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lundi, 04 octobre 2010

La réponse de Danilo Zolo à l'émergence de Cosmopolis

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1997

 

III. Encuentro Iberoamericano de Metapolitica

Intervention de Robert STEUCKERS

 

La réponse de Danilo Zolo à l'émergence de Cosmopolis

 

ANALYSE: Danilo ZOLO, Cosmopolis. La prospettiva del governo mon­diale, Feltrinelli/Campi del sapere, Milano, 1995, 218 p., Lire 35.000, ISBN 88-07-10189-0.

 

zolo.jpgLe philosophe Danilo Zolo (photo), né à Rijeka/Fiume en 1936, aujourd'hui ensei­gnant à Florence (Firenze), membre de l'Academia Europæa, constate avec amertume que l'idéologie cosmopolite, mondialiste, prétendant gé­néraliser un “nouvel ordre mon­dial”, s'est imposée avec la violence d'une idole au monde entier depuis l'effondrement de l'URSS et la Guerre du Golfe. Dans un tel contexte, les Etats-Unis dirigent une sorte de “Nouvelle Sainte Alliance”, qui n'est qu'un modèle hiérarchique rigide. Zolo oppose à cette logique de la coercition l'idée d'un “pacifisme faible”, c'est-à-dire d'un pacifisme non utopique et de basse in­tensité, qui ne nie pas les com­pétitions inéluctables entre les hommes ou les entités politiques et qui res­pecte les diversités culturelles qui animent la planète.

 

Aujourd'hui, le constat est clair: les Nations-Unies en dépit de leurs vœux et de leur puissance militaire, démontrée lors de la Guerre du Golfe, ne sont pas à même de garantir une paix véritable dans le monde. Au con­traire, nous voyons se dessiner à l'horizon une aggravation des conflits (mort de centaines de milliers de civils innocents en Irak, en Somalie et au Rwanda) et l'émergence d'un système de police internationale impo­sant le respect obligatoire d'une juridiction planétaire, en dépit des cir­constances particulières dans lesquelles certains peuples peuvent se dé­battre. Zolo entend faire œuvre d'iconoclaste à l'encontre de cette situa­tion. Il entend détruire l'image que se donnent les Nations Unies, celle de détenir seules la rationalité morale, juridique et politique dans le monde. A ce monisme onusien, il s'agit d'opposer une conception “complexe” des rela­tions internationales, c'est-à-dire une conception tout à la fois plura­liste, dynamique et conflictuelle, reposant sur d'autres pré­supposés phi­losophiques, tenant compte des travaux en éthologie humaine (Eibl-Eibesfeldt). Zolo réfute les arguments de Hans Kelsen (adversaire en son temps de Carl Schmitt) qui sous-tendent encore et toujours les raisonne­ments des juristes internationaux. Contrairement à Kelsen qui est mo­niste et ne prévoit à terme qu'un seul sujet du droit international, c'est-à-dire l'humanité unifiée, Zolo veut un droit international foncièrement dif­férent, tenant compte de la diversité (donc d'une pluralité de systèmes de droit et de sujets de droit), du changement (où le changement n'est plus automatiquement ni une entorse au droit international ni une agression du mal absolu) et de la différenciation (où le processus naturel de diffé­renciation est considéré comme la règle usuelle et non comme une excep­tion dangereuse). Dans une telle perspective réaliste, la guerre n'est plus bannie totalement, mais on tente de la canaliser et d'en diminuer ses ef­fets destructeurs par la négociation.

 

Les effets pervers de l'idéologie kelsenienne des Nations-Unies sont, pour Zolo:

a) Un centralisme outrancier du pouvoir politique réel sur la planète.

b) Une hiérarchie beaucoup trop asymétrique, où une poignée de pays riches et privilégiés domine une immense majorité de pays à la souverai­neté écornée ou trop pauvres pour faire valoir leurs droits.

c) Les pays dominants ont le loisir d'intervenir à leur gré dans les affaires des pays dominés et ne reconnaissent pas d'emblée la capacité des gou­vernements locaux à exprimer sans détours les volontés de leurs citoyens.

d) L'idéologie kelsenienne, par son refus des changements et du proces­sus naturel de différenciation, gèle la carte géopoli­tique, économique et militaire de la planète, parce que sa conception de la paix s'oppose non seulement au fait de monde qu'est la guerre mais, implicitement, à toutes les formes de changement social, de développement et de conflit qui se manifes­tent dans les pays du monde.

Plus sévère encore, Zolo dénonce les avatars du kelsenisme, y compris les principes du Président américain Woodrow Wilson, en les décrivant comme une “aspiration utopique commune chez les adolescents, les vi­sionnaires et les mystiques”. Il est aberrant que cet utopisme sans consis­tance soit justement l'idéologie manipulée par les forces politiques domi­nantes d'aujourd'hui.

 

Les principaux arguments critiques que l'on peut adresser à cet utopisme sont, toujours d'après Zolo:

a) L'idéologie moderne, occidentale et kelsenienne, part de critères mo­raux, décrits comme “communément acceptés” et dont le caractère serait soi-disant “universel” et “rationnel”. C'est placer la complexité du monde sub specie aeternitatis, c'est-à-dire refuser de voir au sein de cette com­plexité une myriade de déterminations psychologiques, sociologiques et historiques, lesquelles sont évidemment changeantes, se combinent et se recombinent à l'infini. Les critères moraux occidentaux et kel­seniens ne sont pas universels, car aucun jeu de critères moraux n'est universel: le monde est traversé et travaillé par un “polythéisme moral”. En dépit des professions de foi, type Kelsen, la subjectivité des valeurs et leur contin­gences semblent caractériser concrètement le plurivers moderne, nonobs­tant un discours idéal affirmant le contraire. La pluralité des codes éthiques et des civilisations qui en dérivent ne sont pas les “survivances larvaires” des vieux mécanismes de légitimation des ordres sociaux (nationaux) (p. 87). “En somme, conclut Zolo, l'ordinary morality, à la­quelle les moralistes internationalistes font référence, semble n'être rien de plus qu'une hypothèse académique, plutôt qu'un fait sociologique à ac­cepter sans discus­sion” (p. 87).

b) Les Etats décident encore et toujours, en dépit de la vulgate kelsenienne dominante, sur base de critères “politiques”, c'est-à-dire de critères dé­pourvus d'impartialité et de justifications éthiques universelles. Donc, toute application du droit internatio­nal est arbitraire et relève de la pure casuistique (p. 93). Tel gouvernement est bon, tel autre est mauvais, même s'ils appli­quent tous deux la même politique.

 

Si l'on tient compte de ce polythéisme des valeurs et du caractère casuis­tique du droit internationaliste, on est bien forcé de conclure que l'éthique internationaliste-kelsenienne finira un jour par perdre tout sens, parce qu'incompatible avec les exi­gences fonctionnelles de la politique interna­tionale. Dégager l'éthique internationale des contingences historiques, po­litiques, économiques et culturelles constitue un refus de l'éthique de la responsabilité, au sens où l'entendait Max Weber. “L'école réaliste”, sou­ligne Zolo, “de Machiavel à Pareto, de Weber à Schumpeter et à Luhmann, fait de la politique un art, une disci­pline et un sous-système spécifique, régulé par un code fonctionnel différencié, garantissant l'exercice du pouvoir et la sécu­rité” (p. 105). Le reniement de ces spécifici­tés et de ces différenciations constitue un déficit théorique majeur pour l'éthique in­ternationaliste (kelsenienne): elle s'interdit et, même, juge immoral, de procéder à une archéologie de la violence politique, à scruter l'histoire des peuples pour comprendre les conflictualités qui se déchaî­nent à intervalles réguliers. Sans une telle ar­chéologie, l'éthique interna­tionale-kelsenienne-onusienne se met dans l'incapacité d'apporter des réponses adéquates aux problèmes et de limiter les effets destructeurs d'un conflit. Le refus de prendre en compte les racines profondes des con­flits relève d'une option “statique” rigide.

 

De plus, l'apologie médiatique de cette idéologie kelsenienne est une ma­nipulation orchestrée par les nations ou les groupes de nations domi­nants, en vue de perpétuer leur suprématie (p. 107).

 

Zolo constate que dans le plurivers actuel deux modèles normatifs s'affrontent (pp. 117-121): le “modèle de Westphalie” et le “modèle de la Charte des Nations-Unies”. Cette distinction entre les deux modèles avait déjà été théorisée par Leo Gross, Richard Falk et Antonio Cassese. Pour Falk et Cassese, le “modèle de Westphalie” implique:

a) les Etats sont les seuls sujets du droit international (et non les ethnies, les organisations économiques, les associations vo­lontaires, etc.).

b) il n'y a pas de “législateur international”.

c) le système ne prévoit aucune juridiction obligatoire, ni aucune police habilitée à réprimer préventivement ou consécutive­ment les contreve­nants.

d) le droit international n'énonce aucune norme à appliquer impérativement dans l'élaboration du droit interne aux Etats.

e) Tout Etat a le droit de recourir à la guerre.

 

Toujours pour Falk et Cassese, le “modèle de la Charte des Nations-Unies” implique:

a) Les Etats ne sont plus les seuls sujets du droit international. Les orga­nisations internationales le sont tout autant, ainsi que les groupes so­ciaux et les peuples dotés d'une organisation représentative. Ce modèle amorce une érosion partielle des juri­dictions domestiques (p. 119).

b) Les Etats ne peuvent plus recourir à la guerre qu'en cas de légitime dé­fense. Ce principe conduit à “geler” la carte du monde.

 

Falk et Cassese concluent à l'évolution du monde vers ce second modèle et annoncent la caducité du “modèle de Westphalie”. Sa disparition inaugu­rera l'ère du cosmopolitisme juridique, impliquant le primat du droit in­ternational, la réduction effective des souverainetés étatiques, considérées comme des obstacles sur le chemin de l'ordre juridique mondial, de l'avè­nement d'un centralisme juridictionnel, d'un pacifisme juridique (qui interdit à la guerre de se manifester en dépit de sa nature humaine incon­tournable), de l'avènement, enfin, d'un “constitutionalisme global” repo­sant sur l'idéologie des droits de l'homme.

 

Cette vision messianique se heurte à un fait de monde pourtant patent, souligne Zolo (p. 120): le monde est marqué par une césure de plus en plus profonde entre un nombre de plus en plus restreint de pays riches et un nombre de plus en plus impor­tant de pays pauvres ou en voie de sous-dé­veloppement. Le centralisme juridictionnel est dès lors une entorse au principe de l'égalité de tous les peuples et induit une hiérarchie rigide, où, statisme oblige, les dominants sont appelés à rester les domi­nants ad vitam aeternam. La globalisation, rêvée à New York, est en réalité une “occidentalisation du monde”. Zolo: «Ce pro­cessus d'homologation des modèles d'existence, des styles de pensée et des pratiques de production peut-il être interprété comme un trend  en direction de l'intégration cul­turelle de la société mondiale, qui prélude à la formation d'une “société ci­vile globale” et rend possible l'avènement d'un “constitutionalisme mon­dial” et d'une “démocratie transnationale”?» (p. 161). La ré­ponse des par­tisans du cosmopolitisme est évidemment “oui”, constate Zolo. D'autres auteurs sont plus circonspects: ils parlent plutôt de “créolisation du monde”, où les populations indigènes adoptent une culture technique, in­dustrielle et scienti­fique qui n'est pas la leur et ne leur fournit pas de pa­trons (patterns, frames)  valables pour favoriser et accélerer l'intégration de leurs propres communautés. Au contraire, l'adoption irréfléchie du modèle techno-scientifique occidental provoque, comme au départ en Occident, des désordres, des dislocations et des crises difficilement gé­rables. Zolo se met à la remorque de trois auteurs pour montrer les effets pervers de cette occidentalisation: Hedley Bull, Serge Latouche et Pier Paolo Portinaro. Bull souligne que l'adoption du modèle occidental crée un divorce entre les élites des pays pauvres et les autres citoyens. Latou­che, dans son livre La planète des naufragés, attire l'attention sur les phé­nomènes calamiteux de déculturation et de déracine­ment. Portinaro démontre que la globalisation n'effacera pas du tout la conflic­tualité, mais que celle-ci reprendra vigueur sur base des dyssimétries de pouvoir, des asynchronies dans le développement et de l'hétérogénéité des intérêts et des valeurs. Avec le risque ultime d'une catastrophe écologique planétaire...

 

A cette globalisation, grosse de risques incalculables, il faut opposer un “réalisme”, tiré de l'anthropologie d'Arnold Gehlen et de son disciple Niklas Luhmann, explique Zolo (p. 177). Gehlen et Luhmann ont constaté que l'homo sapiens est caractérisé par une “pauvreté instinctuelle”, par une “fragilité ontologique”, par des “lacunes organiques”. Pour y pallier, l'homme a besoin de “béquilles institutionnelles” et de “structures so­cia­les”, qui lui évitent, face à chaque défi, de repenser entièrement la stra­té­gie à suivre. L'homme se réfère alors à un cadre institutionnel prééta­bli, qui facilite son action dans le monde et oriente ses choix existentiels. L'ab­sence de cadres institution­nels,dans le sens où l'entendent Gehlen et Luh­mann, suscite l'angoisse et l'agressivité. La disparition des cadres éta­tiques, qui sont à leur ma­nière des macro-cadres institutionnels, gé­nè­re une an­goisse et de l'agressivité, problème auquel l'idéologie kelsenien­ne est incapable de ré­pondre. Les cadres institutionnels sont autant de mé­canismes qui inhi­bent automatiquement l'agressivité, née de l'an­gois­se et du désoriente­ment.

 

Le processus de différenciation continu contraint, par une loi de l'an­thro­pologie, les hommes à se donner des institutions tail­lées à la me­sure des circonstances de leur vie politique et communautaire: circons­tances et institutions variables à l'infini dans leurs formes et leurs mani­festations, déterminées par des paramètres historiques, économiques et sociologi­ques chaque fois spécifiques. Par conséquent, l'usage d'un ins­trument mi­litaire répressif pour mater les forces politiques émergentes, transfor­ma­trices du statu quo et effervescentes à moyen ou long terme est une aberration théorique et pratique. La Guerre du Golfe, définie par Zolo comme “la première guerre cosmopolite”, a été une guerre purement des­tructrice, une opération qui n'a pas du tout inauguré l'application de principes pacifiants et satisfaisants pour toutes les parties: elle s'est con­tenté de bloquer un processus de réaménagement régional, sans apporter d'alternative acceptable. Elle semble avoir eu pour objet premier de rendre définitivement caduc le principe de “non ingérence”, cardinal dans le “mo­dèle de Westphalie”. Si la “non ingérence” est abolie, mais que, par ailleurs, les contradictions irrésolues s'accumulent dans les pays les plus pauvres ou en voie d'apprauvrissement (y compris en Europe!), les con­flits internes vont forcément se multiplier et les Nations-Unies vont devoir s'immiscer toujours plus dans les affaires intérieures des Etats en proie aux guerres civiles ou aux conflits inter-ethniques. L'idéologie kelse­nien­ne dominante s'avère dès lors trop simpliste pour le monde d'aujour­d'hui: elle entend répliquer aux dé­sordres par une violence élé­mentaire, par une coercition brutale. Elle révèle son incapacité à penser la requisite variety, indis­pensable pour ouvrir la voie d'une paix réelle dans un mon­de qui devient chaque jour plus complexe. Cette complexité donnera lieu à des rapprochements, certes, mais aussi à des nouveaux conflits. L'idée d'a­bolir la guerre, propre du “pacifisme juri­dique” kelse­nien, rencontre là ses limites. C'est pourquoi Zolo oppose à ce “pacifisme juridique” inopé­rant, reposant sur l'éthique de la conviction, l'idée d'un “pacifisme faible” (pa­cifismo debole)  ou de “basse intensité”, reposant sur le réalisme politi­que européen classique et sur l'éthique de la responsabi­lité. Répondre aux guerres locales, déclenchées par des nécessi­tés di­verses, par une guerre totale et répressive, comme celle qui a été menée naguère contre l'Irak de Saddam Hussein, s'avère inadéquat. Le “pacifisme faible” entend rempla­cer la répression par la diplomatie pré­ventive et la négociation.

 

A cause des principes qu'elles ont voulu généraliser, les Nations-Unies se sont engagées dans une impasse. Cette instance internationale n'est plus réformable. Si les Etats nationaux sont souvent trop petits pour faire face à l'accroissement d'échelle, la globalisation, elle, est trop schématique pour tenir compte des circonstances locales incontournables. Pour dépas­ser le statu quo, les regroupements régionaux comme le Mercosur ou l'unification européenne sont des réponses adéquates, accen­tuant le poly­centrisme dans le monde, ce polycentrisme indispensable pour deux mo­tifs: a) la nécessité anthropologique d'avoir des institutions pour pallier aux déficits de l'homme; b) la nécessité de conserver les acquis culturels pour éviter la dispersion, le désorientement et l'anomie.

 

Robert Steuckers, Forest, 25 & 26 août 1997.

 

dimanche, 03 octobre 2010

"De l'inégalité parmi les sociétés" de Jared Diamond

« DE L'INÉGALITÉ PARMI LES SOCIÉTÉS » de Jared DIAMOND

par Pierre MARCOWICH

ex: http://www.oswald-spengler-le-retour.net/

 

jared-diamond.jpgDans son ouvrage, « DE L’INÉGALITÉ PARMI LES SOCIÉTÉS », Jared DIAMOND se donne pour ambition de nous faire découvrir les facteurs permanents qui auraient, selon lui, déterminé, comme une loi d’airain, l’évolution des sociétés humaines depuis la fin de la dernière glaciation jusqu’à nos jours, ce qui représente une période de 13.000 ans. (1) 

Je précise tout d’abord qu’en utilisant l’expression de « loi d’airain » qui aurait pesé sur l’évolution des sociétés humaines depuis la Néolithique, je suis fidèle à l’esprit de l’auteur qui a d’ailleurs voulu affirmer sa thèse dans le titre même de son ouvrage. 

En effet, le titre de l’ouvrage en anglais est nettement plus explicite que celui en français : « GUNS, GERMS, AND STEEL, THE FATES OF HUMANS SOCIETIES », titre qui se traduit en français de la façon suivante :

Canons, microbes, et acier, les Parques des Sociétés humaines. Selon le WEBSTER’S DICTIONARY, le mot "The Fates", repris du latin, signifie en anglais "Les Parques", divinités romaines qui décident de manière inflexible et impitoyable le destin de chaque homme. (2)

L'analogie est évidente, puisque l'auteur évoque trois phénomènes bruts désignés par l'auteur comme agents implacables du destin des sociétés depuis 13.000 ans. 

C’est un titre à la Jean-Jacques ROUSSEAU avec son "Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes" (1755) que le traducteur (ou l’éditeur) a préféré octroyer à l’ouvrage de Jared DIAMOND dont le titre est devenu « De l’inégalité des sociétés », Est-ce dans le but d’atteindre, avec le maximum d’efficacité, un public portée sur les questions philosophiques ?

Comme il le confie lui-même, dans son ouvrage, Jared DIAMOND, docteur en physiologie, est un spécialiste de l’évolution biologiques des oiseaux qu’il a étudiés en Papouasie-Nouvelle-Guinée, en Australie et en Amérique du sud. Dans le même temps, ses séjours lui permirent de se familiariser avec « maintes sociétés humaines technologiquement primitives » (page 34).  

La problématique telle que la pose Jared DIAMOND 

Jared DIAMOND formule la problématique de l’évolution historique des sociétés humaines depuis la fin du dernier âge glaciaire, il y a 13.000 ans, par l’énonciation suivante : 

« Certaines parties du monde ont créé des sociétés développées fondées sur l’alphabétisation et l’usage d’outil métalliques, d’autres ont formé des sociétés uniquement agricoles et non alphabétisées, et d’autres encore sont restées des sociétés de chasseurs et de cueilleurs avec des outils de pierre. » (page 11) 

De cette situation, affirme Jared DIAMOND, découle, depuis 13.000 ans, une inégalité entre les sociétés humaines, qui fait que les premières ont conquis ou exterminés les deux autres. 

Il convient de remarquer qu’il ressort de l’énoncé de Jared DIAMOND, que, selon lui, ce ne sont pas les hommes qui « créent » les « sociétés », mais certaines « parties du monde », c’est à dire des zones géographiques, autrement dit la nature (la terre, l’eau, le climat, les montagnes, la mer). Il découle de l’énoncé de Jared DIAMOND que la nature aurait la « volonté » de prendre la décision de créer les sociétés. On croit lire l’entrée en matière d’une sorte de nouvelle Génèse, matérialiste, où la nature remplacerait le Dieu de l’ancienne Bible.  

Bien sûr, le lecteur comprend ce que, malgré la faiblesse de son expression, Jared DIAMOND veut dire : selon lui, la matière, comprise uniquement comme phénomène concret, palpable, visible, se trouve être à l’origine de toute formation sociale. 

De plus, prétendre que d’autres parties du monde ont formé « des sociétés uniquement agricoles » est tout aussi aberrant, car toutes les « sociétés développées » sont passées, elles aussi, par le stade agricole pour s’urbaniser par la suite, outre qu’il paraît hasardeux de qualifier de « société » un clan de la préhistoire (biologiquement homogène) vivant de chasse et de cueillette. 

Ce manque de rigueur est frappant chez une personne qui se présente comme un scientifique de haut niveau. 

Quant à la prétendue « alphabétisation » des sociétés développées, ce n’est qu’un phénomène relativement récent dans les sociétés développées. Je préfère y voir une erreur du traducteur qui a confondu alphabétisme (système d’écriture composé de lettres) avec alphabétisation (enseigner la lecture et l’écriture aux analphabètes). 

En réalité, la vraie question que se pose Jared DIAMOND tout au long de son ouvrage, de la première page jusqu’à la dernière page, est celle-ci : 

« Pourquoi, (..), ce sont les sociétés européennes, plutôt que celle du Croissant fertile, de la Chine qui ont colonisé l’Amérique et l’Australie ? ». (page 614) 

Car, la situation de domination sur le monde exercée par l’Europe, depuis le 15ème siècle, semble beaucoup chagriner Jared DIAMOND.  

Jared DIAMOND ne veut voir dans cette domination que l’effet du hasard, provoqué par des phénomènes uniquement matériels, d’ailleurs venus de l’Asie du Sud-Est, de sorte que, selon lui, les Européens n’ont aucun mérite d’avoir créé des sociétés développées. Briser la superbe de cette Europe (État-Unis compris, où il vit), tel est l’objectif de son livre. Par quel moyen ? Pour Jared DIAMOND, l’Histoire doit devenir une science, s’inspirant de sciences comme « la génétique, la biologie moléculaire et la biogéographie appliquée aux cultures* et à leurs ancêtres sauvages* » (page 32). [Attention, il s’agit ici des cultures céréalières ou légumières et de leurs ancêtres sauvages

La thèse de Jared DIAMOND

Pour Jared DIAMOND, les sociétés qui bénéficient des milieux les plus favorables pour son alimentation seront à même de supplanter et d’exterminer les autres moins favorisées vivant sur des terres plus ingrates.Selon Jared DIAMOND, tout, à la base, est une question d’alimentation. 

Ainsi, pour qu’une société soit « supérieure » à d'autres sociétés, il est nécessaire qu’elle dispose : 

- d’une installation sur des terres où la nature se montrerait prolifique et généreuse en céréales sauvages ; 

- de la meilleures combinaison d’un certain nombre de cultures agricoles : céréales et de plantes légumières à forte concentration de protéines qui auront, au préalable, été domestiquées ; 

- du plus grand nombre d’animaux domesticables de toute taille pour son alimentation, dont pourtant certains doivent être assez robustes et d’une taille assez importante pour qu’ils soient capables de transporter la production agricole, et bien sûr, aussi le matériel de guerre et les troupes ; 

- d’une localisation géographique parfaite permettant à la société de bénéficier par simple diffusion des innovations culturelles (écriture), culturales (agricultures) et technologiques réalisées par d’autres sociétés ; 

La meilleure alimentation et la réception rapide de ces innovations venues de l’extérieur permettra à la société de passer rapidement du stade de l’âge de pierre à l’âge de bronze puis à celui du fer, qui seront d’une grande utilité non seulement pour la production agricole, mais aussi et surtout pour la fabrication des armes de guerres (fusils, canons, épées, etc.). 

En outre, l’élevage du bétail provoquera de graves maladies dans la population qui le pratique. Mais, au cours des siècles, cette population en sera finalement immunisée par l’habitude. Par contre, lorsque cette société envahira d’autres sociétés pratiquant moins ou pas tout l’élevage du bétail, ces maladies provoqueront des hécatombes dans les sociétés envahies. Par conséquent, nous dit Jared DIAMOND, l’élevage du bétail, ou du moins les microbes qui en sont la conséquences, constitue une arme de guerre. Je rappelle le titre originel anglais de l’ouvrage « canon, microbes et acier, les Parques, etc.). 

Si elle est en possession de ces atouts, ladite société est, selon Jared DIAMOND, mécaniquement assurés du succès, à savoir conquérir d’autres sociétés. C’est le miracle de la méthode d’analyse causale, d’après laquelle chaque phénomène est obligatoirement l’effet du phénomène précédent et la cause du phénomène suivant. 

Jared DIAMOND constate que, sur ce plan, c’est l’Asie qui a été privilégiée, en particulier, le Croissant fertile (Proche-Orient) où sont d’ailleurs nées les premières civilisations (Chine, Summer, Égypte, Arabe). Ce sont, selon Jared DIAMOND, les sociétés préhistoriques de cette régions qui vont conquérir les autres sociétés. Remarquons, au passage, qu’il oublie l’Inde. 

Autre objection : chacun sait que c’est l’Europe qui, dans la période historique, va conquérir l’Afrique, l’Australie, l’Océanie, l’Amérique du Nord et du Sud, l’Antartique, etc. Jared DIAMOND est conscient de cette contradiction : sa théorie ne colle pas avec les faits historiques. Qu’à cela ne tienne, il « invente » un nouvelle aire géographique, homogène selon lui, l’Eurasie, englobant à la fois l’Europe et l’Asie. Dans cette Eurasie, la région Europe aurait pratiquement tout reçu de l’Asie, en cultures céréalières, en animaux domestiques, en métaux, poudre à canon, de telle sorte que, quels que soient par la suite les progrès techniques, intellectuelles qu'elle réalisera, l'Europe n’en aurait, selon l'auteur, aucun mérite. C’est ainsi que Jared DIAMOND arrive à écrire cette véritable loufoquerie à la logique incohérente : 

« Les colons européens n’ont pas crée en Australie une démocratie industrielle, productrice de vivres et alphabétisée. Tous ces éléments, ils les ont importés de l’extérieur : le cheptel, toutes les cultures (sauf les noix de macadamia), les techniques métallurgiques, les machines à vapeur, les fusils, l’alphabet, les institutions politiques et même les germes. Il s’agissait à chaque fois de produits finis, fruits de 10 000 ans de développement dans les milieux eurasiens. Par un accident de la géographie, les colons qui débarquèrent à Sydney en 1788 avaient hérité de ces éléments (sic) » (pages 482 et 483). Bien sûr, Sydney n’existait pas en 1788. Ainsi, pour Jared DIAMOND, la démocratie, l’industrie et l’alphabétisation sont des  inventions chinoise, arabe ou égyptienne. Pourquoi pas les cathédrales gothiques, l’industrie nucléaire et les vaccinations antirabiques et antivarioliques qui ont sauvé tant de peuples conquis par l’Europe ? 

Jared DIAMOND prétend que la diffusion des innovations de Chine jusqu’en Europe du Nord, dans ce qu’il appelle, pour les besoins de sa cause, l’Eurasie, était facile sur l’axe Est-Ouest. C’est oublier les Chaînes de montagnes et le désert à traverser entre la Chine et l’Iran. 

Par contre, Jared DIAMOND prétend que l’axe Nord-Sud du continent américain était plus accidenté au niveau de l’Amérique centrale outre, les ’immenses forêts, de sorte que la diffusion des innovations entre le Nord et le Sud  était fortement ralentie, la voie marine étant impossible à utiliser à cause de la présence d’un désert au Texas. C’est ici aussi oublier que les îles Caraïbes ont été colonisées par les Indiens du même nom. Il est d’ailleurs curieux que Jared DIAMOND n’indique pas sur la carte géographique qu'il produit les mouvements d’émigration des populations des peuples Caraïbes vers les îles Caraïbes, alors que sur la même carte il indique en détail les mouvements migratoires vers les îles polynésiennes. Pourquoi cette pudeur pour les Îles caraïbes. Est-ce pour ne pas gêner sa théorie ? 

L’exemple le plus important de cette curieuse méthodologie est celui du passage des hommes préhistoriques de la Sibérie en Amérique du Nord. Les préhistoriens situent cet événement en –20.000 avant J.C., en raison de la possibilité de passage à pied sec. Jared DIAMOND le situe beaucoup plus tard vers –13.000 avant J.C., tout simplement parce qu’aucune découverte archéologique n’a été faite datant de –20.000 à –13.000 sur ce passage. Il faut dire que cela arrange sa théorie, à savoir que les Indiens n’ont pas bénéficié du temps nécessaire pour se développer autant qu’ils l’auraient pu si leurs ancêtres avaient traversé le détroit de Behring en -20.000 avant notre ère. 

Au regard du simpliste et grossier matérialisme, sur lequel Jared DIAMOND base sa thèse, Karl MARX, avec son matérialisme historique, fondé sur les contradictions naissant des rapports sociaux de production (la matière, l’infrastructure), mais qui tient compte de l’influence majeure des superstructures (l’idéologie, le psychisme) dans le cours de l’histoire, pourrait passer pour un adepte de la métaphysique platonicienne, rêvant du monde des Idées. 

Il est vrai qu’il s’agit d’un ouvrage de de compilation et de vulgarisation qui ne nécessite aucune connaissance précise en histoire, en philosophie, en sciences écrit en langage simple et même familier. Il comporte 694 pages présentant en détail les migrations préhistoriques, la domestication des légumes, des céréales et de certains animaux sauvages. Il ne nécessite un effort de réflexion de la part du lecteur moyen. En effet, les notions de société, d’histoire, de culture, de civilisation, d'Etat, employés indifféremment pour toutes les époques préhistoriques et historique, ne sont jamais définis, car toujours règne l’évidence. C’est donc un ouvrage qui fait appel au « bon sens populaire ». 

Je ne veux pas dire qu’il faille écarter d’un revers de main les données brutes relatives au climat, à la végétation, aux cultures de céréales, aux légumes cultivés et à l’élevage du bétail selon les régions géographiques que Jared DIAMOND expose dans son ouvrage. 

En effet, dès 1920, Oswald SPENGLER considérait que, pour comprendre  l’histoire des cultures, il était nécessaire de prendre en compte l’histoire de l’économie, du droit, mais aussi l’histoire du paysage. Or, à propos du paysage, voici ce qu’il écrivait  : 

« Il nous manque également une histoire du paysage (donc du sol, donc de la végétation et du climat) sur lequel s’est déroulé l’histoire humaine depuis 5.000 ans. Or, l’histoire humaine est si difficile à séparer de l’histoire du paysage, elle reste si profondément liée à elle par des milliers de racines, qu’il est tout à fait impossible, sans elle de comprendre la vie, l’âme et la pensée. 

En  ce qui concerne le paysage sud-européen, depuis la fin de l’ère glaciaire une invincible surabondance de végétation cède peu à peu sa place à l’indigence du sol.

À la suite des cultures égyptienne, antique, arabe, occidentale, s’est accomplie autour de la Méditerranée une transformation du climat selon laquelle le paysan devait abandonner la lutte contre le monde végétal et l’entreprendre pour ce même monde, s’imposant ainsi d’abord contre la forêt vierge, puis contre le désert.

Au temps d’Hannibal, le Sahara était loin au sud de Carthage, aujourd’hui, il menace déjà l’Espagne du Nord et l’Italie ; où était-il au temps des constructeurs de pyramides portant en relief des tableaux de forêts et de chasse ?

Après que les Espagnols eurent chassés les maures, le caractère sylvestre et agricoles du pays qui ne pouvait être maintenu qu’artificiellement, s’effaça. Les villes devinrent des oasis dans le désert. Au temps des Romains, cette conséquence ne se serait pas produite. » (3) 

Oswald SPENGLER est bien conscient que sa vision de l’histoire ne peut pas prendre en compte l’histoire du paysage (sol, végétation, climat), en raison de l’inexistence à son époque de telles études. Cependant, malgré le manque de données à sa disposition, Oswald SPENGLER entreprend, en une dizaine de lignes, une analyse synthétique sur un problème bien connu depuis longtemps : l’avancée du désert autour de la Méditerranée. Cependant, tout en constatant la grande importance de cet aspect physique dans l’évolution des civilisations méditerranéennes, Oswald SPENGLER introduit en même temps le facteur culturel : « Les villes devinrent des oasis dans le désert. Au temps des Romains, cette conséquence ne se serait pas produite. »

Tout laisse penser qu’après l’expulsion sur les Maures, les Espagnols de cette époque, les dizaines de milliers d’Espagnols venus du Nord qui s’étaient installés dans le Sud après la Reconquête, n’étaient pas du tout intéressés à continuer l’œuvre routinière du système d’irrigation laissé par les Arabes, en raison de son caractère administratif, collectiviste et coercitif poussé à l’extrême. C’était l’époque des chevaliers errants, de l’aventure. Les Espagnols de l’époque, en Occidentaux qu’ils étaient, tournés vers le lointain, individualistes forcenés, préférèrent partir à l’aventure au pays de l’Eldorado, en Amérique du Sud, pour y gagner richesses et liberté. Dans le sud de l’Espagne, les villes devinrent donc des oasis au milieu du désert.

Oswald SPENGLER ajoute qu’avec les Romains, une telle désertification ne se serait pas produite. En effet, quand ils conquéraient un pays, leur culture étant tournée vers l’aspect administratif et juridique des choses, les Romains construisaient des aqueducs, des routes, etc. pour contrôler le pays et ses populations avec leurs armées, de sorte que ces ouvrages d’art auraient permis d’arrêter l’avancée du désert, si, par hypothèse virtuelle, ils avaient hérité du système d’irrigation construit par les Arabes en Espagne. 

La méthode historique selon Oswald SPENGLER, allie donc les facteurs géographiques aux facteurs culturels, exerçant selon lui un rôle prédominant. L’histoire devient, dès lors, plus compréhensible. 

Jared DIAMOND, quant à lui, pour « expliquer » l’histoire humaine, ignore totalement le facteur culturel, c’est à dire la vision du monde, l’interprétation que les hommes se font de la vie : leurs mythes, leurs croyances, leurs conceptions artistiques et « scientifiques », la spécificité de leur organisation politique. 

C’est ainsi que Jared DIAMOND nous parle souvent de « ses amis » Papous (ou Néo-Guinéens), mais jamais il ne nous expose ni leur culture, ni leur leur vision du monde, etc. Il affirme que lui et ses amis néo-Guinéens se posent mutuellement « mille questions », mais nous ne saurons jamais le contenu de ces questions.

 

 

Dans le tableau intitulé « Facteurs sous-jacents de l’Histoire » depuis la fin de l’époque glaciaire (page 122), Jared DIAMOND nous « explique » les « chaînes de causalité menant des facteurs lointains (orientations des axes continentaux) aux facteurs proches (fusils, chevaux, maladies, etc.) permettant à certains peuples d’en conquérir d’autres ». C’est une conception totalement zoologique de l’homme.  

collapse.jpgL’homme peut très bien se nourrir convenablement et ne pas avoir la force (psychique) de conquérir d’autres peuples. Par exemple, les Romains du 4ème siècle après J.C., c’est à dire ceux qui vivaient dans le Bas-Empire décadent, étaient mieux nourris que les Barbares Germains, et pourtant ce sont ces Barbares qui ont détruit l’Empire romain en 476. Aujourd’hui, les Européens, dont les ancêtres ont conquis l’Amérique du Nord et du Sud, il y a 500 ans, sans trop de problèmes, sont mieux nourris que les Afghans. Pourtant, ils seraient bien incapables (psychiquement) d’envoyer une véritable Armée conquérir l’Afghanistan. Leur pacifisme affiché n’a pour objet que de voiler leur incapacité psychique. On pourrait multiplier les exemples.  

Pour comprendre pourquoi, à un moment donné de l’histoire, certaines sociétés ont conquis d’autres sociétés, il s’avère nécessaire de prendre en compte leur histoire et kleur culture. 

Mais, ne prenant jamais en compte ni l'histoire ni la culture des sociétés qu’il évoque, Jared DIAMOND a une conception totalement a-historique de l’évolution des sociétés humaines.  

C'est pourquoi, Jared DIAMOND, qui se veut historien, ne se pose jamais la question de la signification d’un événement au regard de l'histoire.

Pour qu’un évènement soit considéré comme historique, il faut qu’il ait une signification pour les hommes d’aujourd’hui, sinon, il se perd dans la masse des faites bruts. 

Or, Jared DIAMOND fonde sa théorie de l’histoire humaine sur le principe de l’alimentation la meilleure en protéines et l’élevage de bétail comme « moteur » de l’histoire, en soulignant sur de nombreuses pages les multiples conquêtes qu’ont réalisées les hommes de la préhistoire.

Jared DIAMOND expose longuement les invasions préhistoriques des Chinois du Nord vers le Sud, faisant disparaître un certain nombre de peuples ou les chassant, tandis que ceux chassés de la Chine du Sud envahissaient la péninsule indochinoise et les îles polynésiennes, exterminant au passage les peuples déjà installés. Jared DIAMOND décrit les mêmes mouvements d’extermination et de conquête en Afrique, entre tribus africaines.

Mais les ayant signalés, il les oublie tout aussitôt. Et il a raison. Car tous ces mouvements guerriers de la Préhistoire n’ont aucune signification aujourd’hui.  

En effet, les luttes entre deux tribus d’une société primitive, en Afrique ou en Europe, n’ont aucune espèce d’importance pour nous aujourd’hui,  Elles n’ont aucune signification pour la compréhension du monde actuels. 

Par contre, la victoire de la tribu barbare germanique des Chérusques sur les Romains en l’an 9, ou des Aztèques sur les Tlascanes au Mexique, s’appelle de l’histoire. Car ici, le "quand ?" a son importance. 

La défaite des Romains en l'an 9, cette défaite eut pour conséquence pour les Romains de ne plus tenter de s’aventurer en Germanie, ce qui évita ainsi la romanisation. Nous aurions alors eu une Europe Gallo-romaine. Cet événement marque donc encore le monde moderne. 

Par contre, Jared DIAMOND s’appesantit, pour les stigmatiser, lourdement sur les conquêtes européennes et les massacres qu’elle provoqua  Comme je viens de le dire, il a parfaitement raison de faire ressortir l’action de l’Europe, même s’il n’est pas conscient du motif réel et se limite à la stigmatisation.

En effet, en partant à la conquête du Monde à partir du 15ème siècle, l’Europe a forcé, au besoin par les armes, et parfois de façon cruelle, de nombreux peuples qui vivaient repliés sur eux-mêmes à entrer dans l’Histoire, dans la « modernité » telle que la conçoit l’Occident. Elle a contraint les peuples repliés sur eux-mêmes à se découvrir entre eux. Elle a également contraint d’autres peuples qui, dans les siècles passés avaient joué un grand rôle comme puissances mondiales (Chine, Inde, monde arabe) à revenir sur la scène historique. En même temps, elle leur a fait découvrir, avec les progrès technologiques et sanitaires, ses notions de Liberté, de démocratie, d’État-Nation, etc, que, d’ailleurs, ces peuples retourneront plus tard contre elle. 

Contrairement à d’innombrables conquêtes et exterminations réalisées par d'autres peuples, la conquête européenne de plusieurs continents est un exemple de fait historique ; elle fait histoire,  car il a encore aujourd’hui une signification. 

Autrement dit, en soulignant avec force la conquête de l’Amérique, de l’Afrique, de l’Australie tout en minimisant l’intérêt des conquêtes d’autres peuples,  Jared DIAMOND constate un véritable fait historique, mais sans en saisir la signification profonde.  

Ce faisant, il détruit l’intérêt de sa propre théorie comme explication exhaustive et définitive de l’histoire depuis la fin de l’époque glaciaire, car il est évident que les Européens n’ont pas conquis tous les continents de la planète parce qu’ils avaient, il y a 13.000 ans, une alimentation basée sur tels ou tels légumes ou céréales.  

Les Européens ont réalisé ces conquêtes parce que leur culture, c’est-à -ire leur vision du monde, les portait à regarder vers le lointain beaucoup plus que la culture arabe, pourtant conquérante, et la culture chinoise, elle aussi conquérante, tandis que l’indienne ni l’antique n'’avait pas du tout cette attirance vers ce qui est étranger et loitnain. 

Cet attrait vers le lointain était déjà présent vers l’an 1000 avec les Croisades, tandis que, dès le 13ème siècle, Marco Polo partait, avec sa famille, à l’aventure jusqu’en Chine pendant près de 17 années. Un Chinois, est-il venu en Europe à cette époque ?

Puis, au 15ème siècle, ce fut cet attrait vers l’Océan qui semblait constituer la voie la plus courte pour aller jusqu’en Chine et Japon où l’on trouvait, croyait-on à cette époque, de l’or à foison. Les meilleurs esprits scientifiques, en même temps théologiens et philosophes, tiraient des plans permettant de partir. Et finalement, arriva ce qui devait arriver. Un roi se laissa convaincre. On partit alors avec beaucoup d’impatience, en toute hâte, comme une pulsion puissante qui explose enfin en jaillissant du plus profond des instincts, sur de frêles embarcations vers l’inconnu, vers l’Ouest. 

Mais Jared DIAMOND, qui ignore tout de la notion d’histoire, ne pense pas à se poser la question du « Quand ? ». . « Car ici, le quand a son importance », nous dit Oswald SPENGLER. Or, à cette époque, l’Europe était encore une culture jeune, en pleine maturité, qui avait une force psychique que nous, Européens civilisés, avons du mal à imaginer et même à comprendre.

En face, qu’y avait-il ?

Des peuples dont certains étaient à peine sortis du néolithique, des empires découpés en lambeaux, des civilisations endormies ou tombées dans la barbarie (Chine, Inde, Monde islamo-arabe) aux populations psychiquement prostrées, acceptant n’importe quel conquérant, occupése seulement à se reproduire et à travailler, n’éprouvant aucun intérêtsaux luttes féroces pour le pouvoir qui se déroulaient au-dessus d'elles et dont elles n’attendaient rien.

L’empire Aztèques était en réalité l’héritier de la vieille civilisation maya, essoufflée, malgré l’apparence barbare des Aztèques qui en avaient pris le commandement par la force. Quant à l’empire Inca, à peine né, sans écriture, il était déjà profondément divisé en raison de son système politique de transmission du pouvoir.

L’Europe ne pouvait que sortir victorieuse de toute ces confrontations et amener ces peuples sur la scène de l’Histoire. Désormais, ce qui se passe au Darfour, au Rwanda, au Tibet, en Colombie, en Australie, en Iran, etc., dans la moindre contrée,  intéresse chaque habitant de la planète. C’est l’œuvre historique de l’Europe. 

Jared DIAMOND veut « expliquer » l’Histoire, comme s’il s’agissait d’expliquer un comportement de molécules ou d’une masse musculaire stimulée en laboratoire. En le lisant, on a l’impression que l’homme est surtout un estomac

Jared DIAMOND n’est pas parvenu à comprendre l’histoire, car il ignore totalement l’aspect psychique à la base des comportements et des actes des êtres humains. Cet aspect psychique apparaît dans ce qu’on appelle la culture (vision du monde, actuel, passé et à venir), mythes, croyances, morale, art.  

Par exemple, les Aborigènes d'Australie ont une culture centrée sur ce qu’ils appellent « le temps du rêve », ou simplement « le rêve » (cela rappelle le culture indoue),

 Le « temps du rêve » explique les origines de leur monde, de l’Australie et de ses habitants. Selon leur tradition, des créatures géantes, comme le Serpent arc-en-ciel, sont sorties de la terre, de la mer ou du ciel et ont créé la vie et les paysages australiens. Leurs corps géants ont créé des fleuves et des chaînes de montagne mais leur esprit est resté dans la terre, rendant la terre elle-même sacrée aux peuples indigènes. Le rêve, la terre sacrée, autant de mythe qui ont incité les aborigènes d’Australie à ne pas quitter leurs régions pour partir à la découverte d’autres peuples et profiter des innovations des peuples voisins. Jared DIAMOND, qui se prétend leur « ami »,  ne dit pas un mot sur leur culture, leurs mythes, leur vision du monde, leur religion, qui pourraient expliquer bien des choses. À mon avis, la thèse de la prépondérance de l’esprit, de la culture, sur le comportement humain permet de mieux comprendre l’histoire.

Jared DIAMOND ne se pose pas non plus la question de comprendre pourquoi après 40.000 ans d’occupation de l’Australie, on ne dénombre, à l’arrivée des premiers Européens en 1788, que 250.000 aborigènes, alors que les Indiens sont plusieurs millions après 15.000 ans d’occupation de l’Amérique, au 15ème siècle, à l’arrivée des Espagnols. Que s’est-il passé ? Quels Empires se sont effondrés ? que signifie réellement ou symboliquement ces figures de géants gravés sur les rochers il y a 10.000 ou 30.000 ans ? Mais Jared DIAMOND ne s’intéresse qu’aux estomacs.

Pour ce qui concerne les Papous de Papouasie-Nouvelle-Guinée, que Jared DIAMOND présente aussi comme « ses amis », on ne saura rien de leur culture à la fin des 694 pages, malgré tout un chapitre intitulé « Le peuple de Yali », dans lequel Jared DIAMOND se borne à récapituler toutes les cultures légumières, les élevages du cochon et les migrations depuis la Préhistoire. Pourtant, Jared DIAMOND aurait pu exposer au lecteur le fondement de la culture papoue centrée sur le prestige et la beauté du guerrier. Quelle signification symbolique pouvait avoir leur comportement nécrophage et anthropophages. Sur tout cela, Jared DIAMOND reste muet, arc-bouté sur sa thèse sur l’influence du seul milieu géographique sur l’histoire humaine. 

