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samedi, 18 juin 2016

Poutine vs l’Occident. Un conflit essentiellement idéologique ?

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Poutine vs l’Occident. Un conflit essentiellement idéologique ?

Ex: http://www.breizh-info.com

L’opposition actuelle entre l’Occident (USA/Union européenne) et la Russie de Vladimir Poutine est autant, sinon plus, de nature idéologique que politique et géopolitique. Telle est la thèse développée par Mathieu Slama dans son remarquable essai La guerre des mondes – réflexion sur la croisade idéologique de Poutine contre l’Occident (Ed. de Fallois). Mathieu Slama intervient de façon régulière dans les médias sur les questions de politique internationale. Un des premiers en France à avoir décrypté la propagande de l’État islamique, il a publié plusieurs articles sur la stratégie de Poutine vis-à-vis de l’Europe et de l’Occident.

Entre Poutine et l’Europe, affirme Slama, ce sont deux conceptions, deux grammaires du monde et de l’homme – antagonistes et irréconciliables – qui s’opposent. Cet antagonisme a remplacé celui qui opposait l’Est à l’Ouest, et de façon plus radicale que celui qui opposait le communisme et la démocratie libérale, « car ces deux modèles partageaient une même vision matérialiste de l’homme, congédiant dans un même mouvement Dieu et la tradition, l’un au nom de l’égalité, l’autre au nom de la liberté. »

Quels sont les fondements de cette opposition radicale ? C’est chez l’intellectuel russe Alexandre Douguine,  nous dit Slama, que se trouve une partie de la réponse quand il écrit que « l’eurasisme est une vision du  monde qui se base sur la multipolarité. Nous rejetons l’universalisme du modèle occidental, protestons contre le racisme culturel européen et affirmons la pluralité des civilisations et des cultures. Pour nous, les droits de l’homme, la démocratie libérale, le libéralisme économique et le capitalisme sont seulement des valeurs occidentales. »

Mais plus que de Douguine, la doxa développée par Poutine procède pour l’essentiel de l’oeuvre d’Alexandre Soljenitsyne. « Des millions de gens dans le monde lient le nom et les œuvres d’Alexandre Soljenitsyne au sort de la Russie elle-même. Comme il l’a dit lui-même : la Russie, c’est nous-mêmes. Nous sommes sa chair et son  sang, son peuple. », dira Poutine lors de la remise du prix d’État à l’écrivain en 2007. L’Occident oublieux de ses racines chrétiennes, l’Occident matérialiste qui sacralise l’individu : ces thèmes chers à l’auteur de L’Archipel du Goulag, Poutine les a en effet fait siens.

VLADIMIR_PUTIN_AND_FRIENDS_KGB-CAREER_BY_ACHILLE_ZIBI_MAIN_BNR_01.jpgC’est à partir de 2012, à l’occasion de son second mandat, que Poutine a exprimé de façon aboutie et cohérente son conservatisme. Tout en précisant que  « nul ne peut dire, à l’écoute de Vladimir Poutine, ce qui relève de la sincérité ou de l’hypocrisie – voire du mensonge et de la propagande. », Mathieu Slama  observe que  « le discours de Poutine correspond aussi à un état d’esprit majoritaire en Russie, voire dans l’ensemble du monde non-occidental. Autrement dit, fut-il insincère, ce discours révèle une vérité irréductible à l’honnêteté ou non de celui qui le prononce. »

A l’universalisme sans frontières, à l’individualisme exacerbé, au refus de l’identité qui fondent la doxa de l’Union européenne, Poutine défend un type de société traditionnelle, qui prend ses sources dans l’histoire de la Russie et dans sa culture. Slama rappelle que l’hôte du Kremlin refuse l’assujettissement de la souveraineté nationale à « des règles de droit universelles qui font de chaque individu le membre d’une même humanité » énoncées au nom des droits de l’homme. Contrairement à ce qu’a affirmé à Moscou François Hollande – « Nous avons en commun une vision du monde » – la vision de Poutine se situe bien à l’opposé de celle du président français.

Cela explique, au passage, la hargne avec laquelle les médias occidentaux traitent Vladimir Poutine. « Dictateur », « tyran », « tricheur », « assassin », « voleur » etc., les qualificatifs attribués au président russe ne manquent pas. Jamais les hôtes du Kremlin durant la période de l’URSS n’ont été traités avec autant d’hostilité.

Et pourtant, malgré cela, Poutine semble rencontrer une audience croissante auprès de plus en plus d’Européens. La raison ? Pour Slama, « l’homme européen, confronté à ce qu’Heidegger appelait la fuite des  dieux vit une citoyenneté libre et émancipée mais pauvre en monde. (…) Seuls comptent dans la société technologique, le présent et l’avenir. Mais quel avenir ? (…) Confrontées  à la machinerie sans âme de l’Union européenne et à la dislocation de leur souveraineté, menacées en leur sein de ruptures culturelles sans précédent, les nations européennes naviguent à vue, reléguées derrière la grande puissance américaine, la Russie et les grandes nations émergentes. »

Finalement ce n’est pas tant la réussite du modèle poutinien qui fascine de plus en plus d’Européens mais le délitement du modèle occidental qu’il met par contraste en lumière. « Nous intéresser à ce que dit Poutine, c’est aussi nous confronter à nos propres errance et renoncements », prévient l’auteur. Car, rappelle-t-il, «la nation, en Europe n’existe plus que dans son rapport à l’universel et au droit et, par conséquent, c’est la question même de sa survie qui est posée.». Tout est dit.

PLG

La guerre des mondes – réflexion sur la croisade idéologique de Poutine contre l’Occident, Mathieu Slama, Editions de Fallois, 125 pages, 16€

Bac pour tous, cultivés nulle part !

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Bac pour tous, cultivés nulle part !

La grande déculturation a fait son œuvre !

 
Docteur en droit, journaliste et essayiste
 
Ex: http://www.bvoltaire.fr

Nos convictions morales sont-elles fondées sur l’expérience ? Le désir est-il par nature illimité ? Pourquoi avons-nous intérêt à étudier l’Histoire ? Faut-il démontrer pour savoir ? Machiavel, Descartes et Hannah Arendt, le libre arbitre, l’erreur volontaire sans intention de la commettre, l’histoire vécue et l’histoire narrée… Autant de sujets, de concepts, d’auteurs constituant le millésime 2016 du fameux « bac philo », lequel se réduit, depuis des lustres, à une matière parmi d’autres.

Nos têtes blondes et brunes sont sommées d’argumenter, d’étayer, de démontrer, sans sombrer dans l’écueil du hors-sujet, du psittacisme ou de la compilation de citations. Las. Car, in fine, que va-t-on évaluer ? L’aptitude réelle du candidat à la rhétorique ? Celle d’avancer une réflexion critique et analytique soutenue par une solide culture des « humanités » ? Nenni. Il n’est qu’à voir les néo-bacheliers, primo-rentrants des universités, pour se rendre à cette triste évidence : le fragile vernis des illusions de leur excellence encensée quelques mois plus tôt se craquelle, laissant entrevoir la terrible et angoissante réalité de leur médiocrité.

Le temps de dresser ce terrifiant constat, il est déjà trop tard. Et une course acharnée précipite étudiants et enseignants dans une lutte impossible contre le temps irrémédiablement perdu. La grande déculturation a fait son œuvre. Non pas que la culture ne serait plus enseignée. Au contraire l’est-elle par sa diffusion massive, exponentielle, égalitaire. Bref, estime à bon droit Renaud Camus, « plus la culture est diffusée, moins il y en a pour chacun et moins elle a de consistance ».

Parce que la culture ne peut être, par définition, ce bien le mieux partagé au monde, il en résulte une multitude de prétendants éminemment convaincus, du haut de leur ignorance infatuée, qu’ils sont titulaires d’un droit-créance naturel et sacré aux savoirs et aux diplômes. Le « culturel » s’est arrogé cet exorbitant privilège, corollaire du quantitativisme : l’égalitarisme. Nous réclamons une nouvelle nuit du 4 août !

Nous avons conscience de ce qu’une telle approche aristocratique, sinon élitiste (défendue par Renaud Camus, notamment), peut avoir d’inacceptable et de scandalisant dans nos sociétés hyper-démocratiques post-avancées. Son euphémisation n’atténuera pas pour autant la réalité. Elle ne l’en rendra que plus implacable. Car l’on ne peut rester plus longtemps insensible à la détresse dans laquelle, pareille à une nasse étouffante, nos étudiants se trouvent pris, sans espérer raisonnablement, sauf au prix d’efforts himalayens, s’en délivrer.

« Le système a produit ce qui lui était nécessaire : une main-d’œuvre bon marché, mise en concurrence avec un sous-prolétariat exotique […], formée à une tâche précise et, surtout, débarrassée de la culture globale qui lui permettait, jadis, d’analyser le système, de se représenter dans ce système – et, in fine, de le critiquer », écrivait Jean-Paul Brighelli dans La Fabrique du crétin (2005). Cette « culture globale », ce minimum intellectuel vital, est précisément ce qui fait défaut et dont la carence plonge nos enfants dans la désespérance. Naguère, le certificat d’études, sanctionnant les « humanités » classiques, avait bien plus de valeur que ce papier mâché improprement dénommé « baccalauréat », délivré après ânonnement du programme télé pseudo-culturel pondu par l’Éducation nationale.

Politique et Maternité - Orages d'acier

Politique et Maternité - Orages d'acier

Fréquence Orages d'acier #32 : Politique et Maternité

Emission avec Iseul Turan présentée par Monsieur K..

Présentation de l'émission,
L'acceuil de la vie, emploi et maternité, employeurs, employés et maternité,
Egalité salariale ou justice sociale?
le salaire maternel ?
Stereotypes ou Archétypes ?
Consomm-action et politique "indirecte"
protection du ménage contre les pollutions capitalistes,
Femmes et politiques,
Femmes, mères et militantes,
Actualité des Antigones,

etc...

Musique : Praise for the Mother - Vision - Hildegard von Bingen

Générique : Kreuzweg Ost - Für Kaiser, Gott und Vaterland

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vendredi, 17 juin 2016

Donbass and Syrian Fronts: Two stages of a Single War

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Donbass and Syrian Fronts: Two stages of a Single War

Geographic realities are stable and permanent. They actually matter and all the idealistic disguises created to wage useless wars or delaying wars (Carl Schmitt) are only ponderous parasitic burdens to blind the naïve.

Robert Steuckers

Ex: http://deliandiver.org

I have always insisted on the fact that these both war stages were strategically linked. It would be silly to believe that the Syrian situation has nothing to do with the stalemate in East Ukraine. Historically both areas are so-called “gateway regions” on the rimlands around the Russian dominated heartland as the US geostrategist Saul B. Cohen could demonstrate in his works. As the globalist geopolitics of the United States aims at preventing any Pan-Eurasian synergies in the Old World (or on the World Island to take over MacKinder’s vocabulary) or any long term cooperation between Central Europe and Russia, it’s quite natural to let organize by dubious proxies skirmishes or long term wars on territories that could have an important linking function between major regions on the Eurasian continent. The present-day Ukrainian territory East of Crimea linked Europe (represented by the Genoese and Venetian commercial bases) to Asia at the time of Marco Polo, the great Mongol Khans or even later. The Syrian coast was the entrance gate to the long land roads to India and China. The vital necessity to control it, lead to the eight crusades Western Europe waged during our Middle Ages (Spengler explained why the notion of Middle Ages is only valid for Europe).

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Geographic realities are stable and permanent. They actually matter and all the idealistic disguises created to wage useless wars or delaying wars (Carl Schmitt) are only ponderous parasitic burdens to blind the naïve. That’s what MacKinder tried to explain in his too often forgotten book Democratic Ideals and Realities (several modified editions between 1919 and 1947). Today these two gateway regions, if they would be pacified, could secure the transit of goods and raw materials by roads, pipelines and railways between East Asia, Iran and Europe (in the case of Syria) and between China, Russia and Germany (in the case of Ukraine). What matters today are what I would call the post-Marxist and “Listist” projects China is coining thanks to its overflow of cash and in the framework of BRICS or Shanghai Group with the consent of Kazakhstan and Russia. I speak of a “Listist” perspective on continental organization as the main theorist of development in world history is indubitably Friedrich List. He helped to develop the railway communication system in 19th century Germany, accelerating the unification of the country and its industrialization. Without List, no one would have ever spoken of a German political or economic power. He also favoured the digging of canals both in the United States (he was made an American citizen) to link the Great Lakes area to the East coast harbours and in Germany to link all the river basins between the Vistula and the Meuse in the Prussian dominated Northern European plain. Without List’s genius, no one would have ever spoken of an early American global agricultural power as the wheat belt couldn’t have been properly exploited without a bulk transportation link to the Atlantic coast.

According to List, who thought in multipolar continental terms and favoured soft unification projects under the lead of technological development, the role of the State was to sponsor communication to help developing and creative private industrial and technological forces to thrive (Schumpeter). In this sense, List was a “constructive liberal”, a figurehead of a non conservative efficient praxis that could have annihilated the negative aspects of common liberal ideology.

The Chinese pioneers at the end of the moribund Chinese Empire in the late 1890s and at the beginning of the Republican challenge that lead to the nationalist Sun Ya Tsen revolution in 1911 were all mainly inspired by List who had quite a lot of Chinese disciples. After the paralysing troubles of civil war, of civil dissent caused by warlords, by the long Japanese occupation, communist rule and cultural revolution, China abandoned secretly all the Marxist humbug of the Maoist era (not too obviously in order not to stir too much worry among the masses and the party members). They indeed rediscover List and his ulterior followers and programmed plans akin to the ones he once drew for the United States and Germany.

These plans gave economical, industrial and agricultural powers to both countries. Present-day ideological divagations induce confusion and stir conflicts in order not to repeat positive plans to develop communication that were set up and achieved for the benefit of all the people on Earth. Therefore horrible and useless wars are waged in Syria and in the Donbass area and could be extended to the Caucasus (Chechnya, Dagestan, Ossetia), to East Turkey (Kurds against the Turkish government) blocking for long decades the possibility of expanding railways, pipelines and roads.

(Brussels and Forest-Flotzenberg, June 2016).

Der Abstand als Tugend

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Der Abstand als Tugend

von Pierre Aronnax

Ex: http://www.blauenarzisse.de

Anmerkungen zur jüngsten Distanzierungsdebatte innerhalb der Neuen Rechten. Neue Rechte verstanden als demokratische Rechte. Von Pierre Aronnax.

Zur politischen Realität der Neuen Rechten gehört, dass sie noch immer gesellschaftlich marginalisiert ist. Natürliche Folge dessen ist, dass allerlei Überlegungen angestellt werden, wie sich dieser Zustand ändern ließe, was in unregelmäßigen Abständen zumeist anlassbezogen zu Debatten über den Umgang mit dem politischen Katzentisch führt. Aufhänger diesmal: Frühere antisemitische Äußerungen des AfD-​Landtagsabgeordneten Wolfgang Gedeon in Baden-​Württemberg.


Geäußert haben sich in dieser Sache neben geifernden Medien selbstredend auch die AfD-​Führung, die nun einen Parteiausschluss des Betroffenen fordert. Aber auch Felix Menzel, Herausgeber der Blauen Narzisse, veröffentlichte einen Facebook–Kommentar zum Geschehen. Darin trat er im Wesentlichen für die Freiheit des Wortes ein, ohne jedoch unerwähnt zu lassen, dass er „prinzipiell alle persönlichen Distanzierungen“ ablehne. Ebenfalls in den letzten Tagen erschien die neueste Ausgabe der Zeitschrift Sezession, in der Chefredakteur Götz Kubitschek sich, wenngleich in anderem Zusammenhang, ähnlich äußerte. Dieser Haltung soll im Folgenden widersprochen werden.

„Anstand besitzt nur, wer mit Nachdruck die Meinungsverschiedenheiten betont.“ (Dávila)

Im Zusammenhang mit der Distanzierung von rechts nach weiter rechts wird gerne auf einen Ausspruch von Günther Maschke rekurriert, den dieser im Jahr 2000 in einem Gespräch mit der Jungen Freiheit tätigte: „[Ich] werde mich deshalb auch nicht abgrenzen. Nicht weil es keine Unterschiede gebe, sondern weil die falschen Leute dazu auffordern und man das außerdem nicht vor den Ohren des gemeinsamen Feindes tut.“ Dieser Argumentation liegt nun ein Problem zugrunde: Sie ist keine. Zumindest dem Autor will der apodiktische Imperativ nicht einleuchten. Zumal dieser offenbar auch nur gilt, wenn das Subjekt der Distanzierung weiter rechts als man selbst steht: Mit Distanzierungen gegenüber Rechten, die näher an die Mitte heranreichen als der sonst so über die Abgrenzung Besorgte, tut man sich nicht annähernd so schwer, was folglich interessante Fragen an den aufwirft, dem es doch gerade um die Stärkung des eigenen Spektrums gehen will.

Zwar ist richtig, dass man als Lager insgesamt die Darstellung seiner Geschlossenheit aufs Spiel setzt, wenn man sich dergestalt verhält – jedoch nur, wenn man diejenigen, die von einer derartigen Distanzierung betroffen sind – sei es persönlich oder qua ideologischem Umschlag – tatsächlich als Teil eben dieses Lagers begreift. Genau an diesem Punkt setzt aber gerade die innere Logik der Distanzierung an: An der Grenzziehung. Martin Sellner von den österreichischen Identitären äußerte sich dahingehend vor einiger Zeit sehr deutlich: „Frei nach Nietzsche ist unsere größte Sorge nämlich die, „falsch verstanden zu werden“ und nicht mit gewissen Leuten in ein Lager gerechnet zu werden. Aus diesem Grund sagen wir klar, was wir sind und was wir nicht sind.“

Verwechslung von Ursache und Wirkung

Thor von Waldstein hatte im Zusammenhang mit der Distanzierung nach rechtsaußen in einem IfS-​Vortrag, der auch als Antaios–Kaplakenband Metapolitik vorliegt, einen weiteren Punkt ins Feld geführt, der so nicht stehenbleiben kann. Erstens, weil er nicht stimmt und zweitens, weil er Ursache und Wirkung verwechselt. So kritisiert er Abgrenzungsbestrebungen auf Seiten der Rechten mit dem Hinweis darauf, dass innerhalb der Linken eine „Kultur der Solidarität“ herrsche und eine entsprechende „Kultur der Selbstdenunziation“ wesentlich die Schwäche der Rechten bedinge. Dass die Linke sich nicht innerhalb ihres Lagers distanzieren würde, hat als rechte urbane Legende zu gelten: Wer über die ständigen jahrzehntelangen internen Strategie– und Ideologiedebatten (und die dazugehörigen mitunter handfesten Auseinandersetzungen) der Linken hinaus einen Beweis für diese These benötigt, der bemühe den Internet-​Suchdienst Google und nehme die für die exemplarische Suchanfrage „Linke distanziert sich“ 434.000 dargestellten Suchergebnisse zur Kenntnis.

Träfe die These von Thor von Waldstein jedoch zu, würde dergestalt Ursache und Wirkung miteinander verwechselt werden, als gerade die gesellschaftliche Stärke der Linken ihnen die ausbleibende Distanzierung ermöglichen würde und jene Stärke eben nicht darauf zurückzuführen wäre: Die Linke ist nicht stark, weil sie sich nicht voneinander distanziert, sondern sie distanziert sich nicht, weil sie stark ist.

Neben der Schwächung des vermeintlichen eigenen Lagers sind aber ebenso oft Einwände gegen die Distanzierung dahingehend vorgebracht worden, dass diese lediglich einen Kniefall vor „dem System“ bedeuteten. Manfred Kleine-​Hartlage brachte dies in einem Artikel für das Magazin Zuerst vom 20. März 2015 folgendermaßen zum Ausdruck: „Sie [die sich Distanzierenden, Anm. d. Verf.] wetteifern geradezu in dem vergeblichen Bemühen, die entsprechenden Etiketten dadurch selbst loszuwerden, daß sie sie dem ideologischen verwandten, womöglich nur um Nuancen weiter rechts stehenden Geistesverwandten aufkleben – selbstverständlich ohne den erhofften Judaslohn, nämlich die Zulassung zu den meinungsbildenden Eliten, jemals einzustreichen.“

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Intrinsisch motivierte Abgrenzung

Bereits in einem früheren Beitrag wies der Autor darauf hin, dass die Rechte sich zu viel mit dem Willen zur Macht und zu wenig mit der Psychologie befasst. Und genau in diesem Sinne sei an dieser Stelle näher auf das obige Argument eingegangen. Wer also ist Zielgruppe des Aktes der Distanzierung? Distanziert man sich von einer Position auf derselben Seite des politischen Spektrums, so bieten sich dafür jener zwei an: Das mediale und kulturelle Establishment und der Staat. Dem Establishment gegenüber will man damit in erster Linie Anschlussfähigkeit signalisieren, dem Staat die eigene Unbedenklichkeit, die vor Repressionen schützen soll. Den dritten, gerade im metapolitischen Sinne wesentlich wichtigeren Adressaten lassen die Distanzierungskritiker aber stets außen vor: die eigenen potentiellen Anhänger.

Diesen gegenüber macht man mit der Distanzierung nämlich vor allem eines deutlich: Wer man ist – und wer man dementsprechend nicht ist. Warum ist das von Belang? Weil Menschen sich nicht einfach irgendwem anschließen. Sie wollen über die Sicherheit gegenüber Repressionen und das eventuelle Wohlwollen des Establishments hinaus ganz sicher mindestens eines: Sich mit Menschen zusammentun, die eine politische Vision vertreten, die sie unterstützen können – die sie selbst teilen. Sie wollen schlicht nicht mit bestimmten Leuten mit bestimmten politischen Vorstellungen gemeinsame Sache machen. Nicht weil sie Angst vor „dem System“ haben, sondern, weil sie diese Absichten nicht mittragen können und wollen. Und genau deshalb ist es wichtig, ihnen zu signalisieren, dass wir – sofern es denn zutrifft – eben jene Leute nicht sind.

Der Verzicht auf die Distanzierung nimmt zu viel Rücksicht auf die vermeintlich eigenen Leute und zu wenig auf die, die es noch werden sollen und es dann auch tatsächlich wären. Verantwortlich ist hier ein gängiges Phänomen politischer Randgruppen: Die übermäßige Beschäftigung mit dem eigenen Milieu unter Vernachlässigung des eigentlich Bedeutsamen, nämlich dem Einflussgewinn innerhalb der Gesellschaft, die man zu ändern angetreten ist. Man kann sich nach weiter rechts distanzieren und sich dennoch nicht verbiegen, wenn man nämlich das tut, was so oft – gerade in unseren Reihen – eingefordert wird: Ehrlich sein und sagen, was man denkt. Nicht einknicken.

Diesmal nämlich nicht gegenüber dem Establishment, sondern gegenüber Strömungen der Rechten, die man nicht als sinnvolle Bereicherung des Spektrums, sondern sogar als schädlich begreift: Nicht bloß für die eigene Sache – sondern für das ganze Volk. Und indem man das tut, stärkt man nicht nur seine eigene Position, sondern ebenso sein tatsächliches Lager, indem man all denen, die bisher skeptisch waren, den Zugang dazu ermöglicht, weil man endlich und unnachgiebig seine Stellung bezogen hat – eine Stellung, die im Gegensatz zu denen der „Sackgassenbewohner von rechtsaußen“ (Kubitschek) Millionen in diesem Land teilen und zu unterstützen bereit wären.

Xavier Moreau: "Les sanctions n'ont plus d'effet sur la Russie"

Xavier Moreau: "Les sanctions n'ont plus d'effet sur la Russie"

Xavier Moreau est conférencier et homme d’affaire français vivant en Russie. De passage à Paris il a tenu à faire un point sur l’actualité ukrainienne et russe pour TV Libertés. Il évoque la situation politique et économique de la région russophone du Donbass où il a séjourné plusieurs semaines au cours du mois de mai.


A la veille de sa participation au Forum Economique de Saint-Pétersbourg où se retrouveront notamment Nicolas Sarkozy et Vladimir Poutine, Xavier Moreau confirme que la Russie à pris toutes les dispositions économiques et financières pour contourner les sanctions européennes. L’invité de TV Libertés affirme que désormais ces sanctions n’ont plus d’effet sur la Russie.

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Euro-Rus Russia/Donbass Tour May 2016 Interview Igor Strelkov (FR-RUS)

Euro-Rus Russia/Donbass Tour

May 2016

Interview Igor Strelkov (FR-RUS)

Interview with Igor Strelkov by Euro-Rus analyst Jacob Issa
(French - Russian)

« Effondrement & superpuissances » - Conférence de Dmitry Orlov

« Effondrement & superpuissances »

Conférence de Dmitry Orlov

Conférence de Dmitry Orlov sur l'effondrement des superpuissances (URSS, USA) - "The Long Now Foundation", 13 février 2009 (San Francisco, CA)

Dmitry Orlov est l'auteur de "Les cinq stades de l'effondrement" (Le Retour aux Sources, 2016) : http://bit.ly/1RtRFeY
Vous pouvez suivre son actualité et ses analyses sur son blog, Club Orlov: http://lecluborlov.blogspot.fr/

Le Retour aux Sources Éditeur :
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Twitter : https://twitter.com/Retour_Sources
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Piero San Giorgio : Entretien avec Dmitry Orlov

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jeudi, 16 juin 2016

Sinergias Identitarias por Robert Steuckers

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Sinergias Identitarias por Robert Steuckers

La primera obra de ROBERT STEUCKERS publicada en España
 
Steuckers entiende su actividad como una especie de búsqueda del enraizamiento de los pueblo en la Historia, en cierta manera arqueo-futurista, por usar la brillante expresión de Faye, y por eso también compleja y polifacética. 

Por eso este libro de artículos suyos da una extensa visión del pensamiento holístico de Steuckers, y de la pluralidad de temas tratados, tocando y profundizando en todo el abanico temático propio de la Nueva Derecha: 
 
Nietzsche en sus diferentes interpretaciones y su relación con el nacionalsocialismo; 

Friedrich-Georg Jünger —el menor de los hermanos— y su obra centrada en cuatro referencias: “la Antigüedad clásica, la esencia cíclica de la existencia, el poder de lo irracional y la técnica”;

un artículo en defensa del verdadero socialismo, porque como él mismo dice “el socialismo, se quiera o no, permanece como una reflejo de una aspiración comunitaria”; 

sobre el sociólogo alemán Ferdinand Tönnies y su distinción entre sociedad y comunidad; 

sobre América como “enemigo-adversario”, y cómo la traición de la política americana a la doctrina aislacionista de Monroe fue traicionada en favor de una apuesta por la expansión talasocrática, como heredera de la potencia británica en declive desde 1945; 

sobre el concepto de post-modernidad desarrollado por Wolfgang Welsch;

referencias al sindicalismo revolucionario de George Sorel e ideológicas a Giorgo Locchi; 

sobre Geopolítica, entendida como el antagonismo entre las potencias continentales y las talasocráticas, con un repaso a las aportaciones de los maestros de esta ciencia: Kjellen, Mackinder y Haushofer; 

hasta artículos sobre el nacionalismo ruso, 

sobre Ludwig Ferndinand Clauss y sus estudios sobre la psicología de las razas, 

el paganismo filosófico del premio Nobel de Literatura Knut Hamsum y contra el “desencantamiento del bosque” que denuncia de D. H. Lawrence y 

un sentido homenaje a Jean Thiriart. 

En definitiva armas para la guerra cultura por en una Europa colonizada.

Enric Ravello


Colección Synergias
 
Edición en rústica con solapas
 
Páginas: 284
 
Tamaño: 21 cm x 15 cm
 
Peso: 400 gr.
 
Papel blanco: 90 gr.
 
Cubierta estucada en mate de 260 gr.
 
Categoría: Ensayo
 
ISBN: 978-84-944634-5-7

P.V.P.: 16,95 €
 
(gastos de envío incluidos para España)

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  Address: Apdo 621, CP- 03180, Torrevieja (Alicante)

  Web: editorialeas.com

L’ère des disséminations - L’arme migratoire et la fin des nations

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L’ère des disséminations

L’arme migratoire et la fin des nations

Par Jure George Vujic

Ex: http://constitutiolibertatis.hautetfort.com

http://www.polemia.com/lere-des-disseminations-larme-migr...

Jure George Vujic est un écrivain franco-croate, avocat et géopoliticien, diplômé de la Haute école de guerre des forces armées croates.

Directeur de l’Institut de géopolitique et de recherches stratégiques de Zagreb, il contribue aux revues de l’Académie de géopolitique de Paris, à Krisis et à Polémia. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages dans le domaine de la géopolitique et de la politologie.

La crise migratoire, le spectacle quotidien et tragique des noyades de masse des migrants, l’hypocrisie et l’incapacité des élites occidentales à prendre des mesures efficaces face à ce problème… Néanmoins, le caractère brutal et massif de ce phénomène migratoire chaotique, qui prend les dimensions d’un exode, devraient inciter à la réflexion et à la prudence sur les causes réelles de l’afflux massif de migrants sur les rives de la Méditerranée. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : selon les chiffres du Haut Commissariat aux réfugiés des Nations unies (HCR), ce sont près de 224.000 réfugiés et migrants qui sont arrivés en Europe via la Méditerranée entre janvier et juillet de cette année. Les Syriens constituent le groupe le plus important parmi ces arrivants (34%), suivis des Erythréens (12%), des Afghans (11%), des Nigérians (5%) et des Somaliens (4%). On estime qu’entre un demi-million et un million de migrants tenteront de rejoindre cette année les côtes européennes. Bien sûr, on ne peut que compatir avec les réfugiés syriens et libyens qui ont été chassés de leur foyer par l’intervention militaire des forces atlantistes en Libye et la volonté de renverser le régime de Bachar el-Assad en Syrie.

Néanmoins, face à cet exode, il convient de réfléchir sur le rȏle déstabilisateur et déstructurant de l’arme migratoire, qui pour la « Vieille Europe » pourrait signifier à long terme la transposition pure et simple sur son sol de la géopolitique étatsunienne de balkanisation et de fragmentation ethno-confessionnelle qui est en œuvre au Moyen-Orient, politique qui a généré une situation chaotique dans laquelle a vu le jour le pseudo-califat de l’Etat Islamique soutenu par les alliés occidentaux, l’Arabie Saoudite et le Qatar.

La bombe démographique avec un taux de natalité exponentiel que représenterait la quantité massive des flux migratoires d’immigrées de l’Afrique subsaharienne et du Maghreb pourrait bien à long terme « libaniser » les Etats européens, lesquels seraient confrontrés à une communautarisation, voire une ghettoïsation accrue, des populations allogènes, créant les conditions favorables à l’éclatement de potentielles véritables guerres inter-ethniques. Une Europe-continent affaiblie de l’intérieur et en déstabilisation permanente se devrait de supprimer ses frontières et les derniers soubresauts de souveraineté économique et politique, ce qui faciliterait l’installation du nouveau TAFTA, grand marché transatlantique, alors que les grandes corporations puiseraient abondamment dans la main-d’œuvre immigrée à bon marché tout fraîchement installée sur le sol européen. La transposition sur le continent européen du scénario du choc de civilisations entre Islam et Occident servirait les intérêts des puissances de l’Argent.

Il va de soi que cette migration massive, quand bien même fût-elle contrôlée, changera indubitablement à long terme la structure ethnique et démographique de la Vieille Europe qui semble incapable de résoudre et d’assainir les problèmes déjà existants d’absorption et d’intégration culturelle et sociale des populations extra-européennes qui résultent des flux migratoires précédents des années 1980 et 1990.

Il ne faut pas oublier que la démographie est une donnée constante de même qu’une arme redoutable dans les conflits contemporains. En effet, même si ses conséquences se font, pour la plupart, à long terme, elle ne peut être négligée d’un point de vue méthodologique, dans la mesure où elle est désormais une nouvelle arme utilisée dans les tensions géopolitiques mondiales : « La structure démographique – densité de population, masse, composition par âge et par sexe, taux d’accroissement – est en effet considérée comme un des paramètres conditionnant la violence collective. » Le même argument est développé par Jean du Verdier dans son ouvrage Le Défi démographique. L’auteur évoque la célèbre déclaration de Boumedienne à l’ONU en 1974, il y a 40 ans : « Un jour, des millions d’hommes quitteront les parties méridionales et pauvres du monde pour faire irruption dans les espaces accessibles de l’hémisphère nord, à la recherche de leur propre survie ».

Bien sûr, l’immigration massive à laquelle on assiste a pour cause non pas seulement la pauvreté et la misère économique, mais la guerre qui avait pour but le démantèlement planifié de la Libye, de l’Irak et de la Syrie, qui s’inscrit donc dans une relation de cause à effet. Comme l’a si bien récemment déclaré Kader A. Abderrahim, chercheur associé à l’Iris, spécialiste du Maghreb et de l’islamisme : « La crise migratoire est en relation directe avec l’intervention franco-britannique de 2011. On ne peut pas provoquer la guerre et s’étonner ensuite du désordre » (http://francais.rt.com/opinions/5889-libye-crise-migratoire-expert). L’ampleur et la convergence des flux migratoires ainsi que les directions majeures qui s’étendent du sud au nord et d’ouest en est, les axes migratoires Libye/Maghreb-Afrique subsaharienne/Méditerranée méridionale/ Europe/Italie-Grande-Bretagne-France, Afghanistan-Irak-Somalie-Turquie/ Europe de l’Est-Roumanie-Bulgarie-Hongrie-Serbie-Allemagne ressemblent plus à un déplacement de populations qu’à des flux migratoires discontinus classiques.

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Il ne faut pas oublier que les instances internationales et les centres financiers et économiques de décision mondialistes réfléchissent uniquement en termes quantitatifs, en chiffres et en valeurs ajoutées ; la démographie, la structure des populations, de même que les identités et les différences culturelles ne sont pensées et traitées qu’en termes économiques et doivent servir les impératifs et la dynamique dé-régulatrice du marché mondial unifié. Ainsi il faut rappeler que l’ONU parle ouvertement de migrations de remplacement. C’est ainsi que la Division de la population du Département des affaires économiques et sociales a publié un rapport intitulé Migration de remplacement : est-ce une solution pour les populations en déclin et vieillissantes ?. Le concept de migration de remplacement correspond à la migration internationale dont un pays aurait besoin pour éviter le déclin et le vieillissement de la population qui résultent des taux bas de fécondité et de mortalité. Dans chaque cas on considère différents scénarios pour la période 1995-2050, en mettant en relief l’impact que différents niveaux d’immigration auraient sur la taille et le vieillissement de la population.

Post-nationalité et « Dissémi-Nation » migratoire

Et pourtant, tout porte à croire – et en dépit de l’échec des politiques intégrationnistes, du modèle de la multiculturalité – que depuis des décennies on a conditionné les esprits et préparé l’opinion publique européenne à penser en termes de post-nationalité, de gestion migratoire et de catastrophe migratoire humanitaire, d’hybridation migratoire culturelle et identitaire. Ce discours post-national est aujourd’hui réactivé à des fins géopolitiques et d’ingénierie sociale, puisant ses sources dans le discours post-colonial classique cher à Frantz Fanon et à Edward Said, qui s’est s’attaqué dans les années 1960-1970 aux modes de perception et aux représentations dont les colonisés ont été l’objet. En effet, sous l’influence de la pensée post-structuraliste, néomarxiste et déconstructiviste, dont les chantres les plus connus sont Foucault, Derrida et Deleuze (la fameuse théorie française qui, sous l’appellation de French theory, influencera considérablement les élites universitaires américaines, par le biais des cultural studies et les subaltern studies), les élites atlantistes mondialistes en Europe ont participé en grande mesure à la légitimation du discours post-national et pro-migratoire.

La mode ambiante de la post-nationalité, l’apologie des vertus bénéfiques des brassages et des hybridations culturelles ont profondément modifié dans le mental occidental le rapport et la perception du rȏle de la frontière, dont la fonction de limite et de séparation a été systématiquement dénigrée, au profit de la conception « frontière contact », lieu d’hybridation et d’échanges et rencontres culturelles. Cet état d’esprit irénique explique les déclarations irresponsables des élites européennes face à la vague migratoire massive, qui puisent, dans le registre droit-de-l’hommien et humanitariste, sur l’impératif d’accueillir en Europe les flots d’immigrés qui traversent le tunnel de la Manche ou piétinent les barrières de protection frontalières. Cette posture, qui oublie trop souvent que la majorité des flux migratoires ont des causes et des motivations essentiellement économiques, sociales et pécuniaires, explique aussi la volonté dominante de discréditer, voire de diaboliser, les propositions de renforcement et de contrȏle aux frontières en fustigeant « l’Europe forteresse », les projets de construction de murs en Hongrie étant taxés de modèles ségrégationnistes.

Le discours globaliste et post-national corroboré par la pensée culpabilisatrice de le post-colonialisme estime que la nation, en tant que référence d’appartenance nationale et historique, serait une entité désuète, une catégorie territoriale inadaptée et historiquement consommée, qui devrait laisser la place à de nouvelles constructions transterritoriales, hybrides et fluides aux contours mal définis. La dissémination et la dispersion migratoires à l’échelle planétaire constitueraient le fer de lance de cette entreprise de liquidation de la nation, en tant qu’entité ethnique et linguistique enracinée, vecteur d’appartenance nationale et historique.

Souvenons nous de l’influence qu’exerça le concept de dissémination de J. Derrida en tant qu’outil de déconstruction sur la pensée postcoloniale de Homi Bhabha dans les années 1990, qui forgera le concept de « Dissémi-Nation », afin de proposer un nouveau lieu global sans frontières qui se cristalliserait et se formerait de manière quasi spontanée par le jeu de la dispersion migratoire. Ce jeu de mots de la « Dissémi-Nation » n’est pas aussi anodin et abstrait qu’on pourrait le croire, et l’on peut légitimement se poser cette question : l’Europe n’est-elle pas en voie de se transformer en « Dissémi-Nation », après qu’on a liquidé et décimé la Nation en tant que cadre de la chose publique et espace du vivre-ensemble citoyen ? La nouvelle Dissémi-Nation serait un condensé d’espaces intermédiaires, qui évoluerait sans frontières précises au gré des migrations de multitudes chaotiques, et qui permettrait une production de nouvelles « altérités », pensée qui influencera de nombreux théoriciens de la post-colonialisme, comme Gayatri Spivak, ainsi que la théorie de la subalternité.

