Tancrède Josseran, Directeur de l’Observatoire du monde turc et des relations euro-turques, chercheur en géopolitique et auteur de La nouvelle puissance turque - L'adieu à Mustapha Kemal répond aux questions de Scripto.
Tancrède Josseran l'affirme: aujourd'hui déjà et peut-être demain plus encore la Turquie sera une grande puissance avec laquelle il faudra compter.
Entretien réalisé par Maurice Gendre
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Quels sont les éléments qui ont favorisé une réislamisation de la Turquie ?
La fin de la Seconde guerre mondiale laisse la Turquie dans une situation difficile. Dés le Printemps 1945, Ankara doit faire face à des revendications soviétiques. Moscou exige une révision du régime des détroits et la restitution des vilayets orientaux de Kars et Ardahan. Vestige de l’Europe autoritaire des années trente, l’Etat kémaliste, en raison de sa prudente neutralité lors du conflit, est très isolé.
Accablés par la menace soviétique, les dirigeants turcs comprennent qu’ils sont condamnés à faire des concessions. Exigé par les Alliés lors de la Conférence de San Francisco, le passage du parti unique au multipartisme entérine une rupture avec le volontarisme républicain des origines. Une cassure qui marque une régression du mouvement de laïcisation du pays. Dés lors, suivant la logique de l’alternance, les forces politiques et religieuses que l’on croyait annihilées par vingt-cinq ans d’autoritarisme, ressurgissent comme si de rien n’était.
En 1950, le Parti Démocrate arrive au pouvoir. Ces dirigeants, Celal Bayard, Adnan Menderes, bien qu’issus du sérail républicain, savent parfaitement exploiter le sentiment d’exaspération de la population envers une élite bureaucratico-militaire engoncée dans ses privilèges et à la rhétorique abstraite. Critiquant l’absence de libertés et la place disproportionnée de l’Etat, les dirigeants démocrates bâtissent une synthèse où libéralisme politique, économique et religieux s’alimentent réciproquement. Cette formule demeure plus d’un demi-siècle une constante des partis de droite libéralo-conservateurs ou religieux en Turquie. Le multipartisme a fait de l’islam un enjeu électoral. Les partis conservateurs et islamistes ont su parler la même langue que le peuple, d’où leurs succès.
Par ailleurs, dans un contexte de guerre froide, l’islam sert de ciment à l’unité nationale. Ce processus est encouragé par l’ensemble de l’arc politique, désireux d’allumer des contre feux contre le péril rouge. Ainsi, très paradoxalement, c’est l’armée qui après le coup de force du 12 septembre 1980, réintègre l’islam dans le continuum de l’histoire nationale.
Selon, la synthèse islamo-nationaliste, la religion est l’essence de la culture et la culture est imprégnée par la religion. L’islam a transcendé la culture turque qui sans lui aurait dépéri ; et inversement, la civilisation turque a sauvegardé la foi du Prophète qui sans elle aurait disparu sous les coups de boutoir des croisés au XI siècle. A la différence de l’islam politique, l’islam promu par l’armée est un moyen, non une fin en soi. Il s’agit d’enraciner des valeurs nationales et conservatrices : la famille, l’armée, la mosquée pour barrer la route à la subversion gauchiste.
Cruel dilemme, les militaires prennent le risque d’asseoir le nouvel « Etat national » sur la base de forces religieuses qui immanquablement chercheront à un moment ou un autre à s’émanciper. L’Etat ayant pris comme référent identitaire la religion, il est en somme naturel que le parti le plus proche de ses aspirations apparaisse à un moment ou à un autre comme un recours et s’impose comme force prépondérante.
De plus, le fonctionnement même du système laïc turc est équivoque dans la mesure où il autorise une certaine forme de prosélytisme. Il s’agit d’une laïcité concordataire. Il n’existe pas stricto sensu de séparation entre l’Etat et la mosquée. Au contraire, la mosquée est encasernée par l’Etat à travers le Ministère des cultes, le Dinayet. Les desservants des cultes obéissent aux règles de la fonction publique. Seule l’Islam sunnite de rite hannafite est reconnu à l’exclusion des autres branches de l’islam turc comme l’alévisme (branche hétérodoxe du chiisme). Le sermon est prononcé au nom de la République. Dans la constitution (article 24) est inscrite l’obligation des cours de religion dans le cursus scolaire.
