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lundi, 09 septembre 2013

Pour une entrée en Tradition

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Jean-Paul LIPPI:

Pour une entrée en Tradition
Prolégomènes à une métaphysique opérative

L'idée de Tradition, au sens guénonien du terme, connaît aujourd'hui un incontestable regain d'intérêt dans des milieux encore quantitativement restreints mais qui n'en paraissent pas moins appelés à jouir d'une influence grandissante, encore que celle-ci doive surtout, de par sa nature “subtile”, se faire sentir sur un plan très largement ignoré du grand public. De même, un certain nombre de personnes, légitimement insatisfaites des réponses apportées par le monde moderne à leur exigence spirituelle, poursuivent, le plus souvent à titre individuel, une recherche dans ce domaine, en s'appliquant à éviter autant que faire se peut les pièges d'un spiritualisme dévoyé et humanitariste. Devant cette situation, nous voudrions tenter d'apporter dans les lignes qui vont suivre une clarification quant à la véritable nature de la “Tradition” dont les premiers se réclament et à laquelle les secondes aspirent. Il nous semble en effet que le mot, s'il n'est pas toujours, à proprement parler, galvaudé, n'est que trop rarement employé dans la plénitude de sa signification, des valences secondaires lui étant trop fréquemment attachées. Cette volonté de clarification nous conduira également à préciser ce qu'il convient d'entendre, dans l'optique Traditionnelle, lorsque référence est faite à la “métaphysique”.

Envisagé dans la plénitude effective de sa définition, le mot “Tradition” ne désigne essentiellement nulle autre chose que la perception de l'immanence de la Transcendance, suivie de la transmission doctrinale de la possibilité de cette perception. Est donc “traditionniste”, pour employer le néologisme forgé par Pierre A. Riffard (1), tout homme qui vit hic et nunc cette Transcendance, c'est-à-dire qui ressent dans son Esprit, son âme et sa chair ― indissociablement ― l'action de celle-ci, sur le plan tant personnel qu'historique et / ou politique. Les mots n'étant que ce qu'ils sont, cette sensation renvoie, dans ses profondeurs ultimes, au registre de l'indicible, ce dont les adversaires de la vision du monde Traditionnelle ne manquent pas de tirer argument pour reléguer cette dernière au rayon des sous-produits de l'idéalisme, quand ce n'est pas à celui des délires quasi-psychotiques. Dans ce dernier cas, la volonté de vivre l'enseignement Traditionnel est ramené à un phantasme de réunification fusionnelle, affirmé fondé sur la nostalgie refoulée de l'état de non-séparation entre mère et nourrisson. Il n'est plus alors question de dépassement de la condition humaine et de rattachement au divin, mais au contraire de régression, soit intellectuelle soit affective, soit les deux à la fois. L'expérimentation de la Transcendance, identique, dès lors qu'elle est stabilisée, à la re-divinisation, ne s'analyse plus, dans le cadre de cette conception spirituellement mutilante, que comme une hallucination, provoquée par le désir angoissé d'échapper à la condition d'être « marqués par leur radicale finitude », ainsi que l'écrit un auteur par ailleurs intéressant mais qui n'en confond pas moins trop facilement la pensée de la Tradition avec sa parodie New Age (2).
 
En réalité, que l'appel à l'Esprit puisse effectivement, dans certains cas, cacher un malaise existentiel, le fait n'est pas niable, encore que les conséquences en soient parfois, même dans ces conditions, bien plus positives qu'on ne veut bien l'admettre (3). Mais vouloir à toute force tout ramener à cela, généralement, d'ailleurs, pour les besoins d'une cause partisane, philosophique ou religieuse, plus ou moins avouée revient à adopter l'attitude moderne par excellence qui consiste à toujours prétendre expliquer à bon droit le supérieur par l'inférieur, et à ne reconnaître in fine de légitimité au premier que du moment que l'on est (croit-on) parvenu à le réduire au second (4). Face à une contestation ainsi dirigée, la réaction des hommes de Tradition ne peut être d'engager la discussion selon une tactique “arguments / contre-arguments”, ceci en raison du caractère d'indicibilité ultime de l'expérience de l'immanence de la Transcendance mentionné plus haut. Il n'est pas pour autant question pour eux de se draper dans leur superbe pour mieux poitriner aux quolibets, ni davantage de reprendre à leur compte quelque saugrenu credo quia absurdum, mais simplement de relever que l'affirmation et sa réfutation ne sont pas, en l'occurrence, au même niveau, qu'elles ne renvoient pas, précisément, au même registre. C'est pourquoi il n'y a, à parler strictement, rien à répondre à qui nie la possibilité d'atteindre ― c'est-à-dire de retrouver ― des états de conscience supérieurs à celui partagé par l'immense majorité de factuelle humanité, ou, à plus forte raison, qui rejette l'éventualité même de l'existence de ces états. Ce qui doit parler ici, c'est seulement la force de l'exemple. Non que chacun soit libre de le suivre ou non, d'accepter ou de refuser la transmission (le tradere) de la doctrine puis de s'engager dans l'expérience de la Transcendance vécue en mode immanent. Il y a tout au contraire en ce domaine comme l'effet d'une Grâce (si l'on veut s'exprimer à la manière des théologiens) qui détermine pour chacun, au moins dans les conditions de son existence présente, une manière de prédestination (5).

On comprend aisément que ce vécu immanentiste de la Transcendance soit plus que difficilement compatible avec toute forme d'exclusivisme religieux, surtout militant et prosélyte. La forme, certes nécessaire sur son plan propre, que telle ou telle religion donne à l'expérience de la Transcendance a en effet pour conséquence inévitable de “figer” celle-ci dans son expression, ce par le mouvement même dans lequel elle en dévoile l'existence ; c'est pourquoi une religion peut être tout aussi bien un chemin d'accès à l'Absolu que l'occasion d'un piétinement, si ce n'est d'un égarement, spirituel. Nous retrouvons ici la distinction bien connue de l'ésotérisme et de l'exotérisme, distinction qui repose en dernière instance sur la faculté de passer, littéralement, “au travers des formes”. Il faut également souligner qu'un tel vécu interdit le culte de tout “impératif catégorique” moral, quelle qu'en puisse être la source. Dût ceci choquer certains parmi nos lecteurs, nous affirmons que la Tradition, parce qu'elle est d'essence métaphysique, ne saurait être en aucune manière “morale”. Si l'on veut authentiquement retraduire en langage normatif l'expérience des états supra-humains, c'est sur le plan de l'éthique et non sur celui de la morale qu'il convient de se situer, la seconde étant universaliste par définition alors que la première est différentialiste au sens où elle ne connaît d'autre loi que celle qui s'impose, à des fins de conservation (6), à un être particulier en fonction de sa nature propre, c'est-à-dire en fonction du niveau d'expérimentation de la Transcendance dont il est effectivement capable. Que des normes soient ― si l'on peut dire ― encloses dans chacun des « états multiples de l'Être » (7), nous ne songeons nullement à le nier. Mais, précisément parce que chaque norme est consubstantielle à l'état au niveau duquel (et à partir duquel) elle se manifeste, aucune d'entre elles ne saurait se prévaloir d'une validité universelle (8). C'est pourquoi celui qui atteint l'Absolu ne peut plus connaître de normes, puisqu'il les a toutes expérimentées et finalement dépassées, un tel être devenant donc « à lui-même sa propre Loi » (9). La morale possède certes sa justification sur le plan qui est légitimement le sien, celui de l'aide apportée, si l'on veut à la manière d'une béquille, aux individus incapables de se rendre authentiquement libres et donc de se tenir debout par leurs seules forces. Mais lui accorder une valeur éminente, c'est couper l'accès à l'Absolu, en bornant l'expérience de la Transcendance à l'un des niveaux de la Manifestation illusoirement posé comme ultime. De fait, l'Absolu ne mériterait pas son nom s'il ne contenait toutes les normes, y compris les plus “immorales”, chacun des « états multiples de l'Être » manifestant telle d'entre elles selon sa potentialité et sa valence particulières. Dès que conscience est prise de ceci, le refus d'un comportement quelconque ne peut plus se fonder sur des préceptes affirmés valides dans l'universel, mais uniquement sur l'affirmation de valeurs supérieures d'un point de vue métaphysique, c'est-à-dire témoignant d'un état de l'Être plus élevé et contenant de ce fait les précédents états qu'il dépasse selon le principe de l'intégration hiérarchisante. Repousser cette conception revient à rejeter principiellement la nécessaire dimension destructrice de l'Être et donc à mutiler intellectuellement l'Absolu.

Ces précisions indispensables étant apportées, la Tradition commence à apparaître sous son jour véritable. Ce dont celle-ci témoigne, c'est d'une Connaissance expérimentale, celle de la présence active de forces non-humaines dans le monde des hommes. Mais il faut prendre garde de n'enfermer la formule dans une dimension ni étroitement théiste ni, à l'inverse, vaguement “occultisante”. Ce qui est évoqué ici, ce n'est pas faction providentielle d'un Dieu personnalisé ou les agissements de “Supérieurs Inconnus” et autres entités plus ou moins désincarnées. Que de pareilles choses appartiennent au possible ― et tout particulièrement les secondes ―, nous ne songeons pas le moins du monde à le nier. Mais il s'agit là de phénomènes qui renvoient, du seul fait qu'ils sont, précisément, des phénomènes, au domaine de la physique (10), non à celui de la métaphysique. La Connaissance Traditionnelle, de nature authentiquement métaphysique parce que d'essence contemplative, est celle de l'Action, impersonnelle et détachée, de l'Absolu en tant que Source d'où jaillissent et où retournent s'anéantir tous les contraires dyadiquement unis dont l'entrelacs cosmique forme la trame de la Manifestation (11). La perception de l'immanence de la Transcendance repose sur la contemplation de (et la participation à l'éternel maelström d'Énergie qui danse sans début ni fin au sein du Vide universel comme dans le Cœur de l'Homme (12), maelström que l'Hindouisme représente par l'image du Shiva Nataraj dans un cercle de flammes (13). C'est sur cette base qu'il revient à chacun, s'il en ressent la vocation et entend l'appel de ce qui en lui est plus que simplement humain, de tenter, au risque très réel d'y perdre la raison et sans doute bien davantage, de faire sien ce « chaos vivant dans lequel est contenue chaque possibilité » (14), d'unir indissolublement en lui-même Connaissance et Puissance, ce qui est la seule manière réelle de dépasser tout aussi bien le nihilisme (Connaissance désespérée car sans Puissance) que le titanisme (Puissance enivrée car sans Connaissance). Si la quête vient à être couronnée de succès, celui qui l'aura menée à terme en recueillera les lauriers destinés à ceux auxquels il a été promis qu'ils re-deviendraient “comme des dieux”, c'est-à-dire qu'ils retrouveraient leur nature originelle non bornée. Toute la légitimité de la Voie tantrique, plus spécialement dans son orientation dite “de Main Gauche”, en tant que mode de déconditionnement et de réintégration au Divin reposant sur une intensification énergétique appropriée aux conditions du Kali Yuga, est là.

Cette mention du caractère originellement non borné ― donc essentiellement et absolument libre ― de la nature humaine, caractère qui la constitue immédiatement en tant que « préternature » selon la formule de Pierre Gordon (15), nous conduit à examiner le sens du mot “métaphysique” tel que l'emploient les traditionnistes afin de dissiper une confusion. En effet, la métaphysique Traditionnelle n'est pas la métaphysique moderne, celle des traités de philosophie rédigés dans le sillage du réductionnisme ontologique aristotélicien (16), même si l'assimilation est aujourd'hui trop répandue qui mène à ne voir dans la métaphysique qu'une espèce de sous-catégorie de la philosophie au surplus rendue obsolète par les prétendues conquêtes intellectuelles du positivisme logique (17). Or la métaphysique n'est pas la philosophie mais autre chose et davantage que celle-ci ; l'opposition complémentaire des deux disciplines renvoie à celle du sacré et du profane, et leur confusion en dit par elle-même long sur l'état réel du monde moderne (18). Non que la seconde soit dépourvue de sens et donc de légitimité. Mais la quête du Vrai qui la constitue et la « passion de la vérité » (19) qui l'évertue ne peuvent prétendre, du simple fait que la philosophie est une démarche tout humaine avec les limitations que cette qualification implique, s'élever au-dessus des horizons de l'intelligence logico-conceptuelle et spéculative. D'où la volonté, chez ceux qui en tiennent pour la thèse de la métaphysique philosophique, de parvenir à l'élimination de celle-ci.

Le cas d'un Ludwig Wittgenstein est de ce point de vue tout à fait significatif. En écrivant la phrase fameuse qui clôt le non moins fameux Tractacus (20) : « Ce dont on ne peut parler, il faut le taire », celui-ci n'aurait fait qu'énoncer une banalité fort peu “philosophique”, s'il n'avait eu pour projet, ce faisant, de mettre fin à la métaphysique en démasquant derrière celle-ci une faiblesse logique, létale selon lui, qui proviendrait du caractère d'au-delà du langage qu'il lui impute. « La juste méthode de philosophie serait en somme la suivante : ne rien dire sinon ce qui se peut dire, donc les propositions des sciences de la nature ― donc quelque chose qui n'a rien à voir avec la philosophie ― et puis à chaque fois qu'un autre voudrait dire quelque chose de métaphysique, lui démontrer qu'il n'a pas donné de signification à certains signes dans ses propositions. Cette méthode ne serait pas satisfaisante pour l'autre ― il n'aurait pas le sentiment que nous lui enseignons de la philosophie ― mais elle serait la seule rigoureusement juste », lit-on un peu plus haut (21) dans le même ouvrage. Mais la métaphysique que Wittgenstein poursuit de sa vindicte n'est que la métaphysique des philosophes, non la seule métaphysique que l'on doit tenir pour authentique précisément parce qu'elle se situe par-delà les enchaînements purement logiques (formels) de la philosophie, ce que l'emploi synonymique des deux termes dans le passage cité montre sans hésitation possible.

De la métaphysique authentique, on ne saurait d'ailleurs dire qu'elle est indicible formellement, même si elle le demeure, avons-nous dit, fondamentalement, l'indicibilité métaphysique de l'Absolu par le relatif que constitue le langage étant tout autre chose que l'indicibilité absolue de la métaphysique, ce dans la mesure où, si le signe n'est certes pas le sens, il n'en représente pas moins sa trace. Trace à dire vrai moins rémanente qu'actualisante et même incitatrice, car le sens, s'il fallut qu'il fût “voilé” ― ou encore “abrité” ― comme tout ce qui possède Gloire (22), appelle de ce fait son nécessaire dévoilement, non dans les rêveries “mystiques” au douteux parfum d'évasionnisme pseudo-spirituel (et au goût trop réellement infernal) chères aux zélateurs du soi-disant “Nouvel Âge-à-venir-pour-nous- apporter-le-bonheur” (23), mais dans le recueil patient des modalités horizontalement divergentes et verticalement convergentes de l'être-là. À cette nécessité du recueil peut seule faire droit la réconciliation de l'Attention, qui enveloppe amoureusement du regard le monde phénoménal, et de la Contemplation, qui transperce ce même monde pour atteindre au Mystère du « supramonde », lequel est aussi et tout autant un « intramonde ». Car, puisque le Monde est essentiellement un du Principe au plus bas étage de Sa manifestation (24), connaître, ce ne peut être voir simplement au-delà des formes mais également au travers de celles-ci, ce qui suppose que soit préalablement renversée en soi-même l'opacification, contrepartie individuelle de la « solidification du monde » (25), qui s'oppose à l'acuité du Regard. La « perspective métaphysique » (Georges Vallin) repose ainsi en dernière instance sur l'élection continuée de l'ascèse du diaphane. La formule selon laquelle « ce qui concerne la métaphysique, c'est ce qui est au delà de la nature » (26) est évidemment indiscutable, mais celle qui affirmerait que « ce qui concerne la métaphysique, c'est ce qui transparaît au travers de la nature » le serait tout autant. Ne serait-ce que parce que « la nature tout entière n'est qu'un symbole des réalités transcendantes » (27).

Si Wittgenstein, pour en revenir à lui, était parvenu à dépasser le simple niveau de la métaphysique des philosophes, il aurait pris conscience que ce dont on ne peut parler demande moins à être tu qu'à être vécu, car « ce dont il s'agit (pour (le métaphysicien), c'est de connaître ce qui est, et de le connaître de telle façon qu'on est soi-même, réellement et effectivement, tout ce que l'on connaît » (28). C'est pourquoi, après avoir écrit que « le monde est indépendant de ma volonté » (29), il aurait pu ajouter, en toute orthodoxie Traditionnelle (et “tantrique”) que ma volonté peut à son tour se rendre indépendante du Monde, et donc, à la fin, rendre le Monde dépendant d'elle, en s'enracinant dans ce qui transcende les phénomènes, c'est-à-dire en devenant identique à l'objet de ma Connaissance. Mais Wittgenstein, en tant que philosophe, ne peut pas ne pas être prisonnier des limitations formelles de la logique, et plus particulièrement de la formulation aristotélicienne du tiers-exclu, d'où sa conviction que « de même qu'il n'y a qu'une nécessité logique, il n'y a qu'une impossibilité logique » (30), ce qui l'amène à tenir pour « clair que le produit logique de deux propositions élémentaires ne peut être ni une tautologie ni une contradiction » (31), sans qu'il se doute apparemment que la notion de “contradiction” n'est elle-même qu'une conséquence de l'adoption d'un schéma exclusivement logique, schéma qui peut être dépassé par l'intuition de la non-contradiction absolue des contraires. Intuition intellectuelle, bien entendu, et non psychologique, donc essentiellement contemplative et non discursive, ceci parce qu'« en toute conception vraiment métaphysique, il faut toujours réserver la part de l'inexprimable ; et même tout ce qu'on peut exprimer n'est littéralement rien au regard de ce qui dépasse toute expression comme le fini, quelle que soit sa grandeur, est nul vis-à-vis de l'Infini » (32).

Cette dimension apophatique de la Connaissance, aucun système philosophique ne saurait l'admettre, simplement parce que, en tant que système, il est une “mise en discours” du Monde, le non-discours étant assimilé par les esprits systématiques au non-sens (33). D'où l'illusion dont est victime, après et avec bien d'autres, Wittgenstein et qui lui fait croire que « le sens du monde doit se trouver en dehors du monde », parce qu'« il n'y a pas en lui de valeur ― et s'il y en avait une, elle n'aurait pas de valeur » (34), alors que le sens du Monde réside, tout au contraire, dans la manifestation mondaine du sens, lequel, s'il n'est pas de ce Monde, n'en est pas moins dans ce monde. Pour le métaphysicien traditionniste, la radicale contingence des événements pointés dans le Tractacus (35) par la formule : « Car tout événement et être-tel ne sont qu'accidentels. Ce qui les rend non-accidentels ne peut se trouver dans le monde, car autrement cela aussi serait accidentel », cède la place à la signifiance, tout aussi radicale parce que nécessaire, de l'avènement décrypté par la pensée analogico-symbolique dont le déploiement constitue proprement l'ésotérisme. Le principe de l'homogénéité du Monde, que la Table d'Émeraude énonce, on le sait, sous la forme célèbre : « Ce qui est en bas est comme ce qui est en haut », implique celui de l'homogénéité du sens, ce qui signifie que toute chose, même celle apparemment la plus insignifiante, est susceptible d'un dévoilement, non dans la singularité de sa présence mais par sa mise en relations avec l'ensemble des choses autres qu'elles-même, ensemble que le Tout recueille sous l'égide de l'Unité. Le rôle des symboles, dont chacun manifeste le Tout en récapitulant, sous la forme particulière et selon la logique articulatoire qui lui sont consubstantielles en raison des contingences ethno-historiques (36), la somme des relations universelles, est de rappeler cette homogénéité tout en offrant sous une forme voilée les moyens du dévoilement, lequel culmine dans la gnose. C'est pourquoi René Guénon peut affirmer que le symbolisme est « le moyen le mieux adapté à l'enseignement des vérités d'ordre supérieur, religieuses ou métaphysiques, c'est-à-dire de tout ce que repousse ou néglige l'esprit moderne » (37).

Si la philosophie demeure par nature étrangère à toute possibilité (et même à toute finalité) de Réalisation, la métaphysique, en revanche, prend en compte, ainsi que nous l'avons vu, l'obligation pour qui veut réellement connaître de devenir ce qu'il connaît, sans limitation aucune ― c'est-à-dire sans plus succomber à l'illusion suprême, celle de l'opposition du sujet et de l'objet ―, l'« affirmation de l'identification par la connaissance » s'identifiant elle-même au « principe même de la réalisation métaphysique » (38). Cette identification conduit dès lors à la Réalisation, non certes tout un chacun, mais ceux qui se montrent capables d'y parvenir au travers des épreuves, « car il y a, pour certaines individualités humaines, des limitations qui sont inhérentes à leur nature même et qu'il leur est impossible de franchir » (39). Ce n'est par conséquent nullement s'opposer à la pensée de la Tradition que d'affirmer que la métaphysique véritable se distingue aussi de la métaphysique moderne par son caractère essentiellement élitiste. René Guénon lie en effet explicitement “intellectualité” (dans le sens de “capacité d'accès à la gnose”) et “élite” ― par ex. dans la formule suivante : « Il ne peut y avoir qu'un seul moyen de sortir du chaos : la restauration de l'intellectualité et, par suite, la reconstitution d'une élite » (40) ― et précise que si l'Occident connut au Moyen Âge « des doctrines purement métaphysiques et que nous pouvons dire complètes », celles-ci demeurèrent toujours réservées « à l'usage d'une élite » (41). Quant à ceux que leurs « limitations » empêchent d'accéder à la Connaissance pleine et entière, il reste le secours des dogmes et de la foi (42).
Cette Réalisation que permet la démarche métaphysique et sans laquelle elle ne se justifierait aucunement (43), n'est en réalité rien d'autre qu'une ré-intégration, la restauration de l'« état primordial » qui est « celui qui était normal aux origines de l'humanité, tandis que l'état présent n'est que le résultat d'une déchéance, l'effet d'une sorte de matérialisation progressive qui s'est produite au cours des âges, pendant la durée d'un certain cycle » (44). Il s'agit donc bien moins de se rendre autre que l'on est que tel que l'on fut, ou, pour le dire avec une plus grande précision, de se ressaisir ainsi que l'on est toujours demeuré depuis il Origine, même si l'on avait oublié ce que l'on était. Ce ressaisissement, en tant que sortie hors de l'illusion du temps et accès à l'Éternité (45), est ainsi identique au « déchirement du Voile » qui dissimule la Réalité suprême (46).

Discipline éminemment pratique, opérative, si l'on considère le mot dans la plénitude de son acception ― en tant que voie de réalisation ―, la métaphysique l'est tout autant si on l'envisage de manière complémentaire comme grille d'intellection universelle. En tant qu'elle possède par nature le statut de métalangue par rapport à tous les énoncés ou vision du monde d'origine et de nature uniquement humaine, la perspective qui est sienne peut en effet légitimement s'appliquer à l'analyse des formes produites par telle ou telle civilisation, y compris, bien entendu, le monde moderne. C'est sur sa base que René Guénon ouvre le chapitre premier d'Orient et Occident en fondant l'étude de la civilisation occidentale comme tératologie (47) ; sur elle encore qu'il diagnostique des « signes des temps » dans les diverses manifestations de la modernité (48) ; sur elle toujours qu'il entreprend son « œuvre d'assainissement » en en condamnant théosophisme et spiritisme (49), peu avant que Julius Evola n'entreprenne, selon la même logique, d'arracher les « masques » du spiritualisme contemporain pour en révéler les « visages » (50). C'est sur elle enfin qu'il devient possible de comprendre la signification réelle des idéologies aujourd'hui dominantes.

Ainsi du libéralisme. Pour qui est demeuré capable de voir, il est patent que les analyses sociologiques ou économiques, si elles peuvent en éclairer certains aspects, sont incapables de rendre entièrement compte de celui-ci. Envisagé d'un point de vue métaphysique, le liberalisme apparaît comme une forme de “satanisme” plus précisément comme la forme que prend ce dernier, non seulement en tant qu'« esprit de négation et de subversion » (51), mais aussi de parodie, dès lors qu'il entend agir dans le domaine idéologico-politique. L'inversion des traits propres au mode de vie Traditionnel est visible à tous les niveaux du discours libéral. À la figure de l'Initié qui n'est devenu “à lui-même sa propre Loi” que parce qu'il a triomphé des épreuves et connu la renaissance spirituelle qui le place légitimement au-dessus de la condition humaine, et donc des règles qui s'appliquent, pour son bien propre et celui de sa Communauté, à tout homme qui n'a pas dépassé cette condition, le libéralisme substitue celle de l'Individu, lequel refuse toute autorité parce qu'il ne reconnaît d'autre loi que celle du désir sans frein, ce qui fait de lui un esclave alors même qu'il proclame en tous lieux sa liberté prétendument inaliénable. De même, l'idéologie libérale ― dont la devise “Laisser faire, laisser passer” est déjà en soi une parodie, celle de l'“Agir sans agir” taoïste ― remplace la doctrine Traditionnelle de l'Harmonie spontanée, et maintenue vivante par l'interactivité universelle innervée par l'Esprit, par la fiction mécaniste du Marché autorégulateur, allant jusqu'à affirmer que, dès lors que ce dernier pourra fonctionner sans contrôle, “la somme des déséquilibres particuliers ne pourra que créer l'intérêt général”, alors que la vérité est très exactement l'inverse, à savoir que c'est “l'équilibre général” (dans le sens d'“universel”) préexistant qui garantit seul le caractère éthiquement acceptable parce que métaphysiquement signifiant de ce qui apparaît, non comme des “déséquilibres particuliers”, mais comme des “modes d'expression”, nécessairement limitée, de l'Absolu à l'un ou l'autre niveau de sa Manifestation. Les affirmations prévaricatrices du libéralisme reviennent ici à affirmer que ce qui est en haut se trouve sous la dépendance de ce qui est en bas, ce qui représente le complet renversement de l'enseignement de la Tradition. De plus, le libéralisme est structurellement incapable de présenter la hiérarchisation sociale en termes autres qu'économiques, comme le résultat des mérites respectifs d'acteurs engagés dans un éternel procès de production et d'échange de biens matériels, ce qui : premièrement, constitue un mensonge, car le processus d'accumulation du capital empêche le jeu pourtant affirmé “libre” de la promotion sociale (52) ; deuxièmement, entraîne un état de guerre de chacun contre tous en exacerbant les rivalités mimétiques et les jalousies du ressentiment ; troisièmement, aboutit à nier toute vie, donc toute hiérarchie, spirituelle, en ramenant l'expérience de l'Être au niveau de la simple recherche de la satisfaction des besoins organiques, c'est-à-dire en prônant comme valeur dominante de la Cité un comportement caractéristique des stades les plus primitifs du comportement animal.

Ainsi mis en perspective, le libéralisme se laisse saisir pour ce qu'il est vraiment, une idéologie que l'on peut qualifier d'authentiquement “infernale”, d'autant plus que la volonté de séduire pour tromper et soumettre ― signature du satanique ― ne lui fait nullement défaut. En effet, le libéralisme joue analogiquement dans le domaine idéologico-politique le rôle que joue le New Age dans le domaine spirituel, parce qu'il s'agit, ici comme là de présenter une image dégradée de la liberté en l'assimilant à l'individualisme. La différence de positionnement des discours s'explique par celle des cibles (au sens où les spécialistes du “marketing” entendent ce mot) et tient à ce que le libéralisme s'adresse à ceux qui ne conçoivent même plus une autre vie que celle de la jungle, soit qu'il leur fournisse des armes afin qu'ils deviennent de meilleurs prédateurs, soit qu'il tente de les persuader que la jungle est un jardin d'enfants pour qu'ils demeurent des proies faciles (mais il s'agit toujours de faire en sorte que la jungle ne cesse pas d'être une jungle), alors que le New Age trouve un écho chez ceux qui s'imaginent qu'il est possible d'“humaniser” et de “spiritualiser” cette jungle en y baguenaudant pour y planter des fleurs multicolores au gré de ses caprices. Dans les deux cas, le but, qui ne situe pas seulement, répétons-le, à vue humaine, est d'empêcher la transmutation alchimique de la jungle en “forêt” (au sens d'Ernst Jünger), comme prélude à la concentration intensificatrice de cette dernière en « Arbre du Monde » en tant qu'« Arbre de Vie et de l'Immortalité » (53).

Sans doute, à ce stade de l'exposé, n'est-il pas inutile de revenir, pour préciser un point fondamental que nous n'avons fait jusqu'ici qu'effleurer, sur la question de l'origine de la métaphysique. Dans la mesure où elle voit (et donne à voir) le Monde depuis un point de vue que nous qualifierions volontiers, si le mot n'était si galvaudé, de “surhumain” (54), et où elle permet, dans le même temps, le dépassement effectif de la condition désormais commune à la quasi-totalité des hommes, la métaphysique ne saurait avoir une origine humaine. Cette nécessité, à la fois principielle et logique, d'une source an-historique et non-humaine est exposée par René Guénon dans La métaphysique orientale (55) : « Ces doctrines métaphysiques traditionnelles auxquelles nous empruntons toutes les données que nous exposons, qu'elle en est l'origine ? La réponse est très simple, encore qu'elle risque de soulever les protestations de ceux qui voudraient tout envisager au point de vue historique : c'est qu'il n'y a pas d'origine ; nous voulons dire par là qu'il n'y a pas d'origine humaine, susceptible d'être déterminée dans le temps. En d'autres termes, l'origine de la Tradition, si tant est que ce mot d'origine ait encore une raison d'être en pareil cas, est “non-humaine”, comme la métaphysique elle-même ». Cette origine ne peut donc être que l'Absolu, en entendant bien évidemment ce terme dans un sens a-personnel (non-théiste) puisque les “personnifications” n'importent pas davantage en sens ascendant que descendant, ne serait-ce que parce que la notion d'un Dieu personnalisé et dans le même temps absolutisé présente une contradiction dans les termes car la personnalité, du fait qu'elle se définit par la possession et la manifestation d'un certain nombre de traits idiosyncrasiques, implique la repérabilité et renvoie donc en toute rigueur au relatif et non à l'Absolu.

La métaphysique, en tant qu'elle s'identifie à la Tradition elle-même, peut donc être définie la codification inséparablement doctrinale et opérative d'une inspiration délivrée par l'Absolu (56). Encore reste-t-il à définir ce dernier.

Disons-le clairement : s'il est un point sur lequel nous estimons que les analyses évoliennes touchent juste, c'est l'affirmation selon laquelle l'Absolu ne mérite pleinement ce nom que d'être défini comme Puissance. Ceci parce que « la notion de puissance (çakti) (…) s'associe invariablement au concept de Divin, lequel est un et sans second. C'est par la vertu de cette çakti que le microcosme (adhyâtma) et la macrocosme (adhidaiva) sont étroitement reliés l'un à l'autre, et que tout ce qui se trouve dans l'un d'eux se trouve se retrouve nécessairement dans l'autre » (57). René Guénon ou Frithjof Schuon, pour des raisons qui tiennent à leur nature brahmanique, ne paraissent guère s'être arrêtés à cette conception, alors qu'Evola lui a toujours donné la place qui lui revient de droit en écrivant : « Et nous affirmons que le principe de l'absolu est la puissance (çakti), et que tout système qui pose dans l'ordre métaphysique quelque chose avant ou au-dessus de la puissance est rationaliste (au sens péjoratif utilisé par Guénon) et abstrait » (58). Sans doute, d'ailleurs, n'est-il pas tout à fait inutile de saisir l'occasion afin de préciser un point qui n'est pour nous nullement de détail : ce n'est pas parce que nous pensons que le métaphysicien italien a raison ici contre “l'orthodoxie” guénonienne que nous croyons qu'il en va de même partout et toujours. Nous nous en sommes expliqué autre part (59), en particulier en ce qui concerne l'incontestable erreur évolienne à propos de la hiérarchisation de la Royauté et du Sacerdoce et de ce qui en découle quant aux relations entre Action et Contemplation. Il est pour nous hors de discussion que la Contemplation est supérieure à l'Action comme sattwa l'est à rajas. Mais ceci ne nous incite aucunement à croire que la Connaissance l'est absolument à la Puissance, sauf à entendre celle-ci dans le seul sens dégradé de force motrice de l'action non-maîtrisée, ce qui n'est nullement notre cas. Pour reprendre une formule guénonienne déjà citée dans cet article, Connaissance et Puissance expriment à nos yeux un seul et même état, celui de l'être qui est « soi-même, réellement et effectivement tout ce qu'il connaît ». Qui connaît l'Absolu est l'Absolu, et la Puissance de celui-ci devient de ce fait la sienne, ce qui ne signifie évidemment pas qu'un être parvenu à un tel niveau de Réalisation fasse servir cette Puissance à la satisfaction de desseins personnels fondés sur le désir. Ceux qui voient dans l'exposition de telles doctrines un symptôme de “satanisme”, alors même qu'ils ignorent les agissements de ce dernier là où il se manifeste authentiquement, ne saisissent pas la contradiction qu'il y a à soutenir qu'un être qui a atteint l'Absolu, et qui a donc cessé d'être un “individu”, puisse encore éprouver des désirs, lesquels sont, par définition, relatifs aux conditions existentielles d'une individualité donnée. Croit-on vraiment que quiconque est réalisé éprouve la moindre envie de se gaspiller en soustrayant à l'Absolu, c'est-à-dire à lui-même, ne fût-ce qu'une parcelle de Puissance ? Si la Contemplation est traditionnellement reconnue supérieure à l'Action, c'est bien parce que la Réalisation conduit à la première et non à la seconde.

Pour notre part, nous appelons “puissance” l'intensité vibratoire d'un être individualisé, c'est-à-dire existant au niveau de tel plan de la Manifestation, et “Puissance” (avec la majuscule, donc) la vibration originelle unique dont la différenciation intensive crée les divers plans de Réalité (60). Jean Marquès-Rivière a fort éloquemment précisé cette distinction en écrivant : « En fait, il y a une communauté vibratoire étroite entre le corps humain et le cosmos, et l'on peut, avec les grandes cosmogonies asiatiques, considérer qu'il existe une seule et même substance qui se différencie par vibrations de plus en plus “lourdes”, de moins en moins rapides, la vibration originelle étant métaphysiquement à l'infini. Ces différenciations vibratoires créent des “mondes” ou plus exactement des “plans vibratoires” divers ayant chacun leur forme, leurs activités, leurs créatures et leurs lois » (61). La Puissance est l'essence de l'Absolu ― et c'est pourquoi il a pu être dit : « Au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu » (62), la Parole évangélique n'étant autre que la « Parole de Puissance » (Mantrashakti) qui est originellement et éternellement identique à l'Absolu en tant que Principe créateur ― comme les puissances sont celles de innombrables entités qui peuplent le Monde, tant au plan matériel qu'à des niveaux infiniment plus subtils et, de ce fait, devenus inaccessibles à l'homme moderne. La “nature propre” (svadharma) d'un être donné est ainsi très exactement identique à son intensité vibratoire. Plus un être est “évolué”, c'est-à-dire plus il se trouve situé à un emplacement élevé sur l'échelle de la Manifestation (donc moins il s'est éloigné du Centre, donc, en fait, moins il est “involué”), plus il vibre rapidement. La doctrine des Gunas n'a pas d'autre signification : de sattwa à rajas puis à tamas, c'est l'« alourdissement vibratoire » qui s'accentue, ce qui explique et justifie la distribution hiérarchique des hommes en castes. On peut remarquer en passant qu'un être dont l'intensité vibratoire est incommensurablement supérieure à celle d'un autre être demeure de ce fait invisible aux yeux de ce dernier. C'est ce qui explique « l'éloignement » des dieux par rapport aux hommes depuis la séparation des deux lignées « qui étaient une à l'origine » (Hésiode), et c'est ce qui explique aussi, en sens inverse, les diverses apparitions religieuses, tant “divines” que “démoniaques”, lesquelles proviennent du rapprochement momentané ― qu'il soit accidentel ou délibéré ― de deux intensités vibratoires normalement incomparables.

On comprend à présent pourquoi la Réalisation ne peut être autre chose qu'une restauration, elle qui consiste dans la ré-élévation d'une intensité vibratoire particulière jusqu'au niveau de celle de la vibration originelle ; par cette ré-élévation, qui constitue stricto sensu l'initiation, la qualité humaine disparaît en cédant la place à ce qui est infiniment plus grand, car plus puissant, qu'elle, ce même si l'être “régénéré” demeure apparemment inchangé aux yeux des hommes communs. Les initiés sont dès lors “redevenus comme des dieux”, demeuraient-ils parmi les hommes jusqu'à la conclusion de leur existence terrestre, ce que Gustav Meyrink illustre à sa manière en évoquant « la loi sur laquelle repose toute magie : si deux grandeurs sont égales, elles se réduisent à une seule, quand bien même elles auraient une existence en apparence séparée dans l'espace et dans le temps » (63). On comprend aussi pourquoi la métaphysique, ainsi que nous l'avons déjà mentionné, ne peut être qu'a-morale (au sens d'un dépassement ou, pour mieux dire, d'un “laisser-derrière-soi” de la morale), dans la mesure où la Puissance ne saurait être ni “bonne” ni “mauvaise”, ce qui représenterait encore des limitations et nous ramènerait au domaine des simples puissances et donc du relatif (64). La Puissance est, tout simplement et tout uniment, à jamais irréductible à tout autre qu'Elle-même, et à jamais présente en toute forme manifestée, forme qui n'est que l'actualisation oublieuse d'Elle-même. Il ne nous semble pas faire preuve d'une trop grande audace intellectuelle en voyant ici la définition de l'Absolu, au souvenir duquel nous convie, et plus encore à la reconquête duquel nous appelle, la métaphysique authentique, c'est-à-dire la métaphysique intégrale et donc opérative.

► Jean-Paul Lippi, Antaïos n°15, 1999.

◘ Né à Marseille en 1961, Jean-Claude Lippi est diplômé de l'Institut d'Études Politiques d'Aix-en-Provence et docteur en Droit. Depuis quelques années, il s'impose comme l'un des meilleurs connaisseurs de la pensée traditionnelle. Son livre, Julius Evola, métaphysicien et penseur politique : Essai d'analyse structurale (Âge d'Homme 1998) constitue le texte de sa thèse. L'auteur a publié aux éditions Pardès, un remarquable Qui suis-je ? consacré à Evola (1898-1974), penseur de la Tradition pérenne et révolté contre le monde moderne. Présenter l'œuvre de Julius Evola, « un érudit de génie » (Marguerite Yourcenar) en moins de cent pages (nombreuses photographies, bibliographie), sans simplification ni hagiographie était un défi que JP Lippi a relevé avec brio. Voilà un parfait vade-mecum pour tous les passionnés de la pensée traditionnelle, qui permettra à l'honnête homme de mieux connaître le “sulfureux” Evola, depuis l'agitation dadaïste jusqu'à la contemplation immobile. Dans un texte consacré aux Mystères de Mithra, Evola écrivait précisément : « Notre désir d'infini, (…) notre seule valeur : une vie solaire et royale, une vie de lumière, de liberté, de puissance ». Ces simples mots devraient suffire à faire de lui un compagnon de veille et de randonnée.

 ◘ Notes :
1) « Qu'est-ce que l'ésotérisme ? », suivi de « Anthologie de l'ésotérisme occidental », in L'ésotérisme, Robert Laffont, coll. Bouquins, 1990, pp. 11-397, cit. p. 47. Les « traditionnistes » s'opposent à « ceux que l'on peut qualifier proprement de “traditionalistes”, c'est-à-dire ceux qui ont seulement une sorte de tendance ou d'aspiration vers la Tradition, sans aucune connaissance réelle de celle-ci » (René Guénon, Le Règne de la quantité et les signes des temps, 1945, Gallimard, coll. Tradition, 1972, p. 205).
2) Bernard Bastian, Le New Age ; D'où vient-il, que dit-il ? Réponses pour un discernement chrétien, O.E.I.L., Paris, 1991, p. 136
3) Frithjof Schuon l'a exprimé mieux que nous ne saurions le faire : « (…) la question qui ce pose n'est pas de savoir quel peut être le conditionnement psychologique dune attitude, mais bien au contraire quel en est le résultat. Quand on nous apprend par ex. qu'un tel a choisi la métaphysique à titre d'“évasion” ou de “sublimation” et à cause d'un “complexe d'infériorité” ou d'un “refoulement”, cela est sans importance aucune, car béni soit le “complexe” qui est la cause occasionnelle de l'acceptation du vrai et du bien ! » (« L'imposture du psychologisme », in Résumé de métaphysique intégrale, Le Courrier du Livre, 1985, pp. 101-107, cit. pp. 105-106).
4)Cette attitude est tout aussi bien politique que scientifique ou philosophique ; dans le premier cas, elle fonde la profession de foi démocratique, dans le second elle sous-tend les diverses doctrines évolutionnistes, dans le troisième elle légitime le progressisme.
5) Rien n'est en effet plus étranger à l'authentique esprit Traditionnel que l'idée moderne de tabula rasa qui égalise les hommes dans le néant à l'instant de leur naissance. Pour la Tradition, chacun naît porteur de qualifications précises, tout à la fois spécifiques dans leur modalité et partagées dans leur essence. C'est pourquoi un homme réalisé est en même temps un être unique (une Personne) et le membre d'un groupe ― réel ou idéal ― formé de ceux qui sont semblables à lui sous le rapport des qualifications (une caste). Ceci relève de la nécessité ; quant à la liberté, elle est donnée par le fait que chacun peut, sur la base existentielle fournie par ses qualifications propres, s'élever ou, au contraire, s'abaisser dans la hiérarchie des êtres, l'ante mortem ayant ici des répercussions obligées sur le post mortem et l'éventuelle procession vers une nouvelle existence terrestre. Cet enchaînement constitue la lai du Karma envisagée dans sa véritable dimension, technique et déterminante et non morale.
6) Nous entendons le mot au sens où Louis de Bonald écrit : « Qu est-ce que la conservation d'un être ? C'est son existence dans un état conforme à sa nature » (Théorie du pouvoir politique et religieux, 1796, suivi de Théorie de l'éducation sociale, choix et présentation par Colette Capitan, UGE, coll. 10-18, 1966, p. 31).
7) Cf. R. Guénon, Les états multiples de l'Être, 1932, Éd. Traditionnelles, 1984.
8) Tel est l'argument que l'on peut apposer à la morale kantienne, laquelle fait, comme on le sait, reposer la morale sur la raison, en prétendant de ce fait lui conférer une valeur indépendante de toute considération “existentielle”. Emmanuel Kant tient en effet pour « évident que tous les concepts moraux ont leur siège et leur origine complètement a priori dans la raison, dans la raison humaine la plus commune aussi bien que dans celle qui est au plus haut degré spéculative », d'où il conclut, après avoir exigé que soit admis comme étant « de la plus grande importance pratique de puiser ces concepts et ces lois à la source de la raison pure », que les lois morales doivent valoir non seulement pour l'homme mais aussi « pour tout être raisonnable en général » (Grundlegung zur Metaphysik der Sitten, traduit de l l'allemand par Victor Delbos : Fondements de la métaphysique des mœurs, 1785, Deuxième section, Delagrave, 1971, pp. 120-121). Or, même si l'on accepte de reconnaître en la raison une instance immédiatement normative, ce qui apparaît bien davantage comme une pétition de principe que comme une nécessité, l'impératif que celle-ci produit ne peut être dit catégorique qu'au seul niveau des êtres gouvernés exclusivement par elle, et non à celui d'êtres participant dune connaissance supra-rationnelle. Pour ces derniers, l'impératif catégorique tombe du fait qu'ils se situent, au sens littéral de l'expression, “par-delà bien et mal” parce que par-delà les bornes du monde balisé par la seule raison.
9) C'est le sens de la sortie des castes “par le haut”, celle du ativarna, par opposition à la même sortie effectuée “par le bas”, laquelle est propre au paria.
10) Nous ne disons point du “surnaturel” car ce mot, s'il ne vient que trop aisément sous la plume, n'en est pas moins dépourvu de sens. Tout ce qui existe, en quelque mode que l'on voudra, est naturel, c'est-à-dire engendré. Seul peut être à bon droit qualifié de “surnaturel” ce qui n'existe pas mais est, en ce qu'il demeure étranger à la temporalité du fait qu'il possède en soi-même sa propre cause identique à sa propre perfection (entéléchie nécessaire de l'Absolu). Stanislas de Guaita, au milieu de considérations toutes personnelles, à écrit des lignes non dépourvues d'intérêt sur cette question (cf. Essais de Sciences maudites : Le Serpent de la Genèse, 1897, Seconde Septaine - Livre II - La clef de la magie noire, coéd. Trédaniel / Savoir Pour Être, coll. Les trésors de l'ésotérisme, 1995, « Le surnaturel existe-t-il ? », pp. 14-17).
11) « L’Univers est un tissu fait de nécessité et de liberté, de rigueur mathématique et de jeu musical ; tout phénomène participe de ces deux principes » écrit Frithjof Schuon (Résumé de métaphysique intégrale, op. cit., p. 16).
12) De l'Homme, mais non de lui seul. La perception de l'unité supramondaine interdit de conférer à l'Humanité une suprématie sur le reste de la Manifestation, hormis sur un seul point : autant qu'il nous est permis d d'en juger, et dans le cadre de notre propre continuum, l'Homme est le seul être par le truchement duquel le Principe se rend à même de parvenir de manière intégrale à la ressaisie de Lui-même.
13) Jean Parvulesco, dont la vision du monde repose sur ce que nous qualifierions volontiers de “tantrisme marial”, rend cette idée par l'emploi d'une image véritablement prodigieuse : « Un immense lac de feu tournoyant sur lui-même, avec en son centre, la sur-centralité polaire de l'amour de Dieu et de Marie, tel est le dispositif en action de la divinité vivante, tel est le mystère de l'Ædificium Caritatis, tel est l'être même de Dieu » (« Dieu est amour, et l'amour soutient l'empire de la charité », in éléments n ° 95, « Avec ou sans Dieu ? », juin 1999, pp. 40-44, cit. p. 43).
14) Julius Evola, La tradizione ermetica, nei suoi simboli, nella sua dottrina e nella sua arte regia, traduit de l'italien par Yvonne J. Tortat : La tradition hermétique  : Les symboles et la doctrine. L'art royal hermétique, 1931, Éd. Traditionnelles, 1988, p. 35. C'est cette « coexistence » qui rend ce « chaos » indissociablement créateur et destructeur. Si c'est la seconde potentialité qui vient à prévaloir, soit par l'effet d'une évertuation ponctuelle volontaire (magie prétendue “noire” ou goétie), soit simplement par celui des lois cycliques de la Manifestation, nous trouvons l'image du Shiva tamasique ou, sur un plan plus cosmologique que métaphysique, celle du « Grand Dieu Pan » cher à Arthur Machen.
15) « Nos travaux antérieurs nous ont montré qu'au point de départ de nos annales se situe une Révélation, ou illumination primitive de la pensée humaine ; celle-ci se trouvait pourvue, en effet, originairement d'un potentiel mental supérieur, qui l'exhaussait au-dessus de la “nature”. Le péché, en la dessoudant de Dieu, autrement dit de l'Être, l'a dépouillée ipso facto de sa puissance première, et scindée de l'essence des choses. C'est ce dénivellement, cette chute vers un palier inférieur de connaissance, qui a ravalé le surhomme du début au rang d'homme, et déterminé la vision de l'univers comme un fluctuant agrégat de mécanismes physiques (…) L'on nomme Révélation Primitive la communication spéciale qui s'est établie, tout au début de l'histoire humaine, entre l'homme et la préternature. Par préternature nous entendons l'univers transcendant ou dynamique qui forme le substrat des choses accessibles à nos sens » (Pierre Gordon, La révélation primitive, Dervy, 1951, pp. 9 et 17, souligné dans le texte).
10) Pour une étude pénétrante des conséquences de la réduction de la métaphysique stricto sensu à la seule ontologie, cf. Georges Vallin, La perspective métaphysique, Dervy-Livres, 1977.
17) Cf. O. Hanfling, Logical Positivism, éd. Blackwell, Oxford, 1981.
18) Pour un exposé synthétique des rapports entre les 2 disciplines, cf.R. Guénon, Introduction générale à l'étude des doctrines hindoues, 1921, Deuxième partie : « Les modes généraux de la pensée orientale », chapitre VIII : « Pensée métaphysique et pensée philosophique », Trédaniel, 1997, pp. 123-140.
19) Étienne Borne, Passion de la vérité, Fayard, 1962.
20) Ludwig Wittgenstein, Tractacus logico-philosophicus, Vienne, 1918. Nous citons d'après la traduction due à Pierre Klossowski, Gallimard/Tel, 1989, p. 107 (texte suivi par les Investigations philosophiques).
21) pp. 106-107 (6.53), souligné dans le texte.
22) Ésaïe, IV, 5.
23) Il est trop évident (pour qui se donne la peine de regarder) que le New Age s'inscrit dans le cadre de la contre-Tradition et de la parodie dénoncées par R. Guénon pour qu'il soit indispensable d y insister. Disons simplement qu'il contribue, tant par son message de spiritualité à bon marché ― et donc à la portée du premier venu qui est toujours le moins qualifié ― que par les pratiques magico-religieuses qu'il génère de la part d'individus totalement inconscients de la véritable nature des forces avec lesquelles ils entrent en contact, à augmenter le chaos ambiant, y compris sur des plans tout à fait concrets.
24) La perception de l'Unité transtatique entraîne la prise de conscience de la présence continue du supra-mondain dans la Monde, donc l'élaboration de la doctrine immanentiste de la Transcendance que nous avons déjà évoquée. Insistons sur le fait que c'est bien cette perception (intuitive, dans le sens de “supra-sensible”) qui est première, et non l'élaboration doctrinale, ceci suffisant à distinguer la métaphysique de la philosophie.
25) Cf. R. Guénon, Le Règne de la quantité et les signes des temps, op. cit., ch. XVII, « Solidification du monde ».
26) R. Guénon, La métaphysique orientale, 1939, Éd. Traditionnelles, 1985, p. 7.
27) R. Guénon, Le Symbolisme de la Croix, 1931, coéd. Trédaniel-Véga, 1984, p. 10.
28) René Guénon, La métaphysique orientale, op. cit., p. 14, nous soulignons. Cette mise au point illustre ce que Georges Vallin décrit comme « le caractère d'intégralité qui permet à la perspective métaphysique de dépasser les limitations dogmatiques en général (La perspective métaphysique, op. cit., p. 153), limitations qui naissent inévitablement du fait que « la formulation dogmatique se révèle ordinairement par l'exclusion systématique d'un aspect du réel au profit d'un autre » (ibid., p. I55). On notera que, dans le cadre d'une critique des thèses de la métaphysique Traditionnelle telles que les expose précisément Vallin dans la fidélité à la Lux Guenoniana, critique conduite depuis des positions chrétiennes, Christophe Andruzac écrit : « La recherche d'un “Absolu” au-delà de toute dualité (être / agir, connaissance / connu, être / connaître, cause / effet, etc.), exprime à notre sens très profondément le thumos vers une vie de l'intelligence qui serait coextensive à la totalité de l'être. Mais cette vision n'exprime-t'elle pas la nostalgie qu'éprouve l'intelligence du contemplatif de connaître de la connaissance-même du Créateur ? » (R. Guénon. La contemplation métaphysique et l'expérience mystique, Dervy-Livres, coll. Mystiques et Religions, 1980, p. 45). On saisit bien à travers ces propos tout ce qui sépare la religion, en particulier dans le cadre des monothéismes, de la métaphysique. La première est structurellement incapable de dépasser le dualisme de la nature et de la surnature (du “contemplatif” / créature et du “Créateur” / contemplé) car elle demeure inéluctablement bloquée dans une conception antinomique de l'immanence et de la Transcendance, alors même que, comme le souligne à juste titre Vallin : « L'intuition intellectuelle de l'Un dépasse l'antinomie en posant la cause première à partir de l'Un et en intégrant dans l'Infini métaphysique l'indéfinité de l'existence “phénoménale” » (La perspective métaphysique, op. cit., p. 153).
29) Tractacus logico-philosophicus, op. cit., p. 102 (6.373).
30) Ibidem (6.375), souligné dans le texte.
31) Ibidem, p. 103 (6.3751).
32) René Guénon, La métaphysique orientale, op. cit., p. 10.
33) « Une réponse qui ne peut être exprimée suppose une question qui elle non plus ne peut être exprimée. L'énigme n'existe pas. Si une question se peut absolument poser, elle peut aussi trouver sa réponse » (Tractacus logico-philosophicus, op. cit., p. 105 (65), souligné dans le texte).
34) Ibidem, p. 103 (6.41), souligné dans le texte.
35) Ibidem.
36) La synergie de cette forme et de cette logique détermine l'action historique et culturelle (le la Tradition.
37) Symboles fondamentaux de la Science sacrée, Gallimard, 1962. Cette “efficacité” du symbole ― qui n'est certes pas réductible à une efficacité symbolique ― est fort bien explicitée par René Alleau : « Or la nature fondamentale du symbole étant d'élever l'âme humaine vers le surhumain, le mouvement même de la connaissance symbolique correspondait à un élan vers la Lumière incréée, au delà des apparences repérables de toute création matérielle et des bornes concevables de l'univers du discours » (De la nature des symboles : Introduction à la symbolique générale, 1958, Petite Bibliothèque Payot, 1997, p. 18).
38) R. Guénon, La métaphysique orientale, op. cit., p. 13.
39) Ibidem, p. 7.
40) La crise du monde moderne, 1927, Gallimard, coll. Tradition, 1973, p. 94.
41) La métaphysique orientale, op. cit., p. 14. Il va sans dire que prétendre donner au mot “élite” une signification sociologique et “réactionnaire” serait une lourde erreur, même si certains, en toute bonne foi “évangélique” (mais sans doute plus encore néo-conciliaire) semblent surtout avoir retenu de l'enseignement guénonien le risque qui serait le sien d'être : « récupéré par les milieux d'extrême-droite » (Bernard Bastian, Le New Age, op. cit., p. 38).
42) Nous ne pouvons que nous opposer sur ce point à notre excellent ami Arnaud Guyot-Jeannin, lequel écrit : « La Connaissance n'est rien d'autre que l'approfondissement de la foi. Sans foi, pas de Connaissance ! » (« Tradition d'abord ! », in Tradition - Lettre d'information du Cercle Sol lnvictus n°1, automne 1998, p. 2). Il nous semble au contraire que la Connaissance est non “l'approfondissement” de la foi, mais bien son dépassement. Celui qui connaît est de ce fait dispensé de croire. Le voudrait-il, d'ailleurs, qu'il ne le pourrait, puisque la foi suppose une séparation entre le sujet qui croit et l'objet de sa foi, ainsi qu'une ignorance, au moins relative, de la nature dernière de cet objet. Séparation et ignorance que la gnose laisse derrière elle sans possibilité de retour car « tout résultat, même partiel, obtenu par l être au cours de la réalisation métaphysique l'est de façon définitive » (R. Guénon, La métaphysique orientale, op. cit., p.20). Il y a des étapes sur le chemin de la Connaissance et la foi est l'une d'entre elles, supérieure certainement à l'agnosticisme, mais il n'y a pas de retour en arrière.
43) Affirmons-le sans barguigner, quitte à paraître provocateur : si la métaphysique ne conduisait pas à la Réalisation, autant vaudrait jouer aux petits chevaux que de s'en occuper. Quelle valeur réelle pourrait avoir une Connaissance qui ne serait pas immédiatement opérative, et qui demeurerait donc non intégrée à celui qui la posséderait ?
44) René Guénon, La métaphysique orientale, op. cit., p. 18.
45) Le ressaisissement se trouve tout à la fois au début de la Réalisation et à sa conclusion, celui-là apparaissant comme la préfiguration “possibilisante” de celle-ci. « La première chose à faire pour qui veut parvenir véritablement à la connaissance métaphysique, écrit Guénon, c'est de se placer hors du temps, nous dirions volontiers dans le “non-temps” si une telle expression ne devait pas paraître trop singulière et inusitée. Cette conscience de l'intemporel peut d'ailleurs être atteinte d'une certaine façon, sans doute très incomplète, mais déjà bien réelle pourtant, bien avant que soit obtenu dans sa plénitude cet “état primordial” dont nous venons de parler » (La métaphysique orientale, op. cit., p. 18).
46) La signification ultime de ce Voile, qui est celui d'lsis et que l'Hindouisme connaît comme Maya et l'Islam comme Hijâb, a été exposée par Frithjof Schuon dans une étude intitulée « Le mystère du Voile » publiée in L'ésotérisme comme Principe et comme Voie, Dervy, coll. L'Être et l'Esprit, 1997, pp. 45-62.
47) « La civilisation occidentale moderne apparaît dans l'histoire comme une véritable anomalie : parmi toutes celles qui nous sont connues plus ou moins complètement, cette civilisation est la seule qui se soit développée dans un sens purement matériel, et ce développement monstrueux, dont le début coïncide avec ce qu'il est convenu d'appeler la Renaissance, a été accompagné, comme il devait l'être fatalement, d'une régression intellectuelle correspondante ; nous ne disons pas équivalente, car il s'agit là de deux ordres de choses entre lesquels il ne saurait y avoir aucune commune mesure » (Orient et Occident, Payot, 1924, p. 9, nous soulignons).
48) Cf. Le Règne de la quantité et les signes des temps, op. cit.
49) Cf. Le théosophisme : histoire d'une pseudo-religion, 1921, Éd. Traditionnelles, 1966, et L'erreur spirite, 1923, mêmes éditions, 1952 (l'expression « œuvre d'assainissement » est due à Raymond Abellio et figure in « L'esprit moderne et la Tradition », introduction à Paul Sérant, Au seuil de l'ésotérisme, Grasset, coll. Correspondances, 1955, pp. 9-81, cit. p. 81).
50) Cf. Masques et visages du spiritualisme contemporain, 1932, Pardès, 1991.
51) R. Guénon, La crise du monde moderne, op. cit., p. 116. Lorsque nous évoquons le satanisme libéral, précisons-le, nous n'avons nullement à l'esprit l'image d'Épinal de l'entité à cornes et à queue fourchue, même si ce n'est certainement pas glisser de l'ésotérisme à l'occultisme vulgaire que d'admettre la possibilité, ici comme en d'autres endroits, d'une action “démoniaque” au sens usuel du terme. Citons encore une fois René Guénon afin de dissiper l'éventuel malentendu : « Quand nous qualifions de “satanique” l'action antitraditionnelle dont nous étudions ici les divers aspects, il doit être bien entendu que cela est entièrement indépendant de l'idée plus particulière que chacun pourra se faire de ce qui est appelé “Satan”, conformément à certaines vues théologiques ou autres, car il va de soi que les “personnifications” n'importent pas à notre point de vue et n'ont aucunement à intervenir dans ces considérations (Le Règne de la quantité et les signes des temps, op. cit., p. 236).
52) Point n'est besoin d'être marxiste pour comprendre ces choses. Mais le problème de ceux qui se réclament de la Tradition, y compris dans sa dimension politique de Droite, est souvent leur hostilité, certes compréhensible mais trop aisément bornée, au collectivisme, hostilité qui les empêche de distinguer le véritable ennemi. C'est ce qui conduit un certain nombre de personnes, par ailleurs correctement orientées sur le plan principiel, à adopter à l'encontre des victimes de la « démonie de l'économie » (pour nous exprimer à la manière évolienne) une attitude empreinte de la sécheresse de Cœur dont a toujours fait preuve la bourgeoisie, et donc à rejoindre d'une certaine façon les positions du monde moderne qu'elles prétendent combattre. Or, si la Tradition mène à défendre, au niveau politique, des valeurs qui appellent le qualificatif d'“aristocratiques”, cet aristocratisme ne peut être que social.
53) Mircea Eliade, Le chamanisme et les techniques archaïques de l'extase, 1951, Payot, 1996, p. 220.
54) Le surhumanisme de la métaphysique Traditionnelle est tout autre chose que celui dont Zarathoustra se fait le héraut. Pour dissiper les malentendus, mieux vaut parler de “suprahumanisme”.
55) Op. cit., p. 23.
56) C'est en ce sens que René Guénon peut parler de « métaphysique intégrale » et Frithjof Schuon reprendre cette expression pour en faire le titre de l'un de ses ouvrages (Résumé de métaphysique intégrale, op. cit.).
57) Comment discriminer le spectateur du spectacle ? (Drg - drçya - viveka), traduction par Michel Sauton d'après la version anglaise du swâmi Nikhilânanda, éd. Adrien Maisonneuve, coll. Vandé Mâtram, Paris, 1945.
58) « Il Problema di Oriente et Occidente » (Le Problème d'Orient et Occident), recension de René Guénon, Orient et Occident, in : Ultra, 1925, traduit de l'italien par Philippe Baillet et reproduit in  : Guido De Giorgio, L'Instant et l'Éternité et autres textes sur la Tradition, éd. Archè, Milan, 1987, pp. 259-260, cit. p. 260, souligné dans le texte (il faut lire ce dernier en faisant abstraction du ton inutilement polémique adopté par un homme alors encore très jeune).
59) Cf. notre ouvrage Julius Evola, métaphysicien et penseur politique : Essai d'analyse structurale, L'Âge d Homme, coll. Les études H, Lausanne, 1998, ainsi que notre entretien dans le n°14 de la présente revue, équinoxe de printemps 1999, pp. 76-86.
60) Nous pourrions tout aussi bien écrire « les diverses Réalités », puisque, pour n'importe quel être, son Monde est le Monde. C'est en ce sens qu' il faut entendre la formule conclusive du Règne de la quantité et les Signes des temps (op. cit., p. 272) : « Et c'est ainsi que, si l'on veut aller jusqu'à la réalité de l'ordre le plus profond, on peut dire en toute rigueur que la “fin d'un monde” n'est jamais et ne peut jamais être autre chose que la fin d une illusion ».
61) Le yoga tantrique hindou et tibétain, 4° éd. revue et augmentée, Archè, Milan, 1979, Introduction, p. XVII. C'est cette même conception, qui détermine la doctrine Traditionnelle en tant que monisme émanationniste, que Frithjof Schuon, dans le cadre d'une réflexion sur le problème du mal, rend par l'image du « rayonnement » qui émane du Centre Primordial, en précisant que si ce rayonnement est une nécessité, il n'en demeure pas moins que « qui dit rayonnement, dit éloignement, donc aliénation ou appauvrissement » (Résumé de métaphysique intégrale, op. cit., p. 16).
62) Évangile selon Jean, I, 1, traduction Louis Segond d'après le texte grec.
63) Walpurgisnacht, 1917, traduit de l'allemand par A. D. Sampiéri : La nuit de Walpurgis, Bibliothèque Marabout, 1973, pp. 90-91, souligné dans le texte. Précisons que nous sommes tout à fait conscient des réticences que suscite souvent la mention du nom d'un auteur que beaucoup de traditionnistes, à commencer par René Guénon lui-même, ont condamné dans les termes les plus sévères. Mais les zones d'ombre du personnage ne doivent pas interdire de reconnaître l'intérêt majeur que son œuvre présente.

