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lundi, 20 juin 2016

Sopravvivere al collasso economico

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Du salut

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Du salut

 

de Vautrin, docteur d'État et ancien maître de Conférences

Ex: http://www.lesobservateurs.ch

En politique comme en religion, il y a toujours un Guide (Führer), voire des Guides, chargés de mener le peuple sur le chemin du Salut.

Je ne parle pas ici des hommes ayant reçu le pouvoir en délégation, capables d’analyser assez exactement les situations politique, sociale, économique, pour y apporter en accord avec les citoyens les solutions raisonnables qu’elles demandent. Ces gens-là sont très rares, en général maîtres d’eux-mêmes – ce qui est la moindre des qualités attendues de ceux à qui on délègue le pouvoir – pragmatiques et jamais messianiques. Ils ont conscience de la responsabilité qu’entraîne leur charge, et sont toujours prêts à rendre compte de leurs actes devant le peuple.

Et puis il y les autres. Tous les autres. Parmi eux, naturellement, une foule de margoulins devenus potentats par goût du pouvoir et par intérêt. Ceux-là, sous couvert de servir, se servent. Les exemples contemporains ne manquent pas.  Le cas le plus grave se rencontre lorsque le potentat combine les éléments de la démence, de l’idéologie et/ou de la croyance, et de l’anthroponomie. On a alors affaire à un Guide. Véritable ou mythique, Mahomet en est un modèle, mais on peut citer d’autres beaux modèles comme Robespierre, Lénine, Hitler et tutti quanti.

C’est toujours la même histoire : la multitude des hommes est déchue, stupide et aveugle. Donc elle croupit dans le péché, l’erreur et la misère. Elle est vouée à l’Enfer, dans l’au-delà ou bien dans cette vallée de larmes. Heureusement, il y a des Hommes Exceptionnels ayant reçu la Vérité en partage : ceux-là sont destinés à guider la multitude vers le Salut. Le Salut, remarquons-le, varie en fonction des Guides. Dans le cas des religieux, c’est parfois la Béatitude Éternelle dans un Paradis d’êtres soit décérébrés soit fort lubriques. Dans le cas des politiques, c’est la Société Idéale où toutes les rues suivent la bonne pente et tous les sujets, loin d’être des citoyens, sont eux aussi privés de raison. Ou une société perverse comme elle transpire dans les écrits de Foucault.

La démence est de croire que l’on a reçu la Vérité : tel est le point de départ de la guidance. Car cela suppose deux conditions : qu’il existe une Vérité et qu’elle soit connaissable. Or si elle existait, elle serait soit transcendante, soit immanente. Transcendante, elle serait donc d’ordre divin : il faut croire et surtout être Élu pour la connaître. C’est le privilège de ceux qui ont eu à quelque moment la Révélation, ceux qu’un Dieu désinvolte a choisis au hasard pour être les plus fous parmi les fous et passer pour les plus sages parmi les sages. Joli programme ! Immanente, la Vérité serait de l’ordre des choses, de la Nature. Mais comme à l’épreuve, le « réel » résiste à la connaissance, il faut bien y suppléer par le langage, c’est-à-dire en construire une représentation  logique. Car, notez-le, le fou est assez rarement illogique : il faudrait pour cela qu’il ait perdu le langage (je m’en expliquerai peut-être plus tard). C’est ainsi que l’on fabrique des systèmes politiques comme le « socialisme scientifique » dont les Penseurs ont reçu l’Illumination.

Tout ce beau monde croit dur comme fer à ses chimères. C’est un des symptômes assez répandus de la psychose. En réalité, la Vérité n’a pas davantage de consistance que l’Avenir : elle n’est rien d’autre que, dans un raisonnement, un jugement de valeur, la satisfaction procurée par la conformité du langage à lui-même, le quod erat demonstrandum (CQFD) attestant qu’on a réussi à enchaîner les propositions sans contradiction. Mais pour l’Élu comme pour l’Illuminé, la Vérité est une réalité, elle est littéralement réifiée, ce qui suffit à le distinguer de la masse crétine. On comprend que dès lors, le passage au messianisme est inévitable. Je suis frappé par la ressemblance entre les prophètes de tout poil et le Président Schreber.

Schreber, Daniel, Paul, a relaté ses délires dans les Mémoires d’un névropathe. Freud l’a pris pour un paranoïaque, mais il y a tout lieu de penser qu’il était paraphrène. En tous cas, il entend des voix (comme Mahomet avec l’ange Gabriel, ou Moïse sur la montagne) et se tient en relation avec Dieu par l’intermédiaire de « nerfs », mais son corps est modifié (comme les anges ont lavé le cœur de Mahomet) de telle manière qu’il puisse rédimer l’humanité, c’est-à-dire faire naître de nouveaux humains qui retrouveraient la béatitude perdue. Voilà le messianisme. C’est la certitude de la Vérité et la Mission concomitante. En cherchant bien, on retrouverait cela chez les politiques, des « Hommes Providentiels » qui ont pour mission d’éclairer les pauvres peuples et les conduire dans la promesse de l’Aube de la Raison, vers la société idéale. Platon était de ceux-là, comme Lénine ou n'importe quel hurluberlu socialiste. Le Guide a « le sens de l’Histoire », comme si l’histoire était un devenir convergeant vers un point oméga fixé à l’avance.

De tels délires, malheureusement, sont partagés et finissent par donner un corps de doctrine figé, l’idéologie, que des militants s’acharnent à propager. Évidemment, il y a toujours des hérétiques, des apostats, et des relaps. D’où des querelles de chapelles et souvent de sanglantes luttes d’influence. On a vu s’affronter léninistes et trotskystes, on voit s’affronter chiites et sunnites dans des combats à mort. Ce qui, tout compte fait, n’est pas vraiment déplorable.

Car, dit Karl Popper (La société ouverte et ses ennemis, Le Seuil, 1979), « vouloir le bonheur du peuple est, peut-être, le plus redoutable des idéaux politiques, car il aboutit fatalement à vouloir imposer aux autres une échelle de valeurs supérieures jugées nécessaires à ce bonheur. » En effet : le Guide et ses sbires clament surtout à qui ne veut pas entendre qu’hors d’ici, point de Salut. La doctrine est imposée à toute la société qu’elle vise à transformer, et très généralement au prix d’un assujettissement des citoyens. La démence et l’idéologie vont de pair avec l’anthroponomie. Ce mot n’est pas courant : le Reverso en donne une glose erronée, le Wikitionnaire ne fait pas mieux. Il désigne une manie réglementante, qui consiste à dicter aux hommes, au besoin par la force, la manière de se conduire dans la vie publique comme dans la vie privée. L’anthroponomie s’oppose très exactement à l’autonomie des citoyens. Notre vie privée est envahie de « normes » édictées par le pouvoir politique ou religieux sous divers prétextes, par exemple le format des prises de courant ou l’obligation de placer des détecteurs de fumée dans sa maison. Pourquoi pas la recette de la soupe aux poireaux ?

najat-vallaud-belkacem-obligee-de-se-forger-une-carapace.jpgCette anthroponomie est magnifiquement illustrée par cette déclaration de Lala Najat Belkacem, ministre au moment où j’écris : « Nous avons choisi le plus souvent d’inciter par la loi, mais imposer est parfois la façon de changer les choses. » Il faut vraiment être possédé par la Vérité pour proférer cet aveu. Le Guide seul ne peut pas tout : il doit être complété par le Législateur et le Flic pour conduire au Salut la masse obscurantiste. Frédéric Bastiat, dans La Loi analyse les rapports du tyran au législateur : « quand la Loi, — par l'intermédiaire de son agent nécessaire, la Force, — impose un mode de travail, une méthode ou une matière d'enseignement, une foi ou un culte, ce n'est plus négativement, c'est positivement qu'elle agit sur les hommes. Elle substitue la volonté du législateur à leur propre volonté, l'initiative du législateur à leur propre initiative. Ils n'ont plus à se consulter, à comparer, à prévoir ; la Loi fait tout cela pour eux. L'intelligence leur devient un meuble inutile ; ils cessent d'être hommes ; ils perdent leur Personnalité, leur Liberté, leur Propriété. » On ne saurait mieux dire.

Il faut donc se garder de ces illuminés qui se posent en Guides : ce sont des aliénés, des ennemis du genre humain. Quiconque se propose de créer un « homme nouveau » ou une société idéale est nécessairement un tyran, même si, tel le geai se parant des plumes du paon, il se déguise avec les oripeaux de la démocratie. Un tyran : non un dictateur. Dans des conditions de péril, un peuple peut choisir de déléguer pour une durée déterminée un pouvoir discrétionnaire à un dictateur qui, au bout de son mandat, doit remettre le pouvoir et rendre compte de l’usage qu’il en a fait. Le tyran, pour sa part, capte le pouvoir, ne le rend jamais, et en use selon son bon plaisir et son mauvais délire. Le tyran peut être un personnage singulier ou toute une institution gouvernementale, exécutif seul ou s’appuyant sur un législatif, mais son modus operandi est toujours le même.

Une société si mal gouvernée parce que les citoyens ont perdu leur autonomie et le contrôle sur le gouvernement est une société malade de son –ou de ses- Guide(s) dément(s). Elle devient la proie d'intérêts financiers, le Guide devenant, volens nolens, le bras séculier des monopoles. Elle devient également fragile face aux menaces extérieures et intérieures, surtout lorsque l'Homme Nouveau est  façonné sans racines et sans histoire, dans un délire paranoïaque d'abolition des frontières et de relativisme outrancier. Nous vivons une de ces phases dangereuses. Vérifiez, je vous prie.

Vautrin

(Le nom de l'auteur est connu de la rédaction)

Brexit. Quel Brexit?

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Brexit. Quel Brexit?

Dominique Baettig
Médecin, Ancien Conseiller national
Ex: http://www.lesobservateurs.ch
 

L’heure de la sortie ( Brexit) s’approche ?  Il est permis de l’espérer et même de s’en réjouir quand on voit la déliquescence de l’Union européenne, son incapacité à faire respecter des règles et des limites  face à la déferlante migratoire, son hystérie grave anti-russse (deux poids deux mesures dans la lutte anti-hooligans), sa frénésie de sanctions contre les politiques des gouvernements récemment entrés dans l’Union et encore trop souverains. Sans parler des soutiens ambigus aux groupes islamistes syriens et l’ingérence militaire en Afrique. L’Union européenne ne fait pas envie, elle menace, sanctionne, exige, démonte, endette, impose une austérité qui ne profite pas à la population mais aux créanciers, on l’a vu en Grèce, où une pseudo opposition de gauche « souverainiste » s’est couchée pour pouvoir rester dans la Prison Centrale dont on ne peut s’échapper sans sanctions lourdes. Les anglais quitteront-ils  l’Union par un vote? On peut  malheureusement en douter car le Système ne permettra pas de retour démocratique, « populiste », en arrière. On vient de voir comment un candidat souverainiste autrichien, pourtant favori, s’est fait barrer l’accès par une coalition multicolore (rouge, verte, migrante, féministe, islamophile)  dans des conditions de dépouillement du vote par correspondance franchement douteuses et qui donneront lieu à un recours.

Parmi les stratégies de ceux qui ne veulent pas de souveraineté, tout, dans le domaine de la propagande émotionnelle, est permis. Le pâle parti UKIP (copie édulcorée de l’UDC), libéral, immigrationiste sélectif et partisan, à la Thatcher, d’une sortie light de l’Union en défendant un tout petit mieux les intérêts anglais se liquéfie à la première provocation violente. Un déséquilibré tire sur une députée anglaise en disant, parait-il « Britain First » et déjà les partisans du référendum se ramollissent : non, nous sommes gentils, pas nationalistes, nous aimons les migrants qui travaillent et concurrencent les indigènes fatigués, pas assez innovants. Nous resterons dans l’Union, nous ne sommes pas amis du Front national  français qui lui-même diabolise une partie de ses militants et refuse de collaborer avec d’autres souverainistes européens. Pas grand-chose à redouter de tels adversaires vite déstabilisés et manipulables pour la machinerie européenne et les milieux de la spéculation qui jouent sur des sondages favorables à la sortie pour engranger quelques bénéfices à cette occasion. Les partis politiques sont empêtrés dans le Système et ne feront rien de concret ou de sérieux. C’est aux citoyens européens de se réapproprier l’Economie locale de proximité, la démocratie directe pour mettre le maximum de freins, d’obstacles, de digues, d’encoubles à la libre circulation  des personnes et des services et au développement du Grand Marché européen, bientôt Transatlantique. Et tout faire pour arrêter les guerres d’ingérence au Proche-Orient, en Afrique du Nord qui  alimentent la migration illégale. Tout faire aussi pour mettre un terme à l’hystérie antirusse de l’Otan. Résistons, pour la paix, le respect mutuel, la démocratie et la souveraineté nationale, la promotion d’une politique de coopération et pas de sanctions et de menaces. Et ne nous laissons pas impressionner par les profiteurs qui annoncent avec le Brexit, la fin du Monde.

La construction européenne doit être revue, redimensionnée,  devenir vraiment fédéraliste et démocratique.

Le Brexit sera une opportunité pour remettre en route un processus inspiré du modèle suisse pour permettre aux citoyens européens de sortir de l’Empire.

Dominique Baettig  ancien Conseiller national, militant souverainiste,  Delémont.

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Une idéologie à la source de nos problèmes: le néolibéralisme

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Une idéologie à la source de nos problèmes: le néolibéralisme (The Guardian)

Ex: http://l-arene-nue.blogspot.com
 
Des économistes du FMI se demandaient récemment si le néolibéralisme n'avait pas été surestimé (voir leur texte ici). Leur texte était - évidemment - plein de précautions. Celui traduit ci-dessous n'en comporte aucune. Il est assez saisissant de se dire qu'il provient du Guardian britannique
L'intérêt du texte, mais plus encore la liberté du ton méritait une mise à disposition en français. La voici. 
 
*** 
 
Texte de George Monbiot traduit par Monique Plaza
 
Imaginez que  le peuple  de l'Union soviétique n'ait jamais entendu parler du communisme. Et bien pour la plupart d'entre nous, l'idéologie qui domine nos vies n'a pas de nom.  Parlez-en au cours d'une  conversation et vous obtiendrez en retour un haussement d'épaules. Même si vos auditeurs ont entendu le terme auparavant, ils auront du mal à le définir. Le « néolibéralisme » : savez-vous seulement ce que c'est ?
 
Son anonymat est à la fois un symptôme et la cause de sa puissance. Il a joué un rôle déterminant dans un très grand nombre de crises : la crise financière de 2007-2008, la délocalisation de la richesse et de la puissance, dont les Panama Papers nous offrent à peine un aperçu, le lent effondrement de la Santé publique et de l’Éducation, la résurgence du phénomène des enfants pauvres, l'épidémie de solitude, le saccage des écosystèmes, la montée de Donald Trump. Mais nous traitons ces crises comme si chacune émergeait de manière isolée, ne voyant pas qu'elles ont toutes été générées ou exacerbées par la même philosophie cohérente, une philosophie qui a - ou avait - un nom. Quel plus grand pouvoir que de pouvoir se déployer de manière anonyme ?
 
Le néolibéralisme est devenu à ce point omniprésent que nous ne le reconnaissons même pas comme une idéologie. Nous semblons accepter l'idée que cette foi utopique millénariste relève en fait d'une force neutre, une sorte de loi biologique, comme la théorie de l'évolution de Darwin. Pourtant, cette philosophie a bel et bien surgi comme une tentative consciente de remodeler la vie humaine et de modifier les lieu d'exercice du pouvoir.
 
Le néolibéralisme considère la concurrence comme la caractéristique principale des relations humaines. Il redéfinit les citoyens comme des consommateurs, dont les prérogatives démocratiques s'exercent essentiellement par l'achat et la vente, un processus qui récompense le mérite et sanctionne  l'inefficacité. Il soutient que « Le marché » offre des avantages qui ne pourraient jamais être atteints par quelque type de planification que ce soit. 
 
Les tentatives visant à limiter la concurrence sont considérées comme des dangers pour la liberté. L'impôt et la réglementation sont considérés comme devant être réduits au minimum, les services publics comme devant être privatisés. L'organisation du travail et la négociation collective par les syndicats sont dépeints comme des distorsions du marché qui empêchent l'établissement d'une hiérarchie naturelle entre les gagnants et les perdants. L'inégalité est rhabillée en vertu : elle est vue comme une récompense de l'utilité et un générateur de richesses, lesquelles richesses ruisselleraient vers le bas pour enrichir tout le monde. Les efforts visant à créer une société plus égalitaire sont considérés comme étant à la fois contre-productifs et corrosifs moralement. Le marché est supposé garantir que chacun obtienne ce qu'il mérite.
 
paulver781922070906.jpgOr nous intériorisons et reproduisons ces croyances. Les riches se persuadent qu'ils ont acquis leur richesse par le mérite, en ignorant les avantages - tels que l'éducation, l'héritage et la classe d'origine - qui peuvent avoir contribué à son obtention. Les pauvres tendent à se blâmer pour leurs échecs, même quand ils ne peuvent guère changer leur propre situation.
 
Peu importe le chômage structurel : si vous ne disposez pas d'un emploi, c'est parce que vous n'êtes pas entreprenant. Peu importe les coûts invraisemblables du logement : si votre compte bancaire est vide, c'est que vous êtes irresponsable et imprévoyant. Peu importe que vos enfants n'aient plus de terrain de jeu : s'ils deviennent gras, c'est de votre faute. Dans un monde régi par la concurrence, ceux qui échouent sont vus et s'auto-perçoivent comme perdants.
 
Paul Verhaeghe montre les conséquences de tout ceci  dans son livre What About Me ? : épidémies d'automutilation, troubles alimentaires, dépression, solitude, angoisse de la non-performance et phobie sociale. Il n'est pas surprenant que la Grande-Bretagne, où l'idéologie néolibérale a été appliquée le plus rigoureusement, soit la capitale de la solitude de l'Europe. Nous sommes tous d'authentiques néolibéraux à présent. 
 
***
 
Le terme « néolibéralisme » a été inventé lors d'une réunion à Paris en 1938. Deux délégués, Ludwig von Mises et Friedrich Hayek, ont alors défini les contours de cette idéologie. Tous deux exilés d'Autriche, ils considéraient  la social-démocratie, illustrée par le New Deal de Franklin Roosevelt aux États-Unis et par le développement progressif du welfare en Grande-Bretagne, comme les manifestations d'un collectivisme de même nature que le nazisme et le communisme.
 
hayekroad196x300.jpgDans La Route de la servitude, publié en 1944, Hayek a notamment souligné que toute forme de planification par un gouvernement conduisait inexorablement, en écrasant l'individualisme, à un contrôle social de type totalitaire. Tout comme Bureaucratie, le livre de Mises, La Route de la servitude a été énormément lu. Il a notamment attiré l'attention de certains très riches, qui ont vu dans cette philosophie une occasion de se libérer de la réglementation et de l'impôt. Lorsqu'en 1947, Hayek fonde la première organisation de promotion de la doctrine du néolibérale - la Société du Mont Pelerin - il est soutenu financièrement par des millionnaires et par leurs fondations.
 
Avec leur aide, il commence à créer ce que Daniel Stedman Jones décrit dans Les  Maîtres de l'Univers comme « une sorte d'Internationale néo-libérale » : un réseau transatlantique d'universitaires, d'hommes d'affaires, de journalistes et de militants. Les riches bailleurs de fonds du mouvement financent une série de groupes de réflexion pour affiner et promouvoir l'idéologie. Parmi eux, l'American enterprise Institute, la Heritage foundation, le Cato institute, l'Institut des affaires économiques, le Centre des études politiques et l'Institut Adam Smith. Ils financent également des postes et des départements universitaires, en particulier dans les universités de Chicago et de la Virginie.
 
En évoluant, le néolibéralisme est devenu plus virulent. L'idée de Hayek que les gouvernements devraient réglementer la concurrence pour empêcher la formation des monopoles a cédé la place - chez les apôtres américains comme Milton Friedman - à la croyance que la situation monopolistique pourrait être considéré comme une récompense de l'efficacité.
 
Quelque chose d'autre s'est produit au cours de cette transition : le mouvement a perdu son nom. En 1951, Friedman était heureux de se décrire comme un néolibéral. Mais peu après, le terme a commencé à disparaître. Plus étrange encore, alors même que l'idéologie devenait plus nette et le mouvement plus cohérent, le nom effacé n'a été remplacé par aucun substitut.
 
Dans un premier temps, en dépit du financement somptueux de sa promotion, le néolibéralisme est resté en marge. Le consensus d'après-guerre était quasi universel : les prescriptions économiques de John Maynard Keynes étaient largement appliquées, le plein emploi et la réduction de la pauvreté étaient des objectifs communs aux États-Unis et à une grande partie de l'Europe occidentale, les taux d'imposition supérieurs étaient élevés et les gouvernements  cherchaient avant tout des résultats sociaux, en développant de nouveaux services publics et des filets de sécurité.
 
Mais dans les années 1970, lorsque les politiques keynésiennes ont commencé à tomber en désuétude et que les crises économiques ont frappé des deux côtés de l'Atlantique, les idées néolibérales ont commencé à s'infiltrer dans le grand public. Comme le faisait remarquer Friedman, « lorsque le moment s'est présenté de changer d'orientation ... il y avait une alternative toute prête qui attendait ». Avec l'aide de journalistes sympathisants et de conseillers politiques, des éléments du néolibéralisme, en particulier ses prescriptions dans le domaine de la politique monétaire, ont été adoptés par l'administration de Jimmy Carter aux États-Unis et par le gouvernement de Jim Callaghan en Grande-Bretagne.
 
th0674-3x4-700x933.jpgAprès que Margaret Thatcher et Ronald Reagan eurent pris le pouvoir, le reste suivit : réductions d'impôts massives pour les riches, écrasement des syndicats,  déréglementation, privatisations, externalisation, concurrence dans les services publics. Grâce au  FMI, à la Banque mondiale, au traité de Maastricht et à l'Organisation mondiale du commerce, les politiques néolibérales ont été imposées - souvent sans le consentement démocratique des populations - dans une grande partie du monde. Le plus remarquable a été leur adoption par les partis qui appartenaient autrefois à la gauche : le Labour et les Démocrates, par exemple. Comme le fait remarquer Stedman Jones, « il est dur d'imaginer aucune autre utopie qui ait été aussi pleinement réalisée ». 
 
***
 
Il peut sembler étrange qu'une doctrine glorifiant le choix individuel et la liberté ait été promue avec le slogan « il n'y a pas d'alternative ». Mais, comme Hayek l'a fait remarquer lors d'une visite au Chili de Pinochet - l'une des premières nations où le programme néolibéral a été complètement appliqué - « ma préférence personnelle penche vers une dictature libérale plutôt que vers un gouvernement démocratique dénué de libéralisme ». La liberté que le néolibéralisme offre et qui semble si séduisante lorsqu'elle est exprimée en termes généraux, signifie la liberté pour le brochet, et non pour les vairons.
 
La liberté syndicale et la négociation collective signifie la liberté d'amputer les salaires. La liberté de la réglementation signifie la liberté d'empoisonner les rivières, de mettre en danger les travailleurs, d'imposer des tarifs iniques d'intérêt et de concevoir des instruments financiers exotiques. La liberté de l'impôt signifie la liberté de s’extraire de la redistribution des richesses qui permet de sortir des gens de la pauvreté. 
 
Comme le montre Naomi Klein dans La théorie du choc, les théoriciens néolibéraux ont préconisé d'utiliser les crises pour imposer des politiques impopulaires pendant que les gens étaient distraits comme, par exemple, à la suite du coup d’État de Pinochet, de la guerre en Irak et de l'ouragan Katrina, que Friedman a décrit comme « une occasion de réformer radicalement le système éducatif » à la Nouvelle Orléans.
 
Lorsque les politiques néolibérales ne peuvent pas être imposées directement aux pays en interne, elles le sont iau niveau international, par le biais des traités commerciaux incorporant des ISDS ( juridictions privées ad hoc dédiées au règlement des différends investisseur-État : voir à ce sujet une longue interview sur le TAFTA ici ) qui peuvent faire pression pour supprimer des protections sociales et des législations environnementales. Lorsque les Parlements de certains États ont par exemple voté pour restreindre les ventes de cigarettes, protéger l'approvisionnement en eau des compagnies minières, geler les factures d'énergie ou empêcher les firmes pharmaceutiques de voler l'état, des multinationales ont attaqué les États concernés au tribunal, souvent avec succès. La démocratie se réduit ainsi à un théâtre.
 
Un autre paradoxe du néolibéralisme est que la concurrence universelle repose sur la quantification universelle et la comparaison. Le résultat est que les travailleurs, les demandeurs d'emploi et les services publics de toute nature sont soumis à un ergotage procédurier, étouffant le régime d'évaluation et de surveillance, afin d'identifier les « gagnants » et de punir les « perdants ». La doctrine que Von Mises avait proposée pour nous libérer du cauchemar bureaucratique de la planification en a plutôt fabriqué un.
 
Le néolibéralisme n'a pas été conçu comme un self-service à visée d'extorsion, mais il en est rapidement devenu un. La croissance économique a été nettement plus lente dans l'ère néolibérale (depuis 1980 en Grande-Bretagne et aux États-Unis) qu'elle ne l'était dans les décennies précédentes, sauf pour les très riches. L'inégalité dans la distribution des revenus et la répartition des richesses, après 60 années de résorption, a augmenté rapidement depuis, en raison de l'écrasement des syndicats, des réductions d'impôt, de la hausse des loyers, des  privatisations et de la dérégulation. 
 
President_Reagan_during_a_meeting_with_members_of_Congress_1983.jpgLa privatisation ou la marchandisation des services publics tels que l'énergie, l'eau, les trains, la santé, l'éducation, les routes et les prisons a permis aux entreprises de mettre en place des péages, des loyers ou des dépôts de garantie, payables par les usagers et par les gouvernements. 
 
Au bout du compte, ces rentes ne sont ni plus ni moins que des revenus du capital, désignés d'une autre façon. Lorsque vous payez un prix artificiellement gonflé pour un billet de train, seule une partie du prix sert à rémunérer les opérateurs, les dépenses d'énergie, les salaires ou l'amortissement du matériel roulant. Le reste, c'est ce qu'on vous ponctionne. 
 
Ceux qui possèdent et dirigent les services privatisés ou semi-privatisés du Royaume-Uni amassent des fortunes prodigieuses en investissant peu et en facturant cher. En Russie et en Inde, les oligarques ont acquis des actifs de l’État à des prix dérisoires. Au Mexique, Carlos Slim a obtenu le contrôle de presque tous les services de téléphonie, et il est rapidement devenu l'un des hommes les plus riches du monde. 
 
La financiarisation, comme le note Andrew Sayer dans Why We Can’t Afford the Rich, a eu un impact similaire. « Comme la rente », soutient-il, « l'intérêt est... un  revenu du capital obtenu sans aucun effort ». Comme les pauvres deviennent plus pauvres et les riches plus riches, les riches acquièrent de plus en plus le contrôle d'un autre outil essentiel : la monnaie. Le paiements d'intérêt, à une écrasante majorité, permet un transfert financier des pauvres vers les riches. Comme les prix de l'immobilier et le retrait de l’État pèsent sur les personnes endettées (exemple : le remplacement des bourses d'études par des prêts aux étudiants), les banques et leurs dirigeants s'enrichissent à leur détriment.
 
Selon Sayer, les quatre dernières décennies ont été marquées par un transfert de richesse non seulement des pauvres vers les riches, mais également parmi les riches, depuis ceux qui gagnent de l'argent en fournissant de nouveaux produits ou services vers ceux qui en gagnent en contrôlant les actifs existants, en récoltant des loyers, des intérêts ou des gains de capital. Le revenu acquis a été supplanté par les revenus du capital non acquis. 
 
Mais partout, les politiques néolibérales se heurte à des défaillances du marché. Les banques sont devenues « too big to fail », et des sociétés privées sont désormais chargées de fournir les services publics. Comme souligné par Tony Judt, le raisonnement d'Hayek a omis le fait que les services publics vitaux n'avaient pas le droit  de s'effondrer, ce qui signifie que la concurrence ne peut pas suivre son libre cours. Dès lors, le monde du business prend les profit les bénéfices, mais les États conservent les risques.
 
Or plus l'échec apparaît comme grand, plus l'idéologie se radicalise. Les gouvernements utilisent les crises du néolibéralisme lui-même pour l'approfondir, s'en servant comme occasion de réduire les impôts, de privatiser les services publics restants, d'agrandir les trous dans les filets de sécurité sociale, de déréglementer les sociétés et de re-réglementer les citoyens. La haine de soi de l’État plante maintenant ses crocs dans l'ensemble des services publics. 
 
L'effet le plus dangereux du néolibéralisme ne réside peut-être pas les crises économiques mais les crises politiques qu'il génère. Dans la mesure où le domaine de l’État se réduit, notre capacité à changer le cours de nos vies par le vote se réduit également. A la place, la théorie néolibérale affirme que les gens peuvent exercer leur liberté choix en orientant leurs dépenses. Mais certains ont plus à dépenser que d'autres : dans la grande démocratie du consommateur ou de l'actionnaire, un vote n'équivaut pas à un autre vote. Le résultat est une déresponsabilisation des pauvres et de la classe moyenne. Comme les partis de droite et de l'ex-gauche adoptent des politiques néolibérales similaires, la déresponsabilisation tourne à la privation effective des droits. Un grand nombre de personnes ont été exclues de fait du débat politique. 
 
Chris Hedges note que « les mouvements fascistes s'appuient sur une base constituée non des actifs mais des inactifs politiques, des « perdants » qui  sentent, souvent à raison, qu'ils n'ont aucune voix ni aucun rôle à jouer ». Lorsque le débat politique ne s'adresse plus à lui, le peuple devient sensible aux slogans, symboles et sensations qui le remplacent. Pour les admirateurs de Trump, par exemple, les faits et les arguments semblent sans importance.
 
Judt explique pour sa part que lorsque le maillage épais des interactions normales entre les individus et l'État se réduit à l'exercice de l'autorité et à l'obéissance, la seule force qui nous reste et nous lie est le pouvoir décuplé de l’État. Le totalitarisme que Hayek craignait tant est plus susceptible de voir le jour dans une situation où les gouvernements ayant perdu l'autorité morale qui découle de la fourniture des services publics, sont réduits à « cajoler, menacer et finalement contraindre les gens à leur obéir ». 
 
***
 
Tout comme le communisme, le néolibéralisme est une sorte de Dieu déchu. Mais la doctrine zombie continue sa route en bringuebalant. L'une des principales raisons est son l'anonymat, ou plutôt une série de choses qu'on omet de nommer. 
 
Des bailleurs de fonds invisibles maintiennent en vie la doctrine invisible de la main invisible. Lentement, très lentement, nous commençons à découvrir l'identité de quelques-uns d'entre eux. Nous constatons que l'Institut des affaires économiques, qui s'est opposé avec force dans les médias à  toute nouvelle réglementation de l'industrie du tabac, a été secrètement financé par la British American Tobacco depuis 1963. Nous découvrons que Charles et David Koch, deux des hommes les plus riches le monde, ont fondé l'institut qui a lui-même mis sur pied le mouvement Tea Party. Nous constatons que Charles Koch, en fondant  l'un de ses groupes de réflexion, avait  noté que « dans le but d'éviter les critiques indésirables, la façon dont l'organisation est contrôlée et dirigée ne doit pas être largement diffusée ».
 
