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mardi, 11 mars 2008

Prof. Dr. P. Bachmeier : sur la politique étrangère de la Russie actuelle

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Réflexions générales sur la politique étrangère actuelle de la Russie

Entretien avec le Professeur Peter BACHMEIER

Le Professeur Dr. Peter Bachmeier est né à Vienne en 1940. Après des études à Graz, Belgrade et Moscou, il a acquis les diplômes d’historien et de politologue, spécialisé dans les questions est-européennes. De 1972 à 2005, il fut collaborateur du célèbre Institut autrichien d’Europe orientale et méridionale, où il dirigea un département. Il enseigna également à l’Institut des Sciences politiques de l’Université de Vienne. Les propos que nous avons traduits ici ont été recueillis par deux journalistes de l’hebdomadaire « zur Zeit », Walter Tributsch et Dimitrij Grieb.

Q. : Vu les rapports tendus entre l’Ukraine actuelle et la Russie de Poutine, serait-il invraisemblable d’imaginer que tôt ou tard l’Ukraine se divisera en deux parties ? Les faits parlent pour eux-mêmes : on sait qu’il existe une Ukraine orientale favorable à la Russie et une Ukraine occidentale tournée vers l’Occident, division sanctionnée de surcroît par des faits géographiques incontournables…

PB : Si vous ne tenez compte que de facteurs purement statistiques ou si vous mettez exclusivement l’accent sur cette césure objective de nature géographique, vous pourriez effectivement penser que cette division est susceptible de devenir tôt ou tard réalité. Mais je ne pense pas qu’on en arrivera là. Je pense plutôt que la population ukrainienne refusera une adhésion à l’OTAN, y compris en Ukraine occidentale, même si certains sondages nous disent le contraire aujourd’hui. Je pense donc que la population ukrainienne dans son ensemble rejettera l’adhésion à l’OTAN. De surcroît, au sein même de l’OTAN, les opinions divergent quant à l’opportunité d’une adhésion ukrainienne.

Q. : Il semble de plus en plus patent que, sur l’échiquier international, la Russie et la Chine marchent main dans la main. Nous le voyons dans l’affaire du Kosovo, où les deux puissances ont clairement articulé leur refus d’une indépendance kosovar. Nous le voyons aussi dans le cas de l’Iran, où Russes et Chinois s’opposent à tout projet d’agression américaine. Sont-ce là les contours d’une politique durable ou n’est-ce que l’indice d’une communauté d’intérêts passagère ?

PB : Je pense qu’il existe un réel partenariat stratégique entre la Russie, la Chine, l’Inde, l’Iran et quelques autres pays qui leur sont associés. Ils ont, me semble-t-il, l’intention d’unir leurs efforts sur le long terme, non seulement sur les plans diplomatique et militaire, mais aussi dans les grands projets d’infrastructure comme par exemple, la création d’une nouvelle « Route de la Soie » qui se concrétiserait par une vision eurasienne commune : telle me semble la priorité première de la Russie actuelle.

Q. : Lorsqu’il s’est agi de reconnaître l’indépendance du Kosovo, on a assisté, comme il fallait s’y attendre, à des divergences au sein de l’Union Européenne. Pensez-vous que les mêmes divergences se manifesteront lorsqu’il s’agira d’opter pour une coopération plus étroite avec la Russie ?

PB : Au cours de ces dernières années et surtout au cours des derniers mois de l’année 2007, nous avons pu observer un retour de la Russie dans les Balkans. Et pas seulement en rapport avec la Serbie, qui, comme tous le savent, est protégée par la Russie. Depuis juillet 2007, on planifie, dans les Balkans, l’installation d’un nouveau gazoduc, qui passera par la Mer Noire, la Bulgarie et la Serbie pour aboutir en Autriche. En janvier, Poutine s’est rendu en Bulgarie et y a suggéré la participation à un projet gigantesque, justement celui du gazoduc « South Stream », plus la construction d’une nouvelle centrale nucléaire. Le projet était si formidable que le gouvernement bulgare en a perdu la voix ! Mais il a signé l’accord proposé. La presse n’en a soufflé mot. L’an passé, Poutine se trouvait à Zagreb pour le sommet des pays est-européens et, à tous les pays représentés, il a fait d’alléchantes propositions en matière de fourniture d’énergie. C’est surtout par le truchement de cette politique énergétique que la Russie est revenue dans les Balkans.

Q. : En observant ce retour, les gens vont évidemment se dire que le but de la Russie de Poutine est de récupérer ses anciennes sphères d’influence… Est-ce le cas ?

PB : Peut-être mais certainement pas dans le sens que l’on donnait jadis à la notion de « sphère d’influence ». Je ne crois pas que la Russie cherche à établir des bases militaires dans les Balkans. Si la Russie revient dans les sphères d’influence dont elle disposait jadis, ce n’est pas sur le plan militaire qu’elle entame cette démarche mais par le biais de projets économiques. Simultanément, la Russie ne cesse de suggérer des projets nouveaux et alternatifs à l’UE. Elle n’a donc pas l’intention de raviver la Guerre Froide au sens ancien du terme. Bien au contraire. Elle ne cesse de proclamer qu’elle veut coopérer de manière optimale avec l’UE. Cette option est bien entendu en contradiction avec l’échec du sommet UE-Russie de Samara l’an passé. Mais cet échec n’est pas imputable à la Russie. C’est la Chancelière et Présidente du Conseil de l’UE, Angela Merkel, qui en porte la responsabilité.

Q. : La question est donc la suivante : dans quelle mesure l’Europe, ou l’UE, est-elle prête à reconnaître que son meilleur allié potentiel se trouve à l’Est plutôt qu’à l’Ouest ?

PB : Sur le plan économique, les choses sont claires : l’UE est le plus important partenaire de la Russie. En tant qu’Etat, l’Allemagne est le plus grand partenaire commercial de la Russie. La Russie, quant à elle, est le plus grand marché potentiel pour l’Allemagne. 40% du gaz naturel consommé en Allemagne vient de Russie et les intérêts du monde économique allemand sont encore et toujours fixés en priorité sur la Russie.

Q. : Certes, mais aussi sur l’Amérique…

PB : Bien sûr, aussi sur l’Amérique. Quoi qu’il en soit, je ne pense pas que cela soit une contradiction que la politique allemande soit très dépendante de l’Amérique.

(extrait d’un entretien paru dans « zur Zeit », Vienne, n°9/2008 ; traduction franç. : Robert Steuckers).

 

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KVHV: Kosovo: Europa aan de Europeanen!

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Persbericht KVHV

KOSOVO: EUROPA AAN DE EUROPEANEN!

Op zondag 17 februari riep de Servische provincie Kosovo de onafhankelijkheid uit. Op de beelden vanuit de hoofdstad Pristina konden we zien dat met Albanese en Amerikaanse vlaggen gezwaaid werd. De Kosovaarse kwestie kan niet duidelijker geïllustreerd worden.

Albanese vlaggen. De culturele bakermat van het Servische volk ligt in Kosovo. Deze provincie is naar culturele, historische en emotionele waarde vergelijkbaar met wat de Groeningekouter, waar de Guldensporenslag in 1302 plaatsvond, voor de Vlamingen betekent. Door demografische evolutie en vervolging van de Serviërs in de laatste eeuw, is op heden een meerderheid van de bevolking islamitisch en etnisch-cultureel verwant met de Albanezen.

Amerikaanse vlaggen. Joegoslavië was een communistische dictatuur die door Servië gedomineerd werd. Gezien de historische banden van de Serviërs met Rusland, bevindt Servië zich in de invloedssfeer van Rusland. Het uiteenvallen van de Joegoslavische multiculturele communistische dictatuur in 1991 is legitiem op basis van het zelfbeschikkingsrecht der volkeren. Elke volgende fase (Bosnië, Montenegro, Kosovo) in het uiteenvallen van Joegoslavië is dit niet. De VSA weigerden de opdeling van Bosnië tussen Servië en Kroatië en participeerden actief in de onafhankelijkheid van Montenegro. Dit met één enkele reden: het terugdringen van Joegoslavië, het opdelen van het Servische volk, en zo het terugdringen van de Russische invloed ten voordele van de Amerikaanse geopolitieke belangen.

De VSA participeert actief in de oprichting van islamitische landen in Europa (Bosnië, Kosovo) en dringt aan op de opname van het islamitische Turkije in de EU, terwijl de VSA een zogenaamde ‘war on terror’ voert tegen het islamitisch extremisme in Irak en Afghanistan. Dit bewijst primo de hypocrisie van de Amerikaanse buitenlandse politiek, secundo de strijdigheid van deze Amerikaanse buitenlandse politiek met de belangen van de Europeanen en tertio dat niets anders dan Amerikaanse geopolitieke belangen gemoeid zijn met de onafhankelijkheidsverklaring van Kosovo. De Italiaanse generaal Fabio Mini, ex-bevelhebber van de NAVO-troepen in Kosovo, waarschuwt voor de onafhankelijkheid van Kosovo die niet de bevolking, maar wel de criminele clans ten bate komt. Heeft Europa baat bij de oprichting van een islamitische maffiastaat?

Het Katholiek Vlaams Hoogstudenten Verbond verklaart zich solidair met het Servische volk. Kosovo is en blijft Servisch grondgebied. Wij veroordelen de imperialistische Amerikaanse acties met betrekking tot Kosovo en de aantasting van de soevereiniteit van het Servische volk door de geopolitiek van de VSA.

Wij roepen de Belgische regering op de onafhankelijke staat Kosovo niet te erkennen en actief alle diplomatieke middelen in te schakelen opdat de onafhankelijke staat Kosovo niet wordt erkend door onze bondgenoten in de EU en de NAVO. Bij erkenning van de staat Kosovo dient de Belgische regering onmiddellijk onze troepen terug te trekken uit KFOR.

Conform de Monroe-doctrine, Amerika aan de Amerikanen, verklaren wij: Europa aan de Europeanen!

Rien Vandenberghe

Praeses KVHV afd. Gent

Nationaal voorzitter KVHV

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lundi, 10 mars 2008

J. von Lohausen: réflexions sur le destin de la France et de l'Allemagne

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Jordis von LOHAUSEN :

Réflexions sur le destin de la France et de l'Allemagne

 

En septembre 2002, le Général autrichien Jor­dis von Lohausen mourait dans sa 97ième année. Dans l'un de ses derniers ou­vrages (1998), il évoque un journal de guerre contenant les conversations qu'il a eues avec ses camarades, tous jeunes of­fi­ciers, sur les routes interminables de la Russie méridionale, pendant la grande a­van­cée allemande de 1942. Ces réflexions restent d'une grande fraîcheur, elles sont toujours actuelles et, à l'époque, peut-on dire avec le recul des ans, elles étaient pré­monitoires. Pour le premier anniver­sai­re de sa disparition, nous livrons aux ré­fle­xions de nos amis francophones, cet ex­trait significatif de ce journal de guerre.

 

“Il ne s'agit pas seulement de nous”, dit le ca­marade qui se trouvait au milieu de notre grou­pe, plus exactement à la droite du milieu, “il s'agit de l'Europe”. Il s'agit de savoir si au moins l'une des nations européennes, occiden­tales, parviendra à percer, à devenir une puis­san­ce mondiale; il s'agit de savoir si au moins l'une de ces nations parviendra à rendre sa pla­ce à l'Europe, la place qu'elle a perdue à la sui­te de la dernière guerre. Nous sommes les seuls à avoir relevé un tel défi, car les Français et les Italiens sont trop éloignés d'ici, des plai­nes russes. Les Britanniques, les Espagnols, les Portugais ont eu leur part —sur mer. Notre tour est venu : sur Terre !

 

France et Allemagne : des racines politiques communes

 

Il ne s'agit pas seulement de nous car, seuls, nous n'avons pas suffisamment de puissance bous­culante comme l'aurait une Europe unie; Fran­çais et Allemands ne parlent pas la même lan­gue, de l'Atlantique à Memel il n'y a pas qu'un seul peuple mais deux peuples qui ne sont pas unis au sein d'un Empire englobant  —avec deux peuples impériaux de souche fran­que sous une même instance impériale. Alle­mands et Français ont évolué de manières très différentes, mais, il n'empêche, leurs racines po­­­litiques sont les mêmes. Eux et nous som­mes frères, jumeaux, et notre haine, les uns en­vers les autres, est une haine entre frères, pour autant que nous sommes encore capables de la percevoir comme telle. Mais qui d'entre nous ressent encore les choses comme cela? De surcroît, cette haine est mauvaise conseil­lè­re, comme pourraient l'être l'envie, l'ambition dé­mesurée, l'orgueil. Nous ne devrions même pas tenter de nous soumettre à la loi de cette hai­ne. “Avec un cœur pur, tu combattras” nous en­seigne le chant héroïque du Bhagavadgita  —toute à la fois une sorte d'Edda indienne et d'é­vangile des anciens Aryens d'Inde. En aucun in­stant, le guerrier pur ne songera à quelque suc­cès pour lui-même; il doit prendre acte clai­rement, avec un regard serein, des faits qui a­ni­ment la Terre. Pour ce qui concerne les Fran­çais, généralement, le regard serein, le leur, qu'ils posent sur la terre européenne est le sui­vant : tout le territoire qui s'étend des Pyré­nées jusqu'au cœur de l'Allemagne, jusqu'au lieu où commence la partie vraiment orientale de l'Allemagne au-delà du Harz et de la Bohè­me, est par nature un, entre les Pyrénées et le Harz, il n'y a pas d'obstacles, pas de frontières géo­graphiques réelles, si ce n'est des régions mo­yennement montagneuses comme les Cé­ven­nes, les Vosges, le Jura, la Forêt Noire, les Ar­dennes. Il n'y a pas de frontières si ce n'est la langue, pas d'autres frontières que le latin qui a été imposé aux Gaulois. César, ici, s'a­vè­re a posteriori le grand séparateur de l'Europe transalpine; a posteriori, il se révèle plus fort que tous les rois francs de Clovis à Charles.

 

Mais ne jetons pas la pierre à César : ce n'est pas lui qui, finalement, a brisé l'unité euro­péen­ne. L'ironie de l'histoire veut que la tradi­tion impériale romaine ait été reprise par nous, les Germains, et la tradition royale germanique des rois francs ait été reprise par les Français. C'est la politique des petits-fils de Charle­ma­gne qui a brisé l'unité de l'Europe, car ils ont imposé le non-sens des partages carolingiens. Il y eut pourtant trois occasions manquées de restituer l'unité impériale européenne. Elles ont échoué toutes les trois. D'abord sous Louis XIV. La prise de Strasbourg lui coûta la cou­ronne impériale romaine. Les princes électeurs étaient devenus méfiants; ils ne l'ont pas élu et lui ont préféré le candidat Habsbourg.

 

Du temps de Napoléon et de Bismarck, les peuples n’étaient pas mûrs pour l’unité européenne !

 

La seconde tentative fut celle de Napoléon. En 1806, l'Empire n'avait plus d'empereur. En 1810, il épouse Marie Louise. Mais il resta l'Em­­pereur des seuls “Français”. Finalement, troi­sième tentative, en 1870 : c'était le tour des Prussiens; ils avaient renversé le dernier Bo­naparte, ils avaient vaincu les Habsbourg, et les Bourbons étaient loin du pays. C'était le mo­ment de poser un grand geste historique : pla­cer la frontière allemande sur l'Atlantique, pla­cer simultanément la frontière française sur le Niémen. Entre les deux, plus de frontières, plus de frontière sur le Rhin, plus de frontières sur la crête des Vosges, plus d'Empire alle­mand, mais un seul Empire franc ! Ni les temps ni les peuples n'étaient mûrs pour une telle au­dace. Il était à la fois trop tard et trop tôt.

 

Gagnerons-nous cette fois le cœur des Fran­çais? La balle est dans notre camp. Londres a com­mis les actes qu'il fallait pour cela soit ain­si: Dunkerque, Dakar, Mers-el-Kebir. Trois fers brû­lants dans la chair de la France ! Mais ce se­ra avec ce fer-là qu'il nous faudra forger. Tous ont trahi la France, sauf nous, leurs en­ne­mis. Il nous suffirait d'un mot et nous les au­rions à nos côtés. J'ai entendu de mes propres o­reilles ce qu'ils disaient chez eux, entre eux : “on nous a trahis”. Les Allemands étaient tout dif­férents de ce qu'on leur avait décrit. “Nous au­rions dû marcher avec eux”. Le destin nous in­diquait la voie : nous aurions pu enfin les dé­sar­mer réellement, les désarmer par notre mag­nanimité. Nous devions leur laisser leur fier­té et leur épée, apaiser leurs craintes, aller à l'encontre de leurs espérances. Nous aurions dû simplement leur expliquer : “Vous n'êtes pas vaincus et nous ne sommes pas vos vain­queurs. Nous sommes tous victimes de la mê­me mauvaise politique. On ne veut pas que nous soyons amis. Votre défaite ne relève pas de votre faute et notre succès n'est pas un mé­rite, notre opposition est un malentendu, a tou­jours été un malentendu”. Il s'agit de créer une France qui puisse couvrir nos arrières. Pour aujourd'hui comme pour toujours.

 

La fierté ennoblit le vaincu, la magnanimité ennoblit le vainqueur

 

Pourquoi suis-je en train de vous raconter tout ce­la? Parce que la France nous soumet à une é­preuve. Ce fut là-bas une répétition générale pour notre projet ici, en Russie. Nous ne de­vons pas oublier deux choses : la fierté enno­blit le vaincu, la magnanimité ennoblit le vain­queur. Malheur à nous car nous oublions ces prin­cipes ici en Russie, car la Russie  —dit-on—  ne se laisse conquérir que par des Russes. Nos propres forces nous porteront encore à gagner la prochaine bataille, peut-être encore la sui­van­te; nous irons plus loin, seulement si nous ne prenons rien aux peuples qui sont devant nous, mais si nous leur apporterons ce qui nous donnera la force d'aller de l'avant. Si nous ne leur faisons pas comprendre que nous som­mes entrés dans ce pays comme des libé­ra­teurs et non comme des oppresseurs, com­me des serviteurs de cette terre et non pas com­me des dominateurs, si nous ne leur fai­sons pas clairement comprendre et saisir cela, eh bien, nous ne gagnerons pas cette guerre. Dans ce cas, nous ne resterons pas ici. Jus­qu'ici, tout a reposé sur la puissance de nos ar­mes, mais, bien vite, très vite même, tout re­po­sera sur le drapeau que nous arborerons, le dra­peau du droit à l'auto-détermination. Si ce dra­peau parvient à annoncer et promettre à ces peuples, ce qu'ils espèrent ardemment, a­lors ce n'est plus nous qui porterons ce dra­peau, mais il nous portera !

 

Non l’expérience gauloise de César, mais l’expérience persane d’Alexandre

 

Nous sommes venus ici en Russie non pas pour ré­­péter l'expérience gauloise de César, mais pour renouveler l'expérience persane d'Ale­xan­dre. Alexandre n'a jamais expulsé personne, si ce n'est le Grand Roi. Il n'a expulsé personne de sa patrie, n'a forcé personne à adopter les dieux grecs ni même la langue grecque. Il fit de la fille du roi vaincu la reine du pays conquis et de son propre pays et laissa à tous les peu­ples tels qu'ils étaient, ne plaça personne au-des­sus d'eux et fit de toutes ces nations des al­liées. Dorénavant, elles étaient fières d'ap­par­tenir au monde grec. Plus tard, même les Ro­mains n'ont pu les vaincre. Sept cents ans après Alexandre, les Romains déplacent leur ca­pitale de Rome à Byzance. L'impérialité ro­mai­ne est ainsi devenue grecque. L'Empire ro­main d'Occident s'est effondré, l'Empire grec a te­nu encore pendant un millénaire ! Celui qui fu­sionne les peuples agit sur un bien plus long ter­me que celui qui se borne à les soumettre. Il ne nous faut donc pas imaginer que nous al­lons transformer la Russie en une gigantesque Al­lemagne ! Nous ne pourrions jamais réaliser un tel projet. Mais faire l'Europe de l'Atlantique au Pacifique, cela, nous sommes en mesure de le faire. N'est-ce pas une tâche suffisante?

 

Jordis von LOHAUSEN.

(Extrait de Reiten für Russland. Gespräche im Sattel, L. Stocker Verlag, Graz, 1998, ISBN 3-7020-0831-4).

 

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Despot: balles perdues

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A lire:

Slobodan DESPOT : Balles perdues. Interventions contre l'emprise totalitaire, L'Age d'Homme, Lausanne, 2002, 15 Euro, ISBN 2-8251-1674-2.

 

On connaît l'engagement de Slobodan Despot pour la patrie de ses ancêtres, la Serbie. Son ouvrage, recueil d'ar­ticles et d'interventions, part d'un constat très exact et très inquiétant: le pilonnage médiatique précède et ac­compagne désormais, …, toutes les opérations géostratégiques de l'empire mondialiste. Raison pour laquelle tou­te véritable action métapolitique se doit de contrer le discours liberticide et ethnocidaire des médias. Une ac­tion métapolitique qui n'aurait pas pour objectif premier de mener ce combat-là est évidemment un leurre, donc un instrument du système. Il faut savoir, dans ce contexte de guerre médiatico-culturelle, que les médias fonc­tionnent à l'aide de vérités toutes faites, détachées du temps et de l'histoire, et, partant, que la première démarche à faire et à faire faire, c'est de se replonger dans l'histoire réelle, charnelle et souvent cruelle des peuples. Le texte de Slobodan Despot qui nous semble le plus approprié dans ce nouveau recueil, est celui intitulé «La signification du Kosovo dans l'histoire du peuple serbe».  Il nous rappelle que c'est sur le territoire du Kosovo, à l'époque entièrement serbe et orthodoxe, que le Roi Lazare a décidé de faire face à l'envahisseur ottoman, en marche vers Vienne. Il a laissé sa vie pour l'Europe, pour notre civilisation, sur ce fameux "Champ des Merles". Le martyre de ses chevaliers aurait dû dicter une conduite inflexible aux Européens, les rendre irrémédiablement sourds à toute la propagande américaine, qui manipule la Turquie et les Musulmans des Balkans contre les puissances européennes. Cette conduite inflexible aurait dû être la suivante: maintenir le Kosovo tout entier sous la garde de la Serbie et évacuation progressive vers la Turquie des populations mu­sul­manes, terrorisées et instrumentalisées par les pires réseaux mafieux qu'ait jamais connu notre continent, ainsi que l'a prouvé un analyste hors paire, tel Xavier Raufer.

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dimanche, 09 mars 2008

Nagarjuna, doctrine de la vacuité

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Nagarjuna, doctrine de la vacuité

Jean-Marc Vivenza publie une très bonne étude sur Nâgârjuna et la doctrine de la vacuité. Moi­ne bouddhiste du IIe-IIIe siècle, il est consi­dé­ré comme le grand métaphysicien du boud­dhis­me Mahâyâna. Une métaphysique qui ne con­cerne pas seulement les bouddhistes com­me le remarque fort justement l'auteur qui é­crit: «... l'enseignement de Nâgârjuna n'est pas détachable, isolable d'un contexte religieux spécifique, d'une tradition spirituelle bien pré­ci­se, qui joueront un rôle éminemment impor­tant, tant dans sa formation que dans l'expres­sion de son discours. Mais il ne serait pas ju­ste, il ne serait pas objectif de ne pas recon­naî­tre, de ne pas percevoir la portée d'une telle pensée, portée dont la validité ne s'arrête pas aux frontières du seul bouddhisme, mais dé­bor­de très largement sur les larges domaines de la pensée philosophique universelle (...). On peut l'affirmer sans crainte, Nâgârjuna se pro­po­se rien de moins que d'offrir la possibilité d'un nouveau rapport à l'être, non par une on­to­logie particulière, mais par l'auto-abolition de l'ontologie commune, non par une ontologie né­­gative, mais par la négation de toute on­to­lo­gie possible. Pensée vide du vide, la doctrine de la vacuité est une pensée de l'au-delà de l'ê­tre et du non-être. Une pensée souveraine de la nescience, une science libératrice de "non-pensée"» (JdB).

Jean-Marc VIVENZA, Nâgârjuna et la doc­tri­ne de la vacuité, 2001, Editions Albin Michel, 250 pages, 120 FF.                      

 

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Thalassocratie anglaise et pirates barbaresques

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Ernst zu REVENTLOW:

La thalassocratie anglaise et les pirates barbaresques

 

Petit texte à méditer après l'affaire de Perejil…

 

…depuis le début de la dernière décennie du XVIIIième siècle, les guerres, fomentées par l'Angleterre, firent rage en Europe et, pendant ce temps, la flotte britannique devint, à la suite d'une longue série de batailles navales, la seule maîtresse des mers. La politique de l'Angleterre dans la question de la piraterie, à l'époque, a été caractéristique. Les pirates des Etats barbaresques en Méditerranée ont étendu, pendant les guerres inter-européennes, leurs entreprises de razzia jusqu'en dans la Mer Baltique, où ils pillaient les navires de commerce et capturaient les équipages. Dans ce contexte, nous nous bornerons à rappeler le traité que, très tôt, l'Angle­terre a signé avec l'un de ces Etats méditerranéens (ndt : il s'agit du Maroc!!) : cet Etat a reçu l'autorisation de pour­suivre ses raids et razzias à la condition de ne jamais s'attaquer aux bâtiments battant pavillon anglais. Les Britanniques ne souhaitaient qu'une chose: c'est que ces autres pirates (ndt: marocains) commettent le plus de dommages possibles à la navigation commerciale non anglaise, du moins quand les navires de Londres ne pou­vaient pas faire ce travail hautement lucratif eux-mêmes. Quelques années après les guerres de libération (ndt: Espagnols, Allemands et Russes contre Napoléon), la question de la piraterie était devenue insupportable en Europe; dans toutes les villes portuaires allemandes se constituaient des "ligues anti-pirates", mais rien ne se passait, car les Anglais ne voulaient pas que les navires de guerre russes pénètrent en Méditerranée pour y éradiquer le mal à la racine. L'entrée de navires russes en Méditerranée aurait relativisé là-bas la suprématie bri­tannique. La diète allemande se borna à nommer une commission, qui, comme on devait s'y attendre, s'en­li­sa dans les discussions stériles, jusqu'à ce qu'en 1829, les villes hanséatiques allemandes s'adressèrent au Sultan du Maroc, par l'intermédiaire de l'Angleterre, pour lui demander de bien vouloir accepter un tribut annuel et de lais­ser les navires de la Hanse en paix. Voilà quel était l'état de la Hanse allemande en l'année de grâce 1829, face au Sultan du Maroc et de l'Angleterre !

(extrait de : Graf Ernst zu REVENTLOW, Der Vampir des Festlandes, E. S. Mittler u. Sohn, Berlin, 1916, pp. 70-71).

 

Les leçons à tirer de cet épisode de l'histoire :

 

A)       Les thalassocraties (hier l'Angleterre, aujourd'hui les Etats-Unis) sont toujours prêts à utiliser le potentiel hu­main et technique de l'Afrique du Nord pour nuire aux intérêts de l'Europe. L'Afrique du Nord et ses po­pu­lations sont des atouts cardinaux dans les stratégies anglo-américaines contre les puissances con­tinen­tales européennes.

 

B)       La piraterie a été un instrument aux 18ième et 19ième siècles; aujourd'hui, c'est l'immigration et les cercles in­tégristes et les mafias (notamment de la drogue) qu'elle véhicule. Ces cercles commettent toutes sortes de déviation, empêchant le développement optimal des nations européennes.

 

C)       Strauß-Hupé, géopolitologue américain des années 40, parlait de "casser l'atout de l'homogénéité démo­gra­phique" des nations européennes.

 

D)       Les Européens qui refusent de prendre ces faits historiques en compte sont de dangereux irréalistes voire des agents d'influence de Washington ou des déments, qui s'enivrent pathologiquement de trahisons.

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samedi, 08 mars 2008

Entretien avec Jean Tulard

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Entretien avec Jean Tulard

Jean Tulard, professeur à la Sorbonne, Di­recteur d’études à l’Ecole pratique des hau­tes études, membre de l’Académie des sciences morales et politiques est le spé­cialiste incontesté des études napoléo­nien­nes. En cette « année Napoléon », nous l’avons rencontré pour nous entrete­nir avec lui de la personnalité et du rôle de Napoléon Bonaparte.

 

En quoi Napoléon a-t-il préservé l’idéal révolutionnaire ?

 

C’est Jacques Bainville qui, le premier, a sou­li­gné que le 18 Brumaire ne mettait pas fin à la Révolution mais, au contraire, en préservait les conquêtes : la destruction de la féodalité, l’é­ga­lité, la vente des biens nationaux

 

Dans différents ouvrages, vous affirmez que le 18 Brumaire a permis de conclure la Révolution. Est-ce à dire qu’une révo­lu­tion appelle presque toujours un coup d’E­tat ?

 

La violence appelle toujours la violence. D’em­blée, dès 1789, on sut que la Révolution se ter­minerait sur un coup d’Etat militaire.

 

Pensez-vous qu’à la veille du 18 Brumaire, l’Etat devait être restauré sur des fonde­ments durables ?

 

A la veille du 18 Brumaire, l’aspiration de tous les profiteurs de la Révolution se portait vers un retour à l’ordre. Napoléon Bonaparte l’a bien compris. La France était livrée à l’anarchie dans tous les domaines au temps du Directoire fau­te d’une autorité ferme.

 

Pourquoi Napoléon Bonaparte sera-t-il cho­i­si, est-ce pour sa popularité ou pour son ambition?

 

La gloire de Bonaparte a joué en sa faveur. Il avait vaincu en Italie et conclu lui-même la paix de Campoforrmio. Son expédition d’Egyp­te avait fait rêver comme le prouvent les mé­moires de Lamartine. Vaincre à l’ombre des Py­ramides ou à Nazareth, ce n’était pas rien.

 

Selon vous, en quoi Brumaire est-il plus dramatique que glorieux ?

 

Jusqu’au bout le coup d’Etat de Brumaire a fail­li ne pas réussir. Il fut mal préparé et certains acteurs comme Sieyès (qui avait à monter à cheval!) et surtout Bonaparte perdirent leur sang-froid à l’inverse de Fouché qui avait mé­na­gé tous les clans ou de Murat qui n’eut pas d’état d’âme lorsqu’il chassa les députés ; Tal­ley­rand aura, au soir du 18 Brumaire, le  mot de la fin : " Il faut dîner ".

 

Avec l’arrivée de Napoléon au pouvoir, la France entre-t-elle dans l’ère moderne ?

 

Oui, la France moderne sort du 18 Brumaire. C’est ce qu’a montré Taine. Nos institutions (Conseil d’Etat, Inspection des Finances, Cour des Comptes, Recteurs, Préfets) datent de cet­te époque. Nos notables aussi (cf Les dynasties bour­geoises de Beau de Loménie).

 

Que reste-t-il de l’ère napoléonienne ?

 

"Sauf pour la gloire, sauf pour l’art, il eût pro­bablement mieux fallu que Napoléon n’eût pas existé", disait Bainville. Le jugement est injus­te. Il n’en reste pas moins que Napoléon est le Français le plus connu dans le monde.

 

Selon vous, qu’est-ce qui a conduit Bona­parte à se faire sacrer Empereur des Fran­çais ?

 

Si Bonaparte choisit le titre d’Empereur des Fran­çais, c’est pour éviter celui de roi. La chute de la monarchie était trop proche et la réfé­ren­ce aux Carolingiens et à Charlemagne (que l’on connaissait mal) suffisamment lointaine pour n’ê­tre pas trop compromettante. La nécessité d’une monarchie héréditaire s’était imposée à la suite des attentats très nombreux contre le Premier Consul. Pitt (Premier ministre britanni­que) se moquait d’un gouvernement à la merci d’un coup de pistolet.

 

Pensez-vous que la réforme juridique est la plus grande œuvre accomplie par Napo­léon ?

 

Le bilan du Consulat et de l’Empire est im­po­sant. N’oublions pas qu’auparavant la France é­tait divisée entre pays de droit écrit et de droit coutumier. Cette unification du droit était in­dispensable.

 

Les cinq codes promulgués préservaient-ils les grands principes de la Révolution ?

 

Les codes ont été l’œuvre de juristes et de con­seillers d’Etat issus de la Révolution et qui étaient très attachés aux principes de 1789 et no­tamment à l’idée d’égalité. Les auteurs du co­de civil ont surtout retenu les acquis de la ré­volution bourgeoise de 1789 à 1791. On no­te­ra la volonté de détruire tout ce qui rappelle la féodalité. La sécularisation complète du droit est confirmée. Tous les corps intermédiaires chers à l’Ancien Régime disparaissent.

 

Outre l’organisation centralisée de l’admi­nistration française, que nous reste-t-il de l’œuvre de Napoléon ?

 

N’oublions pas le style de l’Empire, le goût des pa­rades militaires et le musée du Louvre, alors Musée Napoléon.

 

Comment expliquez-vous que les conquê­tes de Napoléon n’ont duré que le temps de son règne ?

 

Les conquêtes de Napoléon furent éphémères pour deux raisons. Elles furent le fruit de la vio­­lence et reposèrent sur les baïonnettes de la Gran­de Armée. Napoléon ne s’est pas préoccu­pé des aspirations nationales des peuples. Il l’a payé en Espagne, en Italie, en Hollande, en Al­lemagne.

 

Vous sentez-vous bonapartiste ?

 

Il me semble que le bonapartisme d’aujour­d’hui repose plus sur la nostalgie d’une gloire pas­sée que sur un programme politique précis. En ce sens je veux bien passer pour bona­par­tis­te. (Propos recueillis par Xavier CHENESEAU).

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Aux sources du conflit contre l'Irak

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Stefan SCHLEI :

Aux sources du conflit contre l'Irak

La plupart des problèmes du Proche-Orient proviennent de la politique désastreuse qu'y ont menée les puissances occidentales

 

C'était la fin d'une époque. Le 14 juillet 1958, des rebelles brûlent de fond en comble l'ambassade britannique à Bagdad, juste après que le Roi d'Irak ait été renversé et que le chef de son gouvernement, Nouri es-Saïd, ait été tué. Plus tard, dans ses souvenirs, l'ambassadeur de Grande-Bretagne a dit de ce Nouri es-Saïd "qu'il était le plus grand mendiant qu'il ait jamais rencontré". L'homme politique irakien, décrit de manière aussi dépré­cia­tive, n'a pas eu de successeur dans cette fonction de "mendiant". Effectivement, après des décennies de sou­mission servile à l'Angleterre, la population irakienne n'a plus cessé de cultiver une aversion bien ancrée à l'é­gard de tout ce qui est britannique; après la chute du Roi et de Nouri es-Saïd, le nouveau pouvoir irakien s'em­presse de dénoncer le "Pacte de Bagdad", qui unissait la Turquie, l'Irak et la Grande-Bretagne. La dernière base bri­tannique est alors évacuée. Immédiatement après le désastre que fut l'intervention franco-britannique à Suez en 1956, à la suite de la nationalisation par l'Egypte du Canal de Suez, la dénonciation du Pacte de Bagdad a signifié la fin réelle de l'influence anglaise au Proche-Orient.

