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dimanche, 26 janvier 2025

Identité politico-civilisationnelle et période axiale chez l'égyptologue et philosophe allemand Jan Assmann

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Identité politico-civilisationnelle et période axiale chez l'égyptologue et philosophe allemand Jan Assmann

NdlR: Soucieux d'approfondir les thèses énoncées par Jan Assmann, nous présentons ici un résumé succinct des deux thèmes majeurs de sa pensée, en attendant de nous immerger plus complètement dans les méandres de celle-ci. Aborder la notion de "période axiale" implique de se rappeler des thèses de Karl Jaspers et de Karen Armstrong. Les réponses ci-dessous sont "neutres" et ne révèlent pas notre approche critique de cette notion qui interpelle directement notre vision de l'histoire, Armin Mohler et Giorgio Locchi nous ayant légué également une interprétation rupturaliste de la notion de "période axiale".

Le philosophe allemand contemporain Jan Assmann a écrit des pages d'une grande profondeur sur "l'écriture, la mémoire et l'identité politique dans les hautes cultures de l'antiquité". De même, il a consacré un ouvrage à la "période axiale" de l'histoire, thème qu'avait inauguré le philosophe protestant Karl Jaspers. Pouvez-vous nous dire en quoi consiste sa vision de l'identité politique des hautes civilisations de jadis et en quoi consiste son approche des "périodes axiales de l'histoire, et, accessoirement, quelle est la différence entre son approche et celle de Karl Jaspers? 

1) La vision de Jan Assmann sur l'identité politique des hautes civilisations

Jan Assmann, égyptologue et spécialiste de la mémoire culturelle, explore comment les civilisations antiques ont construit leur identité politique autour de pratiques mémorielles, d'institutions religieuses et de formes spécifiques d'écriture. Sa réflexion repose sur plusieurs idées centrales :

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L’écriture et la mémoire culturelle

Assmann distingue la mémoire culturelle de la mémoire communicative.

La mémoire culturelle est le socle d’une identité collective, transmise sur plusieurs générations, souvent à travers des supports écrits, des mythes, des rituels et des monuments.

Les civilisations antiques, comme l'Égypte, ont utilisé l’écriture pour archiver leurs lois, rituels religieux et récits fondateurs, qui servaient à structurer et légitimer leur identité politique et culturelle.

L’écriture permet ainsi de figer le temps et de relier les générations présentes aux mythes fondateurs, en construisant une continuité historique et une légitimité politique.

Identité politique et théologie

Assmann souligne que, dans les hautes cultures, l'identité politique est souvent enracinée dans une conception théologique du pouvoir. Par exemple, en Égypte ancienne, le pharaon n’est pas simplement un dirigeant politique, mais l’intermédiaire entre les dieux et les hommes. Cette fusion du pouvoir divin et politique est un trait clé des premières civilisations complexes.

Il introduit également le concept de "distinction mosaïque", en opposition au polythéisme, pour analyser l’émergence du monothéisme (notamment dans le judaïsme) et son rôle dans la formation d’identités politiques exclusives, fondées sur des frontières entre le "vrai" et le "faux" dieu.

Le rôle des récits fondateurs

Les mythes, lois et rituels ne sont pas de simples traditions, mais des outils politiques puissants pour consolider le pouvoir, maintenir l’ordre social et justifier les institutions.

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2) La "période axiale" chez Jan Assmann et Karl Jaspers

Le concept de "période axiale" selon Karl Jaspers

Karl Jaspers, philosophe protestant, a introduit le concept de période axiale dans son ouvrage Vom Ursprung und Ziel der Geschichte (1949). Il identifie une période historique charnière, située entre 800 et 200 avant notre ère, où plusieurs civilisations à travers le monde ont simultanément connu des révolutions spirituelles et intellectuelles majeures.

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Cette période voit l'émergence de grandes figures fondatrices comme Confucius, Bouddha, Socrate, les prophètes hébraïques, et des textes fondamentaux tels que les Upanishads ou les dialogues platoniciens.

Pour Jaspers, cette période marque un tournant où l’humanité prend conscience de la transcendance, de l’individu et de l’éthique universelle.

La relecture de la période axiale par Jan Assmann

Jan Assmann reprend le concept, mais il y apporte une approche anthropologique et culturelle :

Il insiste sur le rôle des pratiques mémorielles et des textes écrits dans la transmission des idées de la période axiale. Selon lui, cette période est également marquée par une transition vers des formes d'identités collectives basées sur des textes fondateurs et des traditions mémorisées (ex. la Torah dans le judaïsme ou les Védas dans l’hindouisme).

Contrairement à Jaspers, qui met l’accent sur une évolution presque spirituelle et universelle de l’humanité, Assmann analyse les spécificités culturelles et historiques de chaque civilisation. Il soutient que les changements de la période axiale ne sont pas universels, mais fortement dépendants des contextes sociaux, politiques et religieux locaux.

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Différences entre Jaspers et Assmann

Approche universaliste vs particulariste :

Jaspers interprète la période axiale comme une évolution collective et presque simultanée de l’esprit humain vers des valeurs transcendantales.

Assmann, au contraire, insiste sur le rôle des systèmes de transmission culturelle et les diversités de chaque culture.

Centralité des textes et de la mémoire :

Jaspers met en avant les idées philosophiques et spirituelles universelles, tandis qu’Assmann insiste sur le rôle des textes écrits et des institutions mémorielles dans la formation des identités politiques et religieuses.

Émergence du monothéisme :

Assmann explore davantage les implications de la période axiale pour l'émergence du monothéisme, qu’il considère comme une révolution culturelle ayant des conséquences profondes sur les identités collectives.

3) En résumé

Jan Assmann apporte une profondeur anthropologique au concept de Jaspers, en examinant comment les textes, les pratiques mémorielles et les institutions ont contribué à structurer les identités politiques et religieuses des hautes civilisations. Là où Jaspers voit une évolution universelle de l'esprit humain, Assmann met en lumière la diversité des réponses culturelles et historiques, tout en montrant comment elles ont influencé la mémoire collective et l’organisation sociale.

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Et quel est le rapport entre ces deux philosophes allemands, qui ont planché sur la notion de "période axiale" et les travaux de Karen Armstrong dans l'anglosphère qui, elle aussi, réanime cette thématique philosophique qui avait été quelque peu oubliée?

Karen Armstrong, dans l’anglosphère, reprend et développe le concept de "période axiale" introduit par Karl Jaspers, en y apportant une perspective qui dialogue indirectement avec les travaux de Jan Assmann et enrichit l'approche en l'adaptant à des préoccupations contemporaines. Voici les liens et divergences entre ces trois penseurs :

1) Karl Jaspers et la conceptualisation initiale

Jaspers introduit l’idée d’une période axiale comme une époque historique entre 800 et 200 avant notre ère où les grandes civilisations du monde (Inde, Chine, Proche-Orient, Grèce) ont connu des transformations spirituelles et intellectuelles fondamentales.

Pour lui, cette époque marque la naissance des grands cadres de pensée universelle, comme la quête de transcendance, la réflexion éthique, et l’idée de l’individu en tant qu’agent moral.

Cette vision universaliste a marqué la réflexion philosophique et reste un socle théorique pour les travaux ultérieurs.

2) Jan Assmann et l’approche anthropologique

Assmann reprend l’idée de Jaspers, mais en s'intéressant aux mécanismes culturels qui ont permis la transmission des idées axiales.

Il met un accent particulier sur la mémoire culturelle et les textes fondateurs comme outils de transmission et de structuration des sociétés. Il explore notamment le rôle du monothéisme, qui émerge dans cette période, et ses implications sur l’identité collective et politique.

Là où Jaspers voyait une évolution presque simultanée et universelle de l’humanité, Assmann insiste sur les variations culturelles et les contextes historiques spécifiques des transformations de cette période.

3) Karen Armstrong et la réhabilitation de la période axiale

Dans son ouvrage The Great Transformation (2006), Karen Armstrong revisite le concept de période axiale avec un objectif clair: démontrer la pertinence contemporaine de cette époque fondatrice pour répondre aux crises éthiques, spirituelles et politiques actuelles.

Elle met en avant une lecture plus théologique et humaniste des figures et courants de cette période (Bouddha, Confucius, Socrate, les prophètes hébreux, etc.), en insistant sur leur quête commune: résoudre la souffrance humaine et instaurer une éthique universelle basée sur la compassion et la justice.

Elle partage avec Jaspers l’idée que ces transformations ont eu lieu simultanément dans des régions éloignées, mais elle souligne également leur intemporalité, en montrant comment elles peuvent inspirer le monde contemporain.

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4) Points de convergence entre Armstrong, Jaspers et Assmann

Une humanité en quête de transcendance et d'éthique :

Tous trois voient la période axiale comme une étape cruciale où l’humanité a développé des outils pour penser la condition humaine, la souffrance et le sens de l’existence.

Importance des figures fondatrices :

Jaspers met l’accent sur les grands penseurs, Assmann sur leurs textes et contextes, tandis qu’Armstrong explore leur message moral et spirituel.

Relecture de cette période pour le présent :

Armstrong, comme Assmann, fait un lien explicite entre les enseignements de cette époque et les défis contemporains, qu’il s’agisse de violence religieuse, de crise de sens ou de conflits identitaires.

5) Différences entre Armstrong et les philosophes allemands

Avec Jaspers :

Armstrong dépasse la vision purement philosophique ou métaphysique de Jaspers en mettant l’accent sur les dynamiques sociales et pratiques des religions de la période axiale. Elle insiste notamment sur leur rôle dans la création d’une éthique universelle fondée sur la compassion, une dimension que Jaspers aborde moins directement.

Avec Assmann :

Là où Assmann explore la période axiale à travers le prisme de la mémoire culturelle et des textes, Armstrong adopte une approche plus narrative et accessible, centrée sur les enseignements moraux des grandes figures axiales.

Armstrong insiste davantage sur les éléments de continuité spirituelle entre cette période et les enjeux actuels. Assmann, pour sa part, est plus attentif aux ruptures qu’elle introduit, notamment avec la "distinction mosaïque" et les tensions qu’elle crée dans les conceptions religieuses.

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6) Une synthèse des trois approches

Karen Armstrong peut être vue comme un pont entre les travaux de Jaspers et Assmann :

Elle partage avec Jaspers une fascination pour les révolutions spirituelles universelles et leurs implications philosophiques.

Elle s’aligne avec Assmann dans son intérêt pour les contextes historiques et culturels spécifiques, mais sans adopter son analyse érudite des textes ou son insistance sur les institutions mémorielles.

Sa vision, plus pratique et centrée sur l’éthique contemporaine, cherche à rendre la période axiale pertinente pour un large public, en tant qu’inspiration pour résoudre les crises modernes.

Conclusion

Les trois auteurs enrichissent le concept de période axiale de manières complémentaires : Jaspers offre une vision philosophique et universaliste, Assmann une lecture anthropologique et contextuelle, tandis qu’Armstrong donne une interprétation théologique et humaniste, axée sur les enjeux contemporains. Ensemble, leurs approches forment une constellation d’idées qui approfondissent notre compréhension de cette période fondamentale de l’histoire humaine.

Manigances post-démocratiques aux USA

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Manigances post-démocratiques aux USA

par Georges Feltin-Tracol

La momie de la Maison Blanche, Joe Biden, a prononcé dans la soirée du 15 janvier 2025 son ultime allocution télévisée. Au cours de cette intervention pathétique, il a dénoncé l’avènement d’une oligarchie. Il visait les soutiens de Donald Trump originaires de la Silicon Valley, en particulier Elon Musk et Peter Thiel.

En bon pantin de l’État profond yankee, Biden pratique l’inversion accusatoire. Son parti est depuis des décennies la marionnette de l’hyper-classe cosmopolite qui met en coupe réglée les États industriels de la planète. Son attaque insidieuse signale que la ploutocratie mondialiste à la tête de l’Occident global commence à s’inquiéter pour son avenir.

Le samedi 18 janvier, des anti-Trump manifestaient dans diverses villes contre l’investiture du 47e président des États-Unis. On lisait sur leurs banderoles: « Nous sommes le peuple ». Quelle prétention ! Ces manifestants ont perdu dans les urnes avec un écart de deux millions et demi de voix et ils persistent à croire qu’un nouveau Duce s’apprête à bâillonner la statue de la Liberté. Cette expression politique représente un autre symptôme de la post-démocratie dans l’Occident terminal.

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En effet, la fin de l’année 2024 a connu de graves événements guère commentés par les officines médiatiques de grand chemin. Le 6 décembre, la Cour constitutionnelle roumaine fomentait un coup d’État en invalidant le premier tour de l’élection présidentielle deux jours avant le second tour et en annulant l’ensemble du scrutin. Tous nommés en alternance par les deux formations naguère hégémoniques du paysage politique roumain, les sociaux-démocrates et les nationaux-libéraux, les membres de cette instance justifient leur décision inouïe par la publication de rapports issus des services de renseignement de Bucarest, documents déclassifiés et autorisés par le président de la République, Klaus Iohannis alias la madone des aéroports internationaux.

Tout au long de ses deux mandats consécutifs de cinq ans, Iohannis a parcouru tous les continents aux frais des contribuables roumains. Populaire en 2014, il aurait dû quitter ses fonctions sous une impopularité record. Il renomme à la charge de premier ministre le social-démocrate Marcel Ciolacu pourtant arrivé troisième à la présidentielle avortée. Le succès inattendu d’une personnalité trouble, Calin Georgescu, ancien haut-fonctionnaire à l’ONU (22,94%), s’accompagne, le 1er décembre suivant, d’une forte poussée nationale-populiste aux élections législatives (31,88 % pour l’AUR – Alliance pour l’union des Roumains -, SOS Roumanie et le Parti de la Jeunesse). Marcel Ciolacu dirige maintenant une coalition gouvernementale pro-européenne et pro-atlantiste avec les sociaux-démocrates, les nationaux-libéraux et les représentants de la minorité hongroise.

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Le 12 janvier dernier, des milliers de personnes ont manifesté à Bucarest contre l’interruption du processus électoral présidentiel, la formation d’un gouvernement de vaincus et le maintien en place d’un chef de l’État illégitime. Il faut craindre que ces gigantesques démonstrations de force ne servent à rien. Il devient même plausible que Calin Georgescu ne puisse pas poser sa candidature pour les 4 et 18 mai prochains. Les autorités l’accusent de s’être servi des réseaux sociaux financés par la Russie. Or les dernières enquêtes démontrent au contraire l’intervention massive et discrète des nationaux-libéraux sur Internet dans les derniers jours de la campagne afin de contrecarrer le candidat national-conservateur George Simion. Mais Georgescu ne s’est-il pas inspiré de la campagne victorieuse de Barack Obama en 2008 ?

Depuis la pseudo-révolution de Noël 1989 marquée par la première grande opération de désinformation sur les charniers de Timisoara, la structure politique roumaine procède d’un puissant État profond. D’abord d’émanation gorbatchévienne, il s’est vite tourné vers l’atlantisme, l’occidentalisme et le financiarisme. Aujourd’hui encore, bien des politiciens roumains sont des pions de l’Occident globalitaire.

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L’annulation de l’élection présidentielle roumaine indispose le premier ministre slovaque Robert Fico. Il n’oublie pas les réactions faibles et timorées des soi-disant démocraties de l’Ouest quand un illuminé, poète raté, lui tira dessus, le 15 mai 2024 à Handlova. Par chance, Robert Fico échappa à la mort malgré de graves blessures. Cet attentat concluait des semaines de campagne de presse violente orchestrée par des journaux, des radios et des télévisions inféodés au parti de la guerre contre la Russie. Bien sûr, si le déplorable Keir Starmer, premier ministre britannique de son état, avait reçu le moindre postillon de la part d’un fan d’Elon Musk, ce dernier aurait subi une tempête d’accusations maximales !

Les manigances post-démocratiques frappent un autre État européen au cœur du Caucase: la Géorgie. On assiste aux législatives du 26 octobre 2024 au triomphe du parti gouvernemental, Le Rêve géorgien, fondé par le milliardaire Bidzina Ivanichvili (53,93%). L’opposition pro-OTAN n’accepte pas sa défaite cuisante. Elle accuse la majorité de manipulations électorales, de corruption des électeurs et de trucages dans les urnes. Elle organise une révolution de couleur. Trump et Le Rêve géorgien gagnent les élections en 2016 et en 2024 grâce aux tricheries nombreuses et à l’ingérence numérique de Moscou selon cette opposition. En revanche, Joe Biden en 2020 et même Emmanuel Macron en 2017 accèdent à la présidence par le choix éclairé des électeurs hors de toute fraude ou de tout coup fourré médiatico-judiciaire. L’Occident global donne l’impression d’être très mauvais perdant. Du côté pile d’une pièce de monnaie, il gagne et, du côté face, son adversaire perd !

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Dès le soir de l’élection parlementaire, des opposants protestaient à Tbilissi avec l’appui remarquée de la présidente de la République en fin de mandat, l’ancienne diplomate française Salomé Zourabichvili (photo). Les psychiatres locaux devraient ausculter ces Géorgiens qui brandissent le drapeau de l’Union dite européenne. Il est rare d’observer des personnes prêtes à rejoindre un bagne à ciel ouvert et une prospérité économique illusoire qui masque l’endettement, la spéculation et le wokisme. Certes, la constitution géorgienne mentionne une obligation à moyen terme d’adhésion à l’OTAN et à l’UE. Mais le premier ministre géorgien ré-investi, Irakli Kobakhidze, ne goûte guère les mises en garde péremptoires et les sanctions économiques de la mafia de Bruxelles, d’où la suspension des négociations d’adhésion avec l’UE.

Le 14 décembre, le Parlement géorgien a élu un nouveau chef d’État, le premier au suffrage universel indirect, suite à une révision constitutionnelle adoptée en 2017. Le collège électoral compte 150 députés et 150 élus délégués des conseils municipaux et régionaux. Le nouveau président, Mikheïl Kavelachvili, est un ancien footballeur professionnel, d’abord passé au Rêve géorgien avant de fonder le mouvement Le Pouvoir au peuple. Cette élection a suscité un déluge de commentaires désagréables, expression d’un indéniable mépris de classe. Les manifestants conspuent Mikheïl Kavelachvili qui, faute de diplôme universitaire et incapable de parler l’anglais, n’aurait pas le niveau pour assumer sa charge. C’est du racisme de classe. Paris les encourage et oublie qu’en 1998, lors de la victoire douteuse des Français à la Coupe du monde de football, des milliers d’imbéciles beuglaient sur les Champs Élysées « Zidane président ! »…

Salomé Zourabichvili prétend toujours être la seule présidente légitime. Elle a néanmoins eu la bienséance de libérer le palais présidentiel avant l’arrivée de son successeur, connu pour son franc-parler. Soutenue par le complexe occidental euratlantique, l’opposition aurait aimé renverser le gouvernement en place. Fort heureusement, la Géorgie possède d’excellents kinés de rue, de brillants ostéopathes casqués et d’exceptionnels masseurs en plein air. Sous le label générique de forces de police, ces spécialistes des chocs musculaires et osseux ont su avec dextérité, sang-froid et professionnalisme favoriser la circulation sanguine, l’assouplissement des articulations et la résistance du corps et du crâne de leurs compatriotes hypnotisés par l’eurofolie collective.

Tout en s’occupant des affaires intérieures roumaines et géorgiennes, le marécage politico-médiatique occidental s’indigne des supposées ingérences d’Elon Musk au Royaume Uni et en Allemagne. L’hypocrisie est totale. Les dernières semaines indiquent donc un moment où l’élection reste le prétexte futile pour travestir et détourner les justes aspirations populaires de changement radical. Jusqu’à quand cette mascarade institutionnelle va-t-elle durer ?  

GF-T

  • « Vigie d’un monde en ébullition », n° 140, mise en ligne le 21 janvier 2025 sur Radio Méridien Zéro.

 

Le Progrès, une idée de paresseux (Baudelaire)

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Le Progrès, une idée de paresseux (Baudelaire)

par Claude Bourrinet

L’idée que l’homme puisse être perfectible est, du point de vue chrétien, une hérésie. Si l’on accepte le postulat biblique du Péché originel, il n’est pas envisageable qu’il existe un quelconque progrès véritable. L’art de la table est susceptible de jouir d’améliorations succulentes, l’électricité a pu être appliquée à des machines, et aboutir à voiler les étoiles du ciel, les armes devenir plus performantes et témoigner du génie humain, les transports voués à la vélocité la plus vertigineuse, de façon que l’on se rend plus vite à son poste d’ennui, les divertissements démultipliés et à la portée de toutes les consciences, de tous les rêves, et la société arrimée au port démocratique, si bien que l’on rend grâce aux urnes d’être arrivé à bon port, la clé du bonheur ayant enfin été trouvée, il n’en demeure pas moins que, égrugée la mince pellicule de civilité laborieusement enduite sur la peau du citoyen satisfait, se découvre encore la chair du Vieil homme éternel.

