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lundi, 25 janvier 2021

Philippe Baillet : « Avec Sparta nous entendons précisément renouer avec des formes de vraie critique sociale »

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Philippe Baillet : « Avec Sparta nous entendons précisément renouer avec des formes de vraie critique sociale »

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Nous vous proposons ci-dessous de découvrir la publication Sparta, nouvelle revue de réflexion culturelle, politique, métapolitique et philosophique, qui est parue il y a quelques mois sous la direction de Philippe Baillet, et présentée ainsi par son éditeur :

Sparta, nom de l’épouse d’un fils de Zeus qui renvoie bien sûr à la célèbre cité grecque, est le titre d’une publication sans périodicité fixe des éditions Aidôs. Sparta n’a aucun équivalent dans l’espace francophone et n’a eu que très peu de devancières dans la culture européenne depuis 1945 : la revue romaine Ordine Nuovo, essentiellement évolienne ; Nouvelle École (dans une certaine mesure) ; et Mars Ultor, dirigée en Allemagne par Pierre Krebs. Sparta est une publication ouvertement païenne, racialiste et identitaire, qui naît sous le triple parrainage augural du Rig-Veda, de Nietzsche et de Savitri Devi. 

Sparta, dès son premier volume, fait le pari de la qualité, tant sur le plan graphique, sobre et soigné, que sur celui du contenu. Grâce à Sparta, vos idées sont enfin défendues et affirmées avec rigueur et érudition ; vous y trouverez une écriture élégante, des références dûment vérifiées et complètes, des traductions (de l’allemand, de l’anglais, de l’italien) vraiment fiables. Sparta reflète le professionnalisme et la compétence de collaborateurs qualifiés, qui ont fait leurs preuves depuis longtemps : Jean Haudry, Philippe Baillet, Pierre Krebs, Jean Plantin, David Rouiller, auxquels viendront bientôt s’ajouter d’autres noms.

Sparta-Volume-I-Philippe-Baillet-Jean-Haudry-Neuf.jpgAu sommaire du volume 1 : un article de J. Haudry sur la notion d’aidôs, « respect, révérence », qualités indispensables aux membres d’une même sodalité. Deux longues études de Ph. Baillet : l’une sur la « généalogie » et l’origine des valeurs dans la philosophie de Nietzsche ; l’autre sur « le mythologue du romantisme », le Suisse Johann J. Bachofen, sa réception considérable dans la culture germanique, l’opposition-complémentarité Apollon-Dionysos, avec des aperçus relatifs à Alfred Rosenberg et à des penseurs völkisch comme Alfred Baeumler et Ludwig Klages. Des textes d’Evola sur Bachofen, par qui il fut fortement influencé. Un inédit du théoricien italien : « Soldats, société, État ». Trois textes d’un sociologue des arts visuels, Raimondo Strassoldo, sur l’entrée dans l’art moderne et contemporain non moins que sur la subversion organisée des canons esthétiques européens. Un article de P. Krebs sur le mouvement Der Dritte Weg, véritable « communauté militante identitaire ». Et un index pour vous repérer facilement dans cette matière.

Pour en parler, nous avons interrogé Philippe Baillet :

Breizh-info.com : Pouvez-vous tout d’abord vous présenter à nos lecteurs ?

Philippe Baillet : Né le 21 janvier 1951, je viens d’avoir 70 ans. Je suis issu d’une famille du Pas-de-Calais, non pas de l’ancien bassin houiller, mais du littoral, de Boulogne-sur-Mer à Berck en passant par Le Touquet. Socialement parlant, je viens d’un milieu de la classe moyenne, mais qui connut un grand déclassement à partir du milieu des années 50. J’insiste sur ce point car il me singularise : tout au long de mon itinéraire politico-culturel — soit depuis 1966, année de mon adhésion, à l’âge de quinze ans seulement, à la section de Saint-Cloud (alors dirigée par un certain Bernard Lugan) de la Restauration Nationale d’inspiration maurrassienne, jusqu’à la fondation toute récente de Sparta —, je n’ai pratiquement côtoyé, au sein de la droite radicale française, que des fils de la moyenne et grande bourgeoisie, chez lesquels j’ai pu constater trop souvent un grand écart entre la nature des idées défendues et la façon de les incarner. C’est aussi à cause de ce déclassement que je dus renoncer à poursuivre des études universitaires, à cause de cela encore, dans une certaine mesure, que je n’ai pu publier mon premier livre proprement dit qu’en 2010, soit un an avant de prendre ma retraite.

md30657416862.jpgJe renvoie les lecteurs à mes fiches Wikipédia et Metapedia. Pour résumer très vite : après des débuts dans les rangs maurrassiens, je suis passé par ce qu’il restait du REL (fondé par Dominique Venner), puis par le groupuscule Pour une Jeune Europe, fondé par Patrick Mahé et Nicolas Tandler après la dissolution du mouvement Occident en octobre 1968. À la fin des années 60 et au début de la décennie suivante, j’eus aussi l’occasion de bien connaître le Suisse romand Gaston-Armand Amaudruz (animateur du Nouvel Ordre Européen), qui me reçut à plusieurs reprises. Ma découverte de l’œuvre d’Evola date de cette période. Cette découverte me conduisit à apprendre l’italien, jusqu’à devenir ensuite traducteur professionnel, travaillant notamment pour deux éditeurs catholiques importants (Le Cerf et Desclée De Brouwer), pour les éditions du Rocher et, ponctuellement, pour Robert Laffont. En 1977, je fus l’un des trois fondateurs de la revue Totalité, d’inspiration évolienne, avant de devenir, au milieu des années 80, secrétaire de rédaction de toutes les publications de la ND, auxquelles je collaborais moi-même. À date plus récente, entre 2010 et aujourd’hui, j’ai publié cinq ouvrages aux éditions Akribeia et plusieurs articles dans les cahiers annuels Tabou.

Breizh-info.com : Quelle est la genèse de la revue Sparta ? Quels sont ses objectifs ?

Philippe Baillet : Sparta n’est pas à proprement parler une revue, puisqu’elle n’a pas de périodicité fixe. Elle se présente comme un copieux volume de « mélanges », que nous espérons pouvoir faire paraître une fois par an. Sparta est le fruit d’une longue réflexion personnelle, partagée au fil des ans avec quelques amis et avec mon éditeur, Jean Plantin, sur les échecs répétés, depuis 1945, de la droite radicale française, que ce soit sur le plan politique (exemple le plus retentissant : l’OAS) ou culturel (exemple le plus marquant : le GRECE des quinze premières années et ce qu’il en reste aujourd’hui), et sur les causes profondes de ces échecs.

31ky4-ih6yL._SX314_BO1,204,203,200_.jpgEn 2018, j’ai publié un ouvrage qui est à la fois un pamphlet (par le ton) et un essai (par ses analyses et son appareil de notes abondant). Son titre résume bien les critiques que mes amis et moi adressons à la DR française : De la confrérie des Bons Aryens à la nef des fous. Par « Bons Aryens », je vise bien sûr les bons à rien franco-gaulois et leurs tares apparemment inguérissables : le « réalisme » à courte vue de ceux qui, pourtant cocufiés tous les dix ou vingt ans à ce petit jeu, s’imaginent encore que le commencement du salut viendra de la politique ; la frivolité et la futilité typiquement françaises, héritées des salons de la noblesse décadente d’Ancien Régime et sur lesquelles Abel Bonnard et Céline ont écrit des lignes féroces, mais justes ; le manque de soubassement historique (la France n’a pas connu de vrai mouvement fasciste, mais seulement des intellectuels fascistes, le seul mouvement sérieux dans le paysage ayant été le PPF, d’ascendance communiste comme par hasard) ; l’anti-intellectualisme (le pseudo-fascisme français est avant tout littéraire) et l’indifférence méprisante à la formation doctrinale ; l’esthétisme à corps perdu, stéréotypé et envahissant, façon typiquement bourgeoise de se donner une posture — mais seulement une posture — de révolutionnaire, et qui est une pathologie du « connaître par sensation immédiate », antérieurement à tout discours (c’est le sens même du terme « esthétique »), comme l’idéologie est une projection pathologique et passionnelle de la subjectivité.

Quant à la formule « nef des fous », elle vise un phénomène plus récent et dévastateur, qui n’est pas propre à la DR française, mais qui a trouvé chez une grande partie de celle-ci un terrain fertile pour une progression cancérigène : le complotisme et ce qui l’accompagne souvent, à savoir un antijudaïsme obsessionnel, rabique et, fréquemment, pour ceux qui en sont les fauteurs, « alimentaire ». Propre à satisfaire les petites têtes qui jouent aux matamores du clavier en s’imaginant qu’ils font peur au Système, le complotisme est aussi du pain bénit pour expliquer et justifier les lamentables échecs de toute une mouvance depuis 1945, en faisant ainsi l’économie de toute « autocritique positive ». Il est aussi un attrape-dingues particulièrement pernicieux.

51SFkzQ77FL._SX298_BO1,204,203,200_.jpgOr, avec Sparta nous entendons précisément renouer avec des formes de vraie critique sociale, au lieu du « on nous cache tout, on nous dit rien » d’aujourd’hui, beaucoup moins drôle que la chanson de Jacques Dutronc qui avait égayé la fin de mon adolescence. Alors que la DR franco-gauloise s’est ruée goulûment sur l’Internet et ses innombrables poubelles psychiques — soit pour y fouiller, soit encore pour les remplir à son tour —, nous entendons développer une critique argumentée de la pénétration invasive du « tout-numérique » dans la vie quotidienne et de ses conséquences sur le plan anthropologique. Cela nous permettra de bien mettre en relief la tare majeure, en plus de celles déjà énumérées, de la DR franco-gauloise : un énorme « déficit d’incarnation » entre les idées supposément défendues et la vie casanière et bourgeoise de tant de soi-disant « antimodernes » qui n’ont pas compris que, fondamentalement, le monde moderne est une gigantesque entreprise d’avilissement de l’humain, autrement dit, en termes nietzschéens, une usine à fabriquer le « Dernier Homme », lequel, en dépit (ou à cause ?) des prothèses technologiques qui l’entourent, relève d’une forme de sous-humanité. À ce sujet, la vertu de probité chère à Nietzsche oblige à reconnaître que l’on observe bien plus de cohérence chez certains libertaires et certains héritiers de l’Internationale situationniste – je pense en particulier au groupe réuni autour des éditions L’Échappée, déjà en pointe il y a quelques années dans la défense de l’objet-livre face à la barbarie internétique. Les vrais « réactionnaires », au meilleur sens du terme, ne sont en effet pas toujours là où l’on s’attend à les trouver…

Toujours avec la même volonté d’explorer des pistes nouvelles, Sparta — publication ouvertement racialiste, identitaire et païenne — entend revisiter le patrimoine doctrinal en lien avec ces trois adjectifs : donc, avant tout, mais non exclusivement, le patrimoine national-socialiste. Nous avons commencé à le faire et le ferons sans aucune concession au folklore, à la complaisance, aux stéréotypes, mais avec la rigueur et la compétence qui n’auraient jamais dû faire défaut. Des auteurs comme Mabire et Venner, par exemple, qui ont beaucoup écrit sur l’histoire du national-socialisme, se sont surtout penchés sur son volet militaire, guerrier et politique, mais, en définitive, très peu sur ce prolifique laboratoire d’idées que fut le mouvement völkisch, avant 1933 et de 1933 à 1945, sans doute parce que l’un et l’autre ne lisaient pas assez bien l’allemand.

Ce sont ces lacunes que nous voulons pallier, à travers des études sur des historiens de l’art représentatifs de l’esthétique nordique, sur des théoriciens comme Baeumler, Rosenberg ou le grand penseur païen Ludwig Klages, sur le mouvement de la Foi allemande (qui entendait fédérer tous les groupes religieux non chrétiens favorables au régime national-socialiste), sur l’ordre SS et l’Ahnenerbe, etc. Quant au fascisme italien, nous ferons connaître une institution tardive du régime mussolinien, l’École de Mystique fasciste, fondée à Milan en 1940 et qui était censée jouer le rôle d’une espèce d’Ordre au sein du parti unique. Enfin, dans un registre plus classique, mais essentiel, nous poursuivrons l’étude des valeurs de l’« indo-européanité », grâce avant tout à la collaboration de Jean Haudry, qui, avec la disponibilité généreuse d’un esprit totalement libre, a d’emblée accepté d’intégrer notre comité de rédaction et de nous donner un premier article.

En résumé, nous nous proposons donc, d’abord, de remplir une fonction d’approfondissement doctrinal. Seul l’avenir dira s’il est possible d’aller plus loin que ce travail de nature théorique pour déboucher sur la constitution d’un réseau informel d’amis de Sparta et sur la formation d’une véritable sodalité nourrie par les contenus les plus élevés de l’héritage ancestral des peuples indo-européens.

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Breizh-info.com : À l’heure de l’effondrement de la lecture, n’est-il pas un peu « fou » de publier une revue intellectuelle, du type de Nouvelle École, qui sera forcément une revue « de niche » encore plus petite du fait de cet effondrement ? Comment, selon vous, redonner le goût de la lecture et de la culture, notamment à la jeunesse ?

Philippe Baillet : Nous faisons le pari de l’existence d’un public exigeant, lassé des bateleurs du complotisme qui commencent à se dégonfler comme des baudruches, d’un public qui attend aussi, de la part de ceux capables d’un certain niveau de réflexion, autre chose que de l’eau tiède. Nous défendons des idées très dures par rapport aux idéologies dominantes, mais sous une forme de type universitaire, plus difficile à attaquer par le Système, avec des références précises et vérifiées, une écriture élégante et des traductions fiables. Quelques centaines de lecteurs fidèles, heureux de pouvoir lire une publication dont ils seront fiers, suffiraient à faire vivre Sparta. Nous avons bon espoir de les trouver. N’ayant pas réponse à tout, je suis incapable de répondre à votre seconde question. Parce que je ne suis pas matérialiste, je crois à la réalité des affinités électives plutôt qu’aux démarches volontaristes : Sparta arrivera entre les mains de ceux, mêmes jeunes, à qui elle était destinée avant même de voir le jour.

Breizh-info.com : Pouvez-vous nous présenter le contenu du premier numéro pour donner envie à nos lecteurs ? Il est beaucoup question d’Allemagne et d’Italie dans le contenu…

Philippe Baillet : Le grand détour par l’Allemagne est logique puisque cette livraison contient une étude sur Nietzsche, l’origine des valeurs et le fait que les idées ne sont jamais des données immédiates de la conscience, mais des produits dont il faut mettre au jour l’origine et qui reflètent toujours des conditions d’existence proprement vitales. Je fais ressortir l’intérêt de cette grille interprétative de toutes les religions, croyances et idéologies, avant de traiter des thèmes comme le rapport entre art, vie et vérité, ou encore la « grande raison » du corps chez Nietzsche. Dans une partie finale consacrée à l’antijudaïsme culturel de Nietzsche, j’évoque en passant le cas du grand indo-européaniste et celtisant Julius Pokorny, éditeur avant et après la guerre de la Zeitschrift für celtische Philologie. D’origine partiellement juive, il avait prêté serment à Hitler en 1934 et défendu des idées völkisch. Par l’intermédiaire de Friedrich Hielscher — tout à la fois ami d’Ernst Jünger, figure du courant national-révolutionnaire et de la « résistance intérieure », et néo-païen — sa revue était lue, à l’époque de Stur, par des esprits aussi radicaux qu’Olier Mordrel et Célestin Lainé.

Quand on sait cela, on commence à comprendre toute l’importance du sens des nuances : c’est aussi l’une des raisons d’être de Sparta.

Johann_Jacob_Bachofen.jpgJ’ai également rédigé pour cette première livraison une très longue étude sur « le mythologue du romantisme », à savoir le Suisse Johann J. Bachofen (1815-1887), qui croisa Nietzsche à l’université de Bâle. Encore trop peu connu en France, Bachofen bénéficia pourtant d’une « réception » considérable : il est établi qu’il fut lu par des esprits aussi différents que Friedrich Engels, Walter Benjamin, Thomas Mann, Robert Musil, Hermann Hesse, Baeumler, Rosenberg et Klages, sans oublier le grand helléniste Walter F. Otto et, bien sûr, Julius Evola. Notre dossier sur Bachofen comprend d’ailleurs des textes d’Evola sur l’auteur suisse. L’Italie est encore à l’honneur avec plusieurs textes d’un sociologue de l’art italien consacrés à l’histoire de la subversion organisée des arts visuels en Occident par des « avant-gardes » nihilistes. Cette première livraison contient également un article de J. Haudry sur la notion grecque d’aidôs, terme souvent rendu par « retenue, pudeur », mais qui connote aussi le sens de « respect, révérence » envers sa propre conscience et ceux à qui l’on est uni par des devoirs réciproques ; un témoignage de Pierre Krebs sur le mouvement national-révolutionnaire allemand Der Dritte Weg, dont les méthodes ne sont pas sans rappeler celles du mouvement romain Casa Pound ; un article inédit d’Evola sur la véritable signification de l’« antimilitarisme » des nations victorieuses à l’issue de la Seconde Guerre mondiale ; et un index pour se repérer dans toute cette matière.

Breizh-info.com : Travaillez-vous déjà à un deuxième volume ? Quels retours avez-vous du premier ?

Philippe Baillet : La deuxième livraison est déjà en chantier, afin qu’elle puisse paraître en novembre prochain. Les thèmes philosophiques, religieux et liés au domaine indo-européen prédominent dans le premier numéro. Le deuxième numéro contiendra, lui, plus d’articles « métapolitiques ».

Nous devrions pouvoir présenter un comité de rédaction élargi, avec des collaborateurs étrangers. La naissance de Sparta a été relayée et favorablement accueillie sur le blog de Robert Steuckers, sur les sites de Terre & Peuple et de Synthèse nationale, sur la page Païens et Fiers de Jean-Jacques Vinamont, et même sur la page Facebook de quelqu’un qui ne nous aime pas, Christian Bouchet, mais qui a affirmé que Sparta, en tant que revue païenne, est très supérieure à la défunte revue Antaios du Belge Christopher Gérard. Quant aux commandes, elles arrivent en nombre tout à fait satisfaisant. Nous sommes donc raisonnablement optimistes sur l’avenir de Sparta.

Sparta — volume I — 262 pages, 26 € (à commander ici)

Propos recueillis par YV

[cc] Breizh-info.com, 2021, dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

dimanche, 24 janvier 2021

Machiavel - L'utopie et l'Etat moderne

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Machiavel

L'utopie et l'Etat moderne
 
 
Renaissance et modernité

La naissance de la pensée politique moderne, rationaliste et réaliste, porte le nom de Niccolò Machiavelli. Cette pensée reflète les mutations fondamentales qui transformèrent l'Europe du XVI au XVII siècle et qui ouvrirent des nouvelles prospectives à la manière par laquelle les hommes réfléchissent à la chose politique. Celle-ci n'est plus subordonnée aux grandes interrogations métaphysiques ou à l’ordonnancement providentiel du monde, mais uniquement à la logique rationnelle de l'expérience humaine.
La pratique politique de la Renaissance, comme prototype de la civilisation européenne, porte en soi les germes de la Modernité, autrement dit :
- la politique d'équilibre ou de la balance dans les relations entre puissances continentales.
- l'autonomie du politique, personnifiée par le Prince, le Sujet - Maître de la realpolitik naissante marquée par l'absence de scrupules éthiques et moraux.
- la distinction des trois morales, du droit, de la force et de l'éthique.

S'ouvre encore au début du XVIème siècle une nouvelle page pour l'action politique, la page de l'incertitude et des calculs, liée à la précarité consubstantielle des situations de pouvoir !

En termes de légitimité, la marche vers la modernité est caractérisée par le fait que la loyauté politique, jadis personnelle, se commue en allégeance populaire et les guerres dynastiques, qui n'impliquaient pas des intérêts nationaux se transforment progressivement en « causes » idéologiques dans les affrontements entre États et entre peuples – nations.

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Les mutations induites par cette transition, qui va du XIVème au XVIIème siècle, reflètent la crise profonde et avancée des valeurs de la traditions et des institutions du Moyen–Age déclinant

L'irruption de la force

C'est dans dans un monde sans Dieu et sans harmonie universelle que l'irruption brutale de la force, celle de la « furia francese » de Charles VIIII, s’imposera en 1494 à la jeunesse de Florence, comme facteur diriment des rivalités et des luttes qui affectèrent le système des États italiens de la Renaissance.

Ce fut une période dans laquelle l'émiettement de l'Italie ne laissait d'autre choix que le triomphe de l'hégémonie impériale de Charles V, ou le jeu de balançoire entre l'influence des Habsbourg d'Espagne et d'Autriche et la prépondérance de la Monarchie française.
Or deux grands phénomènes marquèrent profondément l'univers spirituel du monde moderne : la laïcisation progressive de la culture en Italie et la Réforme Luthérienne en Allemagne.

Ces deux grandes réformes de la conscience et de la foi influèrent puissamment sur l'élaboration  d'un pensée politique qui allait procéder de nouveaux concepts, celui de souveraineté de Bodin, d’État-Léviathan ou  de Dieu Mortel de Hobbes, de droits civiques de Locke, autrement dit des trois théorisations fondamentales du pouvoir moderne, la supériorité du pouvoir civil chez Bodin, la garantie de l'ordre publique chez Hobbes et le droit d'insoumission contre le tyran chez Locke, autrement dit la laïcité, l'absolutisme et le constitutionnalisme.

Par ailleurs les historiens de la Renaissance saisirent avec la lucidité la lente désagrégation de l'unité religieuse du Moyen-Age et l’émergence parallèle d'une forme de pensée séculière, qui permit l'émergence de l'État territorial moderne. Dans cette période furent élaborés tous les concepts clés de la science politique occidentale : la souveraineté, l'État-Nation, l'Empire universel, le contrat politique, l’équilibre des forces, la « jealous emulation » et la théorie naturaliste du pouvoir.

L'analogie historique

En ce qui concerne l'analogie historique, le système des États italiens de la Renaissance rappelle  la conjoncture politique de l’Europe actuelle.

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Intégration continentale au lieu de l'équilibre péninsulaire, ruptures d'âge, de conceptions et de politiques, bouleversement et extension des espaces et des théâtres de conflits, caractère excentrique des grandes décisions et des grandes puissances, convoitise des mêmes enjeux par des acteurs globaux, hier nationaux, aujourd'hui mondiaux, rayon d'action et puissance accrue des moyens d'intimidation et de force avec l'artillerie naissante à l'époque, les panoplies balistico-nucléaires et  les boucliers anti-missiles à la portée, hier, des économies nationales et, aujourd'hui, des économies continentales. Cette impressionnante démesure de l'histoire, dans deux conjonctures semblables, n'est rien de plus qu'une extraordinaire dilatation de la scène politique marquée par un déplacement des enjeux, une accumulation verticale de la puissance, une solidarité troublante entre l'organisation des ambitions et l'apparition de nouveaux étalons de la puissance et de l'influence.

Machiavel fut un pur produit de la Renaissance italienne et l'expression d'une Seigneurie puissante, en lutte pour l'expansion et la survie. à l'âge des monarchies nationales montantes de France et d'Espagne, l'Italie est le reflet de la crise définitive de deux grandes institutions œcuméniques du passé, la Papauté et l'Empire, érodées par un éveil collectif, il « Rinascimento », autrement dit l’enfantement d'un monde nouveau.

Ce dernier marque le modèle de la civilisation européenne de nos temps et l'Italie apparaît comme l'école de l'Europe, de la même manière par laquelle Athènes avait été l'école de la Grèce ancienne  pour  la Rome républicaine, puis impériale.

Le Prince entre «Virtu» et «Fortuna»

En termes philosophiques et suivant les conceptions de Machiavel , la convergence du réalisme et de l'utopie doivent permettre a la singularité de la « Virtu », dans la personne d'un grand architecte politique, le Prince-Mythe, d'épouser l'entité hasardeuse de la « Fortuna »,et de réaliser ainsi la nécessité politique de la Modernité, l'unité italienne, ou avec le langage d'aujourd'hui, l'unité de la Nation, à l'image de la France et de l'Espagne. Par cette référence constante et après la descente de Charles VIII en Italie, l'algorithme capital de toute équation politique deviens pour Machiavel l'Europe.

Les mutations des équilibres européens fait du Prince, le Sujet- Maître de la politique, le seul garant de l'action historique.

Ce sujet apparaît comme capable d'unifier le but de la conquête du pouvoir et de son maintien, avec la catégorie du changement radical du paysage politique et donc de l'utopie.

9782081358782.jpgOr l'utopie à l’épreuve de l’expérience n’arrivera pas à résoudre l'antinomie de fond entre l'espoir du salut et la Realpolitik ou encore avec les concepts du XXème siècle, entre l'idéologie du progrès et la réversibilité constante des aventures politiques.

En effet toutes les révolutions se feront au nom de l'utopie et toutes les restaurations au nom du réalisme. Ceci vaut sans exceptions pour la révolution démocratique des colonies américaines, l'ambivalence   de la révolution française, la révolution bolchevique puis soviétique, la longue marche de Mao Tse Toung et le révisionnisme pragmatique de Deng Tsiao Ping.

La modernité et l'âge des révolutions

Or la Modernité naissante n'entra dans les entrailles des siècles que par le radicalisme des idées et des principes, ouvrant sur un âge de révolutions.

Mais le mariage des intérêts et des idées n'est guère durable sans les assertions démonstratives de la science et sans une révolution paradigmatique. Or celle-ci était aux portes avec la remise en question de la théorie géocentrique de Ptolémée, par la révolution scientifique galiléo-copernicienne qui bouleversa les conceptions dominantes de l'homme, de la connaissance et du pouvoir .

En réalité, tous les penseurs qui préparèrent le terrain pour le triomphe d'une révolution cosmologique, de l’univers et de l’expérience humaine avaient la conviction que leurs contributions  aboutiraient non seulement à la libération de l'homme de toutes les servitudes ancestrales, mais que leurs expériences étaient la condition intellectuelle des réformes et, plus loin, des transformations radicales des relations entre les hommes, comme applications de la révolution scientifique à la société.

La Renaissance et sa représentation

L'image de la jeunesse, de la beauté corporelle, picturale, architecturale et statuaire, les métaphores du printemps, donnent une représentation de l'époque qui croit à l'homme nouveau et païen, à l'harmonie et à l'équilibre des formes, comme à des aspects centraux d'une nouvelle splendeur culturelle. Ce fut une époque bouleversée par une nouvelle cosmologie, par l'Astrologie, par la Philosophie et par l'Utopie, ce fut une saison marquée en Italie par un constellation de génies.
- Dans la peinture : Botticelli,Raphaël, Titien, Donatello, Michel- Ange.
- Dans l'architecture : Brunelleschi, Bramante, Palladio.
- Dans la musique : Palestrina, Gabrielli, Monteverdi.
- Dans les poèmes d'amour ou épiques : Petrarca, Boccacccio, Ariosto.

L'affirmation en somme d'une époque de géants et d'une profusion de richesse de l’esprit, qui firent de l’Europe l’avant-garde du monde et la maîtresse de l'espace artistique et intellectuel connu.

Politiquement la montée au pouvoir de Giangaleazzo Visconti, après Francesco Sforza, à Milan, de Cosimo puis de Laurent de Medici à Florence et, suite à l'ouverture des trafics maritimes entre l'Italie des manufactures et des marchands-banquiers vers l'Europe du Nord, à Gent, Anvers, Amsterdam, Rotterdam et vers les villes hanséatiques de la Baltique, à travers les routes atlantiques, marque une éclosion de la créativité, de la prospérité et de la culture générale.

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Au cœur de la Renaissance et de l'Humanisme il y a la frappante affirmation de l'homme et de l'individualisme humain comme virtualités dignes des développements les plus divers, allant de la philosophie morale à la logique et à la méta physique, du libre arbitre à la vie active et à la richesse, dont les expressions élevées étaient des palais fastueux et des théâtres, la musique de chambre, l'opéra et les belles lettres.

Or si l'Europe de la Renaissance et de la Modernité ont eu un tel retentissement  dans le monde , y– a-t-il encore une place dans l'avenir  pour l'Europe post-moderne, pour sa renaissance et pour une nouvelle utopie ?

Machiavel, la sécularisation du politique et le concept de légitimité

Avec Machiavel, la pensée politique devient une activité sécularisée inspirée par la logique des intérêts plutôt que par celle d'une vérité ou d'une valeur, métaphysique ou morale.

Elle marque l'émergence de l'État moderne, du réalisme politique et de la souveraineté absolue. Depuis Machiavel, la doctrine de l'État et la tradition du réalisme embrassent toute entière l'Histoire occidentale car elles font corps unique avec le concept moderne de souveraineté, comme soumission à une autorité absolue indivisible et inconditionnelle . C'est ce qu'on appellera plus tard la doctrine de la « Raison d'État », comme conception de la puissance internationale et interprétation calculée et rationnelle des intérêts nationaux.

La doctrine de Machiavel a un fondement idéologique et une justification prospective. Elle est empreinte de la force entraînante  d'une utopie armée et de la séduction d'un dessein politique porté par le Sujet maître du politique, le Sujet Prince. Elle débouche enfin sur une théorie de la volonté et du pouvoir d'État. Or l'antinomie entre l'utopie et la realpolitik n'arrivera pas à résoudre le caractère irréconciliable de ces deux philosophies contradictoires, l'utopie comme quête idéaliste de nouveaux horizons politiques et la Realpolitik, comme rappel de la réversibilité des conquêtes humaines. En effet, toutes les révolutions se feront au nom de l'utopie et toutes les restaurations au nom du réalisme.

La Sécularisation de la politique

Les historiens de la Renaissance, bien avant Machiavel, avaient parfaitement saisi la lente désagrégation de l'unité religieuse du Moyen Age et l'émergence parallèle d'une forme de pensée séculière qui permit l'élaboration de la théorie de l'État moderne. En effet, en moins de deux siècles furent élaborés tous les concepts clés de la pensée politique occidentale : la souveraineté, l'État-Nation, l'Empire universel, le contrat politique, l'équilibre des forces, la « jealouse emulation », la théorie naturaliste du pouvoir et le caractère décisif de la force dans le règlement des affaires humaines. Partout en Europe, les ruptures dictées par la force s'imposèrent comme les facteurs diriments des hostilités et des antagonismes. 

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Depuis 1945, et après trois siècles de conflits, le réalisme politique et la doctrine de l'État-force n’apparaîtront plus aux Européens comme les régulateurs suprêmes des controverses internationales, supplantées désormais par la domination universelle du droit. A la dure réalité de la puissance se substituerait ainsi l'utopie d'une ordonnancement idéaliste des affaires internationales par la voie du compromis et par l'empire de la norme.

La dépolitisation des conflits fut justifiée par la croyance dans la législation collective de la communauté internationale. A côté de cet affaiblissement de la politique comme rivalité violente, se développèrent deux pratiques et deux philosophies réciproquement actives, celle émergente de « la société civile » et celle ancienne de la « légitimité ».
La première apparaît immédiatement comme une « frontière » sociologique de l'État régisseur, la deuxième comme une « contrainte » du caractère oligarchique voire monocratique de toute forme de pouvoir. De surcroit, à côté d'une redéfinition de l'État actuel comme État post-moderne et post-national, une triple « limite » s'imposa à l'Europe . La première fut d'ordre historique, la deuxième d'ordre sociologique et la troisième d'ordre philosophique.

Les «limites » de l'Europe

La première limite porte sur la connaissance du présent et donc sur la conscience historique. Elle est focalisée sur le rôle de l'Europe dans le monde. Or ce rôle est appréhendé comme une coexistence hybride de sécularisation, de néo fonctionnalisme et de neutralisation des consciences. Il s'agit d'un amalgame complexe qui efface progressivement la conception de la politique comme engagement militant et foi combattante. Cette conscience du présent nous indique que nous vivons une période d'épuisement. En effet, l'Europe est devenue une puissance qui recherche une seule légitimité, celle du « status-quo ». Or cette conscience postule l'utopie d'un rebond, d'un réveil civilisationnel.

La deuxième limite porte sur le constat que la désacralisation et la laicisation absolues de l'esprit européen ont progressé dans la vie publique comme dépolitisation. Ce processus a fait penser à la neutralisation de l'existence, autrement dit la « paix universelle ».
La troisième est intrinsèquement liée à la deuxième. Il s'agit de l'illusion d'une harmonisation des intérêts. En ce sens, l'Europe incarne la revanche anti-machiavénienne d'une « utopie désarmée ». Historiquement, la neutralisation de la conscience européenne remonte au XIXème siècle, à l'apparition d'une neutralité générale, dont « l’État agnostique et laïc » est devenu l'expression emblématique. La légitimité de l’État, jadis régisseur, puis gouverneur et ensuite décideur, repose désormais sur son agnosticisme moral. Ainsi l'humanité européenne a accompli en cinq siècles une complète migration du terrain de la lutte vers le terrain du neutralisme et du champ de la foi et des guerres de religions vers les guerres nationales, puis économiques et pour finir, vers les luttes idéologiques.

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Si bien que de nouvelles guerres s'annoncent, à l'intérieur et à l'extérieur de l'Europe, les « guerres weberiennes des dieux » entre vérités et principes  opposés qui activent une virulence sanglante faisant rage depuis quatorze siècles.

État et « société civile »

En effet, l'Europe d'aujourd'hui mène à son terme un processus débuté avec la Renaissance, celui de la sécularisation de la politique. Pensant tout ce temps, on est passé de l’État absolu du XVIIème et XVIIIème siècles, à l’État libéral et neutre du XIXème, puis à l’État total et autoritaire de la première moitié du XXème siècle et à l’État social de la deuxième moitié du Xxème. On en est aujourd'hui à l’État post-moderne et post-national. Dans cette perspective, la « société » civile est devenue un « état de l'économie, de la culture, de l'assistance, de la bienfaisance et de la prévoyance, de la solidarité, de la transformation des moeurs. » La société civile embrasse ainsi tout le social. Les mouvements sociaux, dans lesquels s'organisent les tendances et les divers intérêts en lutte, constituant la société même, devenue un corps civil hétérogène.

La « société civile » d'aujourd'hui apparaît, en conclusion, comme un amalgame de courants et de minorités revendiquant des statuts particuliers au nom  de communautés non intégrées et comme segments d'un ensemble au sein duquel  s'opposent des « sens » disparates et conflictuels.

Le concept de légitimité

En revenant au concept d'État, là où il y a pouvoir, il doit y avoir légitimité. Pour qu'il y ait obéissance et pour qu'il y ait affectio societatis il faut une forme intime d'adhésion au pouvoir de la part des citoyens.

La légitimité  est un attribut de l'autorité. C'est l'adhésion volontaire à une forme spécifique de pouvoir. Dans l’État moderne, elle exprime une connexion entre la théorie générale du pouvoir et la théorie générale du droit. Anciennement et en tant qu’idée morale supérieure au droit, elle porte témoignage du sentiment de dévouement qui transcende la sphère de la politique. Ainsi, la source ultime de la légitimité se situe sur un plan qui allait au-delà de l’ordre juridique et remontait à la justification ultime de l’autorité (potestas). Depuis Ulpien et Thomas d’Aquin, la légitimité a été pensée comme la raison d’être de la société (affectio societatis) et causa remota du pouvoir.

La légitimité se définit de façon générale par rapport à la totalité d'une forme de pouvoir et pas à l'une des formes de régime politique, démocratie, aristocratie ou dictature. Elle désigne les différentes manières de se déterminer vis-à-vis de l'avenir ou pour le dire avec Ortega y Gasset, par rapport au passé. Elle remonte à un principe ordonnateur unique, la foi politique  et tire ses origines de la communauté des croyants. Elle conserve, par ailleurs, la connotation religieuse qui fait d'elle l'expression de la conviction profonde et du libre arbitre de l'individu.

En Occident et du point de vue phénoménologique, la capacité du pouvoir d’obtenir obéissance se définit par la croyance en la légalité, en sa conformité à la loi en vigueur et à l'ordonnancent juridique existant. Cette phénoménologie est soustraite  à l’incertitude de la norme coutumière.

Mais la suprématie de la légalité sur la légitimité est attribuée par Max Weber à l'avènement de la démocratie et au fait que le pouvoir est lui même soumis à la loi car il ne peut être en aucun cas « legibus solutus ».

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Par ailleurs, cette supériorité de la légalité est due à l’affirmation progressive d’une société hétérogène et individualisée (la Gesellschaft), prenant le pas sur une société homogène et organique (la Gemeinschaft).

La légitimité traditionnelle sera plus tard laïcisée par la théorie roussouienne du « contrat » et par l’effort intellectuel de donner un corpus idéologique à une fiction, celle de l'auto-institution de la société par le « peuple ».

La critique de l'ordre moral et de l'ordre politique du passé par les « Lumières » a conduit à renier la majesté de la tradition et de la hiérarchie.

La recherche de légitimité politique des sociétés traditionnelles non-occidentales naît aujourd'hui de la séduction qu'ont exercé et continuent d'exercer sur ces pays les notions de « démocratie », de « régime démocratique » et plus encore de « constitution » politique.

Exaltant le modèle occidental, né de la « Raison », ces pays ignorent la pluralité des courants de pensée, opposés et critiques des « Lumières Historiques » et qui sont à l'origine du conservatisme néo-libéral – Burke, de Bonald, de Maistre et plus proche de nous, Ortega y Gasset.

Ce qui est remis en cause par les penseurs de cette « autre modernité » est le fondement conceptuel de la démocratie, ainsi que le lien social des régimes modernes et donc les notions de « peuple », de « constitution écrite » et, in fine, de « souveraineté populaire ».
Ce ne sont guère les méfaits de la Révolution qui sont condamnés par ces penseurs, mais les détournements de la Raison. Ce sont les changements de la perspective sentimentale qui sont visés par les « Anti-Lumières », le « culte de l'idée » et de la « Raison pure », la « Raison more-geometrico » faite pour être aimée par elle-même. Ce sont ces changements, qui ont abouti au rejet du passé et à la réinvention totalitaire de la société et des empires idéologiques ou abstraits comme l'Union Européenne.

