Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

lundi, 16 décembre 2013

Allemagne-USA : le grand schisme

hn_merkel_102813.jpg

Allemagne-USA : le grand schisme

Ex: http://www.dedefensa.org

Edward Snowden a peut-être réussi ce qui semblait impensable dans l’organisation actuelle du monde et précisément du bloc BAO depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Il s’agit des relations entre l’Allemagne et les USA, qu’on jugeait, toujours dans “l’organisation actuelle du monde et précisément du bloc BAO”, figées dans une soumission complète de l’Allemagne vis-à-vis de ses vainqueurs de 1945. La crise ouverte entre l’Allemagne et les USA depuis la révélation de l’écoute spécifique des communications d’Angela Merkel par la NSA, et la révélation des activités de la NSA dans le même sens antiallemand qui a accompagné l’événement, semblent établir un nouveau climat et une nouvelle situation, durables, extrêmement résilients, de la part des Allemands vis-à-vis des USA. Une interview d’un parlementaire allemand important, Hans-Peter Uhl, porte-parole du parti CDU/CSU pour les affaires intérieures et membre de la commission de contrôle et de la commission des affaires internes du Bundestag, nous paraît significative de ce climat et de cette situation qu’on peut commencer à considérer comme structurels entre l’Allemagne et les USA. (Bien entendu, cette signification, pour se justifier, doit être vue à la lumière de tout ce qui a déjà été dit et annoncé du côté allemand à l'encontre des USA depuis les révélations Snowden.)

Uhl est interviewé à l’issue d’une visite de travail à Washington qui relève certainement d’une politique générale de la direction allemande, concernant la crise de la NSA et ses répercussions sur les relations des USA avec l’Allemagne. Voici quelques extraits de ce texte, une interview de Gero Schliess, de DW (Deutsche Welle), le 10 décembre 2013. On notera la netteté et la dureté des propos, jusqu’à cette expression de “digital occupier” pour désigner la “présence” US en Allemagne, via la NSA, dans cette phrase si péremptoire : «We cannot tolerate America ruling Germany as a digital occupying power.»

Deutsche Welle: «You've had discussions with Congress and the Obama administration in Washington. The primary topic was the NSA and the surveillance scandal. What was your message to the American officials with whom you spoke?»

Hans-Peter Uhl: «The message is relatively simple. On the one hand, we have to fight terrorism alongside American agencies. We've been successfully doing so for years and that must continue. On the other hand, and this is something people in the US still have to learn, data protection is an issue - not just for citizens, but also for businesses and for the state as a whole. We cannot tolerate America ruling Germany as a digital occupying power.»

Deutsche Welle: «Do you have the impression that Chancellor Angela Merkel's statements, in which she clearly expressed her frustration weeks ago, have reached the members of Congress and the government here?»

Hans-Peter Uhl: «It would surprise me if they've reached them. There's a different type of concern here. Foreigners' data is not seen as being of any particular importance. The question is: How damaging are the actions of American intelligence services to the US economy? The European and, in particular, German market is of great significance to the US. Recently, major IT providers in the US, from Google to Microsoft and Yahoo, banded together and issued an urgent appeal, warning the US administration, “Cut it out! You're damaging our interests and American economic interests.” That message is getting through.»

Deutsche Welle: «Is that also your message to Germans: Avoid Yahoo and Google and use domestic providers?»

Hans-Peter Uhl: «It goes without saying that American companies whom we know to be delivering data to the NSA will not receive any state contracts that involve confidential communication. It's no longer possible to grant such contracts to the subsidiaries of American companies.»

Deutsche Welle: «You seem to be also referencing a contract given to Cisco to develop a secure, internal communications system for the German military. One might say you could compare that with just handing over a copy of the relevant security data to the NSA. Now Cisco has it in its hands…»

Hans-Peter Uhl: «…but not for long. The contract expires next year. And then we'll consider what steps to take next. Things can't continue like they have been.» [...]

Deutsche Welle: «You appear to be privy to much more as a member of the parliamentary Committee on Internal Affairs as well as the parliament's Control Committee. Do you consider yourself as having an overview of the extent of the NSA's surveillance activities and acquisitiveness in Germany?»

Hans-Peter Uhl: «No one can know that yet. We will know it with greater certainty in a few months. What's certain is that many pieces of information are going to come to light that will be uncomfortable for the US.»

Deutsche Welle: «Do you expect that future agreements with the NSA and the American government will really be reliable? Or should the conclusion not be, instead, that Germany needs to very quickly and effectively build up its own security systems?»

Hans-Peter Uhl: «Once trust has been lost, it's hard to get it back. There's a German proverb: “Lie once, and no one believes you. Even if you speak the truth.” The US is now in that position. I think that Germany should win back its sovereignty in the area of IT. Germany can do that. It's very much in the position to do so technologically. And we will do that.»

Rien de tout cela n’est dit selon un engagement partisan, par exemple par estime pour Edward Snowden. Manifestement Uhl n’a pas de sympathie particulière pour Snowden. Dans l’interview, il expédie son cas en une réponse assez sèche et même assez méprisante, signifiant que les Allemands n’ont nul besoin de voir ni d’entendre Snowden pour savoir de quoi il retourne, et même que Snowden lui-même ne réalise pas précisément la signification gravissime de ce dont il dispose. («Incidentally, he also misinterpreted the data that he took with him. So Mr. Snowden doesn't know all that much that he can share with us. We don't want to bring him to Germany.») C’est le signe qu’on a affaire, avec Uhl, à un politicien allemand qui ne dissimule pas son arrogance, celle qu’on retrouve chez certains dirigeants allemands en raison du succès économique de leur pays, et cela à l’intérieur du bloc BAO ; ce ne sont pas des paroles de dissident ou d’antiSystème, mais bien d’un homme du Système, ce qui rend d’autant plus significative la brutalité de ses propos vis-à-vis, ou plutôt à l’encontre des USA. Les affirmations de Uhl, dans la citation ci-dessus, relaient certainement des estimations des services de renseignement allemands avec lesquels Uhl est en contact du fait de ses positions au Bundestag, substantivant ses affirmations selon lesquelles on est très loin d’en avoir fini avec les révélations sur la NSA en Allemagne, et qu’il faut s’attendre à des développements importants qui seront encore plus dommageables pour les USA. («What's certain is that many pieces of information are going to come to light that will be uncomfortable for the US.»). D’une façon générale, Uhl estime que la partie US est loin d’avoir compris l’ampleur des effets causés par la crise Snowden/NSA dans les pays alliés, et donc sans doute loin d’envisager des mesures qui pourraient amoindrir ces effets. («But they don't see the monstrosity of conducting surveillance on an entire government's actions and listening in on the chancellor's cell phone.»)

Mises à part diverses affirmations précises selon lesquelles l’Allemagne va prendre, ou est d'ores et déjà en train de prendre des mesures très concrètes et sévères pour se protéger contre la NSA dans divers domaines, pour protéger son économie, pour restreindre l’accès des grandes sociétés civiles US du domaine, etc., il y a un ton général de désenchantement et de vive rancune contre les USA, qui est extrêmement marquant. Il y a le constat, dit explicitement par ailleurs dans l’interview, d’une certaine naïveté allemande vis-à-vis des USA («The thought was always: “They're our allies. They wouldn't do something like that.”»), qui laisse place désormais à une défiance systématique, qui deviendrait structurelle («Once trust has been lost, it's hard to get it back»). Ce que Uhl semble annoncer, c’est bien un changement substantiel, dans le chef des Allemands, des relations entre l’Allemagne et les USA, avec cette affirmation étonnante de la part d’un officiel allemand vis-à-vis des USA, de la nécessité pour l’Allemagne de “regagner sa souveraineté” face aux USA : c’est un problème posé, dans les relations germano-américaines, depuis 1945, et qui n’avait jamais été soulevé par un officiel de cette façon, et cette affirmation qu’il faut le résoudre à l’avantage de l’Allemagne et que ce sera fait («And we will do that») est aussi sans précédent.

Si l’on tient compte du temps qui s’est écoulé depuis que le cas Merkel a éclaté (22 octobre), l’on peut admettre que, selon l’expression consacrée, “les passions se sont apaisées”. Par conséquent, Uhl ne parle pas dans un climat polémique, mais bien selon une appréciation rationnelle et mesurée, qui ressort d’une politique désormais avérée de la direction allemande. Compte tenu de ces éléments, on peut avancer que jamais, depuis 1945, des voix officielles allemandes ne se sont exprimées avec autant de dureté à l’encontre des USA, – et Uhl est pourtant du parti qui est réputé comme le plus atlantiste et le plus pro-US, dans un ensemble politique où l’on fait en général assaut de surenchère atlantiste. Ce qui est également remarquable dans ces propos, c’est l’expression de réelle surprise choquée qu’on y trouve, comme si le monde politique allemand croit (avait cru) réellement à la loyauté et à l’équilibre des relations entre les USA et l’Allemagne ; l’on ne serait d’ailleurs pas si loin d’y croire, tant le domaine de la fascination des USA est vaste et fécond, notamment chez leurs alliés européens ... La rancune est donc à mesure et devrait effectivement susciter une réaction durable et profonde, qui va profondément modifier les rapports entre l’Allemagne et les USA. On sent d’ailleurs dans les propos de Uhl que c’est certainement un domaine où va s’exercer la nouvelle conscience allemande d’occuper une position de puissance, notamment à cause de ses supposées performances face à la crise et de sa stature d’incontestable leader européen facilitée par l’effacement grotesque de la France.

C’est justement avec la mention de ce dernier point que surgit une autre question. Il est évident que la réaction allemande vis-à-vis de la crise Snowden/NSA est extrêmement forte, au moins aussi forte que celle du Brésil ; elle est de ce point de vue complètement différente de la réaction française (quasiment inexistante, la France estimant sans doute que ses engagements guerriers l’exonèrent de toute nécessité de dignité face aux USA) et de la non-réaction britannique évidente et sans surprise (les Britanniques sont aussi coupables que les USA, avec leur GCHQ, supplétif de la NSA). On peut alors admettre que cette crise Snowden/NSA va creuser à termes assez rapprochés des différences très grandes entre les trois grands pays européens, et surtout avec le Royaume-Uni, qui dépasseront la seule polémique conjoncturelle, avec des différences d’appréciation politique par rapport aux USA, des différences de législation, des différences de conceptions de la souveraineté, voire des différences de structures techniques qui vont rendre la coopération notamment militaire et de renseignement, beaucoup plus difficile, – et, enfin, jusqu’à un antagonisme direct entre une Allemagne qui se juge hégémonique en Europe et un Royaume-Uni qui ne peut rien imaginer de supérieur au Royaume-Uni. Il s’agit d’un cas certainement très remarquable dans sa structuration, c’est-à-dire avec un passage d’une situation conjoncturelle polémique à une situation structurelle politique, des effets fratricides dévastateurs que suscite la crise Snowden/NSA, et cela au cœur du bloc BAO, impliquant ses principaux acteurs (Allemagne, USA, UK, Europe). Transcrit dans un langage-Système, on dira que c’est une sorte de structuration d’un effet antiSystème, qui entraîne comme conséquence une dynamique de déstructuration à l’intérieur du bloc BAO selon la technique, dans le chef de la cause initiale de l’acte de Snowden, de l’inversion vertueuse du “faire aikido (voir le 2 juillet 2013). De ce point de vue, la condescendance de Uhl vis-à-vis de Snowden n’est absolument plus justifiée, car l’effet antiSystème est remarquablement efficace ; peut-être que, techniquement, Snowden n’est pas aussi doué qu’il pourrait sembler l’être, mais politiquement et métahistoriquement c’est un véritable maître, – qu’il l’ait voulu ou non.

dimanche, 15 décembre 2013

Meeting with Helmut Schmidt

helmut-schmidt-540x304.jpg

Meeting with Helmut Schmidt

 

Late last night, Vladimir Putin met with Helmut Schmidt, a German statesman and the fifth chancellor of the Federal Republic of Germany from 1974 to 1982.

PRESIDENT OF RUSSIA VLADIMIR PUTIN: Mr Chancellor, please allow me to warmly welcome you.

It is a great pleasure and honour for me to meet with you in Moscow, for you are not only the patriarch of European politics but of global politics as well.

You have done a great deal for the development of the Federal Republic and Europe, but you have also made significant contribution to the development of Russian-German relations. The decision on the “gas for pipe” contract was made while you were a member of the Government. In one of your articles I read that at that time, after the war, no hatred remained between the Germans and the Russians toward one another, and this was very good.

I want to tell you that we have made a great deal of progress in developing our relations. Today, Germany is one of our leading trade and economic partners. This year, I believe we will cross the threshold of $75 billion in trade. Some two thousand German companies are operating in Russia, there is a large volume of mutual investment, and all this is developing. We are carrying out large-scale joint projects, working not only at the ministerial level, but the regional level as well.

We are broadening contacts between civil societies and people, which is probably more important than anything.

I am very happy to see you. Welcome, Mr Chancellor.

HELMUT SCHMIDT (translated from Russian): Thank you very much, Mr President,

You have already mentioned that neither Russians nor Germans harbour any hatred toward one another. And that, indeed, is a surprise; having been a soldier in World War II, I simply cannot believe that we have reached such a positive result, which was simply impossible to dream about at the time.

Mr President, you have already said some beautiful words about me, but you must nevertheless know that I am almost 95 years old; I am a very old man who is hard of hearing and no longer needed. Today, I am only an observer; I am observing what is happening in the world. I can say that things have been worse on our planet, but we can still improve our current state of affairs. Nevertheless, today, I am no longer an active player in this arena; I am simply observing what is happening.

VLADIMIR PUTIN: Your birthday is on December 23, isn’t it?

HELMUT SCHMIDT: That’s right. I was almost a Christmas baby; Christmas is celebrated in Germany on the 24th.

You know, this is – how can I say – my farewell visit to Russia, because it has become very difficult for me to travel; I didn’t even really want to come here, because it truly is quite difficult for me. But ultimately, you must say your proper goodbyes to your neighbours, right? I have already visited China, the United States, Italy and France. But it was particularly important for me to come here, because I remember that at the end of the last century, in 1999, at the end of this century, at the end of the next century – we will always remain neighbours. In spite of any economic developments, or military developments, we will always be bound by fate; we will always remain neighbours. Granted, we have Poland and Ukraine between us, as well as other nations. But in good times and in bad times, we nevertheless remain neighbours forever – neighbours who depend on one another.

You know, about 40 years ago, the General Secretary [of the Central Committee of the CPSU] Leonid Brezhnev came to visit Germany – West Germany at the time – and met with then-Federal Chancellor Willy Brandt. This was in the 1970s and I was present at that meeting. And Brezhnev spoke for a very long time, listing the terrible actions we committed on Russian soil. I think he spoke for about 15 minutes. When he finished, I also made a long speech. I said, “Mr General Secretary, everything you just said is, of course, true. Everything is correct; we committed terrible acts on Russian soil. Yes, we started the war, all this was our fault, but if you say that all Germans were fascists, I must tell you that is not true. Yes, all this was our fault, but not all Germans were fascists. In most cases, these were simply German soldiers who felt that they must defend their Fatherland. Yes, all this happened, all this was simply awful, but it is nevertheless wrong to call all Germans fascists. These were simply soldiers who were misled to believe in the wrong values.”

I want to stress again: it truly is a miracle that there are nearly no feelings of hatred between our peoples today. And you very rightly mentioned that our relations are very good and tight, not only economically, but in many other areas as well. Indeed, we have become good neighbours, and I am one of the very many Germans who have always felt and continue to feel today that this is very important, to always have good neighbourly relations between our nations.

VLADIMIR PUTIN: Mr Federal Chancellor, you said that this is your farewell visit. But I hope we will still remain in contact. You will soon be celebrating your birthday, so please allow me to wish you a Happy Birthday.

We truly know how much you have done since Mr Willy Brandt passed the baton on to you. And your opinion regarding the future of Russian-German relations is very important for us and for future politicians.

Of course, there has been a great deal of tragedy in our relations. But you rightly stated – the interpreter left out a detail, but it is important – the detail is that we have always been together, in good times and bad. And it will be the same in the future. Still, we need to strive to avoid dark spots; on the contrary, we have everything we need to grow together, rather than fight one another. Today’s trends in global development are pushing us toward joining forces.

I am certain that there are more elements uniting us than problems, which might cause disputes, both on a day-to-day level and politically. I would very much like for the opinions of people such as you to be spread even wider within our Russian establishment, as well as in Europe.

HELMUT SCHMIDT: You know, I would very much like that too. Although I must say that at this time, Europe is undergoing a crisis and things are not at their best; Europe is going through an institutional crisis.

I must say that the parliament is not very capable, the commission in Brussels is not functioning so well, various councils of ministers are also not working well, and the actions taken by individual governments leave something to be desired. I think there have been two outstanding leaders in Europe since the war: Winston Churchill and Charles de Gaulle. Since then, the quality of European leaders is gradually going down.

VLADIMIR PUTIN: The Chancellor who preceded you, Willy Brandt, certainly belongs to this cohort, at the very least.

HELMUT SCHMIDT: I agree with you.

VLADIMIR PUTIN: If I may, I have already said that you firmly gripped the baton that was passed to you, and I think you also played a tremendous role, as did the other Federal Chancellor, Mr Helmut Kohl.

As for critical statements, you certainly have the right to make them. But I do not share your view. Still, you and I can discuss this matter further.

HELMUT SCHMIDT: But I haven’t criticised anything yet.

VLADIMIR PUTIN: So this was only a prelude.

HELMUT SCHMIDT: No, I just stated the facts.

VLADIMIR PUTIN:  You see, the global economic situation is complicated. It’s true that it is difficult to resolve the problems Europe faces, given the European nations’ large social burden, which is due to their development model. But on the other hand, it is precisely these difficulties that should prompt us to work together.

mercredi, 11 décembre 2013

Wolf Jobst Siedler ist verstorben

dab69e61bb44f40970db6f3168bb6061.jpg

Wolf Jobst Siedler ist verstorben

By Erik Lehnert

Ex: http://www.sezession.de

Am Mittwoch verstarb nach langer Krankheit der liberalkonservative Verleger und Publizist Wolf Jobst Siedler (87).  Siedler gründete und führte ab 1980 den nach ihm benannten Verlag. Im Jahr 2007 wurde er für sein Lebenswerk von der Förderstiftung Konservative Bildung und Forschung (FKBF) mit einem Ehrenpreis gewürdigt. Wir dokumentieren nachfolgend den biographischen Text aus dem Band Vordenker [2] des Staatspolitischen Handbuchs.

Siedler.jpg.987511.jpgArmin Mohler nannte drei Gründe, als er Siedler im Criticón ein Autorenporträt widmete: Er sei unter den konservativen Autoren einer der »besten und eigenwilligsten Formulierer«, er sei ein typischer Vertreter des konservativen Einzelgängers, der sich mit niemandem gemein machen wolle, und er sei, neben Gross und Altmann, das »konservative Alibi für die Meinungsmacher«.

Siedler wurde in den Medien nicht nur toleriert und verfaßte zustimmungsfähige Essays, sondern spielte über viele Jahre selbst eine herausragende Rolle im Medienbetrieb. Siedlers Familie ist fest in Berlin und Preußen verankert, zu seinen Vorfahren gehören Johann Gottfried Schadow und Carl Friedrich Zelter, sein Vater war als Syndikus in der Industrie tätig. Ein einschneidendes Erlebnis ist für den jungen Siedler, als er und der mit ihm befreundete Sohn Ernst Jüngers wegen Wehrkraftzersetzung zum Tode verurteilt und schließlich zur Frontbewährung, die für Jünger tödlich endet, begnadigt werden. Lebenslang resultierte daraus ein Mißtrauen gegen Mehrheiten und eben die gesuchte Rolle des Einzelgängers. Nach einem Studium der Philosophie, Soziologie und Germanistik wurde Siedler zunächst Generalsekretär des deutschen Büros des »Kongresses für kulturelle Freiheit «, einer antikommunistischen und auf Westbindung zielenden Vereinigung, die, wie später herauskam, vom CIA finanziert wurde und vor allem linksliberale Intellektuelle ansprechen sollte. Anschließend war Siedler Redakteur bei der amerikanischen Neuen Zeitung und von 1955 bis 1963 Feuilletonchef des linksliberalen Tagesspiegel.

Die Essays aus dieser Zeit begründeten seinen Ruf als kulturkonservativer Publizist. Er wechselte dann auf die Verlegerseite und wurde Leiter des Propyläen-Verlages, machte im Springer-Konzern Karriere und führte schließlich alle unter Ullstein zusammengefaßten Verlage. In dieser Zeit erschien sein bekanntestes und wichtigstes Buch, Die gemordete Stadt (1964), das ihn zum Vorreiter einer später einsetzenden Nostalgiebewegung machte, die es nicht mehr hinnehmen wollte, daß die deutschen Altstadtviertel abgerissen wurden, und den Eigenwert der schönen Form betonte. Als Verleger pflegte Siedler vorwiegend die kulturkonservative Seite, hatte Kontakt mit wichtigen Autoren, so Ernst Jünger, der ihm zahlreiche wichtige Hinweise gab. Einer davon war die Veröffentlichung der belletristischen Werke von Pierre Drieu la Rochelle, die zwischen 1966 und 1972 bei Ullstein erschienen. Auch Hellmut Diwalds Geschichte der Deutschen (1978) fällt in diese Zeit, wobei Diwald damals nicht als Rechter galt und auch die gegenchronologische Herangehensweise eher eine experimentelle Sehnsucht verriet.

Im Mai 1979 mußte Siedler Ullstein verlassen und gründete Anfang 1980 seinen eigenen Verlag, den er in wenigen Jahren zu einem erfolgreichen Unternehmen machte. Herausragende Buchprojekte waren Siedler Deutsche Geschichte (13 Bde., 1982–2000), die unter der Überschrift »Die Deutschen und ihre Nation« einen Gegenentwurf zu Propyläen Deutsche Geschichte lieferten, und die Deutsche Geschichte im Osten Europas (10 Bde., 1992–1999). 1993 verkaufte Siedler den Verlag an die Gruppe Random House, wo er bis heute als eigene Marke weitergeführt wird. Siedlers Sohn gründete 2004 den wjs verlag.

Das schriftstellerische Werk Siedlers besteht vor allem aus Essays, die er in verschiedenen Sammelbänden veröffentlicht hat. 1965 erschienen die Behauptungen, die Mohler als »schönste Essay-Sammlung, die ein deutscher Konservativer seit 1945« veröffentlicht hat, bezeichnete. Melancholie über das tote Preußen und die Selbstaufgabe des Bürgertums sind wiederkehrende Motive seiner Aufsätze. 1982 hielt Siedler die Laudatio auf Ernst Jünger zur Verleihung des Goethe-Preises in Frankfurt am Main, in der er Jünger als »die vorläufig letzte Erscheinungsform von Weltliteratur in deutscher Sprache« feierte.

Schriften: [mit Elisabeth Niggemeyer] Die gemordete Stadt. Abgesang auf Putte und Straße, Platz und Baum, Berlin 1964; Behauptungen, Berlin 1965; Weder Maas noch Memel. Ansichten vom beschädigten Deutschland, Stuttgart 1982; Abschied von Preußen, Berlin 1991; Der Verlust des alten Europa. Ansichten zur Geschichte und Gegenwart, Stuttgart 1996; Phoenix im Sand. Glanz und Elend der Hauptstadt, Berlin 1998; Ein Leben wird besichtigt. In der Welt der Eltern, Berlin 2000; Wir waren noch einmal davongekommen. Erinnerungen, München 2004; Wider den Strich gedacht, München 2006.

Literatur: Armin Mohler: Wolf Jobst Siedler. Der tolerierte Konservative, in: Criticón (1983), Heft 75.


Article printed from Sezession im Netz: http://www.sezession.de

URL to article: http://www.sezession.de/42093/wolf-jobst-siedler-ist-verstorben.html

 

v49_Ullstein_Trauer_72.pdf.985546.gif


00:06 Publié dans Hommages | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : wolf jobst siedler, hommage, allemagne | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

dimanche, 08 décembre 2013

Thomas Manns Protest gegen den Zivilisationsliteraten

thomas_mann.jpg

Thomas Manns Protest gegen den Zivilisationsliteraten

Als Thomas Mann seine „Betrachtungen eines Unpolitischen“ schrieb, war er noch streng deutschnational und kriegsbejahend gesinnt. Das sollte sich bald ändern: Schon kurze Zeit später distanzierte sich Mann von seinem schriftstellerischen Beitrag zum Ersten Weltkrieg und avancierte zum Vernunftrepublikaner, der die Weimarer Republik publizistisch gegen ihre Feinde von rechts und links verteidigte. Manns frühe Betrachtungen sind allerdings nicht einfach als dumpfe Kriegspropaganda abzustempeln, sondern stellen große Literatur dar, die darüber hinaus immer noch wichtige Einsichten politischer und kultureller Art zu vermitteln in der Lage ist. Mit Blick auf seinen Bruder Heinrich –damals pazifistisch eingestellt und ein eifernder Gegner des heraufziehenden Krieges – entwarf Mann die Figur des Zivilisationsliteraten, der gegen sein eigenes Land als intellektueller Agent der Westmächte publizistisch zu agitieren begann. Natürlich ist diese Figur stereotypisch überzeichnet; wir dürfen aber davon ausgehen, dass dieser Typus damals zuhauf Repräsentanten fand – und bis heute findet. Thomas Mann verketzert das Zivilisationsliteratentum jedoch nicht als „Verräterei“ und schiebt sie auf die Feindseite ab, sondern fragt nach den tieferen Ursachen dieses Phänomens.

Dabei stellt er fest, dass die innere geistige Einheitlichkeit und Geschlossenheit, wie sie bei allen europäischen Nationen gerade in Kriegszeiten besonders entwickelt ist, für Deutschland nicht so einfach in Anschlag zu bringen ist: Deutschland sei keine Nation in diesem Sinne, denn es habe eine andere Bildungsgeschichte und einen anderen Menschlichkeitsbegriff. Die geistigen Gegensätze seien so stark ausgeprägt, dass sie ein nationales Band nur schwerlich umfassen und vereinigen könne. Das liege vor allem daran, dass diese Gegensätze weniger nationaler als europäischer Art sind, die ihre Spannungen auf deutschem Boden und in deutscher Seele entladen: „In Deutschlands Seele werden die geistigen Gegensätze Europas ausgetragen, — im mütterlichen und im kämpferischen Sinne ›ausgetragen‹. Dies ist seine eigentliche nationale Bestimmung. Nicht physisch mehr — dies weiß es neuerdings zu verhindern —, aber geistig ist Deutschland immer noch das Schlachtfeld Europas.“ Infolge von Deutschlands Mittellage in Europa gerät es nicht nur in eine geopolitische Bedrohungssituation, sondern wird zum seelischen Kampfplatz für europäische Gegensätze. Das bedeutet nicht nur, als eine permanente Arena eines Kulturkampfes zu dienen, sondern auch eine geistig-kulturelle Gemengelage, die künstlerischer Schaffenskraft eine produktive Anarchie von singulärer Qualität ermöglicht. Der Preis dafür fällt hoch aus: es ist die Zersplitterung der deutschen Seele, die wie der ehemalige Flickenteppich deutscher Lande zerrissen und unversöhnlich fragmentiert daliegt. Es entsteht eine Geistesspaltung, die nicht nur die Seele der Nation durchfährt, sondern auch die Seele jedes einzelnen Deutschen, sein Kopf und sein Herz. Deutschtum – das ist nach Mann also keineswegs ein festgefügtes Wesen, eine fertige Festung, die lediglich nach außen verteidigt werden müsste, nein: Deutschtum ist durch und durch problematisch, es ist selbst ein Problem, eine unbeantwortete Frage. Welche Gefahr bestünde nun für Deutschland, falls es den Weltkrieg verlöre und dem Westen einverleibt würde? Wäre das nicht ein nachhaltiger Beitrag für den Frieden in Europa? Nicht zufällig berufen sich die gegenwärtigen EU-Propagandisten, wenn sie ihre Vision in Frage gestellt sehen oder weitere Forderungen und Maßnahmen durchsetzen wollen, auf diese ideologische Legitimationsformel. „Westintegration“, „westliche Wertgemeinschaft“, „der Frieden in Europa“ – ob mit Krieg oder ohne, es sind bis heute die unhinterfragbaren Grundaxiome, die das Fundament bundesrepublikanischen Selbstverständnisses abgeben sollen. Die deutsche Eigenart kommt hingegen überhaupt nicht mehr vor, nicht mal mehr an zweiter Stelle. Was sagt nun Thomas Mann zu Deutschlands nationaler Neutralisation? „Wessen Bestreben es wäre, aus Deutschland einfach eine bürgerliche Demokratie im römisch-westlichen Sinn und Geiste zu machen, der würde ihm sein Bestes und Schwerstes, seine Problematik nehmen wollen, in der seine Nationalität ganz eigentlich besteht; der würde es langweilig, klar, dumm und undeutsch machen wollen und also ein Anti-Nationalist sein, der darauf bestünde, daß Deutschland eine Nation in fremdem Sinne und Geiste würde . . .“ Bei „bürgerlicher Demokratie im römisch-westlichen Sinne“ dürfen wir nicht primär an eine Staatsform denken, sondern es ist eine ganz andere politische Kultur gemeint, die heute nicht wesentlich anders aussieht als damals; man könnte sie „Weltbürgertum“ oder „Weltzivilisation“ nennen, eine imperialistische Bestrebung, die darauf abzielt, das globale Dorf zu begründen, das multikulturelle Traumparadies oder den ewigen herrschaftsfreien Diskurs im Maßstab der Weltkommunikation. Totale Menschheit, totale Toleranz, totaler Fortschritt. Wenn Deutschland darin aufgehen würde, würde es aufhören, Problem zu sein bzw. überhaupt zu sein. Um zu verstehen, warum Mann diese Option, die heute wahrscheinlicher als je erscheint, so perhorresziert, müssen wir die Rolle klarer herausstellen, die unser Land laut ihm in seiner Geschichte gegen den Westen einnahm. Helmut Plessner sprach abfällig von der „verspäteten Nation“ und bescheinigte Deutschland einen zivilisatorischen Rückstand gegenüber Frankreich und England. Mann perspektiviert denselben Sachverhalt andersherum und dreht ihn ins Positive: Deutschland sei immer das protestierende Reich gegen den „römischen Westen“ gewesen. Es machte bei dessen universalistischen Heilsphantasien nicht mit und scherte ostentativ aus. Es erwies sich dadurch als das protestantische Land im wahrsten Sinne des Wortes.

Was tut der Zivilisationsliterat? Nun, er protestiert gegen den Protest und „fordert den innigen Anschluß Deutschlands an das Zivilisationsimperium“. Er bekennt sich nicht nur dazu, er kämpft tatsächlich auf der Gegenseite. Er ist inneres Ausland. Und trotzdem: Mann hütet sich, ihn als Vaterlandsverräter oder „undeutsch“ zu denunzieren:  „Der Begriff ›deutsch‹ ist ein Abgrund, bodenlos, und mit seiner Negation, der Entscheidung ›undeutsch‹, muß man äußerst vorsichtig umgehen, um nicht zu Fall und Schaden dabei zu kommen.“ Da der Begriff „deutsch“ ohnehin abgründig ist und eigentlich bereits eine Negation darstellt, ist die Negation dieser Negation eine schwierige Angelegenheit. Anders gesagt: Wenn Deutschtum wesentlich Negativität bedeutet, schließt es auch seine eigenen Negationen in sein positives Wesen mit ein, so dass den Zivilisationsliteraten auch ein gewisser Patriotismus nicht abzusprechen ist. Nur: „Ihr Patriotismus bekundet sich dergestalt, daß sie die Vorbedingung der Größe, oder, wenn nicht der Größe, so doch des Glückes und der Schönheit ihres Landes nicht in seiner störenden und Haß erregenden »Besonderheit«, sondern, um es zu wiederholen, in seiner bedingungslosen Vereinigung mit der Welt der Zivilisation, der Literatur, der herzerhebend und menschenwürdig rhetorischen Demokratie erblicken, — welche Welt durch die Unterwerfung Deutschlands in der Tat komplett würde: ihr Reich wäre vollendet und umfassend, es gäbe keine Opposition mehr gegen sie.“ Der Triumph des Westens wäre das globale Universalreich der Kommunikation, die offene Gesellschaft ohne ihre Feinde, oder negativer gesprochen: der totale Konformismus einer gleichförmigen ‚One World’ ohne Opposition und Protest, zu denen gerade Deutschland nach Thomas Mann die geistig-kulturelle Potenz besessen hätte. Vielleicht steht dessen Ausfall nicht zuletzt mit der sukzessiven Annäherung an diesen scheinbar alternativlosen Weltzustand in kausalem Zusammenhang.

Doch lassen wir Mann diese schwammige Ideologie noch weiter konkretisieren, damit hinter ihrer zuckrigen Fassade zugleich auch ihre Peitsche sichtbar wird. Er nennt den Zivilisationsliteraten einen Pleonasmus. Was bedeutet das? Letztendlich, dass die Zivilisation, die der Zivilisationsliterat propagiert, eben nichts anderes als Literatur ist! Das heißt keine realpolitisch mögliche Wirklichkeit, sondern eine utopische Fiktion, die bestenfalls in Träumen oder Romanen ihren angemessenen Platz hat. Ihre Demokratie ist pure Rhetorik. Mann entlarvt sie als Kopfgeburt der französischen Revolution, als deren zeitgenössische Vollstecker sich die Zivilisationsliteraten verstehen: „Frankreich ist sein Land, die Revolution seine große Zeit, es ging ihm gut damals, als er noch ›Philosoph‹ hieß und in der Tat die neue Philosophie, nämlich die der Humanität, Freiheit, Vernunft vermittelte, verbreitete, politisch zubereitete…“ Der Zivilisationsliterat –ein „Element des nationalen Schicksals“ – erweist sich deshalb als so gefährlich, weil er den Monopolanspruch und die Definitionshoheit über solche Begriffe wie Menschheit und Brüderlichkeit errungen hat, obwohl wer Menschheit sagt, auch betrügen könnte oder Brüderlichkeit und Blutgerüste nahe beieinanderliegen könnten. Das sieht man diesen abstrakten Begriffen allerdings nicht an, sondern höchstens ihren historischen Verwirklichungsversuchen und zwar erst dann, wenn es schon zu spät ist. Um historische Durststrecken zu überbrücken und Aktivierungsenergie für die vernünftige Menschheitsrepublik zu sammeln, identifiziert sich der Zivilisationsliterat gerne mit dem Lauf der Geschichte selbst, die er als Fortschritt im Bewusstsein der Freiheit denkt:  „Das Bewußtsein, den ›Fortschritt‹ für sich zu haben, zeitigt offenbar eine sittliche Sicherheit und Selbstgewißheit, die der Verhärtung nahekommt und schließlich das Gemeine zu adeln glaubt, einfach dadurch, daß sie sich seiner bedient.“ Wer für den Fortschritt ist, dem ist alles erlaubt und darf jedes Mittel recht und billig sein. Wer diesen hingegen in Frage stellt, den trifft das Gemeine mit voller Breitseite.

Mann weigert sich jedoch hartnäckig, den Zivilisationsliteraten dasjenige Schicksal zuzumuten, das er seinen Feinden aufbürden will, sie nämlich zur persona non grata außerhalb von Recht und Menschheit zu deklarieren und für verbale und physische Barbarenschelte freizugeben: „Undeutsch? Aus allen meinen Kräften wehre ich mich dagegen, ihn undeutsch zu nennen, und werde nicht aufhören, mich dagegen zu wehren, solange die Kräfte mir nicht versagen. Man kann höchst deutsch sein und dabei höchst antideutsch. Das Deutsche ist ein Abgrund, halten wir fest daran.“ Im Zivilisationsliteraten schaut „Der Deutsche“ in seinen eigenen Abgrund: „Selbstekel und Einfremdung, kosmopolitische Hingebung und Selbstentäußerung“, die auch Teil deutschen Wesens sind, seines tief gespaltenen Wesens. Aber nicht nur das. Wenn er genauer hinsieht, würde er ebenso das Antlitz eines fremden Nationalismus erkennen, und zwar nationalfranzösischer Art: „Er ist einer der besten französischen Patrioten. Der Glaube trägt ihn und verleiht seinem Stile zuweilen ein herrliches Tremolo, einen bewunderungswürdigen Schwung: der Glaube an die Ruhmes- und Missionsidee seines — des französischen — Volkes und daß es ein für allemal zum Lehrer der Menschheit berufen sei, berufen, ihr ›die Gerechtigkeit‹ zu bringen, nachdem es ihr ›die Freiheit‹ gebracht hat (welche aber aus England stammt). Er denkt nicht nur in französischer Syntax und Grammatik, er denkt in französischen Begriffen, französischen Antithesen, französischen Konflikten, französischen Affären und Skandalen. Der Krieg, in dem wir stehen, erscheint ihm, völlig entente-korrekt, als ein Kampf zwischen ›Macht und Geist‹ — das ist seine oberste Antithese! —, zwischen dem ›Säbel‹ und dem Gedanken, der Lüge und der Wahrheit, der Roheit und dem Recht. (Ich brauche nicht hinzuzufügen, auf welcher Seite nach seiner Ansicht sich Säbel, Roheit und Lüge, auf welcher sich die antithetisch entsprechenden Ideale befinden.)“ Diese manichäische Logik, obwohl sie bei weitem nicht mehr so martialisch daherkommt, dauert bis heute fort, nur mit dauernd veränderter Rollenbesetzung: Zivilisation gegen Barbarei, die Guten gegen das Reich des Bösen, der Aufstand der Anständigen usw. Wer so redet, führt eine Feindbestimmung durch und meldet politische Hegemonieansprüche unter einem moralischen Denkmäntelchen an. Wer will schließlich nicht gerne mit den Heeren des Geistes und der Zivilisation marschieren? Widersprechende müssen verrückt, dumm oder krank sein. Aber wieso überhaupt noch marschieren? Ist der Zivilisationsliterat nicht notwendig Pazifist, weil er den Geist verkörpert? Ganz im Gegenteil, urteilt Mann: „Es verhält sich so, daß der Zivilisationsliterat den Krieg nicht mißbilligt, wenn dieser im Dienste der Zivilisation unternommen wird. […] Wie könnte denn auch der Schüler der Revolution — um nicht zu sagen: ihr Epigone — das Vergießen von Blut um der guten Sache, um der Wahrheit, des Geistes willen grundsätzlich verurteilen? »Entschlossene Menschenliebe« — das Wort gehört dem Zivilisationsliteraten - entschlossene Menschenliebe ist nicht blutscheu;“ Entschlossene Menschenliebe heiligt also das Mittel des Krieges, der zunehmend Kreuzzugscharakter gewinnt, insofern er ja im Zeichen von Menschheit, Zivilisation und Gerechtigkeit steht. Die Gegner sind damit per definitionem die Menschenhasser und Barbaren, deren Anliegen jede Legitimität abgesprochen wird. Wir haben es hier mit der pervertierten Renaissance des gerechten Krieges zu tun, der in dem Maße, wie er mit Sendungsbewusstsein und Missionseifer aufgeladen ist, seine Feinde entmenschlicht. Das Ziel des Zivilisationsliteraten lässt sich mit keinen geringeren Vokabeln umschreiben als mit „Erlösung“ oder „Befreiung“, die der römische Westen in pädagogischer Oberlehrermanier seinem frechen Ziehsohn Deutschland beibringen will: „»Deutschland wird sich schicken müssen«, sagte er damals, und seine Augen glommen. Deutschland wird endlich artig sein müssen, sagte er, und es wird dann glücklich sein wie ein Kind, das nach Schlägen schrie und, wenn es welche bekommen hat, dankbar ist, daß man seinen Trotz gebrochen, ihm über seine Hemmungen hinweggeholfen, es erlöst, es befreit hat. Wir erlösen und befreien Deutschland, indem wir es schlagen, es auf die Knie werfen, seine böse Renitenz, ihm selbst zur Wohltat, brechen und es zwingen, Vernunft anzunehmen und ein ehrenwertes Mitglied der demokratischen Staatengesellschaft zu werden.“ Wie würde die Welt wohl aussehen, wenn sich das westliche Zivilisationsimperium global durchgesetzt und die Renitenz seiner Feinde nachhaltig eliminiert hätte – eine Weltsituation, die heute nicht mehr als allzu weit hergeholt erscheint, nachdem Deutschland als Bastion des Protestes nach zwei Weltkriegen endgültig unter die Fittiche der westlichen Wertegemeinschaft genommen und in eine der Vorzeigekolonien der Weltzivilisation verwandelt wurde? Thomas Mann formulierte diese Option noch vorsichtig im Konjunktiv, weil die letzten Entscheidungen noch nicht gefallen waren: „Gesetzt, das wäre geschehen, die Entente ihrerseits hätte rasch und glänzend gesiegt, die Welt wäre vom deutschen ›Alpdruck‹, dem deutschen ›Protest‹ befreit worden, das Imperium der Zivilisation hätte sich vollendet, oppositionslos übermütig geworden: das Ergebnis wäre ein Europa gewesen, — nun, ein wenig drollig, ein wenig platt-human, trivial-verderbt, feminin-elegant, ein Europa, schon etwas allzu ›menschlich‹, etwas preßbanditenhaft und großmäulig-demokratisch, ein Europa der Tango- und Two-Step-Gesittung, ein Geschäfts- und Lusteuropa à la Edward the Seventh, ein Monte-Carlo-Europa, literarisch wie eine Pariser Kokotte.“ Die Neutralisierung Deutschlands beträfe das kulturelle Gepräge Gesamteuropas: Der ganze Kontinent durchliefe eine Entwicklung, in deren Zuge er zu einem „Geschäfts- und Lusteuropa“ degenerierte, das – obwohl im Zeichen von „human freedom und peace“ – tatsächlich die eigene geistg-kulturelle Prostitution zelebrierte. Sind wir heute noch so weit davon entfernt? Auch Mann gab schon zu, dass es eine Entwicklung sei, „die ich für notwendig, da heißt: für unvermeidlich halte“, ein „Fortschritt, – der mir, nicht selten wenigstens, als unaufhaltsam und schicksalsergeben erscheint und den an meinem bescheidenen Teile zu fördern mein eigenes Schicksal ist“. Der ‚Protest’ gegen den ‚Fortschritt’ sieht aussichtslos aus: „Der Fortschritt hat alles für sich. Nur scheinbar ist er die Opposition. Der erhaltene Gegenwille ist es, der in Wahrheit immer und überall die Opposition bildet, der sich in der Verteidigung befindet, und zwar in einer, wie er genau weiß, aussichtslosen Verteidigung.“

Trotzdem sollte die Verteidigung versucht, wenigstens der Nonkonformismus mit dem Zivilisationsliteratentum praktiziert werden. Es ist wichtig an dieser Stelle nochmals zu betonen, dass die Zivilisationsliteraten keine bestimmte politische Gruppierung darstellen, auf die man despektierlich mit dem Finger zeigen könnte – davor hatte Mann ja schon 1918 scharf gewarnt. Der Zivilisationsliterat steht weder rechts noch links, weder oben noch unten in der Gesellschaft, sondern er ist ein Symbol, das damals wie heute nicht nur die süße Versuchung der nationalen Selbstentkernung Deutschlands anzeigt – moderner: „Deutschland schafft sich ab“- sondern zugleich auch immer für eine Grundmöglichkeit deutschen Daseins steht, die seinem abgründigen Wesen entspringt. Die andere Grundmöglichkeit deutschen Daseins ist als Gegengewicht ebenso notwendig und kann mit Mann „konservative Opposition“ oder „ästhetische Revolte“ genannt werden. Die Proponenten dieses Flügels haben sich immer wieder die Frage zu stellen, die Thomas Mann am Ende des Kapitels zu seinem Zivilisationsliteraten rhetorisch gestellt hat:  „Es handelt sich um die Politisierung, Literarisierung, Intellektualisierung, Radikalisierung Deutschlands, es gilt seine ›Vermenschlichung‹ im lateinisch-politischen Sinne und seine Enthumanisierung im deutschen . . . es gilt, um das Lieblingswort, den Kriegs- und Jubelruf des Zivilisationsliteraten zu brauchen, die Demokratisierung Deutschlands, oder, um alles zusammenzufassen und auf den Generalnenner zu bringen: es gilt seine Entdeutschung . . . Und an all diesem Unfug sollte ich teilhaben?“ Um die wirklich eigene Form von Demokratie und politischer Kultur wieder zu gewinnen, um in das eigene Wesen wieder einzukehren, bedarf es vor allem eines: Mut zum Protest.

Literatur:

Thomas Mann: Betrachtungen eines Unpolitischen.

samedi, 07 décembre 2013

The Faustian Soul & Western Uniqueness

The Faustian Soul & Western Uniqueness

 

By Domitius Corbulo

Ex: http://www.counter-currents.com/

51gUU36cL2L._SY445_.jpgIf I had to choose one word to explain why the West has been the most creative civilization it would be “Faustian.” My choice of this word hinges on the realization that the West has been following a unique cultural path since ancient times in the course of which it has exhibited far higher levels of achievement in all the intellectual, artistic, and heroic spheres of life.

The current academic consensus is that the West diverged from the Rest only with the onset of mechanized industry, use of inorganic sources of energy, and application of Newtonian science to industry. This consensus holds for both multiculturalist and Eurocentric historians. David Landes, Kenneth Pomeranz, Bin Wong, Joel Mokyr, Jack Goldstone, E.L. Jones, and Peer Vries all single out the Industrial Revolution of 1750/1830 as the point during which the “great divergence” occurred. It matters little how far back in time they trace this Revolution, or how much weight they assign to preceding developments such as the Scientific Revolution or the gains from the colonization of the Americas, their emphasis is on the “divergence” generated by the arrival of the steam engine.

Charles Murray’s Human Accomplishment:Pursuit of Excellence in the Arts and Sciences, 800 BC to 1950, informs us that ninety-seven percent of accomplishment in the sciences occurred in Europe and North America from 800 BC to 1950. It also informs us that, in the arts, Europe alone produced a far higher number of “significant figures” than the rest of the world combined. In music, “the lack of a tradition of named composers in non-Western civilization means that the Western total of 522 significant figures has no real competition at all” (Human Accomplishment, 259).

But Murray’s statistical analysis can only take us so far. He pays no attention to accomplishments in warfare, exploration, and heroic leadership. His definition of accomplishment includes only peaceful individuals carrying scientific experiments and creating artistic works. I think Europeans were exceptional also in their expansionist and exploratory behaviors. Both their “civilized” and “uncivilized” were inseparably connected to their peculiarly agonistic ethos of aristocratic individualism. The great men of Europe were all artists driven by an intensively felt desire for unmatched deeds. The “great ideas” – Archimedes’ “Give me a place to stand and with a lever I will move the whole world,” – Hume’s “love of literary fame, my ruling passion” – were associated with aristocratic traits, disputatiousness and defiant temperaments – no less than Cortez’s immense ambition for honour and glory, “to die worthily than to live dishonoured.”

Spengler has provided us with the best word to overcome the current naïve separation between a cultured/peaceable West and an uncivilized/antagonistic West with his image of a strikingly vibrant culture driven by a type of Faustian personality overflowing with expansive, disruptive, and imaginative impulses manifested in all the spheres of life.

Spengler believed that the “prime-symbol” of the Faustian soul was its “tendency towards the infinite,” and that this tendency found its “purest expression” in modern mathematics. The “infinite continuum,” the exponential logarithm and “its dissociation from all connexion with magnitude” and transference to a “transcendent relational world” were some of the words he used to describe Western mathematics. But Spengler also wrote of the “bodiless music” of the Western composer, “in which harmony and polyphony bring him to images of utter ‘beyondness’ that transcend all possibilities of visual definition”, and, before the modern era, of the Gothic “form-feeling” of “pure, imperceptible, unlimited space” (Decline of the West, trans. Charles Francis Atkinson, vol.1, Form and Actuality [Alfred Knopf, [1923] 1988: 53-90, 183-216).

Mathematicians no less than musicians were “artist-men” and these artists were exemplars of the “emancipation” of the Western soul from magnitude, from “servitude” to measureable lines and planes, from the “near and corporeal.” Spengler believed that this soul-type was first visible in medieval Europe, starting with Romanesque art, but particularly in the “spaciousness of Gothic cathedrals,” “the heroes of the Grail and Arthurian and Siegfried sagas, ever roaming in the infinite, and the Crusades,” including “the Hohenstaufen in Sicily, the Hansa in the Baltic, the Teutonic Knights in the Slavonic East, [and later] the Spaniards in America, [and] the Portuguese in the East Indies (Decline of the West, 183-216).

I will leave aside my disagreements with Spengler’s image of classical Greece and Rome as cultures that conceived things in terms of proportion and balance in recurring patterns, except to agree with Nietzsche that classical Greeks were singularly agonal, driven by a Promethean aristocratic ethos.

This soul was palpable in all the Western spheres of life – painting, politics, architecture, science, literature, poetry, exploration, warfare, and philosophy. There was something Faustian about all the great men of Europe, in real life or fiction: Hamlet, Richard III, Gauss, Newton, Nicolas Cusanus, Don Quixote, Goethe’s Werther, Gregory VII, Michelangelo, Paracelsus, Dante, Descartes, Don Juan, Bach, Wagner’s Parsifal, Haydn, Leibniz’s Monads, Giordano Bruno, Frederick the Great, Rembrandt, Ibsen’s Hedda Gabler. “The Faustian soul – whose being consists in the overcoming of presence, whose feeling is loneliness and whose yearning is infinity – puts its need of solitude, distance, and abstraction into all its actualities, into its public life, its spiritual and its artistic form-worlds alike” (Decline of the West, 386).

Christianity, too, became a thoroughly Faustian moral ethic. “It was not Christianity that transformed Faustian man, but Faustian man who transformed Christianity — and he not only made it a new religion but also gave it a new moral direction”: will-to-power in ethics (Decline of the West, 344). This “Faustian-Christian morale” produced “Christians of the great style — Innocent III, Loyola and Savonarola, Pascal and St. Theresa […] the great Saxon, Franconian and Hohenstaufen emperors . . . giant-men like Henry the Lion and Gregory VII . . . the men of the Renaissance, of the struggle of the two Roses, of the Huguenot Wars, the Spanish Conquistadores, the Prussian electors and kings, Napoleon, Bismarck, Rhodes” (Decline of the West, 348-49).

Spengler captured better than anyone else (though Hegel was a great anticipator) the West’s main protagonist: not a calmed, disinterested, rationalistic personality, but a highly energetic, restless, fateful being, unwilling to be limited by boundaries, determined to break through the unknown, supersede the norm and achieve mastery. Some other words and phrases Spengler used to describe the traits and aims of this soul were: “unrestrained,” “strong-willed,” “far-ranging,” “active, fighting, progressing,” “overcoming of resistances,” “against what is near, tangible and easy,” “the fierceness and joy of tension” (Decline of the West, 308-337).

The seemingly amorphous, immeasurable, and infinite concept of a Faustian soul is far better to explain Western uniqueness than the measurable but rather confined IQ concept. There is clearly a general link between IQ and cultural achievement. But IQ experts, J. Philippe Rushton and Richard Lynn, have yet to offer a sound explanation why Europeans achieved far more culturally than the East Asians with their higher average IQ. Rushton highlights Chinese priority in a number of technologies before the modern era. He points to the Chinese use of printing by the 9th century, “600 years before Europe saw Gutenberg’s first Bible.” He says the Chinese were using “flame throwers, guns, and cannons” by the 13th century, “about 100 years before Europe.” They were using the magnetic compass in the 1st century, “not found in European records until 1190.” “In 1422, seventy years before Columbus’s three small ships crossed the Atlantic, the Chinese reached the east coast of Africa,” with a fleet of 65 ships superior in size and technique.

Sounding like a multicultural revisionist, Rushton adds: “With their gunpowder weapons, navigation, accurate maps and magnetic compasses, the Chinese could easily have gone around the tip of Africa and ‘discovered’ Europe!” (Race, Evolution, and Behavior, 2nd Abridged Version, Charles Darwin Research Institute, 2000).

Even more, Rushton views the last five centuries of European superiority as a temporary deviation that is now being superseded by not only Japan but China, Taiwan, Singapore, and South Korea. Lynn has the same opinion. But they have not offered an answer as to why Europeans were responsible for almost every single advance and invention in modern times. East Asian creativity, they say, was kept under a lid by cultural norms and institutions that are now breaking down. But there are multiple problems with Rushton’s claims, staring with his very one-sided association of creativity with science and technology, and his exaggerations about Chinese technology prior to 1500. After the Sung era (960-1279), the Chinese ceased to be inventive, whereas it was the medieval Europeans who went on to make continuous improvements on the Chinese inventions Rushton mentions, and then added their own: spectacles, mechanical clocks, navigational techniques, gauges, micrometres, water mills, fine wheel cutters, and more. The Chinese possessed large junks but did not discover a single new nautical mile. The ancient Greeks were far more advanced in the theoretical sciences, geometry, deductive reasoning, not to mention their arts and humanities. The Romans were just as inventive technologically, progenitors of great military strategists and conquerors, and true innovators in jurisprudence. Chinese education is still backward, dogmatic, and this is why they send their students to the West. Europeans invented each and every discipline taught in our universities. Virtually every great philosopher, poet, painter, novelist, explorer in history is European.

880970887.jpgWe need an explanation for this incredible discrepancy. But what exactly is the Faustian soul? How do we connect it to Europe’s creativity? To what original source or starting place did Spengler attribute this yearning for infinity? He directed attention to the barbarian peoples of northern Europe. In Man and Technics, he wrote of how the Nordic climate forged a character filled with vitality, “an intellect sharpened to the most extreme degree, with the cold fervour of an irrepressible passion for struggling, daring, driving forward.” The Nordic character was a human biological being to be sure, but one animated with the spirit of a “proud beast of prey,” like that of an “eagle, lion, [or] tiger.” For this Nordic individual, “the concerns of life, the deed, became more important than mere physical existence.” He wants to climb high, soar upward and reach ever higher levels of existential intensity. Adaptation and reproduction are not enough (Man and Technics: A Contribution to a Philosophy of Life, Greenwood Press, 1976: 19-41).

But why a Faustian soul is attributed only to Europeans? Are their “primary emotions” really different from that of ordinary humans? A good way to start answering this question is to compare the idea of a Faustian soul with Immanuel Kant’s observations on the “unsocial sociability” of human beings. In his essay, “Idea for a Universal History from a Cosmopolitan Point of View,” Kant seemed somewhat puzzled but nevertheless attuned to the way progress in history had been driven by the fiercer, self-centred side of human nature. Looking at the wide span of history, he concluded that without the vain desire for honour, property, and status humans would have never developed beyond a primitive Arcadian existence of self-sufficiency and mutual love: “all human talents would remain hidden forever in a dormant state, and men, as good-natured as the sheep they tended, would scarcely render their existence more valuable than that of their animals. . . . [T]he end for which they were created, their rational nature, would be an unfulfilled void.”

