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vendredi, 04 juin 2010

G. Maschke: ex-gauchiste, schmittien, pessimiste et amoureux de la vie

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1997

Günter Maschke: ex-gauchiste, schmittien, pessimiste et amoureux de la vie

 

maschke.jpgA l'âge de six ans, Günter Maschke, natif d'Erfurt en Thuringe, s'installe dans la ville épiscopale de Trêves, en Rhénanie-Palatinat. En 1960, il adhère à la Deutsche Friedensunion  (l'Union allemande pour la paix) et, plus tard, à la KPD communiste illégale. Deux tentatives pour échapper à l'étroitesse d'esprit de cette ville provinciale. Après des études secondaires et un diplôme de courtier d'assurances, il décide de devenir écrivain. Dans le cercle qui se réunissait autour de Max Bense et de Ludwig Harig, il fait la connaissance de Gudrun Ensslin (future figure de proue de la Bande à Baader) à la Technische Hochschule de Stuttgart. Accompagné de la sœur de Gudrun, Johanna, il va s'installer à Tübingen pour y prendre en charge la rédaction du journal étudiant Notizen, de concert avec le futur terroriste Jörg Lang.

 

En 1964, Maschke met sur pied un “Groupe d'Action Subversive” à Tübingen, une organisation légendaire qui a préfiguré la fameuse SDS gauchiste, à laquelle ont appartenu Rudi Dutschke et Bernd Rabehl. Un an plus tard, Maschke reçoit son ordre de rejoindre la Bundeswehr: il refuse tant le service armé que le service civil. Il prend la fuite et commence un exil qui l'amènera d'abord à Paris puis à Zurich et finalement à Vienne, où il est collaborateur occasionnel de Volksstimme (d'obédience communiste) et du Wiener Tagebuch. Après une manifestation énergique contre la guerre du Vietnam dans la capitale autrichienne, Maschke est arrêté par la police. Il est déclaré “étranger indésirable” et il risque d'être refoulé en Allemagne où l'attend un mandat d'arrêt pour désertion. Après trois semaines de prison, l'ambassade de Cuba lui propose l'asile politique.

 

Il restera à Cuba du début de 1968 à la fin de 1969. Dans le pays de Castro, Maschke est devenu national-révolutionnaire. Les raisons de cette conversion sont sans doute multiples: les conditions déplorables dans lesquelles végétaient ses amis ou les formes spéciales du “stalinisme tropical”... Ami du poète Padilla, un adversaire du régime cubain, il est impliqué dans cette affaire, arrêté par la police de Castro et renvoyé en Allemagne. Il y passera d'abord treize mois dans les prisons de Munich et de Landsberg.

 

C'est là qu'il passera définitivement à “droite”. Mais le camp de la droite a hérité là d'un allié très critique, trop critique aux yeux de bon nombre de conservateurs bon teint. Ses premières avances sont brusquement repoussées. Beaucoup de droitiers et de conservateurs rejettent aveuglément les idées de gauche, un aveuglement que Maschke n'a jamais compris. Avec la gauche radicale, il s'est révolté contre l'américanisme, contre le parlementarisme et a milité en faveur d'une réforme du droit de la propriété. Mais, par ailleurs, il a toujours plaidé, contre une gauche qui ne cesse plus de s'éloigner du marxisme, pour un Etat fort, modérément autoritaire.

 

Dans sa vie privée aujourd'hui, Maschke traduit et édite les textes de l'Espagnol Juan Donoso Cortés et de Carl Schmitt. Sur le plan scientifique, il travaille dur, il est exigeant et méticuleux, mais quand il reçoit ses amis, il est un hôte jovial et généreux, qui aime les bons plats et les bons vins, qui dissimule son pessimisme notoire derrière des blagues hautes en couleurs, derrière un charme exquis, avec une souveraineté bien consciente d'elle-même.

 

Werner OLLES.

(article paru dans Junge Freiheit, n°26/97).

mercredi, 02 juin 2010

Aux sources de la crise du Golfe

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Article paru dans « Nationalisme et République », 1991.

Aux sources de la crise du Golfe: la volonté britannique d'exercer un contrôle absolu du Proche-Orient

 

par Robert Steuckers

 

La crise du Golfe a fait couler beaucoup de sang irakien mais aussi beaucoup d'encre. Très souvent inutilement. Inutilement parce presque personne, exceptés quelques très rares spécialistes, n'a cru bon d'interroger les textes anciens, de recourir aux sources de la pensée géopolitique. La géopolitique, comme on commence à le savoir dans l'espace linguistique francophone, est l'art d'examiner et de prophétiser les événements historiques à la lumière de la géographie. Cette démarche a eu des précurseurs allemands (Ratzel et Haushofer que l'on vient de traduire en France chez Fayard; Dix, Maull, Obst, Oesterheld qui demeurent toujours d'illustres inconnus dans nos milieux diplomatiques et intellectuels), suédois (Kjellen) et britanniques (Mackinder, Lea). Pour ce qui concerne les rapports entre l'Europe et le Proche-Orient, c'est le Suédois Kjellen qui, en 1916, en pleine guerre, a émis les théories les plus fines, qui gardent toute leur pertinence aujourd'hui et qui, malheureusement, ne sont plus guère lues et méditées dans nos chancelleries. S'appuyant sur les thèses de Dix, Kjellen, dans son petit ouvrage concis de 1916 (Die politischen Probleme des Weltkrieges; = les problèmes politiques de la guerre mondiale), rappelle que l'Angleterre poursuivait au début du siècle deux objectifs majeurs, visant à souder ses possessions éparpillées en Afrique et en Asie. Albion souhaitait d'abord dominer sans discontinuité l'espace sis entre Le Caire et Le Cap. Pour cela, elle avait éliminé avec la rigueur que l'on sait les deux petites républiques boers libres et massacrés les mahdistes soudanais. L'un de ses buts de guerre, en 1914, était de s'emparer du Tanganyka allemand (la future Tanzanie) par les forces belges du Congo interposées: ce qui fut fait. Le Général belge Tombeur expulse les vaillantes troupes d'askaris allemands de von Lettow-Vorbeck l'Invaincu vers le Mozambique, mais l'Angleterre acquiert le Tanganyka en 1918, laissant à la Belgique le Ruanda et la Burundi, deux bandes territoriales de l'ouest de la colonie allemande. A cette politique impérialiste africaine, l'Angleterre voulait ajouter une domination sans discontinuité territoriale du Caire à Calcutta, ce qui impliquait de prendre sous sa tutelle les provinces arabes de l'Empire ottoman (Palestine, Jordanie, Irak, Bassorah) et de mettre la Perse à genoux, afin qu'elle lui cède le Kouzistan arabe et le Baloutchistan, voisin du Pakistan. Pour parfaire ce projet grandiose, l'Angleterre devait contrôler seule tous les moyens de communication: elle s'était ainsi opposée à la réalisation d'un chemin de fer Berlin-Bagdad, financé non seulement par l'Allemagne de Guillaume II mais aussi par la France et la Suisse; elle s'était opposée aussi  —et les Français l'oublient trop souvent depuis 1918—  à la présence française en Egypte et au contrôle français des actions du Canal de Suez. En 1875, l'Angleterre achète massivement des actions, éliminant les actionnaires français; en 1882, ses troupes débarquent en Egypte. L'Egypte était aussi vitale pour l'Angleterre d'il y a 80 ans qu'elle l'est aujourd'hui pour Bush. Lors du Traité de paix avec la Turquie, l'Angleterre confine la France en Syrie et au Liban, l'expulsant de Mossoul, zone pétrolifère, qui pourtant lui avait été attribuée.

 

L'histoire du chemin de fer Berlin-Bagdad est très instructive. En 1896, les ingénieurs allemands et turcs avaient déjà atteint Konya en Anatolie. L'étape suivante: le Golfe Persique. Ce projet de souder un espace économique étranger à la City londonienne et s'étendant de la Mer du Nord au Golfe contrariait le projet anglais de tracer une ligne de chemin de fer du Caire au Golfe, avant de la poursuivre, à travers la Perse, vers Calcutta. Albion met tout en œuvre pour torpiller cette première coopération euro-turco-arabe non colonialiste, où le respect de l'indépendance de tous est en vigueur. L'Angleterre veut que la ligne de chemin de fer germano-franco-helvético-turque s'arrête à Bassorah, ce qui lui ôte toute valeur puisqu'elle est ainsi privée d'ouverture sur le trafic transocéanique. La zone entre Bassorah et la côte, autrement dit le futur Koweit, acquiert ainsi son importance stratégique pour les Britanniques seuls et non pour les peuples de la région. Dès 1880 les Anglais avaient déjà joué les vassaux côtiers, accessoirement pirates et hostiles aux autochtones bédouins, contre la Turquie. Puisque le terminus du chemin de fer ne pouvait aboutir à Koweit, que les Anglais avait détaché de l'Empire Ottoman, les Turcs proposent de le faire aboutir à Kor Abdallah: les Anglais prétendent que cette zone appartient au Koweit (comme par hasard!). Deuxième proposition turque: faire aboutir la ligne à Mohammera en Perse: les Anglais font pression sur la Perse. Les prolégomènes à l'entêtement de Bush...! Le 21 mars 1911, Allemands et Turcs proposent l'internationalisation de la zone sise entre Bassorah et Koweit, avec une participation de 40% pour la Turquie, de 20% pour la France, 20% pour l'Allemagne, 20% pour l'Angleterre. Proposition on ne peut plus équitable. L'Angleterre la refuse, voulant rester absolument seule entre Bassorah et la côte.

 

Ce blocage irrationnel  —malgré sa puissance, l'Angleterre était incapable de réaliser le projet de dominer tout l'espace entre Le Caire et Le Cap—  a conduit à la fraternité d'armes germano-turque pendant la Grande Guerre. A la dispersion territoriale tous azimuts de l'Empire britannique, Allemands, Austro-Hongrois, Bulgares et Turcs proposent un axe diagonal Elbe-Euphrate, Anvers-Koweit, reliant les ports atlantiques de la Mer du Nord, bloqués par la Home Fleet pendant les hostilités, à l'Insulinde (Indonésie) néerlandaise. Cet espace devait être organisé selon des critères nouveaux, englobant et dépassant ceux de l'Etat national fermé, né sous la double impulsion de 1789 et de la pensée de Fichte. Ces critères nouveaux respectaient les identités culturelles mais fédéraient leurs énergies auparavant éparses pour bâtir des systèmes politiques nouveaux, répondant aux logiques expansives du temps.

 

Les buts de guerre de l'Angleterre ont donc été de fragmenter à l'extrême le tracé de cette diagonale partant des rives de la Mer du Nord pour aboutir au Golfe Persique voire à l'Insulinde néerlandaise. L'alliance entre la France et l'Angleterre s'explique parce que la France n'avait pas de politique pouvant porter ombrage à Londres dans l'Océan Indien. L'alliance, plus étonnante, entre la Russie tsariste et l'Angleterre vient du fait que la Russie avait, elle, intérêt à couper la diagonale Elbe-Euphrate à hauteur du Bosphore et des Dardannelles. C'est ce qui explique la tentative désespérée de Churchill de lancer des troupes contre Gallipoli, avant que les Russes ne s'y présentent. Avec les Russes à Constantinople, la diagonale germano-turque était certes brisée, mais la Russie aurait été présente en Serbie et en Grèce, puis en Crète et à Chypre, ce qui aurait menacé la ligne de communication transméditerranéenne, partant de Gibraltar pour aboutir à Suez en passant par Malte. La révolution bolchévique est venue à temps pour éliminer la Russie de la course. L'entrée en guerre de la Roumanie et la balkanisation de l'Europe centrale et orientale procèdent de la même logique: fragmenter la diagonale.

 

Revenons à l'actualité. La disparition du rideau de fer et l'ouverture prochaine de la navigation fluviale entre Rotterdam et la Mer Noire par le creusement d'un canal entre le Main et le Danube reconstitue le tracé de la diagonale de 1914, du moins jusqu'à Andrinople (Edirne en turc). Les volontés de balkanisation de l'Europe, imposées à Versailles et à Yalta sont réduites à néant. L'intervention des Etats-Unis au Koweit, nous l'avons déjà dit, avait pour objectif premier de restaurer le statu quo et de remettre en selle la famille Al-Sabah qui investit toutes les plus-values de son pétrole dans les circuits bancaires anglais et américains, évitant de la sorte l'effondrement total des économies anglo-saxonnes, basées sur le gaspillage, le vagabondage financier et secouées par l'aventurisme thatchéro-reaganien. Mais les Etats-Unis, héritiers de la politique thalassocratique anglaise, ont en même temps des objectifs à plus long terme. Des objectifs qui obéissent à la même logique de fragmentation de la diagonale Mer du Nord/Golfe Persique.

 

Les stratèges de Washington se sont dit: «si l'Europe est reconstituée dans son axe central Rhin-Main-Danube, elle aura très bientôt la possibilité de reprendre pied en Turquie, où la présence américaine s'avèrera de moins en moins nécessaire vu la déliquescence du bloc soviétique et les troubles qui secouent le Caucase; si l'Europe reprend pied en Turquie, elle reprendra pied en Mésopotamie. Elle organisera l'Irak laïque et bénéficiera de son pétrole. Si l'Irak s'empare du Koweit et le garde, c'est l'Europe qui finira par en tirer profit. La diagonale sera reconstituée non plus seulement de Rotterdam à Edirne mais d'Edirne à Koweit-City. La Turquie, avec l'appui européen, redeviendra avec l'Irak, pôle arabe, la gardienne du bon ordre au Proche-Orient. Les Etats-Unis, en phase de récession, seront exclus de cette synergie, qui débordera rapidement en URSS, surtout en Ukraine, pays capable de revenir, avec un petit coup de pouce, un grenier à blé européen auto-suffisant (adieu les achats de blé aux USA!), puis aux Indes, en Indonésie (un marché de 120 millions d'âmes!), en Australie et en Nouvelle-Zélande. Un grand mouvement d'unification eurasien verrait le jour, faisant du même coup déchoir les Etats-Unis au rang d'une puissance subalterne qui ne ferait plus que décliner. Les Etats-Unis ne seraient plus un pôle d'attraction pour les cerveaux du monde et on risquerait bien de voir s'effectuer une migration en sens inverse: les Asiatiques d'Amérique retourneraient au Japon ou en Chine; les Euro-Américains s'en iraient faire carrière en Allemagne ou en Italie du Nord ou en Suède. Comment éviter cela? En reprenant à notre compte la vieille stratégie britannique de fragmentation de la diagonale!».

 

En effet, les troubles en Yougoslavie ne surviennent-ils pas au bon moment? Rupture de la diagonale à hauteur de Belgrade sur le Danube. Le maître-atout des Etats-Unis dans ce jeu est la Turquie. Le verrou turc bloque tout aujourd'hui. N'oublions pas que c'est dans le cadre de l'OTAN que le Général Evren renverse la démocratie au début de la décennie 80 et que ce putsch permet, après une solide épuration du personnel politique turc, de hisser Özal au pouvoir. Un pouvoir qui n'est démocratique qu'en son vernis. Özal proclame qu'il est «européen» et qu'il veut adhérer à la CEE, malgré les impossibilités pratiques d'une telle adhésion. Les porte-paroles d'Özal en Europe de l'Ouest, notamment en RFA, affirment que la Turquie moderne renonce à tout projet «ottoman», c'est-à-dire à tout projet de réorganisation de l'espace proche-oriental, de concert avec les autres peuples de la région. Pire: Özal coupe les cours du Tigre et de l'Euphrate par un jeu de barrages gigantesques, destinés, dit-on à Ankara, à verdir les plateaux anatoliens. Mais le résultat immédiat de ces constructions ubuesques est de couper l'eau aux Syriens et aux Irakiens et d'assécher la Mésopotamie, rendant la restauration de la diagonale Elbe-Euphrate inutile ou, au moins, extrêmement problématique.

 

L'Europe n'a donc pas intérêt à ce que la guerre civile yougoslave s'étende; elle n'a pas intérêt à ce qu'Özal reste au pouvoir. Les alliés turcs de l'Europe sont ceux qui veulent, avec elle, reconstituer l'axe Berlin-Constantinople-Bagdad et ceux qui refusent l'assèchement et la ruine de la Mésopotamie (déjà les Anglais avaient négligé de reconstituer les canaux d'irrigation). Ensuite, l'Europe doit dialoguer avec un régime européophile à Bagdad et soutenir le développement de l'agriculture irakienne. Ensuite, l'Europe a intérêt à ce que la paix se rétablisse entre la Syrie et l'Irak. Après l'effondrement de l'armée de Saddam Hussein et le déclenchement d'une guerre civile en Irak, elle doit mobiliser tous ses efforts pour éviter la balkanisation de l'espace irakien et l'assèchement de la Mésopotamie. Celui qui tient la Mésopotamie tient à moyen ou long terme l'Océan Indien et en chasse les Américains: un principe géostratégique à méditer. Si l'Europe avait soutenu l'Irak, elle aurait eu une fenêtre sur l'Océan Indien. En resserrant ses liens avec l'Afrique du Sud et avec l'Inde non alignée, elle aurait pu contrôler cet «océan du milieu» et souder l'Eurasie en un bloc cohérant, libéré des mirages du libéralisme délétère.

 

Souder l'Eurasie passe 1) par la reconstitution de la diagonale Mer du Nord/Golfe Persique; 2) par la création d'un transsibérien gros porteur, à écartement large et à grande vitesse, reliant Vladivostock à Hambourg via un système de ferries à travers la Baltique, entre Kiel et Klaipeda en Lituanie (autre point chaud; un hasard?); 3) par une liaison ferroviaire de même type reliant Novosibirsk à Téhéran et Téhéran à Bagdad; 4) par une exploitation japonaise des voies maritimes Tokyo/Singapour, Singapour/Bombay, Bombay/Koweit, cette dernière en coopération avec l'Europe; 5) par une liaison maritime Koweit/Le Cap, exploitée par un consortium euro-turco-irakien. Le rôle de la France dans ce projet: 1) protéger la façade maritime atlantique de l'Europe, en revalorisant sa marine; 2) participer, à hauteur des Comores et de la Réunion, à l'exploitation de la ligne maritime Koweit/Le Cap; 3) jouer de tous les atouts dont elle dispose en Afrique francophone.

 

Un tel projet permet à chaque peuple de la masse continentale eurasiatique de jouer dans ce scénario futuriste un rôle bien déterminé et valorisant, tout en conservant son indépendance culturelle et économique. C'est parce que ce projet était tou d'un coup réalisable que les forces cosmopolites au service de l'Amérique ont mis tout en œuvre pour le torpiller. Peine perdue. Ce qui est inscrit dans la géographie demeure. Et finira par se réaliser. Il suffit de prendre conscience de quelques idées simples. Qui se résument en un mot: diagonale. Diagonale Rotterdam/Koweit. Diagonale Hambourg/Vladivostock. Diagonale Novosibirsk/Téhéran.

 

Robert STEUCKERS.  

 

mardi, 01 juin 2010

La controverse autour de Stepan Bandera et l'avenir de l'Ukraine

La controverse autour de Stepan Bandera et l’avenir de l’Ukraine

par Mykola RIABTCHOUK

Nous reprenons l’article de Mykola Riabtchouk mis en ligne sur le site ami Theatrum Belli. Afin de bien comprendre cette controverse, il importe de lire au préalable « Stepan Bandera (1909 – 1959) » par Pascal G. Lassalle d’abord mis en ligne sur Novopress.

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bandera_rw.jpgRarement un document émis par le Parlement européen aura fait autant de bruit en Ukraine que sa résolution du 25 février 2010 sur la situation dans le pays, en particulier son paragraphe 20, déclarant que le Parlement européen « regrette vivement la décision du président ukrainien sortant, Victor Iouchtchenko, d’accorder à titre posthume à Stepan Bandera, chef de l’organisation nationaliste ukrainienne O.U.N. qui collabora avec l’Allemagne national-socialiste, le titre de « héros national de l’Ukraine », espère, à cet égard, que la nouvelle équipe dirigeante en Ukraine reconsidérera ce genre de décision et confirmera son engagement en faveur des valeurs européennes » (1).

Des milliers d’Ukrainiens ont répondu au Parlement européen avec une pétition qualifiant sa décision « de non fondée historiquement et s’appuyant sur de la désinformation », « insultant les millions d’Ukrainiens tués ou victimes de la répression pour leur engagement en faveur de la liberté et de l’indépendance », et discréditant « l’idée même de l’intégration européenne chez les Ukrainiens qui y sont favorables ».

« Le 30 juin 1941, affirment-ils, Stepan Bandera  et ses  compagnons ont annoncé le renouveau de l’État indépendant ukrainien à L’viv contre la volonté de l’Allemagne hitlérienne. Pour cela, ils ont été tués ou incarcérés dans les camps de concentration allemands. Bandera lui-même fut emprisonné au camp de Sachsenhausen. Ses frères Oleksandr et Vasyl furent tués dans l’infâme camp d’Auschwitz (2). Le mouvement de libération nationale dirigé par Bandera combattit pour l’État indépendant d’Ukraine contre les occupants bolcheviks et nazis. Ni l’Organisation des nationalistes ukrainiens (O.U.N.-B.) dirigée par Bandera, ni l’Armée insurrectionnelle ukrainienne (U.P.A.) ne furent mentionnées dans les verdicts du procès des principaux criminels de guerre au Tribunal militaire international de Nuremberg » (3).

Borys Tarasiouk, ancien ministre des Affaires étrangères et actuel chef du parti ukrainien Narodniy Roukh (Mouvement du peuple), a exprimé ses profondes préoccupations dans une lettre ouverte au président du Parlement européen, le Polonais Jerzy Buzek : « Le Parlement européen, a été malheureusement influencé par des informations partiales, qui, après coup, sont à l’origine de ces malentendus. Pire encore, le président nouvellement élu, Viktor Yanoukovytch, qui est loin des idéaux et des principes de la démocratie européenne, peut maintenant utiliser la décision du Parlement pour se couvrir lui-même, justifier ses mesures anti-ukrainiennes et abroger le décret présidentiel concernant Bandera » (4).

Le président Iouchtchenko s’est également révélé intraitable. Il a accusé le Parlement européen, dans des termes similaires, d’avoir échoué à regarder l’Histoire « selon un regard actuel, et non pas au prisme obsolète de la propagande soviétique ». Il a suggéré qu’il y a eu « un camp qui a initié cette décision et provoqué les députés européens de toutes les manières possibles et imaginables », mais il s’est gardé de spécifier de quel camp il s’agissait (5). D’autres commentateurs, cependant, ont parlé ouvertement de « trahison polonaise ». « Depuis des années, a affirmé l’un d’eux, ils ont prétendu être des amis de l’Ukraine et maintenant ils montrent leur véritable visage » (6). Quelques auteurs sont même allés plus loin avec des spéculations  conspirationnistes  qui impliquaient une sorte d’échange entre Polonais et Russes : des concessions russes sur Katyn et les commémorations officielles pour un soutien polonais à la résolution anti-ukrainienne au Parlement européen.

Les libéraux ukrainiens se sont retrouvés eux-mêmes, dans cette situation, entre le marteau et l’enclume. D’une part, ils pouvaient à peine souscrire à la décision opportuniste de Iouchtchenko  aussi bien qu’à l’héritage équivoque, ou du moins ambigu et ambivalent, légué par Bandera, l’O.U.N. et l’U.P.A. D’autre part, ils ne pouvaient pas ne pas voir toutes les implications des ingérences simplistes et irresponsables des députés européens dans des questions hautement complexes dont ils ont peu connaissance et encore moins de compréhension. Un historien ukrainien en vue, Yaroslav Hrytsak, a exprimé sa profonde amertume et déception en quelques mots : « C’est pire qu’un crime, c’est de la bêtise » (7). Il visait principalement les députés polonais au Parlement européen qui ont soutenu la résolution, – même s’ils étaient en l’état les seuls membres du Parlement européen susceptibles de saisir toute la complexité du problème et conscients du contexte politique particulier de l’Ukraine aujourd’hui. Encore que tous les autres parlementaires ne doivent pas être exonérés d’avoir jeté de manière irréfléchie de l’huile sur le feu des conflits internes à l’Ukraine

La Gazeta Wyborcza, un important journal libéral polonais, a exprimé ses regrets au sujet du décret de Iouchtchenko du 22 janvier dernier attribuant le titre de « Héros de l’Ukraine » à Stepan Bandera, mais a aussi laissé entendre que le tort causé aux relations polono-ukrainiennes aurait été moindre si tout s’était arrêté à la décision malvenue d’un président ukrainien sortant, battu et aux abois. Au lieu de cela, argumente le journal, les députés polonais du Parlement européen ont promu prématurément un document encore plus déplacé. « Nos députés ont impliqué de manière irresponsable l’Union européenne dans le dialogue polono-ukrainien sur le passé, en employant la langue des ultimatums, et ont renvoyé la réconciliation polono-ukrainienne au niveau d’avant-1989. In fine, ils ont joué le jeu de la Russie et des forces pro-russes en Ukraine (8).

Cerner le contexte

Il y avait au moins trois singularités de la situation politique ukrainienne qui, en vérité, aurait du être appréhendées avec sagesse et prudence afin d’éviter les conséquences qui viendront pour l’essentiel contrecarrer les intentions du Parlement européen.

Tout d’abord, le fait que l’Ukraine n’est pas juste un État post-communiste, mais aussi  un pays post-colonial partagé de manière presque égale entre les  communautés d’aborigènes et de colons, avec leurs propres mythes, symboles, schémas historiques, héros, cultures et langues. La prépondérance numérique des aborigènes est contrebalancée par le statut social plus élevé des colons déterminé historiquement par leur caractère majoritairement urbain, leur meilleur accès à la culture et à l’éducation, leurs ressources économiques, et leurs réseaux dans la société aussi bien que par les politiques impériales manifestes ou masquées de privilégier un groupe contre l’autre.

On trouve également un important groupe fluctuant d’aborigènes assimilés historiquement, selon différents degrés, à la culture dominante de type créole, et un ensemble plus petit mais encore notable, de colons qui ont opté pour une identification avec les aborigènes sur un mode « Danse avec les Loups », pour citer le western pro-amérindien de Kevin Costner.

La présence de groupes fluctuants ainsi que la proximité culturelle et linguistique entre aborigènes et colons atténuent en substance les tensions intergroupes faisant de l’Ukraine un pays « divisé, mais non éclaté ». Au même moment, l’équilibre s’avère très délicat, pauvrement institutionnalisé (avec virtuellement une absence totale partout d’état de droit), et par conséquent hautement susceptible de connaître des bifurcations à la fois externes et internes.

Deuxièmement, Il faudrait noter que le déchaînement anti-Bandera et anti-O.U.N. est une part importante du discours anti-nationaliste et, essentiellement, anti-ukrainien, à la fois dans l’Empire soviétique et dans la Russie actuelle. Les Ukrainiens ont toujours été considérés par la conception impériale dominante, comme un sous-groupe de Russes, et leur assimilation à la langue et la culture russe a été déclarée et promue officiellement comme un progrès historique, positif et inévitable.

Toute remise en cause de ce processus, ne parlons pas de résistance, était qualifié de nationalisme bourgeois qui, exactement comme le sionisme, était une accusation criminelle qui réduisait au silence toutes tentatives  de groupes marginalisés pour défendre leurs droits linguistiques, culturels ou autres. Le fait de combattre le nationalisme bourgeois des Ukrainiens (et celui des autres, excepté les Russes, naturellement) a  reposé sur des actions combinées de la police secrète et des organes de propagande qui signifiaient en particulier de discréditer toute chose ukrainienne qui ne s’accordait pas au modèle officiel de l’éternelle amitié ukraino-russe ainsi qu’au désir primordial des Ukrainiens d’une réunification et d’une ultime fusion avec le grand frère. Tous les exemples historiques de résistance armée à une telle réunification ont été particulièrement voués aux gémonies, aussi il n’a pas lieu d’être surpris qu’il en soit de même pour Bandera et l’O.U.N., devenus, nonobstant leur complexité, des exemples diaboliques du nationalisme bourgeois ukrainien dans ce qu’il a de pire : meurtriers assoiffés de sang et collaborateurs des nazis. Dans le discours dominant, ils sont encore représentés comme une pathologie symbolique, une déviation extrême de la norme officiellement admise. Et la norme ici n’est pas sûre d’elle-même, européenne, démocratique libérale et civique ukrainienne – en tant qu’alternative viable et désirable au bandérisme nationaliste et autoritaire -, mais, plutôt, une norme loyaliste et pro-russe, impatiente de sacrifier son identité, sa dignité et probablement son indépendance, pour l’amour de la mythique fraternité slave orientale sous direction russe.

Tout Ukrainien qui désobéit est catalogué, selon ce discours, comme nationaliste et bandériste et se voit effectivement ravalé de la normalité vers les sphères de l’obsession et de la déviation.

Et, du fait que ce discours crypto-soviétique reste dominant dans la Russie d’aujourd’hui et une majeure partie de l’Ukraine, on peut facilement deviner comment la condamnation des Bandéristes par le Parlement européen est perçue par les créoles locaux et les aborigènes.

Les premiers, avec la victoire de leur candidat aux récentes élections présidentielles, s’efforcent d’assurer pleinement leur domination politique, culturelle et économique sur le pays, monopolisant à la fois les centres de pouvoirs nationaux et locaux, par tous les moyens possibles.

Et c’est la troisième particularité de l’Ukraine aujourd’hui qui a malheureusement échappé aux membres du Parlement européen. Si, à l’instar de Iouchtchenko, ils cherchaient le pire moment pour prendre une mauvaise décision, on peut dire qu’ils y sont arrivés.

Ils ont contribué à encourager tous les sentiments revanchistes du Parti des régions victorieux qui tente de relancer des politiques de russification de style soviétique et abolir ou émasculer toutes les institutions, mesures et règlements établis par leurs prédécesseurs afin de promouvoir la culture, la langue et l’identité ukrainienne. Le nouveau gouvernement a obtenu un magnifique cadeau de la part du Parlement européen. Maintenant, ils peuvent convenablement présenter cette résolution mal pensée comme une condamnation internationale des supposées politiques nationalistes de leurs prédécesseurs et, en conséquence, comme une approbation des mesures anti-nationalistes (en fait anti-ukrainiennes) des nouveaux dirigeants. Pire encore, la signification symbolique de la résolution du Parlement européen est interprétée si largement qu’elle semble excuser le régime anti-nationaliste des violations de la Constitution les plus vicieuses et outrageantes. Il suffit de mentionner la décision illégale de repousser indéfiniment les élections locales prévues au mois de mai ou le coup d’État parlementaire et la mise en place absolument illégitime du nouveau gouvernement : cette usurpation du pouvoir a été approuvée par la Cour constitutionnelle dans un contexte d’accusations de corruption et d’intimidations. On peut remarquer que dans un cas de figure identique, l’année dernière, cette même Cour avait pris une décision exactement contraire !

Selon le discours propagandiste de l’équipe Yanoukovytch, l’Europe civilisée paraît leur donner carte blanche (des munitions politiques selon les termes de Tarasiouk) pour démanteler l’héritage de la Révolution orange, qui n’inclue pas seulement la glorification officielle de Bandera et de l’O.U.N. (comme les membres du Parlement européen semblent le croire) et les tentatives mitigées de régénération de la culture et de la langue ukrainiennes, mais aussi le pluralisme politique, la liberté de parole, des médias, des élections, des réunions publiques et beaucoup d’autres choses qui disparaissent  graduellement, jours après jours, dans l’Ukraine post-orange. Dans le même temps, le Parti des régions allié aux communistes vient au secours des valeurs européennes contre Iouchtchenko et ses Bandéristes avec l’appoint d’une bénédiction conjointe du Kremlin et de l’U.E.

Ce n’est certainement pas ce que l’Union européenne escomptait avec sa résolution mais c’est exactement ainsi que le nouveau pouvoir ukrainien l’interprète pour légitimer ses politiques douteuses et, ironiquement, la manière dont leurs opposants orange perçoivent la posture de l’U.E. La condamnation de Bandera contient un ensemble de choses choquantes. La date de sa publication, le 25 février dernier, était celle de la prise de fonction du nouveau président. Également choquant est le contraste avec l’échec de la résolution condamnant la persécution des Polonais au Belarus. Il était choquant que le paragraphe 20 de la résolution sur Bandera ait été rédigé par les Polonais. Dans ce cas, la Pologne fait plus penser à un procureur de l’Ukraine plutôt qu’à son avocat. Personne ne peut me persuader maintenant que les dirigeants européens ne voulaient pas de Yanoukovytch comme président. Ils doivent vouloir de lui qu’il s’assure que rien ne se mettra sur le chemin de leur léchage de botte pour le gaz naturel russe. Quand, je dis « rien », je veux bien sûr parler ici de l’Ukraine… J’essaie de rester optimiste. Mais, au même moment, je réalise qu’un État ukrainien moderne, viable et performant est seulement du ressort des intérêts de l’Ukraine elle-même. Nous sommes livrés à nous-mêmes (9).

Les ressentiments sont mauvais conseillers en politique, et crier au loup pouvait sembler prématuré dans les premières semaines du nouveau gouvernement, mais un autoritarisme de style russe paraît vraiment imminent en Ukraine, et l’U.E. ferait certainement un meilleur travail en protégeant les valeurs européennes portées au pinacle, des agissements de M. Yanoukovytch et ses associés plutôt que du président congédié Iouchtchenko et ses décrets obsolètes.

On peut porter au crédit des politiciens polonais de sembler être les premiers à être arrivés à comprendre qu’exorciser le diabolique nationalisme ukrainien devrait être la moindre des priorités de l’U.E. dans l’Ukraine post-orange. L’ambassadeur de Pologne Jacek Kluczkowski, dans un entretien donné le 24 mars à l’agence de presse ukrainienne UNIAN a, en partie, pris du champ par rapport aux postures radicales de son gouvernement et de l’U.E., sur l’infortuné décret de Iouchtchenko : « Il est bien sûr inexact que Bandera ait été un collaborateur des nazis et personne ne devrait l’accuser de collaboration. Mais les slogans de Bandera sont-ils en phase avec un État démocratique moderne ? Une figure si controversée peut-elle être un exemple moderne pour un peuple qui aspire à l’intégration européenne ? C’est pourquoi cette distinction nous dérange. Mais la décision de conférer ou non ce titre est une affaire ukrainienne » (10).

Pawel Kowal, un député polonais au Parlement européen, a fait un autre geste de réconciliation dans l’entretien donné à un site Internet ukrainien bien connu : « Je crois qu’il n’est pas du ressort du Parlement européen d’évaluer les politiques en matière d’Histoire de ses membres ou de ses voisins… C’est une affaire intérieure ukrainienne. L’Ukraine ne doit pas être l’objet de pressions de la part d’autres pays. Elle a le droit de prendre des décisions politiques en toute souveraineté… Mais nous, Polonais et Ukrainiens, devons discuter ouvertement de notre histoire. Je sens que nous pouvons le faire, même si nous serons certainement en désaccord sur de nombreux sujets. Nous devons donner suite au dialogue. » Et, avec une claire intention d’encourager les Ukrainiens à faire passer la pilule, Pawel Kowal a suggéré de ne pas exagérer le poids du paragraphe 20. Il y a des points plus importants, a-t-il déclaré. « Le document discute des aspects légaux d’une adhésion possible de l’Ukraine à l’U.E. Le Parlement européen est la seule institution qui, depuis la Révolution orange, déclare clairement que l’Ukraine devrait être en Europe » (11).

L’héritage de Bandera

La controverse autour de Bandera ne disparaîtra pas certainement de sitôt de la vie ukrainienne quelque soient les décisions adoptées par le Parlement européen et les mesure prises par le régime de Yanoukovytch parce qu’il n’est pas question d’histoire, de politique, ou d’idéologie, mais d’identité.