En effet la « légitimité » présuppose un accord sur les valeurs, les idées et la philosophie sur lesquelles est bâtie une communauté traditionnelle. Du point de vue du droit et de l’ordre international sont aujourd’hui « légitimes » non seulement les formes de gouvernement qui peuvent prouver l'effectivité de l'autorité, mais aussi l'expérience de la communauté internationale fondée sur la reconnaissance de l'État-nation et de l'État à souveraineté populaire.

Ceci pousse les régimes autocratiques à recourir au « suffrage universel »pour se faire reconnaître comme « États de droit » sur la base d’une « moralité positive », celle de la communauté internationale, car est légitime l'État qui est régi par des lois. En effet, comme le disait Rousseau, « les lois sont de actes de volonté générale ».

On peut ainsi affirmer que la « souveraineté du peuple » est le fondement de tout ordre juridique, interne et international et la première expression de la modernité.

En ce qui concerne l'Union européenne, la souveraineté et la légitimité du pouvoir ne sont pas à confondre  avec le déficit démocratique. Ce dernier fait référence à l'adoption d'un paradigme, le régime démocratique, et restreint ainsi la recherche du consentement aux citoyens qui considèrent l'organisation démocratique de l'Union comme une référence nécessaire. En effet, les partisans de cette doctrine ne décernent pas la logique des contre-pouvoirs qui est à la base de la conception rousseauienne de la démocratie.
Ces partisans se limitent à considérer les formes et les procédures d'exercice des décisions communautaires au lieu d'examiner l'efficacité comparative et les répercussions de ces mêmes politiques à l'échelle internationale. En réalité, les critiques des néoconservateurs, des néo-libéraux portent sur l’abstraction idéologique sur les artefacts sans légitimité et sans histoire et donc sur les constructions, qui ne sont pas fondées sur les mœurs, les traditions et le passé et dont la seule légitimité est un concept abstrait.

Trump: l'espoir d'une défaite programmée

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Trump: l'espoir d'une défaite programmée

par Franck Buleux

De ces quatre dernières années est née une nouvelle forme de populisme : le populisme comme expression du pouvoir plutôt qu’une simple force protestataire.

En effet, le président américain élu en 2016 Donald Trump a réussi à faire passer, souvent difficilement, un message à caractère populiste au cœur des États-Unis et sans doute au-delà (victoire de Bolsonaro au Brésil par exemple).

Certes, il vient de rater sa propre réélection. Mais comment aurait-il pu en être autrement ? Depuis 2016, il n’a été question que d’impeachment à l’américaine, de soupçons de manipulation des élections avec les Russes, de contacts souterrains avec l’Ukraine pour faire tomber Joe Biden… Et tout cela aurait échoué sans la crise sanitaire. Il est clair que la Covid-19 a été la cause principale de la courte et discutable défaite du leader charismatique yankee. Souvenez-vous, les milieux médicaux, relayés par les médias, ont annoncé la diffusion d’un vaccin, quelques jours seulement après la supposée victoire des Démocrates alors que l’administration Trump avait été à l’initiative de cette recherche rapide.

Que restera-t-il de Trump ?

Compte tenu de son âge et de la modération de nombreux dirigeants Républicains, il apparaît difficile de mettre en place une nouvelle candidature en 2024. Les Républicains « modérés » préféreront une figure plus « crédible » ; plus consensuelle (c’est-à-dire des personnalités sans charisme et atones comme John Mc Cain ou Mitt Romney, tous deux battus par Obama en 2008 et 2012). Face à la représentante des minorités (jusqu’à quand ?) Kamala Harris, il ne s’agira pas de présenter un candidat susceptible d’empêcher « la marche de l’histoire », celle qui doit consacrer la défaite de candidats trop « blancs ».

En l’absence de nouvelle candidature de Donald Trump, une nécessaire refonte de la partitocratie américaine s’impose. Si Trump devait disparaître, nul n’en doute, le trumpisme lui survivrait. Les émeutes de Washington lors de la validation des représentants de Biden par le Congrès le prouvent clairement : seul un mouvement populaire peut créer ce type de manifestation. Il s’agissait plus d’une réaction de désespoir que d’un refus de la démocratie.

L’échec de Fillon en 2017 dès le premier tour et celui de Marine Le Pen deux semaines plus tard n’ont suscité aucune tristesse populaire. Chacun a zappé de chaîne en chaîne pour entendre la même chose avant de s’éclipser dans ses occupations dominicales et de sombrer dans les bras de Morphée.

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Seule une force populaire, même vaincue, est susceptible de se projeter vers une future et accessible victoire.

Le Parti républicain américain ne peut se satisfaire de représentants dont les candidatures ne sont plus que des candidatures de témoignages face à la Californie, Eden du numérique et à l’Est « intellectuel » du pays. Le cœur des États-Unis n’est pas représenté, les rivages océaniques (Pacifique comme Atlantique) l’emportent, par leur force médiatique incontestable, sur les territoires oubliés du centre du pays. Après l’espoir du « Tea Party », qui n’est jamais parvenu à se soustraire du parti « rouge » (celui représenté par un éléphant), il est largement temps que l’aile droite du parti de Reagan prenne ses distances et son indépendance. Le bipartisme américain n’est pas une obligation, rien n’empêche l’émergence d’une « troisième force » qui deviendrait un nouveau pilier institutionnel. En 1992, le candidat de droite Ross Perot inscrira un score de 20 % permettant (malheureusement) la première élection de Clinton avec un peu plus de 40 % face au sortant républicain, Bush (le père). C’est un « challenge » que doit relever Trump, non en qualité de futur candidat, mais d’énergie visant à créer des conditions favorables à cette émergence. Trump se doit de montrer le chemin de la fondation d’un néo-parti républicain.

Mais au-delà de la lointaine Amérique, le trumpisme peut aussi avoir son expression politique en Europe : une droite décomplexée (avec une liberté d’expression et d’opinion retrouvées, mais pas celle de Charlie…) qui imposerait une ligne permettant de rassembler les défenseurs d’une nation forte et traditionnelle. Ce défi-là repose sur les droites européennes.

J’ai lu, ici et là, que les manifestants pro-Trump au Capitole rappelaient, à nos journalistes, la première version des Gilets jaunes, ceux qui démarrèrent la lutte contre l’abus de fiscalité en novembre 2018. Sans doute. Mais cette envie populiste doit se retrouver, dans la rue comme dans les urnes. Pour ce, une seule condition s’avère nécessaire : la légitimation du combat, c’est-à-dire faire en sorte que le combat mené est le bon plutôt que de s’approprier les thèmes de l’adversaire.

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La maladie infantile et pérenne de la droite est de comprendre les idées de gauche, voire de les appliquer à la place de la gauche. Démarrons cette décennie avec ce rêve américain, celui de la naissance de mouvements populistes, représentant à la fois la défense de l’identité nationale et la dénonciation de l’abus fiscal imposé par l’État profond.

En France s’installe l’idée d’un Macron « de droite » qui, par sa posture, ne nécessiterait pas la présence de candidat pertinent à sa droite. Seule, éventuellement, Marine Le Pen pourrait limiter la large victoire du président au second tour.

La défaite programmée de Donald Trump doit être un révélateur, un déclencheur de la possibilité d’une opposition vigoureuse, virulente et sans concession. Il n’y a pas encore, à ma connaissance, de vaccin contre cette option.

Le Bulletin célinien n°436 est sorti de presse !

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Le Bulletin célinien n°436 est sorti de presse !

Sommaire :

András Hevesi, premier traducteur de Céline en hongrois

Céline dans Candide (1932-1936) [première partie]

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Rimbaud et Céline

Dans cette épatante collection « Bouquins », vient de paraître la réédition de la biographie de Rimbaud par Jean-Jacques Lefrère (1954-2000). Cet hématologue le jour et biographe littéraire la nuit s’était essentiellement intéressé aux écrivains du XIXe siècle. Il est aussi l’auteur d’une biographie de Laforgue et de Lautréamont tout aussi érudites que celle-ci. À la fin de sa vie, il s’était attelé à une biographie de Céline qui ne restera malheureusement qu’à l’état d’ébauche (environ 200 pages). Il avait même fait le voyage au Cameroun pour prendre des notes sur place et voir ce qu’il y était possible de trouver. Son idée était de s’attaquer à l’un des auteurs les plus emblématique du XXe siècle, après avoir traité d’auteurs mythiques du siècle précédent. Il avait prévu trois volumes de 1500 pages chacun ! Hélas la maladie a cruellement eu raison de lui. Cette biographie aurait été passionnante et riche en découvertes tant Lefrère avait le culte des archives et de la recherche. Il avait déjà rassemblé une grande documentation, s’intéressant à tous les personnages secondaires qui avaient croisé Céline. Aussi était-il un peu écrasé par la masse de travail. Il insistait aussi sur le fait que, médecin lui-même, il avait une sorte de proximité avec le docteur Destouches. Cette recherche effrénée de la documentation se faisait parfois au détriment de l’essentiel : dans sa biographie de Rimbaud (qui compte plus d’un millier de pages), le poète s’évapore sous la masse de détails. Tout le contraire de la conception d’Henri Godard qui, pour sa biographie de Céline, fit sien ce propos de Malraux : « La biographie d’un artiste c’est sa biographie d’artiste. » À l’occasion de cette réédition, j’ai constaté que les querelles entre rimbaldiens sont au moins aussi vives que celles entre céliniens. Ce qui me rappelle cette plaisante réflexion de René-Louis Doyon à propos d’une autre confrérie : « On sait que les stendhaliens, plus que tous autres spécialistes, forment une gens susceptible, chatouilleuse, jalouse de leurs os médullaires et ne pardonnant à personne d’en analyser la substance, les accidents, les particularités, surtout si on ne fait point partie de cette communion tacite… »

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Céline n’était pas un lecteur passionné de Rimbaud, lui préférant dans ce domaine les poètes du XVIe siècle, Louise Labé, du Bellay ou Ronsard. Mais il l’avait bien lu, comme en témoigne une lettre à son traducteur anglais dans laquelle il cite de mémoire des vers de la « Chanson de la plus haute tour¹ ».  Dans une étude savante, une universitaire discerne ici et là dans l’œuvre célinienne l’empreinte rimbaldienne, une sorte de filiation cachée ². Ainsi, le prologue de Mort à crédit est vu comme une réécriture minutieuse des lettres dites du « Voyant », « Alchimie du verbe » ou « Nuit d’enfer ». C’est un peu poussé mais procure de surprenantes illustrations, non pas de la notion d’intertexte, mais de « compagnonnage » (Rimbaud-Céline) qui donnent à rêver. Ce qui paraîtra, en revanche, tangible, c’est l’affirmation de Céline qui assurait connaître la raison du départ de Rimbaud en Afrique : « Il en avait assez de tricher. (…) Il y a une hantise chez le poète de ne plus tricher. » L’alternative étant, comme on sait, de « mettre sa peau sur la table ».

• Jean-Jacques LEFRÈRE : Arthur Rimbaud (biographie), Robert Laffont, coll. « Bouquins », 1408 pages (32 €)

  1. (1) Éric Mazet, « Céline et Rimbaud », Études céliniennes, n° 1, automne 2005, pp. 68-71.
  2. (2) Suzanne Lafont, Céline et ses compagnonnages littérairesRimbaud, Molière, Lettres modernes-Minard, 2005.

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Comment Nord Stream 2 pourrait "libérer" l'Europe

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Salman Rafi Sheikh

Comment Nord Stream 2 pourrait "libérer" l'Europe

Ex : https://journal-neo.org

Plus que toute autre chose, les émeutes à Washington D.C. ont montré que la politique américaine, tout en passant apparemment le pouvoir des Républicains "fous" aux Démocrates "sages", risque de rester sous l'emprise d'une intense lutte de pouvoir interne entre des groupes "pro" et "anti" Trump. L'administration Biden restera très probablement, au moins pendant un certain temps, concentrée sur la diffusion des tensions internes et la consolidation du pouvoir. Alors que les États-Unis semblent avoir incroyablement perdu leurs lettres de noblesse démocratiques, ailleurs en Europe, ils perdent également leur primauté en tant que gestionnaires hégémoniques de la politique étrangère, une position qu'ils avaient acquise à la suite des dévastations militaires et économiques subies par l'Europe pendant la Seconde Guerre mondiale. La décision récente de l'Allemagne d'aller de l'avant en achevant le gazoduc Nord Stream 2 indique la direction nouvelle dans laquelle souffle le vent, éloignant ipso facto l'Europe des États-Unis

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Si l'éventuel achèvement de Nord Stream 2 n'indique pas et ne voudrait pas indiquer l'émergence d’une alliance stratégique de l'Europe avec la Russie, il montre cependant l'affirmation croissante de l’autonomie européenne vis-à-vis des États-Unis. En l'état actuel des choses, l'Allemagne et l'Europe poursuivent le parachèvement de Nord Stream 2, la construction de la dernière portion du gazoduc devant commencer à partir du 15 janvier au Danemark.

Les États-Unis y voient naturellement un revers stratégique et ils "avertissent" déjà les entreprises européennes qu’ils leur infligeront des sanctions. L'annonce du parachèvement de Nord Stream 2 a été faite quelques jours après la signature de l'accord UE-Chine sur les investissements : cela illustre bien la manière dont l'Europe snobe de plus en plus les États-Unis dans ses relations avec les pays que les États-Unis considèrent comme "voyous" et/ou "révisionnistes".

Le département d'État américain a récemment "informé" les entreprises européennes impliquées dans le projet du gazoduc qu'elles risquaient de faire l'objet de sanctions. "Nous essayons d'informer les entreprises du risque et de les inciter à se retirer avant qu'il ne soit trop tard", a déclaré un responsable américain.

Alors que l'administration Trump poursuivait depuis un certain temps les entreprises européennes impliquées dans le projet, l'administration Biden devrait maintenir ce cap. Joe Biden, lorsqu'il était vice-président, s'était déjà opposé au projet.

Dans le même temps, l'Europe n'a pas envie que la nouvelle administration américaine vienne sanctionner les entreprises commerciales européennes. Le message aux États-Unis était clair lorsque le ministre allemand des affaires étrangères, Heiko Maas, a récemment déclaré à l'agence de presse Deutsche Presse-Agentur DPA que Berlin ne céderait pas aux pressions de Washington. Pour le citer : « l'Allemagne n'a pas besoin de parler de souveraineté européenne si l'on entend par là que nous (l'Allemagne) ferons tout à l'avenir comme le veut Washington ». Il a ajouté que si l'Allemagne voit une opportunité de resserrer ses liens avec les Etats-Unis sous l'administration Biden, sa position sur Nord Stream 2 restera inchangée.

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Il est évident que l'Allemagne, comme le reste de l'Europe, en a absolument assez de l'ingérence et des diktats répétés des États-Unis. Par conséquent, alors que Nord Stream 2 satisfera économiquement les besoins commerciaux allemands, géopolitiquement, il aidera l'Allemagne et les autres pays européens à exercer à nouveau leur autonomie stratégique vis-à-vis des États-Unis, autonomie qu'ils avaient avant que le système dominé par les États-Unis ne soit imposé après la Seconde Guerre mondiale. Le Nord Stream 2 est donc déjà devenu un symbole de la rédemption européenne, indiquant fortement qu'il n'y a pas de retour à la pleine normalisation.

C'est d'ailleurs exactement ce que le ministre français des affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a déclaré en novembre dernier dans une interview à la radio Europe1. Pour lui, il n'y aura pas de retour à la situation précédente, au bon vieux temps des relations transatlantiques, ajoutant également que "nous devrons construire une nouvelle relation transatlantique" à la lumière des changements que le monde a connus au cours de ces quatre dernières années. L'un des changements les plus significatifs, selon le ministre, est la manière dont "l'Europe a affirmé sa souveraineté au cours des quatre dernières années, dans les domaines de la sécurité, de la défense et de l'autonomie stratégique", ajoutant également que "l'Europe a renoncé à sa naïveté au cours des quatre dernières années et a commencé à s'affirmer en tant que puissance".

La décision de l'Allemagne et d'autres pays bénéficiaires européens d'achever le programme Nord Stream 2 montre que la marche inébranlable de l'Europe vers la reconquête de son autonomie stratégique se poursuit et permet de vaincre les États-Unis et leur menace de sanctions.

C'est ce qui ressort de la manière dont l'Allemagne prend déjà des mesures pour créer un fonds destiné à parer aux sanctions américaines et à permettre aux entreprises d'acquérir un bouclier contre les mesures coeercitives que les États-Unis ont l'intention de prendre pour punir l'Europe de son autonomie et de sa décision de ne pas acheter tout le gaz dont elle a besoin aux seuls États-Unis. De toute évidence, la décision de l'Allemagne de soutenir envers et contre tout Nord Stream 2 s'est faite au détriment de programmes américains tels que le ‘’troisième paquet énergétique’’ et l'initiative dite des ‘’trois mers’’ financée et soutenue par les États-Unis.

Nord Stream 2 est donc déjà devenu un test décisif pour les ministres européens qui affirment que le continent a subi des "changements" au cours de ces quatre dernières années. Son achèvement marquera les lettres de créance de l'Europe en tant qu'acteur indépendant dans un monde de plus en plus multipolaire. La distance croissante de l'Europe par rapport aux États-Unis affaiblira également la capacité des États-Unis à manipuler et à dicter unilatéralement les questions politiques et économiques mondiales, notamment le changement climatique, l'Iran, la Russie ("Etat-voyou") et la Chine "révisionniste". Dans l'état actuel des choses, l'Europe a déjà tracé la voie à suivre.

Salman Rafi Sheikh.

Salman Rafi Sheikh, chercheur et analyste des relations internationales et des affaires étrangères et intérieures du Pakistan, en exclusivité pour le magazine en ligne "New Eastern Outlook".

samedi, 23 janvier 2021

L'importance stratégique de l'accord entre Israël et le Maroc

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L'importance stratégique de l'accord entre Israël et le Maroc

Par Marco D'Attoma

Ex: http://osservatorioglobalizzazione.it

2020 sera l'année qui restera historiquement dans les mémoires pour la pandémie du Covid-19, mais pour les études de la diplomatie internationale, ce sera sans doute une année fondamentale pour les développements au Moyen-Orient, en particulier dans les relations établies entre l'État d'Israël et le monde arabe. Les accords d'Abraham, signés le 15 septembre dernier pour normaliser les relations entre les Émirats arabes unis (EAU), Bahreïn et Israël, marquent un tournant historique dans le contexte du Moyen-Orient, au même titre que les accords de Camp David ou les accords d'Oslo. Cette stratégie diplomatique de l'État d'Israël a trouvé un parrain pertinent dans l'administration Trump, qui s'est révélée être le principal interlocuteur pour la paix entre le monde arabe et Israël. La dernière étape de cette politique d'apaisement a été l'accord entre Israël et le Maroc, la plus ancienne monarchie arabe.

L'approche de la présidence américaine est définie comme transnationale, car pour les Etats qui promeuvent les relations diplomatiques avec Israël, il y a une sorte d'avantage, par exemple pour les Emirats Arabes il y avait l'avantage de pouvoir acheter des avions militaires aux Etats-Unis. Pour le Maroc, cependant, l'avantage consiste en la reconnaissance par les États-Unis de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, un territoire peu connu au niveau international, qui selon les parties, pourrait être défini comme un État ou comme une province marocaine.

Cette concession américaine pourrait cependant raviver un conflit historique entre le Maroc et le Sahara occidental, qui a commencé en 1975 lorsque, suite aux accords de Madrid, le gouvernement franquiste a décidé de se retirer du Sahara espagnol (aujourd'hui Sahara occidental) et d'accorder la souveraineté territoriale sur ce territoire à la Mauritanie et au Maroc. Cependant, le contrôle du territoire en question appartenait au Front Polisario (Frente Popular de Liberación de Saguía el Hamra y Río de Oro), une organisation politique qui s'est opposée à la partition du Sahara espagnol entre la Mauritanie et le Maroc, déclarant la guerre sur les deux fronts pour prendre le contrôle du territoire. La Mauritanie s'est presque immédiatement retirée du conflit, tandis qu'avec le Maroc un conflit a été amorcé qui sera gelé en 1991 grâce à une résolution des Nations unies qui établira un cessez-le-feu, mais sans résoudre définitivement la question. Le Front Polisario ne contrôle actuellement que 20 % du territoire du Sahara occidental, alors que le Maroc considère ce territoire comme une province du Royaume. Au niveau international, le Sahara occidental a un statut d'observateur aux Nations unies et est classé comme territoire non autonome, tandis qu'au sein de l'Union africaine, il est compté parmi les États membres.

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La résolution du Conseil de sécurité de 1991, en plus d'établir un cessez-le-feu, a promis au Front Polisario de soutenir la tenue d’un référendum sur l'autodétermination, processus prévu par la Charte des Nations unies, et ce vote serait contrôlé par les Nations unies et l'Union africaine.

Depuis 1991, cependant, les choses n'ont pas changé, la situation s'est même à nouveau détériorée. Ces dernières années, le gouvernement marocain a essayé d'entraver de toutes les manières possibles un référendum, et a également essayé de repeupler sa partie du Sahara occidental en accordant des avantages économiques et des incitations fiscales à ceux qui s’y installaient, afin d'influencer un éventuel vote. Ces derniers mois, les affrontements ont officiellement repris en raison de l'entrée de l'armée marocaine dans la zone démilitarisée. L'armée marocaine était intervenue parce que des manifestants sahraouis bloquaient une route très importante pour le commerce vers l'Afrique subsaharienne, une région vers laquelle de nombreuses marchandises marocaines sont exportées. Le territoire sous contrôle du Maroc est le plus prospère au niveau économique car il est riche en ressources et en gisements, tandis que le territoire sous contrôle du Front Polisario est un territoire aride mais, en même temps, important car il représente pour le Maroc la porte d'entrée du commerce vers l'Afrique occidentale et subsaharienne, riche en phosphates et important pour l'abondance de poissons dans ses eaux.

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Pour diviser les deux territoires, il existe une muraille fortifiée, mais pas n'importe laquelle car c'est la plus longue du monde (si l'on exclut la muraille de Chine), longue d'environ 2700 kilomètres, avec des fortifications, des bunkers et des mines au sol. Ce n'est pas pour rien qu'on l'appelle "Le Mur de la Honte".

La décision de Trump de reconnaître la souveraineté marocaine sur l'ensemble du Sahara occidental a certainement beaucoup contribué à raviver la volonté du gouvernement marocain de prendre le contrôle de l'ensemble du territoire.

Si les actions de Trump ont temporairement apporté un climat de paix au Moyen-Orient, il n'en va pas de même pour le Sahara occidental. Le mur, les droits de l'homme bafoués et les relations avec les États-Unis et Israël ne peuvent que faire penser à un lien entre le peuple sahraoui et le peuple palestinien.

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Machiavel et la modernité - Politique, stratégie et guerre

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Machiavel et la modernité

Politique, stratégie et guerre

"Le pacifisme est à la guerre ce que le communisme est à la propriété et l'anarchie à l'État. Pacifisme, communisme, anarchie obéissent à la même logique : jusqu'à présent les hommes ont tâché d'enchaîner les trois monstres de la guerre, de la propriété et de l'État. Puisque ceux-ci ont peu à peu brisé les chaînes qui les retenaient, il ne restait, en se plaçant au point de vue de ces théo­ries radicales, que de tâcher de s'en débarrasser définitivement". (Norberto BOBBIO 1)

L'univers de la représentation


L'imaginaire social, sinon l'imagerie collective, ont eu matière à éloquence avec le fantasme de Machiavel. Grandeur solitaire, qui a fait école, épreuve et histoire. Par un discours perdurant et inlassable, et par un rappel perpétuellement resurgissant, critiques ou ravages de l'homme ont contribué à sa fortune et affermi sa légende.

C'est le machiavélisme - ou « de la gloire pervertie ». Simulacre et notion perverses forgés dans l'univers d'une représentation occultatrice où le signifiant, contaminé, contamine à son tour les conduites qu'il désigne, les procédés du machiavélisme et les politiques qui s'en inspirent ont le triste privilège de colporter des vérités improférables. Toujours supérieures à leurs détracteurs, et nées pour être réfutées, elles vivent de l'interdit politique : la loi de la force. Elles en incarnent la vision et le principe ; elles s'en livrent à la maîtrise rationnelle. C'est là le défi du calcul et sa domestication, la subtile pondération des aléas, qui introduisent au dilemme du choix, à l'éveil des responsabilités devant l'histoire, au risque de la décision et de la réussite. Le poids du résultat pèse de manière dramatique sur toutes sortes de paris où chacun fournit la preuve manifeste de son courage. C'est dans le choix que le futur parle avec la voix de la provocation, et tisse le récit de l'expérience. C'est dans le succès que chacun forge son destin, refusant l'opium d'une mystique: « L'homme est créé pour agir, l'utilité est sa destiné ». C'est là le sentiment du temps (Giovan Battista Alberti) 2.

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Si l'heure des grandes décisions est aussi celle des grandes inquiétudes, le verbe de Machiavel incite au risque et à l'entreprise, aux conjectures sur l'avenir et à la projection utopique du dessein. Personne ne peut choisir pour d'autres, et chacun doit affronter les circonstances et dominer les imprévus. « Cogito, ergo domino ». Cela tient à la « Virtù » ou à la partie humaine de la « Fortuna » : subir l'événement, c'est tomber victime d'autres politiques, être la proie d'autres choix, disparaître ou sombrer dans la servitude. Tel est un premier enseignement de Nicolas, procédant de l'expérience et figurant dans le tissu de son discours ; hors, sans rémission, des catéchèses d'une orthodoxie.

La rigueur d'un raisonnement, tissé du « doigt de Satan », le fait toucher trop souvent à l'extrême, à l'essence périlleuse de la chose, à la vérité nue en matière de politique, de stratégie ou de guerre ; ce qui lui vaut, pour son côté imprudent et son mépris des conventions, un très lourd tribut payé sur l'autel désacralisé de la raison naissante. Péage aggravé par la puissance de sa conviction et la frappe percutante de son langage. C'est pourquoi l'apport de Machiavel n'a pas été vu du même œil, ni considéré du même ordre, par les différents auteurs ou par les différentes philosophies. On ne pourra donc ranger Francis Bacon à côté de Guiraudet, ni faire partager à ce dernier l'avis du premier, sous peine d'un manque peu généreux de tolérance. Bacon loue ouvertement Machiavel pour avoir dit « sans hypocrisie ce que les hommes font, au lieu de ce qu'ils devraient faire »3. Guiraudet illustre à sa convenance, à la fin du XVIIIième siècle, ce qu'il y a de perverti dans le nom de Machiavel : « Nom qui paraît consacré, dans tous les idiomes, à rappeler ou même à exprimer les détours et les forfaits de la politique la plus astucieuse et la plus criminelle. La plupart de ceux qui l'ont prononcé, comme tous les autres mots d'une langue, avant de savoir ce qu'il signifie et d'où il dérive, ont dû croire que ce fut celui d'un tyran » 4. Œuvre politique et représentation sont ainsi mêlées et confondues par la même méfiance, frappées ou blâmées des mêmes soupçons et des mêmes interdits.

Machiavel ou machiavélisme : le théâtre élisabéthain a joué par excellence avec ce portrait sanguinaire et ténébreux, marqué par les traits empruntés à une psychologie des profondeurs et peint dans les sombres couleurs de l'ambiguïté et de la dissimilation5. L'histoire du concept n'est pas moins éclairante que celle de sa genèse ; elle occupe l'espace intellectuel parcouru par la pensée politique depuis l'aube de l'âge moderne jusqu'à nos jours.

La nature de l'interrogation machiavélienne

Revenons plus attentivement sur cette interrogation. Analysons son processus dans son enchaînement et en ses scansions. En tête de chaque chapitre, Machiavel interroge les situations, propose un défi, un choix. Son mode de questionnement induit à l'action et la réclame. Une structure du discours brisée, des phrases coupées, des oppositions tranchantes, de sèches disjonctions d'alternatives, tel est le creuset d'où jaillissent les propositions de Machiavel par un jeu de déductions accablantes. Prose, style et rythme témoignent d'un effort de recherche nerveux et impassible, où le refus du syllogisme aristotélicien et du « raisonnement en pyramide des scolastiques » (Luigi Russo) fait place au « raisonnement en chaîne », à la structure « en arbre ramifié » et à la méthode combinatoire du discours scientifique moderne. La logique de la comparaison nourrit les cas proposés par les leçons de l'histoire; leçons liées aux modèles du passé, mais ancrées fermement dans les contraintes du présent. La résolution de l'actant ne peut venir d'un éventail d'hypothèses, mais de deux grandes antithèses, serrées de manière énergique afin de mieux dominer les conditions du calcul et d'évaluer les chances du succès.

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En logicien impitoyable, Machiavel dichotomise l'évaluation du possible afin que l'esprit, le procédé et la solution soient soumis au plus haut degré de clarté. II forge en somme, à l'usage du Prince, une sorte de grammaire discriminatrice, un discours de la méthode qui a, comme but, la décision politique. L'analyse probabiliste pose ici ses premiers jalons : elle unifie l'appréciation circonstancielle des aléas et le poids des impératifs du moment dans le pari angoissant de l'heure; elle traduit les inquiétudes du tempérament et la vibration intérieure de l'âme en règles, en préceptes, en directives, en espoirs d'action. En son fond, la question machiavélienne couvre deux propos et touche à deux objectifs.

Le premier consiste à désarticuler le principe du pouvoir de sa représentation philosophique; à scinder le but positif du premier - comment gouverner et se maintenir - de la raison spéculative de la seconde : sur quelles images, symboles ou vérités centrer les tensions d'une entreprise justifiant l'événement par un « Telos » ou une « Nécessité »? Disparaissent ainsi, pour la première fois, du domaine de la force - le « Krato »- les recherches aristotéliciennes sur le Bien philosophique - « l'Ethos » - comme principe premier et conducteur de la Cité. La recherche d'un principe d'ordonnancement, qui présiderait à la cohésion sociale en posant le précepte d'une morale partagée, disparaît désormais du ciel des grandes hypothèses sans réponses pour être subordonnée, finalement, au domaine de l'expérience humaine. II ne suffit plus de prononcer la règle d'une religion ou d'énoncer le principe d'une métaphysique pour harmoniser l'action collective, pour en orienter les composantes divergentes en direction d'une fin spirituelle, supérieure et transcendante. Il faut plus et autre chose. Il faut œuvrer de manière à ce que l'autonomie d'une intelligence laïcisée - celle du Sujet-Maître de la politique, le Sujet-Prince et le Prince-Mythe - soit instituée comme le seul garant et le seul créateur de l'action. L'anticipation de cette action doit émaner du penseur et réalisateur unique du dessein. C'est là la tâche essentielle de Machiavel.

Son deuxième objectif consiste à identifier le lieu et la figure où, par une politique et une stratégie audacieuses et autour d'un projet résolu, s'ordonne la constitution d'un État territorial moderne et nouveau, à la mesure des impératifs de son temps ; où, dans la personne d'un grand architecte politique, la convergence de réalisme et d'utopie permettent, à la singularité de la « Virtù », d'épouser l'entité hasardeuse de la « Fortuna ». L'utopie de Machiavel n'a rien à voir avec l'île heureuse d'un rêve social pacifié ou d'une espérance humaine idéalisée. Son dessein est fondé sur le « nigro lapillo » de la force frayant son chemin, entre méfiances et entraves, par les détours insidieux de la ruse. Dessein construit, déduit de la nécessité politique, cette nécessité s'appelle désormais : Nation. Marquant l'heure de l'histoire, couronnée de la monarchie absolue montante et consacrée par les noms singuliers de ses souverains, elle incarne les personnes nationales naissantes : la France et l'Espagne.

Pour Machiavel, l'algorithme capital de toute équation politique devient désormais, l'Europe.

Analogies et modernité

Machiavel recèle en son cœur toutes les blessures de l'homme en quête d'un mythe introuvable: le logos rationnel d'une patrie. Florentin, universaliste et classique, ce réaliste désenchanté, ce passionné de raison, est-il déjà l'Européen de notre temps, partisan d'une fondation nouvelle et héraut d'un message de renaissance ? Confrontés aux inquiétudes de nos jours, de quel droit pourrions-nous évacuer la nature profonde des ressemblances dans la singularité de situations différentes? L'Europe d'aujourd'hui n'est-elle pas l'Italie de l'époque? La politique d'équilibre, poursuivie par les États italiens d'alors, rappelle insidieusement la conjoncture politique actuelle : équilibre continental ébranlé, de soumission ou de neutralisation, au lieu de l'équilibre péninsulaire ; ruptures d'âges, de conceptions et de politiques ; bouleversement et extension des espaces et des théâtres de conflits; caractère excentrique des grandes décisions et des grandes puissances: convoitise des mêmes enjeux par des hégémonies constituées, hier nationales, aujourd'hui mondiales; rayon d'action et puissance accrus des moyens d'intimidation et de force avec l'artillerie naissante et les panoplies balistico-nucléaires de plus en plus mobiles et précises, à la portée, hier, des économies nationales et, aujourd'hui, des économies continentales. Cette impressionnante démesure de l'histoire, dans deux conjonctures semblables, n'est rien de plus qu'une extraordinaire dilatation de la scène politique marquée par un déplacement des enjeux, une accumulation verticale de la puissance, une solidarité troublante entre logique et organisation des ambitions, et l'apparition de nouveaux étalons de la « ruse » et de la prudence.

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Mais la démesure et les surprises de l'histoire ne sont, assez souvent, que les prétextes invoqués, ici et là, pour justifier des faiblesses de tempérament, de conception ou de volonté ; pour tenir la fatalité ou le destin pour seul responsable de l'indétermination ou de l'incapacité humaine; là-même où, pour Machiavel, la fatalité ou « Fortuna » n'influe que pour moitié sur le vouloir énergique de l'homme, donc sur le succès ou l'insuccès de son action et, plus généralement, sur son destin.

Voici, en quelques rapides similitudes, des situations alléchantes, et dignes, peut-être, de réflexion.

Le dessein et l'idée-mythe

En ce qui concerne le dessein de l'entreprise et le but à accomplir, cette fin ne peut être éclairante pour la raison d'État que si elle devient la tâche supérieure d'un décideur responsable. L'apport de Machiavel consiste à déceler que, si la vocation éternelle de toute politique est d'être politique de puissance et politique de force, celle-ci doit aller au-delà du réflexe primitif de l'utilisation brutale du « Kratos ».

Par une leçon arrachée aux entrailles de l'action, grâce à la « Virtù », le Prince, l'homme d'État ou le chef de guerre, doivent conceptualiser leurs matériaux afin de mieux servir l'action, en la dominant d'un regard soutenu qui se projette toujours vers l'avant, qui sache prévoir l'événement et le parer. Mais cette leçon ne peut jaillir que d'une idée-mythe. Toute grande réalité humaine est, en fait, nécessairement drame, utopie et matière à mythes.

Une philosophie de l'action sans idée volontariste ou projet-force, sans impératif moral et rêve ordinateur transcendant les contingences du malheur politique ou celles de situations désespérées, égarées ou confuses, sans perception de l'avenir, est une philosophie vouée à l'échec, privée d'essence et, en définitive, inopérante et exsangue. II ne peut exister de politique purement rationnelle. Sans mythes renouvelés, grâce personnelle ou charisme anthropomorphique, une politique de violence est dénuée de sens, plongée dans la forge obscure du fer et du sang, dépourvue de légitimité morale et de justification spirituelle. C'est une politique aveugle et sans perspectives.

Mais si la force doit se plier au projet politique, il ne peut y avoir de stratégie générale sans spéculation historique ou calcul probabiliste, sans intuition des circonstances et capacité administrative, sans efficacité organisationnelle et opérationnelle. Précurseur, Machiavel comprit qu'il n'y a de chance, pour les grandes décisions, que dans une volonté résolue ; que toute doctrine politique ne peut fonder son succès que sur l'art du jeu, du risque et de la négociation (« ruse »); qu'il lui faut un souci minutieux et charpenté des modalités pratiques.

L'événement doit être, non seulement voulu et prévu, mais aussi soigneusement administré et planifié dans ses moments et ses détails les plus intimes. Toute stratégie est donc également une grande opération de « management », une fonction supérieure de l'intendance, la mise en œuvre d'une idée et d'un impératif.

41E4Pqep85L.jpgAu secrétariat de la Seigneurie de Florence, le drame et le paradoxe de Machiavel ont été ceux d'un homme qui, n'ayant pu accéder à une fonction de haute responsabilité, fut un théoricien militaire sans instrument militaire, un négociateur et tacticien avisé sans la maîtrise globale de sa politique, sans pouvoir pour en coordonner et composer les parties fragmentées dans le cadre d'un dessein, digne d'une conception d'envergure et d'une diplomatie à la mesure de la tâche. S'il disposait du concept de « linkage »6, il n'en possédait pas les indispensables instruments. Il ne tenait dans ses mains que le nom et le corps provisoire de l'espoir: l'unité d'une république partagée : l'unité d'un corps politique émietté. Que de chagrin pour l'homme qui découvre le nom de l'idée, qui possède et prononce le vocable-mythe de son espoir, et crie avec la raison le symbole inquiétant de la passion!

