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samedi, 24 octobre 2009

Sarkozy est-il fou?

nicolas_sarkozy.jpgSarkozy est-il fou ?

Par Robert Spieler

Ancien député

Délégué général de la NDP

 

Je sais, je sais, je prends quelques risques en formulant ainsi la question. En d’autres temps, j’eusse été derechef été expédié aux galères, aux mines de sel ou écartelé sur la place publique.

 

Dieu merci, la démocratie autorise toute discussion historique, politique ou morale (je plaisante, bien sûr). Il est loin le temps de la liberté d’expression dont disposaient Chateaubriand, Proudhon, Rochefort, Georges Sorel, Edouard Drumont, Barrès, Léon Bloy, Bernanos, Léon Daudet, Henri Béraud, Céline, encore que certains dépassèrent les limites de la raison et furent durement persécutés. Je vous recommande à ce sujet « Les polémistes français depuis 1789 », de Pierre Dominique, ancien directeur de Rivarol, éditions La Colombe, 1962).

 

Sarkozy est-il vraiment fou ?

 

La question mérite d’être posée. « Libération » évoque aujourd’hui 16 octobre 2009 la révolte d’une partie de ses amis de l’UMP et du Nouveau Centre. Florilège : « La suppression de la taxe professionnelle, c’est se foutre du monde », dit Juppé ; la taxe carbone, « une histoire de shadoks », pour Gérard Longuet ; le déficit public, « on ne peut pas continuer ainsi », dit Charles de Courson ; lycéens payés, « à un moment, il faut dire stop », affirme Christiane Boutin, etc…, etc… Sans oublier Frédéric Mitterrand, dont Lionel Lucas, député UMP des Alpes-Maritimes, regrette « qu’il soit toujours ministre » et « qu’une partie de l’opinion est traumatisée ».

 

Sur ce dernier point, je pense, pardonnez moi, que Sarkozy a raison, même s’il a tort. Un chef n’abandonne jamais un compagnon, fût-il misérablement coupable, aux acharnements de la meute adversaire et aux lâchetés de son propre camp.

 

Mais l’affaire Jean Sarkozy, fils du ci-devant président de la République est assez extraordinaire, et pour tout dire fascinante et « signifiante »  de l’incroyable dégénérescence du Système.  Le président Sarkozy cherche à placer son fils de 23 ans, bachelier et conseiller général par la grâce de papa, à la tête de l’OPAD qui gère des sommes colossales dans le département des Hauts-de-Seine. Scandale, népotisme ! Même Rama Yade, ministre de Sarkozy évoque « une coupure entre l’élite et les petits ».

 

Comment Sarkozy, qui est tout, sauf un imbécile, a-t-il pu commettre une erreur pareille ? La réponse au prochain chapitre de mon texte…

 

Il aurait pu, habilement évoquer le libre vote (forcément favorable) des élus des Hauts-de-Seine décisionnaires. Cela n’aurait certes trompé personne. Non, il sollicite « au pied levé » (c'est-à-dire qu’il exige) une interview dans les colonnes du Figaro où il défend l’immense talent de son fils et dénonce une « méchanceté qui ne trompera pas les Français ».

 

J’observe, tel un entomologiste, les énervements des blattes du Système et je me demande : jusqu’où ira la chute ?

 

Les hommes politiques sont ils des psychopathes ?

 

Lisez le remarquable article paru sur François Desouche en date du 13 octobre, et dont je m’inspire totalement dans ce paragraphe.

 

Selon Jim Komi, vice-président de l’Association des commandants de police américains, les politiciens partagent certains traits de caractère avec les psychopathes, selon les résultats publiés par le Bureau d’analyse du Comportement du FBI, information relayée par le Los Angeles Times.

 

La psychopathie (attention à la définition : ne pas confondre avec l’acception courante concernant les grands criminels) est un trouble de la personnalité qui consiste à utiliser le charme, la manipulation, l’intimidation, et parfois la violence, pour contrôler et exploiter autrui à des fins personnelles. D’après l’étude, les traits de caractère sont : La faconde, le charme superficiel, un sens démesuré de sa propre valeur, le mensonge pathologique et la manipulation d’autrui. Les traits affectifs incluent notamment l’absence de remords, l’absence du sentiment de culpabilité, une certaine superficialité, un manque d’empathie et l’impossibilité d’accepter sa propre responsabilité en cas d’échec.

 

Les habitudes de vie incluent la recherche de la stimulation permanente, l’impulsivité, l’irresponsabilité et une ambition démesurée.

 

L’étude note que les délinquants violents sont des psychopathes, mais que tous les psychopathes ne sont pas des délinquants violents, et que ces mêmes traits existent chez les femmes et hommes attirés par les positions les plus médiatisées et les postes de pouvoir.

 

De Raymond Barre à ….

 

La définition du psychopathe politique susmentionnée concerne quelques « oiseaux » de gauche, de droite et d’extrême droite que d’aucuns reconnaitront…

 

Un souvenir m’a marqué. J’avais, comme je l’ai déjà raconté, invité Raymond Barre, ancien premier ministre, à prendre la parole, en 1983, dans le cadre du club d’opposition « Forum d’Alsace » que j’avais fondé, devant une centaine de chefs d’entreprise alsaciens. Raymond Barre, un gros nounours, d’allure plus que sympathique. Un brave chef d’entreprise alsacien, maitrisant médiocrement la langue française, lui posa une question nullement agressive mais que Raymond Barre prit pour telle. « Vous feriez mieux d’apprendre à parler correctement le français », fut sa réponse. Consternation… Daniel Hoeffel, son ex ministre alsacien, qui était présent, me confia que ses comportements en Conseil des ministres et auprès de ses collaborateurs étaient identiques…

 

Conclusion : le pouvoir rend fou, le pouvoir absolu rend absolument fou, et même le lointain souvenir du pouvoir…

 

Sarkozy est-il fou ? Mais non, il est normal…

00:30 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : france, europe, affaires européennes, sarkozy, polémique, alsace | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Pollution: les USA pires que la Chine

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Pollution : les USA pires que la Chine

Ex: http://unitepopulaire.org/

 

« A Bangkok, où s’achèvent les discussions préparatoires du sommet sur le climat de Copenhague qui commence dans deux mois, les Etats-Unis font figure de boulet mondial. "Ils sont de plus en plus perçus comme un obstacle sur la voie des négociations. A eux de dissiper ce sentiment" déclare le délégué mexicain Fernando Tudela à Reuters. Le délégué chinois Yu Qingtai dénonce un effort concerté des pays industriels pour "saboter le Protocole de Kyoto". Les Etats-Unis ne sont pas directement nommés, mais personne n’est dupe. Par ailleurs, des sources européennes confient au Guardian leur souci de voir les Américains miner le nouveau traité.

Etonnant changement de… climat. Il y a encore un mois, on s’acheminait vers un affrontement entre pays riches et émergents, les seconds refusant de s’engager sur des objectifs fermes en matière de réduction de leurs émissions de CO2, tandis que les premiers rechignaient à leur fournir les moyens financiers pour atteindre cet objectif. Or la Chine, le Brésil et l’Inde ont assoupli leur position de principe. Certes, aucun des trois n’a fixé une cible concrète, mais, en termes de relations publiques, leurs leaders ont magnifiquement su faire passer le message qu’ils n’étaient pas insensibles à l’enjeu climatique. Le président Hu Jintao en particulier s’est montré convaincant devant l’Assemblée générale des Nations unies le 22 septembre dernier. La Chine pourrait aussi surprendre le monde par la rapidité de son adaptation, prévient mardi le rapport de l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Ce pays qui investit énormément dans les énergies nucléaire, éolienne et solaire limiterait ses émissions de carbone à 7,1 gigatonnes en 2030 – contre 11,6 anticipées précédemment par l’AIE et 6,1 en 2007. "Ces économies peuvent placer la Chine en tête des efforts mondiaux contre le réchauffement climatique" dit Faith Birol, chef économiste de l’AIE. La Chine est devenue le premier pollueur mondial, juste devant les Etats-Unis. A eux deux, ces pays représentent un peu plus de 40% des émissions globales de CO2.

Le président Barack Obama, qui succédait à Hu Jintao à la tribune de l’ONU, est apparu plus vague que son homologue chinois sur les engagements américains. Et pour cause. Le week-end dernier, sa conseillère sur le climat, Carol Browner, a avoué ce qui se chuchotait depuis des semaines : surchargé par des débats sur la réforme de la santé et la politique étrangère, le Sénat n’arrivera probablement pas à voter la législation sur le changement climatique avant le sommet de décembre. Ainsi, les Etats-Unis seraient le seul pays important à arriver à Copenhague les mains vides. Pourtant, le texte en discussion au Sénat est déjà faible par rapport aux objectifs fixés par l’ONU. Il vise une réduction des émissions de 7% en 2020 par rapport à leur niveau de 1990, alors que l’objectif onusien est de 25 à 40%. […] Last but not least, l’opinion a évolué. Trois Américains sur quatre interrogés par ABC News se disent dorénavant favorables à une réglementation des émissions polluantes. »

 

Le Temps, 9 octobre 2009

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Afghanistan: une guerre de mensonges

nato-troops-in-afghanistan.jpgAfghanistan : une guerre de mensonges

La guerre en Afghanistan semble être un préoccupation beaucoup plus marquée chez les citoyens des pays de la coalition que pour leurs gouvernements, même si certains d’entre eux réduisent pas à pas les effectifs de leurs troupes en opérations.
En France, mis à part les tristes nouvelles annonçant les décès de nos soldats, cette guerre, menée sous le double commandement de l’OTAN et des Améticains, ne fait l’objet que de peu d’analyses et il faut surfer sur les sites étrangers et plus particulièrement anglo-saxons pour en savoir plus.
Polémia présente à ces lecteurs un article d’Eric Margolis, consacré à cette guerre en Afghanistan, levant le voile sur certains aspects qu’on ne soupconne pas.
Certes, les informations données restent de la responsabilité de leur auteur et les opinions exprimées n’engagent que lui et ne reflètent pas nécéssairement celles de Polémia.

Polémia /
http://www.polemia.com/

Afghanistan : une guerre de mensonges



Le président Barack Obama et le Congrès se débattent avec l’élargissement de la guerre en Afghanistan. Après huit années d'opérations militaires, qui ont coûté 236 milliards de dollars, le commandant des forces américaines en Afghanistan vient de lancer une mise en garde contre la menace d’un  « échec », c’est-à-dire une défaite.

La vérité est la première victime de la guerre

La vérité est la première victime de la guerre. Le plus gros mensonge de cette guerre en Afghanistan est de dire : « Nous devons combattre les terroristes là-bas, pour ne pas avoir à le faire chez nous » Les politiques  et les généraux ne cessent de se servir de ce bobard pour justifier une guerre qu'ils ne peuvent ni expliquer ni justifier autrement.

Beaucoup d'Américains du Nord continuent à avaler ce mensonge parce qu'ils croient que les attentats du 11-Septembre ont été lancés directement par Al-Qaida et les Talibans basés en Afghanistan.

Ce n’est pas vrai. Les attentats du 11-Septembre ont été planifiés en Allemagne et en Espagne, et dirigés principalement par des Saoudiens vivant aux Etats-Unis afin de  punir l'Amérique du soutien qu’elle apporte à Israël dans sa répression des Palestiniens.

Les Talibans, mouvement militant religieux et anticommuniste, issu de l’ethnie pachtoune, ont été totalement surpris par le 11-Septembre. Osama ben Laden, sur qui on rejette la responsabilité du 11-Septembre, était en Afghanistan en tant qu’invité parce qu'il était considéré comme un héros national qui avait combattu les Soviétiques au cours des années 1980 et qu’ensuite il avait apporté assistance aux Talibans dans leur lutte contre les Afghans communistes de l'Alliance du Nord.

Les Talibans sont-ils vraiment ceux que l’on nous décrit ?

Les Talibans ont bénéficié de l'aide américaine jusqu'en mai 2001. La CIA avait l'intention d'utiliser l’Al-Qaïda d’Osama ben Laden pour monter les Ouïgours musulmans contre l’autorité chinoise, et d'employer des Talibans contre les alliés de la Russie en Asie centrale. La plupart des prétendus « camps d'entraînement terroristes » en Afghanistan étaient entre les mains des services secrets pakistanais et destinés à préparer les combattants moudjahidin au combat dans le Cachemire occupé par les Indiens.

 En 2001, Al-Qaïda ne comptait que 300 membres. La plupart ont été tués depuis. Une poignée d’entre eux se sont échappés vers le Pakistan. Seuls quelques-uns demeurent en Afghanistan. Pourtant, le président Obama veut à tout prix que 68.000 soldats américains, ou plus, restent en Afghanistan afin de combattre Al-Qaida et d’empêcher les extrémistes de récupérer les « camps d'entraînement de terroristes ».

Cet argument, comme celui des armes de destruction massive inexistantes de Saddam, est un slogan commode pour vendre la guerre au public. Aujourd'hui, la moitié de l'Afghanistan est sous contrôle Taliban. Les militants anti-américains pourraient plus facilement se servir de la Somalie, de l'Indonésie, du Bangladesh, de l’Afrique du Nord et de l’Ouest, ou du Soudan. Ils n'ont pas besoin d’aller chercher jusqu’en Afghanistan. Les attentats du 11-Septembre ont été conçus en chambre, pas dans des camps.

Aussi arriérés et lourdauds soient-ils, ses Pashtounes n’ont nullement envie ni intérêt à attaquer l’Amérique Les Talibans sont les fils des moudjahidins qu’avaient soutenus les Américains et qui ont vaincu les Soviétiques dans les années 1980. Les Talibans n'ont jamais été les ennemis de l'Amérique. Au lieu d'envahir l'Afghanistan en 2001, les Etats-Unis auraient dû payer les Talibans pour déraciner al-Qaïda – comme je l'ai écrit dans le Los Angeles Times en 2001.

Les Etats-Unis s’enfoncent encore plus profondément dans le bourbier sud-asiatique.

Les tribus pachtounes veulent mettre fin à l'occupation étrangère et chasser les communistes afghans et les barons de la drogue, qui dominent aujourd’hui le régime de Kaboul installé par les Etats-Unis. Mais les Etats-Unis se sont engagés par erreur dans une guerre de grande envergure, non seulement contre les Talibans, mais aussi contre la plupart des féroces tribus pachtounes de l'Afghanistan, qui représentent plus de la moitié de la population.

Ce conflit se propage maintenant dans les régions pachtounes du Pakistan. La semaine dernière, l'ambassadeur américain à Islamabad a effectivement réclamé que les Etats-Unis envoient des avions et des missiles contre la ville pakistanaise de Quetta, où des personnalités Talibans de haut rang sont censées avoir été repérées.

Les Etats-Unis s’enfoncent encore plus profondément dans le bourbier sud-asiatique. Washington tente de forcer la main au Pakistan pour qu’il se montre plus obéissant et étendent la guerre contre ses propres  tribus pachtounes à l’esprit indépendant - appelées à tort « Talibans ».

Les tentatives incroyablement maladroites de Washington pour distribuer 7,5 milliards de dollars pour soudoyer le gouvernement et l’armée pakistanais faibles et corrompus, pour maîtriser les promotions militaires et obtenir quelque contrôle sur l'arsenal nucléaire du Pakistan, ont déclenché une colère incendiaire. Les soldats pakistanais sont sur le point de se révolter.

Il en est de même des projets américains de construction d’une ambassade-forteresse pour 1.000 personnes à Islamabad et un consulat à Peshawar qui manifestement servira de base aux services de renseignement, ainsi que du déploiement d'un nombre croissant de mercenaires américains au Pakistan.

Tout cela est bien réglé. Washington affirme qu'il faudra plus de personnel et une plus grande ambassade pour superviser la distribution du supplément d’aide au Pakistan, et davantage de mercenaires (c’est-à-dire de « contractuels ») pour les protéger.

Le président Obama a fait l'objet d'intenses pressions pour étendre la guerre, de la part de républicains cocardiers, d’une bonne partie des médias et les va-t-en guerre responsables de la sûreté de l’Etat. Les partisans d'Israël, y compris de nombreux démocrates du Congrès, veulent voir les Etats-Unis s’emparer des armes nucléaires du Pakistan et étendre la guerre d'Afghanistan à l’Iran. Le ministre israélien des Affaires étrangères, le belliciste Avigdor Lieberman, a récemment désigné l'Afghanistan, le Pakistan et l'Irak comme principales menaces pour Israël.

Talibans ne sont pas et n'ont jamais été une menace pour l'Occident

Le président Obama devrait admettre que les Talibans ne sont pas et n'ont jamais été une menace pour l'Occident ; que Al-Qaïda, dont on a larmement exagéré l’importance, a été en majorité éradiquée ; et que la guerre menée par les Etats-Unis en Afghanistan cause davantage de dommages aux intérêts américains dans le monde musulman – qui représente maintenant 25% de la population mondiale – que Ben Laden et les quelques voyous qu’il a pour alliés. Les attentats à la bombe de Madrid et de Londres et la conspiration de Toronto ont tous été des manifestations particulièrement aberrantes de la part de jeunes musulmans contre la guerre en Afghanistan.

On ne va pas changer la façon dont les Afghans traitent leurs femmes en menant une guerre contre eux ni apporter la démocratie au moyen d’élections truquées. On ne va pas gagner les cœurs et les esprits en imposant à de pieux musulmans un régime dominé par les communistes à Kaboul, en  bombardant leurs villages et en envoyant des Marines enfoncer leurs portes à coups de pied et violer leurs foyers.

Le commandant en chef américain en Afghanistan, le général Stanley McChrystal, exige 40.000 à 80.000 soldats supplémentaires. Même avec ce nombre, il ne gagnera pas la guerre dont Washington ne peut même pas déterminer les conditions de la victoire. Le seul moyen de sortir de ce bourbier passe par un règlement négocié incluant les Pachtounes et leurs bras armé, les Talibans, à qui sera donné le droit de vote.

Si jamais la résistance afghane reçoit des missiles antiaériens et antichars modernes, les forces d'occupation occidentales seront isolées et condamnées. Aujourd'hui, elles tiennent à peine le coup contre les Talibans équipés d’armes légères.

Si seulement le président Obama déclarait simplement la victoire en Afghanistan ! S’il en retirait les forces occidentales pour remettre la sécurité entre les mains d’une force multinationale de stabilisation constituée de nations musulmanes ! Les bons présidents, comme les bons généraux, savent quand il faut se retirer.

Eric Margolis
13 octobre 2009
http://buchanan.org/blog/afghanistan-a-war-of-lies-2548

Titre original : Afghanistan: A War of Lies
Traduction pour Polémia : R. S.


Eric Margolis contribue au Toronto Sun, New York Times, The American Conservative et à de nombreux journaux du Golfe. Il se produit régulièrement sur les chaînes de télévision comme CNN, Fox, SRC, British Sky Broadcasting News, NPR, et CTV. Correspondant de guerre de longue date, il est reconnu comme spécialiste des questions relevant de l’Afghanistan et plus généralement de l’Asie.

Correspondance Polémia
18/10/2009
Les intertitres sont de la rédaction.

Image : flag-draped coffins

 

Eric Margolis

Hommage à Ernst Jünger par Herbert Ammon, représentant de la gauche allemande

ernst_juenger.jpgArchives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1998

Hommage à Ernst Jünger par Herbert Ammon, représentant de la gauche allemande

 

Certes, jamais je ne pourrai entièrement effacer mes réserves à l'égard de l'écrivain politique Ernst Jünger, exposant du “nouveau nationalisme” dans les années 20. Face à l'admiration a-critique, une question non historique: l'histoire allemande en ce siècle aurait-elle été moins terrible sans cette “mobilisation totale” contre le système de Versailles, inspirée par Nietzsche et Machiavel, le nihilisme et le réalisme héroïque? Avec la distance que nous a apportée le temps, le pathos de ces écrits militants nous semble étrange, en lisant les Orages d'acier,  j'ai toujours distingué soigneusement entre l'esthétique de l'ouvrage et l'esthétique de la guerre. Ai-je ainsi fait des concessions à l'esprit gauchiste-libéral de la RFA élargie?

 

Intimidé par l'esprit “jüngerophobe” des feuilletons du Zeit de Hamburg, qui m'a accompagné pendant toutes mes années de lycée, j'appartiens  —contrairement à cette génération de l'après-guerre qui a été l'avant-garde de la révolte juvénile de 68 et qui a donné à l'insurrection étudiante quelques traits typiquement allemands—  à cette génération qui n'a lu l'œuvre du dernier des grands écrivains allemands de ce siècle que fort tard, qui ne l'a découvert qu'après de très longs détours. Certes, j'aurais pu me rapprocher de lui beaucoup plus tôt, car, pendant mes études, je suis tombé sur une anthologie des écrivains de la Beat Generation américaine, sur Howl d'Allen Ginsburg, sur Coney Island of the Mind  de Ferlinghetti. L'éditeur de ces textes était Karl Otto Paetel, émigré aux Etats-Unis, protagonistes de cet espace d'entre-deux, homme de gauche de la droite allemande, dont l'esprit de résistance au nazisme découlait de son engagement précédent dans la jeunesse “bündisch” et de l'esprit qu'avait répandu Ernst Jünger. Paetel avait souligné la parenté entre la geste protestataire de la Beat Generation et les sentiments de Jünger, au temps il s'était inscrit dans le mouvement de jeunesse. Je n'ai lu Jeux africains  qu'à l'âge adulte, quand il est trop tard pour cultiver et s'enthousiasmer de cette façon juvénile pour l'aventure.

 

A partir des écrits du jeune nationaliste Ernst Jünger, j'ai trouvé des références à Ernst Niekisch, après qu'un ignorant méchant et mal intentionné ait tenté de me dénigrer en me collant l'étiquette de “national-bolchevique”. En lisant Widerstand,  la revue de Niekisch, on apprend combien complexes, contradictoires et marginales étaient les voies de la résistance allemande. Pourtant les faits sont là: la “Rose Blanche” avait à voir avec le mouvement “d.j.1.11” d'Eberhard Köbel (dit “tusk”) et donc aussi avec Ernst Jünger; mais cette évidence historique est délibérément ignorée par le catalogue des bonnes vertus que veut nous faire avaler l'établissement bundesrepublikanisch.

 

Tard, fort tard, j'ai lu, pendant une lumineuse journée d'été, les Falaises de marbre. Quand on prend acte de l'œuvre de Jünger, on est généralement saisi par le doute, on découvre le geste de l'anarque, l'esthétique pure de la désinvolture, les jeux idéologiques du jeune Jünger. Mais ce glissement est démenti par une bonne lecture des Falaises de marbre. Il n'y a aucun doute, Ernst Jünger appartient au cercle des plus grands écrivains de ce XXième siècle. Nous, qui sommes nés après lui, après les guerres, jetterons un regard rétrospectif sur ce siècle qu'il a vécu tout entier, ce siècle des idéologies totalitaires. Réfléchissons aussi à la vanité de la résistance allemande que Jünger avait deviné anticipativement dans ses écrits, réfléchissons au hasard qui a permis la mémorable journée du 9 novembre 1989, alors nous connaîtrons “la sauvage mélancolie, qui s'empare de nous quand on se souvient du bonheur”.

 

Herbert AMMON.

(hommage extrait de Junge Freiheit,  n°9/98).

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vendredi, 23 octobre 2009

Polonia y Estados Unidos analizan nueva estrategia militar

Polonia y Estados Unidos analizan nueva estrategia militar

Expertos militares de Estados Unidos y Polonia se reúnen hoy en esta ciudad para discutir una nueva estrategia más económica y adecuada para las necesidades defensivas de Europa, según observadores.

El plan norteamericano pretende situar en el viejo continente sistemas de misiles móviles, en sustitución del proyecto inicial de escudo balístico propuesto por el ex presidente George Bush, y que el mes pasado la actual administración de Barack Obama desechó.

En declaraciones a la radio pública polaca, el viceministro de Defensa de ese país, Stanislaw Komorowski, dijo que hoy tendrán la oportunidad de solicitar toda la información necesaria sobre la nueva propuesta, pues todavía hay muchas preguntas.


La decisión de Obama de cancelar el polémico plan de Bush, no fue bien vista por las autoridades polacas y sí por las rusas, quienes en más de una ocasión denunciaron que este escudo balístico constituía una amenaza directa a su seguridad.

A cambio de aceptar ser la sede de las baterías de misiles, Bush prometió a Polonia la entrega de cohetes tipo Patriot, una demanda reiterada del ejército polaco por considerar necesario este tipo de armamento para repeler posibles ataques de países vecinos.

Pese a su decisión, Obama no descartó la posibilidad de buscar variantes que protegieran mejor al pueblo estadounidense, a sus tropas y a sus aliados en Europa por lo que anunció una “propuesta gradual y adaptable” a la defensa antimisiles en el continente.

Según declaraciones de funcionarios estadounidenses, la administración Obama optará mejor por misiles Patriot y SM-3 recién desarrollados y capaces de interceptar lanzamientos enemigos antes de que un misil ofensivo de largo alcance enfrente una supuesta amenaza iraní.

El sistema será desplegado inicialmente en embarcaciones estadounidenses en el Mediterráneo y no en la considerada área de influencia de Rusia en Europa Oriental.

A pesar del rechazo de la nueva administración norteamericana de seguir adelante con el escudo antimisiles, todo apunta a que el sistema Patriot se instalará finalmente en los próximos meses en Polonia, bajo el control inicial de una dotación de militares estadounidenses para asegurar su funcionamiento.

Extraído de Prensa Latina.

Riposte à l'encerclement médiatique et guerre idéologique

risposteencerclement.jpg« Riposte à l'encerclement médiatique et guerre idéologique »

Par Jean-Yves Clouzet

Comment sortir de l’encerclement médiatique?, s’interroge Polémia après avoir examiné avec brio La tyrannie médiatique (*). Afin de répondre à cette interrogation si actuelle, il convient de se référer à un ouvrage magistral sorti en 2002 aux Éditions Sicre, une maison d’édition royaliste légitimiste : Riposte à l’encerclement médiatique et guerre idéologique de Jean-Yves Clouzet. Il met  dans ce véritable manuel de techniques de « contournement » médiatique tout son talent de conférencier, de journaliste, de soutien actif aux dissidents soviétiques et de militant solidariste. S’appuyant sur ses expériences passées, il offre à l’ensemble des réprouvés de l’Occident les moyens de se défaire de cette oppression.


Une véritable chape de plomb écrase la population


L’ouvrage commence d’abord par étudier le terrain et à disséquer le fonctionnement du Médiacosme. Sans cette approche préalable, toute menée postérieure serait vaine, car « par leur simple existence colossale et technologiquement inaccessible au commun, les mass media disposent des moyens d’une domination graduellement universelle. En quelques semaines d’effort, par un verbiage benoît, ils sont en mesure de ruiner des concepts vitaux d’une civilisation, pour y substituer des préjugés de leur fantaisie : puérils, exquis, dangereux ou pervers » (p. 20). Une véritable chape de plomb écrase la population. La cohésion même du peuple en est menacée puisque « au service de l’idéologie dominante, la classe médiatique exerce sur lui un pouvoir inouï, fait d’illusions, de persuasion et de divertissement. N’est-elle pas devenue son pédagogue sournois, intraitable et fascinante ? » (p. 17). La « pédagogie » du Système médiatique passe par les canaux de la « communication idéologique » que sont la publicité, la presse périodique, la radio-télévision, la censure molle et douce, leurs valets zélés… Les médias sont des armes de guerre culturelle, des vecteurs du « despotisme médiatique » et fourrier de la « société du spectacle » au sens debordien du terme. L’entreprise d’avilissement est totale ! « En suscitant massivement des penchants en faveur de la drogue, de la pornographie, de la violence, en faisant de l’avortement, de l’euthanasie, de l’hypersexualisme, des comportements banals et même privilégiés, en glorifiant la prééminence du criminel sur la victime, le monde médiatique prépare les génocides futurs. Par le saccage de la langue, de l’histoire, de l’art et de la foi des peuples, ils les conditionnent pour consentir à leur propre disparition. En élargissement la sphère marchande à la totalité de la vie individuelle et collective, ils mettent en place les conditions d’un esclavage comparable à ce que le monde à connu et déjà combattu » (p. 46).

Toutefois, l’« entité médiatique » ne présente aucune homogénéité interne. « Vers l’extérieur, le bloc médiatique agit comme une arme de guerre. À l’intérieur, en revanche, c’est un champ clos où s’affrontent des forces consensuelles mais rivales. […] La lutte mondiale entre les grands groupes de presse signifie la recherche acharnée des bénéfices, mais aussi de la puissance » (p. 48). Ces contentieux internes deviennent de réels atouts pour ses contempteurs.

Quelques pistes pour ébranler et démanteler le cercle idéologique

Les deuxième et troisième parties donnent aux lecteurs la possibilité d’« ébranler l’encerclement et [de la] démanteler ». S’inspirant Des falaises de marbre d’Ernst Jünger et de L’Archipel du Goulag de Soljénitsyne, Jean-Yves Clouzet en appelle - entre autres - au « bond offensif », car ce bréviaire de guérilla médiatique fourmille d’actions aisées à mener. « Dans la guerre idéologique, le bond offensif s’exprime par une série d’actes inattendus et visibles, qui répondent à un signe populaire, parfois implicite. La nature du but visé, les résultats obtenus et les moyens disponibles donnent des limites à ces actions, menées suivant des règles et dans une perspective définie. Elles sont organisées en faveur de la population, dans ses malheurs principaux et pour ses souhaits les plus justifiés par les faits et par la doctrine. En vue d’obtenir un soulagement pour cette population, un développement du mouvement et une diffusion doctrinale, cette initiative offensive s’exprime par la rencontre directe du peuple jusqu’à la symbiose et par le détournement à son service de forces intellectuelles, médiatiques et politiques jusqu’alors inertes ou adverses » (p. 140). Par « bond offensif », Jean-Yves Clouzet entend la conjonction d’« une sorte de trinité unifiée entre le peuple, l’élite et la doctrine, qui s’informent mutuellement, en permanence. Car, s’il y a un peuple, il y a une élite. […] Et, si existent le peuple et l’élite, existe la doctrine [qui] exprime un fruit de l’incarnation divine en l’humanité, spécialement dans le peuple considéré et en son histoire » (p. 139).

