humanisme occidental, qui adapte sa morale aux besoins du moment. Et même dans les systèmes démocratiques, les tentations totalitaires abondent, voyez le projet eugéniste rendu célèbre par Huxley au début des années 1930. Ou encore cette idée vieille de plus de cent ans de sexualiser les enfants dès leur plus jeune âge pour détraquer leur psychisme et rendre ainsi la société plus malléable. Or, on voit bien que c’est un projet qui est né en Angleterre ! Vous noterez d’ailleurs que ce type de programmes est toujours mis en œuvre aujourd’hui en Allemagne, même si l’on préfère ne pas trop en parler…

Bref, je crois que la folie dont vous parlez est la même aujourd’hui qu’il y a cent ans. En revanche, la puissance des outils technologiques disponibles ouvre effectivement des perspectives de contrôle social assez vertigineuses. Suffisamment vertigineuses d’ailleurs pour faire peur à une partie des élites mondialisées elles-mêmes…

  • On sait qu’avec les vaccins on veut réduire la population. Tout ce contrôle exercé sur les humains va-t-il déboucher sur une extermination ?

Il y a eu beaucoup d’annonces dans la presse ces derniers temps sur de probables liens entre des vaccinations et le décès inexpliqués de personnes âgées ou de soignants. En Allemagne, c’est même devenu un sujet d’alarme récurrent dans les médias depuis le début de l’année. S’il y avait une volonté d’extermination généralisée, je doute qu’on en parlerait autant…

IMG_2273-500x330-c-default.jpg

Après, il existe visiblement un consensus très large autour de la question de l’euthanasie des personnes âgées et/ou malportantes. Vous noterez que j’utilise intentionnellement le terme « d’euthanasie » plutôt que celui de « suicide assisté », qui présuppose l’accord du patient. Voyez le débat Live and let die qui s’était tenu à Davos en janvier 2009 autour de cette question. La vidéo est disponible en anglais sur Youtube. Vous comprendrez que l’euthanasie active et passive sans l’accord du patient est depuis longtemps une pratique courante et acceptée en Suisse, bien qu’elle constitue théoriquement un délit pénal. Évidemment, nous ne sommes pas les seuls dans ce cas. Et l’arrivée de millions de baby boomers à l’âge de la retraite représente une incitation considérable à intensifier ces pratiques…

  • On reste effaré par cette volonté de castration sexuelle qui veut frapper dès l’enfance. Pouvez-vous présenter cette forfaiture ?

Il faut avant tout comprendre d’où vient le militantisme LGBT. Historiquement, il se rattache au mouvement « néomalthusien », qui cherchait à réduire la natalité occidentale par tous les moyens possibles : promotion des matériels contraceptifs, du divorce, de l’avortement, de l’homosexualité, de la « stérilisation des inadaptés »… et conduite des premières expériences de changement de sexe !

Évidemment, castrer les gens chimiquement ou chirurgicalement dès leur enfance est le plus sûr moyen de s’assurer qu’ils ne procréeront jamais. On voit par exemple que la télévision suisse romande s’est mise à faire la promotion des « enfants transgenres » en même temps qu’elle encourageait les femmes à se faire stériliser pour les motifs les plus divers, dont certains passablement délirants. C’est toujours la même logique antinataliste et eugéniste qui existait déjà au début du XXème siècle, au moment où le LGBT a commencé à prendre forme. 

5852d7ef120000c40beef7dd-1.jpeg

Il faut dire aussi que le mouvement LGBT a parfaitement démontré au cours de ses quelque 120 ans d’histoire qu’il n’avait que très peu d’inhibitions morales. Donc oui, cette idée de la castration précoce au nom du bien-être des « enfants transgenres » est choquante, mais pas si surprenante que cela.

  • Presque tout ce qui est évoqué ici pour moi se résume à de l’abjection, de la débilité ou de la criminalité. La question qui me vient la première c’est : pourquoi nous impose-t-on cela ?

Je crois qu’un facteur important à prendre en compte, c’est l’évolution spectaculaire de l’intelligence artificielle, qui rend aujourd’hui les humains largement obsolètes en tant que producteurs de biens et services.

D’un point de vue purement économique, plus de la moitié de la population de nos pays représenterait d’ores et déjà un poids mort, si l’on en croit les estimations des plus grands cabinets de conseil mondiaux, tels que McKinsey, Deloitte ou PriceWaterhouseCoopers. Je pense que c’est l’explication de la virulence croissante des idéologies « néomalthusiennes » que je viens d’évoquer, #metoo inclus. Indépendamment de l’aspect idéologique d’ailleurs, nos sociétés présentent un risque de paupérisation accru, le durcissement des conditions de vie étant une manière traditionnelle de réduire la natalité. C’est même une recette que les Anglo-Saxons appliquent à la lettre depuis que le célèbre Thomas Malthus a théorisé cette méthode au début du XIXème. La terrible déflation des années 1920 par exemple, avait causé une chute brutale de la natalité en Angleterre comme aux États-Unis. Or, dans l’un et l’autre pays, cette crise était complètement artificielle…

  • Vous abordez peu la question de la servitude volontaire. En langage plus moderne Virilio a parlé de dissuasion : pouvez-vous expliquer cette prostration, cette neutralisation de la masse? 
  •  
  • Personnellement, j’aime bien la notion très bernaysienne de « fabrication du consentement », dont la « crise du covid » nous a fourni un magnifique cas d’école. Je constate par ailleurs que, comme l’avait annoncé Tocqueville, l’atomisation croissante de nos sociétés a conduit à une forme de domestication de l’humain. Cette logique semble d’ailleurs avoir vocation à prendre une toute nouvelle ampleur avec l’arrivée de certaines technologies de surveillance censées permettre d’accroître notre bien-être physique et mental. Et comme souvent, c’est par le milieu de l’entreprise que cette approche tente de prendre pied dans nos sociétés. Le gourou technologique Jack Ma explique par exemple de façon très directe qu’il veut apprendre aux gens à adopter de bons comportements au travail en leur inculquant des « valeurs » et en veillant à ce qu’elles soient respectées ! Il ne veut pas diriger les gens, mais les éduquer comme des enfants. Vous noterez que cette approche rejoint celle des féministes radicales, avec leurs listes toujours plus longues de comportements « sexistes » à éradiquer. Sauf que les féministes ne veulent rééduquer que les hommes alors que Jack Ma, lui, propose de rééduquer tout le monde. Ce qui, somme toute, est plus démocratique.
  • 000_i11v5.jpg

  • Jack Ma.
  • A quoi servira la monnaie numérique si à la mode chez les mondialistes ?

J’ai la conviction que les « monnaies numériques » officielles telles que le fameux « euro digital » que nous concocte la BCE, vont s’imposer. C’est ce que j’expliquais d’ailleurs déjà en 2018 dans Après la crise, bien avant les premières annonces de Christine Lagarde. La vraie question est de savoir à quel point un anonymat des transactions pourra encore être envisagé. En clair : sera-t-il encore possible de payer avec du liquide ou des monnaies digitales non transparentes à l’avenir ?

C’est un point important, surtout dans un pays comme la Suisse, où les assureurs s’intéressent énormément à surveiller les comportements d’achat de la population. En clair : il s’agit de dire aux gens ce qu’ils ont le droit de manger et boire sans subir de pénalités financières, sans parler du tabac ! Évidemment, l’idée de taxer les transactions financières, qui est très à la mode par exemple en France, implique une quasi-disparition de l’argent liquide, voire son éradication pure et simple. En Suisse, le Parlement a reconnu à la Banque nationale le droit d’interdire l’emploi des billets de banque si elle le souhaite. C’est donc une éventualité à prendre très au sérieux. D’autant plus que l’idée d’imposer des taux négatifs sur les comptes bancaires a déjà été reconnue comme légale, tout comme en Allemagne d’ailleurs.

213627-1.jpg

De fait, dans un système financier entièrement numérisé, il serait très facile de taxer en continu les dépôts bancaires, dans le but affiché de « stimuler la consommation » et l’investissement. C’est une mesure qui pourrait s’imposer dans un contexte de crise économique et financière intense, où le pouvoir politique pourrait facilement invoquer la nécessité de « relancer l’économie ». Avec le risque, comme toujours, que le « provisoire » s’installe dans la durée…

couverture-vincent.jpg

9782970126232-475x500-1.jpg

Vaart wel, Francis!

1ba3705c-7dc8-11eb-9dad-e00b0839ebda.jpg

Vaart wel, Francis!
 
door Peter Logghe
Bron: Nieuwsbrief Deltapers, Nr. 157, Maart 2021
 
Hoewel we met z’n allen wisten dat het met zijn gezondheid minder goed ging, heeft zijn overlijden voor een donderslag aan heldere hemel gezorgd.  Hij was zo vergroeid met de Vlaamse Beweging dat hij deze als geen ander belichaamde, zeker intellectueel. Een Duitse journaliste noemde hem ooit eens een “Urgestein” van de Vlaamse Beweging, een fenomeen dus, én: terecht.
 
01/04/1946 - 04/03/2021
 
Als Brusselse ket heeft Francis het ganse gamma van de Vlaamse Beweging doorlopen: van Volksunie over de (eerste) VMO, Were Di, stichter-mede-oprichter van Voorpost. Daarna in de V.V.P., en het Vlaams Blok waar hij, samen met de vrienden, de grote electorale doorbraak, onder andere in Gent, wist te bewerkstelligen. Zovele jaren op straat en in het Federaal Parlement  als actieve Volksvertegenwoordiger.  Het parlement waar hij zijn actieve loopbaan afsloot met een afscheidsrede deels  in het Frans – hij was perfect tweetalig – zodat de politieke tegenstanders, de Franstalige parlementairen dus, een ongewoon goed geformuleerd zicht kregen op de beweegredenen van het radicale nationalisme in Vlaanderen. Eén van de hoogtepunten van Francis.

Waar men ging langs Vlaams-nationale wegen, kwam men Francis tegen: hoeveel zangavonden heeft hij geleid? Hoeveel studenten heeft hij wegwijs gemaakt in de Ierse rebellenliederenschat? Of het nu voor de Marnixring Adriaen Willaert was, of voor een VNJ-, NSV- of KVHV-afdeling: vormingsavonden gaf hij als de beste. Jongeren kon hij boeien met zijn verhalen, gelardeerd met liederen en kwinkslagen. Hij was een vaste waarde voor deze Nieuwsbrief en voor TeKoS, waar hij na zijn partijpolitieke jaren zijn stek had gevonden.

Twee thema’s  hielden zijn aandacht gaande: Het Europa der Volkeren en de heel-Nederlandse dimensie van ons Vlaams-nationalisme aan de ene kant (“Het Vlaams nationalisme is een deel van de groter geheel”) en de inhoudelijke uitdieping van ons nationalisme, in een jeugdige, rechts non-conformistische stijl. In die jaren ’70 en vooral ’80 en volgende van de vorige eeuw maakten wij in Europa deel uit van die nieuwe, rechtse jeugd die er overal wortel schoot. Er werden kameraadschappen gesmeed die er na 40 jaar nog altijd staan!

Francis gaf vorm aan die rechtse revolte, hij was er de eerste militant van.  Of het nu in een pub in het Ierse Clifden was waar hij met de rebelsong “Kevin Barry” de dames (en niet alleen de dames) tot tranen toe bewoog, of in het Italiaanse Napels een cantus bovenop een chic appartementsgebouw leidde met een groep enthousiaste Napolitanen, of in het zuiden van Frankrijk vorming gaf of in zijn beste Frans tussenkwam op de zomeruniversiteit van GRECE: Francis gaf zichzelf altijd voor de 100 volle percent. En dan vergeet ik nog de zangavonden van Voorpost aan de vooravond van de IJzerbedevaart.
Hij was nooit te beroerd om zijn stem te laten horen, ook in de jaren toen er amper naar ons stemmetje werd geluisterd. Hij ging in debat met een toen nog progressieve Mia Doornaert, hij ging in debat met professor Jaap Kruithof, en hij confronteerde links met haar eigen tegenstrijdigheden en onverdraagzaamheid. Niet zelden verliet hij als overwinnaar het debat. Zo zal ik nooit de avond vergeten in de Gentse studentenparochie, waar hij als vertegenwoordiger van het Vlaams Blok aan een politieke debat met alle partijen deelnam. Hij werd er uitgejouwd, beledigd, bijna fysiek aangevallen. Ik was erbij, in die zaal, samen met Joris uit Kortrijk, en zag hoe hij langzaamaan de sympathie in de zaal won. Op het einde van de avond kreeg hij breed applaus, en waren wij apetrots. Want hij kon debatteren!  Ik zal ook nooit het boekenstandje van Voorpost in Nederland vergeten, waar we belaagd werden door een massa spuwend en sigaretten-op-de-arm-uitduwend tuig. Francis gaf geen kik. Het was één tegen allen, het was ons kleine groepje militanten tegen de rest, “teen de hele wereld vrij”, zoals we in het Afrikaans zongen.

