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mardi, 01 décembre 2020

Pourquoi le Grand Reset se termine (et ne commence pas)

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Pourquoi le Grand Reset se termine (et ne commence pas)

par Nicolas Bonnal

Ex: https://reseauinternational.net

Il y a ceux, presque mignons et amusants, comme les journalistes du NYT, qui prétendent que le Grand Reset est une théorie du complot, alors que Davos s’en vante sur son site, et puis il y a ceux qui redoutent le Grand Reset à venir, comme s’il n’était déjà là. Un petit rappel pour les distraits alors. Je suis assez vieux pour avoir vu le Grand Reset commencer au début des années 70 : c’était les années de la crise du pétrole, du Club de Rome, de « Soleil Vert » et de « Rollerball », tout ce qu’il fallait pour rassurer les enfants et préparer un Grand Reset. Car dès cette époque on évoque privation, fin des industries (une vieille lune : découvrez Arthur Penty), catastrophe écologique, désastres urbains, détraquement climatique (« Soleil Vert », « Blade Runner »), émeutes, violence et pénuries. Tout a été dramatisé et exagéré pour nous faire peur, et maintenant c’est au virus de jouer ce rôle pour détruire ce qui nous reste de libertés.

41nHzuYA8kL._SX323_BO1,204,203,200_.jpgDans les années 80, lorsque j’ai commencé à m’intéresser à ces questions, j’ai rencontré un spécialiste nommé Yann Moncomble, disparu prématurément, qui décrivait la stratégie des mondialistes depuis le début du vingtième siècle. Jacques Bordiot l’avait précédé quelques années avant avec un excellent livre nommé « Une main cachée dirige ». On sentait que tout se mettait en place par les banques au milieu du dix-neuvième siècle (c’est « La grande transformation » du génial Polanyi ou le manifeste communiste de Karl Marx) et depuis nous sommes conduits par ces bons bergers, en bon troupeau. Exercices d’ingénierie physique et mentale, les deux guerres mondiales ont encadré le mouvement et précipité la montée de la technocratie dirigeante et celle du troupeau apeuré dont a parlé Tocqueville sur un ton visionnaire.

1945 et la pseudo-déclaration des droits de l’homme marquèrent une avancée vers le totalitarisme planétaire. François Furet, l’homme qui a redécouvert Augustin Cochin, dont j’ai parlé tant de fois, la trouvait trop précise cette déclaration. Et pour cause : elle est indiscrète, elle contrôle, elle commande, elle oriente et elle sert une élite dirigeante à venir et qui est passé au contrôle de tout vers la fin des années 60. Comme dit Watzlawick elle a besoin du malheur des hommes pour mieux les gouverner.

Les élites qui dirigent maintenant (Merkel, Macron, Bruxelles, Netanyahou – voyez le rabbin Amnon Itshak) sont impitoyables : ils veulent plumer, ficher, vacciner, contrôler. En 1967 Brzezinski présente son fameux livre sur la société technétronique. Lui non plus ne se paie pas de mots, certain qu’il est de n’être dénoncé que par les plus lucides vite redéfinis théoriciens du complot ! Et il écrit le bougre :

Brrevolu.jpg« Une autre menace, moins manifeste mais non moins fondamentale, est celle de la démocratie libérale. Plus directement liée à l’impact de la technologie, elle implique l’apparition progressive d’une société plus contrôlée et dirigée. Une telle société serait dominée par une élite dont la prétention au pouvoir politique reposerait sur un savoir-faire scientifique prétendument supérieur. Libérée des contraintes des valeurs libérales traditionnelles, cette élite n’hésiterait pas à atteindre ses objectifs politiques en utilisant les dernières techniques modernes pour influencer le comportement public et maintenir la société sous étroite surveillance et contrôle ».

L’élite qui bosse avec Macron est une conséquence du satané Bonapartisme dont j’ai parlé maintes fois ici et ailleurs (voyez mon « Coq hérétique » publié en 1997 aux Belles Lettres). Mais elle a été sélectionnée pour aller jusqu’au bout et elle le fera. Elle est payée et motivée pour. Dans les années 80 toujours on a vu cette caste mondialiste de hauts fonctionnaires et de soixante-huitards se mettre aux ordres de Bruxelles et du Capital, quand il est apparu que l’U.R.S.S. ne représentait plus une menace (voyez mon texte sur Zinoviev) et qu’on aurait enfin les coudées franches pour se remplir les poches et mettre au pas le populo.

Guy Debord écrivait en cette fin des années 80 :

« Il faut conclure qu’une relève est imminente et inéluctable dans la caste cooptée qui gère la domination, et notamment dirige la protection de cette domination. En une telle matière, la nouveauté, bien sûr, ne sera jamais exposée sur la scène du spectacle. Elle apparaît seulement comme la foudre, qu’on ne reconnaît qu’à ses coups. Cette relève, qui va décisivement parachever l’œuvre des temps spectaculaires, s’opère discrètement, et quoique concernant des gens déjà installés tous dans la sphère même du pouvoir, conspirativement. Elle sélectionnera ceux qui y prendront part sur cette exigence principale : qu’ils sachent clairement de quels obstacles ils sont délivrés, et de quoi ils sont capables ».

817G7IPNbGL.jpgOn voit avec Macron, Merkel ou Grisham (Gouverneure démocrate de l’État du Nouveau Mexique qui vient d’ordonner la fermeture partielle des magasins d’alimentation) que plus aucun obstacle ne les gêne et qu’ils sont capables de tout. Une fois, ajoute Debord que l’on peut « mesurer le point qu’avait pu atteindre la capacité d’hébétude et de soumission des habitants », on peut tout se permettre. Désolé, mais c’est ainsi. Relisez Bernays ou Céline ou même « Le Loup des Steppes » pour comprendre. Il ne parle pas d’autre chose « Le Loup des Steppes ».

L’élite mondialiste voulue par Wilson ou le pseudo-Colonel Mandel House s’est constituée en 1945 donc, et est arrivée à maturité à la fin des années 60 : ce sont les années Rockefeller, Giscard et Trilatérale dont parlait mon ami Moncomble. Cette élite est totalement déracinée, technophile et gavée de paradigmes (Nizan a très bien vu sa source bourgeoise, j’en ai parlé ici). C’est une élite gnostique élevée par des écrans dans des Babel de verre, comme du reste son troupeau innombrable. En Europe on a pu voir l’émergence de cette élite en partie nazie d’ailleurs (voyez mon texte sur Hallstein) dès les années 60. L’immigration, la société de consommation et la liquidation des enseignements allait créer une nouvelle population technophile, nomade et soumise.

Et puis Gorbatchev est arrivé. Tout est allé depuis en s’amplifiant et en s’accélérant, la bêtise et la lâcheté de la masse ne faisaient rien pour écouter les Cassandre muées en théoriciens du complot. Le contrôle des élites asiatiques ou russes est allé de pair, quoiqu’en pensent certains naïfs préoccupés par la Route de la Soie ou le modèle chinois. Modèle chinois qui exige vaccination, contrôle biométrique et gestion informatique de son milliard et quelques d’habitants. Ici encore les oligarques du capitalisme et du Communisme se seront merveilleusement tendu la main. C’est bien Kissinger et Nixon qui ont voulu ce rapprochement avec la Chine de Mao, non ?

Je ne suis pas là pour parler de l’an prochain, tout le monde antisystème le fait, en vain d’ailleurs (« Théorie du complot ! Théorie du complot ! »). Je voulais dire seulement que les choses sont dans une logique terminale. Qui en a fait tant ne peut pas s’arrêter en route (la route du Club de Rome et de « Soleil Vert ») et qui en a fait aussi peu pour se défendre à part cliquer depuis vingt ans (moi y compris, ce n’est pas le problème) ne doit pas s’étonner de ce qui va lui arriver.

Nicolas Bonnal

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Bibliographie très sommaire :

Zbigniew Brzezinski : l’ère technétronique

Guy Debord : Commentaires

Paul Watzlawick : Faites vous-même votre malheur

Nicolas Bonnal : Si quelques résistants… Coronavirus et servitude volontaire

Réseau International

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Ensauvagement et libéralisme... Entretien avec Jure Georges Vujic

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Ensauvagement et libéralisme...

Entretien avec Jure Georges Vujic
Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com

Nous reproduisons ci-dessous un entretien avec Jure Georges Vujic, cueilli sur Polémia et consacré à la relation entre ensauvagement et libéralisme. Avocat franco-croate, directeur de l’Institut de géopolitique et de recherches stratégiques de Zagreb, Jure Georges Vujic est l'auteur de plusieurs essais, dont Un ailleurs européen (Avatar, 2011) et  Nous n'attendrons plus les barbares - Culture et résistance au XXIème siècle (Kontre Kulture, 2015).

Ensauvagement. « Le crime et la société du crime sont inhérents au libéralisme » selon Jure Georges Vujic

Polémia : Ces derniers temps, le terme d’« ensauvagement » est devenu à la mode, et renvoie avec justesse à une augmentation de la criminalité, de l’explosion brutale et sporadique d’actes de vandalisme et de pillages. S’agit-il selon vous d’actes de barbarie passagers, ou s’agit-il d’un phénomène plus profond qui témoigne d’un malaise de notre civilisation contemporaine ?

Jure Georges Vujic : La barbarie est une thématique classique de la philosophie de la culture, et l’on se souvient du fameux paradoxe de la barbarie soulevé par Montaigne dans la confrontation entre le royaume des cannibales, et les cannibales du royaume, mais aussi Victor Hugo qui pose l’importante distinction entre « les barbares de la civilisation » et « les civilisés de la barbarie ». Bref, si l’on admet que la perception et la signification de la barbarie, de la sauvagerie, dépendent de la confrontation des cultures, des mœurs, des coutumes, des comportements, comme des pratiques politiques, économiques, sociales, idéologiques, ethniques, alors l’on peut relativiser ce phénomène à outrance. Le paradoxe de la modernité réside dans le fait que, en dépit des promesses salutaires et irénistes des Lumières puis kantiennes, de la foi au progrès continu, elle n’a pas pacifié l’humanité, et qu’au contraire elle a créé les conditions techniques, sociales et culturelles propres à générer non seulement les irruptions de sauvagerie criminelle et sociétale mais aussi les grandes formes de barbaries industrielles totalitaires du xxe siècle, qui ont abouti à ce qu’Hannah Arendt désignait par la banalisation du mal. En revanche, ce qui est nouveau et récent, c’est que l’ensauvagement a pris la forme d’un iconoclasme violent et d’un vandalisme révolutionnaire lorsque, dans le sillage de manifestations anti-racistes, des statues, monuments de l’histoire européenne, ont été vandalisées, décapitées, voire carrément déboulonnées. Dans cette forme de sauvagerie, il faut voir en acte un véritable nihilisme dont le but non avoué est loin de réparer une discrimination, de détruire une mémoire historique ainsi qu’un espace public commun. D’autre part, le vandalisme et l’iconoclasme révolutionnaire, en épurant le passé, entendent s’approprier et imposer leur souveraineté, ce qui équivaudrait dans le cas présent à une tyrannie des minorités.

Quels sont les différents types d’ensauvagement et peut-on assimiler la délinquance urbaine, la criminalité avec la violence et la radicalité politique ?

On peut disséquer ad vitam aeternam les différents sens et formes de la notion d’ensauvagement en raison de sa polysémie et de son utilisation dans la sphère scientifique et publique. La popularisation de ce terme par le milieu médiatique et sa paternité idéologique pour évoquer la croissance de la violence urbaine et de la délinquance très souvent liée à l’immigration pandémique, me paraissent insuffisantes pour expliquer un phénomène complexe protéiforme, qui dépasse le seul débat des statistiques. La violence urbaine de groupe, de masse, le phénomène des « casseurs » dans leur forme sporadique et éruptive sont une constante sociale, je dirais même qu’ils sont consubstantiels à notre modernité tardive, mais ce qui a changé dans la perception et le traitement de ces phénomènes d’« ensauvagement », c’est leur banalisation, et, pour reprendre Baudrillard, leur « viralité », l’amplification médiatique et la vitesse de propagation de cette violence en temps réel permettant leur banalisation. C’est ce qu’avait vérifié la politologue Thérèse Delpech, dans son ouvrage L’Ensauvagement – Le retour de la barbarie au xxie siècle, dans lequel elle constatait que « la passivité qui accompagne la montée de la violence est plus inquiétante encore que la violence montante. Car elle rend sa victoire possible. Celle-ci bénéficie de l’inaction ».

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On constate que, avec les attentats islamistes, les émeutes ethniques et raciales aux USA, la guerre des gangs, l’ensauvagement prend une tournure globale ? Y a-t-il un phénomène de mimétisme ?

Oui, l’ensauvagement est un phénomène mondial et, tout comme le constatait Baudrillard, il y a une violence du mondial. Cette violence moléculaire et systémique qui rend compte de ce que Bourdieu appelait la violence symbolique de notre société, qui légitime le pouvoir diffus du grand marché, et de l’oligarchie mondialiste, est une violence structurelle qui s’efforce d’évacuer toute forme de mal au nom du « bien absolutisé », sanctifié. Il s’agit d’une « violence d’un système qui traque toute forme de négativité, de singularité, y compris cette forme ultime de singularité qu’est la mort elle-même – violence d’une société où nous sommes virtuellement interdits de conflit, interdits de mort ». Cette violence du mondial, cette « virulence » globalisante s’efforce de mettre en place un monde uniforme affranchi de différences, de tout ordre naturel, que ce soit celui du corps, du sexe, de la naissance ou de la mort. Il n’y a qu’à voir le degré de la platitude iréniste et de déni du réel dans le traitement accordé par les classes dirigeantes mondialistes aux phénomènes de violence criminelles et politiques, face aux attentats islamistes. Le danger du phénomène de l’ensauvagement serait non pas dans leurs manifestations spectaculaires et leur onde de choc, mais dans leur viralité mimétique : car il s’agit d’une violence qui opère par contagion, par réaction en chaîne, et elle détruit peu à peu toutes nos immunités et notre capacité de résistance.

Que pensez-vous des mesures de répression et de prévention prises par les classes dirigeantes, des programmes de déradicalisation et de réinsertion des anciens délinquants voire des ex-terroristes ?

L’ensemble de ces mesures palliatives d’intégration, d’éducation et de prévention, le plus souvent se réduisent à une approche thérapeutique qui nous renvoie à la sempiternelle sous-jacente question de savoir si la culture, ou telle ou telle mesure pédagogique éducative « nous permet d’échapper à la barbarie ». La réponse est bien sûr négative, et la culture, le discours de socialisation n’ont jamais neutralisé la nocivité, la déviance de comportements violents en société. On peut même constater que la culture postmoderne dominante, technicienne, marchande et hyperindividualiste, loin d’être une antithèse de la barbarie a été le ferment des grandes barbaries totalitaires de la modernité.

imagesvaens.jpgAinsi la culture, voire la civilisation dans son acception moderne du terme, ne nous absout point de la barbarie, lorsque cette même civilisation tente de s’imposer aux autres cultures par la seule force brutale, en témoigne la période de colonisation et les expéditions impérialistes américaines au Moyen-Orient. On se souvient de la phrase de Lévi-Strauss : « Le barbare est celui qui croit à la barbarie », et combien l’ethnocentrisme a pu fonctionner comme miroir déformant, quant à la perception du couple barbare-civilisé. Les guerres mondiales, le terrorisme, les pratiques génocidaires du xxe siècle, qui constituent l’armature de l’âge des extrêmes évoqué par E. Hobsbawn, ne sont pas le produit d’une régression de la civilisation dans une sauvagerie archaïque, mais bien au contraire l’aboutissement d’un long processus d’aliénation et de rationalisation extrême, qui ont généré les conditions d’un auto-anéantissement de l’humanité. C’est bien cette dialectique entre culture, civilisation et barbarie qui rend compte du double visage de la culture, l’homo sapiens pouvant en même temps être « homo demens » (Edgar Morin, Culture et barbarie européennes). Au début des années 2000, l’historien américain George Mosse parlait de brutalization, « brutalisation » ou « ensauvagement » du monde, pour dénoncer une culture de guerre née au creux du long conflit de 1914-1918, faite de banalisation de la violence, puis de glorification de la virilité, une culture qui aurait permis de légitimer les dérives de la Seconde Guerre mondiale. Aujourd’hui, on pourrait très bien dire que l’on assiste à une double brutalisation : brutalisation sociétale et médiatique de la violence gratuite voir ludique (cinématographie, Internet), et brutalisation de l’angélisme, de la repentance, qui aboutit à un déni de réalité. Avec la pandémie de Covid-19, la brutalisation contemporaine prend la forme d’une ingénierie biopolitique qui, par la propagation d’une culture hygiéniste, masque les dérives totalitaires.

Il s’agit bien d’une barbarie internalisée, une « barbarie intérieure », quand les forces de stérilité et de violence, toujours latentes dans l’humanité, ont pris le dessus, sur les forces créatrices. Nietzsche répétait, devant le spectacle offert par son époque : « Le désert croît. » Le drame de notre temps, en effet, c’est l’apparition d’une nouvelle sorte de barbarie, une barbarie intérieure à notre conception de l’homme qui s’est développée avec l’avènement du Grand Sujet autocentré des Modernes. Le plus souvent, les phénomènes sociopathologiques d’ensauvagement sont les multiples manifestations de ce même sujet despotique et anxieux, replié sur son identité stérile et narcissique, même lorsqu’il défend le droit à la différence, qui constituent le témoignage de la barbarie intérieure d’une civilisation qui, dans la pratique de la vie quotidienne, tend à abdiquer des principes sur lesquels elle est fondée. La barbarie intérieure s’apparente à l’autoproduction, l’auto-institution du Sujet, qui se coupe de Dieu, du monde et des autres hommes.

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Dans votre dernier livre, Nous n’attendrons plus les barbares – Culture et résistance au xxie siècle, aux éditions Kontre Kulture, vous évoquez le phénomène d’une sorte de barbarie interne, vous constatez que « les barbares sont en nous », qu’ils ont « colonisé le mental, l’imaginaire individuel et collectif européen ». Est-ce un aveu d’impuissance ou un appel ā la résistance ?

C’est en effet un essai sur les multiples visages de la barbarie moderne parfois diffuse, et difficile à identifier. Une douce barbarie, sous la forme de narratif hédoniste techno-scientiste, a colonisé le mental, l’imaginaire individuel et collectif européen, de sorte que l’on peut parler de colonisation interne pure et simple. En effet, la culture dominante de notre époque est éminemment une culture de la quantité, de l’aliénation de la volonté et de l’asservissement des esprits. C’est une forme de culture du prophylactique, du placebo qu’on retrouve aujourd’hui dans cette culture hygiéniste du masque. À l’inverse de la menace d’une barbarie extérieure d’invasion, je persiste à croire que les maux qui accablent l’Europe et les peuples européens d’aujourd’hui ne viennent pas d’un ennemi externe, elles ne viennent pas des barbares eux-mêmes, car la crise morale, démographique, politique et civique actuelle n’est qu’un épiphénomène d’un mal intérieur plus insidieux et dévastateur : celui du fatalisme, de l’entropie, de l’inaction, de la vieillesse et de l’attentisme.

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Assistons-nous à un ensauvagement de la mondialisation, et quels sont les liens entre globalisation du crime et libéralisme ?

Depuis les années 1990, on assiste à une globalisation du crime, la criminalité connaissant une hybridation dans laquelle interfèrent et s’imbriquent les revendications politiques et la criminalité. À cet égard, « l’ennemi intérieur criminel », même lorsque qu’il s’agit d’un agent isolé, est difficilement repérable et identifiable en raison de l’opacité de l’hybridation entre opérateurs « politiques » et organisations criminelles. D’autre part, il n’y a plus de frontière étanche entre violences politiques et crimes crapuleux. Les deux se rapprochent dangereusement, comme le montre l’imbrication du terrorisme, du narcotrafic ou de la corruption des élites financières. Depuis la fin du crime organisé classique et territorialisé (réseaux mafieux Cosa Nostra) et la recomposition globale et déterritorialisée de la criminalité, qui va du microniveau des cités périphériques jusqu’aux zones de production de drogue en Colombie ou en Afghanistan, comme le constate Alain Bauer, « l’entreprise criminelle est peu à peu devenue l’étalon de la société économique libérale avancée, donnant totalement raison à Adam Smith : la main invisible du marché existe. Mais c’est une main criminelle ». Le crime et la société du crime sont inhérents au libéralisme qui s’est détaché de toute référence morale et suprapersonnelle, puisque la maximisation des profits et l’accumulation des richesses en tant que buts suprêmes justifient tous les moyens. Ils sont le versant sociopathologique de modes de vie déstructurants, comme le souligne Mark Hunyadi dans La Tyrannie des modes de vie sur le paradoxe moral de notre temps, qui reproduisent les normes d’un système dominant et qui échappent à tout contrôle éthique ou démocratique. C’est en ce sens que l’ensauvagement pourrait être traité de symptôme révélateur de la phase finale du « désenchantement du monde » de la modernité.

Jure Georges Vujic (Polémia, 25 novembre 2020)

Sun & Steel: The Tatenokai Phenomenon in Brief  

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Sun & Steel:

The Tatenokai Phenomenon in Brief

In post-1945 Japan — as in most of the states that lost in World War II — American occupation brought about radical political and social changes. In the 1946 to 1948 Tokyo trial (similar to Nuremberg), several leaders of the war cabinet were sentenced to death or long prison terms. It was also stipulated in the constitution that Japan cannot have its own armed forces, only Jieitai (Japan Self Defense Forces), a small number of volunteers for self-defense purposes.

Although Japan remained a monarchy, General Douglas MacArthur, commander of the occupying forces, forced Emperor Hirohito to sign the Ningen sengen (Humanity Declaration) and Western-style democratic parties appeared on the political palette. As a result of the peace dictatorship imposed on the Japanese Empire, the samurai spirituality, militarism, loyalty, and self-sacrifice that manifested themselves as a defense of the traditional order and a fight against materialism — the yamato-damashii (Japanese spirit) that is most appropriate to their collective consciousness — was severely repressed in Japanese society.

Lightning in summer and frost in winter.
The foot of Mount Fuji,
Is where the youth stand!
Our weapon is the soul of Yamato,
The sharp blade that we wield,
Reflect the color of the sky on a sunny day!
So move forward with courage. . .
Shield Society! [1] [2]

After post-war consolidation, the island nation experienced an economic explosion thanks to its well-organized elite education, investment in technology and innovation, and above all, the excellent work ethic of the Japanese people.

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This economic prosperity was followed by increasing social welfare, of course. The consequences are well-known to Right-wingers but are worth repeating nonetheless. In modern welfare societies, the individual is much more vulnerable to leveling, emptiness, and rootlessness. While not to the same extent and depth as in the Western world, this trend has also prevailed in Japan since the second half of the 1950s. [2] [3] Amidst the mass of people flowing from the countryside into megapolises with rapidly growing populations, the individual soon lost his attachment to the traditional value system. In this rather chaotic spiritual vacuum, an alienated person could easily be steered in the wrong direction in the absence of firm spiritual orientations, especially as an inexperienced youth. This has been the case with most of the student movements in the 1960s under strong far-Left influence.

Recognizing this danger, Yukio Mishima, one of the most famous writers and artists of modern Japan, decided to take action.

Yukio Mishima was born in Tokyo in 1925 as Kimitake Hiraoka. Several samurais can be found among his ancestors. His genius for writing was already apparent in high school, and his first longer work was published in 1941. Shortly after that, he took the pseudonym Yukio Mishima. He completed his university studies after the Second World War and devoted himself exclusively to writing from 1948 onwards. He was a prolific artist with more than one hundred publications, including novels, dramas, essays, and short stories. He also performed in and directed plays and films and was nominated for the Nobel Prize for Literature a total of four times.

Amid the turbulent social conditions of the 1960s, his interest turned to traditional Japanese spirituality and respect for the emperor. The 1960 assassination of Inejiro Asanuma, leader of the Social Democratic Party of Japan, greatly influenced his turn to the Right. Just seventeen years old, Asanuma’s assassin Otoya Yamaguchi justified his action by defending the concept of the empire before committing suicide in prison.

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Mishima’s orientation was also reflected in his literary work. He has become very popular — and divisive at the same time — in Right-wing circles for works titled Patriotism (1966; published by the name of Sepukku in the Transylvanian Utunk magazine; also made into a film starring Mishima), Runaway Horses (1967-68), or The Voices of the Heroic Dead (1966). In his later work, he also sharply criticized the Emperor himself for announcing the Ningen sengen. My Friend Hitler (1968) — written for the stage — In Defense of the Culture (1969), and the Revolutionary Philosophy (1970) are considered his provocative and militant spirited works.

In the fall of 1968, he formed a private army for spiritual purposes: the Tatenokai (Shield Society) of 80 people, the aim of which is summarized in three principles:

  1. Communism is incompatible with Japanese traditions, culture, and history, and is against the imperial order.
  2. The emperor is the only symbol of our historical and cultural community and racial self-consciousness.
  3. The use of force is justified in light of the threat posed by communism. [2] [6]

Of course, Tatenokai’s numbers make it a symbolic army. But it is also in this that its strength and significance can be found, as Yukio Mishima was a master of symbolic politicization: he gathered the bravest and noblest youths of modern Japan into his elite guard, which showed a new quality in the face of ever-increasing deviation and decline. Tatenokai’s membership consisted mainly of young university students. They wore a brown-yellow uniform, and Mishima succeeded in getting Jieitai to provide military training to the members. Mishima often used the English name of the organization, Shield Society, and its abbreviation, SS, provocatively referring to the elite organization of National Socialist Germany, the Schutzstaffel.

The SS is an imaginary army. We don’t know when our time will come. Maybe it will never arrive; or perhaps as early as tomorrow. In the meantime, the SS is calmly ready. We don’t organize street demonstrations, we don’t have posters, nor Molotov cocktails, nor lectures, nor stone-throwing. We will only be determined to act at the last minute, as we are the least armed but most spiritual army in the world.[3] [7]

It is definitely important to examine the Right-wing paramilitaries and organizations that emerged in the second half of the twentieth century. In post-World War II welfare democracies, the militarist spirit lost much of its former appeal. The weakened Right-wing forces in Atlantic and communist Europe were unable to gain ground, due in part to the control of the reigning power, the lack of charismatic leaders of adequate capacity, and of the indifference that characterizes atomized society.

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More serious autocratic initiatives tended to come from state authorities — that is, from above — mostly from the military, whose attempts had only a brief temporary success or were predestined to fail. Examples include the dictatorship of colonels in Greece, the Borghese coup in Italy, Antonio Tejero’s attempt in Spain, or — outside Europe — the majority of South American juntas. Civilian far-Right political movements (mainly in Italy and France) and cultural trends such as the skinhead movement often remained at the level where they started because of their low standards.

In the early 1990s, after the disintegration of the Eastern bloc, and in the second half of the first decade of the new millennium, the legal successors of several former organizations operating before and during World War II in Central-Eastern Europe reactivated themselves (for example, in Hungary, Romania, and Croatia) in order to cultivate the national traditions largely destroyed by the communist regimes and the multitude of socioeconomic problems associated with emerging liberal democracies. A lack of quality Right-wing and national elites, the almost-complete absence of appropriate intellectual orientations, and the work of agents and disruptors led to their decline.