Les concepts utilisés par le néolibéralisme dissimulent souvent plus qu'ils ne désignent. « Le marché » sonne comme un phénomène naturel, tout comme pourraient l'être comme la gravité ou la pression atmosphérique. Mais il se heurte à des relations de pouvoir. Ce que « le marché veut » tend à signifier « ce que les entreprises et leurs patrons veulent » Le terme « investissement », comme le note Sayer, peut désigner deux choses très différentes. La  première est le financement d'activités productives et socialement utiles. La deuxième est le simple achat d'actifs existants pour percevoir des intérêts, des dividendes et des gains en capital. En utilisant le même mot pour différentes activités, on « camoufle les sources de richesse », ce qui conduit à confondre la création de richesse et la ponction opérée sur la richesse. 
 
Il y a un siècle, les nouveaux riches étaient décriés par ceux qui avaient hérité leur argent. Les entrepreneurs ont cherchaient la reconnaissance sociale en se faisant passer pour des rentiers. Aujourd'hui, la relation a été inversée: les rentiers et les héritiers se présentent comme entrepreneurs. Ils prétendent avoir gagné leur revenu qui n'est que prélevé. 
 
Cette confusion verbale s'ajoute à l'absence de nom et de lieu qui caractérise le capitalisme moderne, et le modèle de la franchise qui garantit que les travailleurs ne savent pas pour qui ils triment. Certaines entreprises sont enregistrées à travers un réseau de régimes offshore si complexe que même la police ne peut pas en découvrir les véritables propriétaires. Des montages fiscaux embobinent les gouvernements. Des produits financiers sont créés, si complexes que personne n'y comprend rien.
 
miltonKZXSL._SX344_BO1,204,203,200_.jpgL'anonymat du néolibéralisme est jalousement protégé. Ceux qui sont influencés par Hayek, Mises et Friedman ont tendance à rejeter le terme, clamant - non sans justesse - qu'il n'est aujourd'hui utilisé que de façon péjorative. Mais ils ne nous proposent aucun terme substitutif. Certains se décrivent comme libéraux ou libertaires classiques, mais ces descriptions sont à la fois trompeuses et curieusement dissimulatrices, comme si elles suggéraient qu'il n'y a rien de nouveau depuis la La Route de la servitude, Bureaucratie ou le travail classique de Friedman Capitalisme et liberté.
 
***
 
On doit bien convenir qu'il y a quelque chose de remarquable dans le projet néolibéral, du moins tel qu'il existait à ses débuts. Il constituait une philosophie innovante promue par un réseau cohérent de penseurs et de militants ayant un plan d'action clair. Il était patient et persévérant. La route de la servitude est devenue la voie vers le pouvoir.
 
Le triomphe du néolibéralisme reflète d'ailleurs l'échec de la gauche. Lorsque l'économie du laissez-faire a conduit à la catastrophe en 1929, Keynes a conçu une théorie économique globale pour la remplacer. Lorsque la formule keynésienne de relance par la demande a atteint ses limites dans les années 70, une alternative était prête, le néolibéralisme. Mais lorsque celui-ci a semblé s'effondrer en 2008 il n'y avait ... rien. Voilà pourquoi le zombie continue de marcher. La gauche n'a produit aucun nouveau cadre général de la pensée économique depuis 80 ans.
 
Chaque invocation de Lord Keynes est un aveu d'échec. Proposer des solutions keynésiennes aux crises du XXI° siècle revient à ignorer trois problèmes évidents: il est difficile de mobiliser les gens sur de vieilles idées; les défauts du keynésianisme révélés dans les années 70 n'ont pas disparu; surtout, les keynésiens n'ont rien à dire au sujet d'une préoccupation nouvelle et de première importance : la crise environnementale. Le keynésianisme fonctionne en stimulant la demande des consommateurs pour promouvoir la croissance économique. La demande des consommateurs et la croissance économique sont les moteurs de la destruction de l'environnement.
 
Ce que l'histoire des deux doctrines, keynésianisme et du néolibéralisme, démontre, c'est qu'il ne suffit pas de s'opposer à un système à bout de souffle. Il faut aussi proposer une alternative cohérente. Pour le Labour, les Démocrates et les plus à gauche, la tâche centrale devrait être de développer une sorte de « programme économique Apollo », c'est à dire de concevoir un nouveau système de pensée, adapté aux exigences d'aujourd'hui. 
 
 

Kerbala ou la résistance contre Daech, quelques leçons

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Kerbala ou la résistance contre Daech, quelques leçons

par Maria Poumier

Ex: http://plumenclume.org

Les chiites du monde entier se rendent pendant dix jours au pèlerinage de Kerbala au mois de mai, pour commémorer la naissance de l’imam Hussein, qui allait être massacré ainsi que sa famille, en 680. Cette année, cela fait exactement deux ans, le 5 mai 2014, que Daech s’installait, à la surprise générale, en Irak, prenant le contrôle des gisements pétroliers, la mirifique richesse du pays.

Le chiisme perpétue la lignée familiale du fondateur de l’islam. C’est plus tard qu’apparaît une faction dissidente, celle qui revendique l’autorité de la sunna, la tradition arabe, contre celle des descendants du Prophète. Et le schisme s’installe précisément à Kerbala, lors d’une terrible bataille. En termes chrétiens, on peut parler d’hérésie et de rébellion contre la théocratie héréditaire incarnée par les chiites. Ceux-ci, héritiers du christianisme  oriental et particulièrement libanais, ont bâti une église centralisée à l’image de la papauté. C’est ce qui fait jusqu’à aujourd’hui leur force, même si chaque ayatollah conserve une grande autonomie, comme autant d’évêques locaux, ce qui ne va pas sans heurts.

Cette année, le 10 mai, puis le 11 octobre, anniversaire du martyre de l’imam Hussein (le troisième imam, 626-680), une histoire de cruautés et de perfidie révoltante est intensément revécue chaque année à Kerbala, ainsi que le souvenir d'Abbas, frère d'Hussein, symbole du dévouement et de la fidélité ; tous deux sont les fils de l’imam Ali (deuxième imam, 600-661), dont on vénère le mausolée à Najaf. Le pèlerinage de Kerbala fait écho à celui de Machhad, en Iran, où l’on commémore le martyre d’un autre imam encore, l’imam Reza, également assassiné dans des conditions atroces et déloyales (huitième imam, 765-818).

Les femmes pleurent et sanglotent dans les mosquées, comme si ces massacres étaient strictement contemporains. Les hommes aussi pleurent en public, et des groupes de pèlerins se flagellent dans les rues, comme les pénitents des Semaines saintes d’Andalousie et du Mexique s’infligent des pénitences. Des chants extraordinaires s’élèvent de partout, récits épiques transmis oralement comme nos chansons de geste ; les moments relevant  clairement du miracle improbable  donnent lieu à des fragments énigmatiques et intenses, comme dans le Romancero castillan ; psalmodies élégiaques, pauses sentimentales, psaumes bibliques déchirants adressés au ciel, très proches de la ligne mélodique du Cante jondo, s’enchaînent et se relaient. Cela se passe dans la rue, aux abords du sanctuaire. Les gens marchent en reprenant des refrains, hommes, femmes, couples, enfants, nourrissons, aïeules en chaise roulante. Des groupes de femmes s’assoient sur le trottoir pour écouter les bardes, elles cachent leurs sanglots dans les pans de leur voile. Les enfants sont parfaitement sages, sans se forcer le moins du monde, et ils offrent des bonbons aux passants. Les commerçants sont discrets, sous les arcades, il n’y a pas un touriste occidental pour attirer mendiants, publicité agressive ou profanation quelconque. Une belle cloche sonne un angélus inattendu : c’est l’horloge de style Big Ben qui jouxte la mosquée de l’imam Hussein. Et les lecteurs professionnels du Coran, toujours inspirés, fervents et contagieux, se succèdent dans les mosquées, tandis que résonnent, dans chaque ville, les appels des muezzins à honorer Dieu plutôt que le Veau d’or et autres idoles devant lesquelles s’abaissent si misérablement les impies, parmi lesquels nous  Européens, ne sommes pas les moins obscènes.

Le christianisme a organisé la piété naturelle et le besoin de catharsis partagée autour des images du Crucifié. Les Evangiles racontent que les Juifs et les Romains, en une mauvaise alliance politique de circonstance, furent les bourreaux d’un innocent tellement saint qu’il en est plus que surhumain. La dévotion chrétienne pour le Calvaire, avec tout le rituel de la Semaine Sainte, découlant de la lecture du récit de la Passion selon saint Marc, réitérée à chaque dimanche des Rameaux, est tout à fait comparable à l’émotion organisée autour du souvenir des imams assassinés, et de la reprise de chaque épisode, en détail, de la trahison. Mais le christianisme choisit deux mises à distance : nous ne tenons pas les Italiens d’aujourd’hui ni les juifs d’aujourd’hui pour les assassins de notre Jésus-Christ. Et nous refusons (à l’exception précisément des Nestoriens et des Jacobites, courants dominants du christianisme assyro-syriaque) de ne voir en lui qu’un mortel comme nous : le qualifier de saint ou de prophète parmi d’autres ne nous suffit pas : il est pour nous le fils unique de Dieu, consubstantiel au Père. Ces mises à distances sont deux sages barrières élevées contre des identifications précises qui pourraient porter les chrétiens à l’agression renouvelée et à la haine vengeresse sur des peuples bien réels, dont la permanence et la continuité au long de vingt siècles sont indiscutables. En revanche, nous ne refusons pas de pratiquer l’expressionnisme et de représenter avec le réalisme le plus intense le cadavre torturé du Christ, et chacun de ses bourreaux, avec le risque de nous prendre pour les nouveaux crucifiés par les abus de tel ou tel pouvoir. Mais nous ne considérons pas légitime de sauter sur aucun tortionnaire pour le crucifier à son tour, en bonne symétrie selon la loi du talion, la loi que partagent judaïsme et islam.

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Pour l’islam, la vengeance reste un devoir relevant du sens de l’honneur. Et ce n’est pas sanguinaire dans le sens unique où on l’entend dans le monde occidental, puisque le devoir de vengeance implique celui de mettre en jeu sa propre existence, de donner toute sa vie, de se sacrifier selon la logique du djihad, du dépassement de soi. Comme dans les temps les plus anciens de toutes les sociétés guerrières primitives, dans l’idéal d’un islam vivant, il n’est de mort digne que la mort au combat, dans l’acte de donner la mort à l’adversaire.

Le judaïsme, comme l’islam, refuse la représentation visuelle de ce qui bouleverse, mais comme l’islam, il réactualise constamment la légitime revanche contre les bourreaux : culte de la Shoah, superposition mémorielle de chaque épisode où des juifs se sont sentis persécutés parce que juifs, jusque dans le passé le plus lointain. Le slogan « Identify and indemnify »[1], « cultivons et renforçons l’identité juive afin de mettre en action des attaques et des exigences de réparation sans limite dans le temps ni dans l’espace », relève de la même logique ancestrale, datant sans doute de l’époque où une tribu ne pouvait survivre qu’à condition d’exterminer, sur le territoire revendiqué en propre, toute autre population humaine. C’est la logique du lion en son domaine. L’imam Hussein et son frère l’imam Hassan (deuxième imam, 625-669) sont représentés comme deux lions ensemble. Et les chiites sont les plus fervents tenants de la généalogie comme principe d’autorité indiscutable, chaque fils étant redevable de son présent et de son avenir envers toute la lignée mâle qui l’a amené à voir le jour.

Mais pour nous, le Christ est ressuscité, et le crime de ceux qui l’avaient crucifié s’en trouve minoré dans ses retombées, on peut et on doit, dans la fidélité au Christ, proposer la paix, la réconciliation, l’amour, et construire un avenir de coopération loyale avec les éventuels descendants de tel ou tel peuple qui ait pu dans le passé assassiner le Christ, des saints chrétiens ou de simples mortels chrétiens. Pour le pape comme pour nous tous qui nous appuyons sur cette logique de dépassement de l’humain tribal, les USA et autres impérialistes associés dans l’Otan sont les nouveaux hérétiques qui placent leur « sunna », leur tradition prédatrice propre, par-dessus les vrais commandements de Dieu, impliquant respect et protection réciproques.

Par ailleurs, les musulmans et leurs autorités sont des gens pragmatiques, et savent également pratiquer la négociation et l’alliance. Seuls les wahabbites continuent de prôner l’extermination de tout ce qui n’est pas de leur goût, et Daech est la mouvance qui peut, grâce à des financements étrangers, se permettre de prendre au pied de la lettre ces recommandations.

Or pour les chiites, dans chaque contexte précis, le passage à l’univers du pardon et de la construction en commun est particulièrement difficile. Ils ont, en dehors de l’Iran et de l’Irak où ils sont majoritaires, toujours constitué la minorité pourchassée, ce qui explique   d’ailleurs qu’ils soient si sensibles au thème de la justice, et de la révolution pour bâtir l’avenir selon le modèle khomeyniste. Pour s’en tenir au présent, ils héritent de trente années de guerre au nom de l’islam sunnite : 1980-88, Saddam Hussein lançait ses troupes contre l’Iran, et tentait d’y déporter tous les chiites irakiens ; bilan : entre 500 000  et 1.200.000 morts en tout. Les USA avaient vivement encouragé cette guerre, qui servait parfaitement leur dessein de renverser le pouvoir de Khomeiny et de reprendre le contrôle de l’Iran. Mais les sunnites autour de Saddam échouèrent. Alors les Bush et autres néo-conservateurs totalement identifiés aux intérêts israéliens entreprirent deux guerres pour se débarrasser d’un dictateur incapable et arraisonner l’Iran dès qu’ils auraient pris le contrôle de l’Irak. Second échec total : les militaires US ne peuvent circuler sur le sol irakien sans se faire abattre dans des embuscades, pas plus qu’en Afghanistan, et se sont retirés d’Irak en 2011. On nous dit que désormais, conscients de leurs limites et dépendant moins du pétrole irakien que par le passé, les US souhaitent charger les Iraniens d’administrer l’Irak. Ce n’est certainement pas pour renforcer le pouvoir régional iranien, mais pour mieux affaiblir les ingérables Irakiens ; partageant toujours le schéma israélien, la caste à la manœuvre aux US veut casser l’Irak en trois nouveaux Etats, l’Etat kurde chrétien au nord devant être le plus docile, et d’ailleurs celui qui détient une bonne part du  pétrole. Bassorah, l’autre région pétrolifère, a des raisons comme le Kurdistan de se laisser tenter par l’autonomie. C’est dans le cadre de cette stratégie qu’est encouragé Daech, ennemi juré des chiites, qui a annoncé vouloir réduire Kerbala en cendres. Et l’Arabie des Saoud a ses raisons pour répandre le plus féroce wahabbisme : elle veut que la Mecque ait l’exclusivité des offrandes des pèlerins, qu’ils cessent d’arriver là-bas au terme d’un parcours qui comprend les étapes de Jérusalem, Kerbala, Najaf et Médine, Kerbala continuant d’attirer non seulement les chiites, mais aussi les autres musulmans, à la recherche du contact physique avec la sainteté, au-delà des enjeux politiques du passé, tout à fait prêts à la cohabitation pacifique au présent.

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Dans ce contexte, patriotes chiites et sunnites irakiens savent parfaitement que la seule chance pour l’Irak de ne pas assister impuissants au démembrement de leur Etat consiste à présenter un front uni contre Daech. Le wafq sunnite de Bagdad Abdoulatif al Humayin le répète, tout comme le wafq chiite de Bagdad Saïd al Moussawi. Et quand on demande au chef sunnite du camp de déplacés de Mossoul installé à Kerbala s’ils souhaitent l’intervention d’ONG humanitaires occidentales, il est clair et direct : c’est d’intervention militaire contre Daech qu’ils ont besoin, avant tout. Ce camp abrite environ 8000 personnes, manquant d’eau, d’électricité, d’écoles et de soins médicaux…

Lors de la guerre contre l’Iran, nombre de chiites irakiens ont combattu pour l’Irak contre l’Iran, tandis que d’autres, sunnites, refusaient d’attaquer l’Iran ; maintenant, lorsque l’imam sunnite de Bagdad demande 5000 volontaires pour renforcer l’armée irakienne contre Daech, ce sont 20 000 jeunes hommes qui se présentent, de toute confession. L’autorité suprême résidant à Najaf, l’ayatollah al Sistani, est celui qui a lancé les troupes de volontaires au secours de l’armée irakienne pour combattre Daech, dès juin 2014. Il incarne la volonté d’unité des Irakiens, par-dessus tout enjeu de pouvoir selon l’appartenance religieuse. Contre l’intoxication médiatique occidentale, c’est un devoir que de promouvoir cette logique patriotique de défense du territoire national par-dessus les clivages religieux. On ne peut que souhaiter que le gouvernement irakien accepte l’emprise croissante de Moktada al-Sadr, celui qui, à partir du culte familial à ses héros, son père et son oncle tombés au combat, peut mobiliser les tribus de toute confession, car il a su organiser la déroute US, et il est immensément populaire.

Front commun chiites-sunnites : il ne s’agit ni de vœu pieux  inopérant, ni d’un mot d’ordre démagogique pour cacher aux Occidentaux hypercritiques une hargne toujours aussi vivace entre les deux courants religieux : il s’agit de la seule stratégie  gagnante réaliste.

On peut s’étonner de la récurrence d’un réseau d’alliances familiales bien réel : au sein d’une même tribu, il peut y avoir des chiites et des sunnites, et les mariages faisant fi des  rancunes ancestrales sont bien réels. L’extermination du concurrent sur un territoire donné est de nos jours, sur la planète devenue  village global sans issue de secours, une absurdité, car elle conduit toujours à un double anéantissement, et à la préparation du prochain massacre en réparation du précédent. L’alliance par le biais du mariage d’amour à la vie à la mort et négocié par les deux familles, est le passage obligé pour l’abolition des rancunes. Il faut impérativement que se forment et se consolident des liens intimes entre les gens d’origine diverse. Dans une autre dimension, l’aéroport de Najaf a ouvert en 2008, comme une première pousse de la renaissance après les dégâts énormes infligés à la ville par les US : c’est un symbole d’unité dans le développement et d’ouverture.

Les leçons pour nous Européens, sont multiples. La loyauté et la capacité de pardon semblent avoir progressé en Occident, à mesure que les guerres entre Européens, construites sur des différences de religion, ont reculé ; la laïcisation de nos sociétés, paradoxalement, a fait progresser respect et coopération, c’est-à-dire applications pratiques du principe révolutionnaire et universel chrétien : aimez-vous les uns les autres, y compris vos ennemis, n’en restez pas à la loi du talion qui est intrinsèque au choix de l’appartenance tribale par-dessus tout. Si l’on tisse des liens familiaux entre communautés, ce qui équivaut à un métissage consenti par chacun au niveau de la conscience intime et de sa descendance, la vendetta à grande échelle n’est plus une fatalité: en famille, on parvient à peu près à s’entendre, être en froid peut ne pas déboucher sur des massacres brûlants. Si les familles mélangées imposent leur principe amoureux pour la perpétuation de la vie, les méfiances et provocations entre descendants de juifs, musulmans et chrétiens peuvent ne pas être réactivées à chaque génération. Si des projets de rapine se réactivent et se parent de prétextes religieux, comme dans l’ambition de Daech, c’est quand des pouvoirs étrangers s’en mêlent, et attisent le feu à coup de milliards.

Malheureusement, si les guerres de religion intra européennes se sont atténuées, et si les guerres interethniques peuvent parfaitement être évitées, il reste notre spécificité occidentale : nous nous enferrons dans le clivage idéologique droite gauche, qui a pris la place du fanatisme religieux : c’est le mur à abattre chez nous, dans notre conscience, et le poison qu’on nous inocule, de l’étranger, parce qu’il est fonctionnel pour nous affaiblir.

Il faut donc, depuis la France, actualiser et dynamiser la ligne Villepin de 2003 : contre les visées impériales des Saoud, des Israéliens et des néo-conservateurs US, favoriser tous les rapprochements entre sunnites et chiites pour sauvegarder l’unité de l’Irak. Ce n’est pas à nous d’approfondir leurs contentieux, malentendus ou défaillances. Mais c’est à nous de sortir la France des griffes des mêmes Etats prédateurs : US, Israël, Arabie saoudite. Les jeunes volontaires irakiens qui donnent leur vie dans le combat contre Daech sont les héros et les saints de notre temps, et ils se battent pour nous. La moindre des choses est de nous battre pour eux. Notre pape, autorité de référence même pour ceux qui ne se disent pas chrétiens, a raison : d’abord protéger les plus éprouvés, ceux qui, la mort dans l’âme, nous demandent l’hospitalité. Le devoir d’hospitalité ne concerne pas que les musulmans, qui en font un principe inébranlable. Ainsi la rancœur cèdera le pas à la reconnaissance, aux obligations  réciproques. Les gens qui se retrouvent parqués dans des camps de réfugiés sont en majorité des gens qui ont tout perdu par la faute de ceux qui détruisent leurs pays depuis l’étranger, de préférence en dissimulant leur ingérence. C’est Israël, les US et l’Arabie saoudite qu’il nous appartient de combattre, dans la guerre sainte mondiale de notre temps.

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A Bagdad, comme nous manifestions notre étonnement devant le sang-froid des gens de Kerbala, la ville qui attire ces jours-ci, exactement comme tous les ans, les pèlerins par centaines de milliers, voire millions, alors que Daech les menace explicitement, et multiplie les attentats dans la capitale elle-même, et à moins de 100 km de Kerbala, le cheikh sunnite Abdoulatif al Khomeyim nous a dit : « vous les Français êtes abattus parce que Daech commet des crimes chez vous aussi : retrouvez la foi, et vous n’aurez plus peur ». Et un chiite dévoué à la médiation entre les différentes communautés qui peuplent la France ajoute, selon la tradition de toutes les religions : « celui qui ne croit en rien n’est rien, mais chacun, lorsqu’il touche le fond du désespoir, ressent aussi la main tendue de Dieu vers lui ».

En France, après un attentat, les jeunes retournent sur les lieux du massacre pour bouffer, avant d’aller manifester pour la castration générale souriante, couleur « arc en ciel » sous prétexte de liberté et d’égalité. A Kerbala, les jeunes vont revivre à la mosquée le martyre de l’imam Hussein et ils repartent au front avec un courage renouvelé. Les uns sont les alliés aveugles des US et de l’Arabie saoudite, dociles à tout lavage de cerveau utile à la domination mentale sioniste. Les autres gagneront inéluctablement, parce qu'ils ont la santé mentale, et savent se projeter dans l’avenir, les femmes remplissant leurs devoirs de mères, les hommes remplissant leurs devoirs de guerriers. 

Merci à Kerbala pour ces leçons.

Références : Guide de l’Irak, par Gilles Munier, éd. Jean Picollec, Paris, 2000 ; articles de Wikipedia, très riches, sur chiisme, Irak, guerres du XX° siècle en Irak. Site Irak-Actualités, animé par Gilles Munier.

L’Iran se relie à l’Eurasie avec le Canal Perse

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L’Iran se relie à l’Eurasie avec le Canal Perse

F. William Engdahl

Ex: http://reseauinternational.net

Avec la disparition des sanctions économiques étasuniennes et européennes, il devient manifeste que l’Iran veut aujourd’hui construire, pas détruire comme l’Occident semble le vouloir à tout prix. La toute dernière annonce  est que Téhéran a décidé de se lancer dans un grand projet d’infrastructure qui demandera peut-être une dizaine d’années pour être achevé: un canal navigable, reliant pour la première fois la mer Caspienne au golfe Persique en traversant l’Iran. Compte tenu de la topographie très montagneuse de l’Iran, il n’est pas facile à creuser. Ce sera également un grand avantage pour la Russie et les autres pays bordant la mer Caspienne, ainsi qu’une infrastructure exactement adaptée au grand projet chinois de la Route de la Soie.

Pour sa marine et son commerce, la Russie cherche un lien vers les mers chaudes depuis l’époque des tsars Romanov. Aujourd’hui, sur une voie très étroite traversant Istanbul entre mer Noire et mer de Marmara, les navires russes doivent franchir les détroits turcs du Bosphore, les Dardanelles, la mer Egée et la mer Méditerranée. Compte tenu des relations glaciales entre Moscou et Ankara aujourd’hui, depuis que les forces aériennes turques ont l’année dernière abattu délibérément un jet russe dans l’espace aérien syrien, en violation de toutes les normes du droit international, la traversée du Bosphore par les navires russes est une entreprise très incertaine, malgré les traités internationaux sur la liberté de passage.

D’ailleurs, pour les navires iraniens ou chinois aussi, atteindre les ports méditerranéens de l’Europe, exige maintenant qu’ils traversent le canal de Suez appartenant au gouvernement égyptien. En dépit de la Convention de 1888 de Constantinople, qui accorde le droit de libre accès à toute nation et navire en temps de guerre ou de paix, le gouvernement égyptien, comme cela a été évident lors du coup d’État des Frères musulmans de Mohammed Morsi soutenu par les USA, présente aussi un très important risque politique. En contournant les détroits turcs et le canal de Suez égyptien, le canal iranien offre aussi à la Russie et aux autres États le chemin le plus court vers l’océan Indien.

Téhéran a dévoilé les plans de construction d’une voie artificielle qui reliera pour la première fois la mer Caspienne et le golfe Persique. Son achèvement est prévu dans une dizaine d’années. Elle a d’énormes implications économiques, militaires et économiques.

Le « Canal de Suez » de l’Iran

canalphoto_3321_5183249.jpgDu point de vue économique et géopolitique, ce sera, dans tous les sens du terme, un rival au canal de Suez. Selon un article publié par Sputnik International de Russie, le projet a été approuvé en 2012 par l’ancien Président iranien Mahmoud Ahmadinejad, au moment où les sanctions occidentales étaient toujours en place. Le coût avait été estimé alors par Khatam-al Anbiya, une société d’ingénierie appartenant à la Garde révolutionnaire iranienne, à environ sept milliards de dollars. À cette époque, dans une démarche visant à bloquer le projet, Washington avait imposé des sanctions économiques aux entreprises qui participaient au projet. Maintenant, pour d’autres raisons géopolitiques, Washington a levé de nombreuses sanctions et Téhéran va de l’avant.

Le canal de la mer Caspienne de l’Iran a un avantage majeur de sécurité. Il traverse strictement l’espace iranien, espace qui est bien défendu.

Deux itinéraires sont envisagés pour le « Canal de Suez » iranien. Le plus court à l’ouest traverserait le territoire montagneux, tandis que le plus long permettrait l’irrigation des vastes régions désertiques de l’est de l’Iran et éviterait l’étroit chenal d’Ormuz, entre Oman et Iran.

L’itinéraire oriental, entre l’est du Golfe d’Oman et le sud-est de la mer Caspienne a une longueur totale comprise entre 1465 et 1600 kilomètres, en fonction du cheminement interne. Il aurait l’avantage supplémentaire de permettre l’irrigation et le développement de l’agriculture dans les provinces sèches du pays, à l’est et au centre, là où l’absence de précipitations a créé une énorme sécheresse ces dernières décennies. La voie navigable permettrait de recharger la nappe phréatique en eau.

L’itinéraire occidental, bien que plus court, présente des inconvénients majeurs. Faisant environ 950 km, empruntant des lits de fleuves partiellement navigables, il devrait traverser les vallées des montagnes Zagros sur 600 kilomètres. L’inconvénient majeur de cette voie est la traversée des hauteurs de Zagros et des provinces du Kurdistan et d’Hamedan, où il doit grimper à plus de 1800 mètres.

Quel que soit l’itinéraire choisi, et apparemment des raisons de sécurité nationale l’ont fait garder secret jusqu’ici, plusieurs avantages majeurs se développeront à partir du canal reliant la mer Caspienne à l’océan Indien. D’abord, d’une part, il créera le lien maritime le plus court entre le golfe Persique et l’Inde et l’Europe de l’est, du centre et du nord; d’autre part, il sera en concurrence directe avec le canal de Suez et l’instabilité politique égyptienne. Pour la Russie, il aura l’avantage géopolitique majeur d’offrir un accès facile et direct à l’océan Indien, indépendant du canal de Suez et des détroits turcs du Bosphore. Pour l’Iran, sur le plan économique, ce serait un créateur d’emploi majeur. Il ajouterait environ deux millions de nouveaux emplois dans la construction et l’entretien le long du canal. Il permettra aussi à Téhéran de relancer les régions isolées de l’est qui se chargeraient de l’infrastructure, incluant la construction d’un nouveau port moderne dans les régions économiques libres de Bam et Tabas, de chantiers navals et d’aéroports, et des villes prévues. Il permettrait aussi d’éviter ou de réduire considérablement la désertification en créant un obstacle à la propagation du désert vers les terres iraniennes fertiles.

Cela arrive au moment où l’Iran se prépare à devenir membre à part entière de l’Organisation de coopération eurasienne de Shanghai (OCS). L’Iran avait le statut de nation observatrice à l’OCS depuis 2008, mais les sanctions de l’ONU ont empêché sa pleine adhésion jusqu’à janvier dernier. La Russie et la Chine soutiennent fermement sa pleine adhésion, qui sera vraisemblablement ratifiée plus tard cet été, lors de la réunion annuelle. En février 2016, en visite à Téhéran, le Président chinois Xi Jinping a discuté de la participation de l’Iran au projet d’infrastructure eurasiatique de la Chine, de la création d’un réseau de ports et des réseaux ferroviaires à grande vitesse sillonnant l’Eurasie de Pékin à la Biélorussie et au-delà. Il est très probable que Xi et le Premier ministre Rouhani ont aussi discuté de la participation de la Chine au financement et peut-être aussi à la construction du Canal persan, alternative iranienne au canal de Suez.

D’après ce que j’ai observé personnellement lors d’une récente visite à Téhéran, les Iraniens en ont assez de la guerre. Ils ne se sont pas totalement remis des pertes et des destructions de la guerre Iran-Irak initiée par les USA dans les années 1980, ni des déstabilisations US ultérieures. Ils veulent plutôt un développement économique pacifique et être en sécurité chez eux. Le projet du Canal Persan de l’Iran est une belle étape dans cette direction.

  1. William Engdahl est consultant en risques stratégiques et conférencier. Titulaire d’un diplôme en politique de l’université de Princeton, il est auteur de best-sellers sur le pétrole et la géopolitique. En exclusivité pour le magazine en ligne New Eastern Outlook.

NEO, F. William Engdahl

Original : journal-neo.org/2016/04/07/iran-links-to-eurasia-with-per...
Traduction Petrus Lombard

dimanche, 19 juin 2016

Bretoenen in de Groote Oorlog

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In memoriam Christian Dutoit, overleden op 18 juni 2016

Bretoenen in de Groote Oorlog

Christian Dutoit

Ex: http://www.meervoud.org

‘Vlamingen, herdenk de slag der Gulden Sporen’, zo spoorde monarch Albert I ons in 1914 aan om het ‘vaderland’ te verdedigen. De Walen werden herinnerd aan 600 Franchimontezen. Er mocht best wat regionalistisch patriottisme ingeschakeld worden in de propagandamachine voor kanonnenvlees. Maar dit was blijkbaar geen typisch ‘belgisch’ verschijnsel. Ook de Bretoenen werden overspoeld door propaganda en waren goed voor 130.000 slachtoffers in de ‘Groote Oorlog’. Om hen aan te sporen bediende de Franse jacobijnse republiek zich, merkwaardig genoeg, van allerlei verwijzingen naar Bretoense particularismen, zoals taal, kleding en folklore.