II a certes besoin de nommer les concepts et les illusions de son dictionnaire spéculatif, par des vocables cruels. Mais, pour ce faire, il est voué, et presque condamné, à n'aller perpétuellement qu'à l'essence des phénomènes ; là-même où, encore une fois, il est obligé de percer sans fin, de dire sans ombre et sans nuance. Imprudent et solitaire, ce Luther du politique affiche ses thèses contre le monde de la démagogie unanimiste et hypocrite des conventions. II va tout droit aux sources de l'agir humain : l'homme, la politique, l'histoire et l'État. L'homme, sécularisé dans ses passions, ses ambitions et ses actes. La politique, rendue autonome dans ses motivations, ses buts et ses résultats. L'histoire conçue comme théâtre éternel, cyclique et fatal, d'affirmation, de décadence et de ruine des principautés, républiques et empires ; scène des « rerum gestarum » des peuples forts, vigoureux et moraux. L'État, tel qu'il est et tel qu'il a toujours été, là où il a existé dans sa structure et son fondement; tel qu'il est voué à être dans sa logique nécessaire et intrinsèque qui est de durer, de se maintenir et de s'étendre.

Cette soif du mythe unitaire, de conscience de la nationalité et du sens de l'État, le rapproche singulièrement de Hegel qui lit Napoléon par une forte suggestion machiavélienne, et qui tient Bonaparte pour l'Esprit du monde, pour l'idéal purifié et incarné de l'essence de la politique ; essence dévoilée par le grand Florentin, mais radicalisée dans l'histoire par le trinôme : peuple, révolution et nation.

L'œuvre

Délaissant provisoirement la fascination trinitaire de l'Empereur pour la genèse et le travail de l'œuvre, et passant du survol de la représentation de Machiavel aux legs de sa réflexion, il faut maintenant mettre en évidence que la trilogie du Prince, des Discours et de l'Art de la guerre est une architecture conceptuelle perpétuellement confrontée au modèle romain des Discours. Ceux-ci assument le rôle d'archétype de lecture, de référent pour la dénonciation vigoureuse du présent et de ses carences. C'est à ce titre, et de ce point de vue, que le monde de Machiavel ressemble étrangement au nôtre. Temps de crise où s'ébranlent les certitudes acquises et les sécurités héritées, où se font jour des interrogations angoissantes : une crise est, avant tout, une remise en cause des postulats antérieurs de la connaissance.

Machiavel pense à l'intérieur de la crise militaire italienne. Il en reformule les paradigmes politiques, les axiomes et catégories de pensée finement élaborés, jusqu'alors, dans une longue période d'équilibres à vocation universaliste et détruits, d'un seul coup, par l'irruption et la surprise de la force.7 Une crise des postulats de la connaissance recèle une crise des valeurs qui la sous-tendent, donc une crise ontologique. Déclin irréversible d'une époque ! L'aube du monde moderne ne peut s'exprimer que par l'agonie d'une période et l'achèvement d'une dimension de l'histoire. L'effondrement militaire et le traumatisme des esprits ne sont que la forme italienne de cette mutation que signale une recherche désemparée: l'identité politique interroge l'identité culturelle, et celle-ci l'identité guerrière et la vaillance ancienne.

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Crises de confiance et de destin s'entremêlent et se confondent. Elles s'étalent sur des espaces multiples qui touchent aux conceptions et aux théories de la guerre dans leurs liaisons avec l'art de gouverner et l'ordonnancement politique de la cité. Les modalités tactiques du combat et les techniques qu'elles intègrent, l'art des sièges et des fortifications, les savoirs naissants de la balistique et de « l'ingénierie » militaire, les sciences et théories physiques, déduites des moyens de tir, en sont affectés. Toutes ces novations influent sur l'esprit des milices et la réorganisation de la hiérarchie sociale autour de l'arme à feu, et singulièrement de l'artillerie, nouveaux instruments de pouvoir pour la bourgeoisie montante. En termes sociologiques, la naissance et le développement de l'artillerie correspondent au déclin de l'aristocratie, porteuse du privilège du service armé à cheval, à celui des ordres de chevalerie et des guerres privées et patrimoniales, et au caractère désormais public et européen des heurts dynastiques ; enfin, au renforcement parallèle de la monarchie qui favorise l'émergence d'une classe nouvelle. Ne pouvant s'affirmer comme ordre militaire, cette classe est présente dans les armes et spécialités techniques du tir, et dans la fusion des bronzes. En France, elle est au service de la couronne en tant que fournisseur d'agents et grands commis de l'État, de Richelieu à Le Tellier, puis à Louvois et Vauban.

Grâce à cette évolution, le processus de centralisation du pouvoir et le développement décisif du monopole légal de la violence sont puissamment impulsés. Le caractère novateur des mutations ne peut induire qu'un approfondissement de la dis-location de l'ordre social. En Italie, une réflexion d'envergure s'ensuit sur la coexistence du particularisme et du cosmopolitisme, sur l'étroitesse frappante de la dimension sociale et politique, caractéristique de l'émiettement péninsulaire, face à la taille des grandes monarchies nationales. Elle porte sur les habiletés et les talents élaborés à une plus vaste échelle - celle de l'univers médiéval - et devenus soudain inaptes et dysfonctionnels par rapport aux buts de la « petite politique ». Elle s'étend au rôle et à la fonction intellectuels qui perdent rapidement du souffle et se réfugient dans la médiocrité du « particulare ». Cette spéculation atteint les fins de la politique et le sens de la destinée humaine: elle rend transparents les objectifs de l'action désormais sécularisée et purgée de transcendance.

Il n'y a d'interrogation sur la milice et sur l'appareil de violence que là où sont discutées, et rediscutées, la signification de l'action des armes et la portée de leur emploi. Là où sont précisées les circonstances et les raisons des litiges, clarifiées la nature des conflits et les limites de leurs règlements, examinés les présupposés rationnels qui permettent de concevoir les conditions de la réussite, maximisant les résultats de l'ambition politique. Ces résultats ne peuvent découler que de la cohérence et de la compatibilité entre les conceptions et la volonté et, de ce fait, entre les fondements qui les inspirent et les desseins qui les commandent. La loi du calculable doit se plier enfin au monde du possible. L'exigence d'un esprit nouveau, qui fonde le monde des valeurs sur le principe redécouvert de la force, qui assoit les exigences collectives sur la conviction que le primat de l'intérêt commun doit s'imposer aux déchirements partisans, tout ceci est ressenti comme un impératif primordial. Il était donc naturel que l'univers politique et intellectuel de l'époque s'interroge sur les raisons lointaines d'une telle crise et d'une telle nécessité; qu'il fortifie les tâtonnements présents par les exemples et les modèles anciens.

Formulée avec la vigueur qui lui est propre, l'interrogation machiavélienne résume cette recherche dans le cadre d'une crise d'identité, elle-même greffée sur une crise existentielle plus profonde. Semble-t-elle suggérer, à la limite, que la torme la plus solide de la sécurité, le fondement de tout pouvoir politique et de tout régime durables résident dans les capacités militaires et dans la parfaite fusion des convictions civiles et du loyalisme guerrier ? Ouvrons la préface de Nicolas à l'Art de la guerre. « On a soutenu, Lorenzo, et l'on soutient encore tous les jours qu'il n'y a rien qui ait moins de rapport, rien qui diffère autant, l'un de l'autre, que la vie civile de la vie militaire... Mais si l'on considère le système politique des Anciens, l'on verra qu'il n'y avait point de conditions plus unies que ces deux là, plus conformes et plus rapprochées par un mutuel sentiment de bienveillance ».

D'où l'idée bien ancrée que tout projet de réforme doit être politique pour être militaire. Mais elle suppose le deuxième comme corollaire du premier. Le parfait binôme: bonnes armes - bonnes lois, bonne constitution - bonne milice, est inscrit en clair dans la texture de l'œuvre, comme un choix et un impératif inéluctables, dans le renvoi constant et nécessaire du Prince à l'Art de la guerre. Le respect du pacte civil ou de l'ordre militaire a un point d'ancrage commun : le citoyen-soldat. Armes propres, donc, pour un concept crédible de défense, pour une indépendance effective et non éphémère ; pour ne pas être à la merci d'autrui, de volontés politiques dictées du dehors.

Fondement de sa théorie politique et plaque tournante de toute réforme militaire, le citoyen-soldat est la réponse stratégique à l'utopie de l'État-nation naissant. Dans l'amour que Machiavel porte à sa cité, il n'y a point de distinction entre le serment sur la fidélité en temps de paix et le serment sur l'honneur en temps de guerre. Ce sentiment est unique et indivisible. De là, la nécessité d'une milice populaire et permanente. Sur celle-ci reposent la sécurité et les mœurs, la loi morale et la loi religieuse, la passion civile et la dévotion patriotique. Par un tel modèle, aussi vigoureux, revit l'idéal classique de la République antique, dans sa sévère grandeur. C'est vivre selon les Anciens ainsi que le font les Suisses « armatissimi et liberissimi ». De cet idéal, se nourrit la pensée des républicains dont Le Prince tient une place de « grand livre » (J. J. Rousseau).

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L'unité de l'État-nation, érigée sur la défense de la liberté intérieure et surtout extérieure, douée d'une volonté commune et forte, inspirée par la loi rigoureuse de la raison d'État, purifiée et abstraite grâce aux calculs politiques, soutenue par une grande ambition, tout cela vit intangiblement et puissamment dans les siècles et les âmes, avec des accents que la philosophie de l'histoire, la culture politique et les préférences personnelles marqueront singulièrement et différemment chez Rousseau ou Hegel, ou encore chez Fichte.

De la nécessité d'armes adaptées a la dimension politique de l'État Moderne

Avec l'élargissement historique de l'espace et de la dimension politiques, qui ne peuvent plus être ceux de la seigneurie ou de la petite république, le concept et la nature de l'État changent, car se modifient et s'agrandissent à la fois son expression territoriale et sa composition démographique et sociale. Les préoccupations nouvelles, qui naissent d'équilibres plus larges, de projets et d'appétits polycentriques dont l'envergure est désormais continentale, profilent en hauteur l'État moderne.

71AmcYoUxoL.jpgL'espace apparaît clairement comme un facteur et une projection essentiels de la politique et, de ce fait, comme un enjeu capital de celle-ci. II constitue à la fois une limite et une virtualité de la grande politique et de la politique de puissance. Son importance doit apparaître, sinon évidente, au moins justifiable. A l'âge de l'absolutisme naissant et des grandes monarchies nationales, la notion de « ressources » acquiert une nouvelle valeur. Non plus celle d'un capital patrimonial et dynastique, mais une autre, virtuelle et potentiellement illimitée: levée en masse d'armées, accumulations de moyens en mesure de soutenir des efforts de longue durée; à quoi s'ajoutent les capacités opérationnelles, logistiques et tactico-stratégiques, l'ampleur et la profondeur des théâtres, et la distribution des forces. Facteurs annonçant le jeu foudroyant et napoléonien spéculant sur l'espace et le temps, l'avènement révolutionnaire des récentes théories du partisan, et les doctrines et pratiques des guerres prolongées.8

La loi du nombre influe, non seulement sur la constitution d'armées puissantes, mais aussi sur les fins politiques non plus limitées, et autrement efficaces, rapportées, désormais, à des grandeurs morales et matérielles jusqu'alors insoupçonnées et qui bouleverseront la portée et la nature des guerres. L'une des issues annonciatrices en sera la Bataille des nations de Leipzig, la Vôlkerschlacht de 1813, prélude sanglant aux guerres des peuples et aux dimensions des luttes idéologiques inexpiables du XXe siècle. Si, comme il a été dit, la loi de la population influe sur la loi économique et celle-ci sur la richesse des nations, la loi de la population en appelle au besoin de l'espace, à une sorte de Lebensraum inavoué, à l'expansion territoriale et à l'inéluctable transgression des frontières.

Pour Machiavel, l'extension de l'État est une nécessité organique du politique, comme celle de sa conservation. En termes abrupts, l'une se réfère à la politique intérieure, l'autre à la politique étrangère. Plus profondément, l'élargissement de l'État, rapporté au concept de défense, introduit une loi nouvelle - la disposition de soldats en nombre suffisant - et dévoile une conception stratégique du pouvoir, non encore énoncée : la politique de puissance. La projection politique-territoriale extérieure hors de la seigneurie, dans le « contado »9, proportionne le concept de défense aux conditions politiques du temps, et remplit une fonction contraignante pour les organismes qui se veulent politiquement vivants. Il s'agit de fonctions justifiées aux yeux de la raison historique, de nécessités moralement impératives au regard de la raison d'État. Si les villes libres allemandes, dit-il, ont « poco contado » (Prince, X, peu de contrées ou d'arrières) et si, à cela, se mesure la liberté de leurs ordonnancements, il faut ajouter que la situation changerait si l'Allemagne « était conditionnée autrement, et il leur conviendrait, de chercher à étendre et briser leur inquiétude ». (Discours, II, 19).

On peut ajouter, sans risque de forcer les termes et en restant dans l'esprit machiavélien, que, en matière d'extension, les hommes valent les ressources. Comment ne pas voir toutes les implications de ce précepte, jusqu'à celles d'une politique d'expansion ? Dans cette dernière expression, la loi de la force et la nécessité factice de la domination sont déduites des impératifs omniprésents de la menace. Le besoin politique de s'affermir tire sa raison d'être d'une nécessité primordiale du politique : celle d'exister pour sa sécurité.

Tout État doit avoir une base territoriale adaptée aux conditions politiques de son temps, proportionnée au système de relations diplomatiques et stratégiques dans lesquelles il s'inscrit et qui déterminent les conditions historiques de sa défense. Mais, si une vaste base territoriale est le fondement concret de sa force, les frontières de sa sécurité peuvent être déplacées toujours plus loin. La proposition, qui met à la charge de l'État l'obligation de s'étendre, comme une nécessité, a la valeur d'une loi ; et, en tant que telle, d'un impératif de la raison d'État déduit des leçons de l'expérience, justifié concrètement par l'analyse des conduites d'autrui en situations de vide de pou-voir, ou de faiblesse politico-militaire d'un acteur-proie. Chez Machiavel, les caractéristiques de l'unité étatique ne sont jamais idéalisées.

II est erroné de penser, par exemple, qu'il idéalisa l'unité italienne ou qu'il la pensa idéologiquement comme le dérivé d'une aspiration culturelle ou d'une communauté de langue. Il la pensait uniquement de façon politique, comme l'affirmation d'une force sur les autres, dressée contre les forces plus grandes et venues du dehors : « Aucune province ne fut jamais unie ni heureuse si elle ne parvint entièrement à l'obéissance d'une seule république ou d'un seul prince, ainsi qu'il s'est avéré en France et en Espagne »10.

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Subordination à un seul pouvoir et à une seule autorité, tel est le critère affermi et le prix affiché. Il pensait, en somme, à des types d'unité en mesure de vivre politiquement; à des États solides, administrativement et militairement ; à des types d'unité assez vastes afin, essentiellement, de pouvoir se défendre. L'extension des dimensions est imposée, à ses yeux, par les enjeux de la conjoncture et par la faveur des circonstances, ou « Fortuna ». Mais l'enjeu de la conjoncture est souvent excentrique par rapport aux destinées d'un petit État, ou à sa volonté d'exister. Dans le cas d'espèce, il était défini par l'existence des royaumes territoriaux de France et d'Espagne, en lutte pour l'hégémonie continentale et pour lesquels l'Italie était la bête de proie et objet de convoitise. Or, si la défense doit être proportionnée à l'offense et la sécurité à la menace, l'échelle historique doit être toujours celle des enjeux pensés dans la dimension politique la plus vaste : celle de la grande politique; la dimension propre des grandes affaires et des grands États, dont on risque de devenir l'objet ou la cible.

Conclusion : s'il faut combattre des hégémonies, il faut aspirer à l'hégémonie. II faut être fort en conséquence. Mais, pour aspirer à l'hégémonie, il faut disposer de la force d'une puissance déjà hégémonique ou qui tend, par des moyens réels, à imposer son hégémonie ou à l'étendre. L'hégémonie est donc le critère de mesure et le référent concret d'une ambition.

Machiavel pense à un État italien qui puisse devenir hégémonique ; et c'est de l'hégémonie et du concept-force d'hégémonie qu'il déduit l'unité, et non pas la première de la deuxième. L'unité, en tant que totalité abstraite, est un concept historiquement inopérant et fictif. L'unité ne découle nullement de faits de consentement ou de conscience, mais bel et bien d'événements commandés par la force et résolus dans le conflit. II semble comprendre qu'il est vain de supposer l'existence de types d'unités différents des unités du type empire, et des types de paix différents de la paix armée.

La politique extérieure d'un État semble s'identifier à la capacité d'étendre sa base territoriale afin d'accroître sa force. Les bases théoriques de la politique de puissance sont ici embryonnairement énoncés, mais déjà limpides et très claires. Elles commandent à l'intérêt d'État, car elles en sont la fin essentielle qui se définit par l'aptitude à durer et à se conserver. Mais si, pour se conserver, l'État doit s'étendre, l'extension de la sphère de sa sécurité devient une menace pour la sécurité d'autrui. Au sein d'une société léonine et sans loi, les seules garanties de confiance dans l'univers aléatoire de la « Fortuna », le vrai fondement de toute entreprise, consistent à se pourvoir d'armes propres, car « on ne peut avoir (autrement) de soldats plus sûrs, plus vrais ou meilleurs ».11

discoursMac.pngÀ Machiavel, la fonction de la violence apparaît sous un visage fondateur, positif et instituant le pouvoir politique : il s'agit d'un moyen assurant la. concorde civile et la cohésion intérieure. Elle est, par contre, désagrégeante lorsqu'un ordre donné est malsain et corrompu ; lorsqu'un Prince ne maîtrise plus l'instinct de conservation de son peuple de telle manière que lois et milices apparaissent idéalement disjoints les uns des autres ; lorsque, à la suite de batailles perdues ou de revers subis, les citoyens sont poussés à la séparation de leurs sentiments de fidélité et de civisme si leur demande naturelle de protection est insatisfaite. Il ne peut exister de bonnes milices là où il ne peut y avoir de bonnes lois et une bonne organisation politique. La morale individuelle ne se reconnaît plus dans l'éthique de l'État. Elle ne prend plus le parti du Bien que celui-ci devrait incarner. Elle n'offre pas le support indispensable à la loyauté envers des institutions incapables d'assurer la sécurité, et offrant l'impardonnable spectacle de l'impuissance et l'épouvantable démonstration de leur vulnérabilité. C'est par ce biais que le succès d'une action, d'une initiative ou d'une politique apparaît comme le principe de la durée et de la conservation du Pouvoir et, par là même, de la confiance qu'il mérite de ses sujets. Pour Machiavel, l'action et la technique politiques ont comme seul critère de mesure la réalisation du résultat, l'atteinte de l'objectif, la saisie provisoire de la fin que la politique s'est donnée.

L'action politique se veut et se propose comme technique du succès et critère de la réussite. Elle vise au règlement des différends par la bataille et par la ruse. L'instrument de la décision reste l'épreuve des armes. La bataille est l'issue et la conclusion positive de la guerre; si bien que guerre et bataille semblent s'identifier et se confondre. La guerre n'est qu'une dilution ou une succession de batailles. La finalité de la politique peut être également servie par l'autre instrument du dessein politique, la ruse. Si elle peut avoir deux champs d'application, interne ou externe, elle n'est spécifique ni de l'un ni de l'autre. Elle est d'autant plus efficace que le pouvoir est fort et bien assis, désireux d'éviter le recours à la force et de parvenir à ses fins en faisant l'économie de la violence ; d'autant plus redoutable qu'il est faible ou mal soutenu. La faiblesse interne ne renforce en rien l'usage sans scrupule de la ruse : elle la fait haïr, sans qu'on l'admire, car elle apparaît plutôt l'instrument de la traîtrise que celui de la résolution. Dis-jointe de la force, la ruse suppose symétriquement l'insécurité et la vulnérabilité internes, l'impuissance et la duplicité d'une politique incohérente au regard de son but qui est d'acquérir le moyen radical de toute politique : une capacité crédible de coercition. Quelle est la valeur de la persuasion, vis-à-vis de l'ennemi, si elle ne repose pas sur la capacité de lui signifier qu'il aura avantage à suivre la voie du bon sens et de la raison, plutôt que celle qui lui fera connaître le prix de la contrainte ? La ruse ne saurait être justifiée si elle n'était qu'une diversion ou un excès de la logique du pouvoir ; si celui-ci, n'étant contraint ni à l'usage de la force, ni à la dissimulation, choisissait de s'écarter inutilement de la voie du bien et de celle de la franchise.

Pour revenir sur la fonction de la violence et sur l'art de la guerre, notons que cet art suppose une inspiration, et l'inspiration une matière autre, en son essence, que la simple technique. L'inspiration n'est que la fin de la guerre, qui est politique, désacralisée et entièrement laïcisée. La guerre n'est déterminée que par le résultat : ses éléments ou ses techniques n'exigent nullement la recherche d'une causalité profonde ou. d'un « telos » transcendantal, mais une divergence et l'inimitié entre princes, un conflit d'intérêts; en aucun cas, un ordre providentiel comme cela était dans la conception métaphysique de la « Civitas Dei ». La matière de la guerre est la campagne, l'espace et le temps dans lesquels se déploie l'art opérationnel des combats qui la composent. Le cadre tactique se définit par la manœuvre et l'espace-temps de la bataille, « la giornata », moment capital de la décision et du verdict. L'organisation et l'esprit des milices, leur dispositif sur le terrain, l'ordre et l'articulation des mouvements successifs, l'impact, la rupture et la percée dans la profondeur du dispositif ennemi, selon la puissance du choc et la tenue de l'adversaire, la génialité et la capacité relatives des capitaines et des condottières, tout doit témoigner de la minutie du plan traduisant le système de la force et la rationalité d'une discipline projetée vers le succès.

La limitation de la guerre

Si le discours de la guerre ne va pas sans réflexion sur sa portée et sa signification, la voix de la guerre recèle-t-elle l'idée d'une limite bornant son développement ?

Le principe d'une limite imposée à la guerre, que la tradition classique avait admis selon les modalités ambivalentes de la morale et du droit, selon des critères et qualifications qui étaient fondamentalement étrangers à la violence, avait un but : justifier ou absoudre le phénomène belligène aux yeux d'une conscience qui se voulait purifiée et innocentée des leçons de l'expérience, et qui était tenue au respect d'une norme, naturelle ou civile. Ce principe s'accommodait des deux formes de rapports : le « bellum justum » et le « jus in bello ». Selon le premier, la guerre était légitimée ; selon le deuxième, légalisée. Dans le premier cas, la relation entre guerre et droit, ou guerre et morale, assimilait l'acte de violence à une procédure judiciaire visant au rétablissement d'un droit enfreint. Il s'agissait là d'une sanction qui qualifiait la nature du phénomène selon les trois figures de la guerre : défensive, réparatrice ou punitive. Dans le deuxième cas, la guerre devenait objet de droit, et non pas fondement de puissance, source de normes nouvelles ou critères de hiérarchisation émergente entre les belligérants. La guerre était donc un phénomène maîtrisable et non un phénomène total, « legibus solutus ». Elle demeurait dans un rapport de continuité, et non de discontinuité, avec un ordre établi, comme le voulait la maxime, « inter arma silere leges », légiférant sur la licéité des opérations et codifiant étroitement leurs limites.

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Le caractère inexpiable des guerres idéologiques, conduites au nom d'une « Weltanschauung » ou d'une « Utopie », ainsi que le caractère total et irréductible de la guerre absolue, n'apparaîtront que plus tard avec les guerres de la Révolution française et avec celles du XXième siècle. Pour Machiavel, la guerre ne pose pas un problème de justification, de légitimation ou de légitimité : elle est un moyen de la politique, une fonction du pouvoir et un fondement de la puissance.

Repenser le principe de limitation de la guerre et en reformuler la frontière, discriminant entremise et enjeu, ampleur des pertes et destructions et dimensions des conflits, volume de la violence et importance des objectifs, tel est le problème de toute guerre. C'est là la grande question du gouvernement de la force et le drame irrésolu de notre temps. Jusqu'où peut aller le souci de modération ? A quels critères soumettre le calcul stratégique ? Par qui, par quoi et comment imposer un brin de raison là où, dans la dévastation des combats, risquent de voler en éclats les exigences irrépressibles des besoins vitaux ; là où sont mis en cause l'identité et l'existence d'un acteur national frappé par de mortelles blessures ?

A quelle riposte peut pousser le sentiment de vengeance d'un protagoniste agonisant? Existe-t-il un esprit des lois, ou un statut de justice valable et contraignant, dans le cadre d'opérations où l'hostilité sanctionne l'impossibilité d'un compromis et la volonté exaspérée du recours illimité à la logique de la force cache à peine l'obsession de vaincre?

La transformation psychologique induite par un conflit ne tend-elle pas, à elle seule, à un enlisement irréversible dans le conflit, à la montée aux extrêmes et à la guerre totale ? Existe-t-il des restrictions d'ordre moral ou matériel, rationnelles et maîtrisables, et lesquelles, qui soient capables de soumettre à des limites des phénomènes totaux comme la guerre?


I.8 de la limitation des guerres a la restriction des menaces

De quelle manière est-il possible de fixer des crans inhibiteurs, sinon à la guerre elle-même, au moins aux menaces qui la précèdent et aux événements qui la préparent ? Telle est une des grandes inquiétudes dû Prince, et l'une des interrogations dominantes de Machiavel. Comment circonscrire et enrayer la menace, intérieure et extérieure, et comment déjouer l'une comme l'autre ? D'abord, d'où et de quoi surgissent la menace. et l'ennemi ? Puis, comment les identifier afin de mieux les parer et les combattre ?

Ce sont là des questions qui ne peuvent concerner uniquement la philosophie et l'anthropologie politiques, la spéculation rétrospective sur les constantes et régularités du comportement humain perçu à travers la phénoménologie des formes historiques de l'adversaire politique. Mais c'est, à chaque moment de la politique, la perception brûlante et toute actuelle de la conjoncture et de la situation.

url.json.jpgFixer l'objectif de la violence sur la seule hostilité extérieure afin d'en réduire socialement l'extension et le volume, la concentrer sur l'ennemi, l'étranger ou « l'hostis », convertir l'inimitié' interne en hostilité et modifier ainsi, à d'autres fins, la structure profonde de l'agressivité, c'est, semble-t-il, obéir à une loi du comportement et à un précepte de la politique ; voire une définition possible de celle-ci. C'est sur la pertinence réversible des deux champs de l'action historique que Carl Schmitt fondera plus tard sa formule de l'ami et de l'ennemi en y repérant la constante nécessaire de la lutte humaine.12

Ajoutons que la distinction entre politique intérieure et politique étrangère n'est pas encore nettement définie chez Machiavel : en effet, la personnalisation du pouvoir du Prince efface toute frontière entre les deux espaces du dessein politique. En son temps, le processus de monopolisation de la violence et l'interrogation sur la légitimité de son usage n'en sont qu'à leurs débuts, et ce processus désigne le long cheminement qui est à l'origine de l'État moderne, de sa genèse et de sa consolidation. Ce qui apparaît chez Machiavel et ce qu'il perçoit très nettement, c'est la légitimité de l'État et des États à mobiliser la violence, à la diriger vers l'extérieur, grâce à une discrimination et à une évaluation pondérées, des enjeux du conflit.

La vulnérabilité politique et militaire de l'État est un facteur de faiblesse et, dirions-nous aujourd'hui, de déstabilisation interne. L'interdépendance de ses effets - perte de crédibilité à l'extérieur et perte de loyalisme à l'intérieur - souligne, si besoin était, par une sorte de « dé-légitimation » globale, la profondeur des phénomènes idéologiques dans l'affermissement ou la désagrégation des institutions politiques. Reprenant la convention selon laquelle est utile au pouvoir tout ce qui assure sa durée, il convient cependant d'ajouter que toute manipulation des idées est bonne si la stabilité du pouvoir est assurée, si le but de sa continuité est atteint.

La désignation de l'ennemi a pour objectif d'armer la concorde et de désarmer la discorde, d'opérer pour l'unité des esprits et une certaine idée de l'ordre, et de subordonner la conduite partisane et le comportement de faction à une fin impérieuse, supérieure et collective. Dans ce transfert des enjeux et dans cette « délégitimation » du conflit partisan au profit de celui, unitaire, du Prince, de la seigneurie ou de la cité, dans cette transcendance, même provisoire et artificielle, des divisions, peut exister un élément de confirmation du principe selon lequel ce sont les armes, tournées vers l'extérieur, qui assurent le fondement ultime de la politique.

Paix et Guerre. pacifisme, bellicisme et « Machtpolitik »

Bien que la politique ne s'identifie jamais totalement à son fondement, elle ne se subordonne de bon gré à celui-ci que dans les situations exceptionnelles ou de crise, quand elle adopte le mode radical des armes et se prolonge dans leur langage et par leur voix. Or, si la paix intérieure est favorisée par le primat de la politique qui monopolise légalement la violence, et si la paix extérieure est garantie par la logique de la puissance et l'utilisation légitime des moyens qui la servent, la paix en général est érigée sur le fondement de la politique.

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La paix ne peut renier les moyens de la politique. Le pacifisme ne peut composer avec le refus moral de la violence. L'un et l'autre doivent admettre à contrecœur, la légitimité de l'usage de la force, car elle ne trouve jamais sa fin en elle-même. Le fondement de la force ne doit pas être identifié avec le primat de celle-ci sur la politique. L'équivoque et cette confusion n'ont rien de terminologique. En fait, on peut désigner par bellicisme le primat des armes sur la politique, et par militarisme la politique et l'idéologie qui servent le but attribué à ce primat.

En fait, si le primat des armes assure la défense, le primat de la politique doit assurer la sécurité. La défense est garantie par une logique de la force, la sécurité par la logique des équilibres et des alliances : la première juge et spécule sur la menace actuelle et directe, la seconde sur la menace potentielle ou virtuelle. La politique de puissance, « Machtpolitik » ou « Power politics » relève du réalisme et non du bellicisme. Celui-ci et celle-là sont sous-entendus par des conceptions différentes de la paix et de la guerre : pour la politique de puissance, la paix et la guerre sont des moyens et des modalités particulières du gouvernement politique, les formes et instruments d'une politique intégrale ; pour le bellicisme, la paix est une préparation au « jugement de Dieu ». Les deux doctrines s'accordent mutuellement pour reconnaître que le pouvoir est la chose qui demeure et résiste, qui perdure par nature, l'éternel Léviathan tout à tour sourcilleux ou démoniaque ; pour reconnaître que la dialectique de la guerre et de la paix fonde le devenir de l'histoire.

Déduite de la théorie des relations internationales, la politique de puissance évoque l'état de nature, l'absence de tribunaux et de lois, mais elle ne dévalorise nullement la paix au profit de la guerre. Elle apparaît comme la doctrine des souveraine-tés, toujours solitaires dans l'affirmation impitoyable et romantique de leurs droits et de leur indépendance, qui acceptent la provocation sans la subir et sont prêtes, à tout moment, à l'escrime et au duel.13

La paix n'exclut ni les querelles ni les litiges. Elle n'étouffe point les échos pathétiques des craintes devant le risque, l'épreuve de force et son verdict. Dans sa version nationaliste ou impérialiste, et dans les moments les plus sombres du calcul, la « Machtpolitik » convertit son pessimisme en une sorte de frémissement audacieux et viril devant le heurt des peuples et des nations. Tout en admettant le caractère universel de la lutte pour la puissance, la paix se conçoit comme la garantie du plein développement des virtualités d'un peuple. Le « Volksgeist » exalte l'identité communautaire, à laquelle sont également nécessaires la force et la culture qui s'épousent dans la grandeur de la puissance. Le bellicisme, en revanche, dévalorise la paix et exalte uniquement la guerre. Il est une sorte de régression irrationaliste par rapport aux conceptions pondérées et modérées de l'agir historique et du travail des sociétés. Selon cette doctrine, la paix a un signe essentiellement négatif. Elle est un affaiblissement et un appauvrissement des facultés originelles de l'homme, que la guerre requiert et dévoile dans son ardente et sanglante splendeur.14 Pour les conceptions cycliques et palingénésiques du cours de l'histoire, fondamentalement organicistes, la guerre est vigueur et recommencement. Elle est l'accouchement tragique du nouveau.

71c18cec4ddd73c751b61af1f71b952c.jpgL'habitude de la paix n'apparaît que comme dissolution et chute, maladie et ruine. Chez Machiavel, se trouve une analyse précise de la vulnérabilité humaine et politique, de ses effets et influence idéologico-psychologiques sur l'existence et la continuité du pouvoir. « Non seulement les peuples sortent renforcés de la guerre, mais, de plus, les nations, qui sont en elles-mêmes hostiles les unes aux autres, trouvent, grâce à la guerre à l'extérieur, la paix au dedans »15.

Nous repérons ici, comme le souligne pertinemment A. Philonenko une critique sans nuances de l'individualisme moral et de ses revers philosophiques, de l'universalisme cosmopolite et de l'humanitarisme abstrait, doctrines sans substance éthique et, en leur fond, illusoires et utopiques, sources de renoncement et de rêveries. Le projet de paix perpétuelle de Kant en fournit un exemple éclairant, car la notion d'humanité suppose l'effacement et l'abolition radicale de l'hostilité et de la relation d'ami et d'ennemi dont l'actualisation ultime préside au déclenchement de la guerre et à la négation existentielle de l'autre (au sens politique du terme). Doctrines incapables enfin, de suggérer l'engagement et l'intégration dans une totalité ; totalité qui est la forme propre de l'individualité historique des peuples en lutte perpétuelle entre eux ; et cela en raison de l'opposition et du divorce entre raison et histoire ; en raison de la dichotomie spéculative entre, d'une part, le monde des idées, inscrites dans la perspective d'une histoire universelle où s'affrontent les grands concepts et les grands systèmes, protagonistes de la lutte philosophique, et, d'autre part, le monde des événements toujours sanglants et singuliers où les nations connaissent par les conflits, les contraintes inéluctables des volontés déchaînées ainsi que les entraves et limites d'une nature, réfractaire ou hostile à la maîtrise de l'homme.

Cette opposition, Hegel la résoudra par le mouvement de réalisation et d'intérioration, providentiel, de l'universel dans le réel ; mouvement procédant, quant à la philosophie de la guerre, de la triple conversion et réconciliation :

    - de la raison dans l'histoire,

    - de la raison dans la volonté (étatique),

    - de la volonté dans la décision (ou verdict de l'acte de guerre).

Ce qui, en résumé, fait de la guerre, essence ultime de l'État, non seulement le lieu héroïque de la décision, mais aussi le champ où se dénoue le sens de l'histoire et le foyer éclairant l'authentique moralité de l'individu. C'est à travers la guerre et la violence politique qu'elle déchaîne que l'État se dévoile comme entité historique et rationnelle et que l'individu, qui ne peut avoir d'existence vraie qu'au sein d'une communauté, devient un être authentiquement libre car il accepte de vouer sa vie au sacrifice suprême pour le bien de sa cité. Il accède, par cet acte tragique, à une forme supérieure de courage : le courage militaire différent, en sa nature, du simple courage individuel, et qui lui permet d'atteindre, par l'identification à son État, « l'intégration dans l'universel ».

La formule foudroyante et grandiose par laquelle Hegel résumera la synthèse de ses vues, déjà énoncée par Schiller dans son poème Résignation, est : « Die Weltgeschichte ist das Weltgericht », ou l'histoire du monde est le tribunal du monde, le lieu du jugement ultime des peuples et des nations. La vulnérabilité organique appartient aux cycles vitaux de la nature ou de l'espèce; la vulnérabilité morale, au manque des qualités essentielles, de fermeté et de vertu ; la vulnérabilité politique, à la preuve, pour le pouvoir, de son incapacité à répondre à la demande naturelle de sécurité.

9782290134108.jpgLa ruine du pouvoir a sa racine dans cette absence de qualité politique qui réside dans la perception de l'essentiel : dans la blessure morale du citoyen égaré et sans protection, face au danger couru par sa cité, et dont l'infidélité conduit à l'éclatement des fondations de l'État. Point de trace de bellicisme, donc, chez Machiavel. Réalisme et désenchantement dominent dans son œuvre, pleinement et amèrement. Mais y transparaît, dans sa nudité, toute sa préoccupation pour la raison d'État, sa loi sécularisée et son calcul rationalisant. Son regard perce jusqu'à l'intérêt essentiel : la sécurité, la conservation et la durée du pouvoir.

Notes annexes

Note 1 : Le Linkage

Cette liaison anticipatrice entre les différentes formes de la politique et les modes subtils et conjoints du jeu diplomatique n'atteignent certes pas la complexité moderne du linkage.

Par ce terme, on peut entendre, aujourd'hui, la partie stratégique globale menée par des acteurs paritétiques à partir d'atouts et d'objectifs définis, et orientée par le transfert croisé de gains et de pertes -- donc de défis et de risques politico-stratégico-économiques -- d'un secteur à l'autre du marchandage (bargaining process) ou d'un échiquier à l'autre de la négociation.

Cette partie, qui inclut la manipulation de tous les termes de la rivalité, donc des tensions et des crises, inclut nécessairement le chantage ou la violence, ouverts ou simulés, dans un jeu à issues incertaines et à forte indétermination de fond. Elle vise à lier et redéfinir les différentes hiérarchies politiques, fonctionnelles et sectorielles, du poker hégémonique.

Au-delà même des gains substantiels, difficiles à mesurer dans l'immédiat, il s'agit de gains d'autorité, de prestige, ou du leadership ; donc de gains hiérarchiques et de système ayant pour but de modifier les règles du jeu et d'imposer un « gap » diplomatique en matière de négociation.

Le linkage est la figure novatrice et toute récente de la capacité, propre aux grandes puissances, de contenir réciproquement la fonction perturbatrice de la violence à l'intérieur de certains seuils d'affrontement ; de manœuvrer par échiquiers économiques, politiques et stratégiques distinguant, superposant et liant globalement, selon les cas et les circonstances, mais aussi selon les acteurs et les théâtres, les trois logiques de :

    la coopération-compétition (USA, Europe,,Japon)

    la compétition-rivalité (USA, URSS, Chine)

    la rivalité-confrontation virtuelle (pays à vocation hégémonique USA-URSS et sphères relatives des pays hégémonisés ou dominés).

