Il y a plus de cinquante ans, le 27 avril 1969, dès la victoire du non connue, le Général De Gaulle cessait ses fonctions de président de la République. Il retournait à La Boisserie avant de séjourner le temps de la campagne présidentielle en Irlande. Bien des observateurs ont vu ce référendum portant sur la réforme du Sénat et la régionalisation comme un suicide politique.
Déjà biographe de Louis-Philippe d’Orléans et de Philippe Séguin, véritable faux héros porté au pinacle par d’indécrottables droitards qui fit perdre en 1992 le non à Maastricht parce qu’il ne voulait pas heurté un François Mitterrand au sommet de sa ruse florentine, Arnaud Teyssier ne partage pas l’analyse convenue de la lassitude politique. Il insiste au contraire sur les dernières années d’un second mandat marqué par des coups d’éclat retentissants (retrait de l’OTAN en 1966, discours d’autodétermination à Phnom Penh en 1967, condamnation la même année de l’État d’Israël après la guerre-éclair des Six Jours, reconnaissance du combat canadien-français à Montréal). De Gaulle prend « la défense des identités nationales et des cultures face au grand nivellement qui s’annonce (p. 66) ». Son interprétation rejoint celle d’Anne et de Pierre Rouannet qui dans Les trois derniers chagrins du Général de Gaulle (Grasset, 1980) et dans L’inquiétude outre-mort du Général de Gaulle (Grasset, 1985) traitaient déjà de ces thèmes d’un point de vue original et pertinent.
Participation malentendue
Loin d’être un acte insensé, le référendum perdu de 1969 a été une occasion ratée d’accompagner la France dans une ère socio-économique et culturelle nouvelle que pressent Charles De Gaulle. « Depuis 1940, la France était engagée dans une révolution profonde qui se poursuivait et qu’il fallait approfondir inlassablement pour ne pas subir l’aliénation promise par la nouvelle civilisation technicienne et comptable qu’il sentait venir depuis sa jeunesse. Une révolution permanente, en quelque sorte, qu’avait en partie devinée, sans la comprendre tout à fait et tout en l’abhorrant, François Mitterrand dans Le Coup d’État permanent (1964), et dont l’objet était de maintenir dans son essence, face au monde chargé de dangers qui venait, la France, l’État, la République. Se préparer, anticiper, transformer – parfois de manière radicale, lorsque la nécessité l’imposait, oui. Arranger, s’arranger, jamais (p. 10). »
En soumettant aux Français deux réformes hardies et complémentaires (l’officialisation de la région, la fusion du Sénat et de l’inutile Conseil économique et social et leur transformation en assemblée des territoires, des producteurs et de la famille), De Gaulle entendait s’attaquer aux fractures révélées par Mai 68. Comment ? Par la voie audacieuse et singulière d’une autre révolution appelée la participation.
Charles De Gaulle considère la participation comme l’élément décisif pour lier durablement le travail et le capital, association déjà revendiquée à l’époque « populiste » du RPF (Rassemblement du peuple français). Par participation, il entend « une forme de révolution dans l’exercice des décisions au sein des universités, au sein de l’entreprise, dans les régions. Il reconnaît implicitement que les mécanismes traditionnels de la démocratie représentative ne sont plus suffisants pour faire face au monde nouveau qui se profile (p. 85) ». En effet, « au-delà de son caractère singulier et déroutant, [Charles De Gaulle] représente à la perfection le modèle de l’homme d’État français qui dépasse, sans l’abolir, l’opposition traditionnelle entre droite et gauche et met au rebut le faux débat de la pensée contemporaine qui s’est développé en France autour du “ libéralisme ” et de l’« élitisme », ou du jacobinisme et de l’esprit girondin. Sa conception sacerdotale du gouvernement et de la chose publique défie toute idée préconçue (p. 20) ». Les années 1960 marquent l’apothéose du « libéralisme gaullien ». « Il s’agit d’un libéralisme “ national ”, ou d’un libéralisme d’État, car il s’inscrit dans une gestion de l’économie très largement dirigée, où la planification est l’élément stratégique pour les politiques industrielles (p. 81). » On est donc très loin de la participation imaginée comme une manière biaisée d’implanter des soviets dans toute la société.
Arnaud Teyssier souligne qu’en 1969, « c’est encore une fois un projet de modernisation par le haut, avec mobilisation du local, et non une entreprise de décentralisation (p. 139) ». La participation aurait dû par conséquent concerner autant les entreprises et les régions que les universités en pleine agitation post-soixante-huitarde, sous la supervision attentive de « l’État, porteur de l’intérêt général, et émanation de la nation française dans toute sa densité temporelle (p. 114) ». Pour l’auteur, Charles De Gaulle agit toujours selon le prisme déterministe de l’État souverain (qu’on ne saurait confondre avec le misérable « État de droit »). Il cite par exemple Richard Cleary qui s’interroge sur la vision gaullienne de la construction européenne dans un article paru en mars 1971 dans la revue Four Quarters, intitulé « The American Press vs. De Gaulle. No Hits, No Runs, Too Many Errors » : « De Gaulle ne s’est pas opposé à l’Europe politique, il a voulu, au contraire, en créer les conditions d’existence et de développement réaliste en proposant, par le plan Fouchet, la création par étapes d’une confédération viable – sachant que, historiquement, dit Cleary, les fédérations ont toujours été précédées d’une structure confédérale (p. 73). »
Un autre aménagement territorial
Charles De Gaulle n’a jamais été fédéraliste, ni même un régionaliste au sens courant du terme. Par la participation et la régionalisation, il tient à rendre à ses compatriotes le sens de la responsabilité politico-civique. Force est d’observer que le prise en compte du citoyen adulte a disparu à l’avantage d’un indécent infantilisme politique. « Après le départ de De Gaulle, les institutions ne se sont pas adaptées : elles ont, en réalité, progressivement et profondément dévié de leur trajectoire – pour l’essentiel à partir du milieu des années 1980, au point d’avoir perdu tout lien substantiel avec leur esprit originel. Avec les cohabitations, l’adoption du quinquennat, le renoncement partiel à sa souveraineté, la France a réussi à fabriquer sa quinzième constitution, mais de manière subreptice et en escamotant le suffrage universel (p. 28). » Biographe de Philippe Séguin qui en vieux républicain n’accordait sa confiance que dans la commune et à la nation dans son acception contractuelle – assimilationniste dépassée, Arnaud Teyssier dénonce à son tour « la décentralisation en forme de décomposition, un fédéralisme dévoyé, le retour des fiefs et des féodalités, les stratégies de repli des notables, l’installation grasse et durable des partis politiques sur de nouvelles assises (p. 110) ». La décentralisation française pêche par un manque réel de compétences et de ressources propres accordées aux collectivités territoriales, d’un chevauchement volontaire des attributions entre les communes, les intercommunalités, les départements, les métropoles, les pôles métropolitains et les régions, ce qui favorise l’opacité des réalisations, et une excessive bureaucratisation partitocratique.