Il n’y a guère de différence entre un Tatar de la Volga, brave guerrier de l’empire Mongol, et un client bedonnant de McDo, excepté que le premier aura été plus leste pour sauter à cheval. Mais la même soif de sang gît au fond de leurs cœur. Et il en est ainsi pour tous les hommes du présent, du passé, et de l’avenir. Seule l’occasion diffère, pour manifester sa puissance de haine, et son talent de tuer.

Le monde moderne est donc, depuis plusieurs siècles, fondé sur un sophisme. Et, en passant, l'Eglise moderne s'adonne au pélagianisme. La prétention des adeptes du progrès à avoir rendu l’homme meilleur, je ne dis pas seulement moralement, mais aussi dans son aspiration à la beauté, est une escroquerie, qui ne rencontre de succès que grâce à la fatuité de ceux qui entendent ce discours, et qui s'estimeront toujours supérieur à Marc-Aurèle, qui ne connaissait pas le rasoir électrique. En vérité, si, du point de vue de la morale, toutes choses étant égales par ailleurs, un Français du XXIe siècle est aussi vicieux qu’un Hellène du Ve siècle av. J.C., il n’est pas certain que sa capacité à exister sous le soleil soit plus intense.

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Au contraire. A ce niveau-là, nous avons régressé. L’homme rapetisse. Il aura bientôt atteint la taille du nain. Le monde est devenu une foire à la monstruosité la plus répugnante, parce que le crime, universel, se pare sans vergogne des oripeaux du Bien. Jadis, quand on trucidait son prochain selon la loi de la nature, on avait le meurtre franc et pour tout dire, honnête. Maintenant, il faut tortiller du croupion sur la chaise d’un Conseil de sécurité quelconque, pour débarrasser la terre de millions de coquins qui la polluaient.

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Explosions du Nouvel An - Jeux de guerre et excitation cryptographique

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Explosions du Nouvel An - Jeux de guerre et excitation cryptographique

Markku Siira

Source: https://markkusiira.com/2025/01/09/uuden-vuoden-rajahdyks...

« Si vous vous sentez inutile, rappelez-vous qu'il a fallu vingt ans, des milliers de milliards de dollars et quatre présidents américains pour remplacer les talibans par des talibans », commente le politologue et historien Norman Finkelstein à propos des erreurs de la politique étrangère et de sécurité américaine en Afghanistan.

Pour Fabio Vighi, ces actions n'ont pas été vaines pour les États-Unis et leurs sbires. « Les décennies consacrées à la destruction de pays comme l'Afghanistan et l'Irak et au massacre de leurs populations ont été très rentables pour les grandes institutions financières et le complexe militaro-industriel », corrige-t-il.

Plus important encore, elles ont fourni « un levier géopolitique-idéologique crucial pour retarder l'effondrement imminent d'un système qui a subi sa première convulsion majeure avec la crise financière de 2007-2008 ».

« En fin de compte, l'impulsion décisive derrière ces offensives militaires passées et, maintenant, les guerres par procuration en Ukraine, à Gaza et en Syrie est enracinée dans la peur et le déni - un refus de faire face à l'obsolescence d'un capitalisme simulé, hyperfinanciarisé et fondé sur l'endettement », explique M. Vighi pour éclairer l'interaction entre les opérations militaires et les transferts économiques.

Que nous réserve l'horizon 2025 ? Pour Fabio Vighi, il est « difficile d'imaginer une issue à la situation de manipulation intense dans tous les domaines, des données économiques aux opérations sous fausse bannière ». Chaque « événement » est désormais encadré par la logique d'exploitation du « capitalisme de crise », qui reste obstinément dépendant de la « création de crédit pour gonfler les bulles financières ».

« En conséquence, l'horizon de notre monde se replie sur lui-même. La boucle de rétroaction de la dette, de la finance, de la frénésie impérialiste résiduelle, de la récession économique et du contrôle idéologique des perceptions se poursuivra pendant des années encore, obscurcissant notre jugement critique et affaiblissant notre imagination », conclut l'universitaire italien.

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Incapable de faire face à sa maladie, l'Occident en phase terminale ne cessera de déverser sa fureur sur tous ses "bons ennemis" pour s'en servir comme levier géopolitique. Cette stratégie ne tente même plus de se déguiser en agence d'exportation de la démocratie ou en défense des droits de l'homme. La violence se révèle désormais comme « la sauvagerie débridée d'une civilisation agressive qui refuse de reconnaître sa dégénérescence et ses limites ».

La question, selon Vighi, n'est pas de savoir « s'il y aura une nouvelle urgence mondiale, mais à quel moment elle se produira ». D'un point de vue géopolitique, l'Iran - un pays déjà aux prises avec une forte inflation, des pénuries d'énergie et un chômage croissant - est un candidat évident pour la prochaine cible.

« Le démantèlement de la République islamique d'Iran, tout comme le démembrement en cours de la Syrie, semble être un objectif aussi urgent que l'était le démantèlement de l'Irak dans le passé », ajoute Vighi avec emphase, en rappelant la liste des États à démanteler, dressée par les États-Unis après le 11 septembre.

Une fois de plus, la pression de la guerre est « un mécanisme de défense intrinsèquement psychotique contre l'introspection systémique ». Elle protège l'Occident contre « l'effondrement de son mode de renouvellement socio-économique surfinanciarisé et surendetté, qui est devenu stérile, dysfonctionnel et socialement destructeur ».

Attiser les flammes du chaos aux confins de l'empire nécessite, entre autres, « le maintien de l'entité sioniste ». À cet égard, Donald Trump, de concert avec Israël, a un rôle crucial à jouer pour accroître la pression sur Téhéran. Une attaque contre l'Iran pourrait retarder le processus de dédollarisation et créer en même temps une crise économique mondiale, qui donnerait un prolongement à la politique actuelle des banques centrales.

Il existe une relation très étroite entre l'élite économique et la guerre. La structure du pouvoir occidental est également caractérisée par un obscur système de portes tournantes: les mêmes technocrates inefficaces et souvent discrédités tournent dans différentes institutions.

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Maintenant que l'ancien secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg, a pris la présidence du groupe Bilderberg, l'oligarchie qui se cache derrière la société secrète économico-politique s'apprête-t-elle à privilégier les interventions militaires pour renforcer sa fiction financière ? Les hommes d'argent qui détiennent l'industrie de l'armement peuvent espérer un retour important sur les investissements militaires et de défense.

Vighi souligne qu'au-delà du lobbying véreux qui ressort des réunions des Bilderberg, les conflits géopolitiques doivent également être considérés comme « le revers de la médaille des marchés financiers surgonflés par des escroqueries boursières comme celle de Tesla, provoquée par l'une des plus grandes bulles spéculatives de l'histoire du monde ». Les entreprises technologiques surévaluées engrangent des profits insensés tout en favorisant l'automatisation et la hausse du chômage.

« Lorsque les nations encourent des coûts qui dépassent leurs moyens financiers, déclencher de nouvelles guerres devient le moyen le plus rapide de produire de nouvelles monnaies qui n'ont aucune valeur intrinsèque, mais qui ne font que prolonger la douleur et obscurcir l'issue inévitable », explique Vighi.

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Si les visions de nombreux techno-moguls ressemblent à une dystopie scientifique, la réalité est que nous vivons déjà dans « le Far West numérique, où le capitalisme de casino surfe actuellement sur la vague de la crypto-tempête ». Pour preuve, la crypto-monnaie humoristique Fartcoin a atteint une valeur de marché explosive de 1,5 milliard de dollars quelques mois seulement après son lancement.

Les jeunes investisseurs en crypto-monnaies jouent avec des obligations de pacotille pour devenir millionnaires. Cependant, les nouvelles financières ne révèlent pas que « la volonté actuelle de rendre les crypto-monnaies courantes, associée à la déréglementation des marchés financiers, contribue à un changement à l'échelle du système vers un panopticon mondial pour toute la tokenisation » (1 - ndt).

Alors que nous approchons d'un tournant critique dans un piège de la dette potentiellement cataclysmique, il semble approprié de nourrir le public de réalités alternatives, de l'incitation à « devenir un roi de la crypto » à la nouvelle montée prévisible du « terrorisme islamique » (comme l'ont montré les événements du jour de l'an à la Nouvelle-Orléans et à Las Vegas).

Vighi estime que le système a besoin d'un « nouveau sauvetage d'urgence ». La prochaine crise « imprévue » obligera la Fed et ses alliés à augmenter la masse monétaire en raison d'un obstacle insurmontable. Et bien qu'il y ait toujours de la place pour l'entropie et l'imprévisibilité systémiques, il est raisonnable de supposer que ceux qui sont assis au sommet, le plus près de la presse à billets, éviteront la plupart des conséquences désagréables, les citoyens ordinaires payant une fois de plus la facture finale.

La société du travail, qui fournissait une valeur socio-économique par le biais de l'emploi, s'évapore à présent dans une « société de la jungle » atomisée où les distinctions de classe traditionnelles n'ont plus cours et où « les critiques de gauche de l'économie politique se sont dissoutes dans un culturalisme insidieux », rappelle avec insistance le professeur Vighi dans son livre Critical Theory.

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Les conflits sociaux ont été reconditionnés par les médias appartenant aux entreprises pour façonner les perceptions des masses, et le pouvoir ne peut plus être associé uniquement à « la classe capitaliste qui possède les moyens de production », mais plutôt à « l'élite qui contrôle les flux d'argent, les urgences de la guerre, les opérations psychologiques de type coro na et la vie, plus ou moins directement, de populations de plus en plus jetables ».

Nous avons atteint « un nouveau niveau de misanthropie capitaliste où le travail a été invalidé en tant que médiateur social, tout en étant soumis à une exploitation et à une manipulation sans précédent ». « Soit nous trouvons les moyens de résister à cette tendance destructrice, soit elle nous écrasera », affirme Vighi, qui, comme de nombreux théoriciens, ne propose pas de moyens concrets pour remédier à la situation.

Note:

(1) Voici ce que répond l'IA à la question qui lui demande de définir la "tokenisation"? Nous ne partageons pas son optimisme quant à cette nouvelle "technique de financiarisation":

En économie, le terme tokenisation désigne le processus consistant à convertir un actif ou un droit en un token numérique. Ces tokens sont souvent émis sur une blockchain, ce qui permet de les échanger ou de les transférer de manière sécurisée, transparente et décentralisée. Voici une explication détaillée :


1. Principe de base de la tokenisation

La tokenisation implique de diviser un actif en unités numériques (tokens), qui représentent chacun une fraction ou un droit associé à cet actif. Ces tokens peuvent ensuite être achetés, vendus ou échangés.

Par exemple :

  • Un immeuble peut être tokenisé : chaque token représente une part de propriété de cet immeuble.
  • Une œuvre d'art peut être divisée en tokens, permettant à plusieurs personnes de posséder une fraction de l'œuvre.
  • Les droits sur un flux de revenus (comme des redevances) peuvent également être tokenisés.

2. Pourquoi la tokenisation est-elle pertinente en économie ?

Accessibilité accrue :

La tokenisation permet à des actifs, souvent réservés à des investisseurs fortunés (immobilier, œuvres d'art, etc.), de devenir accessibles à un plus grand nombre de personnes grâce à une fractionnalisation. Par exemple, au lieu d'acheter un immeuble entier, un individu peut acheter un ou plusieurs tokens représentant une part de cet actif.

Liquidité accrue :

Les tokens peuvent être échangés rapidement sur des marchés numériques, augmentant ainsi la liquidité des actifs traditionnellement illiquides (comme l'immobilier ou les objets de collection).

Réduction des intermédiaires :

Grâce à la blockchain, il est possible de réduire les coûts et la complexité associés aux transactions traditionnelles (comme les frais notariés ou les coûts de gestion).

Transparence et sécurité :

Les transactions sont enregistrées sur une blockchain, offrant une traçabilité complète et une protection contre la fraude.


3. Exemples d'applications concrètes

  • Immobilier : Une entreprise peut tokeniser un immeuble de bureaux. Chaque token donne à son détenteur une part de propriété et, potentiellement, un droit aux revenus locatifs.
  • Financement participatif : Les start-ups peuvent lever des fonds via des tokens, où chaque token représente un droit de propriété ou de vote.
  • Marchés financiers : Des actions, obligations ou autres produits financiers peuvent être émis sous forme de tokens.
  • Objets de collection : Les œuvres d’art ou les objets rares peuvent être divisés en tokens pour permettre une copropriété.

4. Différence avec les cryptomonnaies

La tokenisation ne doit pas être confondue avec les cryptomonnaies comme le Bitcoin. Les cryptomonnaies sont des actifs numériques natifs de la blockchain, tandis que les tokens sont généralement adossés à un actif sous-jacent (immobilier, art, flux de revenus, etc.).


5. Enjeux et défis

  • Réglementation : Les juridictions n’ont pas toutes encore défini un cadre clair pour la tokenisation, ce qui peut limiter son adoption.
  • Complexité technique : Le fonctionnement des blockchains et des smart contracts doit être sécurisé pour éviter les failles.
  • Fiabilité des actifs sous-jacents : La valeur des tokens dépend directement de celle des actifs qu’ils représentent.

En résumé, la tokenisation est une révolution économique en cours, permettant de rendre les actifs plus accessibles, liquides et transparents grâce à la technologie blockchain.

19:19 Publié dans Actualité, Economie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, fabio vighi, financiarisation, économie | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

samedi, 25 janvier 2025

L'étude du latin est-elle réactionnaire?

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L'étude du latin est-elle réactionnaire?

par Antonio Catalano

Source : Antonio Catalano & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/studiare-il-latin...

Il fallait du camphre pour dire quelque chose de sensé, contre l'hystérie de notre gauche progressiste qui, face à la proposition de réforme du ministre Valditara, pour ne pas changer, crie "au fascisme!'... Eïa, eïa, alalà !

Il n'y a pas de meilleure réponse aux réactions hystériques de notre gauche suite à la publication des lignes directrices récemment énopncées pour les programmes scolaires que le ministre Valditara a brièvement annoncées, il y a quelques jours, que celle de Luciano Canfora, dont on peut tout dire sauf qu'il est un partisan du gouvernement Meloni (par lequel il a également été poursuivi en justice il y a quelque temps).

Ces lignes directrices concernent certaines interventions :

- Réintroduction (facultative) du latin au collège, à raison d'une heure par semaine, pour renforcer le lien avec le patrimoine culturel italien et la langue latine.

- Fin de la géo-histoire, retour à un enseignement séparé de l'histoire (qui portera sur la civilisation grecque, la civilisation romaine, le christianisme, la Renaissance et l'histoire contemporaine occidentale) et de la géographie (fleuves, montagnes...).

- Plus de place pour la lecture et l'écriture, y compris pour des poèmes à apprendre par cœur.

- Des classiques comme Homère, Pascoli, Saba et des auteurs contemporains.

- Aperçu des épopées classiques, de la mythologie grecque et des sagas nordiques.

- Étude de la Bible pour comprendre son rôle dans l'histoire et l'art (considérée comme un texte aux racines culturelles occidentales, à introduire à l'école primaire).

- Accent mis sur la musique: chant choral, instruments de musique et civilisations.

- Renforcement des ateliers artistiques et de l'étude du patrimoine italien.

Une proposition de réforme qui semble aller dans le bon sens pour rendre à l'école sa vocation première, celle d'être un lieu d'éducation capable de former des citoyens dignes de ce nom. Mais il y a encore beaucoup à faire pour rendre à l'école toute sa dignité, car si l'on ne remplace pas définitivement les socles de piètre qualité sur lesquels reposent "l'école de l'autonomie", "l'école des projets", "l'école des compétences", soit l'école de l'abolition des contenus, l'école de l'Agenda 2030, la réforme envisagée par Valditara échouera inévitablement, malgré les bonnes intentions.

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Bref, il a suffi qu'une telle réforme se profile pour que notre gauche s'emballe littéralement, elle qui se prétend le meilleur rempart contre cette idée de désintégration des savoirs au profit d'une idéologie de pacotille qui utilise à tout bout de champ et de manière obsessionnelle le petit mot d'« inclusion ». Un petit mot vague et apparemment anodin, mais qui cache insidieusement l'idéologie fondée sur l'idée dystopique de l'effacement des identités (une fixation du mondialisme, fils de la suprématie du capital financier sur le monde de la production réelle). La tactique est toujours la même: sous prétexte d'inclusion, d'éducation au respect (voir Rome de Gualtieri), des cours d'éducation sexuelle sont introduits dans les écoles selon les critères de la soi-disant « identité de genre ».

« La culture progressiste s'interprète comme une tentative d'imposer ce qui doit être à un monde qui n'a pas d'être propre, des valeurs à un monde qui n'en a pas, comme si les communautés n'avaient pas les leurs, comme si le monde de la vie n'était pas déjà un horizon de significations reliées entre elles par des chaînes de renvois, comme si les systèmes d'interactions et les formes de liens n'étaient pas déjà structurés en lui. Pour le code interprétatif du système culturel de la gauche progressiste, les formes de lien existantes deviennent simplement du 'désordre' » (Vincenzo Costa, Catégories de politique).

La secrétaire du PD, Mme Schlein, lors du congrès sur l'école qu'avait organisé son parti, rejette la proposition de réforme comme quelque chose de répressif et de réactionnaire, une vision qui représente « le désir impossible d'un passé qui ne peut pas revenir » et qui risque de faire reculer le système éducatif italien dans le temps ».

Anna Ascani, également figure du PD, députée et vice-présidente de la Chambre des députés, dans une intervention sur FanPage, ne ménage pas sa peine, allant même jusqu'à dire que Valditara s'attaque à la démocratie, que ses orientations proposent « la pire forme d'inégalité possible, celle qui concerne les enfants, qui n'ont ni mérite ni défaut à être nés là où ils sont nés ». Et que Valditara pense à une école élitiste et autoritaire dont le but est de diviser les bons et les mauvais, les suffisants et les insuffisants.

Comme on dit, le masque tombe, démontrant une fois de plus que cette gauche progressiste continue à considérer la réalité comme son principal ennemi. La réalité d'une école en déroute, sans contenu, simplifiée et banalisée, produisant des diplômés ultra-déqualifiés... mais inclusifs. Ils s'en contentent.

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Il a donc fallu l'illustre intellectuel Luciano Canfora pour énoncer une évidence, mais comme vous le savez sûrement, nous sommes à l'époque où pour affirmer que l'herbe est verte, il faut tirer l'épée.

« Je sais ce que je sais par cœur », dit notre philologue classique, mais aussi helléniste et historien de la Grèce antique. « La mémoire est l'outil qui nous donne tout ce que nous savons, alors que ce que nous avons oublié n'est plus dans notre esprit. La mémoire doit donc être exploitée au maximum, elle doit être exercée. Vraiment, il me semble que cette insurrection contre l'exercice de la mémoire est un peu hors de toute logique, c'est risible ».

On n'a jamais compris pourquoi le latin devait être considéré comme de droite : c'est pathétique comme raisonnement ». L'étude du latin n'a rien de réactionnaire : « Je ne veux pas citer Concetto Marchesi, un grand latiniste, un des principaux représentants du communisme italien... Je pense qu'il est beaucoup plus sérieux de rappeler que l'étude de l'italien ou de l'espagnol ou du français présuppose une très grande proximité avec la connaissance du latin». "Gramsci disait que l'on étudie le latin non pas pour apprendre à parler latin, mais pour apprendre à étudier".

Il ajoutait ensuite quelque chose de très sérieux: vivifier l'étude historique d'une langue, c'est partir de ses origines. Il est anti-culturel de protester de manière générale contre la connaissance du latin: personne n'est mort du latin jusqu'à présent ».

Sur l'étude de la Bible, qui a provoqué un véritable bouleversement dans la galaxie de la gauche progressiste, Canfora déclare: « Il me semble un peu approximatif de parler de la Bible, parce qu'il s'agit de textes d'une importance historique énorme qui ont été amalgamés au fil du temps, mettant ensemble, avec une certaine difficulté, une tradition juive et une tradition chrétienne ».

Mais Canfora (interviewé par Radio Cusano), se référant à une idée de Beniamino Placido, va plus loin: « La connaissance du grec et du latin, à partir d'un texte simple et très (du moins, espérons-le) connu comme l'Évangile de Marc, est une idée qui est tout sauf à jeter, elle n'est ni rétrograde ni subversive ».