Suggestions et recettes de combat

Très pragmatique et fort lucide, l’auteur en appelle non point à une impossible fusion entre les branches variées et buissonnantes de la dissidence, mais à leur alliance, ou pour le moins à leur entente, leur coopération, voire leur coordination. « Prenons l’exemple des courants monarchistes, avance-t-il. Les deux royalistes, le bonapartiste et leurs variantes peuvent se reconnaître un foyer commun : le principe monarchique, avec la succession héréditaire et la personne sacrée du souverain qui assure la continuité de l’État. Ce seul point autorise un travail commun, dont la force rejaillit pour chacun. Des colloques, des études et des publications centrés sur ce thème, sans trop déborder sur ce qui divise, fortifient cette plate-forme doctrinale et son originalité idéologique » (p. 245).

En lisant Riposte à l’encerclement médiatique et guerre idéologique, on se demande si les présentes dissidences n’appliquent pas déjà quelques-uns de ses conseils. Qu’on pense donc à Radio-Courtoisie avec la réinformation, à Solidarité des Français ou Action populaire sociale avec leurs soupes hivernales et l’aide apportée aux plus démunis, à Contribuables associés avec des audits thématiques et précis, à S.O.S. Éducation pour le relèvement du niveau scolaire, à Novopress, car « une agence de presse permet de diffuser des informations auprès des media, mais aussi de fournir une référence » (p. 296). Ce livre regorge de suggestions faisables !

Internet, un « biotope » propice à toutes les pensées réfractaires au politiquement correct.

Le seul point quelque peu dépassé de l’ensemble porte sur l’appréciation du rôle d’Internet. Depuis la parution du livre, le réseau informatique planétaire a pris une dimension considérable et constitue aujourd’hui un nouvel espace. Internet devient désormais un « biotope » propice à toutes les pensées réfractaires au politiquement correct. Leur appropriation de l’univers cybernétique peut se comprendre comme l’établissement de « bases de  départ » alternatives de la Reconquête.

On sait que Carl Schmitt rédigea en 1963 une Théorie du partisan qu’il voyait complémentaire à sa Notion du politique. Certes, son partisan bénéficiait d’une assise terrienne, tellurique même, et s’apparentait au Rebelle jüngerien. Comme lui, il recourt aux forêts. Par ailleurs, si les conditions historiques sont favorables au partisan, il peut obtenir des appuis populaires comme le montra fort bien la tactique militaire maoïste. Or, en ces temps de liquidité maximale et de phénomènes erratiques incessants, sa Figure prend maintenant une tournure internautique.

La « Réacosphère » a investi assez tôt la Toile. Cependant, du fait du caractère essentiellement mouvant du monde d’Internet, il serait plus juste de désigner le partisan en ligne sous les termes de « pirate », de « corsaire » ou de « flibustier », d’autant que les règles d’engagement et de fonctionnement du réseau mondial relèvent plus des codes de la guerre sur mer au temps de la marine à voile que des pratiques de la guerre de masse industrialisée. Sur cette gigantesque « île de la Tortue » virtuelle se côtoient hackers et trollers, diffuseurs (volontaires ou non) de désinformation et « guerriers virtuels ». Ils y commettent des blogues, des commentaires, des articles et/ou des vidéos. Le Système a bien compris la menace puisqu’il cherche à y renforcer en prétextant la lutte contre le « terrorisme », la « pédophilie » et le « racisme ».

Pourtant, le danger existe. Il réside pour les véritables Travailleurs postmodernes dans le risque non négligeable d’une déconnexion complète préjudiciable à terme pour leur cause. Il paraît dès lors indispensable que s’établissent des liens réels entre militants de rue et combattants en ligne. En dehors de la répercussion des actions militantes sur la Toile et de leur amplification, il devient enfin urgent que les amis, compétents en informatique, ouvrent des hébergements pour sites et acceptent d’être des fournisseurs d’accès Internet (F.A.I.). Outre que cet objectif assurerait aux nôtres un travail décent et exprimerait une entraide effective, pareille entreprise développerait - en dépit des inévitables divergences - un esprit de corps, bref, un sentiment d’appartenance communautaire. D’un point de vue pratique, avoir avec soi des F.A.I. éviterait les rétorsions qu’ont subi quelques blogues patriotes ces derniers temps.

Alors, aux armes citoyens ? Non, à vos claviers cyberdissidents !

Georges Feltin-Tracol
Le partisan sur la Toile
pour Polémia
17/10/2009

Les intertitres sont de la rédaction


Jean-Yves Clouzet, Riposte à l’encerclement médiatique et guerre idéologique, Sicre Éditions, Paris, 2002, 372 p.

(*) La tyrannie médiatique, ed. Polémia.com, septembre 2008, 80 p.
http://www.polemia.com/article.php?id=1729

Image: Couverture de Riposte à l’encerclement médiatique et guerre idéologique
 

Georges Feltin-Tracol

Gabriele d'Annunzio: "Entre la lumière d'Homère et l'ombre de Dante"

GabrieleD_Annunzio.jpgGabriele D’Annunzio :« Entre la lumière d’Homère et l’ombre de Dante »

« En quelque sorte, un dialogue d'esprit, une provocation, un appel... »

Friedrich Nietzsche

Ex: http://scorpionwind.hautetfort.com/

Né en 1863, à Pescara, sur les rivages de l'Adriatique, D'Annunzio sera le plus glorieux des jeunes poètes de son temps. Son premier recueil paraît en 1878, inspiré des Odes Barbares de Carducci. Dans L'Enfant de volupté, son premier roman, qu'il publie à l'âge de vingt-quatre ans, l'audace immoraliste affirme le principe d'une guerre sans merci à la médiocrité. Chantre des ardeurs des sens et de l'Intellect, D'Annunzio entre dans la voie royale de l'Art dont l'ambition est de fonder une civilisation neuve et infiniment ancienne.

Le paradoxe n'est qu'apparent. Ce qui échappe à la logique aristotélicienne rejoint une logique nietzschéenne, toute flamboyante du heurt des contraires. Si l'on discerne les influences de Huysmans, de Baudelaire, de Gautier, de Flaubert ou de Maeterlinck, il n'en faut pas moins lire les romans, tels que Triomphe de la Mort ou Le Feu, comme de vibrants hommages au pressentiment nietzschéen du Surhomme.

Il n'est point rare que les toutes premières influences d'un auteur témoignent d'une compréhension plus profonde que les savants travaux qui s'ensuivent. Le premier livre consacré à Nietzsche (celui de Daniel Halévy publié en 1909 ) est aussi celui qui d'emblée évite les mésinterprétations où s'embrouilleront des générations de commentateurs. L'écrivain D'Annunzio, à l'instar d'Oscar Wilde ou de Hugues Rebell, demeurera plus proche de la pensée de Nietzsche,- alors même qu'il ignore certains aspects de l'œuvre,- que beaucoup de spécialistes, précisément car il inscrit l'œuvre dans sa propre destinée poétique au lieu d'en faire un objet d'études méthodiques.

On mesure mal à quel point la rigueur méthodique nuit à l'exactitude de la pensée. Le rigorisme du système explicatif dont usent les universitaires obscurcit leur entendement aux nuances plus subtiles, aux éclats brefs, aux beaux silences. « Les grandes idées viennent sur des pattes de colombe » écrivait Nietzsche qui recommandait aussi à son ami Peter Gast un art de lire bien oublié des adeptes des « méthodes critiques »: « Lorsque l'exemplaire d'Aurores vous arrivera en mains, allez avec celui-ci au Lido, lisez le comme un tout et essayez de vous en faire un tout, c'est-à-dire un état passionnel ».

L'influence de Nietzsche sur D'Annunzio, pour n'être pas d'ordre scolaire ou scolastique, n'en est pas pour autant superficielle. D'Annunzio ne cherche point à conformer son point de vue à celui de Nietzsche sur telle ou telle question d'historiographie philosophique, il s'exalte, plus simplement, d'une rencontre. D'Annunzio est « nietzschéen » comme le sera plus tard Zorba le Grec. Par les amours glorieuses, les combats, les défis de toutes sortes, D'annunzio poursuit le Songe ensoleillé d'une invitation au voyage victorieuse de la mélancolie baudelairienne.

L'enlèvement de la jeune duchesse de Gallese, que D'Annunzio épouse en 1883 est du même excellent aloi que les pièces de l'Intermezzo di Rime, qui font scandale auprès des bien-pensants. L'œuvre entière de D'Annunzio, si vaste, si généreuse, sera d'ailleurs frappée d'un interdit épiscopal dont la moderne suspicion, laïque et progressiste est l'exacte continuatrice. Peu importe qu'ils puisent leurs prétextes dans le Dogme ou dans le « Sens de l'Histoire », les clercs demeurent inépuisablement moralisateurs.

Au-delà des polémiques de circonstance, nous lisons aujourd'hui l'œuvre de D'Annunzio comme un rituel magique, d'inspiration présocratique, destiné à éveiller de son immobilité dormante cette âme odysséenne, principe de la spiritualité européenne en ses aventures et créations. La vie et l'œuvre, disions-nous, obéissent à la même logique nietzschéenne,- au sens ou la logique, désentravée de ses applications subalternes, redevient épreuve du Logos, conquête d'une souveraineté intérieure et non plus soumission au rationalisme. Par l'alternance des formes brèves et de l'ampleur musicale du chant, Nietzsche déjouait l'emprise que la pensée systématique tend à exercer sur l'Intellect.

De même, D'Annunzio, en alternant formes théâtrales, romanesques et poétiques, en multipliant les modes de réalisation d'une poésie qui est , selon le mot de Rimbaud, « en avant de l'action » va déjouer les complots de l'appesantissement et du consentement aux formes inférieures du destin, que l'on nomme habitude ou résignation.

Ce que D'Annunzio refuse dans la pensée systématique, ce n'est point tant la volonté de puissance qu'elle manifeste que le déterminisme auquel elle nous soumet. Alors qu'une certaine morale « chrétienne » - ou prétendue telle - n'en finit plus de donner des lettres de noblesse à ce qui, en nous, consent à la pesanteur, la morale d’annunzienne incite aux ruptures, aux arrachements, aux audaces qui nous sauveront de la déréliction et de l'oubli. Le déterminisme est un nihilisme. La « liberté » qu'il nous confère est, selon le mot de Bloy « celle du chien mort coulant au fil du fleuve ».

Cette façon d’annunzienne de faire sienne la démarche de Nietzsche par une méditation sur le dépassement du nihilisme apparaît rétrospectivement comme infiniment plus féconde que l'étude, à laquelle les universitaires français nous ont habitués, de « l'anti-platonisme » nietzschéen,- lequel se réduit, en l'occurrence, à n'être que le faire valoir théorique d'une sorte de matérialisme darwiniste, comble de cette superstition « scientifique » que l'œuvre de Nietzsche précisément récuse: « Ce qui me surprend le plus lorsque je passe en revue les grandes destinées de l'humanité, c'est d'avoir toujours sous les yeux le contraire de ce que voient ou veulent voir aujourd'hui Darwin et son école. Eux constatent la sélection en faveur des êtres plus forts et mieux venus, le progrès de l'espèce. Mais c'est précisément le contraire qui saute aux yeux: la suppression des cas heureux, l'inutilité des types mieux venus, la domination inévitable des types moyens et même de ceux qui sont au-dessous de la moyenne... Les plus forts et les plus heureux sont faibles lorsqu'ils ont contre eux les instincts de troupeaux organisés, la pusallinimité des faibles et le grand nombre. »

Le Surhomme que D'Annunzio exalte n'est pas davantage l'aboutissement d'une évolution que le fruit ultime d'un déterminisme heureux. Il est l'exception magnifique à la loi de l'espèce. Les héros du Triomphe de la Mort ou du Feu sont des exceptions magnifiques. Hommes différenciés, selon le mot d'Evola, la vie leur est plus difficile, plus intense et plus inquiétante qu'elle ne l'est au médiocre. Le héros et le poète luttent contre ce qui est, par nature, plus fort qu'eux. Leur art instaure une légitimité nouvelle contre les prodigieuses forces adverses de l'état de fait. Le héros est celui qui comprend l'état de fait sans y consentir. Son bonheur est dans son dessein. Cette puissance créatrice,- qui est une ivresse,- s'oppose aux instincts du troupeau, à la morale de l'homme bénin et utile.

Les livres de D'Annunzio sont l'éloge des hautes flammes des ivresses. D'Annunzio s'enivre de désir, de vitesse, de musique et de courage car l'ivresse est la seule arme dont nous disposions contre le nihilisme. Le mouvement tournoyant de la phrase évoque la solennité, les lumières de Venise la nuit, l'échange d'un regard ou la vitesse physique du pilote d'une machine (encore parée, alors, des prestiges mythologiques de la nouveauté). Ce qui, aux natures bénignes, paraît outrance devient juste accord si l'on se hausse à ces autres états de conscience qui furent de tous temps la principale source d'inspiration des poètes. Filles de Zeus et de Mnémosyne, c'est-à-dire du Feu et de la Mémoire, les Muses Héliconiennes, amies d'Hésiode, éveillent en nous le ressouvenir de la race d'or dont les pensées s'approfondissent dans les transparences pures de l'Ether !

« Veut-on, écrit Nietzsche, la preuve la plus éclatante qui démontre jusqu'où va la force transfiguratrice de l'ivresse ?- L'amour fournit cette preuve, ce qu'on appelle l'amour dans tous les langages, dans tous les silences du monde. L'ivresse s'accommode de la réalité à tel point que dans la conscience de celui qui aime la cause est effacée et que quelque chose d'autre semble se trouver à la place de celle-ci,- un scintillement et un éclat de tous les miroirs magiques de Circé... »

Cette persistante mémoire du monde grec, à travers les œuvres de Nietzsche et de D'Annunzio nous donne l'idée de cette connaissance enivrée que fut, peut-être, la toute première herméneutique homérique dont les œuvres hélas disparurent avec la bibliothèque d'Alexandrie. L'Ame est tout ce qui nous importe. Mais est-elle l'otage de quelque réglementation morale édictée par des envieux ou bien le pressentiment d'un accord profond avec l'Ame du monde ? « Il s'entend, écrit Nietzsche, que seuls les hommes les plus rares et les mieux venus arrivent aux joies humaines les plus hautes et les plus altières, alors que l'existence célèbre sa propre transfiguration: et cela aussi seulement après que leurs ancêtres ont mené une longue vie préparatoire en vue de ce but qu'ils ignoraient même. Alors une richesse débordante de forces multiples, et la puissance la plus agile d'une volonté libre et d'un crédit souverains habitent affectueusement chez un même homme; l'esprit se sent alors à l'aise et chez lui dans les sens, tout aussi bien que les sens sont à l'aise et chez eux dans l'esprit. » Que nous importerait une Ame qui ne serait point le principe du bonheur le plus grand, le plus intense et le plus profond ? Evoquant Goethe, Nietzsche précise : « Il est probable que chez de pareils hommes parfaits, et bien venus, les jeux les plus sensuels sont transfigurés par une ivresse des symboles propres à l'intellectualité la plus haute. »

La connaissance heureuse, enivrée, telle est la voie élue de l'âme odysséenne. Nous donnons ce nom d'âme odysséenne, et nous y reviendrons, à ce dessein secret qui est le cœur lucide et immémorial des œuvres qui nous guident, et dont, à notre tour, nous ferons des romans et des poèmes. Cette Ame est l'aurore boréale de notre mémoire. Un hommage à Nietzsche et à D'Annunzio a pour nous le sens d'une fidélité à cette tradition qui fait de nous à la fois des héritiers et des hommes libres. Maurras souligne avec pertinence que « le vrai caractère de toute civilisation consiste dans un fait et un seul fait, très frappant et très général. L'individu qui vient au monde dans une civilisation trouve incomparablement davantage qu'il n'apporte. »

Ecrivain français, je dois tout à cet immémorial privilège de la franchise, qui n'est lui-même que la conquête d'autres individus, également libres. Toute véritable civilisation accomplit ce mouvement circulaire de renouvellement où l'individu ni la communauté ne sont les finalités du Politique. Un échange s'établit, qui est sans fin, car en perpétuel recommencement, à l'exemple du cycle des saisons.

La philosophie et la philologie nous enseignent qu'il n'est point de mouvement, ni de renouvellement sans âme. L'Ame elle-même n'a point de fin, car elle n'a point de limites, étant le principe, l'élan, la légèreté du don, le rire des dieux. Un monde sans âme est un monde où les individus ne savent plus recevoir ni donner. L'individualisme radical est absurde car l'individu qui ne veut plus être responsable de rien se réduit lui-même à n'être qu'une unité quantitative,- cela même à quoi tendrait à le contraindre un collectivisme excessif. Or, l'âme odysséenne est ce qui nous anime dans l'œuvre plus vaste d'une civilisation. Si cette Ame fait défaut, ou plutôt si nous faisons défaut à cette âme, la tradition ne se renouvelle plus: ce qui nous laisse comprendre pourquoi nos temps profanés sont à la fois si individualistes et si uniformisateurs. La liberté nietzschéenne qu'exigent les héros des romans de D’annunzio n'est autre que la liberté supérieure de servir magnifiquement la Tradition. Ce pourquoi, surtout en des époques cléricales et bourgeoises, il importe de bousculer quelque peu les morales et les moralisateurs.

L'âme odysséenne nomme cette quête d'une connaissance qui refuse de se heurter à des finalités sommaires. Odysséenne est l'Ame de l'interprétation infinie,- que nulle explication « totale » ne saurait jamais satisfaire car la finalité du « tout » est toujours un crime contre l'esprit d'aventure, ainsi que nous incite à le croire le Laus Vitae:

« Entre la lumière d'Homère

et l'ombre de Dante

semblaient vivre et rêver

en discordante concorde

ces jeunes héros de la pensée

balancés entre le certitude

et le mystère, entre l'acte présent

et l'acte futur... »

Victorieuse de la lassitude qui veut nous soumettre aux convictions unilatérales, l'âme odysséenne, dont vivent et rêvent les « jeunes héros de la pensée », nous requiert comme un appel divin, une fulgurance de l'Intellect pur, à la lisière des choses connues ou inconnues.

Luc-Olivier d'Algange

source: Le cygne noir numéro 1 >> Intentions 5

Les Académies de la Renaissance

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1996

renaissance_italienne.jpgLes académies de la Renaissance

 

Grande historienne de la Renaissance, Frances A. Yates (1899-1981) est connue en France pour les remarquables livres que sont L'art de la mémoire (Gallimard), Giordano Bruno et la tradition hermétique  (Dervy), La philosophie occulte  (Dervy) et Astrée (Belin). Les PUF publient son troisième ouvrage paru en 1947 en Grande-Bretagne, Les Académies en France au XVIième siècle. J. B. Trapp écrit dans son avant-propos: «Partant de Pontus de Tyard, F. Yates remonta jusqu'à la source du mouvement académique de la Renaissance, l'Académie platonicienne de Florence patronnée par les Médicis. De là, elle parvint aux académies fondées en France par les rejetons de la branche féminine des Médicis, Charles IX et Henri III. Semblables académies, devait-elle constater, faisaient mentir la connotation d'inutilité et d'inefficacité traditionnellement associée aux travaux académiques. Le néo-platonisme florentin, qui visait à réconcilier entre elles, non seulement la religion et la philosophie, mais également les factions religieuses et les religions elles-mêmes, avait été introduit en France par des médiateurs comme Jacques Lefèvre d'Etaples, Symphorien Champier, Maurice Scève et Marguerite de Navarre. Cette influence devait marquer profondément la pensée irénique française, par l'intermédiaire des membres de la Pléiade et à travers l'Académie de poésie et de musique de Baif. Une telle philosophie était à la fois profonde et riche de potentialités. Mais la tragédie  —ainsi le perçut très vivement Frances Yates—  fut que l'Europe, une fois de plus, devait se trahir elle-même. La science, la pensée, les préoccupations diverses des académies, cette réunion en un tout harmonieux de toutes les activités humaines, tout ceci eût pu servir à l'instauration de la paix et de la tolérance. Mais cette chance fut réduite à néant par les politiciens et par les zélotes des guerres de religion. L'idéal académique survécut cependant. Il persista pendant la prolifération des académies partielles au XVIIième siècle; on le retrouve chez les philosophes du XVIIIième siècle, désireux d'opérer la libération des esprits et d'instaurer la tolérance religieuse par le moyen de la propagation du savoir encyclopédique; et finalement, au XIXième siècle, la création de l'Institut de France devait rassembler de nouveau les arts et les sciences. Les académies en France au XVIième siècle apparaît, sur plus d'un point, comme l'ouvrage le plus important et le plus stimulant de Frances Yates» (J. de BUSSAC)

 

Frances A. YATES, Les académies en France au XVIième siècle, PUF 1996, 512 pages, 338 F.

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jeudi, 22 octobre 2009

Serie televisiva turca provoca fuerte tension entre Turquia e Israel

Serie televisiva turca provoca fuerte tensión entre Turquía e Israel

Una serie de televisión turca que muestra matanzas de niños palestinos por el ejército israelí generó una fuerte tensión entre Israel y Turquía, a pesar de que ambos países mantienen una alianza estratégica en la región.

La primera cadena de la televisión pública turca TRT 1 difundió el martes, a una hora de gran audiencia, un episodio de una serie que desató la ira del ministro de Relaciones Exteriores israelí, Avigdor Lieberman, y malestar en el primer ministro Benjamin Netanyahu. Lieberman decidió al día siguiente convocar al encargado de negocios turco en Tel Aviv, en ausencia del nuevo embajador, que aún no ha asumido sus funciones.

“Israel no puede aceptar incitaciones al odio contra su Estado y sus soldados. Incitaciones que pueden desembocar en atentados contra los numerosos turistas judíos e israelíes que viajan a Turquía”, declaró el jueves, tras esta audiencia, un responsable del ministerio de Relaciones Exteriores israelí, Naor Gilaon.


Por su parte, Netanyahu declaró a los periodistas: “Nos sentimos también molestos, es lo menos que se puede decir, por lo que hemos visto estos últimos tiempos de parte de Turquía”. “Esto plantea la pregunta: ¿qué dirección toma la política de Turquía, esperamos que sea hacia la consolidación de la paz, no de los extremismos”, añadió.

En el episodio de la serie se ve a niños palestinos que tiran piedras contra soldados israelíes, que responden con tiros, matando a varios de ellos, entre ellos cuales una niñita que sonríe antes de su último suspiro. También muestra a soldados israelíes cuando matan a un recién nacido en los brazos de su padre, poco después de su nacimiento en un edificio en ruinas, debido a que la pareja no pudo trasladarse a un hospital.

La audiencia de la serie es por el momento marginal: ocupa el puesto 97º en el ránking de programas.

El periodista islamista Hakan Albayrak, consejero de los productores de la serie, defendió su contenido. “¿Por qué las escenas de matanzas serían exageradas? ¿No se puede hablar de un Estado que cometió matanzas?”, preguntó Albayrak.

Este incidente diplomático se suma a otro ocurrido la semana pasada en el ámbito militar. De forma inesperada, Turquía anuló las maniobras aéreas que debía llevar a cabo con la aviación israelí, a pesar del acuerdo de cooperación militar firmado con Israel en 1996. Una decisión que fue condenada por Israel y Estados Unidos.

Las relaciones entre los dos países comenzaron a degradarse en el invierno pasado, cuando el primer ministro turco, Recep Tayyip Erdogan, criticó a Israel por su comportamiento durante la ofensiva militar contra la Franja de Gaza.

Turquía “no recibe instrucciones” de Israel, declaró el jueves Erdogan, que dirige desde 2002 un gobierno islamista conservador.

El miércoles, Erdogan, había declarado a una televisión árabe que las maniobras con Israel habían sido anuladas para respetar la voluntad del pueblo turco, “que no quiere más cosas de ese estilo”.

La diplomacia de ambos países se esfuerza por calmar los ánimos. “Hay un efecto bola de nieve, en las declaraciones de unos y otros. Pero los dirigentes de ambos países saben que la estructura de las relaciones bilaterales es fuerte”, señaló a la AFP un diplomático turco de alto rango. “Incluso entre amigos muy cercanos pueden aparecer diferencias”, dijo por su parte Gaby Levy, embajador de Israel en Ankara.

Burak Akinci

Extraído de AFP.

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"Ballade au Pays de Scarlett": le nouveau livre de Jean-Claude Rolinat

gettysburg.jpg“ Ballade au pays de Scarlett ”,

le nouveau livre de Jean-Caude Rolinat…

Cinq questions à Jean-Claude Rolinat :

Jean-Claude Rolinat vient de publier « Ballade au pays de Scarlett»  aux Editions Fol’fer, dans lequel il évoque ce Deep South conservateur qui refusa la normalisation voulue par Washington et s’engagea dans une guerre dite de sécession. Conçu comme un abécédaire tout à la fois historique et touristique, le pays de Scarlett a trouvé en Rolinat un de ses meilleurs portraitistes. L’auteur n’a pas seulement saisi le cliché de ce Sud profond, il en a capté l’âme.

Catherine Robinson

Quelle est l’ambition de cette “ Ballade au pays de Scarlett ” ?

Au risque de paraître prétentieux, j’écris les livres que j’aurais aimé lire… D’autre part, s’agissant de celui-ci, j’ai dû aller onze ou douze fois aux Etats-Unis, plus particulièrement dans le Sud, et, à chaque voyage, je sentais monter en moi l’irrésistible envie de “ témoigner ”, d’inciter les gens à venir admirer des paysages autres que les merveilleux mais classiques décors de l’Ouest, sentir la geste, l’épopée d’un peuple qui résista de 1861à 1865 à l’énorme machine de guerre nordiste… De plus, dans nos milieux, il est de bon ton de confondre l’Amérique avec son gouvernement, de faire de sa pseudo intelligentsia le reflet frelaté du pays réel. Si le monde devait juger la France à travers les chansonnettes de Carla Bruni… au secours ! Il ne faut donc pas confondre le gouvernement fédéral de cette puissante thalassocratie forcément impérialiste qui, au passage, ne se nourrit que de nos faiblesses, avec le peuple de l’Amérique profonde, rurale, conservatrice, où les gens sont attachés, tout comme nous, aux simples valeurs traditionnelles. Et puis, “ les forts en gueule ” de l’anti-américanisme primaire, sans discernement, sont souvent les mêmes qui, jadis, étaient pétrifiés de trouille face aux chars soviétiques, bien contents alors d’avoir les GI’s de l’Oncle Sam présents en Europe. Cela étant dit, les temps ont changé, j’en suis bien conscient.

J’espère que l’achat de ce livre poussera plus d’un lecteur à boucler sa valise et à atterrir à Atlanta, à la Nouvelle Orléans, à Memphis ou à Nashville car, tout en étant un petit ouvrage historico-politique, c’est aussi surtout, et avant tout, un guide touristique.

L’Amérique telle que vous nous la décrivez est loin de ressembler aux modèles des séries télé américaines et encore plus loin de ce prétendu vide culturel comme d’un certain mode de vie envahissant (Pop Art, fast food…). Qu’en est-il réellement ?

L’Amérique est à elle seule un condensé du monde entier : toutes les ethnies de la terre s’y côtoient. Toutefois, les Etats du Sud font entendre leur petite musique particulière. Sans doute parce que c’est là que la vieille Europe et sa civilisation survécurent le plus longtemps. Et puis la nature, je ne vous dis que ça ! Des chênes d’où pend  comme des guirlandes de Noël la mousse espagnole, la vigne vierge qui part à l’assaut des fils électriques, des torrents bondissants et des chutes d’eau spectaculaires (c’est là qu’ont été tournés par exemple des films tels que Le Dernier des Mohicans ou Délivrance), des magnolias fleuris, des marais aux eaux noires comme la stout irlandaise où les alligators ne dorment que d’un œil… Les paysages et l’histoire, ainsi que les peuples qui les habitent et qui la font, sont étroitement imbriqués, indissociables, mêlant à chaque instant, à chaque coin de rue passé et présent. Malgré la malédiction de l’esclavage ou à cause de lui, Noirs et Blancs qui, comme l’huile et l’eau, ne se mélangent guère, sont toutefois parties prenantes de ces Etats américains à part entière et entièrement à part, inséparables, comme les bandes zébrées du célèbre mammifère africain. Quant au “ vide culturel ”  que vous évoquez, il suffit de franchir les portes de n’importe quel musée des villes du Sud pour tordre le cou à cette rumeur…

Parmi les multiples sujets historiques, vous traitez de Napoléon III et des Sudistes. Pourriez-vous nous en dire quelques mots ?

L’empereur Napoléon III, qui vérifiait ce que Tocqueville avait pressenti une ou deux décennies avant lui, voulait contenir sinon contrecarrer cette puissance émergente. Ce qui explique qu’il souhaita jouer un rôle d’arbitre dans le conflit entre les Etats qui, quelque part, l’arrangeait bien dans sa tentative de mettre un prince européen sur le trône du Mexique. Il informa le représentant de la Confédération, Sidell, qu’il espérait obtenir une suspension des hostilités. Une façon pour lui d’afficher ses préférences sudistes. Mais l’Angleterre ne suivit pas la France, la Russie non plus. Alors, il abandonna. Le gouvernement de l’Union s’en souviendra, en soutenant ouvertement Juarez contre Maximilien que Napoléon III avait imposé comme Empereur aux Mexicains. On connaît la suite…

Question guide touristique, vous nous indiquez, parmi les perles du Sud, une petite ville du nom de Madison à voir impérativement. Quelle est sa particularité ?