Bandera, comme l’O.U.N./U.P.A., est juste le métonyme de deux héritages différents qui ont été historiquement inséparables, mais ont divergé radicalement aujourd’hui en deux discours et alimenté deux controverses différentes qui sont souvent, délibérément ou non, confondues, rendant, de ce fait, l’ensemble de la problématique hautement ambiguë.

L’une d’entre elles est un héritage fait de violence politique, de terreur, d’autoritarisme, de nationalisme intégral, de xénophobie et d’intolérance. Quelques figures invétérées de la croisade anti-O.U.N. comme l’éminent historien canadien-ukrainien John-Paul Himka et son collègue beaucoup moins talentueux, mais plus actif Wiktor Poliszcuk dénoncent les Bandéristes aussi comme collaborateurs et antisémites, même si ces deux points sont plutôt contestables.

Alexander Motyl  soutient que les collaborateurs sont « des individus ou des groupes qui abandonnent leurs aspirations à la souveraineté et servent les objectifs d’autres puissances », alors que « les individus ou les groupes qui retiennent leurs aspirations à la souveraineté et s’alignent avec des puissances pour poursuivre leurs propres objectifs non démocratiques, sont généralement qualifiés d’alliés » (12). Selon cette logique, Staline, qui a coopéré avec Hitler en 1939 – 1940, était son allié, mais pas un collaborateur. Et les Britanniques et les Américains qui ont par la suite coopéré avec Staline, ont été les alliés de circonstance du totalitarisme communiste, mais pas des collaborateurs de Staline.

Jusqu’en juillet 1941, Bandera et son aile de l’O.U.N. auraient aimé s’allier eux-mêmes aux Allemands avec l’espoir d’obtenir leur indépendance nationale, qui était considérée comme la priorité absolue.

Mais les nazis les voulaient seulement  comme collaborateurs, pas comme alliés. Aussi, quand les Ukrainiens ont proclamé leur indépendance à L’viv le 30 juin 1941, après que les Allemands aient envahi l’U.R.S.S., les nazis n’ont pas accepté ce fait accompli. Dans un sens, comme le commente sardoniquement Motyl, les Allemands ont sauvé par inadvertance les nationalistes d’un destin collaborationniste, voire éventuellement fascisant. Ils ont pris des mesures énergiques contre l’O.U.N. au milieu de l’année 1941, emprisonnant Bandera à Sachsenhausen et deux de ses frères à Auschwitz, et ont assigné à la Gestapo la tâche d’éradiquer tous les réseaux nationalistes. « Les nationalistes de Bandera sont ensuite entrés en clandestinité et, par la suite, ont été amenés à prendre la tête d’un vaste mouvement de résistance populaire qui a combattu à la fois contre les Allemands et, en fin de compte, contre les Soviétiques. Les documents allemands illustrent amplement à quel point les autorités nazies considéraient le Banderabewegung comme une sérieuse force anti-allemande » (13).

Le prétendu antisémitisme de l’O.U.N. est une histoire encore plus compliquée et ambiguë dans la mesure où, d’une part, le ressentiment antijuif ou même l’hostilité à leur égard était un phénomène répandu chez nombre de nationalistes ukrainiens, d’autre part, ils ne considéraient pas les Juifs comme des ennemis principaux, primordiaux et hautement démonisés, mais les considéraient plutôt, pour la plupart d’entre eux, comme des alliés opportunistes et instrumentalisés des Polonais et des Soviétiques, considérés, eux, comme les véritables ennemis. Ce parti pris antijuif a certainement facilité l’implication de certains nationalistes dans des excès antijuifs mais, d’autre part, son caractère non-programmatique et non idéologique a laissé une place substantielle pour la coopération avec ces Juifs qui étaient considérés comme les nôtres, c’est-à-dire loyaux à la cause ukrainienne. À partir de là, quelques Juifs furent recueillis par les nationalistes et certains d’entre eux rejoignirent même les rangs de l’U.P.A. pour lutter conjointement contre les Allemands et les Soviétiques.

D’un point de vue normatif, ni la politique, ni l’idéologie de l’O.U.N. et de Bandera ne semblent acceptables de nos jours et susceptibles d’être mises en pratique de quelque manière que ce soit. C’est définitivement cette part de leur héritage qui doit être abandonné dans la mesure où « cela a peu de sens éthique aujourd’hui » (14) ou comme le souligne justement un autre historien, « au XXIe siècle, de telles vues semblent archaïques et dangereuses » (15).

Mais il y a une part supplémentaire de l’héritage de l’U.P.A. qui est aussi hautement obsolète dans l’Ukraine contemporaine. « Il s’agit du souvenir de ce sacrifice que beaucoup en Ukraine occidentale associent à Bandera et ne souhaitent pas voir oublié […] Comme toute personne intéressée par l’histoire de l’Ukraine soviétique le sait, […] les partisans combattant au nom de Bandera ont résisté à l’imposition de la loi stalinienne avec beaucoup de détermination. Ainsi, il semble y avoir une certaine logique politique binaire dans la décision de Iouchtchenko : glorifier Bandera, c’est rejeter Staline et toute prétention de Moscou d’étendre son pouvoir sur l’Ukraine » (16).

Alexander Motyl a souligné le problème avec encore plus d’acuité : « Les Ukrainiens contemporains, qui voient Bandera comme un héros, en font une célébrité, lui et l’implacable opposition de son mouvement à l’Union soviétique de 1939 à 1955. Personne ne considère les violences nationalistes contre les Polonais et les Juifs comme louables, mais quelques-uns les voient comme centrales pour ce que Bandera et les nationalistes représentent : un rejet de tout ce qui est soviétique, une répudiation des souillures anti-ukrainiennes, et une dévotion inconditionnelle à l’indépendance de l’Ukraine. Bandera et les nationalistes sont aussi vus comme l’antithèse des élites ukrainiennes corrompues, vénales et incompétentes qui ont mal gouverné l’Ukraine depuis les vingt dernières années. Bien sûr, cette lecture populaire de l’histoire ukrainienne est unilatérale et une prise en compte pleine et entière de ces questions engloberait à la fois les choses positives et négatives que Bandera et les nationalistes ont accomplies. Mais les lectures unilatérales de l’histoire ne sont pas du tout rares, surtout chez les nations non consolidées luttant pour préserver leur indépendance nouvellement acquise » (17).

Le dernier point est particulièrement important. Il suggère que l’Ukraine n’est pas juste une nation normale avec une identité fermement établie et un État solidement installé, qui choisit en apparence entre autoritarisme et démocratie, c’est-à-dire dans ce cas, entre un héritage crypto-fasciste incarné par Bandera et l’O.U.N. et les valeurs libérales démocratiques promues par l’U.E.

La réalité est un tantinet différente. L’État et la souveraineté ukrainiennes ne sont pas suffisamment consolidés face à un autoritarisme russe croissant, pas plus que l’identité ukrainienne aborigène n’est à l’abri des pressions culturelles et linguistiques des créoles dominant politiquement et économiquement et de leurs alliés de Moscou.

Aussi, pour les Ukrainiens, le véritable choix n’est pas entre une dictature nationaliste de style O.U.N. et une démocratie libérale style U.E. La majorité d’entre eux ont fait ce choix, il y a bien longtemps, et de fait personne, à part quelques marginaux, ne chante aujourd’hui les louanges des premiers, et rejette ces derniers. Le véritable choix s’établit entre la défense de la souveraineté nationale, la dignité et l’identité ou le renoncement à tout cela en faveur des Russes et/ou leurs auxiliaires créoles. Dans ces circonstances, la seconde part de l’héritage de Bandera reste pertinente, celle du patriotisme, de la souveraineté nationale, de l’esprit sacrificiel, de l’engagement idéaliste envers les valeurs et les objectifs communs.

Il est à remarquer que c’est exactement cette part de l’héritage de Bandera et de l’O.U.N./U.P.A. qui a été en premier lieu la cible des Soviétiques, comme Alexander Motyl nous le rappelle avec justesse : « La propagande soviétique a toujours diabolisé les nationalistes, pas pour leurs violations des droits de l’homme (après tout, qui étaient les Soviétiques pour se soucier des droits de l’homme après avoir inventé le Goulag ?), mais  à cause de leur opposition à la loi de Staline.

Les nationalistes ont perdu plus de 150 000 hommes et femmes alors qu’ils infligeaient plus de 30 000 morts aux troupes soviétiques et aux unités de police dans une période comprise entre 1944 et 1955. Des centaines de milliers de sympathisants nationalistes furent aussi déportés et emprisonnés au Goulag. Le mouvement de résistance nationaliste d’après-guerre bénéficia d’un large soutien de la part de la population d’Ukraine occidentale précisément à cause de leur ferme opposition au stalinisme et ses aspirations génocidaires. Au fil des ans, alors que la domination soviétique pesait de tout son poids, le soutien actif de la population s’amenuisa, mais les nationalistes de Bandera continuèrent à symboliser la cause de la libération nationale » (18).

Ceci pourrait être une bonne réponse à la question de John-Paul Himka qui se demande « pourquoi quelqu’un voudrait-il adopter l’héritage de ce groupe [O.U.N.] ? […] Devrions-nous payer pour leur legs (19) ? » Cela pourrait être également une juste explication pour savoir quelle part de l’héritage de Bandera, (et pourquoi), est si ardemment détestée, à la fois dans la Russie actuelle et dans l’Ukraine de Yanoukovytch. « La diabolisation soviétique des nationalistes engendra une image profondément enracinée dans les esprits, les dépeignant comme des assassins sauvages qui n’avaient aucun agenda politique, ni idéologique, excepté pour la mort et la destruction. Cette image s’enracina, par-dessus tout, dans les parties lourdement soviétisées de l’Ukraine de l’Est et du Sud, qui avaient servies de places fortes pour la domination du parti communiste. Les Russes et les russophones y donnèrent officiellement la réplique et insultèrent fréquemment les Ukrainiens conscients qui osaient parler leur propre langue en les dépeignant comme des Bandera.

Ce mot de Bandera, que les chauvinistes russes avaient utilisé comme un nom chargé d’opprobres, devint un terme laudateur, de la même manière que la lettre N chez les Afro-Américains […] » (20).

Pour le dire autrement, les termes de Bandera et de Banderistes dans le discours ukrainophobe idéologiquement chargé des soviétophiles dominants devinrent synonyme de n’importe quel Ukrainien auto-conscient, non-russifié et non-soviétisé, le métonyme d’un Vendredi désobéissant qui refuse de reconnaître la supériorité culturelle et politique du Robinson russe.

Un tel Ukrainien, ainsi que la dimension  nationale et libératrice (plutôt qu’autoritaire) de l’héritage de l’O.U.N. qui le rend indéfectiblement réfractaire, est ce qui irrite au plus haut point, à la fois les chauvinistes impériaux en Russie et leurs associés créoles en Ukraine.

Abandonner cet héritage dans l’Ukraine actuelle équivaudrait, non à accepter les valeurs européennes libérales démocratiques, comme les membres du Parlement européen pourraient le croire, mais plutôt à accepter la vision de l’histoire et de l’identité ukrainienne des colonisateurs.

Pour remettre de l’ordre dans tout ça, la partie aborigène de la société ukrainienne aurait peu d’intérêt à abandonner ses symboles nationalistes aussi longtemps que l’autre partie conserve ses propres symboles de la conquête et la domination coloniale, tous les Lénine et Staline, les Djerzinsky et Kirov, les Pierre et Catherine indubitablement grands, chéris et glorifiés.

Iaroslav Hrytsak a raison : « Nous devons reconnaître que la mémoire historique ukrainienne est profondément divisée, le fait est que nous et nos héritiers aurons à vivre avec pour un bon bout de temps […] Un pacte sur l’amnésie aurait pu être la meilleure solution politique pour notre pays, au moins le temps que nous achevions une transformation radicale […] Mais un tel pacte requiert une élite responsable et un arbitre de confiance honorable (en Espagne, il y a le roi). Encore, même si un quelconque miracle nous avait gratifié d’une telle élite et d’un tel arbitre, nous avons, à la différence des Espagnols, des voisins, Polonais, Russes, Juifs, qui ne nous permettraient pas d’oublier notre histoire […] Nous devrons probablement essayer d’élaborer une formule à l’anglo-saxonne qui permette la coexistence de différents éléments de mémoire historique parfois mutuellement incompatibles pour produire un consensus national, e pluribus unum […] (21). »

Jusqu’ici, cela pourrait être un vœu pieux dans la mesure où la Russie d’aujourd’hui acceptera difficilement toute altérité ukrainienne qui outrepasse le paradigme impérial. Mais Bruxelles pourrait être à l’écoute, ainsi que Varsovie. Ils doivent reconnaître le droit des petites nations fragilisées à posséder leur propre mémoire. Autrement, soutient Hrytsak, la mémoire européenne commune ne se résumerait simplement qu’à la domination des plus forts et des plus riches  sur les plus faibles et les plus pauvres. « Les nations mineures devraient avoir le droit d’honorer des héros pas toujours très orthodoxes et convenables, aussi longtemps qu’elle les célébreront, non comme des symboles de violence et de domination sur les autres peuples, mais comme des symboles de leur propre lutte pour la survie et la dignité. Dans le cas de Bandera, il est peu important de savoir s’il fut fasciste ou non, mais plutôt si les gens le célèbrent comme un fasciste ou en tant qu’autre.

Il est dans l’ordre des choses que les héros nationaux ne soient pas toujours impeccables. Les Indiens d’Amérique latine expriment de sérieuses réserves à l’égard de Christophe Colomb, et les Noirs peuvent tout à fait considérer George Washington comme un propriétaire d’esclaves, voire soupçonner d’arrière-pensées racistes de respectables hommes d’état américains ou européens. Les Tchétchènes ne verraient pas Jacques Chirac conférant la Grand-Croix de la Légion d’Honneur au président Poutine comme l’exemple d’un geste juste et honnête, comme les Palestiniens ne trouveraient rien d’héroïque aux appels de Ben Gourion pour “ expulser les Arabes et de prendre leur place, utiliser la terreur, l’assassinat, l’intimidation, la confiscation des terres et la coupure de tous les services sociaux pour débarrasser la Galilée de sa population arabe ”, et “ faire tout ce qui est possible pour s’assurer qu’ils (les réfugiés palestiniens) ne reviennent jamais » (22).

Mais il est aussi peu probable que les membres du Parlement européen pourraient un jour sommer les Israéliens de renommer leur principal aéroport ou pousser le conseil municipal de Barcelone à enlever le monument en l’honneur de Colomb, sans parler d’interdire la vente et le port de T-shirts à l’effigie de Che Guevara dans les pays de l’U.E., dans la mesure où ni l’idéologie totalitaire, ni l’activité terroriste de ce héros satisfait de près ou de loin aux valeurs européennes.

La vérité historique, dans la majorité des cas, est hautement complexe et ambiguë. L’histoire de Bandera, à cet égard, ne fait pas exception à la règle. Elle renferme à la fois des pages sombres et lumineuses. Et aucune d’elles ne doit être mésestimée ou exagérée. Plus important, aucune d’entre elles ne devrait être considérée en dehors de son contexte historique par rapport aux temps que nous vivons.

Mykola Riabtchouk

Notes

1 : Parlement européen, Résolution du 25 février 2010 sur la situation en Ukraine.

http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?type=TA&reference=P7-TA-2010-0035&language=FR&ring=P7-RC-2010-0116

2 : Lire l’article en ligne de Youri Pokaltchouk, « Les indépendantistes ukrainiens dans les camps de la mort nazis » sur :

http://www.ukraine-europe.info/ua/dossiers.asp?1181081152 (note du traducteur).

3 : Pétition # 251148. Appel solennel des Ukrainiens aux membres du Parlement européen au sujet de la diffamation de Stepan Bandera dans le texte de la résolution du Parlement européen datée du 25 février 2010 sur la situation en Ukraine;

http://www. n.org.ua/petition/detail.php?ELEMENT_ID=617

4 : Ukrayinska Pravda, 9 mars 2010;

http://blogs.pravda.com.ua/authors/tarasyuk/4b9652fbf3e28/

5 : « Yushchenko : European Parliament has ‘ historical complex ‘ with respect to Bandera », Interfax, 10 mars 2010;

http://www.interfax.com.ua/eng/main/33884/

6 : Bohdan Chervak, « Ukrayinske pytannia Yevroparlamentu », Ukrayinska Pravda, 3 mars 2010;

http://www.pravda.com.ua/columns/2010/03/3/4828199/

7 : Yaroslav Hrytsak, « Klopoty z pamyattiu », Zaxid.net, 8 mars 2010;

http://www.zaxid.net/article/60958/

8 : Andrzej Eliasz, « Polska – Ukraina : niewiadoma z Rosja w tle », Gazeta Wyborcza, 27 – 28 mars 2010, s. 22.

9 : Iryna Magdysh, « Ukrainians have right to honor their own heroes », Kyiv Post, 4 mars 2010;

http://www.kyivpost.com/news/opinion/op_ed/detail/61046/

10 : « Posol Polshchi : Ukrayinsko-polski vidnosyny matymut inshyi vidtinok », UNIAN, 24 mars 2010;

http://www.unian.net/ukr/news/news-369028.html

11 : Pawel Kowal, « Kryza prymusyt Ukrayinu zrobyty chitkyj vybir », Zaxid.net, 25 mars 2010;

http://www.zaxid.net/article/62297/

12 : Alexander Motyl, « Ukraine, Europe, and Bandera », Cicero Foundation Great Debate Paper, n° 10/05 (mars 2010), p. 6;

http://www.cicerofoundation.org/lectures/Alexander_J_Motyl_Ukraine_Europe_and_Bandera.pdf.

Traduction ukrainienne: http://zgroup.com.ua/article.php?articleid=3777

13 : Ibid. Le lecteur pourra aussi se référer utilement à l’ouvrage de Wolodymyr Kosyk, L’Allemagne nationale-socialiste et l’Ukraine, Publications de l’Est Européen, Paris, 1986, et consulter du même auteur l’article en ligne concernant « La lutte des nationalistes ukrainiens contre les Nazis » :

http://www.ukraine-europe.info/ua/dossiers.asp?1181081094 (note du traducteur).

14 : Timothy Snyder, « A Fascist Hero in Democratic Kiev », New York Review of Books, 24 février 2010;

http://blogs.nybooks.com/post/409476895/a-fascist-hero-in-democratic-kiev

15 : David Marples, « Yushchenko erred in honouring Bandera », Edmonton Journal, 10 février 2010;

http://www.edmontonjournal.com/news/Yushchenko+erred+honouring+Bandera/2533423/story.html

16 : Timothy Snyder, art.cit.

17 : Motyl, « Ukraine… », art. cit., p. 9.

18 : Id., p. 8.

19 : John-Paul Himka, « Should Ukrainian Studies Defend the Heritage of O.U.N. – U.P.A. ? », lettre ouverte diffusée le 10 février 2010.

20 : Motyl, art. cit. p. 8.

21 : Hrytsak, « Klopoty… », art. cit.

22 : Michael Bar Zohar, Ben-Gurion : the Armed Prophet, Prentice-Hall, 1967, p. 157. Voir également  Ben Gurion and the Palestine Arabs, Oxford University Press, 1985, et David Ben Gurion to the General Staff : Ben-Gurion. A Biography par Michael Ben-Zohar, Delacorte, New York 1978. Je remercie spécialement Steven Velychenko pour la bibliographie fournie

• Traduit de l’anglais par Pascal G. Lassalle pour Theatrum Belli et d’abord mis en ligne sur ce site le 11 mai 2010.

Stepan Bandera (1909-1959)

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Stepan Bandera (1909-1959)

par Pascal G. LASSALLE

Ex: http://www.europemaxima.com/

Il y a cinquante ans, le 15 octobre 1959, le nationaliste ukrainien Stepan Bandera, était assassiné à Munich par un agent du K.G.B.

 

Né le 1er janvier 1909 en Galicie (Ukraine occidentale), alors sous domination autrichienne, d’un père prêtre grec-catholique (uniate), le jeune Stepan a grandi dans une atmosphère de patriotisme et de culture nationale ukrainienne.

 

Conjointement à ses études secondaires, il devint membre du mouvement scout patriotique Plast et milita dans un groupe de jeunes nationalistes. En 1927, muni de l’équivalent du baccalauréat, il entra à l’Institut agronomique de Lviv.

 

Dans une Galicie sous administration polonaise, objet d’une violente politique d’assimilation et de « pacification » de la part de Varsovie, il adhéra à l’Organisation militaire ukrainienne (U.V.O.) du colonel Yevhen Konovalets, vivier de jeunes activistes dans laquelle il rencontra des hommes comme Yaroslav Stetsko ou Roman Choukhevytch.

 

À partir de 1929, il devint membre de la toute nouvelle Organisation des nationalistes ukrainiens (O.U.N.) dont il gravit rapidement les échelons hiérarchiques jusqu’à prendre la tête de l’exécutif de l’organisation en Ukraine occidentale.

 

Au sein de cette structure politique marquée par le nationalisme intégral de l’idéologue Dmytro Dontsov, il organisa un attentat contre le consul soviétique Maylov à Lviv (1933), puis ordonna l’exécution du ministre polonais de l’Intérieur Bronislaw Pieracki (1934), sanglant « pacificateur » de la Galicie et de la Volhynie.

 

Arrêté et condamné à mort, sa peine fut commuée en emprisonnement à vie.

 

Libéré au moment de l’invasion allemande de la Pologne en septembre 1939, il s’opposa à la ligne suivie par le dirigeant de l’O.U.N., Andriy Melnyk, qui avait pris la tête de l’organisation après l’assassinat de Konovalets par un agent de Staline.

 

Représentant les combattants de l’intérieur, Bandera, Stetsko et Choukhevytch contestèrent vivement la ligne suivie par les dirigeants émigrés, refusant notamment un alignement sur l’Allemagne et exigeant une intensification de la lutte contre les Soviétiques.

 

La rupture intervint dès février 1940 avec la création d’une branche révolutionnaire de l’organisation, l’O.U.N.-B. (B pour Bandera, qui adopta notamment le drapeau aux bandes rouges et noires) désormais distincte et souvent rivale de l’O.U.N.-M. (Melnyk).

 

Circonspects vis-à-vis des Allemands, Bandera et ses partisans n’en négocièrent pas moins auprès de la Wehrmacht, la formation d’une Légion ukrainienne de 680 hommes constituée des bataillons Nachtigall et Roland.

 

L’O.U.N.-B. se prépara à prendre le pouvoir en Ukraine avec ou sans l’assentiment des Allemands : au moment de l’offensive hitlérienne de juin 1941 contre l’U.R.S.S., 5 000 à 8 000 éléments de l’organisation s’infiltrèrent en Ukraine soviétique.

 

Le 30 juin 1941 à Lviv, les représentants de l’O.U.N.-B. proclamèrent unilatéralement un État ukrainien indépendant sous la direction de Yaroslav Stetsko. Quelques jours plus tard, Bandera et nombre de ses partisans furent arrêtés par les Allemands chez lesquels avait prévalu la ligne raciste et pangermaniste défendue par Hitler et ses exécutants, dont le sinistre Erich Koch, futur commissaire du Reich pour l’Ukraine.

 

Transféré à Berlin, Bandera fut ensuite interné au camp de concentration de Sachsenhausen jusqu’en septembre 1944. Dès lors il refusa de s’associer au Comité national ukrainien créé avec l’aval des Allemands et entra dans la clandestinité alors qu’en Ukraine même, les résistants nationalistes de l’Armée insurrectionnelle ukrainienne (U.P.A.) dirigée par Roman Choukhevytch, menaient un combat désespéré contre l’Armée rouge, après avoir lutté contre les nazis.

 

Après 1945, il resta en R.F.A. où il devint président de l’O.U.N.-B. en exil, mobilisa la diaspora et coordonna la résistance des derniers noyaux de l’U.P.A. jusqu’au début des années cinquante.

 

Très actif, il édita de nombreuses publications et suscita la création du Bloc antibolchevik des nations (A.B.N.).

 

Bête noire des Soviétiques qui redoutaient plus que jamais l’action des Bandéristes et autres « nationalistes bourgeois » ukrainiens, il fut l’objet de multiples attentats jusqu’à ce jour fatal d’octobre 1959 (1).

 

Aujourd’hui, la figure de Bandera reste éminemment controversée.

 

Honoré dans la diaspora et en Ukraine de l’Ouest (plusieurs monuments ont été érigés à Lviv, Ivano-Frankivsk ou Ternopil), il suscite des sentiments beaucoup plus mitigés dans le reste du pays qui vont jusqu’à la franche hostilité tant les effets d’une propagande soviétique mensongère ont porté leurs fruits.

 

Ces mensonges et contrevérités continuent à êtres véhiculés par les nostalgiques du communisme, mais aussi par le Kremlin.

 

Dénonçant, surtout depuis la « Révolution Orange », l’« instrumentalisation de l’Histoire à des fins politiques », les multiples atteintes à l’« Histoire commune » (comprendre l’historiographie russo-soviétique, hégémonique en Occident qui englobe le « petit frère » ukrainien et lui dénie toute histoire propre) et la « réhabilitation des collaborateurs des nazis » en Ukraine, le pouvoir russe actuel sacrifie en fait à une tradition moscovite immuable, celle de vouer aux gémonies toutes les figures et événements historiques qui rappellent au monde entier que les Ukrainiens ne sont pas des Russes et qu’ils n’ont jamais cessé, comme l’affirmait Voltaire, de lutter obstinément pour leur liberté et la reconnaissance de leur identité.

 

Pascal G. Lassalle

 

Note

 

1 : Il n’existe à ce jour aucune biographie en français sur Bandera. L’histoire du nationalisme ukrainien reste encore une terra incognita dans notre pays.

 

Christophe Dolbeau a rédigé un formidable outil de travail et de mémoire avec son Petit dictionnaire des résistances nationales à l’Est de l’Europe, 1917 – 1989 face au bolchevisme (Éditions Artic, Paris, 2006) dans lequel on trouve une partie très complète sur l’Ukraine.

 

L’ouvrage de l’Italien Alberto Rosselli, La résistance antisoviétique et anticommuniste en Europe de l’Est de 1944 à 1956, a enfin été traduit en français aux Éditions Akribeia (Saint-Genis-Laval, 2009) avec un bon chapitre consacré à la lutte de l’U.P.A.

 

Roland Gaucher a également parlé du combat des nationalistes ukrainiens dans son ouvrage L’opposition en U.R.S.S. 1917 – 1967 (Albin Michel, Paris, 1967).

 

Le journaliste Patrice de Plunkett (sous le pseudonyme de Patrick Louth) a aussi évoqué la lutte du chef de l’O.U.N.-B. dans le tome 2 de l’ouvrage collectif Les survivants de l’aventure hitlérienne (Éditions Famot, Genève, 1975), titre d’ailleurs très équivoque qui peut contribuer à entretenir la controverse sur l’action du chef nationaliste.

 

Le lecteur intéressé pourra, le cas échéant, se référer à l’énorme fond documentaire de la Bibliothèque ukrainienne Symon-Petlura au 6, rue de Palestine dans le XIXe arrondissement de Paris.

 

Notons également que le cinéaste ukrainien Oles Yanchuk a évoqué la dernière période de la vie de Stepan Bandera dans un long-métrage réalisé en 1995, L’attentat, un meurtre automnal à Munich (Attentat, ossinnye vbystvo v Miounkheni / Assassination, an autumn murder in Munich).

 

• Mis en ligne sur Novopress, le 15 octobre 2009.

Stepan Bandera (1909 - 1959)

vendredi, 28 mai 2010

Sur le Pacte germano-soviétique

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1990

Sur le Pacte germano-soviétique

 

Ingeborg FLEISCHHAUER, Der Pakt. Hitler, Stalin und die Initiative der deutschen Diplomatie 1938/39,  Ull­stein, Berlin, 1990, 552 S., DM 48, ISBN 3-550-07655-X.

 

Parmi les publications et prises de position à l'occasion du cinquantième anniversaire du fa­meux traité germano-soviétique de l'été 1939, peu ont mis l'accent sur les prémisses de ce «pacte dia­bolique». L'historienne Ingeborg Fleischauer (Université de Bonn), spécialiste des relations germano-russes, a été la première Occidentale à pouvoir consulter certaines archives et pièces ori­ginales soviétiques. Ce qui lui a permis de retracer plus minutieusement que ses prédécesseurs la gé­néalogie du «pacte». Elle en déduit que l'initiative de renouer de bonnes relations entre le Reich et la Russie venait surtout d'Allemagne et principale­ment dans la période qui a suivi Munich. Outre les archives russes, Ingeborg Fleischhauer a aussi compulsé un maximum de sources occidentales et interrogé les derniers témoins. Parmi les docu­ments analysés pour la première fois, il y a la cor­respondance privée du dernier ambassadeur alle­mand à Moscou, le Comte Friedrich Werner von der Schulenburg, dont le rôle n'a pas encore été évalué à sa juste mesure. La thèse personnelle d'Ingeborg Fleischhauer est de dire que l'initiative provient, non pas de Hitler ou de Staline, mais des milieux professionnels de la diplomatie allemande. L'historienne compte quatre étapes dans la gesta­tion du «pacte»: 1) d'octobre 1938 à fin janvier 1939, où l'on assiste à un renforcement des rela­tions commerciales bilatérales entre les deux puis­sances; 2) de février 39 au 10 mai 39, où les rela­tions bilatérales cessent d'être strictement com­merciales et se politisent lentement, malgré la désapprobation soviétique (surtout Litvinov) de l'occupation de la Bohème par les troupes de Hit­ler. Malgré l'annexion de ce territoire slave, une nouvelle génération de diplomates soviétiques ac­cepte le fait accompli qui contribue à déconstruire le cordon sanitaire occidental, mis en place pour tenir et l'Allemagne et l'URSS en échec; 3) de mai 39 au 20 août; les initiatives allemandes, quali­fiées de néo-bismarckiennes, se multiplient, jus­qu'à l'offre du pacte de non-agression du 17 août; 4) du 20 au 23 août 1939, avec le voyage de Rib­bentrop à Moscou et la signature du «pacte».

 

En bref, un ouvrage d'une exceptionnelle minutie que doivent posséder et lire tous ceux qui veulent comprendre la dynamique de notre siècle.

 

lundi, 24 mai 2010

Omar Torrijos, een Panamees solidarist

Omar Torrijos, een Panamees solidarist

Aan het begin van de 20ste eeuw was Panama nog een gewone Colombiaanse provincie. Nadat Frankrijk in de jaren 1880 met ingenieur Ferdinand de Lesseps tevergeefs gepoogd had om een kanaal door de Panamese landengte te graven, eiste de VS in de eerste jaren van de 20ste eeuw dat Colombia deze landengte zou overdragen aan een Amerikaans consortium, zodat een kanaal kon gegraven worden om de Atlantische en Stille Oceaan te verbinden. Toen Colombia dit weigerde, stuurde de Amerikaanse president Theodore Roosevelt in 1903 oorlogschepen, die troepen aan land zetten in Panama. Hierdoor werd deze Colombiaanse provincie in november 1903 tegen haar wil ‘onafhankelijk’ gemaakt en installeerde de VS een marionettenregime van oligarchen.

Amper 2 weken later werd in het Witte Huis te Washington een verdrag ondertekend tussen Amerikaans Minister van Buitenlandse Zaken John Hay en de Franse ingenieur Philippe-Jean Bunau-Varilla, die betrokken was bij de mislukte Franse poging om een kanaal te graven én tevens een van de aanstichters van de afscheiding was geweest. Bij dat verdrag waren géén vertegenwoordigers van Panama betrokken en werd een zone van 8,1 km breed aan weerszijden van het kanaal – 1432 km² – “voor eeuwig” tot Amerikaans eigendom verklaard. Dit werd de Panamakanaalzone, waarvan Balboa de hoofdstad was. Verder stipuleerde dit verdrag dat de VS ten allen tijde militair mochten interveniëren in Panama. Aldus kon de VS starten met de bouw van het met Amerikaans kapitaal gefinancierde Panamakanaal, dat in 1914 klaar was.

 

Tot 1968 werd Panama geregeerd door een oligarchie van rijke families met nauwe banden met Washington. Dit waren liberaal-kapitalistische dictators die er op toezagen dat hun land de belangen van de VS bleef dienen. Voorts ondersteunden ze ook de CIA en de NSA, evenals grote Amerikaanse multinationals zoals Standard Oil van Rockefeller en United Fruit Company van George Bush sr. (die toen Amerikaans ambassadeur bij de VN was). United Fruit Company was één van de grootste en meest onderdrukkende landeigenaren in Centraal-Amerika en had een nauwelijks verhuld bondgenootschap met de CIA en de Centraal-Amerikaanse legers. Deze bananenmultinational werd vanwege zijn onaantastbare politieke en economische invloed in Centraal-Amerika ‘El Pulpo’ (de octopus) genoemd. Na diverse fusies en naamsveranderingen heet het bedrijf sinds 1984 Chiquita Brands International. Markant is ook nog dat deze multinational in 2007 in de VS veroordeeld werd tot een boete van 25 miljoen dollar wegens het financieel ondersteunen van een terroristische organisatie in Colombia …

 

Het kwam bij de Panamese oligarchen niet op om het lot van de gewone Panamezen te verbeteren, die in schrijnende armoede leefden of de facto slavenarbeid moesten doen op de grote Amerikaanse plantages en bedrijven in Panama. Als dank intervenieerde de VS een tiental keer in Panama om hen aan de macht te houden. Met het afzetten van Arnulfo Arias, Panama’s laatste dictator, en het aan de macht komen van Torrijos in 1968 nam Panama’s triestige geschiedenis plots een radicaal andere wending.

Omar Torrijos (1929-1981) was president van Panama van 1968 tot zijn dood bij een mysterieus vliegtuigongeval in 1981. Hij werd geboren als zesde in een gezin van 12 kinderen in de plattelandsstad Santiago, waar zijn ouders leerkracht waren op een school. De jonge Omar bemachtigde tijdens zijn secundair onderwijs een studiebeurs voor de militaire academie in El Salvador, waar hij het tot luitenant bracht. In 1952 trad Torrijos toe tot de Nationale Garde, de elite-eenheid van het Panamese leger, en promoveerde in 1956 tot kapitein. Hij mocht verder studeren aan de School of the Americas (cfr. infra) in de Panamakanaalzone. In 1966 werd Torrijos tot luitenant-kolonel benoemd. De Nationale Garde verwierf in de jaren 1960 steeds meer steun onder de arme Panamezen.

 

Door de militaire coup van 1968 werd dictator Arnulfo Arias in ballingschap naar Miami gestuurd en werd Omar Torrijos president, hoewel hij niet actief deelgenomen had aan de coup. Na zijn overwinning in de interne machtsstrijd met kolonel Boris Martinez en het overleven van een mislukte staatsgreep door andere officieren vestigde Torrijos zijn macht door het opheffen van alle politieke partijen, het uitschakelen van progressieve amokmakers en het verslaan van de guerrilla’s in West-Panama.

President Omar Torrijos tussen zijn volk.

De Panamezen beschouwden Torrijos als de eerste Panamese president die effectief het arme, Spaanssprekende volk vertegenwoordigde, want net zoals nu bij ons was ook de Panamese politieke en economische elite volledig vervreemd van het volk. Deze oligarchie sprak zelfs Engels in plaats van Spaans. President Torrijos luisterde daarentegen naar de berooiden, liep door hun sloppenwijken, hield bijeenkomsten in achterbuurten waar de ‘democratische’ politici niet durfden komen, hielp werklozen aan werk en gaf ondanks zijn beperkte financiële middelen vaak geld aan door ziekte of onheil getroffen gezinnen.