 

Quarante ans auparavant, la situation était particulièrement favorable aux Britanniques. Dès la fin de la pre­miè­re guerre mondiale, la politique anglaise et les alliés des Britanniques dans la région pouvaient envisager un avenir radieux. Les buts de guerre des puissances occidentales semblaient effectivement pouvoir se concrétiser de manière optimale dans cette région du monde. Avant même que la Grande Guerre ne commençât, les chan­celleries occidentales envisageaient déjà le démembrement complet de l'Empire Ottoman. En 1915, les accords Sy­kes-Picot, tenus secrets, planifient le partage entre la Grande-Bretagne et la France de tout le Proche-Orient, et aussi de larges portions du territoire turc lui-même. Cet accord secret n'a pas empêché les deux puis­sances occidentales de promettre à leurs alliés arabes des perspectives totalement différentes mais com­plètement irréalisables, auxquelles même un T. E. Lawrence (dit "d'Arabie") croyait, car ses supérieurs ne l'a­vait évidemment pas informé de leur duplicité.

 

Le principe d'auto-détermination nationale n'a joué aucun rôle en Arabie

 

Le gouverneur britannique d'Egypte de l'époque, sur ordre de son gouvernement, avait été jusqu'à promettre l'en­semble de la péninsule arabique à Hussein Ibn Ali, qui était le Chérif de La Mecque et qui devint, plus tard, le chef de la future maison royale de Jordanie. A cette péninsule devait également s'ajouter la Palestine (à l'ex­ception d'une mince bande littorale), une bonne partie de la Syrie et de l'Irak. La guerre n'était pas encore fi­nie que le nouveau gouvernement bolchevique de la Russie s'empressa de rendre publique la teneur des ac­cords Sykes-Picot; le ministre britannique des affaires étrangères, Lord Balfour, déclare tout simplement, en men­tant délibérément, qu'il s'agissait d'un faux. Son aplomb permet aux alliés occidentaux de sauver la situa­tion. Deuxième atout : l'argent. Ainsi, la diplomatie britannique parvient dès 1915 à s'acheter un nouvel allié de poids, un certain Ibn Saoud. Pour obtenir les faveurs du futur fondateur de la dynastie saoudienne, il ne fal­lait pas encore grand chose à l'époque : le Foreign Office n'a jamais versé plus de 50.000 livres par mois.

 

En 1918, les alliés occidentaux se trouvent donc face à un terrible imbroglio, dû principalement aux méthodes qu'ils ont employées : cette région très vaste, unie sous la férule des Turcs depuis plusieurs siècles, est prête désormais au partage et à la dislocation. A l'Ouest et au Nord du Croissant fertile, d'antique mémoire, la diplomatie britannique avait manœuvré de manière telle que Londres pouvait contrôler l'ensemble du bassin oriental de la Méditerranée, y compris la Syrie, et mutiler la Turquie de façon à briser définitivement cette grande puissance régionale qu'avait été l'Empire ottoman; cette politique visait aussi à exclure le concurrent éco­nomique allemand de cet espace. A la suite de la révolution d'Octobre en Russie, la menace, jadis perma­nen­te, d'une expansion russe dans la région, en direction de la Méditerranée orientale, semble éliminée pour de bon. Cette menace russe avait été le cauchemar de la politique anglaise depuis plus d'un siècle. Ensuite, les car­tes avaient été redistribuées de manière à ce que l'ancien condominium anglo-russe en Perse soit remplacé par une domination purement britannique; les Iraniens ont été contraints, à partir de 1918, d'accepter l'instal­la­tion chez eux de fonctionnaires anglais, chargés d'assurer l'administration du pays.

 

Intérêts impérialistes camouflés derrière des "feuilles de vigne"

 

Les Anglais avaient à l'époque la volonté d'éliminer définitivement le facteur "Turquie", tout en réaménageant ter­ritorialement la région pour éviter tout retour en force des Russes; pour concrétiser cette politique, les Bri­tanniques ont fait usage de leurs méthodes avérées, appliquées de Gibraltar à Singapour : s'installer solidement dans les détroits et les points d'étranglement, tout en invitant leurs alliés subalternes  —en l'occurrence la France, l'Italie et la Grèce—  à se servir en territoires en Asie mineure; pour compléter la panoplie, Londres est allé jusqu'à proposer à Washington un protectorat sur l'Arménie. Le gouvernement américain a décliné poliment l'in­vitation. Les Etats-Unis, à l'époque, poursuivaient d'autres objectifs et envisageaient déjà de mettre au point les méthodes pour éliminer les impérialismes européens dans leurs formes premières; la fin de la pre­mière guerre mondiale est donc simultanément le dernier triomphe des impérialismes français et anglais, même si ces deux puissances occidentales étaient déjà obligées de camoufler leurs intérêts impérialistes "der­rière des feuilles de vigne de plus en plus abracadabrantes", comme l'a formulé un jour l'historien anglais A. J. P. Taylor.

 

Dans la lexicologie de type "feuille de vigne", mise au point à cette époque, la formule magique s'appelait le "man­dat". Il y avait trois catégories de mandats : deux types de mandats pour les anciennes colonies alle­man­des et un troisième type, dit de l'"échelon A", pour les régions qui faisaient auparavant partie de l'Empire ot­to­man, soit la Syrie, l'Irak et la Palestine. Cinq mille ans après le début de l'histoire attestée dans cette région, les hommes qui y vivaient ont reçu, dès la fin de la première guerre mondiale, confirmation écrite de la part de la "Société des Nations", créée par les puissances occidentales, "qu'ils avaient désormais atteint un tel degré de développement, que leur existence en tant que nations indépendantes avait été reconnue" (!!). Toutefois, stipulait la motion de la SDN, ils devaient encore accepter pour un certain temps le soutien d'une puissance détentrice d'un mandat, jusqu'au moment où ils s'avèreront capables de s'administrer seuls. Cependant, aucune da­te fixe pour l'accès à l'indépendance pure et simple n'avait été déterminée.

 

Les Occidentaux n'avaient pas de conceptions claires quant à l'ordre post-ottoman

 

Aujourd'hui, ce type de phrases apparaît comme foncièrement arrogant et les arguments développés dans cette motion —et avancés pour établir ces trois formes de mandats— sont à la base de l'échec complet du nouvel or­dre mondial établi après 1918 au Proche-Orient comme en Europe centrale. Dans ces deux régions du monde, les puissances occidentales n'avaient nullement l'intention de réaliser un système où tous les peuples auraient eu le droit à l'auto-détermination, en dépit de ce qu'elles avaient proclamé haut et fort. Les peuples arabes, qui avaient épousé la cause alliée, n'ont donc pas reçu cette indépendance à laquelle ils aspiraient. Qui plus est, ces deux puissances occidentales n'avaient pas vraiment élaboré une conception claire quant à savoir com­ment elles imposeraient leur ordre autrement que par une forme ou une autre de colonialisme. Elles avaient im­plicitement reconnu l'existence de nations arabes distinctes, mais leur politique concrète n'était rien d'autre que le partage entre Londres et Paris d'un bloc auparavant uni sous la férule des Turcs ottomans; c'est ainsi que les peuples de la région ont perçu la politique des Alliés.

 

A cette époque de crises au Proche-Orient, consécutive aux vicissitudes de la première guerre mondiale, les op­tions nationales de chaque puissance européenne ont retrouvé vigueur, du moins si elles pouvaient s'inscrire dans une continuité non brisée. Avant 1914, vu d'Europe, et selon les perspectives, l'Islam était perçu soit com­me une grandeur politique propre soit comme une menace soit comme un pion facilement manipulable en cas de conflit entre puissances. A la fin des hostilités, chaque camp, celui de l'Entente comme celui des Centraux, a proclamé la "Djihad" contre l'autre. Dans les faits, aucun des deux camps n'a vraiment utilisé cette référence religieuse. L'appel au panislamisme est resté lettre morte car, dès novembre 1914, la Djihad a été effecti­ve­ment proclamée au nom du Calife contre les puissances occidentales. Personne n'a toutefois répondu à cet ap­pel. Les véritables clivages conflictuels au Proche-Orient ne sont pas d'ordre religieux mais d'ordres ethni­que, national et monarchique. C'est dans ces cadres-là que s'affrontent les intérêts particuliers.

 

La Turquie et la Perse étaient parfaitement en mesure de s'émanciper

 

Immédiatement après 1918, on a vu que les anciens nationalismes joueraient dans l'avenir un rôle déterminant. Les dynasties arabes alliées aux puissances occidentales ont été mises hors jeu et manipulées lors des négociations de Versailles, ou bien on n'a tout simplement pas tenu compte de leur avis. Mais dans les deux pays les plus solides du Proche- et du Moyen-Orient, la Turquie et la Perse, ces méthodes de manipulation et d'ignorance n'ont pas pu s'appliquer. Les aménagements que l'on avait prévus dans ces pays pour asseoir le nouvel ordre d'après-guerre n'ont pas tenu longtemps.

 

En février 1921, Reza Pahlawi organise et réussit un coup d'Etat en Perse et amène un gouvernement natio­naliste au pouvoir. En l'espace de quatre ans, Reza Pahlawi, de soldat qu'il était, devient Shah de Perse et éli­mine largement l'influence anglaise qui pesait sur son pays. Ces événements en Iran sont exactement con­temporains d'une explosion de nationalisme en Turquie, qui ruine tous les calculs des puissances occidentales. Ni l'Italie ni la France ni l'Angleterre ni la Grèce n'ont pu se maintenir dans les portions du territoire turc qui leur avaient été assignées, à cause de la résistance nationaliste menée par Mustapha Kemal Atatürk. Par com­paraison, les événements de Perse se sont déroulés quasiment sans coup férir; en Asie Mineure, en revanche, nous avons eu affaire à une guerre de grande envergure qui s'est soldée par une défaite militaire des puissances oc­cidentales et de leurs alliés italiens et grecs. Résultat : en 1922, l'influence occidentale est réduite con­si­dé­ra­blement dans les deux Etats les plus importants de la région. Au lieu d'accepter sans rechigner le statut de co­lonie qu'on leur avait concocté, la Turquie et la Perse créent deux nouveaux Etat nationaux modernes, qui donneront quelque fil à retordre aux puissances occidentales lors de la seconde guerre mondiale.

 

Contrairement à l'Irak qui, en mai 1941, a tenté sans succès de secouer le joug britannique en se dressant aux côtés des puissances de l'Axe, les deux Etats perse et turc ont opté pour la prudence et ont évité de prendre parti. Malgré cela, la Perse n'a pas pu empêcher l'entrée sur son territoire des troupes soviétiques et britan­niques, ce qui a partagé le pays une nouvelle fois en deux zones d'influence, mais pour un laps de temps assez bref. La souplesse de la diplomatie iranienne a permis de sauver l'option nationaliste choisie dès 1921 et la nou­velle dynastie fondée par Pahlawi. La Turquie a eu plus de chances et de succès. Dans la région, en effet, son territoire revêt une importance plus grande, inaliénable; elle était mieux organisée et plus prudente; elle a donc réussi à manœuvrer avec bonheur, épargnant aux pays les affres de la guerre. Elle a pu se payer le luxe de ne donner aucune suite au pacte d'assistance militaire conclu en 1939 avec les puissances occidentales et d'en­granger un bénéfice d'ordre territorial : la partie de la Syrie, que la France avait rétrocédée à la Turquie lors de la signature de ce pacte, est restée turque, en dépit de la neutralité d'Ankara.

 

Le morcellement tragique du "Croissant Fertile"

 

Le “Croissant fertile”, situé entre ces deux pays, a connu un sort très différent, bien plus tragique. En 1920, à San Remo, il avait été partagé entre plusieurs mandats, procédure sous-tendue par une querelle entre les alliés pour s'approprier le maximum du pétrole qui venait d'y être découvert. Avant 1914, on estimait seulement que le Sud de la Perse recelait du pétrole. Les prospecteurs après 1918 ont cherché et trouvé des nappes pétro­li­fè­res loin au Nord de Bagdad; les géologues avaient acquis la conviction qu'il y avait encore beaucoup de pétrole à découvrir plus au Nord; en apprenant le résultat de leurs recherches, les Britanniques ont mis tout en œuvre pour pousser les frontières de leur mandat sur l'Irak le plus au Nord possible, c'est-à-dire jusqu'à la région ac­tuel­lement peuplée de Kurdes en Irak. La frontière septentrionale actuelle de ce pays est donc le résultat di­rect des prospections géologiques de 1920.

 

Au même moment, le Roi Hussein constatait que les Britanniques, dans le mandat qu'ils venaient de se tailler en Palestine, préparaient les conditions pour la création d'un Etat juif. Déjà pendant la guerre, les obser­va­teurs s'étaient aperçus que la politique anglaise visait à aller bien au-delà des accords Sykes-Picot, à ne tenir au­cun compte de l'internationalisation prévue pour l'administration de la Palestine et à prendre en charge cet­te administration pour son propre compte. Le pas le plus important dans cette direction fut le soutien apporté au mouvement sioniste, qui entendait créer un "foyer national juif" en Palestine, projet auquel la Déclaration Bal­four de 1917 accordait la bienveillance britannique. Pour remercier Lord Balfour de cette bienveillance, Chaim Weizmann soutint la candidature britannique en vue d'exercer un mandat en Palestine. Certes, les sio­nistes ont dû reconnaître qu'ils n'avaient jamais été qu'un pion parmi d'autres pions dans le jeu de la diplomatie britannique et que le soutien de Londres à leur cause avait été en réalité bien flou et fluctuant. Quoi qu'il en soit, l'attitude hypocrite des Britanniques a suffi à détruire définitivement l'alliance qui les liait à leur ami Hus­sein. Lorsque celui-ci n'a pas pu concrétiser solidement le principe de liberté pour les Arabes de Palestine, qu'on lui avait pourtant promis, il décida en 1922 de ne plus coopérer dans l'avenir avec Londres.

 

L'unité arabe est le projet à long terme de tous les peuples du Proche-Orient

 

La Turquie et la Perse avaient une tradition étatique de grande profondeur temporelle, ce qui leur a permis de fai­re référence à la nation. Dans le “Croissant fertile”, cette référence n'a pu jouer que dans les régions où l'in­fluence occidentale se présentait sous la forme d'une occupation militaire directe ou de droits spéciaux accor­dés aux ressortissants français ou britanniques; les autochtones avaient donc, en face d'eux, un ennemi bien dis­cernable. Autrement, l'appel lancé par les mouvements de libération nationale contre les Occidentaux dans cette région prenait la forme du "nationalisme grand-arabe", et s'opposait dès lors à la balkanisation du Proche-Orient. L'idée nationale arabe, avec ses références culturelles et historiques, n'existe plus que dans la "Ligue arabe", créée pourtant en 1945 à l'initiative des Anglais. Il y eut pourtant de nombreuses tentatives de mettre un terme à la division entre Arabes et au partage territorial du Proche-Orient, en lançant des projets d'“U­nion”. Parmi eux: le projet d'union entre la Syrie et l'Egypte, que l'on a appelé la “République Arabe Unie” (RAU), qui envisageait également de s'unir à l'Irak. Ce fut un échec car l'Irak, justement, alors qu'il était encore gouverné par la monarchie mise en place par les Anglais, opta pour un rapprochement avec la Jordanie, gou­vernée par la dynastie des Hachémites, union potentielle que l'on avait baptisée "Fédération arabe".

 

Tous les projets d'unité sont restés sans effet et instables. Mais ils restent ancrés dans la mémoire des vision­nai­res. Ainsi, par exemple, le drapeau vert-blanc-noir irakien actuel symbolise, par les trois étoiles qu'il a en son centre, le soulèvement arabe pendant la première guerre mondiale et le souhait d'aboutir à une unité avec les autres Etats, ceux qui sont représentés par ces étoiles. Le nationalisme panarabe demeure une réalité po­litique : il n'est pas assimilable au fondamentalisme islamiste, contrairement à ce que laissent accroire les mé­dias, qui omettent d'en parler sérieusement et objectivement et entretiennent sciemment la confusion, dans le but de maintenir le Proche-Orient dans l'état de division qui lui a été imposé par les décisions arbitraires des deux principales puissances occidentales après 1918. Si les peuples arabes du Proche-Orient revenaient à ces prin­cipes du nationalisme panarabe et redonnaient vigueur à leur idéal d'unité, une ère nouvelle commencerait dans la région.

 

Stefan SCHLEI.

(article paru dans "Junge Freiheit", Berlin, n°47/2002 - http://www.jungefreiheit.de ).

 

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vendredi, 07 mars 2008

1940: naissance de Rudi Dutschke

07 mars 1940: Naissance à Schönefeld près de Berlin du futur activiste de l’“Opposition Extra-Parlementaire” ouest-allemande dans les années 1965-69, Rudi Dutschke [photo, 06 déc 76].

Né dans le foyer d’un fonctionnaire de la poste al­lemande, nationaliste et volontaire de guerre en dépit de ses 39 ans, Rudi Dutschke va d’abord développer une vision protestataire et luthérienne de la société, qui le conduira à rejeter le “socialisme réellement existant” de la RDA, pays où il est né. Il se réfugie à Berlin-Ouest, juste avant la construction du Mur de la honte. Il fon­de avec ses camarades le SDS (“Ligue des Etudiants Socialistes allemands”), puis, à l’avènement d’une “grande coalition” gouvernementale, unissant sociaux-démocrates et démocrates-chrétiens, il crée cette fameuse “Op­po­sition extra-parlementaire” (APO), jugeant qu’une coalition aussi vaste ne permet pas l’expression d’une con­tes­tation parlementaire normale. Cette initiative le place sous les feux de la rampe et à la tête de la con­tes­ta­tion étudiante, au cours de laquelle il s’intéresse aux mouvements révolutionnaires latino-américains (sous l’in­fluen­ce de son ami chilien Gaston Salvatore), au Printemps de Prague, à la notion de “socialisme à visage hu­main”, à la notion d’“homme unidimensionnel” de Marcuse et au révolutionnarisme religieux d’Ernst Bloch (a­vec il entretiendra une longue correspondance).

En avril 1968, juste avant les événements du Quartier Latin à Pa­ris, un individu, visiblement manipulé, lui tire une balle dans la tête. Dutschke survit, achève des études de phi­losophie à Berlin et termine sa carrière avec une chaire à l’Université d’Arhus au Danemark. Aujourd’hui, les com­pagnons de Dutschke ont rejoint en gros le camp national en Allemagne, dont Bernd Rabehl, Günter Masch­ke et surtout son avocat, Horst Mahler. Le frère de Dutschke a donné récemment un entretien à l’hebdo­ma­daire national-conservateur berlinois, Junge Freiheit. Ce glissement indique que la “gauche institutionnalisée” n’inspire plus les esprits rebelles. On doit au politologue suisse Ulrich Chaussy, une excellente biographie rai­sonnée de Dutschke, intitulée Die drei Leben des Rudi Dutschke, Pendo, Zurich, 1999, 3-85842-532-X.

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La guerre de l'Eurasie

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La guerre de l'Eurasie

La pénétration de la thalassocratie américaine dans l’« espace-noyau » eurasien

 

« La présence des troupes américaines en Géorgie n’est pas une tragédie … Si cela est possible dans les Etats d’Asie Centrale, pourquoi serait-ce impossible en Géorgie ? Chaque Etat a le droit de choisir sa propre politique dans le domaine de la sécurité. La Russie reconnaît ce droit. »  - Vladimir Poutine, Président de la Fédération Russe.

 

« Qui domine l’Europe de l’Est contrôle le Heartland ; qui domine le Heartland contrôle l’Ile Mondiale ; qui domine l’Ile Mondiale contrôle le monde. »  - H. Mackinder.

 

Au cœur du problème

 

Sir Halford Mackinder, le géographe anglais qui écrivit «Idéaux démocratiques et réalité», plaça cette devise la­pidaire à la base de son propre concept géopolitique mondial. Dans l’éternel combat entre Terre et Mer, l’a­xe central de l’histoire et de la géopolitique est le Heartland, le cœur de l’Eurasie. L’immensité herbeuse de Si­bérie Occidentale, de la toundra du Nord à la mer Caspienne, de la Volga à la Mongolie, avec l’Oural comme é­pine dorsale, est le cœur palpitant de la tellurocratie, de la puissance terrestre eurasienne.

 

Notre «Destin manifeste».

 

Même dans notre monde moderne dominé par les plus récentes technologies, l’ESPACE et la SITUATION repré­sen­tent une puissante protection contre toute tentative d’agression contre l’épine dorsale géopolitique ter­res­tre de l’Eurasie, qui, depuis des siècles, coïncide presque parfaitement avec la puissance terrestre par ex­cel­lence : la Russie. Que ce soit la Russie tsariste ou l’Union Soviétique de Lénine et Staline, l’empire terrestre eu­rasien a suivi ses propres directions géopolitiques d’expansion, s’opposant à la puissance croissante des puis­sances maritimes : l’empire britannique au 19ième siècle, les Etats-Unis durant le dernier siècle.

 

Le nœud afghan

 

La défaite soviétique en Afghanistan fut l’une des causes principales de l’implosion et de la désintégration de l’em­pire terrestre moscovite. C’est un exemple presque unique dans l’histoire d’une auto-dissolution non cau­sée par une invasion extérieure, du moins pas au sens classique de ce terme. La CEI [Communauté des Etats In­dé­pendants], née de ses cendres, n’est qu’un pâle souvenir de l’empire disparu.  En empêchant la puissance ter­restre d’avoir un libre accès aux océans, en plus des mers intérieures, et en tenant étroitement en main les îles et les péninsules de l’Eurasie, la thalassocratie américaine a remporté la victoire sur la puissance conti­nen­ta­le, suivant les enseignements géopolitiques de Mackinder et —déjà avant lui— ceux de l’Amiral américain A. T. Mahan, clairement définis dans son livre «The Influence of Sea Power upon History» [L’influence de la puis­sance maritime sur l’Histoire]. De même, la stratégie de l'étouffement des puissances continentales de grandes dimensions se poursuivra, par le biais de la domination des espaces sidéraux et l'utilisation des «vaisseaux interstellaires»…

 

Le "rimland" contre le "heartland" : une attaque concentrique

 

Si l'on la regarde à la lumière de la doctrine géopolitique et à celle du choc contemporain —et bien évident— entre la Mer et la Terre, entre l’Amérique et l’Eurasie, la stratégie de Washington est claire comme de l’eau de roche. Les provocations anti-chinoises au sud de la mer de Chine, visant à tester la résistance et la réac­ti­vi­té de Pékin, vont main dans la main avec les pressions sur la Corée du Nord, qui est un bastion de la résistance à la pénétration américaine sur le flanc Est, mais qui est aussi un Etat voisin à la fois de la Chine et de la Fé­dé­ra­tion Russe, proche de Vladivostok, la « porte orientale » de l’empire russe.

 

Le véritable "axe du mal"

 

Comme le Monde diplomatique l’a rétorqué à juste titre à Bush, le véritable «Axe du Mal» est le Fonds Mo­né­taire International + la Banque Mondiale + l’Organisation Mondiale du Commerce, les Etats-Unis étant leur pro­jet mondial et leurs bras militaire. Le contrôle des sources d’énergies de l’Eurasie, la « guerre contre le ter­ro­ris­me islamique » et l’invasion de l’Afghanistan sont trois aspects complémentaires du même plan d’hégémonie planétaire. Et l’espace russo-sibérien est la cible stratégique de cette attaque. L’alliance entre la Turquie et Is­raël n’est que le début de l’agression contre le Moyen-Orient, le monde arabe et islamique. Et la réactivation de la guerre russo-tchétchène —après les mystérieux attentats en Russie— n’a fait que favoriser l’arrivée au pou­voir de Poutine sur la vague du nationalisme russe et panslaviste. A présent, les soldats américains sont déjà en Géorgie …

 

L’ennemi sur le seuil de la porte

 

Ironie de l’histoire, ce fut justement Staline, le génial créateur de la puissance russe moderne, qui fut à l’o­ri­gi­ne de l’actuel danger pour l’intégrité et pour la survie même de la Russie. C’est la revanche géorgienne pour l’Abkhazie, qui ouvre à l’OTAN les portes du Caucase russe. Ironie du sort, les Etats-Unis ont demandé et ob­te­nu de leurs futures victimes —la Russie et  la Chine en premier lieu— leur consentement pour une guerre de con­quête contre l’Eurasie. Si le Kremlin avait pensé exploiter son appui à l’invasion américaine en Afgha­nistan pour avoir les mains libres dans une guerre intérieure qu’il a commencée et ne pouvait pas gagner —main­tenant il a gagné sa juste récompense.

 

La Russie : la dernière chance

 

La Russie secouera-t-elle son immobilisme hypnotique face au plan de l'anaconda américain : l’étouffement du con­tinent eurasien? Le peuple russe se libérera-t-il des chaînes imposées depuis plus d’une décennie par le mon­dialisme triomphant? Les élites russes les plus conscientes du rôle géopolitique de leur pays et du continent eu­rasien reprendront-elles en main le destin de la Russie et dirigeront-elles la contre-offensive à partir des der­niers bastions libres? De la réponse à ces trois questions dépendra l’avenir non seulement de la Russie, mais aussi de l’Europe, de la Chine, du monde arabe et islamique, de l’Afrique et de l’Amérique latine —le destin et la survie de l’Eurasie et du monde entier. « Qui domine l’Ile Mondiale contrôle le monde » … 

 

(Résumé par "Archivio Eurasia"; traduction de F. Destrebecq)

 

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jeudi, 06 mars 2008

Concepts stratégiques américains depuis la Guerre Froide

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Les concepts stratégiques des Etats-Unis depuis la fin de la guerre froide

De la position de leader du monde libre à celle de puissance prédatrice

 

Si, dans la période de la guerre froide, le fondement de la politique extérieure des Etats-Unis d'Amérique était un fondement unique, en définitive réductible à trois énoncés simples : pratiquer l'«endiguement» (containment) de l'URSS, freiner la diffusion dans le monde de l'idéologie communiste et promotion de la croissance économique dans le monde dit "libre", c'est-à-dire dans le monde placé sous l'hégémonie américaine; avec la chute du Mur de Berlin, une phase nouvelle s'est ouverte, marquée par une pluralité de conceptions stratégiques possibles. Ces conceptions stratégiques appartiennent en fin de compte à trois filons principaux, que les stratèges américains ont défini comme suit, car ils aiment, en général, utiliser des expressions clefs : l'«internationalisme triomphant», le «néo-isolationnisme» ou «désengagement» et, enfin, le «néo-interventionnisme sélectif».

 

1.

C'est dans le camp de l'internationalisme triomphant que se rangent les options doctrinales qui se caractérisent par une volonté de continuité avec la politique extérieure des années 1945-1989. Une continuité qui, par ailleurs, du moins dans certaines positions, se voit corrigée en cas d'urgence, où il faut “choisir le moment favorable” et tirer le maximum d'avantages possible de la position américaine, celle d'être l'unique superpuissance mondiale.

 

Concept clef le plus célèbre dans ce courant : la notion de “nouvel ordre mondial” (New World Order), qui a été forgée par le Président Bush (Senior) en 1990, à l'occasion de la première guerre d'agression contre l'Irak; ultérieurement, elle en est venue à définir le nouveau rôle et la nouvelle “responsabilité” des Etats-Unis. Le concept en soi n'exprime pas une nouveauté substantielle par rapport aux phases précédentes : il exprime la préoccupation américaine d'assurer la stabilité dans le monde, de maintenir le statu quo, d'obtenir la reconnaissance du “leadership global” des Etats-Unis. Plus intéressantes sont les réflexions sur l'application pratique du concept, né lors de l'opération Desert Storm et de ses suites dans le Golfe Persique. On a vu apparaître, lors de ces événements, la justification de la guerre préventive comme instrument de préservation de l'ordre mondial, mais, en même temps, une divergence entre puissance militaire et responsabilité politique, avec la discordance de fait qui s'est instaurée entre la puissance militaire déployée et la responsabilité politique. Cette divergence que confirment, selon certains observateurs, les choix opérationnels successifs effectués en Somalie et en Bosnie.

 

Si les institutions politiques suprêmes de ce monde ont montré toutes leurs carences quand il s'est agi de donner substance au concept de “nouvel ordre mondial”, les autorités militaires ont pris le relais, avec l'enthousiasme que l'on sait.

 

En 1992, l'un de ses nombreux "scoops téléguidés" publiés dans les pages du New York Times et émanant d'un soi-disant rapport “secret” du Pentagone a été intitulé “Defence Planning Guidance” et rédigé sous la direction du sous-secrétaire à la Défense pour les affaires politiques, Paul Wolfowitz. Ce “rapport secret” inteprète explicitement le nouvel ordre mondial comme l'expression de la volonté américaine de maintenir son propre statut de superpuissance unique, en s'appuyant surtout sur la force militaire, et de s'imposer unilatéralement, si besoin s'en faut. L'OTAN, dans cette perspective, n'est plus que le véhicule des intérêts américains en Europe et le garant principal de la sécurité européenne.

 

Charles Krauthammer, journaliste, est celui qui a forgé un autre concept significatif, celui d'“élément unipolaire” pour décrire le caractère simultanément absolu et provisoire de la suprématie américaine. Pour Krauthammer, dans deux ou trois décennies, de nouveaux rivaux pourraient devenir suffisamment forts pour défier la puissance américaine. Dans ce contexte, l'unipolarité implique également “concentricité” autour d'un pôle : par conséquent, poursuit Krauthammer, nous devons trouver au centre de l'ordre mondial, une confédération occidentale, dont le G7 est en quelque sorte la préfiguration. Au centre de cette confédération, nous trouverions les Etats-Unis. Autours d'eux, plusieurs cercles concentriques, où la distance par rapport au centre se mesure en termes de perte de souveraineté. L'objectif final est la formation d'un marché commun mondial, tel celui qu'avait préconisé Francis Fukuyama dans son célèbre best-seller, La fin de l'histoire. Mais l'objectif premier, la première tâche à accopmlir, est d'unifier l'Occident,qui est économiquement avancé. Le précurseur de cette orientation politique fut  Robert Strauss-Hupé qui, dès 1957, avait souligné la nécessité d'unifier le monde sous la bannière étoilée et cela, “en l'espace d'une génération” (!); champion du mondialisme avant la lettre, il considérait et condamnait l'idée d'Etat-Nation comme une invention idéologique française odieuse, comme “la force la plus rétrograde du 20ième siècle”. Le rêve fédéraliste mondial de Strauss-Hupé  —dont l'OTAN devait être le noyau de base—  conférait aux Etats-Unis le rôle d'“architectes d'un empire sans impérialisme”. Quant au rôle de la culture anglo-saxonne, c'était de faire l'intermédiaire entre les cultures antiques et la nouvelle culture mondiale émergente. En dépit de sa misère intellectuelle, cette conception a continué à faire des adeptes, parmi lesquels Strobe Talbott, qui fut le numéro deux au sein du Département d'Etat sous Clinton.

 

Joseph Nye souligne, quant à lui, les aspects “souples” de la pensée internationaliste. Après la guerre du Golfe Persique, il est clair, désormais, que la puissance économique n'a pas envoyé au rancart la puissance militaire, laquelle serait devenue inutile. Les Etats-Unis occupent la première place parce qu'ils détiennent l'hégémonie tant sur le plan du “hard power” (le pouvoir de coercition) que sur le plan du “soft power” (le pouvoir de persuasion). Ce second aspect renvoie aux institutions transnationales dans lesquelles les Etats-Unis se sont assurés le contrôle de dernière instance : le World Trade Organization (l'ex-GATT), le FMI, le Traité pour la non-prolifération nucléaire, etc. Dans cette pathologie à vouloir se doter de l'omnipotence, le rôle possible de l'Amérique a été décrit comme celui de “grande organisatrice” du monde, un rôle analogue à celui que joua la Grande-Bretagne aux 18ième et 19ième siècles, ou à celui de l'Autriche entre 1812 et 1818, ou encore à celui de la Papauté aux 12ième et 13ième siècle voire à celui d'Athènes avant la Guerre du Péloponnèse.

 

On en arrive ainsi à formuler de mauvaises “réminiscences” de Spengler (et nous nous excusons auprès de lui!), comme, par exemple, dans l'appel que lance Ben Wattenberg, directeur de Radio Free Europe, pour que le peuple américain reconnaisse sa “nouvelle destinée manifeste” (“New Manifest Destiny”), dont l'objectif serait de promouvoir dans le monde la “démocratie de type américain”. La culture a donc, dans ce projet, une fonction de premier plan à assumer; les Etats-Unis disposent des meilleures armes sur ce terrain : le monde du spectacle, les médias, la langue anglaise, le tourisme, les institutions universitaires et les systèmes informatiques, sans oublier le business des loisirs. En somme, Coca Cola, Bill Gates et Pamela Anderson sont au service du monde unipolaire, dominé par l'Amérique.

 

D'autres n'hésitent pas à recycler avec désinvolture des termes bannis aujourd'hui par ce néo-puritanisme obsessionnel que constitue la “political correctness”. Le conservateur de choc qu'est Irving Kristol, dans les pages du Wall Street Journal, en août 1997, évoque “le jour pas si lointain, où le peuple américain prendra conscience d'être une nation impériale… une grande puissance peut insensiblement être amenée à s'assumer, à prendre des responsabilité sans être explicitement engagée”.

 

2.

La pensée néo-isolationniste semble  —du moins en apparence—  bien plus sobre. Ses exposants reconnaissent qu'il est impossible, pour l'Amérique, de gérer efficacement une politique extérieure de mouture internationaliste et cela, tant sur les plans économique que militaire : entre autres choses, ce qui l'en empêche, c'est un budget de la défense qui, dans les années 90, avoisinait déjà les 300 milliards de dollars annuels, face à une dette extérieure sans cesse croissante, à un taux d'épargne parmi les plus bas du monde, à un système d'éducation en faillite (vive la sincérité!) et, qui plus est, face à une propension très réduite à réinvestir les capitaux dans la sphère de la production plutôt que dans celle de la spéculation financière.

