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samedi, 03 mai 2008

La géopolitique en Inde

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La géopolitique en Inde

Bertil HAGGMAN

Introduction

Je ne révèle pas une surprise en disant que la géopolitique est bien vivante en Inde. L'importance stratégique de ce sous-continent est en effet très importante. La géopolitique indienne se repère bien entendu dans des champs tels celui des relations internationales et celui des “études indiennes”. Fait intéressant à noter: les travaux du géopolitologue et professeur suédois Rudolf Kjellén a influencé la pensée et les analyses géopolitiques en Inde. Le Prof. M.M. Puri, sans doute le géopolitologue le plus intéressant d'Inde a montré l'importance de l'œuvre de Kjellén dans son discours inaugural lors de l'International Seminar on Afro-Asian Geopolitics en avril 1990: «... il nous apparaît très nécessaire d'examiner attentivement l'œuvre qu'a écrite Rudolf Kjellén dépuis le début des années 1890 jusqu'à sa mort en 1922... Le fait qu'il ait écrit en suédois rend son œuvre quasi inaccessible, non disponible à tous ceux qui ne maîtrisent pas la langue suédoise. Le suédois limite considérablement le lectorat et empêche les universités étrangères de faire connaissance de son œuvre et de l'étudier... Quelques-uns de ses livres ont été traduits en allemand... Il était un écrivain très prolifique... Je veux ici reconnaître formellement la dette intellectuelle que les organisateurs de ce séminaire ont envers la pensée de ce grand politologue suédois, Rudolf Kjellén, qui a véritablement donné substance, signification et ampleur à la science politique pendant la dernière décennie du XIXième siècle. Il était vraiment en avance sur son temps» (1).

Le Président de la Société d'Etudes géopolitiques, le Prof. V.P. Dutt, dans ses remarques formulées à propos du séminaire en question, a déclaré que nous “pouvions prévoir l'émergence de six, et peut-être de dix, centres [géopolitiques] de grande importance dans le monde: les Etats-Unis, l'Europe  —en fait, il s'agit de l'“Europe germanique”, laquelle se développe plus rapidement que l'“Allemagne européenne”— dont la Mitteleuropa deviendra le foyer le plus actif” (2).

Le Prof. Dutt identifiait en 1990, l'Europe, les Etats-Unis, la Russie, le Japon, la Chine et l'Inde comme les futurs centres les plus importants du monde. Il songeait également à l'émergence en puissance d'un ou de deux pays d'Amérique latine et d'Afrique.

Analyse géopolitique de l'Océan Indien

Le rôle régional, global et géopolitique de l'Inde ne peut pas être évalué si l'on ne prend pas en compte la problématique de l'Océan Indien. La région de l'Océan Indien a été dans l'histoire une vaste avenue où se sont croisés des courants culturels divers venus d'Asie et d'Afrique. L'Océan Indien est l'Océan du Tiers-Monde, dont les pays riverains ont des populations en croissance rapide.

Par Océan Indien, on entend généralement les masses océaniques situées grosso modo entre 20°E et 120°W de longitude et de 30°N à 40°S de latitude. Au cours de ces dernières années, la Pan-Indian Ocean Science Association a voulu étendre le concept d'Océan Indien vers le Sud, jusqu'à l'Antarctique.

Dans un article paru en 1986 (3), le Prof. Puri décrit les caractéristiques de l'Océan Indien comme suit (nous nous bornerons à énoncer cinq points):

1. Pour l'essentiel, la zone de l'Océan Indien est fermée sur trois côtés par des terres, la partie méridionale de l'Asie formant comme un toit au-dessus de cette masse océanique.

2. Le sous-continent indien se lance comme un promontoire dans cette masse océanique, sur une distance de plus de mille miles.

(...)

4. Dans la majeure partie de son étendue, l'Océan Indien possède les caractéristiques d'une mer fermée.

(...)

6. La Mer arabique est l'une de ces mers dont l'importance est vitale dans le monde, dans la mesure où elle reste une grande voie maritime, où le commerce et les échanges de tous ordres s'effectuent. Cette mer est une zone d'importance majeure pour la navigation.

(...)

9. Les immensités océaniques au Sud de l'Océan Indien s'étendent jusqu'aux eaux de l'Antarctique, continent inhospitalier, mais qui constitue toutefois un défi car ce n'est que maintenant qu'il s'ouvre à l'exploration et à toutes sortes d'expérimentations. Potentiellement, l'Antarctique sera l'objet de contentieux politiques à l'échelon international, dès avant la fin de ce siècle (4).

Menace russe?

Le Prof. Puri a écrit son article sur l'importance géopolitique de l'Océan Indien avant la chute du régime communiste en URSS en 1991. Bien sûr, la seule superpuissance demeurant en piste, les Etats-Unis, a intérêt à asseoir sa présence dans l'Océan Indien. Aujourd'hui, la Russie est sans doute trop faible pour y exercer une quelconque influence, mais n'oublions pas que l'homme politique ultra-nationaliste russe Vladimir Jirinovski, dans son fameux manifeste, intitulé La poussée finale vers le Sud (1993) a déclaré qu'il prévoyait le jour où les soldats russes iraient se baigner sur les plages de l'Océan Indien: «Mais cela ne sera possible que si la Russie s'ouvre au Sud, pour arrêter sa progression sur les rives de l'Océan Indien» (5). «Car», ajoute-t-il, «nous avons ensuite la plus longue frontière du monde, celle qui sépare la Russie de la Chine. Cette frontière doit connaître la paix pour toujours, car la Chine a des visées vers le Sud et non vers le Nord. L'Inde nous a manifesté son amitié. A la fin, il ne nous reste plus qu'à pousser vers l'Océan Indien» (6).

«Que la Russie fasse son bond final vers la Sud! J'imagine déjà les soldats russes se préparant pour cette expédition finale vers le Sud. J'imagine déjà les officiers russes aux échelons divisionnaires et dans les quartiers généraux de l'armée, dresser les cartes de la route qu'ils emprunteront avec leurs unités, et marquer sur ces cartes les points finaux de leur progression. J'imagine déjà les avions rassemblés sur les bases aériennes dans les régions du Sud de la Russie. J'imagine déjà les sous-marins faisant surface près des côtes de l'Océan Indien, je vois déjà les engins amphibies donner l'assaut et s'approcher des plages, tandis que les soldats russes se mettent en branle, manœuvrent leurs transporteurs de troupes blindés et lancent des nuées de chars d'assaut vers l'avant. La Russie entreprendra alors son ultime expédition militaire» (7).

La Chine a-t-elle des visées vers le Sud?

Jirinovski prévoit l'expansion de la Chine vers le Sud. D'autres experts prédisent déjà que la prochaine grande guerre éclatera entre l'Inde et la République Populaire de Chine.Selon ces experts, les Chinois considèrent que l'Inde est un adversaire potentiel, du fait que l'objectif stratégique de New Delhi reste l'Océan Indien et le Sud-est asiatique. La Chine estime être sous la menace de l'aviation et des missiles indiens. Un rapport rédigé par les hautes sphères de l'armée chinoise prétend que l'Inde pourrait préparer une attaque contre la Chine et que les forces armées de Beijing pourraient parfaitement contre-attaquer victorieusement.

L'importance géopolitique de l'Inde

La montée en puissance de l'Inde est un fait évident. Comme le remarque très justement le Prof. Puri: «La position centrale de l'Inde dans l'Océan Indien, satisfait aux six exigences qu'a fixées Mahan pour le développement et la conservation de la puissance maritime» (8):

- position géographique;

- étendue du territoire;

- ampleur de la population;

- formes physiques (nature des côtes);

- caractère national (aptitude à développer des activités commerciales);

- nature du gouvernement.

La population de l'Inde, sa proximité avec la zone du Golfe, ses innombrables ressources font de la région de l'Océan Indien l'une des régions les plus importantes de l'hémisphère sud.

Il est donc normal que l'intérêt pour les choses géopolitiques et géostratégiques croît en Inde. Pendant les années 80, deux importants centres d'études en ces matières ont vu le jour.

Les Institutions géopolitiques en Inde

The Society for the Study of Geopolitics

Cette société a été mise sur pied en 1985 à Chandigarh. L'initiateur et sécrétaire général était et est resté le Professeur Madan Mohan Puri, Directeur du “Center for the Study of Geopolitics” à la Panjab University. Le Président en est le Prof. Dr. V. P. Dutt. Lors de la toute première manifestation de la Society, les animateurs ont clairement expliqué que la géopolitique avait été mal interprétée et mal conçue depuis la seconde guerre mondiale. Cependant, dès les années 60, on a pu assister à un regain d'intérêt pour cette thématique en Europe et en Amérique. Le Prof. Puri a également souligné la nécessité urgente de prendre continuellement en considération les facteurs géographiques et physiques dans toute approche de matières politiques. Le but de la Society est de généraliser et de favoriser la conscience géopolitique. Les buts et les objectifs de la Society sont mentionnés dans les statuts:

(I) Encourage l'intérêt pour la géopolitique et promouvoir l'étude de la géopolitique

(II) Favoriser la compréhension des phénomènes politico-géographiques, tels qu'ils surviennent et se déploient dans notre environnement proche ou lointain.

(III) Promouvoir la conscience de la continuité existant entre la géographie et la politique, en tant que disciplines académiques et en tant que faits réels de la vie.

(IV) Susciter et favoriser un corpus d'opinion bien informé sur tous les facteurs, forces et phénomènes géopolitiques à l'œuvre dans la société, bien distinct des facteurs, forces et phénomènes géostratégiques ou psycho-politiques.

(V) Initier, entreprendre, soutenir et répandre les recherches et les analyses portant sur les multiples aspects de l'interaction et des interrelations à l'œuvre dans les domaines en expansion de la géographie et de la politiques à tous niveaux.

(VI) Collecter, susciter, engranger, préserver, déchiffrer, publier et répandre toutes données et informations relatives à la géographie et à la politique, spécialement dans le domaine de la géographie politique.

(VII) Constituer et conserver des archives, une documentation et une bibliothèque sur les questions géopolitiques.

(VIII) Constituer à Chandigarh, si possible et dès que possible, un Centre d'information et d'analyses géopolitiques.

(IX) Organiser des réunions, des cours, des débats, des discussions, des séminaires, etc., en accord avec les buts et objectifs de la société.

(X) Initier, assister, encourager et financer des recherches et des analyses en matières géopolitiques.

(XI) Offrir et réceptionner toutes informations, consultations, avis et expertises en matières géopolitiques.

(XII) Echanger et partager des données, des résultats de recherches et des analyses en matières géopolitiques avec des institutions de haut niveau académique, avec des organisations de recherches ou des institutions similaires de bona fide, sans aucune discrimination, afin d'établir des normes académiques ou de dégager les grandes lignes de l'intérêt national (9).

The Centre for the Study of Geopolitics

Ce Centre a été créé en 1987 à la Panjab University à Chandigarh. Il est financé par la Commission des subsides de l'Université indienne et constitue un appui aux recherches du Département des Sciences politiques. Il semble que ce soit la seule institutions constituée en Inde qui s'occupe de recherches en géopolitique. Le Directeur en est le Prof. M. M. Puri, formé en Inde et en Allemagne. Il a publié de nombreux ouvrages dans les domaines des relations internationales et de la géopolitique.

Bertil HAGGMAN.

(Paper no. 17, «Geopolitics in India», 1994, Centrer for Research on Geopolitics/CRG, P.O. Box 1412, S-25.114 Helsingborg, Suède).

Notes:

(1) Rapport intitulé «Afro-Asian Geopolitics», séminaire organisé par le Département de Sciences politiques, Center for Geopolitics and Society for the Study of Geopolitics, 4 au 11 avril 1990, Chandigarh, Inde, pp. 44-45.

(2) Ibid., pp. 49-50.

(3) Madan Mohan Puri, «Geopolitics in the Indian Ocean: The Antarctic Dimension», Journal of the School of International Studies, Jawaharlal Nehru University, New Selhi, Vol. 23, no. 2, avril-juin 1986.

(4) Ibid., pp. 158-159.

(5) «Zhirinovsky in His Own Words: Excerpts from The Final Thrust South», The Heritage Foundation, Washington D.C., Février 4, 1994, p. 5 (dans l'original, p. 127).

(6) Ibid., p. 11 (dans l'original, pp. 138-139).

(7) Ibid., p. 11 (dans l'original, p. 142).

(8) Puri, «geopolitics in the Indian Ocean...», p. 161.

(9) Rapport, «Afro-Asian Geopolitics», pp. 30-31.

Sources (non mentionnées dans les notes):

- M. M. PURI, The Antarctic - A Study in the Geopolitics of Peace, London, Routledge/Cambridge University Press, 1993.

- M. M. PURI, Afro-Asian Geopolitics (à paraître).

- Indian Ocean Geopolitics: the Enduring Imperatives, Proceedings of the Tenth European Conference on Modern South East Asian Studies, Venise, 28 septembre/4 octobre 1988 (publié en 1990).

- Ashwini SHARMA, Wealth of the Indian Ocean, manuscrit non publié, mémoire pour l'obtention du titre de M. Phil., Panjab University, Chandigarh, 1983.

 

 

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vendredi, 02 mai 2008

Connaître et aimer Knut Hamsun

Avec Michel d’Urance, une invitation à connaître et aimer Knut Hamsun

Pierre Le Vigan

Avec Michel d’Urance, une invitation à connaître et aimer Knut Hamsun
Dans la collection Qui suis-je ? de Pardès (initiative sympathique si ce n’est son dispensable thème astral qui clôt chaque volume), le jeune essayiste Michel d’Urance, rédacteur en chef d’Eléments, aborde un homme du grand Nord, et aussi un grand homme du Nord, l’écrivain norvégien Knut Hamsun. Le petit et gracieux ouvrage constitue une introduction à l’œuvre et à l’homme très rigoureuse, très complète sans être exhaustive bien entendu, et une excellente invitation à la lecture ou à la relecture, que l’on pourra aisément compléter par le numéro de Nouvelle Ecole sur le même thème (56, 2006).

Né en 1859, mort en 1952, Hamsun – ce « personnage original et puissant » comme disait Octave Mirbeau – est déjà de notre temps, de la première modernité en tout cas, sans l’être tout à fait : il n’a connu que la première phase de son déchaînement, il est vrai significative puisqu’elle comporte Hiroshima, Dresde février 45, les camps nazis, les camps staliniens, et aussi la TSF, l’avion, le téléphone. Hamsun a connu cela, et il a connu aussi le temps d’avant, celui que chacun d’entre nous n’a pas connu, le temps des chevaux, des charrettes, des dialogues sur la place du bourg, des amours cachés dans les foins et non sur le web.

Dans une œuvre longue, ponctuée par le prix Nobel en 1920, pour Les fruits de la terre (traduit sous le nom de L’éveil de la glèbe), le héros hamsunien, note d’Urance, « figure son époque par delà l’infinité ou la différence des personnages. » « Fixer l’ambiance d’époque, devenir un mémorialiste de son temps » c’est à cela, écrit encore justement d’Urance, que l’on reconnaît un grand écrivain. Ce héros hamsunien dit, comme celui de Balzac, l’époque et l’époque qui change – et l’homme qui change avec son époque. « Nous changeons même si c’est infime, dit l’un des personnages d’Hamsun. Aucune volonté, aussi stricte soit-elle, ne peut avoir d’influence sur cette progression naturelle (…). Du point de vue historique, le changement est un signe de liberté et d’ouverture » (Crépuscule, 1898).

Knut Pedersen-Hamsun a voyagé, notamment aux Etats-Unis, et a exercé plusieurs métiers. Il a vu les nuances du monde et c’est pourquoi il convient de porter sur lui un jugement plein de nuances. En Amérique, il est frappé par la solidité des bases morales données par la religion ainsi que par le patriotisme exagéré des Américains (August le marin, 1930). Il note l’excès de morale et la faiblesse de l’analyse, la faiblesse de ce que les Français appellent « l’esprit » qui caractérise ce peuple. Il est encore frappé par quelque chose d’une extrême dureté que l’on trouve selon lui dans la mentalité des Américains. En Caucasie, au contraire, ce qui lui parait décisif c’est que plus on va vers l’est, plus on va vers le silence, plus le sort de l’homme devient non plus de parler, mais d’écouter la nature, celle-ci devenant de plus en plus massive, de plus en plus tellurique. « J’en aurais toujours la nostalgie » écrit Hamsun.

Patriote norvégien – il est pour l’indépendance de son pays en 1905, au moment de la séparation avec la Suède -, moderniste en littérature, dénué de xénophobie et d’antisémitisme, qu’est-ce qui a poussé Knut Hamsun à se « rallier », avec des nuances bien entendu, au régime pro-allemand de Quisling de 1940 à 1945 et d’une manière plus générale à la cause de l’Allemagne national-socialiste et de l’Axe (un de ses fils sera combattant dans une unité de Waffen SS comme nombre de nordiques et de Baltes).

Ce choix aventureux - dans lequel Hamsun avait beaucoup à perdre et rien à gagner - n’est de fait pas venu par hasard, et Michel d’Urance éclaire de manière fine cet épisode qui donne un caractère de souffre à l’approche d’Hamsun dont les amitiés littéraires (il fut préfacé par André Gide notamment) n’avaient strictement rien de « fasciste ». Pour autant, il est exact que Hamsun était critique quant à la modernité, il est exact qu’il souhaitait un équilibre entre celle-ci et des valeurs traditionnelles comme la proximité avec la nature, l’expérience personnelle, toutes choses qui amenaient à critiquer les sociétés de masse, à refuser le communisme, à ne pas se satisfaire non plus du libéralisme et son culte du commerce. D’où un intérêt pour tout système paraissant ouvrir une nouvelle voie.

Il est de fait aussi que, trente ans avant l’arrivée de Hitler au pouvoir, Hamsun avait manifesté sa sympathie pour l’Allemagne. Il est de fait que l’Allemagne devenue nazie, sa sympathie n’a pas faibli. Comme beaucoup, Hamsun n’a pas voulu voir la réalité de l’antisémitisme nazi et a sous-estimé son extrême violence (dont les manifestations et l’aboutissement criminel n’étaient pas forcément décelable vu de Norvège, les nazis ayant mis en place une politique du secret et du camouflage qui trompa bien des observateurs). Bien entendu, des facteurs plus personnels sont à prendre en compte : Hamsun a 81 ans en 1940, et il est sourd. Sans aller jusqu’à dire que sa surdité explique sa cécité ( !) sur le nazisme, il est certain que ce handicap l’éloigne du monde. Hamsun est toutefois parfaitement lucide durant ces années. En 1940, il souhaite publiquement l’arrêt des combats et la collaboration de la Norvège avec le Reich. Sa principale motivation est la détestation des anglo-saxons et de leur civilisation. Nulle hystérie antisémite chez lui. Très vite, Hamsun est déçu de la forme que prend la politique de collaboration. Il reste toutefois fidèle à ses prises de position initiale. Le 7 mai 1945, il rend hommage dans la presse à Hitler en des termes lyriques et quasi-christiques (on pense à Alphonse de Chateaubriand), le présentant comme un homme qui « proclamait son évangile de la justice pour toutes les nations » et « une de ces figures éminentes qui bouleversent le monde » (la seule chose que l’on ne contestera pas, c’est le fait qu’Hitler ait bouleversé le monde en parachevant la catastrophe inaugurée en 1914 et qui a vu l’Europe presque au bord de la sortie de l’histoire. Cf. Dominique Venner, Le siècle de 1914, Pygmalion, 2006). En vérité, un entretien d’Hamsun avec Hitler en 1943 avait montré l’ampleur des malentendus, comme le montre bien Michel d’Urance. Hamsun était un idéaliste et rêvait d’une Europe nordique fédérée, faisant vivre une civilisation débarrassée des excès de l’économisme et Hitler était avant tout un pangermaniste darwinien, scientiste et ultra-moderniste qui souhaitait que la Norvège lui cause le moins de souci possible.

En 1945, Hamsun est mis en résidence surveillée puis jugé. Il est libéré au bout de 5 ans, il a alors 90 ans et est complètement ruiné. Il meurt 2 ans plus tard. On ne connaît pas de personnes qui ait été arrêtées suite à des dénonciations venant de lui, par contre, plusieurs personnes lui doivent la vie ou leur libération suite à des interventions qu’il a faite durant la guerre auprès des Allemands. Il avait écrit : « Il est bon que certains gens sachent comment un homme de fer se comporte devant une morsure de serpent ».

notes

Michel d’Urance, Hamsun, Qui suis-je, Pardès, 2007, 128 p., 12 €.

La vraie crise mondiale, c'est l'alimentation

Oubliez le pétrole, la vraie crise mondiale, c’est l’alimentation Version imprimable Suggérer par mail
Crise alimentaire
Une nouvelle crise alimentaire mondiale est en train d’émerger, et elle pourrait être bien plus dramatique que tout ce que le monde a connu par le passé. La crise du crédit et les conséquences de l’envol du prix du pétrole seront peu de choses en regard de ce qui nous attend.


Telles sont les prévisions dont Donald Coxe, un gestionnaire du fonds BMO Financial Group, a fait part aux investisseurs réunis à Toronto par l’Empire Club. « Il ne s’agit pas de si mais de quand », a-t-il averti son auditoire avant de prévenir que « cela va frapper fort cette année. »

M. Coxe estime que les fortes hausses des denrées alimentaires observées l’année dernière allaient s’intensifier durant les années à venir, en raison de la demande accrue de viande et de produits laitiers des classes moyennes en Chine et en Inde et de la forte demande de l’industrie des biocarburants.

« Le plus grand défi mondial ce n’est pas le pétrole à 100 dollars, c’est d’obtenir assez de nourriture pour que les nouvelles classes moyennes puissent vivre de la même façon que les nôtres le font, et cela signifie que nous devons accroître considérablement la production ».


L’impact d’un marché de produits alimentaires plus tendu est déjà évident sur le prix des produits bruts qui ont augmenté de 22% l’an passé. M. Coxe a déclaré que cette envolée serait ressentie dans les prix à la consommation dans les 6 prochains mois. Les consommateurs ont déjà dépensé 6,5% de plus pour l’alimentation l’année dernière. Le prix du blé a bondi de 92% en 2007 et a clôturé hier à 9,45 dollars le boisseau de 35 litres à la bourse de Chicago.

Au cœur de cette catastrophe imminente se trouve le maïs, qui est la première ressource utilisée par l’industrie des biocarburants. Son prix a augmenté de 44% durant les 15 derniers mois, clôturant hier à 4,66 dollars à Chicago, au plus haut depuis juin 1996. Ces impacts ne se font pas seulement ressentir sur les prix des nourritures à base de céréales, mais influent également sur le prix de la viande, en entraînant une augmentation du prix des aliments pour le bétail.

« Il va y avoir de vrais problèmes dans les pays qui sont importateurs de nourriture, car nous voyons déjà se développer des embargos sur l’exportation de la part de pays qui auparavant tentaient à tout prix de vendre à l’étranger »
, note-t-il, en citant la Russie et l’Inde à titre d’exemples.

« Ceux qui ont de la nourriture vont avoir un avantage énorme »
: avec 54% du maïs mondial cultivé dans les états du Middle-West, les USA feront partie de ces pays avantagés. Mais M. Coxe avertit que les exportations de maïs sont en danger d’ici trois ans si le pays continue de subventionner la production d’éthanol. On s’attend à ce que les biocarburants aient accaparé un tiers de la production de grain en 2007.

Selon lui, les stocks de réserves de céréales américains sont au niveau le plus bas jamais enregistré, comparativement à la consommation. Il existe une vingtaine de ces stocks de par le monde, qui vont définir le futur contour de l’offre mondiale, et dit-il « ces stocks prendront une valeur précieuse avec le temps qui passe ». M.Coxe estime que les rendements du maïs dans le monde devront tendre vers ce que l’on observe dans l’Illinois, qui produit 500 boisseaux l’hectare, alors que la moyenne mondiale n’est que de 75 boisseaux. « Cela sera possible avec plus d’engrais, plus d’OGM, et grâce à une mécanisation et une technologie de pointe », prévoit-il.

Alia McMullen, Financial Post, 7 janvier 2008

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jeudi, 01 mai 2008

G. Faye : Euro-Russie

Guillaume Faye
EURO-RUSSIE: BASES CONCRÈTES
D’UNE FUTURE CONFÉDÉRATION IMPÉRIALE

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Intervention au Colloque de Moscou de juillet 2007

  J’avais nommé l’idée d’une union continentale entre tous les peuples d’origine européenne, de la France à la Russie, de l’Atlantique au Pacifique “Eurosibérie”. Et mon ami Pavel Toulaev m’a fait discrètement remarquer qu’il faudrait mieux parler d’Euro-Russie.-, parce que la Sibérie est au fond un terme géographique et la Russie un terme ethnique et historique.  Je pense qu’il avait raison. Mieux vaut parler pour ce projet d’Euro-Russie
 

La confédération impériale euro-russe,
projet mobilisateur pour le XXIe siècle.

  Une telle idée n’est pas destinée à s’appliquer pragmatiquement dans les dix ans à venir, évidemment ! Il s’agit d’une “utopie positive ” ou de la construction d’un “mythe agissant”.  Au XVIIIe siècle, l’idée de l’Union de l’Europe occidentale avait pris corps et s’est finalement réalisée (avec de redoutables imperfections) ; au XIXe siècle, les fondateurs de l’idée sioniste ont réussi à aboutir à la création de l’État d’Israël. Les Pères fondateurs des Etats-Unis d’Amérique au XVIIe siècle ont réussi leur pari. De même aujourd’hui, l’idée d’une Union impériale et fédérale de l’Europe occidentale, de l’Europe centrale et de la Russie doit être envisagée, pour servir de modèle aux générations futures qui devront la réaliser.

  Ce projet prolonge et dépasse à la fois l’Union européenne, qui, à mon avis, était un moment dialectique important dans l’histoire mais a atteint ses limites et s’avère, à mon sens, aujourd’hui, un échec. Pourquoi un échec ? Parce que l’Union européenne n’a pas été capable d’affirmer la souveraineté de l’Europe comme grande puissance face aux USA, parce qu’elle a été incapable d’éviter l’invasion de l’Europe par les populations du tiers monde et de l’islam. Pis encore, l’Union européenne en vient aujourd’hui à nier et à détruire l’idée même d’Europe par le projet d’y faire participer la Turquie, voire même pour d’autres politiciens irresponsables, les pays du Maghreb.  Néanmoins, je le répète, l’Union européenne était dialectiquement importante (au sens hégélien) mais elle doit être maintenant être dépassée, surmontée et prolongée, à la fois négativement et positivement, par l’Union euro-russe.  

  L’idée selon laquelle les peuples européens sont extrêmement différents les uns des autres et que les Russes sont encore plus différents des autres doit être soumise à une sorte de relativisme critique. L’idée de divergence entre les peuples de souche européenne sera de moins en moins vraie au cours du XXIe siècle. Ce siècle verra surgir une opposition de plus en plus grande entre les peuples d’origine européenne et tous les autres. Et nous allons tous prendre progressivement conscience, des rives de l’Atlantique à la Sibérie, que l’ensemble euro-russe forme une unité homogène relative de civilisation, de culture, d’histoire, de mentalité et de potentiel génétique.  Un Breton ou un Catalan de souche, un Bavarois, et un Russe de Carélie sont beaucoup plus proches entre eux sur le plan génétique mental et comportemental qu’il ne le sont d’un Chinois. Les racines culturelles, artistiques, historiques de la France ou de l’Italie sont beaucoup plus proches de celles de la Russie qu’elles ne le sont de l’Afrique francophone. 

  Si l’on raisonne en termes d’ethnopolitique autant que de géopolitique, l’ensemble euro-russe apparaît comme une nécessité vitale dans ce monde du XXIe siècle qui verra à la fois le choc des civilisations et la nécessité de se regrouper en grands blocs.

  Les esprits, dira-t-on, ne sont pas prêts pour un tel projet révolutionnaire. Mais avec les bouleversements du XXIe siècle, les choses pourront évoluer beaucoup plus vite que nous ne le pensons. Les grands principes concrets sont les suivants :
 

Quelle organisation politique et constitutionnelle ?
Le confédéralisme impérial.

  Il est impossible ici d’imaginer dans le détail la forme politique et constitutionnelle interne d’une union euro-russe, mais on peut néanmoins en poser les principes fondamentaux. Ils sont extrêmement éloignés de ceux de l’actuelle Union européenne qui n’est qu’un agrégat technocratique impuissant et flou, qui cumule tous les inconvénients du centralisme bureaucratique et de l’anarchie.

  1) Un faut un État central fort et maigre, centre de décision, comme un cerveau, qui possède le monopole de la politique étrangère et de la diplomatie, de la politique économique générale, de la politique monétaire, des forces armées et du contrôle des frontières extérieures communes ; et qui soit le garant des grands principes.

  2) Les différents peuples et nations doivent posséder la plus grande autonomie intérieure. Les “États” composant l’Union euro-russe pourront être les États actuels ou provenir du démembrement de certains d’entre eux en régions, qui seront ainsi de nouveaux États.  Tout État doit pouvoir sortir quand il le désire de l’Union et recouvrer sa souveraineté. Il est libre de posséder les institutions qu’il veut, libre de son système constitutionnel, judiciaire et éducatif, de sa politique fiscale et économique intérieure. Mais il doit, sauf à être expulsé de l’Union, respecter les grands principes fondamentaux dont il sera question plus loin et ne pas nuire aux autres États membres.

  3) La solidarité entre les États doit être assurée par des compensations financières organisées par l’État central.  

  Ce modèle s’inspire partiellement de la constitution des Etats-Unis d’Amérique, qui est la plus ancienne du monde et qui fonctionne assez bien.

  Mais il faut immédiatement préciser ici  que, dans un premier temps, cette Union Euro-Russe ne prendra pas nécessairement la forme d’un État confédéral, mais d’une sorte de concertation, d’entente entre les États européens et la Russie, une “union de nations”. Les choses doivent se construire de manière progressive et pragmatique. Et pourquoi ce mot « impérial » ? Parce que l’idée d’Empire, si elle bien comprise, est la libre association de peuples apparentés par la culture, la civilisation, la proximité raciale et la continuité géographique. Les ensembles hétérogènes finissent toujours par éclater. Il faut construire la Maison commune, pas à pas, progressivement, mais néanmoins dans l’urgence.
 

Quelle politique extérieure ? Le neutralisme de puissance

  L’alliance confédérale euro-russe affrontera trois menaces principales : l’une est le tiers monde sous la bannière de l’islam, par sa volonté de conquête sous le biais de l’immigration de masse. L’autre est le gouvernement de Washington, qui voit comme un cauchemar toute alliance euro-russe et qui tente par tous les moyens de nous affaiblir, de nous diviser, de nous encercler. La troisième est la Chine, qui nourrit une volonté mondiale hégémonique et qui d’ailleurs, s’emploie actuellement à peupler subrepticement la Sibérie russe.

  Il faut en finir avec l’OTAN, qui n’est rien d’autre qu’une structure de sujétion des Européens par les USA, et construire, dans un premier temps, une alliance militaire intégrée de tous les pays européens et de la Russie. 

  Sur le plan de la dissuasion nucléaire, il faudra coupler les forces françaises et les forces russes. La Grande-Bretagne ne pourra y participer que si elle libère de son asservissement aux Etats-Unis, ce qui n’est pas le cas actuellement.

  La politique étrangère de l’Euro-Russie devra être celle du « hérisson géant », avec ce double impératif : pas d’impérialisme vis-à-vis de l’extérieur, pas d’ingérence des puissances étrangères dans notre espace vital. Ce neutralisme est justifié par l’autosuffisance économique. Nous avons toutes les ressources, toutes les matières premières, et nous n’avons pas besoin des autres. Nous n’avons pas besoin d’aller guerroyer chez les autres`et d’imiter l’irresponsable impérialisme américain, mais nous ne pourrons pas tolérer que les autres viennent faire la loi dans notre espace vital. À l’inverse de ce que pratiquent les Etats-Unis, il ne saurait être question de menacer les autres mais d’assurer la défense rigoureuse de notre intégrité, de notre sécurité et de nos intérêts.

  Vis-à-vis des Etats-Unis, il ne s’agit pas de manifester de l’hostilité, mais de la méfiance.L’objectif est de convaincre les Américains que leur politique extérieure actuelle est erratique et stupide. Notre conviction doit être que la Américains ne  seront nos amis que s’ils admettent qu’ils ne sont pas les maîtres du monde. L’arrogance américaine est immature, infantile car elle ne débouche que sur des échecs. Mais, à partir du moment où  existerait un ensemble confédéral euro-russe, nous serions tout-à-fait d’accord pour coopérer avec les Américains si ces derniers renoncent à leur tradition impérialiste.