À elle seule, la petite cité de Madison en Géorgie, située sur l’Interstate 20 à l’est d’Atlanta, même si elle n’a pas l’ampleur de la somptueuse Savannah ou de la nonchalante et élégante Charleston, est la quintessence des villes du Sud : maisons antebellum de style victorien, antiquaires et végétation rafraîchissante. Et puis, c’est une des rares agglomérations qui échappa à la fureur de ce pyromane de général Sherman dans sa marche vers la mer…

S’il n’y avait qu’un livre d’écrivain du Sud à citer – hormis Margaret Mitchell –, quel est celui que vous choisiriez ?

Disons deux ou trois… Puiser au hasard dans l’œuvre de Faulkner bien sûr, avec son récurrent et mythique comté de Yoknapatawpha qui pourrait bien être celui d’Oxford où il vivait dans le Mississippi, sans oublier non plus Vladimir Volkoff avec ses Nouvelles américaines ainsi que Dominique Venner avec Le Blanc Soleil des Vaincus car, après tout, the South gonna rise again !

Propos recueillis par Catherine Robinson

Publié dans le quotidien Présent

Jean-Claude Rolinat, Ballade au pays de Scarlett, Atelier Fol’Fer, BP 20047, 28260 Anet. Tél : 06 74 68 24 40. Fax : 09 58 28 28 66. Prix : 26 euros franco.

NDLR : Jean-Claude Rolinat participera à la 3ème journée nationale et identitaire organisée par Synthèse nationale, mercredi 11 novembre prochain au Forum de Grenelle (5, rue de la Croix Nivert 75015 Paris). Il dédicacera ses livres.

Source : Synthèse Nationale [1]


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10ème Congrès de l'ADSAV

congresadsavppbnovembre [1]


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[1] Image: http://adsav.org/

R. Steuckers: entretien pour le journal Hrvatsko Slovo

Hotel_de_ville_Bruxelles_1.jpgArchives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1998

Robert Steuckers :

Entretien pour le journal

Hrvatsko Slovo

 

Propos recueillis par Tomislav Sunic

 

1. Quelle est votre carte d'identité?

 

Je suis né en 1956 à Uccle près de Bruxelles. J'ai été à l'école de 1961 à 1974 et à l'Université et à l'école de traducteurs-inter­prètes de 1974 à 1980. Dans ma jeunesse, j'ai été fasciné par le roman historique an­glais, par la dimension épique de l'Ivanhoe  de Walter Scott, de la légende de Robin des Bois, par l'aventure de Quentin Durward, par les thématiques de la Table Ronde. Le cadre médiéval et la profondeur mythique ont très tôt constitué chez moi des réfé­rentiels importants, que j'ai complété avec notre propre héritage littéraire épique flamand, avec le Lion des Flandres  de Hendrik Conscience, et par les thèmes bretons, dé­couverts dans Le Loup Blanc de Paul Féval. Certes, j'ai lu à l'époque de nombreuses édi­tions vulgarisées, parfois imagées, de ces thématiques, mais elles n'ont cessé de me fasciner. Des films comme Excalibur ou Braveheart  prouvent que ce filon reste malgré tout bien ancré dans l'imaginaire eu­ropéen. En dépit des progrès techniques, du désen­chantement comme résultat de plusieurs décennies de rationalisme bureaucratique, les peuples ont un besoin vital de cette veine épique, il est donc néces­saire que la trame de ces lé­gendes ou que ces figures héroïsées de­meurent des réferentiels im­pas­sables. Sur le plan philosophique, avant l'université, dans l'adolescence de 12 à 18 ans qui reste la pé­riode où s'acquièrent les bases éthiques et philosophiques essen­tielles du futur adulte, j'ai abordé Nietzsche, mais surtout Spengler parce qu'il met l'histoire en perspective. Pour un adolescent, Spengler est difficile à digé­rer, c'est évident et on n'en retient qu'une caricature quand on est un trop jeune lecteur de cet Allemand à la culture immense, qui nous a légué une vision synoptique de l'histoire mondiale. Toute­fois, j'ai retenu de cette lec­ture, jusqu'à aujourd'hui, la vo­lonté de mettre l'histoire en perspec­tive, de ne jamais soustraire la pensée du drame planétaire qui se joue chaque jour et partout. Juste avant d'en­trer à l'université, pen­dant la dernière année de l'école secondaire, j'ai découvert Toynbee, A Study of History, sa classification des civilisations, son étude des ressorts de celles-ci, sa dynamique de “chal­len­ge-and-response”; ensuite, pour la Noël 1973, il y avait pour moi dans la hotte des ca­deaux Révolte con­tre le monde moderne  de Julius Evola et une anthologie de textes de Gottfried Benn, où celui-ci insistait sur la notion de “forme”. J'avais également lu mes premiers ouvrages d'Ernst Jünger. A l'école, j'avais lu no­tamment le Testament espagnol  de Koestler et La puissance et la gloire  de Graham Greene, éveillant en moi un intérêt durable pour la littérature carcérale et surtout, avec le prêtre alcoolique admi­rablement mis en scène par Greene, les notions de péché, de perfectibilité, etc. que transcende malgré tout l'homme tel qu'il est, imparfait mais sublime en dépit de cette imperfection. Dès la première année à l'Université, je découvre la veine faustienne à partir de Goethe, les deux chefs-d'œuvre d'Or­well (La ferme des animaux et 1984), Darkness at Noon de Koe­st­ler (autre merveille de la littérature car­cérale!). Im­mé­dia­te­ment dans la foulée, je me suis plongé dans son ouvrage philoso­phi­que The Ghost in the Machine, qui m'a fait dé­cou­vrir le com­bat philosophique, à mon avis central, contre le ré­ductionnisme qui a ruiné le continent eu­ro­péen et la pensée occi­dentale en ce siècle et dont nous tentons péniblement de sortir au­jourd'hui. Depuis ma sortie de l'université, j'ai évi­demment travaillé comme traducteur, mais j'ai aussi fondé mes revues Orien­tations (1982-1992), Vouloir (depuis 1983), et co-édité avec mes amis suisses et français, le bulletin Nou­velles de Synergies Européennes (depuis 1994). Entre 1990 et 1992, j'ai travaillé avec le Prof. Jean-Fran­çois Mattéi à l'Encyclopédie des Œuvres philosophiques des Presses Univ­er­si­tai­res de France. 

 

2. Dans les milieux politico-littéraires, on vous colle souvent l'étiquette de “droitier”. Etes-vous de droite ou de gauche. Qu'est-ce que cela signifie aujourd'hui?

 

Dans l'espace linguistique francophone, cela a été une véritable manie de coller à tout constestataire l'étiquette de “droite”, parce que la droite, depuis le libéralisme le plus modéré jusqu'à l'affirmation natio­naliste la plus intransigeante, en passant par toutes les variantes non progressistes du catholicisme, ont été re­jetées sans ménagement dans la géhenne des pensées interdites, considé­rées arbitrairement comme droitières voire comme crypto-fascistes ou carrément fascistes. Cette manie de juger toutes les pensées à l'aune d'un schéma binaire provient en droite ligne de la propagande communiste française, très puissante dans les médias et le monde des lettres à Paris, qui tentait d'assimiler tous les adversaires du PCF et de ses satellites au fas­cisme et à l'occupant allemand de 1940-44. Or, au-delà de cette polé­mique  —que je ne reprendrai pas parce que je suis né après la guerre—  je constate, comme doivent le constater tous les observa­teurs lucides, que les cultures dans le monde, que les filons cultu­rels au sein de chaque culture, sont l'expression d'une pluralité inépuisable, où tout se compose, se décompose et se recompose à l'infini. Dans ce grouillement fécond, il est impossible d'opérer un tri au départ d'un schéma simplement binaire! La démarche binaire est toujours mutilante. Ceci dit, je vois essentiellement trois pistes pour échapper au schéma binaire gauche/droite.

- La première vient de la définition que donnait le grand économiste français François Perroux du rôle de l'homme dans l'histoire de l'humanité et dans l'histoire de la communauté où il est né par le hasard des circonstances. L'homme selon Perroux est une personne qui joue un rôle pour le bénéfice de sa communauté et non pas un individu qui s'isole du reste du monde et ne donne rien ni aux siens ni aux autres. En jouant ce rôle, l'homme tente au mieux d'incarner les valeurs impassables de sa communauté nationale ou religieuse. Cette définition a été classé à droite, précisément parce qu'elle insistait sur le caractère impassable des grandes valeurs traditionnelles, mais bon nombre d'hommes de gauche, qu'ils soient chrétiens, musulmans, agnostiques ou athées, en recon­naîtront la pertinence.

- La deuxième piste, très actuelle, est celle que nous indique le communauta­risme américain, avec des auteurs comme Sandel, Taylor, McIntyre, Martha Nussbaum, Bellah, Barber,Walzer, etc. Au cours du XXième siècle, les grandes idéologies politiques dominantes ont tenté de mettre les valeurs entre paren­thè­ses, de procéder à une neutralisation des valeurs, au bénéfice d'une approche purement techno­cra­ti­que des hommes et des choses. Dans les années 50 et 60, l'idéologie dominante de l'Occident, aux Etats-Unis et en Europe de l'Ouest, a été ce technocratisme, partagé par le libéralisme, la sociale-dé­mo­cra­tie et un conservatisme qui se dégageait des valeurs traditionnelles du ca­tholicisme ou du pro­testantisme (en Allemagne: de l'éthique prussienne du service à l'Etat). Les ques­tions soulevées par les valeurs, dans l'optique d'une certaine philosophie empirique, néo-logique, étaient des questions vides de sens. Ce refus occidental des valeurs a généré un hyper-individualisme, une anomie générale qui se tra­duit par un incivisme global et une criminalité débridée en croissance continue. Le questionnement sou­le­vé aujourd'hui par l'école communautarienne américaine est une réponse à l'anomie occidentale (dont on n'est pas toujours fort conscient dans les pays européens qui ont connu le communisme) et cette ré­ponse transcende évidemment le clivage gauche/droite.

- La troisième piste est celle des populismes. Sous le titre significatif de Beyond Left and Right. Insur­gency and the Establishment,  une figure de proue de la gauche radicale américaine, David A. Horowitz, a publié récem­ment un ouvrage qui fait sensation aux Etats-Unis depuis quelques mois. Horowitz recence toutes les ré­voltes populaires américaines contre l'établissement au pouvoir à Washington, depuis 1880 à nos jours. Délibérément, Horowitz choisit à gauche comme à droite ses multiples exemples de révoltes du peuple contre ces oligarchies qui ne répondent plus aux nécessités cruelles qui frappent la population dans sa vie quotidienne. Horowitz brise un tabou tenace aux Etats-Unis, notamment en s'attaquant au caractère quelque peu coercitif des gauches, depuis le New Deal de Roosevelt jusqu'à nos jours. Une coercition subtile, bien camouflée derrière des paroles moralisantes... C'est à dessein que j'ai choisis ici des exemples américains, car les idéologèmes américains sont indépendants, finalement, des clivages eu­ro­péens nés de la seconde guerre mondiale. Même des propagandistes chevronnés ne pourront ac­cuser de “fascisme” des filons idéologiques nés en plein centre ou en marge des traditions “républi­caines” ou “démocrates”. Ce qui importe, c'est de défendre un continuum dans lequel on s'inscrit avec sa lignée.

 

3. Dans vos écrits sur la géopolitique, on perçoit une très nette influence des grands géopolitologues comme Kjellén, Mackinder, Haushofer et Jordis von Lohausen; vous semblez aussi vous intéresser aux travaux du Croate Radovan Pavic. De votre point de vue d'Européen du Nord-Ouest, comment percevez-vous la Mitteleuropa, plus particulièrement la Croatie?

 

C'est certain, j'ai été fasciné par les travaux des classiques de la géopolitique. J'ai rédigé des notes sur les géopolitologues dans l'Encyclopédie des Œuvres philosophiques, éditée par le Prof. Jean-François Mattéi (Paris, 1992). Le dernier numéro de ma revue Vouloir   (n°9/1997) est consacré à ces pionniers de la pensée géopolitique. En ce qui concerne votre compatriote Pavic, c'est, avec le Français Michel Fou­cher (Lyon), le meilleur dessinateur de cartes expressives, parlantes, suggestives en Europe au­jourd'hui. L'art de la géopolitique, c'est avant tout l'art de savoir dessiner des cartes qui résument à elles seules, en un seul coup d'oeil, toute une problématique historique et géographique complexe. Pavic et Klemencic (avec son atlas de l'Europe, paru cette année à Zagreb) perpétuent une méthode, lancée par la géopo­litique allemande au début de ce siècle, mais dont les racines remontent à ce pionnier de la géogra­phie et de la cartographie que fut Carl Ritter (1779-1859). Quant à ma vision de la Mitteleuropa, elle est quelque peu différente de celle qu'avait envisagée Friedrich Naumann en 1916. Au beau milieu de la pre­mière guer­re mondiale, Naumann percevait sa Mitteleuropa comme l'alliance du Reich allemand avec l'Autriche-Hon­grie, flanquée éventuellement d'une nouvelle confédération balkanique faisant fonction d'Ergänzungs­raum pour la machine industrielle allemande, autrichienne et tchèque. Cette alliance articu­lée en trois vo­lets aurait eu son prolonge­ment semi-colonial dans l'empire ottoman, jusqu'aux côtes de la Mer Rouge, du Golfe Persique et de l'Océan Indien. Aujourd'hui, un élément nouveau s'est ajouté et son importance est ca­pitale: le Rhin et le Main sont désormais reliés au Danube par un canal à gros gabarit, assurant un tran­sit direct entre la Mer du Nord et l'espace pontique (Fleuves ukrainiens, Crimée, Mer Noire, Cau­case, Ana­to­lie, Caspienne). Cette liaison est un événment extra­ordinaire, une nouvelle donne importante dans l'Eu­ro­pe en voie de formation. La vision du géopolitologue Artur Dix, malheu­reu­sement tombé dans l'oubli au­jourd'hui, peut se réaliser. Dix, dans son ouvrage principal (Politische Geographie. Weltpolitisches Hand­buch, 1923), a publié une carte montrant quelles dynami­ques seraient possibles dès le creusement défi­nitif du canal Main/Danube, un projet qu'avait déjà envisagé Charlemagne, il y a plus de mille ans! Aujour­d'hui le Rhin est lié à la Meuse et pourrait être lié au Rhône (si les gauches françaises et les nationalistes é­triqués de ce pays ne faisaient pas le jeu des adversaires extra-européens de l'unité de l'Europe et du rayonnement de sa cul­tu­re). Les trafics sur route sont saturés en Europe et le transport de marchandises par camions s'avèrent trop cher. L'avenir appar­tient aux péniches, aux barges et aux gros-pousseurs fluviaux. Ainsi qu'aux oléoducs transcaucasiens. Fin décembre 1997, l'ar­mée belge en poste en Slavonie orientale a plié bagages et a ache­miné tout son charroi et ses blindés par pousseurs jusqu'à Liège, prou­vant de la sorte l'importance militaire et stratégique du sy­stème fluvial intérieur de la Mitteleuropa. La mise en valeur de ce réseau diminue ipso facto l'importance de la Méditerranée, contrô­lée par les flottes amé­ri­cai­ne et britannique, appuyées par leur allié turc. Les Etats d'Europe centrale peuvent contrôler aisé­ment, par leurs propres forces terrestres la principale voie de passage à travers le con­ti­nent. La liaison Rot­terdam/Constantza devient l'épine dorsale de l'Europe.  Quant à la Croatie, elle est une pièce impor­tante dans cette dynamique, puisqu'elle est à la fois riveraine du Danube en Slavonie et de l'Adriatique, partie de la Méditerranée qui s'enfon­ce le plus profondément à l'intérieur du continent européen et qui revêt dès lors une importance stratégique considérable. Au cours de l'histoire, quand la Croatie apparte­nait à la double mo­narchie austro-hongroise et était liée au Saint-Empire, dont le territoire belge d'aujour­d'hui faisait partie intégrante,  elle offrait à cet ensemble complexe mais mal unifié une façade méditerra­néen­ne, que l'empire ottoman et la France ont toujours voulu confis­quer à l'Autriche, l'Allemagne et la Hon­grie pour les as­phy­xier, les en­claver, leur couper la route du large. Rappelons tout de même que la misère de l'Europe, que la ruine de la civilisation européen­ne en ce siècle, vient essen­tiellement de l'al­lian­ce perverse et pluriséculaire de la France monarchique et de la Turquie ot­tomane, où la France reniait la civilisation européenne, mobilisait ses forces pour la détruire. La Mitteleuropa a été prise en tenaille et ra­vagée par cette alliance: en 1526, le Roi de France François Ier marche sur Milan qu'il veut arracher au Saint-Empire; il est battu à Pavie et pris prisonnier. Ses alliés ot­tomans profitent de sa trahison et de sa di­version et s'emparent de votre pays pen­dant longtemps en le ra­vageant totalement. Au XVIIième siècle, la collusion franco-ottomane fonctionne à nouveau, le Saint-Em­pire est attaqué à l'Ouest, le Palatinat est ra­vagé, la Franche-Comté est annexée par la France, la Lorraine impériale est en­va­hie, l'Alsace est elle aus­si définitivement arrachée à l'Empire: cette guerre inique a été menée pour soulager les Turcs pen­dant la grande guerre de 1684 à 1699, où la Sainte-Alliance des puissances européennes (Autriche-Hongrie, Po­logne, Russie) con­jugue ses efforts pour libérer les Balkans. En 1695, Louis XIV ra­vage les Pays-Bas et incendie Bruxelles en inaugurant le bom­bardement de pure terreur, tandis que les Ottomans reprennent pied en Serbie et en Roumanie. En 1699, le Prince Eugène, adver­sai­re tenace de Louis XIV et brillant serviteur de l'Empire, impose aux Turcs le Traité de Carlowitz: la Sublime Porte doit céder 400.000 km2 de territoires à la Sainte-Alliance, mais au prix de tous les glacis de l'Ouest (Lorraine, Alsace, Franche-Comté, Bresse). La Répu­bli­que sera tout aussi rénégate à l'égard de l'Europe que la monar­chie française, tout en introduisant le fanatisme idéologique dans les guerres entre Etats, ruinant ainsi les principes civilisateurs du jus publicum europæum:  en 1791, alors qu'Autrichiens, Hon­grois et Russes s'apprêtaient à lancer une offensive définitive dans les Balkans, la France, fidèle à son anti-européisme foncier, oblige les troupes impériales à se porter à l'Ouest car elle lance les hordes révolu­tion­naires, récrutées dans les bas-fonds de Paris, contre les Pays-Bas et la Lorraine. Le premier souci de Napoléon a été de fabriquer des “départements illyriens” pour couper la côte dalmate de son “hinterland mittel­europäisch” et pour pri­ver ce dernier de toute façade méditerra­néenne. L'indépendance de la Croatie met un terme à cette logi­que de l'asphyxie, redonne à la Mitteleuropa une façade adriati­que/méditerranéenne.

 

4. A votre avis, quelles seront les forces géopolitiques qui auront un impact sur le destin croate dans l'avenir?

 

Le destin croate est lié au processus d'unification européenne et à la rentabilisation du nouvel axe central de l'Europe, la liaison par fleuves et canaux entre la Mer du Nord et la Mer Noire. Mais il reste à savoir si la “diagonale verte”, le verrou d'Etats plus ou moins liés à la Turquie et s'étendant de l'Albanie à la Macédoine, prendra for­me ou non, ou si une zone de turbulences durables y empêchera l'émergence de dynamiques fécondes. Ensuite, l'af­frontement croato-serbe en Slavonie pour la maîtrise d'une fe­nê­tre sur le Da­nube pose une question de principe à Belgrade: la Serbie se sou­vient-elle du temps de la Sainte-Alliance où Austro-Hongrois ca­tholiques et Russes orthodoxes joignaient frater­nel­lement leurs efforts pour libérer les Balkans? Se faire l'allié in­conditionnel de la France, comme en 1914, n'est-ce pas jouer le rôle dévolu par la monarchie et la république françaises à l'Em­pire ottoman de 1526 à 1792? Ce rôle d'ersatz  de l'empire otto­man moribond est-il compatible avec le rôle qu'entendent se don­ner certains na­tionalistes serbes: celui de bou­clier européen con­tre tout nouveau déferlement turc? La nou­velle Serbie déyougo­slavisée a intérêt à participer à la dyna­mi­que danubien­ne et à trouver une liaison fluviale avec la Russie. Toute autre politique serait de l'aberration. Et serait contraire au principe de la Sainte-Alliance de 1684-1699, qu'il s'agit de restaurer après la chute du Rideau de fer et des régimes communistes. Par ail­leurs, l'intérêt de la France (ou du moins de la population française) serait de joindre à la dynamique Rhin/Danube le complexe fluvial Saô­ne/Rhône débouchant sur le bassin occidental de la Méditerra­née, zone hautement stratégique pour l'ensemble européen, dont Mackinder, dans son livre Democratic Ideals and Reality  (1919), avait bien montré l'importance, de César aux Vandales et aux Byzantins, et de ceux-ci aux Sarrazins et à Nelson.

 

5. En vue de la proximité balkanique, quelles seront les synergies convergentes?

 

Favoriser le transit inter-continental Rotterdam/Mer Noire et faire de la région pontique le tremplin vers les matières premières caucasiennes, caspiennes et centre-asiatiques, est une nécessité économique vitale pour tous les riverains de ce grand axe fluvial et de cette mer intérieure. D'office, dans un tel contexte, une symphonie adviendra inéluctablement, si les peu­ples ont la force de se dégager des influences étrangères qui veu­lent freiner ce processus. Les adversaires d'un consensus harmo­nieux en Europe, de tout retour au jus publicum euro­pæum  (dont l'OSCE est un embryon), placent leurs espoirs dans la ligne de fracture qui sépare l'Europe catholique et protestante d'une part, de l'Europe orthodoxe-byzantine d'autre part. Ils spéculent sur la classification récente des civilisations du globe par l'Amé­ricain Samuel Huntington, où la sphère occidentale euro-amé­ricaine (“The West”) serait séparée de la sphère orthodoxe par un fossé trop profond, à hauteur de Belgrade ou de Vukovar, soit exactement au milieu de la ligne Rotterdam/Constantza. Cette césure rendrait inopérante la nouvelle dynamique potentielle, couperait l'Europe industrielle des pétroles et des gaz caucasiens et l'Europe orientale, plus rurale, des produits in­dustriels alle­mands. De même, la coupure sur le Danube à Belgrade a son é­quivalent au Nord du Caucase, avec la coupure tchétchène sur le parcours de l'oléoduc transcaucasien, qui aboutit à Novorossisk en Russie, sur les rives de la Mer Noire. La guerre tchétchène profite aux oléoducs turcs qui aboutissent en Méditerranée orientale contrôlée par les Etats-Unis, tout comme le blocage du transit danubien profite aux armateurs qui assurent le transport transméditerranéen et non pas aux peuples européens qui ont intérêt à raccourcir les voies de communication et à les contrôler directement. La raison d'être du nouvel Etat croate, aux yeux des Européens du Nord-Ouest et des Allemands, du moins s'ils sont conscients du des­tin du continent, se lit spontanément sur la carte: la configuration géographique de la Croatie, en forme de fer à cheval, donne à l'Ouest et au Centre de l'Europe une fenêtre adriatique et une fenêtre danubienne. La fenêtre adriatique don­ne un accès direct à la Méditerranée orientale (comme jadis la République de Venise), à condition que l'Adriatique ne soit pas blo­quée à hauteur de l'Albanie et de l'Epire par une éven­tuelle barrière d'Etats satellites de la Turquie, qui verrouilleraient le cas échéant le Détroit d'Otrante ou y géneraient le transit. La fenêtre danubienne donne accès à la Mer Noire et au Caucase, à condi­tion qu'elle ne soit pas bloquée par une entité serbe ou néo-you­go­slave qui jouerait le même rôle de verrou que l'Empire ottoman jadis et oublierait la Sainte-Alliance de 1684 à 1699, prélude d'une symphonie efficace des forces en présence dans les Balkans et en Mer Noire. L'Europe comme puissance ne peut naître que d'une telle symphonie où le nouvel Etat croate à un rôle-clé à jouer, no­tamment en reprenant partiellement à son compte les anciennes dynamiques déployées par la République de Venise, dont Ragu­se/Dubrovnik était un superbe fleuron.

 

6. Vous semblez être assez critique à l'égard de l'Etat pluri-ethnique belge? Quel se­ra son rôle?

 

L'Etat et le peuple belges sont des victimes de la logique partito­cra­tique. Les peuples de l'Ostmitteleu­ropa  savent ce qu'est une logi­que partisane absolue, parce qu'ils ont vécu le communisme. A l'Ouest la logique partisane existe également: certes, dans la sphè­re privée, on peut dire ou proclamer ce que l'on veut, mais dans un Etat comme la Belgique, où les postes sont répartis entre trois formations politiques au pro rata des voix obtenues, on est obligé de s'aligner sur la politique et sur l'idéologie étri­quée de l'un de ces trois partis (démocrates-chrétiens, socialistes, libéraux), sinon on est marginalisé ou exclu: la libre parole dérange, la volonté d'aller de l'avant est considérée comme “impie”. On m'objectera que la démocratie de modèle occidental permet l'alternance politique par le jeu des élections: or cette possibilité d'alter­nan­ce a été éli­minée en Belgique par le prolongement et la succession ad infini­tum de “grandes coalitions” entre démocrates-chrétiens et socia­listes. A l'exception de quelques années dans les “Eigh­ties”, où les libéraux ont participé aux affaires. Ce type de “grandes coali­tions” ne porte au pou­voir que l'aile gauche de la démocratie-chré­tienne, dont l'arme principale est une démagogie dangereuse sur le long terme et dont la caractéristique majeure est l'absence de principes politiques. Cette absence de prin­ci­pes conduit à des bricolages politiques abracadabrants que les Belges appellent ironiquement de la “plom­berie”. L'aile plus conservatrice de cette démocratie-chrétienne a été progressivement marginali­sée en Flandre, pour faire place à des politiciens prêts à toutes les combines pour gouverner avec les socia­listes. Or, les socialistes sont relativement minoritaires en Flandre mais majoritaires en Wallonie. Dans cet­te partie du pays, qui est francophone, ils ont mis le patrimoine régional en coupe réglée et ils y rè­gnent com­me la mafia en Sicile, avec des méthodes et des pratiques qui rap­pellent les grands réseaux ita­liens de criminalité. Les scandales qui n'ont cessé d'émailler la chronique quotidienne en Belgique vien­nent essentiellement de ce parti socialiste wallon. La Belgique fonctionne donc avec l'alliance de so­cia­listes wallons majoritaires dans leur région, de socialistes flamands minoritaires dans leur région, de dé­mo­crates-chrétiens wallons minoritaires et de dé­mo­crates-chrétiens flamands majoritaires, mais dont la ma­jorité est aujourd'hui contestée par les libéraux néo-thatché­riens et les ultra-nationalistes. Une très for­te minorité flamande conserva­tri­ce (mais divisée en plusieurs pôles antagonistes) est hors jeu, de mê­me que les classes moyennes et les entrepreneurs dynamiques en Wallonie, qui font face à un socia­lisme ar­chaïque, vindicatif, corrompu et inefficace. La solution réside dans une fédéralisation toujours plus pous­sée, de façon à ce que les Flamands plus conservateurs n'aient pas à subir le mafia-socialisme wal­lon et les Wallons socialistes n'aient pas à abandonner leurs acquis sociaux sous la pression de néo-tha­tché­riens flamands. Mais la pire tare de la Belgique actuelle reste la nomination politique des magis­trats, éga­lement au pro rata des voix obtenues par les partis. Cette pratique scandaleuse élimine l'indé­pen­dan­ce de la magistrature et ruine le principe de la séparation des pouvoirs, dont l'Occident est pour­tant si fier. Ce principe est lettre morte en Belgique et la cassure entre la population et les institutions judi­ciai­res est dé­sormais préoccupant et gros de complications. L'a­venir de la Belgique s'avère précaire dans de telles con­ditions, d'autant plus que la France essaie d'avancer ses pions partout dans l'économie du pays, de le co­loniser financièrement, avec l'ac­cord tacite de Kohl  —il faut bien le dire—  qui achète de la sorte l'ac­cep­tation par la France de la réunification allemande. Le pays implosera si son personnel poli­tique con­ti­nue à ne pas avoir de vision géopolitique cohérente, s'il ne reprend pas cons­cience de son destin et de sa mis­sion mitteleuropäisch,  qui le con­duiront de surcroît à retrouver les intérêts considé­rables qu'il avait dans la Mer Noire avant 1914, surtout les entreprises wallonnes! Non seulement l'Etat belge implosera s'il ne retrouve pas une vision géopolitique cohérente, mais chacune de ses compo­san­tes imploseront à leur tour, entraînant une catastrophe sans précédent pour la population et créant un vi­de au Nord-Ouest de l'Eu­rope, dans une région hautement stratégique: le delta du Rhin, de la Meuse et de l'Es­caut, avec tous les canaux qui les relient (Canal Albert, Canal Juliana, Canal Wilhelmina, Willems­vaart, etc.).

 

7. Le peuple flamand en Belgique a joué un rôle non négligeable lors de la guerre en ex-Yougoslavie, en apportant son aide au peuple croate. Qu'est-ce qui les unit?