64) C'est ce qu'Arthur Avalon (Sir John Woodroffe) exprime en disant du Mantra, qu'il définit comme « en un mot, une puissance (Shakti), la puissance sous la forme du son », que celui-ci « se prête impartialement à tout usage ». The Serpent Power, traduit de l'anglais par Charles Vachot d'après la 4° édition de 1950 : La puissance du Serpent : Introduction au tantrisme, Dervy-Livres, coll. Mystiques et Religions, 1990, pp. 88 et 87.

 

samedi, 07 septembre 2013

Nietzsche e o Mundo Homérico

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Nietzsche e o Mundo Homérico

Por Carolina Figueroa León*
Ex: http://legio-victrix.blogspot.com
 
 
nag1.jpgNietzsche desde o princípio apresentou um apego ao mundo grego, uma idealização deste como estrutura social, ideológica e intelectual. Esta aproximação não é especificamente com a época clássica, mas com a época arcaica que é representada através dos poemas homéricos.
 
Tomando em conta que o ideal que surge neste período se baseia na luta de poder, na excelência de uma classe aristocrática que é representada através dos heróis e através da areté. Neste período em que o filósofo encontra a essência do grego, porque é o momento em que se desenvolve da melhor forma a condição inerente ao ser humano: o instinto e a vontade de poder. Portanto, ao tomar esta leitura deixamos de lado a visão de que estes poemas remetem necessariamente à época micênica, senão que por sua vez estão carregados de elementos ideológicos, morais e sociais correspondentes à época em que escreve Homero.
 
Para compreender como este ideal guerreiro baseado em uma moral agonística se encontra na sociedade aristocrática arcaica é necessário analisar a obra homérica, a qual se deve relacionar com o contexto do século VIII a.c. e desde aí contrastar com as posturas de Nietzsche, as quais se encontram em seus primeiros escritos mais filológicos como O Estado grego e A luta de Homero.
 
Portanto, é importante analisar o contexto histórico de enunciação destas epopeias, ver se este realmente se vê representado em ditas obras e finalmente analisar o problema a partir da leitura nietzschiana da cultura grega.
 
O mundo homérico e a moral agonística
 
O chamado mundo homérico é o que historicamente corresponde à época arcaica da cultura grega, em que se assentam as bases do crescimento e surgimento das grandes polis. Para Nietzsche é neste momento específico em que se daria o apogeu da cultura grega, não o mundo clássico que foi modificado pelo Romantismo e os filólogos classicistas: “Mas os gregos aparecem ante nós, já que a priori, precisamente pela grandeza de sua arte, como os homens políticos por excelência (...) Tão excessivo era nos gregos tal instinto (...) a expressão triunfal de tigres que mostravam ante o cadáver do inimigo; em suma, a incessante renovação daquelas cenas da guerra de Tróia, em cuja contemplação se embriagava Homero como puro heleno”[1].
 
Para começar esta análise é necessário nos remeter à época arcaica em si, para logo trabalha-la em comparação à homérica. A época arcaica é quando se destaca a imagem de um governo aristocrático precedente à democracia. Para autores como Francisco Rodríguez Adrados, este período é denominado a sociedade homérica, já que se baseia na mesma estruturação social que dão conta os poemas homéricos, posto que na cabeça da sociedade está o rei (Basileus) e este é secundado por aristocracia que na épica é representada na imagem dos heróis. Portanto, os pontos de reconstrução do ideal aristocrático se dão em Homero, quem logra encarná-los em seus poemas. Para Rodríguez Adrados isto se deveria a que o pensamento racional em que foi constituído esta aristocracia se baseia no mito principalmente.  Portanto, Homero plasma através de suas obras tal realidade, a qual se mescla com a mitologia existente de Micenas, mas por sua vez e com maior força aludindo a seu século [2].
 
Frente à utilização dos mitos como reconstrução de identidade e histórica, Rodríguez Adrados refere: “Se trata de uma sabedoria tradicional, de um espelho de conduta posto no passado e no aceitado tradicionalmente, que não tem porque ter uma coerência absolutamente rigorosa” [3].
 
Dentro deste tipo de sociedade vemos a imagem do homem que é similar aos deuses, com a única diferença que é mortal. Esta aristocracia por sua vez se caracteriza por uma moral agonística que se assenta nos valores como honra (time) e virtude ou excelência (aretê). Estes se encontram presentes já em grande medida na epopeia grega: “A moral da aristocracia grega é na epopeia essencialmente competitiva ou agonística” [4].
 
Esta imagem podemos percebê-la já que na maior parte do pensamento dos heróis, no caso da Ilíada, por exemplo: Glauco narra como seu pai Hipóloco o manda lutar a Tróia, o dizendo que é preferível que regresse morto, antes que derrotado e sem lograr ser o primeiro em batalha: “Me insto muitas vezes a ser o primeiro e me destacar entre os outros e a não desonrar a linhagem de meus pais que foram os primeiros em Feira e na vasta Licia” [5].
 
Frente a esta imagem da desonra da linhagem surge a noção de que o herói sempre deve ser virtuoso e é a partir deste elemento que surge o conceito de aretê. Esta excelência em primeiro momento se dá a nível de linhagem, já que sempre o herói é de uma família nobre. Esta traz o prêmio e a fama, o qual se demonstra através das botinhas que se recebia (Geras) logo depois da façanha.
 
A aretê que surge no ideal heroico é o que conforma a excelência da nobreza da sociedade arcaica, já que neste ideal assentam suas bases, que resgatam esses reis e heróis, porque são a representação de sua classe.
 
Finley também se refere á idéia que a aretê heroica é símbolo da nobreza quando nos afirma que isto se faz patente em Odisséia: “Particularmente na Odisséia, a palavra “herói” é uma expressão de classe para toda a aristocracia, e as vezes até parece compreender todos os homens livres”[6].
 
Podemos tomar o afirmado por Finley no seguinte fragmento da Odisséia: “Amanhã – indicou Atena a Telêmaco – convoca no ágora os heróis aqueus” [7]. É nesse sentido que a aretê se converte em um valor de ensinamento frente a esta sociedade. O que já é afirmado por Jeager em A Paideia [8] Para ele, o ideal de aretê é exemplificado através dos mitos heroicos. Precisamente neste sentido a educação do século VIII se baseia nas epopeias. Os cantos épicos se convertem em uma educação moral, em que se ensina que a aristocracia possui uma excelência que é natural. Mas apesar de ser uma condição imanente ao nobre, a aretê se deve demonstrar individualmente. Portanto, há que esforçar-se para conseguí-la, o que se vê na Ilíada quando nos narra que Aquiles foi treinado para vencer na arte da guerra por Fênix. O que nos apresente no canto IX quando Fênix trata de persuadir Aquiles para que volte a lutar com os aqueus: “O ancião cavaleiro Peleo quis que eu te acompanhasse no dia em que te enviar de Ptía a Agamenon. Todavia criança e sem experiência da funesta guerra nem do ágora (...) e me mandou que te ensinará a falar e a realizar grandes feitos (...) te criei até fazer-te o que és”[9].
 
Neste ponto vemos que não só importa a natureza especial do nobre, mas que há que desenvolvê-la e a partir disto é que se reconhece seu mérito.
 
Seguindo com as características desta excelência, surge a imagem da doxa, que se relaciona com a opinião que o resto possui do herói, é esta a que da posteridade e transcendência encarnada na Fama. Portanto, como antes mencionei, tal valor se representa através dos objetos materiais como os despojos de guerra. Portanto, a culminação desta doxa é a Glória ou kleos. Neste sentido ocorre a disputa entre Aquiles e Agamenon, já que ninguém dos dois pôde ficar sem uma escrava, que seja o exemplo tangível de seu triunfo. É por isso que a única forma para que Agamenon não perca sua honra ao entregar sua escrava a Apolo é remover a de Aquiles, posto que este é um igual.
 
Ao revistar este exemplo de Ilíada vemos que no mundo aristocrático não há uma diferença entre o parecer e o ser, ambos elementos são a mesma coisa, portanto, o que prima é a aparência principalmente. Devido a esta visão do homem é que surgiria a antes mencionada doxa que é a opinião, a que afirma o reconhecimento por parte do outro. Ao conseguir tal aceitação o herói pode chegar a tal (euphrosyne), que se representa através do despojo e do banquete “ O agathós ou homem destacado tem alguns meios de fortuna proporcionados. Isto se deduz do paralelismo que se estabelece entre a time ou honra de cada chefe e a parte de despojo que recebe”[10].
 
Outro ponto importante é o das riquezas, que também é outro componente da excelência. O qual se representa através das pertenças do oikos, tais como terras, gado, criados, escravos, etc. Todos estes bens se transmitem diretamente por via de herança. Daqui podemos desprender como nos afirma Rodríguez Adrados que, quando o nobre não pratica a guerra, desfruta da riqueza em seu lugar. Isto nos fica bastante claro na imagem do Banquete em Odisséia [11].
 
Para concluir este imaginário do mundo homérico me parece importante ressaltar que: “É uma sociedade voltada para o mundo, não a outra vida nem ao homem interior; mas com um ideal de heroísmo ao próprio tempo. O ideal se encarna no nobre, o homem superior ou excelente, cuja aretê é fundamentalmente competitiva, mas pode desembocar no sacrifício ou na alegria de um viver refinado” [12].
 
Diane-Kruger-Troie.jpgTomando esta citação compreendemos que a aristocracia se conforma a partir de sua riqueza, e devido a isto é fundamental entre os nobres fomentar vínculos com seus iguais, o qual se dá através da hospitalidade, já que se atende a alguém do mesmo valor moral e social. Neste sentido também se volta importante uma espécie de relação de parentesco dentro da que surge certo intercâmbio econômico representado em presentes (hedna). Na Odisséia se faz patente esta relação de hospitalidade através da narração da viagem de Telêmaco pelas cortes gregas, onde é bem recebido e por sua vez se atende tal como se formara parte da família, sem importar de onde venha, nem as fronteiras que os separam. Outro exemplo chave é o fato que conduz à Guerra de Tróia, a falta da hospitalidade de Paris (Alexandre) frente a Menelau ao raptar Helena.
 
A luta de Nietzsche
 
 O fascínio do filósofo pelo grego parte já de sua infância, na época em que vive com seu avô materno, quem o aproximará ao grego a partir das leituras de Homero que realiza. É neste ponto que o grego se converte em um refúgio para Nietzsche, quem detesta a educação petista na que cresceu, já que o grego se converte na antítese e anti-utopia frente á miséria de sua existência cotidiana cristã-protestante. A partir deste fascínio surge uma imagem do grego que irá contra o pensamento filológico de sua época, para quem a essência do grego se daria no século V ateniense, em pleno Classicismo. Para Nietzsche isto não é o grego, mas o pré-clássico, principalmente assentado no pré-socrático e em Homero.
 
O que se relaciona com as afirmações de Arsênio Ginzo em seu artigo “Nietzsche e os gregos”: “Nietzsche havia chegado cedo à conclusão de que a visão da Grécia transmitida pelo Classicismo alemão era instatisfatória. Já com anterioridade à publicação de O nascimento da tragédia, Nietzsche havia distanciado da imagem da Grécia dos clássicos alemães (...) A partir de 1869, quando começa sua atividade como professor em Basiléia, Nietzsche mostra claramente que resulta insatisfatória essa imagem da Grécia (...) A razão do rechaço nietzschiano consistia em que primeiro os clássicos e depois seus epígonos nos haviam transmitido uma imagem falsa da Antiguidade, uma <<falsa Antiguidade>>, idealizada, unilateral, domesticada” [13].
 
Este distanciamente o leva a afirmar que o centro de gravidade do grego já não é o século de Péricles, como afirmava o resto dos filósofos alemães de sua época, mas antes o século VI ou talvez antes: “Aqui se encontrariam a seu juízo os verdadeiros gregos, uma cultura grega todavia não falsificada nem debilitada, aqui residiria a <<origem criadora>> de uma cultura ocidental, a modo de referente paradigmático que lamentavelmente havia caído em esquecimento ou bem havia diluído seus perfis”[14].
 
Partindo desta imagem do grego contextualizada na época arcaica vemos que Nietzsche descobre neste o melhor exemplo da vontade de poder, a idéia de luta, de sobrepor-se ao outro, que define ao ser humano, o que estaria representado em Homero. E é neste contexto que se percebe a crueldade, a inveja, um gosto pela destruição, dando conta que a destruição é algo próprio do ser humano. Os gregos não forma deshumanos, mas os homems mais humanos dos tempos antigos. Aceitam, não inventam nada papra criar outra humanidade alternativa. A luta para Nietzsche é antes o fim da cultura e educação. E isto é o que afirma em seu texto A luta de Homero, onde a força do agon é o valor mais transcendente dentro da sociedade homérica. Esta imagem apontaria no pensamento do filósofo à noção de um grande desenvolvimento cultural, que só se havia logrado em tal sociedade. Ele não queria pensar na humanidade da antiga Grécia sem sua selvageria, na cultura em sua vigorosa natureza, nem na beleza de seu mundo sem todo o terrível e feio que formavam parte dele:
 
Assim vemos que os gregos, os homens mais humanos da antiguidade, apresentam certos traços de crueldade, de frieza destrutiva; traço que se reflete de uma maneira muito visível no grotesco espelho de aumento dos helenos (...) Quando Alexandre perfurou os pés de Batis, o valente defensor de Gaza, e atou seu corpo vivo ás rodas de seu carro para arrastá-lo entre as provocações de seus soldados, esta soberba nos parece como uma caricatura de Aquiles, que tratou o cadáver de Heitor de uma maneira semelhante (...)” [15]
 
Ao afirmar isto vai contra o otimismo do progresso que foi instaurado a partir do Iluminismo. Para Nietzsche o grego é a antítese do que odeia de sua época. Para ele os gregos seguem sendo o que haviam sido para os clássicos: paradigmas da humanidade, cultura do homem político, mas a imagem que tinha começou a oscilar entre a simplicidade da concepção clássico e o vigor, inclusive a atrocidade de uma cultura pagã, cujos valores representavam a antítese da história cristã.
 
É em meio a este ideal que começa a afirmar seu projeto de desmascaramento da cultura ocidental como uma luta, uma conquista e a partir disto se homologa com a sociedade homérica. Para ele tudo é visto como uma missão, os gregos eram construtores de cultura, de sua cidade, este não era um agon pessoal. De aí que Nietzsche não entenda o conceito de fama só como um reconhecimento egoísta que se comprova através dos bens materiais. E sim antes é outorgada pela coletividade. Por exemplo, a fama à que apela Aquiles tem que ver antes com a doxa, o que nos fica clarro através da idéia que os aqueus veem possível triunfo em Tróia se Aquiles não decide voltar a lutar. A partir deste exemplo podemos situar a idéia da individualidade que representa o herói para Nietzsche:
 
Cada ateniense, por exemplo, devia desenvolver sua individualidade naquela medida que podia ser mais útil a Atenas e que menos pudesse prejudica-la (...) cada jovem pensava no bem-estar de sua cidade natal, quando se lançava, bem à carreira, ou a tirar ou cantar; queria aumentar sua fama entre os seus; sua infância ardia em desejos de mostrar-se nas lutas civis como um instrumento de salvação para sua pátria (...)” [16] 
 
Analisando o texto O Estado grego de Nietzsche se visualiza seu ideal de um Estado orientado para a cultura, mas que deve ser fundamentalmente hierarquizado e fundamentado em base à escravidão. Nietzsche glorifica a pólis grega antiga como um arquétipo anti-socialista e anti-liberal. Uma sociedade hierarquicamente estruturada, cruelmente opressiva, cuja excelência cultural provém da implacável exploração dos escravos. Este ideal iria contra a organização burguesa da modernidade. Finalmente, quando conclui seu ensaio louva Platão como o grande teórico do Estado, mas o critica por ser o artífice da Idéia, que será o que ficará na criação do Cristianismo e uma filosofia metafísica. [17]
 
Outro dos pontos que resgata neste texto em relação á sociedade homérica é a noção de indivíduo excepcional que de desprende da imagem do herói, que possui virtude (aretê) e que é quem logra levar a cabo a culminaçãp da grande cultura e determinam o curso da história.
 
Em relação a esta idéia do homem excepcional podemos tomar em contra a noção do herói homérico seguindo as afirmações de Moses Finley em seu texto O mundo de Odisseu: “A idade dos heróis, tal como entendia Homero, foi, pois, uma época em que os homens superavam os padrões sucessivos de um grupo de qualidades específicas e severamente limitadas” [18].
 
A partir dessa noção de Finley podemos relacionar a visão do termo da individuação e por sua vez a imagem do gênio excepcional afirmada por Burckhardt.
 
Burckhardt em seus estudos relacionados com o Renascimento começa a afirmar que esta é a época em que surge a imagem do gênio, a idéia do desenvolvimento da individualidade do artista, elemento que romperia com o anonimato presente na arte da Idade Média. O que para ele se entenderia a partir do descobrimento do homem como homem. O artista agora aspira à fama terrestre, já não à espiritual tal como se via na Idade Média. Seu móvel é a glória, ser reconhecido por seus logros artísticos. Se perde totalmente a idéia medievalista do homem que vê a atividade terrestre como um passo ou preparação à vida celestial. O homem moderno ou renascentista para Burckhardt vê antes que a atividade que realiza  recai em seu presente e em suas glórias futuras, é antes um benefício imediato ao que pode ascender. É assim como Burckhardt afirma que este novo homem já não é passivo e receptivo, mas que antes se transforma em um grande criador. Um produtor de cultura. [19].
 
Esta idéia logo é aplicada por Nietzsche, quem entende a este gênio como um indivíduo excepcional que surge em toda sociedade como o artista ou militar. Tomando esta idéia, Nietzsche afirma o princípio de individuação que estará presente em sua obra O nascimento da tragédia. Este princípio se relaciona com a vontade individual que propõe Schopenhauer, a qual se relaciona com a denominada volição individual que é antes uma maniestação limitada da vontade que se daria a nível do mundo objetivo. Portanto, a vontade seria algo inconsciente que se manifesta no amor à vida de cada um dos indivíduos. A partir destas idéias afirma que o mais importante é entender que todos os fins que persegue o homem estão impulsionados por uma vontade que é original. A essência do mundo é a vontade, levada à vida mesma, sendo esta algo íntimo do ser, o que relacionamos com a noção do núcleo do indivíduo, com sua natureza humana [20].

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E é neste sentido que se afirma que o Estado deve preocupar-se deste indivíduo excepcional, que afirma uma vontade natural de aspirar à glória, seguindo as afirmações de Burckhardt. Devido a sua genialidade, Nietzsche afirma que o resto do povo (laos) deve se submeter, já que graças a esta escravidão estes gênios podem ter o tempo suficiente para o ofício e em meio dele criar cultura:
 
Com o fim de que haja um terreno amplo, profundo e fértil para o desenvolvimento da arte, a imensa maioria, ao serviço de uma minoria e mais além de suas necessidades individuais, há de submeter-se como escrava à necessidade da vida a seus gastos, por seu plus de trabalho, a classe privilegiada há de ser subtraída à luta pela existência, par que crê e satisfaça um novo mundo de necessidades” [21].
 
Ao ofício a que se refere Nietzsche não é o que atualmente entendemos como Estado de não atividade, senão que pelo contrário tomando a noção de ofício grega em que os artistas só se dedicavam a produzir cultura. É a partir desta idéia que Nietzsche nos propõe que para os gregos o trabalho era vergonhoso e frente a isto os disse:
 
O trabalho é uma vergonha porque a existência não tem nenhum valor em si: mas se adornamos esta existência por meio de ilusões artísticas sedutoras, e lhe conferimos deste modo um valor aparente, ainda assim podemos repetir nossa afirmação de que o trabalho é uma vergonha, e por certo na segurança de que o homem que se esforça unicamente por conservar a existência não pode ser um artista” [22].
 
Neste texto também podemos ver que se desprende esta defesa da moral agonística grega, da luta, o uso da violência para poder criar cultura, de aqui que para ele a escravidão se converta em uma horrível necessidade:
 
Os gregos se revelaram com seu certeiro instinto político, que ainda nos estágios mais elevados de sua civilização e humanidade não cessou de advertir-lhes com acento bronzeado: “o vencido pertence ao vencedor, com sua mulher e seus filhos, com seus bens e com seu sangue. A força se impõe ao direito, e não há direito que em sua origem não seja demasia, usurpação violenta” [23]. 
 
Por sua vez através desta visão violenta, de destruição e força, Nietzsche nos afirma como exemplo Iliáda: “a expressão triunfal de tigres que mostravam ante o cadáver do inimigo; em suma, a incessante renovação daquelas cenas da guerra de Tróia, em cuja contemplação se embriagava Homero como puro heleno” [24].
 
Em relação à imagem do gênio extraordinário, Nietzsche toma Homero, o qual se afirma em seu texto Homero e a filologia clássica. Neste trabalho, apresentado na inauguração de sua cátedra de filologia em Basiléia, não se mete na questão homérica, senão que antes interessa o que este como figura em si simboliza. Deste ponto de vista para o filósofo, Homero se converte em um modo de viver, uma política, um ideal religioso e na criação de um panteão de deuses.
 
Resgata Homero como o indivíduo excepcional que logra sublimar  a tradição, posto que já não é o poeta quem possui uma vontade racional, portanto, nega o conceito de tradição homérica. Há para Nietzsche o desenvolvimento dinâmico de um poeta que se eterniza em um futuro. Para os filólogos da época, Homero recolhe uma tradição de muitos séculos, a concretiza e a escreve. Mas Nietzsche disse que Homero não é isso, que não há uma vontade, e sim uma dinâmica. Para ele a única forma de abordar Homero é através da arte, não da razão, escrevê-lo através da experiência: “a possibilidade de um Homero se faz cada vez mais necessária. Se desde aquele ponto culminante voltamos atrás, encontramos logo a concepção aristotélica do problema homérico. Para Aristóteles é o artista imaculado e infalível que tem perfeita consciência de seus meios e de seus fins; com isto se revela também com a ingênua inclinação a aceitar a opinião do povo que adjudicava Homero a origem de todos os poemas cômicos, um ponto de vista contrário á tradição oral na crítica histórica (...) é necessário perguntar-se se existe uma diferença característica entre as manifestações do indivíduo genial e a alma poética de um povo” [25].
 
A excelência da alma individual que não inventa nada, que eleva a outra categoria à alma popular. O que nos leva a entender que personagens como Homero não são mais uns, senão que sublimam, que são excepcionais e que levam a outra categoria a uma tradição, dado por sua individualidade, seu caráter excepcional: “Agora se compreende pela primeira vez o poder sentido das grandes individualidades e das manifestações de vontade que constituem o mínimo evanescente da Humanidade; agora se compreende que toda verdadeira grandeza e transcendência no reino da vontade não pode ter suas raízes no fenômeno efímero e passageiro de uma vontade particular; se concebem os instintos da massa, o impulso inconsciente do povo como a única primavera, como o único palanque da chamada história do mundo” [26].
 
Para Nietzsche. Homero não só recompilou a poesia oral, visto que sem a figura do bardo não existiria Ilíada Odisséia: “Nós acreditamos em um grande poeta autor da Ilídia e Odisséia; sem embargo, não acreditamos que este poeta seja Homero” [27]. Esta é uma visão muito distinta da que afirmam os estudiosos da questão homérica. Nietzsche afirma uma terceira visão, diferente da noção que foi afirmado, em que se vê Homero como um personagem qualquer. Nietzsche ao invés disso disse que suas obras são produto de uma excepcionalidade, o que se relacionaria com o princípio de individualidade que aparece em o nascimento da tragédia. De onde se desprende a idéia que os personagens individuais determinam o curso da história.
 
Como temos visto, Nietzsche é muito certeiro ao realizar uma leitura do mundo homérico, e tomar deste aquela idéia que através do ideal guerreiro se pode lograr antes de tudo produzir cultura, portanto, não é tão azaroso que em Grécia se tenha dado a grande formação da cultura de Ocidenten, o qual claramente só se pode conseguir a partir da guerra, a que eles chamavam polemos. Daqui que a educação que se recebera aludira exatamente a um ideal guerreiro baseado na noção de aretê, a qual se lograva tanto a nível de trabalho individual como por sua vez pelo simples fato de nascer nobre. Portanto, os gregos foram uma cultura que se educou e conformou na base da noção de uma moral agonística, em que sempre há um que é superior ao outro. Mas ambos heróis estão na mesma altura, já que ambos possuem as mesmas características de nobreza, entendida através do termo aristoi. Daqui que se repete potentemente a imagem de Heitor, quem Homero nos apresenta como o único herói que poderia competir com a potencialidade de Aquiles. Desde este ponto me parece interessante o resgate que realiza Nietzsche frente ao que o resto de seus contemporâneos haviam considerado dentro dos estudos filológicos o menos importante, o mais bestial, que não teria comparação com ao nível artístico do século V. E é neste sentido que depois da conclusão que se a sociedade arcaica não tivesse sido constituída a partir desta noção de agon, não se tivesse logrado mais adiante tais manifestações culturais tão magnânimas que nos tem deixado o século V ateniense.
 
***
 
*Carolina Figueroa León é bacharel em Humanidades e Ciências Sociais. Licenciada em Literatura Criativa da Universidade Diego Portais com um Menor em menção em Cultura Clássica. Estudante do Programa de Magíster em Estudos Clássicos da Universidade Metropolitana de Ciências na Educação (UMCE).
 
[1] Nietzsche, Friedrich, O Estado grego. (Obra Póstuma) Prólogo de um livro que não foi escrito, 1871, p. 6
 
[2] Ver Rodríguez Adrados, Francisco, La democracia ateniense, Editorial Alianza, España, 1998.
 
[3] Ibíd., p. 32
 
[4] Ibíd., p. 36
 
[5] Homero, La Ilíada, Canto VI, Editorial Plaza y Janés, Barcelona, 1961, p. 154
 
[6] Finley, M.I., El mundo de Odiseo, Fondo de Cultura Económica, España, 1995, p. 30
 
[7] Ibíd., p. 20
 
[8] Ver Jaeger, Werner. “Capítulo II: Cultura y educación de la nobleza homérica” en Paideia: los ideales de la cultura griega, Editorial Fondo de Cultura Económica. México, 2001, pp. 32-47.
 
[9] Homero, Op. cit., pp.226-228
 
[10] Rodríguez Adrados, Op. cit., p.39
 
[11] Ver Homero, La Odisea, Canto XVII. Se menciona um banquete no cual se encontram os pretendentes de Penélope.
 
[12] Rodríguez Adrados, Op.cit., p.38
 
[13] Ginzo, Arsenio, “Nietzsche y los griegos”, Polis. Revista de ideas y formas políticas de la Antigüedad Clásica, núm. 12, 2000, p.103
 
[14] Ibíd., p.106
 
[15] Nietzsche, Friedrich, La lucha de Homero. Prólogo para um libro que não foi escrito (Obra póstuma) (1871-72).
 
[16] Ibíd.
 
[17] Nietzsche, Friedrich, Op. cit., pp.1-9
 
[18] Finley, M. I., Op.cit., p.30
 
[19] Burckhardt, Jacob, La Civilización del Renacimiento en Italia, Vol. I (New York: Harper & Row, Publishers, 1958), pp.143-174
 
[20] Véase Schopenhauer, Arthur, El mundo como voluntad y representación, 1844 (2º Edición, con los Suplementos).
 
[21] Nietzsche, Friedrich, Op. cit., 1871.
 
[22] Ibíd.
 
[23] Ibíd.
 
[24] Ibíd.
 
[25] Nietzsche, Friedrich, Homero y la filología clásica. Trabalho apresentado em Basilea no ano de 1869.
 
[26] Ibíd.
 
[27] Ibíd.

vendredi, 30 août 2013

D. H. Lawrence’s Phallic Traditionalism

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D. H. Lawrence’s Phallic Traditionalism

 

By Derek Hawthorne

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Sex and Religion

D. H. Lawrence argues that through the sex act, individuals participate in some kind of mysterious power running through nature. But does this momentary experience have any kind of long-term effect on them? Lawrence directly addresses this question. When the sex act is over, he writes, “The two individuals are separate again. But are they as they were before? Is the air the same after a thunderstorm as before? No. The air is as it were new, fresh, tingling with newness. So is the blood of man and woman after successful coition.” He states further that coition alters “the very quality of being, in both.”[1]

But how? Not surprisingly, Lawrence actually says little about how the experience changes the woman, but as for the man he has plenty to say. After coitus, “The heart craves for a new activity. For new collective activity. That is, for a new polarized connection with other beings, other men.”[2] As we have seen, Lawrence believes that sex involves an encounter with the creative force at the basis of nature. This encounter renews the male’s own creativity. He is eager, after the encounter, to break away from the woman for a time and to take action in the world, to bring something new into being: “Men, being themselves made new after the action of coition, wish to make the world anew. A new, passionate polarity springs up between men who are bent on the same activity, the polarity between man and woman sinks to passivity. It is now daytime, and time to forget sex, time to be busy making a new world.”[3]

The man yearns for union with the woman. At the time, all other considerations other than that union become trivial. Union must be achieved. But once it is achieved, he is renewed and yearns now to come together with other men in a new kind of union: a union directed toward the accomplishment of purposive activity. Again, however, what of the woman in all of this? Doesn’t she yearn for a purposive activity beyond the marriage bed? Lawrence answers that, in the main, this is not the case. He writes, “Primarily and supremely man is always the pioneer of life, adventuring onward into the unknown, alone with his own temerarious, dauntless soul. Woman for him exists only in the twilight, by the camp fire, when day has departed. Evening and the night are hers.”[4]

Lawrence’s view is that in life we must oscillate between an encounter with the source—through sex, for example—and purposive, creative activity. In other words, we must oscillate between blood-consciousness and mental consciousness. Lawrence is not anti-intellectual. Mental consciousness exists in order to allow us to carry out the inspirations we have received from blood-consciousness (recall that “it is through the phallic roots that inspiration enters the soul”). It is when mental consciousness is cut off from blood-consciousness and tries to make itself radically autonomous that problems result.

Lawrence at one point frames the issue of the relation of the two forms of consciousness in terms of “nighttime” and “daytime” selves:

Well, then, we have night-time selves. And the night-self is the very basis of the dynamic self. The blood-consciousness and the blood-passion is the very source and origin of us. Not that we can stay at the source. Nor even make a goal of the source, as Freud does. The business of living is to travel away from the source. But you must start every single day fresh from the source. You must rise every day afresh out of the dark sea of the blood.

When you go to sleep at night you have to say: “Here dies the man I am and know myself to be.” And when you rise in the morning you have to say: “Here rises an unknown quantity which is still myself.”[5]

When Lawrence speaks of rising in the morning, he means emerging from the world of dreams. Like Jung, Lawrence believed that we encounter our primal, pre-mental selves in dream. But he does not just mean this. He means that whenever we emerge from an encounter with the source – whenever we have sloughed off, for a time, our individuality and then put it back on again – we must be prepared to be changed, to be inspired with something that has emerged from the source. We must be willing to bring this into the light. He alludes to this idea in Studies in Classic American Literature when he tell us he believes “That my soul is a dark forest” and “That gods, strange gods, come forth from the forest into the clearing of my known self, and then go back.”[6]

Human beings generally make the mistake of absolutizing either the daytime self or the nighttime self; either making sex the be all and end all, to the exclusion of purposive activity, or vice versa. Lawrence writes that “With sex as the one accepted prime motive, the world drifts into despair and anarchy.”[7] In the sex act, as we have said, the sense of individuality, of personal identity is lost and the participants have the sense of merging into some larger unity. But what of the rest of life? We must live as individuals, with a sense of ourselves as separate beings for most of our waking existence.

But what are we to make of our individuality? Some people find the burden of separate, individual existence so great that they seek to have the sort of transcendence one can experience through sex on an almost constant basis, through alcohol or drugs or thrill-seeking. And what we often find with such individuals is that their lives come to pieces, they drift into “despair and anarchy.”

We have, according to Lawrence, two selves: the nighttime self which is the same in all of us, and which is an offshoot of the worldself, the life mystery; and the daytime self, which is different in each of us, and individual. To deny either is unnatural. We must shuttle back and forth between the two. If we absolutize the nighttime self, then we are destroyed as individuals. And any society that tries to found itself on the nighttime self would quite literally descend into chaos. (Consider the case of Woodstock, for example.) “Assert sex as the predominant fulfillment, and you get the collapse of living purpose in man. You get anarchy.”[8]

But it is equally mistaken to assert purpose above everything. This is, in effect, the mistake of idealism. There are individuals who deny sex or any act that involves a contact with the source. Such acts involve a loss of control, and a temporary breakdown in the sense of individual separateness. And this is terrifying to many people. So they live, as it were, from the neck up and devote themselves wholly to achievement, to productive work, to purpose. This is essentially what Freud means by the sublimation of the libido. Such individuals may not literally cease to have sex, but their sex is mechanical and without any real sensual depth. “Assert purposiveness as the one supreme and pure activity of life,” Lawrence writes, “and you drift into barren sterility, like our business life of today, and our political life.”[9]

Lawrence sees in these observations a key to understanding world history. “You become sterile, you make anarchy inevitable,” he says.[10] In other words, if a society asserts purposiveness above all, eventually it reaches a mass psychological breaking point, and the society will abandon itself to pure sensuousness. If this happens, however, things are destined to cycle back again. Someone or some movement will arise in response to this sensuous anarchy, and it will put forward the solution: abandon sensuousness, in favor of pure purpose, or pure idealism. And so on. To quote Anaximander (one of Lawrence’s favorite philosophers), “they pay penalty and retribution to each other for their injustice according to the assessment of time.”[11]

For Lawrence, the solution to this problem is for individuals to live in complete acceptance of sex and the blood-consciousness. They must accept these not only without guilt, but with positive reverence. Sex and all that puts us into touch with the primal, chthonic source is to be regarded as the touchstone of life. All plans and purposes of human beings are to draw their inspiration from the encounter with this source, and must be compatible with the free, regular, sensual contact with it.

Lawrence writes that “no great purposive passion can endure long unless it is established upon the fulfillment in the vast majority of individuals of the true sexual passion. No great motive or ideal or social principle can endure for any length of time unless based upon the sexual fulfillment of the vast majority of individuals concerned.” And just to make sure we have gotten his point, he says again a few lines later, “You have got to base your great purposive activity upon the intense sexual fulfillment of all your individuals.”[12] (Mysteriously, he adds, “That was how Egypt endured.”)

To sum up, it is certainly true to say that Lawrence was preoccupied with sex. But that was because for him sex was religion. In sex we awaken the deepest part of ourselves; we become that part, which is itself part of the life energy of which we are an expression. In sex we contact this mystery, and draw creative strength from it. Lawrence insists, however, that we cannot dwell forever in this mystery. Our lives must be a perpetual shifting back and forth between blood-consciousness and mental consciousness. Contact with the chthonic blood mystery spurs us on to purposive action. And in terms of what our purposes are to be, we draw inspiration from opening ourselves to the chthonic and whatever it may bring forth. 

Sex in the Head

Ideally, sex should not be the only means by which we contact the life mystery, but for modern people it usually is. That is, when they can manage to have fulfilling sex at all. The trouble is that modern people live almost exclusively from the intellect, from conscious, mental awareness. And they live with rigid conceptions of selfhood. These are constructions of the intellect and, not surprisingly, they make intellect central to selfhood.

We tend to think, in other words, that we are minds simpliciter. But it is actually worse than that. We tend to think of ourselves almost as disembodied minds, and we relate as one disembodied mind to another. We invest a tremendous amount in maintaining these conceptions. Anything that would break down or challenge our sense of individual distinction is regarded as a threat.

Consequently, as Lawrence tells us over and over again, we have “got our sex into our head.”[13] This is a favorite expression of his. As much as we may locate our sense of self in the head, we cannot ever fully extinguish thereby the flame of the “lower self.” Rather than cede any of its power to the lower self, intellect must find some way to get sex into the head and control it. Sex becomes a matter of ego-aggrandizement, and the object of myriad neuroses. Even sexual arousal comes to be controlled by the head. The instinctual, animal sexual response that nature equips us with is suppressed by intellect. The head develops its own fixations and these become “cues” which trigger arousal.

For example, fetishism is a sexual response triggered not by the presence of an actual man or woman, or male or female genitalia, but by something which somehow symbolizes or refers to these. For example, the fetishist who gets excited over women’s underwear but has difficulty getting excited in the presence of a real woman. This is a person whose response is, again, intellectual and unnatural. He is disconnected from natural sexual feelings, and achieves arousal by routing information through the intellect: “I associate panties with women’s crotches, and they’re sexy, therefore this is sexy.”

The head may even declare some sexual feelings “wrong,” because they are incompatible with the ego’s self-conception. Repression and terrible inner conflict are the result. The more we get our sex into our head, the more a natural, fulfilling sexual response becomes impossible. The end result is almost inevitably impotence in the man and frigidity in the woman. Lawrence would not have been surprised at all had he lived to see the plethora of drugs that have now become available to treat sexual dysfunction, and the massive profits made by the companies that produce them.

One would think that getting sex into the head would put modern people off of sex, but instead it actually makes them terrifically hungry for repeated, transient sexual experiences. Lawrence writes, “The more individual the man or woman, the more unsatisfactory is a non-individual connection: promiscuity.”[14] By identifying only with the “daytime self,” with the mental self alone, we in effect disown our bodies and their sensations and urges. But the urges remain, and we must satisfy them. So we go to a sexual encounter, but because we have rendered our bodies largely insensate, we wind up feeling very little. And because we are terrified of anything that might break down or transform our sense of ourselves, we emerge from the act unchanged.

We are unwilling to surrender ego and make ourselves vulnerable, and so the sex act becomes merely a gymnastic exercise, followed by some mildly pleasurable muscular contractions. Dimly, we sense that something is missing—or that we have missed out on something. So we are driven to go on to another encounter, but the old pattern repeats itself. Of course, part of what drives us to another encounter is the biological sex urge itself, but Lawrence believes that the sex urge alone cannot explain the extraordinary promiscuity of modern people.

A solution to promiscuity, of course, is to find a steady partner, ideally one to hold onto for a lifetime. But modern people tend to approach this from the head as well. Lawrence writes,

We have made the mistake of idealism again. We have thought that the woman who thinks and talks as we do will be the blood-answer. . . . We have made love and sex a matter of seeing and hearing and of day-conscious manipulation. We have made men and women come together on the grounds of the superficial likeness and commonality—their mental and upper sympathetic consciousness. And so we have forced the blood into submission. Which means we force it into disintegration.[15]

We relate to potential love partners through the head, looking for intellectual agreement and a “shared mutuality of values.” This is much more so the case today than when Lawrence wrote. It has become increasingly the case in today’s world that one feels obliged in certain contexts (for example, the workplace) to suppress one’s feelings of magnetic attraction to the opposite sex, and certainly never to give voice to it. Some find an expression of such feelings to be somehow degrading or demeaning, no matter the context. And so men and women tend now to relate to each other primarily through talking, and talking mainly about ideas, opinions, and preferences.

The other side of the coin, of course, is relationships based upon physical attraction. While these may seem superficially more healthy than the relationships just described, in their modern form they are in fact no better. Modern people, as I have said, are caught up in preserving ego boundaries, and that means they are caught up in not losing themselves in the other, in not going too far in the direction of sensuous abandon. Hence, after a while, modern relationships based upon sex reach a dead end, where neither partner is willing to go further for fear of actually becoming something other than what he or she already is. The sex becomes overly familiar, overly mechanical, and, for lack of anything else to sustain it, the relationship ends.

Between dissatisfying sexual encounters, modern people (especially males) steel themselves against the possibility that the next time might be a profound, transformative experience by making a smirking joke of sex; by treating sex as a game in which numbers count: number of conquests, number of orgasms, minutes elapsed before ejaculation, inches of erection, etc. Sex becomes a possession of the ego, something I do which elevates me in my own eyes, a selfish pursuit. What it should be, in fact, is the most selfless pursuit of all—not in the sense of being altruistic, but in the sense of being egoless and ecstatic:

But today, all is image consciousness. Sex does not exist; there is only sexuality. And sexuality is merely a greedy, blind self-seeking. Self-seeking is the real motive of sexuality. And therefore, since the thing sought is the same, the self, the mode of seeking is not very important. Heterosexual, homosexual, narcissistic, normal, or incest, it is all the same thing. . . . Every man, every woman just seeks his own self, her own self, in the sexual experience.[16]

Contrary to appearance, modern people hate and fear sex. They hate and fear the loss of control, the loss of ego, and the abandonment to the life mystery that real, “blood-conscious” sex involves. So they reduce sex to smut and laugh at it, and at themselves for wanting it. In his essay “Pornography and Obscenity,” Lawrence writes, “Pornography is the attempt to insult sex, to do dirt on it. This is unpardonable.”[17] Further, as we have already discussed, scientism conspires with pornography to deflate the sex mystery and render it all a mundane matter of chemicals and “procreative drive.” “The scientific fact of sex is no more sex than a skeleton is a man,” Lawrence writes. “Yet you’d think twice before you stuck a skeleton in front of a lad and said, ‘You see, my boy, this is what you are when you come to know yourself.’”[18]

The “scientific” approach to deflating sex is largely the hard-headed approach of the sexually-repressed male. The sexually-repressed female has given us the “lovey-dovey” approach. Sex is “something wonderful and extra lovey-dovey, a bill-and-coo process of obtaining a sweet little baby.” Both approaches are, Lawrence tells us, “disastrous to the deep sexual life.” “But perhaps,” he adds, “that is what we want.”[19] We want, at some level, to destroy the sexual life because it threatens the ego and the control of intellect.

Phallic Traditionalism

Fear of sex, Lawrence tells us in John Thomas and Lady Jane is “fear of the phallus”:

This is the root fear of all mankind. Hence the frenzied efforts of mankind to despise the phallus, and to nullify it. All out of fear. Hence the modern jazz desire to make the phallus quite trivial, a silly little popgun. Fear, just the same. Fear of this alter ego, this homunculus, this little master which is inside a man, the phallus. Men and women alike committed endless obscenities, in order to be rid of this little master, to be free of it! Free! Free! Freedom![20]

Remember that the phallus—the erect penis—is the second man within the man: the expression of the primal, chthonic self. It is the bodying-forth in the male’s body of the unconscious, or the blood-consciousness. It is not a thing of intellect; its roots go much deeper. And because of this, it is an affront to the intellect, which prides itself on its autonomy. Lawrence is telling us that all of our reductive scientism, our pornography, our sanitized “lovey-dovey” smarm about sex, indeed most of modern life, are a concerted effort to deny the power of the phallus and to assert the radical autonomy of intellect.