  Il faut également en finir avec cette “religion des droits de l’homme” inconsistante qui tient lieu à l’Union européenne actuelle de politique étrangère. De même l’ “aide au tiers monde ”, inutile et improductive, doit être remise en cause. La présence de l’islam sur le territoire de l’Union euro-russe devra être dans un premier temps jugulée et dans un deuxième temps drastiquement restreinte. Vis-à-vis du conflit israélo-arabe, la position doit être celle de la neutralité. Aucune participation militaire à une quelconque intervention de l’ONU hors de nos frontières ne peut être admise.

  Quelle organisation économique ? L’autarcie des grands espaces.

  Il ne faut pas s’inspirer du socialisme étatique, dans son organisation intérieure – inefficace – ni du capitalisme spéculatif mondialiste actuel. Un nouveau modèle économique pourrait se construire, fondé sur des principes que j’ai développé depuis longtemps en m’inspirant du Prix Nobel français d’économie Maurice Allais et du regretté Pr François Perroux, du Collège  de France, sous le thème général de l’économie organique qui est une troisième voie entre le socialisme et le capitalisme mondialisé.

  1) Refus du principe de libre-échange mondial (qui est catastrophique pour toute l’humanité) avec instauration de barrières douanières et de contingentements économiques protégeant l’espace euro-russe, autosuffisant dans tous les domaines, premier espace économique de la planète.

  2) En revanche, il faut un marché unique, une monnaie commune, un libre-échange intérieur dans l’espace euro-russe, un refus de l’économie assistée, socialisée, rigide, telle qu’on la pratique en France. Un libre capitalisme intérieur, qui formera une puissante dynamique, compte tenu de la taille gigantesque de l’ensemble euro-russe, tel est le choix qu’il faut faire.

  3) L’État central ne pourra intervenir dans l’économie que de manière politique, législative, planificatrice, et non plus financière. La fonction souveraine ne doit pas se substituer aux entreprises, mais définir de grands axes de politique économique. Il faut s’inspirer là du modèle très efficace des USA où l’État soutient les firmes sans entrer dans leur capital.

  4) Aucune prise de participation majoritaire dans le capital des grandes entreprises de l’Union ne peut être possible de la part d’investisseurs étrangers à l’Union. En revanche, les transferts financiers et les prises de participation à l’intérieur de l’espace euro-russe sont libres.

  5) Respect rigoureux de l’environnement, développement de l’énergie nucléaire, politique active de recherche et de haute technologie, notamment sur les énergies renouvelables, politique spatiale intégrée, construction de grands pôles aéronautiques et militaires strictement euro-russes, préférence systématique pour les firmes de l’espace euro-russe dans tous les grands marchés industriels (appels d’offres, mais aussi en matière de  commerce de produits agricoles ; interdiction pour les États de s’endetter pour les dépenses de fonctionnement, mais seulement d’investissement : tels sont quelques uns des principes économiques que devront impérativement respecter l’État central et les États membres.
 

Quels axes de politique intérieure? L’ethnocentrisme et le natalisme,
la justice sociale et la discipline collective

  Des principes généraux de politique intérieure doivent être contractuellement définis pour tous les États-membres, faute de quoi ils ne peuvent pas entrer dans l’Union ou doivent la quitter.

  1) L’Euro-russie, berceau des peuples blancs aujourd’hui sévèrement menacés dans leur démographie, doit se fonder sur le principe ethnocentrique de l’homogénéité ethnique. Il n’y a rien d’immoral à cela, puisque ce principe est appliqué par la majorité des pays du monde non-Blanc : Chine, Inde, Japon, Afrique, etc. Ce qui suppose  les principes constitutionnels suivants imposés à tous les États membres : refus de toute immigration de travailleurs extérieurs à l’espace euro-russe (sauf, par quotas, cadres supérieurs et personnels très qualifiés) ; interdiction du regroupement familial et du droit d’asile ; expulsion effective et administrative sans appel de tous les clandestins ; impossibilité pour les étrangers extérieurs à l’Union de percevoir la moindre allocation sociale ou de santé (fin des “pompes aspirantes ”) ; exclusion de tout ressortissant étranger à l’Union des élections ; expulsion immédiate et définitive de tout étranger à l’Union coupable du moindre délit ; abandon du droit du sol au profit du droit du sang (fin des naturalisations) ;  retour progressif au pays pour tous les immigrés du tiers-monde ; possibilité d’immigration libre et de naturalisations à l’intérieur seulement de l’espace euro-russe, pour ses citoyens, en fonction de la législation de chaque État.  Le critère ethnique doit être au centre du projet constitutionnel d’organisation intérieure. L’homogénéité ethnique blanche est le fondement du projet euro-russe, tout comme l’homogénéité ethnique noire est le fondement des Africains qui veulent, à juste titre, unifier leur continent. L’homogénéité ethnique est le socle même de la paix sociale et des libertés publiques, vérité de bon sens qu’avait parfaitement vue Aristote.

  2) Compte tenu du déclin démographique dramatique des peuples de l’espace euro-russe, chaque État sera tenu de mettre en œuvre une politique nataliste, qui ne pourra bénéficier qu’aux ressortissants de l’Union.

  3) Autres principes constitutionnels que devront respecter tous les États de l’Union et qu’ils mettront en œuvre selon leurs législations et leurs traditions propres : justice sociale, méritocratie, éducation disciplinée et s élective, égalité devant la loi, éradication de la pauvreté, répression impitoyable de la criminalité, politique familiale, prohibition des unions et adoptions entre homosexuels, etc.
 

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  Il s’agit simplement de s’unir pour affronter le monde extérieur de plus en plus menaçant.

  Et surtout, il faut reconnaître que ce qui divise, dans les mentalités, les habitudes culturelles, la mémoire historique, les Russes des Européens de l’Ouest est beaucoup moins important que ce qui nous unit tous. Et cela sera de plus en plus vrai au cours du XXIe siècle. Question cruciale : le nationalisme russe peut-il se sentir blessé et dépossédé par un tel projet impérial d’union euro-russe ? Non, dans la mesure où cette Union ne serait pas contraignante, mais volontaire et associative, et où les bénéfices pour la Russie seraient considérables.

  On m’a dit que l’ “âme russe ” se sentait partagée, voire déchirée entre l’Europe et l’Asie et que la Russie n’était donc pas vraiment européenne. Ce que signifierait le symbole de l’Aigle bicéphale qui regarde à la fois vers l’Orient et l’Occident. Mais je pense que cela est un sophisme géographique. Les Russes n’ont rien d’un peuple “semi-asiatique” ; c’est un peuple européen qui a conquis une partie de l’Asie géographique et qui se l’est appropriée. L’opposition entre les Russes et les Slaves de l’Est d’une part, et les autres Européens de l’Ouest d’autre part est beaucoup forte qu’on ne croit. Nous appartenons tous à la même souche génétique ,éthnique et civilisationnelle, à une grande famille, dont les différences sont moins importantes que les ressemblances..
 

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  On me reprochera de ne pas avoir parlé de « démocratie » ? C’est volontaire, car on ne sait plus du tout ce que ce terme, employé par tous les régimes politiques du monde entier, veut dire. Dans l’Union européenne, où le peuple est totalement dépossédé des grandes décisions le concernant (notamment en matière d’immigration, d’ouverture incontrôlée des frontières, de politique économique, etc.), les dirigeants se vantent de représenter le modèle supérieur mondial de démocratie et de culte des “droits de l’homme”. Or la liberté d’opinion n’y est pas respectée, puisque , par exemple, on ne peut pas dénoncer l’invasion par l’islam et le tiers-monde sans être criminalisé comme « raciste » par un arsenal législatif et un système judiciaire néo-totalitaire. Le concept de démocratie, tel qu’il est utilisé en Occident, est tout à fait voisin,  dans le simulacre et le mensonge sémantique (mais en plus subtil et “publicitaire”), de la propagande communiste soviétique. L’Union européenne, telle qu’elle fonctionne actuellement, avec un Parlement sans pouvoir et une technocratie non-élue mais omnipotente, ne peut pas prétendre respecter la volonté des peuples. Elle a inventé la pratique de la tyrannie douce. De même, c’est au nom de sa croisade pour la fameuse “démocratie” que le gouvernement de Washington a semé un indescriptible désordre au Proche-Orient et s’emploie actuellement à essayer d’encercler et d’affaiblir la Russie et de pratiquer une ingérence dans ses affaires intérieures.

  C’est la raison pour laquelle, dans ce projet d’Union euro-russe, il est hors de question d’unifier sous un même modèle les pratiques institutionnelles et le droit interne des États membres. Simplement, ces derniers, et l’État central, s’il existe un jour, devront respecter les trois principes suivants : État de droit, élections libres au suffrage universel, référendums et respect absolu des décisions du peuple. Par peuple, il faut entendre évidemment le “peuple de souche”. En référence à la seule vraie démocratie, qui n’est ni occidentalo-américaine, ni socialiste ou communiste, mais d’origine grecque et athénienne. Inspirons-nous de Périclès et de l’esprit d’Athéna.
 

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  J’ai bien  conscience qu’un tel projet d’Union euro-russe est très complexe. Tout cela suppose un renversement des mentalités, l’Umwertung, dont parlait Nietzsche, qui était aussi adepte de la «grande politique». Mais ce renversement, cet orage mental viendront avec les catastrophes qui s’annoncent. Ces catastrophes sont dialectiquement positives– et là, je me réclame de Hegel et de sa  «poursuite de la Raison dans l’Histoire». Sauf que Hegel avait compris un mécanisme implacable sans en voir le sens. Cette « raison » n’est pas une transcendance, mais l’union possible d’une grande tendance historique implacable et d’un volonté politique exceptionnelle qui utilise et renverse le chaos créé pour le métamorphoser en nouvel ordre.   Les fatalistes, les matérialistes (qu’ils soient marxistes ou libéraux, ce sont exactement les mêmes philosophiquement), les traîtres, les nationalistes étroits, les faux sages, les déprimés et déçus de l’Histoire, les progressistes accrochés à leurs fausses prophéties, les optimistes hallucinés,  les conservateurs nostalgiques, les calculateurs politiciens décadents, les intellectuels dans leur tour d’ivoire n’ont jamais compris que le destin des hommes et des peuples n’était jamais écrit d’avance, que rien n’est jamais nécessairement perdu ni gagné. 

  Deux questions difficiles à résoudre se posent maintenant : tout d’abord, quelle capitale fédérale pour l’Union euro-russe ? Il ne saurait être question que ce soit Paris, Berlin ou Moscou car alors, on soupçonnerait des calculs matérialistes.  Je propose – comme l’ont fait le Brésil ou les USA – de créer de toutes pièces une capitale nouvelle, qui serait autant une oeuvre politique qu’architecturale, à l’image de Saint-Pétersbourg ; mais reste évidemment à déterminer dans quel pays.

  La seconde question qui se pose est : quelle langue de travail dominante ? Quelle sera la langue de l’État central et fédéral?  Le système plurilingue actuel de l’Union européenne est très coûteux, anarchique, et aboutit de fait à une domination de l’anglais, ce qui n’est pas une bonne chose. Il ne faut pas créer une langue artificielle, comme l’espéranto, ça ne fonctionne jamais. Cela ne peut être une grande langue, comme le russe, l’allemand ou le français, au risque de vexer les autres`peuples. Je vais faire une proposition surprenante : pourquoi pas le breton ? C’est une langue vivante, parlée, moderne, très structurée, que les élites politiques du Continent pourraient facilement apprendre. Encore une suggestion qui est destinée à faire son chemin …

  Pour l’instant les esprits, que ce soit en Europe occidentale ou en Russie, ne sont pas encore prêts à un tel bouleversement de perspective. On m’a toujours reproché ma mentalité utopique. Les intellectuels français pensent que je manque de sagesse, mais moi, je pense qu’ils manquent de courage. Mais aussi de lucidité. Il faut avoir confiance, car on observe qu’aujourd’hui l’histoire ressemble à un cheval qui court au galop. Nous devons apprendre à la prochaine génération la réalité suivante : de Brest, à la pointe de la Bretagne, jusqu’ à Providenia, sur le détroit de Behring, existe l’espace vital d’un même peuple : le nôtre. Marx disait : «prolétaires de tous les pays, unissez-vous !». Murmurons plutôt : « Blancs de tous les pays, unissez-vous !  Autour de la confédération impériale euro-russe.Et réfléchissons dès aujourd’hui à sa future organisation, car les idées font leur chemin dans l’Histoire, comme les vers dans les fruits mûrs.

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Warum 1.Mai-Kampftag?

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Warum 1.Mai-Kampftag?

Zu Beginn des Zeitalters der Industrialisierung war die Situation für das arbeitende Volk wenig erfreulich. Die Unternehmer und das Kapital bestimmten die Bedingungen, zu denen gearbeitet werden durfte. Es gab keinen bezahlten Urlaub, keine Lohnfortzahlung im Krankheitsfall, keinen Kündigungsschutz, keine tarifliche Bezahlung, keine geregelten Arbeitszeiten, keine Absicherung für den Fall der Arbeitslosigkeit, keinen Arbeitsschutz. Stattdessen Unterbezahlung, Arbeitszeiten bis zu 18 Stunden, Kinderarbeit und ein elendes Dasein in Baracken und Mietskasernen. Je weiter die Industrialisierung fortschritt, desto mehr nahm auch die soziale Verelendung des arbeitenden Volkes zu. Ein typisches Merkmal des Kapitalismus. Nur langsam und unterdrückt durch gewaltsame Abschreckungsmethoden der Betriebe formierten sich Interessenvertretungen, um diese unsozialen Verhältnisse zu ändern. Aber wie jede Bewegung, die vom Volk ausgeht, war auch diese nicht zu stoppen. Auf einem internationalen Arbeiterkongreß im Jahre 1889 in Paris wurde beschlossen, daß an einem bestimmten Tag in vielen Ländern und in vielen Städten das arbeitende Volk auf die Straße gehen soll mit der Forderung einer Arbeitszeitverkürzung. Dies sollte der 1.Mai 1890 sein. Von einer jährlichen Wiederholung war zunächst keine Rede. Die Mobilisierung für den 1.Mai 1890 stieß auch im Deutschen Kaiserreich auf große Begeisterung. Nicht allerdings bei der SPD, die aus Furcht vor einer Verlängerung des "Sozialistengesetzes" vom geplanten Generalstreik abriet. Die SPD, die sich bis heute so gerne als Arbeiterpartei darstellt, hatte damals also ihre eigenen Interessen über die Interessen des arbeitenden Volkes gestellt. Nicht zum letzten Mal. Auch die Unternehmer bereiteten sich auf den 1.Mai vor. Sie gründeten am 1.April 1890 in der Hamburger Börse den Arbeitgeberverband. Ziel war die Zerschlagung des Streiks und die Aussperrung der Streikenden. Doch auch die Unternehmer konnten die Entwicklung für sozialere Arbeits- und Lebensverhältnisse nicht aufhalten.

Hamburg als Schwerpunkt des Arbeitskampfes

Schon in der Mobilisierungsphase wurde deutlich, daß Hamburg zu einem der Schwerpunkte des Widerstandes werden würde. Hamburg lag mit 133 Mobilisierungsveranstaltungen an der Spitze, wobei 33 dieser Veranstaltungen sogar mehr als 10.000 Besucher gehabt haben sollen. Am ersten Kampftag des arbeitenden Volkes streikten in Deutschland rund 100.000 Arbeiter und nahmen stattdessen an Demonstrationen teil. Davon rund 20.000 – 30.000 alleine in Hamburg. Die Arbeitgeber reagierten mit Aussperrung von fast 20.000 Hamburgern. Die Streiks und Aussperrungen wurden über 10 Wochen aufrecht erhalten. Daß die Arbeitnehmer so lange durchhalten konnten, lag an der gewaltigen finanziellen Streikunterstützung. Um den Arbeitskampf in Hamburg – wo die meisten Arbeiter betroffen waren – durchzufechten, wurden aus Solidarität in allen anderen Städten die Streiks frühzeitig beendet und die restlichen Streikgelder nach Hamburg geschickt.
Es sollte jedoch noch bis in die 30er Jahre dauern, ehe sich die Arbeits- und Lebensverhältnisse des arbeitenden Volkes grundlegend besserten. Soziale Errungenschaften von damals auf der Grundlage der Bismarckschen Gesetze wurden nach dem Zweiten Weltkrieg in der BRD übernommen. Jedoch in einem System, wo das vom Volk erwirtschaftete Geld von den etablierten Versagerparteien in alle Welt verschleudert wird, lassen sich auch die besten sozialen Absicherungen langfristig nicht finanzieren.

Niedergang der erkämpften Rechte und Absicherungen

Mit wachsender Mißwirtschaft, Überfremdung und Internationalisierung wurden soziale Errungenschaften systematisch wieder abgebaut. Auf Geheiß der immer globaler werdenden Wirtschaft haben die Politiker mittlerweile unsere Hoheitsrechte an EU und Welthandelsorganisation abgetreten, dem weltweiten Freihandel Tür und Tor geöffnet und nationale Schutzmechanismen für soziale Arbeitsbedingungen ausgehebelt. Die Überreste der bodenständigen deutschen Wirtschaft sind einer hemmungslosen Konkurrenz aus aller Welt ausgesetzt, die Grundversorgung des Volkes vom Wasser über Strom bis zur Infrastruktur wird in die Klauen profitgieriger Multikonzerne hineinprivatisiert, wer keine lebenserhaltende Vollbeschäftigung findet wird in kürzester Zeit zum Sozialfall und kann nur noch zwischen totaler Verelendung oder Minijob-Versklavung wählen. Immer mehr ausländische Konzerne machen sich in Deutschland breit, die Arbeitnehmer nicht mehr nach deutschen Arbeitsgesetzen sondern zu ihren eigenen Bedingungen beschäftigen. Kurzum: Wir haben heute schon fast wieder die unsozialen, ausbeuterischen Verhältnisse erreicht wie zu Beginn des Zeitalters der Industrialisierung! Allerdings verschlimmert um die globale Komponente, denn die Kapitalisten und ihre Marionetten in der Politik haben sich im Gegensatz zu damals inzwischen von den Nationalstaaten gelöst und überstaatlich organisiert, um ihre Macht über die Völker noch unkontrollierbarer auszubauen.

Eine andere Welt ist möglich: Mit nationalem Sozialismus!

Nur ein nationaler Sozialismus kann eine andere Welt möglich machen: Eine Welt der freien Völker und der souveränen Volkswirtschaften. Nur eine nationale und sozialistische Volkswirtschaft kann das Kapital zugunsten des Volkes bändigen und soziale Arbeitsbedingungen schaffen. Nur ein nationales und sozialistisches Gesellschaftsmodell kann gewährleisten, daß alle Deutschen unabhängig von ihrer sozialen Herkunft die gleichen Zukunftschancen in einer klassenlosen Volksgemeinschaft haben, wo nicht Geld und Stände zählen, sondern Fleiß und Begabung.

Die Rechte des arbeitenden Volkes werden von diesem System, der EU und allen globalen Zwangsbündnissen mit Füßen getreten! Das lassen wir uns nicht gefallen! In der Tradition des 1.Mai-Kampftages fordern wir Arbeit und soziale Gerechtigkeit für alle Deutschen!

Gemeinsam gegen Globalisierung! Gemeinsam für ein freies, soziales und nationales Deutschland!

 

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mercredi, 30 avril 2008

Céline e Alessandro Piperno

Louis-Ferdinand Céline:

Céline e Alessandro Piperno

008.jpgTratto da http://lf-celine.blogspot.com/

Riportiamo un articolo di Alessandro Piperno su Céline, apparso sul Corriere della Sera del 7 gennaio 2008.

Voyage au but de la nuit, di Louis-Ferdinand Céline andava come qualsiasi altro bestseller natalizio. Lascio ad altri la riflessione sui celiniani tempi che viviamo, e mi chiedo: chi più di Céline ha patito gli sbalzi di umore del pubblico e della critica? E tutto per via di quel libro: Bagatelle per un massacro, il primo dei pamphlet filo-nazisti, che qualcuno ritiene il prodotto di «un delirante teppismo antisemita» (la definizione è di Mengaldo), e qualcun’altro — come Emile Brami — uno dei vertici dell’opera celiniana. Contagiato da quel fermento parigino, ho acquistato Céline vivant, un cofanetto di dvd con le interviste televisive concesse da Céline del dopoguerra. Molto di questo materiale mi era noto.

Ma vedere Céline, sentirlo parlare, be’ è un’esperienza impagabile. Sicché eccolo lì, sullo schermo del televisore della mia stanza d’albergo: il collo avvolto dai leziosi foulard con cui i barboni si danno un tono. Eccolo lì, nella dimora-tomba di Meudon, ostentare il corpo martoriato con la cristologica impudicizia di Artaud. La vacuità dello sguardo corrisponde all’atonia della voce: monotona come quella di certi bambini autistici, marcata da uno smangiucchiato accento parigino. È il Céline che ti aspetti, che gioca a depistare gli intervistatori con risposte vezzose. A quello che gli chiede perché ha scritto il Voyage risponde che lo ha fatto per pagare l’affitto. A quello che gli domanda se lui pensa che si possa scrivere solo del proprio vissuto, oppone ancora un’altra metafora economica: «Solo delle cose che hai pagato». E allora quello gli chiede se non ci sia affettazione in tutto quel dolore esibito dalla sua voce e strillato dai suoi libri. Céline s’infuria. Quello che nessuno capisce è che lui è figlio di una ricamatrice di merletti e come tale, a dispetto di molti suoi colleghi che utilizzano formule corrive (Mauriac, un politicante; Morand, un rincoglionito; Giono, insignificante), lui ha una artigianale dedizione per la raffinatezza dello stile. Ma certo il solito adagio celiniano: io sono solo uno stilista.

Ma perché Céline insiste tanto sulla raffinatezza? Perché conosce i suoi punti di forza. Perché sa di rappresentare uno di quei casi virtuosi in cui la rivoluzione stilistica trova sontuosa corrispondenza nella rivoluzione della sensibilità.

Lo capì Robert Denoël, un giovane editore, quando, nella primavera del ‘32, s’imbatté nel manoscritto del Voyage e sentì di avere tra le mani uno dei libri del secolo. Fu così che nella Parigi di Breton e di Cocteau atterrò quell’astronave giunta da un’altra galassia, guidata da un medico non ancora quarantenne, invalido a un braccio per una gravissima ferita di guerra, con la sua collezione di viaggi in capo al mondo: dall’Africa nera agli Stati Uniti. Un libro che, sotto forma di monologo, irradiava un’energia titanica. Ferdinand Bardamu — il Narratore — era un vitalista delle tenebre: la sua voce appariva moderna, mimetica, capace di esprimere tutto il sarcasmo della disperazione e di irradiare l’infuocata luce delle grandi disfatte. A suo modo Ferdinand si rivelava perfino un umorista (qualità che, purtroppo, il suo creatore avrebbe sacrificato in seguito sull’altare della paranoia). Ma ciò che rendeva davvero speciale il Voyage era quella miscela di lucidità e pietà per la condizione umana. Ed è esattamente questo cocktail che spinse tutti a urlare al miracolo: da Sartre a Daudet, da Bernanos a Nizan, da Bataille a Trotzkij, tutti intuirono che l’entità copernicana di quella rivoluzione era nel modo con cui Céline aveva sporcato la sua prosa di mille inflessioni tratte dalla vita vera e, allo stesso tempo, nel modo in cui tutta quella sporcizia aveva reso la sua prosa scandalosamente raffinata. Così i francesi, dopo Flaubert, hanno di nuovo uno scrittore il cui virtuosismo stilistico è pari solo al disincanto nichilista delle sue convinzioni. D’altra parte, a dispetto delle abiure con cui Céline negli anni successivi avrebbe provato a ridimensionare la potenza innovativa di quel capolavoro, nessuno meglio di lui sapeva cosa lo avesse spinto a scrivere il libro in quella precisa maniera. «Non si sa niente della vera storia degli uomini» esclama a un tratto Ferdinand, nel romanzo.

Esiste aspirazione più novecentesca di questa? Raccontare la vera storia degli uomini. Come ogni scrittore di genio (come James Joyce con il quale condivide un debole per l’ellisse grammaticale e per la scatologia), Céline sapeva che tale ricerca della «vera storia» passava attraverso un nuovo modo di esprimersi. E quindi, banalmente, attraverso un nuovo modo di girare le frasi.

Ecco cosa intende Céline per raffinatezza. Il problema è che ci si può ammalare di stile. Già in Morte a credito — il secondo memorabile romanzo — la consapevolezza stilistica si è come cristallizzata. La prosa sta assumendo la forma che non perderà più. L’ironia cede al sarcasmo. La frase si spappola in singulti inframmezzati dai celebri tre punti di sospensione. Il presente indicativo sta prendendo il sopravvento su tutti gli altri tempi e modi verbali. La lucidità è offuscata dal delirio. La pietà dall’odio. La misantropia degenera in razzismo. Molti anni dopo Simone de Beauvoir annoterà: « Morte a credito ci aprì gli occhi. Vi è un certo disprezzo velenoso per la piccola gente. Che è un atteggiamento prefascista». Atteggiamento prefascista che inaugura l’era sciagurata dei Pamphlet nazisti (come altro chiamarli?). Cosa spinge lo scrittore pacifista del Voyage a inneggiare allo sterminio degli ebrei? A mettersi al fianco della più violenta organizzazione criminale della storia, in nome di una pace che sicuramente i nazisti tradiranno? Ragioni personali e non confessabili? Un’idea pervertita dell’anticonformismo e dell’anarchia? O semplice opportunismo?

A tal proposito Sartre scrisse: «Se Céline ha potuto sostenere le tesi socialiste dei nazisti, è perché lui era pagato». Ma purtroppo le motivazioni erano più nobili del danaro e quindi ancora più aberranti. L’antisemitismo di Céline non ha niente di originale. Non c’è nulla in quello che lui dice che non abbia detto Drumont — e con lui tanti altri — molti decenni prima. Bagatelle, con buona pace di chi ne apprezza certi passaggi, è un libro schifoso. E lo è tanto più perché è scritto con raffinatezza. La cosa più sconcertante è come l’uomo distintosi per lucidità di visione e capacità empatica, dia prova stavolta di ottusità e mancanza di simpatia.

«Vorrei proprio fare un’alleanza con Hitler. Perché no? Lui non ha detto niente contro i Bretoni, contro i Fiamminghi… Lui ha parlato solo degli ebrei… Lui non ama gli ebrei… E neanch’io… E non amo neppure i negri fuori dal loro Paese…». Una frase (in mezzo a tante altre dello stesso tenore) che dimostra come uno degli errori di questo libro stia nell’aver confuso le vittime con i carnefici. E come l’errore di questo stile così esagitato (ormai totalmente celiniano) sia di essersi messo al servizio di quell’errore di valutazione storica. Così come c’era una relazione inestricabile tra la lucidità esibita da Céline nel Voyage e l’innovazione stilistica, allo stesso modo c’è un nesso tra la cantonata ideologica e l’oracolare impreziosirsi dello stile. Ecco perché concordo con quelli che dicono che Bagatelle fu un fallimento artistico (e intellettuale) ancor prima che etico. E non mi convince Pasolini quando bacchetta gli intellettuali di sinistra, che in nome di Céline, si sono messi a distinguere tra le scelte ideologiche di uno scrittore e il suo valore letterario. Questa «dissociazione» a Pasolini è indigesta. Bah, non credo che le scomuniche politiche abbiano importanza in letteratura. Il problema di Céline non è di aver scelto l’ideologia sbagliata, ma di aver consacrato a quell’ideologia una troika di libelli eccessivamente raffinati, incapaci di raccontare il dramma che l’umanità stava per vivere. Tre pamphlet che nulla tolgono all’esemplare magnificenza del Voyage edi Morte a credito, ma che forse gettano una luce fosca sui tre libri della maturità: la così detta Trilogia del nord. Ancora una volta i detrattori di Céline considerano Da un castello all’altro, Nord e Rigadon opere biecamente auto-apologetiche di un nazista che non ha voluto fare i conti con il passato.

Jean-Pierre Martin, nel suo Contre Céline, scrive: «In Rigadon, Céline ci dice, dall’inizio alla fine, in lungo e in largo: io muoio razzista ». Ancora una volta un’osservazione mal calibrata. Nelle opere di Sade o di Lautréamont troviamo confessioni non meno indigeste. La questione anche stavolta è artistica: la Trilogia è l’affascinante scoria di un genio paranoico ormai incapace di entrare in relazione con il mondo. Un’opera fallita per eccesso di ambizione e di stile (un po’ come la joyciana Finnegans Wake). C’è qualcosa nell’ossessiva ripetitività dei suoi stilemi che appare fin troppo estetizzante. È quella che Massimo Raffaelli, con felice espressione, non senza ammirazione, chiama: «stilizzazione dell’orrore».

Così quando uno degli intervistatori (quello che gli ha dato più filo da torcere) chiede conto a Céline dei suoi eventuali sensi di colpa, lui risponde che tutti gli uomini sono colpevoli, tranne lui.

È possibile scrivere qualcosa di necessario senza sentirsi — almeno un po’! — colpevoli?

Credo che non si debbano sprecare molte parole su questo “compitino” di Piperno. Trascureremo di evidenziare le boutade stilistico-radical chic come “i leziosi foulard con cui i barboni si danno un tono”, notazione che, sia in riferimento ai senzatetto, sia alla drammatica situazione di Céline nel dopoguerra, poteva venire in mente solo ad un ragazzino mantenuto, che nella vita ha pagato ben poco di suo, e la metafora non è solamente, per l’appunto, “economica”. Céline ha pagato con il carcere e l’isolamento il suo genio, come gli scrisse nel 1949 Roger Nimier. Mi vergogno a citare nello stesso capoverso l’Hussard Nimier e il professorino saccente Piperno, ma tant’è, spero che i due grandi francesi mi perdoneranno. Piperno dimostra di conoscere l’opera e soprattutto la vita di Céline in maniera molto superficiale, altrimenti non avrebbe scritto:

“Atteggiamento prefascista che inaugura l’era sciagurata dei Pamphlet nazisti (come altro chiamarli?). Cosa spinge lo scrittore pacifista del Voyage a inneggiare allo sterminio degli ebrei? A mettersi al fianco della più violenta organizzazione criminale della storia, in nome di una pace che sicuramente i nazisti tradiranno? Ragioni personali e non confessabili? Un’idea pervertita dell’anticonformismo e dell’anarchia? O semplice opportunismo? A tal proposito Sartre scrisse: «Se Céline ha potuto sostenere le tesi socialiste dei nazisti, è perché lui era pagato». Ma purtroppo le motivazioni erano più nobili del danaro e quindi ancora più aberranti. L’antisemitismo di Céline non ha niente di originale. Non c’è nulla in quello che lui dice che non abbia detto Drumont — e con lui tanti altri — molti decenni prima. Bagatelle, con buona pace di chi ne apprezza certi passaggi, è un libro schifoso.”

Céline non si mise mai “al fianco” di alcun partito o organizzazione, tantomeno “la più violenta organizzazione criminale della storia”. Piuttosto, quando i Piperni deprecheranno a chiare lettere altre “organizzazioni criminali”, minori o maggiori che siano, senza se e senza ma, sarà un bel momento.

Si ripropone la leggenda del “Céline pagato dai nazisti”, negandola retoricamente, come si propone un passo della de Beauvoir, dove Céline è definito “prefascista”. In realtà quest’ultima scopre Céline “prefascista” ovviamente solo DOPO che Céline aveva rifiutato di schierarsi con il marxismo, come aveva rifiutato capitalismo e fascismo. Sartre, e altri, avevano invece solamente una pura, folle invidia dell’abilità di Céline quale scrittore. Forse, anche nel caso di Piperno, c’è un pò di miserabile invidia verso il successo dell’opera di Céline “Voyage… andava come un best seller natalizio”, e della sua grandezza come scrittore, a fronte del piccolo, piccolo omicciuolo Piperno.

Bagatelle e i cosidetti pamphlet sono una violenta denucia del Potere; in questo caso, per Céline, a ragione o torto, questo Potere -potere economico e politico, potere che stava spingendo la Francia ad una guerra che Céline avvertiva come inutile agli interessi della Francia, e per questa nazione fatale- aveva il volto dell’ebreo. I temi pipernici non sono nuovi, vedi http://louisferdinandceline.free.fr/indexthe/opprobr/albe...