Mais la réislamisation ne peut se comprendre, si l’on fait abstraction des bouleversements de la société turque. A partir de 1950, la mécanisation de l’agriculture et le début de l’industrialisation provoquent un mouvement d’exode rural. Ces mouvements migratoires entraînent un changement radical du substrat de population mais aussi des implications politiques. Ils concourent à bouleverser le kémalisme institutionnel. Jusqu’à cette date, l’appareil d’Etat était encore largement dominé par les héritiers de la bureaucratie ottomane souvent originaire des Balkans.
Faute de réelle politique urbaine, les migrants squattent les terrains vagues disponibles. Ils y vivent en toute illégalité dans un habitat précaire ou gecekondu (maison construite la nuit). Dans les années 1980, 70% de la population d’Ankara vivait dans des bidonvilles. Cette proportion atteint 55% à Istanbul, Izmir, Adana. Le conflit qui éclate dans le Sud-Est de l’Anatolie en 1984 amplifie l’exode rural. En quête de normalisation et d’accès aux services, les habitants de ces quartiers deviennent un enjeu électoral déterminant pour les partis politiques religieux ou conservateurs.
A ce stade, les nouveaux arrivants se raccrochent à l’islam comme fil conducteur de leur vie de tous les jours. Pour celui qui se demande d’où il vient et qui il est, la religion apporte une consolation et une assurance sur les fins dernières. Les croyants forment de petites communautés sociales identiques à celles que l’exode rural a fait disparaître. La mosquée offre aux nouveaux arrivants un point de repère. Entre 1973 et 1999, le nombre de mosquée passe de 45 000 à 75 000. La religion donne à ces déclassés une identité propre et des certitudes dans un monde en proie aux distorsions sociales et économiques.
Quel événement ou quel phénomène provoqua le basculement décisif vers l’islam ?
En Turquie, les élites au pouvoir depuis 1923 sont le fruit d’un processus révolutionnaire et non le produit d’un consensus global. L’Etat kémaliste s’est construit au corps défendant de la société et celle-ci ne s’est jamais identifiée à ses élites perçues comme lointaines, impies, étrangères. La grande crainte des cercles laïcs et militaires a toujours été de voir la société s’émanciper de la tutelle étatique pour acquérir les moyens d’engendrer ses propres élites en dehors du cadre républicain.
A ses débuts, la République turque s’oriente résolument vers une économie dirigiste. Ce volontarisme se traduit par une politique autarcique de substitution des exportations. A la fin des années 70, ce modèle commence à montrer des signes d’essoufflement. Le pays est au bord de la banqueroute. L’Etat turc ne peut plus honorer ses créanciers. La livre perd la moitié de sa valeur. L’inflation explose et atteint les 120%.
Cette crise débouche en septembre 1980 sur le coup d’Etat militaire. En échange du rééchelonnement de la dette extérieure et d’un apport en argent frais, la junte au pouvoir s’engage à ouvrir les frontières, libéraliser les prix, geler les salaires, laisser flotter les taux d’intérêt. La victoire inattendue de Türgüt Özal en 1983 à l’occasion des premières élections libres, s’apparente à un vote sanction. Prisonnier du « politique d’abord », les militaires turcs ne comprennent pas tout de suite que le libéralisme économique dont se prévaut avec leur appui le nouveau Premier ministre, ne pourra un jour manquer de se manifester de manière politique. Proche de la confrérie des Nakshibendis et lié à la finance islamique, Özal regroupe avec l’appui discret des confréries autour du Parti de la mère patrie, l’essentiel de la droite turque. Ses différents mandats sont marqués par une ouverture sans précédent au marché mondial, à la concurrence et à son cortège de déréglementations.
Le développement d’un tissu dynamique de PMI-PME est le premier objectif de la politique d’Özal. Appelés communément les « Tigres anatoliens », ces nouveaux entrepreneurs jouent un rôle déterminant dans l’ouverture à la mondialisation de nombreuses villes d’Anatolie. Les relations étroites que ces entrepreneurs généralement liés à des groupes confrériques entretiennent avec les pétromonarchies du Golfe, permettent l’afflux de capitaux. Ces nouveaux acteurs rassemblent des entrepreneurs du BTP, des restaurateurs, des artisans commerçants.