Alle affectie voor de Bretoense zaak, die van overheidswege vóór de oorlog onbestaande was, werd nu aangemoedigd om het Bretoense volk in te schakelen in de verdediging van het ‘Grote’ Vaderland, de Franse Republiek dus. Meteen werden affiches in het Bretoense gedrukt om mensen warm te maken voor een ‘volkslening’ (‘Emprunt de la Victoire’). Op an- sichtkaarten die aan het front verspreid wer- den zijn traditionele Bretoense kledij en muziekinstrumenten afgebeeld, de doedelzak werd plots populair. De Bretoense bard Théodore Botrel werd min of meer ‘chansonnier aux armées’, enz.

Maar al bij al was dit enkel oorlogspropaganda en veranderde er helemaal niets in de relatie tussen de Jacobijnse staat en Bretagne. Gevolg was wel dat de Bretoense beweging, de ‘Emsav’, versterkt uit de oorlog kwam.

Bretagne is van oudsher vrij katholiek en ook de kerk deed haar best om gelovigen op te roepen om naar het front te trekken. De aartsbisschop van Rennes verklaarde in augustus 1914 dat de oorlog een goddelijke straf was voor het anti-katholieke sectarisme en de afvalligheid tegenover God. De kerk spande zich in om via bedevaarten, gebeden, parochieblaadjes en prullaria het patriottisme aan te moedigen. Niet-katholieken verweten dan weer dat de Bretoense kudde zich liet beïnvloeden door paus Benedictus XV (1854-1922), geboren als Giacomo Giambattista markies della Chiesa, die opriep tot vrede en aldus de facto verdacht werd van Duitsgezindheid.

Tussen 1914 en 1918 werd 65% van de Bretoenen in de leeftijdscategorie 18-48 jaar ge- mobiliseerd (het Franse gemiddelde was 56%). De Bretoenen waren goed voor ongeveer de helft van de Nationale Marine. ongeveer de helft van de Nationale Marine Deze ‘overmobilisatie’ had grote gevolgen voor de economie, vooral voor de landbouw en de visvangst. Bretagne stond ook in voor de opvang van 80.000 vluchtelingen (in 1918) uit het noorden van Frankrijk en Vlaanderen. Vrouwen, vooral weduwen, werden ingezet als ‘munitionettes’ in het arsenaal van Rennes (5.200) en de kruitfabriek van Pont-de-Buis (2.900). Ze werden ook ingeschakeld in 800 Bretoense ziekenhuizen waar liefst 800.000 soldaten waren. In 1918 werden 4.556 arbeidsters van het arsenaal van Rennes terug afgedankt wegens overbodig. Maar ook kinderen werden bij de oorlog betrokken. Scholen werden gebruikt om soldaten te kazerneren. Alle lessen waren gebaseerd op de promotie van het patriottisme. Kinderen werden opgedragen gewonde soldaten te bezoeken en geldinzamelingen te doen voor gevangenen. Oorlogswezen waren de inzet van een weinig verheffende strijd tussen Kerk en Staat.

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Men schat het aantal Bretoense oorlogsslachtoffers op 130.000, althans voor wat soldaten betreft. In de jaren twintig werden die herdacht door separatisten die de mening toegedaan waren dat al die doden de kiemen waren van een breuk met de Franse staat. Ook regionalisten kwamen om die reden op voor meer autonomie. Voorstanders van de eenheid van de Republiek keerden de zaak om en eerden de doden die ‘voor Frankrijk’ hun leven hadden gegeven. Maar hoe dan ook, tijdens de oorlog was er al heel wat onvrede met de gevoerde politiek. Op 16 april 1917 weigerden honderden soldaten oorlogsbevelen op te volgen. Op 2 juni sloeg een heel regiment in Rennes aan het muiten. Van 2 tot 9 juni van datzelfde jaar gingen de ‘munitionettes’ in Brest staken. De gehele oorlog was een gruwel voor de Bretoenen. Van het IJzerfront over Verdun tot aan de Zwitserse grens stierven ze bij bosjes voor de Franse Republiek. Vaak met honderden tegelijk in zinloze oorlogsverrichtingen.

Na de oorlog werd er, in 1927, een officieel monument opgericht voor de gesneuvelde van de vijf Bretoense departementen in Saint- Anne d’Aurey. In nagenoeg elk Bretoense dorp is er ook een monument, meestal in de buurt van de kerk, vaak in de oude religieuze traditie vervaardigd. Enkel de monumenten in de steden zijn ‘naar Frans model’ gemaakt: burgerlijk, republikeins en zonder religieuze verwijzingen.

Nog steeds leven ‘oorlogshelden’ in de herinnering door, zoals Jean-Corentin Carré als republikeinse en vrijzinnige held, Pierre- Alexis Ronarc’h die in oktober 1914 in Diksmuide omkwam, of Jean-Julien Lemordant, schilder van het plafond van het theater van Rennes, die in oktober 1915 blind werd en tal van verwondingen opliep. Hij overleefde de oorlog en werd door de regionalistische pers geëerd als een held van een vernederd maar glorieus Bretagne.

Christian DUTOIT

Non, l’attentat d’Orlando n’est pas homophobe!

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Non, l’attentat d’Orlando n’est pas homophobe!
 
Jordi Vives
Journaliste, Rédacteur
Ex: http://www.lesobservateurs.ch
 

De la communauté au communautarisme il n'y a qu'un pas que l'on franchit souvent de manière naturelle sans s'en rendre compte. Aujourd'hui, contrairement à ce que l'on pourrait croire, l'esprit communautaire est très fort et on définit les gens non par les caractéristiques qui les unissent mais par celles qui les différencient des autres. Origines ethniques, orientations sexuelles, catégories socio-professionelles... autant de marqueurs identitaires qui expriment ce que l'on est par rapport à l'autre.

Alors quand un attentat islamiste vise une boite de nuit gay à Orlando et fait cinquante victimes, c'est toute la communauté LGBT à travers le monde qui s'indigne. Un reflexe communautaire naturel que l'on peut difficilement blâmer. Mais quand une personne n'appartenant pas à cette communauté et, qui plus est, un opposant au lobby LGBT, s'indigne également de cette attaque terroriste à Orlando, celle-ci est jugée comme déplacée voir hypocrite. C'est ce qui est arrivé à Christine Boutin. Il est de notoriété publique que la présidente d'honneur du Parti Chrétien Démocrate et les LGBT entretiennent des relations plus qu’exécrables. Aussi quand Christine Boutin exprime sur Twitter sa compassion avec les victimes d'Orlando, la communauté LGBT crie au scandale.

Pourtant, ceux qui considèrent les propos de Christine Boutin comme étant une « honte » oublient une chose. Que l'on soit Christine Boutin ou un militant LGBT, l'espérance de vie face aux tueurs de l’État Islamique est des plus limité. Les terroristes islamistes ne font, eux, aucune distinction entre un chrétien pratiquant et un homosexuel, si ce n'est peut être dans la façon de les massacrer. De même qu'ils ne font pas de distinction entre des jeunes bobos qui vont à un concert au Bataclan et des prolos qui vont voir un match de football au Stade de France.

La guerre que mène l’État Islamique dépasse très largement notre perception du monde actuel. La démarche de cette organisation terroriste s'inscrit dans une guerre qui est à l'échelle des civilisations. Ce qu'ils veulent c'est, au mieux, nous convertir de force à l'Islam, au pire, nous exterminer. C'est donc un véritable défi que nous impose l’État Islamique. Un défi qui est, non pas technique ou militaire, mais quasi-philosophique pour nos sociétés occidentales. Nous qui rejetons par universalisme la réalité même des civilisations, comment pouvons nous être armés moralement face à cet ennemi ?

Aussi il est nécessaire de revoir notre copie et ne plus penser le monde comme un vaste ensemble indéfini. Notre civilisation occidentale marquée par un fort esprit de liberté et donc forcément diverse, n'est pas universel. Le monde entier ne rêve pas de vivre selon notre mode de vie. A l'inverse, à l'intérieur même de notre civilisation, il est, plus que jamais, nécessaire de faire abstraction de nos mésententes. Face à un islamisme conquérant, nous ne pouvons faire preuve de faiblesse. Evidemment nous pouvons nous quereller entre nous sur des sujets loin d'être insignifiants mais lorsque notre civilisation est attaquée, notre riposte se doit de ne souffrir d'aucune division. Alors les militants LGBT et Christine Boutin n'ont pas le choix, s'ils veulent pouvoir continuer à se taper dessus demain, ils doivent, aujourd'hui, s'unir pour continuer à exister.

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La Alianza del Pacífico y la Doctrina Monroe



Ex: http://www.katehon.com

La importancia de la Alianza del Pacífico fue destacada por el analista y economista Jorge González Izquierdo, quien dijo a la AFP que este bloque en lo político “es un contrapeso al grupo que quiso formar el presidente Hugo Chávez de Venezuela”, en alusión a la Alianza Bolivariana para las Américas (ALBA), integrada por Venezuela, Cuba, Bolivia, Nicaragua, Dominica, Ecuador, San Vicente y Las Granadinas y Antigua y Barbuda. Así, tras una fachada neoliberal, se escondería un refinado proyecto de ingeniería geopolítica cuya finalidad última sería dinamitar el proyecto político-integracionista representado por la UNASUR e intensificar la política de aislamiento de los Gobiernos progresista-populista de la región, en especial de Venezuela tras quedar huérfana del alma mater de la Revolución Bolivariana (Chávez) así como finiquitar el proyecto integrador económico del MERCOSUR, proceso de integración económico creado en 1991 tras la firma del Tratado de Asunción entre Argentina, Brasil, Paraguay, Uruguay al que posteriormente se habría incorporado Venezuela como Estado parte, quedando Bolivia, Colombia, Perú, Ecuador, Chile, Surinam y Guyana como “Estados asociados”.

Dicha estrategia fagocitadora tendría como objetivos a medio plazo aglutinar el Arco del Pacífico para integrar además a Costa Rica, Ecuador, El Salvador, Guatemala, Honduras, Nicaragua y Panamá e incorporar por último al Mercosur (Brasil, Argentina, Paraguay y Uruguay) , siguiendo la teoría kentiana del “palo y la zanahoria “ expuesta por Sherman Kent en su libro “Inteligencia Estratégica para la Política Mundial Norteamericana” (1949). En dicho libro, Kent afirma que “la guerra no siempre es convencional: en efecto, una gran parte de la guerra, de las remotas y las más próximas, ha sido siempre realizada con armas no convencionales: [...] armas [...] políticas y económicas. La clase de guerra en que se emplean [...] (son la) guerra política y la guerra económica.” Los fines de estos tipos de guerra fueron descritos por este autor de la siguiente manera: “en estas guerras no convencionales se trata de hacer dos cosas: debilitar la voluntad y la capacidad de resistencia del enemigo y fortalecer la propia voluntad y capacidad para vencer” y más adelante añade que los instrumentos de la guerra económica “consisten en la zanahoria y el garrote”: “el bloqueo, la congelación de fondos, el ‘boicot’, el embargo y la lista negra por un lado; los subsidios, los empréstitos, los tratados bilaterales, el trueque y los convenios comerciales por otro”.

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Brzezinski, México y Cuba

En el discurso de Obama ante el pleno de la VI Cumbre de las Américas celebrado en Cartagena (Colombia) en el 2012, recordó que la Carta Democrática Interamericana declara “que los pueblos de América Latina tienen derecho a la democracia y sus gobiernos tienen la obligación de promoverla y defenderla, por lo que intervendremos cuando sean negados los derechos universales o cuando la independencia de la justicia o la prensa esté amenazada”, advertencia extrapolable a Ecuador y Venezuela.

Por otra parte, la revista Foreign Policy, ( edición de enero-febrero, 2012), publicó un análisis de Brzezinski titulado “After America” (”Después de América”), donde analiza la tesis de la decadencia de los EEUU debido a la irrupción en la escena global de nuevos actores geopolíticos (China y Rusia) y de sus posibles efectos colaterales en las relaciones internacionales. Respecto a México, Brzezinski afirma que "el empeoramiento de las relaciones entre una América (EEUU) en declinación y un México con problemas internos podría alcanzar niveles de escenarios amenazantes". Así, debido al “caos constructivo” exportado por EEUU y plasmado en la guerra contra los cárteles del narco iniciada en el 2.006, México sería un Estado fallido del que sería paradigma la ciudad de Juárez, (la ciudad más insegura del mundo con una cifra de muertes violentas superior al total de Afganistán en el 2009), por lo que para evitar el previsible auge de movimientos revolucionarios antiestadounidenses se procederá a la intensificación de la inestabilidad interna de México hasta completar su total balcanización y sumisión a los dictados de EEUU.

En cuanto a Cuba, las medidas cosméticas tomadas por la Administración Obama (relajación de las comunicaciones y el aumento del envío de remesas a la isla así como el inicio de una ronda de conversaciones sobre temas de inmigración), dejan intacto al bloqueo y no cambian sustancialmente la política de Washington aunque reflejan el consenso de amplios sectores del pueblo norteamericano a favor de un cambio de política hacia la Isla auspiciado por la decisión del régimen cubano de terminar con el paternalismo estatal y permitir la libre iniciativa y el trabajo por cuenta propia. Sin embargo, la renovación automática por parte de EEUU por un año más del embargo comercial a la isla podría suponer para Cuba pérdidas estimadas en cerca de 50.000 millones de $ , no siendo descartable la firma de un nuevo tratado de colaboración militar con Rusia que incluiría la instalación de una base de Radares en la abandonada base militar de Lourdes para escuchar cómodamente los susurros de Washington y la instalación de bases dotadas con misiles Iskander, pudiendo reeditarse la Crisis de los Misiles (octubre 1962).

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¿Hacia el final de Petrocaribe?

Petrocaribe fue creado en 2005 por iniciativa de Venezuela con el objetivo de suministrar combustibles a los países miembros en condiciones ventajosas de pago, como créditos blandos y bajas tasas de interés y estaría integrado por 18 países (incluidos Honduras, Guatemala, Cuba, Nicaragua, República Dominicana, Haití, Belice y una decena de islas del Caribe) y según las autoridades venezolanas, el país exporta 100.000 barriles diarios a los países del bloque que generaban una factura de 4.000 millones de dólares, de la cual una parte se paga en "efectivo" y el resto estaría subsidiado. La nueva estrategia de EEUU sería estrechar lazos comerciales y militares con los países de Petrocaribe ante el peligro de contagio mimético de los ideales revolucionarios chavistas al depender en exclusiva de la venezolana Petrocaribe para su abastecimiento energético, empezando por el presidente dominicano Danilo Medina. Así, según la agencia EFE, el secretario de Estado de Estados Unidos, John Kerry, en una conferencia sobre energía y cambio climático en el centro de estudios Atlantic Council de Washington afirmó que “si Petrocaribe llegara a caer debido a los acontecimientos en Venezuela, podríamos acabar con una grave crisis humanitaria en nuestra región". Asimismo, el pasado enero, el Gobierno estadounidense celebró una Cumbre de Seguridad Energética en el Caribe en la que instó a los países de la región a diversificar sus fuentes de energía, confiar más en las inversiones privadas y reducir así su dependencia de Petrocaribe. Por otra parte, China habría asumido el reto de construir el Gran Canal Interoceánico en Nicaragua para sortear el paso del estrecho de Malaca, (dicho estrecho es vital para China al ser la ruta principal para abastecerse de petróleo pero se habría convertido “de facto” en una vía marítima saturada y afectada por ataques de piratas), por lo EEUU procederá a desestabilizar el gobierno de Daniel Ortega dentro de su estrategia geopolítica global de secar las fuentes energéticas chinas.

Venezuela como víctima colateral de la Guerra Fría EEUU-Rusia

En Venezuela, asistimos a una imposible cohabitación política y a una división casi simétrica de la sociedad venezolana que será aprovechado por EEUU para implantar “el caos constructivo de Brzezinski” mediante una sistemática e intensa campaña desestabilizadora que incluirá el desabastecimiento selectivos de artículos de primera necesidad, la amplificación en los medios de la creciente inseguridad ciudadana y la posterior petición al Ejército para que se erija en “salvador de la Patria”, plan diseñado por la CIA y que contando con la inestimable ayuda logística de Colombia (convertida en el portaaviones continental de EEUU), podría llegar a finiquitar el régimen post-chavista. Así, el acuerdo chino-venezolano por el que la empresa petro-química estatal china Sinopec invertirá 14.000 millones de dólares para lograr una producción diaria de petróleo en 200.000 barriles diarios de crudo en la Faja Petrolífera del Orinoco, (considerado el yacimiento petrolero más abundante del mundo), sería un misil en la línea de flotación de la geopolítica global de EEUU (cuyo objetivo inequívoco sería secar las fuentes energéticas de China), por lo que no sería descartable un intento de golpe de mano inmediato de la CIA contra Maduro.

Brasil y Argentina, los nuevos gendarmes neoliberales de Sudamérica

Brasil forma parte de los llamados países BRICS (Brasil, Rusia, India, China y Sudáfrica) y aunque se descarta que dichos países forman una alianza política como la UE o la Asociación de Naciones del Sureste Asiático (ASEAN), dichos países tienen el potencial de formar un bloque económico con un estatus mayor que del actual G-8 (se estima que en el horizonte del 2050 tendrán más del 40% de la población mundial y un PIB combinado de 34.951 Billones de $) y el objetivo inequívoco de Putin sería neutralizar la expansión de EEUU en el cono sur americano y evitar la posible asunción por Brasil del papel de "gendarme de los neoliberales" en Sudamérica, pues Brasil juega un rol fundamental en el nuevo tablero geopolítico diseñado por EEUU para América Latina ya que le considera como un potencial aliado en la escena global al que podría apoyar para su ingreso en el Consejo de Seguridad de la ONU como miembro permanente, con el consiguiente aumento del peso específico de Brasil en la Geopolítica Mundial.

Recordar que la decisión de la presidenta brasileña Dilma Rousseff de posponer su visita de Estado a Washington (decisión avalada por los principales asesores de Rousseff, entre ellos su antecesor y mentor Lula da Silva), entrañó el riesgo de una peligrosa confrontación entre las dos grandes potencias del continente americano, pues según Lula “los americanos no soportan el hecho de que Brasil se haya convertido en un actor global y en el fondo, lo máximo que ellos aceptan es que Brasilia sea subalterno, como ya lo fue”. Así, Rousseff tras afirmar que "el espionaje ilegal representa una violación de soberanía incompatible con la convivencia democrática entre países amigos", exigió a Estados Unidos explicaciones convincentes de las razones de la Agencia de Seguridad Nacional (NSA) para presuntamente violar las redes de computadoras de la petrolera estatal Petrobras y tras su enérgico discurso en la apertura de la 68 Asamblea General de las Naciones Unidas (ONU), se habría granjeado la enemistad de la Administración Obama que procederá a la implementación del "caos constructivo" en Brasil para desestabilizar su mandato presidencial (impeachement).

Respecto a Argentina, el Gobierno norteamericano felicitó efusivamente a CFK por su victoria electoral a través del portavoz para los asuntos de América Latina de EEUU, William Ostick quien transmitió la voluntad de la administración de Obama de "trabajar productivamente" con el gobierno argentino tras los últimos desencuentros entre ambas administraciones. No obstante, en el encuentro privado que mantuvieron en Cannes CFK y Obama en el marco del G-20, la mandataria argentina no habría sido sensible a las tesis de Obama y no habría aceptado la reanudación de ejercicios militares conjuntos con EE.UU en territorio argentino coordinados por EEUU,( pues de facto habría significado la ruptura de la nueva doctrina militar diseñada para la región por los gobiernos que suscribieron la UNASUR, cuyo primer Secretario General fue precisamente Néstor Kirchner) por lo que CFK se habría convertido en un elemento incómodo para la estrategia fagocitadora de EEUU. Así, tras la victoria de Macri, asistiremos al ingreso de Argentina en la Alianza del Pacífico, quedando tan sólo Venezuela, Ecuador, Nicaragua, Bolivia y Brasil como países díscolos a las tesis de una EEUU que procederá a implementar la política del Big Stick o “Gran Garrote”, (cuya autoría cabe atribuir al presidente de Estados Unidos Theodoro Roosevelt), sistema que desde principios del siglo XX ha regido la política hegemónica de Estados Unidos sobre América Latina, siguiendo la Doctrina Monroe ,“América para los Americanos”. Estaríamos pues en vísperas de la irrupción en el escenario geopolítico de América Latina de una nueva ola desestabilizadora cuyos primeros bocetos ya están perfilados y que terminará de dibujarse en esta década) y que tendrán a Honduras y Paraguay como paradigmas de los llamados “golpes virtuales o postmodernos “que protagonizará EEUU en esta década en el nuevo escenario panamericano, con lo que el concepto de Patria Grande expuesto por Manuel Ugarte en su libro homónimo de 1922 quedará como utopía inalcanzable.

B!Arminia Villach: 57. Farben-Kränzchen

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Euro 2016 de football: analyse et souhait d’une défaite des ”Bleus”

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Euro 2016 de football: analyse et souhait d’une défaite des ”Bleus”

par Guillaume Faye

Ex: http://www.gfaye.com

Nous sommes bassinés par l’Euro, cuvée 2016. Anciennement ”coupe d’Europe des nations”, dénomination abandonnée à cause de ce dernier terme, c’est la 3e manifestation sportive internationale (spectateurs et chiffre d’affaire) après les Jeux olympiques et le Mondial de football – ou Coupe du monde.

Avec ce tournoi, la France essaye d’oublier la réalité, de fuir ses problèmes, de faire l’autruche et de se divertir au spectacle d’un sport factice et gangrené par le lucre. Au rythme des grèves – le vrai sport national – et des menaces d’attentats islamiques. Le foot est devenu une drogue collective et le lieu d’arrangements bizarres : le Qatar, État monarchique dictatorial, pro–islamiste et esclavagiste, très soft d’apparence, possède le principal club français et bénéficie de passe–droits pour tous ses investissements en France, le prétentieux ”pays des droits de l’homme”…

Une équipe majoritairement africaine

Parmi les 23 joueurs sélectionnés (actifs et remplaçants) par Didier Deschamps (accusé de racisme par Éric Cantona et Jamel Debbouze pour avoir écarté de la sélection le voyou Karim Benzema) dans l’équipe de France, on dénombre : 10 Blancs, 11 Noirs dont trois nés en Afrique, 1 Arabe (”Beur”) né en France et 1 métis né à la Réunion. L’équipe de France comporte donc une minorité de Blancs. Le fait est encore plus accentué dans l’équipe réellement présente sur le terrain. Les téléspectateurs du monde entier, en voyant jouer l’équipe de France, se disent : ” La France n’est plus principalement d’origine européenne ”.

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Le message lancé par cette sélection est très clair : François Hollande a  répété que cette équipe de football représentait la Nation : « vous êtes la France ». De Gaulle, qui confiait à Alain Peyrefitte que la France était un pays de « race blanche » et devait le rester, doit se retourner dans sa tombe. L’équipe de France de football est donc majoritairement non française de souche et non européenne d’origine. Dans n’importe quel pays au monde, cette situation semblerait aberrante.

La France est le seul pays européen dans ce cas. On peut supposer soit que c’est volontaire afin de lancer un message idéologique ( ” l’équipe de France de football doit être emblématique de la nouvelle France ethnique, c’est–à–dire déblanchie”), ce qui serait une démarche raciste anti Blancs, soit qu’on ne trouve pas dans les milieux populaires de recrutement assez de jeunes Français de souche comme candidats footballeurs. Les deux explications peuvent s’entrecroiser. L’argument que les Noirs seraient meilleurs footballeurs que les autres (comme ils sont meilleurs sprinters) ne tient pas puisqu’aucun pays africain (équipes à 100% noires) ne performe au niveau international, bien au contraire.

La récupération du football par les politiciens et le pouvoir

association-pour-la-recherche-contre-le-cancer-en-2008_exact1024x768_p.jpgComme Chirac avant lui, Hollande s’investit à fond dans le football et se démène pour l’Euro 2016. Il espère en cas de succès français des retombées électorales pour la présidentielle de 2017. En 1998, la France avait gagné le Mondial de football face au Brésil. Incroyable victoire…C’était l’époque où l’équipe ”Black–Blanc–Beur” de Zidane devait l’emporter, pour des raisons idéologiques. De mauvaises langues avaient suggéré que le match avait été truqué – pratique courante dans le football– pour faire gagner l’équipe de France. Il n’est pas exclu que des trucages de matches soient en cours pour faire gagner l’équipe de France à cet Euro 2016. Bernard Tapie est un maître professeur dans cette discipline (1). En tout cas, si l’équipe de France l’emporte, alors qu’elle est d’un niveau très moyen, on pourra se poser des questions.

Dînant avec les ”Bleus” le 5 juin, M. Hollande leur a expliqué : «  Le pays peut être heureux avec vous alors que nous vivons des difficultés […] Nos compatriotes ont envie d’être heureux et fiers avec vous. Il faut leur donner ce qu’ils attendent de vous, un esprit collectif, une volonté de gagner ensemble ». On reconnaît dans ces propos, le dogme officiel du ”vivre ensemble”, grandiloquent et ridiculement inefficace.

Pour le match d’ouverture contre la Roumanie, le Président de la République y assistait, couvert d’une immense écharpe de supporter. Grotesque. Un vrai clown, insensible à son propre ridicule. Que ne ferait pas ce petit politicien pour tenter de grappiller des voix ?

Le foot comme liturgie creuse

La triste réalité, c’est que le milieu du football – international et français particulièrement– est gangréné par la corruption généralisée, le dopage, les pratiques mafieuses, la délinquance sexuelle, les trafics financiers, les enrichissements délirants, les matchs truqués. Les récentes affaires (Platini, Benzema, etc.) ne sont que la petite partie émergée de l’iceberg du sport le plus pourri de la planète. 

Il est catastrophique de présenter comme des exemples et des modèles pour la ”jeunesse” des footballeurs millionnaires, illettrés, frimeurs, souvent délinquants. On s’indigne des salaires des grands patrons, qui sont tout de même des entrepreneurs et des employeurs, mais pas du tout de ceux, souvent plus élevés, des footballeurs.

Les vedettes du foot, qui « se conduisent comme  des vauriens tout en suscitant l’extase de la foule » selon la formule de Chantal Delsol, sont des mercenaires, souvent analphabètes, parfois voyous, toujours mus par la cupidité financière. Les transformer, comme le fait M. Hollande, en représentants du patriotisme français, en symboles de la France, est lamentable.

hollande-fin-coupe-du-monde-2014.jpgAvec cette messe footballistique, l’insignifiance devient un sujet central. Le polémiste Anthony Palou (Le Figaro, 08/06/2016) reprenant l’idée classique mais juste du ” foot opium du peuple”, écrit : « Nous n’avons rien contre le foot, plutôt contre la bêtise qui s’en dégage […], nous en avons contre une société malade, une société qui ne vit que par le ballon, une société complètement infantile ». Prétexte à un chauvinisme bas de gamme, inverse même du patriotisme ou du nationalisme, le foot est aussi le royaume de «  cet argent un peu cracra » ainsi que de la démagogie politique : « ras–le–ballon de ces hommes politiques si ridicules, si peu professionnels qui n’ont de cesse que de passer leur temps devant leur télé ou au Stade de France ». Sans oublier évidemment le hooliganisme ultraviolent des supporters qui s’amplifie : dans aucun de ses aspects, décidemment, le football n’est sympathique. Chantal Delsol, à propos de la grand messe de l’Euro et du foot en général, utilise cette expression : « liturgie creuse ».

Le mensonge de la ”diversité heureuse” représentée par les ”Bleus”

L’équipe de France n’est pas la société française. Les ”Bleus” (d’un bleu très foncé…) sont devenus le symbole dérisoire d’une identité nationale simulée. On essaie depuis un certain temps – idéologie du ”Black–Blanc–Beur” – de présenter cette équipe multiraciale (de moins en moins d’ailleurs et de plus en plus africaine) comme un exemple réussi de pluralité et de coexistence pour une société mise dans l’obligation de se ”diversifier”, de se déblanchir.

La rhétorique officielle (raciste en creux comme tout ce qui est ”antiraciste”) dit : c’est cette diversité (ethnoraciale) qui donne son dynamisme à l’équipe de France et qui, donc, est aussi un avantage, une chance pour la nouvelle France. Or ces deux présupposés sont faux. L’équipe de France performait mieux dans les classements quand elle était homogène ethniquement, européenne ; dans le monde, les meilleures équipes (dans tous les sports) sont monoethniques. Yves de Kerdrel rappelle que dans les années 70 « le foot était un sport où s’affrontaient de vrais athlètes et non des garnements incultes gavés de millions d’euros et incapables de chanter La Marseillaise » (Valeurs actuelles, 9–17/06/2016). Les ”Bleus”, depuis plusieurs années, sont médiocres et ébranlés par des scandales à répétition. La société française, quant à elle, devenue multiraciale et multiculturelle, vit une crise profonde, le fameux ”vivre ensemble” ressemblant à une sinistre utopie, une farce tragique. Ce qui était prévisible, puisque toute société ethniquement hétérogène est invivable à terme.

C’est pour occulter ce terrible constat, cette lourde vérité, afin d’imposer le mensonge de la ”diversité heureuse”, que la propagande de l’État et des médias dominants orchestre un énorme battage autour de l’équipe de France de football et de l’Euro 2016. L’enjeu idéologique d’une victoire des ”Bleus” est donc énorme. Tout va donc être tenté pour qu’ils gagnent…   

Les Bleus, faux héros et modèles factices

Les autorités de l’État–et notamment le Président de la République– se dévalorisent en divinisant cette ”équipe de France”, un ramassis d’athlètes dopés, au QI de poule, payés comme des nababs. Présenter ”les Bleus” comme symboles suprêmes de la France est insultant et dégradant. On donne ces sous–doués en exemple, alors qu’on néglige les véritables élites françaises dont, malheureusement, une bonne partie s’exile : chercheurs, inventeurs, chefs d’entreprise, artistes talentueux, etc. souvent ignorés par les médias, beaucoup plus attirés par les footballeurs et les rappeurs 

horrfoot49737800.jpgAu moins, les gladiateurs et même les auriges des Jeux du Cirque dans l’Empire romain risquaient leur vie à chaque descente dans l’arène.

Le président Hollande, en visite à Clairefontaine, le centre d’entraînement de l’équipe, dans une grandiloquence ridicule, s’est exclamé : « vous êtes la France, toute la France ! » Cette volonté de comparer l’équipe de football nationale à la France elle–même et en faire son modèle est obsessionnel et misérable. M. Hollande sous entend évidemment que la France doit, à l’image de son équipe, se ”diversifier”, c’est-à-dire s’africaniser. Car, elle est là, l’obsession : en finir avec cette France de souche, monochrome.

