Quel fil peut bien relier les ministres ou anciens ministres Emmanuel Macron, Fleur Pellerin et Najat Vallaud-Belkacem, la présidente du conseil régional d’Île-de-France Valérie Pécresse, les journalistes Jean-Marie Colombani et Christine Ockrent, l’homme d’affaires Alain Minc, le banquier Matthieu Pigasse (l’un des propriétaires du Monde SA) ou encore l’ancien premier ministre Alain Juppé ? Tous ont effectué un passage par la French-American Foundation dans le cadre de son programme « Young Leaders ». Tout comme cinq cents autres personnalités françaises, parmi lesquelles le président François Hollande lui-même.
Depuis 1981, cette fondation privée organise des séminaires de deux ans où une douzaine de jeunes Français côtoient les élites américaines de la même classe d’âge. Officiellement, l’objectif est de favoriser le dialogue franco-américain. En réalité, il s’agit de bien faire comprendre aux futurs décideurs français — entrepreneurs, responsables politiques, journalistes — les bienfaits de la mondialisation à l’anglo-saxonne. Certes, on constatera ultérieurement que, ici ou là, l’opération de séduction a échoué (avec M. Nicolas Dupont-Aignan, par exemple). Mais, dans l’ensemble, ces jeunes gens effectueront une brillante carrière au sein des structures de pouvoir et dans les affaires. Des personnalités qui ne feront pas dans l’antiaméricanisme…
Ce programme est révélateur de la stratégie d’influence des États-Unis. Celle-ci s’exerce de manière encore plus spectaculaire à travers le pantouflage des élites, notamment européennes, dans de grandes entreprises américaines. Dernier exemple en date — ô combien symbolique : la décision de M. José Manuel Barroso de rejoindre la banque Goldman Sachs. L’ancien président de la Commission européenne va mettre son expérience et son carnet d’adresses — où figurent notamment tous les dirigeants politiques de l’Union — au service de ce prestigieux établissement… qui a participé au maquillage des comptes de la Grèce pour lui faire intégrer l’euro.
M. Barroso n’est pas le seul commissaire à se reconvertir dans des fonctions lucratives : ce fut le cas récemment de Mme Neelie Kroes (Bank of America) et de M. Karel De Gucht, négociateur et thuriféraire du grand marché transatlantique (CVC Partners). M. Mario Draghi est, quant à lui, directement passé de Goldman Sachs à la présidence de la Banque d’Italie, puis à celle de la Banque centrale européenne (BCE) (1).
Ces allers-retours entre public et privé relèvent de pratiques courantes aux États-Unis. Sous la présidence de M. William Clinton, les instigateurs de l’abrogation — réclamée par Wall Street — du Glass-Steagall Act de 1933, qui séparait banques de dépôt et banques d’affaires, se sont facilement reconvertis dans de grands établissements financiers. Le big business sait récompenser ceux qui l’ont bien servi. À la tête de la Réserve fédérale (FED) de 2006 à 2014, M. Ben Bernanke a favorisé la création monétaire au profit des acteurs financiers en déversant 8 000 milliards de dollars dans l’économie au nom du sauvetage des banques. En 2015, il a intégré Citadel, l’un des principaux fonds d’investissement du pays. La même année, M. Timothy Geithner, l’un des protégés de M. Clinton, ancien secrétaire au Trésor de M. Barack Obama, a rejoint Warburg Pincus, un grand fonds d’investissement.
Le monde des affaires sait aussi miser sur ceux qui, demain, pourront faire prévaloir ses intérêts, lui ouvrir les portes des administrations, relayer son discours. Aux États-Unis, bien sûr, mais aussi dans le reste du monde. Cette stratégie permet de rendre désuet le recours aux pots-de-vin et autres enveloppes. Plus besoin de corrompre ! Fini aussi le chantage direct, les menaces, pour obtenir un marché ou des renseignements. On fait désormais dans le soft power, le lobbying.
Le coup d’envoi en France de cette stratégie de l’influence, que d’aucuns pourraient qualifier de trafic d’influence, a été donné en 1986 lorsque Simon Nora, figure tutélaire et emblématique de la haute administration, a intégré à 65 ans la banque d’affaires Shearson Lehman Brothers, devenue par la suite Lehman Brothers. Au cours de la décennie 1990, la mondialisation a accéléré le pantouflage. Désormais, les grands établissements financiers américains, qui veulent pénétrer le marché français et européen, font leurs emplettes au sein de l’élite hexagonale. Toute une génération d’énarques et d’inspecteurs des finances approche de l’âge de la retraite. Leur salaire en tant que hauts fonctionnaires, dirigeants de banques hier nationalisées ou de grandes entreprises, pour être correct, n’avait cependant rien à voir avec ceux pratiqués outre-Atlantique. Banques et fonds d’investissement leur font miroiter la perspective de gagner en quelques années autant que durant toute leur carrière passée. Tentant ! D’autant qu’ils éprouvent le sentiment d’aller dans le sens de l’histoire.