It would be a mistake to understand Lawrence as simply saying that modern men and women fear a physical organ. In a way, Lawrence is saying this. The erect penis represents, in the minds of most people, the primal self within the self, deeper than intellect. And, indeed, it is under the control of that primal self; again, an erection cannot be “willed.” But recall also that for Lawrence the phallus is an expression of the life mystery that permeates all of nature.

The fear of the phallus thus represents, in another way, the fear and hatred of that which is greater than ourselves. It is no accident that the scientific “deflation” of sex usually goes hand in hand with atheism. They spring from the very same sort of mentality, the mentality that fears losing itself in something that would break the bounds of ego. To prevent this from ever happening, it must deny mystery, beauty, and God. These are all, in a way, the phallus. It must deny these or somehow explain them away. And above all it must deny itself pleasure. The fear of the phallus goes hand in hand with a fear of pleasure, for pleasure threatens to carry us away and give us a transcendent experience in which we feel absorbed into something greater than ourselves. As a Shaivite text says: “every pleasure is a divine experience. The entire universe springs forth from enjoyment. Pleasure is at the origin of all that exists.”

In “A Propos of ‘Lady Chatterley’s Lover’” Lawrence writes that “the bridge to the future is the phallus, and there’s the end of it.” At this point, as strange as it may seem, it should be unsurprising to hear Lawrence make such a claim. What is surprising, however, is that he insists that he is not saying that the bridge to the future is sex. In the same essay, Lawrence goes on to say that if England (and, by extension, the entire modern, Western world) is to be “regenerated . . . then it will be by the arising of a new blood contact, a new touch, and a new marriage. It will be a phallic rather than a sexual regeneration. For the phallus is the only great old symbol of godly vitality in a man, and of immediate contact.”[21]

What can Lawrence mean by “phallic rather than sexual”? One must keep in mind that which the phallus represents. Lawrence is calling upon us to return to consciousness of the life mystery, in every way that we can. Sex is only one way. The phallus is “only the great old symbol of godly vitality in a man,” and it is this godly vitality that we must put ourselves back in touch with. But what does Lawrence mean when he says, further, that the phallus is the old symbol of “immediate contact”?

Here he refers to his provocative claim, discussed earlier, that the phallus “is a column of blood that fills the valley of blood of a woman.” The phallus is the means by which the two great rivers, which are metaphysical opposites, are brought together wordlessly, and more profoundly than any words or ideas could convey. The phallus represents this and all other forms of “blood-contact,” meaning instinctive or intuitive, non-verbal contact between individuals.

Lawrence believes that individuals relate to each other in countless, mysterious ways that he often designates by the term “vibrations.” We relate to the opposite sex through these vibrations. No matter our sexual orientation, the vibrations are there. We relate to members of our own family, or our own ethnic group, or to members of another, different ethnic group through these vibrations. We must learn somehow to recover our awareness of these, and cease attempting to relate to one another exclusively through words and ideas. But this is only part of what we must do to get back in touch with “the phallus.”

In the same essay, Lawrence speaks of the necessity of establishing an entire life lived in connection to the phallus:

We must get back into relation, vivid and nourishing relation to the cosmos and the universe. The way is through daily ritual, and the re-awakening. We must once more practise the ritual of dawn and noon and sunset, the ritual of the kindling fire and pouring water, the ritual of the first breath, and the last. This is an affair of the individual and the household, a ritual of day. The ritual of the moon in her phases, of the morning star and the evening star is for men and women separate. Then the ritual of the seasons, with the Drama and Passion of the soul embodied in procession and dance, this is for the community, in togetherness. And the ritual of the great events in the year of stars is for nations and whole peoples. To these rituals we must return: or we must evolve them to suit our needs.[22]

This is, of course, a description of the kind of life our distant ancestors lived. It was a life lived, in effect, in constant meditation upon and connection with the phallic mystery, the pan power. The phallus is the “bridge to the future,” but this bridge takes us roundabout and back again to the distant past.

 Notes

[1] D. H. Lawrence, Fantasia of the Unconscious in Fantasia of the Unconscious and Psychoanalysis and the Unconscious (New York: Penguin, 1971), 107.

[2] Fantasia, 108.

[3] Fantasia, 108.

[4] Fantasia, 109.

[5] Fantasia, 182–83.

[6] D. H. Lawrence, Studies in Classic American Literature (New York: Penguin, 1977), 22. Italics in original.

[7] Fantasia, 110. Later in the same text he declares, “Sex as an end in itself is a disaster: a vice” (Ibid., 187).

[8] Fantasia, 111.

[9] Fantasia, 111.

[10] Fantasia, 111.

[11] The Presocratic Philosophers, trans. G. S. Kirk, J. E. Raven, and M. Schofield (Cambridge: Cambridge University Press, 1983), 118.

[12] Fantasia, 110–11.

[13] Fantasia, 85.

[14] Fantasia, 175.

[15] Fantasia, 175.

[16] D. H. Lawrence, Phoenix, ed. Edward McDonald (New York: Viking, 1968), 381–82 (Review of Trigant Burrow, The Social Basis of Consciousness).

[17] Phoenix, 175 (“Pornography and Obscenity”).

[18] Fantasia, 114.

[19] Fantasia, 114.

[20] John Thomas and Lady Jane, 239.

[21] D. H. Lawrence, Phoenix II, ed. Warren Roberts and Harry T. Moore (New York: Viking, 1971), 508 (“A Propos of ‘Lady Chatterley’s Lover’”).

[22] Phoenix II, 510 (“A Propos of ‘Lady Chatterley’s Lover’”).

 

 


 

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vendredi, 23 août 2013

Libre Journal des Lycéens: Guénon, Evola

Leggere Tucci per comprendere la Cina

Leggere Tucci per comprendere la Cina

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GiuseppeTucciGrande più o meno quanto l’intera Europa, la Cina è il paese più popoloso del pianeta, con 1 miliardo e 300 milioni di abitanti. Con l’introduzione della riforma economica capitalista, nel 1978 diventa il paese con lo sviluppo economico più rapido al mondo, sino a divenire nel 2010 il più grande esportatore di merci su scala globale, imponendosi prepotentemente dinanzi alla comunità internazionale come nuova superpotenza economica. Tuttavia la Cina è un paese dalle mille contraddizioni, una realtà che include – in maniera a dir poco stridente – 130 milioni di ricchi e 300 milioni di abitanti sotto la soglia di povertà, milioni di fruitori di elettrodomestici hi-tech nelle città e mancanza di acqua e luce elettrica nei villaggi.

Ma la Cina è anche una delle civiltà più antiche della storia, un paese dalle grandi tradizioni culturali, artistiche e filosofiche, è la patria dei saggi Confucio e Lao Tze, è il paese il cui connaturato fascino colpì i grandi viaggiatori europei a cominciare da Marco Polo e Matteo Ricci, affascinati non solo dalla civiltà, ma anche dalle grandi scoperte ed invenzioni che il paese dei Dragoni aveva realizzato nel corso della sua storia plurimillenaria: come la bussola, la carta, la polvere da sparo e la stampa.

Pari al mercante veneziano del Milione ed al sinologo gesuita – per altro suo concittadino maceratese – un altro folgorato sulla via del Catai fu – senza dubbio – Giuseppe Tucci, a detta di molti il più insigne orientalista italiano del XX secolo, ed in particolare – secondo l’opinione corrente – il maggiore fra i tibetologi.

Tucci cominciò sin da giovanissimo a studiare il cinese, e si appassionò ben presto al pensiero di Confucio, incentrato sul buon governo e sulla ricerca di una saggezza tesa al benessere dello stato e del popolo. Insegnamenti, questi confuciani, che avevano già destato nel XVIII secolo l’interesse di Voltaire, e che susciteranno viva ammirazione in Ezra Pound. Ben presto però, dalla lettura del legista Confucio, l’interesse del Tucci si sposterà sugli aforismi di Lao-tze e Chuang-tze sul Tao. Ma il Nostro non abbandonò mai una strada per l’altra, anzi tenne sempre presente il quadro suggestivo dei due principali indirizzi di pensiero su cui si fonda la visione della vita cinese: il confucianesimo e il taoismo, la via della probità e la via della spontaneità.

Nel 1933, insieme a Giovanni Gentile, Tucci promuove la fondazione dell’Istituto Italiano per il Medio e l’Estremo Oriente (IsMEO), diventato oggi IsIAO, Istituto per l’Africa e l’Oriente, di cui sarà presidente dal 1947 al 1978; e presidente onorario dal 1979, dando un grande impulso allo sviluppo dei rapporti culturali tra l’Italia e l’Oriente, in particolare con la Cina e con l’India. Lo stesso Mussolini ebbe a finanziare le molteplici spedizioni asiatiche di Tucci, forse intenzionato a fare di lui un’agente al servizio della politica internazionale italiana. Ma Tucci non fu mai il Lawrence d’Arabia italiano. Non amava particolarmente la politica, e se ne teneva distante quanto possibile, anche se gli vanno riconosciute indubbie doti diplomatiche (molti ritengono che proprio alla sua intercessione si debba la visita in Italia del Mahatma Gandhi nel 1931), che gli valsero il patrocinio e la protezione del Duce durante il Ventennio, e di Andreotti durante gli anni della Democrazia Cristiana.

Tucci non fu solo un fine erudito, il suo studio delle fonti letterarie si accompagnò sempre ad un fervido interesse per la conoscenza e l’esperienza diretta dei paesi, delle tradizioni e dei popoli d’Oriente (tra le altre cose, fu fra i primi europei a visitare la «città proibita» del Tibet). Ricorda lo scrittore e reporter Stefano Malatesta, che «molto spesso Tucci auspicava il riavvicinamento tra la cultura occidentale e quella orientale. Eppure lui, meglio di chiunque altro, sapeva l’enorme distanza dei due modi di essere: noi pensiamo che l’asceta dell’Oriente dissipi vanamente il tempo che passa correndo dietro a fantasmi e visioni. Loro hanno pietà di noi che andiamo alla ricerca di cose che non sono nostre e mai lo saranno».

storia-della-filosofia-indianaSi dirà che il pensiero di Tucci poteva andar bene il secolo scorso, non di certo oggigiorno dinanzi ad una Cina moderna, cosmopolita, aperta agli affari, che ha ormai accantonato il suo passato. Ma provate a farvi un giro nei quartieri più antichi delle metropoli cinesi, o magari recatevi in una delle numerose sale da tè, e ditemi se non intuite il profondo fascino della Cina tradizionale. E se proprio non riuscite a sentire nulla, andate al tempio del Buddha di Giada a Shangai, che sfida il tempo innalzandosi ieratico tra i palazzoni – come un fior di loto nel fango, per usare un’immagine proprio del Buddha – e osserva fiero le orde di turisti profani e le ancor più profane guide turistiche che quotidianamente lo prendono d’assalto. Fatevi quattro chiacchiere con i nuovi ricchi cinesi, e vedrete che malgrado l’evidente omologazione con “l’industrializzato Occidente”, anche il manager della “Pechino da bere”, conserva il rispetto per l’importanza dei legami sociali e di parentela, secondo le regole della tradizione. Se non vi basta, fate un salto alla Città Proibita o alla Grande Muraglia a prendervi una boccata d’arte e di cultura millenaria.

Fatto sta che Giuseppe Tucci, nella sua Storia della filosofia indiana, aveva già intravisto la riscossa dell’Oriente, soprattutto dei due giganti Cina ed India: «L’avvenimento maggiore al quale oggi assistiamo – scriverà – è fuori di dubbio l’ingresso dell’Asia nella storia: voglio dire che l’Asia fino a ieri subiva la storia ed oggi ne è fattore di primo piano». Ma Giuseppe Tucci ci ha soprattutto trasmesso la sua fervida ed acuta dimostrazione dell’unità culturale dell’Eurasia, e una ferma presa di coscienza del fatto che, giunti come siamo ad un tornante della storia, essa dovrebbe ipso facto tradursi in un’effettiva unità geopolitica.

* * *

BIBLIOGRAFIA
Storia della filosofia indiana, Giuseppe Tucci, Laterza, 2012.

mardi, 13 août 2013

The Importance of Ritual

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The Importance of Ritual

By Gregory Hood

Ex: http://www.counter-currents.com/

The culture comes from the cult, and without the cult, we’re just kidding ourselves.

Radical Traditionalists are excellent critics. They can analyze the collapse of a civilization. They can pinpoint the mistaken premises that have led to the wasteland of modernity. They can discover in the most minute expressions of pop culture or contemporary vocabulary the egalitarian rot that is poisoning even the most petty social interaction.

Yet criticism is only a means. The objective is not just to bemoan the Kali Yuga but to restore – or failing that, create – an organic society that can facilitate the upward development of the race [2]. This requires something beyond intellect, criticism, and reason. It requires laying the foundation of a new order of society which can encompass all those necessary to make it function. This means weaving a tapestry of meaning and experience that can enmesh the worker with the philosopher and overcome differences of class, education, and wealth with a shared cultural context. This means religion. To put it more precisely, this means a cult.

Neo-paganism today is largely an intellectual exercise, what Collin Cleary has called [3] “paganism without gods.” Arguably this has been true since the days of Julian the Apostate, when the emperor vainly tried to resurrect the ancient gods through polemics, crackdowns on Christianity, and animal sacrifice. Even in the late Roman Empire, paganism was an aesthetic choice, a sign of cultural rebellion against Christianity, rather than a vital “faith” that had the power of literal belief behind it. Despite the scathing contempt of a Galen [4] or the slashing criticism of the Emperor Julian, Christianity would ultimately subsume the Roman Empire and the last pagan to wear the purple would mournfully cry, “You have won, Galilean.”

The contemporary heathen lives in a world of disbelief and is himself a product of that disbelief, most likely having rebelled against the Christianity of his fathers and grandfathers. Reason, irony, and iconoclasm are the hallmarks of the age and this manifests itself in the tepid spiritual practice of contemporary paganism. For contemporary pagans, their new age “faith” is simply an attempt to rebel against the “restrictions” of Christianity without challenging any of its deeper moral suppositions. Feminist Wiccans, universalist “heathens,” and Renaissance Faire Vikings litter the American landscape, and these supposed rebels align themselves even more firmly with the egalitarian Zeitgeist than the most committed evangelical. One has to ask the universalists [5] and the practitioners of “Wiccatru” – why not just become Unitarians?

“Reconstructionist” heathens present their own challenges, poring over incomplete pagan texts most likely saved by Christian authors and arguing like Byzantine clerics over what are the “correct” interpretations and practices. Like Civil War re-enactors insisting on using historically accurate buttons, this is simply a flight into fancy, interesting and entertaining but without real importance. Learning abut the past is always a worthy effort, but the attempt to escape into a bygone era is an admission of impotence. Dressing in medieval garb or affecting archaic speech is less a rejection of modernity than a surrender to it. The luxury of escapism is a product of affluence and leisure, not a consistent effort to Revolt Against the Modern World [6].

If being a heathen is to stand for anything, it has to offer an authentic spiritual experience and cultural framework that is meaningful within the modern world. In the same way that a Christian church can offer something to both the humble parishioner and the sophisticated theologian, Ásatrú has to forge bonds of spiritual community regardless of a person’s intellectualism and chosen level of involvement. More to the point, in order to avoid the embarrassing debacles of Christian apologists defending [7] such things as young earth creationism, heathen “theology,” for lack of a better word, has to be open to correct understandings of science and the nature of existence.

It begins with, as Collin Cleary suggests, simply premising that the gods exist and that we have in some sense lost our “openness” to them. However, in a deeper sense, to be a heathen in the modern world is to live out the mythology. To the authentic pagan, every social interaction, sexual relationship, meal, creation, struggle, or accomplishment is fraught with meaning, and open to ritual and magic. Instead of simply premising that the gods exist or that there is a divine sphere, the heathen and magical practitioner must regard himself as a character in his own saga, capable of tapping into the power of the gods through study and discipline combined with ecstatic experience.

Such a revolution in thinking is not easy and therefore it must begin with something even Christians regard as otherworldly – ritual. In the High Church tradition of Traditional Catholics or the Orthodox, the Mass is an attempt to bring heaven to Earth, to literally transport the consciousness of the individual to another world. In Germanic paganism, we quite literally seek to bring the gods to ourselves, either as present during a ritual or as a kind of possession within us. This requires a physical and mental separation from the workaday world, accomplished through the archetypal heathen practice of “hallowing.”

Though the specifics differ from group to group, the gothi will carve out a space separate from the rest of the world through the power of Mjölnir [8] (Thor’s hammer), Gungnir [9] (Odin’s spear), or some other instrument. This represents a psychological break with the mundane, as within the [10] (or sacred enclosure), it is accepted that reality itself has changed. As one practitioner put it, “Outside the , I am an atheist, inside the I am a religious fanatic.” Through changes in physical appearance, ritualistic chanting, music, and other practices, consciousness itself is changed, as the holy is separated from the mundane. The demarcation between the sacred and the profane is arguably at the root of all cultural identity, and the very definition of what separates one people from another.

Some could sneer that this is simply a pointless “light” show to “trick” the brain into seeing what is not there. If this is true, so too is the design of the Hagia Sophia (an earthly attempt to imitate heaven), or the use of incense during mass, or even the communal singing and chanting of just about any church service. However, in a greater sense, the ritual is the “lowest” attempt to transform consciousness above the mundane. As the modern world has removed the sacred (indeed, is characterized by the removal of the sacred), beginning practitioners must use extreme methods to “shock” their consciousness into openness to the divine.

This does not mean throwing on a wolf skin and running around screaming will lead to a person meeting the Allfather in the woods one day. However, if done properly, ritual and magic introduces the necessary openness to spiritual experience that begins a transformative process. The point is not simply to perform a ritual once in a while and enjoy fellowship with those of like mind, although this in and of itself is healthy. The point is to understand that the gods, the lore, the runes, and the process of spiritual transformation can be applied to oneself and one’s folk through a kind of psychological programming.

In normal time, one does not have to take a position on whether the gods are literally real or merely cultural archetypes. Instead, whether the gods are real or not, ritual begins a process of mental transformation that works on a continuous basis. This is best described by Aleister Crowley’s [11] view of magic – “the methods of science, the aim of religion.”

In the Hávamál (the words of the High One), we are told how Odin grasped the secret of the runes.

I ween that I hung on the windy tree,
Hung there for nights full nine;
With the spear I was wounded, and offered I was
To Othin, myself to myself,
On the tree that none may ever know
What root beneath it runs

None made me happy with loaf or horn,
And there below I looked;
I took up the runes, shrieking I took them,
And forthwith back I fell.

The Allfather grasps the runes in a moment of ecstasy, but before this moment there is a long period of deprivation, suffering, and discipline. The nine days pinned to Yggdrasil suggests an entry into an alternate form of consciousness, a higher state of awareness similar to that claimed by Christian saints who practiced fasting or sexual abstinence. The acquisition of supreme wisdom comes from the sacrifice of “oneself to oneself,” regulated through ritual, prepared by conscious study, enabled by ecstatic experience.

A talented musician or gifted general may benefit from a blinding insight at a critical moment, but this kind of divine “Odinic” inspiration doesn’t just show up randomly. It is the product of a lifetime of conscious study, united with the unconscious forces within the human mind that seem beyond deliberate control. Anyone can feel the “Muse” – but for the insight to be worthwhile, the ground must first be prepared.

Excellence, said Aristotle (another great pagan) is a habit. We are what we repeatedly do. In pagan societies, ritual is a way of elevating mundane conduct to a higher level of meaning and regulating our baser impulses to give way to a more elevated sensibility. In feudal Japan, for example, the samurai [12] pursued both combat and artistic expression (through such means as the “tea ceremony [13]”) towards the aim of perfection in everything they did. For the heathen, occasional ritual should be the beginning of a process of transformation that eventually informs every action he takes.

Nietzsche called for the Übermensch to live his entire life as a work of art. Total mastery for the heathen would mean turning one’s entire life into a ritual, a Great Work that would transform both his own nature and the world around him through a kind of spiritual alchemy. In the Traditionalist understanding of history, there was a Golden Age when men were one with the gods and their purity of blood, mind, and spirit allowed to them to work wonders and reach depths of understanding denied to the denizens of the Kali Yuga. Ritual, correct practice, discipline, and Odinic frenzy allow the heathen to enable the process of transformation to once again reach for that Golden Age. As it says in the Hávamál,

Knowest how one shall write, knowest how one shall rede?
Knowest how one shall tint, knowest how one makes trial?
Knowest how one shall ask, knowest how one shall offer?
Knowest how one shall send, knowest how one shall sacrifice?

The modern man is at war with nature, at war with his fellows, at war with himself. The heathen seeks to align his spirit with that of the cycles of nature, discover frith [14] with his kinsfolk through organic community, and master himself so he is no longer a slave to his baser impulses. While Christianity suppresses the Will, heathenism glories in it, provided that it can be controlled and understood. To be a heathen is not just to be “open” to the gods, but to pursue the god within. Once properly understood, the heathen carves out in his blood his own Vinlandic Saga each and every day, and even the most mundane activities become a kind of elevating practice.

This requires real experience – real, authentic practice either as a solitary apprentice or, preferably, as part of a kindred or tribe. To rebuild organic culture means creating a shared experience as a community. Heathenism can not be limited to books – or, worse – to the internet. It is to be lived through blood and sweat, the frenzy of inspiration, the toil of shared physical activity, the comradeship and community of shared practice.

Though our sources for “reconstructing how our ancestors did it” are limited, that is relatively unimportant. What is important is taking what we know and embarking on a sincere quest to understand the ancient mysteries, and in so doing, restore our link with Primordial Tradition. The metapolitics, metaphysics, and moral principles of Ásatrú must be explained and defended through every medium possible, but in the end, tens of thousands of words do not carry the power of one authentic “Odinic” experience.

Authentic ritual also allows us to build real community on a level that does not need to be rationally explained. People join groups for one of three reasons – ideological, material, and social. The weakness of abstract, purely “ideological” groups prone to infighting and division is self-evident here. In material terms, a real “kindred” or “tribe” can develop the ability to support its own members through labor, financial aid, and job connections, particularly among working class whites that are cast out on their own by society. However, most importantly, communal ritual, communal symbolism, and communal gatherings “create” a people, and give them their own definition of “good” and “evil,” as described in Thus Spake Zarathustra. It is not whites as they are that we defend, but whites as they could become, and that process of transformation and folk creation has to begin with the establishment of the sacred.

Christianity asks us to rationally believe the unbelievable. Heathens should not compete in apologetics, or take refuge in abstraction. It remains for them to write their own saga by living out the mythology in the modern world. It is not a question of “believing” in Odin, but walking his path, and in so doing, becoming one with the gods. In the end, Ásatrú isn’t something you believe. It’s something you live. It’s not just a tradition “for” a folk. It’s a practice that can create one.

 


Article printed from Counter-Currents Publishing: http://www.counter-currents.com

URL to article: http://www.counter-currents.com/2013/08/the-importance-of-ritual/

URLs in this post:

[1] Image: http://www.counter-currents.com/wp-content/uploads/2013/08/odin745.jpg

[2] upward development of the race: http://www.counter-currents.com/2013/05/race-the-first-principle/

[3] called: http://www.counter-currents.com/2011/06/introduction-to-summoning-the-gods/

[4] Galen: http://www.tertullian.org/rpearse/galen_on_jews_and_christians.htm

[5] One has to ask the universalists: http://www.counter-currents.com/2012/10/asatru-and-the-political/

[6] Revolt Against the Modern World: http://www.amazon.com/gp/product/089281506X/ref=as_li_ss_tl?ie=UTF8&camp=1789&creative=390957&creativeASIN=089281506X&linkCode=as2&tag=countercurren-20

[7] defending: http://www.counter-currents.com/2012/04/the-de-germanization-of-late-american-christianity/

[8] Mjölnir: http://en.wikipedia.org/wiki/Mj%C3%B6lnir

[9] Gungnir: http://en.wikipedia.org/wiki/Gungnir

[10] vé: http://en.wikipedia.org/wiki/V%C3%A9_(shrine)

[11] Aleister Crowley’s: http://www.arktos.com/crowley-thoughts-perspectives.html

[12] samurai: http://www.counter-currents.com/2012/05/the-last-samurai/

[13] tea ceremony: http://en.wikipedia.org/wiki/Japanese_tea_ceremony

[14] frith: http://en.wikipedia.org/wiki/Frith

vendredi, 05 juillet 2013

LE RETOUR DES MOINES GUERRIERS

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LE RETOUR DES MOINES GUERRIERS

La question islamiste en terre bouddhiste


Rémy Valat
Ex: http://metamag.fr

Le numéro de juillet de l’hebdomadaire américain Time aborde le problème de la radicalisation du clergé bouddhiste face à l’Islam en Asie (Thaïlande du Sud et Birmanie). L’article de Beech Hannah, When Buddhists go bad, fait actuellement scandale en Birmanie. Il a notamment heurté de nombreux membres de la communauté bouddhiste qui ne se sent pas solidaire du discours du moine islamophobe Ashin Wirathu.


Qu’en est-il exactement ? 


La guerre religieuse et d’indépendance, qui débuta en 2004, continue de faire rage dans le sud de la Thaïlande. La Thaïlande se compose d’une population majoritairement bouddhiste, mais le Bouddhisme n’est pas la religion officielle du pays. Les musulmans représentent 5 % de la population, dont la majorité (4/5e) sont des locuteurs malais (les musulmans thaïlandophones représentent environ 20%), implantés dans les cinq provinces frontalières à la Malaisie (Narathiwat, Pattani, Satun, Songkla et Yala). Ces régions rurales et pauvres ont subi une politique d’assimilation forcée du gouvernement de Bangkok dans les années 1960. Deux mouvements indépendantistes, le Pattani United Liberation Organization (PULO) et le Barisan Revolusi Nasional (BRN) ont pris une première fois les armes entre 1976 et 1981, puis les mouvements se cantonnèrent dans l’activisme politique et l’extorsion de fonds. En réponse aux mesures musclées du chef du gouvernement deThaskin Shinawatra, la minorité religieuse mit en avant ses droits et réclama notamment le port du Hijab pour les femmes musulmanes dans les lieux publics, l’ouverture de mosquées et l’expansion des études islamiques dans les écoles publiques. C’est sur ce terreau favorable que le conflit armé latent depuis 2001 débuta en 2004. Il oppose toujours les forces gouvernementales aux mouvements indépendantistes, essentiellement, aux groupes terroristes islamistes, le Pattani Islamic Mujahadeen Movement ou Gerakan Mujahideen Islam Pattani, qui a déclaré la djihad contre les populations bouddhistes et la monarchie-junte militaire thaïlandaise.


Deux moines bouddhistes sous la protection de soldats Thaïlandais (province de Pattani)

Les sources de financement des groupes insurrectionnels ne sont pas claires : l’importation de techniques et de fonds serait la main du « terrorisme international » d’Al Qaida, selon les services de renseignement nord-américains, mais rien ne l’atteste irréfutablement. Le mouvement serait plutôt un cocktail religieux, identitaire et passéiste... Selon Pak Abu, un professeur d’école coranique et chef des affaires internes du Pulo, l’objectif du mouvement serait la « libération du Patani Darussalam - la terre islamique de Patani - de l'occupation des infidèles» et de revenir au temps idéalisé (mais révolu) du sultanat de Pattani.... 
Localisation du conflit. Les cinq provinces malaises embrasées par la guerre religieuse et  d’indépendance ont été rattachées au Siam par le traité de Bangkok (10 mars 1909) signés par la Grande-Bretagne et le royaume du Siam 

Un autre responsable du mouvement islamiste aurait déclaré à un journaliste du Figaro que les réseaux sont peu structurés, très violents et capables de planifier leurs actions : l’ensemble représenterait environ 3 000 individus majoritairement des jeunes de moins de 20 ans. Selon lui, le BRN-Coordination est une « coalition informelle d'individus», cimentée par un « haine commune à l’encontre des populations siamoises. «Nous avons fait, déclare-t-il, le serment de sacrifier notre vie pour libérer notre terre ancestrale de l'occupation des infidèles.» Il précise que les jeunes combattants (les juwae) ont « été repérés à la crèche, recrutés dans les écoles coraniques et mènent une guérilla urbaine de plus en plus sophistiquée» Surtout, l’indicateur du Figaro reconnaît que «le degré de brutalité» de la nouvelle génération «est parfois une source d'embarras» et déplore la « criminalisation » des troupes : «30% des combattants vendent leurs services à la mafia et aux trafiquants de drogue». Leurs méthodes sont en effet radicales : attentats à l’explosif contre des cibles civiles, embuscades sur les axes routiers, assassinats, incinérations vivantes, voire décapitations de civils, d’agents symboles de l’Etat (fonctionnaires thaïlandais et religieux bouddhistes). Plus de 5 000 morts et 8 000 blessés (globalement le bilan de la guerre civile algérienne en France entre 1955 et 1962) ont été recensés entre 2004 et 2012 et le bilan ne cesse de s’alourdir, les négociations étant toujours à l’heure actuelle dans l’impasse.


Bilan humain du conflit (tués et blessés)  

Les agressions contre le personnel religieux bouddhiste ont obligé l’armée royale à transformer les monastères en bases militaires et à organiser les populations bouddhistes en groupes d’autodéfense (70 000 volontaires bouddhistes) : selon Duncan McCargo, enseignant à l’université de Leeds, des rumeurs courent sur la présence dans les communautés bouddhistes d’anciens militaires ordonnés moines et sur l’armement d’une fraction des religieux : une réminiscence des moines guerriers du Japon médiéval (les sôhei) ou de Shaolin ? Non, une simple ressemblance sur la forme sans plus, les moines guerriers nippons ayant surtout pour vocation de protéger leur temple et d'y maintenir l'ordre : ils étaient aussi une force politique et armée non négligeable. Nous sommes ici dans un réel contexte de guerre de religions. Il ne fait aucun doute que le discours de quelques religieux bouddhistes tend à se radicaliser : « Il n’y a pas d’autres choix, nous ne pouvons plus séparer le bouddhisme des armes désormais », aurait déclaré le lieutenant Sawai Kongsit, de l’armée royale thaïlandaise (Time). Les moines estiment que les Musulmans utilisent les mosquées pour entreposer des armes, que chaque imam est armé : « L’islam est une religion de violence » déclare Phratong Jiratamo, un moine ayant servi dans le corps des troupes de marines thaïlandaises (Time).



Le moine birman, Ashin Wirathu, tête de file du mouvement 969


Cette radicalisation est nette dans le discours islamophobe du moine bouddhiste Ashin Wirathu (Mandalay, Birmanie) : discours à l’origine de lynchages, de meurtres et de comportements racistes à l’encontre des musulmans birmans (les Rohingyas) qui représentent entre 4% et 9% de la population du pays. Ashin Wirathu appelle de ses voeux un schisme entre les populations bamars (majoritairement bouddhistes) et les Rohingyas musulmans. Un nouvel et tragique épisode du « choc des civilisations »...

En savoir plus : Faker Korchane, "Time"  Klein Victor, L’Islam en Thaïlande, de l’intégration au déchirement, blog sur l’Asie du Sud-EstLauras Didier, En Thaïlande des temples transformés en casernes .

mercredi, 03 juillet 2013

Le baron von Ungern vénéré dans les temples mongols

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Le baron von Ungern vénéré dans les temples mongols

Autore:

Ex: http://www.centrostudilaruna.it/

Depuis peu, on ne cesse d’écrire sur une figure qui, malgré sa stature extraordinaire, était passée presque inaperçue dans le tumulte consécutif à la précédente guerre: celle du baron Ungern-Sternberg. Ossendovski avait été le premier à s’intéresser à lui, à grands renforts d’effets dramatiques, dans son célèbre et très controversé Bêtes, hommes et dieux. Il a été suivi par une vie «romancée» du baron von Ungern, publiée par Vladimir Pozner sous le titre de La Mort aux dents; puis, par une seconde vie romancée, de B. Krauthoff: Ich befehle: Kampf und Tragödie des Barons Ungern-Sternberg.

Ces livres semblent toutefois donner une image inadéquate du baron von Ungern, dont la figure, la vie et l’activité sont susceptibles de laisser une grande latitude à la fantaisie en raison de leurs aspects complexes et énigmatiques. René Guénon, le célèbre écrivain traditionaliste, contribua à mieux faire connaître le baron en publiant des passages de lettres écrites en 1924 par le major Alexandrovitch, qui avait commandé l’artillerie mongole en 1918 et en 1919 sous les ordres directs de von Ungern; et ces données, d’une authenticité incontestable, laissent à penser que les auteurs de ces vies romancées se sont souvent appuyés sur des informations inexactes, même en ce qui concerne la fin du baron.

Descendant d’une vieille famille balte, von Ungern peut être considéré comme le dernier adversaire acharné de la révolution bolchevique, qu’il combattit avec une haine implacable et inextinguible. Ses principaux faits d’armes se déroulèrent dans une atmosphère saturée de surnaturel et de magie, au cœur de l’Asie, sous le règne du dalaï-lama, le «Bouddha vivant». Ses ennemis l’appelaient «le baron sanguinaire»; ses disciples, le «petit père sévère» (c’est le tsar que l’on appelait «petit père»). Quant aux Mongols et aux Tibétains, ils le considéraient comme une manifestation de la force invincible du dieu de la guerre, de la même force surnaturelle que celle de laquelle, selon la légende, serait «né» Gengis Khan, le grand conquérant mongol. Ils ne croient pas à la mort de von Ungern – il semble que, dans divers temples, ils en conservent encore l’image, symbole de sa «présence».

Lorsqu’éclata la révolution bolchevique, von Ungern, fonctionnaire russe, leva en Orient une petite armée, la «Division asiatique de cavalerie», qui fut la dernière à tenir tête aux troupes russes après la défaite de Wrangel et de Kolchak et accomplit des exploits presque légendaires. Avec ces troupes, von Ungern libéra la Mongolie, occupée alors par des troupes chinoises soutenues par Moscou; après qu’il eut fait évader, par un coup de main extrêmement audacieux, le dalaï-lama, celui-ci le fit premier prince et régent de la Mongolie et lui donna le titre de prêtre. Von Ungern devait entrer en relation, non seulement avec le dalaï-lama, mais aussi avec des représentants asiatiques de l’islam et des personnalités de la Chine traditionnelle et du Japon. Il semble qu’il ait caressé l’idée de créer en grand empire asiatique fondé sur une idée transcendante et traditionnelle, pour lutter, non seulement contre le bolchevisme, mais aussi contre toute la civilisation matérialiste moderne, dont le bolchevisme, pour lui, était la conséquence extrême. Et tout laisse à penser que von Ungern, à cet égard, ne suivit pas une simple initiative individuelle, mais agit dans le sens voulu par quelqu’un qui était, pour ainsi dire, dans les coulisses.

Le mépris de von Ungern pour la mort dépassait toutes les limites et avait pour contrepartie une invulnérabilité légendaire. Chef, guerrier et stratège, le «baron sanguinaire» était doté en même temps d’une intelligence supérieure et d’une vaste culture et, de surcroît, d’une sorte de clairvoyance: par exemple, il avait la faculté de juger infailliblement tous ceux qu’il fixait du regard et de reconnaître en eux, au premier coup d’œil, l’espion, le traître ou l’homme le plus qualifié pour un poste donné ou une fonction donnée. Pour ce qui est de son caractère, voici ce qu’écrit son compagnon d’armes, Alexandrovitch: «Il était brutal et impitoyable comme seul un ascète peut l’être. Son insensibilité dépassait tout ce que l’on peut imaginer et semblait ne pouvoir se rencontrer que chez un être incorporel, à l’âme froide comme la glace, ne connaissant ni la douleur, ni la pitié, ni la joie, ni la tristesse». Il nous paraît ridicule d’essayer, comme l’a fait Krauthoff, d’attribuer ces qualités au contrecoup occasionné par la mort tragique d’une femme qu’aurait aimée von Ungern. C’est toujours la même histoire: les biographes et les romanciers modernes n’ont point de cesse qu’ils n’aient introduit partout le thème obligatoire de l’amour et de la femme, même là où il est le moins justifié. Même si l’on tient compte du fait que von Ungern était bouddhiste par tradition familiale (c’était la religion à laquelle s’était converti un de ces ancêtres, qui était allé faire la guerre en Orient), tout laisse à penser que les qualités indiquées par Alexandrovitch se rapportent au contraire à une supériorité réelle et qu’elles sont celles qui apparaissent dans tous ceux qui sont en contact avec un plan vraiment transcendant, supra-humain, auquel ne peuvent plus s’appliquer les normes ordinaires, les notions communes du bien et du mal et les limitations de la sentimentalité, mais où règne la loi de l’action absolue et inexorable. Le baron von Ungern aurait probablement pu devenir un «homme du destin», si les circonstances lui avaient été favorables. Il n’en fut rien et c’est ainsi que son existence fut semblable à la lueur fugace et tragique d’un météore.

Après avoir libéré la Mongolie, von Ungern marche sur la Sibérie, prenant tout seul l’initiative de l’attaque contre les troupes du «Napoléon rouge», le général bolchevique Blücher. Il devient la terreur des bolcheviques, qu’il combat impitoyablement, jusqu’au bout, même s’il comprend que son combat est sans espoir. Il obtient d’importants succès, occupe plusieurs villes. Finalement, à Verchnevdiusk, attaqué par des forces bolcheviques plus de dix fois supérieures aux siennes et décidées à en finir avec leur dernier antagoniste, il est contraint de se replier après un long et âpre combat.

À partir de ce moment, on ne sait plus rien de précis sur le sort de von Ungern. D’après les deux auteurs de sa biographie «romancée», Pozner et Krauthoff, il aurait été trahi par une partie de son armée, serait tombé dans un état de prostration et de démoralisation et, fait prisonnier, il aurait été fusillé par les rouges. Krauthoff imagine même une entrevue dramatique entre le «Napoléon rouge» et von Ungern, au cours de laquelle celui-ci aurait refusé la proposition que celui-là lui aurait fait de lui laisser la vie sauve s’il servait la cause des rouges comme général soviétique. Il semble toutefois que tout cela ne soit que pure invention: d’après les informations publiées par Guénon et auxquelles nous avons fait allusion plus haut, von Ungern n’aurait nullement été fait prisonnier, mais serait mort de mort naturelle près de la frontière tibétaine. *

Cependant, les diverses versions concordent singulièrement sur un détail, c’est-à-dire sur le fait que von Ungern aurait connu avec exactitude le jour de sa mort. D’ailleurs, un lama lui avait prédit qu’il aurait été blessé – au cours de l’attaque des troupes rouges à la station de Dauria. Et ce ne sont pas là les seuls éléments qui rendent suggestive l’étrange figure du «baron sanguinaire». Voici un curieux témoignage sur les effets que, à certains moments, son regard produisait sur ceux qu’il fixait: «Il éprouva une sensation inconnue, inexplicable, de terreur: une sorte de son emplit sa poitrine, semblable à celui d’un cercle d’acier qui se resserre de plus en plus». Le fait est que, pour ceux qui étaient proches de lui, son prestige et le caractère irrésistible de sa force de commandement revêtaient quelque chose de surnaturel et le distinguaient ainsi d’un simple chef militaire.

Encore un fait singulier: d’après ce que rapporte Guénon, des phénomènes énigmatiques, de nature «psychique», se sont produits ces derniers temps dans le château de von Ungern, comme si la force et la haine de celui qui fut considéré au Tibet comme une manifestation du «dieu de la guerre» brandie contre la subversion rouge avait survécu à sa mort, sous forme de résidus agités de cette figure tragique, qui a, sous plus d’un aspect, les traits d’un symbole.

* * *

* Les archives soviétiques indiquent que von Ungern fut effectivement trahi, capturé, jugé et fusillé sur les ordres de Lénine.

De La Stampa, 15.III.1943 – XXI E.F.

source: Evola As He Is

lundi, 01 juillet 2013

Entretien avec Gilbert Sincyr

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« Le Paganisme est une Vue du monde

 

basée sur un sens du sacré, qui rejette le fatalisme.

 

Il est fondé sur le sens de l’honneur

 

et de la responsabilité de l’Homme,

 

face aux évènements de la vie »

 

Entretien avec Gilbert Sincyr, auteur du livre Le Paganisme. Recours spirituel et identitaire de l’Europe

Propos recueillis par Fabrice Dutilleul

 

Votre livre Le Paganisme. Recours spirituel et identitaire de l’Europe est un succès. Pourtant ce thème peut paraître quelque peu « décalé » à notre époque.

Bien au contraire : si les églises se vident, ce n’est pas parce que l’homme a perdu le sens du sacré, c’est parce que l’Européen se sent mal à l’aise vis-à-vis d’une religion qui ne répond pas à sa sensibilité. L’Européen est un être qui aspire à la liberté et à la responsabilité. Or, lui répéter que son destin dépend du bon vouloir d’un Dieu étranger, que dès sa naissance il est marqué par le péché, et qu’il devra passer sa vie à demander le pardon de ses soi-disant fautes, n’est pas ce que l’on peut appeler être un adulte maître de son destin. Plus les populations sont évoluées, plus on constate leur rejet de l’approche monothéiste avec un Dieu responsable de tout ce qui est bon, mais jamais du mal ou de la souffrance, et devant qui il convient de se prosterner. Maintenant que l’Église n’a plus son pouvoir dominateur sur le peuple, on constate une évolution vers une aspiration à la liberté de l’esprit. C’est un chemin à rebours de la condamnation évangélique, originelle et perpétuelle.

Alors, qu’est-ce que le Paganisme ?

C'est d’abord un qualificatif choisi par l’Église pour désigner d’un mot l’ensemble des religions européennes, puisqu’à l’évidence elles reposaient sur des valeurs communes. C’est donc le terme qui englobe l’héritage spirituel et culturel des Indo-européens. Le Paganisme est une Vue du monde basée sur un sens du sacré, qui rejette le fatalisme. Il est fondé sur le sens de l’honneur et de la responsabilité de l’Homme, face aux évènements de la vie. Ce mental de combat s’est élaboré depuis le néolithique au fil de milliers d’années nous donnant une façon de penser, une attitude face au monde. Il est à l’opposé de l’assujettissement traditionnel moyen-oriental devant une force extérieure, la volonté divine, qui contrôle le destin de chacun. Ainsi donc, le Paganisme contient et exprime l’identité que se sont forgés les Européens, du néolithique à la révolution chrétienne.

Vous voulez donc remplacer un Dieu par plusieurs ?

Pas du tout. Les temps ne sont plus à l’adoration. Les Hommes ont acquit des connaissances qui les éloignent des peurs ancestrales. Personne n’a encore apporté la preuve incontestable qu’il existe, ou qu’il n’existe pas, une force « spirituelle » universelle. Des hommes à l’intelligence exceptionnelle, continuent à s’affronter sur ce sujet, et je crois que personne ne mettrait sa tête à couper, pour l’un ou l’autre de ces choix. Ce n’est donc pas ainsi que nous posons le problème.

Le Paganisme, qui est l’expression européenne d’une vue unitaire du monde, à l’opposé de la conception dualiste des monothéismes, est la réponse spécifique d’autres peuples aux mêmes questionnements. D’où les différences entre civilisations.

Quand il y a invasion et submersion d’une civilisation par une autre, on appelle cela une colonisation. C’est ce qui s’est passé en Europe, contrainte souvent par la terreur, à changer de religion (souvenons-nous de la chasse aux idoles et aux sorcières, des destructions des temples anciens, des tortures et bûchers, tout cela bien sûr au nom de l’amour). Quand il y a rejet de cette colonisation, dans un but de recherche identitaire, on appelle cela une libération, ou une « Reconquista », comme on l’a dit de l’Espagne lors du reflux des Arabes. Et nous en sommes là, sauf qu’il ne s’agit pas de reflux, mais d’abandon de valeurs étrangères au profit d’un retour de notre identité spirituelle.

Convertis par la force, les Européens se libèrent. « Chassez le naturel et il revient au galop », dit-on, et voilà que notre identité refoulée nous revient à nouveau. Non pas par un retour des anciens Dieux, forme d’expression d’une époque lointaine, mais comme un recours aux valeurs de liberté et de responsabilité qui étaient les nôtres, et que le Paganisme contient et exprime.

Débarrassés des miasmes du monothéisme totalitaire, les Européens retrouvent leur contact privilégié avec la nature. On reparle d’altérité plutôt que d’égalité, d’honneur plutôt que d’humilité, de responsabilité, de volonté, de défi, de diversité, d’identité, enfin de ce qui constitue notre héritage culturel, pourchassé, rejeté et condamné depuis deux mille ans.

S’agit-il alors d’une nouvelle guerre de religion ?

Pas du tout, évidemment. Les Européens doivent dépasser ce qui leur a été imposé et qui leur est étranger. Nous devons réunifier sacré et profane, c’est-à-dire réaffirmer que l’homme est un tout, que, de ce fait, il est le maître de son destin car il n’y a pas dichotomie entre corps et esprit. Les Européens ne doivent plus s’agenouiller pour implorer le pardon de fautes définies par une idéologie dictatoriale moyen-orientale. Ce n’est pas vers un retour du passé qu’il nous faut nous tourner, gardons-nous surtout d’une attitude passéiste, elle ne serait que folklore et compromission. Au contraire des religions monothéistes, sclérosées dans leurs livres intouchables, le Paganisme, comme une source jaillissante, doit se trouver de nouveaux chemins, de nouvelles expressions. À l’inverse des religions du livre, bloquées, incapables d’évoluer, dépassées et vieillissantes, le Paganisme est l’expression de la liberté de l’homme européen, dans son environnement naturel qu’il respecte. C’est une source de vie qui jaillit de nouveau en Europe, affirmant notre identité, et notre sens du sacré, pour un avenir de fierté, de liberté et de volonté, dans la modernité.

Le Paganisme. Recours spirituel et identitaire de l’Europede Gilbert Sincyr, éditions de L’Æncre, collection « Patrimoine des Religions », dirigée par Philippe Randa, 232 pages, 25 euros.

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mardi, 11 juin 2013

Centro Studi La Runa

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mardi, 04 juin 2013

Colloque sur Julius Evola

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Un colloque sur Julius Evola près de Lyon samedi 15 juin

 

"Seul compte, aujourd'hui, le travail de ceux qui savent se tenir sur les lignes de crête."

Ces mots de Julius Evola illustrent toute son oeuvre, immense et complexe, souvent citée mais en fait plus souvent encore mal connue. D'où l'intérêt de l'éclairer par quelques coups de projecteur. C'est dans cet esprit que nous vous convions à venir participer à ce colloque.

Intervenants et thèmes :

Professeur Jean Haudry, directeur d'études à l'Ecole Pratique des Hautes Etudes (Paris) : "Révolte contre le monde moderne" : tradition primordiale et tradition indo-européenne.

Docteur Pierre Krebs, écrivain et conférencier : "Julius Evola et l'Allemagne".

Georges Feltin-Tracol, rédacteur en chef du site Europe Maxima : "Evola et la politique".

Professeur Pierre Vial, président de Terre et Peuple : Evola et le Moyen Age".

Des ouvrages d'Evola ou consacrés à son oeuvre seront en vente sur les stands. Vous pouvez également vous faire dédicacer les ouvrages des intervenants.

Conférence à 1 heure de Lyon (campagne bressane).

5 euros l'entrée ou 25 euros avec repas du midi dans une auberge. Possibilité d'amener son casse-croûte et de manger dans les environs.

Réservation obligatoire avant le 10 juin pour le repas : conferenceslyon@yahoo.fr

mardi, 07 mai 2013

Quel rôle les dieux grecs ont-ils joué dans la guerre de Troie ?

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Quel rôle les dieux grecs ont-ils joué dans la guerre de Troie ?

Pierre Sineux

Ex: http://linformationnationaliste.hautetfort.com/

Au chant III de l'Iliade, Priam s'adresse à Hélène : "Tu n'es, pour moi, cause de rien, les dieux seuls sont cause de tout : ce sont eux qui ont déchaîné cette guerre" (III, 164-165). Les vieux Troyens, au demeurant, quand ils voient Hélène marcher sur les remparts, sont prêts à excuser tout à la fois Troyens et Achéens "si pour telle femme, ils souffrent si longs maux. Elle a terriblement l'air, quand on l'a devant soi, des déesses immortelles" (III, 156158). Hélène n'y serait pour rien ou plutôt, quand bien même y serait-elle pour quelque chose, ce serait la faute de cette part "divine" qui est en elle, cette beauté qui, précisément, la met du côté des dieux et matérialise une destinée de nature divine. Voyons les faits. Dans l'Iliade, il faut se rendre au chant XXIV pour trouver une allusion à l'événement qui déclencha la guerre de Troie alors que les dieux délibèrent au sujet du cadavre d'Hector, Héra, Poséidon et Athéna conservent leur rancune à l'égard de Troie et de Priam : "ils pensent à l'affront qu'en son aveuglement Pâris à ces déesses autrefois infligea : lors, dans sa bergerie elles étaient venues, mais il leur préféra celle qui lui fit don d'un objet de douloureux désir" (XXIV, 28-30). À Héra et à Athéna Pâris-Alexandre préféra Aphrodite qui lui fit don d'Hélène. Mais Pâris n'était en fait que l'instrument d'une querelle qu'aux noces de Thétis et de Pélée, Éris avait suscitée entre les trois déesses pour savoir laquelle des trois était la plus belle.

L'épisode figure dans les Chants Cypriens, une épopée perdue qui racontait les événements antérieurs à ceux qui sont évoqués dans l'Iliade, depuis les noces de Thétis et de Pélée jusqu'à la capture de Chryséis, la fille d'un prêtre d'Apollon, par Agamemnon. La guerre de Troie y apparaît en définitive comme le fruit d'un complot ourdi par Zeus et par Thémis. Zeus cherchait, en effet, à délivrer la terre du poids de tant de mortels ; Gaia, accablée par le nombre des hommes et par leur impiété, s'était plainte auprès de lui qui, d'abord, provoqua la guerre des Sept contre Thèbes puis qui, sur les conseils de Mômos ("Sarcasme"), maria Thétis à un mortel (ce sera Pélée et de l'union naîtra Achille) et engendra lui-même une fille très belle (de son union avec Léda naîtra Hélène). C'est ce qu'Euripide rappellera en faisant d'Hélène un instrument dont les dieux se sont servi pour dresser Grecs et Phrygiens les uns contre les autres "et provoquer des morts afin d'alléger la Terre outragée par les mortels sans nombre qui la couvraient" (Hélène, 1639-1642).

De l'origine de la guerre à l'histoire des batailles, tout, en apparence, dépend d'eux, l'idée même qui fait naître l'action puis le résultat d'une entreprise. D'emblée, à propos de la querelle entre Achille et Agamemnon, le poète le dit : "Qui des dieux les mit donc aux prises en telle querelle et bataille ? Le fils de Létô et de Zeus" (I, 8-9) : Apollon a vu l'un de ses prêtres, Chrysès, méprisé par Agamemnon (à qui il a refusé de rendre sa fille) et il descend des cimes de l'Olympe décocher, neuf jours durant, ses traits à travers l'armée jusqu'à ce qu'Achille appelle les gens à l'assemblée et que Calchas révèle l'origine de son courroux. On le sait, Agamemnon contraint de rendre sa captive, fera enlever Briséis, la "part d'honneur" d'Achille qui s'en va alors implorer sa mère. C'est précisément au moment où Zeus répond à la plainte de Thétis outragée en la personne de son fils qu'il fait parvenir un message à Agamemnon sous la forme d'un songe mensonger qui vient, alors que celui-ci est endormi, se poster au-dessus de son front : "Je suis, sache-le, messager de Zeus... Il t'enjoint d'appeler aux armes tous les Achéens chevelus – vite, en masse. L'heure est venue où tu peux prendre la vaste cité des Troyens. Les Immortels, habitants de l'Olympe, n'ont plus sur ce point d'avis qui divergent. Tous se sont laissé fléchir à la prière d'Héra. Les Troyens désormais sont voués aux chagrins. Zeus le veut" (Iliade, II, 26-33). Et puisqu'Agamemnon croit qu'il va le jour même prendre la cité de Priam, ignorant l'oeuvre que médite Zeus, il relance l'affrontement... Le monde homérique est donc peuplé de divinités en relation pour ainsi dire permanente avec les humains. Le dieu peut être favorable, défavorable, hostile ou bienveillant mais dans tous les cas de figures, il va de soi que son intervention est normale. On peut même aller jusqu'à dire que l'intervention des dieux est au coeur de la psychologie des héros d'Homère (Chantraine, 1952 : 48), ce que deux vers de l'Odyssée résument : "les dieux peuvent rendre fou l'homme le plus sage, tout comme ils savent inspirer la sagesse au moins raisonnable" (XXIII, 11-13).  