There can no development of the human faculties, no high culture, without conflict, antagonism, and pride. It is these asocial traits, “vainglory,” “lust for power,” “avarice,” which awaken the dormant talents of humans and “drive them to new exertions of their forces and thus to the manifold development of their capacities.” Nature in her wisdom, “not the hand of an evil spirit,” created “the unsocial sociability of humans.”

But Kant never asked, in this context, why Europeans were responsible, in his own estimation, for most of the moral and rational progression in history. In another publication, Anthropology from a Pragmatic Point of View (1798), Kant did observe major differences in the psychological and moral character of races as exhibited in different places on earth. He ranked races accordingly, with Europeans at the top in “natural traits.” Still, Kant never connected his anthropology with his principle of asocial qualities.

Did “Nature” foster these asocial qualities evenly among the cultures of the world? While these “vices” – as we have learned today from evolutionary psychology — are genetically-based traits that evolved in response to long periods of adaptive selective pressures associated with the maximization of human survival, there is no reason to assume that the form and degree of these traits evolved evenly or equally among all the human races and cultures. It is my view that the asocial qualities of Europeans were different, more intense, acuter, strident, individuated.

I believe that this variation should be traced back to the aristocratic culture of Indo-Europeans. Indo-Europeans were a pastoral people from the Pontic-Caspian steppes who initiated the most mobile way of life in prehistoric times starting with the riding of horses and the invention of wheeled vehicles in the fourth millennium BC, together with the efficient exploitation of the “secondary products” of domestic animals (dairy products, textiles, harnessing of animals), large-scale herding, and the invention of chariots in the second millennium. By the end of the second millennium, even though Indo-Europeans invaded both Eastern and Western lands, only the Occident had been “Indo-Europeanized.”

Indo-Europeans were uniquely ruled by a class of free aristocrats grouped into war-bands. These bands were constituted associations of men operating independently from tribal or kinship ties, initiated by any powerful individual on the merits of his martial abilities. The relation between the chief and his followers was personal and contractual: the followers would volunteer to be bound to the leader by oaths of loyalty wherein they would promise to assist him while the leader would promise to reward them from successful raids. The most important value of Indo-European aristocrats was the pursuit of individual glory as members of their warbands and as judged by their peers. The Iliad, Beowulf, The Song of Roland, including such Irish, Icelandic and Germanic sagas as Lebor na hUidre, Njals Saga, Gisla Saga Sursonnar, The Nibelungenlied recount the heroic deeds and fame of aristocrats — these are the earliest voices from the dawn of Western civilization. Within this heroic ‘life-world’ the unsocial traits of humans took on a sharper, keener, individuated expression.

What about other central Asian peoples from the steppes such as the Mongols and Turks who produced a similar heroic literature? There are a number of substantial differences. First, the Indo-European epic and heroic tradition precedes any other tradition by some thousands of years, not just the Homeric and the Sanskrit epics but, as we now know with some certainty from such major books as M. L. West’s Indo-European Poetry and Myth, and Calvert Watkins’s How to Kill a Dragon: Aspects of IE Poetics (1995), going back to a prehistoric oral tradition. Second, IE poetry exhibits a keener grasp and rendition of the fundamentally tragic character of life, an aristocratic confidence in the face of destiny, the inevitability of human hardship and hubris, without bitterness, but with a deep joy. Third, IE epics show both collective and individual inspiration, unlike non-IE epics which show characters functioning only as collective representations of their communities. This is why in some IE sagas there is a clear author’s stance, unlike the anonymous non-IE sages; the individuality, the rights of authorship, the poet’s awareness of himself as creator, is acknowledged in many ancient and medieval European sagas.

But how do we connect the barbaric asocial traits of prehistoric Indo-European warriors to the superlative cultural achievements of Greeks and later civilized Europeans? Another German thinker, Nietzsche, provides us with the best insights to explain how the untamed agonistic ethos of Indo-Europeans was translated into civilized creativity. I am thinking of the fascinating idea, expressed in his early essay “Homer on Competition,” that civilized culture or convention (nomos) was not imposed on nature but was a sublimated continuation of the strife that was already inherent to nature (physis).The nature of existence is based on conflict and this conflict unfolded itself in human institutions and governments. Humans are not naturally harmonious and rational as Socrates had insisted; the nature of humanity is strife. Nietzsche argued against the separation of man/culture from nature: the cultural creations of humanity are expressions or aspects of nature itself.

But nature and culture are not identical; the artistic creations of humans, their norms and institutions, constitute a rechanneling of the destructive striving of nature into creative acts, which give form and aesthetic beauty to the otherwise barbaric character of natural strife. While culture is an extension of nature, it is also a form by which human beings conceal their cruel reality, and the absurdity and the destructiveness of their nature. This is what Nietzsche meant by the “dual character” of nature; humans restrain or sublimate their drives to create cultural artefacts as a way of coping with the meaningless destruction associated with striving.

158859440-friedrich-wilhelm-nietzsche.jpg

Nietzsche, in another early publication, The Birth of Tragedy, referred to this duality of human existence, nomos and physis, as the “Apollonian and Dionysian duality.” The Dionysian symbolized the excessive and intoxicating strife which characterized human life in early tribal societies, whereas the Apollonian symbolized the restraint and rechanneling of conflict possible in state-organized societies. In the case of Greek society, during pre-Homeric times, Nietzsche envisioned a world in which there were no or few limits to the Dionysian impulses, a time of “lust, deception, age and death.” The Homeric and classical (Apollonian) inhabitants of city-states brought these primordial drives under “measure” and self-control. The emblematic meaning of the god Apollo was “nothing in excess.” Apollo was a provider of soundness of mind, a guardian against a complete descent into a state of chaos and wantonness. He was a redirector of the willful and hubristic yearnings of individuals into organized forms of warfare and higher levels of art and philosophy.

For Nietzsche, Greek civilization was not produced by a naturally harmonious character, or a fully moderated and pacified city-state. One of the major mix-ups all interpreters of the rise of the West fall into is to assume that Western achievements were about the overcoming and suppression of our Dionysian impulses. But Nietzsche is right: Greeks achieved their “civility” by rechanneling the destructive feuding and blood lust of their Dionysian past and placing their strife under certain rules, norms and laws. The limitless and chaotic character of strife as it existed in the state of nature was “civilized” when Greeks came together within a larger political horizon, but it was not repressed. Their warfare took on the character of an organized contest within certain limits and conventions. The civilized aristocrat was the one who, in exercising sovereignty over his powerful longings (for sex, booze, revenge, and any other kind of intoxicant) learned self-command and, thereby, the capacity to use his reason to build up his political power and rule those “barbarians” who lacked this self-discipline. The Greeks created their admirable culture while remaining at ease with their superlative will to strife.

To complete Nietzsche’s insights we need to add the historically based argument that the Greeks viewed the nature of existence as strife because of their background in an Indo-European state of nature where strife was the overriding ethos. There are strong reasons to believe that Nietzsche’s concept of strife is an expression of his own Western background and his study of the Western agonistic mode of thinking that began with the Greeks. One may agree that strife is in the “nature of being” as such, but it is worth noting that, for Nietzsche, not all cultures have handled nature’s strife in the same way and not all cultures have been equally proficient in the sublimated production of creative individuals or geniuses. Nietzsche thus wrote of two basic human responses to the horror of endless strife: the un-Hellenic tendency to renounce life in this world as “not worth living,” leading to a religious call to seek a life in the beyond or the after-world, or the Greek tragic tendency, which acknowledged this strife, “terrible as it was, and regarded it as justified.” The cultures that came to terms with this strife, he believed, were more proficient in the completion of nature’s ends and in the production of creative individuals willing to act in this world. He saw Heraclitus’ celebration of war as the father and king of the whole universe as a uniquely Greek affirmation of nature as strife. It was this affirmation which led him to say that “only a Greek was capable of finding such an idea to be the fundament of a cosmology.”

The Greek-speaking aristocrats had to learn to come together within a political community that would allow them to find some common ground and thus move away from the state of nature with its endless feuding and battling for individual glory. There would emerge in the 8th century BC a new type of political organization, the city-state. The greatness of Homeric and Classical Greece involved putting Apollonian limits around the indispensable but excessive and brutal Dionysian impulses of barbaric pre-Homeric Greeks. Ionian literature was far from the berserkers of the pre-Homeric world, but it was just as intensively competitive. The search for the truth was a free-for-all with each philosopher competing for intellectual prestige in a polemical tone that sought to discredit the theories of others while promoting one’s own. There were no Possessors of the Way in aristocratic Greece; no Chinese Sages decorously deferential to their superiors and expecting appropriate deference from their inferiors.

This agonistic ethos was ingrained in the Olympic Games, in the perpetual warring of the city-states, in the pursuit of a political career and in the competition among orators for the admiration of the citizens, and in the Athenian theatre festivals where a great many poets would take part in Dionysian competitions. It was evident in the sophistic-Socratic ethos of dialogic argument and the pursuit of knowledge by comparing and criticizing individual speeches, evaluating contradictory claims, competitive persuasion and refutation. In Descartes’s rejection of all prior knowledge and assertion of his autonomous intellect, “I think, therefore I am”, the transcendent mind, the self-determining ego, separated from any unity with nature and tradition. Spengler saw this ego expressing itself everywhere: in “the Viking infinity wistfulness” and their colonizing activities through the North Sea, the Atlantic, and the Black Sea; in the Portuguese and Spaniards who “were possessed by the adventured-craving for uncharted distances and for everything unknown and dangerous; in “the emigration to America,” “the Californian gold-rush,” “the passion of our Civilization for swift transit, the conquest of the air, the exploration of the Polar regions and the climbing of almost impossible mountain peaks” — “dramas of uncontrollable longings for freedom, solitude, immense independence, and of giantlike contempt for all limitations.”

“These dramas are Faustian and only Faustian. No other culture, not even the Chinese, knows them” (Decline of the West, 335-37).

 

 


 

Article printed from Counter-Currents Publishing: http://www.counter-currents.com

 

URL to article: http://www.counter-currents.com/2013/12/the-faustian-soul-western-uniqueness/

 

URLs in this post:

[1] Image: http://www.counter-currents.com/wp-content/uploads/2013/12/oswald-spengler.jpg

vendredi, 06 décembre 2013

Indikatoren von Degeneration in Deutschland

degenerescence-masculin-56eba0T650.jpg

Indikatoren von Degeneration in Deutschland

Der Begriff der “Degeneration” bezeichnet in der Medizin physiologische Rückbildungs- und Verfallsabläufe, in deren Rahmen ein Körper oder ein Organ an Funktion verliert. Solche Prozesse sind in Deutschland auch auf gesellschaftlicher Ebene zu beobachten. Zahlreiche Beobachtungen legen nahe, daß sich die Qualität der Bevölkerung stabil negativ verändert. Der Verfall Deutschlands und der Deutschen ist in großen Teilen meßbar.

Hier sollen nur ausgewählte Beispiele erwähnt werden:

  • Demographie: Seit mehreren Generationen ist jede Generationen von Deutschen ungefähr ein Drittel kleiner als die vorherige. Besonders niedrig ist die durchschnittliche Kinderzahl bei den parteiübergreifend als gesellschaftspolitisches Ideal dargestellten berufstätigen Akademikerinnen.
  • Dysgenische Bevölkerungsentwicklung: Unterschichtsangehörige haben im Durchschnitt mehr Kinder als Akademiker oder andere potentielle Leistungs- und Kulturträger. Es findet somit eine biologische Negativauslese statt, die möglicherweise den Rückgang des durchschnittlichen Intelligenzquotienten in Deutschland erklärt.
  • Analphabetismus: Die Zahl der Analphabeten in Deutschland ist von zwei bis vier Millionen Analphabeten in den vergangenen Jahrzehnten auf zuletzt rund siebeneinhalb Millionen angestiegen.
  • Körperliche Degeneration: Die körperliche Leistungsfähigkeit von Kindern und Jugendliche ist im Vergleich zu den Vorgängergenerationen zuletzt deutlich zurückgegangen. Auch die Bundeswehr beobachtet einen Rückgang der körperlichen Leistungsfähigkeit von Rekruten.
  • Allgemeiner Rückgang der Leistungsfähigkeit: Teile des Öffentlichen Dienstes beobachteten, daß die Leistungsfähigkeit von Bewerbern auf fast allen Gebieten deutlich zurückgegangen sei. Aus Testergebnissen gehe hervor, daß Bewerber gegenwärtig im Durchschnitt schlechtere sprachliche Fähigkeiten, geringere körperliche Leistungsfähigkeit, schlechtere Gesundheit und schlechtere Arbeitsethik aufwiesen als in der Vergangenheit. Unternehmen beobachten bei Auszubildenden einen Rückgang u.a. sprachlicher und mathematischer Fähigkeiten.
  • Auflösung von Bindungen: Die Scheidungsquote in Deutschland hat sich in den vergangenen Jahrzehnten verfünffacht und stagniert seit 2005 auf hohem Niveau.
  • Sprachverfall: Die Rechtschreibfähig- und sprachliche Ausdrucksfähigkeit von Schülern in Deutschland gehe zurück. Junge Lehrer seien in vielen Fällen selbst nicht mehr in der Lage, diese zu vermitteln, weil ihnen die entsprechenden Kenntnisse fehlen. In Großstädten bildet sich eine primitivere Form des Deutschen heraus. Diese als “Kiezdeutsch” bezeichnete Verfallsform des Deutschen ist u.a. durch einen stark reduzierten Wortschatz, reduzierte Grammatik und eine Schwerpunktsetzung der Ausdrucksmöglichkeiten auf Beleidigungen gekennzeichnet.
  • Abbau von Standards: Sowohl Unternehmen als auch Öffentlicher Dienst senken Anforderungen an Bewerber auch aufgrund des verbreiteten Rückgangs der Leistungsfähigkeit von Bewerbern ab. Anforderungen zum Bestehen des Abiturs sind in den vergangenen Jahren stetig reduziert worden (siehe hier und hier).

Meßbare Indikatoren für Degeneration haben eine starke naturwissenschaftliche Komponente, während Degeneration auf anderen Gebieten weniger objektiv meßbar ist. Der Verweis auf meßbare Indikatoren wird häufig als “biologistisch” oder als Ausdruck eines unbegründeten konservativen Kulturpessimismus abgetan, ohne daß die auf meßbare Erscheinungen gegründete Hypothese des Verfalls jedoch widerlegt wird. Wo die Entwicklungen zur Kenntnis genommen werden, erklärt man sie zudem oft zu wertneutralem “Wandel”.

Teile dieses “Wandels” sind jedoch mit einem dauerhaften Substanzverlust des Gemeinwesens verbunden. Während soziokultureller Verfall potentiell innerhalb weniger Generationen umkehrbar wäre, sind vor allem demographische Fehlentwicklungen zum Teil kaum noch korrigierbar. Die Fehler einer Generation übertragen sich dabei vor allem bei biologischen Verfallserscheinungen auf alle nachfolgenden Generationen, solange diese nicht Maßnahmen ergreifen, die nicht nur mit Härten verbunden sind, sondern durch ihre gegenwärtige kulturelle Tabuisierung zusätzlich erschwert werden. Künftige Generationen von Deutschen werden auf diese Weise durch das unverantwortliche Handeln dieser und der vorangegangenen Generation gleich mehrfach belastet.

Ein verantwortlich handelnder Staat würde zumindest Indikatoren bestimmen, die seinen Zustand und den Zustand der Substanz, auf die er sich stützt, vollständig beschreiben. Gegenwärtig findet dies fast nur im Bereich der Volkswirtschaft statt. Ein jährlicher Bericht, der auch andere Indikatoren mißt und über lange Zeiträume vergleicht um auf dieser Grundlage Maßnahmen vorzubereiten, wäre eine Aufgabe, die von nichtstaatlicher Seite künftig zu leisten wäre.

mercredi, 04 décembre 2013

Pressedienst - November 2013

num-risation0001.jpg

Pressedienst
November 2013
 
Wieder mal einige Links. Bei Interesse einfach anklicken...
 
#####
 
AUßENPOLITISCHES
 
Sparer im Griff des „Trio Eurofernale“
Wie das Kartell aus Politik, EZB und Banken nach unseren Ersparnissen greift
 
"Sparer-Steuer" ist Dynamit für deutsche Bürger
Ein Gedankenspiel des Internationalen Währungsfonds sollte die deutschen Sparer endlich aufwachen lassen: Mit einer Sonderabgabe könnten sie an der Lösung der Euro-Schuldenkrise beteiligt werden.
 
Irre IWF-Idee: Deutsche Sparer sollen ein Zehntel ihres Vermögens abgeben
 
Zwangsabgabe auf Vermögen
IWF will zehn Prozent auf alles
 
Straf-Zinsen für Sparer: Finanz-Eliten wollen Bargeld abschaffen
Die Niedrig-Zins-Politik der Zentralbanken ist gescheitert: Nun kursiert eine neue Idee, wie die Bürger gezwungen werden können, ihr Geld in den Konsum zu stecken: Die Zentral-Banken könnten Negativ-Zinsen einführen. Dies funktioniert nur in einer Gesellschaft ohne Bargeld. Der IWF fordert bereits seit Jahren die Abschaffung des Bargelds. Erste Staaten ergreifen Maßnahmen. In den USA hat nun Obama-Berater Larry Summers die neue Strategie angedeutet.
 
Das Ende der Mittelschicht: Der Wohlstand verabschiedet sich aus Europa
 
Steuerschock für Eigentümer von Immobilien in Griechenland
 
Absturz von Bankaktien: Finanzmärkte zittern vor Stresstest der EZB
 
Handelsbilanz
EU will Europa vor Deutschland schützen
 
Handelsüberschuss
Brüssel will Deutschland schwach sehen
 
EU fordert Ächtung von Plastiktüten
 
Totalausfall: Google verschwindet für vier Minuten aus dem Netz
 
Konkurrenz zu Bitcoin: Google will echte Bank werden
 
Malmström will Europol gegen Haßverbrechen einsetzen
 
Geheim-Bericht: Frankreich rechnet mit Unruhen
 
Europäische Rechtsparteien rücken zusammen
 
Bündnis gegen Europa
Le Pen und Wilders wollen das rechte Lager vereinen
 
Frankreich
Wütende Proteste in der Bretagne
(Man beachte auch die bretonischen Fahnen)
 
30.000 Bretonen protestierten gegen Pariser Regierung
 
Frankreich fürchtet die soziale Explosion
Noch nie war ein französisches Staatsoberhaupt so unbeliebt wie François Hollande. Nur jeder fünfte glaubt noch an den Präsidenten. Und die Proteste drohen sich zu einem Flächenbrand auszuweiten.
 
England: Ex-Innenminister warnt vor Rassenunruhen
 
Griechenland
Mitglieder der „Goldenen Morgenröte“ erschossen
 
Griechenland: Linksextremisten bekennen sich zu Morden
 
Heuchler, Netzwerker, Stichwortgeber – Mechanismen des medialen Furors gegen Ungarn
 
Amerika-Hass macht‘s möglich
Frank-Furter Schnauze: Im Fall Edward Snowden offenbart die deutsche Linke einmal mehr ihr wahres Gesicht
 
"Privatsphäre gibt es nicht"
Der Historiker Walter Laqueur über das Modewort Geopolitik, Football und die große Unordnung nach dem Kalten Krieg
 
Debatte USA und Überwachung
Amis völlig paranoid
Die USA sollten ihr Sicherheitskonzept überdenken. Die Amerikaner sind von Furcht getrieben. Aber Angst ist ein Arschloch.
 
Whistleblower Edward Snowden
Auslieferung als Schicksal
 
Auch Großbritannien hört Berlin ab
 
Big Brother am Flughafen Frankfurt
US-Fahnder entscheiden, wer fliegen darf
 
(Neue Überwachung?)
Neues Verfahren
Paypal lässt mit dem Gesicht bezahlen
 
Österreich
Kritiker in der Polizei unerwünscht: Roter Pürstl suspendiert Aufdecker
 
Malta verkauft Staatsbürgerschaft für 650.000 Euro
 
(Waffenlieferungen an Salafisten in Syrien)
Türkei in Waffenlieferung verstrickt
 
Japan steuert auf den Untergang zu
 
Vietnam führt Todes-Strafe für Banker ein
 
INNENPOLITISCHES / GESELLSCHAFT / VERGANGENHEITSPOLITIK
 
Habemus Regierungsprogramm!
 
Bettina Röhl direkt
Das fatale Menschenbild der Großen Koalition in spe
Kolumne von Bettina Röhl
Weder Union noch SPD bieten ein eigenes Menschen- und Weltbild an. Das entstandene Vakuum wird immer aggressiver von selbst ernannten, staatlich alimentierten Rassismusforschern aufgefüllt. 
 
Gabriel contra Slomka im „heute-journal“
Paranoid, enttäuscht, hilflos
Inhaltlich gab das Wortgefecht zwischen SPD-Chef Gabriel und ZDF-Moderatorin Slomka wenig her. Psychologisch umso mehr.
 
Einigung bei Koalitionsverhandlungen
Union und SPD wollen Mieten bremsen
 
SPD fordert Sondersteuer auf ungesundes Essen
 
Bonner Stadthaushalt muss Notstandsverwaltung ausrufen
 
Motorrad-Akrobaten der Berliner Polizei aufgelöst
Kein Geld mehr für Instandsetzung
 
Erfrischend einfach erklärt: deutscher Umverteilungswahnsinn in Kurzfassung
 
RTL schiebt Bertelsmann zu großem Gewinnplus
 
Zehn Thesen
AfD-Chef Lucke zettelt Islam-Debatte an
 
AfD legt sich mit Hübner an
 
Deutscher EU-Vizepräsident hat gelogen
Bei Todescrash hatte Alvaro (FDP) Koks im Blut
 
(Politische Beeinflussung auf dem Wahlzettel…)
Rheinland-Pfalz verteidigt Gender-Wahlzettel
 
Die NSA und ... Hitler
 
(US-Spionagestandorte in Deutschland)
SZ und ARD enthüllen "Geheimen Krieg"
 
(Rede zu NSA)
Gregor Gysi und das Duckmäusertum
 
Das Verrückte an der NSA mit Volker Pispers
 
(Geschichtspädagogik für Kleinkinder)
Raus aus der Geschichte, rein in den Whirlpool!
 
Bundespräsident Gauck: “Wir wollen ein Land sein, das offen ist”
 
 (Gauck zum 9. November)
Gelungene Propaganda
 
Gauck und Kramer
Diese Botschaft kam rüber
 
Obama erinnert an Reichspogromnacht vor 75 Jahren
 
„Romantische Kristall Nacht“ am 9. November bringt Therme in Kritik
 
Priebke auf Gefängnisfriedhof begraben
 
(1. Weltkrieg und Versailles)
Ein Appell an das Gewissen
 
(Homophobie)
General Karl von Einem: Streit um Straßenumbenennung
 
Das Denkmal von Sedan
von Dieter Stein
 
Erster Weltkrieg
Deutschland hat die Toten von Sedan vergessen
Im französischen Sedan lag einer der größten deutschen Soldatenfriedhöfe von 1914-18. Heute verfällt dort alles. Die Regierung in Berlin fühlt sich für die Pflege der Monumente nicht zuständig.
 
Christopher Clark
"Besessen von der deutschen Kriegsschuld"
Mit seinen neuen Thesen zum Kriegsausbruch 1914 provoziert der britische Historiker Christopher Clark heftige Debatten. In Potsdam stellte er sich seinen Kritikern – mit erstaunlichem Ergebnis.
 
LINKE / KAMPF GEGEN RECHTS / ANTIFASCHISMUS / RECHTE
 
Linksextremismus im Spiegel von Wissenschaft und Publizistik
 
(Meinungen eines Altsozialisten)
Expandierender Suppenküchenstaat
Armutsforscher C. Butterwegge erzählt von der Umwandlung des Sozialstaats
 
"Die heutige Antifa würde auf den Willy Brandt von 1972 mit Eiern werfen!"
 
Stuttgart
Linksextremisten verwüsten “DDR”-Ausstellung
 
Stuttgart: Ver.di-Funktionärin Ariane Raad an Erstürmung DDR-kritischer Ausstellung beteiligt?
 
(DDR-Nostalgiker)
7. Oktober 2012 - Wir denken an unsere DDR in der kalten BRD
(am Ende singt er ein kommunistisches Liedchen, lustig…)
 
Brandenburgs Innenminister warnt vor Roter Hilfe
 
Totalitäre Moderne: “Gruppenbezogene Menschenfeindlichkeit” und die “Uni ohne Vorurteile”
 
Bizarre Enthüllungen
Verdächtige im Londoner Sklaven-Fall waren wohl Maoisten
 
Festgenommener Schütze in Paris: Rückkehr eines Phantoms
 
Pariser Attentäter wirft Medien Manipulation vor
 
Blockupy
Von Beruf Demonstrant
 
Gastwirte – Offensive im Kampf gegen Rechts™
 
Hessisches Sozialministerium friert Burg Ludwigstein sämtliche Fördermittel ein
 
Eklat um rechte Umtriebe auf Burg Ludwigstein
 
Dokumentation hegt Zweifel an Selbstmord von Mundlos und Böhnhardt
 
(Denunzianten)
Universität Rostock verurteilt Anprangerung von Dozenten
 
SPD verschärft Kampf gegen Burschenschaften
 
Volkstrauertag
Burschenschaft von Gedenkfeier ausgeladen
 
("…nicht rechts, sondern südlich…" Na ja, hilfloser kann man ja gar nicht mehr den Kopf aus der Schlinge zu ziehen versuchen)
„Die Vorwürfe sind Unsinn“
Eigentlich wollte die Münchner Burschenschaft Cimbria auch wie immer an der offiziellen Feier zum Volkstrauertag in der bayerischen Landeshauptstadt teilnehmen. Doch nach einem Artikel in der Süddeutschen Zeitung über angebliche rechte Tendenzen der Studentenverbindung folgte die Ausladung durch das bayerische Innenministerium. Gegenüber der JUNGEN FREIHEIT weist Matthias Reiter von der Burschenschaft Cimbria die Vorwürfe zurück.
 
Gedenken, vergattert
 
Deutsche Burschenschaft ausgeladen: FPÖ übt heftige Kritik
 
Volkstrauertag
Rechter Aufmarsch am Kriegerdenkmal
 
„Wir gedenken der Opfer und nicht der Täter“
Wunsiedel protestiert gegen Neonazi-Aufmarsch
 
Die Früchte der Medienhetze: Denkmal am Innsbrucker Friedhof geschändet
 
Nach Drohungen: Frei.Wild-Auftritt in Jena abgesagt
 
(Antifa-Störungen)
2. Compact-Konferenz in Leipzig – Erfahrungsbericht
 
Bundesverfassungsgericht
NPD bekommt kein Geld mehr vom Staat
 
("Antifaschistisches" Denken)
siamo tutti antifascisti?
Ich habe heute Folgendes getwittert:
“Es wird nicht besser, solange die “bürgerliche Mitte” Nazis zwar doof findet, aber gleichzeitig gegen Linke/Antifa hetzt.”….
 
Polizei verbietet Pro-NRW-Demonstration am 9. November
 
Scheiben mit Stolpersteinen eingeschlagen
Vermutlich rechtsorientierte Täter haben mit zwei Stolpersteinen Fenster des Rathauses von Seeheim-Jugenheim in Südhessen eingeschlagen.
 
Terrorismus
Freispruch im Mordprozess um Opec-Anschlag
Sonja Suder ist vom Vorwurf der Mittäterschaft beim Anschlag auf die Opec-Konferenz 1975 in Wien entlastet worden. Das Gericht sprach von einer „ungeheuer beschwerlichen Sachaufklärung“.
 
Bayern: Innenminister entsetzt über linke Gewaltbereitschaft
 
EINWANDERUNG / MULTIKULTURELLE GESELLSCHAFT
 
Zehn Thesen zur deutschen Asylpolitik
 
Nein, muß ich nicht: Identitäre Kundgebung gegen Morten Kjaerum in Wien
 
Kundgebung: Festung Europa!
Von Identitäre Bewegung Wien
 
(Antideutsche linke Einwanderungslobby)
Refugee Tribunal against Germany
 
Chaos und Gewalt an Berliner Asylanten-Schule
 
Krefeld
Kirche will Initiative für Flüchtlinge ergreifen
 
Christlich-subversive Aktion in Speyer
 
Friedrich für mehr syrische Asylbewerber
 
Niedersachsen streicht den Begriff „Integration“
 
Teilhabe statt Integration
 
(Doppelte Staatsbürgerschaft)
Warum keine doppelte Parteimitgliedschaft?
 
Bitte um Unterstützung
Einwanderung: Offenbach ruft um Hilfe
 
Kabeldiebe räumen Asylbewerberheim aus
 
Berlin: Asylcamp-Bewohner drohen der Polizei mit Gewalt
 
Romani Rose empört über Berichterstattung
 
Homosexualität als Asylgrund anerkannt
 
EU empört über Camerons Sozialhilfepläne für Ausländer
 
Linkspartei gegen Sankt-Martins-Feiern in Kindergärten
 
Heftiger Streit um einen alten Brauch
Angriff auf Sankt Martin
 
(Kommentar dazu)
Streit um Sankt-Martins-Umzug
Kommentar: Sein Mantel wärmt jeden
(Der Leserkommentar zeigt die Richtung)
 
Identitäre Aktion: St. Martin bleibt!
 
Angst vor Islamisten: Streit um Aktbilder in Berlin
 
Aldi-Filiale soll ausländisch aussehende Kunden überwachen
 
100 Kamele sind der Preis für einen Berliner Toten
In muslimisch dominierten Einwanderervierteln Deutschlands ist eine Paralleljustiz in der Tradition der Scharia entstanden. Der Staat scheint vor der Macht der arabischen Clans zu kapitulieren.
 
Vom Frankfurter Schulhof in den Dschihad nach Syrien
Einige hinterlassen nicht mal einen Gruß an die Eltern: Immer mehr junge Männer aus Hessen lassen sich für den syrischen Bürgerkrieg rekrutieren. Minister Rhein will die Anwerbung stoppen.
 
Polizei Oslo: „Wir haben die Stadt verloren“
 
Er war Asylbewerber
Blutbad in Norwegen: Mutmaßlicher Täter stand vor Abschiebung
 
(älter, aber stets aktuell…)
Repotage: Deutsche wird von Farbigen vergewaltigt und wählt Freitod. Vergewaltiger: Freispurch
 
80 Prozent der Intensivtäter haben nichtdeutsche Wurzeln
 
(dazu)
Rückkehr der Deutschenfeindlichkeit
 
(Hintergründe wären vielleicht interessant)
Toulouse
Zigarettenschnorrer stürzen Frau in Fluss
 
KULTUR / UMWELT / ZEITGEIST / SONSTIGES
 
Amerikas Malls sehen jetzt aus wie Europas Städte
Nachdem die Einkaufscenter den Einzelhandel aus den Städten verdrängten, machte ihnen der Online-Handel Konkurrenz. Amerikanische Malls sehen ihre Rettung nun im Prinzip der alteuropäischen Stadt.
 
Die Rückkehr der Mietskaserne
Städter mögen Altbauwohnungen in Blockrand-Quartieren. Doch seit 100 Jahren baut sie keiner mehr: Die Geschichte einer verpönten Stadtform und warum ihr in Zürich eine Renaissance bevorsteht.
 
(Investorenarchitektur)
München verschwindet
 
Tristess am Goetheplatz
Die Globalisierung fordert ihren architektonischen Tribut, und man muss noch froh sein
 
Foro Mussolini, Foro Italico (Faschistische Architektur in Rom)
 
Nazi-Raubkunst in München
Unbekannte Meisterwerke von Dix und Chagall entdeckt
 
(Zum Fall des Kunstsammlers Gurlitt)
Fafner in Schwabing
 
Bilder-Rückgabe ein "Schnellschuss"
Fall Gurlitt: Kritik vom Zentralrat der Juden
 
„1938. Kunst, Künstler, Politik“ im Jüdischen Museum
Tiefe Zäsur im Kunstbetrieb
 
Kunstraub mal anders
 
Fall Gurlitt
Vergiftetes Klima
 
Haftuniform, Davidstern, Zahnbürsten
Ebay stoppt Auktionen mit KZ-Kleidung
 
Australien: Ärger wegen Hindu-Göttern auf Bierflaschen
 
Willkommen in der Neuprech-Diktatur
 
Deutschland, ein Bildungsmärchen: Fack ju Göhte!
 
Hamburg: Männerquote sorgt für Empörung bei Frauenbeauftragten
 
Das Dinosaurier-Problem
Eine neue Studie enthüllt, was der politische und publizistische Mainstream nicht wahrhaben will: Junge Frauen haben durchaus Lust auf die traditionelle Rollenverteilung in der Familie. Ernst nimmt sie aber leider niemand.
 
Von der Leyens Traum ist geplatzt
 
Fragen Sie Frau Sibylle: Macht mit, solange es noch geht!
Eine Kolumne von Sibylle Berg
Generelle Verblödung? Allgemeine Gentrifizierung? Untergang des Abendlands? Mag sein. Aber es hat keinen Sinn, sich darüber aufzuregen: Kulturpessimismus ist keine Antwort auf die Veränderung der Welt, sondern das Jammern Sterbender.
 
Kein Jammern bei Sibylle Berg
 
 
S.P.O.N. - Fragen Sie Frau Sibylle: Eure Welt gibt es nicht mehr
Eine Kolumne von Sibylle Berg
Ihr glaubt an die deutsche Leitkultur: Deutschland der deutschen Frau, dem deutschen Herd, dem deutschen Mann, dem Herrscher und Ernährer, der deutschen im Haus erzogenen Kinderschar. Was wollt ihr? Woran klammert ihr euch so verbissen?
 
(Finanzwelt)
Doku "Master of the Universe" im Kino
Bedingungslose Loyalität
 
In der Transparenzfalle
Vergebene Weckrufe
Die Leute wollen sich über den NSA-Skandal einfach nicht so recht empören. Woran könnte das liegen?
 
China
Comeback der vegetarischen Küche
 
(Ein Erfahrungsbericht und eine Weltsicht…)
Den Heizölverbrauch senken – auf die japanische Art
 
Bedeutungsverlust des „Spiegel“
Genug der Dickhodigkeit
Deutsche Bahn
Behörde verbietet nächtlichen Drohnen-Einsatz gegen Sprayer
Die Deutsche Bahn hat einem Bericht zufolge keine Flugerlaubnis für Drohnen bekommen, die nachts gegen Graffiti-Sprüher zum Einsatz kommen sollten. Die Flugapparate dürften nur tagsüber benutzt werden.
 
(Woodrow Wilson)
Die Dummheit der Regierenden
 
Umweltbundesamt beklagt massenhaften Kauf von Billigprodukten
 
(Roman von Björn Clemens)
Ein Kölner Justiz-, Migrations- und Klüngelroman
 
Telesma Verlag – Belletristik
 
edition nordost auf Youtube!
 
Manuel Ochsenreiter – Journalist – Blog
 
Neue Burschenschaft?
 
Eckhart Tolle - Hass-Liebe-Beziehungen
 
Eckhart Tolle Schmerzkörper 1
 
Eckhart Tolle EGO
 
Rechtsstreit mit Comedian Atze Schröder
Urteil: Niemand darf Fritz Wepper „Lustgreis“ nennen
 
("The Act of Killing" über einstige Morde in Indonesien)
Im Kino
Ohne Scham oder Reue
 

mardi, 26 novembre 2013

Allemagne : 90 ans après, l’hyperinflation est encore dans tous les esprits

Allemagne : 90 ans après, l’hyperinflation est encore dans tous les esprits

Ex: http://linformationnationaliste.hautetfort.com

Le 15 novembre 1923, il fallait 2.500 milliards de marks pour un dollar. L’hyperinflation allemande est un phénomène structurant de la pensée outre Rhin, comme le décrypte aujourd’hui l’historien et écrivain britannique Frederik Taylor dans “The Downfall of Money”, paru en septembre aux éditions Bloomsbury.

Voici 90 ans, le 15 novembre 1923, une nouvelle monnaie, le Rentenmark, était mise en circulation en Allemagne au cours incroyable d’un Rentenmark pour 1.000 milliards de marks.

A ce moment-là, il fallait 2.500 milliards de marks pour obtenir un dollar, la seule monnaie du monde qui s’échangeât alors sans difficultés contre de l’or. A la veille du début de la première guerre mondiale, un peu plus de neuf ans plus tôt, le dollar valait 4,19 marks…

Ce 15 novembre 1923 marque l’acmé de l’hyperinflation allemande, qui a débuté à l’été 1922 et s’est accélérée à la fin de l’été 1923, jusqu’à devenir folle. En août 1923, le dollar ne valait encore « que » 350.000 marks…

Un anniversaire passé inaperçu


Le 90ème anniversaire de cet événement est passé un peu inaperçu, y compris en Allemagne, dans une Europe qui, désormais, craint plus la déflation que son contraire. C’est pourtant l’occasion de se pencher sur un phénomène qui modèle encore une grande partie de la pensée économique et politique allemande, et, partant, européenne.

Le lecteur francophone aura bien du mal à trouver, dans sa langue, une histoire détaillée et complète de l’hyperinflation allemande. Il pourra néanmoins, s’il lit l’anglais, se tourner avec profit vers l’ouvrage de Frederick Taylor. Il y trouvera un récit minutieux des causes qui ont conduit l’Allemagne à la catastrophe de 1923 et une réflexion très poussée sur ses conséquences.

L’illusion de la politique économique durant la guerre

Au chapitre des causes, l’auteur souligne la responsabilité de la politique économique allemande pendant la guerre. En Allemagne comme en France ou au Royaume-Uni, le conflit a été financé par la planche à billets. Mais, soumis à un blocus sévère, le Reich a dû faire un usage moins immodéré encore que ses adversaires de la création monétaire et de la dette publique.

Frederick Taylor montre bien, en se fondant notamment la thèse développée dans les années 1960 par l’historien allemand Fritz Fischer, combien les responsables militaires et civils allemands ont compté sur la victoire pour payer leurs dettes.

En France, on a longtemps blâmé l’illusion de « l’Allemagne paiera » qui a guidé la politique du pays dans les années 1920. Mais l’on ignore souvent que, de l’autre côté de la ligne bleue des Vosges, on se berçait, également, durant la guerre de l’illusion que « la France paiera. »

« Si Dieu nous offre la victoire et la possibilité de construire la paix selon nos besoins et nos nécessités, nous entendons, et nous sommes légitimes pour cela, ne pas oublier la question des coûts du conflit », proclame dans un discours cité dans l’ouvrage le vice-chancelier Karl Helferich en août 1915 au Reichstag.

Un “mur de la dette

Après sa défaite, l’Allemagne s’est naturellement retrouvée face à un « mur de la dette » impossible à franchir sans avoir encore recours à la création monétaire. Un recours qui s’est rapidement auto-entretenu: pour rembourser les dettes, on en contractait de nouvelles et l’on payait le tout avec de l’argent fraîchement imprimé.

La Reichsbank, encore aux mains de responsables nommées par la monarchie, a alors poursuivi, malgré la défaite et Versailles, la politique menée durant la guerre. Et c’est ce qui a conduit à l’hyperinflation.

L’incapacité des gouvernants à briser le cercle vicieux de l’inflation

Mais – et ce n’est pas le moindre des intérêts de l’ouvrage de Frederick Taylor de le montrer – l’hyperinflation allemande n’est pas qu’un phénomène économique. Si la hausse des prix et l’endettement public a échappé à tout contrôle, c’est aussi parce que les gouvernements issus de la défaite ont été incapables de prendre des mesures sévères pour contrer cette spirale. Pourquoi ?

Parce que le régime républicain est d’emblée un régime faible, pris en étau entre la gauche révolutionnaire et l’extrême-droite revancharde. Les années 1919-1923, pendant lesquelles l’Allemagne prend le chemin de l’hyperinflation, sont aussi celles d’une instabilité politique profonde où les coups d’Etat monarchistes et les assassinats politiques succèdent aux tentatives révolutionnaires.

Les considérations économiques ne sont jamais venues qu’en deuxième lieu

Comme le résume Frederick Taylor: « Les politiciens de la république de Weimar, socialistes ou non, ont montré une tendance à prendre des décisions en termes de bénéfices sociaux et politiques perçus. Les considérations économiques, même les plus apparemment urgentes, ne sont jamais venues qu’en deuxième lieu. » Et d’ajouter : « le temps ne semblait jamais venu d’imposer à nouveau une chasteté financière potentiellement trop douloureuse. »

Dans ces conditions, tenir une politique économique de réduction des dépenses et de contrôle de la masse monétaire tenait de la gageure. Frederick Taylor montre avec brio comment les gouvernements tentèrent alors « d’acheter » le ralliement populaire à la république par la dépense publique. Le seul homme, selon l’auteur, capable de faire cesser cette politique était Mathias Erzberger, assassiné par des nationalistes en août 1921.

Le jeu trouble du patronat

Frederick Taylor montre aussi le jeu trouble du patronat allemand dans cette période. Lui aussi a craint la « contagion révolutionnaire » russe et, pour arracher la paix sociale, va accorder des hausses sensibles de salaires qui vont alimenter la spirale inflationniste.

D’autant que les exportateurs, comme Hugo Stinnes, un magnat de la sidérurgie dont l’auteur fait un portrait très complet, vont profiter de leurs accès aux marchés étrangers et donc aux devises pour gagner des sommes considérables.

Régulièrement, les industriels vont freiner toute tentative gouvernementale pour ralentir la hausse des prix afin de bénéficier d’une compétitivité immense grâce à la dévaluation du mark. Frederick Taylor raconte ainsi que, jusqu’à l’été 1923 et à l’emballement de l’inflation, l’Allemagne affichait un quasi-plein emploi !

La responsabilité américaine mise en évidence

Enfin, de façon plus traditionnelle, Frederick Taylor pointe la responsabilité des alliés. Mais il la replace aussi à sa juste valeur et sans le simplisme habituel. Certes, le traité de Versailles imposait des conditions impossibles à une économie déjà à terre. Certes, la politique « jusqu’au-boutiste » de Raymond Poincaré en 1922-23, notamment l’occupation de la Ruhr en janvier 1923, est une des causes les plus directes de l’hyperinflation.

Mais Frederick Taylor pointe aussi la mauvaise volonté allemande et, surtout, la responsabilité ultime des États-Unis.

C’est parce que les Américains voulaient que les dettes de guerre de leurs alliés – et notamment des Français – fussent intégralement payées que ces derniers ont été si exigeants eux-mêmes avec l’Allemagne. « Les réparations, écrit Frederick Taylor, furent un moyen pour les alliés victorieux de rembourser leurs propres dettes de guerre » aux Américains.

« Pour dégager des excédents, il faut que quelqu’un accuse un déficit »

Mais pour que les vœux américains et ceux des alliés fussent satisfaits, il eût fallu que les pays européens puissent dégager des excédents commerciaux suffisants pour obtenir l’or nécessaire aux remboursements de ces dettes de guerre. Toutefois, comme le souligne Frederick Taylor, « pour dégager des excédents, il faut que quelqu’un accuse un déficit. »

Or, à ce moment même, les Américains (et les Britanniques) mènent une politique d’austérité budgétaire qui conduit à une récession de leurs économies. « A qui, alors, l’Allemagne était supposée vendre ses produits pour obtenir l’or nécessaire aux remboursement des réparations ? », s’interroge l’auteur.

L’ouvrage de Frederick Taylor montre ainsi la responsabilité de la politique isolationniste américaine menée par les administrations républicaines arrivées au pouvoir à partir de 1920 dans l’escalade de la situation allemande. Bien loin de l’image d’Épinal d’une Amérique soucieuse de l’avenir de l’Allemagne s’opposant à une France aveuglée par la vengeance…

L’effet sur la classe moyenne intellectuelle

Pour finir, après voir décrit brillamment la folie de cet automne 1923 et – ce qui n’est pas le moins intéressant – son impact sur la société allemande et sur la psyché collective allemande, Frederick Taylor insiste sur l’effet « éthique » de l’inflation qui, en dévaluant l’argent dévalue également les repères de bien et de mal et les liens humains.

« En 1923, toute l’Allemagne était devenue un vaste marché où tout était à vendre », souligne l’auteur. Les classes moyennes, notamment celles qui vivaient du travail intellectuel, la Bildungbürgertum, voient alors leurs valeurs s’effondrer. Par exemple, celle du mariage fondée sur un système de dot en échange de la virginité de l’épousée.

« Quand l’argent est devenu sans valeur, le système s’est effondré », note ainsi une femme témoin de l’époque citée par l’auteur. Laquelle conclut : « Ce qui est arrivé avec l’inflation, c’est que la virginité a absolument cessé d’importer. »

La construction du mythe

Cet effondrement de la classe moyenne est un des arguments essentiels de Frederick Taylor pour expliquer un paradoxe. L’Allemagne n’a pas été le seul pays frappé par l’hyperinflation à cette époque. Quoique dans une mesure moindre, la France, l’Italie et l’Autriche ont connu aussi des périodes de ce type.

A d’autres époques, la Grèce ou la Hongrie du lendemain de la Seconde guerre mondiale ont connu des périodes d’hyperinflation plus sévères que l’Allemagne des années 1920. Mais « aucun de ces pays n’a été aussi apeuré de façon permanente par cette expérience », souligne l’auteur.

Le triomphe d’Hitler est venu pendant la déflation

« Pourquoi ce traumatisme allemand ? » s’interroge-t-il à la fin du livre. Il y a évidemment l’horreur nazie. Mais le triomphe d’Hitler est venu pendant la déflation, non pendant l’inflation où, précisément, le putsch nazi de Munich de novembre 1923 a échoué.

Frederick Taylor explique ce traumatisme par son impact sur les classes moyennes intellectuelles. Ces dernières avaient, sous l’Empire, un prestige social immense. Avec l’inflation, ces classes se sont muées en un nouveau prolétariat. Alors que les ouvriers ont plus ou moins pu couvrir la perte de valeur de la monnaie grâce aux hausses de salaires, la Bildungsbürgertum a subi une déchéance qui l’a rapprochée socialement de la classe ouvrière.

Les « ordolibéraux » sont les traumatisés de 1923

« Dans le cas de l’Allemagne, c’est en grande partie parce qu’une classe sociale relativement petite, mais jadis extraordinairement prestigieuse, a perdu plus que quiconque dans l’inflation » que le traumatisme allemand a été construit. Les victimes principales de l’inflation « sont devenues une grande force qui forgera l’opinion au cours des trois quarts de siècle suivants. »

C’est cette classe qui ira grossir les rangs des déçus de Weimar en 1930-1933 et c’est elle qui organisera la reconstruction du pays après 1945. Ceux que l’on a appelé les « ordolibéraux » sont les traumatisés de 1923. « Ce phénomène joue un rôle important, peut-être crucial, dans la transformation de l’expérience de l’inflation qui a été une expérience dure, mais supportable pour beaucoup – en une catastrophe nationale reconnue par tous », explique Frederick Taylor.

La lecture de son ouvrage permet de comprendre une bonne partie du fossé qui sépare encore l’Allemagne du reste de l’Europe.

La Tribune

http://fortune.fdesouche.com/333957-allemagne-90-ans-apre...

00:05 Publié dans Economie, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : allemagne, histoire, économie, inflation, finances | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

lundi, 25 novembre 2013

Konservative Revolution in Europa?

zgbdc5-67net2fvl2w1gw3j18sy-original.jpg

Konservative Revolution in Europa?

Erik Lehnert

Ex: http://www.sezession.de

Die „Konservative Revolution“ gehört zu den „erfolgreichsten Wortschöpfungen des neueren Ideengeschichtsschreibung“ (Stefan Breuer) und ist dennoch umstritten wie kaum ein zweiter Begriff. Das mag seinen Grund in den programmstischen Aussagen dieser Denkrichtung haben, die seine Gegner gern anderen Ideologien zuschlagen würden. Es kann aber auch daran liegen, daß die KR als ein spezifisch deutsches Phänomen angesehen wird und deshalb den Großideologien des 20. Jahrhunderts zugerechnet werden soll.

Der neue Band aus der Reihe „Berliner Schriften zur Ideologienkunde“ [2] widerlegt diese Auffassungen. Bereits Armin Mohler hatte in seiner grundlegenden Arbeit zum Thema darauf hingewiesen, daß es nicht nur eine europäische, sondern auch eine universale Dimension der konservativ-revolutionären Strömung gebe.

Tatsächlich entdeckt man bei genauerer Betrachtung eine lange Reihe von Persönlichkeiten, die seit dem Ende des 19. Jahrhunderts Ideen vertraten, die man als „jungkonservativ“, „völkisch“ oder „nationalrevolutionär“ bezeichnen könnte, und es gab auch Bewegungen, die bestimmte „bündische“ Züge aufwiesen oder Ähnlichkeit mit dem Landvolk hatten. Von Fjodor M. Dostojewski und Charles Maurras bis zu Julius Evola, T.S. Eliot und Sven Hedin reicht ein erstaunlich weites Spektrum, das bisher noch nie unter dem Gesichtspunkt betrachtet wurde, daß man es mit Repräsentanten einer großen, die Geistesgeschichte unseres Kontinents nachhaltig beeinflußenden ideologischen Richtung zu tun hatte.

Der Band versammelt Aufsätze zu folgenden Ländern: England, Italien, Niederlande, Belgien und Frankreich. Am Beispiel von Julius Evola wird zudem die europäische Dimension deutlich, die auf einzelne Vertreter zurückzuführen ist. Mit Hans Thomas Hakl, Alain de Benoist und Luc Pauwels sind ausgesprochene Kenner der jeweiligen Länder als Autoren vertreten. Der Herausgeber, Karlheinz Weißmann, ist sicher der beste Kenner der Materie in Deutschland, was er nicht zuletzt mit der Neufassung von Mohlers Klassiker unter Beweis gestellt hat. In seinem Vorwort wirft Weißmann einen Blick auf die restlichen Länder Europas und kommt zu folgendem Fazit:

 Es dürfte […] unmittelbar deutlich geworden sein, daß keine einfache Antwort auf die Frage nach der europäischen Dimension der Konservativen Revolution möglich ist. Der Hinweis auf eine „Welle des antidemokratischen Denkens“ , die Anfang der dreißiger Jahre den Kontinent erfaßte, genügt jedenfalls nicht, um zu erklären, warum sich in bestimmten Ländern konservativ-revolutionäre Vorstellungen ausbreiteten, in anderen nicht; vielmehr ergibt sich folgende Bilanz:

• Die kulturelle und politische Nähe zu Deutschland konnte förderlich wirken (Niederlande, Belgien, Schweden, mit Vorbehalt Dänemark), aber von Zwangsläufigkeit ist keine Rede (Österreich, Schweiz),

• die Erfahrung der nationalen Demütigung und Schwäche spielte sicher eine Rolle (Italien, Belgien), war aber nicht ausschlaggebend (Frankreich, Großbritannien),

• was zuletzt bedeutete, daß die Krise des liberalen Systems, das als dysfunktional betrachtet wurde (Frankreich, Italien, Belgien, in gewissem Sinn auch die Niederlande und Großbritannien), den Ausschlag gab und jene Impulse freisetzte, die darauf abzielten, eine Konservative Revolution in Gang zu bringen,

• jedenfalls den Versuch zu unternehmen eine „vierte Front“ aufzubauen: gegen Kapitalismus, Kommunismus, Nationalsozialismus.

• Unbeschadet davon gilt aber, daß nur in Deutschland die Konservative Revolution zur „dominanten Ideologie“ werden konnte, weil bestimmte geistige Dispositionen und die kollektive Demütigung durch Niederlage und Versailler Vertrag die Entwicklung unerbittlich vorantrieben.

Die Untersuchung der europäischen Aspekte der Konservativen Revolution gilt schon lange als Desiderat der Forschung zur Geschichte des Konservatismus. Mit dem Erscheinen des Bandes ist ein großer Schritt in dieser Richtung getan. Er bringt nebenbei einige Antworten auf die Frage, warum sich die KR trotz ihrer Erfolglosigkeit als so zäh erwiesen hat, daß ihr auch heute noch ein gewisses Faszinosum nicht abgesprochen werden kann. Er bringt in uns etwas zum Klingen und verweist damit auf die Antinomien, die für den Menschen unüberwindlich sind: „Konservative Revolution nennen wir die Wiedereinsetzung aller jener elementaren Gesetze und Werte, ohne welche der Mensch den Zusammenhang mit der Natur und mit Gott verliert und keine wahre Ordnung aufbauen kann.“ (Edgar Julius Jung)

Der Band umfaßt 244 Seiten, kostet 15 Euro und kann hier bestellt werden [2].


Article printed from Sezession im Netz: http://www.sezession.de

URL to article: http://www.sezession.de/41893/konservative-revolution-in-europa.html

URLs in this post:

[1] Image: http://www.sezession.de/wp-content/uploads/2013/11/9783939869634.jpg

[2] Der neue Band aus der Reihe „Berliner Schriften zur Ideologienkunde“: http://antaios.de/buecher-anderer-verlage/institut-fuer-staatspolitik-/berliner-schriften-zur-ideologienkunde/363/die-konservative-revolution-in-europa?c=18

jeudi, 14 novembre 2013

Les leçons de la « Révolution Conservatrice »

 

Robert Steuckers:

Les leçons de la « Révolution Conservatrice »

Conférence de Robert Steuckers, prononcée à Anvers, Rubenshof, 29 mars 2006

3183508077.gifIl est évident que je vais essentiellement mettre l’accent, ce soir, sur la notion de « révolution conservatrice », telle qu’elle a été définie par le Dr. Armin Mohler. Cette « révolution conservatrice » englobe des traditions européennes, plus exactement centre-européennes, et non pas des traditions anglo-saxonnes. Cette approche appelle d’abord deux remarques : 1) Le conservatisme, sous cette appellation-là, existe en tant que mouvement ou que parti politique en Angleterre ou aux Etats-Unis ; 2) Le « conservatisme » n’existe pas de cette façon, n’est pas un mouvement politique distinct en France, en Italie, en Belgique ou en Allemagne. Le terme « conservatisme » ne s’y utilise pas pour désigner un parti politique ou un « pilier » (= een zuil).

L’utilisation du terme « conservatisme » pour désigner une partie de la droite contestatrice du régime libéral dominant est assez récente. Nous le devons surtout à Caspar von Schrenck-Notzing, éditeur de la revue munichoise Criticon ; également à l’écrivain Gerd-Klaus Kaltenbrunner. Tous deux ont développé une notion très vaste du conservatisme, ont montré sa diversité, son foisonnement, ses particularités innombrables, en analysant essentiellement les œuvres laissées par des personnalités très différentes les unes des autres. En effet, tant Schrenck-Notzing que Kaltenbrunner ont travaillé sur des biographies de personnalités et d’auteurs et cela, pendant des décennies, dans les colonnes de Criticon (rubrique « Konservative Köpfe ») et dans la fameuse collection « Herderbücherei Initiative », voire dans des ouvrages regroupant exclusivement des monographies de ce genre.