Et à ceux qui objectent qu'il vaudrait mieux approfondir l'étude de l'anglais, Canfora répond que c'est « une façon banale d'éluder une discussion sérieuse, parce que les deux choses ne sont pas en contradiction l'une avec l'autre; il s'agit donc d'une pseudo-objection qui n'a aucune valeur d'un point de vue conceptuel ».

Un Canfora clair et lucide, qui, dans ce cas, fait un peu penser à l'enfant du célèbre conte d'Andersen qui dit le vrai sur les habits neufs de l'empereur. Sauf que notre grand érudit n'a que quelques années de plus.

Cher Monsieur Musk, nous n'avons pas besoin que vous nous disiez comment rendre l'Europe formidable

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Cher Monsieur Musk, nous n'avons pas besoin que vous nous disiez comment rendre l'Europe formidable

Lorenzo Maria Pacini

Source: https://telegra.ph/Caro-signor-Musk-non-abbiamo-bisogno-c...

L'Amérique OU la Russie ? Les réflexions de Lorenzo Maria Pacini sur la « renaissance » de l'Europe.

Pardonnez d'emblée le ton de cet article - qui sera moins géopolitique et stratégique et plus politique - car je veux être clair dès le départ : ce n'est pas à Musk de nous dire comment rendre l'Europe grande à nouveau....

Des conseils non sollicités

Il était clair que cela devait arriver tôt ou tard: le nouveau (ou l'ancien, mais caché ?) leader du mouvement MAGA, le milliardaire transhumaniste Elon Musk, a jeté la pierre à l'Europe, histoire de bien faire comprendre quels sont ses projets d'avenir.

Sur son profil X, il a appelé et dit: « Make Europe Great Again ».

Un choix d'infoguerre exceptionnel. L'acronyme MEGA, en effet, en grec ancien μέγα, signifie « grand » et a connu à l'époque moderne un grand succès, devenant le premier élément de nombreux mots composés, notamment dans la terminologie scientifique, puis a été utilisé au 20ème siècle dans le marketing de masse, les dessins animés et les jeux vidéo. MEGA est un mot qui, au-delà de quelques linguistes spécialisés et attentifs, ne résonne pas beaucoup dans l'esprit des générations Baby Boomer et Boomer, mais qui évoque quelque chose d'excitant dans la mémoire des Millennials (aujourd'hui plus ou moins trentenaires) et des générations suivantes Z et Alpha.

Un message clair envoyé aux générations « du futur » ou, plutôt, à ceux qui font aujourd'hui de la politique et qui en feront bientôt, dès qu'ils seront en âge de le faire et qu'ils auront terminé leurs études. Une provocation lancée loin, plus loin qu'il n'y paraît, comme une pierre jetée dans une citerne, qui roule et résonne puissamment.

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La campagne de restructuration de l'élite politique européenne a littéralement commencé, avec le même spoil system qui est déjà utilisé depuis un certain temps aux États-Unis et qui se poursuivra bientôt, avec Trump au pouvoir à toutes fins utiles, à un rythme soutenu.

Comme l'a noté l'analyste italien Matt Martini, le soutien à l'AfD, à Meloni, à Le Pen, voire à Farage, visera probablement à renforcer le bloc militaire euro-atlantique et israélien, mais sans aucune possibilité de croissance pour l'Europe, qui devra être définitivement désindustrialisée en faveur de la réindustrialisation des États-Unis, selon toute vraisemblance.

L'idée serait de consolider un bloc euro-atlantique, au moins temporairement, avec des Etats-Unis renforcés et dotés d'une plus grande profondeur stratégique (idéalement après l'annexion du Canada et du Groenland s'ils y parviennent), avec une Europe, réduite à un tampon militaire et économique pour contenir la Russie. La même chose sera recherchée dans le Pacifique en direction de la Chine.

Incapables d'éviter l'urgence multipolaire, les États-Unis chercheront à ériger de hautes clôtures en se retranchant dans leurs propres zones d'influence.

[...] Et comme le rappelait un général américain après la Seconde Guerre mondiale, l'objectif est toujours le même :

Garder les Américains à l'intérieur, les Allemands à terre et les Russes à l'extérieur ».

En bref, les soi-disant « souverainistes » ont très bien réussi à restaurer la souveraineté de l'Europe... ah, non, à restaurer la souveraineté des États-Unis !

Ce qui est bien, c'est que tout cela était déjà prévisible avant les élections, il suffisait de regarder les matrices, les CV, les affiliations aux ordres du pouvoir des candidats choisis, mais le peuple moyen se contente d'un peu de dopamine politique en regardant les talk-shows télévisés, du bien commun de l'état il s'en fout. Chacun, consciemment ou inconsciemment, a ce qu'il mérite.

Il est clair que dans la logique de la protection de la renaissance des Etats-Unis, l'Euro devra rester là où il est, bien maintenu artificiellement, parce qu'il est une arme de contrôle de l'Europe qui a trop de valeur pour les Américains. Peu importe que les banques s'effondrent et manquent de liquidités, que l'énergie coûte aussi cher qu'un dîner au restaurant tous les soirs et que les matières premières soient rares, l'important est de donner l'impression esthétique d'aller bien, en prenant des selfies à l'heure de l'apéritif.

Rien de nouveau, en somme: la soumission d'après-guerre reste telle qu'elle était. Simplement, nous sommes davantage sous la coupe des Etats-Unis et moins sous celle du Royaume-Uni. La classe politique européenne a été correctement préparée à exécuter les ordres qui viennent, tour à tour, de Tel Aviv, de Londres et de Washington.

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Spoilers sur la fin de l'épisode : la devise MAGA l'emporte sur la devise MEGA.

Les Américains n'ont aucune intention de nous rendre la liberté, ils ont seulement intérêt à nous remettre un peu sur les rails pour nous préparer à une guerre par procuration afin que nous nous battions à nouveau pour eux.

Si vous saviez l'histoire de l'Europe...

Mais revenons à Elon Musk.

Quand l'Europe était grande, quand il y avait déjà des universités, de l'art, de la science, mon cher M. Musk, dans votre pays d'origine, vous ne saviez pas encore lire et écrire, tout comme en Amérique - cette Amérique que les parias anglais ont envahie et colonisée et où vous vivez maintenant la belle vie d'un milliardaire - là où se trouvent les bâtiments du gouvernement, il y avait des moutons qui broutaient.

Nous n'avons pas besoin que vous nous disiez comment redevenir grands.

Nous n'avons pas besoin de leçons de civilisation de la part de gens qui veulent désintégrer, manipuler et virtualiser la civilisation.

Nous n'avons pas besoin de leçons de politique de la part de gens qui se sont enrichis sur la souffrance d'innombrables peuples, exigeant d'exporter leur modèle à tout prix.

Nous n'avons pas besoin de votre monnaie, créée pour affamer les peuples et les soumettre.

Nous n'avons pas besoin de votre économie ultra-libérale, qui provoque l'esclavage et la destruction de la dignité du travail humain.

Nous n'avons pas besoin de vos guerres, faites-les vous-mêmes, allez d'abord au front au lieu d'imposer la mort aux enfants des autres nations.

Nous n'avons pas besoin de vos « valeurs » qui sont la mort de la civilisation.

Nous n'avons pas besoin de vous.

Nous, Européens, avons des millénaires d'histoire et de civilisation que vous ne daignez même pas essayer d'honorer - mais l'honneur est une vertu disparue aujourd'hui - tout au plus essayez-vous de la copier esthétiquement, en reproduisant les formes, mais en oubliant le contenu. Nous sommes des peuples qui ont construit des empires non pas au cours du siècle dernier, mais pendant des millénaires. Sans notre culture, ou plutôt nos cultures, même l'« Amérique » telle que vous l'avez construite, sur le sang des indigènes qui n'avaient pas non plus besoin de vous, n'aurait jamais vu le jour.

L'Europe redevient grande grâce à l'Europe, pas à l'Amérique

L'Europe est destinée à redevenir grande grâce à l'Europe, et non à l'Amérique.

Pour réveiller l'esprit européen, le Logos qui nous appartient, nous avons de nombreux amis et voisins qui sont bien meilleurs que vous.

La Russie, par exemple, est en partie européenne, tant par sa géographie que par sa culture, et elle est plus proche de nos valeurs et de notre histoire que vous ne l'êtes. Nous sommes conscients que nous séparer de la Russie était une étape essentielle pour maintenir le joug américain sur l'ensemble de l'Europe. Mais la volonté des élites n'est pas celle des peuples.

L'aide que la Russie apporte à l'Europe s'inscrit dans une organicité historique, culturelle et politique qui n'existe pas avec l'Amérique. Alors que les États-Unis tentent de nous exploiter jusqu'au dernier homme et jusqu'au dernier centime, la Russie nous offre la possibilité de nous aider à nous émanciper, à lutter pour supprimer le jeu de l'occupation impérialiste et à réaffirmer ce que nous sommes. C'est de cela dont nous avons besoin, pas de fast food politique américain.

C'est la seule Grande Europe que nous voulons. Et nous voulons être prêts à nous battre pour la défendre contre les États-Unis.

Article original The Strategic Culture Foundation

14:56 Publié dans Actualité, Affaires européennes | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : états-unis, elon musk, europe | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Le curieux cas azéri

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Le curieux cas azéri

Par Enrico Tomaselli

Source : Giubbe Rosse & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/lo-strano-caso-az...

L’Azerbaïdjan, un pays bien situé dans la zone stratégiquement croissante de l’Asie centrale, se trouve, d’un point de vue géopolitique, dans l’orbite des pays turcophones et constitue sans aucun doute le meilleur allié d’Ankara. Le gouvernement de Bakou a récemment ravivé ses revendications envers l’Arménie, tant concernant l’enclave du Haut-Karabagh (question réglée par le rapide conflit de septembre 2023) que, surtout, sur la question du corridor de Zanguezour, censé relier la République autonome du Nakhitchevan au reste de l’Azerbaïdjan, en passant par la région arménienne du Syunik.

De son côté, l’Arménie, traditionnellement située dans l’orbite russe, a récemment amorcé un rapprochement progressif avec l’Occident (UE, OTAN), s’éloignant de Moscou. Après la désastreuse défaite de 2023, dont Erevan porte une part importante de responsabilité, ce rapprochement s’est encore accentué, notamment via la France – un pays traditionnellement ami, qui accueille une importante communauté issue de la diaspora arménienne.

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La question du corridor de Zanguezour est en effet au cœur de tensions plus larges, car l’Iran s’y oppose fermement. Sa création couperait les voies de transit iraniennes vers le nord-ouest, via l’Arménie. De plus, l’Azerbaïdjan – grâce aux oléoducs turcs – est un fournisseur clé de pétrole pour Israël, avec lequel Bakou entretient d’excellentes relations, notamment dans le domaine de la défense. Téhéran a donc plusieurs raisons de se retrouver en conflit avec son voisin.

Par ailleurs, Bakou et Ankara manœuvrent pour mettre l’Iran sous pression, notamment dans le domaine énergétique. La société d’État azérie Socar a annoncé des investissements de plus de 17 milliards de dollars en Turquie, principalement dans la production de composants nécessaires au raffinage. Ainsi, le pétrole azéri, acheminé par l’oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan qui transporte le brut de la mer Caspienne à la Méditerranée via la Turquie, sera raffiné sur place, renforçant encore davantage le lien entre les deux États.

Cependant, la région du Moyen-Orient élargi est un tel enchevêtrement d’intérêts qu’il peut s’y passer n’importe quoi.

Et voici qu’un accord trilatéral (en cours de définition) entre la Russie, l’Iran et l’Azerbaïdjan est annoncé. Celui-ci prévoit la construction d’un gazoduc qui, traversant l’Azerbaïdjan, fournira initialement à l’Iran 2 milliards de mètres cubes de gaz par an, avec pour objectif d’atteindre 55 milliards de mètres cubes. La capacité maximale prévue de ce gazoduc devrait être équivalente à celle du Nord Stream. Cet accord, d’une durée de 30 ans, permettra de livrer du gaz russe à l’Iran, tant pour la consommation intérieure que pour les pays voisins.

Bien que l’Iran détienne la deuxième plus grande réserve mondiale de gaz naturel (34 trillions de mètres cubes, après la Russie), il fait face à une pénurie de carburant, la demande en gaz dépassant la production. La plupart des réserves restent inexploitées en raison des sanctions imposées par les États-Unis, qui bloquent les investissements et les avancées technologiques. De plus, les principaux gisements de gaz iraniens sont situés dans le sud du pays, alors que les principaux consommateurs se trouvent dans le nord, où le climat est particulièrement rigoureux. Ainsi, en hiver, l’Iran doit faire face à un déficit quotidien d’au moins 260 millions de mètres cubes de gaz, mettant à rude épreuve l’approvisionnement en électricité.

Évidemment, Bakou, en plus de tirer des revenus des droits de passage, pourrait également bénéficier d’une partie du gaz transporté. Si, comme cela semble probable, l’accord est finalisé, une situation d’intérêts partagés plus forte pourrait se créer entre les trois pays. Cela pourrait, à terme et dans une certaine mesure, mener à une résolution négociée des différends entre l’Iran et l’Azerbaïdjan, ainsi qu’à une réduction limitée de l’influence turque dans la région.

En somme, le grand jeu géopolitique continue…

Réalisme croate et fantaisies allemandes

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Réalisme croate et fantaisies allemandes

Andrea Marcigliano

Source: https://electomagazine.it/realismo-croato-e-fantasie-tede...  

Zoran Milanović a été réélu président de la Croatie. Rien d’extraordinaire. Sa popularité est indiscutable, et il y avait peu de doutes quant à sa reconduction.

Cependant, ce qui compte vraiment, et qui, à bien des égards, étonne, c’est son discours d’investiture.

Un discours décidément inconfortable. Duquel, évidemment, nos grands médias n’ont pas soufflé mot.

Car Milanović a repris les récentes déclarations de la ministre des Affaires étrangères allemande, sans même la citer nommément. Quand je dis "la citer", je parle de Madame Annalena Baerbock, qui aderrière elle une brillante (enfin, façon de parler) carrière d’écologiste chez les Verts, mais  sans la moindre expérience en politique internationale.

Et pourtant, depuis 2021, elle dirige le ministère des Affaires étrangères en Allemagne. Elle s’est distinguée par quelques initiatives louables, comme celle qu'elle fit en faveur du Nigeria: la restitution de milliers d’objets d’art entreposés dans les musées allemands.

Pour le reste, son rôle en tant que ministre des Affaires étrangères de Berlin s’est surtout fait remarquer par un alignement total sur les décisions de l’administration Biden: soutien inconditionnel à Zelensky et guerre contre la Russie.

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Oui, « guerre ». Car c’est bien le mot qu’a utilisé la maladroite ministre à plusieurs reprises.

Que les dirigeants de l’UE, surtout ceux qui ne sont pas élus, comme les bureaucrates de la Commission, fassent la guerre à la Russie, c’est chose connue et évidente. Cependant, par souci de bienséance, on évite de le dire. D’autant plus qu’au front, ce sont les Ukrainiens qui combattent et meurent, grâce au zèle de Zelensky.

Mais, apparemment, cela ne suffit pas à la belliqueuse ministre allemande, totalement ignorante des règles non écrites, mais bel et bien en vigueur, de la diplomatie. Elle se laisse aller à de telles déclarations, mettant encore plus en difficulté le pauvre Scholz. Ce chancelier, encore en fonction pour un temps limité, a toujours tenté, en vain pour l’essentiel, de donner l’impression que l’Allemagne n’est pas une marionnette entre les mains de Biden et de ses alliés. Et surtout, qu’elle ne mène pas une guerre contre Moscou.

Une fiction pitoyable, et même un peu ridicule, certes. Mais qui, au moins, cherchait à sauver les apparences.

Puis arrive Madame Baerbock et… Je suppose qu’à ce stade, le pauvre Scholz doit attendre avec impatience la fin de ce calvaire.

Le président croate, quant à lui, en profite. Il déclare – rappelons-le, à peine réélu – que si l’Allemagne est en guerre avec la Russie, il lui souhaite bien du courage. Surtout, ajoute-t-il, "espérons que cela ne finisse pas comme la dernière fois…".

Au-delà de la plaisanterie, le discours de Milanović montre clairement une chose:

De plus en plus de pays européens manifestent leur exaspération face à cette politique de confrontation avec Moscou.

De plus en plus, ils revendiquent leur indépendance, leur droit à décider sans subir les diktats de la Commission de Bruxelles.

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Les positions bellicistes de cette dernière sonnent de plus en plus faux. Surtout parce que ce ne sont pas les bureaucrates de Bruxelles qui doivent aller combattre et mourir. Et encore moins se priver de quoi que ce soit. Bien au contraire...

La Croatie a clairement exprimé son opinion sur cette guerre. Elle n’est ni la seule, ni la première à le faire.

L’Allemagne, de son côté, se rapproche des élections. Après quoi, vraisemblablement, Madame Baerbock retournera s’occuper des pinsons et des phoques moines. À condition, bien sûr, que les Verts existent encore au Bundestag, ce qui est loin d’être certain.

vendredi, 24 janvier 2025

La cage d'acier de Weber et le néo-totalitarisme libéral-démocratique

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La cage d'acier de Weber et le néo-totalitarisme libéral-démocratique

par Tiberio Graziani

Source: https://www.ariannaeditrice.it/articoli/la-gabbia-d-accia...

Dans le contexte contemporain, caractérisé par l'omniprésence croissante des nouvelles technologies de la communication dans les processus de formation de l'opinion et de prise de décision, les réflexions sociologiques de Max Weber sur la « cage d'acier » s'avèrent être un outil fructueux pour comprendre les avertissements de ce que l'on peut définir comme les dérives du système néo-libéral-démocratique.

En effet, le lien entre rationalisation technocratique, éthique utilitariste et conformisme social et culturel, bien décrit par Weber, trouve aujourd'hui un nouveau souffle dans l'instrumentalisation croissante du phénomène de l'intelligence artificielle, la montée du politiquement correct et la transformation des démocraties occidentales en régimes présentant des traits de néo-totalitarisme.

L'intelligence artificielle : la face rationnelle de la cage d'acier

L'intelligence artificielle (IA), appliquée aux processus industriels, représenterait en quelque sorte l'apogée de la rationalisation théorisée par le penseur allemand. Il s'agit essentiellement d'une technologie qui promet - et permet - l'efficacité et l'optimisation, mais - si elle n'est pas gérée de manière critique et appropriée - au prix d'une aliénation croissante et généralisée. En effet, les décisions automatisées, basées sur des algorithmes, pourraient réduire la capacité de l'individu à influencer les résultats des processus sociaux : du point de vue de la critique du pouvoir, l'utilisation de ces algorithmes semble renforcer une structure bureaucratique qui se nourrit d'elle-même, contribuant à la création d'une « cage d'acier » numérique. Cette « cage d'acier » numérique, apparemment neutre, imposerait ainsi une logique instrumentale qui vide les valeurs humaines de leur sens, poussant les classes dirigeantes vers un contrôle de plus en plus prononcé, envahissant et déshumanisant des sociétés.

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L'IA - telle qu'elle est gérée actuellement - se présente comme un instrument supplémentaire de consolidation du pouvoir des classes dirigeantes des États les plus avancés sur le plan technologique et des groupes de pouvoir au sein des grandes sociétés financières et industrielles, produisant des inégalités structurelles dans les sociétés et les sphères de travail. L'accès aux technologies les plus avancées est réservé à quelques acteurs mondiaux, tandis que les citoyens ordinaires deviennent de simples rouages d'un système qu'ils ne semblent pas comprendre. La promesse de liberté, typique du discours néolibéral, se transforme en une forme d'« esclavage algorithmique », où la capacité d'autodétermination est de plus en plus limitée.

Le politiquement correct : symptôme du néo-État éthique occidental

Le politiquement correct, souvent perçu et surtout véhiculé comme un progrès civilisé, peut être interprété - dans le contexte de la critique du comportement social actuel et de l'évolution politique de la société occidentale - comme un symptôme concret de l'affirmation d'un État éthique occidental. Par un contrôle rigide du langage et de l'opinion, on tente de conformer la société à un ensemble de valeurs considérées comme universelles, mais qui reflètent en réalité l'idéologie des classes dirigeantes. Ce phénomène, loin d'être une forme d'émancipation, devient un instrument d'homologation culturelle.