 

L'isolationnisme ne signifie pas  —et n'a jamais signifié au cours de l'histoire des Etats-Unis—  une volonté d'isolement. C'est une doctrine politique qui n'exclut pas le développement croissant des relations économiques avec l'extérieur, mais une doctrine politique qui exprime simplement le désir d'un désengagement à but précis; en ultime analyse, l'isolationnisme vise à ne pas embarrasser l'action politique des Etats-Unis, d'une façon ou d'une autre.

 

Traditionnel cheval de bataille de la pensée politique républicaine, l'isolationnisme s'est accentué après la déconfiture du Vietnam. Le néo-isolationnisme possède une tendance “populiste” chez Patrick Buchanan. Cet ancien collaborateur de Nixon et de Reagan augure le retrait total des forces américaines hors d'Europe et d'Asie, mais sans désarmement. Le primat de l'Amérique doit cependant demeurer sur mer, dans l'air et dans l'espace. L'interventionnisme, dans cette pensée, n'est pas exclu, sauf sur terre (nous entrevoyons là le compromis fait par Clinton à l'occasion de l'agression perpétrée contre la Yougoslavie).

 

Cette sorte de réédition de la “Doctrine de Monroe”, Ted Carpenter, directeur du “Cato Institute” la partage. Carpenter se bat pour une stratégie indépendante, débarrassée d'engagements trop onéreux ou trop obsolètes; il définit les “intérêts vitaux” des Etats-Unis de manière rigoureuse et rejette l'interventionnisme tous azimuts. Pour Carpenter, les conflits locaux (y compris en Europe) ne sont pas à considérer comme des menaces aux “intérêts vitaux”. « Quels sont les intérêts vitaux de l'Amérique? », se demande Edwin Feulner, président de la « Heritage Foundation ». Il énumère cinq points : sauvegarder la sécurité nationale (le territoire, les frontières, l'espace aérien américain); prévenir toute menace de la part d'une puissance antagoniste en Europe, en Extrême Orient et dans le Golfe Persique (il fait référence respectivement à la Russie, à la Corée du Nord, à l'Iran et à l'Irak); maintenir la capacité d'accès des Etats-Unis aux marchés extérieurs ; protéger les Américains du “terrorisme et de la criminalité internationales” ; préserver la possibilité d'accéder aux ressources stratégiques.

 

Le corollaire des thèses de Carpenter : un jugement clair et net sur les alliances actuelles et sur l'OTAN. Elles sont des reliquats du passé, dont il faut se défaire. Mais le tout doit se dérouler dans un contexte de “pessimisme de la raison”, car l'instance unipolaire ne durera pas.

 

Une autre voix émanant du « Cato Institute », Barbara Conray, nie le fait que la poursuite du leadership politique et militaire puisse, à long terme, constituer le fondement de la politique extérieure des Etats-Unis. Etre le gendarme du monde implique d'avoir à assumer des coûts supérieurs à ses bénéfices.

 

Dans le contexte de ces positions néo-isolationnistes, nous trouvons un vaste éventail de théories et de thèses qui ne croient pas à la possibilité de survie de l'hégémonie américaine après la guerre froide. Ces thèses prétendent que de nouvelles superpuissances n'émergeront pas et que les crises régionales conduiront à une fragmentation croissante du pouvoir dans le monde. Les Etats-Unis devront donc manœuvrer pour “compartimenter” ces instabilités régionales, mais sans intervenir activement. Les quarante années de la guerre froide ont donné une prééminence excessive à la politique extérieure, se plaint une ancienne ambassadrice américaine auprès de l'ONU, Jeane Kirkpatrick : il est l'heure, désormais, que l'Amérique affronte les questions de politiques intérieure.

 

Mais comme le pouvoir aujourd'hui est essentiellement économique, c'est sur ce terrain que se développera la vraie compétition. L'option mondialiste ne débouchera pas sur une prime, celle de voir un monde constitué autour de l'axe des valeurs américaines. La situation difficile de l'Amérique, sur les plans social et culturel, rend urgente une rénovation en profondeur de la politique intérieure.

 

3.

Aux “opposants extrémistes” de l'internationalisme et de l'isolationnisme, s'opposent les courants de pensée favorables à un néo-isolationnisme pratique (“practical internationalism”, d'après l'expression de Richard Gardner, un conseiller de Clinton). Le concept clef qui a inspiré une bonne partie de l'action politique extérieure de l'administration Clinton est celui de “sécurité multilatérale” (qui s'identifiait à la figure du secrétaire d'Etat adjoint pour les affaires extérieures, Tarnoff). L'interprétation stricto sensu de cette doctrine prévoit de limiter l'utilisation de la force par les Etats-Unis dans un contexte multilatéral, sauf dans le cas où certains de leurs intérêts vitaux sont en jeu. A la suite du torrent de critiques qui s'est abattu sur l'administration à propos de la façon dont les crises bosniaque et somalienne ont été traitées, on a assisté à l'émergence de prises de positions quelque peu différentes, privilégiant un concept élargi de sécurité multilatérale, d'après lequel la “multilatéralité” est un moyen, non une fin, mais sans que l'action unilatérale ne soit exclue dans l'absolu.

 

Un concept est lié à celui de sécurité multilatérale : l'indépendance stratégique. Si la doctrine de l'endiguement exprime la volonté d'empêcher l'émergence et l'affirmation d'une puissance hégémonique en Eurasie, à présent, tout en restant ferme dans l'affirmation de ses objectifs stratégiques, l'Amérique renoncerait à agir en personne et viserait à maintenir une situation d'équilibre entre les puissances au niveau global et au niveau régional ; l'indépendance stratégique des Etats-Unis consisterait dès lors à pouvoir exploiter les rivalités entre les autres puissances, tout en bénéficiant des avantages géopolitiques dérivant de leur insularité, de l'éloignement du théâtre des conflits, de la supériorité militaire et nucléaire. Dans cette réédition de la doctrine de l'équilibre des forces, Henry Kissinger précise que les Etats-Unis ne pourront plus, à terme, faire face simultanément à toutes les situations de crises potentielles: une sélection s'impose. Dans l'interventionnisme sélectif, proposé par Kissinger, certaines crises pourront exiger une intervention unilatérale des Etats-Unis, d'autres ne réclameront qu'une action multilatérale, d'autres, enfin, ne mériteront aucun type d'intervention militaire. Dans cette perspective, nous n'avons pas vraiment affaire à une intention de construire un ordre global fondé sur les intérêts américains, soit la pax americana (ce qui serait réalisable dans le nouveau contexte mondial); le rôle de l'Amérique en vient plutôt à ressembler à celui de l'Angleterre au 19ième siècle.

 

Cette nouvelle conception se voit reprise et renforcée par les réflexions de Zbigniew Brzezinski. Le concept de “mission globale sélective” (global selective commitment) prévoit, pour les Etats-Unis :

◊ la possibilité d'un déphasage entre les intérêts américains en politique étrangère et ceux de leurs alliés traditionnels;

◊ le maintien de leur rôle en tant que principal pôle de dissuasion nucléaire ;

◊ le maintien des avantages militaires américains (aviation, marine) par rapport à leurs alliés et non pas

◊ la “mission sélective et proportionnée” sous des formes variables de coopération à l'échelle régionale (l'OTAN en étant l'exemple classique).

 

A cette tendance (que l'Administration Clinton avait faire sienne), s'ajoute le projet d'élargissement de la “communauté libérale”. Quelques auteurs de ce courant de pensée ont ouvertement proposé d'affirmer la suprématie économique, de la placer au premier plan, repoussant au second plan la sécurité et la diffusion des valeurs américaines (on songera, à ce propos, à la rapide reconversion de la CIA dans l'espionnage économique, ou, du moins, en ses structures “visibles”). A la bipolarité du monde, au temps de la guerre froide, se substitue une tripolarité (Etats-Unis, Europe, Japon) de superpuissances économiques. Sur le plan fonctionnel, il apparaît urgent de maintenir les marchés extérieurs ouverts à la concurrence et aux investissements américains. Dans un tel contexte, la promotion de systèmes de leadership collectif  —collectif mais contrôlé par les Etats-Unis de manière rigide—  devient un objectif premier à réaliser, sous peine de voir émerger des blocs régionaux toujours plus “fermés” à l'influence du capital yankee.

 

Le secrétaire d'Etat Warren Christopher avait affirmé en 1992 que la “sécurité économique” représentait l'objectif premier de la politique extérieure de l'Administration Clinton. Le secrétaire d'Etat adjoint Strobe Talbott avait parlé, lui, en 1994, d'une “diplomatie pour une compétitivité globale”. Qu'entendait-il par là? Il l'a parfaitement expliqué lui même : demeurer sur ses gardes afin que de nouveaux regroupements économiques régionaux ne se fixent pas d'objectifs en contradiction avec les intérêts supérieurs des Etats-Unis. C'est un avertissement clair, notamment à l'adresse de l'Union Européenne.

 

L'Amérique s'auto-perçoit ainsi comme une “big corporation” qui doit exploiter une position de force toute temporaire sur le marché pour le modeler et le transformer en vue d'atteindre les objectifs propres de l'Amérique. Et quand Richard Haas, maître à penser de la Brookings Institution et ancien conseiller de Bush le père, suggère dans The Reluctant Sheriff (1997) : « L'objectif de la politique extérieure américaine doit être le suivant : œuvrer, de concert avec les autres acteurs qui partagent les mêmes idées, à améliorer le fonctionnement du marché et à renforcer le respect de ses règles fondamentales. Dans le consensus, si possible, avec la force, si nécessaire ». Dans une telle perspective, les Etats-Unis ne sont pas le “gendarme du monde”, occupé à combattre vingt-quatre heures sur vingt-quatre, les émanations de l'Empire du Mal, mais le Sheriff qui, quand la situation risque de devenir incontrôlable, rameute à la hâte des volontaires ou des mercenaires et part tout de suite avec eux pour mener une expédition punitive. Cela ne vous rappelle-t-il rien?

 

4.

Nous avons voulu dédier un paragraphe entier à Samuel Huntington. Son essai, The Clash of Civilizations?, avec point d'interrogation, était paru d'abord dans le bimestriel Foreign Affairs, pendant l'été 1993. L'approfondissement de la question  —avec disparition du point d'interrogation—  est paru sous forme de livre trois ans après, sous le titre The Clash of Civilizations and the New World Order. Le noyau du questionnement suggéré par Huntington, du moins en ce qui concerne la thématique que nous abordons ici, est explicité au début du chapitre 7 : «Pendant la guerre froide, l'ordre qui prévalait était le produit de la domination des superpuissances sur leurs blocs respectifs et de leur influence dans le Tiers-Monde. Dans le monde qui apparaît, la puissance globale est désormais une notion dépassée, et l'idée de communauté globale n'est plus qu'un rêve lointain. Aucun pays, même les Etats-Unis, n'a d'intérêts stratégiques globaux. Les composantes de l'ordre dans le monde plus complexe et hétérogène qui est désormais le nôtre se trouvent à l'intérieur des civilisations et entre elles. Le monde trouvera un ordre sur la base des civilisations, ou bien il n'en trouvera pas. Dans ce monde, les Etats phares des civilisations sont la source de l'ordre au sein des civilisations et, par le biais de négociations avec les autres Etats phares, entre les civilisations (…). Un Etat phare peut exercer sa fonction ordonnatrice parce que les Etats membres le considèrent comme culturellement proche (…). Là où il y a des Etats phares, à l'inverse, ceux-ci sont les clés du nouvel ordre international fondé sur les civilisations »  (pp. 170-171).

 

Examinons ce discours de plus près. En fait, quelle est “notre” civilisation d'après Huntington? Ecoutons-le: « Pendant la guerre froide, les Etats-Unis étaient le centre d'un vaste regroupement très diversifié et multicivilisationnel de pays qui avaient tous pour but d'empêcher l'Union soviétique de poursuivre son expansion. Ce regroupement, appelé tantôt “le monde libre”, tantôt l'“Ouest” et tantôt les “Alliés”, comprenait de nombreuses sociétés occidentales, mais pas toutes, ainsi que la Turquie, la Grèce, le Japon, la Corée, les Philippines, Israël (…). Avec la fin de la guerre froide (…), le “monde libre” multicivilisationnel (…) se recompose en un nouveau regroupement correspondant plus ou moins à la civilisation occidentale » (p.171). Huntington fait ici violence aux règles habituelles de la géopolitique. Dans un but instrumental. Parce qu'il réduit à zéro les différences qui existent bel et bien entre le monde anglo-saxon, premier terme, et la civilisation européenne, afin d'élaborer un concept de “civilisation occidentale” qui permet d'absorber cette civilisation dans le premier terme, qui est américain bien entendu. Même si l'issue de cette analyse est déconcertante, elle n'en demeure pas moins efficace sur le plan de la théorisation du rôle hégémonique des Etats-Unis et de leur allié britannique en Europe.

 

Quand Huntington cherche à faire violence au réel et à l'inclure de force dans ses schémas, nous voyons apparaître l'incongruité de sa démonstration, incongruités qui sont néanmoins fort intéressantes à observer. Quand il définit les conflits dans les “failles” (les fault-line conflicts) comme étant des “conflits entre Etats limitrophes appartenant à des groupes de civilisations diverses vivant au sein d'une seule et même nation”  —en opposition aux conflits entre Etats phares impliquant les principaux Etats des diverses civilisations—  Huntington se réfère évidemment à la guerre de Bosnie, mais ses arguments sont également valables pour le conflit du Kosovo.

 

Dans toute guerre se déroulant sur une “faille”, nous voyons agir des acteurs de premier plan (dans le cas bosniaque, nous avons affaire à des protagonistes serbes et croates, en plus des Bosniaques eux-mêmes); mais des acteurs de second plan agissent également (les gouvernements des Etats plus ou moins mono-ethniques correspondant aux ethnies de Bosnie impliquées) de même que des acteurs de troisième plan, soit les représentants des civilisations respectives. Dans le cas bosniaques, nous avions l'Allemagne, l'Autriche et le Vatican, ainsi que les Etats et les cercles catholiques d'Europe du côté des Croates; la Russie, la Grèce et les autres pays du groupe orthodoxe aux côtés des Serbes; enfin, aux côtés des Bosniaques musulmans, nous trouvions divers Etats islamiques et… les Etats-Unis d'Amérique !! Huntington admet qu'il s'agit d'une “exception partielle”, d'une “anomalie” que l'on pourrait interpréter comme une “erreur” de l'Administration Clinton, trop empressée de satisfaire les “fortes pressions venues de ses amis dans le monde musulman”. Mais cette “anomalie” est si peu “anomale” qu'elle s'est répété, comme un copion parfait, lors de l'agression anglo-américaine contre la Yougoslavie, sous prétexte de la question kosovar.

 

Curieusement, cette conception toute théorique du choc des civilisations semble finir par démolir ses propres présupposés, sur lesquels elle se fonde… ou bien? Ou bien, une fois de plus, cette théorie sert à masquer une intention que l'on ne veut pas encore déclarer ouvertement : cette intention est celle de construire le “Third American Empire”, dont le territoire balkanique constitue le tremplin. L'idée de ce “troisième empire américain” a été théorisée par Michael Lind et Jacob Heilbrunn en janvier 1996, dans les colonnes du Washington Post. Si l'on prend cette notion de “troisième empire américain” au sérieux, on comprend ipso facto que les Etats-Unis ont été, dans la crise bosniaque, des acteurs de troisième niveau, ont joué, en quelque sorte, le rôle peu appréciable de “padrone mafieux” d'un “pseudo-islam”, destiné à être le fer de lance de l'Amérique, pour empêcher la recomposition d'un grand espace européen, en une zone de première importance stratégique comme les Balkans.

 

5.

Deux mots en guise de conclusion : il est temps de revenir au réel; comme l'isolationnisme américain, au fond, n'a jamais vraiment existé et s'est toujours limité à la préférence  —dans les périodes d'entre-deux-gueres—  pour les méthodes indirectes basées sur la coercition économique et sur la manipulation diplomatique. L'isolationnisme est donc une fiction; le néo-isolationnisme n'est donc rien d'autre qu'un expédient servant à conjurer un déclin politique, diplomatique, économique et militaire inéluctable. Il est vide de tout contenu, n'indique nullement une volonté de “désengagement”, mais constitue un camouflage habile de l'interventionnisme pratique et sélectif. Derrière le masque de l'Amérique garante de la “sécurité multilatérale” et des équilibres régionaux, nous trouvons l'organisation systématique de la déstabilisation dans les domaines diplomatique, politique, financier et militaire, partout dans le monde. Et cette déstabilisation s'opère désormais à partir du “cœur du monde”, du centre de la masse continentale eurasiatique. Mieux : à partir de la péninsule balkanique entre l'Adriatique et la Mer Noire. Telle a été la véritable signification historique de la guerre en Yougoslavie. Mais, si dans chaque mensonge se trouve tout de même une parcelle de vérité, alors nous sommes redevables à Huntington de nous avoir donné une précieuse leçon. Dans un monde où les civilisations deviendront toujours plus nombreuses, elles devront inévitablement se respecter mutuellement, se comprendre et coexister; elles auront toutes pour tâche de donner du sens aux peuples et aux hommes, face, justement, à l'absence de sens que représente la globalisation actuelle, téléguidée depuis les Etats-Unis et leurs homologues en terre d'Albion. Ce système, marquée par une absence de sens, est une anomalie. Qui doit disparaître.

 

ARCTOGAÏA, Moscou - http://www.arctogaia.com

 

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mercredi, 05 mars 2008

1903: Bagdadbahn

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La première locomotive vient d'arriver à Bagdad!

05 mars 1903: La société allemande « Bagdadbahn » signe un accord avec le gouverment turc pour construire une ligne de chemin de fer entre Istanbul et Bagdad, via Konya (centre religieux des derviches tourneurs de Mevlânâ) en Anatolie et Mossoul dans le Kurdistan (aujourd’hui irakien). Le contrat prévoit un embranchement vers le Golfe Persique. Ce projet envenimera les rapports anglo-allemands et sera l’une des causes majeures de la seconde guerre mondiale.

Londres ne peut effectivement tolérer qu’une grande puissance industrielle européenne porte ses énergies en avant vers cette zone clef de son empire qu’est le Golfe Persique. Les projets britanniques de l’époque, depuis la fin du 19ième siècle, sont de relier le Cap au Caire (mais le Tanganyka allemand coupe la continuité territoriale), selon les vœux de Cecil Rhodes, et le Caire à Calcutta, en satellisant les provinces arabes-mésopotamiennes de l’empire ottoman et la Perse. Une présence allemande en Mésopotamie ruinerait le projet. Le pari allemand sur la Turquie sera suivi d’un pari britannique antagoniste : le pari sur les tribus arabes wahhabites contre la Sublime Porte. Ce sera la mission de T. E. Lawrence, dit « Lawrence d’Arabie ». Cette alliance est toujours actuelle.

Citation de Charles du Bus de Warnaffe

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Citation de Charles du Bus de Warnaffe

Dans l’ordre politique, les jours révolus ne sont guère moins décevants.

Il est de bon ton de considérer la politique avec mépris ; ce n’est pas toujours à tort lorsqu’il s’agit de la politique des politiciens. Mais alors le terme est galvaudé et sert d’étiquette à des agissements que dictent l’intérêt ou la passion, et qui se font une arme de la démagogie sous toutes ses formes. Certains politiciens ne doivent s’en prendre qu’à eux-mêmes si, aux yeux de la masse, la politique paraît synonyme de querelles villageoises, de chantages, de compromissions, de marchandages, de discours creux et de promesses reniées.

Le politicien n’est tel, et ne parvient pas à se hisser sur le plan du politique ou de l’homme d’Etat, qu’à défaut d’avoir le courage de l’indépendance, et de se souvenir qu’aux termes de la Constitution il est élu de la Nation, et non d’une profession, d’une classe, d’une circonscription ni d’un parti.

Trop souvent, il oublie qu’il est membre d’une représentation nationale, participant à une politique nationale qui n’est pas seulement nécessaire en certains moments historiques, mais toujours ; que sa mission est de travailler exclusivement à la grandeur et au bien du pays, en respectant la hiérarchie des activités qui concourent à les réaliser.

La politique sera une grande chose, lorsqu’elle sera pratiquée par tous hommes libérés de l’esprit partisan, débarrassés de toute ingérence tutélaire suspecte, dégagés des intérêts particuliers, serviteurs des seuls principes, résolus à « défendre avec intransigeance les positions de l’ordre ».

Et le politique le plus fort sera celui que j’appellerai l’homme seul, pour qui le souci de la chose publique exclut le rattachement à toute préoccupation autre que celle de son foyer, image et centre de la Patrie qu’il entend servir.

Ce sera celui qui comprendra qu’un mandat éminent est une charge avant d’être un honneur, et exige qu’on s’y consacre dans le travail et l’abnégation, sans recherche d’amour-propre ni de profit indirect, avec un idéal très élevé.

Duc in altum ! Cinglez vers le large !

La politique n’est pas du cabotage, mais de la haute mer ; là où la tempête peut être sévère, mais où l’équipage, à son poste, s’identifie avec le navire, dans un cadre strict, sous un commandement responsable.

Charles du BUS de WARNAFFE

(in : « Ceux de demain », L’Edition Universelle S.A., Bruxelles, s.d. ; extrait d’un discours prononcé à l’Assemblée extraordinaire de l’Association catholique de Bruxelles, 17 janvier 1935).

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mardi, 04 mars 2008

A propos de "La France en danger d'islam"

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A propos de "La France en danger d'islam" de René Marchand

L’auteur : René Marchand, selon la quatrième de couverture de son ouvrage, est « ancien élève de l’Ecole nationale des Langues orientales vivantes, licencié de langue et littérature arabe en Sorbonne. (Il) a fait l’essentiel de sa carrière dans l’audiovisuel : il fut notamment journaliste, rédacteur en chef de radio et de télévision, producteur, responsable de la fiction d’une chaîne…Il a été aussi scénariste, enseignant, chef d’entreprise, et a présidé la section professionnelle Presse-Communication d’une grande formation politique. ». C’est donc un homme éclectique, qui, depuis qu’à l’âge de 16 ans il fréquentait Langues O, a, tout au long de sa vie – il a maintenant dépassé la soixantaine - accumulé les expériences les plus diverses, mais sans ne jamais oublier ses premières amours, cette culture arabo-islamique qui, d’évidence, le fascine. Il la connaît d’autant mieux, de l’intérieur, en quelque sorte, qu’il est arabisant et que, s’il a « roulé sa bosse » dans le monde entier, ses errances l’ont souvent mené en terre d’islam.

Politiquement, il semble très proche du gaullisme, du moins de ce gaullisme qui a disparu avec le Général. Ce n’est en tout cas ni un extrémiste, ni un exalté, et, baigné de culture arabo-islamique, il ne manifeste aucun mépris a priori à l’égard de celle-ci, bien au contraire. Simplement, il en connaît les dangers, et, constatant la présence sur le sol européen, et plus particulièrement français, d’importantes communautés allochtones musulmanes, il tire la sonnette d’alarme, non point de façon émotive, irrationnelle, non point en raison de quelque obsession anti-arabe, anti-musulmane, ou autre, ou encore par nostalgie d’un passé qui n’a peut-être jamais existé exactement comme on se le représente, mais en s’appuyant sur des faits précis, constants, vérifiables, qu’il puise, et c’est là son originalité, au cœur même de l’islam, de cet islam qu’il connaît parfaitement, et du dedans. 

Deux observations préliminaires :

Date de rédaction de l’ouvrage : La rédaction de ce livre était achevée avant le 11 septembre 2001, mais à cette date, il n’était pas encore publié. L’auteur et son éditeur sont convenus de ne rien modifier au texte initial « laissant le lecteur juger de la pertinence des analyses, interrogations et projections présentés à la lumière des faits de la plus récente actualité ». Pari gagné ! Ni les attentats de New York et de Washington, ni tous les autres événements survenus depuis n’ont démenti ou infirmé en rien les thèses développées par l’auteur dans cet ouvrage. Cela prouve le bien-fondé de celles-ci…ce qui ne manque pas, d’un certain point de vue, d’être quelque peu inquiétant ! 

Mode d’exposition : Dès la page 20, l’auteur prévient : « Je n’ai pas voulu m’enfermer dans un « genre éditorial » bien cadré, bien rationnel, bien « cerveau gauche » (…) Je ne me suis pas interdit digressions, notes marginales encadrés, photos souvenir (…) J’ai voulu des retours « en spirale », un peu par imitation des auteurs arabes qui les affectionnent,( c’est nous qui soulignons)  mais surtout afin d’irriter, de provoquer, d’enfoncer le clou. » Le procédé ne facilite pas la tâche de celui qui voudrait résumer ce livre, mais il présente l’irremplaçable avantage d’immerger le lecteur occidental dans un mode de pensée différent du sien, et, par conséquent, de l’aider à sortir de ses catégories mentales sans rapport avec celles des arabo-musulmans. Or, qui veut appréhender utilement les problèmes posés par l’islam à nos civilisations non-islamiques, qui veut tenter d’en comprendre un tant soit peu les tenants et les aboutissants, doit nécessairement se défaire de ses propres modes de penser et de sentir. Ainsi, l’auteur, grâce à ce mode d’exposition de sa pensée qui pourra paraître à certains un peu « tordu » (mais une spirale n’est-elle pas forcément tordue ?) nous aide à nous libérer de cet ethnocentrisme qui a fait jusque là tant de ravages, et qu’il condamne vigoureusement. Nous reviendrons plus loin sur ce point fondamental.

Le sujet de l’ouvrage : Marchand fait référence à la France dans le titre de son ouvrage. En fait, s’il appuie sa démonstration sur l’exemple français, celle-ci peut aisément être étendue à tout le continent européen, et notamment à un pays comme la Belgique où les données humaines, sociales et démographiques sont à peu de chose près les mêmes que celles qui prévalent en France, et où les mêmes erreurs ont été commises par les gouvernements successifs, de gauche comme de droite, qui ont dirigé ces pays depuis plus de trente années. René Marchand montre bien que la cause principale de ces erreurs réside dans le manque d’attention aux faits dont ont fait preuve avec une constance effarante ces gouvernements,  par paresse intellectuelle, parfois par lâcheté politique, mais le plus souvent par ignorance crasse de la réalité de l’islam, par méconnaissance totale de sa culture, lesquelles conduisent à pratiquer un ethnocentrisme générateur de contre-sens dramatiques.

Un réquisitoire contre l’ethnocentrisme (1).  D’ailleurs, dès l’abord, René Marchand présente son livre comme « un réquisitoire contre l’ethnocentrisme. » (p.15). Il est intéressant, à ce propos, de noter que l’ouvrage d’Alain Bauer et Xavier Raufer « La guerre ne fait que commencer » (2) débute lui aussi par un réquisitoire contre la paresse intellectuelle et le manque d’imagination qui conduit, disent-ils en substance, à « préparer toujours la guerre que l’on vient de perdre, et à renvoyer à plus tard toute réflexion sur celle qui a lieu présentement. » En définitive, Marchand, Bauer et Raufer soutiennent la même thèse, à savoir que l’ethnocentrisme est la cause principale de cette incapacité dans laquelle se trouvent les gouvernements occidentaux, qu’ils soient américains, belges ou français de combattre efficacement le danger islamiste. Tout au contraire, ils se laissent hypnotiser par l’adversaire, endormir, berner, et ce, en toute bonne conscience. Or, ce danger existe. Dès le début de son livre, Marchand nous narre sa rencontre surréaliste avec un jeune « intellectuel » islamiste, survenue en 1994. Ce récit est édifiant, et je convie qui nierait encore la réalité de cette menace à lire le compte-rendu de cette rencontre, qui a eu lieu, je le répète et insiste, sept ans avant les attentats du 11 septembre ! Nous y reviendrons plus loin..

Bauer et Raufer se présentent en techniciens, spécialistes de la sécurité, et c’est sous cet angle, pratique et technique, qu’ils reprochent aux Occidentaux, et surtout aux Américains, leur ethnocentrisme, et, plus particulièrement pour ce qui est de ces derniers, Bauer et Raufer montrent comment ceux-ci l’ont poussé jusqu’à la caricature. au point de s’être imaginé, lors de la mise en place d’Echelon, que l’humanité entière s’exprimait en anglais, ce qui les avait conduit à ne pas prévoir, avant le 11 septembre, d’interprètes d’arabe ou d’ourdou pour le débriefing des communications enregistrées, avec les conséquences que l’on sait !

Au contraire, l’ouvrage de Marchand est un livre de passion, non point de cette passion brûlante et impétueuse comme celle qui anime une Oriana Fallaci, qui semble tremper sa plume dans la lave d’un volcan (3), mais de cette passion, au sens étymologique du terme, qui est à la fois amour et souffrance, celle-ci mal dissimulée par un voile de pudeur. René Marchand se montre, lui, plus sentimental que technicien (4). Ce n’est pas plus mal, bien au contraire, car ainsi il nous fait pénétrer au cœur – dans tous les sens du terme – du problème, c’est-à-dire, de l’islam et des dangers qu’il représente pour nous et notre civilisation gréco-romano-judéo-chrétienne.

Marchand, je l’ai dit, est arabisant, et il consacre plusieurs pages à la langue arabe, et plus particulièrement à l’arabe littéraire, c’est-à-dire à l’arabe du Coran, qui n’a pas varié depuis quatorze siècles. Toute modification en serait en effet sacrilège, puisque c’est dans cette langue que Dieu a fait « descendre » le Coran. On ne peut toucher à la langue dans laquelle Dieu a choisi de s’exprimer. L’auteur nous explique qu’il s’agit d’une langue sémitique qui ne « fonctionne » pas comme nos langues indo-européennes. La syntaxe, le vocabulaire, la grammaire, la conjugaison des verbes, tout cela est différent, se bâtit différemment. Traduire « bêtement » un texte arabe en français est source d’erreur, voire de contre-sens. Je rappelle d’ailleurs à ce propos que le grand orientaliste Jacques Berque a très humblement et très lucidement intitulé sa traduction du Coran « essai de traduction. »

A cause de cette approche en définitive très subjective des choses, il nous immerge dans la réalité objective de l’islam, de cette grande religion-loi-culture-civilisation qu’il nous est tellement difficile d’aborder et de pénétrer avec notre rationnalité froide et mathématique (5). Il convient de se « mettre dans la peau de l’autre », de se placer dans sa tête ; là est le nœud de tout problème. Les joueurs d’échec le savent mieux que quiconque : la victoire n’appartient pas au plus intelligent, au plus savant, au meilleur stratège, au meilleur tacticien, en soi, mais à celui qui possède la meilleure intuition des catégories mentales de son adversaire, à celui qui parvient le mieux à « se mettre dans sa peau », et, qui, par là, réussit non seulement à prévoir ses coups, mais à choisir, parmi plusieurs parades possibles, celle qui le désarçonnera..

Un réquisitoire contre le chronocentrisme : De même que l’ethnocentrisme consiste à prêter nos propres catégories mentales à nos adversaires, sans tenir compte du fait que leur culture est différente de la nôtre, que leur langue est autre, le chronocentrisme consiste à vouloir décalquer leur Histoire sur la nôtre, ce qui est absurde. Par exemple, Marchand se hérisse lorsqu’il entend vanter la « tolérance » qui aurait régné dans l’Andalousie musulmane, alors qu’à l’époque, le mot n’avait aucun sens. Ceux qui prétendent excuser les crimes et abus des islamistes en faisant valoir que l’islam étant apparu six siècles après le christianisme, il serait aujourd’hui dans l’état où se trouvait le christianisme au Moyen-âge, font également et stupidement du chronocentrisme, perdant de vue que l’islam est une religion essentiellement statique, alors que le christianisme est évolutif, et que l’on ne peut comparer que ce qui est comparable. Le chronocentrisme est en définitive un avatar de l’ethnocentrisme, voire sa forme la plus achevée, et, par conséquent, la plus stupide et la plus dangereuse. Contre ce vice de la pensée, René Marchand nous met aussi en garde.

Les données du problème : L’auteur pose un certain nombre de questions, à partir de deux données indiscutables. La première de celle-ci est le nombre de musulmans résidant en France. Il y sont plus nombreux que dans bien des pays islamiques, plus nombreux qu’en Libye ou au Liban, ou encore qu’en Bosnie, Kosovo et Macédoine confondus, par exemple, plus nombreux, aussi, qu’ils n’étaient en Algérie à la veille de la guerre d’Indépendance ! La proportion de musulmans dans la population totale de la France actuelle atteint, si elle ne les dépasse pas, les 10%. Il convient d’insister sur le mot « actuel », en effet, compte tenu des facteurs démographiques, de la fécondité des femmes allochtones plus élevée que celle des autochtones, d’une part, et de l’impossibilité de juguler complètement toute immigration clandestine, d’autre part, cette proportion ne peut que croître dans les décennies à venir. Cela constitue-t-il un danger, au regard de la seconde donnée, à savoir la certitude proclamée des islamistes de voir la France musulmane au 21ème siècle ? René Marchand donne des éléments pour en juger.

Selon lui, si rien n’est entrepris, la France (et j’ajoute, la plupart de nos pays européens) « de djihad froid en djihad chaud, se condamneront à livrer sur leur sol une impitoyable guerre de Reconquista. » Tel est d’ailleurs le sous-titre de ce livre : de la djihad à la reconquista ». Etrange, comme cet homme, qui n’a rien a priori contre les Arabes ni contre les musulmans, qui, arabisant confirmé, les comprend et parfois même, les admire, qui traverse le fleuve bouillonnant des questions qui se posent à nous, Occidentaux, en marchant précautionneusement de pierre en pierre, de fait en fait, sans porter sur eux de jugements de valeur, qui seraient forcément erronés puisque nos valeurs et les leurs ne coïncident pas, en prenant ces faits tels qu’ils sont, une fois le gué franchi, se retrouve sur l’autre rive en compagnie d’un Guillaume Faye. Le livre de Marchand valide, en quelque sorte l’Avant-Guerre de Faye (6), et ce n’est pas le moindre de ses mérites.  