Mais pour nous résumer, disons que, pour nous, la « révolution conservatrice » des premières décennies du vingtième siècle trouve ses racines les plus anciennes dans le « Sturm und Drang » allemand et dans la pensée du philosophe Herder.

Georges Gusdorf : analyse méticuleuse de la pensée européenne des Lumières aux romantismes

Le « Sturm und Drang » est, pour l’essentiel, une réaction contre le classicisme du dix-huitième siècle, jugé répétitif et stéréotypé dans ses formes, et contre les Lumières dans leur interprétation et leurs traductions politiques françaises. Le professeur alsacien Georges Gusdorf est celui qui nous a légué, récemment, l’enquête la plus complète sur la maturation philosophique et politique de ce corpus rétif aux Lumières, dans une série d’ouvrages fort denses, comptant plus de treize volumes. Gusdorf nous décrit, sans recourir à un jargon incompréhensible, les innombrables étapes de cette maturation, où, pour se dégager du classicisme et des Lumières, le « Sturm und Drang » et Herder (qui se pose comme exposant des Lumières mais non à la mode française) préconisent un retour aux sources vives de la pensée populaire (Volk), aux racines, au moyen âge, au seizième siècle.

herder10.jpgPour Herder, cette démarche commence par une enquête générale sur les origines de la littérature de chaque peuple. Il veut que le théâtre, pour sortir du corset classique, se réfère à nouveau à Shakespeare, où le dramaturge ne doit plus tenir compte de la règle étouffante des trois unités, peut laisser libre cours à son imagination et ne doit pas imiter purement et simplement les modèles de la Grèce ou de la Rome antique, ou de Plaute, comme Racine, Corneille et Molière.

La pensée de Herder exercera rapidement une influence sur toute l’Europe, notamment, ici en Flandre, sur le mouvement flamand (notamment via la pensée politique d’Ernst Moritz Arndt ; j’y reviens), sur les slavophiles russes et balkaniques, sur le mouvement d’émancipation irlandais, qui réhabilite l’héritage celtique et culmine dans la poésie de William Butler Yeats, avec son mixte typiquement celto-irlandais de paganisme celtique et de catholicisme. Enfin, Herder influence aussi le mouvement tchèque centré autour de la personnalité de Palacky.

Arndt : vision organique du peuple et principe constitutionnel

Ernst_Moritz_Arndt.gifE. M. Arndt pose clairement les principes politiques cardinaux qu’une révolution à la fois conservatrice et nationaliste doit suivre impérativement : tout ce qui découle de la révolution française, écrit-il, est intrinsèquement faux parce que non organique et mécanique ; l’idéologie de cette révolution –et toutes les vulgates qui en découlent- ne voit pas le monde et les nations comme les produits d’une évolution mais les considèrent comme de simples constructions. Nous avons là le noyau essentiel de la pensée conservatrice continentale. Arndt, plus nationaliste que conservateur dans le contexte de son époque, se veut toutefois révolutionnaire, mais sa révolution ne fait pas table rase de ce qui existe préalablement : elle veut exhumer des lois ancestrales refoulées. Sa révolution est donc légale, possède une base juridique et s’insurge contre toute forme d’arbitraire du pouvoir, que celui-ci soit princier ou jacobin. Arndt précise : tout prince qui refuse d’accorder à son peuple une loi fondamentale, une constitution, découlant de droits organiques, est un « grand mogol » ou un « khan tatar ».

De Herder à Arndt, nous assistons à l’affirmation philosophique qu’il n’existe aucune histoire générale de l’humanité, mais autant d’histoires particulières générées par des peuples particuliers ou des groupes de peuples particuliers (la germanité ou la slavité, par exemple). Plus tard, le philosophe Wilhelm Dilthey précisera, sans la verve polémique d’Arndt, qu’un peuple ne peut être défini tant qu’il n’est pas mort, tant qu’il produit et crée des « formes ». Le conservatisme herdérien ne signifie donc pas une apologie de ce qui demeure stable et figé, mais exprime au contraire un mouvement évolutionnaire qui a des racines et les respecte.

De Maistre, de Chateaubriand et de Bonald

Deuxième source majeure de la « révolution conservatrice » : les réactions contre les débordements de la révolution française. Ces réactions sont d’abord françaises. Citons trois auteurs principaux : le Savoisien Joseph de Maistre, le Breton François-René de Chateaubriand et le théoricien Louis de Bonald. Généralement, ces trois auteurs sont considérés par l’idéologie progressiste ( ?) dominante comme de sinistres obscurantistes, partisans de la répression des masses populaires, apologètes d’un royalisme non pas traditionnel mais despotique (ce qui est très différent). Une analyse plus sereine de leurs œuvres autorise un jugement autre : ces auteurs déplorent justement la dureté répressive de la république et de la terreur, l’élimination des représentations populaires et des droits et libertés acquis.

Pour Joseph de Maistre, par exemple, le jacobinisme conduit au contrôle total et serré de la population, à son encartage, à la surveillance totale (thème revenu à gauche dans les années soixante avec Michel Foucault). Derrière la critique formulée par de Maistre à l’encontre du jacobinisme républicain, se profile un idéal de liberté dont Georges Orwell se fera le champion avec ses romans « Animal Farm » et « 1984 » ; dans le fameux discours de son alter ego espagnol Donoso Cortés sur le combat apocalyptique qui marquera la fin de l’histoire, cet idéal de liberté, de non contrôle par l’Etat et par la classe satanique et bourgeoise qui le contrôle, est encore plus nettement mis en exergue. Autre cible de la critique maistrienne : l’esprit de fabrication. Par « esprit de fabrication », de Maistre entend toutes les démarches intellectuelles qui refusent de se reposer sur des fondements anciens, rejettent ces derniers, et agissent par innovations constantes, écrasant tout ce qui a élevé l’homme dans les siècles et les innombrables générations du passé, seuls siècles réels, réellement observables, seuls siècles capables d’être des réceptacles de sagesse pratique.

Dans les œuvres poignantes du Breton François-René de Chateaubriand, que Michel Fumaroli vient de réhabiliter magistralement par une biographie remarquable, on retrouve un leitmotiv récurrent et essentiel : retrouver partout, à tout moment, dans ce que l’on voit ou dans ce que l’on pense, les traces, même infimes, du passé, parce qu’elles ont toutes, y compris les plus modestes, infiniment plus de valeur que tout ce que produit un présent galvaudé par de sinistres planificateurs, par des fabricateurs de systèmes, de normes abstraites, de règles et de punitions. François-René de Chateaubriand exprimera cette piété pour les choses vénérables du passé dans sa revue « Le Conservateur », lancée en 1820. C’est ce titre qui a forgé la dénomination que porteront tous ceux qui, sur le plan intellectuel ou politique, refusent les pompes et les gâchis de l’engeance politicienne qui avait pris son envol à partir des Lumières et de 1789.

Louis de Bonald : de l’harmonie divine à la sociologie

Louis_de_Bonald_by_Julien_Léopold_Boilly.jpgPour Louis de Bonald, l’idée conservatrice centrale est de dire que Dieu donne harmonie au monde. Cette grande harmonie universelle, reflet christianisé de l’idéal du cosmos ordonné des anciens Grecs, génère des harmonies sociales, dont il convient de ne pas dévier par des raisonnements abstraits, sous peine de voir périr des équilibres pluriséculaires et de sombrer dans le chaos, comme les événements de la révolution française le démontrent à partir de 1789. Dès que les raisonnements abstraits s’immiscent dans la bonne marche des choses et tentent de la modifier par des décrets, produits de réflexions fumeuses, les harmonies se disloquent ; on tente alors d’apporter d’autres remèdes, tout aussi fabriqués, qui compliquent encore les choses, pour aboutir à une jungle des paragraphes, de règles décrétées en dépit du bon sens, assorties de peines pour les contrevenants, comme nous le voyons aujourd’hui, ici, chez nous, sans que plus aucun citoyen ne perçoit encore ce qui est bien ou mal, licite ou illicite. Avec l’ « esprit de fabrication », que Bonald appelle plutôt l’esprit philosophique, la société se fragmente, entre en déliquescence.

Bonald ne s’est pas borné à invoquer l’ordre divin, troublé et galvaudé par les philosophes et les révolutionnaires, il a également jeté les bases de la sociologie moderne ; au départ, celle-ci vise à observer et analyser les déliquescences sociales pour y porter remède. Elle n’est donc pas une science révolutionnaire mais conservatrice. Louis de Bonald aura en Flandre un héritier prestigieux : le Professeur Victor Leemans de l’université de Louvain, qui lui consacrera articles et essais, reconnaîtra son rôle fondateur en sociologie et entendra poursuivre son œuvre en formant quantité d’étudiants, avant et après la seconde guerre mondiale. Son départ laisse un vide en Flandre depuis près de cinquante ans, vide dans lequel s’est engouffrée, comme partout ailleurs en Europe, une sociologie, non plus bonaldienne et visant à restaurer les liens sociaux pulvérisés par l’esprit de fabrication, mais dissolvante à la façon soixante-huitarde. Vous savez ce qui en a résulté.

L’apport de Thomas Carlyle

Thomas_Carlyle.jpgEn Angleterre (ou plutôt en Ecosse), l’idéal « révolutionnaire-conservateur » avant la lettre a été porté par une figure exceptionnelle, celle de Thomas Carlyle, dont on retiendra essentiellement, dans le cadre du présent exposé, deux idées fondamentales :

A. D’abord, celle d’une histoire générée par les héros, qui impriment à la marche des nations leurs volontés créatives à des moments souvent inattendus du continuum historique ; cette idée alimente, avec d’autres, la fameuse théorie de l’histoire sphérique d’Armin Mohler, où la force personnelle ou collective impulse une rotation originale à la sphère qu’est le temps, avant de tomber dans une phase d’entropie, relayée, plus tard, sans calendrier préétabli, par une nouvelle force impulsante.

B. Ensuite, l’œuvre de Carlyle recèle une critique systématique et récurrente de la « cash flow mentality », soit l’esprit marchand ou l’idéal économiciste du boutiquier (« shopkeeper »). Cette critique est la source de l’hostilité et du mépris de toute véritable idéologie « révolutionnaire-conservatrice » à l’endroit des castes économiques, qu’elle n’entend pas ménager mais au contraire mettre au pas voire éliminer, pour restaurer le bien commun, soit une société dominée par les constantes, les stabilités équilibrantes et débarrassée ipso facto de la fébrilité activiste et négociante (étymologiquement : « neg-otium », absence d’ « otium »), qu’impose la caste des shopkeepers et des banquiers à l’ensemble de l’humanité, toutes races confondues.

En Allemagne, trois figures fondatrices dominent les phases initiales et préparatoires de la « révolution conservatrice » proprement dite. Il s’agit de Joseph Görres, d’Adam Müller et de Lorenz von Stein.

Görres : trifonctionnalité et fidélité impériale

220px-Joseph_von_Görres.jpgJoseph Görres théorise, avant la lettre, avant Georges Dumézil, la notion de trifonctionnalité traditionnelle des sociétés européennes, subdivisées en une « Lehrstand », une classe enseignante, chargée de la transmission du savoir et des traditions ; une « Wehrstand », soit une classe combattante, chargée d’assurer la défense du bien commun et du territoire ; une « Nährstand », soit une classe laborieuse chargée d’assurer la production d’aliments pour le peuple. Ces trois « Stände » doivent s’articuler au sein d’un Reich, d’une structure impériale comparable à l’institution médiévale du Saint Empire, mais, cette fois, dotée d’une constitution garantissant l’intégration de tous (du moins des représentants des trois Stände nécessaires, les autres éventuelles étant jugées trop restreintes ou superflues, en tous cas dépourvues de signification réelle). Görres, devenu catholique après une jeunesse turbulente et révolutionnaire dans une Rhénanie aux regards tournés vers la France moderne, sauve toutefois, dans un contexte anti-révolutionnaire, la représentation de toutes les classes utiles au Bien commun, l’institution impériale finalement plus respectueuse des peuples et de leurs libertés que la république belligène et terroriste, et, enfin, ajoute l’élément constitutionnel, modernisation de l’esprit des chartes, réclamé par les masses allemandes mobilisées dès 1813 dans le soulèvement prussien contre Napoléon, selon les principes de la mobilisation totale, préconisés par Clausewitz. Görres rejoint Arndt sur ce plan. Görres n’opère pas un retour en arrière ; il tente simplement d’éliminer les dérives sanglantes du progressisme révolutionnaire et les effets de son basculement dans les répressions liberticides.

Adam Müller : retour au « zoon politikon »

AdamMuller.jpgAdam Müller pose, comme principe cardinal de toute politique saine, de s’opposer dorénavant à tous les principes énoncés par la révolution française qui, bien qu’ayant tout politisé à outrance et de façon hystérique, a gommé de la scène le véritable « zoon politikon » traditionnel, d’aristotélicienne mémoire, dans la mesure où elle efface avec rage et acharnement tous les liens immémoriaux qui soudaient les sociétés. Le « citoyen » de la révolution est un bavard ou un émeutier sans épaisseur, un sans-culotte aviné, un partisan encarté mais sans jugement profond, sans recul, sans héritage, sans plus aucun contact avec la longue durée. Le zoon politikon, de la Grèce antique à Adam Müller, dispose d’une mémoire, sait que des liens l’unissent aux siens ; il n’est pas un individu irresponsable qui, uni à d’autres au sein de masses, traduit par des actes horribles l’ensauvagement qui résulte de la disparition des liens (Bindungen) et des devoirs. La politique conservatrice, préconisée par Adam Müller, vise donc la restauration de ce « zoon politikon ». Le retour au zoon politikon des Grecs interdit d’accepter le libéralisme, le libre marché, interdit d’octroyer un pouvoir quelconque aux forces économiques, aux puissances d’argent. Adam Müller préconise de fait une alliance entre un socialisme, tempéré par les traditions, et un conservatisme, soucieux de préserver les stabilités équilibrantes, contre l’ennemi de l’homme réel qu’est le libéralisme. C’est dans l’œuvre d’Adam Müller et de Lorenz von Stein qu’il faut voir les origines intellectuelles de la condamnation du libéralisme chez l’un des pères fondateurs de la révolution conservatrice du 20ième siècle, Arthur Moeller van den Bruck (« C’est par le libéralisme que périssent les peuples »).

Lorenz_von_Stein_m.jpgLorenz von Stein reprend les idées générales d’Adam Müller et veut les inscrire dans le cadre d’une structure étatique reposant sur une « royauté sociale ». Cette notion de « royauté sociale » exprime, chez Lorenz von Stein, l’idée d’un interventionnisme étatique tempéré par l’idée monarchique. Les rois doivent devenir les agents d’une intervention permanente dans le domaine social pour éviter la fusion des intérêts des possédants avec la machine étatique-administrative. Les possédants, ou classes bourgeoises, entendent utiliser l’Etat, dont le rôle est alors réduit à celui d’un « veilleur de nuit », pour dominer l’ensemble de la société, via un vote censitaire qui permet d’exclure de larges strates de la population du processus démocratique. Dans un tel contexte, l’Etat garde à peine les apparences du principe de commandement (« Die herrschende Macht ») mais, en réalité, sous la pression des intérêts matériels de la seule bourgeoisie, devient une instance du pure obéissance (eine « gehorchende Unmacht »). Le monarque en place a pour mission de prendre la tête du mouvement réformateur (hostile au conservatisme metternichien), de le guider et d’assurer aux classes non possédantes un avenir matériel stable, seule garantie de leur liberté. L’Etat « veilleur de nuit », idéal des libéraux, conduit à la non-liberté (« Unfreiheit ») des catégories modestes de la société. L’Etat réformateur, animé par de hautes vertus éthiques, conduit à une société plus harmonieuse, plus conviviale, plus participative car toutes les catégories de la population participent alors à la gestion de la Cité. C’est Lorenz von Stein qui a indubitablement inspiré l’Etat social bismarckien et les monarchies réformatrices d’Allemagne du Sud (Würtemberg, Bavière). Avec lui, on parle de « Sozialkonservativismus ».

L’ère Metternich : aucune expérimentation

Le 19ième siècle allemand a donc débuté avec l’ère Metternich. Il s’agit là d’un conservatisme dépourvu de tonus innovant, voire d’idées révolutionnaires (au sens étymologique du terme et non pas au sens de la révolution française) ou de revendications constitutionnelles. Pour le Prince Metternich, aucune expérimentation nouvelle ne devait avoir lieu en Europe. Pour cet état d’esprit paléo-conservateur, la pensée d’un Ernst Moritz Arndt équivalait à celle des pires sans-culottes. Cette incapacité à intégrer la « Nährstand » et la classe ouvrière en formation et en croissance exponentielle, dans le sillage des révolutions industrielles (encore timides sur le continent jusqu’en 1850), provoquera le mécontentement des classes bourgeoises et populaires, ainsi que celui des « Burschenschaften » étudiantes en terres germaniques et centre-européennes. Ce porte-à-faux entre les desiderata légitimes d’une population, qui ne voulait plus ni du despotisme pré-révolutionnaire ni du terrorisme jacobin, et la volonté immobiliste d’élites épuisées, a finalement débouché sur la révolution de 1848, dont l’idéologie mêle des thèmes libéraux à des thèmes nationaux, en une synthèse qui se révélera finalement boiteuse.

Bismarck : une poigne qui impose l’Obrigkeitsstaat

En bout de course, par sa poigne, Bismarck imposera une synthèse, qui aurait été incapable d’émerger seule, vu l’hétérogénéité tellement contradictoire des composantes de la révolution de 1848. Par la force de son caractère et de sa personnalité, Bismarck imposera un « Obrigkeitsstaat » puis une représentation socialiste, assortie de la promotion de lois sociales modernes. Bismarck n’imposera pas seulement une synthèse sur les plans intérieur et social, mais aussi sur le plan international, en diplomatie, en préconisant une indéfectible « alliance des trois empereurs » (Drei-Kaiser-Bund) qui placera automatiquement les puissances traditionnelles du centre et de l’est de l’Europe dans une sphère différente de celle de l’Occident (France + Grande-Bretagne). Un clivage est ainsi né, qui expliquera la vigueur, et parfois la virulence, de l’anti-occidentalisme de la révolution conservatrice du 20ième siècle.

Pour le diplomate Constantin Frantz, au service de la Prusse, l’Ouest, ou l’Occident, composé de la France jacobine (et néo-bonapartiste avec l’avènement de Louis-Napoléon) et de l’Angleterre ploutocratique (qui n’a pas retenu l’une des leçons essentielles de Carlyle), n’est plus entièrement européen, n’est plus lié par le destin, par la géographie et l’hydrographie à l’Europe et à sa civilisation. Les possessions extra-européennes de ces deux puissances placent leurs intérêts en dehors de la sphère purement européenne. Ce qui a pour corollaire que des conflits, nés hors d’Europe, peuvent désormais ébranler et affecter les nations du sous-continent européen. Avant Constantin Frantz déjà, le diplomate et ministre von Hülsemann, au service de l’Autriche, avait réagi vivement à la proclamation de la Doctrine de Monroe (1823), car il percevait bien que cette Doctrine, soi-disant émancipatrice pour les nations créoles d’Amérique ibérique, visait l’exclusion pure et simple, non seulement de la malheureuse Espagne, mais de toute autre puissance européenne hors du Nouveau Monde. L’Europe n’a pas soutenu l’Espagne à l’époque et la tentative d’installer un Habsbourg sur le trône du Mexique en 1866-67, n’a été qu’une gesticulation tragique et surtout trop tardive, non suivie d’effets réels et durables pour contrer l’expansion omni-dévorante des Etats-Unis, prévue par Alexis de Tocqueville. De même, les forces conservatrices soutiendront Sandino au Nicaragua dans les années 20 et 30 du 20ième siècle : un autre combat d’arrière-garde…

L’Occident cesse d’être européen

Dans les travaux de ces deux diplomates (nous pourrions en citer d’autres), nous découvrons donc in nuce tous les affects anti-occidentaux de la « révolution conservatrice » du 20ième siècle, qui ont visé successivement la France, l’Angleterre et les Etats-Unis. A la veille de la guerre de Sécession de 1861-65 et du conflit franco-allemand de 1870-71, les deux puissances occidentales d’Europe, la France et la Grande-Bretagne avaient de fait troublé l’équilibre de l’alliance des trois empereurs en intervenant, aux côtés de la Turquie, ennemie héréditaire de l’Europe, lors de la Guerre de Crimée. Cet acte indiquait que les deux puissances se montraient renégates à l’endroit de la civilisation dont elles procédaient. Le complexe idéologique mêlant le puritanisme, l’idéologie révolutionnaire jacobine, la fébrilité sans mémoire de la révolution industrielle, le libéralisme, le rousseauisme égalitaire et le manchesterisme, ne prenait plus en considération ni les valeurs partagées pendant des siècles ni l’histoire qu’elles ont générée ni les obligations qu’elles impliquent.

Sur le plan culturel, au temps de Bismarck, l’intégration des classes sociales, auparavant défavorisées, progressait. Le socialisme était intégré à la machine étatique, avec les accords entre Lassalle (opposant à Marx au sein du socialisme de l’époque) et Bismarck. L’intégration des socialistes dans la sphère politique du Deuxième Reich bismarckien découlait bien plutôt de la pensée de Lorenz von Stein que de celle de Karl Marx. En Angleterre, à la même époque, John Ruskin développait un socialisme pratique, avec architecture ouvrière, avec une volonté de biffer définitivement les laideurs engendrées par les effets urbanistiques désastreux de la révolution industrielle (« Garden Cities », etc.). Pour revenir en Allemagne, il convient de préciser que la philosophie de Nietzsche était une référence pour les socialistes à l’époque et non pas pour les nationalistes ou les pangermanistes (« Alldeutscher Verband »). Les nationalistes se référaient à Gobineau et, plus tard, à son principal disciple, Houston Stewart Chamberlain.

Les romans de Dostoïevski

hyperliteratura-fiodor-dostoievski.jpgEn Russie, c’est la grande époque des romans de Dostoïevski, un ancien révolutionnaire de l’aventure décembriste du début du siècle. L’exil sibérien, auquel l’écrivain a été contraint, l’a guéri de ses illusions de jeunesse. La fréquentation des exilés, taulards, forçats, fonctionnaires pénitentiaires puis celle des déséquilibrés et des paumés des cafés de Petersbourg l’ont tout naturellement conduit à abandonner les utopies rousseauistes (ou qui passent pour telles), sans renoncer pourtant à croire que dans ce magma en apparence peu reluisant peuvent surgir des héros ou des saints, et, à proportion égale, des canailles ou des assassins. Le « Journal d’un écrivain », de ce plus grand Russe de tous les siècles, recèle un testament politique qui appelle à une profonde méfiance à l’endroit de cet Occident jacobin à la française (rousseauiste et égalitaire, philosopheur et procédurier) ou ploutocratique à l’anglaise (avec ses hypocrisies, son moralisme comme cache-sexe d’une fringale insatiable de profit). Le traducteur de Dostoïevski en Allemagne ne fut personne d’autre qu’Arthur Moeller van den Bruck, père fondateur du mouvement révolutionnaire-conservateur. L’apport russe et dostoïevskien, via Moeller van den Bruck, est capital dans l’éclosion de la révolution conservatrice allemande de la première moitié du 20ième siècle, capital aussi dans la gestation d’une œuvre comme celle d’Ernst Jünger.

2067859486.jpgImmédiatement avant que n’éclate la première guerre mondiale en août 1914, on ne peut pas encore parler véritablement de « révolution conservatrice », bien que tous les éléments idéologiques en soient déjà présents. Ces idéologèmes sont épars, diffus, bien répartis dans l’ensemble des cénacles intellectuels de l’époque (socialistes compris), mais ne sont pas politisés ni offensifs et militarisés, comme ils le seront après la première guerre mondiale. Tout au plus peut-on parler d’utopies positives à connotations organiques, de modélisations sur base d’idées et d’idéaux organiques (et non pas mécanicistes ; ces idéaux organiques trouvent leur origine dans la pensée de Schelling et dans le filon romantique). La diffusion de ces idéologèmes est surtout le fait d’un éditeur paisible, un homme bienveillant, Eugen Diederichs, dont la maison d’édition, fondée en 1896, existe toujours. Diederichs, comme j’ai déjà eu plusieurs fois l’occasion de le dire, est le véritable promoteur métapolitique des futurs idéologèmes constitutifs de la révolution conservatrice. En m’appuyant sur divers chercheurs, dont l’Américain Gary Stark, j’en dénombre essentiellement huit :

1)     La vie ne peut être évaluée sur la base de la seule raison (raisonnante) ; en d’autres termes, l’intellect, en rationalisant outrancièrement et en schématisant sans tenir compte d’une foule de particularités et d’exceptions, finit non pas par devenir un auxiliaire utile de la vie, mais son ennemi (cf. ultérieurement l’œuvre philosophique de Ludwig Klages).

2)     L’Allemagne et l’Europe ont besoin d’une nouvelle mystique religieuse, qui trouve ses racines dans la mystique médiévale rhénane, brabançonne et flamande ; en Brabant, la figure dominante de cette mystique, base d’une alternative possible, est Ruusbroeck, d’abord vicaire à Sainte-Gudule à Bruxelles, puis dirigeant d’un cloître en Forêt de Soignes à Groenendael. L’écrivain francophone gantois Maurice Maeterlinck, que Diederichs publiera en allemand, se penchera sur cette figure du mysticisme brabançon, tout comme le peintre surréaliste et traditionaliste Marc. Eemans, éditeur, dans les années 30, de la revue « Hermès » et fondateur, à la fin des années 70, du « Circulo Studi Evoliani », pendant belge des initiatives italiennes de Renato del Ponte et héritier du cercle flamand équivalent, fondé par Jef Vercauteren, décédé accidentellement en 1973.

3)     L’art a pour mission de sauver la civilisation contre le matérialisme. Idée qui, chez nous, sera principalement incarnée par les architectes et concepteurs Victor Horta et Henry Van de Velde (sur qui s’exerça profondément l’influence de Nietzsche). Marc. Eemans (1907-1998), pour sa part, à la suite de l’écrivain néerlandais Couperus et d’un précurseur allemand des idéaux du mouvement de jeunesse Wandervogel tel Julius Langbehn (auteur d’un ouvrage magistral sur Rembrandt), poursuivra cette quête, même après les années de la deuxième « grande conflagration », dans son œuvre encyclopédique sur l’art en Belgique et dans la revue « Fantasmagie ».

4)     Sur le plan littéraire, Diederichs préconise une renaissance du romantisme ; ce qui l’a amené à soutenir un écrivain comme Hermann Hesse à ses débuts. Outre ce désir de réactiver le filon romantique allemand, Diederichs lance un vaste programme de traduction d’œuvres russes, dont les grands classiques tels Tolstoï, Dostoïevski, Tchékhov, Gorki et surtout le néo-mystique Soloviev. L’apport russe est donc considérable.

5)     Diederichs préconise une mystique du peuple (Volk), voire, dans certains cas, parce que la terminologie de l’époque ne connaît pas de tabous comme aujourd’hui, une mystique de la « race ». Nous verrons ce qu’il en est exactement.

6)     Diederichs souhaite également un retour à « Mère-Nature » et se positionne dès lors comme un écologiste avant la lettre. Ce retour à la « Terre Mère » postule un soutien au roman paysan. Ce qui amène Diederichs à faire traduire les fleurons de la littérature flamande en ce domaine : Felix Timmermans, Stijn Streuvels et, plus tard, Ernst Claes. Cela nous permet de dire que l’apport flamand, et belge en général, est considérable dans l’éclosion de la révolution conservatrice allemande.

7)     Diederichs plaide pour la diffusion d’un socialisme de bon niveau, de haute tenue intellectuelle qui permet de tirer les masses ouvrières vers le haut au lieu de les entraîner par démagogie dans la fange du plébéisme. Diederichs est dès lors sur la même longueur d’onde que Victor Horta. Il publiera les premiers ouvrages d’Henri de Man, de même que les travaux des socialistes britanniques de la Fabian Society, les œuvres de l’architecte et historien de l’art John Ruskin.

8)     Diederichs réclame un soutien au mouvement de jeunesse naissant. Il soutiendra un groupe étudiant mixte à Leipzig, le « Cercle Sera », appelé à servir de modèle à une nouvelle société, plus heureuse, harmonieuse et conviviale.

En résumé, on peut dire, ici, ce soir, à Anvers, en mars 2006, que cette tradition à facettes multiples, lancée par Diederichs, est aussi et surtout la nôtre dans la sphère des conservatismes du monde entier, parce qu’arithmétiquement l’apport flamand y est fort considérable. Aucun conservatisme au monde ne recèle, dans son alchimie première, autant d’ingrédients venus d’ici, de nos propres provinces.

Vers le national-socialisme ?

Gary D. Stark est un historien américain qui s’est penché sur le travail des éditeurs allemands d’avant 1914, dont Diederichs. Dans les idées que leurs productions éditoriales ont diffusées, Gary D. Stark, comme Zeev Sternhell en France et en Israël, voit une préparation intellectuelle à l’avènement du national-socialisme hitlérien ! Sans critiquer leur énorme travail d’investigation, de recherche et de comparaison, inégalé, force est tout de même de constater une diabolisation exagérée de ces corpus qui ont pourtant innervé aussi la social-démocratie montante. On dirait que ces travaux servent, in fine, à livrer une guerre préventive contre toutes les tentatives de rénover l’Europe et ses piliers idéologiques (toutes tendances confondues), rénovation qui devrait inévitablement puiser dans des réservoirs d’idéologèmes fort semblables à ceux développés entre 1890 et 1914 par la maison d’édition créée par Diederichs.

La diabolisation préventive et l’accusation, portée à toutes ces thématiques, d’être des prolégomènes au national-socialisme hitlérien, nous paraissent totalement injustes pour six raisons principales :

1)     Diederichs et ses collaborateurs n’ont jamais discriminé les auteurs juifs s’inscrivant dans les filons novateurs des décennies 1890-1914. Diederichs est notamment celui qui a promu en Allemagne la pensée de Henri Bergson. Le social-démocrate Victor Adler, issu d’une famille israélite viennoise, professait un socialisme organique très proche des corpus préconisés par la maison Diederichs.

2)     La valorisation des figures du paysan et du poète indique une opposition générale à la modernisation technique outrancière que les idéologies libérale, marxiste et nationale-socialiste allaient parachever en Europe et en Amérique.

3)     Le désir de voir advenir une rénovation religieuse mystique, non politisée, est une préoccupation originale, que le national-socialisme acceptera en surface, dans une première phase, pour remettre bien vite l’ensemble trop bigarré des innovateurs au pas.

4)     Gary D. Stark croit voir en l’apologie récurrente de la « race nordique » un indice de connivence avec la future idéologie nationale-socialiste. Pourtant chez les auteurs de la maison Diederichs, notamment chez notre compatriote Maurice Maeterlinck (cf. ses « Cahiers bleus »), l’évocation de la « race nordique » est une revendication de liberté individuelle et personnelle face à l’arbitraire de l’Etat et à l’homologation des mentalités (que dénonceront par ailleurs Robert Musil dans « L’homme sans qualités » et Franz Kafka dans l’ensemble de son œuvre). L’idéologie dominante actuelle ne veut pas davantage percevoir ce lien qui existait clairement entre le « nordicisme » et l’« anti-totalitarisme » avant la lettre.

5)     La place des écrivains russes dans les productions de la maison Diederichs, la valorisation de l’âme russe, démontre qu’il n’y a en elles aucun affect anti-slave ou russophobe.

6)     Les auteurs de la maison Diederichs insistent également trop sur la notion de « personne ». Face à une uniformité galopante, ils appellent à l’émergence de fortes personnalités, ce qui est impensable dans un Etat totalitaire qui entend mettre tout le monde au pas (« Gleichschaltung »). Le Prix Nobel de littérature Knut Hamsun, auteur de « La Faim », par son insistance sur la force des personnalités (p. ex. Isaak dans « La Glèbe ») est ainsi en porte-à-faux constant avec l’idéologie nationale-socialiste en dépit de ses engagements en Norvège occupée de 1940 à 1945.

Nous n’avons donc pas de « révolution conservatrice » s’affichant comme telle, affichant un militantisme « soldatique » et hyper-politisé, avant 1914. Nous avons, répétons-le, un vaste éventail d’idéologèmes organiques, anti-jacobins et anti-mécanicistes, que partagent aussi bon nombre de socialistes de l’époque, surtout en Autriche et en Belgique.

Les thèses de Panayotis Kondylis

Le philosophe grec contemporain, Panayotis Kondylis, qui écrivait en allemand et qui est hélas décédé prématurément, avait consacré un ouvrage remarqué au conservatisme, où il constatait que la classe nobiliaire, détentrice de la propriété foncière et traditionnel pilier de l’idéologie conservatrice, était devenue, à l’ère de la progression du suffrage universel, trop ténue numériquement pour demeurer la porteuse d’une idéologie politique capable de survivre au sein des assemblées. Par conséquent, poursuivait Kondylis, faute de soulever l’enthousiasme de masses, à l’instar des socialistes, le conservatisme cesse d’être proprement politique pour se muer en un esthétisme, sublime mais forcément condamné à la marginalité. Dans cette belle esthétique du conservatisme, dépolitisé par l’effet de la loi du nombre, des ingrédients philosophiques comme ceux issus de l’œuvre de Carlyle (l’héroïsme, l’affect anti-économique) et, bien sûr, ceux légués par Nietzsche vont se cristalliser. A ce double héritage de Carlyle et de Nietzsche, s’ajoutent bien d’autres legs, dont, en première instance, celui des grands écrivains français du 19ième siècle : Baudelaire, Stendhal, Flaubert et, dans une moindre mesure, Balzac.

Ces poètes et écrivains sont des hommes lucides qui constatent que la nouveauté révolutionnaire (au mauvais sens du terme) est omniprésente, en réalité ou en jachère, pire, qu’elle n’a pas encore déplié tous ses aspects : l’art doit dès lors s’ériger contre ce « dépliement » fatidique qui transformera à terme les sociétés en fourmilières ternes. Nos auteurs français vont donc procéder à une dissection méticuleuse de ce monde en "advenance", révéler sa vénalité et sa nullité essentielles, dont la manifestation la plus patente est le perpétuel « piétinement », l’impossibilité d’un recommencement sublime, écrit le philologue suisse Jean Borie (Université de Neuchâtel).

AVT_Charles-Baudelaire_838.jpegPour un Baudelaire, la société bourgeoise, qui jacasse et qui « piétine », exclut l’artiste qui doit dès lors riposter, en imposant un art nouveau qui démasque les inconsistances et les hypocrisies de la société bourgeoise, née de la révolution française. Cet art nouveau n’est pas un retour aux hauteurs spirituelles d’antan : ce travail, qui consisterait à remonter le temps, est désormais impossible (point de vue que partage Kondylis), puisque les contemporains, depuis le 19ième siècle vivent une rupture permanente (et irrémédiable) avec l’histoire de leur peuple et la rupture la plus emblématique a été perpétrée par la hiérarchie catholique : celle-ci a d’abord rêvé d’une revanche, d’un retour à l’ancien régime qui la privilégiait, explique Borie, puis s’est mise par opportunisme crasse au service de la bourgeoisie victorieuse, perdant du même coup toute puissance mystique capable de soulever les coeurs. Le catholicisme officiel a ainsi laissé un vide effrayant dans nos sociétés: l’artiste anti-bourgeois et secrètement ou ouvertement conservateur, dans la mesure où il nie « l’aquarium sans oxygène du bourgeoisisme », entend, par son art, combler ce vide, l’occuper par de nouveaux rituels (Borie). Cette option annonce le « Jungkonservatisvismus » de Moeller van den Bruck, traducteur de Baudelaire, pendant ses années berlinoises, et qui, forcément, en cette qualité, transpose quelque éléments de la pensée et des visions du poète français dans sa définition du « jeune conservatisme ».

Honoré de Balzac

Balzac.jpgBalzac, dans « Le médecin de campagne », dénonce le monde moderne induit par le personnage du Dr. Benassis, philanthrope et eudémoniste. Celui-ci modernise une vallée dauphinoise économiquement arriérée, où vit une colonie de pauvres « crétins » que les indigènes respectent au nom de « superstitions religieuses », jugées inutiles et improductives. Le brave docteur modernisateur fait interner les « crétins » dans un camp, loin de leur village, et impose, au nom d’idéaux tout à la fois hygiénistes et rousseauistes, une sorte de dictature hygiéniste basée sur les postulats révolutionnaires jacobins d’égalité et de primauté de l’économique : Balzac, conclut le philologue suisse Borie, à rebours de l’avis de Maurice Bardèche, et juge ce monde décevant et incomplet, dans la mesure où il a exclu les pauvres (en esprit comme en fortune), le soldat Genestas, condamné à ressasser des nostalgies, les artistes, les inassimilables désintéressés qui n’aiment ni l’argent ni l’accumulation de biens ou de richesses, et finalement Benassis lui-même, l’initiateur du processus de modernisation, devenu inutile puisqu’il a presté sa tâche et ne doit plus rien ajouter à son œuvre : son action initiale l’a condamné à terme à ne plus jamais devoir agir ; le monde qu’il a créé n’a plus besoin de créateurs, fussent-ils des « modernisateurs ». Le monde de la modernité est donc un monde d’exclusion, de formatage, d’aseptisation, d’homogénéisation. Mieux : Balzac met en scène deux familles, l’une installée dans le haut de la vallée isolée, qui garde ses traditions immémoriales ; l’autre est installée à proximité de la plaine et a oublié les rituels de toujours. Dans chacune des familles, le père vient de mourir: ceux d’en haut, qui respectent encore les traditions sont rassemblés autour du cercueil, graves, recueillis ; tout le clan est présent ; le défunt est accompagné de l’ensemble de sa parentèle en toute solennité vers sa dernière demeure. Ceux du bas de la vallée continuent leurs besognes quotidiennes, ne réhabilitent plus aucun des rituels graves d’antan : le mort a basculé dans la catégorie des choses devenues inutiles, comme sont inutiles à l’accumulation les souvenirs de tout passé sublime, les liens que fondent les piétés filiales transgénérationnelles : on expédie donc sans guère de formes le père défunt au cimetière et on s’empresse de l’oublier. La modernisation a donc généré un vide spirituel permanent qui n’a toujours pas pu être comblé.

En 1832, dans « Le curé de Tours », Balzac écrivait ce texte magnifique, très actuel: « D’abord l’homme fut purement et simplement père, et son cœur battit chaudement, concentré dans le rayon de la famille. Plus tard, il vécut pour un clan ou pour une petite république : de là ces grands dévouements historiques de la Grèce et de Rome. Puis il fut l’homme d’une caste ou d’une religion pour les grandeurs de laquelle il se montra souvent sublime (…). Aujourd’hui sa vie est attachée à celle d’une immense patrie ; bientôt, sa famille sera, dit-on, le monde entier. Ce cosmopolitisme moral, espoir de la Rome chrétienne, ne serait-il pas une sublime erreur ? Il est si naturel de croire à la réalisation d’une noble chimère, à la fraternité des hommes. Mais hélas ! La machine humaine n’a pas de si sublimes proportions ». Tout est dit…

Kondylis évoque les « trois amours » des esthètes conservateurs : l’amour des choses supérieures (« Liebe zum Höheren »), qui bétonne un élitisme face aux pesanteurs des masses, mais aussi face à celles des classes industrielles, commerciales, bancaires, administratives (etc.) ; l’amour des choses vraies (« Liebe zum Echten »), que sont la « populité » (Volkstum) et les archétypes face à l’urbanisation déferlante et à l’économie basée sur l’argent et la spéculation ; l’amour de tout ce qui est héroïque (« Liebe zum Heroischen »), valorisant les figures du héros et du saint (Carlyle, Bernanos).

Dans ce contexte, seul demeure le noyau irréductible et non interchangeable que constitue la nation ou le peuple (Volk). C’est donc à la fusion entre l’esthétisme, celui des « trois amours », et le culte de la nation (ou du peuple), opérée d’abord par le Provençal Charles Maurras, que parviendra le nouveau conservatisme, soit la « révolution conservatrice » proprement dite, incluant, en Allemagne comme en France, des éléments de socialisme, dont ceux théorisés par Proudhon et Sorel.

Arthur Moeller van den Bruck et le « Jungkonservatismus »

En Allemagne, une synthèse originale voit le jour dans l’œuvre d’Arthur Moeller van den Bruck. Egaré dès l’âge de vingt ans dans la bohème littéraire berlinoise puis émigré à Paris, Moeller van den Bruck s’est frotté à toutes les influences modernistes allemandes de la Belle Epoque, est devenu, grâce à ses deux épouses, un traducteur chevronné d’auteurs français (Baudelaire, Maupassant, Zola), anglo-saxons (Poe, Dickens) et russes (Dostoïevski). La guerre de 14-18 fait de lui, comme de beaucoup d’autres a-politiques des années 1890-1914, un patriote soucieux de rétablir la souveraineté pleine et entière de l’Allemagne. Pour y parvenir, il faut certes une « prussianisation » de l’ensemble du Reich mais non pas une « prussianisation » à la mode du « wilhelminisme » d’avant la conflagration d’août 1914. Revenir aux glorioles caricaturales et au technicisme sans âme du wilhelminisme constituerait une impasse dans laquelle l’Allemagne vaincue ne doit pas s’engager. La prussianisation de l’ensemble germanique centre-européen doit s’accompagner d’une rejuvénilisation complète du conservatisme : celui-ci doit effectivement conserver les fondements, les racines, les vertus fondamentales de la nation allemande (ou de toute autre nation qui chercherait à rétablir son honneur et sa souveraineté) mais sans en conserver les formes mortes, qui tentent de se répéter ad infinitum, tel un mouvement perpétuel dépourvu d’objectif nouveau. L’œuvre de rejuvénilisation est la tâche du « Jungkonservativismus ». Celui-ci commence par redéfinir les concepts de socialisme, de démocratie, de révolution, toutes formes ou dynamiques politiques qui ne peuvent plus se définir selon les critères en usage avant 1914.

Moeller van den Bruck , en définissant le « Jungkonservativismus » chevauche le « tigre de la révolution », propose un socialisme nouveau, dépouillé des étroitesses que la sociale-démocratie lui avait imposées dès la fin des années 10 du 20ième siècle en voulant rationaliser/marxiser un mouvement ouvrier plus imprégné de Nietzsche que de Marx dans sa première phase ascensionnelle soit en sa phase de jeunesse ; enfin, Moeller propose une forme de démocratie plus enracinée, moins caricaturalement parlementaire, où elle est posée comme « la participation du peuple à son destin » et où son mode de fonctionnement est d’être « dirigée ». la démocratie du « Jungkonservativismus » moellerien est donc une « geführte Demokratie », une démocratie dirigée par les élus (de l’Esprit et non des urnes) qui, par leur maîtrise des concepts inaugurés par les avant-gardes littéraires et artistiques de la Belle Epoque, sauront infléchir correctement les choix du peuple et l’empêcher de sombrer dans des encroûtements délétères. Les ennemis principaux ne sont donc pas la révolution, la démocratie ou le socialisme, qui, tous, peuvent être infléchis dans le bon sens de la « juvénilisation » permanente du peuple mais le libéralisme qui n’apporte que compromissions, médiocrité morale, rationalisme étriqué, individualisme pernicieux, « gouvernement de la discussion ».

Finalement, outre le développement fascinant des prémisses de la révolution conservatrice, prémisses encore dépourvues de dimensions guerrières et « soldatiques », la « Belle Epoque », comme on l’appelait, sentait sourdre, sous la fine couche d’insouciance et de progressisme naïf, de confort et de consumérisme, une hostilité à ces vanités qui, pensaient des croyants comme Bloy, Lyautey, de Foucauld ou Psichari, voire Sorel ou Péguy, allaient bien rapidement pervertir les hommes, ruiner toutes leurs vertus positives, les anémier spirituellement. C’est ainsi que le conflit de 1914 a été accueilli comme une épreuve salutaire, pour sortir l’humanité du confort et de l’avachissement. La guerre rendrait, croyait-on, la virilité aux hommes, l’attitude du soldat purgerait la nouvelle génération de miasmes délétères (« soldatisch », allait-on dire en Allemagne après le conflit, dans la littérature des anciens combattants comme les frères Jünger, Schauwecker et Beumelburg).

Les transformations sociales entraînées par la première guerre mondiale seront innombrables. Un film américain à grand spectacle, « The Eagles », qui évoque les pilotes allemands de la Grande Guerre, montre bien quels glissements se sont opérés au cours du conflit. Nous avons, parmi ces pilotes, l’aristocrate de vieille lignée qui demeure parfaitement chevaleresque ; l’aristocrate nouveau, cynique, débauché et violent ; l’aristocrate machiavélique, vieux général, qui cherche un compromis avec les temps nouveaux et joue davantage le rôle du renard que celui du lion, tout en gardant intact un respect pour les valeurs rudes du soldat (à la Brantôme) ; enfin, l’homme du peuple devenu officier, efficace mais dépourvu d’éthique chevaleresque, qui sera un jouet aux mains du vieux général. Ce nouvel officier préfigure le national-socialisme sans scrupules, du moins pour l’auteur américain du scénario.

Les « Considérations d’un apolitique » de Thomas Mann

Thomas-Mann2.jpgLes « Considérations d’un apolitique » (« Betrachtungen eines Unpolitischen ») de Thomas Mann, rédigées pendant la première guerre mondiale, récapitulent des positions anti-occidentales traditionnelles depuis les premières décennies du 19ième siècle, attitude d’autant plus étonnante que Mann se fera ultérieurement le parangon de l’occidentalisme. Dans son roman, « La Montagne Magique » (« Der Zauberberg »), plusieurs figures, dans le sanatorium de tuberculeux, à Davos en Suisse, qui sert de décor général à l’œuvre, expriment ces contradictions de la culture européenne (et pas seulement allemande), dans des dialogues pertinents et paradigmatiques. Dans ce milieu fermé, dialoguent Lodovico Settembrini, un rationaliste latin, symbole de toutes les formes de rationalisme bourgeois dans l’Europe d’avant 1914, Naphta, un juif galicien formé par les Jésuites et représentant de l’irrationalité religieuse, du principe religieux a-rationnel, toutes confessions confondues, la jeune et belle Russe Clawdia Chauchat, représentante de l’« humanité intacte de l’Est » et de l’intelligentsia russe d’avant la révolution de 1917, l’aventurier colonial hollandais Pieter Peeperkorn, symbole de l’Européen qui est allé chercher fortune et aventure au-delà des mers. Ces personnages ont une nationalité formelle mais leurs propos philosophiques transcendent nettement les limites que l’on pourrait attendre d’une personnalité inscrite trop étroitement dans un cadre intellectuel « nationalisé ».Ils symbolisent tous des attitudes, repérables dans la culture bourgeoise d’Europe à la Belle Epoque, attitudes qui, hélas, vont perdre toute pertinence sociale, dans un monde qui sera d’abord complètement disloqué par la guerre, ensuite livré aux idéologies de l’ère des masses (cf. Canetti et Ortega y Gasset).

La « Montagne magique »

Le personnage central, Hans Castorp, Allemand du Nord et issu des castes marchandes des villes portuaires hanséatiques comme Thomas Mann, rend visite à un cousin hospitalisé dans le sanatorium : il compte rester trois semaines en Suisse ; il restera sept ans. Lui, l’homme sans grandes qualités ou vertus, tentera de trier le bon grain de l’ivraie dans tous les propos qu’échangeront les autres protagonistes du sanatorium de Davos. Quant au cousin Joachim Ziemssen, il incarne une « vitalité robuste » dans un corps hélas malade : il symbolise véritablement l’Europe en déclin.L’attitude mentale altière de ce tuberculeux qui voulait devenir officier prussien est l’attitude héroïque et éthique par excellence mais elle n’est déjà plus centrale dans les débats qui animent le sanatorium de la « Montagne Magique », elle est marginalisée. L’Europe, au corps malade, ne peut plus abriter cette « vitalité robuste », l’incarner et la généraliser : constat pessimiste, quand meurt Joachim Ziemssen, l’homme qui voulait maintenir les bonnes vertus mais n’était plus pris très au sérieux par les autres. Où est la véritable Europe (malade) ?Dans ce sanatorium, où l’on discute de l’essentiel même s’il cela ne conduit à rien, ou dans la « Plaine » (le « Flachland ») où bruissent les grandes villes, où la vie est marquée par les trépidations des machines ?Hans Castorp, quand il revient dans la « Plaine », peut trouver un emploi, une fonction, un rôle, mais ceux-ci seront toujours interchangeables : il ne sera plus, comme à Davos, un partenaire indispensable au débat de fond —celui qui tente, dans sa tête, de faire la synthèse de cette Europe aux attitudes divergentes— mais un rouage dans une machinerie qui sera toujours remplaçable. La « Montagne Magique » de Mann est bel et bien un des romans-clefs de la première moitié du 20ème siècle. Pour notre propos, il est « conservateur-révolutionnaire », non pas parce qu’il veut remettre en selle les principes allemands des « Considérations d’un apolitique », mais parce qu’il constate le déclin irréversible de toutes les valeurs et vertus. Pessimiste, il constate la maladie de l’Europe.

Après 1918, l’Allemagne vit dans le traumatisme de la défaite. Le monde de la germanité, perçu dans les décennies antérieures comme irrésistiblement ascendant, est ruiné, battu, outragé. Les cadres territoriaux allemand et austro-danubien sont morcelés, leurs frontières sont démembrées, ouvertes à toutes les interventions ou les invasions. Sur le plan éthique, la guerre et les soulèvements spartakistes ont disloqué les certitudes traditionnelles. L’immoralité va galopante, surtout dans les grandes villes (cf. les souvenirs de l’écrivain anglais Christopher Isherwood sur la débauche dans le Berlin des années 20). Refusant cette déliquescence généralisée, une nouvelle culture naît en marge de ces tumultes et agitations, une culture qu’Armin Mohler nommera, dans sa fameuse thèse de doctorat soumise à Karl Jaspers, la « révolution conservatrice », car elle entend se révolter contre le nouvel établissement, voire contre toute pesanteur inutile, et conserver les valeurs impassables de l’humanité germanique et européenne.

Dans ce front « conservateur » et « révolutionnaire », prenons quelques figures marquantes : Spengler, les frères Jünger, Klages, Steding, Rosenstock-Huesy, Kantorowicz, ainsi que des cercles tels le « Tat-Kreis » ou des éditeurs comme Diederichs, Lehmann et Goldmann. A ces « révolutionnaires conservateurs » pur jus, ayant retenu les leçons de Nietzsche, s’ajoutent des penseurs catholiques comme Carl Schmitt, ainsi qu’une brochette de théologiens occupés à formuler une théologie en phase avec l’idéologie populiste-folciste, en vogue depuis Herder et Arndt. Chacune de ces figures apporte des éventails de concepts pertinents, idoines pour saisir les problèmes de cette époque de bouleversements fondamentaux, mieux, des concepts si profonds qu’ils gardent toujours leur pertinence aujourd’hui, mutatis mutandis.

Oswald Spengler

Oswald Spengler jette un œil panoramique sur les civilisations, plus exactement, les cultures qui ont jalonné l’histoire. Pour lui, une « culture » est une manifestation organique, spécifique et originale, qui recèle, en elle-même, les forces vives de son éclosion et de ses développements. Mais toute culture est mortelle, quand ces forces vives viennent à s’épuiser. Au terme « culture », Spengler oppose celui de « civilisation ». La « civilisation » procède d’une « culture » : elle en est le parachèvement sur les plans de la technique, de l’administration des choses, de la puissance brute. Mais, simultanément, elle ne produit plus aucune force vive, capable de faire éclore des valeurs dignes d’être imitées. L’Europe a ainsi été une culture, grecque puis faustienne, jusqu’au seizième siècle, pour ensuite présenter les affres du vieillissement et du déclin. L’Amérique, qui procède de l’Europe, correspond à son stade ultime et achevé de « civilisation ». L’urbanisation déferlante, que connaissent l’Europe et les Etats-Unis depuis la fin du 19ième siècle, est l’indice le plus patent de la cristallisation/figement d’une « culture » vivante en une « civilisation » mortifère. Le thème, fort fécond, sera repris par quantité de littérateurs, polémistes, sociologues ou philosophes. Enfin Spengler crée le concept de « pseudo-morphose ». Une culture peut changer de signe, passer du paganisme germanique au christianisme faustien par exemple, ou du christianisme à l’islam (comme dans la sphère « magique » arabo-byzantine), ou de l’iranité zoroastrienne à l’islam chiite, sans véritablement changer de forme. Le changement de signe n’affecte pas les fondements même de la culture : ce changement n’opère qu’une mutation de surface, une « pseudo-morphose » qui n’est en aucun cas métamorphose, bouleversement total, passage à quelque chose de fondamentalement autre. La notion spenglérienne de « pseudo-morphose » demeure toujours féconde et nous permet de mieux comprendre, aujourd’hui encore, certains phénomènes culturels, comme, par exemple, la complexité du Moyen Orient.

Les frères Jünger 

ErnstJuenger.jpgErnst Jünger, et son frère Friedrich-Georg, tous deux jeunes officiers volontaires de 1914 et spécialisés en coups de main aussi tordus qu’audacieux dans la guerre des tranchées, deviennent dans les premières années de la République de Weimar théoriciens d’un « nouveau nationalisme », insolent et moqueur pour le nationalisme de l’époque wilhelminienne, qu’il était évidemment impossible de reproduire après la défaite de 1918, vu le contexte de déliquescence inouï dans lequel survivait le Reich. Tous ceux qui ont lu attentivement les textes nationaux révolutionnaires des deux frères, écrits dans la seconde moitié des années 20 et au début des années 30, sont soit choqués par leur apparente virulence soit séduits par la profondeur des arguments soit les deux à la fois. Dans un volume collectif, intitulé « Aufstieg des Nationalismus », les frères Jünger précisent quelle doit être la virulence juvénile du nouveau nationalisme post-wilhelminien : ce nationalisme, en aucun cas, doit tolérer la répétition de formes mortes, préconisée par des pouvoirs politiques « légalitaires » qui figent le flux du réel et précipitent, de la sorte, les Cités ou les Etats dans un déclin irrémédiable par manque d’audace. Plus tard, Ernst Jünger, déçu par le légalisme de la République de Weimar et par le mouvement hitlérien, plaidera pour une « décélération » du monde, pour un retour à des archétypes sociaux non modernes, tandis que son frère Friedrich-Georg, dans un ouvrage qui annonce la vague écologique d’après 1945, « Die Perfektion der Technik », s’inquiète d’un phénomène de plus en plus prégnant face à la modernisation et l’américanisation galopante des sociétés occidentales et soviétiques, celui de la « connexion » totale de tous à des instances exclusivement techniques et non plus politiques : le prêtre qui prononce son prêche amplifie sa voix par un micro et est donc connecté au distributeur d’électricité ; le paysan qui use d’un tracteur consommant du carburant est connecté désormais à la pompe la plus proche appartenant à un consortium pétrolier, etc. Cette connexion totale de tous tue toutes les formes de liberté organique : elle crée l’idéal du Dr. Benassis, personnage de Balzac.