L’auteur réactive une vieille distinction qui a fait le bonheur des étudiants en droit public et en droit constitutionnel : la centralisation politique commencée par les rois Louis XI et François Premier, poursuivie par le Cardinal Richelieu et amplifiée sous Louis XIV ne coïncide pas avec la centralisation administrative décidée par Napoléon Bonaparte et renforcée par-delà tous les régimes des XIXe et XXe siècles. Tocqueville confond dans ses écrits les deux phénomènes, même si le premier porte en lui les germes du second.
Le Général De Gaulle soutient une véritable décentralisation économique et culturelle en même temps qu’une déconcentration administrative réelle, soit tout le contraire de près de quatre décennies de décentralisation politico-administrative opérée par François Mitterrand, Pierre Mauroy, Gaston Defferre, Jacques Chirac et Jean-Pierre Raffarin. Tous ont instillé depuis 1982 « une décentralisation tous azimuts, où le pouvoir n’est pas transféré mais plutôt atomisé ou disséminé, d’une manière propre à affaiblir l’unité de l’État et à créer de fortes inégalités entre les régions suivant leur degré de développement (pp. 132 – 133) ». La réforme territoriale de 2014 réduisant le nombre des régions en métropole et la loi sur les intercommunalités décidées par le calamiteux François « Flamby » Hollande et son très incompétent Premier ministre Manuel Valls n’ont fait qu’accroître les disparités territoriales. Si la France avait été une fédération, ces mesures n’auraient suscité qu’un « fédéralisme anarchique (p. 133) ».
Vision nationale de la région
Cette incurie politique se comprend aussi par le désaveu de toute politique publique d’aménagement du territoire et de politique concertée des transports en commun (d’où la faillite préparée de la SNCF). Sous l’égide du ministre Olivier Guichard, le principat gaullien se caractérise au contraire par un indéniable volontarisme dans l’aménagement du territoire. Arnaud Teyssier y voit l’influence considérable du géographe non-conformiste Jean-François Gravier, auteur du célèbre Paris et le désert français (1947). Favorable à la déconcentration administrative, le régionalisme gaullien estime que les élites sociales et économiques locales « doivent être des relais et des soutiens pour une action décidée en haut – et non en elles-mêmes des acteurs de plein exercice (p. 122) ».
Les gaulliens estiment avec raison que la région « est une structure pleinement compatible avec la politique d’aménagement du territoire (p. 119) ». Arnaud Teyssier ajoute que « De Gaulle, lui, voulait des régions puissantes, contrôlées par l’État mais dans le cadre d’un dialogue permanent avec la société – société dont les élus n’auraient été que des protagonistes parmi d’autres (p. 151) ». Cette conception suppose qu’« il existe […] bien deux conceptions de la Région : l’une contre-révolutionnaire et décentralisatrice, l’autre républicaine – autoritaire et centralisatrice (p. 116) ». Cette dernière s’inscrit dans l’impérieuse obligation de toute communauté politique, à savoir que « le devoir d’un État et de son chef est d’abord d’assurer la survie et l’avenir de la nation (pp. 279 – 280) ».
Dans cette perspective de téléologie politique, l’auteur met fort intelligemment en relation l’action de Charles De Gaulle et l’œuvre, en particulier théâtrale, de Henry de Montherlant. Il aurait pu aussi citer une anecdote donnée par Philippe de Saint-Robert. En attendant un essai nucléaire au large de Mururoa vers 1967 – 1968, le Général lisait dans sa cabine Le Chaos et la Nuit ! Cependant, personnalité « montherlaine », « peut-on dire que de Gaulle était une figure “ schmittienne ” ? (p. 271) » Arnaud Teyssier s’avance ici un peu trop vite quand il souligne que le gaulliste de gauche et professeur de droit constitutionnel, un temps enseignant à l’Université de Strasbourg, « René Capitant, qui fut l’une des personnalités les plus proches de De Gaulle, était un admirateur et un ami de Carl Schmitt (p. 272) ».
Dans les années 1930, le jeune Capitant avait établi avec Carl Schmitt une brève correspondance épistolaire. Il n’en garda pas moins la notion-clé d’état d’exception qu’on retrouve dans l’article 16 de la Constitution de 1958. Toutefois, René Capitant n’est pas un des rédacteurs du texte constitutionnel puisqu’il se trouvait au Japon. Agacé par l’anglomanie de Michel Debré, il a vite reconnu que cette constitution avait été fort mal rédigée et qu’elle éteignait toute portée vraiment plébiscitaire.
En revanche, Carl Schmitt, en penseur averti du politique, ne pouvait qu’apprécier le style de gouvernement, très décisionniste, du fondateur de la Ve République. L’auteur cite une lettre de Carl Schmitt écrite en français adressée à Julien Freund en date du 1er mai 1969 : « La démission du général de Gaulle m’a touché comme un coup du sort jeté à un parent prochain (p. 273). » Témoin quotidien d’une Allemagne de l’Ouest à la souveraineté rognée et sous tutelle des vainqueurs de 1945, Carl Schmitt ne peut qu’approuver la pratique gaullienne. Outre ses nombreuses lectures, ce francophone rejoint facilement l’opinion de son ami Julien Freund, ouvertement gaullien (et non gaulliste !), et de son ancien secrétaire, Armin Mohler, correspondant de plusieurs titres germanophones à Paris dans les années 1950 et 1960, qui se qualifiera plus tard volontiers de « gaulliste de droite critique » quand il tentera d’influencer dans un sens européen la CSU (Union sociale-chrétienne bavaroise) de Franz Josef Strauss.