Cet accroissement du pouvoir global de négociation, par rapport à tous les autres acteurs du système, est une modalité d'affirmation nouvelle de la puissance, discrète mais non moins bouleversante. Elle comporte une redistribution des cartes du jeu et des zones d'influence, un reclassement des hiérarchies antérieures et redéfinition de la carte géopolitique.

Les souverainetés de certaines unités politiques en sont d'autant limitées ou affectées qu'elles en sont amoindries ou vidées de substance, tant sur le plan inter et supra-étatique (ex. négociation stratégique) que sur celui des rapports transétatiques (négociation économique).

Le cas extrême est celui d'une véritable « délégitimation » politique, à répercussions et effets infra-étatiques (ex. négociations et échanges de coopération et sécurité, bilatéraux ou collectifs, ayant pour but de renforcer ou affaiblir, stabiliser ou déstabiliser un régime). A partir de ce seuil, nous quittons insensiblement le terrain du linkage, comme partie stratégique globale entre acteurs paritétiques, pour entrer dans le domaine hybride de l'influence, pression et ingérence, exercées sur des acteurs mineurs ; un terrain plus restreint pour des situations très singulières.

Le cas de dé-légitimation politique, résultant de l'action d'une main étrangère, est le propre d'aires de pouvoir hégémonisées et secouées par des crises internes. Les souverainetés des acteurs concernés sont, de ce fait, limitées.

Tous les phénomènes politico-idéologiques gravitent alors dans une orbite intégratrice, politisée et à consensus élargi, qui est celle de l'alliance ou bloc cautionnant ou sanctionnant les options collégialement adoptées ou unilatéralement imposées de façon autoritaire, sinon militaire.

Note 2 : L'ami et l'ennemi 16

La distinction de fond, autonome, originelle et non dérivée, « à laquelle peut être rapporté tout l'agir politique au sens spécifique » et, de ce fait, « les actions et motivations politiques », est la distinction d'ami (Freund) et d'ennemi (Feind). Il s'agit là d'une « définition conceptuelle, d'un critère et non pas d'une définition exhaustive ou d'une explication du contenu ».

En tant que principe d'identification catégorielle de l'altérité, irréductible à d'autres antithèses, sa signification ne réside pas uniquement dans « l'indication du degré d'intensité extrême d'une union ou d'une séparation,- d'une association ou d'une dissociation », mais elle est un référent capital pour les conséquences pratiques qu'on peut en tirer, tant sur le plan stratégique que tactique. Ainsi, la connaissance et la compréhension correcte de cette distinction radicale conduisent à la conclusion, également radicale, selon laquelle, « dans le cas extrême, sont possibles avec lui (l'autre, l'étranger, der Fremde) des conflits qui ne peuvent être décidés ni par un système de normes préétablies, ni par l'intervention d'un tiers "non engagé" et donc "impartial" ».

Omniprésence virtuelle du conflit, donc de l'hostilité radicale du couple ami-ennemi que la guerre actualise. C. Schmitt en déduit que « seulement celui qui y est directement engagé peut en finir avec le cas conflictuel extrême ; en particulier, celui-ci seulement peut décider si l'altérité de l'étranger, dans le conflit existant concrètement, signifie la négation de son propre mode d'existence ; donc, s'il est nécessaire de se défendre et combattre pour préserver son mode de vie propre et spécifique ».

Caractère existentiel de l'analyse, de l'engagement et de ses issues : les valeurs fondant identité et modes de vie en sont l'enjeu ; d'où la portée, limitée et réduite, du neutralisme ou de la neutralité, positions intermédiaires et édulcorées du politique qui est polémique, même au niveau sémantique ou linguistique. Peut-il y avoir une neutralité idéologique et morale entre deux acteurs aux prises ? Peut-on tenir, vis-à-vis d'eux, sans hypocrisie ou cynisme, une égale position d'équidistance ? S'il existe sûrement un intérêt immédiat au non alignement, y a-t-il un ou un intérêt à long terme dans le non-engagement ? La force des grandeurs morales ne compense pas toujours les carences des grandeurs physiques.

En machiavélien et clausewitzien conséquent, C. Schmitt développe une idée, de grande valeur heuristique et praxéologique : celui qui est en lutte avec un ennemi absolu voit une menace, donc un affaiblissement essentiel de sa capacité immédiate de lutte, dans toute forme de relativisation de l'ennemi; un ennemi qui serait fictivement neutralisé jusqu'à être transformé en partenaire du jeu. Or la nature manichéenne de toute bipolarisation des valeurs et de toute antithèse absolue est-elle une objection pertinente ?

Carl Schmitt poursuit : « Les concepts d'ami et d'ennemi doivent être pris dans leur signification concrète, existentielle, et non comme métaphores ou symboles. Ils ne doivent pas être mêlés et affaiblis par des considérations économiques, morales ou d'autre nature et, moins que jamais, ils doivent être interprétés dans un sens individualiste et privé... Le libéralisme a cherché à résoudre le dilemme ; l'ennemi n'est pas le concurrent ou l'adversaire en général. L'ennemi n'est pas non plus l'adversaire privé qui nous hait à cause de sentiments d'antipathie... L'ennemi, ce ne peut être qu'un ensemble d'individus groupés, affrontant un ensemble de même nature et engagés dans une lutte pour le moins virtuelle, c'est-à-dire effectivement possible:.. L'ennemi ne saurait être qu'un ennemi public, parce que tout ce qui est relatif à une collectivité, et particulièrement à un peuple tout entier, devient de ce fait affaire publique. L'ennemi c'est l'hostis et non l'inimicus » .

C'est de cette conscience du « donné extrême » et du donné radical, polémique et belligène, que découle la considération inébranlable selon laquelle « les concepts d'ami, d'ennemi et de combat, tirent leur signification objective et spécifique de la possibilité de provoquer la mort physique d'un homme. La guerre naît de l'hostilité, car celle-ci est la négation absolue d'un autre être. La guerre n'est que l'actualisation ultime de l'hostilité ».

Un problème apparaît alors : celui de la concrétisation de ce modèle abstrait, de ce type idéal. Cette identification est politiquement capitale pour définir, d'abord, les modes de la relation policée et civile d'obéissance qui est inscrite dans le droit et dans le contrat social et, de ce fait, le rapport de la politique et du politique ; elle est ensuite essentielle pour la reconnaissance de la dissociation irréductible, à la fois historique et conceptuelle, du champ de la politique et de celui de l'État.

La relation d'identité, État = politique est donc, non pertinente. Les modalités extrêmes de la politique peuvent dissoudre l'État : guerre civile à l'intérieur, guerre totale à l'extérieur.

La radicalité idéelle du concept de politique trouve son expression accomplie dans la relation existentielle d'hostilité mortelle, propre à la guerre, qui est actualisation de la virtualité omniprésente de l'animus hostilis. Elle exige une présupposition principale : l'existence et la présence effectives de l'ennemi. Sa désignation est l'œuvre du politique, l'expression de son primat.

La netteté des deux états de paix et de guerre et la transition de l'un à l'autre, posent d'abord le problème de la définition philosophique de la virtualité d'une essence, l'hostilité, de l'intention hostile ou de l'animus hostilis dans l'actualité du combat, de l'animus belligerandi ou la passion belligène ; ensuite, le problème juridique de la réglementation des cas et situations intermédiaires : actes hostiles et guerres non déclarées, comportant des sanctions et des formes variables de représailles...

Plus malaisée encore la définition, aux yeux du droit public international et de la conscience universelle, des états ou conditions hybrides, et fort actuels, de guerre et de non-guerre, de paix chaude ou de guerre froide.

Existe-il un mode de la relation entre paix et guerre, calquée sur le rapport ami-ennemi, qui permette de sortir de l'impasse et de rechercher une solution tierce déjà exclue par la netteté de la formule classique : Inter pacem et bellum nihil est medium ? Recherche fort utile en notre temps, car liée à la recherche de solutions et décisions autres que celles extrêmes.

C'est la poursuite de la spéculation machiavélienne sur les moyens capables de maîtriser la violence et de la soumettre à l'essentiel, l'originel et le primordial.

Ne sommes-nous pas depuis 1945, et entre les deux blocs Est et Ouest, dans la situation où « Bellum manet, pugna cessat»? S'agit-il de l'hostilité propre à la nature humaine, à peine cristallisée par la situation objective des relations internationales dans une conjoncture désormais planétaire, ou bien d'un tournant radical de l'histoire où la paix « n'est que la continuation de la guerre par d'autres moyens », comme le voudraient les tenants du « bellicisme et de la guerre totale »? Ces deux conceptions n'ont-elles pas en commun l'idée de la virtualité omniprésente de l'antagonisme de l'ami et de l'ennemi, constitués en présupposés comme la réalité profonde du politique et de fondement originel de tout conflit ?

Notons en passant que C. Schmitt se défend des critiques selon lesquelles sa définition du politique serait « belliciste, militariste ou impérialiste et qu'elle ferait de la guerre un but, un objectif ou un idéal social ». Le propos de ses discriminations théoriques n'est-il pas de dégager des espaces de liberté au sein des situations intermédiaires de guerre et de non guerre : situations dans lesquelles l'effacement des frontières, conduit à l'hybridation constante des deux règnes, autrefois disjoints, d'affrontement et de quiétude ?

Le problème est de taille, non seulement sous l'aspect du droit international public et de son effort constant pour en formaliser les frontières et les conduites, mais aussi sous celui de la conceptualisation de stratégies et doctrines d'action, non soumises à la montée inévitable aux extrêmes du paroxysme belligène.

Revenons un moment en arrière, à l'effort de C. Schmitt pour saisir la portée et l'ambiguïté profonde de la notion de « neutralité »17. Celle-ci ne peut être déduite, comme on l'a rappelé plus haut, des tentatives du droit public international, ni du respect des normes, édictées sous la contrainte d'une relation permanente, et relativement stable, de dissymétrie de puissance, mais uniquement de la relation préliminaire, principale et historiquement évolutive du concept d'hostilité. Cette dernière recouvre tout le champ de la politique et, en tant que telle, les relations fondamentales d'État à État. Les alliances et les coalitions ne représentent qu'une de leurs formes : celle du regroupement politique final en amis et ennemis.

Cette conséquence particulière révèle, si besoin était, l'étendue de la condition de subordination de l'agir politique, dans ses expressions les plus diverses, au présupposé initial. Elle permet de saisir l'évolution de ses possibilités d'existence, au sens de leur respect et de leur signification, tout au long des hostilités depuis leurs phases et conditions de départ.

L'équilibre des rapports entre pouvoir-puissance, qui se dégage du concept de guerre et de sa réalité actualisée et mouvante, conduit C. Schmitt à entrevoir quatre situations et à en décrire les traits spécifiques. On ne retiendra ici que les trois premiers, car le quatrième, celui de l'isolement et de l'autarcie d'un acteur par rapport au système mondial, est désormais révolu dans un univers de relations planétaires.

Les caractéristiques de ces différentes situations peuvent être ainsi résumées :

    situation d'équilibre de forces entre belligérants et neutres : neutralité possible et praticable sur les deux plans, objectif et subjectif, du respect de la situation de non belligérance et de la fonction d'amitié impartiale.

    situation univoque de supériorité des belligérants sur les neutres. La neutralité résulte du compromis tacite entre belligérants en situation d'équilibre de forces ; ceci laisse des espaces politiques de manœuvre, hors du terrain moral et matériel des hostilités, aux non belligérants situés ainsi dans une sorte de « no man's land » du conflit.

    situation univoque de supériorité des neutres (en position de prépondérance des forces) sur les belligérants. Ces derniers font figure:ide pions, clients ou acteurs secondaires sur l'échiquier politique du moment. Leur condition est celle, intéressante de nos jours, d'acteurs soumis à tutelle ou à une liberté d'action limitée, et dont l'espace de jeu dépend d'une situation qu'ils ne maîtrisent pas entièrement parce qu'elle est excentrique aux enjeux et intérêts pour lesquels ils se battent. L'initiative, régionale ou locale, est consentie, mais à l'intérieur de formes qui échappent aux buts des acteurs engagés et isolément considérés. S'agit-il là du cas de figure auquel nous appliquons l'expression de « stratégie indirecte »?


1« Esquisse d'une théorie sur les rapports entre guerre et droit », in « La guerre et ses théories », PUF, Paris 1970. Institut international de philosophie politique, Annales de philosophie politique, 9.

2Voir E. Bloch : « La philosophie de la Renaissance », Payot, Paris.

3F. Bacon : « De argumentis scientiarum », 1, Vll, C; « Machiavello et hujus­modi scriptoribus, qui aperte et indissimulanter prof erunt quid homines facere soleant non quid debeant ». F. Meinecke, p. 403, in « Die idee der Staatsràson in die neueren Geschichte », Oldenbourg, München, Berlin, 1924. Voir aussi G. Pro­cacci in « Introduzione » au Principe et Discorsi p. LXXXVI, Feltrinelli editore, Milano, 1979.

4In C. Lefort: « Le travail de l'œuvre : Machiavel », Gallimard, Paris, NRF, 1972, p. 73. Citation de T. Guiraudet, « Œuvres de Machiavel », An VII, préface.

5A. Philonenko : « Essais sur la philosophie de la guerre », Paris, Librairie philosophique.

J. Vrin, 1976, p. 16, note 7 : « La tragédie anglaise n'a voulu voir en Machiavel qu'un fourbe ».

E. Meyer dans ses « Litterarhistoriche Forschungen » (Weimar 1907, Bd 1) relève, dans la littérature élisabéthaine, 395 allusions à Machiavel qui a toujours incarné la fausseté et la fourberie. A travers les oeuvres de Ben Jonson, Webster, Beaumont, Fletcher, etc... Machiavel apparaît comme le personnage ténébreux. Mais c'est chez Shakespeare d'une part, et Marlowe d'autre part, qu'on trouve l'expression la plus plastique du visage attribué à Machiavel.

Sans se soucier de l'anachronisme, Shakespeare attribue à Richard, duc de Gloucester, dans l'acte III de « Henri IV », le monologue suivant : « Eh quoi ! je puis sourire et tuer en souriant... je suis capable de noyer plus de marins que la sirène,... de tromper avec plus d'art qu'Ulysse... au caméléon je puis prêter des couleurs, et mieux que Protée de formes changer, et à l'école envoyer le sangui­naire Machiavel ».

Marlowe, dans l'avant-propos du « Juif de Malte », est plus explicite et pénétrant : « Le monde a beau croire que Machiavel est mort, son âme n'a fait que passer les Alpes... ».

6Voir notes annexes

7 Première descente de Charles VIII en Italie, en 1494.

8Voir C. Schmitt : « Theorien des Partisanen », Duncker & Humblot, Berlin 1963, 1975. Sous-titre : « Notes complémentaires au concept de politique ».

9Contrée, arrières.

10« Discours, 1,12 »

11« Le Prince », XXVI

12Voir note annexes

13Voir R. Aron : « Macht, Power, Puissance : prose démocratique ou poésie démoniaque ? in Archives européennes de sociologie », 1964, V, L

14En voici une illustration dans quelques passages du jeune Hegel relevés par Philonenko: « Essais sur la philosophie de la guerre », Paris, Ed. Vrin, 1976, p. 57, note 15 à propos de W. Shirer. « La guerre est la grande purificatrice. Elle forme la santé éthique des peuples corrompus par une longue paix... les périodes heureuses sont les pages vides de l'histoire, parce que ce sont celles des accords sans conflits ».Et encore:« La santé morale des peuples est maintenue en son indifférence, vis-à-vis des choses finies, qui tendent à se fixer, de même que les vents protègent la mer contre la paresse où la mènerait un durable repos, ou la paix perpétuelle des peuples ». (Hegel. « Philosophie du droit », § 324).

15Hegel, « Philosophie du droit », § 324.

16C. Schmitt in « Begriff des Politischen », 1927, in Archiv für Sozialwissenschaft und Sozialpolitik, LVIII, München, Leipzig, Dunker & Humblot.

La géopolitique qui sous-tend l’accord d’investissement UE-Chine

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La géopolitique qui sous-tend l’accord d’investissement UE-Chine

Par Salman Rafi Sheikh

Source: New Eastern Outlook

L’accord d’investissement UE-Chine récemment annoncé est un moment décisif, marquant le premier accord d’investissement UE-Chine de ce type, qui ouvrirait les portes de la Chine à l’UE, pour y réaliser des investissements directs. La Chine aura de son côté la possibilité d’étendre son influence sur le marché européen. Si l’accord présente de nombreux avantages pour les parties concernées, il est également assorti de facteurs géopolitiques très visibles, qui concernent non seulement l’UE et la Chine, mais aussi les États-Unis. L’accord UE-Chine est considéré aux États-Unis par l’administration Trump (qui est déjà en « guerre commerciale » avec la Chine) et l’administration Biden comme contraire à leur politique déclarée de suivre une approche « dure » à l’égard de la Chine. L’expansion de la Chine en Europe permettra à la première d’échapper en grande partie à l’impact de la « guerre commerciale » en cours et donnera à son économie une marge de manœuvre importante. Pour les États-Unis, cet accord doit donc être revu à la lumière de leur propre politique de confrontation calculée avec la Chine. Les États-Unis entendent exercer leur influence pour que l’UE s’aligne sur la politique américaine.

Jake Sullivan, le choix du président élu Joe Biden comme conseiller pour la sécurité nationale, a demandé « des consultations rapides avec nos partenaires européens sur nos préoccupations communes concernant les pratiques économiques de la Chine ». Le tweet reflète une inquiétude croissante parmi les responsables de l’administration Biden, qui craignent que la formalisation de l’accord UE-Chine, sans les États-Unis, ne compromette sérieusement la capacité de ces derniers à non seulement modeler la dynamique générale des liens bilatéraux entre l’UE et la Chine, mais aussi à obtenir le soutien de l’UE pour former un front commun contre la Chine. L’administration Biden cherche donc à maintenir une position politique vis-à-vis de la Chine similaire à celle que l’administration Trump a largement suivie au cours des quatre dernières années. Il est donc peu probable que les relations entre les États-Unis et la Chine sous l’administration Biden reviennent à la normale. Elles devraient, dans l’état actuel des choses, s’exacerber en raison de la concurrence militaire croissante.

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Pour les États-Unis, la principale préoccupation n’est pas l’accord en soi, mais la manière dont cet accord ferait de l’UE un acteur indépendant dans ses relations avec la Chine. Après l’accord, l’UE sera en mesure de façonner et de déterminer ses politiques vis-à-vis de la Chine en tant qu’acteur égal et indépendant, ce qui donnera au bloc européen le poids politique qu’il a essayé d’établir pour équilibrer ses relations avec les États-Unis. Il y a des tensions au sein de l’OTAN, et les États-Unis, sous l’administration Trump, ont libéré des forces qui ont poussé l’UE de plus en plus vers une politique étrangère indépendante, et envisagent même un système de sécurité interne européen, indépendant de l’OTAN.

Le fait que la Chine ait récemment offert des concessions massives à l’UE indique également comment la Chine essaie de tirer pleinement parti des clivages existants entre les États-Unis et l’UE, en offrant des incitations que l’UE pourrait trouver trop attrayantes pour les rejeter. Les concessions chinoises ont déjà abouti à un accord de principe, obligeant la France et l’Allemagne à passer imperceptiblement de leur politique dite « indo-pacifique » de « gestion » de la montée en puissance de la Chine à une coexistence avec cette dernière qui donnerait à l’UE un accès très recherché au marché chinois.

En facilitant l’accès à son industrie manufacturière, la Chine a répondu à l’une des principales préoccupations de l’UE. Alors que presque tous les pays de l’UE ont leurs accords bilatéraux avec la Chine, cet accord est le premier « accord autonome sur les investissements couvrant à la fois l’accès au marché et la protection des investissements. Il remplacerait les 25 accords bilatéraux existants par un cadre juridique uniforme doté de normes de protection modernes et de mécanismes de règlement des différends ».

En conséquence, alors que l’UE et la Chine s’efforcent de plus en plus de surmonter leurs divergences mutuelles [l’UE modifiant ses mesures de sécurité et les Chinois assouplissant leurs règles], le fossé entre l’UE et les États-Unis s’élargit.

La loi européenne sur les services numériques (DSA) et la loi sur les marchés numériques (DMA) récemment introduites sont susceptibles d’approfondir encore la fracture transatlantique en matière de commerce numérique. Les divergences sur le marché des services numériques viendront s’ajouter aux tensions déjà existantes en ce qui concerne l’OTAN, le changement climatique et les relations économiques entre l’UE et les États-Unis.

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Les lois européennes auront un impact négatif sur les États-Unis. En 2019, les États-Unis ont exporté vers l’UE pour 196 milliards de dollars de services liés aux technologies de l’information et des communications (TIC). Google a déjà déclaré que cet ensemble de lois vise à entraver les entreprises américaines. La Chambre de commerce américaine a déclaré que « l’Europe a l’intention de punir les entreprises prospères qui ont fait des investissements importants dans la croissance et la reprise économique de l’Europe ».

L’accord d’investissement UE-Chine est donc autant ancré dans la volonté d’expansion de la Chine que dans la recherche croissante par l’UE de sa propre place, indépendante des États-Unis, dans un monde de plus en plus multipolaire.

L’UE réagit à la manière dont les États-Unis sont passés au nationalisme économique sous l’administration Trump. Bien que Joe Biden ait qualifié la politique « America First » de Trump de mauvaise, le fait que cette politique soit restée en place pendant 4 ans signifie qu’elle a été capable d’infliger des changements substantiels à la façon dont l’alliance transatlantique s’engagerait et se réunirait face à des ennemis communs. L’UE, dans sa forme actuelle, ne se contente pas de s’associer aux États-Unis pour « gérer » la Chine ; elle définit plutôt une ligne de conduite qui correspond à ses intérêts et à ses besoins. Comme l’ont déclaré les diplomates européens, si les entreprises européennes peuvent obtenir un meilleur accès à la Chine et y trouver des conditions de concurrence raisonnablement équitables, il n’y a aucune raison qu’elles n’en profitent pas.

Salman Rafi Sheikh

Traduit par Wayan, relu par Hervé pour le Saker Francophone

L’Etranger to Himself:  Race & Reality in Albert Camus’ The Stranger

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L’Etranger to Himself: 
Race & Reality in Albert Camus’ The Stranger

Albert Camus
Trans. Joseph Laredo
The Stranger
London: Penguin, 2000 (1942)

“I love my country too much to be a nationalist.”

— Attributed to Albert Camus 

524x840.jpgWhenever I watch Pontecorvo’s iconic movie The Battle of Algiers (1966), I find myself thinking of the Gitane-smoking and brilliantine-coiffured Albert Camus. I’m especially reminded of him in the scene where a gang of young Europeans lean against a shop window and watch as Ali, the young Arab protagonist, crosses the street and passes a noisy bar. A blond youth pushes a chair in front of him, sending Ali head-over-heels, stumbling to the floor. Before a devil-may-care smirk can even appear on the callous face of the Pied-Noir, the Arab stares up at him with utter hatred and launches headfirst into his enemy. 

Franco Solinas’ script perfectly captures the moment on screen:

Using his head, Ali rams into the youth’s face, striking him in the nose and splurting blood everywhere. The youth is unable to shout. He opens his mouth in the attempt, but the only result is a gurgling sound and blood. His friends intervene. Ali is surrounded. The police arrive. A mass of people jump on Ali, kicking him and striking him with their fists as long as they please. Finally, the police aid Ali and disperse the crowd.

Defiant, Ali “pays no heed to the blows, the shouts, the spitting, but seems neither to see nor hear, as if he were already resigned to having lost the battle this time, and was preparing to wait patiently for a better chance. He is walking with an unfaltering step. His face is emotionless, oval, swarthy. His hair black and wavy, his forehead low and wide; his eyes large and slanted with eyelids somewhat lowered, his mouth firm and proud.”

It is the unmistakable image of the Gaul confronting the Moor, during Albert Maquet’s “invincible summer” of Algeria. A societal fissure ran right through the Kasbah and the mountainous terrain of the parched Tassili n’ Ajjer just as it did between the Jews and Palestinians along the banks of the Jordan River and through the black ghettos in American cities in the 1960s. 

The testosterone-fueled tension captured in Ali’s street confrontation is similarly rendered in Camus’ The Stranger, where the local Pied-Noir lads with their “hair greased back, red ties, tight fitting jackets with embroidered handkerchiefs in their top pockets and square-toed shoes. . . laugh noisily as [girls] went by.” Camus’ hero Meursault “knew several of the girls and they waved to me.”

The same sort of girls are later blown to pieces in The Battle of Algiers when Ali dispatches his female Fedayeen to exact revenge:

Djamila, the girl who in January, in rue Random, gave the revolver to Ali la Pointe, is now standing in front of a large mirror. She removes the veil from her face. Her glance is hard and intense; her face is expressionless. The mirror reflects a large part of the room: it is a bedroom. There are three other girls.

There is Zohra, who is about the same age as Djamila. She undresses, removing her traditional costume, and is wearing a slip . . . There is Hassiba who is pouring a bottle of peroxide into a basin. She dips her long black hair into the water to dye it blond.

Every action is performed precisely and carefully. They are like three actresses preparing for the stage. But there is no gaiety; no one is speaking. Only silence emphasizes the detailed rhythm of their transformation . . . Djamila’s lightweight European dress of printed silk . . . Zohra’s blouse and short skirt to her knees . . . make-up, lipstick, high-heeled shoes, silk stockings . . . Hassiba has wrapped her hair in a towel to dry it . . . a pair of blue jeans, a striped clinging tee-shirt . . . Her blond hair is now dry. She ties it behind in a ponytail. Hassiba has a young, slim figure. She seems to be a young European girl who is preparing to go to the beach.

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Pontecorvo’s depiction of guerrilla warfare way back when in Algiers was prophetic. It’s now reenacted week by week with real daggers, bullets, and plastic explosives in the towns and cities of 21st-century Europe. Solinas’ script continues:  

MILK BAR. EXPLOSION. OUTSIDE. DAY.

The jukebox is flung into the middle of the street. There is blood, strips of flesh, material, the same scene as at the Cafeteria; the white smoke and shouts, weeping, hysterical girls’ screams. One of them no longer has an arm and runs around, howling despairingly; it is impossible to control her. The sound of sirens is heard again. The crowd of people, the firemen, police, ambulances all rush to the scene from Place Bugeand.

The ambulances arrive at rue Michelet. They are already loaded with dead and wounded. The relatives of the wounded are forced to get out. The father of the child who was buying ice cream seems to be in a daze: he doesn’t understand. They pull him down by force. The child remains there, his blond head a clot of blood.

These communal antagonisms had been simmering for years. The insurgent Front de Liberation Nationale (FLN), just like their Etoile Nord-africaine predecessors, was attacking isolated farmsteads and police stations. The Pieds-Noir responded in kind, holding meetings with banners that read “le juif parasite,” and Lucien Bellat’s Unions latines was breaking up seditionist gatherings organized by communists and Muslims in places like Sidi-Bel-Abbes in June 1936.  

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Algeria was a bubbling cauldron that was rapidly reaching its boiling point, and it was here that Camus was born into a poor family in a white ghetto. He was surrounded by a Pied-Noir community that felt psychologically under siege. Many joined the colonial chapters of metropolitan leagues like the Action francaise, Jeunesses patriots, the Croix de Feu, and the Parti populaire francais during the interwar years.

Camus’ latter-day anti-colonial critics dismiss his much-vaunted socialist credentials despite his joining the Communist Party in 1935, becoming editor-in-chief of the resistance journal Combat during the war years, his well-known sympathies for the Arab peoples, his support for the Blum-Viollette proposal to grant Algerians full French citizenship, and of course, his searing allegory of fascism in his novel The Plague [4] (1947). 

Instead, Camus’ postmodern detractors claim that he had thoroughly imbibed the inherent racism of his forebears. Ralph Flowers cites excerpts from The Stranger as evidence of Camus’ subconscious “hatred” in Camus and Racism (1969): “Why in the fictional works L’EtrangerLa Peste, and La Chute (1956) does Camus either treat the Arab cursorily or else delete completely?”

The late Palestinian academic Edward Said, author of Culture and Imperialism (1993), describes Camus as having an “incapacitated colonial sensibility,” arguing:

The plain style of Camus and his unadorned reporting of social situations conceal rivetingly complex contradictions . . . unresolvable by rendering, as critics have done, his feelings of loyalty to French Algeria as a parable of the human condition.

imagesattal.jpgFrench historian Benjamin Stora describes The Stranger’s central character as “paradoxical” and the result of “double positioning.” Mary Ann & Eric Witt’s assert in their seminal piece “Retrying The Stranger” (1977) that the “race question” was central to the story. Tulshiram C. Bhoyar asserts that “Meursault displays misogynistic attitudes toward women, perpetrates prejudicial acts against native people, and commits a callous crime against an indigenous person” in his paper “The Stranger: A Study of Sexism, Racism and Colonialism,” published in Epitome in 2016.      

Bhoyar continues:

Jean-Paul Sartre, the existentialist philosopher, in his essay “An Explication of the Stranger” (1947), considered him as an existential hero who is free and responsible for his action. Both of them (Camus and Sartre) did not think that the murder committed by Meursault has a political dimension and the legal system of the Pied-Noir French depicted in the novel is oppressive to indigenous Arabs. But this notion is challenged by many modern critics and readers. They think Meursault is a sexist, racist and colonialist hero.

Credible comments when one, like Flowers, notes: 

In the first place, Camus writes as a member of the white race. He never tried to assume the role of an Arab . . . Probably the majority of Algerian Europeans were merely indifferent to the abject status of the native race; this was the real crime of Meursault . . . Considering the story solely from the facet of the race problem, Meursault was guilty of a race crime.”

George Heffernan explains in his paper “A Hermeneutical Approach to Sexism, Racism, and Colonialism in Albert Camus’ L’Etranger:” 

Camus has created with Meursault an unreflective character whose sexist, racist, and colonialist attitudes are held up to the reflective reader . . . Meursault ignores the screams of the terrified Arab woman, whom Raymond is beating mercilessly . . . He is a racist, because at first he declines to write the letter that Raymond wants him to write to his allegedly unfaithful mistress, but as soon as he discovers that the woman to whom he is to write is an Arab, he complies with Raymond’s request without further ado.

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The relevant section in The Stranger, a manuscript that traveled with Camus to France as German troops marched down the Champs Elysee, reads:

He lit a cigarette and told me his plan. He wanted to write her a letter “which would really hurt and at the same time make her sorry.” Then, when she came back he’d go to bed with her and “right at the crucial moment” he’d spit in her face and throw her out.

When he told me the girl’s name I realized she as Moorish. I wrote the letter.

Camus’ daughter Catherine acknowledges this reality, admitting her father is “regarded as a colonialist.” As a result, his books are not part of the school curriculum in Algeria, and the novelist Hamid Grine, author of Camus in the Hookah (2011) declaims that “Algeria has erased him.”

unnamedacpeste.jpgTo a certain extent, Camus is indeed a mass of contradictions. He writes so poignantly about an individual Arab in “L’Hote,” and yet the same people are almost completely absent from The Plague. He became the glamour boy that went on to rival Sartre amongst the New Left coterie after the Liberation of France, but objected in disgust to the murderous “Epuration” that followed in its wake. Camus insisted he was a communist, yet never read Das Kapital.

So, what truly motivated Meursault to do what he did on that beach? His fellow Pied-Noir, Raymond, had already told him he’d been followed all day by a group of Arabs and one of them was the brother of his former mistress. “If you see him near the house this evening when you come home, warn me.”

Those descriptions from his essay “Summer in Algiers” (1939), of “the beauty of the race,” “the gentle warm water and the brown bodies of the women,” and “the old men sitting at the back of cafes listening to young men with brilliantined hair boasting of their exploits,” come to mind.

Those same hormone-infused images discussed earlier, what Pontecorvo captures so clearly in the street fight between Ali and the white boy, must surely go some way to explaining Meursault’s fateful actions in Camus’ disturbing novella:   

I took a step, just one step forward. And this time, without sitting up, the Arab drew his knife and held it out towards me in the sun. The light leapt up off the steel and it was like a long, flashing sword lunging at my forehead. At the same time all the sweat that had gathered in my eyebrows suddenly ran down over my eyelids, covering them with a dense layer of warm moisture. My eyes were blinded by this veil of salty tears. All I could feel were the cymbals, the sun was clashing against my forehead and, indistinctly, the dazzling spear still leaping off the knife in front of me. It was like a red-hot blade gnawing at my eyelashes and gouging my stinging eyes. That was when everything shook. The sea swept ashore a great breath of fire. The sky seemed to be splitting from end to end and raining down sheets of flame. My whole being went tense and I tightened my grip on the gun. The trigger gave, I felt the underside of the polished butt and it was there, in that sharp and deafening noise, that it all started. I shook off the sweat and the sun. I realized I’d destroyed the balance of the day and the perfect silence of this beach where I’d been happy. And I fired four more times at a lifeless body and the bullets sank in without leaving a mark. And it was like giving four sharp knocks at the door of unhappiness.           

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vendredi, 22 janvier 2021

Le défi géostratégique de l'Arctique

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Le défi géostratégique de l'Arctique

par Daniele Perra

Ex : https://osservatorioglobalizzazione.it

Le grand juriste allemand Carl Schmitt a dit que l'histoire des peuples est toujours une histoire d'appropriation de la terre. La conquête/acquisition de nouveaux espaces a toujours une influence décisive sur la position géopolitique des États. En effet, une acquisition de terres implique toujours le risque de déstabiliser un statut hégémonique précis ou un ordre établi. Sur une surface terrestre presque entièrement occupée par l'homme, il existe encore deux zones de compétition entre les grandes puissances : la région arctique et l'espace extérieur entourant le globe. Dans cet article, nous aborderons la première.

La proposition du président américain Donald J. Trump d'acheter le Groenland, et l'annulation subséquente de la réunion de Copenhague avec les dirigeants politiques danois une fois l'offre refusée, ont fait sensation en 2019.

Cependant, ce qui semblait être une déclaration impromptue d'un "président peu orthodoxe" avait en fait des raisons géopolitiques très spécifiques. Et afin de mieux comprendre ces motivations, il sera utile d'examiner en détail les déclarations de Mark T. Esper (secrétaire d'État à la défense) au Royal United Services Institute de Londres et le rapport du ministère américain de la défense sur la stratégie arctique au Congrès de juin 2019.

Les déclarations d'Esper sont particulièrement éloquentes. En effet, le secrétaire à la défense a mentionné à plusieurs reprises la menace que l'agressivité russe et la puissance économique chinoise feraient peser sur la sécurité et l'ordre mondial actuels.

"La concurrence entre les grandes puissances" - a déclaré M. Esper au public londonien - "est la principale préoccupation pour la sécurité nationale des États-Unis". Les États-Unis, selon l'ancien étudiant de West Point, s'occupent déjà de cette question, mais il devient nécessaire que les "nations aimant la liberté" reconnaissent cette menace et jouent leur rôle pour assurer la sécurité du monde.

En outre, la Chine et la Russie feraient peser des menaces spécifiques sur la "prospérité américaine" : des menaces qui pourraient s'aggraver à l'avenir si elles ne sont pas traitées rapidement.

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En conclusion, M. Esper, en pleine conformité avec la ligne de conduite de Trump, a suggéré que les alliés des États-Unis, et en particulier les États membres de l'OTAN, augmentent leurs dépenses militaires.

Les déclarations du secrétaire à la Défense font parfaitement écho à la substance du rapport susmentionné, remis au Congrès et consacré à la stratégie arctique, rapport qui mentionne explicitement le comportement "malveillant et coercitif" de la Russie et de la Chine, une "approche holistique" de la protection des intérêts nationaux américains dans la région arctique et la croissance de l'influence de Washington dans la région. Ce rapport, à son tour, fait écho à la stratégie de sécurité nationale de 2017 dans laquelle un accent particulier est mis sur "la protection du mode de vie américain" et, une fois de plus, sur "la promotion de la prospérité américaine, à préserver même par la force".

En outre, le rapport présenté au Congrès en juin fait écho presque intégralement au document de stratégie pour l'Arctique de 2013, publié sous l'administration Obama, prouvant, s'il en était besoin, qu'indépendamment des aspects extérieurs, des spectacles politiques de M. Trump, il existe une ligne de continuité substantielle entre les deux présidences.

À cet égard, il est également indéniable que les États-Unis avaient déjà commencé à ignorer l'accord nucléaire iranien bien avant l'élection de Trump.

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J'ai souvent soutenu que le trumpisme n'est rien d'autre qu'une tentative (plus ou moins) désespérée de sauver la "mondialisation américaine", et que la devise électorale "Make America Great Again" a simplement entraîné une nouvelle course aux armements et la militarisation plus ou moins forcée des régions soumises à la concurrence stratégique entre les grandes puissances.

Le regain d'intérêt pour l'Arctique s'inscrit dans ce contexte. Limiter ou empêcher l'expansion sino-russe dans la région signifie avant tout éviter l'une de ces "acquisitions de nouveaux espaces" qui pourraient mettre en crise l'hégémonie mondiale nord-américaine.

La valeur de l'Arctique

Situé à l'intersection de 3 plateaux continentaux, avec 14 millions de kilomètres carrés, 13% des réserves mondiales de pétrole et 30% des réserves de gaz encore à exploiter, l'Arctique est une zone d'une énorme valeur géostratégique. L'exploitation d'une telle richesse, également en termes de routes commerciales et militaires, aurait pour conséquence soit la conservation inchangée de l'hégémonie nord-américaine, soit son dépassement définitif si Washington devait perdre le défi lancé à ses concurrents.

Il n'est donc pas surprenant que le rapport susmentionné au Congrès sur la stratégie arctique mentionne clairement l'objectif de "limiter la capacité de la Chine et de la Russie à exploiter la région comme un corridor de concurrence stratégique, visant à limiter la projection mondiale de la puissance américaine".