What made Tatenokai different? It can be considered unique in terms of spirituality, purity, quality, and purpose among the post-War elite movements. Mishima thought of his private army:

I had a simple reason to create Tatenokai. Ruth Benedict once wrote a famous book called The Chrysanthemum and the Sword. These are the determinants of Japanese history: the chrysanthemum and the sword. After the war, the balance between the two was broken. Since 1945, the sword has not been dealt with. My dream is to restore that balance. To revive samurai traditions through my literary work and actions. That is why I asked Jieitai, so that my people could receive one month of training. [4] [8]

Mishima was also no stranger to open political confrontations. In 1969, he took part in a public and informal debate with the far-Left students of the University of Tokyo. Members of Japan’s existentialist generation in 1968, with their sympathy for communism, posed a serious threat to public life: they wanted to take their homeland out of the frying pan of capitalism and the US into the fire of communism and China. Mishima steered the debate on the subject of the emperor and the empire, pointing out the flaws of the ideology of his discussion partners. Mishima’s summary of the debate is striking: “Zengakuren students and I stand up for almost the same things. We have spread the same cards on the table, but I have the joker — the emperor.” [5] [9]

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From the late 1960s onwards, Mishima consciously prepared for death, which was increasingly evident in his work. His interest turned to ritual suicide — sepukku, abdominal incision — yamato-damashii, and the reactionary 1876 Shinpūren rebellion, as well as the 1936 Ni Ni-Roku incident. In 1970, he decided he would die after the completion of his last work, The Decay of the Angel, and would use Tatenokai for this.

He found the most suitable comrades for the task in four members: Morita Masakatsu, Hiroyasu “Furu” Koga, Masahiro Ogawa, and Masayoshi “Chibi” Koga. The time for action came on November 25, 1970, when Mishima and four of his companions captured the commander, General Kanetoshi Mashita, at Ichigaya military base in Tokyo. He handed over his demands to the superiors, and then gave a speech from the central balcony of the building to the garrison’s soldiers: Only the army represented traditional Japanese values and spirituality. Its members represented Japan’s honor, and the Emperor should be given his absolute power back. The response from the majority of the audience was confusion and rejection. Mishima went back to the commander’s office after delivering his speech. Saving his honor before the emperor and the Homeland, together with Morita, he committed sepukku. [6] [10]

The emperor and modern Japan proved to be weak. Not Mishima, who consistently professed the institution of the empire, nor Tatenokai, who performed its task. Mishima was almost certain of the failure of his coup, yet he performed his last “stage” role with the genius of the artist and the dignity and honor of the samurai. This is well reflected in his statement to Jun Ishikawa shortly before his death:

“When I go out on stage, I expect the audience to sob. Instead, they burst out laughing.” [7] [11]

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Notes

This writing originally appeared in the monarchist anthology KIRÁLYSÁGBAN GONDOLKODUNK (WE THINK IN KINGDOM), edited by János Pánczél Hegedűs and Péter Uhel; Pro Regno Hungariæ Alapítvány, MMXVII.

See also VSZ’s “三島由紀夫 – Az utolsó szamuráj emlékezete [15]” in Stalker — Egy konzervatív forradalmár gondolatai, published November 25, 2010 (in Hungarian).

[1] [16] Excerpted from the Tatenokai march.

[2] [17] It is worth noting how Western tabloid media try to present the Japanese, their civilization, and their culture as superficially idiotic, narrowing them down for the laypeople to the annoying tourists, screaming and squeaking teen stars, microelectronics, snatched episodes of animated films, Godzilla, etc.

[3] [18] Henry Scott Stokes, Misima Jukió élete és halála (Budapest: Szenzár Kiadó, 2001), trans. Andrea Tóth, p. 217.

[4] [19] Stokes, 218-219.

[5] [20] Stokes, 251.

[6] [21] Stokes, 247.

[7] [22] A more detailed description of the Mishima coup is provided by Stokes (pp. 14-39) and Terebess [23] (in Hungarian).

[8] [24] Stokes, 318.

 

 

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[6] [2]: http://k

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[15] 三島由紀夫 – Az utolsó szamuráj emlékezete: http://v-stalker.blogspot.com/2010/11/az-utolso-szamuraj-emlekezete.html

[16] [1]: #_ftn1

[17] [2]: #_ftn2

[18] [3]: #_ftn3

[19] [4]: #_ftn4

[20] [5]: #_ftn5

[21] [6]: #_ftn6

[22] [7]: #_ftn7

[23] Terebess: http://www.terebess.hu/keletkultinfo/misi.html#2

[24] [8]: #_ftn8

 

yukio mishima,japon,lettres,lettres japonaises,littérature,littérature japonaise

Video of the Day:
Poetry With a Splash of Blood

In the latest episode of Guide to Kulchur, Greg Johnson, Guillaume Durocher, and Ty E join Fróði Midjord to discuss the life and art of Yukio Mishima. On November 25th, 50 years ago, Mishima committed ritual suicide to inspire the Japanese to return to their aristocratic honor culture.

The episode is archived on BitChute (video) and Spreaker (audio only). Guide to Kulchur streams live on DLive every Tuesday at 2:00 PM Eastern Time / 20:00 CET.

Previous episodes of Guide to Kulchur are archived on BitChute.

La Saison secrète d’Éric Rohmer

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La Saison secrète d’Éric Rohmer

par Luc-Olivier d'Algange

L'œuvre d’Éric Rohmer est sans outrances; elle va, de nuance en nuance, vers une résolution où frémit, dans un feuillage de mots français, la nostalgie du Paradis.

Le cinéma, et parfois même dans ses chefs d'œuvres, est un art de l'outrance et de la fascination accordé aux temps qui le firent naître. Son modèle est le guignol; il faut outrer le trait, les situations, le drame, la violence afin que les cervelles les plus engourdies par le vacarme physique et moral du monde industriel en perçoivent quelque chose. Cette surenchère parfois touche au génie, puis s'éteint. Rohmer d'emblée se situe hors de ce processus grandiloquent; il choisit de laisser advenir. L'image en mouvement recueille les phrases que les personnages échangent et qui se laissent lire, en ce qu’elles ne disent pas, sur leurs visages dans leurs gestes. 

A considérer que le sujet de la plupart des films de Rohmer n'est autre que la conversation, on pourrait croire qu'il est bien peu cinématographique: ce serait une erreur; une conversation ne vaut pas seulement par les propos qui s'entrecroisent mais par les voix et les corps qui les tiennent et les délivrent, par les paysages alentours, les saisons, sans lesquels ils eussent été différents, et, plus vaste et moins directement discernable, la civilisation même qui les rend possibles. 

erac.jpgLe sujet des films de Rohmer est la conversation, et le propos de la conversation est l'amour ; et nous apprenons doucement, c'est dire exactement, sans morale moralisatrice, de film en film, de saison en saison, d'allusion en allusion, qu'il est mille façons de s'aimer, en toutes sortes de gradations, à la fine pointe d'un désir héraclitéen « qui montre et ne montre pas, mais fait signe ».

Entre l'Eros, l'Agapé et la Philia, l'air circule, car ils ne sont point donnés pour former un tout compact et despotique, mais pour, libérés les uns des autres, délivrer leurs essences et leurs puissances, et faire miroiter, sur l'orée, leurs affabulations légères, leurs tendres approches, leurs incertitudes enchantées.

Dans l'œuvre de Rohmer, toutes les saisons sont arcadiennes; elles sont, selon la formule de Stefan George, « saisons de l'âme » ; et toutes semblent cependant en attente d'une cinquième saison, mystérieuse, qui vit dans l'air secret de chacune d'elles, comme les mots demeurent dans l'air autant que dans la mémoire de ceux qui les entendent.

Cette saison d'un temps hors du temps vient de loin, d'une France à la fois historique et légendaire. Une grande liberté la surplombe comme un soleil, - qui nous est donnée si nous voulons bien la recevoir. Un paysage s'en éclaire, avec une rivière scintillante, issue de la Séquence de Sainte Eulalie, et venue jusqu'à nous qui veillons sur ses rives.

L'art du cinéma, me disait un soir Raul Ruiz, après un colloque de cinéphiles un peu vain où il fut question de servir l’actualité par le cinéma, n'est autre que l'exercice du double regard platonicien. L'œuvre, comme toute vie digne d'être vécue, toute vie odysséenne, va vers son origine, que nous ne connaissons pas. Ainsi, toute l'œuvre de Rohmer semble orientée vers ce temps du conte, vers cette Astrée qui, mieux que l'histoire profane, nous parle de ce qui nous regarde.

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La langue d'Honoré d'Urfé est celle qu’Éric Rohmer écrivait pour ses films depuis toujours, et les amours, au bord du Lignon, où nous veillons, sont celles de toutes les autres saisons. Le pays de L'Astrée, cette Gaule mythologique, se déploie sous la cinquième saison, celle du Songe où toute réalité ingénue se précipite, comme en Alchimie, pour la faire resplendir.

La langue dite « baroque », qui est celle d'Honoré d'Urfé, n'est pas grandiloquente, mais sinueuse, comme un cours d'eau, complexe et harmonieuse comme un feuillage, arborescente et variable comme l'attente amoureuse, et de cet immense récit de plusieurs milliers de pages, Rohmer saisit l'essentiel ingénument, en suivant le cours de son art, sans s'embarrasser ni nous ennuyer.

Il faut d'infinis détours, d'exigeantes nuances, il faut être fleuve soi-même pour dire ce qui est au plus simple et au plus proche: le pays réel antérieur, les amours humaines, la terre, le ciel et les dieux. Il n'y a là rien de « précieux », au sens péjoratif du terme, mais une politesse à l'égard des êtres et des choses, qu'il convient de ne pas nommer trop brutalement, - car alors on nomme à côté, - et qu'il faut honorer d'attentions nombreuses, prismatiques, chantantes et dansantes, pour n'être pas, tristement, en deçà de leur simple réalité.

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Or cette simplicité sur  laquelle repose le cours de la rhétorique profonde d'Honoré d'Urfé, seul Éric Rohmer, sans toute, pouvait nous la montrer telle qu'elle est, en achevant son œuvre par ce salut à ce dont elle vient : ce moment ondoyant de la littérature française, qui garde une vigueur et une innocence médiévale tout en annonçant toutes les audaces modernes, - être « résolument moderne » en littérature et en art demeurant la meilleure façon d'être véritablement antimoderne.

La singularité extrême de l'œuvre d’Éric Rohmer vaut toutes les insolences. Etre de son temps à l'extrême sans y être du tout, dire à son temps précisément ce qu'il ne veut entendre; au « double regard » s'ajoute ainsi le double entendement. Si les personnages d’Éric Rohmer ne parlent pas comme dans un film, et surtout comme dans un de ces films français récents à vocation réaliste ou sociale, ils parlent comme nous parlons dans la réalité, lorsque nous avons quelque chose à dire à quelqu'un, - et nous parlons ainsi depuis Honoré d'Urfé et bien avant.  Dans le Grand Légendaire de L'Astrée nous retrouverons ce qui nous lit, ce qui nous déchiffre, ce qui nous regarde, comme d'impondérables signes amoureux ambigus et chatoyants, ce qui nous permet soudain de nous reconnaître nous-même, avant qu'il ne soit trop tard.

Vaines, et peu honorables, sont la plupart des craintes humaines. La seul qui vaille, car elle n'accroit pas le danger mais le déjoue, est la crainte de faillir au Paradis donné.

Luc-Olivier d’Algange

00:09 Publié dans Cinéma, Film | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : cinéma, film, éric rohmer, luc-olivier d'algange | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

lundi, 30 novembre 2020

Blinken, le complice interventionniste de Clinton dans les catastrophes libyenne et syrienne

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Blinken, le complice interventionniste de Clinton dans les catastrophes libyenne et syrienne

par Alberto Negri

Source : Quotidiano del Sud & https://www.ariannaeditrice.it

Le Washington Post nous informe que le nouveau secrétaire d'État, Antony Blinken, en tant que conseiller de Clinton, a fortement soutenu l'intervention en Libye et aussi en Syrie. Les médias italiens l'ont encensé comme étant "pro-européen" et se sont bornés à répéter cette vérité propagandiste.

Politique étrangère : l'"équipe cauchemardesque" de Biden

Les ennuis ne s'arrêtent pas avec Trump. L'équipe de Biden, avec le secrétaire d'État Blinken, et le responsable de la sécurité nationale, Sullivan, aurait eu toutefois l'occasion de rectifier les erreurs dévastatrices commises en Syrie et en Libye par l'ancienne secrétaire d'État Hillary Clinton, qui fut conseillère stratégique.

La "dream team" de Biden fait référence aux pires cauchemars de la Méditerranée. Lorsqu'en 2011, Mme Clinton a convaincu Obama d'attaquer la Libye de Kadhafi avec la France et la Grande-Bretagne, elle avait l'intention de renverser le Raïs libyen, le plus grand allié de l'Italie en Méditerranée.

Le Washington Post nous informe qu'Antony Blinken, en tant qu'adjoint de Clinton, a fortement soutenu l'intervention en Libye ainsi qu'en Syrie, se démarquant en cela des positions prises à la même époque par Biden. "C'était un interventionniste acharné", écrit le journal américain. Peut-être a-t-il changé d'avis, étant donné les ennuis que Clinton avait causés dans notre arrière-cour méditerranéenne.

Il faut rappeler que le soulèvement populaire de Benghazi en 2011 n'a été que partiellement spontané : il a été en partie organisé par les Français qui, après avoir perdu la Tunisie de Ben Ali, ont poussé vers un soulèvement déjà préparé des mois plus tôt avec Musa Kusa, le chef des services de Kadhafi qui s'est rendu à Paris en octobre 2010 pour un mois et a ensuite abandonné Kadhafi, partant en exil à Londres, d’où il avait été expulsé en 1980 comme instigateur d'assassinats politiques commis contre des opposants au régime. Il l'a même revendiqué dans une interview au Times.

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Les Français, comme l'ont révélé les dépêches du département d'Etat dirigé par Clinton à l'époque, ont été poussés à bombarder Kadhafi parce qu’ils n’admettaient pas le plan du Raïs libyen de créer une monnaie africaine qui mettrait hors jeu ou saperait sérieusement le franc CFA, géré par Paris, qui détient les réserves monétaires de treize pays africains.

Après avoir libéré Benghazi, où ont été inventés des massacres qui n'avaient jamais ressemblé aux célèbres fosses communes des plages, il a fallu des mois aux rebelles pour parvenir à Tripoli. J'étais là et je l'ai vu de mes propres yeux : sans les tapis de bombes de l'OTAN, auxquels l'Italie elle-même a participé, ils n'auraient jamais réussi. Ensuite, il y a eu l'intervention des forces spéciales britanniques: notre consul à Benghazi les a fait libérer après qu'ils aient été faits prisonniers par les factions pro-Khadafi. A Tobrouk, en effet, la population a continué à recevoir les subventions du régime. Résultat : ces interventions ont permis aux djihadistes de s'emparer de la Cyrénaïque en divisant en deux un pays qui ne s'est jamais recomposé, comme cela avait été écrit dès le premier jour. Obama lui-même, dans un entretien avec The Atlantic, a admis qu'il avait commis une erreur en intervenant en Libye parce que les Occidentaux n'avaient pas de solution politique pour remplacer le régime, comme cela s'était produit en Irak en 2003. A tel point qu'en Syrie, Obama a ensuite évité l'intervention directe (bien avant l'arrivée des Russes en 2015).

Les interventions "humanitaires" de l'Occident ont créé plus de problèmes et de morts qu'elles n'avaient imaginés. Clinton, avec Blinken, est largement responsable des catastrophes en Libye et en Méditerranée. Des témoins oculaires des réunions entre Clinton et le ministre des affaires étrangères de l'époque, Frattini, ont déclaré que la secrétaire d'État riait en expliquant à notre représentant comment ils allaient éliminer le Raïs de Tripoli. Obama lui-même, dans son dernier livre, The Promised Land, mentionne à plusieurs reprises le nouveau secrétaire d'État Blinken comme l'un des grands experts du Moyen-Orient au sein de son administration. Après tout, Obama, à part l'accord avec l'Iran, qu'il n'a pas lui-même mis en œuvre comme il aurait dû le faire, a toujours mal compris la politique étrangère.

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Il est affolant de lire dans ce volume les passages consacrés aux dirigeants étrangers (Poutine, Sarkozy, Merkel, Cameron, Erdogan) : ces lignes révèlent un mauvais leader qui ne comprend pas le monde, guidé qu’il est par des stéréotypes et des clichés. Avec Cameron et Sarkozy  -dont Obama se moque en le traitant de « coq nain »-  il a également détruit la Libye de Khadafi en laissant Clinton combiner les catastrophes au Moyen-Orient. En Syrie, c'est Clinton, accompagnée de ses conseillers, qui a voulu à tout prix la chute du régime de Bachar El-Assad, laissant Erdogan soutenir les coupeurs de gorge djihadistes du Moyen-Orient et même d'Europe, les fameux combattants étrangers qui ont inspiré les attaques sur notre continent par des partisans de l’Etat islamique.

Si, aujourd'hui, Erdogan domine en Libye, en Méditerranée orientale, en Syrie et en Azerbaïdjan, nous le devons aussi à cette politique, qui était également soutenue par les Européens à l'époque. Nous verrons ce que les Américains vont faire maintenant qu'il y a une lutte à couteaux tirés pour le pouvoir en Libye : vont-ils utiliser le Sultan de l'OTAN ici aussi ? C'est possible, voire probable. Et à propos d'interventions humanitaires : comment l'administration Biden va-t-elle traiter avec l'Égypte ? Nous laisseront-ils tranquilles, comme l'a déjà fait l'Amérique de Trump, en demandant en vain justice pour Julius Regeni ? Il est évident que c'est le cas. Il y a des dictateurs et des dictateurs. Kadhafi était indépendant et ils l'ont éliminé. Al Sisi dépend des monarchies du Golfe, les plus gros clients d'armes des Américains, et il peut faire ce qu'il veut. Et maintenant vous avez la "dream team" de Biden et une justice qui ne viendra jamais pour nous, pour les Palestiniens, pour les Kurdes, pour les réfugiés, pour tous ceux qui croient naïvement, comme l'étudiant égyptien Zaki, en un monde différent.

L’échec relatif de l’embargo alimentaire de l’Union Européenne contre la Russie

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L’échec relatif de l’embargo alimentaire de l’Union Européenne contre la Russie

« Protéger les intérêts nationaux » ; cette phrase du président russe Vladimir Poutine prononcée en 2014, se cadre dans la réponse qu’il a donné à l’Union Européenne, le Canada, les Etats-Unis, la Norvège ainsi que l’Australie en mettant en place un embargo alimentaire par décret présidentiel. Ce dernier, le décret numéro 560 relatif à l’application concrète de certaines mesures économiques spéciales, assure la sécurité de la Russie, interdit ou limite l’importation pour une durée d’un an de produits agricoles et de matières premières ou de produits alimentaires, provenant d’un pays ayant imposé des sanctions contre des entités russes et ce, suite aux sanctions économiques imposées par ces pays contre Moscou pour son rôle dans la crise en Ukraine de 2014. En effet, l’embargo européen a eu pour projet de sanctionner la Russie suite au rattachement « illégal » de la Crimée à la Russie.

Les retombées économiques d’une confrontation géopolitique

Dans un principe de réciprocité, les sanctions occidentales décidées par Moscou par décret le 7 août 2014, auxquelles s’est ajouté l’effondrement des prix des hydrocarbures ont plongé la Russie dans une profonde et longue récession depuis le début des années 2000. L’embargo a été prolongé à plusieurs reprises et fut étendu en 2015 en Albanie, à l’Islande, au Monténégro ainsi qu’au Liechtenstein, puis à l’Ukraine, répondant à la prolongation des sanctions économiques européennes.

Alors que l’Union européenne se félicite d’avoir mis en place cette sanction, le 21 avril 2015, la Commission européenne avait approuvé quarante et un nouveaux programmes de promotion des produits agricoles dans l’Union européenne, d’un montant de 130 millions d’euros comprenant 30 millions d’euros de fonds de l’Union. Dans ce rapport de force, Phil Hogan, membre de la Commission chargé de l’agriculture et du développement avait déclaré que « la promotion des produits agro-alimentaires de l’Union Européenne sur les marchés mondiaux est une réponse force et proactive à l’embargo russe ».

Les  mutations du système agricole russe

Pour autant, ce qui devait être une sanction contre la Russie s’est finalement révélée être un avantage compétitif pour le pays. En effet, au même moment où le pays de Vladimir Poutine connait une dévaluation du rouble, l’embargo alimentaire a entrainé un changement dans le marché russe. Cela s’illustre par le fait que plusieurs entreprises étrangères qui importaient en Russie ont retiré ou réduit leur part de marché. La croissance de ces dernières ont permis l’émergence de nouveaux petits producteurs nationaux (marché du fromage).

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Toutefois « contrainte » de se tourner vers d’autres marchés, la Russie s’est rapidement orientée vers l’Amérique du Sud, l’Asie ou encore l’Afrique, grâce à une campagne de soutien à l’industrie agricole grâce aux bénéfices de prêts et d’augmentation des subventions pour les agriculteurs locaux. En 2017, le ministre russe de l’Agriculture Alexandre Tkatchev (i) avait affirmé que les importations de produits étrangers avaient été divisées par deux depuis le début de l’embargo, permettant une augmentation de plus de 10% du secteur alimentaire russe.

A la fin de l’année 2018, plus de 26 milliards de dollars de produits agricoles avaient été fournis à l’étranger, plaçant la Russie en tant que première exportatrice mondiale de blé à la conquête de nouveaux marchés étrangers, le marché russe demeurant le second marché le plus important en termes d’exportations agroalimentaires de l’Union Européenne juste derrière les États-Unis, occupant la première place. L’embargo alimentaire russe a touché différents pays de l’Union, dont les pays baltes, la Finlande ainsi que la Pologne. Quant à la France, l’embargo a profondément touché le secteur de l’agriculture française qui a couté près de 8 milliards d’euros aux agriculteurs français.

Clara Lepers

Entretien avec Claudio Mutti : A propos de Julius Evola

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Entretien avec Claudio Mutti : A propos de Julius Evola

Propos recueillis par Sergio Fritz Roa (2004)

Ex : https://legio-victrix.blogspot.com

Comment avez-vous entendu parler de Julius Evola ?

J'ai lu Révolte contre le monde moderne quand j'avais dix-huit ans. J'étais un des responsables de la section italienne de Jeune Europe, une organisation dont j'étais membre à l'époque. Les animateurs de cette organisation m’ont donné un exemplaire du livre. Le pragmatisme de Jean Thiriart et sa conception machiavélique de la politique ne nous ont pas complètement satisfaits, de sorte qu'en nous, jeunes "euro-nationaux" d'il y a quarante ans, la double exigence d'une vision intégrale du monde et d'une véritable sacralisation de l'action politique est demeurée vivante. L'œuvre d'Evola représentait donc, pour moi et pour d'autres, la porte d'entrée d'une Weltanschauung fondée sur la spiritualité.

Quelle est l'importance de Julius Evola pour le monde occidental ?

Tout d'abord, il faut dissiper le malentendu que suppose inévitablement un tel syntagme ("monde occidental"). S'il est vrai que dans les siècles passés il y avait bien une "civilisation occidentale", aujourd'hui le même nom sert à désigner une Zivilisation spenglerienne qui, en plus de s'étendre sur une zone géographique beaucoup plus large, ayant son propre épicentre et son propre paradigme aux États-Unis d'Amérique, se configure comme une véritable pseudo-religion idolâtre, dont les principaux dogmes sont le Marché, les Droits de l'Homme et la Démocratie. Ainsi, l'Occident, cet Occident qui a acquis des dimensions quasi planétaires, est la manifestation la plus monstrueuse de ce que nous pouvons appeler, sur le plan de l'évolution, l'Anti-Tradition. Tant l'Europe que l'Amérique latine peuvent tirer de l'œuvre d'Evola, et de son appel à la valeur fondamentale de la Tradition, les points de référence essentiels pour leur éveil et pour une lutte cohérente contre cette "civilisation occidentale" contre-nature et anti-humaine.

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Vous avez défendu le combat controversé mené par l'auteur de La désintégration du système, Giorgio Freda, qui, pour son radicalisme révolutionnaire, a purgé une longue peine de prison. Pouvez-vous nous expliquer la raison de cette défense ?

En 1969, lorsque le phénomène de la révolte étudiante a fait croire à beaucoup que la mobilisation pour la destruction du système bourgeois avait commencé, Freda a considéré qu'il était de son devoir de s'adresser aux jeunes révolutionnaires nationaux pour qu'ils repensent les principes du véritable État. Jusqu'alors, dans l'Italie de l'après-guerre, les défenseurs de la doctrine "traditionnelle" de l'État n'avaient pas quitté le verbalisme académique et nostalgique, ni ne s'étaient lancés dans l'arène politique pour se mettre au service des arrière-gardes bourgeoises, utilisant l'évolutionnisme comme alibi pour leurs choix réactionnaires. Avec La désintégration du système, en revanche, la doctrine traditionnelle de l'État s'est présentée comme une opposition intégrale et irréductible au monde bourgeois. L'organisation même du communisme de "l'Etat populaire", théorisé par Freda, était considérée comme une thérapie d'urgence indispensable pour l'élimination de l'homo oeconomicus : un remède homéopathique pour la "restauration de l'humain" dans une Rangordnung virile (= une hiérarchisation virile). La longue persécution à laquelle Freda a été soumis, au-delà des prétextes judiciaires formels, s'explique précisément par son engagement radical en tant que soldat politique. J'ai donc estimé qu'il était de mon devoir de prendre des mesures de solidarité militante.

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Vasile Lovinescu.

Le rapprochement entre des écrivains purement traditionalistes (Guénon, Lovinescu, Valsan, etc.) et quelques personnalités plutôt politiques ou "métapolitiques" (Evola, Codreanu, Wirth) a été une constante dans son œuvre. Cependant, alors que les premiers proposent une lutte interne, c'est-à-dire le Grand Jihad, les seconds semblent perdus dans l'éventualité d'une bataille externe... Quelle est votre opinion à ce sujet ?

Dans le contexte de l'évolution, la doctrine de la "Petite et Grande Guerre Sainte" occupe une place très importante. En affirmant une telle doctrine, qui est désignée par une expression extraite de la terminologie islamique (Al-jihad al-akbar, Al-jihad al-asghar), Evola reprend le concept d'action qui caractérise toute vision traditionnelle : l'action se trouve "selon l'ordre" lorsqu'elle est consacrée rituellement et devient un chemin d'accomplissement spirituel. L'approche dont vous parlez correspond donc à une complémentarité : ceux que vous définissez comme des "écrivains purement traditionalistes" nous fournissent les indications nécessaires pour comprendre, tandis que les personnalités politiques ou métapolitiques représentent une action politique ou culturelle à un niveau qui n'est nullement celui de la pure contingence.

Vous êtes éditeur et dirigez la maison d’édition "All'insegna del Veltro", qui a publié des documents d'une grande valeur spirituelle et métapolitique. Quels sont les nouveaux ouvrages que vous avez l'intention de publier ? Quels sont vos projets à cet égard ?

La maison d’édition "All'insegna del Veltro" a publié cent livres depuis 1978. Cette année, une nouvelle collection éditoriale a été inaugurée, dans laquelle des œuvres géopolitiques d'auteurs "classiques" et contemporains seront accueillies. Les deux premiers textes, de Haushofer, seront suivis d'une conférence d'Omar Amin von Leers, d'un volume avec des écrits de différents auteurs sur la Turquie, de divers écrits de Jean Thiriart, etc. Un autre livre de Bèla Hamvas (1897-1968), un écrivain hongrois qui, bien que largement lu et apprécié dans sa patrie, était complètement inconnu en Italie jusqu'à il y a quelques années, lorsque notre maison d’édition "All'insegna del Veltro" a publié Scientia Sacra, une de ses œuvres qui peut être dignement incluse parmi les chefs-d'œuvre du "traditionalisme intégral".

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Bela Hamvas.

Vous avez publié le livre de Vasile Lovinescu, qui correspondait avec Guénon et était un disciple de Schuon, intitulé La Dacia Iperborea. Il a également abordé le thème de l'influence d'Evola sur le "front de l'Est" (Roumanie, Hongrie, etc.) et a écrit un livre sur les auteurs traditionalistes roumains (Vâlsan, Lovinescu, etc.). Pourquoi vous intéressez-vous tant à la Roumanie ?