Le régionalisme gaullien qui puise chez les non-conformistes des années 1930 (le personnalisme, L’Ordre nouveau, voire la Jeune Droite) confirme une idée certaine de la France, marqueterie bio-culturelle d’origine européenne entérinée par l’histoire et le politique. « Le destin français devait continuer à s’inscrire dans une exigence de grandeur, note encore Arnaud Teyssier, tout en cherchant les voies d’une adaptation au monde nouveau (p. 265). »
Ultimes voyages testamentaires
Arnaud Teyssier ne se contente pas de revenir sur les derniers mois de cette présidence épique. Il commente les deux derniers voyages de l’ancien président français. En République d’Irlande, De Gaulle discute avec un autre grand résistant, le président Éamon de Valera, et porte un toast « à l’Irlande tout entière ». Il s’attarde surtout sur un autre périple qui va contrarier bien des gaullistes : le séjour en Espagne au printemps 1970. Admirateur méconnu de Charles Quint au point que certains ont pu se demander si l’échec référendaire ne serait pas une forme d’abdication, Charles De Gaulle accepte l’invitation du général Franco dont il loue l’œuvre. « Les bons sentiments importent peu lorsque l’unité et le salut des nations forment le but ultime. Le Caudillo n’est pas un dictateur classique, porteur d’une idéologie appelée à durer. De Gaulle avait noté un jour dans ses carnets cette phrase de Joseph de Maistre : “ Un acte politique ne se juge pas aux victimes qu’il fait, mais aux maux qu’il évite. ” (p. 252) » Arnaud Teyssier explique cet avis aujourd’hui dérangeant. « Une des raisons qui justifiaient l’admiration de De Gaulle pour le général Franco, c’est précisément qu’il s’était toujours considéré comme le dirigeant temporaire de l’Espagne, préparant de longue haleine le retour de la monarchie (pp. 190 – 191). » Il est dommage que Franco ait finalement choisi la branche isabéliste et libérale des Bourbons d’Espagne aux dépens de la branche légitime, carliste, des Bourbons-Parme.

De Gaulle et le Président irlandais de Valera
Il est évident que pour Charles De Gaulle, « Franco est l’homme qui a maintenu l’intégrité nationale espagnole dans la tourmente de la guerre. C’est une figure majeure du siècle, l’un des derniers survivants de la guerre civile européenne (pp. 200 – 201) ». Pas certain que l’ineffable charognard Pedro Sanchez, dirigeant socialiste d’un gouvernement minoritaire responsable de l’exhumation – profanation de la Valle de los Caidos, se recueille un jour à Colombey-les-Deux-Églises devant la tombe d’un si « affreux fâchiste »…
Arnaud Teyssier s’agace enfin d’une certaine idéalisation – instrumentalisation de Charles De Gaulle. « Il faut avouer que la gaullolâtrie le tue parfois à petit feu, plus sûrement que toutes les haines qui se sont peu à peu effacées avec le temps. On l’invoque à chaque détour, on cite à l’envi ses bons mots, on en fait même des livres entiers, nécessairement agréables à lire. Mais en fait, on n’en finit pas de l’enterrer depuis ce départ shakespearien, en avril 1969, provoqué par la volonté du peuple français qu’il avait lui-même suscité… (p. 14). » Il ose même rappeler dans ce livre remarquable que l’action politique se moque du moralisme. Ainsi revient-il sur le parcours étonnant du dernier Premier ministre du Général, Maurice Couve de Murville (1907 – 1999) qui fut de 1958 à 1968 un grand ministre des Affaires étrangères. Ce « haut fonctionnaire froid et impassible dont la carrière exceptionnellement brillant avait débuté à la fin de la IIIe République et sous le régime de Vichy. Inspecteur des finances, Couve de Murville avait été jusqu’en 1943 l’un des plus hauts fonctionnaires de l’État français. Titulaire du poste clé de directeur des finances extérieures et des changes, il avait été l’un des acteurs déterminants de la négociation quotidienne entre Vichy et les autorités allemandes à Wiesbaden. Il avait d’ailleurs, dans ces fonctions, défendu avec une réelle obstination et un patriotisme sans faille les intérêts français (p. 55) ». Verra-t-on bientôt les descendants de quelques « résistants » de la énième heure outrager sa mémoire pour ce passé « vichysto-résistant » ?
Les temps conflictuels du gaullisme béat et de l’anti-gaullisme viscéral sont dorénavant révolus. Par leur vote épidermique et émotionnel plein de lassitude envers les efforts constants demandés de grandeur nationale et européenne, les Français ont clos avec une rare brutalité un moment majeur de leur histoire. Faute d’avoir institué une souveraineté sociale grâce à la participation et à la régionalisation, ils ont dilapidé leur souveraineté politique. Ils se plaisent depuis à patauger dans une suffisante nullité…
Georges Feltin-Tracol
• Arnaud Teyssier, De Gaulle, 1969. L’autre révolution, Perrin, 2019, 301 p., 22 €.




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Jared Diamond is phoning it in. The legendary author of Guns, Germs, and Steel—the epic 1997 account of how Earth’s geography helped to determine the fates of the peoples who inhabit it—has produced a genuine mess of a book.
Les principaux manuels de géopolitiques, notamment celui que le Professeur David Criekemans a rédigé selon les critères de la plus haute scientificité dans le cadre de l’Université de Louvain, commencent presque toujours par une histoire de cette discipline depuis les premières tentatives de saisir conceptuellement les faits géographiques, non pas tant dans une perspective purement empirique mais surtout dans une perspective stratégique, notamment à l’aide de la cartographie établie par Carl Ritter, de l’anthropo-géographie de Ratzel ou des définitions données par le Suédois Rudolf Kjellén. C’est, personne ne le niera, un travail des plus utiles, ce qui était aussi mon intention lorsque feu le Professeur Jean-François Mattéi m’avait invité à présenter les penseurs de la géopolitique dans sa remarquable Encyclopédie des Œuvres philosophiques entre 1990 et 1992, encyclopédie qui fut ultérieurement publiée aux Presses Universitaires de France. L’intention du Prof. Mattéi correspondait à celle qu’avait déjà formulée le géopolitologue Yves Lacoste, à savoir élargir le cadre de la discipline, philosophique pour le premier, géographique/géopolitique pour le second. Mattéi voulait donc élargir le champ de la philosophie, tout simplement parce que plus aucune philosophie sérieuse ne peut encore être pensée sans tenir compte du temps et de l’espace, de l’émergence de tous les phénomènes, faits, modes de pensée et aspirations religieuses ou éthiques qui, tous, nécessairement, se déploient en des lieux et des périodes précises qu’ils influencent ensuite en profondeur, les inscrivant dans la durée et leur assurant une résilience difficilement éradicable.