Klages, Steding, Rosenstock-Huesy, Kantorowicz

Ludwig Klages, lui, entend retourner aux matrices « telluriques » de la culture et finit par poser une dichotomie Ame/Esprit, où l’âme est l’expression de la vie et l’esprit un principe qui entend soumettre la vie et l’encadrer, au point d’en assécher la source.Les forces vitales de l’âme sont forces de lumière tandis que les forces de l’esprit conduisent à un assombrissement général du monde.

Christoph Steding voit la notion allemande de « Reich » comme un principe d’ordre, sans lequel l’Europe est plongée dans l’indolence ou le chaos. Historiquement, cette instance d’ordre en Europe a été mutilée et annihilée par les Traités de Westphalie en 1648 : certaines périphéries comme la Hollande et la Suisse s’en sont volontairement détachées pour suivre une voie originale : soit une ouverture vers la mer soit un repli sur le réduit alpin. Quant à la Scandinavie, elle n’a plus été attirée par ce môle politique que le « Reich » aurait dû rester en Europe. Ce détachement génère une « culture neutre », impolitique, hollandisé ou helvétisée, valorisant la spéculation esthétique ou l’individualisme et accentuant un désintérêt délétère pour le sort géopolitique du continent. Steding parie alors pour le retour à une culture politique impériale, capable de redonner vigueur à un continent européen morcelé, sans plus aucune consistance territoriale, son centre étant émasculé par le double effet des Traités de Westphalie et de Versailles et par la neutralisation (dépolitisation) de la culture. Pour Steding l’avènement d’un prussianisme impérial, non plus réduit au royaume de Prusse et aux seules traditions dynastiques prussiennes, permettrait de réduire à néant les effets dissolvants des traités et de la neutralisation culturelle.

Eugen Rosenstock-Huesy et Enrst Kantorowicz, tous deux israélites et anciens officiers des Corps francs après 1918, énoncent des idées originales : Rosenstock-Huesy voit l’identité de l’Europe dans une perpétuelle remise en questions révolutionnaire de ce qui est établi. L’Europe est une terre de révolution/réjuvénilisation permanente qui lui confère un dynamisme unique au monde et une plasticité que les autres cultures ne possèdent pas. Ernst Kantorowicz, qui avait fréquenté le cercle des « Cosmiques » à Munich autour de Stefan George, explore à fond la personnalité hors normes de Frédéric II de Hohenstaufen (expression la plus sublime de l’idée impériale) et étudie le développement du principe monarchique, tout en explorant ses fondements traditionnels.

Le Tat-Kreis, revue de sciences politiques, d’économie et de sociologie, animée par Hans Zehrer, insiste tout particulièrement sur la nécessité d’une autarcie économique aussi large que possible et sur l’idée d’une intégration totale et participative de toutes les classes sociales dans l’Etat. Parallèlement à cette revue, des éditeurs comme Diederichs (cf. supra), Lehmann, spécialisé dans les questions raciales et biologiques, ou Goldmann, spécialisé en géopolitique et en problèmes de politique internationale, diffusent une littérature très abondante, dont beaucoup d’auteurs méritent d’être redécouverts et étudiés.

Une « révolution conservatrice » catholique ?

Parallèlement à ces auteurs non chrétiens, protestants ou néo-païens, il a également existé une « révolution conservatrice » catholique, dont Carl Schmitt fut l’un des exposants. De nombreux théologiens, tenus au placard depuis 1945, ont participé à l’élaboration d’une contestation anti-libérale, hostile à la République de Weimar. Carl Schmitt, considéré depuis une quinzaine d’années comme le plus pointu des penseurs du politique, a influencé des politologues américains célèbres comme Erich Voegelin ou Leo Strauss. S’il fallait résumer l’œuvre de Carl Schmitt en quelques mots, il faudrait commencer par citer l’adage de Hobbes : « Auctoritas non veritas facit legem », « c’est l’autorité (d’un homme de chair et de sang) et non la vérité (abstraite des philosophes) qui fait la loi ».Schmitt se dresse contre le pouvoir des normes énoncées par des juristes en chambre, étrangers au tumulte du monde, parce que ces normes sont posées comme inamovibles et éternelles, alors que les Cités sont des organismes vivants qui épousent les méandres de la réalité vivante et ne survivent pas lorsqu’elles sont prisonnières de la cangue d’un appareil normatif, qui ne réfléchit plus, ne sent plus, n’éprouve jamais rien. L’autorité ne saurait donc être un ensemble de normes ou de principes immuables mais uniquement un homme de chair et de sang, capable de prendre la bonne décision car il n’est pas aveugle et éprouve dans sa propre chair les souffrances ou les potentialités de l’Etat qu’il dirige.

Dans les normes internationales, imposées depuis Wilson et la SdN, Schmitt voit un « instrumentarium » mis au point par les juristes américains pour maintenir les puissances européennes et asiatiques dans un état de faiblesse permanent. Pour surmonter cet handicap imposé, l’Europe doit se constituer en un « Grand Espace » (Grossraum), en une « Terre » organisée autour de deux ou trois « hegemons » européens ou asiatiques (Allemagne, Russie, Japon) qui s’opposera à la domination des puissances de la « Mer » soit les thalassocraties anglo-saxonnes. C’est l’opposition, également évoquée par Spengler et Sombart, entre les paysans (les géomètres romains) et les « pirates ». Plus tard, après 1945, Schmitt, devenu effroyablement pessimiste, dira que nous ne pouvons plus être des géomètres romains, vu la défaite de l’Allemagne et, partant, de toute l’Europe en tant que « grand espace » unifié autour de l’hegemon germanique. Nous ne pouvons plus faire qu’une chose : écrire le « logbook » d’un navire à la dérive sur un monde entièrement « fluidifié » par l’hégémonisme de la grande thalassocratie d’Outre-Atlantique.

Schmitt s’avère catholique dans la mesure où il est partisan d’un pouvoir personnel et personnalisé, incarné, à l’instar de celui des papes, et qu’il est européiste.

Traduction « révolutionnaire-conservatrice » du mythe de l’incarnation

La théologie folciste-catholique (« völkisch-katholisch ») base toutes ses spéculations sur la notion chrétienne d’incarnation, pour laquelle le Christ est « Dieu devenu chair ». Tout homme, dans cette perspective possède une parcelle de divin en lui : il est toutefois libre de la faire valoir —et d’atteindre ainsi la grâce— ou de l’ignorer —et, par voie de conséquence, de refuser la grâce. Mais l’homme n’est pas isolé, il appartient à un peuple, disent les folcistes-catholiques, un peuple qu’il doit servir, car il est écrit que le disciple du Christ doit servir ses prochains. L’Eglise et l’épiscopat, flanqués de leurs théologiens, ont donc tenté de chevaucher le « tigre folciste » exactement comme, après 1945, toute une frange du catholicisme français avait tenté de chevaucher le « tigre communiste » voire, fin des années 60, le « tigre maoïste ». La théologie protestante a suivi des chemins similaires.

1933 : la « Gleichschaltung »

En 1933, avec l’arrivée au pouvoir des nationaux-socialistes, tous sont mis au diapason par la « Gleichschaltung ». Le Tat-Kreis et les éditeurs s’alignent sur le nouveau régime. Les mouvements de jeunesse sont inclus progressivement dans les organisations de jeunesse du parti unique, tout en conservant parfois une réelle autonomie permettant une critique virulente de la hiérarchie du parti ou de la SS, comme l’atteste le cas, très complexe, d’une personnalité comme Werner Haverbeck. Les études de sociologie prennent une tournure plus technique et abandonnent les prémisses des sciences écologiques, que les cercles qualifiables de « révolutionnaires-conservateurs » avaient commencé à aborder, notamment sous l’impulsion d’un discours, d’inspiration « tellurique », tenu par Klages à l’adresse des jeunes du mouvement « Wandervogel » en 1913. Giselher Wirsing, ancien du « Tat-Kreis », a dirigé la fameuse revue « Signal » pendant la seconde guerre mondiale, qui n’était pas inféodée au parti national-socialiste, contrairement à ce que l’on croit généralement. La revue, très moderne dans sa présentation pour l’époque, était européiste, et donc indirectement catholique comme l’était son rédacteur en chef qui dirigera la revue « Christ und Welt » dans les années 50. Elle ne véhiculait aucun nationalisme allemand stricto sensu.

Les tenants de la « révolution conservatrice » se retrouveront dans tous les camps : attentistes, immigration intérieure, émigration, adhésion au national-socialisme, service exclusif au sein des forces armées rétives à l’emprise du parti unique, résistance anti-hitlérienne, etc. Parmi les auteurs de l’attentat du 20 juillet 1944, Schulenburg, ancien ambassadeur du Reich en URSS, avait été un partisan de la bonne entente entre l’Allemagne et l’URSS, dans la perspective inaugurée par le diplomate von Brockdorff-Rantzau après la signature du Traité de Versailles ; Claus von Stauffenberg avait été lié au cercle des « Cosmiques » de Stefan George, rêvant d’une « Allemagne secrète », sublime, esthétique, un peu hiératique ; Hellmut von Moltke, arrêté suite à l’attentat manqué de juillet 1944 et traduit devant le « tribunal du Peuple », a amorcé un débat avec le juge Freissler, ancien communiste : son point de vue est celui d’un personnalisme chrétien, proche de celui défendu par les non-conformistes français des années 30, qui réclame à l’Etat de respecter l’autonomie de la personne responsable et liée à son peuple (et non de l’individu détaché de tout lien social fécond) ; Freissler défend, lui, la collectivité populaire, où la personne n’est rien et où seul compte le « tout », la totalité collective.

Le « Konservativismus » allemand après 1945

Après 1945, les fondements théoriques de la « RC », et leurs applications pratiques, ne disparaissent pas entièrement : seul le vocabulaire trop militant, trop proche de celui des nationaux-socialistes disparaît. La notion de « communauté populaire » soudée et solidaire est remplacée, surtout chez les démocrates chrétiens par l’idée d’« intégralisme », soit d’intégration de tous à la participation politique, sans lutte des classes inutile. Les théoriciens de cet intégralisme démocrate chrétien seront Hans Freyer (directement issu des rangs de la RC), Arnold Gehlen et Rüdiger Altmann (par ailleurs disciple de Carl Schmitt). Les chanceliers Adenauer et Ehrard en feront leur objectif politique, mutatis mutandis.On parlera aussi d’« Etat technique », pour éviter toute connotation idéologique rappelant trop lourdement le passé d’avant 1945. Dans la même foulée, on a tenté de cette façon de rejeter aussi le marxisme idéologique, en cherchant à se concentrer sur les tâches pratiques à réaliser dans un Etat allemand en pleine reconstruction, prélude immédiat au « miracle économique ». La gauche de l’Ecole de Francfort, avec Horkheimer et Adorno, concentre d’ailleurs ses critiques contre la « raison instrumentale » qui sous-tend la pratique de cet « Etat technique ». Alors que la RC était dans une large mesure hostile à l’emprise trop forte de la pensée technomorphe sur la vie politique, ses héritiers embarrassés de la démocratie chrétienne, dans les premières décennies de la République Fédérale, dépouillent leur propos de toutes références organiques ou théologiennes pour adopter un discours moderne, « technocratique », en accusant leurs adversaires socialistes et communistes de faire du passéisme idéologique, toute idéologie de la première moitié du 20ème siècle étant considérée, désormais, comme un reliquat encombrant et inutile, dont il fallait se débarrasser au plus vite. La gauche, elle, renouera avec l’anti-technocratisme de la RC et, même, plus tard, avec l’organicisme écologique quand apparaîtront les Verts sur la scène politique, qui se sépareront très vite des rescapés conservateurs de la pensée écologique, présents lors de la fondation du mouvement écologique actuel, poussant ainsi la famille politique « verte » dans le camp des gauches, ce qui n’était nullement prévu au départ.

Pour Rüdiger Altmann, c’est le « tout » qui doit primer et non les partis ou les parties dans une perspective « ordo-libérale », réhabilitée en France par le saint-simonien Michel Albert au début des années 90. Les événements de mai 68 ont eu pour effet de chasser des chaires universitaires tous les professeurs qui véhiculaient encore, dans leurs cours, des idées issues de la RC, sous des oripeaux technocratiques ou non. Dorénavant, toute forme de conservatisme sera assimilée, et bien souvent à tort, au fascisme ou au nazisme.Pour les gauches militantes et hyper-simplificatrices, dans le sillage d’Adorno, Horkheimer et Marcuse, toute pensée « affirmatrice », et donc posée comme non « critique », est grosse de dérives pouvant ramener, sur la scène politique allemande ou européenne, un nouveau « fascisme ».

Du coup, pour éviter ce reproche, les démocrates chrétiens édulcoreront leur technocratisme affirmateur, embrayeront à leur tour sur les discours néo-moralisants et eudémonistes préconisés par l’Ecole de Francfort ou, en France, par les « nouveaux philosophes ». Dès lors, tous les tenants d’autres discours deviendront en Allemagne des « apatrides politiques » (« politische Heimatlosen »), incapables de s’incruster dans une formation officielle, capable de garder une représentation politique et d’influer sur le devenir de la société. La scène conservatrice a été longtemps animée par le Baron Caspar von Schrenck-Notzing et sa revue « Criticon » (Munich), qui accordait à Armin Mohler 30% de la surface imprimée de la revue pour y exprimer ses visions jüngeriennes/nationales-révolutionnaires, rebaptisées « nouvelle droite » (« Neue Rechte »). De son côté, Bernhard Wintzek publiait en Allemagne du Nord la revue mensuelle « Mut », flanquée d’une petite maison d’édition aux titres excellents. L’historien et théologien protestant Karlheinz Weissmann, les publicistes Götz Kubitscheck et Ellen Kositza ont fondé la revue « Sezession » et les éditions « Antaios » qui poursuivent aujourd’hui l’œuvre de Schrenck-Notzing et de Mohler, hélas trop tôt décédés. Wolfgang Dvorak-Stocker, directeur des éditions « Stocker-Verlag » à Graz en Autriche, édite la revue « Neue Ordnung », tandis que le Dr. Hans-Dieter Sander, bientôt octogénaire, continue d’éditer à Munich sa revue « Staatsbriefe », dans une perspective plutôt « prussienne-nationale ». Les hebdomadaires « Junge Freiheit » (Berlin) et « zur Zeit » (Vienne), grâce à leur parution régulière, assurent une présence fréquente, bien qu’assez ténue, de l’idéologie néo-conservatrice dans le paysage médiatique allemand et autrichien. Avant son décès prématuré, Gerd-Klaus Kaltenbrunner, très actif, a sorti de six à huit volumes de monographies sur des auteurs ou des personnages politiques dont l’œuvre ou la geste méritent d’être retenues pour la postérité et a édité une série de livres collectifs et thématiques intitulée « Herderbücherei Initiative », qui n’a malheureusement pas été poursuivie. L’espace éditorial des « apatrides politiques » de la « droite » ( ?) allemande est prestigieux mais hélas réduit et même de plus en plus réduit, vu le décès de figures exceptionnelles comme Schrenck-Notzing, Mohler ou Kaltenbrunner : c’est aussi la rançon du ressac culturel général que l’Europe connaît aujourd’hui ; l’Allemagne le subit d’autant plus qu’elle est la victime d’une « rééducation » permanente initiée par les autorités occupantes américaines.

Benoît XVI et Peter Koslowski

L’élection l’an passé (2005) du Pape Benoît XVI, alias le Cardinal Joseph Ratzinger, a étonné plus d’un observateur des affaires vaticanes et inquiété les forces de gauche surtout celles qui s’activent fébrilement au sein même du catholicisme. Benoît XVI passe pour un « passéiste », pour un « ultra-conservateur ». Dans son entourage, en Allemagne, il y avait le philosophe Peter Koslowski, exégète remarquable d’Ernst Jünger, critique de toutes les formes de gnose qui rejettent le monde concret, critique également d’une postmodernité qui ne dépasse pas vraiment les lacunes de la modernité ; Koslowski plaide pour une vision de la liberté qui ne soit pas autonomie complète de l’individu isolé mais toujours celle d’une personne en lien avec autrui (« Bindung »). Pour Benoît XVI, la théologie (catholique) doit réhabiliter la cosmologie, réimbriquer l’homme et les sociétés humaines dans le « cosmos », développer un « théo-cosmologie », acceptant les idées chinoises de « tao » et indiennes de « dharma » mais rejetant toutes les formes extrêmes de gnose qui refusent la physis, le monde physique et charnel. Pour Benoît XVI, ces gnoses-là ne sont pas « chrétiennes » car le Dieu des chrétiens est devenu chair, s’est imbriqué dans la physis. Dans un dialogue avec Jürgen Habermas, Benoît XVI, alors encore Cardinal Joseph Ratzinger, rappelle que le citoyen doit obéir aux dirigeants de son pays et, s’il est catholique, ne pas se poser en révolutionnaire mêlant, dans ses discours et revendications, Vatican II et Mai 68. L’objectif que semble se fixer le nouveau pontife romain est de revenir à l’ontologique en l’homme. (PS de 2013 : ce programme initial de Joseph Ratzinger n’a pas pu se concrétiser ; est-ce cet échec qui a justifié sa démission ? Les futurs historiens critiques du Vatican nous l’apprendront…). 

Conclusion

Le filon catholique recèle donc des potentialités, mais uniquement sous l’impulsion de Benoit XVI ou de Peter Koslowski (note de 2013 : ce filon n’a pas pu être exploité, ce qui explique sans doute, pour une part, la démission de Benoît XVI et s’explique aussi par le décès prématuré du Prof. Peter Koslowski en 2012). Cette introduction a pour but de fusionner les traditions françaises et les traditions allemandes en matière de « révolution conservatrice », de montrer qu’elles se sont mutuellement influencées.Elle vise aussi à réhabiliter la notion de « Sozialkonservativismus », arc-boutée sur l’œuvre sociologique et politique de Lorenz von Stein : un « conservatisme », à l’heure du triomphe total du néo-libéralisme, ne saurait défendre un « Etat veilleur de nuit » ni demeurer en marge des nécessités sociales, surtout quand se déploient une nouvelle pauvreté et de nouvelles exclusions, imposées par les forces sous-jacentes et sournoises que Balzac déjà décrivait comme dissolvantes.Ensuite, la nécessité de revenir à « l’ontologique » dans l’homme et de lutter contre les nouvelles formes de gnoses irréalistes sont aussi des axes de combat politiques et métapolitiques qu’il ne faut en aucun cas ignorer, même s’il faut les soustraire à l’emprise de toute machine cléricale ou de tout corset confessionnel.

Robert Steuckers.

(Conférence élaborée à Virton, Arlon et Anvers, mars 2006 ; rédaction finale, novembre 2013).

jeudi, 07 novembre 2013

Presseschau November 2013

presse-journaux-medias.jpg

Presseschau
November 2013

Wieder mal einige Links. Bei Interesse einfach anklicken...
 
AUßENPOLITISCHES
 
Die neuen Superreichen
Die globale Elite und die Revolution von oben
 
Goldman Sachs, das heimliche Imperium
 
IWF
Die große Enteignung: Zehn Prozent „Schulden-Steuer“ auf alle Spar-Guthaben
Die große weltweite Enteignung wird konkret: Der Internationale Währungsfonds verlangt eine allgemeine „Schulden-Steuer“ in Höhe von 10 Prozent für jeden Haushalt in der Euro-Zone, der auch nur über geringe Ersparnisse verfügt.
 
EU beginnt nun offiziell mit dem Verbot der Meinungsfreiheit
 
Europäische Union will »intolerante Bürger« überwachen
 
EU-Staubsaugerregulierung stößt auf Kritik
 
(EU reguliert nun auch WC-Spülungen)
Commission to regulate flushing of toilets and urinals
 
Schuldenkrise
Ökonomie-Nobelpreisträger Pissarides zweifelt am Euro
 
Haushaltskrise in den USA: Warten auf die Eine-Billion-Dollar-Münze
Noch kürzt der amerikanische Staat nur einen Teil seiner Ausgaben, doch die Haushaltskrise könnte sich dramatisch verschärfen: Wenn die USA ihre Schulden nicht mehr bedienen, droht der Crash des globalen Finanzsystems. Dann hilft womöglich nur noch ein Trick.
 
Warum wir die USA zum Krisengebiet erklären müssen
 
US-Haushaltsstreit
Bizarrer Auftritt einer Parlamentsstenotypistin
 
Enthüllungsjournalist Greenwald
Geld spielt keine Rolle
 
Collapse - Über den Zusammenbruch der Wirtschaft
 
Martin Schulz makes a fool of himself
 
Geheimdienste
„Wir sind die Helden“: NSA-Chef Alexander weist Europäer in die Schranken
 
Norwegen rückt nach Rechts
 
Front National gewinnt Kommunalwahl mit 40%
 
Wahl in Südtirol Aufstieg der deutschsprachigen Populisten
 
Ungarn: Regierung will keine Obdachlosen in Weltkulturerbe-Zonen
 
EU verbietet Mentholzigaretten
 
Niederlande
Rassismus-Vorwurf Andersweiß
 
Vereinte Nationen verurteilen Nikolausfest
 
(Vom August, aber kaum in den Medien gewesen)
Aufstand gegen Amerika: Italiener stürmen Militärbasis in Sizilien
 
Nach Mord an einem jungen Russen
Rechtsradikaler Mob hetzt Migranten in Moskau – hunderte Festnahmen
 
Katyn: Gerichtshof weist polnische Klage gegen Rußland zurück
 
Edinburgh: Lehrer fliegt nach Hitler-Äußerung von Schule
 
Radioaktives Wasser
Japan bittet um ausländische Hilfe für Fukushima
Japan bekommt seine Probleme mit radioaktiv belastetem Wasser in Fukushima nicht in den Griff. Ministerpräsident Abe hat nun internationale Experten um Hilfe gebeten.
 
Fukushima: „Die Wahrscheinlichkeit, dass die Rettung gelingt, geht gegen Null“
 
Syrien: Islamisten massakrierten hunderte Dorfbewohner
 
Unnötige Erregung über Online-Sexshop für Muslime
In der Türkei herrscht viel Aufruhr um den ersten Online-Sexshop für Muslime. Aber warum nur? Wahrscheinlich gibt es ein weit verbreitetes Vorurteil, wonach Muslime und Sex nicht zusammen passen.
 
Brunei
Sultanat will Dieben Hand abhacken und Ehebrecher steinigen
 
Brasilien: Polizei erschießt Jugendlichen, schwere Ausschreitungen
 
INNENPOLITISCHES / GESELLSCHAFT / VERGANGENHEITSPOLITIK
 
Umfrage Deutsche finanziell in Bestlaune
Der Begriff Geldsorgen hat für viele Bundesbürger eine ganz neue Bedeutung: Sie haben nicht etwa zu wenig. Es fehlt eher an guten Anlagemöglichkeiten. Also geben die Deutschen ihr Geld aus.
 
Umfrage zur finanziellen Lage
Zufriedenheit der Deutschen auf "extrem hohen Niveau"
 
Preise für Grundnahrungsmittel steigen stark an
 
IWF empfiehlt Deutschland Steuererhöhungen
 
Wann wird rebelliert?
von Michael Paulwitz
 
AfD verhängt Aufnahmestop für „Die Freiheit“-Mitglieder
 
(Der "Welt"-Artikel hat noch nicht vom Wahlkampf- zum Hofberichterstattungsmodus umgeschaltet…)
"Hart aber fair"
Lucke findet große Gemeinsamkeiten mit der Linken
 
AfD-Chef Lucke muss sich bei „Hart aber fair“ für den Ausdruck „entartet“ rechtfertigen
 
Schmerzhafter Schnitt
von Marcus Schmidt
 
Freiheitliche Neue Volkspartei oder FDP 2.0 ohne Euro?
Überlegungen zur politischen Ausrichtung der AfD
 
Strategie für Europa-Wahl: Liberale AfD-Politiker wollen FDP ersetzen
 
AfD verteidigt Aufnahmestopp für „Die Freiheit“-Mitglieder
 
Aufnahmestopp
AfD streitet über Rechtspopulisten
 
Damit die AfD nicht die falsche Alternative wird
Anmerkungen zu aktuellen Misstönen
 
("Antifa"-Experte Alexander Häusler holt mal wieder die Keule raus)
AfD „eindeutig rechtspopulistisch, aber nicht rechtsextrem“
 
AfD wirft Gauck „Entgleisung“ vor
 
Richard Sulik: Nur die AfD kann die „Euro-Retter“ stoppen
Beeindruckender Aufritt des slowakischen Euro-Kritikers in Ingolstadt
 
FDP-Politiker verortet AfD im „braunen Sumpf“
 
Warum die FDP auch abgewählt wurde
Die Partei missachtete kritische Stimmen zum Islamunterricht
 
Ex-SPD-Abgeordneter tritt Bürgern in Wut bei
 
Frankfurt
Razzia bei CDU-Geschäftsführer
Frankfurter Politiker soll Kinderpornos besitzen
 
Dringender Verdacht auf Kindesmissbrauch
Haftbefehl gegen Büroleiter von Top-Grünen
 
Büroleiter soll Kinder vergewaltigt haben
Grünen-Politiker Koenigs: „Ich bin völlig schockiert“
 
Claudia Roth ist Bundestagsvizepräsidentin
 
(Zu Roth)
Parlamentarischer Brauch
 
(Zu Roth)
Empörungsbereite Übermutti
von Michael Paulwitz
 
(NSA-Merkel-Abhöraffäre)
Die geheuchelte Empörung
 
Bundeswehr in Afghanistan
Rückzug ins Nirgendwo
 
(Gegen Bundeswehr…)
Offenbach
Aachener Friedenspreis für Kollwitz-Schule
Angefeindet und gelobt
 
Weitere Artikel zum "Aachener Friedenspreis"
 
Schlesische Landsmannschaft trennt sich von Rudi Pawelka
 
100 Mio. Euro sichern Auschwitz-Gedenkstätte
 
Danzig entfernt Skulptur von vergewaltigendem Rotarmisten
 
(dazu)
„Frau, komm!“
 
Ehemaliger SS-Offizier: NS-Kriegsverbrecher Priebke ist tot
 
Streit um Beerdigung von Erich Priebke
 
NS-Kriegsverbrecher
Es gibt noch 30 Erich Priebke
 
(zu Priebke)
Unbarmherzig
Von Thorsten Hinz
 
(Skandal! Sensation…)
Mitglied der Waffen-SS
Oetker-Sohn: Mein Vater war Nazi
 
(1. Weltkrieg)
Der dritte Streich des Christopher Clark
 
Gedenken an Völkerschlacht
Die Freien Wähler gedachten der Niederlage Napoleons vor 200 Jahren in Leipzig
 
LINKE / KAMPF GEGEN RECHTS / ANTIFASCHISMUS / RECHTE
 
(DKP-Aktivistin schaltet sich plötzlich ein…)
Angeklagte soll kurz vor einem Mord mit NSU-Komplizen in Dortmund gewesen sein
Zeugin will Zschäpe erkannt haben
 
Ehemaliges DKP-Mitglied: Die dubiose NSU-Zeugin aus Dortmund
 
Nach dem 2. „zwischentag“
 
Rechte Messe in "Zwischentag" Berlin
Die Neuen Rechten vernetzen sich
 
Armin Mohler und die Freuden des Rechtsseins
 
Metapolitische Unterweisung (I)
 
Gewissensfragen (Fundstücke 19)
 
Rudolf Burger über Moral und Politik (Fundstücke 20)
 
Frauen in der NPD
Weiblich, selbstbewusst, rechtsextrem
 
Verfassungsgericht verbietet Überwachung von Bodo Ramelow
 
Die Universität Wien als Plattform linksradikaler Ideologien
 
(diskriminierendes Lokalverbot)
Linke Lokalbesitzer hetzen gegen FPÖ-Wähler
 
Berlin: Evangelische Kirche schließt Rechtsextreme von Mitarbeit aus
 
Linksextremisten randalieren in Hamburg
 
Berlin
Linksextremisten beschädigen Polizeiautos
 
Hanau
„Bündnis für Vielfalt“ formiert sich
„Gemeinsam gewaltfrei gegen Nazis“
 
Hanau
CDU fordert veränderte Strategie
„Nazis besser ins Leere laufen lassen“
 
EINWANDERUNG / MULTIKULTURELLE GESELLSCHAFT
 
(Neues prä-totalitäres EU-Netzwerk für "Toleranz")
Wollt ihr die totale Toleranz?
 
Betrachtungen über die Revolution des Michael Wolffsohn
 
Knallharte Sprüche statt Visionen
Die rechte Gefahr: Droht Europa eine Nazi-Revolution?
 
Einen Flüchtling heiraten
 
"Der Vorwurf, Europa schottet sich ab, ist falsch"
Innenminister Hans-Peter Friedrich fordert nach dem Flüchtlingsdrama vor Lampedusa einen verstärkten Kampf gegen Schleusungskriminalität. Gleichzeitig verteidigt er die eigene Flüchtlingspolitik.
 
Flüchtlings-Notstand im Kreis
Kommentar: Hilfe ist eine Christenpflicht
 
Gauck: Flüchtlinge besser schützen
Tragödie von Lampedusa: Bundespräsident und Menschenrechtler mahnen Berlin – Das Flüchtlingsdrama vor Lampedusa schreckt auch die deutsche Politik auf.
 
Lampedusa und das Palais Lobkowitz
 
(Ein klarer Kommentar zu Lampedusa)
Das Heerlager der Heuchler
 
Vom Dilemma zum Desaster
Von Michael Paulwitz
 
Krisenfestigkeit und das humanitäre Ethos
 
Motive für die Öffnung von Grenzen: Selbsthaß und Senkung des Lohnniveaus
 
Jean Raspail: “Unsere Zivilisation ist dabei zu verschwinden”
 
Demographie: Japans erloschener Lebenswille
 
Zahl tschetschenischer Asylbewerber steigt um mehr als 500 Prozent
 
Großbritannien: “Feindliche Umgebung für illegale Einwanderer schaffen”
 
Flüchtlinge
Europas gefährliches Spiel mit den Afrikanern
Von Gunnar Heinsohn
 
(Wer konditioniert ist, kennt keine Zukunftsprobleme…)
Paris
Nach Abschiebung von Roma-Mädchen: Tausende Pariser Schüler blockieren Schulen
 
Nach Abschiebung von 15-Jähriger
Schüler gehen auf die Straße
Frankreichs Innenminister gerät im Streit um die Abschiebung von Jugendlichen immer mehr in Bedrängnis. Wieder demonstrieren französische Schüler.
 
Frankreich
Präsident Hollande hemmungslos vorgeführt
Der Fall eines Roma-Mädchens wird für François Hollande zum Albtraum. Die 15-Jährige stellt Forderungen, die eigene Partei fällt dem französischen Präsidenten in den Rücken, die Opposition frohlockt.
 
NSU: Opferanwälte fordern neue Ermittlungen gegen Ex-Verfassungsschützer
 
Anders Breivik und der Kampf gegen die Islamisierung Europas. Eine Streitschrift
 
("Hassprediger"-Vorwurf)
Linksparteichef beschimpft Innenminister
 
Berlin: Flüchtlingscamp versinkt im Dreck
 
Hungerstreik vor dem Brandenburger Tor Völker der Welt, schaut auf diesen Platz!
(Auf die im Bild gezeigte Losung achten)
 
Hungerstreikende Flüchtlinge Wowereit: Campieren ist keine Lösung
Mit einem Appell hat Berlins regierender Bürgermeister Wowereit die hungerstreikenden Asylbewerber aufgefordert, ihre Aktion zu beenden. Der Sprecher der Protestbewegung sprach von „seelischer Folter“, die in Deutschland verübt werde.
 
Hamburger CDU: Kirche mitverantwortlich für gewaltsame Flüchtlingsproteste
 
Hamburg: Afrikanische Flüchtlinge drohen weiter mit Gewalt
 
Siedler, nicht Flüchtlinge
 
(Comicclip)
How Whites Took Over America
 
Grüne fordern Einwanderung in die Sozialsysteme
 
Grüne: Wir brauchen Flüchtlinge für unsere Sozialsysteme
 
Kriminelle Asylbewerber bekommen volle Sozialbezüge
 
Türkische Gemeinde setzt SPD unter Druck
 
DLRG soll Vereinsheim für Asylbewerber räumen
 
Vereinte Nationen verurteilen Nikolausfest
 
Hannover streicht Zigeunerschnitzel von der Speisekarte
 
Angeblicher Rassismus: Klage gegen Münchner Diskotheken
 
Muslime missbrauchen Rassismusbegriff
Der menschliche Makel
 
Migrantische Kriminalität: Desinformation durch Behörden in Deutschland (aktualisiert)
 
Fall Jonny K.: Täter weiter auf freiem Fuß
 
(Asmir A.)
Berlin
Anklage gegen mutmaßlichen Münzhändler-Mörder
 
(Kujtim A.)
Dietzenbach
Erschütternde Bandaufnahme
Bewährung: Ehefrau im Wald gewürgt und verprügelt
 
Nachts knallt’s in Berliner Bankfilialen
 
Aachen
Großrazzia nach Hetzjagd auf Polizisten
 
Frankfurt: Polizei sucht südeuropäischen Sexualstrafttäter
 
KULTUR / UMWELT / ZEITGEIST / SONSTIGES
 
Berlin
Die ersten Fensteröffnungen sind fertig
Erstes Stück Stadtschloss steht schon!
 
Porta Westfalica: Kaiser-Wilhelm-Denkmal wird für 2,8 Millionen Euro saniert
 
Bruckhausen-Blog dokumentiert die Zerstörung des gründerzeitlichen Ruhrgebietsstadtteils Duisburg-Bruckhausen durch die Stadt Duisburg
 
Limbach-Oberfrohna
Rittergut darf abgerissen werden
Die Denkmalschutzbehörde hat nach sechs Jahren die Erlaubnis für den Abriss des historischen Gebäudes erteilt. Dort soll eine Grünfläche entstehen.
 
Abriss wegen Garzweiler II
Des Teufels Werk
2017 soll Immerath weggebaggert werden. Das Dorf steht leer, die Kirche ist ausgesegnet. Was ist, wenn dem Braunkohleabbau nun doch das Ende droht?
 
(Tebartz-van Elst vs. Wowereit)
Die säkularisierte Inquisition
 
(Sprachschutz)
Ministerin für Verständlichkeit
 
ARD und ZDF könnten halbe Milliarde Euro sparen
Laut einer Studie des Deutschen Steuerzahlerbundes arbeiten ARD und ZDF extrem unproduktiv. Grundsätzliche Kritik wird an der "grenzenlosen Expansion" der Öffentlich-Rechtlichen geübt.
 
Die Besserer
 
Kinder nach Maß
Unternehmen sichert sich Patent auf „Designer-Babys“
 
Design Blond
 
(Auch mal wieder ein bezeichnender Moment der gedankenlosen Konsumgesellschaft...)
New York
Bei Victoria's Secret
Teenager ging mit Babyleiche Dessous shoppen
 
Kolumne Die gute Ausländerin
Türken lecken nicht, Ossis immer
Sagt die Bereitschaft zum Cunnilingus etwas über die ethnische Zugehörigkeit des Lovers aus? Und wenn ja, darf man das einfach so sagen?
 
(Frauenquote)
Quoten-Spielverderber
 
USA: Universal-Studios streichen nach Protest schwule Superman-Parodie
 
Französische Promis reichen Petition ein
Freier sollen 1500 Euro Strafe zahlen
Paris -Prominente um den französischen Erfolgsautor Frédéric Beigbeder machen mit einer Petition gegen Pläne mobil, Besuche von Prostituierten unter Strafe zu stellen.
 
Armin Mohler und die Freuden des Rechtsseins
 
Geist und Pampe oder Die Dämmwolle des Bösen (Fundstücke 18)
 
Peter Brandt über Willy Brandt
„Mein Vater hat sich nicht verstellt“
Der Historiker Peter Brandt ist der älteste Sohn von Willy Brandt. Ein Gespräch über den Kanzler zu Hause, Wutausbrüche, Liebe und Verrat.
 
(Coefficients)
Der Club der Selbstgerechten
 
Unsere Welt ist seit 1900 viel besser geworden
Die Zukunft der Erde wird immer düsterer? Von wegen: Die wichtigsten Indikatoren haben sich seit 1900 zum Positiven verändert. Und zur Lösung der Probleme haben wir heute mehr Ressourcen denn je.
 
Klimapolitik Wo bleiben die Zumutungen?
Einen Veggie-Tag pro Woche? Fünf wären besser.
 
Hostien-Burger sorgt in Chicago für Aufregung
 
High-Tech-Brille übersetzt japanische Speisekarten
 
Facebook lockert seine Privatsphäre-Einstellungen
Schützt unsere Kinder endlich vor Facebook!
 
Leben und Umwelt - Genforschung
Per Schnellzug in die Südsee
Das Volk der Polynesier stammt ursprünglich aus Taiwan und hat sich auf seiner Reise durch Ozeanien kaum mit den eingeborenen Melanesiern vermischt.
 
Nach dieser Karte müsste Amerika Deutsch sprechen
150 Jahre nach der Gettysburg Address gedenken die USA auch ihrer ethnischen Vielfalt. Nicht die Nachfahren von Engländern dominieren im Land, sondern Menschen mit deutschen Vorfahren.
 
Auch Schimpansen mögen Gleichgesinnte
 
Finsterworld von Frauke Finsterwalder und Christian Kracht
 
(ach hätte Napoleon doch gesiegt…)
Sahra Wagenknecht liest Safranski
Goethe sah die Gefahren einer durchkommerzialisierten Gesellschaft vor Marx
 
 
 
 
 

mardi, 05 novembre 2013

En de laatste Duitser is Ethiopisch

En de laatste Duitser is Ethiopisch

 
Asfa-Wossen AsserateEx: Nieuwsbrief / Deltastichting, Nr. 76, Oktober 2013

Een wat provocatieve titel? Allicht wel, maar dat zal allicht misschien zelfs de bedoeling zijn van Asfa-Wossen Asserate. Nog nooit van gehoord, zegt u? Dat zou kunnen, maar ik meen mij te herinneren dat ik in TeKoS een tijd geleden van deze auteur – tevens Ethiopische prins en volle neef van de voormalige keizer van Ethiopië Haile Selaissie – het boekje Manieren heb besproken, in Duitsland in elk geval een bestseller in 2003. Het boekje was niets meer maar ook niets minder dan een schatkist vol goede manieren, het laatste compendium van de nette, burgerlijke manieren, intussen helemaal losstaand van de multiculturele massamaatschappij waarin we met z’n allen leven.

Asserate verzamelde in dit eerste boekje een schat aan anekdotes en kritische bedenkingen, volgens bepaalde commentaren stond het bol van de cultuurkritiek. Hij schreef met veel liefde en genegenheid neer dat Duitse burgerlijkheid niets te maken had met ‘donkere kantjes van het bestaan’, met ‘lompheid’ of onderworpenheid, maar alles met fijnzinnigheid, oprechtheid en een zekere culturele erfenis. Eén van zijn boeken, Draussen nur Kännchen. Meine deutschen Fundstücke, is een échte liefdesverklaring , waarmee de prins wil bijdragen om de reserves van de Duitsers voor hun eigen geschiedenis en hun eigen identiteit af te bouwen. De Duitsers moeten begrijpen én erkennen “in welk fantastisch land zij leven en tot welk cultuurvolk zij eigenlijk behoren”, aldus de auteur. Ook zijn jongste boek, Deutsche Tugenden Von Anmut bis Weltschmerz (Uitgeverij C.H. Beck, München 2013, ISBN 978-3-406-64504-4), leest als een zeer interessante kijk van buitenaf op de ziel van de Duitser.

Asfa-Wossen Asserate werd in 1948 in Addis-Abeba geboren en kwam in 1968 naar Duitsland studeren. Hij werd er Corpsstudent in Tübingen en trad dus toe tot de Duitse Burschenschaften. De communistische omwenteling in zijn thuisland in 1974 zorgde ervoor dat hij in Duitsland zou blijven, waar hij intussen een gedreven bedrijfsconsulent werd. De keizersspruit met een familiestamboom van meer dan duizend jaar oud werd een Duits staatsburger, en ontpopte zich zelfs tot een enthousiast patriot en Avondlander.

Hij beseft maar al te goed dat hij een  ‘aangespoelde’ Duitser is, een nieuwe Duitser. Hij wil de Duitsers nochtans dringend aanzetten om hun eigen identiteit terug met warmte te omhelzen. Zijn boodschap is zeer duidelijk: zonder tradities geen waarden, en zonder manieren geen identiteit.  Zonder de beide is er geen zelfrespect.

Is de titel bovenaan dan zo misplaatst?
 
Peter Logghe

dimanche, 03 novembre 2013

Les leçons de Peter Koslowski face à la post-modernité

Les leçons de Peter Koslowski face à la post-modernité

par Jacques-Henri Doellmans

Peter Koslowski.jpgPeter Koslowski, jeune philosophe allemand né en 1952, est professeur de philosophie et d'économie politique à l'Université de Witten/Herdecke, président de l'Institut CIVITAS, Directeur de l'Institut de Recherches en Philosophie de l'Université de Hanovre. Son objectif est de déployer une critique fondée de la modernité et de tous ses avatars institutionalisés (en politique comme en économie). Ses arguments, solidement étayés, ne sont pas d'une lecture facile. Rien de son œuvre, déjà considérable, n'a été traduit et nous, francophones, avons peu de chances de trouver bientôt en librairie des traductions de ce philosophe traditionnel et catholique d'aujourd'hui, tant la rigueur de ses arguments ruine les assises de la pensée néo-gnosticiste, libérale et permissive dominante, surtout dans les rédactions parisiennes!

Koslowski est également un philosophe prolixe, dont l'éventail des préoccupations est vaste: de la philosophie à la pratique de l'économie, de l'éthique à l'esthétique et de la métaphysique aux questions religieuses. Koslowski est toutefois un philosophe incarné: la réflexion doit servir à organiser la vie réelle pour le bien de nos prochains, à gommer les dysfonctionnements qui l'affectent. Pour atteindre cet optimum pratique, elle doit être interdisciplinaire, éviter l'impasse des spécialisations trop exigües, produits d'une pensée trop analytique et pas assez organique.

Pour la rédaction d'un article, l'interdisciplinarité préconisée par Koslowski fait problème, dans la mesure où elle ferait allègrement sauter les limites qui me sont imparties. Bornons-nous, ici, à évoquer la présentation critique que nous donne Koslowki de la “postmodernité” et des phénomènes dits “postmodernes”.

La “modernité” a d'abord été chrétienne, dans le sens où les chrétiens de l'antiquité tardive se désignaient par l'adjectif moderni, pour se distinguer des païens qu'ils appelaient les antiqui. Dans cette acception, la modernité correspond au saeculum de Saint-Augustin, soit le temps entre la Chute et l'Accomplissement, sur lequel l'homme n'a pas de prise, seul Dieu étant maître du temps. Cette conception se heurte à celle des gnostiques, constate Koslowski, qui protestent contre l'impuissance de l'homme à exercer un quelconque pouvoir sur le temps et la mort. Le gnosticisme  —qu'on ne confondra pas avec ce que Koslowski appelle “la vraie gnose”—  prétendra qu'en nommant le temps (ou des segments précis et définis du temps), l'homme parviendra à exercer sa puissance sur le temps et sur l'histoire. Par “nommer le temps”, par le fait de donner des noms à des périodes circonscrites du temps, l'homme gnostique a la prétention d'exercer une certaine maîtrise sur ce flux qui lui échappe. La division du temps en “ères” antique, médiévale et moderne donne l'illusion d'une marche en avant vers une maîtrise de plus en plus assurée et complète sur le temps. Telle est la logique gnostique, qui se répétera, nous allons le voir, dans les “grands récits” de Hegel et de Marx, mais en dehors de toute référence à Dieu ou au Fils de Dieu incarné dans la chair des hommes.

Parallèlement à cette volonté d'arracher à Dieu la maîtrise du temps, le gnosticisme, surtout dans sa version docétiste, nie le caractère historique de la vie de Jésus, rejette le fait qu'il soit réellement devenu homme et chair. Le gnosticisme spiritualise et dés-historise l'Incarnation du Christ et introduit de la sorte une anthropologie désincarnée, que refusera l'Eglise. Ce refus de l'Eglise permet d'éviter l'écueil de l'escapisme vers des empyrées irréelles, de déboucher dans l'affabulation phantasmagorique et spiritualiste. L'Incarnation revalorise le corps réel de l'homme, puisque le Christ a partagé cette condition. Cette revalorisation implique, par le biais de la caritas  active, une mission sociale pour l'homme politique chrétien et conduit à affirmer une religion qui tient pleinement compte de la communauté humaine (paroissiale, urbaine, régionale, nationale, continentale ou écouménique). L'homme a dès lors un rôle à jouer dans le drame du saeculum,  mais non pas un rôle de pur sujet autonome et arbitraire. Si les gnostiques de l'antiquité avaient nié toute valeur au monde en refusant l'Incarnation, l'avatar moderne du gnosticisme idolâtrera le monde, tout en le désacralisant; le monde n'aura plus de valeur qu'en tant que matériau, que masse de matières premières, mises à la totale disposition de l'homme, jetées en pâture à son arbitraire le plus complet. Le gnosticisme moderne débouche ainsi sur la “faisabilité” totale et sur la catastrophe écologique.

Si le premier concept de modernité était celui de la chrétienté imbriquée dans le saeculum  (selon Saint-Augustin), la deuxième acception du terme “modernité” est celle de la philosophie des Lumières, dans ses seuls avatars progressistes. Koslowski s'insurge contre la démarche de Jürgen Habermas qui a érigé, au cours de ces deux dernières décennies, ces “Lumières progressistes” au rang de seul projet valable de la modernité. Habermas perpétue ainsi la superstition du progressisme des gauches et jette un soupçon permanent sur tout ce qui ne relève pas de ces “Lumières progressistes”. L'idée d'un progrès matériel et technique infini provient du premier principe (galiléen) de la thermodynamique, qui veut que l'énergie se maintient en toutes circonstances et s'éparpille sans jamais se perdre au travers du monde. Dans une telle optique, l'accroissement de complexité, et non la diminution de complexité ou la régression, est la “normalité” des temps modernes. Mais, à partir de 1875, émerge le second principe de la thermodynamique, qui constate la déperdition de l'énergie, ce qui permet d'envisager la décadence, le déclin, la mort des systèmes, la finitude des ressources naturelles. Le projet moderne de dominer entièrement la nature s'effondre: l'homme gnostique/moderne ne prendra donc pas la place de Dieu, il ne sera pas, à la place de Dieu, le maître du temps. Dans ce sens, la postmodernité commence en 1875, comme le notait déjà Toynbee, mais ce fait de la déperdition n'est pas pris en compte par les idéologies politiques dominantes. Partis, idéologues, décideurs politiques agissent encore et toujours comme si ce second principe de la thermodynamique n'avait jamais été énoncé.

Pourtant, malgré les 122 ans qui se sont écoulés depuis 1875, l'usage du vocable “postmoderne” est venu bien plus tard et révèle l'existence d'un autre débat, parti du constat de l'effondrement de ce que Jean-François Lyotard appelait les “grands récits”. Pour Lyotard, les “grands récits” sont représentés par les doctrines de Hegel et de Marx. Ils participent, selon Koslowski, d'une “immanentisation radicale” et d'une “historicisation” de Dieu, où l'histoire du monde devient synonyme de la marche en avant de l'absolu, libérant l'homme de sa prison mondaine et de son enveloppe charnelle. Pour Marx, cette marche en avant de l'absolu équivaut à l'émancipation de l'homme, qui, en bout de course, ne sera plus exploité par l'homme ni assujetti au donné naturel. Lyotard déclarera caducs ces deux “grands récits”, expressions d'un avatar contemporain du filon gnostique.

A la suite de cette caducité proclamée par Lyotard, le philosophe allemand Odo Marquard embraye sur cette idée et annonce le remplacement des deux “grands récits” de la modernité européenne par une myriade de “petits récits”, qu'il appelle (erronément) des “mythes”. Le marxisme, l'idéalisme hégélien et le christianisme, dans l'optique de Marquard, sont “redimensionnés” et deviennent des “petits récits”, à côté d'autres “petits récits” (notamment ceux du “New Age”), auquel il octroie la même valeur. C'est le règne de la “polymythie”, écrit Koslowski, que Marquard érige au rang d'obligation éthique. Le jeu de la concurrence entre ces “mythes”, que Koslowski nomme plus justement des “fables”, devient la catégorie fondamentale du réel. La concurrence et l'affrontement entre les “petits récits”, le débat de tous avec tous, le jeu stérile des discussions aimables non assorties de décisions constituent la variante anarcho-libérale de la postmodernité, conclut Koslowski. Ce néo-polythéisme et cet engouement naïf pour les débats entre tous et n'importe qui dévoile vite ses insuffisances car: 1) La vie est unique et ne peut pas être inscrite exclusivement sous le signe du jeu, sans tomber dans l'aberration, ni sous le signe de la discussion perpétuelle, ce qui serait sans issue; 2) Totaliser ce type de jeu est une aberration, car s'il est totalisé, il perd automatiquement son caractère ludique; 3) Cette polymythie, théorisée par Marquard, se méprend sur le caractère intrinsèque des “grands récits”; contrairement aux “petits récits”, alignés par Marquard, ils ne sont pas des “fables” ou de sympathiques “historiettes”, mais un “mélange hybride d'histoire et de philosophie spéculative”, qui est “spéculation dogmatique” et ne se laisse pas impliquer dans des “débats” ou des “jeux discursifs”, si ce n'est par intérêt stratégique ponctuel. La polymythie de Marquard n'affirme rien, ne souhaite même pas maintenir les différences qui distinguent les “petits récits” les uns des autres, mais a pour seul effet de mélanger tous les genres et d'estomper les limites entre toutes les catégories. Les ratiocinations évoquant une hypothétique “pluralité” qui serait indépassable ne conduisent qu'à renoncer à toute hiérarchisation des valeurs et s'avèrent pure accumulation de fables et d'affabulations sans fondement ni épaisseur.

Après la “polymythie” de Marquard, le second volet de l'offensive postmoderne en philosophie est représentée par le filon “déconstructiviste”. En annonçant la fin des “grands récits”, Lyotard a jeté les bases d'une vaste entreprise de “déconstruction” de toutes les institutions, instances, initiatives, que ces “grands récits” avaient générées au fil du temps et imposées aux sociétés humaines. Procédant effectivement de cette “spéculation dogmatique” assimilable à un néo-gnosticisme, les “grands récits” ont été “constructivistes”  —ils relevaient de ce que Joseph de Maistre appelait “l'esprit de fabrication”—  et ont installé, dit Koslowski, des “cages d'acier” pour y enfermer les hommes et, aussi, les mettre à l'abri de tout appel de l'Absolu. Ces “cages d'acier” doivent être démantelées, ce qui légitime la théorie et la pratique de la “déconstruction”, du moins jusqu'à un certain point. Si déconstruire les cages d'acier est une nécessité pour tous ceux qui veulent une restauration des valeurs (traditionnelles), faire du “déconstructivisme” une fin en soi est un errement de plus de la modernité. Toujours hostile aux avatars du gnosticisme antique, à l'instar du penseur conservateur Erich Voegelin, Koslowski rappelle que pour les gnoses extrêmes, le réel est toujours “faux”, “inauthentique”, “erratique”, etc. et, derrière lui, se trouvent le “surnaturel”, le “tout-autre”, l'“inattendu”, le “nouveau”, l'“étranger”, toujours plus “vrais” que le réel. Pour Lyotard et Derrida, le philosophe doit toujours placer ce “tout-autre” au centre de ses préoccupations, lui octroyer d'office toute la place, au détriment du réel, toujours considéré comme insuffisant et imparfait, dépourvu de valeur. Lyotard veut privilégier les “discontinuités” et les “hétérogénéités” contre les “continuités” et les “homogénéités”, car elles témoignent du caractère “déchiré” du monde, dans lequel jamais aucun ordre ne peut se déployer. L'idée d'ordre  —et non seulement la “cage d'acier”—   est un danger pour les déconstructivistes et non pas la chance qui s'offre à l'homme de s'accomplir au service des autres, de la Cité, du prochain, etc.

Pour Koslowski, cette logique “anarchisante” dérive de Georges Bataille, récemment “redécouvert” par la “nouvelle droite”. Bataille, notamment dans La littérature et le mal, explique que la souveraineté consiste à accroître la liberté jusqu'à obtenir un “être-pour-soi” absolu, car toute activité consistant à maintenir l'ordre est signe d'escalavage, d'une “conscience d'esclave”, servile à l'égard de l'“objectivité”. L'homme ne peut être souverain, pour Bataille, que s'il se libère du langage et de la vie, donc s'il est capable de s'auto-détruire. Le moi de Bataille renonce de façon absolue à défendre et à maintenir la vie (laquelle n'a pas de valeur comme le monde n'avait pas de valeur pour les gnostiques de la fin de l'antiquité, qui refusaient le mystère de l'Incarnation). L'apologie du “gaspillage”, antonyme total de la “conservation”, et la “mystique du moi” chez Bataille débouchent donc sur une “mystique de la mort”. En ce sens, elle surprivilégie la dispersio des mystiques médiévaux, lui accorde un statut ontologique, sans affirmer en contre-partie l'unio mystica.

Telle est la critique qu'adresse Koslowski à la philosophie postmoderne. Elle ne s'est pas contenté de “déconstruire” les structures imposées par la modernité, elle n'a pas rétabli l'unio mystica, elle a généralisé un “déconstructivisme” athée et nihiliste, qui ne débouche sur rien d'autre que la mort, comme le prouve l'œuvre de Bataille. Mais si Koslowski s'insurge contre le refus du réel qui part du gnosticisme pour aboutir au déconstructivisme de Derrida, que propose-t-il pour ré-ancrer la philosophie dans le réel, et pour dégager de ce ré-ancrage une philosophie politique pratique et une économie qui permette de donner à chacun son dû?