Cet intérêt est né, il y a de nombreuses années, lorsque j'ai découvert la merveilleuse figure de Corneliu Codreanu. Qu'est-ce qui a rendu possible un phénomène comme celui du « légionnaire » dans l'Europe du XXe siècle ? A partir de ce questionnement, des recherches ont été lancées qui m'ont amené à découvrir la réalité d'un pays qui, pour reprendre une expression circulant en Roumanie, est "le plus guénonien du monde". Vasile Lovinescu, en particulier, représente précisément cette complémentarité de contemplation et d'action dont il vient de parler : il était muqqadim d'un ordre initiatique du soufisme, il était le maire légionnaire de sa ville. D'un autre auteur roumain, Mihai Marinescu, j’ai traduit le texte d'une conférence sur "Dracula dans la tradition roumaine" qu'il a donnée à Santiago du Chili et qui a été organisée par l'éditeur "Bajo los Hielos". Il n'est donc pas nécessaire que je m'étende en vous expliquant le riche patrimoine traditionnel qui a été conservé en Roumanie jusqu'à ce jour.

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La pathologisation de la dissidence

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La pathologisation de la dissidence

par Enrica Perucchietti

Source : Comedonchisciotte & https://www.ariannaeditrice.it

Aldous Huxley : une méthode pharmacologique pour "tordre" l'esprit des citoyens

962fd65629efc2b06feb12c2ea51ec81.jpg"Je crois que les oligarchies trouveront des moyens plus efficaces de gouverner et de satisfaire leur soif de pouvoir et seront semblables à celles décrites dans Brave New World (= Le meilleur des mondes)".

Dans une lettre datée du 21 octobre 1949, l'écrivain Aldous Huxley écrit à George Orwell que, dans un avenir proche, le pouvoir va bientôt mettre en œuvre la révolution ultime : « amener les gens à aimer leur état d'esclavage ».

Huxley était convaincu que les dirigeants opteraient pour la forme "douce" de dictature, car ils trouveraient dans l'hypnotisme, le conditionnement enfantin et les méthodes pharmacologiques de la psychiatrie une arme décisive pour faire plier les esprits et la volonté des masses. Une hypothèse que le romancier anglais a confirmée en 1958 dans son essai Le meilleur des mondes revisité.

En 1932, Huxley lui-même avait placé son chef-d'œuvre dystopique, Brave New World, dans un monde global pacifique où une drogue d'État, le soma, contrôle l'humeur des citoyens.

Dans la dystopie de Huxley, il n'y a pas de place pour les émotions fortes, l'amour, la haine ou la dissidence. Il n'y a pas de place pour l'intuition, l'art, la poésie, la famille.

Les gens en sont venus à aimer leurs chaînes parce qu'ils ont été manipulés avant la naissance par l'eugénisme et, à l'âge adulte, ils sont totalement dépersonnalisés et manipulés au fond d'eux-mêmes.

De cette façon, aucune forme de rébellion n'est possible. Et le pouvoir a atteint son but : faire en sorte que les citoyens ne se donnent pas la peine de contester ou de se révolter.

En fait, pour créer une société apparemment parfaite et pacifique, il faut contrôler, voire annihiler, effacer les émotions, ce qui fait des citoyens des zombies.

La pathologisation de la dissidence

La création d'une sorte de "terreur sanitaire" est en train de devenir le point de mire pour déstabiliser les libertés individuelles et resserrer les mailles du contrôle social.

fake-news-n-e-4d.jpgComme un monstre dans l'édition augmentée et mise à jour de mon livre intitulé Fake news (Arianna Editrice), les cas de censure, de boycott et d'attaques de plus en plus impitoyables contre l'information indépendante deviennent quotidiens.

Nous devons nous demander si la biosécurité ne nous conduit pas vers une dictature de la santé et si nous n'essayons pas de pathologiser la dissidence afin d'intervenir de manière forcée et de créer un dangereux précédent : traiter et hospitaliser les dissidents.

Dans la société du politiquement correct, ceux qui ne s'alignent pas sur la pensée unique ont longtemps été dénigrés, persécutés et marqués d’étiquettes différentes et toujours dénigrantes, afin d'encadrer la dissidence ; aujourd'hui, cependant, à côté de ce travail capillaire de discrédit, il y a la tentative de traiter les dissidents afin de les remettre sur la bonne voie et de pouvoir les accueillir à nouveau dans la société.

L'année dernière, nous avons été témoins de précédents inquiétants, de la création de la nouvelle expression "souveraineté psychique" (1), proposée par un chercheur de l'Institut Italien de Technologie d'utiliser des décharges électriques ou magnétiques pour influencer le cerveau et guérir les stéréotypes et les préjugés sociaux. (2)

Galimberti pense que les négationnistes sont "fous"

Le dernier exemple, par ordre chronologique, de pathologisation de la dissidence sont les déclarations du philosophe Umberto Galimberti qui, animateur de l'émission Atlantis sur La7, (3) a assimilé les négateurs du Covid à des fous :

Voici les propos de Galimberti : "Les négationnistes ont peur de la peur. Plus que la peur, ils ressentent l'angoisse. Ils perdent les points de référence. Et ils vont jusqu'à être délirants. Le négationnisme est une forme d'endiguement de l'angoisse [...]. Il n'est pas facile de raisonner avec les fous. Peut-on persuader ceux qui nient la réalité que la réalité est différente ? Très difficilement".

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Ses positions étranges ne sont pas isolées : ces derniers mois, l'opinion publique a tenté de l'amener à soutenir l'égalisation entre les négationnistes (mais aussi les conspirateurs et les « NON vax », hostiles aux vaccins) et les fous, qui devraient donc suivre un traitement psychiatrique afin d'être acceptés à nouveau dans la société.

A la lumière des cas de Tso à Dario Musso (4) et de l'avocate de Heidelberg, Beate Bahner, très critique à l'égard des mesures prises par le gouvernement pour la quarantaine par Coronavirus, (5) la tentative de psychiatrie des dissidents devrait soulever l'indignation non seulement des initiés, mais de la population.

Le problème sous-jacent est que, sous l'étiquette désobligeante de "dénigreur" mais aussi de "conspirationniste", tombe toute personne qui critique la version officielle de la fiction grand public ou se permet de ne pas être d'accord avec les mesures gouvernementales basées sur le biopouvoir.

Guérir la dissidence

Nous sommes confrontés à une attitude paternaliste, autoritaire et scientifique du pouvoir qui vise à obtenir l'obéissance aveugle des citoyens et, s'ils refusent de se soumettre sans critique, à corriger leur comportement et leur pensée par la psychiatrie ou la technologie.

Le totalitarisme des bons sentiments ("bons" seulement en apparence) a ses chiens de garde prêts à ramener dans le giron toute personne qui n'est pas d'accord ou qui ose exprimer publiquement ses doutes. Aujourd'hui, le psychopolitisme semble prêt à élaborer de nouveaux instruments dignes d'une psychodictature.

Elle veut neutraliser la conscience critique et censurer toute forme de dissidence. Ceux qui sont en désaccord doivent être censurés, ils doivent avoir honte non seulement de ce qu'ils ont dit, mais aussi de ce qu'ils ont "osé" penser.

Ils ne peuvent donc être acceptés de nouveau dans la communauté que s'ils s'humilient, demandent publiquement pardon et suivent un traitement psychiatrique afin de se remettre d'une maladie que le totalitarisme progressif espère guérir : penser librement et de manière critique.

dimanche, 29 novembre 2020

»Armin Mohler – Denkweg eines Nominalisten « Erik Lehnert und Götz Kubitschek im Livestream

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»Armin Mohler – Denkweg eines Nominalisten « Erik Lehnert und Götz Kubitschek im Livestream

 
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Pierre Le Vigan : « Notre-Dame ne doit pas subir le dévergondage narcissique de pseudo artistes »

 

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Pierre Le Vigan : « Notre-Dame ne doit pas subir le dévergondage narcissique de pseudo artistes »
 
Entretien
Ex:https://frontpopulaire.fr

Pierre Le Vigan est urbaniste et essayiste. Intellectuel pluridisciplinaire, il a écrit de nombreux ouvrages de philosophie et collabore à de nombreuses revues de débat d’idées. On lui doit notamment Métamorphoses de la ville chez La Barque d’Or (2020). Nous l’avons interrogé sur les derniers débats autour de la restauration de Notre-Dame de Paris.

Front Populaire : L’académicien Jean-Marie Rouart a signé cette semaine une tribune pour critiquer les nouveaux projets d’arts contemporains à l’étude concernant notamment les vitraux de Notre-Dame de Paris. Que pensez-vous de cette volonté réitérée de vouloir insérer des éléments contemporains dans la reconstruction de la cathédrale ?

Pierre Le Vigan : M. Macron avait évoqué à propos de la flèche de Notre-Dame la possibilité d’un « geste architectural contemporain » (sic), autrement dit une reconstruction aucunement à l’identique. Or, cette flèche de Notre-Dame avait existé du 13ème au 18ème siècle, avant d’être reconstruite par Eugène Viollet-Le-Duc, au début des années 1840. Ce projet incongru parait abandonné. On échappera sans doute à un toit terrasse (avec un fast food peut-être ?), ou à un jardin suspendu… Mais voilà que Mgr Aupetit, archevêque de Paris, voudrait remplacer les vitraux par des œuvres « contemporaines » et mettre un mobilier « moderne » le tout accompagné d’un « parcours lumineux ». Jean-Marie Rouart a raison de s’en inquiéter. La proposition de Mgr Aupetit consiste à accentuer la muséification de la cathédrale. Les autorités de l’Eglise sont donc prêtes à prostituer le patrimoine français, qui n’est pas seulement celui de la chrétienté, au service de l’idéologie touristique de la « ville-monde » – c’est-à-dire défrancisée – chère à Mme Hidalgo. Or, c’est en demeurant soi-même que l’on apporte quelque chose à autrui et que l’on acquiert une dimension universelle.

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FP : Le projet de Mgr Aupetit implique de détruire une partie de l’héritage de Viollet Le Duc (les « grisailles »). Ce projet a-t-il des chances d’aboutir ?

PLV : Les « grisailles » sont théoriquement des vitraux conçus avec différentes variations de ton gris. Elles sont en fait de différentes couleurs à Notre-Dame. Le projet de M. Aupetit consiste à mettre au rencart ce que l’incendie a épargné pour le remplacer par des œuvres contemporaines. C’est contraire à la Charte internationale de Venise de 1964 qui normalement oblige à restaurer un monument « dans le dernier état connu ». La restauration d’un monument, nous dit la Charte, « a pour but de conserver et de révéler les valeurs esthétiques et historiques du monument et se fonde sur le respect de la substance ancienne et de documents authentiques ». La Charte de Venise de 1964 a été complétée par la Charte de Cracovie de 2000 qui insiste sur la nécessité, dans tout travail de restauration, de la « compréhension globale du monument ». Même si ces textes engagent la France, et même si l’actuel ministre de la culture, Mme Bachelot, semble hostile au remplacement des vitraux, la seule vraie garantie que des innovations modernistes ne dénatureront pas Notre-Dame, c’est un rapport de force idéologique et culturel.

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FP : Le directeur de La Tribune de l’art, Didier Rykner, a qualifié récemment cette tentative de mise au goût du jour de « vandalisme » et de « délire postmoderne ». Qu’en pensez-vous ?

PLV : Je partage son point de vue. Il faut respecter la cohérence d’un monument. Ce que je n’exclus pas, par contre, c’est la juxtaposition, à côté d’un bâtiment ancien, de bâtiments modernes. Ainsi, le bâtiment moderne des archives municipales, à côté de la basilique de Saint Denis, ne me parait pas du tout déplacé. On trouve aussi, à Francfort sur le Main, des tours modernes et élégantes à côté de bâtiments anciens restaurés, le tout avec un alignement de rue respecté, et cet ensemble est parfaitement réussi.

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FP : La polémique sur une potentielle reconstruction à l’identique/contemporaine de Notre-Dame dure depuis plus d’un an. Sommes-nous face à une nouvelle querelle des Anciens et des Modernes ? Si oui, quels en sont les enjeux ?

PLV : Une reconstruction doit être fidèle à la cohérence d’ensemble du monument. Cela peut amener à une reconstruction pas totalement à l’identique dans certains cas, notamment quand le monument a lui-même connu des transformations qui n’avait pas forcement renforcé son identité propre. Ainsi, la plupart des vitraux de la cathédrale de Nevers, touchée en 1944 par des bombardements, n’ont pas été restaurés à l’identique sans que cela soit forcément une mauvaise chose. Ils n’étaient pas très anciens et ne présentaient pas une qualité particulière. Je suis ici d’accord avec Jean de Loisy (ndlr : critique d’art et spécialiste de l’art moderne et contemporain). A Notre-Dame, il faut sauver à la fois un patrimoine médiéval et un patrimoine du 19ème siècle. Il faut assumer le style néogothique de Viollet-Le-Duc qui est un mouvement artistique tout à fait estimable. Surtout, les vitraux, qu’ils soient d’Alfred Gérente, d’Edouard Didron, ou, plus anciens, de Guillaume Brice, n’ont aucunement besoin d’être remplacés par des « gestes » contemporains qui ont vocation à trouver d’autres lieux d’expression. Plutôt que de choix entre Anciens et Modernes, je parle de beauté durable opposée aux effets de mode.

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FP : Plus d’un français sur deux est favorable à une reconstruction à l’identique de la cathédrale. Comment interprétez-vous cette volonté « conservatrice » des Français ?

PLV : Les Français n’en peuvent plus de la déconstruction de tout : notre art, la famille, la représentation de nous-mêmes par notre histoire. Les Français, comme tous les peuples du monde, veulent, et ont besoin, de sécurité, et notamment de sécurité culturelle. Nous ne voulons pas d’une vie hors-sol. Cela implique une certaine permanence de soi, et le fait d’assumer son histoire. La reconstruction à l’identique fait partie de ces attentes des Français. Ils ont assez vu d’extravagances de mauvais gout, notamment à Versailles ces dernières années et ailleurs, pour avoir envie de sobriété et de persistance dans le bon goût. Nous n’avons pas envie de subir à grand frais du contribuable l’enlaidissement de notre patrimoine par le dévergondage narcissique de pseudo artistes.

FP : La cathédrale Notre-Dame de Paris est-elle le monument emblématique de Paris selon vous ? Quelle place occupe-t-elle dans l’histoire urbanistique de la ville de Paris ?

PLV : Notre-Dame est en tout cas le monument le plus visité de la capitale. C’est le centre géographique de Paris, et ainsi de la France, compte tenu de notre tradition centraliste, qu’on la déplore ou pas. La symbolique de Notre-Dame est très forte. Ceci étant, à titre personnel, le monument parisien que je préfère n’est pas Notre-Dame, mais l’hôtel des Invalides.

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FP : Selon votre œil d’urbaniste, quel rôle jouent les vieux monuments historiques dans nos villes mondialisées promises à des avenirs de « smart city » ? Ont-ils un rôle civilisationnel ?

PLV : Les « smart cities » ou « villes intelligentes » ne sont pas autre chose que des villes muséifiées et tertiarisées pour « bobos » hyper-connectés. Il n’y a pas de place pour des monuments autres que muséifiés dans ces villes. Si l’avenir est à la poursuite de la déconstruction des peuples – ce qui est à craindre -, les villes « intelligentes » ont de l’avenir. Si l’avenir est au réenracinement, il faudra inventer un autre type de ville, sortir de la muséification, du tourisme de masse, et réhabiter les monuments qui ont fait notre histoire et sont, à ce titre, partie intégrante de ce que nous sommes.

 

L'économie en tant qu'idéologie : la racine de tous les maux

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L'économie en tant qu'idéologie : la racine de tous les maux

par Roberto Bonuglia

Ex: https://legio-victrix.blogspot.com

« Le développement économique est devenu une fin en soi, déconnectée de toute finalité sociale ». Bernard Perret et Guy Roustang l'ont écrit dans L'économie contre la société. Face à la crise de l'intégration sociale et culturelle (Paris, Editions du Seuil, 1993). Aujourd'hui comme hier, c'est une déclaration plus que partageable, visant à avertir que l'économie devient de plus en plus une "fin" plutôt qu'un "moyen".

En fait, il suffit de regarder en arrière dans un sens chronologique : en trente ans de mondialisation, l'économie est devenue bien plus qu'une "forme de connaissance de certains phénomènes sociaux". Elle est devenue une "technique économique", s'éloignant à des années-lumière des postulats classiques de ce qui était précisément l'économie "politique".

Dans la société standardisée du troisième millénaire, la logique économique est devenue la mentalité réelle et prédominante qui a fini par guider les relations sociales, uniformisant le bon sens, marginalisant la morale et toutes les formes sociales.

La combinaison de la mondialisation et du néolibéralisme a transformé l'économie en une idéologie. En fait, elle a perdu sa vocation originale et naturelle de traiter du "problème du déplacement des ressources" pour devenir une logique de gestion d'entreprise. Elle a ainsi dangereusement évolué vers une vision univoque du monde et une technique de contrôle et de domination.

« L'économie comme idéologie » peut donc être définie comme la prétention de l'économie à exercer une domination sur la culture et la politique, en leur imposant sa façon de "penser la réalité". Cela pourrait avoir des conséquences qui pourraient être "freinées" tant que la société reste un ensemble relativement homogène avec un fort contenu communautaire. Mais les migrations internes au sein du "village global" et l'aliénation technologique ont "libéré" le contenu idéologique présent - dès le début - dans les théories économiques du conditionnement des faits et des limites imposées par le social.

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C'est pourquoi, comme l'écrit Jean Baudrillard dans La transparence du mal (Paris, Editions Galilée, 1990), l'économie - après la chute du mur de Berlin - est entrée dans "sa phase esthétique et délirante" et est devenue le véhicule des idéologies qui se sont combattues entre elles pendant la "guerre froide" ; elle est devenue elle-même "idéologie", construisant sa propre philosophie sociale, se donnant, en quelque sorte, un vêtement normatif.

L'économie est ainsi passée de la sphère privée à la sphère publique et s'est donné pour tâche de baliser le chemin pour répondre par la force aux attentes du monde globalisé. Toutes ces réponses ont subi un changement radical dans la nature des relations sociales, à travers cette "objectivation de l'échange" - comme l'a dit Simmel - qui élimine d'un coup de ciseaux toute composante émotionnelle ou instinctive de ces relations, en prescrivant qu'elles doivent être organisées pour donner à la réalité une structure stable et à la mutation une direction prévisible : ce qui se passe dans notre société "grâce" au Covid-19. Celui-ci est le test décisif de cette mutation génétique de l'économie qui bascule dans l'idéologie.

Nous avons été témoins - distraits plutôt qu'impuissants - de l'économie comme technique économique qui a remplacé sans hâte mais sans repos l'économie comme forme de connaissance d'un des aspects de la société. Cela a donné naissance à un pouvoir incontrôlé et à un mode de vie basé uniquement sur l'intérêt et le calcul qui a inévitablement déchiré les bases du lien social.

L'élément émotionnel et "pré-rationnel" de la vie individuelle a été éradiqué et nous nous retrouvons aujourd'hui avec des racines coupées : le désert culturel, la socialisation de la culture, la liquidation de toute la culture de la tradition humaniste ne sont que quelques-uns des effets les plus dévastateurs du processus de déconstruction et de reconstruction du monde globalisé de ces trente dernières années.

Aujourd'hui plus que jamais, nous avons donc nécessairement besoin d'une pensée forte et alternative à ce schéma imposé par la contrainte, qui sache retrouver le sens de notre histoire, l'histoire de la culture moderne. Un sens lié - comme il l'a toujours été et de manière indissoluble - à la libération des limites, imposées par le présentisme, dans lesquelles la mentalité économique du néolibéralisme globalisant et la rationalité instrumentale nous ont enfermés. Une route qui est certes ascendante, mais la seule à pouvoir être prise et empruntée.

Ré-apprendre à montrer les dents...

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Ré-apprendre à montrer les dents...
 
par Caroline Galactéros
Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com

Nous reproduisons ci-dessus un point de vue de Caroline Galactéros, cueilli sur Geopragma et consacré à l'absence de vision de notre politique étrangère.

Docteur en science politique, Caroline Galactéros est l'auteur de  Manières du monde, manières de guerre (Nuvis, 2013) et de Vers un nouveau Yalta (Sigest, 2019). Elle a créé en 2017, avec Hervé Juvin, entre autres, Geopragma qui veut être un pôle français de géopolitique réaliste.

A la recherche du temps perdu

La logique du temps court, a-stratégique par essence, et plus encore l’incapacité manifeste ou le refus de nos gouvernants de la contrer en adoptant enfin une démarche stratégique donc anticipative, plongent l’Europe et bien sûr notre pays dans une cécité dramatique pour le futur de notre positionnement sur la carte du monde. 

Tandis qu’à Paris, on se passionne pour les péripéties comico-tragiques de l’élection américaine (alors même que la politique étrangère de notre « Grand allié » ne changera qu’à la marge avec la nouvelle Administration), tandis que devient flagrante notre marginalisation de nombre de négociations et médiations internationales (Caucase du sud, Syrie, Liban, Libye, Yémen), bref, tandis que la France disparaît diplomatiquement par excès de suivisme et inconséquence, incapable de penser par elle-même le monde tel qu’il est, d’autres exploitent magistralement ce flottement prolongé. Et il est à craindre qu’il ne suffise pas pour rétablir notre rang et préserver nos intérêts, d’exposer une prétendue « doctrine en matière internationale » sur le site d’un réseau social ami, dans une conversation courtoise sur l’air du temps, en brodant avec talent sur des lieux communs (il faut coopérer, s’entendre, être plus libres, etc…) et des inflexions souhaitables de la marche du monde. Une « doctrine » de chien d’aveugle, réduite à une promenade au hasard dans le grand désordre mondial, et qui fantasme le positionnement de la France – étoile polaire définitive en termes de « valeurs » universelles (sans même voir que plus personne ne supporte nos leçons) – autour d’enjeux n’ayant quasiment rien à voir avec le concret de l’affrontement stratégique actuel et futur. Discourir sur la biodiversité, le changement climatique, la transformation numérique et la lutte contre les inégalités (sic), est certes important. Mais ce n’est pas le climat qui va nous rendre notre puissance enfuie et notre influence en miettes ! Qui peut le croire ?! 

Koucher-111207_(cropped).jpgC’est surtout une diversion ahurissante par rapport à l’impératif de projeter son regard sur le planisphère, de définir ce que l’on veut y faire, région par région, pays par pays, d’en déduire des priorités, des lignes d’efforts thématiques et d’y affecter des moyens et des hommes. Cela rappelle de manière angoissante la réduction de notre politique étrangère à de l’action humanitaire depuis 2007 (avec B. Kouchner comme ministre) puis à de la « diplomatie économique » sous Laurent Fabius. Résultat : les désastres de nos interventions en Libye et en Syrie, un suivisme stratégique suicidaire, une décrédibilisation de la parole et de la signature françaises sans précédent. Il semble bien que la nouvelle martingale soit désormais « la diplomatie environnementale », mantra d’une action diplomatique dénaturée et d’une France en perdition stratégique. Au nom du réalisme bien sûr, alors que c’est au contraire notre irréalisme abyssal et notre dogmatisme moralisateur indécrottable qui nous privent de tout ressort en la matière. On est piégés comme des rats dans un universalisme béat et on refuse d’admettre le changement de paradigme international et la marginalisation patente de l’Occident, lui-même à la peine et divisé. 

Pendant ce temps, B. Netanyahu se rend en Arabie Saoudite (ce qui n’est pas du tout une bonne nouvelle pour l’Iran), la France fait la leçon au Liban et s’étonne d’être rabrouée puis marginalisée là encore, la Russie et la Turquie s’entendent dans le Caucase du sud et renvoient le Groupe de Minsk à ses stériles palabres, Moscou s’installe au Soudan, l’Allemagne s’affirme en chouchou européen de Washington et se tait face aux provocations de la Turquie…à moins qu’elle ne redécouvre son atavique et inquiétante inclinaison pour l’Ottoman, etc.

Bref, les rapports de force se structurent à grande vitesse sans nous et même à nos dépens. Mais on n’en parle pas. Non par honte ou rage d’avoir été naïfs, dupes ou incapables de créativité diplomatique. Non. Juste parce qu’on a déjà renoncé à compter et que cela ne doit juste pas se voir. Et, tels certains responsables administratifs furieux de recevoir des informations démontant leurs partis pris, on les passe à la déchiqueteuse ! On les fait disparaître purement et simplement du champ du réel politique et médiatique. On ne veut surtout pas savoir que nous ne comptons plus ! Encore moins que les Français s’en aperçoivent. 

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Ainsi, la signature le 15 novembre, à l’initiative de Pékin, du RCEP (Regional Comprehensive Economic Partnership) par quinze pays d’Asie constitue une bascule stratégique colossale et inquiétante dont ni les médias ni les politiques français ne pipent mot. Voilà le plus grand accord de libre-échange du monde (30 % de la population mondiale et 30 % du PIB mondial) conclu entre la Chine et les dix membres de l’ASEAN (Brunei, la Birmanie, le Cambodge, l’Indonésie, le Laos, la Malaisie, les Philippines, Singapour, la Thaïlande et le Vietnam), auxquels s’ajoutent quatre autres puissantes économies de la région : le Japon, la Corée du Sud, la Nouvelle-Zélande et l’Australie. Cette nouvelle zone commerciale se superpose en partie au TPP (Trans-Pacific Partnership) conclu en 2018 entre le Mexique, le Chili, le Pérou et sept pays déjà membres du RCEP : l’Australie, la Nouvelle-Zélande, Brunei, le Japon, la Malaisie, Singapour et le Vietnam. Ainsi se révèle et s’impose soudainement une contre manœuvre offensive magistrale de Pékin face à Washington (les Etats-Unis s’étaient follement retirés du projet TPP en 2017). Mais chut ! Où est l’UE là-dedans ? Nulle part ! Même l’accord commercial conclu en juin 2019 entre l’Union européenne et le Mercosur doit encore être ratifié par ses 27 parlements… Le Moyen-Orient et l’Afrique eux sont clairement vus comme des territoires ouverts à toutes les prédations de ce mastodonte commercial en formation. Seule la Grande Bretagne, libérée de l’UE grâce au Brexit, en profitera car elle vient habilement de sa rapprocher du Japon signataire du RCEP et du TPP…

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Pendant ce temps, la France plonge dans une diplomatie décidément calamiteuse qui l’isole et la déconsidère partout. Elle vient d’abandonner le Franc CFA pour complaire au discours débilitant sur la repentance et les affres de la Françafrique. On expie. On ne sait pas quoi à vrai dire. Mais on s’y soumet et on laisse la place à Pékin, Washington, Moscou et même Ankara. Il ne sert à rien de geindre sur l’entrisme de ceux-là en Afrique quand on leur pave ainsi la voie. Il faudrait vraiment arrêter avec « le sanglot de l’homme blanc ». Il faut refondre notre diplomatie et aussi d’ailleurs nombre de nos diplomates au parcours brillant mais incapables de sortir d’un prêt-à-penser pavlovien (anti russe, anti iranien, anti syrien, anti turc même !) qui nous paralyse et nous expulse du jeu. Il faut enfin apprendre à répondre à l’offense ou à la provocation, et à ne pas juste se coucher dès que l’on aboie ou que l’on n’apprécie pas nos avancées souvent maladroites mais aussi parfois outrageuses. Tendre l’autre joue a ses limites. Mais évidemment pour être pris au sérieux, il ne faut pas toujours « calmer le jeu ». Il montrer les dents avec des « munitions », donc une vision et une volonté.

Caroline Galactéros (Geopragma, 23 novembre 2020)

L’intelligence culturelle au cœur de la guerre informationnelle menée par la Turquie

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L’intelligence culturelle au cœur de la guerre informationnelle menée par la Turquie

Grande civilisation, avec une longue histoire, la Turquie essaie de retrouver sa place sur la scène internationale au milieu des puissances mondiales. Pour se faire, elle tente de capter l’attention médiatique : en s’appuyant sur son soft-power, en éliminant les divergences d’intérêt avec les voisins, dans le cadre de son influence extérieure, mais également par des provocations de plus en plus incisives cherchant à imposer l’image d’une Turquie puissante au-delà.