C’est ainsi qu’en 1989 Jacques Mayoux, lorsqu’il était fonctionnaire, président de la Société générale, est devenu le représentant de Goldman Sachs à Paris. Il a été suivi de beaucoup d’autres. À commencer par M. Philippe Lagayette, ancien directeur de cabinet de M. Jacques Delors lorsqu’il était ministre de l’économie, des finances et du budget, ancien directeur général de la Caisse des dépôts, qui rejoignit JP Morgan en 1998. Les énarques dits « de gauche » ne sont pas les derniers à succomber aux sirènes de ce capitalisme de connivence. Ces personnalités sont choisies et touchent de confortables honoraires pour ouvrir les portes et pour faciliter les fusions et les rachats d’entreprises françaises que lanceront les banques.
Au fil des ans, des centaines de sociétés sont passées de main en main par le biais d’achats à effet de levier (leverage buy-out ou LBO). Chaque fois, les banques d’affaires touchent une commission, leurs dirigeants français ayant bien mérité leurs émoluments. Peu importe, finalement, que la France se désindustrialise, que les salariés soient licenciés pour accroître le rendement du capital, que les déficits commerciaux se creusent. L’essentiel n’est-il pas de saisir la vague de cette finance triomphante ? Hier, ou plutôt avant-hier, les fonctionnaires issus des grands corps de l’État — s’ils pantouflaient déja — s’estimaient investis d’une mission : ils servaient la nation. À partir des années 1990, les mentalités changent. La mondialisation a transformé les missionnaires en mercenaires. Le capitalisme débridé a remplacé le capitalisme d’État.
Ce mouvement s’est amplifié au fil des ans. En 2004, M. Charles de Croisset, ancien président du Crédit commercial de France (CCF), a marché dans les traces de Mayoux en devenant conseiller international chez Goldman Sachs et vice-président de Goldman Sachs Europe. Les branches françaises des cinq grandes banques d’investissement américaines sont toutes dirigées par un énarque (2). M. Jean-François Cirelli, ex-dirigeant de Gaz de France et d’Engie, ancien membre du cabinet du président Jacques Chirac, vient de rejoindre la filiale pour la France et le Benelux de BlackRock. Peu connu du grand public, ce fonds est le premier gestionnaire d’actifs du monde (5 000 milliards de dollars).
Tout aussi symbolique est le parcours de Mme Clara Gaymard. Cette énarque, épouse de M. Hervé Gaymard, ministre de M. Chirac, avait été nommée en 2003 déléguée aux investissements internationaux. De quoi étoffer son carnet d’adresses, l’un des plus fournis de l’énarchie. En 2006, General Electric (GE) lui proposa de prendre la tête de son antenne France, puis la vice-présidence de GE International, l’entité chargée des grands comptes et des relations avec le gouvernement. Elle a servi d’intermédiaire lors du rachat par GE de la division énergie d’Alstom, au printemps 2014. Une fois l’opération achevée, le président du groupe, M. Jeffrey R. Immelt, s’est séparé d’elle brusquement, mais, soyons-en sûrs, avec de bonnes compensations. Pendant dix ans, Mme Gaymard a été l’un des relais essentiels de l’influence américaine en France : membre de la Trilatérale (3), présidente de la Chambre américaine de commerce, membre du conseil d’administration de la French-American Foundation.
Proposer de belles fins de carrière aux seniors, miser sur quelques personnages-clés dans le Tout-Paris médiatico-politique, investir dans de jeunes cadres prometteurs : tels sont les axes de ce soft power qui s’exerce aux quatre coins de la planète. Cet investissement dans la jeunesse se retrouve dans le cas d’Alstom : à la demande du gouvernement français, GE a promis de créer 1 000 emplois nets en France sur trois ans. Mais le groupe s’est au passage engagé à recruter 240 jeunes de haut niveau à la sortie des grandes écoles pour ses « programmes de leadership ». Ces derniers se verront proposer une carrière accélérée chez GE, aux États-Unis et dans le reste du monde. Une opération fort habile de captation des cerveaux ; une manière aussi de vider un peu plus la France de ses forces vives.