Poi Piperno cita la Trilogia del Nord:

La questione anche stavolta è artistica: la Trilogia è l’affascinante scoria di un genio paranoico ormai incapace di entrare in relazione con il mondo. Un’opera fallita per eccesso di ambizione e di stile (un po’ come la joyciana Finnegans Wake). C’è qualcosa nell’ossessiva ripetitività dei suoi stilemi che appare fin troppo estetizzante. È quella che Massimo Raffaelli, con felice espressione, non senza ammirazione, chiama: «stilizzazione dell’orrore».

Niente di nuovo sotto il sole: già nelle opere di critica letteraria stampate in URSS si divideva il Céline “buono”, ossia il Céline che denunciava colonialismo, capitalismo, povertà (temi considerati “buoni” perchè affini all’ortodossia marxista), del Voyage, e il Céline “cattivo” di tutto il resto; Piperno, pavidamente “stronca” la Trilogia solo dal punto di vista del critico letterario “affascinante scoria… fin troppo estetizzante”, almeno i redattori sovietici, il “compitino” lo svolgevano sino in fondo.

Cfr. Gor’kij, al primo congresso degli scrittori sovietici: “[Céline]… non avendo alcun requisito per aderire al proletariato rivoluzionario, è del tutto maturo per accettare il fascismo”.

Da Gor’kij a Piperno; buon sangue non mente.

Comunque, la foto di Piperno e la sua prosa involuta, mi ricordano il Sartre tratteggiato da Céline ne L’Agité du bocal:
Nel mio culo dove si trova, non si può pretendere da J.-B. S. di vederci bene, né di spiegarsi chiaramente, sembra tuttavia che il J.-B. S. avesse previsto la solitudine e l’oscurità del mio ano… J.-B. S. evidentemente parla di se stesso quando scrive a pagina 451: “Questo uomo teme tutte le specie di solitudine, quella del genio come quella dell’assassino”. Cerchiamo di capire…

Facendo fede ai rotocalchi, il J.-B. S. non si vede ormai più che nei panni del genio. Ma secondo me e visti i suoi stessi scritti, io sono costretto a vedere J.-B. S. solo nei panni dell’assassino, o meglio ancora di un marcio delatore, maledetto, laido, merdoso servente, mulo occhialuto.
Ecco, mi sto agitando troppo! Non me lo posso più permettere, l’età, la salute… La chiuderei qui… disgustato, ecco… Ma ripensandoci…

Assassino e geniale!? Può anche succedere… Dopo tutto… Ma sarà il caso di Sartre? Assassino lo è, o lo vorrebbe essere, questo è inteso, ma geniale? Questo piccolo stronzo attaccato al mio culo, geniale? Hum?… si vedrà… si, certamente, può ancora fiorire… manifestarsi… ma J.-B. S.!? Questi occhi da embrione? queste spalle da mezza sega!?… questo panzone finto magro!? Tenia sicuramente, una tenia d’uomo, attaccata dove sapete… e filosofo, per giunta… fa un po’ di tutto… Sembra che, in bicicletta, abbia anche liberato Parigi.

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Pierre Benoit dans la magie de l'Orient

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Frédéric SCHRAMME:

Pierre Benoit dans la magie de l'Orient

 

Dès la sortie de son premier roman Koenigsmark, Pierre Benoit s'est très vite imposé comme le nouveau maître du roman fantastique français. Les fantasmes véhiculés alors autour de la conquête coloniale ne pouvaient qu'ê­tre propices à son imagination fertile et bien vite des œu­vres  comme L'Atlantide et La châtelaine du Liban al­laient suivre leur aînée plongeant des milliers de lec­teurs dans les mystères de l'Orient.

 

La grande épopée de la colonisation! Au tournant de l'é­poque moderne, les principales nations européennes enté­rinent en l'achevant, leur conquête du monde commencée quelques siècles plus tôt avec le partage du Nouveau Mon­de. Seule une poignée d'Etats échappe à la mise en coupe réglée, comme l'Ethiopie, la Perse, le Siam. Qu'est-ce qui a bien pu pousser ces nations européennes aux régimes politiques tellement dissemblables à se jeter d'un même élan dans la colonisation du globe? Objectifs financiers et mercantiles? Désirs de conquêtes militaires? Quêtes vers la Connaissance supposée de ces terres lointaines  —d'autant plus chargées d'une aura mystérieuse et magique qu'elles demeurent inconnues et inaccessibles? Probablement les trois à la fois, tellement cette synthèse presque dumézi­lien­ne suffit à résumer à elle seule l'inconscient motivé de l'âme européenne. Depuis toujours, de grands hommes ont fait « Le rêve le plus long de l'Histoire », recherchant aux con­fins de l'Orient ou en Afrique l'accomplissement d'un des­tin qui ne pouvait être qu'exceptionnel. Si Jacques Be­noist-Méchin a su retracer la vie de quelques-uns de ces per­sonnages hors du commun, d'autres tel Pierre Benoit ont préféré, souvent au moyen de l'imagination, s'attacher aux pas des aventuriers et explorateurs, des simples capitaines ou pères-blancs, quidams qui jamais n'ont noirci la moindre page des manuels d'Histoire. « Mais ceux-là étaient seuls à s'ex­poser. Responsables de leur vie seule, ils étaient libres» de s'éveiller à la magie de l'Orient au moment où «l'ame­rican way of life» après Jack London ne pouvait promettre plus rien d'autre que des destins d'épiciers bedonnants.

 

Le géant touareg

 

L'intérêt de Pierre Benoit pour les contrées désertiques n'est absolument pas fortuit, pas plus qu'il n'est le fruit d'un calcul commercial. Fils d'un officier supérieur de l'armée française, il doit sa découverte des portes du Sahara au gré des mutations de son père. Parmi les souvenirs de ces temps-là, il en est un qui éclaire particulièrement la réelle fascination qu'opèrent sur lui l'immense désert et ses ha­bitants : « [Je vis] une espèce de géant vêtu de cotonnades obscures, avec de terribles yeux qui brillaient dans la fente d'un voile gainant la tête à la manière d'un heaume. C'était un chef targui (ndlr: Touareg) [.] Il rit en m'apercevant, me saisit à bout de bras et m'enleva plus haut que lui. Je vo­yais dans l'évasement de sa manche, son poignard, qu'un an­neau de cuir retenait contre le biceps nu; à son cou, ses amulettes de perles blanches et noires. J'étais au comble de l'épouvante, de la curiosité, de l'orgueil».

 

Nanti de ces quelques vagues souvenirs et d'une imagina­tion sans bornes, Pierre Benoit va se plonger dans une des­cription minutieuse et quasiment encyclopédique des pays dans lesquels il emmène ses lecteurs. En effet, mis à part son enfance nord-africaine, Pierre Benoit n'aura voyagé dans les lieux qu'il avait décrits que bien longtemps après. Mais la description se révèle toujours exacte et c'est autant ce souci du réalisme qui contribuera à son succès que sa spéculation sur l'insondable et le mystérieux. En ce début de 20ième siècle l'auteur prend prétexte des zones laissées en blanc du planisphère ou des cartes d'état-major pour les combler de son imagination, comme pour le massif du Hog­gar dans lequel il situe son Atlantide échouée. Cette bien­heureuse alchimie entre le détail et l'inconnu amènera Jean Cocteau à dire de lui que « Benoit est celui qu'on lit le plus et dont on parle le moins dans les revues graves. Il a le gé­nie de l'imprévu, mais il invente juste et tombe encore plus juste. C'est un médium. Ceux qui ne savent pas le lire ne sauront jamais».

 

L'œuvre de Pierre Benoit suit une constante dans son é­vo­lution tragique. Que l'on soit au cœur du Sahara ou au Li­ban après la mise sous tutelle française, les héros sont tou­jours des officiers français au faîte de leur gloire. Elite par­mi l'élite, ils sont méharistes, de cette noblesse des déserts qui font d'eux les égaux des Bédouins et des Touaregs. De plus leur connaissance des us et coutumes des habitants du dé­sert les amènera à être chargés de mission de renseigne­ments et d'espionnage au profit de leur patrie.

 

L'espionnage est précisément au cœur de l'intrigue dans «La châtelaine du Liban»: Une fois la première guerre mon­diale terminée, la paix » semble reprendre ses droits et avec elle l'hostilité sourde entre les deux « alliés » français et britannique. Rapidement, la « perfide Albion » est soup­çonnée d'être à l'origine du massacre d'une troupe française en opération de manœuvres. Dans « l'Atlantide », il est éga­lement question du souvenir du massacre de la «mission Flatters» et la prospection de renseignements confiée au Ca­pitaine de Saint-Avit a pour but de prévenir tout nouveau désastre. Au renseignement d'ordre militaire s'ajoute une au­tre quête, celle du passé: au Liban, on se souvient des Templiers et des Chevaliers teutoniques en parcourant la ligne tracée par les vestiges de leurs châteaux, et dans le Sahara on recherche des signes laissés par des tribus ber­bè­res chrétiennes ayant résisté un certain temps à l'islami­sa­tion. On ne saurait trouver de héros plus parfaitement é­qui­librés; sûrs de leur bons droits et au service d'un idéal su­périeur à leur propre existence, ils pourraient même a­voir la prétention d'être le lien entre le passé et l'avenir, entre le souvenir et la clairvoyance.

 

Perdre de vue sa mission

 

Rien ne semble pouvoir les ébranler mais pourtant, «on n'est pas impunément des mois, des années, l'hôte du dé­sert. Tôt ou tard, il prend barre sur vous, annihile le bon of­fi­cier, le fonctionnaire timoré, désarçonne son souci des responsabilités. Qu'y a-t-il derrière ces rochers mystérieux, ces solitudes mates, qui ont tenu en échec les plus illustres traqueurs de mystères?». La solitude pesante à laquelle ces hommes sont quotidiennement confrontés —ici les ordon­nan­ces indigènes et autres ascaris font intégralement par­tie du décor et ne sont pas meilleurs compagnons que les mé­haris eux-mêmes— les mène toujours au bord du préci­pi­ce dans lequel tout homme finit par perdre de vue sa mis­sion, son devoir, sa famille et sa patrie.

 

Dans l'œuvre de Pierre Benoit, la raison (ou plutôt la dé­raison) qui oblige à franchir le dernier pas est toujours la ren­contre fatidique avec une femme, avec La Femme. Ex­tra­ordinairement belle et totalement recluse aux confins du désert, que ce soit dans un ancien château templier ou dans la mythique Atlantide, elle est l'exact opposé de la fian­cée promise et personnifie l'amour charnel, la liberté, la puissance et la fortune. Elle seule est capable de briser les serments et les idéaux des hommes. Si l'Anglaise Athel­stane oblige son amant le Capitaine Domèvre à trahir son pays et à vendre des renseignements à son complice des ser­vices secrets britanniques, l'Atlante Antinéa exige pour sa part, le sacrifice ultime et attend de ses amants qu'ils meu­rent d'amour pour elle. Ainsi le Capitaine de Saint-Avit revendiquera sa place dans la salle de marbre rouge dans laquelle sont réunis les corps embaumés, statufiés dans un métal inconnu, des anciens amants de la dernière reine de l'Atlantide. Pour y parvenir, il ira jusqu'à l'innommable, le meurtre de son compagnon de route Morhange, véritable moine-soldat, capitaine d'active et prêtre de réserve, seul homme à avoir su résister à Antinéa et également le seul qui ait véritablement été aimé d'elle. Plus chanceux, le Ca­pitaine Domèrve sera sauvé de l'influence d'Athelstane par la fraternité d'armes qui le lie aux officiers de son ancien ré­giment, l'amitié entre les hommes en armes étant la seu­le à pouvoir contrer l'amour d'une femme fatale.

 

Attitudes droitières

 

Le succès de Pierre Benoit reposait donc sur des recettes sim­ples: sur la mise en scène d'une intrigue convenue, il brosse le tableau mirifique d'un paysage enchanteur avec grands renforts de personnages plus ou moins caricaturaux. Comme sa transposition de la haute société française dans les colonies libanaise et algérienne qui se laisse fréquenter de loin par les notables autochtones (tout au moins au Li­ban), ses marchands druzes ou maronites qui se livrent une concurrence à grands coups de dessous de table, ses trafi­quants d'or juifs, ses tribus révoltées de Bédouins et de Toua­regs, etc. L'écriture de Pierre Benoit reste probable­ment influencée par les romans-feuilletons du siècle pré­cé­dent, mais « tout cela est mené sur un rythme haletant, avec une ingéniosité qui ne peut que provoquer l'ad­mi­ra­tion et même la nostalgie de ce que peut être «le vrai ro­man», celui qui nous raconte une histoire, comme le rap­pel­le Jean Mabire qui a placé cet écrivain dans le premier recueil de sa série « Que lire ? », donc en très bonne place dans son Panthéon personnel, qui, on s'en doute, est meu­blé selon des critères fort différents de son homonyme na­tional, autrement appelé la Maison de Tolérance de la Ré­pu­blique. Si l'auteur de «L'Atlantide» est aujourd'hui un é­cri­vain que l'on s'efforce de faire oublier —puisqu'il fut l'ami des maîtres de l'Action française et, circonstance aggra­vante, on peut reconnaître dans son vocabulaire une at­titude droitière —, il faut tout de même saluer l'initiative de Jacques-Henry Bornecque qui, en 1986, à l'occasion du cen­tième anniversaire de sa naissance, lui a consacré une bio­graphie intitulée « Pierre Benoit le magicien ».

 

Frédéric SCHRAMME.

 

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mardi, 29 avril 2008

Paul Nothomb: le délire logique

Paul Nothomb: le délire logique

 

Les éditions Phébus rééditent Le délire logique de Paul No­thomb. L'éditeur écrit: «Malraux resta toujours fidèle à sa première impression. Le délire logique, qui se donne pour­tant comme un roman, était bien, pour lui, "le premier témoignage sur la Gestapo où l'auteur ne romance pas". Paul Nothomb raconte ici l'histoire d'un homme qui, torturé par la police militaire allemande pendant la guerre, com­men­ce par résister aux coups, puis finit par comprendre dans la nuit de sa cellule qu'il ne pourra bientôt éviter de parler, et invente pour ses bourreaux une fable si délirante qu'elle lui vaudra d'échapper à leurs tourments. L'auteur à l'é­poque avait vécu une aventure presque semblable et l'a­vait fait savoir. On ne lui avait pas pardonné: il était peut-être permis de parler sous la torture (surtout si c'était pour sauver les copains), non de raconter qu'on l'avait fait. Un grand demi-siècle après, il a voulu remettre au jour ce tex­te (publié en 1948 par Gallimard), accompagné ici d'un nou­vel appareil de présentation —et de trois lettres inédites d'André Malraux. "Pour en finir avec quelques mensonges pieux qui empoisonnent notre histoire" (PM).

 

Paul Nothomb, Le délire logique, 1999, 180 pages, Editions Phébus, 119 FF.

 

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Pour saluer Monsieur Jadis !

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Dix ans déjà!

Pour saluer Monsieur Jadis: Antoine Blondin (1922-1991)

 

La presse amie, et même celle "sous licence", ont fait à An­toine Blondin, décédé d'un cancer, le 8 juin 1991, âgé de 69 ans, sa juste place. On a pu lire les notices élogieuses qui lui ont été consacrées, sans doute parce qu'après avoir il­lustré, avec ses amis Nimier, Jacques Laurent, Michel Déon, la "Droite buissonnière" (expression de Pol Van­drom­me) il avait effectué un léger virage à gauche. Mais con­trai­rement à des transfuges arrivistes tels Claude Roy ou Do­mi­nique Jamet, il mérite notre estime.

 

Le Cercle Prométhée ne peut qu'ajouter quelques mots à ce qui a été, dans l'ensemble, fort bien dit, concernant ce doux non-conformiste qui débuta en exerçant divers mé­tiers. Parti en 44 au titre du Service du Travail Obligatoire, il travaillera dans une ferme en Allemagne, comme vacher. Il relatera ses aventures tragi-comiques dans son premier roman, L’Europe buissonnière (Prix des Deux Magots, 1949). Il écrit peu, difficilement, mais valablement. Il nous montre un mari léger dans Les enfants du Bon Dieu (1952), des solitaires voués à l'hôpital, à la prison, dans L’humeur vagabonde (1955), un père alcoolique dans Un singe en hi­ver (Prix Interallié, 1959), porté à l'écran et revu à la télé­vision, enfin Monsieur Jadis (1970), son roman capital qui met en scène un marginal.

 

Sa passion pour le sport (Tour de France, rugby) est bien con­nue. Il donne aux chroniques sportives leurs lettres de noblesse littéraire. Deux cents sur les milliers qu'il a écrites pour l'Equipe sont réunies sous le titre L’ironie du sport  (1988). Dans les années cinquante, à celui qui allait le voir pour les Amis de Robert Brasillach, Bardèche avait dit: «Vo­yez-le avant 9 heures du matin (avant qu'il ait trop bu)». Il lui avait réservé un accueil sympathique et donné son ad­hésion.

 

Vous pourrez lire ses Œuvres complètes  en un volume de 1.408 pages publié sur papier bible à la Table Ronde pour un prix très abordable.

 

Cercle PROMÉTHÉE.

 

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lundi, 28 avril 2008

In memoriam Jacques Laurent

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In memoriam Jacques Laurent

Le dernier des "Hussards" est mort…

 

Le dernier des "Hussards" est mort. Les "Hussards" étaient ce petit groupe d'écrivains, qui s'étaient rassemblés dans les années cinquante autour de Roger Nimier, un surdoué des lettres françaises, et n'avaient rien de commun entre eux, si ce n'est une volonté de résister à Sartre et à tout ce que celui-ci représentait. Dans cette résistance au pape de l'existentialisme, Jacques Laurent était indubitablement la figure la plus marquante. Il vient de mourir à Paris, juste avant le troisième millénaire, juste avant de fêter ses 82 ans. Avec lui disparaît l'un des écrivains français les plus importants de ce siècle, un des rares dont le talent était reconnu à l'unanimité. Sans doute aussi parce que les pas­sions des décennies écoulées se sont apaisées… Car Jacques Laurent, le hussard qui s'était insurgé contre l'engagement intellectuel et idéologique obligatoire, est monté jadis sur les barricades. Contre le terrorisme intellectuel de Saint-Germain-des-Prés. Contre le Général De Gaulle. Pour l'Algé­rie française. Pour le Maréchal Pétain. Et plus tard, beau­coup plus tard, pour Mitterrand.

 

Stendhal: le modèle par excellence

 

L'histoire de Jacques Laurent commence le 5 janvier 1919, quand il naît à Paris dans le 9ième arrondissement, fils d'un avocat très connu. Mais la carrière d'avocat ne l'intéresse pas du tout. Avant même de fêter ses dix ans, Jacques Lau­rent termine d'écrire un roman d'aventure. C'est décidé: il sera écrivain. Plus encore: il deviendra célèbre. Célèbre et riche, si bien qu'il aura la liberté d'écrire ce qu'il voudra, de la manière qu'il voudra. Cela signifie qu'il fera comme le grand Henri Beyle, mieux connu sous le nom de Stendhal, qui écrivit Le Rouge et le Noir. Car Stendhal est le modèle par excellence du jeune Jacques Laurent. Si bien qu'un jour il écrira une suite et une fin à Lamiel, un chef-d'œuvre resté inachevé de Stendhal, le géant du XIXe siècle.

 

Mais avant que La fin de Lamiel n'arrive sur le marché, Jacques Laurent s'est déjà taillé un solide créneau dans le grand public. D'une autre manière… Non pas avec son premier roman Les Corps tranquilles, qu'il avait commencé à écrire pendant la guerre, quand il devait monter la garde dans un poste de commandement isolé sur la ligne de démarcation. Cette ligne séparait la France occupée de la France de Vichy. De ce roman, qui n'est paru qu'en 1948 et qui n'avait pas été remarqué, les critiques ont dit, beau­coup plus tard, que c'était un chef-d'œuvre oublié. Non, Jac­ques Laurent est d'abord devenu célèbre sous pseu­do­nyme, sous le nom de Cécile Saint-Laurent, le créateur de "Caroline Chérie", dont on a vendu des millions d'exem­plaires dans le monde. Ce personnage a permis à Jacques Lau­rent de fumer les cigares les plus chers, de boire des quan­tités impressionnantes de whisky de malt et d'honorer un nombre tout aussi impressionnant de jolies femmes. Car, pour Jacques Laurent, l'écrivain ne vient pas au monde pour l'améliorer. L'écrivain doit prendre le temps, comme Jacques Laurent, de coucher sur le papier une Histoire des dessous féminins.

 

«La littérature, c'est la vengeance de la vie sur l'idéologie»

 

«La littérature, c'est la vengeance de la vie sur l'idéologie», ne cessait de répéter Jacques Laurent. Lorsque Jean-Paul Sartre ouvrit le débat en 1948 sur la littérature qui, selon lui, devait être obligatoirement "engagée", la réponse de Jacques Laurent ne s'est pas longtemps fait attendre. Elle paraît sous la forme d'un petit roman, intitulé Le Petit Canard, et aussi, sous une forme plus académique, sous la forme d'une revue, La Parisienne, la feuille des "Hussards", qui sont aussitôt partis en guerre contre Les Temps mo­der­nes, la revue intolérante de Sartre et des existentialistes "engagés". Dans Le Petit Canard,  Jacques Laurent écrit que le romancier est un homme qui doit chercher des circon­stan­ces atténuantes pour ses personnages. Le jeune An­toine, qui part, volontaire, sur le Front de l'Est, ne le fait pas par conviction idéologique, mais parce qu'un officier po­lonais lui a fauché sa petite amie. Un tel scénario est impensable chez Sartre, expliquait Jacques Laurent. Chez Sar­tre, l'homme doit poser des choix. Chez Sartre seu­le­ment, l'homme est contraint d'être responsable pour tout ce qu'il fait. Un écrivain de droite ne peut pas admettre une telle contrainte. Plus tard, dans Paul et Jean-Paul, il af­finera sa pensée, réalisant du même coup une exécution en bonne et due forme de Sartre. Ce livre fut aussi le début d'une belle carrière de polémiste, un genre littéraire qui commençait à disparaître des lettres françaises.

 

«Pour le singulier, contre le pluriel»

 

Jacques Laurent appartenait au camp de la droite litté­raire. Et il l'affirmait. «Nous faisons partie de la droite lit­téraire parce que nous sommes pour le singulier contre le plu­riel». Mais Jacques Laurent ne s'est pas contenté de rester dans les cercles littéraires de la droite. Pendant la guerre d'Algérie, Jacques Laurent prend le parti de l'OAS, qui veut que l'Algérie reste française. La politique choisie par Charles De Gaulle l'amène à écrire Mauriac sous De Gaulle, un règlement de compte avec l'écrivain catholique qui vouait une admiration aveugle au général. Je n'exagère pas: Mauriac sous De Gaulle est un des pamphlets les mieux écrits de ce siècle. Il n'existe pas d'autres pamphlets où le mythe du général est aussi cruellement mis à mal. Il a même valu à Jacques Laurent un procès en 1964 pour in­jure au chef de l'Etat. Le livre subit la censure. Malgré les très nombreuses célébrités qui ont plaidé, dans ce cas pré­cis, pour la liberté d'expression, dans la salle d'audience ou par le biais de pétitions, citons Jean Anouilh, Antoine Blon­din, Marcel Aymé, Emmanuel Berl, Jules Roy, mais aussi Fran­çoise Sagan et Bernard Frank. Et aussi, bien sûr, Fran­çois Mitterrand, qui était opposé au fondateur de la Ve Ré­publique lors des élections présidentielles de 1965. Jacques Laurent n'oubliera jamais le geste du futur président so­cia­liste: en 1981 et en 1988, il appellera à voter pour lui.

 

Je voudrais encore mentionner Les Bêtises, un roman volu­mi­neux, qui valut à Jacques Laurent le Prix Goncourt en 1971 et qui lui ouvrira la voie vers l'Académie Française. Dans cette assemblée, Jacques Laurent s'est ennuyé. Mais l'an­cien provocateur avait acquis une certaine sagesse et avait cessé de distribuer coups de pied et horions. Il est resté un écrivain à facettes multiples. Avec des livres sur Stendhal et sur la déroute de la langue française, avec Du mensonge, ode étrange au mensonge, sans compter des mé­moires, Histoire égoïste, et des romans dont l'intrigue se passe presque toujours pendant la guerre. Parmi eux, Le Dormeur debout et Clotilde Jolivet (ce dernier sous son pseudonyme d'antan, Cécile Saint-Laurent). Le grand public se souviendra sans nul de ce nom-là plutôt que de celui, réel, de Jacques Laurent. Et pourquoi pas?

 

"Guitry".

(Texte paru dans 't Pallieterke, 56ième année, n°2, 10 janvier 2001).

 

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Bhim Rao Ambedkar

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Bhim Rao Ambedkar

Christophe Jaffrelot publie le premier livre en français sur le Dr Ambedkar (1891-1956). Voici la présentation de l'édi­teur: «Bhim Rao Ambedkar fut longtemps seul contre tous, et notamment contre Gandhi, pour qui les intouchables de­vaient demeurer partie intégrante de la société hindoue. Cela ne l'empêchera pas de participer au premier gouver­ne­ment de Nehru et d'être chargé de rédiger la Constitution de l'Inde en 1947, en raison de ses talents de juriste. Il uti­li­sera ces fonctions pour contenir l'influence du gandhisme et au mieux des intérêts des intouchables. Homme d'état, Am­bedkar était aussi un penseur. Son action politique repo­sait sur une analyse sociologique de système des castes dont il conclut qu'il était consubstantiel à l'hindouisme et que les divisions des castes inférieures interdisaient la for­mation d'une classe laborieuse, dont les marxistes indiens espéraient encore l'avènement. D'où les deux stratégies qu'il mettra en œuvre dès les années 1920. La première vi­sait à améliorer la position des intouchables dans l'espace pu­blic, en les mobilisant à travers un parti politique et en ob­tenant pour eux des concessions auprès des Britanniques puis du Congrès. La seconde n'était autre que la conversion à une autre religion, perçue comme une migration collec­tive vecteur d'émancipation sociale dès lors qu'elle permet­tait d'échapper au monde hindou». Ambedkar se convertira au bouddhisme quelques mois avant sa mort. Nous rappel­le­rons que les éléments essentiels d'une compréhension du système des castes se trouvent dans le livre Castes et races de F. Schuon (Editions Arché) (JdB).

Christophe JAFFRELOT, Dr Ambedkar, 2000, Presses de Scien­ces Po, 256 pages, 155 FF.

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Tombeau pour Jacques Laurent

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Tombeau pour Jacques Laurent

« C’était un combattant », Michel Déon, le 6 janvier 2001.

« Je suis comme Marcel Aymé, contre l’armée, contre les curés, contre le travail, la famille et, bon, je suis de droite »

Jacques Laurent.

 

Un seigneur s’en est allé le 29 décembre 2000: Jacques Laurent est mort de chagrin quelques semaines après sa fem­me. Avec lui, tous les amoureux de la littérature et de la liberté perdent un modèle. Libertin et érudit, surdoué et protéiforme, Jacques Laurent-Cély était né en 1919: sa dis­parition à la fin d’un siècle, oui bien stupide, est gran­de­ment symbolique. La discrétion de la « grande presse », à l’exception du Figaro et du Point en dit long aussi sur le climat intellectuel et esthétique que nous autres, ses ca­dets désolés, devrons affronter sans faiblir. Il est vrai que Jacques Laurent fut toute sa vie un homme libre, subtile­ment hostile à toutes les formes de sectarisme et de sco­lastique que la gauche idéologique, aujourd’hui installée au pouvoir, incarne avec une bonne conscience en béton ar­mé. Ayant fréquenté l’Action française dès 1934, il avait été formé à l’école de Maurras (« un nettoyeur de l’intel­ligence ») et du classicisme français. C’est précisé­ment cette imprégnation classique qui le rendit imperméa­ble au romantisme fasciste, vu comme une démesure à fuir com­me la peste. Ceci explique qu’il ne fut pas cagoulard mal­gré ses liens familiaux avec Eugène Deloncle et son goût du combat même violent: le romantisme de ces conspi­ra­teurs l’arrêta. Son engagement à Vichy, au Ministère de l’In­for­mation (sous Paul Marion et Philippe Henriot), ses articles dans la presse de la Restauration Nationale réunis en un livre publié en 1944, Compromis avec la colère (sous le nom de Jacques Bostan), puisent leur inspiration dans une volonté de restaurer l’ordre classique. Il est en cela pro­che de Mounier: « promouvoir le réel, le vivant, l’orga­ni­que, l’évolutif contre l’abstrait, le géométrique, l’im­mua­ble mis en fiche, le général et le totalitaire ».

 

Il y a quel­ques années, répondant à un journaliste du Fi­ga­ro, Laurent définissait la droite comme suit: « La droite in­terdit à l’humanité d’espérer quelque chose de mieux, de croire, béatement, en un avenir meilleur. La gauche a le rôle de la collection Harlequin ». Ceci fait de lui l’un de nos maîtres, qui nous rappelle le refus des utopies comme fondement de notre attitude. Autre leçon de Laurent: son activité d’éditeur: ses revues Arts, La Parisienne furent dans les années 50 des « oasis de liberté » pour citer Michel Déon. Sous l’apparente frivolité du dandy, Laurent cachait une générosité, un flair et un courage rarement égalés dans la droite d’après-guerre. Il faut relire ses Chroniques de ce temps (rééditées chez B. de Fallois), comme son au­to­bio­gra­phie Histoire égoïste (Table ronde), livres à la fois bril­lants et solides: la quintessence de l’authentique subver­sion, la subversion classique, alliance parfaite - et raris­sime - du style et des idées. Disciple de Stendhal (et du cher Alexandre Dumas), Laurent est enfin le romancier de l’élan vital et du divin imprévu: lire ses chefs d’œuvre Les Corps tranquilles ou Les Bêtises, constitue la meilleure des thérapies face à la morosité hivernale. Pour tous les dissi­dents, Laurent restera un maître, celui qui nous enseigne «qu’il n’y a pas d’intelligence sans liberté, sans solitude, et sans courage ».

 

Patrick CANAVAN.

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dimanche, 27 avril 2008

Rolao Preto et l'intégralisme lusitanien

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Rolão Preto et l'intégralisme lusitanien

 

Francisco de Barcelos Rolão Preto, né le 5 février 1894 au Portugal, est le père d'une idéologie que l'on a nommée "l'intégra­lis­me lusitanien". Etudiant à Louvain, au Collège portugais, il ap­prend à connaître personnellement, à Paris, en pleine guer­re, en 1917, les principaux représentants du nationa­lis­me français: Barrès, Maurras, Daudet, Bainville. Plus tard, dans les années 30, il fonde le "Mouvement National-Syn­di­caliste Portugais", avec son ami Alberto de Monsaraz. L'or­gane de ce parti est “A Revolução”. A la différence du fas­cisme de Mussolini et du national-socialisme de Hitler, l'in­tégralisme lusitanien de Preto rejette toute divinisation de l'Etat, racines catholiques obligent. Mais malgré cette pa­ren­té catholique avec le régime de Salazar, le MNS est in­ter­dit et Preto prend la route de l'exil, vers l'Espagne voisi­ne. Il y rencontre José Antonio Primo de Rivera, avec qui il coopère pour rédiger, notamment, les fameux “27 points doctrinaux” de la Phalange. Quand éclate la guerre civile espagnole, Preto lutte aux côtés des camarades de José Antonio, orphelins de leur chef. Après la révolution des œil­lets en 1974, âgé de 80 ans, Preto fonde le PPM (Parti Po­pulaire Monarchique). Il meurt le 19 décembre 1977. En 1994, le Président Mario Soares, lui octroie, à titre post­hume, la “Grande Croix de l'Ordre de l'Infante D. Henrique” pour récompenser "son patriotisme et son amour de la li­ber­té”. Une étude brève et succincte sur ce personnage hors du commun peut se lire sur la grande toile, en langue por­tugaise: José Manuel Alves Quintas, «Rolão Preto e o In­tegralismo Lusitano»,

http://www.dundee.ac.uk/politics/cphrc/jose.htm... (Robert Steuckers).