« Étendu des frontières des Balkans jusqu’à celles de la Hongrie, l’Empire Ottoman s’est depuis longtemps astreint à mettre en place des relais de communication lui permettant de maintenir son autorité sur l’immensité de son territoire ».

La tradition ottomane de communiquer en interne et en externe 

Bon communicant interne, mais aussi, ouvert sur l’occident, l’Empire Ottoman, s’est nourri des échanges avec ses voisins i. La Turquie connaît ses voisins, connaît l’Occident. L’un et l’autre se côtoient depuis un temps long, s’admirent et collaborent parfois, se toisent souvent, se jaugent toujours. La Turquie s’est forgé une identité sur la scène internationale, par la maîtrise de sa politique et de sa communication. Mais à l’intérieur de ses frontières aussi, elle travaille son image.

En politique intérieure, l’histoire est utilisée comme une mission politique, idéologique afin de modeler la nation et les citoyens. Les manuels scolaires et les médias sont les outils parfaits pour transmettre cette histoire turco-islamique surtout ottomane et qui a mis de côté le passé hittite, sumérien voire étrusque, son passé Perse, avec le règne des Achéménides (1ère moitié du Vème siècle avant J.C.) et Grecs (Alexandre le Grand, 323 av J.C.). Le premier de ces deux empires fut un modèle de stabilité, le second un modèle de rapidité mais aussi le plus grand, de la Méditerranée à l’Inde. Et puis l’Empire Romain, l’Empire Byzantin.

En somme la Turquie est toujours au cœur des empires de l’Antiquité. Les Turcs émergent par la suite dans la veine de l’expansion de l’Islam, qui est aussi une forme d’empire politico-religieux, comme ses prédécesseurs. La politique est cependant cette fois-ci au service de la religion. Ce petit détour purement historique est particulièrement important pour comprendre les grilles de lecture utilisées aujourd’hui par la Turquie dans ses stratégies informationnelles.

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La culture, une arme au service de la politique turque

La prise de conscience de l’outil culturel, comme facteur d’influence, n’est pas récente. A titre d’exemple, en 1968, le Président tunisien Habib Bourguiba avait voulu lors d’une visite privée se recueillir sur la tombe d’Hannibal Barca, grande figure historique militaire et politique. Pour éviter de présenter une sépulture mal entretenue, les Turcs pris qui n’avaient pas anticipé la demande, avaient organisé une visite de substitution et invité le président Bourguiba à se recueillir sur un simple monticule laissé à l’abandon. Cette visite provoqua une immense déception et une vive réaction du Président Habib Bourguiba. Les Turcs avaient failli, ils retinrent cette leçon, construisirent un mausolée pour honorer ce héros, et débutèrent ainsi leur stratégie d’influence culturelle.ii

Sur le plan de la politique extérieure, la Turquie a toujours entretenu de bonnes relations avec les pays ayant un passé commun, en particulier avec le Maghreb. L’Histoire et l’identité religieuse sont des points communs qui permettent de maintenir des liens forts. Dans ce contexte historique liant culture et religion. Cette stratégie de positionnement extérieur est pilotée en grande partie par l’agence turque de développement et de coopération (TIKA), qui dispose de deux sous directions : une chargée de l’ensemble des sujets relevant du développement économique et l’autre œuvrant sur le volet social et culturel. Le chef du Millî İstihbarat Teşkilatı (MIT), le service de renseignement turque, Hakan Fidan a dirigé l’agence pendant quatre ans.iii

La Turquie a, très souvent, privilégié le média télévisuel pour affirmer sa puissance culturelle avec la production et diffusion de nombreuses séries et films. Elle a d’ailleurs détrôné l’Égypte particulièrement aguerrie dans ce domaine. La Turquie entre dans le top 5 des exportateurs de séries télévisées au monde après les États-Unis. Ses séries sont visionnées dans plus de 150 pays.

L’instrumentalisation turque de l’idéologie par l’islam et l’argument néocolonial 

L’activité mémorielle est très complexe en Algérie, pays dont la construction nationale est en grande partie fondée sur la guerre de libération contre la France. Celle-ci s’adosse à une opposition à la France entretenue par l’éducation et le discours national, encore ancrée chez certains dirigeants qui ont connu les évènements de 1962. La disparition de cette opposition pourrait placer cette construction face à une forme de vide dont la Turquie a saisi l’enjeu pour asseoir son influence au détriment de la France.

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En Algérie, la TIKA forge cette alliance grâce aux nombreux projets  notamment ceux liés à la restauration de vestiges historiques de la période ottomane, (mosquées, palais,…) qu’elle finance intégralement. La restauration de la mosquée Ketchaoua est un exemple  (budget de 7 millions d’euros) pour lequel l’épouse du Président turc n’a pas hésité à poser dans la presse pour en faire la promotion. Le but étant de valoriser un patrimoine historique rappelant la grande période ottomane. De nombreux projets sont également réalisés à proximité des quartiers populaires afin de séduire ces populations.

A l’aube du soixantième anniversaire de l’indépendance de l’Algérie, inscrit dans l’agenda politique de la France et de l’Algérie, la Turquie n’a pas hésité à mettre sur les ondes une chanson datée de 1830 nommée « Czayir » (Djazaîr) « Les graines de la moisson d’Algérie se répandent dans l’air, s’éparpillent aux quatre vents, Algérie ma mère, Algérie mon amour ». Les paroles sont teintes d’une nostalgie qui trahit le passé colonialiste de la Turquie dont les dirigeants actuels paraissent vouloir utiliser pour redonner à Constantinople son lustre d’antan.

En février 2020, toujours en lien avec le passé historique, le président Recep Tayyip Erdogan a annoncé à la presse que le président algérien Abdelmajid Tebboune lui aurait confié que « les Français ont massacré plus de 5 millions d’Algériens en 130 ans ». La Turquie a demandé à l’Algérie de partager des documents historiques sur les atrocités commises par les Français. Le président turc a également déclaré qu’une autre ancienne colonie française, le Sénégal, n’avait pas une vision positive de la France.

Plus directement, lors de la visite du président Emmanuel Macron au Liban après l’explosion du 04 août 2020 à Beyrouth, Recep Tayyip Erdogan, lors d’un discours à Ankara, a annoncé : « Ce que Macron et compagnie veulent, c’est rétablir l’ordre colonial (au Liban) ». Le poids de ces mots, fortement connotés idéologiquement, est un message direct aux anciennes puissances coloniales.

 La doctrine idéologique religieuse au cœur de la stratégie d’influence

Les discours de plus en plus agressifs envers la France, ont conduit à une riposte sur le plan informationnel du président Emmanuel Macron notamment lors du discours prononcé aux Mureaux le 2 octobre 2020: « on ne peut pas avoir les lois de la Turquie en France », « La nécessité de libérer l’islam en France des influences étrangères ». « Il sera mis fin au système des imams détachés ».

La stratégie de communication sur le plan idéologique constitue une lutte contre la laïcité, contre « l’islamophobie » des « colonialistes », qui devient l’argument utile à la séduction des populations de confession musulmane en leur faisant admettre le néo-colonialisme ottoman au nom de l’anticolonialisme. Parallèlement à ce pan-ottomanisme, la Turquie a également développé, le pan-touranisme afin d’influencer tous les pays turcophones (l’Asie centrale du Kazakhstan à la Chine) ou ayant des minorités turcophones (de l’Europe occidentale avec l’immigration turque surtout en Allemagne et en France, les Balkans et le Moyen -Orient). Il s’agit là d’une véritable stratégie de puissance par l’information mise en place par la Turquie d’Erdogan.

Nemiri Mohamed.

Notes

i Professeur Edhem Eldem « L’Empire ottoman et la Turquie face à l’Occident », Collège de France, coll. « Leçons inaugurales », n275, 2018.

ii Cock Laurence. « Quelques réflexions sur le bourguibisme » autour du livre de Tahar Belkhodja, (ancien chef de la sécurité du président Habib Bourguiba) Les trois décennies Bourguiba.

iiiBiographie officielle d’Hakan Fidan postée sur le site Internet de l’Organisation nationale de renseignement (MIT) reprise par le site de France culture

samedi, 28 novembre 2020

En ce moment sur Strategika...

 
En ce moment sur Strategika. 
 
Bien cordialement, 
 
Pierre-Antoine Plaquevent
 

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Dossiers inédits Strategika
 
La nation française et la question musulmane 
par Youssef Hindi
1/ comprendre les causes réelles de la situation actuelle 2/ proposer une issue politique 3/ restaurer l'État et le bien commun.
Sortir de l'impasse dialectique : islamo-gauchisme vs néo-conservatisme.
https://strategika.fr/2020/11/16/la-nation-francaise-et-l...
 
Retrouvez un dossier inédit de Pierre Hillard en exclusivité sur strategika :
Sionisme et mondialisme : le sionisme de ses origines au III ème Reich 1895-1941
 
Dictature sanitaire

Strategika fut l’un des premiers sites à sonner l’alarme sur la dictature sanitaire. Retrouvez certains de nos intervenants dans le documentaire Hold-Up. Le travail de Strategika se situe ainsi en amont de la chaîne de réinformation qui aboutit aujourd’hui au documentaire Hold-Up qui fait trembler la médiacratie hexagonale au service du globalitarisme. C’est exactement cela la fonction d’un think tank comme le nôtre : comprendre les enjeux de notre temps le plus rapidement possible et poser les bonnes questions aux bonnes personnes.  

https://strategika.fr/2020/11/21/retrouvez-les-intervenan...
 
Covid-19 – Le point sur la gestion suédoise de la crise sanitaire
Par le général (2S) Dominique Delawarde  
https://strategika.fr/2020/11/27/covid-19-le-point-sur-la...  

Le plus haut responsable de la lutte contre le terrorisme en Grande-Bretagne a appelé à un débat national sur les nouvelles lois visant à réprimer les théoriciens du complot anti-vaccination.
https://strategika.fr/2020/11/25/royaume-uni-le-chef-de-l...  

Les manifestations anti-confinement s’étendent à toute l’Europe. Des protestations ont eu lieu sur tout le continent. https://strategika.fr/2020/11/21/soulevements-les-manifes...
 
Le principal but de la vaccination n’est pas d’ordre sanitaire
 
 
La Coïncidose médiatique. Une épizootie économico-sociale ?

Actualité internationale 
 
Fraude électorale américaine: Benford peut-il dénoncer une manipulation au profit de Biden ?
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Transcaucasie: après le cessez-le-feu du 5 novembre…
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"Dans une Transcaucasie que l’Occident britannique et américain veut en état de déstabilisation permanente, toutes les provocations sont désormais possibles."
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La bataille pour la Maison Blanche et le “drainage du marais”
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''Selon la nouvelle loi, les Suédois devront pouvoir retirer de l’argent liquide dans un rayon de 25 kilomètres autour de leur domicile. Cette loi doit s’appliquer à 99,7% de la population et accorde un an aux banques pour se mettre en conformité, l’autorité de supervision bancaire se donnant le droit d’amender les récalcitrants.'' 
 
Premier ministre hongrois : “Soros est l’une des personnes les plus corrompues au monde”
 
Défense
par le Gal(2S) Grégoire Diamantidis, membre du Cercle de Réflexion Interarmées.
https://strategika.fr/2020/11/27/lautonomie-strategique-e...
L’autonomie stratégique européenne: un rêve qui s’éloigne
 

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Le rôle de l’État hébreu dans les coulisses de la crise arménienne

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Le rôle de l’État hébreu dans les coulisses de la crise arménienne

Par le général (2S) Dominique Delawarde

Ex: https://strategika.fr

Les médias mainstream occidentaux ont beaucoup insisté sur le rôle majeur et indéniable de la Turquie dans la crise opposant l’Arménie à l’Azerbaïdjan, mais ils sont restés extrêmement et étonnamment discrets, voire silencieux sur le rôle tout aussi important, joué, en coulisse, par Israël, et sur son positionnement dans cette affaire.

Ce rôle n’a pourtant pas pu échapper à un géopoliticien ou à un observateur averti.

   Il y a, bien sûr, les discrètes navettes aériennes entre Tel Aviv et Bakou qui, au début d’octobre, ne transportaient pas des oranges, mais de l’armement sophistiqué (notamment des drones et des missiles). Une part non négligeable de l’armement azéri est d’origine israélienne. Il faut rappeler que l’Azerbaïdjan est le premier pourvoyeur de pétrole d’Israël et lui fournit 40% de ses besoins. Ceci suffirait presque à expliquer l’alliance de fait, entre les deux pays, alliance basée sur une sorte d’échange «pétrole contre armement».

https://www.jpost.com/israel-news/video-shows-azerbaijan-...

   Il y a la relative discrétion des chancelleries et des médias occidentaux – dont on sait qui les contrôle – sur l’ingérence ouverte de la Turquie, pays membre de l’OTAN, contre l’Arménie, pays membre de l’OTSC (Organisation du Traité de Sécurité Collective) aux côtés de la Russie. La coalition occidentale a bien protesté du bout des lèvres; elle a bien appelé «à la retenue» et au «cessez le feu», mais elle a laissé faire la Turquie sans vraiment dénoncer son impérialisme islamiste, désormais tous azimuts (Syrie, Irak, Libye, Méditerranée orientale, Caucase).                                                                                          

   Il y a encore la prise de position officielle de Zelenski, premier président juif d’Ukraine, en faveur de l’Azerbaïdjan, et contre l’Arménie. Ce président aurait certainement été plus discret dans son soutien si l’Azerbaïdjan avait été hostile à l’état hébreu.

    Il y a enfin cette déclaration de Georges Malbrunot, grand reporter au Figaro qui nous apprend dans un tweet:

Conflit au Nagorny-Karabakh: au-delà de la station du Mossad basée en Azerbaïdjan pour espionner l’Iran et de la livraison de matériels militaires à Bakou, Israël entraîne les forces de sécurité azéris, confie un diplomate européen, qui fut basé en Azerbaïdjan.

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Mais pourquoi l’État hébreu se distingue-t-il aujourd’hui, par sa présence et son action dans cette région du monde aux côtés de la Turquie, de l’Azerbaïdjan et du djihadisme islamiste?

    Avant de tenter de répondre à cette question,il faut se rappeler que l’activisme d’Israël sur la scène internationale n’est pas que régional, mais mondial. Il peut être direct ou indirect. Son empreinte est souvent perceptible et parfaitement identifiable dans la politique étrangère des grands pays occidentaux (USA, UK, FR, Canada, Australie), mais elle l’est aussi dans presque tous les grands événements qui ont affecté l’évolution géopolitique mondiale des dernières décennies: (guerres au Proche et Moyen-Orient, révolutions colorées et/ou changement de pouvoir (ou tentatives) notamment en Amérique du Sud (Brésil, Bolivie, Venezuela, Colombie, Équateur) mais aussi en Europe (Maïdan …) et en Afrique du Nord (printemps arabes, hirak algérien). A noter aussi l’ingérence plus ou moins ouverte dans les élections des grands pays de la coalition occidentale (USA, FR, UK, Canada, Australie) par des financements généreux de sa diaspora visant à promouvoir les candidats qui lui sont favorables et à détruire ceux qui ne le sont pas.

   Cet activisme pro-israélien s’exerce par le biais d’une diaspora riche, puissante et organisée. Cette diaspora  collectionne les postes d’influence et de pouvoir, plus ou moins «achetés» au fil du temps et des circonstances, au sein des appareils d’État, au sein des médias mainstream, au sein des institutions financières et des GAFAM qu’elle contrôle. Le Mossad n’est pas en reste et fonde l’efficacité de son action sur le système des sayanims, parfaitement décrit par Jacob Cohen dans sa conférence de Lyon. https://www.youtube.com/watch?v=2FYAHjkTyKU

   L’action de ces relais et soutiens vise à défendre et à promouvoir les intérêts directs et indirects de l’État hébreu sur la planète entière et à élargir le cercle des pays et des gouvernances qui le soutiennent. Elle vise aussi à affaiblir celles et ceux qui lui sont opposés. Elle est tenace,  efficace et s’inscrit dans la durée.

   Pour gagner, l’État hébreu, comme le fait aussi très bien l’OTAN, n’hésite jamais à faire des alliances de circonstance, limitées dans l’espace et dans le temps, avec tel ou tel de ses adversaires (Turquie et djihadistes en Syrie par exemple). Ses actions sont souvent «préméditées», «concoctées» et «coordonnées» avec ses correspondants «néoconservateurs» de Washington. Comme partout ailleurs le mensonge d’État et la duplicité sont monnaies courantes…

   Pourquoi susciter et/ou mettre de l’huile sur le feu dans un conflit entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie et pourquoi maintenant ?

    Trois grands pays de la région, la Russie, la Turquie et l’Iran, sont directement concernés par ce conflit et par ses conséquences potentielles, parce qu’ils sont frontaliers avec l’une des deux parties en conflit, et parfois les deux. Israël, pour sa part, n’est qu’indirectement concerné, mais l’est tout de même, nous le verrons.

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Par ailleurs, cette région du Caucase est également une «zone de friction» entre des alliances qui ne s’apprécient pas vraiment: La coalition occidentale et l’OTAN dont la Turquie et Israël jouent la partition, l’OTSC (Organisation du Traité de Sécurité Collective) dont la Russie et l’Arménie sont membres, et l’OCS (Organisation de Coopération de Shangaï) à laquelle la Russie et l’Iran sont liés (pour l’Iran, comme membre observateur et aspirant candidat depuis 15 ans).

   Pour compliquer le tout, le premier ministre arménien en fonction, Nikol Pashinyan, a cru bon de devoir afficher sa préférence pour l’Occident dès sa prise de fonction et de prendre ses distances avec Moscou, ce qui met son pays en position délicate pour réclamer aujourd’hui l’aide de la Russie.

   Le déclenchement de la crise actuelle est, selon moi, une opération qui dépasse largement le cadre étroit d’un conflit territorial entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie. Il s’agit d’une opération de plus – après Maïdan en Ukraine, après la tentative de révolution colorée en Biélorussie et après les affaires Skripal et Navalny – visant à mettre la pression sur la Russie, mais aussi sur l’Iran, en les mettant dans l’embarras, voire, en les poussant à la faute.

   Il est clair que toute intervention rapide et musclée de la Russie dans ce conflit aurait été immédiatement condamnée par la «communauté internationale autoproclamée» – c’est à dire par l’OTAN – et suivie de l’habituel train de sanctions anti-russes, par les USA, servilement suivis par ses vassaux européens. Il ne faut pas oublier qu’aujourd’hui, mettre un terme au gazoduc North Stream II reste un objectif majeur pour les USA……

   L’absence d’une ferme réaction des occidentaux dans la crise du Caucase est, en elle- même, révélatrice sur quatre points:

   1 – La défense de l’Arménie n’est pas une priorité pour la coalition occidentale. Monsieur Nikol Pashinyan, premier ministre arménien, s’est donc trompé de cheval en misant sur l’Occident pour la défense de son pays. La coalition occidentale laisse souvent tomber ses alliés de circonstance comme ils l’ont fait pour les Kurdes en Syrie …..

   2 – En atermoyant et en laissant venir une réaction russe qu’elle espère pouvoir sanctionner en mettant définitivement fin au North Stream II, la coalition occidentale montre, une fois de plus, sa duplicité et son cynisme. Peu lui importe l’Arménie …..

   3 – En créant un foyer d’infection djihadiste aux frontières de la Russie et de l’Iran, la coalition israélo-occidentale montre, une fois de plus, qu’elle est prête à pactiser avec le diable et à l’instrumentaliser pour parvenir à ses fins, en l’occurrence l’affaiblissement de ses adversaires russes et iraniens.  

   4 – En laissant agir la Turquie et Israël sans réaction, la coalition occidentale reconnaît implicitement, derrière des discours trompeurs, que ces deux pays agissent à son profit.

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Le quotidien israélien «The Jerusalem Post» a abordé dans un article récent les affrontements entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie non sans laisser éclater la joie israélienne de voir le Caucase devenir un nouveau foyer de crise potentiellement susceptible d’avoir un impact considérable sur le Moyen-Orient. L’impact recherché par Israël est toujours le même: alléger les pressions et les actions iraniennes et russes sur le théâtre syrien en ouvrant un «nouveau front de préoccupations» aux frontières de ces deux pays.

   En conclusion, quatre points méritent d’être soulignés, à ce stade de la crise,

   1 – Monsieur Pashinyan, premier ministre arménien, a fait une erreur d’appréciation en misant sur un camp occidental qui s’avère moins fiable que prévu pour défendre l’intérêt de son pays. Il devra, peut être, in fine, faire des concessions douloureuses et pourrait bien y perdre son emploi lors des prochaines élections.

   2 – Monsieur Aliyev, président d’un Azerbaïdjan majoritairement chiite, regrettera peut être un jour d’avoir introduit sur son sol des djihadistes sunnites pour combattre l’Arménie. Il regrettera peut-être aussi l’instrumentalisation dont il est l’objet par la Turquie et Israël, chevaux de Troie de l’OTAN. Ses voisins russes et iraniens ne lui pardonneront pas facilement…..

   3 – La Russie, dont la gouvernance et la diplomatie ne sont pas nées de la dernière pluie,  n’est toujours pas tombée, tête baissée, dans le piège de l’intervention immédiate et musclée qui pourrait, après la tragi-comédie «Navalny», sonner le glas du North Stream II.

  Elle interviendra, tôt ou tard, lorsque le bon moment sera venu. Les différents protagonistes directs et indirects ne perdront rien pour attendre.

   4 –  Israël et l’Occident otanien auront-ils gagné quelque chose à poursuivre leurs  actions de harcèlement aux frontières de la Russie et de l’Iran en instrumentalisant l’Azerbaïdjan et en cherchant à détacher l’Arménie de l’OTSC dans le cadre de la stratégie d’extension à l’Est qu’ils poursuivent depuis trente ans ? Rien n’est moins sûr. L’avenir nous le dira.

  Quant à la solution du problème territorial, source du conflit déclenché par l’Azerbaïdjan-contre l’Arménie, elle réside probablement dans l’application de l’article 8 du Décalogue de l’Acte final d’Helsinki voté le 1e août 1975 qui régit les relations internationales entre les états participants. Cet article évoque clairement «le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes».

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Lorsqu’une volonté de quitter un ensemble étatique est validé par un, voire plusieurs référendums à plus de 90%, et lorsque cette sécession a été effective durant 34 ans, sans conflit majeur – ce qui est le cas pour la république d’Artsakh (Haut-Karabakh)-,  il semble légitime que la communauté internationale puisse prendre en compte la volonté des peuples et d’accepter de reconnaître ce fait en dotant ces nouveaux états d’une structure juridique particulière leur garantissant une paix sous protection internationale.

  On me rétorquera que l’article 3 du même décalogue d’Helsinki rappelle l’intangibilité des frontières. Il s’agira donc, pour la communauté internationale, de déterminer si le droit des peuples à disposer d’eux même doit primer, ou non, sur l’intangibilité des frontières, après 34 ans de séparation totale et effective de vie commune entre deux parties d’un même état.

  Cette décision, lorsqu’elle sera prise, ne devrait pas être sans conséquences jurisprudentielles sur le futur du Kosovo, de la Crimée, ou de la Palestine occupée……

  Pour ceux qui souhaitent élargir et diversifier leurs connaissances sur ce sujet sensible, je suggère la lecture de deux articles intéressants:

– un article de Jean Pierre Arrignon, historien byzantiniste et spécialiste de la Russie

– un éditorial d’Eric Denécé, patron du CF2R (Centre Français de Recherche sur le Renseignement sous le titre: «Le conflit Arménie/Azerbaïdjan au Haut-Karabakh relancé par la Turquie».

https://cf2r.org/editorial/le-conflit-armenie-azerbaidjan...

Le coronavirus modifie le scénario de la cybertechnologie mondiale

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Leonid Savin

Le coronavirus modifie le scénario de la cybertechnologie mondiale

L'une des conséquences de la propagation du coronavirus et des mesures de quarantaine qui ont été introduites dans de nombreux pays est la suivante : cela a entraîné une augmentation de la demande sur Internet. Dans les pays, les autorités tentent de réguler le trafic avec les moyens et les mesures disponibles. L'un des géants américains dans ce domaine est Verizon, qui a reçu de la Commission fédérale des communications l'autorisation d'utiliser des fréquences supplémentaires. En Italie, le trafic a augmenté en mars de 70 %, en Pologne et en Espagne de 40 %. En Europe, Netflix, Amazon, YouTube et Facebook ont réduit la qualité des vidéos. La virtualisation des lieux de travail, l'utilisation d'applications de livraison de nourriture, l'affichage de contenus divers, tout cela a affecté la bande passante et le trafic dans de nombreux pays. En outre, plusieurs pays ont soulevé la question de la pertinence de la télémédecine. Et les plus avancés ont attiré l'attention sur les capacités des supercalculateurs à préparer des scénarios de propagation de maladies et de développement de médicaments efficaces. Et, bien sûr, tout cela a affecté la cybersécurité.

Reuters écrit qu'aux États-Unis, l'activité des pirates informatiques a doublé. Dans ce cas, l'agence fait également référence à une déclaration de Tom Kellerman du département de sécurité de VMware.

imagesvmware.jpgVMware est un acteur très intéressant dans le domaine de l'informatique et de la cybertechnologie. La fondatrice de l'entreprise est Diana Green, qui a également dirigé le département des technologies en cloud de Google, et a siégé au conseil d'administration d'Alphabet de 2012 à 2019. Un autre fondateur de la société est le professeur Mendel Rosenblum de l'université de Stanford, qui est le mari de Diana Green. VMware se concentre sur le développement de logiciels de virtualisation. Depuis sa création en 1998, elle a absorbé plus de dix autres sociétés, et ses directeurs comprennent des cadres supérieurs de Microsoft et d'Intel.

Il est intéressant de noter qu'en 2017, Kellerman, avec le même enthousiasme, a commenté le piratage "du côté russe". Il a déclaré qu'en 2015, sa société "a averti le FBI et le bureau du directeur du renseignement national que les pirates du Kremlin avaient dressé une liste de 2300 personnes, dont des dirigeants influents de Washington et de New York, ainsi que leurs conjoints et amants, ce qui en fait la cible d'une campagne de piratage coordonnée. Kellermann a déclaré qu'il ne savait pas si le gouvernement avait suivi ses conseils, mais a averti que les pirates informatiques avaient la possibilité de brancher des microphones et des caméras sur leurs appareils personnels pour obtenir des informations confidentielles sur leur vie privée. Mais il estime que la campagne a réussi à engager les dirigeants américains. Kellermann a également noté que les approches des attaques en ligne sont un signe avant-coureur d'une agression armée et a prédit que le conflit entre les États-Unis et la Russie va probablement commencer dans la région de la Baltique. "Je suis très, très inquiet", a-t-il dit. "Le cyberespace est toujours le signe avant-coureur de la réalité cinétique." L'Occident a alors connu une vague d'articles disant que la Russie allait attaquer les pays baltes, et peut-être même la Finlande. Et le Pentagone a organisé une série d'exercices communs dans la région.

CrowdStrike-logo.jpgL'évaluation de la situation actuelle en matière de cybersécurité aux États-Unis a coïncidé avec succès, pour de nombreuses parties intéressées, avec la persécution des entreprises chinoises. En février 2020, les États-Unis ont accusé quatre citoyens chinois d'avoir piraté Equifax. Les médias ont cité des informations fournies par le célèbre mythomane Dmitri Alperovich de Crowdstrike, qui affirme que les groupes APT1, APT3 (Buyosec) et APT10 sont liés aux services de renseignements chinois.

En avril 2020, l'application chinoise Zoom a été reconnue aux États-Unis comme un outil d'espionnage américain et son utilisation au sein du gouvernement a été interdite.