Le centre de la spirale : C’est incontestablement le récit de la rencontre de l’auteur avec « Abou Yazid » à Paris en 1994, rencontre à laquelle je faisais déjà allusion plus haut. L’auteur consacre tout un chapitre à la relation de cette entrevue riche d’enseignements. « Abou Yazid » se présente comme un jeune homme intelligent, nullement exalté d’apparence, parlant de façon mesurée pour exposer le plan de conquête de la Terre entière par l’islam en vue de l’établissement d’un Califat mondial. « La France sera musulmane comme l’ensemble de la planète. Il n’y a qu’un seul Dieu, Allah…(azza wa jalla – Il est puissant et auguste.) » Ce qui est frappant dans les propos d’ « Abou Yzid », c’est d’abord que le plan exposé en 1994, qui avait déjà commencé à être mis en œuvre à l’époque, a été poursuivi exactement comme le jeune interlocuteur de Marchand l’avait annoncé, et qu’il continue d’être appliqué ; c’est ensuite que ce jeune homme paraît au fait de tout ce qui concerne l’Occident, histoire, civilisation, mode de penser, catégories mentales, qualités et faiblesses etc. On ne peut l’accuser de faire preuve d’ethnocentrisme ! Et là réside la supériorité – espérons-le, temporaire – des islamistes sur nous. Eux savent qu’on ne peut vaincre un adversaire, non seulement si on ne le connaît pas, mais, pis encore, si l’on s’imagine le connaître alors qu’on ne fait que lui prêter ses propres sentiments et ses propres idées, qui lui sont en réalité parfaitement étrangers. « Abou Yazid » nous enseigne également que d’un autre côté – et c’est en quelque sorte le deuxième volet de la force de nos adversaires – il faut être soi-même, et en être fier. On ne peut réussir sans foi et sans passion. L’erreur consiste, sous couvert de « non-ethnocentrisme », à oublier ses propres valeurs, à renier sa propre civilisation, à renoncer à ce que l’on est, à son histoire, à son passé. Cet oubli de soi, ce mimétisme qui amène à faire sienne les conceptions et les valeurs de l’adversaire, tel est d’ailleurs ce qu’ « Abou Yazid » reproche aux nationalistes algériens des années 50/60. Ah ! soupire-t-il, s’ils avaient pris les Français au mot ! S’ils avaient accepté l’intégration qu’à l’époque on leur proposait ! La France serait aujourd’hui un pays musulman. Mais ils ont préféré promouvoir un nationalisme algérien, à l’occidental, « comme si un musulman pouvait avoir une autre patrie que l’islam ! Mais » ajoute-t-il à l’intention de Marchand, « Que voulez-vous ! C’étaient vos élèves ! » 

Ne pas être ethnocentrisme, ce n’est pas larguer les amarres et se laisser dériver au gré des courants et des modes, bien au contraire, c’est s’ancrer dans sa propre réalité, charnelle, concrète, foncière.

Conclusion :Le plus grand compliment que je pourrais faire à René Marchand, c’est de dire qu’à moi, qui ait la prétention de connaître un peu les tenants et aboutissants de la question, son livre ne m’a (presque) rien appris que je ne sache déjà, mais qu’il me l’a appris autrement. En effet, grâce à cet ouvrage, le lecteur voit l’islam du dedans L’islam n’est plus un objet que l’on observe de l’extérieur, avec ses lunettes d’occidental sûr de lui, peut-être un rien méprisant pour cette religion-loi-culture-civilisation incompréhensible avec nos modes d’investigation intellectuelle et de raisonnement ; l’islam devient, dans toute l’acception du terme, sujet, avec lequel on se retrouve en quelque sorte de plein–pied . En cela, cet ouvrage est unique et précieux ; il est à lire et, surtout, à relire.

Christian MAROT

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(1) Marchand indique la définition de l’ethnocentrisme donnée par le dictionnaire Hachette,  tout en se plaignant de sa « sécheresse » et de son insuffisance : « Tendance à prendre comme base de référence systématique les critères de jugement et les normes (l’auteur ajoute : les systèmes d’analyse) de son propre groupe social pour juger d’autres groupes sociaux (l’auteur ajoute : analyser et apprécier leurs systèmes d’analyse et de jugement).

(2) Editions Lattès.

(3) Oriana Fallaci. La Rage et l’Orgueil. Editions Plon.

(4)  Page 14, René Marchand écrit : « Si j’ai, depuis longtemps, divorcé de l’islam, je ne l’ai jamais abandonné totalement. Comme ces époux qui ont eu un enfant qui les lie à jamais, ou ces amants qui ont vécu de trop beaux moments pour, un jour, s’ignorer… »

(5) J’ajoute ceci à la démonstration de l’auteur : dans la plupart des langues indo-européennes, et notamment en français ou en anglais, le mot « raison » se rattache étymologiquement au latin ratio, ce qui lui donne une connotation mathématique, alors qu‘en arabe, le mot signifiant « raison » possède la même racine que celui voulant dire « licou ». Pour un Arabe, la raison n’est donc pas « rationnelle », au sens européen du terme, mais elle est ce qui entraîne, ce qui tire…comme la foi ! D’une certaine façon, par conséquent, pour un arabo-musulman, le fanatisme est « raisonnable » !

(6) Editions l’Aencre. 2003. Paris  

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lundi, 03 mars 2008

Vie du Mouvement (2)

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Vie du mouvement (2)

 

ETATS-UNIS : Le site non-conformiste américain http://attackthesystem.blogspot.com de l’American Revolutionary Vanguard a publié le 22 janvier 2008 un petit extrait d’un texte fort ancien (1987 !) de Robert Steuckers, consacré aux interprétations de la pensée de Nietzsche. Ce petit extrait concerne deux figures du début de la République de Weimar, Kurt Eisner et Gustav Landauer, figures qui intéressent bien entendu les révolutionnaires anti-conformistes américains de tradition populiste, qui n’ont pas désarmé face aux machines politiques mastodontiques (Républicains et Démocrates) et oeuvrent toujours actuellement. Le lendemain, ce site affichait un texte fort intéressant intitulé « The Next Radicalism : Rightism without Jingoism – Leftism without Political Correctness ». Ce titre est déjà tout un programme.

 

ALLEMAGNE : Le site allemand http://de.wasalive.com met en ligne plusieurs articles issus du site http://euro-synergies.hautetfort.com, dont « Du déclin de l’Europe : de Nietzsche à Rohrmoser » de Brigitte Sob (20/01), « Jean de Pange : fédéraliste européen » de Laurent Schang (24/01), « E. E. Dwinger : sens de la souffrance » d’Ulli Baumgarten (27/01), l’entretien que l’écrivain Michel Mohrt avait accordé à la revue et au site de « Réfléchir et Agir » (30/01), « Les jeunes filles porte-bannière dans les tribus guerrières germaniques » de Willy Fréson (31/01), et, le 1 février, « L’étoile Volkoff » de Fagnard Lecerf et une publicité pour le livre du Prof. Jean-François Mattéi, « Le regard vide ».

 

REYKJAVIK / Islande : Le site islandais http://www.hugi.is, consacré à la littérature mondiale conseillait, le 25 janvier 2008, à ses lecteurs de lire trois textes émanant de « Synergies Européennes » : 1) « Annulation magique de la crise et ‘méthode physiognomique’ chez Ernst Jünger – Compte-rendu du livre d’Armin Steil ‘Die imaginäre Revolte’ », de Robert Steuckers ; « L’aristocrate et le baron : parallèles entre Jünger et Evola », de Gianfranco de Turris ; 3) « Jünger et l’irruption de l’élémentaire dans l’espace bourgeois – Etude sur la philosophie de l’élémentaire dans l’œuvre d’Ernst Jünger », d’Evola lui-même. Ces textes figurent sur le site http://www.centrostudilaruna.it, basé à Milan et affichant bon nombre d’études sur les thématiques de la révolution conservatrice et sur l’héritage évolien en plusieurs langues européennes (français, italien, allemand, anglais, espagnol).

 

ESPAGNE : Nous venons de découvrir l’excellent site espagnol du « Centro de Estudios Euroasiaticos » (http://cee.122mb.com) qui a publié plusieurs articles émanant de « Synergies Européennes », dont « Qué es la métapolitica ? » d’Alberto Buela, « Rudolf Kjellén », « Halford John Mackinder », « Friedrich Georg Jünger », tous trois de Robert Steuckers (versions adaptées au grand public des entrées qu’il fit paraître dans l’ « Encyclopédie des Œuvres Philosophiques » des PUF sous la direction du Prof. Jean-François Mattéi), « La guerra como experiencia interior » de Laurent Schang (sur l’œuvre des frères Jünger pendant la première guerre mondiale), « Ernst Jünger, pensador politico radical » de Wolfgang Herrmann, « China, la nueva doctrina militar del ejercito de liberacion nacional » de Michael Wiesberg, avec, en prime, un classique des années 70, « Extracto de ‘Los principios de la accion fascista’ » de Michel Schneider, qui dirigea la revue « Nationalisme et république ». Cet ouvrage, en dépit de son titre qui pourrait paraître nostalgique voire polémique et provocateur, nous donne encore et toujours une leçon claire et succincte de sciences politiques, basée sur les travaux de Jules Monnerot, Hannah Arendt, Vilfredo Pareto, Raymond Aron, etc. Le site offre en lecture 200 articles, tous aussi intéressants les uns que les autres.

 

LISBONNE : L’excellent site « O fogo da vontade » (« Le feu de la volonté »), tenu de main de maître par notre excellent ami Rodrigo, traducteur hors pair, http://ofogodavontade.wordpress.com, publie le 27 janvier 2008 une traduction portugaise du texte de Robert Steuckers « Restauration poutinienne et nouvelles perspectives géopolitiques » (« Russia : A restauraçao com Putin e novas perspectivas geopoliticas »).

 

DENDERMONDE / TERMONDE : Le site http://eurorus.altermedia.info reprend pour la seconde fois le texte de Robert Steuckers « Restauration poutinienne et nouvelles perspectives géopolitiques » en date du 28 janvier 2008.

 

ETATS-UNIS : Le 29 janvier 2008, le site http://majorityrights.com publie une version anglaise d’un entretien avec Yves- Marie Laulan, accordé il y a quelques années à Xavier Cheneseau pour « Nouvelles de Synergies Européennes » et portant pour titre « Nations suicidaires et déclin démographique ».

 

ETATS-UNIS : Le 30 janvier 2008, le site http://www.amren.com, qui abrite les textes d’ « American Renaissance News », reprend la nouvelle version anglaise de l’entretien avec Yves-Marie Laulan, recueilli par Xavier Cheneseau.

 

PARIS : Le 31 janvier 2008, le site animé par nos amis parisiens, http://vouloir.hautetfort.com, a publié la rubrique « Vie du mouvement (1) » de décembre 2007 à janvier 2008.

PARIS : Le 31 janvier 2008, le site spécialisé en stratégie et en questions militaires http://theatrumbelli.hautetfort.com reprend le texte de Willy Fréson « Sous l’égide de Wotan : les jeunes filles porte-étendard dans les tribus germaniques », paru le même jour sur http://euro-synergies.hautetfort.com. « Theatrum Belli » illustre de manière particulièrement prestigieuse le texte de Fréson. L’iconographie de ce site est remarquable et mérite toujours le détour. Le 20 février 2008, le site affiche le communiqué de « Synergies Européennes », intitulé « Réflexions sur la proclamation unilatérale de l’indépendance di Kosovo ».  

ALLEMAGNE : Le site allemand http://www.eurasischesmagazin.de analyse le livre récent de Stefan Wiederkehr intitulé « Die eurasische Bewegung », où il explicite, entre bien d’autres choses, les liens entre Alexandre Douguine, théoricien du nouvel eurasisme, et les nouvelles droites ouest-européennes, notamment à la suite du voyage en mars-avril 1992 d’Alain de Benoist, Jean Laloux et Robert Steuckers à Moscou, où ils avaient rencontré les animateurs de la revue moscovite « Dyeïnn », dirigée par Alexandre Prokhanov, et le dirigeant du PC russe, Guennadi Ziouganov.

LOUVAIN : Après la section d’examen de janvier, nos amis étudiants inscrivent à leur programme métapolitique la lecture de « Mythe et métaphysique » de Georges Gusdorf, un auteur bien trop peu potassé dans nos milieux métapolitiques, et une analyse des dialogues, aussi bien trop négligés, de la « Montagne magique » de Thomas Mann, où l’écrivain met dans la bouche de ses personnages les discours de la révolution conservatrice, d’une part, de l’occidentalisme, d’autre part. Rappelons qu’Armin Mohler tenait Thomas Mann pour un « père fondateur » de la « Konservative Revolution », non seulement pour ses « Considérations d’un apolitique », mais aussi, justement, pour les dialogues de la « Montagne magique » (Naphta le Jésuite, Settembrini l’occidentaliste, etc.).

BRUXELLES : Parution du n°294 du « Bulletin célinien », animé par l’infatigable Marc Laudelout, avec « Ferdinand et les trois sœurs » d’Etienne Nivelleau (paru en janvier dans « Rivarol »), « Gracq devant Céline » de ‘Magister’, « Un ‘candidat’ nommé Jean Cau » de P. L. Moudenc, « Jean Cau, l’Académie et Céline » de Jean Cau lui-même (texte de 1985), « Antisémitisme et célinisme » de Marc Laudelout, une recension d’ « Etudes céliniennes » (n°3) d’André Derval, « Corps et âme – Les ballets dans ‘Bagatelles pour un massacre’ » d’Agnès Hafez-Ergaut et « Duel sur la Cinq » de Marc Laudelout. Adresse de courriel : celinebc@skynet.be ; site : http://louisferdinandceline.free.fr/ .

PRAGUE / BRATISLAVA : Le 5 février 2008 le site tchèque http://deliandiver.blogspot.com fait paraître la première partie d’une version en langue tchèque de l’entretien accordé par Robert Steuckers au penseur britannique Troy Southgate, animateur du « Cercle de la Rose Noire », il y a quelques années. Cette nouvelle version tchèque, qui succède à l’original anglais et aux versions française et espagnole, a aussitôt été reprise par un autre site tchèque, http://linkuj.cz, et par un site slovaque, http://vybrali.sme.sk. Le 21 février 2008, le site http://deliandiver.blogspot.com affiche la deuxième partie de cet entretien.

BRUXELLES : Réunion amicale, autour d’un bon repas, de plusieurs amis synergétistes de Bruxelles, Uccle et environs, avec pour thèmes de discussion : le « dossier H » sur Drieu la Rochelle, la situation politique en Belgique au départ du dernier livre de Pol Vandromme (« Belgique : la descente au tombeau », éd. du Rocher, Paris), l’affaire royale de 1950 et l’entourage d’Hergé (futur thème de la conférence de Steuckers à Genève, cf. infra), avec présentation 1) du livre récent de Goddin sur la vie d’Hergé, qui n’apporte rien de franchement neuf sauf une superbe iconographie, quasiment inédite jusqu’ici et 2) de l’anthologie des « meilleures méchancetés » de l’hebdomadaire satirique « Pan » (réf. : Baudouin Van Humbeeck, « Les meilleures méchancetés de Pan – 60 ans de satire politique et historique en Belgique », Jourdan Editeur/éd. De l’Arbre, Tournai, 2007).

NANTES : Le 6 février 2008, le site http://www.voxnr.com publie un texte ancien de Robert Steuckers, intitulé « L’impact de Nietzsche dans les milieux politiques de gauche et de droite », paru dans « Vouloir » dans les années 90, à la suite d’un exposé tenu lors d’une université d’été de « Synergies Européennes » en Provence. A la mi-février, le site reprend deux autres textes émanant de « Synergies Européennes » : celui de Michelangelo Ingrassia (« Le fascisme entre Occident et Orient : les rapports entre le régime de Mussolini et les nationalistes orientaux – Une page d’histoire oubliée » et celui de Brigitte Sob (« Au-delà de la droite et de la gauche : les racines du mouvement écologique »). A signaler également, la recension de Nöel Rivière (ancien collaborateur d’ « Orientations », « Vouloir » et « Nouvelles de Synergies Européennes »), intitulée « La modernité au scanner, un livre de Pierre Le Vigan ». Ce dernier, en compagnie d’ailleurs de Noël Rivière, avait notamment collaboré à un dossier d’ « Orientations » sur la modernité au début des années 90 et, quelques années plus tard, au numéro spécial de « Vouloir » consacré à Martin Heidegger. Le site voxnr.com publie en outre un manifeste de Kai Murros, écrivain politique finlandais, « La révolution et comment la faire dans une société moderne ». A signaler enfin, l’article d’Ivan Martens : « USA contre Eurasie ». 

NANTES (2) : Toujours à l’affût de textes émanant de nos ateliers, le site http://www.voxnr.com publie vers les 16 et 17 février 2008 une étude de Robert Steuckers (« Introduction à l’œuvre de Ludwig Ferdinand Clauss ») et un article de Johann F. Balvany (« Etats-Unis : nouvel impérialisme en Afrique »).  

GENEVE : Le 7 février 2008, à l’invitation du « Club de la Grammaire », affilié à l’Institut National Genevois et présidé par Maître Pascal Junod, Robert Steuckers prononce une conférence sur l’entourage d’Hergé, dont l’objectif est de réfuter les thèses d’Assouline (dont le travail est néanmoins bien fait) et les délires d’un certain Maxime Benoît-Jeannin, qui font d’Hergé un « nazi antisémite déguisé ». De telles affirmations ne sont possibles que si l’on ignore délibérément les tenants et aboutissants du contexte belge et catholique dans lequel l’œuvre d’Hergé a émergé : il faut savoir qu’à la base du personnage de Tintin, se trouve –et peut-être à l’insu d’Hergé-  la notion de « devoir », théorisée à l’Institut Supérieur de Philosophie de Louvain par le Cardinal Mercier, primat de Belgique ; ensuite, les idées de l’Abbé Norbert Wallez, notamment sa vision géopolitique d’une fédération belgo-rhénane, sa méfiance à l’endroit de la Prusse, de la Hollande et de l’Angleterre, pays protestants, et, enfin, son hostilité sourde à l’idéologie républicaine française. Steuckers, à Genève, a procédé à une analyse de l’ouvrage de Wallez intitulé « Belgique et Rhénanie ». Il s’est ensuite attelé à analyser l’œuvre encore méconnue de Raymond De Becker, personnaliste chrétien, correspondant de la revue « Esprit » de Mounier à Bruxelles, ami des socialistes Spaak et De Man, qui permettra à Hergé de publier dans le quotidien « Le Soir » pendant la seconde guerre mondiale. L’itinéraire de De Becker est fascinant comme l’attestent ses mémoires (jusqu’en 1942) consignées dans « Le Livre des Vivants et des Morts ». Les orientations éthiques de De Becker se retrouvent dans le livre « La vie difficile » et méritent une étude bien plus attentive que celle qu’en firent Assouline et Benoit-Jeannin (qui grenouille, rappelons-le, dans le marais glauque du groupe « Golias », avec ses insupportables donneurs de leçons, hystériques et péremptoires). Une place a également été faite à ce cher Paul Jamain, alias « Jam » puis « Alidor », le caricaturiste le plus féroce de l’histoire du royaume.

GENEVE : Le 8 février 2008, Robert Steuckers prend la parole au dîner-débat du Cercle Proudhon, pour refaire sa conférence lilloise (cf. la rubrique « Vie du Mouvement 1 » sur http://euro-synergies.hautetfort.com , 31/01/2008) sur l’histoire et la géopolitique iraniennes.

FRANCE : Le site http://www.hautetfort.com/tag/PAGANISME, qui collationne tout ce que l’on trouve sur les blogs du serveur « hautetfort.com » et les classe par rubrique, mentionne le texte de Karlheinz Weissmann, « La symbolique politique du Loup », affiché par notre équipe d’Ile-de-France sur http://vouloir.hautetfort.com .

LISBONNE : Le texte récent de Robert Steuckers sur la restauration poutinienne (« Russia : A restauraçao com Putin e novas perspectivas geopoliticas ») paraît pour la seconde fois au Portugal, sur le site http://www.sompedia.com.

FRANCE : Le site d’informations générales http://fr.wasalive.com reprend plusieurs textes récents publiés sur notre site http://euro-synergies.hautetfort.com. Ainsi, le 21 janvier 2008, le texte de Karl Weinhold sur la première session du Parlement libre irlandais de 1919 ; le 28 janvier 2008, l’entretien accordé par le Prof. Bernd Rabehl au journaliste viennois Dimitrij Grieb (« Nous sommes devenus un peuple d’ilotes ») ; le 31 janvier 2008, le site reprenait la liste des activités de « Synergies Européennes », intitulé « Vie du Mouvement 1 » ; le 9 février 2008, la version portugaise du texte de Steuckers sur la Russie de Poutine (« Russia : A restauraçao com Putin e novas perspectivas geopoliticas »). A signaler également que nous n’avions pas vu que le texte « Quand les Philippines devinrent une colonie américaine » de Saverio Borgheresi avait été publié sur ce même site le 10 janvier 2008. Le 9 février 2008, ce même site reprend, mais cette fois de http://rodionraskolnikov.hautetfort.com, le texte de Pierre Maugué (« La Russie face à l’hégémonisme américain ») et, le 15 février, deux textes de Robert Steuckers (« Les visions d’Europe à l’époque napoléonienne – Aux sources de l’européisme contemporain » & « L’impact de Nietzsche dans les milieux politiques de gauche et de droite »).

FRANCE : Le site http://rodionraskolnikov.hautetfort.com, spécialisé dans le domaine russe et publiant des textes y afférents en français et en russe, affiche le 9 février 2008, « La Russie face à l’hégémonisme américain » de Pierre Maugué et, le 15 février, «  ‘Uranus’ de notre aimable Aymé » (du « Cercle Prométhée »), « Les visions d’Europe à l’époque napoléonienne – Aux sources de l’européisme contemporain » (de Robert Steuckers) et « L’impact de Nietzsche dans les milieux politiques de gauche et de droite » (de Robert Steuckers).

FRANCE : Le site http://technocrati.com a affiché et recommandé la lecture de plusieurs de nos textes, dont « Sur Bruno Kreisky » de Robert Steuckers (22/01/2008), « 1919 : premier Dàil Eireann » de Karl Weinhold (21/01). Il avait déjà publié « Du dextrisme » de Patrick Canavan (07/01), l’entretien accordé par Yves-Marie Laulan à Xavier Cheneseau « Nations suicidaires et déclin démographique » (28/12/2007) et « Idée nationale et liberté selon Dieter Langewiesche » de Robert Steuckers (26/12/2007). Plus tard en février, trois autres textes ont été affichés sur le site : « Vie du mouvement (1) », « Quand les Philippines devinrent colonie américaine » de Saverio Borgheresi et « Le fascisme entre Occident et Orient » de Michelangelo Ingrassia.

FRANCE : Le site http://www.cryosites.com, qui reprend des textes en langues française, espagnole et allemande, signale et affiche, courant février, « La symbolique politique du Loup » de Karlheinz Weissmann.

FRANCE : Le site http://www.xooit.com/fr affiche courant février notre rubrique « Vie du mouvement (1) ».

FRANCE : Le site http://www.wikio.fr/news/William+McKinley propose des articles sur le Président américain William McKinley, dont, en complément, l’article « Quand les Philippines devinrent colonie américaine » de Saverio Borgheresi, où figure, en guise d’introduction à l’article, une déclaration révélatrice de McKinley, où il affirmait que Dieu lui avait directement inspiré l’idée d’envahir les Philippines, pour les délivrer du « joug tyrannique » des Espagnols. L’affaire s’était soldée par environ un million de morts, côté philippin.

ARMENIE : Le site arménien en langue française (avec liens vers des sites similaires en d’autres langues), http://www.armenews.com, affiche le 12 février 2008, la version française de l’article d’Albrecht Rothacher, traduit par les services de « Synergies Européennes » et issu au départ de l’hebdomadaire « zur Zeit » de Vienne en Autriche, « Réflexions sur le destin des Arméniens », en en recommandant chaudement la lecture.

FRANCE : Le site http://www.geostrategie.com, spécialisé en questions géopolitiques et géostratégiques, surtout concernant le Moyen Orient et le monde arabo-musulman, affiche, le 16 février 2008, le texte de Johann F. Balvany (« Etats-Unis : nouvel impérialisme en Afrique »), paru initialement dans la revue autrichienne des corporations étudiantes, « Aula », paraissant mensuellement à Graz en Autriche.

LIEGE / VERVIERS / NAMUR : Le livre servant de support aux travaux de l’école des cadres de Wallonie, en ce mois de février, a été celui de Jean Zaganiaris, « Spectres contre-révolutionnaires - Interprétations et usages de la pensée de Joseph de Maistre – XIX°-XX° siècles », surtout sur l’impact de la pensée maistrienne sur Carl Schmitt, ce qui permet de relier les travaux des écoles de cadres wallonnes à celles du Brabant, qui potassent (cf. infra) sur Schmitt, via le livre de David Cumin. L’objectif de cette séance a aussi été de poser un continuum entre les travaux des mois passés sur l’œuvre de Marcel De Corte et sur la notion de « dissociété ». Le livre de Jean Zaganiaris a été édité par L’Harmattan (Paris, 2005, ISBN 2-7475-9665-6).

ALLEMAGNE : Le site http://de.wasalive.com publie le texte en langue néerlandaise de Robert Steuckers, « Vals socialisme en waarachtig socialisme », paru au préalable sur divers sites flamands et hollandais, de même que sur http://euro-synergies.hautetfort.com. Ce texte, en version originale allemande, avait été publié dans les années 90 dans un volume collectif sur le socialisme, paru aux éditions Leopold Stocker à Graz en Autriche. La version française était parue dans « Nouvelles de Synergies Européennes ». Il en existe également une version espagnole (parue sur divers site espagnols ou ibéro-américains) et une version italienne.

ITALIE : Le site http://www.territorioscuola.com publie une courte fiche biographique et bibliographique sur la personne d’Armin Mohler, où un renvoi est signalé vers l’entretien avec Robert Steuckers (sur la « révolution conservatrice ») accordé à Troy Southgate. Un jour plus tard, le même site publie une fiche de même nature sur la figure du géopolitologue allemand Karl Haushofer, avec, en bibliographie, la fiche traduite en italien de Robert Steuckers, qui a fait office de postface à l’édition récente d’un opuscule de Haushofer, intitulé « Lo sviluppo dell’idea imperiale nipponica » et paru aux éditions All’insegna del Veltro (Parme).

FRANCE : Le site intitulé « La pensée de Martin Heidegger » (http://heidegger.hautetfort.com) publie, afin de faire connaître « l’autre Jünger », le texte de Robert Steuckers (en version française) sur Friedrich Georg Jünger. Ce site heideggerien mérite le détour tant il explore de manière systématique une œuvre aussi magistrale que celle du « penseur de la Forêt Noire ».

GAND : Le site/forum de la NSA (Nieuwe Solidaristische Alternatief), http://nsalternatief.wordpress.com publie un article polémique intitulé « Belgische reactionairen in de bres voor ‘Kosova’ » (Les réactionnaires belges sur la brèche en faveur du ‘Kosova’) suivi d’un débat intense sur la question. Les internautes flamands branchés sur le forum NSA débattent sur la question suivante : faut-il demeurer intransigeant sur le principe de l’autodétermination des peuples ou des ethnies et accepter la proclamation d’indépendance des Albanais du Kosovo, ce qui créerait un précédant juridique permettant, le cas échéant, à la Flandre de se proclamer à son tour indépendante ? Ou faut-il refuser cette autodétermination au Kosovo musulman, parce que musulman et donc en porte-à-faux avec les linéaments idéologiques dominants dans l’espace européen ou parce que l’indépendantisme kosovar a été « boosté » par les services américains, du temps du binôme Clinton/Albright ? Dans ce débat, les protagonistes recourent au texte (en langue française) de Steuckers « Pourquoi nous opposons-nous à l’OTAN ? », script d’un débat contradictoire, organisé à Eindhoven en janvier 2003 par un groupe d’amis néerlandais, entre l’ex-secrétaire général de « Synergies Européennes », se situant dans la tradition critique à l’endroit de l’OTAN (De Gaulle, Harmel, neutralistes allemands, etc.), et Rob Vereycken, avocat et député flamand (VB), favorable à l’Alliance atlantique. Le script de la communication de Steuckers à Eindhoven en janvier 2003 est toujours affiché sur http://be.altermedia.info.

FRANCE : Le site http://www.blogdimension.com affiche, le 18 février 2008, le texte de Pierre Maugué : « La Russie face à l’hégémonie américaine ».

BUDAPEST : Le 18 février 2008, le site de la ville de Budapest, http://www.inbudapest.info, affiche la liste de nos activités, intitulée « Vie du Mouvement » (activités de décembre 2007/janvier 2008).

PARIS : Le 19 février 2008, le site http://vertusetcombat.unblog.fr a repris le texte de Robert Steuckers intitulé « Sur l’identité européenne ». Il s’agit d’une conférence donnée à Santes près de Lille en juin 2003, lors d’un colloque général regroupant des personnalités très diverses.

LILLE : Le 20 février 2008, le site http://flandre.novopress.info a reproduit le communiqué de « Synergies Européennes » sur la déclaration unilatérale d’indépendance du Kosovo.

FRANCE : Le site http://www.yoolink.fr a repris, vers la mi-février, dans un dossier d’articles en ligne sur l’ex-Union Soviétique, une éphéméride de notre blog http://euro-synergies.hautetfort.com, intitulée « 1970 : coopération russo-iranienne ».

LISBONNE : Le site http://penaespada.blogspot.com , animé par notre excellent ami Duarte Branquino, signale le communiqué de « Terre & Peuple », signé Pierre Vial, et le communiqué de « Synergies Européennes » sur la déclaration unilatérale d’indépendance du Kosovo et permet d’accéder aux sites des deux associations, afin de prendre connaissance des deux textes en entier.

FRANCE : Le site http://www.exolead.com/wikipedia, qui recense, par thème, les articles de l’encyclopédie en ligne « Wikipedia », affiche l’article consacré à Jean Eugène van der Taelen, dans un dossier essentiellement consacré au « Club de l’Horloge » et aux personnalités d’Yvan Blot et de Jean Yves Le Gallou. On se rappellera que J. E. van der Taelen, disparu voici douze ans, était lié d’amitié avec Yvan Blot et avait voulu créer un pendant belge du « Club de l’Horloge », qu’il avait appelé « Club du Beffroi », car le Beffroi, dans nos villes libres médiévales, était le symbole, majestueux, des libertés populaires. Quelques jours plus tard, le site signale la fiche de Wikipedia sur « Synergies Européennes ».

LONDRES : Fin février, Troy Southgate fait afficher sur le site http://groups.yahoo.com/group/Rose-Noire/message/2030... le message de « Synergies Européennes » avec la liste des textes publiés sur http://euro-synergies.hautetfort.com en janvier 2008.

PARIS / MONDE ARABE : Le site http://elkhadra.over-blog.com affiche fin février le texte de Johann F. Balvany, intitulé « Etats-Unis : nouvel impérialisme en Afrique », traduit et diffusé par « Synergies Européennes ».

BRUXELLES / BELGRADE : Le site http://europe-serbia.skynetblogs.be, qui exprime les opinions circulant dans la communauté serbe de Belgique, affiche le 23 février 2008 le communiqué de presse de « Synergies Européennes » (« Réflexions sur la proclamation unilatérale de l’indépendance du Kosovo »).

ETATS-UNIS : Le site http://www.thecivicplatform.com/2008/02/23, de la « Civic Platform » publie le 23 février 2008, à la suite de Troy Southgate, la liste des articles parus sur le site de « Synergies Européennes » en janvier 2008.

TOULOUSE : Le numéro d’hiver du magazine français « Réfléchir & Agir » (n°28) est consacré à « La Géopolitique du Nouvel Ordre Mondial ». Nous y avons trouvé, hors dossier, les articles suivants : « Le Vittoriale, la demeure d’un poète guerrier » de Léopold Kessler ; « Mythes et réalité de la Golden Dawn » de Christian Bouchet ; « Science et race » d’Edouard Rix ; « Maurice Bardèche, un flambeau dans la nuit » de Patrick Canet ; une analyse des « Empires et la puissance »  de Jordis von Lohausen par Yvain Lacuson ; « L’affaire des poisons » par Pierre Gillieth ; « Audiard, maître gouailleur et poète méconnu ». Dans le dossier central, sur la géopolitique du Nouvel Ordre Mondial », nous avons découvert « Qu’est-ce que le néoconservatisme ? » par Alain de Benoist ( !!) ; « Le lobby pro-israélien et la politique étrangère américaine » par Léon Camus ; « Le retour programmé de la France dans le commandement intégré de l’OTAN » par Jean-Michel Vernochet ; « Géopolitique de l’Islam » par Jean-Michel Vernochet (sous forme d’entretien) ; « Les tyrans sont parmi nous : l’exemple par Dominique Strauss-Kahn » par Thierry Meyssan ; « Comment sortir de la faillite économique et monétaire internationale ? » par Pierre Leconte ; « L’Inde et la Chine, prochaines cibles des Etats-Unis ? » par Robert Rodesches ; « Russie : restauration poutinienne et perspectives géopolitiques », par Robert Steuckers (texte dont la version portugaise a été largement diffusée). Site de la revue : http://www.reflechiretagir.com . Adresse : Réfléchir & Agir Magazine, BP 80.432, F-31.004 Toulouse Cedex 8.

FRANCE : Le blog http://www.blogdimension.com/fr affiche l’article «  ‘Uranus’ de notre aimable Aymé », du « Cercle Prométhée », édité jadis dans les colonnes de « Nouvelles de Synergies Européennes » et récemment sur le site http://euro-synergies.hautetfort.com.

VIENNE / Autriche : Le site http://eisernekrone.blogspot.com publie le 24 février 2008 une note intitulée « Robert Steuckers gegen Islamophobie und Deislamisierung », où il reprend quelques extraits d’un article ancien (1992) consacré à l’œuvre de Seyyed Hossein Nasr, islamologue iranien qui avait repris la chaire de Mircea Eliade au Centre d’Etudes des Religions de Chicago. Le site « eisernekrone » (la « Couronne de fer ») est animé par Martin Schwarz, qui allie, dans sa pensée et ses démarches, l’œuvre d’Evola, de Guénon, le souvenir de la Garde de Fer roumaine, etc. à un euro-islamisme féroce, dont l’objectif est une islamisation de l’Europe par des Européens convertis et frottés aux textes de la Tradition. Inutile de préciser que telle n’est pas notre position, ce qui nous amène à poser une question fondamentale à ce groupe : comment explique-t-il son option traditionnelle si celle-ci se réfère à une caricature de l’islam, la plus jeune des traditions, alors que celle-ci, comme l’indique Naipaul dans son œuvre, entend balayer les traditions qui ont une plus grande profondeur temporelle ? Etre « traditionaliste », surtout au sens où l’entendent Evola et Eliade, n’est-ce pas la volonté de raviver, ou de vivre intérieurement, ce qui possède la plus grande profondeur temporelle ? Quand les wahhabites canonnent et dynamitent les Bouddhas de Bamiyan ou s’insurgent quand les Indiens entendent remettre à l’honneur le temple de Rama surplombé par la Mosquée de Babar, n’arrachent-ils pas les communautés humaines aux traces sublimes laissées par de longues chaînes générationnelles, traces stabilisantes, comme le font les plus vulgaires de nos progressistes ?