 

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Cosaques au combat

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Cosaques au combat

Superbe ouvrage que proposent les éditions normandes Heim­dal: la somme sur les unités cosaques engagées aux côtés de l’Allemagne contre Staline entre 1942 et 1945. Le livre bilingue (français/anglais), magnifiquement illustré, retrace la tragique histoire récente de ces « Cosaques sans patrie » pour reprendre le titre d’un beau roman de F. Traut publié en 1962 à La Table ronde. Apparus au XIVème siècle, les Cosaques sont les héritiers directs des peuples indo-européens de cavaliers de la steppe, Scythes et Sar­mates. Rapidement slavisés, les Cosaques serviront les Tzars en échange de libertés concrètes: statut de paysans libre et exemption d’impôt, droit d’élire leurs atamans, ignorance superbe de la propriété individuelle, ...

 

Leur mission est de défendre les frontières de l’Empire rus­se face aux Mongols; ils servent aussi dans les opérations de maintien de l’ordre face à la canaille. A la veille du coup d’état bolchevique, ils sont 5 millions répartis en 5 groupes distincts: Don, Oural, Kouban, Térek, Orenbourg. Massi­ve­ment engagés aux côtés des Blancs, ils subissent une ré­pres­sion féroce sous le régime communiste. Pour eux, l’ar­rivée des Allemands est vécue comme une libération: c’est d’ailleurs le cas d’une grande partie des peuples soumis à la botte soviétique, qu’ils soient du Caucase ou de la Bal­ti­que. Tous paieront très cher cette tentative de se libérer du joug soviétique: déportations en masse dans les camps de la mort sibériens, extermination des élites, relégation lointaine pour les survivants et calomnie généralisée... jusque chez des universitaires européens, par exemple un certain François Arzalier, communiste bon teint qui publie encore en 1990 (!) un ouvrage de propagande soviétique (et donc bourré d’inexactitudes): Les perdants. La dérive fas­cis­te des mouvements autonomistes et indépendantistes au XXème siècle (La Découverte). L’album de Fr. de Lannoy que publie Heimdal ne tombe pas dans ces travers. Rien que la qualité, la rareté des 350 documents photogra­phi­ques en fait un objet de collection: superbes gueules de cavaliers (qui ne devaient certes pas être des anges), d’of­ficiers comme ce beau reître le général von Pannwitz, ar­mement et uniformes d’un autre temps, bref l’ouvrage sau­ve tout un monde de l’oubli. Il rappelle aussi l’abjecte fé­lo­nie des Britanniques qui livrent les Cosaques aux Rouges malgré leur promesse... mais, en vrais gentlemen, gardent les chevaux. Il est vrai que les Alliés ne font rêver personne au contraire des chevaleries vaincues.

 

Patrick CANAVAN.

 

Fr. de Lannoy, Les Cosaques de Pannwitz 1942-1945, Heim­dal, 2000. A commander à Heimdal, Château de Dami­gny, BP 320, F-14403 Bayeux cedex, internet: Editions.Heimdal@wanadoo.fr .Voir aussi le film d’Enrico, Vent d’est avec Malcolm McDowell et un court roman de Claudio Magris, Enquête sur un sabre, Desjonquères 1987.

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samedi, 26 avril 2008

Plus est en vous !

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"Plus est en vous"

 

Parlant du Verdinaso de Joris Van Severen (1894-1940) mou­vement politique aux allures d'ordre monastique et guer­rier, un ministre social-chrétien belge, pourtant hosti­le, déclarait qu'il s'agissait de "la tentative la plus honnête d'un groupe autoritaire de réagir, entre les deux guerres, contre la démagogie parlementaire". A la tête de cette u­nion nationale-solidariste thioise, un jeune officier flamand (mais parfaitement francophone comme l'élite de son temps) nourri de Maurras, Barrès, Maritain et Valois, fou de littérature romantique et amateur de jolies femmes: Joris Van Severen, sans doute le personnage le plus étonnant de la Belgique de l'entre-deux-guerres. L'histoire de cet hom­me respecté même par ses adversaires est mal connue: d'au­­tres figures ont monopolisé l'attention des chercheurs et du public cultivé, comme celle d'un Léon Degrelle, dé­ma­gogue n'arrivant pas à la cheville du Leider thiois quant à la valeur morale, à l'ampleur des visions politiques et stra­tégiques. On devait déjà à Luc Pauwels, éditeur de la revue dextriste Tekos (anciennement Teksten, kommen­taren en studies fondée par un groupe d'intellectuels fol­cistes aux visions paneuropéennes) une présentation de Van Severen publiée dans Nouvelle Ecole (n°50, 1998).

 

Pauwels publie aujourd'hui le mémoire de licence qu'il a présenté à l'Université Catholique de Louvain (KUL) sur les évo­lutions idéologiques de Van Severen. L'ouvrage (272 pa­ges) est du plus haut sérieux, parfois scolaire, mais con­sti­tue une somme. L'auteur a dépouillé une masse d'archives et de revues (dont L'Ordre thiois et Pays-Bas Belgiques pu­bliées alors en français), rencontré témoins et acteurs (dont L. Delafortrie fidèle depuis plus de cinquante ans à son chef, Jef François, Pol le Roy, Jef van Bilsen, etc.). Il a bénéficié de l'aide des disciples de Van Severen toujours ac­tifs, au sein du Mouvement flamand notamment. Il faut es­pérer qu'une adaptation française verra le jour, qui per­mettrait au public francophone de se familiariser avec cet­te fascinante et noble figure.

 

«Je poursuis l'idéal, hardiment, sans faiblir»!

 

Car le Verdinaso fut bien plus qu'un parti politique: un or­dre à l'idéal ascétique que l'on peut rapprocher, sans tou­te­fois  les confondre, avec le mouvement d'un Codreanu ou d'un José Antonio; bien plus qu'un groupe flamingant: une union panthioise regroupant dans la dernière phase de sa com­plexe évolution Flamands, Luxembourgeois, Frisons et Wallons des marches romanes. Ce qui frappe, c'est la réelle influence de cet homme qui ne joua pas un rôle politique de premier plan puisque relégué dans l'opposition par un système parlementaire qu'il méprisait souverainement. Van Severen était partisan d'une oligarchie d'aristocrates instau­rant un ordre nouveau personnaliste et communautaire qu'il voulait différent des ordres allemands et italiens, ce qui va­lut des défections à son mouvement. Fier de l'héritage ger­manique des Pays-Bas Belgiques, Van Severen était un lec­teur attentif des thèses de Franz Petri (Germanisches  Volks­erbe in Wallonien und Nordfrankreich, Bonn, 1937). Mais il connaissait les limites de la germanité: "Ils cons­truisent des tours, ces Thiois, et des digues, mais jamais ils n'ont bâti un Etat" et se rattachait aussi à une certaine la­tinité sur laquelle il fonda sa Rijksgedachte, sa pensée d'Em­pire. Dès 1934, Van Severen rompit avec le flamin­gan­tisme classique, micro-jacobin et revanchard, pour prendre comme modèle le Cercle de Bourgogne, les XVII Provinces. Luc Pauwels étudie l'évolution de sa pensée depuis les pre­mières sympathies bolcheviques, à travers des thèmes com­me le solidarisme, le corporatisme, l'ordre,… Il définit Van Se­veren comme un révolutionnaire-conservateur, disciple d'A­ristote et de Thomas d'Aquin. Voilà donc une figure di­gne d'intérêt, rendue encore plus attachante par sa beauté (su­perbe portrait par le photographe Willy Kessels aujour­d'hui voué aux gémonies par une clique d'intellocrates par­ticulièrement haineux) et par son tragique destin: Van Se­veren est abattu par des soldats français à Abbeville dans des conditions atroces avec vingt autres prisonniers le 20 mai 1940, en pleine débâcle.

 

"Je poursuis l'Idéal, hardiment, sans faiblir".

 

André DUCHENOY.

 

L. Pauwels, De ideologische evolutie van Joris Van Severen, Studiecentrum Joris Van Severen, Paddevijverstraat 2, B-8900 Ypres. 1100 FB (environ 190 FF). Le centre organise un pè­lerinage annuel sur la tombe de Van Severen à Abbeville.

 

 

 

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Hommage à Goulven Pennaod

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Hommage à Goulven Pennaod

 

Décédé à l’âge de 71 ans le 29 novembre 2000, Goulven Pen­naod (en français Georges Pinault) aura été fidèle jus­qu’à son dernier souffle à ses idéaux celtiques et grand-eu­ropéens. Il était ce que notre honoré confrère E. Ratier (Faits et Documents, BP 254-09, F-75424 Paris cedex 09, eratier@faits-et-documents.com) nomme justement un com­­­battant de l’Occident extrême. Combattant, il le fut dès l’adolescence: dépité de ne pouvoir entrer dans l’Euro­corps de son époque (alors impliqué dans des opérations humanitaires à l’Est), ce jeune militant du Parti National Breton opte pour les Jeunes de l’Europe Nouvelle, mouve­ment de scoutisme multiculturel créé à l’origine par le spor­­tif et écrivain Marc Augier, futur Saint-Loup, celui qui faillit avoir le Goncourt en 1953. Contrairement à plusieurs membres de ce groupe de jeunes qui s’engagent dans la 2è­me DB, Pennaod est arrêté et interné au camp de Sainte-Marguerite de Rennes, à l’âge de quinze ans. C’est en pri­son que ce descendant de chouan, fils d’un militant socia­liste devient tout à fait païen. Ce jeune surdoué —il con­naissait une vingtaine de langues— passe son baccalauréat sous la surveillance des gendarmes. Ainsi débute la carrière peu banale de celui qui finira linguiste, spécialiste des lan­gues celtiques et chercheur au CNRS. Mais avant de se pen­cher sur les inscriptions gauloises avec le grand archéo­lo­gue P.M. Duval (qui loue ses connaissances linguistiques et mathématiques), Pennaod fit tous les métiers, au Pays de Galle où il fréquente les partisans de l’Armée de Libération galloise et de l’IRA, à Saint-Germain-des-Prés et Montpar­nas­se chez les Bretons de Ker Vreizh où il se livre à de my­stérieux cultes druidiques, fréquente divers militants eth­nistes frisons ou normands, notamment au sein d’une in­téressante union antitotalitaire et fédéraliste.

 

Engagé dans l’armée, il passe vite sous-lieutenant d’artille­rie et se porte volontaire pour sauter « blind » sur Dien Bien Phu le 22 avril 1954: ce sera son premier et dernier saut, sans armes (l’intendance n’a jamais aimé perdre son matériel) et avec des bottes payées de ses deniers. Son ami Saint-Loup a décrit cet épisode épique dans Les Nostalgi­ques: la cuite avec d’anciens volontaires français sur le front russe (dont un futur archéologue de renom) la veille du départ, les ultimes grenades lancées sur les Viets et l’a­mertume d’un sergent plus ou moins suisse: «Dien Bien Phu est tombée le 30 avril 1945». Ce à quoi Pennaod renchérit en déplorant l’issue du deuxième conflit européen qui retar­da en effet la construction de l’autoroute Gibraltar-Vla­divostok. Dernier officier breton à cesser le feu, Pen­naod est l’un des rescapés des camps de la mort asiatiques, ce qui lui vaut le grade de capitaine et une proposition de Légion d’Honneur, qu’il refuse très décemment.

 

Il accom­plira diverses missions au Maroc et en Afrique noire comme consultant en pacification et gestionnaire de res­sour­ces hu­maines avant de solliciter un congé pour conve­nances personnelles. Il se lance alors dans des études de lin­­­guistique et d’archéologie, s’intéresse de près au calen­drier gaulois de Coligny. Pennaod collabore aussi à diverses revues culturelles (Europe-Action de Dominique Venner, De­venir Européen d'Yves Jeanne, Nouvelle Ecole d'Alain de Benoist) dans une optique hautement citoyenne, hostile au totalitarisme communiste, à l’intolérance judéo-chrétienne et au matérialisme capitaliste, respectueuse des différen­ces et favorable à l’ouverture à l’autre. Son credo peut se ré­sumer ainsi: « un devenir spécifiquement breton, à côté et en collaboration avec elles, de la France et de la Celtie in­sulaire dans une Europe fraternelle ».

 

Une carrière scientifique jalousée

 

Sa carrière scientifique suscite la jalousie de divers res­capés du stalinisme passés au service du capitalisme turbo, ce qui ne troublait guère ce Celte qui en avait vu d’autres. Ces derniers temps, il préparait une traduction bretonne d’un traité de polémique antichrétienne de l’empereur Ju­lien. Il semble que les Dieux ne lui aient pas permis d’a­chever cette œuvre: ceci obligera sans doute un jeune Bre­ton de reprendre ce flambeau lâché. Réfugié aujourd’hui à Tir na nOg, dans l’Autre Monde, le camarade Goulven, ba­roudeur et érudit, druide et guerrier, y jouit enfin de la paix, loin des dénonciateurs et des larves. Comme le dit l’un de nos textes,  la Navigation de Bran: « On n’y connaît ni tristesse ni trahison, dans le pays bien connu du plaisir ». Oui, à lui les musiques douces et les vins exquis. A nous le cha­grin et la détermination.

 

Patrick CANAVAN.

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vendredi, 25 avril 2008

Il simbolo in Mircea Eliade

Il simbolo in Mircea Eliade

3.gifTratto, per gentile concessione dell’Autore, dal sito www.gianfrancobertagni.it; precedentemente pubblicato in ArKete 3 (1/1999).

Una delle principali scoperte che Mircea Eliade fa nel suo periodo indiano è l’importanza del simbolo. L’articolo presenta la teoria eliadiana del simbolo, elemento mediano tra il sacro e l’uomo. Particolare rilevanza riveste il ’sistema simbolico’ all’interno del quale ogni simbolo agisce e senza il quale questo perde il suo più profondo significato; e ancora l’«evoluzionismo simbolico» che sembra a volte presentarsi nell’opera eliadiana.

Da sottolineare inoltre l’operatività nascosta del simbolo, agente nella totalità della struttura psichica dell’uomo, e quindi non solo nella parte cosciente. Solo grazie al simbolo e al simbolismo all’uomo è permessa un’esperienza religiosa totale, nella quale il sacro sia «ovunque e in nessun luogo». Dopo il conseguimento della laurea in filosofia, il giovane Mircea Eliade il 20 novembre del 1928 parte per l’India. Vi permarrà per tre anni, e grazie al patrocinio del maharaja Manindra Chandra Nandy di Kassimbazar, potrà godere di una borsa di studio che gli permetterà di penetrare i segreti della lingua sanscrita e della filosofia indiana, sotto l’ammaestramento del professor Surendranath Dasgupta.

Cinquant’anni dopo, Eliade, in un’intervista con Claude-Henri Rocquet, ricordò l’importanza della sua esperienza indiana, nella quale venne a contatto con tre aspetti della spiritualità che saranno tra gli assunti metodologici del futuro storico delle religioni romeno. Egli scoprì quel tentativo tipico della religiosità indiana che consiste nel trasfigurare la vita dell’uomo in un’esperienza sacramantale. Per Eliade, del resto, l’esperienza religiosa tende alla santificazione dell’intera realtà; soprattutto l’uomo appartenente alle società arcaiche riusciva - secondo lo studioso romeno - a realizzare in qualsiasi ambito della sua vita (personale e sociale) una coesistenza tra il suo essere e la sfera del sacro, che lo proiettava in una situazione in cui realtà metafisica e libertà sono un tutt’uno: gli “atti elementari diventano, per il «primitivo», un rito; la sua mediazione aiuta l’uomo ad avvicinare la realtà, a inserirsi nell’ontico, liberandosi dagli automatismi (privi di contenuto e di significato) del divenire, del «profano», del nulla”[1].

Questo tipo di uomo era tale nella misura in cui non era naturale, inserito invece nella pienezza della realtà, realtà che per Eliade significa sacro, ontico. Inoltre, nella tipica contrapposizione eliadiana tra sacro e storia, se quest’ultima “è sempre una caduta del sacro, […] [esso] non cessa di manifestarsi, e in ogni sua nuova manifestazione riafferma la sua originaria tendenza a rivelarsi totalmente e perfettamente”[2]. Quindi il sacro si manifesta, ma soprattutto, continua a manifestarsi nelle più diverse forme, in forza della sua inesauribilità; ogni teofania, ogni cratofania, ogni ierofania indica il sacro, ma nello stesso tempo lo limita, indica cioè che quello che essa mostra non è il sacro originario. Appunto per questo, secondo Eliade, ogni esperienza religiosa tende, per sua natura, alla mistica, cioè ad un’esperienza spirituale totale e totalizzante: “Un’esperienza religiosa totale […], se riesce, porta all’esperienza mistica assoluta, che scopre e identifica il sacro dovunque e in nessun luogo nell’Universo”[3].

Eliade scopre, nella sua permanenza in India, anche l’importanza dell’uomo neolitico nelle successive fasi culturali dell’umanità. Quegli archetipi antichissimi, originari delle spiritualità arcaiche dei popoli, tornano con nuovi nomi anche nelle tradizioni religiose ad esse posteriori. Una volta conosciuto il mondo degli archetipi, l’uomo non potrà mai liberarsene; egli potrà viverlo ritualmente attraverso la riattualizzazione dei miti e la trasfigurazione del tempo profano in tempo sacro, potrà esserne contemporaneo grazie alla ripetizione dei gesti degli esseri soprannaturali per dare valore alle sue attività quotidiane, come potrà ritrovarli inconsciamente nella nostra epoca secolarizzata grazie ai sogni, alle opere artistiche o in quelle situazioni oggi desacralizzate ma originariamente religiose; in ogni caso, le intuizioni del mondo arcaico sopravvivono in ogni epoca: “L’uomo potrebbe sfuggire da ogni cosa, meno che dalle sue intuizioni archetipiche, create nel momento in cui ha preso coscienza della sua posizione nel Cosmo. […] La spiritualità arcaica, così come l’abbiamo decifrata, assetata di ontico, continua fino ai giorni nostri”[4].

Ma Eliade in India fa anche una scoperta che non meno di queste sarà fondamentale all’interno della sua teoria morfologica delle religioni. Eliade scopre il significato del simbolo. Nella sua intervista a Rocquet racconta come in Romania, prima della sua esperienza indiana, non si sentisse affatto attratto dalla vita religiosa, come interpretasse le icone che riempivano le chiese di Bucarest quasi alla stregua di idoli: “Ebbene, in India mi è capitato di vivere in un villaggio di Bengala e ho visto delle donne e delle ragazze che accarezzavano e decoravano un lingam, un simbolo fallico”. E capì allora il senso del simbolo, in quel caso del lingam. Quest’ultimo voleva dire molte cose: l’origine della vita, della creatività, della fertilità cosmiche; si trattava dell’epifania di Siva. “Allora questa possibilità di provare un’emozione religiosa in virtù dell’immagine e del simbolo, mi ha rivelato tutto un mondo di valori spirituali”.

E allora anche davanti ad un’icona il credente non vedrà semplicemente l’immagine di una donna con un bambino, ma vivrà l’esperienza del mistero della madre di Dio, della santa Sophia. “Immaginate l’importanza di questa scoperta, dell’importanza del simbolismo religioso nelle culture tradizionali nella mia formazione”[5]. Il lingam non è un feticcio: esso non viene venerato in se stesso, e questa è una caratteristica della ierofania. L’oggetto ierofanico mostra qualcosa di altro, trascende la sua materialità e oggettività, in quanto investito di una potenza che lo trasfigura; in forza di ciò non si può parlare di idolatria: “Mai un albero fu adorato unicamente per se stesso, sempre per quel che si «rivelava» per suo mezzo”[6]; e neppure si può parlare di panteismo: “Un solo oggetto (o simbolo) indica la presenza della Natura. Non si tratta dunque di un sentimento panteistico, simpatia o adorazione della natura, ma di un sentimento provocato dalla presenza del simbolo (ramo, albero, ecc.) e stimolato dall’attuazione del rito (processioni, lotte, gare, ecc.)”[7].

“Sovente, degli esseri, degli oggetti, delle azioni sono «potenti», hanno del mana, perché traggono la loro «potenza» da un principio che la precede e in un certo senso la fonda: un simbolo (un Essere supremo, un avvenimento mitico, ecc.)”[8]. E ancora: “L’efficacia delle pietre non è mai insita in loro; partecipano a un principio o incarnano un simbolo, esprimono una «simpatia» cosmica o traducono un’origine celeste. Queste pietre sono segni di una realtà spirituale diversa, o strumenti di una forza alla quale servono soltanto di ricettacolo”[9]. In queste ultime due citazioni abbiamo a che fare con un concetto di simbolo che si discosta in parte, come vedremo, da quello che comunemente utilizza Eliade, ma entrambe indicano quella peculiarità della ierofania che fa di essa ciò che è grazie ad una realtà che trascende quella in cui si viene a trovare l’oggetto investito di sacralità. E questa è la caratteristica principale del simbolo: “I simboli possono rivelare una modalità del reale o una struttura del mondo che non sono evidenti sul piano dell’esperienza immediata. […] I simboli religiosi […] svelano il lato miracoloso, inesplicabile della Vita e ad un tempo la dimensione sacramentale dell’esistenza umana”[10].

Per la mentalità arcaica, il mondo è un organismo nel quale tutto è collegato. Ogni segno ne richiama altri, e così i diversi piani della realtà comunicano tra loro. Se un solo oggetto indica la natura intera, ciò è dovuto alle caratteristiche del simbolo: “Se il Tutto esiste nell’interno di ciascun frammento significativo, questo […] avviene […] perché ogni frammento significativo ripete il Tutto”[11]. È allora possibile passare dal piano isolato del simbolo a quello del simbolismo; ed è proprio ciascuno dei suoi elementi che lo riassume e lo evoca interamente; non si può parlare di simbolo che sia isolato: “Non esiste simbolo, emblema o efficienza che sia monovalente o singolarizzato. Tutto è collegato, ogni cosa è legata alle altre, formando un insieme di struttura cosmica”[12]. Se ogni simbolo richiama un simbolismo, allora quest’ultimo può essere studiato solo attraverso un esame di tutti i simboli che ne costituiscono la trama: “Ogni simbolismo «fa sistema» e si può realmente comprenderlo soltanto nella misura in cui lo si considera nella totalità delle sue applicazioni particolari”[13]. Il motivo per cui il simbolismo non è solo un insieme, ma è un ’sistema’ è dato dal fatto che esso, come un organismo vivo, “permette la circolazione, il passaggio, da un livello all’altro, da un modo all’altro, integrando tutti questi livelli e piani, ma senza confonderli. La tendenza a coincidere col Tutto dev’essere intesa come tendenza a integrare il «tutto» in un sistema”[14].

Il simbolo non solo richiama una modalità trascendente quella profana, ma fa sì che anche la realtà quotidiana venga trasfigurata: “La multivalenza simbolica di un emblema o di una parola appartenente alle lingue arcaiche ci obbliga continuamente a notare che, per la coscienza che le formò, il mondo si rivelava come un tutto organico”[15]. La peculiarità di questo tipo di realtà, nella quale viene compresa e vissuta la forza del simbolo, è che i piani interferiscono tra loro; ad esempio: “La fecondità della donna influisce sulla fecondità dei campi, ma l’abbondanza della vegetazione, a sua volta, aiuta la donna a concepire”[16].

L’esempio classico, su cui Eliade torna più volte, è la luna: “La grande importanza della luna nelle mitologie arcaiche, e soprattutto l’integrazione in un unico ’sistema’, da parte del simbolismo lunare, di realtà diverse tra loro come la donna, le acque, la vegetazione, il serpente, la fertilità, la morte, la ‘ri-nascita’, ecc.”[17]. Ma qui è da sottolineare quanto non sia un semplice fatto naturale a connettere diverse realtà tra loro, ma un simbolismo, che forma quella rete di collegamenti, grazie alla quale si può parlare giustamente di ’sistema’. È il simbolismo, e non la luna, che fonda la possibilità, ad esempio, di legare la donna alla terra: “Un complesso simbolismo, dalla struttura antropocosmica, associa la donna e la sessualità ai ritmi lunari, alla Terra (assimilata alla matrice) e a ciò che dobbiamo chiamare il ‘mistero’ della vegetazione”[18]. La struttura simbolica di qualsiasi complesso religioso non è cioè una sorta di religione naturalistica, ma trova origine in una intuizione archetipica, pre-razionale, che è alla base della metafisica a struttura platonica della religiosità arcaica; la caduta del simbolismo in una interpretazione esclusivamente ‘fattuale’ è invece sinonimo di degradazione.

A riguardo delle origini del simbolismo della perla, Eliade evidenzia che esse non sono “empiriche, ma teoriche e metafisiche”; tuttavia “questo simbolismo, in seguito, fu interpretato, «vissuto» diversamente, poi degradato fino alle superstizioni e al valore economico-estetico che rappresenta per noi la perla”[19]. Anche considerando i rituali della vegetazione, rituali così intimamente connessi ad un certo periodo dell’anno, Eliade riafferma la priorità dell’intuizione metafisica: “La concezione teorica, metafisica, precede l’esperienza concreta e l’avvento della primavera”[20]. Infatti, “il simbolo non può essere il riflesso dei ritmi cosmici in quanto fenomeni naturali, in quanto un simbolo rivela sempre qualcosa di più che l’aspetto della vita cosmica che sta a rappresentare”[21]: il simbolo, nel pensiero arcaico - fondato sui complessi mitico-rituali e simbolici -, approda ad una metafisica sistematica che ripercorre l’intera vita religiosa. I simboli, i miti, i riti, attraverso diverse modalità, esprimono, “un complesso sistema di affermazioni coerenti sulla realtà ultima delle cose, sistema che può essere considerato come una vera e propria metafisica”[22].

Peculiare di questo tipo di metafisica è il basarsi su simboli e non esclusivamente su concetti, come accade nella prassi filosofica comune; è infatti proprio della mentalità primitiva il pensare per simboli, caratteristica che non preclude la possibilità di una logica soggiacente: “Il pensiero arcaico non procede esclusivamente per concetti o elementi concettuali, ma si serve anche e anzitutto di simboli. […] I simboli vengono «maneggiati» secondo una logica simbolica”[23]. Si può quindi parlare di una “logica del simbolo”[24], inseribile a pieno titolo tra i problemi essenzialmente filosofici: la “logica del simbolo esce dal campo della storia delle religioni propriamente detta e si schiera fra i problemi della filosofia”[25]. Ma soprattutto la possibilità di vedere nella logica dei simboli una vera e propria ontologia è data dal fatto che, essendo questi di tipo essenzialmente religioso, non possono che riguardare ciò che è il reale per definizione, cioè il sacro e ciò che da esso è investito: “Per i primitivi, i simboli sono sempre religiosi, poiché mirano o a qualcosa di reale, o a una struttura del mondo. Ora, ai livelli arcaici della cultura il reale - cioè il potente, il significativo, il vivente - equivale al sacro. […] Per questo i simboli religiosi arcaici implicano una ontologia”[26].

Attraverso il simbolo, il mondo diviene trasparente all’uomo e assume ai suoi occhi un significato: quell’universo di significati nel quale è immerso l’uomo delle società in cui il mito è cosa vivente “non è più una massa opaca di oggetti arbitrariamente gettati assieme, ma un Cosmo vivente, articolato e significativo. In ultima analisi, il Mondo si rivela come linguaggio”[27]. Un linguaggio che può essere inteso dall’uomo perché è da lui condiviso. Del resto, un’altra caratteristica del simbolo è che esso apre la realtà nella quale agisce; questo vale sia per l’uomo (”L’uomo non si sente rinchiuso nel suo modo d’esistenza; anch’egli è «aperto», comunica con il Mondo, perché utilizza lo stesso linguaggio: il simbolo”[28]), che per il mondo stesso: “Per il pensiero simbolico, il mondo non è solo «vivo», è anche «aperto»: un oggetto non è mai semplicemente se stesso (come accade per la coscienza moderna), è anche segno o ricettacolo di qualcos’altro, di una realtà che trascende il livello d’essere dell’oggetto”[29]. Il mondo, grazie al simbolo, svela all’uomo la sua apertura verso ciò che lo supera; vi è infatti tutta una serie di simbolismi che, nella varietà dei loro caratteri, sono accomunati dalla stessa descrizione della struttura del mondo: “Le ascensioni rituali al cielo avvengono sempre in un «centro» […] ogni abitazione umana è una imago mundi […] tutti questi simboli collegati e complementari presentano, ciascuno nella propria prospettiva, uno stesso significato: l’uomo può trascendere il mondo”[30].

Gianfranco Bertagni

Tratto, per gentile concessione dell’Autore, dal sito www.gianf rancobertagni.it; precedentemente pubblicato in ArKete 3 (1/1999).

NOTE

[1] Mircea Eliade, Trattato di storia delle religioni, Boringhieri, 1988, p. 39.
[2] Id., Lo sciamanismo e le tecniche dell’estasi, Mediterranee, 1975, p. 15.
[3] Id., Spezzare il tetto della casa. La creatività e i suoi simboli, Jaca Book, 1988, p. 203.
[4] Id., I riti del costruire, Jaca Book, 1990, p. 111.
[5] Id., La prova del labirinto, Jaca Book, 1980, p. 54. Le pp. 53-58 sono dedicate a Le tre lezioni dell’India cui accenniamo.
[6] Id., Trattato di storia delle religioni, cit., p. 276.
[7] Ibidem, pp. 336-7.
[8] Id., Spezzare il tetto della casa, cit., p. 201.
[9] Id., Trattato di storia delle religioni, cit., p. 234.
[10] Id., Mefistofele e l’androgine, Mediterranee, 1971, pp. 189-90.
[11] Id., Trattato di storia delle religioni, cit., p. 277.
[12] Ibidem, pp. 160-1.
[13] Id., Miti, sogni e misteri, Rusconi, 1976, p. 137.
[14] Id., Trattato di storia delle religioni, cit., p. 470.
[15] Ibidem, p. 195.
[16] Ibidem, p. 369.
[17] Id., Storia delle credenze e delle idee religiose, vol. I: Dall’età della pietra ai misteri eleusini, Sansoni, 1979, p. 34.
[18] Ibidem, p. 53. È da sottolineare però anche una certa oscillazione in Eliade, per cui a volte sembra che sia proprio la luna a creare il suo simbolismo. Ad esempio nel passo seguente: “L’intuizione della Luna, in quanto norma dei ritmi e fonte di energie, di vita e di rigenerazione, ha intessuto realmente una rete fra tutti i piani cosmici, creando simmetrie, analogie e partecipazioni fra fenomeni infinitamente vari”: Mircea Eliade, Trattato di storia delle religioni, cit., p. 176.
[19] Ibidem, p. 456.
[20] Ibidem, p. 339.
[21] Id., Immagini e simboli. Saggi sul simbolismo magico-religioso, TEA, 1993, p. 156.
[22] Id., Il mito dell’eterno ritorno, Rusconi, 1975, p. 15.
[23] Id., Trattato di storia delle religioni, cit., p. 40.
[24] Ibidem, p. 467.
[25] Ibidem, p. 471.
[26] Id., Mefistofele e l’androgine, cit., p. 190.
[27] Id., Mito e realtà, Borla, 1976, p. 175.
[28] Ibidem, pp. 176-7.
[29] Id., Arti del metallo e alchimia, Bollati Boringhieri, 1976, p. 127.
[30] Id., Miti, sogni e misteri, cit., p. 133.

Il linguaggio attraverso il quale il mondo si rivela non è equiparabile al linguaggio usuale, quotidiano, perché la realtà di cui esso comunica l’essenza non è quella profana: “Non si tratta di un linguaggio utilitario e oggettivo. Il simbolo non ricalca la realtà oggettiva. Esso rivela qualche cosa di più profondo e di più fondamentale”[31]. Infatti abbiamo già detto che la realtà di cui ci parlano i simboli non è quella evidente all’esperienza comune; è invece - per certi versi - il suo opposto: per essempio, è paradossale: “Forse la funzione più importante del simbolismo religioso (importante, soprattutto per via del ruolo che doveva avere nelle successive speculazioni filosofiche) è la sua capacità di esprimere alcune situazioni paradossali e alcune strutture della realtà ultima, altrimenti impossibili ad esprimere”[32]; come è paradossale la ierofania stessa, la quale rivela e cela allo stesso tempo il sacro.