Mais passé « l’effet-céréales-légumes-bétail » qui, selon Jared DIAMOND, aurait expliqué à lui seul la prédominance du Croissant fertile et de la Chine sur le monde depuis la préhistoire, comment expliquer que ces deux régions ont perdu leur puissance mondiale, leur capacité d’expansion et d'innovation, de sorte que ce ne sont pas elles qui ont découvert et conquis l’Amérique, mais l’Europe ? 

 Fidèle à lui-même, sans même dire un seul mot des facteurs culturels., Jared DIAMOND ne voit qu’une explication matérialiste et mécaniste à la sortie de l’Histoire de ces deux régions. 

b054PB_lg.jpgPour ce qui concerne le Croissant fertile, Jared DIAMOND prétend que la cause du déclin se trouverait, selon lui, simplement dans la désertification, tout en « oubliant » de citer la culture arabo-islamique, pour les besoins de sa cause. Car la civilisation arabo-islamique, bien qu’issue du désert, parvient naturellement à surmonter la désertification au moyen de son esprit conquérant, de sorte qu’elle fut à deux doigts de surpasser l’Occident naissant pour la domination du monde, outre que son rayonnement a duré tout de même 5 siècles au minimum. Mais Jared DIAMOND se garde d’en parler, car ce fait historique contredit sa thèse.

Et si aujourd’hui, malgré la chance que l’Histoire leur a de nouveau donné avec le pétrole, les pays arabo-musulmans n’ont pas réussi à sortir de l’ornière, avec encore 40 % d’analphabètes, et un taux d’innovations technologiques et spirituelles parmi les plus bas du monde, cela est surtout dû (comme au 14ème siècle) à leur culture qui les tourne entièrement vers un passé mythifié et les empêche de profiter du potentiel créatif de 50 % de leurs population (les femmes). 

Aussi superficielle apparaît la raison que donne Jared DIAMOND pour « expliquer » pourquoi ce n’est pas la Chine qui a découvert et conquis l’Amérique ou l’Afrique. Car il faut savoir que, dès 1400, près de 90 ans avant l’aventure de Christophe Colomb, tout était prêt pour partir vers l’Afrique : bateaux de très gros tonnages, équipages, matériels, etc. Mais soudain, l’empereur ordonna d’arrêter tout et de brûler la flotte. Et on n’en parla plus. Jared DIAMOND y voit simplement l’effet du hasard : il y eut un coup d’État fomenté par les eunuques dont le bénéficiaire interdit toute expédition au-delà des mers ! Il ne voit pas là non plus que cette interdiction vient de la profondeur de l’âme chinoise seulement intéressée par ce qui est chinois. Même avec l’Inde, les relations étaient insignifiantes. La Chine n’a jamais rêvé d’aller en Europe. Alors pourquoi aurait-elle rêvé de l’Amérique, de l’Afrique ? Ce n’est pas un hasard non plus si elle a entouré son espace vital d’une grande muraille.

Par contre, en Occident, si Christophe Colomb était mort sans avoir réalisé son projet, d’autres « rêveurs », des savants, des aventuriers, dont l’Europe abondait alors, se seraient levés pour partir vers ce qu’ils affirmaient être la voie la plus courte pour aller en Chine, et finalement l’un d’entre eux auraient réussi. Simplement, au lieu d’être espagnole, l’Amérique du Sud aurait peut-être été française. 

Sur le racisme biologique 

En même temps qu’il prétend démontrer que la diversité de l’histoire humaine est simplement le résultat des différences de milieux géographiques, climatiques et végétaux, Jared DIAMOND imagine prouver l’inanité du racisme biologique : « L’histoire a suivi des cours différents pour les différents peuples en raison de différences de milieux, non pas de différences biologiques » (page 31). 

Jared DIAMOND s’est choisi un adversaire, le racisme biologique, déjà définitivement terrassé politiquement et militairement depuis 65 ans, et, sur les plans scientifique et philosophique, depuis le XXème siècle. C’est donc sans crainte d’être démenti que, à chaque fin de chapitre de son ouvrage, Jared DIAMOND stigmatise, comme une justification de sa thèse sur l’histoire, le racisme biologique dont il fait surtout grief aux Européens et aux Américains.

Son anti-racisme est d’ailleurs assez étonnant, car en réaction aux supposés racistes biologiques blancs qui pensent être plus intelligents que les gens d’une autre couleur, les Papous de Nouvelle-Guinée, en l’espèce, Jared DIAMOND prétend que ce sont les Papous de Nouvelle-Guinée, qui seraient plus intelligents que les blancs Européens : « Pourquoi, malgré leur intelligence que je crois supérieure, les Guinéens ont-ils finalement une technique primitive ».

Remarquons que Jared DIAMOND « croit » à la supériorité intellectuelle des Papous, sans estimer nécessaire de le démontrer. Il ne s’aperçoit pas qu’il fait alors du racisme biologique anti-blanc. Il tombe dans la même aberration qu’il prétend combattre. Sans s’en être conscient, il adopte une position raciste. Il est vrai que la thèse du racisme biologique est une thèse matérialiste, comme celle que défend Jared DIAMOND consistant à faire de l’estomac le moteur de l’histoire humaine. Les deux thèses en présence paraissent s’opposer, mais elles finissent par se rejoindre dans le fond, parce qu'elles sont toutes deux matérialistes.

Les Blancs et les Papous étant des homo sapiens, ils ont en moyenne le même niveau d’intelligence, au contraire de ce que pense Jared DIAMOND. Leurs différences de comportement est, pour l’essentiel, d’origine psychique, donc culturelle, et n’a rien à voir avec l’intelligence.

Le conquérant et bâtisseur du Maroc moderne, le Maréchal LIAUTEY, l’avait déjà compris en 1910, lorsqu’ils disaient à ses soldats : « Les peuples coloniaux ne nous sont pas inférieurs ; ils sont autres ».

Au surplus, le racisme d’aujourd’hui est un phénomène psychique. Par conséquent, il ne peut pas efficacement se combattre avec des arguments scientifiques. Il se combat avec des moyens psychiques : proposer un même destin à des personnes d’origines raciales différentes. 

Des hommes aux dinosaures en passant par les oiseaux 

Poussant jusqu’au bout l’assimilation de la méthode historique à la méthode des sciences physiques et biologiques, Jared DIAMOND termine son livre dans une sorte d’apothéose, nous faisant entrevoir une perspective quasi-« grandiose », et peut-être même gigantesque : 

« J’ai donc bon espoir que l’étude historique des sociétés humaines puisse se poursuivre aussi scientifiquement que l’étude des dinosaures – et pour le plus grand profit de notre société (…) ». (pages 640 et 641). 

Ainsi, Jared DIAMOND abaisse l’être humain, l’homo sapiens, au même niveau que le dinosaure.  

Certains y verront, de la part de Jared DIAMOND, l’expression d’une sorte de nihilisme absolu, conséquence de son matérialisme forcené : la négation de toutes les valeurs (spirituelles, morales, sociales, intellectuelles) et de leur hiérarchie.

Mais, après tout, les dinosaures ne sont-ils pas considérés comme les ancêtres des oiseaux ? Une façon pour Jared DIAMOND, conscient peut-être des limites de sa thèse, d’exprimer, sur un mode « inintentionnel », sa nostalgie du temps où il ne s’occupait que d’ornithologie, objet d’études moins complexe que l’histoire humaine. 

Pierre Marcowich 

(1) Jared DIAMOND, DE L’INÉGALITÉ PARMI LES SOCIÉTÉS, Éditions Gallimard, 2000, pour l’édition française, impression de février 2009, Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Pierre-Emmanuel Dauzat, 694 pages ;  

(2) WEBSTER’S NEW TWENTIETH CENTURY DICTIONARY – unabriged –Second editionDeluxe color, World publishing Company, 1977, (2.128 pages) : Article Fate (pages 666-667) : « The Fates : in Greek and Roman mythology, the three goddesses who control human destiny and life. » 

(3) Oswald SPENGLER, LE DÉCLIN DE L’OCCIDENT ; Éditions Gallimard, 1948, renouvelé en 1976, Tome II, Chap. I, Origine et paysage, page 42, note de bas-de-page ; 

vendredi, 01 octobre 2010

Gerd Bergfleth: critique des Lumières palabrantes

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1986

 

Gerd Bergfleth: critique des Lumières palabrantes

 

Drei-Schwaetzer-a17821823.jpgLes essais et articles de Gerd BERGFLETH, philosophe et penseur d'avant-garde qui vit à Tübingen, méritent une ample attention. Quand on les lit, quand on y réfléchit, on admettra qu'ils nous offrent une réelle expérience euphorique et euphorisante. Ces textes constituent une véritable déclaration de guerre à l'Aufklärung vulgaire qui a stérélisé la pensée allemande de notre après-guerre.

 

Comme Jean BAUDRILLARD à Paris, BERGFLETH (qui à préfacé et explicité l'édition allemande de L'échange symbolique et la mort, livre paru chez Gallimard en 1976) tente de sortir de l'impasse où nous a égaré cette pensée dominante marquée du sceau de la raison raisonnante. BERGFLETH veut des thèmes nouveaux. Il résume sa pensée iconoclaste en dix thèses qu'il baptise "Dix thèses pour une critique de la Raison". Il y constate la faillite de la Raison en tant qu'instance dominante de la philosophie et proclame le divorce entre sa vision personnelle et l'Aufklärung de la gauche de facture habermasienne. BERGFLETH s'insurge contre cette pensée propre à la gauche libérale des années 70 et croit pouvoir annoncer la fin de l'alliance entre la Raison, couplée à ses interdits, et le pouvoir, porté par les technocrates. Il écrit: "Décisive est la Subversion de la domination de la Raison et de la Raison de la domination par la nature humaine". Il faut pour cela redécouvrir le rêve et la folie, l'érotisme et les passions. En bref, ce qu'il faut retrouver, c'est la plénitude totale de notre nature humaine, que l'industrie de la consommation et la bourgeoisie ont domestiquée.

 

BERGFLETH va encore plus loin: "La Vie ne se réduit pas à la pensée mais nous avons tout de même besoin de la clarté passionnée de la pensée, si nous voulons retrouver une Vie de passions". Gerd BERGFLETH se permet une révolte, s'offre le luxe d'une révolte. Tous ceux qui sentent qu'un tel destin de révolté leur est propre l'accompagneront sur la barricade qu'il dresse. L'enjeu: l'intensité sacrée de la Vie. Les réflexions de BERGFLETH montrent qu'une nouvelle culture est possible. Mieux: qu'une nouvelle culture est nécessaire.

 

Deux essais de BERGFLETH méritent le détour: 1)Der geschundene Marsyas qui évoque les voies qui conduiront, au-delà de la crise des valeurs, à la réconciliation entre la Raison et la Nature et 2) Über linke Ironie, ensemble de réflexions qui, par leur pertinence incisive ébranlent les idées les plus chères à la gauche philosophique, libérale, propagandiste et superficielle. Mais pour les victimes de cet assaut conceptuel, il reste une vigoureuse introduction à Nietzsche, une introduction pour débutants dont les ingrédients proviennent de France. Dans Die zynische Aufklärung BERGFLETH règle ses comptes avec les dogmes et les traditions de cette gauche libérale qui a règné en dictateur impavide depuis la "reeducation" imposée à l'Allemagne vaincue par les armées yankees. L'individuel s'est évanoui dans le néant, telle est la caractéristique la plus méprisable de notre dernière décennie. Idem pour l'idée d'égalité qui a présidé au processus de "démocratisation", au perfectionnement, au nivellement et à l'uniformisation. Citons BERGFLETH: "Dans la notion d'égalité, on trouve entière la tendence à aplatir et araser qui est inhérente à tout universalisme abstrait, dont le propre est d'exterminer toute espèce de différences". Ou encore: "Car la domination de l'égalité équivaut à la domination de la terreur".

 

BERGFLETH le sage, BERGFLETH l'homme qui sait, n'ignore pas, bien sûr, de quel complexe souffre la nation allemande; il écrit à ce propos: "Car sans Heimat personne ne peut vivre, pas même l'homme de gauche; le bourgeoisisme planétaire trouve son pendant dans l'apatridisme, l'Heimatlosigkeit ". Le misérabilisme spirituel de la Bundes- republik méritait d'être agressé et secoué. BERGFLETH s'est chargé de ce boulot salutaire . C'est son grand et immense mérite. Il est devenu un homme dont il faudra tenir compte.

 

Martin Werner KAMP.

 

Gerd BERGFLETH et al., Zur Kritik der palavernden Aufklärung, Matthes & Seitz Verlag, München, 1984, 200 S., 19,80 DM.

jeudi, 30 septembre 2010

La révolte selon Gerd Berglfleth

Arno_Breker_-_Camarades.jpgArchives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1986

 

La révolte selon Gerd Bergfleth

 

Il faut rendre hommage à un petit livre pratique qui n'aborde pas le mic-mac du guignol politicien mais se penche, au fond, sur le politique en soi. Ce livre est l'anthologie d'une révolte, celle de Bernd MATTHEUS et d'Axel MATTHES. Mieux qu'une anthologie, ce livre est une symphonie à la radicalité. Ces textes, cette valse de théories et de littérature tranchée et osée feront vibrer les cœurs hardis, les cœurs qui contestent toutes les formes de médiocrité. Les grands ancêtres, les maîtres éternels de toutes les révoltes y ont contribué en fournissant leurs sentences les plus incisives, les plus mordantes: Bataille et Céline, Hölderlin et Pessoa, Nietzsche et le Marquis de Sade. Les partisans cultivés de la révolte radicale œuvrent ici en commun. Des aphorismes épiques aux essais philosophiques, nous découvrons un thème, celui de la révolte, dans une sarabande de méditations subversives, où l'on se découvre jouisseur et prospecteur. Mais ce menu, les auteurs nous l'offrent avec la prudence qui s'impose; en effet, la lecture n'en est pas aisée. "La révolte est signe. Signe de ce ou celui qui se trouve en dehors de toute espèce d'ordre. La révolte possède de nombreux visages. La révolte est une chose, son expression en est une autre. Il y a la révolte de l'homme sans envergure et celle du démagogue, qui visent à accentuer encore le rabougrissement de l'homme, qui se plaisent à soumettre et opprimer, qui aiment à cultiver la médiocrité et l'esprit grégaire. Mais il y a aussi la révolte de l'esseulé rebelle et rétif. Le soumis qui courbe le cap et celui qui ignore la crainte évaluent le concept de révolte d'une manière fondamentalement différente. Le fait que l'Eglise ait envoyé tous les grands hommes en enfer, est une sorte de "révolte" qui déplaisait déjà souverainement à Nietzsche. Ce que moi j'affirme, c'est la révolte contre tout discours établi sur la révolte". Et Axel MATTHES poursuit: "La radicalité doit pouvoir s'afficher, il faut pouvoir la lire dans des actes, des instants uniques, des gestes, des formes qui témoignent d'une attitude bien particulière et unique... La radicalité n'est pas en fin de compte une question de goût, mais un état d'esprit. Etre radical est une chance: la chance de trouver du neuf".

 

Enfin, voici quelques délicatesses de cette "symphonie à la radicalité":

 

"De tout cela, je déduirais que la voie vers la délivrance conduit à travers l'enfer lui-même, mais seul celui qui devine déjà la délivrance, pourra trouver l'issue" (BERGFLETH).

 

"Qu'aimes-tu donc en fait, toi l'Original? Ma nostalgie." (ROZANOV).

 

"Pour l'homme vraiment religieux, rien n'est péché" (NOVALIS).

 

"Plus l'homme progresse, moins de choses il trouvera, auxquelles il pourra se convertir" (CIORAN).

 

"Se donner ses propres normes et s'y tenir" (Alain de BENOIST).

 

Le lecteur qui voudra trouver un néo-moralisme évitera de lire cette anthologie. Ceux qui, en revanche, cherchent à honorer nos vieux dieux et veulent vivre existentiellement l'audace de la révolte, devront trouver dans cet ouvrage le fil d'Ariane du parfait révolté. Comme MATTHES et MATTHEUS, permettez-vous la révolte !

 

Martin Werner KAMP.

 

Bernd MATTHEUS / Axel MATTHES (Hrsg.), Ich gestatte mir die Revolte, Verlag Matthes & Seitz, München, 1985, 397 S., 22 DM.

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mercredi, 29 septembre 2010

Alain Finkielkraut, écrivain critique de la modernité

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Alain Finkielkraut, écrivain critique de la modernité

par Pierre LE VIGAN

Agrégé de lettres, Alain Finkielkraut enseigne à l’École polytechnique les Humanités et sciences sociales. Il anime l’émission « Répliques » sur France-Culture; il a beaucoup écrit et beaucoup publié. L’homme est un des intellectuels généralistes qui comptent dans les débats d’idées. Il plaît à quelques-uns et déplaît à beaucoup. Il ne laisse pas grand monde indifférent; l’homme a du nerf, de la passion, des coups de sang, des emportements, et parfois des remords ou en tout cas des craintes de ne pas avoir été compris. Reste à savoir si on l’aime ou le déteste pour de bonnes raisons.

 

Alain Finkielkraut s’est fait connaître par Le nouveau désordre amoureux (1977) qu’il a écrit avec Pascal Bruckner. Il y critiquait l’idée de la « révolution sexuelle ». Selon lui, cette idée aboutissait à nier l’existence même de l’amour au profit d’une survalorisation de la sexualité. Les femmes seraient selon notre auteur les premières victimes de cette dévalorisation de l’amour [notons que trente ans plus tard, on peut se demander si les hommes ne sont pas plus encore perdants dans cette évolution].

 

La défaite de la pensée, en 1987, marque un tournant important. L’irruption et même l’invasion de toute une pseudo-culture y est critiquée. Elle aboutit à une défaite de la pensée et de la raison. La mise à égalité de n’importe quels rythmes musicaux avec la musique non seulement classique mais tout simplement élaborée, de n’importe quel type d’écriture avec un art d’écrire travaillé, l’idée, en d’autres termes, que par exemple Christine Angot ferait en quelque sorte le même métier que Maupassant ou Albert Camus, est dénoncée comme un égalitarisme culturel par le bas : c’est l’idée que tout vaut tout. Avec comme conséquence l’idée que, comme certaines choses ne valent rien ou en tout cas pas grand chose, au fond, rien ne vaut quelque chose. L’invention d’une « culture » sans pensée aboutit selon Finkielkraut à une pensée sans culture, qui se retourne contre la pensée elle-même et explique aussi le déclin de la capacité d’éduquer, donc le déclin de l’école comme institution centrale de la République. C’est l’une des conséquences de l’esprit du temps mais aussi de la politique culturelle de Jack Lang.

 

À partir de ce livre, Alain Finkielkraut ne cesse de dénoncer, à la suite de Hans Jonas, « la nature quasiment compulsive du progrès ». Avec Le Mécontemporain (1992), Finkielkraut réhabilite Charles Péguy et sa lutte prémonitoire contre la « panmuflerie sans limite ». C’est une protestation contre les conséquences de la course au « progrès » et contre le développement de la technique sans limites. L’inclassable Charles Péguy, socialiste, catholique, patriote écrivait : « Ce sera un grand malheur pour l’humanité dans son âge moderne, un malheur qui ne sera peut-être pas réparé, que d’avoir eu en mains cette matière, que d’avoir été conduite par le progrès peut-être inévitable de sa technique industrielle à être libre, à être maîtresse, à tripoter librement cette matière qui se prête à tout, qui ne se donne à rien, qui se prête à tous, qui ne se donne à personne, cette matière libidineuse, sans astreinte, presque sans résistance. À ce jeu en ce temps-ci, une humanité est venue, un monde de barbares, de brutes et de mufles; plus qu’une panbéotie [inculture, lourdeur. L’expression a d’abord été employée par Renan], plus que la panbéotie redoutable annoncée, plus que la panbéotie redoutable constatée : une panmuflerie sans limites; un règne de barbares, de brutes et de mufles; une matière esclave; sans personnalité, sans dignité; sans ligne; un monde non seulement qui fait des blagues, mais qui ne fait que des blagues, et qui fait toutes les blagues, qui fait blague de tout. Et qui enfin ne se demande pas encore anxieusement si c’est grave, mais qui inquiet, vide, se demande déjà si c’est bien amusant. » (Deuxième élégie).

 

Alain Finkielkraut marque son opposition au communautarisme et au multiculturalisme au nom d’un républicanisme « national » c’est-à-dire qui voit la nation comme un creuset indispensable. « Nationiste » mais non pas nationaliste à la Maurras. Alain Finkielkraut défend le principe de la nécessité  de l’assimilation des immigrés plus que de leur simple « intégration » qui lui parait une juxtaposition des différences sans dépassement de celles-ci et fusion dans le creuset national. C’est logiquement qu’Alain Finkielkraut a aussi dénoncé ce qu’il appelle le « sans-papiérisme », idéologie visant à attribuer une fonction quasi-rédemptrice  aux immigrés séjournant illégalement en France.  Dans le même axe de refus de la négation des appartenances, des liens et des frontières, Alain Finkielkraut a voulu revaloriser, avec L’ingratitude (1999), la place des héritages intellectuels et de l’admiration, contre l’idéologie de la table rase et le refus contemporain de se reconnaître des maîtres à penser (« Ni Dieu ni maîtres »).

 

Ce  tableau montre une capacité à poser des questions qui fâchent, assez éloignées de la pensée « bisounours » – la pensée du « tout le monde il est gentil » qui produit des moutons de Panurge ou mieux encore de faux rebelles que Philippe Muray appelait justement « Mutins de Panurge », les gens qui parlent d’un film qui « dérange » (sic) quand un film prétend faire pleurer sur le sort des clandestins qui tentent de s’installer ailleurs que chez eux au mépris de toute loi et de toutes les règles de l’hospitalité qui sont de ne venir chez les autres qui si on y est invité. Alain Finkielkraut le remarque : il n’y a plus que « le parti dans le sens du poil ».

 

Alain Finkielkraut a aussi pris des positions globalement favorables à la politique de l’État d’Israël, ce qui l’a fait accuser de communautarisme, lui qui en est un adversaire revendiqué. Ses positions ont aussi amené certains de ses adversaires à lui objecter qu’il était surprenant qu’il soit compréhensif face à un nationalisme [qui serait supposé être celui de l’État d’Israël dans ce raisonnement] dans le même temps que notre auteur critique radicalement bien des aspects de la modernité dont le nationalisme est un des aspects. De quoi se faire beaucoup d’ennemis et créer bien des équivoques. Osons toutefois écrire qu’il n’y a que les penseurs sans profondeur qui ne soulèvent pas d’équivoques ni de passions, ni ne vivent sans quelque contradiction. Alain Finkielkraut est un penseur contrarié et contrariant. Et alors ?

 

C’est précisément parce que Alain Finkielkraut a trop souvent été au cœur de trop rapides polémiques qu’il faut lire son enquête sur les systèmes philosophiques de la modernité : Philosophie et modernité (Éditions de l’École polytechnique/Ellipses, 2009). Il s’agit selon l’auteur  des systèmes postérieurs aux Lumières. La construction du livre est simple : l’auteur a suivi le chemin intellectuel de quelques penseurs majeurs dans l’analyse des tournants qu’a pris la modernité.

 

Premier personnage de l’enquête : Rousseau. C’est un critique du progrès mais avec l’idée qu’une nouvelle sociabilité sauvera l’homme et restaurera un lien social égalitaire et un lien d’amour généralisé. Pour Rousseau, la réparation est possible et c’est l’histoire humaine qui la réalisera. Cette société réconciliée, c’est l’objet du « contrat social ». Les clauses du contrat social « se réduisent toutes à une seule – savoir, l’aliénation totale de chaque associé avec tous ses droits à toute la communauté : car, premièrement, chacun se donnant tout entier, la condition est égale pour tous; et la condition étant égale pour tous, nul n’a intérêt de la rendre onéreuse aux autres. […] Enfin, chacun se donnant à tous ne se donne à personne; et comme il n’y a pas un associé sur lequel on n’acquière le même droit qu’on lui cède sur soi, on gagne l’équivalent de tout ce qu’on perd, et plus de force pour conserver ce qu’on a. Si donc on écarte du pacte social ce qui n’est pas de son essence, on trouvera qu’il se réduit aux termes suivants: “ Chacun de nous met en commun sa personne et toute sa puissance sous la suprême direction de la volonté générale; et nous recevons encore chaque membre comme partie indivisible du tout ”. » (Le contrat social, Livre 1, chap. 6, 1762).

 

Avec Marx, ce qui importe est l’idée que c’est le travail et non Dieu qui a créé l’homme. Tocqueville est une autre figure majeure. Avec lui, ce qui est mis en avant est l’idée que l’inégalité économique qui subsiste après la Révolution française n’est plus relayée par une inégalité symbolique et que, par là, naissent les frustrations et  les risques de nouvel absolutisme de l’État (on dirait aujourd’hui de nouveau totalitarisme et il en s’agirait pas seulement de celui de l’État mais aussi de celui du marché généralisé). Tocqueville ne croit ni à l’idée libérale comme quoi l’intérêt général est la somme des intérêts particuliers, ni à l’idée rousseauiste que le peuple ne s’exprime que d’une seule voix (la « volonté générale » qui, dit Rousseau, « doit partir de tous pour s’appliquer à tous ») et que la démocratie c’est l’unanimité et la dictature de l’intérêt général. Tocqueville a ainsi une terreur quasi-religieuse de la tendance moderne au « tous semblable », qui aboutit à croire que nous avons « tous les mêmes besoins », et que devons tous être sous la même chape étatique (et inter-étatique bien sûr car la collaboration entre États n’a jamais été aussi forte et le totalitarisme jamais aussi mondialisé).

 

Nietzsche ensuite. Ce Nietzsche, justement, s’élevait contre les « mensonges passionnés » de Rousseau selon qui il était possible de se « sauver » du péché originel par la rédemption par l’histoire et le « progrès ». Pas de berger, un seul troupeau : c’est ce monde, le monde moderne, dont Nietzsche annonce à la fois l’avènement et le danger. Abolir toutes les distances, toutes les frontières, toutes les hiérarchies, c’est le grand danger contre lequel réagit Nietzsche.

 

Freud. Sa principale idée est la « narration dépurative » (une narration qui rend plus pur). En d’autres termes, dire guérit. L’effet des théories de Freud, c’est l’extension du narcissisme à l’inconscient. Le droit d’ « être absolument soi-même » aboutit à un centrage sur soi et à l’oubli des autres et de la société elle-même. La pensée « identitaire », une certaine pensée identitaire en tout cas, et les revendications identitaires participent souvent de cet « être soi » étendu collectivement. Un narcissisme collectif. Nietzsche avait écrit : « Nous en sommes à la phase où le conscient devient modeste ». C’était au moment où la « découverte » de l’inconscient rendait modeste sur le conscient. C’est maintenant l’inverse, l’inconscient est supposé d’une richesse qui permet à chacun de surenchérir sur ses potentialités prétendument uniques.

 

Une autre figure est celle d’Heidegger. Son apport à la compréhension de notre monde est considérable. Nous sommes passés d’une technique qui permettait d’entrer en connivence avec la nature, qui était un simple prolongement de l’homme à une technique qui s’oppose à la nature, qui consiste à la transformer, à la dominer, et est toute entière conçue en vue de la  puissance. Dans ce dispositif (Gestell), tout « fonctionne » et entraîne un nouveau déploiement des fonctionnalités. Tout devient consommable, la pensée méditante est remplacée partout par la pensée calculante. Dans une société où chacun est obnubilé par sa propre identité, la disparition des normes collectives amène à ce que les personnalités psychorigides laissent la place aux personnalités psychofluides plus à l’aise dans une société « liquéfiée » (Zygmunt Bauman) – la société liquide de l’équivalence généralisée de tout, la société du « tout est consommable ».

 

Avec Carl Schmitt, c’est la grande politique qui est en question. Comme Hobbes, Carl Schmitt pense que le remède aux guerres civiles est l’État souverain. Mais celui-ci nécessite une homogénéité du peuple, ce que ne permet pas le libéralisme. Le principal apport de Carl Schmitt est non pas la distinction ami – ennemi mais la distinction entre l’ennemi et le criminel. Pour Schmitt, l’ennemi est un adversaire, ce n’est pas un ennemi absolu, ce n’est pas le criminel. Il n’est pas à exterminer. Cette conception s’oppose donc radicalement avec celle qui est née avec la Révolution française, celle de Carrier et des guerres contre les Vendéens en 1793 – 94, ou encore celle de l’Épuration en France en 1944 – 45. La guerre selon Carl Schmitt ne peut être exterminatrice. Schmitt défend l’idée du katechon, celui qui retarde la fin des temps, contre l’eschaton, celui qui amène la fin des temps.

 

Selon Schmitt, le droit public européen aurait été en période d’équilibre, c’est-à-dire de non-démonisation de l’ennemi, entre les traités de Westphalie de 1648 mettant fin aux guerres de religion et la veille de la Révolution française. On peut en fait considérer que, hormis la parenthèse de 1792 – 1794, cette période s’étend jusqu’en 1918 et les traités attribuant à l’Allemagne toute la responsabilité de la guerre, ces traités qui ont consacré, avec les principes de l’Américain Wilson (les « Quatorze Points ») la fin du droit public européen.

 

Alain Finkielkraut aborde ensuite Emmanuel Lévinas. Ce qu’aime Finkielkraut en lui, c’est le pascalien. Pascal écrivait : « “ Ma place au soleil. ” Voilà le commencement et l’image de l’usurpation de toute la terre. » (Pensées; section V, « La justice et la raison des effets »). Lévinas se demande à son tour si chacun ne prend pas la place de quelqu’un d’autre. Lévinas est aussi celui qui nie que le monde soit « pure expansion de l’être », ce que voulait être le nazisme selon Finkielkraut. Un point de vue discutable mais stimulant.

 

Continuons l’enquête en suivant les pas d’Alain Finkielkraut. Le monde moderne se résume par la formule : Scientia propter potentiam. La science sert à la puissance. C’était la maxime de Francis Bacon (1561 – 1626). C’est aussi la visée de Descartes (1596 – 1650). « Nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature ». Un peu plus de cent ans plus tard, Rousseau, déjà abordé plus haut, apparaît comme un anti-Descartes. On connaît sa formule : « L’homme qui médite est un animal dépravé ». Toutefois, la généalogie de la déchéance humaine qu’entreprend Rousseau débouche sur un remède. Selon lui, ce remède est l’engendrement de l’homme par l’histoire. Retourner à l’état de nature, ou retrouver un nouvel état de nature, c’est bien sûr une autre façon d’être constructiviste, même si l’état de nature est pour lui «  une fiction qu’il utilise pour expliquer l’apparition des phénomènes sur lesquels s’exerce sa critique » (Alain de Benoist, « Relire Rousseau », in Études et Recherches, n° 7, 1989, et in Critiques – Théoriques, L’Âge d’Homme, 2003). Rousseau comme Descartes veut retrouver un autre état de l’humanité que le réel actuel. En ce sens, l’anti-Descartes Rousseau est peut-être plus encore « un autre Descartes ». Quant à Marx, il reprend, considère Alain Finkielkraut, à la fois le projet de Descartes et celui de Rousseau.

 

Après ces grands inventeurs de système, l’apport de Hannah Arendt est tout autre. C’est une remise en perspective de la place de  l’homme dans l’histoire. Nul n’est l’auteur de sa propre vie : telle est peut-être la formule qui définit le mieux la vision de l’homme qu’a Hannah Arendt. « Quelqu’un a commencé l’histoire [de sa vie]. Et en est le sujet au double sens du mot, l’acteur et le patient, mais personne n’en est l’auteur. »  Pourquoi ? Parce que l’homme est libre, mais n’est pas souverain. L’homme ne peut ainsi être l’auteur de sa propre histoire. La praxis, l’action humaine, excède toujours la simple poièsis, la fabrication, qu’il s’agisse de la fabrication des objets ou de la fabrication de l’histoire. La poièsis est une action qui n’a de valeur qu’en fonction de la fin qui est la sienne, de l’objet qu’elle produit, tandis que la praxis est à elle-même sa propre fin : il s’agit d’agir pour exprimer la vie elle-même, ainsi de la danse qui n’a d’autre fin qu’elle-même. En ce sens, le faire n’est qu’une modalité de l’agir, une modalité qui est subordonnée à une fin. Le faire ne résume jamais la totalité de l’agir humain. Agir n’est pas seulement faire. Agir, c’est aussi contempler, méditer, danser, rêver.

 

Selon Hannah Arendt, au nom du progrès, les hommes deviennent des moyens. Ceci l’amène à conclure que croire au progrès est contraire à la dignité humaine (Juger. Sur la philosophie politique de Kant, Le Seuil, 1991). Au nom du progrès on croit que le faire est plus important que l’agir, que la poièsis est plus importante que la praxis. On en arrive ainsi à justifier les pires horreurs au nom de l’idée que « on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs ». Telle est la conséquence du remplacement de l’agir libre et gratuit par la « fabrication » (fabrication d’un avenir radieux, d’un homme nouveau, d’une histoire rédimée, etc). Cette obsession d’une histoire qui « s’accomplisse », qui remette le monde « en ordre », c’est la matrice de tous les totalitarismes. Cela passe bien souvent par l’utopie d’un pouvoir-philosophe, ou d’un roi-philosophe, ou d’un « socialisme scientifique », qui fut l’utopie centrale du XXe siècle.

 

L’origine de ces conceptions est dans la volonté de construire un monde parfait, ce qui est bien autre chose qu’un mode meilleur. « Il faudrait que les philosophes deviennent rois, ou les rois et souverains de ce monde réellement et sincèrement philosophes » écrivait Platon (La République, livre V, 473c). En ce sens, Alain Finkielkraut note : « Platon est ainsi l’inspirateur de toutes les utopies ». Les deux derniers siècles ont montré, parce qu’ils furent des siècles du faire et des siècles de fer, jusqu’où l’homme pouvait se perdre en croyant faire son histoire. Utopies, totalitarismes et dualisme entre monde parfait et monde réel ont partie liée. Quand le monde est sous le signe du « deux », – « qui n’est pas avec moi est contre moi » – le totalitarisme n’est jamais loin. C’est notamment ce que ne veut pas voir Alain Badiou dans son livre De quoi Sarkozy est-il le nom ? (Lignes, 2007). Cette pensée binaire de Badiou dans ce domaine, c’est celle que résumait Paul Nizan : « Dans un monde brutalement divisé en maîtres et en serviteurs, il faut enfin avouer publiquement une alliance longtemps cachée avec les maîtres, ou proclamer le ralliement au parti des serviteurs. Aucune place n’est laissée à l’impartialité des clercs. Il ne reste plus rien que des combats de partisan » (Les chiens de garde).

 

Contestant ce dualisme, Hannah Arendt écrivait : « Le mal radical existe mais pas le bien radical. Le mal radical nait toujours lorsque l’on espère un bien radical. Il ne peut y avoir de bien et de mal qu’entre les hommes qui ont des relations entre eux. La radicalité détruit la relativité et de ce fait les relations elles-mêmes. Le mal radical est toute chose qui est voulue indépendamment  des hommes et des relations qui existent  entre eux [souligné par nous]. » En d’autres termes, les principes absolus font les crimes absolus. Prenons l’exemple de ce que Robespierre disait à propos du jugement de Louis XVI : « Nous invoquons des formes parce que nous n’avons pas de principes ». Il ajoutait : « Il faut le condamner sur le champ à mort, en vertu du droit d’insurrection. » Il poursuivait : « Il n’y a point de procès à faire, Louis n’est point un accusé. Vous n’êtes point des juges. Vous n’êtes, vous ne pouvez être que des hommes d’État et les représentants de la nation. Vous n’avez point une sentence à rendre pour ou contre un homme, mais une mesure de salut public à prendre, un acte de providence nationale à exercer. Un roi détrôné dans la République n’est bon qu’à deux usages : ou à troubler la tranquillité de l’État et à ébranler la liberté, ou à affermir l’une et l’autre à la fois » [en le tuant bien sûr].

 

Ce qu’indique Robespierre, c’est que, si nous avons vraiment des principes, les formes n’importent pas. Des formes qui ne sont rien d’autres que le droit de se défendre, de se justifier, d’expliquer, de situer le contexte. Dans la conception de Robespierre, l’ennemi des principes justes (la « Liberté » en l’occurrence) doit être condamné sans jugement, doit être « liquidé ». Dans ce même esprit, Danton disait, toujours  à propos de Louis XVI : « Nous ne voulons pas juger le roi, nous voulons le tuer ». « Louis Capet, disait de son côté Jeanbon (dit Jeanbon Saint-André), a été jugé le 10 août, mettre son jugement en question, ce serait faire le procès de la Révolution et ce serait vous déclarer rebelles. » Le même Jeanbon vota la mort du roi en déclarant : « un roi par cela seul qu’il est roi, est coupable envers l’humanité, car la royauté même est un crime ». C’est encore la primauté des principes abstraits sur toute autre considération.

 

Comme le montre Hannah Arendt, les théories de l’histoire dégradées en politiques sont toujours une escroquerie sentimentale et sanglante. À son origine, la société américaine issue de la Guerre d’Indépendance, assise sur le désir d’exceller, échappait, – tout en ayant d’autres travers -, à ces utopies et à ces totalitarismes. Mais Hannah Arendt voit très bien que la « société de consommation de toutes choses » tue le peuple en sa pluralité et en sa majesté. Si la consommation devient l’unique horizon, le peuple lui-même devient, écrit justement Tocqueville « une foule innombrables d’hommes libres et égaux tournant sans repos sur eux-mêmes pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs, dont ils remplissent leur âme » (De la démocratie en Amérique). C’est ce que le même Tocqueville appelle justement les « traits nouveaux du despotisme. » Dans le même temps, c’est le monde de l’homme, le monde des productions culturelles de l’homme, les livres, les arts, les universités, les paysages, qui est dévasté. C’est alors la fin de la civilisation, c’est-à-dire de ce qui enjambe, et de ce qui réunit les générations, de ce qui constitue l’âme des peuples. C’est la fin de toute transmission et de toute filiation : c’est la fin de la « durabilité » du monde. C’est la fin de la « patrie non mortelle des mortels que nous sommes », selon l’expression d’Hannah Arendt (Condition de l’homme moderne). C’est ce qui est jeu. Sous prétexte de « lever les freins à la croissance » – c’est le titre et l’objet de la commission de Jacques Attali, dite encore « pour la libération de la croissance » (sic) – on accepte de détruire le monde par la multiplication des supermarchés, la suppression de la spécificité du dimanche, l’ouverture plus grande encore des frontières, la destruction des professions organisées, etc. Mais comme le rappelle Alain Finkielkraut, nous ne sommes pas seulement des consommateurs, nous sommes aussi des habitants du monde. Et cela ne va pas sans obligations vis à vis du monde. C’est la nécessité de la phronésis, la prudence,  opposée à l’hubris, l’excès. Ceux qui réduisent le monde à la consommation ne comprennent pas que le monde est toujours neuf. « Un chant d’oiseau surprend la branche du matin » écrit le poète René Char (Le Poème pulvérisé).

 

Pierre Le Vigan

 

• Paru dans Écrits de Paris, août – septembre 2009 et remanié pour la présente mise en ligne.


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Ludovici on Feminism & Emasculation

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Ludovici on Feminism & Emasculation

Anthony M. Ludovici

Ex: http://www.counter-currents.com/

Illustration: Picture by Cristofano Allori: Judith with the Head of Holofernes (1613)

Each sex has the instincts, emotions and mental powers related to the kind of life that it will have to lead, and the corresponding limitation in selecting and rejecting. For instance, the male as the active par­ticipator in coition is the wooer and initiator; he has to awaken desire for himself in the female, and finds his pleasure in these roles. The fe­male finds pleasure in being captivated, in surrendering herself, in yielding to initiation, provided that she approves of the male.

In his role of initiator, man develops boldness, leadership, the habit of dominance, responsibility, originality, independence. In her role of passive partici­pator, woman develops shyness, prudery and coyness, sequaciousness, irresponsibility, imitativeness, dependence. (These are the oldest psy­chical consequences of sexual dimorphism and probably antecede by millions of years the qualities of mind which are associated with par­enthood.)

The active role in procreation leads to the rivalry of other males, and develops courage, fighting powers and a marked tendency to violent jealousy in the male, particularly when he is old. But the fe­male, finding her sex-adaptations normally arranged for her, will not need to fight, nor will she develop courage and jealousy to the same extent as the male at this stage.

Happiness will be pursued by each sex in trying to fulfill the specialized functions that derive from its own role. And if the object be to make either sex miserable, this will be best achieved by compelling them to break bounds. Sexual desire is thus the need to perform a specialized function, and love for the opposite sex is attachment to the sexual object which makes this performance possible. Happiness comes with performance.

Each sex will find pleasure in the adaptations peculiar to its own role, and will pursue happiness by seeking those adaptations. The female will find pleasure in exhibitionism, while the male will find pleasure in voyeurism or, to put in plainly, in feasting his eyes. If the wooing has been successful—that is to say, if the female has been captivated—each sex will display its instincts to the full. There will be in­creased preliminary exhibitionism on the part of the female, and a cor­responding increase of pleasure for her. In the same way there will be increased male voyeurism, and a like increase of pleasure for him. There will be a short period of increasing familiarity, the play of the sexes, which may be confined merely to secondary sexual characteristics. This will all be natural and clean. It has its basis deep down in the ancestors of the mammalia, and we cannot now eradicate the instincts that urge us to it. And during this time, while eagerness and pleasure will increase for both, barriers will break down. Each will then find further and greater joy in his or her particular part in the consummation. The passive, yielding role, if it is ably directed by the male, will be en­joyed the female, while the violent active role, if he is versed in the arts of life, will be enjoyed by the male, and each will be grateful and proud . . .

History, science, fiction, the lives of all great peoples, the experience of every one of us—evidence of every kind and from every corner of the compass tells us convincingly how fundamental and how won­derful this relationship is. Some of the greatest and noblest acts of heroism have been performed precisely for the sake of this love which unites two people of different sexes, and examples could be multiplied ad infinitum to show the extremes of devotion, fidelity and happiness which it inspires. (Man: An Indictment, pp. 15–18)

The history of most cultures seems to teach the following moral: that the relation of the sexes is always a fluctuating balance of male and female elements, and that at every stage in social development the bisexual components of each man and each woman tend to assert themselves to the utmost of their capacity, within the limits allowed by the values and the customs of the people. The check upon the expression by the male of his latent femininity thus consists of: (a) virile values, (b) masculine pursuits, (c) the single-minded preoccupation with male problems, and (d) the process of selection, which, operating through the taste imposed by the values, tends to keep down the proportion of males with prominent feminine characteristics. Thus the femininity of the male, where such checks exist, becomes what psychologists term recessive and may remain latent for centuries.

The check upon the expression by the female of her latent masculinity consists of: (a) her male environment, (b) the feminine pursuits, (c) the single-minded preoccupation with female problems, and (d) the process of selection, which, operating through the taste imposed by values, tends to keep down the proportion of females with pronounced masculine characteristics. Thus the masculinity of the female, where such checks exist, also becomes recessive and may remain latent for centuries.

Surrounded by males who maintain masculine standards, and who are capable of giving the highest expression to masculine ability and taste, the male elements in women tend to grow furtive, timid and averse from expression. A woman then knows that she only make herself ridiculous by trying to measure her rudimentary maleness against masculinity of the full-fledged brand. In an environment of masculine men, therefore, her femininity tends to be expressed with boldness, and selection operates in favour of females with only latent masculinity.

The moment, however, she finds, as she does in periods of male degeneracy, that the expression of her latent masculinity does not make her appear ridiculous—that is to say, that the amount of her masculinity can, without appearing absurd by comparison, be measured against the masculinity of her menfolk—there is no longer anything to make her male elements recessive, and her maleness is likely to become developed at the cost of her femaleness, while the process of selection will operate in favour of a multiplication of females with excessive mascu­linity, and vice versa.

This does not mean that the female with strong male elements is necessarily to be deprecated. For, provided her male environment is always sufficiently beyond her in masculinity to make her male side recessive, no harm is likely to arise, and the multiplication of maleish women then contributes without evil results to the cultivation of a virile people. This happened in Sparta and was successful from the ninth to the fourth century BC without the appearance of a woman’s movement, because until the fourth century there was no marked degeneration of the male.

It also happened in England. And the presence of a large proportion of masculine women in our midst today is not in itself a proof of the degeneracy of our men. For as a virile culture we required mas­culine women who would not introduce too much of the feminine ele­ment into our stock. It is the present unadaptedness of these women, their present free expression of their maleness at the cost of their femaleness, which is a sign of male degeneracy, because it means that their menfolk have not remained sufficiently beyond them in male characters to make their masculinity recessive.

The question, therefore, is whether there are always signs of masculine degeneracy, accompanied by female virility, in societies where women tend to dominate. The test is whether the male elements in the woman are being freely expressed. That there were such signs in an­cient Athens, Rome and eighteenth-century France, I have already shown. The fact that the hetairai of Athens consorted with the philosophers, and instructed so famous a man as Socrates, is a comment at once upon the Socratic philosophy and upon the hetairai, while the historical proofs we have of the wanton cruelty of Roman matrons in the period of the decline, and of the viragoes that Rome produced during the Empire, leave us in no doubt that the male elements in the Ro­man women of the first century AD had long ceased to be recessive.