BRUXELLES & BRABANT WALLON : Deux thèmes ont été travaillés dans les ateliers de travail de « Synergies Européennes » et à l’école des cadres. 1) Une étude du livre important (disponible également en traduction néerlandaise) de Karen Armstrong, « The Great Transformation – The World in the Time of Buddha, Socrates, Confucius and Jeremiah » (Atlantic Books, London, ISBN 978-1-84354-056-4). Karen Armstrong remet sur le métier l’idée de Karl Jaspers sur la période axiale de l’histoire, période où les grandes valeurs émergent du néant, en Grèce, en Inde, en Perse, en Chine et en Palestine. Chez Karl Jaspers l’idée était restée vague et mal étayée, sans référence aux recherches archéologiques, anthropologiques et historiques, à une époque où la philosophie ne cherchait pas vraiment à élargir son champ. Armin Mohler avait repris l’idée de Jaspers en tentant de la transposer dans le contexte de la République de Weimar, où s’était cristallisée une opposition aux idéaux des Lumières et de 1789, capable de bouleverser les idées et les pratiques politiques de la bourgeoisie. Dans son premier chapitre significativement intitulé, « The Axial People (c. 1600 to 900 BCE) », Karen Armstrong étudie à fond les legs de l’archéologie et de l’anthropologie historique pour consolider l’intuition première de Jaspers. Elle nous permet de cerner clairement les valeurs émergeantes (et toujours structurantes) de nos sociétés, sans lesquelles valeurs rien ne peut tenir et tout se disloque. La lecture du livre de Karen Armstrong doit évidemment se faire en parallèle avec celle des travaux de Jean Haudry, tout comme, par ailleurs, la démarche de Mohler doit se faire en parallèle avec celles de Sternhell et surtout de Gusdorf. Un travail de grande ampleur. 2) La lecture parallèle des livres de Giorgio Agamben, « Stato di eccezione » (Bollati Boringhieri, Torino, 2003) et de David Cumin, “Carl Schmitt – Biographie politique et intellectuelle” (Cerf, Paris, 2005), lecture dont se dégage surtout le fait que les démocraties occidentales, en gouvernant souvent par décrets-lois, surtout à partir de la première guerre mondiale, faisaient autant fi des parlements que les régimes totalitaires, nés après 1919. De la lecture d’Agamben, on peut conclure que les régimes dits totalitaires ne sont pas aussi originaux qu’une certaine historiographie a bien voulu le dire. De la lecture de Cumin, bon nombre de leçons peuvent être tirées, notamment sur la crise politique qui a frappé la Belgique en 2007, avec le refus d’une certaine frange de l’établissement de voir Yves Leterme accéder au poste de premier ministre, du moins flanqué de l’appui de la NVA de l’historien louvaniste Bart De Wever. La volonté de créer des « cordons sanitaires », non seulement pour contrer les avancées réelles ou imaginaires du Vlaams Belang, mais aussi pour mettre des bâtons dans les roues d’autres formations jugées inacceptables, a été théorisée par Schmitt avant l’avènement de Hitler !

PARIS : Dans son numéro 566 du 23 au 29 février 2008, l’hebdomadaire « Marianne » de Jean-François Kahn, donne la parole à Natalia Narotchniskaya (qui avait été interviewé par Gerhoch Reisegger pour « zur Zeit », trad. française dans un ancien numéro d’ « Au fil de l’épée ») et à Alexandre Douguine dans le cadre d’un article d’Anne Dastakian, intitulé « Pourquoi ils aiment tant Poutine ? ». Les idées générales et les perspectives géopolitiques qui sont les nôtres sont incontournables en Russie et aucun article sérieux dans la presse occidentale ne peut faire l’impasse sur elles. A noter (et à lire attentivement !) dans ce même numéro l’article « Le populisme, une idée à réhabiliter » par Patrice Bollon et « Connaissez-vous Jean-Marie Guyau ? » par Christian Godin (Guyau est un précurseur très important de Nietzsche). Dans tous les kiosques.

JAPON : Fin février, le site japonais http://www.jousuiki.net reprend le communiqué sur le Kosovo de « Synergies Européennes », dans un dossier sur les presidios de Ceuta et Melilla, tout simplement parce que ces deux villes y sont citées. L’Espagne refuse de reconnaître l’indépendance du Kosovo, non seulement pour éviter de donner un précédent aux Basques, mais aussi (et surtout) pour éviter qu’une nouvelle collusion islamo-yankee   -alliant une fois de plus narco-trafic, terrorisme et moralisme droits-de-l’hommiste-  ne manœuvre pour détacher ces deux postes avancés de l’Europe en Afrique du Nord (les derniers qui lui restent !) de l’orbite espagnole.

RUSSIE : Fin février, le site russe http://dolgo-noseg.livejournal.com/61305.html... publie une étude intitulée « Europe, ‘Tradition’, Metapolitics », où sont évoqués les travaux de Synergies Européennes. Ce texte émane des groupes britanniques rassemblés autour de Troy Southgate et Jonathan Boulton, entre autres personnalités.

FRANCE : Le 29 février 2008, le site http://blogdimension.com/fr affiche un texte portugais sur la grippe espagnole de 1918, repris de http://euro-synergies.hautetfort.com , où il avait été publié l’an passé, et issu au départ de http://www.grifo.com.pt .    

 

 

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Hawai, Cuba, Mexique: les étapes de l'impérialisme américain

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Hawaï, Cuba, Mexique : les étapes de l'impérialisme américain

 

Dans un long entretien que Robert Steuckers avait accordé à Marc Lüdders et paru dans Vouloir n°11 (1999), de même que dans divers autres textes sur les insuffisances doctrinales et pratiques de la "Nouvelle Droite" française, il avait insisté sur la nécessité de connaître l'histoire des Etats-Unis et les modi operandi de l'impérialisme américain. En Italie, le dissident américain, façon Chomsky, John Kleeves avait fait paraître dans la collection "Sinergie" un ouvrage important intitulé "Un paese pericoloso" (SEB, Milano, 2000). L'agence allemande DNZ de Munich étudie à son tour ces innombrables faits historiques, dans une série d'articles, dont l'un, que nous traduisons ici en français, porte sur les violations américaines de l'intégrité territoriale des Iles Hawaï, de Cuba, alors province espagnole, et du Mexique.

 

Après que l'Imperium de Washington se soit établi sur une très vaste portion du territoire nord-américain, du moins de la "côte à la côte", soit de l'Atlantique au Pacifique, avec pour toile de fond l'holocauste des Amérindiens et des guerres ou des "achats" de territoire forcés par menace militaire, contre la France, la Grande-Bretagne et la Russie, les castes dominantes des Etats-Unis ont caressé le projet de soumettre les îles des Caraïbes et l'ensemble de l'Océan Pacifique.

 

Examinons comment ce projet s'est concrétisé, en étudiant le destin du Royaume polynésien des Iles Hawaï. Dans un premier temps, les consortiums américains s'y sont établis, notamment "Dole Pineapple Company", avec ses plantations d'ananas. Ensuite, deuxième étape, les Américains ont forcé les autorités indigènes à accepter l'installation d'une base navale à Pearl Harbor. En 1893, dernière étape, les Américains aident au renversement définitif de la dernière Reine des Hawaï, Liliuokalani. Elle avait tenté d'empêcher le piètre destin, fait de soumission coloniale, que l'on préparait pour son peuple à Washington. La résistance des Hawaïens a été purement et simplement brisée. La reine et ses fidèles ont été jetés en prison. En 1898, les Iles Hawaï deviennent un protectorat des Etats-Unis; en 1959, en grande pompe, on annonce officiellement qu'elles deviennent le 50ième Etat des Etats-Unis. Entre-temps, les indigènes étaient devenus une minorité, leur culture était détruite et ils avaient été submergés par des vagues d'immigrants. La Reine Liliuokalani, poétesse, est l'auteur de cette chanson, toute empreinte de nostalgie et de tristesse, "Aloha Oe", que l'on connaît aussi en Europe, mais sans plus savoir quelle tragédie avait, en fait, suscité cette nostalgie et cette tristesse.

 

Il est intéressant de noter qu'à la même époque une autre reine, dans un autre royaume insulaire, Madagascar, avait été éliminée d'une manière similaire. Cette fois, ce sont les Français qui sont responsables de la tragédie. Comme sa consœur hawaïenne qui a subit un sort analogue, la Reine malgache Ranavalona III, avait tenté de maintenir l'indépendance de son royaume. Paris envoya des troupes, transforma Madagascar en une colonie française en 1895, et fit déporter la Reine en Algérie.

 

Le Saddam de 1898 était espagnol

 

Les Etats-Unis décident ensuite que l'Espagne, ex-puissance mondiale qui n'était plus que l'ombre de ce qu'elle avait été, devait être éliminée, en tant que facteur (géo)-politique en Amérique et dans le Pacifique, afin de satisfaire les pulsions impérialistes de la Maison Blanche et de Wall Street. Pour obtenir ce résultat, Washington déclenche une guerre contre l'Espagne en 1898.

 

L'incident qui déclencha ce conflit fut un mystérieux attentat à la bombe perpétré contre un navire américain, le Maine, dans le port de La Havane, à Cuba, alors province espagnole. Cet acte de terrorisme, qui a coûté la vie à plusieurs centaines de marins américains, est manifestement l'œuvre de provocateurs à la solde des services secrets. Néanmoins, la machine propagandiste américaine, sans produire la moindre preuve contre l'Espagne, s'empare de l'affaire et orchestre une campagne contre Madrid. Ce qui s'ensuivit ressemble étrangement aux événements après le 11 septembre 2001 (ou après l'"Incident Tonking" qui a déclenché la Guerre du Vietnam, ou encore, après l'attaque contre Pearl Harbor en décembre 1941).

 

Les médias américains de l'époque, comme le "New York Journal" de Hearst ou le "New York World" de Pulitzer, se firent concurrence pour publié les pires récits d'atrocités attribuées à la malheureuse Espagne. Les deux quotidiens publiaient sans discontinuité des histoires abominables mises sur le compte des gouvernants espagnols de Cuba. Même à l'encontre de Ben Laden ou de Saddam Hussein, on n'a pas osé écrire le quart du huitième de l'ombre de ce que l'on a publié à l'époque, dans les journaux new-yorkais, contre le gouverneur militaire espagnol de Cuba, le Général Valeriano Weyler. Au public américain, les journaux le présentaient comme un "monstre", comme un "être sans pitié", qui tuait de "sang froid", qui massacrait "en masse". Citation du "New York Journal" : « Rien ne peut arrêter ce cerveau animal, de s'esbaudir à la vue et à la pensée de tortures, à l'idée de faire couler le sang ». Quant à Pulitzer, il a tout simplement baptisé Weyler de "boucher de Cuba".

 

Inutile de préciser que ces mêmes journaux insistaient pour que l'on lance une guerre préventive contre l'Espagne. Parce que ce pays, ajoutaient-ils, en secret, préparait l'invasion des Etats-Unis! La guerre qui s'ensuivit permit aux Etats-Unis d'éliminer l'Espagne, en tant que puissance en Amérique latine et dans le Pacifique; elle eut aussi pour résultat d'étendre la domination américaine sur les Philippines, anciennement espagnoles, et de porter la puissance de Washington directement face au continent asiatique.

 

A la suite de l'élimination de l'Espagne, en l'espace de quelques années, les Etats-Unis sont intervenus, directement ou indirectement, une douzaine de fois dans les divers Etats d'Amérique centrale, pour bien prouver qui commandait, désormais, dans cette zone. La Colombie est contrainte de céder l'isthme de Panama en 1903. La Zone du Canal —dont le creusement s'achève en 1914, permet une communication par voie maritime à travers le double continent américain et constitue ainsi l'une des voies d'eau artificielles les plus importantes du globe—  devient territoire américain.

 

Le Mexique, puissance récalcitrante, avait déjà perdu, vers la moitié du 19ième siècle, d'immenses territoires en faveur des Etats-Unis, comme le Texas, le Nouveau Mexique et la Californie. Au début du 20ième siècle, les Mexicains ressentiront à leurs dépens la nouvelle politique américaine, dit du "gros bâton". Très officiellement, le Président Théodore Roosevelt avait annoncé urbi & orbi que cette politique du "gros bâton" serait l'instrument privilégié de la politique extérieure américaine. Il nous paraît tout aussi intéressant de noter comment l'opinion publique américaine a été amenée à accepter cette guerre contre le voisin du Sud. Le modus operandi peut vraiment être hissé au rang de paradigme : le 8 mai 1914, les salles de cinéma de New York font projeter en première, et en grande pompe, le film "La Vie du Général Pancho Villa". La pellicule chante les faits et gestes glorieux de ce chef mexicain, considéré encore à l'époque comme un "allié" fidèle de Washington. A peine deux ans plus tard, la machine propagandiste américaine opère un véritable volte-face, à 180°. En un tournemain, le vaillant et glorieux Mexicain devient une "brute assoiffée de sang", un "boucher", etc. En fait, pressenti comme allié, l'homme ne s'était pas montré aussi "souple" qu'on l'avait espéré.

 

Après que Washington ait avancé des "preuves" (peu claires), on se met à raconter que le Mexique voulait attaquer les Etats-Unis, très vraisemblablement en collusion avec le méchant empereur Guillaume d'Allemagne. Les troupes américaines entrent au Mexique. L'expédition "punitive"  —dénomination officielle!—  s'effectue sous le commandement du Général Perhing, celui-là même qui sera appelé un peu plus tard à la tête d'une autre expédition punitive, cette fois contre l'Allemagne en 1917. Cette intervention dans les affaires européennes a empêché la signature d'un armistice, sur base de la "partie nulle". De grands débiteurs des puissances européennes, les Etats-Unis, à la suite de ce conflit, deviennent leurs grands créanciers; par le biais du Traité de Versailles, les ferments de la seconde guerre mondiale étaient en germe. Rappelons que les missiles "Pershing", alignés par la super-puissance américaine, doivent leur nom à celui de ce général, chef d'expédition punitive au Mexique et en Europe.

 

(article de DNZ / Munich, n°5/2003).    

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dimanche, 02 mars 2008

Sur l'identité européenne

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Communication de Robert Steuckers à la « Fête de l'Identité », Santes/Lille, le 28 juin 2003

Organisateurs : FLANDRE IDENTITÉ, BP 106 - F-59.482 Haubourdin Cédex ( flandreidentite@hotmail.com )

 

Sur l'identité européenne

 

Mesdames, Messieurs, Chers amis et camarades,

 

Définir l'identité de l'Europe dans un exposé d'une demi-heure tient de la gageure ! Mais, c'est vrai, il faut être ca­pable de synthétiser ses idées, de transmettre l'essentiel en peu de mots. Mieux : en peu de cartes [projection de cinq cartes].

L'Europe, c'est avant toute chose une histoire. C'est cette histoire qui est son identité. C'est la somme des gestes qui ont été accomplies. Rien d'autre. Et certainement pas un code ou une abstraction qui se profilerait derrière cette histoire et qui serait plus “sublime” que le réel. L'histoire qui fonde notre identité est une histoire très longue, dont les origines ne sont pas connues du grand public, auquel on cache l'épopée initiale de nos peuples. Les choses sont en train de changer dans le bon sens; au cours des dix dernières années, les revues de bonne vulgarisation scientifique nous parlent de plus en plus souvent de la grande chevauchée des Proto-Iraniens, puis des Scythes, en direction de l'Asie centrale. Les archéologues Mallory et Mair viennent de retracer l'émouvante aventure du peuple qui nous a laissé les “momies du Tarim” dans le Sin Kiang chinois, des corps quasi intacts qui nous ressemblent comme des frères. Partis d'Europe centrale, en effet, des vagues de cavaliers européens ont poussé au moins jusqu'aux plaines du Sin Kiang, sinon jusqu'au Pacifique. Pendant des siècles, des royaumes européens ont subsisté dans ces régions, alors très hospitalières et fertiles. Une civilisation tout à la fois européenne, indienne et bouddhiste, a laissé des traces sublimes au cœur du continent asiatique.

 

Associer l'idée de divin à la lumière solaire et sidérale

 

Les racines de l'Europe se retrouvent, dans leurs traces les plus anciennes, essentiellement dans la tradition iranienne, ou avestique, dont Paul Du Breuil et Henry Corbin ont exploré l'univers mental. Paul Du Breuil retrace méticuleusement la religion très ancienne, guerrière, de cette branche aventurière du peuple européen, qui avait domestiqué le cheval, inventé les attelages et le char de combat. Cette religion est une religion de la Lumière et du Soleil, avec le dieu Aruna (l'Aurore) comme conducteur du char solaire. Garuda, le frère d'Aruna, est, dans cette mythologie, le “seigneur du Ciel” et le “chef des oiseaux”. Il personnifie la puissance masculine et on le représente souvent sous la forme d'un oiseau à tête d'aigle, blanc ou doré, parfois avec des ailes rouges. On constate très tôt, dit Paul Du Breuil, “que le symbolisme religieux eurasien, a associé l'idée du divin avec la lumière, solaire ou sidérale, et avec un oiseau fabuleux, fort et de haut vol”. Cette triple symbolique du Soleil, du Ciel et de l'Aigle, se retrouve chez le chef et père des dieux dans le panthéon romain, Jupiter. Et l'idée d'empire, dans les traditions européennes, conserve le symbole de l'aigle. De l'Iran avestique à nos jours, cette symbolique immortelle nous est restée. Sa pérennité atteste bel et bien que sa présence inamovible en fait un fondement de notre identité.

 

Le monde avestique, aboutissement d'une grande migration européenne aux temps proto-historiques, nous a légué les notions cardinales de notre identité la plus profonde, qui ne cesse de transparaître malgré les mutations, malgré les conversions au christianisme ou à l'islam, malgré les invasions calamiteuses des Huns, des Mongols ou des Turcs, malgré les despotismes de toutes natures, qui ont dévoyé et fourvoyé les Européens au cours d'une histoire qui ne cesse d'être tumultueuse. Arthur de Gobineau a démontré la précellence du monde iranien, sa supériorité pratique par rapport à un hellénisme trop discursif et dialectique. A sa suite, Henry Corbin, en explorant les textes que nous a laissés le poète médiéval persan Sohrawardi, nous a restitué une bonne part de notre identité spirituelle profonde, de notre manière primordiale de voir et de sentir le monde : pour Sohrawardi, légataire médiéval de l'immémorial passé avestique, l'Esprit Saint est Donateur de formes, la Lumière immatérielle est la première manifestation de l'Etre primordial, qui, lui aussi, est Lumière, pleine Lumière resplendissante, synthèse du panthéon ouranien des dieux diurnes (cf. Dumézil, Haudry); dans cette spiritualité euro-avestique de la proto-histoire, de cette époque où vraiment tout s'est révélé, il y a précellence du Soleil; les âmes nobles et les chefs charismatiques ont une aura que les Perses appelaient la Xvarnah ou la Lumière de Gloire et que l'on représente sous forme d'une auréole à rayons solaires. Ce culte lumineux s'est répercuté dans la tradition médiévale européenne dans la figure omniprésente de l'archange Saint-Michel, dont le culte est d'origine iranienne et zoroastrienne. Et surprise : le culte de Saint Michel va ressusciter à Bruxelles dans quelques jours, lors de la fête de l'Ommegang, en l'honneur de l'étendard impérial de Charles-Quint. Le géant Saint-Michel ressortira dans les rues, après une très longue éclipse, ajoutant l'indispensable spiritualité archangélique à cette fête impériale unique en Europe. Signe des temps? Osons l'espérer!

 

La force archangélique et michaëlienne

 

Pour Hans Werner Schroeder, les archanges, legs de la tradition iranienne dans l'Europe médiévale, insufflent les forces cosmiques originelles dans les actions des hommes justes et droits et protègent les peuples contre le déclin de leurs forces vives. L'archange aux vastes ailes déployées et protectrices, que l'on retrouve dans les mythologies avestiques et médiévales-chrétiennes, indique la voie, fait signe, invite à le suivre dans sa marche ou son vol toujours ascendant vers la lumière des lumières : la force archangélique et michaëlienne, écrit Emil Bock, induit une dynamique permanente, une tension perpétuelle vers la lumière, le sublime, le dépassement. Elle ne se contente jamais de ce qui est déjà là, de ce qui est acquis, devenu, de ce qui est achevé et clos, elle incite à se plonger dans le devenir, à innover, à avancer en tous domaines, à forger des formes nouvelles, à combattre sans relâche pour des causes qui doivent encore être gagnées. Dans le culte de Saint-Michel, l'archange n'offre rien aux hommes qui le suivent, ni avantages matériels ni récompenses morales. L'archange n'est pas consolateur. Il n'est pas là pour nous éviter ennuis et difficultés. Il n'aime pas le confort des hommes, car il sait qu'avec des êtres plongés dans l'opulence, on ne peut rien faire de grand ni de lumineux.

 

La religion la plus ancienne des peuples européens est donc cette religion de Lumière, de gloire, de dynamique et d'effort sur soi. Elle est née parmi les clans européens qui s'étaient enfoncés le plus profondément dans le cœur du continent asiatique, qui avaient atteint les rives de l'Océan Indien et s'étaient installés en Inde. L'identité la plus profonde de l'Europe est donc cette trajectoire qui part de l'embouchure du Danube en Mer Noire vers le Caucase et au-delà du Caucase vers les hauts plateaux iraniens et vers la vallée de l'Indus, ou, au Nord, à travers l'Asie centrale, la Bactriane, vers le Pamir et les dépressions du Takla Makan dans le Sin Kiang, aujourd'hui chinois.

 

Une chaîne ininterrompue de trois empires solides

 

L'idéal impérial européen s'est ancré dans notre antiquité sur cette ligne de projection : entre 2000 et 1500 av. J. C., l'expansion européenne correspond à celle des civilisations semi-sédentaires dites d'Androvno et de Qarasouk. A cette époque-là, les langues européennes se répandent en Iran, jusqu'aux rives de l'Océan Indien. Cimmériens, Saces, Scythes, Tokhariens, Wou-Souen et Yuezhi se succèdent sur le théâtre mouvant de la grande plaine centre-asiatique.  Entre 300 et 400 de notre ère, trois empires se juxtaposent entre l'Atlantique et l'Inde du Nord : Rome, les Sassanides parthes et l'Empire gupta en Inde. L'Empire gupta avait été fondé par les Yuezhi européens, qui nommaient leur territoire le Kusana et étaient au départ vassaux des Sassanides. Les Gupta fédèrent les clans du Kusana et les Tokhariens du Tarim. A ce moment historique-là, une chaîne ininterrompue de trois empires solides, dotés d'armées bien entraînées, auraient pu faire barrage contre les pressions hunno-mongoles, voire se fédérer en un bloc partant d'Ecosse pour aboutir au delta du Gange.

 

Mais le destin a voulu un sort différent, pour le grand malheur de tous nos peuples : Rome a été minée par le christianisme et les dissensions internes; l'empire s'est scindé en deux, puis en quatre (la tétrarchie), puis s'est effondré. Les Sassanides connaissent une période de répit, traitent avec l'Empereur romain d'Orient, Justinien, et partent à la conquête de la péninsule arabique, avant de succomber sous les coups de l'Islam conquérant. L'Empire des Gupta s'effondre sous les coups des Huns du Sud.

 

La fin de l'antiquité signifie la fin des empires déterminés directement et exclusivement par des valeurs d'inspiration européenne, c'est-à-dire des valeurs ouraniennes, archangéliques et michaëliennes, voire mazdéennes ou mithraïques. Les peuples hunniques, mongols ou turcs se ressemblent en Asie centrale et en chassent les Européens, les massacrent ou les dominent, les transformant en petites peuplades résiduaires, oublieuses de leurs racines et de leurs valeurs. Au Sud, les tribus arabes, armées par l'idéologie religieuse islamique, bousculent Byzance et la Perse et pénètrent à leur tour en Asie centrale.

 

L'invasion des Huns provoque un chaos indescriptible

 

L'identité européenne ne peut s'affirmer que si elle demeure maîtresse des grandes voies de communication qui unissent la Méditerranée ou la Baltique à la Chine et à l'Inde. Dynamique, l'identité européenne s'affirme ou disparaît sur un espace donné; elle entre en déclin, se rabougrit si cet espace n'est plus maîtrisé ou s'il n'est plus accessible. Cet espace, c'est l'Asie centrale. A la fin de la période antique, les Ruan Ruan mongols bousculent les Xianbei, qui bousculent les chefferies turques des marges du monde chinois, qui bousculent à leur tour les Huns du Kazakhstan, qui passent sur le corps des Alains européens à l'Ouest de la Caspienne, dont les débris se heurtent aux Goths, qui franchissent la frontière de l'Empire romain agonisant, précipitant le sous-continent européen, berceau de nos peuples, dans un chaos indescriptible. Finalement, les Huns sont arrêtés en Champagne par l'alliance entre Romains et Germains. Le destin de l'Europe s'est donc joué en Asie centrale. La perte de contrôle de cette vaste zone géographique entraîne la chute de l'Europe : hier comme aujourd'hui. Les ennemis de l'Europe le savent : ce n'est donc pas un hasard si Zbigniew Brzezinski entend jouer la carte turque/turcophone contre la Russie, l'Inde, l'Iran et l'Europe dans ce qu'il appelle les “Balkans eurasiens”. Ce que je viens de vous dire sur la proto-histoire à l'Est de la Volga et de la Caspienne n'est pas la tentative d'un cuistre d'étaler son érudition, mais de rappeler que la dynamique amorcée par nos plus lointains ancêtres dans ces régions du monde et que la dynamique amorcée lentement d'abord, brutalement ensuite, par les peuples hunniques et turco-mongols à la fin de l'antiquité sont des dynamiques qui restent actuelles et dont les aléas sont observés et étudiés avec la plus grande attention dans les états-majors diplomatique et militaire américains aujourd'hui.

 

En effet, une partie non négligeable du succès américain en Afghanistan, en Mésopotamie, en Asie centrale dans les républiques musulmanes et turcophones de l'ex-URSS est due à une bonne connaissance des dynamiques à l'œuvre dans cette région centrale de la grande masse continentale eurasiatique. Encyclopédies, atlas historiques, thèses en histoire et ouvrages de vulgarisation, émissions de télévision s'accumulent pour les expliciter dans tous leurs détails. L'Europe continentale, les espaces linguistiques français, allemand et autres, sont en retard : personne, même dans les hauts postes de commandement, ne connaît ces dynamiques. Dans la guerre de l'information qui s'annonce et dont nous avons perdu la première manche, la connaissance généralisée de ces dynamiques sera un impératif crucial : mais les choses avancent, lentement mais sûrement, car des revues grand public comme Archeologia, Grands Reportages, Géo, National Geographic (version française) commencent systématiquement à nous informer sur ces sujets. L'or des Scythes, les villes florissantes de la Sérinde et de l'antique Bactriane, la Route de la Soie, les voyages de Marco Polo, la Croisière Jaune de Citroën sont autant de thèmes proposés à nos contemporains. François-René Huyghe, spécialiste de la guerre cognitive à l'ère numérique, figure cardinale de la pensée stratégique française aujourd'hui, nous a laissé un ouvrage de base sur l'Asie centrale. En Suisse, le Professeur Jacques Bertin nous a fourni en 1997 un “Atlas historique universel”, où tout ce que je vous dis est explicité par des cartes limpides et didactiques.

 

Une organisation optimale du territoire

 

L'objectif stratégique de cette vulgarisation, destinée à éveiller le grand public aux thèmes majeurs de la géostratégie planétaire, est de damer le pion à la stratégie préconisée par Zbigniew Brzezinski dont le but final est de soustraire l'espace noyau de l'Asie centrale au contrôle de toutes les puissances périphériques, surtout la Russie et l'Europe, mais aussi l'Inde et l'Iran. Brzezinski n'a pas hésité à dire que les Américains avaient pour but d'imiter les Mongols : de consolider une hégémonie économique et militaire sans gérer ni administrer le territoire, sans le mailler correctement à la façon des Romains et des Parthes. L'Amérique a inventé l'hégé­mo­nie irresponsable, alors que les trois grands Empires juxtaposés des Romains, des Parthes et des Gupta visaient une organisation optimale du territoire, une consolidation définitive, dont les traces sont encore perceptibles aujourd'hui, même dans les provinces les plus reculées de l'Empire romain : le Mur d'Hadrien, les thermes de Bath, le tracé des villes de Timgad et de Lambèze en Afrique du Nord sont autant de témoignages archéo­lo­giques de la volonté de marquer durablement le territoire, de hisser peuples et tribus à un niveau de civi­li­sation élevé, de type urbain ou agricole mais toujours sédentaire. Car cela aussi, c'est l'identité essentielle de l'Europe. La volonté d'organiser, d'assurer une pax féconde et durable, demeure le modèle impérial de l'Europe, un modèle qui est le contraire diamétral de ce que proposent les Américains aujourd'hui, par la voix de Brzezinski.  

 

Rien de tel du côté des Mongols, modèles des Américains aujourd'hui. Nulle trace sur les territoires qu'ils ont soumis de merveilles architecturales comme le Pont du Gard. Nulle trace d'un urbanisme paradigmatique. Nulle trace de routes. La dynamique nomade des tribus hunniques, mongoles et turques n'aboutit à aucun ordre territorial cohérent, même si elle vise une domination universelle. Elle ne propose aucun “nomos” de la Terre. Et face à cette absence d'organisation romaine ou parthe, Brzezinski se montre admiratif et écrit : «Seul l'extraordinaire empire mongol approche notre définition de la puissance mondiale». Une puissance sans résultat sur le plan de l'organisation. Brzezinski et les stratèges américains veulent réactiver une dynamique anti-impériale, donc contraire aux principes qui sous-tendent l'identité européenne, et asseoir de la sorte un foyer permanent de dissolution pour les formes plus ou moins impériales ou étatiques qui survivent dans son voisinage. Brzezinski écrit, admiratif : «L'empire gengiskhanide a pu soumettre le Royaume de Pologne, la Hongrie, le Saint-Empire (?), plusieurs principautés russes, la califat de Bagdad et l'Empire chinois des Song». Réflexion historique en apparence ingénue. Mais elle démontre, pour qui sait lire entre les lignes, que la réactivation d'un pôle turc, à références hunniques ou gengiskhanides, doit servir

 

-          à annihiler les môles d'impérialité en Europe,

-          à mettre hors jeu l'Allemagne, héritière du Saint-Empire et de l'œuvre du Prince Eugène de Savoie-Carignan,

-          à tenir en échec définitivement l'Empire russe,

-          à détruire toute concentration de puissance en Mésopotamie et

-          à surveiller la Chine.

 

Connaître l'histoire des mouvements de peuples en Asie centrale permet de contrer la stratégie américaine, mise au point par Brzezinski, de lui apporter une réponse russe, indienne, européenne. Pour les Américains, il s'agit d'activer des forces de désordre, des forces dont l'esprit est diamétralement différent de celui de Rome et de la Perse sassanide. Si ces forces sont actives en une zone aussi cruciale de la masse continentale eu­ra­sienne, c'est-à-dire sur le territoire que la géopolitique britannique et américaine, théorisée par Mackinder et Spyk­man, nomme le “Heartland”, le Cœur du Grand Continent, elles ébranlent les concentrations périphé­ri­ques de puissance politique, leur impose des “frontières démembrées”, selon une terminologie que Henry Kis­sin­ger avait reprise à Richelieu et à Vauban. Tel est bien l'objectif de Kissinger et de Brzezinski : “démembrer” les franges territoriales extérieures de la Russie, de l'Iran, de l'Europe, priver celle-ci d'un accès à la Mé­di­ter­ranée orientale. C'est pour cette raison que les Etats-Unis ont voulu créer le chaos dans les Balkans, en diabo­li­sant la Serbie, dont le territoire se situe sur l'axe Belgrade-Salonique, c'est-à-dire sur la voie la plus courte en­tre le Danube navigable, à l'Ouest des anciennes “cataractes”, et la Mer Egée, dans le bassin oriental de la Mé­di­ter­ranée. Diaboliser la Serbie sert à bloquer le Danube en sa portion la plus importante stratégiquement parlant, sert aussi à créer artificiellement en vide en plein milieu d'une péninsule qui a servi de tremplin à toutes les opérations européennes en Asie Mineure et au Proche-Orient. Celui-ci doit demeurer une chasse gardée des Etats-Unis.

 

Quelles ont été dans l'histoire les ripostes européennes à cette menace permanente et récurrente de dissolution venue de la zone matricielle des peuples hunniques, turcs et mongols, située entre le Lac Baïkal en Sibérie et les côtes du Pacifique?