La paradossalità è vissuta nella vita dell’uomo attraverso quelle situazioni che lo pongono di fronte ai suoi limiti e ai loro superamenti, e queste sono espresse dal simbolo: “I simboli esprimono generalmente delle situazioni limite; un simbolo ci guida sempre verso il mistero della nascita, dell’amore, della fecondità, del rinnovamento, della morte e della resurrezione, dell’iniziazione, del passaggio da un modo d’essere all’altro, ecc.”[33]. Ogni simbolo esprime una situazione limite, e in forza di questo ci è consentito, secondo Eliade, confrontare simboli appartenenti a tradizioni diverse: “Quando, facendo astrazione dalla «storia» che li separa, noi raffrontiamo un simbolo oceaniano a un simbolo dell’Asia settentrionale, ci riteniamo autorizzati a farlo non in quanto entrambi sarebbero il prodotto di una stessa «mentalità infantile», bensì perché il simbolo, in se stesso, esprime la presa di conoscenza di una situazione-limite”[34]. L’uomo, i suoi ostacoli, le sue necessità sono identici ovunque e in ogni tempo: i simboli lo dimostrano.

Il simbolismo, comunicandoci la nostra natura paradossale e limitata, ci mette in contatto con la nostra situazione esistenziale: “Lo studio del simbolismo persegue [lo scopo di] decifrare […] la situazione esistenziale che ne ha reso possibile la costituzione”[35]; è questo aspetto che tocca più da vicino la natura umana, facendo sì che essa si senta pienamente coinvolta, chiamata in causa: essa non ha più a che fare con qualcosa che le è esterno, ma che invece la investe totalmente. Anche per questo aspetto, il simbolismo non è oggettivo: così il simbolismo religioso ha un valore esistenziale, infatti “un simbolo allude sempre a una realtà o ad una situazione tale da impegnare l’esistenza umana”. È innanzi tutto qui che i simboli si distinguono dai concetti. Il simbolo non solo comunica ma “dà anche un significato all’esistenza umana”. Attraverso il simbolismo, l’uomo esce dalla sua contingenza particolare, cosmicizzandosi: “«Vivere» un simbolo e decifrarne correttamente il messaggio implica l’apertura verso lo Spirito e alla fine l’accesso all’universale”[36]. Il simbolo ci informa dell’uomo in quanto tale: è questo che sembra significare Eliade quando parla di «situazione esistenziale», «valore esistenziale», ecc. Questo tipo di uomo è quello che non è ancora stato degradato dalla storia, dai condizionamenti dei tempi e delle culture: prima di essere storico, l’uomo è simbolico, ed è in quest’ultima modalità che vanno ricercate le strutture più significative e profonde che lo costituiscono: “Il pensiero simbolico […] è connaturato all’essere umano: precede il linguaggio e il ragionamento discorsivo. […] Le immagini, i simboli, i miti […] rispondono a una necessità ed adempiono una funzione importante: mettere a nudo le modalità più segrete dell’essere. Ne consegue che il loro studio ci permette di conoscere meglio l’uomo, l’«uomo tout court», quello che non è ancora sceso a patti con le condizioni della storia. Ogni essere storico porta con sé una grande parte dell’umanità prima della Storia”[37].

Il simbolo non è l’archetipo: non ha quindi una realtà autonoma rispetto alla quale l’uomo non deve far altro che conoscerla e adeguarcisi; giustamente Roberto Scagno, il maggior conoscitore di Eliade in Italia, ha scritto: “Il simbolo non è sostanza metafisica, ma strumento umano di riflessione e comunicazione”[38]. È infatti l’uomo l’unico creatore di simboli, oltre che unico fruitore; quindi, a differenza dell’archetipo, “il simbolo appare come una costruzione della psiche”[39]. L’uomo si caratterizza per quella particolare facoltà creatrice di simboli che gli è connaturata: “Dato che l’uomo dispone di una facoltà creatrice di simboli (symbol-forming power), tutto ciò che compie è simbolico”[40]. Si tratta quindi di una facoltà continuamente attiva, in forza della quale Eliade può parlare dell’uomo come homo symbolicus; infatti “i simboli non scompaiono mai dall’attualità psichica”[41]. Se ogni attività umana implica un simbolismo, allora anche “ogni fatto religioso avrà necessariamente un carattere simbolico”[42]. Vi è poi un circolo vizioso - anzi, eliadianamente virtuoso - per il quale anche il fatto religioso stesso, simbolico in quanto proprio dell’uomo, porta quest’ultimo ad interpretarsi come simbolo, esperienza esistenziale che gli consente di sentirsi parte di quella rete di simboli per eccellenza che è l’universo: “L’esperienza magico-religiosa permette la trasformazione dell’uomo stesso in simbolo. […] L’uomo non sente più di essere un frammento impermeabile, è invece un Cosmo vivo, aperto a tutti gli altri Cosmi vivi che lo circondano”[43].

In quanto dato immediato della coscienza, il simbolismo “determina sia l’attività del […] subcosciente [dell’uomo], sia le più nobili espressioni della sua vita spirituale”[44]. Eliade considera gli archetipi influenti, oltre che sulla vita spirituale, anche su quella subcosciente. Essendo l’attività dei simboli anche inconscia, ed essendo l’uomo il produttore di simboli, anche in un periodo non religioso come quello moderno si può continuare a parlare di un uomo che, seppur profano, “rimanendo uomo, produce ugualmente simboli; si tratta però di simboli degradati, che, non essendo consapevolmente riconosciuti, non possono svolgere pienamente la loro funzione. Solo il simbolo religioso è vissuto coscientemente, nella pienezza del suo significato”[45]. Se il vero significato del simbolo lo si può cogliere solo attraverso la sua comprensione religiosa, anche qui si riscontra una equivalenza con l’analisi eliadiana degli archetipi: questi ultimi hanno la loro sede propria nel transconscio, e anche i simboli, per la loro logica che è altra rispetto a quella propria della ragione (ricordiamo che il simbolismo per Eliade è l’opposto del razionalismo), rimandano a quel centro psichico che permette all’uomo religioso di vivere una vita pienamente regolata ai paradigmi divini. Compresa la logica del simbolo solo retoricamente si può porre la seguente domanda: “determinate zone dell’inconscio individuale o collettivo sono dominate, a loro volta, dal logos, oppure ci troviamo davanti a manifestazioni di un transconscio?”[46].

Simbolo e ierofania assolvono entrambi allo stesso compito: infatti modificano la consistenza ontologica della realtà che investono. Se la ierofania è “ciò che mostra il sacro”, allora la sua dialettica paradossale consiste proprio nell’indicare, ad esempio, un oggetto come la sede del sacro: il finito diventa infinito, pur mantenendo le sue proprietà. L’oggetto quindi si trasforma in qualcosa di altro, pur rimanendo tale. Un analogo discorso si può fare anche nei riguardi del simbolo: “La sua funzione resta invariabile: trasformare un oggetto o un atto in qualche cosa di diverso da quel che sono nella prospettiva dell’esperienza profana”[47]. In questo senso, il simbolo non è altro che la naturale continuazione della rivelazione ierofanica: “Il simbolo prolunga la dialettica della ierofania: tutto quel che non è direttamente consacrato da una ierofania, diventa sacro grazie alla sua partecipazione a un simbolo”[48]. Se la ierofania si ferma nel rivelare il sacro in un sasso, in una persona, in un gesto, ecc., il simbolo ha in sé la capacità di riepilogare il Cosmo intero, attraverso un’infinità di collegamenti con altri simboli: questo fa sì che, come abbiamo già visto, ogni simbolo si richiami al simbolismo di cui fa parte. Attraverso le ierofanie, l’esperienza religiosa si frammenta in una infinita discontinuità; invece “il simbolismo tradisce il bisogno dell’uomo di prolungare all’infinito la ierofanizzazione del Mondo”. Grazie ad esso, traspare all’uomo “una tendenza a identificare questa ierofania col complesso dell’Universo”[49].

Se la storia delle religioni è essenzialmente storia delle ierofanie, l’esperienza religiosa, se vuole accedere a quella visione mistica della realtà caratteristica di chi vede ovunque il sacro, deve inserirsi in un simbolismo che permetta di non arrestarsi alle ierofanie, che realizzano e giustificano la differenza ontologica tra sacro e profano, ma che consenta di superarle grazie a una trasfigurazione dello stesso profano. “Per la mentalità arcaica, natura e simbolo coesistono”[50]. Nell’esperienza mistica, la natura è tutta divina, tutto è archetipo, tutto ierofania, non esiste più sopra e sotto: “Per i «primitivi» in genere non esiste una differenza netta fra «naturale» e «sovrannaturale», fra oggetto empirico e simbolo. Un oggetto diviene «se stesso» (cioè incorpora un valore) nella misura in cui riproduce un archetipo, ecc.”[51]. Il profano può aspirare ad una sorta di realtà solo in quanto traccia del sacro; questo gli è possibile unicamente grazie al simbolo, che rende evidente la complementarità tra sacro e profano, attraverso la quale il simbolismo si estende sulla totalità del reale. Perciò è da evitare il “credere che il simbolismo si riferisca unicamente alle realtà «spirituali». Per il pensiero arcaico una separazione del genere tra lo «spirituale» e il «materiale» non ha senso: i due piani sono complementari”[52].

Ma questa distinzione tra la capacità onnicomprensiva del simbolo e la frammentazione del sacro attraverso le ierofanie non deve però condurci a contrapporre, per così dire, una “interpretazione ierofanica” a una “interpretazione simbolistica”: il sacro, infatti, per sua essenza, cerca la sua massima rivelazione nella realtà. E questo tentativo non può che esplicitarsi nelle stesse ierofanie, che sono la sua originaria manifestazione: così “la massima parte delle ierofanie sono atte a diventare simboli”[53]. Le ierofanie divengono a volte simboli, ma anche i simboli diventano ierofanie: ciò è forse ancor più inevitabile. Del resto ierofania è tutto ciò che rivela il sacro; allora anche il simbolo dovrà avere carattere ierofanico. Infatti, grazie ad esso, ci sono rivelate diverse sfere della realtà sacra, che altrimenti - cioè rimanendo sul piano delle ierofanie pure - ci rimarrebbero oscure. Per questo, “il simbolo […], all’occorrenza, è esso stesso una ierofania, cioè […] rivela una realtà sacra o cosmologica che nessun’altra «manifestazione» è capace di rivelare”[54]. Ogni ierofania è per altro parte di un simbolismo coerente all’interno del quale riceve il suo più vero significato, grazie al fatto che proprio di quest’ultimo è la capacità di comunicare il sacro nel modo più estensivo possibile, rendendo del tutto espliciti l’insieme dei significati che in ogni ierofania sono a volte solo accennati e frammentati: i “diversi simbolismi possono con ragione considerarsi «sistemi» autonomi, nella misura in cui manifestano più chiaramente, più totalmente e con coerenza superiore quel che le ierofanie manifestano in modo particolare, locale, successivo”[55]. Perciò ogni ierofania va interpretata, quando è possibile, all’interno del sistema simbolico di cui fa parte, per coglierne il significato profondo.

Certo, come il simbolo, anche il simbolismo non è una realtà oggettivamente constatabile (il “simbolismo acquatico non è manifestato in nessun luogo in modo concreto, non ha «sostegno», è formato da un insieme di simboli interdipendenti e integrabili in un sistema; nondimeno è reale”[56]), ma è quella costruzione teorica che è compito dello storico delle religioni rilevare, affinché in ogni fatto religioso sia esplicito il fascio di significati e la serie di legami con altre sfere del sacro in esso contenute: questa costruzione è possibile perché “un simbolo rivela sempre […] l’unità fondamentale di parecchie zone del reale. […]; d’altra parte gli oggetti, diventando simboli, cioè segni di una realtà trascendente, annullano i loro limiti concreti, cessano di essere frammenti isolati, per integrarsi in un sistema”[57].

Il simbolo, oltre a richiamare altri simboli, riceve in sé i sempre nuovi significati di cui la storia lo investe nelle diverse tradizioni religiose: “Il simbolo è sempre aperto. […] L’interpretazione non è mai conclusa”[58]. Consideriamo, ad esempio, il simbolo dell’albero. Quest’ultimo rappresenta il Cosmo, nella sua inesauribile rigenerazione, simbolo a sua volta dell’eternità: allora, “l’albero-Cosmo può per questo diventare, su di un altro livello, albero della «Vita-senza-morte»”. Ma la vita eterna, nella metafisica arcaica, vuole significare la realtà assoluta, e dunque “l’albero diventa il simbolo di questa realtà («il centro del mondo»)”[59].

Sarà allora obbligatoria a chiunque voglia conoscere il significato di un qualsiasi simbolo religioso, compararne i diversi contenuti nelle varie tradizioni e anche in una stessa storia religiosa: “Un simbolo resta vuoto di senso, se non si analizza un numero molto grande di varianti. Ora, tra queste non esiste, talvolta, alcuna contiguità storica e ciò rende ancora più difficile il lavoro d’interpretazione”[60]. Il simbolismo che si ricaverà da questo approccio comparativo sarà necessariamente trans-culturale, trans-storico, nella certezza che, secondo l’impostazione eliadiana, la coerenza non potrà mai essere contraddetta, in forza di quei principi paradigmatici che sempre e comunque si rivelano identici a se stessi nel loro significato più profondo: “È in una prospettiva totale che racchiude la totalità delle culture che dobbiamo giudicare la fecondità di un simbolismo il quale esprime le strutture della vita cosmica e contemporaneamente rende intelligibile il modo di essere dell’uomo nel mondo”[61]. La comparazione però non si spinge fino all’appiattimento di qualsiasi significato ad un unicum: se da una parte, l’analisi delle diverse interpretazioni dello stesso simbolo ci indicano il suo valore archetipico, dall’altra essa sola ci consente di valutare correttamente e mettere in risalto quelle differenze ineliminabili dovute alla storia, all’ideologia religiosa di cui esso fa parte, ecc.: “La struttura di un simbolismo si lascia decifrare completamente solo quando si è analizzato un notevole numero di esempi. […] Solo dopo aver esaminato tutte le varianti, la diversità del significato di ognuna vien bene in rilievo”[62]. Così Eliade riassume la sua posizione rispetto alla comparazione tra i simboli: “Si cerca di ricostruire il significato simbolico di fatti religiosi in apparenza eterogenei ma strutturalmente collegati […]. Un tale procedimento non implica la riduzione di tutti i significati a un comune denominatore. Non si potrà insistere mai abbastanza sul fatto che la ricerca sulle strutture simboliche è un lavoro, non di riduzione ma di integrazione. Si paragonano e si confrontano due espressioni di uno stesso simbolo non per ridurle a una forma unica preesistente, ma per scoprire il processo grazie al quale una struttura può arricchirsi di nuovi significati”[63].

In che senso ‘può arricchirsi di nuovi significati’? Il significato permane al di là della mutevolezza dei significanti. Ma, oltre che permanere, viene maggiormente inteso, sempre più profondamente vissuto: il motivo è la dialettica caratteristica del sacro, che fa sì che esso non smetta mai di manifestarsi, cercando sempre nuove ierofanie, nel tentativo di totalizzarsi nell’intera realtà. A tale riguardo, sembra esservi a volte in Eliade una sorta di “evoluzionismo ierofanico”; “Le innumerevoli nuove manifestazioni del sacro ripetono […] altre innumerevoli manifestazioni di esso già contenute […] nel […] passato, nella […] «storia»: ma è parimenti vero che l’esistenza di questa storia non giunge fino a paralizzare la spontaneità delle ierofanie: una rivelazione più completa del sacro resta sempre possibile, in qualsiasi momento”[64].

Come nelle ierofanie, anche nei simboli, se da una parte il fascio di significati in essi contenuti sembra rifarsi al piano degli archetipi, dall’altra parte il vero senso del simbolo, la sua pienezza teoretica si rende evidente - a volte - solo nella sua maturità: “Il senso ultimo di certi simboli si manifesta soltanto nella loro «maturità», cioè quando si considera la loro funzione nelle operazioni più complesse dello spirito”[65]. Si può dunque parlare anche di «evoluzionismo simbolico», che comunque è un tutt’uno con la dialettica delle ierofanie, in quanto riconducibili entrambi in quella carica intrinseca del sacro per cui esso cerca di rivelarsi nel modo più aperto possibile. Questo tipo di evoluzionismo il più delle volte si presenta non solo come evoluzionismo metafisico, ma anche come evoluzionismo storico: ad esempio, l’ontofania del sasso cultuale “può modificare la sua «forma» nel corso della storia; lo stesso sasso”, se prima mostrava semplicemente che il sacro è cosa diversa dall’ambiente circostante, che, simile alla roccia, il sacro «è» di carattere assoluto, “potrà essere venerato, più tardi, non per quanto rivela in modo immediato (non più come ierofania elementare), ma perché è integrato in uno spazio sacro (tempio, altare, ecc.) o perché è considerato l’epifania di un dio, ecc.”[66].

Si tratta però di un evoluzionismo molto particolare: a volte cioè sembra che un’immagine, un simbolo, siano naturalmente portati a includere certi significati, e che se essi diverranno espliciti solo da un certo momento storico, ciò comunque vorrà dire che non potevano che essere contenuti in quel particolare simbolo, e non in altri: per esempio, la rivelazione portata dalla fede (l'’invenzione’ del giudaismo), “non distruggeva i significati «primari» delle Immagini[67], ma si limitava semplicemente ad aggiungere ad esse un nuovo valore”; resta però sempre vero che “ogni nuova messa in valore è sempre stata condizionata dalla struttura stessa dell’Immagine, a tal punto che di un’Immagine si può dire che essa attende che il suo significato si compia”[68]. Più spesso invece Eliade, facendosi aiutare dai risultati della psicologia del profondo, indica la totalità dei significati residente da sempre nel simbolo: alcuni sarebbero vissuti in modo cosciente, altri in modo incosciente, ma tutti assolverebbero alla loro funzione nella vita spirituale dell’uomo. Nella conclusione di un articolo sul simbolismo religioso Eliade si chiede se i ’significati superiori’ dei simboli, espliciti nella piena maturità di questi ultimi, non fossero già impliciti, quindi almeno in vago modo percepiti anche dagli uomini appartenenti alle culture più arcaiche. Il problema è assai arduo, perché - continua Eliade - il simbolo agisce all’interno di tutta la struttura psichica: quindi il messaggio di un simbolo non si può circoscriverlo ai significati di cui si è coscienti. Quindi abbiamo a che fare con due conseguenze: “1) Se a un certo punto della storia un simbolo religioso ha potuto esprimere con chiarezza un significato trascendente, si è autorizzati a supporre che in un’epoca anteriore questo significato ha potuto essere oscuramente presentito”; inoltre, come avevamo avuto già modo di rilevare, “2) per decifrare un simbolo religioso, non basta prendere in considerazione tutti i suoi contesti, bisogna anche, e soprattutto, riflettere sui significati che esso ha avuto in quella che si potrebbe chiamare la sua «maturità»”[69].

In Eliade dunque il cosiddetto ‘terrore della storia’, su cui lo studioso romeno spesso si è soffermato, coesiste con una sotterranea consapevolezza della positività del procedere storico, nel senso di portatore di nuovi valori, nella sempre nuova e sempre più matura interpretazione dei simboli. La sua idea secondo la quale sarebbe la religiosità cosmica immanente al mondo a informare l’uomo della sua situazione esistenziale, fa sì che egli tenti di limitare di molto tutti quei valori religiosi che invece vengono comunicati attraverso la storia: i simboli derivanti, in certo modo, dalla storia sono dichiarati come “molto meno frequenti dei simboli a struttura cosmica o di quelli che si riferiscono alla condizione umana”[70]. Eliade si dichiara disinteressato a ciò che può costituire la storia di un simbolo; il suo Trattato ne è l’esempio classico. Spesso dichiara che se si dovrà fare una storia delle religioni, prima sarà necessario comprendere da dentro le strutture e i significati delle diverse esperienze religiose: “Il problema della «storia» dei motivi interessa la nostra ricerca soltanto in via sussidiaria. […] Quel che ci interessa per ora è di sapere quale fu la funzione religiosa”[71]. Per altro verso, anche quei simboli che provengono da una storia recente, sistematizzatori di quelle nuove acquisizioni che l’uomo ha avuto - per esempio, nell’ambito della tecnica - sono diventati simboli religiosi grazie alla loro funzione di creatori di cultura. Se una parte di realtà è fondata dal simbolo in un certo periodo storico, allora esso, rivestito del suo carattere sacro (in quanto solo il sacro è reale e il reale è tale in quanto rimanda al sacro), esce dal tempo, portandosi nella sua sede originaria, cioè nell’illud tempus: “Certi simboli legati a fatti recenti di cultura, pur essendo situati nel tempo storico sono divenuti simboli religiosi per aver contribuito a «fondare il mondo», nel senso da permettere a nuovi mondi rivelati dall’agricoltura, dall’addomesticamento degli animali, dalla regalità, di «parlare», di rivelarsi agli uomini, svelando nello stesso punto nuove situazioni umane. In altre parole, i simboli legati a fasi recenti di cultura si sono costituiti allo stesso modo dei simboli più arcaici, cioè come il risultato di tensioni esistenziali e di assunzioni totali del mondo. Quale pur sia la storia di un simbolo religioso, la sua funzione è sempre la stessa”[72].

In questa ermeneutica del simbolo, ogni documento costituisce un prezioso elemento: l’eterogeneità dei significati compresi in un simbolo ci è evidente anche dalla diversificazione delle fonti di cui disponiamo: le diverse provenienze e i diversi contenuti dei documenti sono da considerare “indispensabili, non soltanto per ricostruire la storia di una ierofania, ma anzitutto perché concorrono a costruire le modalità del sacro rivelate attraverso questa ierofania”[73]. Tale eterogeneità dei documenti è indispensabile non solo per una completa comprensione del simbolo , ma anche per una più generale morfologia del sacro: in essa, simbolo, mito e rito devono essere gli imprescindibili strumenti di lavoro dello storico delle religioni. Infatti ognuno di questi generi di documenti mostra regioni del sacro di cui gli altri non partecipano o partecipano solo in maniera implicita e nascosta: solo essi, presi insieme, possono “rivelarci tutte le modalità del sacro, perché un simbolo o un mito lasciano trasparire nettamente le modalità che un rito non può manifestare, che nel rito sono solo implicite”, così come anche “un simbolo non potrà mai rivelare tutto quel che rivela il rito”[74].

Il mondo (e il sacro in esso presente tramite la dialettica delle ierofanie) comunica la sua struttura profonda all’uomo attraverso questa triade di filtri: “Attraverso i simboli il mondo […] si «rivela»”[75] e “tramite il mito e il rito «il mondo ‘parla’ all’uomo»”[76].

Gianfranco Bertagni

NOTE

[31] Id., Mefistofele e l’androgine, cit., p. 189.
[32] Ibidem, p. 192.
[33] Id., Spezzare il tetto della casa, cit., p. 225.
[34] Id., Immagini e simboli, cit., p. 156.
[35] Id., Mefistofele e l’androgine, cit., pp. 187-8.
[36] Ibidem, pp. 194-5.
[37] Id., Immagini e simboli, cit., p. 16.
[38] Roberto Scagno, «Mircea Eliade: un Ulisse romeno tra Oriente e Occidente», in: L. Arcella, P. Pisi, R. Scagno (a cura di), Confronto con Mircea Eliade. Archetipi mitici e identità storica, Jaca Book, 1998, p. 23.
[39] Mircea Eliade, Immagini e simboli, cit., p. 157.
[40] Id., Mefistofele e l’androgine, cit., p. 178.
[41] Id., Immagini e simboli, cit., p. 19.
[42] Id., Mefistofele e l’androgine, cit., p. 186.
[43] Id., Trattato di storia delle religioni, cit., pp. 473-4. È invece propria dell’uomo moderno (in quanto irreligioso), l’”esistenza frantumata e straniata”, Ibidem.
[44] Ibidem, pp. 43-4.
[45] Natale Spineto, «La ‘nostalgia del paradiso’. Religione e simbolo in Mircea Eliade», in: “Filosofia e Teologia”, n. 2, 1992, p. 302.
[46] Mircea Eliade, Immagini e simboli, cit., p. 37.
[47] Id., Trattato di storia delle religioni, cit., p. 462.
[48] Ibidem.
[49] Ibidem, pp. 464-5.
[50] Ibidem, p. 275.
[51] Id., Lo sciamanismo, cit., p. 287 (nota 15).
[52] Id., Immagini e simboli, cit., p. 157.
[53] Id., Trattato di storia delle religioni, cit., p. 463.
[54] Ibidem.
[55] Ibidem, p. 466.
[56] Ibidem.
[57] Ibidem, p. 469.
[58] Id., La prova del labirinto, cit., p. 121.
[59] Id., Trattato di storia delle religioni, cit., p. 275.
[60] Id., Arti del metallo e alchimia, cit., p. 63.
[61] Id., La nostalgia delle origini. Storia e significato nella religione, Morcelliana, 1972, p. 188.
[62] Id., Mefistofele e l’androgine, cit., p. 185.
[63] Ibidem, p. 188.
[64] Id., Lo sciamanismo, cit., p. 15.
[65] Id., Miti, sogni e misteri, cit., p. 140.
[66] Id., Trattato di storia delle religioni, cit., p. 31. Il corsivo è nostro.
[67] L’immagine è simbolo. Spesso Eliade parla indifferentemente di ’simbolo’ e di ‘immagine’. Del resto è proprio dell’immagine rimandare ad altro. Cfr. Natale Spineto, «La ‘nostalgia del paradiso’. Religione e simbolo in Mircea Eliade», cit., p. 302-3.
[68] Mircea Eliade, Immagini e simboli, cit., p. 142.
[69] Id., Mefistofele e l’androgine, cit., pp. 198-9.
[70] Ibidem, p. 196.
[71] Id., Trattato di storia delle religioni, cit., p. 273.
[72] Id., Mefistofele e l’androgine, cit., p. 197.
[73] Id., Trattato di storia delle religioni, cit., p. 11.
[74] Ibidem, p. 13.
[75] Id., Mefistofele e l’androgine, cit., p. 189.
[76] Natale Spineto, «La ‘nostalgia delle origini’. Religione e simbolo in Mircea Eliade», cit., p. 313.

RIFERIMENTI BIBLIOGRAFICI

Mircea Eliade, Trattato di storia delle religioni, Bollati Boringhieri, 1972.
Mircea Eliade, Lo Sciamanismo e le tecniche dell’estasi, Mediterranee, 1975.
Mircea Eliade, Spezzare il tetto della casa. La creatività e i suoi simboli, Jaca Book, 1988.
Mircea Eliade, I riti del costruire, Jaca Book, 1990.
Mircea Eliade, La prova del labirinto, Jaca Book, 1980.
Mircea Eliade, Mefistofele e l’androgine, Mediterranee, 1971.
Mircea Eliade, Miti, sogni e misteri, Rusconi, 1976.
Mircea Eliade, Storia delle credenze e delle idee religiose. I. Dall’età della pietra ai misteri eleusini, Sansoni, 1979.
Mircea Eliade, Immagini e simboli. Saggi sul simbolismo magico-religioso, TEA, 1993.
Mircea Eliade, Il mito dell’eterno ritorno, Rusconi, 1975.
Mircea Eliade, Mito e realtà, Borla, 1966.
Mircea Eliade, Arti del metallo e alchimia, Bollati Boringhieri, 1987.
Mircea Eliade, La nostalgia delle origini. Storia e significato nella religione, Morcelliana, 1972.
L. Arcella, P. Pisi, R. Scagno (a cura di), Confronto con Mircea Eliade. Archetipi mitici e identità storica, Jaca Book, 1998.
Natale Spineto, La ‘nostalgia del Paradiso’. Religione e simbolo in Mircea Eliade, in Filosofia e Teologia, n. 2., 1992, pp. 296-319

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Gwenn ha Du

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Gwenn ha Du

 

Membre de Breiz Atao depuis son plus jeune âge, Ronan Caerléon (1914-1986) fut emprisonné à plusieurs reprises pour ses convictions autonomistes bretonnes. Il fut notam­ment l’éditeur d’Ololê, journal breton pour la jeunesse pu­blié pendant la guerre qui a marqué une génération de mi­litants de l’Emsav. Caerléon fut aussi l’initiateur du théâtre et du cinéma en langue bretonne, fidèle en cela à son maî­tre à penser l’abbé Y. V. Perrot, lâchement assassiné en 1943 (alors qu’il avait hébergé des résistants par solidarité celtique). Mais Caerléon fut aussi écrivain: il publia en ef­fet plusieurs titres essentiels pour toute personne qui s’in­téresse à l’histoire du nationalisme breton au XXème siè­cle. Ses livres étaient épuisés depuis longtemps et il faut donc saluer l’initiative d’une jeune maison d’édition, Brit­tia, fondée par un de ses descendants. Brittia réédite tous ces titres devenus un peu mythiques comme Complots pour une république bretonne, et bien sûr Gwenn ha Du, qui nar­re les premiers attentats intelligemment symboliques de la mouvance autonomiste, comme la destruction en 1932 du monument commémorant l’annexion du Duché de Bre­tagne par la France. Les textes de Gwenn ha Du sont cités: « N’attachez pas une importance exagérée aux théories qui font travailler les langues au détriment des bras ».

 

Donnez-moi cent hommes résolus…

 

Dans Le Rêve fou des soldats de Breiz atao, Caerléon re­trace l’histoire tragique de la Bezen Perrot, unité de vo­lontaires bretons portant l’uniforme allemand et impliqués dans la lutte contre les maquisards... dont tous n’étaient pas des Espagnols ou des jacobins fanatiques: il s’agit aussi d’une guerre civile entre Bretons. Vaincus, ces soldats per­dus, généralement très jeunes et d’un haut niveau culturel, seront impitoyablement pourchassés, comme d’ailleurs tous les patriotes bretons (10.000 assassinats à la Libération). Certains passeront à travers les mailles du filet et feront d’étonnantes carrières. Caerléon dépeint bien le climat terrible de cette époque complexe, ses figures telle celle de Célestin Lainé, chef du Kuzul Kuz, le Conseil de l’armée clandestine bretonne, qui prend à la lettre l’injonction de Pearse: « Donnez-moi cent hommes résolus, dressés dans la tradition celtique et j’affranchis l’Irlande ». Lainé était en ou­tre fasciné par le paganisme celtique qu’il fit renaître au grand scandale du clan catholique (allègrement trahi par le haut clergé, comme toujours). Dans Au village des condam­nés à mort, Caerléon évoque les aventures peu banales d’An­dré Geffroy, militant breton victime d’un montage (une fausse lettre de dénonciation aux Allemands trouvée par le Sûreté belge chez un Waffen SS flamand) qui faillit lui coûter la vie. Condamné sans réelle preuve à la peine ca­pitale il attendra 618 jours, enchaîné dans le quartier des condamnés à mort malgré les témoignages allemands qui l’innocentaient clairement. Son témoignage sur les ma­nipulations policières au sein des milieux bretons (qui du­rent encore: il s’agit sans doute du milieu le plus infiltré avec ses provocateurs, ses faux druides, etc.) est instructif. La description des conditions de détention dans la France des années 40 est hallucinante et rappelle d’autres bagnes dont la presse nous parle de façon plus qu’exclusive.

 

Patrick CANAVAN.

 

Oeuvres de Ronan Caerléon aux éditions Brittia, 34 rue de l’Avenir, F-22.190 Plérin, www.brittia.com

 

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jeudi, 24 avril 2008

Nous sommes les vilains garnements de l'histoire

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Rodolphe LUSSAC:

Nous sommes les vilains garnements de l'histoire…

NdlR: Dans l'entretien que Robert Steuckers avait accor­dé à Marc Lüdders (in: Vouloir n°11), sur les racines de la pen­sée néo-droitiste, il déplorait l'absence de réfle­xions de la ND (Canal historique… et hystérique, ajou­tent quelques humoristes) sur son propre corpus. No­tam­ment, rien n'a été dit sur l'œuvre de Maurice Blon­del, théoricien de l'action, ni, a fortiori, sur les prédé­ces­seurs de Blondel que sont un Maine de Biran et un Ju­les Lachelier. Couplé à Bergson et à l'influence croissan­te de Nietzsche en France, la philosophie développera une doctrine de la vie et de l'action, dont le plus beau fleu­ron sera incontestablement Georges Sorel, qu'Armin Mo­hler considère comme le théoricien le plus fécond pour la pensée politique révolutionnaire, non confor­mis­te et rupturaliste. Si Mohler remonte à Sorel, pour le dé­signer comme ancêtre du réalisme héroïque, nous enten­dons remonter au-delà de Sorel et renouer avec les dé­mar­ches qui ont précédé cette effervescence pré-fas­ci­ste, in temporibus non suspectis. Le texte de Rodolphe Lus­sac, que nous reproduisons ici, est un premier texte ca­dre pour nous lancer dans cette exploration.  

