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mercredi, 16 juin 2010

Terre & Peuple Magazine n°43

Communiqué de "Terre & Peuple" - Wallonie

 

 

 

tp-43.jpg TERRE & PEUPLE Magazine n°43

 

 

Le numéro 43 de TERRE & PEUPLE Magazine (équinoxe de printemps 2010) est consacré au thème révolutionnaire de l’identité.

 

Pierre Vial, dans son éditorial, souligne que les faits nous donnent raison. Il en veut pour exemple les heurts sanglants entre chrétiens et musulmans qui, depuis des décennies, déchirent le Nigéria. Le conflit n’est pas religieux, mais ethnique, entre les Fulanis et les Beroms. Refusant tout compromis à l’égard de l’utopie criminelle de la société multiethnique, nous choisissons joyeusement le camp des maudits.

 

Jean Le Blancmeunier brûle un cierge au film ‘Avatar’ de l’Américain James Cameron, que le Vatican a jugé bon de stigmatiser à cause de son culte païen de la nature, l’Eglise s’interdisant de considérer celle-ci comme divine. Aux humains qui sont devenus dégénérés et pervers, Cameron oppose les Na’vi, pour qui la nature est le seul bien vraiment précieux. On remarquera qu’ils sont pourvus d’un Uplink, cordon cérébral qui leur permet de se connecter aux animaux et aux arbres de la forêt. Il faut avoir d’abord vu Avatar pour retourner le voir.

 

Jean-Patrick Arteault se laisse questionner sur les racines du mondialisme occidental. Il les discerne dans l’évolution du vocabulaire. Ainsi, le terme gouvernance a été préféré à gouvernement dans le rapport 1975 de la Commission Trilatérale. L’objectif étant à l’évidence de désarmer les gouvernements des Etats, on a substitué à un mot masculin volontariste, qui désigne des acteurs concrets, un mot féminin impersonnel, qui échappe encore mieux au citoyen de base. La notion de gouvernance mondiale remonte à l’essai manqué de la SDN en 1919, qui sera repris et complété en 1945 avec l’ONU. Dans un monde unifié sous un système oligarchique participatif, la gouvernance ramène la politique à l’économie. Le cœur de cette oligarchie est un triptyque : l’ONU, à qui les Etats reconnaissent une priorité, les institutions de régulation (FMI, Banque mondiale, OMC, OMS) et les groupes d’influence et OMG, qui assurent un contrôle culturel et moral. Le système cherche à se justifier par une pastorale de la peur (insécurité, terrorisme, pollution, réchauffement, pénurie d’eau et d’énergie).

 

Le Forum de Davos n’est pas le Club des maîtres, mais un simple rouage du système oligarchique participatif, qui se présente comme un réseau de réseaux. Il a été fondé en 1971 par Klaus Schwab, un obscur économiste de l’université de Genève, comme ‘European Management Forum’, visant à répandre parmi les cadres politiques, militaires et économiques européens la vision messianique américaine (faire des affaires, mais en servant l’humanité). Il devient le Forum Economique Mondial en 2003 et est alors invité par le Groupe de Bilderberg, fer de lance du mondialisme. C’est un vivier où sont sélectionnés les futurs mandarins.

 

Christine Lagarde en est un modèle typique.  En 2005, elle s’est trouvée parachutée ministre du Commerce extérieur, et ensuite des Finances, dans le gouvernement Raffarin et, en 2007, ministre de l’Economie et de l’Emploi de Sarkozy.  Elle ne tombait pas du ciel, mais du cabinet du député républicain US William Cohen qui avait été choisi par le démocrate Clinton pour être secrétaire d’Etat à la Défense.  Elle avait fait carrière depuis 1981 dans le premier cabinet d’avocats d’affaires américain Baker & McKenzie, dont elle était devenue présidente en 1999.  En 1995, elle avait été recrutée par le CICS (Center of Strategic and International Studies) un think tank animé par Kissinger et Brzezinski.  Christine Lagarde, agent d’influence US, a joué un rôle déterminant dans la Commission USA/UE/Pologne, notamment pour l’achat par cette dernière d’avions américains de préférence au Rafale français.

 

Quelque réserve qu’on nourrisse à l’endroit des ‘conspirationnistes’, on ne peut qu’être frappé par l’agressivité à leur égard des adversaires de thèses auxquelles il devrait suffire d’objecter leurs fragilités et leur œillères idéologiques.  Définissant le complot comme ‘la mise en œuvre de moyens d’influence détournés pour que des groupe modifient inconsciemment leurs comportements afin de les affecter à des buts fixés par les maîtres d’œuvre du complot, on distinguera utilement deux familles de conspirations, qui visent toutes deux le bonheur de l’humanité.  L’une est la conjuration planétarienne pour le réalisation de la promesse biblique d’un règne sur les nations et d’une terre sainte. Le sionisme lui a donné une forme agissante.  La seconde est la conspiration mondialiste occidentale anglo-saxonne, qui est à peine moins jalouse que la première à l’égard des critiques, voire de simples révélations indiscrètes.  Héritiers des sectes bibliques puritaines et du poète Milton, les protestants anglais du XIXe siècle considèrent volontiers que Dieu est anglais et que la nation anglaise est devenue la bénéficiaire, depuis la défaite de l’Invincible Armada, de la même élection divine que le peuple hébreux sur le monde.  Saint Empire sur lequel le soleil ne se couche jamais, le Commonwealth semble gratifié de l’approbation divine par son système parlementaire et par la révolution industrielle.  Mais l’indépendance américaine et la concurrence du Continent auront vite fait d’effilocher son avance.  C’est alors que naît un projet de revitalisation, à l’échelle de l’Occident et de la Planète, de l’évident destin privilégié des anglo-saxons, qui va se développer au point de convergence des influences de personnalités parmi lesquelles émergent le poète John Ruskin (1819-1900), Arnold Toynbee (1852-1883), Alfred Milner (1854-1925) et Cecil Rhodes (1853-1902).

 

John Ruskin est leur maître spirituel.  Platonicien, il enseigne à l’université d’Oxford.  Les chrétiens socialistes lui inspirent de ne pas s’en tenir à interpréter le monde, mais de le remodeler à partir d’un code moral.  Dénonçant ‘la rage de devenir riche’, il vise un progrès qui doit être d’avantage spirituel que matériel. Il sélectionne dans cette perspective les meilleurs de ses étudiants pour qu’ils élèvent les masses aux valeurs d’une aristocratie à qui il recommande dès lors la discrétion.  L’aristocratie se doit d’intégrer l’élite plébéienne.

 

Toynbee, Milner et Rhodes sont les plus marquants des étudiants qu’ait influencés Ruskin.  Arnold Toynbee enseigne à Oxford, avec un tel charisme qu’il réunit autour de lui un cercle d’étudiants choisis, parmi lesquels Milner va puiser.  Toynbee leur insuffle trois idées : 1.- que le principe de liberté est à la base de l’Empire britannique et doit en préserver l’unité ; 2.- que le devoir primordial est le service de l’Etat et 3. – que c’est spirituellement qu’il faut élever les classes laborieuses.  Ces trois idées font du monde anglo-saxon le sommet de l’évolution de l’humanité.  Avec Alfred Milner et Cecil Rhodes, cet objectif d’élévation des masses va être étendu à tout l’Empire et bientôt au monde.  Ces impérialistes ne sont toutefois pas des libéraux : l’économie doit être dirigée ‘d’en haut’.  Ils mettent sur pied une organisation d’amis qui, à une notoriété publique personnelle vont préférer un pouvoir discret.

 

Alfred Milner rencontre à Oxford Toynbee, qui l’introduit dans la pépinière de Lord Balfour.  Devenu journaliste au Pall Mall Gazette, il se lie avec le rédacteur en chef, le célèbre William Stead, lui-même un des plus fidèles amis de Cecil Rhodes (qui donnera bientôt son nom à la Rhodésie-Zimbabwé).  L’asthme contraint alors Rhodes de quitter Oxford pour rejoindre son frère sous le climat plus clément de l’Afrique du Sud, où on découvre précisément des gisements de diamant.  Plutôt que de suivre son frère qui a acheté une concession, Rhodes préfère fournir les chercheurs en matériel, équipement et subsistance.  Il fait rapidement fortune et, rachetant les concessions des irréalistes déçus, il fonde avec l’appoint de Lord Rotschild la compagnie De Beers, qui va bientôt contrôler le marché mondial.  Reçu en maçonnerie, le goût des organisations secrètes que lui a inspiré Ruskin l’amène à constituer, sur le modèle de l’ordre des Jésuites, une ‘Société des Elus’. Ceux-ci s’engagent à coopérer dans le secret à l’extension au monde entier de l’idée anglo-saxonne. La Société recherche les hommes de capacité et d’enthousiasme, pour qui la richesse n’est pas un objectif, mais un moyen.  Rhodes affectera son immense fortune à subventionner les ‘boursiers Rhodes’ : Bill et Hilary Clinton en sont deux produits. (à suivre !)

 

Pierre Vial souligne, à propos du livre ‘Au temps des idéologies à la mode’ qu’Alain de Benoist a opportunément dédié à Jean-Claude Valla, le courage de Louis Pauwels qui a permis la belle aventure de ce qu’il a lui-même baptisé la Nouvelle Droite.  Elle a braqué les projecteurs sur nombre de nos fondamentaux : les Indo-Européens, le pouvoir culturel, la pensée de Carl Schmitt, le débat race-intelligence, l’éthologie et la fonction de l’imaginaire.

 

Pierre Vial, encore, ouvre le dossier de la Révolution identitaire.  A la différence des messianismes économistes des frères jumeaux marxisme et libéralisme, elle se fonde sur la réalité.  Il rappelle que c’est en 1988 qu’il fondé, avec notamment Jean-Jacques Mourreau, la revue ‘Identité’, que dans son éditorial du n°1 de la revue Terre & Peuple, en 1995, il appelait au combat identitaire et que, dans l’éditorial du n°2 qui s’intitulait ‘Le mouvement identitaire’, il soulignait que l’identité, « avec son mouvement multipolaire » échappe aux clivages partisans.

 

Jean Haudry fait observer que, chez les Indo-Européens anciens, le vocable ‘identité’ n’apparaît que tardivement, comme si être soi-même allait sans le dire et, comme la religion, ne demandait que d’être vécu. Hors de toute abstraction, l’identité ne s’exprime alors que par les pronoms ‘soi’ et ‘sien’, qui marquent l’appartenance aux communautés de la société des lignages et aux compagnonnages guerriers, les ‘quatre cercles d’appartenance sociale’ d’Emile Benveniste.  Chaque groupe est ‘sien’ pour ses membres et ‘autre’ pour les étrangers. Mais il est à la fois ‘sien’ et ‘autre’ au sein du cercle supérieur, comme des compatriotes sont ‘siens’, même s’ils sont ‘autres’ quand ils ne sont pas de la même famille ou du même clan.  L’autre est un ennemi potentiel, susceptible toutefois d’être reçu comme hôte (hostile, hostellerie).  A l’égard des autres, la guerre est naturelle et la paix n’est qu’un accord formalisé sous la tutelle du dieu de l’hospitalité.  Les royautés historiques vont installer la paix entre les clans, mais pas encore entre les peuples du même sang.  Ils s’affrontent continuellement, mais ils vont s’unir sous l’égide de leur dieux communs contre les barbares, ceux avec qui n’existent que des rapports de force.  Tandis que les guerres entre la Grèce et la Perse sont dites sont dite ‘entre sœurs de même sang’.  D’où l’importance accordée à la ressemblance physique et au type physique idéal et à la ressemblance morale, liée pour partie au physique et pour partie à l’éducation.

 

Jeanne et François Desnoyers retracent le long chemin du théâtre, de la haute antiquité à nos jours comme, étant une expression typiquement européenne.  L’altération de la tragédie en comédie et finalement en pantomime et en démonstrations à effets spectaculaires.  Et le regain dans les drames liturgiques, les miracles et les mystères paraphrasant les textes saints. Et le glissement vers la trivialité des parvis, des baladins des foires, des mascarades des carnavals, jusqu’au coup de barre de la Réforme.  Et puis les grandes traditions théâtrales européennes, espagnole, italienne, anglaise, allemande, française.

F.F. se félicite des affirmations vestimentaires des ‘autres’, qui entendent se discriminer clairement, voire agressivement, par leur vêtement, depuis la bourqa jusqu’à la kippa. Il nous recommande de donner notre réplique.  Mais tout plutôt que les jeans et aussi fréquemment que possible les Tracht et les Dirndl si seyants.

Pierre Gillieth décline une savoureuse carte du film français des bonnes années, avec ses titis éternels, ses rebelles fils du peuple, ses râleurs poétiques, son populisme si cher à nos cœurs, ses légendes et ses rêves filmés, son esprit aristocratique ou plébéien. Mais y a-t-il encore des hommes chez qui trouvent un écho des films tels que ‘La 317e section’, ‘Le Crabe-Tambour’ ou ‘L’Honneur du capitaine’ ?

 

Pierre Vial, toujours, brûle un cierge à l’identité indienne, à l’occasion du film ‘Le dernier Cheyenne’ de Tab Murphy.  Il raconte le repli dans des montagnes d’un clan cheyenne ‘oublié’ que découvre un archéologue, qui décide finalement de rester vivre avec eux.

 

Pélage, citant en exergue Guillaume Faye (« Je n’appelle pas à la guerre, je la vois venir, hélas. »), dresse l’état de l’islamisation de la France, le plus atteint des pays européens.  Les musulmans n’étaient que 500.000 en France, quand De Gaulle a lâché l’Algérie pour s’éviter un ‘Colombey-les-deux Mosquées’. Ils sont aujourd’hui au bas mot sept millions et atteignent 60% de la population de plusieurs villes.  Il y avait en France 23 mosquées en 1974.  Il y en a cent fois plus à présent, dont une cinquantaine de ‘cathédrales’ (jusque 7.000 fidèles).  Les islamistes modérés sont évidemment les plus nombreux, comme avant toute révolution lancée pas les radicaux.  Les Frères musulmans (équivalent des Loups gris et du Milli Görüs des Turcs) sont présents partout et plaisent aux jeunes.  Leurs structures, bien organisées, sont financées par l’Arabie saoudite (30 à 50%) et par le filon halal.  L’Union des Jeunes Musulmans (UJM) et Tariq Ramadan bénéficient du soutien de l’Eglise catholique et de la gauche alter-mondialiste.  Le Tabligh forme des missionnaires zélotes.  Les extrémistes chassés d’Algérie (FIS) alimentent le salafisme, qui prône le retour à la pureté des origines (barbe, djellabaa, repas pris accroupi, polygamie) et est très actif et bien équipé.  Il tient plusieurs centaines de mosquées et n’hésite pas à intimider les imams hésitants.  Les convertis sont le plus souvent des paumés des cités qui, demeurant des ‘gouals’ (suspects), sont incités à la surenchère.  La police connaît parfaitement les ‘terroristes dormants’ sur leurs arsenaux des banlieues, dans l’attente du mot d’ordre. La propagande islamique n’est guère le fait des quelques imams collabos diplômés de l’Institut catholique de Paris, car les jeunes leur préfèrent les purs et durs.  Les sites internet prosélytes sont légion.  La télévision Al-Jazeera (Le Caire), Al-Arabiqya (La Mecque) et Al-Mustaqila (Londres) règne sur tous les foyers, de même que Radio-Orient et Radio-Méditerranée (Mecca-Cola).  Les éditions Le Figuier (Tabligh) et Tawhid diffusent, outre le Coran, des textes sulfureux qui ont déjà valu des condamnations pour antisémitisme.  En dépit de quelques pieuses proclamations républicaines, la charia est solidement installée dans les cités : 60% des jeunes musulmans y sont favorables et 90% respectent le ramadan (contre 60% en 1989) et se chargent d’en faire la police.  La nourriture halal (un marché de 5,5 milliards €) est imposée de fait à l’ensemble des consommateurs, car les musulmans, comme les Juifs d’ailleurs, ne consomment que certains morceaux de l’animal et c’est nous qui écoulons le reste !  Plus de 80% des jeunes déclarent réciter leurs prières quotidiennes et souhaiter des écoles coraniques.  De plus en plus de directeurs des écoles publiques admettent des pauses pour ces prières, des horaires pour le ramadan et des absences pour les fêtes musulmanes.  Une police des mœurs se charge de surveiller la bienséance vestimentaire, rectifiant à l’occasion les putes gauloises.  Comme se font rectifier dans les écoles les professeurs d’histoire, de littérature, de sciences de la vie, notamment par les créationnistes.  Craignant d’être taxées d’islamophobie, nombre d’entreprises veillent à ne pas faire manger les impurs dans les réfectoires des croyants et à servir tout le monde en aliments halal.  La ségrégation est pratiquée de même dans les sports (où la mixité est offensante) et à l’hôpital (où les incidents sont quotidiens). Dans la rue, elle est ostensible dans entraves à la circulation qui sont organisées communément pour la prière.  A l’armée (qui serait encore attachée aux valeurs de la France !), il y aurait (secret Défense) entre 10 et 15% de musulmans (proportion des repas halal) et les aumôneries organisent les pèlerinages à La Mecque.  Dans les prisons, on reconnaît le chiffre de 50% de musulmans et de 80% en région parisienne et dans le Nord.  Les recruteurs salafistes y pratiquent un prosélytisme forcené.  La finance islamique, qui pèse déjà 700 milliards $, est pure dans le respect de la charia, mais n’en est pas moins responsable de la faillite de Dubaï.  L’islamo-business justifie ses trafics contraires au Coran par la bonne cause du pourrissement de l’Occident impie, dans la perspective du grand soir.  Le vêtement islamique sert de drapeau, car du voile, admis à présent par 79% des moins de 30 ans, on passe au niqab et à la bourqa, portés par deux mille femmes (dont 25% de converties) qui forment la pointe de l’iceberg.  La polygammie est déjà le fait de 20 à 50 mille foyers, soit au moins 200.000 personnes qui vivent sous ce régime.  La France est le refuge des musulmans polygames qui n’en ont pas les moyens dans leur pays.  La garantie de virginité a été consacrée par le Tribunal GI de Lille comme cause d’annulation d’un mariage.  En France, les matrones continuent de mutiler les petites filles en pratiquant l’excision de leur bout de chair satanique.

 

Prodrome d’une guerre annoncée, le refus des musulmans d’être nos hôtes marque leur détermination à mettre en place un Etat islamique et à nous islamiser. Que Sarkozy s’aventure à déclarer que le bourqa n’est pas bienvenue en France et on lui promet vengeance. Khaddhafi appelle au jihad contre la Suisse qui refuse les minarets. Occultée ou minimisée par les politiciens et les journalistes, la violence islamique est banalisée. On siffle la Marseillaise et on brûle le drapeau français au nez de gendarmes réduits à la passivité.  Les liesses sportives tournent à la guerilla.  La mosquée de Drancy, modérée, est mise à sac comme la maison de son imam.  On asperge d’essence en plein Paris une comédienne musulmane libérale.  La France semble avoir perdu jusqu’au goût de se défendre et le ministre en charge proclame qu’il n’y a plus de Français de souche, mais une France de métissage.  Sarkozy avoue : « Notre modèle d’intégration ne fonctionne plus, » pour remettre enfin en question la discrimination positive.  La dénonciation du référendum suisse sur les minarets, comme étant une honte fasciste, voire un crime contre l’humanité (Kouchner, Cohn-Bendit, Erdogan) en regard des majorités écrasantes de révoltés que révèlent les sondages mesure le gouffre qui sépare l’oligarchie du peuple réel.  Ce ne sont pas les minarets que celui-ci refuse, mais l’expansion de l’islam.  Face aux affirmations de conquête de celui-ci, il est désormais devenu impossible de faire taire ce peuple.

 

Jean Haudry propose un recension détaillée du numéro 388 de la revue Dossiers d’archéologie, lequel est tout entier consacré aux Indo-Européens.  Il a été constitué sous la direction de l’ineffable Jean-Paul Demoule, ce qui laissait présager une excommunication de plus. Mais il n’en est rien : « La question mérite d’être étudiée  Le numéro réserve même de bonnes surprises, privilégiant l’hypothèse des steppes, de Marija Gimbutas, à l’hypothèse anatolienne de Colin Renfrew et Demoule approuvant enfin l’apport de Dumézil.  Toutefois, le dossier reste muet sur les données significatives que sont le formulaire et l’hydronymie.  Depuis la découverte fortuite, en 1854, de la formule ‘la gloire impérissable’, courante tant en védique qu’en grec, on a pu relever dans les différents parlers indo-européens des centaines de concordances de formules imagées, ce qui a permis à Martin West de publier son livre ‘Indo-european Poetry and Myth’ (Oxford 2007).  Par ailleurs, l’incomparable stabilité, dans les dénominations des lieux de la géographie (toponymie), des appellations qui désignent les voies d’eau (hydronymie) révèle une dispersion de vocables indo-européens à travers l’Europe et l’Asie, avec une concentration dans les régions baltiques. Ce que Demoule écarte, bien sûr, comme étant national-socialiste !

 

Note sur une lignée d'écrivains: de Stendhal à Dostoïevski et Ernst von Salomon

stendhal_1214892515.jpgArchives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1998

Note sur une lignée d'écrivains: de Stendhal à Dostoïevski et Ernst von Salomon

par Jérémie BENOIT

 

“Timidement, je caresse la reliure avec le dos de ma main. Je tourne la feuille de garde et je lis: «Stendhal, le Rouge et le Noir»”. Ainsi s'achève l'un des chapitres du roman d'Ernst von Salomon (1902 - 1972), Les Réprouvés (Die Geächteten) (1), œuvre phare de l'époque des corps-francs en Allemagne après la défaite de 1918. L'admiration envers Stendhal (1783-1842) dont témoigne la phrase de von Salomon suscite évidemment une réflexion sur les rapports que l'on peut établir entre ces deux écrivains, éloignés d'un siècle dans le temps, et a priori fort différents par leur culture. Mais le débat devra encore être élargi grâce à un aphorisme de Nietzsche (1844-1900), qui marque un relais dans la filiation Stendhal/von Salomon, en introduisant la personnalité de Dostoïevski (1821-1881). Dans Le Crépuscule des Idoles  en effet (2), Nietzsche relève: «Dostoïevski est, soit dit en passant, le seul psychologue qui ait eu quelque chose à m'apprendre. - Je le compte au nombre des plus belles aubaines de ma vie, plus encore que ma découverte de Stendhal»).

 

C'est donc cette lignée d'écrivains que nous allons tenter d'appréhender ici, sachant que, plutôt qu'à leur style, c'est à leur démarche intellectuelle, à leur idéologie, que nous nous attacherons prioritairement. Car Julien Sorel, le héros stendhalien apparaît comme le prototype de tout un courant d'idées dont le XXe siècle a vu —et voit encore—  se développer la descendance, au travers de personnages que l'on a qualifié de nihilistes, mais qui sont en fait des révolutionnaires détachés des contingences de la société bourgeoise.

 

La haine sociale

 

A propos du Rouge et le Noir, Paul Bourget notait en effet: «Plus nous avançons dans la démocratie, plus le chef-d'œuvre de Stendhal devient actuel» (3). C'est une manière de projeter le roman dans le XXe siècle, et donc de poser le principe d'un rapport direct, si l'on veut, avec Les Réprouvés de von Salomon. La grande figure de Julien Sorel incarne en effet «la rébellion moderne», selon les termes de Maurice Bardèche (4). Cette rébellion, personne mieux qu'Ernst von Salomon ne l'a décrite: «Nous étions enragés, écrit-il. Des drapeaux de fumée noire jalonnaient notre route. Nous avions allumé un bûcher où il n'y avait pas que des objets inanimés qui brûlaient: nos espoirs, nos aspirations y brûlaient aussi, les lois de la bourgeoisie, les valeurs du monde civilisé, tout y brûlait, les derniers vestiges du vocabulaire et de la croyance aux choses et aux idées de ce temps, ce bric-à-brac poussiéreux qui traînait encore dans nos cœurs» (5). Libération, purification, régénération, telles sont les thèses que pose ainsi Ernst von Salomon dans son roman. La question est finalement de retrouver l'homme au sein du dédale social. L'identité humaine, la recherche passionnée du moi, sont ainsi les seules valeurs qui subsistent aux yeux de l'écrivain.

 

Mieux que dans Les Réprouvés cependant, l'analyse de la révolte contre l'ordre établi se rencontre dans Le Rouge et le Noir. «La haine extrême qui animait Julien contre les riches allait éclater», écrit Stendhal au chapitre 9, puis: «Il ne vit en Mme de Rénal qu'une femme riche, il laissa tomber sa main avec dédain, et s'éloigna» (6). Ce sentiment d'abjection envers tout ce qui médiatise l'homme pour en faire un être social, empêtré dans des idées préétablies, forme le fond de l'attitude de Julien Sorel, quand bien même il cherche à entrer dans cet univers maniéré qu'il perçoit cependant comme ridicule. Car il n'y croit pas. Dès le premier contact avec la société policée, il se sent étranger, différent. Il aspire avant tout à se libérer du carcan social, pour se retrouver lui-même, homme. Supérieurement intelligent, ce cérébral ne pouvait laisser Nietzsche indifférent. Il possède son effet en lui les qualités du surhomme, capable de se surpasser, de transgresser les valeurs. La réflexion, l'analyse et finalement le crime de Julien Sorel trouvent un écho dans la démarche de Rodion Romanovitch Raskolnikov, le héros de Crime et Châtiment, œuvre de Dostoïevski (7).

 

La recherche de l'homme intégral

 

Raskolnikov, conscient lui aussi de sa supériorité, cherche également à se libérer du bourbier social, et sa pensée se fixe sur une vieille usurière, Aliona Ivanovna. «Quelle importance a-t-elle dans la balance de la vie, cette méchante sorcière?», se dit-il. Mais au-delà de la seule réflexion sociale, qui fait finalement le fond du roman de Stendhal, Dostoïevski introduit de plus une dimension psychologique propre à son œuvre. Si la vieille est l'obstacle social à abattre pour se libérer  —« Ce n'est pas une créature humaine que j'ai assassinée, c'est un principe»—  l'idée du crime germe aussi comme un défi à la propre libération du héros. «Suis-je capable d'exécuter cela?», se demande Raskolnikov. Car le héros étouffe entre les murs de la morale officielle. Il se sent, comme Julien Sorel, différent du troupeau de l'humanité. Le destin l'a désigné pour, ainsi que le dit Henri Troyat (8), «la terrible aventure de l'indépendance spirituelle». Des êtres comme lui possèdent le droit de dépasser les limites du social. Leur but unique est la recherche de l'homme intégral. Cette démarche en fait des sur-hommes nietzschéens. Car ni Julien Sorel, ni Raskolnikov ne regrettent leur crime. «Après tout, je n'ai tué qu'un pou, un sale pou, inutile et malfaisant», s'écrie Raskolnikov, tandis que Julien Sorel attend son exécution avec sérénité, entièrement libéré et purifié. «J'ai aimé la vérité... dit-il, Où est-elle?... Partout hypocrisie, ou du moins charlatanisme (...). Non, l'homme ne peut pas se fier à l'homme».

 

Leur recherche est donc essentiellement celle de l'humanité sincère. Par-delà les considérations sociales, Julien Sorel analyse ainsi la situation: «Avant la loi, il n'y a de naturel que la force du lion, ou le besoin de l'être qui a faim, qui a froid, le besoin en un mot». Car ajoute-t-il, en rupture totale avec la pensée rousseauiste sur laquelle s'appuie la société bourgeoise du XIXe (et du XXe) siècle, «il n'y a point de droit naturel». Au droit, il substitue le besoin, à la société, il oppose l'homme. Cette position est celle, nous l'avons vu plus haut, d'Ernst von Salomon, dégagé de toute contrainte avec ses camarades des corps-francs.

 

Chez Stendhal et Dostoïevski se trouvent les prémisses de la pensée libératrice de Nietzsche. L'homme est une créature naturelle, et comme telle, il est un prédateur. Tout homme supérieur a le droit et le devoir de prélever sa proie dans le troupeau. C'est pourquoi Raskolnikov se demande pour quelle raison son acte apparaît aussi odieux à son entourage: «Parce que c'est un crime? Que signifie le mot crime? Ma conscience est tranquille». Et, tout comme Julien Sorel, il s'offre en pâture à la société: «Certes, j'ai commis un assassinat... Eh bien! pour respecter la lettre de la loi, prenez ma tête et n'en parlons plus...». C'est à peu de choses près ce qu'exprime Julien Sorel au juge venu le visiter dans sa prison: «Mais ne voyez-vous pas, lui dit Julien en souriant, que je me fais aussi coupable que vous pouvez le désirer? Allez, monsieur, vous ne manquerez pas la proie que vous poursuivez».

 

Napoléon, modèle de liberté

 

La parallélisme entre Raskolnikov et Julien Sorel rencontre encore un autre écho dans l'admiration semblable qu'ils portent à Napoléon. «Un vrai maître, à qui tout est permis, songe le héros de Dostoïevski, canonne Toulon, organise un massacre à Paris, oublie son armée en Egypte, dépense un demi million d'hommes dans la campagne de Russie, et se tire d'affaires, à Vilna, par un jeu de mots. Et c'est à cet homme qu'après sa mort on élève des statues. Ainsi donc, tout est permis...». C'est là la terrible conclusion de Dostoïevski, qui hante toute son œuvre (9). Cette conclusion, nous la retrouvons chez Stendhal, bien que moins nettement dégagée: «Depuis bien des années, Julien ne passait peut-être pas une heure de sa vie sans se dire que Bonaparte, lieutenant obscur et sans fortune, s'était fait le maître du monde avec son épée» (10). Ernst von Salomon écrit quant à lui: «Dans une armoire, j'avais encore un portrait du Corse que j'avais décroché au début de la guerre» [de 1914]. Cette phrase montre là encore la totale admiration de tous les révolutionnaires pour Napoléon, quand bien même ils condamnent l'expansionnisme français.

 

Un prédateur régénéré dans la violence

 

Car ni Dostoïevski, ni von Salomon ne sont des adulateurs de l'Empereur. Leur nationalité limite l'enthousiasme que l'on ressent chez Julien Sorel. Abstraction faite de cette réserve, Napoléon est cependant un modèle absolu, celui de l'homme libéré du carcan social, du poids des considérations sociales. Lui seul porte à agir Julien Sorel et Raskolnikov, qui brûlent, l'un comme l'autre, de passer à l'action, et que les conditions sociales de leur époque empêchent de donner leur mesure. Le meurtre apparaît ainsi comme le substitut à l'héroïsme qu'on ne leur offre pas. Stendhal relève d'ailleurs dans son roman: «Depuis la chute de Napoléon (...) l'ennui redouble» (11). Ce sont ces contraintes qui poussent parfois Julien Sorel à se dévoiler violemment: «L'homme qui veut chasser l'ignorance et le crime de la terre doit-il passer comme la tempête et faire le mal comme au hasard?». Nous tenons là le véritable lien qui relie Stendhal à Ernst von Salomon. Prédateur, l'homme ne peut se régénérer que dans la violence, que déchaînent la guerre ou la révolution. Or, à l'inverse de Julien Sorel et de Raskolnikov, le destin d'Ernst von Salomon  —héros de son propre roman—  se dessina dans une époque de périls pour l'Allemagne, après la Première Guerre mondiale. Comme le personnage de Stendhal, il fut, en tant qu'élève à l'école des Cadets, frustré de «sa» guerre. Mais il put cependant se libérer grâce à l'épopée des corps-francs. Il ne s'agissait d'ailleurs pas seulement d'une lutte pour sauvegarder l'intégrité du territoire allemand, il s'agissait aussi  —et peut-être surtout—  de mettre en pratique cette nouvelle mentalité révolutionnaire, en conquérant de nouveaux espaces. Ce fut l'aventure du Baltikum qui permit de dépasser le nihilisme et de briser l'individualisme...

 

Le lieutenant Erwin Kern, compagnon de von Salomon, et l'un des assassins de Walter Rathenau en 1922, également héros du roman, recoupe entièrement ce que pensent Julien Sorel et Raskolnikov, lorsqu'il dit: «Pourquoi sommes-nous différents? Pourquoi existe-t-il des hommes comme nous, des Allemands comme nous, étrangers au troupeau, à la masse des autres Allemands? Nous employons les mêmes mots et pourtant nous ne parlons pas le même langage. Quand ils nous demandent “Que voulez-vous?”, nous ne pouvons pas répondre. Cette question n'a pas de sens pour nous. Si nous tentions de leur répondre, ils ne nous comprendraient pas. Quand ceux d'en face disent “intérêt”, nous répondons “purification”» (12). Purification, c'est-à-dire libération, sur-humanisation nietzschéenne.

 

De la liberté à la politique

 

Si la filiation s'établit assez facilement de Stendhal et Dostoïevski à Nietzsche et Ernst von Salomon, il existe cependant une grande différence entre les XIXe et XXe siècles. Les personnalités des différentes figures que nous avons considérées s'expliquent parfaitement d'un point de vue social et psychologique. Cependant, la révolte de Julien Sorel ou de Raskolnikov n'est pas la révolution programmée d'Ernst von Salomon, annoncée par Nietzsche (et d'autres penseurs). Il ne s'agit plus de se reconnaître différent en tant qu'individu, il s'agit de combattre les causes de la destruction de l'humanité. Dès lors, deux tendances vont se conjuguer, la réflexion et l'action, qui toutes deux se trouvaient en germe dans le romantisme. Le but suprême est la lutte contre la société bourgeoise, et par là-même, la régénération de l'humanité.

 

De là naîtra le mouvement que l'on nomme “révolution conservatrice”, dont Arthur Moeller van den Bruck (1876-1925) a certainement donné la meilleure définition (13): «Un révolutionnaire, écrit-il, n'est pas celui qui introduit des nouveautés, mais au contraire celui qui veut maintenir les traditions anciennes». Il ne nous appartient pas ici d'étudier ce courant d'idées (14). Notre dessein n'est que d'en repérer les origines et la continuité au travers d'un type de héros de roman. Cependant si Ernst von Salomon nous autorise à poser Le Rouge et le Noir de Stendhal comme étant une des sources des idées de la révolution conservatrice, il est permis de se demander pour quelles raisons les penseurs français classés à gauche, Zola ou Aragon (15), ont également tenté de récupérer la figure de Julien Sorel. Certes, la lutte anti-sociale du héros explique leur position. Mais c'est oublier une dimension essentielle de la personnalité de Julien Sorel, paramètre qui n'a pas en revanche échappé à von Salomon. Inférieur socialement aux personnages qu'il côtoie, Sorel se sent cependant supérieur à eux. Il considère l'injustice sociale non sur le plan strict du droit, mais sur le plan humain. Il ne cherche même pas à égaler ses maîtres, il revendique sa différence intellectuelle. Selon lui, tout comme pour Raskolnikov d'ailleurs, les mérites tiennent aux talents, nullement à la position sociale.

 

Or, cette supériorité n'a pas été remarquée —volontairement?—  par les critiques de gauche. En cela, on peut dire que leur annexion de Julien Sorel est abusive. Ce qui n'est pas le cas chez certains penseurs de droite. On se souviendra comment Ernst von Salomon s'éloigna du national-socialisme, parce qu'il considérait ce parti politique comme trop plébéien. Seule sa notoriété lui valut de ne pas être inquiété durant la période hitlérienne. Cette position d'extrême conscience de sa valeur avait également été celle de Stendhal durant son existence.

 

Psychologie du révolutionnaire

 

Nous avons vu se dessiner, dans ce qui précède, la psychologie du révolutionnaire. Mettons de côté cependant la problématique propre de Dostoïevski, qui est celle du rachat de l'homme marqué par la perspective chrétienne du Salut  —encore que les considérations religieuses et sociales ne soient pas absentes du Rouge et le Noir—,  et étudions en revanche la pathologie de ces personnages, si proches les uns des autres. On a souvent dit que les héros de Dostoïevski étaient tous des psychopathes. C'est possible. Mais une telle constatation, formulée dans le vocabulaire réducteur de l'aliénisme matérialiste, n'explique pas tout, bien au contraire. Car Stendhal, qui n'a guère fouillé la psychologie de Julien Sorel  —en dehors de ses réactions sociales—  note rapidement au chapitre 40: «Deux ou trois fois par an, il était saisi par des accès de mélancolie qui allaient jusqu'à l'égarement». C'est déjà l'annonce des crises des personnages de Dostoïevski, qui par-delà les démonstrations, fouille leur psychologie. Ainsi, après son crime, Raskolnikov se trouve-t-il en proie à un délire et à une inactivité qui révèlent une personnalité irrégulière, déréglée. C'est aussi l'explication que l'on peut donner au cri poussé par Ernst von Salomon au fond de sa prison. Captif de la société qui cherche à l'annihiler, le héros n'a plus d'autre solution que de hurler sa détresse. Réfractaire à toute mise au pas, désespéré, il laisse échapper sa soif de liberté dans un cri.

 

la société bourgeoise: un leurre

 

Conscients de leur supériorité intellectuelle, tous ces personnages se perçoivent si différents des gens établis, qu'ils en sont écrasés. Ecrasés parce qu'ils sont seuls face à la société. Leur sursaut est une déviation de l'action, qui passant par une sorte de dépression, les fait tomber dans le crime en les élevant. Mais ce n'est pas la dépression qui explique leur position face à la société. Cela doit être bien compris. La dépression n'est qu'un résultat. Elle n'est nullement originelle. Parce que la société les brime, les contraint, elle apparaît devant eux. Non l'inverse. Ainsi, ces personnalités s'analysent en fonction du cadre social dans lequel elles évoluent. Sans l'injustice, sans l'imbécillité, sans la lâcheté, sans l'ennui, toutes les figures que nous avons vues, auraient pu s'exprimer librement. Jamais elles ne seraient tombées dans la mélancolie  —voire dans la folie comme ce fut le cas pour Nietzsche—  si elles avaient été garanties par des sociétés libres. Toute leur réflexion démontre que la société bourgeoise n'est pas naturelle. Elle n'est pas la liberté. Elle n'est qu'un leurre, un piège. L'homme ne peut être libre que dans la nature, qui offre au plus fort la possibilité de la lutte.

 

Pourquoi tant de mouvements gymnastiques naquirent-ils en Allemagne dès la fin du XIXe siècle? Précisément pour faire contrepoids à une société bourgeoise étriquée, n'offrant à l'homme que des possibilités de jouer des rôles, sans que jamais il puisse s'épanouir pleinement. Or, ces rôles, Julien Sorel, Raskolnikov ou Ernst von Salomon en avaient dès l'abord décrypté l'hypocrisie. Originellement, ils ne sont pas des personnages déséquilibrés. Seule la société bourgeoise, artificielle, les a forgés comme ils sont, les a poussés dans leurs retranchements. Et c'est toute leur noblesse que de la refuser et de combattre pour l'élaboration d'une autre société, naturelle et humaine. L'égalitarisme démocratique est donc condamné en bloc par ces personnalités, qui ne rêvent que de sociétés fortes et viriles. Là en fait se situe la carence des psychologues, qui ne font que constater des faits, et qui ignorent délibérément un paramètre essentiel, le contexte social. Psychopathes, à tout le moins dépressifs, Julien Sorel ou Raskolnikov le sont sans doute selon les normes bourgeoises. Mais ils le sont parce qu'ils sont incapables de rentrer dans une société qui ne leur convient pas, une société de médiocres calculateurs, une société mercantile, essentiellement faite pour les faibles.

 

Or, ce sont ceux-ci qui jugent et condamnent ces personnages, sans être à même de les comprendre. Parce qu'ils ont été piégés par la société. Parce qu'ils manquent de grandeur morale. Parce qu'ils manquent simplement d'intelligence et de courage. Il faut en effet être particulièrement fort pour se mesurer à la société et à soi-même. C'est ce qu'affirment dramatiquement ces trois héros de la révolte européenne.

 

Jérémie BENOIT.

 

NOTES:

 

(1) Die Geächteten, Berlin, Rowohlt Verlag, 1930, trad. franç. (Les Réprouvés), Paris, Plon, 1931, p. 396.

(2) Le Crépuscule des Idoles, (1888) «Divagation d'un Inactuel», 45, trad. fr., Paris, Folio, p. 133.

(3) P. Bourget, Essai de Psychologie contemporaine, Paris, Lemerre, 1889.

(4) M. Bardèche, Stendhal romancier, Paris, La Table ronde, 1947.

(5) Les Réprouvés, op. cit. p. 120-121.

(6) Le Rouge et le Noir, Paris, Levavasseur 1830, chap. 10.

(7) Crime et Châtiment, publié dans Le Messager russe en 1866.

(8) H. Troyat, Dostoïevski, Paris, Fayard, 1960, p. 239.

(9) Cette idée que tout est permis à l'homme, parce qu'il n'y a pas de dieu, se retrouve en particulier dans les réflexions d'Ivan Karamazov. C'est en s'inspirant de lui que Smerdiakov, le bâtard, sorte de double infernal de son maître, tue le père Karamazov. Car, comme le fait observer H. Troyat, op. cit., p.356, «Smerdiakov confond la liberté avec l'arbitraire». On remarquera à ce propos que Dostoïevski, tout comme Stendhal d'ailleurs, n'a écrit qu'un seul roman, n'a créé qu'un seul type de héros, déclinés sous tous leurs aspects.

(10) Est-ce un hasard si Stendhal écrivit une Vie de Napoléon, éditée seulement en 1876?

(11) On se souviendra à ce propos de ce qu'écrivait Alfred de Vigny (1797-1863) dans Servitude et grandeur militaires (1835): «Cette génération née avec le siècle qui, nourrie de bulletins par l'Empereur, avait toujours devant les yeux une épée nue, et vint la prendre au moment même où la France la remettait dans le fourreau des Bourbons». A quoi répondait Alfred de Musset (1810-1857) dans La confession d'un enfant du siècle (1836): «Alors s'assit sur un monde en ruines une jeunesse soucieuse. Tout ces enfants étaient des gouttes d'un sang brûlant qui avait inondé la terre».

(12) Cité par D. Venner, Histoire d'un fascisme allemand. Les corps-francs du Baltikum et la Révolution conservatrice, Paris, Pygmalion/Gérard Watelet, 1996, p.251.

(13) A. Moeller van den Bruck, La Révolution des peuples jeunes, Puiseaux, Pardès, 1993, p.137. On relèvera par ailleurs que Moeller van den Bruck fut un excellent connaisseur de Dostoïevski qu'il traduisit en allemand. Selon lui, «Dostoïevski était révolutionnaire et conservateur à la fois» (op. cit., p. 136)

(14) Sur ce point, on lira en particulier les publications des éditions Pardès, dont Armin Mohler, La révolution conservatrice en Allemagne, 1918 - 1932, 1993. On relèvera aussi le fait que parmi les maîtres penseurs de ce courant idéologique, Ernst Jünger avait d'abord pensé à intituler son roman Orages d'acier (1920), «Le gris et le rouge», par référence à Stendhal.

(15) L. Aragon, La lumière de Stendhal, Paris, Denoël, 1954.

 

 

mardi, 15 juin 2010

Les législatives belges du 13 juin 2010

Communiqué du “Mouvement Identitaire Démocratique” (MID)

 

Les législatives belges du 13 juin 2010

 

be-bart-de-wever-8804_1217964616.jpgLe lendemain des législatives belges du 13 juin 2010, les manchettes des journaux étrangers, en vente à Bruxelles, comme “El Pais” (Espagne) et le “Corriere della sera” (Italie), annonçaient la victoire de la NVA de Bart de Wever et pronostiquaient la séparation entre Flamands et Wallons et la fin de la Belgique, chanson  que l’on entend au moins depuis trois décennies. Et comme d’habitude, pleins feux sur la Flandre et ses velléités autonomistes, confédéralistes ou indépendantistes. Mais pas un mot sur la consolidation du vote socialiste en Wallonie, qui ouvre, dans les circonstances actuelles marquées par une avancée sans précédent du nationalisme flamand, des perspectives de coalition totalement inhabituelles.

 

Pour expliquer clairement les enjeux de la campagne électorale qui vient de s’achever, il faut revenir aux résultats du scrutin de 2007, où l’on trouvera tous les prémisses de la crise d’aujourd’hui. Il y a trois ans, la victoire avait été emportée haut la main par le cartel formé par les démocrates-chrétiens flamands (Cd&V) et les nationalistes modérés de la NVA (que l’on distinguait alors des “maximalistes” du Vlaams Belang). Ce cartel voulait un élargissement du fédéralisme belge, c’est-à-dire des dévolutions supplémentaires, notamment en matières fiscales, avec, pour la Wallonie, un sérieux risque à la clé: celui de réduire la manne des fameux “transferts” de solidarité fédérale, où, la Flandre, devenue plus riche depuis l’effondrement des vieilles structures industrielles de la Wallonie, verse une partie de ses impôts pour soutenir un tissu économique défaillant dans le sud du pays et plus particulièrement dans l’ancien sillon Sambre-et-Meuse, hyperindustrialisé à ses époques de gloire et de prospérité.

 

Contre Leterme: front du refus et lynchage médiatique

 

En 2007, l’établissement francophone avait opposé un non catégorique à cette volonté flamande de dévolution, largement exprimée par les urnes. Le porte-voix de ce refus tranché avait été la présidente des démocrates chrétiens francophones, Joëlle Milquet, qui a rapidement glané le sobriquet de “Madame Non” dans toute la presse flamande. La victoire du cartel et le non de Milquet avaient provoqué une crise de longue durée dans le royaume, empêchant Yves Leterme, président du Cd&V, de former un gouvernement. Il avait été obligé de lâcher Bart De Wever et donc de dissoudre ce fameux cartel qui lui avait donné la victoire et lui avait permis de reconquérir les très nombreux sièges perdus par les démocrates chrétiens depuis la crise de la dioxine en 1999, face aux libéraux de Verhofstadt. Seule l’alliance avec les nationalistes de la NVA avait permis aux démocrates chrétiens de revenir aux affaires. Ensuite, toutes les tentatives de Leterme de trouver un modus vivendi avec l’établissement s’étaient soldées par un échec, tandis que la presse francophone se livrait contre lui à un véritable lynchage médiatique, où sa personne était posée comme l’idiot parfait, le chévrier d’arrière-province (Leterme possède une chèvre comme Mitterrand possédait une ânesse), l’abruti total qui ne connaissait pas l’hymne national belge, l’accro du portable qui pianotait sur son mini-clavier pendant le Te Deum de la fête nationale, etc. Tous les coups avaient été permis et tous les coups avaient été portés. L’établissement francophone et les démocrates-chrétiens de Wallonie et de Bruxelles, habituels interlocuteurs privilégiés de leurs homologues de Flandre, avaient clairement signifié à Leterme qu’ils ne voulaient pas de son “confédéralisme”, de son alliance avec la NVA et qu’ils n’étaient pas “demandeurs en matière de réformes institutionnelles” (c’est-à-dire qu’ils ne voulaient aucune démarche en direction d’un confédéralisme ou de dévolutions supplémentaires).

 

En Flandre, cette manière de procéder, cet acharnement féroce, ont laissé des traces profondes dans les sentiments populaires qui se traduisent avant tout par un ressentiment sourd à l’égard de l’établissement. Celui-ci s’est développé en silence dans les masses, dans les chaumières, sans que cela ne transparaisse dans la presse ou dans les débats publics: le peuple ruminait, ressassait et préparait sa vengeance. Nous avions dit un jour, en commentant cette crise: “Leterme et De Wever seront un jour plébiscités”, tant les campagnes de dénigrement et de calomnies à leur encontre étaient perçues dans le bon peuple comme profondément injustes. Ce plébiscite vient d’avoir lieu mais ce n’est pas Leterme qui en a été le bénéficiaire mais son partenaire mineur de 2007, Bart De Wever, chef de file de la NVA. Même si Leterme conserve des scores très honorables dans les bastions ouest-flamands dont il est issu (Ypres, Courtrai). Un journal flamand avait reproduit les paroles d’un badaud auquel Leterme avait serré la pince lors d’une tournée électorale sur un marché dominical en Flandre occidentale: “Gij had nondedju harder op tafel moeten kloppen in Brussel” (T’aurais dû, non de D., taper plus fort sur la table à Bruxelles). Leterme avait été jugé par “la langue du peuple sur la place du marché”, comme dit Mikhail Bakhtine, l’exégète russe de Rabelais: un brave garçon mais pas assez énergique. De Wever, après une campagne très bien ficelée, a été perçu par l’électorat flamand comme celui qui allait vraiment taper du poing sur les tables à Bruxelles et faire passer les réformes institutionnelles et le confédéralisme auquel il aspirait. Du coup, son parti, aux scores modestes et partenaire mineur du défunt cartel, est devenu, et de loin, le premier parti de Flandre. Judoka professionnel et député d’Ostende, Jean-Marie de Decker, leader de la LDD  —un parti populiste sans connotations nationalistes, qui avait, lors des élections précédentes, coulé tous les propos de café de commerce en un programme politicien (à défaut d’être politique)—  a remarqué avec pertinence qu’un tel glissement de terrain n’avait jamais été vu en Belgique depuis 1830, année de la naissance du royaume. Les trois partis traditionnels (démocrates-chrétiens, libéraux et socialistes) ont tous perdu des plumes devant un challengeur nationaliste flamand.

 

L’imbroglio de BHV

 

La chute du gouvernement Leterme est due à la question dite de “BHV”, incompréhensible pour les observateurs internationaux, qui évitent de l’évoquer de peur de s’emmêler les pinceaux mais au risque de ne pas faire comprendre le problème à leurs lecteurs ou auditeurs. Les lettres B, H et V, désignent les noms de trois communes ou villes voisines dans l’ancienne province du Brabant, Bruxelles, Hal(le) et Vilvo(o)rde, constituant un seul arrondissement judiciaire dans le royaume et une unique circonscription électorale. L’objectif des partis flamands avait été de scinder cet arrondissement en séparant les 19 communes qui forment la Région bruxelloise, des cantons de Hal(le) et Vilvo(o)rde, inclus dans la province du Brabant flamand, donc dans la Région flamande. La Région bruxelloise aurait formé un arrondissement judiciaire limité aux dix-neuf communes qui la constituent, de même qu’une circonscription électorale détachée de Hal(le) et Vilvo(o)rde, sans qu’il n’y ait plus chevauchement d’une circonscription et d’un arrondissement judiciaire sur deux régions différentes.

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Sur la carte: en vert, les 19 communes de la Région bruxelloise -

En beige, les communes des cantons de Halle et de Vilvoorde (Brabant flamand, Région Flandre)

 

Pour comprendre cet imbroglio, une brève leçon d’histoire s’impose: en 1963, les représentants des deux communautés linguistiques majeures composant le royaume de Belgique décident de tracer une frontière linguistique entre les régions néerlandophone et francophone (et aussi entre les cantons germanophones et la Wallonie francophone), impliquant l’unilinguisme administratif dans chacune des régions, comme l’a toujours demandé le mouvement wallon dans ses revendications (la Flandre était moins demanderesse, à l’époque, que la Wallonie, qui venait d’être secouée en décembre 1960 et janvier 1961 par une vague d’émeutes sociales, menées par l’aile ultra et régionaliste du syndicalisme socialiste, dont le chef de file avait été André Renard; celui-ci prétendait que la Wallonie devait bénéficier d’une autonomie par rapport à la Flandre, afin de pouvoir parfaire son socialisme particulier sans devoir demander des comptes à une majorité parlementaire flamande aux Chambres siégeant à Bruxelles). Le long de cette frontière, voulue tout à la fois par les nationalistes flamands et par les renardistes wallons, et autour des 19 communes de l’agglomération bruxelloise, les minorités (flamandes ici, francophones là, germanophones ailleurs) reçoivent des “facilités administratives”, consistant, pour l’essentiel, à obtenir de l’administration tous documents dans leur langue maternelle. Les “facilités” constituent donc un expédiant pragmatique. Six communes autour de l’agglomération bruxelloise bénéficient de ces “facilités” (Wemmel, Wezembeek-Oppem, Kraainem, Rhode-Saint-Genèse/Sint-Genesius-Rode, Drogenbos et Linkebeek), tout en faisant partie de l’entité de Halle-Vilvoorde, incluse plus tard dans la province du Brabant flamand.

 

La Périphérie bruxelloise: une situation née de l’exode urbain

 

A la suite de l’institutionalisation de cette frontière linguistique en 1963, la Belgique entame un long processus de fédéralisation qui durera près de trente ans, impliquant notamment la séparation de la province de Brabant, auparavant bilingue et incluant l’agglomération bruxelloise, en deux nouvelles entités provinciales: le Brabant wallon et le Brabant flamand. Le Brabant wallon fait partie de la Région wallonne. La Brabant flamand de la région flamande. Les cantons de Halle et de Vilvoorde appartiennent au Brabant flamand, tout en étant rattachés à l’arrondissement judiciaire de Bruxelles, devenue région à part entière. Ce rattachement constitue bien entendu une anomalie dans la logique communautaire du fédéralisme belge. Bon nombre de natifs des dix-neuf communes bruxelloises ont aimé, au cours de l’exode urbain vers les zones semi-rurales de la “périphérie”, se fixer dans ces cantons limitrophes de l’agglomération bruxelloise. On travaillait en ville et on épargnait pour se construire une maison dans la “ceinture verte” et flamande autour de la grande ville encombrée. L’idéal du Belge moyen est celui de Ruskin, le concepteur anglais des cités-jardins. C’est dans un tel cadre qu’il veut vivre avec sa famille et couler des jours heureux. Vivre dans un appartement sans jardin où dans un clapier typique des années 60 est jugé dégradant, ne symbolise aucunement le bonheur et l’art de vivre. Au cours de son histoire, Bruxelles a imposé le français à tous les ressortissants des provinces belges venus s’installer dans la capitale, les flamandes comme les wallonnes, si bien que ce sont de nouveaux habitants francophones ou francophonisés qui arrivent par vagues successives dans la “ceinture verte”. Les habitants autochtones et néerlandaophones de ces communes du Brabant flamand parlent d’ “olievlek”, de “tache d’huile” qui se répand au départ de Bruxelles, urbanise d’anciens villages ruraux pittoresques. Depuis une dizaine d’années, ils sont, de surcroît, animés par la crainte panique de voir arriver des ressortissants issus des diverses vagues migratoires non européennes, installées dans les anciens quartiers populaires de la capitale belge, quartiers qui deviennent, pour eux aussi, exigus.

 

Néerlandophones et Francophones vont donc se heurter de front dans les six communes dites “à facilités” et partout dans les cantons de Halle et de Vilvoorde, où l’exode urbain tente de créer des niches ou des cités dortoirs, sans prise réelle sur la vie quotidienne des habitants autochtones des communes périphériques et surtout sans intérêt pour elle; absence d’intérêt prise pour de l’arrogance et de la grossièreté par les Flamands de cette “ceinture verte”, vexés d’être considérés comme des “natives” résiduaires, des aborigènes en voie de disparition, auxquels on n’adresse pas la parole. L’objectivité nous oblige tout de même à signaler que des ressentiments similaires ont animé ou animent encore les autochtones du Brabant wallon, subissant aussi les  effets de  la “tache d’huile”: seulement leurs sentiments ne sont pas instrumentalisables politiquement comme le sont tous les clivages d’ordre linguistique en Belgique. “BHV” devient ainsi un enjeu politique majeur. Et le cheval de bataille des militants de la francophonie, dont l’inénarrable Olivier Maingain, animé par une francolâtrie pathologique qui va jusqu’à étonner les citoyens français eux-mêmes qui restent pantois devant sa virulence et se montrent généralement plus prompts à reconnaître les ressorts de l’identité flamande. Maingain et ses compagnons de combat vont agiter le spectre de la “minorisation des francophones” dans les six communes et dans tout le reste de la “périphérie” et accuser le monde politique flamand d’empêcher la fusion de ces six communes et d’autres zones des cantons de Halle et de Vilvoorde au sein de la Région de Bruxelles-Capitale.