Si le dieu inspire la crainte ou la colère, donne l'élan de l'action, cela ne signifie pas que les héros sont dépourvus d'une volonté et d'un caractère qui leur sont propres. Causalité divine et causalité humaine coexistent, se doublent et se combinent comme le montre particulièrement la collaboration, voire la symbiose, qui se manifeste entre Athéna et Ulysse. Et lorsqu'à la fin de l'Iliade, Achille s'entend dire par Thétis que, selon la volonté de Zeus, il faut rendre le corps d'Hector, lui-même se laisse toucher par la pensée de son père que lui rappelle Priam, manque de se fâcher à nouveau, puis accepte... Dans de nombreux cas, au demeurant, ce sont les décisions prises par les héros et leurs actions qui poussent les dieux à intervenir : ainsi, quand Achille se bat avec Memnon, les deux mères divines, Thétis et Éos, entrent en scène. 

Ce rapprochement du divin et de l'humain commande en définitive la place des dieux dans l'épopée où le seuil que constitue l'immortalité tend à être sans cesse franchi. Achille est le fils de Thétis, Énée est le fils d'Aphrodite, Hélène est la fille de Zeus... Ces liens de parenté ne sont qu'un élément qui explique l'intérêt que les dieux manifestent à l'égard des hommes. Leur acharnement dans la lutte vient d'une façon générale de leur attachement pour certains mortels, leurs mérites ou leur piété – ou, inversement de leur aversion – et de la nécessité qu'il y a pour eux à exiger des honneurs de la part des hommes. Prenant parti pour les uns ou pour les autres – Héra, Athéna, Poséidon sont de tout coeur avec les Achéens, Apollon est tout entier du côté des Troyens, Aphrodite n'a d'yeux que pour Énée... – les dieux se retrouvent combattant les uns contre les autres.  

Or, précisément, tout à leur passion pour les affaires des hommes les dieux agissent et réagissent comme des hommes. Zeus a beau y faire, lui, le roi, l'aîné, le père souverain, il doit constamment rappeler à l'ordre sa famille prête à désobéir et à en découdre, ce qui ne manque pas de donner à l'épopée ici et là des allures de comédie. Et chacun de se quereller, de venir se plaindre à lui, de se moquer des uns et des autres. Et lui d'interdire aux dieux de se mêler de la guerre, de menacer de ses coups, de promettre le "Tartare brumeux" à ceux qui désobéissent. Lui-même craint sa femme, Héra, toujours prompte à le tancer : "... même sans cause, elle est toujours là à me chercher querelle en présence des dieux immortels, prétendant que je porte aide aux Troyens dans les combats" (Iliade, I, 518-521). Celle-ci peut le berner, en éveillant son désir puis en l'endormant (Iliade, XIV, 158-350) pour laisser Poséidon donner toute sa mesure dans le secours qu'il apporte aux Achéens. Ces histoires tout humaines dont l'épopée regorge mettent en lumière le caractère anthropomorphique des dieux et les limites de leurs pouvoirs.

On comprend alors que lorsque les dieux descendent de l'Olympe pour intervenir directement dans la mêlée, c'est sous une forme humaine, en prenant, le plus souvent, l'aspect d'un proche de la personne à qui ils veulent apparaître. Ce type d'épiphanie est fréquent : Aphrodite apparaît à Hélène sous les traits d'une ancienne servante mais elle est reconnue : sa gorge splendide, sa belle poitrine, ses yeux fulgurants sont ceux d'une déesse (Iliade, III, 396-398). Athéna vient au secours de Diomède qui la reconnaît et s'installe sur son char, saisissant le fouet et les rênes pour conduire les chevaux contre... le dieu Arès (Iliade, V, 839-842). Souvent, le dieu se cache dans une nuée aux yeux de la foule et ne se laisse voir que par le personnage à qui il veut se manifester : Apollon se fait reconnaître auprès d'Hector (Iliade, XV, 247-266) mais, au milieu des Troyens, il s'enveloppe d'un nuage (307). Parfois, lorsque le dieu apparaît sous les traits d'un proche, il peut laisser les mortels dans l'illusion : Apollon apparaît à Hector sous les traits de son oncle maternel, le vieil Asios, l'encourage à repartir au combat mais reste incognito (Iliade, XVI, 718). Les personnages d'Homère s'attendent à tout moment à rencontrer un dieu sous une forme humaine ; d'où la crainte, dans la bataille, de se trouver face à face avec un dieu : "Serais-tu quelque Immortel descendu des cieux ? Je ne saurais combattre une des divinités célestes" crie Diomède à Glaucos (Iliade, VI, 128). S'il arrive parfois que les dieux interviennent dissimulés, par une métamorphose, dans le corps d'un animal par exemple, la norme est bien une représentation anthropomorphique des dieux.  

On peut donc dire qu'en jouant leur rôle dans la guerre de Troie, les dieux révèlent, par la grâce du poète, leur anthropomorphisme, non seulement plastique mais fondamental : les dieux agissent et se conduisent comme des hommes. Autrement dit, la poésie épique donne une forme organique et visible à la sphère du divin et, en faisant des dieux les protagonistes d'un récit, elle leur attribue les qualités spécifiques aux individus : ils ont un nom, une "personnalité" et un caractère particuliers (Vegetti, 1993 : 388). Et pourtant... Les dieux sont bien différents. D'une certaine façon, ils apparaissent comme des héros dont l'areté (la valeur) aurait été poussée jusqu'à ses extrêmes limites : ils les surpassent par la beauté, la force, l'intelligence. L'éclat surgit dès qu'il est question d'un dieu. Laissons parler Thétis : "Zeus à la grande voix, assis à l'écart, sur le plus haut sommet de l'Olympe aux cimes sans nombre" (Iliade, I, 498-499). À cette image de la majesté divine, il faut ajouter ce trait qui change tout : les dieux sont immortels. Après avoir donné à Pélée des chevaux immortels qui pleurent la mort imminente de leur jeune maître Achille, Zeus se lamente : "Pauvres bêtes ! Pourquoi vous ai-je donc données à Sire Pélée - un mortel ! – vous que ne touche ni l'âge ni la mort ? Est-ce donc pour que vous ayez votre part de douleurs avec les malheurs humains ? Rien n'est plus misérable que l'homme entre tous les êtres qui respirent et marchent sur la terre" (Iliade, XVII, 443-447). Affirmation d'une supériorité qui fait des dieux des maîtres fondamentalement séparés des hommes.  

Nul doute que lorsqu'elle prend forme, l'épopée a pour toile de fond quantité de récits mythiques traditionnels sur les divinités et les puissances naturelles qui habitent et dominent le monde. Mais le plus remarquable est que pour faire le récit des derniers jours de la guerre de Troie, le poète, en sélectionnant, en mettant en œuvre et en réélaborant un immense matériau, a esquissé pour les siècles à venir la figure de ce qu'est un dieu grec.

Editions Klincksieck

lundi, 06 mai 2013

L’être de l’aikido

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L’être de l’aikido

Ex: http://dhdc2917.eu/

L’aikido est le principe de la lignée des dix mille générations de l’univers.
 L’aikido est la vérité reçue du ciel, l’agissement merveilleux de l’aiki de takemusu.
 L’aikido est la voie d’harmonie du ciel, de la terre et des hommes.
 Mais encore, l’aikido est la voie d’ordonnance des dix mille choses.

O’Sensei Morihei Ueshiba

« La multitude des visages de l’aikido, apparaissant souvent comme antagonistes par certains de leurs aspects, doit nous engager à nous poser cette question essentielle, en nous tournant vers Ueshiba Morihei : qu’est-ce que l’aikido ? Si depuis la disparition de Ueshiba Morihei, l’intérêt légitime du pratiquant a été le faire et le « comment faire ? », la question de l’être, de ce qu’est l’aikido, a été le plus souvent éludée. En matière de discipline orientale, l’appréhension de l’être passe nécessairement par la pratique et par conséquent, la question de ce qu’est l’aikido et la question de savoir comment faire l’aikido sont uniment liées. Pour autant le questionnement quant à l’essence fait le plus souvent défaut. Or, c’est proprement l’objet de ces discours, et particulièrement du premier d’entre eux, transcrit dans le présent volume. Ueshiba n’explique pas ici tel ou tel mouvement. Il ne s’agit ni d’une description technique ni de la présentation historique de la discipline, mais plutôt de l’essence de ce qu’on appelle « aikido ». Ainsi, dès les premiers mots de cette conférence, Ueshiba nous propose-t-il d’opérer un changement de point de vue, d’une part, en nous détournant de la question proprement gestuelle du comment, et d’autre part, d’une manière plus fondamentale, en nous invitant à abandonner l’idée qui consiste à réduire le terme aikido à une discipline particulière. En effet, à la question qu’est-ce que l’aikido ? il ne répond pas par une phrase du type : « L’aikido est une discipline martiale créée en telle année dont les pratiquants, aikidoka, portent tels et tels vêtements et usent de telles armes… », mais par « L’aikido est le principe de la lignée unique des dix mille générations de l’univers », assignant ainsi au terme « aikido » la valeur d’un principe et non celle d’un fait particulier. Au fil de ces conférences, Ueshiba Morihei donne ainsi un double sens au terme aikido : le premier désigne la discipline qu’il fonde au cours du vingtième siècle, le second signifie un principe naturel* de création et d’ordonnance qui, comme tel, existe depuis toujours concomitant à la création du monde. Les deux aspects du terme ne sont pas étrangers l’un à l’autre, mais entretiennent, pour Ueshiba, un rapport de type causal : l’aikido en tant que discipline est l’expression phénoménale adéquate, le visage, ou du moins sa recherche, de l’aikido en tant que principe**.

Dès lors la question qu’est-ce que l’aikido ? ouvre un questionnement sur l’être de l’aikido en tant qu’il est à la fois principe et chemin vers la réalisation effective de ce principe. Le double sens du terme « aikido » renvoie ainsi à l’idée d’actualisation, autrement dit au passage d’une virtualité à sa réalité tangible. Il y a donc implicitement l’idée majeure, s’agissant d’un principe naturel, d’une évolution de la nature vers sa pleine réalisation, son parachèvement [kansei]. »

Bruno Traversi, in préface de « Takemusu Aiki » de Morihei Ueshiba.

———————————————-
* Le rapport de l’aikido avec la nature est communément admis. Toutefois, il faut préciser que nature doit s’entendre dans un double sens : la nature dans ses expressions, dans son foisonnement, et la nature en tant que force productrice et ordonnatrice du réel, autrement dit dans ses principes, nature naturée et nature naturante. On se fourvoierait certainement en pensant les techniques d’aikido d’après une imitation des formes et des mouvements de la nature. La corrélation entre nature et aikido doit se penser selon un plan plus fondamental, celui des principes. L’aikido, en tant que discipline, est naturel en ce que l’aikido, en tant que principe, est un principe naturel, et non une convention humaine et sociale. Et si, effectivement, on trouve entre les mouvements d’aikido et les mouvements de la nature une certaine similitude, c’est qu’ils sont produits selon les mêmes principes, issus d’une même origine ou racine [kongen].

** Ces notions sont particulièrement importantes pour comprendre que la génèse de l’aikido ne résulte nullement de la synthèse de différents arts martiaux, mais est un principe naturel qui se révèle à Ueshiba à travers diverses expériences spirituelles et martiales. Cet aspect fait l’objet de long développements dans ses conférences.

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Les Fêtes celtiques et les trois fonctions

Les Fêtes celtiques et les trois fonctions

Ex: http://linformatrionnationaliste.hautetfort.com/

Nous prendrons pour point de départ les quatre fêtes canoniques irlandaises telles qu’elles sont énumérées et décrites dans les textes médiévaux :

• Samain (« réunion, assemblée ») au premier novembre ;
• Imbolc (« lustration ») au premier février ;
• Beltaine (« feu de Bel ») au premier mai ;
• Lugnasad (« réunion de Lug ») au premier août.

Il importe de remarquer que ces quatre fêtes ne portent pas d’autre nom, que leur nom est limité à l’Irlande sans être transposable à une quelconque fête continentale et qu’il n’y a aucun terme spécialisé en irlandais pour désigner la « fête » proprement dite. Le terme usuel, irlandais féil, gallois gwyl, breton gouel, est un emprunt au latin vigilia et ne sert à désigner que la fête d’un saint dans le calendrier liturgique chrétien. Pour les fêtes profanes, il faut se contenter de l’irlandais feasta et du breton fest (qui sont des emprunts, direct ou indirect, par l’intermédiaire de l’anglais, au vieux français feste). Le gallois a un autre mot : gwledd « banquet ».

 Nous vous renvoyons, quant à la description générale, à tout ce qui a été dit dans Les Druides (éd. 1986, p. 231-262) et dans La Civilisation celtique (éd. 1990, p. 160-163) et dans Les fêtes celtiques (éd. 1995). La répétition serait superflue. Mais nous insisterons ici sur l’aspect trifonctionnel des quatre fêtes celtiques lequel est très clairement implicite.

Samain, au 1er novembre, marque le début de la saison sombre, clôt la période d’activité militaire et marque le début de l’année. C’est la fête collective de toute l’Irlande puisque la présence de chacun est obligatoire sous peine de mort ou de sanction grave. Elle est l’occasion de cérémonies religieuses et officielles mais le principal moment en est un banquet auquel participent toutes les classes de la société. N’appartenant, ni à l’année qui se termine ni à celle qui commence, Samain est en dehors du temps chronologique et se situe de ce fait dans le mythe, sans idée de durée, c’est-à-dire en réalité dans l’éternité: des événements mythiques se produisent sans interruption ni discontinuité d’une Samain à l’autre, ce qui explique que les gens du sid puissent intervenir dans les affaires humaines ou laisser des hommes pénétrer dans le sid, voire les y inviter ou les y emmener. Avec la participation des druides, de la flaith ou noblesse guerrière et des gens du peuple, la fête est explicitement totale et trifonctionnelle. Elle a été remplacée dans le calendrier chrétien par la Toussaint et la fête des morts. C’est la seule fête celtique dont nous ayons la dénomination gauloise correspondante: Samonios dans le calendrier de Coligny. Le sens étymologique du nom est « réunion ».

Imbolc est, au 1er février, en dépit de tentatives étymologiques aberrantes, la fête de la « lustration » après toutes les souillures de l’hiver. Elle est très peu attestée dans les textes parce qu’elle a pratiquement disparu pour être remplacée par l’immense folklore de sainte Brigit, comprise en cette occurrence comme l’accoucheuse de la Vierge. Elle correspond aux Lupercales latines ou fêtes de février. C’est typiquement la fête de la troisième fonction productrice et artisanale. 

Beltaine « feu de Bel » est, au 1er mai, la fête du feu et des maîtres du feu et des éléments atmosphériques, les druides. Fête sacerdotale par excellence, elle indique le début de la saison claire et aussi le commencement de l’activité guerrière. Il n’y a pas d’équivalence continentale attestée mais, dans toute l’Europe, y compris l’ancien domaine celtique, le folklore de mai est immense et varié. C’est surtout celui qui a été le plus difficilement christianisé.

Lugnasad ou «assemblée de Lug» est, au 1er août, la fête royale par définition intrinsèque, en particulier celle du roi régulateur et « centre » de la société humaine. Cela explique les jeux, les concours de poésie et les assemblées de toutes sortes qui en marquent le déroulement. Mais le roi est toujours et en toutes circonstances, en tant que détenteur du pouvoir politique, le représentant le plus éminent de la classe guerrière. Le folklore a fait de Lugnasad une fête agraire à cause de sa position dans le calendrier mais c’est un glissement tardif et l’attribution à Lug de la fête résulte de sa position centrale dans le calendrier. L’équivalent gaulois, récupéré par la politique romaine du début de l’Empire, porte le nom latin de Concilium Galliarum ou « assemblée des Gaules ». 

Ces quatre fêtes ont en commun d’être décalées de quarante à quarante-cinq jours sur la date calendaire normale. Deux d’entre elles, Samain et Belteine, comportent des sacrifices et des cérémonies religieuses en même temps que des assemblées administratives et politiques. Elles ont toutes survécu et laissé des traces importantes dans le folklore irlandais. Samain a été récupérée par l’Église pour la fête des morts et de la Toussaint, cependant que le folklore de mai est resté très important dans toute l’Europe occidentale.

Pour aller plus loin :

1

• Christian-J. Guyonvarc’h et Françoise Le Roux, Les fêtes celtiques, Ouest France, 1995

2

• Philippe Walter, Mythologies chrétiennes, Imago, 2003.

Cattos  http://www.propagandes.info
 Source :  http://lecheminsouslesbuis.wordpress.com

dimanche, 05 mai 2013

Semitic Monotheism

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S. Gurumurthy:

 

S. Gurumurthy argues that the monotheistic Semitic religions of what he calls "the West" brought intolerance to India. Traditionally, Gurumurthy argues, Indian culture was characterized by a liberal pluralism stemming from the polytheism of Hindu beliefs.

 

In the history of human civilization there have been two distinct ways of life -- the eastern and the Semitic. If we look at the history of India and of its people on the one hand and at the history of Semitic societies on the other, we find a glaring difference. In India the society and individual form the center of gravity, the fulcrum around which the polity revolves, and the state is merely a residuary concept. On the other hand, in the Semitic tradition the state wields all the power and forms the soul and the backbone of the polity. In India, temporal power was located in the lowest units of society, which developed into a highly decentralized social network. This was the very reverse of the centralized power structures that evolved in the Semitic tradition of the West. We had decentralizing institutions, of castes, of localities, of sects belonging to different faiths; of groups of people gathering around a particular deity or around a particular individual. Society was a collection of multitudes of self-contained social molecules, spontaneously linked together by socio spiritual thoughts, symbols, centers of pilgrimage, and sages. In the West the most important, and often the only, link between different institutions of the society was the state.

 

THE RESIDUAL STATE

 

Of course, the state also existed in India in the past, but only as a residual institution. It had a very limited role to perform. Even the origin of the state is said to be in the perceived necessity of an institution to perform the residual supervisory functions that became necessary because a small number of people could not harmonize with the rest in the self- regulating, self-operating and self powered functioning of the society. The state was to look after the spill-over functions that escaped the self-regulating mechanisms of the society. The Mahabharata, in the Santiparva, defines the functions of the state precisely thus. The state was to ensure that the one who strays away from public ethics does not tread on others. There was perhaps no necessity for the state at one point in our social history. The evolution of society to a point where certain individuals came to be at cross purposes with the society because of the erosion of dharmic, or ethical values, introduced the need for a limited arbiter to deal with "outlaws" who would not agree to be bound by dharma. That task was entrusted to the state. This appears to be the origin of the state here. So the society or the group, at whatever level it functioned, was the dominant reality and the state was a residual authority. The society had an identity distinct from the state. Social relations as well as religious and cultural bonds transcended the bounds of the state.

 

DHARMA VS. SOCIAL CONTRACT

 

People in the Semitic society, on the other hand, seem to have burdened themselves with the state the moment they graduated from tribalism and nomadic life to a settled existence. Thus the Semitic society never knew how to live by self-regulation. People never knew how to exist together unless their lives were ordered through the coercive institution of the state. The concept of self-regulation, the concept of dharma, the personal and public norms of action and thought that we have inherited from time immemorial, did not have any chance to evolve. Instead what evolved, for example in the Christian West, was the "social contract" theory of the state. And this became the basis of the nation state that dominated during the era of Western hegemony. But even before that, a mighty state, a nation-less state, had already evolved in the West. It was a state that cut across all nations, all societies, all ethnicities, all faiths, all races. This was the kind of state developed by the Romans. The statecraft of the Romans purveyed power and power alone. Later, after the collapse of the nationless state, tribal nationalism began to be assertive. This nation state, whose power was legitimated according to socio-religious criteria, became the model for the Semitic society. Far from being an arbiter, the state became the initiator, the fulcrum of the society.

 

STATELY RELIGION

 

Western society thus became largely a state construct. Even geography and history began to follow state power. In the scheme of things, the king symbolized total power, the army became crucial to the polity, and the police indispensable. The throne of the king became more important than the Church, and his word more important than the Bible, forcing even the Church to acquire stately attributes and begin competing with the state. That is why the first Church was founded in Rome. Because of the social recognition of state power and the importance that it had acquired, religion had to go to the seat of the state. That is how Rome, and not Bethlehem, became the center of Christian thought. The Church developed as a state-like institution, as an alternative and a competing institution. The Church began to mimic the state, and the Archbishop competed with the King. And finally religion itself became a competitor of the state. Naturally there were conflicts between these two powerful institutions -- between the state and the Church, and between the King and the Archbishop. Both owed allegiance to the same faith, the same book, the same prophet -- and yet they could not agree on who should wield ultimate power. They fought in order to decide who amongst them would be the legitimate representative of the faith. And, in their ^ght, both invoked the same God. The result was a society that was at war with itself; a society in which the stately religion was at war with the religious state. The result also was centralism and exclusivism, not only in thought, but also in the institutional arrangements. Out of such war within itself -- including between Christianity and Islam -- Semitic society evolved its centralist and exclusivist institutions that are now peddled as the panacea for the ills of all societies. As the monotheistic civilization rapidly evolved a theocratic state, it ruled out all plurality in thought. There could not be any doubt, there could not be a second thought competing with the one approved and patronized by the state, and there could not even be a second institution representing the same faith. The possibility of different religions or different attitudes to life evolving in the same society was made minimal. No one could disagree with the established doctrine without inviting terrible retribution. Whenever any semblance of plurality surfaced anywhere, it was subjected to immediate annihilation. The entire social, political and religious power of the Semitic society gravitated toward and became slowly and finally manifest in the unitary state. Thus single-dimensional universality, far more than plurality, is the key feature of Western society. The West, in fact, spawned a power-oriented, power-driven, and power-inspired civilization which sought and enforced thoughts, books, and institutions.

 

GUARDIAN SAGES

 

This unity of the Semitic state and the Semitic society proved to be its strength as a conquering power. But this was also its weakness. The moment the state became weak or collapsed anywhere, the society there also followed the fate of the state. In India, society was supported by institutions other than the state. Not just one, but hundreds and even thousands of institutions flourished within the polity and none of them had or needed to use any coercive power. Indian civilization -- culture, arts, music, and the collective life of the people guardianship of the people and of the public mind was not entrusted to the state. In fact, it was the sages, and not the state, who were seen as the guardians of the public mind. When offending forces, whether Sakas or Huns or any others, came from abroad, this society -- which was not organized as a powerful state and was without a powerful army or arms and ammunition of a kind that could meet such vast brute forces coming from outside -- found its institutions of state severely damaged. But that did not lead to the collapse of the society. The society not only survived when the institutions of the state collapsed, but in the course of time it also assimilated the alien groups and digested them into inseparable parts of the social stream. Later invaders into India were not mere gangs of armed tribes, but highly motivated theocratic war-mongers. The Indian states, which were mere residues of the Indian society, caved in before them too. But the society survived even these crusaders. In contrast, the state-oriented and state-initiated civilizations, societies and cultures of the West invariably were annihilated with the collapse of the state. Whether the Romans, the Greeks or the Christians, or the later followers of Islam, or the modern Marxists -- none of them could survive as a viable civilization once the state they had constructed collapsed. When a Semitic king won and wiped out another, it was not just another state that was wiped out, but all social bearings and moorings of the society -- all its literature, art, music, culture and language. Everything relating to the society was extinguished. In the West of today, there are no remnants of what would have been the products of Western civilization 1500 years ago. The Semitic virtue rejected all new and fresh thought. Consequently, any fresh thought could prevail only by annihilating its predecessor. At one time only one thought could hold sway. There was no scope for a second.

 

EASTERN PLURALISM

 

In the East, more specifically in India, there prevailed a society and a social mind which thrived and happily grew within a multiplicity of thoughts. "Ano bhadrah kratavo yantu visatah" ("let noble thoughts come in from all directions of the universe") went the Rigvedic invocation. We, therefore, welcomed all, whether it was the Parsis who came fleeing from the slaughter of Islamic theocratic marauders and received protection here for their race and their religion, or the Jews who were slaughtered and maimed everywhere else in the world. They all found a secure refuge here along with their culture, civilization, religion and the book. Even the Shia Muslims, fearing annihilation by their coreligionists, sought shelter in Gujarat and constituted the first influx of Muslims into India. Refugee people, refugee religions, refugee cultures and civilizations came here, took root and established a workable, amicable relationship with their neighborhood. They did not -- even now they do not -- find this society alien or foreign. They could grow as constituent parts of an assimilative society and under an umbrella of thought that appreciated their different ways. When first Christianity, and later Islam, came to India as purely religious concerns, they too found the same assimilative openness. The early Christians and Muslims arriving on the west coast of India did not find anything hostile in the social atmosphere here. They found a welcoming and receptive atmosphere in which the Hindus happily offered them temple lands for building a church or a mosque. (Even today in the localities of Tamilnadu temple lands are offered for construction of mosques). It was only the later theocratic incursions by the Mughals and the British that introduced theological and cultural maladjustments, creating conflict between the assimilative and inclusive native ways of the East and the exclusive and annihilative instincts of Islam and even Christianity. Until this occurred, the native society assimilated the new thoughts and fresh inputs, and had no difficulty in keeping intact its social harmony within the plurality of thoughts and faiths. This openness to foreign thoughts, faiths and people did not happen because of legislation, or a secular constitution or the teachings of secular leaders and parties. We did not display this openness because of any civilizing inspiration and wisdom which we happened to have received from the West. Yet, we are somehow made to believe, and we do, that we have become a somewhat civilized people and have come to learn to live together in harmony with others only through the civilization, the language, the statecraft and the societal influence of the West! It is a myth that has become an inseparable component of the intellectual baggage that most of us carry.

 

SURVIVING THE SEMITIC ONSLAUGHT

 

Religious fanaticism, invaded us and extinguished our states and institutions, our society could still survive and preserve its multidimensional life largely intact. Our survival has been accompanied, however, with an extraordinary sense of guilt. In our own eyes, we remain a society yet to be fully civilized. This is because, as the state in India quickly became an instrument in the hands of the invaders and colonizers, we were saddled not just with an unresponsive state, but a state hostile to the nation itself. A state-less society in India would have fared better. Such a paradox has existed nowhere else in the history of the world. When we look at the history of any other country, we find that whenever an overpowering alien state came into being, it wiped out everything that it saw as a native thought or institution. And if the natives insisted on holding on to their thought and institutions, then they were wiped out. But the Indian society survived under an alien and hostile state for hundreds of years, albeit at the price of having today lost almost all initiative and self confidence as a civilization.

 

GIVE ME YOUR PERSECUTED

 

How did the assimilative Hindu cultural convictions fare in practice, not just in theory and in the archives? This is probably best seen by comparing the Iranians of today with the Parsis of India. A few thousand of them who came here and who now number 200,000 have lived in a congenial atmosphere. They have not been subjected to any hostility to convert, or to give up their cultural or even racial distinction. They have had every chance, as much as the natives had, to prosper and evolve. And they did. They have lived and prospered here for 1500 years, more or less the same way as they would have lived and prospered in their own lands, had those lands not been ravaged by Islam. Compare an average Parsi with an average Iranian. Does the Persian society today display any native attributes of the kind that the Parsis, living in the Indian society, have managed to preserve? One can ^nd no trace of those original native attributes in the Iranian society today. That is because not only the native institutions, native faiths and native literature, but also the native mind and all vestiges of native originality were wiped out by Islam. That society was converted and made into a uniform outfit in form, shape and mental condition. On that condition alone would Islam accept it. What Islam did to the natives in Egypt, Afghanistan and Persia, or what Christianity did to the Red Indians in America, or what Christianity and Islam did to each other in Europe, or the Catholics did to Protestants, or the Sunnis did to Shias and the Kurds and the Ahmedias, or what the Shias did to the Bahais, was identical. In every case the annihilation of the other was attempted -- annihilation of other thoughts, other thinkers and other followers. The essential thrust of the Semitic civilizational effort, including the latest effort of Marxist monotheism, has been to enforce uniformity, and failing that, to annihilate. How can the West claim that it taught us how to lead a pluralistic life? If you look at history, you find that they were the ones who could not, and never did, tolerate any kind of plurality, either in the religious or the secular domain. If it has dawned upon them today that they have to live with plurality, it must be because of the violence they have had to commit against themselves and each other. The mass slaughter which the Western society has been subjected to by the adherents of different religious thoughts and by different tyrants is unimaginable, and perhaps they are now sick of this slaughter and violence. But the view we get, and are asked to subscribe to, is that the "civilized" West was a peaceful society, and that we brutes down here never knew how to live at peace with ourselves and our neighbors until liberated by the literate. What a paradox!

 

TEMPORAL POWER

 

The foundation of the Semitic system is laid on temporal power. For acceptance and survival in this system even religion had to marry and stick to temporal authority at the cost of losing its spiritual moorings. It was with this power -- first the state power, which still later was converted into technological power -- that the Christian West was able to establish its dominance. This brute dominance was clothed in the garb of modernity and presented as the civilization of the world. The aggressively organized Western society, through its powerful arm of the state, was able to overcome and subordinate the expressions of the self- governing decentralized society of the East that did not care to have the protection of a centralized state. Our society, unorganized in the physical sense, although it was much more organized in a civilizational sense, had a more evolved mind. But it did not have the muscle; it did not have the fire power. Perhaps because of the Buddhist influence, our society acquired disproportionately high Brahmatejas, Brahminical piety and authority, which eroded the Kshatravirya, the temporal war-making power. So it caved in and ceded temporal authority to the more powerful state and the statecraft that came from outside. The society that caves in is, in terms of the current global rules, a defeated society. This society cannot produce or generate the kind of self-confidence which is required in the modern world.

 

DYNAMIC CHRISTIANS, STAGNANT MUSLIMS

 

The nation-state was so powerful, that other countries, like India, could not stand against it. And when the nation-state concept was powered by religious exclusivism it had no equal. When religion acquired the state, the church itself was the first victim of that acquisition. Christianity suffered from the Christian state. It had to struggle not only against Islamic states and Islamic society, but also against itself. As a consequence, it underwent a process of moderation. First, it experienced dissent, then renaissance through arts, music and culture. Thus Christianity was able to overcome the effect of theocratic statecraft by slowly evolving as a society not entirely identified with the state. First the state began to dominate over the Church on the principle of separation between the religious and temporal authorities. The result was the evolution of the secular state. Thus the King wrested the secular power from the Archbishop. Then through democratic movements following the French Revolution, the people wrested power from the King. Later commerce invaded public life as the prime thrust of the Christian West. The theocratic state abdicated in favor of a secular state, the secular state gave way to democracy and later democracy gave way to commerce. Then power shifted from commerce to technology. And now in the Christian West, the state and the society are largely powered by commerce and technology. The Christian West today is even prepared to give up the concept of the nation-state to promote commerce fueled by technological advance. Look at the consolidation that is taking place between Mexico, Canada and the United States of America around trade, and the kind of pyramidal politico economic consolidation that is taking place in Western Europe. All this is oriented towards only one thing West.

 

ISLAM REMAINED UNCHANGED

 

While the Christian West has evolved dynamically over the past few centuries, the story of Islam is one of 1500 years of unmitigated stagnation. There has never been a successful attempt from within Islam to start the flow, so to speak. Anyone who attempted to start even a variant of the mainstream flow -- anyone who merely attempted to reinterpret the same book and the same prophet -- was disposed of with such severity that it set an example and a warning to anyone who would dare to cross the line. Some, who merely said that it was not necessary for the Islamic Kingdom to be ruled by the Prophet's own descendants were wiped out. Some others said that the Prophet himself may come again -- not that somebody else might come, but the Prophet himself may be reborn. They were also wiped out. The Sunnis, the Shias, the Ahmedias, the Bahais -- all of whom trusted the same prophet, revered the same book and were loyal to the same revelation -- were all physically and spiritually maimed. From the earliest times, Islam has proved itself incapable of producing an internal evolution; internally legitimized change has not been possible since all change is instantly regarded as an act of apostasy. Every change was -- and is -- put down with bloodshed. In contrast, the Hindu ethos changed continuously. Though, it was always change with continuity: from ritualistic life, to agnostic Buddhism, to the Ahimsa of Mahavira, to the intellect of Sankara, to the devotion of Ramanuja, and finally to the modern movements of social reform. In India, all these changes have occurred without the shedding of a single drop of blood. Islam, on the other hand retains its changelessness, despite the spilling of so much blood all around. It is the changelessness of Islam -- its equal revulsion towards dissent within and towards non-Islamic thoughts without -- that has made it a problem for the whole world.

 

ISLAM IN INDIA

 

The encounter between the inclusive and assimilative heritage of India and exclusive Islam, which had nothing but theological dislike for the native faiths, was a tussle between two unequals. On the one side there was the inclusive, universal and spiritually powerful -- but temporally unorganized - native Hindu thought. And on the other side there was the temporally organized and powerful -- but spiritually exclusive and isolated -- Islam. Islam subordinated, for some time and in some areas, the Hindu temporal power, but it could not erode Hindu spiritual power. If anything, the Hindu spiritual power incubated the offending faith and delivered a milder form of Islam -- Sufism. However, the physical encounter was one of the bloodiest in human history. We survived this test by fire and sword. But the battle left behind an unassimilated Islamic society within India. The problem has existed since then, to this day.

 

ISLAM, INDIA AND THE CHRISTIAN WEST

 

The Hindu renaissance in India is the Indian contribution to an evolving global attitude that calls for a review of the conservative and extremist Islamic attitudes towards non-Islamic faiths and societies. The whole world is now concerned with the prospect of extremist Islam becoming a problem by sanctifying religious terrorism. So long as the red flag was flying atop the Kremlin, the Christian West tried to project communism as the greatest enemy of world peace. It originally promoted Islam and Islamic fundamentalism against the fanaticism of communism. The West knew it could match communism in the market-place, in technology, in commerce, and even in war, but it had no means of combating communism on the emotive plane. So they structured a green Islamic belt -- from Tunisia to Indonesia -- to serve as a bulwark against Marxist thought. But that has changed now. When communism collapsed, extremist Islam with its terrorist tendencies instantly emerged in the mind of the Christian West as the major threat to the world.

 

HINDUS SURVIVED MUSLIM INVASION

 

We must realize that we have a problem on hand in India, the problem of a stagnant and conservative Islamic society. The secular leaders and parties tell us that the problem on our hands is not Islamic fundamentalism, but the Hindutva ideology. This view is good only for gathering votes. The fact is that we have a fundamentalist Muslim problem, and our problem cannot be divorced from the international Islamic politics and the world's reaction to it. To understand the problem and to undertake the task of solving it successfully, we must know the nature of Hindu society and its encounter with Islam in India. As a nation, we are heckled by the secularist historians and commentators: "You are caste-oriented, you are a country with 900 languages, and most of them with no script," they say. "You can't even communicate in one language, you don't have a common religious book which all may follow. You are not a nation at all. In contrast, look at the unity of Islam and its brotherhood." But the apparently unorganized and diverse Hindu society is perhaps the only society in the world that faced, and then survived, the Islamic theocratic invasion. We, the Hindu nation, have survived because of the very differences that seem to divide us. It is in some ways a mind- boggling phenomenon: For 500 to 600 years we survived the invasion of Islam as no other society did. The whole of Arabia, which had a very evolved civilization, was run over in a matter of just 20 years. Persia collapsed within 50 years. Buddhist Afghans put up a brave resistance for 300 years but, in the end, they also collapsed. In all of these countries today there remains nothing pre- Islamic worth the name save for some broken down architectural monuments from their pre-Islamic past. How did our society survive the Islamic onslaught? We have survived not only physically, but intellectually too. We have preserved our culture. The kind of music that was heard 1500 years ago is heard even today. Much of the literature too remains available along with the original phonetic intonations. So the Indian society continued to function under a hostile occupation even without a protective state. Or rather, we survived because our soul did not reside in an organized state, but in an organized national consciousness, in shared feelings of what constitutes human life in this universe that happens to be such a wonderfully varied manifestation of the divine, of Brahman.

 

HINDUTVA AS INDIA'S ANCHOR

 

The assimilative Hindu cultural and civilizational ethos is the only basis for any durable personal and social interaction between the Muslims and the rest of our countrymen. This societal assimilative realization is the basis for Indian nationalism, and only an inclusive Hindutva can assimilate an exclusive Islam by making the Muslims conscious of their Hindu ancestry and heritage. A national effort is called for to break Islamic exclusivism and enshrine the assimilative Hindutva. This alone constitutes true nationalism and true national integration. This is the only way to protect the plurality of thoughts and institutions in this country. To the extent secularism advances Islamic isolation and exclusivism, it damages Hindu inclusiveness and its assimilative qualities. And in this sense secularism as practiced until now conflicts with Indin nationalism. Inclusive and assimilative Hindutva is the socio-cultural nationalism of India. So long as our national leaders ignore this eternal truth, national integration will keep eluding us.

 

Center for Policy Studies, Madras.
1993.

jeudi, 25 avril 2013

Comment l'islam a étouffé les cultures pré-islamiques au nom du culte de l'unicité de Dieu

Comment l'islam a étouffé les cultures pré-islamiques au nom du culte de l'unicité de Dieu

De l'architecture aux divinités, une conférence à Fès au Maroc s'est penchée pour la première fois sur l'histoire du Maroc antique. Mais les cultures pré-islamiques restent largement méconnues.

Al-tawhîd

Ex: http://histoire.fdesouche.com/

 
"L'islam a conservé, et on l'ignore souvent, des éléments de culture pré-islamique."

"L'islam a conservé, et on l'ignore souvent, des éléments de culture pré-islamique." Crédit DR

Atlantico : De l'architecture aux divinités, une conférence tenue à Fès au Maroc s'est penchée pour la première fois sur l'histoire du Maroc antique. Les cultures pré-islamiques restent largement méconnues. Comment l'expliquer ? 

C'est une conférence salutaire à tout point de vue, car, en effet, objectivement, l'histoire des sociétés arabes ne commence absolument pas avec la naissance de l'islam au début du VIIème siècle. Il serait bon de s'en souvenir. Ainsi, cette religion monothéiste, née en Arabie en 610 sous l'apostolat de Muhammad, ne s'est donc pas développée ex nihilo. À côté de l'architecture et du culte des divinités, à l'époque anté-islamique, il ne faut pas omettre de mentionner la littérature arabe et plus exactement encore sa poésie, laquelle fut très raffinée avant et après l'avènement de l'islam.

Si les cultures pré-islamiques sont sinon ignorées du moins délaissées, c'est parce que selon un certain enseignement de l'islam, du culte de l'unicité absolue de Dieu (al-tawhîd), celles-là contribueraient à éloigner l'homme en général et le musulman en particulier, de la croyance en un Dieu unique suivant des règles ou des principes précis édictés dans le Coran, la Sunna (traditions prophétiques) et "la compréhension des pieux prédécesseurs" (al-salaf al-çâlih).

Il y a une confusion regrettable dans l'esprit de certains musulmans de nos jours. En effet, ils confondent démarche de connaissance, historique et démarche piétiste ou fidéiste, en sorte qu'ils croient, à tort, que la première menace inéluctablement l'intégrité de leur foi !

Quelles étaient les valeurs qui y étaient défendues (en particulier le rapport au sexe et à la femme) ? Quelles en ont été les principaux apports et quel en est aujourd'hui l'héritage ? 

Dans L'Arabie pré-islamique, par exemple, dominait une vie tribale où la liberté du groupe se confondait avec celle de l'individu, dans une perpétuelle interaction. Il y avait, notamment à La Mecque, outre une culture polythéiste intense à côté du judaïsme et du christianisme, une dialectique de la paix et de la guerre entre les différentes tribus, avec des razzias, etc. Y dominaient par ailleurs des solidarités mécaniques, les vertus de courage, d'honneur, etc. La vie morale des Bédouins reposait, selon Roger Caratini, entre autres orientalistes, essentiellement sur les valeurs suivantes: "le courage, l'honneur tribal, familial, individuel, la générosité et l'hospitalité".

La polygamie était largement de mise, dans la mesure où plus vous aviez de femmes, plus il vous était possible d'asseoir la puissance de la tribu, avec une prime accordée aux garçons (symboles de la puissance du groupe), tandis que les fillettes étaient parfois enterrées vivantes...Et c'est l'islam, très précisément, qui a mis fin à cette pratique horrible!

Quant à la poésie pré-islamique, elle chantait les vertus de l'amour, du vin; elle prônait quelquefois l'injure ou l'ironie vis-à-vis des clans ennemis, etc. 

Cependant, l'islam a conservé, et on l'ignore souvent, des éléments de culture pré-islamique. Il faut savoir que le pèlerinage à La Mecque était déjà de rigueur et un lieu prisé par différentes tribus et les grands commerçants installés ou de passage, soit donc bien avant l'arrivée de l'islam. L'autorisation de la polygamie était également un héritage de la période pré-islamique, en plus de la richesse sémantique de la langue arabe qui deviendra aussi la langue du Coran !

Quelles conséquences le développement de l'islam a-t-il eu sur elles et sur leur rayonnement ? Quel regard porte-t-il aujourd'hui sur ces cultures ? Plus globalement, quel rapport l'islam a-t-il à l'histoire ?

Les conséquences sont multiples. L'islam a sévèrement combattu la polythéisme, c'est un fait; a fortiori sous les feux de lectures orthodoxes; il a interdit, suivant l'orthodoxie sunnite notamment, et en plusieurs étapes, la consommation d'alcool, le libéralisme sexuel (sur ce point, comme n'importe quel autre monothéisme); il a également strictement encadré la polygamie, etc. Des acteurs de l'islam (activiste) contemporain qui nourrissent une vision très rigoriste de la religion, entretiennent une véritable animosité et haine vis-à-vis de certains types de culture hérités de la période pré-islamique. Souvenons-nous à cet égard des Talibans afghans qui ont détruit les Bouddhas de Bâmiyâm en 2001 ou, plus récemment, des islamistes qui ont entamé la destruction de mausolées de saints à Tombouctou au Mali... Cela dit, il convient d'être extrêmement précis: c'est moins l'islam, en tant que tel, et intrinsèquement, qui mène une guerre sans pitié à l'encontre de ces cultures, que des activistes qui vouent un souverain mépris à l'endroit de la connaissance de façon générale, et, en particulier, du patrimoine de l'humanité.

samedi, 13 avril 2013

De vedische zieners

De vedische zieners

Koenraad Elst

Ex: http://www.alfredvierling.com/

Aardrijkskundige en geschiedkundige situering

radha-10.jpgDe vedische hymnen werden volgens de vedische overlevering zelf hoofdzakelijk gecomponeerd in de schoot van de Paurava-stam, de stam van Puru, één van de vijf zonen van Yayāti, een prins van de Maandynastie uit Prayāg (later bekend als Allāhābād) en veroveraar van het bovenstroomgebied van de Sarasvatī in het noordwesten van India. Deze was via een gemeenschappelijke voorvader, Manu Vaivasvata die de zondvloed overleefde, verwant met de Zonnedynastie uit Ayodhyā, waartoe Rāma (en later ondermeer ook de Boeddha) behoorde. Eén van de eerste Paurava-koningen heette Bharata. Het is naar hem dat India zichzelf nog steeds Bhāratavarsa of kortweg Bhārat noemt.

In de Veda’s worden alle Paurava’s, vriend of vijand, Ārya genoemd, “volksgenoot”, dezelfde betekenis die dit woord heeft in het Iraans en het Anatolisch. Omgekeerd wordt geen enkele niet-Paurava, of hij nu vriend of vijand was, zo genoemd. Naarmate de vedische traditie normatief en nagebootst werd, ging Ārya “vedisch, beschaafd” betekenen.

De absolute chronologie van de Veda’s is een heikele kwestie. De meeste handboeken geven de data uit de theorie van westerse oriëntalisten weer, namelijk ruwweg 1500 tot 1000 v.Chr. De inheemse chronologie, ondersteund door enkele sterrenkundige gegevens in de vedische literatuur zelf, situeert de oudste teksten in het 4de millennium v.Chr., met jongere teksten tot in het 2de millennium, met als één van de jongste de Jyotisa-Vedānga, die zichzelf via sterrenkundige gegevens expliciet rond 1350 (of 1800) v.Chr. dateert.

Een open vraag is die naar het verband tussen de vedische literatuur en de archeologische vondsten in steden als Harappa en Kalibangan, samen de grootste beschaving van het 3de millennium v.Chr. Enerzijds een enorme literatuur zonder materiële resten, anderzijds een massa archeologische resten zonder enige literatuur (zgn. David Frawley’s paradox): het suggereert dat we met twee helften van één beschaving te maken hebben. Maar zolang de flarden teksten op Harappa-zegels niet ontcijferd zijn, blijft het mogelijk dat zij een taal weergeven die niets met het vedische Sanskrit te maken heeft. Het onderzoek gaat verder.

Nadien verspreidde de vedische samenleving naar het oosten en zuiden. Dit was deels genoodzaakt door een opdroging van de noordwestelijke zone, deels omdat vorsten daar zich het prestige van de vedische beschaving wilden eigen maken.

De Mahābhārata-oorlog markeert het einde van de vedische periode. De vader of grootvader van de meeste protagonisten, Krsna Dvaipayana alias Vyāsa, was de eindredacteur die volgens de hindoe-overlevering de vedische collecties hun definitieve vorm gaf. We zien van dan af een verschuiving van de vedische god Indra naar de vergoddelijkte historische figuur Krsna Vāsudeva, een prins die als wagenmenner aan de veldslag deelneemt. Volgens westerse geleerden vond die oorlog (als hij al historisch is) plaats rond 900 v.Chr., volgens de hindoetraditie en de meeste hindoes in of rond 3139 v.Chr. Zelf sluit ik mij aan bij de minderheidsopinie die voor zowat de 15de eeuw v.Chr. kiest, precies de tijd van de zo centrale oorlogvoering met strijdwagens (zie gelijktijdig de Egyptisch-Hittitische oorlog of in de 13de eeuw de oorlog om Troje), niet betuigd vóór 2200 v.Chr. Het epos vermeldt ook dat de volle maan nabij de ster Regulus (Magha) nà de winterevening plaatsvond, wat pas na 2300 v.Chr. kon.

Vier hymnencollecties en aanhangsels

Drie vedische samhitā’s (collecties): Rk/“hymne”-, Sāma/“melodie”-, Yajuh/“offerspreuk”-Veda-Samhitā, vormen het Veda-drievoud. Zij bestaan uit hymnen aan de goden, gecomponeerd door mensen. Merk de tegenstelling met de Tien Geboden of de Koran, die geacht worden door God aan de mensen gericht te worden. Moderne hindoes zien de Veda’s als apauruseya, “onpersoonlijk”, en interpreteren dit als “geopenbaard”, precies zoals de Koran of de Tien Geboden; maar de vedische hymnen zelf pleiten daartegen, want zij worden door de mens aan een godheid gericht.

Deze hymnen bevatten enkele kosmologische bespiegelingen en terloops ook een aantal geschied- en aardrijkskundige gegevens. De invloedrijke hervormingsbeweging Ārya Samāj duidde deze concrete gegevens, bv. plaats- en persoonsnamen, als symbolen voor bewustzijnstoestanden, maar daar kan je niets mee aanvangen. De Sāma-Veda-Samhitā herneemt een deel van de Rg-vedische hymnen, maar dan in gezongen vorm. De jongere Yajur-Veda-Samhitā is vooral begaan met het offerritueel, wat de duiding van de twee oudere Veda’s beïnvloed heeft. Sommige hymnen worden in rituelen gebruikt, andere niet.

Pas later is hier de Atharva/“offerpriester”-Veda-Samhitā aan toegevoegd. Hij heeft minder prestige, mogelijk wegens de behandeling van toverij, inbegrepen bezweringen met genezende kracht; of wegens de Perzische invloed daarin. Figuren, producten of ideeën uit het noordwesten (het huidige Pakistan) werden altijd een beetje miszien.

De Rg-Veda-Samhitā omvat 1028 hymnen (sūkta, < su-vakta, “goed gezegd), meestal gesteld in de vorm van een aanroeping van een met name genoemde godheid door de in een aparte index (anukramanī) met name genoemde componist of rsi, “ziener”. Zij zijn uiteraard in versvorm (mantra) met vast metrum, waarbij bepaalde lettergrepen op hogere of lagere toon gereciteerd worden, dit mede als geheugensteun. Zij zijn gegroepeerd in tien boeken (mandala’s), waarvan de volgorde uit het oorspronkelijk aantal hymnen voortkomt, wat echter deels gemaskeerd werd doordat er tijdens het redactieproces nog hymnen bijgekomen zijn. De historische volgorde is, spijts overlappingen, 6-3-7-2-4-5, dan 1 en 8, dan 9 en dan 10. Boeken 2-7 heten de “familieboeken” omdat zij telkens door één familie zieners opgesteld zijn. Boek 8 was de oorspronkelijke afsluiter, en was net als het inleidend boek 1 ook een verzamelwerk uit verschillende families.

Boek 9 is toegevoegd aan een bestaand geheel, nl. de eerste acht boeken. Het bestaat uit hymnen van rsi’s (“zieners”) uit alle vedische families, gericht aan de Soma (“sap”, “geperst”), het aftreksel van een psychotropische plant. Jawel, de zieners waren nog geen saaie geleerden maar eerder trippende dichters. Dit geeft voedsel aan de theorie van Mircea Eliade dat yoga voortkwam uit het sjamanisme: de Veda’s bevatten nog sjamanistische elementen zoals geestreizen met behulp van geestesverruimende planten. Boek 10 kwam nog later, het is duidelijk jonger in taal.

Bijkomende literatuur

Bij elk van de collecties horen een aantal bijkomende geschriften, deels in vers maar grotendeels in proza, te groeperen in drie opeenvolgende categorieën: Brāhmana’s/“priesterboeken”, Āranyaka’s/“woudboeken”, en Upanisad-en/“zitten aan de voet van (de meester)”, vandaar “vertrouwelijk onderricht, geheimleer”. In de eerste categorie ligt de klemtoon op de praktische instructies voor het ritueel, al komen er ook wijsgerige passages in voor. In de tweede categorie verschuift de klemtoon naar de symbolische interpretatie van het ritueel, dat in de derde categorie grotendeels uit het zicht verdwijnt en plaats maakt voor diepzinnige wijsbegeerte.

Volgens de 19de-eeuwse wijsgeer Arthur Schopenhauer zijn de Oepanisjaden het hoogste wat de menselijke geest ooit heeft voortgebracht; in ieder geval bevatten ze een geestelijke revolutie, namelijk de verschuiving van karmakānda, rituele godsdienstoefeningen, naar jñānakānda, bewustzijnscultuur. Het brandpunt van de belangstelling is niet langer de godenwereld, maar het Zelf (ātman).

Van materiëlere aard zijn de zes hulpwetenschappen/Vedānga’s van de vedische traditie: Vyākarana, “spraakkunst”; Śiksā, “eufonie, uitspraakleer”: Candas, “metrum, versbouw”; Nirukta, “etymologie”; Jyotisa, “sterrenkunde”; en Kalpa, “gelijkenis, procedure, ritueel”. Deze laatste categorie van eerder technische teksten met alle mogelijke details over alle mogelijke private en openbare rituelen bevat interessante aanzetten tot exacte wetenschap, bv. sterrenkundige kennis om te bepalen wanneer rituelen moeten plaatsvinden, of meetkundige kennis (inbegrepen de oudste formulering van de stelling van Pythagoras) in de voorschriften voor de bouw van een vedisch altaar.

Daarnaast zijn er de wereldse “ondergeschikte wetenschappen” of Upaveda’s zoals Dhanur-Veda, “krijgskunde”; Artha-Śāstra, “kennis van het wereldse succes”, staatkunde en economie; Gāndharva-Veda, “musicologie”; en tenslotte Āyur-Veda, “kennis van de levensspanne”, gezondheidskunde alias geneeskunde. Men rangschikt de Āyur-Veda bij de aanhangselen van de Atharva-Veda omdat deze laatste ook bezweringen inzake ziekte en gezondheid bevat. De studie van de oudste geneeskundige teksten maakt echter zonneklaar dat zij op kruidenkundige praktijk en empirische waarneming van ziektebeelden gebaseerd zijn, en alleen om redenen van schriftuurlijk prestige aan de Atharva-Veda gekoppeld worden.

agni_01.gifTenslotte zijn uit al deze intellectuele bedrijvigheid nog de volgende vier disciplines voortgekomen: Mīmānsā, “duiding, exegese”; Nyāya, “oordeel, logica”; Purāna, “oudheid, geschiedenis”, weliswaar overlopend in mythologie; en Dharma-Śāstra, “ethiek”, maatschappelijke plichtenleer, sociologie. De eerste twee zijn het begin van de “zes standpunten” of wijsgerige scholen, met als overige vier Sānkhya, “opsomming”, elementenleer, dualistische kosmologie; Vaiśesika, “onderscheiding van bijzonderheden”, pluralistische kosmologie; Yoga, “beheersing”, leer van de controle over het gedachtenleven; en Uttara-Mīmānsā, “latere duiding” alias Vedānta, “het sluitstuk van de Veda”, d.w.z. de monistische uitwerking van de oepanisjadische leer van het Zelf.