L'imposition du politiquement correct ne restreint pas seulement la liberté d'expression, mais trahit une hétérogénéité des finalités. Les démocraties libérales, nées pour protéger le pluralisme et la diversité, finissent par adopter des pratiques totalisantes qui visent à éliminer la dissidence. C'est ainsi que se réalise une nouvelle forme de totalitarisme doux, dans lequel le consensus se construit par la pression sociale et l'isolement des « déviants », à travers, entre autres, des formes sophistiquées de mise au pilori médiatique (la fameuse « machine à boue »), l'attribution de liens, de relations et de comportements perçus comme embarrassants, socialement et politiquement répréhensibles, et même susceptibles d'être sanctionnés par la coercition.

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Totalitarisme et hétérogénéité des fins

La pensée démocratique néolibérale, qui met l'accent sur le marché, les droits individuels et le progrès technologique, semble donc incarner l'apogée de la modernité. Cependant, elle se révèle paradoxalement, dans son explicitation pratique, comme l'aboutissement du cycle historique libéral-démocratique. La recherche incessante de l'efficacité, liée à la concentration croissante du pouvoir économique et financier entre les mains de quelques groupes, comme l'a bien décrit Alessandro Volpi, a conduit à un système qui restreint de plus en plus la liberté réelle, transformant les citoyens en sujets d'un ordre rationalisé et globalisé, dans lequel le débat démocratique, là où il s'exerce encore, prend au mieux le caractère d'un simple rituel sclérosé, au pire, compte tenu de la virulence polarisante croissante qui le caractérise actuellement, d'une forme singulière de névrose.

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L'hétérogénéité des fins - le principe selon lequel des actions conçues et entreprises dans un but précis aboutissent plutôt à des résultats opposés impensables - est clairement évidente dans la pratique de la démocratie libérale contemporaine. Les démocraties, telles que nous les connaissons sur notre continent au moins depuis la Révolution française jusqu'à aujourd'hui, nées pour protéger l'individu de l'arbitraire du pouvoir, se sont transformées, en l'espace de quelques décennies, en systèmes qui contrôlent largement la vie des citoyens. Les mécanismes de surveillance, la censure implicite et la manipulation de l'information constituent quelques-uns des instruments d'un pouvoir qui ne se présente plus visiblement comme autoritaire, mais parodiquement paternaliste et salvateur, enveloppé dans une superstructure rhétorique empruntée aux réflexions de Popper.

La nécessité et l'urgence d'une nouvelle critique de la modernité

Raisonner sur la métaphore de la « cage d'acier » de Weber, actualisée au contexte d'aujourd'hui, permet de réfléchir aux dérives du modèle néolibéral-démocratique que nous connaissons actuellement. L'instrumentalisation de l'intelligence artificielle, le politiquement correct et la dynamique d'hétérogénéité des finalités sont des symptômes clairs de la trajectoire d'un système autoréférentiel qui semble se diriger vers l'effondrement.

Pour contenir et échapper à cette nouvelle forme de totalitarisme, il est nécessaire et urgent de retrouver la valeur de la pensée critique et la pratique de l'action collective. Ce n'est qu'en reformulant les rapports entre technologie, éthique et politique qu'il sera peut-être possible de construire un avenir qui ne soit pas dominé par la logique impersonnelle de la « cage d'acier », mais qui redonne une place centrale à l'être humain et à sa dignité.

Trumpisme et biopolitique

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Trumpisme et biopolitique

par Daniele Perra

Source : Daniele Perra & https://www.ariannaeditrice.it/articoli/trumpismo-e-biopo...

J'ai déjà parlé du trumpisme comme d'une opération biopolitique « foucaldienne ». Je vais essayer de mieux expliquer ce concept. Tout d'abord, je pense qu'il est nécessaire de souligner l'importance des médias (en tant qu'instruments de la « production de pouvoir ») pour l'étude et l'analyse géopolitiques. Déjà Karl Haushofer, en 1928, face à l'impétuosité de la politique de masse, avait compris l'importance de porter les dynamiques géopolitiques à la connaissance de l'opinion publique, même si l'information devait nécessairement être de nature simplifiée et adaptée à l'orientation du public. En d'autres termes, Haushofer a compris avant d'autres que la représentation médiatique fait partie intégrante de la dimension géopolitique et qu'elle est un outil utile pour obtenir un soutien émotionnel (et donc non critique) à l'action.

La sphère de la communication revêt donc une importance fondamentale pour la géopolitique, et les médias eux-mêmes sont interprétés comme les instruments qui représentent la (géo)politique et le pouvoir.

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La « géopolitique critique » (née dans les années 1980) étudie en effet le contenu des médias afin de comprendre les intérêts particuliers et le « pouvoir réticulaire/circulaire » des médias. En effet, les représentations spatiales du pouvoir jouent un rôle décisif dans la compréhension des stratégies politiques. En même temps, il faut reconnaître que, assez souvent, ce qu'on appelle le « journalisme géopolitique » devient lui-même un instrument de pouvoir et/ou un producteur de propagande. Par propagande, nous entendons la production délibérée et systématique de représentations médiatiques stéréotypées dans le but de manipuler, sélectionner ou dissimuler des faits et des phénomènes et d'orienter l'opinion publique par des sujets politiques et/ou économiques représentant les centres de pouvoir (pensons aux cas emblématiques de l'Ukraine et de la Palestine).

Or, cette utilisation « stratégique » des médias a historiquement toujours existé. Pendant ce qu'on appelle le « Grand Jeu » ou le « Tournoi des ombres » (la « guerre froide » du 19ème siècle entre la Grande-Bretagne et la Russie en Asie centrale), par exemple, les journaux britanniques n'ont jamais cessé de décrire l'Empire tsariste comme une entité maléfique. Ou encore, plus anciennement (même à l'époque médiévale), la façon dont les émissaires papaux décrivaient Frédéric II. 

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Cette « utilisation stratégique » a connu une fortune remarquable à l'époque du totalitarisme et, bien qu'elle n'ait jamais cessé, elle a connu une évolution très particulière avec l'avènement d'Internet. En effet, si les médias traditionnels ont une approche verticale (choix, formation et couverture des « nouvelles » par le haut), Internet a une approche horizontale dans laquelle les nouvelles, en apparence, circulent de manière plus fluide et plus libre. En réalité, la multiplication des médias et des plateformes sociales ne correspond pas à une réelle plus grande liberté d'information. Les entreprises qui contrôlent les flux du réseau, pour la plupart (du moins les principales), sont basées aux États-Unis et appartiennent à d'imposantes concentrations industrielles avec des intérêts considérables directement liés à la politique et à la guerre (qui de la politique est la continuation par d'autres moyens, Clausewitz docet). En ce sens, comme les agences de notation, les ONG, les fonds d'investissement, les groupes de pression, les plateformes sociales (Facebook, X, etc.) produisent aussi du pouvoir. Et elles le font d'une manière très particulière. Celles-ci, en effet, comme la finance transnationale, réduisent les espaces et les distances en ce sens qu'elles permettent au pouvoir de s'exercer même dans des sphères extrêmement éloignées de son centre réel. Ce faisant, le réseau exerce un pouvoir fluide capable d'une expansion illimitée.

Par conséquent, à l'ère du capitalisme/impérialisme numérique, le trumpisme s'impose avant tout comme un processus de restructuration du système de pouvoir nord-américain : un processus de substitution entre anciennes et nouvelles oligarchies industrielles dont les intérêts géopolitiques à long terme ne divergent que partiellement (le « méchant “ russe est remplacé par le "super-vilain" iranien ou chinois). Cependant, ce processus de restructuration nécessite ce qui a été décrit précédemment comme un « soutien émotionnel fondé sur une base non critique », bourré de propagande (souvent « visionnaire »). Voici donc l'alignement presque total des plateformes sociales nord-américaines sur l'intérêt stratégique du centre et la création d'un supposé « espace nouveau ou renouvelé » produit par l'interaction entre les « nouvelles/anciennes puissances » qui se stratifient et se solidifient dans l'imaginaire de l'Occident collectif.

 

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Dominique de Villepin, notre Victor Hugo

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Dominique de Villepin, notre Victor Hugo

par Claude Bourrinet

Villepin, c'est bien joli, et l'homme ne manque ni de talent oratoire, ni de caractère, ni de courage face à la meute sioniste, mais il est, hélas, l'un des pires symptômes de la civilisation française, qui a pris aux Romains l'art de faire vibrer l'air de pathos et d'inanités sonores, mais sans persévérer dans la force. Villepin aurait peut-être été, en d'autres temps, Danton, ou Robespierre (qui avaient la force), ou même peut-être de Gaulle.

De Gaulle fascinait non par la peur qu'il inspirait, mais par son cabotinage grandiloquent. Les Français étaient pendus au petit écran, comme des mouches, quand il apparaissait, logeant à peine dans le cadre, qu'il outrepassait presque. Car la puissance du Grand Charles résidait surtout dans son verbe, c'est-à-dire dans le vent qu'il expirait, et qui frisait les crânes déjà creux des Français, lesquels n'aspiraient qu'au repos des braves gens.

Cependant, De Gaulle garda en main le gouvernail de la France durant dix ans. Les discours emphatiques et étincelants, c'est surtout beau et bon quand on a, avec la toge, les armes. Donc le pouvoir. Villepin fut premier ministre des Affaires étrangères de Chirac pendant seulement deux ans. Certes, il tint tête aux Américains, comme l'on sait, en 2003, à l'occasion de l'invasion criminelle de l'Irak, et il faut lui en être reconnaissant. Cependant, si l'Allemagne n'avait pas refusé de se joindre aux envahisseurs yankee, cette posture aurait-elle été possible ? L'axe, si plein d'espérances (on a rêvé, alors !) Berlin - Moscou - Paris, est d'abord une initiative allemande. Le chancelier Schröder était très proche des Russes, et l'Allemagne avait beaucoup à gagner à la persistance d'un lien privilégié avec un pays qui lui octroyait des matières premières à volonté et à bon marché. On voit actuellement les conséquences ruineuses de la politique inverse. Il paraît que la diplomatie française a quelque peu traîné des pieds, et s'est laissée persuader. Le ver était dans le fruit. Il ne faut pas oublier que Chirac eut la lâcheté de suivre l'Otan, sans mandat de l'ONU, dans son agression criminelle de la Serbie, en 1999, et qu'à cette occasion, qui ne fut pas la dernière, un tsunami de propagande nauséabonde se déversa sur le pays. Et il aura suffi de l'intrusion d'un agent américain et furieusement sioniste, Sarkozy, pour vider notre politique étrangère comme un poulet. Entre-temps, Villepin a commémoré en grandes pompes, envoyant pour ce faire le Charles-de-Gaulle à l'embouchure de la Tamise, le désastre de Trafalgar, tandis que la misérable Alliot-Marie était projetée en mission sur le plateau d'Austerlitz, sans flonflons ni trompettes.

Villepin fait irrésistiblement penser à Lamartine, à Hugo, à Camus, et à tant de nos Grandes Âmes, qui, pour le monde, sont fâcheusement emblématiques de notre nation. Des enfileurs de poncifs pompeux et des brasseurs de mots vagues et creux, qui ne tourneboulent le coeur que parce qu'ils portent dans les nuages les sanglots de l'émotion (et me voilà moi-même à filer, comme eux, des métaphores foireuses !).

Le problème, avec ce type de chansons, c'est qu'elles sont des chansons, des airs que l'on fredonne en rêvant. La morale, c'est bien, ça soude une grande partie du monde, qui n'est, au fond, pas si méchant que ça, et surtout ça fait pleurer Margot. Une Margot qui pose son petit derrière sur le siège de la balançoire, mais qui n'a pas les pieds sur terre. On a peine à créditer un chef d'Etat qui condamnerait le "pouvoir", la puissance contraignante, voire meurtrière, pour assurer, quand il en est besoin, l'indépendance, ou l'autorité du pays.

Un chef d'Etat incapable de faire la guerre n'est pas digne de ce nom. Poutine a pris ses responsabilités, et la Russie est bien gouvernée. Nous sommes bien d'accord qu'il y a des limites à ne pas dépasser si l'on veut rester une nation qui aura sa place dans le concert des nations civilisées, ce qui n'est pas le cas d'Israël. Mais mettre sur le même plan l'Etat hébreu et l'Etat russe, c'est commettre une faute impardonnable de la part d'un homme qui, apparemment, ambitionne les plus hautes fonctions.

A moins que ce ne soit de la pure propagande électoraliste, et qu'il ne veuille pas se brouiller avec certaines officines de gauche plus ou moins russophobes.

Encore une fois, il vaut mieux Villepin que rien du tout, ou, pire, que ces veules chacals qui pullulent dans les médias, et déshonorent la France en soutenant un criminel tel que Netanyahou, ou bien qui rampent comme des bêtes dressées devant le maître américain.

Mais, finalement, ce qui sauva De Gaulle, qui avait été élevé du temps de Déroulède et de Barrès, c'était son cynisme. Il avait, tout de même, le sens des réalités, et n'hésitait pas à employer, quand il le fallait, les pires moyens, même les plus immoraux. Si l'on est intelligent, de cette intelligence du monde qui tente d'éviter de verser dans la bouillie sentimentale, une intelligence cruelle, certes, et même dégueulasse, il faut reconnaître que la rude réalité humaine n'est pas un système binaire, où il serait aisé de trouver la voie du Bien, en s'opposant au Mal. Cela, il faut le laisser aux gobeurs de propagande, et aux journalistes.

Le monde d'aujourd'hui et de toujours: la géopolitique d'un océan à l'autre

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Le monde d'aujourd'hui et de toujours: la géopolitique d'un océan à l'autre

Alberto Hutschenreuter

Source: https://nomos.com.ar/2025/01/06/el-mundo-de-hoy-y-de-siem...

La géopolitique n'a jamais quitté la scène mondiale, malgré l'hypocrisie des puissances occidentales qui ont tenté de la faire oublier.

L'ironie du sort veut que, plus de trente ans après avoir décrété la « fin de la géopolitique », ce soit précisément la géopolitique qui menace aujourd'hui la mondialisation et la possibilité de construire un ordre international.

Cela démontre que le volontarisme est de peu d'effet face aux régularités de l'histoire; et nous rappelle, d'une certaine manière, le moment où, à la fin des années 1920, fut signé le Pacte Briand-Kellog ou Traité de renonciation à la guerre (illustration, ci-dessous), un accord qui, selon le polémiste français Gaston Bouthoul, équivalait à ce que les médecins signent un document proclamant la fin des maladies.

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Les excès de l'idéalisme en politique internationale conduisent souvent à ce genre de déclarations ou d'aspirations, jusqu'à ce que le mur solide de la réalité s'y oppose et rétablisse l'équilibre.

La géopolitique n'a jamais eu bonne réputation, car elle a été associée à l'annexion de territoires, à la capture de régions riches en ressources, à des sphères ou blocs d'influence, à des « frontières vivantes », à des intentions ou ambitions cachées de la part d'États de se développer au détriment de la sécurité d'autres États, entre autres choses.

Ce discrédit de la discipline a été amplifié par le fait que le régime allemand des années 1930, révolutionnaire d'un point de vue géopolitique, l'a transformée en une méthode basée sur le sol et la race, orientée vers la guerre. C'est sans doute dans ce contexte que la réputation de la géopolitique a été ternie.

Après la Seconde Guerre mondiale, le terme est abandonné, mais non sa pratique. Après tout, qu'est-ce que la guerre froide si ce n'est un affrontement mondial pour contrôler les espaces sis entre des blocs idéologiques et géostratégiques rigides ?

Avec la fin du bipolarisme, la géopolitique semblait avoir disparu en même temps que le conflit qui a dominé la majeure partie du 20ème siècle. De plus, la mondialisation a rapidement « géo-économisé » les relations internationales, laissant peu de place aux phénomènes de rupture. La géopolitique n'a pas disparu, bien sûr, mais elle a acquis un sens presque « sur mesure ». Tout devient alors géopolitique: du paysage financier aux phénomènes climatiques. Par exemple, on a parlé de la « géopolitique de Katrina », comme si l'ouragan obéissait aux logiques politico-territoriales des États.

Or, dans ce monde, il s'est produit des événements où l'interaction entre les intérêts politiques, les territoires et la puissance, c'est-à-dire les composantes qui définissent et animent la géopolitique, était catégorique.

Il a fallu un événement profondément géopolitique, impliquant directement un acteur puissant à l'histoire territoriale marquée (la Russie), pour que des experts autorisés commencent à parler du « retour de la géopolitique ».

En fait, l'annexion par la Russie de la péninsule ukrainienne de Crimée en 2014 a ramené la géopolitique au centre des débats. Depuis, les études sur la discipline se sont multipliées. La géopolitique est « revenue ».

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Mais à proprement parler, la géopolitique n'a jamais vraiment disparu. Si nous jetons un regard plus critique et réfléchi sur les événements qui se sont déroulés depuis les années 1990, nous nous rendons compte que la géopolitique est présente dans tous ces événements. Par exemple, l'expansion de l'OTAN et l'attaque du terrorisme transnational sur le territoire le plus sûr du monde, en ce funeste 11 septembre, sont des événements dans lesquels la relation entre l'intérêt politique et le territoire est évidente. Alors que le premier a représenté un déplacement de pays et de moyens militaires vers des zones russes de plus en plus stratégiques, le second a été la conséquence d'une orientation territoriale globale du terrorisme de nouvelle génération.

En outre, non seulement la géopolitique n'a jamais disparu, mais de nombreux nouveaux thèmes ont contribué à sa pluralisation. C'est le cas du segment ou plan numérique, l'une des « nouvelles territorialités » qui s'ajoute aux anciennes, bien que, contrairement à elles, il s'agisse d'un champ incommensurable. Son utilisation à des fins pernicieuses permet finalement aux États de se dédouaner de leur responsabilité pour des actions menées contre d'autres, grâce à la prolifération de hackers patriotes, globaux et « souverains ».

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L'espace extra-atmosphérique est un autre territoire « nouveau mais ancien ». Ce qui est nouveau dans ce « domaine », comme le soulignent les experts américains Dave Baiocchi et William Welser, c'est sa « démocratisation ». Cela signifie qu'en plus de la prolifération des missions spatiales, l'actuelle course à l'espace n'est pas seulement le fait des États. La technologie a rendu l'espace plus accessible que jamais, permettant à de nouveaux acteurs d'y entrer.

À côté de ces réalités, le vitalisme géopolitique se manifeste dans de nombreuses autres situations: des mouvements des puissances dans l'océan Arctique et le continent Antarctique, à la projection régionale, continentale et mondiale de la Chine. Il comprend également l'acquisition d'espaces environnementaux propres par des puissances qui ont presque épuisé les leurs, l'ouverture de nouvelles routes commerciales (comme celle de l'Arctique), le développement de politiques de préservation des espaces maritimes - qui, dans la pratique, reflètent des logiques de pouvoir et de contrôle de la part des puissances, ce que l'on appelle la « diplomatie de la défense » -, la projection vers des régions riches en ressources anciennes et nouvelles, et le développement d'une culture de la sécurité, la projection vers des régions riches en minerais anciens et nouveaux (comme le lithium et les terres rares), l'endiguement multidimensionnel perpétré par les États-Unis contre la Chine, la configuration possible de blocs technologiques ou d'interintelligence artificielle (BI-IA), la revitalisation territoriale possible du terrorisme (en envisageant, par exemple, un scénario de chaos en Syrie), le renouveau du « navalisme » et de la « géopolitique sous-marine ».

Enfin, dans les « deux guerres et demie » en cours dans le monde - en Ukraine, au Moyen-Orient et autour de la plaque indo-pacifique (cette dernière centrée sur la rivalité croissante entre la Chine et les Etats-Unis) - la prééminence de la géopolitique et même les causes de ces guerres ont des racines politico-territoriales.

Comme la guerre et d'autres phénomènes, la géopolitique ne revient pas, tout simplement parce qu'elle n'a jamais vraiment disparu. Par conséquent, au-delà des processus d'interaction sociale et du déclin apparent de l'anarchie internationale, conséquence de l'émergence de nouveaux acteurs et de l'avancée presque inéluctable de la technologie, il est impératif de penser le monde du point de vue des intérêts, des territoires et de la puissance - en particulier pour un « pays-continent » comme l'Argentine, un acteur doté de vastes extensions terrestres, maritimes, aériennes et numériques, mais qui ne dispose pas encore de la puissance nationale nécessaire pour protéger ce statut privilégié.

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jeudi, 23 janvier 2025

La droite fluide choisit l’anarcho-capitalisme de Musk et oublie Bannon

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La droite fluide choisit l’anarcho-capitalisme de Musk et oublie Bannon

Enrico Toselli

Source: https://electomagazine.it/la-destra-fluida-sceglie-lanarc...