Et en janvier, le secrétaire d'État Mike Pompeo, dans un discours en Californie sur la relation entre la Silicon Valley et la sécurité nationale, a déclaré que "le groupe de pirates APT10 est associé au ministère chinois de la sécurité. En général, la moitié du discours a été consacrée aux problèmes que l'establishment voit par rapport à la croissance de la Chine et à ses technologies.

Les politiciens américains serrent les poings de manière menaçante et crient qu'ils ne permettront pas à la technologie 5G chinoise d'entrer sur leur territoire. Bien que les experts affirment que la 5G est l'épine dorsale des communications du XXIe siècle, la coopération avec d'autres pays sera tout simplement nécessaire après la fin de la crise du coronavirus.

Gen-Keith-Alexander.jpgLes entreprises informatiques locales commenceront très probablement à combler le vide. Le succès est garanti pour ceux qui ont de bonnes relations à la Maison Blanche et au Pentagone, par exemple l'ancien chef de la NSA et du Cyber Command Keith Alexander, qui dirige maintenant IronNet CyberSecurity.

L'armée américaine détient également une part importante du gâteau des aides d'État dans la lutte contre le coronavirus. Avant même que Donald Trump ne signe le décret allouant 2,3 milliards de dollars du Pentagone, les militaires américains ont déclaré qu'ils participaient activement au processus de réorganisation du travail et que des fonds supplémentaires étaient nécessaires pour gérer les réseaux, les ordinateurs et les systèmes. La semaine dernière, ils ont reçu 10,5 milliards de dollars dans le cadre du "programme d'aide aux coronavirus" du gouvernement. Et ce n'est que le début.

Comme l'attribution de ce paquet d'aide est déjà en cours, six organisations - le Conseil de l'industrie des technologies de l'information, l'Alliance pour l'innovation numérique, CompTIA, le Centre d'approvisionnement de la défense, l'Association Internet et la Coalition pour la cyber-sécurité - ont demandé au Congrès américain de prendre en compte leurs intérêts dans le prochain paquet d'aide, qui est en cours de préparation. Ils proposent d'allouer des fonds pour la mise à niveau technologique, de soutenir le secteur public local, de renforcer les mesures de cybersécurité et de créer un fonds spécial pour le développement des technologies gouvernementales.

De nombreuses entreprises de cyber-technologie se sont précipitées dans le secteur médical dans l'espoir de tirer profit de la publicité et de la panique générées. Par exemple, BenevolentAI a annoncé l'utilisation de l'intelligence artificielle pour traiter les patients atteints d'une infection due au coronovirus. Certains médicaments développés à l'aide de l'intelligence artificielle sont censés être déjà utilisés pour des thérapies, mais une solution est déjà en route.

Il est significatif que dans le domaine de l'intelligence artificielle aux États-Unis, un grand nombre de nouvelles entreprises aient vu le jour. Ce sont ces nouvelles entreprises qui prédisent les tendances de la télémédecine et de la future nanomédecine dans la gamme des puces intégrées au corps, comme le suggère Bill Gates.

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Le COVID-19 a même influencé le fonctionnement des câbles sous-marins par lesquels passe la majeure partie du trafic Internet mondial. Des ruptures de câbles au fond de l'océan se produisent régulièrement et une flotte spéciale est employée pour les réparer. Des retards dans la délivrance des licences ont déjà été observés. En outre, les mesures de quarantaine ont conduit un fournisseur de câbles sous-marins à fermer deux usines.

Bien entendu, ces perturbations touchent non seulement les États-Unis et l'Europe, mais aussi la Russie et le reste du monde, car l'Internet et les cybertechnologies sont universels. La question est de savoir exactement comment les gouvernements vont réagir et quelles seront leurs priorités : les intérêts des cyberentreprises privées ou de leur population en général.

Jacob Taubes : Eschatologie occidentale

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Jacob Taubes : Eschatologie occidentale

Une belle lecture de la structure eschatologique de la pensée révolutionnaire occidentale

par Thibaut Gress

Ex: https://web.archive.org

Une fois de plus, c’est un précieux cadeau que les éditions de l’Eclat ont adressé, par l’intermédiaire de Raphaël Lellouche et Michel Pennetier, aux lecteurs français. En effet, la traduction du seul livre publié par Jacob Taubes de son vivant, Eschatologie occidentale [1] constitue un événement éditorial tout à fait remarquable qu’il convient de saluer, tant cela devrait aider à diffuser la pensée de celui qui, jusqu’à présent, était surtout connu comme interlocuteur de Carl Schmitt. Et, comme pour compléter cette traduction, le Seuil eut au même moment la bonne idée de traduire un recueil de textes, sous le titre de Le temps presse. Du culte à la culture [2] si bien que le lecteur français dispose désormais de l’œuvre majeure de Taubes et d’articles tout aussi essentiels, créant un jeu de renvois à l’intérieur de sa pensée encore méconnue.

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A : Remarques sur l’importance de la préface de Raphaël Lellouche

Raphaël Lellouche – qui sortira bientôt une monographie consacrée à Jacob Taubes – introduit le texte par une très longue préface, dans laquelle il propose une élucidation des rapports de l’auteur d’Eschatologie occidentale avec Carl Schmitt dont le caractère problématique ne cesse d’être rappelé. « S’il faut se garder de faire de la réception de Jacob Taubes une annexe consécutive à celle de Carl Schmitt, leurs contextes sont néanmoins fortement liés. » [3] Et c’est précisément cette liaison entre ces deux auteurs qu’interroge Lellouche dans une préface dense et très informée, qui a le mérite de replacer l’œuvre de Taubes dans une herméneutique de la réception tout à fait aboutie. On n’y trouvera que fort peu d’éléments permettant de comprendre la pensée de Taubes, mais on se plongera dans la genèse de son œuvre et dans les conflits parfois décevants qu’il put entretenir avec Leo Strauss ou Scholem, ces deux derniers accusant notre auteur de singulièrement manquer d’originalité, au point de chercher à bloquer la carrière universitaire de Taubes, notamment à Chicago. L’hypothèse de lecture proposée par Lellouche, qui semble parfaitement valable, consiste à interpréter l’eschatologie occidentale à travers le critère décisionniste issu de Carl Schmitt, au risque d’ailleurs de faire jouer le Schmitt de la Théologie politique contre celui du Nomos de la terre. L’hypothèse est séduisante et disons même subtile car la présence de Schmitt dans Eschatologie occidentale est, lorsqu’on lit le texte, plus que discrète. Parvenir à reconstruire une lecture décisionniste en dépit de la discrétion explicite de cette dernière relève donc d’une hypothèse forte et méritant toute notre attention.

indexjtstp.jpgAbordons maintenant la thèse générale de Taubes, défendue dans cet ouvrage qui, en effet, peut parfois manquer d’originalité ainsi que le déploraient Strauss et Scholem. Lellouche résume fort bien le mouvement même de la pensée à laquelle nous sommes confrontés en identifiant ce courant eschatologique innervant l’histoire même de l’Occident. « L’histoire de l’Occident est un long conflit interne autour de l’enjeu central caché de l’apocalyptique. Dès les premiers siècles, le christianisme tend à se transformer en une mystique du Logos, en même temps que la dimension eschatologique perd son urgence politique et s’intériorise dans un « drame de l’âme » d’échelle cosmique. Ce n’est que résiduellement que l’apocalyptique fait résurgence dans l’ordre chrétien qui s’ouvre sur son refoulement. » [4] L’idée de Taubes est en effet intégralement contenue dans cette pensée d’une eschatologie secrète, courant au cours des siècles, dans le déploiement de l’histoire occidentale et dont il se propose d’étudier les avatars successifs. Il y va donc d’une démarche de décryptage car si eschatologie il y a, cela ne saurait être vraiment explicite dans l’ordre historique de l’Occident : c’est une trame secrète mais récurrente qui devient l’objet des investigations de Taubes, et donc nous allons proposer quelques éléments.

B : Temps et histoire : l’importance de la décision

L’influence décisionniste que Lellouche avait rappelée à très juste titre est extrêmement sensible dès les premières pages de l’ouvrage ; définissant l’eschaton comme la fin, Taubes établit un certain nombre de principes à l’égard desquels il ne variera pas, et qui mettent en jeu la notion de décision de manière plutôt explicite, ce qui constitue une singularité au sein du livre. La question initiale qui ouvre l’ensemble des problèmes est posée sans détour, et guidera l’entièreté des réflexions sur le messianisme et l’apocalypse qui en découleront : « Il est question de l’essence de l’histoire. S’interroger sur l’essence de l’histoire, ce n’est pas se soucier d’événements particuliers dans l’histoire (…). S’interroger sur l’essence, c’est s’écarter de tout cela et porter son regard vers l’unique question : comment l’histoire est-elle possible ? Quel est le fondement suffisant sur lequel repose l’histoire comme possibilité ? » [5] D’emblée, Taubes pose comme problème central la condition de possibilité de l’histoire ; à quelles conditions, l’histoire est-elle possible ? Voilà finalement la seule question à laquelle cet ouvrage va tenter de répondre à travers un examen diachronique des pensées de l’histoire.

9780231520348_p0_v2_s1200x630.jpgLa solution à la question posée réside précisément dans la notion de fin comme eschaton : l’histoire ne semble possible que si, d’une part, se trouve posée une fin et si, d’autre part, entre le passé et la fin se trouve établi un rapport. Le moyen de parvenir à cette fin mettra en œuvre la volonté, et c’est là que l’influence de Carl Schmitt se fait certainement sentir. « Ainsi s’éclaire le rapport entre l’ordre du temps et l’ordre eschatologique du monde. Le sens unique du temps est fondé dans la volonté. » [6] Ce que dit Taubes est intéressant car, pour penser le nécessaire rapport du passé et de l’avenir comme fin, il pose le temps, lequel ne peut être régi que par la volonté : l’ordre temporel n’est rien d’autre que l’affirmation d’une différence entre passé et avenir, ce qui serait une affirmation banale si la volonté ne venait pas structurer cette dernière. « L’ordre du temps, écrit donc Taubes, est fondé sur la distinction du passé et de l’avenir et sur la décision entre passé et avenir. » Voilà donc posé le cadre de réflexion, nettement issu de Carl Schmitt, mais en même temps irrigué par un questionnement de type heideggérien dont Taubes mime le geste de manière presque parodique.

On n’en a toutefois pas tout à fait fini avec l’histoire ; en effet, le détour par le temps ne doit pas faire oublier ce que l’histoire a pour fonction de révéler : il me semble que la réponse de Taubes est ici sans ambiguïtés dans la mesure où l’histoire est tout entière dévolue à la révélation de l’homme à lui-même. « Le chemin de l’homme dans le temps est l’histoire comme révélation de l’homme. Dans l’éon du péché, commence l’Etre comme Temps, dirigé vers la mort. Le temps porte en lui-même le principe de la mortalité. » [7] La manière dont l’homme s’insère dans le temps, par la volonté, désigne précisément le procès historique par lequel l’homme se révèle à lui-même ; or, le temps étant marqué par la mort, il est logique que l’histoire connaisse elle-même une fin, un eschaton ; tel me semble être le principe premier auquel Taubes se livre dans cet ouvrage : justifier l’eschatologie suppose de comprendre le geste temporel par essence fini dans lequel l’histoire vient se lover jusqu’à son terme. La question qui se pose est alors la suivante : quel type de fin l’Occident a-t-il envisagé pour l’histoire ?

C : Exil et sentiment gnostique

A la question précédente, Taubes va d’abord répondre par une ontologie dualiste, dans laquelle le monde et Dieu vont constituer les deux pôles d’une éternelle tension ; et le monde, en tant qu’il n’est pas Dieu, sera conçu comme le lieu même de la déchéance et de la déréliction. Les résonances gnostiques sont ici explicites, revendiquées même, et ce n’est évidemment pas un hasard si Taubes commence l’analyse par l’Evangile du Dieu étranger. Là où Taubes va être percutant, mais guère original, c’est en établissant un lien entre cette vision gnosticiste de l’être et le geste révolutionnaire ; en effet, l’évangile du Dieu lointain, voire du dieu non-étant qu’annonce la gnose, « peut être le mot d’ordre et l’étincelle d’une nostalgie nihiliste-révolutionnaire. Le Dieu opposé au monde, « non-étant » dans le monde, sanctionne l’attitude nihiliste de l’homme à l’égard du monde. Le « Dieu non-étant », et cela signifie « non encore étant », est la promesse violente d’un tournant. Le Dieu non-étant néantise le monde et apparaît alors dans toute sa puissance. » [8] Tout l’ouvrage va donc constituer une étude des postures révolutionnaires présentées comme nostalgiques de ce Dieu éloigné, dont la révolution consistera précisément à résorber l’éloignement par la réalisation ici-bas de l’eschaton.

pmAoowoRzRtoAChFgMsW9Z_GMfo.jpgPlusieurs moments-clés de cette tendance vont être abordés : Joachim de Flore, Kant, Hegel, Marx, Kierkegaard, parmi les philosophes, mais aussi des endroits clés, si l’on peut dire, comme Israël qui va recevoir une caractérisation forte, en tant qu’il est le lieu par excellence de la révolution ; d’abord parce que le geste même d’Israël est celui de l’exil permanent, ce qui n’est autre que le sentiment général du gnostique, étant donné que le gnostique est celui qui a conscience d’avoir perdu sa patrie d’origine, qui a été exilé sur terre et dans le temps, mais aussi parce que l’exil répète le Désert : il y aurait un lien consubstantiel entre l’errance du désert et l’exil des Hébreux. « Ce sont leurs dispositions de type bédouin qui expliquent que les tribus semi-nomades d’Israël sortant d’Egypte n’aient pas élevé leur chef au rang de roi. La théocratie est construire sur le fond anarchisant de l’âme d’Israël. » [9] Si bien que l’on peut affirmer, avec Taubes qu’Israël « est en exil in statu nascendi. » [10] Encore une fois, il ne faut pas prendre ici l’exil dans un sens exclusivement géographique mais il faut y voir l’exil spirituel du gnostique qui, sans cesse condamné à l’errance loin de sa terre d’origine, souhaite néanmoins retrouver cette dernière.

De cette errance, Taubes va en déduire un certain nombre de traits gnostiques, dont les implications sont très nettement empruntées à Hans Jonas, ce qui hypothèque quelque peu la singularité de la démarche de Taubes. Le gnostique est cet être exilé par excellence, qui erre sur terre dans une redoutable contingence ce qui n’est pas sans parenté avec l’être-jeté de Heidegger, dont Jonas avait pu établir toute la dimension gnostique [11] et dont Taubes ne fait que reproduire les analyses. « L’être-jeté, écrit ce dernier, est l’un des symboles les plus insistants de l’apocalyptique et de la gnose, et il signifie que l’homme est placé dans une situation où tout choix lui est retiré. » [12] Bien sûr le choix en question porte non pas sur la liberté humaine mais sur le choix d’être hic et nunc sur terre, ce qui constitue précisément ce sur quoi le gnostique enrage de n’avoir aucune prise : la Geworfenheir de Heidegger semble très nettement inspirée de ce sentiment gnostique.

D : Philosophie eschatologique

Ce sentiment gnostique d’étrangeté à l’égard du monde, dont Taubes étudie les avatars, va se retrouver exprimé dans l’ensemble des postures révolutionnaires qui seront pensées comme une sécularisation politique d’un sentiment apocalyptique : pour le dire plus clairement, la Révolution va être pensée comme la résorption de l’écart entre le Dieu étranger et l’ici-bas, résorption qui ne sera rien d’autre que la stricte mise en œuvre de la structure apocalyptique. « La totalité de l’eschatologie peut être résumée dans la vieille formule apocalyptique : le Royaume de Dieu sur terre. » [13] Autrement dit, cette fameuse fin, ce fameux eschaton autour duquel tourne tout l’ouvrage est ici réinterprété comme la fin de la scission, la fin de l’exil en tant que la bipolarisation sera elle-même résorbée. Cette idée, finalement assez classique, est intéressante en ceci qu’elle repose sur une continuité entre la pensée révolutionnaire dans toute sa variété et la gnose issue de l’antiquité tardive finalement réinterprétée comme un refus de la séparation, ce qui va à l’encontre de l’interprétation dominante. On en trouve d’ailleurs confirmation dans Le temps presse, où Taubes écrit ceci : « Contre l’interprétation dominante de la Gnose, j’ai tenté de défendre la thèse selon laquelle la Gnose de l’Antiquité tardive désigne une crise de la religion monothéiste de la révélation elle-même, dans laquelle la doctrine du Dieu créateur supramondain est mise en doute. » [14] Cette indication est précieuse car elle permet de comprendre qu’aux yeux de Taubes la pensée révolutionnaire n’est rien d’autre que le moyen moderne d’assumer le refus de la transcendance, refus lui-même issu de la gnose de l’Antiquité tardive : pour le dire clairement encore, refuser la transcendance de Dieu, refuser le Dieu de l’Ancien Testament, voilà la source de la révolution qui souhaite incarner ici-bas l’entièreté de la vérité de l’Etre. Tout est immanent, et cet immanentisme s’enracine dans l’ordre gnostique. Cela ne signifie pas que le monde autre n’existe pas, mais cela signifie qu’il va falloir le ramener sur terre le plus rapidement possible en inversant l’ordre des choses.

9783846760567.jpgTaubes va fort logiquement accorder une place éminente à Joachim de Flore dans ce processus, dont il analyse subtilement le fameux transire qu’il rapproche de l’Aufhebung hégélienne, ainsi qu’à Thomas Münzer, pour lequel l’âme va se débarrasser de tous ses oripeaux pour renverser les puissances terrestres, afin qu’advienne ici et maintenant le règne de Dieu. Avec ces deux personnages, nous sommes en face de deux grands penseurs qui auront tenté de théoriser le moyen de dépasser dans l’immanence la simple condition mortelle. Et à partir de ce moment, toute la pensée, nous dit Taubes, va aller dans le sens d’une résorption sans cesse croissante de l’écart entre l’ici bas et la transcendance.

Cela va être vrai avec Kant dont Taubes semble surinterpréter le côté copernicien. A ses yeux, « le système kantien est la philosophie de l’humanité copernicienne. Le monde copernicien est une terre au-dessus de laquelle ne se voûte aucun ciel, archétype de la terre. L’humanité ne se rapproche donc pas de son essence quand elle rapproche le monde d’un archétype au-dessus d’elle. Puisque l’espace entre ciel et terre a perdu toute signification, l’humanité copernicienne cherche à révolutionner le monde selon un idéal qui, en tant que postulat, ne peut être réalisé qu’au cours du temps. » [15] La philosophie kantienne est celle de la possibilité pour l’homme de se concentrer sur l’ici-bas, le monde, en tant que seule région ontologique finalement dotée de sens. L’analyse menée ne semble pas toujours très convaincante, d’une part parce que Taubes minore considérablement l’importance de la finitude chez Kant, ce qui rend problématique un tel énoncé : « la philosophie de Kant est la philosophie l’humanité prométhéenne. » [16] ; et d’autre part, il ne prête nulle attention à la dimension tout à fait hypothétique des postulats de la raison pratique, si bien qu’il fait comme si Kant avait théorisé une autonomie du salut, alors même que celui-ci est entièrement subordonné à un postulat aux résultats parfaitement aléatoires du point de vue rationnel. Mais cela tient peut-être aussi au fait que Kant n’est pas ce que l’on pourrait appeler un révolutionnaire réel, à tout le moins au sens apocalyptique du terme.

Plus convaincantes se trouvent être les analyses de Hegel dont Taubes cherche à enraciner la logique dans la gnose, ne faisant là que reproduire les célèbres analyses de Christian Baur dans la Gnose chrétienne, ce qui en limite une fois de plus l’originalité. Il relie Hegel à Joachim de Flore, dont les visions apocalyptiques de celui-ci seraient reprises par celui-là dans l’idée d’une fin de l’Histoire. « Comme Hegel se sait à la fin de la dernière époque du monde chrétien, Joachim se voit placé au début de cette époque du monde : tous deux savent qu’ils sont au tournant. » [17] Cela est sans aucun doute discutable, mais contient certainement une part de vérité, tant il est vrai que les sources hégéliennes sont souvent plus hermétiques qu’on ne veut bien le dire. Taubes, toujours en suivant Baur, est ainsi amené à écrire ce constat qui est, lui aussi, riche de sens : « L’esprit fini de Hegel est identique à la psychè gnostique. » [18]

escatologia-occidentale.jpgL’accomplissement de ces pensées, toujours pour Taubes, n’est autre que celle de Marx (et, dans une moindre mesure, celle de Kierkegaard) : « Si Marx philosophe sans Dieu et Kierkegaard devant Dieu, ils partagent cependant le même présupposé : la décomposition de Dieu et du monde. » [19] Marx va reprendre tout à la fois le sentiment gnostique de nécessité de résorber l’écart, donc d’accomplir ici-bas la fin, tout en reprenant une idée très gnostique elle aussi, à savoir le fait que le monde, dans sa marche habituelle, est saturée de mal, lequel fait des hommes des marionnettes prises dans une déchéance qu’ils n’ont pas voulue. Pour le dire clairement, non seulement l’homme est ici-bas contre sa liberté, mais de surcroît, être ici-bas signifie être jeté dans le mal ; la description du capitalisme revient alors à décrire le mal qui frappe le monde et dont la sortie consistera une rédemption. « C’est de ce point de vue qu’il faut remettre en perspective le « déterminisme », souvent incompris, de la structure intellectuelle de l’apocalyptique marxiste. » [20] Et à ce sentiment gnostique, Marx va ajouter les élaborations philosophiques précédentes, celles de Lessing, Kant et Hegel : « Avec Hegel, le maître à penser de Marx, nous sommes arrivés au but, c’est-à-dire au marxisme. Si un pont entre Lessing et Marx peut être construit, est alors également donnée la relation (de Marx) au chiliasme sur lequel Lessing se fonde. Ainsi il sera prouvé que, non plus seulement sur le plan dogmatique, mais aussi sur le plan historique, le marxisme n’est qu’un enfant du nouveau chiliasme » [21]

Ce livre a finalement le défaut de sa qualité ; sa qualité est d’avoir été capable de synthétiser un certain nombre de lectures, que ce soient celles de Jonas ou de Baur, pour établir une vision puissante et à peu près cohérente du développement de la gnose dans l’histoire occidentale ; mais sa limite réside précisément en ceci que, par rapport à Baur et Jonas, et même à Voegling, il n’apporte pas grand-chose. Pour ceux qui ont lu les auteurs cités, ainsi qu’Harnack et quelques autres, les liens étaient déjà faits, et la forme révolutionnaire dont Marx est l’accomplissement était déjà pensée, depuis longtemps, comme une sécularisation du sentiment apocalyptique et / ou gnostique. Ce qui est intéressant, en revanche, c’est peut-être l’interprétation du sentiment gnostique que donne Taubes : si le gnostique se sent bien étranger au monde, Taubes n’en déduit pas forcément qu’il faille renoncer au monde, mais bien plutôt faire de ce dernier le lieu même de l’accomplissement en vue de mettre fin à ce détestable sentiment d’exil. Là se joue quelque chose d’intéressant, car le retour à la patrie réelle n’est rien d’autre dans ce cas que la découverte d’une possibilité de réaliser hic et nunc le salut, ce que proposent les postures révolutionnaires. Au-delà de cette interprétation neuve du sentiment gnostique, sachons gré à Taubes de rappeler combien certaines pensées, prétendument areligieuses, se trouvent en réalité saturées de présupposés théologiques, et secrètement parcourues de sentiments eschatologiques. Ce simple fait mérite que l’on accorde toute son attention à cette belle Eschatologie occidentale dont on trouvera de nets échos dans le remarquable ouvrage de Heinz Dieter Kittsteiner, Marx Heidegger. Les philosophies gnostiques de l’histoire. [22]

Notes

[1Jacob Taubes, Eschatologie occidentale, Traduction Raphaël Lellouche et Michel Pennetier, l’Eclat, 2009

[2Jacob Taubes, « Le temps presse », du culte à la culture , traduction Mira Köller et Dominique Séglard, Seuil, 2009

[3Raphaël Lellouche : « La flèche des amis. La guérilla herméneutique de Jacob Taubes » in Jacob Taubes, Eschatologie occidentale. Op. cit., p. XVI

[4Ibid. p. XXVIII

[5Jacob Taubes, Eschatologie occidentale, p. 3

[6Ibid. p. 4

[7Ibid. p. 9

[8Ibid. p. 12

[9Ibid. p. 22

[10Ibid. p. 29

[11cf. Hans Jonas, La religion gnostique. Le message du Dieu étranger et les débuts du christianisme., Flammarion, 1992

[12Taubes, Eschatologie occidentale, p. 36

[13Ibid. p. 105

[14Jacob Taubes, Le temps presse, op. cit., p. 138

[15Taubes, Eschatologie occidentale, p. 170

[16Ibid. p. 177

[17Ibid. p. 119

[18Ibid. p. 201

[19Ibid. p. 10

[20Ibid. p. 42

[21Ibid. pp. 169-170

[22Heinz Dieter Kittsteiner, Marx Heidegger, les philosophies gnostiques de l’histoire, Traduction Emmanuel Prokob, Cerf, 2007

Yukio Mishima et la crise de l'identité japonaise au sommet de la prospérité économique

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Yukio Mishima et la crise de l'identité japonaise au sommet de la prospérité économique

[Texte extrait du blog "Otakism", aujourd'hui disparu]

Ex: https://legio-victrix.blogspot.com

"Femmes : bulles de savon ; argent : bulles de savon ; succès : bulles de savon. La réflexion sur les bulles de savon est le monde dans lequel nous vivons".

Yukio Mishima (Pavillon d'or)

L'écrivain et dramaturge Yukio Mishima (Kimitake Hiraoka - 1925-1970) est certainement l'un des personnages japonais les plus emblématiques du XXe siècle pour avoir ouvert de façon excentrique les contradictions d'un pays millénaire qui avançait sur la voie du progrès sans même un regard sur le tachymètre.

Mishima, qui a reçu une éducation de samouraï, a vécu et est mort en tant que samouraï, étant entré, enfant, à l'école alors que le Japon militariste "entrait" en Chine. Sans l'attention de son père, qui voulait qu'il obtienne un diplôme d'ingénieur malgré son talent pour les arts, et en prenant soin d'une grand-mère malade et possessive, Kimitake s'est réfugié dans la littérature pour supporter l'oppression de la vie quotidienne, et c'est précisément pour cette raison qu'il a créé son nom de scène, dans l'intention de cacher ses activités à son père. Influencé par des œuvres telles que le Hagakure du XVIIe siècle ("le ventre de ma mère"), sa production a pris de l'importance immédiatement après la fin de la Seconde Guerre mondiale, où il décrit avec une grande diligence littéraire la situation politique et sociale du pays, occupé par les forces américaines.

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Toute son œuvre est imprégnée de paradoxes. La beauté et la mort, l'amour et le rejet, l'Orient et l'Occident en sont quelques exemples. Son thème central était la dichotomie entre les valeurs traditionnelles japonaises et la pauvreté spirituelle de la vie contemporaine, qui avait rendu le Japon moderne mais infertile. Homme hybride, il est l'exemple vivant du Japon de l'après-guerre qui, même lorsqu'il défend un retour aux valeurs traditionnelles, ne le fait pas sans l'influence occidentale omniprésente. Mishima parlait couramment l'anglais (comme instrument de sa tentative d'obtenir un prix Nobel), appréciait les penseurs occidentaux comme Oscar Wilde, et même son style littéraire était assaisonné de touches occidentales, le cas de La mer de la fertilité l’atteste, où de nombreux critiques voient l'influence notable des Grecs.