Cruelty in woman, which is the morbid expression of that part of her male elements that includes sadism, is always a sign of unrestrained bisexuality, and although it is by no means the only sign it occurs again and again in periods of masculine decline. The diabolical cruelty of the women of the French Revolution revolted even the male terrorists themselves, and we must not forget that, since extravagant and maudlin humanitarianism is only an inverted and socially permitted form of sadism, the display of excessive humanitarianism in modern England is really as suspicious as was the cruelty of the later Roman matrons. (Man: An Indictment, pp. 87–91)

From The Lost Philosopher: The Best of Anthony M. Ludovici, ed. John V. Day (Berkeley, Cal.: ETSF, 2003), available for purchase here.

mardi, 28 septembre 2010

El Hombre Multidimensional - 11 Tesis sobre el Hombre

El Hombre Multidimensional
11 TESIS SOBRE EL HOMBRE
 
SEBASTIAN J. LORENZ
 
 
 
tremois_visage_a_l_aigle_2004-02_conte_prd.jpgFrente al concepto totalitario y reduccionista del hombre como entidad unidimensional, acuñado por Herbert Marcuse, nosotros diversificamos lo que desde una posición clásica-liberal se vería como un único nivel, en multitud de dimensiones que –básicamente- se reagrupan en cuatro grandes estadios: la dimensión microfísica (la energía elemental), la macrofísica (la materia), la biológica (la vida como sistema orgánico) y la histórico-cultural. Así, el fundamento de lo específicamente humano se da por la intercombinación de las cuatro dimensiones, que sin ser de la misma naturaleza, guardan entre sí un equilibrio armónico, como un 'compositum', es decir, como un elemento estructural del que interesa retener, no difuminar, sus elementos reales y sustantivos.
La idea de un 'hombre multidimensional' parte de la concepción nominalista que se perfila en contraposición a todo universalismo, lineal y ecuménico, como reivindicación a ultranza de la diversidad específica (la desigualdad humana), que Heidegger utiliza en su análisis de la existencia humana (Dasein) como fase previa para dilucidar la cuestión más amplia del 'ser'.
1ª Nominalismo versus Esencialismo
Para Aristóteles y la filosofía escolástica las esencias de las cosas son realidades inmutables que se materializan, con variaciones accidentales, en todos los individuos de la especie. La esencia se realiza en distintas porciones de materia, dando lugar así a los individuos de la especie, quienes difieren entre sí no solo por ser materialmente distintos, sino tambien debido a diferencias accidentales, que no modifican su esencia. Este fundamento deriva en una clasificación subjetiva, no exenta de ambigüedades. Ya un filósofo neoplatónico, Porfirio, en un comentario a la lógica aristotélica, identifica a la especie humana por medio del género inmediato y la diferencia específica.
En biología, la concepción esencialista de la realidad se conoce como la concepción 'tipológica' de las especies. Pero la idea de que existe un modelo de hombre o tipo de hombre, con el cual se conforman todos los individuos de su especie es presumiblemente descabellada. De ahí que el nominalismo afirme que las especies carecen de realidad objetiva y que sólo los individuos existen. Las esencias de las cosas, los universalismos, son simplemente 'flatus vocis', nombres atribuidos para facilitar la comunicación. Cualquier sistema de clasificación de los organismos está basado en semejanzas accidentales. La validez de una u otra clasificación depende exclusivamente de su utilidad en la comunicación inter-humana, y esto ha de ser para nosotros un objetivo secundario en estos momentos.
Toda concepción no-igualitaria del hombre es fundamentalmente nominalista. Así, las diferencias entre los hombres no son acomulables comparativamente, de tal forma que solo el afán simplista articula conceptos universales a partir de observaciones concretas. "Para el nominalismo, dice Alain de Benoist, no hay existencia en sí: toda la existencia es particular. No hay hombre general, una humanidad, solo existen hombres particulares". El centro de la polémica se sitúa, pues, en el binomio diversidad-esencia, con lo que queda aclarada la base filosófica que debe guiar toda la disciplina anti-igualitaria y diferencialista.
La dicotomía entre filosofía nominalista y esencialista no es fácil de resolver, ni siquiera con alternativas intermedias. Si nosotros defendemos una concepción nominalista del hombre es por una razón simple: los hombres NO son creados de acuerdo a una esencia determinada, inmutable, en todos los individuos de la especie. Y ello, en aras del principio de diversidad y diferenciación.
2ª Herencia orgánica y herencia superorgánica
La investigación de la naturaleza humana puede comenzarse estudiando las semejanzas y diferencias biológicas entre el hombre y los antropoides. De ahí se llega pronto a descubrir caracteres únicos en la especie humana u homínida que, aunque fundamentados en su naturaleza biológica, van más allá de la biología. La evolución biológica ha producido al hombre, y al hacerlo, se ha superado a si mismo por la cultura.
Así existe en la hominidad dos clases de herencia: la biológica y la cultural, que también pueden ser llamadas herencia orgánica y herencia superorgánica. la herencia biológica es, en el hombre, semejante a la de los demás organismos dotados de reproducción sexual y está basada en la transmisión de la información genética codificada. La existencia de una herencia cultural se basa en un hecho simple: la diferencia con los demás animales reside precisamente en la dimensión cultural del hombre. La cultura abarca todas las actividades humanas no biológicas. En el sentido del término aquí usado la cultura es el resultado del hombre en su acción creador. Todo ese bagaje cultural conforma la 'tradición acomulativa' que se transmite de generación en generación. Los animales son capaces de aprender por instinto o por experiencia, pero no de transmitir esas experiencias a sus descendientes, al menos de forma eficiente. Esa es la diferencia fundamental que observa Ortega y Gasset entre el hombre y el animal: la posesión íntima por el ser humano de una 'memoria social' suceptible de ser transmitida acomulativamente, además de una 'memoria individual' que es característica común a todos los animales.
La herencia cultural o superorgánica hace posible la evolución cultural, es decir, la evolución de todos aquellos elementos que constituyen la cultura, y que ha originado un fenómeno de adaptación del hombre a la civilización fruto de esa herencia, o un contra fenómeno de rechazo, como advertía Lathrop Stoddard.
La adaptación humana por medio de la cultura prevalece sobre la adaptación biológica. Sin embargo ambas están íntimamente relacionadas. La cultura sólo puede apreciarse, e incluso aparecer, si existe previamente una base biológica adecuada. Al mismo tiempo, la cultura extiende sobremanera el poder adaptativo de la naturaleza biológica y constituye la fuente más importante de los cambios que emanan de la evolución biológica del hombre, dando por supuesto el concepto de evolución como 'devenir' histórico- orgánico. En definitiva, el hombre es un ser cultural por tradición acumulatva, y por ello sólo él es capaz de hacer historia, de transmitirla y también de destruirla.
3ª Sistema de valores: lo específico y lo innato
La concepción de que los hombres son seres éticos por naturaleza, diseñada por Aristóteles y Sto Tomás de Aquino, estaría, para ellos, enraizada en la naturaleza humana, es decir, en el propio proceso de hominización: el hombre no es sólo 'homo sapiens' sino también 'homo moralis'. Pero la evolución biológica añade una nueva dimensión del problema, ¿está la capacidad ética de los seres humanos determinada por su naturaleza biológica? ¿Están los principios y códigos morales determinados por ella?
Para la sociobiología no es que la justificación de las normas morales pueda encontrarse en la biología, sino que la evolución nos predispone a aceptar ciertos valores éticos, a saber, los que están de acuerdo con los objetivos de la selección natural. De ahí que la mayoría de las normas morales estén de acuerdo con tales objetivos y estén dirigidas, en gran parte, a promover los mismos resultados que la selección natural.
La ciencia y la ética pertenecen a dominios lógicos distintos, es decir que del examen de la realidad natural no se puede concluir cual sea la conducta moralmente recta o deseable, pues de lo contrario incurriríamos en la falacia naturalista. Para Wilson "la necesidad de un enfoque evolutivo de la ética es evidente, es igualmente claro que no es posible aplicar un código único de normas a todas las poblaciones humanas ni tampoco a personas de distintas edades, sexo o características. El imponer un código homogéneo es, por lo tanto, crear dilemas morales complejos e insolubles".
Para nosotros 'el pluralismo moral es innato'. La biología nos ayuda a determinar que ciertos códigos morales, especialmente los que pretenden ser universalistas, no son compatibles con la naturaleza humana y, por ello, son inaceptables. Incluso podemos llegar más lejos, como por ejemplo las capacidades de respuesta emocional que lo impulsan y lo guían, es la técnica indirecta por la cual el material genético humano ha sido y será mantenido intacto. "La moralidad no tiene otra función última demostrable".
Varios de los principios morales generalmente aceptados concuerdan con los comportamientos promovidos por la selección natural. Y es que la misma naturaleza biológica nos puede predisponer a aceptar ciertos valores éticos, pero no nos determina necesariamente a aceptarlos, es decir que no debemos confundir la 'influencia' o 'predisposición' con un determinismo salvaje. La aceptación de determinadas conductas morales no se realiza 'naturalmente' sino, en última instancia, por la conjunción libertad- elección de la personalidad o a través de consensus social.
En esta línea autores como Konrad Lorenz o Robert Ardrey, han propugnado que la agresividad y el imperativo territorial son tendencias naturales o impulsos elementales, como 'norma normarum', de los que surgen todas las demás pautas de comportamiento por ritualización, redirección o transformación, como son el principio de autoridad, el de jerarquía, etc. Este modelo preprogramado del comportamiento humano no es una restricción de la libertad sino una 'lex natura' condicionada por la memoria genética.
4ª Autoridad Ontogénica y Altruismo Intraespecífico
El hombre está predispuesto a la aceptación social de la autoridad, como atributo directamente favorecido por la selección y la evolución. Los seres humanos aparecen en condiciones de insuficiencia biológica mucho más acusada que en otros animales. La inmadurez biológica y la incapacidad de autosuficiencia es la base de los principios de sociabilidad y jerarquía. Especialmente en una hominidad primitiva (sin excluir por ello a la actual tecno-industrial), los miembros de un clan tienen mayor probabilidad de sobrevivir si acatan la autoridad. De esta forma, mutaciones genéticas que predisponían a la aceptación de la autoridad fueron favorecidas por el devenir selectivo y evolutivo, y llegaron a establecerse gradualmente en todas las comunidades. La existencia de un comportamiento altruístico intraespecífico, tanto en el hombre como en los animales, no parece explicarse como resultado de una selección natural realizada a través de un sistema de valores éticos progresivamente implantados, pues el hombre arriesgado, el héroe portador del alelo altruista, tendría pocas esperanzas de sobrevivir y, por tanto, el comportamiento altruista sería eliminado al cabo de ciertas generaciones.
Si consideramos el concepto sociobiológico de 'eficacia biológica inclusiva', para discernir la incidencia del comportamiento altruista, hay que tener en cuenta no sólo el riesgo del hombre como 'acción arrojada', sino también el beneficio obtenido por el resto de los portadores del alelo altruista. En definitiva, autoridad ontogenética y altruismo intraespecífico son de facto pulsiones vitales innatas, biológicamente predeterminadaas, que contribuyen a reafirmar el carácter multidimensional de nuestro nuevo hombre.
5ª Los principios de Jerarquía y Organicidad
La Etología ha demostrado que la agresividad es un impulso elemental del que derivan todas las demás pautas de comportamiento. La agresividad intraespecífica establece unas relaciones de tipo jerárquico en el interior del grupo, porque el instinto gregario de formar grupos sociales en la especie humana deriva de la doble acción de ese instinto de agresividad (no olvidemos por ello la división funcional de los grupos sociales): reorientado hacia fuera e inhibido hacia dentro, produce el nacimiento de una jerarquía que impone el orden y aumenta la cohesión interna frente a la presión exterior. El mito rousseauniano del 'buen salvaje' bien podría ser una utopía libertaria, pero carece de base científica alguna. Así los mecanismos filogenéticos que han fijado en nuestro material hereditario la tendencia agresiva, han previsto también como instinto inhibitorio y compensatorio la tendencia innata a la sociabilidad. Ahora bien, si estos fenómenos son elementales, se hacen cada vez más complejos, no ya por motivaciones biológicas, sino por el condicionamiento de la memoria cultural de la especie. La libertad del hombre reside, precisamente, en la aceptación de sus principios innatos, por un lado, y en su liberación de todo determinismo unidimensional por otro.
6ª El problema de la naturaleza del Hombre
El hombre no tiene naturaleza. La naturaleza es una idea intepretativa que arranca desde la perspectiva de la invariabilidad de sus leyes. En lugar de naturaleza el hombre tiene Historia, tiene Cultura. Aunque el hombre se mueve en el interior de esa naturaleza, no pertenece a ella, sino al contrario, se sitúa como ser de acción, frente a ella, afirmando su propio ser. El hombre entonces no es invariante ni perpétuo sino que está en constante devenir evolutivo. Al no poseer un ser dado, debe buscarlo eternamente, creándose un mundo nuevo. Y si el hombre es un ser histórico-cultural, pretenderá crear esa nueva forma através de su dimensión técnica. Nuestro estilo de hombre se diferencia del hombre-esclavo en que aquel se enfrenta no-violentamente a la naturaleza mediante la cultura tecnocientífica, mientras éste, el esclavo, considera la cultura y la técnica como naturaleza, sin ahondar en sus raices ni descubrir su propia dinámica. Porque según Alain de Benoist, entre los hombres y la Naturaleza existe una relación privilegiada de interdependencia dialéctica: el hombre actúa sobre la naturaleza y, por consiguiente, sobre sí mismo y sobre su especie, convirtiéndose en dueño y no en primitivo, en reformador y no necesariamente en destructor de su medio
7ª El Hombre Etnopluralista frente al Hombre Etnocéntrico
El hombre etnocéntrico considera a su grupo como centro de todo, proclama su superioridad y desprecia a los 'otros'. Divide al mundo en dos vectores contrapuestos: el grupo-de-nosotros que encarna el bien y la verdad, frente al grupo-de-otros, que según dice Pareto quedan reducidos a la posición simbólica del mal. De este modo todo hombre etnocéntrico (o en tanto que actua como etnocéntrico) es potencialmente culpable de etnocidio. Sin embargo, las ciencias antropológicas demuestran la variedad de la historia, el pluralismo de las culturas, la policromía del mundo y el polimorfismo del hombre. No existe en las culturas uniformidad y homogeneidad que expliquen o atestigüen la presuntuosa unidad del hombre. Frente a la imagen obsesionante de un hombre igual e inmutable, proponemos la visión dinámica de un hombre que se crea y se recrea, inventando, con una libertad que se mueve entre unos determinismos constantes, su propio estilo, en medio de la discontinuidad y la heterogeneidad. El hombre sectario o etnocéntrico se define por una mentalidad estrecha que considera su propio grupo como el único válido y objetivo.
Nuestra misión es combatir el prejuicio etnocéntrico, criticar el absolutismo dogmático, renunciar al orgullo de la única verdad. El hombre etnopluralista parte de una concepción que cree en la multiplicidad de 'etnos', en la pluridimensionalidad de la cultura, como riqueza no patrimonial de los grupos concretos.
8ª El Hombre como héroe
El heroísmo es una actividad del espíritu, por lo que en palabras de Ortega y Gasset, 'todos somos héroes'. Pero ese heroísmo no se limita, no está adscrito a ciertos sentidos específicos de la vida. Es por ello que el heroísmo alcanza la categoría de dimensión del hombre.
La biología, la sociedad y la cultura conforman la herencia real, pero el héroe no se contenta con la realidad, la hace y reforma en virtud de un 'proyecto que no es', sino que 'pretende ser'. De ahí que el hombre es héroe cuando es él mismo, cuando se convierte en hombre auténtico: esa autenticidad le hace abandonar la inercia colectiva y cualquier forma de socialización.
El hombre héroe se hace auténtico por su resistencia a lo habitual y por su invención de gestos originales (lo que Heidegger denominaba Man), pero esa resistencia es dolorosa y desgarradora porque no sólo se dirige al exterior, sino también hacia el interior de si mismo, despojándose de sus partes inauténticas, haciéndose íntegro. Este proyecto de si mismo es aventura, esencial vaivén constitutivo del hombre.
La dimensión heroica del hombre se basa, pues, en la Voluntad de éste; voluntad concebida no como facultad psíquica, sino como presión proyectiva de seguir adelante. Y por ello se complementa con la dimensión trágica del hombre, que no es fatalidad determinista, sino destino propuesto, no elegido, pero si querido por el hombre, como vocación.
9ª La Sociobiología, punto de partida
La aplicación de los descubrimientos de la biología general y del comportamiento animal al estudio del hombre y de la sociedad podría cambiar -como apuntó en su día Koestler- todo lo que se considera definitivamente establecido por la sociología convencional. E. O. Wilson define la sociobiología como 'una prolongación del darwinismo al estudio del comportamiento, que establece un lazo entre la evolución del organismo, la del pensamiento y la del espíritu'. Es decir, una disciplina que intenta demostrar cómo el hombre-social se adapta al medio por evolución y cómo ésta ha marcado sus comportamientos actuales. En la sociobiología confluyen varias corrientes: la Etología desde su enfoque sociobiológico, la teoría neodarwiniana y la aportación de la Ecología.
La sociobiología reconoce que cada hombre constituye una unidad biológica única y original, que afecta a las diferencias psíquicas e intelectuales entre individuos, haciendo válida la afirmación de Galton sobre la herencia de la inteligencia y la personalidad, porque la disparidad entre los seres humanos se basa, ante todo, en las aptitudes para tratar las informaciones, combinarlas, asociarlas e integrarlas. El punto de partida es, pues, que los hombres son desiguales por naturaleza
10ª La Filosofía, vía de Reflexión
La filosofía y las ciencias empíricas necesitan estar en armonía. En cuanto la filosofía trata de la posible naturaleza humana, la dimensión evolutiva de la realidad es inevitable. La filosofía intenta darnos una comprensión del hombre que va más allá de la observación directa, pero, aún así, no puede ignorar los resultados de la ciencia.
La filosofía es en sí misma inmutable y está fundamentada en los principios de identidad, contradicción y racionalidad suficiente. La Metafísica o la filosofía del Ser y de la trascendencia, por su generalidad y abstracción, trasciende todos los mundos posibles, pero por la misma razón, la metafísica no describe ningún mundo concreto entre los posibles. Según la tradición filosófica cristiana, ninguna concepción del hombre que contradiga los principios fundamentales de la metafísica es válida, pero cualquiera sería en principio posible si no los contradice. Sin embargo la labor del intelectual trasciende todas las limitaciones metafísicas y ahonda, sin cortapisas, en el campo de la reflexión, de la mano de la ciencia.
Por eso, toda filosofía de la naturaleza humana solo puede existir en dependencia del conocimiento científico, y no en contradicción con él. El concepto 'hombre', abstracción dinámica y evolutiva, es el ejemplo más claro en el que la ciencia provee a la filosofía con nociones fundamentales que deben ser tenidas en cuenta por cualquier sistema filosófico que pretenda ser auténtico. Ese debe ser nuestro primer objetivo.
11ª Hacia una nueva Antropología
Desconfiemos en estos temas de las indicaciones ofrecidas por el lenguaje de la obviedad y la evidencia, y aún más de los engañosos enunciados metafísicos o teológicos que todavía alardean de establecer apriorística o introspectivamente qué es o debe ser el hombre, cuál es la perenne estructura ontológica de la condición humana, su inmutable esencia, y cuáles son los fines últimos y absolutos de su existencia. El hombre, el objeto más difícil para el conocimiento, rechaza cualquier definición y se convierte en el punto de confluencia y de encuentro de toda una serie de investigaciones que se fundamentan en la complementariedad de las ciencias del hombre y de la Naturaleza.
Los fenómenos sociales, culturales e históricos son procesos caracterizados por una estratificación epistemológica muy compleja. Dicha estratificación implica que los problemas culturales y espirituales de la significación y el valor tengan siempre una premisa: una base biológica existencial que no es posible ignorar. En cuanto la naturaleza homínida es, en muchos casos, original e inventiva, no determinable con parámetros extrahistóricos o extraculturales, una antropología filosófica es una reflexión sobre la difícil posición del hombre en la naturaleza y el cosmos. El hombre está vinculado a sus ciclos vitales, a ritmos biológicos, a su patrimonio genético. Pero todo ello es un “terminus a quo”, un punto de partida, no un itinerario obligado que pre-determine la aventura del hombre en el tiempo y en la historia.

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lundi, 27 septembre 2010

Conservadurismo revolucionario frete a neoconservadurismo

 CONSERVADURISMO REVOLUCIONARIO FRENTE A NEOCONSERVADURISMO

ReCons versus NeoCons

SEBASTIAN J. LORENZ
fidus-schwertwache.jpgBajo la fórmula “Revolución Conservadora” acuñada por Armin Mohler (Die Konservative Revolution in Deutschlan 1918-1932) se engloban una serie de corrientes de pensamiento contemporáneas del nacionalsocialismo, independientes del mismo, pero con evidentes conexiones filosóficas e ideológicas, cuyas figuras más destacadas son Oswald Spengler, Ernst Jünger, Carl Schmitt y Moeller van den Bruck, entre otros. La “Nueva Derecha” europea ha invertido intelectualmente gran parte de sus esfuerzos en la recuperación del pensamiento de estos autores, junto a otros como Martin Heidegger, Arnold Gehlen y Konrad Lorenz (por citar algunos de ellos), a través de una curiosa fórmula retrospectiva: se vuelve a los orígenes teóricos, dando un salto en el tiempo para evitar el “interregno fascista”, y se comienza de nuevo intentando reconstruir los fundamentos ideológicos del conservadurismo revolucionario sin caer en la “tentación totalitaria” y eludiendo cualquier “desviacionismo nacionalsocialista”.
Con todo, los conceptos de “revolución conservadora” y de “nueva derecha” no son, desde luego, construcciones terminológicas muy afortunadas. Por supuesto que la “revolución conservadora”, por más que les pese a los mal llamados “neconservadores” (sean del tipo Reagan, Bush, Thatcher, Sarkozy o Aznar), no tiene nada que ver con la “reacción conservadora” (una auténtica “contrarrevolución”) que éstos pretenden liderar frente al liberalismo progre, el comunismo posmoderno y el contraculturalismo de la izquierda. Pero la debilidad de la derecha clásica estriba en su inclinación al centrismo y a la socialdemocracia (“la seducción de la izquierda”), en un frustrado intento por cerrar el paso al socialismo, simpatizando, incluso, con los únicos valores posibles de sus adversarios (igualitarismo, universalismo, falso progresismo). Un grave error para los que no han comprendido jamás que la acción política es un aspecto más de una larvada guerra ideológica entre dos concepciones del mundo completamente antagónicas.
Tampoco la “nueva derecha” representa un nuevo tipo de política conservadora frente a la ya tradicional economicista, gestionaria y demoliberal, sino que se sitúa en algún lugar “neutro” (no equidistante) entre la derecha y la izquierda (extramuros de la política), como se desprende inmediatamente de la antología de textos de Alain de Benoist publicada por Áltera (“Más allá de la derecha y de la izquierda”). Recordemos que, cuando a Drieu La Rochelle le preguntaron por su adscripción política, jugando con la posición que ocupan en los parlamentos los distintos grupos políticos a la derecha o a la izquierda del presidente de la cámara, el pensador francés se situaba, precisamente, justo por detrás de éste. Toda una declaración de principios.
El propio Alain de Benoist, en la citada antología, se pregunta cuáles son las razones del retraimiento progresivo de la interferencia entre las nociones de derecha y de izquierda, precisando que «desde luego que la derecha quiere un poco más de liberalismo y un poco menos de política social, mientras que la izquierda prefiere un poco más de política social y un poco menos de liberalismo, pero al final, entre el social-liberalismo y el liberalismo social, no podemos decir que la clase política esté verdaderamente dividida» Y citando a Grumberg: «El fuerte vínculo entre el liberalismo cultural y la orientación a la izquierda por un lado, y el liberalismo económico y la orientación a la derecha por otro, podrían llevar a preguntarnos si estos dos liberalismos no constituyen los dos polos opuestos de una única e igual dimensión, que no sería otra que la misma dimensión derecha-izquierda.»
Pero seguramente ha sido Ernst Jünger (“El Trabajador”) quien mejor ha descrito estos conceptos políticos. El conservador genuino –escribe Jünger- no quiere conservar éste o aquél orden, lo que quiere es restablecer la imagen del ser humano, que es la medida de las cosas. De esta forma, «se vuelven muy parecidos los conservadores y los revolucionarios, ya que se aproximan necesariamente al mismo fondo. De ahí que sea siempre posible demostrar la existencia de ambas cualidades en los grandes modificadores, en las que no sólo derrocan órdenes, sino que también los fundan». Jünger observaba cómo se fusionan de una manera extraña las diferencias entre la “reacción” y la “revolución”: «emergen teorías en las cuales los conceptos “conservador” y “revolucionario” quedan faltamente identificados …, ya que “derecha” e “izquierda” son conceptos que se bifurcan a partir de un eje común de simetría y tienen sentido únicamente si se los ve desde él. Tanto si cooperan como si lo hacen al mismo tiempo, la derecha y la izquierda dependen de un cuerpo cuya unidad tiene que hacerse visible cuando un movimiento pasa del marco del movimiento al marco del estado.» Sin comentarios.
Por todo ello, queremos subrayar aquí que, con la denominación de “Nueva Derecha” –aunque no nos agrade tal calificación y optemos por la de “Conservadurismo Revolucionario”--, se hace referencia a un estilo ético y estético de pensamiento político dirigido al repudio de los dogmatismos, la formulación antiigualitaria, el doble rechazo de los modelos capitalista y comunista, la defensa de los particularismos étnicos y regionales, la consideración de Europa como unidad, la lucha contra la amenaza planetaria frente a la vida, la racionalización de la técnica, la primacía de los valores espirituales sobre los materiales. El eje central de la crítica al sistema político “occidental” lo constituye la denuncia del cristianismo dogmático, el liberalismo y el marxismo, como elementos niveladores e igualadores de una civilización europea, perdida y desarraigada, que busca, sin encontrarla, la salida al laberinto de la “identidad específica”. En el núcleo de esta civilización europea destaca la existencia del “hombre europeo multidimensional”, tanto al nivel biológico, que en su concepción sociológica reafirma los valores innatos de la jerarquía y la territorialidad, como al específicamente humano, caracterizado por la cultura y la conciencia histórica. Constituye, en el fondo, una reivindicación de la “herencia” –tanto individual como comunitaria-, fenómeno conformador de la historia evolutiva del hombre y de los pueblos, que demuestra la caducidad de las ideologías de la nivelación y la actualidad de la rica diversidad de la condición humana. Un resumen incompleto y forzado por la tiranía del espacio digital, pero que sirve al objeto de efectuar comparaciones.
Entre tanto, el “Neoconservadurismo” contrarrevolucionario, partiendo del pensamiento del alemán emigrado a norteamérica Leo Strauss, no es sino una especie de “reacción” frente a la pérdida de unos valores que tienen fecha de caducidad (precisamente los suyos, propios de la burguesía angloamericana mercantilista e imperialista). Sus principios son el universalismo ideal y humanitario, el capitalismo salvaje, el tradicionalismo académico, el burocratismo totalitario y el imperialismo agresivo contra los fundamentalismos terroristas “anti-occidentales”. Para estos neconservadores, Estados Unidos aparece como la representación más perfecta de los valores de la libertad, la democracia y la felicidad fundada en el progreso material y en el regreso a la moral, siendo obligación de Europa el copiar este modelo triunfante. En definitiva, entre las ideologías popularizadas por los “neocons” (neoconservadores en la expresión vulgata de Irving Kristol) y los “recons” (revolucionarios-conservadores, de mi cosecha) existe un abismo insalvable. El tiempo dirá, como esperaban Jünger y Heidegger, cuál de las dos triunfa en el ámbito europeo de las ideas políticas. Entre tanto, seguiremos hablando de esta original “batalla de las ideologías” en futuras intervenciones.
[Publicado por "ElManifiesto.com" el  20/08/2010]

jeudi, 23 septembre 2010

Scruton over de Natiestaat, Nation-Building en Wagner

Scruton over de Natiestaat, Nation-Building en Wagner

roger-scruton.jpgOp vrijdag 23 juni jl. gaf de conservatieve filosoof Roger Scruton een lezing over de crisis die het multiculturele dogma in onze samenleving heeft veroorzaakt. Net voor de lezing had ik een kort gesprek met Scruton over de natiestaat, nation-building in Irak en de opvoering van Wagners Ring-cyclus door de Vlaamse opera.

U noemt de natiestaat de grootste Europese verwezenlijking. De Europese Unie heeft dat erfgoed weggegooid. Waarom gelooft u niet dat economische samenwerking conflicten tussen Europese naties zal voorkomen?

Economische samenwerking heeft nooit conflicten voorkomen in het verleden, nietwaar? Natuurlijk is economische samenwerking een goede zaak op zich, maar conflicten hebben hun oorsprong in allerlei rivaliteiten die niets met economie hebben te zien: immigratie en emigratie, bedreigde grenzen, taalverschillen, religieuze verschillen, enz. Het volstaat niet om te zeggen dat we mensen gaan aanmoedigen om handel te drijven met elkaar. Samenwerking tussen a en b is enkel mogelijk indien a zich onderscheidt van b. Indien het onderscheid van de natiestaat verloren gaat, verlies je ook ondernemingen.

Uw verdediging van de natiestaat wordt bekritiseerd door diegenen die menen dat de geschiedenis van de Europese natiestaat samenvalt met de donkerste periode van de Westerse beschaving: kolonialisme, imperialisme, fascisme en nationaal-socialisme. Wat zegt u daarop?

Eerst en vooral, wat is er verkeerd met kolonialisme en imperialisme? Wat is de Europese Unie, als het geen imperialisme is? Empire is een natuurlijk iets voor mensen en het is een manier om conflicten te overwinnen. Over fascisme zou ik zeggen dat het uiteraard gaat om een verminkte vorm van de natiestaat. De natiestaat bestaat in Engeland op zijn minst sinds Shakespeare’s verheerlijking ervan. En de donkerste periode in de Europese geschiedenis werd veroorzaakt door een pathologische vorm van Duits nationalisme, niet door de natiestaat.

Menig islamitisch immigrant kent geen territoriale loyaliteit welke een voorwaarde is voor burgerschap in de natiestaat. Wat te doen met diegenen die niet willen assimileren?

Het correcte beleid tegenover diegenen die niet willen assimileren is hen de optie te geven om elders te gaan waar ze dat wel kunnen, zoals bijvoorbeeld, waar ze vandaan komen.

Er wordt nu veel gepraat over een Amerikaans imperium. Hoe kijkt u daar tegen aan?

Het gaat niet om imperialisme van de oude stempel. Natuurlijk gebruiken de Amerikanen hun macht om – in hun overtuiging – overal ter wereld democratische regeringen te stichten omdat zij denken dat democratie de enige weg naar stabiliteit is. Welke andere vorm van stabiliteit is er in deze moderne wereld? Ik zeg niet dat de Amerikanen het recht hebben om hun macht op deze wijze te gebruiken. Niettemin, dat is hoe ze het doen. Het is niet hetzelfde als imperialisme. Integendeel, het is een poging om onafhankelijke staten te creëren door dictators te verwijderen.

Irak is met zijn met artificiële grenzen een product van het kolonialisme. Zijn de Amerikanen niet gedoemd om te falen in hun nation-building aldaar?

Ik hoop het niet maar het is wel waarschijnlijk voor de redenen waarnaar je verwijst. Irak is een volkomen artificiële staat net zoals België. In een regio die de natiestaat niet heeft gekend is het zeer onwaarschijnlijk om te slagen. Mijn eigen mening is dat de correcte benadering tegenover Irak is om het op te splitsen in een Koerdisch, Sjiitisch en Soennitisch gedeelte.

U bent Wagner-kenner. De Vlaamse Opera gaat Wagners ‘Der Ring des Nibelungen’ (de Ring-cyclus) opvoeren. Momenteel wordt Das Rheingold vertoond. De regisseur heeft echter de context van de Germaanse mythologie overboord gegooid en plaats de opera in een geglobaliseerde internetgemeenschap. Wat denkt u van zo’n interpretatie?

De gewoonte om de opera’s van Wagner te verminken is nu zodanig diep in onze cultuur verankerd dat men niet kan hopen dat ze vertoond zullen worden zoals hij het bedoeld heeft. Indien men de Ring-cyclus ontdoet van de openbaring van de natuur, de jager-verzamelaar gemeenschap, de akkerbouw en de rol van de goden daarin, dan neem je de structuur van het muziekdrama weg. De Ring-cyclus heeft vele betekenissen maar het heeft deze omdat het ook een letterlijke betekenis heeft. Als je de letterlijke betekenis vernietigt, vernietig je ook al de andere.

De regisseur [Ivo Van Hove] zal zich waarschijnlijk verdedigen door te stellen dat hij Wagner vertaalt naar de moderne wereld van vandaag.

De Ring-cyclus is een schitterend portret van de moderne wereld, net omdat het gesitueerd is in mythische tijden. Door deze mythische tijden te creëren maakt Wagner het mogelijk om onze eigen toestand te zien. Als je het vastpint op het huidige moment van de internetcultuur, dan verlies je die mythische tijd en verlies je die eerste moderne betekenis zodat het morgen al verouderd zal zijn.

 
 
Scruton in het Nederlands:

Roger Scruton heeft een uitzonderlijk hoogstaand oeuvre van meer dan 30 boeken geschreven waarbij hij diepgang combineert met breedte: of hij nu schrijft over de dreiging van de islam, over Westerse filosofie, over het conservatisme, over esthetica, over moderne cultuur en zelfs over seksuele begeerte, het is steeds met een professionalisme dat de specialist versteld doet staan.

De betekenis van het conservatisme (Edmund Burke Lezing I, Aspekt, 2001)

Voor de Edmund Burke Stichting sprak Scruton over zijn eigen conservatieve overtuiging en zijn ervaring met mei ’68. Een ideale inleiding met bibliografie.

Het Westen en de islam – Over globalisering en terrorisme (Houtekiet, 2003)

De botsing met de islam dwingt ons, aldus Scruton, om grondig na te denken over de fundamenten van onze politieke ordening.

Moderne cultuur – Een gids voor kritische mensen (Agora, 2003)

Tegenover de richtingloze moderne cultuur plaatst Scruton het spirituele houvast dat onze traditie biedt en houdt hij een warm pleidooi voor ‘hoge cultuur’.

Andere: Filosofisch denken – Een handleiding voor nieuwsgierige mensen (Bijleveld, 2000). In de reeks ‘Kopstukken Filosofie’ verschenen tevens vertalingen van zijn werken over Spinoza en Kant (Lemniscaat, 2000).

 
Meer informatie op Scrutons website.

 

Serge Latouche et le refus du développement

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1986



Serge Latouche et le refus du développement

La problématique, universelle, du développement économique et social des pays faisant partie de ce que l'on appelle le Tiers Monde, constitue, depuis maintenant plusieurs décennies, un champ de débats et de controverses interminables. Deux écoles se présentent. L'une prétend que, dans une vision linéaire occidentale de l'histoire des peuples, la voie du développement est le passage obligé de tous les peuples sur le chemin de leur "évolution". Cette vision regroupe dans une conclusion commune les émules de l'école libérale (favorable non seulement au développement d'un marché mondial mais aussi à la liberté totale des échanges de biens et marchandises) et une partie de l'école marxiste, issue partiellement des mêmes doctrines propres aux économistes du XVIIIème siècle. L'autre école ne présente pas la même cohérence. Globalement, elle nie que le développement soit le résultat d'une série de mécanismes socio-économiques répétitifs et affirme même que les formes du développement "à l'occidentale" ne sont pas nécessairement positives en soi, ne favorisent pas obligatoirement le bien-être de ces peuples et ne contribuent pas automatiquement à la préservation de leurs identités.

 

Serge LATOUCHE, spécialiste du Tiers Monde, épistémologue des sciences sociales, est aussi professeur d'économie politique. Sa démarche se présente, dès le départ, comme un refus de l'école matérialiste orthodoxe, que ce soit dans sa version libérale ou marxiste. Pour lui, l'idéologie du développement constitue d'une part une idéologie de camouflage et, d'autre part, une négation plus ou moins avouée des identités ethno-culturelles. Idéologie de camouflage: l'idée de développement cache médiocrement un paradigme essentiel de la pensée issue de la matrice judéo-helléni- stique. Il y a probablement une forme de "ruse de la raison occidentale" qui assure ainsi son pouvoir de domination, pouvoir colonial proprement dit, sur les pays dits "sous-développés" ou "moins avancés" (la variété des catégories de dénomination de ces pays révèlent bien le caractère idéologique des analyses et non la neutralité du langage prétendument scientifique).

 

Qu'est-ce que le développement? Une approche vulgaire répondrait sans hésitation: le bien-être des masses et un "niveau de vie" élevé (équivalent au moins à l'American Way of Life). Cette réponse constituerait une fois de plus un camouflage du véritable discours idéologique qui sous-tend cette déclaration de principe aussi simpliste qu'intéressée. Serge LATOUCHE nous le rappelle: jusqu'à présent, toutes les expériences de politiques de développement ont échoué... Toutes les techniques ont fait la preuve de leur inefficacité... D'ailleurs face à ces échecs répétés, certains ont pu parler de "mythe du développement" (Cf. Celso FURTADO ou Candido MENDES). Le résultat de ces tentatives est catastrophique: exode rural massif, qui a entraîné non seulement une désertification des campagnes (avec des effets explicites comme la baisse de la capacité de production agricole du pays, donc l'aggravation de la dépendance alimentaire et, en même temps, la dégradation des conditions écologiques sur les terres laissées à l'abandon) mais aussi une "clochardisation" monstrueuse des paysans dans les périphéries des grandes cités occidentalisées (le phénomène des bidonvilles dans les mégalopoles comme Mexico, le développement de la criminalité juvénile comme à Rio de Janeiro ou certaines grandes villes africaines, l'augmentation des activités économiques parallèles à l'économie mondiale localisée, etc..). Phénomène aussi de destructions des tissus locaux de production s'inscrivant dans une logique mondialisée de division et de délocalisation des tâches (Cf. les stratégies des firmes transnationales).

 

Dans un certain nombre de ces pays, les recettes nouvelles procurées par l'exploitation des ressources locales, soit directement exploitées par l'Etat (version post-nassérienne en Egypte, par ex.) soit concédées à des entreprises étrangères (Cf. le cas d'Elf Aquitaine, multinationale pétrolière française, au Gabon), ces profits réalisés par cette rente naturelle, furent réutilisés dans le sens d'un mode de développement copié des modes des pays du centre du système. La construction d'énormes complexes industriels (Nigéria, par ex.), qui exigeait d'énormes investissements et dont les profits espérés en termes de développement industriel national et d'implantation sur les marchés mondiaux, fut refusée malgré les espoirs des dirigeants locaux. Ces investissements furent surtout l'occasion, pour les entreprises étrangères (bâtiments et travaux publics comme Bouygues en France), de réaliser de substantiels chiffres d'affaires sur les chantiers ouverts. Parallèlement à ces recettes, on constate que le système bancaire occidental, alléché par ce "développement" des pays du Tiers Monde, pratique alors une politique de crédit très large, dépassant même souvent les règles de sécurité généralement admises en la matière par les professionnels eux-mêmes. D'où, dans les années 80, l'affolement du système bancaire occidental face au montant de la dette internationale, surtout aggravé par l'insolvabilité évidente des pays endettés (la crise pétrolière de 1973 est aujourd'hui passée et on peut constater sans aucun effort que le marché pétrolier est aujourd'hui victime d'une crise des prix à la baisse). La rente n'est plus le gage certain d'une solvabilité.

 

Pour E. MORIN, cette crise du développement, c'est à la fois la crise de l'idéologie occidentale sous la forme de deux de ses mythes fondateurs (conquête de la nature-objet par l'homme souverain et triomphe de l'individu atomisé bourgeois) et "le pourrissement du paradigme humanistico-rationnel de l'homo sapiens/faber"...

 

Par ailleurs, Serge LATOUCHE pose ensuite la question fondamentale, valable pour toute idéologie universaliste: "Y a-t-il un niveau de bien-être quantitativement repérable et ayant une signification dans l'absolu?" (p.9). Cette "absolutisation", dans le temps et dans l'espace, des valeurs occidentales, tant au niveau des valeurs fondamentales que dans les pratiques concrètes de réalisation, se pose aussi dans la remise en question des idéaux occidentaux: 1) idéologie des droits de l'homme (qui ne sont plus les droits que l'on peut concevoir dans un système de valeurs spécifiques comme celles qui président à l'Habeas Corpus des cultures anglo-saxonnes) à prétention universaliste et impérialiste (Reagan prétend justifier ses multiples agressions dans le monde au nom d'une vague référence à cette idéologie), 2) système de "démocratie représentative" idéologiquement et politiquement hégémo- nique (cette valorisation absolue impliquant aussi une dévalorisation des autres systèmes, de tous les autres systèmes politiques), etc... Le paradigme occidental du développement se traduit en fait dans ce que Serge LATOUCHE nomme une "objectivation du social".

 

Cette objectivation, qui passe par l'acquisition théorique des formes de vie occidentales (possession des biens de consommation utiles) se conjugue avec une utilisation neutralisée de la technique. Cette dernière est alors perçue comme purement "naturelle", moyen objectif de maîtrise, donc sans caractère culturel et "engagé". Serge LATOUCHE ajoute: "L'objectivation du développement est la source de la conception "technique" des stratégies de développement". La question, précise-t-il afin de parer à toute fausse critique (du style: "c'est trop facile de refuser le développement quand on en bénéficie soi-même"), n'est pas de dire non à une augmentation des conditions matérielles d'existence des hommes, mais de traduire le développement dans un schéma qui respecte et tienne compte des spécificités culturelles de chaque peuple. Le développement ne doit pas, en sus d'une paupérisation des peuples, favoriser le phénomène majeur de déculturation. L'auteur précise que le tort provoqué par le développement aux peuples est bien celui-là et que sa nature est d'être radical. En effet, le développement est  -il faut le souligner-  un "paradigme occiden- tal". Il s'agit d'une expérience historique liée à un ensemble de valeurs propres à une aire culturelle, globalement judéo-chrétienne. LATOUCHE écrit: "Le développement, c'est un regard sur le monde qui vise à valoriser celui dont il émane et à dévaloriser l'autre". Il ajoute que proposer cette expérience en modèle universel indépassable est un "maquillage" de l'impérialisme de l'Occident. Certains, plus précis, préfèrent parler de "néo-colonialisme".

 

Nous ne prétendons pas épuiser toute la richesse des réflexions économiques et culturelles de ce livre. Les analyses des principes d'autodynamisme du capital, le débat sur l'antériorité du capitalisme sur l'impérialisme (thèse léniniste classique) contesté par Serge LATOUCHE, sont quelques-uns des éléments de ce livre magistral. Citons, en guise de conclusion, ces quelques phrases: "Finalement, par des voies différentes, libéraux et marxistes se rejoignent sur ce même "diagnostic réaliste". Ils communient dans la même vision occidentale d'une histoire unidimensionnel- le". "En limitant dans le résultat du mouvement de leur analyse théorique la portée des destructions à leur portée strictement économique, les marxistes réduisent le sous-développement des pays victimes à un recul des forces productives et non à la destruction des bases d'une autre forme d'épanouissement historique. L'équation 'sous-développement = retard' n'est tautologique que si le champ du possible est réduit à une ligne d'évolution unique, sur laquelle on ne peut effectivement qu'être en avance ou en retard".

 

Deux citations qui résument la position de Serge LATOUCHE: refuser les analyses purement économiques pour introduire les paramètres culturels et politico-historiques, non pas comme critères exogènes, de pure extériorité par rapport à un soi-disant "système" infrastructurel de nature quantitative et économique, mais comme sujets actifs de la réflexion analytique. Une indépendance intellectuelle que tous nos lecteurs apprécieront.

 

Ange SAMPIERU.

 

Serge LATOUCHE, Faut-il refuser le développement?, PUF, Paris, 1986, 135 FF.

lundi, 20 septembre 2010

Gnose et politique chez Jacob Taubes

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1986

 

Gnose et politique chez Jacob Taubes

 

taubes.gifGnose et politique. Apparamment deux do- maines sans rapports aucuns l'un avec l'autre. La Gnose, c'est la théologie, la religion de la fuite hors des vanités de ce bas monde. La Gnose, c'est le refus de l'histoire, donc l'exact opposé du politique qui, lui, est immersion totale dans l'imma- nence de la Cité, dans le grouillement des passions et des intérêts. Pour Jacob TAUBES, pourtant, il est possible d'interpré- ter historiquement le déploiement des idéaux gnostiques, de repérer les traces que le mental gnostique a laissé, par le truchement du christianisme, dans les idéologies politiques. Ce travail de recherche, il l'a entrepris lors d'un colloque de la Werner-Reimers-Stiftung, tenu à Bad Homburg en septembre 1982. Les actes de ce colloque sont désormais disponibles sous forme de livre (références infra).

 

Le thème central, celui de la Gnose comme phénomène religieux, a déjà été abondem- ment exploré. Mais uniquement en tant que phénomène religieux de la fin de l'antiquité. Lors du colloque de Bad Homburg, la plupart des participants ont d'ailleurs abordé la Gnose sous l'angle strictement théologique, relatant ses avatars antiques. La Gnose n'est pourtant pas morte; elle s'est infiltrée dans le discours politique moderne. Odo MARQUARD définit la Gnose comme suit: "La Gnose est la positivisation de la Weltfremdheit (le fait d'être étranger au monde) et la négativisation du monde". Selon MARQUARD, la Gnose génère une conception eschatologique de l'histoire qui juge mauvais le monde tel qu'il est et valorise du même coup toute marginalité affichée par rapport à lui. Le Moyen Age jugule les débordements de l'eschatologisme, en posant un Dieu "bon", créateur d'un monde globalement positif. Ce monde, produit d'un créateur bon, ne peut en conséquence qu'être bon, conforme à sa bonté infinie. Le Moyen Age met donc un terme à la Weltfremdheit de la Gnose et revalorise la création. L'Augustinisme part du principe que cette "bonne création", ce "bon monde" a été perverti(e) par l'homme qui a abusé de sa liberté et s'est servi des richesses de cette création pour satisfaire des appétits de puissance. Le "bon monde", comme le "Bon Dieu", sont victimes de la "malifacture" de l'homme. Pour MAR- QUARD comme pour le théologien et philosophe Hans BLUMENBERG, le nomina- lisme constitue un retour de la Gnose en restituant au "Bon Dieu" une totale liberté d'action et donc une irresponsabilité vis-à-vis de ses créations qui, automatiquement, ne sont plus globalement considérées comme positives.

 

Cette "maléfaction" du monde provoque l'âge des révolutions populaires, des contestations sociales, des guerres de religions, parce que les hommes veulent abattre le monde tel qu'il est pour le remplacer par un monde idéal. A la suite de ces querelles, de ces guerres civiles perma- nentes, l'Europe connaîtra un deuxième dépassement du mental gnostique grâce à la "neutralisation" (Carl SCHMITT en parlera abondemment, dans le sillage de ses études sur HOBBES). L'Etat hobbesien neutralise ainsi les querelles religieuses; il valorise le monde régi par le Prince. Un siècle plus tard, LEIBNIZ parlera du meilleur Dieu, créateur du meilleur des mondes possibles. Dans cette optique, l'immanence acquiert à nouveau une valeur positive. La réalité de l'existence est acceptée telle quelle par les Lumières anglo-saxonnes. Le monde est acceptée mais, simultanément, dépourvu de tout caractère sensationnel.