Beaucoup de ces entreprises sont familiales et maintiennent d’autant plus activement des valeurs conservatrices et paternalistes. Cette petite bourgeoisie trouve dans l’éthique religieuse la confiance nécessaire pour affronter la concurrence des lourds conglomérats du patronat laïc. Les associations d’entrepreneurs musulmans à l’exemple du MÜSIAD, offrent à leurs membres un réseau efficace qui leur permet de peser de manière concertée sur les pouvoirs publics. L’émergence d’une bourgeoisie anatolienne a progressivement constitué un contrepoids à l’alliance traditionnelle entre l’Etat et le capitalisme classique d’Istanbul.
Loin de se laisser absorber par le maelström urbain, les migrants ayant réussi en ville ont maintenu de solides liens avec leurs villes ou leurs villages d’origine. Pris en charge par des foyers étudiants Nurcu ou Nakshibendis à l’occasion de leurs études universitaires, les nouveaux entrepreneurs ont intériorisé une très forte conscience religieuse très éloignée du seul conformisme social. Ces élites sont conscientes d’être musulmanes parce qu’elles choisissent délibérément de vivre, travailler, en accord avec leur conception profonde du monde.
Dans ce processus, les ordres soufis ont fonctionné comme des réseaux informels. La croissance économique des années 1980 transforme les classiques réseaux religieux en un instrument de mobilité sociale. En dehors des instances gouvernementales, c’est une véritable alter-société qui se met en place.
L’islam social contourne la laïcité et libère l’expression publique de convictions qui jusqu’alors restaient confinées dans la sphère du privé. Les fondations religieuses investissent les domaines profanes. Grâce à l’apport en capital de la bourgeoisie islamiste, des maisons d’édition sont crées, des journaux édités, des chaînes de TV et de radio voient le jour. Situé hors de la tutelle étatique, ces médias permettent l’éclosion d’une nouvelle génération d’intellectuels musulmans et l’émergence d’une véritable contre-culture de masse. De proche en proche, les modes de vie et de pensée se modifient et c’est toute la société qui au final se reconstruit sur des valeurs religieuses.
En 1996, le Parti de la Prospérité de Necemettin Erbakan arrive au pouvoir. La formation islamiste opte pour une stratégie de rupture globale avec l’ordre établi comme la levée de l’interdiction du port du voile. Dans le domaine de la politique étrangère, Erbakan très hostile à Bruxelles qu’il considère comme un club chrétien, tourne le dos à l’Union européenne avec l’idée de lui substituer un marché commun musulman dont la Turquie serait le point de ralliement. Rapidement, la situation se tend avec l’armée et les élites traditionnelles. Autant pour des raisons de pouvoir que d’idéologie, l’armée intervient le 28 février 1997 via le Conseil national de sécurité. Le Conseil accule Erbakan par une série de recommandations à la démission.
L’intermède gouvernemental du Refah va amener l’aile réformatrice du parti à repenser les termes et les moyens de l’action politique. Un constat s’impose, la rupture a échoué. Le parti islamiste dénué d’appui et condamné à la stratégie du seul contre tous s’est retrouvé totalement marginalisé aussi bien sur la scène nationale qu’internationale.
Parmi les jeunes rénovateurs, un homme se distingue, il s’agit de Recep Tayip Erdogan. Diplômé d’un lycée d’imams et économiste de formation, il est élu maire d’Istanbul en 1994. Plébiscité pour sa gestion d’Istanbul. Erdogan crée en 2001 le Parti de la Justice et du développement (Adalet Kalkinma partisi-AKP).
Rejetant l’opposition frontale, Erdogan opte pour une ligne réformiste d’apaisement, il élude du programme les aspects les plus polémiques. Refusant le qualificatif d’islamiste, il définit son mouvement comme fondé sur une approche « démocrate et conservatrice ». Le parti prône l’intégration à l’Union Européenne, l’économie de marché et la défense des valeurs traditionnelles, synonyme habile pour désigner l’islam.