Purāna wordt de titel van 18 geschiedkundig-mythologische compendia met alle mogelijke verhalen over zowel godheden en vergoddelijkte mensen als over historische koningen, huwelijken en veldslagen. Sommige verhalen gebruiken de vedische zieners als hoofdfiguur; soms zijn zij volledig onhistorisch en later bedacht; maar soms bewaren zij zeer oude kennis. De schier onmogelijke kunst bestaat erin, het kaf van het koren te scheiden. Qua thematiek gaat deze literatuur in de middeleeuwen over in de Tantra’s, “systemen”, “handboeken”. De Dharma-Śāstra’s, tenslotte, zijn de teksten over de onderscheiden plichten van de leden van de samenleving naargelang geslacht, levensfase en kaste. Zij zijn deels normatief maar deels ook gewoon beschrijvend, en vertonen dan ook een inhoudelijke evolutie in functie van veranderende maatschappelijke zeden.

De epische literatuur noemt men Itihāsa, uit iti-ha-āsa, “zo inderdaad was het”, te vergelijken met het “er was eens” in onze sprookjes. In het moderne Hindi is dit de normale term voor “geschiedenis”. Inhoudelijk loopt zij over in de Purāna-literatuur, maar als Itihāsa beduidt men specifiek de twee grote epen, de Rāmāyana en de Mahābhārata. Dit zijn verhalencycli met een vagelijk historisch kernverhaal, nadien rijkelijk bijgekleurd, en daarin verweven tal van subplots en gastverhalen, vaak van nog oudere oorsprong. Bovendien is er voortdurend aan bijgeschreven tot de eindredactie, die pas in de laatste eeuwen vóór Christus plaatsvond. Beide epen hebben een opvoedende bedoeling, een soort mega-zedenles over het sleutelbegrip dharma, min of meer “plichtenleer”, “integratie in de wereldorde”.

De Bhagavad-Gītā, “lied des Heren”, vormt een kerndeel van de Mahābhārata. Het vat de vedische en andere filosofieën samen maar introduceert een nieuw en later sterk dominant element, nl. bhakti, “devotie”, bv. tot de vergoddelijke Krsna. Voor een juist begrip van het levende hindoeïsme is kennis van de epen belangrijker dan kennis van de Veda’s, waaraan men wel lippendienst betuigt maar die slechts bij specialisten bekend zijn.

De belangrijkste zieners

Eigen Indiase etymologie leidt rsi, “ziener”, af uit de stam rs, “gaan, bewegen, reiken (naar de hogere wereld door kennis)”. Het woord zou echter verwant kunnen zijn met Iers arsan, “oude, wijze”; of met Germaans razen, “in extase zijn” (Manfred Mayrhofer). Het zou ook kunnen komen van een Indo-Europese stam h3er-s-, “rijzen, uitsteken”, in de zin van “uitstekend zijn” (Julius Pokorny). Men hoort ook vaak Monier Monier-Williams’ 19de-eeuwse suggestie dat het om een verbastering gaat van *drsi, wat heel letterlijk “ziener” betekent. Hoe dat ook zij, hier volgen de bekendste vedische zieners.

Bharadvāja was de hoofdauteur van het oudste, 6de boek, en een tijdgenoot van koning Bharata. Traditioneel wordt hem grote geleerdheid en meditatiekracht toegeschreven. Hij was een zoon van Brhaspati, kleinzoon van Angiras, samen het drievoud/Traya genoemd, en een voorouder van Drona. Zijn hermitage (āśrama) bij Prayāg bestaat nog steeds. Zijn grootvader Angiras was ook co-auteur met Atharva van de Atharva-Veda.

Viśvāmitra is de hoofdauteur van meeste van boek 3, inbegrepen de Gāyatrī mantra. Verhaald wordt in de Rāmāyana, hoofdstuk Bālakanda, dat hij de achterkleinzoon van koning Kuśa (niet te verwarren mat Rāma’s zoon Kuśa) was en daarom Kauśika genoemd werd. In de Mahābhārata, hoofdstuk Ādiparva, wordt verhaald hoe hij betrekkingen had met de nimf Menakā, gezonden door Indra om zijn ascese te testen, waaruit Śakuntalā voortkwam, die hij niet erkende; hij vervloekte zijn minnares omdat ze zijn ascese gebroken had. Het Puranisch verhaal situeert deze asceseoefeningen in het kader van zijn rivaliteit met de ziener Vasistha om de gunst van koning Sudās, Hij wilde Vasistha’s koe Nandinī, gift van Indra en dochter van diens koe Kāmadhenu. Na vernedering door Vasistha zag hij de macht van ascese, beoefende ze en gaf er zijn koninkrijk voor op. Hij werd een Brahmarsi (een ziener die Brahma kent; een priester) en kreeg de naam Viśvāmitra.

Vasistha, hoofdauteur van het 7de boek, waaronder de Mrtyuñjaya mantra. Speelde een rol in Sudās’ zege in de Slag van de Tien Koningen. Hij en koning Bhava zijn de enige mensen aan wie een hymne uit de Veda’s gewijd is. Hij had een gurukula (“leermeesterfamilie”, verblijfsschool) aan de Beas-rivier met zijn vrouw Arundhatī. Hun namen worden nu nog gebruikt voor de sterren Mizar en Alcor in de Grote Beer. De leermeester van Rāma, hofpriester van diens vader, heette ook Vasistha. Hoewel Rāma in de vedische tijd gesitueerd wordt (Krsna op het einde ervan), hoeft het niet om dezelfde persoon te gaan; het was een talrijke familie. Ze was herkenbaar, want zieners van die familie droegen hun haarknoetje rechts.

Grtsamada was de auteur van 36 van de 43 hymnes uit Mandala 2 (daarnaast zijn hymne 27-29 door zijn zoon Kurma gecomponeerd, en 4-7 door Somahuti), behoort tot de familie Angiras, bekend van het zesde boek, maar werd door de wil van Indra overgedragen aan de familie Bhrgu.

Vāmadeva, is de belangrijkste auteur van boek 4. Later werd hij vereenzelvigd met één van de vijf aspecten van para-Śiva, namelijk het dichterlijke, vredige, gracieuze. Links (Vāma) is noord als je de opgaande zon begroet, vandaar beduidt hij het noordelijke aspect.

Atri, auteur van sommige hymnen het 5de boek, werd later beschouwd als vader van ondermeer Dattātreya en, warempel (met overbrugging van enkele eeuwen) Patañjali. De Rāmāyana verhaalt dat Rāma hem bezocht in het woud tijdens zijn ballingschap (evenals de āśrama’s van Agastya en Gautama). Hij werd eeuwen later nog eens opgetrommeld om Drona tijdens de Mahābhārata-veldslag te kalmeren.

Kanva, Kaksīvān, Gotama en Parāśara zijn bekende zieners uit boek 1, evenals Agastya en Dīrghatamas. Laatstgenoemde was de hofpriester van koning Bharata, auteur van hymne 140-164, met 164 als één van de rijkste en bekendste hymnen. We vinden er voor het eerst de sterrenkundige hemelindeling in 360; het yogische inzicht dat dadendrang en waarneming twee complementaire bezigheden zijn, hier verbeeld door twee vogels waarvan de ene vruchten eet en de andere slechts toekijkt; en “de lettergreep”, wat kennelijk op aum/om duidt.

Agastya was gehuwd met Lopāmudrā, die hem in een duo-hymne smeekt om geslachtsverkeer en nageslacht. Hij bracht de vedische rituelen naar het Vindhyā-gebergte in het zuiden; de zuidelijke ster Canopus is naar hem genoemd.

Kaśyapa is de naam van een ziener, maar ook van de vader der goden (Āditya’s), die hij verwekte bij zijn hoofdvrouw Aditī. Hij was de stichter van het naar hem genoemde Kaśmīr, dat hij drooglegde.

Bhrgu wordt geassocieerd met het vuuroffer, centrum van de vedische bedrijvigheid. Zijn naam is verwant met Brigit, aan wie in Ierland een vuurtempel gewijd was, met de Griekse vuurpriesters of phleguai, en kennelijk ook met de landsnaam Phrygia. Hij was de vader van de ziener Śukra. Het astrologisch handboek Bhrgu Samhitā wordt aan hem toegeschreven. Het betreft de nu gebruikelijke hellenistische horoscopie, met de bekende Dierenriem van twaalf tekens.

Jamadagni was een afstammeling van Bhrgu, met vrouw Renukā vader van Jāmadagni ofte Paraśurāma. Dit is kennelijk een Puranische verhaspeling van Parśurāma, “de Perzische Rāma”, want hij was net als zijn voorvader Bhrgu van Iraanse afkomst.

De “zeven rsi’s”

De zeven sterren van de Grote Beer worden in India de Sapta-rsi, “zeven zieners”, genoemd. Eerste versie: Grtsamada, Vāmadeva, Atri, Angiras, Vasistha, Viśvāmitra, Bharadvāja, Kanva.

Tweede versie in de Śatapatha Brāhmana: Jamadagni, Bharadvāja, Vasistha, Viśvāmitra, Kaśyapa, Atri, Gautama (= Uddālaka Āruni), later uitgebreid met Pracetas/Daksa, Bhrgu, Nārada, samen de tien “heren der schepselen”.

Derde versie, specifiek betrekking hebbend op het vroegere eerste Manu-tijdperk, vinden we in de Mahābhārata: Marici, Pulaha, Pulastya (vader van Agastya, langs andere zoon grootvader van Rāma’s tegenstander Rāvana), Vasistha, Atri, Angiras, Kratu.

Niet in de Veda’s

Wat er niét in de Rg-Veda staat, hoewel tegenwoordig toch “vedisch” genoemd:

· Wedergeboorte en de bijbehorende werking-op-afstand/karma (wel karma als “ritueel”), beide verschijnen samen in de Chândogya Upanisad.

· Asceten: zwerfmonniken worden slechts vermeld (“naakt en modderig”) als een bestaande beweging, maar waar de zieners zelf duidelijk niet toe behoorden.

· Verlichting/bevrijding. Pas in de Upanisaden duikt de bevrijding (mukti) uit de onwetendheid (avidyâ) op als streefdoel. De wereld als tranendal en de nood om dááruit te ontsnappen daagt voorzichtig aan de horizon in de Sânkhya-wijsbegeerte, waarvan de we eerste sporen ook in de Upanisaden aantreffen, maar komt pas echt in het centrum met het boeddhisme. De vedische hymnen daarentegen zijn levenslustig. Het doel van rituelen en zelfs van zelfkastijding is werelds geluk in allerlei vormen.

· Ideaal van geweldloosheid, vegetarisme, onschendbaarheid van de koe.

· Goddelijke openbaring. Anders dan beweerd profetische teksten (Tien Geboden, Qur’ān) geven de vedische hymnen volstrekt niet voor, van goddelijke oorsprong te zijn. Zij worden door mensen, de zieners die met naam bekend zijn, vaak zelfs met stamboom en levensschets, tot één of meerdere van de (“33”) goden gericht. Zij zijn mensenwerk.

· Tempels en beeldenverering: onbekend in de Veda’s en in de Harappa-steden. Duiken pas op na Alexander o.i.v. de Grieken (die ze zelf aan het Midden-Oosten ontleend hadden). Idem voor de zoeterigheid en extreme onderdanigheid typisch voor het middeleeuwse en moderne Bhakti (devotie) tegenover goden en goeroes.

· Astrologie, d.i. sterrenwichelarij. Wel sterrenkunde, bv. berekening van verhouding maanmaand/zonnejaar. Een aanhangsel bij Atharva-Veda bevat embryonale astrologie, echter grondig verschillend van de Babylonisch-Hellenistische die nu “vedisch” heet. De echte vedische astrologie betrof geen persoonlijke horoscopie, wel het bepalen van gunstige tijdstippen voor rituelen (nu nog voor bruiloften) met een Dierenriem van 27 of 28 “maanhuizen”.

· Kundalinī en de cakra’s: verschijnen pas in middeleeuwse teksten.

· Hatha-yoga-āsana’s. Pas uit de late middeleeuwen. Tot dan alleen “aangename doch stevige zithouding” als lichamelijke grondslag voor meditatie, reeds afgebeeld op Harappa-zegels. Wel vanaf het begin eenvoudige Prānāyāma.

Wel kiemen daarvan:

· Monisme: “Hij die in de zon leeft, hem ben ik” (so’ham); het Brahman is in de mens.

· Polymorf theïsme: “De wijzen noemen het Ene Ware met vele namen.”

· Kosmisch corporatisme: heelal en samenleving vergeleken met menselijk lichaam met organische samenhang tussen alle leden. Bandhu, overeenkomst/resonantie tussen verschillende bestaansdomeinen (Zo boven, zo beneden).

· Onthechting: “Twee vogels, de ene eet vruchten en de andere kijkt slechts toe.”

· Agnosticisme, skepsis: de geheimen van de schepping, “misschien kent ook Hij ze niet.”

· Meditatie, of althans verstilling om voor hymnische inspiratie open te staan.

La presencia de René Guénon en Mircea Eliade y Carl Schmitt

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La presencia de René Guénon en Mircea Eliade y Carl Schmitt

por Francisco García Bazán  (Universidad A.J.F. Kennedy-CONICET)

Ex: http://culturatransversal.wordpress.com/

Al final de mi libro en colaboración René Guénon y la tradición viviente (1985), apuntaba algunos rasgos sobre la influencia de René Guénon en una diversidad de estudiosos contemporáneos. Allí escribí:

«El mundo de habla española, por su parte, se abre velozmente en los últimos decenios a la gravitación guenoniana. Hemos de reconocer que la Argentina, en este sentido, no sólo ha jugado un papel preponderante, sino que incluso fue oportunamente una verdadera precursora de este florecimiento del pensamiento de Guénon [en la geografía hispana].

Ya en 1945 se publicó en Buenos Aires la Introducción general al estudio de las doctrinas hindúes y la crítica periodística porteña recibió favorablemente la novedad de [la presencia] de un credo de inspiración tradicionalista [en la cultura francesa]. A esta traducción siguieron en años sucesivos: El teosofismo (1954), con varias ediciones, La crisis del mundo moderno (1967), Símbolos fundamentales de la ciencia sagrada (1969 y El esoterismo de Dante (1976). Mucho más reciente, [por el contrario], es el interés de los españoles por nuestro autor. Pero aunque la traducción de la primera de las obras citadas es de la década del 40, la evidencia de una lectura y conocimiento del autor francés ya se reflejó con anterioridad en individuos y grupos de intelectuales argentinos.

Los primeros que demostraron interés por el pensamiento de R. Guénon en nuestro  país fueron pensadores del campo católico, hondamente preocupados por la esencia y el futuro de la nación. Se agruparon en Buenos Aires y Córdoba, en torno a las revistas Número y Sol y Luna, y Arx y Arkhé, respectivamente. Entre estos [escritores] por la influencia y uso que hicieron de las obras de Guénon sobresalen: César Pico, José María de Estrada y, muy probablemente, el poeta Leopoldo Marechal –todos ellos en Buenos Aires y vinculados a los Cursos de Cultura Católica-. En la Provincia mediterránea, Fray Mario Pinto y Rodolfo Martínez Espinosa, autor [este último] del primer artículo escrito en la Argentina sobre nuestro pensador [tradicional] y su corresponsal [con un intercambio de correspondencia entre los años 1929 y 1934], cuando Guénon residía en El Cairo. [Las dos cartas del autor franco-egipcio son del 24 de agosto de 1930 y del 23 de febrero de 1934. La última es una larga misiva de ocho carillas, en la que a las dudas expuestas por Martínez Espinosa responde Guénon condensando en ella la doctrina tradicional y anticipando incluso soluciones sobre las diversas vías espirituales, que posteriormente hará públicas. Estas cartas fueron primeramente publicadas por mí traducidas al castellano el domingo 13 de julio de 1980 en el Suplemento Literario de “La Nación”, cuando era dirigido por Jorge Emilio Gallardo, posteriormente fueron publicadas en edición bilingüe en el libro al que nos estamos refiriendo y poco después aparecieron en Francia en Les Dossier H René Guénon, dirigido por Pierre-Marie Sigaud, editado por L’Age d’Homme, Lausana, 1984, 286-289, gracias al contacto del que tomó la iniciativa André Coyné]…El ilustre filósofo de la ciencia, Armando Asti Vera, ofreció al público hispanohablante en 1969 una elegante y correcta primicia sobre la vida, obra y filosofía de Guénon de amplísima difusión. La casi totalidad de su obra escrita y de dirección docente llevan el sello indeleble del pensamiento guenoniano que frecuentaba desde su madura juventud» (pp. 171-172 y notas).

Lo dicho se refiere a nuestro país y medio cultural, pero en ese mismo libro, páginas más adelante, hacíamos referencia a la influencia de René Guénon en investigadores franceses, judíos e indios, sobre todo en el gran especialista en Shankara, T.M.P. Mahadevan, en cuya tesis sobre Gaudapâda. A Study in Early Advaita (University of Madras, 1975), el tradicionalista nacido en Blois está a menudo citado y es altamente reconocido por su profunda comprensión del Vedânta advaita o no dual. En esa ocasión, sin embargo, apenas nos habíamos referido a Mircea Eliade. Pero, posteriormente, y después de haber leído el artículo del profesor rumano, «Some Notes on Theosophia perennis» publicado en la revista de la Universidad de Chicago History of Religions (1979), pp. 167-176, nuestra opinión cambió y admitimos la influencia de Guénon en su obra como historiador de las religiones. Posteriormente hemos comprobado que un investigador particularmente calificado en el conocimiento de la vida y obra de Guénon, como lo es Jean-Pierre Laurant, de L’ École Pratique des Hautes Études. Section Sciences des Religions, escribe en el Diccionario Crítico del Esoterismo, dirigido por Jean Servier, publicado en 1998 por P.U.F. y recientemente traducido por la Ed. AKAL al castellano, en la entrada correspondiente a “René Guénon”, que firma: «También desempeñó [Guénon] un papel muy importante [lo subrayamos] en la formación del pensamiento de Mircea Eliade e influyó sobre el conjunto de la renovación de la historia de las religiones, hasta tal punto que Gaétan Picón lo integra dentro de su Panorama des idées contemporaines (1954). Su influjo [en esta dirección] se prolonga, hasta nuestros días, a través de una renovada reflexión sobre el simbolismo, la “Tradición” y las tradiciones en los trabajos de J. Borella en Francia, R. Martínez Espinosa y F. García Bazán en Argentina o, en Estados Unidos, en los de Joseph E. Brown sobre los indios» ( Vol. I, p. 754). [Permítaseme hacer la aclaración en paralelo que respecto del cultivo de los estudios sobre Guénon en nuestro medio y la recepción de su pensamiento, también Piero Di Vona, profesor de la Universidad de Nápoles y autor de un respetable libro sobre Evola e Guénon. Tradizione e civiltà (1985), en su ponencia sobre “René Guénon e il pensiero de destra”, presentada  en la Università degli Studi di Urbino, a fines de los 80’, ya reconocía asimismo en confrontación con el desarrollo de la teología de la liberación sudamericana, que  frente a ella: «Tutte queste osservazioni rivestono almeno per noi una grande importanza perché nell’attuale cultura sudamericana Guénon è oggetto di attento studio in ambienti qualificati. (Rimandiamo al libro di F. García Bazán, René Guénon y la tradición viviente, etc.)»].

autoritespirituel.jpgPero más recientemente todavía y con motivo de la publicación consecutiva de las Memorias de Eliade, la perspectiva sobre la irradiación guenoniana se ha ampliado y así hemos tenido la oportunidad de leer un erudito artículo del estudioso italiano Cristiano Grottanelli, bajo el acápite de «Mircea Eliade, Carl Schmitt, René Guénon, 1942», en la Revue de l’Histoire des Religions Tome 219, fascículo 3, julio-septiembre 2002, pp. 325-356, que arroja nuevas luces y sombras sobre la cuestión claramente anticipada en el título y que amplia el panorama con la mención del gran jurista y experto en derecho internacional, Carl Schmitt, tan apreciado en los comienzos de los años 30 por el régimen nacionalsocialista, como posteriormente repudiado tanto por la SS y el nazismo que representaban, como por sus vencedores aliados.

El período más difícil de determinar en la vida de Eliade es el que va de los años 1934, cuando ya ha residido tres años en la India (1929-1931) dirigido por el eminente profesor de filosofía hindú Surendranath Dasgupta, y ha cumplido prácticas de Yoga en Rishikesh, en el Himalaya, en Svargashram con Swami Shivananda. Vuelto a Bucarest ha publicado la novela Maitreyi de gran éxito de ventas (1934) y ha presentado hacia fines de año su tesis de doctorado sobre la filosofía y prácticas de liberación yóguicas como una perspectiva dentro del pensamiento indio, siendo nombrado asistente de Naë Ionesco, profesor de Lógica y Metafísica en la Universidad de Bucarest. Desde esa fecha hasta fines de 1944 en que fallece su esposa Nina Mares y en que al año siguiente (1945) establece relaciones culturales y esporádicamente docentes en París como exiliado con el apoyo de la colonia rumana y colegas y amigos como Georges Dumézil, su biografía es bastante movida y es también durante ese período en el que apoyado en su formación de indólogo incipiente, se cimentó asimismo su método e ideas como teórico de las religiones. Después que obtiene la adjuntía de cátedra a través de su titular Ionesco traba relación estrecha con los cuadros de la Legión del Arcángel San Miguel o Guardia de Hierro, formación política de extrema derecha y de ideología nacionalista, agrega sus actividades de escritor a sus responsabilidades universitarias regulares con el dictado de seminarios: “Sobre el problema del mal en la filosofía india”, “Sobre la Docta ignorancia de Nicolás de Cusa”, “Sobre el libro X de la Metafísica de Aristóteles”, “Las Upanishads y el budismo”, etc.; publica el libro Yoga. Ensayo sobre los orígenes de la mística india, con pie de imprenta París-Bucarest, por lo editores Paul Geuthner/Fundación Real Carol I y aparecen tres números de la revista de historia de las religiones con colaboradores internacionales y de muy buen nivel que dirige, Zalmoxis. En l940 es nombrado agregado cultural de la Embajada Real de Rumania en Londres y al año siguiente Consejero de la Embajada Real de Rumania en Lisboa, aquí reside hasta 1945, cuando concluida la segunda guerra europea, le sobreviene la condición de exiliado. Durante este período que estamos teniendo en cuenta de gran fecundidad intelectual y de estabilidad político-laboral, se da el acontecimiento que registra el autor en el II volumen de las Memorias, Las promesas del soltiscio:

«Nos detuvimos durante dos días en Berlín. Uno de los agregados de prensa, Goruneanu, me llevó hasta Dahlem, a la casa de Carl Schmitt. Éste acababa de concluir en ese tiempo su librito sobre la Tierra y el mar y quería hacerme algunas preguntas sobre Portugal y las civilizaciones marítimas. Le hablé de Camoens y en particular del simbolismo acuático –Goruneanu le había ofrecido el volumen segundo de Zalmoxis en donde habían aparecido las “Notas sobre el simbolismo acuático”-. En la perspectiva de Carl Schmitt, Moby Dick constituía la mayor creación del espíritu marítimo después de la Odisea. No parecía entusiasmado por Los Lusiadas, que había leído en una traducción alemana. Conversamos durante tres horas. Nos acompañó hasta el subterráneo y, mientras caminábamos, nos explicó por qué consideraba la aviación como un símbolo terrestre….».

El encuentro tuvo lugar en julio de  1942, según precisa Mac Linscott Rioketts en su extensa y bien documentada biografía de Eliade.

Ahora bien, Ernst Jünger, gran amigo de Schmitt, que por esas fechas era oficial del Ejército alemán, estaba en Berlín con permiso y fue llamado a París para hacerse cargo de sus obligaciones militares. El 12 de noviembre fue a visitar a Dahlem a su amigo Schmitt a modo de despedida, estando con él del 12 al 17. El 15 estaba Jünger en casa del amigo y escribe lo siguiente en su Diario:

«Lectura de la revista Zalmoxis, cuyo título procede de un Hércules escita citado por Heródoto. He leído dos ensayos de ella, uno dedicado a los ritos de la extracción y uso de la mandrágora y el otro trataba del Simbolismo acuático, y de las relaciones entre la luna, las mujeres y el mar. Ambos de Mircea Eliade, el director de la revista. C.S. me proporcionó informaciones detalladas sobre él y sobre su maestro René Guénon. Las relaciones etimológicas entre las conchas marinas y el órgano genital de la mujer son particularmente significativas, como se ve en la palabra latina conc[h]a y en la danesa Kudefisk, en donde kude tiene el mismo sentido que vulva.

La mentalidad que se dibuja en esta revista es muy prometedora; en lugar de una escritura lógica, se trata de una escritura figurada. Son estas las cosas que me hacen el efecto del caviar, de las huevas de peces, se siente la fecundidad en cada frase».

rene_guenon_le_regne_de_la_quantite_poche.jpgEn vísperas de Navidad del mismo año Eliade recibió Tierra y mar de parte de Schmitt, y Goruneanu le informa que el número 3 de Zalmoxis que había enviado a Schmitt lo acompañaba a Jünger en su mochila. Y esta triple relación de personas, directa, en un caso, e indirecta en el otro – por medio de la revista Zalmoxis-, se repite en 1944 y posteriormente. El primer caso se concretó por un nuevo encuentro de Schmitt -quien consideraba a Guénon: “El hombre más interesante de su tiempo” según señala Eliade en Fragmentos de Diario- con éste en Lisboa. En la visita de 1942, conjetura Grottanelli, de acuerdo con los testimonios de una simpatía recíproca de ambos personajes sobre Guénon, conversarían sobre él posiblemente no sólo como maestro sino también como teórico de la Tradición. El segundo encuentro a que nos hemos referido de Jürgen y Eliade y que nos interesa menos en este trabajo, llevó a que un tiempo después Jünger y Eliade dirigieran la revista Antaios.

Pues bien, de la mutua admiración que Schmitt y Eliade confesaban a mediados del año 1942, en plena guerra europea, por Guénon, el caso de C. Schmitt es documentalmente más accesible y claro, puesto que éste en un notable y bien conocido libro de 1938, Der Leviathan in der Staatslehre des Thomas Hobbes. Sinn und Fehlschlag eines politisches Symbols (El Leviatán en la teoría del estado de Thomas Hobbes. Sentido y fracaso de un símbolo político), entendía la componente esotérica como central en su composición, ya que Hobbes, exaltado por él dos años antes como el “gran inventor de la época moderna”, aparecía ahora en una nueva dimensión como quien había utilizado por error un símbolo en su tesis de política, el del monstruo marino de ascendencia religioso-cultural judía, que lo superaba en sus intenciones y se le imponía por su misma fuerza simbólica interna, poniéndolo bajo su control y manejándolo como un aprendiz de brujo. Y ahí mismo en el libro, en la nota 28, Schmitt recordaba a René Guénon, quien en la Crisis del mundo moderno de 1927, afirmaba la noción paralela y clave para la interpretación simbólica de que: «La rapidez con la que toda la civilización medieval sucumbió al ataque del siglo XVII es inconcebible sin la hipótesis de una misteriosa voluntad directriz que queda en la sombra y de una idea preconcebida». La ambivalencia del símbolo que tanto señala a la permanencia oculta de la Tradición como a los ataques aparentemente invisibles que asimismo recibe de la antitradicón y de la contratradición, y que puede aplicarse como un modo de justificación de la teoría política del complot o la conjuración político-social basada en la metafísica de la historia, es lo que le interesaba hacer notar a Schmitt, quien había sufrido dos años antes siendo Presidente de la Asociación de Juristas Alemanes y Consejero de Estado un ataque contra él en la revista de los SS Das Schwarze Korps, viéndose obligado a renunciar a todas sus funciones públicas. El empleo de la capacidad velada del símbolo para mostrar y ocultar por su poder esotérico de comunicación, es lo que veía Schmitt en Leviatán, serpiente marina guardiana del tesoro a veces para la enseñanza semítica y en otros momentos monstruo destructivo que proviene del mar, en el caso concreto aplicado su dimensión oscura y demoledora a la civilización cristiana y occidental más que milenaria. En este sentido igualmente el personaje que el libro encubría como destructor era Himmler y no Hitler.

Pero resultaba que si en este momento el libro de Guénon citado es La crisis del mundo moderno, Schmitt conocía mucho más del autor francés lo que explica el entusiasmo por él, según registra Eliade, pues en correspondencia entrecruzada unos años después con Armin Moler quien prepara su tesis sobre el jurista, al que le envía una carta el 19 de octubre de 1948 y que es respondida por Schmitt el 4 de diciembre. En las cartas cruzadas tenemos los siguientes datos:

«A la noche, después de haber trabajado en la tesis, siempre leo sus escritos, incluso los que aún no conozco. Os lo he referido ya que después de la visita que le hecho en Plettemberg, todo me parece más claro, con la sola excepción del Leviatán. Esta obra me sigue desorientando, y no sólo allí en donde, como al final del segundo capítulo, se hace alusión a un tema absolutamente nuevo [...]. La aparición de Guénon me ha sorprendido. ¿Conoce usted los escritos de este hombre singular?  Siegfried Lang, uno de nuestros poetas más inspirados, me ha introducido hace algún tiempo en el estudio de su pensamiento».

Y esta es la contestación de C. Schmitt:

«Respecto del Leviatán, ya le he dicho que se trata de una obra totalmente esotérica; recuerde la “nota del autor” y las consideraciones del final del Prefacio, incluso si se trata de fórmulas evasivas. He leído mucho de Guénon, pero no la totalidad [de lo que ha escrito], lamentablemente. Nunca le he encontrado personalmente, pero he conocido a dos de sus amigos. Os interesará saber que el barón Julius Evola ha sido uno de sus fieles discípulos, pero no sé si Guénon vive todavía; según las últimas noticias que he recibido, pero que son de algunos años, vivía en el Cairo, con amigos musulmanes» (ver Grottanelli, 739).

Se advierte, por lo tanto, más allá del respeto intelectual y estimulante para la comprensión de los hechos histórico-políticos que Guénon inspiraba al jurista y filósofo político alemán, el uso aplicado que hacia del esoterismo, basado en el esoterismo riguroso de Guénon y Evola.

Está llegando el momento de dejar a C. Schmitt, porque estas jornadas están más centradas en Eliade y Guénon, pero para terminar con él, en confirmación de lo dicho vienen otras manifestaciones del autor, que la traducción española de la Ed. Trotta de Tierra y Mar ha incluido en una “Nota Final” debida a Franco Volpi. En ella se escribe, por medio de Nicolás Sombart, el hijo del famoso sociólogo e historiador de la economía, en referencia a Schmitt, que él se auto percibía como el guardián de un misterio, como un “iniciado”, al punto de que arcanum era una de las palabras que más repetía. Así Sombart cuenta esta anécdota en su relación con C. Schmitt, que:

«Un día [el mismo] Nicolaus preparaba una ponencia sobre la crítica teatral hebrea… Y consultado el profesor Schmitt, éste le repuso, no sabes en dónde te estás metiendo ¿Conoces la cuestión judía de C. Marx?, ¿Y a Disraeli?: Ni siquiera conoces a Disraeli y pretendes ocuparte de los judíos…Así puso en sus manos su novela Tancredo o la nueva cruzada, final de la trilogía que Benjamín Disraeli había publicado en 1847. Allí el gran político inglés, como buen esotérico, había encerrado en una obra literaria sus convicciones políticas más profundas. De este modo, en un pasaje borrado en la segunda edición de Tierra y mar lo llama Schmitt: “un iniciado, un sabio de Sión” y en Dahlen no tenía el jurista colgado un retrato de Hitler, sino de Disraeli. Y Schmitt asimismo le apunta a Nicolaus cual es la frase decisiva del libro, la que dice que: “El cristianismo es judaísmo para el pueblo”. Es la frase que da vuelta a dos mil años de historia. El conflicto entre judaísmo y catolicismo sobre la interpretación del sentido de la historia obsesionaba a Schmitt y la Modernidad era el campo de batalla del enfrentamiento…Los grandes pensadores hebreos del siglo XIX habían entendido que para llegar a la victoria en el plano de la historia universal necesitaban romper con el antiguo orden cristiano del mundo y acelerar la secularización y la disgregación de ese orden. El más temible teórico habría sido Disraeli, pues según su frase el cristianismo sería la estrategia urdida por los judíos para conquistar el sentido de la historia universal…La escatología estaba a punto de imponerse sobre el mesianismo…un orden universal en el que la “Nueva Jerusalén” colocada en el más acá es buscada por la élite judía…La Revolución Francesa aceleró el camino y la visión judía de dominio universal y la potencia marítima inglesa se fundieron en una simbiosis como un inmenso proyecto para la humanidad…El concepto de “retención” (katékhon) del cristianismo es ineficaz para poder guiar a la humanidad. Todo ello, remarca Schmitt, porque los judíos manejan el arte secreto de tratar con el Leviatán, saben domesticarlo para en el momento oportuno descuartizarlo. Era necesario descubrir las técnicas ocultas para penetrar en los arcana imperii y salir sin daños definitivos de la lucha, una lucha por el simbolismo y su tradición, frente a los intentos destructivos de sus dominadores profanos e inmanentes».

Resulta transparente que de esta convicción y familiaridad con los diversos niveles de sentido del símbolo y del contacto con el fondo subyacente que circula ocultamente en el tiempo histórico, había extraído Schmitt confianza y serenidad para profundizar la comprensión teórica y sobrellevar la existencia práctica. Así lo demostró al haber aceptado voluntariamente ser juzgado por el Tribunal de Núremberg, denunciado por un ex colega de la Universidad de Berlín docente ahora en una universidad estadounidense, Karl Loewenstein y legal adviser del Jurado. La defensa personal que llevó a cabo Schmitt le exige trazar una sutil, pero precisa frontera, entre su pensamiento y la ideología nacionalsocialista y de este modo afirma que de ninguna manera podría haber influido en la política de los grandes espacios del III Reich, ni a preparar la guerra de agresión con sus consecuencias criminales, ni a gravitar en cualquier tipo de decisiones de los funcionarios de alto rango. Por ejemplo, defendió que su concepto de Grossraum (gran espacio) se basaba en el derecho internacional y no en el sentido nacionalista que le dio el régimen. A la categoría moderna de estado, válida desde Hobbes a Hegel, él contrapone la de “gran espacio”, que no es simplemente “espacio terrestre”, sino también “espacio imperial”. Aquí es en donde se juega el nuevo ordenamiento político-jurídico del planeta. Esta categoría no depende de la concepción biológico-racista del “espacio vital” (Lebensraum) ni de la categoría nacionalista (völkisch) nacionalsocialistas, para entender su concepción del “gran espacio”; sino que mejor, este último concepto se aproxima más a la doctrina Monroe norteamericana del principio de no injerencia de una potencia extranjera en un gran espacio terrestre ajeno, organizado según un orden jurídico-político propio. Un gran espacio imperial se forma cuando un estado desarrolla una potencia que excede sus propios límites y tiende a agregar en torno a sí a otros estados y es esta conveniencia de formar grandes bloques continentales la que puede generar un nuevo escenario de organización internacional, rompiendo la impotencia de las Naciones Unidas de Ginebra y conteniendo el ascenso de una superpotencia individual. Justamente el pequeño libro Tierra y mar si de entrada parecía aportarle complicaciones, explicado en su doctrina, le trajo la definitiva absolución en mayo de 1947, con curiosos diálogos durante el interrogatorio como el siguiente: «”En aquel tiempo me sentía superior. Quería dar un sentido propio a la palabra nacionalsocialismo”. “Por tanto, ¿Hitler tenía un nacionalsocialismo y usted otro distinto?”. “Yo me sentía superior”. “¿Superior a Hitler?” “Desde el punto de vista intelectual, infinitamente”.

Mircea Eliade, sin embargo, más joven y perteneciente a un país de cultura minoritaria, Rumania, si bien padeció el exilio y los severos obstáculos de un intelectual emigrado en París, no tuvo que enfrentarse con tan grandes dificultades. Las bases guenonianas de la organización de sus ideas, aunque menos conocidas por estar escritas en rumano y hechas conocer en publicaciones locales y muy poco difundidas, igualmente están registradas. Escribe así por primera vez M. Eliade en la revista Azi en abril de 1932, refiriéndose a Guénon, en una cita que se refiere al Teosofismo: historia de una falsa religión:

«Remito al lector al libro de Guénon, quien es un ocultista muy importante y muy bien informado, con una mentalidad sólida y que, al menos, sabe de lo que habla [a diferencia de Elena Blavatsky]» (Grottanelli, p. 346).

En 1937 escribe un artículo sobre Ananda Coomaraswamy en la Revista Fundaitilior Regale, republicado en 1943, y allí expresa que «es de lamentar que los escritos de Guénon, como Oriente y Occidente (1924) y La crisis del mundo moderno (1927), no hayan tenido sino una difusión limitada, ya que ellos mostraban que el tradicionalismo religioso no tenía nada que temer en Europa a la influencia de la metafísica oriental, contrariamente a lo que pensaban algunos escritores católicos» (Grottanelli, 346). Es razonable deducir, sin embargo, pese a las lamentaciones de Eliade y si se piensa en Schmitt y Evola, que el libro de Guénon La crisis del mundo moderno había tenido al menos repercusión propia en la derecha europea, como también lo tuvo en la Argentina, como hemos dicho, poco después de ser publicado.

En otro artículo aparecido en Vremea el l° de mayo de 1938, nuevamente Eliade se queja de la falta de difusión de la obra de Guénon y que sea tan poco conocida como la de Evola y Coomaraswamy . Hace igualmente aquí un curioso elogio de la personalidad de René Guénon como testigo de la tradición, «que era capaz de mostrar un desprecio absoluto y olímpico por el mundo moderno en su conjunto. Un menosprecio sin cólera, sin irritación y sin melancolía. Un desdén que alejaba a este pensador de los hombres de  su tiempo y de su obsesión por la historia. Una actitud heroica, comparable, aunque preferible, a aquella de que hablaba André Malraux en su libro Le temps du mépris, que era el tema del ensayo de Eliade” (Grottanelli, 347).

Eliade en estos tiempos en los inicios de sus treinta años, cuando está forjando su personalidad de teórico e investigador considera a Guénon como un auténtico maestro en el campo de las ideas tradicionales, lo que incluso ratifica a su juicio la serena posición de desapego ante las corrientes de ideas modernas, aunque no emite el mismo juicio favorable en el campo de la investigación, como también lo ha expresado en el artículo dedicado a Coomaraswamy. A éste sí lo considera lingüística y filológicamente competente, mientras que para Guénon y Evola, en este campo, se le escapa la baja calificación de “dilettantes”. La evaluación en este último caso de M. Eliade es compleja, porque incluye aproximación y simpatía respecto de las ideas de fondo, pero alejamiento en el método de llegar a ellas, un fenómeno que vamos enseguida a comentar, pero antes debemos facilitar también otra ratificación que es de la misma época, y que se contiene en el libro Comentarii la legenda Mesterului Manole, que se refiere a las leyendas rumanas y balcánicas de los sacrificios de niños durante la construcción de edificios, en particular de monasterios y de puentes, que es publicado en Lisboa siete años después, en marzo de 1943, y en donde  el autor confirma en el prefacio:

«Esta obra se publica con una demora de al menos seis años. En uno de los cursos de historia y de filosofía de las religiones que habíamos profesado en la Facultad de Letras de Bucarest (1936-1937, en reemplazo del curso de metafísica del Prof. Nae Ionescu), tuvimos la oportunidad de exponer en sus grandes líneas, el contenido y los resultados de este libro. Una versión técnica de estas lecciones, provista de todo el aparato científico necesario, se preparó hace ya bastante tiempo – bajo el título de Manole et les rites de cosntruction – para la revista Zalmoxis. Pero las circunstancias, y sobre todo la larga residencia del editor en el extranjero, han impedido la aparición regular de Zalmoxis, de modo que antes de publicar la versión técnica, hemos considerado que no estaría desprovisto de interés publicar los presentes Comentarios». Y prosigue el prólogo aportando esclarecimientos críticos y justificativos del mayor interés:

«Evidentemente es indispensable reunir, clasificar e interpretar los documentos etnográficos, pero esto no puede revelar mucho sobre la espiritualidad arcaica. Es necesario ante todo un conocimiento satisfactorio de la historia de las religiones y de la teoría metafísica implícita en los ritos, los símbolos, las cosmogonías y los mitos. La mayor parte de la bibliografía internacional que trata del folclore y de la etnografía es valiosa en la medida en que presenta el material auténtico de la espiritualidad popular, pero deja mucho que desear cuando trata de explicar este material, por medio de “leyes” al uso, a la moda del tiempo de Taylor, Mannhardt o Frazer. No es este el lugar de entablar un examen crítico de los diferentes métodos de interpretación de los documentos de la espiritualidad arcaica. Cada uno de estos métodos ha tenido, en su tiempo, determinados méritos. Pero casi todos se han ajustado a la historia (correcta o incorrectamente comprendida) de este o aquel documento folclórico o etnográfico, con preferencia a tratar de descubrir el sentido espiritual que ha tenido y restaurar su consistencia íntima. La reacción contra estos métodos positivistas no ha tardado en hacerse sentir y es especialmente expresada por un Olivier Leroy, entre los etnólogos, por un René Guénon y un Julius Evola, entre los filósofos, por un Ananda Coomaraswamy entre los arqueólogos, etcétera. Ella ha ido tan lejos que a veces ha negado la evidencia de la historia e ignorado en su totalidad los hechos recogidos por los investigadores» (Grottanelli, 350-351).

liv-040209-02-1.jpgNuevamente en este texto transparente están reunidas por Eliade las dos puntas de su posición de aceptación y crítica en relación con Guénon y otros autores vecinos por las ideas: simbolismo e ideas tradicionales garantizadores de la universalidad de las creencias sagradas como fondo organizador, pero a partir de la investigación científica. El reunir y avecinar documentos no es erudición positivista ni vacía, sino que en el allegamiento surgen ante la mente sensible y perspicaz a los fenómenos aproximadamente las ideas y principios transcendentes que subyacen. Las hierofanías, como manifestaciones de lo sagrado, revelan uniones o integraciones mediadoras que ligan a los contrarios –lo profano y lo sagrado- con equilibrio, lo organizan en sistemas estructurales en el lenguaje del símbolo y del mito, y permiten al alma religiosa arcaica y actual ascender a los orígenes constitutivos. No hay una diferencia insalvable acerca del reconocimiento del fondo espiritual entre Eliade y Guénon, sí lo hay en cuanto al método de acceso. Firmeza de la tradición y de la iniciación en cuanto a Guénon, ingreso por el reconocimiento de los fenómenos sagrados reflejados en la conciencia que cada vez exigen mayor comprensión, para Mircea Eliade. Guénon aspira a romper con lo profano para tener acceso no reflejo, sino directo a lo sagrado; Eliade, se sumerge en la dialéctica de lo sagrado y lo profano que acompaña a la vida del cosmos y la sociedad. Lo primero da una existencia digna de iniciados; lo segundo, de hombres en el mundo vitalmente sacro, que eligen diferentes destinos.

Esta diferencia de posiciones explica las relaciones entre ambos autores, que parecen incluir fuertes contrastes. Guénon desde  1940 en adelante comenta libros y artículos de Mircea Eliade en la revista Études Traditionelle, reconociendo sus aciertos de exposición e interpretación por momentos, así como desautorizándole agriamente en otras, abrogándose la postura de señor indiscutido del campo tradicional que le compete (Técnicas del Yoga, el tomo II de Zalmoxis, «Le “dieu lieur” et le symbolisme des noeuds» -RHR y referencia positiva en “Ligaduras y nudos”É.T., marzo 1950-, Le mythe de l’éternel retour, y otros escritos incluidos en Compte Rendus), una especie de rictus del tradicionalista francés que también ha dado origen a lo que podemos considerar lo más alejado de su magisterio, la “ideología guenoniana”. Mircea Eliade, por su parte, cuando comienza a publicar su difundida obra de especialista en Historia de la religiones a partir del Tratado de historia de las religiones que le publica Payot en l947, en donde recoge materiales anteriormente redactados y otros nuevos, apenas tiene en cuenta en la bibliografía del último capítulo sobre “La estructura de los símbolos”, un escrito de Guénon, Le symbolisme de la croix. Ni siquiera aparece el magisterio expressis verbis del maestro Guénon en los capítulos V (“Las aguas y el simbolismo acuático”) del Tratado y el IV de Imágenes y símbolos (1955), que reedita el primitivo artículo del número 2 de Zalmoxis que tanto le había interesado a Ernst Jünger. Sin embargo, en  Le Voile d’Isis (Octubre de 1931) hay un artículo sobre Shet con una referencia a Behemot -en plural- del Libro de Job, como una designación general para todos los grandes cuadrúpedos, lo que es ampliado en el número de agosto-septiembre de 1938 en Études Traditionnelle en una colaboración sobre “Los misterios de la letra nun” (ambos artículos están recogidos más tarde por Michel Valsan –otro rumano- en Símbolos fundamentales de la ciencia sagrada) en donde Guénon se refiere al aspecto benéfico y maléfico de la ballena, con su doble significado de muerte y resurrección, y su vinculación con el Leviatán hebreo y Behemot, como “los hijos de la ballena”. Este trabajo está dentro de la línea de símbolos desarrollados por C. Schmitt en Tierra y mar –Behemot, Leviatán, Grifo- y puede haber sido conocido por el autor alemán.

Mircea Eliade, sin embargo, en su fecunda y subsiguiente producción hace silencio sobre Guénon. Recién en escritos de la década del setenta, el artículo que hemos citado antes sobre la “Theosophia oculta” se refiere a él con elogios y en Ocultismo, brujería y modas culturales, publicado por la Universidad de Chicago en la segunda mitad de los 70, le dedica dos referencias elogiosas a su postura intransigente y bien fundada frente al ocultismo acrítico y optimista de la segunda mitad del siglo XX y algo más de tres páginas para presentarlo como el renovador del esoterismo contemporáneo. Por otra parte, su interpretación de la doctrina cíclica del autor como pesimista y catastrófica en esas páginas demuestra no haber comprendido la concepción guenoniana de los ciclos cósmicos fundada en el Vedânta no dualista de Shankara que incluye ciclos internos espiralados contenidos en el ciclo mayor de un kalpa o “día de Brahman”, con sus manvantaras y yugas, identificando esta visión hindú con la mítico-greca de los pueblos arcaicos, una ligereza de interpretación que el mismo Guénon le había reprochado en la reseña que le dedicó al Mito del eterno retorno. Los silencios y lagunas de comprensión de Eliade sobre R. Guénon, al que reconocía como maestro y orientador en su juventud son sospechosos y el haberlo acantonado a ser “el representante más prominente del esoterismo moderno” sin rastros de su influencia docente sobre él mismo, tal vez despunte una solución en la opinión enseguida proferida en el escrito al que nos estamos refiriendo: «Durante su vida Guénon fue más bien un autor impopular. Tuvo admiradores fanáticos, pero muy pocos. Sólo después de su muerte, y en especial en los diez o doce años últimos, sus libros fueron reeditados y traducidos, difundiendo ampliamente sus ideas» (p. 107).

Casi contemporáneamente en los diálogos sostenidos con Claude-Henri Rocquet y que se han publicado en español bajo el título de La prueba del laberinto (1980) respondiendo a una pregunta del entrevistador, torna a hacer Eliade declaraciones sobre Guénon, pero en este caso resultan incluso más desconcertantes para el lector, por ser contradictorias con lo que hasta ahora se ha podido demostrar. Porque afirma primero el estudioso rumano: «Leí a René Guénon muy tarde y algunos de sus libros me han interesado mucho, concretamente L’Homme et son devenir selon le Vedanta, que me ha parecido bellísimo, inteligente y profundo». A continuación vienen expresadas algunas reservas del autor acerca de lo que no le agrada del escritor francés: su lado exageradamente polémico, un cierto tic de superioridad y un balance de repulsa de toda la cultura occidental -incluida la universitaria- y el respaldo persistente en un concepto complejo y carente de univocidad como es el que pretende sostener sobre la tradición. Este último análisis es bastante discutible, porque Eliade no demuestra poder facilitar un concepto rigurosamente diáfano de tradición, pero sobre todo, creemos que hay que llamar la atención sobre la aclaración de que «leyó a René Guénon muy tarde», puesto que los datos recopilados de su historia de juventud confirman lo contrario. Parece ser que el libro que era el estandarte de la cruzada en la que participaba con otros jóvenes intelectuales en los años treinta en Bucarest, La crisis del mundo moderno, era un obstáculo difícil de salvar para un exitoso profesor que se movía con facilidad en el ambiente universitario estadounidense.

Conclusiones sobre René Guénon y su influencia sobre Eliade y Schmitt.

La atmósfera cultural de la posguerra en París en la que un estudioso rumano de las religiones próximo a los cuarenta años o ya entrados en ellos, hubo de abrirse camino en la Sorbona y los círculos de investigación que la rodeaban, debieron gravitar pesadamente sobre el refugiado político Mircea Eliade. Se sabe de los problemas que tuvo Guénon para que le fuera admitida como tesis universitaria la Introducción general a las doctrinas hindúes, la que finalmente le fue rechazada, y su reacción de abandono del medio universitario. Si el refugiado Eliade, no obstante el apoyo que le prodigaron especialistas franceses como H.Ch. Puech, G. Dumézil, M. Masson-Oursel, L. Renou y otros, tuvo muy serias dificultades para insertarse en el entorno universitario parisino e incluso que en ciertos momentos las dificultades provinieron de la presión política con que lo asediaba el aparato de la inteligencia policial de su país de origen, el silenciar los contactos doctrinales con Guénon cuando era integrante de la Guardia de Hierro durante parte de los años 30 y los primeros del cuarenta, miembro activo de sus avatares políticos y publicaba en sus órganos de prensa y, además, la previsión de no irritar a sus benefactores parisinos inmediatos rompiendo “la conspiración del silencio” que pesaba sobre Guénon en los grupos universitarios oficiales franceses, era cuestión de vida o muerte en aquella etapa para la existencia académica y de investigación del notable universitario que llegó a ser el exiliado rumano. Posteriormente insertado sólidamente en el contexto de la vida universitaria de occidente, el prejuicio lo persiguió como un fantasma. En el fondo, del entramado teórico de sus trabajos quedaba, sin embargo, la influencia teórica subyacente con la que gracias al estímulo doctrinal de Guénon organizó sus aspiraciones de transcendencia al definir la naturaleza religiosa, simbólica y mítica del hombre arcaico y de su desarrollo cósmico.

El caso de Carl Schmitt, sin embargo, fue diverso y transparente, puesto que cuando  tiene casi concluido Tierra y mar y está obsesionado por su contenido y recibe a un joven funcionario de Embajada rumano -el que había llevado un mensaje privado a Antunesco, el hombre fuerte del régimen militar de Bucarest del par portugués Salazar-, tiene 54 años. Alemania está en plena guerra europea y el jurista prestigioso se encuentra enfrentado con parte del entorno nacionalsocialista. Las lecturas que había realizado de Guénon estimulaban sus creencias católicas firmes y le permitían utilizar el simbolismo para la interpretación transcendente y velada de los acontecimientos histórico-políticos. Ningún riesgo de fondo corría, al contrario, con este tipo de incursiones culturales profundas, según su mejor inclinación, le era posible ampliar su figura de gran jurista del derecho internacional y afirmarse como filósofo e intérprete político-jurídico del difícil momento del proceso bélico alemán.

El tiempo transcurrido desde entonces hasta hoy parece darnos la razón. Y al ver confluir las tres poderosas personalidades sobre un mismo tema, el de la interpretación de los fenómenos visibles y próximos de la religión, la política y la historia, permite dar asimismo una pincelada de profundidad a lo que hoy día se está mostrando incontrolable y difícil de silenciar en la esfera de la política práctica y de la teoría política: que no es posible pensar en los hechos actuales si no nos liberamos de ellos elevándonos al plano de la metapolítica, bien sea desde la teología o desde la metafísica. La teología política de Jacobo Taubes y de Jian Assmann así lo están reclamando en los centros de estudio internacionales, pero las dos figuras que hemos tratado inspiradas por René Guénon, confirman que  la necesidad de implantar el llamado “modelo dualista”, que no es ni simplemente teocrático ni representativo individualista, ofrece matices y recursos para que el ciudadano de los comienzos del siglo XXI se ponga a pensar seriamente que la marcha de los pueblos y sus ordenamientos políticos, jurídicos y económicos son inseparables de algún modo de trascendencia sagrada y tradicional.