Ivan Rioufol, qui traite le football actuel de « sport pourri par l’argent et la crétinerie », et déplore « la foule anesthésiée par ce nouvel opium », écrit : « en venir à admettre que le foot professionnel, corrompu jusqu’à l’os, est seul capable d’unir les citoyens dit tout des maux dont souffre la France éclatée […] Observer le gouvernement désemparé se jeter dans les bras d’un football frelaté élevé au rang de culte, rend la situation pathétique ». (Le Figaro, 10/06/2016)

L’aliénation devant le football atteint Le Monde,journal officiel de l’idéologie dominante et de l’oligarchie, qui a consacré deux pages ( !) d’entretien le 8 juin au joueur Zlatan Ibrahimovic, parfait abruti narcissique qui débite des âneries. Associer la force et la santé d’un pays à son équipe de football (une équipe de millionnaires incultes qui, en plus, ne reflète pas l’identité du pays) est profondément pervers. Car c’est une tentative pour siphoner le véritable patriotisme français au profit d’un chauvinisme dégénéré qui héroïse des mercenaires.

Souhaitons le mieux pour notre pays : que cette équipe de France de foot, ”les Bleus”, soit éliminée et qu’une véritable équipe nationale européenne l’emporte.   

  1. Truquer un match consiste à payer des athlètes pour mal jouer et laisser marquer des buts à l’adversaire, pratique courante dans le football. Les raisons son multiples, politiques ou liées aux paris. Les joueurs complices de la défaite de leur équipe sont fortement rémunérés. Cette pratique était fréquente dans l’Antiquité romaine pour les courses de char.

Démocratie directe : la Russie en avance sur les Occidentaux?

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Démocratie directe: la Russie en avance sur les Occidentaux?

Uli Windisch
Rédacteur en chef
Ex: http://www.lesobservateurs.ch

Yvan Blot et Uli Windisch invités à Moscou pour répondre à l’intérêt pour la démocratie directe et à donner un avis sur l’application des primaires par Russie Unie, le parti de Vladimir Poutine

 

Vladimir Poutine plus démocratique que nombre de pays occidentaux !

Impossible n’est pas russe !

Une Fondation russe, l’Institut of socio-economic and political research, invite des professeurs et des chercheurs étrangers spécialisés dans l’étude de la démocratie directe afin de prendre connaissance de leurs travaux et expériences et d’en tirer profit pour une organisation plus démocratiques des élections législatives de septembre 2016. Parmi eux Yvan Blot et Uli Windisch

En Occident on n’est guère au courant que le 25 mai dernier, Russie Unie, le parti de V. Poutine, a organisé pour la première fois ses primaires en vue de la désignation de ses candidats aux législatives qui renouvelleront la Douma en décembre prochain. Le but principal de ces primaires : rajeunir le personnel politique et  rapprocher davantage les élus de la population. Le succès de ces primaires  a été incontestable : 9,1 millions d’électeurs y ont participé.

Parmi les invités occidentaux spécialisés dans l’étude de la démocratie directe, Yvan Blot, est un admirateur de longue date de la démocratie directe suisse et auteurs de plusieurs ouvrage sur le sujet, et Uli Windisch, professeur des universités, et rédacteur en chef du site de Réinformation LesObservateurs.ch, est lui aussi auteur de nombreuses recherches et publications sur la démocratie directe suisse:

Uli Windisch, Le Modèle suisse, La démocratie directe et le savoir-faire intercommunautaire au quotidien, Ed l’Age d’Homme, Lausanne, Paris, 2007 ;

Le récent entretien donné à TVlibertés : Le Modèle suisse, La démocratie directe suisse", le 7 juin 2016: Lien vers l’émission de TVlibertés et sur notre site: interview de Uli Windisch sur Le Modèle suisse et la démocratie directe, ici: http://lesobservateurs.ch/2016/06/07/uli-windisch-sur-le-plateau-de-tvlibertes-video/

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Le dernier article de Yvan Blot : Les primaires, une idée russe, Polémia, site de Réinformation français, 16 juin 2016:

Les primaires, une idée à la russe

Ivan Blot, haut fonctionnaire, homme politique, essayiste et écrivain

♦ A la fin des traditionnelles élections primaires américaines et à l’heure des prochaines primaires de la droite et du centre, peu de Français, et d’Occidentaux en général, sont informés de l’innovation que vient de mettre en place la Russie. Il est vrai que les opinions publiques occidentales ne sont pas encore prêtes à admettre que la Russie puisse inspirer une innovation éminemment démocratique.

Pourtant, c’est un exemple intéressant pour des pays comme la France où le système des partis est oligarchique et se bat avant tout pour sa propre survie.

Ainsi, le 25 mai dernier, Russie Unie, le parti de Vladimir Poutine, a organisé, pour la première fois, ses élections primaires en vue de désigner ses candidats aux législatives qui renouvelleront la Douma en décembre prochain. Selon les données fournies par Russie Unie, 2.781 candidats ont participé à ces primaires, dont 200 membres des activistes de l’ONF, le Front du peuple de toutes les Russies. Ce qui fait une moyenne de six candidats par circonscription avec, par exemple, une pointe à treize à Moscou. Plus de 9,1 millions d’électeurs y ont participé. La participation s’est établie dans une fourchette de 3%, dans la région d’Arkhangelsk, au nord-ouest du pays, à 14% en Mordovie, Moscou ayant participé à hauteur de 6,5%. A noter que 193 députés sortants se sont soumis à ces primaires.

demdirUwt3L._AC_UL320_SR206,320_.jpgRussie Unie a choisi d’en passer par les primaires pour recruter des candidats solides et des leaders d’opinion qui pourraient réaliser de meilleurs résultats que des membres du parti qui, eux, sont promus par les autorités locales mais n’ont pas forcément les faveurs de l’électorat.

Sur la base des résultats de ces primaires législatives, Russie Unie constitue actuellement ses listes de candidats, qui seront présentées dans le courant de ce mois de juin au congrès du parti.

Ce processus de sélection des candidats aux législatives est, certes, nouveau en Russie, mais il n’existe encore nulle part en Europe où les rares médias qui en ont parlé ont insisté sur son caractère éminemment démocratique. En France, par exemple, où le débat sur le cumul des mandats qui divise tous les partis pourrait trouver une solution en s’inspirant de ce modèle russe. Certains candidats à la primaire de la droite et du centre suggèrent, en effet, non seulement de limiter le cumul des mandats simultanés, mais de les limiter également dans la durée, comme c’est déjà le cas pour la présidence de la République. Mais la plupart d’entre eux préfèrent éviter le sujet.

Dans un contexte où tous s’accordent à reconnaître que la démocratie française est malade, souffrant du manque de confiance des citoyens, l’exemple russe mérite d’être étudié. En effet, si seulement 14% des Français déclarent faire confiance aux partis politiques, ils sont 35% à se déclarer confiants en la démocratie. En d’autres termes, les citoyens ne sont pas opposés à la démocratie mais sont déçus par sa façon de fonctionner.

Pour l’anecdote, je rappellerai un épisode pittoresque qui remonte à plus d’un quart de siècle mais qui n’a rien perdu ni de son actualité ni de son acuité : je siégeais en tant que directeur du cabinet du secrétaire général du RPR, Bernard Pons, à une commission d’investiture réunie pour désigner le candidat du parti à la mairie de Lyon aux élections municipales de 1989. Les autres membres de la commission étaient Jacques Chirac, président du parti, les présidents des deux groupes parlementaires, Claude Labbé à l’Assemblée nationale et Charles Pasqua, le secrétaire national aux élections, Jacques Toubon.

Chirac nous demanda de choisir entre deux candidats, le chef d’entreprise, Alain Mérieux, et un membre local du parti, Michel Noir. Il nous expliqua aussi qu’il préférait Noir à Mérieux parce que celui-ci était trop riche, donc trop indépendant. Il ajouta que Mérieux était si ambitieux que s’il devenait maire de Lyon, il se servirait de sa prestigieuse mairie comme tremplin pour une candidature à l’Élysée contre lui-même. Evidemment, Noir fut désigné sans que nous ne nous soyons prononcés et encore moins les militants locaux du parti.

Ivan Blot
16/06/2016

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Autre article de Uli Windisch sur la culture politique suisse (18p):

Au- delà du multiculturalisme: identité, communication interculturelle et culture politique: le cas de la Suisse[1]

La situation concrète de la Suisse plurilingue et pluriculturelle illustre l'impossibilité de comprendre la diversité culturelle croissante des pays européens ayant connu une forte immigration en termes dichotomiques et manichéens du genre multiculturalisme/citoyenneté; relativisme culturel/assimilation; différences culturelles/unité nationale, etc.

Plus généralement, on remarque dans la recherche une tendance à vouloir aborder des thèmes comme ceux de la diversité culturelle et de l'immigration de manière purement théorique, abstraite et universelle. Chaque chercheur a sa théorie et veut imposer sa vérité, souvent par une sorte de coup d'état théorique. Les recherches approfondies et les données empiriques passent volontiers au second plan. Cela montre à quel point la diversification culturelle à la suite de l'immigration et de l'ensemble des mouvements de population n'est pas un thème neutre politiquement. Tout propos à ce sujet, aussi nuancé, fondé empiriquement et objectif soit-il, est quasi automatiquement connoté politiquement et réinterprété idéologiquement en fonction des a priori partisans et idéologies respectifs. La polémique est garantie d'avance et les accusations réciproques et autres procès d'intention constituent le moteur de la dynamique de la discussion. En bref, c'est un terrain miné.

Notre objectif ne vise pas à ajouter une énième vérité ni à louer ou à condamner le multiculturalisme ou le communautarisme, ou, au contraire, à prôner l'intégration ou la citoyenneté comme unique solution politique valable et responsable. A notre avis, l'urgence en la matière ne consiste pas à choisir entre multiculturalisme et citoyenneté mais à analyser empiriquement et de manière approfondie des exemples réels de sociétés confrontées au problème de la gestion de la diversité (culturelle) dans l'unité (politique). Quelle unité à partir de la diversité? Quelle diversité une unité (nationale) peut-elle supporter sans éclater? Concilier diversité et unité cela ne revient-il pas à vouloir concilier l'inconciliable? La diversité est souvent perçue comme une menace pour l'unité; l'obsession de l'unité et la peur concomitante de l'éclatement sont sans doute deux traits majeurs de toute société, de tout Etat, de tout pays, de toute nation. Et si la diversité ou même l'encouragement de la diversité constituait aujourd'hui le meilleur gage de l'unité d’un pays?  L'objectif de notre propos vise à montrer comment la Suisse tente de répondre à ces différents défis, concrètement, dans la vie de tous les jours, de manière pragmatique plutôt que par l'application de dogmes prédéfinis.

Le savoir-faire intercommunautaire élaboré par ce pays ne peut, bien sûr, tenir lieu de référence pour d'autres pays. Son expérience permet en revanche de réfléchir sur ces problèmes de manière moins théorique et abstraite et d’élargir ainsi la voie des possibles en matière de gestion de la cohabitation interculturelle au sein d'un même pays. Livrons d'emblée un résultat principal des six années de recherche sur le terrain de la mosaïque linguistique et culturelle suisse avec une équipe interdisciplinaire composée de sociologues, d’anthropologues, de linguistes, de sociolinguistes et de politologues .Sans en remplir toujours toutes les conditions, la Suisse montre qu'une cohabitation entre communautés culturelles et linguistiques  différentes au sein d'un même Etat suppose la présence simultanée et conjointe de trois composantes:

  1. L'identité culturelle
  2. La communication interculturelle
  3. Une culture politique commune à toutes les communautés linguistiques et culturelles

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La plupart des approches des phénomènes interculturels se caractérisent par la prise en compte d'une seule de ces trois composantes ou du moins par le surpoids très marqué de l'une d'entre elles. Dans l'analyse des problèmes interculturels, on se concentre par trop sur les facteurs langue et culture en sous-estimant la dimension de la communication (ou de l'absence de communication) entre les différentes cultures et sous-cultures et la dimension de la culture politique. Les différents courants du multiculturalisme surestiment le poids de la langue et de la culture tandis que les courants qui insistent sur la citoyenneté accordent un surpoids au politique.

Nos études  sur le terrain montrent que des difficultés d'ordre politique général apparaissent dès que certaines de ces trois composantes font défaut ou sont en surpoids.

Illustrons notre démarche à l'aune de la réalité politico-culturelle suisse:

  1. La Suisse, environ 7 millions d'habitants, comprend quatre langues nationales (l’allemand, le français, l’italien et le romanche) et donc quatre communautés culturelles différentes. Celles-ci sont de taille très inégale, cela sans compter les communautés d'immigrés (20% environ de la population totale).
  2. Ce qui tient ensemble la Suisse, ce n'est pas le fait qu'une grande partie des Suisses connaissent deux, trois, voire quatre langues (les Suisses plurilingues sont moins nombreux qu’on ne le pense généralement ) et qu'ils peuvent ainsi communiquer aisément entre eux, mais le fait que tous les Suisses partagent une culture politique commune (notamment la démocratie directe, le fédéralisme et quelques autres traits importants qui seront rappelés sous peu). Le fort attachement des Suisses à la démocratie directe (initiative populaire et référendum) et au fédéralisme (autonomie régionale, cantonale et communale) constitue un lien puissant, beaucoup plus puissant que la communication entre les différentes communautés linguistiques et culturelles).
  3. c) La Suisse connaît toutefois un certain nombre de problèmes en lien avec son

plurilinguisme et son pluriculturalisme: précisément, le manque de communication entre ces différentes communautés et le manque d'intérêt de ces dernières les unes envers les autres. C’est le fameux adage "On se comprend bien  parce qu'on ne se connaît pas".

Si ce "vivre les uns à côté des autres" pouvait suffire autrefois, à l'avenir une communication intercommunautaire plus marquée pourrait bien devenir une nécessité. La situation suisse vérifie d'emblée l'inadéquation d'oppositions tranchées du genre multiculturalisme/citoyenneté; différences culturelles/assimilation. Elle fait aussi ressortir l'origine des difficultés qui interviennent lorsqu'on prône, par exemple, la seule différence culturelle au détriment de l'intégration politique. Plus généralement, nos sociétés doivent retrouver des modes de pensée sociale et politique plus globales, qui relèvent du "à la fois" (à la fois la différence culturelle et l'intégration), plutôt que de régresser vers des oppositions manichéennes du type "ou bien ou bien" (ma langue, ma culture, ma communauté contre mon aliénation par votre assimilation ). La gestion politique suisse des différences culturelles internes (l'intégration dans le respect des différences culturelles) devrait pouvoir s'étendre aux communautés immigrées de Suisse, dans la mesure où les immigrés adoptent cette personnalité politique de base faite de démocratie directe et de fédéralisme. Il est connu que la nationalité suisse s'obtient plus difficilement que la nationalité française par exemple, et l'on ironise volontiers sur le parcours du combattant que représente cette naturalisation suisse. On peut toutefois se demander si ce n'est pas à cause de la grande diversité culturelle interne de la Suisse que l'obtention de la nationalité est plus longue et difficile.( Elle nécessite jusqu'à 12 ans de séjour).Si la diversité culturelle constitue une grande richesse, elle peut aussi augmenter la fragilité de l'unité. On veut avoir l’assurance que les futurs naturalisés ont bien intégré cette personnalité politico-culturelle de base qui maintient l'unité du pays. Relevons par ailleurs que  la démocratie directe (participation effective des citoyens et la vie politique quotidienne) et le fédéralisme (forte autonomie locale et décentralisation)  constituent des valeurs de plus en plus prisées et même exigées à l’heure actuelle dans nos sociétés européennes (des sondages montrent par exemple que près de 80% des Français aimeraient connaître certaines formes de démocratie directe relevant de la pratique référendaire). Si le temps nécessaire à l'acquisition de la nationalité suisse est longue, on peut signaler que les étrangers naturalisés peuvent, en revanche, garder leur nationalité d'origine et devenir  ainsi binationaux, contrairement à d'autres pays où cela est impossible mais où la durée nécessaire à la naturalisation est plus courte. Cette particularité s'avère finalement cohérente avec la politique générale d'unité dans la diversité. Elle montre l'insistance à la fois sur l'unité (long délai nécessaire pour acquérir la personnalité politique de base suisse) et sur la diversité (respect des différences culturelles qui va jusqu'à admettre la binationalité).Un problème se pose alors, celui du droit de vote, que ce soit au niveau local, cantonal ou national, des étrangers établis depuis un certain nombre d’années. La dimension politique de la vie sociale suisse étant particulièrement importante (nombreux référendums et initiatives populaires), tant au niveau local, régional que national, il s'avère que la vie politique quotidienne devient elle-même un important facteur d'intégration sociale.

suisse-carte-article_1_730_400.jpgLa participation aux multiples discussions publiques autour des référendums et des initiatives populaires génère une vie sociale intense. Autrement dit, l'octroi de droits politiques, même partiels et sectoriels aux immigrés, favoriserait et accélérerait leur intégration sociale.

Mais en démocratie directe, c'est le peuple qui a le dernier mot et en Suisse comme dans d'autres pays, les droits politiques des immigrés rencontrent régulièrement l'opposition de la majorité de la population. Sur ce point, il faut donc laisser du temps au temps et  compter sur la discussion publique pour faire avancer les choses. Toutefois,  fédéralisme oblige, certains cantons et communes ( le canton de Neuchâtel et du Jura notamment) connaissent déjà depuis longtemps le droit de vote des immigrés. Ce sont souvent ces expériences locales, concrètes et positives, qui font avancer le débat public plus général. Si cette démarche est bien sûr lente, "lentement mais sûrement" dit-on en Suisse, elle comporte néanmoins un aspect positif; elle évite les effets pervers que pourrait entraîner ailleurs un décret gouvernemental imposant le droit de vote des étrangers contre l'avis  d'une population majoritairement hostile. La discussion publique et l'argumentation contradictoire constituent  l'un des moteurs de la démocratie directe et la clef de solutions longuement mûries.

D'autres traits, dont on parle moins, vont de pair avec ce système politique2). L'attachement des Suisse à l'indépendance et à la neutralité (bien que relatives) a certainement partie liée avec le pluricultualisme. Si la Suisse a réussi à faire de sa diversité une force (la fameuse unité dans la diversité, les diversités qui renforcent l'unité), cela a pourtant pris du temps et n’a été atteint que progressivement. En effet, les trois principales communautés linguistiques de Suisses sont liées par leur langue aux pays voisins (la Suisse allemande à l'Allemagne, la Suisse romande à la France et la Suisse italienne à l'Italie). Une telle situation comporte une certaine fragilité puisque malgré des langues et des traits culturels communs avec les pays frontière, ces trois communautés se sont associées avec des communautés d'autres langues plutôt qu'avec leur "Hinterland" naturel. Il est donc clair que suivant les époques et la nature des tensions internationales, notamment entres les pays frontières (France, Allemagne, Italie, Autriche), cette mosaïque pouvait devenir très fragile et constituer une force centrifuge en ce sens que chaque communauté linguistique aurait pu être tentée de prendre fait et cause pour le pays étranger dont elle partage la langue et la culture. Cela explique le long travail mental, politique et historique qui a été nécessaire pour parvenir à cette volonté d'indépendance et de neutralité par rapport à l'extérieur ainsi que la difficulté de relativiser aujourd’hui cette volonté. Ce système de représentations sociales et politiques, que certains appellent aujourd'hui "repli sur soi", est aussi à l'origine de la difficulté qu'ont certains Suisses à envisager, subitement, une entrée dans l'Union européenne, même si la Suisse est très profondément européenne par ses valeurs et sa culture.

La subsidiarité va de pair avec le fédéralisme et peut se résumer en une formule également fameuse: "Ce que les communes peuvent faire, le canton ne doit pas le faire, ce que les cantons peuvent faire, la Confédération ne doit pas le faire". L'on pourrait ajouter, du point de vue des Suisses qui sont favorables à une entrée conditionnelle dans l'Union européenne: ce que chaque pays peut faire, l'Union européenne ne doit pas le faire.

Le fédéralisme et le principe de subsidiarité sont, eux aussi, liés à la très grande diversité et hétérogénéité culturelle et politique de la Suisse, hétérogénéité que l'on retrouve à l'intérieur des cantons, suivant les régions et les communes. Ainsi, voit-on des cantons appliquer des politiques linguistiques très différentes et des communes, à l'intérieur d'un même canton, mettre en pratique des politiques scolaires fort variables. Ce respect fondamental  de chaque entité particulière (ce principe souffre bien sûr des exceptions mais il s'agit bien d'un principe d'organisation général et qui est inimaginable dans un pays fortement centralisé) est la condition d'un minimum de consensus, un autre trait constitutif de la réalité politico-culturelle suisse.

Suisse UDC.jpgCes différents traits sont liés entre eux, ils s'appellent les uns les autres, ils forment un système, une totalité spécifique. Le consensus est indissociable du fédéralisme et suppose de longues et larges procédures de consultation de tous les principaux acteurs sociaux et politiques concernés par une décision. En Suisse, il est inimaginable de gouverner par décret. Cette politique de  consultation généralisée est elle-même liée à la démocratie directe: en consultant le plus d'acteurs possible, on peut éviter un référendum. Le fait de tenir compte des avis les plus différents et opposés débouche, après des discussions généralisées (aspect participatif), sur des compromis et le pragmatisme. La volonté de trouver une solution convenant au plus grand nombre évite la polarisation sur des positions idéologiques tranchées. Le consensus et le pragmatisme sont incompatibles avec la défense de principes idéologiques a priori. L'attitude pragmatique vise toujours des solutions concrètes. On part du principe qu'il y a toujours une solution à un problème, même difficile et délicat, et l'on mettra le temps nécessaire pour la trouver, même si ce temps est long, trop long pour certains. Parfois, on finit même par espérer que le temps résoudra de lui-même un problème. La démocratie directe, ou semi-directe, suppose ensuite une conception active de la citoyenneté, même si tout électeur ne participe pas à toutes les élections, votations populaires et autres pratiques référendaires. Nombre de critiques du système relèvent  les taux d'abstention parfois élevés. C'est la possibilité qu'a chaque citoyen de participer très largement au système politique qui nous semble important, plus que la participation elle-même, possibilité qui va aussi dans le sens du désir généralisé de participation propre au Zeitgeist politique de note époque. Si certains citoyens s'abstiennent, d'autres en font davantage que la normale. C'est alors l'esprit de milice, qui est autre chose que le goût pour la vie associative en général (très poussé aussi en Suisse). Il s'agit de la participation bénévole de nombre de citoyens qui s'engagent dans un esprit d'ouverture et de dialogue à participer à nombre d'activités collectives de réflexion, de discussion et d'élaboration de propositions en vue de trouver des solutions aux grands défis de la société et d’aider ainsi les autorités dans leur tâche. Dans d'autres pays, ces bénévoles deviendraient des chargés de mission, des personnes engagées professionnellement et rémunérées comme telles. Ces citoyens de milice peuvent être membres de plusieurs commissions, groupes de travail, groupes de réflexion, etc. sans jamais être engagés à titre professionnel. L'absence de rémunération ou le simple dédommagement des frais courants n'excluent pas, en revanche, des retombées symboliques pouvant favoriser une carrière politique ou autre, ou encore la nomination à une responsabilité prestigieuse. En lien avec l'esprit de milice, on peut signaler la modestie du faste qui entoure les autorités politiques du pays. A défaut d’être toujours populaire, l'autorité politique a le souci  de ne pas être coupée du peuple, malgré la difficulté de l’exercice. La démocratie directe l'y oblige d’ailleurs. Certaines anecdotes illustrent cette réalité: le fait, par exemple,. que les Conseillers fédéraux (les membres du gouvernement fédéral) peuvent parfaitement prendre le bus ou le train avec Madame et Monsieur Tout-le-Monde et cela sans être accompagnés de gardes du corps. Il ne s’agit pas d’une légende.

Si le peuple peut désavouer les autorités politique lors de telle ou telle votation populaire, cela ne signifie nullement un rejet général de ces mêmes autorités, ni ne suppose une démission de tel ou tel membre du gouvernement. Le peuple peut réellement contrôler les autorités, obliger ces dernières à tenir compte de lui, trop selon certains technocratiques pressés mais peu conscients des effets pervers qu'aurait un changement profond de ce système politique. Nous ne disons pas cela par conservatisme (le système politique s'est d'ailleurs constamment autocorrigé et cela avec l'approbation du peuple) mais en fonction d'une appréhension globale de ce système politique et de l'analyse de ses effets manifestes et latents . Il s'agit bien d'un phénomène social et politique total  et dont les caractéristiques et les conséquences n'ont de loin pas encore été toutes mises au jour.

Plus généralement, parmi les acquis de la démocratie semi-directe suisse (initiatives populaires nécessitant la signature de 100.000 citoyens et les référendums de 50.000 signatures), on retiendra encore qu'elle a permis le développement progressif d'une volonté populaire réfléchie et qu’elle a contribué au développement de valeurs telles que  la tolérance (par opposition à l'intransigeance idéologique), le respect des autres (des autres langues, cultures, religions, partis etc.) et le bon sens. Ce qui ailleurs peut entraîner la désintégration (la présence de plusieurs langues, ethnies, religions, cultures, etc.) a été ici retourné en une force d'intégration. Cette personnalité politique de base rappelle, en ces périodes ethniquement troublées, que la destruction réciproque entre ethnies, langues, cultures et religions différentes n'est pas inéluctable.

La présentation synthétique ci-dessus devrait nous permettre de montrer que la cohabitation interculturelle propre à la Suisse dont il va être question maintenant ne peut être adéquatement saisie si elle n'est pas mise en relation avec les spécificités de cette culture politique, et que les problèmes de cohabitation interculturelle ne sont jamais des problèmes purement linguistiques ou culturels mais des problèmes fondamentalement politiques.

Contrairement à d'autres pays plurilingues, comme le Canada et la Belgique par exemple, qui ont une politique linguistique très développée et complexe, ce qui frappe nombre d'observateurs à propos de la Suisse, c'est l'absence d'une telle législation linguistique détaillée[2]. Un seul et bref article de la Constitution fédérale, l'art. 116,qui vient d'être modifié le 10 mars 1996, tient lieu de politique linguistique. Voici sa teneur en quatre points:

  1. Les langues nationales de la Suisse sont l’allemand, le français, l’italien et le romanche.
  2. La Confédération et les cantons encouragent la compréhension et les échanges entre les communautés linguistiques.
  3. La Confédération soutient des mesures prises par les cantons des Grisons et du Tessin pour la sauvegarde et la promotion des langues romanche et italienne.
  4. Les langues officielles de la Confédération sont l’allemand, le français et l’italien. Le romanche est langue officielle pour les rapports que la Confédération entretient avec les citoyens romanches. Les détails sont réglés par la loi.

La brièveté de cet article indique que la politique linguistique de la Suisse est essentiellement informelle, non écrite, pragmatique, le résultat d'une longue tradition de pratiques informelles patiemment élaborées sur la base de cas problématiques et d'expériences concrètes.

L'ensemble de ces pratiques informelles sont toutefois déterminées par un principe général, également non écrit, qui est le principe de la territorialité (par opposition au principe de la liberté de la langue). L'image de la Suisse plurilingue ne signifie pas que l'on parle indifféremment toutes les langues nationales dans chaque communauté linguistique ou encore que la plupart des Suisses sont plurilingues. A chaque territoire sa langue (l'allemand en Suisse allemande, le français en Suisse romande, etc.). L’application de ce principe de la territorialité a pour but d'éviter un déplacement des frontières linguistiques et de maintenir l'homogénéité des différentes régions linguistiques. L'application du principe de la territorialité implique une politique claire d'intégration et même d'assimilation des migrants internes: un Suisse allemand qui s'établit en Suisse francophone doit scolariser ses enfants en français et ne peut pas revendiquer un enseignement en allemand pour ses enfants, en vertu du fait que le pays est plurilingue. En bref, chaque région linguistique n'a qu'une langue officielle (exception faite des cantons plurilingues). Mais le principe de la territorialité n'empêche pas l'apprentissage des autres langues nationales dans chacune des régions linguistiques. Des efforts considérables sont même faits dans ce sens.

L'attachement au principe de la territorialité tient à une autre raison : c'est l'inégale importance numérique des différentes communautés linguistiques nationales. La population suisse (sans les 20% d’étrangers), se répartit de la manière suivante (recensement fédéral de 1990): allemand 73,4% (4.131.027 hab.)  ; français 20,5% (1.155.683 hab.); italien 4% (229.000 hab.); romanche 0,7% (38.454 hab.); autres langues: l,3% (74.002 hab.)

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Du fait de cette seule disproportion numérique, les Alémaniques sont beaucoup plus nombreux à s'être établis dans les trois autres régions linguistiques que l'inverse. Les données chiffrées sont les suivantes: sur l'ensemble de la population suisse établie en Suisse allemande, les francophones représentent 1,6% , les italophones 0,7% et les Romanches 0,4% tandis que les proportions de Suisses allemands établis en Suisse romande représentent 7,4%; en Suisse italophone 11,3% et en Suisse rhéto-romanche 20,8%. La présence alémanique se fait d’autant plus sentir qu’une communauté est minoritaire. Ainsi, parle-t-on du danger de "germanisation" en Suisse rhéto-romanche et italophone, mais guère en Suisse romande. Le principe de la territorialité peut cependant comporter des effets pervers (dans les Grisons, certaines communes comptaient une telle proportion de germanophones immigrés qu'au nom de ce même principe de la territorialité, les communes sont devenues à la longue majoritairement alémaniques et par la suite, au moyen de l'autonomie communale elle-même, de langue officielle allemande). Mais sans une application relativement stricte de ce principe dans la longue durée, la Suisse plurilingue actuelle n'existerait peut-être déjà plus. Si les enfants de tous les Suisses alémaniques ayant émigré vers les autres régions linguistiques de Suisse avaient pu être scolarisés en allemand, la proportion des Suisses de langue allemande serait encore beaucoup plus importante à l'heure actuelle. Il faut cependant souligner que les Alémaniques n'ont aucune visée hégémonique ou impérialiste sur les autres régions linguistiques, bien au contraire. Le problème provient uniquement de leur considérable surnombre par rapport aux autres communautés linguistiques. Bien que grand et large majoritaire national, les Alémaniques ont une capacité assez exceptionnelle d'intégration et d'assimilation. Les Alémaniques qui émigrent dans une autre région linguistique du pays s'assimilent très vite, au point de chercher parfois à gommer les traces de leur origine linguistique. Ils chercheront par exemple à faire disparaître activement l'accent caractéristique qu'ils ont lorsqu'ils commencent à parler français. La proportion d'immigrés d'origine suisse alémanique établis en Suisse romande  est beaucoup plus importante que le 7,4% susmentionné, précisément à cause de cette assimilation rapide. Ces 7,4% ne représentent que les immigrés les plus récents, ceux dont l'allemand est encore la langue la mieux maîtrisée.

Au sujet de la pratique du bilinguisme et du plurilinguisme dans la Suisse pluriculturelle, on peut dire, schématiquement, que les plus actifs en matière de plurilinguisme sont les plus minoritaires, soit les italophones et les Romanches, qui connaissent eux fréquemment deux, trois, voire quatre langues nationales, du moins pour ceux qui vivent au contact des autres communautés linguistiques nationales . Ce sont eux qui s'adaptent aux deux autres communautés majoritaires. En ce qui concerne les relations entre Alémaniques et Romands, en revanche, pendant longtemps les Alémaniques  apprenaient et parlaient plus facilement le français que les Romands l'allemand. Mais les choses semblent être en train de changer: on voit poindre du côté alémanique une certaine exigence de réciprocité; les Alémaniques, surtout parmi les jeunes, trouvent que les Romands pourraient également faire un effort et parler un peu l'allemand, voire le suisse allemand, puisque la langue maternelle des Suisses allemands n'est pas l'allemand mais le dialecte alémanique. Les Suisses alémaniques apprennent  l'allemand standard (le Hochdeutsch) surtout à partir du moment où ils vont à l'école. Ils deviennent bilingues (dialecte + allemand standard) avant même d'apprendre une deuxième langue nationale. D'autre part, en Suisse aussi, l'engouement pour l'anglais est de plus en plus marqué, quelle que soit la communauté linguistique nationale. On touche ainsi à un problème majeur auquel la Suisse sera de plus en plus confrontée: le manque de communication entre les différentes communautés linguistiques.