 

Scinder BHV pour désengorger les tribunaux de Bruxelles

 

Le ton va monter, s’envenimer, tant et si bien que le sycophante Maingain n’hésitera pas à se poser, selon les clichés habituels et éculés, comme un résistant face au “nazisme” intrinsèque d’une méchante Flandre posée comme le fer de lance d’un nouveau pangermanisme (mais sans avoir derrière elle ni un Bismarck ni les uhlans de Guillaume II ni les Panzerdivisionen de Guderian). Angela Merkel est pacifique et timorée: elle ignore tout des arcanes de la politique belge ou des ressorts du pangermanisme, dont tous les adeptes sont morts et enterrés depuis longtemps sauf dans les délires de Papy Maingaingain (qui fait de la résistance). Le maximaliste Bart Laeremans, juriste et député du Vlaams Belang, dans une lettre ouverte aux Francophones de Bruxelles et de sa périphérie, a rappelé fort oppotunément que le problème de BHV n’en était pas un, sauf pour le FDF de Maingaingain: les partis flamands veulent tout simplement scinder l’arrondissement judiciaire de BHV parce que les tribunaux bruxellois sont engorgés et ne peuvent plus maîtriser l’arriéré judiciaire. Cette scission, d’ordre purement pragmatique, va donc dans l’intérêt des Bruxellois et des habitants de la périphérie (H & V). Il ne s’agit nullement, précise le maximaliste flamingant Laeremans, de supprimer les “facilités” ni d’empêcher les Francophones de constituer des listes électorales particulières et de se faire élire au Parlement flamand ou dans toute autre instance représentative. Les craintes de Maingain et de ses acolytes ne portent pas en réalité sur les dangers qui guetteraient la démocratie dans les communes de l’entité BHV. Si l’arrondissement de BHV est scindé, Maingain et ses amis ne pourraient plus récolter de voix dans les communes de la périphérie bruxelloise; celles-ci iraient à d’autres francophones, sur des listes parallèles se présentant en Région flamande et, du coup, le poids politique de Papy Maingaingain en Région bruxelloise se réduirait comme une peau de chagrin. C’est donc pour des raisons personnelles et purement électoralistes, pour une cuisine politicienne produisant un très mauvais graillon, que lutte Maingain et non pas pour défendre la démocratie ou la francophonie. Les édiles bruxelloises, se targuant de francophonisme, veulent aussi faire main basse sur les recettes fiscales des communes mieux nanties de la périphérie pour les précipiter dans le tonneau des Danaïdes qu’est le budget de la Région de Bruxelles-Capitale.

 

Le problème réel, à nos yeux, n’est donc pas linguistique mais fiscal. Et on s’étonne que ni la NVA ni le Vlaams Belang ni les autres partis flamands ne l’ont évoqué dans les polémiques et débats politiques. Les taxes sont plus lourdes en Régions bruxelloise et wallonne qu’en Région flamande, notamment l’impôt sur les successions. Dans la périphérie et dans l’arrondissement de Halle-Vilvoorde tout entier, les générations précédentes, autochtones ou émanations de la  “tache d’huile”, ont fait bâtir une quantité impressionnante d’immeubles, constituant leur patrimoine familial, fruit de leurs économies et surtout de leur labeur. Ces francophones, venus dans la périphérie suite au phénomène sociologique de l’exode urbain, courent un risque énorme, si leurs communes sont rattachées à la Région bruxelloise, comme le veulent Maigain et ses séides: celui de voir s’éroder considérablement la valeur de leur patrimoine immobilier, qui, en cas de “bruxellisation”, serait ponctionnée par une “rage taxatoire”destinée à renflouer une Région artificielle, sans poumon extérieur et largement déficitaire, vu le chômage de masse qui y sévit, frappant en premier lieu une jeunesse issue des deuxième, troisième voire quatrième générations d’immigrés non européens, majoritairement musulmans, pour laquelle on avait prévu de généreuses mesures d’intégration qui ont, hélas, toutes fait faillite. Le mal de vivre, la drogue, l’oisivité, l’intégrisme islamiste, le refus de s’adapter aux moeurs d’une civilisation industrielle, le débranchange social par la cyberdépendance, le désorientement, le tiraillement de ces adolescents et adolescentes entre les “paradis artificiels” de la société de consommation et les injonctions sévères de la famille maghrébine ou turque traditionnelle, etc. rendent une jeunesse majoritairement issue de l’immigration (mais pas uniquement) totalement inadaptée au marché du travail à Bruxelles. Les ponctions fiscales sur le patrimoine meuble et immeuble des ex-Bruxellois partis vers la périphérie serviraient à financer les mesures sociales palliatives, destinées à maintenir ces masses juvéniles en un état d’assistanat permanent: on sait qu’il faut construire des logements sociaux, des prisons (eh, oui), l’engagement de policiers supplémentaires, de matériels pour l’appareil répressif, etc., toutes dépenses non prévues et non destinées aux zones périphériques, toutes dépenses qui seront engagées au détriment de projets plus séduisants, plus humanitaires, dans les secteurs de la culture, de l’éducation ou de la médecine. Les discours sur la francophonie masquent un projet de racket inouï et inédit: on oublie de le dire, y compris et surtout dans les cénacles nationalistes flamands, où sévit aussi l’irréalisme politicien. D’où l’absence de toute séduction à l’endroit des Francophones de la périphérie dont la plupart n’ont rien à faire du francophonisme politicien.

 

Le sort de Neder-Over-Heembeek

 

L’exemple le plus patent de ce qui attend la périphérie, en cas d’annexion à la Capitale sous la houlette de Maigain, a été observé dans une zone moins dense de la Commune de Bruxelles-Ville, dans le quartier, encore fort vert, de Neder-Over-Heembeek, ancienne commune rurale et excentrée, annexée au coeur historique de Bruxelles, il y a plusieurs décennies. Sur le territoire de Neder-Over-Heembeek, le pouvoir socialiste de Bruxelles-Ville a fait édifier d’affreux HLM en bordure des maisonnettes coquettes de “souchiens” débonnaires, heureux de vivre de manière idyllique dans ce quartier aux aspects encore semi-ruraux. Ces HLM étaient destinés à désengorger les vieux quartiers du centre historique de Bruxelles, qui, lui, est en voie de “gentrification”, où fonctionnaires européens, eurocrates, lobbyistes, branchés, faux ou vrais artistes ou pontes du secteur tertiaire se paient de vieux appartements luxueux et cherchent à houspiller les familles allochtones, peu séduites par le spectacle, finalement assez  décadent, de cette nouvelle faune de modernistes, de célibataires et de festivistes, qui a les  faveurs de la presse, au contraire des familles normales, des centaines de milliers de gens qui ont un boulot utile. Inutile de préciser que ce désengorgement du centre de la Ville concerne des populations non “souchiennes”. Si demain les six “communes à facilités” sont annexées à la Région bruxelloise, elles subiront inmanquablement le sort de Neder-Over-Heembeek, qui avait suscité un tollé chez les autochtones locaux, un tollé que la presse aux ordres s’était bien abstenue de répercuter... Ces braves autochtones n’ont plus qu’à vendre au rabais leurs maisonnettes et à se replier dans des appartements plus exigus ou à émigrer vers des communes plus lointaines du Brabant wallon, sans liaisons faciles avec la capitale. Voilà à quoi menerait la politique du sycophante Maingain...

 

Une bonne partie des citoyens des six communes à facilité, aveuglée par les discours toniturants sur la défense de la “démocratie” (celle des prébendes et des entourloupettes politciennes) et de la “francophonie”, a encore voté pour le MR libéral (“Mouvement Réformateur”), qui constitue un cartel avec le FDF (“Front des Francophones”), le parti de Maingain. La majeure partie des habitants de Halle et de Vilvoorde a toutefois voté pour la NVA de Bart De Wever, la peur aux tripes de voir arriver une nouvelle “tache d’huile”, une nouvelle vague de Bruxellois, allochtones cette fois, ou de devoir payer des taxes pharamineuses pour financer leur insertion ou leur non insertion. L’affaire de BHV n’est pas une affaire de constructivisme institutionnel, de bricolage juridique, de complots  pangermanistes ou de cogitations politiciennes oiseuses mais touche directement le citoyen dans les problèmes de sa vie quotidienne, dans les problèmes de la gestion de son patrimoine. Problèmes que les discours politiciens n’ont pas pris en compte ou ont escamotés...

 

Ouvrir un chantier pour un socialisme nouveau en Wallonie?

 

La Flandre, c’est désormais évident, souhaite mettre un terme aux transferts vers la Wallonie, ou les réduire au minimum requis par la solidarité fédérale ou contraindre les décideurs wallons à des investissements productifs pour une Wallonie qui n’est quand même pas sans atouts, malgré son plus grand éloignement de la mer et des ports. La Wallonie est proche de la Rhénanie et de l’espace mosellan, que ce soit celui du Palatinat allemand ou du Duché de Lorraine, annexé à la France et laissé pour compte par l’Hexagone. La Flandre de Bart de Wever met peut-être la Wallonie au pied du mur: ou elle se maintient vaille que vaille dans son socialisme d’assistanat, en quémandant l’argent des transferts ou des subsides européens, ou elle annonce qu’elle va créer un socialisme réellement travailliste, solidaire et local, correspondant à l’idéal humain que représente l’oeuvre sculpturale de Constantin Meunier ou qu’envisageait peut-être André Renard, figure emblématique de la Wallonie du début des années 60. Un tel chantier, fort intéressant, pourrait s’ouvrir. La Flandre est animée par un souci pragmatique et non par un nationalisme caricatural comme l’établissement essaie de le faire croire à la presse étrangère.

 

Quid de l’avenir de la Belgique après le raz-de-marée de la NVA, dimanche 13 juin 2010? Il y a deux risques: 1) la récupération de Bart De Wever qui, de croquemitaine de l’établissement, deviendrait en un tourne-main, par un formidable et incroyable tour de passe-passe politicien, son faire-valoir en Flandre; 2) le blocage et une crise plus longue encore que celle de 2007-2008.

 

Dans le premier cas, l’établissement “chevaucherait le Tigre” du nationalisme flamand et parierait pour le tandem De Wever/Di Rupo (le chef de file des socialistes wallons), autant dire alors qu’il parierait pour le mariage de l’eau et du feu. Mais les avances faites par Caroline Gennez (présidente des socialistes flamands) et par Di Rupo himself à De Wever ont été entendus, et bien entendus urbi et orbi, pour que l’on puisse confirmer cette hypothèse, impensable même quelques jours avant le scrutin. De Wever représente le refus populaire flamand des transferts vers la Wallonie. Di Rupo représente l’établissement dans sa faction socialiste, pilier du monarchisme belge en dépit des anciennes velléités républicaines des gauches, qui est contraint d’accepter les transferts pour que survive le pouvoir socialiste en Wallonie, ainsi que l’assistanat qu’il implique dans certaines sous-régions. Pour parfaire cette alliance de l’eau et du feu, on formerait un bloc comprenant la NVA, le PS wallon, le SP.a (socialistes flamands), le CdH (démocrates chrétiens francophones de Joëlle Milquet) et peut-être les partis écologistes des deux communautés linguistiques, vu qu’ils n’ont pas perdu de plumes lors du scrutin de dimanche dernier. La présence du Cd&N n’est pas nécessaire dans ce bloc, sauf peut-être sa composante syndicaliste démocrate chrétienne (l’ACV), mécontente toutefois de voir la NVA emporter le morceau. D’un côté, nous aurions un “pôle wallon de l’Olivier” (comme en Italie), avec les gauches (CdH, PS et Ecolos) dans toutes leurs variantes, et de l’autre, un bloc flamand plus composite comprenant les mêmes ingrédiens idéologico-politiques que l’Olivier wallon, plus la NVA, désormais incontournable mais au risque de devenir pure décoration au sein même du système belge que rejette la plupart de ses militants.

 

Dans le second cas, celui d’un blocage définitif, De Wever percevrait, avant de forger une alliance avec les socialistes de Flandre et de Wallonie, le risque de voir partir sa base nationaliste. Celle-là même qui vient d’abandonner Leterme et les maximalistes du Vlaams Belang, dégoûté qu’elle était du “cordon sanitaire” imposé à ce parti et ne permettant pas à ses élus de participer à des majorités, à quelqu’échelon que ce soit du pouvoir politique. En cas de réticence de De Wever, annonce le journal satiririque bruxellois, “Père Ubu/Pan”, “la lune de miel se muera bien vite en lune de fiel”. Pour éviter de voir son électorat déserter la NVA, comme il a déserté Leterme ou le Vlaams Belang, De Wever pourra tenter de mettre la barre très haut, provoquant à nouveau le refus des autres: les Wallons et les Bruxellois pourront toujours se replier sur l’Olivier à leurs niveaux régionaux respectifs, tandis qu’en Flandre ni la NVA seule ni l’Olivier ne peuvent gouverner sans l’apport de partenaires au sein d’une coalition: aucun panachage politique n’atteint les 50%. De Wever risque alors de subir un “cordon sanitaire” comme ses adversaires du Vlaams Belang dans le camp nationaliste flamand.

 

Vers une déception de l’électorat?

 

Si un tel “cordon sanitaire” s’installe autour de la NVA, la déception de l’électorat composite de ce parti nationaliste modéré sera immense et on risque alors de voir, lors du prochain scrutin, ces masses de voix revenir au Vlaams Belang, qui prétendra incarner une radicalité nationaliste pure, vierge de toute compromission avec l’établissement. Or ce sont en fait les compromis à la belge, où personne ne trouve jamais pleine satisfaction, que l’électeur flamand a rejeté pour plus de 40% (voix de la NVA et du Vlaams Belang confondues). Dans les compromis et les bricolages politiciens, aucun électorat, de quelque parti que ce soit, ne trouve satisfaction: en Wallonie, on a dit hier, et on dira demain, que la Flandre, avec son vote nationaliste, conservateur, clérical ou confédéraliste, empêche l’éclosion d’un “projet socialiste original” dans le sud francophone du pays. En Flandre, on rétorquera que les problèmes structurels du pays flamand, dont le chômage en forte croissance depuis la crise, ne pourront jamais être résolus par l’apport fiscal flamand si les transferts se perpétuent. Les transfers empêchent de fait de récolter les fonds nécessaires à créer de nouveaux emplois en Flandre, suite aux vagues de licenciements qui ont accompagné la crise depuis qu’elle a éclaté à l’automne 2008.

 

L’absence de gouvernement n’est pas un problème pour tout le monde...

 

Le royaume d’Albert II risque donc de se retrouver sans gouvernement pendant longtemps. Le Belge, écrivait avant guerre l’essayiste et journaliste nationaliste et monarchiste Fernand Neuray, est un anarchiste né qui ne hisse jamais l’intérêt général au-dessus de ses intérêts sectoriels. Et de fait, l’absence d’un gouvernement, destiné à assurer l’intérêt général, du moins en théorie, obligera les uns et les autres à gouverner le pays par l’expédiant des “affaires courantes”, ce qui aura pour effet de mettre au frigo d’importantes questions politiques, institutionnelles, sociales, judicaires et internationales. Les véritables maîtres du pays s’en frotteront les mains: les secteurs bancaires et énergétiques, inféodés à la France, auront les coudées franches pour commettre tous les abus imaginables car le politique sera mis hors jeu et ne pourra imposer ni limites ni balises. D’où aucune régulation dans le sens d’une justice sociale et d’une adaptation des tarifs d’assurance, des frais bancaires et des factures énergétiques aux salaires réels des citoyens ne sera possible, a fortiori si ces salaires devront être réajustés, crise grecque oblige.

 

L’avenir n’est donc pas rose parce que la crise européenne et la crise subséquente de l’euro, fragilisé par les événements de Grèce et par les risques similaires que courent le Portugal, l’Espagne, l’Italie, l’Irlande et la Belgique, nous rappellent que tous devraient tourner leurs regards vers leur environnement européen, afin de créer des ponts transrégionaux, de dépasser les nationalismes conflictuels et de faire face aux manoeuvres des ennemis de l’Europe, prêts à profiter de toutes ses faiblesses.

 

 

Lancinante rupture avec l'Occident

Lancinante rupture avec l'occident

20090103_DNA017062.jpgUn agréable périple familial dans notre cher Hexagone, — on n'écrit plus la Doulce France, — m'a permis de suivre, l'actualité grâce aux quotidiens régionaux. Et durant la semaine écoulée, ils évoquaient les péripéties consécutives à la participation de quelques Français à l'opération turque de solidarité avec Gaza.

Le mercredi 2 juin, on pouvait lire et partager l'inquiétude du grand quotidien de Touraine "la Nouvelle République". Gros titre en première page : "Gaza : sans nouvelles des huit Français".

Le vendredi 4 juin "La République des Pyrénées" donnait quelques rassurantes précisions : "Six Français de retour". Tout est bien qui finit bien. Il s'agit de cinq membres du "Comité de bienfaisance et de secours aux Palestiniens" (CBSP) : Salah Berbagui, Mounia Cherif et Miloud Zenasni débarqués à Roissy vers 16 h 45 d'un vol de la compagnie Turkish Airlines, en provenance d'Istanbul puis de Ahmed Oumimoun et Mouloud Bouzidi. Le sixième, Thomas Sommer-Houdeville appartient à la "Campagne civile internationale pour la protection du peuple palestinien" (CCIPPP).

Enfin le samedi 5 juin, le grand quotidien de Marseille "La Provence" (1) saluait le retour chez lui et les déclarations de l'enfant du pays Miloud Zenasni. Notons cependant que ces nouvelles, les seules supposées informer le lecteur de ce qui se passe à l'Etranger apparaissent seulement en page 32 rubrique "Méditerranée-Monde", l'Europe n'existant pas.

Ne nous attardons pas aux évaluations d'origine américaine à propos du Comité de bienfaisance et de secours aux Palestiniens (CBSP). La CIA ose prétendre depuis août 2003 que cette organisation doit être considérée comme "entité terroriste" car elle "apporte son soutien au Hamas et forme son réseau de collecte de fonds en Europe".

En même temps, et comme je m'y attendais un peu, ma modeste chronique du 2 juin a déclenché un certain nombre de réactions . Or, elles répondent à ce que je n'ai pas écrit. Comme elles se montrent outrancières, se veulent insultantes et/ou tombent sous le coup de la loi (2), et puisque, par ailleurs, elles n'apportent aucune information je ne les installe pas sur ce site.

Je ne cherche même pas à croiser le fer, renvoyant simplement mes lecteurs habituels à ce que cette chronique exprime effectivement.

Et je me contenterais aujourd'hui de préciser certains contours de mon propos personnel, soulignant d'abord quelques réalités.

Les deux questions les plus importantes à mes yeux, dans cette affaire, ne résultent ni des gens qui hurlent avec les loups, ce que je m'efforce de ne jamais faire, ni de ceux qui se disent "pour" avec la peau des autres mais des faits objectifs nouveaux ou confirmés.

Première constatation : la politique extérieure européenne n'existe toujours pas. Lady Ashton reste strictement inconsistante et on peut croire qu'elle a été choisie pour remplir cette mission, qu'elle accepte. Chacun de nos pays persiste dans un repli matérialiste sur lui-même, faussement confortable. On refuse de voir les dangers qui s'accumulent dans le monde, qui justifieraient le renforcement des moyens et de l'esprit de défense. Nos soldats sont engagés en Afghanistan dans une guerre. Les dirigeants et commentateurs parisiens agréés paraissent s'en moquer. L'héroïsme, le devoir, la croisade n'appartiennent pas à leur registre. Ils évoquent seulement les morts et les blessés, comme s'il s'agissait de statistiques des accidents de la route. Cela dit tout.

Deuxième fait majeur : la rupture de l'alliance turco israélienne.

Il ne s'agit ni de louer ici ni de stigmatiser quiconque. Observons.

Contrairement ce que deux ou trois correspondants semblent croire, je ne cherche d'ailleurs à développer aucun sentiment particulièrement hostile à la Turquie. Militant d'abord pour l'exactitude, je me contente de considérer que l'Europe ne saurait intégrer cette nation dans le projet que représente au départ son "Union" (3). Et d'autre part je préfère la voir s'occuper du Proche Orient que du sud est européen.

Je souligne d'autre part qu'il est un peu extravagant, quand même, qu'à la fois, ce pays occupe illégalement un territoire européen à Chypre, qu'il refuse de reconnaître le génocide arménien, et prétende, en même temps, s'ériger en défenseur du droit des peuples.

Son alliance stratégique avec Israël date des années 1950 et non des années 1990 comme on le lit souvent. À Ankara, les équipes actuellement au pouvoir semblent, depuis 2003, souhaiter la rupture entre les deux vieux partenaires et désirer renforcer leur position aux côtés du monde arabe. La tradition kémaliste cherchait à s'en séparer radicalement. Cela révolutionne donc à terme toute la région. Rappelons que jusqu'ici l'OTAN tenait la Turquie pour son très précieux, loyal et fidèle allié. Les Israéliens se trouveront dans l'obligation de changer, eux aussi, leurs orientations. Ils ne pourront plus faire, comme par le passé, l'apologie systématique outrancière de leur ancien ami désormais infidèle. Sans aller jusqu'à une repentance publique, contraire à leur esprit traditionnel de "peuple à la nuque raide", ils devront peut-être revenir sur certains paradigmes.

Doit-on sérieusement se féliciter que la Turquie aurait "retrouvé une âme", comme le dit un de mes contradicteurs anonymes, plus logique que d'autres ?

Quand d'ailleurs l'aurait-elle perdue ?

Ce qui me passionnerait ce serait de voir l'Europe retrouver son âme !

Et sans recourir à de tels hyperbolismes il s'agit de savoir, pour les citoyens et les contribuables français, à quoi tend concrètement la politique de la France. Lorsque l'on constate les soutiens matériels, les subventions et les encouragements que la république accorde au développement des communautarismes et de l'islamisme sur le territoire de l'Hexagone on se doute bien qu'il ne s'agit pas pour elle de les combattre vraiment sur la scène internationale.

Seuls et sans moyens bien considérables des policiers intelligents et courageux mènent une lutte acharnée et efficace, quoique discrète, contre le terrorisme : combien de temps les "braves gens" dormiront-ils en paix grâce à eux ?

Certes on peut prends acte de la logique idéaliste de ceux qui "voudraient que le monde vive dans la paix et la justice" : on la comprend, mais on ne doit aucunement succomber à ce doux rêve messianique. La paix ne se définit raisonnablement que par l'intervalle séparant deux conflits. Votre serviteur souhaite seulement que l'armée de son pays puisse repousser "les Barbares qui veulent la guerre". J'admire beaucoup, j'ose l'avouer, la pacifique nation suisse de se préparer constamment à affronter des conflits dont, par là même, elle écarte l'hypothèse. Ces Gaulois ont bien retenu la devise de l'Empire romain : "si tu veux la paix, prépare-toi à la guerre".
JG Malliarakis

Apostilles
  1. Ce titre est lui-même issu de l'absorption du "Méridional la France", bien connu des amis de l'Algérie française, par le "Provençal" de Gaston Deferre.
  2. Pour situer la hauteur du débat, je note qu'un correspondant anonyme osant lui-même se présenter comme "Grec", me targue d'être "un juif de Salonique", et non un "Grec orthodoxe". Je dois dire que le trait m'amuse. Il appelle de ma part les précisions suivantes. Les Thessaloniciens israélites portent le plus souvent des noms d'apparence espagnole (Daninos, Moreno, etc.). Ils parlaient autrefois le judéo-espagnol ou ladino. Ils sont considérés comme les descendants des Juifs expulsés d'Espagne en 1492. Leurs ancêtres ont été accueillis et protégés par les Sultans. Aucun Grec n'imaginerait que mon patronyme, typiquement crétois, puisse se rattacher à cette histoire. D'ailleurs je constate que les organismes de bienfaisance juifs qui utilisent volontiers des fichiers onomastiques ne me sollicitent pas. Enfin, quoique partageant chaque année la joie pascale et recevant les vœux du métropolite grec orthodoxe de Paris, je ne ressortis pas de sa juridiction ecclésiastique, appartenant à la "communauté orthodoxe française de la Sainte Trinité" au sein de laquelle cohabitent pacifiquement toutes les opinions politiques françaises.
  3. C'est le propos de mon livre sur "La Question turque et l'Europe"
Vous pouvez entendre l'enregistrement de cette chronique
sur le site de
Lumière 101

Faszination des Faschismus: Der Erlkönig

9782070366569.jpgFaszination des Faschismus: Der Erlkönig

Ellen KOSITZA

Ex: http://www.sezession.de/

Auf der Rangliste meiner Lieblingsbücher steht Michel Tourniers Der Erlkönig (dt. 1972) ziemlich weit oben. Gestern holte ich es wieder aus dem Schrank, begann mit der Lektüre und war abermals hingerissen.

Hinterher blätterte ich das Programmheft des Deutschlandfunks für Juni durch und sah: Am 6. und am 13. Juni um 18.30 Uhr sendet Deutschlandradio je anderthalb Stunden den Erlkönig (den Volker Schlöndorff als „Der Unhold“ verfilmte) als Hörspiel! Toller Zufall – oder nein: natürlich ein schicksalhaftes „Zeichen“, das so recht zu Tourniers Meisterwerk paßt, in dem dergleichen „Zeichen“ eine wesentliche Rolle spielen. Alles ist Symbol in diesem Buch, jede Beobachtung, jede Begebenheit weist auf eine übergeordnete Mission hin.

Vor Jahren habe ich mehrere Leseanläufe abgebrochen; der Stoff faszinierte mich zwar, erschien mir aber als letztlich pervers und im ganzen zu schwierig. Mittlerweile ist das Buch (es erinnert ein wenig an Patrick Süskinds „Das Parfum“) für mich ein grandioses Kunstwerk, das bei wiederholter Lektüre Schicht um Schicht entblättert.

Tournier, Jahrgang 1924, verbrachte mit seinen Eltern, einem Germanisten-Ehepaar als Kind viel Zeit in Deutschland, unmittelbar nach dem Krieg studierte er hier. 1970 erhielt er für den Erlkönig (Le Roi des Aulnes) den bedeutendsten französischen Literaturpreis Prix Goncourt. Bezogen auf die literarischen Qualitäten fand die Preisverleihung zwar einhellige Zustimmung. Einige Kritiker, allen voran Jean Amery, klagten jedoch Tourniers „bis zur Unerträglichkeit mythisierende Beschreibung der Nazi-Barbarei“ an und unkten, der Autor sei der Faszination des Faschismus verfallen. Tournier konterte, daß die wesentliche Dimension des Faschsimus eben ästhetisch gewesen sei und daß man „die Schönheit der Gewalt und des Krieges nicht verneinen“ könne. Die gesamte NS-Propoaganda sei auf Verführung angelegt gewesen, und darum gehe es auch im Erlkönig, der unter anderem auf Görings Jagdschloß und in der Napola Kaltenborn (der Name zumindest ist Fiktion) in Ostpreußen spielt. Heute, da eine Faszination durch faschistische Körper und Kulte gänzlich fernliegt – vor vier Jahrzehnten war das wohl anders – käme kaum jemand auf den Gedanken, Tournier verherrlichende Gedanken zu unterstellen. Man wird es heute eher als Brandmarkung der Brutalität dieses Systems lesen. In Wahrheit wäre auch das eine falsche Interpretation.  Im Erlkönig geht es – angelehnt an die Heiligenlegende des St. Christophorus - um die „phorische Sehnsucht“, die Sehnsucht nach Selbstverleugnung und Dienst an einer höheren Sache.

Für Tiffauges, den Erlkönig-Protagonisten ist Deutschland das Land „der reinen Idee“. Unter anderem – im Buch ist dieser Punkt freilich ein Nebenschauplatz – drücke sich das in der Sprache aus. Im Deutschen lägen „die Worte, ja sogar die Silben nebeneinander wie Kieselsteine, ihre Grenzen verwischen sich nicht. Der gewissermaßen flüssige französische Satz verschwimmt demgegenüber zu einer angenehm zusammenhängenden Einheit, die freilich in Formlosigkeit auszuarten droht. Daher kommt es, daß ein deutscher Satz, wenn er hastig oder im Befehlston ausgesprochen wird, sogleich wie Gebell klingt. Statuen oder Roboter können das in Kauf nehmen. Wir anderen aber, wir schleimigen, lauen Geschöpfe, wir ziehen das sanfte Idiom der Ile-de-France vor.“ Als „Gipfel des Widersinns“ – und gleichwohl faszinierend – bezeichnet der Franzose es weiter, daß in der deutschen Sprache mit „großer Hartnäckigkeit die Frau selbst zum Neutrum gemacht wird (Weib, Mädel, Mädchen, Fräulein, Frauenzimmer).“

So kündigt D-Radio das Hörspiel (mit u.a. Ulrich Noethen als Sprecher) an:

Der Erlkönig (1)
Die sinistren Aufzeichnungen des Abel Tiffauges (Ursendung)
Nach dem Roman von Michel Tournier

Abel Tiffauges ist Automechaniker im Paris der 30er Jahre. Unglücklich ist er und auch wieder nicht. Fremd, versponnen treibt er durchs Pariser Leben. Die Erwachsenenwelt ist ihm suspekt. Zu Kindern fühlt er sich hingezogen, und auch das nicht wirklich. Seine heimliche Liebe gilt Deutschland, einem Deutschland als Traumwelt: Hyperborea.

Wir sind Hyperboreer, wir wissen gut genug, wie abseits wir leben, heißt es bei Nietzsche. Die Umstände sind ihm günstig. Angeklagt und verurteilt für ein Verbrechen, das er nicht beging, aber begangen haben könnte, schickt man ihn zur Frontbewährung. Und so gelangt er wirklich ins Land seiner Träume.

D. H. Lawrence

D.H. Lawrence

Ex: http://www.oswaldmosley.com/

D.H. Lawrence 1885-1930 is acknowledged as one of the most influential novelists of the 20th Century. He wrote novels and poetry as acts of polemic and prophecy. For Lawrence saw himself as both a prophet and the harbinger of a New Dawn and as a leader-saviour who would sacrificially accept the tremendous responsibilities of political power as a dictator so that humanity could be free to get back to being human.

Much of Lawrence's outlook is reminiscent of Jung and Nietzsche but, although he was acquainted with the works of both, his philosophy developed independently. Lawrence was born in Eastwood, a coal-mining town near Nottingham, into a family of colliers. His father was a heavy drinker, and his mother's commitment to Christianity imbued the house with continual tension between the parents. At college, he was an agnostic and determined to become a poet and an author. Having rejected the faith of his mother, Lawrence also rejected the counter-faith of science, democracy, industrialisation and the mechanisation of man.

LOVE, POWER AND THE "DARK LORD"

dh-lawrence.jpgFor Lawrence capitalism destroyed the soul and the mystery of life, as did democracy and equality. He devoted most of his life to finding a new-yet-old religion that will return the mystery to life and reconnect humanity to the cosmos.

His religion was animistic and pantheistic, seeing the soul as pervasive, God as nature, and humanity as the way God is self-realised. The relations between all things are based on duality -opposites in tension. This duality is expressed in two ways: love and power. One without the other results in imbalance. Hence, to Lawrence, the love of Christianity is a sentimentality that destroys the natural hierarchy of social relations and the inequality between individuals. The critique of Christianity is reminiscent of Nietzsche.

Love and power are the two "threat vibrations" which hold individuals together, and emanate unconsciously from the leadership class. With power, there is trust, fear and obedience. With love, there is "protection" and "the sense of safety". Lawrence considers that most leaders have been out of balance with one or the other. That is the message of his novel Kangaroo. Here the Englishman Richard Lovat Somers although attracted to the fascist ideology of "Kangaroo" and his Diggers movement, ultimately rejects it as representing the same type of enervating love as Christianity, the love of the masses, and pursues his own individuality. The question for Somers is that of accepting his own dark master (Jung's Shadow of the repressed unconscious). Until that returns no human lordship can be accepted:

"He did not yet submit to the fact of what he HALF knew: that before mankind would accept any man for a king. Before Harriet would ever accept him, Richard Lovat as a lord and master he, this self-same Richard who was strong on kingship, must open the doors of his soul and let in a dark lord and master for himself, the dark god he had sensed outside the door. Let him once truly submit to the dark majesty, creaking open his doors to this fearful god who is master, and entering us from below, the lower doors; let himself once admit a master, the unspeakable god: the rest would happen."

What is required, once the dark lord has returned to men's souls in place of undifferentiated 'love' is a social order based on a hierarchical pyramid culminating in a dictator. The dictator would relieve the masses of the burden of democracy. This new social order would be based on the balance of power and love, something of a return to the medieval ideal of protection and obedience.

The ordinary folk would gain a new worth by giving obedience to the leader, who would in turn assume an awesome responsibility and would lead by virtue of his being "circuited" to the cosmos. Through such a redeeming philosopher-king individuals could reconnect cosmically and assume Heroic proportions through obedience to Heroes.

"Give homage and allegiance to a hero, and you become yourself heroic, it is the law of man."

HEROIC VITALISM
Hence, heroic vitalism is central to Lawrence's ideas. His whole political concept is antithetical to what he called "the three fanged serpent of Liberty, Equality, Fraternity." Instead, "you must have a government based on good, better and best."

In 1921 he wrote: "I don't believe in either liberty or democracy. I believe in actual, sacred, inspired authority." It is mere intellect, soulless and mechanistic, which is at the root of our problems; it restrains the passions and kills the natural.

His essay on Lady Chatterley's Lover deals with the social question. It is the mechanistic, arising from pure intellect, devoid of emotion, passion and all that is implied in the blood (instinct) that has caused the ills of modern society.

"This again is the tragedy of social Itfe today. In the old England, the curious blood connection held the classes together. The squires might be arrogant violent, bullying and unjust, yet in some ways they were at one with the people, part of the same blood stream. We feel it in Defoe or Fielding. And then in the mean Jane Austen, it is gone...So, in Lady Chatterley's Lover we have a man, Sir Clifford, who is purely a personality, having lost entirely all connection with his fellow men and women, except those of usage. All warmth is gone entirely, the hearth is cold the heart does not humanly exist. He is a pure product of our civilisation, but he is the death of the great humanity of the world."

Against this pallid intellectualism, the product the late cycle of a civilisation, writing in 1913 Lawrence posited: "My great religion is a belief in the blood, as the flesh being wiser than the intellect. We can go wrong in our minds but what our blood feels and believes and says, is always true."

The great cultural figures of our time, including Lawrence, Yeats, Pound and Hamsun, were Thinkers of the Blood, men of instinct, which has permanence and eternity. Rightly, the term intellectual became synonymous since the 1930s with the "Left", but these intellectuals were products of their time and the century before. They are detached from tradition, uprooted, alienated bereft of instinct and feeling. The first 'Thinkers of the Blood' championed excellence and nobility, influenced greatly by Nietzsche, and were suspicious, if not terrified of the mass levelling results of democracy and its offspring communism. In democracy and communism, they saw the destruction of culture as the pursuit of the sublime. Their opposite numbers, the intellectuals of the Left, celebrated the rise of mass-man in a perverse manner that would, if communism were universally triumphant, mean the destruction of their own liberty to create above and beyond the state commissariats.

Lawrence believed that socialistic agitation and unrest would create the climate, in which he would be able to gather around him "a choice minority, more fierce and aristocratic in spirit" to take over authority in a fascist like coup, "then I shall come into my own."

Lawrence's rebellion is against that late or winter phase of civilisation, which the West has entered as, described by Spengler. It is marked by the rise of the city over the village, of money over blood connections. Like Spengler, Lawrence's conception of history is cyclic, and his idea of society organic.

Against this pallid intellectualism, the product the late cycle of a civilisation, writing in 1913 Lawrence posited: "My great religion is a belief in the blood, as the flesh being wiser than the intellect. We can go wrong in our minds but what our blood feels and believes and says, is always true."

The great cultural figures of our time, including Lawrence, Yeats, Pound and Hamsun, were Thinkers of the Blood, men of instinct, which has permanence and eternity. Rightly, the term intellectual became synonymous since the 1930s with the "Left", but these intellectuals were products of their time and the century before. They are detached from tradition, uprooted, alienated bereft of instinct and feeling. The first 'Thinkers of the Blood' championed excellence and nobility, influenced greatly by Nietzsche, and were suspicious, if not terrified of the mass levelling results of democracy and its offspring communism. In democracy and communism, they saw the destruction of culture as the pursuit of the sublime. Their opposite numbers, the intellectuals of the Left, celebrated the rise of mass-man in a perverse manner that would, if communism were universally triumphant, mean the destruction of their own liberty to create above and beyond the state commissariats.

Lawrence believed that socialistic agitation and unrest would create the climate, in which he would be able to gather around him "a choice minority, more fierce and aristocratic in spirit" to take over authority in a fascist like coup, "then I shall come into my own."

Lawrence's rebellion is against that late or winter phase of civilisation, which the West has entered as, described by Spengler. It is marked by the rise of the city over the village, of money over blood connections. Like Spengler, Lawrence's conception of history is cyclic, and his idea of society organic.

RELIGION OLD AND NEW
Lawrence sought a return to the pagan outlook with its communion with life and the cosmic rhythm. He was drawn to blood mysticism and what he called the dark gods. It was the 'Dark God' that embodied all that had been repressed by late civilisation and the artificial world of money and industry. His quest took him around the world. Reaching New Mexico in 1922, he observed the rituals of the Pueblo Indians. He then went to Old Mexico where he then stayed for several years.

It was in Mexico that he encountered the Plumed Serpent, Quetzalcoatl, of the Aztecs. Through a revival of this deity and the reawakening of the long repressed primal urges, Lawrence thought that Europe might be renewed. To the USA, he advised that it should look to the land before the Spaniards and the Pilgrim Fathers and embrace the 'black demon of savage America'. This 'demon' is akin to Jung's concept of the Shadow, (and its embodiment in what Jung called the "Devil archetype"), and bringing it to consciousness is required for true wholeness or individuation.

Turn to "the unresolved, the rejected", Lawrence advised the Americans (Phoenix). He regarded his novel The Plumed Serpent as his most important; the story of a white women who becomes immersed in a social and religious movement of national regeneration among the Mexicans, based on a revival of the worship of Quetzalcoatl.

Through the American Indians Lawrence hoped to see a lesson for Europe. He has one of the leaders of the Quetzalcoatl revival, Don Ramon, say: "I wish the Teutonic world would once more think in terms of Thor and Wotan and the tree Yggdrasill...".

Looking about Europe for such a heritage, he found it among the Etruscans and the Druids. Yet although finding his way back to the spirituality that had once been part of Europe, Lawrence does not advocate a mimicing of ancient ways for the present time; nor the adoption of alien spirituality for the European West, as is the fetish among many alienated souls today who look at every culture and heritage except their own. He wishes to return to the substance, to the awe before the mystery of life. "My way is my own, old red father: I can't cluster at the drum anymore", he writes in his essay Indians and an Englishman. Yet what he found among the Indians was a far off innermost place at the human core, the ever present as he describes the way Kate is affected by the ritual she witnesses among the followers of Quetzalcoatl.

In The Woman Who Rode Away the wife of a mine owner tired of her life leaves to find a remote Indian hill tribe who are said to preserve the rituals of the old gods. She is told that the whites have captured the sun and she is to be the messenger to tell them to return him. She is sacrificed to the sun... It is a sacrifice of a product of the mechanistic society for a reconnection with the cosmos. For Lawrence the most value is to be had in "the life that arises from the blood"

THE LION, THE UNICORN AND THE CROWN
Lawrence's concept of the dual nature of life, in which there is continual conflict between polarities, is a dialectic that is synthe-sised. Lawrence uses symbolism to describe this. The lion (the mind and the active male principle) is at eternal strife with the unicorn (senses, passive, female). But for one to completely kill the other would result in its own extinction and a vacuum would be created around the victory. This is so with ideologies, religions and moralities that stand for the victory of one polarity, and the repression of the other. The crown belongs to neither. It stands above both as the symbol of balance. This is something of a Tao for the West, of what Jung sought also, and of what the old alchemists quested on an individual basis.

The problems Lawrence brought under consideration have become ever more acute as our late cycle of Western civilisation draws to a close, dominated by money and the machine. Lawrence, like Yeats, Hamsun, Williamson and others, sought a return to the Eternal, by reconnecting that part of ourselves that has been deeply repressed by the "loathsome spirit of the age".


Kerry Bolton

Connaissance par les labyrinthes

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1980

Labyrinthe.jpgConnaissance par les labyrinthes

 

par Juan LEMMENS & Georges HUPIN

 

Ressentir une des structures supérieures du vivant, la faire passer de l'interne au conscient et au visible, a sans doute été une étape importante dans l'avènement de l'homme.

 

La forme labyrinthique, complexe par définition, peut paraître presqu'aussi élémentaire que la droite, le cercle ou le carré lorsqu'il s'agit de figurer une conception du monde et du destin de l'homme. Le symbole est extrêmement ancien.

 

Nietzsche remarquait: «Nous avons pour le labyrinthe une véritable curiosité, nous nous efforçons de faire la connaissance de Monsieur le Minotaure», symbole de toutes les terreurs labyrinthiques. L'affronter et le jouer comme, dans les corridas minoennes, les plus généreux trompaient le taureau au centre de l'arène et sautaient par-dessus ses larges cornes, revient à peu près à affronter Zeus et à le jouer au profit des forces fécondes et enivrantes. Comme Ariane, petite-fille de Zeus, délaissée par Thésée, devient à Naxos l'épouse de Dionysos, couple d'antagonismes primordiaux selon Nietzsche, masculin-féminin, qui doit mener au dépassement et à la transvaluation.

 

«L'essence du taureau divin, écrit J. Duchaussoy, force impérieuse de la nature créatrice, n'est ni destructrice ni salvatrice par elle-même. Elle s'efforce de faire pénétrer (en nous) dans sa plénitude le sens de la vie, en tirant l'homme hors du labyrinthe où l'enferment ses instincts ou ses passions refoulées. Comme ceux de Mithra, les mystères de Dionysos étaient destinés à faire acquérir cette maîtrise par le sacrifice joyeux des plaisirs, mais après en avoir pris connaissance».

 

Thésée, guerrier et champion sauveur, doit d'abord être sauvé lui-même. Sa victoire sur le Minotaure est une victoire sur la mort, une nouvelle naissance. Son parcours souterrain est comme le mouvement en serpentin de la ronde initiatique des jeunes gens, dans l'aire de danse, à l'entrée de la caverne.

 

Nietzsche se proclamaient homme labyrinthique, c'est-à-dire selon lui, celui qui s'enfonce toujours plus, détours et retrours, profondément dans le chaos, jusqu'à la vérité radicale, plus réelle pour lui que la «vérité» elle-même. Libérateur comme Dédale, l'homo faber qui fait passer du labyrinthe naturel au labyrinthe construit, il fait glisser du symbole au concept, d'un donné naturel et surnaturel à un schéma produit par l'homme et qui échappera progressivement à la sphère sacrée. Et, nouveau Thésée, il marque la fin d'une période archaïque.

 

On a pu dire que le labyrinthe est le fruit de l'union de deux taureaux et de deux femmes. On se souvient que le roi Minos est né des amours d'Europe et de Zeus olympien, qui pour la séduire et l'enlever prit la forme d'un taureau blanc. Il la ramena dans l'île de Crète où lui-même avait vu le jour, sur les sommets sacrés des monts Ida et Aigaion, dont les flancs abritent une multitude de cavernes insondables.

 

Minos fera construire par l'architecte Dédale un palais de mille salles aux issues enchevêtrées pour y enfermer le Minotaure, monstre mi-taureau, mi-homme, né de l'amour de son épouse Pasiphaé pour un taureau écumant sorti de la mer, amour coupable surtout parce qu'il consacre la trahison de Minos à son engagement de sacrifier l'animal à Poséidon en payement d'un service rendu par le dieu.

 

On a dénombré en Crète plus de trois mille cavernes. Aux temps minoens, elles servaient pour l'épreuve de l'initiation des jeunes gens, initiation à la mort et au courage de vivre. Comme les sept garçons et les sept filles qui avaient accompagné Thésée dans l'antre du Minotaure, ces jeunes gens se masquaient, s'assimilant momentanément à la mort pour pouvoir renaître ensuite à eux-mêmes, à leur âge adulte, «après avoir retrouvé le nœud au centre spirituel de la circonférence, par une somme égale de dépouillements et d'acquisitions qui leur permettront d'échapper à l'enchaînement du cycle».

 

Les mythes et les rites, comme le remarque Georges Dumézil, sont solidaires et s'engendrent réciproquement. Ces rituels initiatiques si fournis illustrent l'importance du mythe qu'ils ont nourri et sa persistance. Ses rémanences modernes, hors les nombreux labyrinthes de haies dans les parcs (hedge-maze  en Angleterre) ou de gazons et de sentiers, se retrouvent le plus sûrement, hors les puzzles et les jeux de l'oie, dans les marelles (ou merrils)  que les enfants dessinent sur les trottoirs et dont le «ciel» est le couronnement, terme d'un cheminement semé d'épreuves de plus en plus ardues. Alain de Benoist rappelle à ce sujet le rapprochement significatif fait par Shakespeare, dans Le Songe d'une nuit d'été:  «la boue a envahi la cour où s'assemblaient nos joueurs de marelle et l'herbe folle efface les fins lacets du labyrinthe abandonné».

 

On ne s'accorde guère sur l'origine des labyrinthes ni sur celle de leur nom. On fit d'abord dériver le mot «labyrinthe» du mot grec «labrys»: hache double qu'on a retrouvé dans de nombreux endroits à Cnossos et surtout dans le palais. On en a conclu que le palais était le labyrinthe des anciens. L'étymologie «labrys» fut discréditée par le fait que l'objet s'appelait à cette époque, en Crète, «peleky».

 

Le fameux Ventris, après son déchiffrage du «linéaire B», a proposé une autre explication. Les mots «da-pu-ri-to-jo», «po-ti-ni-ja» et «da-da-re-jo» se retrouvaient sur les tablettes du linéaire B et les deux premiers termes semblaient même associés. Compte tenu de la relation linguistique «d-l», on pouvait lire «labyrinthe», «Potnia» (divinité chtonienne) et «Daidallion». La question de savoir si le labyrinthe était habité par la Potnia (et non le Minotaure) reste sans réponse. Des recherches en cours, il n'est pas exclu que l'on aboutisse à la conclusion que «labrys» et d'autres étymologies proposées aient quand même un rôle à jouer dans l'explication du mythe, plus ancien et plus répandu qu'on le pense communément.

 

Au sujet du mythe connexe de Thésée, Ovide rapporte: «deux fois déjà il s'était repu du sang de l'Acté, il fut vaincu lorsqu'elle lui envoya pour la troisième fois les victimes que le sort lui désignait tous les neuf ans. Aidé par une vierge, le fils d'Egée retrouva au moyen d'un fil qu'il enroulait la porte d'accès difficile, par où nul autre avant lui n'était revenu. Aussitôt après, ayant enlevé la fille de Minos, il fit voile vers Dia (Naxos) et là le cruel abandonna sa compagne sur le rivage.

 

L'association de la ville de Troie au labyrinthe est ancienne. Le souvenir de Cnossos s'estompant, on admit communément une connexion ethnique, ce que rapporte Virgile, qui dit, dans le cinquième chant de l'Enéide, que le berceau de la race troyenne fut la Crète.

 

Quand on sait que Troie était la forteresse que les Achéens ne purent investir que grâce à la ruse, on peut comprendre que le Moyen Age militaire en ait été impressionné et que de nombreuses places fortes aient porté son nom. Dans le nord de l'Europe, où les représentations de labyrinthes sont très répandues et très anciennes, l'association existe au niveau du langage. Alain de Benoist observe qu'en Angleterre, en Allemagne, en Suède, en Hollande, au Pays de Galles, le nom commun du labyrinthe est «château (ou ville) de Troie» (Trojaburg) et que dans les langues de ces pays, la racine du verbe «tourner», et souvent celle du verbe «ruser» y est apparentée.

 

Il n'est pas inattendu que Jérusalem ait été associée au mythe labyrinthique, et ceci pour trois raisons: d'abord, c'était une ville sainte, centre de l'enseignement du Rédempteur; ensuite, elle était l'aboutissement du pélérinage en terre sainte; finalement, elle représentait la cité parfaite où l'on accédait à la rédemption finale de l'âme. D'autres lieux de pélérinage accédèrent bientôt à une renommée continentale, dont Saint Jacques de Compostelle. Nombreux étaient les fidèles désireux de s'y rendre, qui ne pouvaient songer à réaliser leur vœu. A leur intention, on se mit à dessiner dans le dallage des églises des labyrinthes appelés «chemin de Jérusalem» qu'on parcourait à genoux, en chantant des psaumes de pénitence.

 

Saint-Hilaire relève dans les établissements religieux de nos régions, à l'abbaye de Lophem (Loppem), près de Bruges (Brugge), un labyrinthe de haies qui conduit à un grand arbre et un autre à l'abbaye de Groenendaal. Plus intéressant encore est le labyrinthe inscrit dans le dallage de la cathédrale de Saint-Omer, à proximité d'un énorme monolithe, couvert d'un enchevêtrement de fines lignes et qui porte l'inscription «Tombeau de Saint Erkembode». A l'heure actuelle encore, les fidèles viennent déposer sur la pierre des chaussures ou des bas, survivance de la pratique ancienne des pélerins de passage, qui y déposaient, geste propitiatoire pour leur long et difficile voyage, leurs sandales et leur bâton, arme du pélerin. Quand on aura remarqué que «erkend bode» signifie en néerlandais «envoyé reconnu», on se rappelera que Thésée avait reçu, avant même d'être né, de son père, le Roi Egée, la mission de soulever, dès qu'il serait assez fort pour le faire, une énorme pierre sous laquelle il avait caché ses sandales et son épée et de les porter pour venir le rejoindre. Il reconnaîtrait son fils à ces signes. Ce qui fut accompli.

 

Les premiers labyrinthes ne sont certainement pas à situer en Crète. On en relevait à usage militaire en Egypte dès la IIième dynastie (-3500), bien antérieurs à l'époque de la construction des premiers palais crétois (-2000). Le géographe grec Strabon a fait peu avant le début de notre ère la description du labyrinthe que le pharaon Amenhemat III de la XIIième dynastie (-1850) fit construire en bordure du Lac Moeris, et qu'Hérodote avait déjà évoqué cinq siècles plus tôt. Saint-Hilaire note que la description évoque les grands ensembles mégalithiques de Bretagne et d'Angleterre.

 

Alain de Benoist relève dans l'ouvrage d'Emmanuel Anati sur le site protohistorique de Val Camonica dans les Alpes italiennes, à propos de représentations de labyrinthes: «La légende du Minotaure trouve là sans doute ses origines» et dans celui de Paolo Santarcangeli: «Le labyrinthe est un des thèmes les plus constants de l'art rupestre européen. Il apparaît gravé sur la pierre en Europe vers le IIième millénaire avant J.C.» pour préciser que les premiers apparaissent en Europe septentrionale sur les gravures rupestres de la Scandinavie méridionale, avant l'Irlande, l'Angleterre, l'Islande, l'Allemagne, la Russie.

 

Janet Bord se réfère aux études de datation au carbone radioactif de Colin Renfrew et Jonathan Cape (Before Civilization,  Londres, 1973; trad. fr.: Les origines de l'Europe, 1988) pour préciser que les labyrinthes gravés du nord-ouest de l'Europe dateraient de -2500 à -4500.

 

Dans l'Enéide, Virgile décrit sur la porte de l'Hadès, gardé par une sybille, la gravure du labyrinthe crétois. Des dessins labyrinthiques spiraliformes se retrouvent dans nombre de tombeaux celtiques du Pays de Galles et d'Irlande.

 

Janet Bord indique que le mouvement centrifuge figurerait la renaissance et le mouvement centripète, la mort, le retour à la terre mère, de laquelle on naîtra peut-être une seconde fois. Ceci est à rapprocher de l'opinion que les tumuli avaient été conçus comme une représentation du corps maternel dans lequel le mort reposait comme avant la naissance, à rapprocher également des cérémonies d'initiation sélective au cours desquelles on célébrait des rites de renaissance à l'issue d'épreuves.

 

Les figures labyrinthiques sur les maisons, les étables et sur les lieux de mariage, les fils embrouillés et les entrelacs, qui se sont pratiqués couramment, auraient été destiné à égarer les influences néfastes et stérilisantes. En Inde, les femmes dans certaines populations dravidiennes ont conservé la coutume de dessiner à l'aube devant leur maison, au mois du solstice d'hiver, réputé néfaste parce que le soleil «meurt», des labyrinthes que le maître de la maison devait parcourir. Leur forme rappelle soit le labyrinthe crétois soit la svastika. On les pratique aussi en tatouage.

 

la colline artificielle de Maiden Castle, dans le Dorset, qui paraît d'origine néolithique et se présente comme un plateau en ellipse entouré de remblais et de fossés concentriques, avec dans les grands côtés des entrées labyrinthiques obligeant à faire un demi-circuit pour franchir le remblais suivant, peut difficilement être considérée comme une place forte (il aurait fallu 250.000 hommes pour la tenir efficacement). Elle serait plutôt un lieu de culte, l'entrée dans l'enceinte étant réservée aux initiés. Jackson Knight, auteur d'une importante étude, Les portes cuméennes (Cumean Gates,  Basil Blackwell, Oxford, 1936; 2ième éd.: Vergil, London, 1967) considère que les premiers labyrinthes militaires seraient égyptiens et dateraient de la IIième dynastie (-3500).

 

Le Tholos d'Epidaure, petit temps circulaire, contenait dans son sous-sol un petit labyrinthe de six enceintes, qui abritaient dans leur centre les serpents sacrés que seuls les prêtres allaient visiter. De même, Glastonbury Tor, dans un site mentionné dans la légende du Graal, paraît fort probablement être un labyrinthe initiatique. Ses sept couloirs présentent des obstacles à trois dimensions, en ce sens qu'il fallait les aborder en ordre irrégulier (3, 2 ,1, 4, 7, 6 et 5) et selon les cas vers la gauche ou vers la droite et à certains endroits escalader des montées abruptes jusqu'au sommet du mur.

 

Le seul fait de suivre la voie labyrinthique sinueuse comme dans les danses initiatiques, constituait sans doute un rite d'exclusion. La plus connue de ces danses du labyrinthe est la danse du géranos (grue) de l'Ile de Délos. D'après les Scolies, elle aurait été dansée pour la première fois par les compagnons de Thésée, sauvés des griffes du Minotaure. Les masques d'animaux portés par certains danseurs et le cheraton (autel à cornes) autour duquel elle se danse, symbolisent peut-être le Minotaure.

 

On dansait, et on danse encore, des danses du labyrinthe dans plusieurs régions d'Europe; en Suisse, en Bavière à Munich, les danses Schäffer, dansées tous les sept ans, à Traunstein, la danse de Saint Georges tuant le dragon, récupération probable par l'Eglise du mythe de Thésée, et dans l'Ile de Corfou, la danse des grues où les danseurs tiennent une longue corde.

 

Selon Norman O. Brown (Le corps d'amour,  Densel, 1960), les danses rituelles initiatiques auraient représenté symboliquement les efforts archétypiques de l'ancêtre divin, de l'homme prototypique, pour émerger dans ce monde. Janet Bord note que généralement «les rituels religieux dégénèrent au cours du temps jusqu'à ne plus laisser aux éléments retransmis qu'une vague ressemblance avec le modèle original et une signification imprécise».

 

Au cours de l'évolution des figurations de labyrinthes, on aura pu constater les «changements d'humeur» de cette expression figurative. A l'époque des premiers âges historiques, c'est la spirale et le méandre qui ont donné leur forme au labyrinthe. Une forme logique et mathématique ne se fera jour qu'en Egypte et au cours des premiers siècles helléniques. Celui qui poursuivra sa route avec constance est assuré de parvenir au terme du chemin.

 

Ensuite, dans la conversion des cathédrales du Moyen Age, le Christ remplace Thésée, la foi, Ariane, et l'âme du pélerin libéré de ses angoisses, le Minotaure.

 

Vers la fin du XVIième siècle, fait propre au baroque, pour représenter la tragique incertitude du monde et de l'homme, surgissent systématiquement les bifurcations dans le dessin du labyrinthe. La faculté de choix intervient et la possibilité non seulement d'errer mais aussi et surtout de se tromper. Aujourd'hui, on a ajouté l'impénétrabilité du destin: l'élection divine a son rôle à jouer.

 

Quoi qu'il en soit, l'idée fondamentale du labyrinthe a toujours été la même: la conscience que l'homme peut prétendre atteindre le dépassement, la liberté de son esprit, que ce soit par la foi, par la connaissance ou par la persévérance opposée au destin.

 

Juan LEMMENS & Georges HUPIN.

 

Bibliographie:

- Alain de Benoist, «Le domaine grec et romain», in Marc De Smedt, L'Europe païenne, Seghers, 1979.

- P. Santarcangeli, Le livre des labyrinthes,  Gallimard, 1974.

- Saint-Hilaire, Le mystère des labyrinthes,  Rossel, Bruxelles, 1977.

- Emmanuel Anati, La civiltà preistorica della Val Camonica,  Milan, 1964.

- Janet Bord et Jean-Clarence Lambert, Labyrinthes et dédales du monde,  Presses de la Connaissance, 1977.

- J. Duchaussoy, Le bestiaire divin,  La Colombe, Paris, 1958.