 

Les nationalistes flamands s'identifient toujours aux peuples qui veulent s'affranchir ou se détacher de structures étatiques jugées oppressantes ou obsolètes. En Flandre, il existe un véritable engouement pour les Basques, les Bretons et les Corses: c'est dû partiellement à un ressentiment atavique à l'égard de la France et de l'Espagne. La Croatie a bénéficié elle aussi de ce sentiment de solidarité pour les peuples concrets contre les Etats abstraits. Pour la Croatie, il y a encore d'autres motifs de sympathie: il y a au fond de la culture flamande des éléments baroques comme en Autriche et en Bavière, mais mar­qués d'une truculence et d'une jovialité que l'on retrouve surtout dans la peinture de Rubens et de Jor­daens. Ensuite, il y a évidemment le catholicisme, partagé par les Flamands et les Croates, et un Kultur­na­tionalismus  hé­rité de Herder qui est commun aux revendications nationalistes de nos deux peuples. Mais ce Kulturnationalismus  n'est pas pur repli sur soi: il est toujours accompagné du sentiment d'ap­partenir à une entité plus grande que l'Etat contesté  —l'Etat belge ici, l'Etat yougoslave chez vous—  et cette en­tité est l'Europe comme espace de civilisation ou la Mitteleuropa comme communauté de destin histo­rique. Certes, dans la partie flamande de la Belgique, le souvenir de l'Autriche habsbourgeoise est plus ancien, plus diffus et plus estompé. Mais il n'a pas laissé de mauvais souvenirs et l'Impératrice Ma­rie-Thérèse, par exemple, demeure une personnalité historique respectée.

mercredi, 21 octobre 2009

Israël deviendra-t-il un Etat normal?

carte_israelGD.jpgIsraël deviendra-t-il un Etat “normal”?

 

Intéressante contribution de Roger Cohen dans les colonnes de l’International Herald Tribune du vendredi 16 octobre 2009. Question initiale de Cohen: “Israël est-il un Etat parmi les autres Etats?”. Dans un sens, oui, car il en possède la plupart des attributions. Dans un autre, non, car soixante ans après sa création, Israël n’a toujours pas de frontières stables, de constitution bien établie, de paix durable. Israël, écrit Cohen, vit dans un état d’exception permanente et fait de cette exception son fétiche. Pour Cohen, Israël devrait pouvoir affronter le monde tel qu’il est, même s’il est décevant, et ne pas s’appesantir sur le monde d’hier. Roger Cohen: “L’holocauste représentait la quintessence du mal. Mais  il s’est déroulé il y a soixante-cinq ans. Ceux qui l’ont perpétré sont morts ou vont très bientôt mourir. Le prisme holocaustique  pourrait être bien déformant... L’histoire éclaire mais elle aveugle aussi”.

 

Roger Cohen émet ces réflexions un peu amères après le discours tenu par Benjamin Netanyahou à la tribune des Nations Unies en septembre dernier. Ce discours était truffé de références déclamatoires portant sur l’Allemagne nazie, l’Iran actuel et Al Qaïda (sans qu’il n’ait fait la distinction qui s’impose pourtant à tout observateur sérieux: Al Qaïda représente un extrémisme sunnite, ennemi mortel, en bon nombre de circonstances, de l’Iran chiite, tout amalgame relevant de la propagande à bon marché sinon de la farce pure et simple). Devant tous ces croquemitaines, passés et présents, Israël était posé comme un courageux petit résistant solitaire qui, selon les propos mêmes de Netanyahou, représentait “la civilisation contre la  barbarie, le 21ème siècle contre le 9ème siècle, ceux qui sanctifient la  vie contre ceux qui glorifient la mort”. Du pur lyrisme, effectivement, avec un condiment d’apocalypse.

 

Pour Roger Cohen, ce type de discours est “facile, tonitruant et inutile”: “Il y a diverses civilisations présentes au Moyen Orient, dont les attitudes face à la religion et à la modernité varient mais toutes sont à la recherche d’un accord entre elles”. Face à cette volonté générale, bien qu’assez diffuse, Israël se cramponne à son statut d’exception. La stratégie d’Obama, pourtant, vise à masquer le sentiment américain qui veut que les Etats-Unis, eux aussi, sont “exceptionnels” dans le monde car cette idée d’une “grande mission civilisatrice” des Etats-Unis ne fait plus du tout l’unanimité et provoque de plus en plus souvent une levée de boucliers ailleurs dans le monde. Cohen: “Obama tente d’infléchir Israël pour qu’il se donne une image de soi plus prosaïque et plus réaliste”.

 

Reste la question nucléaire: Obama cherche à faire adhérer Israël au traité de non-prolifération. Car, en effet, comment concilier l’intransigeance américaine face au programme nucléaire iranien et l’indifférence face à l’arsenal nucléaire israélien, non déclaré? Le monde risque d’accuser les Etats-Unis de pratiquer un double langage, d’opter pour une politique de deux poids deux mesures. Obama aurait ce type d’ambiguïté en horreur. Le secrétaire américain à la défense, Robert Gates, quant à lui, dit que la meilleure façon d’avoir à terme un Iran sans armes nucléaires est de lui montrer qu’il n’est plus menacé par personne dans la région. Israël doit dès lors abandonner partiellement les mythes qui lui ont conféré cette d’idée d’exception, exprimée  encore récemment par Netanyahu à la tribune des Nations Unies. Bref, Israël doit se débarrasser de sa mentalité obsidionale. Cohen: “Le Moyen Orient a changé. Israël doit changer aussi. Dire ‘plus jamais’ est certes une nécessité mais le dire est simultanément une manière inadéquate de faire face au monde moderne”.

 

Si Israël doit se débarrasser de sa mentalité obsidionale, et partant, des mythes qui la fondent et la consolident, l’Europe, elle aussi, ne devrait-elle pas se débarrasser de mythes incapacitants, remontant à l’époque de l’holocauste et qui paralysent encore et toujours son processus d’unification? Roger Cohen demande cet effort à Israël, dans le cadre réduit de l’Etat hébreu, mais sa requête pourrait aisément déborder ce cadre réduit et s’adresser à tout le sous-continent européen.

 

(source: Roger COHEN, “An ordinary Israel”, in : “International Herald Tribune”, Oct. 16., 2009).

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Le nouveau rôle de la Turquie

610x.jpgLe nouveau rôle de la Turquie

 

Commentant les récentes négociations turco-arméniennes, menées sous l’oeil vigilant d’Hillary Clinton, le journaliste Stephen Kinzer écrit dans les colonnes de l’”International Herald Tribune”: “Depuis près de 86 ans qu’elle existe telle quelle en tant qu’Etat, la Turquie avait gardé un profil bas dans le monde. Ces jours-là sont finis. Maintenant, la Turquie cherche à jouer un rôle régional très ambitieux en tant que puissance conciliatrice, s’efforçant d’établir partout la paix. Lorsque les officiels turcs débarquent dans des pays cruellement divisés comme le Liban, l’Afghanistan ou le Pakistan, chaque faction cherche fébrilement à engager un dialogue avec eux. Il n’y a pas un pays au monde dont les diplomates sont autant les bienvenus, que ce soit à Téhéran ou à Jérusalem, à Moscou ou à Tbilissi, à Damas ou au Caire. En tant que pays musulman intimement lié à la région qui l’entoure , la Turquie peut se présenter partout, amorcer des partenariats et conclure des accords que ne peuvent conclure les Etats-Unis”.

 

Plus sceptique dans la suite de son article, Kinzer rappelle tout de même les défauts à la cuirasse turque: Chypre, le problème kurde, les persécutions larvées de toutes les minorités religieuses, chrétiennes ou non sunnites.

 

Kinzer: “Dans d’autres circonstances, l’Egypte, le Pakistan ou l’Iran auraient pu émerger en tant que leaders du monde islamique. Leurs sociétés, toutefois, sont faibles, fragmentées voire en voie de décomposition. L’Indonésie ferait un candidat hegemon plus plausible mais elle n’a aucune tradition historique en matière de leadership et est très éloignée du centre de la zone de crise du monde musulman. Reste donc la Turquie. Elle essaie de prendre ce rôle d’hegemon”.

 

Kinzer parle très  certainement le langage de Washington, qui a un besoin urgent de “proxy”, de mandataire, dans la région. Les accords turco-arméniens vont dans le sens des intérêts pétroliers américains. La Turquie a donc bien joué son rôle dans le Caucase-Sud. Et pour qu’elle continue à bien pouvoir le jouer, il faut créer artificiellement des diversions, des faux conflits où le “politiquement correct” est apparemment écorné, où l’idéologie officielle de l’Occident est  bafouée. D’où les incidents avec Israël à propos des manoeuvres aériennes et d’une série télévisée turque présentant Tsahal sous un jour fort glauque. Ces artifices servent, avec le néo-islamisme/néo-ottomanisme d’Erdogan et de Davutoglu, de leurres pour appâter les Arabes.

 

‘Source: Stephen KINZER, “A new role for Turkey”, in: “International Herald Tribune”, Oct. 16, 2009).

Revoluçao Conservadora, forma catolica e "ordo aeternus" romano

000.jpgRevolução Conservadora, forma católica e “ordo aeternus” romano

A Revolução Conservadora não é somente uma continuação da «Deutsche Ideologie» romântica ou uma reactualização das tomadas de posição anti-cristãs e helenistas de Hegel (anos 1790-99) ou uma extensão do prussianismo laico e militar, mas tem também o seu lado católico romano. Nos círculos católicos, num Carl Schmitt por exemplo, como nos seus discípulos flamengos, liderados pela personalidade de Victor Leemans, uma variante da Revolução Conservadora incrusta-se no pensamento católico, como sublinha justamente um católico de esquerda, original e verdadeiramente inconformista, o Prof. Richard Faber de Berlim. Para Faber, as variantes católicas da RC renovam não com um Hegel helenista ou um prussianismo militar, mas com o ideal de Novalis, exprimido em Europa oder die Christenheit: este ideal é aquele do organon medieval, onde, pensam os católicos, se estabeleceu uma verdadeira ecúmena europeia, formando uma comunidade orgânica, solidificada pela religião.Der Glanz, die Macht ist dahin» [«Estamos no fim, a Áustria está morta. O Esplendor e o Poder desapareceram»].


Depois do retrocesso e da desaparição progressiva deste organon vivemos um apocalipse, que se vai acelerando, depois da Reforma, a Revolução francesa e a catástrofe europeia de 1914. Desde a revolução bolchevique de 1917, a Europa, dizem estes católicos conservadores alemães, austríacos e flamengos, vive uma Dauerkatastrophe. A vitória francesa é uma vitória da franco-maçonaria, repetem. 1917 significa a destruição do último reduto conservador eslavo, no qual haviam apostado todos os conservadores europeus desde Donoso Cortés (que era por vezes muito pessimista, sobretudo quando lia Bakunine). Os prussianos haviam sempre confiado na aliança russa. Os católicos alemães e austríacos também, mas com a esperança de converter os russos à fé romana. Enfim, o abatimento definitivo dos “estados” sociais, inspirados na época medieval e na idade barroca (instalados ou reinstalados pela Contra-Reforma) mergulha os conservadores católicos no desespero. Helena von Nostitz, amiga de Hugo von Hoffmannstahl, escreve «Wir sind am Ende, Österreich ist tot.


Num tal contexto, o fascismo italiano, contudo saído da extrema-esquerda intervencionista italiana, dos meios socialistas hostis à Áustria conservadora e católica, figura como uma reacção musculada da romanidade católica contra o desafio que lança o comunismo a leste. O fascismo de Mussolini, sobretudo depois dos acordos de Latrão, recapitula, aos olhos destes católicos austríacos, os valores latinos, virgilianos, católicos e romanos, mas adaptando-os aos imperativos da modernidade.


É aqui que as referências católicas ao discurso de Donoso Cortés aparecem em toda a sua ambiguidade: para o polemista espanhol a Rússia arriscava converter-se ao socialismo para varrer pela violência o liberalismo decadente, como teria conseguido se tivesse mantido a sua opção conservadora. Esta evocação da socialização da Rússia por Donoso Cortés permite a certos conservadores prussianos, como Moeller van den Bruck, simpatizar com o exército vermelho, para parar a Oeste os exércitos ao serviço do liberalismo maçónico ou da finança anglo-saxónica, ainda mais porque depois do tratado de Rapallo (1922), a Reichswehr e o novo exército vermelho cooperam. O reduto russo permanece intacto, mesmo se mudou de etiqueta ideológica.
Hugo von Hoffmannstahl, em Das Schriftum als geistiger Raum der Nation [As cartas como espaço espiritual da Nação] utiliza pela primeira vez na Alemanha o termo “Revolução Conservadora”, tomando assim o legado dos russos que o haviam precedido, Dostoievski e Yuri Samarine.

Para ele a RC é um contra-movimento que se opõe a todas as convulsões espirituais desde o século XVI. Para Othmar Spann, a RC é uma Contra-Renascença. Quanto a Eugen Rosenstock( que é protestante), escreve: «Um vorwärts zu leben, müssen wir hinter die Glaubensspaltung zurückgreifen» [Para continuar a viver, seguindo em frente, devemos recorrer ao que havia antes da ruptura religiosa]. Para Leopold Ziegler (igualmente protestante) e Edgard Julius Jung (protestante), era preciso uma restitutio in integrum, um regresso à integralidade ecuménica europeia, Julius Evola teria dito: à Tradição. Eles queriam dizer por aquilo que os Estados não deviam mais opor-se uns aos outros mas ser reconduzidos num “conjunto potencializador”.
Se Moeller van den Bruck e Eugen Rosenstock actuam em clubes, como o Juni-Klub, o Herren-Klub ou em círculos que gravitam em torno da revista de sociologia, economia e politologia Die Tat, os que desejam manter uma ética católica e cuja fé religiosa subjuga todo o comportamento, reagrupam-se em “círculos” mais meditativos ou em ordens de conotação monástica. Richard Feber calcula que estas criações católicas, neo-católicas ou para-católicas, de “ordens”, se efectuaram a 4 níveis:


1) No círculo literário e poético agrupado em torno da personalidade de Stefan George, aspirando a um “novo Reich”, isto é, um “novo reino” ou um “novo éon”, mais do que a uma estrutura política comparável ao império dos Habsbourg ou ao dos Hohenzollern.


2) No “Eranos-Kreis” (Círculo Eranos) do filósofo místico Derleth, cujo pensamento se inscreve na tradição de Virgílio ou Hölderlin, colocando-se sob a insígnia de uma “Ordem do Christus- Imperator”.


3) Nos círculos de reflexão instalados em Maria Laach, na Renânia-Palatinado, onde se elaborava uma espécie de neo-catolicismo alemão sob a direcção do teólogo Peter Wust, comparável, em muitos aspectos, ao “Renouveau Catholique” de Maritain na França (que foi próximo, a dado momento, da Acção Francesa) e onde a fé se transmitia aos aprendizes particularmente por uma poesia derivada dos cânones e das temáticas estabelecidas pelo “Circulo” de Stefan George em Munique-Schwabing desde os anos 20.


4) Nos movimentos de juventude, mais ou menos confessionais ou religiosos, particularmente nas suas variantes “Bündisch”, bom número de responsáveis desejavam introduzir, por via das suas ligas ou das suas tropas, uma “teologia dos mistérios”.


As variantes católicas ou catolizantes, ou pós-católicas, preconizaram então um regresso à metafísica política, no sentido em que queriam uma restauração do “Ordo romanus”, “Ordem romana”, definida por Virgílio como “Ordo aeternus”, “ordem eterna”. Este catolicismo apelava à renovação com esse “Ordo aeternus” romano que, na sua essência, não era cristão mas a expressão duma paganização do catolicismo, explica-nos o cristão católico de esquerda Richard Faber, no sentido em que, neste apelo à restauração do “Ordo romanus/aeternus”, a continuidade católica não é já fundamentalmente uma continuidade cristã mas uma continuidade arcaica. Assim, a “forma católica” veicula, cristianizando-a (na superfície?), a forma imperial antiga de Roma, como assinalou igualmente Carl Schmitt em Römischer Katholizismus und politische Form (1923). Nessa obra, o politólogo e jurista alemão lança de alguma maneira um duplo apelo: à forma (que é essencialmente, na Europa, romana e católica, ou seja, universal enquanto imperial e não imediatamente enquanto cristã) e à Terra (esteio incontornável de toda a acção política), contra o economicismo volúvel e hiper-móvel, contra a ideologia sem esteio que é o bolchevismo, aliado objectivo do economicismo anglo-saxónico.


Para os proponentes deste catolicismo mais romano que cristão, para um jurista e constitucionalista como Schmitt, o anti-catolicismo saído da filosofia das Luzes e do positivismo cienticista( referências do liberalismo) rejeita de facto esta matriz imperial e romana, este primitivismo antigo e fecundo, e não o eudemonismo implícito do cristianismo. O objectivo desta romanidade e desta “imperialidade” virgiliana consiste no fundo, queixa-se Faber, que é um anti-fascista por vezes demasiado militante, em meter o catolicismo cristão entre parênteses para mergulhar directamente, sem mais nenhum derivativo, sem mais nenhuma pseudo-morfose (para utilizar um vocábulo spengleriano), no “Ordo aeternus”.


Na nossa óptica este discurso acaba ambíguo, porque há confusão permanente entre Europa e Ocidente. Com efeito, depois de 1945, o Ocidente, vasto receptáculo territorial oceânico-centrado, onde é sensato recompor o “Ordo romanus” para estes pensadores conservadores e católicos, torna-se a Euroamérica, o Atlantis: paradoxo difícil de resolver, porque como ligar os princípios “térreos” (Schmitt) e os da fluidez liberal, hiper-moderna e economicista da civilização “estado-unidense”?


Para outros, entre o Oriente bolchevizado e pós-ortodoxo e o Hiper-Ocidente fluido e ultra-materialista, deve erguer-se uma potência “térrea”, justamente instalada sobre o território matricial da “imperialidade” virgiliana e carolíngia, e esta potência é a Europa em gestação. Mas com a Alemanha vencida, impedida de exercer as suas funções imperiais pós-romanas uma translatio imperii (translação do império) deve operar-se em beneficio da França de De Gaulle, uma translação imperii ad Gallos, temática em voga no momento da reaproximação entre De Gaulle e Adenauer e mais pertinente ainda no momento em que Charles De Gaulle tenta, no curso dos anos 60, posicionar a França “contra os impérios”, ou seja, contra os “imperialismos”, veículos da fluidez mórbida da modernidade anti-política e antídotos para toda a forma de fixação estabilizante (NdT. Daqui presume-se uma distinção entre imperialismo e imperialidade, daí o uso dos dois conceitos).


Se Eric Voegelin tinha teorizado um conservantismo em que a ideologia derivava da noção de “Ordo romanus”, ele colocava o seu discurso filosófico-político ao serviço da NATO, esperando deste modo uma fusão entre os princípios “fluidos” e “térreos” (NdT. naturalmente esta dicotomia que o autor usa recorrentemente no texto é uma referência à tradicional oposição entre ordenamentos marítimos e terrestres), o que é uma impossibilidade metafísica e prática. Se o tandem De Gaulle-Adenauer se referia também, sem dúvida, no topo, a um projecto derivado da noção de “Ordo aeternus”, colocava o seu discurso e as suas práticas, num primeiro momento (antes da viagem de De Gaulle a Moscovo, à América Latina e antes da venda dos Mirage à Índia e do famosos discursos de Pnom-Penh e do Quebeque), ao serviço de uma Europa mutilada, hemiplégica, reduzida a um “rimland” atlântico vagamente alargado e sem profundidade estratégica. Com os últimos escritos de Thomas Molnar e de Franco Cardini, com a reconstituição geopolítica da Europa, este discurso sobre o “Ordo romanus et aeternus” pode por fim ser posto ao serviço de um grande espaço europeu, viável, capaz de se impor sob a cena internacional. E com as proposições de um russo como Vladimir Wiedemann-Guzman, que percepciona a reorganização do conjunto euro-asiático numa “imperialidade” bicéfala, germânica e russa, a expansão grande-continental está em curso, pelo menos no plano teórico. E para terminar, parafraseando De Gaulle: A estrutura administrativa acompanhá-la-á?

Robert Steuckers

 

Le regard de Dominique Venner sur le destin des armées blanches

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1997

Le regard de Dominique Venner sur le destin des Armées blanches

 

Pour la Russie et la Liberté,

Nous sommes prêts, nous les Kornilovtzy,

A nous jeter à l'eau,

A nous jeter au feu!

Marchons au combat, au sanglant combat!

Chant de marche des Volontaires, Campagne du Kouban, 1918.

 

Lors du cinquantième anniversaire du coup d'État bolchévique en 1967, on assista dans le monde entier, et tout spécialement en France, à une débauche de propagande et de bourrage de crâne en faveur du régime rouge: ce fut le délire, un délire soigneusement organisé, subsidié et contrôlé par les “Organes”. Combien d'intellos parisiens n'ont pas émargé aux fonds secrets soviétiques? Certains (les mêmes parfois) touchent aujourd'hui d'autres chèques...  Ainsi va (leur) monde... En réaction contre cette désinformation, il y eut le livre de Marina Grey et de Jean Bourdier consacré aux Armées blanches (Stock 1968, paru en Livre de Poche, n°5116). Marina Grey est la fille du Général Dénikine, qui commanda la fameuse Division de Fer lors de la Première Guerre mondiale: le Maréchal Foch et Churchill ont dit de lui qu'il avait contribué à la survie des Alliés sur le front ouest. Anton Dénikine, pourtant acquis aux idées libérales et critique à l'égard des insuffisances de Nicolas II, sera Régent de Russie et l'un des principaux chefs blancs.

 

Sa fille, née en Russie libre, a écrit une excellente évocation de l'épopée des Vendéens russes, ces rebelles qui, refusant la servitude et la terreur bolchéviques, se battent à un contre cent avec un panache extraordinaire. Cette étude écrite comme un roman, se fondait sur des archives privées d'émigrés, des revues parues en exil, à Buenos Aires, Paris ou Bruxelles (saluons au passage Sa Haute Noblesse feu le capitaine Orekhoff, éditeur à Bruxelles de La Sentinelle  et, en 1967, du Livre blanc sur la Russie martyre!),  des mémoires rédigés en russe par des officiers rescapés du génocide communiste (au moins dix millions de morts pour la Guerre civile). P. Fleming, le frère de Ian, avait signé un beau livre sur l'amiral blanc Koltchak et plus tard, Jean Mabire avait sorti la belle figure d'Ungern de l'oubli dans un roman, qui a marqué toute une génération. Mais les Blancs, malgré ces efforts, restaient des maudits, bien plus en Occident qu'en Russie occupée!

 

Vers 1980, un texte du samizdat russe expliquait que, dans les cinémas soviétiques des années 70, lorsqu'on montrait des Gardes blancs (vrais ou non, mais montrés du doigt comme des vampires), souvent les jeunes se levaient d'un bloc, sans un mot. Un de ces adolescents avait écrit à une revue émigrée, une superbe lettre ouverte aux derniers Blancs pour leur dire son admiration. La SERP nous offre toujours un bel enregistrement de marches de l'ancienne Russie et les Cosaques de Serge Jaroff nous restituaient les chants des Blancs... autrement plus beaux que les chœurs de la défunte Armée rouge qui, pourtant, avaient une classe indéniable par rapport aux misérables chansonettes des armées anglo-saxonnes qu'on tente de nous faire passer pour le comble du génie.

 

Mais voilà que Dominique Venner, déjà auteur d'une Histoire de l'Armée rouge (ouvrage couronné par l'Académie française), vient combler ce vide regrettable. Il s'attaque à la Guerre civile, épisode soigneusement occulté de l'histoire soviétique. L'hagiographie marxiste passait sous silence la résistance des Blancs, ou alors ne parlait que de “bandes” de réactionnaires au service du capital, etc. Venner s'est replongé dans cette époque tout compte fait mal connue: peu de livres en langue occidentale, censure générale sur le sujet (tabou dans les universités européennes, alors que les chercheurs américains ont publié pas mal de thèses sur les Blancs), et surtout blocage mental sur ces épisodes qui contredisent la version officielle des faits pour une intelligentsia européenne qui subit encore une forte imprégnation marxisante, souvent inconsciente: une résistance populaire à la “révolution” communiste ne va pas dans le “sens de l'histoire”! Comme le dit justement Gilbert Comte dans le Figaro littéraire du 6 novembre 1997: «Triste modèle des démissions de l'intelligence, quand l'histoire écrite par les vainqueurs devient la seule qu'il soit possible d'écouter». On connaît cela pour d'autres épisodes de notre histoire et le procès Papon, une gesticulation inutile, en est le dernier (?) exemple. Il n'y a pas qu'à Moscou que les procès sont des farces orwelliennes...

 

Venner a donc lu des témoignages écrits à chaud (voyageurs, diplomates, journalistes), ce qui lui permet de rendre l'esprit de l'époque. Une seule critique vient à l'esprit à la lecture de son beau livre: peu de sources russes et pas de témoignages de première main. Il est vrai que pour trouver des rescapés des Armées blanches en 1996... Mais ces hommes, officiers, civils, soldats ont laissé des écrits: mémoires, archives, articles dans la presse émigrée. Paris, Kharbine en Mandchourie, Bruxelles, Berlin ou Buenos Aires furent des centres actifs de l'Emigratziya.  Les revues, journaux, livres rédigés par des combattants blancs se comptent par centaines. Il y a là une masse de documents énorme à analyser. Il existe encore des Associations de la Noblesse russe où de Volontaires qui possèdent des archives du plus haut intérêt et les archives soviétiques doivent aussi receler des trésors... Mais ne faisons pas les difficiles! Le travail de Venner est une réussite complète. Signalons seulement qu'il reste du pain sur la planche pour de futurs chercheurs!

 

Venner étudie les Rouges et les Blancs, ce qui est neuf: il analyse les points forts et les faiblesses des uns et des autres. Sa description des événements est précise, militaire: il montre bien à quel point la guerre fut atroce. Surtout, il prouve que les Blancs, ces “vaincus” de l'histoire officielle, ne furent pas loin de l'emporter sur les Rouges. Fin 1919, Lénine s'écrie: «nous avons raté notre coup!». C'est Trotsky qui sauvera le régime, avec ses trains blindés et sa vision très militariste de la révolution. Il y a d'ailleurs chez Lev Davidovitch Bronstein un côté fascistoïde avant la lettre!

 

Pour la Russie, l'alliance avec la France fut une catastrophe: l'Etat-Major impérial est fidèle à ses promesses, jusqu'à la folie. Mal armée (usines d'armement peu productives), mal commandée (généraux incapables), sans doute trahie au plus haut niveau (la Tsarine ou son entourage), l'armée russe subit une terrible saignée: 2,5 millions de tués en 1915! Ces millions de moujiks tués ou estropiés sauvent la France du désastre: si le plan Schlieffen ne réussit pas à l'ouest, c'est en partie grâce aux divisions sacrifiées de Nicolas II. En 1940, ce même plan, actualisé (frappes aériennes et panzers) réussira grâce à l'alliance de fait germano-russe (pacte Ribbentrop-Molotov). En 1917, l'armée est à bout, et 1a personnalité du monarque, une vraie fin de race, n'arrange rien. Seul le Grand-Duc Nicolas aurait pu sauver la mise, après la mort de Stolypine (assassiné en 1911 par un revolutionnaire juif), ce qui fut un désastre pour toute l'Eurasie. Les trop vagues projets de coup d'état militaire visant à renverser ce tsar incapable ne se réalisent pas... mais le corps des officiers est préparé à lâcher ce dernier, que même le roi d'Angleterre n'a pas envie de sauver.

 

Ce sont des officiers comme Alexeiev ou Korniloff, futurs chefs blancs, qui joueront un rôle dans son abdication tardive. Preuve que les Blancs n'étaient pas des nostalgiques de l'ancien régime, mais des officiers qui souvent servent d'abord Kerenski, même s'ils méprisent à juste titre ce bavard incapable (un politicien). On peut d'ailleurs se demander si le ralliement au régime rouge de tant d'officiers tsaristes n'a pas été partiellement facilité premièrement par les revolvers (Nagan, au départ une conception liégeoise) délicatement braqués dans leur nuque, mais aussi par le dégoût inspiré par la cour de Nicolas II. Dénikine lui-même avait été scandalisé par le lâchage par le tsar de son meilleur ministre, Stolypine.

 

Un des nombreux mérites du livre de Venner est de camper tous ces personnages historiques avec un talent sûr. Le portrait de Lénine, qui était la haine pour le genre humain personnifiée, celui de Trostky, sont remarquables. Venner montre bien que là où les Bolchéviks trouvent face à eux une résistance nationaliste, ils sont vaincus, comme en Finlande, en Pologne. Les armées de paysans attachés à leurs traditions ancestrales sont toujours plus fortes que celles des révolutionnaires citadins, fanatiques mais divisés en chapelles. Un des mérites du livre est d'insister sur la respansabilité de Lénine dans le génocide du peuple russe: c'est lui qui met en place le système du goulag, et non Staline. Les premiers camps d'extermination communistes datent de l'été 1918. Toutes ces ignominies, dont Hitler ne fut qu'un pâle imitateur, découlent de l'idéologie marxiste, qui est celle de la table rase (au moins 25 millions de tués de 1917 à 1958!). La révolution blochévique vit une véritable colonisation de la Russie par des étrangers: Polonais, “Lettons”, et surtout des Juifs, animés d'une haine viscérale pour la Russie traditionnelle, qui ne leur avait jamais laissé aucune place au soleil.