Certains milieux de la mouvance droitière se targuent de re­présenter un courant anti-progressiste par excellence fa­ce au progressisme niveleur et uniformisateur du mondia­lisme dominant en adoptant une phraséologie antidémo­cra­tique autoritariste et en agitant les symboles et grigris, la pa­noplie coutumière du parfait «réac» convaincu du bien fondé, du préchi prêcha de leurs idoles. En fait il n'en est rien. Obsédé par l'idée de décadence, la haine de la pensée et une idéologie paranoico-conspirationniste, ces petites cha­pelles hermétiques et séniles reproduisent inconsciem­ment l'idée et la foi en un progrès de l'humanité, qui con­sisterait au retour d'un prétendu ordre, fondé sur l'unique autorité, le conformisme et la sécurité des honnêtes ci­to­yens.

Le progressisme à rebours de VCRAQNP

En fait elles sont affectées par une forme de progressisme à rebours, un néo-progressisme patrimonial qui se conforte dans l'image charismatique d'un chef, d'un guide à l'image paternaliste, une historiographie et une iconographie par­tisane quasi sacrée. C'est que, pour être authentiquement an­ti-progressiste, il leur manque un authentique sens de l'his­toire ou plutôt une vision, une réflexion lucide et mûrie sur la marche de l'histoire. Pour notre part, nous réfutons cette seconde forme de néo-progressisme édulcoré, «réac» et patrimonial, qui s'imagine que le destin des individus et des nations réside dans un pseudo ordre moral qui doit être terriblement emmerdant, fondé sur les curés, l'armée , l'image du paternel, le tout se délectant paisiblement dans les parades militaires et les commémorations sur la tombe du soldat inconnu, et les flirts pour scouts frustrés dans les fêtes foraines du dimanche, sous les airs de Charles Trenet (paix à son âme). Il faut rappeler qu'il y a longtemps, pour notre part, que nous «avons tué l'image du père». Indé­nia­blement, notre idéal d'homme n'est pas le fameux «VCRAQNP» de Paul Morand, soit «vieux con réactionnaire, attaché à la quille d'un navire en perdition».

L'histoire n'est pas la résultante d'une “Raison”

Personnellement, nous nous réclamons d'une authentique vision radicalement anti-progressiste de l'histoire, car si nous croyons à l'idée de chute et de dégé­néres­cen­ce, c'est que nous pensons qu'elle est une maladie inhérente à l'hu­manité et que nous nous ne berçons pas dans l'illusion d'une possible renaissance salvatrice, l'avatar d'une confiance béate et conservatrice. Appelez cela du nihilisme, comme il vous plaira! En fait, la grossière erreur que font les pro­gressistes de tous bords, c'est de croire que l'histoire est la résultante d'une Raison. Pour les mondialistes, une raison égalitariste, naturaliste et évolutionniste/technotronique, pour les «réac», la raison élitiste, hiérarchique et piétiste. En fait, ces deux formes de progressisme sont ancrées dans une vision structuraliste et rationnelle de l'histoire. Idée d'une part qu'il existe une raison de et dans l'histoire qui peut venir au jour aussi bien dans le langage hégélien de «l'Etre suprême» que dans celui, marxiste, de la lutte des classes et du communisme. Sans parler des déviations structuralistes de Canguilhem, de Foucault ou d'un Freud qui aboutissent, en inscrivant l'histoire dans un champ sémiotique, dans une science des signes, à une forme de pessimisme relativisant l'histoire, qui n'est pas sans rappe­ler le pessimisme culturel des premiers néo-conservateurs de la République de Weimar.

Napoléon a dit un jour: «Les révolutions sont le fruit de la vanité, la liberté n'est qu'un prétexte». Non sans tomber dans une certaine forme de cynisme, nous pensons que les hommes, dans leurs relations quotidiennes, ne font que re­produire inconsciemment des rapports structurels et hié­rar­chisés de dominance, et l'on retrouve les mêmes mo­ti­va­tions dans l'inconscient collectif des peuples et à l'éche­lon historique. Ce que nous pensons, c'est que l'histoire n'est pas soumise à la Raison, qu'elle est le fruit d'une cer­tai­ne conjonction de facteurs socio-politiques, de la volon­té et l'orgueil d'un être individuel et collectif pous­sés par des forces irrationnelles, en perpétuel devenir, qui ré­sul­­tent de la nécessité. Pour se référer à Jakob Burck­hardt, le pivot de l'histoire, c'est l'homme, la spon­tanéité créatrice de l'esprit humain, les convulsions histo­riques ne faisant que révéler les guides et les êtres d'ex­ception, des figures de proues, pour reprendre Rousseau; l'histoire ne serait que le moyen le plus approprié à la naissance de gé­nies individuels qui s'affirmeraient dans le domaine des arts, de la culture et de la politique.

Immanence transcendantale

Point d'optimisme plébéien, d'optimisme chrétien, d'opti­mis­me hégélien, point d'idée rationaliste de renaissance, juste le jeu de la puissance et de la nécessité: «Macht». Pour compléter Burckhardt, il conviendrait de méditer sur l'œuvre d'Alfred Weber Le tragique et l'histoire. Selon Al­fred Weber, l'histoire est le fruit de forces irrationnelles et occultes, créatrices, qui dépassent l'entendement humain et qui aboutissent à une synthèse «de la personnalité et du monde»,  entre le charisme individuel et le collectif. Cette «immanence transcendantale», qui est le support de toute l'histoire, aboutit à la mise en forme de l'âme humaine, processus qu'il dénomme «idéatique». S'opposant à la con­ception morphologique de l'histoire, propre de ce courant qu'est le «pessimisme culturel», Alfred Weber nous dit que l'histoire est l'expression d'un tragique inhérent à la civi­li­sation occidentale, qui s'exprime par la dialectique con­flictuelle entre des «entéléchies spirituelles», versée dans l'immanence transcendantale. Dans la même lignée, nous pensons que l'histoire n'est pas salvatrice, et qu'elle est tout simplement le produit des relations de causes et d'ef­fets, qui ne sont que l'expression de la nécessité.

La phase ascendante et héroïque de l'histoire d'un peuple peut contenir en même temps et simultanément les germes d'une phase prosaïque et déliquescente. Pour nous, l'his­toire est marquée par un pan-tragisme inhérent, où l'hé­roïsme individuel, s'il existe, n'est pas célébré et commé­moré mais, comme un «perpetuum mobilum», est indéfi­niment soluble dans la désillusion et la désincarnation d'une révolution, confisquée par le collectivisme et le poison du systémisme. Un pan-tragisme qui, progressivement, décon­struit, dé-substantialise tout ressort salutaire illusoire pour inscrire l'histoire dans une dialectique d'idéalisa­tion/ac­tua­lisation réaliste: il s'agit d'une conception «entélé­chi­que» et «agonique», l'histoire comme accoucheuse d'un dé­sespoir à la fois individuel et collectif. Oui, pour nous, l'histoire ne fait que des orphelins et nous l'acceptons, com­me nous ac­ceptons le défi de toute époque, une ac­ceptation lucide et joyeuse, une Bejahung courageuse, un réalisme héroïque, diraient les nationaux révolutionnaires du temps de Wei­mar. L'histoire possède une dimension «sto­chastique» (Wahr­scheinlichkeits­be­trach­tung), c'est-à-di­re qu'elle per­met à la volonté de puissance de s'exprimer à travers une réalité en retrouvant «l'innocence du de­ve­nir» (die Un­schuld des Werdens), un devenir dont l'in­no­cen­ce ne de­man­de qu'à être constamment profanée. Plutôt que les dou­ces sonates réconfortantes de Schubert, qu'ap­pré­cie la pe­tite bourgeoisie en chambre, nous préférons le martè­le­ment et le fracas, surprenant et déconcertant, ato­nal et as­sourdissant, des sonorités de Stockhausen, les chœurs em­brasés et païens de Carl Orff et de Prokofiev.

Révolution permanente et force “hyper-organique”

S'il y a une destinée de l'histoire, alors nous la refusons, au titre de paradigme d'un instinct de conservation collectif inconscient, et nous la concevons plutôt comme l'expres­sion d'une potentialité constante de l'individu, qui exige sa réalisation, l'intégration de son «telos» dans le cadre d'une forme absolue. En fait, nous récusons les époques d'une histoire muselée dans l'embrigadement, la sclérose des sys­tèmes et du fonctionnariat atrophiant, pour nous faire les promoteurs d'un continuum historique perpétuel, d'une révolution permanente. L'histoire, pour nous, n'est que le prétexte pour l'affirmation et la réalisation des êtres d'ex­ception, qui ne demandent que la fidélité et un honneur froid, par pure nécessité, et non pas par gloire. Platon s'ef­forçait de faire saisir sa pensée à travers des mythes, de se représenter l'homme comme une statue, d'abord inanimée mais qui recevrait ensuite avec les différents sens, la ca­pa­cité de subir l'action du monde extérieur. La même démar­che est adoptée par Condillac qui propose une conception sensualiste de l'histoire; dans la même perspective, Maine de Biran voyait dans l'expérience du corps et l'effort mus­culaire l'existence de la volonté en tant que force «hyper-organique».

Oui, nous voulons mesurer notre volonté ainsi que toutes nos capacités hyper-organiques aux défis historiques de notre époque pour nous plonger dans la volupté enivrante de l'action. Ainsi, nous aspirons à devenir une légion de sta­tues mouvantes, pour découvrir, comme le disait Frédéric Rauch, la véritable morale qui réside au cœur de l'action, en particulier dans l'action collective, non dans le secret d'une conscience ou d'un cabinet de travail. Une doctrine mo­rale ne vaut que si elle est vérifiée par l'action; se com­plaire et ressasser les sempiternelles critiques comme les «réac», se satisfaire de sa propre vertu, de sa  prétendue per­fection n'a rien de moral. L'homme d'exception, le maî­tre et l'être historique entreprennent de transformer le mon­de au-delà des catégories morales du bien et du mal, pour se placer dans une attitude impartiale, impersonnelle, sobre, martiale et déterminée; cet homme d'exception est juge en sa propre cause comme en celle d'autrui. Il ne pen­se pas par mots, mais par émotions ou images d'actions, son langage, c'est sa vie et sa vie se développe comme une for­mule de nécessité. Oui, à la lisière des «grosse Männer» de Burckhardt et le «génie historique» de Weber, le Zarathou­stra et l'Ecce homo de Nietzsche, notre histoire est le vec­teur du mythe vivant, non point le mythe mortifié, embau­mé de cire muséifié, mais le mythe dynamique, «con­sti­tutif» en perpétuel ébullition, non le mythe en carton pâte des défilés nostalgiques, mais le mythe conquérant de nou­veaux horizons, de nouveaux espaces mentaux.

Nous sommes les ultras de la nécessité

Nous sommes les ultras de la nécessité, la cheville ou­vriè­re de l'impérieux, car nous pensons que l'histoire ne vaut la peine d'être vécue que dans la mesure où elle éta­blit un certain ordre des choses, un principe hiérarchique habillé d'une forme absolue, et incarné par un être d'ex­cep­tion. La necessitas, cette sensation, cette intuition qui, im­médiatement, provoque le sentiment que telle action est indispensable. Entre la perception de la situation et la ré­solution d'agir, l'entendement n'opère aucune médiation. S'impose le jaillissement de l'évidence qu'il n'y a pas d'autre alternative. Ici apparaît la notion du sublime et du tra­gi­que. L'entendement est paralysé et comme suspendu, libé­rant une action vigoureuse; necessitas legem non habet. Nous serons alors peut-être les vilains garnements, les fi­dèles d'un ordre éphémère, lequel finira sûrement dans un désastre tragique qui rejette toute piètre consolation mé­ta­physique et toute forme de mémoire fossilisante; comme disait la chanson «et à l'heure dernière nous quitterons la terre aux rythmes des hauts tambours des lansquenets», résolument et sans états d'âme, nous la quitterons à l'aube d'un désenchantement seigneurial... Shakespeare écrivait: «celui qui persiste à suivre avec fidélité un maître déchu est le vainqueur du vainqueur de son maître».

Ni paradis ni enfer ni purgatoire

Oui, ce qui compte, c'est de se lancer corps et âme, luci­de­ment, dans une histoire sans salut, par seul souci de fi­dé­lité inconditionnelle, et partir avec le sourire, le clin d'œil ironique d'avoir vécu en l'espace du moment, quelque chose de plus ample, de plus grand, de plus fort. Sommes nous des barbares? Oui, nous sommes des barbares à la fois  luci­des, légers et déchirés, car nous détruisons dans une désin­volture nonchalante toutes les certitudes pour ne laisser pla­ce qu'à la désillusion et la dure réalité, la pleine cons­cience qu'il n'y a ni paradis ni enfer ni purgatoire; comme la hache à double tranchant, nous sommes des êtres en scission, comme dirait Kierkegaard, les enfants qui sont le fruit d'une existence engendrée par l'infini et le fini, par l'éternel et le temporel et qui de se fait s'efforceront continuellement de réaliser une synthèse d'infini et de fini, d'éternel et de temporel. Notre histoire n'est au fond que l'histoire de cette scission, de ce déchirement, elle n'est qu'une passerelle héroïque entre la vie et la mort. C'est pour­quoi nous aspirons à un édifice historique qui soit «jail­li d'un désir absolu de hauteur», c'est précisément là que ré­side tout le tragique, à savoir que, comme la hauteur de certaines cîmes de montagnes, notre histoire reste inac­ces­sible, une histoire qui, comme une apparition élégante et fou­droyante, est née posthume.

Rodolphe LUSSAC.

 

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mercredi, 23 avril 2008

H. Arendt face à la gauche

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Hannah Arendt face à la gauche

Dans une très lon­gue étude intitulée «Hannah Arendt bei den Linken», Ernst Vollrath, professeur de philosophie, étudie en détail la confrontation entre Hannah Arendt et les gauches alle­man­des, qui la rejetaient, parce qu'elles la considéraient com­me une “adepte de la guerre froide”. Cependant, il rend justice au jeune Habermas, qui, dès 1961, souligne l'impor­tan­ce du livre d'Arendt, Vita activa. Arendt y fait la dif­férence entre "Technique" et "Praxis", à l'instar d'Aristote, ce qui permet à Habermas de forger les concepts qui le ren­­dront célèbre: l'agir stratégique-instrumental et l'agir com­municationnel, avatars de la technique et de la praxis. Vollrath fait également une longue parenthèse sur la ré­ception d'Arendt et sur la critique du totalitarisme en Fran­ce. Il souligne que le fondement de la démarche de Hannah Arendt réside dans sa conception holiste du politique, qui entend mettre la “société civile”, expression de la vie, à l'a­bri des démarches aliénantes de la sphère politicienne. D'où l'émergence de deux concepts du politique: l'un cher­chant la mobilisation de tous dans les appareils partisans in­vestissant l'Etat, l'autre cherchant plus simplement à as­su­rer l'indépendance de la société civile, l'autonomie de son fonctionnement et, partant, la liberté des citoyens. C'est au fond une distinction qui remonte au 17ième siècle, entre la pensée coercitive de Bodin, ramenant tous les res­sorts de la société à l'ap­pareil étatique désincarné et les pla­çant d'autorité sous son contrôle absolu, et les pensées di­tes “sym­bio­ti­ques”, dont l'œuvre d'Althusius constitue le pa­radigme in­dé­passable. Le “symbiotisme” qui court d'Al­thu­sius à Ferdinand Tönnies et aux communautariens amé­ricains contemporains, permet une praxis, qui est implicite­ment un “agir communicationnel”, naturel et non pas con­struit, qui n'a nul besoin de dire son nom, ni de se parer d'un vocable savant et prétentieux, qui fait les délices des au­todidactes complexés et obséquieux (Robert Steuckers).

Ernst Vollrath: «Hannah Arendt bei den Linken»:

http://www.nakayama.org/polylogos/philosophers/arendt/are...

 

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Die NATO als Instrument der Globalisierer

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Richard MELISCH:

Die NATO als Instrument der Globalisierer
Ein neues Strategiepapier und der »German Marshall Fund«

http://www.deutsche-stimme.de

Am 28. Januar 2008 stand im britischen Guardian zu lesen, daß ein von führenden NATO-Offizieren verfaßtes vertrauliches Manifest aufgetaucht ist, in dem diese fordern, der Westen müsse sich eine neue globale Strategie zulegen, um sowohl mit atomaren als auch anderen Massenvernichtungswaffen Präventivschläge gegen den immer brutaler auftretenden Terrorismus in der Welt zu führen.

Nachdem es bereits dem Pentagon und dem NATO-Generalsekretär Jaap de Hoop Scheffer unterbreitet worden war, würde dieses Manifest nun bei der im April stattfindenden NATO-Konferenz in Bukarest zur Diskussion gelangen. Darin warnen die Autoren General John Shalikashvili (ehemaliger Vorsitzender der vereinten US-Generalstabschefs und Oberkommandierender der NATO in Europa), General Klaus Naumann (Generalinspekteur der Bundeswehr von 1991 bis 1996 und anschließend bis 1999 Vorsitzender des NATO-Militärausschusses), General Henk van den Breemen (ehemaliger holländischer Generalstabschef), Admiral Jacques Lamxade (ehemaliger französischer Generalstabschef) sowie Feldmarschall Lord Inge (ehemaliger britischer Generalstabschef) – die Elite also dieser dem Kommando der USA gehorchenden multinationalen Mischtruppe – vor der mangelnden Bereitschaft des Westens, neuen Bedrohungen und Herausforderungen entschlossen entgegenzutreten, die sich nach den Ereignissen des 11. September 2001 ergeben hätten.
Obwohl sich die Werte und auch die Lebensweise unserer westlichen Zivilisation in höchster Gefahr befänden, mangele es unserer westlichen Wertegemeinschaft am nötigen Willen – so die fünf Fünfbesternten – diese zu verteidigen. Es gelte, folgenden Bedrohungsszenarien unbedingt vorbeugend zu begegnen:
– dem politischen Fanatismus und religiösen Fundamentalismus,
– dem internationalen Terrorismus, dem organisierten Verbrechen, der Verbreitung von Massenvernichtungswaffen,
– der Erderwärmung und Energieversorgungskrisen, die Verdrängungskämpfe und Wanderbewegungen von gewaltigen Menschenmassen auslösen würden,
– der Schwächung der Wehrfähigkeit von nationalen Armeen sowie der UNO, NATO und der EU.
Um diesen Gefahren zu begegnen, wollen die fünf Offiziere ein Umdenken im NATO-Entscheidungsprozeß herbeiführen und fordern deshalb ein neues »Direktorium«, das aus amerikanischen und europäischen Entscheidungsträgern zusammensetzt ist, über die volle Entscheidungsgewalt verfügt und jede Art von Quertreibereien seitens der EU oder interne Querelen innerhalb der NATO außer Acht lassen kann. Weiters fordern sie:
– statt Einstimmigkeit nur noch Anerkennung des Mehrheitsprinzips bei allen Abstimmungen,
– Abschaffung jeglichen nationalen Einspruchrechts gegenüber Entscheidungen der NATO,
– keine Mitbestimmung für Mitglieder, die an den NATO-Einsätzen nicht teilnehmen,
– NATO-Militäreinsätze auch ohne Genehmigung des UNO-Weltsicherheitsrates, wenn es um den Schutz von Menschenleben geht.

Wörtlich heißt es in dem Beitrag: »Im Zuge der scharfen Kritik, die der amerikanische Verteidigungsminister Robert Gates gegenüber einigen Mitgliedern auf Grund ihrer schwachen Leistungen im Kampf gegen den Terrorismus in Afghanistan erhoben hatte, bemängelten auch die fünf genannten Generäle, hier stehe überhaupt die Glaubwürdigkeit der NATO auf dem Spiel, ja sogar ihr Versagen sei nicht mehr auszuschließen. In der Kritik gegen sein eigenes Land tat sich besonders Naumann hervor: Es sei jetzt die Zeit gekommen, da Deutschland entscheiden muß, ob es als Partner noch ernstgenommen werden will. Mit ihrem Beharren auf Extrawürsten für ihr Kontingent im Norden Afghanistans würde die deutsche Regierung zur Auflösung der NATO beitragen. Naumann gibt zu, daß der atomare Erstschlag sogar unter den fünf genannten Generälen nicht unumstritten ist, doch bilde diese Option ein zentrales Element in den Überlegungen der NATO-Strategen, auch wenn einige von ihnen dies nicht offen bekennen wollen.«
Soweit im großen und ganzen der Bericht des britischen Guardian, wäre da nicht der folgende Absatz, dem der Leser auf den ersten Blick wenig Aufmerksamkeit schenkt: »Ron Asmus, Direktor des ›German Marshall Fund‹ in Brüssel und ehemals hoher Beamter im US-Außenministerium, bezeichnet dieses Manifest als einen Alarmruf zur rechten Zeit, denn hier hätten führende NATO-Generäle zum Ausdruck gebracht: ›We are in trouble (Wir stecken in Schwierigkeiten), der Westen läßt sich treiben und stellt sich nicht den Herausforderungen‹.«

Wer oder was versteckt sich hinter diesem »deutschen Fonds«?

Auf seiner Netzseite stellt sich dieser als »German« bezeichnete »Marshall Fund« und dessen Brüsseler Büro, das von einem Amerikaner geleitet wird, als wichtiges Hilfsmittel des transatlantischen Dialogs im Herzen Europas dar, wobei Ron Asmus großes Verständnis für die europäische Politik attestiert und sein reicher Erfahrungsschatz in europäischen Angelegenheiten hervorgehoben wird. Diese Fähigkeiten seien im ständigen Kampf um die Erweiterung und Ausbreitung von NATO und EU in alle Himmelsrichtungen unverzichtbar, vor allem im Hinblick auf die gemeinsame Politik der USA und Europas in Sachen Türkei, Ukraine, Schwarzmeer-Region und des »Erweiterten Nahen Ostens«. Der »German Marshall Fund« wird im Internet als eine 1972 gegründete amerikanische Einrichtung vorgestellt, mit dem Ziel, eine engere Zusammenarbeit und ein besseres Verständnis zwischen den USA und Europa herbeizuführen. Finanziert wird diese Institution von Deutschland, aus Dankbarkeit für und im Gedenken an den amerikanischen Marshall-Plan. Neben seinem Hauptquartier in Washington unterhält dieser Fonds Zweigstellen in Berlin, Brüssel, Paris, Bratislava (!), Belgrad (!), Bukarest (!) und Ankara (!).
Freude kommt beim deutschen Steuerzahler auf, wenn er aus der Netzseite dieses »German« Fonds erfährt, daß dieser sich für den EU-Beitritt der Türkei einsetzt, denn sie sei die einzige Demokratie in der islamischen Welt, erfülle deshalb eine Brückenfunktion von Europa hinüber nach Asien und stelle auf Grund ihrer geostrategischen Lage einen großen Gewinn für EU und NATO dar. Noch mehr Freude kommt beim zuwanderungsgeplagten deutschen Michel auf, wenn er über die Förderung von vielerlei Migrations- und Integrationsprogrammen durch den »German Marshall Fund« liest, und richtige Jubelstimmung breitet sich bei den EU-europäischen Spitzennettozahlern angesichts einer Studie des »German Fund«-Direktors Ron Asmus zur Frage der Aufnahme Israels in die EU und in die NATO aus, eine Forderung, die von ihm, trotz einiger Skepsis gegenüber so manchen noch zögernden und sich zierenden Europäern, aus ganzem Herzen unterstützt wird.
Hier einige seiner Argumente: Immer stärker würde sich der Schwerpunkt der Euro-Atlantischen strategischen Allianz in den »Erweiterten Nahen Osten« verlagern, wo das größte Gefahrenpotential lauert: Das Netzwerk der Al Qaida sei noch längst nicht zerstört, Rußland schlage einen antidemokratischen Kurs ein, und in Weißrußland herrsche ein Diktator. Brüssel habe die volle Integration der Türkei in die EU beschlossen, um sowohl ihren Einfluß östlich des Schwarzen Meeres zu verstärken als auch den Demokratisierungsprozeß in der Ukraine voranzutreiben. Es sei jetzt im gegenseitigen Interesse Israels, der EU und der USA, sich im Krieg gegen den Terror enger aneinander zu schließen, um den tödlichen Gefahren zu begegnen, die von fundamentalistischen Ideologien ausgehen, deren Anhänger nicht davor zurückschrecken würden, Massenvernichtungswaffen einzusetzen. Die Gefahr für Israels Sicherheit, aber auch für die Sicherheit der USA und der EU-Staaten, die von dem nuklear gerüsteten Iran und dem vielleicht bald ebenso gerüsteten Ägypten ausgehen, seien zwingende Argumente für eine Eingliederung des Zionistenstaates in EU und NATO. Truppen der Allianz könnten Israels Grenzen beschützen und im Gaza-Streifen für Ordnung sorgen. Dies würde in Israel das Gefühl der Isolation mindern, seinen Bürgern im Falle militärischer Auseinandersetzungen mit seinen Nachbarn ein Gefühl zusätzlicher Sicherheit vermitteln, Zugang zu neuen Märkten erschließen und die Stabilität ihrer Währung gewährleisten. Eine Partnerschaft Israels mit NATO und EU wäre ein eindeutiges Signal an alle Staaten des »Erweiterten Nahen Ostens«, daß die Euro-Atlantische Allianz nunmehr offen für Israel Partei ergriffen hat. Dies würde weder zu einer weiteren Radikalisierung führen noch Ausbrüche von neuen antiwestlichen Feindseligkeiten nach sich ziehen, sondern die widerspenstigen Völker und Herrscher in der Region davon überzeugen, daß sich der Widerstand gegen »Democracy«, den liberalen »way of life« und westliche Werte niemals auszahlt.
Der politisch halbwegs informierte deutsche Medienkonsument wird angesichts dieser eindeutig globalisierungsfreundlichen Ziele des »German« Fonds kaum verwundert sein, auf dieser Netzseite unter seinen vielen »Partnern« und Förderern die folgende Namen zu finden: Die Bertelsmann Stiftung, das Council on Foreign Relations, die ERSTE Stiftung (aus dem neutralen Österreich!), das deutsche Innenministerium, die Heinrich Böll-Stiftung (mit dem Beinamen: »die Grüne politische Stiftung!«), die Konrad Adenauer-Stiftung, die Rockefeller Foundation und eine ganze Reihe weiterer Einrichtungen, deren ehrenwerte Führungs-»Eliten« sich wohl schon von Davos, vom Forum Alpbach und von den Bilderberger-Treffen her kennen.
Es stellt sich die Frage, ob die politisch korrekten Entscheidungsträger der genannten und ungenannten Partner und Förderer der Globalisierung bereit gewesen wären, ihre vielen Millionen an Spendengeldern in diese Werbe- und Hilfsorganisation von NATO und EU zu versenken, wenn sie vorher Kenntnis von deren geheimen Kriegsplänen und angedachten präventiven atomaren Erstschlägen erlangt hätten? Wußten sie denn wirklich nicht Bescheid? Doch jetzt wissen sie Bescheid! Werden ihre Millionen trotzdem weiter fließen? Eine Gewissensfrage; doch wo spielt Gewissen heute noch eine Rolle? Die alten Römer hatten es da besser, denn sie konnten sich auf eine fähige und zuverlässige Regierung verlassen: »Videant consules ne quid res publica detrimenti capiat« (Mögen die Consuln danach sehen, daß der Republik kein Schaden erwachse). Doch wer und wo sind heute die »Consules«, die willens und fähig wären, unsere Republik vor Schaden zu bewahren?

Eine warnende Stimme aus den USA

Selbstverständlich ist auch in den USA das »rein zufällige Auftauchen« dieses NATO-Strategiepapiers nicht unbemerkt geblieben. In der American Free Press vom 11. Februar nimmt sich der amerikanische Publizist Mark Glen dieses Themas an: »Es war zu erwarten, daß die neokonservativen Kriegstreiber und ihre Hintermänner alles in ihrer Macht tun würden, um den aus den ›National Intelligence Estimates‹ (nationalen Geheimdienstauswertungen – NIE) gewonnenen Erkenntnissen, der Iran produziere keine Kernwaffen, mit allen Mitteln entgegentreten würden, auf daß sie den von ihnen seit langem geplanten Krieg gegen den Perserstaat endlich umsetzen können.« Die Kriegstreiber in den USA und Israel hätten klargestellt, die Erkenntnisse des NIE seien bedeutungslos, denn ein von fanatischen Mullahs regierter und nuklear gerüsteter Iran würde unweigerlich die Entscheidungsschlacht Armageddon nach sich ziehen. In seiner Rede zur Lage der Nation schloß sich Präsident Bush dieser Meinung an: »Wir werden auf jeden Fall unsere überlebenswichtigen Interessen im Persischen Golf schützen!« Wobei die Frage sicher berechtigt ist, wie sich denn Amerika verhalten würde, wenn iranische Kriegsschiffe im Golf von Mexiko kreuzten, um dort die »lebenswichtigen Interessen« des Iran zu schützen?
Zuguterletzt hat sich auch Norman Podhoretz, einer der ärgsten neokonservativen Kriegshetzer, zu Wort gemeldet und zugegeben, er würde täglich dafür beten, daß Bush noch vor dem Ausscheiden aus seinem Amt den Iran vernichtet. Deshalb fordert er in einem Beitrag für das neokonservative Commentary Magazine, Präsident Bush möge endlich den Iran angreifen, und wenn er es nicht täte, dann müsse dies der nächste Präsident schleunigst tun. Podhoretz beschreibt ein apokalyptisches Szenario, in dem der von finsteren Mullahs beherrschte Iran eine latente Bedrohung für das friedliche Israel darstellt, dem die USA bedingungslos beistehen müßten.
Als hätte John McCain, wahrscheinlich der nächste US-Präsident, den Ruf des Podhoretz vernommen, schrieb er Ende Februar 2007 in der Washington Post: »Den echten Beweis für den gerechten Einsatz unserer Streitmacht und für unsere hinter diesem stehenden moralischen Beweggründe ist dadurch erbracht, daß wir nicht nur den Irak von einer Diktatur befreit haben, sondern dem irakischen Volk dabei helfen, eine demokratische (!) Zukunft zu sichern. Das ist der Beweis, daß wir kein Imperium erschaffen wollen, sondern unsere Macht ausschließlich zu moralischen Zwecken benützen.«

Das irakische Volk läßt grüßen!

Tagtäglich und getreu ihrem Auftrag verkünden uns Politiker und Medien der Großen Einheitspartei der Politischen Korrektheit voller Optimismus, wir lebten in der besten aller Welten. Während eingefleischte Pessimisten überzeugt sind, dies könnte sogar stimmen, müssen wir Skeptiker die Frage stellen, ob angesichts des Desinteresses an seinem Schicksal, seiner Bereitschaft zur Unterwerfung unter eine bald siebzig Jahre dauernde Fremdherrschaft und seines stets vorauseilenden Nachgebens gegenüber allen Forderungen, es sei denn, diese erfolgten im eigenen nationalen Interesse, es ungerecht und übertrieben wäre, zu behaupten, wir lebten in einer Zeit, da der deutsche Michel regelrecht darum bettelt, endgültig abgeschafft zu werden.

Buchempfehlungen: Melisch, Richard: Pulverfaß Nahost im Rückblick und Ausblick. 448 S., Broschur, 19,00 (Art.-Nr. 101129)
Melisch, Richard: Der letzte Akt – Die Kriegserklärung der Globalisierer. 380 S., Klappenbroschur, 55 Abb., 19,80 (Art.-Nr. 103880). Zu beziehen über den DS-Buchdienst, Postfach 100 068, 01571 Riesa, Tel.: 03525/5292-0, Fax: -23, E-Post: bestellung@ds-verlag.de

Richard Melisch

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Un livre sur la pensée de Keynes

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Sur la pensée économique de Keynes

 

On se trouve ici face au meilleur texte d’introduction à l’œuvre de Keynes actuellement en circulation. Non seule­ment le plan a été remarquablement construit, en deux par­ties de trois chapitres, mais le style est limpide, cou­lant, et donne envie de continuer de sorte qu’on regrette d’ar­river si vite à la fin. Keynes (1883-1946) a fondé un pa­radigme, c’est-à-dire une conception générale et élaborée de l’économie. Il a résolu des questions que Marx et Walras avaient posé : pourquoi la baisse du taux de profit conduit-elle à la crise? Comment comprendre la stabilité des crises (sous-consommation ou sur-accumulation)? Le problème de la durée des déséquilibres entre offre et demande... Key­nes étudie l’économie du capitalisme de marché, où la con­cur­rence est essentielle. Il est motivé par la misère ouvriè­re qui règne dans ce capitalisme marchand industriel. Il a un souci de méthode scientifique, en tenant compte de l’é­po­que  Sa réflexion macroéconomique a stimulé l’étude de la répartition globale entre salaires et profits ainsi qu’un in­térêt pour la notion de crise financière. Sa relance de l’a­nalyse monétaire dans le cadre d’une économie de pro­duc­tion a permis de comprendre que le vieux rêve des alchi­mis­tes était réalisé: la monnaie ne tient sa valeur que d’ê­tre un signe. Enfin, le débat sur un juste et légitime pro­tec­tionnisme lui doit beaucoup… (JD).