 

lundi, 14 juin 2010

Apokalypse Now: Die Wahrheit über die Bohrinsel-Katastrophe

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Apokalypse Now: Die Wahrheit über die Bohrinsel-Katastrophe

Gerhard Wisnewski

Ex: http://info.kopp-verlag.de/

Niedlich, das kleine Rohr am Meeresgrund, aus dem seit Wochen das Öl sprudelt – nicht wahr? Nur: Warum schaffen es die Ingenieure ums Verrecken nicht, das Ding zu schließen? Warum konnte man nicht einfach eine Glocke mit einer Leitung am oberen Ende draufsetzen und das Öl abpumpen? Ganz einfach: Weil die offene Leitung gar nicht das Problem ist. In Wirklichkeit strömt das Öl direkt aus dem Meeresboden. Und diesen »Krater« kann möglicherweise niemand schließen. Was bedeuten kann, dass die Ölquelle noch Jahre sprudelt – bis sie leer ist und große Teile der Umwelt tot sind. Doch lesen Sie selbst …

Wie ein Schwarm riesiger, fetter Schnaken sitzen die rund 4.000 Ölbohrinseln im Golf von Mexiko auf dem Wasser. Mit ihren ellenlangen dünnen und verletzlichen Rüsseln saugen sie in bis zu 2.400 Metern Tiefe eine hochbrisante Flüssigkeit aus gewaltigen Reservoiren unter dem Meeresboden. Hier, in weiteren Tausenden Metern Tiefe, schwappen seit ewigen Zeiten langsam riesige Blasen aus Gas, Öl und Ölschlamm hin und her, bis sie irgendwo eine »Höhle« beziehungsweise ein Reservoir gefunden haben, in dem sie sich sammeln. Nach diesen Reservoiren bohren die »Schnaken« wie Moskitos nach Blutgefäßen und setzen dabei ihr Leben aufs Spiel, wie man an dem Unfall der Deepwater-Horizon-Bohrinsel sieht.

Denn der Kampf mit diesen Naturgewalten gleicht einem Ritt auf dem Vulkan. Die unterseeischen Ölreservoire stehen häufig unter einem gewaltigen Druck. Ein Reservoir zu öffnen, ohne dabei in die Luft zu fliegen, ist ein kitzliges Unterfangen, das im Wesentlichen mit einem ausgeklügelten Druckmanagement im Bohrloch und -kanal bewältigt wird. Und nichts fürchtet der Ölingenieur so sehr wie das totale Versagen dieses Managements, nämlich den »Blowout« – Sie wissen schon: Das nette Klischee von dem Bohrturm mit der sprudelnden Ölquelle, um die begeisterte Menschen tanzen.

In Wirklichkeit ist der Blowout eine Katastrophe. Seit jeher wurden dabei Menschenleben, Anlagen und die Umwelt zerstört. Wobei man einen Blowout an Land allerdings relativ schnell in den Griff bekommen kann – und natürlich auch muss. Alles andere wäre eine Katastrophe von apokalyptischen Ausmaßen.

Schießt das Öl mit einem zu hohen Druck durch den Rüssel der »Schnake« nach oben, kann es sich im Prinzip seinen Weg bis nach oben bahnen und die Schnake umbringen – wie eben am 20. April 2010 im Golf von Mexiko geschehen. Zwar gibt es jede Menge trickreicher Sicherungen, die genau das verhindern sollen und es in 99,9 Prozent der Fälle auch tun – zum Beispiel das Blowout-Ventil (Blowout Preventer): Eine pfiffige Erfindung, die den Blowouts im Prinzip ein Ende machte oder sie zumindest auf fast null reduzierte. Aber das »fast« ist in diesem Fall genau das Problem. Wo ein »fast« normalerweise ausreicht, ist das bei einem Unterwasser-Blowout im tiefen Wasser anders. Dieser darf ganz einfach nicht passieren.

 

Das Gespenst des Blowouts

Schon vor 13 Jahren machten sich Fachleute erhebliche Sorgen um einen sogenannten »sustained deepwater-Blowout« (anhaltenden Tiefwasser-Ölausbruch), und zwar nirgendwo anders als im Golf von Mexiko. »Weltweit wird in immer tieferem Wasser nach Öl gebohrt. Ein bedeutender Tiefwasser-Bohrboom findet im Golf von Mexiko statt«, schrieb am 1. Januar 1997 das Offshore Magazin. Bisherige Unterwasser-Blowouts seien häufig durch »natural well bridging« geschlossen worden: Das heißt, durch ein Zusammenbrechen des Ozeanbodens wurde das Bohrloch zugeschüttet. Aber diese erste Hoffnung hat sich im Macondo-Ölfeld schon mal nicht erfüllt. Stattdessen wurde daraus ein »sustained deepwater-blowout«, dessen Folgen laut Offshore Magazin »schwerwiegend« wären. Denn: Wie ein »Ultratiefwasser-Blowout« zu bekämpfen wäre, davon hat man keine Ahnung. »Die Möglichkeiten, einen Ultratiefwasser-Blowout zu kontrollieren, sind sehr begrenzt«, so das Offshore-Magazin. Und das ist schlimm. Denn mit »Ultratiefwasser« waren in diesem Artikel nur 300 Meter Wassertiefe gemeint. Die Deepwater Horizon bohrte aber in der fünffachen Wassertiefe, nämlich in 1.500 Metern!

Zwar erwischte es auch schon andere Bohrinseln im Golf von Mexiko: Am 3. Juni 1979 zum Beispiel ereilte ein Blowout die Ölbohrinsel Sedco 135F, woraufhin zuerst 30.000 Barrel, dann 20.000 Barrel und schließlich 10.000 Barrel pro Tag austraten (1 Barrel = 159 Liter) – und zwar zehn Monate lang. Erst dann – also nach fast einem Jahr – gelang es, den Ausbruch zu stoppen. Das Bohrloch von Sedco 135F befand sich in lediglich 50 Metern Wassertiefe. Noch fast 20 Jahre später machte man sich Gedanken, was wohl passieren würde, wenn so etwas in 300 Metern Wassertiefe passieren würde, wie der Artikel im Offshore-Magazin aus dem Jahr 1997 zeigt. Nun sind wir bei 1.500 Metern.

Die eigentliche Katastrophe

Bei dem Unfall der Deepwater Horizon geht es nicht um einen Tanker, wie durch entsprechende Vergleiche dauernd nahegelegt wird. Hier geht es im Prinzip um Reservoire, aus denen Tanker gespeist werden. BP-Sprecher schätzten den Inhalt der nun weitgehend unkontrolliert sprudelnden Macondo-Lagerstätte auf 50 Millionen Barrel, andere Experten auf 100 Millionen. Also irgendetwas zwischen 15 und 30 Supertankern. Vielleicht aber auch sehr viel mehr.

Aktuelle Schätzungen von der Deepwater-Horizon-Bohrstelle gehen von 10.000 bis 84.000 Barrel austretendem Öl pro Tag aus. Und da sind wir auch schon bei des Pudels Kern: Wieso »Schätzungen«? Hat man eine Ölleitung mit einem gegebenen Durchmesser und einer messbaren Durchflussgeschwindigkeit, kann man die austretende Menge pro Zeiteinheit doch fast auf den Liter genau berechnen! Hier geht das aber nicht. Und nicht nur das: Die Schätzungen weichen auch gravierend voneinander ab – warum? Und schließlich erklärte der mit der Bewältigung der Krise beauftragte Admiral Thad Allen, es sei sogar »völlig unmöglich, eine genaue Schätzung abzugeben«. Warum?

Die Antwort kann nur heißen, dass es erstens wirklich mehrere Lecks gibt und dass diese zweitens nicht definierbar sind – und damit die Austrittsmenge nicht berechenbar ist. Warum nicht? Ganz einfach: Weil es sich nicht um technische Lecks nach Art der gern gezeigten gebrochenen Ölleitung handelt, sondern weil das Öl aus dem Seeboden selbst austritt. Und weil ein solches Ereignis niemand kontrollieren kann, ist das die eigentliche Katastrophe.

Wie kann so etwas passieren? Ganz einfach: Indem der kilometertiefe Bohrkanal, der vom Seeboden aus senkrecht in die Tiefe führt, zusammenbricht und das von unten heraufschießende Öl seitlich in den Meeresboden austritt.

 

Ein erhellendes Gespräch

Am 7. Juni 2010 spielte sich zwischen der MSNBC-Reporterin Andrea Mitchell und dem sehr gut informierten US-Senator Bill Nelson aus Florida folgender Dialog ab:

Nelson: Andrea, wir werden hier zurzeit mit etwas Neuem konfrontiert, und zwar sind das Berichte, wonach das Öl aus dem Ozeanboden sickert …, was darauf hinweisen würde, falls es stimmt, dass die Umfassung des Bohrloches selbst perforiert ist … unter dem Meeresgrund. Also sehen Sie, dass die Probleme mit dem, womit wir hier konfrontiert sind, schlicht enorm sein könnten.

Mitchell: Damit ich es besser verstehe: Wenn das stimmt, dass es aus dem Meeresboden heraustritt, würde nicht einmal eine Entlastungsbohrung eine endgültige Lösung darstellen, um das zu schließen? Das bedeutet, dass wir es mit Öl zu tun haben, das aus zahlreichen Stellen am Meeresboden nach oben sprudelt?

Nelson: Das ist möglich. Es sei denn, Sie bekommen die Entlastungsbohrung tief genug hinunter, unterhalb von der Stelle, an welcher der Bohrkanal gebrochen ist.

 

Ich bin kein Freund von angeblich globalen Katastrophen. Die meisten werden nur benutzt, um eine weltweite Diktatur zu errichten. Man erkennt das auch daran, dass sie ganz unbefangen propagiert werden: Ozonloch, Klimakatastrophe, Asteroideneinschlag, und wie sie alle heißen. Sie werden auch deswegen unbekümmert propagiert, weil die Politik keine Angst vor ihnen haben muss. Weil sie Fiktion sind, können sie auch nie aus dem Ruder laufen. Gefahrlos kann sich der Politiker daher als Retter aufspielen, weil die angeblich tödliche Gefahr, vor der er uns retten will, ohnehin nicht existiert. Die wirklich drohenden globalen Katastrophen werden dagegen nicht propagiert, jedenfalls nicht in ihrer wirklichen Dimension, eben weil man sie möglicherweise oder wahrscheinlich nicht in den Griff bekommen kann.

 

Schlimmstenfalls wird das Öl jahrelang sprudeln

Ganz anders als beispielsweise bei der Klimakatastrophe werden beim Blowout des Macondo-Ölfeldes keine Szenarien veröffentlicht. Vergeblich wartet man hierzulande auf bunte Computersimulationen und Prognosen, wie sich die Katastrophe weiterentwickeln könnte. Umsonst hofft man auf Internationale »Panels« und Krisensitzungen von »Wissenschaftlern«. Penibel wird ausschließlich über den Ist-Zustand berichtet. Nanu – so kennen wir sie doch gar nicht, unsere Medien und Politiker?!

Im schlimmsten Fall wird das Öl jahrelang sprudeln und wie ein Sandstrahlgebläse zusammen mit Felsen, Sand und Geröll einen immer größeren Trichter am Meeresboden auswaschen. Das Öl umrundet die Florida-Landzunge und mündet in den Golfstrom. Über die Azoren- und Atlantik-Strömungen erreicht es Europa und Nordafrika. Die wenigen Forscher, die sich mit der Frage beschäftigen, rechnen angeblich mit einer globalen Verbreitungszeit von 18 Monaten. Ein mir bekannter Offshore-Experte und Ingenieur bestätigte: »Das kann apokalyptische Ausmaße annehmen.«

Das Öl ist aber nicht das einzige Problem. Es gibt noch eine weitere Eskalationsstufe. Indem der Trichter immer tiefer ausgewaschen und -geschliffen wird, wird gleichzeitig die Decke zwischen dem auslaufenden Ölreservoir und dem Meeresboden immer dünner. Die immer dünnere Decke wird mit dem Druck des Meerwassers beaufschlagt, bis sie bricht. Durch das Absacken des Meeresbodens entsteht an der Oberfläche eine Welle, die sich an den ohnehin bereits geschädigten Küsten Mexikos und Floridas zu einem Tsunami aufbaut. Und zwar zu einem giftigen Tsunami aus Wasser, Öl und Ölschlämmen. Wobei das keine Prognose ist, sondern das, was auf dem Spiel steht. Und daraus erklärt sich auch die Verzweiflung, mit der BP-Verantwortliche jetzt russische Experten um Hilfe gebeten haben.

Die Wahrheit ist: Die Deepwater-Horizon-Katastrophe könnte ein schwerer Schlag für die USA werden, und zwar wirtschaftlich und ökologisch. Vielleicht sogar für den Planeten.

 

Livestreams von den BP-Unterwasserrobotern finden Sie unter:

http://www.bp.com/genericarticle.do?categoryId=9033572&contentId=7062605

Nietzsche et l'hyperphysique de la morale

Nietzsche et l’hyperphysique de la morale

par Pierre LE VIGAN

nietzsche.jpgL’interrogation sur la morale est au cœur de la pensée de Nietzsche. « Je descendis en profondeur, je taraudais la base… je commençais à saper la confiance en la morale » (Aurore). La démarche de Nietzsche est une démarche de soupçon sur le pourquoi des choses. En conséquence, Nietzsche annonce qu’il faut de méfier à la fois de la morale et des moralistes. « J’ai choisi le mot d’immoraliste comme signe distinctif ou comme distinction », écrit-il dans Ecce homo.

Le rapport à la morale de Nietzsche va toutefois bien au-delà de la dimension de provocation, d’où la nécessité d’une généalogie de Nietzsche quant à la question morale. Le propos du philosophe André  Stanguennec consiste d’abord en cela : retracer l’apparition et les remaniements du thème de la morale chez Nietzsche. Il vise ensuite à étudier son traitement dans la Généalogie de la morale, cette œuvre étant vue comme l’unification de la théorie du problème moral chez Nietzsche Enfin, la troisième partie du travail de Stanguennec est consacrée à des mises en perspectives critiques d’origines diverses (Kant, Fichte, une certaine philosophie matérialiste – celle d’Yvon Quiniou), critiques présentées sous une forme dialogique.

Il faut donc effectuer un retour sur l’approche que fait Nietzsche de la morale. Nietzsche s’oppose d’abord à Socrate et à ses trois idées : 1) le savoir est condition de la vertu, 2) on ne pêche que par ignorance, 3) il est possible de chasser le mal du réel. Comment Nietzsche voit-il la question de la morale ? Sous l’angle du perspectivisme, « condition fondamentale de toute vie » (Aurore), perspectivisme d’abord humain, puis supra-humain. Il s’agit en d’autres termes de mettre en perspective les actions de chacun par rapport à son itinéraire, à ses valeurs, et cela sans référence à une morale transcendante, ni à une origine commune de celle-ci quels que soient les hommes.

Rien n’est responsabilité et tout est innocence pour Nietzsche (Humain, trop humain). Il reste la probité c’est-à-dire la rigueur et l’exigence vis-à-vis de soi-même. Quand Nietzsche dit qu’il n’y a pas de responsabilité des actes humains, en quel sens peut-on le comprendre ? En ce sens que : c’est le motif le plus fort en nous qui décide pour nous. Nous sommes agis par ce qui s’impose à nous en dernière instance : soit une force qui nous dépasse (ainsi la force de la peur qui nous fait fuir), soit une force qui nous emporte (ainsi la force de faire face conformément à l’idée que nous avons de nous-mêmes). Mais dans les deux cas, il n’y a pas de responsabilité à proprement parler.

La notion de responsabilité de l’individu est rejetée par Nietzsche pour deux raisons. L’une est qu’il ne s’agit pas pour lui de se référer à l’individu en soi. La seconde raison est que la notion de responsabilité supposerait l’univocité du sens de nos actions – univocité à laquelle Nietzsche ne croit pas. Quand Nietzsche oppose le « divisé » à « l’indivisé » qu’est l’individu (Aurore), il plaide pour un individu acceptant la division même de son être. Et c’est pour cet être et pour lui seul que se pose la question de la morale. Cette question de la morale prend ainsi sens à partir de la mort du dieu moral, le dieu des apparences, le surplombant (le Père), à partir de la mort du dieu d’amour (le Fils), et à partir de la mort du dieu devenu homme (le dieu modeste et humanisé qu’est aussi le Fils).

Loin d’être à l’origine des comportements « vertueux », la morale est pour Nietzsche une interprétation de ceux-ci a posteriori. Et une interprétation parmi d’autres. En ce sens, pour Nietzsche, cette interprétation est toujours fausse parce qu’incomplète. L’interprétation morale a posteriori nie ce qui s’est incarné dans l’acte – le flux de forces, l’énergie, la mise en perspective de soi (toujours le perspectivisme). La morale de l’intention ne dit jamais avec probité ce qui vraiment a fait advenir les actes. C’est pourquoi il y a selon Nietzsche un fondement « amoral » à une autre morale possible et souhaitable selon lui. Quelle est-elle ? Une morale en un sens plus restreint, une morale plus tranchante, avec laquelle on ne peut biaiser. « Ce qui fait le caractère essentiel et inappréciable de toute morale, répétera Nietzsche dans Par-delà bien et mal, c’est d’être une longue contrainte … c’est là que se trouve la “ nature ” et le “ naturel ” et non pas dans le laisser-aller » (paragraphe 188).

La morale est la théorie du déplacement des jouissances du monde. Qu’est-ce qui ordonne le passage d’une jouissance à une autre ? Quelle structure ? C’est là qu’est la morale selon Nietzsche, en un sens donc, à la fois étroit et ambitieux. Tout le reste est conséquence de ce questionnement ainsi formulé. Nietzsche peut être pacifiste ou belliciste en fonction de ce qui permet le mieux l’apparition d’un type humain supérieur. Il peut être pour un certain type de sélection si elle permet l’apparition d’un type d’homme supérieur, mais contre la forme actuelle du progrès donc de la sélection contemporaine : « Le progrès n’est qu’une idée moderne, donc une idée fausse », écrit Nietzsche (Antéchrist).

S’il y a une morale pour Nietzsche, elle consiste donc, exactement et strictement, à remonter aux origines des actes humains. Il faut comprendre que « le corps est une grande raison » (Zarathoustra). Il faut aussi enregistrer qu’il y a la vraie morale (c’est-à-dire l’éducation d’une contrainte par la contrainte) de ceux qui savent « digérer le réel » et la fausse morale-alibi des autres. « Un homme fort et réussi digère ses expériences vécues (faits, méfaits compris) comme il digère ses repas, même s’il doit avaler de durs morceaux » (in Généalogie de la morale). Le vouloir-lion ne se résume à aucune morale, aucun « tu dois ».

L’homme-lion ne refuse pas la douleur, à la manière de l’épicurien. Ce serait là vouloir un bouddhisme européen, une Chine européenne, une Europe devenue « Petite Chine ». L’homme-lion ne recherche pas non plus à tout prix le plaisir, à la manière du gourmand tel Calliclès (qui ne se réduit bien sûr pas à cette dimension et est notamment le fondateur de la généalogie de la morale et du droit).

L’homme-lion n’est ni masochiste (et donc certainement pas chrétien) ni hédoniste (d’où l’écart dans lequel se trouve Michel Onfray quand il défend Nietzsche au nom, à la fois, du matérialisme et de l’hédonisme). En d’autres termes, pour Nietzsche, tout « oui » à une joie est aussi un « oui » à une peine (cf. « Le chant du marcheur de nuit », in Zarathoustra, IV, paragraphe 10). « Toutes choses sont enchaînées, enchevêtrées, éprises. »

La morale de Nietzsche ne consiste jamais à représenter quelque chose et surtout pas l’esthétique du sublime qu’il attribue à Kant et à Fichte. Elle consiste à présenter, à affirmer, à produire. Elle est métaphorique. André Stanguennec le montre bien : si l’anti-nihilisme de Nietzsche  est clair et net, son rapport au bouddhisme est ambivalent : sa conception du Moi comme illusion, et illusion à tenir à distance de soi-même plaît à Nietzsche. Et dans le même temps il perçoit fort bien comment un bouddhisme « épuré » psycho-physiologiquement (cf. A. Stanguennec, p. 277) pourrait rendre « vivable » le nihilisme – et même –, car Nietzsche mène toujours une analyse biface du réel – circonscrire ce nihilisme à un espace et à une population tels que d’autres horizons s’ouvrent au(x) surhomme(s). Le nihilisme servirait alors stratégiquement de bénéfique abcès de fixation à la médiocrité.

Cette nouvelle morale de Nietzsche est donc tout le contraire d’un « bouddhisme européen » (au sens de « européanisé ») consistant à « ne pas souffrir », et à « se garder » (en bonne santé). La grande santé n’est en effet pas la bonne santé. Elle est la santé toujours en conquête d’elle-même et en péril de n’être assez grande. Le bouddhisme européen est donc une fausse solution.

L’alternative n’est pas entre bouddhisme et hédonisme. La morale de Nietzsche n’est pas non plus le finalisme, qui postule qu’il faudrait se conformer à un sens déjà-là. C’est à l’homme, selon Nietzsche, de donner une valuation – une valeur dans une hiérarchie de valeurs – aux choses. Et ces valeurs sont conditionnées par leur utilité sociale. À quoi servent-elles ? Que légitiment-elles ? Voilà les questions que pose et se pose Nietzsche Ne le cachons pas : il existe un risque, au nom d’une vision « réalitaire », au nom d’une philosophie du soupçon, de croire et faire croire que l’homme n’a que des rapports d’instrumentalisation avec ce qu’il proclame comme « ayant de la valeur » pour lui. Des rapports purement stratégiques avec les valeurs : les valeurs de sa stratégie et non la stratégie de ses valeurs. « Nietzsche concède donc, écrit en ce sens André Stanguennec, qu’une part non négligeable de vérité a été découverte dans la perspective sociologique et utilitariste sur la morale » (p. 225).

Deux composantes forment la morale de Nietzsche : surmonter la compassion, surmonter le ressentiment. Il n’y a pour Nietzsche  jamais de fondement de la morale mais toujours une perspective. Cette perspective est ce qui permet au fort de rester fort. Il s’ensuit que ce qui met en perspective la morale de chacun se distribue selon Nietzsche en deux registres : morale des faibles et  morale des forts. Le terme « morale » n’est au demeurant pas le meilleur. Il s’agit – et le mot dit bien la brutalité dont il est question – d’un fonctionnement. Morale des faibles : elle se détermine par rapport à l’autre; le jugement (attendu et redouté en même temps) des autres précède l’action qui n’est qu’une réaction. Morale des forts : le sentiment de soi prévaut sur le sentiment de l’autre ou des autres; l’action s’en déduit, le jugement – qui est un diagnostic en tout état de cause sans repentir – intervient après l’action. Pour le fort, il ne saurait y avoir de faute puisqu’il ne saurait y avoir de dette vis-à-vis d’autrui. Il peut juste y avoir un déficit du surmontement de soi par soi, c’est-à-dire une mise en défaut de la volonté de puissance.

Ce qui est moral pour Nietzsche c’est de vouloir la multiplicité infinie des perspectives. Nietzsche s’oppose donc aux philosophes ascétiques, adeptes d’une volonté de puissance à l’envers, et dont le mot d’ordre est de « vouloir le rien » (attention : la volonté de néant des ascétiques ne se confond pas avec le bouddhisme, volonté du néant de la volonté – « ne rien vouloir »). Ensuite, contrairement à Kant, Nietzsche refuse la distinction entre l’apparence des choses et les choses en soi. Pour Nietzsche, la référence de la morale, c’est le monde comme totalité inconditionnée, totalité ni surplombante ni substantielle mais parcourue par les volontés de puissance qui sont comme les flux du vivant.

Nietzsche tente de dépasser la question du choix entre l’infinité ou la finitude du monde. Il tente de la dépasser par un pari sur la joie et sur la jubilation. C’est en quelque sorte la finitude du monde  corrigée par l’infinité des désirs et des volontés de puissance. La physique de Nietzsche est peut-être ainsi non pas une métaphysique – ce qui est l’hypothèse et la critique de Heidegger – mais une hyperphysique.

Cette hyperphysique nietzschéenne du monde consiste en l’impossibilité d’une morale du « moi ». Le « moi » renvoie à l’idée d’un dieu unique qui serait le créateur du « moi » comme sujet. Or, Nietzsche substitue au « moi » un « soi » comme « grande raison » du corps (Zarathoustra). Le dernier mot de la morale est alors la même chose que la vision de soi acceptée comme ultime. Nietzsche nous délivre sa vision : « Je ne veux pas être un saint … plutôt un pitre » (Ecce homo). Toutefois c’est une saillie marginale que cette remarque de Nietzsche. Ce qui est bien pour Nietzsche, c’est d’être soi, c’est d’approfondir non sa différence aux autres, mais son ipséité, c’est se référer non aux autres mais à soi. Nietzsche rejoint Fichte quand celui-ci précise : « Ce que l’on choisit comme philosophie dépend ainsi de l’homme que l’on est » (Première introduction à la doctrine de la science, 1797).

Ainsi, il n’y a pas pour Nietzsche de vrai choix possible d’une philosophie ou d’une morale : « Nos pensées jaillissent de nous-mêmes aussi nécessairement qu’un arbre porte ses fruits » (Généalogie de la morale, avant-propos). S’il n’y a pas de vrai choix, il n’y a pas pour autant de transparence. Nietzsche affirme : « Nous restons nécessairement étrangers à nous-mêmes, nous ne nous comprenons pas, nous ne pouvons faire autrement que de nous prendre pour autre chose que ce que nous sommes » (Généalogie de la morale). Étrange platonisme inversé que celui que développe Nietzsche. Car dans sa perspective, notre possibilité d’être, et notre force d’être elle-même, repose sur l’acceptation et même sur le pari de notre inauthenticité, de notre être-devenir « à côté de nous-mêmes ». Et c’est un autre problème, au-delà du travail de Stanguennec, que de savoir si cette position est tenable.

Pierre Le Vigan

André Stanguennec, Le questionnement moral de Nietzsche, Presses Universitaires du Septentrion, 59659 Villeneuve d’Ascq, 2005, 367 p., 24 €.


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El hombre integro (spoudaios) como norma del obrar

19296D1_apollon_v.jpgEl hombre íntegro (spoudaios) como norma del obrar

Alberto Buela (*)

 

En estos días que nos hemos enterado por un estudioso amigo, que los ingleses de Oxford, que solo se citan a sí mismo en los estudios aristotélicos, han citado nuestra vieja traducción de 1981 del Protréptico de Aristóteles, única obra en castellano citada por ellos desde la época del ñaupa.

Y además, luego de haber visto como el gallego Megino Rodríguez se hizo el burro en su lamentable traducción del 2005, no haciendo ni siquiera mención a la existencia de nuestro trabajo, es que vamos a  encarar lo que para nosotros es la médula de la ética del hijo de Efestiada de Calcide.

Y lo vamos a hacer porque a esta altura de la soirée [1] pretendemos ofrecer, al lego en forma simple y clara, la idea fuerza que funda la ética aristotélica y que recorre toda la obra del esposo de Pythia y de Herpilis.  

La intención expresa que nos guía es dejar de lado toda actitud erudita, llevándonos del consejo del Don Miguel Reale, ese gran pensador brasileño cuando afirmaba: cultura es aquello que queda cuando el andamiaje de la erudición se viene abajo.

 

El tutelado de Próxenes se ocupó durante toda su vida del tema ético, desde sus primeros escritos como el Protréptico hasta sus últimos como la Magna Moralia [2]. O sea, desde sus treinta y un años siendo aún discípulo de Platón hasta los sesenta y dos cercanos a su muerte.

 

Antes que nada, cabe destacar la exigencia aristotélica en ética; de llevar a la práctica aquello que se estudia y así lo afirma en forma tajante y definitiva: “Lo que hay que hacer después de haberlo aprendido, lo aprendemos haciéndolo… practicando la justicia nos hacemos justos y practicando la temperancia temperantes” (EN. 1103 a 31). “Puesto que el presente estudio no es teórico como los otros, pues investigamos- en ética- no para saber qué es la virtud sino para ser buenos” (EN. 1103 b 28). El realismo aristotélico es el signo de su filosofía, es por ello que el genial Rafael pinta a Aristóteles señalando con su índice la tierra mientras camina junto a Platón.

 

Y de qué tipo y clase es ese hombre bueno que nos propone el maestro de Alejandro?  Es el spoudaios (spoudaioV), el phronimos(fronimoV). Es la idea fuerza, es el centro de toda le ética aristotélica, de modo que si caracterizamos acabadamente estos conceptos vamos a comprender su mensaje ético.

Ya en uno de sus primeros escritos, el Protréptico,  afirma:“Además qué regla (kanon) o qué determinación precisa (oroV  akribesteroV) de lo que es bueno podemos tener sino el criterio del hombre sapiente (fronimoV). Frag. 39. “todos estamos de acuerdo que el hombre más íntegro dirija (spoudaiotaton arcein). Frag. 38.

Al respecto afirma en la Ética Nicomaquea: “El spoudaios enjuicia correctamente todas las cuestiones prácticas y en todas ellas se le devela lo verdadero…quizá el spoudaios difiere de los demás por ver lo verdadero en cada cuestión como si fuera el canon y la medida en ellas”  (EN. 1113 a 29-32). Como se dijo la areté (excelencia) y el spoudaios parecen ser la medida de todas las cosas. Éste está de acuerdo consigo mismo y tiende con toda su alma a fines que no divergen entre sí” (EN. 1166 a 12-19). Y más adelante, casi al final de la ética va ser mucho más explícito: “En los hombres los placeres varían mucho pues las mismas cosas agradan a unos y molestan a otros… Esto ocurre con las cosas dulces, que no parecen lo mismo al que tiene fiebre que al que está sano y lo mismo ocurre con todo lo demás. Pero en tales casos, se considera que lo verdadero es lo que le parece al spoudaios, y si esto es cierto, y la medida de cada cosa son la areté (excelencia) y el spoudaios como tal, son placeres los que a él le parecen y agradables aquellas cosas en que se complace” (EN. 1176 a 17-19).

 

 

Vemos por estas y otras muchas citas[3] que podríamos agregar que los términos spoudáios y phrónimos van a tener, desde sus primeros escritos hasta los últimos, un peso significativo y determinante en toda la ética del padre de Nicómano. Ellos son el centro y el fundamento de toda su ética.

El primer significado del término spoudáios menta el esfuerzo serio y sostenido aplicado a una cosa digna y en una segunda acepción se vincula a las nociones de areté (excelencia o perfección) y agathós (bien).

Esta valoración del spoudaios, por el padrino de Nicanor, como última  regla y norma en las cuestiones prácticas y morales es asombrosa. Erróneamente, como le ocurrió a Dirlmeier, el último traductor al alemán, se puede pensar que se asemeja al adagio del sofista Protágoras: “el hombre es la medida de todas las cosas”, pero en realidad el dueño de Tacón, Filón y Olímpico se distancia porque el spoudaios no es el hombre común del sofista sino el hombre digno. Y con esta afirmación se aleja también de Platón y sus normas universales para el obrar.

Sin quererlo nos ayuda, el maestro de Teofrastro, a enfrentar la filosofía moral moderna y la certeza que busca ésta en los juicios ético-morales. Ante el rigorismo ético del pensamiento ilustrado, de la ética autónoma, del formalismo kantiano, y la ética veterotestamentaria, Aristóteles nos propone el criterio de lo verosímil como guía y norma del hacer y del obrar. “Pues no se puede buscar del mismo modo el rigor en todas las cuestiones, sino en cada una según la materia que subyazca a ellas” (EN. 1098 a 27).

 

 

Viene ahora la cuestión de cómo traducir estos dos términos cruciales para la comprensión de la filosofía práctica del hijo de Nicómaco.

 

Así para spoudaios [4]J. Tricot traduce por “l´homme de bien o vertueux”. Pallí Bonet y E.Sinnott  por “hombre bueno”. J. Montoya y T. de Koninck por “hombre virtuoso”.  Emile Bréhier  David Ross y Nicola  Abbagnano por “sofós”, esto es por sabio, sage o saggio. En cambio ya el español Antonio Tovar en 1953 lo traduce por “diligente” y muchos años después el alemán Harder lo traduce por “hombre noble y serio”. Y el argentino Pablo Maurette por “hombre circunspecto”, “ya que el adjetivo castellano expresa a la vez la idea de sabiduría pero también anuncia seriedad, paz interior y perseverancia. P.Aubenque la traduce por “diligente y serio”.

 

En nuestro criterio, traducir spoudaios por bueno tiene una connotación exclusivamente moral que el término griego supera. En cuanto a la traducción por virtuoso, el término no existe en griego.

Traducir por sabio es una visión intelectualista. Más cerca del original están las versiones de hombre noble, serio o circunspecto pero dejan de lado el aspecto práctico del spoudáios. En cuanto a la traducción por diligente, a la inversa que la anterior, se limita solo al aspecto práctico del spoudáios, es por eso que Aubenque (l´éponge) se percata y agrega el término serio.  

 

Nosotros preferimos traducirlo por “hombre íntegro y diligente” pues cada vez que se plantea el tema del criterio en la elección ética o en la vida práctica es el spoudáios quien aparece. Y es como hombre digno que agota en sí la función propia del hombre (juzga adecuadamente)  y como diligente actúa siempre de acuerdo con la areté (la excelencia o perfección) de cada cosa, acción o situación.

Aquello que asombra de esta idea del spoudaios es que éste no es ni se alza como una regla trascendente, como los diez mandamientos, sino que el spoudaios mismo es quien se convierte en la medida de la acción perfecta tanto en el hacer como en el obrar.

 

En el spoudaios su deseo se refiere siempre al bien y como cada cual es bueno para sí mismo es, en definitiva para nosotros para quienes queremos el bien, ya que la preferencia de sí mismo se encuentra en el fondo de todos los deseos.

El spoudaios es el que realiza al grado máximo las potencialidades de la naturaleza humana. Lo que caracteriza al spoudaios es contemplar la verdad en cada acción o tarea y el es la referencia y la medida de lo noble y agradable.

El spoudaios hace lo que debe hacer de manera oportuna. Es el hombre que actúa siempre con la areté. Este concepto de areté no se limita simplemente al plano moral como sucede cuando se la traduce por “virtud” sino que debe de ser entendida como excelencia o perfección de las cosas y las acciones y así podemos hablar de la areté del ojo que es percibir bien, la del caballo que es correr, la del ascensor que es subir y bajar. Es decir que la areté expresa y tiene tanto un contenido moral y ético como funcional, y es por ello que debemos traducir y entender el término areté como excelencia, perfección o acabamiento de algo.

Y esto es lo que logra el spoudaios con su obrar y con su hacer, transformase, él mismo, en canon y la medida que se presenta como norma no trascendente de la sociedad,[5] y es por esta última razón que sólo a partir de él podemos conseguir la implantación de un verdadero y genuino humanismo.

 

En cuanto al concepto de phrónesis hace ya muchos años en nuestra traducción al castellano del Protréptico (1981) hemos sostenido: “La aparición por primera vez del término phrónesis, capital para la interpretación jaegerdiana del Protréptico, nos obliga a justificar nuestra traducción del vocablo. Hemos optado por traducir phronimos por sapiente y phrónesis por sapiencia por dos motivos. Primero porque nuestra menospreciada lengua castellana (no se aceptaban comunicaciones en castellano en los congresos internacionales de filosofía en la época) es la única de las lenguas modernas que, sin forzarla, lo permite. Y segundo, porque dado que la noción de phrónesis implica la identidad entre el conocimiento teorético y la conducta práctica, el traducirla por “sabiduría” a secas, tal como se ha hecho habitualmente, es mutilar parte del concepto. Ello implica in nuce una interpretación platónica del Protréptico, y traducirla por “prudencia” la limita a un aspecto moral que el concepto supera, mientras que “sapiencia o saber sapiencial”, implica no sólo un conocimiento teórico sino también su proyección práctica“ [6].

Ya observó hace más de medio siglo ese agudo traductor de Aristóteles al castellano que fue el mejicano Antonio Gómez Robledo: “Hoy la prudencia tiene que ver con una cautela medrosa y no con el heroísmo moral, el esfuerzo alto y sostenido de la virtud”.

 

Sobre este tema es interesante notar que los scholars ingleses, especialistas desde siempre en los estudios aristotélicos, se han jactado de sus traducciones por lo ajustado de las mismas a la brevedad de la expresión griega. Sin embargo en esta ocasión tanto el inglés como el francés han tenido que ceder a la precisión del castellano. Así para phrónesis ellos necesitan de dos términos, sea practical wisdom o saggesse practique, en tanto que al castellano le alcanza con uno: sapiencia.[7] Ya decían nuestros viejos criollos: Hay que dejar de ser léido para ser sapiente. Así la tarea del sapiente consiste en saber dirigir correctamente la vida. Su saber, a la vez,  teórico y práctico le permite distinguir lo que es bueno de lo que es malo y encontrar los medios adecuados para nuestros fines verdaderos: “los sapientes buscan lo que es bueno para ellos y creen que es esto lo que debe hacerse” (EN. 1142 a 1).

 

Spoudaios y phronimos, íntegro y sapiente, son dos caras de una misma moneda, son dos términos que pintan conceptos similares, solo se distinguen por los matices, uno destaca la integridad, la seriedad que viene del verbo spoudázein y otro el matiz más intelectual que viene del verbo phronéin.

Así el hombre íntegro y sapiente será aquel que sabe actuar en la vida cotidiana de forma tal que sus acciones, por lo incierta que es la vida en sí misma, se transforman en norma y medida de lo que debe hacerse para el buen vivir.

 

 

(*) arkegueta, aprendiz constante

Universidad Tecnológica Nacional (UTN)

alberto.buela@gmail.com                                                                                 



[1] Es que llevamos 40 años leyendo sistemáticamente al Discípulo.

[2] Los escritos que tratan específicamente de la ética son: Protréptico, Ética Eudemia, Ética Nicomaquea, Magna Moralia (algunos (Aubenque) dicen que no sería de Aristóteles y otros (Ackrill) que sí), y uno pequeño De virtutibus et vicis donde no hay en toda la opera omnia  de Aristóteles ni en ninguno de los sesudos comentaristas del Estagirita una síntesis más acabada de su teoría de las virtudes como la que nos brinda este pequeño tratado. Está bien, no salió de la pluma de Aristóteles, pero quien quiera que haya escrito este opúsculo conocía al Filósofo como los mejores.

[3] Cf. EN 1179 b 20; 1155 a 12-19; EE 1218 b 34; Rhet 1367 b 21, etc.

[4] Cf. EN, 1109a 24, 1113a 25, 1114b 19, 1130b 25, 1144a 17 y 1154a 6

[5] Salvando la distancia teológica que media, el spoudaios nos recuerda el Jesús existencial que se alza como norma, aquel del: ego sum via, veritas et vita  o “el que no está conmigo está contra mi”.

[6] Aristóteles: Protréptico, Bs.As., Ed. Cultura et labor, 1983, p. 44

[7] Existe una anécdota de José Luís Borges quien ante la jactancia inglesa de la brevedad de su expresión tomó un cuento inglés y lo escribió en castellano mucho más breve. De ello se dio cuenta André Malreaux cuando caracterizó el mérito de Borges afirmando: “su genio está en la economía y belleza de su expresión”.

France et Bretagne en 1532

France et Bretagne en 1532

Ex: http://propos.sturiens.over-blog.com/

05 - deux peuples deux civilisationsDepuis sa conclusion, on a souvent voulu contester la validité du Traité de 1532. Lorsque la royauté fut devenue toute puissante et jusqu'à nos jours, historiens et pamphlétaires se sont efforcés, à l'envi, de présenter le contrat d'union à la France, consenti par la Bretagne, comme un acte gratuit, émanant du bon plaisir royal et ne comportant aucune condition. Celles qui y ont été attachées pour satisfaire à la demande des Etats de Bretagne réunis à Vannes, n'auraient d'autre valeur que celle d'un engagement moral, spontanément pris par les rois : les représentants de notre pays n'auraient été ni en droit, ni en mesure de traiter avec eux, et l'Acte de 1532 ne serait qu'une habile concession de François Ier, destinée seulement à éviter les troubles éventuels qui auraient pu se produire dans le pays si la requête des Etats avait été rejetée. D'autres historiens ont, en leur temps, fait justice de ces assertions, et il ne nous appartient pas d'y revenir. L'examen du droit public breton peut, à lui seul, nous convaincre de l'entière validité du contrat. Ce qui apparaît comme contestable à la lumière du seul droit public français, devient une vérité d'évidence si l'on fait appel à la notion bretonne de ce même droit.

Alors que le droit public du royaume de France confondait à cette époque, quant au roi, souveraineté et propriété, en Bretagne les deux notions étaient déjà distinctes. Pour les Bretons, le « dominium » et l'« imperium » du prince n'étaient pas confondus. Le pouvoir du duc n'était pas considéré comme absolu, et le duché n'était pas considéré comme sa chose propre. A chaque acte du pouvoir central devait correspondre la sanction populaire. Les Etats de Bretagne étaient un véritable Parlement, dont le caractère politique était très accentué, et dont on retrouve l'intervention depuis l'origine la plus reculée, dans tous les actes politiques intéressant le duché. Un acte aussi grave que celui de la réunion du duché à la couronne, s'il avait été consommé sans leur intervention, ne pouvait être que frappé de nullité absolue.

La forme du gouvernement breton était un produit spontané de la nature et de l'histoire, particulièrement bien adapté aux besoins de la Bretagne et à la mentalité de son peuple. Une conception particulière du droit, conception proprement celtique et spiritualiste, animait tous les rouages de l'administration de la justice et de l'organisation politique. On y trouve la raison de la longue et héroïque lutte de la Bretagne contre les rois de France, dont l'erreur fut, après la réunion, de considérer le peuple breton comme le reste de leur peuple, et de vouloir lui appliquer les mêmes méthodes et les mêmes lois.

L'examen de l'état politique, administratif et social de la Bretagne, au jour de la réunion, fait ressortir très vivement les différences profondes qui existaient alors entre la France et la Bretagne ; ainsi s'expliquent également les précautions multiples prises dans le traité de 1532 contre les empiétements du pouvoir royal et l'obstination avec laquelle les Bretons s'efforcèrent de sauvegarder l'intégrité de leur constitution nationale, gage de leur autonomie.

 

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En Bretagne, les rapports du peuple et du souverain, aussi bien que ceux des diverses classes sociales entre elles, étaient régis par des principes étonnamment modernes et libéraux. Aucune charte particulière, aucune constitution écrite ne les réglaient ; mais ils prenaient appui sur les principes fondamentaux du droit public breton de formation traditionnelle. La Très Ancienne Coutume de Bretagne proclamait que la législation bretonne devait être toute entière de raison.

En réalité, la confiance mutuelle qui unissait le souverain et ses sujets était le produit d'une lente évolution qui, au cours des siècles, maintint en le transformant et en l'adaptant chaque fois à des besoins plus actuels, le principe de gouvernement très libéral en vigueur dans les confédérations celtiques de l'époque préchrétienne. A l'origine, comme dans toute l'antiquité nordique, le chef suprême était élu, et les comtes ou seigneurs bretons devaient se rallier autour de lui pour combattre l'ennemi commun. Mais le roi ne pouvait lever aucun impôt, prendre aucune mesure générale sans l'assentiment des chefs réunis, le pays étant toujours plus puissant que le monarque. Lorsque les rois de Bretagne devinrent héréditaires, ce principe libéral continuera à s'appliquer, et il dominera toute la constitution bretonne jusqu'en 1532 et même jusqu'en 1789. Le roi ou le duc ne pouvait toucher à aucun intérêt public sans l'avis et le consentement des seigneurs du pays dont l'assemblée, en se transformant, devint peu à peu les Etats de Bretagne. Le roi Salomon III, aux environs de l'an 1000, fut empêché de quitter le pays par une défense formelle des seigneurs assemblés. Plus tard, le duc Jean IV fut exilé, puis rappelé par les Etats.

L'histoire bretonne est pleine de faits semblables : « Le droit fondamental du pays, dit M. de Carné, de l'aveu du prince et de ses sujets, frappait de nullité tout acte politique non ratifié par l'assentiment formellement exprimé des Etats ». Depuis le XIIe siècle, on peut suivre sans la perdre jamais de vue, la trace de l'action exercée par l'Assemblée bretonne sur tous les événements de quelque importance et sur l'orientation même de la politique du duc. Les rares conquérants de la Bretagne, ou plutôt les princes victorieux qui avaient battu ses armées, se soumettaient eux-mêmes à cette inévitable coutume des assemblées. Aussi La Borderie a-t-il pu écrire que le gouvernement breton « prend la forme de la monarchie représentative dont jouissait dès lors aussi l'Angleterre, et qui était le gouvernement le plus modéré, le plus régulier, le plus libéral sous lequel put vivre, au XVe siècle, une nation chrétienne ».

C'est dans l'attachement que portaient à leur gouvernement les différentes classes de la société bretonne que se rencontre l'explication de la longue lutte soutenue par la Bretagne contre le pouvoir central. L'élément féodal qui dans notre pays s'était développé dans sa plénitude, n'y avait pas été vicié dans son essence. La conquête n'avait pas été à l'origine des pouvoirs des seigneurs, et les « antipathies héréditaires » qu'elle avait ailleurs suscitées n'y existaient guère. Le servage, sous sa forme la plus dure et la plus cruelle, ne s'y retrouve jamais : on n'en aperçoit de traces que dans une petite partie de la Haute-Bretagne, région la plus soumise aux influences du dehors, et dans le Léon, où « l'usement de motte », dernier vestige du servage, fut aboli par François II en 1486. Dès le XIe et le XIIe siècle, les paysans pouvaient quitter la terre, la vendre à leur gré, la transmettre à leurs héritiers, se marier à leur guise, plaider librement, parfois même contre leur seigneur.

Augustin Thierry avait été frappé de ce fait lorsqu'il écrivit : « Les gens du peuple en Basse-Bretagne n'ont jamais cessé de reconnaître dans les nobles de leur pays les enfants de la terre natale ; ils ne les ont jamais haï de cette haine violente que l'on portait ailleurs aux seigneurs de race étrangère et, sous les titres féodaux de barons et de chevaliers, le paysan breton retrouvait encore les tierns et les mac-tierns des premiers temps de son indépendance ». La plupart des nobles de Bretagne, en effet, très nombreux et très pauvres, se confondaient dans leurs derniers rangs avec la population rurale. Ils en partageaient les deuils et les plaisirs, et recevaient, en nature, de leurs colons, la plupart des choses fongibles. Les colons eux-mêmes participaient à la possession du sol, puisqu'ils l'occupaient en grande partie alors à titre de « domaine congéable ». Un parfait accord attesté par les traditions, l'histoire et les chants populaires, semblait régner entre les paysans et les nobles, rapprochés par la communauté des habitudes et la simplicité de la vie. Aussi, du commencement du XIe siècle au début du XVIe siècle, ne voit-on pas en Bretagne se produire les jacqueries qui se retrouvent périodiquement en France à cette époque.

 

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Les mêmes règles familiales, le même libéralisme se retrouvait dans l'administration du pays. Une décentralisation intelligemment comprise avait donné aux cités et aux paroisses des pouvoirs très étendus d'administration. Dès la plus haute antiquité, s'affirment les libertés des communes bretonnes, et leurs franchises étaient, au XVIe siècle, inviolables. Loin de reposer sur des chartes octroyées par le bon plaisir, ou arrachées par la violence, elles dérivaient d'une évolution traditionnelle qui avait peu à peu adapté le mécanisme des antiques institutions à des nécessités plus modernes.

La coutume de Bretagne qui condense le droit public et privé du pays, est inspirée par une moralité très haute et par un idéalisme élevé. Les idées religieuses, la famille, la charité, la tolérance y tiennent une grande place. « Son caractère le plus remarquable, dit Planiol, est l'esprit de solidarité qui l'anime. On chercherait vainement ailleurs, non pas le droit, mais le même accent d'honnêteté, de bonté, le même souci non seulement de justice, mais de charité. Cette tournure d'esprit est propre à la Bretagne ». Or, ce sont également de ces principes que s'inspirait le gouvernement ducal.

La centralisation du pouvoir politique aux mains des ducs s'était opérée peu à peu ; mais l'évolution qui accroissait les droits du souverain tempérait également la puissance que les événements tendaient à lui donner, en développant les institutions politiques et administratives du peuple breton. Si dans la plupart des pays féodaux, la reconstitution de la souveraineté est passée par les mêmes phases, il est rare de voir s'accomplir ce qui s'est passé en Bretagne : un développement parallèle et harmonieux des pouvoirs du duc comme des droits de ses sujets. L'évolution a tendu dans les pays centralisateurs, en France en particulier, à faire disparaître entièrement les franchises féodales et les libertés qu'elles garantissaient aux seigneurs comme à leurs vassaux, aux bourgeois comme aux artisans : en Bretagne, au contraire, l'évolution n'a dépouillé ces franchises et ces libertés que de ce qu'il y avait en elles d'anarchique et d'inconciliable avec un gouvernement qui devait obéir à des nécessités plus modernes. Elle en a conservé le meilleur : l'esprit de ces antiques institutions nordiques qui fut toujours le frein le plus efficace à l'établissement du despotisme et de la servilité. Le résultat fut un remarquable développement de l'esprit public dans toutes les classes de la nation. Les admirables résultats pratiques que donnaient les méthodes administratives si humaines du gouvernement breton venaient encore consolider l'inébranlable attachement du peuple à sa constitution politique et à sa liberté.

La prospérité du pays, favorisée par la modération des charges publiques s'était affirmée particulièrement sous le règne du duc Jean V, administrateur éclairé, qui a laissé une œuvre législative considérable. Essentiellement décentralisateur, le gouvernement breton favorisait l'accomplissement de grands travaux publics, mais il laissait à la ville ou à la région intéressée toute liberté d'action. Loin d'entraver l'initiative privée, il la favorisait de tout son pouvoir, subventionnant même les entreprises qui présentaient le caractère d'entreprises nationales. Mais si l'Etat Breton se renfermait dans son rôle de défenseur des intérêts publics, et répudiait tout monopole, il ne laissait pas agir sans contrôle les fermiers des impôts et les grandes entreprises. Il estimait que son premier devoir était de surveiller toutes les branches de l'activité nationale et de réprimer les abus : ce fut le principe administratif de tous les souverains bretons. Jean V, en particulier, intervint fréquemment pour réprimer les exactions et faire rendre à ses sujets une bienveillante justice. Déjà le duc Pierre II avait organisé l'assistance judiciaire gratuite. Pour statuer sur les réclamations auxquelles donnait lieu l'impôt des fouages, Jean V envoyait sur place un de ses agents avec cette mission : « Faites ainsi que vous verrez qu'il sera à faire de raison, en forme que pour le temps à venir elle se puisse perpétuer au mieux pour le profit de nos sujets ». Les litiges étaient ainsi réglés sur place, selon une situation de fait précis, et non selon des textes, démontrant une fois de plus la supériorité de la coutume sur la règle latine du droit écrit.

Les ordonnances de Jean V dénotent souvent aussi des conceptions économiques et sociales très audacieuses pour l'époque. Parmi celles-ci, l'ordonnance de 1425, sur l'administration générale du pays, discutée et approuvée par les Etats à Vannes, fut le point de départ d'une véritable révolution économique, qui donna à la Bretagne une longue avance sur toutes les autres nations. Elle réservait pour l'industrie et la consommation locale certains produits de première nécessité, établissait un service de répression des fraudes, instituait l'unité de poids et mesures, fixait le minimum de salaire pour les ouvriers de l'industrie.

Toutes ces mesures adaptées aux besoins du pays déterminèrent une ère de prospérité incomparable. Aussi le bon chroniqueur Alain Bouchard, sans exagérer beaucoup, pouvait-il écrire au moment de la réunion à la France, que la Bretagne « florissait en toutes prospérités, qu'il n'était de petit village où l'on ne put trouver de la vaisselle d'argent » ; que la Bretagne « est un véritable paradis terrestre, alors que le royaume de France est en telle misère que l'on n'y peut trouver refuge de sûreté ».

 

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Fière de sa liberté, calme et forte, la Bretagne portait donc à ses antiques institutions un attachement profond et légitime. Aussi, nous dit l'aumônier de la reine Anne : « Quand les Bretons connurent que le roy de France les voulait de fait appliquer à lui et les régir selon ses lois, lesquelles ne s'accordaient pas aux leurs, parce qu'ils avaient toujours été en liberté sous leurs princes, et ils veoient les Français comme serfs chargés de maints subsides, ne voulant obtempérer à l'intention du roy, commencèrent à faire monopolle et eurent conseil ensemble de se défendre ».

Ce passage résume admirablement les raisons de la répugnance de toute la Bretagne pour l'union définitive avec le royaume de France. Le fait de la réunion n'était rien : la cause française avait de nombreuses sympathies dans le peuple comme à la cour. Mais les Bretons, comme jadis, craignaient les lois du roi de France et tenaient à conserver les leurs.

L'opposition dernière qui se manifesta aux Etats de 1532 ne se basait pas sur d'autres arguments. Aussi l'Acte d Union fut-il, en plus d'une nécessité constitutionnelle, acte de grande sagesse politique de la part du roi de France. Le souverain français paraissait aussi rester un duc de Bretagne en même temps qu'un roi de France. Si la souveraineté extérieure de la nation bretonne disparaissait, la Bretagne n'en paraissait pas moins garder sa liberté intérieure, son régime politique et administratif, ses coutumes particulières. Et pour les Bretons, particulièrement respectueux de la parole donnée et très sensibles au sentiment de l'honneur, la violation du serment solennel prêté par une personne royale à chaque début de règne, de respecter les institutions et les lois de la province n'était pas concevable.

Mais l'acte d'Union de 1532, ainsi conçu, malgré les nombreuses précautions qu'il prenait, devait-il conserver intégralement à la Bretagne les favorables institutions qui la régissaient ? La France, d'ailleurs, pouvait-elle lui sauvegarder, avec l'esprit libéral qui animait leur gouvernement, les résultats particulièrement heureux de la politique des ducs ?

En fait, le traité de 1532 conserva à la Bretagne, jusqu'en 1789, l'essentiel des libertés qui lui étaient si chères. Mais ce ne fut que grâce à l'exceptionnelle opiniâtreté de son peuple, dont l'esprit de résistance au pouvoir central se manifesta constamment, et parfois de façon violente, au cours des XVIIe et XVIIIe siècles. Les luttes que la Bretagne eut à soutenir étaient la conséquence des frictions inévitables qui devaient se produire entre deux peuples de régime et de tempérament différents, entre deux nations dont l'évolution politique s'était faite selon des principes opposés.

Les institutions de la Bretagne, la forme constitutionnelle et parlementaire de son gouvernement, l'accord harmonieux qui continuait d'y régner généralement entre les classes sociales, montrent que dans ce pays les transformations du droit public s'étaient faites pour le peuple, sinon pour et par lui. Le duc ne peut d'abord rien sans l'approbation des seigneurs, puis ensuite sans l'approbation des Etats, dont l'organisation progressive tend à donner une image de plus en plus fidèle de la nation.

Ce fut de très bonne heure au contraire que ces principes disparurent en France. La politique de la puissante maison capétienne a toujours été de faire de la France une monarchie absolue, qui deviendrait le centre de l'Europe, la plus forte nation d'occident. Pour réaliser ce projet, que  nous appellerions aujourd'hui impérialiste, poursuivi par les rois de France, de règne en règne avec une remarquable et surprenante opiniâtreté, il fallait de toute nécessité abattre ce vieil esprit d'indépendance et de liberté, héritage celtique, qui se traduisit à l'époque médiévale par le régime féodal. Philippe Auguste, en attaquant les bases de ce régime, Philippe le Bel en livrant les coutumes nationales à la merci de ses légistes, furent les véritables fondateurs de l'absolutisme royal en France. Dès ce jour les juristes, épris de droit romain, vont s'efforcer non seulement de justifier les actes de la royauté, mais aussi de leur donner toute apparence de légitimité et de justice.

Et le picard Beaumanoir proclame : « Le roi est souverain par-dessus tout et a, de son droit, le général garde du royaume, pourquoi il peut faire tel établissement comme il lui plaît, pour le commun profit et chi il établit, i doit être tenu ». Alors qu'en Bretagne l'évolution politique continua d'obéir à cette maxime : « Lex fit consensu populi et constitutione regis », en France elle se fît sur ces paroles qui « faisaient bouillir le sang breton de notre illustre d'Argentré » : « Le roi ne tient fors de Dieu et de son épée, ce qui li plest à fère doit estre tenu par loi ». Cette phrase fut, depuis Philippe le Bel, l'évangile de tous les « politiques » du royaume de France.