 

A cette disparition du merveilleux et de l'enthousiasme eschatologique, succédera iné- vitablement la récidive gnostique, avec le pessimisme de ROUSSEAU et le concept marxiste d'aliénation. Pour MARQUARD, cette récidive gnostique recèle un danger très sérieux: celui de ne plus tenir compte des réalités complexes du monde immanent (jugées reflets du mal en soi) et d'engendrer une praxis du politique reposant sur le tout-ou-rien.

 

L'objet du colloque de Bad Homburg était d'accepter cette interprétation de l'histoire des idées politiques en Europe ou de la réfuter. Pour le professeur berlinois Richard FABER, pourfendeur génial de la notion d'Occident (Cf. Orientations no.5), le chemi- nement de MARQUARD est typiquement libéral, rattachable aux Lumières anglo-saxonnes, qui biffent des esprits les enthousiasmes et les fureurs révolutionnaires. Le Dieu "bon" des Lumières anglo-saxonnes, mais aussi de LEIBNIZ, est, pour MARQUARD, mort sous les coups de la récidive gnostique et du romantisme comme le signale un autre participant au colloque, Ioan P. CULIANU. Pour FABER, les thèses de MARQUARD expriment ipso facto un néo-conservatisme rigide, à mettre en parallèle avec la renaissance des thèses néo-libérales anti-révolutionnaires de HAYEK et de von MISES. L'alibi de MARQUARD, affirme FABER, est son "polythéisme", en tant qu'acceptation des diversités du monde. Mais ce polythéisme, ajoute encore FABER, minimise la fonction politique, qui est par définition transformatrice et quasi-prophéti- que. Les dieux du polythéisme marquardien sont "la science, la technique et l'économie" qui engendreront la neutralisation dont notre époque, héritière directe des gnoses romantique et marxiste, aurait rudement besoin.

 

Dans une seconde contribution au colloque de Bad Homburg, FABER s'attaque au théologien et philosophe germano-américain Eric VOEGELIN. Si MARQUARD et BLUMENBERG valorisaient essentiellement l'anti-gnosticisme des Lumières anglo-saxon- nes, VOEGELIN valorise, lui, la neutralisation médiévale de l'eschatologisme gnostique. Il y voit le véritable génie de l'Occident car, dans le libéralisme philoso- phique du XVIIIème siècle et dans le positivisme comtien, se cache l'idée d'une révolution permanente, d'une incomplétude du monde qui se "guérit" par de petites interventions chirurgicales. Le monde n'est pas accepté, dans ces philosophies sociales et politiques, comme globalement "bon". Dans les débats politiques, cela engendre une praxis marquée d'indécision voire un chaos non violent. Pour FABER, pourtant, VOEGELIN, BLUMENBERG et MARQUARD doivent être renvoyés dos à dos comme produits "occidentaux" qui refusent de percevoir le monde comme tissu conflictuel incontournable.

 

On le constate: le débat est sans fin, il interpelle toute l'histoire spirituelle et intel- lectuelle de l'Europe. Le politique véhicule nécessairement la gnose et nier les éléments gnostiques correspond à une négation partielle du politique.

 

Autre trésor que nous avons découvert dans les actes de cet époustouflant colloque, qui nous ouvre de vastes horizons: un essai d'Ekkehard HIERONIMUS sur le dualisme et la Gnose dans le mouvement völkisch allemand et plus précisément dans les cénacles qui ont adhéré au national-socialisme. Nous y reviendrons dans une prochaine contribution...

 

Robert STEUCKERS.

 

Jacob TAUBES, Gnosis und Politik, (Religionstheorie und Politische Theologie, Band II), Wilhelm Fink Verlag / Verlag Ferdinand Schöningh, München/Paderborn, 1984, 306 S., 78 DM. 

dimanche, 19 septembre 2010

J. J. Esparza: de la postmodernité

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1986

 

De la post-modernité

 

José Javier ESPARZA

 

La post-modernité est à la mode depuis une bonne décennie. Le terme "post-moderne" a été forgé par le philosophe français Jean-François LYOTARD qui entendait exprimer un sentiment hyper-critique, généré par le désenchantement que suscitaient notre époque (in: La condition postmoderne, Editions de Minuit, Paris, 1979). Depuis lors, les interprétations du phénomène post-moderne se sont succédé pour être appliquées sans trop d'ordre ni de rigueur. On en est même venu à l'identifier à une mode musicale, ce qui, finalement, revient à ne percevoir que la partie d'un tout. La musique hyper-sophistiquée par la technique, les "comics" américains ou la bande dessinée européenne, la mode, le foisonnement des manifestations artistiques de coloration dionysia- que ne sont ni plus ni moins que des facettes de la post-modernité. Mais les facettes les plus visibles donc, a fortiori, les plus appréciées par la culture mass-médiatique. Avant toute chose, il convient de comprendre ce qui a précédé ces phénomènes pour éviter de nous fourvoyer dans une analyse trop fragmentaire de la post-modernité.

 

Présentisme et désenchantement

 

Quels sont les facteurs sociologiques qui définissent la post-modernité? Pour Fernando CASTELLO, journaliste à El Pais, il s'agit de la vogue post-industrielle, portée par l'actuelle révolution scientifique et technique qui implique l'abandon des fonctions intellectuelles à la machine et se manifeste dans l'univers social par une espèce de nihilisme inhibitoire, par un individualisme hédoniste et par le désenchante- ment (1). D'autres, tel Dionisio CAÑAS, nous décrivent l'ambiance émotionnelle de l'attitude post-moderne comme un déchantement par rapport au passé marqué par l'idéologie du "progrès". Cette idéologie a donné naissance à la modernité et aujourd'hui, sa disparition engendre une désillusion face à un présent sans relief ainsi qu'une forte sensation de crainte face au futur immédiat. L'ensemble produit une vision apocalyptique et conservatrice, négatrice de la réalité, vision qui, selon CAÑAS, coïncide avec une esthétique "réhumanisante", anti-moderne et, parfois, engagée. Une telle esthétique avait déjà été annoncée par Gimenez CABALLERO, dans son ouvrage Arte y Estado, publié en 1935 (2). Pour ces deux auteurs, il s'agit, en définitive, d'un retour au conservatisme.

 

Entendons, bien sûr, que ce conservatisme ne saurait se réduire à un mental "droitier". Guillau- me FAYE (3) parle, par exemple, d'un néo-conservatisme des gauches, régressif mais tou- jours égalitaire, qui survient lorsque le progressisme se rétracte en un présent sans perspective, une fois coupées la mémoire et la dimension vivantes du passé. La post-modernité, l'attitude post-moderne, restent "progressistes" (du moins en paroles) et égalitaire, mais le progrès qu'elles évoquent est mis à l'écart lorsqu'il affronte, dans la réalité concrète, un futur incertain et critique. Le discours progressiste est, à l'épreuve des faits, freiné et immobilisé par la menace d'une crise mondiale. Mais s'il veut conserver sa valeur et sa légitimité, il doit continuer sa marche en avant tout en maintenant son utopie de normalisation du monde. Le résultat est que l'utopie progressiste commence à perdre sa crédibilité, faisant place à une forme élégante et sophistiquée de présentisme en laquelle le lyrisme technique de la modernité devient un snobisme technologique.

 

Le manque de perspectives que nous offre le futur crée un vide fatal, une sensation de désenchantement vis-à-vis du présent. Dans la modernité, le présent avait toujours été la préfiguration du futur, sa mise en perspective, qu'il s'agissait de la lutte des classes pour une société communiste ou de la normalisation légale pour aboutir au règne sans partage de la société marchande. Lorsque l'idéologie sociale, la modernité, n'a plus la possibilité de préfigurer quoi que ce soit, la post-modernité émerge. Mais pourquoi la modernité n'est-elle plus à même d'offrir un futur? Pourquoi est-on arrivé au point final de la modernité?

 

La mort du finalisme

 

L'idée de fin se trouve dans l'embryon même des idéologies de la modernité. Toutes partent d'un point de départ négatif (exploitation d'une classe prolétaire par une classe plus élevée, impossibilité de mener à bien les échanges naturels entre les individus, etc.) pour arriver à un point final positif (la société sans classes, le libre-échange, etc.). Dès lors, le finalisme est partie intégrante de la modernité en tant qu'idéologie.

 

Il est évident que la modernité n'est pas seulement une idéologie. La modernité est un phénomène ambigu parce qu'elle contient tant une idéologie homogénéisante et inorganique qu'un vitalisme transformateur de la nature organique. Ainsi, aux yeux d'Oswald SPENGLER, la modernité présente d'un côté la vitalité faustienne et aventurière qui est en grande partie à la base de la force d'impulsion du devenir historique européen, mais d'un autre côté, elle présente des tendances meurtrières qui prétendent normaliser (moderniser) la planète entière, en promouvant une vision inorganique. Une telle normalisation signifie pour SPENGLER la fin de l'âge des "hautes cultures" (Hochkulturen), la fin de l'ère des spiri- tualités et de la force vitale des peuples. Il existe donc un divorce entre la modernité comme vitalisme, comme aventure, comme "forme". La première est la vision progressiste de l'histoire, la seconde est la vision tragique du monde et de la vie. La première est celle qui a prédominé.

 

Le souci d'homogénéiser et de normaliser le monde, pour qu'il accède enfin à la fin paradisiaque promise, trouve son cheval de bataille dans l'idéologie du progrès, véhiculant une vision du temps linéaire qui relie le monde réel négatif au monde idéal positif. Cette particularité rappelle ce que NIETZSCHE nommait l'inversion socratique: la césure du monde en deux mondes, germe de toutes les utopies. Le progrès idéologique se perçoit comme matrice de la modernité. Mais ce progrès signifie aussi la certitude de l'existence d'un point final, puisqu'on ressent l'infinitude du progrès comme une hypocrisie et que, dans ce cas, il faudra un jour cesser de croire en lui. NIETZSCHE n'a-t-il pas écrit dans l'Antéchrist: "L'humanité ne représente pas une évolution vers quelques chose de meilleur ou de plus fort, ou de plus haut, comme on le croit aujourd'hui; le progrès est purement une idée moderne; c'est-à-dire une idée fausse". Par sa propre nature, la notion de progrès implique la fin de l'histoire. C'est ce que pressentait sans doute Milán KUNDERA, lorsqu'il écrivait: "Jusqu'à présent, le progrès a été conçu comme la promesse d'un mieux incontestable. Aujourd'hui cependant, nous savons qu'il annonce également une fin" (4). Cette certitude qu'une fin surviendra est cela précisément qui produit le désenchantement. Tous les finalismes sont à présent morts parce qu'ils ne sont légitimes que dans la mesure où ils atteignent un but hic et nunc.

 

Régression et fin de l'histoire

 

Mais quid dans le cas où l'on affirmerait aucun finalisme? Dans le cas où l'on ne prétendrait pas arriver à une fin de l'histoire, à la fin des antagonismes et des luttes entre volontés oppo- sées? Cette conclusion, consciemment ou inconsciemment, des milliers d'intellectuels l'ont déjà tirée. En se posant une question très simple: où se trouve ce fameux paradis annoncé par les progressistes? La réponse est lapidaire: nulle part. Déduction: la seule possibilité qui reste pour sauver l'utopie, c'est de cultiver une idéologie de la régression. On passe de ce fait à un culte du "régrès" qui remplace la culte du "progrès" devenu désuet et sans objet.

 

Ce n'est pas un hasard si la gauche de notre époque vire au "vert" et à un certain passéisme idyllique. Pour la gauche actuelle, l'Arcadie pastoraliste s'est substituée à l'Utopie constructiviste. Cette mutation est dans la logique des choses. Le progrès avait été conçu selon une double optique: idéologique et technologique. Le progrès technologique, véhiculé par cet esprit faustien et aventurier (SPENGLER), qui donna toute son impulsion au développement de l'Europe, a, plutôt que de normaliser et de pacifier, créé plus de tensions et d'antagonismes. Prométhée, dit-on, est passé à droite... La gauche a réagi, consciente que le progrès technique était par définition sans fin et limitait ipso facto son "monde idéal"; elle délaissa la technique, abandonna son promé- théisme (sauf, bien sûr en URSS où le technicisme marxiste se couple au mythe de Gengis Khan). La gauche a opéré un tour de passe passe conceptuel: elle n'a plus placé la fin de l'histoire, l'homogénéisation de la planète, dans un avenir hypothétique. Sur le plan des idées et de la praxis, elle a replacé cette fin dans l'actualité. Attitude clairement observable chez les idéologues de l'Ecole de Francfort et leurs disciples.

 

Cette mutation s'est effectuée de manière relativement simple. Il s'agit, dans la perspective actuelle de la gauche, de vivre et de penser comme si la révolution et le paradis sans classes, idéaux impossibles à atteindre, existaient de manière intemporelle et pouvaient être potentialisés par l'éducation, le combat culturel et la création de mœurs sociales nouvelles. On constate que la gauche intellectuelle effectue cette mutation conceptuelle au moment où sociaux-démocrates et sociaux-libéraux affirment de fait la fin de l'histoire parce qu'ils estiment, sans doute avec raison, que leur société-marché a abouti. On croit et l'on estime qu'est arrivé le moment d'arrêter le mouvement qui a mis fin jadis à l'Ancien Régime et implanté l'ordre social-bourgeois.

 

Mais que faire si ce mouvement ne s'arrête pas partout, en tous les points de la planète? Si le principe de révolution agite encore certains peuples sur la Terre? En Occident, on a décrété que l'histoire était terminée et que les peuples devaient mettre leurs volontés au frigo. Et en ce bel Occident, c'est chose faite. Elles croupissent au frigidaire les volontés. Ailleurs dans le monde, la volonté révolutionnaire n'est pas extirpée. Le monde effervescent du politique, la Vie, les relations entre les peuples et les hommes n'obéissent pas partout à la règle de la fin des antagonismes. Croire à cette fiction, c'est se rendre aveugle aux motivations qui font bouger le monde. C'est déguiser la réalité effeverscente de l'histoire et du politique avec les frusques de l'idéologie normalisatrice et finaliste.

 

Là nous percevons clairement la contradiction fondamentale de la société post-moderne.

 

Un doux nihilisme

 

Dans de telles conditions, nos sociétés ne peuvent que vivre en complet dysfonctionnement. D'un côté, nous avons un monde idéal, suggéré par les idéologies dominantes, conforme à ses présupposés moraux qu'il convient de mettre en pratique dans sa vie quotidienne pour ne pas se retrouver "marginal" (humanitarisme, égalitarisme, bien-être). D'un autre côté, nous voyons un monde réel qui, en aucun cas, n'obéit à l'idéologie morale moderne et qui nous menace constamment d'une crise finale, d'une apocalypse terrible.

 

La technique qui nous permet de survivre dans cette contradiction est simple: c'est la politique de l'autruche. Le divorce entre les deux réalités crée une formidable schizophrénie sociale. Selon les termes de BAUDRILLARD: Perte du rôle social, déperdition du politique... De toutes parts, on assiste à une perte du secret, de la distance et à l'envahissement du domaine de l'illusion... Person- ne n'est actuellement capable de s'assumer en tant que sujet de pouvoir, de savoir, d'histoire (5). Le spectateur a supplanté l'acteur. Quand les hommes, les citoyens avaient un rôle, le jeu social détenait un sens. N'étant plus que des spectateurs impuissants, tout sens s'évanouit. Et derrière le spectacle, en coulisses, se déploie un monde qui n'a rien à voir avec celui qui nous est offert, suggéré, vanté. Le système cherche à ce que nous vivions comme si la fin de l'histoire, du politique, du social était déjà survenue. Autrement dit, le système simule la disparition du sens que nous évoquions.

 

Il ne reste plus aux hommes qu'à s'adonner au nihilisme "soft" d'un monde sans valeurs. Mais le sens des valeurs a-t-il réellement disparu? Non. Il se cache. Il est imperceptible dans les sociétés de consommation de masse d'Europe mais reste vivace là où se manifeste une volonté collective d'affirmation. Du point de vue de l'idéologie occidentale dominante, les signes d'un tel sens restent cachés comme un visage derrière un masque. Pourtant, ce visage est celui d'un être bien vivant. C'est ce qui explique pourquoi l'homo occidentalis ne mesure les phénomènes nationalistes du Tiers-Monde que sous l'angle de folies individuelles alors qu'en réalité, il s'agit de volontés nationales d'échapper à la dépradation américaine ou soviétique. Dans nos sociétés, au contraire, il n'y a déjà plus de volonté collective mais il règne un individualisme englouti dans l'indifférence généralisée de la massification. C'est un univers où chacun vit et pense comme tous sans pour autant sortir de son petit monde individuel. C'est là une autre forme de nihilisme et l'on ne détecte rien qui puisse affirmer une quelconque volonté.

 

Cet individualisme a déteint sur toute la société post-moderne. Il a suscité tous les phénomènes qui caractérisent ce post-modernisme, y compris ce nihilisme hédoniste, né de la disparition du sens. Gilles LIPOVETSKI confirme cet individualisme intrinsèque de la société post-moderne en énumérant les traits qui la caractérisent: recherche de la "qualité de la vie", passion pour la personnalité, sensibilité "écolo", désaffection pour les grands systèmes qui exigent la motivation, culte de la participation et de l'expression, mode rétro,... (6).

 

Arrêtons nous un moment à ce culte de la participation et de l'expression qui sont symptômes supplémentaires de la schizophrénie sociale et, par là, facteurs de nihilisme. Il existe dans nos sociétés une impulsion de type moral qui appelle constamment à la participation dans la vie publique et à l'expression de la volition individuelle par le biais de la communication. Ainsi, l'on prétend que nos sociétés sont des sociétés de communication, thème que l'on retrouve chez des auteurs aussi éloignés l'un de l'autre que HABERMAS, MARSHALL McLUHAN ou Alvin TOFFLER. Mais où participer, où s'exprimer quand les institutions qui avaient traditionnelle- ment la fonction de canaliser ces pulsions et ces nécessités ont cessé de posséder un sens, ont succombé aux impulsions commerciales de la communication de masse? Comme l'a vu justement BAUDRILLARD (7), le système appelle sans cesse à la participation, il veut sortir la masse de sa léthargie, mais la masse ne réagit pas: elle est trop bien occupée à assurer son bien-être individuel. La participation et l'expression jouent aujourd'hui le même rôle de norme sociale que l'idée que le souverain était l'incarnation d'un pouvoir divin. Actuellement, les normes morales  -déjà non politiques-  du système social-démocratique ne sont qu'un simple vernis, comme le fut, à la fin du XVIIème siècle, l'idée du souverain comme principe incarnateur. Cela signifierait-il que nous sommes à la fin d'un cycle? En termes clairs: le silence des masses, l'impossibilité des dogmes fondamentaux du système démocratique signifie- raient-ils le terme, la mort de l'idée démocratique de participation du peuple, laissant cette participation à une simple fiction juridique, comme le pense Jürgen HABERMAS (8)?

 

Ainsi, l'impossibilité de réaliser ce qui paraît le plus important dans toute société démocratique qui se respecte pourrait donner naissance à un nouveau facteur de nihilisme qui s'ajouterait à ceux déjà énumérés. D'autre part, à la vision apocalyptique inhérente à tout finalisme, se joignent actuellement divers paramètres de crise: économiques, écologiques, géostratégiques... Tous pourraient, à un moment donné, converger. En réalité, la crise est l'état habituel du monde depuis que l'homme existe sur cette planète. Le sens que l'on donnait à la vie était celui qui réduisait l'acuité des crises; il y avait alors quelque chose à leur opposer. Aujourd'hui, en revanche, la crise se profile avec netteté et le consensus a disparu. L'appareil macroéconomique transnational qui régit actuellement l'Occident est occupé à régulariser un système de crise. Mais cette crise ne peut être régularisée indéfiniment. Après la crise viendra inéluctablement la guerre... ou une autre situation conflictuelle qui ne prendra pas nécessairement le visage de la confrontation militaire directe; Songeons aux guerres économiques et culturelles qui affaiblissent déjà l'Europe, avec parfois la frappe chirurgicale et précise d'un terrorisme manipulé...

 

Parier pour l'interrègne

 

Le nihilisme de notre actuelle quotidienneté n'a rien à voir avec le nihilisme classique, exprimé par le terrorisme urbain et le chaos social. Le nihilisme actuel est un nihilisme doux, "soft", accepté comme tel par le système en tant que rouage de son mécanisme complexe. Un nihilisme qui peut se présenter comme inhibiteur, c'est-à-dire comme une acception des normes politiques et morales du système couplée à un refus d'avaliser son fonctionnement et les hiérarchies qu'il implique. Mais un nihilisme qui peut aussi se présenter comme nihilisme "exhibé", comme c'est le cas pour les "nouveaux barbares". Finalement, aucun des deux modèles n'est réellement nocif pour le système. Ce flou est précisément ce qui fait de la post-modernité une époque potentiellement décisive, dans la mesure où on peut franchement la définir comme un interrègne. Interrègne obscur, chargé d'ivresse dionysiaque sourde, comme nous l'a décelé Guillaume FAYE (9). Interrègne qui est prémisse de quelque chose d'encore incertain. Quelque chose qui pourrait rendre à notre monde son enthousiasme, son sens de l'aventure, la nécessité du risque et la volonté de prendre à nouveau des décisions. Tel est le pari de tout interrègne.

 

Giorgio LOCCHI écrit que les représentants les plus autorisés de la Révolution Conservatrice allemande du temps de Weimar, de JüNGER à HEIDEGGER, ont appelé "interrègne" cette période d'attente durant laquelle le destin bascule entre deux possibilités: 1) achever le triomphe de la conception du monde égalitaire avec sa "fin de l'histoire" ou 2) promouvoir une régénération de l'histoire (10). La post-modernité actuelle est un interrègne. Pour cela elle peut être le creuset d'une nouvelle révolution culturelle comme celles qu'a connues l'Europe tout au long de son histoire. En dernière instance, la balance penchera de l'un ou de l'autre côté...

 

Dès lors, nous pouvons affirmer qu'il existe quatre attitudes fondamentales en jeu actuellement. L'une de ces attitudes est proprement post-moderne, elle est hédoniste, éclectique, dionysiaque, indécise. Cette atittude-là est celle du pari pour les mutations superficielles mais contestatrices. Une deuxième attitude est également conforme au système; elle intériorise les présupposés "progressistes" et prône l'aveuglement face à l'histoire en marche, face au devenir du réel; elle fuit tout espèce de pari. Une troisième attitude pourrait être celle de nouveaux barbares, citadins ou ruraux. Elle consiste à sortir du système, à en sortir psychiquement pour les premiers, physiquement pour les secondes. Il s'agit de tuer les parieurs en "cassant le jeu". Enfin, la quatrième attitude est l'attitude faustienne et aventurière: miser et gagner. Mais pour quel enjeu? La régénération de l'histoire européenne. La décision de miser constitue alors un moment-clef.  Telle pourrait être l'attitude d'une Nouvelle Révolution, inspirée de la révolution conservatrice allemande des années 20. Tous les révolutionnaires conservateurs, écrit Louis DUPEUX (12), se définissent comme résolument modernes... Loin de la peur et des tourments qu'engendre le pessimisme conservateur traditionnel, la Révolution Conservatrice dégage une modernité contre le modernisme ou le progressisme, une contre-modernité. Il s'agit, en clair de se décider pour le côté organique de la modernité et d'abandonner les chimères inorganiques. Accepter et assumer la modernité comme forme vitale, comme impulsion et non comme sens orienté vers un finalisme inéluctable (et finalement misérabiliste) qu'on n'atteindra en fin de compte jamais. Rappellons-nous l'expression de JüNGER: fondre passé et futur en un présent vivant, ardent.

 

Il faut que dès maintenant, ceux qui ont décidé de parier pour cette nouvelle révolution spirituelle prennent conscience que le destin de notre culture et de notre continent se trouve entre leurs mains. Il serait toutefois assez ingénu de rejeter simplement les manifestations sociales et esthétiques de la post-modernité au nom d'un "conservatisme" qui, au bout du compte, ne pourrait conduire à rien. Il s'agit de savoir ce que peut donner comme résultat "l'orgiasme" en lequel se plonge la post-modernité. FAYE a écrit que dans les orgies romaines, seul l'amphitryon reste sobre: parce que le "climax", l'apogée du dionysisme n'est autre que le signal du prochain retour d'Apollon. Dans la perspective de cette nouvelle révolution culturelle, notre nouvelle révolution culturelle, la post-modernité ne peut être que la certitude, esthétique et mobilisatrice, que Dionysos sait ce qu'il fait même si ses serviteurs ignorent ses desseins.

 

Javier ESPARZA.

(traduction française de Rogelio PETE).

 

Cet article de Javier ESPARZA, traduit par Rogelio PETE est extrait de la revue PUNTO Y COMA (N°2, décembre 85 - février 1986). Adresse: Revista PUNTO Y COMA, Apartado de Correos 50.404, Madrid, España. Tel.: 410.29.76. Abonnement pour six numéros pour tout pays européen: 2600 pesetas. Tarif étudiant: 2200 pesetas.

 

Notes

 

(1) Castello, F., Tiempos Posmodernos, El Pais, 30/1/1985.

(2)  Cañas, D., La posmodernidad cumple 50 años en España, El Pais, 28/4/1985.

(3) Faye, G., La modernité, ambigüités d'une notion capitale, in: Etudes et Recherches n°1 (2ème série), printemps 1983.

(4) Kundera, M., cité par Régis Debray in Le pouvoir intellectuel en France, Ramsay, Paris, 1979.

(5) Baudrillard, Jean, Les stratégies fatales, Grasset, 1983.

(6) Lipovetsky, G., L'ère du vide, Gallimard, 1983.

(7) Baudrillard, J., Cultura y Simulacro, Kairos, 1984.

(8) Habermas, J., Historia y crítica de la opinión pública, Gili, Col. Mass Media, 1982.

(9) Faye, G., La nouvelle société de consommation, Le Labyrinthe, 1984.

(10) Locchi G., Wagner, Nietzsche e il mito sovrumanista, Akropolis, 1982.

(11) L'auteur du présent article ne trouve pas, dans la "révolution conservatrice" actuelle des Etats-Unis, d'éléments valables pour une régénération historico-culturelle de l'Europe. Il estime que ces éléments sont davantage à rechercher dans le sillage de la "Nouvelle Droite" française et des mouvements qu'elle a influencé ou dont elle a reçu l'influence en Europe.

(12) Dupeux L., Révolution Conservatrice et modernité, in Revue d'Allemagne, Tome XIV, Numéro 1, Janvier-Mars 1982.

 

vendredi, 17 septembre 2010

L'après-démocratie

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L'après-démocratie

 

« L’Après-démocratie » est un recueil de textes, dans lequel Eric Werner (EW) défend la thèse générale suivante : plus personne ne peut décemment croire que nous vivions en démocratie. Il ne reste, du projet démocratique, que des traces – telles que les élections, tous les cinq ans, et qui consistent désormais à choisir entre l’aile gauche et l’aile droite d’un seul et même parti institutionnel.

Aile gauche et aile droite qui, au demeurant, font en pratique à peu près la même politique, imposée par « le vrai pouvoir ».

Un vrai pouvoir qui se situe au niveau de l’hyperclasse, et de son gouvernement mondial. Un vrai pouvoir échappe à tout contrôle démocratique, influence de manière décisive la « ligne éditoriale » de la presse, et pilote à distance la plupart des institutions, justice incluse, via des réseaux d’influence ramifiés. Ce vrai pouvoir décide de ce que vous ignorez, donc de ce que vous savez. Il vous éduque, il vous surveille, il vous juge. Il contrôle la démocratie, elle ne le contrôle pas.

Nous voici dans « l’après démocratie ».

*

Comment en est-on arrivé là ?

Fondamentalement, pour EW, il s’agit tout simplement de la mise à jour de ce que la « démocratie occidentale » était de manière latente – mise à jour rendue possible par la disparition de l’ennemi.

Un disparition de l’ennemi qui a levé les barrières que le système était obligé d’entretenir devant lui, pour échapper à son cours spontané…

Depuis que le communisme a été vaincu, l’Occident n’a plus besoin d’entretenir une façade pluraliste. Il s’engage donc dans la voie totalitaire, qu’il a longtemps combattue, mais qui est aussi, secrètement, son essence profonde.

Chronologiquement, l’adoption de la loi Gayssot arrive juste après la chute du Mur de Berlin : le totalitarisme occidental a littéralement éclaté au grand jour, dès que son adversaire ne fut plus là pour l’empêcher de s’exprimer.

Totalitarisme d’ailleurs d’autant plus redoutable que, fait observer EW, il est dissimulé par un formidable voile propagandiste de dénégation, bien plus habile que celui tendu jadis par les systèmes hitlériens ou staliniens.

EW nous renseigne, à ce propos, sur ce qui se produit en ce moment dans le monde germanophone (EW est suisse) – une évolution d’un monde voisin dont nous sommes, nous, en France, sans doute assez mal informés.

Un chiffre : en Allemagne, le nombre de personnes ayant fait l’objet de procédures pour « connections avec des groupes extrémistes » et « excitation du peuple » se montait, en 1998, à 9.549. En Suisse, deux juges ont été mis en vacances forcées après avoir prononcé une peine jugée trop légère contre un politicien d’extrême droite coupable d’un délit d’opinion. L’affaire fut rejugée, et le politicien a été condamné à 15 mois de prison ferme – pour comprendre l’échelle des peines sous-jacentes à cette décision, notons qu’à la même époque, l’auteur d’un viol sur une fillette de cinq ans fut condamné à une peine de neuf mois de prison avec sursis. Le monde germanophone est majoritairement en train, tout doucement, de basculer dans un totalitarisme ouvert, une répression judiciaire de la pensée dissidente – bien plus vite, bien plus nettement qu’en France.

*

Après avoir planté le décor, EW analyse cette dérive totalitaire.

Reprenant la distinction d’Arendt entre pensée et raisonnement, il montre que l’Occident contemporain est peuplé d’idéologues des Droits de l’homme qui raisonnent, mais ne pensent plus – en ce sens que leur raisonnement ne se réfère plus à la réalité. Cette disposition d’esprit particulière se combine avec des intérêts objectifs (toujours implicites) pour créer une ambiance générale d’intimidation. De là, vers la terreur, qui est désormais repositionnée dans le cadre général de l’insécurité – on ne terrorise plus en brutalisant, mais en exposant à une brutalité latente (économique, sociale, voire physique, avec une délinquance tolérée). Sous l’angle organisationnel, il n’y a évidemment aucun rapport entre l’arrestation par le NKVD au petit matin dans l’URSS des années 30 et l’agression au coin de la rue dans la France de 2010 ; mais sur le plan fonctionnel, le rôle de la terreur dans une mécanique d’intimidation générale et de sidération populaire est comparable. Le « racaille » raciste antiblanc est le SA du totalitarisme multiculturel américanomorphe (un point sur lequel EW revient fréquemment).

Plus profondément, une guerre cognitive est faite aux populations, par des moyens plus subtils que ceux dont disposaient les anciens totalitarismes. La dissolution du « nous » (famille, coutume, tradition, enracinement local et national) rend le « je » impensable (puisqu’il n’est plus inscrit dans rien, il « flotte »), et l’opinion bascule dans la formulation moue d’un consensus auquel « on » se rallie (« on » étant, finalement, un corps collectif « non-social », la somme des individualités disjointes reliées uniquement par le réseau médiatique). Il y a explosion des frontières de l’être mental des occidentaux, ce sont des organismes sans peau, en voie de dilution, « clients » parfaits du néo-totalitarisme occidental. L’ultime rempart contre l’illusion, l’école, est même désormais tombé, avec la généralisation du « pédagogisme », c'est-à-dire la manipulation des enfants pour leur faire intérioriser des attitudes bien précises, compatibles avec le système dominant.

Au-delà de ce constat somme toute aujourd’hui presque devenu banal, EW tente de mettre en lumière les causalités profondes du mécanisme décrit. Il s’intéresse, par exemple, à la sociologie de cette nouvelle domination, et souligne le rôle particulier qu’y tient manifestement la pègre – historiquement très souvent associée aux régimes totalitaires ou dictatoriaux. Les tyrans, rappelle EW, se méfient toujours beaucoup plus des honnêtes gens que des voyous, chez qui ils vont souvent recruter leur garde personnelle.

D’où une hypothèse sur la convergence spontanée entre l’idéologie de certains sociologues de l’excuse (« pro-racailles ») et le totalitarisme des marchés : version renouvelée du mécanisme décrit par La Boëtie et d’autres, mécanisme qui voulait que le tyran, pour garder sous contrôle les « abeilles domestiques », importât des « frelons étrangers ».

Dans cette optique, l’incubation d’une idéologie de la haine de soi n’est, en réalité, qu’un dispositif annexe ; le but est de tenir les « abeilles » dans la peur des « frelons ». Ce n’est ni plus ni moins que la généralisation des techniques utilisées, pendant la période de dénazification de l’Allemagne, par les conquérants américains (destruction programmée du modèle anthropologique germanique, supposé créateur de la « personnalité autoritaire » de type « fasciste » - d’où la fabrication d’une population féminisée, fragilisée, en quête de protection et donc facile à dominer).

D’où, encore, une hypothèse sur l’attitude différenciée des idéologues néo-totalitaires à l’égard du religieux. D’une manière générale, ils s’en méfient, puisque la religion définit un espace mental collectif structuré, donc de nature à s’opposer aux forces de dilution que le néo-totalitarisme instrumentalise. Mais ils se méfient du christianisme plus que des autres religions (islam en particulier), parce que le christianisme construit une métaphysique de la liberté, où la conscience individuelle peut en quelque sorte être équipée de manière autonome – ce qui implique que même si les forces de dilution détruisent toute structure collective, le christianisme peut continuer à structurer une révolte individuelle (chose que l’islam peut plus difficilement faire). D’où sans doute le fait que nos dirigeants combattent l’islam là où il est structurant d’une identité collective réelle (donc en Dal-el-Islam), mais en encourage l’importation chez nous, où il contribue à la déchristianisation.

*

Comment résister à ce néo-totalitarisme ? Voilà, évidemment, la question qu’EW ne peut éviter ; à quoi bon décrire l’ennemi, si ce n’est pas pour le combattre ?

EW souligne tout d’abord qu’il faut combattre en nous la tendance au défaitisme. Quand nous apprenons que 5 % des Suisses n’ont pas la télévision, ne nous lamentons pas qu’ils ne soient que 5 % ; prenons note du fait qu’ils sont déjà 5 %.

Ensuite et surtout, il faut, nous dit-il, sortir du piège consistant à reconnaître au pouvoir actuel un monopole de la capacité à gérer les problèmes qu’il a lui-même créer (l’immigration inassimilable, par exemple). Il faut poser le problème en termes renouvelés, et cesser de confondre révolte et résistance.

Le révolté et le résistant disent « non », l’un et l’autre. Mais pas de la même manière. Le révolté, c’est l’esclave fouetté qui, soudain, se retourne et fait face à son maître. Le résistant, lui, ne fait pas face : il s’efface, il sort du cadre de gestion construit par son maître.

C’est pourquoi le résistant est avant tout un adepte de la stratégie indirecte ; à l’opposé du révolté, qui cherche la confrontation directe avec le tyran à l’intérieur d’un contexte donné, le résistant pense l’action dans la durée, et cette action n’est pas nécessairement un affrontement avec le tyran – c’est avant tout un effort pour se préparer à la modification du contexte.

Le plus souvent, cette modification du contexte est obtenue tout simplement en durant : le résistant gagne tant qu’il ne perd pas, c'est-à-dire tant qu’il n’est pas anéanti. Et finalement, le résistant l’emporte s’il parvient à faire durer sa retraite flexible une seconde de plus que l’élan du pouvoir qui tentait de l’anéantir. Ensuite, une fois que le pouvoir s’est usé, qu’il a fabriqué lui-même la masse de contradictions internes qu’il ne peut plus gérer, alors la résistance peut passer à la contre-offensive.

Et donc, pour conclure, ce que sous-entend EW, c’est qu’il ne faut pas accepter la logique selon laquelle nous devrions tolérer le système parce qu’il est le seul à pouvoir gérer les problèmes qu’il a créés. Nous devons lui résister, pour être là quand il ne pourra plus gérer ces problèmes.

jeudi, 16 septembre 2010

Konrad Lorenz, uno scienziato antimoderno

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Konrad Lorenz, uno scienziato antimoderno

di Stefano Di Ludovico

Fonte: Centro Studi Opifice [scheda fonte]

I pregiudizi scientisti e progressisti di cui è impregnata la nostra cultura ci portano spesso a vedere in ogni visione alternativa rispetto al mondo moderno il portato di mentalità antiscientifiche ed arcaiche, sogno di visionari metafisici che ignorano i fondamenti e le regole più elementari del sapere positivo. Sembra quasi che la critica al mondo moderno sia prerogativa di culture inevitabilmente “altre” rispetto a quel sapere che di tale mondo si reputa a fondamento, e che la scienza sia necessariamente al servizio della modernità e della società a cui essa ha dato origine. La figura e l’opera di Konrad Lorenz smentiscono clamorosamente tali pregiudizi: universalmente considerato uno dei maggiori “scienziati” del XX secolo, padre dell’etologia moderna e Nobel per la fisiologia e la medicina nel 1973, è stato al tempo stesso uno dei più lucidi e feroci critici della modernità e dei suoi miti, anticipatore di molte di quelle tematiche oggi fatte proprie dai movimenti e dalle culture ambientaliste e no-global.
A rileggere la sua opera, sviluppatasi lungo l’arco di un quarantennio, dal dopoguerra agli anni Ottanta del secolo appena trascorso, ci ritroviamo al cospetto di un vero e proprio “profeta” dei mali che affliggono il nostro mondo e dei problemi che la nostra generazione è chiamata ad affrontare. E tutto ciò da una prospettiva che pur rimanendo fedele ai fondamenti positivisti ed evoluzionisti della sua visione di fondo, ha saputo essere al tempo stesso radicalmente anticonformista ed “inattuale” rispetto ai valori ed alle tesi di cui quella visione si è fatta spesso portatrice. Ci sembra essere proprio questa, alla fine, la cifra del pensiero di Konrad Lorenz, uno scienziato “antimoderno”. A diciotto anni dalla sua morte - avvenuta nel 1989 - proprio oggi che molte delle sue analisi si sono rivelate profetiche e che l’eco delle polemiche, anche accese, che hanno accompagnato la sua vicenda culturale ed umana si va ormai spegnendo, è possibile, e al tempo stesso doveroso, guardare alla sua opera con maggiore interesse, curiosità ed obiettività, attribuendole la valenza e la riconoscenza che meritano.

Konrad Lorenz nasce a Vienna nel 1903. Studia medicina a New York e a Vienna, laureandosi nel 1928. Nel 1933 consegue anche la laurea in zoologia, assecondando i suoi veri interessi che si stavano orientando sempre più verso il mondo animale e l’ornitologia in particolare. Nel 1937 diventa docente di psicologia animale e anatomia comparata presso l’Università di Vienna e, a partire dal 1940, di psicologia all’Università di Königsberg. Scoppiata la guerra, combatte nell’esercito tedesco. Durante il conflitto viene fatto prigioniero dai russi; così dal 1944 al 1948 è trattenuto in un campo di detenzione sovietico fino alla fine delle ostilità. Nel 1949 viene pubblicato L’anello di Re Salomone, destinato a rimanere la sua opera più celebre, dove Lorenz rivela quelle doti di abile ed affascinante divulgatore che resero i suoi testi famosi nel mondo, avvicinando alle tematiche etologiche e naturalistiche un vasto pubblico di non addetti ai lavori; doti confermate nel successivo E l’uomo incontrò il cane, del 1950. Nel 1961 diviene Direttore dell’Istituto Max Plank per la fisiologia del comportamento di Starnberg, in Baviera, carica che manterrà fino al 1973. E’ proprio a partire da tali anni che, accanto a testi a contenuto prettamente scientifico, Lorenz inizia ad estendere i suoi interessi alla sfera sociale e culturale, per arrivare ad affrontare le tematiche dell’attualità del suo tempo, lette all’interno di un’ottica che faceva tesoro di quanto via via egli stava maturando e scoprendo in ambito naturalistico. Dall’etologia animale si passa così all’etologia umana. Tali nuovi interessi iniziano per la verità a fare capolino già nelle opere a carattere scientifico, rivelando la vastità degli orizzonti e delle prospettive che fin dagli inizi hanno accompagnato la sua ricerca.

L’opera Il cosiddetto male, del 1963, che affronta il tema dell’aggressività intraspecifica, è un tipico esempio di tale prospettiva. In questo scritto Lorenz sostiene che l’aggressività, al pari di diversi altri istinti quali la sessualità o la territorialità, sia un comportamento innato, come tale insopprimibile e spontaneo, impossibile da far derivare dai soli stimoli ambientali. Essendo un istinto innato, l’aggressività è in quanto tale “al di là del bene e del male” (di qui anche il carattere ironico e polemico del titolo del libro; modificato, in alcune delle edizioni successive, nel più neutro L’aggressività), componente strutturale di ogni essere vivente e svolgente un ruolo fondamentale nell’ambito dei processi evolutivi e quindi della sopravvivenza della specie. Basti pensare al ruolo che la conflittualità intraspecifica gioca nell’ambito della delimitazione del territorio, della scelta del partner nella riproduzione, dell’instaurazione delle gerarchie all’interno del gruppo. Lorenz sostiene altresì che gli stessi istinti “buoni”, ovvero quelli gregari e amorosi, derivino evoluzionisticamente dalla stessa aggressività, essendo modificazioni selettive di questa indirizzati a finalità differenti, tanto che sopprimere l’aggressività significherebbe sopprimere la vita stessa. Il libro suscitò polemiche violentissime, dato che Lorenz non limitò le sue riflessioni all’ambito animale, ma le estese anche a quello umano e storico-sociale. Le accuse si sprecarono e la polemica, dal terreno scientifico su cui Lorenz intendeva mantenerla, scivolò, com’era prevedibile, su quello politico ed ideologico: gli diedero del razzista e del guerrafondaio. In realtà il proposito del testo era quello di criticare le correnti comportamentiste e behavioriste, allora molto in voga, secondo cui tutti i comportamenti derivano in ultima analisi dalle influenze e dagli stimoli ambientali, modificati i quali sarebbe possibile modificare gli stessi comportamenti, aggressività inclusa. Per i comportamentisti, quindi, non vi sarebbe nulla di innato. Lorenz, al contrario, considera l’istinto un dato originario, geneticamente condizionato: in quanto tale, esso vive di vita autonoma, non vincolandosi necessariamente all’azione di quelle influenze ambientali aventi la funzione di stimoli scatenanti. Anzi, secondo Lorenz più un istinto non trova occasione di scatenamento, più aumenta la possibilità che esso si scarichi prima o poi in maniera ancor più dirompente, anche in assenza degli stimoli corrispondenti. Se così non fosse, per Lorenz sarebbero difficilmente spiegabili i fenomeni di aggressività cosiddetta “gratuita”, così diffusi sia nel mondo animale che tra gli uomini. Lungi dal costituire un’apologia della violenza e della guerra, l’opera di Lorenz intendeva innanzi tutto mettere in guardia da ogni posizione utopica circa la convivenza umana e la risoluzione dei conflitti, risoluzione che, per essere realistica e antropologicamente fondata, non poteva prescindere da dati e analisi che egli riteneva incontrovertibili. Al contrario, proprio la mancata conoscenza del funzionamento dei comportamenti innati poteva portare a risultati opposti a quelli auspicati, finendo per favorire proprio l’innesco di comportamenti deleteri per la pacifica convivenza. Sostenendo l’impermeabilità di fondo ai condizionamenti ambientali degli istinti basilari dell’uomo come di tutte le specie animali, Lorenz vuole evidenziare così le illusioni insite nella convinzione secondo cui l’educazione e la trasformazione dell’assetto politico-sociale sarebbero di per sé sufficienti a modificare e plasmare i comportamenti umani. E questo non perché egli negasse ogni valore alla cultura o alla dimensione spirituale dell’uomo, quasi a volerlo ridurre a un animale tra i tanti e per ciò vincolato esclusivamente ai suoi istinti. Alieno da ogni visione irenistica e bucolica dell’uomo così come della natura in genere, critico di ogni antropologia che risentisse del mito rousseauiano del “buon selvaggio”, egli sottolineò piuttosto come la “pseudospeciazione culturale” tipica della specie umana ha portato i gruppi umani – siano essi i clan, le tribù, le etnie o le moderne nazioni - una volta raggiunto un determinato grado di differenziazione reciproca, a relazionarsi in modo molto simile a quello delle specie animali più evolute, specie tra le quali, come accennato sopra, la conflittualità intraspecifica gioca un ruolo fondamentale all’interno dei processi adattativi. Lorenz evidenzia come diversi comportamenti risalenti a fattori culturali rivelino una fenomenologia sorprendentemente simile a quelli di origine genetica, facendo risaltare così una certa convergenza tra le dinamiche animali e quelle umane, convergenza che in fenomeni come non solo l’aggressività, ma anche ad esempio la territorialità, l’imprinting, il gioco ed i riti risalta con chiarezza.