Quand bien même ces extrapolations conceptuelles semblent parfois abstraites et farfelues, on est en droit de se demander si le concept de Dissémi-Nation n’est pas en train de voir le jour, par l’intermédiaire de la liquidation de la souveraineté politique et territoriale de l’Etat ? La prolifération, la dispersion et l’exportation des masses considérables de migrants extra-européens ressemblent bien à un processus de dissémination migratoire, qui à long terme pourrait bien déstructurer et déstabiliser ce qui reste encore des vieilles nations européennes, la dissémination migratoire faisant ainsi le jeu de la stratégie du « Grand Remplacement » évoquée par Renaud Camus. La dissémination migratoire massive serait alors une arme de décimation interne et massive de la nation.

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Déconstruction de l’idée de frontière

Il convient de se rappeler que cette conception subjectiviste et culturelle de la frontière-contact est l’héritière d’un courant de pensée marqué par la topophilie. On se souvient que les théoriciens post-marxistes Castoriadis et Harvey voyaient déjà dans le territoire et dans la cartographie symbolique un des champs privilégiés de bataille des identités sociales, culturelles qui devaient supplanter les certitudes traditionnelles sur la territorialité souveraine, marquée le limes romain, et de l’existence d’un esprit des lieux (genius loci propre à un peuple, un groupe ethnique ou national) – opinion longtemps partagée par les géographes ou par des penseurs conservateurs et nationalistes, la nation sublimant le corps mystique républicain cher à Péguy ou la transposition générationnelle de « la terre et les morts » chère à Barrès. Cette effervescence terminologique et conceptuelle se traduira par une prolifération de notions floues telles que : lieu, emplacement, paysage, milieu, région, topographie, limite, frontière ou confins, qui viendront brouiller davantage les notions classiques géographiques et géopolitiques du territoire et de la frontière. L’engouement pour les études culturelles contemporaines en Occident comme en outre-Atlantique (les cultural studies) a abouti à une idôlatrie de la notion de topophilie qui avait été lancée par Gaston Bachelard pour insister sur le vécu subjectif de l’espace et sur les rapports de l’individu aux lieux. Pour Bachelard, les individus établissent des relations signifiantes avec les lieux. (D’après lui, il peut s’agir de saisir les modalités selon lesquelles les êtres humains construisent leurs rapports aux lieux, que ceux-ci soient symboliques ou constitutifs de l’identité – Bachelard 1957). C’est dans la même direction que l’opinion publique en Europe a longtemps été abreuvée par ce même discours cosmopolite globaliste qui imposerait de penser l’Europe, non d’une façon charnelle et différenciée, mais de façon abstraite et constructiviste, en tant que construction intellectuelle : un territoire abstrait conçu, dont certaines régions cartographiques sont volontairement éliminées (comme le remarque bien Hobsbawm, 1997).

La même opération dé-constructiviste et dé-substantialiste a été opérée par les sociologues modernes qui insistent sur le fait que la frontière n’est pas un fait spatial aux conséquences sociologiques, mais, par contre, un fait sociétal qui prend forme dans l’espace, faisant crédit à la thèse de Georg Simmel, selon laquelle les frontières sont le résultat d’un processus psychique de délimitation ayant comme résultat des territoires, des « régions » ou des « pays » – des espaces culturels représentatifs pour un certain groupe social, qui ne se superposent pas nécessairement sur les limites politiques et territoriales acceptées. Bien sûr, tout comme Simmel l’a bien remarqué, il y a à la base un acte de volonté, un rôle moteur des communautés dans la formation des limites et des frontières. Il n’en demeure pas moins qu’à force d’élargir le champ sémantique de la notion de frontière à tout processus de délimitation, voire de dispersion, dans le cas des flux migratoires, on finit par évacuer ce qui est à la base de toute structure spatiale élémentaire, à savoir les frontières en tant que discontinuité géopolitique et de marquage, de repère, qui agissent, non seulement comme le soulignent Lévi-Strauss et Lassault sur le réel, mais aussi sur le symbolique et l’imaginaire d’une communauté nationale soudée par la même langue, le même sentiment d’appartenance et une certaine symbolique d’un esprit du territoire, que certains banalisent par le vocable le terroir : la patrie.

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Des anthropologues, tels que Lévi-Strauss et Georges Dumézil, ont souligné le rôle fondateur du symbolique, qui institue et structure en tant que vecteurs des identités collectives et individuelles, symbolique qui passe par la fonction de délimitation (l’appartenance à une communauté inscrite dans un territoire qui est le sien). L’histoire et les mythes fondateurs qui président à la formation de toute conscience collective et nationale rendent compte de l’importance symbolique de l’acte de « poser une frontière » qui implique toujours un regard collectif sur « L’autre » et sur « soi ». La frontière qui délimite, enferme ou exclut met en mouvement de puissantes marques d’identité qui déterminent des rapports culturels et de voisinage spécifiques avec l’étranger. On se souvient que l’école française des Annales insistait sur l’équation significative frontière/identité. De même que Lucien Febvre avait analysé l’évolution sémantique du mot frontière comme signe d’une mutation de la réalité historique avec la formation de l’Etat-nation (Febvre, 1962), alors que le couple frontière/identité est aussi présent dans les réflexions de Fernand Braudel sur L’Identité de la France. L’approche déconstructiviste et intellectualisante de la frontière, tout comme l’approche culturaliste et post-moderniste de cette notion ont abouti à une survalorisation des projections intellectuelles (idéologiques et symboliques) au détriment du mode identitaire de penser la frontière arbitrairement taxée de « mode discriminatoire » suspect. Or, la fétichisation contemporaine de prétendues nations périphériques, les identités frontalièrers et transfrontalières ont conditionné les mentalités, et surtout les pratiques de projection culturelle telles que la littérature et les arts et la politique, à absolutiser et à ontologiser l’effacement des frontières ; la pensée post-frontalière qui revendique le nomadisme et la nouvelle figure de proue symbolique du migrant rejoint la promotion de la post-nationalité, en tant que dissolution programmée de la nation au nom d’une unification du monde par le marché et la consommation.

Or, paradoxalement, les discours communautaristes (Chicanos, Afro-Américains, etc.), post-colonialistes, et la théorie de la subalternité (cette théorie a été initiée par le Groupe d’études subalternes – Subaltern Studies Group, SSG – ou Collectif d’études subalternes – Subaltern Studies Collective –, un groupe de chercheurs sud-asiatiques intéressés par l’étude des sociétés post-coloniales et post-impériales d’Asie du Sud en particulier et du Tiers-Monde en général), qui s’attaquaient à l’impérialisme des élites en renvoyant au contexte hégémonie culturelle au travail du marxiste Antonio Gramsci, sont devenus l’un des leviers du discours d’uniformisation marchande capitaliste qui, pour instaurer et libéraliser le marché mondial, se doit de déconstruire les dernières entraves que constituent les nations, les territoires souverains, les identités enracinées, ainsi que les dernières frontières protectionnistes. La nouvelle narration post-nationale à base de glorification de l’hybridation et de complexification identitaire prône une identité mondiale diasporique et migratoire, qui passe par la construction du sujet Foucaldien par assujettissement aux institutions de contrȏle, aujourd’hui à la mise en pratique de la thématique Deleuzienne de la dissémination des identités fluides et mouvantes, des sujets démultipliés le long des lignes de fuite nomadiques. Ainsi, la théorie de la déconstruction se proposait de promouvoir la désoccidentalisation des esprits et des grands concepts du changement du politique par la déconstruction des certitudes métaphysiques en arrachant tous les signifiants politiques régulatoires et structurants à leur champ de référence et de représentation. Seulement à force de déconstruire et d’arracher, la condition du dominé, du subalterne, devient peu à peu l’instrument de répression et la voie du dominant, le subalterne devenant l’angle mort du processus historique contemporain en tant qu’entreprise généralisée de déracinement.

Dissémination, contagion des idées et nouvelle anthropologie

La dissémination et la contagion des idées ont toujours précédé les grands bouleversements sociaux et politiques. Et c’est la raison pour laquelle la légitimisation des bienfaits de l’immigration massive et du brassage multiculturel s’est opérée par un changement des représentations mentales des populations autochtones et leur rapport vis-à-vis de leur identité et leur rapport avec l’autre, l’étranger. Comme le souligne l’anthropologue Dan Sperber, proche du courant néodarwinien, l’évolution culturelle dans le domaine des idées obéit à une logique de diffusion qui rappelle celle des épidémies. En effet, selon Sperber, les idées et les représentations se disséminent et se répandent par une sorte de contamination, par contagion (le titre de son livre est La Contagion des idées). Ce changement idéel des représentations mentales collectives, qui corrélativement contamine et modifie le champ sociétal, s’articule autour « d’attracteurs culturels » qui sont souvent les porte-parole, les relais de la nouvelle pensée dominante, les diffuseurs de nouveaux pseudo-paradigmes fantasmagoriques tout comme l’idéologie nomadiste. En effet, l’usage métaphorique des sociétés nomades ainsi que l’éloge du déracinement, de l’errance, en vogue dans le monde culturel et des arts, dans les grands médias, les sciences sociales et la philosophie dominante, qui vante les mérites du vagabondage, de l’exil, de l’esprit artiste, du flux, de la pensée ou de la raison nomade, constitue les trames idéologiques de la « nomadologie », fer de lance de cette véritable révolution anthropologique qui devait préparer, sur le terrain des idées et de l’esprit, l’acceptation indolore des grands bouleversements psychologiques, démographiques et ethno-culturels en Europe. Cette nomadologie, bien qu’elle puise ses sources dans l’orientalisme occidental du XIXe siècle, s’affirme depuis les années 1970-1990, c’est-à-dire dans le contexte intellectuel post-soixante-huitard, suite à l’avènement du post-modernisme, de la déconstruction de la raison et de la métaphysique (occidentale) et de l’universalisme-cosmopolitisme triomphant, la mode de l’écologie et la nouvelle philosophie. En effet, la nouvelle narration nomadiste qui devait se substituer à la fin des « grands récits » (les Lumières, les grandes idéologies de la modernité, marxisme, Hegelianisme) et qui devait fournir un modèle alternatif à la pensée dominante, grâce à l’apport d’une anthropologie nomadologique suspecte qui fera l’apologie et la promotion dans le contexte global des sociétés nomades en général, et plus particulièrement des sociétés de chasseurs-collecteurs, est ainsi présentée par Pierre Clastres comme un rempart contre l’Etat (La Société contre l’Etat, 1974) ou par Marshall Sahlins comme la première forme de la « société d’abondance » (M. Sahlins, Age de pierre, âge d’abondance“, 1976). La pensée libérale-libertaire deviendra un véritable laboratoire d’idées pour cette nouvelle révolution anthropologique par la diffusion de revues telles que Libre dirigée par Marcel Gauchet, des réflexions de Jean Duvignaud, Paul Virilio et Georges Pérec sur la « ville nomade » dans la revue Cause commune de 1972 ou du numéro emblématique de cette même publication consacré au thème des Nomades et Vagabonds (1975). Sans oublier évidemment le livre-phare de la « nomadologie », Mille Plateaux, de Gilles Deleuze et Félix Guattari, qui paraît en 1980.

noma886_3015637.jpgCette pensée « désirante » et « nomade » sera célébrée plus tard par Chatwin, avec Songs Lives (1986), Kenneth White, avec L’Esprit nomade (1987), Jean Borreil, naguère collaborateur de la revue Les Révoltes logiques dirigée par Jacques Rancière, avec La Raison nomade (1993), ou bien encore Jacques Attali, avec L’Homme nomade (2003), livre dans lequel cette figure est représentée par le marché, la démocratie et la foi. Le même éloge de l’errance se retrouve dans de nombreux mythes et récits bibliques dans lesquels est recyclé le grand mythe, cher au XIXe siècle, du juif errant, sans feu ni lieu (voir Du nomadisme : vagabondages initiatiques, 2006, de Michel Maffesoli, qui est ainsi articulé autour des thèmes du « juif errant », des « villes flottantes » et d’Hermès, tandis que, plus récemment, Le Siècle juif, 2009, de Yuri Slezkine, met en scène l’opposition entre « apolliniens » sédentaires et « mercuriens » nomades fonctionnels).

Il serait inutile de s’étendre sur le caractère fantasque et stéréotypé de cette pensée constructiviste, très souvent déconnectée du réel et des rapports avec les sociétés nomades « réelles », lesquelles n’existent jamais sous la forme de l’errance et de l’isolement. En fait, loin du caractère utopique et purement incantatoire de nomadisme, la diffusion de ces nouvelles formes de représentations sociétales devait servir de levier de déracinement (par les processus d’acculturation/déculturation) et d’uniformisation marchande par la promotion de l’individu comme élément central des sociétés contemporaines pour les besoins du capitalisme tardif en tant qu’acteurs de production totalement flexibles et disponibles, mobiles tout comme le sont les chasseurs-cueilleurs et nomades dans les sociétés primitives. En effet, l’idéologie néo-libérale et le nouveau capitalisme de séduction mis en exergue par Michel Clouscart instrumentalisera avec succès l’anthropologie libertaire des sociétés nomades en transposant sur l’individu et le monde du travail les caractéristiques de sociétés passées et/ou exotiques en y appliquant les nouvelles pratiques « new age » telles que les coach-chamanes, la sophrologie et le « développement personnel ».

La dissémination est le propre de la démarche post-moderne qui dans l’optique Derridienne serait destinée à interrompre et empêcher la totalisation, s’insurgeant contre l’idée de centre et de totalité, préférant le réseau et la dissémination, par l’effacement des repères normatifs et leur remplacement par une logique en apparence fluide mais opératoire. Sur le plan social et politique, la dissémination des processus dissolvants migratoires s’emploie à déconstruire de l’intérieur une société structurée par la verticalité de l’institution politique au profit de l’économique. La dissémination migratoire est le reflet de cette même post-modernité qui se fonde sur une réalité discontinue, fragmentée, archipélique, modulaire où la seule temporalité est celle de l’instant présent, où le sujet lui-même décentré découvre l’altérité à soi, où à l’identité-racine fait place l’identité-rhizome, le métissage, la créolisation, tout ce que Scarpetta désigne, dans le champ esthétique, par le concept d’ « impureté ». Les philosophes post-modernes (notamment Foucault et Agamben) qui ont souligné l’importance des relations de pouvoir dans la formation du discours d’une époque sont devenus, sans le savoir et sans vouloir le reconnaître, les allocataires et les propagateurs de cette nouvelle forme de discours dominant et, selon Alex Callinicos, ont « contribué à créer l’atmosphère intellectuelle dans laquelle celle-ci pouvait s’épanouir », voire post-humaine dans laquelle l’arme de la dispersion indifférenciée migratoire a pour but de liquider la réalité nationale, et d’instituer le règne du « sujet sans intériorité ».

Jure George Vujic

4/09/2015

Bibliographie

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– Eric Hobsbawm, Nations et nationalismes depuis 1780 : programmes, mythe et réalité, Gallimard, 1992.

Le municipalisme libertaire - Une nouvelle politique communale?

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Murray Bookchin
Le municipalisme libertaire
Une nouvelle politique communale?

Commenté par Yohann Sparfell

Ex: http://www.in-limine.eu

(Ces commentaires ne visent pas à établir une position de rejet ou d'adoption absolue vis à vis des présupposées et propositions concernant le municipalisme libertaire mais à les considérer à la lumière d'une pensée métapolitique actuelle influencée par plusieurs sources: critique de la valeur, réflexions et actions du socialisme patriote et révolutionnaire, théorie althusienne de la souveraineté (Althusius)... Ils visent surtout à inciter à développer l'intérêt pour les communes en tant que lieux multidimentionnels d'élaboration possible de relations sociales alternatives, non à partir d'un devoir-être utopique, mais d'actions concrètes qui seraient à même de pouvoir redéfinir notre rapport à l'être).

Les deux sens du mot "politique"

Il existe deux manières de comprendre le mot politique. La première et la plus répandue définit la politique comme un système de rapports de pouvoir géré de façon plus ou moins professionnelle par des gens qui s'y sont spécialisés, les soi-disant "hommes politiques". Ils se chargent de prendre des décisions qui concernent directement ou indirectement la vie de chacun d'entre nous et ils administrent ces décisions au moyen des structures gouvernementales et bureaucratiques.

Ces "hommes politiques" et leur "politique" sont habituellement considérés avec un certain mépris par les gens ordinaires. Ils accèdent le plus souvent au pouvoir à travers des entités nommées "partis", c'est-à-dire des bureaucraties fortement structurées qui affirment "représenter" les gens, comme si une seule personne en "représentait" beaucoup d'autres, considérées comme de simples "électeurs". En traduisant une vieille notion religieuse dans le langage de la politique, on les appelle des élus et ils forment en ce sens une véritable élite hiérarchique. Quiconque prétend parler au nom des gens n'est pas les gens. Lorsqu'ils affirment qu'ils sont leurs représentants, ils se placent eux-mêmes en-dehors de ceux-ci. Souvent, ce sont des spéculateurs, des représentants des grandes entreprises, des classes patronales et de lobbies en tout genre.

Souvent aussi, ce sont des personnages très dangereux, parce qu'ils se conduisent de façon immorale, malhonnête et élitiste, en utilisant les média et en répandant des faveurs et des ressources financières pour établir un consensus public autour de décisions parfois répugnantes et en trahissant habituellement leurs engagements programmatiques au "service" des gens. Par contre, ils rendent ordinairement de grands services aux couches financièrement les mieux nanties, grâce auxquelles ils espèrent améliorer leur carrière et leur bien-être matériel.

Cette forme de système professionnalisé, élitiste et instrumentalisé appelé ordinairement politique est, en fait, un concept relativement neuf. Il est apparu avec l'État-nation, il y a quelques siècles, quand des monarques absolus comme Henry VIII en Angleterre et Louis XIV en France ont commencé à concentrer entre leurs mains un énorme pouvoir.

Avant la formation de l'État-nation, la politique avait un sens différent de celui d'aujourd'hui. Elle signifiait la gestion des affaires publiques par la population au niveau communautaire ; des affaires publiques qui ne sont qu'ensuite devenues le domaine exclusif des politiciens et des bureaucrates. La population gérait la chose publique dans des assemblées citoyennes directes, en face-à-face, et élisait des conseils qui exécutaient les décisions politiques formulées dans ces assemblées. Celles-ci contrôlaient de près le fonctionnement de ces conseils, en révoquant les délégués dont l'action était l'objet de la désapprobation publique.

Mais en limitant la vie politique uniquement aux assemblées citoyennes, on risquerait d'ignorer l'importance de leur enracinement dans une culture politique fertile faite de discussions publiques quotidiennes, sur les places, dans les parcs, aux carrefours des rues, dans les écoles, les auberges, les cercles, etc. On discutait de politique partout où l'on se retrouvait, en se préparant pour les assemblées citoyennes, et un tel exercice journalier était profondément vital. À travers ce processus d'autoformation, le corps citoyen faisait non seulement mûrir un grand sens de sa cohésion et de sa finalité, mais il favorisait aussi le développement de fortes personnalités individuelles, indispensables pour promouvoir l'habitude et la capacité de s'autogérer. Cette culture politique s'enracinait dans des fêtes civiques, des commémorations, dans un ensemble partagé d'émotions, de joies et de douleurs communes, qui donnaient à chaque localité (village, bourg, quartier ou ville) un sentiment de spécificité et de communauté et qui favorisait plus la singularité de l'individu que sa subordination à la dimension collective.

Commentaires : Lorsque Murray Bookchin écrivait que les « politiques » « rendent de grands services aux couches financièrement les mieux nantis » (ce qui est totalement exact si l'on se réfère par exemple à la démonstration qui a été faite il y a quelques temps de la façon dont la classe politique s'est constamment tut sur les agissements d'organismes financiers internationaux comme Clearstreem), il ne faisait que décrire un phénomène qui plonge ses racines en une cause bien plus profonde et inhérente à la structure sociale fondée par le capitalisme. Les relations sociales d'accointances entretenues avec la classe néo-bourgeoise post-moderne, la « Nouvelle Classe », par les « politiques » (par intérêts ou par nécessités, les « politiques » menées par ces derniers ne pouvant l'être qu'à condition que leur soit consacré une part du capital issue de la circulation de celui-ci) sont le voile qui cache des rapports sociaux de quasi-asservissement vis à vis de la dynamique sociale de production des multinationales auto-entretenue par la recherche incessante de valorisation du Capital. En effet, les institutions étatiques par delà le fait qu'elles autorisent à une classe dirigeante et bureaucratique de bénéficier grassement de la manne engendrée par le cycle de valorisation, permet surtout au capitalisme, pseudo-société structurée autour de la valorisation des capitaux, de trouver en ces institutions les instruments indispensables à son bon fonctionnement et sa pérennisation. C'est en cela que l'on peut déclarer que la création de l'État-Nation moderne et le rôle particulier des rapports sociaux qu'il entretient depuis son avènement, sont historiquement déterminés par la dynamique sociale caractérisant un type original de production : le capitalisme. C'est la raison pour laquelle cette forme étatique a progressivement élaboré, et maintient, les structures organisationnelles nécessaires au fonctionnement des rapports sociaux de production au sein des différentes sphères de la production, de la distribution et de la circulation : la définition et le respect du droit juridique des individus (la garantie du droits des individus « libres et égaux », les individus « atomisés ») appelé « droits-de-l'homme » déconnectés de ceux du « citoyen », la formation adéquates des savoirs aux normes d'efficacité en vigueur, la mise en œuvre des infrastructures et organismes nécessaires à la circulation des individus-producteurs-consommateurs, des marchandises et des capitaux, le développement des moyens de production (recherche techno-scientifique, …), l'éducation adaptée au strict minimum dans le but d'adapter le jeune individu à la « pensée unique », etc… La machinerie étatique a en outre pour fonction d'adapter ses différents attributs aux besoins contextuels du capital. C'est ainsi que l'État a pu se parer d'une certaine religiosité en s'adjoignant le terme de « Providence » (dans les moments où le capitalisme a besoin de l'assistance des moyens publiques afin d'accompagner la croissance de sa productivité – keynésianisme des trente glorieuses – ou de combler les pertes dues à ses « errements » financiers, en fait émanant de nécessité immanentes au contexte particulier de sa fin de règne peu glorieuse – crise de 2008), ou renforcer son rôle régalien tout en permettant aux capitaux d'organiser eux-même, afin de trouver de nouvelles mannes, ce qui était autrefois de ses attributions, dans un cycle de dérégulation et de libéralisation autoritaire (mais dans les deux cas, il conserve toujours le rôle de faciliter l'ouverture à de nouveaux marchés pour le Capital, par exemple par le biais des normes en tous domaines lui fournissant prétexte à taxes, contrôles et contraintes ou bien par une privatisation rampantes et juteuse de diverses assurances dont personne aujourd'hui ne pourrait se passer, comme de la retraite par exemple). Dépasser la logique de la valeur implique donc forcément dépasser l'État dans sa forme moderne – voire postmoderne dans son rôle d'accompagnateur servile du diktat mondialiste et réduit à ses fonctions de surveillance et de répression - car l'un comme l'autre sont des éléments structurels de l'économisme et de ses règles qui dominent les hommes et leurs rapports sociaux mais aussi bien sûr les communautés, familiales, régionales, nationales et continentales. On peut d'ailleurs s'en apercevoir par un aspect de plus en plus prenant de l'économisme et de l'État auquel M Bookchin faisait souvent référence : la centralisation croissante ainsi que l'uniformisation des modes de vie et de pensée qui lui est consubstantiel, et qui pourtant apparaissent sous des formes de décentralisations politiques et de « libertés » individuelles, fortement illusoires, parce que déconnectées de toute co-création collective.

Il est bien entendu qu'une dynamique de renversement de ce paradigme auto-destructeur ne peut, à moins d'hypothéquer gravement sa réussite éventuelle, songer à établir une étape de transition étatisée concentrant en elle l'ensemble de la souveraineté comme cela s'est fait lors de la révolution soviétique, ou autres, c'est-à-dire une continuité d'une interprétation bodinienne (Jean Bodin, jurisconsulte français du XVIème siècle) de la souveraineté. Un mouvement de « communalisme », dans le sens où il se veut être une dynamique de renversement des valeurs que l'on peut appeler « occidentales », se doit de pouvoir repositionner la souveraineté actuellement concentrée au sein des États modernes vers les peuples eux-mêmes et leurs diverses corporations imbriquées, et donc influer positivement sur - pour ne pas dire aussi renverser - les rapports sociaux, qui sont les vecteurs de leur pérennisation, par des relations humaines associatives préfigurant un tout autre type d'organisation de la société basée sur une responsabilité directe et partagée (non médiatisées par des catégories aliénantes). La dynamique sociale partirait donc de la base, de la source inépuisable du besoin de complémentarité humaine en tous les domaines de la vie, à commencer par celui de la fourniture de tout ce qui est nécessaire à la pérennité de la vie humaine, tant matérielle que morale et spirituelle. Il s'agirait en somme de redynamiser la « volonté vers la puissance », figure narrative de la dynamique symbiotique et autonome de la vie elle-même.

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Murray Bookchin

Un écosystème politique

Une politique de ce genre est organique et écologique et non formelle ou fortement structurée (dans l'acception verticale du terme) comme elle le deviendra par la suite. Il s'agissait d'un processus constant et non d'un épisode occasionnel comme les campagnes électorales. Chaque citoyen mûrissait individuellement à travers son propre engagement politique et grâce à la richesse des discussions et des interactions avec les autres. Le citoyen avait le sentiment de contrôler son destin et de pouvoir le déterminer, plutôt que d'être déterminé par des personnes et des forces sur lesquelles il n'exerçait aucun contrôle. Cette sensation était symbiotique : la sphère politique renforçait l'individualité en lui donnant un sentiment de possession et, vice versa, la sphère individuelle renforçait la politique en lui procurant un sentiment de loyauté, de responsabilité et d'obligation.

Dans un tel processus de réciprocité, le moi individuel et le nous collectif n'étaient pas subordonnés l'un à l'autre mais se soutenaient mutuellement. La sphère publique fournissait la base collective, le sol pour le développement de fortes personnalités et ceux-ci, à leur tour, se rassemblaient dans une sphère publique créative, démocratique, institutionnalisée de façon transparente. C'étaient des citoyens au plein sens du terme, c'est-à-dire des acteurs agissants de la décision et de l'autogestion politique de la vie communautaire, y compris l'économie, et non des bénéficiaires passifs de biens et de services fournis par des entités locales en échange d'impôts et de taxes. La communauté constituait une unité éthique de libres citoyens et non une entreprise municipale instituée par "contrat social".

Commentaires : Je ne pense pas qu'il faille voir dans cette vision d'une certaine forme de citoyenneté passée, de la part de Murray Bookchin, qu'une nostalgie d'un temps certes révolu mais surtout riche d'enseignements pour l'élaboration d'une véritable démocratie. Le souvenir des époques où des relations sociales d'un tout autre type que les rapports sociaux existant aujourd'hui structuraient la vie des communautés humaines s'évanouit sous les brumes de l'absolutisme ambiant, du sentiment d'une rationalité souveraine d'où émane une impression de « fin de l'Histoire » ou d'un triomphe sur les « obscurantismes » du passés. Des pans entiers de l'histoire sont ainsi maintenus cachés de la surprise qu'il y aurait alors à découvrir que l'homme est capable de bien autres choses que de courir après ses petits intérêts égoïstes. Ainsi est est-il allé de la mémoire des Enragés de 1792-93 à Paris et Lyon qui voulaient poursuivre la Révolution, et préparer la troisième révolution française, en pratiquant la démocratie directe et la résistance à la dictature du commerce au sein de comités de quartiers, ou de la Commune de Paris en 1871 qui fut un combat patriote en même temps que social pour ne pas dire socialiste selon le sens vrai de ce mot, ou encore de la révolution anarcho-syndicaliste en Espagne en 1936, surtout dans les petites communes... D'où l'importance de notre longue mémoire ! Dans ce qui peut paraître un éloge quelque peu idéaliste de formes politiques quasi-démocratiques du passé, il y a en fait matière à s'interroger sur les possibles que comportaient l'organisation sociale structurée autours de rapports directs (de « face à face »), d'une part en ce qui concerne la vie courante dans les sociétés non capitalistes, et d'autre part, en la puissance d'agir contenue en elles et qui peut les amener éventuellement à créer de façon contextuelle des dynamiques de renversement - d'un pouvoir indigne ou de droits injustes – et capables de redistribuer le pouvoir de façon plus autonome et juste par et pour l'ensemble des « citoyens » (ou de quelque façon que l'on nomme les personnes impliquées dans ce que l'on peut appeler la véritable politique, celle qui concerne la vie réelle, tangible, bien moins dominée par des abstractions pouvant menées jusqu'à l'aliénation). Il est sûr que ces relations sociales, structurant la société pré-capitalistes en Europe (et en Amérique lors des débuts de la colonisation), ont laissés des traces et des habitudes sociales chez les peuples de ces continents, parce qu'ils faisaient partis intégrantes de notre Culture Européenne depuis des millénaires. Murray Bookchin, comme beaucoup de sa génération, avait conservé le souvenir de cet habitus caractérisant la vie courante de la classe ouvrière et paysanne jusqu'au milieu du 20ème siècle. Je pense que cette évocation a guidé sa vie durant l'espoir d'un autre possible contenu au sein même de nos peuples de pouvoir fonder une réelle démocratie au-delà de la « démocratie » libérale. Il ne pouvait donc ignorer l'âpreté d'une telle démarche lorsqu'il faisait lui-même le constat d'une progression de l'individualisme dans « notre » société moderne. Peut-être lui restait-il à soumettre ce fait à la réalité de rapports sociaux réifiés dans la marchandise, à commencer par l'argent ? Et donc à situer l'origine de ces rapports en une dynamique folle d'auto-accumulation du capital prenant naissance dans le procès de production, la logique de la valeur, qu'il nous faudra bien interroger afin de pouvoir interpréter efficacement le rôle spécifique du travail salarié dans le paradigme de la société capitaliste et ses effets néfastes tant sur le plan humain que écologique (tout en y mettant au jour les rapports de pouvoir profitables à une certaine oligarchies internationale – la bourgeoisie n'a pas de Patrie !).

Ce qui est trop peu pressenti dans la démarche critique radicale (y compris de l'écologie radicale), c'est la fonction de l'économisme (et peut-être même de la technologie – ou techno-science - qui en est liée) en tant que telle dans la structuration des dominations caractérisant le monde capitaliste, la particularité des rapports sociaux qui lui sont immanents, et donc la spécificité historique de l'économie et de ses catégories au sein du monde capitaliste (travail salarié, capital, marchandise, valeur,...) introduisant logiquement un doute sérieux sur la possibilité d'un contrôle citoyen sur celle-ci (« ré-insérer l'économie dans le social »). L'économisme – la « science » économique - étant spécifique à la réalité sociale du capitalisme, c'est donc une autre forme de production-distribution des biens (d'échanges avec les hommes et la « nature ») qu'il nous faudra inventer afin de dépasser ce système destructeur et dé-structurant tout en étant bien conscient que l'on ne pourra faire abstraction de tous acquêts émanant de ce système (toutes techniques et formes d'indépendances individuelles introduites dans la vie sociale par le capitalisme). L'essence même de l'Écologie Sociale, en tant qu'expression possible d'un véritable socialisme – fédéraliste, c'est-à-dire relevant d'une prise de conscience de la réelle puissance de la vie sociale humaine organique, et enraciné -, devrait inciter à une raison supérieure mais non pas hégémonique, et une remise en cause du fétichisme de la marchandise ; sans pour autant vouloir immiscer une pensée fétichiste issue d'un passé idéalisé au sein d'une critique du monde moderne, ni pour autant vouloir annihiler toutes croyances de la vie sociale et personnelle à partir du moment où celles-ci puissent être interrogées et éventuellement remises en cause dans le principe de redynamisation d'une véritable autorité qui reste à redéfinir. Mais, comme le pensait M Bookchin, seule la constitution de relations sociales directs, ré-inventés, ré-élaborés plus ou moins consciemment, peut être à même de fournir la base d'un dépassement radicale du capitalisme, en s'appuyant sur une construction sociale publique : la commune, dans la mesure où ce que décrit ce terme puisse représenter à nos yeux non forcément un moyen actuel eu égard à la structuration des villes modernes, mais plutôt l'aboutissement d'une dynamique sociale d'émancipation du cycle d'effacement de nos identités sociales et culturelles, et rassemblant des hommes et des femmes autour des mêmes désirs collectifs et individuels de dépassement d'un état d'aliénation en un lieu donné à taille humaine. Et tout ceci en redécouvrant la force inhérente à la dynamique associative (les « Genossenschaften » althusiens). D'où l'importance d'appuyer sur le fait que « La communauté constituait une unité éthique de libres citoyens et non une entreprise municipale instituée par "contrat social" », car la puissance d'élaboration sociale inhérente au besoin de socialité contenu en chaque homme vrai du fait de son incomplétude ontologique, est consubstantielle à la double dynamique de constitution de l'individu-citoyen, c'est-à-dire enraciné dans ses communautés, et des institutions qui sont aptes à lui garantir la légitimité de sa recherche d'autonomie, institutions partant de la base et se dirigeant vers le sommet, celle du jus regni, de la pyramide de la souveraineté politique. Alors oui, nous pouvons bien parler de symbiose et non de « contrat social », car il n'est pas question d'ouvrir la scène aux délires d'un individu déraciné passant contrat avec d'autres êtres tout aussi psychotiques et soumis à l'avoir. Il n'est pas question de cette « horizontalité » là qui peine désormais à cacher sa soumission à un Nouvel Ordre Mondial destructeur des communautés réelles et charnelles. La souveraineté populaire ne peut tirer son existence que d'êtres enracinés dans leur réalités sociales et communautaires, dans leur culture et leurs espérances. La souveraineté n'existe que par la responsabilité, à chaque échelon de la vie sociale. À travers l'acceptation de cette notion de responsabilité, l'on se donne aussi la possibilité de redéfinir le droit, « le droit d'avoir des droits » Hannah Arendt, c'est-à-dire de lier celui-ci à la participation effective, citoyenne, à la vie commune. Nous n'avons pas des droits parce que nous sommes « citoyens » – en tant qu' « hommes » : inclusion inconditionnelle – mais nous devenons citoyens en obtenant des droits – en tant que membre d'une communauté à laquelle nous nous identifions et en laquelle nous participons.

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La commune : un enjeu moderne

Il y a beaucoup de problèmes qui se posent à ceux qui cherchent à tracer les caractéristiques d'une intervention au niveau communal, mais, en même temps, les possibilités d'imaginer de nouvelles formes d'action politique, qui récupéreraient le concept classique de citoyenneté et ses valeurs participatives, sont considérables.

À une époque où le pouvoir des États-nations augmente, où l'administration, la propriété, la production, les bureaucraties et les flux de pouvoir et de capitaux tendent à la centralisation, est-il possible d'aspirer à une société fondée sur des options locales, à base municipale, sans avoir l'air d'utopistes inguérissables ? Cette vision décentralisée et participative n'est-elle pas absolument incompatible avec la tendance à la massification de la sphère publique ? La notion de communauté à l'échelle humaine n'est-elle pas une suggestion atavique d'inspiration réactionnaire qui se réfère au monde prémoderne (du genre de la communauté du peuple du nazisme allemand) ? Et ceux qui la soutiennent n'entendent-ils pas rejeter ainsi toutes les conquêtes technologiques réalisées au cours des différentes révolutions industrielles depuis deux siècles ? Ou encore, est-ce qu'une "société moderne" peut être gouvernée sur des bases locales à une époque où le pouvoir centralisé semble être une option irréversible ?

À ces questions à caractère théorique, s'en ajoutent beaucoup d'autres à caractère pratique. Comment est-il possible de coordonner des assemblées locales de citoyens pour traiter de questions comme le transport ferroviaire, l'entretien des routes, la fourniture de biens et ressources provenant de zones éloignées ? Comment est-il possible de passer d'une économie basée sur l'éthique du business (ce qui inclut sa contrepartie plébéienne : l'éthique du travail) à une économie guidée par une éthique basée sur la réalisation de soi au sein de l'activité productive ? Comment pourrions-nous changer les instruments de gouvernement actuels, notamment les constitutions nationales et les statuts communaux, pour les adapter à un système d'autogouvernement basé sur l'autonomie municipale ? Comment pourrions-nous restructurer une économie de marché orientée sur le profit et basée sur une technologie centralisée, en la transformant en une économie morale orientée sur l'homme et basée sur une technologie alternative décentralisée ? Et, de plus, comment toutes ces conceptions peuvent-elles confluer au sein d'une société écologique qui cherche à établir une relation équilibrée avec le monde naturel et qui veut se libérer de la hiérarchie sociale, de la domination de classe et sexiste et de l'homogénéisation culturelle?

La conception suivant laquelle les communautés décentralisées sont une sorte d'atavisme prémoderne, ou mieux antimoderne, reflète une incapacité à reconnaître qu'une communauté organique ne doit pas nécessairement être un organisme, dans lequel les comportements individuels sont subordonnés au tout. Cela relève d'une conception de l'individualisme qui confond individualité et égoïsme. Il n'y a rien de nostalgique ou de novateur dans la tentative de l'humanité d'harmoniser le collectif et l'individuel. L'impulsion à réaliser ces buts complémentaires (surtout en un temps comme le nôtre, où tous deux courent le risque d'une dissolution rapide) représente une recherche humaine constante qui s'est exprimée tant dans le domaine religieux que dans le radicalisme laïc, dans des expériences utopistes comme dans la vie citoyenne de quartier, dans des groupes ethniques fermés comme dans des conglomérats urbains cosmopolites. Ce n'est que grâce à une connaissance qui s'est sédimentée au fil des siècles qu'on a pu empêcher la notion de communauté de verser dans le grégarisme et l'esprit de clocher et celle d'individualité de verser dans l'atomisme.