Enfant anémique, Mishima se sentait éternellement coupable face au médecin de l'armée qui le considérait comme inadapté au service, et qui a conduit Yukio à préparer une guerre qui n'est jamais venue, dans le rôle d'un samouraï légitime. En tant qu'écrivain, il a critiqué la nature sédentaire de ceux qui vivent de la pitié, arguant que les mots doivent susciter l'action. En tant que samouraï, il a perfectionné son corps (maître en kendô et karaté) et son esprit tout en luttant pour rassembler son peuple et l'inciter à se rebeller contre ce qui se faisait dans le Japon de son temps.

"Le Japon va disparaître, devenir inorganique, vide, de couleur neutre ;" Mishima

Comme le dit Jordi Mas, un chercheur sur l'Asie orientale, basé à Barcelone, il "craignait que le progrès économique se fasse au détriment de sa propre culture", alors que les Japonais, récemment humiliés par la guerre et la défaite, étaient soutenus par les Américains et ivres de travail et de bien-être matériel. Mishima revendique alors le droit du peuple japonais à jouir de la souveraineté et de la justice sociale, en préservant les traditions sans aliéner l'adaptation du pays à la technique industrielle.

La culture traditionnelle japonaise a été fortement réprimée par l'occupation américaine, qui y a déployé tous les moyens un moyen pour étouffer les valeurs nationalistes et militaro-expansionnistes du Japon, et pour faire place aux valeurs pacifistes, libérales et progressistes (et à l'American Way of Life, bien sûr). La censure américaine, émanant de la section de l'information et de l'éducation civiles (liée au commandement des forces alliées suprêmes du général McArthur), a supprimé les manifestations artistiques qui faisaient référence au passé féodal du Japon, comme le théâtre Kabuki, en plus de l'interdiction d'enseigner les arts martiaux japonais.

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Alors que beaucoup étaient trop occupés à regarder les films hollywoodiens et les dessins de Hanna Barbera, certains Japonais étaient particulièrement gênés par la présence américaine et sa censure. Entre les années 1950 et 1970, on a assisté à une croissance des manifestations culturelles qui se référaient au nationalisme d'antan. Pendant cette période, les drames de samouraïs produits par Toei sont devenus populaires. Parmi les exemples de production de l'époque, citons le livre Requiem pour le cuirassé Yamato de Mitsuru Yoshida et les films Les sept samouraïs d'Akira Kurosawa et Le plus long des jours de Kihachi Okamoto.

Non seulement les artistes et les intellectuels, mais le gouvernement japonais lui-même a fait de son mieux pour revitaliser la culture traditionnelle du pays, en revalorisant l'architecture traditionnels dans les travaux publics, en investissant dans la préservation des sites historiques, en remettant en lumière les théâtres No et Kabuki, ainsi que la culture des samouraïs, toujours présente dans les écoles et les universités japonaises. En 1966, il publie le Programme pour la formation de l'image désirable du Japon, où il établit les caractéristiques du "Japon idéal", fortement influencé par le Bushido, code de conduite des samouraïs ("chemin du guerrier"). Je citerai le contenu du programme lorsque je parlerai du système éducatif japonais.

Mishima, cependant, a été le mentor de la tentative la plus symbolique pour restaurer ce Japon qui n'existait plus. Le 25 novembre 1970, accompagnés de 4 membres du Tatenokai (milice d'étudiants patriotes étudiant les arts martiaux sous la tutelle de Mishima), tous vêtus des uniformes de l'armée impériale, ils ont capturé le commandant Masuda du quartier général des forces d'autodéfense de Tokyo (ils ont tué 8 soldats qui avaient résisté lors de leur irruption). Mishima prononça alors un discours patriotique devant environ deux mille soldats, les invitant à lutter contre la constitution japonaise, rédigée par les Américains, et en faveur de la restitution de la puissance impériale. Face à l'indifférence des militaires, Mishima a commis le Seppuku (suicide rituel des samouraïs) après avoir crié trois fois : "Vive l'Empereur !

"La pureté parfaite est possible si vous transformez votre vie en un vers de poésie écrit avec un peu de sang ». Mishima

Sa mort est considérée comme la protestation ultime contre la décadence de la société japonaise. Il est nécessaire de le comprendre pour ne pas tomber dans l'erreur de l'accuser d'être un simple fanatique. Emilio, membre de la communauté de la littérature japonaise à Orkut, a bien résumé la situation : "Pour le lecteur sans méfiance, décontextualisé et globalisé, le patriotisme semble anachronique et pamphlétaire. Mais il est bon de rappeler que Mishima a vécu au Japon occupé militairement par les Américains". Yukio a eu la tête formée au plus fort du militarisme, il ne faut pas l'oublier.

Mishima a consacré sa vie à la mère patrie et à la nation. Il s'est battu contre la matérialisation de l'esprit d'un peuple qui a cessé d'être souverain. Il proteste "contre l'inopérationnalité, l'apathie de l'armée japonaise amorphe qui, on le sait, n'est rien d'autre qu'une police, plus destinée à réprimer le peuple, qu'une militia capable de sauvegarder la Nation.

Le discours de Mishima

L'acte radical de l'écrivain a suscité une étrange appréhension chez certains Japonais. Malgré la prise de conscience de l'extrémisme de l'acte de Mishima, ces Japonais se sont arrêtés pour réfléchir à leur destination en s'inquiétant de produire tant de richesses alors qu'ils se sentaient si vides et culturellement déconnectés des traditions du pays. Ils ont dès lors construit une vision d'eux-mêmes. La plupart des Japonais, au sommet de leur apologie de la consommation, n'ont vu dans l'acte qu'une excentricité de plus de Mishima et un très mauvais exemple. L'accueil en Occident, dépourvu d'idoles romantiques, a été beaucoup plus fort, découvrant la force de l'œuvre complète de Mishima avant le Japon lui-même, qui ne l'a reconnue correctement qu'après avoir revisité son héritage dans les années 80, en essayant de comprendre ce que les gaijins y voyaient d'important.

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"La mort est une sorte de châtiment éternel, infligé à la société occidentale matérialisée qui vit loin de la nature. Pour nous, ce n'est pas le cas, de manière absolue, puisque nous nous considérons comme faisant partie intégrante de la nature. C'est pourquoi la mort, aux yeux de mon peuple, est un prix, quelque chose comme la transformation, la liberté de la matière. Mourir, c'est partir, pas disparaître. Autrefois, le monde chrétien, je crois, avait la même philosophie ou une philosophie similaire. Et c'est à ce moment qu'elle a réussi à se consolider. Eh bien, nous voulons retrouver pleinement ce mode de vie et l'appliquer à une grande politique nationale et populaire. Le contraire reviendrait à accepter indéfiniment l'hibernation de l'âme japonaise". Yukio Mishima

"Écoutez toujours votre esprit. Il vaut mieux avoir tort que de suivre simplement le conventionnel. Si vous avez tort, cela n'a pas d'importance, vous avez appris quelque chose et vous deviendrez plus fort. Si vous avez raison, vous avez fait un pas de plus vers une vie plus élevée".  Extrait de Hagakure, l'œuvre qui a le plus influencé l'écriture de Mishima...

vendredi, 27 novembre 2020

Sorel, au-delà de la raison ?

Si vous passez un jour dans l’Ain, faites un détour par la petite ville de Tenay, à l’est d’Ambérieu en Bugey. Puis faites un détour au cimetière pour rendre hommage à Georges Sorel. Il y est enterré dans le caveau de la famille David où il repose à côté de sa compagne Marie Euphrasie David. Georges Sorel mérite bien qu’on se souvienne de lui, tant son apport reste important, y compris pour décoder le monde actuel. Sociologue et théoricien du syndicalisme révolutionnaire il a beaucoup réfléchi pour défendre le monde ouvrier. Très tôt il prit parti en faveur du peuple, et se mobilisa pour sa défense. Dans le syndicalisme (qu’il voulait révolutionnaire, SR) il vit une école de combat pour plus de justice sociale. L’ouvrier pour sortir de son quotidien et s’émanciper devait redécouvrir le goût de la lutte pour s’élever intellectuellement, et ne pas accepter d’être relégué au seul rang de combattant contre sa misère salariale.

9782825119709_1_75.jpgLa Démocratie n’est que mensonge et tromperie

Dénonçant la société bourgeoise et marchande il luttera contre les valeurs de l’argent, voyant dans le mouvement ouvrier un des seuls contre poids viable contre la corruption du système démocratique, aux ordres de l’oligarchie naissante. Le refus de soumission au pouvoir démocratique était vu aussi comme un moyen de destruction des illusions qu’entretiennent les politiques et les gouvernants, afin de rendre impossible leur domination. Il dénoncera déjà les parasites “profiteurs”, et les directeurs de la pensée : menteurs en tout genre (parlementaires, politiques, intellos, journalistes, …). Tous ceux qui ne produisent pas grand-chose et qui prospèrent malgré tout. Pour lui, reculer devant la lutte à entreprendre contre la démocratie, c’était renoncer à tout espoir de supprimer les mensonges qui empêchent nos contemporains de bien connaitre la valeur des choses. Contre la démocratie trompeuse, il militera pour une stratégie par le bas, fondée sur l’autonomie ouvrière par opposition à la stratégie par le haut, subordonnée à la lutte électorale pour la conquête du pouvoir. Dans la Commune de Paris, il vit le levier de la révolution en tant qu’organisation sociale naturelle, car locale, des producteurs, opposé à l’Etat comme forme artificielle (politique s’en remettant aux partis, suffrage universel et représentation).

La grandeur d’âme plutôt que la médiocrité

Ayant une profonde hantise de la décadence il comprit aussi très rapidement au contact de la société humaine, que les temps d’avilissement ont occupé une grande place dans l’histoire car les hommes accueillent toujours avec plus de facilité la médiocrité que la grandeur. De ces premiers constats réalistes il militera pour le dépassement de soi par des valeurs nobles et la formation des hommes qui veulent rester libres. Il acquit alors une profonde conviction sur la nécessité d’organiser librement la société à partir du bas, et non pas autoritairement à partir du haut. Croyant à l’autonomie il poussera le monde ouvrier à se former pour s’améliorer et à en faire une exigence du quotidien. Luttant contre les penchants naturels de l’homme à s’avilir, il se battra pour réhabiliter la valeur travail ! Pour Sorel il n’y avait que deux “aristocraties” : celle de l’épée, et celle du travail ! Dans son esprit il fallait réhabiliter les valeurs nobles, au sens romain ou grec du terme, pour tirer la tranche la plus courageuse du peuple vers le haut, montrant ainsi l’exemple et redonnant espoir aux autres.

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L’action directe et l’exemple comme moteurs pour engager le combat

Il prônera l’action directe, celle qui permettra aux travailleurs de mettre en œuvre leurs actions, avec leurs propres ressources. La volonté d’action directe à la base de chaque cellule étant vu comme moyen d‘action sur le patronat, et une affirmation de la déclaration de guerre faite au monde bourgeois. Les efforts doivent être entrepris par des minorités conscientes, qui par leur exemple mettent en branle et entrainent les masses. L’exemplarité sera mise en exergue comme moteur réel pour inciter à agir. À travers “l’exemple”, on éloigne les intellectuels de salons, ceux qui ne concrétisent rien, et on se confronte à soi-même, tout en incitant les autres à vous suivre…

Démocratie et parlementarisme comme outils de domination de la bourgeoisie

Opposés aux Marxistes voulant conquérir l’État, Sorel et les Syndicalistes Révolutionnaires voulaient le détruire. Rejetant la suprématie politique, ils rejettent du coup le parlementarisme, car le suffrage universel est vu comme un piège. En participant au jeu démocratique, le peuple finira par adopter le langage/système de pensée de la classe dominante (c’est criant d’actualité). L’Anti-démocratisme provient de la haine du rôle coercitif joué par l’état contre les révoltes ou insurrections populaires. La Démocratie libérale et parlementaire est vue comme une forme de la domination bourgeoise, et la Démocratie est donc rejetée en bloc, car associée au libéralisme, au régime des partis, à l’État ou le politique est un de leurs outils. Et tout ce beau monde en vient à faire l’apologie du tout économique, puisque ce système les fait vivre !

Il faudrait répudier les partis et se tenir à l’écart d’une société gouvernée par les possédants, et une église qui accompagnait parfois, et qui privilégiaient leurs intérêts. Il préconise de mettre en œuvre une démocratie de base, directe et participative : le fédéralisme (y compris ouvrier). Sa haine de la démocratie provient aussi de la nécessité de se séparer du bourbier démocratique qui conduit à tout mêler, à nier les antagonismes et à les faire disparaitre : avant son heure il militera pour le respect de la diversité et des identités ! Même l’idée de liberté à laquelle il est attaché ne saurait réconcilier les classes, car la liberté bourgeoise équivaut à la sujétion des producteurs, et le droit ouvrier est la négation du droit bourgeois !

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La violence pour s’opposer à la force injuste de l’Etat et de ses lois

Déjà à l’époque on voyait poindre l’oscillation de la bourgeoisie qui recherche parfois la protection de l’Etat, et qui parfois veut l’empêcher de légiférer, au nom de la “main libre du marché”. La violence ouvrière, notamment à travers la grève générale, est envisagée comme arme ultime pour s’opposer à la force injuste de l’Etat et de la loi. Cette violence (=combat) est nécessaire pour imposer un nouvel ordre social car la démocratie est aux mains des nantis. Dans la violence Sorel voit la légitimité du désespoir. Quand le peuple est poussé à bout, tel Encélade qui dans la mythologie grecque, pour se plaindre de ses douleurs, est obligé de provoquer des tremblements de terre… Blanqui disait déjà la même chose : « Oui, Messieurs, c'est la guerre entre les riches et les pauvres : les riches l'ont voulu ainsi ; ils sont en effet les agresseurs. Seulement ils considèrent comme une action néfaste le fait que les pauvres opposent une résistance. Ils diraient volontiers, en parlant du peuple : cet animal est si féroce qu'il se défend quand il est attaqué ».

Dans la mémoire du mouvement ouvrier, les répressions violentes exercées par les différents pouvoirs sont nombreuses. Voir comment Jack London le raconte dans Le Talon de fer. Sorel et les Soréliens estiment que tout se juge selon la lutte des classes, et ne peuvent pas croire que patrons et ouvriers ont des intérêts communs ; ils ne veulent pas résoudre les antagonismes, mais les intensifier. Ils en viennent alors à prôner le “Libérisme”, une sorte de Libéralisme sans limite, afin de forcer le monde ouvrier à réagir et à se mobiliser face aux injustices grandissantes portées par le patronat et appuyées par la démocratie… Ils voulaient réveiller les vertus propres à chaque classe, et sans lesquelles aucune ne peut accomplir sa mission historique.

La force vise à imposer un ordre social dans lequel une minorité gouverne, tandis que la violence sorélienne tend à la destruction de cet ordre. Édouard Berth dira que la force tend à l’appropriation du pouvoir, tandis que la violence au contraire vise à la décomposition du pouvoir et donc à l’émancipation. Face à la force légale, mise au service du pouvoir établi, l’action violente devient légitime. Sorel en revenais à dire que l’action directe (la violence) est seule efficace, et que ce n’était pas uniquement par des écrits qu’on renverse un régime établi ! La violence avait pour elle l’audace de porter une idée libératrice, quitte à en oublier l’aspect sommairement brutal. On l’aura compris la violence du prolétariat est faite pour se libérer de la force injuste de l’État, par opposition à l’exploitation cynique de l’oligarchie, pour décomposer l’ordre social de la minorité qui gouverne. Elle est identifiée à l’héroïsme des révoltes sacrées. Là encore que d’enseignements à tirer pour ceux qui pensent que l’on peut changer les choses avec des pétitions !

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La Charte d’Amiens : contre toutes les influences

Une démocratie déséquilibrée est souvent au service d’une oligarchie de puissants entrepreneurs ligués pour satisfaire leurs intérêts individuels aux dépends des intérêts de la nation. Sorel est fortement opposé à la démocratie car pour lui le jeu des partis et des politiciens confisquent les revendications du mouvement ouvrier. L’État doit être contrebalancé par une société civile “charpentée” et indépendante de toute influence.

Le mouvement ouvrier se structurant en France au sein de la toute première CGT, est fortement imprégné de l’esprit du SR. Il marquera sa volonté absolue de s’affranchir de toute influence extérieure en 1906 : pour que le syndicalisme atteigne son maximum d'effet, l’action économique doit s'exercer directement contre le patronat, les organisations confédérées n'ayant pas, en tant que groupements syndicaux, à se préoccuper des partis et des sectes qui en dehors et à côté, peuvent poursuivre, en toute liberté la transformation sociale. Par sectes il faut entendre les organisations anarchistes groupusculaires de l’époque. Ce n’est que plus tard au prix de nombreuses scissions que la CGT se politisera sous l’influence du parti Communiste, et donnera des consignes de vote. Comment ne pas oublier que la CGT actuelle a permis d’élire François Hollande comme président : illustrant ainsi la soumission de certaines confédérations syndicales au “Politique”, trahissant ainsi les intérêts premiers de leurs mandants !

Le SR se voulait mouvement d’émancipation visant à l’autonomie de la classe ouvrière, qui sera obtenue quand la maitrise syndicale devra remplacer la maitrise patronale, permettant ainsi d’arriver à l’autre objectif contenue dans la charte d’Amiens : « La CGT groupe, en dehors de toute école politique, tous les travailleurs conscients de la lutte à mener pour la disparition du salariat et du patronat… ». Les Ouvriers veulent tirer d’eux-mêmes, de leur force collective, l’âme qui fera tourner l’atelier. Blanqui dira : « Le capital, c’est le travail volé ». Le chemin vers plus de liberté passera immanquablement par la formation pour viser l’autonomie opérative, et arriver à une maturité du peuple. Se développe ici la philosophie de l’action des “producteurs”, opposés aux parasites “profiteurs” qui prennent plus qu’ils ne donnent.

Le refus des compromis et l’esprit Révolutionnaire

Le SR incarne le “parti” du travail, et doit donc se tenir à l’écart de tous les partis, du jeu des partis, et donc de la démocratie représentative. L’Union ouvrière doit construire son émancipation sans attendre de dispositions plus ou moins favorables du gouvernement. La pratique journalière et continue de la lutte mènera à la conflagration dénommée Grève Générale, à la révolution sociale : la force accouchant du droit nouveau, faisant ainsi le droit social… Loin des illusions qu’entretiennent les politiques et les gouvernants, afin de rendre impossible la domination ouvrière. D’où l’hostilité du mouvement ouvrier naissant envers les Guesde, Jaurès et compagnie, toujours prêts à des compromis avec le patronat et le gouvernement ! Il faut ici rappeler qu’il ne s’agit pas que d’une lutte pour le partage du butin, mais aussi et surtout, d’améliorer le sort de la classe la plus nombreuse et la plus pauvre, en adoucissant le droit mis en place par les “dominants”. Une lutte contre les consommateurs effrénés, égoïstes et ratatinés ; une lutte contre les bourgeois, boutiquiers, négociants, banquiers, assureurs, intermédiaires et intellectuels… Bref contre ceux qui profitent au détriment de ceux qui subissent trop. Il méprisera les intellectuels et tous ceux qui préfèrent raisonner plutôt que de s’engager et d’agir. Même si les abstractions sont des nécessités pour l’esprit, elles sont aussi les causes de nos erreurs, si elles n’ont aucun rapport avec le réel vécu. Il préfèrera les réalités concrètes et incarnées, transformées en actions dans la vie de tous les jours, face à celui qui manie des concepts sans se soucier de leur incarnation dans le réel.

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Le mythe à porter comme expression d’un avenir… en devenir

Sorel est du côté du devenir, son “mythe” renvoie à l’avenir. À un besoin d’avenir différent. Le Mythe permet de mobiliser les énergies autour d’objectifs concrets, et doit avoir un fond identique aux convictions d’un groupe. Jehan Morel nous dirait « saisir le cœur et l’esprit » du peuple (Guérilla et contre-guérilla : théorie et pratique, 2009). Le Mythe doit donc être l’expression d’une volonté d’avenir, il doit être l’expression d’une poésie sociale et populaire ! En cela il faut prendre en compte l’irrationnel, et la fonction de l’irrationnel dans la mobilisation : les Hommes ne feraient rien si tout n’était que raison ! Sorel est ici fortement influencé par Bergson pour qui l’instinct et l’intuition sont des facteurs d’un retour vers l’action qui n’est pas guidé par la seule science.

Le Mythe mobilisateur sorélien ne renvoie pas au passé mais à l’avenir ! Il renvoie à une vision de l’avenir qui reste à construire, qui parle à de nombreux hommes, et qui doit donc les entrainer ensembles. Le Mythe est mobilisateur, socialement agissant. Pour mobiliser les énergies autour d’un projet concret, il faut saisir et comprendre, puis développer des d’images capables d’évoquer instinctivement tous les sentiments qui correspondent aux diverses manifestations de la guerre engagée. Sorel évoquait la théorie des cycles (corsi et ricorsi, Vico), dans laquelle l’histoire est un recommencement, toujours ouverte (comme nous l’a aussi rappelé Dominique Venner). Les ricorsi ont lieu quand l’âme populaire revient à des états primitifs, que tout est instinctif, créateur, et poétique dans la société. La Libération par le retour à l’instinct, à la poésie, à la foi, à la force, au sublime ! Il se trouve toujours des forces neuves, restées barbares, des forces restées vierges et frustes (peuples, races, classes plus ou moins… survivantes à l’effort de civilisation voulu par le système !).

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L’intuition et l’instinct au-delà de la raison

“Au-delà de la raison”, le mythe se veut projet de société tourné vers un autre avenir, il doit inciter à l’action, ne pas trop faire appel à l’intellect facteur d’hésitation, mais plutôt aux sentiments car l’irrationnel peut faire naitre l’héroïsme désintéressé. Suivant les travaux de Bergson, Sorel oppose l’intellect à l’intuition. Il sera contre l’homme théorique qui veut à tout prix faire entrer le réel dans des schémas abstraits. Il pense que tout dans la vie ne peut pas être “raisonné” et que l’instinct est tourné vers la vie, en faisant appel aux sources non rationnelles des motivations humaines. Comme rappelé ci-dessus, l’histoire reste le règne de l’imprévu, et il ne faut donc jamais désespérer, ni se fier aux lois naturelles ou à la raison, et encore moins s’en remettre à la fatalité ou au déterminisme. Pour Sorel il faut savoir utiliser les passions, comme des forces, et les faire servir à la production d’un ordre supérieur, d’un mythe ! Le tout devant être orienté vers l’action créatrice, afin de faire naitre un ordre “nouveau”. Mussolini dira quelque chose qui s’en rapproche — “celui qui s’arrête est mort” — rappelant la nécessité de créer des dynamiques… Nietzsche et d’autres rappelèrent encore que “le génie réside dans l'instinct” et qu’il faut suivre ces impulsions créatrices, et les faire vivre à force de volonté, et donc de détermination et de travail !

Des hommes d’action, pleins de valeurs

Bien que Sorel n’ai pas été lui-même un homme d’action il a pensé en référence à l’action, afin de permettre aux hommes de se dépasser, d’aller au-delà d’eux-mêmes. Ils les voulaient combatifs, héroïques. Il s’agit pour lui de créer un monde nouveau, basé sur un homme nouveau, pénétré d’esprit guerrier : une vision d’une culture héroïque du combat ! Par la mise à l’honneur des valeurs guerrières doit naitre la noblesse de l’avenir. Il voulait voir dans le syndicaliste révolutionnaire, dans l’ouvrier syndiqué, un révolté, un soldat opposé à la jouissance et au trop grand confort (bassesse bourgeoise asservissante dans la durée), mais capable au prix d’un maximum de conscience, de souffrance et de travail de faire naitre un nouveau type d’homme. Hostile à l’intérêt particulier, aux préoccupations personnelles, à l’égoïsme individuel, à l’intérêt privé, aux petites lâchetés secrètes qui doivent disparaitre. Hostile au mercantilisme, à la marchandise, à tout ce qui est “utile” car bourgeois. Pour instaurer le groupement égalitaire, la nécessaire organisation implique d’aller contre nos penchants naturels. La Révolution morale doit être sévère, austère : les vices doivent être combattus, tout en prenant garde à l’invasion des idées et des mœurs de la classe ennemie. Ethique de l’honneur, héroïsme, frugalité, effort, discipline…

Notre avenir est dans notre mémoire

Sorel et les SR feront le triste constat que le peuple a du mal à se battre pour ses propres intérêts, et à s’élever autant qu’il le faudrait. La grève générale, ils ne la virent pas venir, et finirent par ne plus vraiment y croire : ce qui fera évoluer leurs positions sur ce sujet. La mobilité des idées sera une constante de la vie de Sorel, ce qui le fera qualifier par Lénine, qui l’admirait pourtant, de “brouillon”. Nous retiendrons de notre côté que les idées figées sont mortelles, et qu’il faut suivre le réel, sans cesse. Nietzsche dira que “les convictions sont des ennemis de la vérité plus dangereuses que les mensonges” ou encore “les convictions sont des prisons”. Bref les idées doivent cheminer, être mouvantes car confrontées au principe de réalité, afin de s’y adapter et de trouver de nouveaux équilibres ! Toujours en liaison avec ce que vit le peuple, et les intérêts du mouvement ouvrier.  En se méfiant comme jamais de la démocratie et du politique. Mais Sorel annonçait aussi dans son rejet absolu envers toute forme de centralisation, la méfiance qu’il faudrait avoir envers les centrales syndicales, centralisatrices, qui auront toujours quelque chose à négocier avec le pouvoir politique ou les patrons… Finalement, à travers Sorel, on peut disposer d’une grille de lecture très actuelle…

 
 
 

Raymond Abellio, le roman du huitième jour

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Luc-Olivier d’Algange

Raymond Abellio, le roman du huitième jour

         « Je n'étais qu'une ombre parmi les ombres, mais je sentais bouger en moi ce monde ultime où la pensée devient acte et purifie le monde, sans geste ni parole, toute seule, par la seule vertu de sa rigueur, de sa claire magie. » 

                                                                                              Raymond Abellio

         Le roman « idéologique » de Raymond Abellio outrepasse l'idéologie au sens restreint d'une partialité humaine, liée à des appartenances ou des circonstances historiques. C'est un roman engagé dans le désengagement, décrivant les conditions de l'advenue de l'Inconditionné. En allant aux confins de la psychologie, il importe à l'auteur de passer de l'autre côté, là où toute psychologie devient métaphysique, toute politique, gnose. Le roman d'Abellio s'achemine vers la « conversion du regard », ou, mieux encore, il est le cheminement de la conversion du regard à travers les apparences d'un monde transfiguré, impassible et lumineux, où les ténèbres mêmes sont devenues les ressources profondes du jour. Qu'importe un récit qui n'a pas pour ambition ultime de dire le huitième jour ? Qu'importe un personnage dont l'auteur n'ôte point le masque humain ? Qu'importe une histoire qui n'est point le signe visible d'une hiéro-histoire ? Qu'importe le visible s'il n'est point l'empreinte de l'invisible ? Qu'importe l'instant qui ne tient pas au cœur de l'éternité ?

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La vaste orchestration abellienne, dont l'ambition romanesque n'est pas sans analogie avec celle de Balzac, semble n'avoir d'autre dessein que ce basculement à la fois final et inaugural dans l'éternel. Mais pour abolir le Temps, pourquoi écrire romans et mémoires qui semblent être, au contraire, des modes d'accomplissement de la temporalité ? Pour quelles raisons Abellio, qui visait à une sorte de monadologie leibnizienne appliquée à l'épistémologie contemporaine, ne s'est-il point limité à l'exposé didactique de la structure absolue ? « Ma plus haute ambition écrit Raymond Abellio, c'est en effet d'écrire le roman de cette structure absolue, à travers les bouleversements qu'entraîna pour moi cette découverte, et d'écrire à ce sujet non pas un essai philosophique romancé, ou un roman bâtard, mais un vrai roman, celui de ma propre vie, replacée dans cette genèse, et, à cet égard, toute vie sachant reconnaître les signes est selon moi un sujet d'une valeur romanesque sans égale, le seul sujet. »

unnamedrastrabs.jpgLa structure absolue de Raymond Abellio se distingue d'abord du structuralisme universitaire en ce qu'elle est une structure mobile.  La structure absolue n'est pas un schéma mais un tournoiement de relations qui s'impliquent les unes dans les autres, jusqu'à ce vertige que Raymond Abellio nomme « le vertige de l'abîme du Jour ». Or, qu'est-ce qu'un roman lorsqu'il se délivre du positivisme sommaire de la psychologie et de la sociologie, sinon la victoire de « l'abîme du jour » sur « l'abîme de la nuit » ? Les forces obscures, destructrices, qui hantent les personnages d'Abellio (et ne sont pas sans analogie, à cet égard, avec ceux de Dostoïevski) sont la « matière première » au sens alchimique, du Grand-Œuvre qui portera le roman idéologique jusqu'à l'incandescence du roman prophétique. Le paroxysme de l'événement est effacement de l'événement.