Dans un débat qui l'opposait à Claus Offe, politologue allemand visant à maintenir une démocratie de facture moderne, Koslowski indiquait les pistes à suivre pour se dégager de l'impasse moderne. Offe avait constaté que les processus de modernisation, en s'amplifiant, en démultipliant les différenciations, en accélérant outrancièrement les prestations des systèmes et sous-systèmes, confisquaient aux structures et aux institutions de la modernité le caractère normatif de cette même modernité. Différenciations et accélérations finissent par empêcher la modernité d'être émancipatrice, alors qu'au départ son éthique foncière visait justement l'émancipation totale (i.e.: échapper à la prison du réel pour les gnostiques, s'émanciper de la tyrannie du donné naturel chez Marx). Pour réintroduire au centre des préoccupations de nos contemporains cette idée d'émancipation, Offe prône l'arrêt des accumulations, différenciations et accélérations, soit une “option nulle”. Offe veut la modernité sans progrès, parce que le progrès fini par générer des structures gigantesques, incontrôlables et non démocratiques. Il réconcilie ainsi la gauche post-industrielle et les paléo-conservateurs, du moins ceux qui se contentent de ce constat somme toute assez facile. Effectivement, constate Koslowski, Offe démontre à juste titre qu'une accumulation incessante de différenciations diminue la vitalité et la robustesse de la société, surtout si les sous-systèmes du système sont chacun monofonctionnels et s'avèrent incapables de régler des problèmes complexes, chevauchant plusieurs types de compétences. Si les principes de vérité, de justice et de beauté s'éloignent les uns des autres par suite du processus de différenciation, nous aurons, comme l'avait prévu Max Weber, une vérité injuste et laide, une justice fausse et laide et une esthétique immorale et fausse. De même, le divorce entre économie, politique et solidarité, conduit à une économie impolitique et non solidaire, à une politique anti-économique et non solidaire, à une solidarité anti-économique et impolitique. Ces différenciations infécondes de la modernité doivent être dépassées grâce à une pratique de l'“interpénétration” générale, conduisant à une polyfonctionalité des institutions dans lesquelles les individus seront organiquement imbriqués, car l'individu n'est pas seulement une unité économique, par exemple, mais est simultanément ouvrier d'usine, artiste amateur, père de famille, etc. Chaque institution doit pouvoir répondre tout de suite, sans médiation inutile, à chacune des facettes de la personnalité de ce “père-artiste-ouvrier”. Offe considère que l'“interpénétration” pourrait porter atteinte au principe de la séparation des pouvoirs. Koslowski rétorque que cette séparation des pouvoirs serait d'autant plus vivante avec des institutions polyfonctionnelles et plus robustes, taillées à la mesure d'hommes réels et complexes. L'“option nulle” est un constat d'échec. L'effondrement de la modernité politique et des espoirs qu'elle a fait naître provoque la déprime. Un monde à l'enseigne de l'“option nulle” est un monde sans perspective d'avenir. Un système qui ne peut plus croître, s'atrophie.

Pour Koslowski, c'est le matérialisme, donc la pensée économiciste,  —la sphère de l'économie dans laquelle la modernité matérialiste avait placé tous ses espoirs—  qui est contrainte d'adopter l'“option nulle”. Comme cette pensée a fait l'impasse sur la culture, la religion, l'art et la science, elle est incapable de générer des développements dans ces domaines et d'y susciter des effets de compensation, pourtant essentiels à l'équilibre humain et social. L'impasse, le sur-place du domaine socio-économique doit être un appel à investir des énergies créatrices et des générosités dans les dimensions religieuses, artistiques et scientifiques, conclut Koslowski.

Telle est bien son intention et Koslowski ne se contente pas d'émettre le vœu d'une économie plus conforme aux principes de conservation et d'équilibre des philosophies non modernes. Deux livres très denses témoignent de sa volonté de sauver l'économie et le social de la stagnation et du déclin induits par l'“option nulle”, constatée par Offe, un politologue déçu de la modernité mais qui veut à tout prix la sauver, en dépit de ses échecs patents. Dans cette optique, Koslowski a écrit Wirtschaft als Kultur  (1989) et Die Ordnung der Wirtschaft  (1994) (réf. infra). Ces deux ouvrages sont si fondamentaux que nous serons contraints d'y revenir: retenons, ici, que Koslowski, dans Wirtschaft als Kultur, part du constat que les réserves naturelles de la planète s'épuisent, qu'elles sont limitées, que cette limite doit être prise en compte dans toutes nos actions, qu'elle implique ipso facto que le progrès accumulatif illimité est une impossibilité pratique. A ce progressisme qui avait structuré toute la pensée moderne, Koslowski oppose les idées d'une “justice” et d'une “réciprocité” dans les échanges entre l'homme et la nature. Ensuite, il plaide pour une réinsertion de la pensée économique dans une culture plus globale, laissant une large place à l'éthique du devoir. Il esquisse ensuite les contours de l'Etat social postmoderne, qui doit être “subsidiaire” et prévoir une solidarité en tous sens entre les générations. Cet Etat postmoderne et subsidiaire doit participer, de concert avec ses homologues, à la restauration d'un marché intérieur européen, prélude à la naissance d'une “nation européenne”, capable d'organiser ses différences ethniques et culturelles sans sombrer dans le nivellement des valeurs qu'un certain discours sur la “multiculturalité” appelle de ses vœux (Koslowski se montre très sévère à l'égard de cet engouement pour la “multiculture”).

Dans Die Ordnung der Wirtschaft, ouvrage très solidement charpenté, Koslowski jette les bases d'un néo-aristotélisme, où s'allient “philosophie pratique” et “économie éthique-politique”. Cette alliance part d'une “interpénétration” et d'une “compénétration” des rationalités éthique, économique et politique. Ainsi, la “bonne politique” est celle qui ne répond pas seulement aux impératifs politiques (conservation du pouvoir, évitement des conflits), mais vise le bien commun et la couverture optimale de tous les besoins vitaux. Les structures économiques, toujours selon cette logique néo-aristotélicienne, doivent également répondre à des critères politiques et éthiques. Quant à l'éthique, elle ne saurait être ni anti-économique ni anti-politique. Cette volonté de ne pas valoriser un domaine d'activité humaine au détriment d'une autre postule de recombiner ce que la modernité avait voulu penser séparément. La philosophie pratique d'Aristote entend également conserver les liens d'amitié politique (philia politike)  entre les citoyens et les communautés de citoyens, qui fondent le sens du devoir et de la réciprocité. Koslowski relie ce principe cardinal de la pensée politique aristotélicienne aux travaux de la nouvelle école communautarienne américaine (A. MacIntyre, M. Walzer, Ch. Taylor, etc.). Le néoaristotélisme met l'accent sur le retour indispensable de la vertu grecque de phronesis:  l'intelligence pratique, capable de discerner ce qui est bon et utile pour la Cité, dans le contexte propre de cette Cité. En effet, la rationalité pure, sur laquelle l'hypermodernité avait parié, exclut le contexte. L'application de cette rationalité décontextualisante dans le domaine de l'économie a conduit à une impasse voire à des catastrophes: une rationalité économique réelle et globale exige une immersion herméneutique dans le tissu social, où se conjuguent actions économiques et politiques. Enfin, le réel est le fondement premier de la philosophie pratique et non le “discours” ou l'“agir communicationnel” (cher à Habermas ou à Apel), car tout ne procède pas de l'agir et du parler: l'Etre transcende l'action et ses déterminations précèdent l'acte de parler ou de discourir.

La pensée philosophique et économique de Koslowski constitue une réponse aux épreuves que nous a infligées la modernité: elle représente la facette positive, le complément constructif, de sa critique de la modernité gnosticiste. Elle est un chantier vers lequel nous allons immanquablement devoir retourner. Puisse cette modeste introduction éveiller l'attention du public francophone pour cette œuvre qui n'a pas encore été découverte en France et qui complèterait celles de Taylor, MacIntyre, Spaemann, déjà traduites.

Bibliographie:

- Peter KOSLOWSKI, «Sein-lassen-können als Überwindung des Modernismus. Kommentar zu Claus Offe», in Peter KOSLOWSKI, Robert SPAEMANN, Reinhard LÖW, Moderne oder Postmoderne?, Acta Humaniora/VCH, Weinheim, 1986.

- Peter KOSLOWSKI, Wirtschaft als Kultur. Wirtschaftskultur und Wirtschaftsethik in der Postmoderne, Edition Passagen, Wien, 1989.

- Peter KOSLOWSKI, Die Prüfungen der Neuzeit. Über Postmodernität. Philosophie der Geschichte, Metaphysik, Gnosis, Edition Passagen, Wien, 1989.

- Peter KOSLOWSKI, «Supermoderne oder Postmoderne? Dekonstruktion und Mystik in den zwei Postmodernen», in Günther EIFLER, Otto SAAME (Hrsg.), Postmoderne. Anspruche einer neuen Epoche. Eine interdisziplinäre Erörterung, Edition Passagen, Wien, 1990.

- Peter KOSLOWSKI, Die Ordnung der Wirtschaft, Mohr/Siebeck, Tübingen, 1994.

 

vendredi, 01 novembre 2013

Ständig gegen den Westen protestierend

 

a002353449-001.jpg

Ständig gegen den Westen protestierend
Gemeinsamkeiten von »konservativen Revolutionären« in Deutschland und russischen Slawophilen

Alexander Krassnov

Ex: http://www.deutsche-stimme.de

Der Konservatismus in Deutschland und Rußland weist eine lange Geschichte der Zusammenarbeit und gemeinsamer Traditionen auf. Ungeachtet aller Unterschiede und fatalen Fehler in der Außenpolitik gab es viele Berührungspunkte rechter Denker beider Völker, z.B. der Kampf gegen den Marxismus und Liberalismus als der beiden wirklich extremistischen Strömungen in der Weltpolitik. Dieser Beitrag spürt dem Einfluß des russischen Dichters Fjodor Dostojewski auf die »konservativen Revolutionäre« Arthur Moeller van den Bruck und Oswald Spengler nach.


Zur Einführung sei ein Zitat aus dem zweiten Band von Oswald Spenglers »Der Untergang des Abendlandes« angeführt, das sich völlig mit den Positionen der russischen Slawophilen von damals und heute deckt. Wenn Spengler über Rußland sprach, stellte er stets Lew Tolstoi und Fjodor Dostojewski gegeneinander. Den ersten Dichterdenker hielt er für einen Repräsentanten des europäisierten Rußlands, den zweiten hingegen für einen Vertreter des uralten und zugleich kommenden Volksrußlands.


So formulierte Oswald Spengler: »Tolstoi ist das vergangene, Dostojewski ist das kommende Rußland. Tolstoi ist mit seinem ganzen Inneren mit dem Westen verbunden. (…) Sein mächtiger Haß redet gegen Europa, von dem er selbst sich nicht befreien kann. Er haßt es in sich, er haßt sich. Er wird damit der Vater des Bolschewismus. (…) Diesen Haß kennt Dostojewski nicht. Er hat alles Westliche mit einer ebenso leidenschaftlichen Liebe umfaßt. Seine Seele ist apokalyptisch, sehnsüchtig, verzweifelt, aber dieser Zukunft gewiß. (…)


Tolstoi ist durchaus ein großer Verstand, ,aufgeklärt‘ und ,sozial gesinnt‘. Alles, was er um sich sieht, nimmt die späte, großstädtische und westliche Form des Problems ein. Jener ist ein Ereignis jenseits der europäischen Zivilisation. Er steht in der Mitte zwischen Peter dem Großen und dem Bolschewismus. Die russische Erde haben sie alle nicht zu Gesicht bekommen. Sein (Tolstois) Haß gegen Besitz ist nationalökonomischer, sein Haß gegen die Gesellschaft sozial-ethischer Natur; sein Haß gegen den Staat ist eine politische Theorie. Daher seine gewaltige Wirkung auf den Westen. Er gehörte irgendwie zu Marx, Ibsen und Zola. Seine Werke sind nicht Evangelien, sondern späte geistige Literatur.


Dostojewski gehört zu niemand, wenn nicht zu den Aposteln des Urchristentums. Dostojewski lebt schon in der Wirklichkeit einer unmittelbar bevorstehenden religiösen Schöpfung. (…) Dostojewski ist ein Heiliger, Tolstoi ist nur Revolutionär. Von ihm allein, dem echten Nachfolger Peters, geht der Bolschewismus aus: nicht das Gegenteil, sondern die letzte Konsequenz des Petrinismus (…) Das Christentum Tolstois war ein Mißverständnis. Er sprach von Christus und meinte Marx. Dem Christentum Dostojewskis gehört das nächste Jahrtausend.«


Diese tiefgründige Gegenüberstellung von Tolstoi und Dostojewski wirft die Frage auf: Woher hat ein deutscher Denker, der ein so fulminantes Werk über den Untergang der abendländischen Zivilisation geschaffen hat, solch eine »slawophilen-übliche« Einstellung zu diesem Problem?


Eine Erklärung: Anfang des 20. Jahrhunderts wurden in Deutschland die Werke des Dichters Fjodor Dostojewski geistig entdeckt. Einen entscheidenden Beitrag dazu leistete der herausragende konservativ-revolutionäre Denker Arthur Moeller van den Bruck sowie das Ehepaar Mereschkowski. Dem Ideenkreis der konservativen Revolutionäre gehörte auch Oswald Spengler an. Nicht zuletzt unter dem Einfluß von Dostojewski schrieb Moeller van den Bruck sein berühmtestes Werk »Das dritte Reich« (1923), das zu einem Katechismus der Konservativen Revolution wurde.


Die Idee eines  dritten Reiches


Man sollte auch erwähnen, daß die Vision Moellers vom dritten Reich eine bestimmte Verbindung mit den Ideen des russischen Intellektuellen Dimitri Mereschkowski aufwies. Bereits im Jahre 1903 schuf Mereschkowski sein kritisches Werk »Lew Tolstoi und Dostojewski«. Neben einer Analyse des Schaffens und der ethischen Konzepte beider Denker entwickelte er dort seine Vorstellung einer neuen christlichen Besinnung. Das historische Christentum habe in der Religion zu stark das Geistige betont, was zu einer Vernachlässigung des Materiellen geführt habe. Seine Lehre bezeichnete Mereschkowski als »mystischen Materialismus« und plädierte für eine mystische Einigung des Geistigen und des Materiellen. Die Weltgeschichte faßte er dabei im Sinne Hegels als eine dialektische Dreiheit auf, wobei er das Heidentum für eine These und das Christentum für eine Antithese hielt. Anfang des 20. Jahrhunderts sollte es nach seiner Meinung zu einer Synthese kommen, deren Realisierung er als eine Art »Drittes Testament« verstand. Das Dritte Testament hielt Mereschkowski für ein neues Religionszeitalter im Leben der ganzen Menschheit.


In seinem Werk schuf Moeller van den Bruck eine ähnliche Triade im Bereich der Politik; er träumte von einem neuen politischen System ohne Linke und ohne Rechte, in dem die Idee des Reiches und die Idee des Menschen verknüpft wären.


In diesem Zusammenhang ist zu betonen, daß die konservativen Revolutionäre in Deutschland eine allgemein positive Einstellung zu Rußland hatten. Ihre russenfreundlichen Aussagen zeugen davon, daß sie im geistigen Leben Rußlands das erraten zu haben glaubten, was wohl keine Umsetzung ihrer Ideale in der Gegenwart verkörperte, aber eine Umsetzung in der Zukunft versprach. Rußlandfreundliche Stimmungen waren in den entsprechenden Denkzirkeln weitverbreitet und beständig, und es läßt sich dies für eines der Hauptmerkmale des revolutionären Konservatismus in Deutschland halten.


Anfang des 20. Jahrhunderts nahm der kulturelle Dialog einen besonderen Platz im deutsch-russischen Verhältnis ein. Es war eine Zeit gewaltiger Wandlungen in allen Bereichen des menschlichen Lebens und der Umwertung der Werte in beiden Richtungen. Deshalb ist es kein Zufall, daß viele Vertreter der Konservativen Revolution – neben Moeller van den Bruck und Oswald Spengler auch der frühe Thomas Mann – in ihrem Schaffen einen großen Einfluß russischer Kultur und Literatur, in erster Linie von Dostojewski, verraten. Dank Fjodor Dostojewski kehrten nach Deutschland die Ideen zurück, die einst die Slawophilen von den deutschen Romantikern geerbt hatten. Viele deutsche Konservative, wie z.B. Thomas Mann, haben die antiwestlichen Ideen Dostojewskis ausgedeutet und von Deutschland als von einem Staat geschrieben, der ständig gegen den Westen und dessen Nihilismus protestiert.


Die Publizistik Moellers war von seinem kulturellen und politischen Interesse an den östlichen Nachbarstaaten geprägt. Dieses Interesse hatte mehrere Wurzeln, darunter die außenpolitischen Traditionen Preußens im 19. Jahrhundert sowie die Entgegensetzung der lebendigen Kultur des Ostens und der sterbenden Zivilisation des Westens in den Werken deutscher Kulturphilosophen.


Wenn Moeller über seine Faszination von Dostojewski sprach, redete er ständig über die Jugend des Russentums, das die Kontakte mit seinen Ursprüngen noch nicht verloren habe und voll von schöpferischen Kräften sei. Moellers Propagierung des russischen Genies führte dazu, daß in Deutschland eine Art Dostojewski-Kult entstand. Er beließ es aber nicht bei der Herausgabe der Werke des Russen, sondern interpretierte sie samt der geheimnisvollen russischen Seele. Dies war naheliegend, da Dostojewskis Werke um scharfe Fragen der Freiheit und des Willens, der Gewalt und des Rechtes, des Guten und des Bösen in enger Verbindung mit dem russischen Inneren kreisten. In der Tiefe der russischen Seele erblickte der konservative Revolutionär Spuren einer ständigen Konfrontation mit dem westlichen Einfluß. Russische Literatur widerspiegelte für ihn alles Ursprüngliche, Reingehaltene und Fremde im Gegensatz zur entfremdeten und sterilen Lebenswelt des Westens.


Der Verfasser des »Dritten Reiches« sah in Dostojewskis Werken »die Beschreibung des Lebens, das wir gestern gelebt haben (…) Die von Dostojewski dargestellten Leute sind russische Leute. Aber wir erraten an ihnen vieles von uns selbst.« In diesem Sinne war der russische Schriftsteller ein echter Lehrer für den deutschen konservativen Denker. Moeller van den Bruck, der geistige Leitstern des legendären Juni-Klubs, lernte von dem Russen in erster Linie, an die große Mission seines Volkes zu glauben und dieses als größten Wert zu betrachten.


Absage an westliche »Werte«


Besonders anziehend wirkte an Dostojewski stets seine Ablehnung hohler westlicher »Werte«. Auch Moeller war von der Überzeugung durchdrungen, im Westen sterbe der Volksgeist und das organische Ganze des Volkes. Er behauptete, daß es den Deutschen an russischer Geistigkeit fehle, die Deutschland als Antithese gegen den Westen brauche. Aus Dostojewskis Erbe speiste sich auch die Wahrnehmung Deutschlands als eines stets gegen den Westen protestierenden Landes sowie die Idee der jungen Völker, welche die alten Nationen Europas herausfordern. Die Vorstellung der Slawophilen von der Jugend slawischer Völker verwandelte sich in Moellers Publizistik in die der Jugend des deutschen Volkes. Dabei kritisierte dieser wie die Slawophilen die westlichen »Werte« von Rationalismus, Individualismus und Materialismus. Solche Gegenüberstellung war eine Art kulturkritische Abstraktion des Gegensatzes von Westen und Osten.


Es sei auch erwähnt, daß der Weg Dostojewskis zu den Herzen deutscher Leser gar nicht leicht war. Das Interesse erreichte seinen Höhepunkt, als die Prozesse der gesellschaftlichen Modernisierung in Deutschland immer gewaltiger und schneller wurden. Eine ganze Generation deutscher Neuromantiker nahm den Mystiker aus dem Osten begeistert auf. Seitdem war das Thema Rußland immer häufiger in Kreisen deutscher Intellektueller zu finden. Stephan Zweig sagte zum Beispiel: »Nur über einen deutschen Dostojewski kann die Welt zum russischen Original kommen.« Viele deutsche Schriftsteller – genannt seien nur Friedrich Nietzsche, Rainer Maria Rilke, Thomas Mann, Hermann Hesse – bezeichneten die Werke Dostojewskis als die gewaltigste Erfahrung, die ihr Schaffen geprägt habe. Der Kulturphilosoph Oswald Spengler begann sogar unter dem Einfluß seiner Romane die russische Sprache zu lernen.


Nach dem Ersten Weltkrieg wurden die Gedanken des Russen über die Rettung Europas durch junge Völker und über Deutschland als ständig gegen den Westen protestierendes Land zu einem der Hauptthemen konservativer deutscher Denker.


Der Einfluß von Dostojewskis russischem Messianismus im Hinblick auf das europäisierte Rußland läßt sich in den Werken Oswald Spenglers und des Panslawisten Nikolaj Danilewski ausmachen. Spenglers Gedanken zu der Pseudomorphose Rußlands unter Peter dem Großen ähneln der Kritik Danilewskis am »Europawahnsinn«, die er in seinem Werk »Rußland und Europa« an die Adresse der russischen Oberschicht richtete. Spengler benannte das Problem so: »Eine zweite Pseudomorphose liegt heute vor unseren Augen: das petrinische Rußland. (…) Auf diese Moskowiterzeit der großen Bojarengeschlechter und Patriarchen, in der beständig eine altrussische Partei gegen die Freunde westlicher Kultur kämpfte, folgt mit der Gründung von Petersburg (1703) die Pseudomorphose, welche die primitive russische Seele erst in die fremden Formen des hohen Barock, dann der Aufklärung, dann des 19. Jahrhunderts zwang. Peter der Große ist das Verhängnis des Russentums geworden. (…)


Der primitive Zarismus von Moskau ist die einzige Form, welche noch heute dem Russentum gemäß ist, aber er ist in Petersburg in die dynastische Form Westeuropas umgefälscht worden. Der Zug nach dem heiligen Süden, nach Byzanz und Jerusalem, der tief in allen rechtgläubigen Seelen lag, wurde in eine weltmännische Diplomatie mit dem Blick nach Westen verwandelt. (…) Ein Volkstum (dessen Bestimmung es war, noch auf Generationen hin geschichtslos zu leben,) wurde in eine künstliche und unechte Geschichte gezwängt, deren Geist vom Urrussentum gar nicht begriffen werden konnte.«


In der Schrift »Preußentum und Sozialismus« ging Spengler – ganz im Sinne der Slawophilen – mit dem »Europawahnsinn« der russischen Oberschicht ins Gericht: »Dies kindlich dumpfe und ahnungsschwere Russentum ist nun von Europa aus durch die aufgezwungenen Formen einer bereits männlich vollendeten, fremden und herrischen Kultur gequält, verstört, verwundet und vergiftet worden. Städte von unserer Art, mit dem Anspruch unserer geistigen Haltung, wurden in das Fleisch dieses Volkstums gebohrt, überreife Denkwesen, Lebensansichten, Staatsideen, Wissenschaften dem unentwickelten Bewußtsein eingeimpft.


Um 1700 drängt Peter der Große dem Volk den politischen Barockstil, Kabinettdiplomatie, Hausmachtpolitik, Verwaltung und Heer nach westlichem Muster auf; um 1800 kommen die diesen Menschen ganz unverständlich englischen Ideen in der Fassung französischer Schriftsteller herüber, um die Köpfe der dünnen Oberschicht zu verwirren; noch vor 1900 führen die Büchernarren der russischen Intelligenz den Marxismus, ein äußerst kompliziertes Produkt westeuropäischer Dialektik, ein, von dessen Hintergründen sie nicht den geringsten Begriff haben. Peter der Große hat das echt russische Zarentum zu einer Großmacht im westlichen Staatssystem umgeformt und damit seine natürliche Entwicklung verdorben, und die Intelligenz, selbst ein Stück des in diesen fremdartigen Städten verdorbenen echt russischen Geistes, verzerrte das primitive Denken des Landes mit seiner dunklen Sehnsucht nach eigenen, in ferner Zukunft liegenden Gestaltungen wie dem Gemeinbesitz von Grund und Boden zu kindischen und leeren Theorien im Geschmack französischer Berufsrevolutionäre.


Petrinismus und Bolschewismus haben gleich sinnlos und verhängnisvoll mißverstandene Schöpfungen des Westens, wie den Hof von Versailles und die Kommune von Paris, dank der unendlichen russischen Demut und Opferfreude in starke Wirklichkeiten umgesetzt.«


Auch in »Preußentum und Sozialismus« wurde der abendländischen Welt die russische entgegengesetzt, und damit die kommende, noch schwer begreifbare Kultur des Ostens positiv von dem in die bloße Zivilisation absinkenden Westen abgesetzt: »Ich habe bis jetzt von Rußland geschwiegen; mit Absicht, denn hier trennen sich nicht zwei Völker, sondern zwei Welten. Die Russen sind überhaupt kein Volk wie das deutsche und englische, sie enthalten die Möglichkeiten vieler Völker der Zukunft in sich, wie die Germanen der Karolingerzeit. Das Russentum ist das Versprechen einer kommenden Kultur, während die Abendschatten über dem Westen länger und länger werden. Die Scheidung zwischen dem russischen und abendländischen Geist kann nicht scharf genug vollzogen werden. Mag der seelische und also der religiöse, politische, wirtschaftliche Gegensatz zwischen Engländern, Deutschen, Amerikanern, Franzosen noch so tief sein, im Vergleich zum Russentum rücken sie sofort zu einer geschlossenen Welt zusammen.«


Spengler war sich sicher, daß das untergehende Abendland durch ein junges Rußland abgelöst werde, obgleich seine mentalen und geographischen Umrisse für ihn noch unklar waren. Er glaubte fest daran, daß europäische Institutionen wie Kapitalismus und Bolschewismus bald an der russischen Kultur zugrundegehen würden.


Diese Hoffnung auf Rettung des je Eigenen gegen die Nivellierungsmacht der westlichen Zivilisation verband die konservativen Revolutionäre in Deutschland mit den Slawophilen in Rußland – eine Ideenverbindung, die heute nötiger denn je ist, um die westlichen Demokraturen geschichtlich entsorgen zu können. Denn wie formulierte der Nationalbolschewist Ernst Niekisch in seinem Beitrag »Revolutionäre Politik« (1926) zeitlos: »Westlerisch sein heißt: mit der Phrase der Freiheit auf Betrug ausgehen, mit dem Bekenntnis zur Menschlichkeit Verbrechen in die Wege leiten, mit dem Aufruf zur Völkerversöhnung Völker zugrunderichten.«

Alexander Krassnov

jeudi, 31 octobre 2013

Nietzsche fenomenologo del quotidiano

 

nietzsche31.jpg

Scolari, Paolo, Nietzsche fenomenologo del quotidiano

 

 

 

Milano-Udine, Mimesis , 2013, pp. 233, euro 20, ISBN 978-88-5751-472-7

 

 

Recensione di Massimiliano Chiari 

Ex: http://recensionifilosofiche.info

 

 

Nietzsche è stato senza dubbio un filologo precoce e promettente: non ancora venticinquenne, e non ancora laureato, ottenne – per meriti scientifici – la cattedra di filologia classica all’Università di Basilea. È stato anche, e in misura incommensurabilmente maggiore, un filosofo di primissimo piano capace di condizionare il pensiero filosofico dell’intero Novecento, e oltre. Tutto ciò è assolutamente noto, direi a tutti.

 

 

Ciò che, invece, è senza dubbio meno universalmente noto del pensiero di Nietzsche, è la sua propensione fenomenologica verso la quotidianità, la sua capacità – cioè – di offrire una lettura tagliente, profonda, lucidissima e in molti casi profetica (nel senso di anticipatrice) della realtà quotidiana e delle sue strutture sociali ed economiche. Accanto a un Nietzsche “maggiore” (filologo e, soprattutto, filosofo) ci sarebbe dunque anche un Nietzsche “minore”, semplice (pour ainsi dire) osservatore della realtà che lo circonda, analista e descrittore (fenomenologo, appunto) del quotidiano: questa è la tesi sostenuta – e ampiamente dimostrata – dal giovane (classe 1983) Paolo Scolari nel libro in esame, pubblicato anche grazie ad un contributo finanziario dell’Università Cattolica, “sulla base di una valutazione dei risultati della ricerca in esso espressa”. È chiaramente un giovane molto promettente l’autore di questo bel libro che ci conduce, ci accompagna per mano, fra i luoghi meno noti – e pur tuttavia interessantissimi – del pensiero di Nietzsche.

 

“Il suo sguardo fenomenologico – ci ricorda Scolari – si posa su quei piccoli temi – «le cose prossime e più vicine di tutte», come le chiama Nietzsche – che vanno a comporre l’esistenza degli uomini della società moderna: «le ventiquattro ore del giorno, il mangiare, l’abitare, il vestirsi, l’aver rapporti sociali, la condotta di vita, la ripartizione della giornata, la professione ed il tempo libero, la festività e il riposo, il matrimonio e l’amicizia»” (p. 15-16); insomma, questo Nietzsche minore, o “terreno” come lo definisce anche Scolari, questo “osservatore dei «luoghi umani» della convivenza”, fa del filosofo tedesco un vero e proprio fenomenologo del quotidiano, testimone di «quella cronaca quotidiana che indagò come sfera dell’umano troppo umano»” (p. 16), per riproporre un’efficace espressione utilizzata da S. Moravia.

 

Scolari ha individuato un saldo filo conduttore che attraversa tutta la nietzscheana fenomenologia del quotidiano; si tratta della “frammentazione dell’umano” (p. 118): “Io mi aggiro in mezzo agli uomini, come in mezzo a frammenti (Bruchstücken) e membra (Gliedmaassen) di uomini! E questo è spaventoso ai miei occhi: trovare l’uomo in frantumi (zertrümmert) […]” (p. 119, cit. da Così parlò Zarathustra). L’uomo in frantumi è quello che si manifesta, al fenomenologo, nelle strutture sociali ed economiche della seconda metà dell’Ottocento: nella scuola, nella cultura, nel lavoro, nel tempo libero, nella città come luogo dell’abitare, e perfino nel giornalismo. L’uomo in frantumi è l’anticipazione nietzscheana dell’uomo a una dimensione, teorizzato da Herbert Marcuse nel suo famoso saggio Der eindimensionale Mensch del 1964.

 

Così ad esempio, la “cultura” prodotta dalle scuole tedesche “perde in profondità quanto pretende di guadagnare in estensione. Non una «vera cultura» (Wirkliche  Bildung), bensì solo una «specie di sapere intorno alla cultura», una «culturalità» (“Gebildetheit”) che «si ferma al pensiero e al sentimento della cultura»” (p. 44). La cultura non ha più come fine se stessa, “ma viene sfruttata per realizzare quelli che, un tempo semplici mezzi, sono ora diventati i fini più importanti dell’esistenza umana: l’utile economico e la potenza dello Stato” (ivi). Ciò che Nietzsche critica aspramente è il “democraticismo” della cultura (e della scuola) tedesca, e ciò in quanto “il valore della cultura è inversamente proporzionale alla sua diffusione: la «cultura quanto più possibile vasta e universale» e «comune a tutti» ha una sola via d’uscita, la «barbarie»” (p. 47). Per Nietzsche la cultura autentica “deve rifiutare ogni asservimento, non deve «servire» a niente, deve cioè essere “«fine a se stessa», gratuita, socialmente disinteressata, al di sopra della mischia sociale” (p. 57). Ma più propriamente, a cosa è asservita – secondo il filosofo tedesco - la cultura dei suoi tempi (e, potremmo aggiungere, dei nostri tempi)? Essa è innanzitutto e per lo più asservita al denaro: “In una modernità «travolta da un’economia del denaro gigantesca e spregevole», dove si rincorrono freneticamente «tutti i mezzi e le vie per guadagnare più facilmente possibile del denaro (Geld)», la cultura «si fa sempre più utile in senso economico»: nei tempi moderni «esiste una naturale e necessaria alleanza di “ricchezza e cultura”, e, ancor più, questa alleanza sarebbe una necessità morale»” (p. 62, cit. da Sull’utilità e il danno della storia per la vita). Un’anticipazione profetica: non grazie alla cultura, ma sotto la spinta del commercio mondiale – ha scritto Nietzsche – “sarà il «denaro a costringere l’Europa a stringersi insieme in un’unica potenza»” (p. 63).

 

In che senso, quindi, il decadimento della cultura e l’egemonia del denaro gettano l’uomo “in frantumi”? Nel senso che “la società sarà dominata da “uomini attuali” senza identità, facilmente spendibili, in grado di valutare ogni cosa soltanto in termini di utilità economica. Uomini coinvolti nel mercato del lavoro, scambiabili e ridotti a valore di scambio: uomini-merce che, «livellati dallo spirito del mercato», hanno perso la propria «qualità individuale» e ritengono superflua una consapevolezza di sé che vada al di là di una mera determinazione del prezzo” (p. 65).

 

Ma l’uomo moderno non è “frammentato” solo a livello culturale, lo è anche nell’ambito lavorativo e perfino nella fruizione del suo (presunto) tempo libero: “ovunque c’è frammentazione, lì ne va dell’umano” (p. 85). L’analisi nietzscheana del lavoro rimanda, forse inconsapevolmente, al concetto marxiano, ed hegeliano prima, di “alienazione”; “nell’era del dominio della fabbrica, continuando a specializzarsi, l’operaio non solo ripete meccanicamente e ininterrottamente la medesima azione, ma diventa l’oggetto di quell’azione: non solo produce la vite per la macchina, bensì si trasforma lui stesso in quella vite” (p. 95). In un aforisma di Umano, troppo umano, Nietzsche scriverà che “«La macchina umilia, è impersonale (unpersönlich), sottrae al pezzo di lavoro la sua fierezza, la sua individuale bontà e difettosità, ciò che rimane attaccato ad ogni lavoro non fatto a macchina, – quindi il suo pezzetto di umanità (sein Bisschen Humanität)»” (p. 96). Anche il tempo libero, che dell’antico otium non mantiene neppure lontanamente la parvenza, diventa funzionale a qualcosa di diverso da sé, serve ormai solamente “per riprendersi dalla stanchezza del negotium” (p. 103). Perfino “la religione moderna”, quella “che vive nell’epoca della morte di Dio” è “ridotta a un dovere della domenica, un ulteriore impegno fra le numerose occupazioni del cittadino moderno” (p. 108).

 

Di particolare pregio è il quarto capitolo (pp. 160-202) del saggio di Scolari, quello in cui viene riproposta la “fenomenologia della città” (luogo dell’abitare) che il giovane studioso fa sapientemente emergere, in particolare, dalle pagine del Prologo di Così parlò Zarathustra. “La città è quell’affascinante palcoscenico sul quale va in scena l’umanità dell’epoca moderna: un’umanità che Nietzsche, «seduto al caffè» della piazza, osserva con molta attenzione (p. 166). Zarathustra incomincia la predicazione del «superuomo» proprio nella piazza della città: “nonostante la dirompente portata del suo messaggio, la folla è indifferente nei confronti di Zarathustra”, non gli presta ascolto, “egli «passa in mezzo a questa gente e lascia cadere qualche parola, ma essi né sanno prendere né trattenere». Questi uomini non riescono a capire ciò di cui parla, continuando imperterriti ad aspettare lo show del saltimbanco” (p. 181). “In quella piazza, l’agire della «folla» si spinge ben oltre la semplice indifferenza. Essa non solo non ascolta Zarathustra, ma con grande fragore «ride di lui»” (p. 183). Ma da chi è composta la gente che affolla quella piazza? Dall’uomo moderno, frammentato, incapace di prestare attenzione a, di cogliere un messaggio nuovo e rivoluzionario che intende ricondurre l’umano alla sua interezza. La gente della piazza “è popolata da «buoni», «giusti» e «credenti»: «esperti di ‘bene’ e di ‘male’», uomini «prigionieri della loro buona coscienza»” (p. 184). La piccolezza di quegli uomini si riflette, perfino, nelle loro abitazioni: quel tipo d’uomo “abita in case ristrette e «saltella su una terra diventata piccola» […]: una piccola «felicità», una piccola «ragione», una piccola «virtù», una piccola «giustizia», una piccola «compassione». Piccolezza e moderazione che tuttavia sanno molto di «accontentabilità» e mediocrità” (p. 186).

 

Il saggio di Scolari offre altri numerosi esempi di fenomenologia del quotidiano, così come viene filtrata dalle lenti di Nietzsche, ma sempre medesimo appare il tratto distintivo di quell’umanità moderna così banale: ciò che ne emerge è l’uomo frammentato, l’uomo a una dimensione per dirla con Marcuse, l’uomo che ha perso il senso della sua originaria unità e potenza, l’uomo che sarà protagonista del ventesimo secolo e, anche, dei giorni nostri.

 

 

 

Indice

 

 

Premessa

 

Sguardo sul quotidiano: Nietzsche e le “cose prossime”

 

 

Capitolo I

 

Sull’avvenire delle nostre scuole: cultura, educazione, società

 

 

Capitolo II

 

Frammentazione dell’umano: cultura, lavoro e tempo libero

 

 

Capitolo III

 

Fenomenologia delle masse: Nietzsche e le logiche collettive

 

 

Capitolo IV

 

Fenomenologia della città: Nietzsche e i luoghi dell’abitare

 

 

Appendice

 

La preghiera del quotidiano: Nietzsche e i giornali

00:05 Publié dans Livre, Livre, Philosophie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nietzsche, philosophie, livre, allemagne | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

La Kriegsmarine et l'Opération Barbarossa

Kriegsmarine-battleship-KMS-Gneisenau-Sea-trials-08.jpg

La Kriegsmarine et l'Opération Barbarossa

Ingo Lachnit

En conquérant toute la côte atlantique de la France en juin 1940, les armées de Hitler ont dégagé le Reich de l'encerclement maritime que lui avaient imposé les Britanniques et les Français. La victoire allemande à l'Ouest ouvre au Reich les portes du large. A partir de ce moment, la Kriegsmarine ébauche des projets globaux et non plus purement défensifs, limités à la Mer du Nord et à la Baltique. C'est l'Amiral Carls, Commandant en chef du Groupe Est, qui fut le premier à fournir une étude globale, définissant les objectifs de la guerre sur mer (1). Son mémorandum reflète parfaitement l'état d'esprit des chefs de la marine allemande, après que les côtes atlantiques de la France soient tombées aux mains des Allemands.

L'Allemagne: une puissance d'ordre à l'échelon mondial

Carls, dans son mémorandum, parlait un langage clair. Sans circonlocutions, il déclare que l'Allemagne, désormais, doit devenir une puissance mondiale. Il ne craint pas de mener la guerre “contre la moitié ou les deux tiers du monde”. Déjà en 1938, il avait dit que l'Allemagne pouvait envisager de mener un tel combat avec succès. En déclarant que l'Allemagne devait devenir une puissance mondiale, Carls imposait à la marine une ligne de conduite, qui impliquait, à son tour, plusieurs objectifs de guerre: après avoir récupéré les anciennes provinces et territoires du Reich à l'Ouest et réclamé le retour des anciennes colonies africaines, Carls préconisait la constitution d'une confédération des Etats d'Europe du Nord sous l'égide allemande, regroupant, outre le Reich, une Grande-Flandre, les Pays-Bas, le Danemark et la Norvège, y compris leurs possessions d'outre-mer. Les possessions qu'apporteraient le Danemark et la Norvège dans la nouvelle communauté d'Etats (Spitzberg, Groenland, Islande, Iles Féroé), garantirait la domination maritime du Reich dans l'Atlantique-Nord, qui serait encore consolidée par l'annexion des Iles anglo-normandes et des Shetlands  —la marine considéraient encore l'annexion de ce petit archipel au Nord de l'Ecosse comme un but de guerre en 1944. Cette position fortifiée dans le Nord aurait permis à l'Allemagne d'avoir un accès libre aux zones centrales de l'Atlantique, grâce à l'inclusion dans la sphère d'influence du Reich d'une bande littorale ouest-française. Les ports de cette bande littorale auraient servi de tremplin vers le sud, permettant du même coup de se rendre maîtres de la côte ouest-africaine. Sur cette côte, l'Allemagne devra s'assurer quelques territoires, de façon à s'aménager des points d'appui. Ensuite, l'Union Sud-Africaine, y compris la Rhodésie du Sud, deviendraient des Etats indépendants et se détacheraient de l'Empire britannique, s'empareraient de Madagascar et des îles avoisinantes, de façon a créer une “chaîne” de points d'appui qui s'étendrait de l'Océan Indien au Pacifique, en passant pas les colonies néerlandaises (Indonésie), tombées sous influence allemande grâce à l'inclusion de la Hollande dans la communauté des Etats du Nord de l'Europe. Cette “chaîne” aboutirait au Bornéo septentrional qui serait, lui aussi, détaché de l'Empire et passerait sous domination allemande.

Cette esquisse des ambitions allemandes, élaborée par Carls, correspondait bel et bien à l'état d'esprit qui régnait dans les états-majors de la marine. Seuls quelques officiers ont émis des revendications plus modérées, mais qui ne portaient que sur les détails, non sur l'essentiel. Ainsi, le Chef du 1er Skl., le Contre-Amiral Fricke, en formulant une ligne de conduite légèrement différente, estimait que l'Allemagne devait en priorité s'affirmer comme puissance européenne dominante. Fricke suggérait de ne pas mettre la charrue avant les bœufs et de ne pas aller trop vite en besogne en voulant faire de l'Allemagne une puissance mondiale. Le Commandant-en-chef de la Marine, le Grand-Amiral Raeder, pour sa part, refusait de s'emballer pour les projets trop audacieux et ne voulait pas perdre de vue l'essentiel: les objectifs à court terme; l'acquisition de points d'appui insulaires et continentaux le long des côtes africaines ne serait alors qu'un objectif à moyen terme. Dans les détails, les buts déclarés variaient d'une personnalité à l'autre. Mais il n'en demeure pas moins vrai que tous les officiers de l'état-major de la marine de guerre étaient d'accord sur un point: l'Allemagne était devenu une puissance d'ordre et devait s'affirmer en tant que telle sur toute la surface du globe. Aucun officier de marine ne mettait en doute la nécessité de faire du Reich la puissance hégémonique en Europe, la puissance organisatrice d'un “grand espace” économique européen, avec son complément colonial africain. Cette mission devait forcément donner à l'Allemagne une vocation planétaire. Toutes les ébauches de la marine impliquaient une Weltpolitik  de grande envergure. Sans la moindre hésitation, les officiers de la marine prévoyaient de bétonner et de consolider les positions du “Reich Grand-Allemand” sur le plan géostratégique, de même que ses intérêts outre-mer, de “façon définitive, sur le fond, pour tous les temps”.

L'objectif à court terme: devenir une puissance coloniale

Les exigences coloniales de la marine allemande, de même que sa volonté d'acquérir des points d'appui, vise en premier lieu à asseoir solidement les revendications allemandes. Carls souhaitait un désarmement de l'Angleterre et de la France et pensait qu'il ne fallait réaccorder l'égalité en droit à ces deux puissances que lorsqu'elles auraient accepté l'ordre nouveau imposé par le Reich à l'Europe. Leurs empires coloniaux devront être réduit en dimensions, afin qu'ils soient égaux en taille aux possessions allemandes d'outre-mer, mais ne devront en aucun cas être détruits. Les possessions coloniales de la Grande-Bretagne, de la France et de l'Italie demeureront suffisamment vastes, après que l'Allemagne ait accedé au statut de grande puissance mondiale, “pour leur assurer l'existence et assez de puissance”, toutefois “dans les proportions que nous aurons souhaitées”. L'objectif de devenir “puissance mondiale” ne pourra se concrétiser que dans la mesure où l'Allemagne se montrera capable d'assurer l'équilibre entre les autres puissances. Carls parle en fait d'“auto-limitation” (Selbstbeschränkung)  quand il parle du Reich; il ne perçoit pas celui-ci comme une puissance qui règnerait seule sur le destin de la planète, mais qui serait davantage “régulatrice” de la politique internationale. La notion de “puissance mondiale” (Weltmacht) n'est donc pas synonyme, dans la pensée de Carls”, de “domination (non partagée) sur le monde” (Weltherrschaft).  Les objectifs coloniaux énoncés dans le mémorandum ont une connotation nettement restauratrice. Ils se contentent, pour l'essentiel, de rétablir les colonies allemands d'avant 1918, en leur adjoignant quelques possessions françaises et la Rhodésie, qui souderait ses colonies entre elles.

Carls renonce à toute acquisition en Méditerranée et à toute intrusion dans les sphères d'infuence américaine et japonaise. Il tient compte du fait “que le Führer ne veut pas s'installer en Méditerranée, ni s'immiscer dans les sphères d'influence américaine et japonaise”. Carls savait intuitivement quel état d'esprit régnait dans le quartier général du Führer et devinait ce que ce dernier voulait entendre. Il élaborait ses plans non pas dans les limites de son propre domaine mais tenait davantage compte des intentions du commandement suprême que Raeder quand il rédigeait ses rapports. Raeder, lui, n'élaborait de projet que sur base de son domaine spécifique et tentait, envers et contre tout, de l'imposer au commandement suprême.

Ce qui frappe, c'est la mansuétude de Carls à l'égard de l'ennemi principal du Reich, la Grande-Bretagne. Celle-ci, dans la mesure du possible  —c'est-à-dire si elle ne s'oppose pas au Reich allemand de manière irrémédiable—  conserverait son Empire et demeurerait une puissance thalassocratique. Carls exprime de la sorte, outre une admiration pour l'œuvre coloniale des Britanniques, le point de vue de la marine: l'Empire britannique a eu une fonction stabilisante dans l'équilibre international. Sa chute favoriserait le Japon, puissance qui cherche l'hégémonie à l'échelle du globe, et qui se révèlerait, dans un avenir plus lointain, un nouvel adversaire du Reich allemand.

La Marine: facteur de décision dans la guerre

ship5.jpgLa marine de guerre allemande s'est toujours définie dans et par sa lutte contre la flotte britannique. Dans cette optique, l'Allemagne, en s'opposant à l'Angleterre, est logiquement, par la volonté du destin, obligée de devenir une puissance thalassocratique à l'échelle du globe. Cette vision des choses est solidement ancrée dans la marine depuis Tirpitz. Le corps des officiers de marine n'a jamais cessé de penser et d'agir dans le cadre de ces idées claires et compactes; tous ses objectifs s'inscrivent dans cette logique implaccable, même après 1918, année de la défaite que n'admettent pas plus les officiers de marine que ceux de l'armée de terre. Dans son Dienstschrift IX  (Note de service IX), rédigé en 1894, Tirpitz avait conçu le rôle des armées de terre  —protéger l'Etat contre l'arbitraire de l'ennemi—  comme inférieur à celui, sublime, de la marine: emporter la décision en cas de guerre. Cet état d'esprit témoigne de la cohésion morale, élitaire et sélective, du corps des officiers de marine allemands; ces hommes étaient convaincus de l'importance de leur arme et cette conviction, largement partagée, s'est perpétuée et renforcée après 1918 et l'intermède de Weimar. Le vocabulaire lui-même en témoigne: la marine est kriegsentscheidend,  elle force la décision, fait la décision, en cas de guerre. Tel est le noyau de la pensée stratégique et opérative de la marine. Ce qui explique la franchise avec laquelle la marine élabore ses plans pour faire de l'Allemagne une Weltmacht. Elle n'est pas victime de l'euphorie qui règne dans le Reich après la victoire sur la France mais s'inscrit plus simplement, plus naturellement, dans la tradition forgée à la fin du XIXième siècle par Tirpitz, tout en espérant, avec les nouveaux acquis territoriaux, rencontrer plus de succès.

Le problème de l'Angleterre

Comme les opérations contre la “forteresse insulaire” britannique s'avèrent lentes et n'emportent aucun succès, et comme l'invasion de l'Angleterre est reportée à l'année 1941, les esprits, en Allemagne, se concentrent sur le “problème anglais”. Si l'Angleterre ne peut être vaincue sur son île métropolitaine, il faudra trouver des points faibles dans l'Empire et y remporter des victoires décisives qui obligeront le gouvernement britannique à composer et à accepter la paix allemande. Cette question, essentielle, préoccupait bien entendu tous les militaires allemands, les chefs de la marine comme l'état-major de la Wehrmacht. Pour résoudre le problème anglais, il y avait plusieurs possibilités:

1) Une guerre contre les sources d'approvisionnement qui s'inscrirait dans le cadre d'une guerre économique de plus vaste envergure.

2) Des attaques ponctuelles contre les points névralgiques de l'Empire, de façon à ce qu'il s'effondre. A portée des Allemands, par ordre d'importance, nous avions, à l'époque: Suez, Gibraltar et Malte.

3) L'acquisition de positions stratégiques navales en Afrique du Nord et de l'Ouest, afin de donner aux opérations dans l'Atlantique l'ampleur souhaitée.

4) Intensifier la guerre des croiseurs. C'est l'idée motrice de Raeder.

La question qui se pose alors: où les chefs de la marine allemande doivent-ils porter le poids de leurs armes, en concentrant toutes leurs forces? Afin d'obtenir l'effet escompté le plus rapidement possible, avec les meilleures chances de succès?

Le tonnage anglais se concentrait dans l'Atlantique. C'est par l'Atlantique et la Méditerranée que passent les axes vitaux qui relient la Grande-Bretagne à ses sources d'énergie venues d'outre-mer. Fragmenter ces axes était la mission des sous-marins. Les chefs de la marine considéraient donc que la guerre anti-tonnage dans l'Atlantique était prioritaire. Mais le commandant en chef de la Marine tenait à la guerre traditionnelle des croiseurs, qu'il voulait mener en deux endroits: dans l'Atlantique et en Méditerranée (sur ce théâtre en guise de diversion). Mais comme les plus lourdes unités allemandes se trouvent dans l'Atlantique, elles ne peuvent être déployées en Méditerranée. Convaincu du grand impact que pourrait avoir sa stratégie de diversion  —laquelle ne pouvait que s'amplifier dès le début de la guerre du Pacifique et prendre des proportions globales—  Raeder envoya ses sous-marins en Méditerranée. Il s'est heurté à une critique sévère des sous-mariniers, hostiles à cette stratégie de diversion. Pour Dönitz, la Méditerranée n'avait qu'une importance secondaire. Selon Dönitz, toutes les mesures qui visent à diviser et disperser les forces ennemies sont erronées, car elles ne peuvent que contribuer à prélever des forces allemandes hors de la zone principale des combats, qui est l'Atlantique. Mais, dans l'optique de Raeder, au contraire, la Méditerranée ne revêt pas une importance stratégique qui ne vaudrait que pour la diversion qu'il entend planifier. En lançant une offensive contre Suez, il veut trancher l'“artère principale” de l'organisme qu'est l'Empire britannique et porter ainsi le coup fatal à l'Angleterre. Après la prise de Suez, les résidus de la domination britannique en Méditerranée pourraient facilement être éliminés avec l'aide de la flotte française. Sans nul doute, Raeder exagérait l'importance de la Méditerranée pour les Britanniques mais n'avait pas tort de valoriser l'importance des côtes du nord et de l'ouest de l'Afrique et comptait sur la coopération française dans les opérations navales dans l'Atlantique.

L'Atlantique, l'Afrique du Nord-Ouest et Suez: tels sont les objectifs principaux de la stratégie de la marine allemande.

Y avait-il communauté d'intérêt entre la France et l'Allemagne?

Au fur et à mesure que les officiers supérieurs de la marine allemande élaborent et peaufinent leur stratégie, la France vaincue acquiert de plus en plus de poids à leurs yeux. Le choc de Mers-el-Kébir et de Dakar du côté français, l'impossibilité de mener à bien l'Opération Seelöwe  (le débarquement en Angleterre) du côté allemand, contribuent à un rapprochement franco-allemand, qui devrait se concrétiser par un effort de guerre commun. Et comme les Italiens et les Espagnols n'ont pas réussi à chasser les Britanniques de la Méditerranée, contrairement à ce qu'avaient espéré les Allemands, les chefs de la marine allemande en viennent à estimer que la participation française à la guerre navale contre l'Angleterre est indispensable. Pour que les Français deviennent les adversaires de l'Angleterre, les Allemands doivent leur donner des garanties politiques, qui valent le prix d'une entrée en guerre de Vichy à leurs côtés. Raeder envisage une alliance en bonne et due forme avec les Français et souhaite que Berlin élargisse l'axe tripartite Rome-Berlin-Tokyo à Vichy. L'inclusion de la France dans le nouvel ordre européen a été l'une des exigences de base des chefs de la marine allemande.

Ceux-ci ont trouvé des appuis dans l'état-major de la Wehrmacht. Le Général-Major Warlimont, Chef du L/WFSt, après une visite à Paris, s'est fait l'avocat du rapprochement franco-allemand. L'Afrique du Nord-Ouest et de l'Ouest constitue un flanc stratégique indispensable contre l'Angleterre ainsi qu'un espace économique soustrait au blocus britannique. Le conseiller militaire de Hitler, le Chef de l'état-major général de la Wehrmacht, le Colonel-Général Jodl, partage ce point de vue. La France pourrait aider le IIIième Reich et lui donner la victoire finale, si elle met à la disposition des Allemands ses bases africaines. Si l'Allemagne perd les bases nord-africaines possédées par la France, expliquent les chefs de la marine, il ne sera plus possible de battre l'Angleterre dans la guerre commerciale qui se déroule dans l'Atlantique. Cette formulation est évidemment osée. Mais il n'en demeure pas moins vrai que la masse territoriale nord-africaine et ouest-africaine constitue une barrière importante contre toutes les attaques anglo-saxonnes contre le Sud de l'Europe. En outre, ce territoire peut servir de base pour des attaques de l'aviation allemande contre les Etats-Unis.

Kriegsmarine-Cruiser-KMS-Prinz-Eugen-14.jpgUne alliance franco-allemande constituerait donc un atout complémentaire, qui permettrait au Reich de faire son jeu sur le continent européen. Mais Hitler s'imaginait toujours qu'il allait pouvoir faire la paix avec l'Angleterre. Il laisse le sort de la France dans l'indécision. Après Mers-el-Kébir, l'Allemagne assouplit encore ses mesures de démobilisation, politique qui ne correspond pas du tout aux souhaits de la Marine et de l'état-major de la Wehrmacht, qui, eux, envisageaient de consolider militairement une communauté d'intérêt franco-allemande.

La campagne de Russie

Mais un projet militaire va s'avérer plus déterminant que tous les problèmes soulevés par la stratégie nouvelle, proposée par la marine allemande, plus déterminant aussi que tous les problèmes non résolus et toutes les occasions perdues: celui de lancer une campagne contre la Russie. Ce projet freine définitivement le développement de la stratégie maritime suggéré par Carls. La stratégie maritime dépend désormais de la guerre sur terre.

Pour les chefs de l'armée de terre, la capitulation de la France et l'impossibilité pour la Grande-Bretagne d'entreprendre des opérations sur le continent ont rendu impossible la guerre sur deux fronts. Du moins dans un premier temps. Mais l'élimination de la France n'a pas donné à la Kriegsmarine la liberté qu'elle souhaitait avoir sur ses arrières. Les forces opérationnelles de la marine allemande étant faibles, ses chefs ne pouvaient considérer l'Opération Barbarossa que comme un fardaud supplémentaire. Mais, mise à part cette objection, la marine n'avait nulle crainte quant au déroulement de la guerre à l'Est: “Les forces militaires qu'aligne l'armée russe doivent être considérées comme très inférieures à nos troupes expérimentées. L'occupation d'un territoire s'étendant du Lac Ladoga à la Crimée en passant par Smolensk est militairement réalisable, de façon à ce qu'en détenant ce territoire, il nous soit possible de dicter les conditions de la paix” (2). Les chefs de la marine partagent la conviction des dirigeants politiques de l'Allemagne: le Reich gagnera la guerre à l'Est sans difficulté. Mais doutent que, par cette victoire, la guerre contre l'Angleterre sera plus rapidement terminée. La marine croit en effet que l'impact d'une victoire allemande à l'Est sera mininal sur le moral de l'ennemi occidental. Les victoires allemandes sur le continent ne contraindront nullement la Grande-Bretagne à composer. Au contraire, l'effort exigé par la campagne de Russie sera tel qu'il favorisera une victoire anglaise dans l'Atlantique et rendra aux Britanniques toutes les positions perdues. Pire: si la Russie ne s'effondre pas immédiatement, l'Allemagne court un danger très grave, dans le sens où les territoires non neutralisés de l'URSS deviendront ipso facto des tremplins pour une attaque américaine. Dans l'esprit des chefs de la marine, le combat principal, c'est-à-dire la guerre contre l'Angleterre, pourrait bien être perdu, même si l'Opération Barbarossa débouche sur une victoire.