La victoire de l’AKP en 2002 (34%) révèle le vote sanction d’une population turque exaspérée par les scandales politico-financiers à répétition d’une élite occidentalisée coupée du pays. Profitant de l’effondrement des partis de centre droit qui avaient fixé des années 1950 à 1990 l’électorat conservateur et musulman, c’est toute la droite turque qui se retrouve rassemblée sous la baguette de l’AKP.
Le recours à des intermédiaires choisis en dehors de la mouvance islamiste, patronat occidentalisé, intellectuels libéraux, Etats-Unis, Union Européenne, explique la réussite d’Erdogan.
Peut-on parler d’une politique néo-ottomane ?
Le grand architecte de la politique étrangère de la Turquie est Ahmet Davutoglu. Longtemps conseiller diplomatique d’Erdogan, il occupe depuis 2009 le poste de ministre des Affaires étrangères. Davutoglu défend une approche civilisationnelle des relations internationales. La Turquie appartient hiérarchiquement à trois ensembles distincts :
-Le monde musulman au sud.
-L’Eurasie à l’Est
-L’Occident à l’Ouest.
Le retard pris à tous points de vue par le monde musulman est une préoccupation récurrente de ses écrits. La Turquie est l’éclaireur du monde islamique sur les routes de la mondialisation. Davutoglu ne rejette pas l’orientation vers l’Occident mais les autres options ne doivent pas être sacrifiées à son seul bénéfice. De Sarajevo à Bagdad en passant par Istanbul et Grozny, une même communion d’âme existe : l’Islam et le souvenir de l’Empire ottoman. A la tête du monde islamique écrit Davutoglu dans son ouvrage majeur, Stratejik derinlik (Profondeur stratégique) :
« Le califat représente l’union politique et spirituelle…où les limites intérieures entre les communautés n’existent pas et où les communautés musulmanes au-delà des frontières sont sous la responsabilité de l’Etat ottoman ».
Une lobotomie culturelle a fait perdre à la Turquie son identité profonde. Un retour dans la trajectoire du monde islamique s’impose. Emprisonnée derrière les barreaux étroits de
l’Etat-nation, Ankara est condamnée à renouer avec son environnement culturel et historique. Seulement à cette condition expresse elle sera capable de tirer le meilleur parti de la mondialisation.
Pour Davututoglu : « La guerre froide avec son statisme obligatoire formait un obstacle au développement de la profondeur géographique et historique. Avec sa fin, les facteurs géopolitiques, économiques, culturelles sont revenus sur le devant de la scène et influencent les relations internationales. L’exemple des Balkans démontre que la guerre froide n’a caché qu’un cour moment le chaos inhérent à la région ».
Ce néo-ottomanisme entre en collision avec les conceptions traditionnelles de la République : « Paix dans le monde, paix dans le pays ». Se contenter du statu quo d’une politique isolationniste serait dans l’esprit du Ministre assigner la Turquie à un rôle périphérique, la rendant otage des luttes entre puissance terrestre et maritime. La Turquie est la future puissance centrale, nouvel empire du milieu aux convergences des routes Nord-Sud.
Avec quels autres pays la Turquie entretient-elle les meilleurs rapports ? Et les plus mauvais ?
Opposé à la guerre en Irak, Davutoglu milite en faveur d’une politique étrangère garante des intérêts nationaux. Il ne s’agit plus uniquement de servir de relais à la politique de Washington et de l’OTAN dans la région :
- La Turquie en raison de son emplacement est apte à jouer un rôle de médiateur. En assumant, son passé ottoman et sa stature de grande puissance islamique, Ankara veut créer un environnement propice à une redéfinition des rapports de force au Moyen-Orient.
- En se présentant comme la sentinelle des routes énergétiques dans la région (Mer Noire, Caucase, Bosphore, Mer Egée) Ankara ambitionne de devenir un collecteur énergétique. Point de passage obligé des pipelines et gazoducs (Blue stream, Nabucco, BTC) reliant les bassins producteurs d’Asie Centrale, de la Caspienne et les bassins consommateurs de l’ouest.