 

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Ce système, érigé en raison d'Etat, réclamait l'asservissement du peuple et la disparition de toutes les existences particulières. Bientôt la domination temporelle ne suffit plus. L'unification politique, presque complètement achevée lors de la réunion de la Bretagne à la France, ne faisait que précéder l'unification administrative. La difficulté de gouverner un royaume aussi étendu et aussi varié, dans ses institutions et dans ses lois, les nécessités nouvelles nées des guerres continuelles entreprises pour obéir à l'ambitieuse pensée des rois, obligeait le pouvoir central à une sévérité et à un despotisme accru vis-à-vis des collectivités comme des individus. Ainsi disparurent une à une les libertés coutumières, nées spontanément au cours des siècles, témoignages de l'effort collectif des générations, et fruits de leurs longues aspirations vers le bien du peuple et le libre gouvernement de la cité. Corporations, provinces, ordres, classes et toutes institutions particulières, furent transformés en organismes administratifs froids et rigides, d'où toute évolution était désormais exclue.

Les princes et leurs conseillers, préfaçant les initiatives révolutionnaires, en diffamant le passé, s'efforcèrent d'éteindre parmi leurs peuples tous les souvenirs d'indépendance légués par leurs ancêtres. Tout ce qui ne tenait pas à l'Etat fut calomnié, insulté, déshonoré par les historiographes et les légistes de cour. Tout ce qui était antérieur au grand roi passa pour entaché de barbarie et les dernières paroles de Louis XIV consacrèrent l'ultime et ambitieuse pensée qui, malgré tout, devait créer la France. « Les peuples sont nés pour obéir sans discernement, et les rois pour posséder tout et commander à tout ».

En face de cette conception, la lutte acharnée que soutint la Bretagne contre les exigences des rois les plus absolus, personnifia la résistance du vieil esprit celtique, avide d'indépendance et de liberté qui s'était conservé chez les Bretons. C'était l'esprit d'une civilisation particulière, une conception morale et philosophique du droit qu'il fallait défendre, d'un droit qui plaçait le bien du peuple au-dessus de tout, et pour qui la justice n'était pas suffisante car il fallait encore faire une place à la bienveillance et à la charité. Aussi, en face de conceptions inverses et du dogme de l'Etat-Dieu qui commençait à naître et dont nous souffrons aujourd'hui plus que jamais, des luttes parlementaires violentes et parfois des révoltes sanglantes opposèrent jusqu'à la Révolution la nation bretonne à la royauté française.

C'est ce divorce de conceptions, d'idées et de tempéraments entre les deux races, qui entretint pendant près de trois siècles entre la Bretagne et la France cette mésintelligence marquée par de terribles conflits. De nos jours encore, sous des manifestations et des modalités diverses, et à une époque où l'on parle depuis longtemps déjà du droit des peuples, la même lutte se perpétue. Mais c'est aussi dans ces mêmes dissemblances entre l'esprit français et l'esprit breton que l'on peut trouver la raison de cette incompréhension et parfois de cette hostilité sourde que l'on rencontre souvent encore dans tous les milieux, vis-à-vis de la Bretagne.

Yann Kerberio.

 

STUR n° 9 Avril 1937

Le Koweit appartient-il à l'Irak?

 

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1991

 

Le Koweit appartient-il à l'Irak?

Quelques rappels historiques

 

par Franz KARG von BEBENBURG

 

Pour pouvoir juger sereinement la vo­lonté irakienne de conserver le Ko­weit, il faut savoir analyser les faits historiques. La Mésopotamie, soit le pays sis entre les deux fleuves que sont le Tigre et l'Euphrate, a toujours eu un destin changeant. Son histoire récente commence sous les Sas­sa­ni­des. De 226 à 651, la Mésopo­tamie était la région centrale de l'Empire per­se. Sous les Abas­sides, entre 750 et 1258, elle a été le centre du mon­de islamique, jusqu'au moment où elle a été conquise par les Mongols. Au début du 16ième siècle, elle re­devient perse. De 1638 à 1918, elle est turque. De 1915 à 1917, elle est envahie par les troupes britanniques. Au Traité de Sèvres, l'Angleterre ob­tient cette région et la place sous man­dat. Les choses reste­ront telles jusqu'en 1921. Pour leur part, les Fran­çais reçoivent un man­dat sur la Sy­rie et le Liban. En 1921, les Bri­tan­niques hissent le roi Fayçal 1er sur le trône de l'Irak mais politi­quement, militairement et économi­quement, le pays reste sous la coupe des Anglais.

 

Après plusieurs révoltes et putsch (1936, 1941, 1952), une révolution ren­verse la monarchie le 14 juillet 1958; le roi, sa famille et tous les mem­bres du gouvernement sont mas­­sacrés. Le Général Kassem prend la tête du nouveau gouvernement et y reste jusqu'au jour où, en 1963, un putsch d'officier le renverse et le fait fusiller. Son successeur Aref reste au pouvoir jusqu'en 1968, quand une ré­volution organisée par le Parti Baath porte au pouvoir Sayyid Hassan al-Bakr. Celui-ci renonce au pouvoir en 1979 pour laisser la place au Général Saddam Hussein qui cumule les fonc­tions de Président et de Chef du gou­vernement.

 

L'histoire de l'Emirat du Koweit est plus courte, du moins pour ce qui con­cerne sa structure étatique ac­tuelle. A partir de 1648, le Koweit est partie intégrante de l'Empire Otto­man. En 1775, les Anglais y fondent une mission commerciale. La ville de Ko­weit, d'importance économique nul­le, est resté jusqu'en 1950 une pe­­tite bourgade portuaire le long d'une côte désertique, torride et ne re­cevant preque aucune précipitation. Située à l'extrémité nord-ouest du Gol­fe Persique, elle a acquis progres­sivement de l'importance pour les Bri­tanniques parce qu'elle devait de­venir le terminus de la fameuse ligne de chemin de fer Berlin-Bagdad, la­quelle aurait offert à l'Empire Otto­man une voie commerciale de pre­miè­re importance; à l'aide de capi­taux allemands, [suisses et français], les autorités turques commencent la construction de la ligne en 1903. Elle n'arrivera à Bagdad qu'en 1940. Pour contrer ce projet [qui, à leurs yeux, menaçait la route des Indes], les Bri­tanniques déclarent le Koweit pro­tec­­torat de la Couronne en 1889 et dé­ploient toute leur énergie pour que la ligne n'atteigne pas les rives du Gol­fe. En 1961, le Koweit accède à l'in­dépendance et, malgré les protes­tations de l'Irak qui considère que cet­te région lui appartient, adhère à la Ligue arabe. Le nouveau pays est ain­si reconnu comme un Etat arabe à part entière. En juillet 1977, Irakiens et Koweitiens se mettent d'accord sur le tracé définitif de leur frontière, échangeant entre eux quelques ban­des de territoire. Bandes de terri­toire qui poseront problème en cas d'éva­cuation du Koweit par les troupes ira­kiennes.

 

D'après la constitution de 1962, le Koweit est un émirat héréditaire. Le chef de l'Etat est le Cheik. Il gou­verne le pays autocratiquement de­puis la dissolution en 1976 de l'As­sem­blée Nationale. Jusqu'au mo­ment de son expulsion par les soldats de Sad­dam Hussein en août 1990, le Cheik Al Ahmed Al Sabah, âgé de 64 ans, vivait dans son palais luxueux avec ses 70 femmes et sa progéniture de plus de 60 enfants. Le palais comp­tait 200 chambres. L'écurie de cet intéressant personnage comptait 14 avions privés, 10 Rolls-Royce, 15 Cadillac et une flotte de limousines Mer­cédès. Le confort de cette sym­pa­­thique famille était assuré... La mi­sé­ricorde d'Allah octroyait à ce bon Cheik quelque 44 millions de DM par jour. Ses petites économies person­nelles se chiffreraient à environ 310 milliards de DM (un petit trois et neuf petits zéros). Très soucieux de la bonne santé de son peuple, notre bra­ve rentier et homme d'affaires a in­vesti 300 de ces 310 milliards à l'étranger. Des 2 millions d'habitants que compte son pays, 500.000 seu­le­ment sont citoyens koweitiens de sou­che arabe. La grande majorité des autres, 1,5 million de personnes, sont des travailleurs immigrés, des spé­cialistes ou des ingénieurs occi­den­taux qui travaillent dans les raffi­neries et l'exploitation pétrolières. Ils n'ont qu'un seul droit: se taire. Les partis y sont interdits. Ce n'est donc pas une démocratie que les Améri­cains vont aller sauver des griffes d'un méchant fasciste.

 

Sans le coup de force perpétré par les Anglais en 1889 contre les Otto­mans et sans le pillage systématique du Moyen Orient commis par les Fran­çais et les Anglais après 1918, il n'y aurait ni Irak, ni Syrie, ni Liban, ni Koweit. La Jordanie, elle aussi, est une création britannique datant de l'im­médiat après-Versailles. Au dé­part, elle se composait de la Palestine et de la Transjordanie, que les bu­reaux londoniens ont préféré séparer en 1923. Sur les plans géopolitique et ethnique, le petit espace territoriale koweitien appartient à la Mésopota­mie, donc à l'Irak. D'autant plus que le Koweit est le port naturel de la Mésopotamie. Si les Britanniques n'é­taient pas intervenu et si l'on n'y avait pas découvert du pétrole en 1938, la bourgade de Koweit et la ré­gion aux alentours seraient demeu­rées irakiennes. Peut-on dire que Sad­dam Hussein a profité de l'atmos­phère réunioniste qui règnait en Al­le­magne à la veille de la réunifi­cation formelle du 3 octobre, pour essayer son propre Anschluß, d'autant plus que ni les Russes ni les Améri­cains ne s'opposaient plus aux désirs du peu­ple allemand? Pourquoi les Etats-Unis et l'URSS ont-ils accepté la réu­ni­fication allemande et refusé la réu­ni­fication de la Mésopotamie? Sans dou­te parce que le lobby sioniste s'y est opposé. Ce qui explique pour­quoi l'«opinion publique internatio­nale» a été mise en alerte. Et mobili­sée contre l'Irak.

 

Franz Karg von Bebenburg.

(extrait de Mensch und Maß, 1991/2; adresse: Verlag Hohe Warte, Ammer­seestr. 2, D-8121 Pähl).    

 

dimanche, 13 juin 2010

Ölpest im Golf von Mexiko: eine "Halliburton"-Connection

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Ölpest im Golf von Mexiko: eine »Halliburton«-Connection

F. William Engdahl

Ex: http://info.kopp-verlag.de/

Am 20. April starben bei einer Explosion der von der Ölgesellschaft BP betriebenen Bohrinsel »Deepwater Horizon« vor der Küste von Louisiana im Golf von Mexiko elf Menschen, wenig später sank überraschend die gesamte Bohrinsel. Durch das Unglück wurde die bislang größte Ölpest der Geschichte ausgelöst – wahrscheinlich um Größenordnungen schlimmer, als bei der Havarie der »Exxon Valdez« 1989 – und noch ist sie nicht unter Kontrolle. BP beteuert, die Sicherheitsvorkehrungen seien ausreichend gewesen, der Fehler müsse an anderer Stelle liegen. Eine genauere Untersuchung fördert hingegen einige sehr bezeichnende Dinge im Zusammenhang mit der Ölpest zutage.

Bemerkenswert ist zunächst einmal die Doppelzüngigkeit von BP, eine der Großen Vier angloamerikanischen Ölgesellschaften, die zusammen mit Goldman Sachs und den Wall-Street-Banken de facto den gesamten weltweiten Ölmarkt beherrschen. Der Chef von BP-Amerika, Lamar McKay, verteidigte zunächst öffentlich im US-Fernsehen die Sicherheitsvorkehrungen seines Unternehmens und erklärte, der »Ausfall eines einzelnen Bauteils« habe zu der massiven Ölpest an der Golfküste geführt. Laut einem Sprecher habe es sich von dem von McKay erwähnten defekten Bauteil, welches das Desaster verursacht habe, um einen Bohrlochschieber, einen sogenannten Blow-Out-Preventer, gehandelt.

Während also der BP-Chef erklärt, verantwortlich sei ein defekter Blow-Out-Preventer, ein Bauteil bei einer Ölplattform, das im Falle einer Explosion oder eines anderen Unfalls das Austreten des Öls verhindern soll, sprach Salvin, der offizielle Unternehmenssprecher von BP, davon, die Ursache der Explosion sei ungeklärt und betonte: »Wir schließen nichts aus.«

Könnte es sein, dass es bei der schlimmsten Ölpest der Geschichte einen politisch brisanten Hintergrund gibt?

Es stellt sich nämlich heraus, dass die BP – vormals British Petroleum, ein Unternehmen mit engen Verbindungen zum ehemaligen britischen Premierminister Tony Blair, das diesen 2003 darin bestärkt hatte, George W. Bushs Irakkrieg zu unterstützen – seit Jahren mit den amerikanischen Aufsichtsbehörden im Streit liegt, und zwar genau hinsichtlich der Frage, wie viele Sicherheitsstufen erforderlich sind, um einen Unfall bei einer Tiefseebohrung wie in diesem Fall zu verhindern.

In einem Brief an das US-Innenministerium, das für die Aufsicht über Ölbohrungen vor der amerikanischen Küste verantwortlich ist, erhob BP 2009 Einwände gegen neue Bestimmungen, die die Regierung zur Verbesserung der Sicherheitsstandards auf Ölplattformen vorgeschlagen hatte. BP schrieb damals an die US-Regierung: »Wir sind der Ansicht, dass die derzeitige Sicherheits- und Umweltstatistik der Ölindustrie beweist, dass die freiwilligen Programme … auch weiterhin erfolgreich sind.« Was wohl so viel heißen sollte wie: »Vertrauen Sie uns …«

BPs dubiose Geschichte seit dem Ersten Weltkrieg

Wie ich in meinem Buch Mit der Ölwaffe zur Weltmacht darlege, durchziehen Intrigen, Bestechung und kriminelle Machenschaften die gesamte Geschichte von BP.

Als die britische Elite im Jahre 1914 die Entwicklung in Gang setzte, die direkt zum Ersten Weltkrieg führte, hatte das Unternehmen die Hand im Spiel. Das Deutsche Reich und die deutsche Industrie zusammen mit der Deutschen Bank standen kurz vor der Vollendung des ambitioniertesten Eisenbahn-Infrastrukturprojekts der damaligen Welt – einer Eisenbahn-Verbindung von Berlin nach Bagdad.

Die britische Royal Navy, deren Marineminister ein junger Politiker namens Winston Churchill war, betrachtete diese Bagdad-Bahn, die 2003 von amerikanischen und britischen Bomben endgültig zerstört worden ist, als tödliche Bedrohung für Großbritanniens neue Ölquellen in Persien (Iran) und Kuwait. BP war ursprünglich unter dem Namen Anglo-Persian Oil Company als staatliches britisches Unternehmen gegründet worden. Churchill hatte die Marine soeben vom Kohlebetrieb auf die effizientere und leichtere Ölbefeuerung umgestellt, London betrachtete die Bagdad-Bahn als Bedrohung für die »nationale Sicherheit« des Empires.

In den 1950er-Jahren überredete die BP den US-Geheimdienst CIA, sich an einem Putsch zum Sturz des demokratisch gewählten iranischen Premierministers Mohammed Mossadegh, der BP im Iran verstaatlicht hatte, zu beteiligen. BP ist auch die wichtigste Ölgesellschaft bei dem Ölprojekt Kaspisches Meer–Baku. Dieses Projekt ist wesentlicher Bestandteil der amerikanisch-britischen Strategie, die Vorherrschaft russischer Pipelines in den ehemals zur Sowjetunion gehörenden zentralasiatischen Republiken durch den Bau der neuen westlichen Pipeline Baku–Tiflis–Ceyhan zu brechen. Um zu gewährleisten, dass diese Pipeline ausschließlich über Territorien von anti-russischen Staaten verläuft, inszenierte der US-Geheimdienst 2003 in Tiflis einen Regimewechsel, die sogenannte Rosen-Revolution. Dadurch wurde Washingtons Marionette Michail Saakaschwili an die Macht gebracht, der zuvor versprochen hatte, Georgien in die NATO zu führen – eine echte Provokation für Moskau und die Sicherheit Russlands. Georgien bedeutete für Washington und London die einzige Option, die nicht unter potenziellem Einfluss Russlands stand, sofern ein neues amerikafreundliches Regime errichtet werden konnte.

2008 stiegen Öl-Futures auf den Rekordpreis von 147 Dollar pro Barrel, bevor sie im Gefolge der Nachrichten über einen weltweiten Finanz-Tsunami nach dem Bankrott der Investmentbank Lehman Brothers im September 2008 wieder abstürzten. Nach Aussagen gut informierter Händler am Ölmarkt war BP zusammen mit Goldman Sachs hinter den Kulissen maßgeblich an der Manipulation des Ölpreises auf 147 Dollar beteiligt, um den britischen und den Wall-Street-Banken sowie auch BP einen massiven finanziellen Gewinn zu verschaffen, während sich der Finanzkrach weiter verschärfte.

Spielt Halliburton eine Rolle?

Der wahre Grund dafür, dass eine ganze Ölbohrinsel gesunken ist – immerhin ein riesiges, hochentwickeltes Ingenieurs-Bauwerk von der Größe eines Häuserblocks in einer Großstadt – ist noch nicht ermittelt, doch inzwischen ist ein höchst beunruhigendes Element bekannt geworden, nämlich, welche Rolle die Halliburton Corp., eines der korruptesten Unternehmen auf der ganzen Welt, bei der ganzen Sache spielt. Die Firma Halliburton, die noch bis vor Kurzem ihren Hauptsitz in George Bushs Heimatstaat Texas hatte, ist der größte Öl-Dienstleister der Welt und eines der größten Bauunternehmen weltweit. Ermittler der US-Regierung werfen Halliburton vor, Milliarden Dollars, welche die Firma ab 2003 für den Wiederaufbau des Irak erhalten hatte, »verloren« zu haben.

Ermittler, die die mögliche Ursache der massiven Ölpest im Golf von Mexiko untersuchten, konzentrieren sich auf die Rolle der Firma Halliburton, die dafür verantwortlich war, die Rohre unter Wasser einzubetonieren. Die Firma hat bestätigt, das Zementieren des Bohrlochs und der Rohre sei 20 Stunden vor der Explosion am 20. April abgeschlossen worden.

Am vergangenen Freitag haben die Abgeordneten Henry A. Waxman, Vorsitzender des Ausschusses für Energie und Handel im US-Repräsentantenhaus, und Bart Stupak, Vorsitzender des Unterausschusses für Aufsicht und Untersuchungen, in einem an David J. Lesar, den Vorstandsvorsitzenden von Halliburton, gerichteten Brief verlangt, Vertreter von Halliburton sollten bis zum 7. Mai sämtliche Dokumente bezüglich »der Möglichkeit oder des Risikos einer Explosion oder eines Ausbruchs auf der Bohrinsel Deepwater Horizon sowie den Status, die Adäquatheit, Überwachung und Inspektion der Zementierungsarbeiten« offenlegen.

Halliburton nennt es »verfrüht und unverantwortlich, über spezifische Ursachen zu spekulieren«. Vier Angestellte des Unternehmen waren zum Zeitpunkt des Unglücks auf der Bohrinsel stationiert.

»Halliburton hatte die Zementierungsarbeiten an der letzten Bohrlochauskleidung plangemäß beendet«, hieß es in einer äußerst vage formulierten Antwort. »Gemäß der anerkannten Praxis der Branche … wurden Test durchgeführt, die Unversehrtheit der Bohrlochauskleidung bestätigten.«

Seit der Explosion sind mehr als zwei Dutzend Sammelklagen gegen BP, gegen den Eigentümer der Bohrinsel Transocean Ltd. und gegen Halliburton eingereicht worden. BP »übernimmt die volle Verantwortung« für die Ölpest, man werde die Betroffenen angemessen entschädigen, teilte das Unternehmen mit.

Als es im August 2009 in der Timor-See vor Australien zu einem großen sogenannten Blowout kam, wurde Halliburton mangelnde Sorgfalt bei den Betonierungsarbeiten vorgeworfen. Eine entsprechende Untersuchung vor Ort ist noch im Gang.

Nach Ansicht von Experten verweist die zeitliche Nähe der Zementierungsarbeiten durch Halliburton zu der Explosion – nur ca. 20 Stunden danach – und die früheren Zementierungs-Probleme bei anderen Blowouts »auf die Firma als möglichen Schuldigen«. Der ehemalige Ölingenieur Robert MacKenzie erklärt: »Es ist wahrscheinlich, dass das Ausströmen des Gases an die Oberfläche etwas mit dem Zement zu tun hatte.« Genau dieses Gas hat wohl zu der gewaltigen Explosion geführt, die die Plattform zum Sinken brachte.

Auch die Regierung Obama verhält sich merkwürdig

Immer häufiger wird kritisiert, die Regierung Obama hätte gemeinsam mit BP mehr zur Eindämmung der Katastrophe unternehmen müssen. Um der offenen Kritik zu begegnen, sie habe zu spät adäquat reagiert, schickte die Obama-Regierung am Sonntag zwei Kabinettsmitglieder in die Sonntag-Talkshows im Fernsehen. Heimatschutzministerin Janet Napolitano sagte in Fox News Sunday, die Regierung habe »alle Mann an Deck« beordert, um die Ölpest zu bekämpfen. Was das allerdings konkret bedeutet, darüber äußerte sie sich nicht.

BP hatte im Februar 2009 bei der US-Regierung einen Plan zur Erkundung und eine Analyse der Auswirkungen auf die Umwelt eingereicht und dabei versichert, man könne ein Katastrophenszenario, ein »worst case scenario«, am Bohrort beherrschen. Als »worst case scenario« wurde in dem Dokument das Austreten von 162.000 Barrel pro Tag bei einem unkontrollierten Blowout bezeichnet – das sind etwa 25 Millionen Liter pro Tag. Derzeit treten deutlich mehr als 200.000 Barrel täglich aus. Wenn das Öl den Golfstrom erreicht und zu den Stränden Floridas wandert – und sich vielleicht sogar um die Südspitze des Bundesstaats herum auf die Ostküste ausbreitet –, dann droht nach Ansicht von Experten eine ökologische und ökonomische Katastrophe epischen Ausmaßes. Anwohner der Küstenregionen Louisianas beklagen sich bereits, BP behindere die Schutzmaßnahmen.

Öl an der Oberfläche ist nur ein Teil des Problems. Professor Ed Overton von der Louisiana State University, Chef des Risiko-Einschätzungs-Teams für den Fall einer Ölpest, befürchtet, das in das Bohrloch eingeführte Rohr könnte völlig einbrechen. Wenn das geschähe, gäbe es keine Warnung, die resultierende Springquelle könnte noch weit verheerender sein. »Wenn so etwas passiert, dann macht es KRABUMM … Wenn das Ding einbricht, dann haben wir einen wirklich großen Schlag.«

BP verweigert Angaben darüber, wie viel Öl sich unter der Plattform befindet, dies sei Firmengeheimnis. Immerhin wurde angedeutet, es seien mindestens »einige zehn Millionen Barrel«.

Obama hat alle neuen Probebohrungen vor der Küste einstweilen gestoppt, sofern die Bohrinseln nicht über neuartige Sicherheitsvorkehrungen verfügen, die eine neue Katastrophe verhindern.

Als wolle er der wachsenden Kritik begegnen, hat der Sprecher des Weißen Hauses, Robert Gibbs, einen Blog mit dem Titel Die Reaktion auf die Ölpest eingerichtet, in dem er beschreibt, was die Regierung seit der Explosion Tag für Tag unternommen hat, dabei fallen immer wieder Worte wie »sofort« oder »schnell«. Es wird behauptet, Obama hätte »schon sehr früh« alle zuständigen Behörden angewiesen, sämtliche verfügbaren Ressourcen auf das Unglück und die Ermittlung der Ursachen zu richten. Aha. Weitere Informationen folgen.

Georges Sorel

Georges Sorel

Ex: http://www.oswaldmosley.com/

sorel1.jpgGeorges Sorel was born in Normandy in 1847 and, after receiving a private education there, attended the Ecole Polytechnique, where he distinguished himself in mathematics. He entered the civil service as an engineer and retired after the requisite twenty-five years, then promptly took up writing, and through innumerable books, established his place as a major social critic. The most famous and most extreme advocate of syndicalism, Georges Sorel's passion for revolutionary activity in place of rational discourse made him most influential in shaping the direction of fascism, especially in Mussolini's Italy.

Georges Sorel stated his theory of "social myths" most clearly in a letter to Daniel Halevy in 1907. .....Men who are participating in a great social movement always picture their coming action as a battle in which their cause is certain to triumph. These constructions, knowledge of which is so important for historians, I propose to call myths; the syndicalist "general strike" and Marx's catastrophic revolution are such myths. As remarkable examples of such myths, I have given those which were constructed by primitive Christianity, by the Reformation, by the Revolution and by the followers of Mazzini. I now wish to show that we should not attempt to analyze such groups of images in the way that we analyze a thing into its elements, but that they must be taken as a whole, as historical forces, and that we should be especially careful not to make any comparison between accomplished fact and the picture people had formed for themselves before action.

I could have given one more example which is perhaps still more striking: Catholics have never been discouraged even in the hardest trials, because they have always pictured the history of the Church as a series of battles between Satan and the hierarchy supported by Christ; every new difficulty which arises is only an episode in a war which must finally end in the victory of Catholicism.

In employing the term myth I believed that I had made a happy choice, because I thus put myself in a position to refuse any discussion whatever with the people who wish to submit the idea of a general strike to a detailed criticism, and who accumulate objections against its practical possibility. It appears, on the contrary, that I had made a most unfortunate choice, for while some told me that myths were only suitable to a primitive state of society, others imagined that I thought the modern world might be moved by illusions analogous in nature to those which Renan thought might usefully replace religion. But there has been a worse misunderstanding than this even, for it has been asserted that my theory of myths was only a kind of lawyer's plea, a falsification of the real opinions of the revolutionaries, the sophistry of an intellectual.

If this were true, I should not have been exactly fortunate, for I have always tried to escape the influence of that intellectual philosophy, which seems to me a great hindrance to the historian who allows himself to be dominated by it.

In can understand the fear that this myth of the general strike inspires in many worthy progressives, on account of its character of infinity, the world of today is very much inclined to return to the opinions of the ancients and to subordinate ethics to the smooth working of public affairs, which results in a definition of virtue as the golden mean; as long as socialism remains a doctrine expressed only in words, it is very easy to deflect it towards this doctrine of the golden mean; but this transformation is manifestly impossible when the myth of the "general strike" is introduced, as this implies an absolute revolution. You know as well as I do that all that is best in the modern mind is derived from this "torment of the infinite"; you are not one of those people who look upon the tricks by means of which readers can be deceived by words, as happy discoveries. That is why you will not condemn me for having attached great worth to a myth which gives to socialism such high moral value and such great sincerity. It is because the theory of myths tends to produce such fine results that so many seek to refute it....

As long as there are no myths accepted by the masses, one may go on talking of revolts indefinitely, without ever provoking any revolutionary movement; this is what gives such importance to the general strike and renders it so odious to socialists who are afraid of a revolution....

The revolutionary myths which exist at the present time are almost free from any such mixture; by means of them it is possible to understand the activity, the feelings and the ideas of the masses preparing themselves to enter on a decisive struggle: the myths are not descriptions of things, but expressions of a determination to act. A Utopia is...and intellectual product; it is the work of theorists who, after observing and discussing the known facts, seek to establish a model to which they can compare existing society in order to estimate the amount of good and evil it contains. It is a combination of imaginary institutions having sufficient analogies to real institutions for the jurist to be able to reason about them; it is a construction which can be taken to pieces, and certain parts of it have been shaped in such a way that they can...be fitted into approaching legislation. While contemporary myths lead men to prepare themselves for a combat which will destroy the existing state of things, the effect of Utopias has always been to direct men's minds towards reforms which can be brought about by patching up the existing system; it is not surprising, then, that so many makers of Utopias were able to develop into able statesmen when they had acquired a greater experience of political life.

A myth cannot be refuted, since it is, at bottom, identical with the conviction of a group, being the expression of these convictions in the language of movement; and it is, in consequence, unanalyzable into parts which could be placed on the plane of historical descriptions. A Utopia, on the other hand, can be discussed like any other social constitution; the spontaneous movements it presupposes can be compared with the movements actually observed in the course of history, and we can in this way evaluate its verisimilitude; it is possible to refute Utopias by showing that the economic system on which they have been made to rest is incompatible with the necessary conditions of modern production.

For a long time Socialism was scarcely anything but a Utopia; the Marxists were right in claiming for their master the honor of bringing about a change in this state of things; Socialism has now become the preparation of the masses employed in great industries for the suppression of the State and property; and it is no longer necessary, therefore, to discuss how men must organize themselves in order to enjoy future happiness; everything is reduced to the revolutionary apprenticeship of the proletariat. Unfortunately Marx was not acquainted with facts which have now become familiar to us; we know better than he did what strikes are, because we have been able to observe economic conflict of considerable extent and duration; the myth of the "general strike" has become popular, and is now firmly established in the minds of the workers; we possess ideas about violence that it would have been difficult for him to have formed; we can then complete his doctrine, instead of making commentaries on his text, as his unfortunate disciples have done for so long.

In this way Utopias tend to disappear completely from Socialism; Socialism has no longer any need to concern itself with the organization of industry since capitalism does that....

People who are living in this world of "myths," are secure from all refutation; this has led many to assert that Socialism is a kind of religion. For a long time people have been struck by the fact that religious convictions are unaffected by criticism, and from that they have concluded that everything which claims to be beyond science must be a religion. It has been observed also that Christianity tends at the present day to be less a system of dogmas than a Christian life, i.e., moral reform penetrating to the roots of one's being; consequently, new analogy has been discovered between religion and the revolutionary Socialism which aims at the apprenticeship, preparation, and even reconstruction of the individual -- a gigantic task....

...by the side of Utopias there have always been myths capable of urging on the workers to revolt. For a long time these myths were founded on the legends of the Revolution, and they preserved all their value as long as these legends remained unshaken. Today the confidence of the Socialists is greater than ever since the myth of the general strike dominates all the truly working-class movement. No failure proves anything against Socialism since the latter has become a work of preparation (for revolution); if they are checked, it merely proves that the apprenticeship has been insufficient; they must set to work again with more courage, persistence, and confidence than before; their experience of labor has taught workmen that it is by means of patient apprenticeship that a man may become a true comrade, and it is also the only way of becoming a true revolutionary. (July 15, 1907)

G. Sorel: Electoral Democracy and Stock Exchange

sorelrv.jpgGeorges Sorel: Electoral Democracy and Stock Exchange

"Electoral democracy greatly resembles the world of the Stock Exchange; in both cases, it is necessary to work upon the simplicity of the masses, to buy the cooperation of the most important papers, and to assist chance by an infinity of trickery; there is not a great deal of difference between a financier who puts grand-sounding concerns on the market, which come to grief in a few years, and the politician who promises his fellow citizens an infinite number of reforms, which he does not know how to bring about and which resolve themselves simply into an accumulation of parliamentary papers. Neither one nor the other knows anything about production and yet they manage to obtain control over it, to misdirect it and to exploit it shamelessly: they are dazzled by the marvels of modern industry and they each imagine that the world is so rich that they can rob it on a large scale without causing any great outcry amongst the producers; to bleed the taxpayer
without bringing him to the point of revolt, that is the whole art of the statesman and the great financier. Democrats and businessmen have a very special science for the purpose of making deliberative assemblies approve of their swindling; parliamentary regimes are as fixed as shareholders' meetings. It is probably because of the profound psychological affinities resulting from these methods of operation that they both understand each other so perfectly: democracy is the paradise of which unscrupulous financiers dream."

(Reflections on Violence, Cambridge, Cambridge University Press, 1999, pp. 221-222.)

L'Iliade et nous

L’Iliade et nous

par Claude BOURRINET

iliada.jpgLe monde homérique est un rêve. Et comme tout rêve, il est ce que nous possédons de plus intime et de plus lointain. Rien n’est plus légitime, pour les historiens, d’y chercher des indices de réalité. Je veux parler des reflets déformés, anachroniques ou non, de relations économiques, sociales, humaines, qui traduisent des conditions de civilisations entremêlées, entre la période mycénienne – et même avant, jusqu’aux souvenirs du monde minoen – et la fin de l’âge sombre, de 1500 à 750 avant notre ère, environ. L’érudition a ses raisons, et il est donné à notre âge scientiste de considérer un legs poétique comme un document d’étude à peu près comme un autre.

C’est évidemment une grave erreur, inévitable.

Les Hellènes ne considéraient pas l’Iliade et l’Odyssée ainsi, bien que les Alexandrins, rompus à la pédante habitude d’anatomiser les textes, les eussent alourdis d’exégèses allégoriques et de commentaires moralisateurs. Avant eux, Platon avait mis en garde : il dit, dans La République, qu’Homère « est l’instituteur de la Grèce et que pour l’administration et l’éducation des hommes il mérite qu’on le prenne et qu’on l’étudie, et qu’on règle selon ses préceptes toute sa conduite ». Il est vrai qu’il place cet éloge dans la bouche d’admirateurs que rencontrerait Glaucon, fils d’Ariston, et que lui, le philosophe des Idées, préférait « se souvenir qu’en fait de poésie il ne faut admettre dans la cité que des hymnes aux dieux et des éloges des gens de bien. »

Ce qui, il faut en convenir, constitue un programme certes admirable, mais fort réduit dans son ambition de rendre compte du monde, et tout autant limité dans ses qualités imaginatives, sans évoquer pour l’instant la réelle efficacité d’une telle manière d’aborder la création artistique, la poiêsis.

Comme le principe de l’art mimétique prévalut durant presque toute l’histoire de l’Europe, et que l’affirmation horatienne : Ut pictora poiêsis, y présida, il fallut bien qu’il restât quelque séquelle du soupçon jeté par Platon sur l’image, même chez le Poète par excellence, le père de l’Europe, le premier de tous les enchanteurs qui nourrirent l’esprit des Européens. La Fontaine lui-même, qui, pourtant, fit sienne la tentative somme toute assez bien réussie d’une résurrection du langage des dieux, répéta, dans Le Pouvoir des fables, cette dénonciation, pour ainsi dire pascalienne, de l’inévitable divertissement, du fatal détournement, qui fait oublier l’essentiel au peuple, à savoir que Philippe est sur le point d’avaler la Grèce.

À propos d’orateur, il y a, au chant II de l’Iliade, un épisode assez tumultueux où Odusseus (« en colère »), c’est-à-dire Ulysse, remet le demos dans le droit chemin. À notre tour, comme les Hellènes, regardons si nous pouvons trouver dans la fable matière à enseignement.

Rappelons les faits brièvement.

Je laisse de côté la raison ultime de la tuerie et des souffrances sans nom qui allaient suivre la « détestable colère d’Achille », le ressort secret de la Guerre de Troie, le dessein d’un Zeus qui, attentif aux demandes de la Terre, peinant sous le poids d’une humanité trop prolifique, avait décidé de décimer celle-ci par des guerres dévastatrices. Nil novi sub sole, rien de nouveau sous le Soleil, le passé est le miroir du futur. Les voies des dieux étant éternelles, tel sera notre avenir…

La querelle qui oppose Achille à Agamemnon au sujet des captives, Chryséis et Briséis, n’est que prétexte à soutenir son rang et à manifester son orgueil. L’assemblée des Achéens convoquée par le fils de Thétis se contente d’assister à la violente confrontation entre l’Atride et le roi des Myrmidons. Le monde homérique est un univers aristocrate, une cime où évoluent des aigles, une terre impitoyable où se donnent libre cours la férocité et l’avidité, sans rien de « moral », de prédateurs pour lesquels la nature a légué une place de choix. Le demos assiste sans intervenir à ce choc entre Grands. Il n’est que le témoin de ce duel oral, qui pourrait devenir rapidement physique, si n’était la vigilance d’Athéna. L’Iliade, comme l’Odyssée, privilégie le point de vue des nobles. Tout est perçu selon leurs codes. La hiérarchie des valeurs, les notions de convenance et de bienséance dépendent de leur vision du monde. Leur intérêt matériel est mis en parallèle avec leur fonction : il manifeste leur excellence et témoigne de leur bravoure, dont le fruit est le butin et les cadeaux. Nous avons affaire ici à un théâtre tragique, ostentatoire, tourné vers la vie, sensible, à l’extrême, à la caducité de celle-ci, et à la jouissance, sous toutes ses formes, de l’existence. L’éclat de la Geste doit, avant de disparaître dans l’Achéron aux ombres fuyantes et mélancoliques, jeter une lueur divine sur le terrible royaume de la destruction qu’est la Terre des mortels. Une telle destinée n’est réservée qu’à une élite, aux héros. Le « peuple » est inutile pour assurer la reconnaissance de leur valeur. Celle-ci ne peut s’exercer qu’inter pares.

Or, il est singulier, au regard d’un moderne imprégné par le mythe de la démocratie athénienne, de constater qu’une telle logique, qui se trouve aussi dans l’Odyssée, ait pu convenir aux aspirations de l’ensemble des Grecs pendant des siècles, et pas seulement des aristocrates. Il faut croire que ces tendances correspondent à une disposition de l’esprit humain, magnifiquement illustrée par Nietzsche dans son Zarathoustra. La tâche qui nous reviendrait serait de les traduire selon notre situation, qui est celle d’un monde dégénéré. Car le monde d’Homère, qui, déjà, notait combien le monde avait décliné, est mort. Nous sommes dans l’univers du dernier homme. Et pourtant, l’Iliade nous tient un langage que nous pouvons encore comprendre, qui va droit au cœur des êtres bien nés. Qui ne vivrait encore avec le chant du Poète, qui n’a guère son égal ? Il suffit de lire, même en français. Résonne alors un timbre sublime dans l’âme du lecteur, et les vibrations rehaussent le cœur.

Le chant II présente une assemblée encore plus chaotique que la précédente, celle du chant I. L’acteur principal de cet épisode est Ulysse. Nous allons nous attarder particulièrement sur la signification d’une péripétie, qui commence comme une farce, puisque Agamemnon, trompé par le Songe, messager de Zeus, est pris au mot lorsque, voulant imprudemment mettre à l’épreuve les Achéens, les hommes de troupe, pris de panique, se précipitent vers leurs nefs pour rejoindre leurs patries.

Ulysse, donc, désespérant de l’évolution d’une situation qui semble mettre fin à l’aventure troyenne, inspiré par Athéna, réagit vivement.

Son comportement obéit à deux systèmes de représentation : qu’il ait affaire aux pairs, il agit avec courtoisie, mais fermeté ; qu’il soit en présence du demos, il réagit plus brutalement, usant du sceptre d’Agamemnon comme d’une trique, un peu comme frère Jean des Entommeures se saisit du « baston de la croix, qui estoit de cueur de cormier, long comme une lance, rond à plain poing et quelque peu semé de fleurs de lys », pour donner sur les ennemis qui pillaient les vignes du Seigneur.

Arrêtons-nous sur cette figure du sceptre, emblème de roi et d’orateur.

Celui que tient Ulysse n’est pas n’importe lequel : c’est celui « que jadis a ouvré le labeur d’Héphaïstos. Celui-ci l’a remis à sire Zeus, fils de Cronos. Zeus alors l’a remis au Messager, Tueur d’Argos. Sire Hermès l’a remis à Pélops, piqueur de cavales. À son tour, Pélops l’a remis à Atrée, le pasteur d’hommes. Atrée mourant l’a laissé à Tyeste riche en troupeaux. Et Tyeste, à son tour, le laisse aux mains d’Agamemnon… ».

Si l’accent est mis sur l’origine de cet instrument hautement politique qu’est le sceptre, c’est qu’il permet d’appréhender une dimension de la prise de parole devant une assemblée que nous avons perdue avec la démocratisation de l’expression publique et la confusion des voix. Or, le politique pose des questions essentielles, souvent inavouées, liées à l’organisation de la société. Qui doit parler ? Qui possède un statut tel qu’il est naturel, convenable et incontestable qu’il en soit ainsi ? Le caractère inviolable de celui qui tient le sceptre rappelle ce privilège du tribun romain. Nous ne sommes pas ici dans le cas contemporain où le politique se trouve laïcisé, désacralisé, profané. Dans le monde archaïque d’Homère, la légitimité politique vient dans haut. Le mana du sceptre est d’origine divine, et ne puise pas sa puissance de l’assentiment du peuple. En fait, la démocratie donne l’illusion d’un pouvoir qui se passe bien d’une telle onction. Seulement, ce n’est qu’une illusion. Les Athéniens confiaient l’élection de leurs représentants au hasard. Ce n’était pas mal trouvé, si le hasard est le jouet des dieux. Nous faisons, quant à nous, comme s’ils étaient choisis par la libre volonté du peuple, comme si la libre volonté existait, sans parler du peuple, qui n’est qu’une hypothèse idéologique. Dans la réalité, la classe politique contemporaine n’est qu’une parodie de noblesse, qui se coopte hypocritement, et joue une pièce qui n’a certes pas la grandeur de celles de jadis. Autres temps, autres mœurs…

Si le sceptre est l’expression et l’illustration matérielle du politique, cela signifie qu’il traduit le monopole de la parole et celui de la violence. Tout pouvoir étatique, même embryonnaire, se réfère à ces deux compétences. Que fait Ulysse ? Il remet à la raison les rois et les héros, avec des termes persuasifs, « avec des mots apaisants », usant tour à tour de l’éloge et de la crainte. En revanche, quand il croise un « homme du peuple », du demos, il le frappe avec le sceptre et le remet à sa place, pour employer une formule triviale mais très vraie dans ce cas-là. « Chacun ne va pas devenir roi, ici, parmi nous, les Achéens », profère-t-il dans une profession de foi antidémocratique. « Avoir trop de chefs ne vaut rien : qu’un seul soit chef, qu’un seul soit roi… », ajoute-t-il. Et l’aède de conclure : « Ainsi il parle en chef et remet l’ordre au camp. »

Encore faut-il faire la part entre deux catégories au sein du peuple. Car intervient Thersite. Dans un monde où l’apparence est reine, il paraît normal que celui-ci soit pourvu, à l’encontre des héros, d’attributs physiques rédhibitoires, frisant la caricature. Son comportement aussi est inspiré par la haine des Grands, la jalousie, le ressentiment et la tentation de la désertion. Il est, pour ainsi dire, un subversif, un révolutionnaire, un bolchevik. Il souhaite presque la défaite de son propre pays. Au moins ne fera-t-il rien pour sa victoire, qui n’est pas la sienne, mais celle des aristocrates, « qui s’en mettent plein les poches ». Ulysse n’est pas tendre avec lui car, non content de l’agonir d’injures, il le corrige sévèrement, suscitant en même temps chez les autres pitié et contentement.

Il est utile de s’arrêter un moment pour peser cette anecdote très significative. La guerre, avant l’avènement de la cité-État grecque, la polis, relève d’un projet personnel. C’est parce qu’Hélène avait suivi, de grès ou de force, Alexandre Pâris à Troie qu’Agamemnon, pour venger Ménélas, avait rameuté un certain nombre de « rois », qui étaient soit des vassaux, soit des alliés, soit de simples aventuriers. Il ne s’agit pas à proprement parler d’une guerre nationale, car dans le monde homérique, c’est la famille qui prévaut, ou bien l’oïkos, c’est-à-dire ce que sera la « villa » latine, une cellule économique autarcique fondée sur des relations d’interdépendances fortes et hiérarchisées, un monde organique solidaire. Bien sûr, derrière le prétexte passionnel, il y a la rapacité : la guerre est pourvoyeuse de butin autant que de mort. C’est une occasion de s’enrichir. Mais c’est une affaire privée, et, à ce titre, le peuple (celui qui ne fait pas partie des troupiers, « serviteurs » (thérapôn) qui font le voyage guerrier, comme Mérion, thérapôn du roi Idoméné de Crète), la perçoit avec une certaine indifférence, pourvu qu’elle n’ait pas trop d’incidences dans sa propre existence. Le seul cas où il se trouve dans la nécessité d’y participer est lorsque la survie même de la communauté est en question, comme c’est le sort de Troie. Alors le peuple participe aux combats, d’une façon ou d’une autre. C’est une guerre totale.

Dans les temps modernes, les progrès de l’idée républicaine ont conduit à la l’idée de conscription, et à la guerre telle que nous en avons vu les ravages durant les deux dernières guerres mondiales. Dans l’avenir, étant donné que les conflits sont de plus en plus pris en charge par des professionnels et des techniciens, l’implication du « peuple » devient un paramètre de plus en plus malaisé à situer, si l’on écarte sa fonction invariable de servir de cible. Et dans le contexte actuel de mondialisation des oligarchies et des interventions militaires aux buts confus, la question est de savoir s’il est légitime de donner son assentiment à des actions guerrières qui paraissent ne satisfaire que les intérêts d’une pseudo-noblesse, en fait d’une ploutocratie, qui n’a rien à voir avec l’aristocratie achéenne. La question se pose évidemment autrement pour un soldat qui, sur le théâtre des opérations, est guidé par le sentiment de l’honneur et le sens de la camaraderie. Cependant, une telle réflexion doit être menée, car il n’est pas impossible qu’à un certain moment il ne faille prendre des résolument singulièrement concrètes.

Une fois l’ordre établi et l’assistance attentive, Ulysse prend la parole. Songeons qu’Ulysse n’a pas bonne presse dans la mémoire grecque et occidentale. Comme le déclare Philoctète, dans la pièce éponyme de Sophocle : « Il a toujours à la bouche, je le sais, le mensonge et la fourberie. » Aussi est-il un personnage ambivalent, quelque peu oriental dans sa gouaille et l’agilité de sa langue. Athéna le loue de savoir mentir. Il trompe Polyphème, le Cyclope. Il est celui qui use de cette faculté que les Grecs appellent la Métis, l’intelligence pratique, ou l’ingéniosité rusée. Après que Zeus eut avalé celle-ci, le père des dieux engendra Athéna de son crâne fendu par Héphaïstos. La déesse, chaste et guerrière, est la protectrice du Seigneur d’Ithaque, qui échappe à l’opprobre liée à l’emploi du mensonge grâce à son caractère héroïque. Ne réagit-il pas vivement, chez les Phéaciens, à la cour du roi Alcinoos, lorsqu’un noble insinue qu’il ressemblerait plutôt à un marchand phénicien (universellement méprisés) qu’à un héros ? Ulysse n’est pas couard, ni efféminé comme Pâris. Il ne trompe pas comme les négociants qui parcourent les mers en quête de bonnes affaires et qui manient tous les moyens de persuasion pour des buts mercantiles. Sa fourberie provient d’un esprit qui demeure paysan. Combien la bourde de Glaucos, qui échange, au nom des liens d’hospitalité, son armure d’or contre l’armure de bronze de Diomède (« habile comme un dieu ») est-elle susceptible d’être contée aux jeunes et aux anciens, autour de l’âtre, comme une bonne blague et une excellente affaire ? Il est vrai aussi que le monde des dieux n’est pas exempt de fourberies diverses. Quant à l’éthique guerrière, elle s’accommode de la ruse, non de celle de l’archet qui se cache pour décocher un carreau mortel, mais de celle que force la nécessité, Ulysse ayant par exemple à faire face à d’innombrables prétendants sans scrupule, ou qui relève d’une tactique militaire éprouvée : personne dans l’antiquité grecque n’aurait osé médire les Lacédémonien pour avoir mimé la fuite devant les Mèdes avant de retourner brusquement  les rangs serrés d’Hoplites pour massacrer l’ennemi approché trop près.

Il n’en demeure pas moins que le monde héroïque est solidement fondé sur la franchise, celle que la force librement déployée manifeste, la loyauté et la droiture.

Ulysse fait partie de cette catégorie de personnages, comme Nestor, à qui il a été accordé en plus de la prudence (la sagesse) l’art de la persuasion, notamment « politique ». Dans l’Odyssée, l’omniprésence des navires constitue un symbole. On sait que pour Platon, ce motif devint un exemplum philosophique. Ulysse commande, dirige, tente même des expériences lors de l’épisode des sirènes. Il n’est pas toujours obéi, loin de là. Ses compagnons sont ainsi tous tués pour avoir sacrifié les bœufs du dieu Soleil, Hélios, malgré les avis de leur chef.

Dans le chant II de l’Iliade, le futur concepteur du cheval dit « de Troie » s’adresse à des amis, non à ennemis. Une empathie virtuelle existe autour de valeurs communes, que son discours va explicitées (ces valeurs étant au demeurant partagées tout autant par les Troyens). Le résultat est atteint, car, à la fin de la harangue, « les Argiens poussent un grand cri, et les nefs, à l’entour, terriblement résonnent de la clameur des Achéens, qui applaudissent tous à l’avis du divin Ulysse », réaction populaire qui fait penser à celle produite par le discours de Marc Antoine, après l’assassinat de César, discours qui se déploie sur le même registre émotionnel.

Sur quoi insiste en substance ce discours ? D’abord sur le sentiment de honte : celle d’humilier son seigneur, d’avoir manqué à « la promesse qu’ils t’[Agamemnon] ont faite », de détruire Ilion. Celle de se comporter comme des « jeunes enfants ou des veuves » (c’est-à-dire des êtres sans grande importance dans un monde de guerriers). Le deuxième point, après la captatio benevolentiae, qui repose sur une certaine compréhension des souffrances endurées, est l’appel à la mémoire collective. L’orateur narre longuement un prodige (une mère oiseau dévorée avec ses huit petits par un serpent bientôt pétrifié par Zeus) s’étant déroulé à Aulis, interprété par le devin Calchas, qui annonçait l’issue heureuse du conflit au bout de dix ans. Muthos signifie parole, récit. Ulysse n’use pas de concepts, d’une explication (déroulement) argumentative rationnelle et serrée. Il utilise la fable (histoire), et pire pour nous, modernes sceptiques et quelque peu voltairiens, le récit d’un « miracle ». Personne ne met en doute la réalité du phénomène, parce que tous ont vu, mais aussi parce qu’un tel fait entre dans l’horizon mental et imaginaire des Grecs de cette époque (par la suite, on abordera le mythe selon deux instances : la croyance populaire, et l’instrumentalisation philosophique, allégorique, plus distanciée). Mais il n’existe pas de point de vue « laïc », dans l’Iliade. La pleine expansion de la vie s’appuie sur son amplification sacralisée dans la sphère divine. La rupture n’a pas encore eu lieu.

Le point commun de ces deux piliers que sont l’honneur et la mémoire est la fidélité : fidélité à un homme, à une parole, aux dieux qui ont fait signe. Les deux strates de réalité, celle des mortels et celle des immortels, sont inextricablement mêlées. Même si les dieux prennent parfois la distance qui est la leur, et laissent parfois entrevoir, dans leurs rires et leurs regards, une réalité cosmique extra humaine, ils prennent part aux circonstances « historiques », et les actes possèdent ainsi une signification qu’on pourrait nommer eschatologique.

Certes, un voltairien soupçonnerait volontiers Ulysse d’avoir berné, mené comme des enfants, les Achéens. Ses dons d’orateur sont ceux que les sophistes cultiveront de façon néfastes chez les rejetons de l’aristocratie athénienne. Ce sont des qualités que les Spartiates mépriseront. Les beaux parleurs ont mauvaise réputation chez les hommes d’action. Sauf quand la rhétorique est dirigée efficacement vers cette même action. Les grands généraux, César, Alexandre, Napoléon, étaient pourvus de ce talent d’entraîneurs d’hommes. Ce qui compte, c’est le résultat, l’efficacité, au demeurant, résidant aussi dans l’expression d’une volonté commune, qui confère au chef une représentativité indiscutable. Les discours rationnels, le logos pesant des arguments élaborés, froids, contrairement à ceux qui expriment violemment passions et affirmation des valeurs, sont, dans l’Iliade, presque aussi inexistants que l’argent. Ulysse ne fait que rappeler franchement le devoir. Dans une société de la honte, il n’est pas besoin de chercher la vérité. Elle est là, éclatante dans la parole déployée, comme le cœur du monde est là, devant les yeux, sous la lumière claire du Soleil.

Dans l’Iliade, on ne se voile que rarement (exception faite d’Ulysse, comme on l’a vu).

Aussi bien, finalement, l’Iliade est-elle moins un rêve qu’un tableau, d’un réalisme cru, de ce qu’était peut-être une société sans beaucoup de fards. Société qui doit beaucoup à la mentalité paysanne : les aristocrates hellènes détestaient la mer, étant des gens de la Terre (même si Homère rejette le culte de Déméter). Thalassa n’est pas un terme d’origine indo-européenne.  Le monde moderne issu de l’individualisme et du culte de l’argent ne peut comprendre combien l’horizon noble rencontre celui du peuple des champs et des montagnes. Les métaphores naturelles très nombreuses dans les deux épopées d’Homère ne sont pas présentes par hasard. Elles relèvent souvent d’un sens aiguisé de l’observation, comme on le voit chez le paysan ou le guerrier.

Reste le problème de l’utilisation du mythe dans l’action politique. Georges Sorel en avait fait un levier pour soulever et renverser le monde bourgeois.

Mais la question demeure de la nature d’un mythe qui réunirait autour de valeurs communes les contempteurs de la société moderne.

Quels sont donc actuellement les mythes assez puissants pour fédérer des groupes ou des nations autour de valeurs communes ?

Claude Bourrinet


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Le "maître-maçon" de Nikos Kazantzaki

kazantzakis.jpgArchives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1994

Le “maître-maçon” de Nikos Kazantzaki

 

Les éditions “A Die” publient Le Maître-Maçon, une pièce de théâtre composée en 1908 par Nikos Kazantzaki. Renée Jacquin, Présidente de l'association “Connaissance hellénique”, préface cette édition: «Parmi les ballades, légendes épico-lyriques, dont l'origine, selon S. Kyriadikis, remonte aux premiers siècles chrétiens, à l'époque de la tragédie orchestique, une des plus célèbres est celle du Pont d'Arta. Le caractère dramatique des ballades était accentué par la riche imagination populaire et souligné par une déclamation accompagnée de divers instruments. Il n'est pas douteux que tous ces éléments aient joué leur rôle dans le choix de Nikos Kazantzaki pour constituer le sujet de sa pièce Le Maître-Maçon, signée d'un pseudonyme tiré du nom d'une montagne crétoise (Petros Psiloritis). La croyance antique à l'indispensable sacrifice humain pour qu'un pont, un rempart, une ville nouvelle soient assurés de durer éternellement est à l'origine du Pont d'Arta. On retrouve dans toute la Grèce, dans les Balkans et même dans des régions bien plus éloignées ce sujet du pont qui s'effondre, malgré les efforts de quarante-cinq maçons et de soixante apprentis dit la version de Mytilène, les chiffres variant jusqu'au centuple dans d'autres textes (...) Ce serait mal connaître Kazantzaki si l'on pensait qu'il pût se contenter du simple canevas fourni par la ballade. Il a créé autour des personnages d'origine bien d' autres figures. Et, avant tout, il a exprimé dans cette tragédie de début, les grands thèmes qui traversent toute son œuvre. Revenu de Paris en Crète en 1909, il a rapporté avec lui sa thèse sur “Nietzsche dans la philosophie du droit et de la cité”. Elle lui était nécessaire à l'obtention de l'hyphygessia (équivalent de notre agrégation), titre indispensable pour être enseignant à la Faculté. Or, cette thèse avait été écrite en 1908,1a même année où il composait le Maître-Maçon. C'est dire combien la pièce est imprégnée des idées de Nietzsche qui coïncidaient à miracle avec celles de Kazantzaki, la notion du sacrifice en vue de réaliser l'œuvre d'art, celle de l'homme qui défie et domine son destin, par exemple». Cette édition nous présente le texte grec et sa traduction française (Jean de BUSSAC).

 

Nikos KAZANTZAKI, Le Maître-Maçon, Editions A Die (9 rue Saint-Vincent, F-26 150 Die). 103 pages.

 

samedi, 12 juin 2010

Mishima ed il Movimento studentesco: Zengakuren

yukio-mishima.jpgMishima ed il Movimento Studentesco: Zengakuren


Testimone della città di Tokyo in fiamme, dopo essere stata bombardata dai B-29 (dell’USAF, aereonautica statunitense), con l’uccisione di decine di migliaia di cittadini, Mishima reagì con la gloria, come fosse qualcosa di epico e maestosamente colorato. L’imperatore fu costretto a dichiarare la resa incondizionata. Le nazioni alleate posero tremende ed umilianti condizioni al Giappone. Il primo gennaio 1946 Hirohito fu obbligato a negare pubblicamente la propria origine divina, anacronismo per la materialistica mentalità occidentale, ma intollerabile per i veri giapponesi. Niente discendenza dalla dea del sole Amaterasu per il Mikado, sancita dal famigerato articolato numero 9 della Nuova Costituzione, promulgata il 3 novembre 1946, che imponeva al Giappone la rinuncia alle sue prerogative militari. La concessione perpetua dell’isola di Okinawa come gigantesca base U.S.A.. L’America non desiderava che un esercito giapponese autonomo difendesse il Giappone. Sacche di resistenza, specie a sinistra, a tali imposizioni furono placate dal governo con la favola della difesa della Costituzione, rafforzando la sua politica con vantaggi concreti senza onore. Per il Jieitai fu una ferita mortale. Il Jiminto (Partito Liberale Democratico) ed il Kyosanto (Partito Comunista), che insistevano sull’importanza della politica parlamentare, spazzarono le possibilità di ricorrere a metodi non parlamentari. Il Jieitai da figlio illegittimo della Costituzione divenne ‘’Esercito di Protezione della Costituzione’’, strumento di politici intercambiabili e degli interessi di partito.