Bibliografía

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Fuente: Centro de Estudios Evoliano

vendredi, 12 avril 2013

LA CONSTRUCCION DE LA PERSONA Y LA CRISIS SOCIAL

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LA CONSTRUCCION DE LA PERSONA Y LA CRISIS SOCIAL
 
Por Antonio Medrano
 
 
Vivimos la crisis más grave que haya conocido la Humanidad. Son los tiempos oscuros del Kali-Yuga, la era tenebrosa que cierra todo un ciclo histórico y cósmico. Estamos ante una sociedad enferma, afectada por una incurable dolencia que se encuentra ya en su fase terminal.  
 
El mundo, y en especial el mundo occidental, se halla hoy sumido en un proceso de hundimiento y decadencia que viene caracterizado por los siguientes rasgos: caos y desorden, anarquía (sobre todo en las mentes y las conciencias), desmadre total, confusión y desorientación, inmoralidad y corrupción, desintegración y disgregación, descomposición, inestabilidad y desequilibrio (en todos los órdenes: tanto a nivel social como en la vida psicológica individual), ignorancia, ceguera espiritual, materialización y degradación de la vida, descenso del nivel intelectual y eclipse de la inteligencia, estupidez e idiotización generalizadas, demencia colectiva, ascenso de la vulgaridad y la banalidad. Por doquier se observa un fenómeno sísmico de ruina, destrucción, socavación y subversión, en el cual queda arrumbado y corroído todo aquello que da nobleza y dignidad al ser humano, todo cuanto hace la vida digna de ser vivida, mientras irrumpen fuerzas abisales que se recrean y complacen en esa oleada destructiva, amenazándonos con las peores catástrofes que haya podido imaginar la mente humana.
 
La crisis no es sólo económica, política o social, aunque esto sea lo más evidente a primera vista, lo que más llama la atención y de lo que se habla a todas horas en la prensa, en los telediarios y en las tertulias. La grave crisis que padecemos tiene raíces mucho más profundas de lo que solemos pensar. Es ante todo una crisis espiritual, una crisis humana, con hondas consecuencias intelectuales y morales. Es una crisis del hombre, que se halla desintegrado, angustiado, aplastado, hastiado, cansado de vivir, sin saber adónde ir ni qué hacer.
 
Es, por otra parte, una crisis que afecta a la existencia en su totalidad, incluso a la existencia natural y cósmica (como lo demuestra la crisis ecológica y la destrucción de la Naturaleza y el medio ambiente). No hay ningún aspecto o dimensión de la vida que escape a esta terrible crisis, a esta ola destructiva y demoledora de todo lo valioso. Todo se ve afectado por el desorden y el caos: la cultura, el arte, la filosofía, la medicina, la enseñanza, la religión, la familia, la misma vida íntima de los seres humanos.
 
Se pueden distinguir tres aspectos en este proceso de crisis total y ruina generalizada:
 
1)   Ruina y destrucción de la Cultura 
2)   Ruina y destrucción de la Comunidad
3)   Ruina y destrucción de la Persona 
 
Podríamos decir, pues, que nos hallamos ante tres dimensiones de la crisis: una crisis cultural, una crisis social y una crisis personal. Tres formas o dimensiones de la crisis que repercuten de lleno en todos y cada uno de nosotros.
 
Son éstas tres formas de ruina y destrucción que se hallan íntimamente entrelazadas, no pudiendo analizarse ni solucionarse por separado. No se puede entender ninguna de ellas si no se consideran las otras dos. No se podrá dar respuesta a ninguno de tales procesos de ruina y demolición ni solucionar el mal que conlleva cada uno de ellos si se prescinde de los dos que lo acompañan.
 
Se trata de tres destrucciones que no son sino tres facetas de una misma y única destrucción: la destrucción de lo espiritual, la destrucción de lo humano. Es el resultado, en suma, de la persistente labor de zapa llevada a cabo por lo que los alemanes llaman der Ungeist, “el anti-espíritu”, “in-espíritu” o “des-espíritu”, esto es, la tendencia hostil a lo espiritual y trascendente, la negatividad operante, corrosiva y subversiva. La potencia más dañina y nefasta que podamos concebir, cuya acción se traduce en un socavamiento de toda espiritualidad y una total desespiritualización de la vida.
 
 
1) Ruina de la Cultura
 
La Cultura, que es todo aquello que eleva y ennoblece la vida del hombre (religión, filosofía, arte, música, poesía y literatura, ética y modales), se ve hoy día aplastada por la Civilización, entendida como el conjunto de las técnicas, los medios y los recursos que permiten a la Humanidad sobrevivir, defenderse de los peligros que la amenazan y mejorar su nivel de vida material (economía, organización política, ejército, burocracia, industria, transportes, medios de comunicación, hospitales, etc.).
 
La Civilización, que debe estar siempre al servicio de la Cultura, se ha erigido en dueña y señora, convirtiéndose en dominadora absoluta y poniendo a la Cultura a su servicio. Los factores, recursos y criterios civilizatorios, que van ligados a lo material, se han impuesto de modo omnímodo sobre los culturales y espirituales. 
 
Se ha alterado así el orden y la jerarquía normal, con las funestas consecuencias que semejante desorden acarrea. La consecuencia más inmediata es la decadencia y ruina total de la vida cultural, que está en peligro de desaparecer por completo en Occidente ante la asfixiante presión del elemento civilizatorio. La Cultura se ve hoy obligada a mendigar como una pobre cenicienta despreciada y a pedir que le perdonen la vida, no quedándole otro remedio que refugiarse en las catacumbas.
 
En nuestros días la Cultura se halla amenazada por el avance de tres deplorables fenómenos hoy muy en boga, en alza y auge crecientes: la incultura (la ignorancia pura y simple, la falta de formación y el embrutecimiento desidioso), la subcultura (en la cual la vida cultural queda degradada al nivel de simple diversión, entretenimiento y espectáculo) y, lo que es más peligroso y nefasto de todo, la anticultura (esto es, la antítesis radical de la Cultura, al someter la actividad cultural a los criterios de un individualismo y un relativismo despiadados, con la consiguiente labor corrosiva, demoledora y desconstructora).
 
La anticultura, que va ligada a la expansión del nihilismo, se orienta frontalmente contra la Cultura, busca suplantar la genuina creación cultural por la producción de engendros ininteligibles y sin valor alguno, cuyo único impulso parece ser el afán de originalidad y el propósito rompedor. La creación cultural pasa a ser concebida como un activismo caótico y arbitrario que no debe ajustarse a normas de ningún tipo, que no debe ponerse metas de calidad y excelencia ni tiene por qué realizar ningún servicio a la comunidad y a los seres humanos. Así surge todo ese páramo demencial del “arte contemporáneo” que es en realidad antiarte, de la “poesía abstracta” que es en realidad antipoesía y de la “música de vanguardia” que es en realidad antimúsica. Igualmente nos encontramos con antiarquitectura, una antifilosofía, una antieducación, una antimoral o antiética.
 
Con ello se rompen todos los moldes de lo que durante milenios se había entendido por “cultura”. Y así vemos cómo se va haciendo imposible el surgir de una cultura auténtica, mientras son adulterados de manera desconsiderada e irrespetuosa los bienes culturales recibidos del pasado Véase, como ejemplo, las representaciones grotescas, ridículas y estrafalarias, de obras clásicas de teatro y óperas de grandes compositores, con el pretexto de actualizarlas y modernizarlas; o también la pretensión de expurgar o corregir antiguas obras literarias y filosóficas, como la Divina Comedia de Dante, para ajustarlas a lo políticamente correcto.
 
Toda esta oleada anticultural no hace sino poner de relieve la alarmante crisis de valores que sufre el mundo actual. Una crisis de valores que se va agravando a medida que avanzan la incultura, la subcultura y la anticultura, con la irresponsable colaboración activa de intelectuales, artistas, museos, prensa y órganos de comunicación, gobiernos y promotores seudo-culturales, que con sus apoyos y subvenciones a la bazofia anticultural, y poniendo al servicio de la misma, para promocionarla e imponerla, todo su aparato propagandístico, están promoviendo en realidad la destrucción o desconstrucción de la Cultura.
 
La Cultura es un cosmos de valores. Toda cultura normal y auténtica está basada en los valores supremos de la Verdad, el Bien (o la Bondad) y la Belleza (que lleva asociada, como una derivación lógica y natural, la Justicia). La actividad cultural no tiene otro sentido ni otra misión que servir de cauce para la realización de tales valores, procurando ponerlos al alcance de los seres humanos para así elevar, dignificar y ennoblecer sus vidas.
 
La Cultura está al servicio de la Humanidad. Toda creación cultural ha de estar inspirada por un hondo sentido de servicio, ha de ser consciente de sus deberes, tanto hacia los principios y normas que deben guiarla como hacia los seres humanos a los que debe servir. Cuando un organismo social está sano y tiene una cultura vigorosa y saludable, va buscando la defensa y realización de lo verdadero, lo bueno, lo bello y lo justo. Y ello, como el mejor servicio que se pueda hacer a la persona humana, para contribuir a su realización integral.
 
En el proceso de ruina y decadencia que vivimos en el presente estas verdades elementales se han olvidado por completo, o mejor dicho, se ha decidido relegarlas al trastero de las antiguallas y las cosas inservibles. La Cultura ha dejado de cumplir con su deber y su misión. La seudo-cultura imperante piensa que no tiene deber alguno que cumplir, que no tiene por qué servir a nada ni a nadie y, por supuesto, que no hay principio ni norma alguna a la que tenga que someterse. Para los individuos que encarnan y representan la anticultura actual sólo hay derechos: el derecho a expresarse, el derecho a hacer lo que les dé la gana, el derecho a producir cualquier cosa que se les ocurra (por muy dañina, ofensiva o repugnante que pueda ser), el derecho a pisotear todas las normas, todos los principios y todos los valores.  
 
El resultado está a la vista de todos. Puesto que las Cultura es un orden de valores, la ruina y desmoronamiento de la Cultura tiene por fuerza que traducirse en una ruina y desmoronamiento de los valores. Así vemos cómo en la civilización actual va quedando totalmente trastocada, e incluso invertida, la escala normal de los valores. Los verdaderos valores (la nobleza, la fidelidad, la lealtad, el heroísmo, el honor, el sentido del deber y la responsabilidad, la honradez, el decoro, la valentía, etc.), que hacen que la vida adquiera sentido y permiten que los seres humanos vivan una vida libre y feliz, se ven sustituidos por los antivalores o contravalores. La Verdad, el Bien, la Belleza y la Justicia ceden quedan desplazados y arrinconados por la mentira, el mal (y la maldad), la fealdad y la injusticia.
 
 
2) Ruina de la Comunidad
 
El triunfo de la Civilización sobre la Cultura, el ilegítimo predominio de los elementos civilizatorios sobre los culturales y espirituales, lleva consigo la implantación de determinadas formas de vida y articulación social que, por distanciarse del orden normativo y romper los equilibrios naturales, resultan fuertemente lesivas para el normal desarrollo de la vida humana.
La vida decae o desciende desde la plenitud de lo comunitario hasta la existencia problemática y conflictiva de lo societario. 
 
La Comunidad, que es la forma sana y normal de articulación social   --con una estructura orgánica y jerárquica, basada en realidades naturales, unida por lazos afectivos y sólidos vínculos, asentada en firmes principios y valores espirituales--, ha quedado hoy día completamente destruida por los efectos disolventes del individualismo, el racionalismo y el materialismo, así como por las tendencias igualitarias y niveladoras que se han ido imponiendo en la sociedad occidental. Ese conjunto de tendencias, corrientes y fenómenos típicos de la era moderna han acabado demoliendo el armazón intelectual, ideal y moral sobre el que se asienta la vida comunitaria.
 
Como un proceso paralelo al que ha ocasionado el desmoronamiento de la Cultura y su aplastamiento por la Civilización técnica y material, la Comunidad ha ido retrocediendo y dejando el puesto a la Sociedad, entendida como mero conglomerado de intereses, carente de los lazos vivos que caracterizan a la vida comunitaria. Es la sociedad anónima, típica expresión civilizatoria: la sociedad desprincipiada, con estructura inorgánica, basada en abstracciones y unida por relaciones contractuales, tan frágiles como efímeras, cuando no por la fuerza y la coerción de un poder político dotado de un eficaz aparato burocrático y represivo. 
 
El sistema societario tiende a socavar las realidades naturales en las que se apoya la vida humana para reemplazarlas por esquemas de inspiración racionalista, con lo cual la vida social queda empobrecida, desnaturalizada, confusa y seriamente tocada. Bajo este sistema el funcionamiento de la sociedad se halla completamente regido por construcciones, ideas y teorías abstractas, en extremo artificiosas, carentes de base real y natural, como el dinero, los bancos, la economía financiera, la Bolsa de valores, los partidos políticos y las formulaciones ideológicas. Todo queda supeditado y sacrificado a los impulsos, las decisiones y las directrices que emanan de semejante estructura hecha de abstracciones. 
 
No es de extrañar que en el mundo actual, bajo la presión de las tendencias civilizatoria y societaria, las formas comunitarias vayan desapareciendo
o atraviesen una grave crisis que las hace verse seriamente amenazadas. Todas ellas experimentan el mismo retroceso, el mismo proceso desintegrador, que parece anunciar su definitiva extinción: desde la familia a la empresa, desde la región a la comunidad nacional, desde la amistad (las relaciones amistosas) a las órdenes religiosas y las comunidades monásticas. Los esquemas societarios se van imponiendo de forma arrolladora en todas partes. 
 
En la Comunidad priman los deberes sobre los derechos. Las personas que la integran (que no son meros individuos ni actúan como tales) dan más importancia a sus deberes que a sus derechos. Saben que los deberes que tienen hacia los demás y hacia la Comunidad en cuanto tal es lo que les permite realizarse como personas. En una civilización individualista, que pone un énfasis excesivo o casi exclusivo en los derechos, los deberes pasan a un segundo plano, si es que no desaparecen por completo. Hoy se habla incluso de “una sociedad sin deber”, considerando tal aberración como una gran conquista social e histórica, la cima de la evolución progresista de la Humanidad.
 
Si la Comunidad afirma, fomenta y cultiva todo lo que es calidad y cualidad, es decir, los elementos cualitativos de la existencia, que son aquellos que van ligados a los más altos valores, a lo esencial, espiritual y principial (los principios rectores, inspiradores y orientadores de la vida), la Sociedad da primacía absoluta a la cantidad, a los factores cuantitativos, lo puramente material, lo que se puede medir y pesar, comprar y vender. El mundo societario es el imperio de la cantidad: lo cuantitativo se impone por doquier. De ahí que en su seno adquiera un especial relieve y protagonismo todo lo relacionado con la economía, con la actividad mercantil y productiva (con su contrapartida consumidora o consumista). Lo que manda es el número, la masa, la decisión de las mayorías, la producción masiva, las grandes cifras y los datos estadísticos.
 
Si la Comunidad significa unidad, armonía, concordia y cordialidad, la Sociedad genera desunión, división, desarmonía, enfrentamiento y discordia. La Comunidad, al insertarse en el orden natural, al estar animada por el amor, al respetar las leyes de la vida y cultivar los factores cualitativos de la existencia, favorece la unión y la integración de los seres humanos. En la fase societaria, por el contrario, se acentúan las tendencias disgregadoras y desintegradoras, se multiplican los conflictos y las tensiones: lucha de clases, enfrentamiento entre partidos y sectas, pugna entre sexos, hostilidad entre generaciones, conflictos raciales y étnicos. Se exalta la agresividad y la competitividad por encima de todo, se proclama la lucha contra la religión llegando incluso a la persecución religiosa. Los choques violentos y las acciones perturbadoras (huelgas, manifestaciones, motines, altercados callejeros, atentados, actos vandálicos, amenazas y agresiones) están a la orden del día.
 
Al distanciarse del orden natural, el sistema societario introduce fuertes desequilibrios que afectan tanto a la vida colectiva como a la vida íntima de los individuos. Al descuidarse o abandonarse el cultivo de los valores, que únicamente es posible en una auténtica Comunidad y en una verdadera Cultura, la vida social se ve desgarrada por una brutal efervescencia de toda clase de partidismos y sectarismos, de particularismos y separatismos. La existencia de los grupos sociales experimenta agudas conmociones anímicas, hábilmente atizadas por los demagogos y agitadores que proliferan en el clima societario. No hay nada en este clima inhóspito y enrarecido que permanezca estable, sereno, aquietado y en paz.
 
Únicamente en el sistema societario podría tener lugar el auge de fenómenos como el colectivismo, el capitalismo, el nacionalismo, el politicismo y el totalitarismo. Así, en el campo económico, que tanta importancia adquiere en dicho sistemas, la ruina de la Comunidad acarrea el despotismo del Capital, como mero instrumento de poder material, el cual por la propia lógica de las cosas, como visceral enemigo de la verdadera propiedad, acaba asfixiando y desplazando a la propiedad personal y comunitaria (comunal, gremial, etc.), lo que no hace sino contribuir a proletarizar amplias capas de la población. Algo semejante ocurre con la invasión de la política, que pretende afirmarse como valor supremo en la jerarquía de valores y que, por las tendencias centralistas y absorbentes del sistema societario, se enseñorea de todos los ámbitos de la existencia.
 
Al quedar privado del clima comunitario, que es el suelo natural sobre el que crece y se desarrolla la vida personal, pues ofrece orientación, apoyo, cobijo y protección, los seres humanos se encuentran desvalidos, alienados, anulados, extraviados, desconcertados, aislados y desorientados. Y como consecuencia, acaban siendo víctimas de fuerzas irracionales, negativas y caóticas, que el sistema societario no logra dirigir, frenar ni controlar, y, peor aún, ni siquiera acierta a entender. Y por supuesto, quedan a merced de los poderes fácticos que gobiernan y dominan la vida social, siendo manipulados y esclavizados mientras sus oídos son acariciados con bellos lemas sobre la libertad y los derechos humanos de que gozan gracias al sistema bajo el que viven.
 
En la dura jungla humana que es la atmósfera societaria nos vemos cada vez más sometidos a la tiranía de fuerzas, instancias, influencias y potencias anónimas que son radicalmente hostiles a la realidad humana y personal, y sobre las cuales no tenemos ni podemos tener ninguna influencia: la masa, las máquinas y los mecanismos, el dinero, la finanza internacional, los mercados, las ideologías, la propaganda y los medios de adoctrinamiento masivo, los poderes supra-nacionales, la tecnocracia, los potentes resortes de una opresiva estructura civilizatoria, la religión laica mundialista y la dictadura del pensamiento único (con su correspondiente aparato inquisitorial, su cohorte de intelectuales “orgánicos” y su eficacísima policía del pensamiento), la maquinaria burocrática y partitocrática; y, finalmente, como colofón y resumen de tan amplia panoplia, un sistema político-ideológico que trata de invadir y controlar todo.
 
Este anormal desarrollo, este ambiente inhumano, da lugar a toda clase de enfermedades psicosomáticas, así como al gran problema de las adicciones, que no hacen sino esclavizar más aún a los individuos. La ruina de la Comunidad y la imposición de los fríos esquemas societarios han hecho surgir asimismo esa especie de dolencia social que es la soledad, verdadero flagelo de la moderna civilización individualista. Basta leer el interesante libro de David Riesmans “La muchedumbre solitaria” (The lonely crowd), que contiene una lúcida y aterradora descripción de la sociedad norteamericana
  
3) Ruina de la Persona 
 
El ser humano no puede desarrollarse plenamente como persona sin la Cultura y sin la Comunidad. Necesita de ambas para gozar de una vida plena, sana, noble y digna, libre y feliz. He aquí tres conceptos que van inseparablemente unidos: Persona, Comunidad y Cultura. De la misma forma que se hallan ligados entre sí los tres conceptos antagónicos: Individuo, Sociedad (sociedad anónima o fenómeno societario) y Civilización (fenómeno o sistema civilizatorio).
 
Sin el apoyo, la protección y la savia nutricia que le brindan Cultura y la Comunidad resulta sumamente difícil que pueda darse la vida personal, lo que es tanto como decir la vida auténticamente humana. Quedando huérfano de esas dos fuerzas maternales y formativas, el ser humano está condenado a vivir encerrado en el mundo oprimente y problemático de la individualidad. Pero esta es la situación con la que nos encontramos en el actual clima societario y civilizatorio.  
 
En la civilización materialista, anticomunitaria y anticultural, en la que vivimos nos encontramos con una auténtica ofensiva antipersonal: un ataque despiadado a todo lo que suponga vida personal, intimidad e interioridad, propia identidad, personalidad, carácter, autonomía y poder de decisión de la persona, ley y vocación propias (svadharma), dignidad y libertad interior del ser humano, relaciones interpersonales. La persona y el mundo de lo personal aparecen como el enemigo a abatir. Un obstáculo para la consolidación de lo que Hilaire Belloc llamaba “el Estado servil”; o sea, un escollo insalvable para la instauración de un régimen de general expropiación, de servidumbre y esclavitud.
 
Avanzan y se imponen de modo tan implacable como imparable los procesos de despersonalización, masificación y gregarismo, proletarización (que se ve acentuada por la destrucción de la clase media que está ocasionando la actual crisis económica), deshumanización de la formas de vida y de las relaciones sociales, asfixia e incluso desaparición de la vida íntima, cosificación o reificación de los seres humanos, banalización y anulación de las personas, que quedan convertidas en máquinas, en simples números o entes atomizados. Todo ello estrechamente ligado a la degradación de la Cultura y al avance de los procesos civilizatorios y societarios de los que antes hemos hablado. 
 
El mundo actual es un campo minado para lo personal y espiritual, sembrado de infinidad de auténticas minas antipersona (algunas manifiestas y bien visibles, otras muchas ocultas y no fáciles de detectar o localizar). Al sistema societario y a los poderes que lo controlan les interesan individuos sin personalidad, débiles de carácter, sin convicciones y sin vocación, sin una clara conciencia de la propia identidad y con una vida personal inconsistente, estúpidos, abúlicos y desmemoriados, pues son los que más fácilmente pueden ser manipulados y sometidos. 
 
En lugar de la Persona, que es el ser humano guiado por unos firmes principios, comprometido en la conquista de valores y la realización de una misión vital, movido por una profunda vocación, con una actitud responsable y un alto sentido de servicio, se impone el individuo, el ser humano como entidad numérica, átomo social, un simple miembro del rebaño o de la horda, sin normas ni principios, desarraigado y sin vínculos, guiado por simples consideraciones egoístas o egocéntricas: hace lo que le da la gana, no tiene en cuenta más que su propia opinión y sus propios intereses.
 
Como apunta Denis de Rougemont, el individuo, que el Liberalismo ha erigido en ídolo, es “el hombre aislado, un hombre sin destino, un hombre sin vocación ni razón de ser, un hombre al cual el mundo no exige nada”. Y en la misma línea se expresa Emmanuel Mounier, para quien el individuo está en los antípodas de la Persona; pues “individualidad” significa   dispersión y avaricia, afán de poseer y acumular, evasión y cerrazón, “multiplicidad desordenada e impersonal”. El individuo, por lo que a mi propio ser se refiere --añade Mounier--, es “la disolución de mi Persona en la materia”: objetos, fuerzas, actividades, influencias entre las que me muevo. Lo individual no es más que “una fragmentación de lo anónimo”.
 
La Comunidad va inseparablemente unida a la Persona, a la idea de Personalidad, entendida como el más alto ser y la esencia misma del sujeto humano. Personalidad y Comunidad son los dos polos en torno a los cuales se articula la vida humana cuando está en plena forma, cuando goza de salud y se halla en un estado de normalidad. La Sociedad, en cambio, tiene como contrapartida al individuo, en cuanto sujeto indiferenciado y anónimo, con una existencia pre-personal o sub-personal, cuya actividad vital tiende incluso a orientarse contra la vida personal y contra todo aquello que la hace posible. Mundo individual y mundo societario, individualidad y sociedad, se exigen recíprocamente, de la misma forma que se exigen y complementan entre sí Personalidad y Comunidad.   
 
Esto es lo que nos encontramos en el mundo actual, la ley suprema que lo rige y que inspira la mentalidad del hombre de nuestros días. Es el imperio del individualismo, que lo corroe todo al proclamar que no hay nada por encima de la razón y la voluntad individuales, y que el valor supremo son los sacrosantos derechos del individuo (reales o ficticios), la libertad individual (que cada cual pueda hacer lo que se le antoje) y el libre juego de los intereses individuales.
 
Ni que decir tiene que el colectivismo, en sus más diversas formas (ya sea socialista, comunista, anarquista, feminista, ecologista, nacionalista, racista o de cualquier otro tipo) no es sino una derivación de semejante tendencia individualista, pues en su centro se halla siempre la divinización del individuo, aun cuando se trate del macro-individuo colectivo. Este radical y corrosivo individualismo, sea cual sea la modalidad que presente, es el que está llevando al abismo a Europa y al Occidente.      
 
 
4) Construcción de la Persona 
 
Cualquier intento de superar la decadencia actual y dar respuesta a la terrible crisis que sufrimos ha de iniciarse en el ámbito de la vida personal.
Aquí está la clave de todo. La construcción o regeneración de la Comunidad y de la Cultura debe empezar por la construcción del hombre, la edificación de la Persona. No será posible avanzar en la empresa regeneradora o revolucionaria constructiva y positiva mientras no se hay emprendido esta labor, ardua y exigente, pero al mismo apasionante, la más fascinante que pueda imaginarse.
 
La superación del actual desorden requiere, como primer paso, como condición imprescindible y sine qua non, la superación del desorden interno (e incluso externo) que cada cual porta en su propio vivir personal (que más bien es anti-personal o des-personal, pues resulta gravemente despersonalizante). Lo prioritario es la edificación y renovación de nuestra propia persona, la formación y articulación de nuestro propio mundo personal. Una tarea que hay que tomarse muy en serio y que nos incumbe a todos sin excepción. En este sentido, constituye un imperativo de la mayor altura y relevancia el formarse, el cultivarse, el darse una buena y sólida cultura, el trabajarse de forma metódica y con una estricta disciplina.
 
Cobra aquí una importancia capital la Cultura como camino para la forja de la persona, como vía para la formación de un ser humano integral, como conjunto de medios que permite formar hombres y mujeres íntegros, cabales, dueños de sí mismos, capaces de afrontar su vida y su destino con dignidad, libertad y nobleza. Capaces asimismo de forjar un mundo mejor, por su sentido del deber, del honor y de la responsabilidad.
 
Pero la Cultura únicamente puede ejercer de forma plena y eficaz esa función formadora o edificadora de la Persona cuando es concebida de manera integral, holística y completa, como un todo que abarca al ser humano en su totalidad, en cuanto ser compuesto de cuerpo, alma y espíritu. No se puede desconocer ninguna de estas tres dimensiones del ser humano si queremos lograr nuestro pleno desarrollo personal, consiguiendo la unidad y la armonía en nuestra propia vida. La Cultura nos ayudará a dar unidad a esas dimensiones que conforman nuestro ser.
 
El trabajarnos y cultivarnos debería ser nuestra primera preocupación, pues ahí están los cimientos sobre los que luego construir un proyecto serio, digno de ser tenido en cuenta y que pueda verse coronado por el éxito.
 
Para poder arreglar los problemas de la sociedad, primero tendremos que haber arreglado nuestros propios problemas personales. Para hacer algo digno y valioso hay que empezar por poner orden en el propio caos y desequilibrio personal, superar la propia incultura y poner fin a la anarquía mental, intelectual y anímica (temperamental, emotiva, sentimental, instintiva) en que solemos estar instalados, generalmente con una considerable dosis de satisfacción y autocomplacencia (encantados de habernos conocido y creyéndonos superiores a los demás, considerándonos poco menos que la élite del futuro).
 
¿Qué vamos a poder construir, realizar o conquistar en el plano político o social si somos unos ignorantes, si tenemos graves problemas psicológicos, si padecemos una total falta de madurez y de solidez interna? ¿Qué podremos dominar o liderar, si nos dominan nuestras emociones, si somos esclavos de nuestros estados de ánimo y de nuestras pulsiones más elementales? 
 
La falta de una adecuada formación, la carencia de esa formación integral a la que hemos aludido, es fuente de problemas de toda índole. Sobre todo de problemas y males que arrancan de la mente, que afectan al alma o psique individual, y que desgarran desde dentro al individuo, produciendo fatales secuelas que luego no pueden menos de proyectarse al entorno en el que uno se mueve. Aquí está el núcleo del problema con el que tantas veces nos topamos, la causa o raíz de tantos fracasos, de tantos abandonos, de tantas decepciones y de tantos conflictos.
 
Lo que falla siempre, en el fondo, es la persona, el individuo, el sujeto concreto. Y falla precisamente por no haberse hecho auténtica persona, por haber quedado en cuasi-persona, en persona fallida, en persona sin hacer o a medio hacer.
 
Quien adolece de falta de formación o cultivo personal, quien no se halla suficientemente formado o cultivado, no estará en modo alguno preparado para afrontar los difíciles retos que plantea un momento histórico sumamente crítico como este que actualmente atravesamos y, por ello, difícilmente podrá ser un elemento valioso en ninguna empresa de reconstrucción que requiera un especial empeño combativo. Una era tan problemática como esta del Kali-Yuga en que nos encontramos   --y además en su fase álgida, más destructiva--   nos somete a tremendas tensiones, nos expone a grandes peligros y tentaciones, y nos obliga por tanto a un mayor esfuerzo formativo.
 
Si hablamos, por ejemplo, de reconstruir la Comunidad, hay que partir de una verdad incontestable: la verdadera Comunidad empieza por uno mismo. Si queremos avanzar hacia el ideal de la realidad comunitaria, tendremos que comenzar por construir nuestra propia realidad personal. No será posible construir nada mientas nuestra propia vida íntima esté desintegrada, empobrecida, sin cultivar y sin formar, vacía de valores y de contenido. Como decía Emanuel Mounier, es “imposible llegar a la Comunidad esquivando a la Persona, asentar la Comunidad sobre otra cosa que personas sólidamente constituidas”. 
 
La Persona viene a ser una comunidad en pequeño, una micro-comunidad, de la misma forma que es un micro-cosmos. Debe estar articulada internamente como una auténtica comunidad: constituyendo un todo orgánico y jerárquico, guiado por sólidos principios y asentada en altos valores éticos, con unidad y armonía entre todas sus partes. Pero todo esto es inviable, completamente irrealizable, sin una paciente y profunda labor cultural, formativa y educadora (auto-educadora). Ya Platón nos enseñó que el hombre es un Estado, una República o una Polis, en escala reducida, que después ha de proyectar su propia constitución comunitaria personal al Todo que configura la comunidad política.
 
Si las cosas están hoy día muy mal, si discurren por cauces tan preocupantes y funestos, es en gran parte debido a nuestras propias deficiencias, a nuestros errores y defectos personales. Por nuestra incapacidad y nuestra deficiente cualificación, somos responsables de lo que está pasando y de lo que va a pasar. Si nuestra sociedad se desintegra, si España, Europa y el mundo llevan la marcha que llevan, es porque no hemos sabido maniobrar como es debido para contrarrestar tal evolución. Y si no hemos sabido hacerlo, si no hemos acertado a realizar la acción o actividad que serían necesarias, es porque nuestro estilo vital, nuestra manera de ser, de actuar y de comportarnos dejan mucho que desear.
 
Urge tomar conciencia de tal realidad y obrar en consecuencia, con el máximo rigor, con valentía y decisión. Hay que corregir todo cuanto tenga que ser corregido y aprender cuanto haya de ser aprendido. Hay que emprender la indispensable labor cultural, educativa y formativa si queremos tener un legítimo protagonismo en las vicisitudes de nuestra época, dar una respuesta adecuada a los problemas de la sociedad en que vivimos y cumplir con nuestro deber en el momento histórico presente.

mercredi, 10 avril 2013

Entrevista a Antonio Medrano

Entrevista a Antonio Medrano:

El sentido de la vida

Ex: http://culturatransversal.wordpress.com/ 

“Una vida sin sentido es inhumana, insufrible e insoportable. No es verdadera vida. El hombre necesita, antes que nada, encontrar el sentido de su vida y crear sentido en su vivir”

Antonio_Medrano_2.jpgAntonio Medrano es filósofo, escritor y miembro de la Asociación Libertad e Identidad. Ha escrito numerosos libros en los que ha tratado los temas más trascendentes de la vida humana, aquellos que la persona, en un momento u otro de su vida, debe enfrentar y responder. Desde “Magia y misterio del liderazgo” y “La vía de la acción” hasta “La lucha con el dragón” o “La senda del honor”, Antonio Medrano ha estudiado el hecho humano en todas sus facetas y ha intentado responder a las preguntas que se formula el hombre moderno a la luz, siempre presente en sus obras, de la sabiduría espiritual, tan necesaria hoy para nosotros como lo fuera para nuestros antepasados hace mil años. En la siguiente entrevista Medrano responde a algunas de esas preguntas. El lector comprobará la altura de sus respuestas pero también un tono eminentemente práctico, cálido y cercano que está presente asimismo en toda la obra del autor, a modo de luz orientadora en medio de la confusión de la hora presente.

Ante la grave crisis que actualmente atravesamos, ¿qué importancia tiene la vida, cuál es el puesto y el papel que a la vida humana le corresponde en esta difícil coyuntura?

La vida es nuestro más preciado tesoro, lo más importante que tenemos cada uno de nosotros. Mi vida, mi vida íntima y personal, es lo que más me debería importar. Que mi vida esté bien articulada y orientada es lo primero que debería preocuparme, y más en tiempos de crisis, de total confusión y desorientación como los que actualmente vivimos. Desgraciadamente, no solemos dar a nuestra vida la importancia que tiene, dejamos que vaya pasando un día tras otro sin pena ni gloria, la desperdiciamos de manera lamentable, sin preocuparnos de darle forma, de organizarla y construirla como es debido. No deberíamos olvidar nunca que nuestra vida será feliz o desgraciada según esté bien o mal enfocada, según pongamos o no interés en vertebrarla y construirla con inteligencia. Por eso, la vida es lo que ante todo hemos de defender, afirmar, afianzar y forjar. Todo –el arte, la cultura, la economía, la política, la ciencia, el saber y el conocimiento– debe estar al servicio de la vida.

sabactiva.jpgPero, ¿cómo podría definirse la vida? ¿Qué es lo que la hace tan atractiva y valiosa?

La vida, considerada tanto de forma general, en cuanto vida humana, como de forma particular, en cuanto vida mía, la vida de cada persona en concreto, encierra un profundo misterio. Un misterio en el que, de forma velada pero elocuente, se revela y manifiesta la Eternidad. Pero, además de un misterio, la vida es un don, un reto y una oportunidad que se nos ofrece. No hay nada más apasionante que responder de manera inteligente y responsable a ese don y a ese reto que tenemos ante nosotros. La vida es la realidad radical, como certeramente apuntara Ortega y Gasset. Es la realidad en la que acontece y se da o se tiene que dar todo aquello que para mí es decisivo: desde mi realización personal y mi vivencia de la felicidad hasta mi experiencia religiosa, con lo que ésta entraña de revelación de lo Divino y mi encuentro con

Dios. Y este valorar y estimar mi vida, en cuanto realidad radical de mi existencia y don de Dios, es lo que me abre a la vida del prójimo, para entenderla, abrazarla y amarla como se merece. Es lo que me permite comunicarme mejor con los demás seres humanos, ayudarles y cooperar con ellos en la construcción de un mundo mejor, como es mi deber y mi destino.

Entonces es indudable que hay un modo correcto de vivir. ¿Cómo debemos proceder para vivir en plenitud?

Sí, la vida es fundamentalmente empresa, proyecto, aventura. Como tal empresa o proyecto, exige dos cosas: 1. una idea rectora, un ideal a conquistar, una meta que alcanzar; 2. una dirección clara, un autodirigirse o autoliderarse. La vida tiene que estar bien dirigida para poder llegar a la meta y para que no descarríe, para que no se desvíe de su ruta. Todo ello exige voluntad, esfuerzo y trabajo: es fundamental esforzarse por hacer las cosas bien, trabajarse con tesón para mejorar, laborar con ahínco para elevar la propia vida. La vida hay que vivirla, y cada cual tiene que vivir la suya. Nadie puede vivir por otro. Y vivir la vida significa hacerla, construirla, irla formando sin cesar. Para lo cual no hay otro camino que formarnos y cultivarnos como personas. La vida es algo que hay que hacer. Es tarea a realizar, tarea que nunca acaba.

Sin embargo vemos que la mayoría de la gente no se preocupa lo más mínimo de hacer su vida, de formarse y cultivarse…

Claro, por eso malviven. Tienen una vida a medio hacer o, peor aún, deshecha y completamente sin hacer. Se abandonan a la inercia y siguen la ley del mínimo esfuerzo, con lo cual echan su vida a perder. Por eso, se puede decir que no viven realmente, sino que más bien son vividos. Dejan que sean otros quienes les hagan o deshagan la vida. Sus vidas quedan a merced de los poderes impersonales que dominan estos tiempos convulsos (la publicidad, la propaganda, el dinero y las fuerzas económicas, los medios de comunicación de masas, las modas, las ideologías, etc.). Pero todo eso se acaba pagando, y se paga con graves problemas y sufrimientos de toda índole. Ahí está la raíz de la angustia, de la ansiedad, de la zozobra existencial, de la insatisfacción íntima y de todas las dolencias psicosomáticas, que son el flagelo de nuestro tiempo.

En sus escritos aparece como un hilo conductor la trascendencia. ¿Podría explicar qué relación existe entre vida y trascendencia? ¿Puede la vida tener su justificación y encontrar su sentido en el bienestar material, el desarrollo económico y el progreso tecnológico?

honor.jpgEn la vida humana es elemento esencial la dimensión trascendente. Siendo el hombre un ser espiritual, para que su vida discurra de forma sana, libre y feliz, tiene que dar a su vivir una orientación vertical, que lo proyecte hacia lo alto y tenga siempre en cuenta cuenta su fin último. La verticalidad del Espíritu ha de afirmarse por encima de la horizontalidad terrena, material, anímica y biológica, imprimiendo a esta última orden, sentido, mesura y armonía. Para vivir con dignidad y plenitud, el ser humano tiene que dar prioridad a su vida interior, que es la que le constituye como persona. Allí donde la vida se quede en lo exterior, en lo superficial, en lo puramente material, olvidando la dimensión espiritual, perderá en calidad, altura, salud y autenticidad.

Entonces, para la vida sea importante tener principios y ponerla al servicio de algo más alto.

Por supuesto que sí. La vida ha de ser vivida de forma responsable como gran empresa realizadora de valores, al servicio de unos altos principios. Para desarrollarse con normalidad, la vida tiene que estar principiada, es decir, cimentada sobre sólidos principios y, en última instancia, enraizada en el Principio supremo que es el Alfa y Omega de la existencia, la Base y Origen de todos los principios. Una vida sin principios, sin norte y sin fundamento, no merece el nombre de “vida humana”. La vida ha de tener un eje vertebrador, un centro que le dé unidad y equilibrio. Y este centro y eje no puede ser otro que el Principio divino y eterno, Fuente y Raíz de toda vida.

Por otra parte, hay que tener siempre presente que la vida es un don que hemos recibido y del cual habremos de responder. Es un don que tenemos que hacer rendir y fructificar. No se nos ha dado para que lo malgastemos, lo desaprovechemos o lo manejemos a nuestro antojo. Todo don (Gabe) genera una tarea (Aufgabe), decía aquel gran filósofo y teólogo bávaro que fue Franz von Baader; es decir, como tal don implica un deber, una exigencia y una misión. Cada cual viene a la vida con una misión, y al cumplir esa misión es fiel a su destino, se perfecciona como ser humano, sirve al Orden universal y realiza la Voluntad divina.

Pero, pese a todo, el nihilismo que invade nuestras sociedades afirma que la vida es algo absurdo, que no tiene sentido, ¿qué respuesta merece tal postura?

Una vida sin sentido es inhumana, insufrible e insoportable. No es vividera. No es verdadera vida. El hombre necesita, antes que nada, encontrar el sentido de su vida y crear sentido en su vivir. El sinsentido o la falta de sentido es lo que más hace sufrir al hombre, pues la exigencia de sentido es una condición fundamental de su inteligencia y su ser espiritual. Lejos de ser ininteligible, la vida está llena de sentido, de significación y de valor. Todo lo que nos sucede encierra un significado, contiene un mensaje y una enseñanza. La vida está entretejida de amor y sabiduría. Pero para descubrir todo esto y dar así sentido a nuestra vida, tenemos que enraizarnos en Dios, el Ser que nos da el ser, el Todo que es todo Amor y Sabiduría, la  la Realidad suprema que sustenta toda realidad, el Sentido que da sentido a todo cuanto existe.

Entonces, ¿cuál es la postura ante la vida que puede considerarse como característica o dominante en el mundo actual?

lider97.jpgLa civilización actualmente imperante, individualista, activista y materialista, desprincipiada, carente de principios y valores firmes, des-sacralizadora y profanadora de la realidad, se define por una pronunciada orientación antivida y por un impulso antivital. Odio a la vida, desprecio de la vida, miedo ante la vida, cansancio de vivir, náusea vital: estos vienen a ser los rasgos que resumen el tono existencial de la actual sociedad de masas dominada por la idolatría de lo efímero y contingente. Hay una evasión o huida de la vida que es consecuencia de lo que Max Picard llamó “la huida del Centro”, esto es, la huida o el alejamiento de Dios.

El resultado es una vida desvitalizada, infirme y sin energía vital. Nos encontramos ante un mundo en el cual se va imponiendo la pulsión tanática, pudiendo hablarse de una auténtica tanatolatría, un culto a la muerte o una propensión hacia la mortandad: abortos, eutanasia, suicidios (incluso en grupo o por internet), asesinatos (ligados sobre todo a la violencia doméstica o sexual), drogas (con lo que suponen de autodestrucción), narcotráfico y crimen organizado, terrorismo, matanzas y genocidios. Son los síntomas de una grave enfermedad colectiva que amenaza con llevar Occidente a la ruina. La sociedad actual se halla dominada tanto por el miedo a la vida como por el miedo a la muerte. Se siente tal terror ante la muerte, terror ignorante, supersticioso y agorero, que se pretende alejarla, exorcizarla o suprimirla matando, asesinando, destruyendo vidas, destrozando, asfixiando y corrompiendo la vida por todos los medios.

Por último, la muerte, ese tema del que hoy día tan poco se habla, ha sido tratado profusamente por usted. Podría contestarnos a la siguiente pregunta: ¿Cabe establecer alguna relación entre vida y muerte a la hora de plantearse la tarea de construir la propia vida?

Sin duda. Una correcta visión de la vida tiene que tener muy en cuenta la idea de la muerte, punto culminante del vivir humano. No se puede hablar de la vida sin hablar de la muerte. Para vivir en paz, felicidad y libertad es indispensable poder mirar cara a cara a la muerte, aceptar con serenidad y sabiduría el hecho de que hemos de morir. Únicamente quien sepa dar sentido a su muerte sabrá dar sentido a su vida, y viceversa: sólo quien acierte a dar sentido a su vivir habrá dado sentido al mismo tiempo a su morir. Moriremos con la conciencia tranquila, con ánimo alegre y sereno, cuando, con la mirada puesta en lo alto, hayamos cumplido o tratado de cumplir lo mejor posible la misión que hemos venido a realizar en este mundo. Si se ha vivido bien, la muerte será vivida como la coronación o consumación de esa vida buena por la que hemos de estar agradecidos a Quien nos la dio y nos guió a lo largo del camino. La muerte no es más que la puerta hacia una vida más alta y plena, hacia la Vida que es más que vida, hacia la Vida eterna.

Extraído de: Libertad e Identidad

 

mardi, 09 avril 2013

An Introduction to Guido de Giorgio

An Introduction to Guido de Giorgio

Guido de Giorgio

Guido Lupo Maria De Giorgio, pseudonym “Havismat” (San Lupo, October 3 1890 – Mondovi, December 27, 1957) was an esoterist and Italian writer.

After graduating with a degree in philosophy, he went to Tunisia where he worked as a teacher of Italian. There, he came into contact with Islamic esoterism through a local brotherhood. He then moved to Paris after WW I, where he got to know Rene Guenon. He back his friend, collaborated with him by writing articles for the two major French esoteric journals of the time: Le Voile d’Isis and L’initiation.

He returned to Italy in the 1920’s and participated in the Gruppo di Ur, writing under the name Havismat. In 1930, he joined with Julius Evola in promoting the journal La Torre, in which he came up with a theory of a type of Sacred Fascism with the effort to universalize the Fascist movement in an esoteric way.

In “La Tradizione romana” (The Roman Tradition), de Giorgio accused Europe in the aftermath of WW II of have become scientistic and of stifling the spiritual research of man. The solution, according to de Giorgio, lay in returning to an ancient conception of spiritual and temporal authority. A typescript version of this work, whose original title was “The dead badge of power. Introduction to the doctrine of Roman Sacred Fascism”, was given to Benito Mussolini for Christmas in 1939.

In Dio e il Poeta (God and the Poet), de Giorgio poured out his mystical experience arising from his ascetical practices.

None of his works was published during his lifetime, some posthumously and others still unpublished.

Julius Evola

In Cammino del Cinabro, Julius Evola describes Guido de Giorgio.

He was a type of initiate in the wild and chaotic state, he had lived among the Arabs and personally knew Guenon, who held him in high esteem. He was a man of exceptional culture, he knew several languages, but he had a rather unstable temperament and strong passionate positions, emotive and lyrical almost like Nietzsche.

Evola goes on to describe de Giorgio’s erratic personal and love life, his strong personality, then describes their collaborations and even trips together to the Alps. (They both loved the mountains.) Evola conceded that towards the end, they grew apart somewhat due to de Giorgio’s “indulgence in a sort of Vedanta-ized Christianity”. (Apparently, Evola was unaware of “La Tradizione romana”, which was never published during his lifetime.

From La Tradizione romana

The restoration that we propose, taking up again the thought, aspiration and ideal of Dante, is a return to the spirit of Rome, not the pure and simple repetition of the past that would unrealizable, because nothing of the contingencies of the world ever repeats itself, but the adhesion to those eternal principles of truth that are contained in the Sacred Books and expressed by ancient symbols.
[To save Europe and the West from catastrophe,] it would depend not as much on the external material things that are of scant value in themselves, but on those deep, internal, spiritual values … the catastrophe of the life of the spirit, the collapse of the truth.


References:

 

lundi, 08 avril 2013

La Tradition dans la pensée de Martin Heidegger et de Julius Evola

Le primordial et l’éternel :
La Tradition dans la pensée de Martin Heidegger et de Julius Evola

par Michael O'Meara 

Ex: http://www.counter-currents.com/

heidegger.jpgL’opposé de la tradition, dit l’historien Dominique Venner, n’est pas la modernité, une notion illusoire, mais le nihilisme [1]. D’après Nietzsche, qui développa le concept, le nihilisme vient avec la mort des dieux et « la répudiation radicale de [toute] valeur, sens et désirabilité » [2]. Un monde nihiliste – comme le nôtre, dans lequel les valeurs les plus élevées ont été dévaluées – est un monde incapable de canaliser les courants entropiques de la vie dans un flux sensé, et c’est pourquoi les traditionalistes associés à l’éternalisme guénonien, au traditionalisme radical, au néo-paganisme, au conservatisme révolutionnaire, à l’anti-modernisme et à l’ethno-nationalisme se rassemblent contre lui.

La tradition dont les vérités signifiantes et créatives sont affirmées par ces traditionalistes contre l’assaut nihiliste de la modernité n’est pas le concept anthropologique et sociologique dominant, défini comme « un ensemble de pratiques sociales inculquant certaines normes comportementales impliquant une continuité avec un passé réel ou imaginaire ». Ce n’est pas non plus la « démocratie des morts » de G. K. Chesterton, ni la « banque générale et le capital des nations et des âges » d’Edmund Burke. Pour eux la tradition n’avait pas grand-chose à voir avec le passé comme tel, des pratiques culturelles formalisées, ou même le traditionalisme. Venner, par exemple, la compare à un motif musical, un thème guidant, qui fournit une cohérence et une direction aux divers mouvements de la vie.

Si la plupart des traditionalistes s’accordent à voir la tradition comme orientant et transcendant à la fois l’existence collective d’un peuple, représentant quelque chose d’immuable qui renaît perpétuellement dans son expérience du temps, sur d’autres questions ils tendent à être en désaccord. Comme cas d’école, les traditionalistes radicaux associés à TYR s’opposent aux « principes abstraits mais absolus » que l’école guénonienne associe à la « Tradition » et préfèrent privilégier l’héritage européen [3]. Ici l’implication (en-dehors de ce qu’elle implique pour la biopolitique) est qu’il n’existe pas de Tradition Eternelle ou de Vérité Universelle, dont les vérités éternelles s’appliqueraient partout et à tous les peuples – seulement des traditions différentes, liées à des peuples différents dans des époques et des régions culturelles différentes. Les traditions spécifiques de ces histoires et cultures incarnent, comme telles, les significations collectives qui définissent, situent et orientent un peuple, lui permettant de triompher des défis incessant qui lui sont spécifiques. Comme l’écrit M. Raphael Johnson, la tradition est « quelque chose de similaire au concept d’ethnicité, c’est-à-dire un ensemble de normes et de significations tacites qui se sont développées à partir de la lutte pour la survie d’un peuple ». En-dehors du contexte spécifique de cette lutte, il n’y a pas de tradition [4].

Mais si puissante qu’elle soit, cette position « culturaliste » prive cependant les traditionalistes radicaux des élégants postulats philosophiques et principes monistes étayant l’école guénonienne. Non seulement leur projet de culture intégrale enracinée dans l’héritage européen perd ainsi la cohésion intellectuelle des guénoniens, mais il risque aussi de devenir un pot-pourri d’éléments disparates, manquant de ces « vues » philosophiques éclairées qui pourraient ordonner et éclairer la tradition dont ils se réclament. Cela ne veut pas dire que la révolte de la tradition contre le monde moderne doive être menée d’une manière philosophique, ou que la renaissance de la tradition dépende d’une formulation philosophique spécifique. Rien d’aussi utilitaire ou utopique n’est impliqué, car la philosophie ne crée jamais – du moins jamais directement – « les mécanismes et les opportunités qui amènent un état de choses historique » [5]. De telles « vues » fournissent plutôt une ouverture au monde – dans ce cas, le monde perdu de la tradition – montrant la voie vers ces perspectives que les traditionalistes radicaux espèrent retrouver.

Je crois que la pensée de Martin Heidegger offre une telle vision. Dans les pages qui suivent, nous défendrons une appropriation traditionaliste de la pensée heideggérienne. Les guénoniens sont ici pris comme un repoussoir vis-à-vis de Heidegger non seulement parce que leur approche métaphysique s’oppose à l’approche historique européenne associée à TYR, mais aussi parce que leur discours possède en partie la rigueur et la profondeur de Heidegger. René Guénon représente cependant un problème, car il fut un apostat musulman de la tradition européenne, désirant « orientaliser » l’Occident. Cela fait de lui un interlocuteur inapproprié pour les traditionalistes radicaux, particulièrement en comparaison avec son compagnon traditionaliste Julius Evola, qui fut l’un des grands champions contemporains de l’héritage « aryen ». Parmi les éternalistes, c’est alors Evola plutôt que Guénon qui offre le repoussoir le plus approprié à Heidegger [6].

Le Naturel et le Surnaturel

Etant donné les fondations métaphysiques des guénoniens, le Traditionalisme d’Evola se concentrait non sur « l’alternance éphémère des choses données aux sens », mais sur « l’ordre éternel des choses » situé « au-dessus » d’elles. Pour lui Tradition signifie la « sagesse éternelle, la philosophia perennis, la Vérité Primordiale » inscrite dans ce domaine supra-humain, dont les principes éternels, immuables et universels étaient connus, dit-on, des premiers hommes et dont le patrimoine (bien que négligé) est aujourd’hui celui de toute l’humanité [7].

La « méthode traditionaliste » d’Evola vise ainsi à recouvrer l’unité perdue dans la multiplicité des choses du monde. De ce fait il se préoccupe moins de la réalité empirique, historique ou existentielle (comprise comme un reflet déformé de quelque chose de supérieur) que de l’esprit – tel qu’on le trouve, par exemple, dans le symbole, le mythe et le rituel. Le monde humain, par contre, ne possède qu’un ordre d’importance secondaire pour lui. Comme Platon, il voit son domaine visible comme un reflet imparfait d’un domaine invisible supérieur. « Rien n’existe ici-bas », écrit-il, « …qui ne s’enracine pas dans une réalité plus profonde, numineuse. Toute cause visible n’est qu’apparente » [8]. Il refuse ainsi toutes les explications historiques ou naturalistes concernant le monde contingent de l’homme.