Commentaires : La question de l'espace adéquate où puisse se déployer un agir à l'opposé du système marchant dominant les esprits et les actes, et en y associant de façon pérenne ses habitants, est une question à partir de laquelle il peut être possible d'établir un projet réalisateur en y faisant naître un désir politique. La localisation, non uniquement spatiale, d'un projet alternatif se heurte néanmoins le plus souvent dans sa mise en œuvre, surtout au bout de quelque temps, à un recentrage de la dynamique expérimentale sur un groupe de personnes, en particulier les plus à même d'assurer théoriquement et pratiquement une remise en cause, le plus souvent évertuée, de leur mode de vie (personnes issues d'un niveau social plus aisé intellectuellement et financièrement, et le plus souvent imprégnés d'idéologies ou de délires « utopistes » visant l'élaboration programmatique d'un « autre monde »), et qui finissent par réintroduire insidieusement des méthodes et des pensées en adéquation avec la perpétuelle réadaptation du système. C'est ainsi que l'on peut faire des constats pour le moins mitigés en ce qui concerne des initiatives de démocratie participative locales passées (comme à Porto Alegre au Brésil), des créations de coopératives dans des domaines considérés comme alternatifs mais peinant à dépasser la prééminence de la logique marchande (le bio, le commerce équitable, beaucoup de scoop, …), des tentatives de dynamisation populaire assembléistes de mouvements sociaux comme celui des retraites en 2010 ou encore des « Nuits debout » du mouvement contre la Loi travail en 2016. Dans tous les cas, ce qui peut paraître le plus ardu, c'est bel et bien de dépasser les rapports sociaux propres à « notre » société afin d'en expérimenter de nouveaux, en inadéquation totale avec les prérequis incontournables d'un processus de valorisation, et de domination oligarchique, aux multiples visages y compris « contestataires » (individualisme « libéral » évoluant sous diverses formes). Or, ces rapports, médiatisés par la marchandise, l'argent, le travail salarié, l'État, sont à ce point ancrés dans nos têtes, qu'il est bien difficile de trouver le lieu et le moment adéquats où peut apparaître un désir quasi paroxistique au sein d'un ensemble d' « acteurs » qui, du fait de cette limite atteinte par une situation vécue comme insupportable et surtout insensée, vise à construire des relations sociales directes et non dominées par une forme de fétichisme, surtout économique et accumulative bien sûr (la ras-le-bol peut-il suffire ? Tout autant que les grandes théories sur le « genre humain » ne brillant que par leur abstraction ?). C'est pourtant la condition de l'élaboration d'une véritable démocratie, partant de la base, vers le sommet qui se doit d'être à son service, qui est conditionnée par cet communion du désir dépassant toutes les barrières sociales introduites par l'Ordre « libérale ». Et cette condition est la prémisse d'une remise en cause des rapports sociaux aliénants du capitalisme en créant simultanément à un mouvement profond et osant dépasser le nihilisme ambiant, une contre-culture à la non-culture dominante, « ...ce que les allemands appellent un Bewegung, une culture entière, pas juste une cause....Ce n'est pas le monde du marché libre de la rivalité. Donc derrière cette mentalité écologique se trouve aussi une culture – et même une personnalité. Une façon d'expérimenter. Ou si on veut, d'absorber le monde autour de nous et d'interagir avec. » (M Bookchin dans une conférence donnée à San Francisco en 1985).

La notion de communauté a tendance à verser dans le grégarisme et celle d'individualité dans l'atomisme, c'est le constat amère que l'on peut hélas formuler en ce début de 21ème siècle ; même si bien sûr, l'homme ne peut jamais être réduit à une machine ne visant qu'à satisfaire ses envies individualistes malgré les desseins insensés promulgués par la clique « scientifique » économiste. Néanmoins, le désir de politique n'est jamais loin, même s'il est trompé et détourné par les illusions du politique-spectacle, comme nous pouvons le constater par exemple suite à de récents attentats terroristes et à la tentative de la part du pouvoir dit « démocratique » de détourner les regards des véritables responsables : eux-mêmes et leurs « politiques », ou plutôt leurs renoncements. La commune ou le quartier (à taille humaine, limitée, non celle des mégalopoles crées pour l'anonymat post-moderne et la circulation rationalisée des marchandises et des individus sérialisés) sont des lieux potentiels de puissance politique, d'émancipation, à partir du moment où l'on tient compte que ces lieux sont des lieux publics qui ne peuvent qu'être fondés sur le foisonnement premier d'une vie privée corporative, associative et familiale, collective, foisonnante et créatrice surtout, qui leur donne corps et légitimité. Car c'est là effectivement, en tout premier lieu que peut émerger une pensée plus ou moins radicale contre le système social de production capitaliste (par les effets délétères qui y sont ressentis localement et individuellement de façon directe et quotidienne, comme par exemple l'immigration massive et ses répercussions négatives et déstructurantes dont sont victimes maints quartiers : pauvreté, violence, trafics en tout genre, etc) et donc d'une élaboration de contre-pouvoirs à l'échelle de la vie quotidienne au sein de ces espaces d'identités sociales. La municipalité, la commune autonome, ne peut être qu'une résultante d'un élan vers la puissance et l'autonomie sociale, une expression politique publique indispensable parce que jugée nécessaire à élaborer et maintenir le droit et l'harmonie au sein de l'ensemble symbiotique communautaire. Cette dynamique peut alors s'accroître aux niveaux institutionnels supérieurs telles les régions et les nations, jusqu'au niveau « impérial » du Res Publica, garant du Tout, et au service de tous. Le devenir humain, et non mécaniste et trans-humain, resurgira d'une créativité qui aura su se réinsérer dans le local et sa singularité, s'en nourrir afin de redonner du sens à ceux qui l'habitent, du sens et du goût pour la véritable politique : la vie de l'Agora !

Le mouvement des villes en transition ou pour la résilience par exemple est une dynamique éventuellement intéressante si on la considère sous cet angle. Il est indéniable qu'il porte en lui, en plus d'une remise en cause d'un mode de vie consumériste et déconnecté du réel, une culture invitant à l'établissement de rapports sociaux alternatifs entre les personnes et entre celles-ci et la « nature ». Peut-il représenter une possibilité d'élaborer à l'échelle de municipalités une société d'individus librement associés se ré-appropriant leur subjectivité en se dégageant peu à peu du sujet-automate (le Capital) dominant, et ainsi trouver un moyen de faire vivre des expériences de communalisme en se ré-appropriant conjointement la souveraineté ? Peut-être, s'il ne tombe dans le mirage (ou le fétiche) d'un économisme local accouplée à une vision universaliste, dans lesquels se prennent les pied nombre de mouvements localistes (le « manger local » par exemple peut aussi être un moyen pour le capitalisme de tenter de résoudre certaines de ses limites – accroissement de la misère et opportunisme vis-à-vis de la compassion charitable des « grandes âmes » - d'autant plus qu'il peut s'intégrer dans le « débrouillez-vous » - J. Attali – cher au libéralisme post-moderne). Et si bien sûr ce mouvement sait se radicaliser (aller à la racine des problèmes rencontrés) peu à peu sans se laisser bercer par les sirènes du mondialisme néo-libéral qui idéalise l'Autre afin de faire de tous des « tous-pareils » en tuant ainsi tout espoir de redonner vie à une véritable politique populaire dont la source de la vitalité découle d'une conflictualité dont l'assomption est la condition d'être d'une véritable humanité. Il ne devrait pas s'agir uniquement de tenter de ré-introduire des modes de vie à une échelle plus « humaine » (petits commerces locaux, artisanat marchand, prises de décisions collectives, coopératives diverses, économiques et culturelles, etc) mais aussi de comprendre l'enjeu de réenraciner toute initiative de ce genre dans une réalité culturelle et historique qui est la sienne. S'il s'agit d'inventer d'autres formes de relations sociales, moins fétichistes donc plus directes et collectives, dont la structure découlera d'activités productives et autres débarrassées des rapports strictement individualistes (spécifiques au mode de production-financiarisation capitaliste postmoderne), ceux-ci devront être générés en fonction des aléas et besoins de la vie réelle des communautés et des luttes locales et nationales dont elles décident d'elles-mêmes de devenir les portes-étendard (luttes contre l'immigration massive et déstructurante pour tous les peuples, les pollutions, la perte des savoirs, l'anéantissement de nos cultures locales, nationales et européennes, etc). La pensée métapolitique devra y prendre une grande place car ces luttes sociales n'auront une chance de participer à donner une nouvelle tournure à ce monde qu'en se liant à une analyse globale et aux déductions qui en découlent. Ce qui veut aussi dire qu'il faut bien que nous soyons conscients de ce qu'il sera souhaitable de faire ou pas faire de ces lieux de réappropriation communalistes de la souveraineté (les limites d'une récupération possible par le système dominant) et du fait que la municipalité (situation géographique) n'est pas le lieu premier de la dynamique de ré-appropriation de la souveraineté, mais l'aboutissement local, public et politique, des dynamiques sociales, en tant que contres-pouvoir volontairement déconnectés des institutions mises en place et financées par le système dominant (partis, syndicats réformistes, collectivités territoriales, ONG subventionnées,...).

Il sera donc indispensable de réinsérer les « communes » dans une spacialité qui tendra à faire redécouvrir le sens profond du mot Patrie, redécouverte d'une filiation, et par conséquent du sens intime de l'être : du sens commun diffusé en l'irréductibilité de chacun. C'est la condition afin de réapprendre, et res-sentir, le lien intime unissant en une même dynamique la nature et la culture, ou LES cultures.

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Murray Bookchin

Une politique en-dehors de l'État et des partis

N'importe quel programme qui essaye de rétablir et d'élargir la signification classique de la politique et de la citoyenneté doit clairement indiquer ce que celles-ci ne sont pas, ne fût-ce qu'à cause de la confusion qui entoure ces deux mots...

La politique n'est pas l'art de gérer l'État, et les citoyens ne sont pas des électeurs ou des contribuables. L'art de gérer l'État consiste en des opérations qui engagent l'État : l'exercice de son monopole de la violence, le contrôle des appareils de régulation de la société à travers la fabrication de lois et de règlements, la gouvernance de la société au moyen de magistrats professionnels, de l'armée, des forces de police et de la bureaucratie. L'art de gérer l'État acquiert un vernis politique lorsque les soi-disant "partis politiques" s'efforcent, à travers divers jeux de pouvoir, d'occuper les postes où l'action de l'État est conçue et exécutée. Une "politique" de ce genre est à ce point typée qu'elle en est presque assommante. Un "parti politique", c'est habituellement une hiérarchie structurée, alimentée par des adhérents et qui fonctionne de façon verticale. C'est un État en miniature et dans certains pays, comme l'ex-Union Soviétique et l'Allemagne nazie, le parti constitue réellement l'État lui-même.

Les exemples soviétique et nazi du Parti/État ont représenté l'extension logique du parti fonctionnant à l'intérieur de l'État. Et de fait, tout parti a ses racines dans l'État et non dans la citoyenneté. Le parti traditionnel est accroché à l'État comme un vêtement à un mannequin. Aussi varié que puisse être le vêtement et son style, il ne fait pas partie du corps politique, il se contente de l'habiller. Il n'y a rien d'authentiquement politique dans ce phénomène : il vise précisément à envelopper le corps politique, à le contrôler et à le manipuler, et non à exprimer sa volonté - ni même à lui permettre de développer une volonté. En aucun sens, un parti "politique" traditionnel ne dérive du corps politique ou n'est constitué par lui. Toute métaphore mise à part, les partis "politiques" sont des répliques de l'État lorsqu'ils ne sont pas au pouvoir et sont souvent synonymes de l'État lorsqu'ils sont au pouvoir. Ils sont formés pour mobiliser, pour commander, pour acquérir du pouvoir et pour diriger. Ils sont donc tout aussi inorganiques que l'État lui-même - une excroissance de la société qui n'a pas de réelles racines au sein de celle-ci, ni de responsabilité envers elle au-delà des besoins de faction, de pouvoir et de mobilisation.

Commentaires : Le problème n'est pas tant celui des partis politiques que du système au sein duquel il est nécessaire pour eux de s'intégrer afin d'accéder à une reconnaissance. Car au fond c'est bien ce « système » qui incite à la création de formations dites « politiques » dont l'existence reconnue ne sert effectivement qu'à légitimer une démocratie de façade. Mais néanmoins que des opinions politiques puissent s'assembler et s'organiser au sein d'associations afin d'en défendre les singularités est indiscutable si l'on ressent la nécessité de devoir respecter la diversité et la démocratie. La question est de savoir si les partis actuels sont vraiment politiques en fonction de la façon dont ils perçoivent ce que doit être la souveraineté, et le lieu où elle doit se déployer, et, conjointement, en la faveur de qui réellement ? Encore une question qui doit aider à définir un Droit au bénéfice de l'autonomie populaire !

Il est vrai que les grands partis actuels se sont dévoyés depuis longtemps déjà dans un rôle d'accompagnement de la logique folle d'accumulation du Capital comme j'ai pu le faire remarquer plus haut, en se faisant « partis de gouvernement », au service de l'économisme et d'une acception étriquée du nationalisme (« communion nationale » fantasmatique). C'est bien la raison pour laquelle l'ambition de ne faire aboutir toute dynamique alternative qu'au travers une prise de pouvoir globale à l'aide de la constitution de partis politiques est au mieux inefficace, au pire complètement irresponsable. En effet, les États modernes (et les « lieux » où se concentrent la souveraineté, absolue, y compris les assemblées de « représentants ») sont des lieux d'impuissance sociale, ne représentant autre chose que notre renoncement à notre puissance sociale, celle des peuples par eux-mêmes. Les personnages politiques s'y transforment automatiquement en fonctionnaires-gestionnaires du Capital et en larbins des intérêts oligarchiques, et ce en dépit de la bonne volonté de certains (voir actuellement l'approche de nos « gouvernants » envers les multinationales comme Monsanto, Microsoft, et autres...). Organiser la société par le haut implique des moyens financiers dont la source ne peut se trouver que dans les ponctions qui sont opérées sur les revenues du travail, moteur interne de l'accumulation sans fin du Capital. Les rapports sociaux de production ne seraient donc être mise en cause selon un tel paradigme, pas plus que les rapports d'exploitation de la force de travail humaine au sein des entités de production dont le but ultime resterait de valoriser des capitaux et non d'être au service de la collectivité. Ce sont ces rapports sociaux, faut-il le répéter, qui engendrent une domination totale imposée sur la nature, sur nous-même en tant que « nature », celle-ci n'étant d'ailleurs que l'expression conceptuelle de cette domination, d'une domination sur la vie elle-même. Bien sûr que l'État-Nation capitaliste, par conséquent, a le monopole de la violence dans la mesure où cette nécessité structurelle d'exploitation (ou de maintenir une telle exploitation afin de créer de la survaleur) est la violence première opérée sur l'ensemble de la vie, des êtres vivants, humains ou animaux. L'État moderne a pour rôle d'institutionnaliser cette violence, de l'organiser à l'échelle de la société au travers de ses attributions, puis du monde au travers des institutions internationales, pour les besoins infinis de valorisation du Capital (OMC, FMI, Groupe Bilderberg, Commission européenne, etc...) comme, consubstantiellement, de contrôle total des populations (des masses d'individus atomisés !). Le prolétariat par exemple, pur produit de la société capitaliste, afin de nier son existence par lui-même en tant que classe au sein de ce monde, ne saurait déléguer sa puissance de l'agir à des représentants censés porter ses désirs, ses besoins à un moment donné à moins de penser qu'à ce « moment » l'on a retrouvé le Messie !

Mais, d'un autre côté, nous pouvons constater à l'heure actuelle l'essoufflement de l'État-Nation et de la « politique » telle qu'ils s'étaient déployés depuis les prémisses du capitalisme à la fin du XVIIIéme siècle. En ce début de XXIéme siècle, le capitalisme se mondialise de plus en plus, échappe aux quelques limites que lui donnaient encore certains États européens il y a peu, aux différentes options que tentaient de lui appliquer les partis « politiques ». C'est aujourd'hui le règne, tant souhaité par l'oligarchie mondialiste, de la pensée unique et de la voie unique vers une pseudo-puissance hyper-technologisée de Progrès post-humain. Les partis politiques y ont-ils encore leur places ? Nous pourrons de plus en plus en douter. Sauf à revenir urgemment sur la définition de ce qu'est la, et le politique ! Et s'il faut redéfinir la politique, disons qu'il s'agit d'une possibilité de choisir une orientation parmi toutes celles possibles s'offrant aux diverses communautés et à leurs élites, et certainement pas d'en faire semblant tout en imposant une seule direction, gestionnaire, à l'ensemble des communautés humaines, guidée par l'impératif financier et le retour sur investissements. Il s'agit là alors d'un tout autre projet d'humanité, d'une réappropriation de notre souveraineté perdue et transmise à des fous, des marionnettes (Porochenko...) et des impuissants. Cela implique aussi l'idée fondamentale pour cette humanité européenne nouvelle que des personnes en pleine reconquête de leur destin ne pourraient être ainsi dirigées tels les individus massifiés qui aujourd'hui se laissent mener vers le néant.

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Un nouveau corps politique

La politique, au contraire, est un phénomène organique. Elle est organique au vrai sens où elle représente l'activité d'un corps public - une communauté si on préfère - de même que le processus de la floraison est une activité organique de la plante enracinée dans le sol. La politique, conçue comme une activité, implique un discours rationnel, l'engagement public, l'exercice de la raison pratique et sa réalisation dans une activité à la fois partagée et participative.

La redécouverte et le développement de la politique doit prendre pour point de départ le citoyen et son environnement immédiat au-delà de la famille et de la sphère de sa vie privée. Il ne peut pas y avoir de politique sans communauté. Et par communauté, j'entends une association municipale de gens renforcée par son propre pouvoir économique, sa propre institutionnalisation des groupes de base et le soutien confédéral de communautés similaires organisées au sein d'un réseau territorial à l'échelle locale et régionale. Les partis qui ne s'impliquent pas dans ces formes d'organisation populaire de base ne sont pas politiques au sens classique du mot. Ce sont plutôt des partis bureaucratiques et opposés au développement d'une politique participative et de citoyens participatifs. La cellule véritable de la vie politique est, en effet, la commune, soit dans son ensemble, si elle est à l'échelle humaine, soit à travers de ses différentes subdivisions, notamment les quartiers.

Un nouveau programme politique ne peut être un programme municipal que si nous prenons au sérieux nos obligations envers la démocratie. Autrement, nous serons ligotés par l'une ou l'autre variante de gestion étatique, par une structure bureaucratique qui est clairement hostile à toute vie publique animée. La commune est la cellule vivante qui forme l'unité de base de la vie politique et de laquelle tout provient : la citoyenneté, l'interdépendance, la confédération et la liberté. Le seul moyen de reconstruire la politique est de commencer par ses formes les plus élémentaires : les villages, les villes, les quartiers et les cités où les gens vivent au niveau le plus intime de l'interdépendance politique au-delà de la vie privée. C'est à ce niveau qu'ils peuvent commencer à se familiariser avec le processus politique, un processus qui va bien au-delà du vote et de l'information. C'est à ce niveau aussi qu'ils peuvent dépasser l'insularité privée de la vie familiale - une vie qui est souvent célébrée au nom de la valeur de l'intériorité et de l'isolement - et inventer des institutions publiques qui rendent possible la participation et la cogestion d'une communauté élargie.

En bref, c'est à travers la commune que les gens peuvent se transformer eux-mêmes de monades isolées en un corps politique innovateur et créer une vie civique existentiellement vitale car protoplasmique, inscrite dans la continuité et dotée tant d'une forme institutionnelle que d'un contenu citoyen. Je me réfère ici à des organisations de blocs d'habitations, à des assemblées de quartier, à des réunions de ville, à des confédérations civiques et à un espace public pour une parole qui aille au-delà de manifestations ou de campagnes monothématiques, aussi valable qu'elles puissent être pour redresser les injustices sociales. Mais protester ne suffit pas. La protestation se détermine en fonction de ce à quoi elle s'oppose et non par les changements sociaux que les protestataires peuvent souhaiter mettre en place. Ignorer l'unité civique élémentaire de la politique et de la démocratie, c'est comme jouer aux échecs sans échiquier, car c'est sur le plan citoyen que les objectifs à long terme de rénovation sociale doivent d'abord se jouer.

Commentaires : Qu'est ce qu'une société ? Ou plutôt, qu'est ce qu'elle n'est pas, et ne saurait être, quoique cette antithèse nous soit présentée comme la réalisation ultime de l'évolution humaine (cf M Thatcher : « la société n'existe pas, il n'existe que des individus ») ? Cette non-société serait un conglomérat d'individus « indépendants » mus par leurs seuls intérêts égoïstes dans leur rapports avec les autres et dont les droits individuels seraient garantis par une administration étatique (pieuvre dont les tentacules se prolongent jusqu'au niveau de l'administration municipale, voire jusque la famille, ou plutôt ce qu'il en reste : victime des « choix » individualistes). Les individus, dans ce cadre théorique de l'anti-société, seraient les atomes constituant de la masse. Cette masse serait donc une population d'entités vivantes mus par des praxis mécanistes dont l'unidirectionnalité déterminerait a-priori la logique de la préséance du marché en ce qui concerne l'organisation de l'espace où s'opéreraient la quête égoïste des intérêts individuels. Cette présupposition est la condition théorique primordiale incluse dans les fondements de la « science économique » et conditionnant par là-même la bonne marche du paradigme économiste dont le but est la valorisation sans fin du Capital. À ce niveau d'interprétation du fonctionnement des « sociétés » humaines, les rapports sociaux seraient donc vus comme étant d'origine supra-individuels car déterminés par une loi « naturelle » mono-constituante (une seule règle, celle de la recherche exclusive des intérêts particuliers dont la somme serait sensée élaborer un monde meilleur) et prédéterminant la forme que prennent « logiquement » ces rapports dans toutes les sociétés humaines. Or, et y compris dans la société capitaliste, les rapports sociaux sont en réalité trans-individuels, c'est à dire qu'ils découlent des relations d'inter-dépendances, de réciprocités, d'influences et de conflictualités propres à une formation sociale, quelle qu'elle soit. Ces rapports peuvent être directs, plus ou moins conscients (de dominations, de coercition comme d'entraides et de solidarité) et mâtinés de formes fétichistes, ou bien presque totalement aliénés à une de ces formes au sein de laquelle les individus déposent leur puissance de l'agir, leur propre auto-détermination, leur capacité à générer par eux-mêmes le type de rapports qu'ils établissent entre eux (ce qui génère une illusion de liberté et d'autonomie, un rationalisme abstrait liée à la notion de Progrès, un destin impensé qui obscurcie les relations sociales – nous n'avons plus de prise sur le réel, sur ce qui se trame par-delà nos volontés). En ce qui concerne la société capitaliste, cette forme fétichiste se matérialise dans la marchandise, l'argent et le travail salarié. La religion qui accompagne ce fétichisme est l'économisme avec sa théologie du présupposé de l'individu égoïste et rationnel porté par ses seuls intérêts. L'économisme a d'ailleurs participé, si ce n'est fondé, la logique déterministe, aujourd'hui en crise, qui a posé le principe d'une téléologie du progrès humain devant nous mener vers une réalisation ultime idéaliste d'une pseudo-organisation sociale répondant à notre « nature » humaine « fondamentalement » individualiste.

La condition d'une émancipation identitaire de l'homme – par rapport à ce qui fait de l'animal humain un homme - passe donc par l'établissement de rapports sociaux véritablement démocratiques, de relations sociales nouées directement entre les acteurs (dans des domaines aussi variés que la production et le partage de ses fruits, l'entraide et le partage de savoirs, les solidarités familiales, communautaires, nationales comme de voisinage, les confrontations et conflits liées aux activités décisionnaires, etc...). La politique, entendue comme activité propre à une communauté humaine afin de déterminer et structurer consciemment son organisation sociale – sa pérennité et son développement futur - peut effectivement être qualifié d'organique sans pour autant que cet organicisme puisse forcément être interprété comme une forme détournée de holisme déterminant a-priori les rapports sociaux, assujettis à un Tout supérieur aux partis. La politique est inhérente aux communautés humaines, et il n'y a pas de forme politique déterminées par une loi supérieure, transcendante, mais seulement coextensive au développement et à l'affirmation des relations sociales caractérisant chacune de ces communautés (c'est pourquoi l'on peut dire que l'État moderne représente une cristallisation de rapports sociaux propres au capitalisme).

Comme il en a déjà été fait part dans un commentaire précédent, la question est de savoir, ou de reconnaître intuitivement et expérimentalement, à partir de quelle réalité sociale actuelle (les situations données au sein desquelles nous vivons) peut-on développer le désir de politique, l'engouement et la conscience de la nécessité de l'agir en nous ré-appropriant la puissance sociale que nous avons transmué dans les fétiches de la structure sociale capitaliste (en nous dépossédant de cette puissance de l'agir sur nos vies quotidiennes). Il s'agit donc pour nous de retrouver la confiance et la conscience nécessaires à l'acte publique émancipateur et auto-constituant. La commune (villages, quartiers, petites villes, dans le domaine public issus de la fédération symbiotique des familles, communautés coopératives, fédérations de métiers, associations spirituelles, jardins communautaires, dans le domaine privé...) est le lieu où nous devrions quotidiennement faire l'expérience d'une vie sociale publique, mais même si celle-ci est le plus souvent faussée du fait de rapports médiatisés par un support quelconque (argent ou autre), il y subsistent néanmoins des relations sociales inter-personnelles directs, « à la marge » (je ne sous-entends pas seulement dans le qualificatif « direct », une façon d'établir un contact inter-individuel « de face à face », celui-ci correspondant tout à fait à une mise en relation des individus sur le marché ou pour se positionner socialement, mais principalement un type de rapports sociaux qui ne prend pas la forme de rapports entre choses, qui ne se médiatisent pas dans des formes sociales inanimées). Nos vies concrètes s'y meuvent, influencées par des particularités culturelles, ethniques, sociales, économiques, ou du biotope. C'est donc un des lieux possibles d'où peuvent émerger des initiatives, solidarités et luttes visant à nous ré-approprier nos vies en y recréant des rapports sociaux directs sans passer par des médias fétichistes (à condition de ne pas tenter, selon la façon dont on pourrait interpréter les propositions de M Bookchin formulées dans les dernières années de sa vie, de ne penser uniquement qu'à utiliser les institutions accompagnant le développement du capitalisme, tel que l'institution municipale actuelle – gagnée par le truchement des élections - car nous ne pourrions pas baser un nouveau paradigme de « société » sur les fondements de l'ancien, parce que le lieux même où a été placé en notre époque une souveraineté illusoire en font des « lieux d'impuissance » où la dynamique de libération s'essoufflerait inévitablement si elle n'était accompagnée d'une forte et volontaire dynamique sociale de base). Si la commune peut être effectivement la cellule publique de base d'une réorganisation sociale dans une société fédéraliste post-capitaliste, dans la phase historique qui est la nôtre, d'autres lieux, bien souvent en inter-connexion les uns avec les autres, peuvent se présenter comme des opportunités afin d'expérimenter des relations sociales vraiment alternatives aux rapports qui aliènent nos vies au pouvoirs occultes des fétiches économistes. Il formeraient en outre les cellules de base d'une réorganisation de l'ensemble civilisationnel européen par le bas, les bases d'une réorganisation véritablement démocratique de l'Imperium européen dont la tête, le majoris status, se devrait d'être par son abnégation, sa frugalité et le sens suprême de sa responsabilité au service du « corps » tout en stimulant lui-même par la transcendance de son autorité – selon le sens réel de ce terme – et la fascination, cette réorganisation vitale ou vitaliste. Le terme « commune » a donc une signification bien plus ouverte et forte (en même temps que plus générale) que celle qui désigne les entités géographiques regroupant en un même lieu de vie un certains nombre de personnes, les municipalités d'aujourd'hui, et peut-être de demain. Le sens qu'il est nécessaire de lui donner à notre époque, en notre situation où l'économisme et sa raison se sont étendues à toutes les sphères de la vie et à quasiment tous les lieux de la planète, est en lien avec la notion d'engagement personnel susceptible de briser l'anonymat de la massification, et de participer à des mouvements collectifs de communalisme, prenant naissance partout où l'esprit de révolte incite à la création et à l'élaboration d'expérimentations de relations sociales radicalement différents des rapports qui nous aliènent à la marchandise, au travail salarié et à la valeur (universités populaires par exemple, ou cercles créés autours de revues militantes, de projets de jardins populaires, etc).

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La commune de Paris

Pour la décentralisation

En écartant toutes les objections d'inspiration étatiste, le problème du rétablissement des assemblées municipales semble cependant difficilement réalisable si l'on reste dans le cadre des formes administratives et territoriales actuelles. New York ou Londres n'auraient pas les moyens de s'assembler si elles voulaient imiter l'Athènes antique, avec son corps relativement peu nombreux de citoyens. Ces deux villes ne sont plus, en fait, des cités au sens classique du terme, ni même des municipalités selon les standards urbanistiques du XIXe siècle. Vues sous un angle étroitement macroscopique, ce sont de sauvages proliférations urbaines qui ingurgitent chaque jour des millions de personne à une grande distance des centres commerciaux. Mais New York et Londres sont formées de quartiers, c'est-à-dire de plus petites communautés qui possèdent jusqu'à un certain point un caractère organique et une certaine identité propre, définie par un héritage culturel partagé, des intérêts économiques, une communauté de vues sociales et parfois aussi une tradition artistique comme dans le cas de Greenwich Village à New York ou de Camden Town à Londres. Aussi élevé que soit le degré nécessaire de coordination de leur gestion logistique, sanitaire et commerciale par des experts et leurs assistants, elles sont potentiellement ouvertes à une décentralisation politique et même, avec le temps, physique. Sans aucun doute, il faudra du temps pour décentraliser réellement une métropole comme New York en plusieurs municipalités véritables et, finalement, en communes, mais il n'y a pas de raison pour qu'une métropole de cette taille ne puisse progressivement se décentraliser au niveau institutionnel. Il faut toujours bien distinguer entre décentralisation territoriale et décentralisation institutionnelle. On a avancé d'excellentes propositions pour implanter au niveau local la démocratie dans de telles entités métropolitaines, en restituant le pouvoir aux gens, mais elles ont été bloquées par les centralisateurs qui, avec leur cynisme habituel, ont évoqué toute sorte d'empêchements matériels pour réaliser une telle entreprise. On prétend réfuter les arguments des partisans de la décentralisation en jetant la confusion entre la décentralisation institutionnelle et la désagrégation territoriale effective de ces métropoles. Il faut, au contraire, toujours bien faire la distinction entre décentralisation institutionnelle et décentralisation territoriale, en comprenant clairement que la première est parfaitement réalisable alors qu'il faudrait quelques années pour réaliser la seconde.

En même temps, je voudrais souligner que les conceptions municipalistes (ou, c'est la même chose, communalistes) libertaires que je propose ici s'inscrivent dans une perspective transformatrice et formatrice - un concept de la politique et de la citoyenneté qui cherche à transformer finalement les cités et les mégalopoles urbaines éthiquement aussi bien que spatialement, et politiquement aussi bien qu'économiquement.

Des assemblées populaires ou même de quartiers peuvent être constitués indépendamment de la taille de la cité, pourvu qu'on en identifie les composantes culturelles et qu'on fasse ressortir leur spécificité. Les débats sur leur dimension optimale sont politiquement irrelevants, c'est l'objet de discussion préféré de sociologues entichés de statistique. Il est possible de coordonner les assemblées populaires à travers des délégués pourvus d'un mandat impératif, soumis à rotation, révocables et, surtout, munis d'instructions écrites rigoureuses pour approuver ou rejeter les points à l'ordre du jour des conseils locaux confédérés composés de délégués des différentes assemblées de quartiers. Il n'y a aucun mystère dans cette forme d'organisation. La démonstration historique de son efficacité a été faite à travers sa réapparition constante aux époques de transformation sociale accélérée. Les sections parisiennes de 1793, en dépit de la taille de Paris (entre 500.000 et 600.000 habitants) et des difficultés logistiques de l'époque (où le cheval était ce qu'il y avait de plus rapide) ont œuvré avec beaucoup de succès, en étant coordonnées par des délégués de sections au sein de la Commune de Paris. Elles étaient réputées non seulement pour leur efficacité dans le traitement des problèmes politiques, en se basant sur des méthodes de démocratie directe, mais elles ont aussi joué un rôle important dans l'approvisionnement de la ville, dans la sécurité alimentaire, dans l'élimination de la spéculation, dans le contrôle du respect du maximum des prix et dans beaucoup d'autres tâches administratives complexes.

Aucune cité n'est par conséquent trop grande pour ne pas pouvoir être innervée d'assemblées populaires avec des objectifs politiques. La vraie difficulté est dans une large mesure d'ordre administratif : comment entretenir les ressources matérielles de la vie de la cité ? Comment affronter d'énormes charges logistiques et tout le poids de la circulation ? Comment préserver un environnement salubre ? Ces problèmes sont fréquemment mystifiés au moyen d'une confusion dangereuse entre la formulation d'une politique et sa gestion. Le fait pour une communauté de décider de manière participative quelle orientation suivre dans une question donnée n'implique pas que tous les citoyens participent effectivement à la mise en œuvre de la décision. Par exemple, la décision de construire une route n'implique pas que tous doivent savoir comment on conçoit et comment on réalise une route. C'est le travail des ingénieurs, qui peuvent présenter des projets alternatifs, et les experts remplissent donc par là une fonction politique importante, mais c'est l'assemblée des citoyens qui est libre de décider. L'élaboration du projet et la construction de la route sont des responsabilités strictement administratives, alors que la discussion et la décision sur la nécessité de cette route, y compris le choix de son emplacement et l'appréciation du projet relèvent d'un processus politique. Si on garde clairement en tête la distinction entre la formulation d'une politique et son exécution, entre la fonction des assemblées populaires et celle des gens qui assurent la gestion des décisions prises, il est alors facile de distinguer les problèmes logistiques des problèmes politiques, deux niveaux habituellement entremêlés.

Commentaires : Toute véritable dynamique d'émancipation sociale dont le sens même s'incorpore dans un désir de faire surgir et vivre une démocratie plus évoluée, plus réelle et tangible, prend nécessairement naissance de conflits émergeant au sein des situations dans lesquelles nous entrevoyons par la même occasion la nécessité d'en dépasser les limites contextuelles. Dans les mégalopoles ou les grandes villes, entités engendrées par le besoin impératif du système capitaliste de rationaliser sa sphère de circulation (des forces-de-travail, des marchandises, des capitaux) sur une aire relativement restreinte (où se côtoient banques, super-marchés, services sociaux, de santé, axes de communication, centres technologiques,...), ces conflits sont prégnant, et sous-jacents à l'image pacifiée d'un conglomérat d' « identités » individualistes formant un tout massifié à l'image d'un vaste espace « parfait » collant à l'idéalisme de l'idéologie post-libérale. Les conflits sociaux avec un potentiel radical ne peuvent être issues d'un besoin d'affirmation superficielle d'identité (« culture bobo ») ou de revendications par exemple salariales émanant d'individus ou de groupes défendant donc certains intérêts (tout à fait gérables sinon souhaités par le système) mais d'une nécessité situationnelle, ou d'un désir formel, de dépasser un état d'encasernement limitant les individus dans des rôles qui ne conviennent pas à des besoins nouveaux de changer radicalement les modes de vie et/ou les rapports sociaux inter-personnels. Ces conflits dont il est nécessaire d'en assurer l'assomption à partir du moment où ils peuvent trouver au sein de l'ensemble social plus vaste une justification morale (hormis donc les actes de sauvagerie trop souvent commis à l'encontre de personnes de mêmes conditions que leurs auteurs et sans véritable espoir de transition sociale dans les « citées », comme en 2005), trouvent à s'exprimer dans les moments de crises sociales, lorsque les règles paradigmatiques de l'économie commandent aux hommes des sacrifices (incluant la négation de sa propre existence sociale) devenus insupportables. C'est dans de tels contextes que peut s'organiser une « décentralisation », dans la mesure où la souveraineté peut dans ces moments se réinventer dans ces actes sociaux et les initiatives associatives, et peut alors être à même de s'affronter au pouvoirs illusoires des centres de gestion que sont devenus les municipalités modernes des mégalopoles courroies de transmission de l'État et de la Rationalité capitaliste. Et ces formes de résistance pourront d'autant mieux le faire qu'elles sauront se fédérer, et ainsi préfigurer une autre forme de municipalité émanant de la volonté populaire et devenant garante des droits – et devoirs - inhérents à l'affirmation de la pluralité sociale la composant (maintenir l'équilibre des droits et des devoirs des personnes et communautés membre de la municipalité libre). En même temps que ces mouvement sociaux élaboreront l'alternative par la pratique, il sera donc nécessaire de redéfinir et de redéployer la notion d'autorité (message aux futures élites en tout lieux et en tout domaine !).

Murray Bookchin parle d'organiser la décentralisation en tenant compte de spécificités culturelles. Ces spécificités sont bien souvent réelles et palpables au sein des différents quartiers des villes et cités. Il s'agit donc d'asseoir une organisation sociale « alternative » par rapport à un certain nombre de propositions et d'actions émanant de la souveraineté municipale reconquise, d'une réorganisation démocratique basée sur des délégations de pouvoirs et des reconnaissances de responsabilités à des assemblées « populaires », expressions de ces entités géographiques et culturelles. Il est néanmoins nécessaire de faire en sorte qu'une telle organisation démocratique n'amène à encadrer de façon trop précise, et par suite autoritaire, la dynamique politique dans un schéma qui risquerait à terme de court-circuiter la réalité complexe des cités, et fasse sienne le principe de la nécessaire latitude à laisser à l'initiative personnelle et collective de rang inférieur dans tous les domaines de la vie : réinscription dans la vie populaire du principe de subsidiarité. Dans les situations actuelles vécus au sein des villes, il peut être réducteur d'affirmer comme seule solution d'émancipation une réorganisation démocratique dont l'élaboration ne pourrait venir que du pouvoir municipal (dont M Bookchin propose la conquête dans une vision devenue électoraliste). Le rétablissement du pouvoir populaire ne saurait être le fait uniquement d'assemblées de quartiers par exemple qui verraient le jour sous la férule d'un pouvoir municipal central reconquis par les urnes. Et on peut en outre arguer que le taux de participation à ce type d'assemblées de quartiers existant déjà dans certaines villes est le plus souvent assez faible et qu'il n'est pas sûr qu'il soit largement supérieur le jour où une municipalité « écologiste sociale » décidera d'en faire les lieux de décisions démocratiques sur tous les sujets concernant la vie de la société et de ceux/celles qui y vivent, au vue de l'actuel d'apathie généralisée et du recul net de l'esprit de responsabilité collective dans nos sociétés hyper-gérées. En d'autres termes, il faut être clair sur le fait que la délégation ne devrait pas être vue uniquement comme une élection de représentants à une chambre décisionnelle, fusse-t-elle municipale, mais comme une délégation de pouvoir au-delà de la limite de ce qu'une entité sociale peut être capable d'assumer ; il s'agit là du principe de subsidiarité qui élabore en même temps qu'une dynamique sociale d'auto-organisation, les « lieux » où s'affirment les autorités qui en sont en quelque sorte l'aboutissement ultime, pensée comme une élévation vers des formes d'excellence et de responsabilité, des strates représentatives d'une juste hiérarchie assumant de façon croissante la notion de devoir. Et ce principe devra s'appliquer de la base, des personnes et des petites collectivités, vers le haut en passant par toutes les organisations que ces personnes devront créer afin d'assurer leur existence loin du désert spirituel de la vie postmoderne. Nous ne devrons pas poser l'ordre municipal avant que ne se soit déployées les forces sociales dans une grande part de leur potentialité, et ce précédemment à la nécessité d'une circulation vitale de la puissance sociale, du bas vers le haut et vice-versa, le long d'un axe « lumineux » assurant l'équilibre de l'ensemble. Une municipalité, tout comme un État régional, national ou européen, ne pourront rien sans que ne réapparaisse au préalable un élan vitaliste au sein des peuples, puisé en ce qui distingue l'homme de l'animal et ce qui nous distingue des autres cultures, ainsi que dans notre Tradition. Leur rôle d'arbitre ne peut se déployer véritablement qu'au sein d'une société de personnes responsables !