Lacoste a prouvé que la géographie sert les chefs de guerre en démontrant que les premières tentatives de dessiner des cartes dans la Chine de l’antiquité servaient à indiquer les voies à suivre aux chefs de guerre, de manière à ce qu’ils puissent mouvoir leurs armées de manière optimale dans les paysages et terrains divers de leur propre pays ou dans le pays de l’ennemi. Ensuite, dans un livre succinct, mais rédigé de manière magistrale, il nous a montré que le Prince Henri du Portugal, Anglais par sa mère, a fondé et soutenu son « école de la mer » afin de trouver de nouvelles voies maritimes extra-méditerranéennes pour que l’écoumène chrétien/européen de son époque puisse trouver le chemin vers les épices indiennes et vers le mystérieux « Cathay » en échappant aux blocus terrestres et maritimes que lui imposait le contrôle turc/ottoman des accès aux routes continentales vers l’Asie et des voies maritimes en Méditerranée. Quelques décennies plus tard, les Portugais livreront bataille dans la Corne de l’Afrique et des navires lusitaniens surgiront face aux côtes du Gujarat en Inde pour vaincre glorieusement une flotte musulmane. Tant les seigneurs de la guerre que les empereurs chinois du monde antique et que le Prince Henri du Portugal ont donc fait dessiner des cartes pour que des militaires ou des marins avisés puissent mener la guerre ou des expéditions exploratrices de manière optimale. Le raisonnement de Lacoste est parfaitement exact, et fut posé en dépit de son engagement idéologique dans les rangs de la gauche pacifiste.
Mais s’il existe des permanences immuables en géopolitique, comment devons-nous repérer celles qui se manifestent dans le cadre géographique de nos bas pays ? La méthode, que je souhaite utiliser ici, et que j’ai toujours utilisée notamment dans l’écriture de ma trilogie, qui porte pour titre Europa, est celle d’un géopolitologue non politisé du temps de la République de Weimar. Son nom était Richard Henning (1874-1951), auteur d’un ouvrage très copieux, Geopolitik – Die Lehre vom Staat als Lebewesen, qui a connu cinq éditions successives. Henning avait une écriture très claire, limpide, n’utilisait jamais un jargon compliqué et illustrait chacun de ses arguments par des cartes précises. Au départ, sa discipline était la géographie des communications et des transports, renforcée par une géographie historique, où il mettait toujours l’accent sur le rôle des états, des hommes d’état et des surdoués politiques dans l’organisation et la transformation des espaces. Sa thèse centrale était de dire, à son époque, que les données spatiales d’un peuple devaient être davantage valorisées conceptuellement plutôt que les facteurs raciaux, ce qui le fit entrer en conflit avec les thèses officielles du pouvoir sous le Troisième Reich, même si, Prussien natif de Berlin, il défendait le principe clausewitzien d’une nécessaire militarisation défensive de tout état, en tenant compte, bien sûr, du vieil adage romain, Si vis pacem, para bellum. Dans les années 50 et 60 du 20ème siècle, son œuvre exerça une influence importante en Argentine sous le régime du Général Juan Peron et, plus tard, s’est retrouvée en filigrane dans les cours des écoles militaires du pays.
Par suite, si je privilégie l’exemple d’un historien-géographe comme Henning dans ma façon de raisonner en termes géopolitiques, je dois me limiter aux bas pays dans un exposé aussi bref que celui que je vais tenir aujourd’hui à Louvain, car il m’est impossible de parler de tous les pays qu’Henning a étudiés. Le temps qui m’est accordé est de fait limité et mon exposé se bornera à suggérer un certain nombre de pistes que nous devrons, ultérieurement, approfondir tous ensemble. Dans un ouvrage relativement récent de l’historien britannique Michael Pye, The Edge of the World – How the North Sea Made Us Who We Are (Viking/Penguin, London, 2014), nous trouvons, très largement esquissé, un cadre historique précis dans lequel Pye suggère l’émergence d’une histoire culturelle particulière qui se déploie, du moins au tout début de notre histoire, entre l’Islande et Calais et entre le Skagerrak danois/norvégien et les eaux de la Mer Baltique. Pour Pye, c’est en cette région que nait un monde à part, qui entretient certes des contacts, d’abord ténus, avec l’espace méditerranéen tout en restant plutôt autonome dans ses limites intérieures et où Bruges en constitue la plaque tournante méridionale à proximité du Pas-de-Calais. La Flandre médiévale abrite de ce fait le port principal de cette région de la Mer du Nord et de la Baltique qui doit nécessairement entretenir des contacts avec la Normandie, la Bretagne et surtout les côtes atlantiques du nord de l’Espagne, principalement le Pays Basque puis le Portugal, libéré par des croisés venus justement de toutes les régions du pourtours de la Mer du Nord, opération réussie dès le 12ème siècle qui démontre qu’il y avait une visée géopolitique implicite cherchant à étendre l’écoumène nordique à toutes les côtes de l’Atlantique européen. Cette Flandre prospère, pointe avancée vers le sud de cet espace nordique défini par Pye, cherche aussi à ouvrir une voie terrestre entre le Pays Basque et la Catalogne, sur le cours de l’Ebre, voie la plus courte vers les produits de la Méditerranée à une époque où la péninsule ibérique est encore sous contrôle musulman et ne peut être contournée sans danger. 