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En fait, l'ouverture de la route arctique, en évitant le canal de Suez, réduirait de dix jours la durée du voyage de l'Asie vers l'Europe et compromettrait sérieusement le contrôle américain sur les flux énergétiques. En outre, en ce qui concerne les objectifs géostratégiques sino-russes, la route arctique serait plus sûre et plus stable que les couloirs terrestres de l'initiative "Belt and Road", qui sont susceptibles de passer par des zones de turbulences, à forte présence de groupes terroristes largement alimentés et exploités par les services de renseignement des forces hostiles à l'évolution de l'ordre mondial dans un sens multipolaire.

En effet, la route arctique joue un rôle majeur dans le projet Belt and Road. La Chine, qui est un observateur permanent au Conseil de l'Arctique, a déjà investi pas mal de ressources dans la région. Et l'intérêt de l'Amérique du Nord à acheter le Groenland fait partie du plan visant à contrer l'expansion économique chinoise dans la région. Cette expansion suit les lignes tracées par la vision chinoise de la coopération maritime dans le cadre de l'initiative "Belt and Road", où l'esprit du projet d'infrastructure chinois est interprété en termes de "coopération, ouverture, inclusion, apprentissage et bénéfice mutuel". Dans cette déclaration de 2017, la relation entre l'homme et les océans est interprétée comme une exploitation des routes maritimes visant à réaliser un développement commun.

La valeur stratégique du Groenland

Le Groenland est au cœur du défi pour l'Arctique car on estime que son sous-sol abrite la sixième plus grande réserve de terres rares au monde : un élément clé dans la construction d'équipements technologiques et militaires. En outre, il existe d'autres ressources clés (or, uranium, diamants, pétrole). À cet égard, un projet visant à extraire ces ressources est déjà cogéré par une société chinoise : la Shenghe Resources Holding LTD.

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Les terres rares sont le principal facteur d'attractivité pour les États-Unis. Grâce à elles, la Chine (qui contrôle entre 85% et 95% de leur production mondiale) est en train de gagner la guerre commerciale contre les Etats-Unis. Ce n'est pas un hasard si elles sont l'un des rares produits chinois que les États-Unis ont exclus des droits de douane et des restrictions.

Prendre possession du Groenland et commencer l'exploitation définitive de cette immense ressource dans son sous-sol permettrait sans aucun doute aux États-Unis de réduire leur dépendance vis-à-vis des terres rares de la Chine et d'obtenir un contrôle total sur les deux extrémités arctiques du continent nord-américain : l'Alaska à l'ouest et l'île dite "verte" à l'est.

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Il va sans dire que dès 1860, avant même l'achat de l'Alaska à la Russie, William H. Seward (futur secrétaire d'État d'Abraham Lincoln) avait prédit que l'Arctique deviendrait l'avant-poste septentrional des États-Unis.

Comme mentionné au début de cet article, la proposition des trumpistes, comme celle avancée par l'administration Truman à la fin de la Seconde Guerre mondiale, a rencontré une réponse négative. Cependant, la sujétion presque totale de la classe politique de l'île envers Washington est bien connue. Et on ne peut exclure la possibilité que Washington profite de cette influence pour empêcher une expansion chinoise excessive dans le protectorat danois.

Le défi dans le Grand Nord entre la Chine et les États-Unis

Mais le Groenland n'est pas le seul souci des États-Unis. Outre la mise en service de sept brise-glaces, la Chine a également montré un intérêt considérable pour la construction du tunnel sous-marin Helsinki-Tallin, qui permettrait à la Chine de compléter un réseau d'infrastructures couvrant l'ensemble du continent eurasiatique.

Paradoxalement, dans cette course à l'Arctique, les États-Unis se sont retrouvés avec un lourd retard technologique par rapport à leurs principaux concurrents. La Russie, en effet, outre la création d'un Strategic Interforce Command pour l'Arctique dès 2014, dispose de la plus grande flotte pour la navigation en eaux froides (39 brise-glaces dont 6 à propulsion nucléaire) et vient d'achever la construction de la première centrale atomique flottante. Cette centrale, après un voyage de 5000 km le long de l'Arctique russe, a été rapidement placée à Pevek, à l'extrême nord-est, où elle fournira de l'énergie aux usines industrielles et minières de la région.

En outre, si les "prévisions géologiques" devaient être confirmées par les faits, l'exploitation du plateau arctique occidental de la Russie donnerait à Moscou une projection de puissance énergétique encore plus élevée que celle des États-Unis. Il n'est donc pas surprenant que la Russie ait également installé des batteries de missiles S-400 sur les péninsules de Kola et du Kamtchatka pour assurer la défense de la région.

Il est clair que les États-Unis vont une fois de plus répondre à ce double défi géostratégique et technologique en militarisant la région arctique et en faisant porter les coûts sur les épaules de leurs alliés. Et il est tout aussi clair que la course à l'Arctique peut être interprétée comme un nouveau chapitre de la lutte entre les puissances terrestres et maritimes qui a caractérisé l'histoire des peuples depuis l'antiquité. Cependant, au moins à cette occasion, la puissance thalassocratique nord-américaine semble être réellement obligée de se défendre.

 

L'administration Biden : ses projets pour le Groenland et le gazoduc Nord Stream 2

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L'administration Biden : ses projets pour le Groenland et le gazoduc Nord Stream 2

par Giuseppe Gagliano

Ex : https://www.startmag.it

Comment Biden va-t-il agir à la fois sur la question de l'Arctique (l'intérêt américain pour le Groenland) et sur celle, non moins complexe, du Nord Stream 2. Des différences vraiment pertinentes par rapport à Trump ? L'analyse de Giuseppe Gagliano.

Au-delà de la rhétorique évidente - et prévisible - liée à l'investiture du nouveau président américain Biden, considéré comme le nouveau messie par l'intelligentsia des gauches européennes, il est légitime de se demander comment le nouvel occupant de la Maison Blanche va évoluer par rapport à la fois à la question de l'Arctique (que nous avons abordée à plusieurs reprises dans ces pages) et à celle non moins complexe du Nord Stream 2.

Commençons par la première question et les positions prises jusqu'à présent par l'administration Trump.

À la mi-2019, le président américain Donald Trump et Mike Pompeo devaient se rendre au Danemark pour discuter de questions principalement liées aux investissements militaires et commerciaux américains au Groenland et à la présence croissante des États-Unis, de la Russie et de la Chine dans la région.

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La base américaine de Thulé au Groenland.

Les États-Unis ont l'intention d'acheter le Groenland et de concrétiser ainsi leur revendication sur cette région et ses ressources. Le Danemark a rejeté toute proposition de vente du Groenland et le gouvernement américain a annulé toutes les réunions prévues. La visite de Pompeo au Groenland a été annulée après que la Chine ait fait des efforts pour investir dans une série d'aéroports et une base militaire abandonnée sur l'île. L'objectif des États-Unis est de contrer l'influence de Pékin, qui a proposé en 2018 d'établir une "route de la soie polaire". L'objectif est d’empêcher les Chinois de prendre pied sur l'île en leur réservant toutefois la possibilité de faire de lourds investissements pour militariser le Groenland.

Outre la coopération économique entre la Chine et la Russie dans l'Arctique, Mike Pompeo a déclaré que le Pentagone avait averti que la Chine pourrait utiliser sa présence civile en matière de recherche dans l'Arctique pour renforcer sa présence militaire, notamment en déployant des sous-marins dans la région comme moyen de dissuasion contre les attaques nucléaires. "Nous devons examiner attentivement ces activités et garder à l'esprit l'expérience des autres nations. Le comportement agressif de la Chine dans d'autres régions influencera la manière dont elle traitera l'Arctique". Ces commentaires sur les éventuelles capacités militaires stratégiques de la Chine dans l'Arctique soulèvent légitimement la question des plans américains pour le Groenland.

Malgré le différend diplomatique de l'année dernière, l'administration Trump semble avoir fait marche arrière par rapport à son projet d'achat du Groenland. Le 22 juillet 2020, Mike Pompeo et Jeppe Kofod ont organisé une conférence commune à Copenhague. L'actuel ministre des affaires étrangères a déclaré que les États-Unis sont "l'allié le plus proche" du Danemark et qu'ils travaillent ensemble pour assurer une "société internationale fondée sur des règles". Par conséquent, tous les pays que les États-Unis considéreraient comme des adversaires se présentent comme des menaces pour l'économie mondiale (comme la Chine) ou comme nuisibles à l'environnement, comme le montre la tentative de régulation du trafic maritime dans l'Arctique par des navires battant pavillon russe. Pompeo a souligné : "Je suis venu ici parce que le Danemark est un partenaire solide. Il ne s'agit pas seulement de nous unir contre la Chine qui sape et menace notre sécurité nationale". Pompeo et Kofod se sont mis d'accord sur un front commun contre la Chine au Groenland et les États-Unis ont promis que le Groenland serait financièrement récompensé pour la présence, là-bas, de la base aérienne américaine de Thulé. Le secrétaire d'État américain a déclaré que le Danemark se verrait offrir de nouveaux liens commerciaux plus solides en échange de l'opposition aux investissements chinois et russes sur leur territoire.

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L'intention des États-Unis d'accroître leur influence dans les régions de l'Atlantique Nord et de l'Arctique par des moyens financiers a été clairement exprimée par Pompeo. Une approche économique de soft power est utilisée par les États-Unis pour assurer le contrôle du Groenland et des îles Féroé. Entre-temps, l'influence américaine sur le Groenland s'accroît déjà depuis qu'elle a ouvert un consulat sur l'île en juin avec l'approbation du gouvernement danois, fournissant une aide de 12,1 millions de dollars en avril.

Outre les facteurs économiques, il y a aussi un aspect stratégico-militaire puisque l'ambassadrice américaine au Danemark, Carla Sands, s'est rendue dans les îles Féroé pour demander la possibilité d'ouvrir un consulat diplomatique et de permettre à la marine américaine d'utiliser ses ports pour des opérations dans l'Arctique.

Un tel accord permettrait aux États-Unis de créer un corridor d'importance militaire s'étendant du Groenland, de l'Islande et des îles Féroé à la Norvège, qui pourrait servir d'outil géopolitique puissant contre les activités chinoises et russes dans la région.

Lors de sa visite au Danemark, Pompeo avait également réussi à organiser une rencontre avec Anders Fogh Rasmussen à l'ambassade des États-Unis à Copenhague. Rasmussen est membre du parti politique libéral "Venstre". Il dirige actuellement sa propre société de conseil politique appelée "Rasmussen Global" et est conseiller principal à la banque américaine Citigroup. Il est important de noter que Rasmussen est un fervent défenseur de l'hégémonie américaine dans le monde et qu'il a été personnellement responsable de la participation du Danemark à la guerre en Irak en 2003.

Après leur rencontre, M. Rasmussen a révélé que le sujet de son entretien avec Pompeo portait sur la manière d'empêcher "des régimes autocratiques comme la Russie et la Chine" d'investir au Groenland et dans les îles Féroé. Rasmussen a conseillé à Pompeo que "si nous voulons empêcher les nombreux investissements chinois au Groenland et dans les îles Féroé, nous avons besoin d'une plus grande participation américaine en termes d'argent. [...] C'est pourquoi j'ai proposé d'aider à soutenir les investissements américains au Groenland et dans les îles Féroé".

L'implication est claire : les États-Unis utilisent également des groupes de pression locaux pour faire avancer leur programme dans les régions de l'Atlantique Nord et de l'Arctique. La prochaine étape est la poursuite de la militarisation de la région, qui pourrait devenir, avec le temps, un futur champ de bataille entre les États-Unis, la Chine et la Russie.

Il semble que les États-Unis, en établissant des consulats au Groenland et dans les îles Féroé, tentent d'influencer directement les acteurs locaux de la région, notamment par des incitations financières telles qu'une subvention de 11 millions d'euros.

Le fait que des acteurs politiques appellent à la sécession du Groenland et des îles Féroé, qui abandonneraient ainsi leurs liens anciens avec le Danemark, est certainement quelque chose que Washington utilisera à son avantage.

Si le Danemark exprime son refus, les États-Unis pourraient commencer à soutenir activement ces mouvements sécessionnistes afin de "diviser pour régner". Les États-Unis n'hésiteront pas à recourir à de telles actions s'ils estiment que leur propre hégémonie est ainsi préservée au détriment de la Chine et de la Russie. Nous doutons que la nouvelle administration américaine modifie ce choix, d'autant plus que la Chine et la Russie sont et restent les principaux antagonistes des États-Unis.

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Passons maintenant à la question complexe du Nord Stream.

Bien que le ministre allemand des affaires étrangères, Heiko Maas, ait espéré pouvoir résoudre la question des sanctions mises en place par Trump, la coopération sino-allemande a été consolidée avec la signature d'un nouvel accord sur les investissements réciproques, accord signé avec la Chine pendant la présidence allemande du Conseil européen. Cet accord a été lu comme une posture offensive anti-américaine par Washington.

Ce n'est pas une coïncidence si Antony Blinken, le nouveau secrétaire d'État, a clairement indiqué que non seulement l'Amérique n'a pas l'intention de permettre l'achèvement du Nord Stream 2, mais que la Chine reste le principal adversaire. Ces menaces discrètes ne rappellent-elles pas les positions de Mike Pompeo ?

En dernière analyse - au-delà des discours tonitruants et creux de la gauche italienne en faveur de la nomination de Biden - nous sommes persuadés - comme l'ont fait valoir Arduino Paniccia et Alberto Negri - que les lignes de force mises en place par l'administration Trump ne différeront pas en substance de celles qui seront appliquées par la nouvelle administration américaine. Si une différence devait apparaître, nous pensons qu'elle se situerait uniquement au niveau des accents et non au niveau de la substance des choix de politique étrangère.

Seung-Hui Cho était un assassin mentalement contrôlé

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Seung-Hui Cho était un assassin mentalement contrôlé

Paul Joseph Watson
Prison Planet

http://www.prisonplanet.com/articles/april2007/190407mindcontrolled.htm 
Jeudi 19 avril 2007

Seung-Hui Cho était un assassin mentalement contrôlé, qu’on croie qu’il était sous l’influence de partis extérieurs ou pas, le fait est que le lavage de cerveau culturel de jeux vidéos violents et de drogues psychotropes a directement contribué, comme toujours dans ce genre ce cas, au carnage de Virginia Tech le lundi matin.

Les confisqueurs d’armes exploitent déjà la tragédie pour désarmer les futurs étudiants et leur enlever une occasion de pouvoir se défendre contre les tueurs fous, mais le cirque médiatique est complètement silencieux lorsqu’il s’agit de blâmer le cocktail mortel de drogues faussant l’esprit et de tuez-les-au-hasard sanglants.

En-dehors de l’évidente culpabilité des facteurs que nous voyons dans chaque tuerie de masse – jeux vidéos et « antidépresseurs » –, de nombreux signaux d’alarme concernant les événements de lundi commencent à suggérer que Cho était davantage qu’un cinglé au cœur brisé avec un motif personnel.

imagesshc.jpgCharles Mesloh, professeur de criminologie à Florida Gulf Coast University,  a dit sur NBC 2 News qu’il était choqué que Cho ait pu tuer 32 personnes avec deux armes de poing sans entraînement spécialisé. Mesloh a  immédiatement supposé que Cho avait dû utiliser un fusil de chasse ou un fusil d’assaut.

« Je suis abasourdi par le nombre de gens qu’il a réussi à tuer avec ces armes », a dit Mesloh, « la seule chose que je peux imaginer c’est qu’il s’est approché d’eux et les a simplement exécutés ».

Mesloh a dit que le tueur se comportait comme un professionnel entraîné, « Il a eu un taux de mort de 60% avec les armes de poings – c’est incroyable étant donné que les 9 mm en question ne tuent pas les gens instantanément », a dit Mesloh, affirmant que les armes que Cho utilisait étaient conçues pour canarder les boîtes de conserve », pas pour exécuter des êtres humains.

Cho n’était certainement pas un empoté, dans l’intervalle de deux heures entre les premiers tirs et le grand déchaînement qui eut lieu plus tard dans la matinée, temps pendant lequel l’Université négligea complètement d’avertir les étudiants bien que disposant des haut-parleurs placés dans tout le campus, Cho eut le temps de filmer une vidéo de confession, de la transférer dans son ordinateur, de l’enregistrer sur un DVD, d’en faire un paquet, d’aller au bureau de poste, de poster le paquet, et de revenir à sa chambre à coucher pour récupérer ses armes et ensuite de revenir à l’extrémité opposée du campus pour reprendre sa joyeuse tuerie. La rapidité presque inconcevable des actions de Cho devient plus suspecte lorsqu’on se rappelle des reportages initiaux qui parlaient de deux tireurs.

Même si on exclut que Cho ait pu recevoir une formation spécialisée en armes à feu, le contrôle mental culturel de jeux vidéos violents et de drogues psychotropes modifiant l’esprit était lui-même un cocktail de lavage de cerveau qui a directement contribué au carnage, comme presque toujours dans ce genre de cas.

Dès les premiers récits de la fusillade, nous avons prédit que le tueur était sous prozac, avait déjà été en soins psychiatriques et avait régulièrement joué à des jeux vidéos violents, et cela s’est précisément révélé être exact dans les trois cas.

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« Plusieurs jeunes Coréens qui connaissaient Cho Seung Hui depuis le lycée ont dit qu’il était un fan de jeux vidéos violents, en particulier d’un jeu nommé ‘Counterstrike’, un jeu online très populaire dans lequel les joueurs rejoignent des groupes terroristes ou contre-terroristes et tentent de tuer les autres en utilisant tous les types d’armes à feu », rapporte Newsmax en citant le Washington Post.

« En décembre 2005 – plus d’un an avant la tuerie de masse de lundi – un tribunal de district dans le comté de Montgomery, Va., a conclu que Cho présentait ‘un danger imminent pour lui-même ou les autres’. C’était le critère nécessaire pour un ordre de détention, afin que Cho, qui avait été accusé de harcèlement par deux filles camarades de classe, puisse être évalué par un docteur d’Etat et contraint de se soumettre à des consultations externes », rapporte ABC News, « mais bien que le tribunal ait identifié le futur tueur comme un risque, ils l’ont laissé partir ».

Les enquêteurs pensent que Cho Seung Hui, le tueur de Virginia Tech, avait pris des antidépresseurs à un moment quelconque avant la fusillade, d’après le Chicago Tribune.

Les tueurs de Columbine Eric Harris et Dylan Klebold, ainsi que Kip Kinkel, le tueur de l’Oregon âgé de 15 ans qui a tué ses parents et des camarades de classe, étaient tous sous drogues psychotropes. Les études scientifiques prouvant que le prozac encourage les tendances suicidaires chez les jeunes sont volumineuses et remontent à presque une décennie.

Jeff Weise, le tueur du lycée de Red Lake était sous prozac, « Unabomber » Ted Kaczinski, Michael McDermott, John Hinckley, Jr., Byran Uyesugi, Mark David Chapman et Charles Carl Roberts IV, le tueur de l’école Amish, étaient tous sous drogues psychotropes SSRI.

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Puisque ces drogues dangereuses prévalent dans presque tous les incidents de tueries de masse, pourquoi ne demande-t-on pas l’interdiction du prozac ? Pourquoi ce réflexe de toujours attaquer le Second Amendement donnant aux Américains le droit à l’autodéfense ? -  un droit qui fut exercé en janvier 2002 quand des étudiants ont maîtrisé un tireur dans une autre Université de Virginie avant qu’il ne puisse tuer plus de trois personnes – parce qu’ils avaient le droit de porter une arme sur le campus.

Pourquoi les raisons profondes qui poussent les jeunes à tuer sont-elles mises de côté alors que les fanatiques du contrôle demandent que les citoyens respectueux de la loi soient désarmés de la seule chose qui peut les protéger de tels déments ?

Les questions sur la séquence des événements de lundi à VA Tech, ainsi que le profil du tueur, soulèvent une suspicion croissante.

Nous avons reçu de nombreux appels et e-mails nous signalant le fait que VA Tech enlève les liens de son site web concernant leur relation avec la CIA. Des rapports de novembre 2005 confirment que la CIA était active dans des programmes de recrutement basés en-dehors de VA Tech. Plusieurs professeurs de VA Tech sont impliqués dans des programmes gouvernementaux liés à la NASA et d’autres agences.

Wikipedia a aussi retiré une bizarre photographie prise récemment, où Cho porte un uniforme des US Marines. 

De tels détails ne font qu’attiser le feu des accusations selon lesquelles Cho aurait pu être un « candidat mandchou », un assassin sous contrôle mental.

Le programme de la CIA pour créer des assassins sous contrôle mental qui pourraient être activés par des mots codes, MK ULTRA, n’est pas une théorie du complot, c’est un fait historique documenté par des dossiers gouvernementaux déclassifiés et des auditions du Sénat. Le président Bill Clinton lui-même a dû présenter ses excuses pour le programme avant de quitter son poste.

Au Sénat en 1977, le sénateur Ted Kennedy a dit : « Le directeur adjoint de la CIA a révélé que plus de trente universités et institutions étaient impliquées dans un programme de ‘tests et d’expérimentations étendues’ qui incluaient des tests secrets avec des drogues sur des citoyens non-volontaires ‘à tous les niveaux sociaux, haut et bas, Américains natifs et étrangers’ ».

51jSLc80u5L._SL350_.jpgUne victime de ces expériences fut Cathy O’Brien, qui immédiatement après la fusillade répéta les révélations dans son dernier livre, selon quoi Blacksburg en Virginie est un lieu central pour les programmes de contrôle mental qui sont encore en cours aujourd’hui.

Les programmes de contrôle mental peuvent être remontés jusqu’aux années 1950 et au Projet Bluebird, plus tard renommé Artichoke. Du blogger Kurt Nimmo :

« Bluebird fut approuvé par le directeur de la CIA le 20 avril 1950. En août 1951, le Projet fut renommé Artichoke. Bluebird et Artichoke incluaient une grande quantité de travaux sur la création de l’amnésie, de messages hypnotiques, et de candidats mandchous », écrit Colin A. Ross, MD. « Les documents Artichoke prouvent que des messages hypnotiques fonctionnaient effectivement dans des simulations dans la vie réelle conduites par la CIA au début des années 1950. Le degré dans lequel de tels individus furent utilisés dans des opérations réelles est encore classifié… Bluebird et Artichoke étaient administrés d’une manière compartimentée. Les détails des programmes étaient gardés secrets même vis-à-vis des autres personnels de la CIA… Les matériels Bluebird/  Artichoke établissent de manière concluante que des ‘candidats mandchous’ ont été créés et testés avec succès par les physiciens avec une évaluation Top Secret de la CIA… En plus d’être des messagers et des agents d’infiltration potentiels, les sujets pouvaient aussi servir de caméras hypnotiquement contrôlées. Ils pouvaient entrer dans une salle ou un bâtiment, mémoriser rapidement des documents, quitter le bâtiment, et ensuite être amnésique pour l’épisode entier. Le matériel mémorisé pouvait ensuite être récupéré par un manipulateur utilisant un code ou un signal précédemment implanté, sans que l’amnésie ne soit interrompue. L’hypnose n’était cependant pas la seule méthode de contrôle mental des docteurs pour la création d’amnésie contrôlée. Les drogues, les champs magnétiques, les ondes soniques, la privation de sommeil, le maintien en isolement, et beaucoup d’autres méthodes furent étudiées sous Bluebird et Artichoke. »

Sirhan_Sirhan.gifLes chercheurs s’intéressant aux assassinats par des supposés « dingues isolés » retombent toujours sur des indications faisant penser à des expériences de contrôle mental par la CIA. Le meilleur exemple est Sirhan Sirhan, l’assassin de Bobby Kennedy. Il s’avéra que Sirhan était dans un état de transe complète après avoir pressé la gâchette et qu’il ne pouvait même pas se souvenir d’avoir tiré sur Kennedy lorsqu’il fut interrogé sur l’incident quelques jours après. L’avocat de Sirhan, Lawrence Teeter, a présenté des indications concluantes selon lesquelles Sirhan était sous contrôle mental.

Quelle que soit la façon dont on le prenne, Seung-Hui Cho a été la victime d’un lavage de cerveau et d’un contrôle mental. Les vraies questions ne sont pas posées et le doigt de l’accusation est pointé dans la mauvaise direction, assurant qu’une autre tragédie comme le massacre de VA Tech est presque garantie.

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Publié sur www.Prisonplanet.com 

Reproduit sur www.gnosticliberationfront.com

Le massacre de V-Tech :
un ‘candidat mandchou’ en temps réel

News Commentary – 19 avril 2007

Reproduit à partir de THE TRUTH SEEKER :
http://www.thetruthseeker.co.uk/ 
Les étudiants témoins de l’Université de Virginia Tech insistent tous sur le comportement robotique et détaché du tueur, Seung-Hui Cho.

* il tuait avec un abandon inconscient
* ses victimes étaient prises au hasard
* il ne tuait pas en autodéfense

Ce type de comportement peut être considéré comme indicatif d’un contrôle mental, et/ou d’une modification comportementale importante par l’utilisation d’appareils mécaniques tels que des implants de micropuces d’ordinateur.

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Les faits :

Virginia Tech est situé à Blacksburg, VA.

Blacksburg, VA, abrite un laboratoire souterrain ultrasecret du gouvernement US (dans le flanc d’une montagne près de Blacksburg) qui développe en conjonction avec la DARPA des armes comme le programme de contrôle mental robotique humain.

Virginia Tech est spécialise dans :

* la biomécanique et la manipulation du tissu cellulaire
* la manipulation biomédicale
* la manipulation d’ADN 
* l’étude de l’impact des nouvelles technologies sur le comportement humain 
* possède des départements pour les traumatismes infantiles liés aux catastrophes qui rendent compte directement à Laura Bush
* travaille sur les maladies humaines, végétales et animales
* aide à faire progresser des sciences similaires aux semences végétales  de Monsanto, résistantes aux insectes et aux maladies.

Plus de détails sur Virginia Tech :

* possède sur le campus des experts en grippe aviaire H5N1
* est un partenaire actif de la DARPA (Defense Advanced Research Projects Agency)
* travaille activement sur des projets de neuro-manipulations (contrôle mental)
* les étudiants de Virginia Tech sont fréquemment recrutés par la CIA

V-Tech a reçu et continue à recevoir des millions de financement de la  DARPA

La DARPA – la clé de ce qui est en train de dégrader l’âme de l’Amérique, et du monde.

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Liste des intérêts de la DARPA (500 millions de dollars dépensés depuis 2001) :

* technologie d’intelligence artificielle supérieure 
* robots de combat sous contrôle mental 
* avions sans pilote pouvant être dirigés seulement par la pensée
* systèmes de commande vocale à distance
* soldats de combat préprogrammés autonomes
* appareils avancés d’implantations de puce sur des humains 

La DARPA est la branche de recherche du Pentagone  

La DARPA en même temps que l’Université de Virginia Tech est fortement impliquée dans la nanoscience et la nanotechnologie avec un accent particulier placé sur le diagnostic du cerveau humain pour tester des  nanoparticules.

Les buts du massacre d’étudiants de V-Tech :

* application dans le monde réel de l’« arme parfaite »
* recueillir un appui pour le contrôle ou l’interdiction des armes
* créer des diversions
le même jour du débat pour stopper le financement de la guerre et le retrait des troupes (Congrès, DOD, Pentagone, WH)
Alberto Gonzales et les avocats de l’Etat ciblant le Procès d’espionnage de l’AIPAC

Etouffement/défense :

* livrer au public un seul pigeon et un seul dingue isolé

Groupes de soutien :
* principaux médias
* analyse psychiatrique d’un bouc émissaire par des experts
* traces évidentes de preuves fabriquées
* public naïf et ignorant

Notes :

* tous les nouveaux bâtiments sur le campus sont construits avec du calcaire local (le même que celui de la Grande Pyramide d’Egypte), une substance neutre avec un transfert de fréquence et une résonance stables

* Virginia Tech est l’une des trois seules universités publiques aux Etats-Unis à soutenir à la fois un style de vie militaire et non-militaire 

* la plupart des anciens étudiants de Virginia Tech sont ou ont été activement impliqués avec la NASA

* l’Université de Virginia Tech se vante de posséder un réseau de grille  informatique de haute-performance ; est connectée au National Lambda Rail, une centrale nationale de fibre optique reliant les laboratoires de recherche à des capacités de superordinateur, de stockage et de visualisation 

Vidéo : Le "Candidat mandchou" parle sans émotion de ses frères et sœurs (sa confrérie ?)

Résumé :
Virginia Tech réunit les meilleurs esprits du pays qui s’intéressent à la technologie, créant ainsi une réserve de candidats potentiels à partir de laquelle la DARPA, la CIA et d’autres agences gouvernementales peuvent  activement chercher des recrues pour leur « confrérie » – une campagne pour créer une « race » supérieure d’êtres mécaniquement manipulés, tout en réduisant simultanément les populations humaines et en asservissant les humains pour servir à leurs futurs maîtres robots.

Reproduit sur www.gnosticliberationfront.com 

Du côté de chez Michel Déon, une rencontre avec Stanislas Beren

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Du côté de chez Michel Déon, une rencontre avec Stanislas Beren

par Luc-Olivier d'Algange

C’était par une de ces fins d’été tumultueuses où l’ordre du monde, longtemps immobilisé par des beaux jours presque indiscernables les uns des autres dans leur perfection, semble se remettre en mouvement, tout en gardant de la haute saison, sa lumière puissante derrière les nuées, si bien que les brusques averses étaient lustrales ; et miroitantes comme des mirages les rues de Paris. A chaque seconde on attendait un arc-en-ciel dont les couleurs étaient annoncées par celles des parapluies, seuls accessoires, en la mode morose de cette année, à oser encore le versicolore.

2070369994.jpgJe sortais d’un cinéma où m’avait chassé une averse. Les intempéries sont, mieux que les critiques, les propagandistes les plus convaincants des salles obscures. J’avais aimé quelque peu le film, intitulé Un Taxi mauve, où des acteurs de belle allure et de grand style faisaient vibrer la langue française dans leur poitrine, où les regards s’apaisaient en douces mélancolies vertes et grises dans les paysages ruisselants. Les cinéphiles s’étaient promptement dispersés. Nous seuls demeurions abrités près des affiches, avec nos chemisettes et nos sandales. Nous, c’est à dire un homme d’une blondeur quelque peu hirsute qui semblait vouloir lier conversation, et moi-même, qui était, ce jour-là, d’excellente humeur à écouter.

« C’est être, sans doute, sans indulgence de dire que ce film vaut bien moins que le livre dont il s’inspire, car un film est, par définition, toujours en-deçà d’un livre, l’image étant réduite par le mouvement, le son réduit par l’image, les mots réduits par le son et l’image… On songe infiniment devant un Carpaccio, on est emporté par quelques notes de Couperin ou de Debussy, et un seul vers de n’importe quel poète, et je me refuse à dessein de citer les plus grands, les plus monumentaux, un seul vers de Jean-Paul Toulet ou de Francis Jammes, sauvegarde en nous, et mieux encore, invente en nous, des heures essentielles, nous subjugue, tout en nous laissant la liberté de le quitter des yeux et de la mémoire… Alors que le cinéma, avec ses lourdes machineries, sa volonté de fascination, l’obligation qu’il nous fait de suivre son récit à son rythme, est aussi plein de distractions, et d’ailleurs, le mieux qu’on y peut faire, en général, est de s’y endormir, s’en distraire, honorant ainsi la salle obscure, et d’y faire un rêve plus beau que le film, ou bien de se laisser divaguer par une compagne intimidante qu’en plein jour nous n’eussions osé embrasser… J’espère que ce préambule n’offense point le cinéphile que vous êtes peut-être, et comme l’était au demeurant l’auteur même dont s’inspire ce film que nous venons de voir, Michel Déon, dont vous connaissez peut-être les ouvrages, et dont je crois pouvoir vous parler quelque peu, si quelque tâche urgente ne vous requiert pas. »

Les tâches urgentes étant si peu mon fort qu’il m’était impossible même de les feindre, l’otium étant inscrit sur ma face comme la compassion humaine sur celle d’un huissier, il m’était bien impossible de décliner l’offre d’une conversation à propos d’un auteur qui avait, par surcroît, écrit un livre dont le titre Je me suis beaucoup promené résumerait sans doute mon existence à l’heure dernière.

« On dit souvent, continua le sympathique personnage, que l’on aime sans raison, mais s’il s’agit d’un amour qui n’est pas seulement bêtifiant ou funeste, n’est-ce pas qu’on peine à dire la raison de notre amour surtout parce que toutes les bonnes raisons alors convergent en une seule, que nous peinons à dire, n’en discernant que le point d’impact qui nous aveugle ou nous assourdit à cela même que nous devrions aimer ? Je ne crois guère à l’indicible. Vaut-t-il d’être dit si nous ne pouvons le dire ? N’est-il point la part laissée à la plus mauvaise paresse ? L’otium réclame une énergie intacte et éclatante. Les bourreaux de travail sont des énervés, littéralement des hommes sans nerfs, ils travaillent car ils sont sans nerfs, débilités, faits comme des rats de laboratoire…  Aussi bien si vous me demandez pourquoi j’ai aimé les livres de Michel Déon, je m’en vais vous le dire sans barguigner, et vous le dire avec des raisons, non des ratiocinations, des raisonnements, mais des raisons comme on dit des raisons d’être, comme on songe à ce que disait, il y trois siècles environ, cette belle expression, l’entendement humain, et qu’on ne peut comprendre vraiment sans éveiller en soi quelque lignage spirituel grec ou français. »

416BPVKBJYL._SX210_.jpg« Oui, les Pages grecques, les Pages françaises… Il me semble qu’il n’est rien de plus universel que d’appartenir, et ces seuls mots, « françaises », « grecques », s’accordent parfaitement à cette beauté lissée, miroitante, qui nous environne à ces coloris enlevés, ravivés par l’eau, aux pavés soudains plus sombres et rutilants, à cette pluie claire et drue, à ce frémissement de fin d’été, où la nostalgie des belles heures revient comme un ressac, comme une houle homérique, comme un étincellement d’esprit… »

Je n’allais pas beaucoup plus loin dans mon exégèse, avouant joyeusement mon ignorance à cet amateur plus éclairé que moi, et bien décidé, par surcroît, à jouir de ce plaisir, plus fréquent que l’outrecuidance humaine habituelle n’aime à le concevoir, à apprendre quelque chose de précieux, d’amusant ou de rare d’un de mes semblables. Si l’idée m’est rarement venue de me féliciter de quoique ce soit, mes actes n’ayant à mes yeux rien d’esbaudissant ni de franchement répréhensible (et le temps presse !) il m’est arrivé cependant maintes fois de me congratuler de cette heureuse disposition d’esprit qui me laisse écouter au lieu de m’épuiser à sans cesse vouloir en remontrer. J’en fis part, par le propos et l’exemple, à mon ami de la dernière pluie, dont je ne savais pas encore le nom,  pour qu’il fût à son aise de poursuivre, sans guère limites temporelles, ses libres propos, avec tout l’art digressif dont je le devinais capable. Je lui trouvais d’ailleurs, à le regarder autant qu’à l’écouter, quelque chose de si peu temporel, que placé comme il se trouvait, en contre-jour, devant un soleil certes voilé mais impérieux, il me semblait un peu fantomatique, mais que les fantômes parlent, rien ne plus heureusement naturel ! Au demeurant, il abondait dans le sens de mes propos, ce qui est toujours agréable, et nous donne le sentiment, non point d’être intelligent, mais de n’être pas indésirable.

«  On ne saurait, mieux que vous ne le faites à l’instant, définir la qualité propre du lecteur et de l’auteur de romans, et de Michel Déon en particulier. Si les intellectuels se ruent sur de fastidieux, et souvent presque illisibles, ouvrages de psychologie et de sociologie, au lieu de lire des romans aimables et profonds, sans doute est-ce qu’ils ne peuvent consentir à être les hôtes d’une pensée étrangère qui ne s’offre que pour elle-même et le plaisir de moments moins esseulés, sans accroître en rien ce pouvoir illusoire que nous croyons avoir sur les choses en les expliquant… Il n’est point de plus âpre xénophobe que celui qu’un roman importune comme du temps perdu dans sa recherche de la vérité.  Ce dont un autre homme que lui songe ou se souvient l’écarte de ce qu’il croit devoir savoir. Cette effrayante restriction mentale a fait les hommes de ce siècle, les spécialistes, les idéologues, les moralisateurs, et autres atrabilaires de l’impératif catégorique, hommes creux, comme dit le poète, ou hommes sans visages, qui préfèrent leurs abstractions à la simple dignité des êtres et des choses. Ils descendent, ces auto-proclamés humanistes, des universités françaises, hélas (comme les lémures des montagnes du Grand Forestier dont parle Ernst Jünger) et retournent dans leurs pays pleins de charmes et de senteurs pour massacrer, aux noms d’immortels principes, les trois quarts de leurs population… Mais je m’égare dans l’évidence, c’est le Pol-Pot aux roses, n’en disons pas plus, il n’y a aucun argument à leur opposer, ils sont parfaits, et, au contraire des personnages des romans, ils n’ont nul besoin de notre indulgence… On ne réfute point le sinistre, on lui échappe, et s’il est un écrivain qui eut le sens des échappées belles, c’est bien l’auteur dont je vous parle. Impossible d’en remontrer aux démonstrateurs, à moins de se faire, comme eux, monstrueux. Je puis maintenant me livrer à un aveu, je dois à Michel Déon de m’avoir laissé m’échapper… »

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Cette dernière phrase ayant été dite sur un ton sinon plus grave, du moins plus assourdi, et la pluie étant devenue clairsemée, des gouttes ici et là comme tombant de très-hauts arbres invisibles, je proposais que nous poursuivions notre conversation en marchant, en attendant de nous laisser séduire par un café ou une brasserie, favorablement située et sans musique d’ambiance, ni clones appareillés de portables à oreillettes, - cette pollution humaine et sonore qui donne aux plus équanimes des hommes de goût des instincts terroristes. A leurs branches les plus jeunes, des arbres oscillaient avec bonhomie au vent qui avait dispersé l’averse sans l’abolir. Nous croisions en quantité égale les parapluies fermés, nous donnant raison, et les parapluies ouverts comme des reproches maternels. La vie semblait bien vive dans ses effluves. Elle redoublait de sympathie pour nous, et nous étions quelque peu émus de lui appartenir.  L’après-midi, d’ordinaire plus pesante que ne le sont les matinées et les soirées, était réveillée par le hasard et notre bonne volonté, si l’on peut nommer hasard, cette rencontre, cette conversation. Je fis remarquer à mon compagnon de route que l’été était si peu oublié qu’il nous offrait encore, par intermittence, des donzelles courts vêtues, qui, cheveux mouillés, avaient l’air de sortir de la douche et dont les peaux blondes s’irisaient par éclats. Aux regards obliques, mais rieurs, qu’elles nous jetaient en passant, on devinait qu’elles devinaient nos pensées.