Hij was, hij is mijn oudste kameraad, en nu is hij er niet meer. In het Duitse afscheidslied “Ich hatt’ einen Kameraden” zongen we:  “Er liegt vor meinen Füssen, als wärs ein Stück von mir”.  Sinds vandaag besef ik het: Francis was een stuk van mij, Francis was een stukje van ons allemaal.  Ik zal dit lied nooit meer kunnen zingen, zoals ik zovele liederen nooit meer zal kunnen zingen zonder aan Francis te denken.  Hij is er niet meer, maar ik ben overtuigd dat deze, zijn belangrijke les aan de Vlaamse Beweging overeind zal blijven: de les dat kameraadschap het bindmiddel  is van die beweging, en dat niemand die beweging kapot krijgt als het bindmiddel er maar is.

Het woord van auteur J.R.R. Tolkien is meer dan ooit op zijn plaats: “I will not say: do not weep; for not all tears are an evil.” Vaart wel, Francis, ik mis je heldere stem nu al, en onze maandelijkse Nieuwsbrief mist jouw heldere, scherpe maar correcte pen.
 
Peter Logghe
 
 

21132964lpw-21137400-embed-libre-jpg_7590415.jpg

Als je kan dromen zonder aan dromen verslaafd te zijn.
Als je kan denken en toch niet alleen maar een denker zijn.
Als je zege of nederlaag op dezelfde wijze kunt bejegenen.
Als je kan verdragen dat de waarheid die je sprak door canaille verdraaid wordt
om dwazen tegen jou op te jutten.
Als je je levenswerk vernietigd kunt zien en zo weer aan de slag kunt gaan.
 
Als je in één enkele worp alles kan verliezen
en zonder een zucht van spijt onmiddelijk zo maar kan herbeginnen.
Als je kan hard zijn en nooit woedend.
Als je kan trouw blijven wanneer alle anderen dat niet zijn.
Als je kan stand houden wanneer er niets mee overblijft
dan je eigen wil die zegt 'hou stand'
 

Tweede en derde strofe uit IF van Kipling
Vertaald door Francis Van den Eynde en tekst op zijn doodsprentje

L’idéologie LGBTQ et la dissolution de l’identité occidentale...

IMG_3396.jpeg

L’idéologie LGBTQ et la dissolution de l’identité occidentale...

par David Engels

Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com

Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de David Engels, cueilli sur le Visegrád Post et consacré à l'idéologie LGBTQ+ et à son action dissolvante vis-à-vis de l'identité européenne traditionnelle.

Historien, spécialiste de l'antiquité romaine, David Engels, qui est devenue une figure de la pensée conservatrice en Europe, est l'auteur de deux essais traduits en français, Le Déclin. La crise de l'Union européenne et la chute de la République romaine (Toucan, 2013) et Que faire ? Vivre avec le déclin de l'Europe (Blauwe Tijger, 2019). Il a  également dirigé un ouvrage collectif, Renovatio Europae - Plaidoyer pour un renouveau hespérialiste de l'Europe (Cerf, 2020).

L’idéologie LGBTQ et la dissolution de l’identité occidentale

Union européenne – Depuis que l’Union européenne a été déclarée « zone de liberté LGBTQ » le 11 mars 2021, le débat sur l’idéologie « LGBTQ » est omniprésent dans les médias, et avec lui, la critique de cette Pologne « intolérante » et « autoritaire » où les homosexuels subiraient constamment des atteintes à leur « droits », voire leur intégrité physique. Mises à part les nombreuses absurdités résultant d’une représentation volontairement erronée des faits eux-mêmes, nous trouvons au cœur de ce débat un manque de discernement assez typique pour notre monde actuel : celui entre la personne et l’idéologie.

En effet, la Pologne a été l’un des premiers pays en Europe à avoir décriminalisé l’homosexualité (1932 ; l’Allemagne en comparaison seulement en 1969), mais entre la tolérance de l’organisation libre de la vie privée d’un côté et l’égalité entre des relations hétéro- et homosexuelles d’un autre, il y a un pas énorme que la majorité de la population polonaise et avec elle son parlement et son gouvernement ne semblent pas prêts à franchir. Ainsi, le débat actuel ne se situe nullement au niveau de la simple « protection des minorités », car ces minorités, déjà aujourd’hui, n’ont absolument rien à craindre de la part de la société ou de l’État. Tout au contraire, il s’agit d’un choix idéologique fondamental avec des conséquences lourdes pour l’entièreté de la société, et c’est pour cette raison que l’on doit parler d’une véritable « idéologie LGBTQ », inséparable d’ailleurs de l’ensemble de l’universalisme « politiquement correct ».

512L5RiXF5L._AC_SX522_.jpg

Selon cette idéologie, l’identité sexuelle serait une simple « construction sociale » sans véritable lien avec la constitution physique de l’humain, et la liberté de l’individu consisterait à pouvoir constamment assumer un autre « genre » et dès lors d’autres rôles sexuels. Cela implique non seulement l’exigence du mariage pour tous, la libéralisation du droit à l’adoption, la banalisation des thérapies et chirurgies de changement sexuels, la réclamation de « quotas » représentatifs dans toutes les corporations et l’introduction de sujets LGBTQ dès l’école primaire, voire maternelle, mais aussi, au long terme, comme nous allons le voir, la dissolution de la notion même de famille naturelle. À chaque étape, un argument clef (outre les appels purement rhétoriques au respect pour l’« amour ») : celui du « moindre mal », comparant les conséquences (néfastes) de relations hétérosexuelles échouées avec ceux (bénéfiques) de relations homosexuelles réussies ; le « moindre mal » des enfants grandissant avec des parents homosexuels aimants qu’avec des parents hétérosexuels malheureux ; le moindre mal de la bénédiction religieuse des couples homosexuels en comparaison avec le risque de leur « aliénation » spirituelle ; le « moindre mal » du mariage pour tous en vue de la stabilité financière et donc du contentement politique des couples homosexuels ; etc. Or, comme d’habitude, ce qui manque dans cette équation purement individualiste et rationaliste est l’intérêt de la société dans son ensemble, car ce qui peut être un « moindre mal » pour quelques individus peut déstabiliser les fondements d’une civilisation entière.

Certes, le problème ne se situe pas (ou pas seulement) au niveau de la simple « relativisation » de la famille naturelle, puisque les deux concepts ne sont pas (encore) dans une situation de compétition immédiate : peu d’hétérosexuels changeront d’orientation sexuelle uniquement pour bénéficier des avantages juridiques d’une relation homosexuelle ou vice-versa. Non, le problème est un problème de fond : à partir du moment où ce n’est plus le droit naturel et le respect des institutions historiques fondamentales qui régit la construction des ensembles familiaux et éducationnels sur lesquels notre société est basée, mais le pur constructivisme social, toutes les autres limites tomberont également tôt ou tard. Une fois l’exception, sous couvert de « protection des minorités », rehaussée au même niveau de la norme, celle-ci perd tout son sens, et la société implose rapidement en une multitude de sociétés parallèles, où ce n’est plus le consensus de tous, mais la minorité la plus forte qui domine le reste (ce qui, évidemment, ne s’applique pas seulement aux minorités sexuelles, mais aussi ethniques, culturelles, religieuses ou politiques).

180525_vod_orig_gaypride_hpMain_4x3_992.jpg

Car la sexualité, déconnectée de son support physique initial et de sa vocation naturelle de procréation, devient nécessairement un passe-temps quelconque qu’il serait absurde de limiter ou réglementer dans un sens ou dans un autre : une fois les différentes variantes de l’homosexualité non seulement tolérées, mais mises à égalité avec la famille traditionnelle, il n’y a plus aucun argument logique pour interdire la légalisation de constellations polygames, incestueuses, voire même pédophiles ou zoophiles, comme le réclament d’ailleurs depuis au moins les années 1968 la gauche et le mouvement écologiste. Pire encore : non seulement, l’intégration du constructivisme social dans la définition du couple et de la famille risque de mener tôt ou tard à la banalisation et dès lors la diffusion de pratiques fondamentalement malsaines, voire criminelles, mais cette idéologie se caractérise aussi par son hostilité pour le modèle hétérosexuel établi. Non contente de le laisser survivre comme une option parmi de multiples autres combinaisons possibles, la gauche associe la famille traditionnelle, déjà lourdement éprouvée par la banalisation du divorce et l’essor des familles recomposées, à un prétendu modèle « patriarcal » oppressant, réactionnaire, voire même « fascistoïde », comme l’avaient déjà mis en avant Horkheimer et Deleuze.

Ainsi, loin de défendre les droits d’une infime minorité « menacée » contre une large majorité opprimante, cette idéologie complexe et profondément anti-humaniste sape actuellement les dernières fondations d’un modèle familial attaqué de partout. En tentant de déconnecter la société occidentale de son support naturel et historique, les activistes LGBTQ font donc seulement eux-mêmes le travail d’« idiots utiles » dans un combat idéologique dont ils ne réalisent probablement que très rarement toute l’ampleur. Dès lors, l’on peut comprendre que, tôt ou tard, chaque gouvernement véritablement conservateur se doive de mettre des limites très claires afin de défendre ses valeurs et faire la part entre la tolérance des choix personnels de certains individus et la légalisation formelle d’une idéologie qui, elle, risque de démanteler fondamentalement ce qui reste encore de l’identité occidentale. La Pologne et avec elle de nombreux pays dans l’Est de l’Europe ont fait ce choix, et l’Europe occidentale, dont les gouvernements dominent l’Union européenne actuelle, semble avoir fait le sien le 11 mars 2021. La suite des événements montrera clairement les conséquences de ce choix sur la stabilité, la prospérité et la santé des sociétés respectives…

David Engels (Visegrád Post, 16 mars 2021)

00:02 Publié dans Actualité, Sociologie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : david engels, actualité, sociologie, lgbt, lgbtq | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

dimanche, 21 mars 2021

L’Empire américain agite l’arme des « droits de l’homme » pour justifier ses guerres hybrides

joe-biden-putin-ap-reuters.jpg

L’Empire américain agite l’arme des « droits de l’homme » pour justifier ses guerres hybrides

Par Luciano Lago

https://www.kulturaeuropa.eu/

SOURCE : http://www.ilpensieroforte.it/mondo/4575-l-impero-usa-agi...

L'Occident, dans sa phase actuelle de décadence, n'a pas les moyens de rivaliser avec le développement impétueux de la Chine. Ajoutez à cela l'étroite coopération entre la Chine et la Russie, étendue de la sphère économique à la sphère militaire, qui fait du bloc Russie/Chine un antagoniste capable de remettre en question l'intention, proclamée par Biden, de restaurer le leadership américain sur le monde.

Dans son dernier discours officiel, le Premier ministre chinois Xi Jin Ping a lancé un avertissement aux États-Unis : le monde ne connaîtra pas la paix et la stabilité tant que les États-Unis ne cesseront pas de s'ingérer dans les affaires des autres pays. Il a également dénoncé les tentatives éhontées de l'Occident de compenser son incapacité réelle, dans son obsession à contrer les menaces chinoise et russe, en organisant des soulèvements et en orchestrant de la propagande pour provoquer des changements de régime. C’est là une forme de guerre hybride avec un objectif bien circonscrit, d'ailleurs, et explicitement déclaré comme tel par les dirigeants de Washington, qui refusent de considérer comme légitimes les gouvernements des pays qui s'opposent à l'hégémonie nord-américaine et qui, dès lors, s'engagent à les combattre en utilisant l'arme des sanctions ou des embargos. Cependant, le jeu avec la Chine et la Russie est plus compliqué, les sanctions sont inefficaces et Washington recourt alors à la rhétorique habituelle des "droits de l'homme", sans reconnaître que ce sont les États-Unis qui sont les plus responsables des violations des droits de l'homme dans le monde.

Pour appuyer leur propagande, soutenue par le méga-appareil médiatique occidental, Washington et Londres mobilisent leurs services de renseignement pour créer des empoisonnements préfabriqués, de l'affaire Skripal à l'affaire Navalny, dont la Russie est accusée (sans preuve), ou pour fomenter des émeutes et des manifestations à Hong Kong. Dans le cas de la Russie, Vladimir Poutine est dépeint comme le nouveau tyran impitoyable qui lâche ses agents à la recherche de prétendus opposants à empoisonner, tandis que Xi Jin Ping est décrit comme le nouveau danger pour le "monde libre". Sinon, les services de renseignement de Washington et de Londres préparent les habituels "False Flag" (provocations scénarisées) d'attaques aux armes chimiques menées par les Russes et les Syriens en Syrie pour accuser Poutine et Assad et préparer de nouveaux "bombardements humanitaires".