 

President Torrijos introduceerde een reeks sociaal-economische hervormingen om de armoede terug te dringen en focuste verder in het bijzonder op het strategische Panamakanaal. Hij was een fel verdediger van Panama’s soevereiniteit en van Panama’s aanspraken op het Panamakanaal en was tevens vastbesloten om de smadelijke valkuilen, waarin zijn land voordien getrapt was, te vermijden. Tot Torrijos’ machtsovername kampte de Amerikaanse satellietsstaat Panama immers met politieke instabiliteit.

 

Torrijos’ medeleven met zijn volk verspreidde zich tot ver buiten Panama. Hij wou van Panama een toevluchtsoord voor politiek vervolgden van beide politieke zijden maken. Daarnaast spande hij zich in om een eind te maken aan de verdeeldheid die veel Latijns-Amerikaanse landen verscheurde. Heel Latijns-Amerika beschouwde Torrijos als een voorvechter van vrede en zwaaide hem daarvoor lof toe. Zijn kleine volk van 2 miljoen mensen diende als model van sociale hervormingen en als een inspirerend voorbeeld voor veel wereldleiders, zoals Moammar Kadhafi van Libië.

 

De charismatische en moedige Torrijos stónd voor zijn ideeën: Panama was voor de eerste keer in zijn geschiedenis geen marionet van Washington en ook de verleidelijke aanbiedingen van Moskou en Peking sloeg hij af. Hij geloofde immers wel in sociale hervormingen en het bieden van hulp aan de armen, maar zag géén heil in het communisme. In tegenstelling tot Fidel Castro wou Torrijos zijn land bevrijden van de VS zonder allianties aan te gaan met de vijanden van de VS. Dat moest overigens ook wel, want rondom het strategisch zeer belangrijke Panamakanaal zou het Amerikaanse wereldrijk nooit een ‘tweede Cuba’ hebben laten tot stand komen.

 

De arrogante houding van de VS tegenover de rest van de wereld gaat terug op de Monroe-leer, die in 1823 geproclameerd werd door president James Monroe. In de jaren 1840 bouwde het Manifest Destiny daarop verder: de verovering van Noord-Amerika, de daarbijhorende vernietiging van de Indianen, bizons, bossen, … en de ontwikkeling van een economie die gebaseerd is op permanente uitbuiting van arbeiders en natuurlijke hulpbronnen zou Gods wil geweest zijn. Op basis hiervan werd de volgende 2 decennia verklaard dat de VS bijzondere rechten hadden op het héle Amerikaanse continent, waaronder het recht om militair tussen te komen in Latijns-Amerikaanse landen die weigerden zich te schikken naar de Amerikaanse wil. President Theodore Roosevelt beriep zich hier dan ook op om zijn militaire interventies in Caraïbische eilandstaten en Venezuela en de ‘bevrijding’ van Panama te rechtvaardigen. Ook zijn opvolgers Taft, Wilson en Franklin Roosevelt steunden er zich op om de macht der VS in heel Latijns-Amerika uit te breiden. Na de Tweede Wereldoorlog zwaaiden de Amerikanen met een – meestal vermeende – ‘communistische dreiging’ om dit interventieconcept uit te breiden tot álle landen in de wereld.

 

President Torrijos was na Castro en Allende de derde Latijns-Amerikaanse leider om de Amerikaanse langetermijnoverheersing om te buigen, doch hij was de enige van hen die zich níet aansloot bij een communistische ideologie én die tevens zijn beweging niet als revolutionair promootte. Hij stelde simpelweg dat Panama eigen rechten had op soevereiniteit over zijn volk, zijn grondgebied én op het Panamakanaal, evenals dat deze rechten net zo van God gegeven waren als die van de VS. Verder kantte hij zich sterk tegen de School of the Americas en het Amerikaanse opleidingscentrum voor tropische oorlogsvoering in de Kanaalzone. De VS leidde daar immers jarenlang Latijns-Amerikaanse militairen en bestuurders op in verhoortechnieken, het uitvoeren van geheime operaties en militaire tactieken om tegen guerrilla’s te strijden en om hun bezittingen en die van multinationals te beschermen. Daarnaast konden zij daar ook relaties opbouwen met hoge Amerikaanse militairen. De Amerikanen trainden er dus de liberaal-totalitaire doodseskaders en de beulen die in veel Latijns-Amerikaanse landen pro-Amerikaanse kapitalistische regimes in het zadel hielden. Torrijos maakte de VS duidelijk dat hij deze opleidingscentra weg wou uit de Kanaalzone én dat hij die Kanaalzone als Panamees grondgebied beschouwde.

 

Tot aan Torrios’ aantreden telde Panama meer internationale banken dan gelijk welk ander Latijns-Amerikaans land, waardoor Panama het ‘Zwitserland van Amerika’ werd genoemd. Klanten werden er niet veel vragen gesteld. De Kanaalzone stond vol met enorme gebouwen, keurige gazons, prachtige huizen, golfbanen, winkels, rechtbanken, scholen en bedrijven, die allemaal Amerikaans bezit waren en vrijgesteld waren van de Panamese wetgeving en fiscaliteit. Net daarbuiten crepeerden de arme Panamezen in hun krottenwijken. De Kanaalzone was met andere woorden een (rijk) land in een (arm) land.

 

Belangrijk was dat Torrijos zich nadrukkelijk bleef distantiëren van de USSR, China en Cuba en een eigen, zelfstandige, Panamese weg wou bewandelen. Eén die de rechten der armen wou garanderen. Uiteraard wist hij ook dat de aangeboden Amerikaanse ontwikkelingshulp een schijnvertoning was: de bedoeling was hém rijk te maken en zijn land op te zadelen met enorme schulden, zodat Panama voor eeuwig in de greep van de VS, Wall Street en de multinationals zou blijven. Torrijos besefte dat zijn weigering om zijn volk te verkopen aan deze buitenlandse machten zou gezien worden als een bedreiging, omdat dit tot de teloorgang van het corrupte systeem van ontwikkelingshulp zou leiden.

 

In 1977 slaagde Torrijos er na jarenlange onderhandelingen met de Amerikaanse president Carter over het Panamakanaal in om het Torrijos-Carterverdrag te sluiten. Heel de wereld had met grote belangstelling naar deze onderhandelingen gekeken: zou de VS doen wat de rest van de wereld als rechtvaardig beschouwde en dus het kanaal overdragen aan Panama óf zou de VS zijn mondiaal interventieconcept proberen herstellen? Torrijos’ daden hadden immers gevolgen die veel verder reikten dan Panama en de geschiedenis van Latijns-Amerika wemelt van de dode helden: een systeem dat gebaseerd is op het omkopen van politieke leiders heeft immers een hekel aan politieke leiders die weigeren zich te laten omkopen. De Panamese president had daarom de druk op de VS opgevoerd door publiekelijk te suggeren dat de Amerikaanse geheime diensten van plan waren om hoge Panamese militairen om te kopen om de onderhandelingen te saboteren. En Torrijos kreeg het Panamakanaal inderdaad terug: met het Torrijos-Carterverdrag verkreeg Panama dat in 1979 de Panamakanaalzone gezamenlijk eigendom werd van de VS en Panama. Tevens zou Panama in 2000 de volledige eigendom in handen zou krijgen. De VS mocht echter wel het Panamakanaal blijven ‘beschermen’.

 

In zijn in 1997 verschenen boek ‘America’s Prisoner’ onthulde Torrijos’ opvolger Manuel Noriega, die toen door de Amerikanen gevangen gehouden werd na de illegale Amerikaanse bezetting van Panama in 1989, dat Torrijos het militaire plan ‘Huele a quemado’ – Vrij vertaald: ‘Het ruikt hier aangebrand’ – klaar had om het Panamakanaal te saboteren indien het Torrijo-Carterverdrag niet geratificeerd werd door het Amerikaanse parlement, zodat het kanaal voor de Amerikanen voor lange tijd onbruikbaar zou zijn. Torrijos had in de jaren 1970 inderdaad steeds gewezen op de mogelijkheid van ‘een’ – zonder te specifiëren dat deze van Panamese zijde kon uitgaan – aanslag op het kanaal om de VS te tonen dat het hem menens was. Daartoe waren Panamese militairen, explosievenexperts en duikers enkele maanden vermomd als boeren en vissers geïnfiltreerd in de Kanaalzone om de aanval op het kanaal en op de Panama-Colón-spoorweg voor te bereiden. Zij zouden tot actie overgaan na een geheime melding in code in een radioprogramma. Toen bekend raakte dat het Amerikaans parlement het verdrag had goedgekeurd, werd de operatie afgeslast.

 

In de jaren 1970 vatte Torrijos het plan op om een nieuw Panamakanaal aan te leggen, op zeeniveau en zonder sluizen (in tegenstelling tot het bestaande Panamakanaal), dat grotere schepen zou aankunnen. Aangezien Japanse bedrijven de belangrijkste klanten van het Panamakanaal waren, had Torrijos Japanse investeerders bereid gevonden om dit project te financieren. Dit hield uiteraard ook in dat het nieuwe kanaal door Japanse bedrijven zou gebouwd worden, waardoor dan weer het dan in Panama actieve Amerikaanse bouwbedrijf Bechtel buiten spel zou komen te staan. Dit was één van de grootste bouwondernemingen ter wereld én het wemelde er van de vriendjes van Nixon, Ford en George Bush sr., waardoor de nauwe band van Bechtel met de Republikeinse Partij buiten kijf stond. Daarnaast betekende dit project voor een nieuw Panamakanaal tevens dat de VS nog vóór het jaar 2000 zouden zijn uitgespeeld in Panama. Het hoeft geen betoog dat dit uiteraard zeer slecht werd onthaald in de VS.

 

Het vliegtuigongeluk in 1981 waarbij Torrijos omkwam, rook dan ook bijzonder sterk naar een moordaanslag door de Amerikaanse geheime diensten en leidde in 1991 tot een rechtszaak in Miami. Torrijos’ opvolger Noriega, kon met documenten aantonen dat er Amerikaanse pogingen geweest waren om én president Torrijos én zijn opvolger Noriega te vermoorden, doch de Amerikaanse overheid slaagde er met juridische trucs in om dit bewijsmateriaal niet toe te laten in de rechtszaak. Ex-NSA-agent John Perkins schreef in zijn in 2004 verschenen boek ‘Bekentenissen van een economische huurmoordenaar’ dat de CIA Torrijos’ vliegtuig opblies met een bom die in een bandrecorder aan boord gebracht was. En de reden was inderdaad Torrijos’ verregaande contacten met Japanse zakenlui die een nieuw en groter Panamakanaal wilden financieren én aanleggen.

De les die we uit Torrijos’ solidaristische beleid kunnen trekken, is dat het mogelijk is om ons te ontworstelen aan de greep van grootmachten, multinationals en internationale bankiers en om te doen wat er moet gedaan worden voor ons volk: het voeren van een rechtvaardig en sociaal beleid.

 

Dit artikel verscheen in Confiteor!, jg.1, nr.2, Lente 2010

jeudi, 20 mai 2010

Alfred Thayer Mahan (1840-1914)

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1992

Alfred Thayer MAHAN (1840-1914)

 

Mahan.jpgAmiral, historien et professeur à l'US Naval Academy, Alfred Thayer Mahan est né le 27 septembre 1840 à West Point, où son père enseignait à l'Académie militaire. Il fréquente l'US Naval Academy d'Annapolis, sert l'Union pendant la Guerre de Sécession et entame une carrière de professeur d'histoire et de stratégie navales. De 1886 à 1889, il préside le Naval War College. De 1893 à 1895, il commande le croiseur Chicago dans les eaux européennes. Il sert à l'état-major de la marine pendant la guerre hispano-américaine de 1898. En 1902, il est nommé Président de l'American Historical Association.  Il meurt à Quogue, dans l'Etat de New York, le 1 décembre 1914. L'œuvre de Mahan démontre l'importance stratégique vitale des mers et des océans. Leur domination permet d'accèder à tous les pays de la planète, parce que la mer est res nullius, espace libre ouvert à tous, donc surtout à la flotte la plus puissante et la plus nombreuse. Le Sea Power,  tel que le définit Mahan, n'est pas exclusivement le résultat d'une politique et d'une stratégie militaires mais aussi du commerce international qui s'insinue dans tous les pays du monde. Guerre et commerce constituent, aux yeux de Mahan, deux moyens d'obtenir ce que l'on désire: soit la puissance et toutes sortes d'autres avantages. Ses travaux ont eu un impact de premier ordre sur la politique navale de l'empereur allemand Guillaume II, qui affirmait «dévorer ses ouvrages».

 

The Influence of Sea Power upon History 1660-1783  (L'influence de la puissance maritime sur l'histoire 1660-1783),  1890

 

Examen général de l'histoire européenne et américaine, dans la perspective de la puissance maritime et de ses influences sur le cours de l'histoire. Pour Mahan, les historiens n'ont jamais approfondi cette perspective maritime car ils n'ont pas les connaissances navales pratiques nécessaires pour l'étayer assez solidement. La maîtrise de la mer décide du sort de la guerre: telle est la thèse principale de l'ouvrage. Les Romains contrôlaient la mer: ils ont battu Hannibal. L'Angleterre contrôlait la mer: elle a vaincu Napoléon. L'examen de Mahan porte sur la période qui va de 1660 à 1783, ère de la marine à voile. Outre son analyse historique extrêmement fouillée, Mahan nous énumère les éléments à garder à l'esprit quand on analyse le rapport entre la puissance politique et la puissance maritime. Ces éléments sont les suivants: 1) la mer est à la fois res nullius  et territoire commun à toute l'humanité; 2) le transport par mer est plus rapide et moins onéreux que le transport par terre; 3) les marines protègent le commerce; 4) le commerce dépend de ports maritimes sûrs; 5) les colonies sont des postes avancés qui doivent être protégés par la flotte; 6) la puissance maritime implique une production suffisante pour financer des chantiers navals et pour organiser des colonies; 7) les conditions générales qui déterminent la puissance maritime sont la position géographique du territoire métropolitain, la géographie physique de ce territoire, l'étendue du territoire, le nombre de la population, le caractère national, le caractère du gouvernement et la politique qu'il suit (politiques qui, dans l'histoire, ont été fort différentes en Angleterre, en Hollande et en France). Après avoir passé en revue l'histoire maritimes des pays européens, Mahan constate la faiblesse des Etats-Unis sur mer. Une faiblesse qui est due à la priorité que les gouvernements américains successifs ont accordé au développement intérieur du pays. Les Etats-Unis, faibles sur les océans, risquent de subir un blocus. C'est la raison pour laquelle il faut développer une flotte. Telle a été l'ambition de Mahan quand il militait dans les cercles navals américains.

 

The Influence of Sea Power upon the French Revolution and Empire, 1793-1812 (L'influence de la puissance maritime sur la Révolution française et l'Empire français, 1793-1812),  2 vol.,  1892

 

Ce livre d'histoire maritime est la succession du précédent. Il montre comment l'Angleterre, en armant sa marine, a fini par triompher de la France. En 1792, l'Angleterre n'est pas du tout prête à faire la guerre ni sur terre ni sur mer. En France, les révolutionnaires souhaitent s'allier à l'Angleterre qu'ils jugent démocratique et éclairée. Mais, explique Mahan, cet engouement des révolutionnaires français ne trouvait pas d'écho auprès des Anglais, car la conception que se faisaient ces derniers de la liberté était radicalement différente. Pour Mahan, conservateur de tradition anglo-saxonne, l'Angleterre respecte ses traditions et pratique la politique avec calme. Les révolutionnaires français, eux, détruisent toutes les traditions et se livrent à tous les excès. La rupture, explique le stratège Mahan, survient quand la République annexe les Pays-Bas autrichiens, s'emparent d'Anvers et réouvrent l'Escaut. La France révolutionnaire a touché aux intérêts de l'Angleterre aux Pays-Bas.

Le blocus continental, décrété plus tard par Napoléon, ne ruine pas le commerce anglais. Car en 1795, la France avait abandonné toute tentative de contrôler les océans. Dans son ouvrage, Mahan analyse minutieusement la politique de Pitt, premier impulseur génial des pratiques et stratégies de la thalassocratie britannique.

(Robert Steuckers).

- Bibliographie: The Gulf and Inland Waters, 1885; The Influence of Sea Power upon History, 1660-1783, 1890; The Influence of Sea Power upon French Revolution and Empire, 1783-1812,  1892; «Blockade in Relation to Naval Strategy», in U.S. Naval Inst. Proc., XXI, novembre 1895, pp. 851-866; The Life of Nelson. The Embodiment of the Sea Power of Great-Britain, 1897; The Life of Admiral Farragut, 1892; The Interest of America in Sea Power, present and future, 1897; «Current Fallacies upon Naval Subjects», in Harper's New Monthly Magazine, XCVII, juin 1898, pp. 44-45; Lessons of the War with Spain and Other Articles, 1899; The Problem of Asia and its Effect upon International Politics, 1900; The Story of War in South Africa, 1900; Types of Naval Officers, 1901; «The Growth of our National Feeling», in World's Work,  février 1902, III, pp. 1763-1764; «Considerations Governing the Disposition of Navies», in The National Review,  XXXIX, juillet 1902, pp. 701, 709-711; Sea Power and its Relations to the War of 1812, 1905; Some Neglected Aspects of War, 1907; From Sail to Steam: Recollections of Naval Life, 1907; The Harvest Within, 1907 (expression des sentiments religieux de Mahan); The Interest of America to International Conditions, 1910; Naval Strategy, compared and contrasted with the Principles of Military Operations on Land,  1911; The Major Operations of the Navies in the War of American Independance,  1913; «The Panama Canal and Distribution of the Fleet», in North American Review,  CC, sept. 1914, pp. 407 suiv.

- Traductions françaises: L'influence de la puissance maritime dans l'histoire, 1660-1783,  Paris, Société française d'Edition d'Art, 1900; La guerre hispano-américaine, 1898. La guerre sur mer et ses leçons,  Paris, Berger-Levrault, 1900; Stratégie Navale,  Paris, Fournier, 1923; Le salut de la race blanche et l'empire des mers, Paris, Flammarion, 1905 (traduction par J. Izoulet de The Interest of America in Sea Power).

- Correspondance: la plupart des lettres de Mahan sont restées propriété de sa famille; cf. «Letters of Alfred Thayer Mahan to Samuel A'Court Ashe (1858-59)» in Duke Univ. Lib. Bulletin, n°4, juillet 1931.

- Sur Mahan:  U.S. Naval Institute Proc., Janvier-février 1915; Army and Navy Journal,  5 décembre 1914; New York Times, 2 décembre 1914; Allan Westcott, Mahan on Naval Warfare, 1918 (anthologie de textes avec introduction et notes); C.C. Taylor, The Life of Admiral Mahan, 1920 (avec liste complète des articles rédigés par Mahan); C.S. Alden & Ralph Earle, Makers of Naval Tradition, 1925, pp. 228-246; G.K. Kirkham, The Books and Articles of Rear Admiral A. T. Mahan, U.S.N., 1929; Allan Westcott, «Alfred Thayer Mahan», in Dictionary of American Biography,  Dumas Malone (ed.), vol. XII, Humphrey Milford/OUP, London, 1933; Captain W.D. Puleston, The Life and Work of Captain Alfred Thayer Mahan,  New Haven, 1939; H. Rosinski, «Mahan and the Present War», Brassey's Naval Annual,  1941, pp. 9-11; Margaret Tuttle Sprout, «Mahan: Evangelist of Sea Power», in Edward Mead Earle, Makers of Modern Strategy. Military Thought from Machiavelli to Hitler,  Princeton, 1944 (éd. franç.: E. M. Earle, Les maîtres de la stratégie,  Paris, Berger-Levrault, 1980, Flammarion, 1987); W. Livezey, Mahan on Sea Power,  1947; Pierre Naville, Mahan et la maîtrise des mers,  Paris, Berger-Levrault, 1981 (avec textes choisis de Mahan).

- Autres références: H. Hallman, Der Weg zum deutschen Schlachtflottenbau,  Stuttgart, 1933, p. 128; Martin Wight, Power Politics,  Royal Institute of International Affairs, 1978; Hellmut Diwald, Der Kampf um die Weltmeere,  Droemer/Knaur, Munich, 1980; Hervé Coutau-Bégarie, La puissance maritime. Castex et la stratégie navale,  Paris, Fayard, 1985.   

mardi, 18 mai 2010

Pays-Bas, 1945: Opération "Black Tulip"

Willem De Prater / “’ t Pallieterke”

Pays-Bas, 1945: Opération “Black Tulip”

 

timbres-nl.jpgLe soixante-cinquième anniversaire de la libération des Pays-Bas a été un peu particulier cette année. La journée de la “libération nationale”, commémorant le jour où les Allemands ont capitulé en Hollande, soit le 5 mai 1945, a été un jour férié officiel en 2010. Ce n’est le cas que tous les cinq ans mais la loi qui régit l’ouverture des magasins permet toutefois que ceux-ci demeurent ouverts. En maints endroits ce ne fut pourtant pas le cas. Bref, cela fit désordre. De surcroît, il y avait partout des “fêtes de la libération” où l’on pouvait danser, boire et bouffer tant et si bien que certaines villes comme Utrecht et Zwolle ont failli disparaître dans un chaos indescriptible. Pour couronner le tout, il y eut ce fameux incident sur le “Dam”, où il fut une fois de plus prouvé que les Néerlandais “si sobres et si sérieux” sont des forts en gueule mais prennent la poudre d’escampette sitôt que quelque chose pète. Ce fut aussi le cas en mai 1940; et la fuite peu glorieuse des troupes néerlandaises lors de l’entrée des Serbes à Srebrenica demeure une plaie ouverte dans la conscience de soi des Néerlandais. Pourtant, rendons-leur justice, les Néerlandais, fiers d’eux-mêmes, savent aussi fort bien pratiquer l’auto-critique. Ce n’est donc pas un hasard s’il m’a fallu attendre cette “fête de la libération” pour apprendre quelque chose sur l’opération “Black Tulip”. Celle-ci a consisté en une volonté d’épuration ethnique, celle de purger les Pays-Bas de tous les ressortissants allemands qui y résidaient.

 

Après l’hiver 1944-45, qui fut marqué par une famine éprouvante pour la population néerlandaise, surtout dans les grandes villes de l’Ouest, la volonté de se venger tenaillait la plupart des Hollandais. Tous estimaient que les Allemands allaient devoir payer pour les maux qu’ils avaient fait subir. Le gouvernement néerlandais commença par établir une facture délirante. Officiellement, il exigea la rétrocession d’un territoire allemand de 6000 km2 pour n’en obtenir finalement que 69, qui furent rendus ultérieurement. Le gouvernement néerlandais exigea ensuite des dommages et intérêts s’élevant à la somme astronomique de 25 milliards de florins. Cette somme correspond à dix fois le volume du dommage infligé, car on connaît bien l’esprit mercantile de nos amis du Nord. Les Britanniques, qui occupaient le territoire allemand jouxtant les Pays-Bas, haussèrent les épaules. Mais ils cessèrent de sourire lorsqu’ils apprirent que les Néerlandais avaient l’intention de chasser du pays tous ceux qui possédaient encore la nationalité allemande. Ils craignaient que tous les autres pays occidentaux allaient imiter les Hollandais et venir déposer leurs Allemands ethniques dans leur zone d’occupation marquée par les destructions et réduite à la plus effroyable des pauvretés. Les Britanniques étaient d’accord, certes, pour récupérer les Allemands de souche qui, pendant la guerre, auraient appuyé avec trop de zèle leurs compatriotes occupants. Ce sont donc les Britanniques qui ont baptisé l’opération prévue par le gouvernement néerlandais d’ “Operation Black Tulip”.

 

Le gouvernement néerlandais n’a pas tout de suite compris les réticences britanniques. Il fit dresser dans chaque commune des listes noires où figuraient les noms de personnes, voire de familles entières, qui possédaient encore la nationalité allemande; au total, il y avait quelque 25.000 citoyens allemands résidant aux Pays-Bas au lendemain de la seconde guerre mondiale. Bien évidemment, parmi ces 25.000 personnes, il y en avait très peu qui étaient arrivées après 1940. Parmi elles, au contraire, beaucoup de mineurs, venus à l’appel des gouvernements néerlandais d’avant-guerre. Une bonne partie de ces Allemands étaient de surcroît des réfugiés politiques qui s’étaient établis en Hollande après la prise du pouvoir par Hitler. De plus, il y avait un bon nombre de Juifs parmi eux. La plupart de ces Allemands étaient de simples ouvriers ou des servantes venus aux Pays-Bas après l’effondrement du Reich en 1918 et suite à l’inflation calamiteuse qui avait sévi en Allemagne au début des années 20 ou qui avaient été recrutés par des Néerlandais pour pallier au manque d’ouvriers ou de personnel domestique. La plupart d’entre eux s’étaient d’ailleurs mariés à des hommes ou des femmes de nationalité néerlandaise, parlaient le néerlandais à la maison avec leurs enfants (les enfants nés d’un père allemand demeuraient automatiquement allemands, même s’ils ne connaissaient plus la langue allemande). Ces gens ne possédaient donc pas la nationalité néerlandaise, tout simplement parce qu’à l’époque on ne la distribuait par encore gratuitement. Le processus de naturalisation était long et pénible: il fallait remplir une flopée de documents et cela coûtait beaucoup d’argent.

 

En septembre 1946, environ un an et demi après la fin de la guerre, les opérations d’explusion commencèrent. Les Allemands pouvaient demander à recevoir une “déclaration de non inimitié”, qu’ils recevaient s’ils pouvaient prouver avoir appartenu à un groupe de résistance. Le bon sens, appuyé par des protestations souvent véhémentes, fit que les Juifs allemands aussi purent rester. Cependant le ministre catholique de la justice ne se soucia guère de la démarche entreprise par le Cardinal de Jong, qui réclamait clémence et mansuétude: il fallait que les Allemands quittent le pays (“Duitsers raus”), à commencer par ceux qui étaient le plus récemment venus aux Pays-Bas. Plus l’établissement de la personne dans le pays était récente, plus vite devait-elle être expulsée. Mais les Pays-Bas ne seraient pas les Pays-Bas, s’il n’y avait cet esprit pragmatique et mercantile chez leurs ressortissants. Tous les Allemands qui exerçaient une profession utile et nécessaire pouvaient rester mais tous ceux qui n’avaient pas bénéficié d’une longue scolarité ou étaient peu qualifiés professionnellement devaient partir. La police se présentait au milieu de la nuit et emmenait hommes, femmes et enfants. Les déportés pouvaient emporter cinquante kilos de bagages et une somme de 100 florins. Tout devait se passer “vite, très vite” car la police craignait la réaction de voisins néerlandais furieux qui savaient que ces Allemands étaient parfaitement innocents. Les meubles ou objets que les déportés ne pouvaient emporter étaient chargés sur des camions et déposés dans des remises appartenant au “Nederlands Beheersinstituut” (“Institut Néerlandais de Gestion”). Celui-ci vendait le tout car il s’agissait de “propriétés de sujets ennemis”.

 

La police néerlandaise conduisait les personnes arrêtées dans toutes sortes de camps situés le long de la frontière néerlandaise. Parfois, les policiers les emmenaient au-delà de la frontière et les déposaient dans la première rue venue. Les Britanniques exigèrent alors des Néerlandais qu’ils n’expulsent vers leur zone d’occupation que les seuls Allemands possédant encore un logement en Allemagne. En guise de représailles, les Anglais arrêtèrent quelques Néerlandais vivant dans leur zone et les déposèrent au-delà de la frontière sur le territoire des Pays-Bas. A la suite de cette mesure de rétorsion, les Néerlandais n’expulsèrent plus qu’une infime minorité de citoyens allemands mais le choix des victimes n’en fut que plus arbitraire. Les curés et les pasteurs organisèrent des comités de voisins qui résistèrent de plus en plus efficacement à la police et au gouvernement. L’opération cessa en 1950. Au total, 3691 Allemands résidant aux Pays-Bas furent effectivement expulsés.

 

Wille De Prater.

(article paru dans “ ’ t Pallieterke”, Anvers, 12 mai 2010).

 

jeudi, 13 mai 2010

Djihad et Reconquista en France méridionale

Djihad et Reconquista en France méridionale

Ex: http://tpprovence.wordpress.com/

Pour éviter toute repentance inutile et afin de faire face aux multiples problèmes que soulève l’immigration, il convient de revenir à la mémoire de nos premiers contacts avec l’islam qui se déroulèrent précisément dans le Midi.

715 : Après avoir opéré la conquête de l’Espagne, à l’exception des monts Cantabriques d’où partira la Reconquista, les Arabo-Berbères franchissent les Pyrénées orientales et prennent en 719 Narbonne dont ils feront leur place-forte pour une quarantaine d’années. Leur offensive contre Toulouse échoue en 721, ce qui ne les empêche pas de prendre Carcassonne.

En 732 une deuxième invasion par l’ouest des Pyrénées aboutit à la prise de Bordeaux, puis monte vers le nord, appâtée par les trésors de l’abbaye de St-Martin. Vaincus par Charles Martel à Moussais-la-Bataille à 20 km de Poitiers, les Sarrasins battent en retraite, sans pour autant évacuer totalement le Périgord et le Quercy qu’ils continuent à ravager. Il faudra attendre 808 pour que Charlemagne, vainqueur à la bataille de Taillebourg, purge la Charente, la Saintonge et le Poitou de leurs envahisseurs. Le portail roman de la cathédrale d’Angoulême fixe dans la pierre le souvenir des combats libérateurs de la chevalerie franque. En 737 la campagne de Charles Martel, descendu vers la Septimanie par la vallée du Rhône, aboutit à la reprise de Maguelonne, Agde et Béziers mais échoue devant Narbonne qui ne sera reprise, ainsi que Carcassonne, qu’en 759 par Pépin le Bref.

A partir de la seconde moitié du VIIIe siècle le Languedoc et l’Aquitaine se trouvent à l’abri des incursions sarrasines, étant protégés par les avancées de la Reconquista, elle-même secondée par les expéditions en Catalogne de Charlemagne et de son fils Louis le Pieux qui prennent Barcelone en 801.

Le long martyre de la Provence

Les malheurs de la Provence, en revanche, ne font alors que commencer.

A la suite de l’accord conclu en 734 entre le patrice Mauronte, Wisigoth de Marseille, et les Sarrasins de Narbonne, Arles, St-Rémy, Tarascon, Avignon, Cavaillon, Apt et Aix s’effondrent devant les cavaliers d’Allah qui ravagent les côtes jusqu’à Nice (le Cimiez d’autrefois). Cependant ces villes seront libérées en 737 par la campagne de Charles Martel qui, avec l’aide du roi des Lombards Liutprand, écrase les Sarrasins devant Marseille deux années plus tard. Néanmoins ces envahisseurs, réfugiés dans les montagnes et les îles proches de la côte, continuent d’affliger la Provence de leur pression. Des raids fondent sur Marseille en 838 et 842, sur Arles en 842 et 850. Enfin, last but not the least, les Sarrasins installent en 885, entre Hyères et la rivière Argens, au cœur du massif « des Maures » – nom qui perpétue aujourd’hui encore la mémoire de leur occupation séculaire – une forteresse appelée La Garde-Freinet (le Fraxinetum des chroniqueurs), d’où leurs expéditions répétées, fondant sur les habitants d’alentour et les voyageurs, plongent la vallée du Rhône, les cols alpins et la côte voisine dans une dramatique insécurité. Le moine Odilon nous livre à ce sujet un précieux témoignage en 1031 : « A cette époque, la très cruelle et bouillonnante multitude des Sarrasins gagne par mer l’Italie et la Provence, massacrant hommes et femmes. L’abbé de Cluny Mayeul, revenant de Rome et priant pour le salut de tous, tomba en embuscade et ne fut libéré que contre une énorme rançon. » L’événement, qui se situe en 972, provoque le soulèvement de toute une population fortement imprégnée de catholicisme, ce qui permit au roi de Provence Hugues de prendre la Garde-Freinet, laquelle ne sera définitivement détruite qu’en 983, et l’ensemble de la région définitivement purgée des Sarrasins en 990 par les hauts faits d’armes du comte de Provence Guillaume. Mais l’ensemble des côtes françaises de Méditerranée continuera de vivre jusqu’au XIIIe siècle sous la menace d’expéditions marines à partir des nids de pirates fixés dans les îles proches : en Corse, Sardaigne et Sicile jusqu’à leur reconquête par Gênes, Pise et les Normands. Les îles de Lérins sont ravagées en 1047, 1107, 1197, Toulon en 1178 et 1197 avec, à chaque fois, extermination de la population par le massacre ou la réduction en esclavage et la déportation à Almeria (jusqu’à ce qu’elle soit libérée par la Reconquista), Tunis, Tripoli et Alger.

Notre mémoire collective a perdu le souvenir de ces exactions dont ne témoigne, outre l’onomastique, que le site des villages anciens, perchés au sommet des collines pour assurer le guet et servir de refuge en cas d’attaque. Comme le remarque M. Laurent Lagartempe dans son ouvrage Les Barbaresques, « L’insécurité qui régna sur la Provence du fait des rezzous des Sarrasins, cruina durablement, au cours du Moyen Age, les plaines côtières fertiles qui avaient fait la prospérité de l’antique Provincia Romana en raison du retrait de l’habitat vers les régions montagneuses.

Les chansons de geste

A ces témoins muets du passé provençal il faut ajouter le témoignage littéraire des chansons de geste, en particulier le cycle dit de Garin de Monglane composé d’environ 25 chants dont les plus célèbres sont : Le Couronnement de Louis, Le Charroi de Nîmes, La Prise d’Orange, Les Aliscamps, La Mort d’Aymeri de Narbonne, Le Moniage de Guillaume. Le héros central de ces divers poèmes épiques est un personnage mythique dans lequel Gaston Pâris a reconnu un comte de Toulouse nommé Guillaume, qui empêcha les Sarrasins d’envahir la France en leur livrant bataille sur les rives de l’Orbieu en 793. Par la suite, il combattit en Catalogne au côté de Charlemagne, avant de mourir en odeur de sainteté au monastère de St-Guilhelm-du-Désert où il s’était retiré après la mort de son neveu Vivien, tué au combat contre les Infidèles. Les historiens plus récents de la littérature lui associent plus vraisemblablement encore le fameux comte de Provence qui prit La Garde-Freinet et délivra sa province. Guillaume d’Orange apparaît donc comme le héros méridional par excellence qui ravit à l’envahisseur les villes de Nîmes, Orange, Arles, Narbonne, mais sa renommée s’étendit bien au-delà. En effet, une légende le fait apparaître sous les murs de Paris assiégé par des barbares qu’on peut identifier aux Vikings. Guillaume affronte alors victorieusement, en combat singulier, le géant Isoré qui terrorisait la population. La tombe de ce nouvel avatar de Goliath a donné son nom à la rue de la Tombe–Issoire dans le XIVe arrondissement de Paris.

Comme La Chanson de Roland, le cycle de Garin de Monglane, qui tire son nom de celui du père de Guillaume d’Orange, associe la lutte contre l’Infidèle au combat pour l’indépendance nationale : face à l’envahisseur, c’est la foi qui assure la victoire aux chrétiens. Les chansons de geste, qui relatent en les mythifiant des faits historiques attestés du VIIe au Xe siècle, ont été composées aux XIe et XIIe siècles, c’est-à-dire au temps des Croisades. La lutte contre l’islam et l’épopée nationale sont alors les grands thèmes qui mobilisent les chevaliers français : le souvenir des périls affrontés en terre de France par leurs valeureux ancêtres justifient la guerre en Terre sainte contre l’ennemi séculaire de la chrétienté.