E’ soprattutto però con opere quali Gli otto peccati capitali della nostra civiltà, del 1973 e Il declino dell’uomo, del 1983, che le problematiche del proprio tempo e la critica alle convinzioni ed alle ideologie dominanti diventano i temi centrali della sua ricerca; temi che, comunque, continuano a trovare ampio spazio anche nelle opere a contenuto scientifico di questo periodo. Tra queste ricordiamo L’altra faccia dello specchio, del 1973, dedicata alla disamina dei processi conoscitivi della specie umana da un punto di vista storico-evoluzionistico, Natura e destino, del 1978, dove viene ripreso il confronto tra innatismo e ambientalismo, e Lorenz allo specchio, scritto autobiografico del 1975. Nel 1973, intanto, tra le ennesime e strumentali polemiche scatenate in particolare dagli ambienti culturali di sinistra, viene insignito, come accennato, del Premio Nobel per la fisiologia e la medicina, unitamente ad altri due etologi, Nikolaas Tinbergen e Karl Ritter von Frisch. Pur di infangare la sua figura, non bastando le meschine accuse già rivoltegli in occasione de Il cosiddetto male, per l’occasione vennero tirati in ballo presunti atteggiamenti di condiscendenza verso il regime nazista, strumentalizzando ad arte tesi espresse a suo tempo in merito all’eugenetica. In realtà, ciò che non gli veniva perdonato erano le posizioni controcorrente verso i miti progressisti-rivoluzionari così prepotentemente in voga nel clima caldo degli anni settanta, così come il temperamento libero e non curante verso il “politicamente corretto”, che lo portavano a confrontarsi senza pregiudizi con gli ambienti intellettuali più disparati, come dimostra l’attenzione mostrata verso il GRECE, il “Gruppo di ricerca e studio per la civilizzazione europea”, fondato in Francia da Alain De Benoist, dalla cui collaborazione nacque anche un libro-intervista pubblicato nel 1979 con il titolo Intervista sull’etologia. Sempre nel 1973 si stabilì ad Altenberg, in Austria, assumendo la direzione del Dipartimento di sociologia animale dell’Accademia Austriaca delle Scienze. Tra le altre più significative opere ricordiamo L’etologia (1978), vasta sintesi del suo pensiero etologico, e i due libri-intervista Salvate la speranza (1988) e Il futuro è aperto (postumo del 1996, in collaborazione con il filosofo Karl Popper), in cui torna ad affrontare anche tematiche più specificatamente filosofico-sociali.

Gli otto peccati capitali della nostra civiltà, destinata a diventare una delle sue opere più note, vuole essere un’analisi delle cause della decadenza della civiltà e dei pericoli che incombono sull’umanità. Come il successivo Il declino dell’uomo, è un’opera intrisa di un cupo pessimismo, a volte radicale, pessimismo che in seguito lo stesso Lorenz avrebbe ritenuto esagerato. Gli otto “peccati capitali” della civiltà sarebbero a suo dire i seguenti: l’abnorme aumento della popolazione mondiale; la devastazione dell’ambiente; la smisurata competizione economica tra gli individui; l’affievolirsi dei sentimenti; il deterioramento del patrimonio genetico; l’oblio della tradizione; l’omologazione culturale; la proliferazione nucleare. Come vediamo, si tratta di “peccati” ancor oggi all’ordine del giorno e con i quali l’attuale umanità continua a fare i conti, ma che al tempo di Lorenz ancora non venivano individuati e denunciati come tali in tutta la loro gravità. Addirittura tali “peccati” rischiano per Lorenz di portare l’umanità verso l’estinzione. Questa visione apocalittica gli è suggerita, secondo un’ottica seguita un po’ in tutte le sue opere, dal parallelo che egli istituisce con il mondo dell’evoluzione animale e naturale in genere. Più che eventi causati da specifici accadimenti storico-sociali, essi vengono letti infatti quali veri e propri fenomeni degenerativi dell’evoluzione umana: come avviene per molte specie viventi che, ad un certo punto della propria storia evolutiva, imboccano un vicolo cieco avviandosi verso l’estinzione, lo stesso sembra stia accadendo per la specie umana. “Quale scopo – si chiede Lorenz – possono avere per l’umanità il suo smisurato moltiplicarsi, l’ansia competitiva che rasenta la follia, la corsa agli armamenti sempre più micidiali, il progressivo rammollimento dell’uomo inurbato? A un esame più attento, quasi tutti questi fatti negativi si rivelano però essere disfunzioni di meccanismi comportamentali ben determinati che in origine esercitavano probabilmente un’azione utile ai fini della conservazione della specie. In altre parole, essi vanno considerati alla stregua di elementi patologici”. Al di là delle legittime perplessità e delle riserve che una simile chiave di lettura – vincolata ad un’impostazione in ultima analisi biologista ed naturalista dei processi storico-sociali – può suscitare, l’opera di Lorenz rappresenta una delle più lungimiranti e pionieristiche denuncie della società moderna, di cui vengono con vigore demistificati i miti ed i valori fondanti. Fenomeni che secondo la tradizione del pensiero moderno venivano considerati quali espressione della più intima natura umana – la competizione economica, la ricerca del benessere materiale, l’indefinito progresso tecnologico – vengono denunciati, al contrario, quali vere e proprie “patologie”, che stanno allontanando sempre più l’uomo dalla sua vera essenza, riducendolo a mero strumento delle forze tecno-economiche da egli stesso messe in moto. “La competizione tra gli uomini – afferma – che promuove, a nostra rovina, un sempre più rapido sviluppo della tecnologia, rende l’uomo cieco di fronte a tutti i valori reali e lo priva del tempo necessario per darsi a quella attività veramente umana che è la riflessione”. Estraniatosi dal mondo e dai ritmi della natura, l’uomo vive ormai in una nuova dimensione puramente artificiale, dove sono le leggi ed i ritmi della tecnica a regolare la sua vita. Ciò ha condotto a stravolgere l’identità e la specificità stesse dell’uomo, con il progressivo inaridimento dei sentimenti e delle emozioni, l’estinzione del senso estetico, la distruzione delle tradizioni e delle istituzioni che avevano da sempre regolato la convivenza umana prima dell’avvento della società industriale. Lorenz arriva a sostenere che la situazione dell’umanità contemporanea può essere paragonata a quella delle specie animali allevate ed selezionate a scopi produttivi, presso le quali l’addomesticamento ha determinato una vera e propria alterazione dei loro caratteri naturali.

In tal senso, Lorenz pone le basi per un ambientalismo che, non limitandosi a denunciare la perturbazione degli ecosistemi o la devastazione dell’habitat naturale dell’uomo, mette l’accento sulla necessità di recuperare un’esistenza più conforme ai dettami ed ai limiti della natura; natura accettata e fatta propria anche nella sua dimensione tragica e dolorosa. Il progetto della modernità di voler bandire il dolore e la fatica dal mondo è visto infatti da Lorenz come una vera e propria iattura: “il progresso tecnologico e farmacologico favorisce una crescente intolleranza verso tutto ciò che provoca dolore. Scompare così nell’uomo la capacità di procurarsi quel tipo di gioia che si ottiene soltanto superando ostacoli a prezzo di dure fatiche”. Nella società del benessere e del comfort “l’alternarsi di gioia e dolore, voluto dalla natura, si riduce a oscillazioni appena percettibili, che sono fonte di una noia senza fine”, noia che è alla base di quella illimitata ricerca del “piacere” – che della “gioia” è solo la caricatura parossistica - su cui fa leva la società dei consumi.  In tal senso Lorenz, che si impegnò spesso anche sul piano delle battaglie concrete intervenendo nei dibattiti pubblici e partecipando a molte iniziative ambientaliste, espresse anche posizioni controcorrente e trasversali rispetto a certo ambientalismo anche oggi prevalente, difendendo, ad esempio, la legittimità della caccia, e battendosi invece contro l’aborto, ritenuto una pratica innaturale. Al tempo stesso prese le distanze da ogni naturalismo inteso quale ritorno ad utopici quanto irrealistici “stati di natura”, in quanto vedeva la dimensione culturale e spirituale come consustanziale all’uomo, che privato di essa sarebbe privato quindi della sua “natura” più autentica.  Lo stesso studio del mondo animale, che ha impegnato tutta la sua vita, non è stato mai inteso da Lorenz in senso puramente tecno-scientifico: “vorrei dire innanzitutto che io non ho cominciato a tenere degli animali perché ne avevo bisogno per scopi scientifici: no, tutta la mia vita è stata legata strettamente agli animali, fin dalla prima infanzia… Crescendo ho allevato gli animali più diversi… Mi sono comportato sempre in questo modo: per conoscere a fondo un animale superiore, ho vissuto con lui. L’arroganza di certi scienziati moderni, che credono di poter risolvere tutti i problemi studiando un animale soltanto a livello sperimentale, è stata sempre estranea alla mia mente”. Più che il canonico approccio “scientifico”, quello di Lorenz sembra essere, almeno nelle sue finalità ultime e al di là dei suoi fondamenti epistemologici, un atteggiamento di tipo “intuitivo”, volto ad una comprensione complessiva dei fenomeni naturali e alieno da ogni visione meramente sperimentale e quantitativa. Ciò che davvero gli interessava era alla fine risensibilizzare l’uomo moderno al legame simpatetico con il mondo degli animali e della natura in genere, legame andato quasi completamente perduto per l’uomo civilizzato. Questi paga tale perdita anche con l’estinzione del senso estetico, che per Lorenz si lega strettamente al contatto con l’incredibile varietà della forme naturali e la grandezza della creazione che sovrasta l’uomo. Per Lorenz i sentimenti estetici sono infatti parte del patrimonio genetico dell’umanità, e hanno svolto anch’essi, quindi, un compito importate nel corso dell’evoluzione umana ai fini adattativi; mentre oggi l’uomo si va pericolosamente assuefacendo al “brutto” che domina incontrastato nelle nostre metropoli, dove ogni senso della bellezza sembra essersi obliato. La disarmonia che caratterizza la vita del moderno uomo inurbato si lega ad un altro infausto fenomeno, quello della sovrappopolazione, che Lorenz non vede solo nell’ottica economicistica - anche oggi spesso prevalente nei movimenti ambientalisti e terzomondisti - dello squilibrio tra risorse disponibili e popolazione, ma sempre in rapporto a dimensioni “esistenziali” più profonde, ancora una volta suggeritegli dagli studi etologici. Come ogni specie vivente ha bisogno, in base all’istinto di territorialità, di un suo ben delimitato “spazio vitale” (inteso in senso “psicologico” e non solo materiale), anche l’uomo difficilmente può adattarsi a vivere tra folle anonime di individui sconosciuti, dato che il forzato contatto ravvicinato e permanente con “estranei” genera inevitabilmente tensione ed aggressività, favorendo l’insorgere di quelle patologie tipiche della modernità quali stress e nevrosi.

La radicale critica della società moderna portò Lorenz a scontrarsi violentemente con la cultura progressista che monopolizzava il dibattito intellettuale degli anni sessanta e settanta ed ispirava i movimenti politici alternativi di quegli anni, movimenti che auspicavano una “rivoluzione” che andava, per molti aspetti, nel senso contrario a quello indicato da Lorenz. Critico verso ogni ottimismo progressista che esaltasse “le magnifiche sorti e progressive” dell’era della tecnica, Lorenz denunciò con altrettanto vigore l’ideologia del “nuovismo”, che egli considerava espressione di puro infantilismo, dato che è tipico dei bambini l’ingenuo entusiasmo verso tutto ciò che si presenta come “nuovo”. Contro i miti contestatari giovanili, Lorenz difese invece le tradizioni, la cultura e le strutture sociali sulle quali si erano funzionalmente rette le comunità e le società del passato, con accenti che non ci aspetteremmo da uno scienziato del XX secolo, come difese il principio di autorità nei processi educativi, vedendo in tutto ciò il portato di dinamiche socio-adattative coerenti con i dettati dell’evoluzione naturale. Lo stesso concetto di “rivoluzione” era del resto vivacemente contestato da Lorenz, dato che “la natura non fa salti” e che l’evoluzione procede per passi lenti e spesso impercettibili. Per questo l’incomprensione generazionale tra padri e figli che caratterizzava quegli anni era da lui vista come un fenomeno deleterio e pericoloso per un armonioso sviluppo della società. La stessa valorizzazione della fatica e della sofferenza andava contro le spinte moderniste di gran parte del movimento contestatore, che le considerava assurde sopravvivenze di secoli oscuri che grazie al progresso della tecnica e allo sviluppo economico l’uomo si sarebbe lasciato completamente alle spalle, essendo la liberazione dal dolore e il perseguimento del benessere “diritti” inalienabili che a tutti dovevano essere garantiti. Indifferente alle critiche che gli venivano mosse, forte delle sue convinzioni, Lorenz non si peritò di mettere in discussione lo stesso principio dell’uguaglianza tra gli uomini, che egli vedeva come una malsana distorsione del legittimo riconoscimento dell’eguale dignità di ogni uomo così come di ogni essere vivente. Secondo Lorenz l’egualitarismo, unito a quella che egli chiama la dottrina “pseudo-democratica” di ispirazione comportamentista secondo cui sarebbe possibile cambiare gli uomini a piacimento se solo si muta il contesto ambientale in cui essi si trovano a vivere, altro non è che un falso mito espressione della progressiva omologazione culturale che caratterizza la società moderna; omologazione di cui egli individuava le responsabilità nello strapotere del mercato, delle multinazionali e dei mezzi di comunicazione di massa. Il mondo moderno è caratterizzato da “una uniformità di idee quale non si era mai vista in nessun’altra epoca della storia” – sottolinea Lorenz - a tutto detrimento del pluralismo culturale, che, quale espressione del più vasto fenomeno naturale della diversità biologica, è un patrimonio da salvaguardare come uno dei cardini su cui si reggono l’evoluzione e la possibilità di riproduzione della vita stessa. Lorenz ritiene pertanto l’ineguaglianza un fattore costitutivo della natura, senza il quale essa perderebbe la sua forza creativa ed espansiva, non solo in termini biologici, ma anche e soprattutto a livello sociale e culturale, in quanto è proprio “l’ineguaglianza dell’uomo – affermò - uno dei fondamenti ed una delle condizioni di ogni cultura, perché è essa che introduce la diversità nella cultura”. Allo stesso modo egli individuava già allora nella perniciosa influenza della cultura americana le origini dei mali che attanagliavano l’umanità: “le malattie intellettuali della nostra epoca – sostiene - usano venire dall’America e manifestarsi in Europa con un certo ritardo”, così come al dominio delle ideologie egualitarie e pseudo-democratiche “va certamente attribuita una gran parte della responsabilità per il crollo morale e culturale che incombe sugli Stati Uniti”.

Figura proteiforme, difficilmente inquadrabile secondo gli schemi consueti, Lorenz visse profondamente le forti contraddizioni e i radicali cambiamenti che caratterizzarono il suo tempo. La sua complessa disamina della società moderna, intrisa di un così esasperato pessimismo, sfugge anch’essa a facili classificazioni, suscitando spesso sbrigative prese di distanza così come semplicistiche ed entusiastiche adesioni. Se il parallelismo che egli pone tra i processi evolutivi del regno animale e le dinamiche storico-sociali può lasciare perplessi, prestando il fianco ad accuse di riduzionismo biologista, lo sfidare gli apologeti del progresso tecno-scientifico sul loro stesso terreno dell’argomentazione positiva spiazza molti dei suoi detrattori. Anche i suoi toni a volte apocalittici possono sembrare eccessivi ed ingiustificati; ma non bisogna dimenticare che Lorenz scriveva in un periodo in cui i problemi da lui diagnosticati stavano per la prima volta presentando i loro risvolti devastanti su scala planetaria, senza che si fosse ancora sviluppata una forte sensibilità condivisa verso di essi. Come accennato, Lorenz stesso rivide progressivamente alcune delle sue posizioni e ritenne non più giustificabile il radicale pessimismo che aveva espresso, costatando come le tematiche su cui aveva richiamato l’attenzione fin dagli anni sessanta erano sempre più al centro del dibattito culturale e ormai nell’agenda di impegni di molti gruppi e movimenti politici e ambientalisti. “Colui che credeva di predicare solitario nel deserto, parlava, come si è dimostrato, davanti ad un uditorio numeroso ed intellettualmente vivo” - riconosce Lorenz, e “i pericoli della sovrappopolazione e dell’ideologia dello sviluppo vengono giustamente valutati da un numero rapidamente crescente di persone ragionevoli e responsabili”. Per questo Lorenz finì per prendere le distanze dai “catastrofisti”, da coloro che credevano possibile figurarsi con certezza l’avvenire dell’umanità predicando la sua prossima fine, dato che, come recita il titolo del succitato libro scritto con Karl Popper, il “futuro è aperto”, e l’irriducibilità ad ogni possibile determinismo costituisce pur sempre la cifra dell’uomo e della storia. Se il futuro è certamente aperto e la critica all’ideologia sviluppista non è più patrimonio di isolati predicatori nel deserto, è pur vero, però, che molti dei “peccati della civiltà” stigmatizzati da Lorenz restano ancor oggi impuniti, se non si sono addirittura aggravati. Di fronte alla sua disamina, si ha anzi l’impressione, a volte, che molte delle sue riflessioni e degli allarmi lanciati appaiano scontati e banali; e ciò non perché l’odierna umanità abbia risolto o quanto meno imboccato la strada giusta per risolvere i mali denunciati, ma - ed è quel che è più disperante - semplicemente perché vi si è ormai assuefatta. Ecco perché, al di là di quanto è stato fatto o resta da fare, e al di là dei giudizi e dei convincimenti di ciascuno, riteniamo quanto meno indispensabile e di grande attualità, oggi, la rilettura della sua opera.


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dimanche, 12 septembre 2010

Heidegger: la thématisation de l'être et ses énigmes

Archives de SYNERGIES EUROPENNES - 1996

 

HEIDEGGER : La thématisation de l'être et ses énigmes

 

 

Sens de la question

 

heidegger martin.jpgNous avons tous entendu un jour ou l'autre que Heidegger, le métaphysicien, avait reposé le problème de l'Etre. Très bien, mais que signifie cette phrase et dans quelle mesure nous perrnet-elle de nous orienter?

 

La culture contemporaine favorise les mystifications. La philosophie de Heidegger reste ainsi abandonnée aux associations prévisibles, à l'avidité des théologiens estampillés, aux apologies et aux dénonciations faciles. Les diatribes du jeune Carnap possèdent quelque chose d'aristocratique par comparaison avec les jugements sommaires de notre époque. L'inquisiteur Levinas, par exemple, a trouvé que les incursions étymologiques et les métaphores rupestres de Heidegger dénonceraient une pensée liée au Sol et au Sang, étrangère aux aspirations de ces tribus de nomades philanthropiques qui vaguaient, dépourvues de tout, par le désert. Expert en lamentations, Levinas déplore également que le philosophe s'inspire de la poésie de Holderlin et non pas, par exemple, des Lamentations de Job. Heidegger, par conséquent, un antisémite larvé. Admettons. Et alors?

D'autres esprits critiques proches de la Nouvelle Droite, comme par exemple Pierre Chassard dans son ~u-delà des choses (1992), nous avertissent que cet Etre heideggérien cohabite avec un universalisme suspect, que la distance de l'Etre par rapport aux choses réelles et sa parenté avec le Néant font de lui le pendant du Dieu de l'Exode, que les textes pertinents accusent l'influence de Maïmonide... Heidegger, donc, un philosémite subreptice. Admettons. Et alors?

Le caractère alternatif ou périphérique d'une culture ne nous dispense pas d'un minimum de sérieux. Il est temps que nous commencions à accéder à la pensée de Heidegger en tant que pensée philosophique, la jugeant de ce point de vue, et non selon ses affinités avec les idéologies des Systèmes dominants ou de leurs rivaux contestataires. C'est là la question générique.

Consentons à un usage ambigu de l'expression "I'Etre", puisque aussi bien il s'agira d'une ambiguïté nécessaire et provisoire. La Philosophie que nous pouvons qualifier de "classique", avec Parménide tout d'abord, puis Platon, Aristote et la Scolastique, a commis une thématisation de l'Etre qui disparait avec la Modernité: de Descartes à Fichte, nul philosophe (qu'il soit rationaliste, empiriste, criticiste ou idéaliste) ne croit que la solution des vrais problèmes philosophiques dépende de certaines précisions, intuitions ou thèses sur l'Etre... Si toutefois l'Etre réapparaît dans l'idéalisme de Hegel comme Leitmotiv de quelques philosophèmes, ce n'est qu'avec Heidegger qu'est rétablie une thématisation comparable aux précédentes, et qui leur est probablement supérieure, tant par son obstination que par son caractère problématique.

C'est dans la compréhension du sens de l'Etre que réside le destin de l'Occident et l'histoire de la Philosophie se déroule conformément à l'élucidation ou à l'occultation de l'Etre. Que peut bien signifier une telle assertion? Les difficultés interprétatives soulevées par les textes de Heidegger sont bien connues. Je vais tenter ici une reconstruction des idées qu'il paraît suggérer - reconstruction qui doit être jugée non pas pour sa fidélité à la lettre ni pour sa fidélité à un "esprit" insaisissable (nous laissons cela à la Heideggerphilologie) mais pour son degré de fécondité explicative. C'est là la question spécifique. Notre explanandum est constitué par les solutions persistantes ou par l'absence non moins persistante de solution dans le traitement classique des problèmes ontologiques. Le chercheur contemporain, s'il est honnête, éprouve une série de désarrois devant des énigmes qui lui paraissent plus suscitées que découvertes. Par exemple:

a) Comme peuvent l'attester les élèves du Kindergarten néothomiste le plus proche, c'est dans la Différence Ontologique Etre/Étant que réside la clef de la Philosophie; mais une telle différence s'articule sur un mode inintelligible et nous conduit parfois à identifier l'Etre et le Néant. Pourquoi devrions-nous accepter ce jargon?

b) La Métaphysique (par exemple dans la première douzaine de Disputationes de Suarez) établit de fastidieuses équations entre transcendantaux pour nous informer que l'étant est un, etc.; information qui ne nous paraît pas trop excitante. A quoi vise-t-elle?

c) Depuis Platon on se demande "Qu'est-ce que l'Etre?" et l'on répond par telle ou telle catégorie de prédilection (Substance, Esprit, Matière). Mais il paraît absurde et capricieux de définir le plus général par seulement l'un de ses genres.

d) Fréquemment, depuis Aristote, la Métaphysique oscille entre une Ontologie du plus universel et une Théologie du plus singulier; on ne voit pas pour quelle raison on a pu unir des disciplines aussi disparates.

e) A peine l'Ontologie, qui prétend être la science de l'être en tant qu'être, nous introduit-elle à lui qu'elle nous signale avec impatience la porte de sortie (avec un écriteau "analogia entis" pour les sorties de secours) et qu'elle nous propose de diviser et subdiviser des entités spécifiques.

f~ L'Etre, de par son degré de généralité, ne paraît pas apte à abriter des contenus spécifiqu~s de telle sorte qu'il puisse inclure dans sa compréhension "le destin d'un peuple", ou quelque chose d'une pareille importance.

 

Cette liste sélectionne quelques sujets de perplexité. Une explication doit venir mitiger l'impression d'absurdité crasse que la Métaphysique produit aujourd'hui et l'inventaire précédent offre certains critères pour juger de l'hypothèse proposée. L'explication, contrairement à ce que l'on pourrait croire à première vue, ne sera pas simplement linguistique: il s'agit de discerner des structures ontologiques différentes qui sont parfois unifiées par de vieilles habitudes verbales.

 

Homonymie Ontologique Tran~cntégorielle: un Trépied

 

L'expression "I'Etre" n'est pas utilisée normalement comme une description définie, à la manière de "I'auteur du Quichotte". Les acceptions les plus fréquentes paraissent hésiter entre trois catégories:

1. une propriété, que nous désignerons par S

2... Ia classe E des objets qui satisfont cette propriété

3. Ies éléments de E, spécialement cet élément qui possède la propriété S d'une façon nécessaire et éternelle.

 

Le langage de tous les jours adjuge des termes de propriété au moyen du verbe avoir et des termes de classe au moyen du verbe être. Nous disons que Socrate est un sage ou qu'il a de la sagesse, mais nous ne disons pas qu'il est de la sagesse ou qu'il a un sage. En revanche, ce test linguistique est défaillant avec l'Etre: on dit sans problème de cohérence qu'il est un être ou qu'il a un être, qu'il est un étant ou qu'il a une entité. Nous pouvons supposer qu'ici il y a une distinction qui s'est obscurcie.

Les propriétés, par exemple la blancheur, définissent une classe, celle du blanc. Si nous distinguons la classe de la propriété qui la définit, il paraît naturel d'interpréter dans l'usage philosophique l"Etant" comme un terme qui se réfère à la classe (2) et l"'Etre" comme la désignation de (1). La priorité de la propriété qui définit sur la classe définie rend évident de quelle manière l'Étant se fonde sur l'Etre. Quand on dit que l'Etre "fait" que l'étant soit, on ne doit pas considérer un tel "faire" comme l'exercice d'une causalité. Il ne s'agit pas non plus du problème de l'Unité versus la Multiplicité, mais de la dépendance d'une classe - qui pourrait bien être unitaire - à l'égard de la propriété qui la détermine.

S'il y a plusieurs éléments dans cette classe E, qu'on appelle les "étants", ils peuvent se trouver dans dif~érentes relations de dépendance (par exemple, causalité, inhérence, composition), mais cette dépendance horizontale n'affecte ni n'annule la dépendance verticale à l'égard de S. Par exemple, un étant suprême, cause totale de tous les autres, etc., ne pourrait de ce fait équivaloir à la propriété. Lorsque l'on dit "Deus est ipsum esse" on semble tomber dans une erreur catégorielle, qui fait d'un élément d'une classe l'équivalent de la propriété qui définit cette classe. Il pourrait arriver qu'un élément de cette classe possède la propriété de façon nécessaire, sempiternelle, éminente, infinie etc., mais il apparaît qu'il continuerait à être différent de la propriété. Une propriété est infinie en tant qu'elle peut être le prédicat d'un nombre illimité d'objets. L'erreur se produit quand on assimile l'Etre et l'Acte, de telle sorte que l'Acte est compris comme une sorte de pensée universelle; à la suite de quoi on interprète l'Acte - par opposition à la Puissance - comme une Perfection. De là surgit un Etre comme infinie perfection et actualité, qui va comme un gant àl certaines représentations de la déité (voir les trois premières des vingt-quatre Thèses Thomistes). On déambule d'une catégorie à l'autre. De toute manière, les hésitations relatives à ces catégories expliquent que l'on puisse penser à une Onto-Théologie, à laquelle on faisait allusion en (d). Cette affirmation sera confirmée plus loin.

On a l'habitude de caractériser l'Ontologie comme une discipline de l'Etre, assimilant S et E. La distinction précédente dissipe l'inquiétude (e), quant aux deux voies que peut adopter une Ontologie: ou bien tenter de discriminer des régions et des relations à l'intérieur de la classe E des étants (ce qui paraît superficiel) ou bien élucider cette propriété fondatrice, ses relations avec d'autres propriétés et avec les divers étants (ce qui paraît profond). Il y a cependant une perturbation dans la diffusion pacifique du travail. Gilson a déclaré, dans son galimatias: "on peut penser qu'etre, c'est être un etre - mais aussi qu'etre un etre, c'est simplement etre". C'est-à-dire: nous pouvons privilégier dans notre spéculation les sujets de la propriété ou la propriété elle-même. Ainsi le galimatias disparaît, et le chemin s'ouvre aux vraies difficultés.

Jusqu'à présent l'idée était très simple. Mais si S est la propriété et E la classe des étants (c'est-à-dire des individus qui possèdent cette propriété), alors l'Etre sera-t-il un étant (non pas la classe E mais un élément de E)? Considérons attentivement la question et le dilemme. Si l'Etre n'est pas un étant, alors c'est qu'il manque de la propriété qui définit les étants, ce qui signifie : I 'Etre n 'est pas. C'est pourquoi bien souvent l'être est perçu comme un Néant, soit absolu, soit qualifié ("Néantd'Étant" - mais, pourrait-il y avoir un autre Néant?). Si l'on admet l'existence d'une classe complémentaire de l'Étant, le Néant, remplie de tout ce qui manque d'Etre, alors l'Etre sera un élément du Néant. Il paraît très curieux que le Néant ne soit pas quelque chose de plus ou moins similaire à l'ensemble vide. Nous savons que Hegel s'est trouvé dans une perplexité semblable, mais celle de Heidegger mérite plus d'attention.

Prenons l'autre terme du dilemme: la possibilité que S soit un étant. Alors une classe comprendrait la propriété qui la définit parmi ses éléments. Ce n'est pas à première vue impossible. D'une part il y a des propriétés qui se distinguent de leurs sujets: la proprieté "être un nombre pair" n'est ni paire, ni un nombre - la propriété qui définit la liste 2, 4, 6, 8... n'est pas l'un des nombres qui apparaissent dans cette liste. Mais d'autre part il y a des propriétés plus exotiques. Par exemple, la propriété "être pensable" est elle-même quelque chose de pensable: la propriété détermine la totalité de ce qui est pensable et elle est elle-même membre de cette totalité. Est-ce que la relation entre l'Etre et la classe des étants est de cette nature? Et nous voyons déjà que la question de l'Onto-Théologie se présente d'une manière moins capricieuse.

Si nous admettons avec beaucoup de libéralité ce type de propriétés et de classes exotiques, nous pouvons nous embrouiller dans des problèmes. Par exemple, on peut présumer que la classe des étants E, non seulement comprendrait l'Etre comme élément, mais aussi posséderait elle-même l'être. Ainsi E serait élément d'elle-même, et la totalité d'une collection ferait partie d'elle-même.

Assurément l'astuce des logiciens permet d'endiguer ces libéralités au moyen de divers traitements: ce qui n'empêche pas la persistance d'un symptôme alarmant. L'intuition primordiale qui guidait ces réflexions imposait une hiérarchie entre individus, classes et propriétés. Les propriétés sont universelles, les individus non: par conséquent, si l'Etre était un étant, il serait un universel et un individu. Et si parmi les éléments on admet des individus et des propriétés universelles, l'ordre rêvé se désagrège.

Ici le dilemme dé~ouche sur une confusion, un balbutiement sur la différence ontologique, affection facilement explicable vue l'hypothèse que nous avons introduite sur la thématisation de l'être et la possibilité de voir en lui une propriété. Ce qui conduit Heidegger plus d'une fois à voir dans l'Etre un Néant. Et qu'il ne s'agit pas là d'une idée accidentelle de Heidegger, on peut le vérifier en étudiant le "parricide" de l'Étranger d'Élée (Platon, Sophiste 241 d) et la polémique d'Aristote contre Melissô et Parménide (spécialement le texte de Physique I c.3, 186 a: 2531). Ainsi est satisfaite la requête (a). Il ne s'agit pas toujours d'un verbiage arbitraire au sujet de la Différence Ontologique, mais aussi d'une série de difi~lcultés pressel1ties sans que l'on possède l'instrument conceptuel pour les mettre en ordre.

 

Homonymie Ontologique Catégorielle ~ ventail de propriétés

 

Tant chez Aristote que chez Heidegger on rencontre une préoccupation liée à la pluralité des propriétés visées par le terme "l'Etre" (ne pas confondre avec l'analogia entis). L'expression "l'Etre" ne désignerait pas, comme on l'a supposé, une propriété, mais un éventail de propriétes. Ce fait dénote une homonymie catégorielle (puisque l'on se restreint à la catégorie des propriétés). L'interrogation sur l'Etre peut être comprise comme l'examen desdites propriétés et des relations qu'il pourrait y avoir entre elles. Sans vouloir être exhaustifs, nous pourrions consigner une série de propriétés compatibles et (au moyen de quelques raccords) coextensives entre elles:

- l'existence dans le temps présent

chose

 

- I'existence en général

- la possibilité d'existence

- I'identité

- la prédication

- I'affirmation

- la possibilité d'être pensé la possibilité d'être estimé en termes de volonté le fait d'être en relation de fondement, de cause ou d'effet avec quelque

 

- le fait d'être déterminé par quelque propriété

- le fait de posséder, pour un couple quelconque de propriétés contradictoires, I'une d'entre elles.

Cette deuxième homonymie explique les diverses formes dans lesquelles s'est développée une bonne part de la spéculation métaphysique traditionnelle, que ce soit dans le traitement des "transcendantaux" (un, vrai, bon), ou dans les explications sur son "objet" (étant nominal, étant participial, le "Meinbare" de Meinong, etc.). Les équations fastidieuses sont un effort pour explorer les distinctes propriétés auxquelles il a été fait confusément allusion. Les catégories (prédicaments) s'imposent comme la seule manière d'étudier les diverses prédications. Une oeuvre aussi influente que méconnue, celle de Josef Maréchal Le Point de Départ de la Métaphysique, se nourrit de l'assimilation des termes prédication, affirmation et existence (interprétée comme acte infini): le fait que nous puissions énoncer des jugements assertoriques ne serait explicable, selon Maréchal, que parce que nous supposons une synthèse de la copule de la prédication avec un acte infini: ici se révèlent certains thèmes de Malebranche, Fichte et peut-être Bradley, mais ce n'est que grâce à l'homonymie catégorielle qu'ils peuvent apparaître dans ce contexte métaphysique de façon assez naturelle.

Si Heidegger insis~e sur sa démonstration que l'Etre est essentiel au Langage, c'est qu'il pense à l'Etre comme faisant référence à la propriété de déterminer la prédication; s'il établit une relation avec le Temps, c'est que l'actualité de l'existence réclame le présent. La préférence des métaphysiciens qui placent au premier plan un certain type d'étants et à l'arrière-plan la généralité, se comprend s'ils croient voir chez certains étants une exemplification plus juste des propriétés qui dans tel ou tel système sont considérées comme remarquables. De telle sorte que l'interrogation "qu'est-ce que l'être?" acquiert un autre sens, libérée de son absurdité. Et s'il existe plusieurs propriétés implicites dans l'Etre, l'objet de l'ontologie est loin d'être simple et le recours à des divisions et subdivisions s'impose. Ainsi sont satisfaits, selon moi, les critères (b), (c) et (e) de notre liste.

Mais nous arrivons ici à une thèse cruciale pour la pensée heideggérienne: I'expansion de l'Etre en éventail nous permet de passer à une compréhension dialectique de ces propriétés (ceci renvoie au passage de Platon dans le Sophiste, 254 b sqq.). Etre, comme propriété centrale s'oppose à Devenir (Werden), à Apparence (Schein), à Penser (Denken) et à Devoir-Etre (Sollen) comme à des propriétés périphériques constituant une trame de propriétés.

 

Chaque fac,on de saisir une propriété centrale conditionnerait de manière radicale la façon de saisir une propriété périphérique proche. Ces propriétés sont à leur tour centrales par rapport à d'autres propriétés, et ainsi de suite. Une propriété centrale peut se comporter ou non comme un genre (un déterminable); sa centralité ne dépend pas de cela, mais d'un système de positions, tensions et compléments étendu non seulement au sens de la propriété mais aussi aux représentations qui l'enveloppent. "Devenir" signifie une succession continue de situations, mais représentée par le cours d'un fleuve, le bourgeonnement d'un arbre, la vague qui croît sans être une chose mais le déploiement d'une force qui se manifeste dans l'euphorie de l'aube. L'Art et la Poésie, créant un lien entre représentation et sens, peuvent donner accès à ces dimensions et placer les choses sujettes à l'expérience dans une perspective métaphysique - si tant est que la Métaphysique nous engage dans cette trame de propriétés. Ceci nous foumit la raison de cette étrange affirmation sur le destin d'un peuple et sa compréhension de l'Etre, sa façon d'aborder la question de l'Etre. Cette compréhension est portée par un langage naturel, qui est nécessairement collectif, et elle s'étend à travers lui au peuple qui le parle, et qui, de par cette compréhension athématique de l'Etre, se situe dans-le-monde d'une façon ou de l'autre. Ceci satisfait le réquisit (f).

 

L"'Interrogation Fondamentale de la Métaphysique"

 

La question (d) au sujet de l'Onto-Théologie n'était pas encore suf~lsamment résolue. Ainsi donc, si l'Etre instaure un ordre de fondements et de raisons suff1santes, il paraît adéquat d'instaurer un tel ordre dans la contingence générale de l'étant, introduisant par là une entité nécessaire. Mais si Heidegger feint de répéter la question de Leibniz "pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien?" il le fait seulement pour la rejeter, bien que d'une manière très diplomatique. Et il fait bien, car une question qui ~ne peut avoir de réponse est nulle et non avenue. J'omets de faire la démonstration exacte de cette nullité, mais j'en suggérerai les grandes lignes.

Appliquant le principe de raison suffisante nous imaginons deux situations contradictoires, toutes les deux possibles prises séparément: un monde vide ou un monde non vide. Chacune des deux situations paraît logiquement contingente, peut se présenter ou non, et la question fondamentale devrait conduire à donner raison de la contingence en général. Mais si la réponse est également contingente, on aurait seulement ajourné la question: comme avec le monde soutenu par un éléphant, qui devrait être soutenu par une tortue... etc.

Mais si la réponse n'était pas logiquement contingente et impliquait, par exemple "il existe une entité nécessaire" alors cette conclusion devrait être nécessaire et sa négation impossible. Est-ce là un résultat admissible? Non. De là suivraient deux inconvénients: l'un, qu'on disposerait alors d'un argument ontologique, car rendant superflue toute preuve à partir de la contingence; dans le fameux débat radial de Russell et Copleston en 1948 ce problème reste sousjacent, dominant ce qu'on voit à la surface. L'autre inconvénient est que du nécessaire ne peut s'ensuivre le contingent: la réponse ne peut donc donner raison de la contingence. C'est pourquoi l'Onto-Théologie implose quand elle tente d'expliquer la création a parte dei, dans la mesure où elle fait de Dieu un Créateur. Cette création (ou le fait qu'il y ait un Dieu créateur plutôt qu'un Dieu qui ne l'est pas) est une question logiquement contingente, comme l'existence même du monde. Si l'on introduit ici la Liberté divine, en réalité on ne fait que hisser un drapeau blanc, et ce principe de raison suffisante qui avait rendu de si précieux services se rend pieds et poings liés Le théologien propose un armistice: "Bâillonnons le principe de raison suffisante et parlons d'autre chose, de Dieu qui est amour, ou de la dignité de la personne humaine. " Le philosophe fait observer : "Comment? Dieu s'était introduit pour rationaliser le scandale de la contingence et puis, pour la compréhension de cet être nécessaire, on réintroduit en lui la contingence, l'affiublant du nom de Liberté." Spinoza en son Ethica (Pars I, prop. 17, 29 et 32) est plus conséquent que les Onto-Théologiens: ayant admis l'argument ontologique il nie qu'il puisse y avoir au monde quelque chose de contingent... Du nécessaire ne peut découler que le nécessaire.

En résumé: une réponse sensée à ce qu'on appelle la Question Fondamentale de la Métaphysique ne peut être ni une proposition nécessaire ni une proposition contingente. Mais une question qui empêche en principe toute réponse est une pseudoquestion - le résultat vaut indépendamment de toute théorie de vérification du sens et des critères similaires. Rien ne peut donc constituer une réponse à la question, qui s'annule par ce fait même, ce qu'il fallait démontrer. La démonstration exacte exige plus de précisions.

Il est clair que le chemin indiqué par Heidegger est différent, plus conforme à son style, difficile à abréger. Disons: la question peut s'autoabolir dans le questionnement "pourquoi un Pourquoi?". Nous trouverons seulement la propriété de l'Etre comme exigence de fondements des étants, et donation de ces fondements. Remplaçons alors la question abolie par la question sur la propriété centrale, et ce faisant nous retomberons sur nos pieds.

 

~eidegger et la Kulturphilosophie

 

Si de ce qui pre!cède on peut inférer des conséquences agréables ou désagréables au judéochristianisme et à ses institutions, c'est là une question qui intéresse plus le propagandiste que le philosophe. Ce qui est certain, c'est que Heidegger (considéré comme l'archétype du métaphysicien par des épigones insignifiants) déplace le centre de gravité de l'Ontologie vers ce qu'on peut appeler Philosophie de la Culture. J'ai proposé au début d'aborder Heidegger sous un angle philosophique et de juger sa pensée dans ce sens. Je vais risquer un jugement: si nous le comparons en tant que philosophe de la culture à Nietzsche, à Spengler, à Evola, il n'occupe pas la première place, nous sommes gênés par ses détours excessifs et le manque d'évidence des faits qu'il allègue. Si nous le considérons comme un philosophe de la ligne classique et théorique, nous sommes déconcertés par le peu de sensibilité de Heidegger à l'égard des problèmes métaphysiques. Depuis la cime de sa propre position, qu'il ne se donne jamais la peine d'expliciter, il se met à historiciser, émettant des opinions sur les penseurs qui l'ont précédé. Ce qui alimente la plèbe de la Philosophie, les professeurs sans idées qui tournent comme des vautours autour des grands morts. Heidegger se prête bien à une justification de la phrase de Nietzsche sur l'Histoire qui se convertit en fossoyeuse du présent. Dans nos institutions académiques - et dans une bonne partie de celles d'Europe, avoir été un philosophe est un honneur - vouloir parvenir à l'être, un opprobre.

Mais la Philosophie, après deux millénaires de lutte avec les mythologies judéochrétiennes et leurs sécularisations, est pour la première fois une nouvelle possibilité. C'est ici qu'il y a une splendeur de Heidegger. Sa grandeur est dans ce mode du philosopher à la frontière de la Science et de la Weltanschauung, sur cette mince ligne qui peut fasciner et confondre, induire au vertige ou empêcher la pensée. Heidegger nous éveille à de nouvelles possibilités épurées de toute tradition supposée. C'est cela que nous pouvons apprendre de Heidegger, non pas son jargon ou son désordre, son hostilité à l'égard de la science ou ses mauvaises argumentations. Ce ne sont pas ses thèses qui nous importent, mais les voies qui s'ouvrent en elles. Ce n'est pas tant la thématisation de l~tre qui nous intéresse, mais un retour de ce qui survint dans l'Hellade, le penser entre Mythos et Logos.

 

Carlos Dufour. Traduit de l'espagnol (argentin) par Bruno Dietsch.

 

 

samedi, 11 septembre 2010

La metafisica del sesso in Mircea Eliade

La metafisica del sesso in Mircea Eliade

di Giovanni Casadio*

Fonte: Rinascita [scheda fonte]


“La vita è fatta di partenze”
Jurnalul Portughez, 19 luglio 1945


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Mircea Eliade nacque nel marzo 1907 e morì nel 1986, quindi a poco più di 79 anni. Trascorse 3 anni in India, quasi un anno in Inghilterra, quasi 5 anni in Portogallo (Lisbona e Cascais), 11 anni a Parigi, 30 anni in America (Chicago) e naturalmente 33 anni in Romania, gli anni della formazione, durante i quali fece continui viaggi in Italia e in Germania. Durante i 30 anni di relativa stabilità a Chicago, quasi tutte le estati traslocava in Francia, con lunghe trasferte prima nel Canton Ticino e poi in Italia.