Nous sommes encore dans une phase d'actions et de réflexions sociales coextensive à la réalité que nous vivons, et la vision que nous devons défendre de la politique est celle d'un pari fait sur un dépassement du système destructeur actuel (basé sur une accumulation folle et sans fin de capitaux), sans pour autant devoir formuler une idée précise d'un schéma d'organisation d'une société post-capitaliste (tout juste un schéma global comme j'ai pu le faire dans mon texte Res Publica Europensis). Les initiatives et mouvements sociaux surgis en opposition aux attaques faire contre nos valeurs éthiques européennes ainsi qu'en réaction aux problèmes graves liés à la déconnexion de la société moderne par rapport au biotope (droits et dignité des travailleurs – attaque contre le Code du travail -, pollutions, santé, crise des « migrants », sabordage de l'éducation, etc), peuvent trouver une convergence, une articulation à leurs diverses praxis dans des réflexions communes, des théories élaborées dans le cadre expérimental. Mais se donner un objectif précis de réalisation, par le haut, qui ne peut donc à terme que passer par la case « prise de pouvoir », même de façon « très démocratique », risque d'affaiblir ou d'affadir la dynamique politique contenue dans les mouvements sociaux. Plutôt que de proposer d'ors et déjà un schéma précis d'organisation de la société, nous devrions stimuler par nos actions et réflexions théorique et pratiques des attitudes politiques visant à étayer le fond des engagements personnels et collectifs (en atteignant les causes réelles et profondes des problèmes qui alors s'avèrent bien souvent liés entre eux par une même dynamique mortifère), et dont les formes d'organisation actuelles peuvent être diverses et celle à venir hypothétique (les assemblées communales font partis des possibles liées aux points de rencontres locales des diverses expériences sociales d'élaborations d'alternatives politiques et associatives mais d'autres structures démocratiques multi-dimentionnelles peuvent s'avérer plus en adéquation avec les réalités sociales et politiques vécus par les acteurs tel des organisations inter-communales de métiers par exemple, et ce donc au niveau du domaine privé de la fourniture du nécessaire à la vie personnelle et collective).

Quand à la taille des cités, comme le dit M Bookchin, ce n'est pas ça qui pose problème puisque face à un contexte de maximisation des profits (immobiliers notamment) et d'accroissement de l'individualisme dont les grands centres urbains sont les lieux d'accomplissement, nous avons à opposer la reconstruction de relations sociales directes dans des élaborations politiques réduites à la taille des rencontres entre personnes au sein d'expériences de résistances à l'Ordre actuel et de redécouvertes des antiques communautés humaines qui sont toujours capables de nous apporter l'équilibre qui aujourd'hui nous fait trop souvent défaut. Que ce soit à la « campagne » où dans les grandes villes, notre cadre de vie sera à l'image des relations sociales que nous aurons pu y faire vivre. Et donc à l'image d'une certaine forme de « citoyenneté » que nous aurons pu faire naître en osant le pari d'une politique libératrice et conquérante, symbole d'une puissance réaffirmée.

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Murray Bookchin

Le citoyen véritable

Au premier coup d'œil, il peut sembler que le système des assemblées est proche de la formule du référendum, basé sur le partage de la prise de décision entre toute la population et sur la règle majoritaire. Pourquoi, dès lors, souligner l'importance de la forme de l'assemblée pour l'autogouvernement ? Ne serait-il pas suffisant d'adopter le référendum, comme c'est aujourd'hui le cas en Suisse, et de résoudre la question par une procédure démocratique apparemment beaucoup moins compliquée ? Ou alors pourquoi ne pas prendre les décisions politiques par la voie électronique - comme le suggèrent certains enthousiastes de l'internet - où chaque individu "autonome", après s'être informé des débats, prendrait part au vote dans l'intimité de son foyer ?

Pour répondre à ces questions, il faut prendre en considération une série de thèmes vitaux qui touchent à la nature même de la citoyenneté. L'individu "autonome", qui, selon la théorie libérale, représente, en tant qu'"électeur", l'unité élémentaire du processus référendaire, n'est qu'une fiction. Abandonné à son destin personnel au nom de "l'autonomie" et de "l'indépendance", cet individu devient un être isolé dont la liberté véritable est dépouillée des traits politiques et sociaux sans lesquels l'individualité est privée de chair et de sang... La notion d'indépendance, qui est souvent confondue avec celles de pensée indépendante et de liberté, a été tellement imprégnée du pur et simple égoïsme bourgeois que nous avons tendance à oublier que notre individualité dépend largement des systèmes de soutien et de solidarité de la communauté. Ce n'est ni en nous subordonnant de façon infantile à la communauté, ni en nous détachant d'elle que nous devenons des êtres humains majeurs. Ce qui nous distingue comme êtres sociaux, de préférence dans des institutions rationnelles, d'êtres solitaires dépourvus de toute affiliation sérieuse, ce sont nos capacités d'exercer une solidarité les uns par rapports aux autres, d'encourager l'autodéveloppement et la créativité réciproques, d'atteindre la liberté au sein d'une collectivité socialement créatrice et institutionnellement enrichissante.

Une "citoyenneté" séparée de la communauté peut être tout aussi débilitante pour notre personnalité politique que l'est la "citoyenneté" dans un État ou une communauté totalitaire. Dans les deux cas, nous sommes reconduits à un état de dépendance caractéristique de la petite enfance, qui nous rend dangereusement vulnérables devant la manipulation, soit de la part de fortes personnalités dans la vie privée, soit de la part de l'État ou des grandes firmes dans la vie publique. Dans les deux cas, et l'individualité et la communauté nous font défaut. Elles se retrouvent toutes deux dissoutes par la suppression du sol communautaire qui nourrit l'individualité authentique. C'est au contraire l'interdépendance au sein d'une communauté solide qui peut enrichir l'individu de cette rationalité, de ce sens de la solidarité et de la justice, de cette liberté effective qui en font un citoyen créatif et responsable.

Bien que cela paraisse paradoxal, les éléments authentiques d'une société libre et rationnelle sont communautaires et non individuels. Pour le dire en termes plus institutionnels, la commune n'est pas seulement la base d'une société libre mais aussi le terrain irréductible d'une individualité authentique. L'importance énorme de la commune est due au fait qu'elle constitue le lieu de parole au sein duquel les gens peuvent intellectuellement et émotionnellement se confronter les uns aux autres, s'éprouver réciproquement à travers le dialogue, le langage du corps, l'intimité personnelle et des modalités directes, non-médiatisées, du processus de prise de décision collective. Je me réfère ici aux processus fondamentaux de socialisation, d'interaction continue entre les multiples aspects de l'existence qui rendent la solidarité - et pas seulement la "convivialité" - tellement indispensable pour des rapports interpersonnels vraiment organiques.

Le référendum, réalisé dans l'intimité de "l'isoloir", ou, comme le voudraient les partisans enthousiastes de l'internet, dans la solitude électronique de sa propre maison, privatise la démocratie et ainsi la mine. Le vote, de même que les sondages d'opinion sur les préférences en matière de savons et de détergents, représente une quantification absolue de la citoyenneté, de la politique, de l'individualité et une caricature de la formation véritables des idées au cours d'un processus d'information réciproque. Le vote à l'état pur exprime un "pourcentage" préformulé de nos perceptions et de nos valeurs et non leur expression entière. C'est une réduction technique des opinions en simples préférences, des idéaux en simples goûts, de la compréhension générale en pure quantification, de façon à pouvoir réduire les aspirations et les convictions des hommes à des unités numériques.

Commentaire : Comme le dit justement M Bookchin dans ce passage très intéressant, la commune est le lieu de confrontations entre les personnes investis dans un projet commun de vie, de résistance, de création. C'est l'endroit où l'on peut en toute humanité (eu égard à nos besoins de nous auto-construire par rapport aux autres) accepter et assumer les conflits qui peuvent alors devenir les moyens de faire de la politique un pari sur des possibilités de dépassement des situations au sein desquelles trouvent leur place ces conflits (les conflits redeviennent alors socialisant et structurant par opposition aux conflits déstructurant de l'âge moderniste ou post-moderniste). Comme j'ai commencé à le faire plus haut, je donne néanmoins au mot « commune » une signification plus large, plus variable, de ce qu'elle représente en tant que lieu géographique déterminé dans l'état actuel de la situation sociale où nous vivons. Les communes sont alors tous ces lieux où les rencontres se font créations par l'engagement de ceux et celles qui agissent pratiquement et théoriquement, par désir de dépasser des situations d'injustices morales (où la dignité des êtres est atteinte par une dynamique infernale de valorisation et son cortège d'exploitations, de répressions, de contrôles totalitaires, de dépossessions, de chaos ethnico-culturel). Leur situation n'est plus alors seulement ou nécessairement géographique mais elle est déterminée par tout point de rupture devenu indispensable dans le cours inique d'une logique systémique dé-socialisante et dés-identificatoire, et qui incite à enrichir les conflits sociaux traditionnels (luttes de classes) par des conflictualités donnant un sens à la politique outrepassant les ronrons soporifiques de la gestion dé-responsabilisante. Comme il a été dit plus haut aussi, la rencontre de ces mouvements sociaux de résistance et de création, allant tous dans le sens d'une recherche d'une véritable justice, peut s'élaborer par la suite dans un lieu commun et localisé où s'articulent et s'élaborent les décisions politiques ainsi que l'éthique de responsabilité (« qui cherche à tenir compte des effets possibles des actions menées pour donner vie à certaines valeurs dans les rapports sociaux » Jean-Marie Vincent « Max Weber ou la démocratie inachevée »): l'assemblée communale, formée de mandatés.

Le mot citoyen dans le cadre d'un engagement social prend tout son sens. Il s'extrait d'une gangue de significations dé-responsabilisantes où l'illusion de liberté à laquelle il est attachée n'a d'égale que la rationalité intriquée avec la logique de valorisation qui lui sert de caution. M Bookchin précise bien que la citoyenneté véritable ne peut être séparée de la communauté particulière qui lui donne sens. Cette citoyenneté de l'implication, de l'engagement personnel et collectif, est corrélative à la puissance sociale de pouvoir assumer les potentialités inscrites dans des situations données et pouvant déboucher sur des créations nouvelles ; cette puissance de l'agir et de la responsabilité émanant elles-même d'une vie politique libérée des contraintes d'une rationalité orientée par une quête de résultats (et dirigée par l'économisme). Autant dire que la citoyenneté telle qu'elle est entendue par cette dernière condition, ne saurait se décréter à mon avis, par une simple réorganisation institutionnelle « municipaliste » issue des urnes fussent-elles locales. Mais on peut plutôt dire qu'elle (la citoyenneté refondée) est à même d'engendrer des possibles à partir de son exercice (subversif), une réorganisation des pouvoirs en symbiose avec les puissances sociales réaffirmée par un agir politique volontariste. Cette citoyenneté révolutionnaire (bouleversant l'ordre social) ne peut émaner que d'une position visant à assumer et dépasser les situations concrètes au sein desquelles elle agit et où elle peut être à même de relever les défis posés par toutes formes d'injustices ou de dysfonctionnements moraux, sociaux ou matériels qui peuvent y avoir court en donnant la possibilité de l'auto-dépassement, une position enracinée. Elle se confond donc avec la réelle liberté. Elle assoit surtout le fait que, dans l'optique d'une souveraineté réappropriée par le peuple lui-même, la personne-citoyenne n'existe qu'en tant qu'elle est un être de communication sociale, de partages et de conflits avec les Autres, le moteur de ce qu'Althusius nommait la « communicatio » : une dynamique d'autonomie et de coopération.

La vraie formation à la citoyenneté

citrommage033.jpgEn fin de compte, "l'individu autonome", privé de tout contexte communautaire, de rapports de solidarité et de relations organiques, se retrouve désengagé du processus de formation de soi - paideia - que les Athéniens de l'Antiquité assignaient à la politique comme l'une de ses plus importantes fonctions pédagogiques. La vraie citoyenneté et la vraie politique impliquent la formation permanente de la personnalité, l'éducation et un sens croissant de la responsabilité et de l'engagement public au sein de la communauté, lesquels, en retour, sont seuls à donner une vraie substance à celle-ci. Ce n'est pas dans le lieu clos de l'école, et encore moins dans l'isoloir électoral, que des qualités personnelles et politiques vitales peuvent se former. Pour les acquérir, il faut une présence publique, incarnée par des individus parlants et pensants, dans un espace public responsable et animé par la parole. Le "patriotisme", comme l'indique l'étymologie du mot [patrie vient du mot latin pater, le père], est un concept typique de l'État-nation, où le citoyen est considéré comme un enfant et est donc la créature obéissante de l'État-nation conçu comme pater familias, ou comme un père sévère qui impose la croyance et le dévouement à l'ordre. Plus nous sommes les "fils" ou les "filles" d'une "patrie", plus nous nous situons nous-mêmes dans une relation infantile avec l'État.

La solidarité ou philia, au contraire, implique le sens de la responsabilité. Elle est créée par la connaissance, la formation, l'expérience et l'exercice d'une certaine sensibilité - en bref, par une éducation politique qui se développe à travers la participation politique. En l'absence d'une municipalité à l'échelle humaine, compréhensible et accessible au point de vue institutionnel, il est tout simplement impossible d'assurer cette fonction fondamentale de la politique et de l'incarner dans la citoyenneté. En l'absence de philia, nous jaugeons "l'engagement politique" par le pourcentage des "votants" qui "participent" au processus "politique" : un avilissement des mots qui dénature totalement leur signification authentique et les dépouille de leur contenu éthique...

Qu'elles soient grandes ou petites, les assemblées initiales et le mouvement qui cherche à les étendre restent la seule école effective de citoyenneté que nous possédions. Il n'y a pas d'autre curriculum civique qu'un domaine politique vivant et créatif pour faire surgir des gens qui prennent la gestion des affaires publiques au sérieux. À une époque de marchandisation, de concurrence, d'anomie et d'égoïsme, cela signifie créer consciemment une sphère publique qui inculquera des valeurs d'humanisme, de coopération, de communauté et de service public dans la pratique quotidienne de la vie civique.

La polis athénienne, en dépit de ses nombreux défauts, nous offre des exemples significatifs de comment le sens élevé de la citoyenneté qui l'imprégnait s'est trouvé renforcé non seulement par une éducation systématique mais par le développement d'une éthique du comportement civique et par une culture artistique qui illustrait des idéaux de service civique par les faits de la pratique civique. Le respect des opposants au cours des débats, le recours à la parole pour obtenir un consensus, les interminables discussions publiques sur l'agora, au cours desquelles les personnalités les plus en vue de la polis étaient tenues à discuter des questions d'intérêt public même avec les moins connus, l'utilisation de la richesse non seulement à des fins personnelles mais aussi pour embellir la polis (en attribuant ainsi une plus grande valeur à la redistribution qu'à l'accumulation de richesse), un grand nombre de festivités publiques, de tragédies et de comédies en grande partie centrées sur des thèmes civiques et sur le besoin d'encourager la solidarité... tout cela et bien d'autres aspects encore de la culture politique d'Athènes formaient les éléments qui ont contribué à créer un sens de responsabilité et de solidarité civiques qui a produit des citoyens activement engagés et profondément conscients de leur mission civique.

Pour notre part, nous ne pouvons pas faire moins - et, souhaitons-le, à terme, nous ferons considérablement plus. Le développement de la citoyenneté doit devenir un art et pas simplement une forme d'éducation - et un art créateur au sens esthétique qui fasse appel au désir profondément humain d'expression de soi au sein d'une communauté politique pleine de sens. Ce doit être un art personnel grâce auquel chaque citoyen est pleinement conscient du fait que sa communauté confie sa destinée à sa probité morale et à sa rationalité. Si l'autorité idéologique de l'étatisme repose sur la conviction que le "citoyen" est un être incompétent, quelquefois infantile et généralement peu digne de confiance, la conception municipaliste de la citoyenneté repose sur la conviction exactement contraire. Chaque citoyen devrait être considéré comme compétent pour participer directement aux "affaires de l'État" et surtout, ce qui est le plus important, il devrait être encouragé à le faire.

Il faudrait fournir tous les moyens destinés à favoriser une participation complète, comprise comme un processus pédagogique et éthique qui transforme la capacité latente des citoyens en une réalité effective. La vie politique et sociale devrait être orchestrée de manière à promouvoir une sensibilité diffuse, la capacité réelle à accepter les différences, sans se soustraire, lorsque c'est nécessaire au besoin de mener de vigoureuses disputes.

Le service civique devrait être considéré comme un attribut humain essentiel et non comme un "don" que le citoyen offre à la communauté ou une tâche onéreuse qu'il est contraint à accomplir. La coopération et la responsabilité civique devraient être vues comme des expressions de la sociabilité et de la philia, et non comme des obligations auxquelles le citoyen essaye d'échapper dès qu'il le peut.

La municipalité serait donc vue comme une scène de théâtre où se déroule la vie publique sous sa forme la plus pleine de sens, un drame politique dont la grandeur s'étend aux citoyens qui en sont les protagonistes. Tout au contraire, nos villes modernes sont devenues dans une large mesure des agglomérations d'appartements-dortoirs dans lesquels les hommes et les femmes s'assoupissent spirituellement et trivialisent leurs personnalités dans le divertissement, la consommation et le bavardage mesquin.

Commentaires : Peut-on penser que la spontanéité suffirait à assurer un engagement généralisé une fois que certaines conditions seraient essentiellement réunies afin de la provoquer ? C'est une question à laquelle il peut être difficile de trancher de façon nette et précise, mais à laquelle il est aussi possible de répondre par la négative, avec une attitude désenchantée, en cette époque qui est la nôtre. Comme il a été dit plus haut, les injustices morales incitent bon nombres d'entre nous à ré-agir, tout comme la conscience de l'impasse dans laquelle nous nous engageons, et donc pour beaucoup à s'engager sur une voie menant à une redéfinition de ce que pourrait être la citoyenneté selon une culture replaçant la personne et son accomplissement au centre des préoccupations. . Malgré la possibilité d'un engagement effectif pour des valeurs dans nos sociétés occidentales, encore sous la garantie de certains droits dit « démocratiques », force est de constater que, mis à part les aveuglés par les « divertissements, la consommation et le bavardage mesquin », nombres de ceux qui s'engagent dans l'élaboration de créations et relations sociales un tant soit peu alternatives ne savent précisément de quelles façon ils pourraient les généraliser. Ceux-ci vont alors à rebours de leurs espoirs déçus et en reviennent le plus souvent à un attentisme mâtiné de « positions plus raisonnables ». La dé-socialisation, plus encore peut-être que l'individualisme égoïste, a des-organisé le corps social en de multiples entités isolées et noyées par le flux incessant des impératifs de la survie quotidienne, tout juste augmentée pour un nombre croissant d'entre nous. Mis à part les petits gestes « citoyens » qui s'intègrent bien dans le paradigme univoque du Progrès, il paraît bien difficile de dépasser une participation à l'unidirectionnalité imposée, pour une implication multidimentionnelle. Celle-ci pourtant, par l'engagement de l'être dans son entièreté, est à même de stimuler une auto-éducation à une citoyenneté réelle dans l'acte théorique et pratique de dépasser des situations ressentis comme insupportables. La difficulté de s'impliquer, malgré que ne soit pas absente bien souvent une réelle motivation, tient la plupart du temps au fait que nous n'avons pas reçu une éducation visant à véritablement nous élever socialement (mise à part dans une optique opportuniste et individualiste, mais il ne s'agit plus là d'une véritable élévation). L'éducation nous a donné des outils afin de cheminer sur la voie d'une intégration à un système social, et surtout économique, en quête perpétuelle d'individus soumis à ses besoins. Il est vrai que le système éducatif ne fournit pas, ou si peu, les éléments nécessaires à l'accomplissement d'une véritable citoyenneté (et de moins en moins de nos jours à l'heure d'une offensive marchande sans précédent sur les secteurs publiques, de l'éducation entre autres, comme l'ont prouvées encore les attaques récentes du niveau actuel de l'éducation, pourtant déjà bien bas, par la ministre Belkasserole). Il ne structure pas son « plan de formation des individus à la vie active » autours de ce qui constitue intimement pourtant la « matière première » à éduquer : la personne sociale en devenir. Puisque l'homme se construit socialement par rapports aux autres, se fait homme dans ses rapports conflictuels aux Autres, et que la découverte de sa personnalité ne peut s'avérer qu'au travers de ces rapports sociaux comme d'un miroir nous renvoyant notre propre image sociale, on peut effectivement dire que le désir social est latent chez les êtres en formation, car indispensable à l'épanouissement de la personnalité. Eu égard à cela, il est donc tout à fait compréhensible que tout déploiement de l'agir au sein du corps social dans le but de donner à ce dernier un caractère organique et vivant, c'est à dire à le composer en accord avec des désirs sociaux de justice éthique et de réel autonomie (et non d'autarcie), offre autant d'opportunités pour une éducation à une socialité directe et responsabilisante (la plupart des actions sociales de résistances qui ont pu être mis en œuvre en fournissent parfois la preuve par le mûrissement d'une conscience véritablement politique). Cela est d'autant plus nécessaire, que la constitution de valeurs universelles, et non universalistes, ne peut se faire que par la confrontation au sein de la diversité des valeurs nées du pluralisme culturel inhérent à un regroupement humain de plus en plus large. Le déplacement des valeurs individuelles, et du sens commun, ne peut effectivement se réaliser que par des interactions multiples entre consciences individuelles et groupes sociaux autonomes. En d'autres termes, c'est par les conflits et modes d'appréhensions directs du réel au travers de l'engagement social que peuvent émerger des valeurs sociales acceptées par tous et allant dans le sens d'un accroissement d'une logique de vie. La notion de sens commun est aussi hyper-importante, tout comme celle de bien commun dans les domaines publics imbriqués.

Mais cette pratique se trouve confrontée aujourd'hui à la domination de la « valeur » de la valorisation. Celle-ci induit une atomisation du corps social en une multitude d'individus soumis à la dictature de la concurrence, de la compétitivité, de la performance et de l'adaptabilité croissante aux normes technicistes. La logique de valorisation tend à annihiler la dynamique sociale de création de valeurs sociales de justice, de solidarité, de Grandeur, de patriotisme même (qui ne doit pas être vue comme une barrière à la responsabilité, mais comme une incitation afin de retrouver le sens plein et entier de cette valeur primordiale au contraire, et ce en son acception antique de « Terre de nos Pères »), en fragmentant les rapports sociaux et en rendant plus que difficile la condition de l'inventivité et de l'auto-accomplissement personnelle. Une éducation à la citoyenneté passe donc nécessairement par une prise de conscience et une connaissance critique de la situation dans laquelle nous (sur)vivons. C'est à ce point qu'une pensée métapolitique prend tout son sens en lien avec les pratiques sociales de résistance. Car ces deux aspects de la lutte sociale sont inter-dépendants et coextensifs dans leur élaboration de la conscience et de l'éducation politique à une citoyenneté autonome.

Les communes (dans le sens large décrit plus haut) et leurs instances organiques de décisions (contrôlées par les assemblées, mais aussi toujours nécessairement élitistes car les responsabilités se doivent d'être partagées en fonction des talents de chacun) sont des lieux où peuvent donc s'effectuer une éducation à la citoyenneté à partir du moment où sont consciemment créés d'autres relations sociales que les rapports qui prévalent dans la société marchande, des relations non aliénées à des abstractions telles que la marchandise, le travail salarié ou la valeur (et donc la nécessité absolue de croissance qui lui est liée). Nous devrons créer par conséquent les conditions d'une réélaboration de liens sociaux capables, à partir des multiples situations que nous vivons, de briser une logique mortifère de séparation, d'étiquetage et de contrôle et de réinventer un engagement qui, sans nous bercer d'illusions et en nous gardant de nous acquitter des doutes et des paris sur l'avenir, peut nous donner le désir et la liberté de tendre vers des valeurs communes d'une humanité plurielle consciente d'elle-même et de ses particularités et du respect qui leur est du. En vertu d'un tel engagement, le premier pas vers une éducation à la citoyenneté est de prendre conscience de la rupture qu'il est nécessaire d'opérer vis à vis des connexions qui nous lient en permanence, et de manière individuelle, aux éléments de soumissions et de manipulations (médias inféodés au pouvoirs actuels, incitations à la compétition – notamment dans le « monde » du travail -, surconsommation, crédits, actions centrées sur ses intérêts, apathie face aux décisions injustes – notamment émanant de l'État -, etc). Et cette rupture nous engage en retour bien souvent à la désobéissance qui peut être à même d'inaugurer une véritable rébellion salvatrice et formatrice.

En cela, l'éducation à la citoyenneté, malgré son assise philosophique et théorique, ne peut s'endormir dans les salons feutrés des salles de conférences des universités ou autres lieux où a trop tendance à s'isoler la pensée supposément rebelle, mais se découvre à chaque pas d'une pratique sachant assumer les conflits (dans et en-dehors de soi), à chaque étape d'une praxis qui pousse nos consciences à s'extirper de la gangue des convenances et des soumissions imposées par des rapports sociaux aliénés.

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L'économie municipale

Le dernier et un des plus intraitables problèmes que nous rencontrons est celui de l'économie. Aujourd'hui, les questions économiques tendent à se centrer sur qui possède quoi, qui a plus que qui et, surtout, sur comment les disparités de richesse peuvent se concilier avec un sentiment de communauté civique. Presque toutes les municipalités avaient dans le passé été fragmentées par des différences de statut économique, avec des classes pauvres, moyennes et riches dressées les unes contre les autres jusqu'au point de ruiner les libertés municipales, comme le montre clairement l'histoire sanglante des communes du Moyen-âge et de la Renaissance en Italie.

Ces problèmes n'ont pas disparu à l'époque actuelle. Ils sont même assez souvent tout aussi graves que par le passé. Mais ce qui est spécifique à notre époque (et qui a peu été compris par beaucoup de gens de gauche et d'extrême-gauche en Amérique et en Europe), c'est le fait qu'ont commencé à apparaître des questions transclassistes totalement nouvelles qui concernent l'environnement, la croissance, les transports, la déglingue culturelle et la qualité de la vie urbaine en général. Ce sont des problèmes suscités par l'urbanisation et non par la constitution de la cité. D'autres questions traversent aussi transversalement les intérêts conflictuels de classe, comme les dangers de guerre thermonucléaire, l'autoritarisme étatique croissant et finalement la possibilité d'un effondrement écologique de la planète. À une échelle sans précédent dans l'histoire américaine, une énorme variété de groupes de citoyens ont rassemblé des gens de toute origine de classe dans des projets communs autour de problèmes souvent à caractère local mais qui concernent la destinée et le bien-être de l'ensemble de la communauté.

L'émergence d'un intérêt social général par-delà les vieux intérêts particularistes démontre qu'une nouvelle politique peut facilement prendre corps et qu'elle visera non seulement à reconstruire le paysage politique au niveau municipal mais aussi le paysage économique. Les vieux débats entre la propriété privée et la propriété nationalisée sont devenus de la pure logomachie. Non que ces différents genres de propriété et les formes d'exploitation qu'elles impliquent aient disparu, mais elles ont été progressivement rejetées dans l'ombre par des réalités et des préoccupations nouvelles. La propriété privée, au sens traditionnel du terme, qui perpétuait le citoyen en tant qu'individu économiquement autosuffisant et politiquement indépendant est en train de disparaître. Elle ne disparaît pas parce que le "socialisme rampant" a dévoré la "libre entreprise" mais bien parce que la "grande firme rampante" a tout dévoré - ironiquement au nom de la "libre entreprise". L'idéal grec d'un citoyen politiquement souverain qui pouvait juger rationnellement des affaires publiques parce qu'il était libéré du besoin matériel et du clientélisme n'est plus qu'une moquerie. Le caractère oligarchique de la vie économique menace la démocratie en tant que telle, pas seulement au niveau national mais aussi municipal, là où elle conservait encore un certain degré d'intimité et de souplesse.

Nous en arrivons ainsi, soudainement, à l'idée d'une économie municipale qui se propose de dissoudre de manière novatrice l'aura mystique qui entoure la propriété des firmes et la propriété nationalisée. Je me réfère à la municipalisation de la propriété, comme opposée à sa privatisation ou à sa nationalisation. Le municipalisme libertaire propose de redéfinir la politique pour y inclure une démocratie communale directe qui s'étendra graduellement sous des formes confédérales, en prévoyant également une approche différente de l'économie. Le municipalisme libertaire propose que la terre et les entreprises soient mises de façon croissante à la disposition de la communauté, ou, plus précisément, à la disposition des citoyens dans leurs libres assemblées et de leurs députés dans les conseils confédéraux. Comment planifier le travail, quelles technologies employer, quels biens distribuer ? Ce sont toutes des questions qui ne peuvent être résolues que dans la pratique. La maxime de chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins, cette exigence célèbre des différents socialismes du XIXe siècle, se trouverait institutionnalisée comme une dimension de la sphère publique. En visant à assurer aux gens l'accès aux moyens de vivre indépendamment du travail qu'ils sont capables d'accomplir, elle cesserait d'exprimer un credo précaire : elle deviendrait une pratique, une manière de fonctionner politiquement.

Aucune communauté ne peut espérer acquérir une autarcie économique, ni ne devrait essayer de le faire. Économiquement, la large gamme de ressources nécessaires à la production de nos biens d'usage courant exclut l'insularité refermée sur elle-même et l'esprit de clocher. Loin d'être une contrainte, l'interdépendance entre communautés et régions doit être considérée - culturellement et politiquement - comme un avantage. L'interdépendance entre les communautés n'est pas moins importante que l'interdépendance entre les individus. Si elle est privée de l'enrichissement culturel mutuel qui a souvent été le produit de l'échange économique, la municipalité tend à se refermer sur elle-même et s'engloutit dans une forme de privatisme civique. Des besoins et des ressources partagés impliquent l'existence d'un partage et, avec le partage, d'une communication, d'un rajeunissement grâce à des idées nouvelles et d'un horizon social élargi qui facilite une sensibilité accrue aux expériences nouvelles.

Commentaires : Murray Bookchin nous propose là un schéma de réorganisation de l'économie qui passe par une certaine forme d'abolition de la propriété privée : la municipalisation des moyens de production et de distribution. Celle-ci d'après lui, pourra se faire d'autant plus facilement qu'elle se fera sous l'emprise d'une nécessité d'établir une politique menée dans l'intérêt social de tous du fait des menaces écologiques et sociales qui pointent à l'horizon proche ; une politique tenant compte d'intérêts « tran-classistes ».

Une critique qu'il est possible d'émettre à l'encontre d'une telle vision d'un futur utopique, c'est que l'on voit mal pour quelle raison les possédants se déposséderaient aussi facilement des moyens de production qui leur assurent une position sociale dominante, désormais mondiale, et la condition des avantages qu'ils en retirent. Ou l'espoir se reposerait sur d'hypothétiques décisions « politiques » émanant de représentants élus par une « majorité écologiste sociale » (c'est le sens qu'avaient pris les propositions de Bookchin à la fin de sa vie avec, comme on peut le comprendre dans ses propos, un ralliement tout aussi hypothétique des capitalistes à cette noble cause : mais quels capitalistes ? Car de nos jours, ceux-ci n'ont plus aucun liens affectifs avec un territoire en particulier, pas plus qu'avec un continent !). En outre, le paradigme économique ne repose pas uniquement, loin s'en faut, sur l'appropriation des moyens de production, de distribution et de circulation des capitaux et marchandises.

Cette propriété des moyens de production et de distribution par la classe bourgeoise, sans dire que ce point serait de moindre importance bien sûr car il participe à la dynamique d'auto-accumulation des capitaux (on peut se référer à l'épisode historique des « enclosures » comme d'un moment de cette dynamique qui se poursuit de nos jours), n'en est pas moins devenue que toute relative par rapport aux nécessités et impératifs de l'économie capitaliste actuels. En effet, la dynamique économique capitaliste est mue par la logique impersonnelle et abstraite de valorisation des capitaux poussée à l'extrême à un actionnariat et une financiarisation mondialisés, logique qui ne porte absolument plus en elle-même de fin, mais dont l'effet le plus pervers à l'échelle du Globe est la dé-appropriation de nos puissances de décision et d'actions qui pourraient encore être à même selon certains, illusoirement, de réorienter le sens de cette logique, et d'amoindrir le caractère trans-classiste de cette dépossession. Les entreprises vraiment indépendantes aujourd'hui se font de plus en plus rares et beaucoup sont devenues des « sites » localisés (ou « délocalisés ») où s'opère de façon uniforme la rationalité instrumentale par laquelle les hommes devront continuer à se soumettre à la logique productiviste financiarisée et mondialisée. Bookchin a néanmoins pressenti cette réalité lorsqu'il parle de ces « grandes firmes rampantes » qui auraient dévoré l'univers économique local traditionnel. Toutefois, il ne suffit pas d'être conscient de la façon dont les localités ont été plus ou moins directement dépossédées de la maîtrise de leur lieux de production et distribution économique mais surtout, et cela me paraît cruciale, de la façon dont l'humanité entière a été dépossédé de sa possibilité de contrôler l'économie pour le service du bien être général (et même d'une classe dirigeante, car les « bénéfices » de toutes natures qui entrent dans les causes d'une collaboration consciente et prolongée de l'oligarchie ne doivent pas voiler le fait que celle-ci, à moins de renoncer totalement à ses privilèges et de rejeter radicalement ce qui a fourni les fondement de sa « responsabilité » vis à vis du monde, est intégré elle même à une dynamique qu'elle ne contrôle plus totalement). Même s'il est vrai que le caractère oligarchique de la vie économique menace la démocratie (comme l'a d'ailleurs démontré Hervé Kempf dans « L’oligarchie ça suffit, vive la démocratie », Éditions du Seuil) comme nous le constatons d'ailleurs quotidiennement, il ne suffit donc pas de municipaliser l'économie afin d'en obtenir le contrôle au service des populations mais bel et bien de dépasser le paradigme économiste dont les règles ne peuvent être remises en cause que si l'on remet en cause son existence même (une municipalisation ne pourrait se faire dans toutes les cités au même moment !). Et remettre en cause son existence implique de créer des relations sociales à l'inverse des rapports qui fondent et font perdurer l'économisme en tant que paradigme subsumant les différentes sphères sociales caractérisant une société humaine (la politique, les échanges, la communication, etc). L'aura mystique qui entoure l'économisme ne tient pas principalement à la propriété des moyens de production, de distribution et de circulation par une oligarchie, mais bien plutôt au fétichisme qui fonde l'existence de la marchandise (dont la principale d'entre elles : l'argent), du travail (sous ces différentes formes, y compris l'intelligence adaptative), de la valeur, comme d'un pseudo-ré-enchantement du monde sous la forme d'évanescences futiles et illusoires (la croyance aveugle en la marchandisation du monde et de la vie). Ce sont des relations sociales radicalement différentes des rapports sociaux qui nous isolent du monde réel, qui déréalisent nos vie en les soumettant à une logique nous rabaissant à un rôle de spectateurs impuissants de ce dont nous n'avons plus prise, qu'il nous faut créer au sein de communes qui deviennent alors des centres de résistances où s'entremêlent les diverses expériences associatives autonomes. Ces communes anticipent alors ce mouvement populaire public général qui pourrait être celui qui ferait naître des municipalités en quête d'autonomie. En elles, l'économie ne devrait plus pouvoir signifier autre chose que cet échange métabolique avec la vie qui nous permet de subvenir aux besoins réels et dés-aliénés et inventer des relations sociales directes et consciemment élaborées par la raison fondée sur des valeurs culturelles partagées et particulières au sein de chaque communauté et peuple.

Ce qu'il est important de comprendre dans ce qui précède, c'est que les unités de production capitalistes (sous ses différentes formes postmodernes : l'industrie en réseau tout comme l'ingénierie) sont toujours les lieux où se cristallisent la rationalité « instrumentale » et que se ré-approprier ces unités, formule creuse au vue de l'organisation actuelle de la production, ne détermine en rien la possibilité d'instaurer une « autre économie » sensée pouvoir contribuer à la création de rapports sociaux plus directs et non aliénés. La réorganisation de la production à l'échelle des communautés humaines implique par là même de redéfinir radicalement (à la racine) ce que doivent représenter les lieux de production pour les personnes vis à vis de relations sociales proprement révolutionnaires qui s'établissent peu à peu entre elles dans leurs pratiques. Comment pourraient s'agencer ces lieux de production en fonction de la structure des relations établies par des modes d'activités productives et d'échanges consciemment mis en œuvre par les personnes elles-même en fonction de leurs réels besoins tant matériels que « spirituels ». Il peut paraître évident qu'une telle structure forgée par des pratiques expérimentales ne pourrait découler uniquement de décisions arbitraires émanant d'assemblée communales. Nous vivons dans une situation donnée et nous ne pourrons baser nos théories et nos pratiques quotidiennes communautaires dans une optique de dépassement de celle-ci que si nous adoptons une pensée et un agir qui ne puisse être négociable pour le système dominant. En d'autres termes, il ne s'agit pas de vouloir récupérer l'économie, aujourd'hui « économisme », afin d'en faire un outils au service des hommes (enfin... prétendument de tous !) ; il s'agit bien plutôt de sortir de l'économisme, de sortir d'un paradigme qui impose une relation avec la vie, des rapports des hommes entre eux, qui ne pourrons jamais signifier autre chose que des formes d'aliénation et de fétichisme pleinement contradictoires avec tout désir véritablement démocratique. Dans cette optique, la propriété personnelle de petite unités artisanales ou commerciales ne posent pas de problèmes en soi, beaucoup moins en tout cas que celle de bien plus grandes unités de fabrication qui devraient être mises en œuvre dans l'optique de générer la satisfaction des besoins réels (à l'échelle des entités géographiques plus importantes, notamment continentale) et de puissance à garantir pour la pérennité de notre Culture (européenne).