Les ducs de Bourgogne essaieront, par une politique habile, de ressusciter l’Empire de Lothaire mais sans succès. Pour comprendre la dynamique de l’histoire européenne dans nos régions, nous devons donc, aujourd’hui, étudier la géopolitique implicite de ces ducs qui entendaient consolider une alliance avec l’Angleterre et englober la Lorraine et l’Alsace dans leur orbite politique afin de joindre leurs possessions de l’ancienne Basse Lotharingie (« Pays de Par-Deça ») avec celles de l’ancienne Haute Lotharingie et de la Bourgogne (fief français inclus dans la Francie occidentale de Charles le Chauve). Cependant, dans cette étude, nous ne devons surtout pas oublier que la tête pensante de cette géopolitique bourguignonne a été Isabelle de Portugal (ou Isabelle de Bourgogne), épouse de Philippe le Bon et mère de Charles le Hardi (dit le « Téméraire » en France). Isabelle de Portugal était la sœur du Prince Henri, dit « Henri le Navigateur », fils du roi du Portugal et de Philippine de Lancaster, princesse anglaise. Le Prince Henri (1394-1460) a fondé son école maritime, école géopolitique avant la lettre, à Sagres au Portugal, dans le but de créer les conditions requises pour le développement de flottes de haute mer et de mobiliser tous les savoirs pratiques disponibles pour pouvoir, à terme, contourner les empires musulmans et trouver de nouvelles voies vers l’Inde et la Chine. Yves Lacoste, fondateur de la revue Hérodote et pionnier de la redécouverte des théories géopolitiques en France à partir des années 1970, a consacré une bonne part de son livre sur l’histoire de la cartographie à la figure d’Henri le Navigateur et a ainsi démontré que ce prince fut l’impulseur premier de la conquête européenne du monde.
Sous Philippe III d’Espagne, fils de Philippe II que nous n’aimions guère, se déchaîne une véritable guerre mondiale entre les puissances réformées et les puissances catholiques, qui n’eut pas que l’Europe comme théâtre d’opération mais où les affrontements eurent également lieu en Afrique, en Amérique et, ce que l’on oublie généralement, dans les eaux de l’Océan Pacifique, considéré à l’époque comme un « océan espagnol ». Sous le règne de Philippe III, tous les conflits d’ordre géopolitique, tous les conflits nés de la volonté des uns et des autres de maîtriser des sites stratégiques indispensables le long des voies maritimes ont émergé et sont parfois encore virulents aujourd’hui: plusieurs puissances non européennes de nos jours les activent encore régulièrement, notamment dans la Mer de Chine du Sud et entre les Philippines et les côtes de la Chine continentale. Une étude de cette période, dont nous ne nous souvenons plus sauf peut-être l’épisode du siège d’Ostende, s’avère nécessaire pour comprendre la situation géopolitique des bas pays car leurs provinces méridionales faisaient partie, volens nolens, de cet empire espagnol et devinrent, au cours des innombrables affrontements durant le règne de Philippe III et de ses successeurs, ce que les historiens anglais nomment aujourd’hui la fatal avenue, le « corridor fatal », où passaient et s’affrontaient les armées.
La Meuse est un axe de pénétration géostratégique dans la direction d’Aix-la-Chapelle, capitale symbolique du Saint-Empire : ce qui explique les tentatives répétées de Richelieu pour acheter la neutralité de la Principauté épiscopale de Liège et l’entêtement des Néerlandais du Nord, et plus tard des Prussiens, de conserver la place forte de Maastricht, de la soustraire aux Français ou à une Belgique qui serait inféodée à la France. La brochure de J. Mercier est un survol assez bref de la situation géopolitique des Pays-Bas et, plus particulièrement, de la fatal avenue, que leur portion méridionale allait devenir au cours de l’histoire. Le contenu de cette brochure mériterait d’être étoffé de bon nombre de faits historiques sur la période bourguignonne, sur le régime espagnol du Duc d’Albe à 1713, sur la période autrichienne au 18ème siècle et sur les stratégies défensives au temps des conquêtes de la France révolutionnaire, jusqu’à l’ultime bataille de Waterloo en juin 1815.
Immédiatement avant la première guerre mondiale, en 1912, meurt une autre figure importante de la pensée géopolitique concernant nos régions : Homer Lea, auteur de The Day of the Saxon. Lea avait été un élève handicapé de West Point qui avait su maîtriser avec brio toutes les disciplines théoriques de sa célèbre école militaire mais ne pouvait évidemment pas servir sur le terrain, au sein d’un régiment, vu son pied bot. Il fut actif en Chine pour soutenir le mouvement modernisateur de Sun Ya Tsen dans l’espoir de faire éclore une alliance durable entre l’Empire du Milieu, devenu république moderne, et les Etats-Unis. Son livre me parait, à moi comme au stratégiste suisse Jean-Jacques Langendorf, aussi important que le texte de Mackinder où le géographe écossais esquisse la dualité terre/mer et jette les fondements de la géostratégie globale des puissances anglo-saxonnes. Dans The Day of the Saxon, Lea explique comment la Grande-Bretagne et les Etats-Unis doivent, en toutes circonstances, empêcher la Russie de dépasser la ligne Téhéran/Kaboul. L’état actuel de conflictualité diffuse entre la telluricité russe et le thalassocratisme anglo-saxon depuis 1979, qui a commencé dès l’intervention soviétique en Afghanistan, est donc une application du précepte préconisé par Lea dans son livre, puisque l’Armée rouge de Brejnev avait franchi cette ligne fatidique. Pour ce qui concerne les Pays-Bas, les Low Countries, Lea a esquissé, bien avant les coups de feu de Sarajevo, les raisons d’une future guerre anglo-allemande, que Londres, à ses yeux, devait impérativement mener : les côtes de la Hollande, de la Belgique et du Danemark ne peuvent en aucun cas tomber entre les mains des Allemands et les « Saxons » doivent s’apprêter à défendre la France contre l’Allemagne pour que les ports de Dunkerque et de Calais ne soient pas occupés par la Kriegsmarine et pour que les armées du Kaiser ne prennent pas pied en Normandie sur les côtes de la Manche. Il était évident, dès lors, que l’Angleterre allait combattre l’Allemagne si celle-ci violait la neutralité belge ou néerlandaise. Pour la Belgique, une telle violation, en fait, n’avait guère d’importance puisque, de facto, elle faisait partie de la Zollunion allemande, de même que les Pays-Bas. A la limite, elle pouvait récupérer les départements du Nord et du Pas-de-Calais, perdus depuis le 17ème siècle. En revanche, pour le Congo, c’était une autre histoire : le Roi Albert I ne pouvait accepter le transit des troupes allemandes vers la France car, dans ce cas, les Anglais auraient immédiatement occupé le Congo et plus particulièrement le Katanga, tout simplement parce que cette province, riche en mines de cuivre, formait surtout un obstacle territorial au grand projet de Cecil Rhodes, celui de relier le Cap au Caire par une même ligne de communications terrestres. Il y avait aussi un précédent que méditaient les chancelleries : les colonies hollandaises du Cap, de l’Ile Maurice et de Ceylan avaient été envahies et annexées au moment où Napoléon Bonaparte avait transformé les Pays-Bas du Nord en une série de départements français, prétextant que le territoire de la Hollande était français puisqu’il provenait d’alluvions de fleuves français.