Voyant la Tradition comme une « présence » transmettant les vérités transcendantes obscurcies par le tourbillon éphémère des apparences terrestres, Evola identifie l’Etre à ses vérités immuables. Dans cette conception, l’Etre est à la fois en-dehors et au-delà du cours de l’histoire (c’est-à-dire qu’il est supra-historique), alors que le monde humain du Devenir est associé à un flux toujours changeant et finalement insensé de vie terrestre de sensations. La « valeur suprême et les principes fondateurs de toute institution saine et normale sont par conséquent invariables, étant basés sur l’Etre » [9]. C’est de ce principe que vient la doctrine évolienne des « deux natures » (la naturelle et la surnaturelle), qui désigne un ordre physique associé au monde du Devenir connu de l’homme et un autre ordre qui décrit le royaume métaphysique inconditionné de l’Etre connu des dieux.

Les civilisations traditionnelles, affirme Evola, reflétaient les principes transcendants transmis dans la Tradition, alors que le royaume « anormal et régressif » de l’homme moderne n’est qu’un vestige décadent de son ordre céleste. Le monde temporel et historique du Devenir, pour cette raison, est relégué à un ordre d’importance inférieur, alors que l’unité éternelle de l’Etre est privilégiée. Comme son « autre maître » Joseph de Maistre, Evola voit la Tradition comme antérieure à l’histoire, non conditionnée par le temps ou les circonstances, et donc sans lien avec les origines humaines » [10]. La primauté qu’il attribue au domaine métaphysique est en effet ce qui le conduit à affirmer que sans la loi éternelle de l’Etre transmise dans la Tradition, « toute autorité est frauduleuse, toute loi est injuste et barbare, toute institution est vaine et éphémère » [11].

La Tradition comme Überlieferung

Heidegger suit la voie opposée. Eduqué pour une vocation dans l’Eglise catholique et fidèle aux coutumes enracinées et provinciales de sa Souabe natale, lui aussi s’orienta vers « l’ancienne transcendance et non la mondanité moderne ». Mais son anti-modernisme s’opposait à la tradition de la pensée métaphysique occidentale et, par implication, à la philosophie guénonienne de la Tradition (qu’il ne connaissait apparemment pas).

La métaphysique est cette branche de la philosophie qui traite des questions ontologiques majeures, la plus fondamentale étant la question : Qu’est-ce que l’Etre ? Commençant avec Aristote, la métaphysique tendit néanmoins à s’orienter vers la facette non-physique et non-terrestre de l’Etre, tentant de saisir la transcendance de différents êtres comme l’esprit, la force, ou l’essence [12]. En recourant à des catégories aussi généralisées, cette tendance postule un royaume transcendant de formes permanentes et de vérités inconditionnées qui comprennent l’Etre d’une manière qui, d’après Heidegger, limite la compréhension humaine de sa vérité, empêchant la manifestation d’une présence à la fois cachée, ouverte et fuyante. Dans une formulation opaque mais cependant révélatrice, Heidegger écrit : « Quand la vérité [devient une incontestable] certitude, alors tout ce qui est vraiment réel doit se présenter comme réel pour l’être réel qu’il est [supposément] » – c’est-à-dire que quand la métaphysique postule ses vérités, pour elle la vérité doit se présenter non seulement d’une manière autoréférentielle, mais aussi d’une manière qui se conforme à une idée préconçue d’elle-même » [13]. Ici la différence entre la vérité métaphysique, comme proposition, et l’idée heideggérienne d’une manifestation en cours est quelque peu analogue à celle différenciant les prétentions de vérité du Dieu chrétien de celles des dieux grecs, les premières présupposant l’objectivité totale d’une vérité universelle éternelle et inconditionnée préconçue dans l’esprit de Dieu, et les secondes acceptant que la « dissimulation » est aussi inhérente à la nature polymorphe de la vérité que l’est la manifestation [14].

Etant donné son affirmation a-historique de vérités immuables installées dans la raison pure, Heidegger affirme que l’élan préfigurant et décontextualisant de la métaphysique aliène les êtres de l’Etre, les figeant dans leurs représentations momentanées et les empêchant donc de se déployer en accord avec les possibilités offertes par leur monde spécifique. L’oubli de l’être culmine dans la civilisation technologique moderne, où l’être est défini simplement comme une chose disponible pour l’investigation scientifique, la manipulation technologique et la consommation humaine. La tradition métaphysique a obscurci l’Etre en le définissant en termes essentiellement anthropocentriques et même subjectivistes.

Mais en plus de rejeter les postulats inconditionnés de la métaphysique [15], Heidegger associe le mot « tradition » – ou du moins sa forme latinisée (die Tradition) – à l’héritage philosophique occidental et son oubli croissant de l’être. De même, il utilise l’adjectif « traditionell » péjorativement, l’associant à l’élan généralisant de la métaphysique et aux conventions quotidiennes insouciantes contribuant à l’oubli de l’Etre.

Mais après avoir noté cette particularité sémantique et son intention antimétaphysique, nous devons souligner que Heidegger n’était pas un ennemi de la tradition, car sa philosophie privilégie ces « manifestations de l’être » originelles dans lesquelles naissent les grandes vérités traditionnelles. Comme telle, la tradition pour lui n’est pas un ensemble de postulats désincarnés, pas quelque chose d’hérité passivement, mais une facette de l’Etre qui ouvre l’homme à un futur lui appartenant en propre. Dans cet esprit, il associe l’Überlieferung (signifiant aussi tradition) à la transmission de ces principes transcendants inspirant tout « grand commencement ».

La Tradition dans ce sens primordial permet à l’homme, pense-t-il, « de revenir à lui-même », de découvrir ses possibilités historiquement situées et uniques, et de se réaliser dans la plénitude de son essence et de sa vérité. En tant qu’héritage de destination, l’Überlieferung de Heidegger est le contraire de l’idéal décontextualisé des Traditionalistes. Dans Etre et Temps, il dit que die Tradition « prend ce qui est descendu vers nous et en fait une évidence en soi ; elle bloque notre accès à ces ‘sources’ primordiales dont les catégories et les concepts transmis à nous ont été en partie authentiquement tirés. En fait, elle nous fait oublier qu’elles ont eu une telle origine, et nous fait supposer que la nécessité de revenir à ces sources est quelque chose que nous n’avons même pas besoin de comprendre » [17]. Dans ce sens, Die Tradition oublie les possibilités formatives léguées par son origine de destination, alors que l’Überlieferung, en tant que transmission, les revendique. La pensée de Heidegger se préoccupe de retrouver l’héritage de ces sources anciennes.

Sa critique de la modernité (et, contrairement à ce qu’écrit Evola, il est l’un de ses grands critiques) repose sur l’idée que la perte ou la corruption de la tradition de l’Europe explique « la fuite des dieux, la destruction de la terre, la réduction des êtres humains à une masse, la prépondérance du médiocre » [18]. A présent vidé de ses vérités primordiales, le cadre de vie européen, dit-il, risque de mourir : c’est seulement en « saisissant ses traditions d’une manière créative », et en se réappropriant leur élan originel, que l’Occident évitera le « chemin de l’annihilation » que la civilisation rationaliste, bourgeoise et nihiliste de la modernité semble avoir pris » [19].

La tradition (Überlieferung) que défend l’antimétaphysique Heidegger n’est alors pas le royaume universel et supra-sensuel auquel se réfèrent les guénoniens lorsqu’ils parlent de la Tradition. Il s’agit plutôt de ces vérités primordiales que l’Etre rend présentes « au commencement » –, des vérités dont les sources historiques profondes et les certitudes constantes tendent à être oubliées dans les soucis quotidiens ou dénigrées dans le discours moderniste, mais dont les possibilités restent néanmoins les seules à nous être vraiment accessibles. Contre ces métaphysiciens, Heidegger affirme qu’aucune prima philosophia n’existe pour fournir un fondement à la vie ou à l’Etre, seulement des vérités enracinées dans des origines historiques spécifiques et dans les conventions herméneutiques situant un peuple dans ses grands récits.

Il refuse ainsi de réduire la tradition à une analyse réfléchie indépendante du temps et du lieu. Son approche phénoménologique du monde humain la voit plutôt comme venant d’un passé où l’Etre et la vérité se reflètent l’un l’autre et, bien qu’imparfaitement, affectent le présent et la manière dont le futur est approché. En tant que tels, Etre, vérité et tradition ne peuvent pas être saisis en-dehors de la temporalité (c’est-à-dire la manière dont les humains connaissent le temps). Cela donne à l’Etre, à la vérité et à la tradition une nature avant tout historique (bien que pas dans le sens progressiste, évolutionnaire et développemental favorisé par les modernistes). C’est seulement en posant la question de l’Etre, la Seinsfrage, que l’Etre de l’humain s’ouvre à « la condition de la possibilité de [sa] vérité ».

C’est alors à travers la temporalité que l’homme découvre la présence durable qui est l’Etre [20]. En effet, si l’Etre de l’homme n’était pas situé temporellement, sa transcendance, la préoccupation principale de la métaphysique guénonienne, serait inconcevable. De même, il n’y a pas de vérité (sur le monde ou les cieux au-dessus de lui) qui ne soit pas ancrée dans notre Etre-dans-le-monde – pas de vérité absolue ou de Tradition Universelle, seulement des vérités et des traditions nées de ce que nous avons été… et pouvons encore être. Cela ne veut pas dire que l’Etre de l’humain manque de transcendance, seulement que sa possibilité vient de son immanence – que l’Etre et les êtres, le monde et ses objets, sont un phénomène unitaire et ne peuvent pas être saisis l’un sans l’autre.

Parce que la conception heideggérienne de la tradition est liée à la question de l’Etre et parce que l’Etre est inséparable du Devenir, l’Etre et la tradition fidèle à sa vérité ne peuvent être dissociés de leur émergence et de leur réalisation dans le temps. Sein und Zeit, Etre immuable et changement historique, sont inséparables dans sa pensée. L’Etre, écrit-il, « est Devenir et le Devenir est Etre » [21]. C’est seulement par le processus du devenir dans le temps, dit-il, que les êtres peuvent se déployer dans l’essence de leur Etre. La présence constante que la métaphysique prend comme l’essence de l’Etre est elle-même un aspect du temps et ne peut être saisie que dans le temps – car le temps et l’Etre partagent une coappartenance primordiale.

Le monde platonique guénonien des formes impérissables et des idéaux éternels est ici rejeté pour un monde héraclitien de flux et d’apparition, où l’homme, fidèle à lui-même, cherche à se réaliser dans le temps – en termes qui parlent à son époque et à son lieu, faisant cela en relation avec son héritage de destination. Etant donné que le temps implique l’espace, la relation de l’être avec l’Etre n’est pas simplement un aspect individualisé de l’Etre, mais un « être-là » (Dasein) spécifique – situé, projeté, et donc temporellement enraciné dans ce lieu où l’Etre n’est pas seulement « manifesté » mais « approprié ». Sans « être-là », il n’y a pas d’Etre, pas d’existence. Pour lui, l’engagement humain dans le monde n’est pas simplement une facette située de l’Etre, c’est son fondement.

Ecarter la relation d’un être avec son temps et son espace (comme le fait la métaphysique atemporelle des guénoniens) est « tout aussi insensé que si quelqu’un voulait expliquer la cause et le fondement d’un feu [en déclarant] qu’il n’y a pas besoin de se soucier du cours du feu ou de l’exploration de sa scène » [22]. C’est seulement dans la « facticité » (le lien des pratiques, des suppositions, des traditions et des histoires situant son Devenir), et non dans une supra-réalité putative, que tout le poids de l’Etre – et la « condition fondamentale pour… tout ce qui est grand » – se fait sentir.

Quand les éternalistes interprètent « les êtres sans s’interroger sur [la manière dont] l’essence de l’homme appartient à la vérité de l’Etre », ils ne pourraient pas être plus opposés à Heidegger. En effet, pour eux l’Etre est manifesté comme Ame Cosmique (le maître plan de l’univers, l’Unité indéfinissable, l’Etre éternel), qui est détachée de la présence originaire et terrestre, distincte de l’Etre-dans-le-monde de Heidegger [23]. Contre l’idée décontextualisée et détachée du monde des métaphysiciens, Heidegger souligne que la présence de l’Etre est manifestée seulement dans ses états terrestres, temporels, et jamais pleinement révélés. Des mondes différents nous donnent des possibilités différentes, des manières différentes d’être ou de vivre. Ces mondes historiquement situés dictent les possibilités spécifiques de l’être humain, lui imposant un ordre et un sens. Ici Heidegger ne nie pas la possibilité de la transcendance humaine, mais la recherche au seul endroit où elle est accessible à l’homme – c’est-à-dire dans son da (« là »), sa situation spécifique. Cela fait du Devenir à la fois la toile de fond existentielle et l’« horizon transcendantal » de l’Etre, car même lorsqu’elle transcende sa situation, l’existence humaine est forcément limitée dans le temps et dans l’espace.

En posant la Seinsfrage de cette manière, il s’ensuit qu’on ne peut pas partir de zéro, en isolant un être abstrait et atomisé de tout ce qui le situe dans un temps et un espace spécifiques, car on ignorerait ainsi que l’être de l’homme est quelque chose de fini, enraciné dans un contexte historiquement conditionné et culturellement défini – on ignorerait, en fait, que c’est un Etre-là (Dasein). Car si l’existence humaine est prisonnière du flux du Devenir – si elle est quelque chose de situé culturellement, linguistiquement, racialement, et, avant tout, historiquement –, elle ne peut pas être comprise comme un Etre purement inconditionné.

Le caractère ouvert de la temporalité humaine signifie, de plus, que l’homme est responsable de son être. Il est l’être dont « l’être est lui-même une question », car, bien que située, son existence n’est jamais fixée ou complète, jamais déterminée à l’avance, qu’elle soit vécue d’une manière authentique ou non [24]. Elle est vécue comme une possibilité en développement qui se projette vers un futur « pas encore réel », puisque l’homme cherche à « faire quelque chose de lui-même » à partir des possibilités léguées par son origine spécifique. Cela pousse l’homme à se « soucier » de son Dasein, individualisant ses possibilités en accord avec le monde où il habite.

Ici le temps ne sert pas seulement d’horizon contre lequel l’homme est projeté, il sert de fondement (la facticité prédéterminée) sur lequel sa possibilité est réalisée. La possibilité que l’homme cherche dans le futur (son projet) est inévitablement affectée par le présent qui le situe et le passé modelant son sens de la possibilité. La projection du Dasein vient ainsi « vers lui-même d’une manière telle qu’il revient », anticipant sa possibilité comme quelque chose qui « a été » et qui est encore à portée de main [25]. Car c’est seulement en accord avec son Etre-là, sa « projection », qu’il peut être pleinement approprié – et transcendé [26].

En rejetant les concepts abstraits, inconditionnés et éternels de la métaphysique, Heidegger considère la vérité, en particulier les vérités primordiales que la tradition transmet, comme étant d’une nature historique et temporelle, liée à des manifestations distinctes (bien que souvent obscures) de l’Etre, et imprégnée d’un passé dont l’origine créatrice de destin inspire le sens humain de la possibilité. En effet, c’est la configuration distincte formée par la situation temporelle, l’ouverture de l’Etre, et la facticité situant cette rencontre qui forme les grandes questions se posant à l’homme, puisqu’il cherche à réaliser (ou à éviter) sa possibilité sur un fondement qu’il n’a pas choisi. « L’histoire de l’Etre », écrit Heidegger, « n’est jamais le passé mais se tient toujours devant nous ; elle soutient et définit toute condition et situation humaine » [27].

L’homme n’affronte donc pas les choix définissant son Dasein au sens existentialiste d’être « condamné » à prendre des décisions innombrables et arbitraires le concernant. L’ouverture à laquelle il fait face est plutôt guidée par les possibilités spécifiques à son existence historiquement située, alors que les « décisions » qu’il prend concernent son authenticité (c’est-à-dire sa fidélité à ses possibilités historiquement destinées, son destin). Puisqu’il n’y a pas de vérités métaphysiques éternelles inscrites dans la tradition, seulement des vérités posées par un monde « toujours déjà », vivre à la lumière des vérités de l’Etre requiert que l’homme connaisse sa place dans l’histoire, qu’il connaisse le lieu et la manière de son origine, et affronte son histoire comme le déploiement (ou, négativement, la déformation) des promesses posées par une prédestination originelle [28]. Une existence humaine authentique, affirme Heidegger, est « un processus de conquête de ce que nous avons été au service de ce que nous sommes » [29].

Le Primordial

Le « premier commencement » de l’homme – le commencement (Anfangen) « sans précédent et monumental » dans lequel ses ancêtres furent « piégés » (gefangen) comme une forme spécifique de l’Etre – met en jeu d’autres commencements, devenant le fondement de toutes ses fondations ultérieures [30]. En orientant l’histoire dans une certaine direction, le commencement – le primordial – « ne réside pas dans le passé mais se trouve en avant, dans ce qui doit venir » [31]. Il est « le décret lointain qui nous ordonne de ressaisir sa grandeur » [32]. Sans cette « reconquête », il ne peut y avoir d’autre commencement : car c’est en se réappropriant un héritage, dont le commencement est déjà un achèvement, que l’homme revient à lui-même, s’inscrivant dans le monde de son propre temps. « C’est en se saisissant du premier commencement que l’héritage… devient l’héritage ; et seuls ceux qui appartiennent au futur… deviennent [ses] héritiers » [33]. L’élève de Heidegger, Hans-Georg Gadamer dit que toutes les questions concernant les commencements « sont toujours [des questions] sur nous-mêmes et notre futur » [34].

Pour Heidegger, en transmettant la vérité de l’origine de l’homme, la tradition défie l’homme à se réaliser face à tout ce qui conspire pour déformer son être. De même qu’Evola pensait que l’histoire était une involution à partir d’un Age d’Or ancien, d’où un processus de décadence, Heidegger voit l’origine – l’inexplicable manifestation de l’Etre qui fait naître ce qui est « le plus particulier » au Dasein, et non universel – comme posant non seulement les trajectoires possibles de la vie humaine, mais les obstacles inhérents à sa réalisation. Se déployant sur la base de sa fondation primordiale, l’histoire tend ainsi à être une diminution, un déclin, un oubli ou une dissimulation des possibilités léguées par son « commencement », le bavardage oisif, l’exaltation de l’ordinaire et du quotidien, ou le règne du triomphe médiocre sur le destin, l’esprit de décision et l’authenticité des premières époques, dont la proximité avec l’Etre était immédiate, non dissimulée, et pleine de possibilités évidentes.

Là où Evola voit l’histoire en termes cycliques, chaque cycle restant essentiellement homogène, représentant un segment de la succession récurrente gouvernée par certains principes immuables, Heidegger voit l’histoire en termes des possibilités posées par leur appropriation. C’est seulement à partir des possibilités intrinsèques à la genèse originaire de sa « sphère de sens » – et non à partir du domaine supra-historique des guénoniens – que l’homme, dit-il, peut découvrir les tâches historiquement situées qui sont « exigées » de lui et s’ouvrir à leur possibilité [35]. En accord avec cela, les mots « plus ancien », « commencement » et « primordial » sont associés dans la pensée de Heidegger à l’essence ou la vérité de l’Etre, de même que le souvenir de l’origine devient une « pensée à l’avance de ce qui vient » [36].

Parce que le primordial se trouve devant l’homme, pas derrière lui, la révélation initiale de l’Etre vient dans chaque nouveau commencement, puisque chaque nouveau commencement s’inspire de sa source pour sa postérité. Comme Mnémosyne, la déesse de la mémoire qui était la muse principale des poètes grecs, ce qui est antérieur préfigure ce qui est postérieur, car la « vérité de l’Etre » trouvée dans les origines pousse le projet du Dasein à « revenir à lui-même ». C’est alors en tant qu’« appropriation la plus intérieure de l’Etre » que les origines sont si importantes. Il n’y a pas d’antécédent ou de causa prima, comme le prétend la logique inorganique de la modernité, mais « ce dont et ce par quoi une chose est ce qu’elle est et telle qu’elle est… [Ils sont] la source de son essence » et la manière dont la vérité « vient à être… [et] devient historique » [37]. Comme le dit le penseur français de la Nouvelle Droite, Alain de Benoist, l’« originel » (à la différence du novum de la modernité) n’est pas ce qui vient une fois pour toutes, mais ce qui vient et se répète chaque fois qu’un être se déploie dans l’authenticité de son origine » [38]. Dans ce sens, l’origine représente l’unité primordiale de l’existence et de l’essence exprimées dans la tradition. Et parce que l’« appropriation » à la fois originelle et ultérieure de l’Etre révèle la possibilité, et non l’environnement purement « factuel » ou « momentané » qui l’affecte, le Dasein n’accomplit sa constance propre que lorsqu’il est projeté sur le fondement de son héritage authentique [39].

La pensée heideggérienne n’est pas un existentialisme

Evola consacre plusieurs chapitres de Chevaucher le tigre (Calvacare la Tigre) à une critique de l’« existentialisme » d’après-guerre popularisé par Jean-Paul Sartre et dérivé, à ce qu’on dit, de la pensée de Heidegger » [40]. Bien que reconnaissant certaines différences entre Sartre et Heidegger, Evola les traitait comme des esprits fondamentalement apparentés. Son Sartre est ainsi décrit comme un non-conformiste petit-bourgeois et son Heidegger comme un intellectuel chicanier, tous deux voyant l’homme comme échoué dans un monde insensé, condamné à faire des choix incessants sans aucun recours transcendant. Le triste concept de liberté des existentialistes, affirme Evola, voit l’univers comme un vide, face auquel l’homme doit se forger son propre sens (l’« essence » de Sartre). Leur notion de liberté (et par implication, celle de Heidegger) est ainsi jugée nihiliste, entièrement individualiste et arbitraire.

En réunissant l’existentialisme sartrien et la pensée heideggérienne, Evola ne connaissait  apparemment pas la « Lettre sur l’Humanisme » (1946-47) de Heidegger, dans laquelle ce dernier – d’une manière éloquente et sans ambiguïté – répudiait l’appropriation existentialiste de son œuvre. Il semble aussi qu’Evola n’ait connu que le monumental Sein und Zeit de Heidegger, qu’il lit, comme Sartre, comme une anthropologie philosophique sur les problèmes de l’existence humaine (c’est-à-dire comme un humanisme) plutôt que comme une partie préliminaire d’une première tentative de développer une « ontologie fondamentale » recherchant le sens de l’Etre. Il mettait donc Sartre et Heidegger dans le même sac, les décrivant comme des « hommes modernes », coupés du monde de la Tradition et imprégnés des « catégories profanes, abstraites et déracinées » de la pensée. Parlant de l’affirmation nihiliste de Sartre selon laquelle « l’existence précède l’essence » (qu’il attribuait erronément à Heidegger, qui identifiait l’une à l’autre au lieu de les opposer), le disciple italien de Guénon concluait qu’en situant l’homme dans un monde où l’essence est auto-engendrée, Heidegger rendait le présent concret ontologiquement primaire, avec une nécessité situationnelle, plutôt que le contexte de l’Etre [41]. L’Etre heideggérien est alors vu comme se trouvant au-delà de l’homme, poursuivi comme une possibilité irréalisable [42]. Cela est sensé lier l’Etre au présent, le détachant de la Tradition – et donc de la transcendance qui seule illumine les grandes tâches existentielles.

La critique évolienne de Heidegger, comme que nous l’avons suggéré, n’est pas fondée, ciblant une caricature de sa pensée. Il se peut que l’histoire et la temporalité soient essentielles dans le projet philosophique de Heidegger et qu’il accepte l’affirmation sartrienne qu’il n’existe pas de manières absolues et inchangées pour être humain, mais ce n’est pas parce qu’il croit nécessaire d’« abandonner le plan de l’Etre » pour le plan situationnel. Pour lui, le plan situationnel est simplement le contexte où les êtres rencontrent leur Etre.

Heidegger insiste sur la « structure événementielle temporelle » du Dasein parce qu’il voit les êtres comme enracinés dans le temps et empêtrés dans un monde qui n’est pas de leur propre création (même si l’Etre de ces êtres pourrait transcender le « maintenant » ou la série de « maintenant » qui les situent). En même temps, il souligne que le Dasein est connu d’une manière « extatique », car les pensées du passé, du présent et du futur sont des facettes étroitement liées de la conscience humaine. En effet, c’est seulement en reconnaissant sa dimension extatique (que les existentialistes et les métaphysiciens ignorent) que le Dasein peut « se soucier de l’ouverture de l’Etre », vivre dans sa lumière, et transcender son da éphémère (sa condition situationnelle). Heidegger écrit ainsi que le Dasein est « l’être qui émerge de lui-même » – c’est le dévoilement d’une essence historique-culturelle-existentielle dont le déploiement est étranger à l’élan objectifiant des formes platoniques [43].

En repensant l’Etre en termes de temporalité humaine, en le restaurant dans le Devenir historique, et en établissant le temps comme son horizon transcendant, Heidegger cherche à libérer l’existentiel des propriétés inorganiques de l’espace et de la matière, de l’agitation insensée de la vie moderne, avec son évasion instrumentaliste de l’Etre et sa « pseudo-culture épuisée » – et aussi de le libérer des idéaux éternels privilégiés par les guénoniens. Car si l’Etre est inséparable du Devenir et survient dans un monde-avec-les-autres, alors les êtres, souligne-t-il, sont inhérents à un « contexte de signification » saturé d’histoire et de culture. Poursuivant son projet dans ces termes, les divers modes existentiels de l’homme, ainsi que son monde, ne sont pas formés par des interprétations venant d’une histoire d’interprétations précédentes. L’interprétation elle-même (c’est-à-dire « l’élaboration de possibilités projetées dans la compréhension ») met le présent en question, affectant le déploiement de l’essence. En fait, la matrice chargée de sens mise à jour par l’interprétation constitue une grande part de ce qui forme le « là » (da) dans le Dasein [44].

Etant donné qu’il n’y a pas de Sein sans un da, aucune existence sans un fondement, l’homme, dans sa nature la plus intérieure, est inséparable de la matrice qui « rend possible ce qui a été projeté » [45]. A l’intérieur de cette matrice, l’Etre est inhérent à « l’appropriation du fondement du là » [46]. Contrairement à l’argumentation de Chevaucher le tigre, cette herméneutique historiquement consciente ne prive pas l’homme de l’Etre, ni ne nie la primauté de l’Etre, ni ne laisse l’homme à la merci de sa condition situationnelle. Elle n’a rien à voir non plus avec l’« indéterminisme » radical de Sartre – qui rend le sens contextuellement contingent et l’essence effervescente.

Pour Heidegger l’homme n’existe pas dans un seul de ses moments donnés, mais dans tous, car son être situé (le projet qu’il réalise dans le temps) ne se trouve dans aucun cas unique de son déploiement (ou dans ce que Guénon appelait « la nature indéfinie des possibilités de chaque état »). En fait, il existe dans toute la structure temporelle s’étendant entre la naissance et la mort de l’homme, puisqu’il réalise son projet dans le monde. Sans un passé et un futur pas-encore-réalisé, l’existence humaine ne serait pas Dasein, avec un futur légué par un passé qui est en même temps une incitation à un futur. A la différence de l’individu sartrien (dont l’être est une possibilité incertaine et illimitée) et à la différence de l’éternaliste (qui voit son âme en termes dépourvus de références terrestres), l’homme heideggérien se trouve seulement dans un retour (une « écoute ») à l’essence postulée par son origine.

Cette écoute de l’essence, la nécessité de la découverte de soi pour une existence authentique, n’est pas une pure possibilité, soumise aux « planifications, conceptions, machinations et complots » individuels, mais l’héritier d’une origine spécifique qui détermine son destin. En effet, l’être vient seulement de l’Etre [47]. La notion heideggérienne de la tradition privilégie donc l’Andenken (le souvenir qui retrouve et renouvelle la tradition) et la Verwindung (qui est un aller au-delà, un surmonter) – une idée de la tradition qui implique l’inséparabilité de l’Etre et du Devenir, ainsi que le rôle du Devenir dans le déploiement de l’Etre, plutôt que la négation du Devenir [48].

« Le repos originel de l’Etre » qui a le pouvoir de sauver l’homme du « vacarme de la vie inauthentique, anodine et extérieure » n’est cependant pas aisément gagné. « Retrouver le commencement de l’existence historico-spirituelle afin de la transformer en un nouveau commencement » (qui, à mon avis, définit le projet traditionaliste radical) requiert « une résolution anticipatoire » qui résiste aux routines stupides oublieuses de la temporalité humaine [49]. Inévitablement, une telle résolution anticipatoire ne vient que lorsqu’on met en question les « libertés déracinées et égoïstes » qui nous coupent des vérités en cours déploiement de l’Etre et nous empêchent ainsi de comprendre ce que nous sommes – un questionnement dont la nécessité vient des plus lointaines extrémités de l’histoire de l’homme et dont les réponses sont intégrales pour la tradition qu’elles forment » [50].

L’histoire pour Heidegger est donc un « choix pour héros », exigeant la plus ferme résolution et le plus grand risque, puisque l’homme, dans une confrontation angoissante avec son origine, réalise une possibilité permanente face à une conventionalité amnésique, auto-satisfaite ou effrayante [51]. Les choix historiques qu’il fait n’ont bien sûr rien à voir avec l’individualisme ou le subjectivisme (avec ce qui est arbitraire ou volontaire), mais surgissent de ce qui est vrai et « originel » dans la tradition. Le destin d’un homme (Geschick), comme le destin d’un peuple (Schicksal), ne concerne pas un « choix », mais quelque chose qui est « envoyée » (geschickt) depuis un passé lointain qui a le pouvoir de déterminer une possibilité future. L’Etre, écrit Heidegger, « proclame le destin, et donc le contrôle de la tradition » [52].

En tant qu’appropriation complète de l’héritage dont l’homme hérite à sa naissance, son destin n’est jamais forcé ou imposé. Il s’empare des circonstances non-choisies de sa communauté et de sa génération, puisqu’il recherche la possibilité léguée par son héritage, fondant son existence dans sa « facticité historique la plus particulière » – même si cette appropriation implique l’opposition à « la dictature particulière du domaine public » [53]. Cela rend l’identité individuelle inséparable de son identité collective, puisque l’Etre-dans-le-monde reconnaît son Etre-avec-les-autres (Mitsein). L’homme heideggérien ne réalise ce qu’il est qu’à travers son implication dans le temps et l’espace de sa propre existence destinée, puisqu’il se met à « la disposition des dieux », dont l’actuel « retrait demeure très proche » [54].

La communauté de notre propre peuple, le Mitsein, est le contexte nécessaire de notre Dasein. Comme telle, elle est « ce en quoi, ce dont et ce pour quoi l’histoire arrive » [55]. Comme l’écrit Gadamer, le Mitsein « est un mode primordial d’‘Etre-nous’ – un mode dans lequel le Je n’est pas supplanté par un vous [mais] …englobe une communauté primordiale » [56]. Car même lorsqu’elle s’oppose aux conventions dominantes par besoin d’authenticité individuelle, la recherche de possibilité par le Dasein est une « co-historisation » avec une communauté – une co-historisation dans laquelle un héritage passé devient la base d’un futur plein de sens [57]. Le destin qu’il partage avec son peuple est en effet ce qui fonde le Dasein dans l’historicité, le liant à l’héritage (la tradition) qui détermine et est déterminé par lui [58].

En tant qu’horizon de la transcendance heideggérienne, l’histoire et la tradition ne sont donc jamais universelles, mais plurielles et multiples, produit et producteur d’histoires et de traditions différentes, chacune ayant son origine et sa qualité d’être spécifiques. Il peut y avoir certaines vérités abstraites appartenant aux peuples et aux civilisations partout, mais pour Heidegger il n’y a pas d’histoire ou de tradition abstraites pour les inspirer, seulement la pure transcendance de l’Etre. Chaque grand peuple, en tant qu’expression distincte de l’Etre, possède sa propre histoire, sa propre tradition, sa propre transcendance, qui sont sui generis. Cette spécificité même est ce qui donne une forme, un but et un sens à son expérience d’un monde perpétuellement changeant. Il se peut que l’Etre de l’histoire et de la tradition du Dasein soit universel, mais l’Etre ne se manifeste que dans les êtres, l’ontologie ne se manifeste que dans l’ontique. Selon les termes de Heidegger, « c’est seulement tant que le Dasein existe… qu’il y a l’Etre » [59].

Quand la métaphysique guénonienne décrit la Vérité Eternelle comme l’unité transcendante qui englobe toutes les « religions archaïques » et la plupart des « religions terrestres », elle offre à l’homme moderne une hauteur surplombante d’où il peut évaluer les échecs de son époque. Mais la vaste portée de cette vision a pour inconvénient de réduire l’histoire et la tradition de peuples et de civilisations différents (dont elle rejette en fait les trajectoires singulières) à des variantes sur un unique thème universel (« La pensée moderne, les Lumières, maçonnique », pourrait-on ajouter, nie également l’importance des histoires et des traditions spécifiques).

Par contre, un traditionaliste radical au sens heideggérien se définit en référence non à l’Eternel mais au Primordial dans son histoire et sa tradition, même lorsqu’il trouve des choses à admirer dans l’histoire et la tradition des non-Européens. Car c’est l’Europe qui l’appelle à sa possibilité future. Comme la vérité, la tradition dans la pensée de Heidegger n’est jamais une abstraction, jamais une formulation supra-humaine de principes éternels pertinents pour tous les peuples (bien que ses effets formatifs et sa possibilité futurale puissent assumer une certaine éternité pour ceux à qui elle parle). Il s’agit plutôt d’une force dont la présence illumine les extrémités éloignées de l’âme ancestrale d’un peuple, mettant son être en accord avec l’héritage, l’ordre et le destin qui lui sont singuliers.

Héraclite et Parménide

Quiconque prend l’histoire au sérieux, refusant de rejeter des millénaires de temporalité européenne, ne suivra probablement pas les éternalistes dans leur quête métaphysique. En particulier dans notre monde contemporain, où les forces régressives de mondialisation, du multiculturalisme et de la techno-science cherchent à détruire tout ce qui distingue les peuples et la civilisation de l’Europe des peuples et des civilisations non-européens. Le traditionaliste radical fidèle à l’incomparable tradition de la Magna Europa (et fidèle non pas au sens égoïste du nationalisme étroit, mais dans l’esprit de l’« appartenance au destin de l’Occident ») ne peut donc qu’avoir une certaine réserve envers les guénoniens – mais pas envers Evola lui-même, et c’est ici le tournant de mon argumentation. Car après avoir rejeté la Philosophie Eternelle et sa distillation évolienne, il est important, en conclusion, de « réconcilier » Evola avec les impératifs traditionalistes radicaux de la pensée heideggérienne – car l’alpiniste Evola ne fut pas seulement un grand Européen, un défenseur infatigable de l’héritage de son peuple, mais aussi un extraordinaire Kshatriya, dont l’héroïque Voie de l’Action inspire tous ceux qui s’identifient à sa « Révolte contre le monde moderne ».

Julius-Evola_7444.jpgBien qu’il faudrait un autre article pour développer ce point, Evola, même lorsqu’il se trompe métaphysiquement, offre au traditionaliste radical une œuvre dont les motifs boréens demandent une étude et une discussion approfondies. Mais étant donné l’argument ci-dessus, comment les incompatibilités radicales entre Heidegger et Evola peuvent-elles être réconciliées ?

La réponse se trouve, peut-être, dans cette « étrange » unité reliant les deux premiers penseurs de la tradition européenne, Héraclite et Parménide, dont les philosophies étaient aussi antipodiques que celles de Heidegger et Evola. Héraclite voyait le monde comme un « grand feu », dans lequel tout était toujours en cours de consumation, de même que l’Etre fait perpétuellement place au Devenir. Parménide, d’autre part, soulignait l’unité du monde, le voyant comme une seule entité homogène, dans laquelle tous ses mouvements apparents (le Devenir) faisaient partie d’une seule universalité (l’Etre), les rides et les vagues sur le grand corps de la mer. Mais si l’un voyait le monde en termes de flux et l’autre en termes de stase, ils reconnaissaient néanmoins tous deux un logos unifiant commun, une structure sous-jacente, une « harmonie rassemblée », qui donnait unité et forme à l’ensemble – que l’ensemble se trouvât dans le tourbillon apparemment insensé des événements terrestres ou dans l’interrelation de ses parties innombrables. Cette unité est l’Etre, dont la domination ordonnatrice du monde sous-tend la sensibilité parente animant les distillations originelles de la pensée européenne.

Les projets rivaux de Heidegger et Evola peuvent être vus sous un éclairage similaire. Dans une métaphysique soulignant l’universel et l’éternel, l’opposition de l’Etre et du Devenir, et la primauté de l’inconditionné, Evola s’oppose à la position de Heidegger, qui met l’accent sur le caractère projeté et temporel du Dasein. Evola parvient cependant à quelque chose qui s’apparente aux vues les plus élevées de la pensée heideggérienne. Car quand Heidegger explore le fondement primordial des différents êtres, recherchant le transcendant (l’Etre) dans l’immanence du temps (le Devenir), lui aussi saisit l’Etre dans sa présence impérissable, car à cet instant le primordial devient éternel – pas pour tous les peuples (étant donné que l’origine et le destin d’un peuple sont inévitablement singuliers), mais encore pour ces formes collectives de Dasein dont les différences sont de la même essence (dans la mesure où elles sont issues du même héritage indo-européen).

L’accent mis par Heidegger sur le primordialisme est, je crois, plus convainquant que l’éternalisme d’Evola, mais il n’est pas nécessaire de rejeter ce dernier en totalité (en effet, on peut se demander si dans Etre et Temps Heidegger lui-même n’a pas échoué à réconcilier ces deux facettes fondamentales de l’ontologie). Il se peut donc que Heidegger et Evola approchent l’Etre depuis des points de départ opposés et arrivent à des conclusions différentes (souvent radicalement différentes), mais leur pensée, comme celle d’Héraclite et de Parménide, convergent non seulement dans la primauté qu’ils attribuent à l’Etre, mais aussi dans la manière dont leur compréhension de l’Etre, particulièrement en relation avec la tradition, devient un antidote à la crise du nihilisme européen.

Notes

[1] Dominique Venner, Histoire et tradition des Européens : 30.000 ans d’identité (Paris : Rocher, 2002), p. 18. Cf. Michael O’Meara, « From Nihilism to Tradition », The Occidental Quarterly 3: 2 (été 2004).

[2] Friedrich Nietzsche, The Will to Power, trad. par W. Kaufmann et R. J. Hollingdale (New York: Vintage, 1967), pp. 9-39 ; Friedrich Nietzsche, The Gay Science, trad. par W. Kaufmann (New York: Vintage, 1975), § 125. Cf. Martin Heidegger, Nietzsche : 4. Nihilism, trad. par F.A. Capuzzi (San Francisco: Harper, 1982).

[3] « Editorial Prefaces », TYR : Myth – Culture – Tradition 1 et 2 (2002 et 2004).

[4] M. Raphael Johnson, « The State as the Enemy of the Ethnos », at http://es.geocities.com/sucellus23/807.htm. Dans Humain, trop humain (§ 96), Nietzsche écrit : La tradition émerge « sans égard pour le bien ou le mal ou autre impératif catégorique, mais… avant tout dans le but de maintenir une communauté, un peuple ».

[5] Martin Heidegger, Introduction to Metaphysics, trad. par G. Fried et R. Polt (New Haven: Yale University Press, 2000), p. 11.

[6] Bien que Guénon eut un effet formatif sur Evola, qui le considérait comme son « maître », l’Italien était non seulement suffisamment indépendant pour se séparer de Guénon sur plusieurs questions importantes, particulièrement en soulignant les origines « boréennes » ou indo-européennes de la Tradition, mais aussi en donnant au projet traditionaliste une tendance nettement militante et européaniste (je soupçonne que c’est cette tendance dans la pensée d’Evola, combinée à ce qu’il prend à Bachofen, Nietzsche et De Giorgio, qui le met – du moins sourdement – en opposition avec sa propre appropriation de la métaphysique guénonienne). En conséquence, certains guénoniens refusent de le reconnaître comme l’un des leurs. Par exemple, le livre de Kenneth Oldmeadow, Traditionalism : Religion in Light of the Perennial Philosophy (Colombo : The Sri Lanka Institute of Traditional Studies, 2000), à présent le principal ouvrage en anglais sur les traditionalistes, ne fait aucune référence à lui. Mon avis est que l’œuvre d’Evola n’est pas aussi importante que celle de Guénon pour l’Eternalisme, mais que pour le « radical » européen, c’est sa distillation la plus intéressante et la plus pertinente. Cf. Mark Sedgwick, Against the Modern World: Traditionalism and the Secret History of the Twentieth Century (New York: Oxford University Press, 2004) ; Piero Di Vona, Evola y Guénon: Tradition e civiltà (Naples: S.E.N., 1985) ; Roger Parisot, « L’ours et le sanglier ou le conflit Evola-Guénon », L’âge d’or 11 (automne 1995).

[7] L’attrait tout comme la mystification du concept évolien sont peut-être le mieux exprimés dans l’extrait suivant de la fameuse recension de Révolte contre le monde moderne par Gottfried Benn : « Quel est donc ce Monde de la Tradition ? Tout d’abord, son évocation romancée ne représente pas un concept naturaliste ou historique, mais une vision, une incantation, une intuition magique. Elle évoque le monde comme un universel, quelque chose d’à la fois céleste et supra-humain, quelque chose qui survient et qui a un effet seulement là où l’universel existe encore, là où il est sensé, et où il est déjà exception, rang, aristocratie. A travers une telle évocation, la culture est libérée de ses éléments humains, historiques, libérée pour prendre cette dimension métaphysique dans laquelle l’homme se réapproprie les grands traits primordiaux et transcendants de l’Homme Traditionnel, porteur d’un héritage ». « Julius Evola, Erhebung wider die moderne Welt » (1935), http://www.regin-verlag.de.

[8] Julius Evola, « La vision romaine du sacré » (1934), dans Symboles et mythes de la Tradition occidentale, trad. par H.J. Maxwell (Milan : Arché, 1980).

[9] Julius Evola, Men Among the Ruins, trad. par G. Stucco (Rochester, Vermont: Inner Traditions, 2002), p. 116 ; Julius Evola, « Che cosa è la tradizione » dans L’arco e la clava (Milan: V. Scheiwiller, 1968).

[10] Luc Saint-Etienne, « Julius Evola et la Contre-Révolution », dans A. Guyot-Jeannin, ed., Julius Evola (Lausanne : L’Age d’Homme, 1997).

[11] Julius Evola, Revolt against the Modern World, trad. par G. Stucco (Rochester, Vermont: Inner Traditions International, 1995), p. 6.

[12] En accord avec une ancienne convention des études heideggériennes de langue anglaise, « Etre » est utilisé ici pour désigner das Sein et « être » das Seiende, ce dernier se référant à une entité ou à une présence, physique ou spirituelle, réelle ou imaginaire, qui participe à l’« existence » de l’Etre (das Sein). Bien que différant en intention et en ramification, les éternalistes conservent quelque chose de cette distinction. Cf. René Guénon, The Multiple States of Being, trad. par J. Godwin (Burkett, N.Y.: Larson, 1984).

[13] Martin Heidegger, The End of Philosophy, trad. par J. Stambaugh (Chicago: University of Chicago Press, 1973), p. 32.

[14] Cf. Alain de Benoist, On Being a Pagan, trad. par J. Graham (Atlanta: Ultra, 2004).

[15] On dit que la métaphysique guénonienne est plus proche de l’identification de la vérité et de l’Etre par Platon que de la tradition post-aristotélicienne, dont la distinction entre idée et réalité (Etre et être, essence et apparence) met l’accent sur la seconde, aux dépens de la première. Heidegger, The End of Philosophy, pp. 9-19.

[16] Martin Heidegger, Being and Time, trad. par J. Macquarrie et E. Robinson (New York: Harper & Row, 1962), § 6 ; aussi Martin Heidegger, “The Age of the World Picture”, dans The Question Concerning Technology and Others Essays, trad. par W. Lovitt (New York: Harper & Row, 1977).

[17] Heidegger, Being and Time, § 6.

[18] Heidegger, Introduction to Metaphysics, p. 47.

[19] Heidegger, Introduction to Metaphysics, p. 41.

[20] Heidegger, Being and Time, § 69b.

[21] Martin Heidegger, Nietzsche: 1. The Will to Power as Art, trad. par D. F. Krell (San Francisco: Harper, 1979), p. 22.

[22] Heidegger, Introduction to Metaphysics, p. 35.

[23] Martin Heidegger, “Letter on Humanism”, dans Pathmarks, prep. par W. McNeil (Cambridge: Cambridge University Press, 1998).

[24] Heidegger, Being and Time, § 79.

[25] Heidegger, Being and Time, § 65.

[26] Certaines parties de ce paragraphe et plusieurs autres plus loin sont tirées de mon livre New Culture, New Right: Anti-Liberalism in Postmodern Europe (Bloomington: 1stBooks, 2004), pp. 123ff.

[27] Heidegger, “Letter on Humanism”.

[28] Martin Heidegger, Plato’s Sophist, trad. par R. Rojcewicz et A. Schuwer (Bloomington: Indiana University Press, 1976), p. 158.

[29] Heidegger, Being and Time, § 76.

[30] Martin Heidegger, Contributions to Philosophy (From Enowning), trad. par P. Emad et K. Mahy (Bloomington: Indiana University Press, 1999), § 3 et § 20.

[31] Martin Heidegger, Parmenides, trad. par A. Schuwer et R. Rojcewicz (Bloomington: Indiana University Press, 1992), p. 1.

[32] Martin Heidegger, “The Self-Assertion of the German University”, dans The Heidegger Controversy, prep. par Richard Wolin (Cambridge, Mass.: MIT Press, 1993). Aussi : « Seul ce qui est unique est recouvrable et répétable… Le commencement ne peut jamais être compris comme le même, parce qu’il s’étend en avant et ainsi va chaque fois au-delà de ce qui est commencé à travers lui et détermine de même son propre recouvrement ». Heidegger, Contributions to Philosophy, § 20.

[33] Heidegger, Contributions to Philosophy, § 101.

[34] Hans-Georg Gadamer, Heidegger’s Ways, trad. par J. W. Stanley (Albany: State University of New York Press, 1994), p. 64.

[35] Gadamer, Heidegger’s Ways, p. 33.

[36] Martin Heidegger, Hölderlin’s Hymn “The Ister”, trad. par W. McNeil et J. Davis (Bloomington: Indiana University Press, 1996), p. 151.

[37] Martin Heidegger, “The Origin of the Work of Art”, dans Basic Writings, prep. par D. F. Krell (New York: Harper & Row, 1977).

[38] Alain de Benoist, L’empire intérieur (Paris: Fata Morgana, 1995), p. 18.

[39] Heidegger, Being and Time, § 65.

[40] Julius Evola, Ride the Tiger, trad. par J. Godwin et C. Fontana (Rochester, Vermont: Inner Traditions, 2003), pp. 78-103.

[41] Cf. Martin Heidegger, The Basic Problems of Phenomenology, trad. par A. Hofstader (Bloomington: Indiana University Press, 1982), pt. 1, ch. 2.

[42] Quand Evola écrit dans Ride the Tiger que Heidegger voit l’homme « comme une entité qui ne contient pas l’être… mais [se trouve] plutôt devant lui, comme si l’être était quelque chose à poursuivre ou à capturer » (p. 95), il interprète très mal Heidegger, suggérant que ce dernier dresse un mur entre l’Etre et l’être, alors qu’en fait Heidegger voit le Dasein humain comme une expression de l’Etre – mais, du fait de la nature humaine, une expression qui peut ne pas être reconnue comme telle ou authentiquement réalisée.

[43] Heidegger, Parmenides, p. 68.

[44] Heidegger, Being and Time, § 29 ; Contributions to Philosophy, § 120 et § 255.

[45] Heidegger, Being and Time, § 65.

[46] Heidegger, Contributions to Philosophy, § 92.

[47] Heidegger, Being and Time, § 37.

[48] Gianni Vattimo, The End of Modernity, trad. par J. R. Synder (Baltimore: The John Hopkins University Press, 1985), pp. 51-64.

[49] Heidegger, Introduction to Metaphysics, pp. 6-7.

[50] Heidegger, Contributions to Philosophy, § 117 et § 184 ; cf. Carl Schmitt, Political Theology, trad. par G. Schwab (Cambridge, Mass.: MIT Press, 1985).

[51] Heidegger, Being and Time, § 74.

[52] Martin Heidegger, “The Onto-theo-logical Nature of Metaphysics”, dans Essays in Metaphysics, trad. par K. F. Leidecker (New York: Philosophical Library, 1960).

[53] Heidegger, Contributions to Philosophy, § 5.

[54] Heidegger, Contributions to Philosophy, § 5.

[55] Heidegger, Introduction to Metaphysics, p. 162.

[56] Gadamer, Heidegger’s Ways, p. 12.

[57] Heidegger, Being and Time, § 74.

[58] Heidegger, Being and Time, § 74.

[59] Heidegger, Being and Time, § 43c.

Source: TYR: Myth — Culture — Tradition, vol. 3, ed. Joshua Buckley and Michael Moynihan (Atlanta: Ultra, 2007), pp. 67-88.


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vendredi, 05 avril 2013

Deux ouvrages récents sur les origines indo-européennes

Deux ouvrages récents sur les origines indo-européennes

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Ex: http://www.centrostudilaruna.it/

Linguiste, M. G. Devoto s’est très tôt intéressé aux réalités historiques, psychologiques, esthétiques qu’expriment et reflètent les faits de langue. En particulier, il n’a pas cessé, depuis ses débuts, de préconiser une collaboration étroite entre grammaire comparée et disciplines historiques. Dès 1931, l’essai Gli antichi Italici montrait l’efficacité de la méthode appliquée à l’Italie pré romaine, et deux éditions n’en ont pas épuisé le succès. Son commentaire des Tables eugubines (1940) est tout nourri d’histoire. Depuis lors, il n’est pas d’année qui n’ait apporté (notamment dans la revue Studi etruschi) le témoignage de la réflexion à laquelle M. Devoto soumettait les résultats conjoints de la linguistique, de l’archéologie, des sciences du droit et des institutions. Dans ces travaux, l’auteur confère à la préhistoire indo-européenne une dynamique, une historicité qu’elle n’avait pas avant lui. Les Scritti minori, recueillis en 1958, sont ainsi comme la préfiguration du grand oeuvre qu’il restait à construire: le livre de doctrine sur les origines indo-européennes.

Giacomo Devoto, Origini indeuropee

Giacomo Devoto, Origini indeuropee

Un grand oeuvre dont, après vingt-cinq années de recherches, l’auteur considère sans illusion l’inévitable caractère d’inachèvement: «un chantier», écrit-il ; et d’en «prendre congé», comme ferait l’artiste d’un chef-d’oeuvre ambitieux, si longtemps médité, si longuement accru et travaillé qu’à la fin il dépasse son auteur et ne lui appartient plus. Mais il y a là un excès de mod estie, et l’on devine que le livre de M. Devoto est plus qu’un recueil de données. Il comporte une doctrine, à la fois souple et originale, tout en restant, de propos délibéré, ouvert à la critique et à la révision. Comparé au livre récent de M. P. Bosch-Gimpera, analysé ici même en 1963 (1), il en diffère et par la méthode et par les dimensions.

Fondé presque entièrement sur l’archéologie préhistorique, l’exposé de M. Bosch-Gimpera, quoique fortement personnel, laisse assez loin l’aspect proprement linguistique de la recherche, et seules quelques données très générales y demeurent sous-jacentes; mais le problème crucial, qui est de retrouver le processus historique de la diffusion des dialectes indo-européens, demeure en quelque sorte dilué dans l’extrême foisonnement des faits archéologiques. En somme, M. Bosch-Gimpera n’imposait pas au comparatiste des vues nouvelles. Au contraire, M. Devoto a résolu — et c’est là son grand mérite — d’affronter successivement tous les aspects du problème, d’en réunir et d’en organiser toutes les données, sans jamais négliger l’historique de la recherche. M. Devoto est convaincu, évidemment avec raison, que la diffusion de l’indo-européen ne saurait, dans la plupart des cas, s’être accomplie sans un déplacement notable de groupes de colonisateurs ou de conquérants; qu’en outre, ces groupes d’hommes ne peuvent avoir imposé leur langue à l’exclusion de tous les autres éléments culturels, qu’ils soient de nature intellectuelle (faits sociaux, religieux, psychologiques) ou matérielle (outillage, céramique, armement, usages domestiques et funéraires). Des premiers, l’archéologie ne livre que des traces très indirectes; mais ils ont dû conditionner l’histoire du vocabulaire. Des autres, les témoignages livrés par le lexique sont plus fuyants; mais l’archéologie, là du moins où elle est suffisamment avancée, permet d’en restituer les modalités et les variantes avec une fidélité souvent surprenante. Le problème revient à déterminer dans quelle mesure, dans le cas des Indo-Européenes, vicissitudes de la civilisation, que révèle l’archéologie, peuvent correspondre avec les faits qui ont conditionné l’histoire linguistique.