La guerre à l'Est soulage l'Angleterre

Les chefs de la marine jugent la sécurité globale de l'Allemagne, en incluant le facteur “Russie” dans des catégories qui justifient l'attaque contre l'URSS: la sécurité de l'Allemagne exige la consolidation, par des moyens militaires, d'un espace qui soit à l'abri de toute attaque extérieure, l'élimination, par des moyens politiques, des petits Etats peu fiables, et, enfin, la construction, par des moyens économiques, d'une autarcie continentale. Les chefs de la marine, de surcroît, acceptent les projets de colonisation et les dimensions idéologiques inhérents à la guerre contre l'URSS. Sur un plan politique plus général et animés par la conviction que les forces armées soviétiques de terre et de mer constituent un danger pour le Reich, les chefs de la marine s'alignent exactement sur les thèses du gouvernement allemand. Si les objectifs de construire un espace intangible ou une autarcie économique justifiaient dans une certaine mesure la guerre à l'Est, aux yeux du gouvernement, la marine, elle, tire des conclusions opposées. Dans son évaluation de la situation, trois éléments sont importants: 1) la conviction que l'Allemagne aurait obtenu tout ce qu'elle voulait de la Russie, même sans lui faire la guerre; 2) le problème anglais restait sans solution; 3) un éventail de réflexions sur l'industrie militaire.

Pour la marine, l'Angleterre est l'ennemi n°1

Du point de vue de la marine, le gouvernement du Reich surestime la “masse soviétique” et poursuit, vis-à-vis de Moscou, une politique de concessions inutile. Le gouvernement allemand devrait au contraire montrer à l'Union Soviétique, fragile parce que tout un éventail de crises la guette, la puissance politique et militaire du Reich. Les Russes, pour l'état-major de la marine, sont prêts à négocier, ce qui rend toute guerre inutile. Moscou, pensent les officiers supérieurs de la marine allemande, ira au devant de tous les souhaits de l'Allemagne.

La mission première de la marine de guerre est donc d'affronter directement l'Angleterre. Si celle-ci est abattue, le Reich obtiendra presque automatiquement la victoire. Toute campagne militaire à l'Est influencerait négativement la situation stratégique de l'Allemagne sur mer et jouerait en faveur de l'Angleterre, qui serait de fait soulagée. Le Korvettenkapitän Junge, chef du département “marine” auprès de l'état-major général de la Wehrmacht, tire les mêmes conclusions: l'Allemagne ne doit pas entrer en guerre contre la Russie, avant que l'Angleterre ne soit mise hors course.

La campagne à l'Est a-t-elle été une alternative?

Fricke (Chef de la 1ière Skl.) constatait que les Anglo-Saxons, affaiblis après avoir perdu leur allié continental potentiel, la Russie, ne s'en prendraient plus à la grande puissance continentale que serait devenue l'Allemagne. Mais cette constatation n'a en rien influencé l'élaboration de la stratégie navale allemande, favorable, en gros, à la campagne de Russie. La marine a été incapable de s'opposer avec succès à l'option anti-soviétique du gouvernement allemand. Mais ni Fricke ni les officiers supérieurs de la Kriegsmarine n'ont pu voir dans le projet “Barbarossa” une entreprise qui aurait contribué à abattre l'Angleterre (pour Hitler, ce n'était d'ailleurs pas l'objectif). Les gains territoriaux à l'Est ne compenseront nullement le tonnage que les Allemands, occupés sur le continent, ne pourront couler dans l'Atlantique, théâtre où se décide réellement le sort de la guerre. Les chefs de la marine ne voient ni la nécessité ni l'utilité d'une opération à l'Est, qui éloignerait les Allemands de l'Atlantique. Le Reich, pour les marins, ne perdra ni ne gagnera la guerre en Russie. Le destin de l'Allemagne se joue uniquement dans l'Atlantique.

Si l'option Barbarossa se concrétise, l'industrie de l'armement consacrera tous ses efforts à l'armée de terre et à l'aviation. Si les livraisons russes cessent d'arriver en Allemagne à cause de la guerre germano-soviétique, la marine en essuiera les conséquences et ne pourra plus espérer aucune priorité dans l'octroi de matières premières et de carburants. La guerre à l'Est ôtera à la marine son principal fournisseur de matières premières. Ses chefs ne pensent pas, en conséquence, que les opérations en Russie apporteront une solution au problème des matières premières, domaine où l'Allemagne est dans une situation précaire. Les livraisons de pétrole pour l'Opération Seelöwe ne seront pas nécessairement assurées, une fois l'Opération Barbarossa terminée. En conséquence, la marine estime que la campagne de Russie n'est qu'un élargissement compromettant de la guerre, pire, qu'elle l'étend dans une mauvaise direction et au moment le plus inapproprié.

Appréciation

Avec la victoire sur la France en juin 1940, la marine allemande peut enfin mettre au point sa “grande stratégie”. Mais cette stratégie prend fin avec le débarquement allié en Afrique du Nord de novembre 1942. Pour Raeder, la “grande stratégie navale” est une alternative à l'Opération Seelöwe et, plus tard, à l'Opération Barbarossa, dont il n'a jamais été convaincu de l'utilité. La stratégie maritime n'est pas une stratégie partielle ou complémentaire, qui se déploierait parallèlement à la guerre sur terre. Elle est une stratégie globale qui affecte également les opérations sur le continent. Aujourd'hui, il n'est pas possible de dire comment elle aurait influencé le cours de la guerre, si elle avait été appliquée sans restriction.

Dans les mois qui se sont écoulés entre la fin de la campagne de France et le début de la campagne de Russie, le III° Reich a pu choisir entre plusieurs options: 1) Il se tient coi, renonce à entamer toute opération et organise la défensive; 2) Il poursuit la guerre à l'Ouest jusqu'à la capitulation anglaise et impose sa paix; 3) Il se tourne vers l'Est, soumet la Russie et se retourne vers l'Ouest avec l'atout complémentaire: un continent uni par la force et inexpugnable. Aucune de ces options n'avait la chance de réussir à 100%. Toutes pouvaient réussir ou échouer. Evidemment, la stratégie consistant à demeurer coi ou la stratégie navale préconisée par les chefs de la marine, qui n'a pas été appliquée, ont le beau rôle dans les querelles entre historiens: personne ne peut dire avec certitude qu'elles étaient erronées, puisqu'elles ne se sont pas traduites dans le concret. Quant à la “solution continentale”, recherchée par Barbarossa, elle a échoué. Mais elle aurait pu réussir.

Notes:

(1) M. SALEWSKI, Die deutsche Seekriegsleitung 1935-1945, 3 tomes, tomes 1 & 2, Francfort s. M., 1970-75. Tome 3: Denkschriften und Lagebetrachtungen 1938-1944. Pour notre propos: Tome 3, pp. 108 et suivantes.

(2) 1/Skl, “Betrachtungen über Russland”, 28 juillet 1940 (Salewski, tome 3, pages 141 et suivantes).  

mercredi, 30 octobre 2013

Munich ou Athènes-sur-l’Isar: ville de culture et matrice d’idées conservatrices-révolutionnaires

 

 

mib_05_6.jpg

Robert STEUCKERS:

Munich ou Athènes-sur-l’Isar: ville de culture et matrice d’idées conservatrices-révolutionnaires

Conférence prononcée à Vlotho im Wesergebirge, université d’été de “Synergies Européennes”, 2002

Cette conférence est la recension des premiers chapitres de:

David Clay Large, Hitlers München – Aufstieg und Fall der Hauptstadt der Bewegung, C. H. Beck, Munich, 1998.

koenig_ludwig_i_von_bayern.jpgLe passé de Munich, capitale bavaroise, est marqué par la volonté culturelle de ses rois. Il y a d’abord eu Louis I, qui règne de 1825 à 1848. Ce monarque, quand il était prince héritier, a fait le voyage en Italie, en 1817-1818: il a été, comme beaucoup d’Allemands, fasciné par l’urbanisme traditionnel des villes de la péninsule et veut faire de Munich, sa “Residenzstadt”, un centre culturel allemand incontournable, au service d’une véritable renaissance culturelle qui a, cette fois, pour point de départ, l’espace germanophone du centre de l’Europe. Pour embellir la “ville de résidence”, il fait appel à des architectes comme Leo von Klenze et Friedrich von Gärtner, tous deux appartenant à l’école dite “classique”, renouant avec les canons grecs et romains de l’antiquité, ceux de Vitruve. En épousant la cantatrice espagnole Lola Montez, il se heurte à la bourgeoisie philistine de la ville, hostile aux dépenses de prestige voulues par le roi et qui prend le prétexte de ce mariage avec une roturière étrangère, pour manifester sa désapprobation à l’endroit de la politique royale et du mécénat pratiqué par le monarque. Ce mariage donnera lieu à quantité de ragots irrévérencieux, censés saborder l’autorité de ce monarque tourné vers les arts.

De Maximilien II au Prince-Régent Luitpold

Prinzregent_Luitpold_von_Bayern_1911_Dittmar.pngSon successeur sur le trône bavarois, Maximilien II, règnera de 1848 à 1864. En dépit des cabales menées contre son père, il poursuivra l’oeuvre de ce dernier, ajoutant au classicisme une touche de futurisme, en faisant construire un palais des glaces (de fer et de verre) comme celui de Londres, prélude à une architecture différente qui ne table plus uniquement sur la pierre comme matériau de construction. Maximilien II attire des savants d’Allemagne du Nord à Munich, qui ne sont évidemment pas des Bavarois de souche: on parlera alors des “Nordlichter”, des “Lumières du Nord”. Louis II, qui règne de 1864 à 1886, prônera une nouvelle architecture romantique, inspirée par les opéras de Wagner, par le moyen âge, riche en ornementations. On connaît ses châteaux, dont celui, merveilleux, de Neuschwanstein. Cette politique se heurte également à une bourgeoisie philistine, insensible à toute forme de beauté. Après Louis II, après sa mort étrange, le Prince-Régent Luitpold, aimé du peuple, préconise une industrialisation et une urbanisation de la Bavière. Munich connaît alors une évolution semblable à celle de Bruxelles: en 1800, la capitale bavaroise comptait 34.000 habitants; en 1880, elle en avait 230.000; en 1910, 596.000. Pour la capitale belge, les chiffres sont à peu près les mêmes. Mais cette industrialisation/urbanisation provoque des déséquilibres que la Bavière ne connaissait pas auparavant. D’abord il y a l’ensauvagement des moeurs: si la liaison entre Louis I et Lola Montez avait fait scandale, alors qu’elle était toute romantique et innocente, les trottoirs de la ville sont désormais livrés à une prostitution hétérosexuelle et homosexuelle qui n’épargne pas les mineurs d’âge. Il y a ensuite les mutations politiques qu’entraîne le double phénomène moderne de l’industrialisation et de l’urbanisation: les forces politiques conservatrices et catholiques, qui avaient tenu le haut du pavé avant l’avènement du Prince-Régent Luitpold, sont remises en question par la bourgeoisie libérale (déjà hostile aux rois mécènes) et par le prolétariat.

Bipolarisme politique

Un bipolarisme politique voit le jour dans la seconde moitié du 19ème siècle avec, d’une part, le “Patriotenpartei”, fondé en 1868, rassemblant les forces conservatrices catholiques, hostiles à la Prusse protestante et au “Kulturkampf” anti-clérical lancé par le Chancelier Bismarck. Pour les “Patrioten”, l’identité bavaroise est catholique et conservatrice. Les autres idées, importées, sont nuisibles. Face à ce rassemblement conservateur et religieux se dresse, d’autre part, le “parti social-démocrate”, fondé en 1869, qui parvient à rassembler 14% des suffrages à Munich lors des élections de 1878. Le chef de file des sociaux-démocrates, Georg von Vollmar, n’est pas un extrémiste: il s’oppose à tout dogmatisme idéologique et se profile comme un réformiste pragmatique. Cette politique paie: en 1890, les socialistes modérés et réformistes obtiennent la majorité à Munich. La ville est donc devenue rouge dans un environnement rural et semi-rural bavarois majoritairement conservateur et catholique. Cette mutation du paysage politique bavarois s’effectue sur fond d’un antisémitisme ambiant, qui n’épargne que quelques vieilles familles israélites, dont celle du mécène Alfred Pringsheim. Les Juifs, dans l’optique de cet antisémitisme bavarois, sont considérés comme les vecteurs d’une urbanisation sauvage qui a provoqué l’effondrement des bonnes moeurs; on les accuse, notamment dans les colonnes d’une feuille populaire intitulée “Grobian”, de spéculer dans le secteur immobilier et d’être les “produits collatéraux” du progrès, notamment du “progrès automobile”. Cet antisémitisme provoque une rupture au sein des forces conservatrices, suite à la fondation en 1891 d’un nouveau mouvement politique, le “Deutsch-Sozialer Verein” ou DSV, sous la houlette de Viktor Hugo Welcker qui, armé de quelques arguments tirés de cet antisémitisme, entame une campagne sociale et populaire contre les grands magasins, les agences immobilières et les chaînes de petits commerces en franchise, dont les tenanciers ne sont pas les véritables propriétaires de leur boutique.

Les pangermanistes

A l’émergence du DSV s’ajoute celle des cercles pangermanistes (“Alldeutscher Verband”) qui véhiculent également une forme d’antisémitisme mais sont constitués en majorité de protestants d’origine nord-allemande installés en Bavière et hostiles au catholicisme sociologique bavarois qu’ils jugent “rétrograde”. Les pangermanistes vont dès lors s’opposer à ce particularisme catholique bavarois et, par voie de conséquence, au “Patriotenpartei”. Pour les pangermanistes, la Bavière doit se détacher de l’Autriche et de la Bohème majoritairement tchèque, parce que celles-ci ne sont pas “purement allemandes”. Dans une seconde phase, les pangermanistes vont articuler dans la société bavaroise un anti-christianisme sous l’impulsion de l’éditeur Julius Friedrich Lehmann. Pour ce dernier et pour les théoriciens qui lui sont proches, une lutte systématique et efficace contre le christianisme permettrait aux Allemands de mieux résister à l’emprise du judaïsme ou, quand cet anti-christianisme n’est qu’anti-confessionnel et ne touche pas à la personne du Christ, de faire éclore une “chrétienté germanique” mâtinée d’éléments de paganisme. Cette attitude du mouvement pangermaniste en Bavière ou en Autriche s’explique partiellement par le fait que la hiérarchie catholique avait tendance à soutenir les populations rurales slaves de Bohème, de Slovénie ou de Croatie, plus pieuses et souvent plus prolifiques sur le plan démographique. Les protestants “germanisés” dans le cadre du pangermanisme affirmaient que l’Allemagne et la Bavière avaient besoin d’un “nouveau Luther”.

Le contre-monde de Schwabing

Telle était donc la scène politique qui animait la Bavière dans les deux décennies qui ont précédé la première guerre mondiale. Deuxième question de notre exposé aujourd’hui: comment le choc des visions du monde (car c’est bien de cela qu’il s’agit) s’est-il manifesté à Munich au sein de la bohème littéraire, productrice d’oeuvres qui nous interpellent encore et toujours? Cette bohème littéraire a, de fait, généré un contre-monde libre-penseur, débarrassé du fardeau des “tu dois”, propre au chameau de la fable de Nietzsche, un contre-monde qui devait s’opposer aux raideurs du wilhelminisme prussien. On peut dire aujourd’hui que la bohème munichoise était une sorte d’extra-territorialité, installée dans les cafés à la mode du faubourg de Schwabing. Les “Schwabinger” vont remplacer les “Nordlichter” en préconisant une sorte de “laisser-aller joyeux et sensuel” (“sinnenfrohe Schlamperei”) contre les “ours lourdauds en leur cerveau” (“bärenhaft dumpf im Gehirn”). Cette volonté de rendre l’humanité allemande plus joyeuse et plus sensuelle va amorcer un combat contre les étroitesses de la religion (tant catholique que protestante), va refuser les rigidités de l’Etat (et du militarisme prussien), va critiquer la domination de plus en plus patente de la technique et de l’argent (en déployant, à ce niveau-là, une nouvelle forme d’antisémitisme antimoderne). Les “Schwabinger”, dans leurs critiques, vont englober éléments de droite et de gauche.

Le 18 décembre 1890 est le jour de la fondation de la “Gesellschaft für modernes Leben” (“Société pour la vie moderne”), une association animée par Michael Georg Conrad (très hostile aux catholiques), Otto Julius Bierbaum, Julius Schaumberger, Hanns von Gumppenberg. Pour Conrad, qu’admirait Arthur Moeller van den Bruck, la tâche principale de la littérature est “d’abattre les vaches sacrées” (tâche encore plus urgente aujourd’hui!). Conrad s’attaquera à la personnalité de l’Empereur Guillaume II, “le monarque qui n’a pas le temps”, lui reprochant sa frénésie à voyager partout dans le monde, à sacrifier au culte de la mobilité fébrile propre à la Belle Epoque. Conrad sera plusieurs fois condamné pour “crime de lèse-majesté” et subira même un internement de deux mois en forteresse. Mais cet irrévérencieux n’est pas ce que nous appelerions aujourd’hui un “gauchiste”. Il s’oppose avec virulence à l’emprise sur Munich de la SPD sociale-démocrate et de son idéologie de la lutte des classes. Conrad veut une réconciliation des masses et de la monarchie, en dépit des insuffisances actuelles et conjoncturelles du wilhelminisme. Pour lui, les socialistes et les ultramontains sont à mettre dans le même sac car ces deux forces politiques ont pour objectif de détruire “l’esprit national”, lequel n’est nullement “bigot”, “bourgeois” au sens de “Biedermeier” mais, au contraire, doit s’affirmer comme insolent (“frech”) et moqueur (“pfiffig”). L’Allemand de demain doit être, selon Conrad, “uilenspiegelien” (la mère de Charles De Coster était munichoise!) et opposer aux établis coincés le cortège de ses frasques et de ses farces. La littérature a dès lors pour but de “libérer la culture allemande de tout fatras poussiéreux” (“Die deutsche Kultur von allem Angestaubten zu befreien”). L’art est l’arme par excellence de ce combat métapolitique.

Insolence et moqueries

panizza.jpgInsolence et moqueries dans ce combat métapolitique de libération nationale seront incarnées par Oskar Panizza (1853-1921), psychiatre et médecin militaire, auteur de pièces de théâtre et de poèmes. Panizza s’insurge contre le moralisme étouffant de son époque, héritage du formatage chrétien. Pour lui, la sensualité (souvent hyper-sexualisée) est la force motrice de la littérature et de l’art, par voie de conséquence, le moralisme ambiant est totalement incompatible avec le génie littéraire. Panizza consigne ces visions peu conventionnelles (mais dérivées d’une certaine psychanalyse) et blasphématoires dans une série d’écrits et de conférences visant à détruire l’image édulcorée que les piétistes se faisait de l’histoire de la littérature allemande. Dans une pièce de théâtre, “Das Liebeskonzil”, il se moque du mythe chrétien de la Sainte Famille, ce qui lui vaut une condamnation à un an de prison pour atteinte aux bonnes moeurs et aux sentiments religieux: c’est la peine la plus sévère prononcée dans l’Allemagne wilhelminienne à l’encontre d’un auteur. Une certaine gauche spontanéiste, dans le sillage de mai 68, a tenté de récupérer Oskar Panizza mais n’a jamais pu annexer son antisémitisme affiché, de facture pansexualiste et délirante. Panizza, en effet, voyait le judaïsme, et le catholicisme figé, pharisaïque, qui en découlait, comme une source de l’anti-vitalisme dominant en Europe qui conduit, affirmait-il avec l’autorité du médecin-psychiatre, à l’affadissement des âmes et à la perversité sexuelle. Ses tribulations, jugées scandaleuses, le conduisent à un exil suisse puis français afin d’échapper à une condamnation en Allemagne pour lèse-majesté. En 1904, pour se soustraire au jugement qui allait immanquablement le condamner, il sort nu dans la rue, est arrêté, considéré comme fou et interné dans un asile psychatrique, où il mourra en 1921.

Le “Simplicissimus”

simplicissimus2.jpegEn 1896 se crée à Munich la fameuse revue satirique “Simplicissimus” qui, d’emblée, se donne pour tâche de lutter contre toutes les formes de puritanisme, contre le culte des parades et de la gloriole propre au wilhelminisme, contre la prussianisation de l’Allemagne du Sud (“Simplicissimus” lutte à la fois contre le prussianisme et le catholicisme, la Prusse étant perçue comme un “Etat rationnel”, trop sérieux et donc “ennemi de la Vie”), contre le passéisme bigot et rural de la Bavière. On peut dès lors constater que la revue joue sur un éventail d’éléments culturels et politiques présents en Bavière depuis les années 70 du 19ème siècle. Le symbole de la revue est un “bouledogue rouge”, dont les dents symbolisent l’humour agressif et le mordant satirique que la revue veut incarner. Le mot d’ordre des fondateurs du “Simplicissimus” est donc “bissig sein”, “être mordant”. Cette attitude, prêtée au bouledogue rouge, veut faire comprendre au public que la revue n’adoptera pas le ton des prêcheurs moralistes, qu’elle n’entend pas répéter inlassablement des modes de pensée fixes et inaltérables, tous signes patents d’une “mort spirituelle”. En effet, selon Dilthey (puis selon l’heideggerien Hans Jonas), on ne peut définir une chose que si elle est complètement morte, donc incapable de produire du nouveau, par l’effet de sa vitalité, même atténuée.

L’homme qui se profile derrière la revue “Simplicissimus”, en abrégé “Der Simpl’”, est Albert Langen (fondateur d’une maison d’édition qui existe toujours sous le nom de “Langen-Müller”). Il est alors âgé de 27 ans. Il rejette le wilhelminisme comme David Herbert Lawrence rejetait le victorianisme en Angleterre ou August Strindberg l’oscarisme en Suède. Cette position anti-wilhelminienne ne participe pas d’une hostilité au patriotisme allemand: au contraire, Albert Langen veut, pour la nation, contribuer à faire éclore des idéaux combattifs, finalement assez agressifs. Les modèles dont il s’inspire pour sa revue sont français car en France existe une sorte de “métapolitique satirique”, incarnée, entre autres initiatives, par le “Gil Blas illustré”. Pour confectionner le pendant allemand de cette presse parisienne irrévérencieuse, Langen recrute Ludwig Thoma, virtuose des injures verbales, comme le seront aussi un Léon Daudet en France ou un Léon Degrelle en Belgique; ensuite l’Israélite Thomas Theodor Heine, excellent caricaturiste qui fustigeait les philistins, les ploutocrates, les fonctionnaires et les officiers. Le dramaturge Frank Wedekind se joint au groupe rédactionnel pour railler les hypocrisies de la société moderne, industrialisée et urbanisée. Langen, Heine et Wedekind finissent par être, à leur tour, poursuivis pour crime de lèse-majesté. Langen s’exile à Paris. Heine écope de six mois de prison et Wedekind de sept mois. Du coup, la revue, qui tirait à 15.000 exemplaires, peut passer à un tirage de 85.000.

Pour une armée nouvelle

simplicissimus.jpgLes moqueries adressées à la personne de l’Empereur ne signifient pas que nos trois auteurs niaient la nécessité d’une autorité monarchique ou impériale. Au contraire, leur objectif est de rétablir l’autorité de l’Etat face à un monarque qui est “pose plutôt que substance”, attitude risible, estiment-ils, qui s’avère dangereuse pour la substance politique du IIème Reich. Les poses et les parades du wilhelminisme sont la preuve, disaient-ils, d’une immaturité politique dangereuse face à l’étranger, plus équilibré et moins théâtral dans ses affirmations. S’ils critiquaient la caste des officiers modernes, recrutés hors des catégories sociales paysannes et aristocratiques traditionnellement pourvoyeuses de bons soldats, c’est parce que ces nouveaux officiers modernes étaient brutaux et froids et non plus sévères et paternels: nos auteurs plaident pour une armée efficace, soudée, capable de prester les tâches qu’on réclame d’elle. De même, notre trio du “Simpl’”, derrière leurs satires, réclament une meilleure formation technique de la troupe et fustigent l’anti-militarisme des sociaux-démocrates.

Sur le plan géopolitique, la revue “Simplicissimus” a fait preuve de clairvoyance. En 1903, elle réclame une attitude allemande plus hostile aux Etats-Unis, qui viennent en 1898 d’arracher à l’Espagne les Philippines et ses possessions dans les Caraïbes, l’Allemagne héritant de la Micronésie pacifique auparavant hispanique. L’Allemagne et l’Europe, affirmaient-ils, doivent trouver une réponse adéquate à la Doctrine de Monroe, qui vise à interdire le Nouveau Monde aux vieilles puissances européennes et à une politique agressive de Washington qui chasse les Européens du Pacifique, en ne tenant donc plus compte du principe de Monroe, “l’Amérique aux Américains”. Le “Simpl’” adopte ensuite une attitude favorable au peuple boer en lutte contre l’impérialisme britannique. Il est plus souple à l’égard de la France (qui avait offert l’asile politique à Langen). Il est en revanche hostile à la Russie, alliée traditionnelle de la Prusse.

Les cabarets

439976_Die-Elf-Scharfrichter-The-Eleven-Executioners.jpgA côté du “Simplicissimus”, le Munich de la première décennie du 20ème siècle voit naître le cabaret “Die Elf Scharfrichter” (“Les onze bourreaux”) qui marquera durablement la chronique entre 1901 et 1903. Ce cabaret, lui aussi, se réfère à des modèles étrangers ou non bavarois: “Le chat noir” de Paris, “Il quatre cats” de Barcelone, le “Bat” de Moscou et l’“Überbrettl” de Berlin. Les inspirateurs français de ce cabaret munichois étaient Marc Henry et Achille Georges d’Ailly-Vaucheret. Mais Berlinois et Bavarois appliquent les stratégies du rire et de l’arrachage des masques préconisées par Nietzsche. En effet, la référence au comique, à l’ironie et au rire chez Nietzsche est évidente: des auteurs contemporains comme Alexis Philonenko ou Jenny Gehrs nous rappellent l’importance critique de ce rire nietzschéen, antidote précieux contre les routines, les ritournelles des conformistes et des pharisiens puis, aujourd’hui, contre la critique aigre et inféconde lancée par l’Ecole de Francfort et Jürgen Habermas. Jenny Gehrs démontre que les cabarets et leur pratique de la satire sont étroitement liés aux formes de critique que suggérait Nietzsche: pour celui-ci, l’ironie déconstruit et détruit les systèmes de valeurs et les modes de pensée qui figent et décomposent par leurs raideurs et leur incapacité vitale à produire de la nouveauté féconde. L’ironie est alors expression de la joie de vivre, de la légèreté d’âme, ce qui n’induit pas une absence de sériosité car le comique, l’ironie et la satire sont les seules voies possibles pour échapper à l’ère du nihilisme, les raideurs, rigidités, pesanteurs ne produisant que “nihil”, tout comme le “politiquement correct” et les conventions idéologiques de notre temps ne produisent aucune pensée féconde, aucune pensée capable de sortir des ornières où l’idéologie et les praxis dominantes se sont enlisées. La pratique de l’ironie implique d’adopter une pensée radicale complètement dépourvue d’indulgence pour les conventions établies qui mutilent et ankylosent les âmes. L’art, pour nos contestataires munichois comme pour Jenny Gehrs, est le moyen qu’il faut déployer pour détruire les raideurs et les rigidités qui mènent le monde à la mort spirituelle. Alexis Philonenko rappelle que sans le rire, propre de l’homme selon Bergson, les sociétés basculent à nouveau dans l’animalité et ruinent les ressorts et les matrices de leur propre culture de base. Si ne règnent que des constructions idéalisées (par les médiacrates par exemple) ou posées comme indépassables ou éternelles, comme celle de la pensée unique, de la bien-pensance ou du “politiquement correct”, le monde sombrera dans la mélancolie, signe du nihilisme et du déclin de l’homme européen. Dans ce cas, il n’y a déjà plus de perspectives innovantes, plus aucune possibilité de faire valoir nuances ou diversités. Le monde devient gris et terne. Pour nos cabaretistes munichois, le wilhelminisme était une praxis politique dominante qui annonçait déjà ce monde gris à venir, où l’homme ne serait plus qu’un pantins aux gestes répétitifs. Il fallait réagir à temps, imméditement, pour que la grisaille envahissante ne dépasse pas la première petite étape de son oeuvre de “monotonisation”.

Franziska zu Reventlow

revenpor.jpgFranziska zu Reventlow est la figure féminine qui opère la jonction entre ce Schwabing anarchisant et la “révolution conservatrice” proprement dite, parce qu’elle a surtout fréquenté le cercle des Cosmiques autour de Stefan George, où se manifestaient également deux esprits profonds, Alfred Schuler et Ludwig Klages, dont la pensée n’a pas encore été entièrement exploitée jusqu’ici en tous ses possibles. David Clay Large définit la vision du monde de Franziska zu Reventlow comme “un curieux mélange d’idées progressistes et réactionnaires”. Surnommée la “Reine de Schwabing”, elle est originaire d’Allemagne du Nord, de Lübeck, d’une famille aristocratique connue, mais, très tôt, elle a rué dans les brancards, sa nature rebelle passant outre toutes les conventions sociales. La lecture du Norvégien Ibsen —il y avait un “Ibsen-Club” à Lübeck— du Français Emile Zola, du socialiste allemand Ferdinand Lassalle et, bien entendu, de Friedrich Nietzsche, dont le “Zarathoustra” constituait sa “source sacrée” (“geweihte Quelle”). Elle arrive à Schwabing à 22 ans et, aussitôt, Oskar Panizza la surnomme “la Vénus du Slesvig-Holstein” (“Die schleswig-holsteinsche Venus”), tout en ajoutant, perfide, qu’elle était “très sale”. Les frasques de Franziska ont choqué sa famille qui l’a déshéritée. A Munich, elle crève de faim, ne prend qu’un maigre repas par jour et se came au laudanum pour atténuer les douleurs qui l’affligent. Rapidement, elle collectionne quelques dizaines d’amants, se posant comme “mère libre” (“freie Mutter”) et devenant ainsi l’icône du mouvement féministe, une sorte de “sainte païenne”.

Quel est le “féminisme” de Franziska zu Reventlow? Ce n’est évidemment pas celui qui domine dans les esprits de nos jours ou qui a animé le mouvement des suffragettes. Pour la Vénus de Schwabing, le mouvement de libération des femmes ne doit pas demander à ce qu’elles puissent devenir banquières ou courtières en assurances ou toute autre horreur de ce genre. Non, les femmes vraiment libérées, pour Franziska zu Reventlow, doivent incarner légèreté, beauté et joie, contrairement aux émancipées acariâtres que nous avons connues naguère, les “Emanzen” dont se moquent aujourd’hui les Allemands. Franziska les appelaient déjà les “sombres viragos” (“Die finstere Viragines”). Si les femmes libérées ne deviennent ni légères ni belles ni joyeuses le monde deviendra atrocement ennuyeux et sombrera dans la névrose, bannissant en même temps toute forme charmante d’érotisme.

Les “Cosmiques” de Schwabing

 

2-format43.jpg

Malgré le scandale que suscite ses positions féministes et libératrices, Franziska zu Reventlow demeure d’une certaine manière “conservatrice” car elle valorise le rôle de la femme en tant que mère biologique, dispensatrice de vie mais aussi d’éducation. La femme doit communiquer le sens de la beauté à ses enfants, les plonger dans le patrimoine littéraire de leur nation et de l’humanité toute entière. Cette double fonction, à la fois révolutionnaire et conservatrice, Franziska zu Reventlow la doit à sa fréquentation du cercle des “Cosmiques” de Schwabing, autour de Karl Wolfskehl et Stefan George, d’une part, d’Alfred Schuler et Ludwig Klages, d’autre part, avant la scission du groupe en deux clans bien distincts. Les “Cosmiques”, au nom d’une esthétique à la fois grèco-romaine, médiévisante et romantique, teintée de pré-raphaélisme et d’Art nouveau, présentaient tous les affects anti-industriels de l’époque, déjà repérables chez leurs prédécesseurs anglais; ils vont également renouer avec l’anti-rationalisme des premiers romantiques et manifester des affects anti-parlementaires: la raison conduit, prétendaient-ils, aux horreurs industrielles de la sur-urbanisation inesthétique et aux parlottes stériles des députés incultes, qui se prennent pour des émules de Socrate en n’émettant que de purs discours dépourvus de tous sentiments. Les “Cosmiques” toutefois ne renouent pas avec le christianisme romantique d’un Novalis, par exemple: ils déploient, surtout chez Schuler et Klages, une critique radicale du christianisme et entendent retourner aux sources païennes de la culture européenne pré-hellénique qu’ils appeleront “tellurique”, “chtonienne” ou “pélasgique”. Ce paganisme est, en filigrane, une révolte contre les poncifs catholiques du conservatisme bavarois qui n’abordent la spiritualité ou la “carnalité” de l’homme qu’en surface, avec la suffisance du pharisaïsme: pour les “Cosmiques”, “il existe des chemins sombres et secrets”, qu’il faudra redécouvrir pour redonner une “aura” à la culture, pour la ramener à la lumière. Franziska zu Reventlow, dans ses souvenirs de Schwabing, où elle se moque copieusement des “Cosmiques”, dont certains étaient tout-à-fait insensibles aux séductions de la féminité, que les hommes et les femmes qui emprunteront ces voies “sombres et secrètes” seront les initiés de demain, les “Enormes” (“Die Enormen”), tandis que ceux qui n’auront jamais l’audace de s’y aventurer ou qui voudront les ignorer au nom de conventions désuètes ou étriquées, seront les “Sans importance” (“Die Belanglosen”).

De Bachofen à Klages

Si Stefan George a été le poète le plus célèbre du groupe des “Cosmiques”, Ludwig Klages, qui se détachera du groupe en 1904, en a indubitablement été le philosophe le plus fécond, encore totalement inexploré aujourd’hui en dehors des frontières de la germanophonie. Figure de proue de ce qu’Armin Mohler a défini comme la “révolution conservatrice”, Klages ne basculera jamais dans une tentation politique quelconque; il étudiera Bachofen et Nietzsche, fusionnera leur oeuvre dans une synthèse qui se voudra “chtonienne” ou “tellurique”, tout en appliquant ses découvertes philosophiques à des domaines très pratiques comme la science de l’expression, dont les chapitres sur la graphologie le rendront mondialement célèbre. La postérité a surtout retenu de lui cette dimension de graphologue, sans toutefois vouloir se rappeler que la graphologie de Klages est entièrement tributaire de son interprétation des oeuvres de Bachofen et Nietzsche. En effet, Klages a été l’un des lecteurs les plus attentifs du philosophe et philologue bâlois Bachofen, issu des facultés de philologie classique de Bâle, tout comme Nietzsche. Klages énonce, suite à Bachofen, une théorie du matriarcat primordial, expression spontanée et non détournée de la Vie mouvante et fluide que le patriarcat a oblitéré au nom de l’Esprit, censé rigidifier les expressions vitales. L’histoire du monde est donc une lutte incessante entre la Vie et l’Esprit, entre la culture (matriarcale) et la civilisation (patriarcale). Alfred Schuler, mentor de Klages mais qui n’a laissé derrière lui que des fragments, mourra lors d’une intervention chirurgicale en 1923; Klages s’exilera en Suisse, où il décédera en 1956, après avoir peaufiné son oeuvre qui attend encore et toujours d’être pleinement explorée dans diverses perspectives: écologie, géophilosophie, proto-histoire, etc. Quant à Franziska zu Reventlow, elle quittera Munich pour une autre colonie d’artistes basée à Ascona en Suisse, une sorte de nouveau Schwabing avec, en plus, l’air tonifiant des Alpes tessinoises. Elle y mourra en 1918.

Thomas Mann patriote

La guerre de 1914 balaie le monde de Schwabing, que les conservateurs aigris voulaient voir disparaître, pour qu’il ne puisse plus les ridiculiser. Bon nombre d’artistes s’engagent dans l’armée, dont le poète Richard Dehmel et les peintres August Macke et Franz Marc (du groupe “Blauer Reiter”, le “Cavalier bleu”) qui, tous deux, ne reviendront pas des tranchées. Le “Simplicissimus” cesse de brocarder cruellement les officiers, ces “analphabètes en uniforme”, et les généraux, ces “sombres simplets”, et devient un organe patriotique intransigeant, sous prétexte qu’en temps de guerre, quand la patrie est en danger, “les muses doivent se taire” et qu’il faut participer “à une guerre qui nous est imposée” et “au combat pour défendre la culture menacée par l’étranger (belliciste)”. Thomas Mann participe à l’effort de guerre en opposant la culture (vivante, tirée d’un humus précis) à la civilisation dans un opuscule patriotique intitulé “Gedanken im Kriege” (“Idées en temps de guerre”). La culture (allemande) pour Mann, en cette fin août 1914, est “homogénéité, style, forme, attitude et bon goût”. Quant à la “civilisation”, représentée par l’Ouest, elle est “rationalité (sèche), esprit des Lumières, édulcoration, moralisme, scepticisme et dissolution”. La tâche de l’Allemagne, dans cette guerre est de défendre la fécondité vitale de la culture contre les attaques de la civilisation qui entend “corseter” les âmes, leur faire perdre leurs élans, édulcorer la littérature et la musique qui ne peuvent se développer que sur un terreau “culturel” et non “civilisationnel”. Ces idées nationales de Thomas Mann sont consignées dans “Betrachtungen eines Unpolitischen” (“Considérations d’un apolitique”). Son frère Heinrich Mann, en revanche, plaidait pour une civilisation marquée par l’humanisme de Zola, adepte d’une justice pour chaque individu, au-delà de toute institution ou cadre politique, un Zola qui s’était précisément hissé, lors de l’affaire Dreyfus, au-dessus des institutions politiques de la France: pour Heinrich, Thomas aurait dû prendre une position similaire à l’auteur du “J’accuse” et se hisser au-dessus de l’idée patriotique et de l’Etat semi-autoritaire du wilhelminisme. A partir des années vingt, les deux frères se réconcilieront sur base des idées “occidentales” de Heinrich.

Noire vision spenglerienne

Oswald Spengler était revenu à Munich en 1911, après y avoir passé une année d’étude en 1901: toujours amoureux de la ville bavaroise, il était cependant déçu en s’y réinstallant. Il ne retrouvait plus intact le style classique de Louis I, y découvrait en revanche “l’ornementalisme imbécile” de l’“Art Nouveau” et les “escroqueries expressionnistes”, toutes expressions du déclin qui affecte l’Europe entière. Pour Spengler, qui s’apprête à rédiger sa somme “Der Untergang des Abendlandes”, les affres de décadence qui marquent Munich sont autant de symboles du déclin général de l’Europe, trop influencée par les idées “civilisatrices”. Pour Spengler, la transition entre, d’une part, la phase juvénile que constitue toute culture, créatrice et d’abord un peu fruste, et, d’autre part, la phase sénescente de la civilisation, s’opère inéluctablement, comme une loi biologique et naturelle. Les hommes —les porteurs et les vecteurs de culture vieillissants— se mettent à désirer le confort et le raffinement, abandonnent les exigences créatrices de leur culture de départ, n’ont plus la force juvénile d’innover: tous les peuples d’Occident subiront ce processus de sénescence pour en arriver d’abord à un stade de lutte planétaire entre “pouvoirs césariens”, ensuite à un stade d’uniformité généralisée, à une ère des masses abruties, parquées dans des villes tentaculaires, dont l’habitat sera constitué de “casernements” sordides et sans charme. Ces masses recevront, comme dans le Bas-Empire, du pain et des jeux. Tel est, en gos, le processus de déclin que Spengler a voulu esquisser dans “Der Untergang des Abendlandes”.

Le déclin de Munich et de toute l’Europe était donc en germe avant le déclenchement de la première grande conflagration intereuropéenne. La guerre accélère le processus. Au lendemain de l’armistice de novembre 1918, nous aurons donc affaire à un autre Munich et à une autre Europe. Une autre histoire, bien différente, bien plus triste, pouvait commencer: celle de l’après-Schwabing. Avant d’assister à la lutte plénétaire entre les nouveaux Césars (Hitler, Staline, Churchill, Roosevelt). Après la victoire du César américain, l’ère des masses abruties par la consommation effrénée et par le confort matériel a commencé. Nous y sommes toujours, malgré les ressacs dus aux crises: l’aura des Cosmiques n’élit plus personne. Les masses abruties sont là, omniprésentes. Les villes tentaculaires détruisent les cultures, au Japon, au Mexique, en Afrique. Et pas seulement en Europe et en Amérique du Nord. Les jeux virtuels sont distribués à profusion. Spengler avait raison.

Robert Steuckers.

(Forest-Flotzenberg, Vlotho im Wesergebirge, été 2002).

mardi, 29 octobre 2013

Spengler e l’anima russa

estland3_aleksander_nevski_.jpg

Spengler e l’anima russa

La Russia antica e la “pseudomorfosi” illuminista

Autore:

Ex: http://www.centrostudilaruna.it/

OswaldSpengler.jpgNel Tramonto dell’Occidente[1], Oswald Spengler si sofferma ampiamente sulle peculiarità dell’anima russa. Tale analisi è collocata nella seconda parte dell’opera, che si intitola “Prospettive della storia mondiale[2], la prima parte essendo dedicata a “Forma e realtà”, ove delinea la sua visione ciclica della storia, definisce l’“anima” di ogni civiltà, con le famose fasi, l’una ascendente (Kultur) e l’altra  discendente (Zivilisation) di ogni ciclo storico, per poi tracciare una morfologia comparata delle civiltà che offre un grande scenario di macrostoria [3].

Altrettanto interessante e stimolante è l’applicazione del metodo comparativo spengleriano per studiare e decifrare l’affinità morfologica che connette interiormente la lingua delle forme di tutti i domini interni ad una data civiltà, dall’arte alla matematica alla geometria, al pensiero filosofico e al linguaggio delle forme della vita economica, essa stessa espressione di una data “anima”, ossia di un “sentimento del mondo” che contraddistingue un certo tipo di sensibilità.

In questa prospettiva, anche i fatti politici, assumono il valore di potenti simboli; per Spengler occorre saper cogliere che cosa significa il loro apparire, l’ “anima” di cui essi sono espressione.

Pseudomorfosi

Nella seconda parte dell’opera, l’Autore colloca lo studio dell’anima russa nel capitolo sulle pseudomorfosi storiche ed è partendo da questa categoria spengleriana che si può comprendere il suo modo di descrivere il mondo russo.

il-tramonto-dell-occidentePer spiegare la pseudomorfosi, Spengler parte da una nozione di mineralogia. Egli attinge  ad un fenomeno naturale per spiegare e definire un fenomeno storico, in ciò accogliendo un procedimento di osservazione scientifico-naturalistico tipico di Goethe, al quale esplicitamente si richiama nella prima parte della sua opera.

Si supponga uno strato di calcare che contenga cristalli di un dato minerale. Si producono crepacci e fessure; l’acqua si infiltra e a poco a poco, passando, scioglie e porta via i cristalli, di modo che nel conglomerato non restano più che le cavità da essi occupate. Sopravvengono fenomeni vulcanici che fendono la montagna; colate di materiale incandescente penetrano negli spacchi, si solidificano e danno luogo ad altri cristalli. Ma esse non possono farlo in una forma propria: sono invece costrette a riempire le cavità preesistenti, e così nascono forme falsate, nascono cristalli nei quali la struttura interna contraddice  la conformazione esterna, un dato minerale apparendo ora sotto le specie esteriori di un altro. E’ ciò  che i mineralogisti  chiamano pseudomorfosi[4].

Dalla nozione di mineralogia passa quindi alle pseudomorfosi storiche.

Chiamo pseudomorfosi storiche i casi nei quali una vecchia civiltà straniera grava talmente su di un paese che una civiltà nuova, congenita a questo paese, ne resta soffocata e non solo non giunge a forme sue proprie e pure di espressione, ma nemmeno alla perfetta coscienza di sé stessa. Tutto ciò che emerge dalle profondità di una giovane animità va a fluire nelle forme vuote di una vita straniera; una giovane sensibilità si fissa in opere annose e invece dell’adergersi in una libera forza creatrice nasce soltanto un odio sempre più vivo per la costrizione che ancora si subisce da parte di una realtà lontana nel tempo”[5].

Di questo fenomeno Spengler ci offre vari esempi quali la civiltà araba – che egli fa risalire,  come sentimento del mondo, al III secolo a.C. – che fu costretta e soffocata nelle forme di una civiltà straniera, quale quella macedone col suo relativo dominio (impresa di Alessandro Magno e civiltà ellenistica).

Non è questa la sede per esaminare la pseudomorfosi araba, perché tale tema ci porterebbe lontano, considerando la peculiarità della visione storica spengleriana, rispetto allo specialismo della storiografia occidentale del suo tempo con la quale egli polemizza e argomenta in modo approfondito.

Altra pseudomorfosi è quella che inizia con la battaglia di Azio del 31 a. C.

Qui non si trattò di una lotta per la supremazia della romanità o dell’ellenismo; una lotta del genere era stata già combattuta a Canne e a Ama, ove ad Annibale toccò il destino tragico di battersi non per la sua patria bensì per l’ellenismo. Ad Azio la nascente civiltà araba si trovò di fronte alla civilizzazione antica senescente. Si doveva decidere il trionfo dello spirito apollineo o di quello magico, degli dei o del Dio, del principato o del califfato. La vittoria di Antonio avrebbe liberato l’anima magica; invece la sua sconfitta ebbe per conseguenza che sul paesaggio di tale anima si riaffermarono le rigide, disanimate strutture del periodo imperiale”[6].

Pseudomorfosi russa

Un ulteriore esempio di pseudomorfosi ce lo offre la Russia di Pietro il Grande. L’anima russa originaria si esprime nelle saghe di Kiev riguardanti il principe Vladimiro (verso il 1000 d. C.) con la sua Tavola Rotonda e l’eroe popolare Ilja di Muros. Qui il pensatore tedesco coglie l’immensa differenza fra anima russa e anima faustina (ossia quella europea tesa verso l’infinito e simboleggiata dalle cattedrali gotiche) nel divario che intercorre fra tali poemi slavi e quelli sincronici – rispetto ad essi – della saga di Malthus e dei Nibelunghi del periodo delle invasioni “nella forma dell’epica di Ildebrando[7].

Il periodo “merovingio” russo (ossia il periodo aurorale) inizia con la liberazione dal dominio tartaro di Ivan III (1480) e si sviluppa attraverso gli ultimi Rurik e i primi Romanov fino a Pietro il Grande (1689-1725). Esso corrisponde al periodo che va, in Francia, da Clodoveo(465-511) fino alla battaglia di Testry (687) con la quale i Carolingi si assicurano il potere  effettivo. Spengler coglie qui un’affinità morfologica.

albe-e-tramonti-deuropaA questo periodo moscovita delle grandi stirpi bojare e dei patriarchi, durante il quale un partito della Vecchia Russia lottò continuamente contro gli amici della civiltà occidentale, segue, con la fondazione di Pietroburgo (1703) la pseudomorfosi, la quale impose all’anima russa primitiva le forme straniere dell’alto Barocco, poi quelle dell’illuminismo e infine quelle del diciannovesimo secolo. Pietro il Grande fu fatale per la civiltà russa. Si pensi alla sua corrispondenza “sincronica”, a Carlomagno, che metodicamente e con tutte le sue energie attuò ciò che Carlo Martello pochi anni prima aveva scongiurato con la sua vittoria sugli Arabi; il sopravvento dello spirito mauro-bizantino”[8]

Nella visione spengleriana, Pietro il Grande impone alla Russia una forma che non le è congeniale, che è lontana dallo spirito contadino, antico, mistico e religioso della Vecchia Russia. Carlomagno avrebbe mutuato in Occidente una forma mauro-bizantina (l’Impero, la struttura gerarchizzata sul modello romano-orientale) che non sarebbe stata congeniale all’Europa dell’alto  Medio Evo (adopero questa periodizzazione per farmi intendere, anche se essa non è affatto spengleriana).

Qui lo studioso tedesco introduce una riflessione che è di rilievo centrale e che contribuisce a far comprendere anche la storia della Russia contemporanea.

Lo zarismo primitivo di Mosca è l’unica forma che ancor oggi sia conforme alla natura russa, ma esso a Pietroburgo fu falsato nella forma dinastica propria all’Europa occidentale. La tendenza verso il Sud sacro, verso Bisanzio e Gerusalemme, profondamente radicata in tutte le anime greco-ortodosse, si trasformò in una diplomazia mondana, in uno sguardo rivolto verso l’Occidente … Furono importate arti e scienze tarde, l’illuminismo, l’etica sociale, il materialismo cosmopolita, benché in questo primo periodo del ciclo russo la religione fosse l’unica lingua nella quale ognuno comprendeva se stesso e comprendeva il mondo[9].

Questa imposizione di un modello straniero generò un sentimento di odio “davvero apocalittico” contro l’Europa, intendendo con tale termine tutto quanto non era russo, anche Roma e Atene, insomma l’Occidente nella varietà ed anche nell’antichità delle sue manifestazioni.”La prima condizione a che il sentimento nazionale russo si liberi è odiare Pietroburgo con tutto il cuore e con tutta l’anima” scriveva Aksakoff a Dostoevskij.

In altri termini, Mosca è sacra, Pietroburgo è Satana e Pietro il Grande, in una leggenda popolare, viene presentato come l’Anticristo[10].

Tolstoi e Dostoevskij

Per Spengler, se si vogliono comprendere i due grandi interpreti della pseudomorfosi russa, occorre vedere in Dostoevskij il contadino, in Tolstoi l’uomo cosmopolita.

L’uno non poté mai liberarsi interiormente dalla campagna, l’altro la campagna, malgrado ogni suo disperato sforzo, non riusci mai a ritrovarla[11].

Qui la lettura di Spengler diviene dirompente e innovativa, con tratti tipici da “rivoluzione conservatrice.

Egli considera, infatti, Tolstoi come la Russia del passato e Dostoevskij come simbolo della Russia dell’avvenire, il che equivale a dire che l’anima contadina antica della Russia, l’anima legata al sentimento delle radici e delle tradizioni, rappresenta l’avvenire, mentre lo spirito cosmopolita e illuminista, di stampo occidentale moderno, è destinato a tramontare.

Peraltro, questa spirito cosmopolita era profondamente divorato da un odio viscerale contro un’Europa moderna da cui non poteva liberarsi, essendovi profondamente legato. In altri termini, una sorta di amore/odio verso l’Europa.

Tolstoi odiò potentemente l’Europa da cui non poteva liberarsi. Egli l’odiò in sé stesso e odiò se stesso. Per questo fu il padre del bolscevismo[12]..

Dostoevskij, al contrario, non nutrì un tale odio ma un fervido amore per tutto ciò che è occidentale, nel senso delle antiche radici culturali dell’Europa.

Un simile odio Dostoevskij non lo conobbe. Egli nutrì un amore altrettanto fervido per tutto quello che è occidentale. “Io ho due patrie, la Russia e L’Europa”[13]. Questa affermazione dello scrittore russo è molto sintomatica delle sue inclinazioni. Spengler passa poi a citare un brano del romanzo I Fratelli Karamazov che è molto eloquente circa quello che lo scrittore russo intende per richiamo interiore verso l’Europa.

“Partirò per l’Europa – dice Ivan Karamazov al fratello Alioscia – io so di non andare che verso un cimitero, ma so anche che questo cimitero mi è caro, che è il più caro di tutti i cimiteri. I nostri sacri morti sono seppelliti  là, ogni pietra delle loro tombe parla di una vita passata così fervida, di una fede così appassionata nelle azioni che hanno compiute, nelle loro verità, nelle loro lotte e nelle loro conoscenze che io, lo so di già, mi prosternerò per baciare quelle pietre e per piangere su di esse[14]

L’Europa, per Dostoevskij, è quella delle radici antiche, della memoria storica, dell’identità, degli avi, delle antiche fedi e delle antiche lotte. In altri termini, l’Europa non è quella dell’illuminismo cui guardava Pietro il Grande, ma esattamente il contrario.

Mentre Tolstoi si muove nell’ottica dell’economia politica e dell’etica sociale, in una dimensione intellettualistica, tipicamente occidentale e moderna, Dostoevskij era al di là delle categorie occidentali, comprese quelle di rivoluzione e di conservatorismo.

Per lui fra conservatorismo e rivoluzione – scrive Spengler – non vi era differenza alcuna: entrambi erano per lui fenomeni occidentali. Lo sguardo di una tale anima si librava di là da tutto quanto è sociale. Le cose di questo mondo gli apparivano così insignificanti, che egli non dette alcuna importanza al tentativo di migliorarle. Nessuna vera ragione vuole migliorare il mondo dei fatti. Come ogni vero Russo, Dostoevskij un tale mondo non lo nota affatto: gli uomini come lui vivono in un secondo mondo, in un mondo metafisico esistente di là da esso. Che cosa hanno a che vedere i tormenti di un’anima col comunismo?[15]

Spengler conclude asserendo che “il Russo autentico è un discepolo di Dostoevskij benché non lo abbia letto, anzi proprio perché non sa leggere. Lui stesso è un pezzo di Dostoevskij[16]

Per Spengler il cristianesimo sociale di Tolstoi era intriso di marxismo; Tolstoi parlava di Cristo ma intendeva Marx, mentre “al cristianesimo di Dostoevskij appartiene invece il millennio che viene”[17]

la-foresta-e-la-steppaL’analisi spengleriana si proietta nel futuro, anticipando di circa un secolo gli sviluppi della storia russa, in un momento storico in cui trionfava il bolscevismo e tutto sembrava andare in direzione contraria. Il punto è capire cosa intenda Spengler per “cristianesimo  di Dostoevskij”. Lo studioso tedesco ha fatto riferimento a questa vocazione mistica che trascende il mondo dei fenomeni, dei fatti, ai quali l’anima russa non attribuisce un valore decisivo, il mondo metafisico essendo l’oggetto di interesse centrale e prioritario.