La définition de la situation et des problèmes de la Suisse en matière de relation et de cohabitation interculturelles varie suivant les acteurs sociaux et politiques et les divergences dans cette définition peuvent faire l'objet de vives polémiques.

Un premier souci des autorités est celui du romanche menacé de disparition. L’un des objectifs de la révision de l’art.116 sur les langues (le 1er mars 1996) visait précisément à renforcer cette langue en la faisant passer du statut de langue nationale à celui de langue officielle pour ce qui est des relations entre les Romanches et la Confédération. Cette mesure, à la fois symbolique et concrète, a été massivement approuvée par le peuple suisse, ce qui indique l’attachement des Suisses au quadrilinguisme, leur sympathie et leur soutien à la plus petite communauté linguistique du pays, (seulement 40.000 personnes). La disparition du romanche mettrait en cause une composante à la fois réelle, symbolique et mythique du pays. Un nombre insignifiant de Suisses qui ne sont pas Romanches de naissance parlent cette langue, ce qui ne les empêche pas d’avoir une grande sympathie et un profond attachement pour elle. L’italien, bien que fortement minoritaire aussi (4,1% de la population suisse) n’est, en revanche, nullement menacé car le Tessin possède son Hinterland: l’Italie. Le souci majeur des autorités constitue néanmoins les divergences qui semblent s’accentuer, on parle parfois de « fossé », entre la Suisse alémanique et la Suisse francophone. Au manque d’intérêt, de connaissance et de communication réciproques, s’ajoutent des divergences politiques sur des sujets aussi essentiels que l’adhésion à l’Union européenne, les relations internationales en général et différents sujets nationaux plus particuliers, liés par exemple à l’environnement, à l’écologie, aux transports, etc. Plus généralement, le sentiment d’appartenance communautaire est davantage marqué chez les Alémaniques que chez les Romands, sentiment renforcé par la spécificité dialectale du langage parlé par les Alémaniques. Face à ces différences culturelles et de mentalité entre communautés linguistiques nationales, les attitudes des différents acteurs de la société varient considérablement. La presse et les médias ont tendance à insister sur les divergences, à mettre en évidence les événements qui différencient plutôt que ceux qui lient malgré tout les différentes communautés. Après les votations populaires qui font apparaître ces différences de sensibilité entre communautés linguistiques, la dramatisation est de mise dans certains journaux: « La Suisse peut-elle exploser? ». « La Suisse peut-elle voler en éclats », etc.

Sur des sujets aussi émotifs que celui de l’avenir du pays, il n’existe pas de discours ni de représentation uniques. D’un côté, on trouve ceux qui dramatisent, de l’autre ceux qui minimisent. Ces derniers insisteront sur les capacités d’absorption des conflits du système politique. Un sujet comme celui de l’adhésion à l’Union européenne divise et renforce l’opposition et la stéréotypisation réciproques entre Alémaniques et Romands notamment, mais il est tout aussi vrai que jamais un problème considéré comme fondamental n’a été résolu en un tournemain. C’est l’espace public, foncièrement délibératif, qui doit, par le débat et la discussion contradictoires, même virulents, amener peu à peu à un consensus minimal. Aucun système politique n’exige sans doute autant de temps pour résoudre certains problèmes, c’est pourquoi  ce système politique doit être apprécié en fonction de la longue durée et non en termes de « coups médiatiques ».

Notre propre point de vue à propos de l’avenir de la Suisse n’est ni béatement optimiste ni catastrophiste mais volontariste, fonction d’un projet de société exigeant et qui nous semble adapté à l’évolution générale actuelle. Ce ne sont pas des réformes institutionnelles (voir les nouveaux projets de réforme de la Constitution fédérale dont certains semblent attendre comme des miracles) mais une meilleure mise à profit et une utilisation volontariste de l’ensemble des possibilités politico-culturelles du système politique et du pluriculturalisme suisses qui pourraient apporter  des éléments de réponse aux grands défis de notre époque. Prenons l’exemple du problème des rapports entre les différentes communautés linguistiques. Il y a quelque temps encore, la Suisse pouvait parfaitement fonctionner avec des communautés linguistiques juxtaposées, sans communication poussée ni liens intenses et durables entre elles. Aujourd’hui, une telle communication plus poussée semble, en revanche, devenir une nécessité. Les autorités le pensent également puisque le point 3 du nouvel article constitutionnel sur les langues (art. 116) le prévoit explicitement (« La Confédération et les cantons encouragent la compréhension ou les échanges entre les communautés linguistiques »).

Pour se comprendre et échanger il faut pouvoir communiquer, et pour communiquer il faut connaître la langue de l’autre ou du moins la comprendre à défaut de la parler. Il s’agit d’ailleurs là d’un mode de communication courant entre les élites helvétiques des différentes communautés linguistiques: chacun parle dans sa langue et est censé comprendre passivement celles des autres, ou du moins celles des plus grandes communautés linguistiques. Il serait en effet difficile d’attendre d’une grande partie des Suisses qu’ils comprennent, même passivement, le romanche (cela d’autant plus qu’il existe à côté de « l’inter-romanche » nouvellement créé (le rumantsch grisun), cinq dialectes romanches différents parmi les 40.000 personnes dont c’est la langue principale.

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On saisit ainsi quelques problèmes majeurs de la Suisse actuelle, que l’on ne peut que caricaturer, tant chaque aspect comporte toujours de multiples nuances, variations et cas particuliers, sans oublier que la définition de ces problèmes varie encore fortement d’une communauté linguistique à une autre. Prenons l’exemple de la communication entre Alémaniques et Romands. Du point de vue des Romands, les difficultés de communication avec les Alémaniques sont dues au fait que ces derniers parlent un dialecte (langue essentiellement orale) et non la langue allemande standard (orale et écrite) telle qu’on l’apprend à l’école et qu’elle s’écrit. Ainsi dira-t-on en Romandie que l’apprentissage de l’allemand ne sert à rien puisque les Alémaniques préfèrent parler le dialecte et n’aiment pas la langue allemande standard. Il est vrai que ces derniers ne se sentent pas toujours à l’aise en allemand standard, car ce n’est pas leur langue maternelle et d’autre part les Alémaniques sont très attachés à leurs dialectes. De plus, dit-on du côté romand, même si on voulait apprendre le dialecte alémanique (le Schwyzerdütsch), lequel faudrait-il choisir puisqu’il y en a plusieurs? En réalité, il s’agit là d’un prétexte car les Alémaniques parlant des dialectes différents peuvent parfaitement se comprendre moyennant certains mécanismes d’adaptation rodés depuis longtemps (on laisse tomber certains termes trop idiomatiques et l’on atténue les phénomènes de prononciation trop singuliers).

En réalité, la raison de la faible pratique que ce soit de l’allemand standard ou du dialecte alémanique parmi les Romands provient de l’image négative que ces derniers ont de la langue du majoritaire, voire des majoritaires eux-mêmes. Il y a bien sûr des exceptions mais d’une manière générale, à l’école déjà, les enfants francophones n’aiment pas l’allemand et ont beaucoup de préjugés négatifs aussi bien envers cette langue qu’envers les individus qui la parlent. Les moyens financiers investis par chaque communauté linguistique, dans l’éducation, pour l’apprentissage de la deuxième langue nationale, sont pourtant énormes. Les résultats sont faibles à cause de cette image et représentation sociale négatives, et l’on sait que l’on n’apprend que difficilement une langue lorsqu’on en a une image négative. Il faudrait donc changer cette image, démonter les stéréotypes et s’intéresser à la mentalité, à la manière de vivre, à la sous-culture (réellement différente) de l’autre, plutôt que la stigmatiser et s’en moquer. Cela paraît d’une logique implacable mais changer les mentalités n’est pas chose facile. Malgré tout, les situations semblent évoluer peu à peu, et le dévouement et l’imagination de nombre d’enseignants de langue seconde sont remarquables.

Les Romands signalent volontiers que s’ils disent quelques mots en allemand standard à des Alémaniques, ces derniers préfèrent répondre en français plutôt que de parler en allemand standard. Cela est encore en partie vrai mais cette adaptation du majoritaire au minoritaire commence elle aussi à changer puisque nombre d’Alémaniques  s’intéressent plus à l’anglais qu’au français, et qu’ils trouvent donc de plus en plus que les Romands pourraient aussi faire un effort et apprendre un peu le dialecte alémanique. A ce moment-là c’est le tollé, car certains francophones considèrent qu’ apprendre le dialecte alémanique serait comme une trahison envers la langue française et une soumission au majoritaire alémanique et à sa langue (qui, en plus, pour certains Romands, n’en serait pas une, de langue!). En fait, on sait aujourd’hui que tout apprentissage d’une autre langue constitue une ouverture incomparable sans nuire à la langue maternelle et dans le cas présent, les francophones défendraient peut-être encore mieux leur propre langue, identité et spécificité en s’exprimant de temps en temps en allemand, voire en dialecte, en présence d’ Alémaniques. Soyons précis, puisque nous marchons sur des charbons ardents, il ne s’agirait aucunement d’adaptation unilatérale mais de comportements symboliques ayant une signification et une portée considérables. En ne prononçant que quelques mots en allemand, voire en dialecte alémanique, les Romands montreraient qu’ils ont de la considération pour les Alémaniques, pour leur identité, leur langue, leur mentalité, et non du rejet, voire du mépris. Les Alémaniques sont très sensibles à ce genre de comportements plus ouverts. Quelques mots seulement pourraient changer du tout au tout la nature de ces rapports intercommunautaires. Nous l’avons vérifié empiriquement à de nombreuses reprises dans nos travaux de recherche. Mais proposer de telles mesures, aussi symboliques soient-elles, est déjà de trop pour certains francophones, pour les plus intransigeants qui voient partout mais à tort un danger de germanisation de la Suisse. Pour avoir proposé de telles mesures symboliques au niveau national et qui sont d’ailleurs couramment appliquées à la frontière des langues où Alémaniques et Romands vivent mélangés, nous avons été traité de « collaborateurs » par un ancien membre du gouvernement du canton, pourtant bilingue et frontière de Fribourg (« le combat linguistique a ses collaborateurs complaisants et ses résistants héroïques », journal « La Liberté », 5 sept. 1992).

On saisit la charge émotive du sujet alors que  notre proposition peut sembler des plus évidentes. Autre phénomène surprenant de nature linguistique dans un pays plurilingue: les écoles bilingues. Sachant précisément les difficultés d’un apprentissage purement scolaire et traditionnel des langues, de nombreux pays s’orientent de plus en plus vers les écoles bilingues. Au lieu d’apprendre une autre langue uniquement lors de cours de langue, on enseigne donc certaines matières scolaires générales (mathématiques, gymnastique, géographie , histoire, etc.) dans la langue étrangère afin d’acquérir cette dernière en la pratiquent et en l’appliquant . Sans entrer dans les détails et les variantes de cette pédagogie, il est établi que cette dernière s’avère très efficace, attirante même. La Suisse serait bien placée pour mettre davantage à profit les remarquables acquis de la scolarisation bilingue, cela d’autant plus que dans chaque communauté linguistique sont présents des membres des autres communautés linguistiques qui pourraient faciliter la mise en pratique de tels enseignements bilingues, voire plurilingues, en servant d’intermédiaires. Paradoxalement, la Suisse est aujourd’hui en retard en matière d’enseignement bilingue, même par rapport à des pays traditionnellement unilingues. Elle ne profite guère des atouts exceptionnels et considérables de son plurilinguisme. Le dynamisme innovateur n’arrive pas à avoir raison des pesanteurs éducationnelles traditionnelles ainsi que des peurs et préjugés  intercommunautaires ancestraux. La capacité des individus à se déplacer professionnellement, à changer de lieu, de région, voire de communauté linguistique, est aujourd’hui prônée par tout le monde mais on n’y prépare guère les individus. Les autorités et les parents de la Suisse plurilingue se verront-ils reprocher par leurs enfants de les avoir empêché d’apprendre efficacement et sans préjugés les autres langues? Il existe certes quelques écoles bilingues en Suisse mais elles sont souvent privées et coûtent cher. Seule une petite minorité privilégiée sera-t-elle réellement plurilingue? En fait, il s’agirait de généraliser l’enseignement bilingue dans l’école publique, afin de faciliter les échanges, la mobilité professionnelle et la communication interculturelle en général. L’apprentissage des langues deviendrait non plus rebutant mais passionnant. Cela serait possible sans beaucoup de moyens financiers supplémentaires étant donné les compétences à disposition, et éviterait surtout la dépense en vain de sommes considérables comme cela est fait actuellement. Il ne suffit plus de se donner bonne conscience en prônant théoriquement l’apprentissage des langue; il faut viser l’efficacité, efficacité qui permettrait simultanément une vie sociale plus intense, une communication interculturelle d’actualité et une ouverture d’esprit tant prônée, elle aussi.

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Et l’anglais? Il s’agit d’un autre problème faisant l’objet de discussions innombrables et infinies, en Suisse aussi. Continuons avec l’exemple des relations entre Alémaniques et Romands. On voit de plus en plus poindre la demande de pouvoir apprendre l’anglais comme seconde langue, à la place d’une deuxième langue nationale (à la place de l’allemand pour les Romands et du français pour les Alémaniques). Argument avancé: son utilité serait plus grande, son usage plus large et son apprentissage plus aisé; pour terminer, les Suisses communiqueraient entre eux en anglais lors des contacts intercommunautaires au lieu d’apprendre les langues nationales.

Le problème est clairement politique et notre choix l’est tout autant. Oui à l’anglais mais après une seconde langue nationale, cela d’autant plus que l’on sait que l’apprentissage d’une langue étrangère prépare et facilite l’apprentissage d’autres langues. Politique, le problème l’est car il en va carrément de la survie de la société pluriculturelle et plurilingue suisse. Avec l’hypothèse de l’anglais comme seconde langue apprise à l’école, la logique de la séparation risquerait de l’emporter sur la logique de l’unité dans la diversité, si longuement et chèrement acquise. En effet, l’on n’invente pas du jour au lendemain un facteur d’union nouveau entre des communautés linguistiques et culturelles différentes et à qui il a fallu des décennies, voire des siècles, pour trouver des modalités originales de cohabitation et de communication interculturelles[3].

Le modèle interculturel suisse est un modèle volontariste; il ne va pas de soi et ne se perpétuera pas automatiquement. Il suppose une volonté politique collective et doit être constamment activé, pratiqué, reconstruit et développé par des citoyens volontaires, actifs et décidés. De nos jours, la cohabitation séparée ne suffit plus, il faut un intérêt pour l'Autre, pour les Autres, intérêt qui va à l'encontre de la force des préjugés, des stéréotypes négatifs et des stigmatisations caricaturales.

Même s’il n’est ni parfait ni exportable, le modèle suisse nous semble mériter de continuer à exister, surtout à une époque où une logique diamétralement opposée, celle de l’exclusion de l’Autre et de la purification ethnique, se répand si vite qu’elle va finir par paraître inéluctable.

Pour illustrer un peu plus en détail la culture de l’interculturel et le savoir-faire intercommunautaire développés en Suisse, nous allons nous référer brièvement à l’une ou l’autre des multiples situations concrètes de contacts interculturels que nous avons observées sur le terrain pendant de nombreuses années dans le cadre de notre Groupe de recherche interdisciplinaire sur le pluriculturalisme.

Illustrons d’une autre manière le fait, fondamental pour nous, que la diversification culturelle de nos sociétés est également liée à des changements politiques profonds, à une modification des critères de nos comportements politiques et de nos sensibilités collectives. Certains de ces critères autrefois secondaires sont devenus plus importants, voire prioritaires, tandis que d’autres, déterminants il y a peu encore, sont devenus secondaires. Parmi les premiers critères, on peut citer précisément l’attachement à la langue, à l’identité culturelle et ethnique, au local, au régional, au territorial. Ces critères sont plus marqués chez un groupe social qui cherche à se définir comme minoritaire sur une base linguistique, ethnique ou régionale et à être perçu comme tel par les autres acteurs sociaux et politiques. L’insistance sur ces nouveaux critères a relégué au second plan, dans ces situations, des critères plus traditionnels comme les oppositions de classe et les oppositions idéologiques du genre gauche/droite. Dans le canton bilingue et frontière de Fribourg, (2/3 de francophones et 1/3 de germanophones) l’art.21 de la Constitution cantonale (la politique linguistique relève principalement des cantons en Suisse) relatif aux langues et qui prévoyait une certaine prééminence du français sur l’allemand (la version française faisait foi) n’avait guère posé de problèmes pendant des décennies. Mais, à partir des années 1960, cette prééminence du français a subitement été considérée comme vexatoire et humiliante par les minoritaires alémaniques (dans le canton de Fribourg, les Alémaniques, majoritaires au niveau national, sont minoritaires ). Ce changement d’attitude des Alémaniques ayant commencé à se définir comme MINORITAIRES est à mettre en relation avec le changement des critères du comportement social et politique susmentionné. Plus généralement, on peut distinguer 3 phases historiques dans les relations entre les deux communautés linguistiques fribourgeoises.

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  1. a) Une première phase qui va jusque vers les années 1950-1960 et qui se caractérise par l’adaptation unilatérale et volontaire des Alémaniques à la langue du majoritaire francophone. Le français est la référence, plus prestigieuse, à laquelle on s’adapte, au point où les Alémaniques ont même honte de leur dialecte alémanique maternel.
  2. b) A partir des années 1960, le bouleversement est complet: les Alémaniques minoritaires entrent dans une phase d’affirmation et de revendication identitaires générale et systématique (comme d’autre minorités nationales, linguistiques et ethniques dans d’autres régions du pays et du monde). Il s’agit bien d’un phénomène social et politique général et non d’une revendication purement locale. Cela, c’est nous, les sciences sociales, qui le disons. En revanche, les acteurs concernés vivaient les réalités tout autrement. Ainsi, les francophones majoritaires, brusquement remis en cause par des minoritaires jusque-là si conciliants et prêts à s’adapter, n’ont pas fait, dès le début, une lecture politique du phénomène. Ils ont procédé à une psychologisation, attribuant les revendications des Alémaniques à « leurs traits de caractère » (« esprit insatisfait et toujours revendicateur », etc.). La langue et la culture des Alémaniques n’étaient pas vraiment reconnues comme telles et une véritable « francisation » s’était mise en place (même les futures institutrices alémaniques qui allaient ensuite enseigner en allemand dans les communes et districts alémaniques du canton de Fribourg devaient faire leurs études en français). Cette psychologisation, vexatoire pour les Alémaniques, passés de l’adaptation à l’affirmation, a eu pour effet de crisper les relations entre les deux communautés. Le majoritaire a mis du temps à comprendre que derrière des revendications, à l’origine effectivement très spécifiques, partielles et sectorielles, (revendications sur la dénomination des noms de rues, de lieux, demande de bilinguisation généralisée, etc.), se cachait la naissance d’un véritable mouvement social et politique à base linguistique et culturelle.

D’autre part, même si les Alémaniques sont majoritaires au niveau national, il devenait intenable pour les francophones de leur refuser au niveau cantonal les droits que ces mêmes francophones revendiquent comme minorité au niveau national.

  1. c) A l’heure actuelle, au moment où les Alémaniques ont obtenu, après des décennies de lutte, d’insistance et de persévérance, satisfaction sur un très grand nombre de discriminations, s’ouvre une troisième phase des rapports intercommunautaires, faite pour l’instant d’incertitude mais dont l’issue va dépendre pour beaucoup de la disposition et de la volonté des acteurs en présence: ou bien chaque communauté linguistique va de plus en plus son propre chemin, dans le sens d’un « séparatisme soft », ou bien le canton de Fribourg profite de sa situation privilégiée de canton bilingue pour faire fructifier cette coprésence de deux langues et cultures et pour les faire communiquer davantage. Cela n’ira pas non plus de soi et ne pourra qu’être fonction d’un projet politique volontariste. Chaque communauté ayant maintenant  son identité, elles seraient en principe bien placées pour communiquer davantage entre elles et cela d’autant mieux qu’elles ont par ailleurs une culture politique

Le canton de Fribourg comme celui par exemple du Valais, également  bilingue et avec des proportions linguistiques semblables (1/3 de germanophones et 2/3 de francophones), ont la chance de posséder une longue tradition de culture de l’interculturel et de savoir-faire intercommunautaire grâce à la coprésence historique des deux principales langues et cultures nationales. Les deux cantons, situés à la frontière nationale des langues, comptent un certain nombre de communes comportant une part variable de l’une et l’autre communauté linguistique. Ils constituent de véritables laboratoires de l’interculturel, illustrant dans le réel et en acte ce que peut devenir la vie intercommunautaire lorsque deux communautés linguistiques et culturelles sont en présence dans des proportions, des situations et des contextes très variables. L’expérimentation interculturelle se fait sous nos yeux, sans expérimentateur, et cela depuis de nombreuses décennies, voire des siècles.

La grande variété des situations auxquelles a donné lieu l’attitude pragmatique dans la gestion des rapports intercommunautaires s’explique aussi par un facteur comme celui de l’autonomie cantonale et de l’autonomie communale (possibilité de rencontrer des modèles de rapports interculturels fort variables, même dans des communes proches ou voisines et ayant une composition intercommunautaire semblable) puisque chaque commune peut définir de manière relativement autonome sa politique linguistique et scolaire).

Ce savoir-faire intercommunautaire qui s’est développé à la frontière des langues est pourtant encore très peu étudié et connu, même par la population suisse. On retrouve la différence entre la définition politique et journalistique de la question des langues (souvent dramatisée, spectacularisée et peinte comme si la Suisse était au bord de l’éclatement) et le tableau que peuvent offrir des recherches approfondies des sciences sociales.

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Illustrons brièvement le fonctionnement quotidien de ce savoir-faire intercommunautaire qui s’est développé à la frontière des langues française et allemande dans les cantons du Valais et de Fribourg, et qui pourrait constituer une référence, ou du moins une source d’inspiration, pour l’ensemble de la Suisse, voire pour d’autres pays pluriculturels.

Dans l’ensemble, on est frappé par le climat de bonne volonté qui règne dans ces communes. Les problèmes existent, des différends et des tensions surgissent périodiquement, mais on cherche toujours une solution, la moins inéquitable possible. La dimension historique joue un rôle capital: cela fait des décennies, voire des siècles que l’on a dû chercher et trouver des solutions. Bonne volonté, souplesse et pragmatisme, autant d’attitudes qui se situent à l’opposé de l’attachement rigide à des principes et dont l’exigence d’application stricte devient souvent source de conflit. Lorsque l’expérience historique devient la référence, la solution est proche, tandis que la défense inconditionnelle de principes idéologiques engendre vite intolérance, blocage et conflit.

Dans les communes plurilingues du canton de Fribourg, par exemple, les domaines qui posent problème reviennent avec une régularité des plus fidèles: se sont principalement l’école, l’administration et la vie politique en général. La mesure dans laquelle une commune est plus ou moins complètement bilingue est déterminante (possibilité pour les enfants de la communauté minoritaire de suivre les écoles dans leur langue d’origine, degré de bilinguisme de l’administration, place faite à la minorité dans la vie sociale, culturelle et politique en général). Ce degré de bilinguisme dépend lui-même de l’importance de la minorité, de la pratique historique, du contexte géolinguistique, de la proximité de la frontière linguistique. Des facteurs autres que purement linguistiques interviennent pour expliquer l’état plus ou moins consensuel ou conflictuel du rapport entre les communautés linguistiques: l’ampleur et la rapidité du développement économique et des flux migratoires. Un développement économique et une immigration subits et forts peuvent poser plus de problèmes (comme c’est le cas à Marly et à Courgevaux, mais pas à Villars-sur-Glâne, dans une situation pourtant analogue) que des mouvement plus lents et plus anciens (Granges-Paccot, par exemple). La proximité des voies de communication joue également un rôle déterminant. Une commune située près d’une autoroute et relativement proche d’un centre urbain présente un attrait certain: terrain moins cher, possibilité de vivre à la campagne tout en travaillant à la ville. Si, d’autre part, une commune offre la possibilité de scolariser les enfants indifféremment dans l’une ou l’autre langue, son pouvoir d’attraction devient maximal. Dans ce tels cas, il peut se produire subitement des réactions de défense, souvent avec retard.

L’équilibre linguistique dépend aussi de la disposition plus ou moins grande des minoritaires linguistiques nouvellement arrivés à s’adapter. Souvent, les nouveaux arrivants alémaniques non fribourgeois qui ne possèderaient pas ce savoir-faire intercommunautaire historique que les "vrais" Fribourgeois, Alémaniques ou Romands, “ont dans le sang”, sont transformés en véritables boucs émissaires, devenant la cause de tous les problèmes.

Dans trois communes officiellement francophones: Courtaman, Courtepin et Wallenried (cette dernière à majorité pourtant alémanique, à 54%), le bilinguisme est considéré comme fonctionnant de manière exemplaire, palmarès au sein duquel Courtaman arrive en tête. Dans ce dernier cas, les proportions linguistiques sont aussi les plus proches (54% de francophones et 47% d'Alémaniques). Cette commune se trouve à mi-chemin entre Morat et Fribourg et est entourée de communes à la fois alémaniques et romandes. Le développement des deux communautés linguistiques s'est fait de manière lente et équilibrée au cours de l'histoire récente (contrairement, par exemple, à Courgevaux dont l'image est conflictuelle, et qui a donc connu un développement brusque et une immigration essentiellement alémanique).Ces trois communes disposent d'un autre avantage: elles sont proches les unes des autres et collaborent activement. Ce qui permet par exemple aux parents, grâce au cercle scolaire commun dont elles font partie, de scolariser leurs enfants dans la langue de leur choix. En ce qui concerne l'Association des communes du district du Lac (sept membres représentant les différentes régions du district), son président est parfaitement bilingue, les débats se déroulent à 80% en allemand tandis que le procès-verbal des réunions est rédigé en français. Autre modalité de gestion communale intéressante: Meyriez. Cette commune officiellement francophone, bien que les francophones ne représentent plus que 20% de la population, tient à le rester. Les débats au Conseil communal ont lieu en dialecte alémanique, les procès-verbaux sont rédigés en français. L'ensemble de la population tient au français, considéré comme un élément d'identité du village (situé à côté de la ville germanophone de Morat). La paroisse protestante de Meyriez (70% de protestants) constitue un autre exemple original de cohabitation linguistique. Même si les trois quarts de la communauté ecclésiale sont de langue allemande, la paroisse est francophone. Deux cultes mensuels sont célébrés en allemand et un en français. Les offices des jours de fête sont toujours bilingues. Le pasteur commence le sermon en français et le poursuit en allemand, sans traduire ses propos, la plupart des pratiquants comprenant les deux langues. Chacun chante dans sa propre langue sur une mélodie commune et les paroissiens prient en même temps, mais dans leur langue respective. Les mariages mixtes (du point de vue à la fois linguistique et religieux) sont courants. Le pasteur prépare alors minutieusement son texte afin que chaque langue ait la même importance. Une anecdote relative à l'image d'un tel culte bilingue chez certains: une dame suisse allemande trouvait que le pasteur avait privilégié le français, tandis qu'une romande fit remarquer: "C'était quand même un culte en allemand".

A propos de ces subtilités du bilinguisme, une remarque, recueillie à Courgevaux, souligne la nécessité d'ajouter à l'opposition Romands/Alémaniques, la catégorie des bilingues: une invitation rédigée dans les deux langues attire les Alémaniques et les Romands bilingues mais rarement les "purs" Romands (monolingues). On retrouve le sentiment  de nombre de Romands qui affirment que le bilinguisme avantage les Alémaniques, sentiment qui correspond à la réalité, puisque les Romands manifestent en général un moindre empressement à apprendre l’allemand.

Nombreuses sont les personnes qui insistent pour dire que les autorités cantonales devraient soutenir les communes comprenant les deux communautés linguistiques afin qu'elles puissent être plus conséquemment bilingues. Nombreux sont également ceux qui signalent que les situations de bilinguisme tempèrent les préjugés et la xénophobie. Les immigrés alémaniques, dans les communes majoritairement francophones et qui ont fréquenté l'école française, jouent souvent le rôle d'intermédiaire entre les deux communautés. Il est intéressant de relever les nuances apportées par les membres des deux communautés qui ont des rapports étroits avec ceux de l'autre communauté. Dans ces situations, les Alémaniques sont plus sensibles à la situation des minoritaires tandis que les Romands minoritaires comprennent mieux l'attachement des Alémaniques à leurs dialectes. Ces Romands-là ne seraient aucunement opposés à l'apprentissage du Schwyzerdütsch à l'école. Il ne s'agirait nullement d'un scandale pour eux et ils soulignent la nécessité de connaître ce dialecte pour comprendre la mentalité alémanique et pour éprouver ce que ressentirait un Alémanique qui devrait parler Hochdeutsch (allemand standard) dans toutes les situations de la vie quotidienne .Pour eux, demander aux Alémaniques de parler systématiquement Hochdeutsch relève de l'illusion et ils savent qu'il est impossible de les inviter à renoncer au dialecte, leur langue maternelle. Ici, certains Romands vont jusqu'à souligner que le dialecte alémanique est partie intégrante du patrimoine cultuel helvétique. Quant aux Romands bilingues, ils  se rendent mieux compte des difficultés que représente le dialecte alémanique pour le Romand unilingue. D'où l'évocation d'une autre modalité de communication intercommunautaire: les Romands qui ne parlent pas le dialecte cherchent néanmoins à le comprendre, chacun parlant dans sa langue. A Morat, chef-lieu du district bilingue du même nom et comptant environ 15% de francophones, les difficultés sont aussi  et vite attribuées aux "gens venus de l'extérieur", en l'occurrence les immigrés alémaniques du canton de Berne. Leur influence est crainte aussi bien par les Alémaniques que par les Romands; cette influence serait plus grande que ne le montrent les chiffres officiels, car tous les propriétaires de résidence secondaire aux environs du lac de Morat ne sont pas comptés dans ces chiffres. Comme dans le Haut-Valais, on trouve des Alémaniques pour dire qu'ils n'aiment pas trop d'autres Alémaniques. Il existe bien sûr aussi des animosités entre les deux communautés linguistiques traditionnelles. A Morat, les francophones minoritaires ont également dû se battre afin d'obtenir un cursus scolaire francophone de plus en plus complet (jusque dans les années 1960, les élèves francophones devaient suivre l'école secondaire en allemand). Les Romands se sentent et se disent peu désirés dans certains clubs et associations. Si les Alémaniques se disent très largement satisfaits, les Romands sont nombreux à signaler qu'ils ressentent néanmoins le "rapport de force" et la nécessité de s'adapter. Si des Alémaniques trouvent "qu'on en a fait déjà assez pour les Romands", certains Romands pensent que les raisons financières opposées à leurs revendications sont plutôt une excuse.

kantone_wappen.jpgMalgré certaines divergences inévitables, on retrouve la culture de la frontière que tous ressentent, mais qu'ils ont de la peine à définir. Cette culture se développe à partir des interactions intercommunautaires quotidiennes inévitables, interactions qui finissent par créer une mentalité particulière où l'on se sent "entre les deux". Ce qui, ailleurs, tourne en opposition, voire en exclusion, devient ici complémentarité enrichissante. L'expression "barrière de Röstis" est ressentie comme non pertinente car contradictoire avec ce que vivent quotidiennement les gens.