La postérité des chansons de geste

Alors que les chansons de geste n’apparaissent plus aujourd’hui que comme des monuments littéraires appartenant au passé, les Romans bretons, légèrement plus tardifs, ont traversé les siècles en servant presque constamment de source d’inspiration aux artistes ; ils sont de ce fait restés beaucoup plus populaires. Pourquoi ? Sans doute parce que les passions amoureuses, les sortilèges plus ou moins païens s’y mêlent plus largement aux exploits chevaleresques. Alors que le cycle de Garin de Monglane est plus étroitement localisé sur la Provence et la France, le cycle arthurien, par contre, appartient aux traditions européennes, de la France celtique à la Grande-Bretagne et à l’Allemagne ; entre autres, il eut la chance d’inspirer les génies de Purcell puis de Wagner qui subjugua les musiciens français du XIXe siècle : bien loin de mettre en musique nos chansons de geste, Ernest Chausson composa le Roi Arthus et Viviane. Vincent d’Indy fait cependant exception à la règle avec Fervaal. Le compositeur ardéchois situe en effet l’intrigue de cet opéra dans une région soumise à la domination d’un émir sarrasin ; son héros s’éprend de la fille de celui-ci, à l’exemple de Guillaume d’Orange qui épousa Orane l’orientale, laquelle fut baptisée sous le nom de Guibourg.

Une autre raison qui nous éloigne d’une pleine compréhension des chansons de geste est notre tradition d’islamophilie qui remonte à François Ier, allié du Grand Turc. Les Lumières allèrent jusqu’à préférer la religion musulmane à la religion chrétienne ; au XIXe siècle, Lamartine rédigea une hagiographie de Mahomet, tandis que le positiviste Auguste Comte jugeait l’islam plus progressiste que le christianisme. Le XXe siècle fait mieux encore, cependant. Inspirés par les écrits de l’orientaliste œcuménique Massignon, des ecclésiastiques inaugurent des mosquées aux côtés des imams, mais des politiciens les surclassent.

La Révolution française nous a forgé une mentalité étrangère à l’idéal qui se dégage de nos chansons de geste : la foi chrétienne, la loyauté envers le chef de l’Etat ont fait place à la religion de la République laÏque, évoluant aujourd’hui vers un vague humanitarisme progressiste, imprégné de la notion de Droits de l’homme universel, indifférent aux intérêts nationaux, aux traditions et à l’indépendance de la Mère patrie. D’où notre passivité et même notre complicité devant les phénomènes d’immigration-invasion et d’islamisation qui menacent notre pays. Notre réveil national devra puiser aux sources de notre patrimoine et à la totalité de notre histoire, dégagée des a-priori du politiquement correct. Qui sait si les chansons de geste n’y retrouveront pas alors une nouvelle actualité ?

Odilon Le Franc

Source : Polémia.

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mardi, 11 mai 2010

Léon Daudet ou "le libre réactionnaire"

Leon-Daudet.jpgArchives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1988

 

Un livre d'Eric Vatré: Léon Daudet ou  "le libre réactionnaire"

 

par Jacques d'ARRIBEHAUDE

 

Eric Vatré est en train de se faire une spécialité dans la biographie, art difficile et ingrat où les Français pa-raissent souvent légers devant les gigantesques tra-vaux d'érudition des chercheurs anglo-saxons. La personnalité de Léon Daudet est ici bien évoquée. Une des plumes les plus alertes, les plus vives, les plus cinglantes de la critique littéraire de ce premier demi-siècle. Un grand et passionné remueur d'idées et d'opinions, d'une liberté de ton absolue au service d'une pensée résolument hostile à ce qu'on a appelé depuis "l'idéologie dominante".

 

D'où le titre choisi par Vatré, à mon avis un pléonasme, car on imagine mal un réactionnaire qui ne choisirait pas librement d'être à contre-courant de ce qu'il aurait tout avantage à courtiser à longueur de colonnes, à l'exemple de l'ordinaire racaille journalistique contemporaine.

 

Vatré constate, sans vraiment l'expliquer, l'énigme d'une "Action Française" où cohabitent Maurras, apôtre farouche et sourd de la France seule et de sa prétendue supériorité intellectuelle, et Daudet, autre-ment ouvert, féru de Shakespeare, enthousiaste de Proust et de Céline, sensible à la peinture, à la musique, aux souffles poétiques venus d'ailleurs, là où Maurras, fossilisé dans ses plâtres académiques, sonne éperdument le clairon des grandeurs mortes dans le saint pré-carré du monarque introuvable.

 

Au total, Daudet, l'un des hommes au monde les moins doués pour l'action, et, en ce sens, une belle figure de cette IIIème République qu'il haïssait, et dont les ténors parlementaires ventripotents, crasseux et barbichus, si ridicules qu'ils fussent, sem-blent des aigles prodigieux comparés à nos politiciens actuels.

 

A lire et à relire avec le plus grand profit, pour plus de renseignements sur cette époque sans pareille, Les Décombres  de Lucien Rebatet.

 

Jacques d'ARRIBEHAUDE.

 

Eric VATRE, Léon Daudet ou le "libre réaction-nai-re",  Editions France-Empire, 1987, 350 pages, 110 FF.

 

 

lundi, 10 mai 2010

Prof. Dachitchev: Réponse à la "Lettre ouverte" des intellectuels occidentaux contre Poutine

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 2004

Prof. Dr. Viatcheslav DACHITCHEV:

Réponse à la “Lettre ouverte” des intellectuels occidentaux contre Poutine

 

Daschitschew.jpgLe Professeur Viatcheslav Dachitchev, historien et expert ès questions allemandes, a été l’un des principaux conseillers de Gorbatchev et l’avocat au Kremlin de la réunification allemande. Nous avons déjà eu l’occasion de publier des entretiens avec lui ou des extraits de ces meilleurs essais [ http://www.harrymagazine.com/200407/turquia.htm ; http://ch.altermedia.info/index.php?p=641#more-641 ; tous deux sur la question de l’adhésion turque à l’UE; “Gorbatchev et la réunification allemande” & “Le combat de Poutine contre les oligarques”, in “Au fil de l’épée”, recueil n°48, août 2003].

 

Aujourd’hui, le Prof. Dachitchev réagit à la “Lettre ouverte” des intellectuels occidentaux, dirigée contre le Président Vladimir Poutine, accusé de détruire la démocratie en Russie. Sans hésiter, le Prof. Dachitchev a pris la plume pour présenter des contre-arguments dans les colonnes de l’hebdomadaire nationaliste allemand, la “National-Zeitung”, qui paraît à Munich. L’objectif du professeur : réfuter les arguments fallacieux avancés par les politiciens américains et les intellectuels qui leur sont inféodés, dans cette “Lettre ouverte”, dont l’objectif est de déstabiliser Poutine et la Russie. Dachitchev part du principe que “déclencher une guerre terroriste en bonne et due forme contre la Russie” coïncide avec les élections américaines. La guerre de Tchétchénie, en effet, apporte à Washington plusieurs avantages stratégiques importants. La  machine propagandiste US peut ainsi détourner l’attention de l’opinion publique internationale de l’expansionnisme américain en acte et accuser les seuls dirigeants russes d’enfreindre les droits de l’homme. La situation actuelle de la Russie est peu enviable, parce qu’elle sort à grand peine du marasme dans lequel la politique américaine l’a plongée, en pariant systématiquement sur le clan d’Eltsine. Voici la première partie de la réfutation rédigée par le Prof. Dachitchev :

 

Prélude à une nouvelle “Guerre Froide”?

 

L’élite dirigeante aux Etats-Unis a besoin d’une Russie faible, qui, comme beaucoup d’autres pays européens, puisse être maintenue à la remorque de Washington. Elle craint aussi de perdre sa “cinquième colonne” en Russie. Le 29 septembre dernier, 115 “intellectuels” et politiciens américains et européens ont publié une “Lettre ouverte” aux chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE  et de l’OTAN (pourquoi pas aux Nations Unies?) qui constitue de facto une attaque agressive contre le gouvernement du Président Poutine. Comment faut-il interpréter cette lettre? Quels sont les objectifs poursuivis par sa diffusion?

 

Avant toute chose, cette lettre témoigne que la politique américaine vise encore et toujours à affaiblir la Russie. La façon dont la “Lettre” décrit la politique du Président Poutine, surtout après les événements de Beslan en Ossétie, n’est rien d’autre qu’une démolition en règle. Pour washington, ce qui importe, c’est d’organiser une campagne propagandiste visant à refaire de la Russie un ennemi pour l’opinion publique américaine et européenne, afin de pouvoir exercer une pression constante sur les plans politique, économique et militaire et de pouvoir la justifier.  Ou bien est-ce carrément le début d’une nouvelle “Guerre Froide” contre le “Super-Etat voyou”?

 

Les néo-conservateurs tirent les ficelles

 

Personne, et encore moins Poutine, ne conteste le fait qu’une véritable démocratie serait un bien pour la Russie. Cependant, les signataires de cette “Lettre ouverte” devraient surtout penser à l’essentiel; et cet essentiel n’est-il  pas, aujourd’hui, pour la communauté internationale, d’éviter une nouvelle guerre mondiale, qui pourrait se déclencher à la suite de la politique américaine qui vise à établir une hégémonie globale? Mais il serait naïf de croire que les signataires veulent vraiment éviter cette conflagration universelle. Car, parmi ceux qui ont initié et signé cette “Lettre”, on trouve les tireurs de ficelles néo-conservateurs  comme William Kristol et Robert Kagan, tous deux fondateurs du “Projet pour un nouveau siècle américain”, expression de leur lobby idéologique.

 

En Russie aussi, une campagne  hystérique contre Poutine est menée tambour battant, justement par les mêmes cercles et cénacles qui, sous Eltsine, avaient ruiné et pillé le pays et le peuple. Ils craignent aujourd’hui de perdre tout pouvoir et toute influence. Ils se sont rassemblés au sein de  “Comité 2008” et d’une “Fédération des forces justes”. Leur objectif consiste à renverser Poutine. Ils font dans la pure démagogie et rendent le Président responsable indirectement du massacre effroyable de Beslan. Ils posent ses réformes du système politique russe comme une volonté de réduire les droits de l’homme à rien. Pourtant, malgré leurs cris, ils oublient de se soucier du problème majeur de la Russie d’aujourd’hui : 41% de la population russe végètent sous le seuil de la pauvreté ou l’avoisinnent dangereusement. Pour Alexandre Lifschitz  —l’ancien ministre des finances d’Elstsine—  ces millions de pauvres gens sont des “alluvions sociaux”. Pour Andreï Piontkovski  —un russophobe bien connu—  le Président Poutine est le “problème majeur” de la Russie. Le politologue Satarov, qui appartient lui aussi à l’entourage d’Eltsine et dont le nom sert à désigner le péché actuel de l’intelligentsia russe (on parle de “saratovisme”), prétend avoir trouvé les moyens de “freiner Poutine”. Ainsi, la tragédie de Beslan a contribué à faire reconnaître ceux qui sont en faveur et ceux qui sont en défaveur des intérêts nationaux de la Russie.

 

Les dangers pour la Russie

 

C’est quelque part exact : l’action terroriste abominable qui a été perpétrée à Beslan en Ossétie a épouvanté le monde entier et a permis à la caste dirigeante russe, rassemblée autour de Poutine, de procéder à une appréciation nouvelle des dangers et des défis qui menacent la Russie. Il est exact de dire aussi que l’affaire de Beslan provoquera une transformation essentielle dans la politique russe, sur les plans de la politique intérieure, de la politique extérieure et de la politique militaire.

 

Après la fin officielle et formelle de la “Guerre Froide”, la Russie avait réduit ses budgets militaires de manière spectaculaire : le chiffre était passé de 200 milliards à 12 milliards de dollars. Les budgets américains, en revanche, avaient gonflé pour atteindre  des dimensions gigantesques et dépasser les chiffres du temps de la “Guerre Froide”. Vu la pression américaine, la Russie a dû tripler son budget militaire au cours de ces cinq dernières années. Les plans soumis en août dernier pour les dépenses militaires de 2005 prévoient une augmentation de 28% pour atteindre le chiffre de 573 milliards de roubles. Après l’action terroriste tchétchène de Beslan, ces budgets seront encore augmentés. Selon des déclarations officielles, une bonne part de ce budget devra assurer la parité avec les Etats-Unis en matière de fusées nucléaires.

 

Pourquoi ? Parce que le facteur qui pèse le plus sur la Russie depuis la fin de la Guerre Froide, sur les plans géopolitique, géostratégique et géo-économique est indubitablement la politique américaine. Après le démontage du système totalitaire soviétique, après que Gorbatchev ait renoncé définitivement au messianisme communiste et à sa politique hégémoniste, après l’effondrement de l’Union Soviétique, on a pu croire que les tensions entre les Etats-Unis et la Russie disparaîtraient et qu’une situation nouvelle naîtrait, apportant dans son sillage les conditions d’une paix durable et d’une vision constructive de la politique internationale. En réalité, rien de tout cela n’est advenu, bien au contraire !

 

Le programme : bétonner l’hégémonie définitive des Etats-Unis  sur le globe

 

La Doctrine Bush a pour assises les programmes géopolitiques visant à bétonner l’hégémonie définitive des Etats-Unis sur le globe. Ces programmes dérivent du “Project for a New American Century” (PNAC), élaboré au printemps de l’année 1997, et d’autres projets émanant des centres de réflexion néo-conservateurs.

 

Quelques mois après l’élaboration de ce PNAC, est paru un article dans la revue “Foreign Affairs”, qui s’intitulait : “Pour une géostratégie eurasiatique”. Il était dû à la plume de Zbigniew Brzezinski et révélait ouvertement et sans vergogne les  plans américains. C’est-à-dire les suivants:

è    Les Etats-Unis doivent devenir la seule et unique puissance dirigeante en Eurasie. Car qui possède l’Eurasie possède aussi l’Afrique.

è    La tâche principale de cette politique globale des Etats-Unis consiste à élargir leur principale “tremplin” géostratégique en Europe, en poussant les pions, que sont l’OTAN et l’UE, aussi loin que possible vers l’Est, y compris aux Pays baltes et à l’Ukraine.

è    Il faut empêcher toute bonne intégration au sein même de l’UE, de manière à ce que celle-ci ne  puisse pas devenir une puissance mondiale à part entière.

è    L’Allemagne  —qui sert de base à l’hégémonie américaine en Europe—  ne pourra jamais devenir une puissance mondiale; son rôle doit être limité à des dimensions strictement régionales.

è    La Chine  —soit l’”ancrage asiatique” de la stratégie euro-asiatique des Etats-Unis, doit, elle aussi, demeurer une simple puissance régionale.

è    La Russie doit être éliminée en tant que grande puissance eurasienne; à sa place, il faut créer une confédération d’Etats mineurs, qui seront la république de Russie d’Europe, la république sibérienne et la république d’Extrême Orient.

 

On le constate : les objectifs géopolitiques des Etats-Unis mènent tout droit à un télescopage pur et simple entre les intérêts russe et ceux de Washington.

 

Viatcheslav DACHITCHEV,

Moscou.

[article paru dans la “National-Zeitung”, n°42, 8 octobre 2004].

dimanche, 09 mai 2010

Propaganda y construccion del consenso: Walt Disney y la Segunda Guerra

Propaganda y construcción del consenso: Walt Disney y la Segunda Guerra

Por Giovanni B. Krähe

Ex: http://geviert.wordpress.com/

Entre los clásicos de la propaganda americana para el público infantil durante la Segunda Guerra Mundial tenemos las producciones de Walt Disney Der Fürher´s Faces (1943, premiada con un Oscar), la disdascálica Education for Death (1943) o la ilustrativa On the Front Lines-Victory through Air Power (1943). Todo este interesante material, histórico ahora (disponible online, ver links), tenía entonces precisos objetivos políticos-militares de mantenimiento del consenso en el frente civil interno durante la Segunda Guerra Mundial (salvo los SNAFU, ver más adelante). Es necesario considerar también los programas de apoyo fiscal al ejercito, los denominados Income Tax Propaganda. Luego de la Guerra, todo este material fue mantenido archivado y censurado por un considerable periodo, hasta su difusión relativamente reciente como material documental, de “historia” de la misma Disney. Publicamos algunos apuntes sueltos sobre el primer material, Der Führer’s Faces.

Der Führer´s Faces: Estrategia y lenguaje icónico

La estrategia principal de la propaganda americana en esta interesante producción es neutralizar y despolitizar, a través de la descontextualización por asociación, símbolos y contenidos mitopoiéticos utilizados hábilmente por la propaganda alemana para sus propios objetivos de consenso. El lenguaje de descontextualización es la ironía, a la cual se añade una representación icónica simple y una narración-guía en off de fácil interpretación para su rápida decodificación por el espectador. Entre cada momento de descontextualización (cada situación que el personaje Donald tiene que soportar) es posible notar una musicalización, un jingle digamos, que prepara el inicio y el final de cada breve situación. La música tiene la función de crear una “pausa mental”, para que el espectador pueda distinguir cada segmento del mensaje sin arrastrar las emociones de un segmento al otro.

Dado que el mensaje del grupo Disney se dirige al espectador americano medio (infantil y adulto) con finalidades de consenso, la representación icónica de la ironía es asociada en el mensaje de forma simple, breve y eficaz. La técnica es la asociación por diferencia-distinción entre un contenido americano y uno alemán, codificado a través de estereotipos, representaciones, bias, prejuicios, lugares comunes de fácil y rápido reconocimiento para el espectador.  Tenemos, por ejemplo, por un lado, contenidos pertenecientes a la cotidianidad, al espacio privado (ver imagen abajo), a la persona (dimensión psicológica) o individual (dimensión social). A esto se añaden símbolos colectivos o contenidos semánticos reconocidos como típicos por el espectador americano (“la estatua de la libertad”, ver al final del video). Por el otro lado tenemos los contenidos alemanes, objetivo de la neutralización. Estos contenidos alemanes deben ser también reconocibles y distinguibles por el espectador  americano medio para que el mensaje sea icónicamente eficaz. Observemos por ejemplo que el material inicia con una sobretematización (primer plano) del preußischer Paradeschrittel, el paso marcial prusiano (ver imagen arriba y abajo). Todos los contenidos alemanes van asociados, como ya mencionado, a estereotipos, prejuicios o lugares comunes del mismo espectador americano, para facilitar su decodificación y comprensión inmediata.

El público o target de los contenidos de Walt Disney durante la Guerra fueron siempre niños y adultos, hubieron, sin embargo, producciones especiales para uso interno, es decir, sólo para los soldados en el frente (cfr. los SNAFU). En términos de análisis mediológico (aislando el medium icónico por un lado y los símbolos por el otro) es posible, entonces, reconstruir tanto el contenido propagandístico (el objeto del mensaje) como el perfil de su espectador (el receptor del mensaje). En este sentido, la propaganda de Disney es muy interesante porque nos permite comprender también el perfil psicológico del público americano que se expone a estos contenidos con finalidades de consenso.

Ejercicio de análisis

Las situaciones-eje del plano narrativo en The Führer´s Faces son:

(jingle, preparación del interés)

1) inicio: contraposición entre espacio público/espacio privado. Donald duerme, la banda de música nazi irrumpe.

(jingle, pausa mental)

2) vida cotidiana: desayuno, etc.

(música)

3) mundo del trabajo (producción)

(música)

4) conciencia individual, identidad

(música)

6) identidad colectiva (nacional).

Algunas rápidas reflexiones y notas sueltas de un borrador sobre este material. Es interesante notar,  por ejemplo,  que la  estrategia de Walt Disney es asociar principalmente el código del mensaje a dos contenidos mediáticos del Nacionalsocialismo (NS) reconocibles rápidamente por el espectador americano de la época: el saludo NS y la Hakenkreuz, la esvástica. Para el periodo que estamos tratando, la esvástica, a la par de los demás símbolos nacionales, tenía una difusión mediática en América como reconocimiento del país, objeto de la propaganda. Esta estrategia de asociación se realiza icónicamente a través de la máxima generalización de la esvástica en la dimensión social y privada de Donald, sin distinciones, para representar el anulamiento violento de ambas dimensiones: la historia inicia  con el progresivo  anulamiento de la dimensión privada, cuotidiana (dimensión individual, psicológica) y  luego pública (espacio público, político) representado por los exteriores del dormitorio de Donald. El espacio público (la banda de música al inicio) irrumpe arbitrariamente en el espacio privado-individual (Donald duerme y es molestado). Se observe al inicio el fondo del paisaje, detrás de la banda de música, las nubes y los árboles. Esta “totalidad” del símbolo NS  anulará luego la distinción entre público y privado de Donald (ver imagen arriba) a través de la irrupción de la banda de música. Otro detalle interesante se da durante el desayuno de Donald: este debe ocultar su desayuno (dimensión privada) y modificar su conducta, puesto que no es le es permitido por el imperativo político: el café con un aroma artificial, el pan duro, son el resultado como efectos negativos. Es interesante notar cómo el director de Disney escoge la contextualización de momentos típicamente cotidianos para  hacer converger el lenguaje icónico, cromático y sonoro.  En efecto, se puede notar que el desayuno “normal” del personaje Donald  (café, periódico, tranquilidad) se debe esconder detrás de un retrato de Hitler (dimesión política, pública). Finalmente el periódico matutino es remplazado arbitrariamente por el “Mein Kampf”. (continuará).


L'installation en Europe septentrionale et occidentale des peuples carpatho-danubiens à l'ère protohistorique

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L’installation en Europe septentrionale et occidentale des peuples carpatho-danubiens à l’ère proto-historique

 

 

Trouvé en version anglaise sur : http://www.dacia.org/history/conq-ew.html

 

Dans l’espace carpatho-danubien, à l’ère proto-historique, un peuple s’est formé: celui que les Roumains d’aujourd’hui considèrent comme le premier ensemble cohérent de leurs ancêtres lointains mais directs. Ce peuple a commencé à émigrer hors de son aire d’origine vers des terres fertiles plus au nord et à l’ouest. L’étendue de ses terres augmentait, vu la fonte de la calotte glaciaire, et le climat devenait plus clément. Personne ne peut encore établir avec certitude le temps, en milliers d’années, que cela a pris pour que les collines peu élevées en altitude  se couvrent de forêts. Personne non plus ne peut affirmer avec certitude quel fut le processus biologique de formation de ces forêts, ni quand il a commencé, ni quand ces zones forestières ont pu devenir l’habitat privilégié de nombreux insectes, oiseaux et autres animaux. Ni dire avec une égale certitude quand l’homme, poussé par sa curiosité, a commencé à s’installer et à habiter dans ces forêts, à la recherche de nourriture.  L’archéologie ne nous fournit encore aucune réponse précise.

 

Commençons par jeter un oeil sur une carte de l’Europe. Nous voyons la chaîne carpatho-hercynienne se poursuivre vers les Monts Beskides et Tatra. De part et d’autres de ces régions montagneuses coulent des fleuves et rivières: certains coulent vers le nord, d’autres vers le sud. Au Nord, nous constatons la présence de bassins hydro-géographiques comprenant: l’Elbe, l’Oder, la Vistule et le Niémen, tandis que le bassin du Danube (que les Grecs appelaient l’Ister) se trouve au sud (rappelons aussi que “Danu” est la déesse védique de la pluie et des prairies grasses). Le bassin du Danube rassemble presque toutes les rivières et les fleuves prenant leur source sur le flanc méridional des chaînes montagneuses que nous avons mentionnées.

 

Quand le climat s’est réchauffé, les Pélasges carpatho-danubiens ont quitté leur foyer originel pour conquérir le monde environnant:

 

1. Une première vague, nordique, que l’on peut appeler la branche balto-mazurienne, s’est divisée plus tard en deux groupes de peuples: les peuples germaniques et les peuples slaves.

 

2. Une seconde vague, qui devient dès lors la branche méridionale du peuple carpatho-danubien, a donné ultérieurement naissance à deux autres groupes:

a) La branche du Sud-Est, comprenant les Sumériens, les Ramantes de Troie, les Hittites et les Garamantes d’Afrique du Nord.

b) La branche du Sud-Ouest, qui formera plus tard la race européenne dite “latine”: les Daco-Gètes, les Thraces, les Illyriens, les Latins (futurs porteurs de l’empire romain), les Italiques, les Ibères, que l’on retrouvera sur les territoires actuels de l’Espagne, du Portugal et de la France.

c) La branche orientale, qui a donné naissance à la spiritualité védique et qui partira à la conquête de l’Asie, plus précisément du Sud de la Chine, du Bassin du Tarim (les Tokhariens), de l’Inde (les Aryens védiques), du Japon (la population aïnoue étant un résidu lointain de ces migrations), etc.

 

Ces conclusions sont déduites de la logique, car les preuves archéologiques sont très peu nombreuses aujourd’hui. Le problème qu’il convient de résoudre: quels éléments de preuves peut-on ajouter aux quelques rares références que nous possédons déjà?

 

La zone comprise entre l’Océan Atlantique et la “mer aux couleurs du ciel” (la Mer Noire) a abrité une vie culturelle préhistorique intense: que l’on songe à la fresque de la “danse du bison” découverte dans la grotte sanctuaire d’Altamira en Espagne, à celle, similaire, que l’on a retrouvée à Font-de-Gaume en France, du “félin d’ivoire” de Pavlov en Bohème à la fresque de la “panthère, des chevaux et du chevalier tué”, découverte dans la grotte sanctuaire de Cuciulat (et qui date d’une période entre –15.000 et –12.000 avant notre ère), des dessins rupestres de la grotte de Gaura Chindiei (-10.000 à –8.000 avant notre ère), deux sites de Roumanie, jusqu’aux formes étranges et cosmiques, apparemment étrangères à la terre voire “extra-terrestres”, d’un bas-relief trouvé dans la  grotte roumaine de Sinca Veche. Je voudrais rappeler, ici, les notes daces-roumaines de Ion Pachia Tatomirescu, qui évoquait une unité de culture préhistorique/proto-historique propre à toute l’Europe, et qu’il qualifiait de “pélagique”. Elle aurait existé entre –30.000 et –8.175 avant notre ère. Après cette période, cette culture originelle de l’Europe se serait fragmentée en trois groupes distincts. Ceux-ci se seraient ensuite développés lors de ce que l’on appelle l’”acmé de l’âge néolithique”, avec une branche “ouest-pélagienne” (de l’Océan Atlantique aux Alpes), une branche “pélagienne -centrale” (des Alpes orientales  à la Sardaigne jusqu’au Dniepr et à la “Mer des Gètes” (soit la Mer Noire), et des Carpathes septentrionales à la Mer Baltique, entre l’Oder et le Niémen, s’étendant jusqu’à la Sicile et la Crète. La Mer de Thrace (ou de Marmara) s’étant formée bien plus tard, lorsque la bande de terre reliant l’Asie Mineure à la péninsule balkanique a été submergée par la Méditerrannée, il y a environ 4000 ans, ce qui a formé, avec des résidus d’îles et l’émergence de nouvelles îles, la Mer de Thrace, que les Grecs appelèrent ultérieurement la Mer Egée

 

La troisième branche est la branche pélagienne orientale, dont le territoire initial s’étendait entre la Mer de Thrace (Mer Egée), la Mer des Gètes (Mer Noire) et le Dniepr. Son territoire s’est ensuite étendu jusqu’au Don et aux montagnes du Caucase. Des éléments de ce groupe ont traversé l’Anatolie et se sont installés à Chypre.

 

Tandis qu’il étudiait les cultures et les religions préhistoriques au départ de l’art rupestre des grottes d’Europe et d’Asie, André Leroi-Gournan fut l’un des premiers à démontrer “l’extraordinaire unité de l’art figuratif” de la  préhistoire européenne, ainsi que la permanence, la persistance et la continuité de ces représentations, tant dans le temps que dans l’espace, depuis les Asturies jusqu’au Don. Cette unité culturelle et démographique a permis aux Européens, les Pélages proto-historiques, de marquer l’histoire de leur présence. Cette unité a conduit à l’émergence d’une langue commune –la langue pélagienne archaïque—  que parlaient les peuples européennes du paléolithique et du mésolithique. Au départ, son vocabulaire, ne comprenait que les mots nécessaires à la vie quotidienne, mais ils’est enrichi et diversifié au fil des millénaires. Les modifications linguistiques, qui sont survenues au cours des deux derniers millénaires, fournissent beaucoup d’explications sur les événements qui se sont déroulés dans les ères les plus anciennes de la préhistoire européenne, lorsque la langue archaïque des peuples carpatho-danubiens a donné naissance, en Inde, au sanskrit, tandis que dans le sud de l’Europe, le latin vulgaire dominait pour se développer plus tard en un latin de culture (qui n’a disparu qu’au bout de deux mille ans). 

 

Les Carpatho-Danubiens du Sud-Ouest ont diffusé leur langue partout, ce qui explique que la même langue de base, ou langue-souche, ait donné naissance à la langue dace-romaine (le valaque de Roumanie), l’italique, le rhéto-romanche et la langue parlée en Sardaigne.

 

La langue de la branche orientale des Carpatho-Danubiens sera parlée dans le bassin du Dniepr, en Crimée, dans le bassin du Don, au Caucase, par ceux qui formeront la première et la seconde vagues du peuple des Kourgans (-4.400 et –3.400 avant notre ère) et par leurs descendants qui sont restés sédentaires. Aujourd’hui, les restes épars de cette langue sont appelés des “îlots de latinitié”: on les trouve notamment dans la région de Cherson en Crimée ou sur la côte orientale ou nord-orientale de la Mer Caspienne, comme à Vatchi, Khoutchni et Kourakh, dans le Daghestan, une république de l’actuelle Fédération de Russie.On  retrouve des résidus de cette langue dans la péninsule de Bouzatchi et même au Kazakhstan. On demeure surpris en constatant que la langue parlée par ces peuples à l’est, et même fort à l’est, présente des similitudes avec le Valaque. De même, les Tokhariens, un peuple de la branche aryenne, atteindront la Chine, les Aryens s’installeront en Inde tandis que les ancêtres des Aïnous actuels s’établiront au Japon.

 

La branche du Sud-Ouest des peuples issus de la matrice territoriale carpatho-danubienne font jeter les fondements de ce que l’on appelle aujourd’hui “la civilisation européenne archaïque”. Les institutions de cette civilisation sont donc issues, au départ, de l’espace carpatho-danubien, sacré et primordial.  Ce concept de “civilisation européenne  archaïque” a été forgé par Marija Gimbutas, qui fut professeur d’archéologie et de linguistique à l’Université de Los Angeles en Californie. Ce concept est né, chez Marija Gimbutas, en 1971, lors du 8ième Congrès international des sciences préhistoriques et proto-historiques, tenu à Belgrade (soit à Singidunum, son nom celto-latin). Cette civilisation européenne archaïque s’est d’abord étendue à des territoires aujourd’hui ukrainiens, moldaves, roumains, bulgares, serbes, macédoniens, monténégrins, bosniaques, croates, slovènes, albanais, grecs, turcs, hongrois, suisses, italiens, avec une extrémité septentrionale en Autriche, en Bohème, en Slovaquie, en Pologne et en Lithuanie, puis avec une pointe avancée méridionale dans les grandes îles de la Méditerranée: Sardaigne, Sicile, Crète, Chypre.

 

La branche carpatho-danubienne du Sud-Ouest a été incroyablement florissante  au néolithique, donnant naissance au plus ancien système  d’écriture du monde (Tartarie, Roumanie) et à une architecture fascinante, surtout pour la construction de temples, dont on retrouve des restes à Cascioarele en Roumanie, à Cranon en Grèce, à Porodin en Macédoine, à Gradesnita en Bulgarie, à Parta en Roumanie, à Sarmi-Seget-Usa, également en Roumanie. Sur ce site, précisément, on retrouve des traces du panthéon pélagien, aryen, carpatho-danubien; on sait que ces peuples vénéraient le soleil; le nom du Mont Surya dérive du mot “Surya”, le nom du soleil dans les Védas. Dans la nécropole de Cernavoda en Roumanie, deux statues de céramique ont été découvertes; on estime qu’elles datent  de 4530 avant notre ère et représentent le “couple primordial”, avec le père-ciel (Samasua) et la terre-mère (Dakia), que l’on appelle aussi, parfois, le “penseur pontique-danubien et sa femme”. N’oublions pas que les conditions géographiques et climatiques, voire tectoniques, ont empêché le peuple initial carpatho-danubien de se déplacer entre –7540 et –5500. Donc, au cours de cette période, après un cataclysme sismique, où la plaque tectonique de la Mer Noire s’est élevée de 40 à 180 m, inondant la  plaine du Danube inférieur et créant les détroits du Bosphore, tandis que la bande de terre reliant les Blakans à l’Asie Mineure s’est effondrée dans la Méditerranée, formant du même coup la péninsule balkanique et la Mer de Thrace (ou l’Egée). Toujours au cours de cette période, le centre sacré de Koga-Ion, s’est déplacé des Montagnes de Bucegi (le point focal sismique de Vrancea) vers le Mont Surya à Sarmi-Seget-Usa (dans la vieille langue sanskrite, cela signifie “Je suis pressé de fuir”).

 

Entre –4400 et –4200 avant notre ère, la première vague orientale de migration revient dans la zone pélagienne originelle: il s’agit d’une population “kourgane” qui s’était établie dans les bassins du Don et de la Volga; elle atteint d’abord les steppes du Nord-Ouest de la zone pontique puis déboule dans la vallée du Danube. Cette première vague migratoire de guerriers cavaliers  va s’arrêter juste devant le confluent de la Save et de la Drave avec le Danube, ce qui amènera des éléments du peuple carpatho-danubien au-delà des Alpes, notamment dans la péninsule italique.

 

Les Pélages carpatho-danubiens seront contraints de se doter d’une meilleures organisation administrative, militaire et religieuse pour faire face aux migrations. La vie religieuse connaît alors un “revival” au nom des divinités sacrées traditionnelles, telles le dieu de la guerre, “Sol-Ares”, soit le “Jeune Soleil” ou le “fils du Père-Ciel”, qui s’appelle, dans cette mythologie, “Sama-Sua”, ou Salmos, Zalmos, Zalmoxis.

 

Les Carpatho-Danubiens amélioreront sans cesse leurs systèmes de défense, leurs armements, dont la production sera continuellement perfectionnée. Le site d’Ardeal (Terra Aruteliensis) devint ainsi l’un des centres métallurgiques les plus importants de l’Europe à l’époque.

 

Par la suite, la population issue de la migration kourgane a été assimilée à l’indigénat carpatho-danubien, harcelé,  désormais, et de façon constante, par des peuples migrants, venus de l’Est. La fusion d’éléments kourgans et de l’indigénat carpatho-danubien donna naissance à un peuple belliqueux, les “Guerriers du Soleil”, connus entre –4400 et –3900 sous le nom de Daces (“Dax” signifiant tout à la fois “saint”, “chevalier” et “guerrier”). Hérodote, dans ses “Histoires” (IV, 93) parle d’eux comme “les  plus  braves, les plus honnêtes et les plus justes d’entre les peuples pélagiens”.

 

Les Carpatho-Danubiens ont donc inventé, à cette époque, les techniques et artefacts suivants :

 

1. La faucille (dont on retrouve des traces archéologiques dans les établissements de Gumelnita-Karanoco et de Cucuteni).

2. Le couteau de silex courbé, de 30 cm de long, qui devint, à l’âge des  métaux, l’épée dace courbée, utilisée tout à la fois pour les moissons et pour affronter l’ennemi.

3. La charrue en bois de cerf ou en silex, qui sera en bronze ou en fer plus tard.

4. Le joug, utilisé pour la traction de charettes à boeufs.

5. La hache de silex à deux tranchants, plus tard en bronze puis en fer, fondue dans un moule en argile cuit; cet instrument sera typique des populations carpatho-danubiennes.