Bannon ou Musk ? Giorgia Meloni, unique représentante de l’Union européenne à la cérémonie d'investiture de Trump, ne doit pas seulement jouer le rôle de servante dans la colonie Europe, mais elle doit aussi décider si elle doit recevoir des ordres de Bannon ou de Musk. En d’autres termes, choisir de diriger une droite plus traditionnelle sur le Vieux Continent, toute d'ordre et de discipline – ou du moins toute telle en discours et en apparences – ou bien suivre le joueur de flûte du transhumanisme, un anarcho-capitaliste dans les faits.

Le choix de Giorgia, en réalité, est déjà plus qu’évident, mais il se heurte à une réalité embarrassante. Car la droite de Musk, au-delà de ses objectifs finaux plus ou moins discutables, repose sur un point de départ difficilement compatible avec l’entourage de Meloni. En effet, elle part du principe de l’intelligence. Une qualité qui ne semble pas abonder dans le cercle magique de Meloni à l’intérieur du Grande Raccordo Anulare de Rome.

Cependant, la droite fluide au pouvoir semble de plus en plus éloignée des idées de Bannon. Elle se prépare donc à soutenir les programmes de Musk, renonçant ainsi à faire preuve de toute capacité propre. Elle apportera aux peuples européens la parole de Musk en défense des sacro-saints droits du multimilliardaire.

D’ailleurs, après le film Fascistes sur Mars, voici enfin le personnage capable de transformer cette fiction cinématographique en réalité.

Il vaut donc mieux se préparer à une droite fluide italienne et européenne qui parle anglais, qui rêve de transformer les États européens en États américains ou, au pire, en colonies officielles.

Il faut aussi les comprendre, les néo-melonistes. Autrefois, la Nouvelle Droite italienne pouvait se mesurer à la Nouvelle Droite française, autour d’une culture européenne renouvelée, avec une vision du monde et des changements en cours.

Aujourd’hui, la droite fluide n’a plus qu’un choix: décider quel maître américain suivre en salivant de bonheur.

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Jack Kerouac in memoriam

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Jack Kerouac in memoriam

Claude Bourrinet

Jack Kerouac est mort il y a un peu plus de 50 ans, le 21 octobre 1969, en Floride, loin de Lowell, dans le Massachusetts, où il est né et où il a passé les dernières années de sa vie, amer, déprimé, miné par l’alcoolisme et le spleen, avec sa mère, Gabrielle L’Evesque. Cette fin d’existence triste comme une gare routière, fin de nulle part, frontière grise avant le grand saut dans la lumière tant désirée depuis longtemps, offre à la mémoire collective un Kerouac catholique, conservateur, redneck louant les sénateurs d’extrême droite, antisémite et fier de son home confortable doté de la télévision et de son téléphone. Ironie des destins personnels… Mais la lassitude, l’usure, le dégoût d’une misère bue jusqu’à plus soif… le corps exténué, malgré sa constitution d’athlète… Mais aussi le refus de l’engagement, de la violence radicale, de la politique… il est anticommuniste, il a toujours été en marge, et de plus en plus, à partir de 1957, date de son « retournement », en marge de la marge du système officiel.

Dans un dernier article, il dit sa haine des Jerry Rubin, Abbie Hoffman, Timothy Leary, David Delliner, Allen Ginsberg, tous très engagés, certains trop arrivistes pour ne pas ployer leur âme un jour devant le fric ou le succès de foire, gueulards gauchistes cabotins et jouisseurs. Hypermédiatisé, à cause de sa gueule de beau gosse, de sa carrure de footballeur, de sa légende sulfurique, il s’égare et bafouille, rougit devant les micros sournois et les pièges matois des intervieweurs patentés. Les critiques condescendantes des gendelettres, les cris horrifiés des petits bourgeois confits dans leurs certitudes aseptisées de lecteurs du Reader’s Digest l’écoeurent. Il est d’ailleurs. Sa révolution, comme il le clame, c’est la révélation. L’enfant demeure, l’innocent, le primitif. Sa religiosité sentimentale le relie à ce qu’il a toujours été, un « mystique à l’état sauvage », comme le Rimbaud de Claudel.

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Son chef d’œuvre, Sur la Route, est une quête hallucinée, à travers la route, highway qui ne mène nulle part, qui ne vaut que par le mouvement dont elle est l’instrument et le pré-texte, la recherche d’une Amérique hiéroglyphique, qui défile comme un rêve derrière les vitres ivres de voitures filant comme des météorites, ou vibrant derrière le vent fou des trains sur lesquels se juchent les paumés à la recherche de petits boulots, à la façon des freight-hopping, les travailleurs itinérants jetés dans la misère par la grande Dépression. Comme encore Rimbaud, chemineau de l’Absolu, il sombre dans le dépouillement volontaire, cultive le dérèglement (moins) raisonné des sens, avide de kiks, d’émotions aigües, pour atteindre le sentiment, l’espace d’une éternité, d’une existence éclatant sa plénitude en une jouissance dont le it jazzistique est la pointe. Beat, c’est, dans le jargon du jazz, l’état de celui qui est foutu, mais c’est aussi beato, l’antichambre de la sainteté. Une vie à vau-l’eau, de « clochard céleste », celle du bhikkhu, le moine bouddhiste haillonneux, ou de certains gyrovagues médiévaux, dont la geste scrute des signes dans l’espoir de rencontrer le Graal.

Car Kerouac est fils de Breton, et une fois, en 41, il s’est nommé « Jean, Baron de Bretagne ». En 1965, il part pour la France, à la recherche de ses racines armoricaines, comme il va à Rivière-du-loup pour retrouver un passé québécois. Poursuivant anxieusement sa quête d’identité, il allie des traditions celtiques au Tao chinois ou au bouddhisme, syncrétisme propre à une société déboussolée qui a assassiné la civilisation indienne et croit trouver dans les grands espaces, Far West reculé jusqu’à l’Océan, des racines que son Histoire n’a plus.

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Kerouac est l’homme tragique de l’Amérique, son miroir le plus séduisant et le plus tendu vers un sens qui échappe toujours. Il est profondément imprégné de littérature européenne, de Baudelaire, de Rimbaud, de Lautréamont, d’Artaud, de Breton, de Genet, de Michaux, de Kafka, de Nietzsche, de Céline surtout, et enfin de Spengler, dont l’œuvre majeure, Le Déclin de l’Occident, lui offre une échappée anthropologique, un modèle d’existence, chez les « grands peuples fellahs de la terre », ces sociétés protohistoriques solidaires, fraternelles, ancrées dans le sacré, la magie, liées organiquement aux forces cosmiques, peuples de paysans rustres, anti-intellectuels, profondément humains, dont il croit retrouver les traits chez les Indiens mexicains, ou  parfois chez les travailleurs, dont il capte le phrasé et le jargon, ayant été sans cesse travailleur lui-même en même temps qu’écrivain, ou chez les Noirs qui vont lui donner sa musique, celle du Be-bop, de ce jazz brûlant, rauque, violent, aussi tumultueux qu’un torrent caillouteux dévalant les pentes du désespoir et de la révolte, qui prit la suite du phrasé élégant de Lester Young, du souffle puissant de Coleman Hawkins, le jazz de Thelonious Monk, de Gillespie, de Max Roach, de Bud Powell, et surtout de Bird, de Charlie Parker le magicien.

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L’improvisation sur des motifs, comme la drogue, l’alcool, la vitesse (errance initiatique dont l’Orphée est Neal Cassady, allias Dean Moriarty), et, à la manière des soli de saxo, les phrases interminables comme celles d’un Proust qu’il déclame entre deux orgies (mais il avait parfois des pudeurs d’enfant de chœur, qu’il fut), la perte dans un rythme furieux, rauque, en rafales, agressif et tendre à la fois, fuligineux ou clair comme les aubes, brouillent et disjoignent la conscience du corps, ouvrent le monde comme le territoire d’un spectre possédé par le souffle d’un dieu ivre, dont l’instrument est sa machine à écrire, avec laquelle il dévide, de 50 à 57, 12 livres, et un rouleau de télétype de 33 mètres de long pour le seul On the road.

Si on ne met pas sa vie sur la table, affirme Céline, on n’est pas écrivain. « J’écris ce livre parce que nous allons tous mourir » affirme à son tour Kerouac. Son livre, c’est sa vie, c’est l’enregistrement d’une anamnèse revécue dans la transe, le dégorgé jaculatoire de mots transbordés de New York à San Francisco et jusqu’au Mexique, dans un sac à dos qui hante les chambres sordides, les lieux crasseux où il faut quand même essayer de dormir, ou tout au moins sombrer dans le sommeil agité des ivrognes et des camés. Kérouac est le vates perdu de l’âge atomique. Dans la souffrance, les cris, le délire d’une société gravitant follement autour d’un essieu vide, ses jours alternent entre pure volupté et féerie pour une autre fois, distorsion douloureuse où s’élargit sa conscience, celle du fils d’une Amérique qui n’a pas honte d’être blessée, d’un « Nord Américain exilé en Amérique du Nord ».

Trois projets régionaux en confrontation

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Trois projets régionaux en confrontation

Ali Reza Jalali

Avec l'effondrement de la Syrie, trois projets géopolitiques différents s'affrontent désormais plus directement, sans plus aucun tampon : la Turquie, Israël et l'Iran.

L'espace géographique qui s'étend du golfe Persique à la mer Méditerranée, et qui comprend ce que le jargon arabo-islamique définit généralement comme le Sham (littéralement, le « Levant », c'est-à-dire la partie orientale du monde arabe, par opposition au Maghreb, l'« Occident ») - c'est-à-dire les États nationaux actuels d'Irak et de Syrie (sans oublier le Liban, sorte d'extension de la « Grande Syrie ») - doit être considéré comme le champ de bataille d'un « grand jeu » au Proche-Orient. Cette région a toujours été au centre des rivalités régionales au cours de l'histoire: Hellènes et Perses, Romains et Perses, Arabes et Byzantins, Safavides et Ottomans se sont tous disputé la domination de cette région. Toutefois, au cours des dernières décennies, le « Levant » arabe a été au centre d'un conflit entre au moins trois projets géopolitiques: le « Grand Israël » des sionistes, le « néo-ottomanisme » des Turcs et l'« axe de la résistance » des Iraniens.

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Le Grand Israël

Les immigrants juifs en Palestine avaient un grand rêve : non seulement créer un petit État national juif sur la rive orientale de la Méditerranée, mais aussi étendre les frontières de cette entité, les faisant passer « du Nil à l'Euphrate ». Cela signifie avoir des ambitions dans des contextes tels que le Liban, la Syrie et l'Irak. Au moment où j'écris ces lignes, l'armée sioniste occupe certaines zones du Sud-Liban, ce qui ne s'est jamais produit dans ces conditions au 21ème siècle. En Syrie, l'occupation israélienne s'est étendue ces derniers jours à des zones jamais occupées auparavant, pas même pendant les conflits israélo-arabes du 20ème siècle.

En outre, certains groupes ethnico-confessionnels de la Syrie « libérée » du « dictateur » Assad, comme les Druzes dans le sud de la Syrie et les Kurdes dans le nord-est, ont explicitement demandé le soutien d'Israël. Certains groupes druzes ont même appelé à une annexion à l'État juif, sur le modèle du Golan occupé. Au-delà de l'échiquier syrien, en Irak, la région autonome du Kurdistan représente un allié solide pour Israël dans la construction du plus grand État sioniste. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si le seul gouvernement du Moyen-Orient à soutenir explicitement l'indépendance du Kurdistan irakien est celui de Tel-Aviv.

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Le néo-ottomanisme

L'entrée triomphale à Damas du « Comité pour la libération du Levant » (Hay'at Tahrir al-Sham), c'est-à-dire de l'ancien « Front Al-Nusra » - la branche syrienne d'Al-Qaïda - dirigé par Muhammad Al Jolani, qui était l'adjoint de l'Iman Al Zawahiri (le successeur de Ben Laden) pour les affaires syriennes, et la chute du gouvernement Assad qui s'en est suivie, ont marqué une victoire importante pour le projet d'Erdogan au Proche-Orient. Les islamistes sunnites turcs de l'AKP (une sorte de Frères musulmans d'Anatolie) ont toujours eu le rêve caché de reconstituer l'Empire ottoman, si ce n'est au niveau de l'État, du moins en tant que sphère d'influence. Dans les plans d'Erdogan, après la Syrie, ce serait le tour de l'Irak.

Pour être juste, la chute d'Assad était prévue entre 2011 et 2013, mais une série de facteurs, comme la résistance de l'Armée arabe syrienne, des milices populaires syriennes (Quwāt ad-Difāʿ al-Watanī, « Forces de défense nationale ») et de l'axe russo-iranien - résistance désormais épuisée et effondrée entre fin novembre et début décembre 2024 - ont retardé d'une dizaine d'années la réalisation du rêve néo-ottoman. En tout état de cause, la victoire turque en Syrie ouvre la voie aux projets du gouvernement d'Ankara dans le Levant arabe qui, avec l'aide du Qatar et des factions irakiennes alliées comme les islamistes sunnites locaux, tentera de promouvoir une sorte de « Comité de libération de l'Irak » sur le modèle syrien.

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L'axe de la résistance

Depuis le triomphe de la révolution islamique iranienne, les dirigeants religieux et politiques de Téhéran ont cherché à tisser un réseau de relations privilégiées avec les groupes paramilitaires arabes. La nécessité de cette approche sui generis est née du fait que les entités étatiques régionales n'ont jamais vu d'un bon œil l'expérience khomeiniste. Pour preuve, tous les pays arabes ont soutenu l'effort de guerre irakien contre les Iraniens entre 1980 et 1988. Tous sauf un: la Syrie de Hafez Assad.

Pour cette raison, l'axe de résistance iranien (appelé « croissant chiite » par ses détracteurs, en raison de la prédominance de la composante religieuse dans l'alliance entre l'Iran et les groupes politico-militaires en Irak et au Liban) n'avait, entre hauts et bas, qu'un seul allié stratégique au Moyen-Orient parmi les Etats-nations. Avec la fin de l'expérience baasiste à Damas, le projet régional de l'Iran a subi un coup dur. Non seulement la Syrie est tombée entre les mains des concurrents régionaux de l'Iran - les sionistes et les Turcs - mais la ligne reliant Téhéran au Hezbollah libanais, via Bagdad et Damas, a été interrompue. Sans cet axe, l'approvisionnement de la résistance islamique libanaise ne sera certes pas totalement coupé (les voies de Dieu sont infinies...), mais il sera certainement plus problématique.

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L'Irak : la prochaine étape de la confrontation régionale dans le Levant arabe après la Syrie

Le dossier syrien étant clos au détriment de l'Iran et en faveur d'Ankara et surtout de Tel-Aviv - démonstration que la Syrie d'Assad était littéralement un katechon antisioniste - la dispute se déplacera probablement vers l'Irak. Avant d'analyser la situation en Irak, je voudrais faire une brève réflexion sur la Syrie.

Le grand gagnant de la chute d'Assad jusqu'à présent est, comme on l'a dit, Israël. Au-delà des déclarations officielles, la liberté de manœuvre des sionistes en Syrie est sans précédent. Il est vrai qu'Assad n'a pas réagi aux attaques israéliennes, mais en permettant aux Iraniens d'opérer sur son territoire pour soutenir le Hezbollah, c'est comme si les Syriens réagissaient à leur manière aux bombardements et aux sabotages sionistes. Ce n'est pas un hasard si, lorsque Israël a commencé ses opérations terrestres au Sud-Liban à la fin du mois de septembre dernier, la première mesure prise par Tsahal a été de bombarder les routes reliant la Syrie au Liban, dans le but de stopper le flux d'armes.

Bien sûr, rien ne justifie l'absence de réaction d'Assad face aux attaques sionistes de ces derniers mois, puisque tout pays souverain a le droit et le devoir de se défendre contre les attaques étrangères. Cependant, on ne peut comparer l'immobilisme formel d'Assad vis-à-vis d'Israël avec l'immobilisme formel et substantiel d'Al-Jolani face aux bombardements sans précédent effectués par les sionistes après la chute d'Assad en Syrie (certains évoquent l'utilisation d'armes nucléaires tactiques qui auraient provoqué des tremblements de terre) et, surtout, face à l'avancée terrestre de Tsahal à quelques dizaines de kilomètres de Damas. Israël cherche à éliminer ce qui reste du potentiel militaire de la Syrie, dans le but de faciliter le démembrement du pays, ce qui permettrait de créer des zones autonomes alliées à Israël dans toute la région.

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Pour la Turquie, la situation est différente. Le problème de l'indépendance kurde, alimenté par Tel-Aviv et combattu par Ankara, fera bientôt retomber les contradictions syriennes sur les Turcs, créant une sérieuse concurrence entre l'expansionnisme sioniste et l'expansionnisme turc. Le scénario le plus probable pour l'avenir de la Syrie est le suivant : une guerre interne dans l'ancien front anti-Assad, qui comprend divers groupes islamistes, des Druzes, des Kurdes, sans oublier les Alaouites de la côte. Dans un contexte de guerre civile permanente et sans gouvernement central fort, le parallèle qui vient à l'esprit est celui du Liban des années 1970 et 1980. Des milices qui s'affrontent sur des bases idéologiques, ethniques et religieuses, sans vainqueur ni vaincu, avec une forte ingérence étrangère et des alliances qui changent tous les jours. C'est le meilleur scénario pour que les Iraniens tentent un retour en Syrie.

Bien sûr, une telle situation n'aura plus l'apparence d'une alliance avec un gouvernement central fort, mais elle servira à démontrer que l'axe de la résistance est toujours vivant et actif, malgré la défaite d'Assad et l'affaiblissement du Hezbollah.

En ce qui concerne l'Irak, nous assistons à court terme à des tentatives d'affaiblir le rôle de l'Iran en faveur de la Turquie par le biais de la diplomatie, tout comme cela a été fait avec Assad. Actuellement, le gouvernement officiel de Bagdad envisage, sous la pression des États-Unis, de dissoudre les milices pro-iraniennes. Si cette option n'aboutit pas, tout comme la demande faite jadis auprès d'Assad d'expulser les Iraniens de Syrie, une nouvelle vague d'attaques contre les groupes proches de Téhéran dans le sud de l'Irak est probable ; une opération qui serait menée par des factions idéologiquement alignées sur le groupe d'Al-Jolani. Après tout, ce dernier a combattu dans le mouvement djihadiste international qui a plongé le Moyen-Orient dans le chaos au cours des deux dernières décennies, et l'existence d'un réseau entre la Syrie et l'Irak sur le modèle d'ISIS n'est pas à exclure, avec des cellules dormantes prêtes à passer à l'action sous la tutelle des services turcs ou israéliens.

En conclusion, les trois projets continueront à s'affronter en Syrie et en Irak, avec des alliances tactiques qui peuvent changer en fonction des opportunités. Dans un contexte, nous pouvons voir - dans un rôle anti-Assad et anti-Iran - les Turcs et les Israéliens unis, mais dans d'autres, la situation peut changer complètement. Par exemple, la relation entre les Kurdes de Syrie et d'Irak et les trois protagonistes du soulèvement arabe est très difficile à déchiffrer. Les Israéliens, les Turcs et les Iraniens ont tous des amis et des ennemis potentiels parmi les Kurdes. Par exemple, s'il est vrai que les Kurdes syriens et irakiens sont en contact avec les sionistes, l'Iran exerce également une réelle influence, notamment parmi les Kurdes irakiens; et il n'est pas exclu que, dans un rôle anti-turc, cette collaboration intermittente s'étende à l'est de l'Euphrate en Syrie, une zone que les Iraniens connaissent bien en raison de la guerre contre ISIS dans les régions voisines.

Source : Eurasia

Sur la question de la sécurité pan-eurasienne

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Sur la question de la sécurité pan-eurasienne

Leonid Savin

Il y a quelques jours, le ministre russe des affaires étrangères, Sergei Lavrov, a déclaré que la Russie était prête à discuter de garanties de sécurité pour un pays « aujourd'hui appelé Ukraine », mais que le contexte eurasien serait déterminant pour la conclusion d'un accord.

Le haut diplomate a clairement indiqué que « la partie occidentale du continent [de l'Eurasie] ne peut pas s'isoler de géants comme la Chine, l'Inde, la Russie, le golfe Persique et l'ensemble de l'Asie du Sud, le Bangladesh et le Pakistan. Des centaines de millions de personnes peuplent cette région. Nous devons développer le continent pour faire en sorte que les questions relatives à sa partie centrale, l'Asie centrale, le Caucase, l'Extrême-Orient, le détroit de Taïwan et la mer de Chine méridionale soient traitées par les pays de la région plutôt que par l'ancien secrétaire général de l'OTAN, Jens Stoltenberg, qui a déclaré que l'OTAN opérerait dans la région parce que la sécurité de l'alliance dépendait de la région indo-pacifique ».