Il ne paraît plus opportun de chercher à devenir majoritaire (dans une optique d'instaurer un pouvoir central « libérateur », détenteur d'une souveraineté perdue), mais de s'appuyer sur les communautés (des communes, « ce que nous avons en commun – cum - n'est rien d'autre qu'un don à faire – munus - , une exposition à autrui ») en rupture avec les lois établis du système dominant, des point de résistances à la dynamique liberticide et totalitaire (parce que globalisante et mondialiste) de la majorité instituée. Avoir l'espoir d'une gestion « alternative » de ce qui mène le monde, de ce qui le fonde même, l'économisme, en projetant la politique vers une promesse messianique (dé)-mobilisatrice, c'est obscurcir la vision que nous devrions avoir aussi limpide que possible pourtant du point d'inconsistance sur lequel repose entier la structure abstraite et pourtant réelle du monde de la marchandise. Sortir d'un économisme ravageur ne peut se décréter par le déploiement programmatique, aussi démocratique puisse-t-il être dans ses intentions, d'un plan visant à transposer dans le futur les conditions d'un agir libre. Une société municipaliste libertaire ne peut être qu'un possible vu d'en-dehors de la situation dans laquelle nous vivons et luttons. Mais du dedans de cette situation, seule position raisonnable, nous n'aurons d'autre choix que de créer des conditions de dépassement des aliénations présentes, en expérimentant des actions politiques (collectives) en rupture avec l'ordre dominant. Les communes-municipalités à taille encore humaine (il en reste, surtout dans les « campagnes » - zones vertes de la Grande Métropole- , qui ne se sont pas séparées totalement d'une certaine autonomie, d'une certaine capacité de résilience diront certains) peuvent être des espaces d'une telle dynamique sociale, mais non sans avoir vis à vis du paradigme économique une attitude critique radicale dont le sens est de s'émanciper des aliénations qui fondent son existence, d'une pseudo-liberté sans autonomie, d'une recherche incessante et folle d'autarcie déshumanisante parce qu'assujettie aux fétichismes de la marchandise et de la techno-science.

Les moyens et agents économiques sont structurés afin de répondre à des impératifs qui se sont éloignés depuis déjà bien longtemps de la nécessité d'assouvir les besoins réels des populations, à fortiori locales. Nul doute qu'il nous faudra à l'avenir déterminer ensemble la nature de ces besoins (encore que cela ne pourrait être humainement envisageable que par ceux d'où émanent ces besoins) et des moyens à employer afin de les satisfaire, mais cela ne pourrait être possible sans créer les conditions de l'élaboration de relations sociales radicalement différentes des rapports qui nous séparent de notre humanité, ici-même européenne, de nos sensibilités, de nos émotions, de nos désirs particuliers de vie, de nos valeurs (de nous lier aux autres dans un désir de prolonger la vie, de la rendre autonome et pérenne). Comment cela pourra-t-il se faire ? Il paraît impossible dans notre situation d'augurer précisément la dynamique politique qui ouvrira la possibilité de généraliser des relations sociales plus humaines et en harmonie avec la vie dans son ensemble. Il nous est par contre possible de créer d'ors et déjà des centres de résistance et d'élaborations et de réflexions sociales pouvant préfigurer par une mise en réseau de ces expérimentations, une approche vraiment alternative à la satisfaction de nos besoins matériels, sociaux et spirituels (convivialité, sentiments, entraide,...).

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Une question de survie écologique

À la lumière de ces coordonnées, il est possible d'envisager une nouvelle culture politique avec une nouvelle renaissance de la citoyenneté, d'institutions civiques populaires, un nouveau type d'économie, et un contre-pouvoir parallèle, dans un réseau confédéral, capable d'arrêter et, espérons-le, de renverser la tendance à une centralisation accrue de l'État et des grandes firmes et entreprises. En outre, il est aussi possible d'envisager un point de départ éminemment pratique pour dépasser la ville et la cité telles que nous les avons connues jusqu'à présent et pour développer de nouvelles formes d'habitation réellement communautaires, capables de réaliser une nouvelle harmonisation entre les gens et entre l'humanité et le monde naturel. J'ai souligné le mot "pratique" parce qu'il est évident que n'importe quelle tentative d'adapter une communauté humaine à un écosystème naturel se heurte de plein fouet à la trame du pouvoir centralisé, que ce soit celui de l'État ou des grandes firmes.

Le pouvoir centralisé se reproduit inexorablement à tous les niveaux de la vie sociale, économique et politique. Il ne s'agit pas seulement d'être grand : il pense "en grand". Ainsi, ce mode d'être et de penser est non seulement la condition de sa croissance mais de sa survie même. Nous vivons déjà dans un monde où l'économie est excessivement mondialisée, centralisée et bureaucratisée. Beaucoup de ce qui pourrait être fait au niveau local et régional, l'est à l'échelle mondiale - en grande partie pour des raisons de profits, de stratégie militaire et d'appétits impériaux - avec une complexité apparente qui pourrait en réalité être facilement simplifiée.

Si toutes ces idées peuvent sembler trop "utopiques" pour notre temps, alors on peut aussi considérer comme utopiques les exigences urgentes de ceux qui demandent un changement radical des politiques énergétiques, une réduction drastique de la pollution de l'atmosphère et des mers et la mise en œuvre de programmes au niveau mondial pour arrêter le réchauffement de la planète et la destruction de la couche d'ozone. Est-ce qu'il est vraiment illusoire de poursuivre des changements institutionnels et économiques non moins drastiques mais qui se basent en réalité sur des traditions démocratiques profondément enracinées ?

Commentaires : Peut-on parler de renaissance de la citoyenneté, de civisme, de nouvelle économie, de démocratie générale si nous ne critiquons pas la part (importante) de récupération idéologique (et opportuniste) dont ces expressions ont été les victimes ? Citoyenneté, économie, communautés, politique, responsabilité et bien d'autres, sont des mots qui sont imprégnés des effluents du procès capitaliste en cours. Les utiliser sans tenir compte du fait que leur sens ait pu être galvaudé par le système manipulateur (« novlangue ») risquerait de leur ôter toute possibilité de renversement des valeurs actuelles. Il pourrait donc sembler délicat, au premier abord, de les employer dans le but de décrire ce qui paraît être les fondements d'une vision pour un monde plus équilibré, harmonieux : la mise en œuvre de nos puissances sociales pour une rupture par rapport à l'ordre dominant. La citoyenneté par exemple peut donner l'impression de traîner en son sillage une histoire ayant permis la domination de l'idéologie bourgeoise depuis la Révolution (celle de 1789). C'est oublier qu'elle n'implique pas forcément un abandon de la souveraineté du peuple vers l'État comme cela a perduré en France suite à la Révolution récupérée par la classe marchande, mais qu'elle contient une signification bien plus profonde et générale, dévoilant pour qui s'en donne la peine le lien indéfectible qui unit la personne, sa réalisation, à la vie de ses communautés, familiale et politiques. C'est véritablement redonner honneur à la vie de la Cité, et par-delà, à la politique selon son sens originel.

Or, les mouvements dits « alternatifs » usent trop souvent des concepts forgés par l'Ordre dominant en ne reformulant pas le sens des mots, en n'en renversant pas la valeur (ou tout bonnement rejettent ces termes avec leur sens modernes appauvris en s'interdisant ainsi de réintroduire dans la pensée populaire une vision en adéquation avec les anciennes traditions politiques, pourtant encore porteuses d'un univers d'émancipation). L'alternative est ainsi récupérée à dessein par le système au travers de ses excroissances contestataires (excroissances bien involontaires parfois, mais indubitablement intégrées à l'ordre dominant comme nous le démontrent bien des mouvements écologistes, « politiques » ou associatifs, « antifa » ou autres) représentant le pôle « progressiste » d'une sociale-démocratie en perte d'identité ou d'une gauche « alternative » en proie à ses incertitudes résultant d'une méfiance ou d'un rejet paranoïaque de la critique théorique radicale sur les catégories qui fondent nos aliénations (libérer le travail du capital sans remettre en cause radicalement le salariat, foi envers le multiculturalisme, etc.). Le capitalisme vit des contradictions qu'il engendre et du mouvement dialectique que celles-ci insufflent à la société, autrefois la lutte des classes, aujourd'hui la responsabilité citoyenne de devoir « sauver la planète » par des initiatives individuelles « alternatives au productivisme » mais qui restent toujours dans le cadre d'un consensus immanent à une structure établie par des rapports sociaux aliénés à la marchandise (puisse-t-elle être bio). Le but de ces contradictions en acte, de ces mouvements sociaux revendicatifs, est de faire intégrer à la forme juridique bourgeoise des lieux communs de la conscience militante plus émotive qu'autre chose et mobilisant l'individu-citoyen dans des actes de création de pseudo-alternatives ou des luttes pour une reconnaissance sociale (par exemple, actuellement, des « migrants ») permettant au capitalisme de poursuivre sa dynamique de marchandisation de l'ensemble du vivant et puis d'assurer ses besoins du moment, sous des formes toujours réactualisées.

Au fond, la visée postmoderne d'une forme juridique post-bourgeoise théorisée par le système actuel correspond exactement aux revendications des groupements de la militance sociétale dont le but est de renforcer une sorte de sujet de droit dont l'émancipation ressemble plus à l'élaboration d'un individu totalement désolidarisé de ses communautés originelles et constitutives de sa personne. La réalité propre à chaque situation vécue par les gens réels se trouve niée par la non remise en cause fondamentale de l'abstraction généralisée caractérisée par ses deux principaux moments actuels de cristallisation : la finance et l'Ordre mondial. Une aspiration à une réintroduction (re-embeded) des conditions de la production des biens au sein de la société ne peut être plausible en tant qu'acte fondateur d'une véritable alternative au capitalisme qu'à partir du moment où la forme juridique – l'absolutisme des droits-de-l'homme - sur laquelle repose la structure capitaliste est remise en cause. Cela implique donc de rendre obsolète les rapports sociaux entre les individus faisant de ceux-ci des représentants de la marchandise, et d'instaurer à la place des relations sociales. Un mouvement communaliste, directement lié à une repolitisation des relations sociales dans la sphère publique, pourrait se déployer par un refus de la globalisation capitaliste et de la naturalisation des rapports marchands qui obscurcissent en tant que sens commun devenu majoritaire, les fondements de chaque situation dont la compréhension conditionne pourtant une affirmation politique de la nécessité d'une compréhension de chacune d'elles. Une commune, basée sur la rencontre entre des personnes mues par ce même désir de dépassement politique de situations devenues insupportables (comme en Grèce en 2008), peut alors voir le jour comme d'une création reposant sur un sentiment minoritaire de trahir la norme. La politique doit reprendre ses droits !

Il peut sembler difficile de présupposer de quelle façon une commune, une association corporative (en tout lieux, géographique, social, productif, …) pourrait s'organiser afin de créer les conditions d'une rupture avec l'ordre social dominant. Le territoire d'un quartier, d'un village, d'une ville peut être, dans la situation actuelle de domination des rapports marchands, l'espace de déploiement d'une radicalité non négociable. Mais il est plus probable actuellement que les communes, en tant que lieu d'émancipation de rapports sociaux aliénés, de fonctionnement d'institutions communautaires et solidaires, voient le jour de façon diffuse sur une territorialité devenant ainsi peu à peu opaque aux pouvoirs (et non forcément située spacialement dans un premier temps).

La première des utopies est celle qui accompagne la croissance de la globalisation capitaliste dans son rêve fou de contrôler l'ensemble de la vie dans sa dynamique d'accumulation sans fin. Devrait-on pour autant lui opposer une utopie « alternative » ? Est-ce qu'un schéma global d'organisation peut-il être à même de correspondre aux tendances imprévisibles que prendront les dynamiques des communes qui à l'heure actuelle ne peuvent que se diffuser à partir des diverses situations vécues en ces temps de barbaries ? Il ne s'agit plus, répétons-le, de gérer les situations qui sont pour nous ces vérités à partir desquelles germe le désir de dépasser nos aliénations, les injustices et autres saccages, mais de faire surgir des sujets politiques de tous les possibles que chaque situation nous offre tout en finissant par recréer – du bas vers le haut - les indispensables lieux de coordination et de pouvoir où l'acte décisionnel pourra en toute liberté s'élever et s'affirmer en fonction de nos limites propres. La liberté, qui assume la vérité d'une situation actuelle d'aliénation aux fétiches du paradigme économique capitaliste, ne doit pas être conditionnée à une nécessité idéologique supposée remplir la fonction de répondre, a priori, aux urgences de notre temps (aussi bien sociales qu'écologiques), mais doit plutôt nous servir à briser l'enveloppe d'identification à l'individu normalisé qui est la base d'une praxis sociale visant à surseoir tout désir dans de vaines utopies qui nous isolent toujours d'avantage et nous éloignent de toute autonomie (utopies envers la technologie, le pouvoir de l'argent, la croissance mais aussi envers un idéalisme post-humain, comme le fut le communisme !). La pensée métapolitique a un rôle très important à y jouer afin de pouvoir comprendre et atteindre ces fameux points d'inconsistance des situations à partir desquelles il est possible de construire de véritables alternatives, des communes comme lieux de rencontres et de créations non négociables, qui pourrons être comme autant de cellules à même de reformuler des rapports sociaux radicalement différents de ceux qui, médiatisés par les fétiches du système dominant, nous séparent les uns des autres toujours un peu plus en nous voilant les causes réelles de nos aliénations.

Alors, le municipalisme libertaire, pourquoi pas ? Mais il me parait évident comme j'ai pu l'exposer ici que la priorité ne se situe pas dans la proposition d'une utopie programmatique tant que nous n'aurons pas porté la contestation sur les causes réelles des destructions sociales et écologiques qui menacent nos communautés et l'humanité toute entière et que ne se dessinera pas à l'horizon un mouvement autonome de création de relations sociales nouvelles et tout à la fois ancrées dans la tradition, aptes à menacer la suprématie de l'ordre marchand. En d'autres termes, des « changements institutionnels et économiques drastiques », même s'ils seront indispensables, ne suffiront pas à bâtir les fondements de ce qui fera naître une société humaine plus consciente d'elle-même, si ces changements ne se construisent pas au sein d'une dynamique politique de transformation des rapports humains. Il nous faut déjà nourrir le cœur de la rébellion pour ensuite rebâtir l'Europe par le truchement d'une nouvelle et véritable politique et d'un nouvel Ordre hiérarchique !

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Murray Bookchin était un écologiste radical américain né le 14 janvier 1921 à New York dans le Bronx d'une famille juive révolutionnaire (sa grand-mère fut membre du parti socialiste révolutionnaire) émigré de Russie en 1905. Après avoir milité dans la Ligue des Jeunes Communistes des États-Unis, et dans le mouvement trotskiste, mais aussi militant syndical, il développe une vue particulière de l'écologisme radical jusqu'à élaborer la théorie du municipalisme libertaire (voir à ce sujet son livre : Pour un municipalisme libertaire, Lyon, éd. Ateliers de Création libertaire,‎ 1er janvier 2003.)

 

Quand les Wahhabites massacraient les habitants de Kerbala (1801)

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Quand les Wahhabites massacraient les habitants de Kerbala (1801)

Par Jean-Baptiste Rousseau

(Extrait de "Description du Pachalik de Bagdad" - Treuffel et Würtz - Paris - 1809)*

Ex: http://www.france-irak-actualite.com

…(…)… Quinze lieues plus bas que Hilla, au-delà de l’Euphrate dans le Désert, on voit les ruines de Coufa, ville célèbre dans les fastes de l’Islamisme.

A l’occident de Hilla, et à six lieues du fleuve, se trouve Imam Hussein, qu’on doit considérer plutôt comme un gros bourg, que comme une ville bien peuplée. Ce bourg peut contenir sept à huit mille habitants, et ses murailles de terre sont entourées de jardines et de champs cultivés, qu’arrose et fertilise un bras de l’Euphrate, un zabet y commande au nom du pacha.

Ceux qui ont lu l’histoire des Arabes savent que Hussein, fils d’Ali, ayant été appelé en 680 par les habitants de Coufa pour s’asseoir sur le siège pontifical, partit de Médine avec sa famille, et eut le malheur de périr en route, victime de la fureur du khalife Yézid, qui le fit assassiner proche de la ville dont les citoyens lui avaient déféré les honneurs du rang suprême.

Il fut enterré dans la plaine de Kerbala où il avait expiré d’une manière si tragique. On lui éleva d’abord un simple mausolée, et quelques années après les partisans d’Ali bâtirent dans le même endroit une ville qui reçut le nom de Hussein.

Ce lieu si révéré par les Schias a essuyé en différents temps des outrages insignes ; et les Wahabis qui le surprirent il y a quelques années, comme le verrons tout à l’heure, y commirent des désordres affreux. En 851, le khalife Mutawakkel, protecteur de la secte des Sunnis, en avait fait démolir la majeure partie ; ses successeurs achevèrent de le détruire, et ce ne fut que sous les derniers pontifes arabes qu’on le vit sortir de ses ruines, lorsque la mémoire de Hussein fut rétablie et remise en vénération. Depuis cette époque, Schah Ismaël fondateur de la dynastie persane des Séfévis (vulgairement appelés Sofis) , ayant introduit dans ses états la secte de Schias, ordonna par un édit solennel, que la ville et le tombeau de l’Imam fussent réparés et embellis. Les autres souverains de la même race qui occupèrent le trône après Ismaël, entretinrent avec un égal zèle la dévotion de leurs sujets envers Hussein.

Ce pieux exemple a été suivi par les derniers monarques qui ont régné en Perse : chacun d’eux à l’envi a voulu manifester par de riches présents son extrême respect pour le petit-fils du prophète, de façon que la chapelle sépulcrale de Hussein est devenue le dépôt de tout ce qu’il y avoit de plus précieux dans le trésor de ces princes. On sait que l’eunuque Aga Mohammed khan employa, il y a environ douze ans, cinq millions de piastres, pour revêtir de briques de cuivre doré, les minarets ainsi que la coupole de la mosquée d’Imam-Hussein.

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Les richesses immenses qui s’étaient accumulées dans le sanctuaire d’Imam Hussein faisaient depuis longtemps l’objet de l’insatiable cupidité des Wahabis : ils en méditaient sans cesse le pillage et comptaient tellement sur le succès de leur projet, que quand ils voulaient parler d’un jour heureux et solennel pour eux, ils désignaient celui qui devait les rendre maîtres d’une place si attrayante par la quantité de trésors qu’elle renfermait.

Le jour tant désiré arriva enfin. Ce fut le 20 avril de l’année 1801, qu’ils surprirent la ville, au moment où la majeure partie des habitants l’avaient quittée pour aller à quelques lieues de là, faire leurs dévotions sur le tombeau du père de leur patron. Ces barbares mirent tout à feu et à sang : et après avoir fait un butin immense, tel que les plus grandes victoires n’en procurent jamais, ils se retirèrent fort tranquillement, sans que le gouvernement de Bagdad qui fut informé à temps de leur désastreuse apparition, osât troubler leur retraite ; ils étaient venus au nombre de quinze mille. Les cruautés qu’ils commirent sont inouïes ; vieillards, femmes, enfants, tout périt sous leur glaive impitoyable ; on les vit même dans la fureur qui les animait, éventrer les femmes enceintes, et mettre en pièces sur les membres sanglants le fruit qu’elles portaient. Des gens dignes de foi qui ont eu le bonheur d’échapper à cette affreuse boucherie, m’ont assuré à Bagdad, avoir vu quelques-uns de ces hommes féroces se repaître du sang de leurs infortunées victimes.

L’on évalua dans le temps à plus de quatre mille, le nombre de personnes qui avaient péri dans cette affreuse catastrophe. Les Wahabis emmenèrent, à leur sortie d’Imam-Hussein qu’ils saccagèrent pendant deux jours et deux nuits, deux cents chameaux chargés de riches dépouilles. Non contents d’avoir assouvi leur rage sur les habitants, ils rasèrent les maisons, et firent de la riche chapelle de l’Imam un cloaque d’immondices, et de sang ; ils endommagèrent aussi les minarets et les coupoles de la mosquée, dont ils avaient pris d’abord les briques pour de l’or massif ; mais ayant reconnu ensuite qu’elles n’étaient que du cuivre doré, ils ne crurent pas devoir perdre leur temps à démolir totalement ces édifices dont les décombres ne leur eussent été d’aucune utilité.

Depuis cette malheureuse époque, le roi de Perse a fait réparer le lieu sacré, et le pacha y entretient aujourd’hui une division de Lavends, pour le mettre à couvert d’une nouvelle invasion. Tous les ans il y vient de la part du monarque persan un khan, dont l’emploi est de protéger les pèlerins de sa nation, qui accourent de tous les points de l’Empire pour recevoir les bénédictions de l’Imam, en échange des dons précieux qu’ils font à la chapelle.

La ville d’Imam-Ali, presque aussi grande et aussi peuplée que celle d’Imam- Hussein, est à six lieues de cette dernière, dans une plaine aride où la nature ne versa jamais ses bienfaits. C’est le lieu de la sépulture du gendre de Mahomet, d’Ali, que les Persans révèrent jusqu’à l’idolâtrie, et en l’honneur duquel ils ont bâti une superbe mosquée dont les minarets et les coupoles sont recouverts comme à Imam-Hussein, de briques de cuivre doré. Les Persans regardent le favori intime du Très Haut, et l’appellent la Force ou le Lion de Dieu. Le territoire d’Imam-Ali est d’une stérilité dont on ne saurait se former une idée, et n’offre que des aspects hideux, et des morceaux de sable que la chaleur du soleil enflamme en été. Autrefois les habitants de ce lieu étaient obligés d’aller jusqu’à l’Euphrate pour se procurer de l’eau ; mais depuis environ une quinzaine d’années, le frère de l’Empereur du Mogol y a fait construire un canal qui a coûté des sommes immenses ; on n’a pas pu cependant le perfectionner à cause des tourbillons de sable que la violence du vent y verse sans cesse, et qui le combleraient totalement, si on n’avait pas le soin de les nettoyer tous les ans. Quant aux vivres, c’est de Hilla et de plusieurs villages des bords du fleuve qu’on les exporte pour approvisionner la place.

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Imam-Ali n’était pas moins renommé qu’Imam-Hussein, pour la grande quantité d’objets précieux que la pieuse libéralité des Schias avait accumulés dans son enceinte ; mais depuis le sac de cette dernière ville, on a transféré toutes les richesses qui se trouvaient accumulées ici, à Imam-Moussa près de Bagdad, afin de les soustraire à l’avidité des Wahabis. Malgré cette précaution, ces brigands n’ont pas manqué de se présenter à diverses reprises devant Imam-Ali avec l’intention d’en faire le pillage ; mais soit que l’Imam les ait fait repoussés constamment par une force invisible, comme le prétendent les Persans, soit que les mesures des Wahabis ayant été mal combinées, ils n’ont jamais pu venir à bout de leur entreprise.

*L’orientaliste Jean- Baptiste Rousseau (1780-1831) fut consul de France à Bassora en 1805. Il y avait pris la suite de son père Jean-François appelé Rousseau de Perse, ancien directeur de la Compagnie des Indes et consul à Bassora et Bagdad.

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Détruire la fabrique à illusions Entretien avec Lucien Cerise

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Détruire la fabrique à illusions

Entretien avec Lucien Cerise

Propos recueillis par Monika Berchvok

Source : Rivarol
Ex: http://zejournal.mobi

Venant de l’extrême gauche de l’échiquier politique, Lucien Cerise vote « Non » en 2005 au référendum sur le Traité établissant une Constitution pour l’Europe, comme 55 % des votants. Quand il voit au cours des années 2006 et 2007 ce que le Pouvoir fait du scrutin, cela le décide à s’engager dans les mouvements anti-Union européenne et antimondialistes, donc nationalistes et localistes. Au fil du temps et des rencontres, il s’est rendu compte que le clivage politique Droite / Gauche est en fait complètement bidon et que la seule différence à considérer est entre la vie et la mort. Dans son dernier livre, il revient sur les concepts les plus importants de son travail : l’ingénierie sociale et les neuro-pirates. Les propos de Lucien Cerise sont parfois polémiques, mais doivent être pris comme une ouverture au débat.

Rivarol : En quoi consiste l’ingénierie sociale ?

Lucien Cerise : L’ingénierie sociale est la méthode scientifique de transformation des groupes sociaux. Toutes les échelles peuvent être visées : famille, tribu, communauté, religion, peuple, civilisation, association, entreprise, etc. Ce travail de transformation et de reformatage est généralement non déclaré, furtif, subliminal parce que les groupes ciblés le refuseraient, ou du moins l’amenderaient fortement s’ils étaient consultés. En outre, cette transformation est définitive, ce qui la distingue d’un acte de manipulation ponctuelle, qui reste réversible. L’idée d’une ingénierie sociale, ou social engineering, apparaît au XXe siècle sous la plume de chercheurs tels que l’épistémologue Karl Popper et est aussi synonyme de « planification sociale » et de « conduite du changement ». Plus récemment, le monde du piratage informatique l’a également adoptée en insistant sur la furtivité. Aujourd’hui, les deux concepts clés de l’ingénierie sociale sont 1) l’hameçonnage (phishing), c’est-à-dire l’accroche séduisante, la carotte, la récompense promise pour nous faire avancer dans le sens voulu par l’ingénieur social, et 2) le conflit triangulé, c’est-à-dire le conflit orchestré entre des groupes, ou entre les membres d’un groupe, pour les affaiblir, voire les détruire en usant d’une stratégie indirecte qui les fait s’affronter au bénéfice de celui qui organise le conflit sans y apparaître directement.

luccerton37820.jpgQui sont les « neuro-pirates » qui veulent faire de nous des « néo-esclaves » ?

Les neuro-pirates sont mieux connus sous le terme anglais de spin doctors, qui désigne les professionnels du « retournement » psychologique. Un conseiller de Barack Obama, l’universitaire Cass Sunstein, parle d’infiltration cognitive pour qualifier cette manière d’entrer dans l’esprit d’autrui pour le faire changer sans qu’il en soit totalement conscient. On en rencontre des praticiens essentiellement dans les milieux de la communication, du marketing, du management, de la sécurité des systèmes, du renseignement et de la politique. Quand le pouvoir veut fabriquer notre consentement à quelque chose d’intolérable, il est contraint d’avancer masqué sachant que notre « consentement éclairé » ne sera jamais accordé. Quand il s’agit de nous faire accepter de recevoir une puce électronique dans le corps comme si nous étions du bétail, il faut nécessairement ruser et présenter les choses sous un jour dédramatisé, inoffensif, et même ludique et attractif si possible. C’est le rôle du piratage des cerveaux, au sens où le neuro-pirate va pénétrer ni vu, ni connu dans l’esprit de quelqu’un pour modifier son logiciel mental et comportemental sans qu’il ne s’en rende compte. Nous baignons là-dedans en Occident, où le pouvoir essaye de transformer définitivement la nature des peuples dans le sens d’une artificialisation et d’une robotisation croissante, mais sans provoquer de réactions de refus trop violentes, ce qui le conduit à procéder sous couvert des droits de l’Homme ou de la lutte contre la « menace terroriste ».

Comment concrètement le système manipule les foules sur un sujet aussi important que le sionisme ?

Dans la phase préliminaire d’hameçonnage, autrement dit de séduction, l’ingénierie sociale repose sur l’usurpation d’identité et l’abus de confiance. L’usurpation d’identité fait un usage intensif du « triangle de Karpman », notion issue de l’Analyse transactionnelle. En résumé, trois places sont à occuper dans les relations humaines : le sauveur, le bourreau et la victime. Pour agir furtivement et discrètement, le bourreau peut produire les signes extérieurs de la victime, de sorte à occuper frauduleusement cette place dans notre perception, ce qui lui permettra d’inhiber toute méfiance et tout esprit critique envers lui et d’abuser de notre confiance. En usurpant l’identité de la victime, le bourreau détourne notre attention de ses agissements et il peut commencer à nous détruire presque à notre insu, voire même avec notre participation, dans la mesure où nous le percevons désormais non plus comme le bourreau, mais comme la victime, ou le sauveur. Nous tenons là l’explication de la promotion que le système fait de l’idéologie victimaire pour empêcher toute analyse sérieuse de la question du sionisme.

L’immigration de masse semble être une arme de déstabilisation des nations européennes ?

C’est plus qu’une déstabilisation, c’est une destruction définitive des nations européennes qui est en cours, un vrai génocide. Le projet d’en finir totalement avec l’Europe chrétienne apparaît dans le Talmud, livre du Sanhédrin, dans la parabole du « Messie aux portes de Rome ». Rome est la métonymie de l’Europe chrétienne, également nommée Edom dans cette tradition. Les commentaires de la parabole disent que le Messie des Juifs reviendra à mesure que l’Europe chrétienne disparaîtra. Dès lors, on comprend mieux les motivations de certaines personnes et organisations à accélérer et amplifier toujours davantage l’immigration de masse extra-européenne et musulmane en Europe. Les immigrés, de préférence non chrétiens, sont utilisés ici comme des munitions et à des fins balistiques pour détruire les nations européennes ; bien sûr, certains d’entre eux se frottent les mains d’avoir ainsi la permission d’envahir l’Europe, mais ils doivent comprendre qu’ils seront perdants eux aussi à la fin. En effet, après avoir utilisé les musulmans pour déchristianiser l’Europe, le pouvoir provoquera des conflits triangulés parmi les musulmans pour les pousser à s’entretuer, car eux-mêmes seront de trop à ce moment-là.

Le but final visé à travers toutes ces confrontations identitaires reste le Grand remplacement de l’ensemble des communautés humaines par le transhumanisme. Le défi des Européens est de faire comprendre aux immigrés extra-européens à quoi ils servent et ce qui les attend aussi, c’est-à-dire leur génocide après le nôtre. C’est ainsi que nous pourrons établir avec eux une communauté de « galère » et de destin, qui permettra de poser un modus vivendi pacifique, condition nécessaire pour commencer à inverser tranquillement la tendance, ce qui peut aboutir à la ré-émigration de certains d’entre eux, de sorte que chacun chez soi nous soyons plus forts pour lutter ensemble contre l’ennemi commun.

Vous évoquez les liens entre les oligarques mondialistes et la mouvance antifasciste. Pouvez-vous évoquer vos découvertes sur le financement des « antifas » ?

Quand on cherche un peu qui soutient, parraine et chapeaute l’extrême-gauche « antifasciste », anti-spéciste, LGBT, No Border, Black-Blocks, Occupy, les Indignés, etc., on trouve des organisations qui sont au sommet du capitalisme : Open Society de George Soros, Fondations Rockefeller et Rothschild, Commission européenne, diverses ONG et entreprises multinationales, et même certains ministères de l’Intérieur, autrement dit la police. On savait déjà que les libéraux et les libertaires convergeaient intellectuellement dans l’abolition des frontières, des nations et des identités, et plus largement dans la déconstruction de toute forme de limite.

On sait maintenant que ce n’est pas seulement théorique mais aussi pratique et économique. Une bonne partie de l’extrême-gauche, celle apparue autour de Mai 68 en France, relève de ce que les anglo-saxons appellent la New Left. Il s’agit en fait d’une gauche libertaire prônant l’ouverture sans limites, totalement inoffensive car elle a été créée par la droite libérale dans les années de chasse aux sorcières anti-communiste pour concurrencer et affaiblir la gauche non-libertaire, communiste et fermée, donc structurée et vraiment dangereuse pour le système américaniste et capitaliste.

Cette extrême-gauche du capital a été conçue pour critiquer les effets sans jamais remonter aux causes. Par exemple, les causes de la loi El-Khomri, ou loi Travail, sont à chercher à Bruxelles car c’est la transposition d’une directive européenne. Quand le mouvement Nuit Debout demandera la sortie de l’Union européenne, il deviendra vraiment dangereux et se fera dégager manu militari de la Place de la République. Pour l’instant, il est inoffensif et le Pouvoir en a même besoin pour détourner l’attention des vrais problèmes et de leurs vraies causes. En plein état d’urgence et plan Vigipirate « rouge écarlate », la préfecture de police et la mairie n’ont guère fait de difficultés pour autoriser l’occupation permanente d’une grande place de Paris – ce qui pose d’ailleurs la question de la réalité de la « menace terroriste ». Il semble que François Ruffin et son journal Fakir qui ont lancé le mouvement soient indépendants à l’origine, mais ils ont été rapidement piratés et récupérés, notamment par des professionnels de la communication tels que Noémie Toledano et Baki Youssoufou, dont les parcours les rattachent aux organisateurs de « révolutions colorées », donc aux réseaux d’influence capitalistes cités plus haut.

Vous démasquez les mensonges véhiculés sur la Russie de Poutine à l’occasion du conflit ukrainien. Quels sont les mécanismes et le but des manœuvres contre la Russie ?

Comme l’avait bien vu Halford Mackinder (1861-1947), l’un des pères fondateurs de la géopolitique, contrôler l’Eurasie permet de dominer le monde. Nicolaï Troubetzkoï (1890-1938), créateur de l’eurasisme, écrivait en 1922 que la guerre mondiale ne cesserait pas tant que les grands espaces russes ne seraient pas conquis. De fait, il existe un projet géopolitique de conquête de toute l’Eurasie, nourri par des intérêts capitalistes occidentaux, ceux-là mêmes qui contrôlent déjà l’Europe et l’Amérique du Nord, mais qui ne contrôlent ni la Russie, ni la Chine, ni l’Iran. Ce projet de domination mondiale est exposé clairement par Zbigniew Brzezinski dans diverses publications. Auparavant, un autre Polonais, l’homme d’État Josef Pilsudski (1867-1935), réfléchissait vers 1920 à la meilleure méthode pour prendre la Russie, étape obligée de cette conquête de l’Est, et avait élaboré une stratégie en deux temps :

1) l’Intermarium, soit l’unification des pays allant de la Baltique à la Mer noire pour couper géopolitiquement Moscou de l’Europe,

2) le Prométhéisme, soit le morcellement de la Russie en petits États faibles par le soutien apporté aux revendications identitaires locales.

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Les deux guerres mondiales, la guerre froide et la guerre hybride actuelle ont été lancées pour ça. La nature du régime en place en Russie et ce qu’il fait n’a aucune importance. Tsarisme avant 1917, communisme jusqu’en 1991, ultralibéralisme sous Eltsine, étatisme libéral sous Poutine, c’est indifférent : du XIXe siècle jusqu’à aujourd’hui, ce pays reste la cible inchangée des attaques occidentales. Le conflit ukrainien et le conflit syrien ne sont que des étapes de ce « Drang nach Osten » qui vise également la Chine et l’Iran. Évidemment, dans les cercles dirigeants à Moscou, Téhéran et Pékin, tout le monde est parfaitement au courant de ce programme de domination mondiale nourri par l’axe du chaos Washington / Bruxelles / Tel-Aviv. Sur le théâtre européen, la conquête de Kiev par Washington et l’OTAN est une belle prise qui permet de consolider l’Intermarium et d’élaborer un front unifié pour attaquer la Russie directement sur ses frontières, ce qui devrait se faire aux alentours de 2021 et nous entraîner probablement dans un conflit nucléaire dont l’Europe sera la principale victime. Pourquoi 2021 ? Parce que le président ukrainien Porochenko a signé un document engageant l’Ukraine à assurer l’interopérabilité complète de ses forces armées avec celles de l’OTAN en 2020 – or on ne prend pas ce type de décision sans une idée derrière la tête – et Hillary Clinton devrait être dans la première année de son deuxième mandat, ce qui lui donnera les mains libres pour faire n’importe quoi. Pour couronner le tout, rappelons qu’en France, l’Assemblée nationale a voté le 7 avril 2016 la ré-adhésion au Protocole de Paris qui autorise le stationnement de troupes de l’OTAN sur le territoire national, autant dire l’implantation de bases militaires, comme en Allemagne ou en Italie.

Qu’est-ce que le Mind Control ?

Le Mind Control est une méthode de contrôle comportemental qui procède en infligeant des chocs et des traumatismes. Quand cela s’applique aux masses, on peut parler d’ingénierie sociale. Il s’agit de rendre l’esprit d’autrui totalement flexible et malléable après l’avoir disloqué, décomposé et morcelé. Le trait typique de cette méthode est de produire un psychisme compartimenté, ce qui retire toute cohérence logique et organique au fonctionnement intellectuel de l’individu, et le rend capable de tenir sans problème des raisonnements parfaitement illogiques, de dire une chose et son contraire dans la même phrase, ou encore de dire quelque chose et de faire exactement le contraire en même temps.

Pouvez-vous nous expliquer votre conception du « conflit triangulé généralisé » ?

L’ingénierie sociale consiste à prendre le contrôle des rapports de confiance et de méfiance dans un groupe donné. Le conflit triangulé résulte d’une augmentation méthodique du sentiment de méfiance au sein du groupe cible. L’ingénieur produit de la confiance à son égard, ou au moins de l’absence de méfiance, en occupant la place de la victime ou du sauveur, puis il fait monter la méfiance entre les parties du groupe cible en les décrivant comme des bourreaux mutuels, pour aller si possible jusqu’à la haine, entre les sexes, les générations, les religions, les races, etc. Un conflit triangulé est toujours orchestré entre deux acteurs par un troisième acteur inapparent à première vue, mais qui peut apparaître au bout d’un moment si l’on cherche un peu.

Derrière la guerre de tous contre tous qui définit la toile de fond de nos vies, on trouve les promoteurs de l’idéologie libérale de l’égoïsme concurrentiel ainsi que diverses techniques de gouvernance par le chaos telles que le conflit par procuration (proxy warfare). Un exemple tiré de la géopolitique : toutes les preuves ont été données que les terroristes qui agressent la Syrie depuis des années sont sous tutelle des services secrets occidentaux. Ces groupes paramilitaires islamistes sont les fameuses forces de procuration (Israeli proxy forces) du rapport A Clean Breakremis en 1996 à Benjamin Netanyahou. Il n’est donc pas étonnant que ce dernier vienne soutenir quelques vingt ans plus tard ses troupes de djihadistes blessés en Syrie et soignés dans des hôpitaux militaires israéliens, comme l’ont noté divers médias, ce qui lui a valu les remerciements de Mohammed Badie, le chef suprême des Frères musulmans, ainsi que de paramilitaires islamistes.

usdaeschMAEBFQh.jpgDes officiels israéliens ont dit également préférer l’État islamique (Daech) à l’Iran. Évidemment, le terrorisme islamiste supervisé par les services spéciaux israéliens, anglo-saxons, français, ne s’arrête pas aux frontières du Proche-Orient : le suivi des filières est assuré jusqu’en Europe et en Amérique, où ces services spéciaux sont carrément chez eux, dans une perspective de stratégie de la tension, en référence au réseau Gladio de l’OTAN. À la fin, pour des raisons d’efficacité, les attentats en Occident sont réalisés par les services occidentaux eux-mêmes, mais attribués dans la narration officielle médiatique aux individus qui ont effectivement fréquenté des groupes activistes et possèdent donc le bon parcours biographique, ce qui en fait des coupables idéaux. Un principe de l’attentat sous faux drapeau : pour écrire une « légende », c’est-à-dire un faux CV dans le jargon du renseignement, il faut un minimum de vraisemblance. Le terrorisme d’État est aujourd’hui le principal bras armé de ce conflit triangulé généralisé.