 

 


Si sposò due volte (come adombrato nel proverbio “di Venere e di Marte non si sposa e non si parte”, le nozze sono come un imbarco per un viaggio assai incerto). La prima moglie Nina Mareş (dal 1934 al 1944), la seconda Christinel Cottescu (dal 1950 al 1986) furono devotissime amanti, massaie e segretarie. Ebbe una decina di amori extraconiugali importanti (i più notevoli, quello con Maitreyi, per il contesto orientale e il libro – anzi i due libri – che ne seguirono, e quello con Sorana, per l’exploit orgasmico di cui parlerò nel seguito). E svariate altre donne: non tantissime come il coetaneo Georges Simenon (1903-1989), che si vantava di aver consumato un numero di donne superiore a quello delle matite usate nei suoi innumerevoli scritti (quattrocento e più romanzi e migliaia di articoli) e in un’intervista al vitellone romagnolo Federico Fellini dichiarava: “Fellini, je crois que, dans ma vie, j’ai été plus Casanova que vous! J’ai fait le calcul, il ya un an ou deux. J’ai eu dix mille femmes depuis l’âge de treize ans et demi. Ce n’est pas du tout un vice. Je n’ai aucun vice sexuel, mais j’avais besoin de communiquer!”
Ma anche i libri o gli articoli che si scrivono e poi (non sempre) si pubblicano sono partenze. Un elenco provvisorio, probabilmente in difetto, potrebbe essere il seguente: Romanzi o racconti lunghi: 15 - volumi di novelle: 4 - diari: 5 - volumi di memorie: 2 - drammi: 4 - saggi di storia delle religioni, di filosofia, di critica letteraria: 34 e più - curatele di opere singole o collettive: 2 tomi (Bogdan Hasdeu); 1 tomo (Nae Ionescu); 4 tomi (From Primitives to Zen: fonti di storia delle religioni), 15 voll. (Encyclopedia of Religion) - riviste fondate e dirette o co-dirette: 1. Zalmoxis, 2. Antaios, 3. History of Religions.
Aggiungiamo più di 1900 articoli, pubblicati in riviste e miscellanee di varia cultura soprattutto nel periodo romeno, ripresi solo in minima parte nelle opere menzionate sopra. E non parliamo degli infiniti frammenti inediti: abbozzi di libri non condotti a termine, note erudite, appunti di diario smarriti nei vari traslochi o da lui stesso gettati nelle fiamme o distrutti nel grande incendio che devastò il suo ufficio all’Università di Chicago un anno prima della morte. Molto si trova ancora nei 177 scatoloni del fondo Eliade conservato allo “Special Collections Research Center” presso la Regenstein Library della Università di Chicago, insieme alla corrispondenza, i manoscritti e le prime copie a stampa di tutti i libri pubblicati da Eliade, scritti su di lui e altro materiale interessante, compreso la famosa pipa, 5 temperini e un calzascarpe. Certo una bagattella al confronto della produzione del quasi coetaneo teologo indo-catalano Raimon Panikkar (1918-), al quale si devono più di 60 voll. e più di 1500 articoli, ma – si sa – i teologi scrivono sotto la dettatura di Dio (ed Eliade non era un teologo, contrariamente a quanto molti pensano). Ma un numero abbastanza cospicuo per comprendere che siamo di fronte a un essere fenomenale: un individuo ossessionato da una specie di delirio della scrittura-confessione, in funzione di una fuga dalla realtà (in gergo psicologico “escapismo”), che è poi una forma estrema di svago o distrazione, il cui scopo è d’estraniarsi da un’esistenza nei confronti della quale si prova disagio.
Infinite (in svariate lingue) le monografie, le miscellanee, gli articoli, le voci d’enciclopedia, le recensioni, le tesi di laurea sui più disparati aspetti della sua vita e della sua opera. E – ed è ciò che più conta – infinite citazioni dei suoi scritti in opere di storia delle religioni e di ogni altro genere letterario; per fare un esempio, Eliade è l’unico storico delle religioni menzionato in due opere chiave di due papi, Karol Józef Wojtyła (Varcare la soglia della speranza) e Joseph Ratzinger (Fede, verità, tolleranza).
La sua vita in Portogallo
In questa sede, ci proponiamo di affrontare alcuni momenti del suo vissuto interiore nel periodo portoghese. Premettiamo che Eliade stette in Portogallo, prima come addetto stampa, poi come consigliere culturale, poi di nuovo come addetto stampa, poi come privato cittadino (in ragione dei mutamenti del vento politico romeno) dal 10 febbraio 1941 al 13 sett. 1945, esattamente 4 anni e 7 mesi: sono date che parlano da sé …
Il Jurnal portughez è il più importante dei diari di Eliade per due motivi. Anzitutto esso si diversifica da Şantier (“Cantiere”, noto in Italia come Diario d’India) e dai tre voll. di Fragments d’un journal ovvero Journalul in romeno (che vanno dall’arrivo in Francia nel ’45 alla morte dell’autore nell’86) perché non fu ridotto (e censurato) dall’Autore per la pubblicazione, sia perché non ne ebbe il tempo sia perché non si trovò mai nella disposizione d’animo adatta per fare i conti con il vissuto psichico di quegli anni colmi di avvenimenti funesti per lui, per il suo paese e per il resto del mondo. Sia chiaro: quando Eliade scrive, scrive sempre col pensiero al lettore. Una volta, infatti, osserva che solo quando lui avrà sessant’anni quei pensieri potranno essere resi di pubblico dominio, e solo allo stato di “frammenti”, estrapolati dall’insieme delle confessioni: così scrive il 5 febbraio 1945. Alla sua morte la moglie Christinel non si è mai decisa a dare il permesso della pubblicazione: solo pochissimi intimi hanno avuto accesso al manoscritto conservato nel fondo Eliade della Biblioteca Regenstein di Chicago, tra i quali l’amico romeno Matei Calinescu (1934-2009) e il fedelissimo allievo e biografo McLinscott Ricketts. Ricapitolando, il testo manoscritto è stato pubblicato così come era stato buttato giù dall’autore, e sarebbe dunque la prima volta che ci troviamo di fronte ai pensieri immediati di Eliade, un autore che anche critici benevoli come N. Spineto e B. Rennie considerano un grande bugiardo, costruttore e manipolatore del proprio personaggio per la posterità.
Abbiamo detto che il Jurnal del periodo portoghese è più importante di tutti gli altri diari per due motivi. Il primo, si è visto, risiede nel suo carattere di documento genuino, immediato, in quanto presenta i suoi pensieri senza tagli o rielaborazioni. Il secondo motivo è di ordine contenutistico, e non è meno essenziale. In esso infatti sono narrati: 1) i pensieri e le emozioni che fanno da sostrato alle due opere di Eliade (apparse entrambe nel 1949 ma cominciate in quegli anni luttuosi) di gran lunga più lette e citate, cioè il Traité d’histoire des religions (prima concepito come “Prolegomeni” e poi ripresentato in inglese come Patterns) e il Mythe de l’éternel retour (successivamente presentato in inglese col titolo più descrittivo Cosmos and History); 2) le emozioni e i pensieri generati dal progressivo disfacimento – cui seguirà un inesorabile collasso – delle due cose che al Nostro erano più care, la patria -nazione romena, neamul românesc (sotto il rullo compressore delle armate sovietiche e per la inettitudine o complicità di “piloti orbi” di varie tendenze), e la sposa Nina Mareş (in seguito agli effetti devastanti di un cancro all’utero). E – come è stato notato anche da Alexandrescu, che definisce il Diario portoghese “Apocalisse di Eliade” o “secondo Mircea Eliade” (p. 317, trad. ital.; p. 26, ed. romena) – tra le due catastrofi esiste un inscindibile nesso, quale quello che può sussistere tra le vicende del macrocosmo-mondo e quelle del microcosmo-uomo, per restare nei termini di una polarità derivata da una tradizione – quella indiana – a lui estremamente familiare (si veda, ad es. nel Diario, la riflessione del 25 sett. 1942: “Quando l’uomo scopre sé stesso, ātman, scopre l’assoluto cosmico, brahman, e nello stesso tempo coincide con esso”, p. 49, trad. it.). In queste circostanze, e da esse condizionato e afflitto, egli elabora una serie di formule ermeneutiche che anticipano la filosofia delle due opere. Da queste circostanze, in maniera ancora più evidente, nascono una serie di riflessioni assolutamente brutali sulla situazione politica del tempo e sulla propria intimità personale, riflessioni che non mancheranno di suscitare gli strilli indignati delle anime belle e dei corifei della correttezza politica. Diamo quindi la parola all’autore stesso: all’Eliade intimo.
La bella giudea di Cordova
Anzitutto una riflessione sulla donna come virtuale soggetto e oggetto di desiderio e di innamoramento. Il 5 ottobre 1944 Eliade è a Cordova per un congresso in cui avrebbe parlato di miti sull’origine delle piante. Nella piazzetta di Maimonide adocchia “dal gruppo di curiosi che ci guardano passare, una ragazza straordinariamente bella, con una macchia bruna sotto gli occhi. Un tipo marcatamente ebraico” (p. 169 trad. it.). In lui si accende la fiamma del desiderio; non lo dice – secondo lo stile reticente e allusivo che è tipico del suo diario –, ma è evidente dalla narrazione che segue. “Al Depósito de Sementales (cioè il deposito degli stalloni), perché ci vengano mostrati i cavalli. Il primo cavallo che ci presentano è da monta: poderoso, ma terribile. In effetti il sesso non è mai bello, manca di grazia, non ha altra qualità tranne quella della riproduzione potenziata in modo mostruoso. Sono convinto che la maggior parte dei cavalli arabi e arabo-ispanici che ci vengono fatti vedere, superbi, nervosi e fieri, siano impotenti, o quasi. Il pensiero che la forza generativa che sento turbarmi sin dall’adolescenza potrebbe essere il grande ostacolo tra me e lo spirito puro, l’uccello del malaugurio del mio talento, mi deprime. Che cosa avrei potuto creare se fossi stato meno schiavo della carne!”. Eliade fu certo ossessionato dall’antitesi tra libido copulandi e libido scribendi (sentite entrambe come forme di creazione potenziale), ma non ricorse mai come il giudeo greco alessandrino Origene al rimedio estremo della castrazione. Per domare le urgenze della carne dovette attendere il naturale sedarsi dell’istinto sessuale, in seguito al trascorrere degli anni e grazie alla compagnia di una donna castrante come Christinel Cottescu. Lì a Cordova, la visione in rapida successione della bella giudea e dei potenti/impotenti stalloni fa scattare nella sua mente un’intuizione sulle modalità dell’eros femminile che è certo basata sulla sua ventennale esperienza di seduttore ma anche su una raffinata capacità di cogliere gli aspetti sottili della realtà, capacità che è poi anche quella che contraddistingue la sua ermeneutica dei fenomeni religiosi nei loro aspetti simbolici. “Dubito che le donne amino la violenza come stile erotico e abbiano un debole per gli uomini brutali. La donna è sensibile in primo luogo all’intelligenza (come la intende lei, ovviamente: “vivacità di spirito”, “facezia” [spirt, drăcos, glumeţ], ecc.); più che alla stessa bellezza. In secondo luogo, è sensibile alla bontà. Tutti i racconti con donne ossessionate da uomini brutali, ecc., sono invenzioni letterarie di certi decadenti. Statisticamente, e soprattutto nei villaggi, ciò che attrae nel 90 % le donne è il “cervello” (deşteptăciunea) e la bontà. Non è la capacità generativa a distinguerci dalle donne, ma l’intelligenza” (p. 170 trad. it.).
La conclusione di Eliade, per quanto generalizzante, è sicuramente fondata e potrebbe assegnare al suo autore un posto d’onore tra i trattatisti dell’amore nella serie che va da un Andrea Cappellano a un Henri Stendhal, fino a un Francesco Alberoni, si licet parvis componere magnis. Merita attenzione il corollario di questa riflessione che sembra caratteristico di una mentalità tipicamente maschilista, piuttosto disinvolta nei riguardi delle capacità intellettuali del gentil sesso: “Non è la capacità generativa a distinguerci dalle donne, ma l’intelligenza”.
Intelligenza e gentil sesso
Vuole egli intendere, con questa asserzione, che le donne sono prive di intelligenza?
Probabilmente sì, nel senso che le donne sarebbero prive di quel certo tipo di intelligenza o prontezza di spirito che esse prediligono in quegli uomini che ai loro occhi ne appaiono dotati. E credo invero che quel suo insistere sulla differenza (quella certa cosa che ci distingue dalle donne, “ne distingue de femei”), debba intendersi nel senso che le donne – come del resto gli uomini – sono naturalmente attratte (per la nota legge chimico-fisica sull’attrazione tra poli contrari) da quegli uomini che possiedono in maniera marcata una caratteristica di cui esse si sentono prive: il che naturalmente è vero solo in certi casi. E sarà lo stesso Eliade a notarlo in un pensiero successivo che sembra in netta contraddizione con questo.
L’11 aprile 1945, meno di un anno dopo, il Nostro è in uno stato di acuta irritazione nei riguardi dei suoi compatrioti maschi (in particolare i funzionari del ministero degli Esteri, pronti a inchinarsi di fronte al nuovo padrone sovietico) e in più soggetto a una crisi nevrastenica, “alimentata in modo naturale dalla mia insoddisfazione erotica”. Il suo pessimismo “per quel che riguarda la condizione attuale dell’uomo” lo induce ad impietose considerazioni che smascherano la (presunta) superiorità dell’intelligenza maschile. “Certe volte mi deprime l’enorme ruolo che continua a svolgere la vanità nella vita di quasi tutti gli uomini; superiore a quello del sesso, della fame o della paura della morte. Mi convinco egualmente che il maschio ‘in generale’ è di gran lunga più stupido di quello che ritenevo sino a qualche anno fa. La lucidità del maschio è una leggenda. Conosco, oggi, moltissimi uomini che sono stati scelti, menati per il naso e ‘acchiappati’ da donne completamente prive di ogni tipo di attrattiva – senza che essi avessero anche solo il sospetto del ruolo passivo che hanno avuto. (…) In moltissime coppie che ho conosciuto negli ultimi sette, otto anni, le mogli sono molto al di sotto del livello dei mariti, ma infinitamente più intelligenti e abili di loro, prova ne sia il fatto che se li tengono. Al contrario, quasi tutte le donne ammirevoli che ho conosciuto in questo lasso di tempo sono rimaste senza marito, perché nessun uomo ha saputo sceglierle. D’altronde, credo che quasi nessun uomo scelga. È sempre scelto. Come spiegarmi, altrimenti, tante coppie assurde che conosco? La stupidità dei maschi non è mai tanto evidente come quando, dopo molti amoreggiamenti e avventure, decidono di sposarsi. Quasi sempre la sposa ‘scelta’ è di gran lunga inferiore alle donne con le quali hanno flirtato, ecc.” (p. 264-265, trad. it.). Sei mesi prima, come abbiamo visto, pare che egli pensasse esattamente il contrario. Anche se sembra evidente che nell’un caso egli si riferisce alle condizioni in base alle quali la donna si lascia sedurre, nell’altro alla strategia che mette in atto per sedurre – a fini matrimoniali. Sulla donna, sul mistero della mente femminile, comunque, fa cilecca la razionalità di Mircea Eliade, come faceva cilecca la razionalità di un Platone o di un Schopenhauer.
L’eros come emozione
e orgasmo
E dall’eros come “innamoramento” passiamo a un’altra serie di riflessioni attorno a un altro aspetto paradossale della tematica erotica: l’eros come emozione legata all’evento fisiologico dell’eccitazione e dell’orgasmo, di nuovo da un punto di vista prettamente maschile. Tra il 2 e il 3 di febbraio del 1945, quando la disperazione per la “sparizione di Nina” gli pare intollerabile, quando la lettera di quasi licenziamento del Ministero degli Esteri lo getta praticamente sul lastrico, egli giunge, come avrebbe detto Eschilo, al mathein attraverso il pathein: a un intuizione geniale attraverso l’angoscia e la sofferenza (p. 227, trad. it.). Egli si domanda: “Che cosa significa la perdita di tua moglie, in confronto alla grande catastrofe mondiale, nella quale lasciano la vita decine di migliaia di persone al giorno, che annienta città e strema nazioni?”. La risposta che Eliade dà è lucidissima, e getta, per così dire, un ponte tra il macro- e il microcosmo; e significa, nel fondo, che la massa non è che una somma di individui tra loro incomunicabili. “Gli risponderei: immaginati un giovane innamorato da tanto tempo, che, un bel giorno, riesce a far sua la donna amata. È felice, e nel vederlo traboccare di felicità tu gli dici: ‘Che interesse può avere il fatto che tu oggi abbia posseduto una donna! Alla stessa ora, in tutto il mondo, almeno un milione di coppie stavano facendo, come te, l’amore. Non c’è nulla di straordinario in quello che ti è successo!’. E, malgrado ciò, lui, innamorato, sa che ciò che gli è successo è stato straordinario”. In questa minirealtà – che poi tanto minima non è – Eliade dà mostra di una capacità introspettiva che gli fa cogliere quel tanto di banale e di balordo che è implicito nell’atto della consumazione, che assume significato solo attraverso l’amore, amore che è in grado di produrre una trasformazione quasi alchemica dell’evento fisiologico. Una capacità introspettiva che è in fondo in sintonia (ci sia concesso questo accostamento che ad alcuni potrà apparire irriverente o impertinente) con la sua riflessione su tempo ed eternità, quale si ritroverà appunto nel libro alla stesura del quale si accingerà il mese successivo e che apparirà in Francia quattro anni dopo col titolo Le mythe de l’éternel retour. Archétypes et répétition (Paris 1949). Per il resto della notte lo rode l’insonnia, durante la quale si accavallano pensieri dominati da una disperazione atroce e senza apparente via di uscita (“sento che qualsiasi cosa faccia il risultato è la disperazione”). E di nuovo si rifugia nell’escamotage del libertinaggio fine a se stesso, svuotato di ogni dimensione romantica.
“E ho un’alternativa: se mi getterò di nuovo in esperienze (leggi: erotismo), mi consumerò invano, perché nessun piacere fisico può essermi di consolazione una volta estinto (può forse consolarmi l’aver stretto tra le braccia Rica, Maitrey, Sorana e qualche altra? Mai un ricordo erotico consola; tutto si consuma per sempre nell’atto; si ricorda l’amore, l’amicizia, la storia legata a una donna, ma ciò che è stato essenzialmente erotico, il fatto in sé diventa nulla nell’istante successivo alla sua consumazione). Così, mi dico che devo accontentarmi di un equilibrio fisiologico acquisito senza grattacapi (un’avventura qualunque e comoda) e concentrarmi sulla mia opera, lasciandomi passare accanto la vita senza sentirmi costretto ad assaporarla, a cambiarla né ad avvicinarmela”. Alla lucidità della diagnosi (effettivamente è così: il ricordo erotico non consola, tutto si consuma per sempre nell’atto, da cui il pessimismo sull’eros come adempimento fisiologico frustrante di Lucrezio nel IV libro del De Rerum Natura e l’insaziabile concupiscenza di Don Giovanni nel mito e nella letteratura) segue la banalità della terapia: “un’avventura qualunque e comoda”, cioè evidentemente mercenaria.
Insomma, per salvarsi dalla depressione conseguente alla débacle sua personale e della sua patria, Eliade (in fondo ha solo 38 anni, un’età in cui gli ormoni sono ancora assai attivi) si rifugia nel sesso come atto biologico di puro consumo. Nei giorni e nelle notti che vanno dal 5 marzo al 15 aprile 1945, mentre la storia macina gli eventi (per usare un’espressione carducciana) come in nessun altro momento del secolo testé trascorso, il Nostro macina i propri testicoli con accanimento per così dire terapeutico. Negli intervalli della cronaca del pellegrinaggio a Fatima, “per il riposo dell’anima di Nina e la salvezza della mia integrità spirituale” (18 marzo, p. 252, trad. it.), e del successivo ritorno a Cascais ove si ritrova a lottare con i tira e molla del Ministero degli Esteri romeno e con i fantasmi del proprio passato, è tutto un susseguirsi di annotazioni di eventi crudamente neurologici e fisiologici (p. 249-269 trad. it.). Il 5 marzo egli comincia a sperimentare la sua inedita tecnica di liberazione dalla crisi nevrastenica dando briglia sciolta alla sua sensualità e ad una sfrenata ginnastica sessuale. “Oggi – annota – sono tornato alla fisiologia. In un’ora ho fatto l’amore tre volte con la stessa donna, un po’ meravigliata, bisogna dirlo, del mio vigore. Domani o dopodomani consulterò un neurologo: voglio tentare tutto. Mi affliggerebbe apprendere, ad esempio, che la mia nevrastenia e la mia melanconia sono dovute alle adorabili funzioni seminali” (p. 249, trad. it.).  Il 14 marzo, alla vigilia della partenza per Fatima, annota: “Ripeterò la mia arcinota tecnica di liberazione attraverso l’eccesso, di purificazione attraverso l’orgia. (…) Voglio sapere se la mia melanconia ha o no radici fisiologiche. Voglio liberarmi da ogni influenza seminale, anche se questa liberazione implicherà sedurre un centinaio di donne” (p. 251, trad. it.). Il 16 marzo riceve dal neurologo la risposta che si attendeva: “le melanconie dipendono da cause spirituali”, ma la crisi generale ha motivazioni più biologiche, legate alla sua ipersessualità insoddisfatta: “non posso raggiungere l’equilibrio se non solo dopo la realizzazione di quello erotico” (p. 252, trad. it.). E durante il viaggio, nonostante le consolazioni spirituali del paesaggio “archetipico” si ritrova a lottare coi soliti fantasmi ormonali: “Tutto ieri e oggi ossessionato dal sesso” (22 marzo, p. 257, trad. it.). L’11 aprile, di nuovo a Cascais, ripete a sé stesso che la crisi nervosa è basata sull’insoddisfazione erotica. Ma i rapporti saltuari, per quanto spinti al massimo della sollecitazione ormonale, non lo soddisfano abbastanza: “avrei bisogno di un’amante giorno e notte” (11 aprile, p. 264, trad. it).
La politica, la pausa,
il lavoro
Il 15 aprile finalmente il Nostro riprende a lavorare (dopo la crisi di melanconia del giorno precedente in cui ha vissuto “un distacco definitivo dall’opera, dalla cultura, dalla filosofia, dalla vita e dalla salvezza”), ed è alle prese con la rilettura di Isabel şi apele diavolului (1929/30), in vista di un’eventuale nuova edizione. E allora, quasi proustianamente, riaffiorano in lui sensazioni e ossessioni che lo perseguitavano al momento della stesura del libro e immediatamente dopo la sua apparizione in Romania. “Un particolare mi turba: l’accento che pongo sulla sterilità, sull’impotenza. … Mi sono chiesto se il mio rifiuto (nel romanzo) di possedere Isabel non potrebbe interpretarsi psicoanaliticamente come un’ossessione di impotenza. Visto che non ho mai avuto tale ossessione, mi chiedo da dove provenga il rifiuto di possedere una ragazza che ti si offre, complicato dalla gioia sadica di vederla posseduta da un altro. È probabile che questa domanda se la siano posta anche gli altri. Rammento che Sorana, dopo una giornata eroica [meglio: “brava”, romeno: zi de vitejie] nel rifugio di Poiana Braşov dove feci dieci volte l’amore con lei, mi confessò che il mio vigore l’aveva sorpresa; perché, dopo aver letto Isabel, mi credeva quasi impotente. Ma, spaventata dalla mia energia, si confidò con Lily Popovici, che lei riteneva avesse avuto più esperienze in fatto di uomini. Lily le disse che, se non mi avesse conosciuto, avrebbe pensato che mi fossi drogato, che avessi preso delle pillole, ecc. La cosa più divertente è che io neppure mi rendevo conto d’essere in realtà messo tanto “bene”. Mi sembrava che qualsiasi uomo, se una donna gli piaceva, ed era rilassato, poteva fare l’amore dieci volte! Più tardi, ho capito che questo è un privilegio abbastanza raro” (p. 268, trad. it.). Questa ossessione della virilità, presente nella sua narrativa giovanile, è certo esistente allo stato latente nella sua psiche (per quanto egli si affretti a precisare il contrario: “Il problema della potenza o dell’impotenza non mi ha mai preoccupato”), altrimenti mal si spiegherebbe questa sua ricorrente, quasi puerile compiacenza nell’esibizione delle sue prodezze priapiche, ed è da Eliade ricollegata a un rifiuto ben più radicato e conscio: il rifiuto di generare prole, che si lega poi al lacerante senso di colpa prodotto dalla morte di Nina per cause probabilmente legate a un aborto violento che lui stesso le aveva imposto.
In queste meditazioni di un Eliade alla soglia dei quarant’anni è teorizzata, sul piano individuale, una tecnica di liberazione dall’angoscia (in altre parole, una tecnica di “salvezza”), basata sulla ginnastica copulatoria e l’estasi eaiaculatoria, senza che si tenti di elevarla su un piano di trascendenza metafisica o di stabilire alcun rapporto con i valori catartici e salvifici dell’orgia, temi peraltro assai familiari all’Eliade autore, nel 1936, di Yoga, essai sur les origines de la mystique indienne. L’aggancio di questo tema con più ampie realtà filosofiche e storico-religiose sarà invece compiuto da un altro storico e pensatore che è stato un suo dialettico compagno di strada in varie imprese, l’italiano Julius Evola (1898-1974), in Metafisica del sesso (1958; II ed. 1969). Un libro, questo, anch’esso frutto di una catastrofe personale mirabilmente metabolizzata, un libro che Eliade non avrebbe mai potuto scrivere, anche se fu testimone della sua gestazione in un incontro avvenuto nel maggio del 1952. In esso, in particolare nel terzo capitolo (Fenomeni di trascendenza nell’amore profano), Evola tratta dell’amplesso da un punto di vista superiore, cercando di cogliere quegli effetti trascendenti che rappresentano l’acme dell’atto sessuale. Come ha scritto Franco Volpi nel Dizionario delle opere filosofiche (Milano 2000, p. 357), nella voce appositamente dedicata a quest’opera apparentemente così poco filosofica, “Evola sviluppa una considerazione metafisica del sesso, ritenendo tale fenomeno un elemento troppo importante nella vita degli esseri per lasciarlo a spiegazioni semplicemente positivistiche e sessuologiche. Il sesso è la forza magica più intensa della natura, capace di esercitare su tutti i viventi un’attrazione irresistibile e tale da fornire, secondo Evola, l’occasione per trascendere la mera corporeità ed elevarsi fino al piano dello spirito. Il fenomeno del sesso implica dunque un potenziale estatico, iniziatico, che può essere portato alla luce soltanto guardando a esso dalla prospettiva metafisica”. E, conclude Volpi, “nell’eros – nei suoi attimi sublimi, ma a volte anche in esperienze d’amore quotidiane particolarmente intense – balugina la trascendenza, la quale può infrangere i limiti della coscienza quotidiana e produrre un’apertura spirituale. Il fenomeno del sesso getta così un ponte tra la fisica e la metafisica, tra la natura e lo spirito”. Ma queste cose l’Eliade del 1945, innamorato senza speranza di una donna che è ormai un fantasma e soggetto ancora a violente tempeste ormonali, non poteva o non voleva dirle.

*Ordinario di Storia delle Religioni all’Università di Salerno


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jeudi, 09 septembre 2010

Johann Nepomuk Ringseis (1785-1880)

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1991

 

Robert STEUCKERS:

RINGSEIS, Johann Nepomuk  1785-1880

 

ringseis.jpgNé le 16 mai 1785 à Schwarzhofen en Bavière, le jeune Ringseis, très tôt orphelin, fréquentera l'école abbatiale des Cisterciens à Walderbach, puis le séminaire d'Amberg, avant de commencer des études de médecine en 1805 à Landshut sous la direction d'Andreas Röschlaub, dont il deviendra l'assistant. Influencé par les Lumières lors de sa première année d'étude, Ringseis se dégage vite du rationalisme étroit sous l'influence des idées de Stolberg et des écrits de Baader et des romantiques (surtout Joh. Mich. Sailer). Les mesures de confiscation des biens d'église en Bavière, dues à l'influence française, le choquent, le révoltent et ancrent définitivement ses convictions anti-révolutionnaires . Ringseis entame une brillante carrière médicale; philosophes célèbres, membres de la famille royale bavaroise sont ses patients attitrés. Plusieurs séjours en Italie avec le Kronprinz  de Bavière contribuent à conforter son catholicisme. Quand le prince héritier, devenu Louis Ier, monte sur le trône en 1825, Ringseis est nommé Obermedicinalrath  (ce qui équivaut à Ministre de la santé), avec pour mission de réformer la médecine en Bavière. C'est dans le cadre de ces activités politico-médicales que paraît en 1841 son ouvrage le plus célèbre: System der Medizin.  Avec l'appui du roi Louis Ier, Ringseis devient en quelque sorte le promoteur de la nouvelle université de Munich, où se télescoperont et se fructifieront mutuellement les idées protestantes et catholiques de l'époque. Son engagement ultramontain se précise. Entre 1848 et 1850, période agitée dans toute l'Europe, Ringseis participe à la vie politique bavaroise. En 1852, il quitte l'université pour marquer son désaccord avec les réformes envisagées mais y revient en 1855 et prononce un discours sur la nécessité de l'autorité dans les hautes sphères de la science. En 1872, à 87 ans, il quitte ses fonctions ministérielles. Il meurt à Munich le 22 mai 1880.

 

System der Medizin. Ein Handbuch der allgemeinen und speziellen Pathologie und Therapie; zugleich ein Versuch zur Reformation und Restauration der medicinischen Theorie und Praxis (System de la médecine. Manuel de pathologie et thérapie générales et spéciales; en même temps tentative de réformer et de restaurer la théorie et la pratique médicales) 1841

 

Les thèses principales de cet ouvrage très contesté dans les milieux médicaux du XIXième siècle sont: a) chaque organisme est dominé par un principe vital unitaire et individuel; b) la santé est l'état dans lequel ce principe domine seul; c) la maladie est l'état dans lequel ce principe ne domine plus seul mais est troublé par un élément étranger qu'il ne peut pas assimiler ni dominer; d) la guérison survient quand la force vitale, éventuellement soutenue par des médications, soumet et assimile le principe étranger entré dans le corps, l'élimine ou le maintient inoffensif; elle est complète quand la force vitale spécifique règne à nouveau seule dans l'organisme. Ce qui est pertinent dans cet ouvrage de médecine, c'est que Ringseis perçoit nettement la faiblesse des rationalismes issus du "satanique Descartes": ceux-ci imposent une logique qui ne vaut que pour les phénomènes extérieurs, dispersés et juxtaposés dans l'espace, et rejettent toutes formes de logique qui vaudraient pour les phénomènes intérieurs, qui s'emboîtent les uns dans les autres et se compénètrent mutuellement. Cette idée d'un "imbriquement quasi infini" (ein fast unendliches Ineinander)  rejoint les critiques contemporaines des rationalités unilinéaires et unidimensionnelles, notamment les épistémologies philosophiques inspirées par les sciences physiques modernes de Heisenberg à Prigogine, de même que certaines audaces postmodernes.

(Robert Steuckers).

 

- Bibliographie complète, articles et discours universitaires et circonstantiels compris, dans E.R., "Johann Nepomuk Ringseis", Allgemeine Deutsche Biographie,  28. Band, Leipzig, Duncker & Humblot, 1889; comme textes principaux: Über den revolutionären Geist der deutschen Universitäten,  Rectoratsantrittsrede, Munich, 1833; Manifest der bayerischen Ultramontanen,  écrit anonyme, Munich, 1848; Über die Nothwendigkeit der Autorität in den höchsten Gebieten der Wissenschaft,  Rectoratsantrittsrede, Munich, 1855 (2ième et 3ième éd. complétées, 1856); Über die naturwissenschaftliche Auffassung des Wunders,  Munich, 1861; Über das Ineinander in den Naturdingen,  texte publié par les Dr. Schmauß et Geenen dans Beilage zum Tagblatt der 36. Versammlung deutscher Naturforscher und Aertze in Speyer,  1861.

- En français: références in Georges Gusdorf, L'Homme romantique,  Payot, 1984, pp. 273-277; Georges Gusdorf, Du néant à Dieu dans le savoir romantique,  Payot, 1983, pp. 242-245.  

 

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vendredi, 03 septembre 2010

El filosofo come intelectual pùblico

philosophe-grec.jpg

El filósofo como intelectual público

 

Alberto Buela (*)

Le ha pasado a muchos, y nos ha pasado también a nosotros, que después de dictar clase durante años en la universidad, dejaron la enseñanza para limitarse a la investigación propia, a pensar sin ataduras, programas ni horarios.

 

 

 

Pero, por qué se toma este tipo de decisión tan vital: a) Por la íntima y subjetiva convicción del filósofo (ocurre con otras disciplinas también), que si bien la práctica filosófica requiere como condición el ejercicio académico, al menos durante un tiempo, esa práctica filosófica no se agota en ejercicio académico. Y b) porque son  muy pocos los que pueden soportar la presión del ejercicio simultáneo de la filosofía en dos escenarios tan diferentes como el público y la academia. No sólo porque existen dos juegos de lenguajes: el propio de la academia con sus tecnicismos, cuanto más mejor, que circula en el interior de las facultades de filosofía y se expresa en las publicaciones especializadas. Esa verborrea bizantina que hizo exclamar a Nietzsche: “ciertos profesores de filosofía oscurecen las aguas para que parezcan más profundas” .

Y el propio de lo público, vinculado a las formas de opinión pública (TV, radio, diarios, conferencias abiertas) y al uso del lenguaje cotidiano. Y en este campo vale el apotegma de Ortega: “la claridad es la cortesía del filósofo”.

A esto hay que agregar que, quien decide intervenir sobre lo público corre el riesgo de perder el empleo público como profesor universitario o investigador. La reticencia de los académicos a pegar el salto es más bien por este último motivo que por el anterior.

Además desde el lado académico se lo comienza a considerar en una categoría menor como la de “ensayista”.  Dice Owe Wikstrom en Elogio de la lentitud  que el ensayo es un intento, ese es su sentido etimológico, donde el autor mezcla lo pequeño y lo grande de manera personal [1]. Y agregamos nosotros, El ensayo llega a conclusiones, enumera las pruebas más que detenerse en el método que convalida las pruebas. Por otra parte el ensayo fue durante muchos años un producto típicamente hispanoamericano, tenido por un género menor por los autores de manuales académicos al estilo europeo.

 

Es interesante notar que la figura del intelectual público es tan vieja como el ejercicio de la filosofía, el ejemplo clásico es Sócrates. En cuanto al intelectual académico recién aparece con cierta regularidad a partir de la década del cuarenta del siglo XX. El caso argentino es emblemático, antes del 40 todos los filósofos, no había tantos, eran intelectuales públicos y es a partir de esos años que son incorporados a sueldo mensual en las plantillas universitarias. Esto produce un enriquecimiento de la Universidad que luce con las mejores ropas de toda su historia durante 15 años hasta que en 1955 es intervenida por el poder político de turno. Las consecuencias fueron nefastas pues la Universidad se encerró en sí misma y ya no produjo filósofos[2] sino, a lo sumo, buenos investigadores.

En estos últimos veinte años ha aparecido una variante del intelectual público, la del “yeite o curro filosófico”, para decirlo en lunfardo. La de aquellos profesores de filosofía que le han buscado la vuelta a tan noble disciplina para ganar dinero con ella. Así aparecieron los filósofos terapeutas como Lou Marinoff (Más Platón y menos Prozac), los filósofos de la vida que dictan seminarios en su casa, los filósofos mundanos como nuestro Sebrelli que dicta seminarios de verano en las playas de Punta del Este, los filósofos críticos de la sociedad que dictan sus clases en algún organismo internacional bien pagos, los filósofos que dictan ética empresaria, a empresarios ricos con empleados pobres, etc., etc.

 

La figura del intelectual público no es ni la de un académico erudito ni la de un experto “chanta o farabute” como los que acabamos de mencionar. Él posee una cultura general y se interesa en poner ideas nuevas o viejas, pero siempre diferentes en debate. Deja de lado las interpretaciones especializadas que los académicos discuten entre pares y busca o intenta la interpretación sencilla y general. Es que él, como buen filósofo, es un maestro en generalidades. Piensa a partir del disenso frente a lo políticamente correcto y al pensamiento único. Es no conformista y rechaza la especialización siempre vinculada a una pequeña elite. Es que la universidad moderna ha legitimado un saber de eruditos y ha terminado minando la cultura intelectual común de los pueblos. Su saber no es un saber ilustrado, un saber sólo de libros, sino que intenta un saber sobre las cosas que son y suceden en la vida pública, que no es otra cosa, reiteramos, que la vida de los pueblos.

El filósofo como intelectual público pierde mucho tiempo de su vida hablando con unos y con otros, en reuniones infinitas y en conferencias multitudinarias en donde no se sabe bien qué es lo que llega a entender el receptor. De ahí su exigencia de claridad expositiva. Se le va gran parte de su vida tratando de construir una opinión distinta a la dada en o sobre personajes que puede llegar a tener alguna ingerencia política o social. Trabaja sobre “lo que es” pero con vistas “al deber ser”, pues para él, el ser es lo que es más lo que puede ser. Ningún profesor de filosofía de los miles de cagatintas que existen puede llegar a pensar así, pues sólo recitará al respecto las lecciones de Aristóteles o Heidegger.

 

Hace unos años apareció un libro de Richard Posner Intelectual público, un estudio de su decadencia [3] en donde sostiene que “el intelectual público es un no especialista y eso mismo era, tradicionalmente, el filósofo” [4], y a reglón seguido nombra todos “paisanos” como él (¡qué vocación de autobombo que tienen!) Nussbaum, Habermas, Dworkin, Nagel, Singer, Putman, etc., cuando en realidad son otros los genuinos intelectuales públicos en el mundo: los Franco Cardini, Massimo Cacciari, Marco Tarchi, Pietro Barcelona, Giacomo Marramao, Marcello Veneziani, Gustavo Bueno, Fernández de la Mora, Aquilino Duque, Sánchez Dragó, Javier Ruiz  Portella, Javier Esparza, Claude Rousseau, Alain de Benoist, Julián Freund, Michel Maffesoli, Jean Cau, Tomislav Sunic, Günter Maschke, Ernst Nolte, Alexander Dugin et alli. Y aquí en nuestro medio se destacan Silvio Maresca, Máximo Chaparro, Luís María Bandieri, Jorge Bolivar, Alberto Caturelli, Oscar del Barco, González Arzac y tantos otros.

Tenemos también nosotros, hoy como moda, otros intelectuales mucho más promocionados y publicitados por los mass media como Feimann, Forster, Aguinis, Kovaldoff, T. Abraham, Rotzitchner, pero no pueden ser considerados “intelectuales públicos” porque son intelectuales orgánicos del gobierno de turno o del régimen político. O peor aún están al servido del lobby  explotador del pobrerío más poderoso de Argentina.

Es que el intelectual público tiene como método el disenso sobre el orden constituido que siempre le parece un poco injusto. La premisa que guía su pensamiento es aquella de Platón: “la filosofía es ruptura con la opinión”, y sobre todo con la “opinión publicada”. Y este el es criterio para juzgar adecuadamente a un intelectual público.

 

Es apropiado distinguir que lo público está constituido por el ámbito de interés compartido de las fuerzas de una sociedad. Cuando a partir de los años 80 se limitó lo público al espacio se le castró su sentido, su finalidad y al ser reducido solo a espacio (el gravísimo error de Habermas) pasó a ser entendido como de nadie y por lo tanto lo puedo tomar. Claro está, esto no pasa en Alemania que son todos ilustrados, pero sucede a diario en todo el mundo bolita que es el nuestro.

Lo público debe de ser pensado como función (vgr.: la empresa pública, la tierra pública, la televisión pública) no puede ni debe quedar reducido a espacio público donde la práctica deliberativa de la democracia discursiva (sic Habermas) tiene lugar. El espacio público como lugar de la asamblea. Esto es una estupidez, un engaña pichanga, un gatopardismo para que todo siga igual[5].

 

De modo que el intelectual público no es un simple discutidor, un charlatán, un hablador por hablar sino que antes que nada y sobre todo tiene que tener en cuenta la función o finalidad de lo público y de aquellas cosas que se presentan como problemas públicos-políticos.

De modo tal que si juntamos ruptura con la opinión publicada, práctica del disenso y producción de sentido obtendremos un genuino intelectual público

 

(*) alberto.buela@gmail.com – Univ.Tec. Nac. (UTN)



[1] Owe Wikstrom: Elogio de la lentitud, Ed. Norma, Bs.As. 2005

[2] Nunca más filósofos de la talla de un Luís Juan Guerrero, Saúl Taborda, Nimio de Anquín, Miguel Ángel Virasoro, Alberto Rougés. Una de las grandes mentiras es que la decadencia de la universidad de Buenos Aires se produjo en 1966 durante el gobierno de Onganía. Eso es lo que nos ha hecho creer el pensamiento políticamente correcto de los marxistas, los liberales, los democristianos y los progresistas, el golpe de gracia a la Universidad se lo dio la intervención de la revolución “entregadora” de 1955.

[3] Postner, Richard: Public intellectuals. A study of decline, Cambridge, Harvard University Pres, 2001

[4] Ibídem, p. 323

[5] Cfr. Nuestro artículo en Internet 

 

 

 

 

 

 

 

Algo sobre lo público

 

 

 

lundi, 30 août 2010

L'ennui et la condition humaine

L’ennui et la condition humaine

par Pierre LE VIGAN

1113852222.jpgLe Magazine littéraire consacrait jadis un dossier à l’ennui (n° 400, juillet – août 2001) sous le titre : « Éloge de l’ennui. Un mal nécessaire ». En d’autres termes, il s’agissait d’une interrogation sur la positivité de l’ennui au travers une enquête sur l’ennui au travers le travail de divers écrivains, notamment Flaubert, Proust, Pascal, Beckett, Moravia, Cioran.

Le point de départ littéraire de la question se justifie. Montaigne relève que l’écriture est un remède contre l’angoisse de lire. La lecture est en effet inséparable de l’ennui. Plus précisément, elle se pratique sur fond de vacuité : sur ce fond sans fond que Flaubert appelle « marinade ». Mais de quel ennui est-il question ? C’est selon. C’est pourquoi une  généalogie de la notion est ici nécessaire.

Sénèque distingue l’ennui du chagrin. Ce dernier a généralement des causes précises, comme la douleur. L’ennui est plus vague et plus insidieux. Dans les Lettres à Lucilius, Sénèque voit bien que l’ennui peut aller avec l’agitation, et donc peut être une « activité oisive » : un divertissement impuissant à guérir de l’ennui. Comme remède à l’ennui, Sénèque propose l’activité qui remplit la vie, mais une activité sans se projeter dans l’avenir, une activité d’ici et pour maintenant. Parmi ces activités peut se situer l’écriture, non pas comme divertissement, non plus comme recherche esthétique (une création qui ne serait pas tout à fait une activité), mais comme art de s’appliquer dans l’effectuation des choses. Comme art, aussi, de gérer son emploi du temps. Car l’ennui, comme état de « plein repos » (Pascal), est le fond de la condition de l’homme. Quand l’homme est en repos, il repose sur quoi ? Sur rien. D’où la nécessité de se détourner du repos – d’un repos comme gouffre, d’un repos sans fatigue qui n’est alors qu’une chute. Corollaire inquiétant : si l’homme ne doit jamais être en repos, ne doit-il jamais faire retour sur soi ? L’état de réflexion serait en lui-même  source d’angoisse, de rupture de l’élan vital, d’acédie et d’ennui. C’est contre cette conception pessimiste – la lucidité inséparable de la dépression – que s’élève le janséniste Nicole. « L’ennui, soutient Nicole, touche l’âme quand elle est privée de cet aliment indispensable que sont pour elle les pensées » (Laurent Thirouin).

Pascal, de son côté, ne considère pas que les divertissements suppriment les côtés positifs de l’ennui que sont le sentiment de la gravité des choses et de la fragilité de notre être dans le monde. La légèreté du divertissement n’est pas une faute : elle protège, et c’est tant mieux, contre l’excès d’angoisse. C’est au fond une  forme de lucidité que de rechercher le divertissement. Il faut savoir « être superficiel par profondeur », comme Nietzsche le disait des Grecs. En d’autres termes, pour Pascal, c’est parce que l’ennui a sa place, mais ne doit avoir rien que sa place, que le divertissement a aussi sa place. Même si le seul vrai divertissement positif, c’est-à-dire le seul remède authentique à l’ennui, devrait venir de l’intérieur, et être la recherche constante du chemin qui mène à Dieu.

Dans la grande réhabilitation d’une nature humaine sans Dieu qu’opèrent les philosophes des Lumières, l’ennui comme péril devient le moteur de la recherche du beau, mais aussi bien du terrifiant que du « sublime » (Burke). Face à l’ennui d’un bonheur possible mais qui n’est jamais gai, l’effusion religieuse, ou amoureuse, ou les deux à la fois, apparaît une voie naturelle. Comme les Anciens, les philosophes des Lumières redécouvrent que la vie ne peut qu’osciller entre une léthargie qui n’est pas sérénité, et une inquiétude qui pousse, au mieux, à l’action pour l’action, au pire à l’agitation. « Vous me mandez que vous vous ennuyez, et moi je vous réponds que j’enrage. Voilà les deux pivots de la vie, de l’insipidité ou du vide », écrit Voltaire. « Ou l’on baille ou l’on est ivre », résume de son côté Diderot.  L’équilibre est ainsi difficile « entre la léthargie et la convulsion » (Sénac de Meilhan).

Le romantisme fait une grande place à l’ennui : « ennui d’exister » chez Senancour, désabusement chez Mme de Staël, « analyse perpétuelle » incapacitante chez Benjamin Constant. De son côté, Chateaubriand donne de l’ennui une interprétation particulière en écrivant : « On habite avec un cœur plein un monde vide; et sans avoir joui de rien, on est désabusé de tout ». L’ennui peut ainsi se nourrir du sentiment de n’être pas né pour le monde tel qu’il est : pas né pour le monde de la Révolution française (Adolphe de Custine), pas né non plus pour le monde de la Restauration et de la France post-napoléonienne et post-héroïque (Julien Sorel).

Au-delà de l’esprit du temps, ou du désaccord avec l’esprit du temps, l’ennui, comme le voit bien Stendhal, est une disposition psychologique, un sentiment profond d’incomplétude, d’impossibilité de saisir et de se saisir. « Notre plus grand ennemi est le temps » explique de son coté Alfred de Vigny. Et c’est de l’usure du temps, de l’usure par  le temps qu’il s’agit dans le romantisme. De fait, quand le temps ne permet pas une mise en tension du présent, ce dernier s’étire à l’infini, dans une durée torpide et Pise. Mais une durée qu’un souffle suffit à soulever. « L’ennui du constamment nouveau, l’ennui de découvrir sous la différence des choses et des idées, la permanente identité de tout, […] l’éternelle concordance de la vie avec elle-même, la stagnation de tout ce que je vis, au premier mouvement tout s’efface » (F. Pessoa, Le livre de l’intranquillité, Christian Bourgois Éditions, 1988). L’action sauve de l’ennui, d’où la supériorité de l’écriture sur la lecture.

Cet ennui qui est presque une figure du mal, voire du péché se trouve telle une « torture morale » (Pierre-Marc de Biasi) chez Baudelaire. L’introspection amène l’homme à se voir lui-même comme « une oasis d’horreur dans un désert d’ennui ». Cet ennui écœuré est tout différent de la sensibilité atmosphérique de Gustave Flaubert. Car c’est la question de l’identité, vue d’une façon très moderne, qui est au cœur non pas de l’ennui flaubertien mais bien plutôt de la mélancolie flaubertienne c’est-à-dire de son extrême et douloureuse attention aux questions du sens. « Quelque chose d’indéfini vous sépare de votre propre personne et vous rive au non – être », écrit-il. Ce « quelque chose d’indéfini », c’est l’énigme de l’« ennui profond » (Heidegger), c’est cette profondeur sans fond qui est l’exister lui-même. L’ennui, ainsi, n’est pas le contraire de la jouissance. Il en est la mesure même. C’est parce que l’ennui menace toujours que la jouissance est possible et qu’elle est nécessaire. Car l’ennui est moins ce qui est  que ce qui éloigne de ce qui est. Il est une fatigue comme prédisposition de l’être. Il est ce qui « suscite le désir de rien » (Jean Roudaut). Mais le désir de rien est encore un désir; c’est l’ennui des bouddhistes : un vide qui manifeste le plein. Un vide qui est volupté.

Tout autre est l’ennui qui vient de la révélation que « tout est déjà fini », que l’adhésion aux choses est précisément la chose la plus difficile du monde. C’est l’ennui de Cioran, l’ennui occidental, ennui d’une civilisation du sujet, et à ce titre un ennui fécond, un ennui qui pousse à l’écriture, comme l’écrit encore Jean Roudaut à propos de Samuel Beckett : « Écrire du coup est bien plus que faire l’exercice intellectuel de la mort, au sens où Montaigne prenait le verbe philosopher. C’est l’habiter ». Telle est l’ambivalence de l’ennui, entre la mélancolie qui ouvre à l’homme un site (il y a une jubilation du spleen), et l’acédie qui est l’expérience extrême de la non-prise, de la déprise sur les choses et sur soi. La modernité aimerait bien nous débarrasser de l’ennui. Mais nous n’avons pas fini de nous ennuyer, c’est-à-dire d’éprouver notre condition humaine.

Pierre Le Vigan


Article printed from Europe Maxima: http://www.europemaxima.com

dimanche, 29 août 2010

Henry Williamson: Nature's Visionary

Henry Williamson: Nature’s Visionary

The fact that the name of Henry Williamson is today so little known across the White world is a sad reflection of the extent to which Western man has allowed himself to be deprived of his culture and identity over the last 50 years. Until the Second World War Williamson was generally regarded as one of the great English Nature writers, possessing a unique ability to capture the essential essence and meaning of the natural world in all its variety and forms.