Si l'on considère qu'à la fin du mois de janvier, il y aura un changement dans l'administration américaine qui, en la personne du président nouvellement élu Donald Trump, parle déjà de la nécessité de redessiner géopolitiquement la carte du monde, il est possible de tirer des conclusions sans équivoque que les négociations avec la partie américaine sur l'Ukraine et l'Eurasie dans son ensemble ne seront pas faciles.

Toutefois, les discussions sur la sécurité à l'échelle de l'Eurasie sont importantes et nécessaires. Elles correspondent non seulement à l'esprit du temps, mais reflètent également la même logique historique. Cela n'est pas seulement dû à l'idée d'une grande Eurasie et d'un espace économique unique de Dublin à Vladivostok. Dans son livre Guns, Gems, and Steel, le scientifique américain Jared Diamond explique qu'en Eurasie, l'échange d'informations, d'expériences et d'inventions techniques a été plus rapide qu'ailleurs, ce qui a conduit à une sorte d'« intégration » bien avant que le mot n'apparaisse.

Cela aurait dû contribuer au rapprochement entre les peuples à l'époque moderne, et encore plus aujourd'hui, quand on parle du triomphe du progrès et de la science. Cependant, l'ère moderne a coïncidé avec l'ère des grandes découvertes géographiques et, dans le même temps, certains peuples de l'Eurasie, dans sa péninsule occidentale, appelée Europe, sont tombés dans une terrible ignorance, qui a conduit à l'émergence d'idées de supériorité raciale, puis au nazisme et au fascisme. La fin de la Seconde Guerre mondiale était censée mettre fin aux conflits et penser à une coexistence pacifique (cette formule a été développée plus tard par la Chine et l'Inde). Mais ici, le Royaume-Uni et les États-Unis sont intervenus activement et ont commencé à participer au destin des peuples eurasiens non seulement politiquement et économiquement, mais aussi idéologiquement, en disant effectivement aux pays européens ce qu'ils devaient faire.

Aujourd'hui, en tant que satellites de Washington, l'UE est devenue l'otage des intérêts anglo-saxons et sape sa propre économie au détriment de ses propres pays et de ses propres peuples. D'autre part, la lassitude face à l'impasse dans laquelle se trouvent les peuples et une partie des élites politiques de l'UE est manifeste. Dans ce contexte, les possibilités d'émergence de partis et de mouvements plus appropriés se multiplient.

Si aux États-Unis, au moins sur le plan rhétorique, la nouvelle administration entend réimposer la doctrine Monroe (les discours sur le Canada, le Groenland, le golfe du Mexique et le canal de Panama font partie de l'espace des Amériques), leurs partenaires européens sont néanmoins condamnés à coopérer sur le continent eurasiatique.

Et la question clé est de savoir ce qu'il en sera. Soit la confrontation de type guerre froide se poursuivra, soit il y aura un dégel des relations et une architecture de sécurité commune sera créée ensemble.

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L'option de la confrontation est assez probable, au moins parce que l'administration Trump tentera d'inciter l'UE et d'autres partenaires à agir comme un seul bloc contre la Chine. La Russie n'est pas considérée par Trump et les siens comme une menace existentielle pour les États-Unis, mais la Chine, qui est le principal partenaire stratégique de la Russie, demeure le problème numéro un tant pour Biden que pour Trump, notamment en raison de la croissance rapide de la puissance de ce pays et de l'extension de son influence géopolitique.

En outre, Xi Jinping a parlé ouvertement au chef du Conseil européen de l'importance de la coopération commerciale et économique et du soutien de Pékin à l'autonomie stratégique de l'UE. Cette autonomie signifie une moindre dépendance à l'égard des États-Unis en termes politiques et stratégico-militaires.

Cependant, à côté de l'UE, l'OTAN, qui couvre un territoire plus vaste que l'UE, y compris la Turquie, continue d'exister. Les États-Unis continuent de jouer un rôle de premier plan au sein de l'Alliance.

Outre l'UE, le Royaume-Uni, qui a quitté l'UE mais continue de jouer un rôle actif dans la politique du continent, représente une certaine menace pour la sécurité pan-eurasienne. Historiquement, le Royaume-Uni a contrôlé de vastes territoires en Eurasie, de l'Égypte au sous-continent indien et à la Chine, et possède toujours un territoire dans le détroit de Gibraltar.

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Le Royaume-Uni tente d'exploiter les contradictions actuelles et de renforcer sa position dans divers domaines. Par exemple, le British Council on Geostrategy note que le pays est confronté à des vulnérabilités critiques dans ses chaînes d'approvisionnement logistiques et ses capacités de transport maritime. L'approvisionnement des forces armées est menacé par des capacités de transport maritime limitées et vieillissantes, contrôlées par le gouvernement, par une flotte marchande en perte de vitesse et par une dépendance excessive à l'égard des affrètements spéciaux.

La nostalgie du bon vieux temps est clairement visible ici, lorsque la Grande-Bretagne s'autoproclamait maîtresse des mers. Aujourd'hui, elle souhaite faire revivre ce statut dans de nouvelles circonstances.

Le site web du Conseil affirme le rôle central de la Grande-Bretagne dans la zone de responsabilité euro-atlantique et dans l'OTAN. Il convient d'ajouter que cette organisation a un projet appelé China Watch, qui surveille un large éventail d'activités chinoises qui menaceraient les intérêts de Londres. En outre, il existe une initiative trilatérale (Grande-Bretagne, Pologne et Ukraine), dont l'un des objectifs déclarés est « une campagne de lutte économique et politique contre la Russie, afin de briser la machine militaire russe et d'affaiblir l'influence du Kremlin dans les pays dits du “juste milieu”, notamment en Afrique, en Amérique du Sud et dans d'autres endroits ».

Ainsi, la sorcière britannique continuera à jeter ses sorts à la fois sur la Russie et sur la Chine. Par conséquent, dans les affaires de l'Eurasie, une attention particulière doit être accordée aux initiatives britanniques qui, ouvertement ou secrètement, viseront toujours à saper l'unité de l'Eurasie.

Quant à la consolidation des efforts des principaux centres, elle ne concerne pas seulement l'interaction entre la Russie et la Chine. La signature de l'accord de partenariat global dans tous les domaines entre la Russie et l'Iran renforce l'axe eurasien. La Russie et la Corée du Nord ont déjà conclu un accord similaire, bien que les Coréens ne jouent pas un rôle aussi important dans la sécurité de l'ensemble du continent et se concentrent davantage sur les problèmes de la péninsule coréenne et de l'impérialisme américain.

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L'Inde est un autre pôle du monde multipolaire émergent, également intéressé par le renforcement de la sécurité régionale. Outre la question non résolue du Cachemire (à laquelle s'ajoutent les intérêts du voisin nucléaire du Pakistan) et les questions litigieuses avec la Chine, New Delhi coopère dans plusieurs domaines avec les pays de l'UE, et les sanctions à l'encontre de la Russie entravent clairement cette interaction. D'autre part, l'Inde est impliquée dans le développement du corridor Nord-Sud à travers l'Iran et la Russie et s'intéresse également au développement de l'Arctique. Dans le contexte du développement d'un monde multipolaire, le gouvernement Modi agit de manière tout à fait rationnelle, étant également membre des BRICS et de l'OCS.

Reste le bloc arabo-musulman d'Eurasie, où la région souffre clairement de l'attention excessive des États-Unis - l'occupation de l'Irak et de la Syrie, le soutien d'Israël au génocide des Palestiniens, la pression sur le Liban et le maintien de bases militaires américaines au Qatar, à Bahreïn, en Jordanie et en Arabie saoudite. Mais si l'on tient compte des cas concrets concernant la Palestine et l'occupation israélienne, il est évident que le monde arabo-musulman est aujourd'hui clairement divisé et enclin à la pensée tribaliste-nationaliste, ce qui réduit considérablement les possibilités d'une large coopération pour résoudre divers problèmes avec les centres eurasiens. Une autre raison est l'attitude attentiste de certaines élites de la région, qui espèrent un nouveau déclin de l'hégémonie américaine, lorsqu'il sera possible de ne pas avoir peur d'agir plus ouvertement.

Toutefois, d'une manière générale, la consolidation des efforts de la Russie, de la Chine, de l'Iran et de l'Inde indique déjà l'existence d'un bloc non seulement en Eurasie, mais aussi dans la majorité mondiale, avec une position commune sur des questions d'une importance fondamentale.

 

mercredi, 22 janvier 2025

Il n'y a pas d'histoire sans philosophie

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Il n'y a pas d'histoire sans philosophie

Alexandre Douguine

L'histoire est une séquence de blocs sémantiques appelés « événements ». Ceux-ci comprennent des personnalités, des processus, des changements, des oppositions, des catastrophes, des réalisations, des paysages sur lesquels tout cela se déroule et, en fin de compte, tout ce riche bloc de réalité à plusieurs niveaux s'élève jusqu'à sa signification. Et la signification d'un événement, à son tour, est inextricablement liée à la signification d'autres événements. C'est ainsi que se tisse la trame de l'histoire. En même temps, le sens d'un événement inclut la richesse infinie de ce qui constitue sa nature, son fondement.

L'histoire est donc quelque chose de spirituel, qui ne se révèle qu'à l'esprit philosophique rompu à la pratique de la contemplation des idées. L'histoire est un concept philosophique et même théologique; ce n'est pas par hasard que l'on parle d'histoire sacrée, où le sens des événements est révélé par des dogmes et des axiomes religieux, qui à leur tour révèlent ces dogmes et ces axiomes de manière détaillée et riche.

Toute l'histoire est structurée comme l'histoire sainte. Seules les versions séculières ont des dogmes et des axiomes différents - athées et matérialistes. Ici, à la place de Dieu, de l'Alliance, de l'Incarnation, du Salut, de la Providence, de l'eschatologie, se trouvent les lois immanentes de la terre, de la société, de la bio- et physio-logie, de la lutte inter- et intra-espèces, du destin, du climat, de la technologie, de la volonté de puissance, des formations historiques, etc.

L'histoire n'existe pas en dehors d'un système religieux ou idéologique

L'histoire n'existe pas en dehors d'un système religieux ou idéologique. Nous sommes aujourd'hui sur la voie des Lumières historiques. Il y a tout un décret présidentiel à ce propos. Mais nous n'avons pas de décret sur l'idée russe et la philosophie russe. Cela reste facultatif. De même, l'histoire reste suspendue dans un vide dogmatique et axiomatique. Pour l'un, cet événement signifie une chose, pour l'autre une autre, un troisième nie la signification même de cet événement, un quatrième en nie la réalité. Et il est impossible de réduire de force ce chaos et cet arbitraire en quelque chose d'unifié par un décret portant sur la seule histoire. Dans le meilleur des cas, un modèle artificiel superficiel sera formé, qui ne vivra de toute façon pas, même s'il est imposé à tous.

Nous devons nous engager à fond dans la philosophie

Jusqu'à présent, les autorités n'y prêtent aucune attention et la société ne s'y intéresse pas. Or, la philosophie, c'est le travail sur le code de programmation de la société. C'est le travail des programmateurs spéciaux de l'Esprit. Si nous n'avons pas de programmateurs souverains de l'Esprit, toutes nos disciplines historiques, sociales et humanitaires seront créées en dehors de la Russie, ce qui signifie que nous ne pouvons pas parler de souveraineté. Si l'État-Civilisation n'a pas de philosophie souveraine, cette souveraineté n'est finalement qu'une fiction.

Les philosophes sont en charge du sens des événements. Cela signifie qu'ils gèrent aussi les événements eux-mêmes. Il n'y a d'histoire à part entière que dans la société où il y a une philosophie à part entière. Sinon, la société et le pays vivent à la périphérie d'une autre civilisation, extérieure, dont les codes sont définis à l'extérieur et restent incompréhensibles. L'absence de souveraineté fait d'une société sans philosophie, et sans histoire, une société contrôlée de l'extérieur.

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C'est pourquoi nous, Russes, n'avons pas de consensus sur les débuts de la Rus - sur les Slaves, Rurik, la tradition pré-chrétienne, l'acceptation du christianisme.

Nous n'avons pas de consensus sur l'État kiévien, ni sur sa fragmentation, ni sur les conquêtes mongoles et l'existence de la Russie en tant que partie de l'empire de Gengis Khan et de la Horde d'or.

Nous n'avons pas de consensus sur Ivan le Terrible, la zemshchina, l'oprichnina et la théorie de Moscou-Troisième Rome. L'interprétation de la relation de notre Église avec le Phanar n'est pas claire.

Nous n'avons pas de consensus sur les premiers Romanov, et nous comprenons encore moins le schisme russe.

Nous avons une divergence d'opinion totale sur le 18ème siècle pétrinien.

Nous n'avons pas de vision commune du 19ème siècle et de son tournant conservateur. La querelle entre slavophiles et occidentaux est réduite à peu de choses, elle est abandonnée, bien qu'elle ne soit pas terminée.

Il n'est pas surprenant que nous n'ayons pas de consensus sur les événements de 1917. Aujourd'hui, nous ne comprenons apparemment pas la signification de ces événements et sommes enclins à croire qu'ils n'ont pas eu lieu du tout.

Nous ne comprenons pas du tout pourquoi l'URSS a pris fin et comment il se fait que les années 90 ont commencé et que le pays s'est effondré et a perdu sa souveraineté, se transformant en une colonie de l'Occident.

Nous ne comprenons pas comment et d'où vient Poutine en tant que phénomène historique. Nous comptons beaucoup sur lui, mais nous ne sommes pas en mesure de l'expliquer ou de l'interpréter, ni de comprendre les conditions qui ont conduit à son règne. Je veux dire dans le contexte historique où la philosophie fonctionne.

Nous ne comprenons pas la raison d'être de Medvedev, ni ce qu'il fait aujourd'hui sur son canal Telegram.

Nous ne comprenons pas bien pourquoi nous avons commencé l'Opération militaire spéciale en 2022 et pourquoi nous ne l'avons pas fait en 2014. Il n'y a pas de consensus. Chacun à sa manière de voir et d'interpréter l'événement.

Personne n'est déconcerté par le fait qu'au cours des 40 dernières années, presque la même élite russe a changé à plusieurs reprises d'idéologie pour en adopter une autre, mais avec une apparence intelligente et importante, aujourd'hui grise et décrépite, elle continue à enseigner au peuple aveugle quelque chose qui lui est propre et que l'on ne comprend guère. Nous ne pouvons expliquer à personne, et d'abord à nous-mêmes, comment un membre du Komsomol devient un libéral, et un libéral devient un anti-libéral et un patriote, et ensuite, très probablement, un libéral et un anti-patriote à nouveau. La seule clé d'interprétation dont nous disposons est la célèbre chanson de la popstar Instasamka (photo).

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Mais à partir de tout cela, il est tout simplement impossible de tresser le tissu spirituel de l'histoire russe. Et une nation qui n'a pas d'histoire n'a pas d'avenir. Or, l'avenir est aussi l'histoire, sa dimension nécessaire.

Dans un récit de Yuri Mamleyev, il y avait un personnage, une femme victime de violence, qui, lorsque le juge lui demandait s'il y avait eu violence ou non, bégayait soudain et répondait une seule phrase étrange : « C'est tombé tout seul ». C'est à cela que ressemble notre histoire: quelque chose est tombé tout seul. On ne sait pas très bien quoi, quand, où, qui l'a poussé, pourquoi... Mais ce n'est pas ce qu'est l'histoire. Ce n'est pas du tout cela.

Le rôle des États-Unis dans l'attaque ukrainienne contre TurkStream

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Le rôle des États-Unis dans l'attaque ukrainienne contre TurkStream

Interview de Mehmet Perinçek et Onur Sinan Güzaltan au quotidien russe Izvestia

Le ministère russe de la défense a annoncé que l'armée ukrainienne avait attaqué, à l'aide de drones, une station de compression de la région de Kransnodar qui fournit du gaz naturel au gazoduc TurkStream. La déclaration indique que les neuf drones utilisés dans l'attaque ont été détruits par les systèmes de défense aérienne et que le gazoduc a continué à fonctionner normalement.

Mehmet Perinçek et Onur Sinan Güzaltan, auteurs à l'UWI, ont évalué l'attaque des drones de l'armée ukrainienne contre le gazoduc TurkStream pour le quotidien russe Izvestia.

L'Ukraine et l'accord avec les États-Unis contre le TurkStream

Perinçek a déclaré que l'attaque ukrainienne n'était pas surprenante et a évalué la question comme suit : « Cette attaque n'est pas surprenante, car il ne s'agit pas de la première tentative. Kiev avait déjà essayé de détruire le gazoduc TurkStream, il y a donc eu d'autres tentatives. Et non seulement cela, mais ils ont également annoncé officiellement qu'ils voulaient interférer avec le travail du TurkStream, ils ont signé un mémorandum avec Washington il y a 5 ou 6 ans. Les États-Unis et l'Ukraine ont officiellement annoncé qu'ils voulaient coopérer contre le TurkStream ».

Il ajoute que le projet de fonder un « régime de Kiev » a été créé artificiellement, car les autorités ukrainiennes ne reflètent pas la volonté du peuple. Par conséquent, a souligné l'interlocuteur de la publication, ce projet est dirigé non seulement contre la Russie, mais aussi contre la Turquie, dans le contexte de la politique américaine et dans le cadre de la crise au Moyen-Orient.

« Les plans américains en Ukraine, en Syrie et en Méditerranée orientale sont tous liés. Par conséquent, la réponse à cette attaque [des forces armées ukrainiennes] ne peut se faire qu'en coopération avec la Russie et d'autres pays qui souffrent également de l'agression américaine », a conclu l'expert.

Perinçek a souligné que pour assurer la sécurité dans la mer Noire, la Turquie et la Russie devraient travailler selon un plan commun.

L'attaque de TurkStream en Ukraine et la rencontre Trump-Poutine

Güzaltan, quant à lui, a attiré l'attention sur le fait que l'attaque s'est produite au moment où la rencontre entre Trump et Poutine avait été prévue et il a énoncé l'analyse suivante :

« Je pense que l'« État profond » américain est derrière ces attaques, ainsi que les Britanniques, et je suis sûr qu'il s'agit d'une attaque majeure contre les relations turco-russes. Ils ont déjà attaqué les gazoducs Nord Stream pour endommager et perturber les relations russo-européennes. Et je crois qu'ils essaient maintenant de faire la même chose contre les relations turco-russes, pour que la Turquie condamne la Russie ».

Selon lui, le gouvernement turc comprend que cette provocation a eu lieu

Cette attaque a eu lieu juste avant les négociations prévues entre le président américain nouvellement élu, Donald Trump, et le dirigeant russe Vladimir Poutine. L'expert a admis qu'Ankara condamnerait l'attaque. « Aujourd'hui, le problème de l'énergie est le problème numéro un dans le monde. Et bien sûr, le gaz russe joue un rôle très important pour la Turquie. De plus, ces gazoducs sont également importants pour l'Europe. Je veux dire que maintenant que le passage du gaz de la Russie à l'Ukraine vers l'Europe est bloqué, l'Europe souffre. Par conséquent, ceux qui ont causé le problème du gaz en Ukraine essaient de causer le même problème entre la Turquie et la Russie. Mais la cible principale sera l'Europe », a conclu M. Güzaltan.

Article original par United World International :

https://unitedworldint.com/36228-the-uss-role-in-the-ukra...

Comparaison entre Huysmans et Houellebecq

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Comparaison entre Huysmans et Houellebecq

Claude Bourrinet

Finalement, au lieu de déployer l’artillerie lourde de la démonstration, qui souvent ne fendille qu’à peine les murs épais de la conviction scellée du mortier de l’amour-propre, il vaut mieux exposer les choses, comme des preuves étalées sur un étal policier du Quai des Orfèvres. La comparaison, si elle n’est pas raison, offre cependant sa ration d’évidence, dans le fait d’exister et de confronter.

On sait que Houellebecq, dans un de ses derniers ouvrages, se réclame explicitement de Huysmans.

Pour être honnête, sa prétention, d’être de ses héritiers, n’est pas sans arguments. L’un d’eux est la visée commune des deux écrivains, qui entreprennent de peindre la modernité, crue et vérifiable comme une photographie, tout en en faisant la satire. On poussera même la similitude en élargissant leur vision, jusqu’à la question religieuse. Huysmans, dans ses premiers romans, décrit un monde dégradé, sordide, matérialiste, prosaïque, la cité de la mort de Dieu. Quant à Houellebecq, lui aussi, il laisse deviner que ses dénigrements acérés de la classe moyenne sont motivés par le sentiment du nihilisme, et de l’absence de transcendance spirituelle.