On ne peut pas dire que les Anglo-Américains fassent preuve de beaucoup d'imagination à cet égard, il suffit de se rappeler les "armes de destruction massive" présentées comme motif de la guerre contre l'Irak, mais ce peu d'imagination est parfois compensé par Israël avec ses attaques préméditées contre certains navires dans le Golfe Persique, dont l'Iran est accusé, bien sûr. La plus récente fausse attaque contre un navire commercial israélien a été démentie par des images aériennes d'un drone iranien. Des provocations visant à convaincre du "danger" de l'Iran, un pays qui depuis 41 ans est le plus grand antagoniste d'Israël et de l'hégémonie américaine dans la région. Dans tous les cas, l'arme préférée de Washington (et de Londres) est toujours celle des "droits de l'homme". En réalité, l'embargo, pour affamer les peuples et les pousser à mettre en œuvre un changement de régime, est la marque de fabrique de la politique américaine : la même technique que celle mise en œuvre par Israël, depuis plus de onze ans, contre les Palestiniens de Gaza.

_117307915_mediaitem117305279.jpg

Tout ce qui menace la vie et la dignité des personnes est un crime contre l'humanité. Honteux est le comportement de l'Europe qui se plie à ces blocages décidés par Washington, démontrant ainsi sa servilité envers le maître. Cependant, le cas de l'Arabie saoudite est comme une "poutre dans l'œil" des défenseurs des droits de l'homme, avec la couverture accordée par les États-Unis au prince sanguinaire Bin Salman, qui est tout à la fois derrière le meurtre du journaliste Khashoggi et derrière l'agression contre le Yémen. Cette énorme pierre d'achoppement met en évidence l'hypocrisie de cette propagande que seuls les imbéciles peuvent encore croire aujourd'hui.

Luciano Lago

La gauche qui fuit la réalité (et le Marx qu’elle oublie)

IMG_03851.jpg

La gauche qui fuit la réalité (et le Marx qu’elle oublie)

Carlos Javier Blanco Martín

Ex : https://decadenciadeeuropa.blogspot.com/

L'époque où l'on présentait Marx comme un scientifique est révolue. Ce nouveau Galilée, ce nouveau Darwin, ce Colomb qui découvre l'"Histoire du continent". Des discours comme celui de son ami Engels devant le cadavre du philosophe qui "découvre" les lois de l'Histoire ont désorienté des milliers d'intellectuels et des millions d'ouvriers et de militants. Le "matérialisme historique" n'existe pas. Plus vite nous ferons comprendre qu'il n'y a pas de "science matérialiste de l'histoire", plus vite nous pourrons entrer dans le noyau ontologique des problèmes sociaux, politiques, civilisationnels. Marx était, avant toute chose, un théoricien de l'être social, un constructeur génial d'une "ontologie de l'être social" (C. Preve).

Cette affirmation ne signifie pas que dans le marxisme de Marx, dans celui de ses épigones et, en général, dans la philosophie sociale et politique, il n'y a pas de place pour les études empiriques et les hypothèses causales. C'est nécessaire. Il était essentiel pour Marx de prêter attention au réel et à l'empirique, et il est très important pour tout intellectuel qui lutte pour le dépassement du capitalisme de le faire, sous peine de tomber dans une action purement livresque. Lire des livres et synthétiser ce qu'ils disent n'est pas mauvais. J'aimerais qu'une grande partie de ce que nous appelons la gauche aujourd'hui le fasse. S'ils lisaient Marx, et s'ils le faisaient avec une clé réaliste, ils ne tomberaient pas dans les erreurs et les crimes dans lesquels ils sont tombés. Mais cette action livresque n'est qu'une partie de la praxis. La pratique exige également des données, des études de terrain et un "empirisme sain". Et pourtant, ni l'académisme ni le fait de devenir un réseau de collecte de données ne définissent la praxis marxiste.

61kaZeyxY1L.jpgLa praxis marxiste est un dépassement de la contemplation (theorein) de l'Être social. Il serait préférable de dire qu'il s'agit d'une super-contemplation. La praxis marxiste, et non une quelconque "science du matérialisme historique", consiste à affronter le passé. Le prendre en charge, le questionner, se dire ce qu'il y a de lui en moi, et ce que je peux faire, ce que nous pouvons faire pour éviter que ce passé ne devienne despotique. Comme le dit mon ami Diego Fusaro, bon élève de Gramsci et de Preve à la fois, il s'agit de "défataliser l'existant". Le passé non affronté, le passé assumé sans autre forme de procès, comme une roue inexorable à laquelle nous sommes liés et au type de laquelle nous sommes condamnés à participer, est un passé qui, en tant que tel, n'est pas modifiable. Saint Thomas a déjà dit dans la Summa Theologiae que ni Dieu ni le passé ne peuvent le changer (ce serait une autre chose de dire que Dieu aurait pu faire en sorte que le passé soit différent). Il n'existe aucun pouvoir, aussi divin soit-il, qui puisse transmuter le passé. Mais il existe un pouvoir, celui de la raison et de la compréhension humaines, qui est capable de "défataliser" le passé. Et comment le passé peut-il être défloré ? En rendant aux masses populaires leur capacité de résistance à l'Horreur. En rendant à la conscience collective de la société son sentiment d'être des sujets dotés d'un pouvoir pratique.

Le capitalisme est défait si les masses prennent conscience que la réalité est modifiable, et arrivent à la conviction que les structures qui se présentent de manière ‘’naturalisée’’ ne sont pas la nature, mais l'Histoire, en tant que coagulation de la praxis humaine antérieure elle-même. Le juif espagnol Spinoza a dit : "le vulgaire a peur quand il perd sa peur". Le capitalisme le sait, c'est pourquoi il veut un "vulgaire" craintif, qui vit son présent (y compris la relation avec son passé) de manière fataliste, comme s'il se déplaçait sous la poussée de déterminismes multiples.

417hY080bQL.jpgL'action d'une masse libre (sans peur) implique nécessairement la "contemplation" du passé, et son assomption ontologique adéquate. Le passé en tant que tel n'est pas modifiable, mais évacuer l'ombre de ce passé qui pèse sur nous est de la responsabilité de ceux parmi nous qui se rangent du côté de l'action des masses, d'un vulgaire qui a perdu sa peur.

E.P. Thompson écrit :

"Le passé humain n'est pas une agrégation d'histoires discrètes, mais un ensemble unitaire de comportements humains, dans lequel chaque aspect entre en relation de certaines manières avec les autres, de façon analogue à la façon dont les acteurs individuels entrent dans certaines relations les uns avec les autres (à travers le marché, à travers les relations de pouvoir et de subordination, etc.). dans la mesure où ces actions et relations donnent lieu à des changements, qui deviennent l'objet d'une enquête rationnelle, nous pouvons définir cette somme comme un processus historique, c'est-à-dire une somme de pratiques ordonnées et structurées de façon rationnelle. ...] Les processus finis du changement historique, avec leurs relations causales complexes, ont bien eu lieu, et l'historiographie peut les falsifier ou les méconnaître, mais elle ne peut en aucun cas modifier le statut ontologique du passé. Le but de la discipline historique est d'atteindre cette vérité de l'histoire" [E. P. Thompson, Misery of Theory, Barcelona, Ed. Crítica, Barcelona, 1981, p. 70].

Le marxisme, loin d'être une "science" du passé, une science appelée matérialisme historique, est une compréhension des processus qui ont eu lieu dans le passé, processus d'institutionnalisation et de coordination des relations entre les hommes. Dans le cadre de ces processus passés, il est nécessaire de prêter attention aux relations entre les classes (dialectique des classes), mais pas seulement. Il incombe également, en tant que philosophie de la praxis de ce peuple "qui a perdu la peur", de comprendre la dialectique des États (c’est-à-dire la géopolitique). Ces deux types de dialectique s'inscrivent dans la lutte plus générale et transhistorique entre dominants et dominés. Cette lutte ou dialectique entre le Maître et l'Esclave se produit à toutes les époques et dans tous les modes de production, mais c'est à partir de ce qu'on appelle la "Modernité" que la lutte devient une lutte purement ‘’économiste’’. L'économie capitaliste se caractérisera, dès le XVIe siècle, par l'outil de subordination de toutes les structures sociales de domination à une seule, fondamentale : l'exploitation du travail salarié. C'est à partir de la conversion du travail en marchandise et non en autre chose (un service, un effort sous contrainte, une prestation...) que le Capital en est venu à se doter d'une souveraineté absolue, toutes les structures de domination préexistantes pliant devant lui, se liquidant ou se transformant de manière drastique pour remplir leurs nouvelles fonctions de machines auxiliaires de l'exploitation.

costanzo-preve.jpg

Constanzo Preve et Diego Fusaro.

La dialectique des états est passée par des phases d'instrumentalisation de ces mêmes états au profit d'une plus grande exploitation d'une classe (bourgeoisie) sur une autre (prolétariat). Mais cette dialectique, dans sa phase impérialiste, est passée à un autre niveau essentiellement différent lorsque le prolétariat lui-même s'est reconnu comme une "apparition", inexistante dans les deux guerres mondiales. Cela s'est produit lorsque les travailleurs des puissances capitalistes se sont entretués sans broncher, en uniforme et sous le drapeau des différentes puissances nationales. Il n'y avait pas de "pacifisme" prolétarien internationaliste, et il n'y en aura plus jamais. C'était utopique. Le "pacifisme" fait lui-même partie de la géopolitique qui est, en soi, belliqueuse. La puissance dominante et bien armée répand le pacifisme parmi les peuples qu'elle veut garder sous sa botte, les déresponsabilisant au plus haut point. C'est comme si un Don Juan "conquérant", qui ne veut pas de rivaux, les persuadait de la nécessité de leur castration.

41ARwUkW9HL._SX325_BO1,204,203,200_.jpg

Les universités yankees et les mouvements américains en faveur des "droits civiques" ont donné naissance à un nombre infini d'interprétations émasculantes, adaptées à la consommation des masses périphériques. Le "centre" est chargé d'éveiller la "culture de la non-violence" en vue de se garantir le monopole de la violence. Les États-Unis castrent leurs rivaux et gardent le monopole de la cour, ils restent le Don Juan. Mais en réalité, tout l'Occident a été infecté par ce virus de la "non-violence" consistant à admettre, sans autre forme de procès, avec d'abondantes doses de "fatalisme", qu'il n'y a qu'un Centre de violence monopoliste et une Périphérie qui est "dans l'axe du Mal", en "sous-développement", et qui ne se laisse pas homologuer par les "démocraties libérales".

Tôt ou tard, la domination économique montrera impudemment ses leviers. Pour cette raison, elle nécessite la gestation d'une aliénation culturelle, d'une domination idéologique. La production, en soi, n'entraîne pas d'aliénation. C'est la réification exigée par le mode de production capitaliste qui implique l'aliénation. Angel Prior écrit :

"...l'aliénation est un phénomène propre au capitalisme et les économistes ont tort de considérer l'aliénation et l'objectivation comme indissociables. L'inversion entre objectivation et aliénation est une pure nécessité historique, une pure nécessité pour le développement des forces productives à partir d'un point de départ historique donné, ou d'une base historiquement déterminée, mais en aucun cas une nécessité absolue de la production (...)" [A. Prior, La Libertad en el pensamiento de Marx, Univ. de Murcia/Univ. de Valencia, 1988, p. 118].

Le capitalisme produit les relations sociales dont il a besoin pour se perpétuer, et cette affirmation même est tautologique, car en quoi consiste le capitalisme ? Il n'est rien d'autre que ce système de relations sociales basé sur l'exploitation de la force de travail, et la modification de toute relation sociale qui fait obstacle à la concentration et à la production du capital lui devient nécessaire, tant d'un point de vue fonctionnel qu'intentionnel. Le système, afin de se perpétuer et de mieux réaliser la production de plus-value, ne peut que le faire. Toute la "torsion" de la nature humaine, le fait qu'il n'y ait plus de nature humaine en tant que processus "moderne" et "postmoderne", est un produit du capitalisme. Dans la substance même de ce mode de production se trouve l'abolition et la mutilation nécessaires de la nature. Il était nécessaire de domestiquer le christianisme, une religion pour laquelle la Nature est la Création, et chaque homme est une Créature, et donc, il n'y a pas de place pour la manipulation de la substance de chaque créature. La nature, loin de la contempler, à la manière grecque et chrétienne, devait être "violée" (Bacon). Il reste maintenant à commettre cette violation avec les derniers bastions, la famille, l'enfance, la maternité, les actions volontaires de l'individu humain. Tout est colonisé et marchandisé. Et de plus en plus.