Drameille, dans La Fosse de Babel, précise que l'on ne peut décrire un effacement. En revanche, il est possible, à l'écrivain de l'extrême, de décrire un paroxysme, « cette floraison d'un Dieu si plein de lui-même que martyrs et criminels s'y confondent. » Avant la grande libération solaire, impériale, il faut passer par l'ascèse nocturne de l'action. «  Les hommes, écrit encore Abellio, ne retrouveront le sens du sacré qu'après avoir traversé tout le champ du tragique. » La passion encore invisible du « dernier Occident » s'accomplira dans « la montée nocturne du roman où s'efface sans cesse et se renouvelle le pouvoir des mots. »

L'œuvre de Raymond Abellio rejoint ainsi l'ambition continue de la philosophie grecque, des présocratiques jusqu'aux néoplatoniciens, qui est de changer l'Eris malfaisante en Eris bienfaisante: « Les hommes les plus torturés par l'impossible peuvent passer pour des êtres en repos, mais leur passivité met en action, dans l'invisible, les forces les plus puissantes ». Le parcours de Raymond Abellio, de la politique à la gnose, relate ce passage de l'Eris néfaste à l'Eris faste. L'ascèse personnelle de Raymond Abellio consistera pour une grande part à juguler en lui la violence tragique et dostoïevskienne de l'ultime Occident et à dépasser, par le haut, le nihilisme des idéologies antagonistes: « Il fallait alors regrouper secrètement, au-delà de toutes les idéologies, la minorité européenne déjà consciente de sa future prêtrise. ». Le premier chapitre du roman significativement intitulé Heureux les Pacifiques débute précisément par un meurtre inaccompli. L'ennemi véritable n'est pas celui que paraissent désigner, au demeurant de façon toujours obscure ou aléatoire, les circonstances historiques. L'Ennemi véritable est le Moi. Pour atteindre le Soi, il faut tuer le Moi. Les romans d'Abellio décrivent l'élévation transfigurante, avec ses dangers, ses écueils et ses échecs, de la « petite guerre sainte » à la « grande guerre sainte ».

CVT_Heureux-les-pacifiques_2955.jpegL'œuvre de Raymond Abellio est de celles pour qui le monde existe. Là où le romancier du singulier ratiocine en exacerbant son recours à l'analyse psychologique ou en se perdant en volutes formalistes, le romancier de l'extrême vit son œuvre comme « la triple passion de l'éthique, de l'esthétique et de la métaphysique. »Le singulier enferme l'individu en lui-même. L'extrême le conduit à ses propres limites qui non seulement le révèlent à lui-même mais changent le miroir du Moi en une vitre murmurante, voire en un vitrail dont les couleurs sont clairement délimitées mais dont les accords sont infiniment variés par le mouvement de la lumière. Les rosaces des cathédrales sont les figures versicolores de la Structure Absolue. A la fois dans le temps et en dehors du temps, révélant l'éternité par la mobilité de ses dialectiques entrecroisées, la structure absolue circonscrit  « l'abîme du jour » de la conscience dans sa rotation solaire, dans son ensoleillement génésique. Tout pour le romancier, comme pour le gnostique (et la phénoménologie husserlienne dont se revendiquera Abellio se définit elle-même comme une « communauté gnostique ») se joue dans la conscience, qui est « le plus haut produit de l'être ».

Le roman digne de ce nom, qui entretient encore quelque rapport avec une spiritualité romane, sera donc le roman d'une ou de plusieurs « consciences en action ». A  la ressemblance des romans de Stevenson, de Conrad ou de John Buchan, les romans d'Abellio inventent des personnages qui se mesurent aux évidences et aux ténèbres du monde. Ces personnages « lucifériens » ne croient point  abuser de leurs forces en allant « au cœur des ténèbres », voire au cœur du « typhon ». Leur quête de l'immobilité centrale passe par l'expérimentation des tumultes et des tourbillons les plus périlleux. N'est-il point dit dans les récits du Graal que le château périlleux « tourne sur lui-même »? Pour n'être point rejeté dans les ténèbres extérieures, il importe de saisir au vif de l'instant l'opportunité excellente. C'est bien cette prémisse qui donne à la gnose abellienne le pouvoir de subjuguer le récit et de susciter un romancier qui, en toute conscience, domine son genre, sans nuire à l'impondérable vivacité: « Chaque fois j'ai vécu d'abord, réfléchi ensuite, écrit enfin. J'ai même parfois revécu assez vite pour être obligé de détruire ce que j'avais écrit. Mais qui me comprendra ? Un seul roman dans toute ma vie, ce devrait être assez, quand la vie est finie en tant que récit et qu'en tant que réalité, elle commence. »

104595451.jpgAlors que Les Chemins de la liberté de Sartre ou les Déracinés de Barrès s'alourdissent de l'insistance avec laquelle leurs auteurs défendent leur thèse, la trilogie abellienne (ou la tétralogie, selon que l'on y intègre ou non son premier roman Heureux les Pacifiques) fait jouer la Structure Absolue dans tous les sens et se refuse aux vues édifiantes, laissant au lecteur la possibilité d'une lecture périlleuse, où la conscience  ne peut compter que sur ses propres pouvoirs pour discerner le Bien et le Mal, autrement dit, la Grâce et la pesanteur. Si Abellio est bien le contraire d'un donneur de leçon, il est fort loin de se complaire dans un immoralisme qui ne serait que la floraison parasitaire de la morale qu'il condamne. Il peut ainsi fonder une éthique, directement reliée à l'esthétique et à la métaphysique. La morale abellienne est cette fine pointe où la pensée de Nietzsche rejoint la théologie de Maître Eckhart.

Dans leurs fidélités et dans leurs transgressions, c'est bien à la recherche d'une morale que s'en vont les personnages de Raymond Abellio et à travers eux, Raymond Abellio lui-même. Mais cette morale n'est pas une morale utilitaire, une morale de la récompense ou du marchandage, mais une morale héroïque et sacerdotale. Pour Raymond Abellio, le péché, c'est l'erreur. A ce titre, le péché ne doit point conduire à la culpabilité mais à un repentir, au sens artistique. Le penseur est un archer: il doit apprendre à ajuster son tir. Pécher, c'est rater le cible. La méditation du repentir favorise une plus grande exactitude. Le moralisateur se trouve en état de péché continuel, lui qui à force de s'occuper des archets d'autrui, ne cesse de manquer, dans sa propre relation au monde, la cible du Bien, du Beau et du Vrai.  A cet égard, l'œuvre de Raymond Abellio relève bien d'une ascèse pascalienne.

La_fosse_de_Babel.jpgLes romans de Raymond Abellio sont pascaliens par leur dramaturgie qui décrit la rencontre, à travers les personnages, de l'esprit de finesse, qui saisit les nuances du moment, et de l'esprit de géométrie, qui entrevoit les vastes configurations où s'inscrivent les destinées humaines, collectives ou individuelles. L'œuvre de Raymond Abellio n'est pas moins novatrice lorsqu'elle délivre le sens du destin, le fatum des tragédies et des romans de Balzac, du déterminisme purement naturaliste où l'entraînent les intelligences rudimentaires. Dans La Fosse de Babel ou Visages immobiles, le destin individuel n'a pas une moindre signification que le destin collectif. L'individuel et le collectif s'entretissent si bien qu'il n'est aucune complexité, ni aucune puissance, qui ne dussent être saisies et dominées par l'entendement. Loin de soumettre l'individu, de lui ôter son libre-arbitre, l'interdépendance universelle, qui est l'apriori théorique de la Structure Absolue,  restitue la personne à sa souveraineté bafouée par l'individualisme de masse des sociétés occidentales modernes. Si les mouvements majestueux des astres influent sur nos destinées, Abellio ne manquera pas de rappeler qu'un homme qui étend ses bras change l'ordre des constellations, fût-ce de manière infime. Mais qui est juge de l'importance de l'infime ou du grandiose ? Lorsque l'esprit de finesse coïncide avec l'esprit de géométrie, l'infime et le grandiose s'impliquent l'un dans l'autre dans un ordre de grandeur où la qualité entre en concordance avec la quantité sans plus être écrasée par elle, comme par sa base, la pointe d'une pyramide inversée. Tout auteur, qui n'entend pas être réduit au rôle de pourvoyeur de distractions ou d'homélies à conforter la bonne conscience du médiocre, ne peut témoigner en faveur de son art sans avoir entrepris, au préalable, une critique radicale des morales, des valeurs et des savoirs qui prétendent au gouvernement absolu des hommes par l'exclusion de toute métaphysique et de toute transcendance. Conjoignant la finesse du romancier et la géométrie du métaphysicien, s'inscrivant ainsi dans la voie royale de la haute-littérature (qui, de la Délie de  Scève  jusqu'aux Nouvelles Révélations de l'Etre d'Antonin Artaud, n'a jamais cessé de relever le défi que le prophétisme adresse à la raison non pour détruire la raison mais pour en exaucer le vœu secret dans les arcanes du Logos-Roi) l'œuvre de Raymond Abellio définit l'espace nécessaire aux nouvelles advenues de l'Intellect.

Ces advenues seront transdisciplinaires, impériales, européennes, tiers-incluantes et gnostiques. « Si aujourd'hui, en Europe, écrit Raymond Abellio, la politique n'est plus qu'affairisme ou futilité, une supra-politique est train de naître, qui n'est encore que pressentiment et reste au stade de la non-politique. Le grand drame intérieur de Kierkegaard, Dostoïevski, Nietzsche, Kafka et Husserl, qui s'est dilué chez les épigones en scolastiques de minuties incapables de rapprocher les signes, devient le drame même de l'histoire. Sur la sous-humanité, par une juste compensation, une surhumanité tente de naître. Dans un monde où toute relation véritable est rompue, elle seule vit, dans sa solitude, la triple et unique passion de l'éthique de l'esthétique et du religieux, d'où sortira un comble de relation: une religion nouvelle. »

Est-il même nécessaire de préciser que  cette « surhumanité » n'a rien de darwinien, qu'elle ne se rapporte nullement à quelque évolution biologique mais demeure, tout comme la « religion nouvelle » essentiellement christique, comme une éternelle possibilité de la Sophia perennis ?

Luc-Olivier d'Algange.

Préparez-vous au chaos, peu importe qui finira à la Maison Blanche

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Préparez-vous au chaos, peu importe qui finira à la Maison Blanche

Par Brandon Smith

Source Alt-Market

En juillet de cette année, dans mon article « Élection 2020 », j’ai fait des prévisions sur les élections de 2020 dans cet autre article : « Élection 2020 : Le pire scénario est le plus probable« , après avoir décrit les facteurs étranges entourant Biden et Trump, j’ai déclaré que

Ces facteurs et d’autres encore me poussent à prédire que l’élection 2020 sera une élection contestée qui se terminera par le maintien de Trump au pouvoir, mais qui sera accusé d’usurper le processus démocratique. Ce résultat est le pire résultat possible et aussi le plus avantageux pour l’establishment globaliste.

J’ai également noté la campagne de programmation prédictive menée par les médias et les membres du Council on Foreign Relations, comme Max Boot, pour acclimater le public à l’idée d’une élection contestée tout en « planifiant » ce résultat exact. J’ai déclaré :

…Boot est de retour, cette fois-ci en écrivant comment il pense que Donald Trump va tenter de « détourner » la présidence en 2020.

Dans un article pour le Washington post intitulé « What If Trump Loses But Insists He Won« , Boot décrit un scénario de « jeu de guerre » par un groupe appelé le Transition Integrity Project. Le groupe a mis en place un scénario dans lequel Joe Biden remporte une victoire à peine croyable, suivie d’actions de Trump pour garder le contrôle de la présidence par le biais de mensonges et de querelles juridiques. Le groupe a également prédit des troubles civils conduisant à une potentielle « guerre civile » à mesure que la lutte pour la Maison Blanche s’intensifie.

Cet article est, je crois, une tentative de programmation prédictive par l’establishment. Ils nous disent exactement ce qui est sur le point de se passer. Une élection contestée, une guerre civile, la loi martiale, l’effondrement économique et les États-Unis seront détruits de l’intérieur.

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Jusqu’à présent, il semble que ma prédiction était correcte. Au moment où j’écris ces lignes, l’administration Trump intente une action en justice en Pennsylvanie pour des actes de vote suspects, notamment pour empêcher les observateurs républicains de surveiller le décompte des voix. Le fait que la Pennsylvanie autorise le décompte des votes par correspondance même s’ils ont été postés bien après la date limite sera également remis en question. Des preuves de fraude électorale apparaissent dans de nombreux États clés ; il semble que M. Trump pourrait rester au pouvoir après tout.

Si l’un des rapports de fraude est vérifié par les tribunaux, la situation électorale change complètement. Des millions d’Américains perdront confiance dans le processus et l’élection elle-même sera invalidée. Même s’il n’est pas prouvé que la fraude découverte a effectivement fait basculer le vote en faveur de Biden, aucun conservateur n’acceptera Biden comme président, et l’administration Trump aura une parfaite justification pour refuser de concéder la Maison Blanche.

De nombreux Américains ne semblent pas comprendre la dynamique en jeu ici. Ils pensent que « gagner » le décompte des votes signifie une présidence automatique de Biden, mais ce n’est pas le cas. Trump est déjà en possession de la Maison Blanche – S’il ne veut pas partir à cause d’une éventuelle falsification des élections, alors qui va le démettre de ses fonctions ? Peut-être l’une des agences à 3 lettres, mais sur ordre ou sous l’autorité de qui? Les militaires ne le feront pas partir car la majorité d’entre eux sont conservateurs, et certainement pas les Démocrates car ils n’ont pas la capacité de se projeter au pouvoir. Trump peut rester en place parce que les seules personnes qui pourraient éventuellement le pousser à partir (les conservateurs) ne le feront probablement pas.

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Un autre scénario pourrait impliquer des électeurs « activistes » de l’État. Les électeurs du collège électoral ne doivent pas nécessairement voter en fonction du vote populaire dans leurs États respectifs. Certains États ont des lois qui lient les électeurs, mais beaucoup n’en ont pas, notamment la Pennsylvanie, la Géorgie, l’Arizona et le Minnesota. Les États qui ont des lois ont peu de moyens de les faire appliquer, et les électeurs militants ne peuvent être sanctionnés que pour un délit. Fondamentalement, personne ne peut empêcher le collège électoral de voter pour Trump au lieu de Biden.

Si les électeurs des États clés se réunissent en décembre pour voter et décident de voter pour Trump au lieu de Biden parce qu’ils soupçonnent une fraude électorale, ce serait parfaitement légal et, là encore, Trump restera au pouvoir.

Ensuite, il y a la question du Congrès qui doit finaliser les résultats des élections. Aucun des deux partis ne détient actuellement une majorité de 218 sièges au Congrès, et si la moitié des représentants refuse de valider l’élection, les résultats seront contestés. Une fois de plus, un problème de légitimité se poserait pour Joe Biden.

Je me rends compte que ces facteurs et bien d’autres encore donnent aux conservateurs l’espoir permanent de remporter une « victoire » électorale. Cependant, je voudrais que les lecteurs mettent de côté le concept de « victoire » pendant un moment et qu’ils considèrent la situation dans son ensemble.

J’ai pu prédire le résultat de l’élection de 2020 (jusqu’à présent) parce que j’ai basé mon analyse sur ce qui serait le résultat le plus avantageux pour l’establishment globaliste. Autrement dit, même si Trump reste dans le bureau ovale, les globalistes ont beaucoup à gagner.

Tout d’abord, ne soyons pas naïfs sur la situation – le cabinet de Trump est chargé de globalistes du Council on Foreign Relations ainsi que de nombreuses élites bancaires. S’ils veulent orienter la réponse électorale du côté de Trump, ils peuvent facilement le faire. Trump se présente aux élections parce qu’on lui a conseillé de le faire.

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Deuxièmement, les grands médias et la campagne de Biden déclarent déjà Biden vainqueur à titre préventif. Cela prépare le terrain pour une dynamique dangereuse ; imaginez ce qui se passerait si les gauchistes arrivaient en décembre/janvier persuadés qu’ils ont la présidence dans la poche, mais que soudain tout leur soit arraché ? Ce récit créerait un scénario de rage ultime pour la gauche politique ; elle considérerait Trump comme un usurpateur de la présidence et, à partir de ce moment, elle rationaliserait toute violence collective. Ces troubles civils seront entièrement imputés à Trump et aux conservateurs.

Troisièmement, un événement de troubles de masse peut déclencher une demande de maintien de l’ordre. Il y a deux façons d’y parvenir : Une voie constitutionnelle et une voie anticonstitutionnelle. Les élites du cabinet de M. Trump feront pression pour obtenir une réponse anticonstitutionnelle, ce qui signifie qu’elles feront pression pour obtenir la loi martiale. La loi martiale entraînera inévitablement de nombreuses violations de la Déclaration des droits, qui sont INACCEPTABLES en TOUTES circonstances.

Non seulement cela, mais que se passerait-il si les conservateurs, normalement de fervents défenseurs des droits individuels, décidaient soudainement qu’il est acceptable de piétiner ces droits au nom de la « défaite de la gauche politique » ? Nous devenons les plus grands hypocrites de l’époque, nous perdons la supériorité morale à long terme et personne ne nous écoutera plus quand nous plaiderons pour la liberté à l’avenir. Les plus grands défenseurs de la liberté deviendraient les plus grands destructeurs de la liberté. Là encore, les globalistes en sortiraient vainqueurs.

Quiconque vous dit que la loi martiale est « le moindre mal » et que nous n’avons pas d’autre choix, n’est pas honnête.

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Quatrièmement, alors que M. Trump est toujours en fonction, le programme de « Grand Reset » de l’establishment continuera à utiliser les conservateurs comme boucs émissaires de l’effondrement économique qu’ils ont créé. Au-delà de cela, l’élection contestée peut être utilisée comme une excuse supplémentaire pour l’instabilité économique. Les banques centrales qui ont utilisé des mesures de relance sans fin pour gonfler l’énorme « bulle de tout » depuis 2008 doivent détourner les responsabilités de l’implosion éventuelle de la bulle, et elles disposent maintenant de nombreuses distractions qui leur permettront de le faire.

Cinquièmement, même si des millions d’Américains considèrent les actions de Trump comme justifiées et les résultats des élections comme truqués, une grande partie du reste du monde traitera Trump et les conservateurs comme des parias. La situation devient bien pire si les conservateurs soutiennent la loi martiale. On dira que l’Amérique est sous un régime illégitime et tyrannique, et qu’une intervention internationale pourrait être nécessaire. Au minimum, il y aura des pénalités économiques mondiales, y compris la perte du statut de réserve mondiale du dollar qui entraînera un flot de dollars revenant aux États-Unis depuis l’étranger et une hyperinflation des prix.

Ne vous méprenez pas, une présidence Biden aura également des répercussions immédiates et violentes, mais les conservateurs doivent se rendre compte qu’une présidence Trump n’est pas une réponse à leurs problèmes ou à leurs craintes. C’est une situation sans issue.

Sous la présidence de M. Biden, il faut s’attendre à ce que le krach économique s’accélère considérablement. Biden lancera des mesures de confinement de niveau 4 dans tout le pays dans les semaines qui suivront son élection à la présidence, ce qui entraînera la destruction du secteur des petites entreprises, qui s’accroche déjà à peine à la vie. Les globalistes devront faire chuter l’économie plus rapidement sous Biden afin de pouvoir prétendre que le krach est un effet résiduel de l’administration Trump. S’ils attendent trop longtemps, la faute en reviendra à Biden et, par extension, aux globalistes.

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Le confinement de niveau 4 contribuerait également à empêcher les conservateurs de se délocaliser dans des États et régions plus amicaux. Et ils empêcheraient les conservateurs de se rassembler en grands groupes et d’organiser la résistance aux politiques de gauche.

La censure des voix et des plate-formes conservatrices devra également s’accélérer sous Biden, car plus les conservateurs seront capables de partager des informations en temps réel, plus ils seront galvanisés et plus ils seront confiants en refusant de se soumettre aux restrictions liées à la pandémie (entre autres). Je pense que les fournisseurs de services web vont commencer à censurer directement les sites web conservateurs qui utilisent leurs serveurs. Des sites comme le mien seront entièrement retirés du web, ou filtrés complètement par des algorithmes de recherche.

Enfin, sous Biden, il y aura un appel immédiat à des mesures draconiennes de contrôle des armes à feu et peut-être même à la confiscation des armes. Cela se fera par décret, et il est probable que les lois Red Flag seront utilisées. Un programme de gauche ou globaliste ne peut pas progresser tant que les conservateurs sont armés. C’est impossible. Personne n’acceptera les restrictions en cas de pandémie dans les États à tendance conservatrice. Personne n’acceptera les contrôles autour de la production de carbone. Personne n’adoptera de nouvelles lois insensées sur les discours de haine conçus par des fous de la justice sociale.

Une présidence Biden galvaniserait et unifierait les groupes conservateurs plus que tout autre chose dans l’histoire récente. A terme, les conservateurs se révolteront (y compris de nombreux militaires et policiers) et la gauche et les globalistes ne pourront rien y faire. Le désarmement devra se faire rapidement.

C’est pourquoi je pense que le fait que Trump reste au pouvoir est un meilleur modèle pour les globalistes. Il est préférable de piéger les conservateurs pour qu’ils soutiennent avec jubilation les mesures de la loi martiale et introduisent la tyrannie sous leur propre bannière que de créer une confrontation directe entre les conservateurs et les globalistes par le biais du confinement de Biden.

Comme mentionné ci-dessus, il existe cependant une solution. Accueillir une présidence Trump si une fraude est découverte, mais refuser de soutenir la loi martiale. Au lieu de cela, les conservateurs peuvent protéger leurs propres villes et comtés en organisant eux-mêmes la sécurité de la communauté. Il n’est pas nécessaire que l’armée prenne en charge les questions de sécurité intérieure. Les conservateurs doivent plutôt réagir comme beaucoup l’ont fait dans l’Idaho lors des émeutes des BLM.

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Lorsque le BLM et les Antifa ont essayé de faire venir par bus des centaines de manifestants dans les zones rurales du Nord-Ouest, les groupes conservateurs ont envoyé des centaines de membres armés de la communauté pour maintenir la sécurité. Les militants BLM et les Antifa sont restés relativement pacifiques et silencieux, il n’y a eu aucun pillage et personne n’a été blessé (contrairement à de nombreuses autres villes). C’était le meilleur résultat possible.

Ce modèle doit être appliqué dans tout le pays, et les Américains doivent prendre leur sécurité en main. Je suggère même que nous recommencions à utiliser le « mot M » : Milice.

Les États et les comtés conservateurs devraient commencer à envisager sérieusement la formation de milices communautaires, car on ne peut pas faire confiance au gouvernement pour rester bienveillant ou juste quand on lui donne le pouvoir ultime de la loi martiale. Dans l’éventualité d’une présidence Biden, les milices seront également nécessaires pour dissuader un renforcement totalitaire des mesures fédérales de confinement du fait des pandémies. Si les gauchistes veulent détruire leurs propres économies locales par des mesures de confinement inutiles, qu’ils le fassent. Les conservateurs n’ont pas besoin de suivre les lemmings vers cette falaise.

Constitutionnellement, les milices sont censées être contrôlées par les gouvernements des États. Cela pourrait ne pas être possible. Si ce n’est pas le cas, les communautés devraient quand même former des milices ; mais n’appelez pas cela une milice officielle ou « organisée ». Si les gouvernements des États tentent de saboter ces mesures, elles doivent être contournées et ignorées. Nous n’avons pas besoin d’elles pour assurer notre sécurité.

Si cette solution n’est pas prise au sérieux et que les conservateurs ne prennent pas les choses en main, je prévois une catastrophe. Soit nous serons amenés à donner foi à la liberté en refusant la loi martiale, soit nous serons à la merci de la tyrannie médicale de Biden. L’avenir dépend de nous…

Brandon Smith

Traduit par Hervé pour le Saker Francophone

00:17 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, états-unis, politique internationale | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Un autre regard sur l’équipe de politique étrangère de Joe Biden

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Un autre regard sur l’équipe de politique étrangère de Joe Biden

Par Moon of Alabama

Les choix que le nouveau président Joe Biden a faits jusqu’à présent ne sont pas du tout formidables. Les personnes qu’il a choisies pour l’instant sont des interventionnistes convaincus qui voudront continuer les guerres qu’ils ont commencées lors de leurs précédent mandats.

Tony Blinken deviendra secrétaire d’État. On a probablement pensé qu’il était trop difficile d’obtenir la confirmation du Sénat pour la tout aussi nullissime Susan Rice. En 2013, le Washington Post a décrit son pedigree de haut vol :

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Blinken est le conseiller adjoint à la sécurité nationale du président 
Obama, qui a également invoqué l’Holocauste alors que son administration
se débat, souvent douloureusement, pour savoir comment réagir à
l’utilisation présumée d’armes chimiques par le président syrien
Bashar al-Assad. L’un des acteurs clés du gouvernement dans l’élaboration
de la politique syrienne, Blinken, 51 ans, a des références de l’administration
Clinton et des liens étroits avec le vice-président Biden et l’establishment de
la politique étrangère et de la sécurité nationale à Washington. Il a attiré
l'attention sur lui dans des photos de la salle de situation de crises, y
compris celle emblématique lors du raid de mai 2011 dans la résidence
d'Oussama ben Laden, pour ses cheveux sel et poivre élégamment ondulés. Mais ce qui le distingue des autres puissances intellectuelles du sanctuaire
du cercle intérieur, c'est une biographie qui se lit comme un scénario sur la
haute société juive, que l'ancien producteur de films en herbe avait peut-être
déjà rêvé d'écrire. Il y a son père, un géant du capital-risque ; sa mère, une
patronne des arts ; et son beau-père, qui a survécu à l'Holocauste pour
devenir l'un des avocats les plus influents sur la scène mondiale. C'est un
roman-photo pour le jeune Blinken - jouant dans un groupe de jazz parisien,
débattant de politique avec des hommes d'État - avec un casting de
personnages autour de lui, entre autres, Leonard Bernstein, John Lennon,
Mark Rothko, Valéry Giscard d'Estaing, Abel Ferrara et Christo.

Cet homme est un psychopathe belliciste :

Blinken en a surpris certains dans la salle des situations de crise en 
s'opposant à Biden pour soutenir une action militaire en Libye, ont
déclaré des responsables de l'administration, et il a plaidé pour une
action américaine en Syrie après la réélection d'Obama. Ces sources
ont déclaré que Blinken était moins enthousiaste que Biden à propos
de la décision d'Obama de demander l'approbation du Congrès pour
une frappe en Syrie, mais qu'il est maintenant à bord - peut-être par
nécessité - et partisan de négociations diplomatiques avec la Russie.
Bien que moins idéologue que Samantha Power, l'ambassadrice des
États-Unis aux Nations Unies - un poste pour lequel il était considéré
- il n'est pas surprenant qu'il partage sa conviction que les puissances
mondiales telles que les États-Unis ont la «responsabilité de protéger»
contre les atrocités.