Tous deux usent de l’antiphrase, de l’ironie, à la Flaubert, ou comme le faisait Baudelaire dans son Spleen de Paris, peut-être plus à l’avantage de Huysmans, qui réussit à retrouver la poésie des êtres qui hantent, comme des misérables créatures, le labyrinthe de l’enfer terrestre, et qui méritent, malgré tout, la compassion chrétienne, présente aussi bien chez lui, que chez l’auteur des Fleurs du Mal. En revanche, on cherchera vainement une trace de pitié chez l’auteur des Particules élémentaires, peut-être parce que la classe moyenne, contrairement aux membres des milieux populaires, n’inspire nullement ce genre d’émotion; mais aussi parce que Houellebecq, en fait, est un intellectuel, qui aurait pu, comme Bourdieu, rédiger des essais de sociologie polémistes. Il ne se lasse pas, du reste, d’alourdir sa pauvre prose de considérations théoriques, qui ont certes l’efficacité de dissertations assez simples pour être comprises d’un bon élève de classe terminale, ou d’un militant de droite, mais qui réussissent à lasser le lecteur, du moins celui qui est habitué à des mets plus délicats et plus légers. Son style n’est pas un style, c’est une photocopieuse. Contrairement à Huysmans, qui, par son écriture, crée un monde traversé de figures quasi mythiques, comme doit en abriter tout bon roman, il dresse des constats de journaliste. Les personnages de Houellebecq, comme ceux de Sartre, sont des idées qu’il voudrait incarnées ; ceux de Huysmans vivent de leur propre vie.

Pour permettre de se faire une idée de ces oppositions, j’ai confronté deux paires d’extraits : deux textes de Huysmans, l’un tiré des Soeurs Vatard, l’autre d’En Ménage ; les deux textes de Houellebecq, quant à eux, proviennent de Soumission. Et l’on verra ce qu’on a perdu en près d’un siècle et demi.

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Textes de Huysmans :

« Par désœuvrement, elles observaient les moindres détails du chemin de fer, le miroitement des poignées de cuivre des voitures, les bouillons de leurs vitres ; écoutaient le tic-tac du télégraphe, le bruit doux que font les wagons qui glissent poussés par des hommes ; considéraient les couleurs différentes de fumées des machines, des fumées qui variaient du blanc au noir, du bleu au gris et se teintaient parfois de jaune, du jaune sale et pesant des bains de Barège ; et elles reconnaissaient chaque locomotive, savaient son nom ; lisaient sur son flanc l’usine où elle était née : chantiers et ateliers de l’Océan, Cail et Cie, usine de Graffenstaden, Koechlin à Mulhouse, Schneider au Creusot, Gouin aux Batignolles, Claparède à Saint-Denis, participation Cail, Parent, Schalken et Cie de Fives-Lille ; et elles se montraient la différence des bêtes, les frêles et les fortes, les petiotes sans tenders pour les trains de banlieue, les grosses pataudes pour les convois à marchandise. »

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« Il avouait d’exultantes allégresses, alors qu’assis sur le talus des remparts, il plongeait au loin, voyait les gazomètres dresser leurs carcasses à jour et remplies de ciel, pareils à des cirques bâtis de murs bleus et soutenus par des colonnes noires. Alors, le site prenait pour lui une inquiétante signification de souffrances et de détresses. Dans cette campagne dont l’épiderme meurtri se bosselle comme de hideuses croûtes, dans ces routes écorchées où des traînées de plâtre semblent la farine détachée d’une peau malade, il voyait une plaintive accordance avec les douleurs du malheureux, rentrant de sa fabrique, éreinté, suant, moulu, trébuchant sur les gravats, glissant dans les ornières, traînant les pieds, étranglé par des quintes de toux, courbé sous le cinglement de la pluie, sous le fouet du vent, tirant, résigné, sur son brûle-gueule. »

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Textes de Houellebecq :

« Je n'avais aucun projet, aucune destination précise ; juste la sensation, très vague, que j'avais intérêt à me diriger vers le Sud-Ouest ; que, si une guerre civile devait éclater en France, elle mettrait davantage de temps à atteindre le Sud-Ouest. Je ne connaissais à vrai dire à peu près rien du Sud-Ouest, sinon que c'est une région où l'on mange du confit de canard ; et le confit de canard me paraissait peu compatible avec la guerre civile. Enfin, je pouvais me tromper. »

« Selon le modèle amoureux prévalant durant les années de ma jeunesse (et rien ne me laissait penser que les choses aient significativement changé), les jeunes gens, après une brève période de vagabondage sexuel correspondant à la préadolescence, étaient supposés s'engager dans des relations amoureuses, exclusives, assorties d'une monogamie stricte, où entraient en jeu des activités non seulement sexuelles mais aussi sociales (sorties, week-ends, vacances). Ces relations n'avaient cependant rien de définitif, mais devaient être considérées comme autant d'apprentissages de la relation amoureuse, en quelque sorte comme des "stages" (dont la pratique se généralisait par ailleurs sur le plan professionnel en tant que préalable au premier emploi). Des relations amoureuses de durée variable (la durée d'un an que j'avais pour ma part observée pouvait être considérée comme acceptable), en nombre variable (une moyenne de dix à vingt apparaissant comme une approximation raisonnable), étaient censées se succéder avant d'aboutir, comme une apothéose, à la relation ultime, celle qui aurait cette fois un caractère conjugal et définitif, et conduirait, via l'engendrement d'enfants, à la constitution d'une famille. »

Les écrits de Julius Evola pour "Vie della Tradizione"

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Les écrits de Julius Evola pour "Vie della Tradizione"

La collection complète des essais d'Evola parus dans la revue traditionaliste sicilienne

par Giovanni Sessa

Source: https://www.barbadillo.it/118364-gli-scritti-di-julius-ev...

Parmi les livres d'Evola les plus importants, publiés à l'occasion du cinquantième anniversaire de la mort du penseur traditionaliste, on trouve Julius Evola, Scritti per « Vie della Tradizione » 1971-1974, récemment édité par L'Arco e la Corte (sur commande: info@arcoelacorte.it, pp. 119, euro 15,00). Le recueil a été publié en première édition comme supplément au numéro 104 de la même revue. La nouvelle publication contient l'avant-propos de Gaspare Cannizzo, l'inoubliable fondateur de la revue, et l'introduction de Gianfranco de Turris, accompagnée d'une brève note d'Anna Cannizzo. Dans le volume est également reproduite une lettre d'Evola du 29 juillet 1971 adressée à Cannizzo concernant les modalités de sa collaboration à « Vie della Tradizione ». Le philosophe n'a pas seulement collaboré avec le périodique, mais il a également fait le nécessaire pour obtenir d'autres contributions précieuses pour la revue. Cannizzo écrit, après avoir rendu hommage à la cohérence de la vie et de la pensée d'Evola : « Notre supplément [...] se veut un hommage à sa mémoire, un hommage à un véritable, peut-être dernier, homme de tradition » (p. 17). Les contributions d'Evola, au nombre de douze, seront publiées à partir du deuxième numéro de 1971 et ne cesseront d'arriver à la rédaction que l'année de la mort du penseur (1974).

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De Turris note qu'il s'agit autant d'essais organiques, doctrinaux et interprétatifs que d'écrits à caractère journalistique. Ce sont les écrits du premier type qui prévalent, certains d'entre eux étant réellement pertinents d'un point de vue théorique. Ils abordent « des thèmes et des philosophies chers à Evola [...]: le bouddhisme zen, la Voie de la Main Gauche, l'initiation, la magie sexuelle » (p. 21). On notera, entre autres, Les centres initiatiques et l'histoire et Le mystère de la décadence. Pour des raisons de place, nous n'en évoquerons que quelques-uns. En particulier, ceux qui sont les plus proches de la sensibilité de l'auteur. Commençons par Dionysos et la « Voie de la Main Gauche ». Dans ses pages, Evola présente au lecteur les pouvoirs divins de Dionysos et d'Apollon. L'homme originel était animé d'une "vocation inouïe", il voulait se placer au-delà de l'être: "par le pouvoir de l'être et du non-être, du Oui et du Non" (p. 85). Un tel homme avait en lui, contrairement aux dieux, également une nature mortelle, avec l'infini en lui; vivait, au-delà de tout dualisme, le fini. Les pouvoirs spirituels sont statiques: « sous la forme d'existences objectives autonomes [...] devenues extérieures et fugitives à elles-mêmes, le pouvoir a perdu l'espèce de l'existence objective [...] et la liberté [...] est devenue la contingence [...] des phénomènes » (p. 86). Le « dieu tué » de l'illimité, Dionysos, prend les traits de la limite, de la forme, de l'acte aristotélicien : il devient Apollon.

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Ce dieu est essentiellement un savoir distinctif, centré sur la « visualité » spatio-temporelle du principium individuationis. L'homme commence à « dépendre » des choses, du désir, et il est rhétoriquement, aurait commenté Michelstaedter, conditionné: « la tangibilité et la solidité des choses matérielles [...] sont l'incorporation » du principe infini (p. 87).  La limite est représentée par la loi, positive et morale à la fois, qui fait taire le pouvoir. Il s'agit, par la « Voie de la Main Gauche », de surmonter l'horreur de l'apeiron. L'individu absolu, dans ce contexte, se place au-delà du domaine de la signification et du finalisme: sa conscience est la même que celle qui vit dans le Tout unique, dans le cosmos, elle n'est plus corrélativement liée aux choses, aux actes, elle descend dans les profondeurs de la vie, au-delà des catégories de la « causalité » et de la « raison suffisante » et de tout « providentialisme ». Le « je » a en lui la possibilité dionysiaque d'abattre les barrières apolliniennes: « Ainsi est attestée la tradition concernant le “Grand Œuvre”, la création d'un second “Arbre de Vie” » (pp. 89-90). Pour cela, il faut déchirer les voiles qui cachent la puissance qui nous habite : il faut consister en elle, sans reculer. Telle est en effet la « mort initiatique ». Un chemin, nous rappelle Evola, dangereux, pour les plus rares....

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Le penseur revient sur ce thème dans l'essai Le symbolisme érotique antique en Orient et en Méditerranée. Dans cet essai, il montre comment la pensée chinoise considère le yin et le yang, le mâle et la femelle, principes agissant dans le cosmos, dans une interaction instable. Une doctrine qui n'est pas sans rappeler celle attestée dans le tantrisme par Çiva et Çakti. L'Europe ancienne, la Grèce et la Rome aurorales, connaissaient également de telles conceptions, et Bachofen, en les rappelant à la vie, a construit sa propre vision du monde, centrée sur l'antithèse de la génécocratie et de la civilisation uranique (qu'Evola a inversée).

Pour le traditionaliste, à cet égard, le symbolisme de l'étreinte inversée, déjà attesté dans l'Egypte ancienne, est décisif : une étreinte caractérisée par l'immobilité du mâle et la motilité de la femelle: « La vraie virilité n'agit pas de façon matérielle, elle suscite seulement le mouvement, elle le commande » (p. 115). Dans la « Voie de la Main Gauche », la dvandvâita est supérieure à tous les contraires, au masculin comme au féminin, elle n'est plus liée à la dimension réelle des entités, elle est pure liberté-puissance : « la voie peut être comparée à chevaucher sur le fil du rasoir ou à chevaucher le tigre » (p. 117).

L'essai La morsure de la tarentule mérite une attention particulière. Dans cet essai, Evola présente les civilisations traditionnelles comme différentes de la civilisation moderne produite par la « morsure de la tarentule ».  L'homme occidental souffre de cette morsure mortelle, productrice de décadence, depuis que son imagination a été colonisée par l'idole de la démesure capitaliste. Le philosophe, dans ces pages, critique sévèrement, plus que dans d'autres écrits, la politique expansionniste et mondialiste de la civilisation américaine : le capitalisme, précise-t-il, « a pour but de procéder à de nouvelles invasions barbares » (p. 105). Un projet qu'il faut donc arrêter. La morsure de la tarentule est un essai d'une grande actualité. Scritti per « Vie della Tradizione » 1971-1974 est un volume à lire et à méditer.  

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mardi, 21 janvier 2025

Trump et le Groenland

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Trump et le Groenland

Par Joakim Andersen

Source: https://motpol.nu/oskorei/2025/01/11/trump-och-gronland/

Lorsque le futur président américain Donald Trump revendiqua à la fois le Groenland et le canal de Panama, sans exclure l'utilisation de moyens militaires, cela suscita une certaine surprise dans le monde entier. Le gouvernement français réagit notamment en déclarant que l'UE n'accepterait pas que des frontières soient modifiées par la violence. Les dirigeants du Danemark et du Groenland soulignèrent que le Groenland n’était pas à vendre. Cela soulève plusieurs questions intéressantes. D'une part, Trump est connu pour sa rhétorique « stratégiquement dramatique », qui fait partie de son « art de l'accord ». Ce qui commence par des menaces de violence et des discussions sur une vente pourrait bien se terminer par l'implantation de quelques bases militaires américaines supplémentaires au Groenland. D'autre part, cette déclaration suggère également une réelle volonté américaine de prendre le contrôle du Groenland, une idée que Trump a déjà abordée par le passé. Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, a commenté cette situation en affirmant que « l’Europe doit se réveiller », car nous entrons dans un nouvel ordre international caractérisé par le « droit du plus fort ». Vae victis.

Géopolitiquement, cela rappelle la faiblesse de l’Europe. L’Europe n’est pas un acteur sur la scène internationale, ce qui tient en partie aux fondements impolitiques qui servent de base à son unité politique. L’Europe réelle devrait être une communauté fondée sur autre chose que la bureaucratie et l’économie, comme l’ont écrit Jünger, Storey et Evola. Cela signifie que le projet eurocratique est devenu une menace pour les peuples européens et pour leur essence, au lieu de constituer un outil et une expression de celle-ci. Les dirigeants européens d’après-guerre ont largement été des vassaux de l’empire américain, agissant contre les intérêts de leurs propres peuples (voir Jordis von Lohausen).

Sous la présidence de Trump, cela prend une tournure plus aiguë. Nous nous retrouvons dans une situation où, par exemple, Macron représente fréquemment une ligne en politique étrangère qui laisse sous-entendre l'existence d'une force européenne, tout en soutenant une ligne intérieure de faiblesse européenne (en particulier en ce qui concerne la politique d’immigration). Comparé à cela, Trump est souvent favorable aux États-Unis sur le plan intérieur, mais pas toujours aussi bénéfique pour l’Europe sur le plan extérieur. Cela pourrait même, comme le prévient Barrot, signifier que la politique des États-Unis envers les États vassaux européens entre désormais dans une phase d’exploitation et de pillage plus ouvert. Un Europe forte est alors entravée par le politiquement correct et une idéologie hostile aux peuples, et le nœud gordien réside dans l’immigration massive et la légitimité déficiente qu’elle entraîne.

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Qu'aucun des deux, le Danemark ni l’Europe, ne doive vendre le Groenland est évident. Cela est d’autant plus vrai qu’une majorité de Groenlandais eux-mêmes sont pour plus d’indépendance et pour une adhésion à l’UE. Le processus d’indépendance se poursuit depuis des décennies et le Groenland reprend progressivement sa souveraineté sur différents domaines. En même temps, le pays reste économiquement dépendant du Danemark: « L’État danois accorde chaque année un soutien financier au Groenland qui s’élevait en 2024 à 4,3 milliards de couronnes. De plus, l’État danois couvre directement des dépenses de plus d’1 milliard de couronnes pour des domaines tels que la défense, la police et le système judiciaire. » Plus d’un Groenlandais sur quatre vit d’ailleurs au Danemark. Les liens entre le Groenland et le Danemark sont considérables, que ce soit sur les plans économique, génétique, onomastique, historique ou religieux. Le paysage politique du Groenland ne semble pas non plus particulièrement compatible avec Trump et le MAGA.

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Le parti au pouvoir, Inuit Ataqatigiit, est décrit comme socialiste et a notamment affirmé: « Inuit Ataqatigiit dit non à l’extraction et à l’exportation d’uranium et d’autres minéraux radioactifs… La nature arctique est la réserve alimentaire du Groenland, tout comme de nombreux autres peuples arctiques vivent encore largement de ressources naturelles. C’est pourquoi nous, habitants de l’Arctique, avons un intérêt particulier à ce que la nature arctique ne soit pas polluée par l’extraction d’uranium radioactif et d’autres matières premières toxiques, par des matériaux radioactifs provenant d’accidents dans les centrales nucléaires ou dans des navires à propulsion nucléaire, ou par le dépôt de déchets nucléaires. Nous pensons également que les grandes puissances mondiales doivent procéder à un désarmement surtout sur le plan des armements nucléaires. L’Arctique est et doit rester pacifique. » Le parti démocrate-socialiste Siumut est également très influent au Groenland. Politiquement, le Groenland appartient davantage à l’Europe qu’aux États-Unis.

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La géopolitique n’est cependant pas tout. Il existe également des raisons mythiques et psychologiques profondes de ne pas rompre les liens entre le Nord scandinave et l’Arctique. Le Groenland possède de riches traditions et une mythologie fascinante. Il existe aussi une tendance eurartique dans l’inconscient scandinave, comparable au « Drang nach Osten » allemand, les peuples nordiques s'étant maintesfois orientés vers le Nord. On peut citer ici l’expédition d’Andrée, l’intérêt authentique d’Ossian Elgström (photo) pour les Inuits et les Samis, ainsi que les descriptions d’Evola sur l’origine polaire, sur Hyperborée et Thulé. Nous avons déjà écrit sur ce sujet, notamment dans mes textes sur Ödun et l’ours polaire et sur la mythologie antarctique. Notre tradition vient ultérieurement des chasseurs de mammouths dans l’Arctique, et rompre les liens avec l’Arctique équivaudrait, psychologiquement et mythiquement, à une sorte d’effondrement.

Indonésie: le Géant oublié

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Indonésie: le Géant oublié

Andrea Marcigliano

Source: https://electomagazine.it/il-gigante-dimenticato/

L’Indonésie est un géant. Un géant dont nous, Européens, et surtout nous, Italiens, prétendons ignorer l’existence.

Une fiction rassurante entoure l'Indonésie sous nos latitudes. Parce qu’au mieux, nous considérons ces terres comme pétries de pur folklore. Une sorte de pays d'opérettes, une destination de vacances privilégiée pour les riches. Ou pour ceux qui prétendent l’être.

Une myopie due à l’ignorance fondamentale avec laquelle nous regardons le monde. Avec une perspective qui reste celle d’il y a quatre-vingts ans : l’Amérique, ou plutôt les États-Unis, et la petite Europe occidentale. Voilà le monde… le reste, simplement, ne compte pas. Ou pire, n’existe même pas en nos têtes.

Et pourtant, l’Indonésie est une réalité bien différente. Une réalité avec laquelle nous devrons, bientôt, commencer à composer. Et ce ne seront pas des compromis faciles, ni, surtout, à notre avantage.

Car ce colosse insulaire, doté d’une agriculture extrêmement riche et d’un potentiel minier – pétrole, gaz, or… – tout aussi extraordinaire, a officiellement demandé à intégrer les BRICS. Autrement dit, la coalition économique qui conquiert progressivement la primauté mondiale. Provoquant bien des maux de tête pour les finances américaines. Sans parler de notre petite Europe, de plus en plus réduite à l’insignifiance économique. Et pas seulement économique.

La décision indonésienne est sans aucun doute un événement important. Fondamental, à bien des égards.

Jakarta a en effet toujours été étroitement liée aux États-Unis. Un lien non seulement économique, qui a profondément marqué son histoire récente et tourmentée.

Demander formellement à rejoindre les BRICS – qui, par ailleurs, courtisaient l’Indonésie depuis longtemps – représente donc un changement de politique profond et mûrement réfléchi.

Chercher de nouveaux marchés, augmenter de 20% les exportations vers la Chine et de 8% vers l’Inde, et s’ouvrir à la Russie ainsi qu’aux autres pays associés aux BRICS.

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Mais bien au-delà, ce choix de Jakarta signifie une prise de distance claire vis-à-vis des États-Unis. En effet, l’Indonésie se rebelle ouvertement contre l’hégémonie du dollar, qui a longtemps conditionné et limité sa croissance.

Au sein des BRICS, elle peut trouver des alternatives viables et moins coûteuses, tant sur le plan strictement économique que, peut-être encore plus, sur le plan politique.

Ainsi, la décision indonésienne marque un tournant, probablement radical, dans les équilibres économiques et géopolitiques mondiaux.