Lo spirito del samurai virile era umiliato ed il Tate No Kai vi si ribellò, mentre nel Jieitai nessuna voce virile si levò contro l’ordine vergognoso del ‘’Difendete la Costituzione che vi rinnega!’’, silenzioso contro la logica distorta della Nazione. Il Jieitai auto ingannato ed auto dissacrato, privo di anima e spirito, limitato ad un controllo civile, fu accusato dalla sinistra di esser mercenario dell’America. Il valore dello spirito sulla vita, non era la libertà, la democrazia, ma il Giappone, con la degenerazione morale e il decadimento spirituale dei nipponici. Interpretazioni legali opportunistiche facevano dimenticare il problema della difesa, per legge il Jieitai era incostituzionale. Il Jieitai era stato oggetto di un inganno malvagio, aveva sopportato il disonore della Nazione dopo la sconfitta. Un’abnorme forza di polizia, non esercito nazionale armato senza sapere a chi dichiarare fedeltà. L’esercito proteggeva la storia, la cultura e le tradizioni della Nazione, la polizia difendeva la struttura politica. Il Giappone del dopoguerra seguì l’infatuazione della prosperità economica, dimenticando i grandi fondamenti della nazione, perse lo spirito nazionale, correndo al futuro, senza correggere il presente, piombato nell’ipocrisia e precipitato nel vuoto spirituale.

Il gioco della politica interna dissimulò le contraddizioni, mentre sprofondava nell’ipocrisia e nella bramosia di potere. La difesa dei particolarismi e degli interessi personali. Paesi stranieri si erano arrogati i piani riguardanti i prossimi cento anni della Nazione; l’umiliazione della disfatta nascosta per non essere cancellata, la profanazione della storia e delle tradizioni del Giappone, avrebbe richiesto il sacrificio della morte. Dagli anni ’50 sgretolato, anche psicologicamente, dalle bombe normali che distrussero il 75% delle città e le atomiche ipercriminali, l’Impero del Sole Levante fu deformato e riconfigurato nel secondo dopoguerra dagli U.S.A. a propria immagine e somiglianza. Il periodo post-bellico e post bomba atomica, gli orrori sociali della ricostruzione, l’asservimento economico, militare e culturale agli Stati Uniti, gli anti-corpi libertari, sessuali e ‘’criminali’’ concepiti dalle nuove generazioni, regolarmente e psicoticamente represse. Il Giappone era svenduto al ‘’modus vivendi’’ dell’occidente statunitense; al mito del ‘’Nuovo Giappone dei transistors’’. Il motto di Mishima era: ‘’Ciò che trasforma il mondo non è la conoscenza ma l’azione’’, ‘’In nome del passato abbasso l’avvenire!’’.

Cosciente della vita e della cultura integrale fu chiamato al sacrificio di sé stesso per difendere la continuità stessa di questa vita. ‘’Nella limitatezza dell’umana vita, io scelgo la vita dell’eternità’’. Il suo suicidio futuro fu esaltazione poetica della vitalità e grandezza patriottica dello scrittore, della lealtà e fedeltà all’Imperatore ed ai valori tradizionali da questo incarnati, spinta agli estremi livelli, dovere primario di ogni giapponese. Un romanticismo ridondante sul tema della Seconda Guerra Mondiale e il Giappone, in parallelismo con D’Annunzio. Per i giapponesi di ogni tendenza politica, l’esperienza bellica era un innegabile punto di riferimento esistenziale e politico. La sconfitta in guerra era un fattore comune ed il turning point più rilevante del Novecento. Immane esperienza con un indicibile senso di felicità , l’epoca del ‘’Tenno kai Banzai’’ (‘’Viva l’imperatore’’) dei piloti kamikaze era perduta, per cui il ‘’senso di felicità’’ dell’adolescente Mishima che aveva intravisto la guerra nella forma di una ‘’luce di lampo’’, con la sconfitta, naufragò miseramente. Mishima era cresciuto in un’atmosfera di magnifico apprezzamento per la morte, che portava al militarismo romantico della metà e della fine degli anni ‘60. Si avviò a vivere nel dopoguerra ‘’un’epoca fatta di finzioni’’, ‘’un invecchiamento in tutt’armonia’’, venticinque anni ‘’incredibilmente lunghi’’ per poi far vibrare con acciaio e sangue, il cuore degli uomini, lo scorrere della storia.

Nel mondo si sviluppava il movimento studentesco; l’Occidente viveva l’era turbolenta, viva e creatrice degli anni ’60 e ’70 attraverso le sue proteste e i suoi movimenti radicali, con la Guerra del Vietnam come principale obbiettivo della rabbia degli attivisti. Oriente, Cina di Mao e Guardie Rosse divennero fonte d’ispirazione per i Weathermen ed altri gruppi radicali occidentali. L’origine e l’ascesa del gruppo radicale dalla nascita dell’attivismo studentesco in opposizione alla ratifica dell’ANPO, Trattato di Reciproca Cooperazione e Sicurezza tra Giappone e Stati Uniti firmato nel maggio 1960, sotto il governo del Primo Ministro Nobusuke Kishi, con cui si sancì, una sudditanza del Giappone agli U.S.A., dietro il paravento della collaborazione militare, dato che il Sol Levante fornì basi militari agli americani e confermò la rinuncia ad ogni intervento bellico. Gli U.S.A. si impegnavano a garantire al Giappone la loro protezione militare. I giapponesi, feriti nel loro orgoglio, reagirono violentemente: si registrarono disordini, le prime proteste e lotte contro il supporto giapponese agli U.S.A. durante la Guerra del Vietnam, resistenza che sfiorò la rivolta. Nessun suicidio rituale per protesta dai generali, quando il Trattato di Antiproliferazione Nucleare, che concerneva i piani a lunga scadenza della politica nazionale, identico al Trattato ineguale del 5-5-3, di sicurezza nippo-americano, il Giappone offriva basi militari agli U.S.A. e confermava la rinuncia alla guerra. Mishima si schierò subito con i rivoltosi.

Fino agli anni ’60 Mishima si era ritenuto di sinistra, contattato dal JCP (il Partito Comunista) per arruolarlo come membro negli anni ‘50. L’amico di Mishima, Kobo Abe, eccellente scrittore, era un membro del JCP ed era stato espulso dal partito per anticonformismo. Mishima aveva rappresentato il disagio dei valori, nella società giapponese che si stava americanizzando, condannata a vivere eternamente il suo dopoguerra; il Giappone non si riconosceva più, abbandonato, corrotto. Il romanzo ‘’Dopo il banchetto’’ segnò il suo ingresso, vibrante e violento, in politica. Stigmatizzò duramente il mercanteggiamento elettorale a cui erano dediti i politici ed i costumi dell’alta borghesia.

Conosceva i meccanismi e gli interessi dei partiti. Scopriva un mondo in febbrile e tumultuosa agitazione fuori di sé, percorso da fermenti che indicavano la volontà di superare il dopoguerra. Dimostrazioni scoppiarono in Tokyo, sotto lo striscione del Zengakuren o Zen-nihon gakusei jichikai (Federazione dell’Autogoverno Studentesco del Giappone o Lega delle Unioni degli Studenti di Tutto il Giappone), un sindacato nazionale studentesco giapponese , associazione estremista di studenti marxisti-leninisti, sorta nel 1948 dall’unione di circa centinaia di migliaia di studenti universitari di estrazione non solo marxista ab origine, i quali, come espressione del malcontento, protestavano contro l’aumento delle tasse d’iscrizione ai corsi universitari ottenendo simpatie tra la popolazione nelle agitazioni del movimento degli studenti negli anni ’60. Il sindacato studentesco è stato protagonista di numerose proteste: da quella contro la guerra in Corea alla questione delle basi americane sul suolo giapponese sino alle grandi manifestazioni di protesta del 1968.

La lotta anti-ANPO giunse al culmine il 15 giugno 1960, quando all’Università di Tokyo la studentessa Michiko Kanba fu uccisa in uno scontro nei disordini con polizia di fronte al palazzo della Dieta. Sebbene la legislazione di ratifica del trattato fu approvata, la visita programmata in Giappone dal Presidente degli U.S.A. Dwight D. Eisenhower fu cancellata, e Kishi si dimise. Le sommosse stimolarono la sua fantasia e lo spinsero a scrivere nel 1960 ‘’Yukoku’’ (Patriottismo), racconto letterario e civile che lo introdusse nell’estrema destra sullo sfondo della Rivoluzione Conservatrice del 26 febbraio 1936 quando a NI NI Roku il movimento dei giovani preparò l’insurrezione, di una parte dell’esercito, contro il sistema asservito agli interessi dell’alta finanza, per promuovere l’autentica restaurazione imperiale. Una ventina di giovani ufficiali occuparono la zona dei ministeri adiacente il palazzo imperiale riuscendo ad assassinare delle personalità del mondo politico finanziario che comparivano sulla loro lista nera. Chiesero le dimissioni del governo, considerato traditore, l’avocazione di tutti i poteri militari da parte dell’Imperatore, una grande restaurazione Dhwa. Il proclama fu respinto da Hiro Hito, influenzato dagli ambienti finanziari contro cui insorsero i giovani ufficiali presi dal loro viscerale amor di Patria. L’Imperatore ordinò all’esercito di reprimere la sedizione e dichiarò gli insorti ‘’traditori’’.

Gli ufficiali si arresero senza opporre resistenza. Due di loro fecero seppuku, sedici furono condannati a morte nel nome dell’Imperatore che volevano sottrarre al condizionamento dell’alta finanza. La vicenda del protagonista di ‘’Yukoku’’, un giovane tenente della guardia imperiale tenuto all’oscuro, dai colleghi, dell’insurrezione preparata, perché sposo, da pochi mesi, di una giovane donna di rara bellezza. Allo scoppio della rivolta fu convocato d’urgenza dal suo comando, ma, preferì disertare ed uccidersi invece che sparare ai suoi camerati che si erano’’ammutinati’’ per la Patria e per l’Imperatore. La moglie si suicidò con lui, dopo un amplesso appassionato: l’ufficiale seguendo l’antico rito dei samurai, la donna conficcandosi un pugnale in gola. Eroismo e morte eroica ricorrevano anticipando, lo scenario della fine dello scrittore. Dal racconto Mishima trasse nel 1965 un film che diresse ed interpretò. Poi scrisse, ancora ispirandosi al fatto di NI NI Roku, il dramma ‘’Il crisantemo del decimo giorno’’ (1960) e l’elegia ‘’La voce degli spiriti degli eroi’’ (1966) in cui il motivo conduttore era il perché l’Imperatore fosse dovuto divenire un comune mortale. Mishima descrisse una cerimonia shintoista immaginaria in cui si richiamavano le anime dei giovani ufficiali e dei kamikaze.

Gli uni rimproveravano all’Imperatore il rifiuto di sanzionare la loro insurrezione del febbraio ’36, gli altri di aver tradito la loro fede ed il loro sacrificio quando aveva accettato il nungen sengen, la dichiarazione di rinuncia alla sua natura divina imposta dagli americani. Con queste tre opere, raccolte in un volume nel 1970, Mishima mosse una dura critica all’Imperatore e si guadagnò l’antipatia di una certa destra, oltre che l’amicizia scontata dell’estrema sinistra. Tokyo fu migliorata per le Olimpiadi estive del 1964, nuove autostrade e del shinkansen (treno proiettile); trasformazioni della società libera, il popolo si illudeva che le colpe degli anni di guerra potevano essere dimenticate. La scena artistica esplodeva: una nuova generazione di cineasti, l’iconoclasta e radicale Nagisa Oshima, nei film ‘’Seishun Zankoku Monogatari’’ (Storia crudele della gioventù) e del ’69 ‘’Shinjuku Dorobo Nikki’’ (Diario del ladro di Shinjuku), i temi del giovane amore e della violenza, descrivendo quelli come le ribellioni contro la stabilità; soffocando la vecchia generazione, che aveva fallito in Giappone.

Masaki Kobayashi, nella sua monumentale trilogia di 9 ore, ‘’Ningen no Joken’’ (La condizione umana) del 1959-’60, descriveva la vera storia della guerra ed il suo effetto sui forzati a combatterla. La cosiddetta angura (movimento teatrale underground). Lo splendido Juro Kara, commediografo, artista in un’enorme tenda rossa, ridefinì il rapporto tra attore ed audience, ed elevò un nihilismo poetico. Minoru Betsuyaku scrisse la sua migliore opera, ‘’Zo’’ (Elefante), la storia di un sopravvissuto ad Hiroshima che vuole che il popolo giapponese non dimentichi. Shuji Terayama creò metaforicamente lavori drammatico surrealistici nel suo spazio Shibuya, Tenjo Sajiki, raccolse telespettatori nel suo giro d’Europa. Il fotografo Moriyama Hiromichi (Daido), designer grafico freelance a Osaka, usò il nuovo Giappone come soggetto centrale del suo lavoro. Il cambiamento radicale e vertiginoso del modello di società isolata e tradizionale in pratiche contemporanee, il paradosso di una cultura che considerava la trasformazione liberatoria e sconvolgente, scioccante ed irresistibile. Nel ’60 studiò fotografia con Hosoe Eiko a Tokyo e nel collettivo in scioglimento di fotografi VIVO.

Nel ’62 tramite Hosoe incontrò Mishima, di cui fu avido lettore, senza condividerne l’ideologia politica che in parte si rapportò agli interessi fotografici di Daido. Espressionista, con un erotismo intenso e oscuro ed un’inclinazione verso la drammaticità, comprese i conflitti nella società giapponese, l’accettazione della cultura occidentale dei vincitori e la ricerca di un’identità giapponese separata orgogliosamente, conflitti riecheggiati in Mishima. Daido fondeva i due mondi di Mishima: società convenzionale, proibito e tragico, usando il linguaggio popolare e diretto della fotografia. A Zushi, sobborgo di Tokyo, vicino alla base navale americana di Yokosuka, dove scattava foto istantanee nella base, con l’amico Nakahira Takuma, fotografo editore della rivista ‘’Gendai no me’’ (L’occhio moderno). Un saggio fu dedicato alla base americana di Yokosuka, importante per le sorti della guerra in Vietnam, conflitto che alimentò i sentimenti antibellici della sinistra e del movimento studentesco. Lo spirito di ribellione che spezzava i legami con la tradizione, gli ideali di democrazia e modernità.

Mentre il suo dominus Tomatsu Shomei era critico verso l’invasione della cultura americana in Giappone, senza novità e liberazione, ma con tratti sinistri e minacciosi; Daido vedeva nell’americanizzazione trasformazioni individuali, da outsider, il mondo enigmatico del teatro come vita, o Giappone come teatro. Intensificò la sua amicizia con Nakahira, intellettuale marxista vicino ai movimenti rivoluzionari studenteschi, che aveva fondato la rivista ‘’Provoke’’ nel ‘68 e lo aveva introdotto in un’atmosfera di ideali politici ed esistenziali di sinistra, che si riflessero in immagini scure, inquiete e incerte.

Nel 1967 con Yasunari Kawabata, Jun Ishikawa, Kobo Abe, Mishima firmò il manifesto contro la ‘’Rivoluzione culturale’’ cinese. Mishima in un’intervista al Sunday Mainichi nel marzo 1968, ribadì le proprie convinzioni riguardo all’Imperatore. Il kokutai, il sistema nazionale aveva cessato di esistere in conseguenza del nungen sengen dell’Imperatore. Da ciò il marasma morale postbellico. Ideale plasmato nell’ ‘’Amore per la naturalezza, gli dei nell’ideale, il culto del passato, cerimonie e cortesia come regole di condotta, nella difesa della bellezza, nella visione poetica del mondo’’. Mishima nel suo saggio ‘’Tate No Kai’’ sulla rivista inglese ‘Queen’ scrisse sulla Costituzione pacifista, di essere stanco dell’ipocrisia del dopoguerra giapponese, dato che la Costituzione pacifista era stata usata come alibi politico sia da destra che da sinistra, non credeva che ci fosse altro Stato in cui il pacifismo fosse sinonimo di ipocrisia. In Giappone il modo di vita onorato era quello di una vita senza pericoli, un po’ sinistrorso dei pacifisti e dei sostenitori della non-violenza. L’esagerato conformismo di tali intellettuali convinse Mishima che tutti i conformismi erano una iattura e che gli intellettuali avrebbero dovuto condurre un modo di vita pericoloso.

L’influenza degli intellettuali e dei salotti socialisti si era sviluppata in modo assurdo e ridicolo. Intimavano alle madri di non dare ai propri bambini giocattoli come armi da fuoco e consideravano militaresco mettersi in fila e numerarsi ad alta voce col risultato che i bambini si radunavano in modo sciolto e sfibrato come un gregge di deputati. L’azione del gruppo del Tate-No-Kai fu un atto simbolico per avviare il processo di revisione della Costituzione e la trasformazione del Jieitai in un legittimo esercito nazionale. Il fallimento apparente di tale tentativo segnò la cesura tra due mondi della Destra giapponese: quella controrivoluzionaria degli anni sessanta e quella, più autentica, nuova e radicale degli anni settanta ( Shin-Uyoku). Il Tate-No-Kai fu concepita come struttura di attacco: centinaia di uomini lottavano a mani nude contro gli studenti dello Zengakuren. Il discorso golpista supponeva la morte dell’orda di ultra sinistra e obbligare i militari ad attuare, ristabilendolo, il codice d’onore ed abolendo i costumi occidentali. Il prodursi nel 1969 di una delle più gigantesche e violente manifestazioni dell’ultra-sinistra, disciolta dagli antisommossa senza provocare una vittima, fece comprendere che tal progetto doveva avere interesse: l’imperatore non era indifeso, aveva i ‘’grigi’’ locali.

L’associazione non partecipava alle dimostrazioni di piazza ma si teneva pronta per ogni evenienza ad uno scontro decisivo con i nemici del Giappone, anche se dipendeva dal denaro e dai fondi ricavati dai diritti d’autore che Mishima percepiva dalle vendite dei suoi manoscritti. Nel 1968 Mishima era stato invitato ad un raduno della destra radicale per un dibattito, criticava il conformismo, specie quello di sinistra, scegliendo un’esistenza avventurosa, contro gli intellettuali effeminati ed il socialismo da salotto dell’èlite intellettuale. Conservava l’inclinazione militarista ed ultranazionalista dell’anteguerra. Lo spirito del samurai era estinto, perchè antiquato rischiare la propria vita per un’ideale. Prevaleva il mercantilismo liberale filoamericano, perciò gli studenti affrontavano violentemente gli intellettuali per difendere le idee ma era troppo tardi. I disordini studenteschi nelle università e nelle scuole superiori nipponiche ricordavano a Mishima gli scontri con i filosofi Sofisti, antagonisti di Socrate, che isolarono i giovani dell’agorà (piazza) che si era rivoltata. I giovani e gli intellettuali avevano il compito di vivere tra ginnasio e agorà per difendere la propria opinione con il corpo e le arti marziali oltre lo scambio delle opinioni. La strategia militare dell’invasione indiretta, la lotta ideologica finalizzata da una potenza straniera, la contesa tra chi violava l’identità nazionale e chi la difendeva; la lotta popolare sotto forma di nazionalismo o di combattimento delle milizie irregolari contro l’esercito regolare.

Nel luglio 1968, Mishima fu ricevuto dal ministro delle finanze Fukuda, suo ex compagno di università, cui espose un piano di riarmo militare e spirituale, fondato sulla tradizione patriottica e sull’esempio dei samurai. Fu deluso, mentre il Ministro della Difesa nazionale lo invitò a partecipare a grandi manovre. Nell’agosto divenne IV° Dan di Kendo e conobbe il venticinquenne Masakatsu Morita. Nel ’69 con 45 studenti Mishima effettuò un’esercitazione militare nel campo di Go Tenba. Si sottopose alle lezioni di Iai ed in tre mesi ottenne il grado di primo Dan, mentre in aprile partecipò ai campionati mondiali di Kendo, karatè, arti marziali, culto delle armi, azione, ardimento degli antichi samurai, preparandosi ad un’eventuale ipotetica lotta armata.

Il 13 maggio 1969 Mishima fu invitato all’Istituto di Cultura Generale all’università di Tokyo, presso la città universitaria di Komaba, ad un dibattito sulla terra madre, organizzato dal movimento studentesco di estrema sinistra Zenkyoto, rifiutando la protezione della polizia e dei suoi cadetti del Tate No Kai, insultando i suoi ospiti. Prese coraggio: davanti agli stessi studenti che avevano già dimostrato, prendendo degli ostaggi. Il giorno del dibattito, comparve all’entrata della sala, da solo. La sua sola protezione era il haramaki tradizionale, la lunghezza del panno di cotone fasciata strettamente intorno allo stomaco per deviare la spinta della lamiera di un ipotetico assassino. Nella sala duemila studenti stavano ascoltando la discussione. All’entrata vi era un manifesto che annunciava il dibattito, con una caricatura di Mishima come ‘’gorilla moderno’’. Mishima durante il suo dibattito con gli allievi di Zenkyoto indicò: ‘’ero nervoso al momento come se stessi entrando nella tana del leone, ma io l’ho goduta molto, dopo tutto. Ho trovato che abbiamo un mucchio di cose in comune – un’ideologia rigorosa e un gusto per la violenza fisica, per esempio. Sia loro che io rappresentiamo oggi la nuova specie nel Giappone. Ho conservato la loro l’amicizia. Siamo amici fra cui v’è un recinto di filo.’’

La conversazione fu nel complesso pacifica, sia pur interrotta da fischi ed esclamazioni di dissenso, Mishima espose le sue osservazioni ed asserzioni di stima per il movimento studentesco, cercando di dirottarne l’attenzione sulla necessità di un ritorno alla Tradizione, intesa in senso impersonale, per vendicare l’onore della figura dell’imperatore, della patria e del popolo nipponico nella decadente e corrotta società consumistico-liberale del Giappone yankeezzato. All’università di Tokyo Mishima affrontò coraggiosamente gli studenti in rivolta, nel tentativo di incontrare il rettore, tenuto prigioniero. Mishima era l’unico scrittore di ‘’estrema destra’’ in Giappone, mentre i professori universitari, gli studenti ed il mondo dell’editoria erano vicini al Partito Comunista Giapponese o segretamente si imboscava nelle istituzioni. Appellandosi alle tradizioni tradite, Mishima incitò gli studenti a risvegliare l’antico orgoglio dei guerrieri per i valori tradizionali che il processo di modernizzazione aveva cancellato. Il fanatismo, la ricerca dell’estetica della morte tragica, doppio suicidio per amore e follia, divennero un ossessione dominante, parabola tipica della tradizione Zen. Mishima non fu fascista o imperialista, ma lealista e nazionalista di estrema destra. La fedeltà al proprio Signore o Shogun (generale) dei cavalieri (Daymos o Signori) della nobiltà guerriera in epoca feudale nel XII secolo, strumenti di potere degli Shogun fino alla restaurazione imperiale Meiji del 1868, dopo la sconfitta, conseguente combattimenti secondo ferree regole di lealtà ed onore del codice d’onore dei guerrieri Bushido, qualora fossero in procinto di essere catturati, si davano la morte.

L’azione significava espiare, riparare, un esame di coraggio psichico ed una forma, degna di rispetto. Il guerriero Bushi, dopo una formazione psicologica del samurai, accettava la morte liberamente come scelta di un’azione più nobile e bella dell’essere umano. Nei secoli successivi l’atto fu comandato dai superiori dell’esercito nipponico a chi violava gli ordini o tradiva. Presso gli ufficiali, significava auto immolarsi per una causa superiore; come, poi, i piloti dei bombardieri dei caccia ‘’zero’’ giapponesi che si gettavano in picchiata sulle navi da guerra, durante la Seconda Guerra Mondiale, i Kamikaze, (‘’Vento degli dei’’, termine derivato dal tifone che salvò il Giappone dall’invasione della flotta mongola, affondandola, nel 1821), esempio dell’idea fissa di eroismo nella guerra del Pacifico. La purezza, l’ardimento, il sacrificio di giovani corrispondevano a modello leggendario di eroe, ed il loro fallimento e la loro morte li trasformava in autentici eroi. Scrivevano poesie e si equiparavano a maestri di spada, gareggiando fra loro per il primato nel combattimento ravvicinato uno contro uno, facendo gare di merito per ricevere onori massimi. Lo spirito dei samurai era corrotto e deformato a causa della debolezza militare delle forze armate giapponesi.

Un proverbio giapponese, estrapolato dal ‘’Mutsuwaki’’, cronaca di guerra di un autore sconosciuto (1051-1062), ammonisce che ‘’Il valore della vita, nei confronti del proprio dovere, ha il peso di una piuma’’. Il pilota kamikaze sull’attenti recitava la massima del ‘’Mutsuwaki’’: ‘’Adesso abbandono la mia vita, per la salvezza del mio Signore. La mia vita è leggera come la piuma di una gru. Preferisco morire affrontando il nemico, piuttosto di vivere voltandogli le spalle’’. Il Corpo dei kamikaze ha rappresentato un fulgido esempio di sprezzo della morte, l’incarnazione degli alti valori morali dei Samurai, per la Destra giapponese quella che fomentava ed auspicava un ritorno alle tradizioni del paese, imbarbarito dall’occidentalizzazione.

Nel 1938 fu decretata la legge per la mobilitazione nazionale e due anni dopo, il 27 settembre, fu concluso tra il Giappone, la Germania e l’Italia il Patto Militare tripartito, detto ‘’Ro.Ber.To.’’ (Roma-Berlino-Tokyo). Tutte le fazioni di destra si erano unite ed il paese fu avvolto in fervori nazionalistici, nel culto del Divino Imperatore, nell’ultrapatriottismo e nel militarismo. Non solo il popolo giapponese, con la sua educazione confuciana ed il culto di antica data per qualsiasi modello guerriero, non tentò nessuna seria resistenza al nuovo sistema, ma si mostrò ebbro di questo ideologico sakè vecchio e nuovo.

Le organizzazioni politiche di destra usarono, fin dai tempi bellici, i piloti kamikaze, come simbolo di un Giappone militaristico, colonialista ed estremamente nazionalistico, ultra-nazionalistico; la maggior parte dei giapponesi odierni, vedono il soggetto con ignoranza e come un falso stereotipo, commentandolo con toni negativi e di scarsa simpatia. Il Fascismo giapponese non fu eguale al Fascismo italiano o al Nazionalsocialismo tedesco, ma peculiare per il differente ‘’modus cogitandi’’ nipponico. Per designare questo periodo impregnato di totalitarismo si preferiva usare i termini ‘’Nihon-shugi’’ (Giapponismo, termine vago utilizzato da fonti nazionalistiche per enfatizzare l’unicità e superiorità di ciò che è politica, cultura e società giapponese) e ‘’Tenno-Sei‘’ (Sistema Imperiale o ‘’Fascismo Tenno Sei’’ o Fascismo militarista’’). Lo studioso F. Mazzei: ‘’la nascita del fascismo giapponese appare un fatto più naturale o per meglio dire ‘’meno patologico’’ che non in Italia e in Germania’’.

I capi nipponici avevano una istruzione formale ‘’top’’conseguita in università imperiali e/o Accademie Militari Imperiali; erano ‘’drogati’’ unicamente di devozione al loro Imperatore/Dio. Per i piloti kamikaze si addice il motto inscritto sulla lapide in ricordo della battaglia africana di El Alamein in Egitto: ‘’Mancò la fortuna, non il valore’’, che conta in positivo per il culto per la bellezza della sconfitta. Durante il Regno dell’Imperatore Showa, (1926-‘45), Hiroito, Principe della Corona, l’esercito divenne la vera autorità, la presenza dell’Imperatore era quella di un Dio e la Sua fu una figura più religiosa che politica. Nelle poesie ‘’Haiku’’ scritte dai piloti kamikaze, l’Imperatore era nominato alla prima riga.

La struttura sociale e gli schemi di pensiero ed azione dei secoli precedenti dominati dai guerrieri storici giapponesi non si estinsero dopo il 1945, anzi perdurarono sotto altre forme, nel governo, nel mondo affaristico capitalista, nel sistema educativo, nella vita sociale, con la teoria de’ ‘’Il libro dei Cinque anelli’’ del samurai Myamoto Musashi, scritta nel XVII secolo, fondatore della scuola delle ‘’due spade’’. Mishima condivideva con l’estrema sinistra una forma di protesta contro l’americanizzazione cruenta ed il capitalismo del Sol Levante. In lui arti marziali, filosofia e spiritualità si fondevano permettendo all’individuo di raggiungere la perfezione nel Bushido.

Era fra gli ultimi rappresentanti della cultura, della storia e delle tradizioni giapponesi e del culto dell’imperatore, con la battaglia combattuta fino alla morte. Un ponte, confronto/scontro fra due weltanschauung accomunate da un parallelismo di due sponde, due rive di un medesimo fiume vitale che come due rette in geometria all’infinito si incontrano, nel frattempo potevano esplorare insieme un percorso omogeneo o simmetrico nel reciproco rispetto per un futuro fulgore per entrambe. Mishima aveva speso appieno la sua vita in militanza sulla terra per épater le bourgeois, elevando alla massima potenza la sfida all’opinione pubblica che solo Tanizaki aveva tentato. Nelle università i giovani studenti erano in agitazione, specie a Tokyo, nel movimento studentesco in lotta, lo Zengakuren (non ancora Zengakuren Zenkyoto). L’azione politica dello Zengakuren presentava una sorta di tensione artistica. Gli studenti aderenti mescolavano i loro sogni infantili al mondo degli ideali e della politica. L’insoddisfazione, da cui nasce anche l’arte, è comune a ogni rivoluzione, anche se coronata da successo.

La rivoluzione o risolvere con metodi violenti i problemi in cui il popolo si dibatteva a causa delle contraddizioni della società, sognava un ordine ideale, da instaurare dopo la rivoluzione. La passione rivoluzionaria esigeva l’esistenza di irrefrenabili tensioni vitali, di miseria, di terribili contraddizioni sociali di particolari condizioni contingenti. La figura dell’uomo politico ligio al mantenimento dell’ordine degenerò nel simbolo di un tedioso e grigio conformismo, privo di alcun attrattiva. La passione rivoluzionaria diede inizio ad un’azione violenta in un anarchismo caotico, non supportato dalla presenza di atroci contraddizioni sociali o di un’effettiva miseria.

La rivoluzione propugnata dagli studenti non era ispirata da alcun principio in grado di suscitare la simpatia delle masse. Quest’idea rivoluzionaria si propagava nel mondo, trascinando nel vortice della confusione e della rivolta ogni paese. La tendenza a proiettare nel mondo dell’azione concreta aspirazioni che andrebbero rivolte all’arte, incapace di soddisfarle, riverberando le sue inquietudini esistenziali sulle angosce della società; saggia la vita producendo artificialmente uno scontro con la morte, a testimoniare tali esigenze con un’azione di lotta. Una simile artificiosa condotta politica non si limitava al nazismo tedesco ma si era diffusa nel mondo. La trasformazione politica dell’arte, la metamorfosi artistica della politica. Se l’arte è un sistema innocente, l’azione politica ha come suo principio base la responsabilità. L’azione politica è valutata in base ai risultati, è ammesso un movente egoistico ed interessato, purchè conduca a splendidi risultati; al contrario un’azione ispirata a un principio etico, che approdi ad un esito atroce, non esime chi l’abbia compiuta dall’obbligo di assumersi le proprie responsabilità. La situazione politica moderna ha introdotto nella sua sfera d’azione l’irresponsabilità dell’arte, riducendo la vita ad un concetto fittizio; ha trasformato la società in un teatro, il popolo in una massa di spettatori televisivi, producendo la politicizzazione dell’arte; l’azione politica non assurge all’antico rigore della concretezza e della responsabilità.

Le battaglie di fronte alle barricate nell’edificio Yasuda, all’Università di Tokyo, suscitarono l’interesse di una moltitudine di telespettatori, stanchi del solito sceneggiato. Uno spettacolo in cui gli attori scrissero sui muri ‘’Moriremo magnificamente’’, ostentando risolutezza all’atto estremo, ma non morirono, si arresero alla polizia. Nel moderno Giappone ci si adattava ai criteri della maggioranza senza vita militare, sopravvivendo all’iter per la formazione di casa e famiglia.

Lo Zengakuren radicalmente si mostrava audace ed affrontava energicamente la polizia, che reagiva pacatamente. Nè coraggiosi veri né codardi. La vita si confrontava con la morte. La teoria dell’azione, che definisca il limite fra situazione normale e di emergenza. Una tensione spirituale continua nel corso degli eventi quotidiani, la tensione nell’attendere virilmente il pericolo, nel rispetto delle regole morali di etichetta. Gli studenti che partecipavano a dimostrazioni politiche e si opponevano al governo, benché si ribellavano al potere, esigevano nei reciproci rapporti un rigoroso rispetto delle differenze gerarchiche tra studenti di classi superiori e inferiori. Apprendevano che ovunque agiva il desiderio di potere, la volontà di affermare un dominio, s’imponeva un’etichetta, un codice di comportamento, seguendo il quale si accresceva la propria autorità. Etichetta o comportamento secondo buona educazione esaltava la virilità negli uomini, per obiettivo di conquista. Le regole velavano il radicale antagonismo tra i partecipanti per la vittoria. L’etichetta è la corazza che difende l’uomo vero. L’autocontrollo e le norme di comportamento esaltano la bellezza virile.

Esaltavano lo spiritualismo della filosofia dell’azione dei giapponesi. La sublimazione di un egocentrismo prossimo ad un super-Io nietzschiano nel seppuku, contro il Giappone annichilito e corrotto, inserito nell’inquieta ricerca dell’autentica vitalità della sua carriera, in cui vita e opera letteraria, aspetti inscindibilmente legati, spingendolo a definire i suoi ultimi anni come ‘’Fiume dell’azione’’, che con prosa, teatro e corpo convergevano nell’Universo Mishima. Lo spiritualismo giapponese disprezza il corpo, diversamente dall’edonismo materialistico americano. Mishima viveva in un punto equidistante tra due stereotipi estremi di due diverse civiltà. La passione è il contrario del piacere, nel sesso. Provoca sofferenze e rischi gratuiti; nei giovani il desiderio sessuale si trasforma in passione, mentre negli adulti diviene piacere. I moderni liberano il sesso dalla passione, il piacere richiede denaro.

Gli adulti erroneamente definivano i movimenti studenteschi dello Zengakuren come un’inevitabile conseguenza dell’abolizione delle case chiuse. Il movimento studentesco divenne sempre più estremista, essendo influenzato dalla Nuova Sinistra, effettuando manifestazioni violente, con il lancio di bombe incendiarie, occupava le università che chiudevano, lottava contro il coinvolgimento del Giappone nella guerra degli U.S.A. in Vietnam nel 1961, contro la corruzione dei funzionari delle università e la crescita della spesa per l’istruzione controllata. Nel 1968 l’imponente movimento partecipò alle proteste ed alle occupazioni universitarie e delle scuole secondarie superiori, essendo costituito da studenti, docenti, personale non docente, ricercatori universitari, assistenti universitari, alcuni professori di ruolo, costituendo la Commissione d’Interfacoltà di lotta, Zenkyoto. Vi furono pure attacchi e scontri violenti con la polizia all’ambasciata U.S.A., poi l’ala più estrema degli studenti formò l’Armata Rossa Sekigun-ha, organizzazione clandestina armata nata nel 1969 dalla fusione di quattro gruppi studenteschi della sinistra rivoluzionaria: Chukaku; Kuhohern; Kehin Ampo; Kakam aru. Di ispirazione maoista ed antiamericana, per la rivoluzione proletaria in Giappone e, poi, internazionale con la Nihon Sekigun nel 1971 o strettamente nazionale con l’Armata Rossa Unita o Rengo Sekigun, organizzazioni terroristiche.

Un nuovo modello sociale dal 1967; polemiche prosperarono ed incoraggiarono una consapevole comunità di cittadini; l’agitazione nel mondo aveva scosso il Giappone. La guerra in Vietnam fece detonare le dimostrazioni di massa. Ad ottobre 1967, uno studente fu ucciso all’Aeroporto Haneda durante la protesta Zengakuren contro la visita del Primo Ministro Eisaku Sato al Sud Vietnam. Nel 1968, 3000 lavoratori dimostrarono all’Aeroporto di Osaka contro l’uso militare americano delle strutture.

Da maggio 1968, più di un milione di persone marciarono a Parigi, il governo francese barcollava. Il governo Dubcek in Cecoslovacchia stava dando un volto umanitario al comunismo fino all’invasione dell’U.R.S.S. e allo strappo della facciata per sbriciolarla in agosto . Molte persone giapponesi riconobbero che, dal 1968, con un secolo trascorso dalla Restaurazione Meji, l’economia stava esplodendo, accompagnata da bizzarre predizioni di un Giappone diveniente n.1 nel mondo. La società giapponese si riformava con democratiche linee, creando un sistema di due partiti e una struttura di stato assistenziale. Il governo arco – conservatore di Eisaku Sato, rieletto nel febbraio 1967 e poi di nuovo nel gennaio 1970, diede il messaggio al popolo giapponese: mai tanto benessere.

La logica della classe dirigente pretese un ulteriore sacrificio dal popolo, la repressione continua della libertà individuale ed il bene sociale liberalizzato negli interessi di uno sviluppo industriale. Il collasso del sogno del 1960 di un più aperto e socialmente tollerante Giappone, scatenò le lotte interne al movimento studentesco. Il movimento stava soccombendo all’anarchia ed alla devastazione, poi il Giappone assunse un altro corso, incanalando un remissivo e conforme popolo nelle mani di un governo determinato ad arretrare ai ‘’buon vecchi tempi’’, quando l’orgoglio nazionalistico dominava la coscienza della nazione. La massa compatta e armata di lunghi bastoni di Zengakuren, studenti organizzati dell’estrema sinistra, resta un’immagine indelebile del carattere nazionale e di massa di quelle lotte sessantottine. Nel ‘70 erano organizzati in gruppi che poi lo stato smontò abilmente e fece sparire.

Un poderoso movimento studentesco, contadino e operaio, patriottico (Mishima), rosso e rivoluzionario, che nessun partito socialista e comunista riuscì a comprendere, contenere e guidare, combattè per oltre 20 anni, dalla fine degli anni 50 alla fine degli anni 70, per non immolarsi di fronte allo sfruttamento del lavoro intenso, ‘’sviluppo economico’’. Il Giappone era nel 1968 il paese della coscienza critica e delle manifestazioni ordinate in fila indiana. La società del dissenso si arrese quarant’anni fa senza ritrovare il filo del discorso.

La guerra in Vietnam, in quel periodo migliaia e migliaia di persone scesero in piazza a Shinjuku per protestare contro il passaggio quotidiano di treni che trasportavano armi che sarebbero servite per uccidere delle persone. Gli studenti rivoluzionari persero tutte le battaglie: l’inquinamento e la cementificazione completi del paese furono incoraggiati; venne aperto il famigerato aeroporto di Tokyo di Narita incaricato di bombardare il sud est asiatico palesemente e segretamente, le organizzazioni sindacali falcidiate, il partito liberaldemocratico andò al governo a vita. Il ’68 giapponese fu il più difficile da domare e cercò di spazzare via ciò. Immolarsi in cambio della fine di quell’osceno spettacolo, fu un estremo gesto artistico-metaforico di combattimento, diventato realtà. Il Giappone dei ribelli si sviluppò e la sua tragica fine venne dopo la sconfitta del movimento rivoluzionario in Asia, con una svolta autoritaria e terroristica di una parte del movimento nipponico della sinistra rivoluzionaria, lo Zengakuren.

Un movimento articolato e complesso, che anticipò lucidamente e di circa un decennio, il ’68 mondiale, come nel film di Nagisa Oshima ‘’Notti e nebbie del Giappone’’, che indicò nella generazione dei dirigenti formati dallo stalinismo, deviazionisti compresi, l’origine della malattia mortale del ‘’comunismo’’. Prefigurandone ambiziose e transnazionali ‘’lunghe marce’’; 112 università occupate ed in rivolta, migliaia di arresti, morti, feriti (da ambo le parti, ma era sempre una ad attaccare), battaglie campali cruentissime, di cui una avvenuta nei sotterranei della metropolitana di Tokyo. Attacchi alle stazioni di polizia. Scontri violenti. Bombe molotov. Fazzoletti sul viso e travi di legno in mano. Sovversione e rivoluzione, proteste.
Il 21 ottobre del 44° anno dell’era Showa (‘’Armonia illuminata’’), 1968, una dimostrazione pacifista, l’ultima prima del viaggio in America del Primo Ministro, fu soffocata dalle forze schiaccianti della polizia.

Centinaia i feriti e gli arrestati. Mishima ne fu testimone nel quartiere di Shinjuju (Tokyo); travestito da reporter della sezione domenicale del quotidiano di notizie ‘’Mainichi Shimbun’’, ne provò rammarico. La sua preoccupazione era di osservare se c’era stata ‘’escalation nelle armi che la parte di sinistra ha avuta a disposizione’’. Seguì la calca degli studenti per la via principale del distretto di Shinjuku, scorrente veloce avanti ed indietro per osservare le esplosioni di violenza che descrisse sui suoi notecards, fino alla residenza del primo ministro, che fu circondata. Mishima, coscientemente o non, limitò la sua comprensione delle questioni politiche e degli eventi; il fatto è che i suoi punti di vista erano poco relazionabili con la realtà che la politica stava ponderando. In tal modo capiva che non era possibile far cambiare la Costituzione. Il governo si era reso conto dei limiti delle forze dell’estrema sinistra, dalla reazione del popolo verso l’intervento della polizia, non dissimile a un coprifuoco, trasse la sicurezza di poter riuscire a controllare la situazione, senza la questione dell’emendamento alla Costituzione.

La polizia fu sufficiente a mantenere l’ordine pubblico e le strutture politiche. Contenere ed arginare questa energia rivoluzionaria per i politici era quasi impossibile leggi speciali furono promulgate dallo stato incapace di stare al passo coi tempi. Il 19 gennaio 1969, 850 poliziotti della squadra antisommossa munite di armi fino ai denti aveva respinto gli operai e gli studenti fuori dalla costruzione in cui erano asserragliati. Mishima aveva osservato con ammirazione il confronto/scontro per la determinazione degli Zengakuren. Ma quando il corso Yasuda cadde nelle mani della polizia senza la morte di neanche uno studente, fu disgustato ‘’Osservate e ricordate disse ai suoi cadetti, ‘’quando il momento finale è venuto, non c’era uno di loro che ha creduto in ciò che corrispondeva sufficientemente per lanciarsi da una finestra o per suicidarsi con la spada’’. Enfasi autodistruttiva. Fu un fenomeno imponente, rabbioso, energico, in Giappone come nel resto del mondo. Il Giappone aveva il suo gruppo di studenti radicali che dalle proteste pacifiche transitarono al terrorismo mentre al loro interno conducevano epurazioni sanguinarie, origine, sviluppo e tragica fine del movimento armato rivoluzionario in Giappone.

Nella grande ondata di mobilitazione spoliticizzata, non appartenente a nessun partito politico, nacquero vari gruppi rivoluzionari di ispirazione comunista, in contrasto fra di loro, la Sekigun-ha (Armata Rossa) di cui negli anni ’70 la società non capiva cosa fosse: una rotella impazzita ed armata dell’ingranaggio. Fusako Shigenobu, figlia di un professore di scienze militante di un gruppuscolo di estrema destra prima di aderire al Partito Comunista Giapponese, membro fondatrice della Sekigun-ha, nel 1971 sarebbe andata in Libano dove avrebbe fondato la Nihon Sekigun (Armata Rossa Giapponese), divenne il più famoso di questi gruppi radicali, legato all’etica samurai nel suo programma, autore di numerosi atti di terrorismo che durarono circa venti anni. Un movimento di protesta e di genuina rivolta trasformatosi in un massacro ed in una occasione perduta. Del gruppo internazionale, una parte dirottò un aereo e si spostò in Corea del Nord, un’altra parte si trasferì in Palestina e in Libano. Il governo giapponese spera di poter fare estradarne dalla Corea del Nord numerosi membri che vi hanno trovato rifugio.

Tale questione è al cuore delle difficoltà diplomatiche tra Pyongyang e Tokyo. In Giappone rimase la manovalanza del gruppo che si unì ad alcuni membri fuoriusciti dal partito comunista formando l’Armata Rossa Unita (Rengo Sekigun). Questo era il comune modus operandi dell’estrema sinistra di quegli anni, incluse le Guardie Rosse cinesi. Mori, Nagata, e i loro alleati seppero dare un indirizzo nipponico alla loro inquisizione interna; atti di bullismo verso di chi offendeva in qualche modo l’armonia (wa) del gruppo. Da questo immane confronto una cellula di emme-elle ultradogmatici formò una struttura clandestina istigata alla lotta armata, costola dell’Esercito Rosso Giapponese che, rapito un ministro, poi liberato, dopo il placet a negoziare il riconoscimento dell’avversario politico, in cambio della fine di ogni azione armata in patria, ottenendo lo scambio dei prigionieri e l’Armata Rossa spaccata in due, con, in parte, il proprio esodo internazionalista in Palestina. Tale parte andò a combattere in Palestina al fianco del PFLP, Fronte Popolare per la Liberazione della Palestina, di indirizzo marxista-leninista, introducendo l’opzione kamikaze che ha sinistre appendici attuali. Dall’Armata Rossa nacque l’Armata Rossa Giapponese che spostò il suo interesse a livello internazionale; comprendeva esponenti del mondo artistico giapponese quali i registi Koji Wakamatsu, fiancheggiatore, ed il surrealista Masao Adachi (Fukuoka 1939), scrittore ed ex membro dell’Armata Rossa Giapponese, assertore della sovranità delle masse, che leggeva autori sovversivi marxisti-leninisti o tradizionali come Mishima. Ci fu, poi, una propaganda dei media contro i movimenti studenteschi di sinistra.

Adachi soggiornò molti anni nei carceri libanesi ed israeliane, fu estradato ed agli arresti domiciliari in Giappone, dove vive da qualche anno in stato di semilibertà. Amici di Genet, novello Orfeo sui cui nuovi valori selvaggi: il male per il male, l’uomo delle metamorfosi capace di trasformare la sofferenza nel suo contrario, la sovversione superiore della scrittura. Mishima gli aveva dedicato un saggio nel ’56. Nel 1967 Genet in Giappone partecipò alle campagne antimilitariste contro l’attracco delle portaerei militari americane nel porto di Sasebo, si impegnò nelle manifestazioni per i contadini di Sanrizuka, protestò contro un progetto di esproprio delle terre, fu coinvolto negli scontri studenteschi, al fianco degli Zengakuren, verso cui Mishima provava una passione iconoclasta. Nel 1960 alcuni studenti avevano risvegliato la loro coscienza e si erano addentrati nel movimento studentesco dello Zengakuren per poi arruolarsi nella destra nipponica nazionalista, la Kadoka, che appoggiava la figura imperiale, riconducibile alla rivolta del 26 febbraio 1936. Nel movimento studentesco militavano anche elementi di estrema destra, che avrebbero preso una deriva terroristica o con un complesso atteggiamento psicologico.

Le autorità dell’ultra destra e gli ‘’amici’’ di Mishima in Parlamento, nelle grandi Zaibatsu, (concentrazioni industriali, commerciali o finanziarie), e nella Yakuza, mafia giapponese, si rivolgevano all’Occidente nella corsa al benessere economico. A fianco della polizia, i ‘’crumiri’’ che picchiavano gli studenti e gli operai dello Zengakuren erano degli Yakuza ed i basuzoku, teppisti motorizzati. Del resto Mishima parlava di sottotenenti dell’accademia militare, che sentendosi prima di tutto militari professionisti, aristocratici o meno, ufficiali o semplici militari, tecnici neutrali; qualora il comunismo fosse giunto al potere in Giappone, avrebbero continuato a svolgere senza problemi la loro attività nella costituenda Armata Rossa. Era la base dell’istruzione militare nell’Accademia militare.

Genet si lasciava alle spalle ‘’il mondo ebraico-cristiano’’. Giappone, Palestina e Marocco furono un fulcro nell’opera di continuo spaesamento di Genet, dalla fine degli anni Sessanta, dopo il suo incontro con il Maggio francese e con i palestinesi, il suo scontro con Sartre. Il materialismo ossessivo assunse la forza di un disperato misticismo, che accomunava Genet e Mishima, entrambi alla quiete di Andrè Gide. Legati da un’esistenza segnata dal rifiuto e da un’opera cresciuta sotto l’ombra del desiderio di morte, il sesso istituiva per loro un vincolo a cui si legarono, per tenere a bada la morte. Se Genet si liberò di Gide, Mishima non si liberò di Genet. Generiche le accuse di antisemitismo, di ‘’mistica del vuoto’’ o di ‘’estetica fascista’’ dallo storico psicologizzante Ivan Jablonka.

Mishima non fu il cantore romantico della bella morte antica, ma il profeta della rinascita spirituale. I detrattori di Mishima gli rimproveravano le simpatie verso la destra ed il culto della forza, l’essere il jolly dell’imperatore, il narcisismo, il suo nichilismo, di essersi procurato una morte senza senso, tra un’etica normativa ed il nulla. Nell’ottica tradizionale dell’antica cultura del Sol Levante, dei samurai, dei guerrieri dell’onore, il suo sacrificio fu il ‘’suicidio del guerriero’’ per il disgusto provocato dalla mancanza di vigore per l’integrità del Giappone contemporaneo rispetto al retaggio culturale. Un gesto estremo, espressione psicologica dello spirito tradizionale giapponese, che fece riscontrare un fascino dovuto al suicidio rituale. Artista del culto dell’onore, della bellezza, della morte sensuale ed eroica, usò la società mediatica e ne fu usato, divenendo mito, icona, emblema. Sacrificio supremo gettato in faccia all’abominevole modernità demistificatrice del mito, disprezzo delle forme del sacro, esaltando il pubblico di fronte al privato nel nome di valori spirituali della tradizione. La postmodernità è la ‘’via della ‘’mano sinistra’’ del tantrismo e della ‘’legge degli opposti’’, che non è destra né sinistra. Non è conservatrice né rivoluzionaria, contiene e nega la modernità, né rivendica lo spirituale del tempo né esalta l’impostura della modernità; non difende la leggenda del passato, né la modernità nella modernità.

L’eroe postmoderno è innovatore, attualizza l’arcaico, l’eterno, l’immortale nell’effimero, spirituale stadio di purezza. Creazione verso l’assoluto, Dio nell’inferno vitale terreno. Il mito della bella morte, la nobiltà della sconfitta che gridava al vento della storia l’estrema rivolta ideale di chi non si rassegnava a cavalcare la tigre di ogni intramontabile nozione di assoluto; quel volto contratto a pronunciare parole prive di senso contro la perdita dello ‘’spirito nazionale’’ e contro la ‘’condizione di vuoto’’ in difesa dell’ ‘’onore’’ e dell’ ‘’esistenza dello spirito’’. La forza del passato mostrava il volto peggiore, normativo, autoritario, un samurai esausto, stanco di lottare, incurante del ridicolo. Un blocco di marmo ultranazionalista e reazionario, simbolo e sintomo di reazione alla decadenza.

La dicotomia tradizione-moderno in quanto figlio del Giappone costretto a rinnegare il proprio passato ed a subire la cultura del vincitore. L’idea di Mishima esulava il patriottismo europeo, il suo culto per la figura dell’Imperatore era un’idea trascendente tipo quella di Julius Evola e le sue idee in materia di tradizione che non ad un comune nazionalista. Intervistato dal critico marxista Takashi Furubayashi, Mishima ribadì che nel mondo attuale la forza era denigrata, per cui l’etica di coloro che cercano di essere forti è disprezzata. ‘’Azione’’ sintetizzata nel suo pensiero ‘’desidero dare me stesso fino alla morte e, pur avendo la mia età, non essere da meno dei giovani che mi circondano’’.

 

 


Antonio Rossiello

22/11/2009

The Grand Strategy of the Byzantine Empire

luttwak.jpgThe Grand Strategy of the Byzantine Empire

"In this book, the distinguished writer Edward Luttwak presents the grand strategy of the eastern Roman empire we know as Byzantine, which lasted more than twice as long as the more familiar western Roman empire, eight hundred years by the shortest definition. This extraordinary endurance is all the more remarkable because the Byzantine empire was favored neither by geography nor by military preponderance. Yet it was the western empire that dissolved during the fifth century. The Byzantine empire so greatly outlasted its western counterpart because its rulers were able to adapt strategically to diminished circumstances, by devising new ways of coping with successive enemies. It relied less on military strength and more on persuasion--to recruit allies, dissuade threatening neighbors, and manipulate potential enemies into attacking one another instead. Even when the Byzantines fought--which they often did with great skill--they were less inclined to
destroy their enemies than to contain them, for they were aware that today’s enemies could be tomorrow’s allies. Born in the fifth century when the formidable threat of Attila’s Huns were deflected with a minimum of force, Byzantine strategy continued to be refined over the centuries, incidentally leaving for us several fascinating guidebooks to statecraft and war.

"The Grand Strategy of the Byzantine Empire is a broad, interpretive account of Byzantine strategy, intelligence, and diplomacy over the course of eight centuries that will appeal to scholars, classicists, military history buffs, and professional soldiers."

Edward N. Luttwak, The Grand Strategy of the Byzantine Empire, Cambridge, MA, Harvard University Press, 2009.

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Nations et nationalismes (E. Hobsbawm)

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Nations et nationalismes (E. Hobsbawm)

« Nations et nationalisme » est un recueil de conférences prononcées par l’historien Eric Hobsbawm en 1985.

Hobsbawm_Eric.jpgPour Hobsbawm, la nation est un mystère. Tant qu’on ne nous demande pas ce que c’est, nous le savons. Dès qu’on nous le demande, ça devient beaucoup moins évident. Aucune définition de « la nation » n’est valable pour toutes les nations et à toutes les époques – et certaines nations n’ont même pas de définition spécifique à un instant « T » : elles existent, mais personne n’arrive à dire ce qu’elles sont. En fait, le seul moyen de vérifier qu’une nation existe, c’est de s’assurer qu’il existe des gens, assez nombreux, qui estiment lui appartenir.

Le nationalisme paraît plus clair à Eric Hobsbawm. C’est une doctrine qui exige, en substance, que l’unité politique et l’unité nationale se recouvrent. En ce sens, la nation est, à ses yeux, indissociable au fond de l’Etat-nation (soit comme réalité, soit comme revendication). De fait, une nation se reconnaît au fait que des gens estiment lui appartenir et veulent défendre (ou instituer) un Etat qui la recouvre. Donc, pour dire les choses simplement, aux yeux d’Eric Hobsbawm, le nationalisme crée la nation – et non l’inverse. Et donc, puisque le nationalisme est un produit de la modernité, la nation (au sens où nous l’entendons aujourd’hui) est une notion moderne.

 

*

Cette définition de la nation s’est constituée progressivement, par un glissement sémantique étalé sur plusieurs siècles. La nation est, au départ, formée par les gens issue de la même lignée. C’est une manière de classer les gens racialement – par un ancêtre commun, ou un groupe d’ancêtres communs. Le concept est moins éloigné qu’on pourrait le croire de celui de patrie : pendant longtemps, être né à un endroit impliquait presque systématiquement qu’on descendait de gens eux-mêmes nés à cet endroit. Au début du XVIII° siècle encore, la nation désigne, dans la plupart des pays européens, une « petite patrie » dont on est issu par le lieu de naissance et, généralement, par le sang.

Au cours du XVIII° et surtout du XIX° siècle, progressivement, la nation émerge dans un sens nouveau : elle est une collectivité unifiée par l’Etat. Ce sens nouveau relègue  l’ancien signifié « nation » au signifiant « province ». Il y a déplacement du contenu des mots : le terme « nation » est en quelque sorte capturé par l’Etat, ce qui impose que, pour décrire l’ancien concept, on déplace insensiblement le périmètre d’un autre concept, « province », afin de lui donner un sens légèrement modifié. Amorcé sous la Révolution Française (très ambiguë sur la question nationale), ce jeu de translations conceptuelles est généralisé à l’Europe par les révolutions de 1830. La nation devient l’ensemble des membres d’une même nationalité, qui sont supposés désirer être dirigés par une partie d’eux-mêmes (Stuart Mill). Une assimilation non dite se constitue entre Etat, nation, peuple, et Peuple Souverain.