Dans un article pour la revue Rébellion, vous affirmez que sortir du capitalisme est la condition d’un enracinement identitaire authentique. Quelles formes pourraient prendre cette démarche national-révolutionnaire ?

Cette démarche nationale-révolutionnaire pourrait prendre la forme d’un protectionnisme conservateur, seul moyen d’assurer un enracinement identitaire authentique. Il faut surtout s’extraire du libéralisme conservateur, qui est contradictoire dans les termes, un véritable oxymore, et qui devient toujours à la fin un libéralisme libertaire, sans frontières et sans entraves, que ce soit du point de vue économique ou identitaire. L’économie et les mœurs ont besoin d’être régulées. Sans régulation, l’économie et la vie en société tombent dans le désordre, l’anarchie, le « gauchisme », ce qui fait toujours le lit du capitalisme, qui prospère dans le chaos, la violence et l’injustice, mais s’éloigne à mesure que l’ordre et l’équilibre reviennent dans le corps social.

C’est le capitalisme qui est à l’origine du « mariage homo » ainsi que des flux migratoires délirants auxquels nous sommes exposés depuis des années. Henry de Lesquen disait un jour sur Radio Courtoisie : « Je suis national libéral ; national car il faut mettre les immigrés dehors, et libéral car il faut brûler le code du travail ». Le problème, c’est que brûler le code du travail fera revenir les immigrés. La thèse libérale conservatrice est donc incohérente : elle déplore les effets dont elle chérit les causes.

Quiconque s’imagine que l’enracinement identitaire est possible au sein de l’Union européenne, par exemple, n’a rien compris et doit reprendre l’examen de la question depuis le début. La sortie de l’euro et le retour aux monnaies nationales est également indispensable, car la souveraineté économique conditionne la souveraineté politique. Le programme minimum de ce protectionnisme conservateur garantissant un enracinement authentique est donc simple : sortir de l’euro, de l’Union européenne, de Schengen et de l’OTAN, et ne pas entrer dans le Traité transatlantique. La vraie révolution nationale anticapitaliste est dans ce programme, qui n’est ni de droite, ni de gauche – nous ne sommes pas à l’auto-école – mais qui est simplement raisonnable, rationnel et orienté vers la vie. Que dis-je, la survie ! Or, pour soutenir ce programme survivaliste à l’échelle de la nation, je n’ai à ma disposition que le bulletin dans l’urne. Il faut donc placer à la tête de l’État un parti politique soutenant ce programme, ou s’en écartant le moins possible, et réunissant le potentiel électoral suffisant. La nouvelle direction du Front national depuis 2011 prend la bonne voie de ce grand rassemblement protectionniste et conservateur par-delà droite et gauche, ce qui explique sa progression électorale constante depuis plusieurs années. Évidemment, ça ne plaît pas à tout le monde, d’où une désinformation croissante sur ce parti, basée sur des attaques en dessous de la ceinture et des citations tronquées.

Vous évoquez une ingénierie sociale positive. Comment des forces nationalistes pourraient utiliser cette technique ?

Je préconise d’appuyer cette ingénierie sociale positive (IS+) sur la théorie du « prendre soin », le Care en anglais. Le fait de « prendre soin » du territoire où l’on vit doit devenir l’idée directrice de notre action politique. L’avantage de cette approche purement pragmatique est de focaliser l’attention sur l’avenir et l’action concrète de proximité. Cela simplifie les choses. Il est plus facile de fédérer les bonnes volontés ainsi, compte tenu de la complexité identitaire dans laquelle nous sommes immergés dès que l’on regarde vers le passé, l’histoire et les origines. Cette IS+ aurait l’allure d’un travail social humble et d’échelle locale, œuvrant à la résilience nationale et visant à réparer ce qui a été endommagé par l’ingénierie sociale négative du turbo-capitalisme mondialisé et cosmopolite.

Propos recueillis par Monika Berchvok

À lire : 

Neuro-pirates - Reflexion sur l’ingénierie sociale, de Lucien Cerise, éditions Kontre Kulture, 2016, 450 pages – 22 euros. 
Le numéro 66 de la revue Rébellion comporte un important dossier de Lucien Cerise sur l’ingénierie sociale (5 euros – Rébellion c/o RSE BP 62124 31020 Toulouse cedex 02).


- Source : Rivarol

mercredi, 15 juin 2016

De la destruction du père – Conférence de Damien Viguier à Lille

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De la destruction du père

Conférence de Damien Viguier à Lille

L’équipe d’E&R Nord-Pas-de-Calais recevra maître Damien Viguier le samedi 25 juin 2016 à 15h à Lille pour une conférence intitulée « De la destruction du père ».

Notre libraire proposera à cette occasion la série des « Leçons de droit » de Damien Viguier, éditée aux éditions Kontre Kulture, que vous pourrez vous faire dédicacer après la conférence.

Entrée : 5 euros.

Réservations : reservation.erlille@outlook.fr

Julius Evola ou la mystique du détachement

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Julius Evola ou la mystique du détachement

À mi-chemin entre le métaphysicien et le samouraï, Julius Evola a élaboré une vision de la politique et de la Tradition qui l’éloigne de la plupart des théoriciens politiques et des tenants du traditionalisme. Son approche repose sur un principe intangible : se détacher du monde tel qu’il est.

À l’âge de vingt-trois ans, alors qu’il est décidé à mettre fin « librement » à ses jours, à la façon des philosophes Otto Weininger et Carlo Michelstaedter, Julius Evola a une illumination en lisant un texte du Majjhima Nikaya : « Celui qui prend l’extinction comme extinction, qui pense l’extinction, qui pense à l’extinction, qui pense ‘L’extinction est mienne’ et se réjouit de l’extinction, celui-là, je le dis, ne connaît pas l’extinction. » Evola comprend que la liberté par laquelle il désire en finir est encore un lien, une ignorance opposée à la vraie liberté. Dès lors, il sent naître en lui une « fermeté capable de résister à toute crise » existentielle et, plus largement, à la crise du monde moderne.

Julius Evola soumettra ainsi ses connaissances et expériences, si diverses, à cette seule discipline : le détachement ferme. Lorsqu’il sera victime d’un bombardement à Vienne, qui lui causera une lésion partielle et une paralysie des membres inférieurs, il ne se sentira pas particulièrement touché par cette incapacité physique, son activité spirituelle et intellectuelle n’en étant en aucune façon compromise. Il manifestera également très tôt une insensibilité, voire une certaine froideur d’âme, envers la manière de vivre de ses contemporains. Son souci de considérer les arts, la philosophie, la politique, le sacré, malgré son détachement intérieur, s’expliquent par ce qu’il appelle son « équation personnelle » : une impulsion, dès sa prime jeunesse, vers la transcendance ; et une disposition de kshatriya, terme hindou désignant un type humain « guerrier », enclin à l’action et à l’affirmation, par opposition au brahmâna, type sacerdotal ou contemplatif. Ces deux tendances détermineront entièrement Evola dans son rapport au monde.

De l’Individu absolu à la Tradition

On retrouve nettement dans ses écrits l’influence de trois philosophes : Carlo Michelstaedter, sur la question de l’autonomie de l’être (Phénoménologie de l’Individu Absolu) ; Otto Weininger, sur sa lecture de la déviation matriarcale de la spiritualité (Révolte contre le monde moderne) ; et enfin Friedrich Nietzsche, dans sa vision antibourgeoise de l’homme différencié (Chevaucher le tigre).

evindab1105650752.JPGSi Evola naît dans une famille catholique et bourgeoise, il en rejette rapidement ces deux aspects. Le catholicisme, moral et sentimental, lui semble étranger à une véritable sacralité et une haute ascèse, loin de l’idéal « viril et aristocratique » du bouddhisme aryen. Son mépris de la vie bourgeoise lui fait refuser une chaire universitaire.

En marge de l’existentialisme, Evola développe une phénoménologie complexe de l’Individu absolu. Introduction philosophique à un monde non philosophique, il s’agit d’un retour à l’être transpersonnel, « sous le signe de la liberté réelle et de la puissance ». Selon Evola, la philosophie, qui culmine dans l’idéalisme transcendantal, fait inévitablement banqueroute dans l’idéalisme magique. Son idée consiste donc à penser à un développement qui, sans retomber dans la philosophie, fait franchir un pas, le dernier pas, à la spéculation occidentale. La théorie de l’Individu absolu est une sorte d’existentialisme positif. L’homme n’y est pas brisé par sa situation métaphysique.

Après un intérêt vif pour le tantrisme et le paganisme, Julius Evola découvre l’œuvre de René Guénon. Si son équation personnelle l’éloigne de l’orientation essentiellement intellectuelle de Guénon, il comprend néanmoins l’intérêt d’une critique cartésienne du monde moderne, le monde anormal, et la contre-partie positive de cette critique : le monde normal au sens supérieur, celui de la Tradition. Le monde de la Tradition, dont les différentes traditions particulières pré-modernes sont des émanations, des reflets ou des adaptations, désigne la civilisation organique, hiérarchisée, où toutes les activités humaines sont orientées vers le haut, avec à sa tête une élite qui incarne l’autorité légitime et impersonnelle. Dès lors, Evola cherche non seulement à concilier l’idée de l’Individu absolu, « sans lois, destructeur de tout lien », avec l’idée de Tradition, qui lui semble opposée ; mais aussi à recourir davantage dans son œuvre à l’idée de mythologie, à travers l’origine nordique, hyperboréenne, de la Tradition primordiale.

Evola emprunte à Johann Jakob Bachofen sa lecture de la morphologie des civilisations, en rejetant l’aspect évolutionniste, y préférant la thèse involutive de Guénon. Tout au long de l’histoire connue, on a assisté à une altération du monde de la Tradition, avec notamment la dissociation entre autorité spirituelle et pouvoir temporel, inséparables aux origines. La civilisation, à l’origine, est patriarcale, héroïque, solaire, olympienne, virile ; elle se détériore sous les influences altératrices de la civilisation matriarcale, lunaire, tellurique, chtonienne, et aboutit à l’âge sombre, au kali-yuga.

De la révolte à l’apoliteia

Pour Evola, l’idée de Tradition est, surtout au sein du monde moderne, proprement révolutionnaire. S’il a d’abord vu dans le fascisme et le national-socialisme de possibles moyens d’expression des valeurs de la Tradition hyperboréenne, il ne ménage guère ses critiques envers les deux tendances. Dans un ouvrage au titre amusant, Le fascisme vu de droite, il ira même jusqu’à leur reprocher, outre leur nationalisme étriqué et leur racisme biologique, leur culte typiquement plébéien du travail. Après un procès dans lequel on l’accuse d’être le maître à penser de mouvements activistes néo-fascistes, Evola, relaxé, rédige un ouvrage dans lequel il transpose politiquement les idées de la Tradition. Son objectif est de promouvoir la formation d’un rassemblement de Droite authentique (au sens spirituel, pas uniquement politique), par rattachement aux principes contre-révolutionnaires. Cependant, malgré la bonne réception de l’ouvrage au sein de la droite radicale, Evola ne croit plus en la solution politique.

CAVALCARE-LA-TIGRE.jpgSon ouvrage Chevaucher le tigre est un bilan de ses expériences, et un constat de réalisme ferme : rien ne peut être fait, ni artistiquement, ni religieusement, ni politiquement, pour provoquer un bouleversement positif au sein du monde moderne. Le seul horizon, c’est le chaos. Ce livre s’adresse aux hommes différenciés, ceux qui n’appartiennent pas intérieurement au monde moderne, qui sont de l’autre civilisation. Selon une image extrême-orientale, « si l’on réussit à chevaucher un tigre, on l’empêche de se jeter sur vous et, […] en outre, si l’on ne descend pas, si l’on maintient la prise, il se peut que l’on ait, à la fin, raison de lui. » Evola s’adresse aux « convives de pierre », aux Individus absolus, ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas se détacher du monde actuel, et qui sont prêts à y vivre « sous les formes les plus paroxystiques ». Evola y examine, sous formes d’orientations existentielles, les possibilités d’émancipation totale de l’être par la mise en confrontation avec les processus destructeurs du monde moderne.

Mais surtout, on retrouve là, comme magnifiée, la constante du cheminement spirituel et intellectuel de Julius Evola, le détachement, expression parfaite de son équation personnelle : inclination à l’action, détachement affectif. Pour Evola, l’homme différencié doit faire ce qui doit être fait, de façon impersonnelle, sans égard pour la victoire ou la défaite d’une action, sans le souci d’être approuvé ou désapprouvé. Une « action sans désir ». Dans Chevaucher le tigre, Evola recourt au principe d’apoliteia, « l’irrévocable distance intérieure à l’égard de la société moderne et de ses valeurs ». Le refus du « moindre lien spirituel ou moral » avec elle. Avant d’être un penseur de la Tradition et un théoricien politique, Julius Evola est avant tout un apôtre de la mystique du détachement.

Sept films à voir ou à revoir sur l'Adolescence

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Sept films à voir ou à revoir sur l'Adolescence

Ex: http://cerclenonconforme.hautetfort.com

Plus tout à fait un enfant, pas encore un adulte, l'adolescence a très certainement toujours été l'âge le plus difficile à vivre pour l'entourage, surtout pour l'entourage, mais également, soyons de bonne grâce, pour l'adolescent en question. Ainsi François Truffaut clamait-il que "l'adolescence ne laisse un bon souvenir qu'aux adultes ayant mauvaise mémoire". Mais est-on encore adolescent aujourd'hui ? Soucieux de s'accaparer une part de marché numériquement très nombreuse, le capitalisme n'a pas manqué de lorgner sur ces proies faciles, extirpées de la tutelle parentale depuis 1968, que le mimétisme social oblige aux épousailles avec une société de consommation parfaite dans ses capacités d'adaptation du marketing. La cigarette, le rap, le sexe précoce et les vêtements de marque constituent un uniforme de la jeunesse tandis que les nouvelles technologies, téléphone et jeux vidéos, ouvrent grandes les portes des interdits sociaux. L'adolescent est aujourd'hui un adulte comme les autres et l'adulte commun se revendique un enfant comme les autres. La déresponsabilisation individualiste de chacun devient un programme existentiel favorisant le triomphe du système dictatorial de la masse. Peut-être est-il faux d'écrire, d'ailleurs, que l'on n'est plus adolescent tant on l'est peut-être désormais toute notre vie. C'est finalement l'âge adulte qui a disparu. Oh bien évidemment, tous les boutonneux pubères et lolitas qui se maquillent comme une voiture volée ne sont pas à jeter dans le même sac. Personne ne doute que vous ayez été vous-même un adolescent différent ! Ben voyons ! Thème majeur du Septième art, le cinéma sur l'adolescence, à ne pas confondre avec le teen movie à destination des adolescents, dresse un large panel de cet âge, passage rituel obligé, duquel n'est jamais absent la quête de la première fois et les tourments des premiers émois. Le cinéma entend agir ici comme un miroir qui reflète à celui devenu adulte ce qu'il a été. A l'analyse des jeunes portraitisés dans les films suivants, on se fera immanquablement la remarque : avoir des enfants, pourquoi pas ?, mais pourvu qu'ils ne deviennent jamais adolescents !

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A DERIVA, UN DERNIER ETE

Titre original : A Deriva

Film brésilien de Hector Dhalia (2009)

Dans les années 1980. Filipa est âgée de quatorze ans. Cet été, c'est sur la plage brésilienne de Buzios que la jolie adolescente passera ses vacances avec ses parents, son frère et sa sœur cadets. La jeune fille est extrêmement proche de son père Mathias tandis qu'elle entretient des rapports plus tendus avec sa mère Clarice, dépendante à l'alcool. A cet âge, ce sont les premiers émois amoureux qui doivent tenir lieu d'actualités estivales. Mais Filipa surprend l'adultère de son père, célèbre romancier frappé du syndrome de la page blanche qui trompe son épouse avec Angela, une américaine établie à proximité du village. Certes Filipa avait bien deviné la morosité qui gagnait l'union de ses parents mais l'adultère lui semblait impensable. La découverte de l'infidélité est la première d'une série de désillusions qui feront entrer l'adolescente dans le monde des adultes. S'initiant maladroitement aux problèmes des adultes, l'adolescente tient Angela pour responsable de la séparation de ses parents...

Les tourments de l'adolescence..., voilà un thème que le cinéma n'aura pas manqué de traiter. La présente réalisation tire pourtant largement son épingle du jeu.  La localisation de l'intrigue dans une partie sauvage de la côte brésilienne brûlée par le Soleil plutôt que sur les grandes étendues de Copacabana y est très certainement pour beaucoup. Quels paysages magnifiques ! La jeune Laura Neiva est époustouflante dans son rôle d'adolescente sensuelle qui apprend le monde des adultes à l'aune de la trahison qui fait s'écrouler son monde enfantin rempli de certitudes en même temps que l'éveil à l'émoi sentimental auquel s'oppose la complexité des rapports amoureux entre adultes. Dhalia évite tous les écueils mélodramatiques du genre et livre un film au charme indéniable malgré quelques longueurs, disons plutôt langueurs, et quelques scènes inutiles.

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L'AMOUR, C'EST LA HONTE

Film français de Bruno Bontzolakis (2010)

La Gironde est agréablement baignée de Soleil cet été. A quinze ans, Mélissa vient d'emménager dans un lotissement résidentiel lorsqu'elle fait la connaissance d'Océane et Jessie avec lesquelles elle se lie d'amitié. Le pavillon de Mélissa devient un lieu de villégiature. S'ennuyant fermement, les trois jeunes filles invitent un groupe de cinq garçons, qui traînent dans le quartier, à profiter des lieux. Il y a Fred qui dirige le petit groupe de mâles, mais aussi Omar, Arthur, Tom et son grand frère Bruce. Mélissa tombe bientôt amoureuse de ce dernier, âgé de 17 ans. L'idylle naissante est soumise à rude épreuve de la part de la bande nouvellement formée. Bruce éprouve bien des sentiments réciproques à l'égard de Mélissa mais il subit l'ascendant de Fred qui estime qu'aimer, c'est la honte...

De la même manière qu'il vaut mieux boire un bon crémant qu'un mauvais champagne, il est préférable de regarder un bon téléfilm qu'un mauvais film ! Produit pour la télévision, la réalisation de Bontzolakis manque évidemment de moyens que le réalisateur a le génie de compenser par un procédé narratif d'une remarquable originalité et efficacité. Les 86 minutes du film sont divisées en deux parties de durée sensiblement égales présentant la même histoire par le prisme de Mélissa puis de Bruce. Une adolescente s'éveille à l'amour en compagnie d'amis qui font l'apprentissage des jeux sensuels. Passées les quarante premières minutes qui s'apparentent à une banale bluette "téléfilmique", l'histoire prend une toute autre tournure, ô combien plus tragique, lorsque Bruce prend le contrôle de la narration. La bluette se transforme progressivement en drame sordide et désenchanté à l'atmosphère pesante parfaitement entretenue. Le film est puissamment servi par une kyrielle de jeunes acteurs jusqu'alors inconnus. A voir !

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EKA ET NATIA, CHRONIQUE D'UNE JEUNESSE GEORGIENNE

Titre original : Grzeli nateli dgeebi

Film géorgien de Nana Ekvtimishvili et Simon Groẞ (2013)

Au lendemain de l'effondrement du régime soviétique en 1992, Eka Khizanishvili et Natia Zaridze sont deux amies inséparables âgées de quatorze ans. Si la mère de Natia pense que sa fille subit la mauvaise influence d'Eka, elle est bien impuissante à les faire se séparer. A Tbilisi, les deux jeunes filles mènent une adolescence normale partagée entre la famille, l'école et les copains avec lesquels elles se promènent dans les rues de la capitale. Les deux amies ne se sentent pas toujours libres dans une société postsoviétique dans laquelle la pénurie alimentaire se fait ressentir et qui conserve l'ensemble de ses attributs patriarcaux. Natia est harcelée par le jeune Kote qui souhaite l'épouser. L'amoureux-voyou éconduit ne supporte pas de voir sa courtisée décliner ses avances. La tradition veut que les jeunes filles se fassent enlever en vue d'être mariées. Aussi, Natia l'est. Pour fuir son père violent, elle épousera finalement bien Kote...

S'inspirant des propres souvenirs de son adolescence passée dans une Géorgie indépendante faisant chemin depuis le communisme vers le capitalisme et encore en guerre avec la province sécessionniste d'Abkhazie, Ekvtimishvili cosigne une remarquable œuvre d'une vérité sociologique sans aucun défaut bien que l'on s'attarde parfois trop sur quelque détail. La Géorgie est filmée elle-même telle une adolescente en même temps que le duo de réalisateurs sublime une tendre amitié entre deux jeunes filles obligées de se débrouiller dans une société qui a perdu tous ses repères. Loin de sombrer dans la réalisation dramatique, le film se veut léger et espiègle. Les deux héroïnes sont stupéfiantes de fraicheur empreinte de gravité. Un film qui sonne fort et juste sur un pays largement méconnu en Europe.

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NAISSANCE DES PIEUVRES

Film français de Céline Sciamma (2007)

L'été à Cergy-Pontoise. Trois adolescentes se croisent à la piscine municipale. Toutes gravitent autour du club de natation synchronisée et c'est dans le vestiaire qu'elles apprennent à mieux se connaître. Entraineuse des poussines, Anne est boulotte et complexée par ses formes. Amoureuse de François, joueur de l'équipe locale de water-polo, elle espère être aimée en retour. Son amie Marie, quant à elle, est troublée par Floriane, la capitaine des minimes. Et Floriane, si une réputation de vertu légère lui colle au maillot, elle appréhende en réalité sa première fois aussi désirée que terrifiante. Floriane s'en confie à Marie. En plus de la pratique sportive, toutes ont pour point commun d'être submergées par ce désir qui doit faire de cet été un moment inoubliable. Les espoirs et les drames se jouent. Au cours d'une soirée, c'est Floriane qui sort avec François, laissant Anne effondrée...

Premier long-métrage de la jeune réalisatrice qui révèle Adèle Haenel. Si la pratique de la natation synchronisée constitue le thème central du film, ceux que cette pratique ne révulse pas fanatiquement regarderont l'essai sans déplaisir. Si le rythme peut paraître parfois trop lent, il est à l'image de ses héroïnes ennuyées et ennuyeuses, aussi seules que leur cité de Cergy-Pontoise est morne. Dans ce film liquide, naïades, sirènes et poissons moins fluides se confrontent à leurs doutes en matière de sexualité. Leur première fois pourrait être synonyme de noyade et dans ce cas, il n'est pas toujours facile de se jeter à l'eau. Parfois drôle, parfois émouvant, chaque femme y retrouvera une partie de ses quinze ans dans ce portrait complexe et abouti de l'adolescence. Une première réalisation intéressante malgré ses défauts.

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NOCE BLANCHE

Film français de Jean-Claude Brisseau (1989)

A Saint-Etienne en 1989. Mathilde Tessier est une adolescente écorchée vive, solitaire et mal dans sa peau. Son professeur de philosophie, François Hainaut, découvre la jeune fille évanouie à proximité d'un arrêt de bus. Le professeur pense pouvoir venir en aide à son élève en développant ses qualités intellectuelles qu'il croit certaines. François a raison de défendre son élève devant le conseil de discipline car Mathilde devient en effet plus assidue aux cours et ses notes progressent en même temps que baisse sa consommation de drogue. Mais le professeur quinquagénaire n'avait pas prévu que la lycéenne tombe follement amoureuse de lui et manque de pudeur en sa compagnie. Lui-même ne tarde d'ailleurs pas à succomber et se détacher de son épouse. François sait bien que cette aventure ne peut durer éternellement...

Le film révéla au cinéma Vanessa Paradis, alors âgée de seize ans, dans cette réalisation naturaliste de Brisseau qui résonne comme une tragédie grecque. Talentueux cinéaste sexualisant, Brisseau fait se transcender son héroïne à la dérive qui ne remonte difficilement la pente que pour mieux chuter jusqu'à son dénouement le plus extrême et entrainant dans sa chute son Roméo qui, s'il survivra, demeurera à jamais meurtri de cette voluptueuse rencontre empoisonnée. Une provinciale histoire d'amour interdit, plaisamment localisée dans une cité stéphanoise, dont l'âpreté colle aussi durement que majestueusement à l'intrigue. Doit-on condamner ce professeur sur ses gardes qui succombe malgré lui à la fragilité de cette femme-enfant incapable d'être aimée ? Il se pourrait que le débat déchaîne les passions. En se privant de tout jugement moral, Brisseau a décidément réussi son film.

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NOS 18 ANS

Film français de Frédéric Berthe (2007)

Le baccalauréat 1990, c'est dans quelques jours ! Profitant de ces derniers instants au lycée, Lucas conspue le professeur qu'il hait le plus, en la personne de Monsieur Martineau qui enseigne la philosophie. Pas de chance ! Martineau fera partie des membres du jury de la session de rattrapage orale et Lucas devine qu'il n'aura pas la moyenne à la session écrite. Le soir de la dernière épreuve, le jeune homme tombe éperdument amoureux de Clémence qu'il rencontre dans une soirée. Les choses se compliquent un peu plus lorsqu'il comprend que la jolie jeune fille n'est autre que celle du professeur qu'il a insulté de raté et de salaud. Les deux lycéens se séparent et passent les jours suivants, en compagnie de leurs amis respectifs, à réviser pour les rattrapages et mener de front leur vie sentimentale qui semble aussi compliquée qu'une leçon de physique quantique...

Si on devient adulte à 18 ans, on ne l'est pas pour certains qui peinent à quitter l'insouciance de leur adolescence. Le thème des lycéens drôles, pas méchants, un peu branleurs et que rien ne préoccupe, Berthe n'est pas le premier à s'y essayer et de ce point de vue, Nos 18 ans ne révolutionne pas le genre. Les lycéens potaches sont plus préoccupés par les travaux pratiques de leurs cours d'anatomie que par leurs classeurs. Le film manque autant de profondeur que le cerveau de nos jeunes sous-doués et on les jugera bien énervants en priant ne pas avoir été comme eux. En teen movie qu'il est, le film n'évite pas les clichés tant de fois rebattus, mais met en scène un pléiade de sympathiques acteurs. Des scènes sont drôles. Pour la petite histoire, il est rare qu'un film français soit un remake d'un film étranger. En voici un ! Berthe retranscrit en France la réalisation Notte prima degli esami, tourné une année auparavant par Fausto Brizzi.

UN POISON VIOLENT

Film français de Katell Quillévéré (2010)

poison-violent.jpgCet été, plus rien ne sera comme avant pour Anna, quatorze ans. Fraichement rentrée de l'internat, elle découvre que son père a quitté le domicile conjugal. Sa mère, effondrée, trouve quelque réconfort auprès du jeune prêtre du village breton qui ne la rend pas insensible. Quant à Anna, la consolation, c'est son mécréant de grand-père qui la lui procure. Anna prépare pieusement sa confirmation qui constitue la prochaine étape de sa foi catholique. Mais surgit Pierre qui fait chavirer le cœur de l'adolescente. Déboussolée par ses déboires familiaux et sentimentaux, Anna se met à fréquenter les enterrements. Ses croyances religieuses sont d'autant plus ébranlées que le regard des autres sur son corps en pleine puberté change. Pierre éprouve un désir ardent pour Anna, loin d'être insensible, tandis que sa mère, succombant à la crise de la quarantaine, la jalouse. C'est au prêtre qu'il reviendra de palier l'absence du père et tentera de prodiguer ses meilleurs conseils pour qu'Anna reste dans le droit chemin...

Douce mélancolie... Quillévéré dresse un tendre et délicat portrait d'Anna, immergée dans une famille bretonne très pieuse, très croyante elle-même, dont l'harmonie vole soudainement en éclat lorsque le démon de minuit enlève la figure paternelle. A cet âge, est-on armée pour faire face aux convoitises qui se font pressantes lorsqu'il faut privilégier la toute première foi à la toute première fois ? Une mère qui maîtrise mal le sacerdoce de chasteté cléricale, un grand-père mourant qui confond sa petite-fille et un tableau de Gustave Courbet. L'adolescente tourmentée se confronte au feu démoniaque de la puberté et Anna s'autorise quelques écarts avec le dogme. Le prêtre fait figure de phare bienveillant dans cet océan passionnel déchainé. C'est assez rare pour être souligné ! "Un poison violent, c'est ça l'amour"..., chantait Serge Gainsbourg. Un premier long-métrage encourageant qui embrasse plusieurs thèmes mais peine à les approfondir.

Virgile / C.N.C.

Note du C.N.C.: Toute reproduction éventuelle de ce contenu doit mentionner la source.

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Éric Zemmour devrait lire Dominique de Roux

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Éric Zemmour devrait lire Dominique de Roux

par Georges FELTIN-TRACOL

Éric Zemmour fait débuter son célèbre Suicide français à la présidence de Georges Pompidou. Dans son entreprise bienvenue de déconstruction des déconstructeurs de notre civilisation, le journaliste – polémiste conserve de ces temps éloignés une nostalgie certaine, celle de la fin des « Trente Glorieuses », corroborée par de multiples témoignages de Français qui en gardent le souvenir ému du plein emploi et de la prospérité économique. Années bénies de la présidence du natif de Montboudif qui gouvernait une France enfin apaisée.

 

Cette ère relative de sérénité collective se clôt, le 2 avril 1974, par la mort de Pompidou. Deux mois auparavant sortait le film de Jean Yanne, Les Chinois à Paris; quelques jours après la présidentielle disparition paraissait La France de Jean Yanne par Dominique de Roux. Mort en 2003 à l’âge de 69 ans, Jean Yanne fut un chanteur, un humoriste, un acteur, un auteur et un réalisateur qui participait volontiers aux émissions télévisées et radiophoniques de Jacques Martin et de Philippe Bouvard. Impertinent, caustique et gouailleur, Jean Yanne ne se privait jamais de se moquer des tares de la société française en recourant à toutes les subtilités de notre belle langue. Son film, Les Chinois à Paris, hautement corrosif parce qu’il s’attaquait à la fois au résistancialisme muséal installé et à la mode Mao en cours au Quartier latin, devenu l’antichambre en bord de Seine de la Révolution culturelle à Pékin, souleva déjà l’indignation des bien-pensants.

 

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Les bien-pensants, Dominique de Roux les méprisait souverainement et s’en gaussait régulièrement. Il faut reconnaître qu’il avait payé cher cette impertinence depuis Immédiatement (1971) et les sévères critiques à l’encontre de Maurice Genevoix et Roland Barthes. Ostracisé d’une République des Lettres faisandée, Dominique de Roux s’apprêtait à partir pour le Portugal et ses interminables guerres coloniales africaines. Avant son départ et en guise de solde pour tout compte, il laissa à ses compatriotes ce nouvel ouvrage. Jean Yanne accepta d’ailleurs de le préfacer, préface qu’on ne retrouve pas dans la présente réédition pour des questions de droits d’auteur.

 

Dominique de Roux et Jean Yanne ne pouvaient que se rencontrer tant ils suffoquaient dans la société pompidolienne, cette société qui essayait péniblement – et sans le moindre succès ! – de combler le vide abyssal laissé par l’absence définitive de l’homme de Colombey-les-Deux-Églises. Dominique de Roux en veut beaucoup à Pompidou, « lui qui avait mis tant de hâte à tomber le Général, à le finir, et à interpréter le gaullisme (p. 18) ». Cette hostilité à l’égard de l’ancien Premier ministre se rencontrait aussi chez de cette figure du gaullisme de gauche et ancien des « relèves des années 1930 », Louis Vallon, auteur en 1969 d’un terrible pamphlet, L’Anti-de Gaulle.

 

France_de_Jean_Yanne.jpgNouveau préfacier de La France de Jean Yanne, l’écrivain Richard Millet comprend cette colère contre le responsable d’un « appel de Rome » en janvier 1969. Il se trompe néanmoins sur un point politique précis. Il évoque la candidature à la présidentielle du président du Sénat, Alain Poher, chef de l’État par intérim. Il confond le second intérim de Poher avec son premier en 1969 au cours duquel il fut effectivement battu au second tour par Pompidou.

 

Comme pour L’Ouverture de la chasse (1968) et Immédiatement, La France de Jean Yanne rassemble des réflexions et des aphorismes. Rédigées à la fin des années 1960 et au début de la décennie 1970, les sentences gardent encore une fraîcheur pour 2016. « Le reste, tout le reste ne concerne pas la France, mais les habitants actuels d’un espace géographique qui à partir de 1918 ont commencé à se perdre dans les sables de la carambouille et des bégaiements hémiplégiques, nouveaux tenanciers de quelques phantasmes culturels, à la limite de la convulsion (p. 93). »

 

Gaulliste singulier et avant-gardiste, Dominique de Roux éprouve un vif attachement pour Charles de Gaulle. « Qualités et défauts, il restera un général républicain de tradition aristocratique. Aristocrate : qui sait se prononcer contre ses propres intérêts (p. 99). » La définition s’applique aussi à l’auteur lui-même puisque, plutôt que de profiter d’une notoriété certaine, il se met volontiers à dos tout le petit monde de l’édition. Il constate bien avant Éric Zemmour que « les écrivains français devraient reprendre les classiques en faveur de la France (p. 145) ». Grande persiste son inquiétude pour l’avenir de la France. « Tout ce qui touche à la France est investi séance tenante d’une indifférence à l’essentiel. Instinct, inspiration personnelle sont empoisonnés aux sources. Il s’agit de coller au subalterne, de tourner à cloche-pied dans les cases des vertus de bourgeoisie, ce phare crétinisant du découragement collectif (p. 168). »

 

Dominique de Roux ajuste ses coups. Paria au sein des éditeurs, il se montre juste et cruel. « Quand on voit ce que devient l’édition en France ! Si souvent gargote, elle laisse échapper ses mesures : confusion des valeurs, glose lugubre, énorme amas de chansonnettes, commercialisation du clerc; l’atmosphère intellectuelle des baignoires de la rue Lauriston, grisaille de la porno ou le gosier glouton des femmes aux ailes de bécasse (pp. 50 – 51). » Il prévient en outre le lecteur de la censure implicite qui se manifeste dorénavant en maîtresse absolue sur les Lettres. « Les Amalrik, les Boukovsky sont des milliers en Occident, pas même étouffés, mais ignorés, balayés au niveau de manuscrit (p. 50). » Et si vous arrivez à dénicher un éditeur et que vous ne vous conformez pas aux injonctions néo-puritaines cosmopolites du moment, vous risquez de figurer sur une liste de proscription éditoriale. Richard Millet s’y est retrouvé dessus à l’initiative de la dénommée Annie Ernaux dont le dernier bouquin, salué par une grasse presse unanime et consanguine, raconterait ses déflorations répétées… La préhistoire du politiquement correct à la française date de cette période. N’oublions pas que René Pleven fit passer sa funeste loi en 1972. Un an plus tard, une autre loi aux conséquences financières désastreuses était entérinée.

 

ciqn410795-uk-300.jpgDepuis, « nous ne sommes pas le tiers-monde. Notre richesse, nous allons devoir la rembourser (p. 104) ». Dominique de Roux assène ici une remarquable fulgurance, confirmée par l’actualité quarante ans plus tard avec l’emprise bancaire de l’endettement et la ruine sciemment fomentée des États par quelques minorités ploutocratiques mondialistes. Cette saillie n’est pas anodine : Dominique de Roux avait côtoyé Ezra Pound, rédacteur d’ouvrages hostiles à l’usure, et il s’en inspirait.

 

L’auteur du Cinquième Empire (1977) semble avoir lu très en avance les nouveaux et affligeants programmes de géographie proposés en collège et au lycée. « Ainsi, nous avons perdu la France. Bientôt on n’enseignera plus l’Hexagone, nous guérissant de la conscience des frontières et du reste (p. 35). » En effet, l’idéologie sans-frontiériste qui exalte le « migrant » et conspue le paysan s’élabore à cette époque.

 

On pourrait multiplier les citations. Dominique de Roux exprime dans ce livre une déception (une amertume ?) qu’il épanchera dans la saudade de Lisbonne. La France de Jean Yanne contredit certains thèmes d’Éric Zemmour. Les ferments du déclin français agissent dès les années 1960 avant de proliférer, stimulés par le côté dévastateur du « libéralisme avancé » promu et entériné par le calamiteux duo Giscard – Chirac. L’Hexagone étouffe Dominique de Roux qui le quitte avec joie : La France de Jean Yanne décrit l’avilissement complet d’un Hexagone plus que proche.

 

Georges Feltin-Tracol

 

• Dominique de Roux, La France de Jean Yanne, préface de Richard Millet, Éditions Pierre-Guillaume de Roux, Paris, 2015, 181 p., 19,50 €.


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The Ancient Greeks: Our Fashy Forefathers

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The Ancient Greeks:
Our Fashy Forefathers

Nigel Rodgers
The Complete Illustrated Encyclopedia of Ancient Greece [2]
Lorenz Books, 2014

“Western civilization” is certainly not fashionable in mainstream academia these days. Nonetheless, the ancient Greek and Roman heritage remains quietly revered in the more thoughtful and earnest circles. Quite simply, virtually all of our social and political organization, to the extent these are thought out, ultimately go back to Greek forms, reflected in the invariably Greek words for them (“philosophy,” “economy,” “democracy” . . .). Those who still have that instinctive pride of being European or Western always go back to the Greeks, to find the means of being worthy of that pride.

Thus I came to the Illustrated Encyclopedia produced by Nigel Rodgers. Life is short, and lots of glossy pictures certainly do help one get the gist of something. Rodgers does not limit himself to pictures of ancient Greek art, though that of course forms the bulk. There are also photos of the sites today, to better imagine the scene, and many paintings from later epochs imagining Greek scenes, the better show Greece’s powerful influence throughout Western history. The Encyclopedia is divided into two parts: First a detailed chronological history of the Greek world, second a thematic history showing different facets of Greek life.

GST2.jpgThe ancient Greeks are more than strange beings so far as post-60s “liberal democracy” is concerned. Certainly, the Greeks had that egalitarian and individualist sensitivity that Westerners are so known for.

Many Greek cities imagined that their legendary founders had equally distributed land among all citizens. As inequality and wealth concentration gradually rose over time, advocates of redistribution would cite these founding myths. (Rising inequality and revolutionary equality seems to be a recurring cycle in human history.)

Famously, Athens and various other Greek cities were full-fledged direct democracies, a kind of regime which is otherwise astonishingly rare. This was of course limited to only full male citizens, about 10 percent of the population of this “slave state.” (Alain Soral, that eternal mauvaise langue, once noted that the closest modern state to democratic Athens was . . . the Confederate States of America.)