 

Cette révolution est en fait le début d'une gigantesque guerre civile d'ampleur continentale: le fascisme, le nazisme sont des ripostes à cette menace, avec toutes les conséquences que l'on sait. L'historien allemand Ernst Nolte l'a très bien démontré au grand scandale des historiens établis qui aiment à répéter les vérités de propagande dans l'espoir de “faire carrière”. Mais ces vérités, dûment démontrées en Allemagne ou dans les pays anglo-saxons, passent mal en France où sévit encore un lobby marxisant, qui impose encore et toujours ses interdits. Voir les déclarations ridicules de Lionel Jospin, impensables ailleurs en Europe. Voir le scandale causé par le livre de S. Courtois sur les 85 millions de morts du communisme, qui réduit à néant les constructions intellectuelles du négationnisme des établissements, qui, s'ils ont souvent trahi leurs idéaux de jeunesse, ont gardé intactes leur volonté de pourrir notre communauté. Mais ces viles canailles politiques n'ont plus l'ardeur de la jeunesse: ils ne croient plus en rien et n'ont plus au cœur que la haine et le ressentiment pour toutes les innovations qui pointent à l'horizon. A leur tour de connaître la décrépitude et le mépris, des 20 à 30% de jeunes qu'ils condamnent au chômage, en dépit de leur beaux discours sur le “social”. Remercions Venner de nous avoir rendus, avec autant de sensibilité que d'érudition, les hautes figures de l'Amiral Koltchak, des généraux Dénikine, Korniloff ou Wrangel, de tous ces officiers, ces simples soldats blancs, héros d'autrefois qui nous convient à résister sans faiblir aux pourrisseurs et aux fanatiques.

 

Patrick CANAVAN.

 

Dominique VENNER, Les Blancs et les Rouges. Histoire de la guerre civile russe, Pygmalion 1997. 293 pages, 139 FF.

 

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mardi, 20 octobre 2009

Newsweek: campagne contre Berlusconi

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Newsweek: campagne contre Berlusconi

 

On peut critiquer la politique de Berlusconi, qui n’est jamais qu’une variante de néo-libéralisme. Et dans la foulée de cette critique, on peut évidemment souhaiter à l’Italie un régime politique plus social et plus indépendant du “mainstream” néo-libéral qui afflige la planète. En revanche, quand “Il Cavaliere” annonce son intention de retirer les troupes italiennes d’Afghanistan et quand immédiatement après cette déclaration de bon sens, le magazine américain “Newsweek” appelle, tonitruant et sans aucune circonlocution, les Italiens “à laisser tomber Berlusconi”, le scepticisme doit être de mise. La litanie de griefs contre “Il cavaliere” qu’énonce “Newsweek” ressemble furieusement à celles qui, précédemment, annonçaient l’un ou l’autre lynchage médiatique au profit de figures, généralement falotes, qui conviennent à la politique internationale des Etats-Unis et font des marionnettes idéales.

 

Berlusconi serait impliqué dans trop de scandales et cela nuirait à la bonne réputation de l’Italie dans le monde, avance “Newsweek”, qui ajoute: “L’Italie ne peut plus se permettre les frasques de son playboy de leader”. Même si les sondages, à rebours de ces injonctions pressantes, créditent Il Cavaliere de 63% des intentions de vote dans la péninsule. Et “Newsweek” poursuit sa charge: “S’il reste au pouvoir en Italie, cela conduirait non seulement à un fiasco pour le pays mais cela pourrait aussi causer des dommages à l’Europe et à l’Alliance Atlantique”. Les menaces sont donc à peine voilées.  L’Italie doit revenir au bercail atlantiste. Sans tergiverser. Et le peuple italien doit cesser de se choisir un leader qui déplait à Washington. Messieurs les Italiens, vous êtes priés de changer d’avis, vos opinions démocratiques ne sont pas “politiquement correctes”, elles ne correspondent pas à la “bonne gouvernance” que nous entendons faire triompher d’Honolulu aux Açores et des Açores à Midway, car elle est le seul mode accepté de “démocratie”. Le reste, c’est du “populisme”, donc du “fascisme” ou du “communisme”.

 

Cette menace, ces petits prémisses d’une campagne de presse internationale à venir, n’est-elle pas due à la politique énergétique de Berlusconi, qualifiée de “russophile” parce qu’elle privilégie “South Stream” au détriment de “Nabucco”? Et n’est-elle pas renforcée par l’annonce du retrait probable des bersaglieri italiens du théâtre afghan, au moment même où un certain Général McChrystal réclame des renforts considérables pour tenter de maîtriser enfin l’imbroglio d’Afghanistan?

L'Irak demande à la Turquie de cesser ses incursions en pays kurde

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L’Irak demande à la Turquie de cesser ses incursions en pays kurde

 

La Turquie vient, on le sait, de se faire rappeler à l’ordre par Israël pour deux motifs: le ministre israélien des affaires étrangères, Avigor Liebermann, dont on se souvient des propos fort indélicats à l’égard des voisins arabes de l’Etat hébreu, n’a guère apprécié les émissions de la télévision d’Etat turque, où les soldats israéliens sont campés comme de sombres brutes qui assassinent à qui mieux mieux des civils palestiniens; ensuite, Ankara s’est opposé à la participation israélienne à des manoeuvres dans l’espace aérien turc.

 

Mais il n’y a pas qu’Israël qui s’insurge. L’Irak aussi. Les relations turco-irakiennes s’étaient pourtant améliorées depuis 2003, l’année où l’invasion américaine avait mis un terme au pouvoir de Saddam Hussein. Les relations économiques entre les deux pays  n’ont plus cessé de  se renforcer. Mais, malgré cette amélioration des rapports commerciaux, deux problèmes demeurent: d’abord, les fréquentes violations de la frontière irakienne par des unités turques, cherchant à frapper les bases arrière du PKK kurde. Les incursions musclées de l’armée turque ont redoublé d’intensité ces derniers mois. Les Irakiens souhaitent que cela cesse.

 

Deuxième problème: l’eau. On sait que la maîtrise des eaux et des nappes phréatiques deviendra à très court terme le problème numéro un dans les pays semi-désertiques où les zones arables et irriguées sont réduites par rapport à une démographie en pleine croissance. La Turquie continue à pomper l’eau des fleuves mésopotamiens, le Tigre et l’Euphrate, qui prennent tous deux leurs sources sur territoire turc. L’Irak est en permanence menacé de sécheresse et, pire, sans eau et sans paix intérieure dans les régions septentrionales de son territorie, ne peut pas amorcer de reconstruction.

 

La violence continue aussi à frapper la communauté chiite irakienne, notamment à Kerbala. En tout, l’Irak doit déplorer 85.694 morts et quelque 147.000 blessés, dus à des attentats. Moralité générale: les Etats-Unis se sont montrés incapables d’assurer la paix dans le pays qu’ils ont envahi et occupé. Ils ne méritent pas le statut d’hegemon qu’ils prétendent exercer. La Turquie, qui n’a plus l’extension impériale qu’elle possédait du temps des sultans ottomans, tente de jouer un rôle accru de puissance régionale, mais le redécoupage territorial d’après 1918 dans la zone entre Méditerranée et Golfe Persique, partiellement révisé lors du Traité de Lausanne en 1923 (plus d’Arménie indépendante, plus de présence grecque à Smyrne), interdit de rejouer pleinement ce rôle: les entités étatiques nées des accords Sykes-Picot et des Traités de Sèvres et de Lausanne ont acquis un statut autonome, avec une géopolitique particulière, qui n’accepte plus l’ingérence ni la tutelle turques. Personne ne semble avoir relu les écrits des “arabistes” des décennies 1890-1914 qui avaient revendiqué, face à l’éclosion de l’idéologie pantouranienne en Turquie, dans le sillage de la prise de pouvoir des Jeunes Turcs, l’unité des Arabes de la péninsule arabique et des pays arabophones situés au sud de la Turquie (Syrie, Palestine, Liban, Irak).

 

Dans les écrits, rédigés souvent en français, de ces précurseurs du panarabisme de Michel Aflaq, on décèle la volonté de créer un bloc arabe au départ des régions arabophones de la péninsule arabique et du Croissant Fertile, dont le ciment ne serait pas tant l’islam que la langue arabe qui, elle, unit effectivement Arabes chrétiens et musulmans. Cette vision a servi à fomenter la révolte arabe patronné par le fameux Lawrence d’Arabie en 1916 puis à animer la plupart des visions politiques à l’oeuvre dans le futur Etat irakien. A méditer, car c’est, indépendamment de la présence américaine, l’idéologie qui anime tout décideur irakien. Dans cette optique, la Turquie s’occupe des affaires turques et les Arabes des affaires arabes. Chacun sur son territoire, chacun avec sa langue. Un partage des tâches qui ne doit pas empêcher l’entente économique.

 

(sources: “Iraq asks Turkey to stop cross-border raids on Kurds”, in: “International Herald Tribune”, Oct. 16, 2009).

Pourparlers militaires sino-australiens

Flag-Pins-China-Australia.jpg Pourparlers militaires sino-australiens

 

Les relations sino-australiennes se renforcent considérablement depuis quelques mois, en dépit de l’apprtenance de l’Australie à la sphère culturelle anglo-saxonne, dont elle est le bastion entre Océan Indien et Océan Pacifique. Désormais, c’est sur les plans militaire et stratégique que les deux puissances traitent à Canberra, après avoir régulé leurs relations commerciales. Le général chinois Chen Bingde vient de rencontrer le chef de l’armée de l’air australienne, Angus Houston, et le ministre de la défense, John Faulkner.

 

L’Australie est-elle progressivement attirée par l’informelle “sphère de co-prospérité est-asiatique”, qui existe de facto en dépit de l’ancienne volonté américaine de l’éliminer pendant la  seconde guerre mondiale? Faut-il conclure qu’on ne contrarie pas la géographie et que les faits géographiques sont plus têtus que les discours idéologiques?

 

Restent quelques questions: la Chine cherche indubitablement une projection vers l’Océan Indien, par le Détroit de Malacca, par l’Isthme de Kra ou par des oléoducs traversant le Myanmar (Birmanie). Elle doit, pour ce faire, avoir les bonnes grâces de l’Australie. Mais l’Indonésie dans ce rapprochement, l’archipel indonésien qui est là, comme un verrou potentiel entre les deux puissances en phase de rapprochement accéléré? Quel rôle est-elle appelé à jouer? Celle d’un ami ou d’un ennemi du nouveau binôme sino-australien? Sa spécificité d’Etat à dominante largement musulmane déplait-elle à la Chine qui se méfie dorénavant de tout islamisme depuis les ennuis que lui procure sa minorité ouïghour dans le Sinkiang? Les implications potentielles du rapprochement sino-australien nous permettent encore de spéculer à l’infini. Un glissement géopolitique intéressant, dans une zone clef de la planète.

 

(sources: “International Herald Tribune”, Oct. 16, 2009).

Comportement social japonais

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1992

L'anatomie de la dépendance

L'interprétation du comportement social des Japonais par Takeo Doi

 

par Stefano BONINSEGNI

 

Edité au Japon en 1971, ce recueil d'articles écrits par un éminent psychiatre japonais se veut avant toute chose une contribution à la théorie psychanalytique, portée par une réflexion nouvelle sur le terme japonais amae  —que l'on pourrait traduire, grosso modo, par «pulsion de dépendance». L'amae  semble imprégner tous les aspects de la mentalité et de la pensée nipponnes. Le livre de Takeo Doi donne en bout de course une interprétation globale des comportements sociaux du peuple de l'Empire du Soleil Levant, comme le suggère d'ailleurs son sous-titre.

 

Prémisse de l'auteur: la psychologie spécifique d'un peuple, quel qu'il soit, ne peut s'étudier qu'en se familiarisant avec sa langue, car celle-ci englobe déjà tous les éléments intrinsèques de l'âme d'une nation. A toute langue correspondent des besoins et une vision du monde particulière. La langue japonaise étant radicalement différente des langues occidentales, les différences culturelles entre les mondes occidental et nippon sont très profondes. Par ailleurs, argumente Doi, il faut savoir que des pulsions et des émotions préexistent à l'émergence d'une langue; et le fait que la langue japonaise, à la différence de toutes les autres langues, possède le terme d'amae,  lequel se réfère pourtant à une pulsion qui est en soi universelle, constitue un point de départ pour la réflexion, permettant de formuler des hypothèses suggestives, non seulement sur la mentalité japonaise mais aussi sur les différences de fond qui existent entre les cultures d'Occident et d'Orient.

 

La pulsion de dépendance surgit dès que le bébé perçoit, dans la douleur, la séparation entre son soi et le reste, c'est-à-dire sa mère. L'amae  est la tentative de nier cette séparation douloureuse, de la même façon que le bébé, en s'attachant au sein de sa mère, satisfait (momentanément) son désir de subordination. Cette tentative d'échapper à ce détachement par rapport à un «tout originaire» façonne et conditionne la mentalité et la pensée japonaises. Les oppositions typiques qui structurent les langues occidentales  —interne/externe, individuel/collectif, privé/public, etc.—  sont toutes inadéquates pour cerner cette psychologie «infantile», qui idéalise la capacité de compter sur l'indulgence maximale d'autrui (amaeru), ce qui, en de nombreux cas, peut mal tourner.

 

Le modèle idéal de rapports, pour un Japonais, est celui qui unit géniteurs (en particulier la mère) et enfants, où la propension à la dépendance s'exprime de manière maximale. A l'opposé, face aux tanin  (1), c'est-à-dire aux étrangers, l'amae  n'est plus présente. Entre ces deux extrêmes, nous trouvons plusieurs groupes d'appartenance. Outre l'entourage immédiat d'un individu (uchi),  les rapports se définissent par le ninjo  (l'obligation sociale, le lien social), dans lequel sont présents et l'amae  et l'enryo  (la réserve, la distance tenue volontairement). Exemples: face à un collègue ou à un supérieur dans l'entreprise (qui est la «communauté» centrale dans la vie japonaise), le Japonais attend une certaine dose d'indulgence et de compréhension; par ailleurs, il se sent contraint de faire usage de sa réserve pour ne pas donner l'impression d'abuser de la condescendance d'autrui, sinon un conflit contraire aux intérêts de l'amae  pourrait survenir. Le Japonais veut maintenir l'«harmonie».

 

L'idéal nippon dans le champ des rapports sociaux est toujours de pouvoir exprimer un maximum d'amaeru;  en ce sens, l'enryo  est perçu comme une douloureuse nécessité. Dans ce contexte mental et culturel, l'individualité vue comme séparation n'est pas considérée comme une valeur (la langue japonaise a dû introduire des termes spécifiques pour traduire plus ou moins les mots «individu» et «personnalité», vocables qui ne sont apparus qu'à l'ère de la modernisation au siècle passé). Ensuite, le «genre humain universel» n'est pas envisagé: seul le groupe et ses intérêts prévalent. Déjà, le Japon médiéval pouvait être considéré comme un ensemble de grands groupes (de clans) qui formaient un clan plus grand, la tribu Japon, dont l'Empereur est le symbole sacré de l'unité.

 

Dans la psychologie japonaise, il n'est pas possible d'envisager un conflit intérieur entre l'instance individuelle et le devoir public (chose fréquente, en revanche, dans la mentalité occidentale). Le conflit surgit bien plutôt entre les devoirs de l'individu à l'égard de différents niveaux d'appartenance, par exemple entre son entourage le plus intime et la nation. Selon Takeo Doi, c'est parce que la mentalité définie par l'amae  est enracinée dans une histoire japonaise qui n'a jamais connu, même sous forme diffuse, une culture fondée sur les valeurs de l'individu. Tandis qu'en Occident  l'individu a pris son envol par le christianisme, en Orient, et en particulier au Japon, s'est affirmée une culture de la communauté, ancrée dans une éthique de la fidélité au groupe, dont l'intérêt est toujours considéré comme supérieur.

 

Takeo Doi nous confirme en outre, dans les grandes lignes, l'idée qui se répand de plus en plus en Occident, selon laquelle le Japon, après avoir assimilé sans interruption des cultures ou des religions étrangères, aurait maintenu tout de même une identité de fond que la modernisation capitaliste n'a pas réussi à entamer de façon significative. Sur ce plan, justement, l'amae  et son impact jouent un rôle fondamental. Le fait que le peuple japonais a été et, surtout, est encore enclin à assimiler des éléments de culture d'origine étrangère est du à cette pulsion de dépendance à l'égard d'autrui, dans la mesure où la fonction d'assimilation en est un mode opératoire caractéristique. Tout ce qui est assimilé est mis au service du groupe d'appartenance et de ses intérêts.

 

Nakamura Hajime, en prenant l'exemple de la religion, a cherché à expliquer cette attitude dans les termes suivants: «En règle générale, quand ils ont adopté des éléments issus de religions étrangères, les Japonais possédaient déjà un cadre éthique et pratique qu'ils considéraient comme absolu; ils n'ont donc recueilli ces éléments et ne les ont adaptés que dans la mesure où ces nouveautés ne menaçaient pas le cadre existant; au contraire, ils ne les adoptaient que s'ils encourageaient, renforçaient et développaient ce qui existait déjà chez eux [...]. Sans aucun doute, ceux qui embrassaient avec certitude les nouvelles religions le faisaient avec une piété sincère, mais il n'en demeurait pas moins vrai que la société japonaise se bornait en gros à adapter ces éléments pour atteindre plus facilement ces propres objectifs».

 

Takeo Doi, lui, donne une explication légèrement différente: «Pour m'exprimer en des termes légèrement différents de ceux qu'emploie Nakamura, je pourrais affirmer que, si les Japonais, au premier abord, semblaient accepter sans critique une culture étrangère, en fait, sur un mode tout à fait paradoxal, cette attitude les aidait à préserver la psychologie de l'amae,  dans le sens où ce mode d'action, consistant à adopter et à accepter, est, en soi, une conséquence de cette mentalité».

 

Ensuite, par le fait de l'amae,  la société et la mentalité japonaises se montrent extrêmement conservatrices, en dépit des convulsions profondes qui ont bouleversé, au cours de notre après-guerre, les institutions et les valeurs traditionnelles. Malgré ces mutations, il est possible de percevoir à quels moments de son histoire la mentalité japonaise a été entièrement compénétrée de cette pulsion de dépendance. Ainsi, tout fait penser, selon Doi, que même dans l'Empire du Soleil Levant, tôt ou tard, la tradition cèdera le pas à l'individualisme et à ses excès désagrégateurs: c'est une perspective qui rassure ceux qui craignent la résurgence du nationalisme et de l'expansionnisme nippons (aux Etats-Unis, la psychose va croissante!).

 

Que derrière le développement industriel et financier du Japon puisse se cacher et se réactiver un esprit belliciste et expansionniste indompté est admis partiellement, voire implicitement, par plus d'un observateur du monde nippon. Tant Antonio Marazzi que Guglielmo Zucconi, par exemple, perçoivent dans les attitudes des Japonais d'aujourd'hui, surtout dans leur univers du travail, une transfiguration moderne de l'esprit samouraï (2), qui prouve ainsi sa persistence. Selon cette interprétation, le facteur décisif, dans l'incroyable développement économique du pays, ne doit pas être recherché dans une quelconque qualité spéciale inhérente aux managers japonais ou dans l'utilisation massive et sophistiquée des technologies les plus modernes, mais bien plutôt dans le matériel humain japonais, caractérisé par un sens absolu du devoir du travailleur, vis-à-vis de son activité particulière, de son entreprise et de la «plus grande entreprise Japon».

 

Tout cela, selon Doi, ne correspond que superficiellement à la vérité; l'assiduité japonaise n'est rien d'autre que le résultat de la ki ga soumanaï,  une tendance obsessionnelle qui dérive de la frustration d'amae:  «Pour citer un seul exemple, la fameuse assiduité japonaise au travail pourrait très bien être liée à ce trait de caractère de nature obsessionnelle: si paysans, ouvriers et employés se jettent à corps perdu dans le travail, ce n'est pas tant par nécessité économique, mais plutôt parce que s'ils agissaient autrement, ils provoqueraient la ki ga soumanaï. Bien peu de salariés japonais se préoccupent de la signification de leur travail ou du bénéfice que la société, dans son ensemble, eux-mêmes et leur famille pourraient en tirer. Et pourtant, ils n'hésitent pas à se sacrifier. Cette attitude avantage évidemment le travail, même s'il est difficile de bien faire quelque chose sans une certaine dose d'enthousiasme».

 

Face à des observations de ce genre, on doit au moins remarquer qu'en dépit de ses origines, l'auteur se laisse contaminer par le vice européen, trop européen, de la psychanalyse, vice qui consiste à étendre démesurément les méthodes psychanalytiques, pour expliquer globalement tous les phénomènes d'ordre individuel ou social. Rappelons, au risque d'être répétitifs, que, en matière de conception du travail, la conception japonaise revêt au moins un aspect “sacré” qui transcende en tous points les visions actuelles et conventionnelles de l'Occident. Josei Toda, second président de la Soka Gakkaï (3), en pleine période de reconstruction, après la guerre en 1955, s'est adressé en ces termes à ses disciples: «Dès que l'on a compris le sentiment du Vrai Bouddha, comme est-il possible de négliger son travail? Pensez-y» (4). Il ne s'agit pas d'une apologie camouflée du capitalisme. Toda voulait mettre en exergue cet aspect bouddhique du don de soi absolu, idée qui, dans la mentalité occidentale est associée à la sphère religieuse ou à la rhétorique militaire. Il nous est difficile de croire qu'un tel esprit, qui s'est révélé essentiel pour arracher ce pays asiatique des décombres de la défaite et le projetter vers les sommets des statistiques de la production et du développement, ne hante plus aujourd'hui les coulisses de la «planète Japon», si complexe et si riche en contrastes.

 

Stefano BONINSEGNI.

 

Notes:

 

(1) L'indifférence à l'égard des tanin  a des conséquences particulièrement désagréables pour les Coréens installés depuis des générations sur le territoire nippon et pour les eta,  c'est-à-dire tous les Japonais qui exercent des professions considérées comme «impures» (bouchers et ouvriers des abattoirs, tanneurs, poissonniers, etc.).

 

(2) Cfr. Guglielmo ZUCCONI, Il Giappone tra noi,  Garzanti, Milano, 1986; Antonio MARAZZI, Mi Rai. Il futuro in Giappone ha un cuore antico,  Sansoni, Firenze, 1990.

 

(3) A la différence de ce que l'on dit et que l'on écrit, la Soka Gakkaï n'est pas, en fait, une nouvelle secte religieuse, mais une grande organisation laïque qui se réfère au clergé séculier bouddhiste de la Nichiren Shoshu. Récemment, ce clergé a destitué la Soka Gakkaï de ses prérogatives, en lui enlevant, entre autres choses, le droit de le représenter officiellement dans les milieux laïques et de diffuser le bouddhisme Nichiren. Au-delà des motivations exclusivement religieuses de cette dissension, il faut mentionner le fait que la Soka Gakkaï, sous la présidence de Daisaku Ikeda, a ajouté à sa mission traditionnelle de diffuser le bouddhisme un militantisme réformiste sur le plan social et des prises de position inspirées par un pacifisme absolu, qui déplaisaient forcément au clergé. Cette situation est révélatrice quant à l'atmosphère qui règne dans le Japon d'aujourd'hui.

 

(4) Cf. Il Nuovo Rinascimento,  août 1991, p. 15.

lundi, 19 octobre 2009

Pakistan: un fondamentalisme anti-chiite?

untitterrled-vi.jpgPakistan: un fondamentalisme anti-chiite?

 

Dans une présentation didactique des principaux groupes fondamentalistes pakistanais actifs aujourd’hui, le quotidien flamand “De Morgen”, dans son édition du 16 octobre 2009, révèle les objectifs de base de quatre formations djihadistes:

-          le Lashkar-e-Jhangri (LEJ)

-          le Sipah-e-Sahaba Pakistan (SSP)

-          le Jaish-e-Mohammed (JEM)

-          le lashkar-e-Taiba (LET).

 

Le LEJ est une organisation sunnite née dans les années 90 et destinée à lutter, dans un premier temps, contre les chiites pakistanais. Ultérieurement le LEJ a opté pour un djihadisme généralisé. On lui attribue deux attentats: celui perpétré contre l’Hôtel Mariott à Islamabad et celui commis contre l’équipe de cricket du Sri-Lanka.

 

Le SSP (“Armée des Amis du Prophète”) a été fondé en 1985 dans l’intention de lutter contre les Chiites, parce que ceux-ci étaient majoritairement de gros propriétaires terriens dont les intérêts entraient en collision avec les hommes d’affaires et les professions indépendantes d’obédience sunnite. Le SSP est très lié au LEJ. Celui-ci est d’ailleurs issu des groupes les plus radicaux du SSP. Leur objectif est de faire du Pakistan un Etat exclusivement sunnite et de déclarer les chiites non musulmans et, par là même, parias et privés de tous droits de citoyenneté.

 

Le JEM (“Armée de Mohammed”), que l’on dit lié à Al Qaïda, avait été dissous après un attentat contre le Parlement indien en 2001. Au départ, ce groupe armé avait pour objectif de lutter contre les Indiens au Cachemire; plus tard, il a recentré ses activités dans la “zone tribale”, contigüe et du Penjab et de l’Afghanistan, pays auquel il a étendu ses activités, en liaison avec certains éléments des Talibans.

 

Le LET (“Armée des Justes”) a été constitué en 1990 pour lutter contre les Indiens au Cachemire avec, au départ, le soutien de l’armée et des services secrets pakistanais. On accuse le LET d’avoir commis l’attentat contre l’hôtel international de Mumbai (Bombay). Les Etats-Unis et l’Inde soupçonnent toujours le Pakistan de soutenir le LET.

 

(source: Ayfer ERKUL, “Dodelijke terreur in Pakistan”, in “De Morgen”, 16 oct. 2009).

 

Conclusion:

 

1)       Le djihadisme, avec ses répercusssions “terroristes” avait pour objectif premier de lutter contre l’influence indirecte de l’Iran, qui aurait pu s’exercer via les communautés chiites, et contre l’Inde.

 

2)       Le Pakistan, allié des Etats-Unis, a donc bel et bien servi d’instrument pour lutter contre le chiisme, en tant que prolongement de l’influence culturelle iranienne, et cela, sans doute dès l’époque du Shah. L’élimination de l’Empereur Pahlevi n’a nullement mis un terme aux persécutions anti-chiites, preuve que l’objectif final de Washington et d’Islamabad n’a jamais été d’éliminer un monarque qui aurait enfreint les droits de l’homme, comme on aimait dire du temps de Carter, ni d’éliminer de dangereux extrémistes fondamentalistes iraniens et chiites, mais de bloquer toute influence iranienne en direction de l’Afghanistan, du Pakistan et de l’Inde, selon les principes de “Grande Civilisation” théorisés par le dernier Shah et son entourage. De même, la manipulation de têtes brûlées djihadistes servait à enrayer le politique indienne dans la région (surtout au Cachemire), l’Inde étant soupçonnée de sympathies pour la Russie et de lui donner ainsi, indirectement, accès à l’Océan Indien.

 

3)       L’alliance entre le fondamentalisme sunnite et les Etats-Unis se confirme, lorsqu’on examine les motivations premières des djihadistes pakistanais: leur ennemi, au départ, n’est ni l’Occident ni le communisme mais le chiisme et l’Inde. Les Etats-Unis ne pouvaient accepter ni une politique autonome de l’Iran impérial ni une politique autonome de la République Islamique d’Iran ni un tandem russo-indien dans l’Océan du Milieu.

 

4)       L’option, récurrente dans certains milieux politiques ou métapolitiques non conformistes européens, de considérer que l’Islam est un bloc uni et, partant, une “force anti-impérialiste” dirigée contre les Etats-Unis en particulier et contre l’Occident en général, s’avère dès lors fausse et manichéenne. Le clivage sunnisme/chiisme est très souvent plus fort chez les djihadistes de base que le clivage Islam/Occident.

 

5)      Les Etats-Unis, en appliquant la stratégie Brzezinski d’une alliance entre Mudjahhidins et Américains dès l’entrée des troupes soviétiques en Afghanistan en 1979, ont bel et bien ouvert une boîte de Pandore. Et les déboires que les Américains et leurs alliés doivent encaisser aujourd’hui dans la région sont les déboires de l’arroseur arrosé.

L'Etat belge: un pantin aux mains de GDF-Suez

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L’Etat belge: un pantin aux mains de GDF-Suez

 

On le sait: l’Etat belge a été ébranlé en ses fondements par la crise qui a fragilisé deux grandes banques au départ belges: DEXIA (ex-Crédit Communal) et Fortis (ex-Société Générale). Tout comme le secteur énergétique, avec Electrabel absorbé par GDF-Suez, les deux banques sont désormais les annexes de groupes français dont la BNP. L’indépendance belge n’est plus qu’une fiction: l’ennemi héréditaire français, de Philippe-Auguste à l’Universelle Aragne et de François I à Sarközy, a enfin colonisé économiquement et financièrement le dernier lambeau de l’ancienne Lotharingie, dont il ne reste plus que les Pays-Bas, rénégats à l’égard de tout passé impérial, la Suisse romande, le Luxembourg et la Padanie transalpine.

 

Pour éviter l’effondrement des deux grandes banques, l’Etat fédéral belge avait injecté des milliards dans leur escarcelle poreuse puis accepté leur absoprtion dans les groupes français. En compensation, l’Etat fédéral a demandé à ces banques et au secteur énergétique de soutenir son futur budget. Gérard Mestrallet, patron de GDF-Suez, vient de refuser tout net. Déjà, le géant français de l’énergie devait payer l’an dernier la somme de 250 millions d’euro. Il n’a pas versé un centime! La cotisation de cette année serait de 500 millions, que conteste GDF-Suez devant la Cour Constitutionnelle. L’erreur du Premier ministre démocrate-chrétien flamand Van Rompuy est d’avoir inscrit ces sommes au budget sans attendre l’arrêt de cette Cour Constitutionnelle. Minable expédient d’un gouvernement de nullités, de fantoches, de bas-de-plafond, condamné au “sur place”, faute de volonté et de moyens. Faute aussi de perspectives et de consciences historiques.