9788497422987.jpgCependant, l'objectivation et l'aliénation ne sont pas la même chose. Nous revenons à A. Prior :

"Marx rejette l'identification entre objectivation et aliénation. L'objectivation est un mode d'existence naturel de l'être humain. Un être dont la nature n'est pas extérieure à lui n'est pas naturel. Pour être objectif, un être doit avoir un objet extérieur à lui-même, sinon il devient une chimère. Pour Marx, l'aliénation est très différente de l'objectivité. Si l'objectivité est caractéristique du travail en général, au contraire, l'aliénation est une conséquence de la division sociale du travail dans le capitalisme" (Prior, op. cit. P.105].

Dans le travail et dans la science, l'homme s'objective avec sa praxis. Dans le rapport même que l'homme -en réalité, les peuples, les nations, les communautés- entretient avec le passé, avec leur passé, il doit y avoir une objectivation. Cela n'a rien à voir avec la "mémoire historique" si souvent utilisée. En tant que "mémoire", c'est de la pure subjectivité. L'anthropologie marxiste ne peut pas mettre le mythe, la légende, l'idéologie et la subjectivité personnelle sur le même plan que la connaissance historique. Il s'agit d'un travail, le travail collectif d'une communauté organisée avec ses spécialistes, qui tous "objectivent" ce passé, se l'approprient et se positionnent devant lui, en prenant de la distance.

L'une des plus grandes atteintes à la liberté des peuples consiste en l'usurpation, la manipulation et l'effacement sélectif de leur passé. Cela explique la faiblesse d'action des peuples hispaniques, tant les Espagnols des Amériques que les Espagnols péninsulaires. Des siècles de défaite et de décadence les ont amenés à intérioriser la Légende Noire, tout un système de mensonges et de demi-vérités dont la fonction principale est de bloquer la confrontation objective de ces peuples avec leur passé et de se reconnaître comme des victimes colonisées de l'avant-garde du capitalisme, la Grande-Bretagne et les États-Unis. Tout peuple colonisé est un peuple ultra-exploité. A l'exploitation subie par la classe ouvrière et paysanne en tant que telle s'ajoute l'exploitation subie en vivant dans une colonie, formelle ou informelle, d'une métropole dominante. Être une colonie informelle signifie avoir un hymne, un drapeau, un chef d'État, des armées pour les défilés, etc. mais pas de souveraineté nationale effective. Et la souveraineté nationale effective signifie, dans l'ordre économique, le pouvoir sur les décisions ultimes, celles qui concernent la protection de la production nationale et la défense de ses propres classes productrices (ses travailleurs et créateurs d'emplois).

Bien que le marxisme ait étudié en profondeur, et selon de nombreux points d'approche, l'ensemble du sujet de l'aliénation (qui est multiple : économique, technologique, culturelle...), il reste, à notre avis, une étude approfondie de l'aliénation historique, qui prend une épaisseur caractéristique au sein de l'aliénation culturelle et de la subordination idéologique des peuples.

L'anthropologie qui émerge de l'œuvre de Marx n'est pas un naturalisme grossier et encore moins un économisme "matérialiste". Les grands auteurs marxiens du vingtième siècle se sont battus avec acharnement pour rompre avec le "matérialisme" de Marx. A mon avis, ce sont, dans l'ordre chronologique : Gramsci, Preve et Fusaro.

51TM8fL5+aL._SX332_BO1,204,203,200_.jpgMarx s'inscrit dans la meilleure tradition idéaliste et, avant elle, dans la tradition réaliste aristotélicienne. Ce que Marx a brillamment et grandiosement construit, c'est une ontologie de l'être social, une ontologie de l'homme en tant qu'être essentiellement communautaire qui, depuis son arrivée au niveau de lacivilisation, a toujours lutté contre les forces désintégratrices, dissolvantes, atomistiques. L'ontologie de l'être social est, à la fois, theoria, contemplation de cette réalité qui inclut l'être individuel et collectif lui-même, les êtres contemplatifs, mais en même temps, elle est, nécessairement, une philosophie de la praxis : de l'action consciente dans la société, action qui cherche la transformation des structures politico-économiques qui, parce qu'elles sont injustes, sont irrationnelles et parce qu'elles sont irrationnelles, elles sont injustes.

D'où l'importance de cette confrontation objective avec le passé, et non de l'ingénierie sociale d'une "mémoire historique", chargée de haines renouvelées, de ressentiments, de partialité, bref, d'idéologie. La confrontation objective avec le passé signifie la lutte contre le "fatalisme" ("En Espagne, nous sommes comme ça, nous sommes sans espoir", "les mêmes personnes, les puissants, gagnent toujours") et contre le "présentisme" ("ce qui est, est parce qu'il devait en être ainsi", "ce qui doit être, sera"), qui n'est rien d'autre qu'une version du fatalisme, encore plus réfractaire à la contemplation du passé.

L'anthropologie marxienne s'inscrit dans cette Ontologie de l'être social, et en aucun cas elle n'est une sorte d'"histoire abstraite". Loin de tout scientisme, l'anthropologie de Marx est un traité sur l'être de l'homme. Prior écrit :

"... Marx a une anthropologie, qui n'est pas une abstraction de l'histoire, mais l'abstrait de l'histoire. En d'autres termes : la conception de Marx est diamétralement opposée à toutes les tendances à séparer et à opposer de manière insurmontable l'anthropologie et la sociologie, l'étude de l'essentialité et l'investigation de la structuration socio-historique de l'homme. Pour Marx, "l'être de l'homme" se trouve précisément dans "l'être" du processus social global et évolutif de l'humanité, dans l'unité interne de ce processus". (op. cit. p. 60-61).

Une grande partie de la pensée qui se veut l'héritière du marxisme est une pensée anti-métaphysique, qui souffre d'une véritable allergie à l'être. Les constructions qui ont été réalisées au XXe siècle, et surtout les ruines qui subsistent après la chute du mur de Berlin (1989) sont, en réalité, de vieux mythes déguisés en jargon philosophique, et toujours étrangers à une véritable Ontologie de l'être social. Dans ces constructions et ces ruines, ou dans ces constructions élevées sur des ruines, on peut tout trouver : le marxisme analytique, le marxisme lacanien, le "matérialisme philosophique" de Gustavo Bueno, etc. Mettez ici toutes les combinaisons possibles à la mode. Normalement, le mot "matérialisme" ne manque pas - substituant l'être à la matière - et l'originalité présumée de l'épigone consiste à lui ajouter un adjectif ou une modulation complémentaire. Quel manque de courage intellectuel nous trouvons chez ces penseurs "de gauche" lorsqu'il s'agit de se déclarer ouvertement idéalistes, comme Hegel était idéaliste, comme Gramsci était idéaliste, et comme le sont, plus récemment, Costanzo Preve et Diego Fusaro. Un idéalisme en soi révolutionnaire, parce qu'il est "idéaliste" en n'acceptant pas l'état des choses, il devient alors insupportable aux yeux de la critique, mais un idéalisme communautaire, c'est-à-dire réaliste, aristotélicien-thomiste, au sens où il y a un Être de l'Homme, communautaire, essentiellement social, qui fonde le sens commun, le sens de la Justice et de la vie en commun dans la Polis.

Les joueurs et jongleurs de la théorie tournent le dos à la réalité. Dans le marxisme contemporain, il y a beaucoup de "théorie" et peu de "réalité", a écrit, à ce propos, E.P. Thompson, se référant à un champion de la théorisation marxiste (op. cit. p. 43) :

539x840.jpg"Ce que fait Althusser n'est pas tant de confondre la pensée avec le réel que de priver le réel de ses propres déterminants en affirmant l'inconnaissabilité du réel, réduisant ainsi le réel à la théorie."

La gauche occidentale contemporaine s'est empêtrée dans ses théories et est devenue agnostique, voire nihiliste, par rapport à la réalité. L'"homme" n'existe pas, la "réalité" n'existe pas, la "société" n'existe pas, tout est constructions, structures, récits. La dérive qu'elle a prise, d'un théorétisme abstrait à un relativisme "narratif", est aujourd'hui assez notoire et scandaleuse. Alors que le néolibéralisme a redoublé d'efforts pour coloniser les esprits et les pays, ceux qui étaient appelés à défendre une anthropologie réaliste, la plus réaliste possible, qui est celle qui, depuis Aristote, en passant par saint Thomas et Marx, défend le Bien commun et l'existence essentiellement communautaire de l'homme, ceux qui se disent "de gauche" se sont engouffrés - au contraire - dans une absurdité postmoderne, où tout est "constructions", "récits" et "droit de décider".

La gauche prend pour acquis ce que la réalité nie. Nous avons donc des garçons qui souhaitent être des filles et vice versa, des animaux dotés de droits humains, et des droits humains refusés aux enfants qui sont sur le point de sortir de l’utérus maternel. Nous avons une ingénierie de "nouveaux" droits de l'homme, chaque jour ils en inventent un, tandis que les fermes humaines avec des utérus de substitution prolifèrent. N'importe qui peut avoir le droit d'être "parent", au-delà de l'existence d'un couple hétérosexuel stable et aimant: n'importe qui, sans distinction. Le droit du consommateur prêt à acheter des enfants et à louer des utérus passe avant le droit (sacré) d'un enfant à avoir une famille, une famille avec un père et une mère qui l'aiment. C'est cet antiréalisme de la gauche postmoderne qui fait s’étrangler ceux qui, en raison de leur travail et de leur situation sociale, de leur engagement éthique, de leur statut ou de leur profession, étaient appelés à rejoindre leurs rangs, tant que cette gauche intellectuelle ne s'était pas gravement égarée.

Arrêtez donc de nous bassiner les oreilles avec le "matérialisme". Analyser la réalité, et y revenir ; voilà le bon mot d’ordre. L'homme en tant qu'être social et spirituel est en danger. La famille et les nations sont en danger. La "bonne" vie, avec des amis et de l'amour, avec un travail digne et la fierté d'être, est en danger. Ce message, celui de Marx en tant que théoricien de la communauté et de l'être social, est celui qu'il faut récupérer.

Source : Magazine Contratiempo.

http://www.revistacontratiempo.com.ar/blanco_martin_izquierda_marxismo.htm

Les difficultés de Merkel et Macron incitent Biden à attaquer Poutine et Xi 

natekitch-politico-bidenrisk-final2.jpg

Les difficultés de Merkel et Macron incitent Biden à attaquer Poutine et Xi 

Par Augusto Grandi

https://www.kulturaeuropa.eu/

SOURCE : https://electomagazine.it/le-difficolta-di-merkel-e-macro...

Biden ? Un démocrate, comme chacun le sait. Cette définition est suffisante pour exclure toute surprise face à l'attaque sordide lancée par le nouveau Président américain contre Poutine. Parce que, contrairement à ce que les médias et les historiens de service disent aux Italiens crédules, les démocrates américains ont toujours été des bellicistes. Beaucoup plus belliciste que les Républicains. Mais en Italie, ils évitent soigneusement de relier les "saints" Kennedy ou Lyndon Johnson à l'escalade de la guerre au Vietnam.

Il était donc évident que Biden allait accroître la tension internationale. Les insultes contre Poutine vont de pair avec les attaques contre la Chine. Un appel aux armes qui conduira à de nouvelles sanctions contre Moscou, poussant inévitablement la Russie dans les bras de Xi Jinping.

Biden, cyniquement mais aussi logiquement (car il a été chargé d'être président pour protéger les intérêts des grands groupes américains), profite de la situation de crise lourde qui affecte l’Europe. Ce n'est pas une coïncidence s'il a lancé son attaque contre la Russie immédiatement après la confirmation de la défaite de la CDU d'Angela Merkel dans deux élections régionales importantes en Allemagne. La chancelière quittera la scène après l'été, son leadership s'affaiblit et l'Allemagne est en proie à l'indécision, exacerbée par le mécontentement des Allemands face aux confinements répétés qui handicapent les activités économiques et la vie sociale.