Cette culture de la frontière n'est pas non plus une donnée acquise; elle est aussi à construire et à reconstruire tous les jours. Elle suppose des efforts réciproques quotidiens, même si elle est profondément ancrée et relève de la tradition historique.

Le canton de Fribourg semble se trouver aujourd’hui à un tournant. La question linguistique prend subitement de plus en plus de place et des tensions plus marquées pourraient se faire jour d'un moment à l'autre. Sans mettre en cause un seul instant ni les frontières linguistiques ni les identités linguistiques et culturelles respectives, il serait bon de se rappeler que si l'équilibre linguistique suisse constitue un fondement solide de la Suisse, il compte ses fragilités; il a été acquis par le pragmatisme, un effort constant d'intercompréhension, de tolérance et de souplesse, et non par l'intransigeance, la méfiance et la suspicion. La Suisse pourrait éviter d'en arriver à la situation belge, à une polarisation sur la question des langues, à une logique de la séparation systématique et à un refus réciproque de plus en plus marqué.

Les cantons du Valais et de Fribourg ont l'immense avantage de vivre quotidiennement ce problème des rapports intercommunautaires et d'offrir une gamme extrêmement vaste et riche de situations concrètes où l'on a constamment cherché et réussi à résoudre les problèmes, même les plus difficiles et inextricables. L'ensemble de la Suisse aurait intérêt à mieux connaître certains de ces cas concrets de manière approfondie et détaillée, car seuls les problèmes les plus aigus que peuvent rencontrer ces deux cantons sont connus et médiatisés. Certes, les difficultés et les conflits existent, mais ils ne représentent qu'une infirme partie de l'ensemble des réalités économiques, sociales, culturelles, politiques et linguistiques, extrêmement riches, surprenantes et stimulantes, qui vont de pair avec cette cohabitation historique et quotidienne de deux communautés linguistiques.

On peut rappeler ici la différence de résultats suivant que l'on se fonde sur des sources écrites comme la presse quotidienne ou sur des études de cas approfondies effectuées par observation participante. Les premières font volontiers apparaître les difficultés et les problèmes (la presse est même accusée de les créer) tandis que dans les communes où vivent quotidiennement ensemble les deux communautés linguistiques, on est occupé à la solution de ces problèmes. C'est ici que s'élabore et se met en pratique le savoir-faire intercommunautaire et que se développe une véritable culture de la pratique interculturelle quotidienne.

Dans les mesures concrètes à prendre pour favoriser le développement du bilinguisme et du biculturalisme, nombreux sont ceux qui soulignent la nécessité d'agir à l'école et cela dès le plus jeune âge. Sans doute ressentent-ils le poids et la place que peuvent prendre très tôt chez les enfants les représentations stéréotypées et les préjugés relatifs à l'autre communauté et à l'autre langue.. Les exhortations habituelles au bilinguisme de la part des autorités n'étant guère suivies d'effets, peut-être vaudrait-il mieux se fixer des objectifs plus modeste et essayer, par exemple, d'agir davantage sur les obstacles qui empêchent la traduction dans la pratique de ces appels rituels au bilinguisme. L'un de ces obstacles majeurs réside à coup sûr dans ces images et représentations stéréotypées de l'autre communauté et de l'autre langue. L'Autre ne serait plus le bouc émissaire idéal et la cohabitation intercommunautaire deviendrait une chance exceptionnelle d'ouverture et d'enrichissement culturels et linguistiques. Les actes et gestes, concrets et symboliques, envers l’autre communauté et qui ont retenu notre attention pourraient grandement contribuer à un tel changement de représentation.

Pour terminer, nous espérons que les longues et patientes recherches menées de manière bénédictine sur la mosaïque interculturelle suisse et dont nous avons essayé de rappeler quelques aspects, montrent que les débats virulents autour du "multiculturalisme" ne peuvent se résoudre par des coups d'état théoriques et qu'ils ne sont en rien purement linguistiques ou culturels. Ces problèmes relèvent à la fois de l’ identité, de la communication et du politique. La grande variété des interactions constatées entre identité, communication interculturelle et culture politique devrait rendre plus évidente l'impossibilité de généralisations hâtives. L'étude de nombreux cas concrets et différents de culture de l'interculturel et de savoir-faire intercommunautaire illustrent enfin à quel point les phénomènes de communication interculturelle sont des phénomènes profondément politiques puisqu’ils font apparaître certains critères nouveaux et fondamentaux du comportement social et politique actuel.

  1. Une première version de cet article a paru dans l’ouvrage suivant : Uli Windisch, La Suisse, clichés, délire, réalité, Ed. l’Age d’Homme, Lausanne, 1998.

[2] Jusqu’au 10 mars 1996, cet article 116 relatif à la politique linguistique ne comportait

que deux alinéas:

  1. l’allemand, le français, l’italien et le romanche sont les langues nationales de la Suisse
  2. sont déclarés langues officielles de la Confédération: l’allemand, le français et l’italien

[3] Davantage de détails et des exemples concrets du fonctionnement quotidien de cette culture de l'interculturel et du savoir-faire intercommunautaire suisses se trouvent dans les nombreuses études de cas approfondies analysées sur le terrain par notre Groupe de recherche interdisciplinaire sur le pluriculturalisme suisse. Cf. U. Windisch et al, Les relations quotiennes entre Romands et Suisses allemands, 2 vol. op.cit. Cet ouvrage comprend par ailleurs une bibliographie d'une dizaine de pages sur le "modèle" politico-culturel suisse qu'il est impossible de reprendre dans le présent article. Le lecteur plus particulièrement intéressé au cas suisse pourra s'y référer.

Uli Windisch, L' article ci-dessus est un extrait de mon livre : Le Modèle suisse , Ed l'Age d'homme, Poche suisse, Lausanne -Paris, 2007.

De opkomst van alt-rechts

De opkomst van alt-rechts

Ex: http://www.erkenbrand.nl

costume-romaine-f9.jpgHet oude rechts heeft de slag om de samenleving verloren. Het is zo volledig door links verdreven dat tegenwoordig bijna iedereen, bewust of onbewust, meegaat in het linkse dogma van de gelijkheid. En dan meer en meer de gelijkheid van uitkomsten. Ieder verschil in macht en middelen wordt door de bien pensants als een ondraaglijk gevolg van onderdrukking gezien. En de grote boeman, de rechtgeaarde blanke man, heeft de plicht zijn “privileges” te onderkennen en zijn thuisland te delen met de onuitputtelijke stroom zielige bruine mensen van over de hele wereld. Zo doet hij boete voor de zondes en successen van zijn voorvaderen tot hij opgaat in de grote smeltkroes.

Veel van dit “progressieve” denken wordt uitgewerkt op Amerikaanse universiteiten, in bloedserieuze richtingen als gender studies, en gefinancierd door het grote geld. Groepen klagende minderheden en paarsharige feministen uit welgestelde families schreeuwen als giftige sneeuwvlokjes ieder tegengeluid weg en eisen dat hun hele campus een safe space wordt waar ze niet ge-triggered kunnen worden. De overheid, media en grote bedrijven zijn op hun hand en houden zich koste wat kost aan het Narrative, het grote Verhaal van Onderdrukking en Ongelijkheid. De rest van het Westen neemt de hele retoriek letterlijk over – vandaar dat in Nederland bijvoorbeeld het woord blank steeds vaker door wit wordt vervangen.

Maar het zijn ook de Verenigde Staten waar de laatste jaren een nieuwe, onverschrokken vorm van rechts is verrezen: de alt-right, kort voor alternative right.
 
Dit alt-rechts, om het gelijk maar te vertalen, is een losse, maar doelgerichte vereniging van onder meer (blank) nationalisme, traditionalisme, (paleo)conservatisme en identitarisme onder één vlag. Een wezenlijk kenmerk is de volledige minachting en verwerping van de gevestigde orde, wiens globalistische progressivisme wordt begrepen als onversneden anti-blank. Zonder blikken of blozen streeft alt-rechts naar het vervangen van deze orde en behartigt het de eigen etnische belangen: het veiligstellen van een toekomst voor Westerse, blanke beschaving en volken in eigen, homogene landen. Hierover wordt niet onderhandeld. Ander speerpunten zijn rasrealisme en traditionele samenlevingsvormen, maar ook flinke kritiek op de sociaal-culturele activiteiten, overmatige invloed en vriendjespolitiek van joden in het Westen.

Hoewel alt-rechts al enkele jaren bestaat is het pas sinds vorig jaar (eind 2015) doorgebroken. Een belangrijke katalysator is de presidentiële kandidatuur van Donald Trump, die als een sloopbal onbekommerd linkse taboes doorbreekt en de zorgen van blanke Amerikanen bespreekbaar maakt. Trump is voor deze beweging echter niet een idool of verlosser, maar een middel: de man die slechts de deur opent naar het herstel van Westerse, blanke beschaving en volken.

De doorbraak van alt-rechts zal echter vooral komen doordat de werkelijkheid steeds moeilijker te ontkennen wordt. Door de rap opeenvolgende gebeurtenissen en ontwikkelingen in de wereld, zoals de groeiende multiculturele “verrijking” en de migranteninvasie in Europa, ontwaken mensen bij bosjes uit de “progressieve”, linkse droom. Ze hebben zoals dat heet de rode pil geslikt, een verwijzing naar de film The Matrix. “Welcome to the real world.”
 

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De kracht van alt-rechts ligt in zijn sarrende, grappende houding en handelwijze – niet zuur en pessimistisch, maar juist genietend van de strijd. In tegenstelling tot “fatsoenlijk” rechts weigert het te spelen volgens de spelregels van links en heeft het een immuniteit opgebouwd tegen diens holle retoriek. Het is vooral actief op internet, in het bijzonder op Twitter en Facebook, waar het ontwaakte mensen opvangt en iedereen die de missie in de weg staat genadeloos hoont en bevecht, onder meer met treffende, provocerende memes. Hierin is de groene kikker Pepe vaak de ster.

Het zijn niet alleen uitgesproken “progressieven” die het bij alt-rechtse acties moeten ontgelden. De eerste doelwitten waren en zijn juist de zelfverklaarde “conservatieven” die niets weten te conserveren en vandaag de dag nauwelijks meer van de “progressieven” te onderscheiden zijn. Overal worden ze door alt-rechts opgejaagd en belachelijk gemaakt, steevast met de spotnaam cuckservative. Het woord cuck is kort voor cuckold en verwijst naar een bedrogen echtgenoot die andermans kinderen opvoedt: koekoeksjongen. De vergelijking wordt zo gemaakt met de grote, zelfverslaande ontvankelijkheid die dergelijke “conservatieven” hebben voor niet-Westerse immigratie, “kleurenblindheid” en abstracte, universele waarden.

Een van de grondleggers en bekendste gezichten van de alt-rechtse beweging is Richard B. Spencer, een representatieve intellectueel van eind dertig. Hij is naast voorzitter van het National Policy Institute ook de oprichter en eindredacteur van Radix Journal. Andere vlaggenschepen zijn Counter-Currents van Greg Johnson en de schalkse website The Right Stuff. Maar de leukste manier om kennis te maken met alt-rechts zijn misschien wel de speelse en slimme videocommentaren van YouTuber RamZPaul.

Alt-rechts trekt zich zoals gezegd weinig aan van de retoriek en de hopeloos gekleurde journalistiek van de gevestigde orde. Het groeit razendsnel, in het hele Westen, en is meer en meer ook buiten het web actief aan het netwerken. Als er één beweging is die de kracht heeft om als tegencultuur de hegemonie van links te doorbreken en de belegerde Westerse, blanke beschaving en volken werkelijk te steunen, dan is het deze wel.

*   *   *
 

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Thema-avonden

Elke maand organiseert Erkenbrand een thema-avond waar schrijvers en lezers van Erkenbrand elkaar kunnen ontmoeten. We streven naar een discussie op niveau en naar gezelligheid. In het menu vind je het onderdeel "Thema-avonden", waar je  informatie kunt vinden over de komende bijeenkomst. Je kunt je aanmelden via het contactformulier in de rechter kolom, of door een berichtje naar onderstaand E-mailadres. De toegang is gratis.

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L’horreur absolue

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L’horreur absolue

Jan Marejko
Philosophe, écrivain, journaliste
Ex: http://www.lesobservateurs.ch

L’horreur absolue, autrefois, c’était aller en enfer. Aujourd’hui, c’est mourir. Comme tout ce qui nous reste, dit-on, est une vie mortelle, la perdre est une chute finale.

L’ennui est que cette chute est inévitable et que nous le savons... sans le savoir, ou plutôt faisons tout pour ne pas le savoir. Nous vivons tous les jours dans l’ombre de cette horreur absolue, tout en prétendant que nous marchons sous un soleil au zénith. Il reste que, malgré ce déni, nous sommes inconsciemment terrifiés par l’ombre de cette mort qui nous attend.

Des individus terrifiés, ça plaît aux gouvernants. Des citoyens qui tremblent, c’est pas comme Spartacus, prêt à mourir pour la liberté. Comment pourrions-nous être prêts à mourir pour quoi que ce soit si la mort est une horreur absolue, une catastrophe finale ? De citoyens qui marchent dans l’ombre d’une mort que, par ailleurs, ils ne veulent pas voir, sont très dociles. Ils vont tout faire pour rester en vie. Raison pour laquelle, après le crash d’un Airbus A 320 à cause d’un pilote suicidaire, Merkel et Hollande se sont recueillis devant les restes de l’avion. Il faut rappeler au bon peuple ce qu’est l’horreur absolue pour qu’il tremble bien.

Si la mort est l’horreur absolue, il s’ensuit que vivre est le bonheur absolu. Peut-être même qu’en vivant pleinement, à cent à l’heure, on en oubliera qu’on va mourir. Et ça, c’est très efficace pour la promotion du consumérisme. S’acheter une voiture pour vivre à cent à l’heure, « vivre plus fort » comme dit une publicité Renault, puis s’acheter chips et chocolat pour gonfler jusqu’à un sentiment de plénitude existentielle et d’obésité, autant de gestes qui permettent d’oublier la mort. La présenter comme horreur absolue fait enfler les foules au seuil des supermarchés. Achetons vite des choses pour jouir de la vie et faire un mur qui nous empêchera de voir ce que nous ne voulons pas voir ! Marx a eu raison de parler du fétichisme de la marchandise, mais il n’a pas vu qu’il sert masquer la mort.

Aujourd’hui, il n’y a plus ni enfer, ni paradis, ni purgatoire. Ou plutôt, ces trois étapes dans le cheminement des âmes, n’ont plus lieu après la mort mais avant. Le purgatoire, c’est le jogging quotidien qui fait souffrir mais qui promet le paradis d’une santé mentale et physique parfaite. L’enfer, c’est être rejeté dans les ténèbres extérieures d’une vie pleine par la cigarette qui tue et pas seulement elle : addictions, chômage, handicaps, exclusion, autant de choses qui empêchent de participer au pur bonheur de la vie. L’autre jour, je vois dans la rue un jeune homme qui tentait de récolter des fonds pour les trisomiques. Je lui parle et m’énerve un peu. Je venais de passer par la Place des Nations avec une immense affiche vantant les mérites de Handicap International. Je m’énerve un peu car je me sens assailli de partout par des pratiques et des politiques visant à me convaincre quels que soient nos handicaps ou exclusions, nous faisons partie de la grande famille humaine et que c’est Noël tous les jours. Je suis accablé par un discours qui me dit que, dans le fond, il n’y a pas de différence entre moi et un cul de jatte, entre moi et les exclus, fussent-ils morts ! Parce que la mort, finalement, c’est l’ultime exclusion. Comme nous sommes censés lutter contre toutes les exclusions, notre combat est finalement contre la mort avec, au bout, la promesse d’une vie immortelle mais ici-bas. On accuse souvent la religion d’absurdité, mais la nôtre, dite laïque, l’est encore plus.

Dans mes cauchemars, je vois une main se tendre vers moi pour m’entraîner dans une grande sarabande aux couleurs arc-en-ciel.  N’allons-nous pas fusionner dans cette sarabande ? C’est possible, à moins que nous ne prenions soudainement conscience qu’elle est une danse macabre puisque nos virevoltes sur la scène du monde doivent inclure les morts.

N’empêche, si je refuse l’invitation à danser dans cette sarabande de squelettes, je passe pour un affreux. Or j’ai toujours envie de refuser. Déjà qu’on m’a expliqué, avec la théorie du genre, que je ne suis pas vraiment distinct d’une femme ! Et maintenant, on me balance tous les exclus dans les pattes ! Hystérique recherche de l’indifférenciation au terme de laquelle il n’y aura plus de frontières entre moi et les homosexuels, les bisexuels, les transgenres, voire les morts et les monstres comme le suggèrent de nombreux films ! Certains affirment que nous sommes des animaux - d’autres que l’homme est une saleté à la surface de la terre et qu’on pourrait aussi bien l’exterminer pour laisser vivre les baleines, les phoques et les tortues. L’heure de la fusion finale est proche. Le salut par sacrifice de soi coïncidant avec une immersion dans des concerts, macabres eux aussi, avec gigantesques écrans reproduisant les gesticulations d’un chanteur halluciné !

Je n’ai aucune animosité contre les exclus, j’éprouve même de la compassion, mais je n’ai pas vraiment envie de danser avec eux. Cela dit, je comprends pourquoi l’on veut nous faire danser tous ensemble. Si l’on déclare que notre vie mortelle est le seul moyen d’accéder au bonheur, il est inévitable que certains et même beaucoup se sentent exclus de ce bonheur. Il faut donc organiser de plus en plus de concerts. Non seulement avec des handicapés, mais aussi avec des dépressifs, des derniers de classe, des criminels qu’on aura réintégrés pour les faire danser ! Avec nos nouvelles messes célébrant l’immersion dans la vie, nous sommes sur le point d’être entraînés dans une extatique fusion universelle aux prémices de laquelle nous pouvons déjà goûter dans ce qu’on appelle maintenant les « fan zones ». Drogue, alcool et bras qui s’agitent en cadence au-dessus de la tête. Tout le monde est invité et tout le monde est content ou supposé l’être.

Dans la peinture occidentale, les danses macabres apparaissent vers la fin du Moyen Âge, à une époque où la mort est partout à cause des guerres et des épidémies. Qui se serait douté qu’elles apparaîtraient aussi lorsque la célébration de la vie serait partout ? Normal dans le fond, si le monde contient des horreurs absolues, il faut s’agiter autant qu’on peut avant qu’elles ne se produisent.

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samedi, 18 juin 2016

Jünger, il tempo e gli orologi

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Jünger, il tempo e gli orologi

di Stefano Di Ludovico

Fonte: Centro Studi La Runa

Ex: http://www.centrostudilaruna.it

sablierej.jpgSe ci fermiamo un attimo a riflettere su quale sia il gesto che, durante una nostra comune giornata, ripetiamo il maggior numero di volte, riconosceremo presto che si tratta del gesto di guardare l’orologio. Un gesto così scontato, ormai istintivo, che quasi come una funzione fisiologica accompagna la nostra esistenza, che ci appare impossibile immaginare una vita senza orologio. Il tempo, pensiamo giustamente, è il giudice supremo ed impietoso della nostra vita: come potremmo vivere senza misurarlo, senza tenerlo costantemente sotto controllo? E quale strumento migliore che i nostri orologi sempre più precisi e sofisticati?

Eppure, a pensarci bene, anche le nostre menti ormai assuefatte al ticchettio e aidisplay di questi insostituibili nostri compagni di vita non potranno non riconoscere che in effetti ci sono state intere epoche storiche, grandi civiltà che si sono alternate nel tempo e nello spazio, in cui nessuno portava l’orologio. Cosicché si resta alquanto increduli a pensare che grandi avvenimenti, guerre e battaglie, scoperte ed avventure che hanno segnato la storia dell’umanità siano avvenute senza che nessuno… sapesse che ora fosse! Che l’uomo, allora, non controllasse il proprio tempo? Che gli avvenimenti si susseguissero disordinatamente senza che nessuno li “misurasse”? Capiamo bene che ciò sarebbe impossibile: se il tempo è la dimensione più intima – ed insieme più misteriosa, ineffabile – dell’esistenza, bisogna riconoscere come ogni epoca, ovvero ogni civiltà, ha avuto il proprio specifico e peculiare rapporto con il tempo e, di conseguenza, il suo peculiare e specifico modo di coglierne l’inesorabile trascorrere.

Una storia delle “visioni del mondo”, delle visioni della vita e del cosmo che la ospita, può essere così vista da questa particolare prospettiva, ovvero come una storia delle visioni del tempo e dei modi della sua misurazione: una storia degli orologi. Nel 1954 Ernst Jünger pubblicò un curioso libro, Il libro dell’orologio a polvere. A prima vista un libro di erudizione, spesso citato di sfuggita nelle bibliografie del grande scrittore tedesco, quasi si trattasse di una delle immancabili “opere minori”. Ad uno sguardo meno superficiale, invece, una suggestiva riflessione sulla “storia del tempo”, in cui dietro la storia di quel particolare tipo di orologio che per interi secoli ha segnato lo scorrere del tempo prima dell’avvento degli attuali orologi meccanici, emerge la straordinaria vicenda dei rapporti tra uomo e tempo.

“Sono certo – racconta Jünger all’inizio dell’opera – che il lettore conoscerà quel particolare stato d’animo in cui un oggetto, non importa se usato tutti i giorni oppure osservato solo di sfuggita, acquista ai nostri occhi uno speciale fascino”: fu proprio questo incontro quasi “casuale” con una clessidra regalatagli da un amico, a trasformare quello che anche ai nostri occhi appare come null’altro che un semplice quanto singolare soprammobile, buono per scaffali d’epoca o librerie, in un “simbolo” rivelatore di una ben precisa concezione del tempo. Una concezione che allo sguardo ormai “illuminato” di Jünger appare subito come radicalmente diversa, se non addirittura agli antipodi, rispetto a quella in cui è immerso l’uomo del mondo moderno, il mondo in cui il tempo dell’orologio a povere è stato soppiantato dal tempo dell’orologio meccanico.

“Un rassicurante senso di pace, l’idea di una tranquilla esistenza”: ecco le sensazioni che Jünger prova di fronte al lento e silenzioso scorrere della polvere bianca da un recipiente all’altro della clessidra. Non è un caso, sottolinea ancora Jünger, che “l’affinità dell’orologio a polvere con la quiete degli studi eruditi e con l’intimità della casa è stata più volte osservata”. Segno consolante di un tempo che lentamente “dilegua ma non svanisce”, crescendo anzi in profondità, la clessidra evoca quelle atmosfere suscitate anche da certi quadri famosi, richiamati da Jünger nel corso dell’opera, come la Melancholia o il San Gerolamo nello studio di Dürer, o da certi ambienti appunto di studio e meditazione o di familiare convivialità, dove, non importa se trascorso in silenzio o conversando, il tempo sembra scorrere con assoluta lentezza, quasi immobile o sospeso.

L’orologio a polvere ci riconduce così a quelle epoche in cui il tempo non veniva ancora “misurato”, almeno nel senso che diamo noi oggi a tale termine; a quelle età in cui i nostri orologi meccanici, con la loro “precisione”, sarebbero stati inconcepibili. Perché più che “misurare” il tempo, la clessidra lo lascia appunto scorrere, dileguare, e l’uomo si rapporta ad esso limitandosi a stimarlo con quella che solo agli occhi dell’uomo moderno può apparire una vaga quanto inammissibile approssimazione; approssimazione che invece per l’uomo del passato costituiva il modo più consono e naturale di rispettare il trascorrere stesso del tempo.

Il sorgere e il tramontare delle costellazioni, il giorno e la notte, la sera e il mezzodì, il canto del gallo e il volo degli uccelli – unici ed effettivi riferimenti temporali dell’uomo delle società arcaiche e premoderne – rappresentano infatti unità di misurazione fluide, dove i confini netti si perdono e confondono l’un nell’altro. Era un tempo, quello, dove la parola “puntualità” era assente dal vocabolario: ci si poteva aspettare anche per interi pomeriggi, per l’intero calar del sole al tramonto, senza che ciò costituisse alcun problema. Non si era mai “di fretta” e non si aveva paura di “fare tardi”. L’uomo si adeguava al ritmo ed al corso della natura, ai suoi “tempi”; quindi il suo stesso tempo era un tempo “concreto”, legato alle molteplici attività lavorative che sullo scorrere naturale del tempo erano fondate. Ancora per gli antichi romani, la durata delle ore non era sempre la stessa, in quanto dipendeva dal tempo effettivo di luce; cosa che a noi moderni sembra un’assurdità. Perché i moderni orologi meccanici mandano in frantumi quel legame: essi misurano il tempo secondo rigide unità uniformi, perciò stesse astratte ed artificiali, che spezzano l’armonia con il tempo naturale creando una nuova “natura”, quella della “Tecnica”, che rimodella il tempo secondo propri criteri. E se per l’uomo antico era il suo concreto lavoro a fondare e scandire il tempo, per l’uomo moderno è l’astratta pianificazione temporale dei suoi orologi a fondare i tempi del lavoro e quindi dell’esistenza. “In attività come la pesca, la caccia, la semina e il raccolto – afferma Jünger – viviamo senza orologio. Ci alziamo all’alba e aspettiamo finché non abbiamo catturato la selvaggina o […] rimaniamo nei campi finché non è stato caricato l’ultimo covone. Non è l’orologio che qualifica la nostra attività; al contrario il tipo di attività qualifica il tempo”. Del resto, lo stesso cambiamento si è verificato in merito allo spazio: in passato ogni “spazio” aveva i suoi propri strumenti e le proprie unità di misura, legati anche qui all’agire concreto dell’uomo – i piedi, i passi, il palmo -, prima che tutto venisse misurato con lo stesso “metro”. E che il tempo dell’orologio meccanico sia un tempo astratto, un tempo “innaturale”, che ci tiene prigionieri e annulla la nostra libertà, è una sensazione ancora oggi ben avvertita: l’esigenza di “staccare”, di rimmergersi nel tempo naturale, è una delle più sentite dall’uomo contemporaneo, che nei sempre più rari momenti di evasione dal mondo dell’automazione pianificata – il momento della fuga verso le “foreste”, il momento degli “amanti”, del “gioco” e della “musica”, scrive Jünger – per prima cosa desidera lasciare a casa l’orologio. Perché l’orologio non si addice a questi momenti.

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E’ l’orologio a polvere, invece, proprio nella sua misurazione non eccessivamente precisa, che appare più adeguato a venire incontro a simili esigenze. Il suo non è un tempo astratto buono per tutte le occasioni, che omologa tutte le occasioni, bensì un tempo la cui durata è conforme ad un’attività ben definita. Si ricorre ad esso se si ha intenzione di studiare o pregare per circa un’ora, tenere una predica o una lezione di una mezzora, riposare o “cuocere un uovo”, dice Jünger: “in tutti questi casi l’orologio a polvere sarà […] come un fidato servitore. Proprio la possibilità di correlarlo empiricamente a determinate attività ne rivela il carattere insieme concreto e umano”. Insomma, dall’orologio a polvere non si vuole sapere “che ora è”, ma solo essere accompagnati in quella data attività, circoscrivendola in un determinato lasso di tempo. Perché l’orologio a polvere non “gira a vuoto”, come i moderni orologi meccanici, slegati da ogni relazione con la vita concreta.
Prima dell’orologio a polvere, nelle civiltà più antiche, è stato poi l’orologio solare a mettere in relazione, con ancor maggior aderenza ai cicli naturali ed al concreto operare umano, l’uomo e il tempo. Come per l’uomo arcaico la misura del tempo poteva essere fornita dall’ombra di un monte o di un albero, o dalla sua stessa ombra – il variare della cui lunghezza egli poteva costantemente osservare nel corso del giorno -, l’orologio solare, l’antico gnomone, seguiva lo stesso principio, proiettando un’ombra indicante la posizione del sole. E a tal riguardo, non dobbiamo pensare solo agli strumenti a questo scopo appositamente congegnati, come quelli che ritroviamo a Babilonia e in Egitto, e da lì poi introdotti in Grecia e a Roma: i primi orologi solari furono gli obelischi, le piramidi, le costruzioni megalitiche della preistoria. Invece di “che ora è”, si chiedeva: “Com’è l’ombra?” Gli orologi solari, a dispetto della sempre maggiore diffusione di quelli a polvere e poi di quelli meccanici, furono molto diffusi ancora nel Medioevo e fino al Settecento, continuando ad ornare, ad esempio, le cattedrali: era quindi la luce del sole a segnare il tempo, che era il tempo, in questo caso, della liturgia e delle festività religiose, il tempo “sacro”. E il tempo, prima dell’avvento di quello “tecnico” introdotto dall’orologio meccanico, è stato sempre un tempo “sacro”: se l’orologio solare si legava al ciclo del sole, quindi al movimento degli astri, simboli visibili degli dei invisibili, il rintocco delle campane delle chiese annunciava le ore canoniche della preghiera: erano queste, in numero di otto, a scandire il ritmo della giornata, e non le astratte ventiquattro dei nostri orologi meccanici.

Il tempo dell’orologio solare è un tempo ciclico, il tempo delle stagioni e dell’eterno ritornare. E’ un tempo non umano, perché il suo principio è il sole, “occhio” del Cielo; quindi tempo celeste. E’ il tempo del destino, del fato, a cui l’uomo non può sottrarsi: il corso delle ombre non dipende da lui, così come è impossibile divincolarsi dalla propria di ombra, che, proprio come il tempo e il fato, ci segue ovunque. Il tempo ciclico è così un tempo “inquietante”, tempo di antiche paure: paura che gli dei, o gli antenati, tornando, possano vendicarsi dell’ingratitudine degli uomini; o paura che il sole non torni più, negando la vita ai suoi figli prediletti, gli uomini. Il tempo ciclico è quindi anche il tempo del rito e del sacrificio. Tempo inquietante, il tempo ciclico è altresì il tempo del ricordo, il tempo della nostalgia: ricordo e nostalgia delle origini, dell’Età dell’oro, quando, in illo tempore, tutto ebbe inizio. Quindi tempo delle feste, che ritornano anch’esse ciclicamente e sulla cui cadenza si sono regolati tradizionalmente i calendari.