 

Toute l’affaire, explique l’éditorialiste du “Morgen”, Yves Desmet, rappelle les dures paroles de feu Karel Van Miert, leader socialiste flamand puis Commissaire européen à la concurrence (où il s’est aligné sur les critères imposés par le néo-libéralisme...). Van Miert: “Les hommes politiques belges ne font pas le poids devant Electrabel. Les consommateurs et les entreprises belges paieront encore leur électricité très cher et pendant très longtemps”. Et: “Aucun gouvernement n’a encore eu le courage de s’en prendreà Electrabel”.

 

Yves Desmet est encore plus caustique: “Mestrallet, avec une arrogance inimaginable, coiffe au poteau le gouvernement belge en annonçant sans sourciller qu’il peut se mettre où je pense, c’est-à-dire là où jamais ne luit l’astre solaire, la cotisation de 500 millions prévue pour Electrabel. Et voilà notre gouvernement belge envoyé au coin comme un morveux de maternelle”. Le contribuable, déjà saigné aux quatre veines, va devoir payer la facture! Alors que la prolongation de la mise en service des centrales nucléaires, accordée au bénéfice du secteur énergétique, va rapporter à celui-ci, sans plus aucun investissement nécessaire, plus de deux milliards d’euro, somme qui, normalement, si nous avions un gouvernement digne de ce nom, rapporter 610 millions d’impôts. Or Electrabel n’a jamais payé le moindre impôt en Belgique, s’empresse d’ajouter Yves Desmet (1). Qui va encore plus loin: “Le gouvernement Van Rompuy poursuit ici une tradition bien belge: en échange d’une aumône, on reste le paillasson de Paris, on accepte la totale dépendance énergétique et on empêche que la libre concurrence s’installe sur le marché de l’énergie”.

 

Pire: le second joueur sur le marché belge de l’énergie, Luminus, tombera bientôt entre les mains de l’EDF, autre géant français, dont l’Etat sarköziste est le principal actionnaire. Desmet: “Alors l’Elysée pourra, de son propre chef et sans jamais être soumis à aucun contrôle, fixer le prix que chaque Belge devra payer pour son énergie”. Alors qu’il paie déjà de 20 à 30% de plus que les autres Européens, grâce aux ponctions que lui administre l’Etat français, via le secteur de l’énergie. Vous avez dit “colonisation”? Les Sénégalais et les Tonkinois ont certainement été moins grugés à l’époque coloniale... Desmet poursuit: “Les politiciens belges pourraient en réaction menacer de fermer les centrales nucléaires. Mais ils sont là, immobiles et pantois, et laissent faire. Avec les doigts sur la couture du pantalon, en se rendant compte qu’ils ne sont que des nains”. Des nains, des gnômes, soumis à de perpétuels chantages: Suez menace tantôt d’abandonner le terminal gazier de Zeebrugge tantôt de retirer ses parts dans “Brussels’ Airlines”.

 

Le langage de Desmet et de ses collaborateurs à la rédaction du “Morgen” a des accents nationalistes, bien plus nationalistes que les discours de ceux qui revendiquent cette étiquette. Pour des hommes qui oeuvrent dans  un journal qui affirme plonger ses racines dans l’esprit de mai 68, c’est effectivement un beau progrès.

 

Sources:

Johan CORTHOUTS, “België niet opgewassen tegen Electrabel”, in: “De Morgen”, 16 oct. 2009.

Yves  DESMET, “Suez”, in: “De Morgen”, 16 oct. 2009.

Bart EECKHOUT / Johan CORTHOUTS, “Sue betaalt ‘zéro euro’”, in: “De Morgen”, 16 oct. 2009.

 

Note:

(1) Electrabel, explique le journaliste du “Morgen”, Johan Corthouts, ne paie aucun impôt de société grâce à des techniques fiscales très élaborées et à des ventes de parts en carroussel permanent; Electrabel ne paie pas davantage d’impôt sur ses dividendes grâce à l’artifice des “intercommunales”.

 

The Anglo-US Drive into Eurasia and the Demonization of Russia

264515072_small2.jpgThe Anglo-US Drive into Eurasia and the Demonization of Russia
Reframing the History of World War II


Global Research, October 2, 2009

As tensions mount between the U.S. and the North Atlantic Treaty Organization (NATO) on one side and Moscow and its allies on another, the history of the Second World War is being re-framed to demonize Russia, the legal successor state and largest former constituent republic (pars pro toto) of the Union of Soviet Socialist Republics (U.S.S.R.). In 2009, the U.S.S.R. and the Nazi government of Germany started being portrayed as the two forces that ignited the Second World War.

The historicity behind such a narrative is incorrect and nothing can be further from the truth in regards to Moscow. The security of the European core of the Soviet Union was the main objective of the Kremlin as well as the recovery of lost territory. The Soviet government was also aware of war plans against the Soviet Union. Adolph Hitler thought Britain would join Germany in war against the Soviets, even until the latter part of the Second World War.

This discourse in itself is part of a broader roadmap to control Eurasia through the encirclement of any rival powers, such as Russia and China. To understand the geo-politics and strategic nature of the encirclement of Russia and China by the U.S. and NATO, as well as the Eurasian alliance being formed by Moscow and Beijing as a counter-measure, one must look at the historic Anglo-American drive to cripple and contain any power in Eurasia.

Geography is the basis of the social evolution of traditional power, whether in feudal societies or in industrial societies. For example the property ownership of the landed class, which originally was the nobility, gave rise to the factory system. The rise of financial power is somewhat different, but yet it is also tied to geography.

The United States, India and Brazil are all “natural great powers” — a term coined herein. Natural great powers are states that are bound, with time, to develop or evolve into major hubs of human production because of their geographic configuration or nature’s blessings. In the Eurasian landmass, above all others, there are three states that we can call natural great powers; these states are Russia, China, and India. They have large territories and vast resources and, due to the two former factors, possess great human capacity that can lead to major productivity.

Without human capacity, however, geography and resources are meaningless, and therefore any impairment of population growth or social development through war, civil strife, famine, political instability and/or economic instability can obstruct the emergence of a natural great power. This is exactly what has been happening in the Russian Federation and its earlier predecessors, the U.S.S.R. and the Russian Empire, for the last two hundred years - from the numerous episodes of civil war, the First World War, and the Second World War, to the Yeltsin era and the problems in Caucasia. This is also why the declining population of Russia is a major worry for the Kremlin. If left undisturbed, such nation-states like China and Russia, would dominate the global economy and, by extension, international politics.

This is exactly what Anglo-American foreign policy has been trying to prevent for almost three centuries, first strictly under British clout and then later through combined British and American cooperation. In Europe, the containment policy was first applied to France for centuries and later, after German unification under Prince Otto von Bismarck, to Germany. Later the policy was expanded in scope to all Eurasia (the proper geographic extension of Europe or the “Continent”, as the British called it).

Part of this policy included the prevention of Russian access to the shores of the Mediterranean Sea or the Persian Gulf, which would threaten British trade and eventually maritime supremacy. This is one of the main reasons that the British and French played Czarist Russia and Ottoman Turkey against one another and militarily supported the Ottoman Empire in the Crimean War, when the possibility of Russia, under Catherine II, gaining Ottoman territory on the Mediterranean Sea seemed real.

Why did the Soviets and Chinese Bear the Brunt of the Burden in the Second World War?

The U.S.S.R. and China suffered the greatest material, demographic and overall losses in the Second World War. A quantitative comparative overview and cross-examination of the casualty figures of Britain, the United States, the Soviet Union and China will show the staggering differences between the so-called “Western Allies” and the so-called “Eastern Allies.”

Britain suffered 400,000 casualties and the U.S. suffered just over 260,000 casualties. U.S. civilian casualties were virtually non-existent and no U.S. factories were even touched. On the other hand, the U.S.S.R. had about 10 million military casualties and 12 to 14 million civilian casualties, while China had about 4 to 5 million military casualties and civilian casualties that have been estimated in the range of 8 to 20 million deaths.

Suffering can not be qualified or quantified, but much is overlooked in regards to the Soviet Union and China. Without question the Soviet Union and China lost the greatest ratio of their populations amongst the major Allies. In many cases the casualties of the series of civil wars in the Soviet Union (which saw foreign involvement and even intervention) and the casualties of the Japanese invasion of China (30 million people, starting before 1939) are not counted as Second World War casualties by many historians in Western Europe and the Anglosphere

Most the fighting in the Second World War also took place in the territories of China and Russia. Both Eurasian giants also faced the greatest destruction of infrastructure and material loss, which set their development back by decades. The agricultural and industrial capacity of China alone was cut in half. The Axis, specifically Germany and Japan (two economic rivals of the U.S. and Britain), also were crippled. In contrast, the U.S. was virtually untouched, while Britain as a state was totally depended on U.S. patronage. [1]

U.S. Economic Expansion: Global Wars and the Growth of U.S. Industrial and Economic Might

Both the First World War and the Second World War managed to eliminate any economic rivalry or challenge to U.S. corporations. While Europe and Asia were ravaged by war, the U.S. inversely grew economically. U.S. industrial might grew by leaps and bounds, while the industrial capacities of Europe and Asia were destroyed by both Allied and Axis sides in the Second World War and by the Allies and the Central Powers in the First World War.

By the end of the the Second World War, the U.S. literally owned half the global economy through loans, American foreign investment and war debts. U.S. economic expansion and the American export boom were unprecedented in the scale that took place during the period from 1910-1950, all of which was tied to the Eurasian warscape. Also, it was also only the U.S. that had the economic resources to rebuild the economies and industrial capacities of Europe and Asia, which it did with strings attached. These strings involved favourable treatment of U.S. corporations, preferential trade with the U.S., and the setting up of U.S. branch plants.

1945 was the beginning of Pax Americana. Even much of the foreign aid provided by the U.S. government (with the approval of Congress), to facilitate the reconstruction of European states, flowed back into the private bank accounts of the owners of U.S. corporations, because American firms were awarded many reconstruction-related contracts. War had directly fuelled the industrial might of the United States, while eliminating other rivals such as the Japanese who were a major economic threat to U.S. markets in Asia and the Pacific.

Just to show the extent of the American objectives to handicap their economic rivals one should look at the handling of Japan from 1945 till about October 1, 1949. After the surrender of Tokyo to the U.S. on the U.S.S. Missouri and the start of the American occupation and administration of Japan, the Japanese economy began to rapidly decline because of the calculated neglect of the U.S. through the office of the Supreme Commander of the Allied Powers (SCAP). In economic terms, the Japanese case was initially very similar to that of Anglo-American occupied Iraq.
 
In late-1949 all this began to change. Almost overnight, there was literally a complete change, or a flip-flop, in U.S. policy on Japan. It was only after October 1, 1949 when the People’s Republic of China was declared by Mao Zedong and the Communist Party of China that the U.S. began to allow Japan to recover economically, so as to use it as a counter-weight to China. As a side note, in a case of irony, the quick change in American policy regarding Japan allowed the U.S. to overlook the Japanese policy of not allowing foreign investment, which is one of the reasons for the economic success of Japan and one of the reasons why the financial elites of Japan form part of the trilateral pillar of the global economy along with the elites of the U.S. and Western Europe.

The “Open Doors” Policy of the Anglo-American Establishment

Anglo-American elites also made it clear that they wanted a global policy of “open doors” through the 1941 Atlantic Charter, which was a joint British and American declaration about what post-war international relations would be like. It is very important to note that the Atlantic Charter was made before the U.S. even entered the Second World War. The events and description above was the second clear phase behind the start of modern neo-liberal globalization; the first phase was the start of the First World War. In both wars the financial and corporate elite of the U.S., before the entry of the U.S. as a combatant, had funded both sides through loans and American investment, while they destroyed one another. This included the use of middlemen and companies in other countries, such as Canada.

The creation of the U.S. Federal Reserve in 1913, before the First World War and the U.S. domestic (not foreign, because of the regulations of other states) de-coupling of the gold standard from the U.S. dollar in 1933, before the Second World War, were required beforehand for the U.S. domination of other economies. Both were steps that removed the limits and restrains on the number of U.S. dollars being printed, which allowed the U.S. to invest and loan money to the warring states of Europe and Asia.

Norman Dodd, a former Wall Street banker and investigator for the U.S. Congress, who examined  U.S. tax-exempt foundations, revealed in a 1982 interview that the First World War was anticipated by U.S. elites in order to further manage the global economy. [2] War or any form of large-scale traumatic occurences are the perfect events to use for restructuring societies, all in the name of the war effort and the common good. Civil liberties and labour laws can be suspended, while the press is fully censored and opposition figures arrested or demonized, while corporations and governments merge in close coordination and under the justification of the war effort. This was true of virtually all sides in the First World War and the Second World War, from Canada to Germany under Adolph Hitler.
 
In contrast to the views of its own citizens, the American government was never really neutral during both the First World War and the Second World War. The U.S. was funding and arming the British at the start of the Second World War. Also before the American entry in the Second World War, the U.S., Canada, and Britain started the process of joint war planning and military integration. Before the Japanese attacked Pearl Harbour on December 7, 1941 the U.S. and Canada, which was fighting Germany, on  August 17, 1940 signed the Ogdensburg Agreement, which was an agreement that spelled out joint defence through the Permanent Joint Board of Defence and joint war planning against Germany and the Axis. In 1941, the Hyde Park Agreement formally united the Canadian and American war economies and informally united the U.S., Canadian, and British economies. The U.S. and British military command would also be integrated. In part, the monetary arrangement that was made through these war transactions between the U.S., Canada, and Britain would become the basis for the Bretton Woods formula.
 
Also, the empires of Britain, France, and other Western European states were not dismantled just due to the fact that they were all degraded because of the Second World War, but because of Anglo-American economic interests. The imperialist policies of these European states made it mandatory for their colonies to have preferential trade with them, which went against the “open doors” policy that would allow U.S. corporations to penetrate into other national economies, especially ones that were ravaged by war and thus perfect for U.S. corporate entrance.
 

The Reasons for the German-Soviet Non-Aggression Pact
 
Britain and the U.S. also deliberately delayed their invasion of Western Europe, calculating that it would weaken the Soviets who did most the fighting in Europe’s Eastern Front. This is why the U.S. and Britain originally invaded North Africa instead of Europe. They wanted the Third Reich and the Soviet Union to neutralize one another.

The German-Soviet Non-Aggression Pact or the Ribeentrop-Molotov Pact caused shock waves in Europe and North America when it was signed. The German and Soviet governments were at odds with one another. This was more than just because of ideology; Germany and the Soviet Union were being played against one another in the events leading up to the Second World War, just as how previously Germany, the Russian Empire, and the Ottoman Empire were played against one another in Eastern Europe [3]

This is why Britain and France only declared war on Berlin, in 1939, when both the U.S.S.R. and Germany had invaded Poland. If the intentions were to protect Poland, then why only declare war against Germany when in reality both the Germans and the Soviets had invaded? There is something much deeper to be said about all this.

If Moscow and Berlin had not signed a non-aggression agreement there would have been no declaration of war against Germany. In fact Appeasement was a deliberate policy crafted in the hope of allowing Germany to militarize and then allowing the Nazi government the means, through military might, to create a common German-Soviet border, which would be the prerequisite to an anticipated German-Soviet war that would neutralize the two strongest land powers in Europe and Eurasia. [4]

British policy and the rationale for the non-aggression pact between the Soviets and Germans is described best by Carroll Quigley. Quigley, a top ranking U.S. professor of history, on the basis of the diplomatic agreements in Europe and insider information as an professor of the elites explains the strategic aims of British policy from 1920 to 1938 as:

[T]o maintain the balance of power in Europe by building up Germany against France and [the Soviet Union]; to increase Britain’s weight in that balance by aligning with her the Dominions [e.g., Australia and Canada] and the United States; to refuse any commitments (especially any commitments through the League of Nations, and above all any commitments to aid France) beyond those existing in 1919; to keep British freedom of action; to drive Germany eastward against [the Soviet Union] if either or both of these two powers became a threat to the peace [probably meaning economic strength] of Western Europe [and most probably implying British interests]. [5]

In order to carry out this plan of allowing Germany to drive eastward against [the Soviet Union], it was necessary to do three things: (1) to liquidate all the countries standing between Germany and [the Soviet Union]; (2) to prevent France from [honouring] her alliances with these countries [i.e., Czechoslovakia and Poland]; and (3) to hoodwink the [British] people into accepting this as a necessary, indeed, the only solution to the international problem. The Chamberlain group were so successful in all three of these things that they came within an ace of succeeding, and failed only because of the obstinacy of the Poles, the unseemly haste of Hitler, and the fact that at the eleventh hour the Milner Group realized the [geo-strategic] implications of their policy [which to their fear united the Soviets and Germans] and tried to reverse it. [6]

It is because of this aim of nurturing Germany into a position of attacking the Soviets that British, Canadian, and American leaders had good rapports (which seem unexplained in standard history textbooks) with Adolph Hitler and the Nazis until the eve of the Second World War.

In regards to appeasement under Prime Minister Neville Chamberlain and its beginning under the re-militarization of the industrial lands of the Rhineland, Quigley explains:

This event of March 1936, by which Hitler remilitarized the Rhineland, was the most crucial event in the whole history of appeasement. So long as the territory west of the Rhine and a strip fifty kilometers wide on the east bank of the river were demilitarized, as provided in the Treaty of Versailles and the Locarno Pacts, Hitler would never have dared to move against Austria, Czechoslovakia, and Poland. He would not have dared because, with western Germany unfortified and denuded of German soldiers, France could have easily driven into the Ruhr industrial area and crippled Germany so that it would be impossible to go eastward. And by this date [1936], certain members of the Milner Group and of the British Conservative government had reached the fantastic idea that they could kill two birds with one stone by setting Germany and [the Soviet Union] against one another in Eastern Europe. In this way they felt that two enemies would stalemate one another, or that Germany would become satisfied with the oil of Rumania and the wheat of the Ukraine. It never occurred to anyone in a responsible position that Germany and [the Soviet Union] might make common cause, even temporarily, against the West. Even less did it occur to them that [the Soviet Union] might beat Germany and thus open all Central Europe to Bolshevism. [7]

The liquidation of the countries between Germany and [the Soviet Union] could proceed as soon as the Rhineland was fortified, without fear on Germany’s part that France would be able to attack her in the west while she was occupied in the east. [8]

In regards to eventually creating a common German-Soviet, the French-led military alliance had to first be neutralized. The Locarno Pacts were fashioned by British foreign policy mandarins to prevent France from being able to militarily support Czechoslovakia and Poland in Eastern Europe and thus to intimidate Germany from halting any attempts at annexing both Eastern European states. Quigley writes:

[T]he Locarno agreements guaranteed the frontier of Germany with France and Belgium with the powers of these three states plus Britain and Italy. In reality the agreements gave France nothing, while they gave Britain a veto over French fulfillment of her alliances with Poland and the Little Entente. The French accepted these deceptive documents for reason of internal politics (...) This trap [as Quigley calls the Locarno agreements] consisted of several interlocking factors. In the first place, the agreements did not guarantee the German frontier and the demilitarized condition of the Rhineland against German actions, but against the actions of either Germany or France. This, at one stroke, gave Britain the right to oppose any French action against Germany in support of her allies to the east of Germany. This meant that if Germany moved east against Czechoslovakia, Poland, and eventually [the Soviet Union], and if France attacked Germany’s western frontier in support of Czechoslovakia or Poland, as her alliances bound her to do, Great Britain, Belgium, and Italy might be bound by the Locarno Pacts to come to the aid of Germany. [9]

The Anglo-German Naval Agreement of 1935 was also deliberately signed by Britain to prevent the Soviets from joining the neutralized military alliance between France, Czechoslovakia, and Poland. Quigley writes:

Four days later, Hitler announced Germany’s rearmament, and ten days after that, Britain condoned the act by sending Sir John Simon on a state visit to Berlin. When France tried to counterbalance Germany’s rearmament by bringing the Soviet Union into her eastern alliance system in May 1935, the British counteracted this by making the Anglo-German Naval Agreement of 18 June 1935. This agreement, concluded by Simon, allowed Germany to build up to 35 percent of the size of the British Navy (and up to 100 percent in submarines). This was a deadly stab in the back of France, for it gave Germany a navy considerably larger than the French in the important categories of ships (capital ships and aircraft carriers), because France was bound by treaty to only 33 percent of Britain’s; and France in addition, had a worldwide empire to protect and the unfriendly Italian Navy off her Mediterranean coast. This agreement put the French Atlantic coast so completely at the mercy of the German Navy that France became completely dependent on the British fleet for protection in this area. [10]

The Hoare-Laval Plan was also used to stir Germany eastward instead of southward towards the Eastern Mediterranean, which the British saw as the critical linchpin holding their empire together and connecting them through the Egyptian Suez Canal to India. Quigley explains:

The countries marked for liquidation included Austria, Czechoslovakia, and Poland, but did not include Greece and Turkey, since the [Milner] Group had no intention of allowing Germany to get down onto the Mediterranean ‘lifeline.’ Indeed, the purpose of the Hoare-Laval Plan of 1935, which wrecked the collective-security system by seeking to give most Ethiopia to Italy, was intended to bring an appeased Italy in position alongside [Britain], in order to block any movement of Germany southward rather than eastward [towards the Soviet Union]. [11]

Both the Soviet Union, under Joseph Stalin, and Germany, under Adolph Hitler, ultimately became aware of the designs for the planning of a German-Soviet war and because of this both Moscow and Berlin signed a non-aggression pact prior to the Second World War. The German-Soviet arrangement was largely a response to the Anglo-American stance. In the end it was because of Soviet and German distrust for one another that the Soviet-German alliance collapsed and the anticipated German-Soviet war came to fruition as the largest and deadliest war theatre in the Second World War, the Eastern Front.

The Origins of the Russian Urge to Protect Eurasia

With this understanding of the Anglo-American strategic mentality of weakening Eurasia the ground can be paved for understanding the Russian mentality and mind frame for protecting themselves through protecting their European core and uniting  Eurasia through such organizations as the Warsaw Pact, the Collective Security Treaty Organization (CSTO), and the Shanghai Cooperation Organization (SCO), and such Russian policies as the Primakov Doctrine and allying Moscow with Iran and Syria.

As spheres of influence were carved in Europe, it was understood that Greece would fall into the Anglo-American orbit, while Poland, Bulgaria, Romania, Albania, Yugoslavia, and Czechoslovakia would fall within the Soviet orbit. Due to this understanding the Red Army of the Soviet Union watched as the Greek Communists were butchered and the British militarily intervened in the Greek Civil War. The reason for these agreements involving spheres of influence in Europe was that the Soviets wanted a buffer zone to protect themselves from any further invasions from Western Europe, which had been plaguing the U.S.S.R. and Czarist Russia.

In reality, the Cold War did not start because of Soviet aggression, but because of a long-standing historic impulse by Anglo-American elites to encircle and control Eurasia. The Soviet Union honoured its agreement with Britain and the U.S. not to intervene in Greece, which even came at the expense of Yugoslav-Soviet relations as Marshal Tito broke with Stalin over the issue. This, however, did not stop the U.S. and Britain from falsely accusing the Soviets of supporting the Greek Communists and declaring war on the Soviets through the Truman Doctrine. This move was a part of the Anglo-American  bid to encircle the Soviet Union and to control Eurasia. Today this policy, which existed before the First World War and helped spark the Second World War, has not changed and Anglo-American elites, such as Zbigniew Brzezinski, still talk about partitioning Russia, the successor state of the Soviet Union.

Mahdi Darius Nazemroaya is a Research Associate of the Centre for Research on Globalization (CRG) specializing in geopolitics and strategic issues.

NOTES

[1] British elites, however, had managed to incorporate themselves into the economic livelihood of the U.S., forming an Anglo-American elite and effectively separating themselves from the interests of the majority of British citizens.

[2] Mahdi Darius Nazemroaya, Plans for Redrawing the Middle East: The Project for a “New Middle East”, Centre for Research on Globalization (CRG),
November 18, 2006.

[3] Mahdi Darius Nazemroaya, The “Great Game”: Eurasia and the History of War, Centre for Research on Globalization (CRG),
December 3, 2007.


[4] China at this time was already being limited by Japan and before that by combined Japanese, Russian, and Western European policies. This would leave Germany and the U.S.S.R. as the two main threats to Anglo-American interests.

[5] Carroll Quigley, The Anglo-American Establishment: From Rhodes to Cliveden (San Pedro, California: GSG & Associates Publishers, 1981), p.240.

[6] Ibid., p.266.

[7] Ibid., p.265.

[8] Ibid., p.272.

[9] Ibid., p.264.

[10] Ibid., pp.269-270.

[11] Ibid., p.273.



Ernst Krieck (1882-1947)

Ernst_Krieck.jpgKRIECK  Ernst, 1882-1947

 

Né à Vögisheim en pays de Bade le 6 juillet 1882, ce pédagogue entame une carrière d'instituteur en 1900, puis de directeur d'école primaire, pour devenir, après s'être formé en autodidacte, docteur honoris causa  de l'Université de Heidelberg en 1923. En 1928, Krieck est nommé à l'«Académie pédagogique» de Francfort s.M. Ses convictions nationales-socialistes lui valent plusieurs mesures disciplinaires. Après la prise du pouvoir par Hitler, il est nommé professeur ordinaire à Francfort. De 1934 à 1945, il enseigne à Heidelberg. Avec ses amis M.R. Gerstenhauer et Werner Kulz, il édite de 1932 à 1934 la revue Die Sonne,  fondée en 1924. A partir de 1933, il publie seul la revue Volk im Werden.  Il collabore dans le même temps à plusieurs publications consacrées à la pédagogie. L'objectif de ses études historiques sur la pédagogie était d'ordre philosophique, écrit-il, car elles visaient à cerner le noyau commun de tous les modes d'éducation, juif, grec, romain, médiéval, allemand (de l'humanisme de la Renaissance au rationalisme du XVIIIième et de celui-ci au romantisme national(iste)). A partir de 1935, Krieck abandonne la pédagogie stricto sensu pour vouer tous ses efforts à l'élaboration d'une anthropologie «völkisch» au service du nouveau régime.

  

 

Krieck est surtout devenu célèbre pour sa polémique contre Heidegger, amorcée dans les colonnes de Volk im Werden  et dans son discours de Rectorat à l'Université de Francfort prononcé le 23 mai 1933. Outre sa polémique agressive et sévère contre le langage abstrait, calqué sur les traditions grecques et juives, de l'auteur de Sein und Zeit, Krieck reprochait à Heidegger de vouloir sauver la philosophie, la «plus longue erreur de l'humanité hespériale», une erreur qui consiste à vouloir «refouler et remplacer le réel par le concept». Refoulement et oblitération du réel qui conduisent au nihilisme. Partisan inconditionnel de l'hitlérisme, Krieck affirme que la révolution nationale-socialiste dépassera ce nihilisme engendré par la dictature des concepts. Reviendra alors le temps des poètes homériques, inspirés par le «mythe», et des «historiens» en prise directe sur les événements politiques, dont l'ancêtre génial fut Hérodote, l'ami du tragédien Sophocle. Figure emblématique de la Terre-mère, idée mobilisatrice de la Vie, puissance du destin, sentiment tragique de l'existence, cosmos, sont les mots-clefs de cette pensée du pédagogue Krieck, en guerre contre la philosophie du concept. Le règne du logos, inauguré par Héraclite d'abord, puis surtout par Platon, l'ennemi des poètes, conduit les hommes à vivre dans un monde aseptisé, inerte, dépourvu de tragédie: le «monde des idées» ou de l'Etre. La pensée doit donc faire retour au charnel grouillant et bouillonant, aux matrices (Mutterschoß  et Mutterboden),  aux «lois incontournables du sang et de la race», dans un maëlstrom de faits et de défis sans cesse effervescent, ne laissant jamais aucun repos à la volonté, cette force intérieure qui arraisonne ce réel inépuisablement fécond.

Interné dans le camp de concentration de Moosberg en 1945, pour son appartenance aux cadres de la NSDAP, Krieck y meurt le 19 mars 1947.

 

L'idée de l'Etat allemand (Die deutsche Staatsidee), 1934

 

L'intérêt de cet ouvrage est de nous livrer une histoire de la pensée politique allemande, telle que peut la concevoir un vitaliste absolu qui adhère au mouvement hitlérien. Pour Krieck, les sources de l'Etat moderne résident dans l'absolutisme, instauré graduellement à partir de la fin du XVième siècle. Avant l'absolutisme règnait en Allemagne le droit communautaire germanique. L'irruption dans le discours politique de l'idée et de l'idéologie du droit naturel est le fruit du rationalisme et du mathématisme du XVIIième siècle, renforcé au cours du XVIIIième et trouvant son apothéose chez Kant. Dans l'optique du droit naturel et du rationalisme, le droit et l'Etat sont des formes aprioristiques de l'esprit et ne sont pas le résultat d'un travail, d'une action, d'une aventure historique tragique. En ce sens, le droit naturel est abstrait, explique Krieck. C'est une pensée politique idéaliste et non organique. Krieck définit ce qu'est pour lui l'organique: c'est l'unité vivante qu'il y a dans un être à composantes multiples. C'est la constance que l'on peut observer malgré les mutations successives de forme et de matière. C'est, enfin, l'immuabilité idéelle de certains traits essentiels ou de caractère. Le libéralisme s'est opposé au constructivisme absolutiste; en Angleterre, il vise à limiter l'emprise de l'Etat et à multiplier les droits politiques pour la classe possédante. En France, depuis la révolution jacobine, tout le poids décisionnaire de l'appareil étatique bascule entre les mains de la majorité électorale sans tenir compte des intérêts des oppositions. En Allemagne, le libéralisme anti-absolutiste est d'une autre nature: il est essentiellement culturel. Ses protagonistes entendent sans cesse se former et se cultiver car le droit à l'épanouissement culturel est le premier des droits de l'homme. L'Etat libéral allemand doit par conséquent devenir une sorte d'institut d'éducation éthique permanente. Dans cette optique, sont condamnables toutes les forces qui contrarient le développement de l'éducation. Humboldt est la figure emblématique de ce libéralisme. Krieck entend mettre les «illusions» de Humboldt en exergue: la figure de proue du libéralisme culturaliste allemand croit que l'homme, dès qu'il est libéré du joug de l'absolutisme, va spontanément adhérer à l'idéal de la culture. Cette vision idéalisée de l'homme est désincarnée et l'Etat se trouve réduit à un rôle minimal, même s'il est sublime. Humboldt a raison de dire que l'énergie est la première des vertus de l'homme mais l'idéal qu'il propose est, lui, dépourvu d'énergie, de socle dynamisant. L'humanité, contrairement à ce que croit Humboldt, ne se déploie pas dans l'espace en harmonie mais à partir d'une lutte constante entre entités vitales supra-personnelles. Il y a émergence d'une Bildung  originale là où s'affirme une force dans une lutte qui l'oppose à des résistances. Mais quand on parle de force, on doit toujours parler en terme d'holicité et non d'individu. Une force est toujours collective/communautaire et révèle dans le combat son idée motrice, créatrice d'histoire. Humboldt, dit Krieck, est prisonnier d'une méthodologie individualiste, héritée de l'Aufklärung. Or la Bildung  n'est pas le produit d'une individualité mais le reflet du meilleur du peuple, sinon elle ne serait qu'originalité inféconde. L'Etat doit organiser la Bildung  et l'imposer à tout le corps social/populaire. Affirmer ce rôle de l'Etat: voilà le pas que n'a pas franchi Humboldt. Il rejette l'absolutisme et la bureaucratie, qui en découle, comme des freins à l'épanouissement de la Bildung  sans conjuguer l'idée d'un Etat éthique avec l'idéal de cette Bildung. 