The Greeks were individualists too, but not in the sense that Americans are, let alone post-60s liberals. Their “kings” seem more like “chiefs,” with a highly variable personal authority, rather than absolute monarchs or oriental despots.

In all other respects, the Greeks were extremely “fash”: misogynistic, authoritarian, warring, enslaving, etc. One could say that, by the standards of the United Nations, the entire Greek adventure was one ceaseless crime against humanity.

The most proto-fascistic were of course the Spartans, that famous militaristic and communal state, often idealized, as most recently in the popular film 300. Sparta would be a model for many, cited notably by Jean-Jacques Rousseau and Adolf Hitler (who called the city-state “the first Volksstaat). Seven eighths of Sparta’s population was made of helots, subjects dominated by the Spartiate full-time warriors.

The Greeks generally were enthusiastic practitioners of racial citizenship. Leftists have occasionally (rightly) pointed to the fact that the establishment of democracy in Athens was linked to the abolition of debt. But one should also know that Pericles, the ultimate democratic politician, paired his generous social reforms with a tightening of citizenship criteria to having two Athenian parents by blood. (The joining of more “progressive” redistribution with more “exclusionary” citizenship makes sense: The more discriminating one is, the more generous one can be, having limited the risk of free-riding.)

In line with this, the Greeks practiced primitive eugenics so as to improve the race. The most systematic in this respect was Sparta, where newborns with physical defects were left in the wilderness to die. By this cruel “post-natal abortion” (one can certainly imagine more human methods), the Spartans thus made individual life absolutely secondary to the well-being of the community. This is certainly in stark contrast to the maudlin cult of victimhood and personal caprice currently fashionable across the West.

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Athenian democracy was also known for the systematic exclusion of women, who seemed to have had lives almost as cloistered and private as that of pious Muslims. The stark limitations on sex (arranged marriages, the death penalty for adultery) may have also contributed to the similar Greek penchant for pederasty and bisexuality. Homosexuals were not a discrete social category (how sad for anyone to make their sexual practices the center of their identity!). Homosexual relationships, in parallel to wives, were often glorified as relations of the deepest friendship and entire regiments of male lovers were organized (e.g. the Sacred Band of Thebes [3]), with the idea that by such bonds they would fight to the death.

To this day, it is not clear if we have ever matched the intellectual and moral level of the Greeks (and I do not confuse morality with sentimentality, the recognition of apparently unpleasant truths is one of the greatest markers of genuine moral courage). Considering the education, culture (plays), and politics that a large swathe of the Greek public engaged in, their IQs must have been very high indeed.

Some argue we have yet to surpass Homer in literature or Plato in philosophy. (In my opinion, our average intellectual level is clearly much lower and our educated public probably peaked in consciousness and morality between the 1840s and 1920s. Our much superior science and technology is of no import in this respect, we’ve simply acquired more means of being foolish, something which could well end in the extinction of our dear human race.)

Homer’s influence over the Greeks was like “that of the Bible and Shakespeare combined or to Hollywood plus television today” (29). (Surely another marker of our catastrophic moral and intellectual decline. Of course, in a healthy culture, audiovisual media like cinema and television would be propagating the highest values, including the epic tales of our Greek heritage, among the masses.)

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Homer glorified love of honor (philotimo) and excellence (areté), a kind of individualism wholly unlike what we have come to know. This was a kind of competitive individualism in the service of the community. They did not glorify individual irresponsibility or fleeing one’s community (which, to some extent, is the American form of individualism). If the hoplite citizen-soldiers did not fight with perfect cohesion and discipline, then the city was lost.

Dominique Venner has argued [4] that Homer’s Iliad and Odyssey should again be studied and revered as the foundational “sacred texts” of European civilization. (I don’t think the Angela Merkels and the Hillary Clintons would last very long in a society educated in “love of honor” and “excellence.”)

Plato, often in the running for the greatest philosopher of all time, was an anti-democrat, arguing for the rule of an enlightened elite in the Republic and becoming only more authoritarian in his final work, the Laws. Athenian democracy’s chaos, defeat in war with Sparta, and execution of his mentor Socrates for thoughtcrime no doubt contributed to this. Karl Popper argued Plato, the founder of Western philosophy, paved the way for modern totalitarianism, including German National Socialism.

The Greek city-states were tiny by our standards: Sparta with 50,000, Athens 250,000. One can see how, in a town like Sparta, one could through daily ritual and various practices (e.g. all men eating and training together) achieve an incredible degree of social unity. (Of course, modern technology could allow us to achieve similar results today, as indeed the fascists attempted and to some extent succeeded.) Direct democracy was similarly only possible in a medium-sized city at most.

The notion of citizenship is something that we must retain from the Greeks, a notion of mutual obligation between state and citizen, of collective responsibility rather than the selfish tyranny of ethnic and plutocratic mafias. Rodgers argues that polis may be better translated as “citizen-state” rather than “city-state.” The polis sometimes had a rather deterritorialized notion of citizenship, emigrants still being citizens and in a sense accountable to the home city. This could be particularly useful in our current, globalizing age, when technology has so eliminated cultural and economic borders, and our people are so scattered and intermingled with foreigners across the globe.

The ancient Greeks are also a good benchmark for success and failure: Of repeated rises and falls before ultimate extinction, of successful unity in throwing off the yoke of the Persian Empire (with famous battles at Thermopylae and Marathon . . .), and of fratricidal warfare in the Peloponnesian War.

The sheer brutality of the ancient world, as with the past more generally, is difficult for us cosseted moderns to really grasp. Conquered cities often (though not always) faced the extermination of their men and the enslavement of their women and children (often making way for the victors’ settlers). Alexander the Great, world-conqueror and founder of a still-born Greco-Persian empire, was ruthless, with frequent preemptive murders, hostage-taking, the razing of entire cities, the crucifixion of thousands, etc. He seems the closest the Greeks have to a universalist. (Did Diogenes’ “cosmopolitanism” extend to non-Greeks?) The Greeks thought foreigners (“barbarians”) inferior, and Aristotle argued for their enslavement.

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The Greeks’ downfall is of course relevant. The epic Spartans gradually declined into nothing due to infertility and, apparently, wealth inequality and female emancipation. Alexander left only a cultural mark in Asia upon natives who wholly failed to sustain the Hellenic heritage. One Indian work of astronomy noted: “Although the Yavanas [Greeks] are barbarians, the science of astronomy originated with them, for which they should be revered like gods.”

One rare trace of the Greeks in Asia is the wondrous Greco-Buddhist statues [5] created in their wake, of serene and haunting otherworldly beauty.

The Jews make a late appearance upon the scene, when the Seleucid Hellenic king Antiochus IV made a fateful faux pas in his subject state of Judea:

Not realizing that Jews were somehow different form his other Semitic subjects, Antiochus despoiled the Temple, installed a Syrian garrison and erected a temple to Olympian Zeus on the site. This was probably just part of his general Hellenizing programme. But the furious revolt that broke out, led by Judas Maccabeus the High Priest, finally drove the Seleucids from Judea for good. (241)

No comment.

There is wisdom: “Nothing in excess,” “Know thyself.”

So all that Alt Right propaganda using uplifting imagery from Greco-Roman statues and history, and films like Gladiator and 300, and so on, is both effective and completely justified.

Article printed from Counter-Currents Publishing: http://www.counter-currents.com

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[1] Image: http://www.counter-currents.com/wp-content/uploads/2016/06/WarriorStele.jpg

[2] The Complete Illustrated Encyclopedia of Ancient Greece: http://amzn.to/1tfxVr3

[3] Sacred Band of Thebes: https://en.wikipedia.org/wiki/Sacred_Band_of_Thebes

[4] Dominique Venner has argued: http://www.theoccidentalobserver.net/2016/04/the-testament-of-a-european-patriot-a-review-of-dominique-venners-breviary-of-the-unvanquished-part-1/

[5] Greco-Buddhist statues: https://www.google.be/search?q=greco-buddhist+art&client=opera&hs=eHN&source=lnms&tbm=isch&sa=X&ved=0ahUKEwiyte7tipvNAhWKmBoKHfcVCaAQ_AUICCgB&biw=1177&bih=639

[6] Image: http://www.counter-currents.com/wp-content/uploads/2016/06/IdentityEuropa.jpg

Carl SCHMITT, La guerra d'aggressione come crimine internazionale

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Teodoro Klitsche de la Grange: Recensione a

Carl SCHMITT, La guerra d'aggressione come crimine internazionale

Ex: http://civiumlibertas.blogspot.com

Carl Schmitt La guerra d’aggressione come crimine internazionale. Il Mulino Bologna 2015 pp. 142, € 16,00.

schmittzzzzzz.jpgNel 1945 il grande industriale tedesco Friedrick Flick, che aveva fondate ragioni di credere di venire accusato dagli alleati per la collaborazione a guerra d’aggressione, richiese a Carl Schmitt un parere per la difesa da tale (eventuale) accusa. Accusa che non venne mai mossa a Flick, il quale fu tuttavia condannato per un “capo d’imputazione” diverso: lo sfruttamento di manodopera straniera deportata dalle S.S..

Schmitt in tale promemoria distingue tra i crimini di guerra tra classi le “violazioni delle regole e degli usi della guerra, commesse principalmente da appartenenti alle forze armate di uno Stato belligerante. Si tratta d’infrazioni del cosiddetto diritto in guerra, lo jus in bello … Tale regole presuppongono che la guerra sia permessa e legale”; “Di natura essenzialmente diversa è il secondo tipo di crimini di guerra che qui deve essere distinto. Si tratta delle atrocities in un senso specifico: uccisioni pianificate e crudeltà disumane, le cui vittime erano uomini inermi”. Neppure la “esimente” dell’esecuzione di un ordine superiore può escludere in tali casi l’imputabilità e la punibilità. Infine la terza “Crimini di guerra nel terzo significato del termine è la guerra di aggressione, concepita come un crimine in sé, vale a dire come un crimine secondo il diritto internazionale. Qui, dunque, la guerra stessa è un crimine e non si tratta propriamente di un crimine di guerra ma, più precisamente, del «crimine di guerra»”.

aggre6cover25992.jpegSchmitt valuta queste tre classi alla luce sia del “politico” che dei principi dello jus publicum europaeum. In primo luogo se la guerra è, nel sistema westphaliano, non solo un fatto pubblico ma che presuppone la distinzione tra pubblico e privato, allora non può farsi carico a un privato (come Flick) di aver concorso ad una guerra di aggressione.

Come scrive Galli nella presentazione, Schmitt considera “la guerra come un atto di sovranità di cui sono responsabili gli Stati – una responsabilità politica soprattutto – e non certo i singoli cittadini, tenuti solo ad obbedire al potere legale. Schmitt recupera quindi l’ordine moderno che egli invece ha descritto, già da una decina d’anni, come periclitante: ovvero lo jus publicum europaeum all’esterno, per cui la guerra è affare di Stato, che non può essere processata; e, all’interno, un rigido positivismo giuridico statocentrico”.

D’altra parte il giurista di Plettenberg distingue tra il pensiero giuridico inglese (e in larga misura anche americano) da quello continentale in relazione alla guerra d’aggressione come crimine: “si pone anche per la concezione americana la questione di che cosa propriamente sia la novità di un crimine. La conseguenza è che qui si giunge spesso a una sintesi e a una mescolanza di punti di vista morali e giuridici. Per il modo di pensare del giurista di formazione positivistica, continentale, la separazione del punto di vista giuridico da quello morale è familiare da quasi due secoli, proprio rispetto alla questione della penalizzazione di nuove fattispecie di reato. Negli Stati Uniti d’America l’unione dei due punti di vista potrebbe far sì che gli ostacoli che derivano dal principio nullum crimen sine lege siano addirittura meno presenti per il giurista americano di quanto lo siano per un giurista della tradizione inglese pura”.

Per la guerra d’aggressione prosegue: “In questo caso, sia la fattispecie stessa (atto di aggressione e guerra di aggressione) sia la connessione tra il carattere internazionale e quello criminale, rappresentano davvero un novum, la cui particolarità deve essere portata a consapevolezza per mostrare come il principio nullum crimen abbia qui il significato di un limite alla punizione”.

È chiaro che poi l’argomentazione di Schmitt va sul concetto di giusta causa, la quale cancella il requisito dello justus hostis che nel pensiero dei teologi (da Suarez a Bellarmino) andava con quello di conserva: ambedue, insieme allo jus in bello e alla recta intentio, condizioni dello justum bellum.

Nel complesso un libro interessante che completa i numerosi scritti dedicati da Schmitt alla modificazione del concetto di guerra nel XX secolo.

Teodoro Klitsche de la Grange

mardi, 14 juin 2016

The Moral Sense in Joseph Conrad’s Lord Jim

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The Moral Sense in Joseph Conrad’s Lord Jim

jos91E7tiZerIL.jpgLord Jim (1900), Joseph Conrad’s fourth novel, is the story of a ship which collides with “a floating derelict” and will doubtlessly “go down at any moment” during a “silent black squall.” The ship, old and rust-eaten, known as the Patna, is voyaging across the Indian Ocean to the Red Sea. Aboard are eight hundred Muslim pilgrims who are being transported to a “holy place, the promise of salvation, the reward of eternal life.” Terror possesses the captain and several of his officers, who jump from the pilgrim-ship and thus wantonly abandon the sleeping passengers who are unaware of their peril. For the crew members in the safety of their life-boat, dishonor is better than death.

Beyond the immediate details and the effects of a shipwreck, this novel portrays, in the words of the story’s narrator, Captain Marlow, “those struggles of an individual trying to save from the fire his idea of what his moral identity should be…” That individual is a young seaman, Jim, who serves as the chief mate of the Patna and who also “jumps.” Recurringly Jim envisions himself as “always an example of devotion to duty and as unflinching as a hero in a book.” But his heroic dream of “saving people from sinking ships, cutting away masts in a hurricane, swimming through a surf with a line,” does not square with what he really represents: one who falls from grace, and whose “crime” is “a breach of faith with the community of mankind.” Jim’s aspirations and actions underline the disparity between idea and reality, or what is generally termed “indissoluble contradictions of being.” His is also the story of a man in search of some form of atonement once he recognizes that his “avidity for adventure, and in a sense of many-sided courage,” and his dream of “the success of his imaginary achievements,” constitute a romantic illusion.Jim’s leap from the Patna generates in him a severe moral crisis that forces him to “come round to the view that only a meticulous precision of statement would bring out the true horror behind the appalling face of things.” It is especially hard for Jim to confront this “horror” since his confidence in “his own superiority” seems so absolute. The “Patna affair” compels him in the end to peer into his deepest self and then to relinquish “the charm and innocence of illusions.” The Jim of the Patna undergoes “the ordeal of the fiery furnace,” as he is severely tested “by those events of the sea that show in the light of the day the inner worth of a man, the edge of his temper, and the fibre of his stuff; that reveal the quality of his resistance and the secret truth of his pretences, not only to others but also to himself.” Clearly the Patna is, for Jim, the experience both of a moment and of a lifetime.

This novel, from beginning to end, is the story of Jim; throughout the focus is on his life and character, on what he has done, or not done, on his crime and punishment, his failure of nerve as a seaman. It is, as well, the story of his predicament and his fate, the destiny of his soul—of high expectations and the great “chance missed,” of “wasted opportunity” and “what he had failed to obtain,” all the result of leaving his post, and abdicating his responsibility. Thus we see him in an unending moment of crisis, “over- burdened by the knowledge of an imminent death” as he imagines the grim scene before him: “He stood still looking at those recumbent bodies, a doomed man aware of his fate, surveying the silent company of the dead. They were dead! Nothing could save them!”

For Jim the overwhelming question, “What could I do—what?”, brings the answer of “Nothing!” The Patna, as it ploughs the Arabian Sea (“smooth and cool to the eye like a sheet of ice”) on its way to the Red Sea, is close to sinking, with its engines stopped, the steam blowing off, its deep rumble making “the whole night vibrate like a bass ring.” Jim’s imagination conjures up a dismal picture of a catastrophe that is inescapable and merciless. It is not that Jim thinks so much of saving himself as it is the tyranny of his belief that there are eight hundred people on ship— and only seven lifeboats. Conrad’s storyteller, Marlow, much sympathetic to Jim’s plight, discerns in him an affliction of helplessness that compounds his sense of hopelessness, making Jim incapable of confronting total shipwreck, as he envisions “a ship floating head down, checked in sinking by a sheet of old iron too rotten to stand being shored up.” But Jim is a victim not only of his imagination, but also of what Conrad calls a “moral situation of enslavement.” So torn and defeated is Jim that his soul itself also seems possessed by some “invisible personality, an antagonistic and inseparable partner of his existence.”

Jim’s acceptance of the inevitability of disaster and his belief that he could do absolutely nothing to forestall the loss of eight- hundred passengers render him helpless, robbing him of any ability to take any kind of life-saving action—“…I thought I might just as well stand where I was and wait.” In short, in Jim we discern a disarmed man who surrenders his will to action. The gravity of Jim’s situation is so overwhelming that it leaves him, his heroic aspirations notwithstanding, in a state of paralysis. His predicament, then, becomes his moral isolation and desolation, one in which Jim’s “desire of peace waxes stronger as hope de- clines…and conquers the very desire of life.” He gives in at precisely the point when strenuous effort and decisive actions are mandated, so as to resist “unreasonable forces.” His frame of mind recalls here Jean-Paul Sartre’s pertinent comment, in The Age of Reason (1945), “That’s what existence means: draining one’s own self dry without a sense of thrust.”

Everything in Jim’s background points to his success as a career seaman. We learn that, one of five sons, he originally came from a parsonage, from one of those “abodes of piety and peace,” in England; his vocation for the sea emerged early on and, for a period of two years, he served on a “‘training-ship for affairs of the mercantile marine.’” His station was in the foretop of a training ship chained to her moorings. We learn that, on one occasion, in the dusk of a winter’s day, a gale suddenly blew forth with a savage fury of wind and rain and tide, endangering the small craft on the shore and the ferry-boats anchored in the harbor, as well as the training-ship itself. The force of the gale “made him hold his breath in awe. He stood still. It seemed to him he was whirled around. He was jostled.” We learn, too, that a coaster, in search of shelter, crashed through a schooner at anchor. We see the cutter now tossing abreast the ship, hovering dangerously. Jim is on the point of leaping overboard to save a man overboard, but fails to do so. There is “pain of conscious defeat in his eyes,” as the captain shouts to Jim. “‘Too late, youngster….Better luck next time. This will teach you to be smart.’”

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This incident, related in the first chapter of the novel, serves to prepare us for Jim’s actions later on the Patna, and also suggests a kind of flaw in Jim’s behavior in a moment of danger. Early on in his career, then, Jim had displayed a willingness to “flinch” from his obligations, thus revealing a defect in the heroism about which he romanticized and which led him to creating self-serving fantasies and illusions. “He felt angry with the brutal tumult of earth and sky for taking him unawares and checking unfairly a generous readiness for narrow escapes.” Jim, as a seaman, refuses to admit his fear of fear, and in this he shows an inclination to escape the truth of reality by “putting out of sight all the reminders of our folly, of our weakness, of our mortality.” Clearly the episode on the training-ship serves both as a symptom and as a portent, underscores an inherent element of failure and disgrace in Jim’s character that, in the course of the novel, he must confront if he is to transcend the dreams and illusions that beguile him, and that he must finally vanquish if he is to find his “moral identity.” His early experience on the training-ship makes him a marked man. It remains for his experience later on the Patna to make him a “condemned man.”

That nothing rests secure, that, in the midst of certitude, danger lurks, that peace and contentment are at the mercy of the whirl of the world, are inescapable conditions of human existence. These daunting dichotomies, as we find them depicted in Lord Jim, are forever teasing and testing humans in their life-journey. Conrad sees these dichotomies in the unfolding spectacle of man and nature. To evince the enormous power of this process Conrad chooses to render time in a continuum which fills all space. Time has no end, no telos; it absorbs beginnings and endings—the past, present, and future not only in their connections but also in their disconnections.

Conrad’s spatial technique is no less complex, and no less revealing, than his use of time. Hence, he employs spatial dimension so as to highlight Jim’s sense of guilt in jumping from the Patna. A “seaman in exile from the sea,” Jim is constantly in flight when his incognito is repeatedly broken by the knowledge of his Patna connection. For years this “fact followed him casually but inevitably,” whenever and wherever he retreated. Jim’s “keen perception of the Intolerable” finally drives him away for good from seaports and white men, “into the virgin forest, the Malays of the jungle village.” The “acute consciousness of lost honour,” as Conrad expresses it in his Author’s Note, is Jim’s burden of fate. And wherever he retreats he is open to attack from some “deadly snake in every bush.” Time as memory and place as torment be- come his twin oppressors.

The specificities of the Patna episode were to come out during a well-attended Official Court of Inquiry that takes place for several days in early August 1883. Most of the details, in the form of remarks and commentaries, are supplied by Marlow in his long oral narrative, especially as these emerge from Jim’s own confession to Marlow when they happen to meet after the proceedings, on the yellow portico of the Malabar House. Humiliated and bro- ken, his certificate revoked, his career destroyed, Jim can never re- turn to his home and face his father—“‘I could never explain. He wouldn’t understand.’” Again and again, in his confession, Jim shows feelings of desperation and even hysteria: “Everything had betrayed him!” For him it is imperative to be identified neither with the “odious and fleshly” German skipper, Gustav, “the incarnation of everything vile and base that lurks in the world we love,” nor with the chief and the second engineers, “skunks” who are extensions of the captain’s coarseness and cowardice.

But that, in fact, Jim does jump overboard—“a jump into the unknown”—and in effect joins them in deserting the Patna ultimately agonizes his moral sense and impels him to scrutinize that part of his being in which the element of betrayal has entered. By such an action he feels contaminated, unclean, disgraced. How to separate himself morally from the captain and his engineers is still another cruel question to which he must find an answer. In this respect, Jim reminds us of the tragic heroes in ancient Greek drama whose encounters with destiny entail both risks and moral instruction. “We begin to live,” Conrad reminds us, “when we have conceived life as a tragedy.”

How does one “face the darkness”? How does one behave to the unknowable? These are other basic questions that vex Jim. He wants, of course, to answer these questions affirmatively, or at least to wrestle with them in redeeming ways, even as he appears to see himself within a contradiction—as one who can have no place in the universe once he has failed to meet the standards of his moral code. Refusing to accept any “helping hand” extended to him to “clear out,” he decides to “fight this thing down,” to expiate his sin, in short, to suffer penitently the agony of his failure: “He had loved too well to imagine himself a glorious racehorse, and now he was condemned to toil without honour like a costermonger’s donkey.” Jim’s innermost sufferings revolve precisely around his perception of his loss of honor, of his surrender to cowardice. The crushing shame of this perception tortures Jim, without respite. “’I had jumped—hadn’t I?’ he asked [Marlow], dismayed. ‘That’s what I had to live down.’”

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Jim’s moral sense is clearly outraged by his actions. This out- rage wracks his high conception of himself, compelling him in time to see himself outside of his reveries that Conrad also associates with “the determination to lounge safely through existence.” What clouds Jim’s fate is that such a net of safety and certitude has no sustained reality. Within the serenity that seemed to bolster his thoughts of “valorous deeds” there are hidden menaces that assault his self-contentment and self-deception and abruptly awaken Jim to his actual condition and circumstances. In one way, it can be said, Jim is a slave of the “idyllic imagination” (as Irving Babbitt calls it), with its expansive appetites, chimeras, reveries, pursuit of illusion. Jim’s is the story of a man who comes to discern not only the pitfalls of this imagination but also the need to free himself from its bondage. But to free himself from bondage requires of Jim painstaking effort, endurance. He must work diligently to transform chimeric, if incipient, fortitude into an active virtue as it interacts with a world that, like the Patna, can be “full of reptiles”—a world in which “not one of us is safe.”

Conrad uses Jim to indicate the moral process of recovery. Conrad delineates the paradigms of this process as these evolve in the midst of much anguish and laceration, leading to the severest scrutiny and judgment of the total human personality. Jim pays attention, in short, to the immobility of his soul; it will take much effort for him to determine where he is and what is happening to him if he is to emerge from the “heart of darkness” and the affliction within and around him to face what is called “the limiting moment.” It is, in an inherently spiritual context, a moment of repulsion when one examines the sin in oneself, and hates it. His sense of repulsion is tantamount to moral renunciation, as he embarks on the path to recovery from the romantic habit of day- dreaming.

In the end Jim comes to despise his condition, acceding as he does to the moral imperative. He accepts the need to see his “trouble” as his own, and he instinctively volunteers to answer questions regarding the Patna by appearing before the Official Court of Inquiry “held in the police court of an Eastern port.” (This actually marks his first encounter with Marlow, who is in attendance and who seems to be sympathetically aware of “his hope- less difficulty.”) He gives his testimony fully, objectively, honestly, as he faces the presiding magistrate. The physical details of Jim’s appearance underscore his urge “to go on talking for truth’s sake, perhaps for his own sake”—“fair of face, big of frame, with young, gloomy eyes, he held his shoulders upright above the box while his soul writhed within him.” Marlow’s reaction to Jim is instinctively positive: “I liked his appearance; he came from the right place; he was one of us.” In striking ways, Jim is a direct contrast to the other members of “the Patna gang”: “They were nobodies,” in Marlow’s words.

It should be recalled here that Jim adamantly refused to help the others put the lifeboat clear of the ship and get it into the water for their escape. Indeed, as Jim insists to Marlow, he wanted to keep his distance from the deserters, for there was “nothing in common between him and these men.” Their frenzied, self-serving actions to abandon the ship and its human cargo infuriated Jim—“‘I loathed them. I hated them.’” The scene depicting the abandonment of the Patna is one filled with “the turmoil of terror,” dramatizing the contrast between Jim and the other officers— between honor and dishonor, loyalty and disloyalty, in short, between aspiration and descent on the larger metaphysical map of human behavior. Jim personifies resistance to the negative as he tries to convey to Marlow “the brooding rancour of his mind into the bare recital of events.” Jim’s excruciating moral effort not to join the others and to ignore their desperate motions is also pictured at a critical moment when he felt the Patna dangerously dip- ping her bows, and then lifting them gently, slowly—“and ever so little.”

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The reality of a dangerous situation now seems to be devouring Jim, as he was once again to capitulate to the inner voice of Moral imperative to see “trouble” as one’s own weakness and doubt telling him to “leap” from the Patna. Futility hovers ominously around Jim at this last moment when death arrives in the form of a third engineer “clutch[ing] at the air with raised arms, totter[ing] and collaps[ing].” A terrified, transfixed Jim finds himself stumbling over the legs of the dead man lying on the bridge. And from the lifeboat below three voices yelled out eerily—“one bleated, another screamed, one howled”—imploring the man to jump, not realizing of course that he was dead of a heart attack: “Jump, George! Jump! Oh, jump….We’ll catch you! Jump!…Geo-o-o-orge! Oh, jump!” This desperate, screeching verbal command clearly pierces Jim’s internal condition of fear and terror, just as the ship again seemed to begin a slow plunge, with rain sweeping over her “like a broken sea.” And once again Jim is unable to sustain his refusal to betray his idea of honor. Here his body and soul are caught in the throes of still another “chance missed.”

The assaults of nature on Jim’s outer situation are as vicious at this pivotal point of his life as are the assaults of conscience on his moral sense. These clashing outer and inner elements are clearly pushing Jim to the edge, as heroic aspiration and human frailty wrestle furiously for the possession of his soul. What happens will have permanent consequences for him, as Conrad reveals here, with astonishing power of perception. Here, then, we discern a process of cohesion and dissolution, when Jim’s fate seems to be vibrating unspeakably as he experiences the radical pressures and tensions of his struggle to be more than what he is, or what he aspires to be. Jim, as if replacing the dead officer lying on the deck of the Patna, jumps: “It had happened somehow…,“ Conrad writes. “He had landed partly on somebody and fallen across a thwart.” He was now in the boat with those he loathed; “[h]e had tumbled from a height he could never scale again.” “‘I wished I could die,’” he admits to Marlow. “‘There was no going back. It was as if I had jumped into a well—into an everlasting deep hole.’”

A cold, thick rain and “a pitchy blackness” weigh down the lurching boat; “it was like being swept by a flood through a cavern.” Crouched down in the bows, Jim fearfully discerns the Patna, “just one yellow gleam of the masthead light high up and blurred like a last star ready to dissolve.” And then all is black, as one of the deserters cries out shakily, “‘She’s gone!’” Those in the boat remain quiet, and a strange silence prevails all around them, blurring the sea and the sky, with “nothing to see and nothing to hear.” To Jim it seemed as if everything was gone, all was over. The other three shipmates in the boat mistake him for George, and when they do recognize him they are startled and curse him. The boat itself seems filled with hatred, suspicion, villainy, betrayal. “We were like men walled up quick in a roomy grave,” Jim confides to Marlow.

The boat itself epitomizes abject failure and alienation from mankind. Everything in it and around it mirrors Jim’s schism of soul, “imprisoned in the solitude of the sea.” Through the varying repetition of language and images Conrad accentuates Jim’s distraught inner condition, especially the shame that rages in him for being “in the same boat” with men who exemplify a fellowship of liars. By the time they are picked up just before sunset by the Avondale, the captain and his two officers had already “made up a story” that would sanction their desertion of the Patna, which in fact had not sunk and which, with its pilgrims, had been safely towed to Aden by a French gunboat, eventually to end her days in a breaking-up yard. Unlike the others, Jim would choose to face the full consequences of his actions, “to face it out—alone for my- self—wait for another chance—find out….“

“Jim’s affair” was destined to live on years later in the memories and minds of men, as instanced by Marlow’s chance meeting in a Sydney café with a now elderly French lieutenant who was a boarding-officer from the gunboat and remained on the Patna for thirty hours. For Marlow this meeting was “a moment of vision” that enables him to penetrate more deeply into the events surrounding the Patna as he discusses them with one who had been “there.” The French officer, at this time the third lieutenant on the flagship of the French Pacific squadron, and Marlow, now commanding a merchant vessel, thus share their recollections, from which certain key thoughts emerge, measuring and clarifying the entire affair. The two men here bring to mind a Greek chorus speaking words of wisdom that explain human suffering and tragedy. In essence it is Jim’s predicament that Conrad wants to diagnose here so as to enlist the reader’s understanding, even sympathy. “‘The fear, the fear—look you—it is always there,’” the French officer declares. And he goes on to say to Marlow—all of this with reference to Jim: “‘And what life may be worth…when the Fear vs. honor is gone….I can offer no opinion—because—monsieur—I know nothing of it.’”

jostyph537012.jpgFor Conrad the task of the novelist is to illuminate “Jim’s case” for the reader’s judgment, and he does this, from diverse angles and levels, in order for the reader to consider all of the evidence, all the ambivalences, antinomies, paradoxes. If for Jim the struggle is to ferret out his true moral identity, for the reader the task is to meditate on what is presented to him and, in the end, to attain a transcendent apprehension of life in time and life in relation to values.[1] Jim is, to repeat, “one of us,” and in him we meet and see ourselves on moral grounds, so to speak.

In the final paragraph of his Author’s Note, Conrad is careful to point out that the creation of Jim “is not the product of coldly perverted thinking.” Nor is he “a figure of Northern mists.” In Jim, Conrad sees Everyman. In short, he is the creative outgrowth of what Irving Babbitt terms “the high seriousness of the ethical imagination,” and not of the “idyllic imagination,” with its distortions of human character. In other words, this is the “moral imagination” which “imitates the universal” and reveres the “Permanent Things.” In Jim we participate in and perceive a normative consciousness, as we become increasingly aware of Jim’s purposive function in reflective prose and poetic fiction, aspiring as it does to make transcendence perceptible.[2] Conrad testifies to the force and truth of the principles of a metaphysics of art when, in the concluding sentence of his Author’s Note, he writes about his own chance encounter with the Jim in ourselves: “One morning in the commonplace surroundings of an Eastern roadstead, I saw his form pass by—appealing—significant—under a cloud—perfectly silent. Which is as it should be. It was for me, with all the sympathy of which I was capable, to seek fit words for his meaning. He was ‘one of us.’”

A man of “indomitable resolution,” Jim strikes aside any “plan for evasion” proffered to him by a “helping hand” like Marlow’s. Nothing can tempt him to ignore the consequences of both his decisions and indecisions, which surround him like “deceitful ghosts, austere shades.” Any plan to save him from “degradation, ruin, and despair” he shuns, choosing instead to endure the conditions of homelessness and aloneness. He refuses to identify with any schemes or schemers of a morally insensitive nature. The “deep idea” in him is the moral sense to which he somehow hangs on and the innermost voice to which he listens.

Unfailingly Conrad reveals to us the nature of Jim’s character and will in a “narrative [which] moves through a devious course of identifications and distinctions,” as one critic observes.[3] Thus in the person of Captain Montague Brierly we have a paragon sailing ship skipper, and an august member of the board of inquiry, whose overarching self-satisfaction and self-worth presented to Marlow and to the world itself “a surface as hard as granite.” Unexplainably, however, Brierly commits suicide a week after the official inquiry ended by jumping overboard, less than three days after his vessel left port on his outward passage. It seems, as Marlow believes, that “something akin to fear of the immensity of his contempt for the young man [Jim] under examination, he was probably holding silent inquiry into his own case.” Jim will not go the way of Brierly, whose juxtaposition to Jim, early on in the novel, serves to emphasize the young seaman’s fund of inner strength needed to resist perversion of the moral sense. Unlike Brierly, Jim will not be unjust to himself by trivializing his soul.

joshod4427591.jpgNor will Jim become part of any business scheme that would conveniently divert him from affirming the moral sense. A far- fetched and obviously disastrous business venture (“[a]s good as a gold-mine”), concocted by Marlow’s slight acquaintance, a West Australian by the name of Chester, and his partner, “Holy-Terror Robinson,” further illustrates in Jim the ascendancy of “his fine sensibilities, his fine feelings, his fine longings.” Jim will not be identified with the unsavory Chester any more than he would be identified with the Patna gang. Marlow himself, whatever mixed feelings he may have as to Jim’s weaknesses, intuits that Jim has nobler aspirations than being “thrown to the dogs” and in effect to “slip away into the darkness” with Chester. Jim’s destiny may be tragic, but it is not demeaning or tawdry, which in the end sums up Marlow’s beneficent trust in Jim.

In a state of disgrace, Jim was to work as a ship-chandler for various firms, but he was always on the run—to Bombay, to Calcutta, to Rangoon, to Penang, to Bangkok, to Batavia, moving from firm to firm, always “under the shadow” of his connection to the Patna “skunks.” Always, too, the paternal Marlow was striving to find “opportunities” for Jim. Persisting in these efforts, Marlow pays a visit to an acquaintance of his, Stein, an aging, successful merchant-adventurer who owns a large inter-island business in the Malay Archipelago with a lot of trading posts in out- of-the-way trading places for collecting produce. Bavarian-born Stein is, for Marlow, “one of the most trustworthy men” who can help to mitigate Jim’s plight. A famous entomologist and a “learned collector” of beetles and butterflies, he lives in Samarang. A sage, as well, he ponders on the problems of human existence: “Man is amazing, but he is not a masterpiece…man is come where he is not wanted, where there is no place for him…,“ he says to Marlow. He goes on to observe that man “wants to be a saint, and he wants to be a devil,” and even sees himself, “in a dream,” “as a very fine fellow—so fine as he can never be….“ Solemnly, he makes this observation, so often quoted from Conrad’s writings: “A man that is born falls into a dream like a man who falls into the sea….The way is to the destructive element submit yourself, and with the exertions of your hands and feet in the water make the deep, deep sea keep you up.”

Lord-Jim_portrait_w858.jpgMarlow’s meeting with Stein provides for a philosophical probing of some of the fundamental ideas and life-issues Conrad presents in Lord Jim. The human condition, no less than the kingdom of nature, is the province of his explorations. His musings on the mysteries of existence ultimately have the aim of enlarging our understanding of Jim’s character and soul. These musings also have the effect of heightening Jim’s struggles to find his true moral identity. Inevitably, abstraction and ambiguity are inherent elements in Stein’s metaphysics, so to speak, even as his persona and physical surroundings merge to project a kind of mystery; his spacious apartment, Marlow recalls, “melted into shapeless gloom like a cavern.” Indeed Marlow’s visit to Stein is like a visit to a medical diagnostician who possesses holistic powers of discernment—“our conference resembled so much a medical consultation—Stein of learned aspect sitting in an arm-chair before his desk….” Stein’s ruminations, hence, have at times an oracular dimension, as “…his voice…seemed to roll voluminous and grave—mellowed by distance.” It is in this solemn atmosphere, and with subdued tones, that Stein delivers his chief pronouncement on Jim: “‘He is romantic—romantic,’ he repeated. ‘And that is very bad—very bad….Very good, too,’ he added.”

The encounter with Stein assumes, almost at the mid-point of the novel, episodic significance in Jim’s moral destiny, and in the final journey of a soul in torment. Stein’s observations, insightful as they are, hardly penetrate the depths of Jim’s soul, its conditions and circumstances, which defy rational analysis and formulaic prescriptions. The soul has its own life, along with but also beyond the outer life Stein images. It must answer to new demands, undertake new functions, face new situations—and experience new trials. The dark night of the soul is at hand, inexorably, as Jim retreats to Patusan, one of the Malay islands, known to officials in Batavia for “its irregularities and aberrations.” It is as if Jim had now been sent “into a star of the fifth magnitude.” Behind him he leaves his “earthly failings.” “‘Let him creep twenty feet underground and stay there,’” to recall Brierly’s words. In Patusan, at a point of the river forty miles from the sea, Jim will relieve a Portuguese by the name of Cornelius, Stein & Co.’s manager there. It is as if Stein and Marlow had schemed to “tumble” him into another world, “to get him out of the way; out of his own way.” “Disposed” of, Jim thus enters spiritual exile, alone and friendless, a straggler, a hermit in the wilderness of Patusan, where “all sound and all movements in the world seemed to come to an end.”