Car l’expatriation des capitaux s’accompagne désormais d’un exode des jeunes diplômés vers les États-Unis, mais aussi vers Londres, Singapour ou ailleurs. Ce sont bien souvent les enfants de cette nouvelle caste de managers mercenaires, les relations des parents aidant à leur trouver des postes intéressants dans les multinationales. Dans ce monde globalisé, les élites françaises ont adopté les mêmes comportements et les mêmes ambitions que leurs homologues américaines.
Der Untertitel dieses Buches, Über die Unvereinbarkeit von Sozialstaat und Masseneinwanderung, ist dagegen irreführend. Das ist gut so. Zu diesem Thema gäbe es schließlich wirklich nichts mehr zu sagen. Wer bis jetzt nicht begriffen hat, daß ein Solidarsystem nur aufgrund der Exklusivität seiner Leistungen funktionieren kann, daß auf gut Deutsch „wir nicht das Sozialamt der Welt sein können“, ohne unsere Sozialsysteme durch Überbeanspruchung in den Zusammenbruch zu treiben, der wird es nie verstehen.
Zum Glück hat Rolf Peter Sieferle (1949-2016) weit mehr zu bieten als diese Trivialität. In Das Migrationsproblem versucht er das Phänomen der Masseneinwanderung innerhalb des funktionalen Rahmens der heutigen westlichen Demokratie zu erklären und geschichtlich einzuordnen. Das alles geschieht auf knappen 124 Seiten. Sieferles Problem besteht daher nicht, wie der Titel befürchten ließ, in der ewigen Wiederholung des bereits Gesagten. Im Gegenteil: Bei diesem Großessay – das Wort „Studie“ taugt hier wirklich nicht – muß er sich den Vorwurf gefallen lassen, die Masse gebündelt präsentierter Einsichten kaum zusammenhalten zu können.
Ebenso lesbar wie umfassend
Trotz des Mangels an innerer Struktur bleibt das Buch jedoch ebenso lesbar, wie es umfassend ist. Es gelingt Sieferle vom Kern seiner Erörterung, der destruktiven Wechselwirkung zwischen Sozialstaat und Einwanderung, in welcher der Sozialstaat die Einwanderer anzieht und diese den Sozialstaat überdehnen, Verbindungen in fast alle Richtungen aufzubauen.
Er beginnt mit den Ursachen der Migration und macht deutlich, daß es angesichts der Bevölkerungsexplosion der Dritten Welt keinen relevanten Unterschied zwischen Wirtschaftsmigranten und Bürgerkriegsflüchtlingen gibt. Vom welthistorisch unvermeidlichen Rückgang der „Bürgerschaftsrente“ in den alten Industrieländern geht er über zur Entlarvung der verschiedenen Narrative, mit denen die Politik der Masseneinwanderung ihr Handeln bemäntelt.
Einwanderer stoßen nicht in „leere Räume“
Insbesondere eine einfache Erkenntnis verdient es gerade auch von den Gegnern des multikulturellen Experiments zur Kenntnis genommen zu werden: Die derzeitige Masseneinwanderung hat nichts mit der rückläufigen Demographie der entwickelten Länder zu tun. Diese ist vielmehr eine gesunde Entwicklung in einer Zeit, in der das Massensterben durch Infektionskrankheiten glücklicherweise der Vergangenheit angehört.
Die „Invasoren“ (org. Sieferle) stoßen nicht in leere Räume vor. Im Gegenteil, sie ziehen normalerweise aus dünner besiedelten in dichter besiedelte Gebiete. Sieferle leugnet nicht den von Gunnar Heinsohn postulierten demographischen Druck des Jugendüberschusses, aber die komplementäre Idee eines demographischen Soges aus dem kinderarmen Europa, der ja immer ein „selber schuld“ impliziert, verweist er ins Reich der Legenden. Dasselbe gilt für die sich selbst so bezeichnende antiimperiale Ideologie, die die Armut der Dritten Welt durch angeblich ausbeuterischen Handel mit der Ersten erklärt. Als ob diese Länder nicht schon lange vor der Kolonialzeit arm gewesen wären und das Handelsvolumen der Industrieländer untereinander nicht ihren Warenaustausch mit den Entwicklungsländern um ein Mehrfaches überstiege.
Die ochlokratische Degeneration
Dabei spricht Sieferle den Europäern keineswegs die Verantwortung für ihr derzeitiges Dilemma ab. Im Gegenteil, er betrachtet ihre gegenwärtigen politischen Systeme als unreformierbar korrumpiert. Manchmal beschleicht einen dabei der Verdacht, der unspektakuläre Titel des Buches diene der Verschleierung, um zumindest das Geschrei der Sorte bundesrepublikanischer Kritikaster abzuhalten, die solch ein Buch sowieso nicht lesen, aber bei einer treffenderen Inhaltsbeschreibung schon wegen des Titels in das übliche Gekreische verfallen wären.