L'Etat doit être la puissance éducatrice et «éthicisante» du peuple. Krieck reprend à son compte, dans sa synthèse, l'héritage de l'Aufklärung  selon l'agitateur et pédagogue rousseauiste Basedow. Au XVIIIième siècle, celui-ci militait pour que l'Etat  —et non plus l'Eglise—  organise un système d'enseignement cohérent et fondateur d'une élite politique. Après l'échec de la vieille Prusse devant les canons napoléoniens, la pensée allemande prend conscience de la nécessité de structurer le peuple par l'éducation. Krieck rappelle une parole de Fichte qui disait que l'Etat allemand qui aurait pour programme de faire renaître la nation par l'éducation, tout en promouvant l'idée de l'Etat éducateur, en tirerait le maximum de gloire. Dans cette perspective pédagogisante fichtéenne/krieckienne, l'Etat, c'est l'organisation des moyens éducatifs au bénéfice de ses objectifs propres. Krieck se réfère ensuite au Baron von Stein qui avait la volonté de fusionner trois grands courants d'idées en Allemagne: le prussianisme (avec son sens du devoir et du service), l'idée de Reich et l'idée culturelle/spirituelle de Nation. De cette volonté de fusion découlait une vision originale de ce que doit être l'éducation: faire disparaître les disharmonies existant au sein du peuple et provoquées par les querelles entre états (Stände), de façon à ce que «chaque ressortissant du Volk puisse déployer ses forces dans un sens moral». Stein ne se contente donc pas de vouloir éliminer des barrières mais veut très explicitement diriger et encadrer le peuple façonné par la Bildung. L'éducation fait de l'Etat un organisme animé (beseelter Organismus)  qui transmet sa force aux générations futures. Pour Fichte —et en écho, pour Krieck—  l'éducation doit susciter une Tatbereitschaft, c'est-à-dire une promptitude à l'action, un ensemble de sentiments puissants qui, ajoutera ultérieurement Schleiermacher, donne une âme à l'Etat et cesse d'en faire un simple jeu de mécanismes et d'engrenages. Hardenberg est une autre figure de la Prusse post-napoléonienne qu'analyse Krieck. Souvent cité en même temps que Stein, Hardenberg est toutefois moins radical, parce que plus lié aux anciennes structures absolutistes: il prône un laissez-faire d'inspiration anglaise (Adam Smith) et ne conçoit l'Etat que comme police. Pour Krieck, c'est là une porte ouverte au primat de l'économie sur l'éducation, à l'emprise du manchesterisme et du monopolisme ploutocratique à l'américaine sur le devenir de la nation.

Krieck critique Schelling, personnage jugé par lui trop aristocratique, trop isolé du peuple, et qui, par conséquent, a été incapable de formuler une philosophie satisfaisante de l'Etat et de l'histoire. En revanche, certaines de ses intuitions ont été géniales, affirme Krieck. L'Etat, pour Schelling, n'est plus une «œuvre d'art», le produit d'une technique, mais le reflet de la vie absolue. Droit et Etat, chez Schelling, n'existent pas a priori pour qu'il y ait équilibre dans la vie mais l'équilibre existe parce que la vie existe, ce qui corrobore l'idée krieckienne qu'il n'y a que la vie, sans le moindre arrière-monde. Krieck regrette que Schelling ait enfermé cette puissante intuition dans une démarche trop esthétisante. Adam Müller complète Schelling en politisant, historicisant et économicisant les thèses de son maître à penser. Krieck énumère ensuite les mérites de Hegel. L'idée de l'Etat éducateur connaît par la suite des variantes conservatrices, réformistes et économistes. Les conservateurs cultivent l'idéal médiévisant d'un Etat corporatiste (Ständestaat)  mais centralisé: ils retiennent ainsi les leçons de l'Aufklärung  et de la révolution. Paul de Lagarde est un précurseur plus direct de l'Etat éducateur national-socialiste, qui ramasse toutes les traditions politiques allemandes, les fusionne et les ancre dans la réalité. Lagarde affirmait, lui aussi, que le premier but de la politique, c'était l'éducation: «la politique est à mon avis rien d'autre que pédagogie, tant vis-à-vis du peuple que vis-à-vis des princes et des hommes d'Etat». Dans cet ouvrage datant des premiers mois de la prise du pouvoir par Hitler, Krieck propose pour la première fois de transposer ses théories pédagogiques dans le cadre du nouveau régime qui, croit-il, les appliquera. 

  

 

Anthropologie politique völkisch (Völkisch-politische Anthropologie), 1936

 

Les fondements du réel politique sont biologiques: ils relèvent de la biologie universelle. Tel est la thèse de départ de l'anthropologie völkisch de Krieck. La biologie pose problème depuis le XVIIIième siècle, où elle est entrée en opposition au «mécanicisme copernicien». La «Vie» est alors un concept offensif dirigé contre les philosophies mécanicistes de type cartésien ou newtonien; ce concept réclame l'autonomie de la sphère vitale par rapport aux lois de la physique mécanique. L'épistémologie biologique, depuis ses premiers balbutiements jusqu'aux découvertes de Mendel, a combattu sur deux fronts: contre celui tenu par les théologiens et contre celui tenu par les adeptes des philosophies mécanicistes. Leibniz avait évoqué la téléologie comme s'opposant au mécanicisme universel en vogue à son époque. Les théologiens, pressentant l'offensive de la biologie, ont mis tout en œuvre pour que la téléologie retourne à la théologie et ne se «matérialise» pas en biologie. Le débat entre théologiens et «réalitaires biologisants» a tourné, affirme, Krieck, autour du concept aristotélicien d'entéléchie, revu par Leibniz, pour qui l'entéléchie est non plus l'état de l'être en acte, pleinement réalisé, mais l'état des choses qui, en elles, disposent d'une suffisance qui les rend sources de leurs actions internes. La biologie est donc la science qui étudie tout ce qui détient en soi ses propres sources vitales, soit les êtres vivants, parmi lesquels les peuples et les corps politiques.

Pour Krieck, la Vie est la réalité totale: il n'y a rien ni derrière ni avant ni après la Vie; elle est un donné originel (urgegeben), elle est l'Urphänomen  par excellence dans lequel se nichent tous les autres phénomènes du monde et de l'histoire. La conscience est l'expression de la Vie, du principe vital omni-englobant. Les peuples, expressions diverses de cette Vie, tant sur le plan phénoménal que sur le plan psychique, sont englobés dans cette totalité vitale. Le problème philosophique que Krieck cherche à affronter, c'est de fonder une anthropologie politique où le peuple est totalité, c'est-à-dire base de Vie, source vitale, où puisent les membres de la communauté populaire (les Volksgenoßen)  pour déployer leurs énergies dans le cosmos. Tout peuple est ainsi une niche installée dans le cosmos, où ses ressortissants naissent et meurent sans cesser d'être reliés à la totalité cosmique. L'idée de Vie dépasse et englobe l'idée évangélique de l'incarnation car elle pose l'homme comme enraciné dans son peuple de la même façon que le Christ est incarné en Dieu, son Père, sans que l'homme ne soit détaché de ses prochains appartenant à la même communauté de sang. Le cycle vital transparaît dans la religiosité incarnante (incarnation catholique mais surtout mystique médiévale allemande), qui est une religion de valorisation du réel qui, pour l'homme, apparaît sous des facettes diverses: humanité, Heimat,  race, peuple, communauté politique, communauté d'éducation, etc. Dans la sphère de l'Etat, se trouvent de multiples Volksordnungen,  d'ordres dans le peuple, soit autant de niches où les individus sont imbriqués, organisés, éduqués (Zucht)  et policés. Krieck oppose ensuite l'homme sain à l'homme malade; la santé, c'est de vivre intensément dans le réel, y compris dans ses aspects désagréables, en acceptant la mort (sa mort) et les morts. Cette santé est le propre des races héroïques dont les personnalités se perçoivent comme les maillons dans la chaîne des générations, maillons éduqués, marqués par l'éthique de la responsabilité et par le sens du devoir. Les hommes malades  —c'est-à-dire les esclaves et les bourgeois—  fuient la mort et la nient, éloignent les tombes extra muros,  indice que l'idée d'une chaîne des générations a disparu.

 

Caractère du peuple et conscience de sa mission. L'éthique politique du Reich (Volkscharakter und Sendungsbewußtsein. Politische Ethik des Reiches), 1940

 

Cet ouvrage de Krieck comprend deux volets: 1) une définition du caractère national allemand; 2) une définition de la «mission» qu'implique l'idée de Reich. Le caractère national allemand a été oblitéré par la christianisation, même si les Papes évangélisateurs des régions germaniques ont été conscients du fait que l'esprit chrétien constituait une sorte d'Übernatur, d'adstrat artificiel imposé à l'aide de la langue latine, qui recouvrait tant bien que mal une naturalité foncièrement différente. Le Moyen Age a été marqué par un christianisme véhiculant les formes mortes de l'Antiquité. Seuls les Franciscains ont laissé plus ou moins libre cours à la religiosité populaire et permis au Lied  allemand de prendre son envol. La Renaissance, l'humanisme et le rationalisme n'ont fait que séculariser une culture détachée du terreau populaire. Le national-socialisme est la révolution définitive qui permettra le retour à ce terreau populaire refoulé. Il sera la pleine renaissance de la Weltanschauung  germanique, qui relaie et achève les tentatives avortées d'Albert le Grand, d'Eike von Repgow, de Walther von der Vogelweide, de Maître Eckehart, de Nicolas de Cues, de Luther, de Paracelse, etc. Sans cesse, l'Allemagne a affirmé son identité nationale grâce à un flux continu venu du Nord. S'appuyant sur les thèses du scandinaviste Grönbech, Krieck parle du sentiment nordique de la communauté, du service dû à cette communauté et à la volonté de préserver son ancrage spirituel contre les influences étrangères. Pour Grönbech et Krieck, l'individu ne s'évanouit pas dans la communauté mais résume en lui cette communauté dont les ressortissants partagent les mêmes sentiments, les mêmes projets, le même passé, le même présent et, res sic stantibus,  le même avenir. Ce destin commun s'exprime dans l'honneur, la Ehre.

Krieck insiste sur la notion de Mittgart (ou Midgard) qui, dans la mythologie germanique/scandinave, désigne le monde intermédiaire entre l'Asgard (le monde des Ases, le monde de lumière) et l'Utgard (le monde de l'obscurité). Ce Mittgart est soumis au devenir (urd)  et aux caprices des Nornes. C'est un monde de tensions perpétuelles, de luttes, de dynamique incessante. Les périodes de paix qui ensoleillent le Mittgart sont de brefs répits succédant à des victoires jamais définitives sur les forces du chaos, émanant de l'Utgard. Le mental nordique retient aussi la notion de Heil,  une force agissante et fécondante, à connotations sotériologiques, qui anime une communauté. Cette force induit un flux ininterrompu de force qui avive la flamme vitale d'une communauté ou d'une personne et accroît ses prestations. Le substrat racial nordique irradie une force de ce type et génère un ordre axiologique particulier qu'il s'agit de défendre et d'illustrer. La foi nouvelle qui doit animer les hommes nouveaux, c'est de croire à leur action pour fonder et organiser un Reich, un Etat, un espace politique, pour accoucher de l'histoire.

Le droit doit devenir le droit des hommes libres à la façon de l'ancien droit communautaire germanique, où le Schöffe (le juge) crée sans cesse le droit, forge son jugement et instaure de la sorte un droit vivant, diamétralement différent du droit abstrait, dans la mesure où il est porté par la «subjectivité saine d'un homme d'honneur». Le droit ancestral spontané a été oblitéré depuis la fin du XVième siècle par le droit pré-mécaniciste de l'absolutisme, issu du droit romain décadent du Bas-Empire orientalisé. L'avénement de ce droit absolutiste ruine l'organisation sociale germanique de type communautaire. Néanmoins, au départ, l'absolutisme répond aux nécessités de la nouvelle époque; le Prince demeure encore un primus inter pares, responsable devant ses conseils. Le césaro-papisme, impulsé par l'Eglise, introduit graduellement le «despostisme asiatique», en ne responsabilisant le Prince que devant Dieu seul. Les pares  se muent alors en sujets. L'arbitraire du Prince fait désormais la loi (Hobbes: auctoritas non veritas facit legem;  Louis XIV: L'Etat, c'est moi!). Dans ces monarchies ouest-européennes, il n'y a plus de Reich au sens germanique, ni d'états mais un Etat. Le droit est concentré en haut et chichement dispersé en bas. Les devoirs, en revanche, pèsent lourdement sur les épaules de ceux qui végètent en bas et ne s'adressent guère à ceux qui gouvernent en haut. La révolution bourgeoise transforme les sujets en citoyens mais dépersonnalise en même temps le pouvoir de l'Etat et du souverain tout en absolutisant la structure dans laquelle sont enfermés les citoyens. Dans cette fiction règne le droit du plus puissant, c'est-à-dire, à l'âge économiste, des plus riches. L'essence de la justice se réfugie dans l'abstraction du «pur esprit», propre de l'humanisme kantien ou hégelien, une pensée sans socle ni racines. Cette idéologie est incapable de forger un droit véritablement vivant, comme le montre la faillite du système bismarckien, forgé par les baïonnettes prussiennes et la poigne du Chancelier de fer, mais rapidement submergé par l'éclectisme libéral et le marxisme, deux courants politiques se réclamant de ce droit universaliste-jusnaturaliste sans racines.

 

Krieck définit ensuite la Vie, vocable utilisé à profusion par toutes les écoles vitalistes, comme un «cosmos vivant», un All-Leben.  Ce dynamisme de l'All-Leben,  nous le trouvons également chez les Grecs d'avant Socrate et Platon. Mais les Grecs ont très tôt voulu freiner le mouvement, bloquer le dynamisme cosmique au profit d'un statisme et de formes (en autres, de formes politiques) fermées: la Polis, l'art classique, expressions du repos, de quiétisme. Les Germains n'ont pas connu ce basculement involutif du devenir à l'Etre. L'aristotélisme médiéval n'a pas oblitéré le sens germanique du devenir: le monachisme occidental et la scolastique n'ont jamais été pleinement quiétistes. Cluny et les bénédictins ont incarné un monachisme combattant donc dynamique, même si ce dynamisme a été, en fin de compte, dirigé par Rome contre la germanité. Après cette phase combattante seulement, la scolastique s'est détachée du dynamisme naturel des peuples germaniques, a provoqué une césure par rapport à la vie, césure qui a trouvé ultérieurement ses formes sécularisées dans le rationalisme et l'idéalisme, contesté par le romantisme puis par la révolution nationale-socialiste.

En proposant une «caractérologie comparée» des peuples, Krieck part d'une théorie racisante: les peuples produisent des valeurs qui sont les émanations de leur caractère biologiquement déterminé. Derrière toutes les écoles philosophiques, qu'elles soient matérialistes, idéalistes, logiques, sceptiques  —orientations que l'on retrouve chez tous les peuples de la Terre—  se profile toujours un caractère racialement défini. Les Allemands, tant dans leurs périodes de force (comme au Haut Moyen Age ottonien) que dans leurs périodes de faiblesse (le Reich éclaté et morcelé d'après 1648), se tournent spontanément vers le principe d'All-Leben,  de cosmicité vitale, contrairement aux peuples de l'Ouest, produits d'une autre alchimie raciale, qui suivent les principes cartésiens et hobbesiens du pan-mécanicisme (All-Mechanistik). La pensée chinoise part toujours d'une reconnaissance du Tao universel et vise à y adapter la vie et ses particularités. L'ethos  chinois exprime dès lors repos, durée, équilibre, régularité, déroulement uniforme de tout événement, agir et comportement. La pensée indienne résulte du mélange racial sans doute le plus complexe de la Terre. Contrairement à la Chine homogène, l'Inde exclut la réminiscence historique, la conscience historique et est, d'une certaine façon, impolitique. Autre caractéristique majeure de l'âme indienne, selon Krieck: l'ungeheure Triebhaftigkeit,  la foisonnante fécondité des pulsions et la prolifération des expressions de la vie: fantaisie et spéculation, désir (Begier)  et contemplation, sexualité et ascèse, systématique philosophique et méthodique psycho-technique, etc. Cette insatiabilité des pulsions fait de l'Inde le pôle opposé de la Grèce (mises à part certaines manifestations de l'hellénisme): l'âme indienne submerge toujours la forme dans l'informel, le démesuré, les figures grimaçantes et grotesques. L'hybris, faute cardinale chez les Grecs, est principe de vie en Inde: le roi n'y a jamais assez de puissance, l'ascète n'y est jamais assez ascétique, etc. Le génie grec, quant à lui, est génie de la mesure, de l'équilibre intérieur de la forme.

Le mécanicisme newtonien est l'expression du caractère anglais, surtout quand il met en exergue l'antagonisme des forces. Cet antagonisme s'exprime par ailleurs dans le bipartisme de la vie politique anglaise, dans la concurrence fairplay  de la sphère économique, dans le sport. Le génie français (Descartes, Pascal, d'Alembert, H. Poincaré) procède d'une méthode analytique et géométrique. Ce géométrisme se perçoit dans l'architecture des jardins, de la poésie, de l'art dramatique du XVIIième siècle et du rationalisme politique centralisateur de la révolution de 1789.

 

Conclusion de Krieck: le peuple allemand est le seul peuple suffisamment homogène pour adhérer directement à la Vie sans le détour mutilant des schémas mécanicistes, du logos ou de la «philosophie de l'Etre». Adhésion à la vie qui s'accompagne toujours d'une discipline intérieure et d'un dressage.

L'idée de Reich, à rebours de toute soumission ou oppression, vise la communauté des Stämme  (des tribus, des régions). Centre de l'Europe, enjeu de l'histoire européenne, le Reich offre, dit Krieck, une forme politique acceptable pour tous les Européens et pour tous les peuples extra-européens. Dans cette perspective, le monde doit être organisé et structuré d'après les communautés qui le composent, afin d'aboutir à la communauté des peuples. Tous, sur la Terre, doivent bénéficier d'espace et de droit: tel est la réponse de l'Allemagne au «moloch» qu'est l'impérialisme britannique. La mission universelle du Reich est d'assurer un droit à toutes les particularités ethniques/nationales nées de la vie et de l'histoire.

Enfin, il convient de former une élite disciplinée, qui dresse les caractères par la Zucht  et la Selbstzucht (maîtrise de soi). La poésie et l'art ont un rôle particulier à jouer dans ce processus de dressage permanent, de lutte contre l'Utgard,  l'Unheil.

 

Education nationale-politique (Nationalpolitische Erziehung), 1941

 

Ouvrage qui définit tout un ensemble de concepts pédagogiques et qui reprend les théories de Krieck pour les replacer dans le cadre du nouvel Etat national-socialiste. Les définitions proposées par l'auteur sont soumises à une déclaration de principe préalable: l'ère de la raison pure est désormais révolue, de même que celle de la science dépourvue de préjugés et de la neutralité axiologique (Wertfreiheit). La règle du subjectivisme absolu triomphe car la science prend conscience que des préjugés de tous ordres précèdent son action. L'acceptation de ces préjugés imbrique la science dans le réel. Son rôle n'est pas de produire quelques chose d'essentiel car le monde n'est jamais le produit des idées. La science doit au contraire se poser comme la conscience du devenir et, ainsi, pouvoir pré-voir, pressentir ses évolutions ultérieures, puis planifier en conséquence et se muer de la sorte en «technique», en force méthodique de façonnage, de mise en forme du réel. Grâce à la science/technique ainsi conçue, la pulsion (Trieb) devient acte (Tat),  le grouillement de la croissance vitale (Wachsen)  se transforme en volonté, l'événémentiel est dompté et permet un agir cohérent. Krieck annonce la fin de la science désincarnée; le sujet connaissant fait partie de ce monde sensoriel, historique, ethnique, racial, temporel. Il exprime de ce fait un ensemble de circonstances particulières, localisées et mouvantes. Reconnaître ces circonstances et les maîtriser sans vouloir les biffer, les figer ou les oblitérer: telle est la tâche d'une science réelle, incarnée, racisée. L'homme est à la fois sujet connaissant et objet de connaissance: il est certes le réceptacle de forces universelles, communes à toutes les variantes de l'espèce homo sapiens, mais aussi de forces particulières, raciales, ethniques, temporelles/circonstancielles qui font différence. Une différence que la science ne peut mettre entre parenthèses car ses multiples aspects modifient l'impact des forces universelles. Il y a donc autant de sciences qu'il y a de perspectives nationales (science française, allemande, anglaise, chinoise, juive, etc.). Krieck insiste sur un adage de Fichte: Was fruchtbar ist, allein ist wahr  (Ce qui est fécond seul est vrai). Mais Krieck demeure conscient du danger de pan-subjectivisme que peuvent induire ses affirmations. Il pose la question: la science ne risque-t-elle pas, en perdant son autonomie et sa liberté par rapport au «désordre» des circonstances particulières, de n'être plus qu'une servante, une «prostituée» (Dirne)  au service d'intérêts ou de stratégies partisanes? La réponse de Krieck tombe aussitôt, assez lapidaire: cela dépend du caractère de ceux qui instrumentalisent la science. Celle-ci a toujours été déterminée et instrumentalisée par le pouvoir. Le pouvoir indécis du libéralisme, démontre Krieck, a affaibli et la science et le peuple. Un pouvoir mené par des personnalités au caractère fort enrichit la science et le peuple.

Parmi les définitions proposées par Krieck, il y a celle de «révolution allemande», en d'autres termes, la révolution nationale-socialiste. La «révolution allemande» devra créer la «forteresse Allemagne», soit forger un Etat capable de façonner et de dresser (zuchten)  les énergies du Volk, d'organiser l'espace vital de ce peuple. L'Etat doit éduquer les Allemands sur bases de leurs caractéristiques raciales et organiser la santé collective et la sécurité sociale. Cette révolution est organique et dépasse les insuffisances délétères des mécanicismes libéral et marxiste.

Krieck nous présente une définition du terme «race». La race consiste en l'ensemble transmissible par hérédité des caractéristiques déterminées des corps et des prédispositions spirituelles. Ces caractéristiques corporelles et ces prédispositions spirituelles dépassent l'individu; elles se situent au-delà de lui, dans sa famille, son clan, sa tribu, son peuple, sa race. La Zucht,  le dressage, vise la rentabilisation maximale de cet héritage. L'absence de dressage conduit au mixage indifférencié et à la dégénérescence des instincts et des formes. La politique raciale, qui doit logiquement découler de cette définition, n'a pas que des facettes biologiques: elle a surtout une dimension psychique et spirituelle, greffée par l'éducation et le dressage. L'homme est néanmoins un tout indissociable qui doit être étudié sous tous ses aspects. Les interventions éducatives de l'Etat doivent progresser simultanément dans les domaines corporel, psychique et spirituel. En Allemagne, l'idéaltype racial qui doit prévaloir est le modèle nordique. La race nordique doit demeurer le pilier, l'assise de tout Etat allemand viable. La saignée de 1914-1918 a affaibli le corps de la nation allemande-nordique. Les idéologies universalistes étrangères ont eu le dessus pendant la période de Weimar, avant que le substrat racial-psychique-spirituel ne revienne à la surface par l'action des Nationaux-Socialistes. Ce mouvement politique, selon Krieck, constate la faillite du libéralisme diviseur et rassemble toutes les composantes régionales, confessionnelles, sociales du peuple allemand dans une action révolutionnaire instinctuelle et non intellectuelle.

Les diverses phases de l'éducation se déroulent dans la famille, les ligues de jeunesse et la formation professionnelle. L'ère bourgeoise a été l'ère de l'économie, affirme Krieck, et l'ère nationale (völkische)  sera l'ère des métiers, de la créativité personnelle et de l'éducation professionnelle.

L'Etat doit être une instance portée par une strate sélectionnée, politisée et organisée en milice de défense, homogène et cohérente, recrutée dans tout le peuple et répartie à travers lui. C'est elle qui formera la volonté politique de la collectivité. Au XIXième siècle, cette «strate sélectionnée» était l'élite intellectuelle bourgeoise (bürgerliche Bildungselite),  universitaire et savante. Mais cette bourgeoisie, en dépit de la qualité remarquable de ses productions intellectuelles, n'avait pas d'organisation qui traversait tout le corps social. Sa capillarisation dans le corps social était insuffisante: ce qui la condamnait à disparaître et à ne jamais revenir.

 

Krieck définit aussi ce qu'est la Weltanschauung,  mot-clef des démarches organicistes de la première moitié du siècle. La Weltanschauung, pour Krieck, est la façon de voir le monde propre à un peuple et au mieux incarnée dans la strate sélectionnée. L'homme primitif élaborait une Weltbild,  une image du monde magique-mythique. L'homme de la civilisation rationaliste est désorienté, sans image-guide, ne perçoit plus aucun sens. Sa pensée est dissociée de la vie. L'homme qui a dépassé la phase rationaliste/bourgeoise maîtrise et la vie et la technique, a le sens de la totalité/holicité (Ganzheit)  de la vie, allie le magique et le rationnel, le naturel et l'historique. Trois types d'hommes se côtoient: ceux qui sont animés par la foi et ses certitudes, ceux qui imaginent tout résoudre par la raison et ses schémas et, enfin, ceux qui veulent plonger entièrement dans le réel et acceptent joyeusement les aléas du destin et du tragique qu'il suscite. Ces derniers sont les héros, porteurs de la révolution que Krieck appelle de ses vœux.

Dans la dernière partie de son ouvrage, l'auteur récapitule ses théories sur l'éducation et les replace dans le contexte national-socialiste.

(Robert Steuckers).

   

 

 - Bibliographie: pour un recencement complet des écrits de Krieck, cf. Armin Mohler, Die Konservative Revolution in Deutschland 1918-1932, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, Darmstadt, 1989 (3ième éd.). Nous recensons ci-dessous les principaux livres de l'auteur: Persönlichkeit und Kultur. Kritische Grundlegung der Kulturphilosophie, Heidelberg, 1910; Lessing und die Erziehung des Menschengeschlechtes, Heidelberg, 1913; Philosophie der Erziehung, Iéna, 1922; Menschenformung. Grundzüge der vergleichenden Erziehungswissenschaft, Leipzig, 1925; Bildungssysteme der Kulturvölker, Leipzig, 1927; Deutsche Kulturpolitik?, Francfort s.M., 1928 (2ième éd., Leipzig, 1936); Staat und Kultur, Francfort s.M., 1929; Nationalpolitische Erziehung, Leipzig, 1932; Völkisch-politische Anthropologie  (3 vol., 1936, 1937, 1938; vol. I, Die Wirklichkeit;  vol. II, Das Handeln und die Ordnungen;  vol. III, Das Erkennen und die Wissenschaft); Leben als Prinzip der Weltanschauung und Problem der Wissenschaft,  Leipzig, 1938; Mythologie des bürgerlichen Zeitalters, Leipzig, 1939; Volkscharakter und Sendungsbewußtsein. Politische Ethik des Reichs, Leipzig, 1940; Der Mensch in der Geschichte. Geschichtsdeutung aus Zeit und Schicksal, Leipzig, 1940; Natur und Wissenschaft, Leipzig, 1942; Heil und Kraft. Ein Buch germanischer Weltweisheit, Leipzig, 1943.

 

- Sur Krieck: W. Kunz, Ernst Krieck. Leben und Werk, 1942; Georg Lukacs, Die Zerstörung der Vernunft, 1962 (l'éd. originale hongroise est parue en 1954); E. Thomale, Bibliographie v. Ernst Krieck. Schriftum, Sekundärliteratur, Kurzbiographie, 1970; K. Ch. Lingelbach, Erziehung und Erziehungstheorien in national-sozialistischen Deutschland, 1970; Gerhard Müller, Ernst Krieck und die nationalsozialistische Wissenschaftsreform, 1978; Jürgen Schriewer, «Ernst Krieck», in Neue Deutsche Biographie, 13. Band, Duncker & Humblot, 1982; Giorgio Penzo, Il superamento di Zarathustra. Nietzsche e il nazionalsocialismo, 1987, pp. 312-318; Léon Poliakov & Josef Wulf, Das Dritte Reich und seine Denker, 1989 (2ième éd.).

dimanche, 18 octobre 2009

Unegrande Albanie parrainée par l'Occident

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Menace d'un nouveau conflit en Europe:
Une Grande Albanie parrainée par l'Occident


Le 10 octobre 2009

L'Europe peut être perchée au-dessus du précipice de son premier conflit armé depuis les 78 jours de bombardement de la guerre de l'OTAN contre la Yougoslavie en 1999 et l'invasion armée de la Macédoine qui a suivi lancée à partir du Kosovo occupé par l'OTAN deux ans plus tard.