The year in which Jim, now close to thirty years of age, arrives in Patusan is 1886. The political situation there is unstable—“utter insecurity for life and property was the normal condition.” Dirt, stench, and mud-stained natives are the conditions with which Jim must deal. In the midst of all of this rot, Jim, in white apparel, “appeared like a creature not only of another kind but of another essence.” In Patusan, he soon becomes known as Lord Jim (Tuan Jim), and his work gives him “the certitude of rehabilitation.” Patusan, as such, heralds Jim’s unceasing attempt to start with a clean slate. But in Patusan, as on the Patna, Jim is in extreme peril, for he has to grapple with fiercely opposing native factions: the forces of Doramin, Stein’s old friend, chief of the second power in Patusan, and those of Rajah Allang, a brutish chief, constantly locked in quarrels over trade, leading to bloody outbreaks and casualties. Jim’s chief goal was “to conciliate imbecile jealousies, and argue away all sorts of senseless mistrusts.” Doramin and his “distinguished son,” Dain Waris, believe in Jim’s “audacious plan.” But will he succeed, or will he repeat past failures? Is Chester, to recall his earlier verdict on Jim, going to be right: “‘He is no earthly good for anything.’” And will Jim, once and for all, exorcise the “unclean spirits” in himself, with the decisiveness needed for atonement? These are convergent questions that badger Jim in the last three years of his life.

During the Patusan sequence, Jim attains much power and influence: “He dominated the forest, the secular gloom, the old man kind.” As a result of Jim’s leadership, old Doramin’s followers rout their sundry enemies, led not only by the Rajah but also by the vagabond Sherif Ali, an Arab half-breed whose wild men terrorized the land. Jim becomes a legend that gives him even super- natural powers. Lord Jim’s word was now “the one truth of every passing day.” Certainly, from the standpoint of heroic feats and sheer physical courage and example, Jim was to travel a long way from Patna to Patusan. Here his fame is “Immense!…the seal of success upon his words, the conquered ground for the soles of his feet, the blind trust of men, the belief in himself snatched from the fire, the solitude of his achievement.” If his part in the Patna affair led to the derision that pursued him in his flights to nowhere, fame and adoration now define his newly-won greatness. The tarnished first mate of the Patna in the Indian Ocean is now the illustrious Lord Jim of the forests of Patusan.

The difficult situations that Jim must now confront in Patusan demand responsible actions, which Conrad portrays with all their complexities and tensions. There is no pause in Jim’s constant wrestle with responsibilities, whether to the pilgrims on the Patna or the natives in Patusan. The moral pressures on him never ease, requiring of Jim concrete gestures that measure his moral worth. Incessantly he takes moral soundings of himself and of the outer life. The stillness and silences of the physical world have a way of accentuating Jim’s inner anguish. He is profoundly aware that some “floating derelict” is waiting stealthily to strike at the roots of order, whether of man or of society.

LordJimLobby.jpgIn the course of relating the events in Patusan, where he was visiting Jim, Marlow speaks of Jim’s love for a Eurasian girl, Jewel, who becomes his mistress. Cornelius, the “awful Malacca Portuguese,” is Jewel’s legal guardian, having married her late mother after her separation from the father of the girl. A “mean, cowardly scoundrel,” Cornelius is another repulsive beetle in Jim’s life. The enemies from without, like the enemy from within, seem to pursue Jim relentlessly. In Patusan, thus, Cornelius, resentful of being replaced as Stein’s representative in the trading post, hates Jim, never stops slandering him, wants him out of the way: “‘He knows nothing, honourable sir—nothing whatever. Who is he? What does he want here—the big thief?…He is a big fool….He’s no more than a little child here—like a little child—a little child.’” Cornelius asks Marlow to intercede with Jim in his favor, so that he might be awarded some “‘moderate provision—suitable present,’” since “he regarded himself as entitled to some money, in exchange for the girl.” But Marlow is not fazed by Cornelius’s imprecations: “He couldn’t possibly matter…since I had made up my mind that Jim, for whom alone I cared, had at last mastered his fate….“ Nor is Jim himself troubled by Cornelius’s unseemly presence and the possible danger he presents: “It did not matter who suspected him, who trusted him, who loved him, who hated him…. ‘I came here to set my back against the wall, and I am going to stay here,’” Jim insists to Marlow.

The concluding movement of the novel, a kind of andante, conveys a “sense of ending.” Marlow’s long narrative, in fact, is now coming to an end, confluent with his “last talk” with Jim and his own imminent departure from Patusan. The language belongs to the end time, and is pervaded by deepening sorrow and pity, and by an implicit recognition “of the implacable destiny of which we are the victims—and the tools.” A poetry of lamentation takes hold of these pages, and the language is brooding, ominous, recondite. Concurrently, the figure of Cornelius weaves in and out and gives “an inexpressible effect of stealthiness, of dark and secret slinking….His slow, laborious walk resembled the creeping of a repulsive beetle….” We realize that Marlow and Jim will never meet again, as we witness a twilight scene of departure. Having accompanied Marlow as far as the mouth of the river, Jim now watches the schooner taking Marlow to the other world “fall off and gather headway.” Marlow sees Jim’s figure slowly disappearing, “no bigger than a child—then only a speck, a tiny white speck…in a darkened world.”

At the end of the novel, Jim finds himself a prisoner and ultimately a victim of treachery as he fights against invading outcasts and desperadoes who, for any price, kill living life—cutthroats led by “the Scourge of God,” “Gentleman Brown,” a supreme incarnation of evil that Jim must confront. Conrad renders the power of evil in unalleviating ways, even as he sees man’s moral poverty as an inescapable reality. Indeed, what makes Jim’s fate so overpowering is that he never stops struggling against the ruthless forces of destruction that embody Conrad’s vision of evil. What Jim has accomplished in Patusan by creating a more stable social community will now be subject to attack by invaders of “undisguised ruthlessness” who would leave Patusan “strewn over with corpses and enveloped in flames.” If Jim’s inner world, in the first part of the novel, is in turmoil, it is the outer world, in the second part of the novel that is collapsing “into a ruin reeking with blood.” What we hear in the concluding five chapters of Lord Jim is the braying voice of universal discord, crying out with a merciless conviction that, between the men of the Bugis nation living in Patusan and the white marauders, “there would be no faith, no compassion, no speech, no peace.”

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The last word of the story of Jim’s life is reserved for one of Marlow’s earlier listeners, “the privileged man,” who receives a thick packet of handwritten materials, of which an explanatory letter by Marlow is the most illuminating. A narrative in epistolary form provides us, two years following the completion of Marlow’s oral narrative, with the details of the last episode that had “come” to Jim. What Marlow has done is to fit together the fragmentary pieces of Jim’s “astounding adventure” so as to record “an intelligible picture” of the last year of his life. The epistolary narrative here is based on the exploit of “a man called Brown,” upon whom Marlow happened to come in a wretched Bangkok hovel a few hours before Brown died. The latter was thus to volunteer information that helped complete the story of Jim’s life, in which Brown himself played a final and fatal role.

The son of a baronet, Brown is famous for leading a “lawless life.” He is “a latter-day buccaneer,” known for his “vehement scorn for mankind at large and for victims in particular.” We learn that he hung around the Philippines in his rotten schooner, which, eventually, “he sails into Jim’s history, a blind accomplice of the Dark Powers.” Their meeting takes place as they face each other across a muddy creek—“standing on the opposite poles of that conception of life which includes all mankind.” This encounter is of enormous consequence, as Jim, “the white lord,” contends verbally with the “terrible,” “sneering” Brown, who slyly invokes their “common blood, an assumption of common experience, a sickening suggestion of common guilt….” The conversation, Marlow was to recall in his letter, appeared “as the deadliest kind of duel on which Fate looked on with her cold-eyed knowledge of the end.” Brown, with his “satanic gift of finding out the best and the weakest spot in his victims,” seems to be surveying and staking out Jim’s character and capability. Jim, on his part, intuitively feels that Brown and his men are “the emissaries with whom the world he had renounced was pursuing him in his retreat.”

Perceiving the potential menace of Brown and his “rapacious” white followers, Jim approaches the entire situation with caution; he knows that there will be either “a clear road or else a clear fight” ahead. His one thought, as he informs Doramin, is “for the people’s good.” Preparations for battle now take place around the fort, and the feeling among the natives is one of anxiety, and also of hope that Jim will somehow resolve everything by convincing Brown that the way back to the sea would be a peaceful one. Jim is convinced “that it would be best to let these whites and their followers go with their lives.” Unwavering as always in meeting his moral obligations, he is primarily concerned with the safety of Patusan. But he underestimates the calculating Brown, again disclosing the propensity that betrays him. Quite simply Jim does not mistrust Brown, believing as he does that both of them want to avoid bloodshed. In this respect, illusion both comforts and victimizes Jim, as the way is made clear for Brown, with the sniveling Cornelius at his side providing him with directions, to withdraw from Patusan, now guarded by Dain Waris’s forces.

Brown’s purpose is not only to escape but also to get even with Jim for not becoming his ally, and to punish the natives for their earlier resistance to his intrusion. When retreating towards the coast his men deceitfully open fire on an outpost of Patusan, killing the surprised and panic-stricken natives, as well as Dain Waris, “the only son of Nakhoda Doramin,” who had earlier acceded to Jim’s request that Brown and his party should be allowed to leave without harm. It could have been otherwise, to be sure, given the superior numbers of the native defenders. Once again, it is made painfully clear, Jim flinches in discernment and in leadership, naïvely trusting in his illusion, in his dream, unaware of the evil power of retribution that impels Brown and that slinks in human-kind. That, too, Brown’s schooner later sprung a bad leak and sank, he himself being the only survivor to be found in a white long-boat, and that the deceitful Cornelius was to be found and struck down by Jim’s ever loyal servant, Tamb’ Itam, can hardly compensate for the destruction and the deaths that took place as a result of Jim’s failure of judgment. Marlow’s earlier demurring remark has a special relevance at this point: “I would have trusted the deck to that youngster [Jim] on the strength of a single glance…but, by Jove! It wouldn’t have been safe.”

Lord-Jim.jpgJim’s decision to allow free passage to Brown stems from his concern with preserving an orderly community in Patusan: he did not want to see all his good work and influence destroyed by violent acts. But clearly he had misjudged Brown’s character. Neither Jim’s honesty nor his courage, however, are to be impugned; his moral sense, in this case, is what consciously guided his rational conception of civilization. But a failure of moral vision, induced perhaps by moral pride and romanticism, blinds him to real danger. When Tamb’ Itam returns from the outpost to inform Jim about what has happened, Jim is staggered. He fathoms fully the effects of Brown’s “cruel treachery,” even as he understands that his own safety in Patusan is now at risk, given Dain Waris’s death and Doramin’s dismay and grief over events for which he holds Jim responsible. For Jim the entire situation is untenable, as well as perplexing: “He had retreated from one world for a small matter of an impulsive jump, and now the other, the work of his own hands, had fallen in ruins upon his head.” His feeling of isolation is rending, as he realizes that “he has lost again all men’s confidence.” The “dark powers” have robbed him twice of his peace.

To Tamb’ Itam’s plea that he should fight for his life against Doramin’s inevitable revenge, Jim bluntly cries, “‘I have no life.’” Jewel, too, “wrestling with him for the possession of her happiness,” also begs him to put up a fight, or try to escape, but Jim does not heed her. “He was going to prove his power in another way and conquer the fatal destiny itself.” This is, truly, “‘a day of evil, an accursed day,’” for Jim and for Patusan. When Dain Waris’s body is brought into Doramin’s campong, the “old nakhoda” was “to let out one great fierce cry…as mighty as the bellow of a wounded bull.” The scene here is harrowing in terms of grief, the women of the household “began to wail together; they mourned with shrill cries; the sun was setting, and in the intervals of screamed lamentations the high sing-song voices of two old men intoning the Koran chanted alone.” The scene is desolate, unconsoling, rendered in the language of apocalypse; the sky over Patusan is blood-red, with “an enormous sun nestled crimson amongst the treetops, and the forest below had a black and forbidding face.” Jim now appears silently before Doramin, who is sitting in his armchair, a pair of flintlock pistols on his knees. “‘I am come in sorrow,’” he cries out to Doramin, who stared at Jim “with an expression of mad pain, of rage, with a ferocious glitter….and lifting deliberately his right [hand], shot his son’s friend through the chest.”

At the end of his explanatory letter Marlow remarks that Jim “passes away under a cloud, inscrutable at heart, forgotten, unforgiven, and excessively romantic.” Such a remark, of course, must be placed in the context of Marlow’s total narrative, with all of the tensions and the ambiguities that occur in relating the story of Jim’s life as it unfolds in the novel. Nor can Marlow’s words here be construed as a moral censure of Jim. What exemplifies Marlow’s narrative, in fact, is the integrity of its content, as the details, reflections, judgments, demurrals emerge with astonishing and attenuating openness, deliberation. There is no single aspect of Jim’s life and character that is not measured and presented in full view of the reader. If judgment is to be made regarding Jim’s situation, Conrad clearly shows, then affirmations and doubts, triumphs and failures will have to be disclosed and evaluated cumulatively.

No one is more mercilessly exposed to the world than Jim. And no one stands more naked before our judgment than he. The scrutiny of Jim’s beliefs and attitudes, and of his actions and inactions, is relentless in depth and latitude. He himself cannot hide or flee, no matter where he happens to be. Marlow well discerns Jim’s supreme aloneness in his struggles to find himself in himself, to master his fate, beyond the calumnies of his enemies and the loyalty and love of his friends—and beyond his own rigorous self-judgments. The anguish of struggle consumes everything and every- one in the novel, and nothing and no one can be the same again once in contact with him. In Jim, it can be said, we see ourselves, for he is “one of us,” he is our “common fate,” which prohibits us to “let him slip away into the darkness.”

From a moral perspective the Official Court of Inquiry literally takes place throughout Lord Jim. Jim never ceases to react to charges of cowardice and of irresponsibility; never ceases to strive earnestly to prove his moral worthiness. He seems never to be in a state of repose, is always under pressure, always examining his pensive state of mind and soul. Self-illumination rather than self- justification, or even self-rehabilitation, is his central aim, and he knows, too, that such a process molds his own efforts and pain. He neither expects nor accepts help or absolution from others, nor does he blame others for his own sins of commission or omission. His character is thus one of singular transparency, acutely self-conscious, and vulnerable.

Jim’s moral sense weighs heavily on him and drives him on sundry, sometimes contradictory, lines of moral awareness and behavior. In this respect he brings to mind the relevance of Edmund Burke’s words: “The lines of morality are not like the ideal lines of mathematics. They are broad and deep as well as long. They admit of exceptions; they demand modifications.”[4] Gnostic commentators who view the moral demands of this novel as confusing or uncertain fail to see that the lines of morality, even when they take different directions and assume different forms, inevitably crystallize in something that is solid in revelation and in value.[5]

Clearly Jim’s high-mindedness and character are problematic, and his scale of human values is excessively romantic. Thus he romanticizes what it means to be a sailor, what duty is, even what cowardice is. The fact is that he is too “noble” to accommodate real-life situations. In essence, then, Jim violates what the ancient Greeks revered as the “law of measure.” And ultimately his pride, his lofty conception of what is required of him in responsible leadership and duty, his high idealism, mar the supreme Hellenic virtue of sophrosyne. Jim’s conduct dramatizes to an “unsafe” degree the extremes of arrogance, and of self-delusion and self-assertion. Above all his idealism becomes a peculiar kind of escape from the paradoxes and antinomies that have to be faced in what Burke calls the “antagonist world.”

In the end, Jim’s habit of detachment and abstraction manifestly rarefies his moral sense and diminishes and even neutralizes the moral meaning of his decisions and actions. His self-proclaimed autonomy dramatizes monomania and egoism, and makes him incapable of harmonious human interrelations, let alone a redeeming humility. His moral sense is consequently incomplete as a paradigm, and his moral virtues are finite. And his fate, as it is defined and shaped by his tragic flaw, does not attain true grandeur. In Jim, it can be said, Conrad presents heroism with all its limitations.[6]

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Despite the circumstances of his moral incompleteness, Jim both possesses and enacts the quality of endurance in facing the darkness in himself and in the world around him. Even when he yearns to conceal himself in some forgotten corner of the universe, there to separate himself from other imperfect or fallen humans, from thieves and renegades, and from the harsh exigencies of existence, he also knows that unconditional separation is not attainable. He persists, however erratically or skeptically, in his pursuit to reconcile the order of the community and the order of the soul; and he perseveres in his belief in the axiomatic principles of honor, of loyalty, prescribing the need to transcend inner and outer moral squalor. His death, even if it shows the power of violence, of the evil that stalks man and humanity, of the flaws and foibles that afflict one’s self, does not diminish the abiding example of Jim’s struggle to discover and to overcome moral lapses.

Jim can never silence the indwelling moral sense that inspires and illuminates his life-journey. Throughout this journey the virtue of endurance does not abandon him, does not betray him, even when he betrays himself and others. He endures in order to prevail. In Lord Jim, Joseph Conrad portrays a fitful but ascendant process of transfiguration in the life of a solitary hero whose courage of endurance contains the seeds of redemption. Such a life recalls the eternal promise of the Evangelist’s words: “He that endureth to the end shall be saved.”[7]

Books by George Panichas and Joseph Conrad may be found in The Imaginative Conservative Bookstore. Reprinted with the gracious permission of Modern Age (Spring 1986).

Notes:
  1. See the chapter “Toward a Metaphysics of Art,” in my book The Reverent Discipline: Essays in Literary Criticism and Culture (Knoxville, Tenn., 1974), 185- 204.
  2. See Russell Kirk, “The Perversity of Recent Fiction: Reflections on the Moral Imagination,” Redeeming the Time (Wilmington, Del., 1996), 68-86.
  3. See Dorothy Van Ghent, The English Novel: Form and Function (New York, 1953), 229-244.
  4. The Philosophy of Edmund Burke: A Selection from His Speeches and Writings, edited and with an introduction by Louis I. Bredvold and Ralph G. Ross (Ann Arbor, 1960), 41.
  5. See, for example, Douglas Hewitt, “Lord Jim,” Conrad: A Reassessment (Chester Springs, Pa., 1969), 31-39.
  6. My explication of the ideas found in this and the preceding paragraph owes much to Professor Claes G. Ryn’s discerning and detailed critique of my appraisal of Lord Jim, as found in his letter to me dated March 4, 2000.
  7. Matthew, 10:22.

États-Unis : les Présidents passent, les néoconservateurs restent

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États-Unis : les Présidents passent, les néoconservateurs restent

Par Karel Vereycken

Ex: http://www.agora-erasmus.be

Vendredi 3 juin 2016 - Wall Street et la City veillent depuis toujours sur la pensée stratégique américaine. Dans un monde où tout le système financier frôle la faillite, affirmer avec détermination et arrogance sa puissance militaire devient en définitive l’ultime caution permettant au système de « tenir ».

Certains se rappellent sans doute du Project for a New American Century (Projet pour le Nouveau Siècle Américain, PNAC) ce think-tank washingtonien d’où sont sortis les plus va-t-en guerre des néoconservateurs américains de l’administration Bush : Richard Perle, John Bolton, Donald Rumsfeld, Frank Gaffney, Paul Wolfowitz, William Kristol et Robert Kagan, un ancien de l’administration Reagan.

L’Amérique, disaient-ils, agissant sous les auspices de Mars, dieu de la guerre, se doit de faire « le sale boulot » contre les puissances émergentes que sont la Russie et la Chine, alors que la vieille Europe, endormie par Venus, la déesse de la paix, sombre dans un pacifisme hautement suspect et coupable.

Les guerres « contre le terrorisme », lancées après le 11 septembre, avec l’inévitable Tony Blair, pour imposer des changements de régime en Afghanistan, en Irak, et ailleurs, c’est eux. Les révolutions de couleur, c’est eux encore.

Si en novembre 2008, le peuple américain, en élisant comme président Barack Obama, avait espéré un moment pouvoir se débarrasser de cette folie guerrière, amère fut la déception.

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Robert Kagan, chef du clan des neoconservateurs, et son epouse, l’ancienne secretaire de Dick Cheney, Victoria Nuland, pressentie pour devenir la prochaine secretaire d’Etat americaine, en cas de victoire d’Hillary Clinton.

Une équipe néoconservatrice à la Maison Blanche

Obama n’a pas seulement nommé en 2013 Susan Rice (sans parenté avec Condoleeza Rice), une louve néoconservatrice « déguisée en mouton » partisane enthousiaste de la guerre contre l’Irak et favorable à ce que les États-Unis fassent un coup d’État au Honduras, comme sa conseillère nationale de Sécurité.

Avec Samantha Power, l’ambassadrice US aux Nations Unies intime de George Soros, et Hillary Clinton, la Secrétaire d’État, c’est Susan Rice qui a organisé la guerre contre la Libye en 2014 et a ordonné la mise à mort barbare de Kadhafi. Rappelons que c’est Mme Clinton, sur l’insistance de Madeleine Albright, qui a fait embaucher la secrétaire de Dick Cheney Victoria Nuland (l’épouse de Robert Kagan). Avec Rice, c’est Nuland qui a organisé le coup d’État en Ukraine pour intimider la Russie en s’appuyant sur les mouvances néo-nazies.

Ainsi, comme des cafards qui auraient pondu leurs œufs dans les murs plâtrés de la Maison Blanche, cette fine équipe est déjà à la manœuvre pour façonner la politique étrangère de la prochaine administration. Les Présidents changent, la politique de Wall Street demeure.

Si le PNAC fut dissout en 2006, dès 2009 le « clan Robert Kagan », sous l’étiquette « Center for a New American Security (Centre pour une nouvelle sécurité américaine – CNAS) », a mis sur pied un nouveau think-tank dont les objectifs diffèrent en rien avec ceux du PNAC. Parmi la trentaine de permanents du CNAS, un bon nombre cumule cette fonction avec un poste dans l’administration Obama.

Hillary Clinton pressentie par le clan Kagan

Pour sa part, Robert Kagan, un ancien de l’administration Ronald Reagan, vient de déclarer que Donald Trump et les Républicains lui donnent la nausée au point qu’il s’oriente désormais vers Mme Clinton dont la politique étrangère lui convient a merveille. Reconnaissante, cette dernière a fait savoir quelle n’exclut pas de nommer son épouse, Victoria Nuland, comme secrétaire d’État !

Le dernier rapport du CNAS, « Étendre la puissance américaine » « Des stratégies pour étendre l’engagement américain dans un ordre mondial compétitif » (mai 2016) vise à fixer le cadre pour cette perspective. Et le 21 mai, un éditorial signé par la rédaction du Washington Post intitulé « L’ordre international de liberté est sous attaque. Les États-Unis doivent le défendre », se réjouit du rapport du CNAS, en défense, comme lors de la guerre froide, du « monde libre ».

En voici quelques extraits :

« Pas un jour ne se passe sans que la démonstration soit faite que l’ordre international de liberté des sept dernières décennies est érodé. La Chine et la Russie tentent de façonner un monde à l’image de leur propre ordre sans liberté ; l’Angleterre se débat pour partir de l’UE ; le candidat en tête aux élections autrichiennes craint les migrants, le commerce et la globalisation et les parties d’extrême droite montent en Europe. Daech répand une violence sans merci sur son propre territoire en Irak et en Syrie et exporte le terrorisme ailleurs. Aux États-Unis, celui qui risque de devenir le candidat républicain Donald Trump a capté des millions de voix en faisant campagne contre quelques uns des fondements du leadership américain tels qu’une alliance défensive avec le Japon et la Corée du Sud, alors que le candidat démocrate Bernie Sanders a attiré des millions d’électeurs en leur promettant des mesures protectionnistes.

Cela mettra au défi le prochain président américain. Car peu importe celui qui occupera le bureau ovale, cela nécessitera du courage et des décisions difficiles pour sauver l’ordre de liberté international. Comme le précise le nouveau rapport du CNAS, cet ordre mérite d’être sauvé et cela vaut la peine de rappeler pourquoi : il a généré une prospérité globale sans précédent, il a sorti des millions de gens de la pauvreté et a permis à des gouvernements démocratiques, jadis rares, de s’installer dans plus de 100 pays et d’empêcher durant sept décennies des guerres cataclysmiques entre les grandes puissances. Ces réalisations impressionnantes nécessitent une nouvelle impulsion des États-Unis et de l’Europe, et pourtant, le débat public va dans l’autre direction. Comme le précisent les auteurs du rapport, beaucoup de gens s’inquiètent du repli sur soi des États-Unis et demandent qu’ils fassent plus et pas moins. Ils ne veulent pas succomber aux valeurs des présidents Vladimir Poutine de Russie et Xi Jinping de Chine, qui rejettent la démocratie, ne sont redevables à personne et rejettent la dignité humaine.


Comment réagir ?

En renforçant toutes les composantes de la puissance américaine : diplomatique, économique et militaire, une solution chère, mais faisable. En Asie, le partenariat transpacifique (TPP), c’est-à-dire l’accord de libre échange doit être ratifié. Les États-Unis doivent continuer à tenter d’intégrer la Chine dans les règles et les traditions de l’ordre international de liberté – un effort de huit administrations américaines – tout en déployant des forces pour affronter les confiscations unilatérales de territoires en mer de Chine méridionale. De la même façon, stabiliser l’Ukraine et la sauver économiquement feront d’elle un bastion contre la subversion violente russe. Plus doit être fait pour protéger les pays baltes… »

 

Tout ceci démontre que tout citoyen qui, au lieu de s’engager dans un combat de fond sur les idées, se satisfait à « voter utile » ou pour « le moindre mal », manque gravement de sérieux en ce qui concerne sa survie et de celle de sa progéniture.

Source : Solidarité & Progrès

Iran-Afghanistan-Inde ouvrira l’Asie centrale à l’Inde

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Iran-Afghanistan-Inde ouvrira l’Asie centrale à l’Inde

Par Karel Vereycken

Ex: http://www.agora-erasmus.be

Vendredi 10 juin 2016 - A l’occasion de leur visite officielle à Téhéran les 22 et 23 mai 2016, le Premier ministre indien Narendra Modi et le président afghan Achraf Ghani ont conclu, avec le président iranien Hassan Rohani, un important accord tripartite Iran-Afghanistan-Inde pour l’agrandissement du port de Chabahar, une ville de 85000 habitants dans le golfe d’Oman.

Le projet portuaire, dans lequel l’Iran investira au total 20 milliards de dollars, est destiné à devenir un pôle de transit entre ces trois pays, et plus généralement « un hub sur l’océan Indien ». Pour accélérer le projet, l’accord conclu prévoit que la banque indienne d’exportation-importation débloque une première ligne de crédit de 500 millions de dollars pour le développement et l’exploitation de la phase 1 du port, qui comprend le développement de 2 terminaux et de 5 postes à quais polyvalents.

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Le Premier ministre indien Narendra Modi (à gauche), le président iranien Hassan Rouhani (au centre) et le président afghan Ashraf Ghani (à droite) se réjouissent des accords de coopération signés le 23 mai 2016 à Téhéran.

 

Une portée économique, politique et régionale

Le port de Chabahar a une portée stratégique pour l’Inde. Il lui permettra d’accéder aux marchés centrasiatique et afghan en contournant le Pakistan qui pour l’instant bloque le transit des produits indiens.

Pour améliorer les échanges commerciaux, New Delhi prévoit également 100 millions de dollars pour la construction d’une route de 220 km dans la province de Nimroz au nord de l’Afghanistan, route qui pourrait être prolongée jusqu’à Chabahar. Prévus également, 100 millions de dollars pour la construction d’une ligne ferroviaire reliant l’Afghanistan au golfe d’Oman.

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A cela il faut ajouter que l’Inde, dont l’Iran était le deuxième fournisseur d’hydrocarbures jusqu’en 2012, pourrait, grâce à la levée des sanctions, envisager de doubler ses importations de pétrole iranien.

Pour le président iranien Hassan Rohani, l’accord constitue un levier de développement autant politique qu’économique « nous pouvons coopérer dans de nombreuses industries comme l’aluminium, l’acier et la pétrochimie. » Selon lui, « l’accord n’est pas seulement économique, il est politique et régional ».

Le Japon s’est montré également intéressé dans le projet. Une délégation de chefs d’entreprises japonaises, emmenée par l’ambassadeur japonais en Iran a visité les installations pétrochimiques et sidérurgiques l’année dernière. Et selon la presse japonaise, le Premier ministre japonais Abe Shinzo espère concrétiser un accord lors de sa visite à Téhéran cet automne.

Une complémentarité avec le port de Gwadar

Bien qu’en Occident on préfère y voir avant tout la réponse indienne à la décision chinoise d’investir 46 milliards de dollars dans le couloir économique Chine Pakistan (CPEC) qui comprend le port pakistanais de Gwadar, à une centaine de kilomètres à l’est de Chabahar, c’est justement la complémentarité des deux projets qui dépasse leur imagination.

Bien que, pour l’instant, les gouvernements pakistanais et chinois, bien que sollicités à cet effet par l’Iran, ont décliné toute participation au projet de Chabahar, l’économiste pakistanais Kaiser Bengali, un ancien conseiller du gouvernement de l’État du Baloutchistan, installé à Karachi, souligne la complémentarité des deux ports.

Car, dit-il, l’expansion du port de Chabahar en Iran ne va pas réduire mais augmenter l’activité de celui de Gwadar au Pakistan. Et ceci pour une raison toute simple : Gwadar est un port en eau profonde ce que Chabahar ne sera jamais. Les très gros navires déchargeront donc obligatoirement leurs marchandises à Gwadar. De là, elles repartiront vers l’Asie centrale via Chabahar.

Avis partagé par Ikram Sehgal, le rédacteur en chef de la revue Defense Journal of Pakistan qui affirme que l’expansion du port de Chabahar « va rapporter au Pakistan sans que ce dernier dépense le moindre centime ». Soulager le réseau du transport pakistanais, par où passe aujourd’hui tous les échanges avec l’Afghanistan serait plutôt une bonne chose : « A l’heure actuelle, tout le commerce afghan passe par le Pakistan, ce qui empiète sur nos priorités domestiques ». Pour lui, c’est Dubaï qui perdra un peu mais il ne croit pas que cela fera du tort à Gwadar. Et il incite son gouvernement à ne pas s’enfermer dans un partenariat exclusif avec la Chine.

Comme quoi construire la paix par le développement mutuel, dans le cadre de la Nouvelle route de la soie, reste un combat quotidien pour tous les hommes de bonne volonté !

Carl Schmitt, Un giurista davanti a se stesso

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Teodoro Klitsche de la Grange: recensione a:

 
Carl Schmitt, Un giurista davanti a se stesso
Neri Pozza Editore, Vicenza 2012, pp. 312, € 16,50.
 
Ex: http://civiumlibertas.blogspot.com

Questa non è una delle molte raccolte di scritti di Schmitt tradotti e pubblicati in Italia negli ultimi quarant’anni, ma si prefigge, attraverso i testi e le interviste raccolte (alcuni dei quali già pubblicati in italiano), di “fornire una chiave di lettura per una delle figure più discusse e contraddittorie del ventesimo secolo” e l’“esercizio di lettura che il libro propone assomiglia pertanto alla decifrazione di quelle figure nascoste dentro un paesaggio o in altro disegno che appaiono improvvisamente se si tiene lo sguardo fisso sull’immagine abbastanza a lungo” (così Giorgio Agamben nell’introduzione).

cs-$_35.JPGSchmitt è stato uno dei maggiori interpreti della crisi del XX secolo; la sua peculiare concezione del diritto ha fatto si che lui, giurista come si considerò sempre fino alla morte – ma come tutti i grandi giuristi portatore di una visione che trascende il mero orizzonte giuridico – sia stato in Italia apprezzato prevalentemente come politologo e filosofo della politica.

Tuttavia come scrive Agamben nell’attenta introduzione “non si comprende nulla del pensiero di Schmitt, se non lo si situa innanzitutto in una concezione del diritto che poggia su un elemento antagonistico rispetto alla legge”. E tale considerazione è del tutto condivisibile; ancor più a considerare che la polemica anti-normativista di Schmitt è essa stessa rivolta ad indagare la crisi dell’Europa (e del pensiero europeo) del XX secolo, di cui il normativismo di Kelsen – e ancor più quello dei suoi epigoni è stato, ad un tempo, la conseguenza e anche la rappresentazione (forse) più coerente. Risolvere la legittimità nella legalità, l’esistente nel normativo, l’ordinamento nella norma, la decisione sovrana nella coscienza dell’interprete, espungendo (i primi termini) dal diritto è la sintesi giuridica e politica di una concezione che ha perso i riferimenti (e la dipendenza) dalla concretezza e dalla storia. E così da quello che Maurice Hauriou chiamava le fond théologique, al quale la couche juridique è ancorata (e senza la quale diventa ondivaga).

D’altra parte i contributi del giurista di Plettemberg hanno il pregio d’interpretare non solo il tempo a lui contemporaneo, ma anche il futuro. Come si legge nell’introduzione “A quasi trent’anni di distanza, le analisi di Schmitt sono divenute ancora più pertinenti. Si prenda il problema della costituzione europea, che oggi è al centro del dibattito politico. Ciò che il «no» dei cittadini francesi e olandesi è venuto a ricordare è che una nuova costituzione non può essere insediata attraverso accordi «legali» fra governi, ma deve passare attraversi una fase costituente. Un nuovo potere costituito senza un potere costituente può essere legale, ma non legittimo. E nulla è più sconcertante dell’incoscienza con cui le democrazie occidentali, dopo essere scivolate tra le due guerre legalmente nel fascismo, pretendono oggi di trapassare altrettanto legalmente in prassi e forme di governo per le quali ci mancano i nomi e che non sono certo migliori di quello”. Schmitt ha buon gioco nel dimostrare che un potere costituente europeo implica “qualcosa come un patriottismo europeo”. Il quale a sua volta presuppone un sentire comune e un patrimonio che, in omaggio ad un legalismo burocratico il trattato naufragato, col rifiuto delle “radici giudaico-cristiane”, dimenticava e respingeva.

Non sorprende perciò quanto ancora si legge nell’introduzione del saggio Staat, bewegung, volk, tradotto da Cantimori con il titolo Principi politici del Nazionalsocialismo, indovinato perché Cantimori aveva ben capito che Schmitt intendeva ivi delineare i principi del nuovo ordine nazionalsocialista. Come scrive Agamben “Ma, per i lettori attenti di oggi, l’interesse è raddoppiato dalla scomoda, ma ineludibile consapevolezza che questo testo delinea, in realtà, i principi costituzionali delle società postdemocratiche del secolo ventesimo nel cui solco ancora oggi ci muoviamo. Se l’interpretazione che di questo testo proponiamo è corretta, allora esso conterrebbe il centro esoterico e per così dire l’arcanum della teoria schmittiana del diritto pubblico”. Tuttavia oltre che alla biopolitica e al criterio del politico/impolitico il collegamento con le costituzioni novecentesche, del c.d. Stato sociale (o pluriclasse), è, ad avviso di chi scrive, dato dalla continuità (dialettica) dello Stato totale come “autorganizzazione della società”. Stato totale quantitativo nella Repubblica di Weimar, che diviene (anche e soprattutto) qualitativo col Terzo Reich (v. Der Hüter des Verfassung, saggio di Schmitt, peraltro precedente l’ascesa di Hitler al potere).

La stessa capacità di comprensione dell’attualità emerge (tra gli altri) dal saggio sulla “Rivoluzione legale mondiale”, nel quale l’ormai anziano (1978) Schmitt applica all’eurocomunismo - che appartiene di pieno diritto alla fase senescente, ideologica e politica, del comunismo – le proprie considerazioni sull’uso politico della legalità e sul cambiamento legale della costituzione della rivoluzione, già enunciate negli anni ’20 sulla dottrina (e la prassi) leninista e sul costituzionalismo di Kelsen.

Valutando la tesi di Santiago Carillo che i metodi violenti della rivoluzione bolscevica sono “oggi antiquati e si troverebbero nel posto giusto e nel momento giusto solo laddove si trattasse di fare il salto da una società agrario-contadina a una moderna ed industriale. In quanto metodi di una rivoluzione comunista erano legittimi ma non legali. Oggi invece sono superati, perché adesso a essere in questione nelle società industrialmente sviluppate è la potenza statale. Quei metodi, pertanto, non possono più essere un modello appropriato di rivoluzione comunista e devono essere sostituiti da metodi pacifici, vale a dire statali-legali”. Lo Stato peraltro è “il portatore della legalità, la quale realizza quel miracolo che è una rivoluzione pacifica. La rivoluzione, dal canto suo, legittima lo Stato in cambio dell’atto di beneficenza con cui esso permette che abbia luogo una rivoluzione statale-legale. La rivoluzione legale diviene permanente e la rivoluzione statale permanente diviene legale”. Il che significa per gli eurocomunisti condividere la tesi kelseniana sull’abrogazione legale della Costituzione. Schmitt ricorda che proprio le ascese del fascismo in Italia e del nazismo in Francia avvennero osservando le procedure costituzionali, pure quelle dettate in omaggio alla “superlegalità” (concetto di Maurice Hauriou). Quindi, in sostanza nulla di nuovo. Solo che il tutto non elimina il problema della legittimità dell’ordinamento e del potere costituente, ambedue non riconducibili alla legalità.

Daumier_Avocats_avec_toques_m.jpgIn particolare il potere costituente ha generato una prassi per il cambiamento di costituzione: “ogni rivoluzionario di professione ha imparato a maneggiarle: si destituisce il governo legale esistente, si convoca un «governo provvisorio» e si indice un’assemblea nazionale costituente… attraverso rivoluzioni grandi e piccole, europee e non europee, è sorta nell’arco di due secoli una prassi legittimante nella legalizzazione del colpo di stato e delle rivoluzioni”. Tuttavia è “difficile immaginare il trasferimento di un potere costituente dalla nazione all’umanità…L’organizzazione attuale della pace mondiale non è utile solo all’unità, ma anche allo status quo dei suoi numerosi membri sovrani. Dovremmo forse prospettarci un’assemblea plenaria dell’ONU p almeno una seduta del Consiglio di sicurezza che si svolga similmente a quella della notte del 4 agosto 1789, in cui i privilegiati rinunciarono festosamente a tutti i loro privilegi feudali?”.

A cercare il “filo di Arianna” in questi saggi e contributi (uno di questi fili perché, data la ricchezza delle riflessioni di Schmitt, ve ne sono parecchi) pare a chi scrive di ricondurlo alla formula che “l’esistente prevale sul normativo”, la quale, pur nelle differenze, accomuna Schmitt non solo ai concetti ed alla dottrina dello jus publicum europeaeum, ma anche al pensiero di Hauriou e di Santi Romano. Al contrario della dottrina del diritto prevalente nel secondo dopoguerra, dove è il normativo che più che prevalere, non considera l’esistente.

Così i rapporti forza/diritto, legittimità/legalità, costituente/costituiti, comando/obbedienza sono più che risolti, occultati da un normativismo che ha la funzione della notte di Hegel: di rendere grigie tutte le vacche. E così di nascondere il potere sotto la couche di una legalità autoreferenziale. La quale è come il barone di Munchaüsen il quale evitava di cadere nella palude sostenendosi per il codino della parrucca. Prima o poi il tonfo è assicurato.
Teodoro Klitsche de la Grange

Jean-Yves Le Gallou à Nice

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