Les Allemands veulent contrôler les côtes de la Mer du Nord et, éventuellement, celles de la Manche ; pendant la première guerre mondiale, ils développent considérablement les infrastructures des ports flamands d’Ostende et de Zeebrugge ; leur objectif est donc de déboucher également dans la Manche pour avoir meilleur accès à l’Amérique. C’était déjà le but de Maximilien de Habsbourg, époux de Marie de Bourgogne, fille de Charles le Hardi dit le Téméraire, à la fin du 15ème siècle, avant même la découverte du Nouveau Monde par Colomb ; Maximilien avait voulu contrôler la Bretagne, excellent tremplin vers l’Amérique, en en épousant la duchesse et en liant cette péninsule armoricaine aux Pays-Bas.

And so, when Molotov went to Paris to meet the British and French foreign ministers at a preliminary conference on the Marshall Plan (this is still June 1947), he told them he believed the proposed Plan was really conceived in America’s own interest, “to enlarge their foreign markets, especially in view of the approaching crisis.” To no one’s great surprise, Molotov soon announced that neither the USSR nor any of the Communist satellite states would be participating in the European Recovery Plan.
This tortured, unnecessary explanation ties up nicely with the alternative predictions Orwell offers in his Partisan Review article. As I said, he doesn’t really say much about socialism, and he doubts European unity, but he puts an awful lot of (overly) complex thought into how it’s all going to end. He’s writing this while he’s mainly focused on Nineteen Eighty-Four, so we end up with three James Burnham-esque scenarios of what may face us when the bombs start a-flying:
Mais en 89 Burke sent que cette fois la France ne se relèvera pas. Il en donne les raisons, avant Chateaubriand, Tocqueville, Balzac ou Bernanos : 
In the preface to his translation of Saint-John Perse’s Anabasis (1949), T.S. Eliot explained that some gifted writers are “able to write poetry in what is called prose.” That is what Jünger did in virtually all of his writings, especially here. Strahlungen is essentially a long prose poem, brimming with symbols, ideas, insights, and searing, unforgettable images. The Argentinian poet Jorge Luis Borges wrote in Gold of the Tigers (1977), “For a true poet, every moment of existence, every act, ought to be poetic since, in essence, it is so.” Jünger understood that. Likewise, Borges wrote in The Cipher (1981) that “the intellect (wakefulness) thinks by means of abstractions; poetry (dream) by means of images, myths, or fables. Intellectual poetry should pleasingly interweave these two processes.”
Jünger considered the National Socialists to be a shallow and savage version of the conservative nationalism that he supported in the 1920’s. In the journals, he refers to Hitler under the pseudonym “Kniebolo,” meaning roughly “kneel to the devil,” because he believed the man was under demonic influence. In late 1943 he wrote, “When I compare the legitimate claims of our Fatherland with what has occurred at his hands, I am overcome with infinite sadness.”









Il y a encore en Iran aujourd’hui des religieux supposément chiites qui doivent plus à Sohrawardi, à travers Mullah Sadra, qu’à l’enseignement réel de l’Imam Ali. A l’époque du Sixième Imam, Jaafar al-Sadiq, la foi chiite fut cooptée par les partisans iraniens luttant contre me Califat sunnite. Le genre de doctrine chiite que certains des collègues de l’Ayatollah Khomeiny tentèrent d’imposer à l’Iran en 1979 représenta une reconstruction radicale du premier chiisme arabe, pas le genre d’ésotérisme chiite qui donna naissance à la dynastie safavide. Cette dernière permit à l’Iran de resurgir en tant qu’Etat politique distinct séparé et opposé au Califat Ottoman sunnite et à un Empire Moghol qui était aussi tombé dans le fondamentalisme islamique après que la littérature et la philosophie persisées d’Akbar se soient révélées être un rempart insuffisant contre celui-ci. Certains de ces chiites persisés sont présents aux plus hauts niveaux dans la structure de pouvoir de la République Islamique. Ils doivent être accueillis dans la communauté du nationalisme iranien, et même dans la communauté de la Renaissance Iranienne.







It is clearly visible that from such an organic approach, Ratzel understood territorial expansion to be a natural, living process, similar to the growth of living organisms. 

Avant que l’on commence à se lamenter sur les décadences décrites par nos ancêtres romains et jusque par nos auteurs contemporains, et quelle que soit l’appellation qui leur fut attribuée par les critiques modernes, « nationalistes », « identitaires », « traditionalistes de la droite alternative, » « de la droite extrême » et j’en passe, il est essentiel de mentionner deux écrivains modernes qui signalèrent l’arrivée de la décadence bien que leur approche respective du contenu et des causes de la décadence fut très divergente. Ce sont l’Allemand Oswald Spengler avec son Déclin de l’Occident, écrit au début du XXème siècle, et le Français Arthur de Gobineau avec son gros ouvrage Essai sur l'inégalité des races humaines, écrit soixante ans plut tôt. Tous deux étaient des écrivains d’une grande culture, tous deux partageaient la même vision apocalyptique de l’Europe à venir, tous deux peuvent être appelés des pessimistes culturels avec un sens du tragique fort raffiné. Or pour le premier de ces auteurs, Spengler, la décadence est le résultat du vieillissement biologique naturel de chaque peuple sur terre, vieillissement qui l’amène à un moment historique à sa mort inévitable. Pour le second, Gobineau, la décadence est due à l’affaiblissement de la conscience raciale qui fait qu’un peuple adopte le faux altruisme tout en ouvrant les portes de la cité aux anciens ennemis, c’est-à-dire aux Autres d’une d’autre race, ce qui le conduit peu à peu à s’adonner au métissage et finalement à accepter sa propre mort. À l’instar de Gobineau, des observations à peu près similaires seront faites par des savants allemands entre les deux guerres. On doit pourtant faire ici une nette distinction entre les causes et les effets de la décadence. Le tedium vitae (fatigue de vivre), la corruption des mœurs, la débauche, l’avarice, ne sont que les effets de la disparation de la conscience raciale et non sa cause. Le mélange des races et le métissage, des termes qui sont mal vus aujourd’hui par le Système et ses serviteurs, étaient désignés par Gobineau par le terme de « dégénérescence ». Selon lui, celle-ci fonctionne dorénavant, comme une machine à broyer le patrimoine génétique des peuples européens. Voici une courte citation de son livre :
L’écrivain Salluste est important à plusieurs titres. Primo, il fut le contemporain de la conjuration de Catilina, un noble romain ambitieux qui avec nombre de ses consorts de la noblesse décadente de Rome faillit renverser la république romaine et imposer la dictature. Salluste fut partisan de Jules César qui était devenu le dictateur auto-proclamé de Rome suite aux interminables guerres civiles qui avaient appauvri le fonds génétique de nombreux patriciens romains à Rome.