His most famous Nature book, Tarka the Otter, was published in 1927 and became one of the best-loved children’s books of all time, with its vivid descriptions of animal and woodland life in the English countryside. It was publicly praised by leading English literary figures such as Thomas Hardy, Arnold Bennett, and John Galsworthy. Hardy called Tarka a “remarkable book,” while Bennett declared it to be “marvelous.” Even T. E. Lawrence, also known as Lawrence of Arabia, admitted that “the book did move me and gratify me profoundly.”

Tarka was awarded the coveted Hawthornden Prize for literature in 1928 and eventually attracted the interest of Walt Disney, who offered a small fortune for the film rights. Williamson, however, was concerned that such an arrangement might compromise his artistic integrity, and he rejected the offer.

Seventy years later, however, Tarka, like the majority of Williamson’s books, is relatively unknown and has only just become available in print again. The reason: Like several other leading European authors, Williamson was a victim of the Second World War. Not only did his naturalistic message conflict with the materialistic culture that has pervaded the Western world since 1945, but he himself was a political fighter who actively opposed the war on ideological grounds.

Born in Brockley, southeast London, in December 1895, Williamson was educated at Colfe’s Grammar School, Lewisham. He spent much of his early life exploring the nearby Kent countryside, where his love of Nature and animals and his artistic awareness and sensitivity were first stimulated. Never satisfied unless he had seen things for himself, he always made sure that he studied things closely enough to get the letter as well as the spirit of reality. This enabled him to develop a microscopic observational ability which came to dominate his life.

Williamson joined the British Army at the outbreak of war in 1914 and fought at the Battle of the Somme and at Passchendaele, where he was seriously wounded. It was this experience as a frontline soldier which was the redefining moment in his life and artistic development, stimulating in him a lifelong Faustian striving to experience and comprehend the “life flow” permeating his own, and all, existence.

His spiritual development continued after the war. In 1919 he read for the first time the visionary The Story of My Heart, which was written by the English Nature writer Richard Jefferies and published in 1893. For Williamson, discovering Jefferies acted as a liberation of his consciousness, stimulating all the stored impressions of his life to return and reveal a previously smothered and overlaid self. It was not just an individual self that he discovered, however, but a racial self in which he began to recognize his existence as but a link in an eternal chain that reached back into the mists of time, and which — if it were permitted — would carry on forever.

Williamson sensed this truth in his own feeling of oneness with Nature and the ancient, living, breathing Universe as represented by the life-giving sun. It also was reflected in his idea of mystical union between the eternal sunlight and the long history of the earth. For Williamson the ancient light of the sun was something “born in me” and represented the real meaning of his own existence by illuminating his ancestral past and revealing the truth of redemption through Nature. Like Jefferies before him, Williamson “came to feel the long life of the earth back in the dimmest past while the sun of the moment was warm on me … This sunlight linked me through the ages to that past consciousness. From all the ages my soul desired to take that soul-life which had flowed through them as the sunbeams had continually found an earth.” [1]

After the war Williamson became a journalist for a time while beginning work on his first novel, The Beautiful Years (1922). Finally he decided to break all contact with London and in 1922 moved to an ancient cottage in Georgham, North Devon, which had been built in the days of King John. Living alone and in hermit fashion at first, Williamson disciplined himself to study Nature with the same meticulous observations as Jefferies, tramping about the countryside and often sleeping out. The door and windows of the cottage were never closed, and his strange family of dogs and cats, gulls, buzzards, magpies, and one otter cub were free to come and go as they chose.

It was his experiences with the otter cub which stimulated Williamson to write Tarka. He had rescued it after its mother had been shot by a farmer, and he saved its life by persuading his cat to suckle it along with her kitten. Eventually the otter cub was domesticated and became Williamson’s constant companion, following him around like a dog. On one walk, however, it walked into a rabbit trap, panicked, and ran off. Williamson spent years following otters’ haunts in the rivers Taw and Torridge, hunting for his lost pet.

The search was in vain, but his intimate contact with the animal world gave him the inspiration for Tarka: “The eldest and biggest of the litter was a dog cub, and when he drew his first breath he was less than five inches long from his nose to where his tail joined his back-bone. His fur was soft and grey as the buds of the willow before they open up at Eastertide. He was called Tarka, which was the name given to the otters many years ago by men dwelling in hut circles on the moor. It means Little Water Wanderer, or Wandering as Water.”

Williamson never attempted to pass any kind of moral judgment on Nature and described its evolutionary realities in a manner reminiscent of Jack London:

Long ago, when moose roamed in the forest at the mountain of the Two Rivers, otters had followed eels migrating from ponds and swamps to the seas. They had followed them into shallow waters; and one fierce old dog had run through the water so often that he swam, and later, in his great hunger, had put under his head to seize them so often that he dived. Other otters had imitated him. The moose are gone, and their bones lie under the sand in the soft coal which was the forest by the estuary, thousands of years ago. Yet otters have not been hunters in water long enough for the habit to become an instinct.

Williamson actually rewrote Tarka 17 times, “always and only for the sake of a greater truth.” [2] Mere polishing for grace and expression or literary style did not interest him, and he strove always to illuminate a scene or incident with what he considered was authentic sunlight.

He also believed that European man could be spiritually healthy and alive to his destiny only by living in close accord with Nature. Near the end of Tarka, for instance, he delightfully describes how “a scarlet dragonfly whirred and darted over the willow snag, watched by a girl sitting on the bank … Glancing round, she realized that she alone had seen the otter. She flushed, and hid her grey eyes with her lashes. Since childhood she had walked the Devon rivers with her father looking for flowers and the nests of birds, passing some rocks and trees as old friends, seeing a Spirit everywhere, gentle in thought to all her eyes beheld.”

Williamson’s sequel to Tarka was Salar the Salmon, which was also the result of many months of intimate research and observation of Nature in the English countryside. Then came The Lone Swallow, The Peregrine’s Saga, Life in a Devon Village, and A Clear Water Stream, all of which, in the eyes of the English writer Naomi Lewis, displayed “a crystal intensity of observation and a compelling use of words, which exactly match the movement and life that he describes.”

To Williamson himself, however, his Nature stories were not the most important part of his literary output. His greatest effort went into his two semi-autobiographical novel groups, the tetralogy collected as The Flax of Dreams, which occupied him for most of the 1920s, and the 15-volume A Chronicle of Ancient Sunlight, which began with The Dark Lantern in 1951 and ended with The Gale of the World in 1969.

Williamson’s experiences during the First World War had politicized him for life. A significant catalyst in this development was the Christmas truce of 1914, when British and German frontline soldiers spontaneously left their trenches, abandoned the fighting, and openly greeted each other as brothers.

Williamson later spoke of an “incoherent sudden realization, after the fraternization of Christmas Day, that the whole war was based on lies.” Another experience that consolidated this belief was when a German officer helped him remove a wounded British soldier who was draped over barbed wire on the front line. He was thus able to contrast his own wartime experiences with the vicious anti-German propaganda orchestrated by the British political establishment both during and after the war, and he was able to recognize the increasing moral bankruptcy of that establishment. In Williamson’s view the fact that over half of the 338 Conservative Members of Parliament who dominated the 1918 governing coalition were company directors and financiers who had grown rich from war profits was morally wrong and detestable.

This recognition, in itself a reflection of an already highly developed sense of altruism, meant that Williamson could never be content with just isolating himself in the countryside. He had to act to try to change the world for the better. Perhaps not surprisingly he came to see in the idea of National Socialism a creed which not only represented his own philosophy of life, but which offered the chance of practical salvation for Western Civilization. He saw it as evolving directly from the almost religious transcendence which he, and thousands of soldiers of both sides, had experienced in the trenches of the First World War. This transcendence resulted in a determination that the “White Giants” of Britain and Germany would never go to war against each other again, and it rekindled a sense of racial kinship and unity of the Nordic peoples over and above separate class and national loyalties. [3]

Consequently, not only was Williamson one of the first of the “phoenix generation” to swear allegiance to Oswald Mosley and the British Union of Fascists, but he quickly came to believe that National Socialist Germany, under the leadership of Adolf Hitler, pointed the way forward for European man. Williamson identified closely with Hitler — “the great man across the Rhine whose life symbol is the happy child,” seeing him as a light-bringing phoenix risen from the chaos of European civilization in order to bring a millennium of youth to the dying Western world. [4]

Williamson visited Germany in 1935 to attend the National Socialist Congress at Nuremberg and saw there the beginnings of the “land fit for heroes” which had been falsely promised the young men of Britain during the First World War by the government’s war propagandists. He was very impressed by the fact that, while the British people continued to languish in poverty and mass unemployment, National Socialism had created work for seven million unemployed, abolished begging, freed the farmers from the mortgages which had strangled production, developed laws on conservation, and, most importantly, had developed in a short period of time a deep sense of racial community. [5]

Inspired to base their lives on a religious idea, Williamson believed that the German people had been reborn with a spiritual awareness and physical quality that he himself had long sought. Everywhere he saw “faces that looked to be breathing extra oxygen; people free from mental fear.” [6]

Through the Hitler Youth movement, which brought back fond memories of his own time as a Boy Scout, he recognized “the former pallid leer of hopeless slum youth transformed into the suntan, the clear eye, the broad and easy rhythm of the poised young human being.”

In Hitler’s movement Williamson identified not only an idea consistent with Nature’s higher purpose to create order out of chaos, but the physical encapsulation of a striving toward Godhood. Influenced by his own lifelong striving for perfection, Williamson believed that the National Socialists represented “a race that moves on the poles of mystic, sensual delight. Every gesture is a gesture from the blood, every expression a symbolic utterance … Everything is of the blood, of the senses.” [7]

Williamson always believed that any spiritual improvement could only take place as a result of a physical improvement, and, like his mentor Richard Jefferies, he was a firm advocate of race improvement through eugenics. He himself was eventually to father seven children, and he decried the increasing lack of racial quality in the mass of the White population. He urged that “the physical ideal must be kept steadily in view” and called for the enforcement of a discipline and system along the lines of ancient Sparta in order to realize it. [8]

In 1936 Williamson and his family moved to Norfolk, where he threw himself into a new life as a farmer, the first three years of which are described in The Story of a Norfolk Farm (1941). But with the Jews increasingly using England as a base from which to agitate for war against Germany, Williamson remained very active through his membership in the British Union of Fascists in promoting the idea of Anglo-German friendship. Until it was banned in 1940, Williamson wrote eight articles for the party newspaper Action and had 13 extracts reprinted from his book The Patriot’s Progress. He called consistently for Hitler to be given “that amity he so deserved from England,” so as to prevent another brothers’ war that would see the victory only of Asiatic Bolshevism and the enslavement of Europe. On September 24, 1939, for instance, he wrote of his continuing conviction that Hitler was “determined to do and create what is right. He is fighting evil. He is fighting for the future.”

Williamson viewed the declaration of war on Germany by Britain and France as a spiteful act of an alien system that was determined to destroy the prospect of a reborn and regenerated European youth. And his continued opposition to it led to his arrest and internment in June 1940, along with Mosley and hundreds of others. His subsequent release on parole was conditional upon his taking no further action to oppose the war. Silently, however, Williamson remained true to his convictions. Visiting London in January 1944, he observed with satisfaction that the ugliness and immorality represented by its financial and banking sector had been “relieved a little by a catharsis of high explosive” and somewhat “purified by fire.”

National Socialism’s wartime defeat, however, dealt Williamson a heavy blow. Decrying the death struggle of “the European cousin nations” he lamented that “the hopes that have animated or agitated my living during the past thirty years and four months are dead.” [9]

Consequently, his first marriage broke up in 1947, and he returned to North Devon to live in the hilltop hut which he had bought in 1928 with the prize money from Tarka.

But it was not in Williamson’s character to give up on what he knew to be true and right, and, as his most recent biographer makes clear, he never recanted his ideas about Hitler. [10]

On the contrary, he continued to publicly espouse what he believed, and he fervently contested the postwar historical record distorted by false Jewish propaganda — even though his effort resulted, as he realized it would, in his continued literary ostracism.

In The Gale of the World, the last book of his Chronicle, published in 1969, Williamson has his main character Phillip Maddison question the moral and legal validity of the Nuremberg Trials. Among other things, he muses why the Allied officers who ordered the mass fire bombing of Germany, and the Soviet generals who ordered the mass rape and mass murder during the battle for Berlin, were not on trial; and whether it would ever be learned that the art treasures found in German salt mines were put there purely to be out of the way of the Allied bombing. He also questions the official view of the so called “Holocaust,” stating his belief that rather than being the result of a mass extermination plan, the deaths in German concentration camps were actually caused by typhus brought about by the destruction of all public utility systems by Allied bombing.

In the book Williamson also reiterates his belief that Adolf Hitler was never the real enemy of Britain. And in one scene Phillip Maddison, in conversation with his girl friend Laura, questions whether it was Hitler’s essential goodness and righteousness that was responsible for his downfall in the midst of evil and barbarity:

Laura: I have a photograph of Hitler with the last of his faithful boys outside the bunker in Berlin. He looks worn out, but he is so gentle and kind to those twelve- and thirteen-year-old boys.

Phillip: Too gentle and kind Laura … Now the faithful will be hanged.

Williamson also remained loyal in the realm of political ideas and action. When Oswald Mosley had returned to public life in Britain in 1948 by launching the Union Movement, Williamson was one of the first to give his support for an idea which he had long espoused: the unity of Western man. Contributing an article to the first issue of the movement’s magazine, The European, he called for the development of a new type of European man with a set of spiritual values that were in tune with himself and Nature.

Such positive and life-promoting thinking did not endear Williamson to the powers that be in the gray and increasingly decadent cultural climate of post-Second World War Britain. His books were ignored, and his artistic achievement remained unrecognized, with even the degrees committee at the university to which he was a benefactor twice vetoing a proposal to award him an honorary doctorate. The evidence suggests, in fact, that Williamson was subject to a prolonged campaign of literary ostracism by people inside the British establishment who believed he should be punished for his political opinions.

For Williamson, however, the machinations of trivial people in a trivial age were irrelevant; what was important was that he remained true in the eyes of posterity to himself, his ancestors, and the eternal truth which he recognized and lived by. In fact, as one observer described him during these later years, he remained a “lean, vibrant, almost quivering man with … blazing eyes, possessing an exceptional presence [and a] … continued outspoken admiration for Hitler … as a ‘great and good man.’” [11]

Certainly, Williamson knew himself, and he knew what was necessary for Western man to find himself again and to fulfill his destiny. In The Gale of the World he cited Richard Jefferies to emphasize that higher knowledge by which he led his life and by which he was convinced future generations would have to lead their lives in order to attain the heights that Nature demanded of them: “All the experience of the greatest city in the world could not withhold me. I rejected it wholly. I stood bare-headed in the sun, in the presence of earth and air, in the presence of the immense forces of the Universe. I demand that which will make me more perfect now this hour.”

Henry Williamson’s artistic legacy must endure because, as one admirer pondered in his final years, his visionary spirit and striving “came close to holding the key to life itself.”

He died on August 13, 1977, aged 81.

Notes

[1] Ann Williamson, Henry Williamson: Tarka and the Last Romantic, (London, 1995), 65.

[2] Eleanor Graham, “Introduction” to the Penguin edition of Tarka the Otter (1985).

[3] Higginbottom, Intellectuals and British Fascism , (London, 1992), 10.

[4] Henry Williamson, The Flax of Dreams (London, 1936) and The Phoenix Generation (London, 1961).

[5] Henry Williamson, A Solitary War (London, 1966).

[6] Higginbotham, op. cit., 41-42.

[7] J. W. Blench, Henry Williamson and the Romantic Appeal of Fascism , (Durham, 1988).

[8] Henry Williamson, The Children of Shallow Ford, (London, 1939).

[9] Higginbotham, op. cit., 49.

[10] Ann Williamson, op. cit., 195.

[11] Higginbotham, op. cit., 53.

National Vanguard, 117 (1997), 17-20.

http://library.flawlesslogic.com/nv.html

samedi, 28 août 2010

Reflections on the Aesthetic & Literary Figure of the Dandy

Reflections on the Aesthetic & Literary Figure of the Dandy

Translated by Greg Johnson

Before getting to the quick of the subject, I would like to make three preliminary remarks:

I hesitated to accept your invitation to speak on the figure of the dandy, for this sort of issue is not my main subject of interest.

I finally accepted because I rediscovered a magisterial and lucid essay by Otto Mann, published many years ago in Germany: “Dandyism as Conservative Lifestyle” (“Dandysmus als konservative Lebensform”). This essay deserves to be republished, with commentaries.

My third remark is methodological and definitional. Before speaking of the “dandy,” and relating the subject to the excellent work of Otto Mann, I must set forth the different definitions of the “dandy.” These definitions are for the most part erroneous, or superficial and insufficient.

Some define the dandy as “a pure phenomenon of fashion,” as an elegant personage, nothing more, concerned only to dress himself in the latest style. Others define him as a superficial personage who loves the good life and wanders idly from cabaret to cabaret. Françoise Dolto has painted a psychological portrait of the dandy. Still others emphasize almost exclusively the homosexual dimension of certain dandies like Oscar Wilde. Less commonly, the dandy is assimilated to a sort of avatar of Don Juan, who filled his emptiness by racking up female conquests. These definitions are not those of Otto Mann, which I have adopted.

The Archetype: George Bryan Brummell

Following Otto Mann, I hold that the dandy has a far deeper cultural significance than superficial Epicureans, hedonists, homosexuals, Don Juans, and fashion victims. For Otto Mann, the model, the archetype of the dandy remains George Bryan Brummell, a figure of the early 19th century, which he opposed.

Brummell, contrary to certain later pseudo-dandies, was a discrete man, who did not seek to draw attention to himself by vestimentary or behavioral eccentricities. Brummell avoided loud colors, did not wear jewels, was not devoted to purely artificial social games. Brummell was distant, serious, dignified; he did not try to make an impression, as did later figures as varied as Oscar Wilde, Stefan George, or Henry de Montherlant. For him, spiritual tendencies predominate. Brummell engaged society, conversed, told stories, using irony and even mockery. To speak like Nietzsche or Heidegger, we could say that he rose above the “human, too human” or quotidian banality (Alltäglichkeit).

Brummell, a first generation dandy, incarnates a cultural form, a way of being, that our contemporary society should accept as valid, indeed as solely valid, but that it can no longer generate, or generate sufficiently. Which is why the dandy opposes our society. The principal reasons that underlie his opposition are the following: (1) society appears as superficial and marked with inadequacies and insufficiencies; (2) the dandy, as a cultural form, as the incarnation of a manner of being, poses as superior to this inadequate and mediocre society;  (3) the Brummellian dandy does nothing exaggerated or scandalous (sexually, for example), does not commit crimes, does not have political commitments (contrary to the dandies of the second generation like Lord Byron). Brummell himself could not maintain this attitude to the end of his days, because he was crippled by debts and died in poverty in a hospice in Caen. At a certain point, he had turned his back on the fragile equilibrium required by the initial posture of the dandy, of which he was the first incarnation.

An Ideal of Culture, Balance, & Excellence

If the dandy’s behavior and way of being contain no exaggeration, no flamboyant originality, then why does he appear important, or merely interesting, to us at all? Because he incarnates an ideal, which is to some extent, mutatis-mutandis, the same as Greek paiedeia or Roman humanitas. In Evola and Jünger, there is nostalgia for Latin magnanimitas, for the hochmuote of the Germanic knights of the 12th and 13th centuries, Roman or medieval avatars of a Persian proto-historical model, first advanced by Gobineau then by Henry Corbin. The dandy is the incarnation of this ideal of culture, balance, and excellence during one of the most trivial periods in history, where the crude, calculating bourgeois and the rowdy militant of the Hébertist or Jacobin sort took the place of the aristocrat, the knight, the monk, and the peasant.

At the end of the 18th century, with the French Revolution, these virtues, rising from the oldest proto-historical depths of European humanity, were completely called into question. First by the ideology of the Enlightenment and its corrolary, militant egalitarianism, which would erase all the visible and invisible traces of this ideal of excellence. Then, by the Sturm und Drang and Romanticism, which, by way of reaction, sometimes tilted toward ineffectual sentimentalism, which is also an expression of disequilibrium. The immemorial models, sometimes blurred and diffuse, the surviving archetypal attitudes . . . disappear.

The English first became aware of it, at the end of the 17th century, even before the upheavals of the 18th: Addison and Steele in the columns of the Spectator and the Tatler noted the urgent necessity of preserving and maintaining a system of education, a general culture able to guarantee the autonomy of man. A value that the current media do not promote, quiet proof that we have indeed fallen into an Orwellien world, which dons the mask of the “good democratic apostle,” inoffensive and “tolerant,” but pitilessly hounds down all residues of autonomy in the world today. In their successive articles, Addison and Steele bequeathed us an implicit vision of the cultural and intellectual history of Europe.

The Ideal of Goethe

The highest cultural ideal Europe has ever known is of course ancient Greek paideia. It had been reduced to naught by primitive Christianity, but, from the 14th century on, one sees throughout Europe a desire for ancient ideals to be reborn. The dandy, and, long before his emergence on the European cultural scene, the two English journalists Steele and Addison, wished to incarnate this nostalgia for paideia, in which the autonomy of each individual is respected. In fact, they try to concretely realize in society Goethe’s objective: to incite their contemporaries to forge and fashion a personality, which will be moderate in its needs, satisfied with little, but above all capable, through this quiet asceticism, of reaching the universal, of being a model for all, without betraying its original humanity (Ausbildung seiner selbst zur universalen und selbstgenugsamen Persönlichkeit).

This Goethean ideal, shared avant la lettre by the two English publicists then incarnated by Brummell, was not unscathed by the vicissitudes of the French Revolution, the industrial revolution, and the assorted scientific revolutions. Under the blows of modernity’s contempt for the Ancient, Europe found itself devoid of any substantial culture, any ethical backbone. The consequences are fully apparent today in the decline of education.

From 1789 throughout the 19th century, the cultural level steadily collapsed. Cultural decline started at the top of the social pyramid, henceforth occupied by the triumphant bourgeoisie which, contrary to the dominant classes of former times, has no moral (sittlich) base capable of maintaining a high level of civilization; it has no religious base, nor any real professional ethic, unlike the craftsmen and tradesmen once supervised by their guilds or corporations (Zünfte). The sole aim of the bourgeoisie is the contemptible accumulation of cash, which allows us to speak, following René Guénon, of a “reign of quantity” in which all quality is banished.

In the disadvantaged classes at the bottom of the social ladder, any element of culture is eradicated quite simply because the pseudo-elites no longer uphold a cultural standard; the people, alienated, insecure, proletarianized, are no longer a matrix of specific enthnically determined values, much less a matrix capable of generating an active counter-culture that could easily nullify what Thomas Carlyle called the “cash-flow mentality.” In short, we are witnessing the rise of an affluent barbarism (eine ökonomisch gehobene Barbarei), economically advanced and culturally void.

One cannot be rich in the bourgeois style and also refined and intelligent. This is obviously true: nobody cultivated wants to find himself at dinner, or in conversation, with billionaires like Bill Gates or Albert Frère, nor with bankers or manufacturers of automobiles or refrigerators. The true man of culture, who would be lost in the presence of such dismal characters, would continually have to repress yawns at their inept chatter. (Those of a more volcanic temperament would have to repress the desire to rub a pie in the fat faces of these nullities.) The world would be purer—and surely more beautiful—without such creatures.

The Mission of the Artist According to Baudelaire

For the dandy, it is necessary to reinject aesthetics into this barbarism. In England, John Ruskin (1819–1899), the Pre-Raphaelites with Dante Gabriel Rossetti and William Morris, went to work. Ruskin elaborated architectural projects to embellish the cities made ugly by the anarchic industrialization of the Manchesterian era. Specifially, this led to the construction of “garden cities.”  Henry van de Velde and Victor Horta, Belgian and German Art Nouveau or Jugendstil architects, took up this torch. But all the while, in spite of these concrete achievements—for architecture more easily allows concrete realization—the gulf between the artist and society never ceased growing. The dandy is like the artist.

In France, Baudelaire, in his theoretical writings, sets the artist up as the new “aristocrat,” whose attitude must be stamped with distant coldness, whose feelings should neither be excited nor irritated beyond measure, whose principal quality must be irony, along with the ability to tell pleasant anecdotes. The artistic dandy takes a distance from all the conventional hobby-horses of society.

Baudelaire’s views are summarized in the words of a character of Ernst Jünger’s novel Heliopolis: “I became a dandy, who makes the unimportant important, who smiles at the important” (“Ich wurde zum Dandy, der das Unwichtige wichtig nahm, das Wichtige belächelte”). Baudelaire’s dandy, following the example of Brummell, is thus not a scandalous and sulfurous character like Oscar Wilde, but a cold observer (or, to paraphrase Raymond Aron, a “disengaged spectator”), who sees the world as a mere theatre, often insipid, where characters without real substance move about and gesticulate. The Baudelairian dandy has a bit of a taste for provocation, but it remains confined, in most cases, by irony. These later exaggerations, often mistaken for expressions of dandyism, do not correspond to the attitudes of Brummell, Baudelaire, or Jünger.

Thus Stefan George, in spite of the great interest of his poetic work, pushes aestheticism to the point of self-parody. For George, it is a small price to pay in an era when the “loss of every happy medium” becomes the rule. (Hans Sedlmayr explained this loss of the “happy medium” quite clearly in a famous book on contemporary art, Verlust der Mitte.) Sedlmayr clarifies this urge to seek the “piquant.” George found it in the revival of classical Greece.

Oscar Wilde ultimately put only himself on stage, proclaiming himself “aesthetic reformer.” Art, from his point of view, is nothing more than a space of contestation destined ultimately to absorb all social reality, becoming the only true reality. The economic, social, and political spheres are devalued; Wilde denies them all substantiality, reality, concreteness. If Brummell retained an entirely sober taste, if he kept his head on his shoulders, Oscar Wilde posed from the start as a demigod, wore extravagant clothing, with loud colors, a bit like the Incroyables and the Merveilleuses of the French Revolution. A provocateur, he also started a negative process of “feminization/ devirilisation,” walking through the streets with flowers in his hand. One can regard it as a precursor of today’s “gay pride” parades. His poses are pure theatre, far removed from Brummell’s tranquil feeling of superiority, of virile dignity, of “nil admirari.”

Oscar Wilde, 1854–1900

Self-Satisfaction & the Expansion of the “Ego”

For Otto Mann, this quotation from Wilde is emblematic:

The gods had given me almost everything. I had genius, a distinguished name, high social position, brilliancy, intellectual daring: I made art a philosophy, and philosophy an art: I altered the minds of men and the colours of things: there was nothing I said or did that did not make people wonder: I took the drama, the most objective form known to art, and made it as personal a mode of expression as the lyric or the sonnet, at the same time that I widened its range and enriched its characterisation: drama, novel, poem in rhyme, poem in prose, subtle or fantastic dialogue, whatever I touched I made beautiful in a new mode of beauty: to truth itself I gave what is false no less than what is true as its rightful province, and showed that the false and the true are merely forms of intellectual existence. I treated Art as the supreme reality, and life as a mere mode of fiction: I awoke the imagination of my century so that it created myth and legend around me: I summed up all systems in a phrase, and all existence in an epigram. Along with these things I had things that were different. (De Profundis)

The patent self-satisfaction, the expansion of the “ego,” reach the point of mystification.

These exaggerations kept growing, even in the orbit of the stoic virility dear to Montherlant. He too strikes exaggerated poses: as practitioner of an extremely ostentatious bullfighting, being photographed wearing the mask of a Roman Emperor, etc. Lesser followers risk falling into flashy “lookism” and bad taste, formalizing to the extreme the attitudes or postures of the poet or the writer. In any case, they are not a solution to the phenomenon of decadence.

As regards dandyism, the only way out is to return calmly to Brummell himself, before he sank under financial vexations. Because this return to Brummell is equivalent, if one remembers the earlier exhortations of Addison and Steele, to a more modern—more civil and perhaps more trivial—form of paideia or humanitas. But, trivial or not, these values would be still be maintained, would continue to exist and shape minds.

This mix of good sense and the dandy aesthetic would make it possible to pursue a practical political objective: to defend the school in the classical sense of the term, to increase its power to transmit the legacy of Hellenic and Roman antiquity, to envisage a new and effective pedagogy, which would mix the idealism of Schiller, traditional methods, and the methods inspired by Pestalozzi.

 

Pierre Drieu la Rochelle, 1893–1945

Return to Religion or “Unhappy Consciousness”?

The figure of the dandy must thus be put back in the context of the 18th century, when the ideals and classical models of traditional Europe were being battered and destroyed under the butcher’s blows of leveling modernity. The substance of religion—whether Christian or pre-Christian under Christian varnish—becomes hollow and exhausted. The Moderns take the place of the Ancients.  This process led inevitably to an existential crisis throughout European civilization.

Two paths are available to those who try to escape this sad destiny: (1) The return to religion or tradition, important paths that are not our topic today, to the extent that it represents an extremely vast continent of thought, deserving a complete seminar to itself. (2) To cultivate what the Romantics called Weltschmerz, the pain caused by a disenchanted world, which amounts to assuming an attitude of permanent critique toward the manifestations of modernity, developing an unhappy consciousness that generates a self-marginalizing culture where the political spirit can formulate an opposition to the mainstream.

For the dandy and the Romantic who oscillate between the return to religion and the feeling of Weltschmerz, the latter is most deeply felt. In the interiority of the poet or the artist this feeling will mature, grow, develop. To the point of becoming immune to the power of the unhappy consciousness to cause both languid and violent emotions. In the end, the dandy must become a cold and impartial observer in control of his feelings and emotions. If his blood boils at “economic horrors” it must quickly cool, leading to impassiveness, if he is to be able to face them effectively. The dandy who underwent this process thus reached a double impassibility: nothing external can shake him any longer; but neither can any interior emotion.

Pierre Drieu La Rochelle was never able to arrive at such a balance, which gives a very peculiar and seductive note to his work, quite simply because it reveals this process underway, with all its eddies, calms, and advances. Drieu suffers from the world, is tested on the front lines, is seduced by the discipline and “metallic” aspects of “immense and red” Fascism, on the march in his time, mentally accepts the same discipline in the Communists and Stalinists, but never really becomes a “cold and impartial observer” (Benjamin Constant). The work of Drieu La Rochelle is justly immortal because it reveals this permanent tension, this fear to falling into the ruts of a barren emotion, this joy at seeing vigorous alternatives to modern torpor, like Fascism or the satire of Doriot.

 

Ernst Jünger, 1895–1998

Strengthening Mind & Character

In short, the deconstruction of the ideas of ancient paideia and the deliquescence of immemorial religious substantialities beginning at the end of the 18th century, is equivalent to an existential crisis throughout all Western countries. The response of intelligence to this crisis is double: either it calls for a return to religion or it causes a deeply rooted pain in the depths of the soul, the famous Weltschmerz of the Romantics.

Weltschmerz is felt in the deepest interiority of the man who faces this crisis, but it is also in his interiority that he works silently to rise above this pain, to make it the material from which he forges the answer and alternative to this terrible loss of substantiality that is presided over by a deleterious economicism. It is thus necessary to harden the mind and character against the pangs entailed by the loss of substantiality without inventing out of whole cloth a rather lame substitute for what has been lost.

Baudelaire and Wilde think, each in his own way, that art will offer an alternative to the old substantialities that is almost identical in all ways but more flexible and moving. But in this case, art need not be understood as simple aestheticism. The toughening of the mind and character must serve to combat the ambient economicism, to fight against those who incarnate it, accept it, and puts their energies in its service. This toughness must be used as the firm moral and psychological base of the ideals of political and metapolitical struggle.

This toughness must be the carapace of what Evola called the “differentiated man,” he who “rides the tiger,” who wanders, unperturbed and imperturbable, “among the ruins,” the one Jünger called the “Anarch.” “The differentiated man who rides the tiger among the ruins” or the “Anarch” are described as impartial, impassive observers. These tough, differentiated men rise above two kinds of obstacles: external obstacles and those generated from their own interiority. That is to say, the impediments posed by inferior men and the weaknesses of a soul in distress.

Chandala Figures of Decadence

The existential crisis that began around the middle of the 18th century led to nihilism, quite judiciously defined by Nietzsche as an “exhaustion of life,” as a “devaluation of the highest values,” which is often expressed by a frantic agitation and the inability to really enjoy leisure, an agitation that accelerates the process of exhaustion.

The abstraction of existence is the clear indication that our “societies” no longer constitute “bodies” but, as Nietzsche says, mere “conglomerates of Chandalas,” in whom nervous and psychological maladies accumulate, a sign that the defensive power of strong natures is no more than a memory. It is precisely this “defensive power” that the “differentiated” man must—at the end of his search for traditional mysteries—reconstitute in himself.

Nietzsche very clearly enumerates the vices of the Chandala, the emblematic figure of European decadence, resulting from the existential crisis and nihilism: the Chandala suffers various pathologies: an increase in criminality, generalized celibacy and voluntary sterility, hysteria, constant weakening of the will, alcoholism (and various drug addictions as well), systematic doubt, a methodical and relentless destruction of any residue of strength.

Among the Chandala figures of decadence and nihilism, Nietzsche includes those he calls “official nomads” (Staatsnomaden), who are civil servants without real fatherlands, servants of the “cold monster,” with abstract minds that, consequently, generate always more abstractions, whose parasitic existence generates, by their appalling but persistent sluggishness, the decline of families, in a environment made of contradictory and crumbling diversities, where one finds the “discipline” (Züchtung) of characters to serve the abstractions of the cold monster—a generalized lubricity in the form of irritability and as the expression of an insatiable and compensatory need for stimuli and excitations—neuroses of all types—political “presentism” (Augenblickdienerei) in which long memory, deep perspectives, or a natural and instinctive sense for the right no longer prevail—pathological sensitiveness—barren doubts proceeding of a morbid fear of the unyielding forces that made and will still make history/power—a fear of mastering reality, of seizing the tangible things of this world.

Victor Segalen, 1878–1919

Victor Segalen, 1878–1919

Victor Segalen in Oceania, Ernst Jünger in Africa

In this complex of frigidity, of agitated opposition to change, barren frenzies, and neuroses, one primary response to nihilism is to exalt and concretize the principle of adventure, in which the protester will leave the bourgeois world, with its tissue of artifices, moving towards virgin spaces that are intact, authentic, open, mysterious.

Gauguin left for the Pacific Islands.

Victor Segalen, in his turn, praises primordial Oceania and imperial China perishing under the blows of the Westernization. Segalen remains Breton, according to what he calls the “return to the ancestral marrow,” denounces the invasion of Tahiti by the “American romantics,” these “filthy parasites,” writes an “Essay on Exoticism” and “An Aesthetics of the Different.” The rejection of bits and pieces without much of a past cost Segalen an unjustified ostracism in his fatherland. From our point of view, he is an author worth rediscovering.

The young Jünger, still in adolescence, dreamed of Africa, the continent of elephants and other fabulous creatures, where spaces and landscapes are not ravaged by industrialization, where nature and indigenous people preserved a formidable purity, where everything was still possible. The young Jünger joined the French Foreign Legion to realize this dream, to be able to land on this new continent, glutted with mysteries and vitality.

The year 1914 gave him, and his whole generation, a chance to abandon an enervating existence. In the same vein, Drieu La Rochelle spoke of the élan of Charleroi. And later, Malraux, of “Royal roads.”

On the “left” (in so far as this political distinction has any meaning), one instead speaks of “engagement.” This enthusiasm was especially apparent at the time of the Spanish Civil War, where Hemingway, Orwell, Koestler, and Simone Weil joined the Republicans, and Roy Campbell the Nationalists, who were also lauded by Robert Brasillach.

The adventure and engagement, in the uniform of a soldier of the phalangist militia, in the ranks of the international brigades or the partisans, are perceived as antidotes to the hyperformalism of a colorless civilian life. “I was tired of civilian life, therefore I joined the IRA,” goes the Irish nationalist song, which, in its particular context, proclaims, with a jaunty tune, this great existentialist uprising of the early 20th century with all the ease, vivacity, rhythm, and humor of Green Éire.

Intoxication? Drugs? Amoralism?

But if political or military commitment fulfills the spiritual needs of those those who are bored by the unrelieved formalism of civilian life without traditional balance, the rejection of all formalism can lead to other less positive attitudes. The dandy, who departs from the balanced pose of Brummell or the delicately crafted criticism of Baudelaire, will want to experience ever new excitations, merely for the sterile pleasure of trying them.

Drugs, drug-addiction, the excessive consumption of alcohol constitute possible escapes: the romantic figure created by Huysmans, Des Esseintes, fled to liquor. Thomas De Quincey evoked “The Opiumeaters.” Baudelaire himself tried opium and hashish.

Falling into drug-addiction is explained by the closing of the world, after the colonization of Africa and other virgin territories; real, dangerous adventure is no longer possible there. War, tested by Jünger around the same time as “drugs and intoxications,” lost its attraction because the figure of the warrior becomes an anachronism as wars are excessively professionalized, mechanized, and technologized.

Amorality and anti-moralism are more dead-ends. Oscar Wilde frequented sleazy bars, ostentatiously flaunting his homosexuality. His character Dorian Gray becomes a criminal in order to press his transgressions ever further, with a pitiful sort of hubris. One might also recall Montherlant’s painful end and keep in mind his dubious heritage, continued to this day by his executor, Gabriel Matzneff, whose literary style is certainly quite brilliant but in whose wake the saddest scenarios unfold, carried on in secret, in closed circles, all the more perverse and ridiculous since the sexual revolutuion of the 1960s also allows enjoyment without petty moralism of many strong pleasures.

These drugs, transgressions, and sex-crazed buffooneries, are just so many existential traps and cul-de-sacs where unfortunates ruin themselves in search of their “spiritual needs.” They wish to “transgress,” but this, to the ironical observer, is nothing more than a sad sign of wasted lives, the absence of real vitality, and sexual frustrations due to defects or physical infirmities. Certainly, one cannot “ride the tiger”—indeed it would be hard to find one—in the salons where the old fop Matzneff lets drop tidbits of his sexual encounters to his creepy little admirers.

 

Frithjof Schuon, 1907–1998

Religious Asceticism

The true alternative to the bourgeois world of “little jobs” and “petty calculations” mocked by Hannah Arendt, in a world now closed, where adventures and discoveries are henceforth nothing but repetitions, where war is “high tech” and no longer chivalrous, lies in religious asceticism, in a certain return to the monarchism of meditation, in the return to Tradition (Evola, Guénon, Schuon). Drieu La Rochelle evokes this path in his “Journal,” after his political disappointments, and gives an account of his reading of Guénon.

The Schuon brothers are exemplary in this context: Frithjof joined the Foreign Legion, surveyed the Sahara, made the acquaintance of the Sufis and the marabouts of the desert and the Atlas Mountains, adhered to an Isamized Sufi mysticism, then went to the Sioux Indian reservations in the United States, and left a stunning and astounding body of pictorial work.

His brother, named “Father Galle,” surveyed the Indian reservations of North America, translated the Gospels into the Sioux language, withdrew to a Trappist monastery in Walloonia, where he trained young horses Indian-style, met Hergé, and became friends with him.

Their lives prove that adventure and total escape from the artificial and corrupting world of the Westernization (Zinoviev) remains possible and fruitful.

For the rebellion is legitimate, if one does not fall into the traps.

Contribution to the “SYNERGON-Deutschland” seminar, Lower Saxony, May 6, 2001.

http://www.voxnr.com/cc/dt_autres/EEukZAVyyutLZaTvmX.shtml

vendredi, 27 août 2010

Right-Wing Anarchism

Right-Wing Anarchism

Ex: http://www.counter-currents.com/

d-Louis-Ferdinand-Celine.jpgThe concept of right-wing anarchism seems paradoxical, indeed oxymoronic, starting from the assumption that all “right-wing” political viewpoints include a particularly high evaluation of the principle of order. . . . In fact right-wing anarchism occurs only in exceptional circumstances, when the hitherto veiled affinity between anarchism and conservatism may become apparent.

Ernst Jünger has characterised this peculiar connection in his book Der Weltstaat (1960): “The anarchist in his purest form is he, whose memory goes back the farthest: to pre-historical, even pre-mythical times; and who believes, that man at that time fulfilled his true purpose . . . In this sense the anarchist is the Ur-conservative, who traces the health and the disease of society back to the root.” Jünger later called this kind of “Prussian” . . . or “conservative anarchist” the “Anarch,” and referred his own “désinvolture” as agreeing therewith: an extreme aloofness, which nourishes itself and risks itself in the borderline situations, but only stands in an observational relationship to the world, as all instances of true order are dissolving and an “organic construction” is not yet, or no longer, possible.

Even though Jünger himself was immediately influenced by the reading of Max Stirner, the affinity of such a thought-complex to dandyism is particularly clear. In the dandy, the culture of decadence at the end of the 19th century brought forth a character, which on the one hand was nihilistic and ennuyé, on the other hand offered the cult of the heroic and vitalism as an alternative to progressive ideals.

The refusal of current ethical hierarchies, the readiness to be “unfit, in the deepest sense of the word, to live” (Flaubert), reveal the dandy’s common points of reference with anarchism; his studied emotional coldness, his pride, and his appreciation of fine tailoring and manners, as well as the claim to constitute “a new kind of aristocracy” (Charles Baudelaire), represent the proximity of the dandy to the political right. To this add the tendency of politically inclined dandies to declare a partiality to the Conservative Revolution or to its forerunners, as for instance Maurice Barrès in France, Gabriele d’Annunzio in Italy, Stefan George or Arthur Moeller van den Bruck in Germany. The Japanese author Yukio Mishima belongs to the later followers of this tendency.

Besides this tradition of right-wing anarchism, there has existed another, older and largely independent tendency, connected with specifically French circumstances. Here, at the end of the 18th century, in the later stages of the ancien régime, formed an anarchisme de droite, whose protagonists claimed for themselves a position “beyond good and evil,” a will to live “like the gods,” and who recognized no moral values beyond personal honor and courage. The world-view of these libertines was intimately connected with an aggressive atheism and a pessimistic philosophy of history. Men like Brantôme, Montluc, Béroalde de Verville, and Vauquelin de La Fresnaye held absolutism to be a commodity that regrettably opposed the principles of the old feudal system, and that only served the people’s desire for welfare. Attitudes, which in the 19th century were again to be found with Arthur de Gobineau and Léon Bloy, and also in the 20th century with Georges Bernanos, Henry de Montherlant, and Louis-Ferdinand Céline. This position also appeared in a specifically “traditionalist” version with Julius Evola, whose thinking revolved around the “absolute individual.”

In whichever form right-wing anarchism appears, it is always driven by a feeling of decadence, by a distaste for the age of masses and for intellectual conformism. The relation to the political is not uniform; however, not rarely does the aloofness revolve into activism. Any further unity is negated already by the highly desired individualism of right-wing anarchists. Nota bene, the term is sometimes adopted by men–for instance George Orwell (Tory anarchist) or Philippe Ariès–who do not exhibit relevant signs of a right-wing anarchist ideology; while others, who objectively exhibit these criteria–for instance Nicolás Gómez Dávila or Günter Maschke–do not make use of the concept.

Bibliography

Gruenter, Rainer. “Formen des Dandysmus: Eine problemgeschichtliche Studie über Ernst Jünger.” Euphorion 46 (1952) 3, pp. 170-201.
Kaltenbrunner, Gerd-Klaus, ed. Antichristliche Konservative: Religionskritik von rechts. Freiburg: Herder, 1982.
Kunnas, Tarmo. “Literatur und Faschismus.” Criticón 3 (1972) 14, pp. 269-74.
Mann, Otto. “Dandysmus als konservative Lebensform.” In Gerd-Klaus Kaltenbrunner, ed., Konservatismus international, Stuttgart, 1973, pp. 156-70.
Mohler, Armin. “Autorenporträt in memoriam: Henry de Montherlant und Lucien Rebatet.” Criticón 3 (1972) 14, pp. 240-42.
Richard, François. L’anarchisme de droite dans la littérature contemporaine. Paris: PUF, 1988.
______. Les anarchistes de droite. Paris: Presses universitaires de France, 1997.
Schwarz, Hans Peter. Der konservative Anarchist: Politik und Zeitkritik Ernst Jüngers. Freiburg im Breisgan, 1962.
Sydow, Eckart von. Die Kultur der Dekadenz. Dresden, 1921.

Karlheinz Weißman, “Anarchismus von rechts,” Lexikon des Konservatismus, ed. Caspar von Schrenck-Notzing (Graz and Stuttgart: Leopold Stocker Verlag, 1996). Translator anonymous. From Attack the System, June 6, 2010, http://attackthesystem.com/2010/06/right-wing-anarchism/

jeudi, 26 août 2010

Leadership & the Vital Order

Leadership & the Vital Order:
Selected Aphorisms by Hans Prinzhorn, Ph.D., M.D.

Translated and edited by Joseph D. Pryce

370.jpgThe enduring fame of German psychotherapist Hans Prinzhorn (1886–1933) is based almost entirely upon one book, Bildnerei der Geisteskranken (Artistry of the mentally ill), that brilliant and quite unprecedented monograph on the artistic productions of the mentally ill, which appeared in 1922. Sadly, it is too often forgotten that Hans Prinzhorn was the most brilliant and independent disciple of Germany’s greatest 20th-Century philosopher, Ludwig Klages (1872–1956).

Although Prinzhorn himself would have protested against the oblivion into which his mentor’s life’s work has fallen, it is a fact that Prinzhorn is still a major presence in the technical literature, whilst his hero, paradoxically, has been “killed by silence.” One should be thankful for even the smallest mercies.

Prinzhorn is even now a not inconsiderable presence in the field that he made his own, and he will remain a major figure, albeit a controversial one, in the field of psychology, as long as his discoveries are cherished and his insights developed as a living heritage by those who recognize, and are willing to repay, at least some small portion of the debt that scholarship still owes to his memory.