Macron, qui jusqu'à présent a été très actif en politique étrangère, en partie parce qu'il se sentait soutenu par Merkel, ne fait pas mieux. Maintenant, cependant, Macron doit faire face au mécontentement interne pour sa mauvaise gestion de la pandémie. Et les Français, contrairement aux moutons italiens, ne se contentent pas de bêler quand ils sont en colère. Le président de l'Hexagone se retrouve donc en difficulté sur la scène internationale. Mais sans Berlin et Paris, la politique étrangère européenne n'existe pas. Avec ‘’l'Italie de Sa Divinité’’ qui reçoit des ordres directement de Washington et refuse le vaccin Spoutnik V aux Italiens pour ne pas contrarier les multinationales américaines du médicament.

Donc Biden a le champ libre. Et l'interview éminemment subversif de Meghan Markle a également fait comprendre aux Britanniques que leur rôle était celui d'alliés, mais d’alliés d'importance secondaire. Une interview qui minel’idée du Commonwealth lui-même, car pour les démocrates américains, il ne peut y avoir qu'un seul empire, l'empire américain.

Difficile d'imaginer la réaction de Moscou et de Pékin au-delà des déclarations officielles. Il ne peut évidemment pas s'agir d'une réaction militaire, mais les deux pays sont désastreux en termes de soft power et cela les pénalise considérablement car cela limite leurs possibilités de réaction.

Augusto Grandi

L'équinoxe de printemps, le mariage divin entre le Ciel et la Terre

eos.jpg

L'équinoxe de printemps, le mariage divin entre le Ciel et la Terre

Par Carlomanno Adinolfi & Flavio Nardi

Ex: https://www.ilprimatonazionale.it/

L'équinoxe de printemps a toujours marqué la transition vers le moment où la nature refleurit, où la vie s'épanouit, où la terre renaît. Dans de nombreuses cultures, l'équinoxe a été lu dans sa promesse de régénération comme le début de l'année. Le mythe du viol de Proserpine est emblématique à cet égard. Proserpine, fille de Cérès, enlevée par Hadès, suite à l'intervention du Père des Dieux, revient sur la Terre Mère, mais seulement pour les six mois du printemps et de l'été. L'équinoxe est donc un point fondamental de la Révolution propre au cycle annuel. Mais il n'y a pas que l'aspect "naturel" dans ce passage important de l'année. Dans les religions indo-aryennes, les cycles liés à la terre et à la nature étaient évidemment importants, mais ils n'étaient pas la seule charnière sur laquelle reposait la vision spirituelle, et donc la vision du monde. Ils étaient en fait intégrés dans une vision cosmique beaucoup plus large. C'est pourquoi l'équinoxe de printemps, moment où la lumière a grandi au point d'égaler les ténèbres et est finalement sur le point de les vaincre, n'a marqué l'épanouissement de la terre que dans son sens "inférieur", tandis qu'il a pris un sens beaucoup plus "élevé" en indiquant la porte qui mène à la voie anagogique de l'ascension vers le Ciel.

Cybèle_Potnia_theron.jpg

Ce n'est pas une coïncidence si, pendant la période équinoxiale à Rome, la classe patricienne, à partir de la deuxième guerre punique, a mis côte à côte avec les cultes populaires et plébéiens de Liberalia en l'honneur des dieux Libero et Libera - étroitement liés à la terre, à la fertilité et au grain - les festivités en l'honneur de la Magna Mater Cybèle. Cybèle était une déesse très différente des grandes mères méditerranéennes honorées par les populations dans les cultes pré-aryens. Elle n'était pas du tout liée à la terre, à la fécondité du monde terrestre et naturel, et n'avait pas non plus les aspects "cannibales" classiques des divinités matriarcales qui génèrent la vie animale et végétale mais auxquelles tout revient pour se dissoudre dans un cycle continu sans débouchés verticaux.

Cybèle, selon les mots du dernier grand empereur païen Julien, est la "source des dieux intellectuels et démiurgiques qui gouvernent les dieux visibles" (1). Pour Julien le païen comme pour son ami Salluste, le dernier grand penseur néoplatonicien, tout le mythe de Cybèle représente l'arrêt de la génération (la mutilation d'Attis) et le retour non pas à la Terre Mère mais à l'origine des Dieux dans une anabasis céleste, à travers les rayons d'Hélios "qui partage le trône avec la Mère et qui, avec elle, est le démiurge de toutes choses" et le long du fleuve Gallus, ou la Voie lactée, le chemin que les âmes immortelles empruntent dans leur parcours descendant d'incarnation et ascendant de retour aux Dieux.

L'équinoxe de printemps marque également l'entrée dans le signe du Bélier, un signe strictement martial - nous sommes en mars, sans surprise - représentant le Feu céleste "principe viril de toute génération, manifestation directe de la puissance de l'Or" (2). Ce n'est pas un hasard si les deux choses coïncident et si les fêtes de la Magna Mater sont célébrées en mars et en même temps que deux fêtes dédiées à Mars : l'Agonalia du 17 et le Tubilustrium du 23. Comme le note Alexandre Giuli dans son essai fondamental sur la Magna Mater, "la matrice cosmique des Dieux intelligibles reste une feuille végétative infertile si elle n'est pas illuminée par le feu céleste viril et actif émis par le Bélier bicéphale" (3). A l'équinoxe de printemps, nous célébrons ce mariage mystique entre le principe viril céleste et la matrice universelle d'où doit naître la vie.

2789971_orig.jpg

Dans le nord germanique, le début du printemps était dédié à la déesse Eostre, qui devint ensuite Ostara d'où Ostern et Easter, respectivement Pâques en allemand et en anglais. La divinité était liée à la fertilité, il suffit de penser au lièvre, animal fertile par excellence, qui accompagne toujours la déesse et qui, dans le folklore, est devenu le "lapin de Pâques", mais elle était aussi liée à l'aube - Eostre vient du proto-indo-européen Hewsos ou Ausos d'où le grec Eos et le latin Aurora - dont la splendeur annonce la lumière qui remplacera les ténèbres. Tout comme Ostara est l'"étoile de l'Est" ou Vénus, l'étoile qui annonce le matin.

Le concept de l'aurore cosmique annonçant la lumière annuelle et non seulement quotidienne est une réminiscence de la patrie polaire indo-aryenne où l'alternance obscurité/lumière a pour nous une durée annuelle et où l'aurore marque le retour de la vie. Parmi les symboles d'Eostre, on trouve également l'œuf - qui est ensuite devenu un symbole de Pâques - qui renvoie au concept de "matrice cosmique des dieux" et de "source" avant toute chose. Mais même ici, l'œuf reste infertile sans le feu viril et actif, qui intervient par l'intermédiaire de Thor qui, avec son marteau et sa foudre, qui correspondent au même feu céleste et principe viril vus précédemment, féconde l'œuf et le "casse" pour libérer le potentiel de vie qu'il contient.

Le sens ultime de l'équinoxe est donc celui du mariage divin, de la synthèse entre le Ciel et la Terre et de la génération d'une vie nouvelle, mais la Vie qui naît de ce mariage mystique n'est pas seulement celle qui naît de la génération matérielle, qui n'est que l'aspect extérieur. La Vie qui éclate en mars est donc bien plus qu'une promesse de régénération : c'est le fruit de la Lumière qui participe éternellement à la splendeur, et qu'il faut faire nôtre. C'est la vie "intelligible", telle que définie par l’Empereur Julien, une ‘’vie intelligible’’ qui ne se contente pas de jouer un rôle dans le cycle caduc de la naissance et du retour à la terre, mais qui participe à cette étincelle divine née dans l'obscurité solsticiale, qui s'est transformée en flamme à Imbolc/Chandeleur et qui brille maintenant d'une lumière aurorale, la vie qui est prête à parcourir le chemin ascendant indiqué par les rayons d'Helios et qui est prête à accompagner son chemin céleste si elle est correctement façonnée et guidée.

Carlomanno Adinolfi et Flavio Nardi

Notes :

1 - Flavio Claudio Giuliano, Hymne à la Mère des Dieux in Uomini e Dei, ed. Mediterranee

2 - Julius Evola, La Tradizione Ermetica, ed. Mediterranee

3 - Alessandro Giuli, Venne la Magna Madre, Settimo Sigillo ed.

samedi, 20 mars 2021

Irlande: l'Indépendance Inachevée

rzir36gicxknslnnmbuc.jpg

Café Noir N.15

Irlande: l'Indépendance Inachevée

IRA, Lutte Armée, Boom Économique et Brexit Café Noir – Un Autre Regard sur le Monde.
 
Émission du Vendredi 19 mars 2021 avec Pierre Le Vigan & Gilbert Dawed
 
 
LIENS DU SITE ET DES LIVRES MENTIONNÉS
Ça n'empêche pas Nicolas - Blog de Jean Lévy https://tinyurl.com/ynkpmx4m
Avez-vous Compris les Philosophes IV de Pierre Le Vigan https://tinyurl.com/8drhs35y
Forgotten Revolution. The Limerick Soviet 1919 de Liam Cahill https://tinyurl.com/ynm2vuwh
 
EXTRAITS DANS CETTE ÉMISSION
– The Wind that Shakes the Barley. Film de Ken Loach
– The Wind that Shakes the Barley. Chanson de Loreena McKennitt
– Les Obsèques de Bobby Sands
– IRA: Défilé de Pâques à Free Derry en 2017
– You will Never Beat the Irish. Chanson des Wolfe Tones

Des robots de Rossum à l'intelligence artificielle

unnRUR.jpg

Des robots de Rossum à l'intelligence artificielle

par Leonid SAVIN

https://orientalreview.org/  

Le 25 janvier 2021 marque le centenaire de la première de la pièce de théâtre R.U.R. (Rossum's Universal Robots) de l'écrivain tchèque de science-fiction Karel Čapek. Cette courte œuvre a anticipé les livres ultérieurs sur le sujet, ainsi que les films cyberpunk et post-apocalyptiques comme Terminator et Alien: Covenant. Les robots universels de Rossum ont été conçus comme des assistants des humains, mais après un certain temps, ils se rebellent et détruisent la race humaine, à l'exception d'un ouvrier d'usine, dont ils ont besoin pour recréer leur propre espèce.

Karel-Capek.jpg

Karel Capek.

Le mot "robot" s'est rapidement banalisé et a été appliqué à des mécanismes dotés d'un ensemble limité de fonctions programmables et nécessitant un diagnostic, un entretien et une réparation. Plus récemment, cependant, notamment après le développement des ordinateurs et des cyber-technologies, des discussions sont déjà en cours pour savoir si les machines peuvent penser et prendre des décisions sur un pied d'égalité avec les personnes.

Les dernières réalisations en matière de robotique et d'informatisation ne sont nulle part plus demandées que dans l'armée, notamment aux États-Unis, où des centres spéciaux ont été créés pour développer des programmes, des applications et du matériel spécifiques. De nombreux laboratoires de l'armée américaine, du corps des Marines, de la marine et de l'armée de l'air, avec l'aide de contractants et des principales institutions du pays, mènent à bien les prototypes de modèles avancés - toute cette technologie doit servir les nouvelles guerres que Washington prévoit de déclencher à l'avenir.

Les récentes avancées dans ce domaine sont révélatrices.

Le navire sans équipage Ghost Fleet Overlord a récemment parcouru 4700 miles nautiques avec succès et a participé à l'exercice Dawn Blitz, où il a opéré de manière autonome pendant presque tout le temps.

SAS-2019-Austal-Unveils-Range-of-Autonomous-USVs-4.jpg

Ceux qui s'inquiètent de la puissance croissante de la Chine proposent d'utiliser de tels systèmes pour toutes les relations futures avec l'APL: utiliser des drones suicide sous-marins pour attaquer les sous-marins chinois, par exemple. Les États-Unis parlent déjà de robots de combat sous-marins et de surface qui seraient en cours de développement par l'armée chinoise et que les Chinois appellent une "Grande Muraille sous-marine". C'est pourquoi ils suggèrent d'établir une parité avec les Chinois ou de les surpasser d'une manière ou d'une autre.

Les efforts de la Chine dans ce domaine montrent que la disponibilité de nouveaux types d'armes ne donne aux États-Unis aucune garantie que ces systèmes ne seront pas mis en service par d'autres pays. Par exemple, l'apparition de drones de combat dans un certain nombre de pays a obligé les États-Unis à développer des méthodes et des stratégies pour contrer les drones.

Ainsi, en janvier 2021, le département de la défense américain a publié une stratégie pour contrer les petits systèmes d'aéronefs sans pilote : cette stratégie s'alarme de l'évolution de la nature de la guerre et de la concurrence croissante, qui constituent toutes deux des défis pour la supériorité américaine.

bio-groen.pngLe lieutenant général Michael Groen, directeur du Joint Artificial Intelligence Center du ministère américain de la défense, évoque la nécessité d'accélérer la mise en œuvre de programmes d'intelligence artificielle à usage militaire. Selon lui, "nous pourrions bientôt nous retrouver dans un espace de combat défini par la prise de décision basée sur les données, l'action intégrée et le rythme. En déployant les efforts nécessaires pour mettre en œuvre l'IA aujourd'hui, nous nous retrouverons à l'avenir à opérer avec une efficacité et une efficience sans précédent".