 

Luttwak : d'une étude du limes romain à l'occupation de la Hongrie par les troupes américaines

 

L'Empire romain, probablement mieux informé des mouvements de populations en Asie que ne le laissent supposer les sources qui sont restées à notre disposition, avait compris que l'Empire devait se défendre, se colmater et se verrouiller à deux endroits précis : en Pannonie, l'actuelle Hongrie, et dans la Dobroudja au Sud du Delta du Danube. Le Danube est l'artère centrale de l'Europe. C'est le fleuve qui la symbolise, qui la traverse tout entière de la Forêt Noire à la Mer Noire, qui constitue une voie d'eau centrale, une voie de communication incontournable. La maîtrise de cette voie assure à l'Europe sa cohésion, protège ipso facto son identité, est la garante de sa puissance, donc de sa survie, est finalement son identité géo-spatiale, la base tellurique du développement de son esprit de conquête et d'organisation, une base sans laquelle cet esprit ne peut se concrétiser, sans laquelle cet esprit n'a pas de conteneur. Ce n'est donc pas un hasard si les Etats-Unis dé­ploient dorénavant leurs troupes en Hongrie le long du cours du Danube, qui, là-bas, coule du Nord au Sud, en direction de Belgrade. Le théoricien militaire américain, originaire de Roumanie, Edward Luttwak, avait rédigé un ouvrage magistral sur les limes romains en Europe centrale. Les militaires du Pentagone appliquent aujourd'hui dans le concret les conclusions théoriques de l'historien. De même, un général britannique à la re­traite, après une longue carrière à l'OTAN et au SHAPE à Mons-Casteaux en Hainaut, publie une histoire des guerres de Rome contre Carthage, où, curieusement, les opérations dans les Balkans, les jeux d'alliance entre puissances tribales de l'époque, laissent entrevoir la pérennité des enjeux spatiaux, la difficulté d'unifier cette péninsule faite de bassins fluviaux, de vallées et de plateaux isolés les uns des autres. Rome a excité les tribus illyriennes des Balkans les unes contre les autres pour en arriver à maîtriser l'ensemble de la péninsule. On est frappé, dans le récit du Général Nigel Bagnall, de voir comme il convient d'éloigner de l'Adriatique et de l'Egée la puissance tribale centrale, dont le territoire correspondait peu ou prou à celui de la Serbie actuelle! L'historien mili­taire a parlé, les blindés et les F-16 de l'OTAN ont agi, quelques années après! Moralité : l'étude de l'his­toire antique, médiévale ou contemporaine est une activité hautement stratégique, ce n'est pas de la simple éru­dition. Les puissances dominantes anglo-saxonnes nous le démontrent chaque jour, tandis que l'ignorance des dynamiques de l'histoire sanctionne la faiblesse de l'Europe. 

 

Revenons à l'histoire antique. Dès que les Huns franchissent le Danube, dans la Dobroudja en poursuivant les Goths ou en Pannonie, l'empire romain s'effondre. Quand les Avares, issus de la confédération des Ruan Ruan, s'installent en Europe au 7ième siècle, les royaumes germaniques, dont ceux des rois fainéants mérovingiens, ne parviennent pas à imposer à notre sous-continent un ordre durable. Charlemagne arrête provisoirement le danger, mais le Saint-Empire ne s'impose qu'après la victoire de Lechfeld en 955, où Othon Ier vainc les Hongrois et fait promettre à leurs chefs de défendre la plaine de Pannonie contre toute invasion future venue des steppes. En 1945, les Hongrois de Budapest défendent le Danube héroïquement : les filles et les garçons de la ville, âgés de douze à dix-huit ans, sortent de leurs écoles pour se battre contre l'Armée Rouge, maison par maison, pan de mur par pan de mur. Je me souviendrais toujours des paroles d'une dame hongroise, qui me racontait la mort de son frère aîné, tué, fusil au poing, à 13 ans, dans les ruines de Budapest. Ces jeunes Magyars voulaient honorer la promesse faite jadis par leur Roi, mille ans auparavant. Un héroïsme admirable, qui mérite notre plus grand respect. Mais un héroïsme qui prouve surtout une chose : pour les peuples forts, le temps ne passe pas, le passé est toujours présent, la continuité n'est jamais brisée, les devoirs que l'histoire a imposés jadis doivent être honorés, même un millénaire après la promesse.

 

Après l'appel d'Urbain II à Clermont-Ferrand en 1096, les Croisés peuvent traverser la Hongrie du Roi Coloman et se porter vers l'Anatolie byzantine et la Palestine pour contrer l'invasion turque seldjoukide; les Seldjoukides interdisent aux Européens l'accès aux routes terrestres vers l'Inde et la Chine, ce que les Arabes, précédemment, n'avaient jamais fait. Urbain II était très conscient de cet enjeu géopolitique. Mais les efforts des Croisés ne suffiront pas pour barrer la route aux Ottomans, héritiers des Seldjoukides et des Ilkhans, dominateurs turco-mongols de la Perse vaincue. L'objectif des Ottomans, conscients de l'histoire des peuplades hunno-turques, animés par la volonté de perpétuer la geste pluri-millénaire de leurs peuples contre les Européens, est de prendre le Danube, son embouchure et son delta, son cours oriental à l'Est de ses cataractes entre l'actuelle frontière serbo-roumaine; ils entendent ensuite prendre Budapest, clef de la plaine pannonienne puis Vienne, capitale du Saint-Empire qu'ils appelaient la “Pomme d'Or”. Ils passent sur le corps des Serbes, des Bosniaques, des Croates, des Hongrois, des Frioulans et des Carinthiens, mais le bloc germanique, retranché derrière les premiers contreforts des Alpes, leur résistent. Il faudra une longue contre-attaque, une guerre d'usure de trois siècles pour envoyer enfin au tapis le danger ottoman. Cette lutte de reconquista, comparable à la reconquista espagnole, fonde, elle aussi l'identité politique et militaire de l'Europe. Ce n'est pas un hasard si la disparition du danger ottoman a ouvert l'ère des guerres civiles entre Européens, depuis les guerres révolutionnaires et napoléoniennes aux deux guerres mondiales, dont on ne mesure pas encore pleinement la tragédie démographique qu'elles ont représentée pour l'Europe.

 

L'arme redoutable du janissariat

 

Au départ, dans cette longue lutte de l'Europe danubienne contre les offensives continuelles des Ottomans, la balance démographique semblait en faveur de l'Europe. Le rapport était de 67 millions d'Européens contre une douzaine de millions de musulmans turcs. Mais la Turquie avait hérité et faite sienne une tradition persane-européenne de première importance: la notion de service armé de la jeunesse, la fotowwat, dont l'expression turque est l'Ordre des Janissaires. Pour Paul Du Breuil, l'origine des chevaleries et des ordres militaires remonte à la conquête de l'Asie centrale et des hauts plateaux iraniens par les peuples européens de la proto-histoire. Elle s'est transmise aux Perses (et aux Parthes), aux Alains, aux Sarmates, aux Goths et aux Arméniens de l'époque médiévale. De cette matrice iranienne et pontique, elle est passée, au temps des croisades, à l'Occident. Le nom même de l'Ordre de la Toison d'Or, fondé par les Ducs de Bourgogne, indique une “orientation” géographique vers l'aire pontique (la Mer Noire), l'Arménie caucasienne et l'Iran, berceau de la première organisation militaire rigoureuse des peuples européens, à l'aurore de l'histoire. C'est parce qu'ils ont traversé les territoires des Iraniens et des Arméniens que les Turcs seldjoukides comprennent l'importance d'un ordre militaire similaire à la fotowwat persane. C'est ainsi que naît l'ordre des janissaires, très discipliné, capable de vaincre des armées européennes plus nombreuses, mais moins disciplinées, ainsi que s'en plaint Ogier Ghiselin de Bousbeque, dans un texte qui figure aujourd'hui encore dans l'anthologie de la pensée stratégique de Gérard Chaliand, manuel de base des officiers français.

 

La discipline du janissariat ottoman culbute donc les armées serbes, croates et hongroises. La riposte euro­péen­ne sera double : d'une part, les cosaques d'Ivan le Terrible prennent Kazan, la capitale des Tatars en 1552, puis descendent le cours de la Volga et coupent la route d'invasion traditionnelle des peuples hunniques et turcs au nord de la Caspienne, sur le cours de la Volga et dans son delta, à hauteur d'Astrakhan, qui tombe en 1556. Sur mer, les Portugais contournent l'Afrique et tombent dans le dos des puissances musulmanes dans l'O­céan indien. Le cosaque sur terre, le marin sur l'océan ont représenté l'identité active et dynamique, aven­tu­riè­re et risquée de l'Europe au moment où elle était encerclée, de Tanger à Alexandrie, dans les Balkans, sur le Da­nube, sur la Volga et en Ukraine. La double opération maritime et terrestre des Russes et des Portugais des­serre l'étau qui étranglait l'Europe et amorce une lente reconquista, qui ne sera jamais complètement achevée, car Constantinople n'est pas redevenue grecque; la dissolution bâclée de l'ex-URSS rend cette hypothétique re­conquista plus aléatoire que jamais, en créant un espace de chaos non maîtrisable dans les “Balkans eura­siens”.

 

Eugène de Savoie : une excellente connaissance de la littérature militaire classique

 

L'esprit européen s'est incarné au 17ième siècle dans un personnage hors du commun : le Prince Eugène de Savoie-Carignan. Garçonnet chétif et disgrâcieux, auquel on impose la tonsure à huit ans pour en faire un moine, il voue son enfance et son adolescence à l'étude des classiques, mais rêve d'une carrière militaire, que Louis XIV lui refuse mais que l'Empereur d'Autriche accepte avec enthousiasme. Son excellente connaissance des classiques militaires en fait un capitaine méthodique, qui prépare la reconquête des Balkans, en organisant une flotte sur le Danube à l'imitation de celle que les Romains avaient construites à Passau (Batavia) en Bavière. Les plans d'Eugène de Savoie, le “noble chevalier”, permettent, avec la Sainte-Alliance qui allie Polonais, Bavarois, Autrichiens, Hongrois, Prussiens et Russes, de reconquérir 400.000 km2 sur les Ottomans. Avec les victoires successives d'Eugène de Savoie, le ressac des Ottomans est amorcé : ils n'avanceront plus d'un pouce. Quelques décennies plus tard, Catherine II et Potemkine reprennent la Crimée et font de la rive septentrionale de la Mer Noire une rive européenne à part entière, pour la première fois depuis l'irruption des Huns dans l'écoumène de nos peuples.

 

L'identité géopolitique européenne est donc ce combat pluri-millénaire pour des frontières stables et “membrées”, pour le libre passage vers le cœur de l'Eurasie, qu'avait réclamé Urbain II à Clermont-Ferrand en prêchant la première croisade.

L'identité culturelle européenne est cette culture militaire, cet art de la chevalerie, héritée des héros de l'ère avestique.

L'identité culturelle européenne est cette volonté d'organiser l'espace, l'ager des Romains, de lui imprégner une marque définitive.

 

Mais aujourd'hui, où en est-on ? Quelle est notre situation objective?

 

Au cours des quinze à vingt dernières années, nous avons accumulé défaite sur défaite. Nos maigres atouts géostratégiques sont tombés les uns après les autres comme s'ils n'étaient qu'un alignement de dominos. La stratégie “mongolomorphe” de Brzezinski semble porter ses fruits. L'Europe et la Russie ne sont plus que des territoires loques, pantelants, sans ressort et sans plus aucune énergie propre.

En effet :

 

-          L'Europe a perdu sur le Danube : la Serbie, territoire qui relie l'Europe centrale danubienne à l'Egée, ancienne route des Doriens et des ancêtres macédoniens d'Alexandre le Grand, est soustraite à toute dynamique positive, vu l'embargo qu'on lui impose depuis Washington. L'Autriche a failli se faire diaboliser de la même manière, à l'époque très récente où Jacques Chirac et Louis Michel faisaient le jeu des Américains. Les armées américaines s'installent en Hongrie, aux mêmes endroits où campaient les légions de Rome pour "membrer" la frontière la plus fragile de l'Europe, la plaine hongroise, la Puszta, qui relie directement notre continent, via les plaines ukrainiennes et les immensités sibériennes, au territoire originel des peuples hunniques.

 

-          L'Europe et la Russie perdent tous leurs atouts dans le Caucase, où la Géorgie de Chevarnadze joue à fond la carte américano-turque, où l'Azerbaïdjan est complètement inféodé à l'OTAN et à la Turquie, où les Tchétchènes, armés par les Turcs, les Saoudiens et les Américains, tiennent l'armée russe en échec et organisent des attentats sanglants à Moscou, comme en octobre dernier au théâtre Doubrovna. Dans ce contexte caucasien, la malheureuse Arménie est encerclée, menacée de toutes parts, n'a que des ennemis à ses frontières, sauf l'Iran, sur une longueur de 42 km à peine, zone que l'OTAN veut tout simplement “acheter” pour surveiller et menacer l'Iran.

 

-          L'Europe, la Russie et l'Inde perdent dans le Cachemire, où la présence pakistanaise, solidement ancrée, empêchent la création d'un corridor de communication entre l'Inde et le Tadjikistan et entre celui-ci et la Russie. La présence pakistanaise empêche d'établir le lien qui aurait pu exister entre nos territoires à l'époque des trois empires juxtaposés, juste avant la catastrophe des invasions hunniques.

 

-          L'Europe perd dans les mers intérieures : l'Albanie, inféodée au binôme américano-turc, surveille le Détroit d'Otrante. Des navires de guerre américains, basés en Albanie, pourraient complètement verrouiller l'Adriatique et étouffer l'économie de l'Italie du Nord, dont l'axe fluvial, le Pô, débouche dans cette Mer Adriatique, au sud de Venise. L'objectif est justement d'empêcher l'éclosion d'une nouvelle Venise, d'une nouvelle “Sérénissime”, dont l'hinterland serait la Mitteleuropa tout entière. L'objectif est aussi d'empêcher l'Europe de rééditer l'exploit de Don Juan d'Autriche, vainqueur de la flotte ottomane à Lépante en 1571. Qui plus est, l'Europe perd tous ses atouts et son allié potentiel dans le Golfe, zone stratégique de première importance pour contrôler notre sous-continent. En effet, à partir de 1941, quand les Britanniques s'emparent tour à tour de l'Irak, de la Syrie et du Liban, puis, avec l'aide des Soviétiques, de l'Iran, ils se dotent d'une base arrière permettant d'alimenter en matières premières, en matériels de tous ordres et en pétrole, les armées concentrées en Egypte, qui s'empareront de la Libye, de la Tunisie et de l'Italie; et aussi d'alimenter les armées soviétiques, via les chemins de fer iraniens, la liaison maritime sur la Caspienne et, de là, via la liaison fluviale de la Volga. Seule la bataille de Stalingrad a failli couper cette artère. Comme l'a souvent souligné Jean Parvulesco, l'Europe est à la merci de toute grande puissance qui tiendrait fermement en son pouvoir la Mésopotamie et les régions avoisinantes. Plus bref, Parvulesco a dit : «L'Europe se tient par le Sud-Est ». La victoire anglo-saxonne et soviétique de 1945 en est la plus belle démonstration. Et c'est parce que cette région est vitale, sur le plan géostratégique, que les Américains tiennent à s'en emparer définitivement aujourd'hui, ne veulent plus la lâcher. Le scénario de base est et reste le même. Nous pourrions citer d'innombrables exemples historiques.

 

Nous sommes ramenés des siècles en arrière

 

Dès lors, cette situation désastreuse nous ramène plusieurs siècles en arrière, au temps où les Ottomans assiégeaient Vienne, où les Tatars étaient solidement installés sur le cours des deux grands fleuves russes que sont la Kama et la Volga, où les sultans du Maroc envisageaient de reprendre pied dans la péninsule ibérique. Oui, nous sommes revenus plusieurs siècles en arrière depuis les événements du Golfe en 1991, depuis les événements de Yougoslavie dans la décennie 90, depuis l'éclatement de la mosaïque caucasienne et la rébellion tchétchène, depuis l'occupation de l'Afghanistan et depuis celle, toute récente, de l'Irak.

 

Cette situation implique :

 

-          Que les Européens doivent montrer une unité de vue inflexible dans les Balkans et contester là-bas toute présence turque, saoudienne ou américaine.

 

-          Que les Européens ôtent toute marge de manœuvre à la Turquie dans les Balkans et dans le Caucase.

 

-          Que les Européens doivent rendre à nouveau toute circulation libre sur le Danube, en englobant la Serbie dans ce projet.

 

-          Que les Européens doivent réaliser une triple liaison par canaux, routes et voies de chemin de fer entre Belgrade et Salonique, soit entre l'Europe centrale danubienne et l'Egée.

 

-          Que les Européens doivent s'assurer la maîtrise stratégique de Chypre, faire pression sur la Turquie pour qu'elle évacue l'île sans condition.

 

-          Que les Européens appuient l'Arménie encerclée contre l'alliance entre Turcs, Américains, Azéris, Géorgiens, Saoudiens et Tchétchènes.

 

-          Que les Européens doivent jouer la carte kurde contre la Turquie.

 

-          Que les Européens appuient l'Inde dans la lutte qui l'oppose au Pakistan, allié des Etats-Unis, dans la question irrésolue du Cachemire.

 

-          Que les Européens mènent une politique arabe intelligente, se basant sur les idéologies nationales-étatiques de type baathiste ou nassériennes, à l'exclusion des intégrismes islamistes, généralement manipulés par les services américains, comme ce fut le cas des talibans, ou des frères musulmans contre Nasser, ou des Chiites contre Saddam Hussein.

 

Les deux anacondas

 

Pratiquer cette géopolitique, à multiples volets, nous conduit :

-          à repenser la théorie de l'anaconda; pour Karl Haushofer, le célèbre géopolitologue allemand, que l'on redécouvre après une longue éclipse, l'anaconda, ce sont les flottes des puissances maritimes anglo-saxonnes qui enserrent le grand continent asiatique et le condamnent à l'asphyxie. Cet anaconda est toujours là. Mais, il est doublé d'un nouvel anaconda, le réseau dense des satellites qui entourent la Terre, nous espionnent, nous surveillent et nous condamnent à la stagnation. Cet anaconda est, par exemple, le réseau ECHELON. L'identité combattante de l'Europe consiste aujourd'hui à apporter une réponse à ce défi. Or le défi spatial ne peut être résolu que par un partenariat avec la Russie en ce domaine, comme le préconise Henri de Grossouvre dans son excellent ouvrage sur l'Axe Paris-Berlin-Moscou.

 

-          A avoir une politique maritime audacieuse, comme celle qu'avait eue Louis XVI en France. L'Europe doit être présente sur mer, militairement, certes, mais doit aussi revendiquer ses droits aux richesses halieutiques. Ensuite, un système de défense des côtes s'avère impératif.

 

-          A affirmer son indépendance militaire, à partir de l'Eurocorps, qui pourrait devenir une "Force de Réaction Rapide” européenne, celle-là même à laquelle la Turquie a opposé son veto naguère.

 

-          A déconstruire les archaïsmes institutionnels qui subsistent encore au sein de l'UE.

 

L'identité politique européenne, seule identité vraiment concrète puisque nous savons depuis Aristote que l'homme est un animal politique, un zoon politikon, réside donc, aujourd'hui, en cette époque de calamités, à prendre conscience de nos déboires géopolitiques, que je viens d'énoncer, et à agir pour promouvoir une politique spatiale, maritime et militaire claire. Il est évident que cette prise de conscience et que ce plan d'action n'aboutiront au succès que s'ils sont impulsés et portés par des hommes qui ont le profil volontaire, actif et lumineux, archangélique et michaëlien, que nous ont légué, il y a plusieurs millénaires, les Européens arrivés sur les hauts plateaux iraniens, pour y donner naissance à la tradition avestique, la seule, la vraie, la Grande Tradition, celle de notre “Orient” pré-persan, noyau de toutes les chevaleries opératives.

 

Je vous remercie pour votre attention.

 

Robert STEUCKERS.

 

Bibliographie :

 

-          Nigel BAGNALL, Rom und Karthago - Der Kampf ums Mittelmeer, Siedler Verlag, Berlin, 1995 [l'édition anglaise date de 1990, juste avant la succession des événements sanglants dans l'ex-Yougoslavie].

-          Jacques BERTIN, Jean DEVISSE, Danièle LAVALLÉE, Jacques NÉPOTE & Olivier BUCHSENSCHUTZ, Atlas historique universel - Panorama de l'histoire du monde, France Loisirs, Paris, 1997.

-          Emil BOCK, Der Kreis der Jahresfeste - Advent - Weihnacht - Epiphanias - Passion - Ostern - Himmelfahrt - Pfingsten - Johanni - Michaeli, Fischer Taschenbuch Verlag, Frankfurt a. M., 1982.

-          Jean BOISSEL, Gobineau (1816-1882), un Don Quichotte tragique, Hachette, 1981.

-          Jacqueline BUENZOD, La formation de la pensée de Gobineau et l'Essai sur l'inégalité des races humaines, Librairie A. G. Nizet, Paris, 1967.

-          René CAGNAT, La rumeur des steppes, Payot, PBP n°408, 2001.

-          Franco CARDINI, Europe et islam - Histoire d'un malentendu, Seuil, coll. «Points»/Histoire, H302, 2002.

-          Claude COLLIN-DELAVAUD, «Le Xinjiang», in : Hérodote, n°84, 1997.

-          Jean-Pierre CLERC, L'Afghanistan, otage de l'histoire, Essentiels Milan, n°212, Toulouse, 2002.  

-          Henry CORBIN, L'homme de Lumière dans le soufisme iranien, Ed. Présence, Sisteron, 1971.

-          Franck DE LA RIVIÈRE, L'Europe de Gibraltar à Vladivostok, L'Age d'Homme, Lausanne, 2001.

-          Paul DU BREUIL, Des dieux de l'ancien Iran aux saints du bouddhisme, du christianisme et de l'islam, Dervy-Livres, 1989.  

-          Paul DU BREUIL, La chevalerie et l'Orient, Guy Trédaniel éd., Paris, 1990.

-          Jean GAGÉ, La montée des Sassanides et l'heure de Palmyre, Albin Michel, 1964.

-          Henri de GROSSOUVRE, Paris Berlin Moscou - La voie de l'indépendance et de la paix, L'Age d'Homme, Lausanne, 2002.

-          René GROUSSET & George DENIKER, La face de l'Asie, Payot, 1955.

-          Nicky HAGER, «ECHELON - Sottoposti al sistema di sorveglianza globale»,  in: Orion, n°179, août 1999 (source : www.ainfos.ca & www.tmcrew.org ).

-          François-Bernard & Edith HUYGHE, Les empires du mirage - Hommes, dieux et mythes sur la Route de la Soie, Robert Laffont, 1993.

-          Pierre LERICHE, Chakir PIDAEV, Mathilde GELIN, Kazim ABDOULLAEV & Vincent FOURNIAU, La Bactriane au carrefour des routes et des civilisations de l'Asie centrale - Termez et les villes de Bactriane-Tokharestan, Maisonneuve & Larose / IFÉAC, 2001.

-          Edward LUTTWAK, La grande stratégie de l'Empire romain, Economica, 1987.

-          Colin McEVEDY, The Penguin Atlas of Ancient History, Penguin Books, Harmondsworth, 1967-1981.

-          J. P. MALLORY & Victor H. MAIR, The Tarim Mummies. Ancient China and the Mystery of the Earliest Peoples from the West, Thames & Hudson, London, 2000.

-          S. A. NIGOSIAN, The Zoroastrian Faith - Tradition & Modern Research, McGill-Queen's University Press, Montreal/Kingston/London, 1993.

-          Jean-Paul ROUX, Histoire des Turcs - Deux mille ans du Pacifique à la Méditerranée, Fayard, 1984.

-          Hans-Werner SCHROEDER, Mensch und Engel - Die Wirklichkeit der Hierarchien, Fischer Taschenbuch Verlag, Frankfurt a. M., 1982-89.

-          SOHRAVARDI, L'archange empourpré - Quinze traités et récits mystiques (traduits du persan e de l'arabe par Henry CORBIN), Fayard, Paris, 1976.

-          Max STEENS, «L'Irak contre les Mongols ou Saddam Hussein géopolitologue!», in : Au fil de l'épée, Recueil n°41, janvier 2003.

-          François THUAL, Le Caucase, Flammarion, coll. «Dominos», n°227, 2001.

-          Herwig WOLFRAM, Histoire des Goths, Albin Michel, 1990.

 

Revues :

 

-          Muséart Hors Série n°4, 1995 - La Sérinde, Terre du Bouddha.

-          Dossiers d'Archéologie, n°271/mars 2002 - Les Parthes.

-          Dossiers d'Archéologie, n°270/février 2002 - Russie : carrefour de l'homo sapiens - Les révélations de l'archéologie russe.

-          Dossiers d'Archéologie, n°266/septembre 2001 - L'Or des rois scythes - La civilisation originale des Scythes - Les Grecs en Mer Noire - Les témoignages d'Hérodote.

 

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samedi, 01 mars 2008

Nouvelles communications terrestres en Eurasie

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Gerhoch REISEGGER :

La Russie construit de nouvelles communications terrestres en Eurasie

 

Introduction pour les lecteurs francophones : Gerhoch Reisegger, qui a derrière lui une longue expérience d'ingénieur bâtisseur d'infrastructures partout dans le monde, appartient aux traditions de Schumpeter, des institutionalistes et de l'école historique allemande (Schmoller, Rodbertus, etc.). Pour lui, l'économie libérale actuelle, impulsée depuis les Etats-Unis et reposant sur l'artifice de la bulle spéculative, est une erreur qui s'avèrera tôt ou tard fatale pour l'humanité. De nombreux voyages, notamment en Russie, lui ont permis de découvrir une alternative eurasienne prometteuse à la domination anglo-saxonne. Il nous en fait part dans cet extrait de son dernier livre (références infra), paru cette année à Tübingen. Un livre si riche en informations que nous y reviendrons souvent.

 

[texte de G. REISEGGER]:

 

Nous ne devons pas perdre de vue que d'autres Etats, que ceux de l'Occident, prennent aujourd'hui des mesures importantes, dans une perspective eurasienne (1), tant sur le plan politique que sur celui de la coopération économique, dans les domaines de l'énergie, du pétrole, du gaz naturel, des infrastructures et des communications. Notre propos, ici, est d'énumérer les mesures que prend la Russie, l'ancien antagoniste numéro un des Etats-Unis sur l'échiquier mondial. La nouvelle politique russe en Asie est intéressante à observer et dévoile clairement ses intentions : organiser la masse continentale eurasiatique.

 

La conférence euro-asiatique des communications et transports

 

Le 12 et 13 septembre 2000 une conférence euro-asiatique des communications et des transports s'est tenue à Saint-Petersbourg. Les décisions prises concernaient cinq corridors de communications:

◊ 1. Le corridor du nord, qui part d'Europe, suit le trajet du chemin de fer transsibérien, pour aboutir en Chine, dans les deux Corées et au Japon.

◊ 2. Le corridor central, qui part d'Europe du Sud, en passant par la Turquie, l'Iran et l'Asie central pour arriver en Chine.

◊ 3. Le corridor du Sud, ou, plus précisément, la branche méridionale du corridor central, qui part de l'Iran pour aboutir, via le Pakistan et l'Inde, à l'Asie du Sud-Est.

◊ 4. Le corridor TRACEACA, qui part d'Europe orientale, suit la rive septentrionale de la Mer Noire, pour mener à la Caspienne puis à l'Asie centrale.

◊ 5. Le nouveau corridor Nord-Sud, qui part d'Europe du Nord, traverse la Russie, aboutit à la Mer Caspienne et mène finalement en Inde.

 

La politique des chemins de fer transsibériens

 

Pendant l'automne de l'année 2000, le Président russe Poutine a présenté ses vues aux hommes d'affaires japonais, dont l'élément principal était le développement du chemin de fer transsibérien.

 

La ligne BAM (Baïkal - Amour - Magistral)

 

La ligne BAM est parallèle à celle du Transsibérien. Elle constitue l'élément de base dans les communications, qui permettraient d'exploiter de manière optimale les matières premières de l'Extrême-Orient russe. Le gouverneur de la région de Khabarovsk, sur la frontière sino-russe, Victor Ichaïev, est l'homme qui s'engage le plus pour faire revivre ce projet. Le ministre russe des communications, Aksenenko, a fait un rapport à Poutine en juillet 2000 sur les possibilités d'exploitation des gisements de fer, de titane et de vanadium de Khinaïski, de même que sur les communications par chemin de fer entre Khinaïski et le combinat de Kouznetski. L'exploitation avait commencé du temps de Staline  —en mobilisant de la main-d'œuvre forcée—  puis avait été interrompue à la mort du dictateur géorgien, pour reprendre ensuite sous Khrouchtchev. Depuis le début de l'«ère libérale», en 1990, tout est à nouveau tombé en quenouille. La population de la région est passée d'un million d'âmes à 600.000. Aujourd'hui, le projet BAM est à nouveau au centre des préoccupations stratégiques. Plusieurs projets de chemins de fer existent à nouveau, rien qu'au niveau des plans, ou sont déjà en construction.

 

Réactivation du chemin de fer de la «Route de la Soie»

 

Les présidents de la Corée et de la Russie sont convenus en juin 2000 de remettre en service le chemin de fer transcoréen (c'est-à-dire la liaison entre la Corée du Nord et la Corée du Sud) puis de le joindre au Transsibérien. De cette façon, dès que la liaison sera rétablie, trois voies de communications seront à nouveau disponibles:

 

◊ 1. La liaison entre Séoul et Vladivostok, via Ouensan (en Corée du Nord), et, via le Transsibérien, portera fret et voyageurs vers Moscou et Berlin. Une voie ferroviaire alternative passerait par Tchongdjin, bifurquerait vers le Nord, traverserait la frontière chinoise pour passer par Toumen, traverser la Mandchourie et rejoindre ainsi le Transsibérien (une voie de 13.500 km).

 

◊ 2. La liaison Pousan - Pyongyang - Sin Ouïdjou - Chenyeng - Datong - Erenhot pour rejoindre le chemin de fer transmongol et Oulan Bator, puis, de là, atteindre Oulan Oude, sur la ligne transsibérienne, et relier ainsi la Corée à Moscou et à Berlin (11.230 km).

 

◊ 3. La ligne transcoréenne et transchinoise : de Pousan à Pékin, via le second "pont terrestre" eurasien, vers Ouroumtchi et Aktogaï pour atteindre Moscou et Berlin (11.610 km).

 

Poutine s'est fait personnellement l'avocat de ces projets. Ce n'est donc pas sans raison que le Président nord-coréen Kim Jong-Il a fait le trajet transsibérien aller et retour jusqu'à Moscou, dans un train spécial, à l'invitation de Poutine. A la mi-février 2002, une délégation russe de 53 personnes, dirigée par le représentant du ministre des chemins de fer, Alexandre Tselko, s'est rendu en Corée du Sud. Thème de la visite: « Le pont terrestre transsibérien du 21ième siècle : perspectives pour le développement des relations russo-coréennes dans le domaine des transports ferroviaires ». La Russie a accepté de former 1500 ingénieurs coréens, spécialisés en chemins de fer, et de prendre en charge la majeure partie du coûts de la construction, qui s'élèvera à un milliard de dollars.

 

Relier l'île de Sakhaline et le Japon au continent eurasien

 

Déjà en 1950, Staline avait ordonné que commencent les travaux de percement d'un tunnel ou de construction d'un pont pour relier Sakhaline au continent. La “Manche de Tartarie”, qui sépare l'île du continent est large de 8 km à hauteur de Lazarev. Avec la mort de Staline, le projet a été arrêté. Vu la présence de gisements importants de gaz naturel au large des côtes, ce projet retrouve aujourd'hui, à nouveau, toute sa signification.

 

Le 20 septembre 2001, le ministre russe des chemins de fer, Alexandre Micharine, déclare que la liaison entre Sakhaline et le continent était à nouveau un projet mis à l'ordre du jour. En octobre 2002, les travaux de construction d'un pont de 8 km de long ont repris. Parallèlement à ces travaux, les travaux de construction d'une ligne de chemin de fer, longue de 450 km entre le Cap Lazarev et Komsomolsk, ont également commencé, ce qui permettra d'assurer une connexion avec l'un des corridors, que nous venons d'évoquer, en plus d'une liaison aux 130 km de chemins de fer déjà existants sur l'île de Sakhaline. Le coût total s'élève à 3,4 milliards de dollars.

 

Par cette construction, remarquait Micharine, la liaison par pont de 40 km entre Sakhaline et Hokkaïdo , la principale île du Nord de l'archipel nippon, devient un projet réalisable. Rappelons, ici, que les Japonais ont déjà réalisé le plus long tunnel sous eau du monde (54 km) entre la principale île de leur archipel, Hondo, et Hokkaïdo. Avec le projet suggéré par les Russes, le Japon serait relié au continent, en d'autres termes, le deuxième puissance économique du monde, aurait une liaison terrestre directe avec la masse continentale eurasienne.

 

Cela aurait pour résultat de transformer complètement la politique économique de la planète, dans des délais prévisibles : le développement et la fabrication de biens d'investissement de haute valeur pour l'industrie et pour les infrastructures. Les technologies de l'information, qui sont surévaluées, repasseraient au second plan. L'industrie d'exportation ne se déplacerait plus vers les pays à bas salaires. Ces deux paradigmes erronés —technologies de l'information et délocalisation—  sont le propre de la politique économique basée sur les méthodologies individualistes (Hayek), qui prêche pour les avantages immédiats, sur une diminution drastique des coûts du travail et sur l'abolition des frontières au profit d'un marché unique. Ces paradigmes nous ont conduits à la situation actuelle où l'économie mondiale et le système des devises sont pratiquement en faillite. Le programme des Russes, des Coréens et des Japonais, dicté par les nécessités de l'espace, nous oblige à regarder le monde de manière globale et organique, dans une perspective d'intégration intelligente, qui s'incarne aujourd'hui dans le projet de l'EATU (“Eurasian Transport Union”).

 

Le Forum russo-japonais de Moscou (29 et 30 mai 2001)

 

Une délégation de 240 chefs de l'économie et de l'industrie japonaises, sous les auspices de la Keidanren, c'est-à-dire l'association qui chapeaute les consortiums économiques nippons, est venue à Moscou et à sillonné toutes les régions de Russie, par petits groupes, afin de mettre au point de nouveaux projets. C'était la première visite en Russie de la Keidanren depuis dix-huit ans. Elle avait reçu le blanc-seing et les pleins pouvoirs du Ministère japonais des affaires étrangères pour conclure tous les contrats nécessaires; pour la première fois depuis vingt-cinq ans, la délégation était menée par le Président même de l'organisation.

 

La visite des Japonais a eu lieu à l'invitation même de Poutine, formulée en septembre 2000. Lors de sa visite au Japon, celui-ci avait déclaré, devant un parterre d'hommes d'affaires : « Je vais changer la Russie. Venez chez nous, rendez nous visite, vous verrez de vos propres yeux comment la Russie se transforme».