Cependant, en Italie, cet événement est quasiment ignoré par les grands médias. Comme s’il ne nous concernait pas ou ne nous impliquait en aucune manière.

Comme si l’Indonésie n’était pas un géant économique, mais un pays exotique, joyeux et festif, un pays pour touristes repus et satisfaits. Une affaire d’opérette, en somme.

Alors que nous devrions prendre conscience de la réalité. Et comprendre que c’est nous, désormais, qui sommes le… pays des opérettes.

Parvulesco et David Lynch sur le cauchemar US

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Parvulesco et David Lynch sur le cauchemar US

Nicolas Bonnal

Source: https://www.dedefensa.org/article/parvulesco-et-david-lynch-sur-le-cauchemar-us

David Lynch est mort et il ne tournait plus depuis dix-sept ans. Les larmes de crocodile des uns (dont Spielberg) ne doivent pas nous faire oublier l’avarice des autres : qui a cessé en effet de le financer, et sur quel ordre ? Ce n’est certes pas parce que ses films ne rapportaient rien, malgré leur dimension de film-culte qui ne concernait qu’une chapelle peu éclairée. On a sciemment laissé crever son cinéma. D’un autre côté j’ai assez fréquenté Kubrick pour savoir qu’un long silence au cinéma est parfois préférable à une myriade d’opus ratés. Perte d’inspiration, disent les idiots ? D’autres savent qu’il vaut mieux se taire et mirer l’écran blanc. Certains maîtres dépérirent sous le nombre de leurs films sans inspiration : Godard, Resnais, Ridley Scot… Roule, torrent de l’inutilité, comme dit Montherlant.

Imdb.com a dit un jour que les trois plus grands cinéastes étaient Hitchcock, Kubrick – j’ai écrit sur les deux – et David Lynch, sur qui j’ai hésité d’écrire : je me demande en effet s’il y a tant à dire sur lui. Et comme en plus il y a selon moi du politiquement incorrect…

Soyons brefs et synthétiques :

Lynch est le témoin de la montée de l’horreur dans les années Kennedy-Johnson. Le bon vieux temps va être remplacé, que MAGA pleure encore (l’américain est plus nostalgique que l’apathique froncé qui a laissé son pays se dézinguer sans réagir, même culturellement). Le pays se désintègre sur tous les plans sous la poussée étatique et migratoire (voyez entre autres Paul Johnson ou l’excellent Jonah Goldberg sur le fascisme libéral). Ses personnages les plus célèbres, l’homme-éléphant et la tête à effacer, montrent une horreur suinter, celle de la Révolution industrielle, puis de l’écroulement de la société américaine dans les années soixante, dont tous les gens de droite ont parlé, et même John Wayne dans sa fameuse interview dans Playboy. C’est la fin de la race blanche (disons-le nûment), de sa famille, de ses traditions, l’ouverture exotique des frontières entre autres voulue par les frères Kennedy (voyez l’extraordinaire Alien nation de Peter Brimelow), la montée de l’insécurité et de l’orange mécanique (Vivian Kubrick soulagée de quitter New York pour gagner la campagne anglaise, dixit Vincent Lo Brutto) : société multiraciale, drogue, violence ultra, racaille toute-puissante, horreur des paysages urbains, tout ce que décrit Kunstler dans sa Long Emergency. Aux cowboys vont succéder des obèses ahuris de drogues autorisées et de télé, cowboys enfermés dans des territoires protocolaires autoroutiers interminables. C’est la fin de la petite ville blonde de Jane Powell (Small Town Girl, une de mes comédies musicales préférées, voyez mon livre).

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Tout cela pour se demander si le message clairement racial de Lynch (lui-même officiellement partisan de Bernie Sanders, et comme il a raison sur certains plans !) a été compris par l’Ennemi, qui l’aurait puni pour cela ? Cet homme tranquille théoriquement de gauche délivrait un message de blondeur, de nostalgie, parois optimiste (cf. le petit couple survivaliste de Nicholas Cage et la sublime Laura Dern), mais surtout nihiliste et pessimiste : rien ne va rester de l’ordre ancien. Et comme nous perdons en même la tête et la mémoire… Blue Velvet avec son oreille et non son temps retrouvé  décrit cette atmosphère de petite ville US sortie des films de Negulesco ou de Douglas Sirk, petite ville fragile si détestée par l’élite, qui va être liquidée par le Deep State et ses représentants, ces élites folles que dénonce alors Christopher Lasch (mais aussi le frère de Paul Auster). Les élites préfèrent l’exotisme à plumes, comme l’a rappelé Gilles Chatelet dans Vivre et penser comme des porcs (livre presque dédié à Attali et Sorman…).

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La critique cannoise célébrait l’atmosphère de sexe hard, de libération sexuelle, de drogue ou de dérive sociale qui marquait les films de Lynch. Elle fut surprise (je me souviens de la réaction d’Elizabeth Quin) par The Straight Story qui narre l’aventure routière d’un vieil homme, père d’une fille handicapée et soucieux d’aller retrouver son frère sur sa tondeuse à gazon (éloge de la lenteur !) à quelques centaines de kilomètres de là. Cadre enchanteur, mais c’était le Canada d’avant Trudeau. Ici Lynch jetait un peu son masque et l’insuccès auprès d’un public toujours plus hébété précipita sa chute. Mulholland Drive qui se voulait un film sur une série télé façon Twin Peaks (belle peinture de la déchéance US avec un casting de jeunes d’une beauté sensationnelle et les plus beaux paysages du monde dans l’Etat de Washington), s’avéra en fait et en définitive un «pilote» raté qui n’intéressa pas les télés – comme les derniers Columbo qui décrivaient très bien et presque involontairement (donc excellemment) la déchéance intégrale de la société américaine sous les années Bush et Clinton, nos mondialistes consacrés. Le dernier film tourné en Bulgarie m'était apparu comme insipide : je maintiens que le plus dur chez Lynch c’est cette angoisse de la pellicule blanche qui frappe d’autres petits maîtres comme Jarmusch ou Payne (en France qu’avons-nous avec notre cohorte de cinéastes subventionnés par l’Etat-PS ?) et cette fatigue de décrire ou de refléter une réalité qui ne cesse de disparaître, conformément aux prédictions de Debord dans les années soixante.

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Je termine par une citation de Jean Parvulesco dans Retour en Colchide (merci au fidèle lecteur Paul), livre où il parle étrangement de mon rapport avec un Grand Monarque, que j’ai connu et qui n’a pas reçu l’accueil qu’il méritait. Avec Parvulesco nous parlions souvent à La Rotonde du jeune Godard (génie éblouissant c’est certain) qu’il avait inspiré, de Kubrick, de Hollywood (comme son texte sur ce grand incendie rituel et sacrificiel nous manquera !), et bien sûr de Rohmer et de Schroeder. Jean réagit très fortement à Eyes Wide Shut de Kubrick. Mais grâce à mon lecteur Paul je trouve ces lignes sur le triomphe du satanisme dans la société américaine et occidentale, lignes inspirées par Mulholland Drive :

« …Car ce film de David Lynch  est en réalité le récit - la mise en scène de sa propre désintégration en marche et partant d’une certaine désintégration totale de ce monde, ramenant à la superbe séquence finale du basculement général dans la démence collective totale coïncidant d’une manière sous-entendue avec une prise en possession définitive par les Enfers.

En dernière analyse, Mulholland Drive signifie et annonce l’engagement peut-être irréversible de l’actuelle soi-disant civilisation américaine vers une conclusion infernale, vers la pétition de plus en plus paroxystique de sa prise en main par les pouvoirs occultes des soubassements nocturnes de ce monde. Par leur glissement fatal sous la Régence des Ténèbres. »

Il n’y a rien à ajouter. Le triomphe de Satan me semble évident en France comme en Amérique maintenant – et très bien accepté. Je pense encore que si j’écris un bref livre sur Lynch j’y inclurai un texte sur le cinéma néo-noir. Le cinéma noir ou néo-noir est ce qui permet de rentrer dans la graisse de la société bourgeoise et moderniste, de lui en extraire le lard. Le plus grand film en la matière, qui annonce Lynch, l’incontournable reste Point Blank de John Boorman, qui narre la destruction de la société américaine par le capitalisme modernisé (voyez mon texte sur Robert Reich et les manipulateurs de symboles), entité qui adore dévorer ses enfants inconscients.

Le mystère de Twin Peaks - Derrière le surréalisme des films de David Lynch

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Le mystère de Twin Peaks

Derrière le surréalisme des films de David Lynch

Alexander Douguine

J'ai récemment participé à un programme consacré à David Lynch dans le cadre du « projet Decameron », dans lequel plusieurs personnalités dialoguaient en ligne, racontant différentes histoires et discutant de différents films. L'émission s'intitulait « Guide to Kulchur ». J'ai été invité à parler de David Lynch. L'animateur et moi avons eu une conversation très intéressante. Je vais vous en raconter les principaux détails.

Bien que Lynch soit considéré comme un postmoderniste, un réalisateur populaire parmi les hipsters et les libéraux, l'organisateur du projet Guide to Kulchur, un conservateur de droite (Fróði Midjord) a déclaré qu'il aimait Lynch (se mettant ainsi probablement en opposition avec la plupart de ses propres partisans). J'ai répondu que j'étais un conservateur russe, mais que j'aimais aussi Lynch.

Mon collègue a remarqué que dans Twin Peaks, toute l'action se déroule dans une petite ville américaine sans bourse ni migration, où vivent des Américains ordinaires et classiques, et où tout ce qui leur arrive a le charme de la tradition aux yeux des Américains modernes. Twin Peaks est une sorte d'utopie conservatrice. Les gens marchent lentement, tout le monde se connaît, ils sont familiers avec les particularités de chacun ; même si les relations sont parfois exotiques et surréalistes, il s'agit de relations humaines. Elles ne font pas partie de la machine urbaine. C'est une utopie rurale américaine.

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Je n'avais pas envisagé Twin Peaks sous cet angle, mais j'ai été heureux de le soutenir. Peut-être que pour les Américains avec leur culture spécifique, Twin Peaks est l'Amérique profonde, une vision de l'Amérique défendue par ceux qui ne sont pas d'accord avec la mondialisation, le libéralisme de gauche, la société civile, Soros, Obama, Clinton.... En quelque sorte, l'électorat de Trump, ou les gens ordinaires.

Il est intéressant de constater que lorsque Lynch montre les habitants de Twin Peaks comme des personnes extrêmement étranges vivant au bord de la folie, impliquées dans les perversions les plus profondes et se tenant au seuil de l'au-delà (qui envahit de temps en temps leur vie) - il s'agit toujours d'un monde idéal, pastoral et positif comparé au cauchemar que représentent les grandes villes américaines - paysages urbains, Art nouveau américain, l'opposé du backwoods.

Si la schizophrénie surréaliste d'une petite ville américaine est une antithèse positive (aux yeux de certains conservateurs) de l'Amérique urbaine, de Wall Street et des grandes entreprises, cela en dit long sur la société américaine. Il ne m'est jamais venu à l'esprit de voir Twin Peaks comme Macondo dans « Cent ans de solitude » de Marquez... Comme un monde idéal, une utopie. Et pour les Américains, peut-être une perspective possible...

Ensuite, nous avons parlé de la vraie Amérique, celle des petites villes comme Twin Peaks. J'ai noté comment Lynch reconstruit subtilement la structure à trois niveaux de l'image traditionnelle du monde. Avec de l'ironie, des rebondissements ironiques... Mais en fait, ce qui est étrange dans Twin Peaks, c'est que l'action se déroule sur trois niveaux à la fois.

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Aussi étrange que cela puisse paraître, il s'agit d'une caractéristique traditionnelle du théâtre classique, où, outre les actions dans le monde du milieu, deux dimensions supplémentaires sont impliquées. Dans Twin Peaks, il s'agit de la Black Lodge et de la White Lodge. Elles sont en contact avec le monde de Twin Peaks - nous n'entendons pratiquement pas parler de la Loge Blanche, mais beaucoup de la Loge Noire. L'invasion de la vie mesurée de Twin Peaks par la Black Lodge crée des tourbillons, des distorsions de la vie spatiale et existentielle qui sont l'essence même du récit de Lynch.

En fait, Lynch reconstruit une ontologie tridimensionnelle, qui relève de la tradition classique du christianisme, des mythologies indo-européennes, des traditions non chrétiennes, grecques, etc.

Nous vivons dans l'une des dimensions, qui est conditionnellement au centre, et au-dessus et au-dessous de nous, il y a d'autres mondes. La Black Lodge de Lynch correspond à la mythologie classique, étant composée de nains ou de géants. Tous deux sont des types post-anthropologiques limites, entre lesquels nous trouvons l'humain. Les géants et les nains représentent des figures limitrophes nécessaires qui rappellent à l'homme la relativité de ses positions. De même, la présence de la Black Lodge et de la White Lodge souligne les limites de la compétence humaine. Là où commence la sphère d'influence de la Black Lodge, là explose la frontière de la compétence humaine. En particulier, Twin Peaks traite de l'invasion de Bob venu du monde inférieur, qui s'empare de Leland, le meurtrier, puis de Dale Cooper lui-même. C'est alors que la vision tridimensionnelle de la structure du monde change complètement d'accent: le surréalisme de Lynch cesse alors d'être dénué de sens comme il peut sembler l'être à première vue.

Lynch lui-même nous a dit que sa façon de faire un film n'est pas un scénario tout fait, mais plutôt un scénario qui est tourné et créé pendant qu'il est filmé. Ils savent seulement où ils vont - ils dessinent leur récit au fur et à mesure qu'ils se développent. Et parce qu'ils sont sensibles à l'influence des dimensions parallèles (en particulier la dimension inférieure), ils sont capables de reproduire brillamment l'atmosphère de suspense, les attentes.

Non seulement les spectateurs sont surpris par les rebondissements de l'intrigue, mais Lynch lui-même ne les connaît pas à l'avance. Il présente l'opportunité, et le film se tourne de lui-même. Cette attention aux dimensions supplémentaires (dont Lynch lui-même parle souvent) est le secret de la crédibilité de son film. Et Lynch lui-même est humble - il dit qu'il n'y a pas de réponse exacte. Qui a tué Laura Palmer ? En général, il ne voulait pas que le public discute de l'identité du meurtrier, mais la banale conscience américaine exigeait une fin heureuse, et les financiers étaient obligés d'accuser le père de Laura Palmer d'un crime irrationnel. Et ce, même si, dans la troisième saison, Lynch a ramené Laura Palmer à la vie, comme pour dire : « Vous pensiez avoir tout compris ? Vous n'avez rien compris. On ne comprend rien à Twin Peaks. Pour comprendre Twin Peaks, il faut vivre dans Twin Peaks, il faut entrer dans ce monde, il faut passer derrière les oscillations des invasions étranges qui, par une logique incompréhensible, sans l'algorithme habituel, se retrouvent dans la vie de la population, des citoyens de Twin Peaks, dont l'un parle avec son propre pied, l'autre - avec une bûche...

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Mais progressivement, dans la conversation avec son pied, nous trouvons une référence à la philosophie du parlement des organes dans le post-moderne, la conversation d'une femme avec la bûche - ontologie orientée objet, quand la bûche est un certain sujet, ou même un objet radical qui supprime la complexité et l'intensité de la présence humaine dans le monde. Les visites périodiques de Lynch à la Black Lodge (on parle moins de la White Lodge - elle existe aussi, mais son influence est insensible, surtout dans le monde moderne) deviennent de plus en plus lumineuses et, dans un sens, on peut considérer la création de Lynch comme une chronique de l'invasion infernale, lorsque des entités intracorporelles pénètrent dans notre monde et commencent à l'influencer activement. Mais même si elle rencontre une certaine résistance, même la vie américaine traditionnelle est incapable de construire une véritable forteresse face à la Black Lodge, qui devient de plus en plus sûre d'elle, s'emparant de différents vecteurs, et nous entrons progressivement dans le domaine des miracles noirs.

La troisième saison, à mon avis, est beaucoup plus sombre que les précédentes - quelque chose a changé dans l'ontologie des Américains eux-mêmes, ou peut-être de chacun d'entre nous. La résurrection de Laura Palmer et son dernier cri (lorsqu'elle est morte et qu'il s'avère qu'elle ne l'était pas) sont comme le miracle noir de l'Antéchrist - c'est comme le miracle de la résurrection, mais il n'a pas de suite. Le noir ne signifie pas le fait d'être noir, mais un manque total de signification. Pour Laura Palmer, cette résurrection noire sans l'aide des forces de la lumière est une parodie fondamentale des temps récents.

En ce sens, Lynch dépeint l'invasion globale de ce qui se trouve sous la ligne de fond de la réalité humaine. En ce sens, son œuvre peut être considérée comme une preuve précieuse. Elle peut être interprétée comme postmoderne, mais le manque de sens de Lynch n'est pas une exploitation. C'est un point important, une hypothèse que j'ai émise au cours de cette conversation. Lynch est à égale distance de ceux qui ne comprennent pas ce qui se passe dans le monde moderne ; il peut les aimer, les inspirer ou les effrayer, les attirer, mais il n'est pas l'un d'entre eux.

Ce qui le distingue des maîtres de la falsification et du codage à Hollywood, c'est qu'il n'exploite pas l'idiotie des masses (il ne libère pas les masses de l'idiotie, mais il ne les exploite pas non plus). Il est exactement à mi-chemin entre les révolutionnaires (les films d'art et d'essai, qui deviendront un cinéma culte, révélant toute la vie et la profondeur de la chute) et les masses (bien qu'il n'exploite pas les goûts de la foule). En cela, je pense qu'il est plus proche de Tarantino, car il est sur le fil. Il ne fait pas un pas ni vers les masses, ni pour les sortir de ce rêve.

Cette ambiguïté, cette dualité du propos cinématographique de Lynch crée l'ironie. En grec, « ironie » signifie dire une chose et en signifier une autre. C'est le sens d'une rhétorique basée sur la courbure d'un énoncé direct et logique.

Le langage et l'art de Lynch déforment la réalité de manière à ce que quelqu'un puisse voir une chose dans un énoncé tout en sous-entendant l'autre. Mais ce n'est pas tout à fait ainsi que cela fonctionne dans le cas de Lynch. J'aimerais beaucoup que les gens essaient d'interpréter ce que dit Lynch. Il dit « A » - nous comprenons qu'il veut dire quelque chose d'ironique, une autre lettre, une lettre que personne ne connaît. Mais ce qui est intéressant, c'est que Lynch ne la connaît pas non plus. C'est la dualité et l'ironie métaphysique profonde de ses films.

17:15 Publié dans Cinéma | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : david lynch, cinéma, alexandre douguine | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

lundi, 20 janvier 2025

Zelensky attaque le Turkstream pour mettre l’Europe à genoux tout en lui demandant plus d’argent

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Zelensky attaque le Turkstream pour mettre l’Europe à genoux tout en lui demandant plus d’argent

Enrico Toselli

Source: https://electomagazine.it/zelensky-attacca-il-turkstream-...

Nous avons là un nouvel acte dans la guerre de Zelensky contre l’Europe. Le criminel de Kiev a lancé une attaque contre le Turkstream, le gazoduc qui approvisionne non seulement la Turquie, mais aussi une partie des pays d’Europe orientale et sud-orientale. De la Grèce à la Bulgarie, de la Macédoine du Nord à la Serbie, de la Roumanie à la Hongrie.

Une attaque visant à reproduire le désastre provoqué en Europe occidentale par la destruction des deux gazoducs Nord Stream qui transportaient le gaz russe vers l’Allemagne. Un attentat qui a lourdement endommagé l’économie européenne – pas seulement l’économie allemande –, mais que les euro-incompétents ont soigneusement évité de sanctionner. Après tout, ce sont les citoyens soumis qui paient pour les manigances d’Ursula et de son complice Zelensky.

La bande de Kiev exige donc plus d’argent de l’Europe, alors même que ses attaques contre les gazoducs appauvrissent davantage ce même continent. Enrichissant par la même occasion les États-Unis, qui peuvent vendre leur gaz liquéfié à des prix plus élevés, empocher des profits et réduire la compétitivité du Vieux Continent.

Seuls les serviteurs au pouvoir dans les pays européens peuvent croire qu’il s’agit de manœuvres improvisées, non coordonnées pour nuire à l’économie européenne. Et malgré une désinformation qui a désormais atteint des sommets aussi vertigineux que ridicules, les peuples européens commencent à s’en rendre compte. Tandis que ces mêmes journaux qui, en 2022, assuraient que Moscou n’avait plus de missiles et que les soldats russes combattaient avec des pelles, prétendent aujourd’hui que la Russie a déjà perdu la guerre parce qu’elle n’a plus d’argent.