L’immensa differenza fra anima faustiana e anima russa si tradisce già nel suono di certe parole.  Il termine russo per cielo è njèbo ed è negativo nel suo n. L’uomo d’Occidente volge il suo sguardo verso l’alto, mentre il Russo fissa i lontani orizzonti. Occorre dunque vedere la differenza dell’impulso verso la profondità dell’uno e dell’altro nel fatto che nel primo esso è una passione di penetrare da ogni lato nello spazio infinito, nel secondo è un esteriorizzarsi fino a che l’elemento impersonale nell’uomo si faccia uno con la pianura senza fine…La mistica russa non ha nulla di quel fervore, proprio al gotico, a Rembrandt, a Beethoven, che si porta verso l’alto e che può svilupparsi fino ad un giubilo che invade il cielo. Qui Dio non è la profondità azzurra delle altezze. L’amore mistico russo è quello della pianura, quello verso fratelli che subiscono lo stesso giogo, sempre nella direzione terrestre; è quello per i poveri animali tormentati che vagano sulla terra,  per le piante, mai per gli uccelli, per le nubi e per le stelle[18].

Il cristianesimo russo-ortodosso è, dunque, per Spengler, un misticismo della Madre Terra, dell’immensa pianura, degli spazi sconfinati.

Fra Spengler e Steiner

Introduco qui alcune mie riflessioni. Questa pianura sconfinata è geograficamente -  e simbolicamente -  un ponte fra Oriente e Occidente. La Russia è una terra che sente storicamente il richiamo di Bisanzio, ossia dell’Impero Romano d’Oriente, come ho dimostrato nei miei contributi su Toynbee e su Zolla ed il loro modo di intendere l’anima russa e i suoi archetipi.

La Russia risente, però, anche di influssi spirituali e culturali spiccatamente orientali.

Un fenomeno che merita di essere osservato con attenzione è quello dell’attuale diffusione del buddhismo in Russia (di cui abbiamo testimonianze e riscontri anche qui in Italia presso i centri buddhisti frequentati dai russi provenienti direttamente dalla loro terra), particolarmente di quello tibetano che, nella sua iconografia e nel suo simbolismo, è segnato da figure luminose, da un senso di chiarità e di Luce spirituale che tradisce anche antiche influenze iraniche, come Filippani Ronconi ha evidenziato in Zarathustra e il Mazdeismo [19].

Questa “mistica della Luce” (adopero qui tale termine in un senso lato, non tecnico) si incontra necessariamente col misticismo della Madre Terra, con propensioni tipiche dell’anima slava.

È a questo punto che va considerata la previsione di Rudolf Steiner, secondo il quale in Russia rinascerà la religione di Zarathustra[20] , ossia una nuova mistica della Luce ed un nuovo sentimento del mondo, quello della lotta fra Luce e Tenebre nella storia, nella dimensione terrena, in forme adatte ad un ben diverso contesto storico, etnico e geografico rispetto a quello in cui maturò la riforma spirituale del Profeta iranico. Nella morfologia delle civiltà di Steiner la civiltà russa sarebbe la sesta civiltà – quella del futuro – dopo le prime cinque (Indiana, Iranica, Egizio-Caldaica-Babilonese, greco-romana, anglo-tedesca) che nel loro susseguirsi denotano una sorta di movimento pendolare da est ad ovest e poi di nuovo verso est. Una tale previsione sulla rinascita della religione di Zarathustra può avere una sua plausibilità ove si consideri appunto la posizione di ponte che la terra russa ha fra Oriente e Occidente e quindi simbolicamente di collegamento, di raccordo spirituale e culturale.

Il bolscevismo aveva significato, per un arco di 70 anni, una interruzione nella comunicazione spirituale fra Oriente e Occidente, un blocco materialistico, nel che può vedersi l’azione di influenze non meramente profane, secondo quella dimensione di profondità della storia che è tipica del “metodo tradizionale”di cui Evola ha parlato ampiamente in Rivolta contro il mondo moderno e sul quale chi scrive è tornato ampiamente ne I Misteri del Sole.

Un tale culto della Luce, ove un domani dovesse diffondersi, dovrà necessariamente innestarsi sul “sentimento della pianura” costitutivo dell’anima russa, per dirla con Spengler, e cogliere nella Madre Terra – la “Santa Madre Russia” – il teatro di una lotta fra Luce e Tenebre, fra Verità e Menzogna, fra elevazione dello spirito e demonìa della materia e dell’economia.

Si colgono, in definitiva, i primi segni premonitori – dal Buddhismo al rilancio dell’Ortodossia – dell’affiorare graduale di una nuova “forma spirituale” che ha profonde connessioni col risveglio del sentimento nazionale russo, di un forte senso delle proprie tradizioni e della propria identità che si esprime oggi nella linea politica di Putin e nel suo rilancio del ruolo di grande potenza della Russia, della sua proiezione mediterranea, del suo interagire e fare blocco con le nazioni del BRICS.

La stessa legislazione contraria alla propaganda dei gay, il rifiuto di Putin a dare i bambini russi in adozione alle coppie gay in Occidente, il forte richiamo alla tradizione religiosa russo-ortodossa, l’opposizione al “politicamente corretto”, sono tutti fatti politici sintomatici di un risveglio dell’anima russa, quella antica, interpretata e sentita da Dostoevskij.

I fatti politici, come diceva Spengler, vanno letti nella loro valenza simbolica, cogliendo i fermenti profondi di cui essi sono espressione e cercando d’intuire e anticipare le linee di tendenza che essi prefigurano.


[1] L’opera è del 1917 in prima edizione; la traduzione che ho consultato e studiato fa riferimento alla seconda edizione del 1923.

[2] O.Spengler, Il Tramonto dell’Occidente, Guanda, Parma, 1991, p. 653 ss.

[3] Id., op.cit., p. 89 ss.

[4] Id., op.cit., p.927.

[5] Id., op.cit., pp.927-928

[6] Id., op .cit., pp. 930-931.

[7] Id., op.cit., p.932.

[8] Id., op.cit., p.932.

[9] Id., op.cit., pp.932-933.

[10] Id., op.cit., p. 934.

[11] Id., op.cit., p.934.

[12] Id., op.cit., p. 936.

[13] Id., op.cit., p. 936

[14] Id., op.cit., p.936.

[15] Id., op.cit., p.937.

[16] Id., op.cit., p. 939.

[17] Id., op.cit., p.939.

[18] Id., op.cit., nt.178,  pp.1459-1460.

[19] P. Filippani Ronconi, Zarathustra  e il Mazdeismo, Irradiazioni, Roma, 2007.

[20] R. Steiner, Miti e Misteri dell’ Egitto rispetto alle forze spirituali attive nel presente, Antroposofica, Milano, 2000.

samedi, 19 octobre 2013

Rivoluzione conservatrice

révolution conservatrice,allemagne

Rivoluzione conservatrice

Rivoluzione conservatrice

Questa sezione multilingue ospita pagine sulla rivoluzione conservatrice europea e il pensiero dei suoi maggiori esponenti.


Robert Steuckers, Une biographie de Carl Schmitt

 

 

 

 

 

 

 

 

Robert Steuckers, Evola and Spengler

 

 

 

 

 

 

 

Luca Leonello Rimbotti, La resurrezione europea

 

 

 

 

 

 

Gianfranco de Turris, Evola lettore di Spengler

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Alfonso Piscitelli, In morte di Armin Mohler

 

 

Arthur Moeller van den Bruck, Bemerkungen über Dostojewski

 

 

Luca Leonello Rimbotti, La mistica del primordiale

 

 

Julius Evola, Lettera a Ernst Jünger

 

Giovanni Sessa, La rivoluzione dei persuasi

 

Claudio Mutti, Guerra e poesia

 

Hermann Löns, Il fiume rosso

 

 

 

Julius Evola, Brief an Carl Schmitt

 

 

 

 

Gianfranco de Turris, Evola e Jünger

 

 

 

 

 

 

 

 

Christian Bouchet, Adieu à Jean Mabire

 

 

Alberto Lombardo, Ancora Ernst Jünger

jeudi, 17 octobre 2013

Die Geburt der Moderne

342649850.jpg

Die Geburt der Moderne

von Benjamin Jahn Zschocke

Ex: http://www.blauenarzisse.de

 

9783898094016.jpgDer Nationalsozialismus ist der absolute Fixpunkt der deutschen Geschichte – wirklich alles ballt sich zu ihm hin. Alle zeitlich daran angrenzenden Epochen verschwinden in seinem Schatten.

Der in Chemnitz lehrende Professor für Europäische Geschichte des 19. und 20. Jahrhunderts Frank-​Lothar Kroll ist dafür bekannt, eine mittelbar an diese Zeit angrenzende Epoche, nämlich das Deutsche Kaiserreich von 1871 bis 1918, dankenswerter Weise aus diesem Schatten hervorzuholen. Unter Zuhilfenahme aller verfügbaren historischen Quellen betrachtet er diese Epoche so, wie sie war und nicht, wie sie laut der verengten Sichtweise eines „deutschen Sonderweges“ – bei einem gleichzeitig angenommenen „westeuropäischen Normalweg“ – gewesen sein soll.

Ein umfassendes Update der Quellenlage

Krolls aktuellstes Werk Geburt der Moderne. Politik, Gesellschaft und Kultur vor dem Ersten Weltkrieg unternimmt auf reichlich 200 Seiten den Versuch, einen Gesamtüberblick über die gesellschaftlichen Entwicklungslinien zwischen 1900 und 1914 zu geben. Da dies in solcher Kürze fast unmöglich scheint, verzichtet Kroll auf alle narrativen Elemente und gibt dem Leser in höchster Komprimierung sozusagen ein Update der aktuellen Quellenlage, in deren Ergebnis die Annahme des besagten „deutschen Sonderweges“ ebenso definitiv zu den Akten gelegt werden muß, wie das „persönliche Regiment“ unseres letzten Kaisers Wilhelm II.

Die seit gut fünfzig Jahren praktizierte „germanozentrische“ Herangehensweise gelangt bei Kroll ebenfalls auf die Deponie. Vielmehr gehört der historische Blickwinkel nach seinem Verständnis auf eine europäische Dimension geweitet, was allein angesichts der verästelten außenpolitischen Bündnisse dieser Epoche gar nicht anders möglich ist.

Doch Krolls Schwerpunkt liegt in diesem Buch definitiv nicht auf dem Ersten Weltkrieg: ungleich mehr interessiert ihn der kulturelle und soziale Entwicklungsstand eines Landes, das zur damaligen Zeit das fortschrittlichste der Welt war. Krolls große Stärke ist es, nicht nach Belieben zu werten, sondern nüchtern Fakten um Fakten vorzutragen und damit großkalibrig gegen die an deutschen Gymnasien, Universitäten und in den Medien herrschende Guido Knopp-​Mentalität vorzugehen.

Kultureller Vorreiter des Kontinents

Besonders der kulturelle Schwerpunkt reizt an Krolls Buch. Die titelgebende These, nach der die Moderne bereits zwischen 19001914 unter Wilhelm II. ihren Anfang nahm sowie erste Schwerpunkte herauskristallisierte – und damit nicht erst in den gepriesenen (dekadenten und auf Kredit finanzierten) so genannten Goldenen Zwanzigern – macht die Lektüre besonders empfehlenswert. Walther Rathenau schrieb schon 1919 in seinem Text Der Kaiser: „Für Kunst lag [beim Kaiser, Anm. BJZ] eine entschiedene formale Begabung zugrunde, die in rätselhafter Weise über die kunstfremde Umgebung emporhob […]. So ergab sich von selbst der Anspruch des künstlerischen Oberkommandos.“

Unter anderem am Beispiel der Kulturreform aber auch der Jugendbewegung arbeitet Kroll heraus, welche in Europa zur damaligen Zeit einmalige Fülle an verschiedenartigsten Kulturinstitutionen entstand und sich in aller Ruhe, teils sogar mit erheblichen Finanzspritzen, entwickeln konnte. Am bekanntesten sind auf dem Gebiet der Kunst wohl die Strömungen des Jugendstils, des Expressionismus und des Impressionismus, die zwischen 19001914 ihren Anfang nahmen. Besonders mit Blick auf Letzteren lohnt ebenso die Lektüre des bereits 1989 bei Königshausen & Neumann erschienenen Werkes von Josef Kern Impressionismus im Wilhelminischen Deutschland.

Weimars Probleme im Voraus erkannt – und behoben

Der oben mit „Guido Knopp-​Mentalität“ zusammengefaßten Erscheinung heutiger Geschichtsschreibung (eigentlich politischer Bildung), tritt Kroll mit aller Entschiedenheit entgegen: Erhellend sind zum Beispiel seine Erkenntnisse auf dem Gebiet der Presse– und Parteienlandschaft. Er spricht hier von einem „beispiellosen Pluralismus“. Außerdem wird die vielzitierte, himmelschreiende Armut der späten Phase der Industrialisierung (auf die im gymnasialen Geschichtsunterricht „zufällig“ eine monatewährende Behandlung der deutschen Arbeiterbewegung folgt) als Ammenmärchen enttarnt: „Wirkliche Massenarmut, die zur Verelendung trieb, gab es im wilhelminischen Deutschland – anders als im viktorianischen und edwardianischen England – nicht, wenngleich, die Mehrheit der Arbeiterschaft von sehr bescheidenen Einkommen zehrte.“

Am schwerwiegendsten sind, mit Blick auf den anfangs benannten Schatten einer gewissen Epoche wohl Krolls Feststellungen zum angeblich durch und durch judenfeindlichen Deutschland unter Wilhelm II.: „Die unmissverständliche Zurückweisung solcher Zumutungen seitens des Kaisers und der Reichsregierung verdeutlichte einmal mehr, dass im ‚ausgleichenden Klima des wilhelminischen Obrigkeitsstaates‘ dem politischen Einfluss radikalisierter Massen und Massenbewegungen, anders als in den späten Jahren der Weimarer Republik, enge Grenzen gesetzt waren.“

An anderer Stelle wird Kroll noch deutlicher: „Dass sich die Mobilisierung antisemitischer Ressentiments in Deutschland – und nicht etwa in Frankreich, wo sie vor und nach der Jahrhundertwende weitaus stärker verbreitet waren – Jahrzehnte später zu einer parteipolitischen Massenformation verdichten und schließlich in die Katastrophe des ‚Dritten Reiches‘ einmünden sollte, lag, bei aller partiell vorhandenen gesellschaftlichen Diskriminierung der rechtlich gleichgestellten Juden im Kaiserreich, nicht an strukturellen Defiziten oder Defekten des vermeintlichen wilhelminischen Obrigkeitsstaates. Eigentliche Ursache waren vielmehr die fatalen Konsequenzen der militärischen und politischen Niederlage Deutschlands im Ersten Weltkrieg.“

Hörenswerte Audio-​Rezension bei Deutschlandradio Kultur.

Frank-​Lothar Kroll: Geburt der Moderne. Politik, Gesellschaft und Kultur vor dem Ersten Weltkrieg. Band 1 der Reihe Deutsche Geschichte im 20. Jahrhundert. 224 Seiten, Be.Bra Verlag 2013. 19,90 Euro.

Josef Kern: Impressionismus im Wilhelminischen Deutschland. Studien zur Kunst– und Kulturgeschichte des Kaiserreichs. 476 Seiten, Königshausen & Neumann Verlag 1989. 50,00 Euro.

mercredi, 16 octobre 2013

Armin Mohler und die Freuden des Rechtsseins

Armin Mohler und die Freuden des Rechtsseins

Martin Lichtmesz

Ex: http://www.sezession.de

arminmohler.jpgVor mir liegt ein frisch gedrucktes Büchlein, das mich wieder daran erinnert, was für eine große geistige Freude das „Rechtssein“ machen kann. Fast hätte ich es schon vergessen. Aber irgendeinen guten Grund muß ein Mensch ja haben, warum er sich all den Ärger antut, der damit einhergeht, nicht im linken Schafswolfsrudel mitzuheulen bzw. zu -blöken.

Die Rede ist von dem Kaplaken-Band „Notizen aus dem Interregnum“ [2], der dreizehn Kolumnen versammelt, die Armin Mohler [3] im Laufe des Jahres 1994 für die damals noch junge Junge Freiheit schrieb. Diese war eben auf das wöchentliche Format umgestiegen, und stand am Anfang ihres Siegeszuges als wichtigstes Organ und Sammelbecken der deutschen Rechten und Konservativen. Letzteres sind Begriffe, die Mohler meistens synonym oder alternierend gebrauchte, auch wenn es viele Rechte gibt, die sich nicht als „konservativ“ und viele Konservative, die sich nicht als „rechts“ betrachten. Außerhalb ihrer Milieus interessiert das allerdings bekanntlich keine Sau.

Die „Notizen“ sind, wie Götz Kubitschek im Nachwort formuliert, in einem „didaktisch-drängenden Ton“ verfaßt. Der 74jährige Mohler, einer der bedeutendsten Köpfe des deutschen Nachkriegskonservatismus, wollte mit seinen Kolumnen eine Art Orientierungshilfe, einen „Crash-Kurs“ im „Rechtssein“ bieten. So behandelte er noch einmal die Begriffe und Positionen, die in seinem Werk immer wiederkehren. Seine zentrale Formel war diese:

Bekannt ist der kokette Spruch: Wer nicht einmal links (oder wenigstens liberal) war, der wird kein richtiger Rechter. Der Schreibende hat jedoch Freunde, auf die das nicht zutrifft. Er sagt darum lieber: ein Rechter wird man durch eine Art von »zweiter Geburt«. Man hat sie durchlebt, wenn man sich – der eine früher, der andere später – der Einsicht öffnet, daß kein Mensch je die Wirklichkeit als Ganzes zu verstehen, zu erfassen und zu beherrschen vermag. Diese Einsicht stimmt manchen melancholisch, vielen aber eröffnet sie eine wunderbare Welt. Jedem dieser beiden Typen erspart sie, sein Leben mit Utopien, diesen Verschiebebahnhöfen in die Zukunft zu verplempern.

Das leuchtet wohl jedem unmittelbar ein, der die Erfahrung gemacht hat, daß eine zu eng gefaßte Weltanschauung blind für die Wirklichkeit machen kann, die nach einem Wort von Joachim Fest „immer rechts steht“. Ein Gitter von Abstraktionen verhindert, daß man sie sieht, wie sie ist (insofern man das eben mit seinen – stets beschränkten – Mitteln kann), daß man ihre Komplexität und Widersprüchlichkeit wahrnimmt und akzeptiert. (Damit ist aber nicht die typisch linke Rede von der „Komplexität“ gemeint, die genau auf das Gegenteil abzielt, nämlich eine Wahrnehmungschwäche kaschiert und sich um eine Entscheidung drücken will.)

Der von Mohler hochgeschätzte österreichische Schriftsteller Heimito von Doderer sprach an dieser Stelle gerne griffig von den „All-Gemeinheiten“ und von der „Apperzeptionsverweigerung“, einer nicht selten willentlichen Blockierung der Wahrnehmung, die zunächst zur Verdummung und schließlich gar zum Bösen führe.

Mohler kannte den Begriff der „political correctness“ noch nicht – aber es handelt sich hierbei um genau die Art von Abstraktionengitter, die er sein Leben lang bekämpfte. „Political correctness“ stellt zuerst ein Ideal auf, wie die Realität sein sollte, führt alsdann zu ihrer Leugnung (nach Doderer das „Dumme“), ob aus Angst (Doderer sprach vom „Kaltschweiß der Lebensschwäche“) oder aus Wunschdenken oder aus Opportunismus oder aus ideologischer Verblendung; dann aber zu unerbittlichen Verfolgung (nach Doderer wäre dies dann das „Böse“) all jener, die immer noch sehen und immer noch benennen,was sie eigentlich gar nicht sehen dürfen, etwa, daß der Kaiser nackt ist .

Auch das eng mit der „political correctness“ verbundene Gleichheitsdenken ist so eine Scheuklappe und „All-Gemeinheit“. In Notiz 7 (15. April 1994) diskutiert Mohler den italienischen Politologen Norberto Bobbio, der die Formel aufstellte, daß die Rechte vor allem mit dem beschäftigt sei, was die Menschen unterscheidet, und die Linke, mit dem, was die Menschen einander angleicht. Das geht soweit, daß der Linke die Gleichheit mit Gerechtigkeit gleichsetzt und zum absoluten moralischen Gut erhebt – die Menschen sollen „vernünftigerweise lieber gleicher als ungleich sein“.  Der Rechte dagegen bejaht die Ungleichheit, die es ja nur als relativen Begriff gibt. Erst die Ungleichheit gibt dem Leben seine Spannung, Vielfältigkeit und Farbe.

Die Absage an die prinzipielle „Durchschaubarkeit“ und daher „Machbarkeit“ aller Dinge ist kein Aufruf zum Nichthandeln – im Gegenteil. Vielmehr ergibt sich daraus die  Notwendigkeit einer Entscheidung, die Aufgabe, dem stetig sich wandelnden Chaos der Welt eine haltbare und dauerhafte Form abzutrotzen, mit dem Material zu bauen, das da ist, statt ständig auf das zu warten, was sein soll.

Das heißt allerdings nicht, daß man sich mit einem bloßen „Gärtnerkonservatismus“ begnügen muß. Vielmehr gilt es, aus dem Menschen das Bestmögliche herauszuholen und ihn an einer gewissen Intensität des Daseins teilhaben zu lassen, das auch immer „Agon“, also Wettstreit und Kampf ist – gegen die Unordnung, die Formlosigkeit, die Erschlaffung, den Verfall, den Tod, aber auch den konkreten Feind, den es immer geben wird.

Dem „Feind“ wird aber auch eine bestimmter Standort und ein prinzipielles Existenzrecht zugebilligt- er ist kein absoluter Feind, zu dem ihn bestimmte ideologische Zuspitzungen machen, insbesondere jene mit egalitärer Stoßrichtung. In der Notiz 9 vom 24. Juni 1994 untersucht Mohler den Begriff der „Mentalität“ . Dabei hat es ihm besonders eine Formulierung aus dem alten Brockhaus aus der Zeit vor dem Einbruch des „68er-Geistes“ angetan. „Mentalität“ bezeichnet

die geistig-seelische Disposition, die durch die Einwirkung von Lebenserfahrungen und Milieueindrücken entsteht, denen die Mitglieder einer sozialen Schicht unterworfen sind.

Das bedeutet nicht nur, daß der Mensch (hier folgt Mohler seinem großen Lehrmeister Arnold Gehlen) „anpassungsfähig“ ist, ein Wesen, das ebenso geformt wird, wie es selbst formend eingreift, „das sich selbst konstruiert, was er zum Überleben braucht“. Das heißt auch, daß jeder Mensch seinen soziologischen Ort, seine eigene Geschichte, seine eigenen guten oder schlechten Gründe und Beweggründe hat. Von hier aus wird auch eine rein moralistische Betrachtung und Verurteilung, eines einzelnen Menschen wie eines ganzen Volkes, unmöglich.

Mohlers Ansatz war verblüffend, besonders für solche Leser, die ein allzu vorgefaßtes Bild vom „Rechten“ mit sich herumtrugen. Dieser ist ja in der freien Wildbahn des Mainstreams eine geradezu geächtete Figur, im Gegensatz zu seinem umhätschelten Pendant, dem Linken, der „für seine guten Absichten belohnt wird“, und der auch dafür sorgt, daß vom Rechten möglichst nur Zerrbilder kursieren. „Rechts“ ist, wen er als solchen definiert, und wie er ihn definiert.

Es geht an dieser Stelle natürlich um den Rechten als Typus. Was die personifizierten Vertreter beider Lager angeht, so gibt es leider genug abschreckende Beispiele. Doderer sah sie als „Herabgekommenheiten“ – nicht etwa der nicht minder verabscheuungswürdigen „Mitte“ – sondern

jener Ebene, darauf der historisch agierende Mensch steht, der immer konservativ und revolutionär in einem ist, und diese Korrelativa als isolierte Möglichkeiten nicht kennt.

Mit einem Schlagwort: „konservative Revolution“. Das war für Mohler nicht nur das Etikett für ein bestimmtes, zeitlich eingegrenztes politisches Phänomen, sondern eine ganz grundsätzliche Idee, die er gerne vieldeutig schillern ließ. Seine Begriffe haben oft etwas bewußt Unscharfes, „Stimmungen“ Evozierendes, Wandelbares – sie müssen der jeweiligen konkreten Situation angepaßt werden.

Ich bin nun selber ein Initiat jener verschworenen Bruderschaft, die durch Mohler ihre entscheidenden politischen Impulse und Erweckungserlebnisse erfahren hat. Mit 25 Jahren verschlang ich in einer Nacht die Essaysammlung „Liberalenbeschimpfung“. Als ich das Buch zuklappte, war mir klar: wenn das nun „rechts“ ist, dann ist es nicht nur völlig legitim „rechts“ zu sein, dann bin ich es auch. Mir war bislang nur vorenthalten worden, daß es ein solches „Rechtssein“ auch gab – und das hatte mit einer Art zu denken ebenso wie mit einer Art zu schreiben und zu sprechen zu tun. Letztlich würde es aber vor allem, das betonte Mohler immer wieder, auch auf eine „Haltung“ und eine Art zu handeln ankommen, wobei er zugab, daß die Schreiber auch selten gleichzeitig „Täter“ sind.

Und hier fand ich nun die Quelle der „Freude“, von der ich oben sprach. Man erkennt, daß die Sprache eine Waffe ebenso wie ein Gefängnis sein kann, und daß ihre Grenzen schier unendlich erweiterbar sind. Dadurch stürzen die Begriffsgötzen und die falschen Autoritäten und die Laufgitter reihenweise ein und der Weg ins Freie wird sichtbar.

krd10.jpgFortan tat sich mir eine völlig neue und aufregende Welt auf. Zunächst war das nur eine Sache zwischen mir und meinem Bücherschrank. Ich suchte jahrelang keinerlei persönlichen Kontakt zu rechten oder konservativen „Milieus“, zum Teil aus Desinteresse, zum Teil aus weiterhin bestehenden Vorurteilen. Stattdessen ackerte ich sämtliche Hefte des „Criticón“ in der Berliner Staatsbibliothek durch, dem bedeutendsten Organ des konservativen Binnenpluralismus der 70er und 80er Jahre, und stieß dort auf die Namen all der konservativen Fabeltiere: neben Mohler auch Caspar von Schrenck-Notzing, Hans-Dietrich Sander, Günter Rohrmoser, Hellmut Diwald, Hans-Joachim Arndt, Günter Zehm, Wolfgang Venohr, Salcia Landmann, Robert Hepp, Gerd-Klaus Kaltenbrunner, Bernard Willms, Erik von Kuehnelt-Leddihn, Günter Maschke oder Alain de Benoist.

Und auf die großen Vordenker – Jünger, Blüher und Spengler waren mir schon bekannt, nun aber lernte ich Namen wie Carl Schmitt, Ernst Niekisch, Julius Evola, Edgar Julius Jung, Georges Sorel, Arnold Gehlen oder auch Donoso Cortés, Edmund Burke, Vilfredo Pareto usw. kennen. Ganz zu schweigen von all den schillernden Figuren, den Dichtern und Träumern, darunter eine erkleckliche Anzahl von poètes maudits, die ein verlockender Hauch des Hades umgab: Drieu La Rochelle, Yukio Mishima, Ezra Pound, Gabriele d‘Annunzio, Emile Cioran, Lucien Rebatet, Curzio Malaparte, Louis-Ferdinand Céline, Friedrich Hielscher, Alfred Schmid… man konnte wahrlich nicht klagen, daß es drüben am „rechten Ufer“ langweilig war.

Natürlich half auch das Internet enorm weiter, und früher oder später landete jeder mit einschlägigen Interessen bei der Jungen Freiheit, deren Netzarchive ich geradezu plünderte. Bald war ich begeisterter Abonnent, und entdeckte „neue“, aktuelle Stars:  Thorsten Hinz, Baal Müller (was für ein Name!), Manuel Ochsenreiter, Claus-Michael Wolfschlag, Angelika Willig. Viele Ausgaben der JF von 2002/3 habe ich heute noch aufgehoben und bewahre sie geradezu liebevoll und nostalgisch auf.

Bei der JF allein blieb es freilich nicht. Um den schwarzen Kontinent zu erobern, las ich zu diesem Zeitpunkt wie ein Scheunendrescher alles, wirklich „alles, was recht(s) ist“, frei nach einem Buchtitel von Karlheinz Weißmann, heute ein selbsterklärtes „lebendes Fossil der Neuen Rechten“, [4] der ebenfalls rasch in mein stetig wachsendes Pantheon aufgenommen wurde.

Besonders fielen mir jene Artikel in der JF und bald auch schon der Sezession auf, die von den Namen Ellen Kositza und Götz Kubitschek gezeichnet waren. Beide waren nur um wenige Jahre älter als ich, hatten markante Gesichter (dergleichen ist für mich bis heute von Bedeutung) und ihre Beiträge erklangen in einem frischen und zupackenden Ton  – unverkennbar die Mohler’sche Schule. Vor allem wurde darin nicht fade herumgeschwätzt, es ging darin um etwas: um unser jetziges, wirkliches Leben, um unsere Gegenwart und Zukunft, und ich erkannte, daß all dies auch etwas mit mir und meinem Leben zu tun hatte.

Gewiß war das Netz auch damals schon voll von Antifaseiten, die mal mehr, mal weniger offensichtlich ideologisch zugespitzt auftraten. Zentraler Anlaufpunkt war eine Seite namens „IDGR“- „Informationsdienst gegen Rechtsextremismus“, die freilich auch ganz hilfreich war, wenn man neue „Lesetips“ suchte. Was mich damals besonders empörte, war die Diskrepanz zwischen der hetzerisch-dummen, schablonenartigen, immer-gleichen Sprache dieser Seiten und dem, was die denunzierten Autoren tatsächlich geschrieben und gemeint hatten. Ich konnte nur krasse Desinformation, Verleumdung und Verzerrung erkennen, und das bestärkte mich umso mehr in dem Gefühl, auf der richtigen Spur zu sein.

Das fiel besonders bei Mohler auf. Es gab einerseits den Antifa-Popanz, andererseits den Autor, der mir freier, „liberaler“ und, ja, „toleranter“ und menschlicher erschien, als irgendeine rote Schranze, die ihre Säuberungswütigkeit mit hochtrabenden Ansprüchen schmückte. Besonders nahm mich seine Kunstsinnigkeit ein. Nicht nur vermochte er es, handfest und subtil zugleich über Belletristik, Lyrik und Malerei zu schreiben – er hatte auf jedes Thema, das er behandelte, einen unverwechselbaren Zugriff.

Und es gab ein Gebiet, wo Mohler eine besonders befreiende Wirkung ausübte: nämlich in seinen Betrachtungen zum Komplex der „Vergangenheitsbewältigung“ (ein Begriff, der heute kaum mehr benutzt wird, was der Praxis, die er bezeichnete, allerdings keinerlei Abbruch tut.) Diese Bücher, insbesondere „Der Nasenring“, haben endgültig mein Klischee von einem „Rechten“ zerstört. Ihre Argumentation erschien mir gescheit, realistisch, vernünftig, erwachsen, im besten Sinne humanistisch, auch wenn ich nicht immer d‘accord war.

Ich glaube, daß jeder denkende und fühlende Mensch, der in Deutschland oder Österreich geboren ist, irgendwann einmal mit der Geschichte seines Landes und den daraus folgenden Belastungen ins Klare kommen muß. Es ist wohl kein Zufall, daß Mohler gerade dieses Schlachtfeld wiederholt aufgesucht hat, denn keines ist dichter von „All-Gemeinheiten“, ahistorischen Abstraktionen, falschen Moralisierungen, „schrecklichen Vereinfachungen“, pauschalen Urteilen und so weiter umzäunt als dieses. Wohlfeile und wohlkalkulierte oder zur Gewohnheit eingerastete Instrumentalisierungen gehen hier mit deutschen Identitätsstörungen und unverarbeiteten Traumata einher, der nationale Selbsthaß mit dem „Klageverbot“ (so Hans-Jürgen Syberberg), die politische Erpressung mit der Unfähigkeit, zu trauern.

Mohlers Ausweg aus diesem Dschungel war genial. Er leitete sich aus seiner lebenslangen Begeisterung für die schöne Literatur [5]ab, die ihm als ein unentbehrlicher Weg zur „Welterfassung“ erschien.  Er lautete: dort wo, die Zangenbacken der ideologischen Abstraktionen und der moralistischen All-Gemeinheiten zubeißen wollen, dort soll man eine Geschichte erzählen.

Etwa die eines einzigen Menschen, der die Zeit des Dritten Reichs und des Zweitens Weltkriegs erlebt hat. Von Anfang an und nach der Reihe. Und dann die eines anderen, der genau das Gegenteil erlebt, und genau gegenteilig gedacht und gehandelt hat. Und dann eine dritte und eine vierte. Allmählich können wir auch wieder von Moral sprechen und von „Tätern und Opfern“, aber auf einer völlig veränderten Ebene. Diese Geschichten können Lebensberichte und Memoiren ebenso wie durchgestaltete Romane und Erzählungen sein.

Wer all dies wirklich in sich aufgenommen hat, wird zunehmends davor zurückscheuen, den Stab über vorangegangene Generationen zu brechen. Gerade die Deutschen müssen aufhören, über ihre Mütter und Väter, ihre Großmütter und Großväter, zu urteilen – sie sollten stattdessen versuchen, sie verstehen zu lernen.  Wir müssen unsere ganze Geschichte annehmen, und wir brauchen uns dazu auch nicht die schlechten Dinge schönzureden.

Schließlich aber, und hier war Mohler sehr scharf, kann ein richtiges Verhältnis zur eigenen Vergangenheit nicht gewonnen werden, wenn die historische Forschung zu stark politisiert wird, wenn Fragestellungen tabuisiert werden, wenn Historiker die Ächtung fürchten müssen (und es traf auch einen Diwald, einen Nolte, nicht nur einen Irving, der indes noch in den frühen Achtzigern mit Vorabdrucken im Spiegel rechnen konnte) und wenn per Gesetz entschieden wird, was historische Wahrheit ist und was nicht. Jeder Wissenschaftler, der hier noch seine Siebensachen beisammen hat [6], wird zugeben müssen, daß eine solche Praxis äußerst problematisch ist, und daß nicht damit geholfen ist, wenn man auf die Exzesse des lunatic fringe verweist.

Nun könnte man natürlich, etwa mit Egon Friedell, sagen, daß es eine rein „objektive“ und „interessenlose“ Geschichtsschreibung nicht gibt und nicht geben kann, daß man Historiographie, die wie die Künste einer Muse unterstellt ist, nicht so betreibt wie Naturwissenschaft – aber gerade dieser Gedanke ist in alle Richtungen hin gültig. Eine Buchveröffentlichung wie Stefan Scheils jüngster Kaplakenband „Polen 1939″ [7] steht von vornherein in einem politischen Raum, da die Vorgeschichte des Weltkriegs im Staatshaushalt der Bundesrepublik kein neutrales, sondern vielmehr ein mit politischer Bedeutung hoch aufgeladenes Feld ist. Dies gilt völlig unabhängig davon, ob sich Scheils Thesen als richtig oder falsch erweisen – sie bleiben so oder so ein Politikum.

Das nun also ist auch das eigentliche Thema von Mohlers Notiz 11 (5. August 1994), die sich in vermintes Gelände vorwagte, und darum von JF-Chefredakteur Dieter Stein von einer redaktionellen Infragestellung und einer Replik von Salcia Landmann [8] eingerahmt wurde. Man kann das alles im Kaplaken-Band nachlesen, darum will ich es an dieser Stelle nicht breittreten. Landmanns Antwort fiel, bei allem Respekt, zum Teil unterirdisch undifferenziert aus und schoß meilenweit und halbmanisch am eigentlichen Thema vorbei. Mohler kannte die sehr alte und sehr eigenwillige Dame noch aus Criticón-Tagen und nahm ihr selbst den Angriff nicht übel.

Anders erging es ihm allerdings mit dem Verhalten Dieter Steins. Dieser hatte im Grunde die „Notiz“ mit großen, roten Distanzierungsrufzeichen versehen, die vielleicht ein Spur zu dick aufgetragen waren. In seinem redaktionellen Beiwort wurde Mohler als eine Art seitenverkehrter, ebenfalls auf die Täter fixierter Habermas hingestellt, der lediglich die Deutschen exkulpieren wolle, wo der andere sie in pauschale Geiselhaft nahm.

Tatsächlich hatte Mohler in seiner „Notiz“aber genau vor diesem Ping-Pong des einseitigen Anschuldigens als auch einseitigen Exkulpierens gewarnt. Freillich hatte Stein das Recht, seine eigene Position zu markieren. Es ging hier aber vor allem um das „Wie“ des Vorgangs. Mohler fühlte sich verraten und in ungerechter Weise bloßgestellt, und schrieb an den noch sehr jungen Chefredakteur:

Was ist das für ein Kapitän, der einen aus der Mannschaft dem Feind zum Fraß vorwirft?

In der aktuellen JF [9] findet sich ein wie immer ausgezeichneter Leitartikel von Thorsten Hinz über die „Macht des Wortes“. Darin zeigt Hinz an konkreten Beispielen, was Gómez Dávila mit zwei Sätzen auf den Punkt gebracht hat.

 Wer das Vokabular des Feindes akzeptiert, ergibt sich ohne sein Wissen. Bevor die Urteile in den Sätzen explizit werden, sind sie implizit in den Wörtern.

Auf der Titelseite ist ein mir nicht bekannter Schauspieler namens Hannes Jaenicke zu sehen, der ein Buch mit dem Titel „Die große Volksverarsche“ geschrieben hat, in dem er „mit deutschen Journalisten abrechnet“, Zitat in der Schlagzeile: „Eure Blätter lese ich nicht mehr.“

Im Kulturteil ist skurrilerweiser versehentlich ein Old-School-Antifa-Bericht über den zwischentag [10] abgedruckt worden, der eigentlich in der taz erscheinen sollte. Der Autor, vermutlich ein Praktikant, legt darin den „Rechten“ die Freuden der sozialistischen Selbstkritik ans Herz. Er meint es gewiß nur gut, fragt sich bloß, mit wem. Vielleicht weiß auch die rechte Hand nicht mehr was die linke tut, oder irgendjemand ist mal wieder so listig wie die Tauben und so sanft wie die Schlangen, zu welchem Zweck auch immer.

Mein Artikel sollte aber von ganz anderen Freuden handeln. Aus diesem Grund will ich mit dem diesjährigen Neujahrsgeleitwort von Michael Klonovsky enden:

Lang leben die Völker dieser Erde! Es leben ihre Religionen, ihre Sitten, ihre Sprachen! Es lebe die traditionelle Familie! Es lebe die Ehe! Es leben die Geschlechterrollen! Es lebe die Weiblichkeit und die Männlichkeit! Vive la Mademoiselle! Es lebe die Monarchie! Es leben die Rassen und ihre fundamentalen Unterschiede! Es leben die Klassenschranken! Es lebe die soziale Ungerechtigkeit! Es lebe der Luxus! Es lebe die Eleganz! Es leben die Kathedralen, Kirchen und Tempel! Es lebe das Papsttum! Es lebe die Orthodoxie! Es leben die Atomkraft und die bemannte Raumfahrt! Es lebe der private Waffenbesitz! Es lebe der Aberglaube, der Geschichtsrevisionismus und der Biologismus! Es leben die Vorurteile und die Gemeinplätze! Es leben die Mythen! Es lebe alles Ehrwürdig-Althergebrachte! Es lebe die Meisterschaft in Kunst und Handwerk! Es lebe die Gewohnheit und die Regel! Es lebe der Alkohol, das Rauchen und das Fett im Essen! Es lebe die Aristokratie!  Es lebe die Meritokratie! Es lebe die Kallokratie! Es lebe das Versmaß, die Hochkultur und die Distinktion! Es lebe die Bosheit! Es lebe die Ungleichheit!

Ich sage dazu, auch mitten im Jahr, Ja und Amen, und Prost, Cheers, Sláinte, Skøl und Masel tov!

mardi, 15 octobre 2013

L'allemand Siemens investira plus d'un milliard d'euros en Russie

siemens_01.jpg

L'allemand Siemens investira plus d'un milliard d'euros en Russie

Joe Käser
 
Ex: http://fr.ria.ru
TOUAPSE, 11 octobre - RIA Novosti

Le consortium allemand Siemens AG continuera d'investir en Russie en dépassant le montant d'un milliard d'euros prévu pour 2013-2015, a déclaré vendredi à Touapse (littoral russe de la mer Noire) le président de Siemens AG Joe Käser, lors d'une rencontre avec le président russe Vladimir Poutine.

"Il est toujours difficile d'investir le premier milliard, mais cela devient plus facile avec le deuxième (…). Nous continuerons d'investir dans l'industrialisation de la Russie, l'efficacité énergétique de l'industrie russe et les technologies médicales. J'estime que nous pouvons élargir notre partenariat pour le bien des habitants de la Russie et de notre consortium bien sûr", a indiqué M.Käser.

M.Poutine a pour sa part déclaré que le consortium allemand pouvait également coopérer avec les sociétés russes en Allemagne. "Vous avez mentionné le groupe pétrolier Rosneft parmi vos partenaires. Rosneft est déjà actionnaire de quatre entreprises en Allemagne", a rappelé le président russe.

jeudi, 10 octobre 2013

LE ELEZIONI TEDESCHE E LA POLITICA ESTERA

Merkel2222.jpg

LE ELEZIONI TEDESCHE E LA POLITICA ESTERA

Marco Zenoni

Ex: http://www.eurasia-rivista.org

Il 22 settembre scorso si sono tenute in Germania le elezioni per il rinnovo del 18° Bundestag. Le elezioni, seguite in tutto il mondo con una certa attenzione vista l’importanza crescente della Federazione tedesca nell’equilibrio economico e politico globale, hanno portato dei risultati da un lato inattesi, dall’altro prevedibili. Inattesa, ad esempio, è stata l’esclusione del Partito Liberal Democratico (Freie Demokratische Partei), un partito storico nel paese, che per anni ha avuto un importante ruolo di sostegno ai governi succedutesi al parlamento tedesco. Dagli anni ’90 era inoltre divenuto un importante alleato della CDU (Cristilich Demokratische Union Deutschland). L’esclusione del FDP dal parlamento tedesco implica dei cambiamenti nel nuovo esecutivo; il ministero degli esteri del passato governo Merkel era infatti tenuto da Guido Westerwelle, membro del partito liberal democratico. Altra esclusione, meno sorprendente, è quella dell’Alternative Fur Deutschland, il partito degli “euroscettici” che si pensava avrebbe potuto rosicchiare qualche voto alla CDU, costringendo quest’ultima a rivedere in parte le proprie politiche europeiste. Di fatto, pare invece che l’AFD abbia tolto voti decisivi proprio al partito liberal democratico.

Il risultato è dunque una vittoria della politica europeista “del rigore” promossa da Angela Merkel. La maggioranza ottenuta dalla coalizione CDU/CSU non si è rivelata tuttavia sufficiente ad un governo solitario, ed anche questa volta, per la formazione del governo, sarà necessaria la collaborazione di altri partiti. Secondo i maggiori analisti è certa la formazione della cosiddetta “Großer Koalition [1]” (la grande coalizione), ovvero una coalizione tra Socialdemocratici (SPD) e CDU. L’SPD, nonostante il netto ridimensionamento (25,7% il risultato, contro il 42,5% della CDU), avrà dunque con alta probabilità un ruolo importante nel prossimo governo, il cui insediamento si prevede andrà per le lunghe. L’alternativa resta un governo sostenuto dai Verdi, un’opportunità non del tutto rigettata ma sicuramente secondaria. Il ripiego su quest’ultimi potrebbe esclusivamente essere dovuto ad un eccessivo irrigidimento da parte della SPD, a cui l’ultima “Großer Koalition [1]” è costata l’attuale sostanzioso ridimensionamento. I dirigenti del partito Socialdemocratico hanno infatti dichiarato che questa volta una coalizione si potrà fare solo attraverso una decisa convergenza di obiettivi, e non rinunciando a fondamentali prerogative.
Il risultato dunque, è la stabilità. E’ molto probabile che non si vedranno cambiamenti sostanziosi nella politica tedesca, né nei confronti dell’Unione Europea, né rispetto alle questioni economiche e politiche globali. Vale la pena dunque di analizzare quali sono le proposte in materia di politica estera da parte dei due principali schieramenti, e quale è stata la politica estera effettiva dell’ultimo governo, politica che probabilmente non muterà. Nonostante la politica estera non abbia avuto un peso centrale nella campagna elettorale, se si esclude la questione europea, entrambi i partiti hanno delle proposte chiare in merito.

In sostanza, non sono molte le differenze fra i due programmi. In entrambi il punto centrale sembra essere la “sicurezza”, intesa come stabilità e cooperazione a vantaggio reciproco. Il programma della politica estera della CDU esordisce con un “il mondo bipolare è finito” e da qui muove alcune importanti considerazioni, economiche prima di tutto[1]. “Senza sicurezza non c’è sviluppo, e senza sviluppo non c’è sicurezza”, si potrebbe riassumere così la proposta politica del partito della Merkel, attento a cogliere ogni cambiamento in atto, e interessato a coglierne i frutti. Si muove dunque sempre da concezioni meramente economiche, sulla linea della stabilità e della cooperazione. Se quindi viene dato un peso centrale ai BRICS, a Russia e Cina in particolare, allo stesso tempo viene ribadita l’indiscutibilità dei rapporti con gli Stati Uniti e in particolare del ruolo della NATO. Per quanto riguarda la regione mediterranea e i mutamenti in atto, anche qui viene promossa la stabilità, la collaborazione con l’Unione Africana, la promozione dell’Islam moderato e l’intransigenza nei confronti dell’estremismo islamico. Se c’è una differenza, pur lieve, tra i programmi dei due partiti, questa è la centralità data agli Stati Uniti. Nel programma della CDU si legge un elogio degli Stati Uniti come “liberatori” dell’Europa dal giogo comunista e nazista, si ribadisce l’amicizia con Washington e l’intenzione di intensificare l’integrazione economica e l’interscambio commerciale. L’SPD, pur ribadendo a sua volta l’importanza dell’asse atlantico, sottolinea l’importanza dell’Asia, promuove l’intensificazione dei rapporti fra questa e l’Unione Europea. Allo stesso modo viene espressa la consapevolezza del ruolo positivo svolto dalla Cina nel continente africano, attraverso un efficiente dinamismo economico. Nel programma della SPD  inoltre vi è un chiaro riferimento alla questione siriana. La soluzione, viene scritto, può essere solo diplomatica, e non militare. L’uso della forza non viene ritenuta una soluzione adeguata. E’ inoltre necessario sostenere gli Stati arabi “in transizione”[2]. Un’ultima differenza, non di meno conto, è la posizione riguardo all’ingresso della Turchia nell’Unione Europea, una questione centrale se si considera il numero di immigrati turchi in Germania. Mentre infatti la CDU si oppone all’ingresso, promuovendo comunque la cooperazione economica, l’SPD si dice favorevole anche all’effettivo ingresso, affiancata in questo anche da Verdi e Die Linke[3].
Queste dunque le linee su cui si muoverà la Germania del futuro. In perfetta coerenza con quella politica cauta e quel paziente e intenso lavoro diplomatico svolto negli ultimi anni. Nessun sensibile cambiamento di rotta dunque.

Detto di quella che sarà la politica estera tedesca, vale la pena di muovere qualche passo indietro e analizzare quella che è stata la proiezione esterna della Germania negli ultimi anni di governo Merkel.

Unione Europea

La politica nei confronti dell’Unione Europea negli ultimi anni non è assolutamente mutata. La posizione resta quella dell’intransigenza e del rigore economico, nonostante l’ambiguità cui questa politica conduce. La Germania ha infatti bisogno di un’Unione Europea globalmente stabile e economicamente competitiva, seppur il rigore promosso dalla CDU non faccia che aggravare le condizioni economico-finanziarie dei paesi periferici (i cosiddetti PIIGS). Se infatti il rapporto economico con i paesi emergenti va rafforzandosi, l’export nella regione europea rimane fondamentale. Il che suggerirebbe una politica più morbida nei confronti dei vicini europei, oltre ad una cooperazione al fine di stabilizzare le economie e promuoverne lo sviluppo. Politiche finora accantonate dalla CDU. In questo senso un ingresso in parlamento dell’AFD avrebbe probabilmente potuto portare se non altro ad un leggero cambiamento, ammesso che il partito degli economisti, guidato da Bernard Lucke, avrebbe potuto avere un seppur minimo ruolo all’interno di un ipotetico governo. A queste ambiguità si aggiunga il totale disaccordo sulla proiezione esterna dell’Unione Europea, affrontata in modo diverso, se non opposto, dalle principali potenze europee. Basta vedere la netta opposizione tra la Francia e la Germania (rapporto che fra l’altro va indebolendosi anche a causa del rallentamento economico dei primi) sulle questioni della regione mediterranea, quella siriana su tutte. Francois Hollande è infatti stato sin da subito tra i più grandi sostenitori dell’intervento armato in Siria, mentre Angela Merkel si è sempre detta contraria a questa opzione, nonostante le recenti aperture al G20, dove comunque non è stato menzionato l’uso della forza.

ONU e missioni internazionali

L’ONU è il meccanismo diplomatico in cui la Germania si confronta ed impegna maggiormente, in piena coerenza con la ricerca di stabilità e cooperazione promossa negli ultimi anni. Da anni ormai la Germania chiede un seggio permanente in seno al consiglio di sicurezza, in virtù anche dell’apporto dato dal paese alle Nazioni Unite: con l’8% circa del contributo al budget dell’organismo, la Germania è infatti il terzo contribuente in assoluto, oltre a coprire finanziariamente per l’8% delle missioni di peacekeeping [4]. A ciò si aggiunga che tutt’ora la Germania è impegnata in Kosovo attraverso la missione internazionale KFOR, in Afghanistan con l’ISAF (missione questa per conto della NATO) e con l’UNIFIL, missione di peacekeeping in Libano.
La Germania partecipa esclusivamente a missioni a basso rischio e solo per missioni di pace. Un “pacifismo” spesso criticato all’interno della NATO, nonostante in Afghanistan la Germania abbia in impiego 4.100 soldati, 35 i morti totali nel corso degli anni[5].
D’altronde il ministro degli esteri in uscita, Guido Westerwelle, si disse a suo tempo contrario sia all’UNIFIL che all’intervento in Libia, cui infatti la Germania non ha partecipato. Stesso discorso vale per la Siria, altro paese in cui l’intervento viene fermamente condannato dal governo tedesco, nonostante Westerwelle stesso abbia dichiarato di non aver apprezzato alcuni atteggiamenti di Cina e Russia nel consiglio di sicurezza[6].

Stati Uniti

Seppur i rapporti con l’alleato d’oltreoceano non siano mai stati messi in discussione, le questioni recentemente emerse hanno senz’altro portato a qualche ripensamento. Prima di tutto, la Germania considera evidenti gli errori commessi dagli Stati Uniti negli ultimi anni (intervento in Iraq, in Libia, ad esempio). Ma il punto cruciale, non di rottura ma senz’altro uno scossone, è stata la questione dello spionaggio. Dopo lo scandalo della NSA infatti, la Germania ha cancellato il patto ormai cinquantennale di sorveglianza (patto firmato da Germania, Francia, Gran Bretagna e Stati Uniti). La Germania d’altronde si è scoperta come il paese europeo più spiato dall’alleato, e questo non è certamente un caso. E’ infatti risaputo il timore che si prova a Washington nei confronti della crescita economica tedesca, una crescita che finora rimane nei ranghi designati, ma che presto si troverà a doversi confrontare con delle scelte, inevitabilmente. Anche la recente amicizia fra Germania e Cina non è certo vista di buon occhio dagli Stati Uniti. Nonostante ciò Westerwelle stesso ha ribadito che con gli Stati Uniti gli interessi condivisi sono fin troppi per poter solo considerare una pur tiepida rottura. L’irrisolta questione siriana, l’espansione economica tedesca e la sempre maggior cooperazione con Russia e Cina avranno sicuramente come conseguenza qualche riflessione da parte di entrambi gli schieramenti.

Cina

Se per gli Stati Uniti la Germania come alleato, pur vacillando, rimane una sicurezza indipendentemente dal cancelliere insediato, la Cina ha guardato con apprensione alle recenti elezioni[7]. Secondo alcuni politologi cinesi infatti, il Partito Comunista Cinese temeva che una (seppur improbabile) vittoria da parte del centro-sinistra, con la formazione di un governo sostenuto potenzialmente da Verdi e Linke, avrebbe potuto portare alla ribalta alcune delle tematiche tradizionalmente portate avanti dall’occidente nel tentativo di penetrare negli affari interni cinesi, una su tutte la questione dell’indipendenza tibetana, un tasto su cui la Cina non ha intenzione trattare. Anche con il governo Merkel non sono tuttavia mancate le frizioni, ad esempio nel 2007, quando la cancelliera ricevette a Berlino il Dalai Lama, una provocazione agli occhi del governo cinese. Nonostante queste frizioni, il lavoro, considerato pragmatico, del governo tedesco viene visto positivamente dalla Cina e il rapporto fra i due paesi, già decisamente migliorato, sembra andare in direzione di un’ulteriore cooperazione, non solo in campo economico, seppur sia questo il settore preponderante.

Tenuta dunque considerazione di quella che finora è stata la politica tedesca e di quello che è il programma dei due principali partiti è senz’altro difficile prevedere drastici cambiamenti di rotta. Nonostante ciò, il nuovo governo si troverà comunque ad affrontare un equilibrio geopolitico in mutamento, un mutamento sostanziale che non potrà essere trascurato dal governo tedesco. Sarà dunque interessante vedere come risponderà la Germania alle problematiche che presto si presenteranno.

*Marco Zenoni è laureando in Relazioni Internazionali all’Università di Perugia


[1] Programma politico della CDU, consultabile online.
[2] Programma politico dell’SPD, consultabile online.
[3] http://temi.repubblica.it/limes/la-germania-al-voto-si-interroga-sul-suo-ruolo-nel-mondo/51996 [2]
[4] http://www.ispionline.it/it/articoli/articolo/europa/la-politica-estera-della-germania-9018 [3]
[5] Ibidem
[6] http://www.spiegel.de/international/world/interview-with-german-foreign-minister-guido-westerwelle-a-900611.html [4]
[7] http://www.ispionline.it/it/articoli/articolo/europa/la-politica-estera-della-germania-9018 [3]

 


Article printed from eurasia-rivista.org: http://www.eurasia-rivista.org

URL to article: http://www.eurasia-rivista.org/le-elezioni-tedesche-e-la-politica-estera/20184/

URLs in this post:

[1] Großer Koalition: http://www.spiegel.de/politik/deutschland/seehofer-kritisiert-spd-mitgliederbefragung-a-925032.html

[2] http://temi.repubblica.it/limes/la-germania-al-voto-si-interroga-sul-suo-ruolo-nel-mondo/51996: http://temi.repubblica.it/limes/la-germania-al-voto-si-interroga-sul-suo-ruolo-nel-mondo/51996

[3] http://www.ispionline.it/it/articoli/articolo/europa/la-politica-estera-della-germania-9018: http://www.ispionline.it/it/articoli/articolo/europa/la-politica-estera-della-germania-9018

[4] http://www.spiegel.de/international/world/interview-with-german-foreign-minister-guido-westerwelle-a-900611.html: http://www.spiegel.de/international/world/interview-with-german-foreign-minister-guido-westerwelle-a-900611.html

[5]

mercredi, 09 octobre 2013

Redécouvrez les contes de Grimm

Grimm.jpg

Redécouvrez les contes de Grimm

Ex: http://aucoeurdunationalisme.blogspot.com

 
L’Allemagne célèbre cette année le 200ème anniversaire de la naissance de Jacob Grimm: juste hommage envers un homme dont l'oeuvre, indissociable de celle de son frère Wilhelm, a profondément marqué son temps. Car Jacob et Wilhelm Grimm n'ont pas seulement été les conteurs dont plusieurs générations d’enfants ont appris à connaître le nom. Jacob Grimm, qui, en novembre 1830, qualifiait le patriotisme de "sentiment divin" et qui, en 1846, participant à Francfort à un congrès de germanistes réunis sur le thèmeQu'est-ce qu'un peuple ?, disait : "Un peuple est la quintessence (Inbegriff) des hommes qui parlent la même langue", fut aussi, en même temps qu'un savant considéré aujourd'hui comme l'un des pères de la philologie moderne, l'un des auteurs du renouveau de la conscience nationale et populaire en Europe.