Avec l'accession formelle,  en avril, de l'Albanie à l'OTAN comme membre à part entière et la victoire de la réélection (au moins formellement) qui a suivi, du premier ministre de la nation Sali Berisha, le théâtre est prêt pour la réalisation du projet de nouveau retraçage des frontières de l'Europe du Sud-est à la recherche d'une grande Albanie.

Les étapes précédentes dans cette direction ont été la guerre menée par les États-Unis et l'OTAN contre la République Fédérale de Yougoslavie il y a dix ans pour le compte de l'ainsi dite Armée de Libération du Kosovo (AKL, en albanais UÇK) et de connivence avec elle, une violation criminelle du droit international qui s'est terminée par l'arrachage de la province serbe du Kosovo en même temps à la Serbie et à la Yougoslavie.

50 000 soldats de l'OTAN versés dans le Kosovo en juin 1999, accompagnés par les dirigeants et les combattants de l'ALK basés en Albanie, sous les auspices de la  Résolution 1244 des Nations Unies qui, entre autres, condamnait les "actes terroristes commis par l'une ou l'autre  partie "et" [réaffirmait] l'engagement de tous les états membres pour la souveraineté et l'intégrité territoriale de la République Fédérale de Yougoslavie et des autres états de la région, conformément à l'acte final d'Helsinki et à l'annexe 2".

Les États-Unis et leurs alliés de l'OTAN n'avaient pas l'intention de respecter les dispositions de la résolution 1244 de l'ONU et ils ont montré leur mépris pour un document qu'eux-mêmes avaient signé en réarmant les combattants de l'ALK, qui pendant des années avaient attaqué, enlevé et assassiné des civils de toutes provenances ethniques et en transformant l'ancien groupe armé sécessionniste en Corps de Protection du Kosovo.

La Résolution 1244 de l'ONU ordonnait expressément que l'ALK et ses gangsters affiliés devaient être désarmés, alors les puissances de l'OTAN ont contourné cette exigence par un tour de passe-passe en fournissant à l'ALK de nouveaux uniformes, de nouvelles armes et un nouveau nom. Mais pas un nouveau commandant. Celui qui a été choisi pour ce rôle a été Agim Ceku, commandant de l'armée croate durant la brutale campagne Opération Tempête de 1995 "la plus grande offensive terrestre européenne depuis la seconde guerre mondiale" [1] - et chef d'état-major de l'ALK au cours de sa guerre commune avec l'OTAN contre la Yougoslavie quatre ans plus tard.

Encouragée par le soutien militaire de l'Occident dans la réalisation de son programme séparatiste, l'ALK a lâché ses groupes affiliés contre la Serbie du Sud et la Macédoine : l'Armée de Libération de Presevo, Medveda et Bujanovac dans le premier cas à partir de 1999 et l'Armée de Libération Nationale dans le second, qui a commencé les attaques à l'intérieur de la Macédoine à partir de sa base au Kosovo en 2001.

Seule la capitulation du gouvernement de la Serbie après octobre 2000 et un semblable fléchissement sous la pression - pression occidentale – du gouvernement de la Macédoine en 2001 ont satisfait les longues attentes des extrémistes armés pan-albanais dans les deux nations pour une éventuelle unification au-delà des différentes frontières nationales avec le soutien des États-Unis et de leurs alliés de l'OTAN.

La confirmation décisive du soutien occidental est arrivée en février 2008 avec la déclaration unilatérale d'indépendance des forces séparatistes du Kosovo. L'ancien chef de l'ALK et protégé de l'Amérique  Hashim Thaci, alors premier ministre en titre, a proclamé la sécession d'avec la  Serbie et la plupart des nations de l'OTAN se sont précipitées pour gratifier l'entité illégale d'une reconnaissance diplomatique.

Vingt mois après, plus des deux-tiers des pays du monde, y compris la Russie, la Chine et l'Inde, n'ont pas légitimé cette abomination par la reconnaissance, mais l'Occident est resté inébranlable dans son mépris pour le droit international et dans le soutien apporté aux  extrémistes violents au Kosovo, qui ont des ambitions plus vastes pour l'ensemble de la région, ambitions encouragées par l'appui consistant des États-Unis et de l'OTAN et la conviction que l'Occident poursuivra ce soutien à l'avenir.

L'Albanie étant maintenant un état membre à part entière de l'OTAN et en tant que tel sous la protection de la clause d'assistance militaire mutuelle de l'article 5 de l'Alliance, les appels à une Grande Albanie au détriment du territoire de plusieurs autres pays européens sont devenus plus forts et plus acharnés.

En réponse à la campagne grandissante pour étendre le modèle du Kosovo au sud de la Serbie à la Macédoine, au Monténégro et même en Grèce (Épire), il y a deux mois le Ministre des Affaires étrangères russe Sergei Lavrov a admonesté les nations qui envisagent de reconnaître le statut d'état du Kosovo en leur conseillant de "réfléchir très attentivement avant de prendre cette décision très dangereuse qui aurait un résultat imprévisible et qui n'est pas bonne pour  la stabilité de l'Europe.» [2]

Neuf jours plus tard le premier ministre albanais Berisha a déclaré sans détours que «le projet de l'unité nationale de tous les Albanais devrait être un phare directeur pour les politiciens en Albanie et au Kosovo.» Il a dit avec insistance que «l'Albanie et le Kosovo ne doivent en aucun cas se considérer mutuellement comme des états étrangers.» [3]

Un commentateur russe a répondu à cette déclaration en avertissant que "toute tentative de mise en œuvre de l'idée d'une Grande Albanie est similaire à la réouverture d'une boîte de Pandore. Cela pourrait déstabiliser la situation dans les Balkans et déclencher une guerre sur le continent, semblable à celle de la fin des années 1990." [4]

Parlant du " projet d'une soi-disant Grande Albanie qui embrasse tous les territoires des Balkans où vivent des Albanais ethniques, y compris le Kosovo, certaines régions de la Macédoine, le Monténégro et plusieurs autres pays ", l'analyste politique russe Pyotr Iskenderov a dit que « la déclaration de l'indépendance du Kosovo et la reconnaissance de cet acte illicite par les États-Unis et les principaux membres de l'Union Européenne ont stimulé la mise en œuvre de l'idée d'une soi-disant Grande Albanie.» [5]

Le reste de la Serbie est également affecté - la vallée de Presevo dans le sud de la nation où la  Serbie proprement dite, le Kosovo et la Macédoine se rejoignent - et pareillement la Grèce si l'on doit croire un rapport de 2001. À l'époque Ali Ahmeti, fondateur et commandant de l'ALK, puis chef de l'Armée Nationale de Libération (ANL) qui avait commencé à lancer des attaques meurtrières contre la Macédoine depuis sa base dans la ville de Prizren au Kosovo, a été signalé comme ayant glorifié une Armée de Libération de Chameria dans la région d'Epire du Nord-Ouest de la Grèce, une armée équipée d'un arsenal d'armes impressionnant.

Le drapeau national introduit après février 2008 contient une esquisse du Kosovo avec six étoiles blanches au-dessus de lui. Alors qu'il n'a pas été reconnu pour des raisons évidentes, les étoiles sont supposées représenter les nations ayant des populations albanaises ethniques : le Kosovo, l'Albanie, la Serbie, la Macédoine, le Monténégro et la Grèce.

L'entraînement militaire et l'aptitude au combat des groupes séparatistes et irrédentistes pan-Albanais sont en train d'être augmentés à un niveau plus élevé que jamais auparavant par les principaux pays de l'OTAN. En mars la Force du Kosovo dirigée par l'OTAN  (KFOR) a commencé à remanier le Corps de Protection du Kosovo, lui-même un avatar de l'Armée de Libération du Kosovo,  en une armée nationale embryonnaire, la Force de Sécurité du Kosovt o, dont le chef d'état-major est le Lieutenant General [[général de corps d'armée]] Sylejman Selimi venant en transition directe du poste de commandant du Corps de Protection du Kosovo. Un sympathique reportage d'information de décembre dernier a décrit plus précisément son nouveau poste comme Chef d'Etat-major de l'Armée de la République du Kosovo. [6]

La Force de Sécurité du Kosovo (FSK) comme le Corps de Protection du Kosovo avant elle est vantée dans les cercles occidentaux comme une prétendue force de police multiethnique; elle n'est ni multiethnique, ni une force de police, mais une armée naissante, une armée que l'autoproclamé président du Kosovo, le président Fatmir Sejdiu en juin dernier a caractérisée comme étant "une force moderne qui se construit en conformité avec les standards de l'OTAN". [7]

Dans le même mois l'OTAN a annoncé que l'armée du Kosovo prototype serait prête en septembre et "que l'OTAN devrait augmenter ses capacités de contrôle au sein de la FSK afin d'assurer le meilleur renforcement des capacités de la FSK ". [8]

Un rapport antérieur du Kosovo a également démontré que les nouvelles forces armées de l'entité illégitime ne seraient rien d'autre qu'un accessoire militaire de l'OTAN : «La force de sécurité doit être entraînée par des officiers de l'armée britannique, les uniformes ont été fournis par les États-Unis et les véhicules ont été fournis par L'Allemagne.

«La Force de Sécurité du Kosovo doit être conforme aux standards de l'OTAN.» [9]

En février l'Italie a annoncé qu'elle ferait un don de 2 millions d'euros et l' Allemagne qu'elle donnerait 200 véhicules militaires pour l'armée dans le processus. Le Commandant suprême allié de l'OTAN en Europe de l'époque, le général John Craddock, s'est rendu au Kosovo pour lancer la création de la Force de Sécurité du Kosovo et il a visité le Camp d'Entrainement National de la FSK à Vucitrn, voyage au cours duquel il a dit "Je suis satisfaits de l'état d'avancement à ce jour. À la fin de la première phase de recrutement nous avons quelque 4.900 candidats pour environ 300 postes dans la FSK dans cette première tranche de recrutement ". [10]

En mai de cette année, le Ministère de la Défense britannique a signé un accord avec la Force de Sécurité du Kosovo balbutiante pour "donner une formation aux membres de la FSK en différents domaines conformément aux standards de l'OTAN."

L'Ambassadeur britannique au Kosovo Andrew Sparks a été cité comme disant "Nous espérons qu'après la signature de cet accord et l'expansion de notre coopération, le Kosovo parviendra à devenir un membre de l'OTAN." [11]

Comme les soldats d'Albanie auxquels l'OTAN a apporté une expérience des zones de combat en Irak et en Afghanistan, la nouvelle armée du Kosovo sera, comme les forces armées des autres nouvelles nations de l'OTAN, utilisée pour les guerres à l'étranger. Un exemple récent, en août le chef du Quartier Général de la Macédoine, le General Lieutenant Colonel Miroslav Stojanovski, "a souligné que plus d' un quart de la composition des unités du service combattant de l'AMR (Forces Armées Macédoniennes), soit 1.746 soldats ont participé aux missions de paix," ce qui signifie les déploiements de l'OTAN. [12] Cependant plus de soldats macédoniens ont été tués en 2001 par l'Armée de Libération Nationale avatar de l'ALK  qu'il y en a de  morts à ce jour en Afghanistan et en Irak.

Un rapport d'information de mai dernier a apporté davantage de détails sur l'envergure initiale et l'objectif à long terme de la nouvelle armée du Kosovo: "Selon la Constitution de la République du Kosovo, la FSK est censée avoir 3 000 soldats actifs et 2 000 réservistes. Ils sont organisés conformément aux standards de l'OTAN. Il y a également la possibilité de leur déploiement à l'étranger,  garantie de la situation mondiale dans l'avenir." [13]

Lorsque le nouveau Secrétaire général de l'OTAN Anders Fogh Rasmussen a rendu sa première visite en tant que tel au Kosovo en août pour rencontrer le Commandant de la KFOR Giuseppe Emilio Gai, le Président du Kosovo Fatmir Sejdiu, le premier ministre Hashim Thaci et le Ministre des Forces de Sécurité du Kosovo Fehmi Mujota,  "le Président du Kosovo Fatmir Sejdiu a déclaré qu'il espère que l'état participera aux opérations de maintien de la paix de l'OTAN à l'étranger.» [14] L'Afghanistan est le premier déploiement apparent.

Six ans plus tôt Agim Ceku avait offert les troupes du Corps de Protection du Kosovo aux États-Unis en vue de la guerre et de l'occupation en Irak comme contrepartie du maintien des troupes de l'OTAN au Kosovo.

L'OTAN a déployé des soldats venant de nations comme la Géorgie, l'Azerbaïdjan, l'Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Pologne et la Finlande en Afghanistan pour la formation dans le cadre des conditions de combat dans la réalité, pour les utiliser plus près de chez eux une fois revenus comme  l'ont reconnu ouvertement des officiers des armées des nations ci-dessus nommées. Plusieurs milliers de soldats d'Albanie et du Kosovo endurcis par les opérations dans la zone de guerre afghane seront de formidables forces combattantes pour de futurs conflits dans les Balkans.

La distinction entre les forces armées de l'Albanie et du Kosovo, devient en grande partie académique. En août le premier ministre albanais Berisha a publié un déclaration sans équivoque selon laquelle  "l'idée d'unité nationale est fondée sur les principes et les idéaux européens.... De ce fait le Premier ministre du Kosovo Hashim Thaci, et moi-même travaillerons en vue de la suppression de tous les obstacles qui empêchent les Albanais de de sentir unis quel que soit l'endroit où ils vivent," ajoutant que " il ne doit pas y avoir d'administration des douanes et l'Albanie et le Kosovo ne devraient pas se considérer mutuellement comme des pays étrangers...." [15]

L'Albanie est maintenant un membre complet de l'OTAN et comme l'Alliance elle-même pourrait être appelée à réagir si les autorités du Kosovo provoquaient une confrontation avec des voisins comme la Serbie, et la Macédoine et l'Albanie insistent pour affirmer qu'elles et le Kosovo ne sont pas  des "pays étrangers." Si l'Albanie intervient au nom de sa «nation frère» dans un conflit militaire avec un adversaire non-Alliance, l'OTAN deviendra impliquée ipso facto.

En septembre, les ministères des affaires étrangères de la Russie et de la Roumanie ont exprimé leurs graves préoccupations concernant l'évolution dans et se rapportant au Kosovo. La Roumanie est un des trois seuls pays membres de l'OTAN qui n'ont pas reconnu l'indépendance du Kosovo, les deux autres étant l'Espagne et la Slovaquie. Toutes ces trois nations craignent que le précédent du Kosovo puisse contribuer à l'éclatement par la force de leurs propres pays.

Le porte-parole du ministère russe des affaires étrangères, Andrei Nesterenko, a déclaré qu'un  " conflit potentiel considérable " persistait au Kosovo et qu'il attendait des représentants de la communauté internationale qu'ils agissent avec impartialité pour empêcher de "nouvelles provocations anti-serbes".

Il a ajouté que "les événements dans la province  montrent qu'un conflit potentiel considérable  " demeure et que les plus récent affrontements inter-ethnies ont été un résultat du désir des Albanais du Kosovo pour compresser à tout prix le territoire serbe ethnique" et que "dans l'ensemble, le problème du Kosovo reste un des plus sérieux problèmes posés à la sécurité de la région.» [16]

Nullement découragée, l'OTAN a annoncé le 16 septembre sur son site web de la KFOR que «la Force de Sécurité du Kosovo (FSK) a acquis la capacité opérationnelle initiale (COI).

«La décision a été rendue après l'exercice Lion Agile, qui était le point d'aboutissement d'un peu plus de sept mois de dur labeur de la KFOR et de la FSK pour recruter, former et équiper la force.

«Le prochain objectif de la FSK est de parvenir à la pleine capacité opérationnelle. La KFOR va encadrer et soutenir ce processus qui devrait prendre 2 à 5 ans.» [17]

Le jour précédent le nouvel ambassadeur U.S. au Kosovo, Christopher Dell, avait signé le premier accord interétat des États-Unis avec l'entité dissidente, démontrant "l'engagement  de l'Amérique pour un Kosovo indépendant," avec Fatmir Sejdiu et Hashim Thaci. Le président putatif Sejdiu a déclaré à l'occasion: "Cet accord élève cela au niveau de la coopération d'état entre les États-Unis et le Kosovo, pas seulement par le biais des divers organismes des USA et du Kosovo, comme ce fut le cas jusqu'à maintenant.» [18]

Ce que l'extension du "Kosovo indépendant" laisse présager a été indiqué fin septembre lorsque les policiers serbes ont découvert une importante cache d'armes dans la Vallée de Presevo près des frontières Serbie-Macédoine-Kosovo qui comportait  " des mitrailleuses, des bombes, des lance-fusées, 16 grenades à main et plus de 20 mines, ainsi qu'un grand contingent de munitions"[19] et plus tard au début du mois d'octobre lorsque la police des frontières macédonienne  a été "attaquée avec des armes automatiques alors qu'elle menait une patrouille de routine le long de la frontière du Kosovo...." [20].

Ce qui peut également être en magasin a été révélé tardivement le mois dernier lorsque l'Allemagne a déporté les premiers des 12. 000 Roms (gitans) qu'elle renvoie de force au Kosovo. Vers l'exclusion, la persécution, les attentats et la mort. Les Roms qui restent sont en train de mourir dans les abris où la mission intérimaire d'administration des Nations Unies au Kosovo (MINUK) les abandonne après la prise de la province par l'OTAN et l'ALK en juin 1999.
é «Les camps, près d'un complexe fermé de mine et de fonderie  qui comprend un monceau de scories de 100 millions de tonnes de matières toxiques, ont été envisagés comme une mesure temporaire après qu'un quartier qui avait été un foyer pour 9 000 tsiganes a été détruit par  les Albanais ethniques alors que les forces de sécurité serbes avaient quitté la zone dans les derniers jours du conflit du Kosovo en juin 1999.» [21]

Quelques semaines avant la Russie avait averti qu'elle envisageait "l'arrêt de la mission de l'OSCE [Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe] au Kosovo instituée pour protéger les droits des communautés ethniques inacceptables."

L'ambassadeur de Russie à l'OSCE, Anvar Azimov, a déclaré «De telles mesures, sanctionnées par personne, sont unilatérales et ont une incidence sur l'activité globale sous le mandat de cette mission». [22]

Le 5 septembre une source de nouvelles serbe a signalé que plus de 200 000 réfugiés du Kosovo ont été enregistrés en Serbie, comprenant des Serbes ethniques, des Roms, des Gorans et autres non-Albanais. Ce nombre excluait ceux qui n'étaient pas inscrits, ceux qui avaient fui vers d'autres pays comme la Macédoine et ceux chassés de leurs foyers mais restés au Kosovo.

Au cours des dix dernières années des centaines de milliers de résidents du Kosovo, y compris Albanais ethniques, ont été assassinés et chassés de la province. Des organisations de Roms ont estimé que le nombre des Roms, des Ashkalis et des Egyptiens ainsi touchés se comptent avec  six chiffres. Des Serbes, des Gorans, des Turcs, des Bosniaques, des Monténégrins et autres victimes de la terreur raciale et de l'extermination au Kosovo se comptent également en centaines de milliers.

Les médias occidentaux ont affirmé régulièrement depuis dix ans maintenant que le Kosovo était à  90 pour cent albanais ethnique. Il pourrait bien en être ainsi maintenant après de telles expulsions à grande échelle, mais les chiffres ci-dessus réfutent que c'était auparavant le cas dans une province de pas plus de deux millions d'habitants.

Après la première déclaration du Premier ministre albanais que son pays et le peuple du  Kosovo et les siens sont un, le Ministre des affaires étrangères russe Sergei Lavrov a publié une condamnation de cette déclaration et par forte implication de l'Ouest: «Nous sommes très préoccupés par la déclaration du Premier ministre albanais.

«Nous sommes convaincus qu'il devrait y avoir des réactions appropriées à la déclaration - tout d'abord, de l'UE et également de l'OTAN. Nous n'avons pas encore eu ces réactions. Nous espérons que, malgré le fait qu'aucune des déclarations publiques ne sont venues des capitales européennes, les négociations avec les autorités albanaises sont en route». [23]

"Moscou est préoccupée par les déclarations de Tirana sur  « l'indispensable unification de tous les Albanais » "[24]

À moins que les commentaires de Lavrov n'aient été que strictement rhétoriques, il lui faudra attendre longtemps avant que les responsables des USA, de l'OTAN et de l'Union européenne ne fassent quelques déclarations, beaucoup moins critiques, sur les demandes de Berisha et de ses homologues du Kosovo et de Macédoine pour une grande Albanie unifié (ou un Grand Kosovo). Les nations de l'OTAN ont armé, entraîné et doté d' un soutien logistique l'Armée de Libération du Kosovo dans sa guerre contre les forces de sécurité serbes et yougoslaves à la fin des années 1990 ; ils entrèrent en marchant côte à côte avec l'ALK dans le Kosovo et l'ont institutionnalisée comme Corps de Protection du Kosovo la même année ; ils ont tiré son Armée de Libération Nationale d'une cuisante défaite de la part de l'Armée Macédonienne en 2001 ; Ils l'ont recréée à nouveau cette année en tant que noyau d'une future armée nationale du Kosovo, la Force de Sécurité du Kosovo ; et ils ont reconnu la déclaration unilatérale de l'indépendance d'un Kosovo dirigé par l' ex chef de l'ALK Hashim Thaci l'an dernier.

Il n'y a aucune raison de croire que Washington et Bruxelles abandonneront maintenant leurs clients et leur projet de subversion et de mutilation de quatre pays voisins pour créer un super-état étendu Albanie-Kosovo ethniquement purifié,  en proie au crime, alors que ce dernier approche de sa réalisation.

Le 6 octobre Berisha a été à Pristina, la capitale du Kosovo, "pour signer un certain nombre d'accords. Selon [Berisha], son gouvernement travaillera mener à bien les projets d'infrastructure qui prévoient une unification des systèmes économiques de l'Albanie et du Kosovo, la création de voies de communications pour expédier des marchandises et pourvoir à la migration économique de la population. [25]

Un compte-rendu de nouvelles italien de la visite a signalé que "l'Albanie a également cédé au Kosovo le port adriatique de Shendjin (Shengjin), donnant ainsi à l'état nouvellement indépendant une issue vers la mer." [26]

Selon les propres termes de Berisha, "le port de Shengjin est maintenant l'issue à la mer du Kosovo ".[27] Accès à l'Adriatique que la Serbie n'a plus depuis l'éclatement de l'Union de la Serbie et du Monténégro il y a trois ans.

Son homologue, l'ancien chef  de bande Hashim Thaci, s'est fait l'écho de la déclaration précédente de son invité en disant "Les Albanais vivent dans de nombreux pays, mais nous sommes une seule nation. Les pays de la région ont deux pays amis au Kosovo et en Albanie, pays partenaires, pour la coopération, la paix et stabilité, pour l'investissement dans la région et pour l'intégration européenne." [28]

Le premier ministre albanais a été cité sur le site web du président du Kosovo le 7 octobre promettant que "l'Albanie aidera le Kosovo de toutes les manières possibles. L'Albanie est résolue à renouveler, de la manière la plus rapide possible, tous ses liens infrastructurels avec le Kosovo. Dans les quatre prochaines années, la construction de l'autoroute Qafe Morine–Shkoder sera terminée et cela donnera au Kosovo occidental un accès rapide à la mer. L'année prochaine, mon gouvernement mettra en œuvre une étude de faisabilité et élaborera le projet d'un chemin de fer Albanie-Kosovo. De nombreuses autres lignes infrastructurelles sont et seront construites. [29]

Berisha a également rencontré le commandant de la Force du Kosovo de l'OTAN (KFOR), le Lieutenant général allemand Markus Bentler et il a dit "Les troupes albanaises pourraient faire partie de la KFOR" avant de déposer une couronne sur la tombe d' Adem Jashari, le premier commandant de l'ALK. [30]

Le jour précédent de la réunion Berisha-Thaci à Pristina, l'accommodant gouvernement serbe du Président Boris Tadic et du Ministre des affaires étrangères Vuk Jeremic se sont avérés d'accord sur les raisons pour lesquelles les intentions de l'OTAN et les intentions pan-albanaises dans la région ont rencontré peu d'opposition. Jeremic, tout en déclarant pour la forme que sa nation n'adhérerait pas  à l'OTAN dans l'avenir immédiat (bien qu'elle ait rejoint le programme transitoire de Partenariat pour la Paix), a déclaré «Nous poursuivons une étroite coopération parce que l'OTAN est le facteur le plus important pour assurer la sécurité dans le monde.»

Un site d'actualités russe informant de cette affirmation a rappelé à ses lecteurs que " en 1999 les forces aériennes de l'OTAN ont bombardé Belgrade et d'autres villes serbes en soutenant les séparatistes albanais du Kosovo. Puis plus de 3 000 Serbes sont morts et des dizaines de milliers de personnes ont été blessées. L'OTAN a également fait la promotion de la séparation du Kosovo de la Serbie...." [31]

A la fin du mois dernier l'amiral américain James Stavridis, chef du Commandement Européen des USA et Commandant Suprême Allié  en Europe de l'OTAN, ont assisté à une réunion de Charte de l'Adriatique que Washington a signé avec l'Albanie, la Macédoine, la Croatie, la Bosnie et le Monténégro en 2003 pour les préparer eux et en réalité l'ensemble des Balkans à l'adhésion à l'OTAN. Stavridis est ensuite parti pour la Croatie pour superviser les manœuvres de guerre multinationales Jackal Stone 09 dont l'objectif était  "d'améliorer avec succès la capacité des participants à mener des opérations de contre-insurrection."le 

Co-organisé par le Commandement des Opérations Spéciales Europe des États-Unis , le commandant de ce dernier,  le Major General Frank Kisner a vanté le  succès de l'exercice : «Cette planification ininterrompue a réuni les représentants de 10 Nations et leur a permis d'exécuter efficacement une multitude de tâches dans les airs, sur terre et sur mer. [32]

Jackal Stone 09 a été le premier exercice militaire mené en Croatie depuis son entrée dans l'OTAN au début de cette année. Des responsables des États-Unis et l'OTAN ont à maintes reprises affirmé qu'après la Croatie et Albanie, la Macédoine, la Bosnie et le Monténégro allaient les premiers devenir membres à part entière et que la Serbie et le Kosovo viendraient ensuite.

Le 2 octobre la Bosnie a présenté au Secrétaire général de l'OTAN Anders Fogh Rasmussen une demande formelle d'un plan d'action pour l'adhésion, à l'OTAN une demande de facto d'adhésion à part entière. Rasmussen a déclaré, «je crois que cette demande est la meilleure route pour une stabilité durable dans la région euro-atlantique. C'est ma vision pour que tous les pays des Balkans occidentaux soient intégrés dans l'OTAN.» [33]

L'OTAN a utilisé plusieurs prétextes pour une intervention militaire dans les Balkans au cours des quinze dernières années, bon nombre de ces prétextes étant contradictoires comme avec le Kosovo contre la République serbe de Bosnie et avec le Kosovo dans son ensemble contre le Nord Kosovska Mitrovica. Son intention, cependant, n'a pas varié et elle persiste: pour absorber chaque nation et pseudo-nation de la région dans ses rangs et recruter parmi  ses nouveaux membres et partenaires pour des guerres plus lointaines.

Le séparatisme armé a été l'outil utilisé pour commencer l'éclatement de la République fédérale socialiste de Yougoslavie en 1992, un processus qui a maintenant fragmenté cette nation en ses six républiques fédérales constitutives et dans le cas du Kosovo arraché une province à une ancienne république.

Mais la refonte des frontières nationales, avec les perturbations et la violence qu'elle implique inévitablement, n'est pas terminée.

Le Kosovo est indiscutablement une boîte de Pandore au fond de laquelle l'espoir n'attend pas  nécessairement. Il reste une étincelle potentielle, capable d augmenter le danger, comme on l'a vu précédemment,  pour "déstabiliser la situation dans les Balkans et déclencher une guerre sur le continent, similaire à celle de la fin des années 1990."

Traduction:  André Compte pour
Mondialisation.ca

Notes

1) Wikipedia
2) Black Sea Press, August 6, 2009
3) Voice of Russia, August 20, 2009
4) Ibid
5) Ibid
6) New Kosova Report, December 20, 2009
7) Kosovo Times, June 9, 2009
8) Kosovo Times, June 8, 2009
9) Kosovo Times, May 27, 2009
10) NATO, Supreme Headquarters Allied Powers Europe, February 18, 2009
11) Southeast European Times, May 21, 2009
12) Makfax, August 17, 2009
13) New Kosova Report, May 20, 2009
14) Focus News Agency, August 13, 2009
15) Sofia News Agency. August 16, 2009
16) Tanjug News Agency, September 4, 2009
17) NATO, Kosovo Force, September 16, 2009
18) Beta News Agency, September 15, 2009
19) Tanjug News Agency, September 23, 2009
20) Makfax, October 2, 2009
21) Washington Times, May 3, 2009
22) FoNet, September 11, 2009
23) Russia Today, October 5, 2009
24) Voice of Russia, October 6, 2009
25) Ibid
26) ADN Kronos International, October 6, 2009
27) B92, October 6, 2009
28) B92, Beta News Agency, Tanjug News Agency, October 6, 2009
29) President of the Republic of Kosovo, October 7, 2009
30) Beta News Agency, October 7, 2009
31) Voice of Russia, October 5, 2009
32) United States European Command, September 28, 2009
33) NATO, October 2, 2009