Le Centre interarmées d'intelligence artificielle du Pentagone, créé en 2018, est désormais l'une des principales institutions militaires développant des "logiciels intelligents" pour les futurs systèmes d'armes, de communication et de commandement.

L'intelligence artificielle est désormais le sujet le plus discuté au sein de la communauté de recherche de la défense américaine. C'est une ressource qui peut aider à atteindre certains objectifs, comme permettre aux drones de voler sans supervision, de recueillir des renseignements et d'identifier des cibles grâce à une analyse rapide et complète.

On suppose que le développement de l'intelligence artificielle entraînera une concurrence féroce, car l'IA elle-même se distingue de nombreuses technologies passées par sa tendance naturelle au monopole. Cette tendance au monopole exacerbera les inégalités nationales et internationales. Le cabinet d'audit Pricewaterhouse Coopers prévoit que "près de 16.000 milliards de dollars de croissance du PIB pourraient découler de l'IA d'ici à 2030", dont 70 % pour les seuls États-Unis et la Chine. Si la rivalité est le cours naturel des choses, alors pour les entreprises qui utilisent l'intelligence artificielle à des fins militaires ou pour des technologies à double usage, la considérer de cette manière semblera tout à fait logique. Il s'agira d'un nouveau type de course aux armements.

25414-topshot1-bg3.jpg

Sur le plan éthique, toutefois, les systèmes d'intelligence artificielle militaires pourraient être impliqués dans la prise de décisions visant à sauver des vies ou à prononcer des condamnations à mort. Ils comprennent à la fois des systèmes d'armes autonomes létaux, capables de sélectionner et d'engager des cibles sans intervention humaine, et des programmes d'aide à la décision. Certaines personnes plaident activement en faveur de l'inclusion de machines dans un processus décisionnel complexe. Le scientifique américain Ronald Arkin, par exemple, affirme que non seulement ces systèmes ont souvent une meilleure connaissance de la situation, mais qu'ils ne sont pas non plus motivés par l'instinct de conservation, la peur, la colère, la vengeance ou une loyauté mal placée, suggérant que, pour cette raison, les robots seront moins susceptibles de violer les accords de paix que les personnes.

Certains pensent également que les fonctions de l'intelligence artificielle peuvent transformer la relation entre les niveaux tactique, opérationnel et stratégique de la guerre. L'autonomie et la mise en réseau, ainsi que d'autres technologies, notamment la nanotechnologie, la furtivité et la biogénétique, offriront des capacités de combat tactique sophistiquées au sol, dans les airs et en mer. Par exemple, des bancs de véhicules sous-marins autonomes concentrés à des endroits précis de l'océan pourraient compliquer les actions secrètes des sous-marins qui assurent actuellement une frappe de représailles garantie par les puissances nucléaires. Par conséquent, d'autres plateformes tactiques pourraient également avoir un impact stratégique.

1 c1xMQs8VzU0RwyRKA1tkdQ.jpeg

L'amélioration de la manœuvrabilité est également liée à l'intelligence artificielle. Celle-ci comprend, entre autres, des logiciels et des capteurs qui permettent aux robots d'être autonomes dans des endroits dangereux. C'est l'un des moteurs de l'utilisation de systèmes autonomes par l'armée. L'armée américaine fonde de grands espoirs sur l'autonomie des machines, car elle pourrait offrir une plus grande flexibilité aux personnes qui commandent et combattent aux côtés des robots. Les développeurs américains espèrent passer de 50 soldats soutenant un drone, un véhicule terrestre sans pilote ou un robot aquatique, comme c'est le cas actuellement, à un paradigme où une seule personne soutiendrait 50 robots.

Mais l'intelligence artificielle pourrait aussi créer de sérieux problèmes. L'intelligence artificielle militaire pourrait potentiellement accélérer le combat au point que les actions des machines dépassent les capacités mentales et physiques de ceux qui prennent les décisions dans les postes de commandement d'une guerre future. Par conséquent, la technologie dépassera la stratégie, et les erreurs humaines et de la machine se confondront très probablement - avec des conséquences imprévisibles et involontaires.

erich-1024x654.jpg

Une étude de la RAND Corporation, qui examine l'influence des machines à penser sur la dissuasion en cas de confrontation militaire, met en évidence les graves problèmes qui pourraient survenir si l'intelligence artificielle était utilisée sur le théâtre de la guerre. Sur la base des résultats des jeux réalisés, il a été démontré que les actions entreprises par une partie, que les deux joueurs percevaient comme ‘’désescalatoires’’, étaient immédiatement perçues par l'intelligence artificielle comme une menace. Lorsqu'un joueur humain retire ses forces afin de désamorcer une situation, les machines sont les plus susceptibles de percevoir cela comme un avantage tactique qui doit être consolidé. Et lorsqu'un joueur humain faisait avancer ses forces avec une détermination évidente (mais pas hostile), les machines avaient tendance à percevoir cela comme une menace imminente et à prendre les mesures appropriées. Le rapport a révélé que les joueurs devaient faire face à la confusion non seulement de ce que pensait leur ennemi, mais aussi de la perception de l'intelligence artificielle de leur ennemi. Les joueurs devaient également faire face à la façon dont leur propre intelligence artificielle pouvait mal interpréter les intentions humaines, qu'elles soient amicales ou hostiles.

En d'autres termes, l'idée contenue dans la pièce de Karel Čapek sur les robots est toujours d'actualité : il est impossible de prévoir le comportement de l'intelligence artificielle. Et si les robots "intelligents" ont un usage militaire, alors ils pourraient aussi devenir un danger pour leurs propriétaires. Même aux États-Unis, certains militaires sceptiques se rangent dans le camp des traditionalistes qui pensent que de telles innovations, imaginées par des utopistes de la Silicon Valley seront nuisibles à la politique de l'État américain.

Les "pivots vers l'Asie" de la Grande-Bretagne: c’est pour contenir la Chine

Post-Brexit-Opportunities-In-ASEAN-And-China-For-British-Investors.jpg

Les "pivots vers l'Asie" de la Grande-Bretagne: c’est pour contenir la Chine

Hyperextension impériale, vœux pieux et illusions

Par Tom Clifford

Global Research : https://www.globalresearch.ca/britain-pivots-asia-contain...

***

De l'est de Suez à l'amont du Yangtze. Les clients des bars de Pékin font la fête, mais ce n'est pas le pivot de la Grande-Bretagne vers l'Asie qui les fait bavarder bruyamment et se taper dans le dos.

La Saint-Patrick, le 17 mars, était la raison de leur jovialité non masquée dans les bars et les pubs. Plus de 50 ans après que le ministre de la défense travailliste de l'époque, Denis Healey, ait annoncé en 1968 le retrait du Royaume-Uni, à court d'argent, de toutes les implantations ex-impériales à l'est de Suez, la Grande-Bretagne est de retour. Enfin, du moins, elle en parle.

Le Premier ministre britannique Boris Johnson et ses amiraux ont devant eux un nouvel horizon qui s'étend le long de voies maritimes encombrées, de l'Inde au Japon à l'est et de la Chine à l'Australie au sud. La Grande-Bretagne, ou, en réalité, le haut commandement conservateur, estime que l'Union européenne a étouffé l'élan impérial, privant la Grande-Bretagne de sa véritable place, qui est d’assumer un rôle mondial dominant. Le déclin de la Grande-Bretagne, selon certains Tories, peut être attribué à l'UE, à l'introduction de l’enseignement général et, pourquoi pas, au beurre à tartiner.  Ce Johnson, affaibli par le Covid-19, mais dûment vacciné, est-il en train de réagir en s'enveloppant dans l’Union Jack et en se lançant dans un fantasme impérial ?

L'Asie est le nouveau centre économique du monde et le Royaume-Uni est à la traîne dans ses relations avec elle. La Chine est le seul pays asiatique figurant parmi les dix premiers marchés de la Grande-Bretagne. Les États-Unis, l'Allemagne et l'Irlande sont les trois premiers, selon la Database of British Products & Verified British Exporters.

Il y a clairement quelque chose qui cloche. L'Irlande, bien sûr, est toute proche de l’Angleterre, mais elle a aussi une population d'environ 5 millions d'habitants. C'est à peu près la taille de mon quartier de Pékin. Et voilà la contradiction. La Grande-Bretagne change de politique principalement non pas pour stimuler le commerce avec la Chine mais pour la contrer, politiquement, militairement et économiquement. Bien sûr, dit Londres, nous ferons des affaires avec Pékin si la bonne occasion se présente. N'y comptez pas.

75G4LMFCHWIFXS6BVXLPOHIXMI.jpg

Rule Britannia contre la Chine : Le nouveau porte-avions britannique HMS Queen Elizabeth dans la mer de Chine méridionale en 2021 ?

En un mot, la Grande-Bretagne veut contenir la Chine. Il existe des raisons légitimes de stimuler le commerce avec l'Asie, mais contenir la Chine est ridicule, tant dans son raisonnement que dans ses conséquences. C'est également impossible.

La Grande-Bretagne a annoncé qu'elle allait envoyer son tout nouveau porte-avions, le HMS Queen Elizabeth, en mer de Chine méridionale pour donner à Pékin un coup de semonce, dans une démonstration de faiblesse. Elle avait l'intention de le faire plus tôt, mais des retards et des dépassements budgétaires ont retardé le déploiement de cette formidable unité aéronavale. Elle n'ose pas s'aventurer seule dans la mer de Chine méridionale, la vraie politique exige que Washington fixe le calendrier et envoie ses navires pour, euh, eh bien, la protéger et s'assurer que les choses ne dégénèrent pas. Il ne sert à rien de remonter le Yangtze sans pagaie. Bien sûr, cela sera décrit comme une opération commune d’alliés travaillant ensemble, pour envoyer un message uni. En réalité, la Chine n'est pas inquiète.

Elle sait comment traiter avec les anciens détenteurs de concessions du 20e siècle sur son territoire.

maxresdqescs.jpg

En février 2019, le secrétaire à la défense britannique de l'époque, Gavin Williamson, aujourd'hui un ministre de l'éducation incroyablement impopulaire maintenu à son poste en tant que paratonnerre, a annoncé que le HMS Elizabeth se rendrait en mer de Chine méridionale et serait prêt à utiliser la force létale pour défendre des voies navigables libres et ouvertes. La Chine, après avoir été prise d'un fou rire, a répondu en retirant son invitation à la visite du chancelier, Phillip Hammond, pour des négociations commerciales.

Les Chinois ne sont pas anti-anglais. Loin de là. Toutes les écoles chinoises enseignent l'anglais ou souhaitent le faire si les enseignants et les ressources sont disponibles. En Angleterre, environ 13 % des écoles publiques et 50 % des écoles indépendantes enseignent le chinois. Les tribulations des équipes de football anglaises sont suivies avec passion en Chine. La question de savoir qui vous soutenez est fréquente. Avant la pandémie, les étudiants voulaient aller en Grande-Bretagne pour étudier. Beaucoup l'ont fait. Londres et Édimbourg étaient des destinations de choix pour les touristes chinois.

La Chine mise à part, la Grande-Bretagne ne doit pas se faire d'illusions sur le fait que son retour en Asie marquera le début d'une nouvelle ère du Raj.

La région visée est devenue le moteur de l'économie mondiale. De la rive orientale du Bosphore à la baie de Tokyo, elle représente la moitié de la production économique mondiale et plus de la moitié de la population mondiale. Et cela ne cesse de croître. Elle abrite les deux nations les plus peuplées du monde, la Chine et l'Inde, les deuxième et troisième économies mondiales, la Chine et le Japon, ainsi que la plus grande démocratie du monde, l'Inde.

Le pivot vers l'Asie est une perspective alléchante. Mais dans quelle mesure le Londres du confinement a-t-il bien réfléchi à la question ? Les pays asiatiques veulent des visas pour que leurs ressortissants puissent étudier et travailler en Grande-Bretagne. Le Royaume-Uni sera-t-il prêt à accorder à l'Inde et aux autres pays asiatiques l'accès aux marchés britanniques, ainsi que des dizaines de milliers de visas ?

Les Asiatiques ont été victimes de la mondialisation rampante menée à coups de sabre à l'âge de l'empire.