6. La roue du potier puis la roue de char, deux inventions attribuées aux Daces de Cucuteni.

7. Les chars ou chariots à deux, trois ou quatre roues.

 

Nos ancêtres ont donc inventé tous ces outils indispensables au développement d’une culture historique. Or n’importe quel peuple non européen serait fier aujourd’hui d’avoir été à la base de ces inventions. Ce n’est plus le cas de nos jours en Europe et en Roumanie. Il paraît que nous sommes devenus “modestes”. Ce n’est jamais qu’un manque navrant de fierté. En Roumanie, on continue à parler d’une origine latine et romaine, en négligeant délibérément l’héritage dace  et carpatho-danubien.

 

Les vagues migratoires venues de l’Est ne se sont pas arrêtées à celles des premiers Kourganes; une seconde vague (de –3400 à –3200) et une troisième (de –3000 à –2800), toutes deux moins nombreuses, n’ont pas eu un impact important sur la démographie indigène.

 

Dans les premières années de ce 35ième siècle avant notre ère, le “pôle” démographique de la planète se situait donc dans l’aire carpatho-danubienne et pontique. Ce qui explique pourquoi une bonne moitié des populations nomades des steppes comprises entre le Dniepr et les Monts Ourals se sentait attirée par le niveau élevé de culture et par la richesse de leurs voisins vivant sur la rive occidentale du Dniepr. L’histoire évoque des “éleveurs de chevaux” qui apparaissent au sein de la population indigène de l’espace carpatho-danubien, puis disparaissent. Ces populations nomades, comme celles des deuxième et troisième vagues de Kourgans) ont atteint l’Europe occidentale, certains se portant même jusqu’à la péninsule ibérique.

 

Les Daces ont donc protégé l’Europe contre les assauts des barbares de la steppe, comme le feront leurs descendants en des périodes ultérieures de l’histoire. Quelles impulsions ont amené ces populations migrantes à nos frontières: l’attrait pour une culture supérieure, plus raffinée? La faim? La volonté de piller? Le mépris qu’ils éprouvaient pour le travail de l’honnête homme sédentaire? Les hypothèses peuvent se juxtaposer, se télescoper. Le débat est ouvert.

 

A l’âge du bronze émerge la culture dace de Cotofeni, dominée par des idées religieuses, des symboles et des motifs sacrés: la double spirale, le culte des pins (avec les motifs correspondants, symbolisant le pin ou le sapin). Gebeizis, ou le “dragon des nuages”, semble être devenu, à cette époque, le dieu principal, avec, à ses côtés, Bendis, la grande déesse des forêts, de la lune et des divinations). Le peuple carpatho-danubien s’est donc répandu dans le monde entier et en a conquis de vastes espaces, en étant parfois vaincu. Ainsi, la civilisation qu’il a créée, et qui porte les noms de pélagienne, de thrace, de mycénienne, de pélagienne-thraco-mycénienne, ou de pélagienne-thraco-troyenne, a été détruite et conquise par d’autres vagues migratoires barbares, au nombre de quatre, venues de l’Est de la Caspienne entre –1900 et –1400: les Achéens, les Ioniens, les Doriens et les Eoliens, qui deviendront les Grecs.

 

Ces peuples se sont fixés dans le sud de la péninsule balkanique et en Asie Mineure. Ils ont chassé les Carpatho-Danubiens des îles de l’Egée. Ainsi  en atteste la figure de l’Achéen Thémistocle, chef du groupe qui conquerra plus tard Lemnos et en expulsera les Thraces de Sinthion en –500. Ce sont ces peuples-là qui ont changé le nom de la Mer de Thrace pour l’appeler “Egée”. Ils prendront et détruiront Troie. Ces conquérants, toutefois, ont été absorbés et inclus dans la culture carpatho-danubienne. Ils en hériteront le panthéon et la mythologie: Gebeleizis devint Zeus; Bendis, la déesse, devint Aphrodite ou Vénus, tandis qu’Orphée et Bacchus ont été assimilés sans trop d’altérations. L’origine thraco-dace de ces dieux et déesses étant souvent reconnue comme telle.

 

Le transport du fer, de l’or et du bétail n’était pas sûr à l’époque sur les routes et pistes de Dacie. Les Daces ont décidé d’imposer au peuple un ordre héroïco-religieux et chevaleresque, ayant aussi pour tâche de dire le droit et de rendre la justice selon les coutumes daces et d’imposer les fameuses lois pélagiennes (ou pélasges ou “bellagiennes” ou “valachiennes”). L’imposition de ce code avait pour but de mettre fin aux pillages locaux et aux vols et larcins de toutes natures. Les “chevaliers” de cet ordre  —dénommés les “chevaliers du Soleil”— étaient équipés d’armes de fer et parvenaient à avoir systématiquement le dessus sur leurs ennemis.

 

Comme nous l’avons  déjà mentionné, les populations  pélagiennes carpatho-danubiennes se sont divisées en deux groupes: ceux du sud, qui donneront la civilisation védique, que l’on connaît bien, et ceux du nord, plus anciens, qui ont donné par la suite naissance à deux grands groupes de peuples en Europe: les Germains et les Slaves.

 

L’un des documents les plus importants qui nous parlent des Daces, de leurs origines et de leurs descendants, est le “Chronicle Roll” ou le “Moseley Roll”, une chronique historique, dont l’original a été perdu mais dont des copies manuscrites du 15ième siècle attestent l’existence; ces copies datent du règne du roi d’Angleterre Henri VI et se trouvent dans les bibliothèques de l’University College de Londres et du “Corpus Christi College” de Cambridge. On en trouve également une copie à la  “Bibliothèque Nationale” de Paris. Ces documents affirment être une généalogie des peuples germaniques. Dans cette chronique, Styeph, Steldius ou Boerinus, une même figure pour trois noms différents, est considérée comme le père fondateur des peuples germaniques, qui a eu neuf descendants, soit les pères des neuf peuples germaniques de l’antiquité: Geate, Dacus, Suethedus, Fresus, Gethius, Wandalus, Iutus, Gothus et Ciurinicius.

 

Je remercie ici le Dr. Alexandru Badin, mon collègue de New Jersey, pour ses descriptions minutieuses et complètes des liens existant entre la Dacie orientale et la Dacie occidentale. Dans son livre “Western Europe Dacia” (New York, The Geryon Press, 1998), le Prof. Badin met en lumière l’histoire légendaire de la Dacie, jamais auparavant décryptée et révélée, et récapitule les étapes qui ont marqué les origines de la Dacie d’Europe occidentale, en leur donnant une solide base historique et scientifique. Nos théories et opinions ont varié parfois, mais je ne cesserai jamais de lui rendre hommage.

 

Revenons aux neuf descendants de Boerinus (“boier” signifiant “homme noble” en roumain): il apparait évident que ces neuf personnages légendaires ne représentent pas des personnes mais des peuples. La science du préhistorien devient ainsi pareille à l’intrigue d’un roman policier: comment se fait-il que les Allemands ou les peuples germaniques actuels ont des ancêtres mythiques dont les noms sont “Geate” et “Dacus”? Est-ce dû à l’arrivée sur le territoire allemand actuel d’une tribu carpatho-danubienne, immédiatement après la disparition de la calotte glaciaire, quand le climat s’est réchauffé? Ou est-ce une simple coïncidence? Le héros anglo-saxon et scandinave, Beowulf, était, dit le texte, le chef d’un peuple appelé “Geate”, “Geatas”, “Guata” ou “Guatar”. Dans son célèbre ouvrage “The Medieval Word/World” (New York, New American Library, 1961), Friedrich  Heer décrit la personnalité de trois professeurs célèbres de l’Université de Paris au 13ième siècle, tous venus d’Europe du Nord. L’un d’eux est “Boetius”, venu de Dacie. Il avait énoncé la théorie, fort débattue, de la “double réalité”, affirmant que le savoir et la religion étaient deux principes différents, chacun valable et juste en soi. Ses idées hérétiques ont été réduites au silence en 1277, à la suite d’un décret pontifical.  Le site géographique de la Dacie, pays de Boetius, est contesté. Selon les Prof. Jensen S. Skovgaard, le terme “Dacie”, au moyen-âge, possède deux significations:la première de ces significations fait référence à l’Ordre des Dominicains ou des Franciscains; ensuite, deuxième signification, il suggère que la personne,dont on parle, est originaire d’une  province de “Dacie”, dont le territoire recouvre le Danemark, la Norvège, la Suède et la Finlande. Il fait référence à l’ancienne “Dacie” des textes médiévaux, synonyme de “Dania” , soit le Danemark.

 

De ce fait, nous avons affaire àdeux populations différentes, vivant sur des territoires européens différents, qui partagent une même appelation de “Dacie”.  L’un de ces groupes appartenait à l’Europe orientale, c’est-à-dire au foyer originel de l’Europe proto-historique, tandis que l’autre appartenait au territoire du Nord-Ouest du sous-continent européen, sur le territoire scandinave recouvrant aujourd’hui le Danemark (appelé, lui aussi, “Dacia” dans les anciens textes latins où le terme désigne une province ou une région), la Suède, la Norvège et la Finlande. Il est curieux de constater que la Dacie d’Europe orientale est mention née dans les sources historiques écrites dès le 2ième siècle avant J.C., tandis que la “Dacie” d’Europe occidentale n’est mentionnée que beaucoup plus tard, soit, grosso modo, au 4ième siècle après J.C.

 

Personnellement, je ne pense pas que le débat sur la descendance de Boetius de Dacie est un problème qui doit être résolu par les Suédois ou les Danois seuls. Je pense plutôt que la clef, nous permettant de comprendre l’ensemble de la problématique de la préhistoire et de la proto-histoire européenne, se situe ailleurs, notamment en Dacie orientale. La question est dès lors la suivante : est-il possible que ces deux provinces d’Europe et ces deux peuples, ayant des noms similaires et partageant bon nombre de coutumes issues d’une culture, d’une religion et d’une langue communes, possèdent un dénominateur commun historique, une histoire et un passé communs ou une origine similaire?

 

Les Pélages carpatho-danubiens ont transporté leurs symboles dans toutes les régions qu’ils ont conquises. Cela explique pourquoi nous trouvons la croix pélagienne nonseulement sur le sommet de Torocello près de Venise, mais aussi sur le Müncheberg en Allemagne. Cette croix, en effet, se retrouve partout, des Balkans à l’Asie Mineure et, de là, jusqu’en Inde, en Corée et en Indonésie (dans l’Ile de Bali). La plus ancienne croix pélagienne, vieille de plus de 7000 ans, a été découverte au sud du Danube, sur le territoire actuellement bulgare. L’oiseau héraldique de la Roumanie, soit le corbeau pélagien, est aussi l’oiseau sacré du dieu Mithra (le dieu solaire, appartenant au plus ancien panthéon védique). Cet oiseau était fort vénéré dans les provinces daces (cf. N. Densusianu, “Dacia preistorica, p. 426, Meridiane Publishing House, 1986). Il porte en son bec une croix pélagienne, parfois  simple dans sa forme, parfois double. Dans le “Livre des Psaumes Slaves”, imprimé en 1575, la partie supérieure de cette croix prend la forme de la vieille svastika pélagienne, que l’on reconnaît comme un symbole de renaissance, plus exactement du soleil renaissant ou du soleil du printemps.  On retrouve cette même croix dans le livre des psaumes slavo-roumains de 1577 (Branu & Hodos, Bibliographie roumaine, tome 1, 61-1576, 67-1577). La tombe du Negru Voda a été découverte le 31 juillet 1920. Sous la pierre tombale, il y avait un sarcophage où gisait le corps parfaitement conservé de ce grand seigneur et prêtre du 13ième siècle. Son linceul également était recouvert de croix pélagiennes.

 

Le texte intitulé “The Little Chronicle of the Leire Kings”, écrit au 12ième siècle de notre ère, évoque Dan, roi de Dacie, qui règna sur le pays pendant trois ans (“Erat ergo Dan Rex in Dacia per triennum”). R. W. Chambers nous ajoute une note infra-paginale fort intéressante : “Dacia = Den-mark”. Si l’on réexamine le document “Moseley Roll”, on découvre qu’il n’y a aucune référence à un roi Dan ou à un peuple dénommé les “Dani”. La première mention historique de ce roi et de ce peuple est beaucoup plus récente. “Dani”, “Dania”, “Denmark” sont des noms récents, qui ont remplacé le nom ancien et traditionnel de “Dacia”.

 

L’arrivée des “Danes”  ou “Dani”, venus de cette Scandinavie septentrionale, fit qu’une partie de la population anciennement dace occupât les Pays-Bas actuels dont les citoyens s’appellent les “Dietsch” ou “Deutsche”. Cette dénomination se prononce presque comme le terme romain/latin de “Daci” (phonétiquement : “Datchi”). Malheureusement, le peuple roumain aujourd’hui est davantage préoccupé par sa survie physique que par une recherche de ses véritables origines et de sa vraie identité. Une longue série d’événements anormaux et dramatiques ont fait que ce peuple a oublié ou ignoré ses racines. En effet, les efforts déployés tout au long de l’histoire pour que notre peuple oublie ou ignore son histoire nationale et son identité ont été couronnés de succès. N’oublions jamais qu’un mensonge répété à satiété acquiert le statut de “vérité”, tandis qu’une vérité bien établie, que l’on a négligée de répéter, peut finir par être prise pour une hallucination ou une élucubration. Quand cet état d’hypnose du peuple dace-roumain finira-t-il? Qu’est-ce qui empêche aujourd’hui les Daces-Roumains de renouer avec leur véritable histoire, avec leurs vraies origines?

 

A  l’évidence, retrouver la vérité postule deux choses : quelqu’un qui s’en fasse le porte-voix et quelqu’un qui accepte d’écouter cette voix. Le premier pas a été fait!

 

samedi, 08 mai 2010

Il mito cosmogonico degli Indoeuropei

Il mito cosmogonico degli Indoeuropei

di Giorgio Locchi - 30/04/2010

Fonte: Centro Studi La Runa [scheda fonte]

«Ich sagte dir, ich muß hier warten, bis sie mich rufen»

(Oreste, in Elektra di Hugo von Hoffmanstahl)

Il Rig-Veda dell’India antica e l’Edda germanico-nordica presentano due grandi miti cosmogonici, che concordano tra loro a tal punto che vi si può vedere a giusto titolo una duplice derivazione di un mito indoeuropeo comune. Di tale mito delle origini è forse possibile trovare qualche eco presso i Greci. Roma, come vedremo, non ha mai perso il ricordo del “protagonista” di questo dramma sacro che era, per i nostri antenati indoeuropei, l’inizio del mondo. Ma il dramma stesso non ci è pervenuto, nella sua integralità, che tramite l’intermediazione dei germani e degli indoari, di cui scopriamo così che essi ebbero, almeno quando entrarono nella “storia scritta”, e più che ogni altro popolo europeo, la “memoria più lunga.

Grazie ai suoi ammirevoli lavori sulla ideologia trifunzionale, Georges Dumézil ha da lungo tempo messo in luce un aspetto fondamentale, assolutamente originale, della Weltanschauung e della religione degli indoeuropei. Non meno essenziale, non meno originale ci appare la credenza istintiva nel primato dell’uomo (e dell’umano) che testimonia il mito cosmogonico indoeuropeo “conservato” nel Rig-Veda e nell’Edda. Per l’indoeuropeo, in effetti, l’uomo è all’origine dell’universo. E’ da lui che procedono tutte le cose, gli dèi, la natura, i viventi, lui stesso infine in quanto essere storico. Tuttavia, come rimarca Anne-Marie Esnoul, «questo cominciare non è che un un cominciare relativo: esiste un principio eterno che crea il mondo, ma, dopo un periodo dato, lo riassorbe» (La naissance du monde, Seuil, Parigi 1959). L’uomo, presso gli indoeuropei, non è soltanto all’origine dell’universo: è l’origine dell’universo, in seno al quale l’umanità vive e diviene. Giacché all’inizio, dice il mito, vi era l’Uomo cosmico: Purusha nel Rig-Veda, Ymir nell’Edda, Mannus, citato da Tacito, presso i germani del continente (Manus, in quanto antenato degli uomini, essendo parimenti conosciuto presso gli indiani).

Nel decimo libro del Rig-Veda, il racconto dell’inizio del mondo si apre così:

«L’Uomo (Purusha) ha mille teste;

ha mille occhi, mille piedi.

Coprendo la terra da parte a parte

la oltrepassa ancora di dieci dita.

Purusha non è altro che quest’universo

Ciò che è passato, ciò che è a venire.

Egli è signore del dominio immortale,

perché cresce al di là del nutrimento».

E’ da Ymir, Uno indiviso anche lui, che procede la prima organizzazione del mondo. Il Grimnismál precisa:

«Della carne di Ymir fu fatta la terra,

il mare del suo sudore, delle sue ossa le montagne,

gli alberi furono dai suoi capelli,

e il cielo del suo cranio».

Le cose avvengono nello stesso modo nel Rig-Veda:

«La luna era nata dalla coscienza di Purusha,

dal suo sguardo è nato il sole,

dalla sua bocca Indra e Agni,

dal suo soffio è nato il vento.

Il dominio dell’aere è uscito dal suo ombelico,

dalla sua testa evolse il sole,

dai suoi piedi la terra, dal suo orecchio gli orienti;

così furono regolati i mondi».

Purusha è anche Prajapati, il «padre di tutte le creature». Giacché gli dèi stessi non costituiscono che un “quartiere” dell’Uomo cosmico. Ed è da lui solo che in ultima istanza proviene l’umanità. Si legge nel Rig-Veda:

«Con tre quartieri l’Uomo (Purusha) s’è elevato là in alto,

il quarto ha ripreso nascita quaggiù».

Essendo “Uno indiviso”, l’Uomo cosmico è uno Zwitter, uno Zwitterwesen, un essere asessuato o, più esattamente, potenzialmente androgino. Riunisce in sé due sessi, in maniera ancora confusa. La teologia indiana nota d’altronde che il “maschio” e la “femmina” sono nati dalla «suddivisione di Purusha», così come tutti gli altri “opposti complementari”. Ymir, quanto a lui, dormiva nei ghiacci dell’abisso spalancato (Ginungagap) tra il sud e il nord, quando due giganti, uno maschio e l’altro femmina, si sono formati come escrescenze sotto le sue ascelle. E’ parimenti da lui, o dal ghiaccio fecondato da lui, che è nata la prima coppia umana, Bur e Bestla, genitori dei primi Asi (o dèi sovrani), Wotan (Odhinn), Wili e We.

Nell’interpretazione di questi grandi miti cosmogonici non bisogna mai dimenticare che per la mentalità indoeuropea la generazione reciproca è un processo assolutamente normale: gli “opposti logici” sono sempre complementari e perfettamente equivalenti: si pongono mutualmente. E’ così che l’uomo dà nascita a, o tira da se stesso, gli dèi, mentre gli dèi a loro volta danno nascita agli uomini (o insufflano loro lo spirito e la vita). Secondo il racconto dell’Edda, più precisamente nella Voluspá:

«Tre Asi, forti e generosi,

arrivarono sulla spiaggia:

trovarono Ask e Embla,

(che erano ancora) privi di forza.

Senza destino, non avevano sensi,

né anima, né calor di vita, né un colore chiaro.

Odhinn donò il senso, Hoenir l’anima,

Lodur donò la vita e il colore fresco».

In tutta evidenza, in questo racconto, i tre Asi giocano il ruolo dei primi “eroi civilizzatori”. Ask (ovvero “frassino”) e Embla (ovvero “orma”) rappresentano un’umanità ancora “immersa nella natura”, interamente sottomessa alle leggi della specie, testimone di un’era trascorsa, quella di Bur. Se ci si pone al momento della società indoeuropea caratterizzata dalla tripartizione funzionale, ci si accorge d’altronde che le classi che assumono rispettivamente le tre funzioni appaiono come discendenti del dio Heimdal e di tre donne umane. Il Rigsmál racconta come Heimdal, avendo preso le sembianze di Rigr, generò Thrael, capostipite degli schiavi, con Ahne (“antenata”), Kerl, antenato capostipite dei contadini, con Emma (“nutrice”) e Jarl, capostipite dei nobili con “Madre”. Nel Rig-Veda, per contro, gli antenati delle classi sociali sorgono direttamente dall’Uomo cosmico primordiale:

«La bocca di Purusha divenne il brahmino,

il guerriero fu il prodotto delle sue braccia,

le sue coscie furono l’artigiano,

dai suoi piedi nacque il servo».

Così come la distribuzione delle classi è sufficiente a dimostrare, la “versione” del Rig-Veda è probabilmente la più fedele al racconto originale indoeuropeo. Non è escluso cionostante che la “versione” germanica si riallacci anch’essa ad una fonte molto antica. Heimdal, in effetti, è una figura tra le più misteriose. Dumézil ha messo ben in evidenza la particolarità essenziale di questo dio, corrispondente germanico dello Janus romano e del Vaju indiano. Cronologicamente, Heimdal è il primo degli Asi, il più vecchio degli dèi. E’ anche un dio che vede tutto: «ode l’erba spuntare sul prato, la lana crescere dalla pelle delle pecore, nulla sfugge al suo sguardo acuto», ed è questa la ragione per cui svolge il ruolo di guardiano di Asgard, la «dimora degli Asi». Dalui è proceduto l’inizio, da lui procederà anche la fine, il Ragnarok (o “crepuscolo degli dèi”) che annuncerà lui stesso dando fiato al corno. Heimdal riunisce dunque in sé tutti i caratteri dell’”Essere supremo”, oggetto di una più antica credenza che Raffaele Pestalozzi attribuiva all’umanità primitiva (cioè agli umani della fine del mesolitico), ma corresponde anche al “dio dimenticato” di cui parla Mircea Eliade, oscura reminiscenza in seno alle religioni “evolute” di una preesistente concezione della divinità. Il che lascia supporre che Heimdal non sia che una proiezione dell’”Essere supremo” degli antenati degli indoeuropei in seno alla società dei “nuovi dèi”, nello stesso modo in cui Ymir lo prolunga, in quanto “principio universale, a livello della cosmogonia (1). Una tale interpretazione è suscettibile di gettare una nuova luce sul “problema di Janus”, altra divinità misteriosa, di cui abbiamo detto che corrispondeva a Roma allo Heimdal germanico. Innumerevoli discussioni hanno avuto luogo sull’etimologia del nome “Janus”. Da qualche tempo, sembra che un accordo si stia formando nel senso di ricollegarlo alla radice indoeuropea *ya, che ha a che fare con l’idea di”passare”, di “andare”. Ma tale spiegazione non sembra molto convincente, e ci si può domandare se non vale la pena di mettere il nome “Janus” in relazione con le radici *yeu(m) o *yeu(n) (da cui il latino jungo, “congiungere”, “coniugare”), che esprimono l’idea di “unire”, di “accoppiare ciò che è separato”, dunque di “gemellare i contrari” (gli “opposti logici”). Ciò spiegherebbe bene il carattere ambiguo di questo deus bifrons, che è, come Ymir, uno Zwitter.

Si sa, del resto, che un antichissimo appellativo di Janus, di cui i romani dell’epoca di Augusto non comprendevano più esattamente il significato, è Cerus Manus, che si traduce come “buon creatore” (da *krer, “far crescere”, e da un ipotetico *man, “buono”). Noi pensiamo piuttosto che “Manus” non è che un fossile alto-indoeuropeo conservato nel latino antico, che rinvia perfettamente a “Mannus” e significa “uomo” come in germanico ed in sancrito. Il latino immanis non significa d’altronde affatto “cattivo”, “malvagio”, bensì “prodigioso”, “smisurato” (inumano: fuori dalla misura umana). Si comprende allora perché Janus, che è come Heimdal il dio dei prima (delle cose “cronologicamente prime”) è considerato, in quanto Cerus Manus, l’antenato delle popolazioni del Lazio, così come Mannus è l’antenato delle popolazioni germaniche.

Il rituale vedico, essenzialmente imperniato sulla nozione di sacrificio, fa precisamente dello smembramento, della “suddivisione” dell’Uomo cosmico (Purusha), il prototipo stesso del sacrificio. Ora, nei testi “speculativi”, questo sacrificio di Purusha ci è presentato sotto due aspetti: da un lato Purusha sacrifica se stesso, inventando così il «sacrificio imperituro»; dall’altro, sono gli dèi che sacrificano Purusha e lo “smembrano”. La questione si pone dunque di sapere se gli indiani hanno “interpretato” o se al contrario hanno conservato la tradizione indoeuropea in tutta la sua purezza. Questa ultima eventualità ci sembra la più verosimile, non fosse che per il fatto che all’origine ogni mito è al tempo stesso storia del rito e proiezione del rito stesso. D’altra parte, la medesima doppia immagine si ritrova nell’Edda. Allo “smembramento” di Purusha corrisponde, sotto una forma desacralizzata, ma sempre presente, lo “smembramento” di Ymir da parte degli Asi, figli di Bur. Quanto all’altro aspetto del sacrificio dell’Uomo cosmico, quello dell’autosacrificio, basta riportarsi alla Canzone delle Rune (Runatals-thattr) per trovarne una forma trasposta, quanto Wotan dichiara:

«Lo so: durante nove notti

sono rimasto appeso all’albero scosso dai venti

ferito dalla lancia, sacrificato a Wotan,

io stesso a me stesso sacrificato,

appeso al ramo dell’albero di cui non si può

vedere da quale radice cresca»

Odhinn-Wotan, dio sovrano, non è certo l’Uomo cosmico, e tanto meno ne gioca il ruolo in seno alla società degli dèi (2). Nondimeno, anche se non è all’origine dell’universo, Wotan è all’origine di un nuovo ordine dell’universo. Gli spetta dunque di inaugurare mercè il suo proprio sacrificio su Ygdrasil, l’albero-del-mondo, la “seconda epoca” dell’uomo (l’epoca propriamente storica). Odhinn-Wotan si sacrifica non più, come Purusha, per “suddividersi” e “liberare” così i contrari grazie ai quali l’universo deve acquisire la sua fisionomia, bensì per acquisire il sapere (il “segreto delle rune”) che gli permetterà di organizzare, o più esattamente di riorganizzare, l’universo. A dire il vero, questo “rimaneggiamento” del mito originale non sorprende: la Weltanschauung germanica ha sempre sottolineato e amplificato l’immaginazione storica degli indoeuropei, mettendo l’accento su un divenire ove sia il passato, sia il futuro, sono contenuti nel presente, pur venendone trasfigurati.

Per secoli il mito cosmogonico indoeuropeo non ha cessato di ispirare e di nutrire l’immaginazione degli indiani antichi. Forse la sua ricchezza non appare da nessuna parte, in tutto il suo splendore, meglio che nel magnifico poema di Kalidasa, il Kumarasambhava, in cui Purusha è Brahma, divina personificazione del sacrificio:

«Che tu sia venerato, o dio dalle tre forme

Tu che eri ancora unità assoluta, prima che la creazione fosse compiuta,

Tu che ti dividevi nei tre gunas, da cui hai ricevuto i tuoi tre appellativi.

O mai nato, il tuo seme non fu sterile allorché fu eietto nell’onda acquosa!

Tuo tramite l’universo sorse, che si agita e che è senza vita,

e di cui tu sei festeggiato nel canto come l’origine.

Tu hai dispiegato la tua potenza sotto tre forme.

Tu solo sei il principio della creazione di questo mondo,

ed anche la causa di ciò che esiste ancora e che alla fine crollerà.

Da te, che hai suddiviso il tuo proprio corpo per poter generare,

derivano l’uomo e la donna in quanto parte di te stesso.

Sono chiamati i genitori della creazione, che va moltiplicandosi.

Se, tu che hai separato il giorno e la notte secondo la misura del tuo proprio tempo,

se tu dormi, allora tutti muoiono, ma se vivi, allora tutti sorgono.

[...]

Con te stesso conosci il tuo proprio essere.

Tu ti crei da te stesso, ma anche ti perdi,

con il tuo te stesso conoscente, nel tuo proprio te stesso.

Sei il liquido, sei ciò che è solido, sei il grande e il piccolo,

il leggero e il pesante, il manifesto e l’occulto.

Ti si chiama Prakriti, ma sei conosciuto anche come Purusha

che in verità vede Prakriti, ma da lei non dipende.

Tu sei il padre dei padri, il dio degli dèi. Sei più alto del supremo.

Tu sei l’offerta in sacrificio, ed anche il signore del sacrificio.

Sei il sacrificato, ma anche il sacrificatore.

Tu sei ciò che si deve sapere, il saggio, il pensatore,

ma anche la cosa più alta che sia possibile pensare».

Questo inno di Kalidasa è uno degli apici della “riflessione poetica” indiana sulla tradizione dei Veda. Esplicita a meraviglia tutti i sottintesi del mito cosmogonico indoeuropeo, nello stesso tempo in cui riconduce ad unità le variazioni (successive o meno) del tema originario. L’opposizione di Purusha e Prakriti (che corrisponde, in qualche modo, alla natura naturans) è estremamente rivelatrice, soprattutto se la si mette in parallelo con quella di Purusha e dell’”onda indistinta” rappresentata da Ymir e dall’”abisso spalancato”. E’ per il fatto di «vedere Prakriti senza dipenderne» che l’Uomo cosmico è all’origine dell’universo. Giacché l’universo non è che un caos indistinto, sprovvisto di senso e di significato, da cui solo lo sguardo e la parola dell’uomo fanno sorgere la moltitudine degli esseri e delle cose, ivi compreso l’uomo stesso, alla fine realizzato. Il sacrificio di Purusha, se si preferisce, è il momento apollineo tramite cui si trova affermato il principium individuationis, «causa di ciò che esiste e che ancora esisterà», fino al momento in cui questo mondo «crollerà», ovvero sino al momento dionisiaco di una fine che è anche la condizione di un nuovo inizio.

In una Weltanschauung di questo tipo, gli dèi sono essi stessi un “quartiere” dell’Uomo cosmico. “Uomini superiori” nel senso nietzschano del termine, essi perpetuano in un certo modo il ricordo trasfigurato e trasfigurante dei primi “eroi civilizzatori”, di coloro che trassero l’umanità dal suo stato “precedente” (quello di Ask e di Embla), e fondarono davvero, ordinandola per mezzo delle tre funzioni, la società umana, la società degli uomini indoeuropei. Questi dèi non rappresentano il “Bene”. Non rappresentano neppure il Male. Sono al tempo stesso il Bene e il Male. Ciascuno di loro, di per ciò stesso, presenta un aspetto ambiguo (un aspetto umano), il che spiega perché, mano mano che l’immaginazione mitica ne svilupperà la rappresentazione, la loro personalità tenderà a sdoppiarsi: Mitra-Varuna, Jupiter-Dius Fidius, Odhinn/Wotan-Tyr, etc. In rapporto all’umanità presente, che essi hanno istituito in quanto tale, questi dèi corrispondono effettivamente agli “antenati”. Legislatori, inventori della tradizione sociale, e, in quanto tali, sempre presenti, sempre agenti, restano nondimeno assoggettati in ultima istanza al fatum, votati molto umanamente a una “fine”.

Si tratta, in conclusione, di dèi non creatori, ma creature; dèi umani, e tuttavia ordinatori del mondo e della società degli uomini; dèi ancestrali per l’”attuale” umanità: dèi, infine, “grandi nel bene come nel male” e che si situano essi stessi al di là di tali nozioni.

Ciò che chiamiamo il “popolo indoeuropeo” è in effetti una società risalente agli inizi del neolitico, il cui mito si è precisamente costruito a partire dalla nuova prospettiva inaugurata dalla “rivoluzione neolitica”, per mezzo di una riflessione sulle credenze del periodo precedente, riflessione che è alla fine sfociata in una formulazione rivoluzionaria dei temi della vecchia Weltanschauung.

Se, come pensa Raffaele Pestalozzi, autore di L’omniscience de dieu, la credenza in un “Essere supremo” (da non confondere con il dio unico dei monoteisti!) era propria all’”umanità primitiva”, cioè ai gruppi umani della fine del mesolitico, allora il mito cosmogonico indoeuropeo può effettivamente essere considerato come una formulazione rivoluzionaria in rapporto a tale credenza (o, se si preferisce, come un discorso che fa scoppiare, superandoli, il linguaggio e la “ragione” del periodo precedente). Giunti a questo punto, siamo in diritto di pensare che, per gli antenati “mesolitici” degli indoeuropei, l’”Essere supremo” non era forse che l’uomo stesso, o più esattamente la “proiezione cosmica” dell’uomo in quanto detentore del potere magico. Ugualmente, possiamo constatare al tempo stesso che questa idea di un Essere supremo, propria agli indoeuropei, non è affatto comune a tutti i gruppi umani usciti dal mesolitico, o, almeno, che essa non appare più tale ad altri gruppi di uomini ugualmente condotti dalla rivoluzione neolitica a “riflettere” sulle credenze antiche.

L’Oriente classico, ad esempio, ha “riflesso”, immaginato e interpretato le credenze “mesolitiche” in una direzione diametralmente opposta a quella presa dagli indoeuropei. La Bibbia ebraica, summa della Weltanschauung religiosa levantina, si situa, in effetti, agli antipodi della “visione” indoeuropea. Vi si ritrova purtuttavia, come antico tema offerto alla “riflessione”, l’idea di un Essere supremo confrontato, all’inizio del mondo, ad una «terra deserta e vuota, dalle tenebre plananti sull’abisso» (Genesi, I, 1). Questo “abisso spalancato”, è vero, è immediatamente presentato come risultante da una antecedente creazione di Elohim-Jahvé. Ora, Jahvé non ha tratto l’universo da una suddivisione e “smembramento” di sé. L’ha creato ex nihilo, a partire dal nulla. Non è affatto la coincidentia oppositorum, l’”Uno indiviso”, non è l’Essere e il Non-essere al tempo stesso. E’ l’Essere: «Io sono colui che è». Di conseguenza, e dal momento che l’universo creato non saprebbe essere l’uguale del dio creante, il mondo non ha essenza, ma soltanto un’esistenza, o, più esattamente, una sorta di “essere di grado inferiore”, di imperfezione. Mentre il politeismo degli indoeuropei è il “rovescio” complementare di ciò che si potrebbe chiamare il loro mono-umanismo (equivalente d’altronde a un pan-umanismo), il monoteismo ebraico appare come la conclusione di un processo di riassorbimento, come la riduzione all’unicità di Elohim-Jahvé di una molteplicità di dèi non umani, personificanti forze naturali (3), in breve come lo sbocco di una speculazione che ha anch’essa ricondotto la pluralità delle cose a un principio unico, che in tal caso non è l’uomo ma la materia e l’energia (la “natura”).

Per il fatto di essere un dio unico, non ambiguo, che non è per nulla il luogo in cui si risolvono e coincidono gli “opposti logici”, Jahvé rappresenta evidentemente il Bene assoluto. E’ dunque del tutto normale che si mostri sovente crudele, implacabile o geloso: il Bene assoluto non può non essere intransigente rispetto al Male. Ciò che è molto meno logico, per contro, è la concezione biblica del Male. Non potendo derivare dal Bene assoluto, il Male, in effetti, non dovrebbe esistere in un mondo creato, a partire dal nulla, da un dio “di una bontà infinita”. Ora, il Male esiste: il che pone un problema molto serio. La Bibbia prova a risolvere il problema facendo del Male la conseguenza accidentale della rivolta di certe creature, tra cui in primo luogo Lucifero, contro l’autorità di Jahvé. Il Male appare così come come il rifiuto manifestato da una creatura di giocare il ruolo che Jahvé le ha assegnato. La potenza di questo Male è considerevole (poiché deriva dalla ribellione di una creatura angelica, dunque privilegiata), ma, comparata alla potenza del Bene, ovvero di Jahvé, essa è praticamente pari a nulla. L’esito finale della lotta tra il Bene e il Male non è dunque minimamente in dubbio. Tutti i problemi, tutti i conflitti, sono risolti in anticipo. La storia è puro decadimento, effetto dell’accecamento di creature impotenti.