« Peu de personnages féminins, dans les romans, échappent à la caricature, à l’esprit de vengeance des romanciers qui en ont bavés, et qui ne désirent plus, ou au ridicule, lorsque les romanciers sont des romancières. Il fallut attendre la fin de la littérature romantique, pour que les femmes fussent honorées, en l’étant en toutes lettres, puis encore, en les tenant plus ou moins pour des créatures humaines, et parfois trop, mais délicieuses, et dont on ne peut se lasser, si toutefois, contrairement à ce qu’elles croient, on peut s’en passer ! (Je laissais résonner un moment la phrase, comme après l’avoir entendu sans y prêter attention, on recompte le son des cloches disant l’heure.)

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Dans les romans de Michel Déon, continua mon compagnon, les femmes sont merveilleusement dissemblables, il en est de cyniques, de folles, de généreuses, d’habiles, de farouches, de légères, de gracieuses, de vaines, de profondes, de méchantes, de perverses et d’innocentes (parfois les mêmes). Leur beauté les emporte et l’âge ne les détruit pas toujours. Le lecteur remercie à chaque page l’auteur de ne pas nous parler de la Femme, ou des Hommes, avec des majuscules, de fuir les généralités, de n’avoir pas l’outrecuidance de juger, ou de le faire avec indulgence et bonté. C’est un art qui s’est perdu. De nos jours, il semble que les femmes et les hommes écrivent surtout pour se plaindre et en appeler à des cours internationales pour qu’il soit jugé des torts réels ou imaginaires qu’ils ressassent. On est tenté, parfois, de voler dans ces plumes vengeresses : elles nous fatiguent, elles offensent le don dont elles héritent et qui mérite mieux, car en son secret gît le secret de nommer, admirable aventure ; et les sensations même qui affleurent en nous, dans ce beau voyage qui va de la profondeur vers la surface, comme le savait Condillac, tiennent étroitement, amoureusement, aux mots qui les disent. N’est-ce pas assez de cette puissance, de cet honneur ? L’ingénuité  heureuse est la plus profonde sagesse. Si l’on croit tant que les mots nous mentent, et qu’ils sont sans pouvoir, pourquoi, au lieu d’écrire, ne pas vendre des aspirateurs ? Voici donc, dans les romans de Michel Déon, des personnages, des paysages, des époques, toute l’illusion romanesque si l’on veut, mais comment prouver que cette illusion est moins illusion, ou cette réalité moins réelle que celle qui nous entoure aujourd’hui ? Voyez par exemple, le nom de cette rue, qui file à votre droite vers un jardin de marronniers, j’étais persuadé depuis toujours qu’elle portait un autre nom que celui que nous pouvons lire, vous et moi à cet instant : la rue André Fraigneau… Il nous reste à marcher entre les gouttes jusqu’à la place Valery Larbaud, où nous seront sûr de nous retrouver après nous être quittés, - ce qui est si rarement le cas, nous l’oublions trop… Les êtres humains, se plaisent, se parlent, se quittent avec une indifférence qui me semble souvent abominable, sans être jamais effleurés par le sentiment, je ne dis pas la crainte (car la crainte n’éloigne pas le danger comme disaient les romains) qu’ils pourraient fort bien ne se revoir jamais, et que les derniers mots entendus, un banal au-revoir, une plaisanterie à la venvole, puisse être les derniers. Bien sûr ceux qui n’imaginent pas, ne peuvent pas être romanciers, et moins encore des romanciers qui suscitent l’amitié de leurs lecteurs. Cette petite merveille qu’est un roman nous donne la chance inouïe de retrouver, après quelques décennies un personnage aimé, alors que l’ami qui nous offrit le roman est mort mais revit, dans le roman qu’il nous a offert et qui nous redit de pages en pages le nom de celui qui en fut, pour nous, le passeur… Il y a des spécialistes pour classer des romans, en nouveaux, anciens, expérimentaux, classiques, d’autres pour dépouiller leurs « procédés narratifs » leurs « focalisations internes ou externes ». Ces brave gens s’évertuent à expliquer l’art romanesque un peu comme un musicologue maniaque s’évertuerait à expliquer Couperin en démontant le clavecin. A chacun ses lubies. Mais au fond, je crois qu’il n’est que deux sortes de romans, ceux qui offrent l’hospitalité au lecteur et ceux qui la lui refusent. Michel Déon appartient incontestablement aux hôtes bienveillants, et qui savent recevoir, et qui savent être reçus. Et l’art en la matière est aussi de deviner quant il faut lever l’ancre et laisser partir… Et là, je crois le moment bien venu de me présenter, ce que j’eusse fait déjà si je n’avais tant été charmé par la qualité de votre attention à mes propos peut-être un peu décousus… »

Et de me tendre une main, sèche et vigoureuse : « Monsieur, je me nomme Stanislas Beren ! »

imagesmdds.jpgUne éclaircie soudaine m’enivra. J’étais encore dans le charme de la conversation, dans les remuements météorologiques qui s’accordaient si bien avec cet échange, que je tardais à reconnaître la raison de mon saisissement, l’attribuant tout d’abord à une cause qui lui était étrangère. Mais ce n’était pas le monde qui tournait imperceptiblement dans le jour, ce n’était pas cette atmosphère qui me faisait penser au début des Voyages dans les Empires de la Lune et du Soleil de Cyrano de Bergerac, ce n’était pas d’être au cœur d’une après-midi magnifiquement sauvée de la banalité, ce n’était pas même une de ces sensations de « déjà vécu », que les scientifiques expliquent par un micro-sommeil, et nomment paramnésie, c’était le nom, tout simplement, qui me revenait, Stanislas Beren, le nom du personnage  d’un des plus beaux romans de Michel Déon, Le déjeuner de soleil.  Le plus étrange fut sans doute que pas une seconde  je ne doutais que mon ami de la dernière pluie se nommait effectivement Stanislas Beren. La ressemblance frappante avec le personnage décrit par Michel Déon  et jusqu’à son inquiétude visible de n’être pas cru, avaient ôté de mon esprit l’hypothèse vulgaire d’une blague ou celle, désobligeante, d’un cas de démence qui eût été manifestement en contradiction avec les propos qui m’avait été tenus jusqu’alors d’une voix si ferme et si doucement ironique.

Eh quoi ! Si Stanislas Beren se présentait sous le nom de Stanislas Beren, pourquoi en douter ? Par un phénomène que des esprits plus obséquieux à l’égard du sens commun jugeront peut-être un peu étrange, de savoir le nom de mon interlocuteur me rassura : tout était dans l’ordre. Notre aimable divagation pouvait reprendre son cours. Peu importait que ce fût le livre de Michel Déon qui eût, comme le suggérait Stanislas Beren, laissé s’échapper son personnage, ou que, fausse-vraie fiction, Le Déjeuner de Soleil eût été exactement pour ce qu’il se donnait : le récit, par ses œuvres, de la vie d’un romancier ayant vraiment existé… Et qui eût été sauvegardé, par « une jeunesse sans enfance antérieure et sans vieillesse possible », comme les dieux dont parle André Fraigneau, par le génie du romancier…  Peu m’importais, j’étais tout à la joie de savoir qu’il ne m’était pas interdit d’entrer de la façon la plus rare et imprévue, dans le secret d’un roman, dans la genèse d’une pensée.

Prolongeant mes pensées comme s’il venait de les lire, Stanislas Beren repris la parole, après avoir attendu poliment  que je reprenne mes esprits :

unnamedmd1s.jpg«  Oui, des romans nous sommes les hôtes, ils nous reçoivent, nous les recevons. Ils nous quittent, et nous les quittons, mais une puissante gratitude nous tient en leurs entours. Quelque chose d’eux est venu rafraîchir notre front comme cette pluie d’été alors même que nous n’y pensions plus. A les lire, sur une terrasse de café, au bord de la mer, ou dans une chambre bien close sur la nuit qui s’est elle-même refermée sur la ville, comme protégés par de grandes ailes, nous avons laissé entrer en nous ce qui ne nous appartenait pas, mais qui nous révèle. La vie quotidienne (comme les mauvais romans à laquelle la vie médiocre se conforme) est bousculée entre l’anecdote et l’abstraction, qui sont l’une et l’autre tristes comme des écorces mortes. Les beaux romans, dignes d’être lus et vécus, redéploient la gradation, entre ce qui nous heurte et ce qui s’évanouit entre nos mains. Entre l’insaisissable et le saisissable, voici les promenades, le noctambulisme, l’élégance des fils de roi, les amours, les îles : tout ce dont nous parle Michel Déon, avec cette vertu platonicienne majeure du romancier : le double regard. Ce qui va s’accomplir est déjà accompli, mais, en même temps, il ne l’est pas, il reste en suspens dans la phrase émue. C’est encore cet autre personnage, d’Un souvenir, qui se voit ne sachant pas encore ce qu’il sait déjà d’un amour : sa beauté perdue.  Sa savante sagesse est de retrouver et de comprendre la sagesse de sa naïveté…  Loin de moi l’idée d’en dire du mal, tant j’aime ses dentelles blondes et son génie,  mais reconnaissons que Céline nous a légué quelques uns, mais comme on jette des os à des chiens,  des lieux communs assez opaques de notre époque, du genre «  la petite musique » et « l’émotion »… Les midinettes et les chanteurs de variété n’en peuvent plus ! Mais à tant se représenter elle-même comme émotion, l’émotion finit frigide, si elle fut jamais autre chose. Piètre émotion qui doit s’exacerber sans cesse dans sa propre représentation, qui doit s’autoproclamer, dans une sorte d’impudeur pathétique et dictatoriale ! Sous son règne nous vivons, nous laissons passer les vociférations, le vacarme, les larmoyades futiles, les « toujours » et les « jamais » profanés, le néant dévorant, nous laissons place aux barbares dont le propre est de tout prendre au sérieux comme disait La Bruyère, car nous sommes seuls, nous renonçons, nous cédons du terrain… Mais nous apprenons, à lire les romans de Michel Déon, et comme le disait Valery Larbaud, à ne pas « rebuter ce qui est donné ».  Et ce qui nous est donné, outre la vie magnifique, c’est, comme l’écrit Michel Déon « ce quelque chose d’éperdu et de confiant qui crie toujours au bonheur ».  Etre insulaire, ce n’est pas fuir le monde et le temps, c’est entrer dans leurs cœurs : «  D’un côté la surexcitation à vide, la sentimentalité imbécile, l’inattention complète à tout ce qui importe. De l’autre, un univers où la pluie, le scandale du voisin, une harde en folie, le passage d’un banc d’anchois remplissent si bien le temps que les insulaires ont perdu toute antenne avec le drame qui se joue en dehors d’eux dans la folie, l’abêtissement et la psychose de la technique. »

Sans doute faut-il savoir qu’à chaque seconde nous pouvons quitter ce qui nous est donné pour en mesurer la splendeur. Ce qui existe a bien du mérite, si l’on songe à l’impiété humaine, à la faveur extravagante en laquelle la plupart d’entre nous tenons ce qui n’existe pas et qui nous donne le beau prétexte pour médire de ce qui est, du proche comme du lointain, qui apparaît à nos yeux, ou comme un souffle sur nos paupières fermées. A quel mépris s’exposent les moindres apparences de la vie, humble et belle, et grandiose, et infinie ! Comme elle est assidue à nous servir cependant, diverse dans ses attraits, si fière et soumise, alors que nous passons sans rien voir. Naguère, en se quittant, les hommes se disait « Adieu » ou encore « A la Grâce de Dieu » ; et ce n’étaient pas par superstition, ni d’être tant dévots, mais pour simplement faire honneur à la beauté et à la fugacité de la rencontre. Ecoutant Stanislas Beren, je mesurais l’honneur en lequel cette fin d’après-midi me tenait, la « chance », si l’on veut, avec son « plus secret conseil ».

unnamedHerneMD.jpg«  Un romancier donne à ses personnages, à ses situations, un relief que la vie inventée par le barbare moderne méconnaît : le relief de ce qui aurait pu ne pas exister, l’escarpement sur le néant, le bonheur inespéré de ce qui n’a pas été englouti. Ainsi les îles, les romans, en ces âges noirs, que l’horizon révèle, fragments d’Atlantis, instants qui se tiennent dans l’immensité des eaux… Je me permets de vous citer mon romancier: Rien n’est tout a fait inventé, rien n’est tout à fait vrai, et il n’est pas nécessaire d’aller dans les îles pour rencontrer des forces occultes , mais sans doute du fait que les îles sont pour la plupart des survivances de continents disparus ou effondrés à l’époque de la grande mutation glaciaire qui éleva de deux cents mètres le niveau des mers du globe, ces forces occultes ont acquis dans l’esprit des insulaires une puissance qui tient à la tradition, vérités immémoriales transmises comme un dernier souffle de générations en générations, adoptées par de nouveaux immigrants qui les recueillaient de ceux qu’ils chassaient, massacraient ou, au contraire, auxquels ils se mêlaient comme ce fut le cas des Doriens avec les Achéens. Le « je me souviens » du romancier repose mieux que dans le présent, dans la présence même, qui est de deux cent mètres plus haute que l’oubli, cette juste hauteur à laquelle le romancier doit poser ses phrases pour qu’elles disent une réalité où rien n’est vrai ni inventé parce que tout est réel. Le temps nous élève ; de notre mémoire, il fait une île dorique, de nos romans, des preuves d’amour si grandes qu’elles survivent à la trahison qui est le propre de tous les serments d’amour… Et qui nous dit que les îles ne sont pas plus belles que ne l’eût été Atlantis sauvegardée ? Non certes que les romans embellissent la vie, mais du peu qu’ils témoignent demeure,  insulaire et plus vaste, la mémoire, et nous pouvons tournoyer de joie sans quitter l’horizon des yeux, c’est-à-dire sans oublier notre limite, et voyant mieux que nous ne le faisons chaque jour dans nos tristes travaux… Comprenez-vous, je suis la créature de ces mots qui sont plus légers que les choses, mais les innervent en profondeur, et nous donnent le sens du voyage « de la profondeur vers la surface » comme disait Montherlant. Rien n’est plus effrayant que ces gens qui se déclarent profonds, que gardent-ils donc dans leurs profondeurs ? Quels remugles ? Par bonheur, les romans de mon romancier sont peuplés de personnages que les puritains diraient superficiels, comme le sont les îles, tout offertes à la beauté du temps, du soleil d’Irlande ou de la pluie grecque, offertes pour nous qui pouvons y entrer et en sortir, à la chance des flots, par la grâce de ces constructions délicates et savantes, ces voiles, où les temps s’entretissent avec une virtuosité qui relève moins du « travail du texte » ( formule hideuse jadis en usage chez les universitaires) que d’une virtu, au sens italien, autrement dit une sorte de virilité spirituelle, homérique, une façon pleine d’esprit d’être humain… Je parlais d’une certaine préférence pour ce qui existe… Si les romans de Michel Déon ignorent souverainement le temps linéaire, c’est tout simplement que le temps linéaire n’existe pas, ni dans la pensée de celui qui se souvient ou qui invente, ni dans la réalité elle-même. Nous ne croyons en cette illusion restreinte que pour autant que nous y voudrait faire croire une société qui nous oblige à pointer, et donne à notre destin le sens d’un plan de retraite. Mais voyez cette heure que nous venons de passer au sortir de la salle obscure, il semblerait qu’elle eût cheminé à rebours de la direction ordinairement impartie, voici que le temps est plus clair, comme inversé, les nuages se sont éloignés, comme en accéléré, vers d’autres quartiers de Paris, et n’avez-vous pas l’impression d’être né, il y a une heure à peine ? Tout ce qui nous entoure ne vous semble-t-il pas extraordinairement neuf et rutilant ? »

Cette dernière phrase de Stanislas Beren me toucha d’une façon exquise, si l’on redonne à ce mot, en même temps la gourmandise et la pointe aiguë, douloureuse, d’une sensation qui nous fait douter d’être là en même temps qu’elle hausse nos sensations à plus d’intensité. Il me parut toucher un aspect essentiel de la nature humaine : cette incertitude, cette façon d’être là et ailleurs, cette ubiquité qui nous laisse pour une part, nostalgique si l’on veut, dans un autre monde, comme dans une lumière tombée à travers les persiennes… Un autre monde non point séparé, mais éclairant celui-ci, le fleurissant, et nous délivrant par vagues, par successives luminosités, de cette obscurité qui nous ferme aux êtres et aux choses.

41C1DCF5YTL._SX210_.jpg«  Permettez-moi, repris Stanislas Beren, de vous citer encore une phrase de cet auteur auquel je dois beaucoup, si même, et je le dis sans rire, l’existence n’est pas tout ce que nous pouvons attendre du monde : Notre moi n’est pas cette entité orgueilleuse que la philosophie interroge en vain, mais le composé des êtres qui nous ont aimé et enrichis de leur amour. Ces temps enchevêtrés qui, au demeurant, ne posent aucune difficulté au lecteur qui s’y abandonne, que sont-ils sinon des enchevêtrements amoureux ? Ces palimpsestes, ces regards échangés, ce cosmos, ces forces de l’histoire et de la légende qui nous gouvernent, ces mythologies personnelles ou impersonnelles, que sont-elles, dans leurs temps respectifs, sinon une attention créatrice, une recréation ? L’élégance de l’écriture déonienne fait que nous pouvons avancer dans le jour suivant en ayant un peu oublié le jour précédent, le chapitre qui suit ne nous interroge pas, comme un pion, sur le chapitre précédent, il nous fait avancer dans la fraîcheur des jours glorifiés et des nuits aimées d’être si fragiles sur le fond de la tragédie. La perdition redoutée exhausse la douceur du duvet. Tout est perdu, et allons ! Le savoir est saveur, les romanciers, et surtout ceux qui jouent le jeu, nous aurons définitivement moins menti que les abstracteurs. Leurs personnages existent comme tout existe, qui n’est pas interchangeable, et se laisse à peine saisir : Quelle paix monte soudain ! Il faudrait étreindre ces choses-là et elles sont impalpables » 

L’été reprit son empire ; et déjà mon ami de la dernière pluie me faisait un signe de la main, un au-revoir à la Grâce de Dieu.

Luc-Olivier d’Algange

jeudi, 21 janvier 2021

1984 d’Orwell : La Bible des complotistes

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1984 d’Orwell : La Bible des complotistes

Avec le temps, une fiction littéraire audacieuse comme 1984 d’Orwell est devenue le ‘’livre rouge’’ des complotistes, qui n'ont cependant pas compris sa signification profonde

Nicolò Bindi

Ex : https://www.lintellettualedissidente.it

1984 est le roman le plus célèbre de l'écrivain et militant politique Eric Arthur Blair, alias George Orwell. Publié pour la première fois en 1949, il raconte un avenir dystopique dans lequel la domination mondiale est disputée par trois superpuissances en guerre perpétuelle les unes contre les autres : l'Eurasie, l'Eastasia et l'Océanie. En Océanie, c'est l’Ingsoc, ou Parti socialiste anglais, qui tient les rênes du pouvoir.

La société est divisée de manière rigide en classes : il y a le "prolet", c'est-à-dire les prolétaires sans le sou, qui ne sont même pas considérés comme des êtres humains au sens strict du terme, ils représentent environ 85% de la population, ils jouissent d'une liberté totale mais sont laissés programmatiquement dans la misère la plus noire ; puis il y a le Parti, qui est cependant aussi divisé entre "Parti extérieur" et "Parti intérieur". Les membres du premier groupe exécutent les ordres qui viennent d'en haut, ils ont un style de vie légèrement meilleur que celui du prolétariat mais ils sont constamment sous observation, par le biais d'espions et d'appareils technologiques présents, de par la loi, dans chaque maison, pour vérifier si chaque membre suit scrupuleusement l'orthodoxie d’Ingsoc dans tous les aspects de sa vie, à chaque moment de sa journée. Il suffit d'une expression frustrée, d'un regard énigmatique pour alerter le corps spécial de psychopoliciers, chargé de sauvegarder la "santé mentale" des membres du Parti. En revanche, l'élite gouvernementale de l’Ingsoc est installée au sein du Parti intérieur et jouit d'un niveau de vie très élevé ; elle est elle aussi soumise à un contrôle, mais avec des règles un peu moins strictes que les membres du Parti extérieur. Au sommet de la pyramide sociale, cependant, se trouve la figure énigmatique de Big Brother, un être presque messianique, dépeint par la propagande comme l'initiateur des principes de l’Ingsoc et considéré comme le protecteur de son orthodoxie face aux ennemis extérieurs et intérieurs.

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Aujourd'hui, la notoriété de 1984 ne s'arrête pas au cercle des lettrés ou des initiés. Il est légitime de dire que c'est l'un des romans les plus célèbres du XXe siècle. Le titre a également pris des valeurs presque proverbiales, dans des phrases telles que : "on se sent comme en 1984". Il est évident que des expressions comme celles-ci, destinées à évoquer la société décrite dans le roman, sont souvent utilisées dans la sphère politique, avec des connotations négatives évidentes.

Les théoriciens du complot mondial, les "complotistes", semblent être particulièrement attirés par ce chef-d'œuvre. Ce qui stimule particulièrement leur imagination, c'est le mystérieux et éthéré Big Brother. Tout au long du roman, tout ce que nous savons de lui, c'est son visage, présent sur les célèbres affiches avec les mots "Le Grand Frère vous regarde". En fait, nous ne savons même pas s'il existe vraiment ou s'il n'est qu'un personnage fictif. Malgré cela, il est une présence constante dans le livre ; en fait, il est LA présence : il est celui qui, derrière les écrans, espionne constamment les membres du Parti lorsqu'ils sont chez eux, il est le voisin ou l'enfant qui dénonce l'hétérodoxie de certains malheureux, il est le psycho-policier qui arrête et torture les prisonniers. C'est ici que Big Brother devient l'essence même du contrôle, la figure de derrière qui tire les ficelles du Monde et écrase quiconque semble même vaguement opposé. Mais en plus de cela, Big Brother devient aussi l'essence même du progrès technologique ; pour pouvoir affiner de plus en plus son contrôle sur les êtres humains, il faut des outils de plus en plus sophistiqués, une recherche scientifique toujours active. En 1984, il existe des téléscripteurs, qui émettent et reçoivent en même temps. Les conspirateurs ont tendance à identifier leurs homologues dans la vie réelle : les webcams sur les téléphones ou les ordinateurs portables, les dispositifs de géolocalisation, les réseaux sociaux sont considérés avec une extrême méfiance, dans les cas les plus extrêmes, ils sont même rejetés complètement. Et qui peut avoir un intérêt dans le développement de technologies telles que celles énumérées, sinon les membres de cette élite étroite qui fait référence à Big Brother ? Ce n'est pas un hasard, en fait, si parmi les cibles les plus visées par les théoriciens du complot se trouvent des personnalités comme Bill Gates ou Elon Musk, qui incarnent la quintessence du développement technologique dans l'imaginaire collectif.

Il est donc clair que de nombreux complotistes ont le sentiment de vivre dans une société qui n’est pas trop différente de celle décrite par Orwell, mais comment cela est-il possible ? Au-delà de l'avènement de certaines technologies, qui nous ont effectivement obligés à revoir notre conception de la vie privée, les différences entre la société dans laquelle nous vivons et celle de 1984 sont si évidentes que les énumérer serait un exercice vain. On pourrait rejeter tout cela sous le nom de "folie", comme on le fait souvent avec les théoriciens du complot, mais nous constatons que certaines tendances commencent à s'installer même chez les gens ordinaires, sains et éduqués.

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L'insistance à proposer une telle comparaison négative pourrait découler d'un malaise ressenti par une certaine partie de la population, un sentiment générique d'emprisonnement qui, cependant, ne peut comprendre ce dont il découle.

Comme cela s'est toujours produit dans l'histoire de l'humanité, un groupe isolé d'individus a créé un récit (ou plusieurs récits) de nature fantastique et presque légendaire, en s'inspirant fortement de produits littéraires, cinématographiques ou comiques qui ont pour thème commun la lutte de l'individu contre le pouvoir (outre 1984, voir aussi les titres qui doivent beaucoup au chef-d'œuvre d'Orwell, comme la trilogie Matrix et V pour Vendetta). Ce type de récit n'est pas si éloigné des autres histoires créées par l'imagination populaire au cours des siècles : pensez par exemple à la légende du royaume du prêtre Jean, né dans les années des Croisades et qui tisse en son sein des motifs et des intrigues tirés des romans de chevalerie. Il est évident que le sens et les besoins cachés dans ces légendes changent en fonction du contexte social dans lequel elles naissent, tout comme les œuvres qui servent de modèles sont significatives. Dans ce cas, 1984 est le texte fondamental, la Bible des complotistes, mais pas seulement : le roman parvient à ébranler les certitudes démocratiques et libérales de quiconque le lit. Il s'agit, en pratique, d'une éducation à la suspicion. Mais cela ne serait pas possible s'il n'y avait pas de convergences avec la réalité dans laquelle nous vivons. Mais il ne faut pas chercher les parallèles dans l'espionnage, dans la société divisée en classes, dans la pauvreté, dans la figure du Big Brother qui voit tout et commande tout. L'intérêt réside dans le principe sous-jacent qui réunit tous ces aspects : la déshumanisation du monde.

Voici enfin le véritable point commun entre la société orwellienne et la société contemporaine : une élite culturelle qui élabore et tente de mettre en œuvre des théories dans lesquelles l'être humain est considéré comme un problème à corriger dans un système plus vaste et plus mécanique. Ce à quoi l’Ingsoc soumet tous les membres du parti n'est rien d'autre qu'un exercice pérenne de pédagogie visant à éliminer tous ces côtés et instincts humains jugés nuisibles. Vers la fin du roman, un des membres du Parti Intérieur dit au protagoniste, arrêté par le psychopolicier : "S'il est vrai que tu es un homme, Winston, tu es le dernier homme. Votre espèce est éteinte et nous en sommes les héritiers. Ne comprenez-vous pas que vous êtes seul ? Vous êtes en dehors de l'histoire, vous n'existez pas".

Ainsi, sans violence, la plupart des produits culturels et populaires de notre temps sont destinés au même effort pédagogique, qui veut "corriger" certaines inclinations et faiblesses humaines aujourd'hui considérées comme inacceptables. C'est ainsi qu'au niveau des médias, un certain code de conduite s'est formé, un lexique et une morale auxquels tous les personnages, publics et privés, doivent toujours se soumettre. Non seulement, c'est toujours au nom de l'éducation constante de l'individu que, dans certains milieux pédagogiques, on trouve juste de déformer le contenu de certaines disciplines comme l'histoire ou la littérature afin de faciliter l'acquisition de certains concepts et la condamnation d'autres, exactement comme cela se passe, de manière plus systématique et plus énergique, dans le 1984 d’Orwell.

L'homme, être faillible, doit cesser d'échouer, doit changer de nature, devenir "autre", se déshumanisant ainsi. Le processus peut cependant générer un malaise, un mécontentement. Au niveau populaire, elle génère, chez certains individus, un vague sentiment de scepticisme, qui investit indistinctement tous les objets et les modes de vie qui n'étaient pas présents dans l'"ancien temps" indistinct maintes fois évoqué (et ressenti comme plus humain). Dans d'autres encore, un processus plus large et systématique est stimulé, connu sous le nom de "conspiration mondiale", qui n'a cependant qu'un seul objectif efficace : opposer à la vérité artificielle des médias une vérité encore plus artificielle.

Nicolò Bindi

Benoist-Méchin sur le déclin de l'Occident

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Benoist-Méchin sur le déclin de l'Occident

« Pour ma part, je n’ai pas honte de le proclamer – et d’employer pour le dire, les termes les plus honnis – j’ai été ce qu’on appelle un impérialiste et un raciste. J’ai cru, de tout mon cœur, à la supériorité intrinsèque de l’homme blanc. J’ai cru qu’une Europe qui aurait mis en commun toutes ses ressources économiques et militaires, politiques et morales, qu’une Europe capable, par ses institutions, de porter à son sommet ses meilleurs éléments et de mettre en valeur son prodigieux héritage religieux et culturel, j’ai cru que cette Europe-là, était capable d’imposer sa loi au monde et de servir de tuteur aux peuples étrangers. J’ai pensé qu’elle seule était à même d’engendrer une ‘Race de Seigneurs’, susceptible d’empêcher le monde de sombrer dans l’informe et de succomber sous le faix des masses inorganisées. Mais attention. Je charge ici chaque mot de son poids le plus dense. On ne joue pas à la ‘Race des Seigneurs’ ! On l’est ou on ne l’est pas. L’autorité de cette aristocratie dure et lucide n’aurait été acceptée qu’à condition de se fonder sur une supériorité réelle.

Or, force m’est de reconnaître que cette Europe-là n’est plus. On lui a brisé l’échine. Maintenant elle gît à terre, morcelée, disloquée, en proie au pire désordre intellectuel et incapable de poursuivre sa mission ordonnatrice.

Cette Europe en laquelle j’ai cru de toute mon âme, au point, s’il le fallait, d’y sacrifier ma vie – ici encore, je donne à chaque mot son sens le plus formel – je vois bien qu’elle est morte et qu’aucun rêve, aucun effort ne pourront la ressusciter. J’aurais voulu que l’histoire s’engageât dans une autre voie. Mais la page est tournée. Ne cherchons pas à la faire revivre, car l’histoire ne se répète jamais que sous une forme caricaturale.

En soi, c’est déjà triste. Mais s’il n’y avait que cela ! Or, pour la première fois, je me demande si ce rêve d’hégémonie blanche était réalisable. Ni durant mon procès ni durant les années qui ont suivi, je n’ai été effleuré par le moindre doute sur la valeur de la cause pour laquelle j’avais combattu. Ma foi restait entière. Et maintenant, ici au Caire, au contact de cette conférence, je m’interroge pour la première fois et, pour la première fois, je me demande si je ne me suis pas trompé.

Nous croyions que notre lutte déterminerait le sort du monde ‘pour les mille années à venir’. C’était une formule exaltante, mais c’était une illusion. C’était voir trop grand dans le temps, et trop petit dans l’espace. Comme tant d’autres, la victoire d’une Europe fasciste aurait été éphémère.

Que s’est-il donc passé d’assez fort pour modifier mes convictions ? Simplement ceci : j’ai pris conscience depuis lors, une conscience directe, presque physique, de l’ampleur des masses humaines qui peuplent le monde extra-européen et de leur refus grandissant de se laisser gouverner par nous. C’est un facteur qui m’avait échappé, il y a vingt ans, parce qu’il n’apparaissait pas d’une façon aussi évidente. J’avais cru à la pérennité des empires, et j’avais accordé à la race blanche une puissance d’expansion illimitée. Or, penser que nous aurions imposé longtemps notre domination aux peuples de couleur, croire qu’ils auraient accepté longtemps d’être divisés en zones d’influence – même déguisées du nom d’‘espaces organisés’ – ce n’était pas seulement surestimer nos possibilités ; c’était méconnaître les lois de la vie. Ces lois on peut les violenter ; on ne peut pas les anéantir. Elles sont beaucoup plus fortes que les théories politiques. Rien n’aurait empêché ces masses de proliférer. Déjà énormes, elles seraient devenues plus énormes encore. A demi somnolentes, elles se seraient réveillées. Une minorité peut imposer sa loi à une majorité, à condition que cette dernière ne grandisse pas sans cesse. Sinon, le jour arrive où le rapport de forces se trouve inversé. Alors la fin de l’aventure est inéluctable.

[…]

Dans tout cela, ce qui m’inspire, c’est le sort de l’Occident. Il est grand temps qu’il se réveille, qu’il sache que le péril est à ses portes, qu’il risque d’être submergé. Jadis il a surestimé ses forces, aujourd’hui il sous-estime sa fragilité. Il sait qu’il n’est plus invincible, mais il se croit encore attrayant. Qu’il se détrompe. Il attire de moins en moins les esprits et les cœurs parce qu’il a perdu sa foi en lui-même. Il n’a plus les idées déliées et l’imagination créatrice qui faisaient autrefois sa primauté. Il n’est plus le beau fruit mûr, gorgé de jardins et de palais, de fresques et de musiques, qu’ont connu les générations qui ont précédé la nôtre. Il n’est même plus certain des démarches de sa pensée. Le front ridé, la bouche amère et pleine de menaces, il ne s’appuie plus que sur des forces matérielles qui seront bientôt moins grandes que celles des autres continents. Pourquoi dédaigner ce que nous avions d’unique, ce que les autres peuples ne pouvaient imiter ? Pourquoi placer notre espoir de survie dans des mécaniques que le reste du monde ne tardera pas à fabriquer moins cher et en plus grandes quantités que nous. Enfin, au moment où de vastes ensembles humains se groupent et s’organisent, pourquoi maintenir nos divisions, qui nous affaiblissent et nous ruinent ?

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C’est plus que jamais le moment de se rappeler l’avertissement de Proudhon : ‘Le XXe siècle verra l’ère des grandes fédérations, ou l’humanité recommencera un purgatoire de mille ans’. Sachons regarder en face la montée des peuples sous-développés. Mais apportons-lui la seule réponse qui convienne : redevenons nous-mêmes. Libérons-nous d’un matérialisme qui nous dégrade et nous défigure, pour retrouver les valeurs immatérielles qui faisaient notre supériorité. Sachons dégager les grandes lois organiques dont le monde s’est écarté, mais qui n’auraient jamais dû cesser de présider à la croissance des sociétés humaines, car elles sont les seules garantes de la civilisation.

Ah ! je le sens bien, rien n’est encore perdu si l’Occident retrouve sa véritable figure. Ce qui m’angoisse, ce n’est nullement que se forment un monde arabe, un monde africain. C’est qu’il n’y ait pas d’Europe pour leur servir d’exemple et leur faire contrepoids dans la balance des continents. »

(extrait de J. Benoist-Méchin, Un printemps arabe, 1974 ; rédigé en 1957-1958).

L'actualité sur Strategika

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L'actualité sur Strategika
 
Chers amis, 
 
Voici l'actualité sur Strategika en ce début 2021.
 
Bonne année à tous,
 
Pierre-Antoine Plaquevent
 
“Efficacité entre 19% et 29%”. Voici l’étude qui analyse les données réelles des vaccins Pfizer et Moderna
https://strategika.fr/2021/01/19/efficacite-entre-19-et-2...

Elon Musk : Les Américains ne seront pas satisfaits que les Big Tech soient “l’arbitre de facto de la liberté d’expression”
https://strategika.fr/2021/01/18/elon-musk-les-americains...

Autriche : Plus de 10.000 manifestants contre la dictature sanitaire
https://strategika.fr/2021/01/16/autriche-plus-de-10-000-...

Allemagne : la Saxe veut enfermer les briseurs de quarantaine dans un ancien foyer pour réfugiés
https://strategika.fr/2021/01/16/allemagne-la-saxe-veut-e...

Mise à jour des données scientifiques récentes concernant la politique COVID-19 
https://strategika.fr/2021/01/16/mise-a-jour-des-donnees-...

Les passeports de vaccination à l’essai au Royaume-Uni, tandis que les dirigeants de l’UE font pression pour des passeports de voyage COVID “standardisés
https://strategika.fr/2021/01/15/les-passeports-de-vaccin...

Un médecin de Floride “en parfaite santé” meurt quelques semaines après avoir reçu le vaccin COVID de Pfizer
https://strategika.fr/2021/01/11/un-medecin-de-floride-en...

« L’Etat français « pompe » la trésorerie du fonds de garantie des dépôts et des autres !»
https://strategika.fr/2021/01/09/letat-francais-pompe-la-...

Le Conseil d’État valide le fichage des opinions politiques
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De l’Ame

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De l’Ame

par Luc-Olivier d'Algange

Il n'est rien de moins abstrait que l'âme. Lorsque presque tout en ce monde, selon le mot de Guy Debord, tend à «  s'éloigner dans une représentation  », à s'abstraire de sa propre immédiateté; lorsque notre entendement, dans son usage commun, se borne à n'être qu'une machine à abstraire (ce qu'il est peut-être par nature, sauf à se subvertir lui-même dans une conversion gnostique); lorsque notre corps, tel que nous nous le représentons dans le regard d'autrui est tout autant abstrait de lui-même, - l'âme seule, qui est intérieure à toutes les choses, s'y déploie, pour qu'elles soient là, qu'elle existent, et dans leur mouvement même.

Qu'importe de savoir si nous croyons ou non en l'existence de l'âme, comme en une chose ou une notion, puisque ce qui existe, en s'éprouvant, est le mouvement de l'âme elle-même.

Pas davantage qu'une abstraction, l'âme n'est une «  subjectivité  »; elle n'est point la somme ou la synthèse de nos représentations et il serait presque trop de dire qu'elle est en nous, - cet «  en nous  » invitant à l'erreur de croire que notre âme serait emprisonnée dans notre corps, comme un moteur l'est dans une machine.