Ils veulent, et obtiendront, un meilleur deal cette fois-ci. 

Levons les ancres ! 

 

Comment interpréter le concept de liberté utilisé par Freedom House?

1422522641-5894.jpg

Comment interpréter le concept de liberté utilisé par Freedom House?

Leonid Savin

https://rebelion.org/

Traduction par Juan Gabriel Caro Rivera

Bien que Freedom House (FH) prétende être une organisation non gouvernementale, 70 à 80% de son budget total provient du gouvernement américain. Par conséquent, une grande partie du travail effectué par cette ONG est le reflet des politiques américaines. Récemment, FH a publié son dernier rapport annuel dans lequel il analyse l'état des libertés civiles dans le monde (1). Le rapport se fonde sur le concept occidental de ‘’liberté négative’’, qui conçoit la liberté comme l'absence d'obligations et de restrictions dictées par les relations sociales.

Les pays sont divisés en trois catégories: les libres, les ‘’partiellement libres’’ et les non libres. D'ici 2020, la FH prévoit qu'il y aura 82 pays libres, 59 pays partiellement libres et 54 pays non libres.

Pour avoir une idée de l'approche utilisée par Freedom House pour classer les différents États, il suffit de noter que des pays comme la Russie, la Turquie, le Kazakhstan, la Chine et le Vietnam sont considérés comme non libres, tandis que l'Ukraine, le Royaume du Maroc, le Pakistan et l'Inde sont classés comme partiellement libres ; les vaches sacrées de la démocratie sont les pays d'Europe occidentale et les États-Unis.

L'Estonie est le pays qui s'en approche le plus, avec un total de 94 points, ce qui est étrange, car cette démocratie balte est connue pour le fait qu'elle considère que la population russe ne fait pas partie de la citoyenneté estonienne, ce qui porte atteinte aux droits de l'homme pour des raisons ethniques, mais l'Estonie est considérée comme un pays libre par les employés de Freedom House. La même discrimination existe en Lettonie, mais ce pays reçoit un total de 89 points.

Le rapport note que le niveau des libertés démocratiques a sensiblement diminué au cours de l'année écoulée dans un total de 45 pays (2). La FH fait référence à plusieurs pays, notamment la Biélorussie.

xfreedom-house.png.pagespeed.ic.jaTwCaHQwt.png

Aux États-Unis, le niveau de liberté individuelle s'est dégradé, ce qui a fait tomber ce pays loin derrière la Lettonie et l'Estonie (le score en matière de libertés civiles aux États-Unis est passé de 94 à 83 au cours de l'année écoulée), mais c'est la faute à Donald Trump.

Le rapport note également que l'épidémie de coronavirus a eu un impact négatif sur la promotion de la liberté, cela est clair en ce qui concerne des pays comme la Hongrie, la Pologne, l'Algérie, l'Égypte, l'Espagne, la Grande-Bretagne, l'Inde, la Chine, le Canada, l'Argentine, le Brésil, le Venezuela, la Colombie, l'Iran, la Thaïlande et les Philippines. ...

Le système de classement est plutôt biaisé. Par exemple, le rapport est caractérisé par des jugements tels que ceux-ci : "Les ennemis de la liberté défendent l'idée fausse que la démocratie est entrée dans un processus de déclin parce qu'elle est incapable de répondre aux besoins du peuple. En fait, la démocratie est en déclin pour une autre raison : parce que ses représentants les plus éminents ne font rien pour la défendre. Les démocraties doivent de toute urgence commencer à se montrer solidaires les unes des autres afin de conserver leur leadership mondial. Les gouvernements qui défendent la démocratie, y compris la nouvelle administration à Washington, doivent se réunir le plus rapidement possible..."

Que signifie "ne pas faire assez pour défendre la démocratie"? Bombarder la Yougoslavie, envahir l'Irak et l'Afghanistan, détruire l'État libyen, tenter de renverser le président de la Syrie, promouvoir un coup d'État en Ukraine? Soutenir une dictature brutale au Bahreïn afin d'assurer la présence de la cinquième flotte de la marine américaine?

À peu près au même moment où le rapport de Freedom House a été publié, le directeur du renseignement national des États-Unis a rendu public un rapport spécial sur l'implication du gouvernement saoudien dans le meurtre du journaliste Jamal Khashoggi. Le meurtre s'est produit en octobre 2018 au consulat d'Arabie saoudite à Istanbul. Le rapport indique que le prince héritier Mohammed bin Salman a donné le feu vert à une opération visant à capturer et à tuer ce journaliste saoudien, mais les États-Unis n'ont imposé aucune sanction contre l'Arabie saoudite ou contre le prince héritier (Washington s'est limité à imposer quelques sanctions contre l'ancien chef des services de renseignement saoudiens Ahmad al-Asiri).

Il n'est pas non plus important que les employés de Freedom House écrivent sur l'état des libertés civiles dans les pays non libres (comme l'Arabie saoudite), puisque ces pays sont, dans l'ensemble, des vassaux des États-Unis. Les vassaux sont autorisés à faire certaines choses que les autres ne peuvent pas faire, et ces choses doivent inclure la suppression des libertés civiles, comme cela se passe actuellement en Ukraine avec l'approbation du gouvernement américain (3).

Notes :

  1. (1) https://freedomhouse.org/report/freedom-world/2021/democracy-under-siege
  2. (2) https://freedomhouse.org/explore-the-map?type=fiw&year=2021
  3. (3) https://www.fondsk.ru/news/2021/03/01/ozhestochennaja-borba-so-svobodoj-...

Source : https://www.fondsk.ru/news/2021/03/07/o-nesvobodnoj-rossii-i-otnositelno...

vendredi, 19 mars 2021

"Le néolibéralisme subjugue sans que l'on se rende compte de sa propre soumission"

MV5BNGFjNjhkYzYtZjU5Zi00ZTRkLWE4NzAtNjhlMjQxOTgyNDVhXkEyXkFqcGdeQXVyNDkzNTM2ODg@._V1_.jpg

"Le néolibéralisme subjugue sans que l'on se rende compte de sa propre soumission"

par Byung Chul Han

Ex : http://novaresistencia.org/

La grande astuce du libéralisme dans sa phase postmoderne et postpolitique, c’est qu'il domine et soumet sans que les gens se rendent compte de cette soumission. La tyrannie post-libérale est la plus totalitaire de l'histoire, précisément en raison de son invisibilité et de la docilité qu’elle induit.

51XX4k3GZkL.jpg

Le pouvoir se révèle sous des formes, des manifestations, très différentes les unes des autres. La plus indirecte et immédiate s’extériorise sous la forme d'un déni de liberté. Elle permet aux puissants d'imposer leur volonté, y compris par la violence, contre la volonté des personnes soumises au pouvoir. Le pouvoir ne se limite cependant pas à briser la résistance et à forcer l'obéissance: il ne prend pas nécessairement la forme de la coercition. Un pouvoir qui dépend de la violence ne représente pas le pouvoir suprême. Le simple fait qu'une volonté se manifeste et s'oppose au puissant atteste ipso facto de la faiblesse de son pouvoir. Le pouvoir est précisément là où il n'est pas thématisé. Plus la puissance est grande, plus elle agit silencieusement. Le pouvoir se donne sans se référer bruyamment à lui-même.

Le pouvoir peut certainement être extériorisé sous forme de violence ou de répression. Mais il ne s'agit pas de cela. Il n'est pas nécessairement excluant, prohibitif ou censurant. Et il ne s'oppose pas à la liberté. Il peut même s'en servir. Ce n'est que dans sa forme négative que le pouvoir se manifeste comme une violence négatrice qui brise la volonté et nie la liberté. Aujourd'hui, le pouvoir prend de plus en plus une forme permissive. Dans sa permissivité, voire dans sa douceur, il se dépouille de sa négativité et s'offre comme liberté.

9791096562138.jpgLe pouvoir disciplinaire n'est pas entièrement dominé par la négativité. Il s'articule de manière inhibitrice plutôt que permissive. En raison de sa négativité, le pouvoir disciplinaire ne peut décrire le régime néolibéral, qui brille par sa positivité. La technique de pouvoir propre au néolibéralisme prend une forme subtile, souple, intelligente et échappe à toute visibilité. Le sujet soumis n'est même pas conscient de sa soumission. La toile de la domination lui est complètement cachée. C'est pourquoi il se prétend libre.

Inefficace est le pouvoir disciplinaire qui, au prix de grands efforts, contraint violemment les hommes en imposant des préceptes à suivre et des interdictions. Radicalement plus efficace est la technique du pouvoir qui fait en sorte que les gens se soumettent sans heurts à la structure de la domination. Il veut activer, motiver, optimiser et non pas entraver ou subjuguer. Son efficacité particulière est due au fait qu'il n'agit pas par interdiction et par soustraction, mais par agrément et par saturation. Au lieu de rendre les hommes soumis, il essaie de les rendre dépendants.

Le pouvoir intelligent et aimable n'opère pas de front contre la volonté des sujets soumis, mais oriente cette volonté en sa faveur. Il est plus affirmatif que négatif, plus séduisant que répressif. Il s'efforce de générer des émotions positives et de les exploiter. Il séduit plutôt qu'il n'interdit. Il ne se confronte pas au sujet, il lui octroie des facilités.

Le pouvoir intelligent s'adapte au psychisme plutôt que de le discipliner et de le soumettre à la coercition et aux interdictions. Il ne nous impose pas le silence. Au contraire : il exige que nous partagions, participions, communiquions nos opinions, nos besoins, nos désirs et nos préférences, c'est-à-dire que nous racontions nos vies. Ce type de pouvoir est plus puissant que le pouvoir répressif. Il échappe à toute visibilité. La crise actuelle de la liberté consiste dans le fait que nous sommes confrontés à une technique de pouvoir qui ne nie pas la liberté ou ne la soumet pas mais l'exploite. La libre décision est éliminée au profit du libre choix entre différentes offres.

1531791046_9782130787181_v100.jpg

Le pouvoir intelligent, qui semble libre et aimant, qui stimule et séduit, est plus efficace que le pouvoir qui classifie, menace et prescrit. Le "bouton like" en est le symbole. On se soumet au réseau du pouvoir en consommant et en communiquant, même en cliquant sur le bouton "J'aime". Le néolibéralisme est le capitalisme du "like". Il diffère sensiblement du capitalisme du XIXe siècle, qui fonctionnait par la coercition et les interdictions disciplinaires.

Le pouvoir intelligent lit et évalue nos pensées conscientes et inconscientes. Il se base sur l'auto-organisation et l'auto-optimisation, réalisées de manière volontaire. De cette façon, il n'a pas à vaincre de résistance. Cette domination ne nécessite aucun grand effort, aucune violence, car elle se produit tout simplement. Elle veut dominer en essayant de plaire et en générant des dépendances. L'avertissement suivant est inhérent au capitalisme du "like" : protégez-moi de ce que je veux.

Source : Bloghemia

00:51 Publié dans Philosophie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : néolibéralisme, philosophie, byung chul han | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Sur le projet OTAN 2030

Atalayar_ Jens Stoltenberg OTAN.jpg

Sur le projet OTAN 2030

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Dans une lettre ouverte à Jens Stoltenberg, secrétaire général de l'OTAN, plusieurs haut gradés de l'Armée regroupés au sein du Cercle de Réflexion Interarmées s'élèvent contre le projet OTAN 2030 qui affaiblit selon eux la souveraineté de la France. Nous la reproduisons ici. Il va sans dire que nous sommes pleinement d'accord avec cette lettre.

TRIBUNE LIBRE

Le jeudi 18 février 2021 l'étude "OTAN 2030", produite à votre demande, vous a été présentée. Elle indique ce que doivent être les missions de l'OTAN pour les dix prochaines années. D'entrée, il apparaît que toute l'orientation de l'OTAN repose sur le paradigme d'une double menace, l'une russe, présentée comme à l'œuvre aujourd'hui, l'autre chinoise, potentielle et à venir. Deux lignes de force majeures se dégagent de cette étude.

La première, c'est l'embrigadement des Européens contre une entreprise de domination planétaire de la Chine, en échange de la protection américaine de l'Europe contre la menace russe qui pèserait sur elle.

La deuxième, c'est le contournement de la règle du consensus, de plusieurs manières: opérations en coalitions de volontaires; mise en oeuvre des décisions ne requérant plus de consensus; et surtout la délégation d'autorité au SACEUR (Commandant Suprême des Forces Allièes en Europe, officier général américain) au motif de l'efficacité et de l'accélération de la prise de décision.