Così, sin dall’inizio, la storia si trova privata di qualsiasi senso. Il primo uomo (la prima umanità) ha commesso la colpa di cedere ad una suggestione di Satana. Egli ha, di conseguenza, ricusato il ruolo che Jahvé gli aveva assegnato. Ha voluto toccare il pomo proibito ed entrare nella storia.

Creatore dell’universo, Jahvé gioca ugualmente, in rapporto alla società umana “attuale”, un ruolo perfettamente antitetico a quello degli dèi sovrani indoeuropei. Jahvé è non l’”eroe civilizzatore” che inventa una tradizione sociale, ma l’onnipotenza che si oppone alla “colpa” di Adamo, cioè alla vita umana che questi ha voluto gustare, alla civilizzazione urbana, uscita dalla rivoluzione neolitica, a cui rinvia implicitamente il racconto della Genesi. Come sottolinea Paul Chalus in L’homme et la réligion, Jahvé non ha che odio per “coloro che cuociono i mattoni”. Quando li vede costruire Babele e la celebre torre, grida: «Se cominciano a fare ciò, nulla impedirà loro ormai di compiere ciò che avranno in progetto di fare. Andiamo, scendiamo a mettere confusione nel loro linguaggio, di modo che non si comprendano più l’un l’altro» (Genesi, XI, 6-7). Jahvé, aggiunge Paul Chalus, «li disperse da là su tutta la terra, ed essi smisero di costruire città». Ma già ben prima di questo evento Jahvé aveva rifiutato le primizie che gli offriva l’agricoltore Caino, e non aveva “guardato” che la pia offerta d’Abele. Il fatto è che Abele non era un allevatore, ma semplicemente un nomade che aveva abbandonato la caccia per la razzia, che prolungava la tradizione “mesolitica” in seno alla nuova civiltà uscita dalla rivoluzione neolitica, e che ne ricusava il modo di vivere. Ulteriormente, la missione di Abramo, il nomade che aveva disertato la città (Ur), e quella della sua discendenza, sarà di negare e ricusare dal di dentro ogni forma di civiltà “post-neolitica”, la cui esistenza stessa perpetua il ricordo d’una “rivolta” contro Jahvé.

L’uomo, in rapporto al “dio” della Bibbia, non è veramente un “figlio”. Non è che una creatura. Jahvé l’ha fabbricato, così come ogni altro essere vivente, nello stesso modo in cui un vasaio modella un vaso. L’ha fatto “a sua immagine e somiglianza” per farne il suo intendente sulla terra, il guardiano del Paradiso. Adamo, sedotto dal demonio, ha ricusato questo ruolo che il Signore voleva fargli giocare. Ma l’uomo resterà sempre il servo di Dio. «La superiorità dell’uomo sulla bestia è nulla, perché tutto è vanità», nota Paul Chalus. «Tutto va verso un identico luogo: tutto viene dalla polvere, e tutto ritorna alla polvere» (Ecclesiaste).

L’uomo, secondo l’insegnamento della Bibbia, non ha dunque che da rammentarsi perpetuamente che è polvere, che ogni Giobbe merità il destino che gli riserva il capriccio di Jahvé, e che l’esistenza storica non ha senso, se non quello che implicitamente gli si dà rifiutando attivamente di attribuirgliene uno. Con la loro voce terribile, i profeti di Israele ricorderanno sempre agli eletti di Jahvé la necessità imperiosa di questo rifiuto, così come gli eletti riconosceranno sempre, nelle loro disgrazie, la conseguenza e la giusta sanzione di una trasgressione (o di un semplice oblio) del comandamento supremo di Jahvé.

Il cristianesimo “romano”, nato dall’”arrangiamento costantiniano”, corrisponde sin dall’inizio al tentativo di stabilire, in seno al mondo “antico” trasformato da Roma in orbis politica, un compromesso tra le Weltanschauungen indoeuropee e una religione giudaica, che Gesù si sarebbe sforzato di adattare alla civilizzazione imperiale romana (4). Il dio unico è diventato, tramite il gioco di un “mistero” dogmatico, un dio “in tre persone”. Ha “integrato” la vecchia nozione di Trimurti, di “Trinità”, e le sue “persone” hanno grosso modo assunto le tre funzioni delle società indoeuropee, sotto una forma d’altronde “invertita” e spiritualizzata. Pur essendo creatore e sovrano, Jahvé continua nondimeno a ricusare il doppio aspetto: il Male è provincia esclusiva di Satana. Al vecchio nome che gli dà la Bibbia si è sostituito il nuovo nome di “deus pater“, il «padre eterno e divino» riverito dagli indoeuropei. Ma Jahvé non è davvero padre che della sua “seconda persona”, di questo figlio che ha inviato sulla terra per svolgervi un ruolo opposto a quello dell’”eroe fondatore”; di questo figlio che si è alienato a questo mondo per meglio rinviare all’oltremondo, e che, se rende a Cesare ciò che è di Cesare, non lo fa che perché ai suoi occhi ciò che appartiene a Cesare non riveste alcun valore; di questo figlio, infine, la cui funzione non è più di “fare la guerra”, ma di predicare una pace gelosa, di cui soli potranno beneficiare gli uomini “di buona volontà”, gli avversari di questo mondo, coloro a cui è riservato il solo nutrimento d’eternità che vi sia, la grazia amministrata dalla terza “persona”, lo Spirito Santo.

L’uomo, creatura e prodotto fabbricato, è il servo dei servi di Dio, «escremento» (stercus), come dirà così bene Agostino. Tuttavia, nello stesso tempo, è ora anche il fratello del figlio incarnato di Jahvé, il che fa di lui un “quasi-figlio” di Dio, a condizione che sappia volerlo e meritarlo, tutte cose che dipendono dalla grazia che amministra il creatore secondo criteri insondabili. Il giorno verrà dunque in cui l’umanità si dividerà definitivamente (per l’eternità) in santi e dannati. Giacché vi è ben un Valhalla biblico, il Paradiso celeste, ma è ormai riservato agli anti-eroi. L’Inferno, quando ad esso, appartiene agli altri.

Questo compromesso ha modellato per secoli la storia di ciò che viene chiamata la “civilizzazione occidentale”. Per secoli, secondo le loro affinità profonde, l’uomo “pagano” e l’uomo “levantino” hanno ciascuno potuto vedere nel dio “uno e trino” la loro propria divinità. Ciò spiega idee e confusioni ben numerose: a cominciare dall’assimilazione di Gesù, Sigfrido e Barbarossa da parte di un Wagner, o il “dio bianco delle cattedrali” caro a Drieu La Rochelle, e, d’altra parte, il Gesù di Ignazio di Loyola, il dio del prete-operaio e Jesus Christ Superstar.

Constatiamo oggi, e in modo certo, che l’”arrangiamento” costantiniano alla fine non arrangiò proprio nulla, e che la giornata dell’«In hoc signo vinces» fu un imbroglio, le cui conseguenze si esercitarono a detrimento del mondo greco-romano-germanico. Sino ad una data relativamente recente, la Chiesa di Roma e le chiese cristiane sono restate, in quanto potenze secolari organizzate, attaccate a tutte le apparenze del vecchio compromesso. Ma da tempo ormai hanno cominciato a riconoscere l’autentica essenza del cristianesimo. Ed ecco che l’irrappresentabile Jahvé, sbarazzato dalla maschera del Dio-Padre luminoso e celeste, è ritrovato e proclamato. Ben prima che le chiese ci arrivassero, tuttavia, il “cristianesimo profano” (demitizzato e secolarizzato), ovvero l’egualitarismo in tutte le sue forme, aveva a modo suo ritrovato la verità secondo la Bibbia. Il “rifiuto della storia”, la volontà proclamata di “uscire dalla storia” (per ritornarne alla natura), la tendenza riduzionista mirante a “riassorbire l’umano nel fisico-chimico”, tutti i materialismi deterministi, la condanna marcusiana di un’arte che tradirebbe la “verità” integrando l’uomo alla società, l’ideologia egualitaria infine che intende ridurre l’umanità al modello dell’anti-eroe, al modello dell’eletto ostile ad ogni civiltà concreta perché non vi vuole vedere che infelicità, miseria, sfruttamento (Marx); repressione (Freud); o inquinamento: tutto ciò non ha cessato di restituire ai nostri occhi, e continua ancora a restituire – nel momento stesso in cui una nuova rivoluzione tecnica invita a superare le “forme” che aveva imposto la rivoluzione precedente – l’immobile visione jahvaitica, visione “eterna” se mai ve ne furono, poiché se limita ad una negazione senza cessa ripetuta di ogni presente carico d’avvenire.

Il “Sì” da parte sua non può essere “eterno”. Essendo un “Sì” al divenire, diviene esso stesso. Nella storia che non cessa di ri-proporsi, per mezzo di nuove fondazioni, questo “Sì” deve a se stesso il fatto di assumere sempre una forma e un contenuto parimenti nuovi. Il “Sì” è creazione, opera d’arte. Il “No” non esiste che negando un valore a tale opera. In un mondo in cui il clamore di voci divenute innumerevoli tende a persuaderci del contrario il mito cosmogonico indoeuropeo ci ricorda che il “Sì” resta sempre possibile: che un nuovo Ymir-Purusha-Janus può ancora risvegliarsi dall’”onda indistinta” in cui giace addormentato; che appena ieri, forse, si è già risvegliato, si è già sacrificato a se stesso, che ha già dato vita a Bur e Bestla, e che presto dei nuovi Asi, dèi luminosi, verranno a loro volta alla vita e intraprenderanno allora, in un mondo differente, sorto dalle rovine caotiche del vecchio, la loro eterna missione di “eroi civilizzatori”, assumendo così, serenamente, lo splendido e tragico destino dell’uomo che crea se stesso, e che avendo dato nascita a se stesso accetta anche, nell’idea della propria fine, la condizione di ogni avventura storica, di ogni vita.

Note

(1) Di Purusha, corrispondente indoario di Ymir, il Rig-Veda del resto dice espressamente che ha «mille teste e mille occhi», cosa che mostra bene che all’origine l’Uomo cosmico era dotato di onniveggenza. Secondo Pestalozzi, l’onniveggenza era precisamente uno degli attributi dell’”Essere supremo” primitivo.

(2) Questo ruolo, come abbiamo visto, si trova parzialmente proiettato nel personaggio di Heimdal.

(3) Jahvé confessa d’altronde di essere «geloso» degli altri dèi. Il termne stesso di Elohim non è forse plurale (plurale storico, e non di maestà)?

(4) Non è evidentemente il caso qui di entrare nei dettagli di tale complessa questione, cui si accenna pertanto unicamente a grandi linee.


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mercredi, 05 mai 2010

L'ombre de la CIA sur Kiev

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SYNERGIES EUROPEENNES – BRUXELLES / ROME – décembre 2004

 

 

L’ombre de la CIA sur Kiev

 

Les Fondations Soros et Ford, la Freedom House et la CIA financent les “révolutions démocratiques” dans le monde

 

Le sort de la “révolution orange” en Ukraine, Monsieur James Woolsey y tient. Il ne peut en être autrement, puisqu’il est le directeur de la “Freedom House”, une organisation non gouvernementale américaine qui possède des sièges à Washington, New York, Budapest, Bucarest, Belgrade, Kiev et Varsovie. Elle se définit comme “une voix claire et forte qui veut la démocratie et la liberté pour le monde” et qui s’active “pour promouvoir les valeurs démocratiques et pour s’opposer aux dictatures”. Ce Monsieur James Woolsey dirige une brochette de politiciens, d’universitaires, d’industriels et d’intellectuels “transversaux”. Ce Monsieur James Woolsey a été, il y a quelques années, en 1995, le directeur de la CIA avant de s’occuper à “exporter la démocratie et la liberté dans le monde”. Grâce aux efforts d’innombrables activistes, issus de la “Freedom House”, et grâce à l’assistance économique, si charitable, d’autres organismes, comme ceux, bien connus, que sont les Fondations Soros et Ford, ce Monsieur James Woolsey  —dont les “honnêtes activités” s’étendent maintenant sur plus de soixante années—  peut désormais concentrer ses efforts dans “la lutte pour la liberté”, dans des pays meurtris et abrutis par une quelconque mélasse dictatoriale. Le palmarès de Woolsey et de ses amis est impressionnant : ils ont soutenu le “Plan Marshall” en Europe, favorisé la création de l’OTAN dans les années 40 et 50, multiplié leurs activités au Vietnam  pendant et après la guerre menée par ce peuple contre les Américains; ils ont financé Solidarnosc en Pologne et l’opposition “démocratique” aux Philippines dans les années 80.

 

Ce sont là les activités les plus médiatisées de cette “bonne” ONG et c’est sans compter les actions de “vigoureuse opposition aux dictatures” en Amérique centrale, au Chili, en Afrique du Sud ou durant le “Printemps de Prague”. Elle a aussi favorisé l’opposition à la présence soviétique en Afghanistan. Elle a excité les conflits inter-ethniques en Bosnie et au Rwanda. Elle s’est opposée à la “violation des droits de l’homme” à Cuba, au Myanmar, en Chine et en Irak. Elle s’est ensuite montrée hyper-active dans l’exportation de la “démocratie et de la liberté” dans les républiques de l’ex-URSS et dans l’ex-Yougoslavie post-titiste. C’est précisément dans cette ex-Yougoslavie, où le “mal” était personnifié par le Président Slobodan Milosevic, que notre ONG a peaufiné ses stratégies d’intervention, afin de les exporter ensuite en d’autres contrées, où le contexte est plus ou moins analogue. Notre bon Monsieur Woolsey a donc accueilli au sein de son organisation Stanko Lazendic et Aleksandar Maric, deux activistes serbes, peu connus de nos médias, mais qui ont joué un rôle-clef dans la chute de Milosevic. Ces deux personnages figurent parmi les fondateurs du mouvement étudiant “Optor” (= “Résistance”), aujourd’hui dissous, mais absorbé par le “Centre pour la révolution non violente” de Belgrade. Peu de temps avant la chute de Milosevic, le 5 octobre 2000, les militants d’Optor ont été invités en Hongrie, dans les salons de l’Hôtel Hilton de Budapest, où un certain Monsieur Robert Helvy leur a prodigué des cours intensifs sur les méthodes du combat non violent. Ce Monsieur Robert Helvy est un colonel à la retraite de l’armée américaine, vétéran du Vietnam. Robert Helvy a admis, face à la presse étrangère, avoir été, en son temps, engagé par l’Institut International Républicain, l’IRI, basé à Washington, afin de former les jeunes cadres militants d’Optor. Stanko Lazendic a révélé que le colonel était présent lors des séminaires : “Mais quand nous sommes allés là-bas, jamais nous n’avions pensé qu’il pouvait travailler pour la CIA. Ce qu’il a enseigné, nous l’avons appris d’autres personnes”.

 

Aujourd’hui, les méthodes qui ont été enseignées au tandem “Lazendic & Maric” pour le compte de la “Freedom House” sont en train d’être appliquées en Ukraine. Elles consistent à “exporter le Verbe démocratique” de maison en maison, d’université en université, de place publique en place publique. Un travail analogue s’effectue en Biélorussie, mais, dans ce pays, la mayonnaise ne semble pas prendre. En Ukraine, en revanche, les deux Serbes sont particulièrement actifs dans la formation et l’encadrement des militants et des cadres du mouvement “Pora” (= “C’est l’heure”), qui est inféodé à Iouchtchenko et a reçu la bénédiction de Madeleine Albright et de Richard Holbrooke, les deux stratèges de l’exportation de la “démocratie atlantiste”. La CIA, entre-temps, aide la “révolution orange” en marche depuis 2002 déjà, dès qu’elle a libéré 50.000 dollars pour créer la plate-forme internet de l’ONG qui s’oppose au duumvirat Kouchma-Yanoukovitch. Ensuite, elle a libéré 150.000 dollars pour créer un groupe de pression à l’intérieur du Parlement. Et encore 400.000 autres dollars pour former des candidats aux élections locales et des cadres syndicaux. Cette stratégie ressemble très fort à celle qui vient d’être appliquée en Géorgie, lors de la “révolution des roses”, où Washington à soutenu Saakashvili. Maric est arrivé mardi 30 novembre à l’aéroport de Kiev, sans donner d’explication quant à sa présence dans la capitale ukrainienne. Lazendic vient de confirmer, dans un interview, “que son compagnon n’avait pas été autorisé à entrer sur le territoire ukrainien”, “tant que ses papiers ne seraient pas tous en ordre”. La carrière ukrainienne de ce Monsieur Maric a donc été interrompue, en dépit de sa grande expérience de commis voyageur à la solde de Washington en Géorgie et en Biélorussie. Lazendic, lui, se vante d’avoir “fait des séjours démocratiques” en Bosnie et en Ukraine. Le mouvement “Pora”, “actif dans la diffusion des valeurs démocratiques et dans l’opposition aux dictatures”, est désormais privé des lumières du sieur Maric. Mais que l’on soit sans crainte, les “démocrates” peuvent toujours envoyer leur contribution financière au “mouvement orange”, via un compte de la “JP Morgan Bank” de Brooklyn, New York.

 

Siro ASINELLI,

Article paru dans “Rinascita”, Rome, 2 décembre 2004.

mardi, 04 mai 2010

L'Afrique du Sud, entre Noirs et Blancs

L'Afrique du Sud, entre Noirs et Blancs

La Nouvelle Revue d'Histoire est en kiosque (n°48, mai-juin 2010). Le dossier central revient sur l'histoire de l'Afrique du Sud, avec notamment plusieurs articles de Bernard Lugan, africaniste réputé. Un dossier qui permettra à ses lecteurs de ne pas gober passivement les âneries politiquement correctes que les journalistes chargés de couvrir ce pays à l'occasion de la Coupe du monde de football ne vont pas tarder à déverser à hautes doses sur les différentes antennes de radio et de télévision. On trouvera aussi deux entretiens, l'un avec Régis Boyer, le spécialiste des Vikings, et l'autre avec Aymeric Chauprade à propos de Realpolitik, son site d'analyse géopolitique. A noter, aussi, un hommage à Jean-Claude Valla.

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Une leçon d'histoire pour les donneurs de leçons de morale

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1999

Une leçon d’histoire pour les donneurs de leçons de morale

 

uncle-samxxxx.jpgDepuis plus d’un siècle les Etats-Unis se sont arrogé le monopole de la vertu politique internationale, s’octroyant ainsi le privilège de mener leurs guerres impériales sous le couvert de la morale. Un dossier paru, ce mois de novembre 99, dans la revue Historia (n° 635 bis) consacré aux grandes manipulations de l’histoire, vient à propos rappeler que les Etats-Unis n’ont jamais cessé d’agir avec le plus parfait cynisme et la plus constante brutalité pour asseoir leur hégémonie mondiale. Leur domination est le fruit d’une technique éprouvée. Cette technique, assez grossière, n’en est pas moins d’une redoutable efficacité. Elle se décline en quatre temps :

 

Le premier temps est celui où l’ennemi à abattre est choisi en fonction des priorités d’expansion économique du moment.

Le second temps est celui où l’ennemi est diabolisé aux yeux de l’opinion publique.

Le troisième temps vise à créer les conditions qui acculeront l’ennemi à la faute, si possible à l’agression directe contre les Etats-Unis ou l’un de ses alliés. Dans l’hypothèse où cette agression ne se produirait pas, une opération de désinformation est systématiquement organisée pour faire croire à cette agression.

Le quatrième temps est celui de la guerre totale. L’ennemi doit non seulement être détruit mais ses dirigeants remplacés par des hommes de paille.

 

Le scénario est exposé. Il convient, maintenant, de le vérifier à l’aune de la politique de conquête poursuivie par les Etats-Unis depuis la guerre de Sécession. On peut, en effet, affirmer que c’est à partir de l’expérience acquise lors de ce conflit que (1861-1865) l’élite du Nord des Etats-Unis a mis en place la machinerie idéologique et militaire qui allait lui assurer l’accès à la suprématie planétaire.

 

En 1861, l’Union américaine était divisée en deux zones – pour schématiser le Nord et le Sud – aux intérêts antagonistes. Le Nord était industriel et le Sud agricole. Dans les Etats du Nord, l’esclavage (*) avait été aboli, non par générosité d’âme, mais pour créer une main d’œuvre mobile, disponible, servile, et à bon marché. Le Nord était protectionniste, tourné vers son marché intérieur et animé par l’égalitarisme distillé par les loges maçonniques. Le Sud était quant à lui libre-échangiste, orienté vers l’Europe – c’était là sans doute sa plus grave faute – mû par un esprit de tradition. La confrontation était inévitable. Les élites du Nord étaient toutefois bridées dans leur volonté de domination du Sud, par le droit de sécession que prévoyait la constitution fédérale. La guerre ne pouvant se faire au nom du droit se ferait donc au nom de la morale. Les manœuvres contre le Sud commencèrent dès 1832. Cette année là, le Congrès fédéral (dominé par le Nord) imposa unilatéralement à la Caroline du Sud un nouveau tarif douanier, qui menaçait tous les équilibres fondamentaux de son économie.

 

(*) L’auteur tient à signaler que ce développement a pour seul but d’éclairer le lecteur sur la politique impériale américaine. Il n’est ni d’une manière directe, indirecte, inconsciente ou subluminale, une apologie de l’esclavage, ce qui est cohérent avec sa position de refus de l’asservissement des peuples, européens en particulier, aux idées reçues et son refus de toute forme d’avilissement.

 

La Case de l’Oncle Tom : instrument de propagande

 

Cet Etat tenta de s’opposer au tarif douanier en question, mais dut finalement se soumettre devant la menace d’une intervention armée des troupes fédérales, brandie par le président Jackson. Le galop d’essai était un succès. Le scénario de la provocation/répression/soumission était rodé. Mais il fallait encore préparer les consciences à la guerre civile. Tel fut le rôle « confié » à certains intellectuels, dont Harriet Beetcher-Stowe faisait partie. Son ouvrage La case de l’oncle Tom (1852), fut l’un des premiers ouvrages de propagande de l’ère moderne et produisit l’émotion voulue. Dans les années suivantes, le parti Républicain (créé en 1854) sous l’influence du lobby industriel, fit du thème de l’abolition de l’esclavage son unique discours politique. Celui-ci était ostensiblement orienté contre les Etats du Sud. En novembre 1860, l’élection du candidat républicain Abraham Lincoln fut donc vécue par les Etats du Sud comme une véritable déclaration de guerre. En effet, ce président très minoritaire, élu avec seulement avec 39,8% des voix, n’avait pas l’intention d’abandonner son programme qui condamnait dans la pratique toute la structure politique, économique, culturelle et sociale des Etats du Sud. Face à ce péril, la Caroline du Sud, le Mississippi, la Floride, le Texas, La Géorgie, le Texas, la Louisiane, se retirèrent – conformément à leur droit – de l’Union et formèrent le 8 février 1861 un nouvel Etat baptisé « Les Etats confédérés d’Amérique ». Cet Etat voulut naturellement exercer sa sou­veraineté sur un certain nombre de places fortes fédérales situées sur son territoire : Sumter à Charleston (Ca­roline du Sud) et Pickens  à Pensacola (Floride), ce à quoi leurs commandants fédéraux s’opposèrent. De­vant ce refus, les troupes confédérales organisèrent leur siège. C’est alors que Lincoln saisit l’opportunité po­li­tique et stratégique que son parti avait réussi à créer et se décida à engager la guerre civile, fort de sa posture d’agressé. La suite est connue. La leçon tirée du conflit par les dirigeants du Nord fut inestimable : les foules ai­maient être ébahies par la propagande humanitaire et le sentiment du bon droit (*). Elles allaient être servies.

 

1898 : Ecraser l’Espagne !

 

A la fin du siècle dernier, les Etats-Unis se donnèrent de nouveaux objectifs impériaux : le contrôle exclusif de l’accès à l’Amérique du Sud, et la percée dans le Pacifique. Une puissance s’opposait à ce dessein : l’Espagne. Cependant, l’éloignement et l’expérience diplomatique du nouvel ennemi rendaient les tentatives de manipulation difficiles. Pour pallier l’absence d’agression espagnole, les Etats-Unis allaient exploiter l’ex­plo­sion accidentelle du cuirassier Maine (1898) au large de Cuba, et faire croire, à leur opinion publique, qu’il s’agissait d’une attaque surprise de l’Armada espagnole. Sur la base de ce motif, inventé de toutes pièces, les hostilités furent ouvertes. Après de courtes batailles navales, les Etats-Unis remportèrent une victoire totale et acquirent, en retour, la mainmise sur Porto Rico, Cuba, les Philippines et l’île de Guam. Tout cela n’était pas très moral, mais les formes (mensongères) y étaient.

 

(*) A ceux qui douteraient que la propagande abolitionniste du Nord n’était que poudre aux yeux,  il est rappelé les faits suivants : presque tous les noirs libérés de l’esclavage se retrouvèrent aux lendemains  de la guerre dans une situation de misère insoutenable. L’économie ruinée du Sud ne pouvant plus leur fournir d’emplois, ils émigrèrent vers le nord où ils furent employés à vil prix et dans des conditions souvent plus déplorables que leur ancien esclavage. Bien que libérés, ils durent attendre un siècle pour obtenir leurs droits politiques. Quant aux Indiens, les seuls véritables américains, ils durent attendre 1918 pour recevoir... la nationalité américaine.

 

La seconde guerre mondiale allait donner l’occasion aux Etats-Unis de décliner le scénario décrit plus haut sur une  grande échelle. L’ennemi cette fois était le Japon qui menaçait les fruits de la victoire sur l’Espagne (Philippines et Guam) et qui était en passe de devenir une superpuissance mondiale par son industrie et ses conquêtes asiatiques. A partir de ce moment, le conflit était inéluctable. Il débute le 28 juillet 1941, par la décision de Roosevelt de geler les avoirs du Japon aux Etats-Unis et d’étendre l’embargo aux livraisons du pétrole à destination du Japon. Cette décision accule les Japonais à l’intervention militaire. Mais cette intervention militaire est diligentée par les services secrets américains, dont on a aujourd’hui (cf. dossier du magazine Historia) la certitude qu’ils en suivaient pas à pas les préparatifs. Ainsi, l’intervention japonaise sur Pearl Harbor était non seulement connue dans ses détails mais désirée pour créer l’électrochoc qui permettrait de mobiliser tout un peuple dans une guerre totale contre un autre, déclaré perfide et immoral, bon à réduire en poussières atomisées.

 

La seconde guerre mondiale à peine achevée les Etats-Unis se donnent un nouvel objectif stratégique : évincer les Européens de l’Ouest – ceux de l’Est ont été donnés par Roosevelt en pâture à Staline - de leurs colonies pour s’emparer de leurs ressources. Dans cette logique, les Etats-Unis arment le Viêt-cong et le F.L.N. en Algérie contre les Français Au Viêt-nam, leur objectif est atteint, mais le résultat de leur action est mitigé par l’existence d’un Etat communiste hostile au nord. L’opinion publique américaine est selon sa tradition hostile à une intervention sans motif. Qu’à cela ne tienne l’administration de Lyndon Johnson va, en 1963, lui en tailler un sur mesure en accusant la marine Nord Vietnamienne d’avoir attaqué leur destroyer l’USS Maddox dans le golfe du Tonkin. Ce qui était là aussi un pur mensonge, mais un mensonge suffisant pour justifier une intervention directe.

 

La démonisation de Noriega 

 

La défaite contre les Vietnamiens allait refroidir quelque temps l’expansionnisme américain. Il n’allait, toutefois, pas tarder à se réchauffer et à employer les bonnes vieilles recettes du succès. D’abord contre le Panama, où la venue au pouvoir d’un certain Général Noriega (face d’Ananas selon l’expression américaine) avait tout pour déplaire à Washington. L’homme s’opposait à la fois au FMI, critiquait l’action de la CIA aux côtés des Contras au Nicaragua, et menaçait de réviser les clauses du traité régissant les droits octroyés aux Etats-Unis sur le Canal de Panama. La réaction américaine fut foudroyante. Une campagne de presse fut savamment organisée dans laquelle Noriega était présenté à la fois comme le grand organisateur du trafic mondial de la drogue, un être satanique, et l’adorateur d’Adolf Hitler. L’opinion publique américaine soigneusement mijotée, Georges Bush put sans résistance interne lancer, le 20 décembre 1989, son opération militaire contre Panama, dénommée « Juste cause » - tout un programme. Cette intervention effectuée en violation totale du droit international, ne suscita que quelques rodomontades diplomatiques sans conséquence sur l’influence américaine dans la zone. En 1991, l’ennemi suivant était l’Irak, une proie pétrolifère de choix. Cette fois la recette fut cuisinée avec un degré de raffinement jamais atteint. D’un côté les autorités américaines pressaient les Koweïtiens de mettre le couteau sur la gorge des Irakiens en les incitant à leur refuser l’aménagement de la dette contractée à leur égard, de l’autre ils faisaient savoir à Saddam Hussein, par la voix de leur ambassadrice à Bagdad, que dans l’éventualité où l’Irak attaquerait le Koweït ils observeraient une bienveillante neutralité.

 

L’Europe, rivale éternelle…

 

Le piège était tendu il allait fonctionner à merveille. La préparation concoctée par les services secrets était si subtile que pour la première fois la potion morale américaine allait se marier au droit international Les dupes européennes qui suivirent l’empire sans barguigner en furent pour leurs frais. La potion était plus amère que le fumet de pétrole qui s’en échappait. Malgré leur aide inconditionnelle et benoîte, les puissances européennes perdaient pied dans la région et dans le même temps la sécurité de leurs approvisionnements en hydrocarbures. On aurait pu penser que la tempête du désert une fois passée, les élites qui nous gouvernent auraient recouvré un peu d’esprit critique. Que nenni ! Inlassablement elles demandent à être resservie du même brouet infâme, aussi furent-elles comblées avec le Kosovo, où la CIA grande manipulatrice de l’UCK parvint à pousser Milosevic à la faute qui justifierait sa nouvelle campagne morale contre le droit. Quel était l’objectif stratégique de cette guerre ? Mais voyons toujours le même : l’Europe, le rival éternel, la civilisation à abattre.

 

J’allais oublier un détail : la recette impériale américaine ne produit tous ses effets qu’avec le bombardement des populations civiles : celles de Tokyo, de Hiroshima, de Nagasaki, de Dresde, de Hanoi, de Hué, de Phnom Penh, Panama, de Bagdad et de Belgrade. Juste quelques petits millions de morts et de carbonisés. Pas de quoi émouvoir, une conscience humanitaire bien trempée.

(© Charles Magne – Novembre 99).

samedi, 01 mai 2010

19ème siècle: les guerres américaines contre le Mexique et contre l'Espagne

Mansur KHAN :

19ème siècle : les guerres américaines contre le Mexique et contre l’Espagne

 

Mapa_Mexico_1845.pngLorsque le Texas s’est séparé du Mexique en 1819, les Etats-Unis ont immédiatement revendiqué ce territoire immense. Dans le cas précis du Texas, Washington eut recours à la tactique de l’infiltration. En fin de compte, le Mexique interdit en 1830 l’installation de colons américains au Texas, qui n’avait jamais cessé de se développer (1). En 1835, les colons américains du Texas se rebellent contre l’autorité mexicaine (2) et des unités de milice américaines s’emparent des bâtiments de la garnison mexicaine près d’Anahuac et provoquent d’autres conflits. « Pendant l’été 1836, des troupes américaines occupent Nacogdoches au Texas » (3). Le Mexique proteste et menace de faire la guerre au cas où les Etats-Unis annexeraient la région (4). Pendant de longues années, une suite ininterrompue de provocations de la part des Etats-Unis conduisirent à la fameuse bataille de Fort Alamo. Quand, en 1845, l’annexion du Texas à l’Union paraissait imminente, le Mexique s’est déclaré prêt à reconnaître l’existence de la République du Texas, à condition que les Etats-Unis ne l’annexent pas (5). La colonisation du pays par des immigrants américains s’est toutefois poursuivie.

 

La guerre contre le Mexique (1846-1848)

 

Pour provoquer la guerre, « les Texans ont réclamé, pour leur nouvel Etat, des frontières qui, au regard de l’histoire, étaient totalement injustifiables » (6). Le nouveau tracé des frontières, qu’ils envisageaient, incluait des territoires fertiles et riche en minerais d’or et d’argent (7). Pour provoquer le déclenchement des hostilités, le Président américain Polk donna l’ordre au Général Zachary Taylor d’avancer plus loin vers le Sud. En mars 1846, il se trouvait à proximité de Corpus Christi sur le sol texan, c’est-à-dire sur le territoire mexicain. Polk réclamait expressément, lors de sa campagne électorale, l’annexion du Texas et l’occupation de toute la région de l’Oregon. L’idée de mener une telle guerre n’était guère populaire dans les Etats de l’Union : ce fut la raison qui poussa Polk à mener une campagne de diffamation contre le Mexique (8).

 

Le 25 avril, les premières escarmouches ont lieu, lorsque les soldats de Taylor essuient le feu de militaires mexicains (9). Enfin, Washington pouvait affirmer que les Mexicains avaient tiré les premiers coupes de fusil, alors qu’en réalité, ils n’avaient fait que se défendre, puisque les soldats américains se trouvaient sur le territoire du Mexique. Polk déclare la guerre au Mexique en 1846, en sachant très bien quelle allait en être l’issue (10). Le Général américain Ulysses Grant écrivit plus tard ces quelques lignes sur la provocation américaine : « La présence de troupes américaines aux confins du territoire contesté, loin de toute région peuplée de Mexicains, ne suffisait pas à déclencher des hostilités. Nous fûmes envoyés en avant, afin de provoquer un combat, mais il était important que les Mexicains tirassent les premiers. On peut douter du fait que le Congrès aurait déclaré la guerre. Mais si le Mexique attaquait nos troupes, l’Exécutif seul pouvait déclarer la guerre » (11).

 

Polk justifia l’envoi de troupes américaines comme une mesure défensive nécessaire. L’auteur américain John Schroeder défend un point de vue tout à fait différent dans son livre Mr. Polk’s War. Schroeder écrit : « En réalité ce fut le contraire : le Président Polk avait tout fait pour provoquer la guerre, en envoyant des soldats américains dans une région contestée qui, historiquement parlant, avait toujours été peuplée et administrée par des Mexicains » (12). A la suite de la guerre contre le Mexique, les Etats-Unis annexèrent d’un coup un territoire aux dimensions énormes, correspondant aux Etats actuels de l’Union que sont le Texas, l’Arizona, la Californie, le Nevada, l’Utah et de vastes portions du Nouveau Mexique, du Kansas, du Colorado et du Wyoming, soit un territoire cinq fois aussi grand que l’actuelle République Fédérale d’Allemagne. Par cette conquête injustifiable, les Etats-Unis ont augmenté leur territoire de 40%, tandis que le Mexique perdait la moitié de son territoire national (13).

 

Mais les Etats-Unis ne se sont pas contentés de ce gigantesque accroissement territorial. Entre 1861 et 1865, la guerre civile fit rage aux Etats-Unis ; elle exigea un lourd tribut de 600.000 vies humaines et provoqua d’effroyables destructions, surtout dans les Etats du Sud. Cependant, l’industrie de l’armement profita considérablement de ces quatre années d’effusion de sang.