Or la nature de l'âme est d'être impondérable et de franchir, légère, les limites et les frontières. Elle n'est pas seulement un bien intériorisé mais la circulation entre l'intérieur et l'extérieur, la fluidité même.

Notre peau n'est pas notre limite, ainsi que l’écrivais René Daumal, mais l'un des plus subtils organes de perception. Ce qui perçoit avant nous en fissions une représentation, c'est l'âme. «  Peau d'âme  » disait Catherine Pozzi. La formule est admirable de justesse. L'âme ne s'oppose pas au sensible comme le voudraient les morales puritaines; elle est ce qui le rend possible. Là où l'âme agit, le monde intérieur et le monde extérieur échangent leurs puissances et s'entre-pénètrent amoureusement.

Que serait un monde sans âme ? Celui où nous avons la disgrâce ou la chance terrible de vivre. La disgrâce; parce que le monde moderne, le monde des hommes uniformisés et des objets de série, est cette machine à fabriquer de l'interchangeable et que la Grâce, comme le savait Al-Hallaj, ne vient qu'aux uniques. Mais chance terrible aussi, car la mise-en-péril de l'essentiel en révèle la splendeur cachée, l'inaltérable beauté sise au cœur  des êtres et des choses.

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L'âme humaine et l'Ame du monde sont une seule âme. L'âme des paysages est âme car elle est notre âme. Celui qui perçoit l'âme d'un paysage a la sensation de s'y perdre, à cet instant où, l'air, le ciel, les arbres et le vent affluant en lui,  il vacille au bord de l'extase. Il fait plus, et mieux, que le voir. Ce qu'il voit n'est que le signe de l'âme qui regarde en lui.

Telle prairie dans son apothéose fleurie éveille en nous le printemps de l'âme. Tel océan nous rappelle à l'exigence de nos abîmes. Tel vol d'hirondelles est notre pensée même et ne se distingue en rien de ce qui la perçoit en nous. L'âme est la vive, l'avivante intersection entre ce qui perçoit et ce qui est perçu.

Le sentiment qui en surgit est bien, comme vous le dites justement, celui du Pays perdu, la sehnsucht des Romantiques Allemands, - l'orée tremblante de l'âme.

A certaines heures, particulièrement à l'aube et au crépuscule, le visible semble s'éloigner en lui-même, dans la profondeur du regard, jusqu'à l'orée d'où reviennent, en ressacs, les ressouvenirs du Pays perdu. Ce pays n'est perdu, en vérité, que parce qu'il est trouvé. Son absence est l'espace de son advenue.

Quiconque oublie le sens de l'exil vit dans l'exil de l'exil, - dans cette absence carcérale qu'est la représentation. La présence réelle, au contraire, est l'hôte de l'absence, son invitation, et selon la formule fameuse de Dante, sa «  salutation angélique  ». A l'orée du visible, l'absence du visible, l'invisible nous fait signe afin que nous cheminions vers lui. Toute vie qui n'est pas une quête du Graal est un avilissement sans fin.

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Dans le fondamentalisme, tout se réduit à l'idolâtrie du signe extérieur, d'une apparence qui ne laisse rien apparaître. Apparence sans apparition, mur aveugle, sur lequel, tout au plus, on peut apposer des affiches de propagande haineuse. Le fondamentaliste veut bannir le doute, mais bannissant le doute, il détruit la Foi. A sa façon, c'est un «  réaliste  », il veut «  du concret  », c'est-à-dire de la servitude et de la mort concrètement réalisés.  Il est aux antipodes, non du matérialiste ou du «  mécréant  », comme il se plait à le dire, et peut-être à le croire, mais du mystique et de l'herméneute, et de tout homme en qui s'élève un chant de louange en l'honneur de la Création.

Vindicatif, mesquin, obtus, il vient comme une menace, mais dans un monde qui lui ressemble. On le dit «  archaïque  » ou «  barbare  » mais il n'est ni l'un ni l'autre, - plutôt idéologue et publiciste, inscrit, et parmi les premiers rôles, au cœur de la société du spectacle. Il n'est pas ce qui s'oppose au monde moderne mais sa vérité de moins en moins dissimulée. Comment lui opposerait-on la société dite moderne dominée par la finance et la technique alors que ce sont les moteurs de sa guerre, que bien abusivement, il qualifie de «  sainte  »  ?

La guerre de ces deux forces, antagonistes seulement par les apparences, car elles sont l'une et l'autre idolâtres des apparences, ne contient aucun espoir. Elle est la force même du péché contre l'espérance. Ce qu'il y eut de beau, de noble et libre dans la culture européenne est pris en tenaille entre ces frères ennemis qui obéissent au même Maître, - celui de la restriction de l'expérience sensible et spirituelle, celui du contrôle total.

En ces circonstances où le monde s'uniformise et s'attriste, l'âme est atteinte, blessée. Les poètes en seront les guérisseurs, au sens chamanique, et les héros, au sens d'une sauvegarde de certaines possibilités d'être. La question est cruciale et vitale car enfin, sans âme, tout simplement, on ne vit point, ou bien seulement d'une vie réduite à un processus biologique, - auquel s'intéresse précisément le «  trans-humanisme  », qui est sans doute la phase ultime de cet «  interventionnisme  » moderne qui veut ôter aux hommes la joie et le tragique,  et la beauté même de l'instant éternel, pour en faire des mécaniques perpétuelles.

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Le Moderne hait le donné. Rien n'est assez bon pour lui; et c'est ainsi qu'il détruit le monde et s'appareille. Les causes et les conséquences de ce processus, qui est avant tout une vengeance contre tout ce que l'on ne sait pas aimer, ont, au demeurant, été admirablement analysés par Heidegger et René Guénon. Le Moderne est un homme mécontent du monde et de lui-même et ce mécontentement, au contraire de l'inquiétude spirituelle, n'est pas une invitation au voyage, un consentement à l'impondérable, mais un grief qui se traduit par un activisme planificateur. Tout est bétonné, aseptisé, stérilisé, climatisé, - et finalement empoisonné. Plus rien n'est laissé au temps pour y éclore. Les incessantes exactions commises contre la nature, les paysages donnés par la création ou par le labeur intelligent de nos ancêtres, ne sont que la conséquence des atteintes continûment portées à l'âme des individus et des peuples qui pouvaient encore les comprendre, les honorer et les aimer.

L'âme est ce qui relie. Toute atteinte à l'âme nous sépare du monde, de nos semblables et de nos dissemblables, pour nous jeter dans l'abstraction, dans cette subjectivité morbide qui s'exacerbe devant les écrans. Les écrans, par définition font écran; ils sont des instances séparatrices et l'on reste, pour le moins, dubitatif devant ces injonctions gouvernementales qui prescrivent de les imposer dans tous les collèges et toutes les écoles, pour le plus grand bénéfice de ceux qui en font l'industrie.

L'homme irrelié, séparé des influx de toutes les forces sensibles et intelligibles, est le parfait esclave-consommateur. Irrelié, il ne peut plus recevoir, ni donner, - et symétriquement, une étrange outrecuidance s'accroît en lui, et il croit d'un clic pouvoir dominer le monde entier en le faisant apparaître et disparaître. Ses sens et la présence de l'Esprit s'altèrent en lui par cet usage. Vide d'Esprit, son cerveau s'encombre de fatras et de décombres, sa syntaxe et sa grammaire s'effondrent, ses affects s'hystérisent et sa peau devient imperméable à l'air et à la lumière, à ces forces immenses, sensibles et suprasensibles, qui embrassent, apaisent et sauvegardent.

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Le propre de cette machine de guerre uniformisatrice est qu'elle s'exerce désormais non par une collectivité contre une autre, mais contre chacun, contre chaque âme éprise de l'Ame du monde. Dans ce combat, chacune de nos défaites a une conséquence immédiate pour chacun d'entre nous et par chacun d'entre nous.

A l'ensoleillement de l'âme qui naît dans la nuit dont elle révèle et fait resplendit le mystère, le Moderne a substitué l'éclairage scialytique, le néon commercial, la blafarde clarté de l'écran d'ordinateur. Il a remplacé la pensée méditante, qui délivre, par la pensée calculante qui emprisonne et infléchit les caractères vers la cupidité, l'envie et l'ennui. La fréquentation des humains en devient difficile. Les conversations, dans la plupart des cas, se ramènent à un «  zapping  » fastidieux; toute promenade devient une prédation touristique; toute relation humaine, une tractation pesante, voire menaçante.

Lorsque le monde disparaît, lorsque les femmes et les hommes n'ont plus conscience de faire partie de cette Quaternité, avec le ciel, la terre et les dieux, que Heidegger évoque en suivant Hölderlin, une affreuse incarcération commence, une peine illimitée dans ce «  sous-sol  » dont parle Dostoïevski, et d'où ne s'élèvent que des plaintes haineuses.

L'Enfer et le Paradis sont l'un et l'autre à notre portée  ;  cette belle énigme théologique, nommée le «  libre-arbitre  » trouve ici son mode d'application. Tel est l’alpha et l’oméga de la sapience  : il est en nous, et donc ici-bas, un enfer et un paradis pris dans les rets du temps qui sont les reflets de l’Enfer et du Paradis éternel, et, non point en général, mais à chaque instant précis, il nous appartient de choisir l’un ou l’autre, de prendre le parti de l’un ou de l’autre. Même lorsque nous ne faisons rien en apparence, ou que nous ne faisons que songer et penser, il nous appartient que ces songes et ces pensées soient de la source vive ou de la citerne croupissante  ; il nous appartient qu’elles chantent et se remémorent les heures heureuses, ou qu’elles s’aigrissent. Il nous appartient de boire à la source de Mnémosyne ou à celle du Léthé. Quiconque demeure encore quelque peu attaché à la spiritualité européenne peut se redire, dans le fond du cœur, en toute circonstance, ce qui est écrit sur la Feuille d’Or orphique trouvée à Pharsale  :

«   A l’entrée de la demeure des morts

Tu trouveras sur la droite une source.

Près d’elle se dresse un cyprès blanc

Cette source ne t’en approche pas.

Plus loin tu trouveras l’eau fraîche

Qui jaillit du lac de Mémoire, veillée par des gardiens.

Ils te demanderont pourquoi tu viens vers eux.

Dis-leur  : je suis fils de la Terre et du Ciel étoilé.

Mon vrai nom est l’Astré. La soif me consume.

O laissez-moi boire à la source  ».

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Les Symboles ne sont pas seulement des allégories, des représentations, ils sont des actes d’être. Ce qu’ils donnent à voir est l’invisible dont ils sont l’empreinte visible. Le sensible et l’intelligible ne sont pas seulement des catégories de l’entendement, mais des pôles entre lesquels se déploie une gradation infinie, que nos sens et notre entendement seuls ne peuvent parcourir. Entre le corps et l’esprit, l’âme est cet instrument de perception du «  monde imaginal  » qu’on ne saurait réduire à la fantaisie ou à ce que l’on nomme ordinairement l’imaginaire, lequel appartient à la pure subjectivité. Les œuvres de Sohravardî, de Ruzbéhân de Shîraz, ou d’Ibn’Arabi, admirablement commentées par Henry Corbin, donnent à comprendre en quoi le mundus imaginalis est bien ce «  suprasensible concret  », cette Ile Verte ou ce Château Tournoyant qui s’offrent à tous les hommes, par l’expérience visionnaire, aussi objectivement qu’un paysage réel.

L’Archange Empourpré qu’évoque Sohravardî, qui apparaît au crépuscule, est le messager ce qui dans la pensée fut et n’est pas encore, l’aube en attente dont le crépuscule révèle la splendeur et le sens caché. Ainsi, oui, l’âme est l’Ange, elle est ce qui en dispose en nous la présence entre les mondes, le miroitement, l’orée, l’attente, l’attention.

Il y eut dans les grandes œuvres persanes du Moyen-Age une attention extrême et précise à ces gradations, à ces variations chromatiques de l’âme allant à la rencontre de son ange, à cette multiplicité des états d’être et de conscience, sans laquelle nous demeurons emprisonnés dans des représentations sommaires et réduits à un exercice de la vie purement utilitaire et avilissant, mais cette attention se retrouve tout aussi bien chez Hildegarde de Bingen ou Maître Eckhart, et plus en amont, dans les Ennéades de Plotin.

Une catena aurea néoplatonicienne, quelque peu secrète, traverse la culture européenne fort différente du «  platonisme  » selon sa commune définition scolaire de «  séparation entre le monde sensible et le monde idéal  ». L’Idée n’est pas séparée de la forme sensible, elle est la forme formatrice de cette forme. Le monde sensible n’est pas «  séparé  », et encore moins «  opposé  », au monde des Idées, mais empreinte héraldique des Idées. Ce n’est que dans l’oubli de l’âme que s’opposent le corps et l’esprit, qui deviennent ainsi l’un à l’autre leur propre enfer. Or voici Marsile Ficin, qui parle du «  rire de la lumière  », voici Shelley, qui nous invite au voyage de «  l’âme de l’Ame  », Epispsychidion, voici Saint-Pol-Roux et ses ensoleillements, «  symboliste comme Dante  », voici Oscar Wenceslas de Lubicz-Milosz, dont l’Ars Magna et les Arcanes décrivent le surgissement, par le Verbe, d’un «  autre espace-temps  » non point irréel mais à partir duquel toute réalité s’ordonne, s’éclaire ou s’obscurcît, selon l’attention déférente que nous savons, ou non, lui porter.

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Tout ce qui importe se joue dans notre perception du temps. Est-il un autre temps que le temps de l’usure et de la destruction  ?  Sous quelles conditions s’offre-t-il à notre attention, dans quelles incandescences  ? La plus haute intensité, celle qui délivre, ne vient pas dans la hâte, l’agitation et le tumulte, mais dans le calme et le silence  : «  regard de diamant  » comme disent les taoïstes.

L’âme est ce qui éveille, derrière les yeux de chair, les «  yeux de feu  ». «   C’est au yeux de feu seuls qu’apparaît ce qui unit Proclus à Botticelli et l’Empereur Julien à Franz Liszt  » disait Jean-Louis Vieillard-Baron, dans l’une de ses belles conférences de l’Université Saint-Jean de Jérusalem. Par l’exercice herméneutique, un arrière-plan apparaît, une conscience dans la conscience, antérieure à toute analyse et à toute explication historique, qui, si elle ne peut se prouver, selon les lois de la science reproductive, s’éprouve et se dit. En amont, dans une immensité antérieure, dans un ressac de réminiscences se tient une Sapience, qui est le bonheur même, une région paradisiaque, cet «  invincible été  » que l’on porte en soi au cœur de l’hiver, comme disait Camus, une gnose soleilleuse, si merveilleusement figurée dans le fameux traité d’Alchimie, intitulé précisément Splendor Solis, et qui nous revient, non de façon planifiable mais à la venvole, et pour laquelle il convient donc de se tenir prêts à chaque instant.

Tel est exactement le sens de la chevalerie spirituelle, de ce cheminement vers le Graal ou la Jérusalem Céleste, entre la Mort et le Diable, comme sur la gravure de Dürer. Le combat pour l’Ame du monde oppose un sacrifice à un gâchis. Le moderne ne voulant rien sacrifier gâche tout. A tant vouloir opposer le corps et l’esprit, il perd le bon usage de l’un et de l’autre. Nous conquerrons, ou nous perdrons, en même temps et du même geste, la beauté de l’instant et la splendeur de l’éternité, le frémissement sensible et les lumières secrètes de l’Intellect, la présence immédiate, l’éclosion de l’acte d’être et la fidélité à la Tradition qui nous en donne les clefs. A la fine pointe de la seconde advenante, à l’aube de la fragile et fraîche éclosion, le beau récitatif nous vient en vagues depuis la nuit des temps par l’intercession d’Orphée et de Virgile.

Contre les armes dont le monde moderne use contre nous afin de nous épuiser et de nous distraire, reprenons sans ambages le Bouclier de Vulcain tel qu’il apparaît, en figuration de l’Ame du monde, dans l’Enéide  : feu primordial et cœur du monde. «  Par lui, écrit Yves Dauge, s’enracinent dans l’histoire les Idées pensées par Jupiter, formée par Apollon, transmise par Mercure et vivifiées par Vénus  ». Telle est exactement l’âme avivée, l’âme sauvegardée  : une voie vers la pensée intérieure des êtres et des choses, au point où elles se forment en se délivrant de l’informe, et voyagent vers nous par des ambassades ailées, celle des poètes et des herméneutes, pour finalement être touchées et vivifiées par l’amour.

Luc-Olivier d’Algange

mercredi, 20 janvier 2021

Solzhenitsyn from Under the Rubble

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Solzhenitsyn from Under the Rubble

Aleksandr Solzhenitsyn et al.
From Under the Rubble
Boston: Little, Brown & Company (1975)

futr-194x300.jpgShortly before being deported from the Soviet Union in 1974, Aleksandr Solzhenitsyn contributed three essays to a volume that was later published in the West as From Under the Rubble. The title was a clear metaphor for dissident voices speaking out from beneath the rubble left by communism. The rubble itself represents the remains of the traditional and spiritual life of Solzhenitsyn’s Russia which had been destroyed by the October Revolution and its bloody aftermath. In this volume, Solzhenitsyn lays out what it means to be a nationalist and a dissident against the totalitarian Left. Remarkably little has changed. 

Today’s Dissident Right will find a mirror image of its struggles in these essays — only needing to make a trivial adjustment of application. One would only need to exchange Solzhenitsyn’s references to Russia or Russians for today’s whites to find a near-perfect fit. Aside from the usual clarity, insight, and depth found in Solzhenitsyn’s work, it’s this familiarity which perhaps gives us the most comfort and inspiration when reading him. We think we have it bad today — Solzhenitsyn had it worse, and he persevered. And if he could persevere, so can we.

*  *  *

“As Breathing and Consciousness Return,” the first essay in the collection, begins by addressing Solzhenitsyn’s differences with fellow dissident Andrei Sakharov. It’s an illuminating contrast. Although both publicly opposed the repressive Soviets, it was Sakharov who ultimately championed the humanism and individualism of the West which so revolted Solzhenitsyn. Despite being abused and repressed by communism, Sakharov could not bring himself to condemn its socialist underpinnings. In this sense, Sakharov had much in common with the modern liberal. In a famous essay — to which Solzhenitsyn responded in this one — Sakharov had condemned “extremist ideologies” such as fascism, racism, and, most disingenuously, Stalinism. But Solzhenitsyn saw through this prestidigitation as simply a way to deflect blame away from Lenin and the other, supposedly purer, communists of the revolutionary period.

In response, Solzhenitsyn denies that Stalinism even existed. He points to the fact that there is no written Stalinist doctrine, not that Stalin himself had the intellectual horsepower to develop one. He then itemizes all the atrocities committed by Lenin and his cohorts that had little to do with Stalin (“What of the concentration camps (1918-1921)? The summary executions by the Cheka? The savage destruction and plundering of the Church (1922)? The bestial cruelties at Solovki (1922)? None of this was Stalin. . .”) He notes that Stalin’s main departure from Lenin was to inflict the same ruthless repression against his own party, as he did during the Great Terror of the mid-1930s. It’s almost as if Sakharov, who waxed about the “high moral ideals of socialism,” would approve of communism if only it did not devour its own.

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Solzhenitsyn uncovers not only the moral shabbiness of liberalism, but the pie-in-the-sky ignorance which fuels it. Basically, we have intellectuals like Sakharov, who were not laborers, trying to convince their readers that “only socialism has raised labor to the peak of moral heroism.” Solzhenitsyn’s response is typically trenchant:

But in the great expanse of our collectivized countryside, where people always and only lived by labor and had no other interest in life but labor, it is only under “socialism” that labor has become an accursed burden from which men flee.

In peering beyond the strife of his age, Solzhenitsyn then distills Sakharov’s enlightened humanism down to what matters most to today’s dissidents: globalist anti-nationalism. It’s the inheritors of Andrei Sakharov who are dogging white ethnonationalists today, and Aleksandr Solzhenitsyn saw this in clear relief as far back as 1974. Note the striking similarity between his assertion of nationalism and Greg Johnson’s, from chapter seven of Johnson’s White Nationalist Manifesto:

Solzhenitsyn:

Ah, but what a tough nut it has proved for the millstones of internationalism to crack. In spite of Marxism, the twentieth century has revealed to us the inexhaustible strength and vitality of national feelings and impels us to think more deeply about this riddle: why is the nation a no less sharply defined and irreducible human entity than the individual? Does not national variety enrich mankind as faceting increases the value of a jewel?

Johnson:

The ethnonationalist vision is of a Europe — and a worldwide European diaspora — of a hundred flags, in which every self-conscious nation has at least one sovereign homeland, each of which will strive for the highest degree of homogeneity, allowing the greatest diversity of cultures, languages, dialects, and institutions to flourish.

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Solzhenitsyn also points out the double standard of progressives such as Sakharov who aim for greater freedom through greater state control. As a victim of state control himself, Solzhenitsyn argues that this can only lead to “hell on earth.” Sakharov wishes for the state to administer not only scientific and technological progress, but the psychological progress of its citizens as well. Solzhenitsyn finds this questionable, since such “moral exhortations” would be futile without coercive force. 

And what would this freedom achieve for us anyway? Like many modern dissidents, Solzhenitsyn doesn’t disparage freedom, but realizes the danger when you have too much of it. Of course, being a devout Christian, he insists that freedom must serve a higher purpose. He pines for Tsarist autocracy in which autocrats were subservient to God. In such systems, the people are indeed freer. When leaders recognize no higher power, the likely outcome becomes totalitarianism, with nothing inhibiting governments from gross atrocity. Even in the so-called liberal democracies in the West, the corruption that must necessarily be birthed by two-party or parliamentary systems crushes the freedoms of the people:

Every party known to history has always defended the interests of this one part against — whom?  Against the rest of the people. And in the struggle with other parties it disregards justice for its own advantage: the leader of the opposition . . . will never praise the government for any good it does — that would undermine the interests of the opposition; and the prime minister will never publicly and honestly admit his mistakes — that would undermine the position of the ruling party. If in an electoral campaign dishonest methods can be used secretly — why would they not be? And every party, to a greater or less degree, levels and crushes its members. As a result of all this a society in which political parties are active never rises in the moral scale. In the world today, we doubtfully advance toward a dimly glimpsed goal: can we not, we wonder, rise above the two-party or multiparty parliamentary system? Are there no extraparty or strictly nonparty paths of national development?

What Solzhenitsyn maintains — and what many dissidents today understand — is that land trumps political freedom. People and peoples require land for true freedom. With land they own, people have obligations, self-worth, stability, and a chance at prosperity. And this leads to the most important freedom of all: freedom to think, the freedom to call a lie a lie — lies which require the surrender of our souls to swallow and then repeat. While land ownership helps preserve the physical health of a nation, this inner freedom to resist lies helps preserve its moral health.

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Referring to the pre-moderns. . .

[T]hey preserved the physical health of the nation (obviously they did, since the nation did not die out). They preserved its moral health, too, which has left its imprint at least on folklore and proverbs — a level of moral health incomparably higher than that expressed today in simian radio music, pop songs, and insulting advertisements: could a listener from outer space imagine that our planet had already known and left behind it Bach, Rembrandt, and Dante?

Solzhenitsyn’s connection to today’s Dissident Right can be seen in how he places an almost mystical imperative upon the nation and one’s obligation to it through work and honest living. Human beings are weak, and when tempted with freedom, they will often give in to corruption or corrupt others. This can lead to either the decay of society (as Solzhenitsyn witnessed in the West) or its demise through totalitarianism (as he so famously experienced in the Soviet Union). Both outcomes threaten the health and future of nations. Andrei Sakharov recognized the danger of the latter, but not the former — indeed it was his globalist progressivism that has led the West even further into decadence and corruption in the years since From Under the Rubble was published. 

To speak out against this makes one a dissident. Solzhenitsyn was not only a dissident against totalitarianism, he was also a dissident against Western decadence, the same Western decadence that has led to non-white immigration and the ongoing destruction of the civilizations that white people created millennia ago. Beneath this is the lie of racial egalitarianism, and modern whites are being fed this lie in nearly the same manner as which the Soviet people were fed the lie of class egalitarianism.

Solzhenitsyn teaches us to never give in to this lie. 

And no one who voluntarily runs with the hounds of falsehood, or props it up, will ever be able to justify himself to the living, or to posterity, or to his friends, or to his children.

*  *  *

“Repentance and Self-Limitation in the Life of Nations” bears a much more obvious and direct connection to modern white dissidents than the previous essay. In it, Solzhenitsyn exhorts his fellow Russians to seek absolution and redemption for the sins of the Russian past. He is quite sincere about this, and believes that, to an extent, his people cannot move forward in friendship with other peoples (or with themselves) without contrite acknowledgment of past atrocities. “Repentance is the only starting point for spiritual growth,” he tells us. Since, as we discussed above, Solzhenitsyn believed in the distinct character of individual nations, he also believed that nations “. . . are very vital formations, susceptible to all moral feelings, including — however painful a step it may be — repentance.”

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So far, so bad, today’s dissident might tell us. Is this not how whites are expected to behave in the face of endless waves of non-white immigration into their homelands? Such people, as well as blacks and Jews in the United States, demand repentance for colonialism, imperialism, slavery, the Jewish Holocaust, the list goes on. Aren’t these demands the weapons non-whites use against whites to usurp their very civilization?

Certainly, they are. Solzhenitsyn understood the abusive and one-sided nature of this relationship and concludes his essay with two points that redeem it entirely. One, that Russians have no obligations to repent unless those nations attempting to extract repentance also repent. For example, Solzhenitsyn readily accepts Russia’s guilt for past behavior, some of which he witnessed personally during World War II:

. . . but we all remember, and there will yet be occasion to say it out loud: the noble stab in the back for dying Poland on 17 September 1939; the destruction of the flower of the Polish people in our camps, Katyn in particular; and our gloating, heartless immobility on the bank of the Vistula in August 1944, whence we gazed through our binoculars at Hitler crushing the rising of the nationalist forces in Warsaw — no need for them to get big ideas, we will find the right people to put in the government. (I was nearby, and I speak with certainty: the impetus of our advance was such that the forcing of the Vistula would have been no problem, and it would have changed the fate of Warsaw.)

After this, however, he then offers up a prodigious list of atrocities that the Poles themselves committed in the past and explains that the Polish lack of repentance for them (both historical and contemporary) makes it difficult for him to unburden his heart to them.

Well then, has any wave of regret rolled over educated Polish society, any wave of repentance surged through Polish literature? Never. Even the Arians, who were opposed to war in general, had nothing special to say about the subjugation of the Ukraine and Byelorussia. During our Time of Troubles, the eastward expansion of Poland was accepted by Polish society as a normal and even praiseworthy policy. The Poles thought themselves as God’s chosen people, the bastion of Christianity, whose mission was to carry true Christianity to the “semipagan” Orthodox of savage Muscovy, and to be the propagators of Renaissance university culture.

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In the face of this, Solzhenitsyn expects nothing less than “mutual repentance” for his ideas to become applicable. This is exactly the attitude white people should take in the face of non-whites living in their homelands. If American blacks demand whites repent over slavery, then they themselves must repent over the horrific surge of crime, corruption, rape, and murder that they have presided over since the abolition of slavery. If Jews demand whites to repent over the Jewish Holocaust then they themselves must repent over their leading role in the October Revolution, the Holodomor, the Great Terror, and the Gulag Archipelago, all of which resulted in tens of millions killed. All groups of people have atrocities in their past which were committed both against themselves and others (and, in many cases, against white people).

So if non-whites wish to make white people repent for the past, whites should follow Aleksandr Solzhenitsyn’s lead by saying two words:

“You first.”

Second, Solzhenitsyn underscores Russian suffering in the past. If a nation has been both victimizer and victim throughout history, then abject mea culpas simply become inappropriate. Solzhenitsyn understood historical Russian suffering well (and experienced its contemporary suffering firsthand as a Gulag zek in the 1940s and 1950s). There is no pulling the wool over his eyes. Quotes such as these say it all:

The memory of the Tartar yoke in Russia must always dull our possible sense of guilt toward the remnant of the Golden Horde.

And

Did not the revolution throughout its early years have some of the characteristics of a foreign invasion? When in a foraging party, or the punitive detachment which came down to destroy a rural district, there would be Finns, there would be Austrians, but hardly anyone who spoke Russian? When the organs of the Cheka teemed with Latvians, Poles, Jews, Hungarians, Chinese?

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It may seem weak or effeminate for whites to play the victim card, but as the non-whites have shown, it is a powerful card. All whites must play it in order to counter it when played against them. As discussed above, tens of millions of whites were murdered, starved to death, or incarcerated by the Soviet system between the world wars. Whites must follow Solzhenitsyn’s logic and own this. For example, when American blacks demand repentance over slavery, whites need to point out that whites were brought to North America as slaves in similar numbers, under equally hazardous circumstances, and were in many cases treated worse than the blacks were. And if blacks wish to complain about contemporary racism or segregation, whites must counter with crime statistics and the undeniable fact that blacks victimize whites in these crimes many more times than the reverse.

Fortunately, Solzhenitsyn sees beyond all this and wants the endless finger-pointing to end. 

Who has no guilt? We are all guilty. But at some point the endless account must be closed, we must stop discussing whose crimes are more recent, more serious and affect most victims. It is useless for even the closest neighbors to compare the duration and gravity of their grievances against each other. But feelings of penitence can be compared.

And compare we must. This is may not change the minds of the enemies of whites, but it will stiffen the resolve of white people. And what do a people need more than resolve in order to survive and thrive?

*  *  *

In “The Smatterers,” Solzhenitsyn’s final contribution to From Under the Rubble, our author outlines the defining characteristics of the Soviet intelligentsia to the point of creating a universal type. Thanks to Solzhenitsyn’s ruthless insight into human nature, all dissidents on the Right now have a reliable blueprint for their Left-wing, humanist oppressors. Several decades and thousands of miles may separate many of us from Solzhenitsyn’s Soviet dystopia, but in “The Smatterers,” one of his most prescient works, Solzhenitsyn shows us that his enemies are indeed our enemies. Nothing fundamental has changed with the Left. Its adherents today follow the same psychological pattern and ape the same grotesque behaviors of the Soviet and pre-Soviet elite which beleaguered dissidents throughout the twentieth century.

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Some of these characteristics are itemized below:

Anti-Racism: “Love of egalitarian justice, the social good and the material well-being of the people, which paralyzed its love and interest in the truth. . .”

Passionate Intolerance: “Infatuation with the intelligentsia’s general credo; ideological intolerance; hatred as a passionate ethical impulse.”

Atheism: “A strenuous, unanimous atheism which uncritically accepted the competence of science to decide even matters of religion — once and for all and of course negatively; dogmatic idolatry of man and mankind; the replacement of religion by a faith in scientific progress.”

Anti-Nationalism: “Lack of sympathetic interest in the history of our homeland, no feeling of blood relationship with its history.”

Hypocrisy: “Perfectly well aware of the shabbiness and flabbiness of the party lie and ridiculing among themselves, they yet cynically repeat the lie with their very next breath, issuing ‘wrathful’ protests and newspaper articles in ringing, rhetorical tones. . .”

Materialism: “. . . it is disgusting to see all ideas and convictions subordinated to the mercenary pursuit of bigger and better salaries, titles, positions, apartments, villas, cars. . .”

Ideological Submission: “For all this, people are not ashamed to toe the line punctiliously, break off all unapproved friendships, carry out all the wishes of their superiors and condemn any of their colleagues either in writing or from a public platform, or simply by refusing to shake his hand, if the party committee orders them to.”

Arrogance: “An overweening insistence on the opposition between themselves and the “philistines.” Spiritual arrogance. The religion of self-deification — the intelligentsia sees its existence as providential for the country.” (Solzhenitsyn also points out how the Soviet intelligentsia of his day would give their dogs peasant names, such as Foma, Kuzma, Potap, Makar, and Timofei.)

With his typical wry sense of humor, Solzhenitsyn asks, “If all these are the qualities of the intelligentsia, who are the philistines?” 

Seriously, however, could anyone have turned in a more accurate depiction of today’s Leftist avengers who use government and big tech corporations as weapons against the people? Yes, some of the above characteristics are shared by all decadent elites. And yes, today’s milieu has become far more degenerate than Solzhenitsyn’s (racial diversity, non-white immigration, feminism, gay rights, and transgenderism will do that). But the source of power behind both elites remains the same: “the maintenance of the obligatory ideological lie.” 

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As discussed above, in Solzhenitsyn’s day, the lie was class egalitarianism; today it is racial and gender egalitarianism. One must enthusiastically support and propagate such lies to become part of the country’s elite. There is no second path. In fact, for these elites, these smatterers, as Solzhenitsyn calls them, following any second path becomes anathema and must be swiftly punished. He draws a straight line from the “atheistic humanism” of the smatterers to the “hastily constituted revolutionary tribunals and the rough justice meted out in the cellars of the Cheka.”

This is how nations lose their souls. Forcing lies onto a nation’s elite warps them — it makes their minds inconsequential but their actions highly consequential. 

Then millions of cottages — as well-designed and comfortable as one could wish — were completely ravaged, pulled down or put into the wrong hands and five million hardworking, healthy families, together with infants still at the breast, were dispatched to their death on long winter journeys or on their arrival in the tundra. (And our intelligentsia did not waver or cry out, and its progressive part even assisted in driving them out. That was when the intelligentsia ceased to be, in 1930. . .)

And not just in the Soviet Union. Smatterers in the West are equally consequential. Back in the early 1970s, Solzhenitsyn predicted the immigration crisis which is now ravaging Europe, and correctly blamed it on the “spirit of internationalism and cosmopolitanism” of these smatterers. The following passage is uncannily prescient:

In Great Britain, which still clings to the illusion of a mythical British Commonwealth and where society is keenly indignant over the slightest racial discrimination, it has led to the country’s being inundated with Asians and West Indians who are totally indifferent to the English land, its culture and traditions, and are simply seeking to latch onto a ready-made high standard of living. Is this such a good thing?

Solzhenitsyn’s answer to all of this, and the action he prescribes, is to simply reject the lie. This, to him, is more important than “our salaries, our families, and our leisure.” Even our very lives. This is what makes a dissident a dissident. Many in his day and ours justify accepting the ideological lie for the sake of their children. Solzhenitsyn responds by asking what kind of degenerate society will we bequeath to our children and grandchildren if we don’t stand up to these lies? Because Solzhenitsyn bears a blood identification with the Russian nation (as the Dissident Right today does with the white European diaspora), he believes that no personal gain or loss can outweigh the importance of rejecting ideological lies. This, as much as anything, preserves the spiritual and ultimately the physical health of a nation and a people.

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Pearse, poète armé

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Pearse, poète armé

Par Marina Naves, rédactrice de « Nôva Resistencia » (Brésil)

Ex : https://therevolutionaryconservative.com

Patrick Pearse (ou Pádraig Mac Piaraisc, en gaélique irlandais), est considéré aujourd'hui comme l'une des principales figures du nationalisme irlandais. Après avoir combattu, après s’être sacrifié pour l'indépendance de l'Irlande – alors colonie britannique - son image s'est transformée en celle d'un martyr ; après tout, Pearse n'a pas seulement pris part au fameux "Easter Rising" (insurrection rebelle et séparatiste qui a pris les rues de Dublin en avril 1916), mais l'a également placé aux côtés d'Éamon de Valera et de Michael Collins.

Pourtant, on parle peu du poète qui a endossé l'uniforme vert et s’est saisi d’armes à feu. Cette impasse sur sa poésie nous fait sans aucun doute perdre la capacité de comprendre et de saisir la question humaine qui se profile derrière le conflit politique et historique. Je propose donc une brève analyse de certains vers du poème Le Rebelle, qui est importante pour comprendre les sentiments d'insatisfaction et de révolte qui nourrissaient les insurgés de Dublin en 1916.

Partant de ce désir d'indépendance proprement dit, les premiers vers du poème soulignent déjà le contraste entre, d’une part, la pauvreté et la souffrance d'un peuple négligé et, d’autre part, l'imaginaire d'une Irlande glorieuse, "pré-normande" (et, par conséquent, "pré-anglicisée") de l'époque des ard-ríor (‘’hauts rois’’) - qui, bien que grands personnages du folklore et de la littérature d’Irlande, "ne détenaient pas de réel pouvoir politique" (ORPEN, 1911, p. 23-24).

"Je suis issu de la semence du peuple, du peuple qui souffre,

Qui n'a pas de trésor mais de l'espoir,

Pas de richesses en réserve, mais un souvenir

D'une gloire ancienne".

“I am come of the seed of the people, the people that sorrow,
That have no treasure but hope,
No riches laid up but a memory
Of an Ancient glory”

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Il faut se rappeler que l'Irlande, quelques décennies avant la rédaction de ce poème, avait traversé une période qui sera connue sous le nom de An Gorta Mór, "Grande Famine", au cours de laquelle plus d'un million de personnes sont mortes par la peste, due à la famine, près de deux millions ont quitté l'île pour, principalement, les États-Unis d'Amérique. Un tel événement a non seulement été dévastateur sur le plan démographique, mais a également provoqué une grave diminution de la pratique du gaélique irlandais, affaiblissant la langue et laissant la place à une plus grande domination culturelle des Anglais.

En poursuivant l'analyse, un autre aspect important du poème réside dans la façon dont le sujet lyrique est présenté comme le portrait des douleurs et des souhaits du peuple au nom duquel il parle; son rôle est donc celui d'un porte-parole qui parlera et se battra en faveur de son peuple, assumant un rôle de martyr dont l'image est, peut-être, la même que celle de Jésus-Christ :

" (...) moi qui ai une âme plus grande que celles des maîtres de mon peuple,

Moi qui ai une vision et une prophétie et le don de la parole enflammée,

Moi qui ai parlé avec Dieu au sommet de sa sainte colline (...)".