Mais la lecture de ce projet «OTAN 2030» fait clairement ressortir un monument de paisible mauvaise foi, de tranquille désinformation et d'instrumentalisation de cette "menace Russe", «menace» patiemment créée puis entretenue, de façon à «mettre au pas» les alliés européens derrière les États-Unis, en vue de la lutte qui s'annonce avec la Chine pour l'hégémonie mondiale.

C'est pourquoi, Monsieur le Secrétaire général, avant toute autre considération sur l'avenir tel qu'il est proposé dans le projet OTAN 2030, il est important de faire le point sur les causes et la réalité de cette menace russe, par les quelques rappels historiques ci-dessous.

En effet, l'histoire ne commence pas en 2014, et c'est faire preuve d'une inébranlable mauvaise foi historique concernant les relations euro et américano-russes, que de passer en une seule phrase (au tout début du paragraphe "Russie") directement du "partenariat constructif" lancé par l'Otan au début des années 90 à l'annexion de la Crimée par la Russie en 2014, comme s'il ne s'était rien passé entre 1991 et 2014, entre « la gentille Russie » de l'époque, et le méchant «Ours russe» d'aujourd'hui.

NATO2030-logo-horizontal@4x.png

C'est bien l'OTAN qui, dès les années 1990, s'est lancée à marche forcée dans son élargissement vers l'est, certes à la demande des pays concernés, mais malgré les assurances données à la Russie en 1991 lors de la signature du traité de Moscou (2), et qui d'année en année a rapproché ses armées des frontières de la Russie, profitant de la décomposition de l'ex URSS.

C'est bien l'OTAN qui , sans aucun mandat de l'ONU, a bombardé la Serbie (3) pendant 78 jours, avec plus de 58 000 sorties aériennes, et ceci sur la base d'une vaste opération de manipulation et d'intoxication de certains services secrets de membres importants de l'Alliance, (le prétendu plan serbe « Potkova » et l'affaire de Racak ), initiant ainsi, contre toute légitimité internationale, la création d'un Kosovo indépendant en arrachant une partie de son territoire à un état souverain, au nom du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, humiliant ainsi la Russie à travers son allié serbe.

Ce principe serait-il à géométrie variable, lorsqu'il s'agit de la Crimée composée à plus de 90% de Russes, et rejoignant la Russie sans un coup de feu?

C'est bien l'OTAN qui en 2008, forte de sa dynamique «conquête de l'est», refusa la main tendue par la Russie pour un nouveau « Pacte de sécurité européen » qui visait à régler les conflits non résolus à l'est de l'Europe (Transnistrie, Abkhazie, Ossétie du Sud), en échange d'une certaine neutralité de la Géorgie, de l'Ukraine, de la Moldavie - c'est à dire de l'immédiat « hinterland » russe - vis-à-vis de l'OTAN.

Et c'est toujours avec ce même esprit conquérant, perçu comme un réel étranglement par la Russie, qu'il a été choisi, en 2010, d'encourager les graves troubles de l'« Euromaïdan », véritable coup d'état qui a abouti à l'élimination du président ukrainien légalement élu,  jugé trop pro-russe, en vue de continuer la politique de rapprochement de l'Ukraine avec l'OTAN.

ch-2.jpg

On connaît la suite, avec les sécessions de la Crimée et du Donbass.

C'est bien l'OTAN qui au début des années 2000, après avoir associé la Russie à une défense anti-missiles de théâtre censée « protéger les États-Unis et ses alliés, dont la Russie » , d'une attaque de missiles tirés par des «États voyous» , notamment l'Iran et la Corée du Nord (sic), transforma de facto en 2010 lors du sommet de Lisbonne, ce système en une architecture globale de défense antimissile balistique en Europe (BMDE), non plus de théâtre, mais en un véritable bouclier tourné cette fois-ci contre la Russie et non pas la protégeant.

C'est encore l'OTAN qui donna l'assurance à la Russie que les sites de lancement des missiles antimissiles balistiques (ABM) ainsi déployés devant sa porte ne pourraient jamais être retournés en sites offensifs contre son territoire tout proche, « oubliant de préciser » qu'en réalité ces lanceurs (MK 41) de missiles ABM pouvaient tout aussi bien servir à tirer des missiles offensifs Tomahawk contre son territoire (nucléaires ou conventionnels de portées supérieures à 2000 km selon les versions) en contradiction flagrante avec le traité INF toujours en vigueur à l'époque de leur déploiement; on dépassait là, et de loin la question de savoir si le 9M729 russe portait à 480 km ou à 520 !

La menace potentielle ainsi exercée sur la capacité de frappe en second de la Russie, base de sa dissuasion nucléaire, a sérieusement remis en cause l'équilibre stratégique américano-russe , poussant alors la Russie à suspendre toute coopération au sein du COR (Conseil OTAN-Russie) fin 2013, donc dès avant l'affaire de la Crimée de 2014,  laquelle sera ensuite utilisée par l'OTAN pour justifier – a posteriori – la protection BMDE de l'Europe face à la nouvelle « menace russe » !

Alors oui, Monsieur le Secrétaire général, au terme de ces vingt années d'efforts soutenus de la part de l'OTAN pour recréer « l'ennemi russe», indispensable à la survie d'une organisation théoriquement purement défensive, oui, la Russie a fini par se raidir, et par chercher à l'Est la coopération que l'Ouest lui refusait.

L'entreprise de séparation de la Russie d'avec l'Europe, patiemment menée au fil des années, par vos prédécesseurs et par vous-même sous l'autorité constante des États-Unis, est aujourd'hui en bonne voie, puisque la Russie, enfin redevenue « la menace russe » , justifie les exercices les plus provocateurs comme Defender 2020 reporté à 2021, de plus en plus proches de ses frontières, de même que les nouveaux concepts d'emploi mini-nucléaires les plus fous sur le théâtre européen sous l'autorité de...l'allié américain qui seul en possède la clef.

20178.jpeg

Mais non, Monsieur le Secrétaire général, aujourd'hui, et malgré tous vos efforts, la Russie avec son budget militaire de 70 Md€ (à peine le double de celui de la France), ne constitue pas une menace pour l'OTAN avec ses 1000 Md€ , dont 250 pour l'ensemble des pays européens de l'Alliance! Mais là n'est pas votre souci car ce qui est visé désormais à travers ce nouveau concept OTAN 2030, est un projet beaucoup plus vaste: à savoir impliquer l'Alliance atlantique dans la lutte pour l'hégémonie mondiale qui s'annonce entre la Chine et les États-Unis.

La vraie menace, elle réelle, est celle du terrorisme. L'étude y consacre bien un développement, mais sans jamais se départir du mot « terrorisme », ni en caractériser les sources, les ressorts, les fondements idéologiques et politiques.

Autrement dit, on n'aurait comme menace, en l'occurrence, qu'un mode d'action, puisque telle est la nature du « terrorisme ». On élude donc une réalité dérangeante, celle de l'islamisme radical et de son messianisme qui n'a rien à envier à celui du communisme d'antan. Le problème est que ce même messianisme est alimenté par l'immense chaos généré par les initiatives américaines post Guerre Froide , et qu'il est même porté au plan idéologique tant par la Turquie d'Erdogan, membre de l'Otan, que par l'Arabie Saoudite, allié indéfectible des États-Unis.

Comme on pouvait s'y attendre, il apparaît dès les premières lignes que ce document n'augure rien de bon pour l'indépendance stratégique de l'Europe, son but étant clairement de reprendre en mains les alliés européens qui auraient seulement pu imaginer avoir une once d'un début d'éveil à une autonomie européenne.

Ce n'est pas tout, car non seulement vous projetez de transformer l'OTAN, initialement alliance défensive bâtie pour protéger l'Europe face à un ennemi qui n'existe plus, en une alliance offensive contre un ennemi qui n'existe pas pour l'Europe, (même si nous ne sommes pas dupes des ambitions territoriales de la Chine, de l'impact de sa puissance économique et du caractère totalitaire de son régime) , mais ce rapport va plus loin, carrément vers une organisation à vocation politique mondiale, ayant barre sur toute autre organisation internationale.

imagesOTAN.jpg

Ainsi, selon ce rapport:

-  L'OTAN devrait instaurer une pratique de concertation entre Alliés avant les réunions d'autres organisations internationales (ONU, G20, etc..) , ce qui signifie en clair « venir prendre les instructions la veille» pour les imposer le lendemain massivement en plénière !

- L'OTAN doit avoir une forte dimension politique, qui soit à la mesure de son adaptation militaire. L'Organisation devrait envisager de renforcer les pouvoirs délégués au secrétaire général, pour que celui-ci puisse prendre des décisions concrètes concernant le personnel et certaines questions budgétaires.

- L'OTAN devrait créer, au sein des structures existantes de l'Alliance, un mécanisme plus structuré pour la formation de coalitions. L'objectif serait que les Alliés puissent placer de nouvelles opérations sous la bannière OTAN même si tous ne souhaitaient pas participer à une éventuelle mission.

- L'OTAN devrait réfléchir à l'opportunité de faire en sorte que le blocage d'un dossier par un unique pays ne soit possible qu'au niveau ministériel.

- L'OTAN devrait approfondir les consultations et la coopération avec les partenaires de l'Indo-Pacifique : l'Australie, le Japon, la Nouvelle-Zélande et la République de Corée,

- L'OTAN devrait commencer de réfléchir en interne, à la possibilité d'établir un partenariat avec l'Inde.

Monsieur le Secrétaire général,

C'est parce que cette organisation lorsqu'elle a perdu son ennemi, n'a eu de cesse que de se lancer à corps perdu dans la justification politique de la préservation de son outil militaire, en se reforgeant son nouvel ennemi russe, qu'elle tend aujourd'hui à devenir un danger pour l'Europe.

Car, non contente d'avoir fait manquer à l'Europe l'occasion d'une véritable paix durable souhaitée par tous, y compris par la Russie, l'OTAN animée du seul souci de sa survie, et de sa justification par son extension, n'a fait que provoquer un vaste réarmement de part et d'autre des frontières de la Russie , de la Baltique à la Mer Noire, mettant en danger la paix dans cette Europe, qu'elle ne considère plus désormais que comme son futur champ de bataille,

Et maintenant, à travers ce document OTAN 2030, et contre la logique la plus élémentaire qui veut que ce soit la mission qui justifie l'outil et non l'inverse - les Romains ne disaient-ils pas déjà « Cedant arma togae » ? - vous voudriez, pour l'avenir, justifier l'outil militaire de cette alliance en le transformant en un instrument politique, incontournable, de gestion de vastes coalitions internationales, au profit d'une véritable gouvernance planétaire, allant même jusqu'à passer outre les décisions de l'ONU et écrasant les souverainetés nationales!

Alors non, Monsieur le Secrétaire général! Il faut stopper ce train fou, avant qu'il ne soit trop tard! La France, quant à elle, dans le droit fil des principes énoncés voici plus d'un demi-siècle par le général de Gaulle, ne saurait, sans faillir gravement, se prêter à cette entreprise d'une acceptation aventureuse de la tutelle américaine sur l'Europe.

Pour le Cercle de Réflexion Interarmées (4), le Général de Brigade aérienne (2S) Grégoire Diamantidis

Notes.

1- Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, structure militaire de l'Alliance Atlantique.

2- Traité de Moscou: ou « traité deux plus quatre », signé le 12 septembre 1990 à Moscou, entre les représentants des deux Allemagnes et ceux des quatre puissances alliées de la Seconde Guerre Mondiale, est le «traité portant règlement définitif concernant l'Allemagne» qui a ouvert la voie à la réunification allemande et fixé le statut international de l'Allemagne unie.

3-Opération «Force Alliée» . Cette opération, décidée par l'OTAN, après l'échec des négociations entre les indépendantistes kosovars et la Serbie sous l'égide de l'OSCE (Conférence de Rambouillet 6 février-19 mars 1999) , fut déclenchée sans mandat de l'ONU, le 24 mars sur la base d'une vaste campagne dans les médias occidentaux, concernant un plan d'épuration ethnique (plan Potkova) mené à grande échelle au Kosovo par la Serbie. Plan qui se révéla par la suite, avoir été fabriqué de toute pièce par les services secrets bulgares et allemands .

4- Le Cercle de Réflexion Interarmées (CRI), est un organisme indépendant des instances gouvernementales et de la hiérarchie militaire. Il regroupe des officiers généraux et supérieurs des trois armées ayant quitté le service et quelques civils et a pour objectif de mobiliser les énergies, afin de mieux se faire entendre des décideurs politiques, de l'opinion publique et contribuer ainsi à replacer l'Armée au cœur de la Nation dont elle est l'émanation.

Source https://www.capital.fr/economie-politique/otan-2030...