Se situant au point de convergence de plusieurs disciplines qui relèvent de méthodes très différentes, pareille tâche présuppose un aménagement multilatérale des données retenues comme pertinentes. Mais M. Devoto a bien vu que le problème indo-européen étant un problème linguistique, l’enquête doit être orientée dans le sens qu’indiquent les faits de langue. Reste à savoir si l’auteur a opéré avec les faits linguistiques et avec les faits historico-culturels de façon à satisfaire à la fois les comparatistes et les archéologues, et s’il n’est pas inévitable que des faits aient été choisis et traités de manière un peu intentionnelle pour leur capacité de s’accorder les uns avec les autres. Il va de soi qu’en pareille matière, une tentative de solution ne va pas sans une forte part d’hypothèse, sans une sorte de démiurgie. On ne peut qu’admirer en tout cas l’étendue de l’effort déployé pour ordonner une matière aussi vaste et pour dominer un problème d’une complexité aussi décourageante.

Giacomo Devoto (Genova, 19 luglio 1897 – Firenze, 25 dicembre 1974)

Giacomo Devoto (Genova, 19 luglio 1897 – Firenze, 25 dicembre 1974)

Il n’y aurait pas proprement de «problème indo-européen» si l’on n’était à même d’établir l’existence d’une unité linguistique indo-européenne. Aussi est-ce à réexaminer la légitimité du problème, maintes fois mise en doute en ce dernier quart de siècle, que M. Devoto consacre son premier chapitre: reconstruction «structurale», esquissée dans ses grands traits, de l’indo-européen commun; rappel succinct des quelques faits relevant d’un état plus ancien, le «proto-indo-européen» (2); examen rapide du problème des rapports entre indo-européen et d’autres familles linguistiques — on sait qu’outre le sémitique et le finno-ougrien, on a noté des concordances lexicales jusqu’en chinois et en coréen: certaines ne sont peut-être pas fortuites, comme pour le nom du «miel» (chin. arch. *myet: i.-e. *medhu-) ou du «chien» (chin. arch. *k’iwen: i.-e. *k’won-), et posent la question d’antiques relations transasiatiquee et transsibériennes.

Le chap. II examine les données géographiques, anthropologiques et ethnologiques et fait l’historique des nombreuses controverses qu’elles ont soulevées. M. Devoto procède par éliminations successives, en ‘en tenant fermement à un principe simple mais rigoureux: sont à exclure a priori toutes les régions où des témoignages historiques ou linguistiques attestent ou font en trevoir que les populations de langue indo-européenne s’y sont progressivemeént établies à la suite de migrations, et où l’archéologie et l’épigraphie garantissent l’existence, jusqu’à des époques relativement récentes, de civilisations et de langues de substrat (Inde, y compris le bassin de l’Indus, Iran méridional, Caucase, Grèce, Italie, pays celtiques). L’aire qui demeure possible est limitée en gros par le Rhin, les Alpes, le bassin du Danube, les mers Noire et Caspienne; mais les confins orientaux, en direction des steppes, sont fuyants. Quant aux limites chronologiques, M. Devoto, avec raison, considère comme de date trop basse l’âge du Bronze de l’Europe centrale (débuts du IIe millénaire), mais le Mésolithique, qui a pourtant été proposé (avant le Ve millénaire), est visiblement trop haut (3).

M. Devoto estime le volume démographique des migrations comme étant en raison inverse de la supériorité technique ou politico-sociale des colonisateurs sur les colonisés. C’est dire qu’on ne doit pas s’attendre à en retrouver des traces archéologiques à la fois massives et très spécifiques. Aussi une grande partie du livre — et la plus personnelle — est-elle consacrée aux aspects techniques, idéologiques et sociologiques du monde indo-européen. L’auteur ne se fait guère d’illusion sur la vertu de la comparaison en ethnologie et en histoire du droit, et l’on ne peut qu’approuver sa prudence: la probabilité mathématique d’un morphème ou d’un sémantème n’a rien de commun avec celle d’un genre de vie ou d’une institution sociale ou religieuse, où la part de contingence est évidemment beaucoup plus grande.

En revanche, si faible que soit, par définition, la réductibilité de ses résultats à des faits d’ordre ethnique ou linguistique, l’archéologie est devenue au jourd’hui une science trop rigoureuse, trop objective pour n’être pas interrogé: c’est l’objet du chap. III. Selon M. Devoto, les éléments du décor d’une poterie peuvent être considérés comme des critères suffisants, car ils sont par nature non fonctionnels et reposent sur une tradition désintéressée, donc non contingente. Mais l’auteur ne marque pas assez nettement, peut-être, que si les groupements céramologiques n’ont guère de chance a priori de recouvrir des groupements linguistiques, c’est en vertu du fait d’expérience, méthodologiquement fondamental, que les conditions dans lesquelles se transmettent langues et éléments de civilisation sont radicalement différentes. Aussi M. Devoto ne renouvelle-t-il pas les imprudences des «lois» céramologico-linguistiques d’un O. Montelius ou d’un G. Kossinna, qui postulaient un parallélisme entre continuité culturelle (temps ou espace) et continuité ethnique, discontinuité culturelle et discontinuité ethnique. Et il ne cherche pas à identifier les expansions indo-européennes antérieures au IIIe millénaire, c’est-à-dire les expansions qui n’ont pas abouti à la formation des communautés historiques et qui n’offrent pas à l’historien un point d’arrivée où langue et culture soient indiscutablement associées. Ce que cherche avant tout à définir l’auteur, ce n’est donc pas la toute première communauté «proto-indo-européenne», insaisissable, mais plutôt un jeu de forces en mouvement, en partie antagonistes, propre à justifier l’éclatement culturel et linguistique postulé par l’histoire. De même que certains astres ont pu être identifiés par l’incidence de leurs mouvements sur l’ensemble d’un système, c’est par la dialectique des rapports entre traditions linguistiques et culturelles différentes que M. Devoto arrive à saisir l’existence d’une communauté indo-européenne. Ce jeu de forces, il en trouve le cadre, après bien des éliminations, et d’accord avec plusieurs préhistoriens (tels M. Bosch-Gimpera et Mme M. Gimbutas), dans le monde néolithique de la céramique rubanée. Celui-ci, on le sait, présente une relative uniformité entre le Rhin et l’Oder et entre la ligne Cologne-Magdebourg-Francfort-sur-Oder et le bassin de la Drave en Hongrie.

L’aire ainsi définie est vaste, notamment en direction de l’Ouest; et il s’agit d’une époque que les récentes datations au radio-carbone tendent à reporter au-delà du IVe millénaire. G. von Kaschnitz-Weinberg écartait la civilisation de la céramique rubanée, M. H. Hencken la restreint à l’une de ses composantes orientales. On pourrait craindre aussi que le caractère si particulier de la morphologie indo-européenne s’accorde mal avec l’hypothèse de populations nombreuses et dispersées, chez qui toute unité linguistique paraît vouée à une fragmentation dont il semble malaisé de placer les débuts vers le Ve ou même le IVe millénaire. Il est vrai que, d’une part, il ne s’agit pas, dans l’esprit de M. Devoto, d’identifier simplement les porteurs de la civilisation «rubanée» avec les porteurs de l’indo-européen, ni d’assimiler une certaine technique décorative — d’ailleurs dépourvue d’unité organique — à une tradition linguistique donnée. Et ce n’est que plus tard qu’apparaissent la plupart des phénomènes d’attraction, de résistance et d’expansion capables d’éclairer le problème des rapports entre le monde indo-européen et sa périphérie: pressions de l’extérieur et notamment du monde asianique et méditerranéen (spondylus gaederopus, céramique peinte, idoles anthropomorphes) mais aussi du monde nordique (civilisation de Rossen) ou occidental (civilisation du vase campaniforme); attractions et résistances exercées par des foyers extérieurs (Balkans, Thrace, Thessalie, Italie du Nord et du Sud); facteurs internes, foyers d’expansions futures (Hongrie et Silésie avec les civilisations de Jordansmühl, des amphores globulaires, de la céramique cordée; Bohême avec la civilisation d’Unëtice; de nouveau Hongrie et Silésie avec la civilisation de Lusace et l’expansion des Champs d’urnes). On le voit, ces phénomèn esse pour suivent jusqu’à l’âge du Bronze final. Après d’autres, M. Devoto attache une grande importance au dynamisme de la civilisation d’Unëtice, dont des éléments se retrouvent de la Pologne à la Roumanie, mais aussi, mêlés à des traits apenniniens, dans la culture lombardo-émilienne des «terramares». En réaction contre l’«anti-décorativisme» radical d’Unëtice, la civilisation des tumulus s’affirme surtout en direction de l’Occident où elle prépare l’expansion future de la civilisation de Lusace et des Champs d’urnes.

Or, on sait que ces dernières inaugurent en Europe le rite funéraire de l’incinération. Pour M. Devoto cet avènement marque un changement profond des conceptions eschatologiques: cette opinion ancienne paraît devoir être retenue dans certaines limites, en dépit des résistances qu’elle a rencontrées; mais souvent, et parfois très rapidement, les formes extérieures de l’inhumation et les croyances qui y sont attachées ont réagi sur l’incinération et ont tendu à la supplanter. L’auteur marque bien, en tout cas, que l’incinération n’implique, dans les lieux mêmes où s’élabore la culture de Lusace, ni une mutation ethnique ni de changements profonds de la civilisation: ainsi à Knoviz, en Bohême, on peut observer stratigraphiquement le passage graduel de la culture inhumante d’Unëtice à celle, incinérante, de Lusace. Il n’en reste pas moins vrai qu’ailleurs que dans ses foyers d’élaboration, l’incinération introduite par les porteurs des «Champs d’urnes» s’insère brutalement et globalement dans un horizon inhumant, et constitue dès lors le signe probable d’une immigration, peut-être numériquement faible, mais idéologiquement puissante. Ainsi, en Italie, le contraste entre Subapenniniens inhumants et Protovillanoviens incinérants est net à tous égards, quelque interprétation qu’on soit amené à donner de ce contraste.

Le chap. IV étudie la problématique des données linguistiques. La doctrine de M. Devoto est, on le sait, résolument progressiste: critique des conceptions généalogiques abstraites, exclusivement centrifuges, de la linguistique traditionnelle; vision très souple des relations entre mondes indo-européen et non-indo-européens; large utilisation des principes de la linguistique «spatiale». M. Devoto distingue ainsi des courants anti-indo-européens parallèles aux pressions extérieures reconnues par l’archéologie; les noms du «minerai de cuivre» (i.-e. *raud(h)o-) et du «bovin domestique» (*gwôu~), le système de numération duodécimal peuvent avoir été apportés par les mêmes courants de provenance anatolienne et mésopotamienne (cf. resp. sum. urud «cuivre» et gu «boeuf») qui ont introduit en Roumanie, en Thessalie, en Italie du Sud la céramique peinte; de même, le système vigésimal qui apparaît dans le monde celtique pourrait être mis en rapport avec le courant d’origine sud-occidentale représenté archéologiquement par la céramique campaniforme. Là où l’expansion indo-européenne rencontrait ces mêmes courants anti-indo-européens, il est arrivé que l’indo-européen, du moins en un premier temps, ne se soit pas imposé, et n’ait laissé à la langue de substrat que des traces isolées, lexicales ou morphologiques; il en est résulté, spécialement dans l’Europe méditerranéenne et en Anatolie, une frange de neutralisation que M. Devoto appelle péri-indo-européenne: il s’agirait en somme d’un processus amorcé mais non achevé d’indo-européisation. Cette notion permettrait d’expliquer la présence d’éléments indo-européens en étrusque, dans des parlers préhelléniques et asianiques, ainsi que des contaminations de traditions indo-européennes et «méditerranéennes»: des faits tels que gr. πννδαξ «fond de vase» à côté de πνθμήν, πύργος à côté de got. baùrgs «ville» mais aussi de médit. *parga-/*perga-, trouveraient ainsi leur explication.

Le chap. V dégage, par une étude exhaustive du lexique, les traits du patrimoine spirituel, institutionnel et technique. Un effort pour relier ce patrimoine notionnel aux réalités que fait connaître l’archéologie aboutit à de nombreuses explications de détail tantôt convaincantes, tantôt, il faut le dire, simplement ingénieuses. Si, par exemple, il existe un adjectif commun pour «mou, tendre» *mldu-) sans complémentaire pour «dur», c’est, enseigne l’auteur, que le premier avait dans cette communauté néolithique une valeur technique, et se référait à une certaine qualité de la pierre ou du bois les rendant propres à être façonnés: mais la non-aptitude n’est-elle pas aussi une valeur technique? De même, le rapport de lat. color avec celô «recouvrir» — on pourrait y ajouter celui, parallèle, de skr. varnah avec vrnóti — s’expliquer aipart la technique de la céramique peinte introduite dès une phase ancienne du Néolithique; mais l’indo-européen n’a de nom commun ni pour «couleur», ni pour« substance colorante»: M. Devoto ne craint-il pas que cette date soit beaucoup trop haute pour des faits suspects d’être des créations propres à chaque langue? V. h. all. hulsa, p. ex., ne signifie que «gousse».

C’est essentiellement dans les oppositions de nature sociale ou chronologico-spatiale des éléments du lexique que M. Devoto reconnaît le jeu des forces antagonistes qui exprime et explique tout à la fois les mouvements d’expansion indo-européens (chap. VI-VII). D’une part, le fait que les langues occidentales ont en commun un ancien vocabulaire agricole (dit «du Nord-Ouest») dont certains éléments se retrouvent dans les langues orientales (ainsi lat. arô: tokh. A âre «charrue») paraît confirmer l’antiquité de l’agriculture; mais celle-ci ne paraît pas avoir eu le caractère aristocratique de l’élevage. Sans doute, il est normal — et l’opinion avait été émise par A. Meillet — que les expéditions en direction de l’Orient, ayant traversé de vastes régions steppiques qui se prêtaient mal à une économie agraire, aient à la longue perdu une partie notable de ce vocabulaire; en revanche un semi-nomadisme a introduit des termes nouveaux liés de près ou de loin à l’activité pastorale (comme le numéral pour «mille» inconnu en Occident). On peut pourtant se demander si, dans certains cas, M. Devoto ne tend pas à s’exagérer l’antiquité du vocabulaire du Nord-Ouest, où il entre des mots isolés et de caractère anomal comme le nom de la «pomme» (osq. Abella, v. h. a. apful, etc.) ou de la «fève» (lat. faba, ν. h. a. bôna, etc.) et d’autres indiquant des traditions techniques acquises en commun, à une date qui peut être post-néolithique, comme le nom du «timon» (lat. têmô, etc.). Il demeure probable que certains éléments de ce vocabulaire sont de date plus récente et résultent d’une expansion dans des régions encore non ou imparfaitement indo-européisées: ne pourrait-on songer par exemple à la civilisation des tumulus, au Bronze moyen?

M. Devoto, dans plusieurs travaux antérieurs, a développé une théorie opposant un monde indo-européen «central», générateur d’innovations religieuses, économiques et sociales, à une périphérie vers laquelle seraient repoussés des éléments plus archaïques. Cette théorie, amplifiée, occupe le chap. VII. M. Devoto voit dans ces tendances révolutionnaires, de caractère essentiellement démocratique et collectiviste, l’une des causes profondes de la dislocation. Ce n’est pas à dire — le chap. VIII le montre abondamment — que des groupes archaïques déjà éloignés n’aient pu être rejoints plus tard par des groupes innovateurs, voire par des innovations lexicales isolées. M. Devoto pousse jusqu’au bout le principe de l’indépendance des isoglosses: les expéditions n’ont pas perdu tout contact avec la communauté restée sur place, non plus qu’avec d’autres groupes emigrants; et les communautés historiques représentent des synthèses, élaborées parfois tardivement, d’éléments porteurs de traditions non contemporaines. On reconnaît ici la fluidité des conceptions de l’école linguistique italienne, caractéristique notamment de M. V. Pisani. Mais si le principe est juste, et si cet assouplissement de la doctrine paraît historiquement nécessaire, l’application en est très délicate; il est à craindre que, sur ce point, la démonstration de M. Devoto ne suscite des résistances de la part des linguistes. On pourra trouver par exemple qu’il est accordé, d’une manière générale, trop d’importance aux isoglosses phonétiques, les faits de prononciation ayant une probabilité statistique beaucoup plus grande que les faits morphologiques. Et là même où l’idée générale paraît juste, il y aurait, dans le détail, des réserves à faire : ainsi, pp. 296 et 307, M. Devoto oppose à un nom animé *egni- du «feu», conçu comme une force agissante susceptible d’être personnalisée (cf. véd. Agnih), et maintenu dans les langues marginales, le nom inanimé, selon lui nouveau, *pür-, rattaché au verbe «purifier» (skr. punâti), conçu comme instrument de purification, et propre à l’aire centrale. Mais d’abord, on croira difficilement qu’un mot comme *pé∂2ur- n’appartient pas à la couche la plus ancienne du lexique, quand on considère qu’il apparaît en hittite avec une forme qui exclut un apport récent; car la conservation de la laryngale intérieure (pahkur, gén. pahhuenaš) semble exclure tout à fait qu’il n’ait pas été apporté en Anatolie par les premiers colons, autour de 2200/2000 av. J.-C. L’alternance r/n apparaît d’ailleurs dans des langues où l’analogie ne peut avoir joué aucun rôle, comme en germanique ou en arménien (hur «feu»: hn-oc «fourneau»). En outre, la forme *pe∂2- de la racine écarte tout rapprochement avec le groupe de skr. punâti où la racine a la forme *pew- (E. Benveniste, Orig. de la form des noms, p. 169).

Le chap. VIII, par lequel se clôt le volume, en constitue en même temps la conclusion et l’aboutissement. L’histoire de chaque grande communauté de langue indo-européenne s’y trouve reconstruite à la fois sur le plan archéologique et sur le plan linguistique, et la synthèse originale que constitue chacune d’elles, étudiée dans ses diverses composantes: superstrats indo-européens, adstrats anti-indo-européens, substrat indigène. Le courage et la loyauté scientifiques de M. Devoto se révèlent ici pleinement; M. Devoto ne s’est pas dérobé à l’obligation de reconstruire la préhistoire de chaque nation, et d’affronter le jugement d’une multitude de spécialistes. Il tire ainsi les conséquences extrêmes de sa doctrine, il en éprouve le bien-fondé. Le chapitre tout entier est d’un très vif intérêt. Aussi sera-t-on tenté de discuter çà et là avec l’auteur. P. 373, hitt. tuzziaš «armée» est donné comme équivalent à got. þiuda, ombr. tota «cité, peuple», etc., à l’appui du caractère «central» du hittite: mais, dans un livre que M. Devoto ne pouvait connaître (Hitt. et i.-e., pp. 123-124), M. Benveniste a montré que le mot hittite ne signifie à l’origine que «camp», ce qui écarte le rapprochement; le même ouvrage comporte en revanche bien des connexions nouvelles avec l’indo-européen «marginal»: hitt. â- «être chaud», skr. anti-, antikä «foyer, four», ν. irl. áith «id.»; hitt. allaniya- «suer», v. irl. allas «sueur»; hitt. - «accepter pour véridique», lat. ô-men; h tt. hašša «foyer», osq. aasa, lat. âra, etc. Si les parlers anatoliens représentent avec le grec une tradition «centrale», la date très haute (avant 2.000 probablement) des migrations semble du moins exclure que les tendances innovatrices du monde central encore indivis aient eu le temps d’arriver à leur terme, et, tout en ne participant pas entièrement à l’archaïsme marginal, lexical et idéologique, de l’indo-iranien et de l’ensemble italique et celtique, le hittite et le mycénien demeurent archaïques de par leur date. J’hésiterais donc à mettre au compte d’innovations des termes comme hitt. watar (cf. myc. udo), myc. werege « Fέργει», etc.

Ce qu’on sait de la société mycénienne cadre d’ailleurs mal avec un aménagement démocratique des institutions; comme semble le reconnaître implicitement M. Devoto p. 382, si l’ancien *rëg- y a disparu au profit de Fάναξ, ce n’est pas parce que, dans le monde central, le « roi » avait déjà perdu son caractère aristocratique, mais parce que les rois minoens avaient un tout autre caractère que les chefs de tribus des sociétés néo-chalcolithiques de l’Europe centrale. Ce qui est vrai du monde slave, baltique, germanique ou illyrien vers 1500, 1000 ou même 500 av. J.-C. et plus tard encore ne l’était pas nécessairement autour de 2500-2000 av. J.-C.

Pp. 386-387 est à nouveau affirmée la théorie, due à M. Devoto et défendue du point de vue archéologique par M. M. Pallottino, d’une triple tradition à l’origine des peuples italiques. Sans engager ici une discussion approfondie de ces vues, archéologiquement défendables en effet, qu’il soit permis de présenter quelques remarques. Se baser sur le traitement des sonores aspirées pour établir une tripartition en «Protolatins» (cuit, des tombes à fosses), «Proto-Italiques» (Protovillanoviens, Vénètes) et Ombro-Sabelliens, c’est supposer que les traitements de l’époque historique étaient déjà ceux d’une protohistoire lointaine. Or, les traitements «protolatin» et sicule (Aetna), latin et vénète (aedês) et ombro-sabellique (Aefulae) peuvent présenter des stades divers d’une même évolution. Le fait que le vénète n’a pas participé au passage de la dentale à la labiale au voisinage de u, r, passage qui se conçoit mieux au stade spirant (cf. mon c. r. de G. Giacomelli, La lingua falisca, Latomus, XXIV [1965], p. 696), suffit à faire soupçonner que Latins et Vénètes étaient déjà séparés au moment où apparaissent les sonores. Et comment écarter ce stade spirant devant des faits comme wehô en face de uêxi , fingô ? Un mot comme figulus (de *ρίχ-εΙο-) ne montre-t-il pas que le -χ- avait encore une consistance au moment du passage de *-e- à -u- et que, par suite, la sonore intérieure du latin — et du vénète — est chose récente et résulte de répartitions délicates, propres à chaque dialecte? Le -t- de sicule Aίτνα, λίτρα ne peut-il vraiment être le témoin d’un très ancien *-th- «proto-italique» (ou, si l’on préfère, protovillanovien, cf. les découvertes récentes de Milazzo et de Lipari) qui tendait vers -t- au moment où les Grecs, vers le VIII-VIIe siècle, ont rendu ce phonème par -τ- et non par -Θ-?

Ce très bel ouvrage, dont la correction typographique n’est pas loin d’être parfaite, est pourvu d’une illustration archéologique de haute qualité, et d’autant plus précieuse qu’il s’agit le plus souvent de documents rares, qu’il faudrait aller chercher dans des recueils spéciaux. Le linguiste aura par là, pour la première fois peut-être, une vision concrète des groupements culturels que reconstitue l’archéologie dans les aires intéressées par le problème indo-européen. Des cartes très précises permettent d’ailleurs leur constante mise en place. On ne négligera pas, enfin, l’important lexique, qui groupe par catégories concrètes (termes généraux, activités mentales, familles, techniques, etc.) près de 1000 racines ou lexemes, et dont l’heureuse disposition permet d’apprécier du premier coup d’oeil l’extension de chaque élément dans les diverses parties du domaine.

* * *

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Dans la vaste et longue enquête qu’il a menée à travers le monde indo-européen, il est un dossier, et l’un des plus volumineux, dont M. Devoto a confié l’étude à une élève: celui de l’histoire de l’habitat. M.lle Gianna Buti a courageusement entrepris ce sujet difficile et elle a tiré, de l’étude parallèle des textes, des faits linguistiques et archéologiques une monographie originale, dont il n’existait aucun équivalent, et qui complète opportunément les Origini indeuropee. On peut d’ores et déjà affirmer qu’avec ce très heureux essai l’autrice se place parmi les spécialistes d’un ordre d’études qui a jusqu’ici été l’apanage des archéologues: l’architecture comparée des peuples indo-européens.

Une amicale préface de M. Devoto indique que, si le livre de M. S. M. Puglisi sur la civilisation apenninienne de l’Italie (paru dans cette même collection en 1959) marque, de la part d’un archéologue, une ouverture vers un échange fécond entre archéologie et linguistique, celui de M.lle Buti se veut une réponse du linguiste, aussi ouverte à cette même collaboration. L’ouvrage est richement illustré, et de belles planches, très originales, constituent un véritable album qui fait revivre l’histoire de l’habitat en Europe à travers l’espace et le temps.

Quelques pages liminaires examinent des points de terminologie et de méthode, et témoignent d’une vision très claire des difficultés du problème. A cet égard, il est intéressant de voir la pensée d’un maître revue et exposée par un disciple. Bien entendu, Mlle Buti réaffirme qu’il n’existe pas proprement de «maison indo-européenne», mais qu’il n’y a que «des manières indo-européennes d’appeler les maisons communes à tout un milieu naturel et culturel», chaque manière de dénommer la «maison», soit comme construction, soit comme lieu d’habitation, soit comme siège de la famille, dénote en face du concept «maison» une attitude psychologique différente et révélatrice. Une première partie est consacrée à cette étude de sémantique historique, et examin successivement l’habitation en cavités rocheuses — qui n’a guère laissé de traces lexicales, sauf peut-être dans le groupe de v. isl. kot, kytia, etc. —; l’habitation à demi creusée dans le sol, typique des communautés du Néolithique et du Bronze — qui s’exprime par la racine *(s)keu- de germ, hûs, serbo-cr. kùca, etc., et dont des témoignages classiques (Virgile, Strabon, Vitruve) ont gardé le souvenir —; l’habitation construite (en bois) au niveau du sol — qu’exprimerait la rac. *dem- «construire», cf. v. isl. timbr «bois de construction» comparé à all. Zimmer.

La seconde partie, fondée plus particulièrement sur les textes, étudie les problèmes de l’interprétation des faits: l’habitation dans la préhistoire indo-européenne, l’habitation dans la protohistoire de chaque peuple indo-européen en particulier (mondes indo-iranien, grec, etc.). On trouvera, p. 163, une curieuse carte donnant la distribution de la maison à atrium dans l’Europe centro-septentrionale.

Une bibliographie soignée et des index linguistiques et archéologiques rendront les plus grands services.

Les circonstances font que cette notice paraît au moment où M. Devoto vient de célébrer son soixante-dixième anniversaire et où, par suite, s’achève à Florence une carrière universitaire d’un éclat singulier. Les deux très beaux livres qui en sont le couronnement auraient sans doute mérité un recenseur moins pressé; du moins a-t-on essayé ici d’en faire saisir l’esprit, de mettre en lumière leur exceptionnelle puissance de reconstruction. Convaincants dans leurs démarches et séduisants dans la plupart de leur résultats, ils font grand honneur au talent et au dynamisme de M. G. Devoto et de son école.

Notes

(*) Giacomo Devoto, Origini indeuropee («Origines». Studi e materiali pubblicati a cura dell’Istituto Italiano di Preistoria e Protostoria), Florence, Sansoni, 1962, in-4°, xii-428 pp.; 74 figg. et XX pli. hors texte; à part, un fasc. in-4° paginé 425-521, 18.000 lires.
Gianna Buti, La casa degli Indeuropei. Tradizione e archeologia (même collection), Florence, Sansoni, 1962, in-4°, 207 pp., 37 figg. et XVI pli. hors texte, 10.000 lires.

(1) P. Bosch-Gimpera, Les Indo- Européens. Problèmes archéologiques. Préface et trad. de R. Lantier (Paris, 1961). Cf. J. Loicq dans R.B.PLH., XLI (1963), pp. 112 et suiv.

(2) Les comparatistes parlent d’habitude de «pré-indo-européen»; mais ce terme n’est pas conforme aux emplois actuels du préfixe pré- chez les historiens, et évoque des réalités antérieures à l’indo-européisation. Le terme «proto-indo-européen», sans équivoque, paraît donc préférable.

(3) Ceci n’implique pas, bien entendu, que l’on ne puisse supposer théoriquement l’existence, dès le Mésolithique ou le Pré-Néolithique de l’Europe orientale, par exemple, ou de régions encore situées plus à l’Est, de groupes d’hommes porteurs de dialectes se situant au début du continuum dont l’indo-européen conventionnel représente le dernier état avant le départ des premières expéditions «historiques»: une langue a toujours une histoire. Mais toute tentative de définition ou de localisation serait vaine, car il peut s’agir, à cette époque lointaine, de quelques tribus infimes possédant une culture matérielle identique à celle des tribus avoisinantes.

* * *

[Jean Loicq, Archéologie et linguistique historique. Deux ouvrages récents sur les origines indo-européennes. In: Revue belge de philologie et d'histoire. Tome 45 fasc. 1, 1967. Antiquité - Oudheid. pp. 86-96; de http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rbph_0035-0818_1967_num_45_1_2671].


mercredi, 03 avril 2013

La Corporation chez Julius Evola

La Corporation chez Julius Evola

par Stéphane Blanchonnet

Ex: http://a-rebours.ouvaton.org/

Article paru dans L'Action Sociale Corporative numéro 5.

evolapapa.jpgDans Le Fascisme vu de Droite – ouvrage disponible en français aux éditions Pardès – Julius Evola (1898-1974) propose une critique, au sens d'une analyse rigoureuse, méthodique et sans concession à l'égard de ses détracteurs comme de ses admirateurs, d'un régime et d'une idéologie dont il fut un compagnon de route atypique (Evola s'opposa notamment, dans un esprit contre-révolutionnaire, à l'importation du racisme biologique allemand, à l'abaissement du rôle de la monarchie, aux dérives étatistes et totalitaires). Ce livre publié en 1964 bénéficie à la fois de la proximité avec son sujet que donne à l'auteur sa qualité de témoin et d'acteur, ainsi que de la hauteur de vue que lui procurent la distance dans le temps et sa riche réflexion politique d'après-guerre, dont témoignent des œuvres comme Orientations (1950) ou Les hommes au milieu des ruines (1953). Deux chapitres du Fascisme vu de Droite retiendront particulièrement notre attention dans le cadre de cet article : le chapitre VIII consacré aux institutions fascistes en général et le chapitre IX consacré plus précisément au problème de la corporation et de l'organisation économique.

Une nouvelle forme de représentation

    Le chapitre VIII reconnaît d'abord au fascisme le mérite d'avoir abattu le parlementarisme. Outre la restauration de l'Etat, cette opération permet d'envisager une nouvelle forme de représentation qui tranche avec celle procurée par les partis parlementaires, structures dont le moyen est le clientélisme le plus vulgaire et la fin, non le service de l'Etat mais celui de leurs idéologies respectives : « ils se présentent dans une sorte de concours ou de compétition pour la meilleure défense des intérêts de tel ou tel groupe d'électeurs, mais en réalité ils ont chacun une dimension politique, chacun une idéologie ; ils ne connaissent ni intérêts ni exigences les dépassant, ils agissent dans l'état vide et visent chacun à la conquête du pouvoir : d'où une situation on ne peut plus chaotique et inorganique » (p. 75-76 de l'édition Pardès).
    Evola voit immédiatement dans l'abolition de ce système l'occasion de rétablir une représentation qualitative et organique (des groupes, en fonction de leur rôle dans le corps social) et non plus quantitative (des individus selon le principe : un homme, une voix), sur le modèle des institutions de l'Europe d'avant 1789 : « parce que ce n'était pas la simple force numérique des groupes, des corps ou des unités partielles ayant au Parlement leurs propres représentants qui était considérée, mais leur fonction et leur dignité. » (p. 77).
     Idéalement pour Evola, le nouveau régime aurait dû promouvoir une forme de bicaméralisme ainsi conçu : une Chambre basse représentant la société sur un mode qualitatif, différencié et organique (représentants des corporations professionnelles, de l'armée, de la magistrature et des autres corps) et une Chambre haute, un « Sénat, avec des membres exclusivement désignés d'en haut, choisis surtout en fonction de leur qualité politique, qualité de représentants de la dimension transcendante de l'état, donc aussi de facteurs spirituels, méta-économiques et nationaux » (p. 79) ayant pour but de faire prévaloir le plan des fins sur celui des moyens et proche en cela de l'idée d'un Ordre, au sens supérieur, traditionnel et religieux du terme. Hélas ce programme ne sera pas mis en œuvre, en tout cas pas dans toute la pureté de sa conception.

L'échec du fascisme

    Le chapitre IX s'intéresse plus précisément à l'un des composants de la Chambre basse : la corporation professionnelle. Evola y affirme d'abord la nécessité de « s'opposer à une fonction de la corporation soit comme instrument d'étatisation centralisatrice, soit comme instrument de conquête de l'état par l'économie. » (p. 82). En effet, il décèle deux premiers écueils dans le programme corporatiste : celui du dirigisme qui tue la libre initiative du chef d'entreprise, la corporation étant alors conçue comme une courroie de transmission au service d'un contrôle étatique de l'économie, et celui de "l'état corporatif", la corporation devenant alors l'instrument d'une dissolution du politique dans l'économie.
    A cela s'ajoute, le danger consistant à concevoir le corporatisme comme une superstructure nationale où les employeurs et les employés enverraient séparément et par branche leurs représentants, ce qui ne ferait qu'aggraver les antagonismes de classe. Sur ce dernier point, Evola constate l'échec du fascisme : « Le système institua […] sur le plan législatif le double front des employeurs et des travailleurs, dualité qui ne fut pas surmontée là où il aurait fallu, c'est-à-dire dans l'entreprise elle-même, au moyen d'une nouvelle structuration organique de celle-ci (donc dans sa structure interne), mais dans des superstructures étatiques générales affectées d'un lourd centralisme bureaucratique et, en pratique, souvent parasitaires et inefficaces. » (p. 85).
    L'auteur oppose à ce modèle bureaucratique, la « reconstruction organique infrastructurelle » (p. 90) des corporations, c'est-à-dire, l'idée d'une entreprise-communauté conçue de manière analogue à la nouvelle vision organique de la nation. C'est dans chaque entreprise donc qu'il conviendrait d'organiser la représentation de tous selon sa fonction : le chef d'entreprise, les cadres, les différents services et ateliers. Cette communauté de travail et son chef seraient alors responsables devant l'Etat.

Nécessité d'une transcendance

    Ce dernier point, la responsabilité devant l'Etat, manifeste l'ultime difficulté envisagée par Evola : sans un esprit commun, sans une transcendance politique et spirituelle, la corporation est vouée à l'échec. D'où la nécessaire reconnaissance du « caractère non seulement économique mais aussi éthique de la corporation » (p. 86), de la responsabilité morale du chef d'entreprise devant l'Etat « comme contrepartie de la reconnaissance de sa libre initiative » (p 87), de la lutte nécessaire contre un capitalisme « parasitaire » (le chef d'entreprise devant être le « premier travailleur » de son entreprise par opposition au simple bénéficiaire de dividendes), de la participation des employés aux bénéfices mais aussi aux pertes de l'entreprise.
    L'argumentation d'Evola sur la question sociale dans Le Fascisme vu de Droite présente l'intérêt de confronter les principes contre-révolutionnaires en la matière avec l'histoire de l'une des tentatives, partielle et insatisfaisante, mais réelle, de leur mise en œuvre au XXe siècle. L'idée la plus forte que l'on en retiendra est que le projet de restauration d'un ordre vraiment traditionnel et hiérarchique ne peut se mener sur un seul terrain, qu'il soit politique ou social et économique, mais correspondre à un changement complet de direction dans tous les domaines et d'abord au plan spirituel. Tout constructivisme politico-économique qui ne tient pas compte de la dimension anthropologique du problème posé par la Modernité se condamne à l'échec.

Stéphane BLANCHONNET

mardi, 26 mars 2013

Het doorleven van heidense gebruiken in de middeleeuwse volkscultuur

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Filip MARTENS:

 

Het doorleven van heidense gebruiken in de middeleeuwse volkscultuur

 

 

De Latijnse Kerk werd in de Middeleeuwen geconfronteerd met vele populaire heiligentradities en verschillende inzichten in de religie zelf. Om dit onder controle te brengen, vervaardigde de Kerk boeteboeken voor haar priesters. De context van deze boeteboeken is die van de parochie. De taak van de pastoor was het dirigeren van het religieuze leven der gelovigen, maar zonder de biecht en de boeteboeken zou dit moeilijk geweest zijn.

 

Binnen de parochie brachten de meeste middeleeuwers hun ganse leven door: ze werden er gedoopt, gingen er naar de mis, trouwden en overleden er. Doch deze lokale molecule van de Kerk was veel meer dan een religieus centrum: er vonden ook feesten plaats, er werden inkopen gedaan, het graan werd er opgeslagen en de plaatselijke kerk – vaak het enige stenen gebouw in het dorp – was veelal het laatste toevluchtsoord tegen bandieten en roversbendes. Alle dorpelingen waren tevens aan elkaars sociale controle onderworpen. Veel mensen verlieten zelfs de parochie om te biechten en zo te ontsnappen aan de supervisie van de pastoor. Het behoren tot een bepaalde parochie had ook diepe spirituele wortels. Het was de plaats waar zowel de voorvaderen begraven lagen als de parochianen zelf begraven zouden worden.

 

In de Germaanse culturen was schaamte belangrijker dan schuld. De Germaanse held bekeek zichzelf door de ogen van het collectief: zijn daden – niet zijn doelstellingen – werden beoordeeld door de gemeenschap. De zelfevaluatie van een persoon was dus afhankelijk van het oordeel vande samenleving.De Germaanse ethiek van eer en glorie leefde door in het christendom: het duidelijkste is uiteraard de riddereer. En de sociale controle van de parochianen over elkaar komt duidelijk overeen met de saga's waarin de held zichzelf ziet door de ogen van het collectief.

 

Boeteboeken werden geschreven in parochies die recent gekerstend waren. Maar het is moeilijk in te schatten in welke mate het christendom erin slaagde pre-christelijke tradities te vervangen en geestelijke controle te krijgen over de bekeerlingen. Toch geven deze boeteboeken ons een inzicht in de dagelijkse taak om het geloof te bewaren: ze bevatten namelijk veel informatie over de heidense tradities van de Europese bevolking en over het innerlijke gedachtegoed van de middeleeuwse mens. Er zijn bovendien weinig anderebetrouwbare bronnen beschikbaar. De boeteboeken hielpen de pastoor bij het geleidelijk wegwassen van de heidense tradities. Het doel was dat parochianen in staat zouden zijn om hun eigen daden te analyseren volgens de christelijke dogma’s en berouw zouden tonen voor het begaan van eventuele zonden.

 

Onderzoekers van de vroegmiddeleeuwse cultuur zoeken vaak tevergeefs naar heidense Germaanse of Grieks-Romeinse overblijfselen. De tradities die in kerkelijke geschriften zijn neergeschreven, weerspiegelen namelijk een diepere, primaire laag van het volksbewustzijn en verwijzen niet expliciet naar een Germaans of Grieks-Romeins verleden. De boeteboeken bevatten veel informatie over verschillende magische praktijken uit een pre-christelijk verleden. Vooral voor de boeren waren dergelijke gebruiken zeer belangrijk: ze geloofden dat zon, sterren en maan de mens beïnvloedden én dat de mens ook de gunsten van deze fenomenen kon afroepen via rituelen. De achterliggende redenering hierbij was dat mens en wereld uit dezelfde elementen waren opgebouwd en de mens bijgevolg ook de wereld kon beïnvloeden.

 

Eén van de best geïnformeerde schrijvers van boeteboeken was bisschop Burchard van Worms (ca. 950-1025). In zijn boeteboek ‘Corrector sive medicus’ weeshij de heidense rituelen van de gewone man af, omdat die haaks stonden op het geloof in de goddelijke voorzienigheid die de wereld in handen had. ‘Correctorsive medicus’ is tevens een ware schatkamer voor het bestuderen van het volksgeloof. Burchardbeschreef vele rituele vieringen om een goede oogst of weersveranderingen af te smeken. Bij herders bestonden nog oude magische rituelen om niet alleen overvloed voor de eigen kudde, maar ook rampspoed over de kudde van een andere herder af te roepen. Vele gebruiken waren echter ook van toepassing op de mens zelf.

 

Burchard van Worms beschreef verder nog criminele vrouwen die de duivel dienden en zo het volk afleidden van het ware geloof. Wie hierdoor verleid werd, moest 2 jaar boetedoening doen. Dit soort vrouwen kwam voort uit een oude traditie van schikgodinnen. Burchard stelde voorts dat mensen die geloof hechtten in weerwolven, geloofden in iets dat niet kon gebeuren: de menselijke gedaante kon namelijk niet veranderd worden, behalve door God zelf. De mens is immers gemaakt naar het evenbeeld van God. Als straf hiervoor diende men 10 dagen te vasten. Er waren ook heel wat mensen misleid door kwade geesten, die deze overtuigingen in leven hielden en overleverden van generatie op generatie.

 

De heidense gebruiken van de parochianen behoorden tot de tradities, het volksgeloof en het volksbewustzijn. De middeleeuwse mens was immers sterk afhankelijk van de natuur inzake landbouw. Magie hielp hem daarbij om de natuur te begrijpen en te proberen beheersen. Volkse ‘geneeskunde’ en hekserij waren dan ook sterk aanwezig in de middeleeuwse maatschappij, terwijl vele bronnen tevens getuigen van de combinatie van kruidenkunde met het geloof in de invloed van hemellichamen op de gezondheid. De Kerk verbood het gebruik van geneeskrachtige kruiden, tenzij dit in combinatie met het bidden van de rozenkrans gebeurde. Het gebruik van kruiden met magische rituelen werd uiteraard wel verboden. Hekserij was een fenomeen dat zich in gans Europa voordeed, maar vooral uit de sprookjesachtige wereld van het middeleeuwse Duitsland zijn er vele verhalen bekend die zowel elementen uit de Germaanse als uit de Grieks-Romeinse cultuur bevatten.

 

Hildegard von Bingen (1098-1179) begaf zich op het terrein der geneeskunde. Zij was uit een adellijk geslacht afkomstig en ging op 8-jarige leeftijd naar het benedictijnenklooster in Disibodenberg. In 1136 werd ze abdis van dit klooster en in 1150 stichtte ze een nieuw klooster op de Rupertsberg in Bingen. Hildegard onderhield briefwisseling met onder meer keizer FrederikBarbarossa en koning Hendrik II van Engeland. Ze inspireerde mystici van latere generaties uit de Nederlanden en het Rijnland. Hildegard was een predikster en raadgeefster, maar berispte ook indien nodig. Tevens schreef ze liturgische liederen en medische traktaten.

 

De methodes die Hildegard von Bingen aanraadde om zieken te genezen en om bezetenen te verlossen, lijken echter sterk magisch. Priesters volgden haargeneeskundige raad op, waaruit afgeleid kan worden dat de clerushaar werkwijzen nog niet zo gek vond. Hildegard baseerde zich niet enkel op de gekende magische technieken, maar introduceerde in geneeskundige traktaten tevens nieuwe magische elementen. Desondanks bleef Hildegard toch in de gunst van de Kerk door haar imago van zwakheid, eerlijkheid en eenvoudige scholing (hoewel ze een leeftijd van 81 jaar bereikte, van adellijke afkomst was en een goede opleiding genoten had).

 

De structuur van het volksbewustzijn overleefde en reproduceerdeconstant archaïsche kenmerken, zelfs binnen het christendom en ondanks de inspanningen van de Kerk om de heidense overleveringen uit te wissen. Bijvoorbeeldmet het doorboren van het lichaam van een pasgeboren kind dat stierf vóór het gedoopt werd, wilden vrouwen vermijden dat hun overleden kind uit de dood zou opstaan en kwaad aanrichten. Indien het kind stierf na het doopsel, werd het soms begraven met een hostie en wijn (een duidelijke verwijzing naar Christus), wat echter door de Kerk verboden werd.

 

Magische praktijken rond de dood gebeurden in de vorm van offerandes, wakes, heidense begrafenisrituelen en begrafenisfeesten. Dit werd ten stelligste verboden door de boeteboeken, evenals andere traditionele rouwrituelen zoals het verbranden van het haar, het verwonden van het gezicht en het verscheuren van de kledij van de dode.

 

Ook het voorspellen van de toekomst was in de Middeleeuwen een veel voorkomend verschijnsel, zoals het lezen van de vlucht van vogels, het gooien van graankorrels op een hete vuurplaat en het zoeken naar levende dingen onder een steen op weg naar het huis van een zieke (indien iets gevonden werd, zou de zieke genezen). De kant waaruit kraaien kraaiden, voorspelde het succes van een reis, terwijl sommigen wachtten met het verlaten van het huis tot de haan kraaide. Middeleeuwers verwachtten uit elke hoek gevaar en wilden dit via rituelen bezweren.

 

Vele rituelen staan vermeld in meerdere boeteboeken, maar het precieze doel van de rituelen werd slechts vaag omschreven. In de volkscultuur kon een ritueel immers zowel zwarte als witte magie dienen. Door de grote verscheidenheid van de vele rituelen kunnen die niet louter heidens genoemd worden. De boeteboeken verwijzen slechts zelden naar heidense goden of rituelen. De meeste parochianen waren vrome christenen, maar koesterden daarnaast nog magische gebruiken. Het middeleeuwse christendom kwam duidelijk niet volledig overeen met de leer van de clerus. Het was dus wel mogelijk om de oude goden en godsdienstige structuren te vernietigen, maar niet om traditionele levens- en denkwijzen aan te passen. Bovendien vormden christendom en magie voor de middeleeuwer geen gescheiden maar wel samenhangende werelden. Daardoor bestond een grote interactie tussen de oude magie en het nieuwe christendom:belangrijke zaken werden verwerkt in het nieuwe geloof.

 

Bovendien waren er ook magisch aandoende elementen in het christendom: de gewone gelovige dichtte bijvoorbeeld de geïdealiseerde heiligenlegendenmagische eigenschappen toe.Veel priesters, vaak zelf afkomstig uit een boerengezin, zagen de volkscultuur door de vingers en waren onwetend over de christelijke theologie. Bovendien gebruikte de Kerk zelf magische rituelen zoals het inwijden van velden, gereedschappen, voedsel enz. Het was dus moeilijk voor de gewone man om te begrijpen waarom zijn eigen magische rituelen, die in vele gevallen net hetzelfde doel hadden, verboden werden.

 

Toch zijn er zaken die we quasi zeker kunnen bestempelen als heidens. Tot in de 11de eeuw werden in Duitsland cultusfeesten georganiseerd waarbij de deelnemers bloed dronken of gebruikten als plengoffer, hoewel dit door de Kerk ten strengste verboden was. Het strikte christelijke dieet was duidelijk in strijd met de volkstradities dat eten rein en onrein kon zijn.

 

De boeteboeken sommen verder ook een hele reeks zonden op: dronkenschap, vraatzucht, braken, eten op ongepaste uren, … Ook dit was confronterend voor de bevolking. Noordse sagen spreken bijvoorbeeld over gevallen van collectieve dronkenschap. De ‘barbaren’ kenden geen matiging inzake eten en drinken. In het feodale tijdperk was feesten een zaak van de krijgersklasse. Toch bleef het iets dat de Kerk onmogelijk kon inperken en er zijn zelfs tal van voorbeelden bekend van priesters, abten en bisschoppen die zelf diep in het glas keken.

 

De kerkelijke wetgeving beperkte het huwelijk tot de 5de graad van bloedverwantschap. Geslachtsgemeenschap werd gezien als een opdracht van God aan de mens om zich te voort te planten en moest in overeenstemming met de christelijke moraal gebeuren. Zeer zware straffen werden opgelegd aan pedofielen, verkrachters, verleiders, overspeligen enz. Omdat geslachtsgemeenschap de mens wegtrekt bij God, werd het strikt gereglementeerd.

 

Vanwege het aanzetten tot zonde door Eva in de Tuin van Eden werd de vrouw als de incarnatie van de verleiding beschouwd.In het vroegmiddeleeuwse christendom is er een scheiding tussen lichaam en ziel. In theologisch-wetenschappelijke en volkse tradities werd de vrouw gelijkgeschakeld met het lichaam, lust, zwakheid en irrationaliteit. Mannen werden gelijkgeschakeld met de geest, rede en kracht. Belangrijk is dat het hier gaat om wijdverspreide culturele opvattingen: middeleeuwse theologen oordeelden dat het lichaam zich verhield tot de geest zoals de vrouw tot de man. Ook voor Hildegard von Bingen stond de getrouwde vrouw onder de macht van haar man zoals een dienaar onder de macht van de meester stond. Vanaf de 13de-14de eeuw hechtten theologen meer belang aan de relatie tussen lichaam en ziel en brachten ze beide componenten meer samen.

 

De uitgebreide opsomming van zonden in boeteboeken biedt een inzicht in de volkscultuur van de Middeleeuwen. Ieder aspect van die volkscultuur werd onderverdeeld in categorieën van zonden. We mogen aannemen dat veel zaken waarover de auteurs der boeteboeken bezorgd waren, echt voorkwamen. De volksmagie was een wereldverklarend systeem. Vele magische zaken kunnen in verband gebracht wordenmet folklore en sprookjes, maar vertellers van zulke verhalen werden meestal niet vervolgd. Het was een soort van onderaardse wereld in het dagelijkse leven van de middeleeuwer, die een bedreiging vormde voor de Kerk. Volksverhalen en folklore zijn een kunstige kopie die de realiteit verbloemt en zich afspeelt in een surreële afstand en tijd. Volksmagie wasdaarentegen een manier om de realiteit meester te worden en sociaal gedrag te bepalen.

 

Het belangrijkste verschil tussen magie en religie is dat religie de wereld humaniseert door de wereld en haar krachten een antropomorf karakter te verlenen en de goddelijkheid te personifiëren. Magie is daarentegen eerder een naturalisatie van de mens die hem een plaats geeft in de kosmos. In de pre-christelijke magische wereld maakte de mens deel uit van de natuur en werd er niet tegenover geplaatst zoals in het christendom. De mens voelde zich ingebed in de kosmos en volgde haar eeuwige ritme. In deze manier van denken waren magische rituelen geen toevoegingen aan de natuurlijke oorzakelijkheid, maar integrale delen van de manier waarop de wereld bewoog. Hierdoor werden het natuurlijke en bovennatuurlijke onverbreekbaar verbonden. De boeteboeken verwierpen echter quasi alles dat refereerde naar deze verbinding tussen mens en natuur. De mens voelde zichzelf nog altijd een deel van de natuur, maar vervreemdde ervan. De pre-christelijke magische gebruiken bleven dus voortbestaan in een nieuwe mentale context. De magiërs ontdekten de beperkingen ervan, maar het was voor hen te belangrijk om het zomaar los te laten. Doch tegelijkertijd waren zij zich ook bewust dat wat zij deden, eigenlijk zondig was.

 

De auteurs der boeteboeken waren bezorgd over de relatie tussen parochianen en natuur en wilden niet dat dit conflicteerde met de relatie tussen mens en God.De quasi oneindige opsomming van zonden en de abstracties van de christelijke theologie waren evenwel moeilijk te begrijpen, vooral voor de middeleeuwse boeren. Een boer volgt namelijk de cyclus van de natuur, alles herhaalt zich en is volgens hem een eeuwige cyclus. Ieder jaar is er een nieuwe geboorte en een nieuwe dood. Voor hem betekende de dood echter ook een vorm van wedergeboorte. Vandaar dat in de heidense religie een begrafenis met een feest werd afgesloten. Deze traditie zette zich tot het ongenoegen van de clerus ook in de Middeleeuwen voort. Vandaar dat in de magische rituelen vaak sprake is van toekomstvoorspellingen: wat ooit geweest is, kan opnieuw gebeuren en ipso facto is voorspellen mogelijk.

 

De christelijke tijdsbepaling is daarentegen uitsluitend lineair en historisch. De wereld ondergaat in de loop der tijd veranderingen en die kunnen niet meer ongedaan gemaakt worden. Dit had een grote impact op de gewone middeleeuwer. In het christelijke wereldbeeld ontwikkelde mendus een besef van zijn eigen deelname aan de goddelijke geschiedenis naar het ultieme einde: de Dag des Oordeels. Samen met de angst voor bestraffing der zonden leiddedit tot de geleidelijke aanvaarding van het idee van ‘geschiedenis’.

 

Conclusie

 

Het is duidelijk dat er in de Middeleeuwen niet iets bestond als het pure christendom. Sommige heidense en magische elementen bleven doorleven op voorwaarde dat ze niet in tegenspraak waren met de christelijke dogma’s, de canonieke wetten en de sociale orde. Magie en bijgeloof hoorden tot op zekere hoogte bij de middeleeuwse cultuur. Men mag ook niet vergeten dat de middeleeuwse cultuur zelf was opgebouwd uit verschillende invloeden. Het was dus zeker niet onmogelijk dat zelfs gerespecteerde clerici zich soms inlieten met magie.

 

De interactie tussen een archaïsche tijdloze wereld en de lineaire perceptie van tijdleidde tot het ontstaan van een parochiaal christendom: een volkse interpretatie van het officiële geloof dievoldeed aan de spirituele noden van ongeletterde parochianen.

 

 

Referenties

 

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