“(…) I that have a soul greater than the souls of my people’s masters,
I that have vision and prophecy and the gift of fiery speech,
I that have spoken with God on the top of His holy hill (…)”

L'association avec les images de l'idéal chrétien n'est pas le fruit du hasard : le peuple irlandais possède une forte tradition catholique, et Pearse n'était pas différent. Lors du soulèvement de 1916, il savait que la puissance militaire britannique était supérieure, et que la mort était certaine, d'autant plus qu'il s'était accrédité que le sang des rebelles serait comme le sang du Christ : mort et renaissance - sauver les hommes du péché et l'Irlande de ses chaînes. De même, on pouvait dire que le sacrifice des insurgés était, au moins dans leur esprit de convaincus, tel que le sacrifice de Jésus en étant crucifié.

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Enfin, l'auteur amène aussi son poème vers le sentiment d'insurrection et de révolte qui se fortifie à chaque pulsation, approuvant de plus en plus le désir de révolution et de changement, criant aux maîtres de son peuple - les bourgeois, les Britanniques - un avertissement de ce qui est sur le point de se produire dans la réalité d'un autre monde, au-delà des paroles.

"Et je dis aux maîtres de mon peuple Prenez garde,

Méfiez-vous de ce qui s'en vient, méfiez-vous des ressuscités,

Qui prendront ce que vous ne donniez pas.

Avez-vous pensé à conquérir le peuple,

Ou que la Loi est plus forte que la vie et que le désir des hommes d'être libres ?

Nous allons l'expérimenter avec vous, vous qui vous êtes pressés et qui avez tenu bon,

Vous qui avez intimidé et soudoyé, des tyrans, des hypocrites, des menteurs !"

And I say to my people’s masters: Beware,
Beware of the thing that is coming, beware of the risen people,
Who shall take what ye would not give.
Did ye think to conquer the people,
Or that Law is stronger than life and that men’s desire to be free?
We will try it out with you, ye that have harried and held,
Ye that have bullied and bribed, tyrants, hypocrites, liars!

Références :

ORPEN, G. H. Ireland under the Normans, Oxford, 1911.

Source :

http://novaresistencia.org/2019/08/18/pearse-e-o-poeta-po...

Géopolitique du Brésil : entre Terre et Mer

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Géopolitique du Brésil : entre Terre et Mer

Par Raphael Machado, dirigeant de « Nôva Resistencia » (Brésil)

Ex: https://therevolutionaryconservative.com

Selon Carl Schmitt, l'essence de la politique est la distinction ami-ennemi. Nous trouvons également, chez Schmitt, une opposition fondamentale dans la géopolitique. En l'occurrence, l'opposition Terre-Mer, à laquelle Schmitt lui-même a consacré d'innombrables pages, mais dont la première formulation se perd dans le brouillard de l'histoire. Cicéron déjà, dans son De Re Publica, fustigeait les thalassocraties de Carthage et de Corinthe pour leur propension à la décadence, associée à une nature "aquatique" selon lui qui s'exprimait concrètement dans leurs stratégies respectives d'expansion coloniale, alors qu'il tenait en haute estime la vertu de la majorité des peuples enracinés dans la terre.

Il pourrait sembler qu'il s'agisse ici d'un sujet extrêmement métaphysique, voire d'un délire symbolique, mais la question de l'opposition terre-mer est si classique qu'elle devient universelle chez les penseurs géopolitiques, indépendamment de leurs orientations idéologiques. En fait, il a été possible de trouver une réciprocité entre les différentes formes d'expressions classiques du pouvoir (terrestre - aquatique) et une sorte de caractère ou de psyché des peuples.

En résumé, les civilisations de la Terre, généralement caractérisées par la présence d'une capitale et de provinces dans les terres voisines, seraient délimitées, en même temps, par un plus grand sens de la continuité, des frontières et des distinctions claires, par une plus grande propension à l'ascétisme et à la guerre ouverte. Les civilisations de la mer, pour la plupart, généralement organisées dans le cadre des relations entre métropole et colonies étrangères, seraient propices à l'indifférenciation, avec une relativisation des concepts et des frontières, avec une tendance psychologique à l'individualisme, à l'utilitarisme et au commerce.

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Ce dualisme évident pourrait avoir des résonances intéressantes et pourrait aussi exprimer avec clarté notre perception des inimitiés historiques telles celles de Rome et de Carthage, de Sparte et d’Athènes, de la Grande-Bretagne et de l'Allemagne ou des États-Unis et de la Russie. Cependant,  nous sommes également confrontés à des exemples historiques plus complexes, plus prompts à générer de la confusion, exemples que sont le Portugal et l'Espagne, qui devraient nous intéresser grandement en tant qu'Ibéro-Américains.

Après tout, les États ibériques ont effectivement construit de grands empires coloniaux à l'étranger, organisés selon la logique des relations entre les métropoles qui commandent et les colonies dont on extrait des biens matériels. Alors, ces puissances ibériques étaient-elles des empires thalassocratiques ? Le Portugal et l'Espagne sont-ils liés par la symbolique de la mer ? Le problème est que, d'un point de vue spirituel, psychologique ou sociologique, ce qui signifie que, dans le contexte de l'examen de l'âme d'un peuple, il semble évident que le Portugal et l'Espagne sont liés par la symbolique de la Terre, ils étaient des empires tellurocratiques. Comment résoudre cette contradiction qui implique les patries ibéro-américaines ?

Le professeur André Martin, dont les analyses sont très pertinentes, affirme que le Brésil a une nature "amphibie", c'est-à-dire qu'il est délimité par un mélange entre terre et mer, et que cela devrait déterminer sa géopolitique. Avec tout le respect que je lui dois, nous osons ne pas être d'accord avec cette vision du Brésil. Cela nous semble être une tentative d'échapper à la contradiction fondamentale au lieu d'essayer de la résoudre. En fait, le Brésil a des éléments liés à ces deux symbolismes, mais cela est vrai pour tous les autres peuples, surtout aujourd'hui.

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L'élite brésilienne, concentrée sur la côte, incarne les valeurs commerciales et cosmopolites de la mer. Alors que les masses brésiliennes, qui vivent à l'intérieur des terres, incarnent les valeurs conservatrices et enracinées de la Terre. Ce choc, dans lequel les intérêts conservateurs et collectifs d'une masse populaire font face aux intérêts libéraux et individualistes d'une élite cosmopolite, explique en grande partie les phénomènes et les événements politiques au Brésil.

Quelle est l'importance de tout cela ? Si, en dépit de leurs élites, la nature du Brésil est tellurocratique, alors sa géopolitique doit être orientée vers l'autarcie continentale, vers la rencontre civilisationnelle avec ses voisins, et non par la recherche de partenaires commerciaux à l'étranger.

Le Brésil, qui s'est éloigné de nos frères ibéro-américains et s'est rapproché de l'Atlantique, doit retrouver son chemin.

Source :

MACHADO, Raphaël. "Columna de Opinión Internacional (Brasil) del 15.07.2020". Diario La Verdad. Lima, Pérou.

Disponible à l'adresse suivante :

https://comitecentralameri.wixsite.com/ccla/post/la-geopolítica-brasileña-entre-tierra-y-mar

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Idéologie des Lumières et progressisme

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Idéologie des Lumières et progressisme

Par Alberto Buela

Ex : https://www.posmoderna.com

C'est finalement l'œuvre du philosophe allemand Immanuel Kant (1724-1804) Was ist Aufklärung ? (1784) qui a le mieux défini ce qu'était le Siècle des Lumières lorsqu'il a déclaré : "c'est la libération de l'homme de la minorité qu’il s’est imposé". C'est-à-dire de son incapacité à faire usage de la seule raison sans dépendre d'une autre tutelle, comme l'était la théologie au Moyen-Âge, où l'on disait : philosophia ancilla teologíae = la philosophie est la servante de la théologie.

La devise des Lumières était Sapere aude, « oser savoir », en utilisant sa propre raison.

Mais les Lumières, cherchant à émanciper l'homme de la théologie, des préjugés et des superstitions, finirent par déifier "La Raison" et ses produits : technique et calcul dont les conséquences furent contradictoires, puisque son plus grand travail fut la bombe atomique d'Hiroshima et de Nagasaky.

Après avoir été à un poste de combat à sa mesure, l'homme était à nouveau considéré comme une île rationnelle mais entourée d'une mer d'irrationalités, comme aimait à le dire Ortega. La sagesse pré-moderne est à nouveau prise en compte. Des aspects fondamentaux de l'homme qui avaient été négligés par le Siècle des Lumières et ses adeptes, et qui appartenaient au Moyen Âge diabolisé, ont été lentement repris en compte. L'homme postmoderne se plonge à nouveau dans les eaux des problèmes éternels. Mais, bien sûr, avec une différence abyssale : c'est un homme sans foi, sans espoir, nihiliste. Ainsi naquit la pensée d'un Vattimo, une pensée faible (pensiero debole) qui peut donner des raisons à l'état actuel de l'être humain mais qui ne peut donner de sens aux actions à entreprendre pour sortir du bourbier actuel.

Cependant, une grande partie du monde intellectuel de l'après-guerre, notamment celui qui fut lié au marxisme, au communisme et au socialisme, a continué sur la voie des Lumières, même si l'école de Francfort, quintessence de la pensée juive contemporaine (Weil, Lukacs, Grünberg, Horkheimer, Adorno, Marcuse, Fromm), Habermas et alii) qui a soutenu, en synthèse, que nous avions tort non pas parce que les produits du rationalisme éclairé avaient montré leurs flagrantes contradictions en faisant le mal à des innocents comme cela s'est produit avec les milliers de Japonais nés radioactifs et condamnés d'avance, mais parce que les postulats des Lumières n'avaient pas été pleinement appliqués.

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Les vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale ont adapté, avec des variantes social-démocratiques ou néo-libérales, les restes de la pensée des Lumières, qui ont traversé les ‘’eaux du Jourdain’’, c’est-à-dire les méandres de l'école de Francfort, laquelle possédait la boussole culturelle de notre époque. Ainsi, son produit le plus réussi est le progressisme actuel.

C'est pour cette raison qu'un de nos très bons collègues déclare : "Peut-être est-il correct de dire que le progressisme est ce qui reste du marxisme après son échec historique en tant qu'option politique, économique et sociale et sa résignation transitoire (ou définitive ?) face au triomphe du capitalisme. Une sorte de retour en arrière, en sautant par-dessus le bolchevisme, vers le réformisme de la social-démocratie" [1]. Le progressisme a adopté comme devise "ne pas être vieux et toujours être à l'avant-garde". Comme nous le voyons, la résonance avec les Lumières est évidente.

Que partage le progressisme, à son tour, avec le néolibéralisme : 1) l'adoption de la démocratie libérale, rebaptisée discursive, consensuelle, inclusive, droits de l'hommiste, etc. 2) l'économie de marché, malgré son discours contre les groupes concentrés, etc. 3) l'homogénéisation culturelle planétaire, au-delà de son discours sur le multiculturalisme. Le progressisme est la voie moderne vers la mondialisation

Le progressisme est ainsi, en fin de compte, parce qu'il croit à l'idée de progrès. En réalité, le progressisme n'est pas une idéologie mais plutôt une croyance, car, comme Ortega y Gasset aimait à le dire, les idées sont simplement proclamées et les croyances nous soutiennent, car dans les croyances "on est". Et les progressistes "croient" que l'homme, le monde et ses problèmes vont dans la direction où ils vont. Ainsi, tout contrevenant à leurs croyances est considéré comme "un ennemi". L'être progressiste qui est un ‘’croyant’’ n'accepte pas d'appréhender le réel danssonâpreté, et le seul enseignement qu'il accepte, parce que son imposition devient incontestable, est la pédagogie de la catastrophe. Il découvre ainsi qu'il y a des milliers de pauvres et de chômeurs lorsqu'une inondation se produit et que les ordinateurs promus ne fonctionnent pas parce que dans les écoles rurales il n'y a pas d'électricité ou pas de réseau.

En bref, le progressisme et les Lumières partagent la conviction que la réalité est ce qu'ils pensent qu'elle est et non pas, que la réalité est la vérité de la chose ou de la matière.

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Le grand courant qui contredit le progressisme est le soi-disant réalisme politique (R. Niebuhr, J. Freund, C. Schmitt, R. Aron, H. Morgenthau, G. Miglio, D. Negro Pavón) qui assume avec scepticisme les projets théoriques qui formulent la possibilité d'une paix perpétuelle, d'une organisation parfaite de la société dans le cadre d'un progrès illimité. Et ce réalisme comprend l'histoire comme le résultat d'une tendance naturelle de l'homme à convoiter le pouvoir et la domination des autres.

Le réalisme politique vient remplacer l'homo homini sacra res = l'homme est quelque chose de sacré pour l'homme, qui remonte à Sénèque, par l'homo homini lupus = l'homme est un loup de l'homme de Hobbes, qui a repris cette vue à Plaute.

Le réalisme politique affirme qu'il faut travailler sur la base des matériaux dont on dispose, et la réalité est ce qui en offre le plus, tandis que le progressisme affirme qu'il faut travailler sur ce en quoi on croit, puisque les idées s'imposent finalement à la réalité.

Le réalisme politique privilégie l'existence, tandis que le progressisme privilégie l'essence par rapport à l'existence.

[1]Maresca, Silvio: El retorno del progresismo,(2006) sur internet.

 

mardi, 19 janvier 2021

Quelques réflexions sur les castes et la tripartition

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Quelques réflexions sur les castes et la tripartition

CASTES

« Par la distribution différente

 Des qualités et des actions,

J’ai créé les quatre castes.

Sache que c’est Moi leur auteur. »

(Bhagavad-Gîta, IV. 13)

[C’est le Dieu suprême qui parle.]

 

« Quand le devoir tombe dans l’oubli,

Les femmes se corrompent, ô Krishna !

Et quand les femmes se corrompent, ô Varshneya,

Alors naît la confusion des castes. »

(Bhagavad-Gita, I. 41; traduction d’Anna Kamensky)

[La confusion des castes : le règne des Tchandalas.]

 

418ilPdZE+L._SX327_BO1,204,203,200_.jpg« [En Inde, juste avant l’apparition du bouddhisme] La civilisation la plus élevée qu’un peuple puisse atteindre dans un état ordonnancé était atteinte. La loi et le droit réglaient la vie des membres de l’Etat. La division du peuple en castes indiquait à chacun la voie de sa vie. Le trône des princes était environné de pompe et de luxe ; la caste des prêtres et celle des guerriers étaient près du trône et menaient une vie confortable, aux dépens du peuple, il est vrai ; cependant les castes des artisans, des commerçants et des agriculteurs avaient leurs cercles juridiques qui leur étaient garantis par la loi et dans l’intérieur desquels elles pouvaient se mouvoir librement. Il y avait bien de nombreuses castes inférieures, castes de serviteurs dont la vie se passait à travailler pour d’autres, mais on consolait ces castes par des promesses religieuses, de sorte que ça et là un rayon d’espoir, une divine étincelle de joie, tombait sur la misère de leur vie. »

(Ludwig Gumplowicz, La lutte des races, 1883)

« L’ordonnance des castes apparaît chez Manu d’une grande intransigeance. Cependant, cette sévérité qui peut encore nous sembler injuste dans l’Inde actuelle est atténuée, pour l’Hindou croyant, par la métempsychose, concept qui vient peut-être de la population pré-indo-européenne mais qui fut édifié intellectuellement par les Aryens ; un Shudra vertueux peut se réincarner en un Vaishya, un Vaishya vertueux en Kshatriya, un Kshatriya vertueux en un Brahmane. »

(Hans F.K. Günther, La race nordique chez les Indo-Européens d’Asie, 1934)

md30725253875.jpg« Il y a là plus que des classes, qui sont une dégradation économique et matérialiste ; les castes reflètent un ordre métaphysique où chaque individu accomplit sa fonction selon sa vraie volonté – ou devoir, dharma – en tant que manifestation de l’ordre cosmique.  Pour les fidèles de la Tradition Pérenne, la caste est une manifestation de l’ordre divin et pas seulement une division économique du travail en vue d’une grossière exploitation. »

(Julius Evola, La tradition hermétique)

« Toute société est nécessairement divisée en quatre groupes correspondant à quatre fonctions essentielles sans lesquelles aucune civilisation ne saurait subsister. Chaque fois que, au cours de l’histoire, on a essayé d’altérer ou de supprimer cette division fondamentale, on la voit reparaître sous quelque autre forme car elle est inhérente à la nature de l’homme. »

(Alain Daniélou, Les Quatre Sens de la Vie)

« L’humanité ne trouve l’équilibre et le bonheur que lorsque les quatre groupes humains qui sont à la base des quatre castes sont en harmonie. Cela seul permet d’éviter les quatre tyrannies dont parle Manu, le grand législateur, et qui sont la tyrannie des prêtres, celle des guerriers, celle des marchands et celle de la classe ouvrière qui sont également néfastes et se succèdent indéfiniment jusqu’à ce qu’un équilibre social soit rétabli.

Il n’est pas nécessaire d’aller en Inde pour observer ce cycle inéluctable, l’Europe, dans le passé récent, a connu la prise du pouvoir par l’Église, puis par l’aristocratie suivie de la bourgeoisie capitaliste, et enfin la dictature du prolétariat. Aucune de ces formules n’est stable ni efficace. Elles aboutissent inévitablement à la tyrannie et à l’injustice. Seule une reconnaissance des quatre groupes essentiels à toute société et leur attribution de droits et de privilèges distincts peut permettre une organisation sociale stable et juste. C’est une organisation de ce genre, le système des castes, qui a permis à l’Inde, malgré les invasions et les guerres, de maintenir une civilisation ininterrompue depuis l’Antiquité. Le Moyen Âge européen avait tenté d’établir une organisation de ce genre. Ce fut l’Église, avec l’Inquisition qui rompit l’équilibre. »

(Alain Daniélou, Shiva et Dionysos, 1979)

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TRIPARTITION

« …il est très remarquable que l’organisation sociale du Moyen Age occidental ait été calquée exactement sur la division des castes, le clergé correspondant aux Brahmanes, la noblesse aux Kshatriyas, le tiers-état aux Vaishyas, et les serfs aux Shudras. »

(René Guénon, Autorité spirituelle et pouvoir temporel, 1929)

[La même remarque figure, en termes quasi-identiques, dans Le roi du monde (1927).]

« La prééminence du soldat sur l’agriculteur et de l’agriculteur sur le marchand, que l’hitlérisme postule, était admise par toutes les sociétés antiques. »

(Alfred Fabre-Luce, Journal de la France, 1940)

« Le type économique est en lui-même inférieur non seulement au type spirituel au sens le plus élevé du terme, mais en outre au guerrier, à l’homme d’Etat, au penseur et à l’artiste. (…) Aussi le gouvernement exclusif par la classe économique serait-il l’expression extrême de la suprématie d’une classe unique, et, cette classe étant en elle-même inférieure d’après tous les critères spirituels, sa suprématie aboutirait nécessairement à un état général inférieur. »

(Hermann von Keyserling, Diagnostic de l’Amérique et de l’américanisme, 1941)

9788898672219_0_306_0_75.jpg« Le premier devoir est de combattre pour la restauration de l’Ordre. Pas tel ou tel Ordre particulier, telle ou telle formule politique contingente, mais l’Ordre sans adjectifs, la hiérarchie immuable des pouvoirs spirituels à l’intérieur de l’individu et de l’Etat qui place au sommet ceux qui sont ascétiques, héroïques et politiques et au-dessous ceux qui sont simplement économiques et administratifs. »

(Adriano Romualdi)

« Le principe européen par excellence postulait la prééminence du souverain et du prêtre sur le guerrier, et celle du guerrier sur le producteur-consommateur. Ou, si l’on préfère, de l’âme et de l’esprit sur le cœur, et du cœur sur le ventre, du spirituel sur le corporel et du corporel sur l’économique. »

(Alain de Benoist)

« …quelques-unes des grandes réussites ou des grands efforts de puissance, jusque dans la plus moderne histoire de notre Europe, reposent sur des reviviscences claires et simples du vieil archétype trifonctionnel. (…) [par ex.] les trois rouages essentiels de l’Etat soviétique (le parti avec la police, l’armée rouge, les ouvriers et les paysans), ceux de l’Etat nazi (le Partei avec la police, la Wehrmacht, l’Arbeitsfront) [qui] constituent des machines dont l’efficacité n’est pas contestable. »

(Georges Dumézil, L’oubli de l’homme et l’honneur des dieux, Gallimard 1985)

« Je pense que quand les Indo-Européens sont nomades et que leur économie et leur structure sociale sont les plus simples, il y a trois fonctions, mais que quand les Indo-Européens s’établissent à un endroit et commencent à pratiquer l’agriculture et le commerce, il y a alors une différenciation entre employés et travailleurs, et un système quadripartite surgit. »

(Greg Johnson, article sur TOQ, 2011)

« …l’anthropologie de l’apôtre Paul apparaît trichotomique, distinguant en l’homme, l’esprit, le corps et l’âme. Cette trichotomie serait pleinement applicable à la structure de l’Empire idéal. (…)

5115V0M6JKL._SX289_BO1,204,203,200_.jpgL’espace, la terre, le territoire, la zone de contrôle et d’influence constituent le contenu corporel de l’Empire et correspondent au corps de l’homme. (…) Le peuple correspond à l’âme ; il vit et se déplace, aime et déteste, tombe et se relève, s’envole et souffre. (…) La religion correspond à l’esprit. Elle montre des perspectives montagneuses, elle assure le contact avec l’éternité, elle dirige le regard vers le ciel.

De même que l’homme possède obligatoirement un corps, une âme et un esprit, selon le christianisme, de même l’Empire possède un espace, un peuple et une religion. »

(Alexandre Douguine, La Quatrième théorie politique, 2012)

« Dans Homère, le mythe de la guerre de Troie débute par la faute de Pâris, noble troyen. Il voit arriver devant lui trois déesses, une par fonction : Héra représente la fonction souveraine, Athéna la fonction guerrière et Aphrodite, la déesse de l’amour, la troisième fonction. Pâris doit remettre une pomme d’or à la plus belle et il choisit Aphrodite. Il entraîne alors Troie dans la ruine car les déesses de la souveraineté et de la guerre vont se venger et prendront le parti des Grecs contre les Troyens.

Il ne faut pas inverser la hiérarchie des fonctions, telle est la leçon du mythe. Il faut aussi un équilibre à l’intérieur des fonctions.

Les Etats fascistes sont morts d’avoir mis la fonction guerrière au-dessus de tout. Les Etats occidentaux ont tendance aujourd’hui, sous l’impulsion des Etats-Unis, à faire dominer la troisième fonction. (…) Au sein de la troisième fonction, la sous-fonction marchande l’emporte sur la sous-fonction familiale. (…) L’économie détermine seule le sens de la vie. »

(Ivan Blot, La Russie de Poutine, 2016)

« [Lors de la chute du communisme en 1991] Les fonctions souveraines et guerrières, accaparées par le Parti communiste, se sont effondrées. La troisième fonction économique, non régulée, donc chaotique, a pris le dessus comme nous l’avons vu plus haut. La natalité s’est effondrée, la criminalité est partie en hausse, la mortalité a augmenté, fait unique dans un pays développé. L’économie elle-même a chuté, car elle a besoin d’un cadre stable.

La chance de la Russie, qui ne fut pas celle de l’Ukraine, est qu’elle avait de longue date une forte tradition militaire. C’est le milieu des officiers qui est arrivé à contrôler les oligarques, et le président Poutine en est l’émanation. La Russie actuelle a rétabli la hiérarchie des trois fonctions. La sous-fonction religieuse est réapparue et collabore avec l’Etat. Le président et le patriarche de Moscou, Cyrille, incarnent cette double fonction souveraine. La fonction militaire a été revalorisée. La troisième fonction (production et reproduction) a été rééquilibrée pour que la famille ne se désagrège pas au profit de la seule sous-fonction économique.

En même temps, les valeurs des deux premières fonctions ont été réaffirmées : patriotisme, moralité chrétienne, sens de l’honneur. »

(Ivan Blot, La Russie de Poutine, 2016)

81hkXcUpd9L.jpg« …la Russie nouvelle est une démocratie de type ‘gaullien’ avec des libertés, des élections, l’ouverture sur l’étranger mais la hiérarchie des trois fonctions a été rétablie. C’est une démocratie ‘tripartitionnelle’, différente du totalitarisme communiste qui avait détruit la troisième fonction, et différente de l’Occident dominé par le Gestell qui entraîne la dégénérescence des deux premières fonctions de souveraineté et militaire. En Russie, on est en économie libre de marché mais la primauté de la fonction de souveraineté est rétablie, et la fonction de défense est réévaluée dans la vie sociale. »

(Ivan Blot, La Russie de Poutine, 2016)

« Les intérêts économiques doivent être subordonnés aux intérêts stratégiques. Ce n’est pas à Mercure de régner sur l’Olympe. Ce n’est pas à l’intendance de donner des ordres. »

(Thomas Ferrier, tweet du 26 décembre 2020)

[Il y en a certains qui doivent se sentir visés… D’ailleurs, de Gaulle avait déjà dit : « La politique de la France ne se fait pas à la Corbeille ». Et on connaît aussi : « L’intendance suivra ». Aujourd’hui, il y a beaucoup de représentant de « l’intendance » parmi les dirigeants occidentaux… (mais pas en Russie et en Chine…)]

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Céline et la soumission imbécile du Français

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Céline et la soumission imbécile du Français

par Nicolas Bonnal

On entend ici et là qu’on va réagir, qu’on est le pays des rebelles, des droits de l’homme, de la liberté, des tranchées et qu’on va voir ce qu’on va voir à propos du vaccin, du masque, du confinement.

Je répète : jouez aux rebelles quinze secondes, vous qui me jetez la pierre, dans le métro, à l’école, au boulot. Il n’y a pas 30% de mécontents ou d’insoumis dans ce pays, mais 1%. Et ça dépend des jours et du sujet.

Une amie m’a écrit hier :

« J’entendais hier un général de gendarmerie, étonné de la "docilité" des français (à propos du couvre-feu), qui disait qu'en réalité on n'aurait pas le choix. Carnet vaccinal obligatoire pour voyager ; pour se soigner et aller à l'hosto idem ; pour travailler encore, les administrations demanderont à leurs employés de se faire vacciner (et je doute que le privé soit en reste) ; bref ce que tu dis depuis des mois. »

C’est ce que je dis depuis des mois parce que c’est ce qui se passe depuis des siècles.

Tout pays de la liberté se croit plus libre au fur et à mesure qu’il s’enferme dans les réseaux inextricables des lois. Maistre rappelait en 1789 qu’on avait eu plus de lois en un an qu’en mille.

Quelques rappels céliniens alors. C’est ma monographie la plus lue - avec celle de Tolkien -  et elle est lue par des gens qui ont compris que Céline ne parle pas des juifs (sujet éculé tout de même) mais des Français :

« Il règne sur tout ce pays, au tréfonds de toute cette viande muselée, un sentiment de gentillesse sacrificielle, de soumission, aux pires boucheries, de fatalisme aux abattoirs, extraordinairement dégueulasse. Qui mijote, sème, propage, fricote, je vous le demande, magnifie, pontifie, virulise, sacremente cette saloperie suicidaire ? Ne cherchez pas ! Nos farceurs gueulards imposteurs Patriotes, notre racket nationaliste, nos chacals provocateurs, nos larrons maçons, internationalistes, salonneux, communistes, patriotes à tout vendre, tout mentir, tout provoquer, tout fourguer, transitaires en toutes viandes, maquereaux pour toutes catastrophes. Patriotes pour cimetières fructueux. Des vrais petits scorpions apocalyptiques qui ne reluisent qu’à nous faire crever, à nous fricoter toujours de nouveaux Déluges. »

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Céline a compris que le Français n’est pas une victime de Macron, Hollande ou Sarkozy, du comité des forges ou du mondialisme ou de Bruxelles : le Français est un enthousiaste. On le laisse cracher le morceau (à Céline) :

« Plus de Loges que jamais en coulisse, et plus actives que jamais. Tout ça plus décidé que jamais à ne jamais céder un pouce de ses Fermes, de ses Privilèges de traite des blancs par guerre et paix jusqu’au dernier soubresaut du dernier paumé d’indigène. Et les Français sont bien contents, parfaitement d’accord, enthousiastes. »

Cela c’était avant 39. Pour aujourd’hui aussi ces lignes résonnent furieusement (pensez à ces queues d’andouilles voulant être testées cet été…) :

« Une telle connerie dépasse l’homme. Une hébétude si fantastique démasque un instinct de mort, une pesanteur au charnier, une perversion mutilante que rien ne saurait expliquer sinon que les temps sont venus, que le Diable nous appréhende, que le Destin s’accomplit. »

Certains nous font le coup à la mode Maurras du grand recours, de la divine surprise (Trump…). On a vu la lâcheté incisive des femmes Le Pen. Céline savait ce qu’il en coûtait de se fier aux patriotes, aux nationalistes et autres, toujours les premiers à offrir leur poitrine aux démocraties, comme disait Bernanos. Et de rentrer dedans :

« Dans nos démocraties larbines, ça n’existe plus les chefs patriotes. En lieu et place c’est des effrontés imposteurs, tambourineurs prometteurs “d’avantages”, de petites et grandes jouissances, des maquereaux “d’avantages”. Ils hypnotisent la horde des “désirants”, aspirants effrénés, bulleux “d’avantages”. Pour l’adoption d’un parti, d’un programme, c’est comme pour le choix d’un article au moment des “réclames”, on se décide pour le magasin qui vous promet le plus “d’avantages”. Je connais moi des personnes, des véritables affranchis qui sont en même temps marxistes, croix-de-feu, francs-maçons, syndiqués très unitaires et puis malgré tout, quand même, encore partisans du curé, qui font communier leurs enfants. C’est des camarades raisonnables, pas des fous, qui veulent perdre dans aucun tableau, qui se défendent à la martingale, des Idéologues de Loterie, très spécifiquement français. Quand ça devient des racailles pareilles y a plus besoin de se gêner. »

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Cela s’applique aussi au Bayrou, catho, bourgeois, six enfants, qui nous prépare le passeport vaccinal et la grande confiscation dans un bâillement/acquiescement général.

Céline remet notre occident démocrate – qui retombe dans son terrorisme/bolchévisme initial, ici ou en Amérique - à sa place :

« La conjuration mondiale seule véritable réussite de notre civilisation. Nous n’avons plus de patriotes. C’est un regret de bétail, on en a presque jamais eu de patriotes. On nous a jamais laissé le temps. D’une trahison dans une autre, on a jamais eu le temps de souffler… D’une guerre dans une autre… »

Après on est vendus aux étrangers mais c’est depuis des siècles (pensez à Concini dans le Capitan…) :

« On nous a toujours trafiqués, vendus comme des porcs, comme des chiens, à quelque pouvoir hostile pour les besoins d’une politique absolument étrangère, toujours désastreuse. Nos maîtres ont toujours été, à part très rares exceptions, à la merci des étrangers. Jamais vraiment des chefs nationaux, toujours plus ou moins maçons, jésuites, papistes, juifs… »

Parti de l’ordre, parti catholique, parti social-démocrate, parti européen, parti pro-américain, parti prosoviétique, on n’en finirait pas…Comme on sait dans le dernier pamphlet Céline a compris que le problème français est insoluble, plus fort que prévu, et que « bouffer du juif ne suffit plus » ! Il était temps Ferdinand !

Qui a envie de bouffer du Zemmour, du Toubiana, du Kunstler, du Greenwald ? En pourcentage il y a plus de juifs que de goys antisystèmes. 10% dans un cas, un pour dix mille dans l’autre.

Un autre antisémite qui a enfin compris les Français c’est Drumont. Et dans son Testament, très supérieur à la France juive, il écrivait le vieil Edouard :

« Quand les conquérants germains et francs qui, unis aux purs Gaulois et aux Celtes, constituèrent véritablement la France eurent perdu leur vigueur, l'élément gallo-romain l'emporta, la race latine reprit le dessus; or, cette race est faite pour la tyrannie, puisqu'elle n'a aucun ressort de conscience ; elle adore une idole imbécile, une idole de marbre ou de plâtre qu'on appelle la Loi, et au nom de cette Loi, elle subit tout. »

Ensuite Drumont l’explique cette ludique loi gallo-romaine :

« La Loi, c'est le licteur qui vient de la part de César annoncer au citoyen romain qu'il est condamné à mourir, mais qu'on lui laisse le choix du supplice ; c'est le gendarme de la Révolution qui vient parfois tout seul arrêter cinq ou six personnes et qui les conduit au Luxembourg ou à la Conciergerie, où un autre gendarme vient les chercher pour les conduire à la guillotine. Jamais il n'est entré dans la cervelle de ceux qu'on arrêtait ainsi, l'idée de commencer par tuer le gendarme. C'est là un spectacle extraordinaire et il n'y a jamais qu'en France qu'un gouvernement ait pu s'appeler, comme par une désignation constitutionnelle: la Terreur. »

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Revenons à Céline et à la docilité du colonel de gendarmerie cité plus haut :

 « Les Français subiront leur sort, ils seront mis, un jour, à la sauce vinasse... Ils le sont déjà. Pas d'erreur!... Le conquérant doit être sûr de ses esclaves en tous lieux, toujours en mains, sordidement soumis, il doit être certain de pouvoir les lancer, au jour choisi, parfaitement hébétés... dociles... jusqu' aux os... gâteux de servitude, dans les plus ronflants, rugissants fours à viande... sans que jamais ils regimbent, sans qu'un seul poil de ce troupeau ne se dresse d'hésitation, sans qu'il s'échappe de cette horde le plus furtif soupçon de plainte... »

C’est lui qui qualifie nos monuments aux morts de lourds dolmens de la docilité…

Source:

Nicolas Bonnal – Céline, le pacifiste enragé

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Le moment national-bolchevik d’Alexandre Douguine

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Le moment national-bolchevik d’Alexandre Douguine

par Georges FELTIN-TRACOL

Ex: http://www.europemaxima.com

Il faut encore une fois saluer l’excellente initiative éditoriale d’Ars Magna qui a sorti dans la collection « Heartland » en novembre 2020 Les templiers du prolétariat d’Alexandre Douguine (467 p., 32 €).

Cet ouvrage au titre quelque peu énigmatique paraît en Russie en 1997. Il correspond à la phase activiste de son auteur. Avec l’écrivain et ancien dissident Édouard Limonov, Alexandre Douguine cofonde le Parti national-bolchevik, fer de lance de l’opposition nationale-patriotique à la présidence détestable de Boris Eltsine.

Par « templiers du prolétariat », Alexandre Douguine entend une avant-garde, une fraternité militante qui s’engage en faveur du « travailleur […] humilié et écrasé comme avant, plus qu’avant (p. 173) ». Il en appelle ouvertement à une révolution nationale des forces laborieuses, d’où la référence explicite au national-bolchevisme.

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Cet ouvrage s’intéresse aux effets politico-théoriques de ce courant né en Allemagne après 1919. Alexandre Douguine trouve toutefois une tradition similaire dans l’histoire religieuse russe. Ainsi se montre-t-il intarissable sur les sectes issues du schisme orthodoxe de 1666 – 1667. Il examine par ailleurs d’un point de vue original plusieurs œuvres littéraires russes. Il se penche tout autant sur l’essai remarquable d’Ernst Jünger, Der Arbeiter (1932), que sur le situationniste français Guy Debord. Il décrypte d’une façon déconcertante le titre, Absolute Beginners. « Absolute Beginners est un concept repris par David Bowie dans un arsenal de doctrines gnostiques très profondes. Cela a donné une bonne chanson et un clip étrange (p. 255). »

En dévoilant « la métaphysique du national-bolchevisme », Alexandre Douguine décrit un amalgame inattendu ainsi qu’une manifestation opérative de la « voie de la main gauche ». Pour lui, « le national-bolchevisme est une supra-idéologie commune à tous les ennemis de la société ouverte (p. 16) ». Cela implique la lecture « de droite » de Karl Marx et « de gauche » de Julius Evola. Il y ajoute des éléments propres à la civilisation russe, à savoir un millénarisme vieil-orthodoxe lié à la « Troisième Rome ». À cette eschatologie politique intervient la vue du monde flamboyante de Jean Parvulesco. Son « Empire eurasiatique de la Fin » se confond avec le grand espace géopolitique soviético-russe. « L’empire soviétique était un empire au sens plein, avance Alexandre Douguine. Il était uni par une idée universelle commune – l’idée du socialisme, dans laquelle s’incarnait la volonté russe primordiale de vérité et de justice. L’empire soviétique était une continuation légitime de l’empire russe et orthodoxe, mais plus universel, plus commun, plus global (p. 224). »

9791096338436-475x500-1.jpgAlexandre Douguine se détourne donc d’un certain anti-communisme compassé, car il a compris très tôt les conséquences géopolitiques de la disparition subite de l’URSS et leurs implications psychologiques sur l’homo sovieticus. Cependant, la formation nationale-bolchevique éclatera bientôt en au moins trois factions en raison des divergences croissantes d’ordre politique et personnel entre ces deux principaux animateurs.

Avant même l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine, Alexandre Douguine s’oriente vers l’eurasisme qu’il va renouveler et redynamiser. Il poursuit son combat en l’adaptant aux circonstances nouvelles. C’est la raison pour laquelle l’ouvrage, Les templiers du prolétariat, constitue un précieux témoignage pour mieux comprendre le parcours intellectuel de son auteur.

Georges Feltin-Tracol

• « Chronique hebdomadaire du Village planétaire », n° 197, mise en ligne sur TVLibertés, le 12 janvier 2021.

Pierre Le Vigan : La nouveauté de Platon

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Pierre Le Vigan :

La nouveauté de Platon

Pierre Le Vigan, urbaniste et essayiste, répond aux questions de Marianne Corvellec sur la nouveauté apportée par Platon dans la philosophie grecque.
 
 
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