 

La guerre hispano-américaine de 1898

 

Cuba était au 19ème siècle la principale colonie de plantations de l’Espagne. Le commerce américain avec Cuba générait 50 millions de dollars et l’élite au pouvoir à Washington s’était depuis un certain temps déjà intéressée à ce marché. Pour pouvoir prendre Cuba, le gouvernement américain commença par déclencher une guerre commerciale. De 1893 à 1898, les Etats-Unis ont connu une récession. Il fallait absolument trouver des débouchés nouveaux pour le surplus de produits américains. La guerre contre Cuba, dont le dessein était de s’emparer de l’île, avait été concoctée depuis longtemps mais la colonie espagnole ne céda à aucune provocation. Lorsque les propriétaires de journaux Pulitzer et Hearst apprirent de leur correspondant en place à Cuba que tout y était calme, Pulitzer voulut immédiatement rappeler son homme. Hearst lui envoya tout de suite un télégramme en guise de réponse, qui en dit long : « Restez, je vous prie. Livrez matériel imagé. Je fournirai la guerre » (14).

 

Cuba1898.jpgHearst concrétisa rapidement sa promesse et le gouvernement de Washington put se réjouir d’un événement « formidable » : le 15 février 1898, le navire de guerre américain « Maine » explose dans le port de La Havane. Immédiatement, le gouvernement américain affirme que les Espagnols sont responsables de cette explosion. L’auteur américain Eustace Mullins a affirmé ultérieurement que ce sont au contraire les Américains qui ont provoqué l’explosion et a avancé des preuves tangibles pour étayer le soupçon ; ce serait la « National City Bank » de New York qui aurait fait sauter le navire pour s’emparer de l’industrie cubaine du sucre, ce qui fut effectivement acquis après la guerre. Lorsque les Espagnols ont réclamé la constitution d’une commission d’expertise indépendante pour enquêter sur l’explosion, Washington eut un comportement étrange : le « Maine » et tout ce qu’il contenait et pouvait apporter des preuves fut coulé en un tournemain.

 

L’Espagne fit tout pour éviter une guerre avec les Etats-Unis. Ceux-ci ont joué alors sur deux tableaux : d’une part, le gouvernement américain annonça sa volonté de faire la paix. Le Général Woodford câbla depuis Madrid qu’il pourrait encore, avant le 1 août 1898, « obtenir de l’Espagne l’indépendance de Cuba voire son annexion aux Etats-Unis ». Mais le Président McKinley craignait par dessus tout de prendre Cuba sans guerre et déclara la guerre, un jour après avoir reçu le télégramme de Woodford. Ce fut « une formidable petite guerre », selon le ministre américain des affaires étrangères Hays. Les troupes américaines ne se bornèrent pas à occuper Cuba mais débarquèrent également aux Philippines, occupèrent Puerto Rico et Manille. La guerre des Philippines fut menée avec une brutalité inouïe. Mais sur ce théâtre-là aussi les motifs d’ordre économique ont donné le ton. En une nuit, les Etats-Unis étaient devenus une puissance coloniale (15).

 

Mansur KHAN.

 

Notes :

(1) Carl N. DEGLER, Out of Our Past – The Forces that shaped Modern America, New York, 1984, pp. 6 et ss.

(2) Richard Bruce WINDERS, Mr. Polk’s Army – The American Military Experience in the Mexican War, Texas A & M University Press, Texas, 1997, p. 6 ; Carl N. DEGLER, op. cit., p. 117.

(3) Jerald A. COMBS, The History of American Foreign Policy, New York, 1986, p. 78 ; Richard Bruce WINDERS, op. cit., pp. 6 et ss., cité d’après Mansur KHAN, Die geheime Geschichte der amerikanischen Kriege. Verschwörung und Krieg in der US-Aussenpolitik, Grabert, Tübingen, 2003 (3ième éd.), pp. 40 et ss.

(4) Friedrich HERTNECK, Kampf um Texas, Goldmann, Leipzig, 1941, p. 237.

(5) Carl N. DEGLER, Out of Our Past, op. cit., pp. 117 et ss.

(6) Friedrich HERTNECK, Kampf um Texas, op. cit., pp. 233 et ss.

(7) Helmut GORDON, Zions Griff zur Weltherrschaft – Amerikas unbekannte Aussenpolitik 1789-1975, Druffel, Leoni am Starnberger See, 1985, pp. 55 et 68.

(8) Karlheinz DESCHNER, Der Moloch – Eine kritische Geschichte der USA, Heyne, München, 1994, p. 243.

(9) Howard ZINN, A People’s History of the United States, 1492-Present, Harper Perennial, New York, 1995, pp. 147 et ss.

(10)                    Karlheinz DESCHNER, Der Moloch…, op. cit., pp. 100 et 102.

(11)                     Jack ANDERSON / George CLIFFORD, The Anderson Papers, Ballantine Books, New York, 1974, p. 256.

(12)                    Howard ZINN, A People’s History…., op. cit., pp. 149 et ss.

(13)                    Noam CHOMSKY / Joel BEININ, Die Neue Weltordnung und der Golfkrieg, Trotzdem, Grafenau, 1992, pp. 46 et ss.

(14)                    Mansur KHAN, Die geheime Geschichte…, op. cit., pp. 90-93.

(15)                    Mansur KHAN, Ibid., pp. 94-105.

Edmund Burke et la Révolution française

edmund-burke.jpgArchives de SYNERGIES EUROPÉENNES - 1988

 

Edmond Burke et la Révolution Française

 

par Jacques d'ARRIBEHAUDE

 

Les Réflexions sur la Révolution en France,  publiées à Londres le 1er novembre 1790 par Edmund Burke, célèbre parlementaire irlandais, n'ont cessé depuis lors d'irriter la longue suite de nos dirigeants politiques épris de niaiseries démagogiques et accoutumés à endormir l'opinion de mascarades égalitaires dans l'imposture généralisée des "Droits de l'homme et du citoyen".

 

A la veille du Bicentenaire dont les fastes dispendieux et grotesques vont encore ajouter au trou sans fond de la Sécurité Sociale et crever un peu plus la misérable vache à lait électorale saignée à blanc par les criminels irresponsables qui, au nom de l'Etat et pour le bonheur du peuple, osent encore exhiber le bonnet phrygien et se réclamer de la "Carmagnole", la lecture de Burke, telle une cure d'altitude, est un merveilleux contrepoison.

 

Félicitons comme ils le méritent le jeune historien Yves Chiron (auquel l'Académie vient de décerner le Prix d'Histoire Eugène Colas) et son éditeur qui ren-dent enfin accessible au public un ouvrage depuis long-temps introuvable, un auteur dont la liberté d'ex-pression, la vigueur de pensée, la puissance évocatrice et prophétique toujours intacte, réduisent à son abjection et à son néant  l'"Evénement" dont on nous somme sans répit de célébrer la générosité sublime, la gloire sans pareille, et une grandeur que le monde entier, jusqu'au dernier Botocudo, jusqu'à l'ultime survivant de la terre de Feu et de Rarotonga, ne cesse de nous envier frénétiquement.

 

Cependant, Yves Chiron note à juste titre dans son étude que "ce qui se passe en 1789-1790 n'est pas un évènement localisé et spécifiquement français: c'est le premier pas vers un désordre généralisé où se profilent la vacance du pouvoir, la disparition des hiérarchies sociales, la remise en question de la propriété – la fin de toute société.

 

Plus précisément, c'est la date du 6 octobre 1789 que Burke, contemporain, retient comme signe fatal et révélateur, marqué par le glissement irréversible dans la boue et le sang. "Dans une nation de ga-lan-terie, dans une nation com-posée d'hommes d'honneur et de chevalerie, je crois que dix mille épées seraient sorties de leurs fourreaux pour la venger (la Rei-ne) même d'un regard qui l'aurait menacée d'une insulte! Mais le siècle de la chevalerie est passé. Celui des sophistes, des économistes et des calculateurs lui a succédé: et la gloire de l'Europe est à jamais éteinte".

 

Burke fut le premier à dénoncer l'imposture des "droits de l'homme"

 

Or, par une sinistre ironie de l'Histoire, il se trouve que la France s'est précipitée dans cet interminable bourbier au moment précis où son prestige était le plus éclatant, son économie en pleine ascension, la qualité de sa civilisation reconnue partout sans con-teste. Ainsi que le souligne Yves Chiron, Burke note que les "droits de l'homme" flattent l'égoïsme de l'individu et sont ainsi négateurs, à terme, de la vie sociale. Dans un discours au Parlement (britannique), en février 1790, il s'élève avec violence contre ces droits de l'homme tout juste bons, dit-il, "à inculquer dans l'esprit du peuple un système de destruction en mettant sous sa hache toutes les autorités et en lui remettant le sceptre de l'opinion". L'abstraction et la prétention à l'universalisme de ces droits, poursuit Chiron, contredisent trop en Burke l'historien qui n'apprécie rien tant que le respect du particulier, la différence ordonnée et le rela-ti-visme qu'enseigne l'Histoire. Il n'aura pas de mots assez durs pour stigmatiser Jean-Jacques Rousseau, "ami du genre humain" dans ses écrits, "théoricien" de la bonne nature de l'homme et qui abandonne les enfants qu'il a eu de sa concubine: "la bienveillance envers l'espèce entière d'une part, et de l'autre le manque absolu d'entrailles pour ceux qui les touchent de près, voilà le caractère des modernes philosophes… ami du genre humain, ennemi de ses propres enfants".

 

Un autre paradoxe, et non des moindres, a voulu que les sociétés de pensée, l'anglomanie aveugle et ridicule qui sévissait partout en France alors même que la plupart de nos distingués bonimenteurs de salon ne comprenait un traître mot d'anglais, aient pu répandre l'idée que les changements qui se préparaient seraient à l'image de cette liberté magnifique qui s'offrait Outre-Manche à la vue courte, superficielle et enivrée, d'un peuple d'aristocrates honteux, de sophistes à prétention philosophiques, de concierges donneurs de leçons et de canailles arrogantes.

 

Logorrhée révolutionnaire et pragmatisme britannique

 

Nul ne s'avisait dans le tumulte emphatique qui rem-plissait ces pauvres cervelles de débiles et de gre-dins, de ces "liaisons secrètes" que Chateaubriand a si bien perçu par la suite entre égalité et dictature, et qui la rendent parfaitement incompatible avec la liberté. L'Angleterre, pays de gens pratiques, ne pouvait qu'être aux antipodes de l'imitation "améliorée" que l'on croyait en faire, et ses grands seigneurs, accourus pour acheter à vil prix le mobilier et les trésors de la Nation vendus à l'encan, n'en revenaient pas de ce vertige de crétinisme et de l'hystérie collective et criminelle emportant follement le malheureux peuple de France vers l'esclavage, la ruine et l'effacement de la scène du monde, au nom de fumées et d'abstractions extravagantes, mensongères et pitoyables". Quant à la masse du peuple, dit Burke, quand une fois ce malheureux troupeau s'est dispersé, quand ces pauvres brebis se sont soustraites, ne di-sons pas à la contrainte mais à la protection de l'autorité naturelle et de la subordination légitime, leur sort inévitable est de devenir la proie des impos-teurs. Je ne peux concevoir, dit-il encore, comment aucun homme peut parvenir à un degré si élevé de présomption que son pays ne lui semble plus qu'une carte blanche sur laquelle il peut griffonner à plai-sir… Un vrai politique considérera toujours quel est le meilleur parti que l'on puisse tirer des matériaux existants dans sa patrie. Penchant à conserver, talent d'améliorer, voilà les deux qualités qui me feraient ju-ger de la qualité d'un homme d'Etat.

 

Burke, écrit Chiron, "ne conteste pas que la France d'avant 1789 n'ait eu besoin de réformes, mais était-il d'une nécessité absolue de renverser de fond en comble tout l'édifice et d'en balayer tous les décombres, pour exécuter sur le même sol les plans théo-riques d'un édifice expérimental? Toute la France était d'une opinion différente au commencement de l'année 1789". En effet. Et, comme l'exprime si jus-tement la sagesse populaire anglaise, "l'enfant est parti avec l'eau du bain". L'énigmatique "kunsan-kimpur" que nos marmots ont obligation d'ânonner dans nos écoles avec les couplets de l'amphigourique et grotesque "Marseillaise" n'abreuve depuis lurette le plus petit sillon de notre exsangue et ratatiné pré carré. Seuls des politicens que le sens du ridicule n'étouffe pas vibrent encore de la paupière et des cor-des vocales tandis que de leur groin frémissant s'échappe indéfiniment, telle une bave infecte, la creu-se et mensongère devise de notre constitution criblée d'emplâtres: "Liberté, égalité, fraternité".

 

Céline décrit le résultat...

 

Céline, si lucide et si imperméable à la rémoulade d'abstractions humanitaires dont résonnent sans trève nos grands tamtams médiatiques, et qui savait son Histoire comme on ne l'enseigne nulle part, a dé-crit la situation une fois pour toutes dans une des pages les plus saisissantes du Voyage.  "Ecoutez-moi bien, camarade, et ne le laissez plus passer sans bien vous pénétrer de son importance, ce signe ca-pi-tal dont resplendissent toutes les hypocrisies meurtrières de notre société; "L'attendrissement sur le sort du miteux…! C'est le signe… Il est infaillible. C'est par l'affection que ça commence… Autrefois, la mode fanatique, c'était "Vive Jésus! Au bûcher les hérétiques!" mais rares et volontaires, après tout, les hérétiques. Tandis que désormais… les hommes qui ne veulent ni découdre, ni assassiner personne, les Pacifiques puants, qu'on s'en empare et qu'on les écartèle afin que la Patrie en devienne plus aimée, plus joyeuse et plus douce! Et s'il y en a là dedans des immondes qui se refusent à comprendre ces choses sublimes, ils n'ont qu'à aller s'enterrer tout de suite avec les autres, pas tout à fait cependant, mais au fin bout du cimetière sous l'épithète infâmante des lâches sans idéal, car ils auront perdu, ces ignobles, le droit magnifique à un petit bout d'ombre du monument adjudicataire et communal élevé pour les morts convenables dans l'allée du centre, et puis aussi perdu le droit de recueillir un peu de l'écho du Ministre qui viendra ce dimanche encore uriner chez le Préfet et frémir de la gueule au-dessus des tombes après le déjeuner".

 

Que l'on me pardonne cette citation un peu longue et d'ailleurs incomplète, mais elle m'a paru comme un prolongement naturel des Réflexions  de Burke, tout en évoquant irrésistiblement l'Auguste Président, grand amateur de cimetières, panthéons et nécropoles, qui s'apprête à commémorer en grande pompe et dans l'extase universelle le Bicentenaire de l'incomparable Révolution Française.

 

Jacques d'ARRIBEHAUDE.

 

Yves CHIRON, Edmond Burke et la Révolution Française,  Editions Téqui, Paris, 1988, 185 pages (54 FF).

 

 

vendredi, 30 avril 2010

1812: les Etats-Unis face à l'Angleterre

Mansur KHAN:

1812: les Etats-Unis face à l’Angleterre

 

War%201812.jpgLa guerre anglo-américaine de 1812 a eu notamment pour cause l’avancée continue de nouveaux colons américains dans la région située entre l’Ohio et le Mississippi. Ce territoire était contesté entre les deux puissances : Britanniques et Américains le convoitaient. Le Président Jefferson avait déjà formulé des menaces en 1807 : « Si l’Angleterre ne nous donne pas satisfaction, comme nous le souhaitons, nous prendrons le Canada qui pourra alors entrer dans l’Union » (1). La clique gouvernementale au pouvoir à Washington à l’époque prévoyait déjà, en cas de guerre avec l’Angleterre, de prendre possession de la Floride orientale et occidentale qui appartenaient encore à l’Espagne (2).

 

Lorsque la guerre de 1812 fut ultérieurement soumise à une analyse objective, Henry Adams découvrit « … que Timothy Pickering et que les éléments les plus radicaux du parti fédéraliste hostile à la guerre jouèrent un rôle clef dans le scénario, en encourageant les Anglais à poursuivre leur politique commerciale agressive, laquelle, par ricochet, permit aux fauteurs de guerre américains, les « warhawks », les faucons, de mener le pays au conflit ouvert : ils ont manipulé et interprété la politique commerciale et maritime de Jefferson d’une manière perverse et traîtresse … Irving Brant a montré dans sa remarquable biographie de Madison que celui-ci n’avait pas été poussé à la guerre contre ses vues personnelles par Clay, Calhoun et les « warhawks » mais qu’il en avait pris la décision sur base de ses convictions propres » (3).

 

Les bellicistes ont justifié leur engagement à l’époque par l’argument suivant : il fallait favoriser les exportations de tabac, de coton et d’autres surplus de la production. Mais Washington ne s’est pas contenté dans l’histoire d’écouler ses seuls surplus…

 

Mansur KHAN.

 

NOTES :

(1) Gert RAITHEL, Geschichte der Nordamerikanischen Kultur – Vom Puritanismus bis zum Bürgerkrieg 1600-1870, Bd. 1, Zweitausendeins, Frankfurt/M., 1997, p. 264.

(2) Mansur KHAN, Die Geheime Geschichte der amerikanischen Kriege. Verschwörung und Krieg in der US-Aussenpolitik, Grabert, Tübingen, 2003 (3ième éd.), pp. 1994-223.

(3) Harry Elmer BARNES (éd.), Entlarvte Heuchelei (Ewig Krieg für Ewigen Frieden) – Revision der amerikanischen Geschichtsschreibung, Karl Priester, Wiesbaden, 1961, p. 2 ss.

Jean Vermeire est mort...

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Jean Vermeire est mort...

 

 

Réflexions après le décès de Jean Vermeire, un ancien du “Vingtième Siècle”, du “Petit Vingtième” et de la “Légion Wallonie”

 

Ex: http://intansigeants.wordpress.com/

 

Par l’intermédiaire d’un communiqué du groupe “anti-fasciste” “Resistances.be”, la presse belge a appris que Jean Vermeire était décédé dans les Baléares le 21 septembre 2009, des suites d’une attaque cérébrale. Qui était Jean Vermeire? Un ancien journaliste et dessinateur du “Vingtième siècle” (de 1938 à 1940) puis du “Pays réel”; il s’engage dans les rangs de la “Légion Wallonie” et y gagne ses galons de capitaine; condamné à mort puis gracié, il entame une carrière commerciale et industrielle qui lui procure une existence confortable, sans qu’il n’oublie pour autant les soldats de sa Légion, pour qui il créera un service d’entraide ainsi qu’une amicale qui existe toujours.

 

Pour les piètres critères actuels, le communiqué de “Résistances.be” est relativement correct. On a vu pire, sauf qu’il contient, bien entendu, les approximations habituelles et les conclusions hâtives d’individus qui n’ont pas le feeling adéquat pour juger l’histoire et surtout pour appréhender ses complexités (j’y reviens!). Jean Vermeire était l’un des innombrables représentants de cette complexité que notre époque n’est plus capable de mettre en cartes, d’aborder avec sérénité et impartialité. Triste signe des temps: le communiqué des pauvres sycophantes de “Résistances.be” a été repris tel quel, sans le moindre recul critique, sans la moindre tentative d’étoffer l’information, par la presse entière, avec, en tête, “La Libre Belgique” qu’on a connue mieux inspirée.

 

Trop jeune, je n’ai guère connu Jean Vermeire ni a fortiori ses grandes heures de célébrité, et nos relations se sont bornées à une ou deux conversations, notamment dans un café à l’angle de la rue du Haut-Pont et de la rue Franz Merjay (*), et à quelques (longs) coups de téléphone pour demander l’une ou l’autre précision historique. Je m’empresse d’ajouter que ces conversations ont toutes été enrichissantes et m’ont aidé à mieux comprendre les sentiments de nos aînés, ceux qui ont vécu les années 30 et 40.

 

Outre dans un ouvrage de Saint-Loup consacré aux volontaires belges de l’armée allemande, paru en 1975 aux “Presses de la Cité”, j’ai appris l’existence de Jean Vermeire par les émissions de Maurice De Wilde à la BRT (ancêtre de la VRT). Jean Vermeire y avait défendu son point de vue et insisté sur l’extrême jeunesse des protagonistes du rexisme et des volontaires de la Légion Wallonie pendant la deuxième guerre mondiale. Dérapages éventuels ou outrances attestées étaient, affirmait-il devant le micro de De Wilde, à mettre sur le compte d’une juvénilité trop ardente.

 

L’Hôtel des 100.000 briques

 

Personnellement, j’ai connu Jean Vermeire par l’intermédiaire du regretté Jean van der Taelen, qui l’avait connu entre les murailles grises de la prison de Saint-Gilles. Jean Vermeire y croupissait pour son engagement à la “Légion Wallonie”. Jean van der Taelen, qui n’avait eu aucune activité collaborationniste, y avait été jeté pour avoir créé, après septembre 1944, un réseau d’évasion pour proscrits, à commencer par un ami de jeunesse qu’il avait perdu de vue depuis de longues années. Parmi les prisonniers célèbres, que les deux Jean y ont côtoyés, il y avait également Paul Jamain, alias le caricaturiste “Jam” du “Pays réel” et le futur caricaturiste “Alidor” de “Pan”. Paul Jamain avait fait un dessin de Jean van der Taelen, posé en “Saint-Martin” avec une lourde cape rouge sur les épaules parce qu’il s’occupait à Saint-Gilles du service social à ses co-détenus, un Saint-Martin incarcéré injustement à “l’Hôtel des 100.000 briques”, comme “Jam” se plaisait à nommer sa nouvelle résidence forcée (**). L’amitié qui liait nos deux Jean remontait à l’époque de cet embastillement. Ils se voyaient régulièrement, non pas pour comploter contre la démocratie, comme l’allègueront sans doute nos sycophantes obsessionnels, mais tout simplement pour deviser du quotidien. Jean van der Taelen, on le sait, adorait organiser conférences, causeries et autres colloques. Pour lui, il n’y en avait jamais assez. Il multipliait les casquettes, les associations, les clubs pour en organiser plus encore. Un jour, le voilà qu’il invite le professeur Jean Van Welkenhuyzen dans les locaux de l’Hôtel Delta, bien entendu, en même temps que Jean Vermeire.

 

C’est donc après l’exposé, clair et brillant, de Van Welkenhuyzen, que je me suis retrouvé avec un futur assistant de Paul Aron, à cette table de café, à Ixelles, comme je viens de le dire. Jean Vermeire, intarissable, nous a tenu une conférence deux fois plus longue que celle de Van Welkenhuyzen. Face aux événements de la guerre, sans renier ses engagements ou ses motivations juvéniles, Jean Vermeire parlait d’un “gigantesque cafouillage”, qui a affecté les armées nationales-socialistes et soviétiques sur le front russe. L’immensité des steppes russes et ukrainiennes ou des régions marécageuses du Pripet entraînait des problèmes logistiques insurmontables. L’hiver russe et le dégel qui s’ensuit, avec sa boue gluante, que l’on nomme en russe la “raspoutitsa”, sont des phénomènes naturels d’une ampleur inconnue en Europe occidentale et centrale. Les effets de la “raspoutitsa” n’avaient pas été prévus par les responsables militaires allemands: Jean Vermeire se rappelait des monceaux de petites charrettes à deux roues, destinées à porter les impedimenta des fantassins de la Wehrmacht; elles s’amoncelaient, inutiles, aux abords des gares russes car leurs roues étaient trop près de leur caisse, elles accumulaient tant de boue de la “raspoutitsa” qu’elles ne pouvaient plus rouler: entre elles et la caisse, un amas de terre mouillée s’intercalait et bloquait tout.

 

Ensuite, autre exemple de cafouillage, que citait Jean Vermeire: les chars de la Wehrmacht, notamment les “Panther” et les “Tiger”, excellents sur le plan technique, véritables fortins sur chenilles, étaient des véhicules de luxe, avec des sièges recouverts de cuir sur rembourrage en crin de cheval. Chaque revêtement de cuir était cloué sur le bois de chaque siège à l’aide d’une centaine de petits clous de laiton! Ce luxe freinait la production: les Soviétiques, eux, laissaient nu le bois du siège de leurs tankistes, qui pliaient leurs manteaux pour se donner un minimum de confort. Moralité: quantitativement parlant, la production soviétique était supérieure à la production allemande, une supériorité qui était la clef de la victoire.

 

Aux sources du rexisme: les moqueries goliardes

 

Ce soir-là, et dans d’autres rencontres entre deux portes, Jean Vermeire évoquait le goût de la farce qui avait animé les milieux étudiants de Louvain et où Léon Degrelle avait excellé avant de se lancer dans la politique. Pour lui, comme pour d’autres, c’était ce goût pour les pieds-de-nez et les polissonneries qui fut le moteur de l’ACJB puis de Rex. L’itinéraire du caricaturiste Jam est à ce titre emblématique, de même que les moqueries goliardes de Degrelle dans son récit de la débâcle de 1940  (“La Cohue de 40”). Jam est d’ailleurs mort à sa table de dessin, fignolant sans doute une caricature féroce de l’un ou l’autre politicard belge.

 

A ce propos, Jean Vermeire nous avait confié une anecdote: Paul Jamain et lui, non encore grâciés et enfermés dans l’aile des condamnés à mort de la prison de Saint-Gilles, voyaient défiler des “touristes”, écoliers et membres d’associations patriotiques, dans leur aile où se trouvait aussi la cellule qu’avait occupée la malheureuse Gabrielle Petit, condamnée à mort pendant la première guerre mondiale pour espionnage en faveur des Alliés. La cellule de la jeune femme avait été laissée telle quelle, avec, sur le pauvre meuble servant de table de chevet, un livre de Charles Péguy. Parmi les “touristes”, il y avait eu sans doute un de ses collectionneurs impénitents, prêts à tout et ne respectant rien, qui avait subtilisé l’ouvrage de Péguy. Le gardien était affolé, craignait une sanction voire un congédiement pour faute grave parce qu’il n’avait pas ouvert l’oeil, et le bon, et avait laissé un malhonnête s’échapper, le livre de Péguy dans la poche de son pardessus. Nos deux larrons avaient pris ce gardien en pitié: Jean Vermeire l’a consolé et lui a dit qu’il possédait un exemplaire de ce livre de Péguy, qu’il demanderait à sa mère de le lui faire parvenir car, ajouta-t-il, “comme je vais être fusillé, je n’en aurais plus besoin”. Face à une  mort qu’ils pouvaient imaginer imminente, Vermeire et Jamain demeuraient deux garnements bruxellois qui, en dépit de la situation tragique dans laquelle ils se trouvaient, gardaient encore la force extraordinaire de tourner leur sort en dérision et de prendre en pitié un pauvre gardien, apeuré, lui, à l’idée de perdre sa maigre gamelle de maton. Le plus drôle, précisait Vermeire, en riant comme un collégien, c’était que son édition de Péguy datait de 1923... Mais, enfin, le gardien n’a pas été grondé ni chassé et personne n’a eu l’idée d’aller vérifier la date de l’édition du livre de Péguy exposé dans l’ancienne cellule de Gabrielle Petit...

 

Rétrospectivement, bien sûr, le séjour à Saint-Gilles ne fut pas toujours une sinécure, ne donnait pas tous les jours matière à rire. Vermeire, fataliste mais lucide, voyait bon nombre de ses co-détenus sombrer dans la routine des jeux de cartes ou dans des bondieuseries ridicules. D’autres imaginaient monter des plaidoyers en défense imparables, en se montant le col et en affirmant tout de go: “Je vais leur montrer, leur mettre le nez dans leur c... Ils l’auront dans le c..!”. Vermeire, sachant que les verdicts étaient prêts d’avance, tentait de les ramener à la raison: “Mais, vieux, tu as perdu la guerre!”. La défaite militaire annulait le droit des vaincus à une défense normale. Pire: il ne fallait pas laisser parler ceux qui connaissaient certains rouages de la “politique de présence”, préconisée en haut lieu, pour le cas où le Reich remporterait tout de même l’ultime victoire...

 

L’arrestation en pays mosellan

 

Vermeire, un jour, a conté son arrestation en Allemagne, dans la région mosellane. Maîtrisant l’allemand, il n’avait eu aucune difficulté à “plonger”. Il s’était retrouvé dans le château d’un vigneron mosellan, où il passait pour un employé du vignoble. Les semaines avaient passé et, un jour, des soldats polonais de l’armée britannique s’approchent du château à pas de Sioux, comme si, des fenêtres et du toit, des tireurs embusqués allaient les canarder. Jean Vermeire, debout, ne perdant rien du spectacle, dit à un civil allemand qui se trouvait à ses côtés: “Guck mal, die Polen, die üben!” (“Regarde, les Polonais sont à l’exercice”). Ils venaient pour le cueillir et le livrer à la justice belge. Amené devant un jeune lieutenant qui le reçoit poliment, Jean Vermeire voit son interlocuteur s’absenter quelques instants, alors que la porte donnant sur l’extérieur est restée ouverte. S’échapper? Et si c’était un piège? Pour l’abattre alors qu’il s’évade? Jean Vermeire est resté rivé sur sa chaise. A Bruxelles, devant l’auditeur militaire, on lui présente des photos de lui en uniforme: “Est-ce vous, là, sur cette photo?”, lui demande-t-on sur un ton rude. “Oui, bien sûr”. Regard abasourdi du magistrat: “Ah, bon, vous ne niez pas?”. “Mais que voulez-vous que je vous dise? Que c’est mon frère? Je n’ai pas de frère!”. La plupart des prévenus niaient. Vermeire avouait, persistait et signait.

 

Depuis la mort de Jean van der Taelen, en janvier 1996, je n’ai plus eu l’occasion de revoir encore souvent Jean Vermeire. Lors des obsèques de Jean van der Taelen, dans la magnifique église de la Cambre, dont le choeur est orné du plus beau vitrail moderne représentant la Sainte Trinité que j’ai jamais vu, Jean Vermeire m’a conté l’ultime visite du défunt chez lui, peu avant Noël. Ce dernier savait que la mort allait très vite l’emporter. Cette leucémie et les transfusions de sang, qu’elle requérait, avaient fait de van der Taelen un véritable spectre: “Je retrouve ma taille de jeune homme”, ironisait-il. En décembre 1995, il a pris Jean Vermeire dans ses bras et lui a dit: “Adieu Jean, tu ne me reverras plus vivant, on se retrouvera au ciel!”. Avec le recul, Vermeire en était tout ému, alors que ni l’un ni l’autre ne supportaient les bondieuseries.

 

Après une visite au “Musée Hergé”

 

Mes contacts ultérieurs ont été essentiellement téléphoniques. J’appelais pour demander une précision historique, pour demander rendez-vous avec l’un ou l’autre étudiant de l’UCL ou d’une université allemande en train de rédiger un mémoire sur la Belgique des années 30. Ou pour un éditeur qui cherchait des témoignages pour des chaînes de télévision allemandes. Rien de tout cela ne s’est concrétisé. La dernière fois, c’était le 3 ou le 4 août 2009. Je venais de visiter le tout nouveau musée Hergé à Louvain-la-Neuve et j’avais retrouvé un mémoire qui traitait, entre autres choses, de Pierre Daye. Je voulais demander des précisions pour parfaire notre savoir sur Hergé après les conférences de notre rédacteur en chef à Genève en février 2008, et que nous souhaitons refaire en d’autres villes. Je lui ai tout de suite annoncé que le musée de Louvain-la-Neuve n’avait ni omis un hommage discret à l’Abbé Wallez, en présentant une belle photographie de cet ecclésiastique de choc, ni à Victor Meulenijzer, le compagnon d’Hergé, le condisciple de Saint Boniface et le camarade de la troupe scoute du même nom, fusillé en 1946; le Musée Hergé expose son article sur le rôle métapolitique (on ne connaissait pas encore le mot!) des bandes dessinées et du dessin animé: il fallait, expliquait Meulenijzer, à l’Europe ou plutôt au conservatisme catholique européen une industrie du dessin animée pareille à l’entreprise de Walt Disney aux Etats-Unis. La conversation avec Vermeire est alors bien vite partie dans tous les sens. Avec une très grande tendresse dans la voix, Vermeire m’a déclaré que ses souvenirs de l’Abbé Wallez, de Hergé et de sa première épouse Germaine Kiekens, restaient gravés en son coeur comme quelque chose de “sacré”, d’intangible, qu’il ne souhaitait jamais oublier. Ces souvenirs sont ceux de l’époque 1937-1940, où il oeuvrait au “Vingtième siècle”, le journal que l’Abbé avait tenu à bouts de bras pendant près de vingt ans, avant de céder la place à de la Vallée-Poussin puis aux frères Ugeux, qui deviendront, eux, des “Londoniens”. William Ugeux, en effet, rejoindra le gouvernement belge en exil dans la métropole britannique.

 

Hergé au “Soir”, “JiVé” dans le maelström de la guerre à l’Est

 

XXsiècle.jpgJean Vermeire avait récemment fait un voyage à Paris, où on lui avait demandé d’intervenir en tant qu’expert pour déclarer vrai ou faux un dessin attribué à Hergé. Vermeire m’a expliqué que Hergé “arrangeait” d’une certaine façon les simples plumes “ballon” à sa disposition pour créer son propre trait dit de “ligne claire”. Le dessin, qu’on lui a soumis à Paris, portait bien cette marque de Hergé, que Vermeire, dans les mois qui ont précédé le désastre de mai 1940, connaissait, puisqu’il avait été pressenti pour travailler avec le créateur de Tintin, pour devenir son principal adjoint. Vermeire était lui-même dessinateur et caricaturiste, créateur de petites bandes dessinées éphémères, sous le pseudonyme de “JiVé”. La guerre mettra fin à la coopération Hergé/JiVé et le “Vingtième siècle”, avec son supplément jeunesse “Le Petit Vingtième”, cessera de paraître. Hergé et JiVé se retrouvent sur le carreau. JiVé décide de rejoindre Jam, devenu dès 1936 caricaturiste au “Pays réel” de Degrelle. Hergé, plus méfiant, refuse de rejoindre l’équipe du “Pays réel” et de créer pour le quotidien rexiste un supplément pour la jeunesse, appelé à remplacer le “Petit Vingtième”. Le journal lui paraît trop politisé et ses tirages trop faibles (12.000 exemplaires). Il rejoindra le “Soir”, qui n’est pas l’organe d’un parti et dont les tirages sont impressionnants (329.000 exemplaires). Raymond De Becker, personnaliste catholique attiré par les régimes dits “d’Ordre Nouveau”, prendra la direction du principal quotidien bruxellois, avec la ferme volonté de maintenir une “politique de présence”, comme on disait à l’époque. La “politique de présence” signifiait défendre des positions belges, plaider pour l’indépendance d’une Belgique au sein d’une Europe dominée par l’Axe. Cette “politique de présence” impliquait aussi d’honorer la personne du Roi Léopold III. C’est donc dans ce nouveau “Soir” qu’Hergé recevra une tribune et pourra continuer à faire vivre son héros Tintin.

 

On connait la suite: Tintin se maintient et conquiert un plus vaste public qu’au temps du “Vingtième siècle”. Hergé ne fait pas de politique: il conte, il narre, il dessine. “JiVé”, lui, est emporté par le maelström de l’époque. Du “Pays réel”, il passera à la “Légion Wallonie” et participera aux combats de cette unité sur le front russe, avant de représenter et son journal et son chef politique à Berlin, où, expliquait-il inlassablement, il cherchait aussi à maintenir une sorte de “politique de présence”, non plus d’une Belgique conventionnelle, mais d’une sorte de “Westreich” marqué par le souvenir des Ducs de Bourgogne (***). L’épopée de “JiVé” à la “Légion Wallonie” a été narrée en long et en large par Jean Mabire et Eric Lefèvre, dans plusieurs ouvrages publiés notamment chez Fayard et chez Grancher. Ce n’est pas à moi de revenir sur ces faits et péripéties dans cet article d’hommage.