 

La Russie, l'Iran et l'Inde

 

Le 12 septembre 2000, les ministres des communications de la Russie, de l'Iran et de l'Inde ont signé conjointement un accord historique afin de réaliser un corridor Nord-Sud, combinant liaisons terrestres et liaisons maritimes. Il s'agit de relier l'Europe du Nord à l'Inde, afin d'éviter le détour par le Canal de Suez, ce qui permettrait de diminuer les coûts de transport de 20 à 25%, sinon plus! A cela s'ajoutent toutes les potentialités économiques qui pourraient devenir réalités le long de cette liaison, autant d'atouts qu'une voie maritime ne peut offrir. Chose encore plus inhabituelle : une instance unique administrera ce corridor et sera responsable de l'ensemble des tâches logistiques. Afin de faire avancer les projets de corridors de communication, le ministère russe des communications a fondé en mai 2001, avec l'accord de 40 pays européens et asiatiques, l'EATU, “Eurasian Transport Union”.

 

L'Iran sera la plaque tournante du corridor méridional

 

L'Iran s'est placé en toute connaissance de cause au centre de ce projet de développement. Sur son territoire, en effet, les liaisons entre le Nord et le Sud, entre l'Est et l'Ouest, entre l'Europe et l'Asie se croisent. Elles donnent à la Russie et à l'Asie centrale un accès aux ports iraniens, au Golfe Persique et à la Mer d'Arabie.

 

Le réseau transsibérien des oléoducs

 

Autre projet important : l'exploitation des immenses champs pétrolifères et gaziers d'Asie centrale, de Sibérie et des régions extrême-orientales de la Fédération de Russie. La construction d'oléoducs servira à alimenter l'Europe et l'Asie. Ce projet conduirait, à court ou moyen terme, à faire disparaître la suprématie de la région moyen-orientale en matière d'approvisionnement énergétique et porterait, ipso facto, atteinte aux intérêts anglo-saxons. 78% du pétrole (300 millions de tonnes annuelles) et 87% du gaz naturel (500 milliards de m3 annuels) qui sont pompés en Russie, proviennent de Sibérie. Aujourd'hui 85% du pétrole utilisé dans le monde proviennent de la région autour du Golfe Persique. 100% de ce pétrole est livré via des voies maritimes. Le Japon et la Corée en dépendent pour 90%. La Chine consomme 78% de l'exportation mondiale de gaz liquide. Ces chiffres démontrent clairement l'importance de la politique russe actuelle, visant à développer toutes ces infrastructures. Ils démontrent également que les intérêts anglo-saxons risquent d'être enfreints par un tel développement.

 

La Russie et la Chine

 

Le 9 septembre 2002, la Russie et la Chine ont signé un accord sur la construction d'un système d'oléoducs de 2400 km de long, partant d'Irkoutsk pour aboutir dans le Nord-Ouest de la Chine. Via ce système d'oléoducs, passeront, chaque année, de 20 à 30 millions de tonnes de pétrole. Le consortium russe de gaz naturel, Gazprom, planifie actuellement la construction de quatre oléoducs complémentaires :

◊ 1. Le premier de ces oléoducs partira de la région de Tomsk dans le Nord-Ouest de la Sibérie et aboutira dans le Nord de la Chine.

◊ 2. Le deuxième partira de la région d'Irkoutsk, traversera la Mongolie et aboutira dans le centre de la Chine.

◊ 3. Le troisième partira de Yakoutie, dans le Nord-Est de la Sibérie, sera installé parallèlement à la ligne de chemin de fer orientale, traversera la Chine et aboutira à Changhaï.

◊ 4. Le quatrième traversera l'île de Sakhaline et aboutira au Japon.

 

Pour l'exploitation des ressources pétrolières et gazières autour de Sakhaline, un budget de 25 à 45 milliards de dollars a été prévu pour les vingt prochaines années. Déjà en 1999, le premier pétrole du projet Sakhaline-2 jaillissait du sol.

 

D'après les données fournies par l'expert japonais en matières énergétiques, Masaru Hirata, de l'Université de Tokyo, le réseau d'oléoducs transasiatique, qui est en train de se construire, aura une longueur totale de 42.500 km. Ce projet concerne les régions suivantes :

◊ 1. Le Nord-est de l'Asie et la zone du Pacifique Nord.

◊ 2. Le Turkménistan, la Chine, la Corée et le Japon.

◊ 3. L'île de Sakhaline et le Japon.

◊ 4. La Malaisie, le Golfe de Thaïlande, le Vietnam et la Chine méridionale.

◊ 5. L'Australie et l'Asie du Sud-Est.

 

Les projets en cours autour du bassin de la Caspienne n'entrent pas en ligne de compte ici. A la dynamique extrême-orientale, s'ajoute bien entendu cette dynamique autour de la Caspienne, dont la région est aujourd'hui l'épicentre du «Grand Jeu», évoqué depuis plus de cent ans par les géostratèges anglo-saxons. Ainsi, Zbigniew Brzezinski, dans son livre Le Grand échiquier, a décrit les avatars contemporains de ce «Grand Jeu». Un simple coup d'œil sur la carte permet de juger de l'ampleur de ces projets.

 

Les conséquences de ces projets

 

On se rend compte de l'objectif stratégique de la Russie actuelle, qui cherche à tout prix à se lier plus étroitement à la Chine. On voit aussi clairement que les atouts géopolitiques de la Russie, et les potentialités économiques que recèlent les terres sibériennes, sont autant de cartes que joue Poutine dans sa grande politique. Ce qui étonne, c'est la vitesse ultra-rapide avec laquelle les accords sont pris, souvent entre des puissances jadis ennemies. Vitesse qui étonne d'autant plus que les Etats d'Asie orientale ne sont pas tous maîtres de leurs décisions, vu les limites imposées à leur souveraineté. Dans les perspectives que j'ai acquises à la suite de mes différents voyages récents en Russie, j'ai aussi appris à connaître les raisonnements de l'élite russe. Ils sont assez clairs et surtout très justes. J'ai aussi remarqué que la politique étrangère de la Russie contemporaine cherche un point d'appui en Europe et espère surtout que ce point d'appui sera l'Allemagne. Cet espoir est naturel et intelligent, car d'où pourraient bien venir les ingénieurs, les techniciens, les spécialistes, les équipements? Ce ne sont pas seulement les ressources, les matières premières, les débouchés commerciaux qui font l'économie et la politique, c'est surtout le “capital de nature supérieure”, c'est-à-dire le savoir-faire et le niveau technologique acquis, nécessaires à réaliser de tels projets. Or ce type de capital est l'atout premier de l'Allemagne.

 

L'Allemagne a également intérêt à ce que ses décideurs économiques comprennent enfin que le potentiel intellectuel et industriel allemand soit mis au service de la bonne cause, de projets cohérents, de projets qui ont de l'avenir. L'exemple à suivre nous vient du Japon et des pays asiatiques. Mais voyons une fois de plus comment la politique officielle russe jauge la situation. Le Président de la Commission des Affaires Etrangères, Dimitri Ragozine a exprimé sans fard la teneur de cette politique lors d'un Congrès sur la nouvelle situation politique dix ans après l'effondrement de l'Union Soviétique : «Une bonne partie des questions [que nous nous posons], ce sera à l'Allemagne d'y répondre». Ragozine a voulu dire par ces paroles que la Russie, elle, est prête à agir, mais que l'Allemagne, dans ce même contexte, n'a pas le droit d'agir, car elle doit tenir compte de l'avis des Etats-Unis. Il est donc extrêmement intéressant de voir comment l'une des plus hautes figures de la politique étrangère russe actuelle perçoit le rapport idéal à avoir avec l'Europe, l'Union Européenne et, plus particulièrement, avec l'Allemagne.

 

La Russie et l'Union Européenne

 

Ragozine : «Dans l'avenir, nous nous attendons à ce que les organisations internationales prennent encore des mesures contre la Russie, ce qui entraînera un éloignement de notre pays par rapport à l'Europe; mais, sans la Russie, l'Europe n'a pas d'avenir. La Russie détient les sources de toutes les matières premières dont les pays industrialisés ont besoin. Si l'Europe veut devenir quelque chose, nous, Russes, sommes prêts à accepter et respecter une solide unité européenne, mais cette Europe consolidée devra avoir des liens très étroits avec la Russie». Cette politique concerne directement :

◊ Les communications au sein de l'UE et les routes de transit à travers l'Europe;

◊ La signature d'une charte énergétique commune ;

◊ La coopération multilatérale ;

◊ La coopération économique.

L'Europe centrale est liée à la Russie par tradition et elle a tout à gagner d'une situation géopolitique et économique telle celle qu'esquisse Ragozine.

 

L'Union Economique Eurasienne (Eurasische Wirtschaftsunion)

 

Les Russes reconnaissent clairement que les Etats d'Europe occidentale profitent aujourd'hui des faiblesses de la Russie, mais qu'une telle politique arrive au bout de son rouleau. La Russie officielle pense sur le long terme, le très long terme, prévoit l'avenir plusieurs décennies à l'avance. L'Union Economique Eurasienne (UEE) recevra son impulsion dans l'avenir de la Russie. Ragozine a déclaré que la politique actuelle de son pays, orientée vers l'Asie et l'Extrême-Orient n'est pas seulement motivée par l'économie, mais vise surtout la création d'un nouveau pôle de puissance, dont l'existence même devrait inciter les Européens de l'Ouest à analyser la situation sur l'échiquier mondial de façon plus réaliste. Après avoir posé une telle analyse, les Européens devront, à leur tour, pratiquer une politique rationnelle, c'est-à-dire une politique eurasienne et non plus atlantiste.

 

Le monde est sur le point de subir une mutation en profondeur. Malgré leurs rodomontades, les Etats-Unis sont le dos au mur. En fait, les gesticulations militaires de l'équipe Bush indiquent un déclin plutôt qu'une victoire. Julius Evola, le penseur traditionaliste italien, dans Les hommes au milieu des ruines, avait écrit : « La puissance perd son essentialité lorsqu'elle ne recourt plus qu'à des moyens matériels, c'est-à-dire lorsqu'elle ne recourt plus qu'à la violence, lorsque, pour elle, la violence est un refuge, et que sa puissance n'est plus reconnue comme allant de soi. La puissance doit n'être rien d'autre d'un "moteur immobile" et agir en tant que tel».

 

Et Evola poursuit son raisonnement : « La supériorité ne repose par sur la force coercitive, mais, au contraire, c'est la force coercitive qui doit reposer sur la supériorité. Faire usage de la force coercitive, c'est démontrer son impuissance; celui qui comprend cela, comprendra sans doute aussi le sens et la voie d'un certain renoncement  —un renoncement viril, qui repose sur le sentiment de ne pas “avoir besoin de l'inutile”, sur le sentiment de “posséder en suffisance”, même si on ne possède rien que l'essentiel et rien de superflu; cette vertu du renoncement est l'une des principales conditions pour accéder à la puissance supérieure; elle inclut par ailleurs une logique cachée, selon laquelle  —sur base de traditions que la plupart de nos contemporains prennent pour des mythes, au contraire de nous—  les ascètes, les saints et les initiés produisent soudain, de manière naturelle, l'exercice de puissances supra-sensibles, plus fortes que toutes les forces coercitives exercées par les hommes et par les choses».

 

Rappelons-nous aussi le témoignage historique de cet important homme d'Etat autrichien que fut le Prince Clemens Metternich. Dans son Testament politique, nous avons surtout retenu cette phrase : « Ce n'est pas dans la lutte de la société pour obtenir des progrès, mais dans une approche graduelle vers l'obtention de biens vrais, que j'ai vu le devoir de tout gouvernement et le véritable salut des gouvernés; et ces biens vrais sont la liberté de reconnaître les résultats impassables de l'Ordre [divin], l'égalité là où elle peut seulement s'incarner c'est-à-dire l'égalité de tous devant la loi, le bien-être, lequel n'est pas pensable sans les assises d'une sérénité morale et matérielle, le crédit qui ne peut reposer que sur base de la confiance. Le despotisme, quelle que soit la manière dont il s'exprime, je l'ai toujours considéré comme un symptôme de faiblesse. Là où s'installe le despotisme est un mal qui finit par se sanctionner lui-même; il est encore plus insupportable quand il se cache derrière une défense fallacieuse de la liberté!».

 

Aujourd'hui nous pouvons traduire ce terme de "despotisme" par "utilisation de la violence" (bien que, chez Metternich, l'idée de despotisme ne se rapporte qu'aux affaires intérieures de l'Etat). Quant au "masque" moralisant que prend le despotisme, en voulant promouvoir la "liberté", c'est bien la pratique de l'idéologie dominante et de la politique extérieure des Etats-Unis aujourd'hui : on a simplement remplacé le terme de "liberté" par l'idéologie des "droits de l'homme". Derrière l'évocation de ces droits de l'homme, en effet, l'appareil militaire américain utilise les armes les plus terribles, les plus meurtrières : bombes, fusées, missiles, obus à uranium traité, le tout selon la technique du "tapis de bombes".

 

La situation actuelle doit nous amener à conclure que :

◊ Les Etats-Unis ne sont plus vraiment au zénith de leur puissance. Leur force coercitive est certes plus présente que jamais, mais cette puissance purement matérielle n'a plus de légitimité acceptée, ne représente plus une spiritualité reconnue comme supérieure.

◊ Pour résoudre les conflits du Proche-Orient, de l'espace jadis occupé par l'Etat yougoslave titiste (surtout le conflit entre Serbes et Albanais) et dans les autres contrées de la planète; il faut être animé par une grande idée supra-sensible  —comme d'ailleurs pour donner une forme véritable à l'Europe—  il faut un mythe qui porte les esprits vraiment au-delà des contingences économiques ou des visées purement pragmatiques. Si une telle idée n'existe pas, personne ne sait ce qu'il faut faire, personne ne sait comment les choses doivent évoluer, comment elles doivent s'agencer et se porter vers l'avenir.

 

Les Etats-Unis, en tant qu'hyperpuissance dans le monde devenu unipolaire, ne peuvent plus s'affirmer autrement que par l'exercice d'une violence coercitive inféconde. Un simple coup d'œil sur l'histoire récente prouve la véracité de notre assertion : plus de 200 guerres ont animé et ensanglanté la scène internationale depuis 1945. Les Etats-Unis (et l'Angleterre) sont intervenu militairement dans 70 d'entre elles. L'American Way of Life, un style d'existence dépourvu de toute spiritualité et de toute consistance, se voit de plus en plus rejeter dans le monde.

 

Pire, dans ce contexte de dé-spiritualisation et de violence, la propagande américaine tente de coller de fausses étiquettes sur les peuples, de tromper les autres par la distribution d'étiquettes valorisantes (l'UÇK!) ou infamantes (la Serbie). Dans ce jeu, où l'on ne sait plus où se trouve la réalité et où se niche la fiction, les opinions publiques ne savent plus vraiment s'il y a ou non la guerre, et, plus généralement, ne savent même plus quels sont les véritables enjeux de ces conflits. Dans les euphémismes de la propagande de CNN, on ne parle évidemment plus de guerre mais de "pre-emptive defence" (défense préventive), ce qui nous amène à penser, à l'instar d'Evola, que l'ère de l'impuissance véritable est bien advenue, où la force coercitive joue seule, unilatéralement, et non plus la puissance naturelle et tranquille de l'évidence et de l'exemple. Les Etats-Unis et leurs satellites ouest-européens ne sont-ils pas définitivement condamnés à l'impuissance, parce qu'ils n'ont pas d'idée supérieure, n'ont aucune référence transcendante, non seulement pour construire l'Europe, mais aussi et surtout pour étayer le “Nouvel Ordre Mondial”, annoncé par Washington?

 

Gerhoch REISEGGER.

(Extrait de Wir werden schamlos irregeführt. Vom 11. September zum Irak-Krieg, Hohenrain, Tübingen, 2003, ISBN-3-89180-068-1).      

Réflexions flamandes et amères sur le Kosovo

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Prof. Dr. Koenraad ELST :

Réflexions flamandes et amères sur le Kosovo

Deux pays se représentent sous la forme d’une carte sur leur drapeau, comme s’ils voulaient dire : « Pas un pouce de territoire ne nous sera jamais arraché ! ». Or Chypre n’exerce même pas sa souveraineté sur l’ensemble du territoire représenté sur son drapeau car un tiers de celui-ci forme officieusement un Etat à part, la « République Turque de Chypre du Nord ». Et maintenant nous avons le Kosovo, dont le drapeau tente d’imiter celui de l’UE : effectivement, il est bleu, présente une série d’étoiles qui ne sont pas jaunes mais blanches ; le jaune ne sert qu’à colorer la tache apparemment informelle qui représente les contours du pays et qui a été placée au centre du nouveau drapeau. Si les Serbes avaient eu quelque jugeote, le Kosovo n’aurait jamais eu ces frontières-là ou auraient dû céder rapidement du terrain.

Un bon nombre de militants nationalistes flamands se réjouissent du séparatisme kosovar anti-serbe. Ce que vient de faire le « Kosova » (graphie albanaise), il y a quelques jours, la Flandre le fera demain, pensent-ils. Bien. Qu’ils essaient d’abord d’expliquer aux belgicistes que cette indépendance autoproclamée du Kosovo a valeur de précédent, en même temps que leurs amis basques ou bretons, représentants d’autres nationalismes impuissants. Il vaut mieux qu’ils ne se fassent pas d’illusions : les forces qui ont œuvré à la fragmentation du territoire de l’ex-Yougoslavie ne favoriseront pas l’éclosion prochaine de l’Etat flamand.

Ceux qui se proclament « nationalistes » doivent comprendre clairement que les Etats-Unis et les quelques institutions internationales, qui ont soutenu l’indépendantisme kosovar, l’ont fait pour punir la Serbie, soupçonnée de développer un nationalisme inacceptable. Dans son discours, lors du cérémonial de l’indépendance, le Président kosovar Hashim Thaçi a décrit son Etat nouveau-né comme « multiculturel et tolérant ». Pour moi, c’est comme l’écho du discours que prononça jadis Mohammed Ali Jinnah lors de l’indépendance du Pakistan, Etat né du refus des musulmans de l’ancien Empire britannique des Indes de vivre en minorité dans un Etat séculier multiculturel, mais à majorité hindoue. Tandis que tous les non musulmans vivant à l’époque sur le sol du futur Pakistan furent chassés ou assassinés par millions, Jinnah déclarait benoîtement que dans son Etat fondé sur l’identité religieuse des musulmans, l’identité religieuse n’aurait plus aucune importance.

Jinnah n’a pas eu à rendre de comptes pour ces mensonges éhontés car il se plaçait simultanément sur la même longueur d’onde que les Britanniques et les Américains qui voulaient avoir, dans la région, une base territoriale importante pour observer, espionner, encercler et endiguer l’URSS et la Chine. Thaçi surfe sur le même type de vague : il offre l’hospitalité à une grande base américaine. Le Président serbe Voyeslav Kostunica ne donne pas l’hospitalité aux soldats américains ; il ne veut rien entendre d’une telle politique et, comme le dit notre proverbe, « qui ne veut rien entendre, doit sentir ». L’indépendance du Kosovo n’est pas davantage une victoire pour le droit des peuples à l’autodétermination : il est plus juste de dire que c’est une punition qu’inflige le nouvel ordre mondial à un pays qui est campé comme un bastion têtu du nationalisme.

Brutalité américaine

Qu’on se souvienne comment le Général américain Wesley Clark justifiait en 1999 les bombardements contre la Serbie : il disait que les Etats mono-ethniques ne pouvaient plus être tolérés sur la surface de la planète. C’était de la brutalité à l’état pur, de la brutalité pour justifier ses propres positions, de la brutalité basée sur le mensonge. En fait, la Serbie, dans son intégrité territoriale avant la sécession du Kosovo, était un Etat multi-ethnique ; et c’est justement la Serbie démembrée actuelle, à la suite des actions musclées de ce Clark, qui est devenue, par la force des choses et à son corps défendant, un de ces Etats mono-ethniques, auxquels les Etats-Unis dénient désormais tout droit à l’existence. Thaçi et la constitution du Kosovo font certes quelques maigres concessions à ce discours multiculturel pour plaire à leurs « sponsors » internationaux mais, en pratique, le Kosovo est devenu aujourd’hui un bel exemple d’Etat mono-ethnique, qui ne « devrait plus être toléré ».

Les braves militants nationalistes flamands pourront au moins apprendre une leçon : avoir raison n’aide en rien pour obtenir raison de la part de ceux qui tirent les ficelles dans le monde. Les Serbes ont été précipités dans la spirale de l’humiliation et de la défaite parce qu’ils avaient contre eux les faiseurs de l’opinion dominante. Pour les Flamands, ce sera la même chose. Exemple : un magazine en papier glacé destinés aux étrangers qui vivent à Bruxelles titrait en grandes lettres : « Francophones’ moving stories » (cf. « Together », janv.-fév. 2008). Cette anthologie d’ « histoires émouvantes » était faite de témoignages formulés de façon à briser mêmes les cœurs de granit, où de malheureux francophones se présentaient comme opprimés, prêts à prendre la fuite. Elle était accompagnée d’une photo, dont le fond était un ciel vespéral et menaçant et l’avant-plan un entrelacs de barbelés, avec une pancarte : « Flemish Region hostility towards the Francophone majority has grown » (L’hostilité de la Région Flamande à l’endroit de la majorité francophone a augmenté). Dans le landerneau belgo-belge, ce type de mise en scène correspond à la préparation de toute cette propagande ridicule de 1999, où l’on parlait d’un quart de million d’Albanais « génocidés », pour justifier les bombardements de l’OTAN contre la Serbie. Or le dossier de « Together » constitue une littérature servie aux eurocrates et aux otanocrates de Bruxelles pour expliquer les tenants et aboutissants du combat flamand. C’est avec ce type d’exagérations et d’idioties que ces fonctionnaires se forgeront une opinion sur la Flandre lorsqu’ils devront prendre position en cas de dislocation de la Belgique. Les politicards flamands, tous partis confondus, seront-ils plus avisés que Kostunica pour neutraliser les effets pervers de cette propagande haineuse ? On peut sérieusement en douter.

La politique du fait accompli

« Vive le Kosova » ? Les militants nationalistes flamands feraient bien de se rendre compte que le Kosovo ressemble plus à la Belgique qu’à la Flandre (potentiellement indépendante). D’abord, paraphrasons Jules Destrée : « Sire, il n’y a pas de Kosovars ! ». Ceux qui, bêtement ou malicieusement, parlent de « Serbes » et de « Kosovars », veulent dire, en fait, « Serbes du Kosovo » et « Albanais du Kosovo ». Remarquons, à ce propos, que la marée de drapeaux exhibés lors du discours de Thaçi sur l’indépendance, n’était pas une marée de ce nouvel emblème bleu et eurocratoïde, avec ses étoiles et sa carte stylisée, mais une marée de drapeaux rouges frappés de l’aigle bicéphale albanais. Exactement comme les séparatistes belges de 1830 brandissaient des drapeaux français et souhaitaient se rattacher à la France, les séparatistes albanais d’aujourd’hui veulent se rattacher à l’Albanie.

Le nom de « Kosova » est la prononciation albanaise de terme slave « Kosovo ». Les nationalistes flamands solidaires du Kosovo privilégient depuis de nombreuses années cette graphie albanaise. Exactement comme les sectaires du FDF parlent de « Rhode-Saint-Genèse ». Exactement comme les Francophones ont conquis la périphérie de Bruxelles par subversion démographique (« Unterwanderung »), les Albanais ont mis la main sur la Kosovo en créant une situation du fait démographique accompli. Exactement comme la communauté internationale nie abruptement les revendications serbes sur le Kosovo, même dans les enclaves qui ne sont peuplées que de Serbes, les revendications et les implorations des Flamands seront balayées d’un revers de la main par cette même communauté internationale, en cas de disparition de la Belgique. La Flandre, qui se flatte d’avoir une « propre » politique étrangère, a raté une belle occasion de se distinguer en proposant un compromis raisonnable, notamment la scission du Kosovo entre enclaves serbes et enclaves albanaises, sur base ethno-linguistique. Nos politicards avaient-ils la trouille qu’une telle suggestion aurait bien davantage préfiguré la séparation de la Belgique, bien plus que la sécession kosovar avec le maintien des frontières absurdes du nouvel Etat ?

Aujourd’hui, nous assistons aux protestations poignantes mais impuissantes des Serbes contre l’inéluctable vol de territoire qu’ils subissent. Mais qu’ont-ils fait au cours de ces dernières années quand les Albanais, avec la complicité des Américains, de l’OTAN et de l’UE, préparaient leur sécession ? Et que font les Flamands maintenant que les francophones consolident sans relâche leurs positions démographiques dans la périphérie et suggèrent la récupération, en leur faveur, de territoires que l’on croyait en Flandre non cessibles depuis l’établissement de la frontière linguistique ? L’histoire ne sera pas tendre pour les peuples qui n’auront pas hiérarchisé convenablement leurs priorités.

Koenraad ELST.

(article paru dans « ‘ t Pallieterke », 27 février 2008).

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vendredi, 29 février 2008

60 nationalistische figuren

60 nationalistische figuren

Dat het nationalisme in de Lage Landen, het natiegevoel en de wil om hiervoor een politieke ruimte te scheppen, géén eendagsvlieg is, zoals sommigen ons wel eens willen voor houden, bewijst de jongste uitgave van Uitgeverij Egmont, “60 nationalistische figuren”. Trouwens de auteur zelf van het werkje, dr. Roeland Raes, kan eigenlijk best beschouwd worden als een emanatie van de diepe wortels van deze identitaire stroming in de Nederlanden. Hij is hoofdredacteur van het Heel-Nederlandse vormingstijdschrift Revolte.

In 1934 in Gent geboren was hij al in de jaren 50 en 60 van vorige eeuw actief – op alle mogelijke bestuursniveaus trouwens – in de Volksunie, en later, vanaf de jaren 70 en 80, in het Vlaams Blok en tenslotte in het Vlaams Belang. Hij geraakte in de politieke actualiteit met uitspraken voor de Nederlandse televisie, die vervolgd worden omwille van een zogenaamd negationistische strekking. Maar Roeland Raes is meer dan dat. Er zijn met moeite naoorlogse tijdschriften in de radicaal nationalistische beweging te vinden, waar deze auteur niet aan heeft meegewerkt. Met bijzondere interesse steeds voor de nonconformistische en tegelijk goed onderbouwde (heel- of groot-) Nederlandse strekkingen binnen de Vlaamse Beweging. En mét een zeer open oog voor wat in Europa gebeurde. Kan het iemand verwonderen dat Roeland Raes een regelmatige redacteur werd van Dietsland-Europa (van de organisatie Were Di) of van Revolte (van de actiegroep Voorpost) en dat hij jarenlang de Vlaamse spil was waarop het bannelingentijdschrift De Schakel draaide?

Het is voor de nationalistische jongeren, van Voorpost, van de N.S.V. of het K.V.H.V. dat hij de verschillende teksten schreef, vanuit de vaststelling dat men toch heel weinig weet van de Vlaamse Beweging van de 19de of de 20ste eeuw. Met de vraag in hoeverre “(…) de namen van Vlaams-nationale leiders en militanten, hoe verdienstelijk ook, nog een echo oproepen bij jongeren vandaag”.

Of zoals inleider Johan Vanslambrouck terecht opmerkt: “Wij leven en werken vandaag, maar als nationalisten beseffen we dat we niet uit het niets komen. Ons collectief verleden bepaald mede wie we vandaag zijn, hoe we leven en werken. Daarom blijft een basiskennis van dat verleden voor ons zo belangrijk. Geschiedenis wordt gemaakt door mensen en dus is het van belang om de hoofdrolspelers goed in hun context te kunnen situeren. Daartoe levert dit boek een bijdrage”.

Hierin veel bekende, maar ook minder bekende Vlamingen en Nederlanders (Buls, Willem de Vreese, Jacob Heremans, Lucien Jottrand). Veel op het eerste gezicht bekende namen ook, waarop de auteur door ongekende typeringen toe te voegen, een nieuw licht werpt (Wouter Lutkie, Remi Piryns, René De Clercq, Kamiel Van Damme, Jaak Moerman, Karel Dillen).

Deze uitgave, die in de lijn ligt van hetgeen Jean Mabire in Frankrijk presteerde met zijn reeks “Que Lire”, schreeuwt gewoon om een voortzetting in een deel 2. Het zou trouwens voor de auteur een (ondankbare?) opgave moeten zijn om nog meer min of meer vergeten figuren uit de jaren 50 en 60 van de vorige eeuw terug voor het voetlicht te brengen. De moeilijke heropbouw van de nationalistische beweging in die jaren is eigenlijk maar mogelijk gebleken door de inzet van deze tientallen onbaatzuchtige werkers, en die nu in de vergetelheid verzeild dreigen te geraken. Kinderen van ons volk.

Voor jongeren is dit boekje hopelijk een aanzet naar méér. Daarom is het spijtig te noemen dat een (min of meer uitgebreide) bibliografie of lijst met verwijzingen helemaal achterwege is gebleven. Misschien wordt dit euvel in deel 2 uit de wereld geholpen? Maar laat u hierdoor niet tegenhouden om deze uitgave te kopen en aan jongeren door te geven.

60 nationalistische figuren
Raes Roeland
ISBN  978–78898–07–8
2008, Uitgeverij Egmont, Brussel,
222 pagina
Richtprijs: 12,50 euro

(P.L.)

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Hommage à Monique Crokaert

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Robert STEUCKERS:

Discours d'hommage à Monique Crokaert, épouse de Marc. Eemans, lors de ses obsèques (janvier 2004)

Chers parents, chers amis,

Il est l’heure de prendre congé définitivement de Monique, aujourd’hui, en cette triste journée de janvier. Monique, la fille de Jacques, cet esprit politique génial, jamais remplacé et surtout irremplaçable, Monique l’effrontée, Monique la poétesse, Monique la compagne de Marc, Monique qui aimait la vie mais qui n’en avait plus le goût depuis la mort de son grand artiste de mari, nous a quittés, il y a un peu plus d’une semaine.

Une page d’histoire se termine ainsi, trop abruptement. Des souvenirs poignants et incommunicables viennent de s’effacer. Une époque de créativité extraordinaire, artistique, littéraire et philosophique, s’éteint encore un peu plus, avec la disparition de Marc et de Monique à quelque cinq ans d’intervalle, plongeant ce Pays encore un peu plus dans la froide obscurité du Kali Youga.

La langueur qui s’était emparée de Monique depuis le 28 juillet 1998, quand Marc s’est éteint, est sans nul doute empreinte d’une immense tristesse, mais elle nous interpelle, aujourd’hui, au-delà de sa mort. En effet, cette langueur est un appel, qu’elle a lancé à nous tous sans toujours cherché à bien se faire comprendre, un appel pour que nous continuions à œuvrer pour faire connaître, pour défendre la mémoire des peintures, des poèmes, de la pensée mystique de Marc, pour nous souvenir à jamais des poèmes de Monique, pour nous replonger dans l’œuvre politique de Jacques Crokaert.

Car tel était bel et bien le message de cette langueur, et parfois de cette rage, qui a progressivement exténué Monique au cours de ces cinq dernières années. Il serait incorrect de ne pas y répondre, car c’était, au fond, son vœu le plus cher. Que cette formidable mobilisation de l’intellect, de la volonté, de la sensibilité, de l’esprit n’ait pas été qu’un simple passage voué au néant. Que ce formidable feu d’artifice ne soit pas qu’une beauté éphémère. Qu’il y ait pour lui un lendemain. Une réhabilitation totale et définitive.

Tel était le contenu de mes conversations avec Monique au cours de ces cinq dernières années.

Je vous demande donc à tous, selon vos moyens, de réaliser son vœu, si ardent, si noble, si pressant, et de le lui promettre, ici, devant sa pauvre dépouille, devant celle qui ne pourra plus jamais nous parler, nous enjoindre de travailler, ou, même,  —et je le dis avec tendresse—  de nous « engueuler » parce que les choses ne bougent pas assez vite à son gré. Justement parce que la verdeur occasionnelle de son langage ne sera plus, pour aucun d’entre nous, un aiguillon ou un agacement, je vous demande de continuer ce travail.

Adieu, Monique, nous allons tous regretter tes poèmes, ta nostalgie de Marc, ta fidélité très difficile, vu les circonstances, à son œuvre, nous allons aussi regretter ta verdeur langagière, tes remontrances corsées, comme nous avons aimé les rouspétances de Marc, aigri d’être sans cesse boycotté par les Iniques.

Adieu, donc, et nous travaillerons, pour que les « Fidèles d’Amour » reprennent le flambeau et leur rôle de guide d’une humanité régénérée, pour que les « Lumières archangéliques et michaëliennes » resplendissent à nouveau, comme l’a voulu Marc pendant de longues décennies de combat mystique et philosophique.

Adieu, Monique, tu nous manqueras, parce que tu incarnais, tant bien que mal, parfois en tâtonnant, parfois en te débattant, plusieurs pages sublimes de l’histoire de notre pays. Adieu, mais, pour ne pas t’oublier, nous parlerons et reparlerons de ce qui t’a été si cher au cœur.    

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jeudi, 28 février 2008

José Vasconcelos

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28 février 1882: Naissance à Oaxaca au Mexique de José Vasconcelos, romancier, philosophe, pédagogue et homme politique. Recteur de l’Université de Mexico, puis ministre de l’Education entre 1920 et 1924, il réforma de fond en comble l’enseignement de base dans son pays, impulsa le mouvement politico-artistique national-révolutionnaire du muralisme mexicain. Sa philosophie repose sur la notion de “monisme esthétique”, terme qui tente d’exprimer son enthousiasme pour l’unité cosmique, perdue par le rationalisme occidental, avatar d’un dualisme qui rejette a fortiori une partie du réel. Les peuples d’Amérique latine, en puisant dans leur passé indien, pourront ainsi transcender les étroitesses que génèrent ce rationalisme et ce dualisme mutilant. On lira cette thèse, à fortes connotations indigénistes, en parallèle avec celles d’un grand dissident anglais, passionnément amoureux du Mexique : David Herbert Lawrence. En 1925, Vasconcelos publie La raza cosmica, ouvrage où il appelle cette synthèse cosmique et moniste sud-américaine, à la fois amérindienne et hispanique. En 1934, il écrit Bolivarismo y Monroismo, opposant la conception de Bolivar à celle de Monroe sur l’unité panaméricaine (Robert Steuckers).

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L'apothéose de Céline

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Marc LAUDELOUT:

 

L’apothéose de Céline

 

Un double DVD, un livre sur l’exil danois et la réédition de la correspondance à Marie Canavaggia. Ces trois parutions ont suscité une presse abondante qui contraste singulièrement avec la façon dont Céline était traité par la critique dans les dernières années de sa vie. Petit aperçu.