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Se l’orologio solare si ricollega al Cielo, l’orologio a polvere è legato alla Terra: è quindi uno strumento di misura di natura tellurica. Il primo si fonda sugli elementi celesti – la luce irradiata dal sole e il ciclico alternarsi tra luce e ombra – il secondo su quelli terreni, come la sabbia che riempie i recipienti e la forza di gravità della Terra che la fa scorrere. Strumenti tellurici sono anche i parenti più prossimi dell’orologio a polvere, gli orologi ad acqua – presenti già nell’antichità e nei quali la sabbia è sostituita dall’acqua – e gli orologi ignei – che misurano il tempo attraverso la combustione di determinate sostanze e diffusi soprattutto nel Medioevo. E se il tempo degli orologi solari è un tempo “ciclico”, il tempo degli orologi tellurici è il tempo “lineare”: qui non abbiamo a che fare con moti circolari, bensì con movimenti di materia che scorre, fluisce, in senso appunto lineare. Siamo così di fronte alle due essenziali concezioni del tempo che, attraverso alterne vicende, hanno accompagnato il cammino dell’uomo: da una parte il tempo “mitico”, dall’altra il tempo “storico”; là il tempo del ricordo e della nostalgia, qua il tempo della speranza e dell’attesa. Il tempo ciclico è un tempo che dona e restituisce; il tempo lineare un tempo che promette. Nel primo l’Eden, dove il tempo è sospeso e non battono più le ore, è posto all’inizio, prima di tutti i tempi; nel secondo alla fine, la fine dei tempi. La differenza tra le due concezioni si esprime anche nei modi di dire e nelle espressioni della quotidianità: “il tempo passa”, “il tempo fugge” riflettono la concezione lineare; “tutto torna”, “corsi e ricorsi” la concezione ciclica.

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Se l’orologio solare riflette il tempo del mito e quello a polvere il tempo della storia, l’orologio meccanico sancisce la fine della storia e l’avvento del regno della Tecnica. C’è storia, infatti, fin quando riconosciamo avvenimenti unici ed irripetibili, la cui trama disvela un senso che li lega l’un l’altro. L’orologio meccanico, dividendo il tempo in unità astratte ed uniformi, e pertanto intercambiabili – come intercambiabili sono gli individui che su di esse regolano la propria esistenza – annulla la peculiarità degli eventi e proietta l’uomo in un orizzonte privo di senso. Il tempo della Tecnica né dona né promette: si limita a “riprodurre” se stesso. Si limita a funzionare. Nel tempo della Tecnica, passato, presente e futuro sono parole “senza senso”, essendo tutti i momenti uguali, ripetibili, privi di una propria e specifica identità, dove “l’uno vale l’altro”. Nell’orologio a polvere, invece, questi tre momenti, che costituisco il filo della storia, sono ben scanditi: “nel vaso superiore – osserva Jünger – la riserva del futuro si dilegua, mentre in quella inferiore si accumulano i tesori del passato; tra le due guizzano gli attimi attraverso il punto focale del presente”. L’orologio meccanico realizza così l’aspirazione ultima dell’uomo della società tecnologica: la fine della storia e l’affermazione di un mondo che si limita a riprodurre se stesso, espandendosi indefinitivamente secondo linee di sviluppo puramente quantitative. Jünger anticipa così quelle riflessioni che costituiranno il tema centrale del successivo Al muro del tempo(1959), destinata a diventare una delle sue opere più note del periodo successivo alla seconda guerra mondiale, e dedicata appunto al problema delle nuove concezioni temporali che si annunciano al configurarsi dell’umanità post-storica.

Jünger arriva a definire l’orologio meccanico il prototipo della “macchina”, quasi l'”archetipo” di tutte le macchine. Il concetto di “macchina”, infatti, evoca subito quello di un oggetto fondato sullo stesso principio dei moderni orologi: l’automazione di una serie di ingranaggi regolati da movimenti meccanici uniformi e ripetitivi. L’orologio meccanico è quindi la necessaria premessa della macchina, perché senza di quello queste sarebbero impensabili. “Tutte le macchine e gli automi che lo seguiranno – afferma Jünger – lavorano al ritmo dell’orologio meccanico: le loro prestazioni sono traducibili nel suo tempo e si possono misurare in base ad esso”. E’ per questo che Jünger pone l’orologio meccanico a fondamento del mondo moderno: “con questo tempo ‘diverso’ ha inizio la modernità come oggi la intendiamo. Per capire cosa sia accaduto basta che guardiamo l’orologio”. La modernità non inizia né con la polvere da sparo, né con la stampa, e nemmeno con la scoperta dell’America, bensì con l’invenzione dell’orologio meccanico: “si può dire che il grande spettacolo della tecnica umana e della sempre più rigida automazione – continua Jünger – sia cominciato con il movimento del primo orologio meccanico”. Esso costituisce il primo anello di quella vasta catena, la prima maglia di quell’enorme rete planetaria tutto avvolgente che il mondo mobilitato dalla Tecnica rappresenta; il suo battito ha dato il là alla monotonia ed alla ripetitività che contraddistinguono i ritmi della nostra vita.

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Prima della comparsa dell’orologio meccanico, l’Occidente non sembra conoscere nemmeno una sua specifica “tecnica”, ed i suoi strumenti, le sue “macchine”, erano più o meno quelli del mondo antico. Solo con l’orologio meccanico, secondo Jünger, “ciò che da allora in poi avrà il nome di macchina avrà poco a che vedere con ciò che gli antichi definivano con lo stesso nome”. Perché è sempre la diversa concezione del tempo, dunque del mondo, che sta dietro a tali strumenti a definirne l’essenza e la natura, e solo la scissione dagli “elementi naturali” per l’affermazione di un tempo “artificiale” ha reso possibile la macchina nella sua accezione di modello di organizzazione totale del mondo e non di semplice strumento ad hoc, limitato ed adeguato ad una sola e specifica circostanza. Più che prima macchina, allora meglio si potrebbe definire l’orologio meccanico come primo “automa”. Certamente anche l’antichità ha conosciuto i suoi automi, ma questi, in genere, venivano considerati nulla più che stravaganze, bizzarri giocattoli frutto dell’ingegno di menti senza dubbio geniali ma al tempo stesso eccentriche. Anzi, i costruttori di macchine e di automi dei tempi passati avevano spesso la fama di maghi, stregoni, da cui era bene stare alla larga. A tal proposito, Jünger ricorda il noto e divertente episodio di Tommaso d’Aquino che distrusse a colpi di bastoni l’androide costruito dal suo maestro Alberto Magno, e che questi si divertiva a far apparire all’improvviso ai suoi ospiti. Quell’Alberto Magno ricordato dai posteri anche come mago.

E come mago, dedito addirittura alla magia “nera”, è passato alla storia anche quello che la tradizione riconosce come l’inventore dell’orologio meccanico, Gerberto di Aurillac, arcivescovo di Reims e maestro dell’imperatore Ottone III, salito al soglio pontificio nel 999 con il nome di Silvestro II, tra le menti più universali che la civiltà medievale abbia vantato. Teologo, scienziato, matematico ed inventore di numerose “macchine”, nel corso del Medioevo si intrecciano attorno alla sua figura numerose leggende, che lo vogliono esperto in magia nera ed in combutta con il demonio. Sarà un caso che la tradizione abbia indicato proprio in lui l’inventore dell’orologio meccanico? E’ comunque certo che questo abbia fatto la sua apparizione attorno all’anno mille, ed il modo con cui la mentalità medievale si raffigurava il suo presunto inventore e si rapportava alle sue creazioni la dice lunga su cosa si pensasse a quel tempo delle “macchine”: in un modo o nell’altro, erano tutte opera del “demonio”. Ancora Pio IX, in pieno Ottocento, considerava tale l’invenzione delle ferrovie. E secondo Jünger a ragione, a partire da una certa prospettiva, perché dove fa la sua comparsa la “macchina”, là muore il “sacro”. “Con la stessa diffidenza – nota Jünger – il selvaggio accosta l’orecchio all’orologio da tasca. Se pensa che vi sia nascosto un demone, forse non ha torto”. Ed è per questo, che pochi, ai tempi di Gerberto o di Alberto Magno, di fronte alle macchine come agli automi, si lambiccavano il cervello per ricercarne o intravederne le possibili implicazioni pratiche. E’ notorio, del resto, che la storia delle invenzioni antiche è spesso storia del loro mancato utilizzo, cosa che per la mentalità moderna risulta inspiegabile. A tal proposito, un’altra tradizione vedrebbe nei cinesi gli inventori anche dell’orologio meccanico; ma come per la polvere da sparo, la stampa e la bussola, anche quello sarebbe stato destinato a restare poco più che una curiosità. Solo con l’occidentalizzazione, e quindi l’affermarsi della relativa concezione del tempo, l’orologio meccanico iniziò a diffondersi anche in Cina.

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Echi di quella diffidenza, di quel sospetto, risuonano anche oggi, nel malessere e nell’insofferenza che ancora ai nostri giorni suscita in noi il contatto troppo ravvicinato con il mondo delle macchine, il mondo dell’orologio meccanico, che spesso additiamo come il vero responsabile delle nostre ansie e del nostro stress quotidiano. Ancora oggi, dice Jünger, avvertiamo che “esso indica realmente un tempo diverso da quello che scorre. Anche quando parliamo del movimento, del corso del tempo, del trascorrere del tempo, alludiamo a questo tempo antico, continuo, indiviso. Ma la lancetta dell’orologio non si muove secondo le sue leggi”. La lancetta non scorre, ma si muove a scatti; si ferma per poi riscattare in avanti e così all’infinito. Che tempo è mai questo? Un tempo che non scorre più, fluido e silenzioso, come scorrevano la sabbia o l’acqua della clessidra, la fiamma che bruciava il lucignolo dell’orologio igneo o l’ombra dello gnomone seguendo i movimenti degli astri. Eppure, proprio al fine di misurarlo e dominarlo meglio, di strapparlo alle forze elementari della natura e costringerlo entro le mura della nostra città, “fu concepita l’idea di misurare e suddividere il tempo con quelle macchine che noi chiamiamo orologi. […] Così cominciarono la loro corsa tutti gli orologi che oggi ‘vanno'”. Ma, osserva Jünger, è lecito chiedersi se in questo modo ci siamo costruiti un palazzo o una prigione. Resta il fatto che “all’epoca degli orologi a polvere tutti avevano più tempo di oggi che siamo accerchiati dagli orologi”. Abbiamo voluto misurare e dominare meglio il tempo; ma forse “il mondo degli orologi e delle coincidenze è il mondo degli uomini poveri di tempo, che non hanno tempo”.

Poutine vs l’Occident. Un conflit essentiellement idéologique ?

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Poutine vs l’Occident. Un conflit essentiellement idéologique ?

Ex: http://www.breizh-info.com

L’opposition actuelle entre l’Occident (USA/Union européenne) et la Russie de Vladimir Poutine est autant, sinon plus, de nature idéologique que politique et géopolitique. Telle est la thèse développée par Mathieu Slama dans son remarquable essai La guerre des mondes – réflexion sur la croisade idéologique de Poutine contre l’Occident (Ed. de Fallois). Mathieu Slama intervient de façon régulière dans les médias sur les questions de politique internationale. Un des premiers en France à avoir décrypté la propagande de l’État islamique, il a publié plusieurs articles sur la stratégie de Poutine vis-à-vis de l’Europe et de l’Occident.

Entre Poutine et l’Europe, affirme Slama, ce sont deux conceptions, deux grammaires du monde et de l’homme – antagonistes et irréconciliables – qui s’opposent. Cet antagonisme a remplacé celui qui opposait l’Est à l’Ouest, et de façon plus radicale que celui qui opposait le communisme et la démocratie libérale, « car ces deux modèles partageaient une même vision matérialiste de l’homme, congédiant dans un même mouvement Dieu et la tradition, l’un au nom de l’égalité, l’autre au nom de la liberté. »

Quels sont les fondements de cette opposition radicale ? C’est chez l’intellectuel russe Alexandre Douguine,  nous dit Slama, que se trouve une partie de la réponse quand il écrit que « l’eurasisme est une vision du  monde qui se base sur la multipolarité. Nous rejetons l’universalisme du modèle occidental, protestons contre le racisme culturel européen et affirmons la pluralité des civilisations et des cultures. Pour nous, les droits de l’homme, la démocratie libérale, le libéralisme économique et le capitalisme sont seulement des valeurs occidentales. »

Mais plus que de Douguine, la doxa développée par Poutine procède pour l’essentiel de l’oeuvre d’Alexandre Soljenitsyne. « Des millions de gens dans le monde lient le nom et les œuvres d’Alexandre Soljenitsyne au sort de la Russie elle-même. Comme il l’a dit lui-même : la Russie, c’est nous-mêmes. Nous sommes sa chair et son  sang, son peuple. », dira Poutine lors de la remise du prix d’État à l’écrivain en 2007. L’Occident oublieux de ses racines chrétiennes, l’Occident matérialiste qui sacralise l’individu : ces thèmes chers à l’auteur de L’Archipel du Goulag, Poutine les a en effet fait siens.

VLADIMIR_PUTIN_AND_FRIENDS_KGB-CAREER_BY_ACHILLE_ZIBI_MAIN_BNR_01.jpgC’est à partir de 2012, à l’occasion de son second mandat, que Poutine a exprimé de façon aboutie et cohérente son conservatisme. Tout en précisant que  « nul ne peut dire, à l’écoute de Vladimir Poutine, ce qui relève de la sincérité ou de l’hypocrisie – voire du mensonge et de la propagande. », Mathieu Slama  observe que  « le discours de Poutine correspond aussi à un état d’esprit majoritaire en Russie, voire dans l’ensemble du monde non-occidental. Autrement dit, fut-il insincère, ce discours révèle une vérité irréductible à l’honnêteté ou non de celui qui le prononce. »

A l’universalisme sans frontières, à l’individualisme exacerbé, au refus de l’identité qui fondent la doxa de l’Union européenne, Poutine défend un type de société traditionnelle, qui prend ses sources dans l’histoire de la Russie et dans sa culture. Slama rappelle que l’hôte du Kremlin refuse l’assujettissement de la souveraineté nationale à « des règles de droit universelles qui font de chaque individu le membre d’une même humanité » énoncées au nom des droits de l’homme. Contrairement à ce qu’a affirmé à Moscou François Hollande – « Nous avons en commun une vision du monde » – la vision de Poutine se situe bien à l’opposé de celle du président français.

Cela explique, au passage, la hargne avec laquelle les médias occidentaux traitent Vladimir Poutine. « Dictateur », « tyran », « tricheur », « assassin », « voleur » etc., les qualificatifs attribués au président russe ne manquent pas. Jamais les hôtes du Kremlin durant la période de l’URSS n’ont été traités avec autant d’hostilité.

Et pourtant, malgré cela, Poutine semble rencontrer une audience croissante auprès de plus en plus d’Européens. La raison ? Pour Slama, « l’homme européen, confronté à ce qu’Heidegger appelait la fuite des  dieux vit une citoyenneté libre et émancipée mais pauvre en monde. (…) Seuls comptent dans la société technologique, le présent et l’avenir. Mais quel avenir ? (…) Confrontées  à la machinerie sans âme de l’Union européenne et à la dislocation de leur souveraineté, menacées en leur sein de ruptures culturelles sans précédent, les nations européennes naviguent à vue, reléguées derrière la grande puissance américaine, la Russie et les grandes nations émergentes. »

Finalement ce n’est pas tant la réussite du modèle poutinien qui fascine de plus en plus d’Européens mais le délitement du modèle occidental qu’il met par contraste en lumière. « Nous intéresser à ce que dit Poutine, c’est aussi nous confronter à nos propres errance et renoncements », prévient l’auteur. Car, rappelle-t-il, «la nation, en Europe n’existe plus que dans son rapport à l’universel et au droit et, par conséquent, c’est la question même de sa survie qui est posée.». Tout est dit.

PLG

La guerre des mondes – réflexion sur la croisade idéologique de Poutine contre l’Occident, Mathieu Slama, Editions de Fallois, 125 pages, 16€

Bac pour tous, cultivés nulle part !

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Bac pour tous, cultivés nulle part !

La grande déculturation a fait son œuvre !

 
Docteur en droit, journaliste et essayiste
 
Ex: http://www.bvoltaire.fr

Nos convictions morales sont-elles fondées sur l’expérience ? Le désir est-il par nature illimité ? Pourquoi avons-nous intérêt à étudier l’Histoire ? Faut-il démontrer pour savoir ? Machiavel, Descartes et Hannah Arendt, le libre arbitre, l’erreur volontaire sans intention de la commettre, l’histoire vécue et l’histoire narrée… Autant de sujets, de concepts, d’auteurs constituant le millésime 2016 du fameux « bac philo », lequel se réduit, depuis des lustres, à une matière parmi d’autres.

Nos têtes blondes et brunes sont sommées d’argumenter, d’étayer, de démontrer, sans sombrer dans l’écueil du hors-sujet, du psittacisme ou de la compilation de citations. Las. Car, in fine, que va-t-on évaluer ? L’aptitude réelle du candidat à la rhétorique ? Celle d’avancer une réflexion critique et analytique soutenue par une solide culture des « humanités » ? Nenni. Il n’est qu’à voir les néo-bacheliers, primo-rentrants des universités, pour se rendre à cette triste évidence : le fragile vernis des illusions de leur excellence encensée quelques mois plus tôt se craquelle, laissant entrevoir la terrible et angoissante réalité de leur médiocrité.

Le temps de dresser ce terrifiant constat, il est déjà trop tard. Et une course acharnée précipite étudiants et enseignants dans une lutte impossible contre le temps irrémédiablement perdu. La grande déculturation a fait son œuvre. Non pas que la culture ne serait plus enseignée. Au contraire l’est-elle par sa diffusion massive, exponentielle, égalitaire. Bref, estime à bon droit Renaud Camus, « plus la culture est diffusée, moins il y en a pour chacun et moins elle a de consistance ».

Parce que la culture ne peut être, par définition, ce bien le mieux partagé au monde, il en résulte une multitude de prétendants éminemment convaincus, du haut de leur ignorance infatuée, qu’ils sont titulaires d’un droit-créance naturel et sacré aux savoirs et aux diplômes. Le « culturel » s’est arrogé cet exorbitant privilège, corollaire du quantitativisme : l’égalitarisme. Nous réclamons une nouvelle nuit du 4 août !

Nous avons conscience de ce qu’une telle approche aristocratique, sinon élitiste (défendue par Renaud Camus, notamment), peut avoir d’inacceptable et de scandalisant dans nos sociétés hyper-démocratiques post-avancées. Son euphémisation n’atténuera pas pour autant la réalité. Elle ne l’en rendra que plus implacable. Car l’on ne peut rester plus longtemps insensible à la détresse dans laquelle, pareille à une nasse étouffante, nos étudiants se trouvent pris, sans espérer raisonnablement, sauf au prix d’efforts himalayens, s’en délivrer.

« Le système a produit ce qui lui était nécessaire : une main-d’œuvre bon marché, mise en concurrence avec un sous-prolétariat exotique […], formée à une tâche précise et, surtout, débarrassée de la culture globale qui lui permettait, jadis, d’analyser le système, de se représenter dans ce système – et, in fine, de le critiquer », écrivait Jean-Paul Brighelli dans La Fabrique du crétin (2005). Cette « culture globale », ce minimum intellectuel vital, est précisément ce qui fait défaut et dont la carence plonge nos enfants dans la désespérance. Naguère, le certificat d’études, sanctionnant les « humanités » classiques, avait bien plus de valeur que ce papier mâché improprement dénommé « baccalauréat », délivré après ânonnement du programme télé pseudo-culturel pondu par l’Éducation nationale.

Politique et Maternité - Orages d'acier

Politique et Maternité - Orages d'acier

Fréquence Orages d'acier #32 : Politique et Maternité

Emission avec Iseul Turan présentée par Monsieur K..

Présentation de l'émission,
L'acceuil de la vie, emploi et maternité, employeurs, employés et maternité,
Egalité salariale ou justice sociale?
le salaire maternel ?
Stereotypes ou Archétypes ?
Consomm-action et politique "indirecte"
protection du ménage contre les pollutions capitalistes,
Femmes et politiques,
Femmes, mères et militantes,
Actualité des Antigones,

etc...

Musique : Praise for the Mother - Vision - Hildegard von Bingen

Générique : Kreuzweg Ost - Für Kaiser, Gott und Vaterland

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vendredi, 17 juin 2016

Donbass and Syrian Fronts: Two stages of a Single War

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Donbass and Syrian Fronts: Two stages of a Single War

Geographic realities are stable and permanent. They actually matter and all the idealistic disguises created to wage useless wars or delaying wars (Carl Schmitt) are only ponderous parasitic burdens to blind the naïve.

Robert Steuckers

Ex: http://deliandiver.org

I have always insisted on the fact that these both war stages were strategically linked. It would be silly to believe that the Syrian situation has nothing to do with the stalemate in East Ukraine. Historically both areas are so-called “gateway regions” on the rimlands around the Russian dominated heartland as the US geostrategist Saul B. Cohen could demonstrate in his works. As the globalist geopolitics of the United States aims at preventing any Pan-Eurasian synergies in the Old World (or on the World Island to take over MacKinder’s vocabulary) or any long term cooperation between Central Europe and Russia, it’s quite natural to let organize by dubious proxies skirmishes or long term wars on territories that could have an important linking function between major regions on the Eurasian continent. The present-day Ukrainian territory East of Crimea linked Europe (represented by the Genoese and Venetian commercial bases) to Asia at the time of Marco Polo, the great Mongol Khans or even later. The Syrian coast was the entrance gate to the long land roads to India and China. The vital necessity to control it, lead to the eight crusades Western Europe waged during our Middle Ages (Spengler explained why the notion of Middle Ages is only valid for Europe).

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Geographic realities are stable and permanent. They actually matter and all the idealistic disguises created to wage useless wars or delaying wars (Carl Schmitt) are only ponderous parasitic burdens to blind the naïve. That’s what MacKinder tried to explain in his too often forgotten book Democratic Ideals and Realities (several modified editions between 1919 and 1947). Today these two gateway regions, if they would be pacified, could secure the transit of goods and raw materials by roads, pipelines and railways between East Asia, Iran and Europe (in the case of Syria) and between China, Russia and Germany (in the case of Ukraine). What matters today are what I would call the post-Marxist and “Listist” projects China is coining thanks to its overflow of cash and in the framework of BRICS or Shanghai Group with the consent of Kazakhstan and Russia. I speak of a “Listist” perspective on continental organization as the main theorist of development in world history is indubitably Friedrich List. He helped to develop the railway communication system in 19th century Germany, accelerating the unification of the country and its industrialization. Without List, no one would have ever spoken of a German political or economic power. He also favoured the digging of canals both in the United States (he was made an American citizen) to link the Great Lakes area to the East coast harbours and in Germany to link all the river basins between the Vistula and the Meuse in the Prussian dominated Northern European plain. Without List’s genius, no one would have ever spoken of an early American global agricultural power as the wheat belt couldn’t have been properly exploited without a bulk transportation link to the Atlantic coast.

According to List, who thought in multipolar continental terms and favoured soft unification projects under the lead of technological development, the role of the State was to sponsor communication to help developing and creative private industrial and technological forces to thrive (Schumpeter). In this sense, List was a “constructive liberal”, a figurehead of a non conservative efficient praxis that could have annihilated the negative aspects of common liberal ideology.

The Chinese pioneers at the end of the moribund Chinese Empire in the late 1890s and at the beginning of the Republican challenge that lead to the nationalist Sun Ya Tsen revolution in 1911 were all mainly inspired by List who had quite a lot of Chinese disciples. After the paralysing troubles of civil war, of civil dissent caused by warlords, by the long Japanese occupation, communist rule and cultural revolution, China abandoned secretly all the Marxist humbug of the Maoist era (not too obviously in order not to stir too much worry among the masses and the party members). They indeed rediscover List and his ulterior followers and programmed plans akin to the ones he once drew for the United States and Germany.

These plans gave economical, industrial and agricultural powers to both countries. Present-day ideological divagations induce confusion and stir conflicts in order not to repeat positive plans to develop communication that were set up and achieved for the benefit of all the people on Earth. Therefore horrible and useless wars are waged in Syria and in the Donbass area and could be extended to the Caucasus (Chechnya, Dagestan, Ossetia), to East Turkey (Kurds against the Turkish government) blocking for long decades the possibility of expanding railways, pipelines and roads.

(Brussels and Forest-Flotzenberg, June 2016).

Der Abstand als Tugend

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Der Abstand als Tugend

von Pierre Aronnax

Ex: http://www.blauenarzisse.de

Anmerkungen zur jüngsten Distanzierungsdebatte innerhalb der Neuen Rechten. Neue Rechte verstanden als demokratische Rechte. Von Pierre Aronnax.

Zur politischen Realität der Neuen Rechten gehört, dass sie noch immer gesellschaftlich marginalisiert ist. Natürliche Folge dessen ist, dass allerlei Überlegungen angestellt werden, wie sich dieser Zustand ändern ließe, was in unregelmäßigen Abständen zumeist anlassbezogen zu Debatten über den Umgang mit dem politischen Katzentisch führt. Aufhänger diesmal: Frühere antisemitische Äußerungen des AfD-​Landtagsabgeordneten Wolfgang Gedeon in Baden-​Württemberg.


Geäußert haben sich in dieser Sache neben geifernden Medien selbstredend auch die AfD-​Führung, die nun einen Parteiausschluss des Betroffenen fordert. Aber auch Felix Menzel, Herausgeber der Blauen Narzisse, veröffentlichte einen Facebook–Kommentar zum Geschehen. Darin trat er im Wesentlichen für die Freiheit des Wortes ein, ohne jedoch unerwähnt zu lassen, dass er „prinzipiell alle persönlichen Distanzierungen“ ablehne. Ebenfalls in den letzten Tagen erschien die neueste Ausgabe der Zeitschrift Sezession, in der Chefredakteur Götz Kubitschek sich, wenngleich in anderem Zusammenhang, ähnlich äußerte. Dieser Haltung soll im Folgenden widersprochen werden.

„Anstand besitzt nur, wer mit Nachdruck die Meinungsverschiedenheiten betont.“ (Dávila)

Im Zusammenhang mit der Distanzierung von rechts nach weiter rechts wird gerne auf einen Ausspruch von Günther Maschke rekurriert, den dieser im Jahr 2000 in einem Gespräch mit der Jungen Freiheit tätigte: „[Ich] werde mich deshalb auch nicht abgrenzen. Nicht weil es keine Unterschiede gebe, sondern weil die falschen Leute dazu auffordern und man das außerdem nicht vor den Ohren des gemeinsamen Feindes tut.“ Dieser Argumentation liegt nun ein Problem zugrunde: Sie ist keine. Zumindest dem Autor will der apodiktische Imperativ nicht einleuchten. Zumal dieser offenbar auch nur gilt, wenn das Subjekt der Distanzierung weiter rechts als man selbst steht: Mit Distanzierungen gegenüber Rechten, die näher an die Mitte heranreichen als der sonst so über die Abgrenzung Besorgte, tut man sich nicht annähernd so schwer, was folglich interessante Fragen an den aufwirft, dem es doch gerade um die Stärkung des eigenen Spektrums gehen will.

Zwar ist richtig, dass man als Lager insgesamt die Darstellung seiner Geschlossenheit aufs Spiel setzt, wenn man sich dergestalt verhält – jedoch nur, wenn man diejenigen, die von einer derartigen Distanzierung betroffen sind – sei es persönlich oder qua ideologischem Umschlag – tatsächlich als Teil eben dieses Lagers begreift. Genau an diesem Punkt setzt aber gerade die innere Logik der Distanzierung an: An der Grenzziehung. Martin Sellner von den österreichischen Identitären äußerte sich dahingehend vor einiger Zeit sehr deutlich: „Frei nach Nietzsche ist unsere größte Sorge nämlich die, „falsch verstanden zu werden“ und nicht mit gewissen Leuten in ein Lager gerechnet zu werden. Aus diesem Grund sagen wir klar, was wir sind und was wir nicht sind.“

Verwechslung von Ursache und Wirkung

Thor von Waldstein hatte im Zusammenhang mit der Distanzierung nach rechtsaußen in einem IfS-​Vortrag, der auch als Antaios–Kaplakenband Metapolitik vorliegt, einen weiteren Punkt ins Feld geführt, der so nicht stehenbleiben kann. Erstens, weil er nicht stimmt und zweitens, weil er Ursache und Wirkung verwechselt. So kritisiert er Abgrenzungsbestrebungen auf Seiten der Rechten mit dem Hinweis darauf, dass innerhalb der Linken eine „Kultur der Solidarität“ herrsche und eine entsprechende „Kultur der Selbstdenunziation“ wesentlich die Schwäche der Rechten bedinge. Dass die Linke sich nicht innerhalb ihres Lagers distanzieren würde, hat als rechte urbane Legende zu gelten: Wer über die ständigen jahrzehntelangen internen Strategie– und Ideologiedebatten (und die dazugehörigen mitunter handfesten Auseinandersetzungen) der Linken hinaus einen Beweis für diese These benötigt, der bemühe den Internet-​Suchdienst Google und nehme die für die exemplarische Suchanfrage „Linke distanziert sich“ 434.000 dargestellten Suchergebnisse zur Kenntnis.

Träfe die These von Thor von Waldstein jedoch zu, würde dergestalt Ursache und Wirkung miteinander verwechselt werden, als gerade die gesellschaftliche Stärke der Linken ihnen die ausbleibende Distanzierung ermöglichen würde und jene Stärke eben nicht darauf zurückzuführen wäre: Die Linke ist nicht stark, weil sie sich nicht voneinander distanziert, sondern sie distanziert sich nicht, weil sie stark ist.

Neben der Schwächung des vermeintlichen eigenen Lagers sind aber ebenso oft Einwände gegen die Distanzierung dahingehend vorgebracht worden, dass diese lediglich einen Kniefall vor „dem System“ bedeuteten. Manfred Kleine-​Hartlage brachte dies in einem Artikel für das Magazin Zuerst vom 20. März 2015 folgendermaßen zum Ausdruck: „Sie [die sich Distanzierenden, Anm. d. Verf.] wetteifern geradezu in dem vergeblichen Bemühen, die entsprechenden Etiketten dadurch selbst loszuwerden, daß sie sie dem ideologischen verwandten, womöglich nur um Nuancen weiter rechts stehenden Geistesverwandten aufkleben – selbstverständlich ohne den erhofften Judaslohn, nämlich die Zulassung zu den meinungsbildenden Eliten, jemals einzustreichen.“

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Intrinsisch motivierte Abgrenzung

Bereits in einem früheren Beitrag wies der Autor darauf hin, dass die Rechte sich zu viel mit dem Willen zur Macht und zu wenig mit der Psychologie befasst. Und genau in diesem Sinne sei an dieser Stelle näher auf das obige Argument eingegangen. Wer also ist Zielgruppe des Aktes der Distanzierung? Distanziert man sich von einer Position auf derselben Seite des politischen Spektrums, so bieten sich dafür jener zwei an: Das mediale und kulturelle Establishment und der Staat. Dem Establishment gegenüber will man damit in erster Linie Anschlussfähigkeit signalisieren, dem Staat die eigene Unbedenklichkeit, die vor Repressionen schützen soll. Den dritten, gerade im metapolitischen Sinne wesentlich wichtigeren Adressaten lassen die Distanzierungskritiker aber stets außen vor: die eigenen potentiellen Anhänger.

Diesen gegenüber macht man mit der Distanzierung nämlich vor allem eines deutlich: Wer man ist – und wer man dementsprechend nicht ist. Warum ist das von Belang? Weil Menschen sich nicht einfach irgendwem anschließen. Sie wollen über die Sicherheit gegenüber Repressionen und das eventuelle Wohlwollen des Establishments hinaus ganz sicher mindestens eines: Sich mit Menschen zusammentun, die eine politische Vision vertreten, die sie unterstützen können – die sie selbst teilen. Sie wollen schlicht nicht mit bestimmten Leuten mit bestimmten politischen Vorstellungen gemeinsame Sache machen. Nicht weil sie Angst vor „dem System“ haben, sondern, weil sie diese Absichten nicht mittragen können und wollen. Und genau deshalb ist es wichtig, ihnen zu signalisieren, dass wir – sofern es denn zutrifft – eben jene Leute nicht sind.