Dans une très large mesure, comme le montre Hobsbawm, il s’agit là d’une ruse conceptuelle : on permet, en créant un champ sémantique peu ou mal balisé, l’enclenchement d’un processus flou, un peu comme une mécanique dont les pièces s’ajustent les unes aux autres grâce au jeu excessif qu’on a toléré initialement, et qu’on réduit ensuite peu à peu. En France, par exemple, la « nation » des révolutionnaires est d’abord un concept purement politique (le Peuple Souverain, incarné dans l’Assemblée Législative), qui se teinte très vite d’une forme d’ethnicisme non racial, car fondamentalement linguistique (est français qui parle français et reconnaît le pouvoir de la Convention). Il y a donc une assimilation implicite entre nationalité (linguistique) et souveraineté populaire, assimilation dont le propos réel est de cautionner l’Etat, figure centrale du triptyque.

Le XIX° siècle est consacré en Europe à la généralisation de cette formule de pensée (en Allemagne, de 1813 à 1871 ; en Italie, de 1848 à 1865 ; en Autriche-Hongrie, en 1867, en Pologne, à partir de 1830). Cette généralisation recouvre toujours à peu près, au fond, les mêmes mécanismes profonds : le principe national s’impose parce qu’il permet à la bourgeoisie (alors nationale) de stabiliser le mouvement révolutionnaire (la nation détruit ou transforme le royaume, donc l’aristocratie, tout en interdisant la prolongation du mouvement jusqu’à la révolution prolétarienne). Sous cet angle, la nation du « nationalisme bourgeois » est un leurre (en lisant Hobsbawm, ici, on pense inévitablement au chef d’œuvre de Visconti, « Le guépard »).

Concrètement, au XIX° siècle, apparaît ainsi peu à peu, par un mélange de flou savamment entretenu dans le champ politique et de précision solide sur les catégories de l’économie, une certaine idée de la nation : un territoire d’une taille et d’une population suffisante pour constituer un marché adapté aux besoins du capitalisme de l’époque, doté d’une élite appuyée sur une tradition sérieuse (idéologie bourgeoise XIX° siècle du mérite), capable de se défendre militairement (voire de pratiquer l’impérialisme), et pourvue d’une homogénéité facilitant l’unification (langue en général). La « nation » au sens contemporain était née, issue du nationalisme bourgeois. Elle était, fondamentalement, pensée comme une étape vers l’unification mondiale sous la domination incontestée de la classe maîtresse du capital : la bourgeoisie.

*

Fondamentalement, donc, pour Hobsbawm, le nationalisme est une création bourgeoise. Mais, ajoute-t-il, cette création a été récupérée, détournée, assimilée en partie par les peuples.

Le leurre bourgeois valait aussi concession à la réalité vécue par les peuples. Il a correspondu aux intérêts des bourgeoisies nationales, mais limitait potentiellement les capacités du Marché à structurer, à travers  le capitalisme international, l’embryon d’une globalisation. Sous l’angle de l’analyse marxiste, la nation est donc le lieu d’une dialectique : leurre manipulé par les bourgeoisies nationales, elle est aussi un frein à l’émergence de la bourgeoisie transnationale. Grâce au nationalisme, la bourgeoisie nationale fabrique l’Etat dont elle a besoin ; mais comme cet Etat repose sur la notion de Peuple Souverain, il définit une volonté potentiellement rivale de celle constituée par l’alliance transnationale des bourgeoisies : unificatrice des marchés nationaux, l’idée nationale est potentiellement un frein au libre-échange promu par l’Empire Britannique. Du point de vue des économistes libéraux du XIX° siècle, la nation est un pis-aller en attendant l’économie mondiale intégrée – mais du point de vue des peuples, c’est aussi, potentiellement, un lieu de souveraineté. Cette communauté imaginée par la bourgeoisie peut donc, progressivement, être réinvestie par la vie réelle des peuples.

Comment ce réinvestissement se produit-il ? Comment la bourgeoisie gère-t-elle cette situation complexe, au fil de son histoire, jusqu’au milieu du XX° siècle ?

Pendant longtemps, le « nationalisme » a été pour les peuples, pour les nations (au sens ancien du terme), une idéologie impensable. Il repose sur la dimension quasi-mythique d’une langue unitaire qui, bien souvent, est le résultat d’une homogénéisation imposée. On a ainsi calculé qu’en 1860, seulement un Italien sur quarante utilisait l’Italien « pur », aujourd’hui celui qu’on écrit, comme langue d’usage quotidien. En 1789, un Français sur deux ne parlait pas le Français d’Île de France, et seulement un sur huit le parlait correctement.

En outre, le nationalisme suppose un niveau d’abstraction tout à fait incompatible avec  le vécu de populations fondamentalement paysannes. Hobsbawm s’attarde ici longuement sur les étymologies et documents historiques. Son observation la plus frappante : encore aujourd’hui, être russe, c’est être « russki », de « Rus », la patrie issue de la tradition médiévale « de toutes les Russies » (au pluriel) – le terme pour « la » Russie, « Rossyia », est un néologisme créé par les Tsars moscovites. Ainsi, pour un Russe, encore aujourd’hui, son pays est « Rossya » (« la » Russie) parce qu’étant « russki », il se rattache à sa « Rus » (« une » Russie, orthodoxe avant tout).

Pour les peuples, ce qui est réel, ce n’est donc pas la nation du nationalisme : ce sont des petites nations (provinces), reliées par l’appartenance à un même « monde mental » (la religion). C’est pourquoi, remarque Hobsbawm au passage, la « Sainte Russie » ne définit pas une « nation » au sens que ce terme a pris en Occident (elle n’est définie ni par la langue, ni par le Peuple Souverain, mais par l’inscription des terroirs dans un monde mental partagé). On en trouve une version fort différente, mais finalement tout aussi éloignée de la conception contemporaine de la « nation », dans le cas très particulier de la Suisse : unie ni par la langue, ni par l’ethnie, la Suisse l’est par un contrat reliant des cantons, le niveau d’homogénéisation restant très local. Dans les deux cas, l’architecture générale renvoie à une conception de la communauté charnelle très restreinte, encadrée par un « monde mental », ou par un « monde contractuel » supérieur, mais qui ne prétend pas traduire une réalité charnelle quotidienne.

Cette ancienne conception des très grands ensembles fédérateurs (assez proche au fond de celle du Royaume de France), antérieure au nationalisme, a été en Occident balayée avec la chute des monarchies de droit divin (en France, en 1789). Le nationalisme, idéologie bourgeoise (cf. ci-dessus) a permis de recycler une partie de cette mystique dans un cadre favorable à la domination bourgeoise. Mais ce recyclage implique qu’à l’intérieur de l’idéologie bourgeoise, des éléments fondamentalement extérieurs au monde bourgeois ont été importés.

D’où une situation fondamentalement chaotique, religion, communautarisme local et autres vecteurs d’identification collective venant constamment interagir avec la conception héritée du nationalisme bourgeois, pour la nourrir et, en même temps, la parasiter. Concrètement, la nation est certes  aujourd’hui structurée par la conscience partagée d’avoir appartenu à une entité politique durable ; mais cette conscience elle-même est éclatée entre divers niveaux, qui coexistent anarchiquement. En pratique, donc, l’organisation du monde bourgeois par l’échelon national est structurellement instable.

Cette instabilité implique que le contenu de l’idée nationale est constamment renégociable. Donc, il est susceptible, suivant les moments de l’Histoire, d’être investi soit par les bourgeoisies, soit par leurs adversaires. Le nationalisme, en ce sens, n’est pas un acteur de l’Histoire, mais un enjeu, un lieu où s’affrontent les véritables acteurs. Hobsbawm, ici, souligne que la « Nation » révolutionnaire de 1790-1793, en France, a constitué un cas d’école : à la fois inscription de tous les Français dans le cadre conceptuel produit par la bourgeoisie nationale, elle a, aussi, impliqué que ce cadre était théoriquement co-construit par tous les citoyens. En réalité, derrière la définition de la nation, se cache donc le combat pour la définition de sa définition. Le combat visible oppose les centralistes aux partisans de l’ancienne conception. Mais sous ce combat, un autre combat oppose, au sein des centralistes, ceux qui veulent la nation comme outil de la domination bourgeoise et ceux qui la veulent comme instrument d’encadrement et de dépassement de cette même domination.

Combat gagné par la bourgeoisie (Thermidor). Pour Hobsbawm, la démocratie bourgeoise a été au XIX° siècle et au début du XX°, fondamentalement, le cadre construit par la bourgeoisie pour rester maîtresse du nationalisme. Il s’agissait d’ouvrir au débat un espace clos, afin de le laisser s’épancher tout en le gardant sous contrôle. Ainsi, le patriotisme, potentiellement une force révolutionnaire, devint l’instrument d’une conception réactionnaire de la nation en devenir – d’où le chauvinisme, idéologie qui devait aider au déclenchement de la Première Guerre Mondiale, et son expression extrême, le racisme d’Etat.

En conclusion et pour résumer : aux yeux d’Hobsbawm, le patriotisme n’est pas, en soi, une idéologie bourgeoise. C’est une idéologie captée par la bourgeoisie – à travers les nationalismes d’Etat. Le caractère réactionnaire de l’idée de nation ne tient pas à la substance de cette idée (en elle-même assez évanescente), mais à la capacité que développa la bourgeoisie d’instrumentaliser le concept, et d’en maîtriser habilement l’investissement émotionnel collectif. D’où, exemple paroxystique souligné par Hobsbawm, la coexistence, dans les nationalismes des années 30, de fascisme, d’antifascisme, de droite et de gauche – comme si, à tout moment, dès qu’une tendance politique desserre son étreinte sur le manche du drapeau, la tendance opposée voulait s’en saisir.

*

Et maintenant ?

Hobsbawm commence, pour analyser la situation présente, par démolir méthodiquement le discours sur le déclin des nationalismes. En réalité, fait-il observer, avec l’explosion de la Yougoslavie et de l’URSS, le nombre d’entités souveraines se réclament plus ou moins ouvertement du principe des nationalités n’a cessé d’augmenter. Inversement, le monde musulman semble travaillé par une remise en cause des nationalismes arabes. Le mouvement n’est donc nullement homogène, et le principe des nationalités, fort ici, est affaibli là. Il n’y a ni déclin, ni expansion du nationalisme : il y a mutation.

C’est que le nationalisme est devenu, pour l’essentiel, une expression de défense face à la globalisation – alors qu’il avait été, par le passé, une offensive contre les structures locales. C’est donc toujours une force agie, mais au lieu de l’être par des bourgeoisies nationales qui veulent un marché national, elle l’est tantôt par une bourgeoisie transnationale qui veut détruire les Etats-nations (désormais dépassés) en soutenant des micro-nationalismes, tantôt par des opposants à la bourgeoisie transnationales, qui veulent eux préserver ces Etats, contre un gouvernement mondial latent.

L’ambiguïté du nationalisme, agi plus qu’acteur, s’est maintenue, mais elle le positionne sur un nouveau front, selon de nouveaux clivages. C’est pourquoi le nationalisme est de plus en plus difficile à penser comme il le fut jadis : la brique de base de l’internationalisme. Ce n’est plus une étape vers l’unification, c’est un frein à l’étape ultérieure. Investi par des revendications identitaires traduisant souvent une véritable panique face à un monde devenu totalement indéchiffrable, le nationalisme est devenu une idéologie défensive : telle est la thèse d’Eric Hobsbawm.

De toute évidence, c’est la thèse d’un adversaire des nationalismes – Hobsbawm voit en eux une fausse idée, simple leurre des véritables forces agissantes.

Mais c’est aussi, pour les nationalistes, la thèse d’un adversaire intelligent, qu’il faut lire et comprendre.

Le Japon: le succès d'une "voie prussienne"

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1993

Le Japon: le succès d'une «voie prussienne»

 

par Josef SCHÜSSLBURNER

 

Né en 1954, Josef Schüßlburner est diplômé en sciences juridiques des universités de Ratisbonne et Kiel. Il a été conseiller scientifique auprès de la chaire de droit des peuples et des Etats de l'Université de Saarbrücken. Depuis 1985, il est fonctionnaire de l'administration de la RFA. De 1987 à 1989, il a travaillé à New York auprès du département juridique de l'ONU à titre d'enseignant pour la codification du droit des gens. Il est un collaborateur assidu de la revue munichoise Criticón, dont ce texte magistral sur les rapports germano-nippons est extrait. 

 

Lorsque nous atteignons un point de vue supérieur, notre regard balaye l'horizon. La fumée monte très haut. Les foyers du peuple montrent et prouvent son bien-être (1).

Nintoku Tenno (IVième/Vième siècles)

 

samourai21.jpgUne guerre entre les Etats-Unis et le Japon est-elle imminente? On peut l'admettre surtout si l'on lit l'analyse de Friedman et LeBard (The Coming War with Japan).  Cet ouvrage est important car il n'est pas l'une de ces innombrables études qui entendent faire violence au passé japonais. C'est un livre qui cherche à comprendre les motivations de la politique japonaise qui ont conduit, il y a 52 ans, à Pearl Harbour. Le Japon, en déclenchant cette attaque, avait espéré monter la population américaine contre la politique de son Président, qui enfreignait les règles de la neutralité (2). Mais le Japon n'a pas réussi son coup: au contraire, il est tombé dans le piège que lui tendait Roosevelt. Nous, Allemands, ne devrions pas négliger les analyses sérieuses, qui prévoient un conflit entre Américains et Japonais, car les hommes politiques anglo-saxons considèrent les termes «Allemands» et «Japonais» comme interchangeables. J'en veux pour preuve la préface d'Edward Seidensticker au livre de J. Taylor, Shadows of the Rising Sun - A critical View of the «Japanese Miracle».  Dans cette préface, on peut lire: «Nos anciens ennemis, les Allemands et les Japonais, semblent être les peuples qui, pour nous, sont les plus difficilement insérables dans un système». Réflexion curieuse, surtout pour ceux qui se sont contentés de lire l'ouvrage de Büscher et Homann, Japan und Deutschland,  qui défendait la thèse que les deux pays étaient de bons élèves des Etats-Unis. S'il était exact que le succès économique japonais découlait en droit ligne des quelques années de régime militaire américain, alors les Philippines auraient dû devenir la grande puissance dominante du Pacifique, puisqu'elles ont bénéficié pendant plus d'un demi-siècle d'une administration américaine! Soyons sérieux: ce qui inquiète les hommes politiques américains face aux succès économiques du Japon (et partiellement aussi de l'Allemagne), c'est le fait que ce succès contredit certaines prémisses idéologiques et que, par conséquent, le Japon ne peut entrer dans un système pensé à l'américaine.

 

L'exemple prussien

 

Jusqu'à présent, le Japon est le seul pays non-européen qui a réussi à créer une société industrielle et productiviste (progressivement, les anciennes colonies japonaises y arrivent aussi, comme Taïwan et la Corée du Sud, ou son allié de la seconde guerre mondiale, la Thaïlande). C'est dû au modèle que les Japonais ont adopté, en l'occurrence le modèle prussien.

 

En 1853, les Japonais avaient pris conscience de leur retard militaire et technologique, à l'arrivée des canonnières américaines. Un danger les menaçait, à l'instar de toutes les autres puissances asiatiques: être contraints d'accepter des traités inégaux, qui les auraient conduits à s'endetter vis-à-vis de l'extérieur, à faire gérer leur dette par l'étranger et à admettre que les clauses de ces traités soient réalisées à coups de canon. Il ne leur restait plus qu'une solution: accepter une politique de modernisation à l'européenne afin de renforcer leur propre puissance et avoir ainsi au moins une chance de se développer. Les intellectuels japonais se sont mis à étudier intensément les institutions des pays européens, jugés plus performants. Leur intention première était de les concilier, dans la mesure du possible, avec les traditions japonaises. Pour les institutions de base que sont la constitution et la chose militaire, ils ont étudié la Prusse, dont ils considéraient les institutions comme conciliables. L'œuvre des juristes allemands Hermann Roesler (1834-1894) et Albert Mosse (1848-1925) a été déterminante dans l'élaboration de la Constitution de l'Ere Meiji (3), appliquée à partir de 1889. Sur le plan idéologique, cette constitution reposait sur les conceptions de l'Etat de Rudolf von Gneist et Lorenz von Stein, qui avaient reçu la visite, à Berlin et à Vienne en 1882 et 1883, des deux conseillers de l'Empereur, Hirobumi Ito et Kowaski Inoue, chargés d'élaborer la constitution. Gneist et Stein représentaient les conceptions de l'Etat-Providence du XVIIIième siècle, plus exactement les conceptions de la monarchie sociale, qui visaient à créer les conditions institutionnelles sur base desquelles le libre jeu des forces sociales, voulu par les libéraux, débouchaient ou devait déboucher sur un ordre social juste. Bismarck était un représentant de cette tendance, d'autant plus que Gneist (4) avait été le porte-paroles de l'opposition libérale lors du fameux «conflit du budget», qui avait animé le parlement prussien, et avait ainsi représenté la droite; par la suite, Gneist était devenu l'un des protagonistes les plus décidés de la politique bismarckienne (ce qui n'était nullement contradictoire).

 

En important la constitution prussienne de 1850 (et non la constitution allemande de 1871, comme on l'affirme quelque fois pour diffamer cette dernière), les constitutionalistes japonais instituaient un Parlement composé de deux chambres, soit une chambre de l'aristocratie (pour laquelle l'ancienne caste dirigeante a été divisée en cinq catégories) et une chambre des représentants, élus selon un mode de suffrage censitaire, déterminé par le paiement d'un certain montant d'impôt (en 1925, les Japonais passent au suffrage universel limité aux hommes). Le pouvoir législatif était concentré dans les mains de l'Empereur, mais celui-ci ne pouvait l'exercer qu'en accord avec le parlement. Ce dernier fixait également le budget de l'Etat. Dans le cas où le budget n'était pas accordé, l'administration avait pour tâche de reconduire le budget de l'année précédente. C'est de cette façon que Roesler a tenté de résoudre au Japon le «conflit du budget», qui avait tant agité la Prusse!

 

Conformément à la structure présidentielle de la monarchie constitutionnelle, la nomination des ministres n'avait pas besoin de l'accord du Parlement, ce qui n'empêcha pas l'avènement de gouvernement de partis dans les années 20 de notre siècle. Le pouvoir suprême était aux mains de l'Empereur qui ne pouvait l'exercer que dans le cadre de la constitution. Les règles de fonctionnement du Conseil d'Etat, instance secrète, du Cabinet et du Parlement limitaient de façon drastique le pouvoir direct de gouverner dont disposait l'Empereur dans le Japon traditionnel, ce qui constituait  —cela va sans dire—  une innovation extraordinaire. Ces règlements ont été introduits en même temps qu'un droit prévoyant de gouverner dans une très large mesure par ordonnances et décrets, dépassant nettement, dans ce domaine, le modèle prussien. Ce droit fit du Japon un Etat administratif qui permit, en concordance avec l'éthique politique confucianiste, de construire et d'organiser dans de très brefs délais un Etat moderne. En introduisant le droit constitutionnel prussien, les Japonais adoptaient aussi le droit civil et le droit commercial allemands, auxquels l'Allemagne actuelle doit l'essentiel de sa santé économique.

 

Le Japon a d'abord tenté d'organiser son armée sur le modèle français, car le mythe napoléonien était toujours vivace. Mais le général prussien Jacob Meckel (5), devenu célèbre par son livre intitulé Elemente der Taktik  qui lui avait valu l'estime de Moltke, persuada les Japonais d'abandonner cette option. Sur la recommandation de Moltke, Meckel est devenu leur conseiller et les convainquit de parfaire leur réforme militaire selon le modèle prussien. La victoire militaire allemande en 1870/71 a terni l'image de la France dans le monde et aidé indirectement Meckel dans la réalisation de son projet.

 

Quelles sont les raisons profondes qui ont motivé cette orientation prussienne? Pour répondre à cette question, nous devons tout d'abord nous rappeler que le Japon a pu adopter avec succès des modèles européens parce que, comme l'étude de son histoire nous le montre, des institutions et des idées y ont émergé, qui correspondaient étonnamment à celles nées en Europe occidentale (6), dans un contexte religieux et spirituel toutefois radicalement différent. Pour citer quelques exemples (7): le moine zen Takuan (1573-1645), une sorte de Calvin japonais, développe une doctrine bouddhiste de la prédestination, associée à une morale pratique des affaires; quant au moine Shosan Suzuki (né en 1579), il fut une sorte d'Adam Smith japonais, qui démontra que la morale pratique des affaires était un principe bouddhique, valorisant du même coup la caste des marchands, dont la fonction principale serait de créer de la liberté en offrant des marchandises.

 

Les Japonais qui, pendant des siècles ont observé au sein des autres cultures tous les phénomènes qui leur semblaient apparentés à leurs propres institutions pour les mobiliser au profit du Japon, ont été essentiellement motivés, à mes yeux, par le rapport tacite qui existait entre les vertus dites «prussiennes», telles la gestion efficace et non partisane des fonctions étatiques et l'Etat fondé sur un ordre

 

Le Japon est par ailleurs le seul pays du monde bouddhiste où s'est opérée une transformation des valeurs monachistes en valeurs militaro-bureaucratiques, comme en Prusse, où c'est l'Etat de l'Ordre des Teutoniques qui est devenu l'Etat prussien. Ainsi, au Japon, le bouddhisme, non guerrier, est devenu la religion de la caste des chevaliers, les samouraïs, dont l'existence même présente une analogie frappante avec l'Europe occidentale. Cette transformation a eu lieu à la période Kamakura (1192-1333), soit à une époque où, en Europe, apparaissait la chevalerie croisée. A cette période, au Japon, se renforce la parenté spirituelle entre le chevalier et le moine, deux figures en quête du dépassement de soi, c'est-à-dire deux figures qui tentent de surmonter la peur de la mort, de freiner les tendances humaines, trop humaines, vers la décadence et l'oubli des devoirs.

 

Quand le Japon commence à se doter d'une industrie, qui, dans un premier temps, est principalement une industrie militaire ou, au moins, une industrie liée au secteur militaire, cette discipline et ces vertus monachiques-guerrières se transforment en culte de la prestation industrielle (8). De cette façon, le Japon a pu se donner les hommes capables de lui construire des navires de guerre et des avions. Le progrès technique qui, de cette façon, prend aussitôt son envol, permet au Japon de refuser les traités inégaux qu'on lui avait imposés, ainsi que la juridiction spéciale des consulats qui impliquait l'extraterritorialité des Européens résidant au Japon et pouvait toujours donner prétexte à des interventions militaires des puissances étrangères, soucieuses de «protéger» leurs ressortissants. Le Japon pouvait dès lors réclamer l'égalité en droit face aux puissances européennes et son droit à disposer d'un empire colonial. Tous les autres Etats non européens, anciennes grandes puissances mondiales, comme la Chine, la Turquie, l'Egypte (9) ou l'Inde (10), qui n'ont pas réussi une réforme de leur armée, prélude à une industrialisation moderne, ont été maintenu dans un stade pré-industriel misérable.

 

La constitution de MacArthur

 

Quand l'on garde à l'esprit tous ces préludes historiques, on peut s'imaginer le choc ressenti par les Japonais en 1945 quand débarquent au Japon les soldats de la puissance qui, en 1853 déjà, avait menacé le Japon d'une invasion. Les Japonais avaient mobilisé tous leurs efforts pour échapper au statut colonial (11) et ils risquaient de le subir, après avoir succombé face à la coalition de l'URSS, de l'Empire britannique et des Etats-Unis, qui, un moment agités par un racisme aussi fou que missionnaire, avaient décidé de démocratiser le Japon et de le maintenir au niveau des pays sous-développés d'Asie. Selon toute vraisemblance, les Américains jugeaient que de tels procédés et de tels objectifs étaient acceptables et réalisables, ce qui nous permet de nous demander aujourd'hui comment on a pu les qualifier de «démocratiques».

 

Heureusement pour le Japon, la guerre froide éclata très vite et l'archipel nippon devait servir au moins de point d'appui industriel. Ensuite, le Japon a eu, en la personne de MacArthur, un administrateur militaire conservateur qui a mis directement un frein aux velléités des «rééducateurs» américains qui cherchaient à expérimenter une «révolution sociale» (12). MacArthur a tout de suite compris qu'une administration militaire correcte, capable d'éviter tout désordre, ne serait possible que si la puissance occupante ne touchait pas à la personne du Tenno et ne mettait pas en pratique les fantaisies exterministes qu'avait véhiculées la propagande de guerre. MacArthur refusa ainsi d'appliquer toutes les mesures que l'Amérique en guerre avait envisagé de prendre contre l'Empereur et se contenta de faire pendre les généraux qui lui avaient infligé des défaites aux Philippines, ainsi que le Premier Ministre, ce qui avait indigné Churchill (13), partant très logiquement du principe que, dans ce cas, on pouvait également lui faire un procès et l'envoyer au gibet.

 

Conformément aux principes du droit des gens, le gouvernement japonais est demeuré en exercice et la nouvelle constitution japonaise a pu voir le jour en conservant une filiation immédiate avec les principes de la constitution Meiji, si bien que l'on peut dire que la constitution Meiji est encore formellement en vigueur. Les libéraux japonais (14), c'est-à-dire ceux qui sont libéraux au sens américain du terme et se distinguent des libéraux-démocrates nippons, doutent du caractère démocratique de cette constitution. En effet, disent-ils, à cause des conditions imposées par la capitulation, l'acceptation par la chambre des aristocrates (qui se supprima elle-même en acceptant) de la nouvelle constitution et la sanction du Tenno n'ont eu qu'un caractère formel. Cette critique de la gauche libérale conduit à un curieux jugement de valeur, que l'on rencontre aussi en Allemagne, qui veut que les réformes introduites par la caste dirigeante du pays (comme par exemple le droit de vote démocratique pour le Reichstag) sont soupçonnées de fascisme, tandis que les régimes militaires étrangers sont considérés comme des garanties de démocratie!

 

La constitution de MacArthur, comme l'appellent ses critiques, a été jugée de façons très diverses. D'une part, elle semblait si libérale, qu'on pouvait se dire que même les Américains ne l'auraient pas acceptée (15), ce qui est juste, dans la même mesure où la Grundgesetz  ouest-allemande ne pourrait faire consensus aux Etats-Unis (16) pour divers motifs, parfaitement compréhensibles d'un point de vue conservateur. Par ailleurs, cette constitution a été contestée parce qu'elle constituait une nouvelle mouture de la constitution Meiji  —et MacArthur l'avait perçue ainsi. Des juristes japonais, qui veulent être lus en Occident, tentent évidemment d'en donner une interprétation «occidentaliste», décrivant toutes les décisions de la majorité parlementaire et des tribunaux japonais comme autant de renforcements du «militarisme» ou du «nationalisme». Cela leur assure un public de lecteurs étrangers (17).

 

Quoi qu'il en soit, le Japon a réussi à pratiquer sa nouvelle constitution dans le sens de la constitution dont elle est la continuité en termes formels. Preuve que le constitutionalisme peut être un mode de gouvernement efficace, comme l'atteste la façon dont le Japon a réglé le problème de la privatisation des chemins de fer, alors qu'en Allemagne les milliards de dettes s'accumulent. En outre, signalons que la sanction impériale confère aux lois une signification religieuse, dans l'optique de la majorité des citoyens nippons, du moins insconsciemment. Ce qui explique le taux de criminalité extrêmement bas que connaît l'Empire du Soleil Levant.

 

En dépit des exagérations proférées par ces commentateurs ou idéologues libéraux, il me faut tout de même signaler que la constitution actuelle a tout de même transposé dans les faits certains projets ou idées défendus pendant l'entre-deux-guerres par le plus connu des représentants de la «nouvelle droite» d'alors, Kita Ikki (18), comme la suppression de la caste aristocratique, afin d'éliminer les obstacles existants entre l'Empereur et le peuple, et de la remplacer par une assemblée consultative élue, destinée à orienter les décisions de la chambre des représentants. Les revendications d'Ikki se référaient aux réformes du Régent Shotoku Taishi (574-622) (19), que l'on peut considérer comme le Solon japonais. Dans un recueil de dix-sept articles, ce dernier a forgé la structure de la vieille constitution japonaise, en s'appuyant sur un confucianisme adapté au pays, c'est-à-dire un confucianisme respectant la religion bouddhiste et acceptant le mythe shintoïste de l'Empereur.

 

Afin de préserver le Japon de tous troubles révolutionnaires, pareils à ceux secouant en permanence la Chine, parce qu'on y avait affirmé que l'Empereur, ou plutôt la dynastie, avait perdu le mandat du Ciel, Taishi octroya au Grand-Roi du Japon (O-kimi)  le titre de Tenno, qui, de ce fait, fut décrété «divinité révélée» (arahito gami).  Cette doctrine, souvent mésinterprétée, correspond ni plus ni moins à la conception ouest-européenne des deux corps du monarque (20). L'existence du deuxième corps du monarque, invisible et divin, implique la conception de corporéité personnelle et territoriale de l'«Etat» (qui, lui non plus, n'est pas «visible»), et que le monarque symbolise en tant qu'être visible (21). Conséquence de cette doctrine: il était désormais impossible que Dieu et l'Empereur puissent être en contradiction, ce qui, ipso facto, excluait toute révolution à la mode chinoise. La succession du trône était légitimée par filiation directe et droit d'aînesse (ce qui est une autre analogie frappante avec l'Europe occidentale). Devant l'Empereur, qui règne sur tous, tous sont toutefois égaux. Les fonctions ne sont pas héréditaires; les fonctionnaires ne sont recrutés que sur base de leurs compétences. Le peuple doit obéir à l'Empereur, mais celui-ci n'a pas le droit d'exercer une dictature, car il doit tenir compte du principe du consensus (art. 10 et 17) (22).

 

Autre moyen pour préserver le système du Tenno de tout danger révolutionnaire: l'obligation, pour l'autorité suprême de conserver une stricte neutralité. Grâce à ce principe, le système du Tenno a pu se maintenir en dépit des guerres civiles, du Shogunat et du système féodal, érigé à l'encontre des intentions de Taishi (23). Ce système présente donc une continuité, semblable à celle de la papauté romaine (24). Au vu de cette évolution, on comprend pourquoi le Japon a emprunté la voie de la modernisation en réactivant tout simplement l'exercice direct du pouvoir par l'Empereur, et permet aussi de comprendre pourquoi la revalorisation du rôle du Tenno et la démocratisation, achevée en 1925, ont été concomitantes. Il faut tenir compte de cet arrière-plan historique pour bien saisir la démarche de ceux qui se font les avocats des «obstacles» entre l'Empereur et le peuple nippon, obstacles qui sont notamment le «Shogunat» américain ou les intellectuels de gauche japonais qui réclament l'avénement d'un fondamentalisme libéral par le biais d'un culte pacifiste (25) quasi religieux, appelé à devenir une nouvelle religion d'Etat, ou encore l'opposition de gauche qui, dans un passé récent, s'engouait pour les rituels politiques de l'orwellienne Corée du Nord (26).

 

La gauche allemande et le Japon

 

On pourrait penser que le Japon offre beaucoup à la gauche allemande dans sa recherche permanente de patries de remplacement. Car, enfin, l'inlassable quête de la gauche intellectuelle, la recherche fébrile de modèles étrangers, trouverait dans l'Empire du Soleil Levant un pays extra-européen qui a tenu tête aux impérialismes européens, a conservé son identité culturelle dans une très large mesure, tout en demeurant un pays industriel compétitif et offensif; nous dirions même mieux: le Japon est devenu tel précisément parce qu'il a su conserver son identité (27). Mais, pour la gauche allemande, le Japon reflète trop la vieille Prusse pour que son égophobie puisse l'admirer. Un fait est certain: le Japon a réussi à maîtriser la modernité dans un sens positif; il a construit une société industrielle, imperméable à tout mythe révolutionnaire, a souligné l'importance d'une réforme militaire pour le développement de l'industrie (assortie d'une politique systématique et fanatique visant l'interdiction de toute exportation d'armements, pratique considérée comme freinant l'autarcie du développement industriel), a inauguré une voie conservatrice vers le développement qui a démontré son efficacité. Tout cela contrarie l'euphorie de la gauche allemande en faveur des sociétés multiculturelles.

 

Ensuite, le Japon prouve, par ses succès, que les religions asiatiques, dans le concret, n'offrent pas de la consolation à bon marché, contrairement à ce que croient les adeptes du New Age,  mais indiquent plutôt une voie de salut personnel reposant sur l'ascèse et le travail assidu (depuis le XVIième siècle, les moines japonais ne mendient plus mais convertissent la population à un «ascétisme immanentiste», un peu au sens où l'entendait Max Weber). Quand on examine comment a été traitée l'information venue d'Extrême-Orient dans un hebdomadaire comme le Spiegel,  on constate que le régime abstrus d'un Mao Tse-Toung (28) y a été mieux traité que la politique japonaise, émanation de procédures démocratiques. Un homme de gauche chinois qui s'embrouille et se trompe, mais prétend travailler pour le salut de l'humanité, sera mieux jugé par nos journalistes qu'un homme de droite japonais qui commet quelques gaffes en finançant sa campagne électorale.

 

Cette vision des choses est due à la manipulation de l'histoire, que nous avons vécue dans le sillage de la rééducation, optique pour laquelle le Japon est même tenu responsable de l'atomisation de Hiroshima et de Nagasaki (29). Dans ce cadre, la gauche parlait beaucoup de la «responsabilité» du Tenno, récemment décédé (30), ce qui prouve que cette gauche, face au fait Japon, instrumentalise une fois de plus la vision rééduquée de l'histoire à son profit.

Tout cela est d'autant plus absurde que le «militarisme» japonais présentait des aspects qualifiables d'«extrême-gauche». En 1925, au Japon, l'introduction du suffrage universel était lié à un compromis: en même temps que son adoption était promulguée une loi visant à garantir la paix civile, impliquant l'interdiction de toutes les organisations visant à changer la structure de l'Etat et à éliminer la propriété privée. Ce compromis obligea la gauche à s'adapter au «socialisme impérial» (31), surtout au moment de la crise économique, quand l'armée, radicalisée, contraignit les gouvernements bourgeois successifs, notamment pendant la guerre de Mandchourie, à passer à l'action. Dans un mémorandum adressé au Tenno, le futur Premier Ministre Konoé évoque les hommes de la droite musclée et dit d'eux qu'ils ne sont rien d'autre que des communistes masqués, qui ont revêtu les oripeaux de la kokutai (l'idéal de la communauté nationale), tout en planifiant une véritable révolution communiste destinée à préparer le Japon à une guerre de libération panasiatique (32).

Lorsque les députés japonais ont voté la loi de 1938 décrétant la mobilisation générale, le représentant du peuple Nishio Suehiro, du «Parti des masses populaires» (après la guerre, Suehiro fonde le Parti Démocratique Socialiste, dissidence de l'aile syndicaliste traditionnelle des Socialistes, amis de la Corée du Nord), déclare que le Premier Ministre japonais doit être un chef aussi crédible que le sont Mussolini, Hitler et Staline (33). La gauche avait appliqué son schéma de la lutte des classes à la politique internationale et admis que le Japon (tout comme l'Allemagne) était une «nation prolétaire», opposée aux Etats possédants, qui instrumentalisaient une «morale supérieure pacifiste» pour pouvoir défendre leurs possessions coloniales plus aisément (34). Ce constat, posé par une personnalité de gauche comme Suehiro, a été accepté par bon nombre d'hommes de droite, si bien que la guerre, au Japon, a fait l'objet d'un consensus global entre gauche et droite (35).

Or, comme la gauche ne se distingue de la droite que dans la question de la position du Tenno, les protagonistes de la gauche manipulent l'histoire en rendant le système du Tenno responsable de la guerre et tente de faire passer la droite pour un ramassis de canailles. Pourtant, jamais un régime véritablement totalitaire ou national-socialiste n'a accédé au pouvoir au Japon (36), parce qu'avec la monarchie, les élites traditionnelles du pouvoir pouvaient affirmer leurs positions, même si les partis avaient été réunis dans un mouvement, pour des raisons dépendant davantage des circonstances de guerre que d'une idéologie bien profilée. Et si l'on veut absolument affirmer la culpabilité japonaise, il faut rendre le peuple responsable, vu le large consensus qui a règné tout au long de la guerre. Mais une inculpation globale du peuple japonais ne cadre pas avec le dogme démocratique de l'innocence a priori du peuple, surtout si ce sont des Européens qui inculpent, jugeant de la sorte un peuple non-européen auquel on accole une culpabilité collective: c'est à juste titre alors qu'on soupçonnera les «juges» de racisme. De ce fait, manipuler le passé ne peut plus se faire que sur base d'«analyses structurelles post-racistes» à la Habermas, où la canaille est toujours celui qui «représente» le passé.

Mais on s'aperçoit bien vite dans quelle continuité se situent ces analyses: la littérature de la gauche allemande sympathise très souvent avec les projets les plus étonnants des autorités d'occupation américaine au Japon, comme par exemple, l'idée fumeuse de remplacer le Japonais par l'Anglais (37), parce que ç'aurait été, paraît-il, la meilleure façon d'éliminer les «structures linguistiques non démocratiques» (mais, dans les mêmes ouvrages, on accuse les Japonais d'avoir voulu imposer leur langue aux Coréens, ce qui est normal, puisque leur grammaire est «non-démocratique»...). C'est ainsi que l'on s'aperçoit, au fond, que les gauches ne tolèrent aucunement la multiculturalité, car elles s'y attaquent par tous les moyens, précisément là où cette multiculturalité revêt un sens, c'est-à-dire à l'échelon international. La gauche  —c'est un fait acquis—  croit au «bon sauvage», mythe qui avait déjà conduit les révolutionnaires français à commettre l'irréparable, dans leur propre pays, en Vendée et à Lyon. Et lorsque les ressortissants d'un pays exotique ne se comportent pas, dans leur vie quotidienne ou leur vie politique, comme on a imaginé qu'ils devraient se comporter, et quand ils deviennent des concurrents sérieux, que ce soit sur le plan militaire ou sur le plan économique (38) et confisquent de la sorte à la gauche son beau rôle favori, qui est de materner, d'«aider au développement», alors les masques tombent: les mêmes moralisateurs exigent que la communauté récalcitrante soit mise au pas, au diapason des valeurs qui ont été posées une fois pour toutes comme seules valables, ou exigent pire encore, l'atomisation, les tapis de bombes, l'éradication (39)...

La politique allemande et le Japon

Face à cette volonté des gauches de tout vouloir uniformiser et mettre au pas, nous sommes bien obligés de considérer la voie particulière, suggérée par le Japon, comme un enrichissement de l'horizon des expériences humaines. Et de la défendre comme telle. Si le Japon est en passe de devenir la nation-guide en matière de technologie (40)  —après que l'on ait reproché, et pendant longtemps, aux Japonais de n'être que des «imitateurs» plus ou moins talentueux—  on a intérêt à s'interroger très sérieusement sur la signification des «voies particulières» pour le développement futur de l'humanité, et donc des potentiels de créativité qu'elles incarnent. Les «voies particulières» ont ceci pour elles qu'elles s'avèrent toujours être les meilleures voies; dans le cas du Japon, son exemple a séduit les autres pays de l'Asie orientale, dans le sens où il constitue une remarquable synthèse, réussie, entre le confucianisme traditionnel et les modèles européens (ajoutons que cette synthèse a pu s'accomplir parce que le modèle prussien a été importé, imité et japonisé). A juste titre, plusieurs voix ont demandé aux Américains de ne pas imiter les Japonais pour tenir bon face à la concurrence extérieure, mais de revenir à leurs propres traditions, notamment celle, puritaine, du travail acharné (41), créateur de richesses, et, partant, signe d'élection divine. Les Allemands feraient d'ailleurs bien d'imiter pour leur propre compte ce conseil donné aux hommes d'affaire américains et, mieux, de le mettre en pratique de façon plus systématique encore: en étudiant l'histoire du Japon, ils verraient que leurs propres traditions politiques germaniques permettent parfaitement à un pays faible de sortir très vite de sa misère pré-industrielle.

Les auteurs allemands qui savent comment s'agencent réellement les choses et, partant, ne partagent pas l'opinion, courante de nos jours, qui veut que le Japon soit l'«élève modèle des Etats-Unis» et, a fortiori, n'ont pas succombé à l'esprit du temps, qui se veut anti-prussien, ne critiquent pas les Japonais d'avoir adopté des modèles prussiens et non pas des modèles britanniques «libéraux et éclairés». Certes, le Japon n'est pas un Etat idéal de facture libérale-démocratique (42), ce qui ne doit pas nous empêcher de constater que les pays non-européens qui, plutôt de mauvais gré que de bon gré, ont adopté le modèle britannique, n'ont jamais pu dépasser le stade de la pauvreté pré-industrielle ou celui de cette pauvreté perpétuée par le socialisme, en dépit des aides au développement. C'est le cas de l'Inde ou des pays des Caraïbes. Ou bien, ils ont basculé dans les dictatures socialistes dites «de développement» (Afrique). Mais lorsque des régions de l'ex-Commonwealth britannique connaissent le succès économique en conservant des institutions de type britannique, comme Singapour ou Hong Kong, elles se placent en dessous du Japon sur le plan de la démocratie pure et théorique. Qui plus est, ces régions doivent leur succès pour l'essentiel à l'afflux de capitaux privés japonais et à l'imitation des modes japonais de gestion d'entreprise.

Dans le passé, les échanges germano-japonais se sont effectués sur une voie à sens unique, raison pour laquelle le monde politique allemand n'a jamais pris correctement connaissance des affaires japonaises. Cela vaut même pour la seconde guerre mondiale, quand pourtant les services secrets britanniques gaspillaient beaucoup d'heures précieuses en tentant de déchiffrer les arcanes d'une stratégie germano-japonaise secrète qui n'existait pas... (43). En dépit des nombreux intérêts communs qui pourraient unir Allemands et Japonais, les hommes politiques allemands font tout pour que cette réelle communauté d'intérêts ne se transforment pas en une politique commune. Quand un chancelier allemand se plaint devant les Américains que l'Allemagne porte le fardeau le plus lourd dans le financement de la perestroïka et que ce chancelier en appelle à d'«autres» pour participer à cette opération hasardeuse, il ne peut que susciter le mépris des Japonais. Car, en fin de compte, ceux-ci ne sont nullement responsables du fait que les Allemands, niais, se montrent incapables de reconnaître leurs propres intérêts. Or comme cette plainte est adressée aux Américains, les Japonais pourraient parfaitement interpréter cette démarche comme une menace, en d'autres termes, comme un appel aux Américains  —qui ne veulent pas payer eux-mêmes la perestroïka—  à pressurer les Japonais. Ceux-ci perçoivent dans ces exercices de mauvais goût une sorte de pression morale constante, qui les obligerait, en bout de course, à participer à ces exhibitions de culpabilité dont les hommes politiques allemands sont passés maîtres et où ils étalent sans vergogne le mépris qu'ils cultivent à l'égard de leur propre peuple. Les Japonais essuyent de plus en plus souvent des allusions désobligeantes comme celles d'un Helmut Schmidt, qui se venge parce que les Japonais n'avaient pas suivi jadis sa folie des grandeurs, en refusant le rôle de locomotive de l'économie mondiale qu'il suggérait à un tandem germano-nippon. D'où son argument: les Japonais doivent chercher la «réhabilitation» (44).

Cette dénonciation infantile des Japonais n'est d'aucune utilité pour les Allemands. Ceux-ci devraient bien plutôt tirer les leçons qui s'imposent du conflit qui se profile nettement à l'horizon, entre le Japon et les Etats-Unis. Ils apprendraient ainsi qu'il ne suffit pas de connaître le succès économique sur la scène internationale (45). D'autres Etats ont des idées très claires sur la «responsabilité pour le monde» qui découle de la puissance économique.

Sur base de l'équation désormais conventionnelle entre les intérêts de l'Occident anglo-saxon et ceux de la «démocratie» (mais du pouvoir de quel peuple s'agit-il en l'occurrence?), n'est-ce pas une honte que ce ne soit pas le gouvernement légitime du Japon, démocratiquement élu, qui puisse définir cette «responsabilité», mais, à sa place, l'Administration américaine? Le succès économique japonais s'est effectué malgré les quantités réduites de matières premières dont dispose la métropole. Une telle situation est précaire, relève même d'une précarité croissante, car le Japon tombe de plus en plus sous la dépendance de l'étranger, fragilisant du même coup sa position stratégique. Le Japon pourrait de la sorte être contraint de payer comme au lendemain d'une guerre perdue. Le progrès sur les plans économique et technique devient un élément cardinal de la grande politique planétaire, surtout au moment où les Etats-Unis ne peuvent plus faire la guerre sans la technique japonaise et sans l'accord de Tokyo pour financer le déficit de l'Etat américain (n'oublions pas que les contributions japonaises et allemandes ont permis aux Etats-Unis de tirer de substantiels profits financiers de l'opération koweitienne) (46). Dans de telles circonstances, la présence des troupes américaines revêt une finalité économique et technologico-politique (47), si bien que l'on risque l'Europe au profit de l'OTAN. Le public japonais, lui, sent toujours la corde que l'on veut lui passer autour du cou (48). Ainsi, on pousse chaque jour davantage le Japon à risquer une confrontation avec la Chine (49); ensuite, la Corée du Nord donne bonne conscience aux Anglo-Saxons: ils peuvent y trouver un Saddam Hussein qui y règne depuis 40 ans. Quelles conséquences cela pourrait-il avoir (50)? Les avertissements que lancent les militaires ne sauraient être négligés sous prétexte qu'ils sont des exagérations, même si notre époque considère, en théorie, que les guerres ne sont plus «rentables» (c'est également ce que l'on croyait à la veille de la première guerre mondiale). En effet, dès 1925, l'année où le suffrage universel est introduit au Japon (51), un spécialiste britannique de la marine (52) décrit dans un roman le déroulement de la guerre du Pacifique de 1941-45, avec une relative exactitude. Si l'on suit attentivement le fil conducteur, mentionné au début du livre, il apparaît tout de suite clairement qu'une bonne partie du public américain s'imagine parfaitement qu'une guerre contre le Japon est possible, de même d'ailleurs qu'une guerre contre l'Allemagne (53), ce qui ne doit pas nous étonner, vu qu'il y a très souvent équation entre les deux puissances. Celles-ci peuvent éviter la guerre en payant, bien entendu pour soutenir de «nobles causes». Et si ces puissances se rebiffent, elles pourront aisément être manœuvrées et succomber à ces stratégies fatales dont les Américains se sont fait une spécialité, tablant sur la fragilité de leurs adversaires et les forçant, comme l'avouait le ministre de la guerre de Roosevelt juste avant Pearl Harbour, à frapper le premier coup et à passer aux yeux de l'opinion publique internationale comme des «agresseurs» méritant une juste punition. Aujourd'hui, Allemands et Japonais paient tout de suite, volontairement, même sans y être formellement obligés comme dans l'art. 231 du Traité de Versailles ou selon le droit dit à Nuremberg ou à Tokyo. De plus, on a extirpé du mental allemand, mais aussi du mental japonais, l'«esprit prussien» qui s'oppose radicalement au sentiment des Anglo-Saxons d'être un peuple élu. Il y aurait aujourd'hui des Japonais qui souhaiteraient avoir comme nous Allemands un Président, qui déclarerait que le 8 mai est une «journée de libération» (53) (pour le Japon ce serait sans doute le 6 août, jour où Hiroshima fut atomisée, à la suite, c'est bien connu, d'une «provocation» japonaise). En effet, ces deux journées de l'an 1945 ont inauguré l'ère de paix et de liberté que nous avait annoncée et promise Roosevelt.

 

Josef SCHÜSSLBURNER.

(texte issu de Criticón, März/April 1992; adresse: Knöbelstrasse 36/0, D-8000 München 22; prix de l'abonnement: DM 63,- ou DM 42,- pour les étudiants et les lycéens).

Notes:

(1) S. Shinkokinwakashu-Japanische Gedichte, Reclam, p. 91.

(2) Ce n'est qu'en juillet 1991 que le gouvernement américain a reconnu que les anciens «Flying Tigers», engagés aux côtés des Chinois avant Pearl Harbour, étaient des vétérans comme les autres. Cf. A. Schickel, «Verdeckte Kampfhandlungen durch Fliegende Tiger», in Geschichte, n°6/1991, p. 64. Le fait qu'E. Wickert (dans son article de la Frankfurter Allgemeine Zeitung du 28 nov. 1991), qui s'efforce pourtant de nous présenter les faits de manière équilibrée, ne mentionne pas cet aspect des choses et parle plutôt d'«une attaque en pleine paix», ce qui est vrai mais seulement du point de vue de l'opinion publique américaine et ne correspondait nullement à l'expérience des Japonais. On voit que l'on est toujours loins d'une présentation objective.

(3) Cf. C.H. Ule, «100 Jahre Meiji-Verfassung in Japan», DVBl., 1989, pp. 173 et ss.; les textes de la constitution Meiji et de la constitution de MacArthur figurent en annexe du livre de Miyazawa Toshiyoshi, Verfassungsrecht (Kempo), vol. 21, de la Schriftenreihe Japanisches Recht, 1986.

(4) Cf. Klaus Luig, «Rudolf von Gneist (1816-1895) und die japanische Verfassung von 1889», in Kulturvermittler zwischen Japan und Deutschland, édité par le Japanisches Kulturinstitut de Cologne, 1990, p. 50 et ss.

(5) Cf. Andreas Meckel, «Jacob Meckel (1842-1906), Instrukteur der japanischen Armee - Ein Leben im preußischen Zeitgeist», in [voir note (4)], pp. 78 et ss.

(6) Cf. John Whitney Hall, Das Japanische Kaiserreich, vol. 20 de la Fischer Weltgeschichte, 1968, p. 10.

(7) Cf. Hajime Nakamura, «Der religionsgeschichtliche Hintergrund der Entwicklung Japans in der Neuzeit», in Japan und der Westen, édité par v. Barloewen/Werhahn-Mees, vol. 1, pp. 56 & ss. De même, Shichihei Yamamoto, Ursprünge der japanischen Arbeitsethik, ibid., pp. 95 & ss.

(8) Cf. Michio Morishima, Warum Japan so erfolgreich ist, 1985, surtout pp. 95 & ss.

(9) Voir à ce propos, David B. Ralston, Importing the European Army. The Introduction of European Military Techniques and Institutions into the Extra-European World, 1600-1914, 1990.

(10) Cf. Ingeborg Y. Wendt, Japanische Dynamik und indische Stagnation?, 1978, voir surtout les p. 67 & ss.; quand on songe au fait que le Japon n'a imposé son autonomie douanière qu'en 1911, on comprend que le Japon a longtemps risqué d'être houspillé sur une «voie indienne».

(11) On oublie trop souvent aujourd'hui qu'en 1945 le colonialisme n'était interdit qu'aux Japonais et aux Allemands. Les Hollandais ont aussitôt repris leurs guerres coloniales en Insulinde mais l'occupation japonaise avait déstabilisé et affaibli trop considérablement l'administration néerlandaise, ce que les Hollandais ne pardonneront pas de si tôt aux Japonais (voir note 39).

(12) La grève générale planifiée par les socialistes et les communistes en février 1947 a été interdite à temps par le quartier général allié, inquiet des succès communistes en Chine, voir note 8), p. 171; à cause d'une intrigue machinée par la CIA, le seul cabinet socialiste japonais est tombé en 1948, voir à ce propos Crome, note 30), pp. 246 & ss. De cette façon, les forces de gauche, que le libéralisme américain avait pourtant hissé aux positions dirigeantes, ont été éloignées du pouvoir. L'introduction d'une système électoral qui fait que les campagnes électorales sont chères, a rendu difficiles les victoires de la gauche, surtout qu'il n'existait pas de système de financement des partis et des campagnes électorales. A propos du financement des partis au Japon, cf. Frankfurter Allgemeine Zeitung, 25 nov. 1991 (supplément «économie»).

(13) Cf. Walter Millis (éd.), The Forresal Diaries, 1951, p. 524.

(14) C'est ce que dit Toshiyoshi, voir note 3), pp. 43 & ss.

(15) Voir note 6), p. 347.

(16) voir à ce propos notre article, «Wie soll eine gesamtdeutsche Verfassung aussehen», in Criticón, Nr. 120, pp. 171 & ss.

(17) Ce que l'ont peut observer en lisant le Japan Quarterly, notamment le numéro d'oct.-déc. 1988, pp. 350 & ss., «When Society is Itself the Tyrant», où l'on entend par «tyran» la société japonaise elle-même, qu'il s'agit de «rééduquer» selon les principe du «libéralisme de gauche», idéologie dominante aux Etats-Unis.

(18) En dépit de ses positions socialistes, il n'en était pas moins un monarchiste tiède (cf. son ouvrage de 1906, Die Theorie des Nationalen Gemeinwesens und des wahren Sozialismus); cette orientation est opposée à la droite traditionnelle, dont le «noyau dur» comprend environ 1/5 de la fraction du PLD (Parti Libéral-Démocrate) et dont les intellectuels les plus représentatifs sont les journalistes Hideaki Kase et le compositeurs japonais le plus connu, Toshiro Mayuzumi. En partant du principe que si le Japon n'avait pas été la première victime d'une attaque atomique, il n'y aurait pas eu dans le monde de «zones dénucléarisées», ce groupe se réserve l'option d'un armement atomique pour le Japon.

(19) Voir note 8), pp. 29 & ss. Ces articles sont explicités de façon fort complète par Hermann Bohner et Shotoku Taishi de la Deutsche Gesellschaft für Natur- und Völkerkunde Ostasiens, Tokyo (s.d.).

(20) Ouvrage fondamental à ce sujet: Ernst H. Kantorowicz, Die zwei Körper des Königs, Première édition all.: dtv/Wissenschaft, 1990.

(21) Comme l'art. 1 de la constitution japonaise actuelle ne dit pas autre chose, Hirohito, à juste titre, n'a pas accordé d'importance particulière à son renoncement au statut de «divinité». Lorsque l'on songe qu'une entité aussi décisive que l'«Etat» n'existe qu'en tant que chose pensée (ou crue, c'est-à-dire en un certain sens en tant que mythe), cela devrait en fait réfuter toute forme de matérialisme.

(22) L'art. 17 doit être cité à ce niveau-ci de notre exposé, tant il reflète la sagesse politique asiatique: «Les décisions ne doivent pas être prises par une seule et unique personne... Dans un cas de moindre importance, c'est facile; on ne doit pas être nombreux pour délibérer; seulement dans les cas où il s'agit d'affaires importantes, et où vous vous inquiétez du fait de pouvoir éventuellement vous tromper, alors il faut que vous vous concertiez à plusieurs pour obtenir une vision claire de l'affaire. Alors il en sortira quelque chose de rationnel». La première des cinq promesses inscrites dans le serment de la Restauration Meiji, qui promettait d'instaurer un conseil de type parlementaire aussi large que possible, de façon à ce que les «dix mille affaires de l'Empire» puissent être réglées au départ de discussions publiques, remonte à l'art. 17 du Codex Taishi (voir note 19)).

(23) L'art. 12 ôtait aux administrateurs provinciaux le droit de lever l'impôt de manière autonome, de façon à garantir l'unité de l'appareil administratif de l'Etat.

(24) Comme le Tenno, aux époques les plus grandioses de l'histoire japonaise, voyait ses fonctions réduites à celle de pontife supérieur, l'histoire du Japon présente, quoique dans une forme édulcorée, quelque chose ressemblant à la bipolarité (Empereur/Pape; spirituel/temporel; religieux/scientifique) propre à la voie particulière empruntée par l'Europe occidentale, ce qui explique sans doute les analogies entre le Japon et la portion occidentale de notre continent.

(25) C'est clair dans le texte mentionné en note 17), qui signale qu'à la place de la théocratie d'avant-guerre s'est substituée une «serious soul-searching» (une recherche de l'âme sérieuse), débouchant sur une obligation de pacifisme (v. p. 352), qui s'enlise rapidement dans un dogme postulant que seul l'Etat nippon est en tort quand surviennent des tensions. Dans ce sens, on prétend (p. 351) que le refus japonais du service militaire a fait que les tensions en Asie n'ont pas conduit à l'escalade (mais on ne prévoit rien dans le cas où le Japon serait dans son droit).