Le 1er fils de Philipp Wilhelm Grimm et Dorothea Zimmer étant mort en bas âge, Jacob et Wilhelm Grimm furent les aînés des 8 enfants de la fratrie subsistante. La famille remonte à un Johannes Grimm, qui fut maître de poste à Hanau vers 1650. C'est dans cette ville que Jacob naît le 4 janvier 1785, 13 mois avant Wilhelm. On est alors à la frontière de 2 mondes. En France, les signes avant-coureurs de la Révolution se multiplient. Le Times est fondé à Londres. En Prusse, fonctionne la 1ère machine à vapeur ; le Grand Frédéric règne à Sanssouci.

Juriste de son état, le père Grimm est nommé fonctionnaire à Steinau en 1791. La famille déménage avec lui pour s'installer dans la Hesse, région située à la frontière de la plaine du Nord et du fossé rhénan, qui fut occupée dès le VIIIe siècle par les Francs. Cinq ans plus tard, Philipp Wilhelm Grimm disparaît ; sa femme ne lui survivra que quelques années (le fils aîné se retrouvera chef de famille à 23 ans). Jacob et Wilhelm sont envoyés chez leur tante, à Kassel, où ils fréquentent le célèbre Lyceum Friedricianum.

Au printemps de 1802, Jacob Grimm s'inscrit à l'université de Marburg pour y faire des études de droit. Agé de 17 ans, c'est alors un adolescent grave, mélancolique, au caractère réservé, qui passe déjà pour un travailleur opiniâtre. À Marburg, il se lie rapidement avec le juriste Friedrich Carl von Savigny, le fondateur de l'école du droit historique, et cette relation va exercer sur lui une empreinte déterminante. En 1803, tandis que Savigny lui fait connaître la littérature médiévale, il entre aussi en contact avec Clemens Brentano et lit avec enthousiasme les Minnelieder aus dem schwäbischen Zeitalter de Ludwig Tieck.

En 1805, c'est l'expérience décisive. De février à septembre, Jacob Grimm accompagne Savigny à Paris - ville qu'il trouve bruyante et fort sale ! Par contre, à la Bibliothèque impériale, il découvre toute une série de manuscrits littéraires allemands du Moyen Age qui lui emplissent le cœur d'une singulière exaltation. À dater de ce jour, sa vocation est faite : il se consacrera à l'étude des monuments culturels du passé national. Tout l'y pousse, et d'abord la triste situation dans laquelle se trouve son pays.

La Prusse, en effet, depuis la défaite de Valmy (1792), connaît des jours sombres. En 1805, Jacob Grimm s'afflige de voir "l’Allemagne enserrée en des liens indignes, le pays natal bouleversé et son nom même anéanti". L'année suivante, ce sera la catastrophe. Inquiet de la formation de la Confédération du Rhin, Frédéric-Guillaume III s'allie à la Russie. Las ! En quelques mois, la coalition s'effondre. Après les défaites d'Iéna et d'Auerstedt, les troupes napoléoniennes occupent Berlin. En 1807, au traité de Tilsit, la Prusse, dépossédée de la moitié de son territoire, se voit en outre condamnée à payer des indemnités de guerre considérables. Brême, en 18l0, deviendra sous l'occupation française le chef-lieu du département des Bouches-du-Weser ! L'identité allemande, dès lors, est menacée.

Aussi bien, pour J. Grimm, l'étude de la littérature nationale n'est-elle pas qu’une simple démarche universitaire. C'est un acte de foi politique, qui participe d'une véritable réforme intellectuelle et morale. Celle-ci trouve son point d'appui dans la 1ère réaction romantique, centrée autour de l'école de Heidelberg qui, avec Arnim et Brentano, s'emploie notamment à définir les éléments constitutifs de la nationalité. "Ces écrivains, souligne Jacques Droz, ont admis qu'il ne pouvait pas y avoir de réveil du peuple si celui-ci ne prenait pas conscience qu'il recelait en son sein, s’il ne substituait pas à une culture réservée à une élite une culture véritablement populaire, si l’individu ne cherchait pas à se rattacher spirituellement à la nation tout entière" (Le romantisme politique en Allemagne, 1963, p. 23).

gr2.jpgÀ l'heure de l’éveil des nationalités, l'entreprise des frères Grimm vise donc à faire prendre conscience aux Allemands de la richesse du patrimoine culturel qui leur est commun et à leur montrer que ce patrimoine, qui représente "l’âme germanique" dans son essence, en même temps que la "conscience nationale courbée sous l'occupation", peut servir aussi de base à leur unité politique.

Dans ses Souvenirs, Grimm raconte dans quel esprit il entreprit à Paris ces études auxquelles il allait consacrer toute sa vie : "Je remarquai d’abord que presque tous mes efforts ou bien étaient consacrés à l’étude de notre langue ancienne, de notre poésie ancienne, de notre droit ancien, ou bien s’y rapportaient directement. Certains peuvent avoir considéré ou considèrent encore que ces études sont sans aucun profit ; pour moi, elles me sont apparues de tout temps comme une tâche noble, sérieuse, qui se rapporte de façon précise et forte à notre patrie commune et fortifie l’amour qu’on lui porte" (Kleinere Schriften, Berlin, 1864, vol. I, p. 64).


C’est dans la même intention qu'Achim von Arnim et C. Brentano collectent les vieilles poésies populaires. En septembre 1806, Arnim écrit à Brentano : "Celui qui oublie la détresse de la patrie sera oublié de Dieu en sa détresse". Quelques jours plus tard, à la veille de la bataille d'Iéna, il distribue aux soldats de Blücher des chants guerriers de sa composition. Parallèlement, il jette les bases de la théorie de l'État populaire (Volksstaat). Systématiquement, le groupe de Heidelberg s'emploie ainsi à mettre au jour les relations qui existent entre la culture populaire et les traditions historiques. Influencé par Schelling, Carl von Savigny oppose sa conception historique du droit aux tenants du jusnaturalisme [droit naturel]. Il affirme qu'aucune institution ne peut être imposée du dehors à une nation et que le droit civil est avant tout le produit d’une tradition spécifique mise en forme par la conscience populaire au cours de l'histoire. Le droit, dit-il, est comme la langue : "Il grandit avec le peuple, se développe et meurt avec lui lorsque celui-ci vient à perdre ses particularités profondes" (De la vocation de notre temps pour la législation et la science du droit).


Avec les romantiques, J. Grimm proteste lui aussi contre le rationalisme des Lumières. Il exalte le peuple contre la culture des "élites". Il célèbre l'excellence des institutions du passé. Revenu à Kassel, où Jérôme Bonaparte, roi de Westphalie, s’installe en 1807 au Château de Wilhelmshöhe (construit au pied d'une colline dominant la ville par le prince-électeur Guillaume Ier), il occupe avec son frère diverses fonctions dans l'administration et à la bibliothèque. À partir de 1808, ils collaborent tous 2 à la Zeitung für Einsiedler, où l'on retrouve les signatures de Brentano, Arnim, Josef Görres, etc. En 1813, ils lanceront leur propre publication, les Altdeutsche Wälder.


Le 1er livre de J. Grimm, Über den altdeutschen Meistergesang, paraît à Göttingen en 1811. Contestant les rapports établis habituellement entre la poésie raffinée du Moyen Age (Meistergesang) et le chant populaire (Minnegesang), l’auteur y défend l'idée que la "poésie naturelle" (Naturpoesie) est absolument supérieure à la "poésie artistique" (Kunstpoesie), tout comme la source jaillissante de l'âme populaire est supérieure aux œuvres des élites cultivées. La "poésie naturelle", disait déjà Herder, fait comprendre le sens de l'univers ; elle maintient vivant le lien entre l'homme et la nature. Étant l'expression même des croyances instinctives et des sentiments du peuple, elle apparaît dès que les hommes font advenir en eux à la présence ce qui les apparente au monde. La Kunstpoesie, au contraire, si belle qu'elle puisse être, est inévitablement affectée d’individualisme et d'artificialité. Au-delà de ses qualités mêmes, elle traduit une coupure "intellectuelle" qui est un germe de déclin (on retrouve ici l'idée que le raffinement équivaut déjà à une perte de puissance, à un début d'épuisement).


Contrairement à Görres, J. Grimm va jusqu'à éliminer toute activité particulière ou individuelle dans la production poétique populaire ! Celle-ci, selon lui, se manifestespontanément, de façon divine au sens propre. La vérité légendaire ou mythique, d'essence divine elle aussi, s'oppose de la même façon à la vérité historique humaine. De façon plus générale, tout ce qui se perd dans la nuit des temps, tout ce qui relève de l'ancestralité originelle, est divin. Résumant ses idées sur ce point, J. Grimm déclare vouloir montrer qu'"une grande poésie épique a vécu et régné sur toute la surface de la terre, puis a peu à peu été oubliée et abandonnée par les hommes, ou plutôt, car elle n'a pas été abandonnée tout à fait, comment les hommes s'y alimentent encore". Il ajoute : "De même que le paradis a été perdu, le jardin de l'ancienne poésie nous a été fermé". Et plus loin : "Je ne regarde pas le merveilleux comme une rêverie, une illusion, un mensonge, mais bien comme une vérité parfaitement divine ; si nous nous rapprochons de lui, il ne s'évanouit nullement à la façon d'un brouillard, mais prend toujours un caractère plus sacré et nous contraint à la prière. (...) C'est pourquoi l'épopée n'est pas simplement une histoire humaine, comme celle que nous écrivons maintenant, mais contient aussi une histoire divine, une mythologie". Cette thèse quelque peu extrême ne convainc pas Arnim, pas plus que Schlegel ou Görres, et moins encore Brentano. Des discussions passionnées s'ensuivent...


Dans les années qui suivent, les frères Grimm vont approfondir leur intuition en se penchant sur de grands textes littéraires. Ils travaillent d'abord sur la Chanson des Nibelungen, puis sur les chansons de geste, les vieux chants populaires écossais, les runes, l'Irminsul. Ils préparent aussi une nouvelle édition du Hildebrandslied et du Reinhard Fuchs, et s'attaquent à la traduction d'une partie de l'Edda. Wilhelm, de son côté, traduit les Altdänische Heldenlieder (Heidelberg, 1811), qu'il n'hésite pas à comparer aux poèmes homériques et qu'il oppose à la littérature des scaldes à la façon dont Jacob oppose Naturpoesie et Kunstpoesie. Les 2 frères, enfin, déploient une intense activité pour recueillir les contes populaires qui vont constituer la matière de leur ouvrage le plus fameux : les Contes de l’enfance et du foyer.


Le 1er volume de ces Contes (Kinder- und Hausmärchen) est publié à Noël 1812 par la Realschulbuchhandlung de Berlin. Les frères Grimm l'ont dédié à leur "chère Bettina", épouse d'Arnim et sœur de Brentano (la fille de Bettina épousera par la suite le fils de Wilhelm Grimm). Le volume suivant paraîtra en 1815. Un 3ème volume, contenant les variantes et les commentaires, sortira en 1822 à l’instigation du seul Wilhelm Grimm. Dès sa parution, l'ouvrage connaît le plus vif succès. Goethe le recommande à Mme de Stein comme un livre propre à "rendre les enfants heureux". Schlegel, Savigny, Arnim s'en déclarent enchantés. Seul C. Brentano reste réservé.


C'est en 1806, dès le retour de Jacob de Paris, que les 2 frères Grimm ont commencé leur collecte. La région dans laquelle ils vivent s'avérait d'ailleurs particulièrement propice à la réalisation de leur projet. Sur les chemins de la Hesse et de la Weser, dans le pays de Frau Holle, les "fées"  semblent avoir de tout temps trouvé refuge. Entre Hanau et Brême, Steinau et Fritzlar, Munden et Alsfeld, les légendes se sont cristallisées autour des forêts et des villages, des collines et des vallées. Aujourd'hui encore, dans les bois environnants, près des vieilles maisons à colombage, aux toits de tuile rouge et aux murs recouverts d'écailles de sapins, la trace des frères Grimm est partout (1).


La plupart des contes réunis par Jacob et Wilhelm Grimm ont été recueillis auprès de gens du peuple : paysans, artisans, servantes. Deux femmes ont à cet égard joué un rôle essentiel. Il s'agit d'abord d'une paysanne de Niederzwehrn, près de Kassel, à laquelle Wilhelm Grimm donne le nom de "Frau Viehmännin" et dont le nom exact était Dorothea Viehmann (2). L'autre femme était Marie Hassenpflug (1788-1856), épouse d'un haut fonctionnaire hessois installé à Kassel ; on estime que les frères Grimm recueillirent une cinquantaine de contes par son intermédiaire. Ces 2 femmes étaient d'origine huguenote. Par sa mère, Marie Hassenpflug descendait d'une famille protestante originaire du Dauphiné. En 1685, la révocation de l'édit de Nantes conduisit en effet quelque 4 000 huguenots français à s'installer en Hesse, dont 2 000 dans la ville de Kassel.


Cette ascendance huguenote des 2 principales "informatrices" des frères Grimm a conduit quelques auteurs modernes à gloser de façon insistante sur les "emprunts français" (Heinz Rölleke) auxquels les 2 frères auraient eu recours. Certains en ont conclu à "l'inauthenticité" des contes de Grimm, qui trouveraient leur véritable origine dans les récits littéraires de Charles Perrault ou de Marie-Catherine d'Aulnoy, beaucoup plus que dans l’authentique "tradition populaire" allemande. Cette thèse, poussée à l’extrême par l'Américain John M. Ellis (One Fairy Story, Too Many. The Brothers Grimm and Their Tales, Univ. of Chicago Press, 1983) qui va jusqu'à parler de "falsification" délibérée, est en fait inacceptable. Il suffit de lire lesContes de Grimm pour s'assurer que l'immense majorité de ceux-ci ne se retrouvent ni chez Perrault ni chez Mme d'Aulnoy. Les rares contes présents chez l'un et chez l'autre auteur (Hänsel et Gretel et le petit Poucet, Aschenputtel et Cendrillon, Dornröschen et la Belle au bois dormant, etc.) ne constituent d'ailleurs pas la preuve d'un "emprunt". Perrault ayant lui-même largement puisé dans le fonds populaire, il y a tout lieu de penser que les frères Grimm ont simplement recueilli une version parallèle d'un thème européen commun. Le fait, enfin, que certains contes de Grimm aient été directement recueillis en dialecte hessois ou bas-allemand et que, de surcroît, la majeure partie d'entre eux renvoient de toute évidence à un héritage religieux germanique, montre que les accusations de John M. Ellis sont parfaitement dénuées de fondement.


En fait, pour les frères Grimm, le conte populaire fait partie de plein droit de laNationalpoesie. Au même titre que le mythe, l'épopée, le Volkslied (chant populaire), il est une "révélation de Dieu" surgie spontanément dans l'âme humaine. Évoquant les contes, dont il dit que "leur existence seule suffit à les défendre", Wilhelm Grimm écrit : "Une chose qui a, d'une façon si diverse et toujours renouvelée, charmé, instruit, ému les hommes, porte en soi sa raison d’être nécessaire et vient nécessairement de cette source éternelle où baigne toute vie. Ce n'est peut-être qu'une petite goutte de rosée retenue au creux d'une feuille, mais cette goutte étincelle des feux de la première aurore".


En retranscrivant les contes populaires qu'ils entendent autour d'eux, les 2 frères restent donc rigoureusement fidèles à leur démarche originelle. Leur but est toujours de faire éclore à la conscience allemande les sources de son identité, de redonner vie à l'esprit populaire à l'œuvre dans ces récits que le monde rural s'est retransmis au fil des siècles. Leur démarche est par-là foncièrement différente de celle des auteurs français. Tandis que l'œuvre de ces derniers s'inscrit dans un contexte littéraire et "mondain", la leur entend plonger aux sources mêmes de "l'âme nationale". Elle est un geste de piété en même temps qu'un acte radicalement politique. Certes Jacob et Wilhelm Grimm ont le souci de remettre en forme les contes qu'ils recueillent mais c'est avant tout le respect qui commande leur approche. Mus par un parti pris de fidélité, ils ne s'intéressent ni aux formes littéraires ni au "moralités" qui enchantaient Perrault. Ils ne visent pas tant à amuser les enfants ou à distraire la cour d'un prince ou d'un roi qu'à recueillir à la source, de la façon la plus minutieuse qui soit, les traces encore existantes du patrimoine auquel ils entendent se rattacher. Bref, comme l'écrit Lilyane Mourey, ils entendent travailler "au nom de la patrie allemande" (3). Tonnelat, de même, insiste sur "les rapports qu'ils croyaient apercevoir entre le conte et l'ancienne légende épique des peuples germaniques. Rapports si étroits qu'on ne peut plus, lorsqu'on va au fond des choses, distinguer l'un de l'autre. Le conte n'est qu'une sorte de transcription des grands thèmes épiques en un monde familier tout proche de la simple vie du peuple" (Les frères Grimm. Leur oeuvre de jeunesse, A. Colin, 1912, pp. 214-215).


gr3.jpgL'étude des contes populaires (Märchenforschung), dont J. et W. Grimm ont ainsi été les précurseurs, a donné lieu depuis plus d'un siècle à des travaux aussi érudits que nombreux. La matière, par ailleurs, n'a cessé d’être plus étroitement cernée. En 1910, le folkloriste finlandais Antti Aarne a publié une classification des contes par thèmes et par sujets (The Types of the Folktale, Suomaleinen Tiedeakatemia, Helsinki, 1961) qui, affinée par Stith Thompson (The Folk Tale, Dryden Press, New York, 1946 ; Motif Index of Folk Litterature, 6 vol., Indiana Univ. Press, Bloomington, 1955), est aujourd'hui universellement utilisée. Elle ne rassemble pas moins de 40 000 motifs principaux. Pour le seul domaine d'expression française, on a dénombré plus de 10 000 contes différents (cf. Paul Delarue, Le conte populaire français. Catalogue raisonné des versions de France et des pays de langue française d'outre-mer, Maisonneuve et Larose, 1976), dont un grand nombre trouvent leur origine dans la matière de Bretagne.


S’il est admis que le conte tel que nous le connaissons apparaît aux alentours du Xe siècle, époque à laquelle il semble prendre le relais du récit héroïque ou épique, se comprend mieux alors que l'étude des filiations, des modes de transmission et des variantes représente un énorme champ de travail. Pour Cendrillon, par ex., on n'a pas dénombré moins de 345 variantes ! Selon l'école finlandaise, la comparaison de ces variantes permet le plus souvent de reconstruire une forme primordiale" (à la façon dont la comparaison des langues européennes a permis aux philologues de "reconstruire" l'indo-européen commun), mais le bien-fondé de cette démarche est contesté par certains. Ainsi que l'avait pressenti J. Grimm, le problème de l'origine des contes renvoie en fait à celui de la formation de la pensée mythique. C'est dire qu'il est impossible de la situer avec précision. Diverses thèses ont néanmoins été avancées. Plusieurs auteurs (P. Saintyves, V.J. Propp, Sergius Golowin, A. Nitzschke) ont recherché cette origine dans de très anciens rituels. Plus généralement, la parenté des contes et des mythes religieux est admise par beaucoup mais les opinions diffèrent quant à savoir si les contes représentent des "résidus" des mythes ou, au contraire, s'ils les précédent. Tout récemment, le professeur August Nitzschke, de l’université de Stuttgart, a affirmé que l'origine de certains contes pourrait remonter jusqu'à la préhistoire de la période post-glaciaire. Après Paul Saintyves (Les contes de Perrault et les récits paralléles, Émile Nourry, 1923), d'autres chercheurs, not. C.W. voit Sydow et Justinus Kerner, ont essayé de démontrer l'existence, effectivement fort probable, d'un répertoire de base indo-européen.


Dans la préface au 2nd volume de leur recueil, les frères Grimm déclarent, eux aussi, qu'il y a de bonnes raisons de penser que de nombreux contes populaires renvoient à l'ancienne religion germanique et, au-delà de celle-ci, à la mythologie commune des peuples indo-européens. Le 3ème volume propose à cet égard divers rapprochements qui, par la suite, ont été constamment repris et développés. Le thème de Cendrillon (Aschenputtel), par ex., est visiblement apparenté à l'histoire de Gudrun. L'histoire des 2 frères (conte 60) évoque la légende de Sigurd. La Belle au bois dormant (Dornröschen), dont le thème se trouve dès le XIVe siècle dans lePerceforest, est de toute évidence une version populaire de la délivrance de Brünhilde par Siegfried au terme d'une quête "labyrinthique", etc. D'autres contes renvoient probablement à des événements historiques. Il en va ainsi de Gnaste et ses 3 fils (conte 138), qui conserve apparemment le souvenir de la christianisation forcée du peuple saxon et se termine par cette apostrophe : "Bienheureux celui qui peut se soustraire à l'eau bénite !"


N'a-t-on pas été jusqu'à voir dans l'histoire de Blanche-Neige (Schneewittchen) l'écho d'un vieux conflit entre le droit saxon et le droit romain, où les 7 nains auraient représenté les 7 anciennes provinces maritimes frisonnes ? Et dans l'exclusion de la 13ème fée dans la Belle au bois dormant un souvenir du passage, chez les anciens Germains, de l'année de 13 mois à celle de 12 (Philipp Stauff) ? Certaines de ces hypothèses sont aventurées. Mais derrière les "sages femmes" dont parlent les frères Grimm, il n'est pas difficile d'identifier d’anciennes "sorcières" (Hexe) persécutées (4), tout comme les 3 fileuses incarnent les 3 Nomes, divinités germaniques du destin (5).
Bien d'autres interprétations ont été avancées, qui font appel à l'ethnologie et à la psychologie aussi bien qu'à l'histoire des religions ou à l'anthropologie : analyses formelles (Vladimir Propp), approches historiques ou structuralistes, recours à l'inconscient collectif du type jungien (Marie-Louise von Franz), études symboliques (Claudio Mutti), aspects thérapeutiques de l'école de Zurich (Verena Kast), exploitations parodiques (Iring Fetscher), etc.


L'importance qu'ont les relations de parenté dans la plupart des contes populaires a aussi donné lieu, not. chez Bruno Bettelheim (Psychanalyse des contes de fées, Laffont, 1979) et Erich Fromm (Le langage oublié, Payot, 1980), à des interprétations psychanalytiques. Pour Bettelheim, les contes ont essentiellement pour but de permettre aux enfants de se libérer sans dommage de leurs craintes inconscientes : l’heureux dénouement du récit permet au moi de s'affirmer par rapport à la libido. En fait, comme le montre Pierre Péju (La petite fille dans la forêt des contes, Laffont, 1981), cette interprétation n'est acquise qu'au prix d'une réduction qui transforme le conte en "roman familial" par le biais de la "moulinette psychanalytique". Elle laisse "l'histoire" des contes entièrement de côté, avec tous ses arrière-plans mythiques et ses variantes les plus significatives. Bettelheim, finalement, ne s'intéresse pas aux contes en tant que tels ; il n'y voit qu'un mode opératoire à mettre au service d'une théorie préformée sur la personnalité psychique - ce qui ne l'a d'ailleurs pas empêché d'exercer une profonde influence(6).


Pour Bettelheim, le conte aide l'enfant à devenir adulte. Pour Jacob Grimm, il aiderait plutôt les adultes, en les remettant au contact de l'originel, à redevenir des enfants. Ce n'est en effet qu'à une date relativement récente que les contes ont constitué un genre littéraire "pour les enfants". Le recueil des frères Grimm évoque d'ailleurs dans son titre aussi bien l'enfance que le foyer : si les enfants entendent les contes dans le cercle de famille, ils n'en sont pas pour autant les destinataires privilégiés. Dans une lettre à L.J. Arnim, Jacob Grimm écrit : "Ce n'est pas du tout pour les enfants que j'ai écrit mes contes. Je n'y aurais pas travaillé avec autant de plaisir si je n'avais pas eu la conviction qu'ils puissent avoir de l'importance pour la poésie, la mythologie et l'histoire, aussi bien à mes yeux qu'à ceux de personnes plus âgées et plus sérieuses".


Produit d'un fond culturel retransmis par voie orale pendant des siècles, sinon des millénaires, le conte populaire est en fait, comme disent les linguistes, un modèle fort qui va bien au-delà du simple divertissement. Les lois du genre en font le véhicule et le témoin privilégié d'un certain nombre de types et de valeurs, grâce auxquels l'auditeur peut à la fois s'appréhender comme l’héritier d'une culture particulière et s'orienter par rapport à son environnement.


C'est par son caractère intemporel, anhistorique, que le conte s'apparente au mythe. Tandis que le récit biblique dit : in illo tempore, "en ce temps-là" (un temps précis), le conte affirme : "il était une fois", formule qui extrait la temporalité de tout contexte linéaire ou finalisé. Avec ces mots, le conte évoque un "jadis" qui équivaut à un "nulle part" aussi bien qu'à un "toujours".


"Comme toute utopie, écrit Marthe Robert, le conte nie systématiquement les données immédiates de l'expérience dont le temps et l'espace sont les 1ers fondements mais cette négation n'est pas son véritable but ; il ne s'en sert que pour affirmer un autre temps et un autre espace, dont il révèle, par toutes ses formules, qu'ils sont en réalité un ailleurs et un avant" (Un modèle romanesque : le conte de Grimm in Preuves, juillet 1966, 25). Dans le conte, l'état civil, l'histoire et la géographie sont abolis délibérément. Les situations découlent exclusivement de relations mettant en jeu des personnages-types : le roi, le héros, la fileuse, la marâtre, la fée, le lutin, l'artisan, etc., qui sont autant de figures familières, valables à tout moment. Plus encore que le passé, c'est l'immémorial, et par-là l'éternel, que le conte fait surgir dans le présent pour y faire jaillir la source d'un avenir rénové par l'imaginaire et par la nostalgie : témoignage fondateur, qui implique que "l'antérieur" ne soit jamais clairement situé. Le conte, en d'autres termes, ne se réfère au "passé" que pour inspirer "l'avenir". Il est une métaphore destinée à inspirer tout présent. L'apparente récréation ouvre la voie d'une re-création. Loin que son caractère "merveilleux" l’éloigne de la réalité, c'est par-là au contraire que le contenu du conte est rendu compatible avec toute réalité. Pour Novalis, les contes populaires reflètent la vision supérieure d'un "âge d'or" évanoui. Cet "âge d'or", du fait même qu'il se donne comme émanant d'un temps situé au-delà du temps, peut en réalité s'actualiser aussi à chaque instant. Lorsqu'ils évoquent l'enfance, Jacob et Wilhelm Grimm n'ont pas tant à l'esprit l'âge de leurs jeunes lecteurs que cette "enfance de l'humanité" vers laquelle ils se tournent pour en extraire la source d'un nouveau commencement qui, après des siècles d’histoire "artificielle", renouerait avec l’innocence de la création spontanée.


Le conte, par ailleurs, témoigne de la parenté de tout ce qui compose le monde. Il est par-là à l'opposé de tout le dualisme propre aux religions révélées. Les frères Grimm remarquent eux-mêmes que dans les contes populaires, la nature est toujours "animée". "Le soleil, la lune et les étoiles fréquentent les hommes, leur font des cadeaux, écrit Wilhelm Grimm. (...) Les oiseaux, les plantes, les pierres parlent, savent exprimer leur compassion ; le sang lui-même crie et parle, et c'est ainsi que cette poésie exerce déjà des droits que la poésie ultérieure ne cherche à mettre en œuvre que dans les métaphores". Dans la dimension mythique qui est propre au conte, toutes les frontières nées de la dissociation inaugurale s'effacent. Le héros comprend le langage des oiseaux les bêtes communiquent avec les humains : la nature porte présage. Toutes les dimensions de visible et d'invisible se confondent, comme au temps où les dieux et les hommes vivaient ensemble dans une présence amicale. Sorte d'épopée familière liée à la "poésie naturelle", le conte traduit ici un paganisme implicite, que les frères Grimm ne se soucient pas de cerner en tant que tel, mais qu'ils fondent, toutes croyances confondues, dans l'exaltation du Divin.


On comprend mieux, dès lors, que le conte populaire n'ait cessé, à l'époque moderne, de faire l'objet des critiques les plus vives. Au XVIIIe siècle, les pédagogues des Lumières y voyaient déjà un ramassis de superstitions détestables. Par la suite, les libéraux en ont dénoncé le caractère "irrationnel" aussi bien que la violence "subversive" tandis que les socialistes y voyaient des "histoires à dormir debout" propres à désamorcer les nécessaires révoltes, en détournant les enfants des travailleurs des réalités sociales. Plus récemment, les contes ont été considérés comme "traumatisants" ou ont été attaqués pour des raisons moralo-pédagogiques ridicules (7).

gr4.jpg


Si, au XIXe siècle, le conte devient progressivement un outil pédagogique bourgeois, coupé du milieu populaire, et dont le contenu est réorienté dans un sens moralisateur censé servir de "leçon" aux enfants, son rôle n'en reste pas moins profondément ambigu. Certains auteurs ont observé que la vogue des contes est d'autant plus grande que l'état social est perçu comme menacé. Le merveilleux, porteur d'un ailleurs absolu, joue alors un rôle de compensation, en même temps qu'il constitue une sorte de recours. Les auteurs marxistes ont beau jeu de dénoncer la montée de "l'irrationnel" dans les périodes de crise ; le conte, fondamentalement duplice, va en fait bien au-delà. Loin d’être purement régressive, la "nostalgie" peut être aussi la source d'un élan. Les frères Grimm, on l'a vu, en collectant la matière de leurs Contes, voulaient d'abord lutter contre l'état d'abaissement dans lequel se trouvait leur pays. La vogue actuelle du merveilleux, désormais relayée par le cinéma et la bande dessinée, est peut-être à situer dans une perspective voisine. Que l'on pense au succès, outre-Rhin, de L'Histoire sans finde Michael Ende...


Les contes, finalement, sont beaucoup plus utiles à l'humanité que les vitamines aux enfants ! Pièces maîtresses de cette "nourriture psychique" indispensable à l'imaginaire symbolique dans lequel se déploie l'âme des peuples, ils renaissent tout naturellement lorsque l'on a besoin d'eux. Par-là, ils révèlent toute la complexité de leur nature. Modèles profonds, sources d'inspiration, ils s'adressent à tout moment à des hommes "au cœur préparé". Car, comme le constate Mircea Eliade, si le conte, trop souvent, "constitue un amusement ou une évasion, c'est uniquement pour la conscience banalisée et notamment pour la conscience de l'homme moderne ; dans la psyché profonde, les scénarios initiatiques conservent toute leur gravité et continuent à transmettre leur message, à opérer des mutations" (Aspects du mythe, Gal., 1963).


En 1816-1818, Jacob et Wilhelm Grimm (qui travaillent tous 2 désormais à la bibliothèque de Kassel) publient les Deutsche Sagen. Ce recueil de légendes a été composé selon le même principe que les Contes de l'enfance et du foyer. Une fois de plus, la légende, assimilée à la "poésie naturelle", est opposée à l'histoire. Sur son exemplaire personnel, Wilhelm Grimm écrit ce vers d’Homère : "Je ne sais rien de plus doux que de reconnaître sa patrie" (Odyssée IX, 28). À cette date, la Prusse a précisément recouvré sa liberté. Le 18 juin 1815, la bataille de Waterloo a sonné le glas des espérances napoléoniennes en Europe. Jacob Grimm, en 1814-1815, a lui-même été Legationsrat au Congrès de Vienne. Les Deutsche Sagen sont accueillies avec faveur par Goethe, qui saisit cette occasion pour attirer sur leurs auteurs l'attention des dirigeants de Berlin.


À partir de 1820-1825, les frères Grimm consacrent chacun la majeure partie de leur temps à des œuvres personnelles. Après les Irische Elfenmärchen (Leipzig, 1826), seul le Deutsches Wörterbuch sera publié sous leur double-signature. Leur champ d'études reste néanmoins le même. Wilhelm continue à travailler sur la légende héroïque médiévale (Die deutsche Heldensage, 1829), la Chanson de Roland, l'épopée danoise, etc. En 1821, se penchant sur la question de l'origine des runes (Über deutsche Runen), il affirme que l'ancienne écriture germanique découle d'un alphabet européen primitif, au même titre que les écritures grecque et latine, et ne résulte donc pas d'un emprunt. La thèse sera très contestée. Par contre, Wilhelm Grimm ne se trompe pas quand il déclare que les Germains continentaux ont dû connaître l'usage des runes au même titre que les Scandinaves et les Anglo-Saxons : l'archéologie lui a depuis donné raison.


Jacob, lui, se plonge dans un énorme travail de philologie et d'étude de la religion germanique. Les livres qu'il publie se succèdent rapidement. À côté de monuments comme la Deutsche Grammatik, la Deutsche Mythologie, la Geschichte der deutschen Sprache, on trouve des essais sur Tacite, la poésie latine des Xe et Xle siècles, l'histoire de la rime poétique, et quantité de textes et d'articles qui seront réunis dans les 8 volumes des Kleinere Schriften, publiés à Berlin à partir de 1864.


Le 1er volume de la Deutsche Grammatik paraît en 1819. Dans cet ouvrage dédié a Savigny, Jacob Grimm s'efforce de jeter les bases historiques de la grammaire allemande en transposant dans l'étude des formes linguistiques les principes appliqués par Savigny à l'étude du droit. Les règles qu'il énonce en philologie comparée le haussent d'emblée au niveau de Wilhelm von Humboldt, Franz Bopp, Rask, etc. "Aucun peuple sur terre, écrit-il dans la préface, n'a pour sa langue une histoire comparable à celle des Allemands". S'appuyant sur la longue durée, il démontre la "supériorité" des formes linguistiques anciennes. La perfection d'une déclinaison, assure-t-il, est fonction du nombre de ses flexions - c'est pourquoi l'anglais et le danois doivent être regardés comme des langues particulièrement pauvres...


À peine ce 1er volume a-t-il paru que Jacob procède à sa refonte. La nouvelle version sort en 1822 (les 3 volumes suivants seront publiés entre 1826 et 1837). Tenant compte des travaux récents qui commencent à se multiplier sur les langues indo-européennes, Jacob Grimm énonce, en matière de phonétique, une loi restée célèbre sur la façon dont les lettres de même classe tendent à se substituer les unes aux autres, ce qui lui permet de restituer les mutations consonantiques avec une grande rigueur. De l'avis général, c'est de la publication de ce texte que datent les débuts de la germanistique moderne.
Peu après, dans les Deutsche Rechtsaltertümer (Göttingen, 1828), Jacob Grimm défend, dans l'esprit des travaux de Savigny, l'identité "naturelle" du droit et de la poésie. Étudiant les textes juridiques anciens, il s'applique à démontrer la précellence du droit germanique sur le droit romain, de la tradition orale sur la tradition écrite, du droit coutumier sur celui des "élites". Les institutions juridiques les plus durables, dit-il, sont-elles aussi d'origine "divine" et spontanée (selbstgewachsen). Il n'existe pas plus de créateurs de lois que d'auteurs d'épopées : le peuple seul en est la source.


En 1835, ce sont les 2 gros volumes de la Deutsche Mythologie (rééditée en 1968 par l'Akademische Verlagsanstalt de Graz). Là encore, pour son temps, Jacob Grimm fait œuvre d'érudition au plus haut degré. Parallèlement, il réaffirme son credo : comme le langage, comme la poésie populaire, les mythes sont d'origine divine ; les peuples sont des incarnations de Dieu. Son frère Wilhelm le proclame en ces termes : "La mythologie est quelque chose d'organique, que la puissance de Dieu a créé et qui est fondé en lui. Il n'y a pas d'homme dont l'art parvienne à la construire et à l'inventer ; l'homme ne peut que la connaître et la sentir".


À leur grand déchirement, les 2 frères ont dû en 1829 abandonner Kassel pour Göttingen. Ils y professent de 1830 à 1837, date à laquelle ils sont brutalement destitués pour avoir protesté avec 5 de leurs collègues contre une violation de constitution dont le roi de Hanovre s'est rendu coupable ; c'est l'affaire des "Sept de Göttingen" (Göttingen Sieben). Ils reviennent alors à Kassel, où ils consacrent l'essentiel de leur temps à leurs travaux. Wilhelm publie son Ruolandes liet (1838) et son Wernher von Niederrhein (1839). Jacob fait paraître son histoire de la langue allemande (Geschichte der deutsche Sprache, 2 vol., 1848). Après quoi, avec son frère, il se plonge dans la rédaction d'un monumental dictionnaire en 33 volumes (Deutsches Wörterbuch), qui commencera à paraître à Leipzig en 1854. L'ouvrage, équivalent du Littré pour les Français, fait encore aujourd'hui autorité.


Les frères Grimm sont alors au sommet de leur carrière. En 1840, le roi Frédéric-Guillaume IV leur propose une chaire à l'université de Berlin et les nomme membres de l'Académie des sciences. Couverts d'honneurs, ils n'occupent toutefois leur chaire que pendant quelques années, afin de pouvoir retourner à leurs études d'histoire littéraire et de philologie. Après la révolution de mars 1848, Jacob siège au Parlement de Francfort. Durant cette période finale, il mobilise toute son énergie pour la rédaction de son dictionnaire. Wilhelm meurt le 16 décembre 1859. Son frère s'éteint 4 ans plus tard, le 20 septembre 1863.


Jacob et Wilhelm ont vécu et travaillé ensemble de leur naissance jusqu'à leur mort, sans jamais abandonner leur but : la résurrection du passé national allemand. Objectif qu'ils servirent avec un savoir et un désintéressement que tous leurs contemporains leur ont reconnu. Des 2 frères, Jacob était sans doute à la fois le plus doué, le plus savant et le plus conscient de la mission à laquelle il s'était voué. Wilhelm, d'un naturel moins "ascétique", était à la fois plus artiste et plus sociable. Tonnelat écrit : "En Jacob il y a du héros. Wilhelm fut assurément très inférieur à son frère ; mais peut-être son infériorité fut-elle la rançon de son bonheur". Telle qu'elle nous est parvenue, leur œuvre a ceci de remarquable qu'elle associe une force de conviction peu commune, touchant parfois au mysticisme, avec une méticulosité et une rigueur scientifique remarquables. Les frères Grimm comptent assurément parmi les grands savants du siècle dernier. Mais en même temps, ils n’abandonnèrent jamais l'idée qu'une nation n'est grande que lorsqu'elle conserve présente à elle-même la source toujours jaillissante de l'âme populaire, et que celle-ci, au fur et à mesure qu'elle perd sa pureté originelle, s'éloigne aussi de Dieu. "Jusqu'à leur mort, écrit Tonnelat, ils ont conservé leur foi romantique dans la sainteté et la supériorité des âges anciens". Attitude que les temps actuels semblent discréditer, mais qui apparaît pourtant fort logique dès lors que l'on comprend que le "passé" et "l'avenir" ne sont jamais que des dimensions du présent - qu'ils ne sont vivables que dans le présent -, en sorte que ce qui fut "une fois" peut être appelé aussi à revenir toujours.


Notes :


  1   À Steinau, on visite la maison où ils vécurent, et un petit musée évoque leur existence.
  2  Un portrait de Dorothea Viehmann, dû à un autre frère Grimm, Ludwig Emil, figure comme frontispice à la 2nde édition des Contes, publiée en 1819-1822 (qui est aussi la 1ère édition illustrée).
  3  On ne saurait dire si ce nationalisme des frères Grimm explique que, début janvier 1985, le Board of Deputies, organisme représentatif de la communauté juive de Grande-Bretagne, se soit donné le ridicule de demander la saisie pour "antisémitisme" d'une édition des Contes de Grimm non expurgée du conte intitulé Le Juif dans les épines (Der Jude im Dorn, conte 110, p. 638-643 de l'édition Flammarion).
 4   Dans sa Deutsche Mythologie (1835, p. 586), Jacob Grimm signale lui-même que le mot allemand Hexe (sorcière) correspond à un ancien Hagalfrau (femme sage, avisée) (vieil-ht.all. hagazussa, moyen-ht.all. hexse). Ce terme renvoie au norroishgr qui a le même sens que le latin sagus (sage, avisé). Le mot anglais witch(sorcière) est de même à rapprocher de wise (sage).
  5  À noter aussi que l'étymologie la plus probable pour le mot fée renvoie au latinfata, ancien nom des Parques (cf. L. Harf-Lancner, Les fées au Moyen Age. Morgane et Mélusine, la naissance des fées, Honoré Champion,, 1984).
 6   Signalons, pour ne citer qu'un exemple, que le réalisateur du film L'Empire contre-attaque (2nd volet de La guerre des étoiles), Irvin Kershner, a explicitement déclaré s’être inspiré des thèses de Bettelheim pour la mise au point de son scénario.
  7  "Après les crématoires d'Auschwitz, est-il encore possible de raconter comment Hänsel et Gretel poussent la sorcière dans le feu pour la brûler ?" demande très sérieusement Manfred Jahnke dans la Stuttgarter Zeitung du 29 août 1984.
http://www.archiveseroe.eu/tradition-c18393793/45

vendredi, 04 octobre 2013

Presseschau - Oktober 2013

zeit.jpg

Presseschau - Oktober 2013
 
Wieder mal einige Links. Bei Interesse einfach anklicken...
 
AUßENPOLITISCHES
 
Schulden explodieren: Polen konfisziert private Renten-Fonds
 
EU-Parlament akzeptiert Banken-Union ohne Kontrolle
 
EU-Beamte verdienen deutlich mehr, zahlen weniger Steuern und bekommen zahlreiche Zulagen
 
Willem-Alexander: Wohlfahrtsstaat am Ende
 
Putsch-Gefahr: Griechisches Militär fordert Rücktritt der Regierung
 
Griechenland: Auf welcher Seite steht das Militär? - 4.3.13
 
Griechenland wird erstes Schwellenland der Euro-Zone
 
Nach Mord an linkem Rapper
Griechische Polizei nimmt Chef der Neonazi-Partei fest
 
Katalanen fordern Unabhängigkeit
 
Schmutzige Deals: Worum es im Syrien-Krieg wirklich geht
 
(Syrien)
Kriegstreiber Henryk M. Broder
 
Belgische Ex-Geisel: Freie Syrische Armee kurz vor Zerfall
 
Syrien
Befreite Geiseln - Terroristen hinter Giftgasangriff
 
Syrisch-russische Rochade
 
Ägyptisches Gericht verbietet Muslimbruderschaft
 
Terroranschlag in Nairobi
 
US-Bürger und Britin unter den Tätern in Nairobi
 
Selbstmordanschlag auf Christen in Pakistan: 78 Opfer
 
Schottland
Die „Bravehearts“ ringen um Unabhängigkeit
Seperatismusdebatte: In einem Jahr stimmen die Schotten über ihre Unabhängigkeit von Großbritannien ab. Nun fängt der Wahlkampf gerade richtig an. Denn ein breites Bündnis in England will die Unabhängigkeit verhindern.
 
(Skurril: Sprachstreit in Belgien)
Belgien
Sprachlos in Menen
 
USA
Schönheitswettbewerb: Rassistische Kommentare gegen neue Miss America
 
Putin solidarisiert sich mit Berlusconi
 
Polen: C&A entfernt nach Protesten Che-T-Shirt
 
Atomruine: Japan bekämpft Fukushima-Lecks mit Millionenprogramm
 
INNENPOLITISCHES / GESELLSCHAFT / VERGANGENHEITSPOLITIK
 
Spendable Ministerien: Bundesregierung zahlte eine Milliarde an Berater
 
Studie: Sendeanstalten vom Staat kontrolliert
 
(Steinbrück)
Proleten im Wahlkampf
 
Nach harscher Kritik
So erklärt Steinbrück das Stinkefinger-Foto
 
Auch im Bundestagswahlkampf
Ob Merkel oder Steinbrück: Politgrößen beißen sich an YouTube die Zähne aus
 
Staatsschulden: Wann kommt die Zwangshypothek auf Immobilien?
 
Grundsteuer steigt
„Die Grünen zocken die Mieter ab!“
 
Deutscher Spitzen-Grüner Trittin von Pädophilen-Diskussion eingeholt
 
Grüne: Volker Beck täuschte Öffentlichkeit über Pädophilie-Text
 
Pädophilie und Emanzipation: Neue IfS-Studie zu den Grünen erschienen
 
NSA US-Generalkonsulat Frankfurt
Verfassungsschutz lässt US-Konsulat ausspionieren
 
AFD Hamburg: Prof. Dr. Hans-Olaf Henkel / Prof. Dr. Jörn Kruse am 12.9.2013
 
Prof. Bernd Lucke (AfD) im MorgenMagazin-Interview
 
Wolfgang Hübner
Warum ich die „Alternative für Deutschland“ wähle
Zehn Gründe für meine Entscheidung am 22. September 2013
 
Britisches Lob für AfD: "Lucke säße in London im Kabinett"
 
Nächster Angriff: AfD-Politikerin ins Gesicht geschlagen
 
Wie die AfD konservative Köpfe rollen läßt
 
Die AfD als Inspirationsquelle
 
Bundestagswahl-Ergebnis
AfD-Analyse: Im Osten stark / Bei FDP-Anhängern beliebt
 
Analyse des AfD-Ergebnisses
(mit Leserdiskussion)
 
(Zu Angriffen gegen die AfD)
Moderne Pharisäer
von Konrad Adam
 
Alternative dank Merkel
 
Partei „Die Freiheit“ gibt auf
 
Bundestagswahl
»Friedlich und demokratisch«
Ralph Giordano, Lala Süsskind, Ilja Richter und andere: jüdische Stimmen zum Wahlergebnis
 
Schwarze Republik – linke Republik
 
(SPD-Landrat wählte öffentlich CSU)
Stellungnahme von Michael Adam im Wortlaut
 
Debatte zur Bundestagswahl
Weiter bei Mutti
 
Weder Sieg noch Niederlage: Weitermachen!
Erste Bemerkungen zum Wahlergebnis der „Alternative für Deutschland“
 
Vera Lengsfeld zur AfD
Der alternative Wahlsieg
 
Euro-Debatte im Staats-TV: Ein System demaskiert sich selbst
 
Kritik an Fünf-Prozent-Klausel
 
Grüne stehen vor parteiinternen Machtkämpfen
 
Grünes Wahldebakel: Trittin tritt als Fraktionschef ab
 
Piraten-Chef kündigt Rücktritt an
 
(hatten wir noch nicht, deshalb nun…)
CDU-Politiker fordert Statue für Papst Benedikt XVI in Berlin
 
(Waffenrecht)
Ohne Waffen Sorgen schaffen
 
Mythen statt Uniformen - Ausstellungen zur Völkerschlacht in Leipzig
 
Der Bromberger Blutsonntag – 3. September 1939
 
(Münchner Abkommen)
Wofür wir etwas können
 
Neue Zweifel an Heß-Selbstmord
 
(Zur Diskussion)
Gauck in Oradour – Die große Lüge der Gutmenschen
 
Die Seele Adolf Hitlers
Moderne Esoterik: Wie der Heiler Colin Tipping die Weltgeschichte umschreibt.
 
Schwalmstadt rettet Vertriebenen-Denkmal
 
LINKE / KAMPF GEGEN RECHTS / ANTIFASCHISMUS / RECHTE
 
"Stärkere Sensibilisierung für Naziterror"
Das Antifaschistische Infoblatt berichtet seit 100 Ausgaben über die rechte Szene. Ein Gespräch mit Dietrich Kollenda
 
Totalitäre Moderne: Kleine-Hartlage gegengelesen
 
„Da steht der Feind!“
von Michael Paulwitz
 
(Antifa vs. "Zwischentag" in Berlin)
 
CSU-Innenexperte kritisiert „Dein Kampf!“-Plakat der Grünen
 
(Polizeifahrzeug mit Antifa-Aufkleber)
Die Rechte zu Besuch bei der AfD
 
Köln: Sparkasse bezahlt Linksextremisten Umzug
 
(Mal wieder Entschuldigung nach Antifa-Protest)
HNA Wahlberichterstattung
Plattform für Neonazi
 
(zwar von 2012, aber mit Fotos der Antifa-Demonstration)
3.000 Menschen demonstrierten in Berlin gegen die Abtreibung
 
Verlag stellt „Landser“ ein
 
Frankfurt
Zerstörungswut auf dem Universitätsgelände
Der linke Geist des AfE-Turms ist umgezogen
 
(Frankfurt – Linksradikale greifen "Grüne" an…)
Hausbesetzung Demonstration
Grüne entsetzt über Angriff
 
(ebenfalls dazu… Sie sitzen bereits im Verwaltungsapparat…)
Nazi-Vergleich nach Haus-Räumung
Polizei zeigt Stadt-Mitarbeiter an
 
Frankfurts Suizid-Partei heißt CDU
Linksextreme Hausbesetzungen sollen tolerabel werden
 
Hanau
Reaktionen zur Demo gegen Neonazi-Auftritt
„Ein Zeichen gesetzt“
(Kontroverse Leserdiskussion)
 
Erneut rechte Hetztiraden?
NPD will nochmal nach Hanau kommen
 
Verbot gescheitert
Hanau muss Kundgebung der NPD erdulden
 
Gegendemo mit rund 400 Menschen
Polizei stoppt Neonazi-Tross in Kleinostheim
 
(Hanau)
„Kein Platz für Rassismus“ „
Runder Tisch gegen NPD geplant
(Bildstrecke anschauen)
 
Duisburg
Linksextremisten greifen friedliche Bürger bei Roma-Diskussion an
 
EINWANDERUNG / MULTIKULTURELLE GESELLSCHAFT
 
„Verhängnisvolle Vielfalt“ - eine politische Dokumentation
Freie Wähler-Fraktion in Frankfurt zeigt ihre Arbeit im Film
 
Salzburgs Schulen: Deutsch wird zum Minderheitenprogramm
 
Verpaßte Wahlkampfthemen
 
FDP will mehr Flüchtlinge aufnehmen
 
Mazyek fordert unbegrenzte Aufnahme von Syrien-Flüchtlingen
 
Klassenfahrt mit moslemischer Sittenwächterin
 
Berliner Verwaltungsgericht: Kein Recht auf gemischte Klassen
 
Kraft feuert Staatssekretärin für Integration
 
(Antirassistischer Wahn)
Was ausgemerzt gehört
 
Buschkowsky redet Klartext
„Türkische Straftäter in die Türkei entlassen“
 
Ude will Einwanderern mehr Rechte geben
 
SPD schließt Bremer Abgeordneten wegen Kritik an Zigeunern aus
 
EU-Kommission rügt französischen Innenminister wegen Zigeunerschelte
 
Im Gespräch mit Akif Pirinçci: “Am Ende werden sich die Deutschen in den „Islam“ integrieren, nicht umgekehrt.”
 
Derby
Lehrerin schmeißt Job an muslimischer Schule wegen Schleierzwang
 
(Der Rückschlag der säkularisierten Gesellschaft)
Fest-Verbannung
Kreuzberg: Weihnachts- und Ramadan-Verbot
 
Offenbach
Urteile im Korruptionsprozess
„Boss der Waffen“ muss ins Gefängnis
 
(Kosovo-Albaner schlägt in Rosenheim Disko-Gast tot)
Daniel S. und Marco G.
 
KULTUR / UMWELT / ZEITGEIST / SONSTIGES
 
Petition gegen den Abriss des Künstlerhauses Halle. Kann einfach online mitunterzeichnet werden...
 
Seltene Farbaufnahmen von Paris unter deutscher Besatzung
 
Thüringen ohne Schreibschrift
 
Kisslers Konter
Die verstörenden Sex-Fantasien der Grünen Jugend
 
Familienkonzept der Piratenpartei
Nur die Liebe zählt
Schluss mit Vater-Mutter-Kind. Die Piraten sind die einzige Partei, die den gängigen Begriff von Ehe und Familie vollkommen auf den Kopf stellt.
 
Berlin versagt bei Schülern
Schwänzen: Wie eine Generation künftiger Hartz-IV-Empfänger regelrecht herangezogen wird
 
Gabriel will Hausaufgaben abschaffen
 
Hausaufgaben abschaffen
 
(Kinder wegen Schulverweigerung von Eltern getrennt)
Schulpflicht
Konsequenzen für Schulverweigerer
 
"Zwölf Stämme": Polizei holt 40 Kinder aus Christen-Sekte in Bayern
 
(Kirche entschuldigt sich bei Lesben)
Anglikaner müssen zwei Mütter auf Taufurkunde akzeptieren
 
(schräg)
 
Ex-Präsident als Trauzeuge: George Bush senior assistiert bei Homo-Hochzeit
 
Barilla-Chef gegen Homosexuelle: "Dann sollen sie eben andere Nudeln essen"
 
Was versteht SPD-Vorsitzender Gabriel unter "religiöse Intoleranz"?
 
Parteien im Sprachtest
 
Karlheinz Weißmann: Aufklärung - für die Moderne und den Islam ?
 
Die Existenzsicherung in einer freien Gesellschaft – Teil 1
 
Die Existenzsicherung in einer freien Gesellschaft – Teil 2
 
Der Reichtum der Reichen ist nicht das Problem
 
Kerry Bolton: Revolution from Above
 
Von Toleranz und Akzeptanz - Erster Teil
 
(Verfall der evangelischen Kirche)
Päpste, Predigerinnen, Lebenschützer
 
(Raucherfreie Gesellschaft)
Die Verwandlung
 
(Zum Tod Marcel Reich-Ranickis)
Tod eines Kritikers: Der Reichs-Ranicker macht Platz
 
Autor der deutsch-deutschen Geschichte: Schriftsteller Erich Loest ist tot
 
(Medienkritik)
Virtuelle Realitäten
 
„Tatort“-Folge kostet 1,4 Millionen Euro
 
(dreist)
Sprayer besprühen Streifenwagen direkt vor Polizeirevier
 
Dreistellige Lebensretter: 110 und 112 werden 40 Jahre alt