 

Le Nouvel Observateur, organe de la gauche bien-pensante, n’est pas le moins dithyrambique : « Cinquante ans bientôt que l’écrivain est mort. Son  œuvre n’a jamais été aussi  vivante. (…) Comment ne pas être attiré par un bonhomme pareil, n’avoir pas envie d’aller y jeter un œil, dans ses livres qui suscitent pareils intérêts ? » ¹  Le quotidien Libération est également séduit : « On ne lit pas les lettres de Céline pour les croire ou s’en indigner. On les écoute. Ce sont d’abord des expériences musicales, de petites notes rapides, joyeuses et surprenantes qui font descendre et monter les tristes portées de la condition humaine. Les romans sont des concertos, des symphonies ; les lettres, c’est sa musique de chambre » ². Philippe Sollers, qui a le mérite de l’antériorité, n’est pas en reste : « Les lettres de Céline sont des chefs-d’œuvre, sa correspondance complète devrait être réunie un jour, magnifique volume électrique, au niveau (et ce n’est pas peu dire) de Voltaire et de Flaubert. » ³ Hélas, l’édition d’une correspondance générale semble relever de l’utopie. Car c’est bien une anthologie de cet océan que proposera cette année le cinquième et dernier volume de La Pléiade consacré à Céline.

 

Le double DVD « Céline vivant », centré sur ses dernières années, offre une image saisissante de l’écrivain qui n’a pas fini de retenir l’attention. « On reste hypnotisé par les monologues hallucinés de l’ermite de Meudon. (…) Ce clochard génial, dont toute la vie aura consisté à “ mettre par écrit l’émotion du langage parlé ” ensorcelle la caméra ». 4 C’est, en effet, peu dire que Céline captive les spectateurs : « Parmi les grands moments des “pièces” offertes par celui que l’un des témoins surnomme le “comédien du martyre”, il y a cette façon de revendiquer un raffinement inné et de déplorer l’accablante “lourdeur de l’homme”, son plaidoyer  pour les auteurs qui inventent un style et mettent leur “peau sur la table”, ses diatribes et invectives contre la vulgarité, les plagiaires ». 5  Un constat s’impose :  «  On rit,  car il  est  drôle et méchant. Céline maîtrise  donc ses  interviews  comme il maîtrise  ses livres, son style ». 6  Mieux : « À l’oral et dans ses écrits, Louis-Ferdinand Céline possède un style qui fait assurément de l’effet à ses interlocuteurs et lecteurs. Parler, écrire, ressentir… et danser sur un volcan ! Tel fut le destin tragique d’un homme libre dont la vie et l’écriture sont inséparables, et qui confesse ne pas croire en Dieu, mais « ne demanderait pas mieux d’y croire ». Sous le masque du tragique, apparaît alors le visage d’un grand créateur et dispensateur de vie » 7 Une belle conclusion assurément pour celui qui se disait du « parti de la vie ».

 

M. L.

 

1. Delfeil de Ton, « Voyage au bout de la télé. Céline, bête d’écran », Le Nouvel Observateur, 22 novembre 2007.

2. Philippe Lançon, « Céline et la “vache matière” », Libération, 29 novembre 2007.

3. Philippe Sollers, « Céline », Le Journal du Dimanche, 28 octobre 2007.

4. Jérôme Dupuis, « D’une caméra l’autre », L’Express, 2 novembre 2007.

5. Jean-Luc Douin, « Céline, par lui-même et ses proches », Le Monde, 29 novembre 2007.

6. Camille Aranyossy, « Céline vivant », Le littéraire.com, 12 novembre 2007

7. Arnaud Guyot-Jeannin, « Quand Céline crevait l’écran », Le Choc du mois, novembre 2007.

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mercredi, 27 février 2008

A. Romualdi: Introduccion a Gobineau

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Introduccion a: Arthur de Gobineau; la desigualdad de las razas

Adriano ROMUALDI

Hay libros que actúan sobre la realidad de muchos de los hechos políticos y que, saliendo del círculo estrecho de la discusión, se convierten en idea-fuerza, mitos, sangre que alimenta los procesos históricos. El más típico es indudablemente El Capital de Marx, un estudio histórico-económico que se ha convertido en dogma religioso, arma de batalla, evangelio del vuelco mundial de todos los valores cumplimentado por la casta servil. A estos libros pertenece el Ensayo sobre la desigualdad de las razas humanas del conde de Gobineau, ignorado durante el tiempo que el autor vivió pero que - difundido en Alemania después de su muerte - fue destinado a transformarse en un de las más poderosas idea-fuerza del siglo XX: el mito de la sangre del nacionalsocialismo alemán.

Arturo de Gobineau nace en Ville d’Avray en el 1816 de una familia de antiguo origen normando. Poco antes de morir, en el Histoire d’Ottar Jara él revivirá los hechos del conquistador vikingo que arribó a las costas de Francia dando origen a su familia. El padre de Gobineau fue capitán en el Guardia Real de Carlo X. Después de la revolución del 1830 se apartó a vivir en Bretaña mientras el hijo fue a estudiar a Suiza. Aquí Gobineau aprendió el alemán y tuvo modo de asomarse a las vastas perspectivas que la filología germánica abrió en aquellos años. Ya Federico Schlegel en su Ueber die Sprache und Weisheit der Inder enseñó la afinidad entre las lenguas europeas y el sánscrito planteando una migración aria de Asia a Europa; en 1816, Bopp con su gramática comparada del griego, sánscrito, persa, griego, latino y gótico fundó la filología indoeuropea; por su parte, los hermanos Grimm redescubrieron el Edda y poesía germánica haciendo revivir el antiguo heroísmo y la primordial mitología germánica mientras Kart O. Müller halló en los dorios (Die Dorier, 1824) el alma nórdica de la antigua Grecia. Así, Gobineau tuvo modo que familiarizarse desde la adolescencia con un mundo que la cultura europea iba lentamente asimilado.

En 1834 Gobineau va a París. No es rico, y trata de hacerse paso como escritor y periodista. De sus obras literarias de entonces, Le prisionnier chancheux, Ternote, Mademoiselle Irnois, Les aventures de Nicolas Belavoir, E’Abbaye de Thyphanes, muchas páginas han resistido la usura del tiempo.

Un artículo aparecido en la Revue de deux mondes lo puso en contacto con Alexis de Tocqueville, el famoso autor de La democracia en América, también él de antigua estirpe normanda. Esta amistad les unió toda la vida a pesar de las fuertes diferencias de opinión entre los dos hombres: Tocqueville, el aristócrata que se resigna, y - sea incluso con melancolía - acepta la democracia como una realidad del mundo moderno y Gobineau, el aristócrata que se rebela e identifica la civilización con la obra de una raza de señores.

Fue Tocqueville, nombrado Ministro de Exteriores, quien llamó al amigo como jefe de gabinete. En vísperas del golpe de estado napoleónico Tocqueville dimitió; En cambio Gobineau hizo buen cara al cesarismo que - si bien no le reportaba a la predilecta monarquía feudal - al menos colocaba las esposas a la democracia y al parlamentarismo. Entró en diplomacia y fue como primer secretario a tomar la delegación de Berna. Es en Berna que escribió el Essai sur el inégalité des races humaines, cuyos dos primeros volúmenes aparecieron en el 1853, los segundos en 1855.

El ensayo retoma los movimientos del gran descubrimiento de la unidad indoeuropea, es decir de una gran familia aria extendida desde Islandia hasta la India. La palabra latina pater, el gótico fadar, el griego patér, los sánscritos pitar se revelan como derivaciones de un único vocablo originario. Pero si ha existido una lengua primordial de la que se han ramificado varios lenguajes, también habrá existido un estirpe primordial que - moviendose desde su patria originaria - difundirá este lengua en el vasto espacio existente entre Escandinavia y el Ganges. Es el pueblo que se dio el nombre de ario, término con el que los dominadores se designaban a sí mismos en contraposición a los indígenas de las tierras conquistadas (compara el persa y el sánscrito arya = noble, puro; el griego àristos = el mejor; el latino herus = dueño; el tudesco Ehre = honor).

Es aquí donde se encauza el razonamiento de Gobineau, movilizando a favor de sus tesis los antiguos textos indios nos muestra a estos arios prehistóricos - altos, rubios y con los ojos azules - penetrando en la India, en Persia, en Grecia, en Italia para hacer florecer las grandes civilizaciones antiguas. Con una demostración muy forzada también las civilizaciones egipcia, babilonia y china son explicadas con el recurso de la sangre aria. Cada civilización surge de una conquista aria, de la organización impuesta por una elite de señores nórdicos sobre una masa.

Si comparamos entre si a las tres grandes familias raciales del mundo la superioridad del ario nos aparecerá evidente. El negro de frente huidiza lleva en el cráneo "los índices de energías groseramente potentes". "Si sus facultades intelectuales son mediocres - Gobineau escribe - o hasta nulas, él posee en el deseo… una intensidad a menudo terrible". Consecuentemente, la raza negra es una raza intensamente sensual, radicalmente emotiva, pero falta de voluntad y de claridad organizadora. El amarillo se distingue intensamente del negro. Aquí los rasgos de la cara son endulzados, redondeados, y expresan una vocación a la paciencia, a la resignación, a una tenacidad fanática, pero que él diferencia de la verdadera voluntad creadora. También aquí tenemos que ver a una raza de segundo orden, una especie infinitamente menos vulgar que la negra, pero falta de aquella osadía, de aquella dureza, de aquella cortante, heroica, inteligencia que se expresan en el rostro fino y afilado del ario.

La civilización es pues un legado de sangre y se pierde con el mezcolanza de la sangre. Ésta es la explicación que Gobineau nos ofrece de la tragedia de la historia del mundo.

Su clave es el concepto de la degeneración, en el sentido propio de esta palabra, que se expresa en el alejamiento un género de su tipo originario (los alemanes hablarán de Entnordung, de desnorcización). Los pueblos antiguos han desaparecido porque han perdido su integridad nórdica, e igualmente puede ocurrir a los modernos. "Si el imperio de Darío todavía hubiera podido poner en campo a la batalla de Arbela persas auténticos, a verdaderos arios; si los romanos del basto Impero hubieran tenido un senado y una milicia formadas por elementos raciales iguales a los que existieron al tiempo de los Fabios, su dominación no habría tenido nunca fin."

Pero la suerte que ha arrollado las antiguas culturas también nos amenaza. La democratización de Europa, iniciada con la revolución francesa, representa la revuelta de las masas serviles, con sus valores hedonísticos y pacifistas, contra los ideales heroicos de las aristocracias nórdicas de origen germánico. La igualdad, que un tiempo era sólo un mito, amenaza de convertirse en realidad en el infernal caldero donde lo superior se mezcla con lo inferior y lo que es noble se empantana en lo innoble.

El Essai sur el inégalité des races humaines, si en muchos rasgos aparece hoy envejecido, conserva una sustancial validez. Gobineau tiene el gran mérito de haber afrontado por primera vez el problema de la crisis de la civilización en general, y de la occidental en particular. En un siglo atontado por el mito plebeyo del progreso, él osó proclamar el fatal ocaso de cada cultura y la naturaleza senil y crepuscular de la civilización ciudadana y racionalista. Sin el libro de Gobineau, sin los graves, solemnes golpes que repican en el preludio del Ensayo sobre la desigualdad de las razas humanas, y en aquellas páginas en que se contempla la ruina de las civilizaciones, toda la moderna literatura de las crisis de Spengler, a Huizinga, a Evola resulta inimaginable.

Falta valorar la solución que Gobineau ha ofrecido problema de la decadencia de la civilización. A menudo es simplista. El mito ario, queda como indispensable instrumento para la comprensión de la civilización occidental, no se puede explicar mecánicamente el nacimiento de las varias civilizaciones del globo. Gobineau se encarama sobre los espejos para encontrar un origen ario a las civilizaciones egipcia, babilona, chino. Aunque muchos recientes estudios ayudarían a sus tesis (piénsese en la hipótesis de un Heine-Geldern sobre una migración indo-europea de la región póntica a China, o a la comprobación de un elemento ario en el seno a los casitas que invadieron Babilonia y a los hyksos que dominaron Egipto), queda el simplismo de los métodos demostrativos gobinianos. Además, los materiales arqueológicos y filológicos de que él se servirá son completamente inadecuados frente a la masa de los datos de que disponemos hoy (1).

Y sin embargo, la idea de un diferente origen de las razas está demostrada por los estudios más recientes en la materia (Véase Coon. L’origene delle razze, Bombiani 1970), mientras que las estadísticas sobre los cocientes de inteligencia asignan un valor cuantitativo inferior a los negros con respecto de los blancos y a los amarillos. Mientras la civilización blanca arrastra en su movimiento a los pueblos de color, ellos se revelan en su mayor parte imitadores y parásitos, de lo que no hay duda que de que el mestizaje de la humanidad blanca conduciría a un estancamiento, si no a un retroceso. La crisis de las cepas germánicas y anglosajonas, a cuya voluntad e iniciativa se debe el dominio euro-americano sobre el mundo, y que en el tipo blanco representan el elemento más puro, es seguro la más dramática situación desde los principios de la historia.

La gran obra del Ensayo sobre la desigualdad de la razas fue terminada. Pero la cultura francesa no se dio cuenta.

Tocqueville intentó consolar a Gobineau profetizando que este libro sería introducido en Francia desde Alemania: fue en efecto una respuesta a un problema surgido en la cultura alemana, y de ella habría regresado a Francia, desde Alemania: fue en efecto una respuesta a problemas surgidos en la cultura alemana, y en ella habría sido discutida. De Berna, Gobineau pasó a Fráncfort, luego - como ministro plenipotenciario - a Teherán, Atenas, Rio de Janeiro y Estocolmo. El tiempo que estuvo en Persia le permitió dedicarse a sus predilectos estudios orientalísticos. El Traité des écritures cuneiformes, La Historie des Perses, Réligions et philosophie dans l’Asia centrale. También escribió las Nouvelles Asiatiques y, siempre en literatura, la novela Adelaida, el poema Amadis, el fresco histórico sobre La Renassance y la que es quizás su novela mejor lograda: Les Pleiades.

La guerra franco-prusiana le sorprende en el castillo de Trye que formaba parte del antiguo dominio de Ottar Jara y que él adquirió. No se hacía graciosas ilusiones (un biógrafo suyo cuenta: "El canto de la Marsellesa, los gritos: a Berlín!, repugnaron a su naturaleza. No le dio el nombre de patriotismo a esas sobreexcitaciones peligrosas, demasiado ayuntamientos con las razas latinas. Donde divisó síntomas funestos"), pero en su calidad de alcalde organizó la resistencia civil contra el invasor. Sobrevenidos los prusianos, se comporta con gran dignidad y, aunque se valiera de la lengua alemana como la suya propia, nunca quiso hablar con ellos otra que el francés.

El desastre del los años 70 y la suspensión de su candidatura a la Academia de Francia le disgustaron completamente. La misión a Estocolmo, en aquella Escandinavia que quiso como a una segunda patria, le fue de algún consuelo, hasta que en el 1877 fue jubilado anticipadamente. Para Gobineau transcurrieron los últimos años de su vida entre Francia e Italia. En Venecia conoció a Richard Wagner el cual dijo de él: "Gobineau es mi único contemporáneo". Un reconocimiento basado en una recíproca afinidad. Ambos advirtieron el atractivo romántico de los orígenes primordiales: los tonos profundos que se vislumbran en los abismos del caudal de El oro del Rin son los mismos que repican en el Essai sur el inégalité des races humaines. Fue Wagner quien presentó a Gobineau al profesor Schemann de Freiburg, el cual fundaría el Gobineau-Archiv.

Gobineau murió de repente en Turín en el octubre de 1882. Nadie pareció darse cuenta de su desaparición. Fue universalmente admirado como un hombre de espíritu y como brillante conversador. Años después, fue cuando en la universidad comenzaron a haber cursos sobre de él, Anatole France dijo: " Je el ai connu. El venait chez el princesse Matilde. Ello était un grand diable, parfaitement simple et très spirituel. On savait qu'il écrivait des livres, maíz personne de ello les avait lus. ¿Alors, el avait du génie? Comme c’est curieux."

Fueron los alemanes los que lo valorizaron. Wagner le abrió las columnas del Bayreuther Blätter: ahora el wagneriano Hans von Wolzogen, Ludwig Schemann, Houston Stewart Chamberlain anunciaron su obra. Fue Ludwig Schemann quien fundó el culto a Gobineau instituyendo un archivo cerca de la universidad de Estrasburgo, entonces alemana. En el 1896 Schemann fundó el Gobineau-Vereinigung que difundiría el gobinismo en toda Alemania. En el 1914 pudo contar con una red influyente de protectores y amistades; el Kaiser mismo la subvencionó y buena parte del cuerpo enseñante fue influido por sus ideas.

Sobre la estela de la obra de Gobineau nació el racismo: Vacher de Lapouge, Penka, Pösche, Wilser, Woltmann, H. S. Chamberlain y luego - después de la guerra - Rosenberg, Hans F. K. Günther, Clauss retomaron las intuiciones gobinianas y las amplificaron en un vasto organismo doctrinal. En el 1933 el Nacionalsocialismo - asumiendo el poder en Alemania - reconoció oficialmente la ideología de la raza. Se realizó así lo que Wittgenstein había profetizado a Gobineau: "Vos os decís un hombre del pasado, pero en realidad sois un hombre del futuro."

El batalla de Gobineau no fue en vano. Él escribió: "Quand la vie n'est pas un bataille, ell n'est rien."

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Las citas aquí indicadas están sacadas del primer libro del Ensayo sobre la desigualdad de las razas humanas, Ediciones de Ar, Padua 1964.

(1) Una exposición moderna de las migraciones arias y su importancia para la civilización he tratado de exponerla en mi "Introduzzione al problema indoeuropeo" en el prólogo al libro de Hans F. K. Günther, Religiosità indoeuropea, Edizioni de Ar, Padua 1970. A ella me remito para quién de este ensayo sobre Gobineau le llevara el deseo de conocer los puntos de vista más recientes en arqueología, filología y antropología.

mardi, 26 février 2008

Guerre froide et globalisation: deux stratégies américaines

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John KLEEVES :

Guerre Froide et globalisation : deux stratégies américaines pour dominer le monde

 

Depuis leur fondation en 1787, les Etats-Unis poursuivent une politique de “balance of powers” en Europe. Elle se synthétise parfaitement par la fameuse formule de George Washington : « Les malheurs de l'Europe sont autant d'avantages pour les Etats-Unis ». Pour la politique américaine, l'équilibre des puissances en Europe est une nécessité, pour éviter que ne se forme, sur ce sous-continent de la grande masse continentale eurasiatique, des agrégations de puissance, qui conduiraient à créer une entité capable de dominer facilement le commerce mondial. L'objectif suprême des Etats-Unis est de dominer pour leur propre bénéfice le commerce mondial. Les Etats-Unis ont d'abord voulu dominer le commerce avec la Chine : ce fut la fameuse question du “marché d'Orient”. Cette politique du “marché d'Orient” a toujours été d'une importance cardinale pour les Etats-Unis, tant et si bien qu'on peut dire que leurs interventions dans les deux guerres mondiales, mais surtout dans la seconde, a été la nécessité, à leurs yeux, de sauver le “marché d'Orient”, c'est-à-dire le marché chinois, de la mainmise japonaise, devenue réalité depuis l'invasion nippone de la Chine en 1937.

 

La conclusion de la seconde guerre mondiale a été une tragédie pour les Etats-Unis : en Europe, la sphère d'influence russe (soviétique) s'étendait jusqu'à l'Elbe, rendant théoriquement possible la formation d'un bloc hégémonique en Europe, ce que refusait la politique traditionnelle américaine. En Extrême-Orient, les Etats-Unis, après l'élimination du Japon, n'étaient pas parvenus à s'emparer de la Chine. Face à cette double situation, il leur fallait :

◊ 1. Tenter de détruire la Russie, en tirant profit de leur avantage militaire : ils étaient les seuls, à l'époque, à posséder l'arme nucléaire. Il fallait obliger la Russie a se maintenir sur la défensive sur ses frontières.

◊ 2. Il leur fallait intervenir dans la guerre civile chinoise. Mais Mao gagne la guerre. L'objectif est alors de le renverser.

◊ 3. Empêcher les pays d'Europe occidentale de développer un activisme commercial trop important.

◊ 4. Profiter de la faiblesse des pays européens de l'Ouest après les affres de la guerre pour s'installer dans le tiers monde et pour soumettre la plus grande majorité possible de pays de cette zone à une politique néo-coloniale.

 

Comment faire ? Comment mettre les choses en œuvre pour réaliser ce programme sans révéler leurs propres intentions? Pour atteindre leurs objectifs, les Américains devaient évidemment dissimuler leurs intentions de dominer le monde, sinon le monde entier se serait rebellé et leurs efforts se seraient avérés vains.

 

Ils ont organisé leur politique selon les critères spécifiques de la Guerre Froide, qui a pourtant été étudiée et réétudiée. Cette politique pose comme axiome premier que l'URSS, en tant qu'Empire communiste, est l'Empire du Mal, parce qu'il veut exporter son idéologie et asseoir de la sorte son hégémonie dans le monde entier : les Etats-Unis doivent dès lors s'opposer de toutes leurs forces à ce projet dangereux, non pas pour satisfaire leurs intérêts nationaux, mais par devoir moral, car ils se posent comme l'incarnation de l'Empire de la Liberté et du Bien, parce qu'ils sont viscéralement hostiles au communisme. Ce théâtre était pure comédie, une mise en scène planétaire, orchestrée par l'établissement le plus rusé et le plus comédien que l'histoire ait jamais vu. L'une des expressions de cette capacité de mettre de telles comédies en scène est bien entendu Hollywood. Les Américains savaient pertinemment bien que l'URSS ne cultivait pas d'intentions agressives. De plus, ils n'avaient rien à redouter de l'idéologie communiste, au contraire de ce qu'ils faisaient croire, mais craignaient seulement les effets de cette idéologie sur les multinationales américaines : les pays qui devenaient communiste se fermaient ipso facto aux trafics et aux spéculations internationales.

 

En montant ce théâtre, les Etats-Unis atteignirent leurs objectifs : avec le prétexte qu'il fallait bloquer l'avance du communisme, ils opposèrent artificiellement, en Europe, les Russes aux Européens de l'Ouest, ce qui leur permettait d'avoir les mains libres, dans le reste du monde, pour subvertir les pays qui leur résistaient et pour pratiquer leur politique néo-colonialiste. Le processus néo-colonialiste, mise en branle par les Etats-Unis, s'est fait par le biais de guerres, d'opérations de “counter-insurgency”, d'escadrons de la mort, de quelque 500 coups d'Etat, etc., qui ont provoqué la mort d'environ 30 millions de personnes entre 1945 et 1990. En Europe, l'OTAN servait à :

◊ 1. Faire croire à la “menace” russe, bien que l'OTAN ait été créée en 1949 et le Pacte de Varsovie en 1956…

◊ 2. Contrôler étroitement, influencer en profondeur voire subvertir les pays membres de l'OTAN, via des réseaux comme Gladio, etc.

◊ 3. Introduire dans la future Union Européenne leur cheval de Troie, la Grande-Bretagne.

 

Ce qu'il convient de bien souligner aujourd'hui, c'est que, pendant tout le temps qu'a duré la Guerre Froide, personne, en dehors du cercle restreint de ses metteurs en scène anglo-saxons, n'a jamais compris la véritable nature de comédie, d'instrumentalisation que revêtait cette Guerre Froide. Une comédie qui ne servait, en ultime instance, que les seuls intérêts américains. En Europe, politiciens et intellectuels (la “fine fleur” des journalistes, des philosophes, des politologues…) s'efforçaient de prendre très au sérieux les arguments avancés par les Américains. Certains faisaient du zèle : ils s'ingéniaient à trouver la meilleure formule pour lutter contre le “danger communiste”, comme, en Italie, des intellectuels comme Indro Montanelli, Arrigo Levi ou Enzo Biagi. Alors que la Guerre Froide était essentiellement une guerre anti-européenne! Non, jamais ces intellectuels et politiciens n'ont compris le truc au cours de ces 45 années. Cet aveuglément est dû à la perfection, il faut le dire, et à la cohérence de la mise en scène américaine. Par le truchement de l'USIA (United States Information Agency), véritable Ministère de la Propagande avec ses 30.000 employés, les Etats-Unis parvinrent à mobiliser et à uniformiser tous les médias américains : les écrivains, les universitaires, les acteurs (depuis 1953, Hollywood est sous le contrôle direct de l'USIA). Donc en dehors du cercle restreint, que je viens d'évoquer, peu nombreux furent ceux qui ont vraiment compris comment s'agençaient les choses. J'en fais partie  —sans vouloir en tirer orgueil—  et c'est en Italie qu'est paru mon livre sur les modi operandi des Etats-Unis : cf. Vecchi trucchi (Ed. Il Cerchio, Rimini, 1991). Or ma démonstration est limpide et logique; les critiques l'ont admis, mais tacitement seulement, car personne ne veut admettre de s'être trompé pendant quarante-cinq ans sans interruption. Plus personne ne parle aujourd'hui de l'anti-communisme déployé par les Américains pour en faire le moteur de la Guerre Froide.

 

Pire : si personne ne tire les leçons de la Guerre Froide, personne ne sera en mesure de comprendre les mécanismes de la globalisation, à l'œuvre aujourd'hui.

 

Récapitulons. Avec la Guerre Froide, tout allait bien pour l'Oncle Sam. Mais la perestroïka annule ce ronron.  Que représentait-elle pour les Etats-Unis? Ceci : avec la perestroïka, la voie était aplanie pour une alliance entre l'Europe occidentale et la Russie. La Russie, de fait, n'était plus l'ennemie, mieux, elle pouvait devenir une alliée, dont l'arsenal nucléaire constituait un atout pour faire front aux Etats-Unis sur tous les marchés mondiaux et pour leur soustraire bon nombre de pays sous statut néo-colonial. En compensation, la Russie aurait bénéficié des technologies et des investissements européens. Ce rapprochement, s'il se réalisait, aurait été mortel pour les visées hégémoniques américaines. Les Américains ont tout de suite compris le danger et se sont mis à penser une politique alternative, devant remplacer la logique et les pratiques de la Guerre Froide. Il leur fallait forger une nouvelle politique, présentant d'autres motivations de façade, leur permettant de poursuivre substantiellement leur politique éternelle. L'objectif des Américains était de faire en sorte que :

◊ 1. L'Europe Occidentale soit dissuadée de faire ce qui correspond à ses intérêts; faire en sorte qu'elle ne s'allie pas à la Russie, au contraire, il fallait mettre tout en œuvre pour qu'elle s'oppose à Moscou, souhaite la dissolution de la Fédération de Russie, voire sa destruction.

◊ 2. Les Etats-Unis trouvent un autre prétexte pour remplacer l'anti-communisme devenu inutile, afin de subvertir le tiers monde et le maintenir sous statut néo-colonial.

 

Ils vont réussir leur pari et infléchiront les choses dans le sens voulu, en inventant le concept de “globalisation”. Mais qu'est-ce que la globalisation, autrement dit le mondialisme? C'est avant toute chose une nouvelle comédie, une nouvelle mise en scène pour illusionner les nigauds. Pour être plus précis, c'est une comédie en deux actes, pour deux publics différents, mais dont la finale reste une surprise.

 

L'acte premier

 

Le premier acte a pour public le monde dans son sens le plus vaste. Il consiste à faire croire à ce vaste monde que la globalisation n'est rien d'autre qu'un projet d'amélioration généralisée de nos conditions. Les Américains s'empressent de nous dire qu'elle est une idée généreuse, désintéressée. C'est un système où le monde fonctionnera mieux, disent-ils. Pour éviter des conflits, des effusions de sang, des affrontements ethniques et religieux, des tentatives expansionnistes, des révolutions, des régimes despotiques, des économies dysfonctionnantes, etc., comme on en a vus à profusion depuis toujours, il faut imposer au monde, pour son bien, certaines règles fondamentales, valables pour tous. Pour être bref, il s'agit des règles de la démocratie parlementaire, du libre marché et des droits de l'homme : si tous les Etats de la planète finissent par respecter ces règles, les maux de notre monde cesseront un à un d'exercer leurs ravages. Mais pour que tous les Etats les respectent, ces règles, il faut absolument mettre sur pied une “force internationale” qui puisse punir, le cas échéant, les déviants, ou mettre un holà à leurs pratiques haïssables. Le champ d'intervention de cette “force internationale” ne connaît évidemment pas de frontières. Cette “force internationale” ne peut être que celle de l'Occident (donc l'OTAN, puisque l'OTAN = Etats-Unis + Europe occidentale), puisque c'est l'Occident qui a intégré au mieux ces règles jusqu'ici, comme le démontre son succès économique, technologique et moral (cet Occident a inventé les droits de l'homme), bref, comme le démontre le “Progrès”. En d'autres termes, cet Occident, sous la houlette de l'Amérique, se fait un point d'honneur à mettre le monde sur le droit chemin, celui qu'il a lui-même emprunté. Afin, bien entendu, d'améliorer la vie de tous les Terriens.

 

Mais ce discours est mensonger, car le monde ne s'est pas amélioré. Tout au contraire. Que se passerait-il si cette globalisation serait partout en acte? La “démocratie parlementaire” apporterait partout le règne du grand capital, parce que les élections dépendent toujours des médias et que les médias dépendent de leurs propriétaires. Toutes les protections érigées au fil des décennies de lutte sociale pour les citoyens les plus démunis tomberaient. Le “libre marché” jetterait bas toutes les structures d'aide sociale; dans les pays les plus faibles, le développement cesserait aussitôt; tout enracinement local de l'industrie se verrait extirpé. Les catégories les plus pauvres de la population, dans les pays faibles (formant la majorité dans le monde) augmenterait en nombre, jusqu'à la démesure; elles seraient oubliées de leurs gouvernants. En compensation, les droits de l'homme seraient respectés en tous lieux : la liberté d'expression, mais uniquement pour louer le système parce que les propriétaires des médias ne permettraient pas d'autres discours; la liberté de vote également, mais pour des citoyens qui n'auront été informés que par les mêmes médias; la liberté de religion, mais uniquement pour les religions qui respectent les droits de l'homme : l'Islam devrait abandonner le tchador. En substance, nous aurons une misère accrue et une chute dans la barbarie pour la majeure partie de l'humanité.

 

Mais alors où se trouve l'erreur conceptuelle de la globalisation, si nous partons du principe qu'elle est une idée désintéressée? Elle se trouve dans la formulation même des droits de l'homme : ceux-ci ne prévoient le droit fondamental à la vie et au travail. Ce droit élémentaire, vital, pour l'homme, n'a pas été inscrit dans les droits de l'homme, tout simplement parce que, pour le respecter, les Etats auraient dû, [comme l'avait prévu Fichte en son temps - ndt], protéger leurs économies par des barrières douanières et maintenir de puissantes législations sociales, ce qui postule l'installation d'une autocratie ou d'une démocratie parlementaire parfaite, où n'existerait aucun médium privé, où le vote serait obligatoire pour tous, selon le mode de la proportionnelle absolue, etc. En effet, les droits de l'homme, tels que nous les connaissons, ont été formulés en ne tenant compte que des exigences du capitalisme le plus sinistre : les droits de l'homme sont en effet leur masque moral.

 

Acte second

 

Le second acte concerne l'Europe occidentale. Les Américains lui disent : vous avez compris que notre discours n'est qu'un tissu d'historiettes pour nigauds. Mais faire fonctionner le monde de cette façon ne convient qu'à nous, pays occidentaux, car nous utilisons déjà plus ou moins le même système et nous avons acquis un avantage en agissant au sein du libre marché, lequel ne fera plus que se dilater démesurément. En particulier, ce système convient à nos multinationales qui ont toujours rêvé de pouvoir agir sans l'obstacle des frontières. Nous avons des milliers de multinationales, mais vous aussi, vous en avez, n'est-ce pas? Bref, nous pouvons agir de concert, dans la mesure où nous respectons le jeu de la concurrence. L'idéologie de la globalisation donne aux Occidentaux l'excuse de subvertir les pouvoirs politiques ailleurs et d'intervenir partout pour leurs intérêts.

 

Comme les pays occidentaux sont tous aux mains des cénacles du grand capitalisme, dominés à leur tour par les multinationales, ils ont accepté les arguments des globalistes car, à terme, ils sont gagnants. Pour réaliser ce projet, ils doivent abandonner l'idée d'une alliance opérative avec la Russie, idée qui avait été envisagée entre 1990 et 1998 en Italie, en France et en Allemagne. Ils devront dès lors se retourner contre elle pour l'émietter territorialement et pour conquérir, avec les Américains, les marchés qu'elle recèle. Ensuite, viendra le tour de la Chine. Ce projet a pris forme : le rapprochement avec la Russie a été interrompu brusquement et les premiers actes d'hostilité ont eu lieu, lors de l'attaque de l'OTAN contre la Yougoslavie.

 

La finale est une surprise. Elle concerne l'Europe occidentale. Déjà, au moment de l'attaque par l'OTAN de la Yougoslavie, les Etats-Unis avaient l'intention de déclencher un affrontement nucléaire en Europe, qui aurait éliminé et la Russie et l'Europe occidentale. Mais même si tout va bien pour les Européens et que la globalisation euro-américaine progresse, cela ne signifie pas que les multinationales américaines ont l'intention de partager le monde avec les Européens. Aujourd'hui, l'Europe occidentale sert à éliminer la Russie, mais dès que les Américains auront atteint leur objectif de rester la seule et l'unique superpuissance nucléaire, ils diront adieu à l'Europe, laissant pantois les nigauds qui auront cru à leurs boniments. Les multinationales européennes finiront une à une par être absorbées par leurs homologues américaines. L'Europe deviendra ainsi un gigantesque Guatemala. Enfin, la Grande-Bretagne restera la dernière alliée des Etats-Unis mais sera trahie à son tour.

 

Voici ce qu'est la globalisation. Jadis les politiciens et les intellectuels européens ont gobé les fables qui se profilaient derrière la comédie de la Guerre Froide. Jusqu'à satiété! Aujourd'hui, ils chantent les louanges de la globalisation, jusqu'à l'indigestion. Il faudra à l'avenir mieux sélectionner les hommes d'influence au sein des médias. Il n'est pas nécessaire, à cette fin, d'instituer des procédures complexes pour examiner leurs curricula, leurs titres académiques, leurs références, etc. : il suffirait de leur faire passer un simple test d'intelligence…

 

John KLEEVES.

(article paru dans Orion, octobre 1999).