 

L’univers inexploré du “Vingtième Siècle”

 

legWall.jpgCertes, c’est l’épopée russe et berlinoise de Jean Vermeire qui intéresse le plus les lecteurs de base d’éditeurs comme Fayard, Grancher ou les Presses de la Cité et, en général, de tous les ouvrages que l’on peut ranger dans la catégorie de “militaria”. Raison pour laquelle elle a été traitée en abondance dans les livres de Saint-Loup ou de Mabire ou a fait l’objet de livres de souvenirs, souvent poignants (Philippet, Terlin, K. Gruber, etc.). Néanmoins, ce que les historiens n’ont pas encore eu l’occasion de révéler au grand public, c’est un compte-rendu  précis, honnête et objectif des faits et des mouvements d’idées dans la période de transition entre l’époque du “Vingtième Siècle” et les aventures personnelles des garçons de cet univers catholique et conservateur belge pendant la seconde guerre mondiale (où il y eut des “Berlinois” et des “Londoniens”, tout comme, bien sûr, des adeptes de la “politique de présence”). Le chassé-croisé entre ces différents cénacles, les petits espaces de transition, aussi ténus soient-ils, les  relations entre personnes au-delà des clivages partisans devraient faire l’objet d’une recherche attentive, même si recueillir des témoignages personnels, comme ceux qu’aurait pu encore livrer Jean Vermeire, est devenu impossible. La Grande Faucheuse a fait son oeuvre.

 

L’idéologie du “Vingtième Siècle”, dont on sait qu’elle doit beaucoup à Maurice Blondel, au Cardinal Mercier, à l’Institut Supérieur de Philosophie de l’Université de Louvain, à Péguy, a su maintenir pendant deux décennies un niveau de journalisme inédit dans le royaume, jamais égalé depuis. Au contraire, la qualité journalistique de la presse francophone belge a sombré définitivement: pour le constater, il suffit de prendre en mains une copie du “Soir”, d’y lire les délires conventionnels des éditorialistes, les coupés-collés inspirés par la plus plate des “rectitudes politiques” ou par des pseudo-philosophes médiatisés à la Bernard-Henry Lévy (un “pompeux cornichon” ne cesse de proclamer le sympathique lanceur de tartes Noël Godin), à la Haarscher ou à la Comte-Sponville, ou les “quarts d’heure de la haine” contre tout ce qui relève de la Flandre, rendant le journal souvent plus caricatural que le fameux “Ministère de la Vérité” dans le “1984” de George Orwell. Le “Vingtième Siècle” a donc été un laboratoire idéologique de premier plan dans l’entre-deux-guerres belge. L’étude de son contenu est donc un impératif, de même que la vulgarisation, dans une perspective métapolitique, des recherches qui lui auront été consacrées.

 

Ceux qui sont devenus “Londoniens” pendant la deuxième grande conflagration inter-européenne du 20ème siècle ont encore eu un impact dans la vie politique belge après 1945, un impact qui s’est amenuisé au fil du temps, au fur et à mesure où la Belgique, toutes parties confondues, sombrait dans le “non Etre” des modes consuméristes, festivistes et idéologiques nées pendant les années 50, 60 et 70, où l’on a troqué la gloire des Ducs de Bourgogne, les héros sublimes du journal “Tintin”, les chromos Artis ou Historia contre les Beatles, le hash, le gauchisme de stade pipi-caca, les slogans politiquement corrects, le porno au quintal ou les trognes vulgaires d’Elvis Presley, de John Travolta ou de Michael Jackson. La trajectoire de ce corpus que fut le “Vingtième Siècle” part donc des lendemains de la première guerre mondiale pour nous conduire aux ultimes soubresauts d’intelligence politique des dernières décennies du 20ème siècle. Le journal de l’Abbé Wallez a joué en Belgique un rôle aussi important que l’Action française de Maurras en France  —même si le correspondant privilégié des maurrassiens en Belgique a été Fernand Neuray, directeur de “La Nation Belge”—  ou que l’ “Accion espagnola” à Madrid. Les deux mouvement, le français et l’espagnol, ont fait l’objet d’études critiques de haut niveau. Pourquoi ne serait-ce pas le cas pour le “Vingtième Siècle”?

 

En attendant, Jean Vermeire, témoin privilégié des deux ou trois dernières années du journal, a quitté la Terre, sans doute au son des tambours de lansquenets du “Mouvement légionnaire”, nous laissant orphelins de bon nombre de révélations importantes. Nous aimons penser qu’il y a rejoint le cher Jean van der Taelen, qui lui avait donné rendez-vous au “Ciel” quelques jours à peine avant qu’il ne parte pour le grand voyage.

 

Adieu, cher ami, cher capitaine, cher humoriste, nous regretterons votre Verbe et votre gouaille, votre rire et vos moqueries parfois cruelles, un Verbe, une gouaille, un rire et des moqueries bien rexistes, il faut le dire, mais qui appartiennent aussi à un certain esprit bruxellois ou liégeois, en train de disparaître corps et bien dans des villes livrées à tout sauf à elles-mêmes. Comme au héros d’ “Orange mécanique”, on a ôté à Bruxelles et à Liège (“Jam” était un “Lîdjeux” devenu “Bruss’leir”) leur verve et leur causticité, sous prétexte qu’elles sont politiquement incorrectes, trop insolentes pour les pontifes du “nouvel esprit” ou du “nouvel humanisme (?)”. On leur a ôté leur âme, leur créativité. Vous en étiez un bon morceau, une pièce de choix. Et vous voilà parti, vous aussi...

 

Jean KAERELMANS.

 

Notes:

(*) J’étais accompagné d’un futur chercheur de l’ULB, futur compagnon de route de l’excellent Prof. Paul Aron et spécialisé dans la presse et l’édition collaborationnistes, qui a glané moults informations chez Jean Vermeire et chez beaucoup d’autres, mais n’a sans doute jamais révélé ses sources à son nouveau patron... Le galopin s’est taillé, depuis, un beau palmarès de trahisons et de lâchetés, en tournant le dos à tous ceux qui l’avaient aidés..., poussant parfois la plaisanterie plus loin, en montant des cabbales et en semant des peaux de banane. La morale de cette histoire, c’est que les lâches sont souvent des traîtres emblématiques et que la trouille, qui  leur tenaille les tripes, provoque, outre des sudations surabondantes ou des rougeurs qui s’ajoutent à une couperose d’oenologue immodéré, des flots logorrhiques de justifications boîteuses qui suscitent involontairement des effets du plus haut comique.

 

(**) Jean van der Taelen avait accroché ce dessin, dûment encadré, au-dessus de la porte d’entrée de son appartement, boulevard Général Jacques, et me l’a montré deux ou trois fois, notamment après le décès de Paul Jamain, en me répétant que c’était là l’objet auquel il tenait le plus. Qu’est devenu ce tableau, non pas une caricature mais une peinture?

 

(***) L’étude du “mythe bourguignon” en Belgique reste à faire. Il n’a nullement été une spécialité rexiste. On le retrouve chez des auteurs comme Luc Hommel, Léon van der Essen, Jo Gérard, Gaston Compère, Drion du Chapois, etc. Une telle étude mérite de devenir un “chantier”...

Moi, l'interprète de Staline

Staline.jpgArchives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1992

Moi, l'inteprète de Staline

Valentin M. BERESCHKOW, Ich war Stalins Dolmetscher. Hinter den Kulis­sen der politischen Weltbühne, Univer­sitas, München, 1991, 517 S., DM 48, ISBN 3-8004-1228-4.

Parues dès 1949 sous le titre de Statist auf diplo­matischer Bühne  (Figurant sur la scène diplo­matique), les mémoires de l'interprète de Hitler, le Dr. Paul Schmidt constituent un ouvrage de référence majeur sur l'histoire du IIIième Reich et de sa politique étrangère, un ouvrage qui défie les années. On ne peut en dire autant des mé­moires que vient de publier l'interprète de Sta­line, Valentin M. Bereschkow (en graphie fran­­cisée: Berechkov). Celui-ci, né en 1916, est l'un des derniers survivants de l'entourage im­médiat du dictateur soviétique. Les pages qu'il consacre à son enfance et à sa jeunesse, ses étu­des et son service militaire dans l'armée rouge, sont pourtant très intéressantes et riches en in­formations de toutes sortes.

Par l'intermédiaire de ses supérieurs hiérar­chiques à l'armée, Berechkov est entré de plein pied dans le saint des saints de la grande poli­tique soviétique. Grâce à ses connaissances lin­­guistiques de très grande qualité, il est rapi­dement devenu l'un des collaborateurs les plus proches de Staline. Ce qu'il nous raconte à pro­pos du dictateur géorgien relève de la «pers­pec­tive du valet de chambre». Berechkov s'efforce en effet de présenter Staline comme un homme aimable, bon compagnon de tous les jours, in­ca­pable de faire le moindre mal à une mouche en privé. Berechkov confesse qu'il n'en croyait pas ses oreilles quand le pouvoir sovié­tique se mit à dénoncer les crimes de Staline à partir de 1956. C'est bien ce qui distingue l'ouvrage de Berech­kov des mémoires de Krouchtchev et de toutes les biographies conven­tionnelles de Staline...

Le livre de Berechkov nous révèle des anecdotes ou des secrets de première importance lorsqu'il aborde les tractations engagées par Staline avec Ribbentrop, Churchill ou Roosevelt. En fait, rien de tout cela n'est bien neuf mais est replacé sous un jour nouveau. Ce qui intéressera le lecteur en premier lieu sont évidemment les passages qui traitent du rapport entre Staline et l'Allemagne. Berechkov tient absolument à blanchir Staline; pour l'interprète, le dictateur soviétique ne sa­vait rien des préparatifs allemands d'envahir l'URSS à l'été 1941. Staline refusait d'ajouter foi aux avertissements dans ce sens. Quand l'atta­que s'est déclenchée, il en fut si choqué qu'il se retira du monde pendant dix jours, in­capable de prendre les décisions politiques et mi­litaires qui s'imposaient.

Berechkov défend donc Staline avec véhémence et insistance, ce qui est d'autant plus suspect que plus d'une analyse politique récente démontre que Staline avait en toute conscience adopté une «stratégie sur le long terme» (Ernst Topitsch), visant à faire basculer l'Union Soviétique dans la guerre. Berechkov cherche donc, selon toute vrai­semblance, à dépeindre un Staline «sau­veur de la Russie» dans la «grande guerre pa­trio­tique» quoique criminel sur le plan inté­rieur. Pour savoir ce qu'il en est exactement, il faudra attendre que soient enfin ouvertes au pu­blic les archives soviétiques. En attendant, les assertions de Berechkov doivent être accueillies avec circonspection.

Hans Cornelius.

(recension parue dans Junge Freiheit, März 1991).

 

Moi, l'interprète de Staline

Staline.jpgArchives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1992

Moi, l'inteprète de Staline

Valentin M. BERESCHKOW, Ich war Stalins Dolmetscher. Hinter den Kulis­sen der politischen Weltbühne, Univer­sitas, München, 1991, 517 S., DM 48, ISBN 3-8004-1228-4.

Parues dès 1949 sous le titre de Statist auf diplo­matischer Bühne  (Figurant sur la scène diplo­matique), les mémoires de l'interprète de Hitler, le Dr. Paul Schmidt constituent un ouvrage de référence majeur sur l'histoire du IIIième Reich et de sa politique étrangère, un ouvrage qui défie les années. On ne peut en dire autant des mé­moires que vient de publier l'interprète de Sta­line, Valentin M. Bereschkow (en graphie fran­­cisée: Berechkov). Celui-ci, né en 1916, est l'un des derniers survivants de l'entourage im­médiat du dictateur soviétique. Les pages qu'il consacre à son enfance et à sa jeunesse, ses étu­des et son service militaire dans l'armée rouge, sont pourtant très intéressantes et riches en in­formations de toutes sortes.

Par l'intermédiaire de ses supérieurs hiérar­chiques à l'armée, Berechkov est entré de plein pied dans le saint des saints de la grande poli­tique soviétique. Grâce à ses connaissances lin­­guistiques de très grande qualité, il est rapi­dement devenu l'un des collaborateurs les plus proches de Staline. Ce qu'il nous raconte à pro­pos du dictateur géorgien relève de la «pers­pec­tive du valet de chambre». Berechkov s'efforce en effet de présenter Staline comme un homme aimable, bon compagnon de tous les jours, in­ca­pable de faire le moindre mal à une mouche en privé. Berechkov confesse qu'il n'en croyait pas ses oreilles quand le pouvoir sovié­tique se mit à dénoncer les crimes de Staline à partir de 1956. C'est bien ce qui distingue l'ouvrage de Berech­kov des mémoires de Krouchtchev et de toutes les biographies conven­tionnelles de Staline...

Le livre de Berechkov nous révèle des anecdotes ou des secrets de première importance lorsqu'il aborde les tractations engagées par Staline avec Ribbentrop, Churchill ou Roosevelt. En fait, rien de tout cela n'est bien neuf mais est replacé sous un jour nouveau. Ce qui intéressera le lecteur en premier lieu sont évidemment les passages qui traitent du rapport entre Staline et l'Allemagne. Berechkov tient absolument à blanchir Staline; pour l'interprète, le dictateur soviétique ne sa­vait rien des préparatifs allemands d'envahir l'URSS à l'été 1941. Staline refusait d'ajouter foi aux avertissements dans ce sens. Quand l'atta­que s'est déclenchée, il en fut si choqué qu'il se retira du monde pendant dix jours, in­capable de prendre les décisions politiques et mi­litaires qui s'imposaient.

Berechkov défend donc Staline avec véhémence et insistance, ce qui est d'autant plus suspect que plus d'une analyse politique récente démontre que Staline avait en toute conscience adopté une «stratégie sur le long terme» (Ernst Topitsch), visant à faire basculer l'Union Soviétique dans la guerre. Berechkov cherche donc, selon toute vrai­semblance, à dépeindre un Staline «sau­veur de la Russie» dans la «grande guerre pa­trio­tique» quoique criminel sur le plan inté­rieur. Pour savoir ce qu'il en est exactement, il faudra attendre que soient enfin ouvertes au pu­blic les archives soviétiques. En attendant, les assertions de Berechkov doivent être accueillies avec circonspection.

Hans Cornelius.

(recension parue dans Junge Freiheit, März 1991).

 

samedi, 24 avril 2010

Il crollo degli imperi

Il crollo degli imperi

di Paolo Macry

Fonte: Corriere della Sera [scheda fonte]


Da tempo sono consapevole di quanto anomali siamo nel mondo moderno L' imperatore Francesco Giuseppe (1916)Ma a vincere fu soprattutto la realpolitik più che un' autentica spinta nazionalista

http://www.kaiserjaeger.com/Foto%20Austriache/Saluto_al_Kaiser_FJ.jpg

La sequenza cronologica che porta dal collasso dell' impero al trionfo dello stato nazionale sembrava scritta nelle tavole della storia. Nel 1918, quando dai domini asburgici erano nati quattro nuovi Paesi, a vincere non era stato soltanto il wilsonismo, ma anche una sorta di senso comune ben diffuso in Occidente. E perfino i massimi simboli della tradizione imperiale erano finiti rapidamente nell' oblìo. L' 11 novembre di quell' anno, il giorno dopo la rinuncia al trono, Carlo d' Asburgo aveva abbandonato la residenza di Schönbrunn in una serata piena di nebbia, stando ben attento a evitare l' uscita principale del castello, perché la polizia aveva avvertito del pericolo di dimostrazioni popolari. Ma si era trattato di un falso allarme. Ad assistere alla fine di sei secoli di storia non c' era nessuno, né operai con la coccarda rossa, né curiosi. L' euforia era esplosa altrove, tra le élite dei nuovi Stati nazionali o tra gli italiani che avevano conquistato le «terre irredente». Il giovane Carlo, di fatto, era uscito di scena in perfetta solitudine. Già negli anni che avevano preceduto il 1914, in un contesto internazionale sempre più competitivo, le classi dirigenti degli imperi continentali erano sembrate afflitte dai peggiori incubi. «Andiamo verso il collasso e lo smembramento», aveva scritto un influente diplomatico viennese, mentre i Romanov apparivano preoccupati dal pan-islamismo e guardavano con ansia a quegli Ottomani che stavano cedendo pezzi di sovranità alle minoranze interne e alle grandi potenze. Temevano - loro, e non di meno degli Asburgo - di fare la stessa fine. «Dopo la Turchia, tocca all' Austria: è questo lo slogan che circola in Europa», aveva scritto qualcuno. Innumerevoli volte, a carico dei domini di Pietrogrado, Vienna e Istanbul, l' opinione pubblica occidentale aveva emesso una sentenza di morte. Erano i «grandi malati», le «prigioni dei popoli», la negazione del principio di nazionalità. Accuse che corrispondevano del resto alla coscienza inquieta delle élite imperiali. «Da molto tempo sono consapevole di quanto anomali siamo nel mondo moderno», avrebbe confessato nel 1916 Francesco Giuseppe. La stessa decisione d' imbarcarsi nella guerra era nata da un simile pessimismo. «Non vogliamo finire ai margini della storia» - aveva dichiarato un funzionario viennese alla vigilia del conflitto - allora è meglio essere distrutti subito». Con una tipica miscela di vittimizzazione e aggressività, quei circoli politici scivolavano nella retorica del «fare o perire». E fare significava fare la guerra. Fin dal tardo Ottocento, gli imperi sembravano aver perso la loro partita con gli Stati nazionali. Rispetto a una forma istituzionale ben radicata nell' Europa più moderna, era fatale che apparissero come residui del passato. Agli occhi di quell' Europa, lo Stato nazionale era il destino dell' impero, una sorta di nemesi delle sue molte «colpe storiche»: le dimensioni territoriali eccessive, il carattere multietnico, il debole controllo sulle periferie, l' inefficacia del governo e della governance. L' impero appariva sconfitto dallo Stato nazionale perché non ne aveva il mastice identitario e culturale, né dunque la forza di mobilitazione comunitaria. Il che in parte è vero, in parte è la classica profezia che si autorealizza. Ci sono storici che hanno sostenuto con buoni argomenti come, allo scoppio della Grande Guerra, i domini dei Romanov fossero economicamente e culturalmente in pieno sviluppo. E quelli asburgici godessero di ottima salute. Delle centinaia di migliaia di militari fatti prigionieri sul Piave, nel novembre 1918, gli austriaci sarebbero stati appena un terzo, mentre il grosso era composto da cechi, slavi del sud, polacchi, italiani. Come dire che, sebbene multinazionale, l' esercito di Vienna aveva tenuto fino all' ultimo. Forse non è il caso di sopravvalutare la spinta delle nazionalità. Significativamente, gli Stati emersi dal crollo asburgico avrebbero avuto in comune gravi squilibri politici, derive autoritarie, conflitti etnici. E questo dimostra come, al loro interno, la coesione nazionale restasse debole e come i nuovi governanti fossero poco radicati tra le rispettive popolazioni e avessero conquistato il potere - più che per la forza dei movimenti nazionali - grazie alla realpolitik degli Alleati, i quali, com' è noto, avevano legittimato le nazionalità dei domini asburgici in chiave antitedesca. Ma Francia e Inghilterra erano state incerte fino all' ultimo sulla sistemazione geopolitica da dare a quei territori: per l' esattezza, fino ai clamorosi errori politici e diplomatici commessi da Carlo d' Asburgo nel 1918. Il che suggerisce che la storia gioca le proprie carte, come insegnano i libri, ma ha sempre altre carte di riserva da giocare. E questo vale anche per la grande partita tra imperi e nazionalità. Le catene cronologiche sono molto meno fatali di quanto non appaiano a cose fatte.


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Falso socialismo y verdadero socialismo

socialismo.jpg

 

SINERGIES EUROPEAS – BRUXELLES / BARCELONA – 12/2004

Falso socialismo y verdadero socialismo


Robert Steuckers

¿Por qué preguntarse sobre el pasado y la evolución del socialismo, a la hora en que retrocede electoralmente en Europa, donde no tiene ya ni proyecto político coherente ni un brazo armado protector soviético, en un momento en el que un individualismo extremo, causante de grandes catástrofes sociales, toma el relevo en las mentalidades postmodernas del "primer mundo", donde se pasa del entusiasmo yuppy al burrowing del ciudadano conectado en su pequeño mundo virtual?

Porque el socialismo, se quiera o no, permanece como un reflejo de una aspiración comunitaria. Rechazando un discurso tan banal como irreal, el hombre no es un ser centrado exclusivamente en sí mismo, en su propio egoísmo. Él es hijo de unos padres, es también nieto o nieta, hermano o hermana, padre o madre, primo, vecino, colega. En ese sentido, puede desear el bien de su grupo o los grupos en el seno de los cuales vive y actúa, y privilegiar este bien común sobre su bienestar individual. Como lo destacaron todas las grandes religiones y también los adeptos del humanismo clásico, un hombre puede sacrificar su bienestar por sus hijos, por una causa, por toda clase de motivos que superan el puro egoísmo. Su inteligencia y su memoria instintiva (dos cualidades que no son necesariamente heterogéneas e incompatibles) pueden pues postular sacrificios a futuro. El hombre no actúa solo en una perspectiva presentista, sino a menudo también a largo plazo, sobre la previsión, apuesta por un futuro propio. Al enunciar estos aspectos, que los antropólogos y los sociólogos conocen demasiado bien, nuestro objetivo es indicar lo erroneo de las teorías filosóficas o económicas que postulan, testarudas, un individualismo metodológico y que pretenden imponer en todas partes la manía contemporánea de lo politicamente correcto.

Mientras que una corriente de la ideología de las Luces, a partir del siglo XVIII, intentará introducir en la práctica política diaria este "individualismo metodologico"; otra sentará las bases de una política social, a menudo siguiendo los pasos de los "despotas ilustrados" y otras figuras más positivas de las Luces que los ideólogos a la Destutt de Tracy o los filósofos de los salones parisinos. Otros más, siguiendo a Herder y el movimiento del Sturm und Drang, propondrán una emancipación de los hombres y almas haciendo referencia a las culturas, de las emergencias culturales y literarias, donde la identidad se trasluce en toda su originalidad y su bella ingenuidad. Al criticar al individualismo metodologico de una parte del Aufklärung europeo, no obstante no rechazan todas las facetas de este Aufklärung, sino solamente las que conocieron una evolución desenfrenada, que causo una cantidad de disfunciones e impuso una ideología diagramática, que sirvio de base a un "lenguaje de algodon" (Huyghe), a un discurso que rechaza todo debate y que, finalmente, fue un precedesor de la actual "political correctness". El "lenguaje de algodon" es una concretización del Newspeak que Orwell criticó en su famosa novela "1984". Al contrario, pensamos que un doble recurso a las facetas del Aufklärung, descuidadas por el discurso dominante, permitiría recomenzar el debate y proponer a nuestros contemporáneos que están en un callejón sin salida, políticas realmente alternativas.

Las disfunciones del Aufklärung se observan en varios niveles en la historia europea de estos ultimos doscientos años:

1. En las ideologías derivadas de la "metafora del reloj", o de la "métafora dela maquina", que postulan una visión mécanicista de las relaciones sociales y politicas, donde se percibe a cada individuo como un simple mecanismo aíslado, yuxtaponible a otros mecanismos, sin filiación; el filón individualista del Aufklärung se adhèrera a esta visión metafórica y diagramática de las relaciones políticas y sociales, al rechazar la otra metáfora, emergente en la época: la del árbol, preludio del romanticismo y de las filosofías politícas orgánicas, que se impuso naturalmente según el principio de la generación;
2. En las medidas votadas por la Asamblea nacional francesa contra los sistemas corporativos, los derechos de asociación, etc; la organización hypercentralista de la nueva República, donde los alcaldes representan a París y no a las comunidades urbanas o campesinas; la introducción de un derecho individualista en toda Europa por medio de los ejércitos napoléonicos; medidas que conducirán a algunas franjas de la contrarrevolución a convertirse en los campeones de la justicia social, contrariamente a lo que afirma historiografía convencional contemporánea;
3. La llegada de la revolución industrial protegida por un derecho individualista en Inglaterra y en el conjunto del continente;
4. La elaboración de teorías económicas mécanicistas e individualistas;
5. La aparición de un "socialismo" que derivo philoso-phico-idéologicamente de un pensamiento "científico" mécanicista e individualista.

Este quíntuplo de hechos llevo al socialismo, organizado en la segunda Internacional, luego el comunismo en la tercera Internacional y finalmente el trotskismo en la cuarta Internacional, sin contar sus múltiples escisiones y disidencias, a adoptar las ideas del Aufklärung más mécanicista, maquinista y antiorgánico y a rechazar como "contra-révolucionarios" los otros lineamentos, más pragmáticos, más orgánicos o más culturales del Aufklärung emancipador. Si el socialismo se hundió, es precisamente porque cultivó una verdadera fe en esta religión mécanicista, que se creía "cientifica" y fue abatida por los golpes de la ciencia física, a partir de 1875, con el descubrimiento del segundo principio de la termodinámica, con la física cuántica, la llegada de las ciencias biológicas, etc. El socialismo sobrevivió un centenar de años al hundimiento de su "epistémologia" mécanicista.

Si el socialismo, como movimiento politico afianzado en la historia europea, se hubiere basado inmediatamente en las metáforas organicistas del pensamiento de Herder y del Romanticismo, estaría aún vivo hoy. Toda práctica política que rechace verdaderamente el individualismo metodologico debe romper con los paradigmas mécanicistas, ilustrados del siglo XVIII por las "métaforas del reloj o la maquina".

En efecto, una apuesta desde la "métafora del arbol" habría sido más democrática: porque el agente motriz de la máquina es exterior a la máquina como el déspota es exterior al pueblo a quien controla y administra. El principio motriz del árbol, su fuente de energía, su primer impulso, reside en su propia interioridad. El árbol se controla a sí mismo, su existencia vital no se debe a un agente exterior que impulsa una clave o un sistema de engranajes para hacerle moverse o "vivir". Del mismo modo, un socialismo orgánico, y no mecánico, se habría enrraizado en la historia del pueblo a quien habría controlado y habría protegido. La historia nos enseña que las oligarquías socialistas cometieron el error de separarse del pueblo, o controlar a pueblos diferentes en nombre de una muy hipotetica "solidaridad internacional", sin entender las necesidades cada pueblo. Las criticas de un Roberto Michels del Verbürgerlichung, Verbonzung und Verkalkung (aburguesamiento, hegemonía progresiva de los burocratas del partido, esclerosis) y la sátira cruel de un George Orwell en Animal Farm, donde unos cerdos se vuelven en más iguales que otros, son elocuentes a ese respecto y demuestran que los socialistas y los socialdemócratas son propensos a ese tipo de politica, es decir, que consiste en adoptar una ideología sin profundidad que los pone al margen de la mayoria de la población, relativizando automáticamente el socialismo que declaran en el discurso y que solo realizan torpemente en la práctica. La oligarquización de los partidos socialistas es un riesgo permanente que acecha al socialismo, a causa precisamente de la negativa de los "burocratas" a sumergirse en la comunidad popular, a la que declaran ineluctablemente irracional por naturaleza, pero que escapa muy a menudo al esquematismo de la razón razonante que han inscrito ellos en su bandera.

En la actualidad, los socialismos de distintas variedades se declaran herederos de la Revolución Francesa. Ahora bien, fue la revolución francesa la que suprimio los derechos de las asociaciones de artesanos, obreros, aprendices, así como de los gremios de oficio. Hizo triunfar un derecho puramente individualista contra los derechos colectivos y los enfoques diferenciados del hecho social. A lo largo del siglo XIX, los obreros intentarán restablecer las asociaciones tradicionales por medio del sindicalismo o, en Inglaterra, de una forma comunitaria de socialismo, el guild-socialism. Pero los oligarcas de los partidos socialistas existentes defendieron una ideología, sin embargo, contraria al socialismo de fachada que declaraban por otra parte. Las rupturas sucesivas, las escisiones, los cambios múltiples del discurso de las izquierdas tienen, básicamente, como motivo profundo, la negación del mécanicismo individualista de la ideología illuminista y "revolucionaria". En la actualidad, precisamente, cuando los oligarcas de los partidos, los "burocratas" de Roberto Michels, hacen muestra de un comportamiento insatisfactorio, o incluso de una complicidad con algunas redes mafiosas (como en Italia con Craxi o en Bélgica con el escandalo Cools), el malestar se traduce en una deserción del electorado de las bases y, en la cumbre, en los intelectuales, que cambian de paradigmas y, a menudo, por un retorno a la inerradicable nostalgia de la comunidad. En la actualidad, se vuelve a hablar en los cenáculos de la izquierda pensante, incluso en los Estados Unidos, de "comunitarismo".
Discurso que obliga a redescubrir vínculos, ideas y valores que solamente los "contra-révolucionarios" del tiempo de la revolución francesa y de la aventura bonapartista habían analizado y/o defendido.

Generalmente, las fuentes historiograficas relativas a la contrarrevolución solo mencionan, en los autores contrarevolucionarios, una apologia del antiguo régimen y el deseo de restaurar los privilegios y a las élites administrativas y aristocráticas destronadas por la revolución. Ahora bien, son los autores considerados como "contra-révolucionarios", los que quieren restaurar las libertades y las autonomías de los trabajadores, criticando la individualización extrema de la propiedad en el derecho burgués, que triunfa a partir de 1789 y se ve finalmente codificado, lo que nunca no se había atrevido a hacer el antiguo régimen, aunque una lenta erosión de las tradiciones de solidaridad habia empezado hace cerca de dos siglos. En Francia, la desaparición de autonomías de todo tipo fue más precoz que en otras partes de Europa. Sin embargo, vario según las provincias: en el Oeste, la fiscalidad feudal es pesada, mientras que en Lyon, el Mediodía y la región parisina, prácticamente desaparecio. A vísperas de la revolución, el campesinado que constituye la mayoria del pueblo puesto que la revolución industrial aún no ha empezado y los obreros que son poco numerosos cuantitativamente en Francia, se oponen a la fiscalidad demasiado elevada del clero y el rey, pero hacen hincapié por todas partes en el mantenimiento de los bienes comunales, a libre disposición de toda la comunidad campesina. Si hay motines antes de 1789, es contra los portadores de "títulos feudales" y contra los que tienen una propiedad privada instalada sobre una antigua tierra comunal. Se podría creer pues que el campesinado francés, hostil a los privilegios de los señores feudales que usurpan las tierras comunales, simpatizo por las ideas republicanas. Pero el abanico de sus pretensiones se reitera después de la gran convulsión que sacudio a Francia: las asambleas revolucionarias prorrogan e incluso les sobrecargan de impuestos, instauran una fiscalidad de la propiedad de la tierra más pesada que bajo el antiguo régimen (noviembre de 1790). Asisten, ha escrito el historiador Hervé Luxardo, a una revolución en la revolución: la burguesía invierte el antiguo régimen en las ciudades, instala su poder que choca contra un campesinado que, poco a poco, olvida su hostilidad a los nobles porque los burgueses que se han convertido en los proprietarios de los antiguos bienes comunales, odiando a los nuevos propietarios, los "foutus bourgeois", como los llamaba un campesino rebelde de Dordogne en 1791. La rebelión de las campiñas no distingue un noble, partidario del Rey, de un burgués, adepto de las teorías de la revolución.  Cuando el Estado revolucionario vende los bienes de la Iglesia, calificados de "bienes nacionales", a particulares en vez de redistribuirlos a los campesinos, los espíritus se calientan y el Oeste del país se enciende: será la insurección vendeana y bretona.

Lo peor estaria por venir, nos indica Hervé Luxardo, en diciembre de 1789, los Constituyentes suprimen las últimas asambleas populares donde votaban todos los jefes de familia para sustituirlas por municipios elegidos por los únicos ciudadanos activos, es decir, los más ricos! Esta medida habría debido poner fin a la leyenda de una revolución francesa "democrática". A partir de ese momento, estos notables, distintos de un pueblo que ya no tiene derecho a la palabra, regulan a su manera los derechos colectivos, aunque el 28 de septiembre de 1791, el poder establece un "código rural" que reduce prácticamente a nada el derecho a beneficiarse de las tierras, prados y bosques colectivos. Éstos servíran para enfrentar posibles escaseces y para satisfacer las necesidades de los propietarios privados, sobre todo en período invernal. René Sédillot, otro historiador francés crítico respecto a la revolución ha escrito: "ahora ya no está permitido a los ancianos, a las viudas, a los niños, a los enfermos, a los pobres, tomar las espigas después de la cosecha, aprovecharse de las cosechas, de recoger la paja para hacer literas, las uvas después de la vendimia, raices de las hierbas después de la henificación (...) ya no está permitido al ganado tener libre acceso a las campos". Resumidamente, los Constituyentes burgueses eliminan la única seguridad social que esas clases desamparadas tenían. Esto hará de las clases pobres, "clases peligrosas", según la terminología policial. Las campiñas ya no pueden alimentar más a todos los campesinos, causando un éxodo hacia las ciudades o hacia las colonias, provocando más tarde el nacimiento de un socialismo desesperado, agresivo.

En las ciudades, los oficios se organizaban en hermandades (maestros y compañeros) y en gremios de comercio. Los gremios de comercio organizan la solidaridad de los compañeros y hacen huelga si sus demandas no son satisfechas. El constituyente Isaac Le Chapelier prohibe el derecho a nombrar síndicos, por lo tanto de formar sindicatos, prohibiendo al mismo tiempo toda forma de asociación de los asalariados. Sédillot escribe: "La ley Le Chapelier del 14 de junio de 1791, pone fin a todo lo que quedaba de las libertades de los trabajadoress". Más tarde, el Código civil ignora la legislación laboral. El Consul de Bonaparte instaura el control policial de los obreros imponiéndoles la "libreta". Ninguna izquierda puede ser creíble si pretende simultáneamente ser heredera de la Revolución Francesa, partidaria de su ideología anti-obrera, y defensora de la clase obrera. El PS valón ignora la esencia del socialismo y de la solidaridad social cuando  sus maximos representantes como Philippe Moureaux y Valmy Féaux exaltan a la "grrrrran révolución" y glorifican sin vergüenza las innombrables villanías cometidas por los sans-culottes.
Toda la lucha social del siglo XIX es en realidad una protesta y un rechazo de esta ley  de Le Chapelier . En términos filosóficos, la ideología mécanicista de la República Francesa de la era revolucionaria es inapropiada para garantizar las solidaridades e implica una formidable regresión social.

Los acontecimientos de la revolución francesa y la llegada de la revolución industrial en Inglaterra inducen un nuevo pensamiento económico de tipo aritmético-matématico, cuyos ejemplo mas notorio son las teorias de Ricardo. Ningún contexto ni histórico ni geográfico se tiene en cuenta y será necesario esperar el filón de la "escuela histórica" alemana, del Kathedersozialismus y el institucionalismo (en particular, americano) para reintroducir parámetros circunstanciales, históricos o geográficos, en el pensamiento económico, arruinando al mismo tiempo la idea absurda de que una única ciencia económica pueda universalmente regir y funcionar en todas las economías presentes sobre la Tierra.

En consecuencia, el socialismo es una reacción contra el Aufklärung, tal como fue interpretado por la Revolución Francesa y sobre todo por Constituyentes como Le Chapelier. En este sentido, el socialismo, en los sentimientos que le animaban al principio de su trayectoria histórica, es básicamente conservador de las libertades orgánicas, de los bienes comunales y de los métodos de organización fraternales. Este sentimiento es justo (exactamente deriva de ius, derecho). Pero si el socialismo que conocemos actualmente es un fracaso o una injusticia o una estafa, es porque traicionó los sentimientos del pueblo, de la misma forma que los revolucionarios franceses traicionaron a sus campesinos.
Un socialismo motivado por un sentido histórico y orgánico, acoplado a una doctrina económica heredera de la "escuela histórica" y del Kathedersozialismus, debe tomar el relevo de un falso socialismo, descontextualizado y mecánico, liderado por doctrinas económicas aritmético-mathématicas y por una ideología francorevolucionaria.

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