(26) Ce n'est que depuis peu de temps que les socialistes japonais, qui se nomment désormais «sociaux-démocrates», s'efforcent d'adopter une attitude plus positive à l'égard de la Corée du Sud. Le fait que l'idéologie pacifiste juge positivement le régime nord-coréen, montre qu'en Asie les ersätze de religion peuvent prendre des formes plus perverses que les mauvais usages de religions traditionnelles originales.     

 

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vendredi, 11 juin 2010

Triumph für Islamkritiker Geert Wilders

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Triumph für Islamkritiker Geert Wilders

Ex: http://www.jungefreiheit.de/

DEN HAAG. Der Islamkritiker Geert Wilders ist mit seiner „Partei für die Freiheit” (PVV) als drittstärkste Kraft aus den Parlamentswahlen in den Niederlanden hervorgegangen.

Die PVV erhält mit 24 Sitzen mehr als die bisher regierenden Christdemokraten, die 21 statt wie bisher 41 Abgeordnete stellt. Die Rechtsliberalen haben sich knapp gegen die Sozialdemokraten mit 31 zu 30 Sitzen durchgesetzt.

Rechtsregierung möglich

Wilders kündigte bereits an, sich an der anstehenden Kabinettsbildung beteiligen zu wollen: „Wir wollen regieren.“ Glückwünsche zum PVV-Wahlerfolg kamen bereits vom Spitzenkandidaten der Rechtsliberalen, Mark Rutte. Auch der sozialdemokratische Spitzenkandidat Job Cohen gratulierte Wilders zu seinem Wahlerfolg: „Wir haben den gewaltigen Zuwachs der PVV zu respektieren.“

Rein rechnerisch könnten die Rechtsliberalen zusammen mit der PVV und den Christdemokraten eine Mehrheitsregierung mit 76 Parlamentssitzen bilden. Der christdemokratische Ministerpräsident Jan Peter Balkende hat als Konsequenz aus der verheerenden Wahlniederlage das Amt des Parteivorsitzenden niedergelegt. Auch wolle er kein Parlamentsmandat wahrnehmen.

Rutte hatte vor dem Hintergrund der Finanzkrise seine Partei mit einem ehrgeizigen Sparprogramm zuletzt in den Umfragen nach vorne gebracht. Er wäre der erste liberale Ministerpräsident der Niederlande seit dem Ersten Weltkrieg. (FA)

La sfida totale

LA SFIDA TOTALE

INTERVISTA A DANIELE SCALEA

 

Stefano Grazioli

Ex: http://www.italiasociale.net/

 

sfida-totale.jpgTanti parlano e scrivono di geopolitica, pochi ne capiscono davvero qualcosa. Daniele Scalea è uno di questi. Giovane, 25 anni e una laurea in Scienze storiche alla Statale di Milano, Daniele Scalea - che già da qualche anno é nella redazione di Eurasia -  ha esordito con un opera di grande spessore (un assaggio sul sito), dimostrando che le sponde del Lago Maggiore (vive a Cannobio) possono diventare un osservatorio privilegiato per capire e spiegare le vicende del Mondo che ci circonda. A confermarlo non sono tanto io, quanto chi ha scritto la prefazione del nuovo libro di Daniele, “La sfida totale – Equilibri e strategie nel grande gioco delle potenze mondiali” (Fuoco Edizioni), e cioè il generale Fabio Mini, uno che ne capisce: “Si potrebbe tranquillamente dire che Daniele Scalea ha scritto un trattato di alta Geopolitica. Ha descritto il mondo attuale cercando di interpretarlo alla luce delle teorie classiche della Geopolitica confermandone, e ce n’era bisogno, la validità metodologica. Ha preso in esame tutti i grandi attori mondiali e dopo una panoramica appassionata, non c’è nient’altro da dire”.

Ecco, non aggiungo altro nemmeno io. Consiglio solo di correre in libreria o ordinare il libro via internet direttamente dall’editore. E di leggere con attenzione la lunga  intervista che gentilmente che l’autore ci ha concesso.

 

Rovesciamo la bottiglia e partiamo dal fondo. Lei conclude il suo libro scrivendo che la nascita del Nuovo Mondo, o perlomeno la ristrutturazione geopolitica di quello vecchio, potrebbe essere oltremodo complicata: in sostanza il passaggio da un sistema semi-unipolare a uno multipolare rischia di produrre dolorose frizioni dovute al fatto che la potenza egemone – gli Stati Uniti – opporrà resistenza alla perdita del proprio potere. La “sfida totale” ha già vincitori e vinti?

La tendenza storica del post-Guerra Fredda marcia contro gli USA. Negli anni ’90 la geopolitica mondiale ha vissuto il suo “momento unipolare”, e tutto sembrava girare per il verso giusto, dalla prospettiva di Washington. Ma già si covava quanto sarebbe venuto. L’ultimo decennio ha visto l’emergere a livello economico, strategico ed infine anche politico di veri e propri competitori della “unica superpotenza rimasta”: il riferimento è prima di tutto a Cina e Russia, ma una menzione la meritano pure India, Brasile, Giappone. Il sogno della “fine della storia” è svanito. Gli USA hanno tentato, sotto Bush, un ultimo brutale tentativo di mantenere la propria supremazia incontrastata: il progetto di “guerra infinita”, che avrebbe dovuto annichilire come un rullo compressore tutti i possibili nemici e competitori, ma che si è arenato già sui primi due scogli incontrati, ossia Afghanistan e Iràq. L’ordine mondiale odierno è “semi-unipolare”, con Washington ancora potenza egemone, ma più per la cautela dei suoi rivali che per la propria forza ed autorità. La crisi finanziaria del 2008 è partita dagli USA ed ha mandato parzialmente in frantumi quell’ordine economico su cui si fonda gran parte del potere di Washington. Tutto lascia supporre che si concretizzerà il ritorno ad un vero e proprio ordine “multipolare”, e questa è anche la mia previsione.

Però …come spesso accade c’è un “però”. Uno degli errori più comuni del nostro tempo è quello di percepire le tendenze come fattori fissi ed immutabili, quando in realtà sono contingenti. Come sosteneva Hume, l’uomo è portato a credere in ciò che è abituato a vedere, ossia ad assolutizzare il contingente. Ma le inversioni di tendenza sono sempre possibili. Gli Stati Uniti non hanno accettato e difficilmente accetteranno il ruolo di ex egemone in declino. A meno d’implosioni interne del tipo pronosticato da Igor Panarin, riusciranno ad opporre resistenza, ed hanno molto frecce al loro arco se non per bloccare, quanto meno per rallentare la transizione al mondo multipolare: ricordiamo, tra i principali, il poderoso strumento militare (che spesso fa cilecca, ma per capacità di proiezione globale non ha pari), la “egemonia del dollaro” (Henry Liu), la centralità nel sistema finanziario, l’influenza culturale. Già il secolo scorso la supremazia delle talassocrazie anglosassoni fu sfidata, prima dal Reich tedesco e poi dall’Unione Sovietica, e sappiamo bene tutti come andò a finire. Meglio non vendere la pelle dell’orso (o le penne dell’aquila, se vogliamo esser più precisi nell’allegoria zoologica) prima d’averlo ucciso. Certo però che questi USA d’inizio XXI secolo paiono solo la copia sbiadita della superpotenza del ventesimo: molta della loro grandezza deriva dall’eredità delle generazioni passate, e quando sono chiamati a difenderla non sembrano all’altezza del proprio rango senza pari.

E ora dall’inizio, tuffandoci un po’ nel passato. L’attacco al cuore della Terra, all’Heartland, che gli Stati Uniti hanno attuato su quattro direttrici (sovversione politica, espansione militare, risorse energetiche, supremazia nucleare): può sintetizzare?

La strategia statunitense, quanto meno dagli ultimi anni della Seconda Guerra Mondiale in poi (e forse anche da prima), è fortemente ispirata ai princìpi della geopolitica. L’Heartland (H. Mackinder) è una delle categorie basilari di questa disciplina: è la Terra-cuore, il centro del continente eurasiatico, storicamente impermeabile alla potenza marittima – quest’ultima incarnata prima dall’Impero britannico e poi dal “imperialismo informale” statunitense. L’Heartland è occupato dalla Russia, che rappresenta perciò stesso il principale ostacolo e minaccia potenziale all’egemonia della potenza talassocratica, ossia marittima, degli USA. Dalla fine della Guerra Fredda ad oggi, Washington e Mosca hanno più volte tentato approcci amichevoli, ma tutti sono finiti male. All’arrendevolezza di El’cin si rispose con lo smembramento della Jugoslavia, ed i Russi reagirono portando al Cremlino un certo Vladimir Putin. Le sue aperture dopo l’11 settembre sono state ripagate con la penetrazione statunitense in Asia Centrale, nel “cortile di casa” russo. Anche l’attuale recentissimo idillio tra Obama e Medvedev durerà poco. Nessuno vuole sfociare nel determinismo, ma la geografia è un fattore importante nella vicenda umana, ed in questo caso la geografia condanna Russia e USA ad essere, almeno nello scenario attuale, quasi sempre nemici.

Dagli anni ’90 ad oggi gli Statunitensi, sulla scia di teorizzazioni come quelle di Zbigniew Brzezinski, lungi dall’allentare la morsa su Mosca hanno cercato di sfruttare il crollo dell’URSS per neutralizzare definitivamente la minaccia russa. Le “direttrici d’attacco”, come da lei sottolineato, sono state quattro:

a) la sovversione politica: tramite la CIA, enti pubblici o semi-pubblici come il National Endowment for Democracy o U.S. Aid, e finte ONG gli USA hanno orchestrato una serie di colpi di Stato in giro per l’ex area d’influenza moscovita, allo scopo d’insediare quanti più governi filo-atlantici e russofobi fosse possibile. I casi più celebri: Serbia, Georgia, Ucraìna, Kirghizistan. Ci hanno provato persino in Bielorussia e in Russia (leggi Kaspàrov), ma non è andata bene. I governanti locali si sono fatti furbi ed hanno iniziato a porre una serie di restrizioni alle attività d’organizzazioni straniere nei propri paesi. Gli ultimi eventi in Ucraìna e Kirghizistan fanno pensare che l’ondata di “rivoluzioni colorate” sia ormai in fase di risacca;

b) l’espansione militare: la NATO si potrebbe definire come l’alleanza che lega l’egemone statunitense ai paesi ad esso subordinati. Non è qualitativamente diversa dalla Lega Delio-Attica capeggiata da Atene, o dalle varie alleanze italiche di Roma. Un’alleanza non certo tra pari. Nata in funzione anti-sovietica, scioltasi l’URSS non solo non ha chiuso i battenti ma si è allargata verso est, fino ai confini della Russia. La nuova dottrina militare russa cita espressamente la NATO tra le minacce per il paese;

c) le risorse energetiche: una potente leva strategica per la Russia è costituita dalla sua centralità nel commercio energetico intra-eurasiatico. Gli USA hanno cercato di sminuirla facendo dell’Asia Centrale un competitore di Mosca, tramite gasdotti e oledotti alternativi che scavalcassero il territorio russo. L’impossibilità di costruire la condotta trans-afghana, il ridotto impatto del BTC ed il fallimento annunciato del Nabucco chiariscono che il progetto, almeno per ora, non ha avuto successo;

d) la supremazia nucleare: è un punto sovente ignorato dai commentatori occidentali. Si definisce “supremazia nucleare” la capacità d’uno Stato di vincere una guerra atomica senza subire danni eccessivi, ossia di sferrare un “primo colpo” (first strike) parando la successiva rappresaglia. Quando si dispone di migliaia di testate e missili nucleari, come gli USA, è facile annientare un rivale con una guerra atomica: il grosso problema è riuscire ad evitare d’essere annientati a propria volta se il nemico, come la Russia, ha a sua volta migliaia di armi nucleari con cui rispondere. Ecco dunque l’idea dello scudo ABM (anti-missili balistici), il sogno di Reagan riesumato da Bush e per niente accantonato da Obama. Resterà ancora a lungo una delle principali pietre della discordia tra Mosca e Washington. Infatti, il Cremlino non si beve la storia che lo scudo ABM sia rivolto contro l’Iràn e la Corea del Nord, e nel mio libro spiego dettagliatamente il perché.

Lei si sofferma sulla politica estera statunitense dell’ultimo decennio sviscerando le differenze tra idealisti e realisti alla Casa Bianca. Cosa ha cambiato l’arrivo di Barack Obama alla Casa Bianca?

Ha cambiato molto, ma probabilmente meno di quello che avrebbe potuto se non ci fosse stata la crisi finanziaria del 2008. Obama era portatore d’una geostrategia alternativa a quella neoconservatrice, meno fissata sul Vicino e Medio Oriente e più attenta agli equilibri globali nel loro complesso. Essa comprendeva anche una non dichiarata strategia anti-russa di tipo brzezinskiana. La stessa distensione con l’Iràn era ed è mirata soprattutto a rivolgere la potenza persiana contro Mosca in funzione di contenimento sul fianco meridionale.

Inutile dire che la crisi ha scompaginato i piani. Gli USA si sono ritrovati con l’acqua alla gola, ed Obama s’è accontentato di cercare di salvarne la supremazia mondiale. L’ideologismo di Bush è stato sostituito con un po’ di sana Realpolitik, e la minaccia ed uso della forza militare sono oggi stemperate dal ricorso alla diplomazia come via prediletta. Ma ciò non è sufficiente. Washington, capendo di non farcela più da sola, sta cercando di cooptare qualche grande potenza come stampella della propria egemonia. All’inizio Obama ha cercato di formare il famoso “G-2” con la Cina, ma ben presto la tensione ha preso a montare ed oggi Washington e Pechino si guardano in cagnesco come non succedeva da decenni. Così Obama ha messo nel mirino la Cina, ed ha pensato bene di corteggiare la Russia. Il “leviatano” talassocratico ed il “behemoth” tellurocratico si sono già trovati fianco a fianco contro una potenza del Rimland, ossia del margine continentale dell’Eurasia (mi riferisco alla Germania nel secolo scorso), ma non credo che ciò si ripeterà oggi. Gli USA superpotenza avrebbero potuto cooptare la Russia di El’cin e del primo Putin, ma si sono rivelati troppo avidi di potere ed hanno finito con l’allontanarla. Oggi sono ancora la potenza egemone, e perciò suscitano invidia ed ostilità, ma sono un egemone zoppo,  e dunque appoggiarlo non dà più gli stessi vantaggi d’un tempo. Allearsi con qualcuno che ti vorrebbe come stampella del suo potere traballante non è una prospettiva così allettante. Il Cremlino prenderà altre strade. Solo quando gli USA si saranno ridimensionati al rango di grande potenza inter pares, allora si potrà ridiscutere d’alleanze strategiche.

L’8 dicembre 1991 i presidenti di Russia, Ucraina e Bielorussia, riuniti a Brest, proclamarono la dissoluzione dell’Unione Sovietica, che Gorbačev fu costretto ad accettare suo malgrado. L’ex presidente russo Vladimir Putin, ora primo ministro, ha affermato che la dissoluzione dell’Urss è la stata la più grande catastrofe geopolitica del XX secolo. È d’accordo?

Il termine “catastrofe” sottintende un giudizio di valore, e dunque è soggettivo. Restando sul merito, è indubbio che il crollo dell’URSS, ossia della potenza terrestre dell’Heartland che conteneva la superpotenza marittima, è stato un evento epocale. E dal punto di vista dei Russi, non si può che considerare catastrofico. Ma non solo dal loro. Il crollo della diga sovietica – una diga criticabile e controversa fin quanto si vuole – ha aperto la strada al tentativo egemonico degli USA, col suo contorno di prevaricazione e guerre. Per gli Statunitensi la disgregazione dell’URSS è stata un successo, per i Polacchi una benedizione, per i Cubani, i Siriani o i Palestinesi una disgrazia.

Vladimir Putin è stato, tra luci ed ombre, il simbolo della ritorno della Russia sulla Grande Scacchiera. Lei scrive che la “Dottrina Putin” può essere interpretata come un realismo in salsa russa, fondato sull’accorta tessitura d’alleanze intra-continentali con la Cina, l’India, l’Iran, la Turchia e l’Europa Occidentale. Cioè?

Ho ripreso la definizione che cita da Tiberio Graziani, direttore della rivista “Eurasia”. In Russia, dopo la fine del comunismo sono emerse due visioni ideologiche: quella eurasiatica, che vede negli USA il nemico storico da combattere ad ogni costo, e quella occidentalista, che vede nell’Ovest il beniamino da emulare e compiacere ad ogni costo. La Dottrina Putin esula da questi schemi e si pone nel mezzo degli “opposti estremismi”. Putin ha adottato linguaggi e formalità cari agli occidentali, ed ha a lungo considerato prioritari i rapporti con l’Europa e gli USA. Ma non è mai stato arrendevole e rinunciatario, non ha mai rinunciato a difendere il ruolo della Russia nel mondo ed il suo “spazio vitale” nell’Heartland. Quando ha verificato che con Washington non c’erano spazi di dialogo, si è rivolto altrove. Le alleanze intra-continentali da lei citate servono a creare un “secondo anello di sicurezza” (il primo dovrebbe essere il “estero vicino”) attorno alla Russia. L’obiettivo finale è estromettere la talassocrazia, ossia gli USA, dall’intera massa continentale eurasiatica, per mettere definitivamente in sicurezza la Russia.

Secondo Parag Khanna i “tre imperi” del nuovo mondo multipolare sarebbero Usa, Cina e Unione Europea, mentre la Russia farebbe parte del “secondo mondo”. Lei non è d’accordo. Perché?

Perché la visione di Parag Khanna si fonda sostanzialmente su valutazioni di tipo economico e sulle sue simpatie personali. L’economia è importante ma non rivela tutto. Ad esempio, l’Unione Europea, si sa, è un gigante economico ma un nano politico. Non è neppure uno Stato, bensì un’accozzaglia di Stati nazionali che, come stanno dimostrando gli eventi attuali, in mezzo alla tempesta preferiscono pensare ognuno per sé. La Russia ha un ingente patrimonio geopolitico, in termini geografici, militari ed energetici, che può giocare efficacemente sulla grande scacchiera mondiale. Mosca è ancora al centro della politica internazionale, considerarla parte del “secondo mondo” è ingiustificato.

La Cina è e sarà comunque uno dei protagonisti di questo secolo e intorno al ruolo di Pechino si gioca ovviamente il futuro di Washington. Riprendo allora le sue parole: «Per gli Usa il contenimento della Cina dovrebbe avvenire attraverso due “cani da guardia” posti al suo fianco: l’India e il Giappone. Davvero Nuova Delhi e Tokio sono disposti a ricoprire il ruolo che Washington vorrebbe affibbiare loro, oppure preferiranno unirsi a Pechino per creare una “sfera di co-prosperità” asiatica?»

È un dilemma che non ha ancora trovato risposta. L’India sembrava più vicina alla Cina qualche anno fa, quando entrò nel gergo comune degli addetti ai lavori il termine “Cindia”. Al contrario, il Giappone che qualche anno fa pareva nemico irriducibile di Pechino oggi gli si sta riavvicinando. La situazione è fluida e difficile da decifrare, ma la sensazione è che Nuova Delhi e Tokio cercheranno la vincita sicura: aspetteranno di capire con certezza chi avrà la meglio tra Cina e USA, e solo allora punteranno tutto sul cavallo vincente.

Spostiamoci infine Oltreoceano, dove comunque i grandi attori sono sempre gli stessi. Nel libro scrive che Obama sembra deciso a recuperare l’influenza sul “cortile di casa”, e con qualsiasi mezzo. Russia e Cina, invece, offrono una sponda diplomatica alle nuove potenze emergenti come Brasile e Venezuela. I prossimi conflitti sono programmati?

Il Sudamerica è storicamente un’area molto pacifica. Ma ciò è dovuto anche alla sua storia di marginalità nel quadro geopolitico, ed all’egemonia a lungo incontrastata degli USA. Oggi questi due fattori stanno venendo meno. In Sudamerica sta emergendo una grande potenza mondiale – il Brasile – mentre il controllo degli USA sul “cortile di casa” è stato seriamente intaccato. Cina e Russia si fanno beffe della Dottrina Monroe, punto fermo della strategia statunitense da un paio di secoli. Washington passerà all’azione, o meglio alla reazione, e non sappiamo ancora quali strumenti sceglierà.

Maggiore integrazione economica? L’ALCA è stato bocciato da quasi tutti i paesi sudamericani.

Legami militari? In Sudamerica la Russia ha superato gli USA nell’esportazione di armi.

Influenza culturale? I sentimenti anti-statunitensi, tradizionalmente radicati nell’area, appaiono al massimo storico, ed il risveglio della comunità indigena porta ad una riscoperta del proprio retaggio più arcaico, piuttosto che all’adozione della way of life nordamericana.

Colpi di Stato? In Venezuela ci hanno provato ma fu un fallimento; un pesce molto più piccolo come l’Honduras è caduto nella rete, ma si ritrova quasi completamente isolato nella regione.

Guerre per procura? I paesi sudamericani sono molto restî a scendere in guerra tra loro, se non altro perché sono tutti instabili al loro interno e temono gravi contraccolpi domestici. Attorno alla Colombia la tensione sta montando, e molto decideranno le imminenti elezioni presidenziali. Santos ricorda per certi versi Saakašvili: è una testa calda, con lui tutto sarebbe possibile. Mockus, al contrario, cercherebbe la distensione coi vicini ed allenterebbe i legami con gli USA. In ogni caso, per Bogotà sarebbe una mossa come minimo azzardata andare in guerra coi vicini, quando non controlla neppure il proprio territorio nazionale.

Guerre in prima persona? Sono da escludersi almeno finché le truppe nordamericane rimangono impantanate in Iràq e Afghanistan. Anche dopo aver evacuato i due paesi mediorientali, l’esperienza inciderà negativamente sulla propensione alla guerra nei prossimi anni. Certo, non sono eventi traumatici come il Vietnam – avendovi preso parte soldati professionisti e non cittadini coscritti – ma il paese è comunque demoralizzato e le casse vuote. Inoltre i paesi sudamericani si stanno integrando: attaccarne uno significherebbe rovinare i rapporti con tutti.

Per tali ragioni, ritengo che nei prossimi anni Washington si limiterà a sovvenzionare e “pompare” a livello mediatico i propri campioni in loco: lo sta già facendo in Brasile, anche se difficilmente il Partito dei Lavoratori di Lula sarà scalzato dal potere. In qualche “repubblica delle banane” centroamericana potranno pure organizzare dei golpe, ma l’arma tradizionale dell’influenza nordamericana sui vicini meridionali appare sempre più spuntata.

La perdita dell’egemonia sul continente americano rappresenterà una svolta epocale per gli USA e la geopolitica mondiale. Gli Stati Uniti d’America, potenza continentale, hanno potuto inventarsi potenza marittima contando sull’isolamento conferito dall’assenza di nemici sulla terraferma: dal Novecento hanno perciò potuto proiettarsi con sicurezza sugli oceani e al di là degli stessi. Con l’emergere di forti rivali nelle Americhe, gli USA perderebbero uno dei loro storici vantaggi strategici: smetterebbero di essere “un’isola” geopolitica e ritornerebbero una potenza continentale.

Quali sono questi “rivali” che gli USA potranno trovare nel continente? Facile rispondere il Brasile, su tutti, che ha dimensioni e demografia adatte a sfidare la supremazia di Washington nell’emisfero occidentale. Facilissimo citare il “blocco bolivariano”, paesi che presi singolarmente sono deboli, ma che se dovessero riuscire ad unirsi, resi più forti dalla veemenza ideologica, creerebbero non pochi problemi ai gringos, come li chiamano loro. E non scordiamoci il Messico. Il Messico è una nazione molto grande, direttamente confinante con gli USA, e coltiva – anche se silenziosamente – storiche rivendicazioni territoriali sul sud degli Stati Uniti. La sua economia è in forte crescita: fra pochi anni sarà considerata una grande potenza, almeno in quest’ambito. Fatica a tenere sotto controllo la parte settentrionale del paese, ma è quella meno popolata e più povera. In compenso ha un’arma atipica. Samuel Huntington, poco prima di morire, lanciò un avvertimento ai propri connazionali: di guardarsi dall’enorme aumento numerico dei Latinos – per lo più messicani – negli USA. I Latinos sono concentrati in pochi Stati: California, Texas, Arizona, New Mexico ed anche Florida (qui si tratta di cubani e portoricani). Giungono in massa e tendono a conservare la propria lingua, la propria religione ed il proprio modo di vivere. Hanno già acquisito un ingente peso elettorale, ma in massima parte non sono integrati nella società statunitense. Nel Sud, i cartelli criminali del narcotraffico hanno costituito veri e propri “Stati nello Stato”, che spadroneggiano nei quartieri latini, sanno autofinanziarsi illecitamente tramite il traffico di droga e la prostituzione, hanno veri e propri eserciti armati fino ai denti. Un soggetto ideale per condurre una guerra asimmetrica, se se ne creassero le condizioni. Questi cartelli del narcotraffico hanno eguale potere al di là del confine, nel settentrione del Messico, e forti collusioni con le autorità di Città del Messico. Non è un caso che negli USA da alcuni anni stiano cercando d’arginare l’immigrazione e d’integrare i Latinos nella società, mentre in Messico non fanno nulla per dissuadere i propri cittadini dall’espatriare nelle terre che gli Statunitensi rubarono al Messico centocinquant’anni fa. La situazione è esplosiva, e qualche analista – come George Friedman – se n’è accorto.

 

22/05/2010

Het Walenland en de Nederlanden

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Het Walenland en de Nederlanden

“Indien het nog nodig was hebben de bij momenten surrealistische politieke perikelen van het voorbije jaar ten overvloede aangetoond dat België niet alleen een land van interim-regeringen, maar ook louter een interim land met een hoge verdampingsfactor geworden is.Ondanks de tricolore achterhoedegevechten wint de confederalistische visie die een zo groot mogelijke autonomie voor de deelstaten nastreeft, steeds meer veld. In deze optiek is het daarbij levensnoodzakelijk dat de interne confederatie binnen het België van weleer, een opstap moet betekenen naar een bredere confederatie van de hele Lage Landen.”

Probleemstelling

Met de hierboven geciteerde woorden opent het ‘Manifest voor de Lage Landen’, dat in het najaar van 2008 gelanceerd werd en ondertussen reeds door enkele honderden mensen ondertekend werd.

Het ‘Manifest’ vertolkt de bezorgdheid rondom de nefaste aspecten van de teloorgang van het algemeen Nederlands bewustzijn binnen de brede Vlaamse Beweging, maar evenzeer ook de zorg om het wegdeemsteren van het bredere Benelux-perspectief dat bepalend is voor onze geopolitieke positie binnen Europa en de wereld.

In wat volgt willen we aandacht besteden aan een drietal aspecten die binnen de Zuidelijke Nederlanden – in het Latijn Belgium geheten – al te vaak uit het oog verloren worden niettegenstaande ze onmiskenbaar medebepalend geweest zijn bij onze wording tot natie.

In een eerste verkenning gaan we op zoek naar de oorzaken die ertoe hebben geleid dat we met zijn allen intrinsiek “Belgisch” zijn gaan denken, terwijl velen onder ons de mening toegedaan zijn met dit gedachtegoed veeleer “anti-Belgische” stellingen te verwoorden. We pogen daarbij aan te tonen dat het unitaire denken op lager – “Vlaams” of “Waals” – vlak onvermijdelijk behept blijft met de misvattingen die het voormalige unitaire België kenmerkten.

In een tweede luik wordt uitgebreid herinnerd aan de omvang en het belang van de massale emigratie – die langer dan een eeuw aanhield -vanuit het Nederlandstalige landsgedeelte naar de Romaanssprekende provincies. Die “grote trek” heeft met zich meegebracht dat slechts weinigen van ons geen familieverwanten hebben aan de andere kant van de taalgrens; een gegeven dat niet zonder politieke consequenties blijft.

Met het afsluitend luik van ons betoog willen we de herinnering aan een veel ouder gemeenschappelijk verleden evoceren. Een verleden van bondgenootschappen over het taalgegeven heen, dat het geheel van onze Nederlanden vormde tot een “eenheid in verscheidenheid” die Keizer Karel ertoe bracht ze een aparte status te geven binnen zijn wereldomspannend rijk van die dagen.

Om die verscheidenheid te handhaven zonder afbreuk te doen aan de diepere eenheid gegrondvest op historische verbondenheid, is voornamelijk beter inzicht en een zindelijk taalgebruik nodig – en dit zowel op het vlak van de zo diverse verscheidenheid als op dit van onze lotsverbonden eenheid.

I. Een eerste verkenning

Wie op zoek is naar informatie over het Europa der Volkeren, is bij wie zich Vlaams-nationalist heet aan het goede adres. Men kent hun belangstelling voor verdrukte minderheden. Over Bretoenen, Basken, Katalanen, Zuid-Tirolers en wat dies meer zij, hoeft niemand hen de les te lezen. Zij kennen hun geschiedenis en de omstandigheden die ertoe geleid hebben, dat ze tot nationale minderheden werden binnen de respectievelijke zogenaamde “nationale” staten. Hun ontvoogdingsstrijd kan op hun actieve belangstelling rekenen en ze onderhouden drukke wederzijdse kontakten.

Zover, zo goed. Doch wat te denken van de mening van de buitenstaander, die voorhoudt: “Jullie doen, op jullie manier dan zo’n beetje als de ‘progressieven’ en beoefenen ook liever de “versten”-liefde dan de naastenliefde. Toegegeven jullie belangstellingsgebieden liggen niet over de hele aardkloot verspreid en blijven binnen het oude continent gesitueerd. Doch het blijven naasten ver weg, waarheen je op bezoek kunt of waarvoor je als gastheer optreedt. Buren zijn het niet.”

De naaste buren van de Nederlandstaligen binnen de Belgische staat zijn – en dit niet eerst sedert 1830 – “de” Walen. Die verzamelnaam is weliswaar amper zo oud als de Belgische staat, doch wij weten wat wij ermee bedoelen; namelijk alle lui die zich “Belgen” mogen heten en aan de andere kant van de taalgrens wonen. De norm is wel niet zo heel verfijnd, doch verkrijgt precies daardoor de primitieve eigenschappen die voor een “Feindbild” onontbeerlijk zijn om tot zondebok te maken. De Walen – en opgepast: vice versa geldt het verhaal al evenzeer (cf. de “Heksen van Komen”) – zijn zowat onze Joden: zij zijn ons ongeluk. (Ik hoop dat de vigerende antiracismewet niet verbiedt te refereren naar historische verbanden). In het Derde Rijk waren “de” Joden bron en oorzaak van alle ellende, doch terzelfder tijd kende iedere Duitser wel zijn “goede” Jood, die vrijuit ging. Zo ook vergaat het ons een beetje met “de” Walen en onze goede vriend die in Wallonië woont. Wat meteen zeggen wil, dat men de meningen slechts hoeft te nuanceren naar de persoonlijke ervaring toe, om de zondebok van zijn ergerniswekkend karakter te ontdoen.

Het ras van de “terrible simplificateurs” is overigens van alle tijden en vindt zijn beoefenaars op alle vlakken. Zij leveren de gemakkelijkheidoplossingen die zelden de juiste zijn, omdat de wet van de grootste gemene deler slechts in de wiskunde zijn geldigheid bezit. De lui die in 1789 te Parijs de Bastille bestormden hadden het in deze erg te pakken. “Vrijheid, Gelijkheid, Broederlijkheid” waren leuzen waarmee men vele kanten op kon, doch die uitermate geschikt bleken om de historische verscheidenheid op etnisch en cultureel vlak de das om te doen. “L’Hexagon” werd “une et indivisible” – en Frans. Dat het ruim twee eeuwen later toch niet helemaal naar plan verlopen blijkt te zijn is te danken aan enkele aspecten waarmee de “simplificateurs” geen rekening meenden te moeten houden. Het bloed kruipt waar het niet gaan kan en de volkeren leggen de staten het vuur aan de schenen: in Baskenland, in Bretanje en overal waar een centralistische staat doof blijft voor het galmend geluid dat het uur der volkeren aankondigt.

Wij zijn er graag bij om het vuur te hoeden, bij onze vrienden waar ook in Europa. En bij onze buren? Met betrekking tot onze buren wordt merkwaardig genoeg het stramien aangehouden van de “terrible simplificateurs” en is er eensklaps geen ruimte meer voor nuances die de werkelijkheid bloot leggen. Het zijn immers “de” Walen, met wie wij reeds overhoop liggen, zolang de centralistische Belgische staat – ondertussen op pseudofederalistische basis hertekend – bestaat. Omdat zolang reeds “de” Walen er de toon aangeven en het hoge woord voeren.

Belgische begripsverwarring

Meer dan anderhalve eeuw Belgische staat blijkt voldoende om ons blind en doof te maken voor de verdrongen realiteiten van verleden en heden. Voor het verleden geldt dat de geschiedenis van de Nederlanden niet kan geschreven worden zonder de inbreng uit de Romaanse gebieden te honoreren en dat – vice versa – het Walenland geen ànder verleden heeft dan dit van doorheen de voorbije eeuwen, deel van de Nederlanden te zijn geweest (en van het Heilige Roomse Rijk voor wat voormalige prinsbisdom Luik betreft).

Met betrekking tot het heden dient opgeruimd te worden met de, door de Waalse franskiljons handig gecreëerde en onderhouden, fictie van Wallonië als deel van de francofonie. De Walen zijn, evenmin als de verfranste Frans-Vlamingen, Fransen. Dit wist reeds Peter Benoit in dé 19e eeuw, toen hij vaststelde: “Het Frans is, noch zal ooit hun eigen taal zijn. Zou men willen geloven dat juist datgene wat in de ogen van de Vlamingen een oneindige weldaad voor onze Waalse broeders schijnt, namelijk de overheersing van het Frans in België, integendeel wel het grootste ongeluk is dat hen treffen kan? Zo zij geen Fransen zijn, dan kan de Franse taal hun niet eigen wezen en wordt zij de meest tirannieke hinderpaal voor hun geestesontvoogding, hun echte beschaving en de volledige ontwikkeling van hun scheppend vernuft.”

De bevindingen van P. Benoit werden onderschraagd door de vaststellingen van J. M. Gantois: “Fransen zijn de Walen in geen geval en het is van Vlaams-nationale zijde een noodlottig gezichtsbedrog (het) Walenland te beschouwen als een wezenlijk deel van de Franse natie. Het heeft integendeel niets met de grote buur gemeen dan een cultuurtaal. het Frans. dat het land uit de vreemde werd opgedrongen ter vervanging van zijn natuurlijke en geliefde eigen volkstaal, het Waals.”

Gemeenschappelijk verleden

Wie menen zou dat dit historisch achterhaalde vaststellingen zijn, die geen waarde meer hebben voor het heden, dient slechts op een willekeurig Waals dorpsterrasje neer te strijken en zwijgend te luisteren naar de taal van de mensen die daar thuis zijn. Een eerste vereiste daartoe is natuurlijk te weten waar de begrenzingen van het Waals gebied liggen, zodat men zich te Aarlen niet nog in Wallonië waant. Ook daarover wist J. M. Gantois bescheid; wij komen er verder op terug.

Pieter Geyl, auteur van de Geschiedenis van de Nederlandse Stam, ziet reeds met de Unie van Atrecht een taalgrensbreuklijn ontstaan binnen de Bourgondische Kreits van de XVII Provincies, doch moet bekennen: “… hoe naar alle schijn een sterke Nederlandse staat in wording was, met een individueel nationaal bewustzijn en dat er in de revolutionaire beweging (tegen Spanje) niets was dat op zichzelf de ontwikkeling van de Nederlandse nationale eigenheid bedreigde. De oppositie was algemeen en geheel ontbloot van separatistische onderstromen. Het godsdienstvraagstuk deed de nationale politiek (van Oranje) stranden. Voor het politieke doel (het behoud van de XVII Provincies) zou het mogelijk geweest zijn de hele natie te winnen.”

Overigens waren bij de Unie van Atrecht voornamelijk de grote centra van de Franse Nederlanden betrokken – naast Atrecht ook Dowaai en Rijsel – waarvan wij de uiteindelijke verovering door Frankrijk betreuren en die wij verder als behorend tot ons geestelijk en historisch erfgoed beschouwen. Waarom wordt deze vanzelfsprekende kijk op de dingen op slag minder vanzelfsprekend als het over Doornik, Bergen en Namen gaat? Heeft een Belgische grens, die Henegouwen middendoor snijdt, enige historische waarde? Is ons geschiedenisbeeld zodanig door de Belgische grenslijnen beïnvloed, dat wij geen oog meer hebben voor de eeuwenlange gemeenschappelijke Nederlandse geschiedenis? Weten wij niet meer dat ook na de scheiding van de 16e eeuw, de generaliteitsgedachte – het bewustzijn deel uit te maken van de Nederlanden – levendig bleef aan weerszijden van de taalgrens? Dat dit bewustzijn eerst ten onder ging met de opkomst van de centralistische Belgische staat? En dat wij, puntje bij paaltje, opgezadeld zitten met typische Belgische begripsbepalingen, wanneer wij de Zuid-Nederlandse verscheidenheid herleiden tot het Vlaams-Waals dualisme?

Rijkdom der verscheidenheid

Wie goed toegerust meent te zijn wanneer hij met enkele kleurige toeristische folders en een goede wegenkaart naar een minder bekend gebied trekt, heeft slechts ten dele gelijk. Hij vindt zijn weg wel heen en terug. Doch wie méér wil van zo’n tocht dient zich beter voor te bereiden en op de hoogte te zijn van de historische lotgevallen die de mensen en hun streek mede geboetseerd hebben tot wat ze zijn. De hierboven gememoreerde geschiedkundige achtergrond heeft geen ander doel, dan ons voor te bereiden op een – noodzakelijk te vluchtig – bezoek aan de Romaanse Nederlanden. Het moet bondig, doch hoeft daarom niet oppervlakkig te zijn.

Doornik, eertijds met Aken een centrum van het Frankenrijk, biedt een goed uitgangspunt om de Frans-Belgische grens neerwaarts te volgen. De volkstaal blijkt daar een variante van het Picardisch te zijn en dit is vanzelfsprekend in dit deel Henegouwen, dat niet het Walenland is en zich aan weerszijden van de Frans-Belgische grens uitstrekt. Eerst ter hoogte van Givet steekt het Waalse taalgebied heel even de grens over om bezit te nemen van enkele Franse dorpen. Hierboven werd reeds gewezen op het feit dat de Waalse taal, buiten de verstedelijkte agglomeraties, een levende volkstaal gebleven is. Zij komt evenwel in het onderwijs niet aan bod, zodat ze als geschreven taal slechts door een minderheid beoefend wordt. De Waalse taalbeweging poogt aan dit probleem te verhelpen door middel van taalcursussen, opstel- en poëziewedstrijden en dergelijke meer. Het vrij recent verschijnsel van de lokale vrije radiozenders – waarvan sommige regelmatig in het Waals uitzenden – levert bewijzen te over voor het springlevend zijn van de Waalse taal en identiteit. Dat doet overigens ook het bloeiende Waalse volkstoneel. En ook in het straatbeeld is het Waals in opmars. Zo staan sinds geruime tijd aan alle invalswegen naar Charleroi borden met het opschrift “Charlewé”; en in het Luikse luidt de stadsnaam “Lîtge”.

“De francofonie heeft met haar taal het Walenland gekoloniseerd, daar veel geld aan verdiend, en nadien haar bedrijven gedelocaliseerd. Voor het herstel van de Waalse economie is zij – de francofonie – van geen enkel nut.” Of hoe economisch puin ruimte creëert voor culturele heropleving. Vergeleken met amper een paar generaties terug – toen het signum nog (langer dan in Vlaanderen dus!) tot de gewoonste zaken behoorde in de Waalse scholen – is de status van het Waals er dus onmiskenbaar op vooruitgegaan. In deze opgang is, zo blijkt, ook ruim plaats voor een heropleving van het Waalse chanson, waarbij Charleroi andermaal het voortouw nam. Op 23 september 2000 werd daar voor de eerste maal een soort retrospectieve gehouden onder de titel In sieke di Tchansons d’ayer èt d’aujoûrdu (“op zoek naar liedjes van gisteren en vandaag”), en de daaropvolgende dag liep de enorme feestzaal andermaal vol voor een derde festival van de Waalse samenzang.

Zover is men – bij ons weten – nog niet in het Land van de Gaume dat Lotharings van karakter is, en evenmin in de streek van Aarlen. waar verenigingen als ‘Arelerland a Sprooch’ actief zijn. Ook deze taalbeweging wil komaf maken met het vermeend Franstalig karakter van de streek waar het Letzeburgisch (of Moezelfrankisch) de grensoverschrijdende volkstaal is, waarvan het territorium zich uitstrekt van Bitburg in Duitsland tot Diedenhofen (Thionville) in Frankrijk. Het Letzeburgisch veroverde – tegen de boutade in dat een dialect om een taal te worden moet kunnen beschikken over een leger en een vloot – overigens een officiële status binnen het groothertogdom Luxemburg. In België, Duitsland en Frankrijk blijft het vooralsnog beperkt tot de status van een streektaal. Binnen België is het de volkstaal in het arrondissement Aarlen, waar volgens een recente streekproef ongeveer 34.500 Belgische Luxemburgers de taal kennen of er elementaire noties van hebben. Een al even recente peiling van de werkgroep ‘Langue du Voisin’ toonde aan dat 63% van de ondervraagden de wens uitdrukten dat hun kinderen Letzeburgisch zouden kennen. En dit ondanks het verbod van de Franse Gemeenschap om het Luxemburgs in het kleuter- en lager onderwijs te gebruiken, zelfs niet voor en na de schooluren. “We zitten hier zeer dicht bij het signum linguae”, noteerde G. Fonteyn terecht.

De drang tot behoud van de eigen identiteit zette zich aldaar recent ook politiek af tegen de rattaschistische bestrevingen van het ‘Rassemblement Wallonie-France’, waardoor het ‘Rassemblement Luxembourgeois’ ontstond. “Als België uiteenvalt wil Gendebien – de oprichter van ‘Wallonie-France’ – Wallonië overhevelen naar Frankrijk, maar daar willen wij niet bijhoren. Wij willen dan naar Luxemburg”, betoogt initiatiefnemer Victor Hesse, wiens kersverse partij toen 5% haalde bij de gemeenteraadsverkiezingen van 2000 in Aarlen.

“Er is in België maar één minderheid: de Luxemburgse. Alle andere minderheden, zoals de Franstalige langs de taalgrens in Vlaanderen, beschikken over faciliteiten, dus over een beschermend systeem” (dat nota bene door de Franstaligen in de Brusselse rand onbeschaamd misbruikt wordt, nota MC). “Hetzelfde geldt voor de Vlamingen in Waalse taalgrensgemeenten. Ook de Duitstalige Belgen hebben hun statuut. Maar wij hebben niets. In dit land beschermen de Walen hun minderheid niet” – aldus V. Hesse.

Over de taalverhoudingen aan de Belgische-Duitse grens (Duits taalgebied, Land van Overmaas, Platdietse streek) hoeven wij hier niet verder uit te wijden. Toch even dit ter herinnering: bij het vastleggen van de taalgrens (1962-1963) werd België opgesplitst in vier taalgebieden: Wallonië (dat geacht werd Franstalig te zijn), Vlaanderen, het tweetalige Brussel en het Duitstalig gebied. Malmédy werd bij het Walenland ondergebracht, terwijl Eupen en Sankt-Vith het vierde – Duitstalig – gebied werden. Dit Duitstalig gebied wordt (inclusief Malmédy) doorgaans de Oostkantons genoemd. Het zijn gebieden die België als oorlogsbuit binnenrijfde na de Duitse nederlaag in de Eerste Wereldoorlog. Sinds het Congres van Wenen (1815) waren ze onder Pruisisch bestuur gekomen. Voorheen hadden ze – met onder meer Bitburg en omgeving – deel uitgemaakt van de Oostenrijkse Nederlanden. Malmédy vormde in die oorlogsbuit een buitenbeentje: het was altijd al Waalstalig geweest en ontsnapte ook onder Pruisisch bestuur – als La Wallonie Prussienne – aan een grondige verduitsing.

Anders dan voor de overige taalgebieden vormen de Oostkantons geen eigen “gewest” binnen de bizarre pseudofederalistische Belgische staatsconstructie. Op gewestniveau maken ze deel uit van het Waalse gewest. De Duitstalige Belgen maken dan ook van elke gelegenheid gebruik “om aan te duiden dat ze geen Walen of Franstalige Belgen zijn. Ze kijken bij voorkeur naar wat Vlaanderen doet. En al werden ze op geografische gronden ondergebracht in het gewest Wallonië, dit harnas zit hen te nauw. Ze willen een ‘Gemeinschafts Region’ worden.”

De Voerstreek, die tot dan toe onder de provincie Luik geressorteerd had, werd naar aanleiding van de vastlegging van de taalgrens (1962) naar de provincie Limburg overgeheveld. Dit was niet het geval met de zogenaamde Platdietse streek. Jean-Marie Xhonneux, de historische leider van de ‘Action Fouronaise’, raakt de kern van het probleem wanneer hij zegt dat zijn moedertaal het Platdiets – hij noemt het Platduits! – is en dat dit ook “de gebruikelijke taal is in de aangrenzende gemeenten Plombières en Welkenraedt. Voor hem – Xhoneux – is het Frans evenwel in sociale en officiële contacten de gebruikelijke taal. Guido Fonteyn stelde bij dit soort logica terecht dat dit onderscheid tussen volkstaal en cultuur- of bestuurstaal niet democratisch kan genoemd worden.

Er dient aan dit alles wel even aan herinnerd te worden, om de taaldiversiteit over de taalgrens in haar ware gedaante te zien. En om het definitieve besluit te kunnen trekken dat de zogenaamde Franstaligheid van Wallonië meer fictie dan werkelijkheid is. De spontane vraag die bij deze vaststellingen opwelt, ligt voor de hand. Brengen wij genoeg interesse op en zoeken wij bewust naar kontakten met de mensen van de Waalse en Letzeburgische taalbewegingen? Of kiezen wij de zijde van het franskiljonse Waalse establishment en houden wij ons verder aan het Belgisch taalgebruik? Dit laatst is natuurlijk makkelijker en minder compromitterend dan het beoefenen van de “versten-liefde” – maar vereist de nodige inconsequenties.

Ons verhaal is hiermee niet af. Bedoeling ervan was tot een eerste bezinning aan te zetten. omtrent de plaats van het zogenaamd Franstalige gedeelte van België in het geheel van de Nederlanden en in een Europa der volkeren. Geheel onvermeld bleef daarbij de voorwaar niet geringe Vlaamse aanwezigheid ingevolge emigratie.

II. Een lang verhaal: de emigratie

Een nuttige definitie vooraf

Dr, J. Derney heeft in zijn De historische twee-eenheid der Nederlanden een heldere begripsomschrijving vastgelegd voor de termen Groot-Nederlands en Heel-Nederlands. Het verschil dekt precies de beide concepten van de Nederlanden. Het Groot-Nederlands streven zoekt zijn begrenzing aan de taalgrens, terwijl het Heel-Nederlands streven voortbouwt op de prefiguratie van de historische XVII Provinciën. Tot beter begrip en met het oog op een zindelijk taalgebruik, leek het ons noodzakelijk in deze te preciseren.

De emigratie in cijfers

In wat vooraf ging hebben wij ons zoeklicht gericht op de autochtone bevolking van het Walenland en de onvermoede diversiteit blootgelegd die achter die verzamelnaam schuilgaat. In dit tweede luik willen wij aandacht besteden aan de reeds decennia durende emigratie vanuit Vlaanderen en Limburg naar het Walenland toe, waaraan slechts omstreeks 1969 een einde kwam.

Statistische gegevens met betrekking tot deze “grote trek” van Noord naar Zuid (in België) ontbreken vrijwel geheel. Voor de periode tot 1938 zijn wij daarom vrijwel uitsluitend aangewezen op een studie uit 1943, uitgevoerd door A. de Bontridder (leider voor Wallonië en Zuid-Vlaanderen van het Vlaams Nationaal Verbond). Gezien de tijdsomstandigheden valt de auteur, bij het interpreteren van zijn gegevens, niet vrij te pleiten van propagandistische bedoelingen. Doch voor wie daar tussendoor weet te laveren blijven de naakte cijfers hun zin behouden.

De emigratie naar het Walenland heeft verschillende oorzaken, die elk op hun beurt verantwoordelijk zijn voor een deelaspect ervan. Een eerste emigratiegolf was het rechtstreeks gevolg van de Revolutie van 1830, waardoor de Vlaamse textielindustrie dodelijk getroffen werd. Haar afzetgebieden in Nederlands-Indië gingen volledig teloor. Duizenden Vlaamse arbeiders weken noodgedwongen uit naar het Walenland en naar Noord-Frankrijk. De door koning Willem I groots opgezette industrialisatie van het Walenland (thans op sterven na nood) was in volle expansie en bood arbeid en brood aan wie werken wilde. De uitwijkelingen naar Frans-Vlaanderen zouden de Franse textielindustrie (Rijsel. Toerkonje. Robeke) groot maken.

De hongerjaren (mislukte oogsten) 1840-1846 zouden nieuwe emigratiegolven teweeg brengen. waarbij opnieuw duizenden naar het zuiden van België – en naar Amerika – trokken. Ook de demografische ontwikkeling verwekte emigratiegolven, voornamelijk in de landbouw. De als gevolg van verdeling door onleefbaarheid bedreigde landbouwbedrijven boden geen bestaansmogelijkheden meer voor de kinderen, Tot diep in Frankrijk, maar eerst in het Walenland, zouden zij op zoek gaan naar de bodem die hen voeden kon.

De emigratie vanuit Vlaanderen heeft geduurd van omstreeks 1830 tot en met de jaren zestig van de 20e eeuw. Reeds in 1839 ontstond te Hocquet nabij La Louvière een Vlaamse wijk – waar tot op de dag van vandaag Nederlandssprekenden aanwezig zijn. Vanaf 1905 waren er te Charleroi, La Louvière en Doornik afdelingen van het ‘Algemeen Nederlands Verbond’ actief. Uit diezelfde bron weten we dat er in 1912 te Luik een ‘Vlaams Huis’ opgericht werd en er een ‘Groeningewacht’ bestond, waar onder andere August Borms zou gepleit hebben voor de invoering van tweetaligheid in het Luikse gemeentebestuur. Luik was lang geen alleenstaand geval. Ook in Seraing was er een ‘Vlaams Huis’. In 1912 sprak daar de Vlaamse minister Helleputte, die er de Vlaamse emigranten toe aanzette Vlaams en katholiek te blijven. In een later stadium werden er zogenaamde ‘Broederbonden’ en actief en werden er ‘Algemene congressen van Vlamingen in Wallonië’ gehouden.

De Nederlandstalige gemeenschap als zodanig heeft zich om haar uitwijkelingen om den brode nooit veel bekommerd in die jaren. Van kerkelijke zijde werden er wel initiatieven ontplooid die bovendien over een reëel draagvlak konden beschikken. In 1920 lanceerde de Dominicanenorde het weekblad De Vlaamsche Volksstem als orgaan van de ‘Broederbonden der Vlamingen in het Walenland’. Dit blad zou tot 1964 verschijnen en berichtte in zijn wekelijkse Kronijk over de activiteiten van de talrijke Vlaamse verenigingen in het Walenland. Guido Fonteyn – aan wie we ook deze en volgende gegevens danken – nam het nummer 27 van de 10e jaargang (6 juli 1930) door en noteerde onder meer de uitnodiging tot het bijwonen van het Guldensporenfeest en de Gezelleviering, ingericht door het Davidsfonds te Luik-Hesbaye. Te Herstal vormden de leden van de ‘Vlaamse Broederbond’ aparte groepen in de processie. Te Charleroi werd een ‘Grootsche Optocht’ gehouden en te Montignies-Neuville ging het Guldensporenfeest in de ‘Vlaamschen Kring’ gepaard met een optreden door het ‘Vrouwenchoraal’. Te Bergen (Mons) organiseerde het Davidsfonds een Guldensporenviering, met aansluitend prijsuitreiking voor de kinderen die de Vlaamse leergangen hadden gevolgd. Ook te Montignies-sur-Sambre, Roux, Mont-sur-Marchienne, Gilly en Damprémy gingen soortgelijke prijsuitreikingen door.

Het in vorige alinea genoemde Davidsfonds had trouwens reeds vanaf zijn stichtingsjaar 1875 afdelingen in het Walenland, onder meer te Luik en te Saint-Roch. Vóór de Eerste Wereldoorlog werden afdelingen opgericht te Wezet/Visé (1910), te Aubel (1911), te Verviers (1912). Ook te Aat/Ath, Doornik en Edingen bestonden reeds voor 1911 Davindsfonds-afdelingen. Na Wereldoorlog I werden nog afdelingen gesticht te Eupen, Malmédy, Montzen, Hoei en Herstal. Het zou duren tot aanvang de jaren 1950 vooraleer al deze afdelingen wegdeemsterden uit het brede Davidsfonds-landschap.

‘Band – Organisatie van de Vlamingen in Wallonië’, is een initiatief dat eerst einde der vijftiger jaren van de 20e eeuw schuchter van wal stak, maar dat aldus over voorlopers beschikte waaruit blijkt dat de emigranten zich in het Walenland niet zomaar geruisloos lieten assimileren. ‘Band’ zou echter nog vóór het einde van de vorige eeuw een stille dood te sterven. Er was overigens niet de minste ruggensteun meer vanuit het Nederlandstalige landsgedeelte. De “federalisering” van België resulteerde op dit vlak eerder in een zich volledig afkeren van wat er zich aan de overzijde van de taalgrens afspeelde. Het enige aandachtspunt werden de “transfers”, en initiatieven die de van huize uit Nederlandstaligen ertoe aanspoorden zichzelf te blijven en de aanpassing zonder zelfverloochening uit te testen werden als uit den boze beschouwd.

Hoeveel Vlamingen vestigden zich in het Walenland? Wij laten A. de Bontridder aan het woord: “Niemand kan het juist zeggen. Er bestaat geen telling, geen statistiek. Toen wij in mei 1941 met de ‘Organisatie der Vlamingen in Wallonië’ van wal staken, kon er ten hoogste gerekend worden op een tiental adressen. Maar het was geweten, dat onze volksgenoten, geheel aan hun lot overgelaten, met honderdduizenden verspreid leefden over gans het Walenland. Met de geringe middelen die ter beschikking stonden, konden wij (…) ook een waardevol documentatiemateriaal verzamelen. Onze jonge organisatie is er reeds in geslaagd 20.000 Vlaamse huisgezinnen te identificeren verdeeld over de volgende gemeenten:

La Louvière, 967 – Gilly, 1.303 – Houdeng-Goegnies, 222 – Bergen, 841 – Tubeke, 409 – Doornik, 726 – Montignies s. Sambre, 1.241 – Ransart, 310 – Damprémy, 530 – Marchienne au Pont, 751 – Courcelles, 720 – Gosselies, 932 – Bressoux, 845 – Montegnée, 672, enz.

Dat geeft 20.000 Vlaamse huisgezinnen, dit is minstens 100.000 personen. Wanneer het ons zal mogelijk zijn deze telling te doen voor gans het Walenland, dan zal blijken, dat dit cijfer nog niet het twintigste deel is der Vlaamse huisgezinnen die in het Walenland verblijven.

Want men moet rekening houden met het feit, dat in hoger genoemde getallen niet alle Vlaamse gezinnen begrepen zijn, maar slechts deze waarvan de afstamming betrekkelijk gemakkelijk te maken is, omdat zij in Vlaanderen zelf geboren zijn. Al deze Vlamingen spreken nog onze moedertaal. Als wij daarbij dan de personen voegen, die in het Walenland uit Vlaamse ouders geboren werden. dan dienen deze cijfers minstens verdubbeld te worden.

Gans het gebied van Teuven aan de Duits-Nederlandse grens. over Wezet (Visé), Borgworm, Landen, Geldenaken, Waver, Kasteel-Brakel, Tubeke, Edingen, Aat, Lessen, Leuze en Doornik bevat (toen, nota MC) ongeveer 150 gemeenten met sterke en zelfs overwegend Vlaamse bevolking. In de streek van Landen zijn een 20-tal gemeenten geheel Vlaams. Hetzelfde geldt voor de streek van Edingen tot Vloesberg in Henegouwen.

De Wallingant, ir. P. de Charnay, erkende in 1935 openlijk, dat het Walenland letterlijk door Vlamingen werd bezet. Hij haalde onder andere het voorbeeld aan van het kanton Beaumont (provincie Henegouwen, arrondissement Thuin), waar toen reeds meer dan 450 Vlaamse boerenfamilies bodemvast ingeburgerd waren. Gelijkaardige toestanden zijn zowat overal te ontdekken.