 

Frédéric POULON, La pensée économique de Keynes, Du­nod, Coll.Topos, 126 p.

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mardi, 22 avril 2008

La pensée économique de Keynes

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Frédéric VALENTIN:

Keynes : capitalisme, endettement et crises

Intervention de Frédéric Valentin lors de la dixième université d’été de « Synergies Européennes, Basse-Saxe, août 2002

I - Les apports de Keynes à la pensée économique.

I - 1 : Nouveaux fondements

1 - L’individu mimétique.

2 - La rareté résulte d’une construction sociale.

I - 2 : Grandeurs caractéristiques

1 - Travail et emploi.

2 - Contrainte extérieure.

 

II - La contestation de l’orthodoxie monétaire : la monnaie-dette.

II - 1 : Fondements keynésiens de l’approche circuitiste

1 - Une économie d’entrepreneurs

2 - L’image du circuit keynésien

II - 2 : Compréhension des cycles et des crises

1 - Une politique monétaire plus souple.

2 - Le déficit budgétaire.

 

III - Des principes keynésiens pour l'Europe ?

III - 1 : La Lucidité de Keynes.

1 - Victoire de l’obscurantisme

2 - L’éternel retour de l’impérialisme.

III - 2 : Sortir des crises

1 - L’échelon européen favorise-t-il la sortie de crise ?

2 - La réforme du système monétaire international en perspective.

L’œuvre complète de Keynes, né en 1883, com­prend trente volumes dont la publication com­plète fut terminée pour le centenaire de sa nais­sance, en 1983. Une telle production pré­sen­te de multiples facettes. Il a été sé­lec­tion­né, pour leur portée générale, trois domaines : la capacité de remise en cause des préjugés ; la volonté de comprendre le fonctionnement des économies concrètes ; la conception de pro­­jets améliorant le sort des peuples et des pays.

Dans la société cambridgienne où Keynes fut é­du­qué, la recherche rigoureuse du vrai guidait cha­cun. Dès sa thèse sur les probabilités, sou­te­nue en 1908, il remit en cause les idées re­­çues sur la fréquence comme base de calcul. S’af­franchir de ce qui est considéré comme la pen­sée orthodoxe d’une époque passe par l’é­la­boration d’un cadre différent et par la for­mu­la­tion de relations nouvelles. Proposer des con­cepts novateurs, mieux aptes à décrire, com­pren­dre et expliquer les situations, a été la pre­mière contribution majeure de Keynes, qui en­seigna ainsi la nécessité d’innover en ma­tiè­re intellectuelle pour résoudre les  problèmes de l’économie d’un pays voire de l’économie in­ternationale.

La question de la monnaie est au centre de son œu­vre. Il comprit combien était difficile la co­or­dination des acteurs dans une société hé­té­ro­gène. Il étudia les désordres monétaires qui sui­virent la fin de la première guerre mondiale et constata l’existence des relations entre infla­tion / déflation et enrichissement / appauvris­se­ment des groupes sociaux. La monnaie n’est pas neutre. A partir de là, Keynes s’attacha à for­muler les règles de fonctionnement d’une éco­nomie monétaire et insista sur ses trois fonc­tions de base : la fonction de crédit rem­plie par les banques, la fonction de production as­surée par des entreprises, la fonction de dé­pen­se des ménages. Lorsqu’il publia en 1936 le li­vre le plus connu, la Théorie générale, il pen­sait qu’elle allait en grande partie révolu­tion­ner la façon dont le monde concevait les pro­blèmes économiques. Mais cette révolution key­nésienne a connu un nombre et une di­ver­si­té d’interprétations surprenantes. Nous in­si­ste­rons sur l’une des dimensions de l’œuvre, la con­ception circuitiste de l’économie où la mon­naie n’est clairement plus assimilée à une mar­chandise.

Les travaux de Keynes sur la question de l’or­ga­nisation monétaire internationale sont mul­ti­ples. Dès 1930, eu égard aux profondes diffi­cul­tés rencontrées au niveau des paiements in­ternationaux dans les années vingt, il publia au sein de son Traité de la monnaie un chapitre in­titulé “Propositions pour la création d’une Ban­que supranationale”. Il présenta un plan por­tant son nom à la Conférence Monétaire et Financière des Nations Unies à Bretton Woods en juillet 1944, document officiel de la délé­ga­tion britannique. Les fondements analytiques des thèses de Keynes restent une référence es­sen­tielle pour comprendre les problèmes ac­tuels de l’organisation monétaire internationa­le.

I - LES APPORTS DE KEYNES

A LA PENSÉE ÉCONOMIQUE

Keynes poursuit deux objectifs fondamentaux. Sa cible est la  «théorie classique» qu'il qualifie d'orthodoxe. Ce n'est cependant pas la cohérence interne de la théorie classique qui lui pose problème mais bien ses prémisses. D’au­tres hypothèses sont à formuler. Son se­cond objectif, plus ambitieux, est de construire la théorie d'une économie monétaire, seule ca­pa­ble de rendre compte des caractéristiques es­sentielles d'une société capitaliste, en parti­cu­lier de son caractère «dynamique». De nou­velles grandeurs sont à privilégier.

I - 1 : NOUVEAUX FONDEMENTS

Keynes a tenté d'élaborer une théorie gé­néra­le, qui ne préjuge pas a priori de la com­patibi­li­té des actions individuelles. Cet essai repose sur l’hypothèse de l’individu mimétique et sur les effets de composition.

1 - L’individu mimétique. L'individu mis en scè­ne par Keynes est mimétique car l'imitation est une stratégie rationnelle (1). Plongé dans le monde de la marchandise, l’homme est tout à la fois séparé de ses semblables et dé­pen­dant d'eux. Ses projets ne peuvent aboutir que s'ils sont compatibles avec ceux de ses rivaux. Puisqu'il ne peut en débattre avec les autres, il s'en remet à des signes que tous finalement pro­duisent, mais sans le savoir ni le vouloir. Ces signes -- les prix des marchandises – fluc­tuent dans l'arbitraire, au gré des opinions de la foule ignorante, emportés par le flot des ru­meurs les plus folles.

L’univers marchand est la proie d'une incertitu­de radicale ; non pas l'aléatoire des phéno­mè­nes naturels ou météorologiques, relativement maî­trisable par le calcul des probabilités, mais l'in­certain irréductible des affaires humaines lors­qu'elles se laissent guider par les forces ob­scu­res du marché. Pour Keynes, la seule con­duite individuelle cohérente dans ce con­texte est alors d'imiter les autres.  L'in­di­vidualisme du sujet marchand est un con­for­mis­me et un grégarisme (2).

Dans un monde foncièrement incertain, l'imi­ta­tion est la seule forme rationnelle de conduite. Keynes avance deux raisons, l'une générale, l'autre propre aux marchés financiers.

- Si je ne sais rien de la situation générale et de son évolution possible, à guider mes pas sur ceux des autres je tire avantage de leur savoir si vraiment ils savent, et s'ils ne savent rien (ce qu'il m'est impossible de décider), que je prenne ce point de repère ou un autre ne fait au­cune différence que je sois en mesure d'ap­pré­cier.

- Les comportements sur un marché financier obéis­sent aux lois de la psychologie des foules: l'imitation de l'imitation, loin de rester impuis­san­te à produire quoi que ce soit, fait émerger un monde qui a ses lois propres. Dans l'ex­plo­ration des propriétés de ce modèle, Keynes ré­vèle des potentialités. Supposons qu'un bruit, qu'une rumeur fasse penser à l’individu A  que l’individu B  désire (recherche, veut acheter, se fie à, espère...) l'objet #. Il sait désormais ce qu'il lui faut désirer (respectivement : recher­cher, etc.), prend les devants, désigne par là mê­me à B  l'objet #  et lorsque B manifeste à son tour son intérêt pour #,  A a la preuve que son hypothèse de départ était correcte. Cette émergence d'une objectivité résulte d'un sy­stème d'acteurs qui s'imitent. Les ru­meurs les plus absurdes peuvent polariser une foule unanime sur l'objet le plus inattendu, cha­cun trouvant la preuve de sa valeur dans le re­gard ou l'action de tous les autres.

Le processus se déroule en deux temps : le pre­mier est celui du moment où chacun guette chez les autres les signes d'un savoir convoité et qui finit tôt ou tard par précipiter tout le mon­de dans la même direction ; le second est la stabilisation de l'objet qui a émergé, par ou­bli de l'arbitraire inhérent aux conditions de sa genèse. Les mécanismes de la spéculation, dont Keynes a su si bien dévoiler la logique, re­­posent donc sur l'autoréférence.

2 - La rareté résulte d’une construction so­­ciale. On considère traditionnellement qu’il exis­te une rivalité fondamentale entre la con­som­mation et l’accumulation. Le temps est ra­re. Le taux d’intérêt est le “prix du temps”. Il est proportionnel à l’impatience de consommer plutôt que d’investir. Or, Keynes développe deux arguments (3) :

- La rivalité entre consommation et investis­se­ment est relative puisque le montant des res­sources à partager n’est pas fixe.

- Le taux d’intérêt ne peut pas traduire une ten­sion entre ressources rares si celles-ci ne sont pas données. Il convient de lui trouver une autre justification.

Le revenu, qui se partage entre la consom­ma­tion et l’investissement, n’est pas constant. Il est “endogène”. Il évolue en proportion de l’in­vestissement car l’accumulation produit du re­ve­nu. En investissant plus, il sera possible de consommer plus. Une traduction pédagogique de cette thèse prend la forme du multiplica­teur qui exprime parfaitement qu’un léger dé­ca­lage temporel existe entre le moment où l’on in­vestit et le moment où la consommation croît. Il y a bien un arbitrage intertemporel mais, selon Keynes, la rivalité n’existe pas.

La décision d’investir est fonction de la con­fian­ce que l’on place dans les revenus à venir de cet investissement. Elle est liée à notre atti­tu­de psychologique face à l’avenir et s’inscrit dans la catégorie des prophéties auto-réali­sa­trices. Si l’accumulation est amarrée à l’état d’esprit collectif concernant le futur la valeur du taux d’intérêt traduira l’état de la confiance. Un taux élevé exprime la réticence psycho­lo­gi­que des agents à prêter et investir. Inverse­ment, un taux bas traduit la forte disposition des agents à accumuler.

La voie dans laquelle s’est engagé Keynes té­moi­gne d’une volonté de rupture. Il souligne des principes nouveaux et utilise d’autres con­cepts.

I - 2 : GRANDEURS CARACTÉRISTIQUES

Il est banal de rappeler que la Théorie Géné­rale publiée en 1936 est une théorie de l'em­ploi. Les questions du marché de l'emploi et de la force de travail ne sont pourtant pas traitées explicitement par Keynes quoiqu’elles se trou­vent au centre de sa problématique car il a sen­ti la nécessité de rompre avec l'orthodoxie qui l’entourait et qui était la théorie d’Alfred Marshall (1842-1924) et de Cecil Arthur Pigou (1877-1959).

De même, au début de ses Essais de persua­sion parus en 1931, il explique qu’il a passé les dix années précédentes à lutter contre le re­­tour à l’étalon-or. Ce combat s’élargira ulté­rieu­rement à la réforme du système monétaire in­ternational.

1 - Travail et emploi (4). L’objectif de la Théo­rie Générale est d'expliquer ce qui dé­ter­mine le niveau de l'emploi effectif ainsi que ses variations. La question est d'importance, non seulement compte tenu du contexte his­to­ri­que particulier de la crise des années trente mais également parce la théorie «classique» est incapable d'y répondre.

La demande effective n'est pas le simple ré­sul­tat de l'agrégation de comportements indivi­duels. Elle intègre les contraintes collectives is­sues de la non-compatibilité des plans indivi­duels et à ce titre ouvre la possibilité d'intro­dui­re dans la théorie l'inintentionnalité dont l'exem­ple le plus clair est le chômage involon­taire. Keynes raisonne dans un univers d'incer­ti­tu­des, de paris et de risques, un univers où toute décision individuelle rationnelle peut a­boutir à un désastre, par effet de composition, si les autres acteurs, rationnels selon leurs pré­vi­sions propres, ont abouti, par la sommation de leurs actions, à démentir le bien-fondé de  la décision qui était initialement prévue. Par exemple (5), si les entrepreneurs anticipent (à tort ou à raison) une baisse prochaine du taux d'in­térêt ils attendent pour acquérir de l'outilla­ge à crédit qui, moins coûteux financièrement, sera d'un plus grand rapport à productivité con­stante. Que se passe-t-il si tous les em­prun­teurs attendent ? Autre exemple, bien con­nu : si A  veut majorer son revenu futur, il peut décider, plutôt que de trouver un emploi mieux rémunéré, d'accroître son taux d'épar­gne (propension à épargner, Epargne / Reve­nu). Admettons que son épargne représente dé­sormais 25% de son revenu au lieu de 10% au­paravant. A taux d'intérêt donné, il attend un gain substantiel. Mais si B, C, D, etc. agis­sent de même, le taux global de l'épargne aug­mente et la propension à consommer (Con­som­mation / Revenu) aura diminué de façon com­­plémentaire ; elle passera de 90% à 75%. En conclusion, les entreprises seront pessi­mi­stes quant à la demande effective (la de­man­de à laquelle elles s'attendent). Elles in­vestis­sent moins, empruntent moins. L’affais­se­ment de l'activité gonfle le chômage.

Le niveau de la demande effective, qui dans la Théo­rie Générale est déterminé en dernière in­stance par le comportement d'investisse­ment des entreprises, «contraint» le volume de l'em­ploi que les entreprises décident rationnelle­ment d'utiliser. Mais ces entreprises ne sont en mesure ni de connaître ni d'exprimer a priori l'é­tendue de cette contrainte. De même le «ra­tionnement» de l'emploi contraint la demande de biens par les salariés.

L'approche du marché du travail chez Keynes met en lumière la sujétion des salariés aux ca­pi­talistes, sujétion dont la manifestation ultime est l'existence du chômage involontaire. Si les sa­lariés apparaissent comme des sujets écono­miques passifs dans la Théorie Générale par rap­port aux capitalistes, les chômeurs involon­tai­res sont des non-sujets économiques dénués qu'ils sont de tout moyen de modifier leur sort. Ce chômage involontaire constitue une consé­quen­ce inintentionnelle de la confrontation d'in­­ten­tions rationnelles mais incompatibles des agents économiques.

2 - La contrainte extérieure. Le premier ou­vrage important de Keynes s’intitula Les con­sé­quences économiques de la paix et ses der­nières réflexions portèrent sur un plan de ré­­forme du système monétaire international. Dans la Théorie Générale elle même on trou­ve des considérations sur la politique moné­tai­re externe et une critique d’un certain “laissez-faire”. Il montra que le libre échange associé à un système de change fixe oblige à sacrifier le plein emploi. Il posa clairement le problème de la contrainte externe tel que l’analyse la théo­rie aujourd’hui.

A l’occasion du paiement des réparations par l’Al­lemagne, Keynes innova en étudiant le pro­bl­ème des transferts qui a reçu une nouvelle im­pulsion après la crise pétrolière de 1973. Il s’at­tacha à cerner la capacité de transfert d’un pays qu’il définit finalement comme le ma­ximum de revenu transférable à l’étranger sans qu’il fût porté atteinte au niveau de vie de la population (6). C’est donc le revenu glo­bal moins le revenu des ménages, épargne com­prise. Car Keynes attendait d’un système mo­nétaire international qu’il assure la stabilité des changes, des balances commerciales, ainsi que le plein emploi des ressources productives. Il ne doit pas y avoir incompatibilité entre é­qui­libre interne et équilibre externe. Le sy­stè­me monétaire international doit créer les con­di­tions de cette harmonie.

L’un des apports de Keynes, sur ces sujets, a été possible parce qu’il aborda la théorie mo­né­taire non par les fonctions de la monnaie mais par ses propriétés (7). Dans le domaine de la monnaie internationale, considérer que la monnaie a une certaine nature qui commande les fonctions qu’elle remplit s’est révélé parti­cu­liè­re­ment utile. Dans la Théorie générale,  Key­nes énonce trois propriétés qui fondent la mon­naie : 

 - Élasticité de production nulle. On ne peut em­ployer plus de travail à produire de la mon­naie lorsque son prix s’élève par rapport aux sa­laires. L'élasticité de la production de mon­naie est nulle dans le cas d'une circulation stric­tement contrôlée de monnaie inconver­ti­ble, et presque nulle dans le cas d'une circula­tion fondée sur l'étalon-or car la production d'or est, couramment, marginale eu égard aux be­soins de la circulation.  

 - Élasticité de substitution nulle. L’utilité de la mon­naie varie strictement avec sa valeur d'é­change. Lorsque celle-ci s'élève il n'y a pas, com­me dans le cas des autres facteurs de ren­te, de motif ni de tendance à lui substituer un au­tre facteur.            La monnaie est un réceptacle sans fond pour le pouvoir d’achat lorsque sa de­mande s’accroît : il n’existe pas une valeur au-dessus de laquelle la demande de monnaie est déviée vers d’autres objets.

- Une prime de liquidité. Le pouvoir de dispo­ser de richesses pendant un temps donné n'of­fre pas la même commodité ni la même sécuri­té selon la nature de ces richesses. Le revenu to­tal attendu d'une propriété pendant une cer­tai­ne période est égal à son rendement moins son coût de conservation plus sa prime de li­qui­dité. Le rendement de la monnaie est nul ; son coût de conservation négligeable ; sa liqui­di­té fait toute son utilité. Toute offre de mon­naie supplémentaire entraîne en général un ac­crois­sement de sa demande.

Keynes a facilité la compréhension du fait que la monnaie n’est pas neutre, ni dans le do­mai­ne national ni dans le domaine international. Si le système monétaire international ne possède pas une monnaie en adéquation avec les rôles qui sont les siens, il en résulte des incohé­ren­ces et la destruction des économies. Ces ré­fle­xions ont renouvelé la théorie monétaire et dé­ga­gé la voie d’un paradigme dont la théorie du cir­cuit est un aboutissement logique.

II - LA CONTESTATION DE L’ORTHODOXIE MONÉTAIRE 

L’économie capitaliste concrète est une écono­mie monétaire de production au sein de la­quelle toute monnaie représente un titre sur la pro­duction courante et un endettement des en­treprises auprès des banques. Le travail est le seul facteur de production. Sa rémunération est l’acte par lequel le pouvoir d’achat qui é­coulera le produit est formé. Dans le Traité sur la monnaie de 1930 Keynes insiste sur le rô­le que jouent la monnaie et le crédit. La con­tri­bution de Keynes réside dans la mise en lu­miè­re du lien existant entre la création moné­taire et la formation du revenu. Il a ouvert la voie à une connaissance correcte du caractère mo­nétaire de l’économie capitaliste et il initia l’a­nalyse circuitiste.

II - 1 : FONDEMENTS KEYNÉSIENS DE L’APPROCHE CIRCUITISTE

Théorie keynésienne et approche circuitiste ne sauraient être identifiées l'une à l'autre. Mais les théories de Keynes ont permis de décrire une économie d’entrepreneurs et d’améliorer la vi­sion circuitiste de celle-ci sur trois points : struc­turel, fonctionnel, analytique.

1. Une économie d’entrepreneurs (8). Dans l’é­conomie d’entrepreneurs étudiée par Key­nes, le cycle du capital est déclenché par la dé­pense de monnaie des investisseurs. La for­ma­tion du capital est à saisir sous ses deux as­pects : la dépense d’investissement, l’accumu­la­tion nette d’actifs financiers. Le produit dis­po­nible est l’évaluation, au niveau des en­tre­pri­ses, des marchandises produites par ap­pli­ca­tion du travail aux équipements. La société est contrainte de dépenser dans ses achats l’é­quivalent du revenu distribué. Les ménages ré­partissent leur revenu en monnaie entre leur consommation et l’accumulation de créances fi­nancières ou épargnes. L’accumulation fi­nan­ciè­re est asservie à la dépense de formation net­te de capital au pôle Entreprises. Car l’é­pargne n’est que la contre-partie finan­ciè­re de l’investissement.

L’économie d’entrepreneurs débouche sur une ana­lyse circuitiste à condition de préciser et d’ap­­profondir ce que Keynes n’eut pas les mo­yens de mener à bien (9).

a) Sous l'angle structurel. La question du sta­tut des banques dans l'analyse du capitalisme a été posée. La réponse est liée à la conception que l'on a de la monnaie. Deux possibilités se présentent :

- La monnaie richesse / liquidité. Selon cette con­ception, les banques sont reléguées à l'ar­riè­re-plan. La première place dans le fonction­ne­ment de l’économie se dispute entre les mé­na­ges et les entreprises. Les ménages sont les prin­cipaux agents détenteurs de la monnaie ri­chesse, à cause de leur préférence pour la li­qui­dité. Cependant le principe de la demande ef­fective de Keynes confère le premier rôle aux en­treprises : ce sont elles qui, par leurs antici­pa­tions, déterminent l'injection de revenus mo­nétaires dans le circuit et, par suite, la création de richesses monétaires. 

 - La monnaie créance / dette. Selon cette con­ception, il convient de donner aux banques la pre­mière place dans le fonctionnement de l’ac­ti­vité économique ; elles sont le point de dé­part et le point d'arrivée des flux.

b) Sous l'angle fonctionnel. Des relations de cau­salité déterminent tout le "fonctionnement" de l’activité économique. Ces relations expri­ment la hiérarchie qui s'établit entre les gran­des fonctions. La principale consiste à assurer la circulation industrielle (par paiement de re­ve­nus) ; elle est remplie par les entreprises. Il vient ensuite, sous la responsabilité des ména­ges, celle qui autorise à la fois la circulation mar­chande (par la dépense de consommation) et la circulation financière (par l'épargne).

c) Sous l'angle analytique. On rencontre les pro­blèmes liés aux concepts de profit et d'in­té­rêt.

- Le profit keynésien (profit de court terme) est in­terprété par certains auteurs comme un pro­fit de risque intégré dans le coût des facteurs (ou prix d'offre global). Comme ce coût, il est fi­­nancé par le crédit. En conséquence le profit s'annule lors du remboursement des dettes. Ce paradoxe pousse à s’éloigner d’une telle appro­che.

- La détermination de l’intérêt fait intervenir la monnaie dans sa fonction de liquidité. Dire que l'intérêt récompense la renonciation à la liqui­di­té est une chose ; expliquer l'état de la pré­fé­rence pour la liquidité en est une autre, plus complexe, sur laquelle Keynes a judicieuse­ment insisté.

2 - L’image du circuit keynésien (10). La de­­mande effective se décompose en consom­ma­tion des ménages et investissement des en­tre­preneurs. La consommation des ménages est prévisible : la propension à consommer, ré­gie par la fameuse “loi psychologique fonda­men­tale”, est stable. La décision d’investisse­ment est une variable totalement incertaine.

Les banques mettent à la disposition des en­tre­preneurs la quantité de monnaie requise par le niveau de production anticipée. Elles ouvrent le circuit par le crédit. Les entrepreneurs distri­buent un flux de revenus dont ils attendent un reflux sous la forme de dépenses d’investisse­ment et de consommation. Avec l’épargne, le cir­cuit se ferme par le retour de la monnaie dans le compte des banques.

Le circuit keynésien est celui de la création-des­truction de la monnaie dans la logique d’une hiérarchie entre les agents économiques: banques, entrepreneurs, ménages.

Au pôle banques, on retrouve l’égalité compta­ble entre la masse monétaire, SM, épargne li­quide des ménages, détenue sous la forme de dé­pôts bancaires, et ses contreparties F, cré­dits nets de remboursement accordés aux en­tre­prises.

Au pôle ménages, le revenu disponible Y est affecté à la consommation finale et à l’épargne.

Au pôle entreprises, on évalue le revenu global R = C+I , après avoir éliminé U et fait passer F dans le membre de gauche. R se décompose en Y, revenu des ménages, et (I-F) le revenu des entreprises.

Les éléments essentiels de la théorie keyné­sienne apparaissent dans ce circuit, prolon­ge­ment de la critique radicale de l’économie or­thodoxe. Il favorise les réflexions complé­men­taires sur les cycles et les crises.

***

II - 2 : COMPRÉHENSION DES CYCLES ET DES CRISES

Le cycle économique ou cycle des affaires (bu­siness cycle) avait été étudié dès 1926 par l’A­méricain W. C. Mitchell. Le débat dura jusqu’en 1939. Keynes affirme le principe d’une incer­ti­tude radicale sur les rendements des investis­se­ments à long terme. Le taux d’intérêt est un instrument de spéculation et non d’équilibre. Le niveau d'activité de sous-emploi, la situation de chômage involontaire durable, la “crise”, sont possibles s’il y a déséquilibre entre épar­gne et investissement du fait de l'excès d'é­par­gne prélevé sur le revenu de la période précé­dente. Les remèdes préconisés par Keynes re­po­sent sur deux instruments :

1 - Une politique monétaire plus souple. Da­vantage de monnaie bancaire est mise en cir­culation ; il faut pour cela assurer aux ban­ques le refinancement de leurs avances aux a­gents non financiers, c'est-à-dire demander à la Banque centrale d'escompter (ou de rées­comp­ter) les traites détenues par les banques. Ainsi sont-elles assurées de disposer des liqui­di­tés en monnaie centrale, et garanties contre les «fuites» qui résultent des demandes de re­conversion en espèces des titulaires de comp­tes bancaires. La Banque centrale devient un four­nisseur contraint de monnaie puisque le mon­tant de la circulation monétaire est dé­ter­mi­né par les demandeurs.

Le réescompte est jugé par Keynes assez inef­fi­cace. Les entreprises n'empruntent que si les perspectives de débouchés (la demande effec­ti­ve) leur paraissent justifier le coût de l'em­prunt. Or, rien ne garantit qu'une demande de mon­naie conduira à un accroissement suffisant de la demande finale (consommation intérieure et exportations) ; qui plus est, le taux d'intérêt doit être un paramètre et la masse monétaire une variable. Le taux doit rester suffisamment bas et stable pour que joue l’envie de s’en­det­ter. Si les agents pensent qu'un tel taux n'est pas tenable, ils conserveront leurs encaisses mo­nétaires. C'est la trappe à liquidité.

2 - Le déficit budgétaire. Un accroissement des dépenses publiques assure une augmen­ta­tion effective de la demande finale. Par effet mul­tiplicateur, en n périodes consécutives, se pro­duira un accroissement du Revenu national tel que, au bout du compte, on approchera le plein emploi. Les principales limites de ce mé­ca­nisme sont liées : à la nécessité que la pro­pen­sion marginale à épargner (la part du reve­nu supplémentaire induit destiné à l'épargne) n'aug­mente pas ; au risque que la demande in­dui­te profite à l'importation, surtout si les fir­mes ne croient pas à la réussite du projet, et si l'on est situé en économie ouverte. Mais la cri­ti­que évidente est celle-ci : le financement ini­tial ne peut être assuré que par une avance de la banque d'émission, à nouveau contrainte. On aura beau démontrer que l'accroissement des recettes fiscales, résultat mécanique d'un re­lè­vement du niveau de l'activité, permettra à l'É­tat de rembourser aisément, c'est-à-dire de dé­truire la monnaie supplémentaire initiale­ment demandée à la banque d'émission, la cri­ti­que reste acharnée, et fondée sur deux mo­tifs. Le premier est que l'État n'aura pas la ver­tu de s'en tenir là et sera conduit à des choix la­xistes à court terme (thèse de l'école du Pu­blic Choice) ; le second est que l'illusion moné­taire dans laquelle Keynes croit pouvoir tenir les agents, spécialement les salariés, ne rési­ste­ra pas : les hausses de salaire nominal se­ront rattrapées par les prix industriels, surtout si les entreprises anticipent l'échec du projet. On aura sacrifié la monnaie pour revenir au ni­veau de chômage initial.

Après la guerre, on a appelé politique keyné­sien­ne de relance un ensemble de mesures qui pré­voyaient du déficit budgétaire, une politique mo­nétaire souple, des dispositions sociales sou­­tenant la consommation. Elles furent accu­sées, à partir du premier choc pétrolier en 1973, de nourrir l’inflation et le déficit exté­rieur. Pourtant, les principes keynésiens res­tent d’actualité tant pour sortir de la stagnation eu­ropéenne que pour améliorer le fonction­ne­ment du Système monétaire international.

III - DES PRINCIPES KEYNÉSIENS POUR L’EUROPE ?

Dès 1941, Keynes étudia les fondements d'un sy­stème monétaire international à mettre en œu­vre après la guerre. Le 8 septembre, il avait ter­miné la rédaction de deux mémoires de­sti­nés au Trésor. Le premier abordait « la situa­tion anglaise après la guerre et la position qu'elle a intérêt à adopter dans la négociation vou­lue par Morgenthau, le secrétaire au Trésor amé­ricain et l'ami de Roosevelt » (11). L'autre dé­­veloppait le plan de création d'une "Union de com­pensation", organisme destiné à résoudre le problème de l'endettement de guerre.

III - 1 : LA LUCIDITE DE KEYNES

Keynes défendait trois idées (12): 

 - Le multilatéralisme : les excédents accu­mu­­lés sur un pays sont utilisables dans tous les autres. 

 - La charge de l'ajustement des déficits de ba­lances commerciales doit peser aussi bien sur les pays excédentaires que sur les pays dé­fici­taires. 

 - La transposition au niveau international des règles de fonctionnement d'un système bancai­re national.

Le cadre général du projet keynésien reposait sur des idées très en avance sur celles de son temps et peut-être cela a-t-il contribué à son échec :

* Toutes les transactions de change devaient ê­tre centralisées entre les mains des banques cen­trales de chaque pays.

* Il n'existait plus de marchés de change. Les pa­rités, fixes, restaient ajustables par dévalua­tion.

* Les mouvements de capitaux étaient inter­dits sauf autorisation des pouvoirs publics.

Deux orientations sont tout à fait nouvelles et o­ri­ginales :

- La place de l'or et d’une monnaie interna­tio­nale à créer, dénommée “le bancor”. Le bancor au­rait une valeur définie en or. Les monnaies na­tionales dépendraient de cette monnaie de de­gré supérieur (le bancor) émise par une ban­que internationale à installer. - La distinction entre monnaie et capital fi­nan­cier. Instrument d'intermédiation, le bancor de­meu­rerait un "non bien", une grandeur pu­re­ment nominale. Gagné dans les exportations com­merciales nettes, le bancor serait une gran­­deur réelle ayant une valeur patrimoniale. Key­nes demandait de distinguer deux bancors: l’un en tant que monnaie, l’autre formant un ca­pital. Mais il n'a pas réussi à clarifier la dis­tinc­tion entre les deux.  

1 - Victoire de l’obscurantisme. Lorsque le plan américain de réforme des paiements in­ter­nationaux fut publié en avril 1943, la cé­lè­bre économiste anglaise Mme. Robinson af­fir­ma qu'il était aussi difficile à comprendre qu'u­ne énigme policière... Il se présentait sous la for­me d'un règlement technique assurant le fonc­tionnement d'un Fonds de stabilisation, sans aucun commentaire explicatif. Il prévoyait la création du FMI pour gérer le système des chan­ges fixes. Le FMI ne devait être rien d'au­tre qu'une vaste société de secours mutuel ac­cor­dant des découverts au prorata des quotas ini­tialement versés. Le plan White affirmait que le paradis sur terre était devant nous à condi­tion de favoriser au maximum les échanges in­ternationaux... Les USA ont imposé au reste du monde l'élimination des restrictions de change à leur seul profit :  

- La convertibilité des dollars en or était ac­cep­tée pour les gouvernements ou leur ban­que centrale. Pour l’obtenir, il fallait que l'Etat re­qué­rant fît valoir que ces dollars avaient été ga­gnés à l’occasion d’opérations sur biens et ser­vices (opérations courantes) ou que leur con­version répondait à la nécessité d’effectuer des paiements d'opéra­tions courantes. La co­te­­rie du Trésor US avait ouvert la porte à la chi­cane.    