Humanitarian Demagogues, Egalitarian Rabble. Whether today’s mechanistic and atomistic experiments with human beings originated in the Orient or in the Occident, the result is always the same: the tyranny of a clique in the name of the equality of all. And it is from this very tendency that the fantastic pipe dream of human individuals being reduced to the status of mere numbers arises. This wishful thinking is a symptom of the nihilistic Will to Power that conceals its true nature behind the cloak of such humanitarian ideals as humility, solicitude for the weak, the awakening of the oppressed masses, the plans for universal happiness, and the fever-swamp vision of perpetual progress. All of these lunatic projects invariably result in a demagogic assault on the part of the inferior rabble against the nobler type of human being. These mad projects, it need hardly be said, are always concocted in the name of “humanity,” in spite of the fact that decades earlier Nietzsche had conclusively demonstrated that it was the ressentiment, or “life-envy,” of those who feel themselves to be oppressed by fate that was at the root of all such tendencies. Indeed, it is even now quite difficult for the select few who have no wish to enroll themselves among the oppressed mob to understand the realities of their situation!

The Goals of Socialism. When we set our goals in the direction of socialism, whether in the sphere of politics, of welfare work, or of the ideal community, the fanaticism that inspires the socialist is customarily tinged with Christianity. Thus the socialist urges the citizen to progress from wicked egoism to a more social attitude. Even when we ignore the social, religious, or political nature of the ideologue’s desiderata, there is one positive aspect to this development, for socialism at least directs our attention away from the tyrannical ego and towards the world that surrounds us, thus calling upon the only one of socialism’s fundamental motives that we can regard as positive and biologically sensible.

Characterological Truth vs. Psychoanalytical Error. The most extensive, pleasant, and (one might even say) amusing effects wrought by the application of the psychoanalytic treatment depended on the fact that the most wretched and feeble blockhead was now able to convince himself that he was equal to Goethe in that the instincts that played so decisive a role in the cretin’s development were identical with those that were operative in the case of Goethe, and it was only a malicious practical joke on the part of Destiny that permitted Goethe to find in poetry a congenial sublimation of his sexuality.

The Psychopath and the Revolution. We can hold out no hope whatever for the successful creation of the sort of community that is constructed by ideologists on the basis of purely rational considerations, for the projects that are hatched out in the mind of the rationalist are most definitely not analogous to the development of living forms in nature, no matter how often the contrary position has been proclaimed by false prophets. Thus, the delusive hopes that are cherished for the successful implementation of the simple-minded schemes of our socialist and humanitarian ideologists must fail in the future as they have always failed in the past. The only tangible result of these schemes has been to intoxicate the isolated psychopath with an egalitarian frenzy, from which his tormented ego awakens, more desperate than ever, in order to plunge once again, with ever-increasing violence, into his political ecstasies, into bellowing his eulogies to those nameless “masses” who are so dear to the ideologue that he has appointed them to be the sole beneficiaries of his activism, now that he has been made sufficiently mad by a nebulous and insatiable longing for “liberation.” But the “sham” anonymity, which functions effectively as the cloak for politicians who pretend to act in the name of “the masses,” can only benefit clever, robust, and willful politicians, such as those who rule the Soviet Union; the real psychopath, on the other hand, who often possesses a taste for novel sensations and who, perhaps, may also be seeking personal publicity, will never be able to conform to the prescriptions of such an icy, strict self-discipline. As a result, he “breaks out,” and is soon overwhelmed by calamities from which he thinks he can only escape by resorting to even more violent attempts to achieve “liberation.” From the standpoint of psychology, the history of revolutions is very helpful to those who wish to increase their understanding of the “everyday” behavior—as well as the political actions—of his fellow human beings, not least to the physician who seeks enlightenment as to the nature of the motivations that drive men to perform violent deeds in situations to which they lend the halo of freedom, equality, and fraternity.

Heredity as Destiny (and Tabula Rasa as Sheer Nonsense). The life-curve of an individual’s development is a single event, which arrays itself along the lines of irrevocable changes. Strictly speaking, therefore, every occurrence, no matter how insignificant, involves an irrevocable change: in life nothing can be reversed, nothing repudiated, nothing ventured without an attendant responsibility, nothing can be annihilated: that formula constitutes the biological basis of destiny. Just as the individual must accept his biological heritage as a whole, whether he likes it or not, in precisely the same fashion must he accept the pre-ordained pattern of obscure rhythms transpiring within him.

Today we have become tragically unconcerned with our biological destiny, to say nothing of the fact that we refuse to feel the slightest reverence to the sphere of life, to which we owe everything. …That very attitude accounts for the success that has greeted the claims advanced by Alfred Adler and his followers, who advance the dogma that the hitherto customary views on heredity are fundamentally false, since man is born as a tabula rasa whereon his environment makes impressions that, by means of education, one can direct at will, and according to the capacity of that will, toward any desired goal. Adler compounds his felony by claiming that there is no such thing as inborn talent or traits of disposition. …

It would be impossible to reject the principles of biological theory more absolutely than Adler and his cohorts have done. Even that which we understand by the old, almost obsolescent name of “temperament”—that which represents the sum-total of the somatically connected, permanent tendencies of an individual—even this link between the purely psychological and the purely somatic view is repudiated by Adler in his grotesquely teleological and hyper-rationalist construction. … Since there is no biological basis whatsoever for his stupendous assertions, one must seek for such a basis in another sphere, viz., the author’s ideology. Sure enough, we learn that Adler is a fanatical believer in the coming Utopia of socialism, and, as we all recognize, no Utopia can prosper until a faceless equality of disposition has been forced upon every individual by the ideological zealots who will run the show. Therefore I denounce the politically tendentious World-View that Adler and his apostles put forward as “science,” for it is a perfect example of nihilism passing itself off as scholarship, and no cloak of pedantic and prudent caution can hide the fact.

Genetic Endowment and Environmental Conditioning. Upon his entry into individual existence, the human being’s development as a psychosomatic creature is determined as regards substance, capacity for expansion, and direction, in the first place by his genetic endowment as a whole; in the second place by his pre-natal environment; and lastly by the circumstances of his birth. That almost all the active factors rise and fall in varying phases, makes a rational interpretation and estimate of the state of things at any given moment impossible in the strictest sense of that word.

But the fact that such an admission of the difficulties that arise due to methodological limitations is exploited by false prophets in order to deceive the world as to the real nature of biological facts—usually in order to breathe some life into the defunct heresy of the infant born as a tabula rasa—is either a sad indication of their childish mentality or additional evidence that they are indulging their ideological proclivities in the wrong place. What Goethe described as “the law under which you entered the world,” what Kant, Schopenhauer, and others called the “intelligible character,” is the first unavoidable actuality that we must accept as the destiny of our being, and as the starting-point of all investigation and thinking that relates to the human being. All experience and all reasonable thinking drives us back to this basic fact.

The Occidental Observer, August 8, 2010, http://www.theoccidentalobserver.net/authors/Pryce-Prinzhorn.html

Joseph Pryce (email him) is a writer and poet and translator from New York. He is author of the collection of mystical poems Mansions of Irkalla, reviewed here. His translation of the German philosopher Ludwig Klages’ work will be published shortly.

mercredi, 25 août 2010

Spengler: Criticism & Tribute

Spengler: Criticism & Tribute

Ex: http://www.counter-currents.com/

Editor’s Note:

Oswald Spengler’s Man and Technics and Revilo Oliver’s America’s Decline: The Education of a Conservative and The Origins of Christianity are available for purchase on this website.

RPO_63smism.jpgConceived before the First World War is Oswald Spengler’s magisterial work, Der Untergang des Abendlandes (Munich, 1918). Read in this country chiefly in the brilliantly faithful translation by Charles Francis Atkinson, The Decline of the West (New York, two volumes, 1926-28), Spengler’s morphology of history was the great intellectual achievement of our century. Whatever our opinion of his methods or conclusions, we cannot deny that he was the Copernicus of historionomy. All subsequent writings on the philosophy of history may fairly be described as criticism of the Decline of the West.

Spengler, having formulated a universal history, undertook an analysis of the forces operating in the immediately contemporary world. This he set forth in a masterly work, Die Jahre der Entscheidung, of which only the first volume could be published in Germany (Munich, 1933) and translated into English (The Hour of Decision, New York, 1934). One had only to read this brilliant work, with its lucid analysis of forces that even acute observers did not perceive until 25 or 30 years later, and with its prevision that subsequent events have now shown to have been absolutely correct, to recognize that its author was one of the great political and philosophical minds of the West. One should remember, however, that the amazing accuracy of his analysis of the contemporary situation does not necessarily prove the validity of his historical morphology.

The publication of Spengler’s first volume in 1918 released a spate of controversy that continues to the present day. Manfred Schroeter in Der Streit um Spengler (Munich, 1922) was able to give a précis of the critiques that had appeared in a little more than three years; today, a mere bibliography, if reasonably complete, would take years to compile and would probably run to eight hundred or a thousand printed pages.

Spengler naturally stirred up swarms of nit-wits, who were particularly incensed by his immoral and preposterous suggestion that there could be another war in Europe, when everybody knew that there just couldn’t be anything but World Peace after 1918, ’cause Santa had just brought a nice, new, shiny “League of Nations.” Such “liberal” chatterboxes are always making a noise, but no one with the slightest knowledge of human history pays any attention to them, except as symptoms.

Unfortunately, much more intelligent criticism of Spengler was motivated by emotional dissatisfaction with his conclusions. In an article in Antiquity for 1927, the learned R. G. Collingwood of Oxford went so far as to claim that Spengler’s two volumes had not given him “a single genuinely new idea,” and that he had “long ago carried out for himself” — and, of course, rejected — even Spengler’s detailed analyses of individual cultures. As a cursory glance at Spengler’s work will suffice to show, that assertion is less plausible than a claim to know everything contained in the Twelfth Edition of the Encyclopaedia Britannica. Collingwood, the author of the Speculum Mentis and other philosophical works, must have been bedeviled with emotional resentments so strong that he could not see how conceited, arrogant, and improbable his vaunt would seem to most readers.

It is now a truism that Spengler’s “pessimism” and “fatalism” was an unbearable shock to minds nurtured in the nineteenth-century illusion that everything would get better and better forever and ever. Spengler’s cyclic interpretation of history stated that a civilization was an organism having a definite and fixed life-span and moving from infancy to senescence and death by an internal necessity comparable to the biological necessity that decrees the development of the human organism from infantile imbecility to senile decrepitude. Napoleon, for example, was the counterpart of Alexander in the ancient world.

We were now, therefore, in a phase of civilizational life in which constitutional forms are supplanted by the prestige of individuals. By 2000, we shall be “contemporary” with the Rome of Sulla, the Egypt of the Eighteenth Dynasty, and China at the time when the “Contending States” were welded into an empire. That means that we face an age of world wars and what is worse, civil wars and proscriptions, and that around 2060 the West (if not destroyed by its alien enemies) will be united under the personal rule of a Caesar or Augustus. That is not a pleasant prospect.

Oswald Spengler, 1880 - 1936

The only question before us, however, is whether Spengler is correct in his analysis. Rational men will regard as irrelevant the fact that his conclusions are not charming. If a physician informs you that you have symptoms of arteriosclerosis, he may or may not be right in his diagnosis, but it is absolutely certain that you cannot rejuvenate yourself by slapping his face.

Every detached observer of our times, I think, will agree that Spengler’s “pessimism” aroused emotions that precluded rational consideration. I am inclined to believe that the moral level of his thinking was a greater obstacle. His “fatalism” was not the comforting kind that permits men to throw up their hands and eschew responsibilities. Consider, for example, the concluding lines of his Man and Technics (New York, 1932):

Already the danger is so great, for every individual, every class, every people, that to cherish any illusion whatever is deplorable. Time does not suffer itself to be halted; there is no question of prudent retreat or wise renunciation. Only dreamers believe that there is a way out. Optimism is cowardice.

We are born into this time and must bravely follow the path to the destined end. There is no other way. Our duty is to hold on to the lost position, without hope, without rescue, like that Roman soldier whose bones were found in front of a door in Pompeii, who, during the eruption of Vesuvius, died at his post because they forgot to relieve him. That is greatness. That is what it means to be a thoroughbred. The honorable end is the one thing that can not be taken from a man.

Now, whether or not the stern prognostication that lies back of that conclusion is correct, no man fit to live in the present can read those lines without feeling his heart lifted by the great ethos of a noble culture — the spiritual strength of the West that can know tragedy and be unafraid. And simultaneously, that pronouncement will affright to hysteria the epicene homunculi among us, the puling cowards who hope only to scuttle about safely in the darkness and to batten on the decay of a culture infinitely beyond their comprehension.

That contrast is in itself a very significant datum for an estimate of the present condition of our civilization …

Three Points of Criticism

Criticism of Spengler, therefore, if it is not to seem mere quibbling about details, must deal with major premises. Now, so far as I can see, Spengler’s thesis can be challenged at three really fundamental points, namely: (1) Spengler regards each civilization as a closed and isolated entity animated by a dominant idea, or Weltanschauung, that is its “soul.” Why should ideas, or concepts, the impalpable creations of the human mind, undergo an organic evolution as though they were living protoplasm, which, as a material substance, is understandably subject to chemical change and hence biological laws? This logical objection is not conclusive: Men may observe the tides, for example, and even predict them, without being able to explain what causes them. But when we must deduce historical laws from the four of five civilizations of which we have some fairly accurate knowledge, we do not have enough repetitions of a phenomenon to calculate its periodicity with assurance, if we do not know why it happens.

(2) A far graver difficulty arises from the historical fact that we have already mentioned. For five centuries, at least, the men of the West regarded modern civilization as a revival or prolongation of Graeco-Roman antiquity. Spengler, as the very basis of his hypothesis, regards the Classical world as a civilization distinct from, and alien to, our own — a civilization that, like the Egyptian, lived, died, and is now gone. It was dominated by an entirely different Weltanschauung, and consequently the educated men of Europe and America, who for five centuries believed in continuity, were merely suffering from an illusion or hallucination.

Even if we grant that, however, we are still confronted by a unique historical phenomenon. The Egyptian, Babylonian, Chinese, Hindu, and Arabian (“Magian”), civilizations are all regarded by Spengler (and other proponents of an organic structure of culture) as single and unrelated organisms: Each came into being without deriving its concepts from another civilization (or, alternatively, seeing its own concepts in the records of an earlier civilization), and each died leaving no offspring (or, alternatively, no subsequent civilization thought to see in them its own concepts). There is simply no parallel or precedent for the relationship (real or imaginary) which links Graeco-Roman culture to our own.

Since Spengler wrote, a great historical discovery has further complicated the question. We now know that the Mycenaean peoples were Greeks, and it is virtually certain that the essentials of their culture survived the disintegration caused by the Dorian invasion, and were the basis of later Greek culture. (For a good summary, see Leonard R. Palmer, Mycenaeans and Minoans, London, 1961). We therefore have a sequence that is, so far as we know, unique:

Mycenaean>Dark Ages>Graeco-Roman>Dark Ages>Modern.

If this is one civilization, it has had a creative life-span far longer than that of any other that has thus far appeared in the world. If it is more than one, the interrelations form an exception to Spengler’s general law, and suggest the possibility that a civilization, if it dies by some kind of quasi-biological process, may in some cases have a quasi-biological power of reproduction.

oswald_spengler_4.jpgThe exception becomes even more remarkable if we, unlike Spengler, regard as fundamentally important the concept of self-government, which may have been present even in Mycenaean times (see L. R. Palmer, Mycenaeans and Minoans, cited above, p. 97). Democracies and constitutional republics are found only in the Graeco-Roman world and our own; such institutions seem to have been incomprehensible to other cultures.

(3) For all practical purposes, Spengler ignores hereditary and racial differences. He even uses the word “race” to represent a qualitative difference between members of what we should call the same race, and he denies that that difference is to any significant extent caused by heredity. He regards biological races as plastic and mutable, even in their physical characteristics, under the influence of geographical factors (including the soil, which is said to affect the physical organism through food) and of what Spengler terms “a mysterious cosmic force” that has nothing to do with biology. The only real unity is cultural, that is, the fundamental ideas and beliefs shared by the peoples who form a civilization. Thus Spengler, who makes those ideas subject to quasi-biological growth and decay, oddly rejects as insignificant the findings of biological science concerning living organisms.

It is true, of course, that man is in part a spiritual being. Of that, persons who have a religious faith need no assurance. Others, unless they are determined blindly to deny the evidence before us, must admit the existence of phenomena of the kind described by Franz E. Winkler, M.D., in Man: The Bridge Between Two Worlds (New York, Harper, 1960), and, of course, by many other writers. And every historian knows that no one of the higher cultures could conceivably have come into being, if human beings are merely animals.

But it is also true that the science of genetics, founded by Father Mendel only a century ago and almost totally neglected down to the early years of the Twentieth Century, has ascertained biological laws that can be denied only by denying the reality of the physical world. Every educated person knows that the color of a man’s eyes, the shape of the lobes of his ears, and every one of his other physiological characteristics is determined by hereditary factors. It is virtually certain that intellectual capacity is likewise produced by inheritance, and there is a fair amount of evidence that indicated that even moral capacities are likewise innate.

Man’s power of intervention in the development of inherited qualities appears to be entirely negative, thus affording another melancholy proof that human ingenuity can easily destroy what it can never create. Any fool with a knife can in three minutes make the most beautiful woman forever hideous, and one of our “mental health experts,” even without using a knife, can as quickly and permanently destroy the finest intellect. And it appears that less drastic interventions, through education and other control of environment, may temporarily or even permanently pervert and deform, but are powerless to create capacities that an individual did not inherit from near or more remote ancestors.

The facts are beyond question, although the Secret Police in Soviet Russia and “liberal” spitting-squads in the United States have largely succeeded in keeping these facts from the general public in the areas they control. But no amount of terrorism can alter the laws of nature. For a readable exposition of genetics, see Garrett Hardin’s Nature and Man’s Fate (New York, Rinehart, 1959), which is subject only to the reservation that the laws of genetics, like the laws of chemistry, are verified by observation every day, whereas the doctrine of biological evolution is necessarily an hypothesis that cannot be verified by experiment.

The Race Factor

It is also beyond question that the races of mankind differ greatly in physical appearance, in susceptibility to specific diseases, and in average intellectual capacity. There are indications that they differ also in nervous organization, and possibly, in moral instincts. It would be a miracle if that were not so, for, as is well known, the three primary races were distinct and separate at the time that intelligent men first appeared on this planet, and have so remained ever since. The differences are so pronounced and stable that the proponents of biological evolution are finding it more and more necessary to postulate that the differences go back to species that preceded the appearance of the homo sapiens. (See the new and revised edition of Dr. Carleton S. Coon’s The Story of Man, New York, Knopf, 1962.)

That such differences exist is doubtless deplorable. It is certainly deplorable that all men must die, and there are persons who think it deplorable that there are differences, both anatomical and spiritual, between men and women. However, no amount of concerted lying by “liberals,” and no amount of decreeing by the Warren [Supreme Court] Gang, will in the least change the laws of nature.

Now there is a great deal that we do not know about genetics, both individual and racial, and these uncertainties permit widely differing estimates of the relative importance of biologically determined factors and cultural concepts in the development of a civilization. Our only point here is that it is highly improbable that biological factors have no influence at all on the origin and course of civilizations. And to the extent that they do have an influence, Spengler’s theory is defective and probably misleading.

Profound Insights

One could add a few minor points to the three objections stated above, but these will suffice to show that the Spenglerian historionomy cannot be accepted as a certainty. It is, however, a great philosophical formulation that poses questions of the utmost importance and deepens our perception of historical causality. No student of history needed Spengler to tell him that a decline of religious faith necessarily weakens the moral bonds that make civilized society possible. But Spengler’s showing that such a decline seems to have occurred at a definite point in the development of a number of fundamentally different civilizations with, of course, radically different religions provides us with data that we must take into account when we try to ascertain the true causes of the decline. And his further observation that the decline was eventually followed by a sweeping revival of religious belief is equally significant.

However wrong he may have been about some things, Spengler has given us profound insights into the nature of our own culture. But for him, we might have gone on believing that our great technology was merely a matter of economics — of trying to make more things more cheaply. But he has shown us, I think, that our technology has a deeper significance — that for us, the men of Western civilization, it answers a certain spiritual need inherent in us, and that we derive from its triumphs as satisfaction analogous to that which is derived from great music or great art.

And Spengler, above all, has forced us to inquire into the nature of civilization and to ask ourselves by what means — if any — we can repair and preserve the long and narrow dikes that alone protect us from the vast and turbulent ocean of eternal barbarism. For that, we must always honor him.

Journal of Historical Review, vol. 17, no. 2 (March-April 1998), 10-13.

 

lundi, 23 août 2010

Paganismo y filosofia de la vida en Knut Hamsun y D. H. Lawrence

Paganismo y filosofía de la vida en Knut Hamsun y D.H. Lawrence

Knut Hamsun en "Dikterstuen", Nørholm, 1930

Robert Steuckers*

 

El filólogo húngaro Akos Doma, formado en Alemania y los Estados Unidos, acaba de publicar una obra de exégesis literaria, en el que hace un paralelismo entre las obras de Hamsun y Lawrence. El punto en común es una “crítica de la civilización”. Concepto que, obviamente, debemos aprehender en su contexto. En efecto, la civilización sería un proceso positivo desde el punto de vista de los “progresistas”, que entienden la historia de forma lineal. En efecto, los partidarios de la filosofía del Aufklärung y los adeptos incondicionales de una cierta modernidad tienden a la simplificación, la geometrización y la “cerebrización”. Sin embargo, la civilización se nos muestra como un desarrollo negativo para todos aquellos que pretenden conservar la fecundidad inconmensurable de los veneros culturales, para quienes constatan, sin escandalizarse por ello, que el tiempo es plurimorfo; es decir, que el tiempo para una cultura no coincide con el de otra, en contraposición a los iluministas quienes se afirman en la creencia de un tiempo monomorfo y aplicable a todos los pueblos y culturas del planeta. Cada pueblo tiene su propio tiempo. Si la modernidad rechaza esta pluralidad de formas del tiempo, entonces entramos irremisiblemente en el terreno de lo ilusorio. 

Desde un cierto punto de vista, explica Akos Doma, Hamsun y Lawrence son herederos de Rousseau. Pero, ¿de qué Rousseau? ¿Quién que ha sido estigmatizado por la tradición maurrasiana (Maurras, Lasserre, Muret) o aquél otro que critica radicalmente el Aufklärung sin que ello comporte defensa alguna del Antiguo Régimen? Para el Rousseau crítico con el iluminismo, la ideología moderna es, precisamente, el opuesto real del concepto ideal en su concepción de la política: aquél es antiigualitario y hostil a la libertad, aunque reivindique la igualdad y la libertad. Antes de la irrupción de la modernidad a lo largo del siglo XVIII, para Rousseau y sus seguidores prerrománticos, existiría una “comunidad sana”, la convivencia reinaría entre los hombres y la gente sería “buena” porque la naturaleza es “buena”. Más tarde, entre los románticos que, en el terreno político, son conservadores, esta noción de “bondad” seguirá estando presente, aunque en la actualidad tal característica se considere en exclusiva patrimonio de los activistas o pensadores revolucionarios. La idea de “bondad” ha estado presente tanto en la “derecha” como en “izquierda”.

Sin embargo, para el poeta romántico inglés Wordsworth, la naturaleza es “el marco de toda experiencia auténtica”, en la medida en que el hombre se enfrenta de una manera real e inmediatamente con los elementos, lo que implícitamente nos conduce más allá del bien y del mal. Wordsworth es, en cierta forma, un “perfectibilista”: el hombre fruto de su visión poética alcanza lo excelso, la perfección; pero dicho hombre, contrariamente a lo que pensaban e imponían los partidarios de las Luces, no se perfecciona sólo con el desarrollo de las facultades de su intelecto. La perfección humana requiere sobre todo pasar por la prueba de lo elemental natural. Para Novalis, la naturaleza es “el espacio de la experiencia mística, que nos permite ver más allá de las contingencias de la vida urbana y artificial”. Para Eichendorff, la naturaleza es la libertad y, en cierto sentido, una trascendencia, pues permite escapar a los corsés de las convenciones e instituciones.

Con Wordsworth, Novalis y Eichendorff, las cuestiones de lo inmediato, de la experiencia vital, del rechazo de las contingencias surgidas de la artificialidad de los convencionalismos, adquieren un importante papel. A partir del romanticismo se desarrolla en Europa, sobre todo en Europa septentrional, un movimiento hostil hacia toda forma moderna de vida social y económica. Carlyle, por ejemplo, cantará el heroísmo y denigrará a la “cash flow society”. Aparece la primera crítica contra el reino del dinero. John Ruskin, con sus proyectos de arquitectura orgánica junto a la concepción de ciudades-jardín, tratará de embellecer las ciudades y reparar los daños sociales y urbanísticos de un racionalismo que ha desembocado en puro manchesterismo. Tolstoi propone una naturalismo optimista que no tiene como punto de referencia a Dostoievski, brillante observador este último de los peores perfiles del alma humana. Gauguin transplantará su ideal de la bondad humana a la Polinesia, a Tahití, en plena naturaleza.

Hamsun y Lawrence, contrariamente a Tolstoi o a Gauguin, desarrollarán una visión de la naturaleza carente de teología, sin “buen fin”, sin espacios paradisiacos marginales: han asimilado la doble lección del pesimismo de Dostoievski y Nietzsche. La naturaleza en éstos no es un espacio idílico propicio para excursiones tal y como sucede con los poetas ingleses del Lake District. La naturaleza no sólo no es un espacio necesariamente peligroso o violento, sino que es considerado apriorísticamente como tal. La naturaleza humana en Hamsun y Lawrence es, antes de nada, interioridad que conforma los resortes interiores, su disposición y su mentalidad (tripas y cerebro inextricablemente unidos y confundidos). Tanto en Hamsun como en Lawrence, la naturaleza humana no es ni intelectualidad ni demonismo. Es, antes de nada, expresión de la realidad, realidad traducción inmediata de la tierra, Gaia; realidad en tanto que fuente de vida.

 

D H Lawrence

Frente a este manantial, la alienación moderna conlleva dos actitudes humanas opuestas: 1.º necesidad de la tierra, fuente de vitalidad, y 2.º zozobra en la alienación, causa de enfermedades y esclerosis. Es precisamente en esa bipolaridad donde cabe ubicar las dos grandes obras de Hamsun y de Lawrence: Bendición de la tierra, para el noruego, y El arcoiris del inglés.
En Bendición de la tierra de Hamsun, la naturaleza constituye el espacio el trabajo existencial donde el hombre opera con total independencia para alimentarse y perpetuarse. No se trata de una naturaleza idílica, como sucede en ciertos utopistas bucólicos, y además el trabajo no ha sido abolido. La naturaleza es inabarcable, conforma el destino, y es parte de la propia humanidad de tal forma que su pérdida comportaría deshumanización. El protagonista principal, el campesino Isak, es feo y desgarbado, es tosco y simple, pero inquebrantable, un ser limitado, pero no exento de voluntad. El espacio natural, la Wildnis, es ese ámbito que tarde o temprano ha de llevar la huella del hombre; no se trata del espacio o el reino del hombre convencional o, más exactamente, el acotado por los relojes, sino el del ritmo de las estaciones, con sus ciclos periódicos. En dicho espacio, en dicho tiempo, no existen interrogantes, se sobrevive para participar al socaire de un ritmo que nos desborda. Ese destino es duro. Incluso llega a ser muy duro. Pero a cambio ofrece independencia, autonomía, permite una relación directa con el trabajo. Otorga sentido, porque tiene sentido. En El arcoiris, de Lawrence, una familia vive de forma independiente de la tierra con el único beneficio de sus cosechas.

Hamsun y Lawrence, en estas dos novelas, nos legan la visión de un hombre unido al terruño (ein beheimateter Mensch), de un hombre anclado a un territorio limitado. El beheimateter Mensch ignora el saber libresco, no tiene necesidad de las prédicas de los medios informativos, su sabiduría práctica le es suficiente; gracias a ella, sus actos tienen sentido, incluso cuando fantasea o da rienda suelta a los sentimientos. Ese saber inmediato, además, le procura unidad con los otros seres.

Desde una óptica tal, la alienación, cuestión fundamental en el siglo XIX, adquiere otra perspectiva. Generalmente se aborda el problema de la alienación desde tres puntos de vista doctrinales:

1.º Según el punto de vista marxista e historicista, la alienación se localizaría únicamente en la esfera social, mientras que para Hamsun o Lawrence, se sitúa en la naturaleza interior del hombre, independientemente de su posición social o de su riqueza material.

2.º La alienación abordada a partir de la teología o la antropología.

3.º La alienación percibida como una anomalía social.

 

D H Lawrence

En Hegel, y más tarde en Marx, la alienación de los pueblos o de las masas es una etapa necesaria en el proceso de adecuación gradual entre la realidad y el absoluto. En Hamsun y Lawrence, la alienación es un concepto todavía más categórico; sus causas no residen en las estructuras socioeconómicas o políticas, sino en el distanciamiento con respecto a las raíces de la naturaleza (que no es, en consecuencia, una “buena” naturaleza). No desaparecerá la alienación con la simple instauración de un nuevo orden socioeconómico. En Hamsun y Lawrence, señala Doma, es el problema de la desconexión, de la cesura, el que tiene un rango esencial. La vida social ha devenido uniforme, desemboca en la uniformidad, la automatización, la funcionalización a ultranza, mientras que la naturaleza y el trabajo integrado en el ciclo de la vida no son uniformes y requieren en todo momento la movilización de energías vitales. Existe inmediatez, mientras que en la vida urbana, industrial y moderna todo está mediatizado, filtrado. Hamsun y Lawrence se rebelan contra dichos filtros.

Para Hamsun y, en menor medida, Lawrence las fuerzas interiores cuentan para la “naturaleza”. Con la llegada de la modernidad, los hombres están determinados por factores exteriores a ellos, como son los convencionalismos, la lucha política y la opinión pública, que ofrecen una suerte de ilusión por la libertad, cuando en realidad conforman el escenario ideal para todo tipo de manipulaciones. En un contexto tal, las comunidades acaba por desvertebrarse: cada individuo queda reducido a una esfera de actividad autónoma y en concurrencia con otros individuos. Todo ello acaba por derivar en debilidad, aislamiento y hostilidad de todos contra todos.

Los síntomas de esta debilidad son la pasión por las cosas superficiales, los vestidos refinados (Hamsun), signo de una fascinación detestable por lo externo; esto es, formas de dependencia, signos de vacío interior. El hombre quiebra por efecto de presiones exteriores. Indicios, al fin y a la postre, de la pérdida de vitalidad que conlleva la alienación.
En el marco de esta quiebra que supone la vida urbana, el hombre no encuentra estabilidad, pues la vida en las ciudades, en las metrópolis, es hostil a cualquier forma de estabilidad. El hombre alienado ya no puede retornar a su comunidad, a sus raíces familiares. Así Lawrence, con un lenguaje menos áspero pero acaso más incisivo, escribe: “He was the eternal audience, the chorus, the spectator at the drama; in his own life he would have no drama” (“Era la audiencia eterna, el coro, el espectador del drama; pero en su propia vida, no había drama alguno”); “He scarcely existed except through other people” (“Apenas existía, salvo en medio de otras personas”); “He had come to a stability of nullification” (“Había llegado a una estabilidad que lo había anulado”).

En Hamsun y Lawrence, el Ent-wurzelung y el Unbehaustheit, el desarraigo y la carencia de hogar, esa forma de vivir sin fuego, constituye la gran tragedia de la humanidad de finales del siglo XIX y principios del XX. Para Hamsun el hogar es vital para el hombre. El hombre debe tener hogar. El hogar de su existencia. No se puede prescindir del hogar sin autoprovocarse una profunda mutilación. Mutilación de carácter psíquico, que conduce a la histeria, al nerviosismo, al desequilibro. Hamsun es, al fin y al cabo, un psicólogo. Y nos dice: la conciencia de sí es a menudo un síntoma de alienación. Schiller, en su ensayo Über naive und sentimentalische Dichtung, señalaba que la concordancia entre sentir y pensar era tangible, real e interior en el hombre natural, al contrario que en el hombre cultivado que es ideal y exterior (“La concordancia entre sensaciones y pensamiento existía antaño, pero en la actualidad sólo reside en el plano ideal. Esta concordancia no reside en el hombre, sino que existe exteriormente a él; se trata de una idea que debe ser realizada, no un hecho de su vida”).

Schiller aboga por una Überwindung (superación) de dicha quiebra a través de una movilización total del individuo. El romanticismo, por su parte, considerará la reconciliación entre Ser (Sein) y conciencia (Bewußtsein) como la forma de combatir el reduccionismo que trata de arrinconar la conciencia bajo los corsés de entendimiento racional. El romanticismo valorará, e incluso sobrevalorará, al “otro” con relación a la razón (das Andere der Vernunft): percepción sensual, instinto, intuición, experiencia mística, infancia, sueño, vida bucólica. Wordsworth, romántico inglés, representante “rosa” de dicha voluntad de reconciliación entre Ser y conciencia, defenderá la presencia de “un corazón que observe y apruebe”. Dostoievski no compartirá dicha visión “rosa” y desarrollará una concepción “negra”, donde el intelecto es siempre causa de mal, y el “poseso” un ser que tenderá a matar o a suicidarse. En el plano filosófico, tanto Klages como Lessing retomarán por su cuenta esta visión “negra” del intelecto, profundizando, no obstante, en la veta del romanticismo naturalista: para Klages, el espíritu es enemigo del alma; para Lessing, el espíritu es la contrapartida de la vida, que surge de la necesidad (“Geist ist das notgeborene Gegenspiel des Lebens”).

Lawrence, fiel en cierto sentido a la tradición romántica inglesa de Wordsworth, cree en una nueva adecuación del Ser y la conciencia. Hamsun, más pesimista, más dostoievskiano (de ahí su acogida en Rusia y su influencia en los autores llamados ruralistas, como Vasili Belov y Valentín Rasputín), nunca dejará de pensar que desde que hay conciencia, hay alienación. Desde que el hombre comienza a reflexionar sobre sí mismo, se desliga de la continuidad que confiere la naturaleza y a la cual debiera estar siempre sujeto. En los ensayos de Hamsun, encontramos reflexiones sobre la modernidad literaria. La vida moderna, ha escrito, influye, transforma, lleva al hombre a arrancarlo de su destino, a apartarlo de su punto de llegada, de sus instintos, más allá del bien y del mal. La evolución literaria del siglo XIX muestra una fiebre, un desequilibrio, un nerviosismo, una complicación extrema de la psicología humana. “El nerviosismo general (ambiente) se ha adueñado de nuestro ser fundamental y se ha fijado en nuestra vida sentimental”. El escritor se nos muestra así, al estilo de un Zola, como un “médico social” encargado de diagnosticar los males sociales con objeto de erradicar el mal. El escritor, el intelectual, se embarca en una tarea misionera que trata de llegar a una “corrección política”.

 

Nietzsche con el uniforme de artillero prusiano, 1868

Frente a esta visión intelectual del escritor, el reproche de Hamsun señala la imposibilidad de definir objetivamente la realidad humana, pues un “hombre objetivo” es, en sí mismo, una monstruosidad (ein Unding), un ser construido como si de un mecano se tratase. No podemos reducir al hombre a un compendio de características, pues el hombre es evolución, ambigüedad. El mismo criterio encontramos en Lawrence: “Now I absolutely flatly deny that I am a soul, or a body, or a mind, or an intelligence, or a brain, or a nervous system, or a bunch of glands, or any of the rest of these bits of me. The whole is greater than the part” (“Bien, yo niego absoluta y francamente ser un alma, o un cuerpo, o un espíritu, o una inteligencia, o un cerebro, o un sistema nervioso, o un conjunto de glándulas, o cualquier otra parte de mí mismo. El todo es más grande que las partes”). Hamsun y Lawrence ilustran en sus obras la imposibilidad de teorizar o absolutizar una visión diáfana del hombre. El hombre no puede ser vehículo de ideas preconcebidas. Hamsun y Lawrence confirman que los progresos en la conciencia de uno mismo no conllevan procesos de emancipación espiritual, sino pérdidas, despilfarro de la vitalidad, del tono vital. En sus novelas, son las figuras firmes (esto es, las que están arraigadas a la tierra) las que logran mantenerse, las que triunfan más allá de los golpes de suerte o las circunstancias desgraciadas.

No se trata, en absoluto, repetimos, de vidas bucólicas o idílicas. Los protagonistas de las novelas de Hamsun y Lawrence son penetrados o atraídos por la modernidad, los cuales, pese a su irreductible complejidad, pueden sucumbir, sufren, padecen un proceso de alienación, pero también pueden triunfar. Y es precisamente aquí donde intervienen la ironía de Hamsun o la idea del “Fénix” de Lawrence. La ironía de Hamsun taladra los ideales abstractos de las ideologías modernas. En Lawrence, la recurrente idea del “Fénix” supone una cierta dosis de esperanza: habrá resurrección. Es la idea de Ave Fénix, que renace de sus propias cenizas.

El paganismo de Hamsun y Lawrence

Si dicha voluntad de retorno a una ontología natural es fruto de un rechazo del intelectualismo racionalista, ello implica al mismo tiempo una contestación de calado al mensaje cristiano.

En Hamsun, se ve con claridad el rechazo del puritanismo familiar (concretado en la figura de su tío Han Olsen) y el rechazo al culto protestante por los libros sagrados; esto es, el rechazo explícito de un sistema de pensamiento religioso que prima el saber libresco frente a la experiencia existencial (particularmente la del campesino autosuficiente, el Odalsbond de los campos noruegos). El anticristianismo de Hamsun es, fundamentalmente, un acristianismo: no se plantea dudas religiosas a lo Kierkegaard. Para Hamsun, el moralismo del protestantismo de la era victoriana (de la era oscariana, diríamos para Escandinavia) es simple y llanamente pérdida de vitalidad. Hamsun no apuesta por experiencia mística alguna.

Lawrence, por su parte, percibe la ruptura de toda relación con los misterios cósmicos. El cristianismo vendría a reforzar dicha ruptura, impediría su cura, imposibilitaría su cicatrización. En este sentido, la religiosidad europea aún conservaría un poso de dicho culto al misterio cósmico: el año litúrgico, el ciclo litúrgico (Pascua, Pentecostés, Fuego de San Juan, Todos los Santos, Navidad, Fiesta de los Reyes Magos). Pero incluso éste ha sido aherrojado como consecuencia de un proceso de desencantamiento y desacralización, cuyo comienzo arranca en el momento mismo de la llegada de la Iglesia cristiana primitiva y que se reforzará con los puritanismos y los jansenismos segregados por la Reforma. Los primeros cristianos se plantearon como objetivo apartar al hombre de sus ciclos cósmicos. La Iglesia medieval, por el contrario, quiso adecuarse, pero las Iglesias protestantes y conciliares posteriores han expresado con claridad su voluntad de regresar al anticosmicismo del cristianismo primitivo. En este sentido, Lawrence escribe: “But now, after almost three thousand years, now that we are almost abstracted entirely from the rhythmic life of the seasons, birth and death and fruition, now we realize that such abstraction is neither bliss nor liberation, but nullity. It brings null inertia” (“Pero hoy, después de tres mil años, después que estamos casi completamente abstraídos de la vida rítmica de las estaciones, del nacimiento, de la muerte y de la fecundidad, comprendemos al fin que tal abstracción no es ni una bendición ni una liberación, sino pura nada. No nos aporta otra cosa que inercia”). Esta ruptura es consustancial al cristianismo de las civilizaciones urbanas, donde no hay apertura alguna hacia el cosmos. Cristo no es un Cristo cósmico, sino un Cristo rebajado al papel de asistente social. Mircea Eliade, por su parte, se ha referido a un “hombre cósmico”, abierto a la inmensidad del cosmos, pilar de todas las grandes religiones. En la perspectiva de Eliade, lo sagrado es lo real, el poder, la fuente de vida y de la fertilidad. Eliade nos ha dejado escrito: “El deseo del hombre religioso de vivir una vida en el ámbito de lo sagrado es el deseo de vivir en la realidad objetiva”.

Knut Hamsun, 1927

La lección ideológica y política de Hamsun y Lawrence

En el plano ideológico y político, en el plano de la Weltanschauung, las obras de Hamsun y de Lawrence han tenido un impacto bastante considerable. Hamsun ha sido leído por todos, más allá de la polaridad comunismo/fascismo. Lawrence ha sido etiquetado como “fascista” a título póstumo, entre otros por Bertrand Russell que llegó incluso a referirses a su “madness”: “Lawrence was a suitable exponent of the Nazi cult of insanity” (“Lawrence fue un exponente típico del culto nazi a la locura”). Frase tan lapidaria como simplista. Las obras de Hamsun y de Lawrence, sgún Akos Doma, se inscriben en un cuádruple contexto: el de la filosofía de la vida, el de los avatares del individualismo, el de la tradición filosófica vitalista, y el del antiutopismo y el irracionalismo.

1.º La filosofía de la vida (Lebensphilosophie) es un concepto de lucha, que opone la “vivacidad de la vida real” a la rigidez de los convencionalismos, a los fuegos de artificio inventados por la civilización urbana para tratar de orientar la vida hacia un mundo desencantado. La filosofía de la vida se manifiesta bajo múltiples rostos en el contexto del pensamiento europeo y toma realmente cuerpo a partir de la reflexiones de Nietzsche sobre la Leiblichkeit (corporeidad).

2.º El individualismo. La antropología hamsuniana postula la absoluta unidad de cada individuo, de cada persona, pero rechaza el aislamiento de ese individuo o persona de todo contexto comunitario, familiar o carnal: sitúa a la persona de una manera interactiva, en un lugar preciso. La ausencia de introspección especulativa, de conciencia y de intelectualismo abstracto hacen incompatible el individualismo hamsuniano con la antropología segregada por el Iluminismo. Para Hamsun, sin embargo, no se combate el individualismo iluminista sermoneando sobre un colectivismo de contornos ideológicos. El renacimiento del hombre auténtico pasa por una reactivación de los resortes más profundos de su alma y de su cuerpo. La suma cuantitativa y mecánica es una insuficiencia calamitosa. En consecuencia, la acusación de “fascismo” hacia Lawrence y Hamsun no se sostiene en pie.

3.º El vitalismo tiene en cuenta todos los acontecimientos de la vida y excluye cualquier jerarquización de base racial, social, etc. Las oposiciones propias del vitalismo son: afirmación de la vida / negación de la vida; sano / enfermo; orgánico / mecánico. De ahí, que no se pueda reconducirlas a categorías sociales, a categorías políticas convencionales, etc. La vida es una categoría fundamental apolítica, pues todos los hombres sin distinción están sometidos a ella.

4.º El “irracionalismo” reprochado a Hamsun y Lawrence, igual que su antiutopismo, tienen su base en una revuelta contra la “viabilidad” (feasibility; Machbarkeit), contra la idea de perfectibilidad infinita (que encontramos también bajo una forma “orgánica” en los románticos ingleses de la primera generación). La idea de viabilidad choca directamente con la esencia biológica de la naturaleza. De hecho, la idea de viabilidad es la esencia del nihilismo, como ha apuntado el filósofo italiano Emanuele Severino. Para Severino, la viabilidad deriva de una voluntad de completar el mundo aprehendiéndolo como un devenir (pero no como un devenir orgánico incontrolable). Una vez el proceso de “acabamiento” ha concluido, el devenir detiene bruscamente su curso. Una estabilidad general se impone en la Tierra y esta estabilidad forzada es descrita como un “bien absoluto”. Desde la literatura, Hamsun y Lawrence, han precedido así a filósofos contemporáneos como el citado Emanuele Severino, Robert Spaemann (con su crítica del funcionalismo), Ernst Behler (con su crítica de la “perfectibilidad infinita”) o Peter Koslowski. Estos filósofos, fuera de Alemania o Italia, son muy poco conocidos por el gran público. Su crítica a fondo de los fundamentos de las ideologías dominantes, provoca inevitablemente el rechazo de la solapada inquisición que ejerce su dominio en París.

Nietzsche, Hamsun y Lawrence, los filósofos vitalistas o, si se prefiere, “antiviabilistas”, al insistir sobre el carácter ontológico de la biología humana, se opusieron a la idea occidental y nihilista de la viabilidad absoluta de cualquier cosa; esto es, de la inexistencia ontológica de todas las cosas, de cualquier realidad. Buen número de ellos —Hamsun y Lawrence incluidos— nos llaman la atención sobre el presente eterno de nuestros cuerpos, sobre nuestra propia corporeidad (Leiblichkeit), pues nosotros no podemos conformar nuestros cuerpos, en contraposición a esas voces que nos quieren convencer de las bondades de la ciencia-ficción.

La viabilidad es, pues, el “hybris” que ha llegado a su techo y que conduce a la fiebre, la vacuidad, la ligereza, el solipsismo y el aislamiento. De Heidegger a Severino, la filosofía europea se ha ocupado sobre la catástrofe que ha supuesto la desacralización del Ser y el desencantamiento del mundo. Si los resortes profundos y misteriosos de la Tierra o del hombre son considerados como imperfecciones indignas del interés del teólogo o del filósofo, si todo aquello que ha sido pensado de manera abstracta o fabricado más allá de los resortes (ontológicos) se encuentra sobrevalorado, entonces, efectivamente, no puede extrañarnos que el mundo pierda toda sacralidad, todo valor. Hamsun y Lawrence han sido los escritores que nos han hecho vivir con intensidad dicha constante, por encima incluso de algunos filósofos que también han deplorado la falsa ruta emprendida por el pensamiento occidental desde hace siglos. Heidegger y Severino en el marco de la filosofía, Hamsun y Lawrence en el de la creación literaria, han tratado de restituir la sacralidad en el mundo y revalorizar las fuerzas que se esconden en el interior del hombre: desde ese punto de vista, estamos ante pensadores ecológicos en la más profunda acepción del término. El oikos nos abre las puertas de lo sagrado, de las fuerzas misteriosas e incontrolables, sin fatalismos y sin falsa humildad. Hamsun y Lawrence, en definitiva, anunciaron la dimensión geofilosófica del pensamiento que nos ha ocupado durante toda esta universidad de verano. Una aproximación sucinta a sus obras se hacía absolutamente necesaria en el temario de 1996.

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* Comentario al libro de Akos Doma, Die andere Moderne. Knut Hamsun, D.H. Lawrence und die lebensphilosophische Strömung des literarischen Modernismus (Bouvier, Bonn, 1995), leído como conferencia en Lombardía, en julio de 1996. Traducción de Juan C. García Morcillo.

[Tomo el artículo del archivo de su fuente primera, la asociación Sinergias Europeas, que editaba el boletín InfoEuropa. Ya no cabalgan.]