Deze cijfers mogen ons niet verwonderen als we weten, dat ganse Vlaamse huisgezinnen hun Vlaamse woonplaats verlieten om naar het Walenland te trekken. Want ook in die richting hebben we een onderzoek ingesteld.

Sinds 1900 weken uit volgende gemeenten het daarachter bepaalde aantal personen uit naar het Walenland. Indien de uitwijking vanaf een ander jaar gekend is werd dit aangeduid tussen haakjes:

Aalst: 4594 (sinds 1891) – Anzegem: 491 – Assebroek: 802 (sinds 1870) – Belfegem: 619 (sinds 1830) – Bilsen: 923 (sinds 1847) -Beverlo: 242 – Eeklo: 806 (sinds 1894) – Eisden: 520 (sinds 1922) – Geeraardsbergen: 6428 (sinds 1872) – Grembergen: 314 – Halle: 849 (sinds 1901) – Heppen: 308 – Izegem:271 (sinds 1923) – Kermt: 479 – Kessel-Lo: 3634 (sinds 1870) – Kwaremont: 317 – Lanaken: 782 – Ledeberg: 1600 (sinds 1870) – Leisele: 263 – Leuven: 551 – Liedekerke: 271 – Lommel: 908 – Lovendegem : 325 – Lummen : 589 -Membruggen 1915 tsece~t ‘901 – Nazaret: 346 – Neerlinter: 272 (sinds 1915) – St.-Agatha Rode: 399 – St.Genesius Rode: 2000 (sinds 1830 – Steendorp 238 – Terhagen : 321 – Veurne: 611 – Wezemaal: 319 – Willebroek: 1390 – Zele: 1065 – Zolder: 357 – Zottegem: 409 (sinds 1901) – Zwijndrecht: 348.

Dat geeft voor 38 gemeenten 35.179 uitwijkelingen. Als men weet, dat er in Vlaanderen (voor de fusies uiteraard, nota MC.) 1170 gemeenten zijn, en zo men voor deze 1170 gemeenten kon teruggaan tot 1830, dan zou blijken dat een miljoen Vlamingen zich in het Walenland gevestigd hebben sedert 1830.

Maar er is meer! Deze Vlaamse mannen en vrouwen huwden en werden uitgehuwd en door de natuurlijke vruchtbaarheid van ons volk kwam er daar in het Walenland een volk tot stand, dat men zeer ten onrechte als Waals volk is gaan aanzien, maar dat voor een zeer groot gedeelte behoort tot ons Zuid-Nederlandse volk. Dat dit volk reeds in zijn brede lagen zijn taal verloren heeft, verandert niets aan zijn afstamming.” Einde citaat.

Dertig jaar later zou de eerder vermelde vereniging ‘Band’, met al even beperkte middelen van onderzoek, tot een meer schuchter, doch nog steeds indrukwekkend besluit komen. Band telde in 1971 nog 55.000 tot 60.000 gezinnen, hetzij ruim 300.000 Vlamingen, die nog in aanmerking konden komen voor een Vlaams verenigingsleven in het Walenland.

Uit het “groene boekje” van ‘Band’ putten wij nog volgende interessante gegevens, ter aanvulling van het destijdse onderzoek van A. de Bontridder:

“In 1970 verklaarde de Eerste Schepen van La Louvière dat 71% van de inwoners van zijn stad van Vlaamse afkomst was. In Luik-stad schommelde dat cijfer tussen 30 en 35%.”

En verder: “Omwille van de verbeterde economische toestand in het Noorden, verloren de Waalse mijnen geleidelijk hun aantrekkingskracht voor de Vlamingen. Voor de landbouwsector echter bleef de interesse wel bestaan: in sommige dorpen zijn 15 tot 20% van de inwoners afkomstig uit Oost- en West-Vlaanderen; uit de provincies Antwerpen en Limburg kwamen de landbouwersgezinnen in mindere mate over naar het Waalse landsgedeelte. In 1968 zochten veel onteigende landbouwers uit het polderland van de Antwerpse rechteroever hun redding in een hoeve in het Walenland.” Einde citaat.

Het gebied van Zuid-West-Vlaanderen, dat tot lang na de Tweede Wereldoorlog verstoken bleef van enige noemenswaardige industrialisatie, kende nog in de zestiger jaren een enorm aantal pendelarbeiders naar het Noord-Franse industriegebied (dat geologisch een voortzetting vormt van de Waalse bekkens) en naar het Walenland.

De eigen ervaring leert dat uit de jaargangen geboren tussen 1940 en 1950 nog in haast alle families emigranten kwamen die uitweken naar het Walenland. Hun kinderen kregen uiteraard slechts Franstalig onderwijs. De schrijnende realiteit dat Vlaamse grootouders niet eens meer met hun in het Walenland geboren kleinkinderen kunnen converseren, is een ervaring die ontzettend veel West-Vlaamse families aan den lijve ondergaan.

Volgens officiële statistieken weken, tussen de volkstelling van 1949 en 1963. nog 130.765 Vlamingen uit naar het Walenland. Anderzijds groeide de bevolking van het Walenland tussen 1939 en 1973 van 2.968.756 tot 3.192.000. hetzij een aanwinst van 223.244 zielen (met inbegrip van de vreemdelingen, die thans 12,2% van de Waalse bevolking uitmaken).

De uitwijkelingen naar het Walenland kwamen in de periode 1946-1957 voor 42% uit West-Vlaanderen, 23% uit Oost-Vlaanderen, 13% uit Limburg, 11% uit Antwerpen, 5% uit Vlaams-Brabant en 6% uit Nederland. 62% van hen kwam terecht in Henegouwen, 14% in Namen, 13% in Zuid- (of Waals) Brabant, 7% in Luik en 4% in Luxemburg.

In juli 1950 balanceerde België op de rand van een regelrechte burgeroorlog naar aanleiding van de Koningskwestie. Te Graçe-Berleur vielen drie doden onder de kogels van de Rijkswacht. Hun namen zijn bekend: Albert Houbrechts, Pierre Cerepana en Henri Vervaeren. Afgaande op hun namen dus twee Vlamingen en een Italiaan.

Het verhaal van de Nederlandstalige emigratie naar het Walenland situeert zich aldus over meer dan een eeuw – 1830-1960 – en aan het verhaal kwam slechts, wat de Waalse mijnstreek betreft, een einde door de invoering van het abonnementensysteem van de spoorwegen. Daardoor ontstond voor velen een alternatief voor de definitieve migratie en spoorden de Vlaamse kompels voortaan – en zolang de Waalse mijnen nog actief waren – wekelijks of zelfs dagelijks naar huis. Te Bois-le-Duc staat thans op de voormalige mijnsite een zwartgeschilderde treinlocomotief. Het is een restant van de ‘Train des Flamands’ die destijds de mijnwerkers uit de streek van Geeraardsbergen naar de mijnen bracht. En van de woonblokken heet tot op vandaag de ‘carré des Flamands’.

De slotsom

Wanneer wij onze cijfers (inclusief Waals-Brabant) afgerond samenvatten, dan ontstaat volgend beeld:

1. Minder dan 1.500.000 niet-ingeweken, zogenaamde oorspronkelijke Walen (waarin evenwel begrepen het Moezelfrankisch taalgebied rond Aarlen, het Picardisch taalgebied in Henegouwen en het Duits taalgebied (Oostkantons)).

2. Ongeveer 400.000 niet-assimileerbare “verse” vreemdelingen.

3. Ongeveer 50.000 Vlamingen 1e en 2e generatie, die nog niet volledig verfranst zijn.

4. Ongeveer 1.500.000 afstammelingen van verfranste Vlamingen, ingeweken sinds het ontstaan van België.

Wij moeten de moed hebben om de dingen te zien zoals zijn en dit houdt bijvoorbeeld in dat de Vlaamse miljardenstroom naar het Walenland, voor niet veel minder dan de helft te goede komt aan uitgeweken Vlamingen en hun nakomelingen. Vanzelfsprekend is deze vaststelling niet van aard om de nood aan dringende sanering van verlieslatende industrietakken tegen te spreken – of inzake het handhaven van objectieve normen inzake steunverlening en medische zorg voor het ganse land. Zij wil slechts de demagogie relativeren over “de” Walen die leven van Vlaams geld.

Facit: verworvenheden van taal en cultuur – hic et nunc de verfransing – zijn, in tegenstelling met het bloed, niet erfelijk. Zij tasten derhalve het wezen van de mens en het volk niet aan. Indien deze hedendaagse verworvenheden van de antropologie enige waarheid bezitten, dan betekent dit meteen dat ook de Waalse provincies evengoed bewoond worden door Nederlanders, als Brabant, Limburg en Vlaanderen.

Voldoende stof tot overweging alvast. Rest nog af te ronden ~net enkele beschouwingen over een derde aspect van “Het Walenland in de Nederlanden” namelijk de historische lotsverbondenheid.

III. Lotsverbondenheid

Hierboven hebben wij respectievelijk aandacht besteed aan de etnische en taalkundige verscheidenheid binnen het Walenland zelf en aan de enorme emigratie vanuit het Nederlandstalig gebied naar het Walenland toe. Wij zetten daarmee als het ware een stap van het heden naar het gisteren. In dit derde luik willen wij nog verder doordringen in het verleden en aandacht besteden aan de historische lotsverbondenheid van alle gewesten van de Zuidelijke Nederlanden.

Aan een eerste aspect van dit onderwerp werd ook reeds door A. de Bontridder aandacht besteed, waar hij (in de hierboven aangehaalde studie) schreef: “Gans de geschiedenis door is er een min of meer stevige lotsverbondenheid geweest tussen de gouwen die de huidige Belgische ruimte uitmaken. Die lotsverbondenheid bestond vóór, tijdens en na het Lotharingse Rijk, tijdens het bestaan van de XVII Provinciën der Nederlanden, onder de Spaanse, Oostenrijkse en Franse overheersing, en bestaat nog in de Belgische staat sinds 1930.” De auteur stelt verder ook – wij citeren:

“Brains”

“Gedurende deze lange tijdsspanne, die ongeveer 1500 jaar geschiedenis omvat, zijn het steeds de Vlamingen geweest die in deze gebieden de grootste rol hebben gespeeld. In de staatskunde, in de kunst, op het gebied van handel en nijverheid, stonden zij steeds vooraan om niet te zeggen op het voorplan. Maar zelfs gedurende het tijdstip van het zogenaamde Waalse overwicht in de Belgische staat zijn het niet altijd zuiver “Waalse” krachten geweest, die de staat beheersten. De leidende kringen stonden onder sterke invloed van verfranste Vlamingen. Onder de zogenaamde Waalse schrijvers en kunstenaars en vooraanstaande persoonlijkheden vinden wij immers de volgende namen: Caesar Franck, Godefroid Kurth, Pietkin, J. Feller, Van Walleghem, Van Belle, Jenissen, Vaniesbecq, Duesberg, Schoonbroodt, Paul van der Borght, Van der Maesen, Frans Dewandelaer, Van Cutsem, Vrindts, Verhaeren, Charles de Coster, Georges Rodenbach, Van Lerberghe en ontelbare anderen, waarvan de naam mij niet onmiddellijk te binnen schiet. In de politiek, in de handel, in de nijverheid en in de financies vinden we een geweldig aantal vooraanstaande persoonlijkheden, die hoewel zij een belangrijke rol speelden en nog spelen in de Belgische ruimte, zonder zich als Vlamingen te gedragen, toch tot ons volk behoren naar hun afstamming.

Met deze gegevens willen wij erop wijzen. dat de ‘echte’ Walen feitelijk veel minder talrijk zijn dan velen van ons denken, en dat het voor een groot deel, tegen alle schijn in, ook Vlamingen zijn, die niettegenstaande alles het meest actieve en werkzame deel zijn geweest der bevolking in de Belgische ruimte.” Einde citaat.

Historische terugblik

Vanzelfsprekend gebruikt de auteur het begrip “Vlamingen” in zijn betoog als verzamelnaam voor de (van oorsprong) Nederlandstaligen binnen de Belgische begrenzing. Het zogenaamde “sociologisch” gegeven – beter zou zijn Belgisch gegeven – waardoor Limburgers en Brabanders zich, sedert 1830, ook als Vlamingen zijn gaan beschouwen, heeft zijn equivalent van even recente datum aan de andere zijde van de taalgrens. “Het duurde tot 1913 eer de Waalse Haan en de geelrode vlag geboren werd, ter vervanging van de eeuwenoude leeuwenschilden van de Waalse graafschappen. Het woord “Wallonië” werd voor het eerst gebruikt in 1857 in de titel van het tijdschrift van de ‘Société Liégoise de Littérature Wallonne’. Van enige politieke bedoeling was er bij deze letterkundigen geen sprake; zij leefden overigens in de beste verstandhouding met hun Vlaamse collega’s o.a. Jan Frans Willems.

In 1895 omschreef prof. M. Wilmotte het Luikse volkskarakter als volgt: “II semble avoir pris quelque chose de la familiarité et de la rudesse teutonnes. Mais si cette familiarité lui reste intégralement (…) la rudesse fut, du moins tempérée par cet apport à la fois méridional et Chrétien … C’aura été l’honneur et la faiblesse de notre race, que d’avoir associé à un indomptable instinct d’individualisme germanique, l’allure plus vive, la sensualité plus prompte et l’humeur plus mobile et plus sarcastique du Gallo-Romain.”

In datzelfde werk citeerde de auteur onder andere uit de Monumenta Germaniae Historica, waaruit blijkt dat men het in Luik, anno 1149. had over “nos Germani sumus, non Galli comati”, en verder, “quia non essent Alemani, sicut dicebat bulla ipsius, sed Galli sive Germani”. Germani betekende toen vanzelfsprekend thiois of Diets.

Men kan dus rustig stellen dat zowel historici als taalkundigen zich, op het einde van de 19e eeuw, nog ten volle bewust waren van hun niet-Franse verleden. De historische breuk met dat verleden kwam eerst tot uitdrukking, toen de politieke Waalse beweging zich als symbool de zogeheten “Waalse” (in feite Gallische) Haan koos en zich als verfransingmachine ging ontpoppen. Doch toen was België reeds geboren.

De Belgische revolutie: 1830

Misschien is het hier de beste plaats om eens te meer het ballonnetje door te prikken van “de Walen als gangmakers van de Belgische revolutie van 1830”. Wij gaan daarvoor te rade bij de wel onverdachte Gerard Knuvelder en diens Rampjaar 1830 , waar hij vaststelt en noteert – wij citeren dwars lezend:

“Huidig nationaal inzicht zou er misschien (inderdaad misschien!) over gedacht hebben de Waalse gewesten niet bij Nederland te voegen, maar men zou daardoor Frankrijk een uitbreiding van gebied gegeven hebben die een onmiddellijke bedreiging van Nederland werd”, aldus de inleiding tot deze studie. De onrust tussen 1815 en 1830 was geen typisch Zuid-Nederlands, laat staan een Waals verschijnsel. In 1819 vroeg de burgemeester van Maastricht ontslag als lid van de Staten-Generaal op grond van zijn onbekendheid met het Nederlands. De grote petitiebeweging met betrekking tot vrijheid van drukpers en onderwijs kende, naast Luik, Verviers en Brussel, ook Maastricht als gangmakers; de beweging deinde al over Noord-Brabant uit naar Den Haag, Gelderland en Friesland. Uit de krant Courrier de la Meuse bleek duidelijk dat het Zuiden zich niet als “Belgen” achteruitgesteld voelde, doch wel zich in zijn katholiciteit bedreigd meende. De eis tot vrijheid van gebruik van de Franse taal werd al evenzeer door de katholieken in het Noorden gesteund (cf. de Rotterdamse, Nijmeegse en Utrechtse petities). Toen 1830 aanbrak was het derhalve politiek woelig in de ganse Nederlanden, doch niets kon een revolutie laten vermoeden. De liberale oppositiekrant BeIge schreef op 6 augustus dat: “… ook diegenen die zich het meest tegen de gang der regering gekant tonen, de noodzakelijkheid aanvoelen van het bewaren van de goede orde en de eenheid.” Op 16 augustus besluit Le Courrier des Pays Bas – “nomen” was toen nog “omen”! – na de grieventrommel geroerd te hebben, dat: “… de Zuiderlingen gesteld zijn op het vaderland dat men hen kortgeleden gegeven heeft; een vaderland dat de voormalige Franse regering ons nooit zo ruim heeft toebedeeld als onze tegenwoordige.” De katholieke Luikse Courrier de la Meuse stelde voorop: “dat slechts wettige middelen mogen gebruikt worden om de grieven weggenomen te zien.” Noch de liberalen, noch de katholieken, noch de adel, noch de geestelijkheid en evenmin koophandel en industrie wensten een revolutie. Het Brussels oproer had met Nederlandse politieke kwesties niets te maken. Als de geïmporteerde revolutionairen op 26 augustus de Franse vlag hijsen op het Brussels stadhuis wekt dit niet in het minst enig enthousiasme bij de bevolking. Staatkundige en taalpolitieke aspecten hebben in 1830 hoegenaamd geen belangrijke rol gespeeld. De rasechte Nederlander Sasse van IJsselt hield ook nog in 1830 zijn redevoering in Den Haag in het Frans.

Facit: de scheidingslijnen van het verzet tegen en de aanhankelijkheid aan de regering van Willem 1, liepen allesbehalve parallel aan de toenmalige Rijksgrens en/of de taalgrens van heden. Tot zover de vaststellingen van Gerard Knuvelder.

En vroeger?

Gezien de geschiedenis van de voorafgaande eeuwen kon dit moeilijk anders. Om dit aan te tonen verlaten we even de terugblikgeschiedschrijving – van het heden steeds verder het verleden in – en hernemen wij de traditionele chronologische methode. Geen enkel Waals gebied had immers hetzelfde lot ondergaan van Vlaanderen, dat door het verdrag van Verdun in 812, gedurende zeven eeuwen politiek verbonden werd met het latere Frankrijk. Dat thans 210 van de 340 oorspronkelijke gemeenten van het oude graafschap Henegouwen binnen de Franse staatsgrenzen dienen gesitueerd te worden, is een ander verhaal dat “De Franse Nederlanden” tot titel heeft.

Des te intenser waren de bondgenootschappen – over de taalgrens heen – tussen de andere gouwen van de Nederlanden. Wij citeren opnieuw dr. J. Rutten: “Randgebied van het Duitse Rijk, werd er tot aan de 15e eeuw weinig of niet aan grote politiek gedaan. Men leefde in goede verstandhouding met de naburige heerlijkheden: in 1283 sloten Brabant en Luik een pakt van bijstand. In 1328 tekenden Brabant, Henegouwen en Holland een arbitrageverdrag voor onderlinge geschillen. In 1339 besloten Brabant, Vlaanderen en Henegouwen – in 1347 ook Luik – eenzelfde munt in te voeren. Het Prinsbisdom Luik handhaafde op bewonderenswaardige wijze zijn onafhankelijkheid, zowel tegenover de Bourgondiërs als tegenover Karel V; in de Tachtigjarige Oorlog bleef het zelfs neutraal. Met Frankrijk was er nooit enige – ook geen feodale – band; een tijdelijke aansluiting werd ieder maal met de wapens afgedwongen. Te Groeninge vochten mannen van Namen naast die van Gulik en Kleef. Tot aan de Franse revolutie stonden de Waalse provincies los van elkaar en zorgde ieder op eigen houtje voor zijn belangen. Vanaf dan echter werden de nu Belgische provincies als een geheel beschouwd en gemanipuleerd. Eigen zeggenschap hadden ze weinig en onderling was er ook geen ruimte voor na-ijver of tegenstellingen. Tijdens 1815-1830 lopen de meningen over en weer van de taalgrens, die overigens zelf niet beweegt.”

De taalgrens – die trouwens geen Belgisch fenomeen is en dwars door West-Europa loopt – bleef tot aan de opkomst van de natiestaten gedurende eeuwen vrijwel stabiel. Zijn oorsprong gaat terug tot in het verre verleden. Volgens Franz Petri aan wie wij deze gegevens ontlenen, is die grens een soort ‘Ausgleichlinie’, tot stand gekomen lang na het einde van de volksverhuizingen. Wetenschappelijke disciplines als archeologie, naam-, taal- en volkenkunde zijn het erover eens dat het Walenland minstens evenzeer als het Noorden van België, tot invasiegebied geworden is. Wij citeren: “Van de ongeveer 500 Merovinger-begraafpiaatsen op Belgische bodem liggen er slechts ongeveer 50 – dat is 10% – in de Nederlandstalige provincies, terwijl voor de Waalse provincies de volgende cijfers onbetwistbaar vaststaan: Luxemburg 47, Luik 70, Henegouwen 90 en Namen 165. Men mag gerust van een gemeenschappelijke ontwikkeling van de Germaanse beschaving tussen de benedenloop van Seine en Elbe spreken – en dit vanaf het midden van de 4e eeuw (p.16). In het geheel blijft de Waals-Noordfranse (merovingische) rijgravencultuur een niet te weerleggen getuigenis van de Germaanse volksnederzetting. Wallonië heeft met ongeveer 450 grafvelden op zowat 16.000 km2 bodem, ongeveer dezelfde vinddichtheid als het Rijnland. Derhalve blijven Wallonië en Noord-Frankrijk kerngebieden van de in belangrijke mate Germaans bepaalde cultuur van de vroege Middeleeuwen. (p. 31). Het blijft een feit dat in de oudst bewoonde gebieden van Wallonië van een werkelijke en substantiële laag Germaanse namen gesproken mag worden (p.34). In de taalwetenschap is het een feit dat de Germaans-Romaanse taalgrens in haar totaalverloop geen rechtstreeks gevolg is van de nederzettingsgrens; doch wel een meerdere eeuwen jongere taalkundig-culturele ‘Ausgleichrije’. Er was aan beide zijden van de latere taalgrens een brede zone van tweetaligheid, waarin de Germaanse bevolking zich later, ingevolge assimilatie, liet romaniseren (p. 168, 171).” Einde citaat.

Tijd voor conclusies

En daarmee zijn we aan het einde van ons verhaal gekomen. Slechts de staatkundige éénwording van de Bourgondische Nederlanden en het uiteenvallen ervan naar aanleiding van de opstand tegen Spanje, werden buiten beschouwing gelaten, omdat verondersteld mag worden dat deze genoegzaam bekend zijn. Terecht herinnerde Prof. Hugo de Schepper er in dit verband aan hoezeer ook vandaag nog de geschiedschrijving van de Lage Landen ten onrechte in Noord- en Zuid-mootjes uiteenvalt: “Uit onderzoek van archivalia en literaire bronnen blijkt er in de Bourgondisch-Habsburgse tijd wel degelijk een economisch, politiekgerechtelijk en cultureel-intellectueel integratieproces aan de gang te zijn. Het integratieproces steunde voornamelijk op de kernprovincies, waar tweederden van de Nederlandse bevolking woonde: Brabant met Mechelen, Holland, Vlaanderen en Zeeland. Ook de Leidse hoogleraar en kenner van de 16e eeuw, Juliaan Woltjer, stelt dat we de verstedelijkte Vlaams-Brabants-Hollandse economie en cultuur in de hele 16e eeuw als een eenheid moeten zien. Als er dan toch een grens zou moeten worden getrokken, dan lag zij tussen het verstedelijkte noordwesten enerzijds en de agrarische en woeste gebieden in het oosten en in de Waalse provincies anderzijds. Terwijl in de kernprovincies de vorming van de Nederlandse staat vóór 1531 in de bestuurskundige praktijk het federale stadium bereikte, bleven de provincies in de periferie tijdens de 16e eeuw nog goeddeels in de fase van een confederale unie van ‘landen’ steken. In de Romaanse periferie en in de noordoostelijke periferie – Friesland, Groningen en de Ommelanden, Overijssel-Drenthe, Utrecht, Gelre-Zutphen, Limburg met Overmaas en Luxemburg – verliep het Nederlandse integratieproces nog langzaam of het ging er grotendeels aan voorbij. De niet-patrimoniale gewesten hadden trouwens door hun laatkomende incorporatie in de Nederlanden een achterstand in te halen.” Einde citaat.

Wij hebben vastgesteld dat geen enkel gebied van het Walenland ooit (langer dan om het even welk ander Nederlands gewest, Vlaanderen uitgezonderd) aanhangsel van Frankrijk geweest is. Dat de geschiedenis van geen enkel Waals gewest kan gesitueerd worden buiten de ruimere context van de Nederlanden. Wij moeten, menen we, de moed hebben om daaruit de voor de hand liggende conclusies te trekken, namelijk dat de vijandschap over de Belgische taalgrens heen niet ouder is dan anderhalve eeuw en derhalve een Belgisch — en géén Nederlands — gegeven is. Deze vijandschap is het rechtstreeks gevolg van het Belgisch unitair regime, dat op zijn beurt twee nieuwe unitaire bestrevingen in het leven riep op basis van de taal. De aldus geschapen dualiteit draagt daarmee alle nefaste kenmerken van het unitaire denken. Dit typisch “Belgisch” denken bedreigt – voor het eerst in 16 eeuwen gemeenschappelijke geschiedenis – de eenheid van de Zuidelijke Nederlanden.

Aan ieder van ons erover te beslissen of hij dit “Belgisch” denken tot het zijne wil maken, dan wel terug wil grijpen naar het oorspronkelijk Nederlands staatkundig denken, dat in wezen federalistisch was en op meerledige basis bundelde wat samen hoort.

Omdat Pieter Geyls Groot-Nederlandse stamvisie alleen op taalverwantschap betrekking heeft “creëerde hij met zijn werken een nieuwe mythe”, stelt H. de Schepper terecht. Daarom verkiest hij – en wij met hem – “Van Schelvens term ‘Heel-Nederlands’, die zowel geografisch als inhoudelijk ruimer is en meer in overeenstemming met de Nederlandse ruimte van toen. Wat Huizinga schreef: ‘Wie de geschiedenis van het Nederlands bewustzijn wil verstaan, moet beginnen zich los te maken van de gedachte, die ons het begrip Nederlands, als ‘zuiver Germaans in tegenstelling doet zien tot al wat Romaans is’, geldt eveneens voor andere aspecten van de geschiedenis der Lage Landen.”

Gerard Knuvelder besloot zijn hoger geciteerd werk met de woorden: “het wordt tijd na de eindeloze overwintering op het Hollands schiereiland terug te keren naar Groot-Nederland – we weten nu wel dat hij daarmee Heel-Nederland bedoelde – waar de stralen van de Bourgondische zon eens verwarmend het land in lichtgloed zetten.” En wij?

Stevenen wij op het “schiereiland” van de Vlaamse staat aan, of scheppen wij de voorwaarden tot de herwording van alle Nederlanden?

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Uit het nummer van 16 januari 2009 citeren we volgend nieuwsbericht:

Nederwalen = Wallandais. Het Vlaamse nieuwsmagazine Knack schrijft deze week [nr. 3/2009, 14 januari 2009, pp. 30-33] over het toenemende gebruik van het Nederlands in Wallonië en de inspanningen die gemeenten, het Waals Gewest en bedrijven daarvoor doen. Ook de Nederwalen komen aan bod. Het Franstalige zusterblad Le Vif nam het artikel in verkorte vorm over. Het woord Nederwalen krijgt daar een Franstalig equivalent: Wallandais.

“L’Hexagon”, de vijfhoek, naam gegeven aan Frankrijk. vanwege de vijfhoekige vorm.

Paul-Henri Gendebien en zijn ‘Rassemblement Wallonie-France’ streven onverkort de “wederaanhechting” of rattachement van het Walenland bij Frankrijk na – alsof dit gebied ooit anders dan als bezet gebied onder Frans staatsgezag geressorteerd heeft. Historisch zou het dus meer correct zijn te spreken van “attachement” of aanhechting/annexatie bij Frankrijk. Een inciviek politiek doeleinde waarvoor de geschiedenis geen precedenten biedt.


Maurtis Cailliau



Bibliografie

P. Benoit, Over de nationale toonkunst, 1874, p. 87-88, Uitgave Klassieke Galerij, 1942.

J. M. Gantois (onder het pseudoniem H. van Bijleveld), Nederland in Frankrijk – de zuidergrens der Nederlanden, 1941, p. 78.

P. Geyl, De Groot Nederlandse Gedachte, 1925, p. 77-79, in uitgave Verzamelde Opstellen, band 1, 1978.

Het is in de Nederlandstalige Belgische pers erg gesteld voor wat de objectieve berichtgeving over het Walenland in het algemeen betreft en nog erger waar het er op aankomt oog te hebben voor de wezenlijke verscheidenheid binnen wat gemeenzaam Wallonië genoemd wordt. Loffelijke uitzonderingen waren – maar dat ligt al bijna een decennium achter ons – Guido Fonteyn met zijn rubriek Zuiderterras in De Standaard en destijds ‘Wauthier’ (thans ‘Picard’) met de wekelijkse rubriek Li bia bouquet in ‘t Pallieterke.

Guido Fonteyn, ‘Zuiderterras. Een brief uit Li Banwès’, in De Standaard, 11 september 2001.

R. Viroux, ‘Wallonië door een Waal beschreven’, in De Nederlanden – perspectieven voor morgen, Turnhout, 2001, pp. 66-69.

G. Fonteyn, ‘Zuiderterras. In sieke di Tschansons’, in De Standaard, 12 september 2000. Over dit soort activiteiten rond de Waalse taal bericht ook regelmatig het tweetalige – Waals-Franse – kwartaalblad Coco Rico. Magazine du bilinguisme wallon, dat in Luik zijn redactieadres heeft.

V. Eggermont, ‘Het Letzeburgs in Belgisch Luxemburg’, in Zannekin-Nieuwsbrief, 3/2001, p. 15. De Letzeburgse taalproblematiek haalde de jongste tijd wel meer de media-aandacht, zie o.m. Katrijn Serneels, ‘Letz but not least. Letzeburgers uit grote teen van België willen erkend worden als nationale minderheid’, in De Morgen, 23 januari 2002; Filip Michiels, ‘Een Luxemburgse luis in de Waalse pels’, in Punt, 12 februari 2002; ‘Kulturverain Arelerland a Sprooch, in Walo + Gazette, nr. 12, lente 2002, waarbij meteen de webpagina van de vereniging meegedeeld wordt, n.l. alas.be

V. Eggermont, ‘Luxemburg – een eigen identiteit’, in Zannekin Nieuwsbrief, 1/2001, pp. 13-14.

Zie hiervoor Erik Martens, ‘Taalstrijd in het Arelerland’, in De Nederlanden ‘extra muros’ – Zannekin Jaarboek 25, pp. 151-180.

G. Fonteyn, ‘Zuiderterras. De heldendaden van Heracles’, in De Standaard, 25 oktober 2000. De auteur presteert het overigens om in die bijdrage een historische flater van formaat neer te zetten, waar hij schrijft dat Eupen en Sankt-Vith “nooit een gemeenschappelijke geschiedenis deelden” met de Zuid-Nederlandse gewesten. Voor een meer uitgebreid overzicht van de geschiedenis van het Duitstalige deel van België, zie o.m. M. Cailliau ‘Irredentisme of revanchisme. België’s hunker naar een 10e provincie’, in Zannekin Jaarboek 11, 1989, pp. 111-126.

G. Fonteyn, ‘Zuiderterras. ‘Waals harnas zit Eupen niet lekker’, in De Standaard, 10 juli 2001.

G. Fonteyn, ‘Zuiderterras. Een moeilijk moment’, in De Standaard, 1 augustus 2000.

J. Demey, De historische twee-eenheid der Nederlanden, Orions historische bibliotheek. Brugge 1978.

A. de Bontridder, Het vraagstuk onzer volkse Levensruimte – Vlaanderen moet Leven, VNV.-Wallonië, Brussel, z.j.

In zijn vergelijking Vlaanderen-Walenland rekent de auteur b.v. alle inwoners van het arrondissement Brussel (1.281.293 In 1938) tot Vlaanderen, om te besluiten dat Vlaanderen toen ongeveer 2.500.000 meer inwoners telde dan het Walenland. De Brusselse taalverhoudingen werden m.a.w. totaal genegeerd.

Voor wat de emigratie naar Frankrijk betreft, zie Y. van Acker, En wij, Vlaamsche boeren in Frankrijk?, Uitg. Steelandt, Brussel, 1941, 56. pp.; Ward Corsmit, Vlamingen in Frankrijk, Uitg. Sansen, Poperinge, 1957, 36 pp.

Yves Quairiaux, in de Encyclopédie du Mouvement Wallon, (als aangehaald door G. Fonteyn, ‘Zuiderterras. Een Waalse Groeningewacht’, in De Standaard, 16 januari 2001.

G. Fonteyn, ‘Zuiderterras. Een meisje van Mexcicaanse oorsprong’, in De Standaard, 22 maart 2000.

Het KADOC te Leuven bezit de jaargangen 1921-1931 van De Vlaamsche Volksstem. Na 1964 werden sommige aspecten er van opgenomen in Kerkelijk Leven noteert Fonteyn.

E. de Maesschalck & L. Vints, Davidsfonds 1875-2000, Leuven, p. 55.

Brochure Wat, Waarom Band, Annevoie, 1972.

In dezelfde periode emigreerden 104.045 mensen vanuit het Walenland naar Vlaanderen (Bron: Fr. van Mechelen, Bevolkingsproblemen, Hasselt 1966).

G. Fonteyn, ‘Zuiderterras. Een nauw verband’, in De Standaard,

J. Rutten, ‘Het Walenland in de Nederlanden’, in. Zannekin Jaarboek 1 Zannekin, 1977, p. 8.

M. Wilmotte, Le Wallon, Brussel 1895, p. 114-116.

G. Knuvelder, Het Rampjaar 1830, Hilversum 1930.

J. Rutten, a.a., p. 7.

F. Petri, Die frankische Landname und die Entstehung der germanisch-romanischen Sprachgrenze, Darmstadt, 1977. De cijfers tussen haakjes verwijzen naar de pagina’ s waaruit geciteerd werd.

Voor de meest recente literatuur hieromtrent, François Herry, ‘Origine germanique et latine de la langue wallonne’, in La Flandre au Lion – Vlaanderen den Leeuw, tijdschrift Michiel de Swaenkring, nr. 50, herfst 2002, pp. 10-14.

Friesland, Groningen en de Ommelanden, Overijssel-Drenthe, Utrecht en Gelre-Zutphen behoorden niet tot het vaderlijk erfgoed, toen Karel van Habsburg in 1506 zijn vader Filips de Schone als landsheer opvolgde. Ze werden eerst tussen 1515 en 1543 bij de Nederlanden ingelijfd.

Hugo de Schepper, ‘Vervalsingen in onze geschiedenis’, in Vivat Academia, nr. 115, 2002, pp. 47-55.

Hugo de Schepper, a.a., pp. 54-55.

Par-delà droite et gauche (A. Imatz)

Par-delà droite et gauche (A. Imatz)

Récemment, quelques scriptoboys assistaient, en un lieu parisien bien connu, à une conférence sur Arnaud Imatz, auteur de « Par-delà droite et gauche, histoire de la grande peur des bien-pensants ». Conférence passionnante, sur un ouvrage passionnant.

Et donc, pour ceux qui n’habitent pas Paris et/ou n’ont pas le temps de bouquiner les 400 pages d’Arnaud Imatz, une note de lecture.

 

alicante2007_08.jpgL’hypothèse d’Arnaud Imatz est la suivante : nous découpons le champ politique entre conservateurs et révolutionnaires, mais ce découpage nous masque un autre clivage, potentiellement plus déterminant : celui qui oppose les partisans de l’enracinement, généralement non-conformistes, aux partisans du déracinement, généralement conformistes. Si ce découpage fallacieux est profondément planté dans nos esprits, c’est parce que l’ensemble des institutions s’acharnent à le cautionner. Il est entendu, une bonne fois pour toutes, que le débat politique doit opposer deux catégories l’une et l’autre essentialisées : « la gauche » et « la droite », les révolutionnaires et les conservateurs. Verrouillé d’abord par la gauche « officielle », qui a imposé son être propre en référence aux clivages possibles, le débat a ensuite été étouffé par une soft-idéologie individualiste, où une fausse opposition pseudo-démocratique entre la fausse-droite et la fausse-gauche (deux modes de gestion du même capitalisme) a servi de prison mentale encore plus efficace que l’ancienne opposition entre la vraie-droite (capitalisme libéral) et la vraie-gauche (socialisme dirigiste). L’intelligentsia « en place » témoigne, à travers ses reniements successifs, de la même fermeture à tout ce qui n’est pas elle-même : peu importe que ses utopies successives implosent, elle continue à se penser comme détentrice du sens de l’Histoire. Exit le communisme, voici le socialisme autogestionnaire. Exit le socialisme, voici la sacralisation des « Droits de l’homme » et l’antiracisme militant. Que l’enracinement puisse fédérer révolutionnaires et conservateurs autour d’une révolution conservatrice contre l’ordre cosmopolite, voilà qui ne doit pas être dit – à ceux qui le disent, tout système démultiplicateur de la parole est fermé, les médias sont interdits.

Qu’est-ce donc, en réalité, que ce « non conformisme » dont le pouvoir ne veut surtout pas, et qui unit, autour de l’enracinement, conservateurs et révolutionnaires ? C’est, pour résumer, la compréhension de la matrice de l’aliénation contemporaine comme relevant fondamentalement des catégories fondées par le rationalisme des Lumières – catégories qui nient au nom d’un impératif d’uniformité le sens et la valeur de l’identité et et celle de la différence. Pour le non-conformiste, par contre, la source des catastrophes du XX° siècle n’est pas dans l’affirmation des identités collectives, mais au contraire dans leur négation, négation qui les a faites revenir sous une forme pathologique. Pour le non-conformiste, les mécanismes du « progrès » reviennent à nier qu’il existe une dimension de l’homme au-dessus de la matière, et que l’humain peut donc, contre les illusions des progressismes tant marxistes que libéraux, déterminer ses déterminations.

Un schéma de société existe hors de celui où l’opposition « droite/gauche » a tendance à nous enfermer. Dans ce schéma « holiste », qui était celui des sociétés traditionnelles et communautaires, la totalité préexiste à la somme des parties, elle n’est pas construite par leur affrontement, elle l’évite en organisant l’englobement du contraire et l’inclusion du différent. Le non-conformisme s’est construit, historiquement, autour de la rencontre de ce schéma de pensée traditionnelle avec la dialectique hégélienne, qui veut que négation et négation de la négation produisent une totalité par synthèse-dépassement. Dans une très large mesure, le non-conformisme est une tentative pour reconstituer, à travers l’hégélianisme, la totalité socio-organique préexistante, que le rationalisme a détruite.

C’est justement parce qu’il propose une alternative au système que les deux pans du système, jadis vraie gauche et vraie droite, aujourd’hui fausse gauche et fausse droite, s’acharnent à nier l’existence du non-conformisme. Les doctrinaires au pouvoir veulent détruire toutes les communautés naturelles, nier les racines, faire de l’homme une pâte modelable. C’est le cadre général à l’intérieur duquel « gauche » et « droite » s’affrontent – ou plutôt, au fur et à mesure qu’on ne parvient plus à les identifier autour d’une ligne de partage claire sur la question de la plus-value, font semblant de s’affronter. Le non conformisme n’a pas sa place dans ce système précisément parce qu’il énonce une thèse étrangère au paradigme dans lequel la pensée institutionnelle est confinée : la légitimité des communautés naturelles. C’est pourquoi, lorsqu’il ne parvient plus à exclure les anticonformistes du débat, le bloc institutionnel les contraint systématiquement à choisir : sont-ils « de gauche », ou « de droite » ? Et lorsque les non-conformistes ne parviennent pas à répondre, pour toutes les raisons exposées ci-dessus, on les répute inexistants politiquement.

 

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Pour démonter ce piège, Imatz propose de faire sortir de l’essentialisme les catégories de « gauche » et de « droite ».

Dans une perspective essentialiste, la gauche, c’est l’anthropologie optimiste issue du mythe du progrès, et la droite, c’est l’anthropologie pessimiste issue de l’Histoire longue. A gauche, le rêve de l’individu libéré du poids de la faute – à droite, le péché originel. A gauche, l’homme est un projet qu’on construit – à droite, c’est une donne qu’on gère. A gauche, une vision matérialiste et mécaniciste, qui veut uniformiser à tout prix – à droite, l’acceptation des paramètres complexes sous-jacents à une conception organiciste qui connaît et reconnaît la nécessité de l’altérité.

A cette perspective essentialiste qui dans une certaine mesure confond la droite avec le non-conformisme, Imatz oppose une vision historiciste et relativiste (au sens de : qui relativise ses propres analyses), vision selon laquelle « la gauche » et « la droite » sont en réalité des catégories conventionnelles et opératoires, et nullement des catégories signifiantes stables.

Imatz cite, par exemple, la question du colonialisme en France : il exista historiquement une droite colonialiste (par souci du prestige national), une droite anticolonialiste (par souci de bonne gestion, en fait néocolonialiste avant la lettre), une gauche colonialiste (par souci de « civiliser » les peuples colonisés) et une gauche anticolonialiste (par respect du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes). Le concept même de colonialisme ne fut pas stable dans l’Histoire, et à certaines phases, il devint presque indéfinissable tant gauche et droite le comprenaient différemment (exemple : en 1962, quand l’ancien colonialisme s’efface devant le néocolonialisme).

Autre exemple : l’antisémitisme, qui peut être de gauche (par égalitarisme) comme de droite (par crainte d’un élitisme rival), tout comme le philosémitisme peut être de gauche (pour défendre le petit juif opprimé) ou de droite (par solidarité avec la haute bourgeoisie juive). Et l’on voit aussi parfois les antisémites de droite, à certains moments de l’Histoire, échanger leurs arguments avec les philosémites de gauche, quand la question juive percute celle du sionisme – on peut être sioniste par philosémitisme ou par antisémitisme, et antisioniste par antisémitisme ou philosémitisme, si bien qu’une droite antisémite et une gauche philosémite peuvent se retrouver sur le pro-sionisme contre l’antisionisme partagé par une droite arabophile et une gauche antisémite !

De nombreux thèmes peuvent donner lieu à ce type de chassé-croisé ironique entre gauche et droite (le racisme, la « démocratie », la technocratie, le régionalisme, l’écologie…). Si bien qu’en pratique, quand on s’éloigne de la vision essentialiste pour s’intéresser à la vision historiciste, on finit par se dire que « gauche » et « droite » n’ont aucun sens. Ou plutôt : que le sens de ces concepts est tellement fluctuant, tellement peu stable dans sa dimension significative, que les signifiants en question doivent être redéfinis à chaque fois qu’on les emploie.

En face de ce vide conceptuel, les non-conformistes doivent répondre par la définition d’eux-mêmes, et s’installer non dans une réponse à la question « droite ou gauche », mais comme un point de référence par rapport auquel on définira droite et gauche. Il faut répondre à la question piégée du bloc institutionnel en le piégeant dans une question différente : la gauche est-elle conformiste ou non-conformiste, la droite est-elle conformiste ou non-conformiste ? Cette question en réponse déjoue le piège où le bloc institutionnel fait tomber le non-conformisme, piège qui consiste à essentialiser le concept de droite pour y enfermer un mouvement qui organiserait, s'il était libre, la rencontre entre l’univers mental de la tradition (associé classiquement à la droite) avec la reconnaissance des revendications du travail (associées classiquement à la gauche).

Ceci suppose, pour Imatz, d’opérer une critique approfondie de la sensibilité contre-révolutionnaire. Il faut en comprendre la dynamique interne : la conscience de la décadence, et surtout la conscience du fait qu’elle est inéluctable, dès lors qu’un principe d’égalité s’impose au détriment d’un principe élitiste. Et il faut comprendre comment cette sensibilité, qui dit une partie du Vrai, se combine de manière très complexe avec la préoccupation sociale caractéristique des légitimistes les plus contre-révolutionnaires, qui se sont dressés, au nom de l’Ancien Régime et de l’aristocratisme, contre l’injustice de la domination exercée par la bourgeoisie sur les classes laborieuses, et surtout contre l’inefficacité économique de cette domination incohérente.

C’est seulement une fois qu’on a saisi la genèse de la sensibilité contre-révolutionnaire, antibourgeoise par aristocratisme, qu’on peut comprendre la filiation du non-conformisme : la rencontre de l’esprit national et du projet socialiste. La droite contre-révolutionnaire, matrice du non-conformisme, s’est constituée initialement contre le projet libéral de la bourgeoisie. Par la suite, quand par expérience on séparera démocratie et liberté, les libéraux, devenus élitistes, apparaîtront comme des alliés de classe potentiels aux contre-révolutionnaires, et le libéralisme, né à gauche où il fréquentait l’idée nationale, glissera dans une alliance antinationale avec une fraction des milieux contre-révolutionnaire. Simultanément, l’exigence de progrès matériel envahira tout le champ de la gauche, ou presque, jusqu’à rejeter l’idée de la Nation au sens de communauté enracinée. Dès lors, une partie orpheline de la sensibilité contre-révolutionnaire (celle qui a refusé l’alliance avec les libéraux devenus secrètement antidémocrates) errera jusqu’à croiser une partie de la sensibilité orpheline de la sensibilité socialiste (celle qui a refusé de sacrifier la nation, la communauté charnelle, sur l’autel du progrès matériel). De cette rencontre entre la partie de la droite qui a refusé la liberté comme idole et la partie de la gauche qui a refusé le progrès comme idole naîtra le non-conformisme – le parti de ceux qui ont refusé de se conformer aux cultes parallèles des idoles Liberté et Progrès, pour conserver une vision juste, naturelle, enracinée, de leurs valeurs nationales et sociales.

 

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Pour bien comprendre ce qu’est le non-conformisme, pour ne pas le confondre avec la simple addition du nationalisme doctrinaire et du socialisme doctrinaire (ce que fut largement le nazisme), il faut saisir la différence entre amour de la nation et nationalisme, entre préoccupation sociale et socialisme.

Le parti non-conformiste n’est pas « nationaliste » au sens où le nationalisme est, pour lui, une adaptation de l’individualisme à l’échelle nationale. Organiciste, il refuse le concept constructiviste et potentiellement mécaniciste de la nation comme corps d’associés, concept issu de la Révolution Française (Sieyès). C’est pourquoi, même en France, il fait une large place aux conceptions germaniques de la Gemeinschaft (communauté) comme sous-jacent indispensable à toute société, et s’il est souvent démocrate (exception : l’AF), il n’est jamais partisan du suffrage universel direct comme instrument de la démocratie.

Soucieux de reconstituer l’harmonie du peuple, il défend des conceptions sociales, mais pas socialistes, en ce sens qu’il récuse le culte du Progrès. L’accroissement indéfini des forces productives ne lui paraît pas bon en soi (ce qui ne veut pas dire qu’il soit mauvais en soi, mais simplement qu’il est bon ou mauvais selon l’usage qu’on en fait). Surtout, il ne combat pas le capitalisme parce que celui-ci serait un régime de propriété privée, mais au contraire parce qu’il constitue un premier pas vers le socialisme, c'est-à-dire vers l’abolition de la propriété privée. Pour lui, la propriété privée trouve sa source dans le travail, et c’est pourquoi le capitalisme, en coupant la propriété du travail, constitue déjà une forme de socialisme non su. Par nature, cette doctrine trouve très facilement des passerelles avec la gauche syndicale, celle qui refuse tout esprit doctrinaire et se méfie du matérialisme des intellectuels.

Ce non-conformisme commence à prendre forme à partir du « nouveau nationalisme », réputé de droite, cristallisé pour la première fois avec le général Boulanger. Il trouvera ensuite son expression intellectuelle dans les cercles, surtout français, qui lui donneront son nom, entre les deux guerres. En Espagne, on en trouvera un début de réalisation avec la Phalange de Jose Antonio Primo de Rivera. Il sera parfois soutenu par une fraction du capitalisme (le capital enraciné de l’industrie, par opposition au capital spéculatif mondialisé de la haute banque), comme par exemple avec Mosley en Angleterre – et il sera également alimenté depuis l’autre bord, par des transfuges de la gauche la plus radicale (Mussolini, franc-maçon socialiste, les SA de gauche en Allemagne). A des degrés divers, ces soutiens le dénatureront soit parce qu’ils étaient intéressés (dans le cas des capitalistes), soit parce qu’ils reposaient sur un malentendu (dans le cas des « gauchistes »). Une fois le pouvoir conquis avec de tels soutiens (Mussolini en Italie, Hitler en Allemagne), le non-conformisme sera toujours esquivé par les fascismes, qui se penseront plus comme l’addition de la droite et de la gauche que comme leur dépassement à proprement parler. Après la Seconde Guerre Mondiale, la sensibilité non-conformiste s’exprimera encore, en France, avec le gaullisme (en particulier dans son versant « social »).

Après mai 68, le non conformisme doit s’exprimer dans le champ qui devient de plus en plus important au sein du combat politique : le champ métapolitique, c'est-à-dire le domaine de la formation des idées en amont des idées elles-mêmes. C’est ce que fait, en France, le GRECE, que les médias s’empresseront d’enfermer dans l’étiquette « Nouvelle Droite », pour l’empêcher de se poser en dépassement non-conformiste. Le GRECE lui-même suit en fait une voie ambiguë. Son principal fondateur, A. de Benoist, se définit à la fin des années 70 comme nominaliste, donc potentiellement relativiste et individualiste. Le discours néo-païen se définit contre le christianisme, ce qui constitue une rupture avec la plupart des non-conformismes préexistants. Engagée initialement dans le « nationalisme européen », la tendance GRECE s’oppose à l’américanisation, et finit par se faire cannibaliser par ce combat, au point de se retrouver sur des positions universalistes et anti-impérialistes classiques. La pensée qui émerge de ce courant repose au final sur une série d’alternatives dont certaines paraissent critiquables, en particulier du point de vue des auteurs chrétiens. En particulier, l’affirmation selon laquelle le christianisme serait égalitaire et totalitaire par nature heurte la conception classique, pour laquelle la religion chrétienne est porteuse d’une vision du monde hiérarchique et d’un discours politique organiciste. Par son antichristianisme, la Nouvelle Droite renvoie donc au fond à une grille de lecture aujourd’hui contestée, le totalitarisme comme sécularisation du messianisme (Arendt, Aron), par opposition à une grille de lecture qui resitue le phénomène dans sa filiation, et l’appréhende d’abord comme le fils du rationalisme des Lumières (Soljenitsyne). Au final, on peut se demander, nous dit Imatz en substance, si le GRECE, isolé dans un contexte intellectuel imprégné par le gauchisme, n’a pas fini par être contaminé par le germe dont il se voulait le vaccin.

Un autre courant non-conformiste, moins connu, émerge à la même époque : le traditionalisme intégral des héritiers de René Guénon. Prenant le contrepied de la Nouvelle Droite, il récuse entièrement les grilles de lecture nominalistes, et se construit en référence aux conceptions les plus anciennes (société de castes, doctrine des deux pouvoirs), comme si des siècles de modernité n’avaient pas existé. Beaucoup plus stable idéologiquement, ce courant présente la faiblesse classique du jusqu’auboutisme : il est totalement coupé de la société dans laquelle il évolue – ce qui limite forcément son influence.

A partir de la fin des années 80, avec le lancement de la revue « Krisis », la Nouvelle Droite, désormais dirigée de facto par Alain de Benoist, s’éloigne de son positivisme initial, et se rapproche du traditionalisme. Mais cette tentative de synthèse ne débouche sur rien de concluant. Un courant de pensée qui formule des idées pendant deux décennies sans jamais les faire passer dans le réel social s’épuise nécessairement, et à partir des années 90, cette « nouvelle Nouvelle Droite » vivote à côté de divers groupes de réflexion et de quelques revues d’intérêt divers (Nationalisme et république, Terre et peuple, Vouloir et orientations). Que reste-t-il de la Nouvelle Droite ? Imatz ne répond pas à la question, mais on comprend très bien ce qu’il veut dire.

A l’époque où se formait ce courant prometteur voué à se disperser dans un marécage peut-être fécond ( ?), un autre courant naissait dans les milieux non-conformistes : le libéral conservatisme, très influencé par la révolution conservatrice dans sa version américaine « néoconservatrice » (comprendre : financée par la haute banque cosmopolite), et doté assez vite d’un centre actif, le Club de l’Horloge. Les libéraux-conservateurs du Club de l’Horloge doivent cependant en rabattre, par rapport au discours à l’emporte-pièce de leurs inspirateurs anglo-saxons. La sainte trinité néoconservatrice (esprit judéo-chrétien, capitalisme libéral, démocratie de marché) ne « prend » pas en France, pays de tradition catholique étatiste, depuis toujours porté à l’idéologisation des affrontements politiques. Conscients du fait que la mondialisation des néoconservateurs parle Anglais, les libéraux-conservateurs français vont tenter de définir une voie de conciliation entre nationalisme et libéralisme. Ils prônent un libéralisme associant la population au capitalisme (distribution d’actions), la liberté de l’enseignement, la destruction des systèmes de protection sociale - exaltation, en somme, de la liberté et de la responsabilité individuelle dans un cadre national – ce que sera le sarkozysme, au moins en paroles, pendant la campagne 2007, rappelle par certains côtés les thèses du Club de l’Horloge.

Cependant, pour Arnaud Imatz, le principal courant non-conformiste de la fin du XX° siècle n’est ni la Nouvelle Droite (confinée aux cercles intellos), ni le Club de l’Horloge (tenu en marge ou récupéré par les milieux capitalistes qui donnent le « la » dans la galaxie libérale). Le grand non-conformisme actuel, c’est le nouveau populisme. Cette réaction qui monte du peuple n’est pas ou très peu idéologisée. Elle traduit  d'une part l’attachement aux structures communautaires, et d’autre part la prise de conscience de la distance qui sépare les gouvernants des gouvernés. Resurgissement du solidarisme et de l’organicité, ce nouveau populisme est le contraire de l’individualisme issu de la modernité capitaliste. Il est la traduction politique de ce qui pousse vers l’autre, de ce qui pousse à aider l’autre. Il n’exclut donc que pour inclure, et n’est pas xénophobe, mais communautaire. Il offre, face à la régression néo-tribale, la possibilité d’une véritable refondation du sentiment d’appartenance – et c’est précisément pour cette raison qu’il est constamment combattu par l’oligarchie capitaliste, qui tente soit de l’interdire (quand elle ne le maîtrise pas, cf. l’histoire du FN), soit de le récupérer (cf. F. Bayrou, ou en Angleterre Tony Blair).

Imatz termine son bouquin par l’analyse du FN. Il le perçoit comme un phénomène certainement pas univoque, plutôt un lieu de compromis (difficile) entre une sensibilité national-populiste (qui reprend une partie des thématiques de la Nouvelle Droite, en les désintellectualisant) et une sensibilité libéral-conservatrice (qui fait de même avec les thématiques du Club de l’Horloge), tout en essayant de constituer un parti capable de surfer sur une vague populiste a-idéologique. Les deux sensibilités constitutives se combinent par ailleurs, de manière assez anarchique, avec les deux camps d’un clivage islamophile/islamophobe qui renvoie, implicitement, à la validation ou à l’invalidation de la thèse néoconservatrice du « choc des civilisations ». Confronté à l’agressivité permanente d’un système d’autant plus persécuteur qu’il se sait fragile, confronté aussi à la médiocrité des ambitions personnelles en interne, qui fait chambre de réverbération aux heurts entre grandes tendances idéologiques, confronté encore à la concurrence potentielle d’un courant souverainiste naissant, le FN de 2003 apparaît à Imatz comme une expérience intéressante, dont l’objectif secret est tout simplement la reconstruction de la société française, mais qu’il sera très, très difficile à conduire dans le contexte des années 2000.

Le moins qu’on puisse dire, c’est que l’histoire récente ne lui a pas donné tout à fait tort !

 

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Ce qui, de notre point de vue, rend le travail d’Arnaud Imatz intéressant, c’est qu’il permet de remettre en perspective la démarche qui est aujourd’hui celle, par exemple, des gens qui gravitent autour d’un modeste site comme Scriptoblog. Imatz ne crée pas de concept, ce n’est pas son propos. Il fait œuvre d’historien des idées, et montre d’où viennent fondamentalement les idées qui sont les nôtres : du refus du matérialisme, tant par une fraction de l’ancienne « vraie droite » que par une fraction de l’ancienne « vraie gauche ».

Imatz a le mérite de nous sortir de la perception des enjeux « depuis l’intérieur du débat ». Il nous permet de re-cartographier notre position en nous plaçant « au-dessus de la mêlée ». C’est un déplacement de point de vue créateur : en nous repositionnant à ce niveau de lecture, nous pouvons comprendre comment nous devons, à l’intérieur de la mêlée, nous placer pour que le pack, dans son ensemble, pousse exactement là où l’adversaire est faible.