Sieferle sieht unsere Demokratie jedenfalls in vollem ochlokratischen Verfall, der sich an der steigenden Staatsverschuldung, die ja nichts anderes als Konsum auf Pump ist, geradezu messen lasse. Kurz erörtert er die Probleme der verschiedenen Formen staatlicher Degeneration um schließlich die Frage zu stellen, ob das chinesische System nicht besser geeignet wäre die Nachhaltigkeitsprobleme des 21. Jahrhunderts zu bewältigen.
Universalistische Ethik und tribalistische Moral
In dieser Ochlokratie wirke nun die universalistische Ethik der Gleichheitsideologie katastrophal. Das infantilisierte Volk wähle auch in der Ethik den Weg des geringsten Widerstandes und finde nichts dabei, sich durch die Aufnahme unintegrierbarer „Barbaren“ (org. Sieferle) jenes gute Gewissen zu kaufen, daß in den Wohlfahrtszonen zum Lebensstandard gehöre.
Hier liegt jedoch auch die größte Schwäche des Buches. Sieferle, der sonst weit mehr Erscheinungen erörtert, als hier behandelt werden können, schweigt sich über die Entstehung und Verbreitung der multikulturellen Ideologie aus. Sie scheint ihm vom Himmel gefallen, ein unabwendbares Schicksal der abendländischen Zivilisation. Lediglich den Nationalsozialismus macht er als Ursache aus. Hier verfällt Sieferle jenem ganz speziellen konservativen Auschwitzkult, der Hitler die Schuld am eigenen Versagen zuschiebt. Angesichts eines solchen Verhängnisses kommt es ihm gar nicht mehr in den Sinn sich zu fragen, ob die gegenwärtige metapolitische Misere nicht vielmehr das Ergebnis harter propagandistischer Arbeit der Linken war, die mit ebensolchen Anstrengungen auch in die Mülltonne der Geschichte getreten werden kann. Stattdessen nimmt das Buch entschieden defätistische Züge an.
Wieder einmal die Deutschen
Mit dem Holocaust als Ursache des Multikulturalismus stößt Sieferle auch auf eine merkwürdige Version der These vom deutschen Sonderweg, die sich durch das ganze Buch zieht. Gerade Deutschland erscheint ihm als das unangefochtene Zentrum und der Ausgangspunkt des multikulturellen Wahnsinns. Damit verglichen sei der restliche Westen noch relativ normal. In seinem anderen Nachlaßwerk, Finis Germania, wird dies noch deutlicher, gepaart mit einer für solche Ansichten nicht untypischen Anglophilie, die das gegenwärtigen England und Amerika, aber auch Frankreich als „bürgerlich-aristokratische Welt“ bezeichnet.
Angesichts des jahrzehntelang von keiner Polizei behinderten Handels pakistanischer Banden mit englischen Mädchen, den regelmäßig brennenden französischen Vorstädten und der absurden Exzesse amerikanischer social justice warriors, dürften jedoch alle auf deutsche Besonderheiten verweisenden Erklärungen der multikulturellen Ideologie schwer haltbar sein. Damit ist es freilich auch nicht möglich, sich durch den Verweis auf ein angebliches geschichtliches Verhängnis von der eigenen Handlungsverantwortung loszusprechen.
Die eigentlichen Probleme
Sehr sinnvoll ist hingegen Sieferles Einordnung des Migrationsproblems in die geschichtlichen Horizonte unserer Zeit. Angesichts seiner langjährigen Beschäftigung mit dem Thema ist es nicht verwunderlich, daß er hier vor allem an die unbewältigten energiewirtschaftlichen Fragen unserer industriellen Zivilisation denkt. Die gegenwärtige Wirtschaftsweise zerstöre rasch die eigenen Grundlagen und eine neue Nachhaltigkeit sei nur durch massive technologische Durchbrüche – und keineswegs durch Nullwachstum – möglich.
Ob ein islamisiertes oder afrikanisiertes Europa zu dieser tatsächlichen Menschheitsaufgabe seinen Beitrag wird leisten können, sei doch mehr als fraglich. Mit dieser Einordnung zeigt Sieferle das Migrationsproblem als das auf, was es letztlich ist: Ein neuer Barbarensturm, den wir angesichts drängendster anderer Probleme derzeit brauchen können wie einen Kopfschuß.
Rolf Peter Sieferle: Das Migrationsproblem. Über die Unvereinbarkeit von Sozialstaat und Masseneinwanderung. Die Werkreihe von TUMULT#01. Hg. von Frank Böckelmann. 136 Seiten.
Bildhintergrund: Regina Sieferle (privat), CC-BY-SA 4.0