Der Verzicht auf die Distanzierung nimmt zu viel Rücksicht auf die vermeintlich eigenen Leute und zu wenig auf die, die es noch werden sollen und es dann auch tatsächlich wären. Verantwortlich ist hier ein gängiges Phänomen politischer Randgruppen: Die übermäßige Beschäftigung mit dem eigenen Milieu unter Vernachlässigung des eigentlich Bedeutsamen, nämlich dem Einflussgewinn innerhalb der Gesellschaft, die man zu ändern angetreten ist. Man kann sich nach weiter rechts distanzieren und sich dennoch nicht verbiegen, wenn man nämlich das tut, was so oft – gerade in unseren Reihen – eingefordert wird: Ehrlich sein und sagen, was man denkt. Nicht einknicken.

Diesmal nämlich nicht gegenüber dem Establishment, sondern gegenüber Strömungen der Rechten, die man nicht als sinnvolle Bereicherung des Spektrums, sondern sogar als schädlich begreift: Nicht bloß für die eigene Sache – sondern für das ganze Volk. Und indem man das tut, stärkt man nicht nur seine eigene Position, sondern ebenso sein tatsächliches Lager, indem man all denen, die bisher skeptisch waren, den Zugang dazu ermöglicht, weil man endlich und unnachgiebig seine Stellung bezogen hat – eine Stellung, die im Gegensatz zu denen der „Sackgassenbewohner von rechtsaußen“ (Kubitschek) Millionen in diesem Land teilen und zu unterstützen bereit wären.

Xavier Moreau: "Les sanctions n'ont plus d'effet sur la Russie"

Xavier Moreau: "Les sanctions n'ont plus d'effet sur la Russie"

Xavier Moreau est conférencier et homme d’affaire français vivant en Russie. De passage à Paris il a tenu à faire un point sur l’actualité ukrainienne et russe pour TV Libertés. Il évoque la situation politique et économique de la région russophone du Donbass où il a séjourné plusieurs semaines au cours du mois de mai.


A la veille de sa participation au Forum Economique de Saint-Pétersbourg où se retrouveront notamment Nicolas Sarkozy et Vladimir Poutine, Xavier Moreau confirme que la Russie à pris toutes les dispositions économiques et financières pour contourner les sanctions européennes. L’invité de TV Libertés affirme que désormais ces sanctions n’ont plus d’effet sur la Russie.

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Euro-Rus Russia/Donbass Tour May 2016 Interview Igor Strelkov (FR-RUS)

Euro-Rus Russia/Donbass Tour

May 2016

Interview Igor Strelkov (FR-RUS)

Interview with Igor Strelkov by Euro-Rus analyst Jacob Issa
(French - Russian)

« Effondrement & superpuissances » - Conférence de Dmitry Orlov

« Effondrement & superpuissances »

Conférence de Dmitry Orlov

Conférence de Dmitry Orlov sur l'effondrement des superpuissances (URSS, USA) - "The Long Now Foundation", 13 février 2009 (San Francisco, CA)

Dmitry Orlov est l'auteur de "Les cinq stades de l'effondrement" (Le Retour aux Sources, 2016) : http://bit.ly/1RtRFeY
Vous pouvez suivre son actualité et ses analyses sur son blog, Club Orlov: http://lecluborlov.blogspot.fr/

Le Retour aux Sources Éditeur :
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Piero San Giorgio : Entretien avec Dmitry Orlov

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jeudi, 16 juin 2016

Sinergias Identitarias por Robert Steuckers

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Sinergias Identitarias por Robert Steuckers

La primera obra de ROBERT STEUCKERS publicada en España
 
Steuckers entiende su actividad como una especie de búsqueda del enraizamiento de los pueblo en la Historia, en cierta manera arqueo-futurista, por usar la brillante expresión de Faye, y por eso también compleja y polifacética. 

Por eso este libro de artículos suyos da una extensa visión del pensamiento holístico de Steuckers, y de la pluralidad de temas tratados, tocando y profundizando en todo el abanico temático propio de la Nueva Derecha: 
 
Nietzsche en sus diferentes interpretaciones y su relación con el nacionalsocialismo; 

Friedrich-Georg Jünger —el menor de los hermanos— y su obra centrada en cuatro referencias: “la Antigüedad clásica, la esencia cíclica de la existencia, el poder de lo irracional y la técnica”;

un artículo en defensa del verdadero socialismo, porque como él mismo dice “el socialismo, se quiera o no, permanece como una reflejo de una aspiración comunitaria”; 

sobre el sociólogo alemán Ferdinand Tönnies y su distinción entre sociedad y comunidad; 

sobre América como “enemigo-adversario”, y cómo la traición de la política americana a la doctrina aislacionista de Monroe fue traicionada en favor de una apuesta por la expansión talasocrática, como heredera de la potencia británica en declive desde 1945; 

sobre el concepto de post-modernidad desarrollado por Wolfgang Welsch;

referencias al sindicalismo revolucionario de George Sorel e ideológicas a Giorgo Locchi; 

sobre Geopolítica, entendida como el antagonismo entre las potencias continentales y las talasocráticas, con un repaso a las aportaciones de los maestros de esta ciencia: Kjellen, Mackinder y Haushofer; 

hasta artículos sobre el nacionalismo ruso, 

sobre Ludwig Ferndinand Clauss y sus estudios sobre la psicología de las razas, 

el paganismo filosófico del premio Nobel de Literatura Knut Hamsum y contra el “desencantamiento del bosque” que denuncia de D. H. Lawrence y 

un sentido homenaje a Jean Thiriart. 

En definitiva armas para la guerra cultura por en una Europa colonizada.

Enric Ravello


Colección Synergias
 
Edición en rústica con solapas
 
Páginas: 284
 
Tamaño: 21 cm x 15 cm
 
Peso: 400 gr.
 
Papel blanco: 90 gr.
 
Cubierta estucada en mate de 260 gr.
 
Categoría: Ensayo
 
ISBN: 978-84-944634-5-7

P.V.P.: 16,95 €
 
(gastos de envío incluidos para España)

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L’ère des disséminations - L’arme migratoire et la fin des nations

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L’ère des disséminations

L’arme migratoire et la fin des nations

Par Jure George Vujic

Ex: http://constitutiolibertatis.hautetfort.com

http://www.polemia.com/lere-des-disseminations-larme-migr...

Jure George Vujic est un écrivain franco-croate, avocat et géopoliticien, diplômé de la Haute école de guerre des forces armées croates.

Directeur de l’Institut de géopolitique et de recherches stratégiques de Zagreb, il contribue aux revues de l’Académie de géopolitique de Paris, à Krisis et à Polémia. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages dans le domaine de la géopolitique et de la politologie.

La crise migratoire, le spectacle quotidien et tragique des noyades de masse des migrants, l’hypocrisie et l’incapacité des élites occidentales à prendre des mesures efficaces face à ce problème… Néanmoins, le caractère brutal et massif de ce phénomène migratoire chaotique, qui prend les dimensions d’un exode, devraient inciter à la réflexion et à la prudence sur les causes réelles de l’afflux massif de migrants sur les rives de la Méditerranée. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : selon les chiffres du Haut Commissariat aux réfugiés des Nations unies (HCR), ce sont près de 224.000 réfugiés et migrants qui sont arrivés en Europe via la Méditerranée entre janvier et juillet de cette année. Les Syriens constituent le groupe le plus important parmi ces arrivants (34%), suivis des Erythréens (12%), des Afghans (11%), des Nigérians (5%) et des Somaliens (4%). On estime qu’entre un demi-million et un million de migrants tenteront de rejoindre cette année les côtes européennes. Bien sûr, on ne peut que compatir avec les réfugiés syriens et libyens qui ont été chassés de leur foyer par l’intervention militaire des forces atlantistes en Libye et la volonté de renverser le régime de Bachar el-Assad en Syrie.

Néanmoins, face à cet exode, il convient de réfléchir sur le rȏle déstabilisateur et déstructurant de l’arme migratoire, qui pour la « Vieille Europe » pourrait signifier à long terme la transposition pure et simple sur son sol de la géopolitique étatsunienne de balkanisation et de fragmentation ethno-confessionnelle qui est en œuvre au Moyen-Orient, politique qui a généré une situation chaotique dans laquelle a vu le jour le pseudo-califat de l’Etat Islamique soutenu par les alliés occidentaux, l’Arabie Saoudite et le Qatar.

La bombe démographique avec un taux de natalité exponentiel que représenterait la quantité massive des flux migratoires d’immigrées de l’Afrique subsaharienne et du Maghreb pourrait bien à long terme « libaniser » les Etats européens, lesquels seraient confrontrés à une communautarisation, voire une ghettoïsation accrue, des populations allogènes, créant les conditions favorables à l’éclatement de potentielles véritables guerres inter-ethniques. Une Europe-continent affaiblie de l’intérieur et en déstabilisation permanente se devrait de supprimer ses frontières et les derniers soubresauts de souveraineté économique et politique, ce qui faciliterait l’installation du nouveau TAFTA, grand marché transatlantique, alors que les grandes corporations puiseraient abondamment dans la main-d’œuvre immigrée à bon marché tout fraîchement installée sur le sol européen. La transposition sur le continent européen du scénario du choc de civilisations entre Islam et Occident servirait les intérêts des puissances de l’Argent.

Il va de soi que cette migration massive, quand bien même fût-elle contrôlée, changera indubitablement à long terme la structure ethnique et démographique de la Vieille Europe qui semble incapable de résoudre et d’assainir les problèmes déjà existants d’absorption et d’intégration culturelle et sociale des populations extra-européennes qui résultent des flux migratoires précédents des années 1980 et 1990.

Il ne faut pas oublier que la démographie est une donnée constante de même qu’une arme redoutable dans les conflits contemporains. En effet, même si ses conséquences se font, pour la plupart, à long terme, elle ne peut être négligée d’un point de vue méthodologique, dans la mesure où elle est désormais une nouvelle arme utilisée dans les tensions géopolitiques mondiales : « La structure démographique – densité de population, masse, composition par âge et par sexe, taux d’accroissement – est en effet considérée comme un des paramètres conditionnant la violence collective. » Le même argument est développé par Jean du Verdier dans son ouvrage Le Défi démographique. L’auteur évoque la célèbre déclaration de Boumedienne à l’ONU en 1974, il y a 40 ans : « Un jour, des millions d’hommes quitteront les parties méridionales et pauvres du monde pour faire irruption dans les espaces accessibles de l’hémisphère nord, à la recherche de leur propre survie ».

Bien sûr, l’immigration massive à laquelle on assiste a pour cause non pas seulement la pauvreté et la misère économique, mais la guerre qui avait pour but le démantèlement planifié de la Libye, de l’Irak et de la Syrie, qui s’inscrit donc dans une relation de cause à effet. Comme l’a si bien récemment déclaré Kader A. Abderrahim, chercheur associé à l’Iris, spécialiste du Maghreb et de l’islamisme : « La crise migratoire est en relation directe avec l’intervention franco-britannique de 2011. On ne peut pas provoquer la guerre et s’étonner ensuite du désordre » (http://francais.rt.com/opinions/5889-libye-crise-migratoire-expert). L’ampleur et la convergence des flux migratoires ainsi que les directions majeures qui s’étendent du sud au nord et d’ouest en est, les axes migratoires Libye/Maghreb-Afrique subsaharienne/Méditerranée méridionale/ Europe/Italie-Grande-Bretagne-France, Afghanistan-Irak-Somalie-Turquie/ Europe de l’Est-Roumanie-Bulgarie-Hongrie-Serbie-Allemagne ressemblent plus à un déplacement de populations qu’à des flux migratoires discontinus classiques.

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Il ne faut pas oublier que les instances internationales et les centres financiers et économiques de décision mondialistes réfléchissent uniquement en termes quantitatifs, en chiffres et en valeurs ajoutées ; la démographie, la structure des populations, de même que les identités et les différences culturelles ne sont pensées et traitées qu’en termes économiques et doivent servir les impératifs et la dynamique dé-régulatrice du marché mondial unifié. Ainsi il faut rappeler que l’ONU parle ouvertement de migrations de remplacement. C’est ainsi que la Division de la population du Département des affaires économiques et sociales a publié un rapport intitulé Migration de remplacement : est-ce une solution pour les populations en déclin et vieillissantes ?. Le concept de migration de remplacement correspond à la migration internationale dont un pays aurait besoin pour éviter le déclin et le vieillissement de la population qui résultent des taux bas de fécondité et de mortalité. Dans chaque cas on considère différents scénarios pour la période 1995-2050, en mettant en relief l’impact que différents niveaux d’immigration auraient sur la taille et le vieillissement de la population.

Post-nationalité et « Dissémi-Nation » migratoire

Et pourtant, tout porte à croire – et en dépit de l’échec des politiques intégrationnistes, du modèle de la multiculturalité – que depuis des décennies on a conditionné les esprits et préparé l’opinion publique européenne à penser en termes de post-nationalité, de gestion migratoire et de catastrophe migratoire humanitaire, d’hybridation migratoire culturelle et identitaire. Ce discours post-national est aujourd’hui réactivé à des fins géopolitiques et d’ingénierie sociale, puisant ses sources dans le discours post-colonial classique cher à Frantz Fanon et à Edward Said, qui s’est s’attaqué dans les années 1960-1970 aux modes de perception et aux représentations dont les colonisés ont été l’objet. En effet, sous l’influence de la pensée post-structuraliste, néomarxiste et déconstructiviste, dont les chantres les plus connus sont Foucault, Derrida et Deleuze (la fameuse théorie française qui, sous l’appellation de French theory, influencera considérablement les élites universitaires américaines, par le biais des cultural studies et les subaltern studies), les élites atlantistes mondialistes en Europe ont participé en grande mesure à la légitimation du discours post-national et pro-migratoire.

La mode ambiante de la post-nationalité, l’apologie des vertus bénéfiques des brassages et des hybridations culturelles ont profondément modifié dans le mental occidental le rapport et la perception du rȏle de la frontière, dont la fonction de limite et de séparation a été systématiquement dénigrée, au profit de la conception « frontière contact », lieu d’hybridation et d’échanges et rencontres culturelles. Cet état d’esprit irénique explique les déclarations irresponsables des élites européennes face à la vague migratoire massive, qui puisent, dans le registre droit-de-l’hommien et humanitariste, sur l’impératif d’accueillir en Europe les flots d’immigrés qui traversent le tunnel de la Manche ou piétinent les barrières de protection frontalières. Cette posture, qui oublie trop souvent que la majorité des flux migratoires ont des causes et des motivations essentiellement économiques, sociales et pécuniaires, explique aussi la volonté dominante de discréditer, voire de diaboliser, les propositions de renforcement et de contrȏle aux frontières en fustigeant « l’Europe forteresse », les projets de construction de murs en Hongrie étant taxés de modèles ségrégationnistes.

Le discours globaliste et post-national corroboré par la pensée culpabilisatrice de le post-colonialisme estime que la nation, en tant que référence d’appartenance nationale et historique, serait une entité désuète, une catégorie territoriale inadaptée et historiquement consommée, qui devrait laisser la place à de nouvelles constructions transterritoriales, hybrides et fluides aux contours mal définis. La dissémination et la dispersion migratoires à l’échelle planétaire constitueraient le fer de lance de cette entreprise de liquidation de la nation, en tant qu’entité ethnique et linguistique enracinée, vecteur d’appartenance nationale et historique.

Souvenons nous de l’influence qu’exerça le concept de dissémination de J. Derrida en tant qu’outil de déconstruction sur la pensée postcoloniale de Homi Bhabha dans les années 1990, qui forgera le concept de « Dissémi-Nation », afin de proposer un nouveau lieu global sans frontières qui se cristalliserait et se formerait de manière quasi spontanée par le jeu de la dispersion migratoire. Ce jeu de mots de la « Dissémi-Nation » n’est pas aussi anodin et abstrait qu’on pourrait le croire, et l’on peut légitimement se poser cette question : l’Europe n’est-elle pas en voie de se transformer en « Dissémi-Nation », après qu’on a liquidé et décimé la Nation en tant que cadre de la chose publique et espace du vivre-ensemble citoyen ? La nouvelle Dissémi-Nation serait un condensé d’espaces intermédiaires, qui évoluerait sans frontières précises au gré des migrations de multitudes chaotiques, et qui permettrait une production de nouvelles « altérités », pensée qui influencera de nombreux théoriciens de la post-colonialisme, comme Gayatri Spivak, ainsi que la théorie de la subalternité.

Quand bien même ces extrapolations conceptuelles semblent parfois abstraites et farfelues, on est en droit de se demander si le concept de Dissémi-Nation n’est pas en train de voir le jour, par l’intermédiaire de la liquidation de la souveraineté politique et territoriale de l’Etat ? La prolifération, la dispersion et l’exportation des masses considérables de migrants extra-européens ressemblent bien à un processus de dissémination migratoire, qui à long terme pourrait bien déstructurer et déstabiliser ce qui reste encore des vieilles nations européennes, la dissémination migratoire faisant ainsi le jeu de la stratégie du « Grand Remplacement » évoquée par Renaud Camus. La dissémination migratoire massive serait alors une arme de décimation interne et massive de la nation.

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Déconstruction de l’idée de frontière

Il convient de se rappeler que cette conception subjectiviste et culturelle de la frontière-contact est l’héritière d’un courant de pensée marqué par la topophilie. On se souvient que les théoriciens post-marxistes Castoriadis et Harvey voyaient déjà dans le territoire et dans la cartographie symbolique un des champs privilégiés de bataille des identités sociales, culturelles qui devaient supplanter les certitudes traditionnelles sur la territorialité souveraine, marquée le limes romain, et de l’existence d’un esprit des lieux (genius loci propre à un peuple, un groupe ethnique ou national) – opinion longtemps partagée par les géographes ou par des penseurs conservateurs et nationalistes, la nation sublimant le corps mystique républicain cher à Péguy ou la transposition générationnelle de « la terre et les morts » chère à Barrès. Cette effervescence terminologique et conceptuelle se traduira par une prolifération de notions floues telles que : lieu, emplacement, paysage, milieu, région, topographie, limite, frontière ou confins, qui viendront brouiller davantage les notions classiques géographiques et géopolitiques du territoire et de la frontière. L’engouement pour les études culturelles contemporaines en Occident comme en outre-Atlantique (les cultural studies) a abouti à une idôlatrie de la notion de topophilie qui avait été lancée par Gaston Bachelard pour insister sur le vécu subjectif de l’espace et sur les rapports de l’individu aux lieux. Pour Bachelard, les individus établissent des relations signifiantes avec les lieux. (D’après lui, il peut s’agir de saisir les modalités selon lesquelles les êtres humains construisent leurs rapports aux lieux, que ceux-ci soient symboliques ou constitutifs de l’identité – Bachelard 1957). C’est dans la même direction que l’opinion publique en Europe a longtemps été abreuvée par ce même discours cosmopolite globaliste qui imposerait de penser l’Europe, non d’une façon charnelle et différenciée, mais de façon abstraite et constructiviste, en tant que construction intellectuelle : un territoire abstrait conçu, dont certaines régions cartographiques sont volontairement éliminées (comme le remarque bien Hobsbawm, 1997).

La même opération dé-constructiviste et dé-substantialiste a été opérée par les sociologues modernes qui insistent sur le fait que la frontière n’est pas un fait spatial aux conséquences sociologiques, mais, par contre, un fait sociétal qui prend forme dans l’espace, faisant crédit à la thèse de Georg Simmel, selon laquelle les frontières sont le résultat d’un processus psychique de délimitation ayant comme résultat des territoires, des « régions » ou des « pays » – des espaces culturels représentatifs pour un certain groupe social, qui ne se superposent pas nécessairement sur les limites politiques et territoriales acceptées. Bien sûr, tout comme Simmel l’a bien remarqué, il y a à la base un acte de volonté, un rôle moteur des communautés dans la formation des limites et des frontières. Il n’en demeure pas moins qu’à force d’élargir le champ sémantique de la notion de frontière à tout processus de délimitation, voire de dispersion, dans le cas des flux migratoires, on finit par évacuer ce qui est à la base de toute structure spatiale élémentaire, à savoir les frontières en tant que discontinuité géopolitique et de marquage, de repère, qui agissent, non seulement comme le soulignent Lévi-Strauss et Lassault sur le réel, mais aussi sur le symbolique et l’imaginaire d’une communauté nationale soudée par la même langue, le même sentiment d’appartenance et une certaine symbolique d’un esprit du territoire, que certains banalisent par le vocable le terroir : la patrie.

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Des anthropologues, tels que Lévi-Strauss et Georges Dumézil, ont souligné le rôle fondateur du symbolique, qui institue et structure en tant que vecteurs des identités collectives et individuelles, symbolique qui passe par la fonction de délimitation (l’appartenance à une communauté inscrite dans un territoire qui est le sien). L’histoire et les mythes fondateurs qui président à la formation de toute conscience collective et nationale rendent compte de l’importance symbolique de l’acte de « poser une frontière » qui implique toujours un regard collectif sur « L’autre » et sur « soi ». La frontière qui délimite, enferme ou exclut met en mouvement de puissantes marques d’identité qui déterminent des rapports culturels et de voisinage spécifiques avec l’étranger. On se souvient que l’école française des Annales insistait sur l’équation significative frontière/identité. De même que Lucien Febvre avait analysé l’évolution sémantique du mot frontière comme signe d’une mutation de la réalité historique avec la formation de l’Etat-nation (Febvre, 1962), alors que le couple frontière/identité est aussi présent dans les réflexions de Fernand Braudel sur L’Identité de la France. L’approche déconstructiviste et intellectualisante de la frontière, tout comme l’approche culturaliste et post-moderniste de cette notion ont abouti à une survalorisation des projections intellectuelles (idéologiques et symboliques) au détriment du mode identitaire de penser la frontière arbitrairement taxée de « mode discriminatoire » suspect. Or, la fétichisation contemporaine de prétendues nations périphériques, les identités frontalièrers et transfrontalières ont conditionné les mentalités, et surtout les pratiques de projection culturelle telles que la littérature et les arts et la politique, à absolutiser et à ontologiser l’effacement des frontières ; la pensée post-frontalière qui revendique le nomadisme et la nouvelle figure de proue symbolique du migrant rejoint la promotion de la post-nationalité, en tant que dissolution programmée de la nation au nom d’une unification du monde par le marché et la consommation.

Or, paradoxalement, les discours communautaristes (Chicanos, Afro-Américains, etc.), post-colonialistes, et la théorie de la subalternité (cette théorie a été initiée par le Groupe d’études subalternes – Subaltern Studies Group, SSG – ou Collectif d’études subalternes – Subaltern Studies Collective –, un groupe de chercheurs sud-asiatiques intéressés par l’étude des sociétés post-coloniales et post-impériales d’Asie du Sud en particulier et du Tiers-Monde en général), qui s’attaquaient à l’impérialisme des élites en renvoyant au contexte hégémonie culturelle au travail du marxiste Antonio Gramsci, sont devenus l’un des leviers du discours d’uniformisation marchande capitaliste qui, pour instaurer et libéraliser le marché mondial, se doit de déconstruire les dernières entraves que constituent les nations, les territoires souverains, les identités enracinées, ainsi que les dernières frontières protectionnistes. La nouvelle narration post-nationale à base de glorification de l’hybridation et de complexification identitaire prône une identité mondiale diasporique et migratoire, qui passe par la construction du sujet Foucaldien par assujettissement aux institutions de contrȏle, aujourd’hui à la mise en pratique de la thématique Deleuzienne de la dissémination des identités fluides et mouvantes, des sujets démultipliés le long des lignes de fuite nomadiques. Ainsi, la théorie de la déconstruction se proposait de promouvoir la désoccidentalisation des esprits et des grands concepts du changement du politique par la déconstruction des certitudes métaphysiques en arrachant tous les signifiants politiques régulatoires et structurants à leur champ de référence et de représentation. Seulement à force de déconstruire et d’arracher, la condition du dominé, du subalterne, devient peu à peu l’instrument de répression et la voie du dominant, le subalterne devenant l’angle mort du processus historique contemporain en tant qu’entreprise généralisée de déracinement.

Dissémination, contagion des idées et nouvelle anthropologie

La dissémination et la contagion des idées ont toujours précédé les grands bouleversements sociaux et politiques. Et c’est la raison pour laquelle la légitimisation des bienfaits de l’immigration massive et du brassage multiculturel s’est opérée par un changement des représentations mentales des populations autochtones et leur rapport vis-à-vis de leur identité et leur rapport avec l’autre, l’étranger. Comme le souligne l’anthropologue Dan Sperber, proche du courant néodarwinien, l’évolution culturelle dans le domaine des idées obéit à une logique de diffusion qui rappelle celle des épidémies. En effet, selon Sperber, les idées et les représentations se disséminent et se répandent par une sorte de contamination, par contagion (le titre de son livre est La Contagion des idées). Ce changement idéel des représentations mentales collectives, qui corrélativement contamine et modifie le champ sociétal, s’articule autour « d’attracteurs culturels » qui sont souvent les porte-parole, les relais de la nouvelle pensée dominante, les diffuseurs de nouveaux pseudo-paradigmes fantasmagoriques tout comme l’idéologie nomadiste. En effet, l’usage métaphorique des sociétés nomades ainsi que l’éloge du déracinement, de l’errance, en vogue dans le monde culturel et des arts, dans les grands médias, les sciences sociales et la philosophie dominante, qui vante les mérites du vagabondage, de l’exil, de l’esprit artiste, du flux, de la pensée ou de la raison nomade, constitue les trames idéologiques de la « nomadologie », fer de lance de cette véritable révolution anthropologique qui devait préparer, sur le terrain des idées et de l’esprit, l’acceptation indolore des grands bouleversements psychologiques, démographiques et ethno-culturels en Europe. Cette nomadologie, bien qu’elle puise ses sources dans l’orientalisme occidental du XIXe siècle, s’affirme depuis les années 1970-1990, c’est-à-dire dans le contexte intellectuel post-soixante-huitard, suite à l’avènement du post-modernisme, de la déconstruction de la raison et de la métaphysique (occidentale) et de l’universalisme-cosmopolitisme triomphant, la mode de l’écologie et la nouvelle philosophie. En effet, la nouvelle narration nomadiste qui devait se substituer à la fin des « grands récits » (les Lumières, les grandes idéologies de la modernité, marxisme, Hegelianisme) et qui devait fournir un modèle alternatif à la pensée dominante, grâce à l’apport d’une anthropologie nomadologique suspecte qui fera l’apologie et la promotion dans le contexte global des sociétés nomades en général, et plus particulièrement des sociétés de chasseurs-collecteurs, est ainsi présentée par Pierre Clastres comme un rempart contre l’Etat (La Société contre l’Etat, 1974) ou par Marshall Sahlins comme la première forme de la « société d’abondance » (M. Sahlins, Age de pierre, âge d’abondance“, 1976). La pensée libérale-libertaire deviendra un véritable laboratoire d’idées pour cette nouvelle révolution anthropologique par la diffusion de revues telles que Libre dirigée par Marcel Gauchet, des réflexions de Jean Duvignaud, Paul Virilio et Georges Pérec sur la « ville nomade » dans la revue Cause commune de 1972 ou du numéro emblématique de cette même publication consacré au thème des Nomades et Vagabonds (1975). Sans oublier évidemment le livre-phare de la « nomadologie », Mille Plateaux, de Gilles Deleuze et Félix Guattari, qui paraît en 1980.

noma886_3015637.jpgCette pensée « désirante » et « nomade » sera célébrée plus tard par Chatwin, avec Songs Lives (1986), Kenneth White, avec L’Esprit nomade (1987), Jean Borreil, naguère collaborateur de la revue Les Révoltes logiques dirigée par Jacques Rancière, avec La Raison nomade (1993), ou bien encore Jacques Attali, avec L’Homme nomade (2003), livre dans lequel cette figure est représentée par le marché, la démocratie et la foi. Le même éloge de l’errance se retrouve dans de nombreux mythes et récits bibliques dans lesquels est recyclé le grand mythe, cher au XIXe siècle, du juif errant, sans feu ni lieu (voir Du nomadisme : vagabondages initiatiques, 2006, de Michel Maffesoli, qui est ainsi articulé autour des thèmes du « juif errant », des « villes flottantes » et d’Hermès, tandis que, plus récemment, Le Siècle juif, 2009, de Yuri Slezkine, met en scène l’opposition entre « apolliniens » sédentaires et « mercuriens » nomades fonctionnels).

Il serait inutile de s’étendre sur le caractère fantasque et stéréotypé de cette pensée constructiviste, très souvent déconnectée du réel et des rapports avec les sociétés nomades « réelles », lesquelles n’existent jamais sous la forme de l’errance et de l’isolement. En fait, loin du caractère utopique et purement incantatoire de nomadisme, la diffusion de ces nouvelles formes de représentations sociétales devait servir de levier de déracinement (par les processus d’acculturation/déculturation) et d’uniformisation marchande par la promotion de l’individu comme élément central des sociétés contemporaines pour les besoins du capitalisme tardif en tant qu’acteurs de production totalement flexibles et disponibles, mobiles tout comme le sont les chasseurs-cueilleurs et nomades dans les sociétés primitives. En effet, l’idéologie néo-libérale et le nouveau capitalisme de séduction mis en exergue par Michel Clouscart instrumentalisera avec succès l’anthropologie libertaire des sociétés nomades en transposant sur l’individu et le monde du travail les caractéristiques de sociétés passées et/ou exotiques en y appliquant les nouvelles pratiques « new age » telles que les coach-chamanes, la sophrologie et le « développement personnel ».

La dissémination est le propre de la démarche post-moderne qui dans l’optique Derridienne serait destinée à interrompre et empêcher la totalisation, s’insurgeant contre l’idée de centre et de totalité, préférant le réseau et la dissémination, par l’effacement des repères normatifs et leur remplacement par une logique en apparence fluide mais opératoire. Sur le plan social et politique, la dissémination des processus dissolvants migratoires s’emploie à déconstruire de l’intérieur une société structurée par la verticalité de l’institution politique au profit de l’économique. La dissémination migratoire est le reflet de cette même post-modernité qui se fonde sur une réalité discontinue, fragmentée, archipélique, modulaire où la seule temporalité est celle de l’instant présent, où le sujet lui-même décentré découvre l’altérité à soi, où à l’identité-racine fait place l’identité-rhizome, le métissage, la créolisation, tout ce que Scarpetta désigne, dans le champ esthétique, par le concept d’ « impureté ». Les philosophes post-modernes (notamment Foucault et Agamben) qui ont souligné l’importance des relations de pouvoir dans la formation du discours d’une époque sont devenus, sans le savoir et sans vouloir le reconnaître, les allocataires et les propagateurs de cette nouvelle forme de discours dominant et, selon Alex Callinicos, ont « contribué à créer l’atmosphère intellectuelle dans laquelle celle-ci pouvait s’épanouir », voire post-humaine dans laquelle l’arme de la dispersion indifférenciée migratoire a pour but de liquider la réalité nationale, et d’instituer le règne du « sujet sans intériorité ».

Jure George Vujic

4/09/2015

Bibliographie

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