- Le remboursement des dollars en or ne va­lait pas pour les mouvements de capitaux pri­vés à court terme. Les banques restaient tota­le­ment libres de leurs opérations.  

Le texte publié le 21 avril 1944, qui n'enga­geait pas encore les gouvernements, dérivait es­sentiellement du plan White. Les gouverne­ments étaient quasiment tous des gouverne­ments en exil, vivant des subsides de l'An­gle­ter­re elle même portée à bout de bras par les USA. La disproportion était énorme entre la puis­sance américaine et celle des autres délé­ga­tions. Le texte de l'accord, soumis à la Con­fé­rence monétaire et financière des Nations-U­nies à Bretton-Woods en juillet 1944, reflétait l'in­fluence des banques américaines qui ob­tin­rent que leur point de vue dominât. Aucun des deux plans ne fut présenté à la Conférence. Ils ne firent l’objet d’aucun débat...  

L'Américain White, secrétaire de Morgenthau, pré­tendait : "qu'il serait difficile de gagner l'o­pin­ion publique au thème de la coopération mo­nétaire internationale si, parmi les propo­si­tions, on mettait en lumière la création d'une mon­naie internationale”. Mensonge pieux... En réalité, White et ses coreligionnaires ne vou­laient pas comprendre que le bancor proposé par Keynes ne devait pas remplacer les mon­naies nationales, mais être un véhicule destiné à porter le cours des monnaies nationales au-de­là des frontières du pays de leur émission. Au­jourd'hui, on parlerait de panier et de mon­naie de compte pour désigner le principe du ban­cor (13).  

2 - L’éternel retour de l’impérialisme.  

Il n’y a pas d’analyse keynésienne cohérente des re­lations internationales (14). La stratégie du dé­veloppement a été étudiée par les key­né­siens mais pas par Keynes lui-même. Le rejet de la théorie classique l’a amené à soutenir une conception historique du développement du capitalisme et à réhabiliter le mercantilisme.  

Knapp, l’un des rares auteurs à avoir tenté une ana­lyse de l'impérialisme selon le paradigme key­nésien, affirme que la croissance économi­que européenne du XIXème siècle qui constitue le prototype du « Développement » s’est fon­dée sur des conditions géopolitiques très par­ti­cu­lières. Ces conditions furent : l'ouverture de nou­velles contrées à l'Ouest et en Océanie ; la su­prématie politique et militaire de l'Europe sur le reste du monde. Dans cette vision du dé­ve­lop­pement, le politique et l'économique sont in­terdépendants. Le pouvoir politique est utilisé à des fins économiques et le pouvoir écono­mi­que est utilisé à des fins politiques.  

Les occasions d'investir, dans l’esprit de Key­nes, seraient provoquées par le jeu de méca­nismes sociaux et politiques autonomes. La soif de pouvoir et de prestige a conduit par le passé, comme aujourd'hui, les groupes do­mi­nants à agir dans un sens qui favorise la crois­sance, en accumulant les armements, en pro­tégeant les marchands aventuriers, en a­mas­sant les métaux précieux, en favorisant les en­treprises coloniales, en aidant à étendre les mar­chés, en encourageant les inventions. Les exemples de complicité du politique et de l'éco­nomique sont légions : la rivalité acharnée des puissances capitalistes pour décrocher des mar­­chés ; le contrôle des sources d'appro­vi­sion­nement de matières premières impossibles à obtenir chez soi ; les manipulations pour main­tenir des prix intéressants. Les avantages éco­nomiques ont aussi un autre but que le gain ma­tériel : ils servent les objectifs de la politi­que interne et externe. Il n'y a pas d'harmonie né­cessaire entre les intérêts et l'expan­sion­nis­me peut-être indispensable à l'accumulation du ca­pital ; ainsi en est-il des commandes mili­tai­res en cas de guerre, de l'ouverture de nou­vel­les routes commerciales, de la mise en culture de terres vierges, de la découverte de mines d'or et d'argent, d’innovations technologiques.  

Les idées keynésiennes rendent compte d’un “so­cial-impérialisme”, c’est-à-dire du lien entre réformisme et politique impérialiste. La recher­che de l'argent comme motivation suprême et unique du système capitaliste ne conduirait qu'à la stagnation. Les capitalistes doivent se pré­senter comme les bienfaiteurs de la société, d'où des dépenses grandioses, des missions ci­vi­lisatrices pour convertir les terres barbares. Il n'y a rien de pacifique dans les relations entre États capitalistes. Les guerres et le colonia­lis­me n'ont pas nécessairement leur source dans une survivance féodale ou monarchique. L'im­pé­­ria­lisme est une forme nécessaire de vitalité de toute société humaine...                        

III - 2 : SORTIR DES CRISES  

Les théories économiques évoluent mais la phi­lo­sophie générale d’un œuvre demeure. Celle de Keynes pousse les Autorités politiques à in­tervenir dans l’économie, à réformer les orga­ni­sations déficientes. L’économie n’est pas une mé­taphysique ou un substitut à la religion. C’est une technique pour résoudre les pro­blè­mes de la subsistance matérielle de l’humanité. Keynes voulut assurer le plein emploi pour ré­sou­dre les problèmes sociaux de son temps, en particulier l’intégration de la classe ouvrière dans le capitalisme qui l’écarterait du bolche­vis­me. Il était aussi un pacifiste. Si chaque na­tion veut exporter, cela peut provoquer des con­flits. Il convient donc de mettre en œuvre un système monétaire international qui pousse les pays à la coopération.  

1 - L’échelon européen favorise-t-il la sor­tie de crise ?  Dans un article de juillet 1933 du New Statesman and Nation, Keynes dis­tin­gue trois domaines dans l’échange interna­tio­nal : la culture, les biens et services, la fi­nan­ce. “Les idées, le savoir, l’art... voilà des cho­ses qui par nature devraient être inter­na­tio­nales. Mais que les marchandises soient de fa­bri­cation nationale chaque fois que cela est pos­sible est raisonnable. Et, par dessus tout, que la finance soit prioritairement nationa­le” (15).

La préférence nationale était donc essen­tielle à ses yeux. Si l’internationalisation de la pro­duction s’est développée à un point tel qu’au­cun système productif ne se boucle plus dans l’espace national, la zone européenne of­fre un champ d’action pour pratiquer la pré­fé­ren­ce selon la méthode des quotas. Ainsi que l’a montré à de multiples reprises le professeur français M. Allais, prix Nobel d’économie, la mon­dialisation actuelle évolue vers une tyran­nie infâme (16) dont il convient de se protéger. De plus, l’Europe est constituée pour l’instant en­core de peuples frères. Cet espace est “sus­ceptible de produire un ensemble cohérent de mar­chandises, de telle sorte qu’il puisse à la fois constituer un champ pour des anticipations ma­cro-économiques cohérentes et entrer en in­ter­action faible avec le reste du monde”(17).  

Une politique en faveur du plein emploi en Eu­rope aura donc à se préoccuper de l’in­vestis­sement, en jouant tant sur le coût du capital que sur l’efficacité de celui-ci. Les investisse­ments publics européens et les programmes de recherche et développement sont à renforcer et à généraliser. Les coopérations dans les sec­teurs du nucléaire, du spatial, des satellites de télécommunications fonctionnent et servent d’exem­ple. Mais la composante socio-culturelle de l’Europe a été oubliée. Les questions clés  “pour­quoi l’Europe”  et  “quelle Europe” sont à po­ser en ce début de millénaire, selon l’exem­ple donné par Keynes après la guerre de 1914-1918. Car penser européen est difficile. Dans cha­que pays, des sectes d’infâmes ont obtenu la criminalisation des autochtones. Une législa­tion totalitaire d’origine biblique, des hordes de ma­gistrats-cannibales, des associations de dé­la­teurs œuvrent à l’éradication des peuples du continent. Face à la haine et à la machinerie in­stitutionnelle du meurtre de masse des Eu­ro­péens de vieille souche, l’Europe communau­tai­re reste indifférente. A-t-elle été conquise dé­finitivement par les congrégations transna­tio­nales ?  

L’esprit libéral de Keynes, penseur hétérodoxe, reste un exemple : remettre en cause les dog­mes absurdes et les théories aliénantes.  

2 - La réforme du système monétaire in­ter­national en perspective.

La théorie de l’é­conomie monétaire de production et le pa­ra­digme du circuit ne s’achèvent pas aux fron­tières de l’économie nationale. L’intégration fi­nan­cière est la condition nécessaire au fonc­tion­nement d’un espace plurinational selon les prin­cipes des économies monétaires de pro­duc­tion. Le plan Keynes est toujours en mesu­re d’inspirer la réforme du Système Monétaire In­ternational.  

 Le bancor reste d’actualité en tant que possible dénominateur commun des monnaies de dif­fé­rents pays. Sa création résulte d’une applica­tion “améliorée” des thèses de la “Banking School”.

D’après les théoriciens de cette école, les banques secondaires émettent des crédits et non de la monnaie. Ils affirment aussi que tout crédit lancé par les banques secondaires comporte une échéance postérieure à la date de son émission. En fait, précise Keynes, à l’in­stant précis où une banque quelconque émet  X  unités de monnaie, elle accorde un crédit de ce montant à l’économie mais, à l’inverse, l’é­co­nomie lui accorde, sans délai un crédit égal. L’é­mission du bancor proviendrait donc d’une in­stitution internationale, l’Union des Compen­sa­tions (clearing union). Il n’aurait d’usage qu’en­tre banques centrales ou trésors publics et son pouvoir d’achat demeurerait strictement nul.  

Selon les directives expresses du plan Keynes, l’U­nion de Compensation crée l’instrument in­ternational des paiements réciproques conclus entre les pays. La banque internationale em­prun­te aux pays exportateurs la somme totale des bancors qu’ils gagnent en paiement de leurs exportations et émet des bancors pour le paiement des importations des autres pays. Il se passe que certains pays prêtent à d’autres par l’intermédiaire de la banque de compen­sa­tion.  

Les bienfaits d’une telle solution sont immen­ses. La monnaie commune est émise par une ban­que communautaire. Les bancors définis­sent une monnaie véhiculaire : elle n’intervient que dans les relations entre la banque de l’U­nion et les Banques centrales ou les Trésors pu­blics des pays membres. Le fléau de la glo­ba­lisation, dont les excès de spéculation finan­cière sont une illustration, serait endigué.  

CONCLUSION  

On vit par ses œuvres en ce monde. Keynes vit car son œuvre nous parle de notre monde et de son avenir. Il témoigne de la nécessité de fon­der la science positive de l’économie en con­cevant le modèle des sociétés concrètes, cel­les que l’histoire impose. Ces modèles per­mettent d’agir en ces sociétés pour le bien com­mun, la réduction du chaos, du désordre, des crises.

Keynes donne l’exemple du doute en remettant en cause la science établie. Il n’y a rien de plus bes­tial que la tyrannie des idées à la mode qui ser­vent aux establishments pour justifier leurs in­térêts, prébendes et soultes. En économie, l’or­thodoxie est aussi aliénante qu’en d’autres do­maines de la connaissance. On doit au maî­tre de Cambridge une approche mimétique du com­portement qui éclaire les emballements bour­siers ; une élucidation du fait que la rareté ré­sulte d’un processus de construction sociale par effet de composition. Son combat contre l’ob­session de l’équilibre et en faveur d’une ana­lyse dynamique a dévoilé que les sociétés en croissance doivent parier sur le futur pour dis­poser d’équipements assurant les revenus né­cessaires à la consommation. L’avenir est fa­çonné par des actions qui l’anticipent. La crise est endogène à un système qui repose sur la dé­­pense. Elle arrive lorsque les entrepreneurs et les banques ne veulent plus risquer une pro­duction sur l’avenir et ratifier ces paris.  

Comment lever la contrainte de l’endettement ex­térieur ? 

C’est très souvent une situation com­plexe. Les économies sont interdépendan­tes, plus ou moins spécialisées, en avance ou en retard selon les domaines technologiques. Le Système Monétaire International repose sur des taux de change fluctuants et une monnaie na­tionale, le dollar, sert de monnaie interna­tio­nale. Deux orientations s’ouvrent alors (18) :    

- Considérer la contrainte extérieure au niveau d’une zone, d’un ensemble de pays solidaires pratiquant des actions coordonnées. Dans cette voie s’est engagée l’Europe, mais l’idéologie de la monnaie marchandise héritée des classiques y tient le haut du pavé. On ne peut prévoir si la zone euro ira vers plus de richesse ou entre­tiendra l’esprit rentier et l’économie de tribut.    

- Concevoir de nouvelles règles pour le systè­me monétaire international ; favoriser la coor­di­nation des zones économiques dans l’intérêt de tous et non au seul bénéfice du pays mo­mentanément dominant. Le plan Keynes pré­sen­té à Bretton-Woods remplissait ces condi­tions. Il fut balayé par les gorgones du mini­stè­re du Trésor américain qui imposèrent le plan “White” dont Keynes affirma en octobre 1943 qu’il n’était qu’un nouveau Talmud (19). Les propositions de Keynes étaient pourtant très supérieures. Elles eussent pu s’imposer si un grand nombre de pays avaient conservé une indépendance par rapport aux oligarchies américaines.  

Le danger essentiel qui guette l’œuvre de Key­nes au XXI° siècle est le dépérissement de l’É­tat en tant qu’organisation politique préoccu­pée du bien commun. La désagrégation des É­tats au cours du processus de mondialisation promeut les soviets de la finance, les consistoi­res des centrales multimédiats et les congréga­tions transnationales qui conduisent inévitable­ment à la perte des intérêts communs, au re­fus d’un système monétaire international équi­table et à la fin des politiques économiques sou­­tenant les investissements essentiels à la com­munauté. Si Keynes, rêveur d’une Europe pa­cifique et prospère pour ses descendants, sort de l’actualité du XXI° siècle, il “restera une belle page des manuels d’histoire de la pensée économique” (20).  

Frédéric VALENTIN.

Notes :

(1) André ORLEAN : « Incertitude, prévision et spé­cu­lation financière ». Dans : Travaux du séminaire DECTA III, Université de Bordeaux I, 1988-1989, Tome X. p.125.    

(2) Jean-Pierre DUPUY : Introduction aux sciences sociales. Ellipses, 1992. Chapitre 7 : « L’individu libéral, cet inconnu », p.184.

(3) Bruno VENTELOU : Au-delà de la rareté. A. Michel, 2001, chapitre 2.    

(4) Philippe de VILLÉ et Michel de VROEY : « Salaire et marché du travail chez Marx et Keynes : orthodoxie ou hétérodoxie? » Dans : Cahiers d’économie politique n° 10-11 : « L’hétérodoxie dans la pensée économique ». Anthropos, 1985.  

(5) Philippe RIVIALE : Passion d’argent, raison spéculative. L’Harmattan, 2000, chap. 8 : « Le crime de Monsieur Keynes ».  

(6) Frédéric POULON : « Le circuit en économie ouverte et la capacité d’endettement international ». Revue Économies et Sociétés, Hors-Série n° 30, Tome XXII n° 6-7, juin-juillet 1988, p.7.    

(7) Michelle de MOURGUES : « Monnaie internatio­na­le et croissance externe dans la théorie key­né­sienne ». Dans : Croissance, échange et monnaie en économie internationale. Mélanges en l’honneur de Jean Weiller. Économica, 1985, chapitre 35.    

(8) Alain PARGUEZ : « A l’origine du circuit dyna­mi­que : dans le circuit de la Théorie générale, l’épargne et l’investissement sont identiques ». Dans : Pro­duc­tion, circulation et monnaie. PUF - CNRS Nice, 1985, p. 191 et suiv.    

(9) Alain BARRERE : « Signification générale du circuit ». Dans : Les cahiers de DECTA III, n°5, 1989: « Les théories contemporaines du circuit ». Chapitre 4.  

(10) Pascal COMBEMALE -- Jean-José QUILÈS : L’économie par le circuit. Nathan, coll.Circa n°10, 1990.  

(11) Jean DENIZET : « Keynes en 1943 : négociateur et prophète ». Dans : Michel ZERBATO et douze économistes : Keynésianisme et sortie de crise. Dunod, 1987, p.179.  

(12) Bernard SCHMITT : « Un nouvel ordre moné­taire international : le plan Keynes ». Dans : F. Poulon éditeur : Les écrits de Keynes, Dunod, 1985, chapitre 9.  

(13) Bernard SCHMITT : L’ECU et les souverainetés nationales en Europe. Dunod, 1988.  

(14) Serge LATOUCHE : « Les ruses de la raison et les surprises de l’histoire : Marx, Keynes et Schumpeter, théoriciens de l’impérialisme ». Dans : « L’hétérodoxie dans la pensée économique » Cahiers d’économie politique n°10-11, Ed. Anthro­pos, 1985.  

(15) Frédéric POULON : La pensée économique de Keynes. Dunod, coll.Topos, 2000, p.111.  

(16) Dans un entretien récent accordé à la revue L’Esprit Européen, M. Allais affirme que “la mon­dia­li­sation telle qu’elle est mise en œuvre, représente un dan­ger majeur à l’encontre de la civilisation dans le monde entier, et tout particulièrement à l’encontre de la démocratie.”  L’Esprit Européen n°8, prin­temps/été 2002, p.7 [adresse : Refondation Europe, BP 221, 07502 GUILHERAND CEDEX ]  

(17) Michel ZERBATO : « Plein emploi et espace key­nésien régional ».  Dans : M. Zerbato éditeur : Key­né­sianisme et sortie de crise. Dunod, 1987, chapitre 8, p.173.  

(18) Christian GOUX : « Keynes ou l’impatience d’a­gir ». Dans : Michel Zerbato éditeur : Keynésianisme et sortie de crise. Dunod, 1987.  

(19) Bernard SCHMITT : « Un nouvel ordre moné­taire international : le plan Keynes ». Dans : F. Pou­lon éditeur : Les écrits de Keynes. Op. cit., p.196.  

(20) Frédéric POULON : La pensée économique de Keynes. Op. cit., p.118.

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Joyeux krach !

Joyeux krach !

Joyeux krach !

Image Hosted by ImageShack.usLes soubresauts des bourses mondiales et les scandales financiers révèlent l’état de crise des structures économiques. Quand quelques « traders », aux valeurs morales plus que douteuses, peuvent manier des milliards sans aucun contrôle et les perdre en quelques minutes, nous sommes devant les conséquences de la financiarisation totale du capitalisme. Face à la baisse tendancielle du taux de profit, l’accroissement rapide du capital financier semble être la solution refuge pour des secteurs entiers de la bourgeoisie, véritables parasites entés sur le corps social. Mais derrière ces chiffres devenus irréels, il y a des vies qui sont mises en jeu. Personne ne parle des travailleurs qui sont réduits au chômage par les délocalisations, des intérimaires exploités, des jeunes qui ne trouvent pas de travail assez stable pour fonder un foyer. Nous pouvons souhaiter un « joyeux krach » aux apprentis sorciers de la finance croyant encore à la bienveillance de la « Mains Invisible » d’Adam Smith pour réguler les marchés (comme la patronne du MEDEF, Laurence Parisot). Les mêmes attaquent le Socialisme comme étant une lubie dépassée appartenant au 19° siècle…

Dans le registre des naïvetés feintes, les médias découvrent la réalité de la hausse des prix des produits de consommation et des loyers. Il était temps, les classes populaires en étaient persuadées depuis des années. Elles sont frappées de plein fouet pas les augmentations de prix continues et sont obligées de se serrer la ceinture. Les gesticulations de l’agité de l’Elysée ne font qu’occuper les devants de la scène. Pendant ce temps, le gouvernement ne cherche pas à trouver des solutions simples et rapides (comme par exemple, s’attaquer aux monopoles de la grande distribution). Le pays semble à la dérive, tout ce qui était encore solide est parti en fumée ou démembré au nom de la logique libérale.

La même logique a conduit à la ratification du Traité de Lisbonne qui parachève la perte de la souveraineté française. Contrairement à ce que l’on essaie de nous faire croire, ce traité n’est ni un mini traité, ni un traité simplifié. Il reprend pour l’essentiel, le contenu du Traité constitutionnel européen (TCE) qui a été rejeté par les Français et les Néerlandais en 2005. Malgré une mobilisation d’opposants de tous bords (un millier de manifestants) devant les grilles du palais de Versailles, la ratification fut acceptée par la majorité des députés UMPS. La Gauche se rallia sans surprise à cette forfaiture du gouvernement Sarkozy démontrant par là, une énième fois, son intime solidarité avec les finalités du capitalisme
Funeste présage, quelques semaines après, la déclaration d’indépendance du Kosovo offrait l’image de l’avenir possible de notre pays et de l’Europe. Utilisant les haines nationalistes, les Etats-Unis et les dirigeants européens donnaient naissance à un état maffieux au cœur des Balkans. Un foyer d’embrasement des futurs conflits qui déchireront l’Europe. Ici aussi, le gouvernement français montrait son empressement à reconnaître l’existence de l’Etat croupion et son allégeance avilissante aux projets de Washington concernant la région balkanique. Sarkozy, pour autant, n’en était guère remercié par les Etats-Unis qui, conscients de leurs intérêts, lui jouaient un mauvais tour en Amérique latine où la libération d’Ingrid Betancourt était sabotée par l’assassinat du numéro deux des FARC grâce aux renseignements fournis par la CIA à l’armée colombienne. Il est plus important pour l’impérialisme US de déstabiliser le révolutionnaire Hugo Chavez, que de flatter l’ego du roitelet de l’hexagone. Seul point positif dans la situation géopolitique internationale : la reconnaissance de l’indépendance du Kosovo vient d’être suivie de la déclaration faite par le Kremlin, de l’absence de restriction des relations commerciales avec l’Abkhazie et l’Ossétie du sud, ce qui ne peut rendre que plus forts ces pays face au pion otanesque qu’est la Géorgie. Notons au passage, l’échec de la tentative de déstabilisation de la Russie lors des élections présidentielles où le peuple n’a pas cédé aux sirènes des formations libérales payées par les capitalistes occidentaux. Même si on peut penser que des irrégularités ont été commises lors du scrutin, force est de constater que le parti de Poutine est largement soutenu par la population. Nous pouvons le créditer de l’échec de la tentative initiée par Washington du démembrement de la Fédération de Russie, ce dont nous nous félicitons. Au delà, cette réussite ne doit pas constituer un blanc seing pour le Kremlin ; les travailleurs russes doivent reprendre le chemin de la lutte sociale de façon autonome. Le relatif maintien du Parti Communiste avec près de 18% pour Ziouganov (qui a signalé les irrégularités électorales dont il a été victime) est un signe important.
Pour en finir avec la dimension internationale, le gouvernement français aura été remercié malgré tout de sa docilité envers le rouleau compresseur mondialiste, par le gouvernement israélien, suite à l’expression de sa compassion à l’égard des victimes d’un attentat faisant huit morts en Israël alors que sa sensibilité n’avait guère été affectée par le calvaire enduré par les palestiniens de la bande de Gaza, subissant l’attaque de l’armée sioniste.
Si nous commencions notre éditorial par l’évocation de ce que le système laisse apparaître de sa décomposition sur le plan financier, il ne faut pas oublier que cette apparence n’est que la manifestation de son essence. Les soubresauts financiers ne font que répercuter la nature contradictoire du mode de production capitaliste dont le nécessaire processus de valorisation plonge la majeure partie de l’humanité dans les affres de la lutte pour la simple survie économique, ce qui constitue l’aliénation fondamentale. Devant cette avalanche de mauvais coups contre les travailleurs, il est désormais primordial de réagir. Il est important de s’accrocher à des lignes de résistance précises : la défense du socialisme et d’un patriotisme positif (Pour reprendre une citation de Michel Clouscard : « L’État a été l’instance superstructurale de la répression capitaliste. C’est pourquoi Marx le dénonce. Mais aujourd’hui, avec la mondialisation, le renversement est total. Alors que l’État-nation a pu être le moyen d’oppression d’une classe par une autre, il devient le moyen de résister à la mondialisation. C’est un jeu dialectique. ». Ajoutons, pour notre part, que la condition sine qua non pour que l’Etat puisse jouer ce rôle d’outil de résistance, est qu’il soit essentiellement contrôlé par des acteurs politiques dont les finalités soient explicitement orientées vers une lutte antimondialiste dont on perçoit de nos jours également la dimension géopolitique, de laquelle il faut avoir une vision affûtée. Seul, le poids d’une relative hégémonie de travailleurs conscients et dynamiques au sein de la Nation, garantirait l’efficacité de l’Etat. La haute politique reste un rapport de forces, notamment entre classes sociales.
Pour cela, nous posons dans ce numéro des jalons, à fin de construction d’une alternative véritable au système. Nous en sommes encore à une étape de fédération et de structuration, le lancement des Cercles Rébellion en est l’expression concrète. Lénine définissait le rôle important des Cercles de diffusion dans ses écrits : « A elle seule, la fonction de diffusion du journal commencerait à créer une liaison effective (…). Les relations de ville à ville pour les besoins de la cause révolutionnaire sont aujourd’hui une grande rareté, et en tout cas une exception; elles deviendraient alors la règle et assureraient bien entendu, non seulement la diffusion du journal, mais aussi (ce qui est beaucoup plus important) l’échange d’expérience, de documentation, de forces et de ressources.
Le travail d’organisation prendrait une ampleur beaucoup plus considérable, et le succès obtenu dans une localité encouragerait constamment à perfectionner le travail, inciterait à profiter de l’expérience déjà acquise par les camarades militant sur un autre point du pays ». Que faire?

La faillite du système est totale, avant qu’il ne nous entraîne plus loin dans sa folie destructrice nous avons la possibilité d’endiguer la démence du capitalisme. Ne la ratons pas…

Source : Rebellion


 

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lundi, 21 avril 2008

Daniel Varoujan, poète arménien

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Archimede BONTEMPI:

Daniel Varoujan, poète arménien assassiné par les Turcs

 

Professeur en Italie, Antonia Arslan vient de publier les poè­mes de Daniel Varoujan, un des plus grands poètes ar­méniens, qui a composé une œuvre compacte, fortement symbolique: il nous parle de la terre, de la terre arménien­ne, cultivée par l'homme mais frappée par la “lance de la Lu­mière”, riche en couleurs, en odeurs, en humeurs, une ter­re-mère, une terre-sœur.

 

Sur ce grand poète arménien, l'essai le plus complet reste ce­lui de Boghos L. Zekiyan, patriarche des études sur l'his­toire et la littérature arméniennes: Daniel Varujan: Dall'e­pos al sogno, publié à Venise.  Daniel Varoujan fut l'une des premières victimes du génocide. Il fut assassiné par les Turcs, probablement par l'un de ses hamidjé de sinistre ré­putation; c'était des escadrons de la mort composés d'irré­guliers kurdes. Varoujan est mort aux côtés de son homolo­gue et ami Rupen Sevak, le 26 août 1915, journée qui fut le coup d'envoi de tous les massacres organisés ultérieure­ment par le gouvernement nationaliste turc.

 

Parmi les derniers vers qu'il a écrits, il y avait celui-ci:

 

«Que pleuve sur nos têtes

une poignée de blé,

ma douce vieille, mon amie.

Veuille le soleil automnal

Ne pas geler dans les neiges de nos cheveux…

Ne s'éteigne notre bougie

Parmi les colonnes de marbre…

Quand nous serons au cimetière,

O mon amour, que sous nos corps

La terre ne soit pas trop dure…» (*).

 

Le Chant du Pain, hymne païen à la Terre, a été magnifi­que­ment traduit en italien par Antonia Arslan et Chiara Haï­ganush Megighian (ndlr: et en français par Vahé Godel, cf. infra). La langue de ces poèmes est chère à nos oreilles. Ce splendide lyrisme de la Terre et de la liberté de l'hom­me, une liberté concrète, celle de cultiver, d'aimer les fem­mes de son clan, et, finalement, de se retrouver tou­jours dans des bras maternels.

 

Constantinople, Venise et Gand

 

La culture de Varoujan s'est épanouie dans trois villes eu­ro­péennes: Constantinople, Venise et Gand, trois capitales cul­turelles de notre Vieille Terre d'Europe, que Varoujan a unit mystérieusement, par le suc de sa propre existence. Gand a été le berceau de Charles-Quint; Venise était la por­te de l'Orient et la matrice de la liberté, valeur car­di­nale de la culture européenne. Constantinople a été l'a­vant-poste de l'Europe, de l'Empire romain d'Orient (chri­stianisé), face aux hordes turques qui déferlaient depuis les steppes asiatiques, mais auxquelles cette ville fantastique finissait par communiquer des bribes de culture européen­ne. Mais ces éléments de culture ont été pervertis, hélas, par un nationalisme "statolitaire" et raciste qui a trouvé en Turquie des esprits réceptifs aux cœurs impénétrables à tou­te pitié et toute compassion.

 

Car ce fut effectivement pour voler cette belle terre d'Ar­ménie, chantée par Varoujan, cette terre fertile et géné­reuse, travaillée par les paysans arméniens, que les Turcs ont déchaîné le génocide, en la présentant comme une “ter­re promise” aux Kurdes, qui, aujourd'hui, à leur tour, en sont chassés par l'effet d'une de ces curieuses ven­geances de la marâtre "Histoire", chère aux philosophes al­le­mands. Varoujan est resté le fils privilégié de cette cul­ture vénitienne, imprégnée de symbolisme païen. Il écrivit à son ami Theodik: «Deux atmosphères ont exercé une in­fluence sur moi: la Venise du Titien et la Flandre de Van Dyck. Les couleurs du premier et le réalisme barbare du se­cond ont formé mon pinceau». Ensuite comme Antonia Ars­lan le révèle dans son introduction: «Je sens que Venise a exercé son influence sur moi, avec ses trésors chatoyants de couleurs, d'ombres et de lumières. C'est une ville où il est impossible de penser sans recourir à des images» (lettre à Vartges Aharonian).

 

Venise, patrie idéale des poètes

 

Venise, patrie idéale des poètes, a accueilli Varoujan, com­me elle avait accueilli ses brillants éducateurs, les Pères mé­khitaristes, en leur donnant l'Ile de Saint-Lazare pour y fonder un collège. Avec la générosité d'une mère, la Sé­ré­nis­sime a donné cette île où ces religieux, exilés, as­piraient à retrouver les racines de leur mère patrie. “Justement au mo­ment où, historiquement, les Arméniens, en tant que peu­ple, voyaient leur patrie niée définiti­vement et l'unité psychologique de leur nation, brisée”, comme l'écrit Anto­nia Arslan. Le premier recueil de poèmes de Varoujan, Fré­missements, a été publié à Venise en 1906, un recueil où l'on entend les échos des Tempêtes d'Ada Negri.

 

Mais dès 1907, c'est le sang qui constitue le leitmotiv ma­jeur de sa poésie, notamment dans un poème très bref, Le massacre, écrit à la mémoire des Arméniens persécutés sous Abdul Hamid, le “Sultan rouge” qui avait amorcé le pro­cessus génocidaire, anticipant l'effrayante violence des Jeunes Turcs. Symboliste est sa poésie (et en cela inspirée par son séjour à Gand), mais non décadente, souligne An­tonia Arslan; Varoujan n'était pas un poète qui s'aban­donnait aux vagues rêves que cultivait le jeunesse euro­péen­ne décadente des années précédant la Grande Guerre. Va­roujan demeurait solidement ancré dans la culture de sa Terre, dans chaque geste posé par le paysan arménien dans ses champs, dans les moissons d'Anatolie, dans les rites sim­ples d'une société archaïque mais au civisme intact. En ce­la, Varoujan est proche de l'âme padanienne (ndlr: et aussi, ruralisme et symbolisme obligent, de l'âme gantoise et de la peinture de Laethem-Saint-Martin), de la culture lom­bar­de et frioulane de la terre et des récoltes, enracinement uni à une nos­tal­gie de la liberté dans une patrie propre, non autre, que l'on aime et que l'on défend.

 

Daniel Varoujan, qui nous a donné ses Poèmes païens (pui­sés dans la mythologie arméno-iranienne) et son Chant du Pain, nous a pleinement été restituée par Antonia Arslan (Il Canto del Pane, a cura di Antonia Arslan, Guerini e Asso­cia­ti, Milano, 146 pagg., 21.000 Lire).

 

Archimede BONTEMPI.

(article publié dans La Padania, 13 septembre 2000;

http://www.lapadania.com/2000/settembre/13 ).

 

(*) En français, on lira: Daniel VAROUJAN, Chants païens et autres poèmes, traduits et présentés par Vahé Godel, Or­phée/La Différence, 1994.

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