Les lignes de Juvénal sont écrites en hexamètres dactyliques ce qui veut dire en gros un usage d’échanges rythmiques entre syllabes brèves ou longues qui fournissent à chacune de ses satires une tonalité dramatique et théâtrale qui était très à la mode chez les Anciens y compris chez Homère dans ses épopées. À l’hexamètre latin, le traducteur français a substitué les mètres syllabiques rimés qui ont fort bien capturé le sarcasme désabusé de l’original de Juvénal. On est tenté de qualifier Juvénal de Louis Ferdinand Céline de l‘Antiquité. Dans sa fameuse VIème satire, qui s’intitule Les Femmes, Juvénal décrit la prolifération de charlatans venus à Rome d’Asie et d’Orient et qui introduisent dans les mœurs romaines la mode de la zoophilie et de la pédophilie et d’autres vices. Le langage de Juvénal décrivant les perversions sexuelles importées à Rome par des nouveaux venues asiatiques et africains ferait même honte aux producteurs d’Hollywood aujourd’hui. Voici quelques-uns de ses vers traduits en français, de manière soignés car destinés aujourd’hui au grand public :
Il va de soi que les anciens Romains ignoraient le lois mendéliennes de l’hérédité ainsi que les complexités du fonctionnement de l’ADN, mais ils savaient fort bien comment distinguer un barbare venu d’Europe du nord d’un barbare venu d’Afrique. Certains esclaves étaient fort prisés, tels les Germains qui servaient même de garde de corps auprès des empereurs romains. En revanche, certains esclaves venues d’Asie mineure et d’Afrique, étaient mal vus et faisaient l’objet de blagues et de dérisions populaires.
It may be Nock’s “
- Pierre Joannon : Navré de vous décevoir ! Aucune goutte de sang irlandais ne coulait dans mes veines jusqu’à une date récente. En 1997, le Taoiseach(Premier ministre) de l’époque a dû sans doute estimer qu’il y avait là une lacune à combler, et il me fit octroyer la nationalité irlandaise, une reconnaissance dont je ne suis pas peu fier. On peut en tirer deux observations : que l’Irlande sait reconnaître les siens, et qu’on peut choisir ses racines au lieu de se contenter de les recevoir en héritage ! D’où me vient cette passion pour l’Irlande ? D’un voyage fortuit effectué au début des années soixante. J’ai eu le coup de foudre pour les paysages du Kerry et du Connemara qui correspondaient si exactement au pays rêvé que chacun porte en soi sans toujours avoir la chance de le rencontrer. Et le méditerranéen que je suis fut immédiatement séduit par ce peuple de conteurs disert, roublard et émouvant, prompt à passer du rire aux larmes avec un bonheur d’expression qui a disparu dans nos sociétés dites évoluées. L’histoire de cette île venait à point nommé répondre à certaines interrogations qui étaient les miennes au lendemain de la débâcle algérienne. Je me mis à lire tous les ouvrages qui me tombaient sous la main, tant en français qu’en anglais. Etudiant en droit, je consacrais ma thèse de doctorat d’Etat à la constitution de l’Etat Libre d’Irlande de 1922 et à la constitution de l’Eire concoctée par Eamon de Valera en 1937. Un premier livre sur l’Irlande, paru aux Editions Plon grâce à l’appui bienveillant de Marcel Jullian, me valut une distinction de l’Académie Française. A quelques temps de là, le professeur Patrick Rafroidi qui avait créé au sein de l’Université de Lille un Centre d’études et de recherches irlandaise unique en France, m’offrit de diriger avec lui la revue universitaire Etudes Irlandaises. En acceptant, je ne me doutais guère que j’en assumerai les fonctions de corédacteur en chef pendant vingt-huit ans. Je publiais, dans le même temps plusieurs ouvrages sur le nationalisme irlandais, sur le débarquement des Français dans le comté de Mayo en 1798, sur de Gaulle et ses rapports avec l’Irlande dont étaient originaires ses ancêtres Mac Cartan, sur Michael Collins et la guerre d’indépendance anglo-irlandaise de 1919-1921, sur John Hume et l’évolution du processus de paix nord-irlandais. J’organisais également plusieurs colloques sur la Verte Erin à la Sorbonne, au Collège de France, à l’UNESCO, à l’Académie de la Paix et de la Sécurité Internationale et à l’Université de Nice. Enfin, en 1989, je pris l’initiative de créer la branche française de la Confédération des Ireland Funds, la plus importante organisation internationale non gouvernementale d’aide à l’Irlande réunissant à travers le monde Irlandais de souche, Irlandais de la diaspora et amis de l’Irlande. Vecteur privilégié de l’amitié entre nos deux pays, l’Ireland Fund de France que je préside distribue des bourses à des étudiants des deux pays, subventionne des manifestations culturelles d’intérêt commun et participe activement à l’essor des relations bilatérales dans tous les domaines. Ainsi que vous pouvez le constater, l’Irlande a fait boule de neige dans ma vie, sans que cela ait été le moins du monde prémédité. Le hasard fait parfois bien les choses.
- C. G. :
- P. J. : Je suis bien en peine de vous répondre. Il existe tant de figures attachantes ou admirables : Parnell, Michael Collins, de Valera, John Hume aujourd’hui. Peut-être ai-je une prédilection pour Theobald Wolfe Tone, ce jeune avocat protestant qui fut, au dix-huitième siècle, « l’inventeur » du nationalisme irlandais après avoir échoué à intéresser les Anglais à un fumeux projet de colonisation. Il voulait émanciper les catholiques, mobiliser les protestants, liquider les dissensions religieuses au profit d’une conception éclairée de la citoyenneté, briser les liens de sujétion à l’Angleterre. Artisan de l’alliance franco-irlandaise il a laissé un merveilleux journal narrant ses aventures et ses intrigues dans le Paris du Directoire. On y découvre un jeune homme curieux, gai, aimant les femmes et le bon vin, fasciné par le théâtre et les défilés militaires, enthousiasmé par Hoche et beaucoup moins par Bonaparte. Capturé par les Anglais à la suite du piteux échec d’une tentative de débarquement français en Irlande, il sollicita de la cour martiale qui le jugeait la faveur d’être passé par les armes « pour avoir eu l’honneur de porter l’uniforme français ». Elle lui fut refusée : il fut condamné au gibet. La veille de l’exécution, il se trancha la gorge avec un canif et agonisa toute une semaine avant d’expirer le 19 novembre 1798.