Il n’a depuis montré aucun remords à propos de ces échecs de politique étrangère :

Blinken soutient que l'échec de la politique américaine en Syrie est que 
notre gouvernement n'a pas employé assez de forces. Il soutient le faux
argument selon lequel le vote de Biden pour autoriser l'invasion de l'Irak
était un «vote pour une diplomatie dure». Il aurait été en faveur de
l'intervention libyenne, à laquelle Biden s'est opposé, et il était initialement
un défenseur du soutien américain à la guerre de la coalition saoudienne
contre le Yémen. En bref, Blinken a accepté certaines des plus grandes
erreurs de politique étrangère que Biden et Obama ont commises, et il a
eu tendance à être plus interventionniste que les deux.

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Jake Sullivan deviendra conseiller à la sécurité nationale. Il est une réplique d’Hillary Clinton :

Si vous ne pouvez pas tout à fait placer Jake Sullivan, il a été un assistant 
de longue date d'Hillary Clinton, à commencer par sa compétition de 2008
contre Barack Obama, puis en tant que chef de cabinet adjoint et directeur
du Bureau de la planification politique du département d'État lorsque Clinton
était secrétaire d'État d'Obama. (...) En 2016, lors de l'échec de sa campagne
présidentielle, Sullivan a de nouveau fait équipe avec Clinton, et il était
largement attendu qu'il soit nommé pour servir de conseiller à la sécurité
nationale ou même de secrétaire d'État si elle avait gagné. Depuis 2016, et depuis la création de la NSA, Sullivan est apparu comme
une sorte de réprimandeur de la politique étrangère, critiquant doucement
- et parfois pas si doucement que ça - ceux qui s'opposent par réflexe à
l'intervention américaine à l'étranger et qui dénigrent l'idée de
«l'exceptionnalisme» américain. En effet, dans un article du numéro
de janvier-février de The Atlantic, «What Donald Trump et Dick Cheney
Got Wrong About America»
, Sullivan dit explicitement qu'il a l'intention
de «sauver l'idée de l'exceptionnalisme américain» et présente des
arguments pour un "nouvel exceptionnalisme américaine".

Sullivan a envoyé des documents classifiés au serveur de messagerie privé d’Hillary Clinton. Il lui a écrit qu’Al Qaida est «de notre côté en Syrie». Il a également lancé de fausses allégations de collusion entre Trump et la Russie.

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On ne sait pas encore qui deviendra secrétaire à la Défense. Michèle Flournoy

est l’option la plus nommée mais il y a une certaine opposition à sa nomination :

Les soutiens  de Michèle Flournoy, son choix probable pour le poste de 
secrétaire à la défense, tentent de contenir une initiative de dernière minute
menée par certains Démocrates de gauche essayant de faire dérailler sa
sélection, car de nombreux progressistes voient sa nomination comme
une continuation de ce que les critiques appellent les “guerres éternelles
de l'Amérique.”

Je m’attends à ce que les progressistes perdent le combat et que Flournoy ou une autre figure belliciste obtienne cette position de lobbyiste des fabricants d’armes.

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Les progressistes ont également perdu le poste pour le Trésor. Biden a nommé Janet Yellen qui est connue pour être un faucon inflationniste.

Il est peu probable qu’elle soutienne des dépenses importantes pour les priorités des progressistes.

Comme d’habitude avec une victoire électorale du parti Démocrate, les gens qui ont apporté les votes et l’engagement décisifs, c’est à dire ceux qui plaident pour des politiques plus socialistes et pacifiques, n’auront aucun accès aux leviers du pouvoir.

Dans trois ans, ils seront à nouveau appelés à se mobiliser pour un autre miroir aux alouettes.

Moon of Alabama

Traduit par jj, relu par Wayan pour le Saker Francophone

jeudi, 26 novembre 2020

Les relations troubles entre les journalistes et la CIA

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Les relations troubles entre les journalistes et la CIA

Ex: http://www.geopolintel.fr

Pendant la crise du Covid bon nombre de spectateurs se sont interrogés sur les conflits d’intérêts des journalistes et des médecins avec les laboratoires pharmaceutiques.
BFM TV (Altice Europe NV) et le laboratoire GILEAD ont en commun de nombreux actionnaires.
Posons-nous la question de savoir si cette propagande anti Raoult fait partie du Projet Mockingbird, liant à la fois les rédactions et les laboratoires à la CIA.

Officiellement, le Projet Mockingbird n’existe plus mais il semble que ce réseau soit toujours actif dans toutes les rédactions du monde.

La création du Projet « MOCKINGBIRD »

En 1948, l’agent de la CIA Frank Gardiner Wisner a été nommé directeur du Bureau des projets spéciaux pour créer le Projet Mockingbird (« oiseau-moqueur »), un programme visant à influencer les médias américains.
Wisner reçut l’ordre de créer une organisation dont l’un des objectifs principaux serait de créer la propagande.
L’OPC était financé par le détournement de fonds qui étaient destinés au « Plan Marshall ».
Une partie de cet argent fût utilisé pour soudoyer et corrompre les journalistes et les éditeurs.

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Frank G. Wisner II (son fils) s’est marié en 1976 avec Christine de Ganay, divorcée de Pal Sarközy de Nagy-Bocsa. Elle est la mère d’Olivier Sarkozy (demi-frère du président Nicolas Sarkozy).

Journalistes Occidentaux & CIA : « La CIA contrôle tout ! »
Udo Ulfkotte du Frankfurter Allgemeine Zeitung

Les révélations fracassantes d’un ancien rédacteur en chef allemand sur ses liens et ceux de la plupart des journalistes occidentaux avec la CIA

Udo Ulfkotte, ancien rédacteur en chef du Frankfurter Allgemeine Zeitung (l’un des plus grands quotidiens allemands), révèle qu’il a travaillé pour la CIA. Il affirme que tous les médias les plus importants sont contrôlés par la CIA et que celle-ci œuvre à une guerre avec la Russie… Fatigué de tromper ses lecteurs et effrayé par la guerre qui s’annonce, il a décidé de parler.

Cliquez sur la vignette pour voir la vidéo du journaliste Udo Ulfkotte

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Udo Ulfkotte, un ancien rédacteur en chef d’un des plus grands quotidien allemand de grand tirage Frankfurter Allgemeine Zeitung, admet qu’il a travaillé pour la CIA.

“Je suis journalise depuis environ 25 ans et on m’a appris à mentir, à trahir et à ne pas dire la vérité au public,” a dit Ulfkotte dans un entretien avec la chaîne Russia Today (RT). “J’ai été soutenu par la CIA, pourquoi ? Parce que je suis pro-américain”

Il a décidé de dire la vérité au sujet des médias de masse complètement contrôlés par la classe financière parce qu’il a peur d’une guerre en Europe.

“Les médias allemands et américains essaient d’amener la guerre aux gens en Europe, d’amener la guerre en Russie. C’est le point de non retour et je vais dire ce que j’ai à dire… Ce que j’ai fait dans le passé est mal, mamipuler les gens, de construire une propagande contre la Russie.”

Ulfkotte a dit que la plupart des journalistes de la corporation médiatique aux Etats-Unis et en Europe sont “soi-disant des couvertures non-officielles”, ils travaillent pour une agence de renseignement. “Je pense que c’est particulièrement le cas pour les journalistes britanniques, parce qu’ils ont une relation bien plus étroite (avec leur service de renseignement). C’est très certainement le cas avec les journalistes israéliens et bien sûr les journalistes français… C’est également le cas avec les journalistes australiens, néo-zéalndais, taïwanais, bref, de beaucoup de pays.”

Operation Mockingbird (Opération “oiseau moqueur”)

La subversion par la CIA des médias de masse est très bien documentée. Dès 1948, l’ancien avocat de Wall Street Frank Wisner (NdT : le père du beau-père de Sarkozy…) a établi l’opération Mockingbird quand il était directeur de l’OSP (Office of Special Projects), qui allait devenir par la suite un département de la CIA. Cette opération avait pour but de convertir les médias en outil de propagande pour l’élite financière. Wisner engagea Philip Graham du Washington Post pour diriger l’opération et recruter des journalistes, beaucoup d’entre eux avaient travaillé pour le renseignement militaire durant la seconde guerre mondiale.

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“Vers la fin des années 1950, Wisner ‘possédait’ des membres respectés du New York Times, de Newsweek, de CBS et autres véhicules de communication,” écrit Deborah Davis dans son livre“Katharine the Great : Katharine Graham and the Washington Post”.

De 1953, l’opération fut dirigée par le directeur de la CIA Allen Dulles et balayait virtuellement toutes les grosses entreprises médiatiques incluant le New York Times (NdT : Nous avons dit sur ce blog depuis très longtemps que le New York Times était “la voix de la CIA”…), les magazines Time et Life, les équipes de journaux télévisés, particulièrement CBS News sous Philip Paley, en plus des journaux et chaînes de télévision d’information, la CIA contrôlait aussi Hollywood et la production des films.

“Les fichiers de la CIA documentent des arrangements de couverture additionnels avec ces organisations de presse entre autres : Le New York Herald Tribune, Saturday Evening Post, Scripps-Howard Newspapers, Hearst Newspapers, Associated Press (AP), United Press International (UPI), the Mutual Broadcasting System (MBS), Reuters, the Miami Herald,” a écrit Carl Bernstein le célèbre journaliste de l’affaire du Watergate dans un article paru dans la revue Rolling Stone en 1977.

Des preuves de l’existence du réseau de la propagande de la CIA, son “puissant Wurlitzer” comme l’appelait Wisner, avaient été révélées dans les années 1970 suite aux révélations du comité d’enquête du sénateur Church (Church Committee). “”La CIA entretient couramment un réseau de plusieurs centaines d’individus étrangers à travers le monde qui fournissent des renseignements à la CIA et parfois essaient d’influencer les opinions publiques au travers de l’utilisation de propagande cachée. Ces individus donnent à la CIA un accès direct à un grand nombre de journaux, magazines et périodiques, un grand nombre d’agences de presse, de stations de radios et de télévisions, d’entreprises de publication de livres, maisons d’édition et autres fonctions médiatiques étrangères,” citait un rapport du comité du Congrès en 1976.

Comme le documente Alex Constantine, l’opération Mockingbird est toujours opérationnelle aujourd’hui sous une grande variété de déguisements. Un de ses plus grands géniteurs, Richard Mellon Scaife, vient juste de décéder.

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CIA Media pousse pour une guerre catastrophique avec la Russie

Udo Ulfkotte s’est dévoilé parce qu’il a peur d’une guerre entre les Etats-Unis, l’Europe et la Russie.

“Les médias américains et allemands essaient d’amener la guerre en Europe, en Russie. C’est le point de non retour et je vais dire ce que j’ai à dire… Ce que j’ai fait dans le passé est mal, manipuler les gens, construire une propagande contre la Russie. Ce n’est pas juste ce que mes collègues font également, ce qu’ils ont fait dans le passé, parce qu’ils sont corrompus pour trahir le peuple, pas seulement en Allemagne, mais partout en Europe… J’ai très peur d’une nouvelle guerre en Europe et je ne veux pas avoir une fois de plus cette situation se produire, car une guerre ne vient jamais toute seule, il y a toujours des gens qui poussent à la guerre et ce ne sont pas seulement les politiciens, ce sont les journalistes également… Nous avons trahi notre lectorat, nous avons juste toujours poussé pour la guerre… J’en ai assez, j’en ai ras le bol de toute cette propagande. Nous vivons dans une république bananière et non pas dans un pays démocratique où nous aurions la liberté de la presse.”

Pour l’élite gouvernante, l’oligarchie financière en contrôle des Etats-Unis, la guerre est un outil fait sur mesure pour maintenir et centraliser le pouvoir ainsi qu’établir un ordre monétaire mondial. Aveuglée par son arrogance démesurée, l’élite croit qu’une guerre avec la Russie va mettre en échec les aspirations géopolitiques de cette nation, qu’ils perçoivent comme une menace, comme celles de la chine. Mettre en échec et défier la Russie est l’objectif de cette guerre en Ukraine, qui s’est mise en sourdine depuis quelques temps.

La Russie est parfaitement au courant de ce qui se trame et se prépare maintenant pour l’inévitable : une guerre thermonucléaire. Impensable il y a encore 2 ou 3 ans, la Russie est maintenant en train de considérer une refonte à très grande échelle de sa position militaire et de considérer (NdT : comme l’ont déjà fait les Etats-Unis…) la possibilité d’une première frappe nucléaire contre l’OTAN et les Etats-Unis.

“A mon avis, notre ennemi principal sont les Etats-Unis et l’OTAN”, a dit le mois dernier le général Youri Yakoubov, vétéran du ministère de la défense russe.

Yakoubov a dit que la Russie avait fusionné ses forces aériennes et spatiales avec ses forces nucléaires aériennes, terrestres et maritimes.
“De plus, il est nécessaire de finement détailler les conditions sous lesquelles la Russie pourrait mener une frappe préemptive avec ses forces balistiques stratégiques”, a t’il dit.

SOURCE

 

Les Maîtres Invisibles : L’Europe dans le labyrinthe de la spiritualité asiatique (1900-1945)

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Les Maîtres Invisibles : L’Europe dans le labyrinthe de la spiritualité asiatique (1900-1945)

Par Fabrice Dutilleul

Entretien avec Richard Raczynski, auteur de Les Maîtres Invisibles, Dualpha, collection « Insolite », 230 pages, 27 euros.

(Propos recueillis par Fabrice Dutilleul).

Cet essai décrit la personnalité très atypique du peintre allemand Bô Yin Râ (Joseph Anton Schneider-Franken, 1876-1943), véritable fil conducteur d’une période de fascination pour une forme de mysticisme asiatique sublimé, allant des années 1900 jusqu’à la fin du second conflit mondial. On y découvrira un exotisme magique prenant ses sources au Tibet, en Inde, en Mongolie, en Chine, au Japon, en Russie, s’incarnant dans des références et des expressions cultuelles parfois déroutantes.

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Que recouvre dans votre essai l’expression « Maîtres Invisibles » ?

La colonne vertébrale de cette étude s’appuie sur la personnalité très atypique du peintre allemand Bô Yin Râ (Joseph Anton Schneiderfranken, 1876-1943), véritable fil conducteur d’une période de fascination pour une forme de mysticisme asiatique sublimé, allant des années 1900 jusqu’à la fin du deuxième conflit mondial.

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Dans ce cadre, tous les supports furent utilisés pour promouvoir une spiritualité « exotique » non dénuée d’arrière-pensées le plus souvent hégémoniques.

Religions revisitées au profit de volontés impérialistes (Royaume-Uni, Chine, Japon, Russie, Allemagne, France) grands récits de voyageurs à la solde de services étrangers, scandales politiques sur fond de manipulations.

Là où notre époque moderne s’exprimerait de manière verticale voire horizontale, cette étude s’articule plutôt depuis une analyse en diagonale, ne rentrant pas dans des schémas standardisés.

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C’est-à-dire ?

L’époque décrite échappe en partie à notre analyse moderne. Elle revêt une attirance pour l’irrationnel prenant ses sources au Tibet, en Inde, en Mongolie, en Chine, au Japon, en Russie, s’incarnant dans des références et des expressions cultuelles parfois déroutantes (à l’image de la religion Bonpo), faisant émerger d’étranges leaders charismatiques.

L’une des différences les plus notables avec notre époque d’intense communication, réside dans l’anonymat (revendiqué) de ces « guides invisibles », restant par nature toujours à identifier et dont les pensées essaimèrent ensuite dans de multiples associations spiritualistes européennes.

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De nombreux personnages, aux profils très différents viennent s’entrecroiser dans cette étude, citons : Rudolf von Sebottendorf, Piotr Badmaïev, Robert Nicolas Maximilien von Ungern-Sternberg (dit le Baron fou), le Lama Chao Kring, Teddy Legrand, Jean Marquès-Rivière, Nicolas Roerich, Alexandra David-Néel, Helena Blavatsky, Ferdinand Ossendowski, René Guénon, Saint-Yves d’Alveydre, Basil Zaharoff, Hiraoka Kotarō, Takeuchi Kiyomaro.

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Des protagonistes à retrouver dans les chapitres suivants : Le Grand Orient de Patmos, L’évocation de Bô Yin Râ dans la presse française, E.B.D.A.R. Ermächtigte Bruderschaft der Alten Riten, La Franc-Maçonnerie de Joseph Schneider-Franken, L’envoyé de la Grande Loge Blanche, Teshu-Maru, Le Grand sanctuaire, La secte Amatsu kyo, Kala-Nag, le « serpent noir », La Russie, terre de Shambhala ?, Le Royaume du Prêtre-Jean, Les Mystères du Dragon, Le Tibet de tous les avatars.

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Entretien avec Richard Raczynski, auteur de Les Maîtres Invisibles, Dualpha, collection « Insolite », 230 pages, 27 euros. Pour commander ce livre, cliquez ici.

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Guénon, les virus et la civilisation hallucinatoire

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Guénon, les virus et la civilisation hallucinatoire

par Nicolas Bonnal

Le caractère hallucinatoire du virus est une évidence. Une modeste épidémie surexploitée médiatiquement sert à happer nos libertés restantes, nos vies et nos ressources. Mais il ne faut pas s’en étonner, dans un monde où le populo passe dix heures par jour le nez dans le smartphone ou le tronc planté devant la télé. L’opération virus est le couronnement de la crasse stupidité  des occidentaux et du caractère hallucinatoire de leur civilisation. Je dirais d’ailleurs comme un ami guénonien (Jean Robin) qu’il ne faut pas trop s’inquiéter de la situation actuelle : elle gonfle comme Oz.

Il est évident que nous vivons sous hypnose : abrutissement médiatique/pédagogique, journaux, actus en bandeaux, « tout m’afflige et me nuit, et conspire à me nuire. » Mais cette hypnose est ancienne et explique aussi bien l’ère d’un Cromwell que celle d’un Robespierre ou d’un Luther-Calvin. L’occident est malade depuis plus longtemps que la télé…O Gutenberg…

41C75SSJ77L._SX295_BO1,204,203,200_.jpgJe redécouvre des pages extraordinaires de Guénon en relisant Orient et Occident. Il y dénonce le caractère fictif de la notion de civilisation ; puis son caractère hallucinatoire à notre civilisation ; enfin son racisme et son intolérance permanentes (sus aux jaunes ou aux musulmans, dont les pays – voyez le classement des pays par meurtre sur Wikipédia – sont les moins violents au monde). Problème : cette anti-civilisation dont les conservateurs se repaissent, est la fois destructrice et suicidaire. Exemple : on détruit des dizaines de pays ou des styles de vie pour se faire plus vite remplacer physiquement (puisque métaphysiquement nous sommes déjà zombis)…

Voyons Guénon :

« La vie des mots n’est pas indépendante de la vie des idées. Le mot de civilisation, dont nos ancêtres se passaient fort bien, peut-être parce qu’ils avaient la chose, s’est répandu au XIXe siècle sous l’influence d’idées nouvelles…Ainsi, ces deux idées de « civilisation » et de « progrès », qui sont fort étroitement associées, ne datent l’une et l’autre que de la seconde moitié du XVIIIe siècle, c’est-à-dire de l’époque qui, entre autres choses, vit naître aussi le matérialisme; et elles furent surtout propagées et popularisées par les rêveurs socialistes du début du XIXe siècle.»

Guénon pense comme le Valéry de Regards (1) que l’histoire est une science truquée servant des agendas :

« L’histoire vraie peut être dangereuse pour certains intérêts politiques ; et on est en droit de se demander si ce n’est pas pour cette raison que certaines méthodes, en ce domaine, sont imposées officiellement à l’exclusion de toutes les autres : consciemment ou non, on écarte a priori tout ce qui permettrait de voir clair en bien des choses, et c’est ainsi que se forme l’« opinion publique ».

Puis il  fait le procès de nos grands mots (comme disait Céline : le latin, le latinisant en particulier est conifié par les mots), les mots à majuscule du monde moderne :

« …si l’on veut prendre les mêmes mots dans un sens absolu, ils ne correspondent plus à aucune réalité, et c’est justement alors qu’ils représentent ces idées nouvelles qui n’ont cours que moins de deux siècles, et dans le seul Occident. Certes, « le Progrès » et « la Civilisation », avec des majuscules, cela peut faire un excellent effet dans certaines phrases aussi creuses que déclamatoires, très propres à impressionner la foule pour qui la parole sert moins à exprimer la pensée qu’à suppléer à son absence ; à ce titre, cela joue un rôle des plus importants dans l’arsenal de formules dont les « dirigeants » contemporains se servent pour accomplir la singulière œuvre de suggestion collective sans laquelle la mentalité spécifiquement moderne ne saurait subsister bien longtemps. »

Il a évoqué la suggestion comme Gustave Le Bon. Il va même parler d’hypnose, René Guénon :

«  À cet égard, nous ne croyons pas qu’on ait jamais remarqué suffisamment l’analogie, pourtant frappante, que l’action de l’orateur, notamment, présente avec celle de l’hypnotiseur (et celle du dompteur est également du même ordre) ; nous signalons en passant ce sujet d’études à l’attention des psychologues. Sans doute, le pouvoir des mots s’est déjà exercé plus ou moins en d’autres temps que le nôtre ; mais ce dont on n’a pas d’exemple, c’est cette gigantesque hallucination collective par laquelle toute une partie de l’humanité en est arrivée à prendre les plus vaines chimères pour d’incontestables réalités ; et, parmi ces idoles de l’esprit moderne, celles que nous dénonçons présentement sont peut-être les plus pernicieuses de toutes. »

413GK247A7L.jpgLa science ne nous sauve en rien, bien au contraire. Autre nom à majuscule, elle sert aussi notre mise en hypnose :

« La civilisation occidentale moderne a, entre autres prétentions, celle d’être éminemment « scientifique » ; il serait bon de préciser un peu comment on entend ce mot, mais c’est ce qu’on ne fait pas d’ordinaire, car il est du nombre de ceux auxquels nos contemporains semblent attacher une sorte de pouvoir mystérieux, indépendamment de leur sens. La « Science », avec une majuscule, comme le « Progrès » et la « Civilisation », comme le « Droit », la « Justice » et la « Liberté », est encore une de ces entités qu’il faut mieux ne pas chercher à définir, et qui risquent de perdre tout leur prestige dès qu’on les examine d’un peu trop près. »

Le mot est une suggestion :

« Toutes les soi-disant « conquêtes » dont le monde moderne est si fier se réduisent ainsi à de grands mots derrière lesquels il n’y a rien ou pas grand-chose : suggestion collective, avons-nous dit, illusion qui, pour être partagée par tant d’individus et pour se maintenir comme elle le fait, ne saurait être spontanée ; peut-être essaierons-nous quelque jour d’éclaircir un peu ce côté de la question. »

Et le vocable reste imprécis, s’il est idolâtré :

« …nous constatons seulement que l’Occident actuel croit aux idées que nous venons de dire, si tant est que l’on puisse appeler cela des idées, de quelque façon que cette croyance lui soit venue. Ce ne sont pas vraiment des idées, car beaucoup de ceux qui prononcent ces mots avec le plus de conviction n’ont dans la pensée rien de bien net qui y corresponde ; au fond, il n’y a là, dans la plupart des cas, que l’expression, on pourrait même dire la personnification, d’aspirations sentimentales plus ou moins vagues. Ce sont de véritables idoles, les divinités d’une sorte de « religion laïque » qui n’est pas nettement définie, sans doute, et qui ne peut pas l’être, mais qui n’en a pas moins une existence très réelle : ce n’est pas de la religion au sens propre du mot, mais c’est ce qui prétend s’y substituer, et qui mériterait mieux d’être appelé « contre-religion ».

51cTNdoKygL._SX343_BO1,204,203,200_.jpgL’hystérie occidentale, européenne ou américaine, est violente et permanente (en ce moment russophobie, Afghanistan, Syrie, Irak, Venezuela, Libye, etc.). Elle repose sur le sentimentalisme ou sur l’humanitarisme :

« De toutes les superstitions prêchées par ceux-là mêmes qui font profession de déclamer à tout propos contre la « superstition », celle de la « science » et de la « raison » est la seule qui ne semble pas, à première vue, reposer sur une base sentimentale ; mais il y a parfois un rationalisme qui n’est que du sentimentalisme déguisé, comme ne le prouve que trop la passion qu’y apportent ses partisans, la haine dont ils témoignent contre tout ce qui contrarie leurs tendances ou dépasse leur compréhension. »

 Le mot haine est important ici, qui reflète cette instabilité ontologique, et qui au nom de l’humanisme justifie toutes les sanctions et toutes les violences guerrières.  Guénon ajoute sur l’islamophobie :

« …ceux qui sont incapables de distinguer entre les différent domaines croiraient faussement à une concurrence sur le terrain religieux ; et il y a certainement, dans la masse occidentale (où nous comprenons la plupart des pseudo-intellectuels), beaucoup plus de haine à l’égard de tout ce qui est islamique qu’en ce qui concerne le reste de l’Orient. »

Et déjà sur la haine antichinoise :

« Ceux mêmes d’entre les Orientaux qui passent pour être le plus fermés à tout ce qui est étranger, les Chinois, par exemple, verraient sans répugnance des Européens venir individuellement s’établir chez eux pour y faire du commerce, s’ils ne savaient trop bien, pour en avoir fait la triste expérience, à quoi ils s’exposent en les laissant faire, et quels empiétements sont bientôt la conséquence de ce qui, au début, semblait le plus inoffensif. Les Chinois sont le peuple le plus profondément pacifique qui existe… »

Sur le péril jaune alors mis à la mode par Guillaume II :

« …rien ne saurait être plus ridicule que la chimérique terreur du « péril jaune », inventé jadis par Guillaume II, qui le symbolisa même dans un de ces tableaux à prétentions mystiques qu’il se plaisait à peindre pour occuper ses loisirs ; il faut toute l’ignorance de la plupart des Occidentaux, et leur incapacité à concevoir combien les autres hommes sont différents d’eux, pour en arriver à s’imaginer le peuple chinois se levant en armes pour marcher à la conquête de l’Europe… »

Guénon annonce même dans la deuxième partie de son livre le « grand remplacement » de la population occidentale ignoré par les hypnotisés et plastronné par les terrorisés :

« …les peuples européens, sans doute parce qu’ils sont formés d’éléments hétérogènes et ne constituent pas une race à proprement parler, sont ceux dont les caractères ethniques sont les moins stables et disparaissent le plus rapidement en se mêlant à d’autres races ; partout où il se produit de tels mélanges, c’est toujours l’Occidental qui est absorbé, bien loin de pouvoir absorber les autres. »

Concluons : notre bel et increvable occident est toujours aussi belliqueux, destructeur et autoritaire ; mais il est en même temps humanitaire, pleurnichard, écolo, mal dans sa peau, torturé, suicidaire, niant histoire, racines, polarité sexuelle… De ce point de vue on est bien dans une répugnante continuité de puissance hallucinée fonctionnant sous hypnose (relisez dans ce sens la Galaxie Gutenberg qui explique comment l’imprimerie nous aura altérés), et Guénon l’aura rappelé avec une sévère maîtrise…

Note 

(1) Valéry : « L’Histoire est le produit le plus dangereux que la chimie de l’intellect ait élaboré. Ses propriétés sont bien connues. Il fait rêver, il enivre les peuples, leur engendre de faux souvenirs, exagère leurs réflexes, entretient leurs vieilles plaies, les tourmente dans leur repos, les conduit au délire des grandeurs ou à celui de la persécution, et rend les nations amères, superbes, insupportables et vaines… L’Histoire justifie ce que l’on veut. Elle n’enseigne rigoureusement rien, car elle contient tout, et donne des exemples de tout. »

Sources 

René Guénon, Orient et occident, classiques.uqac.ca, pp.20-35

Paul Valéry : Regards sur le monde actuel

Nicolas Bonnal : Si quelques résistants…Coronavirus et servitude volontaire (Amazon.fr)