My own judgment is that Roosevelt was right: U.S. entry into what became enshrined as World War II was indeed necessary. Yet by no stretch of the imagination does the result qualify as a “Good War.” And here is where Beard’s critique retains relevance.
Emil Cioran
A rare and stimulating combination in Cioran’s writings: unsentimental observation and intense pathos.
But fascism cannot work miracles. Politics must work with the human material and historical trajectory that one has. That is being true to oneself. To wish for total transformation and the tabula rasa is to invite disaster. Such revolutions are generally an exercise in self-harm. Once the passions and intoxications have settled, one finds the nation stunted and lessened: by civil war, by tyranny, by self-mutilation and deformation in the stubborn in the name of utopian goals. The historic gap with the ‘advanced’ nations is widened further still by the ordeal.
Principale figure du non-conformisme européen tant dans les années 1930 qu’après-guerre, Alexandre Marc naît en 1904 à Odessa dans l’Empire russe au sein d’une famille juive. Alexandre-Marc Lipiansky et ses parents fuient la Révolution de 1917 et s’installent à Paris. Étudiant à Iéna en Allemagne, il s’intéresse à la philosophie, puis rentre en France et y suit des cours de droit et de sciences politiques. Il participe aussi à un groupe socialiste libertaire étudiant.
En contact étroit avec la revue réaliste Plans de Philippe Lamour, issue de la « galaxie » Georges Valois et des tentatives maladroites de fascisme à la française, Alexandre Marc se lie d’une part avec le pacifiste allemand francophile Otto Abetz, futur ambassadeur allemand à Paris sous l’Occupation, et, d’autre part, avec la revue nationale-bolchevique Der Gegner (« L’Opposant ») de Harro Schulze-Boysen. Il discute aussi avec Thierry Maulnier de la « Jeune Droite ». Auteur d’essais sur Pierre-Joseph Proudhon et Charles Péguy, Alexandre Marc s’oppose au nom du fédéralisme intégral à l’État-nation et nie la pertinence du clivage politicien gauche – droite.
Comme de nombreux fédéralistes européens après 1945, il refuse l’« Europe forteresse » défendue par Maurice Bardèche et conçoit à l’époque – il sera plus réaliste au soir de sa vie – la fédération européenne comme la dernière étape vers une fédération mondiale, ce qui est proprement impolitique. Ce penseur personnaliste estime dans Fondements du fédéralisme. Destin de l’homme à venir (L’Harmattan, 1997) que « les antagonismes peuvent être féconds (p. 28) ». Soit ! Son fédéralisme ne se cantonne pas à la seule politique; elle a d’évidentes implications socio-économiques. À la fois hostiles au libéralisme, à l’étatisme et au collectivisme, « les fédéralistes, note-t-il, veulent une entreprise réellement libre, composée d’hommes libres, et fonctionnant avec un marché véritablement libéré, c’est-à-dire – pour reprendre […] la terminologie péguyiste – affranchie du joug et de l’Argent-Roi et de l’État-Moloch (p. 143) ». Ainsi propose-t-il la planification économique dans un cadre concurrentiel et l’auto-gestion en entreprise. Il se tait en revanche sur l’intéressement, l’association Capital – Travail et la participation, trois thèmes majeurs du gaullisme qu’Alexandre Marc soupçonnait de « néo-nationalisme » étriqué.
J'avais en mémoire le Charles le Téméraire décrit par Marcel Brion en 1977. Gaston Compère me le décrit sous un autre angle. Un angle que je préfère. Écrit à la première personne du singulier, Je soussigné, Charles le Téméraire, duc de Bourgogne est un roman tout comme Moi, Antoine de Tounens, roi de Patagonie de Jean Raspail est un roman Celui de Gaston Compère est aussi différent de la biographie de Marcel Brion, parue sous le titre Charles le Téméraire, que celui de Jean Raspail l’est de celle de Saint-Loup Le roi blanc des Patagons.Avec Mémoires d’Hadrien, Marguerite Yourcenar avait porté le roman biographique à sa perfection ; avec Je soussigné, Charles le Téméraire, duc de Bourgogne, Gaston Compère fait voler en éclats la biographie romanesque. Né en Wallonie en 1929, cet écrivain s’avère visionnaire. Il investit l’âme du Téméraire, qui n’aimait pas son nom et qui eût préféré celui de Charles le Hardi.
Cela suffit peut-être mais je ne peux m’empêcher de citer ici quelques perles qui font à la fois comprendre l’esprit qui anima Charles le Téméraire et l’immense talent de Gaston Compère.





4) Abordons maintenant votre nouvel ouvrage Wewelsburg, histoire d’un nouveau Montsalvat. Celui-ci retrace l’histoire de ce lieu énigmatique pour beaucoup, fantasmé par certains. Que fut en réalité Wewelsburg ?

Son biographe, Robert Belot, rapporte dans Henri Frenay. De la Résistance à l’Europe (Le Seuil, coll. « L’Univers historique », 2002) un échange capital entre De Gaulle et Frenay à Alger. « L’erreur capitale, le péché mortel devant l’Histoire serait de restaurer ces États dans la plénitude d’une illusoire souveraineté. Le libre droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, étant donné la mosaïque de peuples qui constitue le continent européen, doit être considéré comme l’une des causes principales de la guerre actuelle. […] La souveraineté n’est d’ailleurs pas une fin mais un moyen. Elle est le moyen de protéger les valeurs morales éternelles auxquelles un pays est attaché. Or à l’époque actuelle, la souveraineté se définit non seulement par une indépendance politique et militaire, mais encore par l’indépendance économique sans laquelle les autres formes d’indépendance ne sont qu’un leurre dangereux ». Le chancelier autrichien Metternich ne disait pas autre chose…