- En dernier lieu, la Turquie estime qu’elle est en raison de sa capacité à concilier foi, démocratie et économie de marché, la mieux à même de proposer un modèle pour les Etats de la région. Ce projet d’islam modéré est sous tendu par le constat que face à des systèmes de gouvernement autoritaire discrédités et d’élites laïques en perte de vitesse (Egypte, Tunisie, Algérie), une démocratie musulmane aux solides assises sociales est l’antidote idéal contre le terrorisme djihadiste.
Hâtivement taxée d’antiaméricaine par certains observateurs, les orientations stratégiques de Davutoglu sont moins manichéennes. Le fait que la Turquie puisse s’affranchir ponctuellement de la tutelle américaine n’est pas forcément nuisible. La Turquie est ainsi plus écoutée ; elle devient à la fois une porte ouverte sur l’ouest et un exemple à suivre. En somme, les Etats-Unis devraient encourager la société turque dans ses mutations et, sans interférer, laisser Ankara par le dialogue attirer l’ensemble des pays de la région dans son sillage. Le récent rapprochement turco-syrien peut amener Damas à ouvrir des pourparlers de paix avec Israël mais aussi le régime baasiste à évoluer de l’intérieur.
Cependant, cette politique multidirectionnelle à des revers. La volonté d’être présent partout comme le prouve l’ouverture de nombreuses représentations dans les pays d’Afrique noire entraîne une dispersion des moyens. D’autre part, Davutoglu est perçu par nombre d’observateurs comme un hyperactif, faisant des déclarations à l’emporte pièce d’un pays à l’autre dans le seul but de satisfaire l’interlocuteur du moment.
Deux pays illustrent parfaitement la nouvelle donne diplomatique turque : Israël et l’Iran.
- Depuis le début des années 2000, une dégradation sensible des relations entre Tel-Aviv et Ankara et perceptible. Ce relâchement s’explique par la volonté turque d’apparaître comme une puissance islamique crédible aux yeux de la rue arabe. D’autant que depuis 2004, la Turquie préside l’Organisation de la Conférence Islamique. En raison de son rapprochement avec la Syrie, Israël a perdu de son importance stratégique pour Ankara. Jusqu’alors, elle faisait office d’alliance de revers contre Damas. Néanmoins, l’AKP a conscience des lignes rouges à ne pas dépasser. Le fait d’entretenir des relations « civilisées » avec Israël est un formidable passeport de respectabilité pour des islamistes qui ne se privent pas de le rappeler continuellement aux Occidentaux. Dépourvu de lobby puissant aux Etats-Unis au contraire des Grecs et des Arméniens, les Turcs sont obligés de recourir aux groupes de pressions pro-israélien au Congrès pour contrecarrer les résolutions visant à reconnaître le génocide arménien. L’unicité de la Shoah est souvent mise en avant pour justifier ces positions.
- Inversement, les rapports entre la Turquie et l’Iran se sont considérablement améliorés. Malgré les vives réserves émises par les Etats-Unis, les deux pays oeuvrent depuis 2007 à la constitution d’un partenariat énergétique. Un oléoduc reliant les réserves de gaz et d’hydrocarbures de la Caspienne est en passe de matérialiser ce projet. Face au jeu trouble de Washington qui instrumentalise les factions kurdes, Ankara et Téhéran développent une intense coopération dans la lutte contre le terrorisme. Cette politique a trouvé son aboutissement dans l’accord tripartite Iran /Brésil/ Turquie en juin 2010 au sujet du nucléaire. Toutefois, la propension de Davutoglu à ménager systématiquement Téhéran en refusant le vote de nouvelles sanctions aux Nations-Unies, soulève des interrogations jusque dans les couloirs du ministère des affaires étrangères à Ankara. Traditionnellement issus des élites occidentalisées, le corps diplomatique turc estime être instrumentalisé par Téhéran dans l’espoir de gagner du temps. En outre, l’acquisition de capacité nucléaire civile, puis militaire obligerait Ankara à moyen ou long terme à marcher sur les brisées des Iraniens.
Quelles sont les principales lignes de fractures idéologiques, ethniques, confessionnelles qui traversent le pays ?
La chape uniformisatrice et égalisatrice de la République turque dissimule quelques 47 groupes minoritaires aux dénominateurs identitaires très variés (ethniques, religieux, linguistiques). Pourtant, les seules minorités que l’Etat turc reconnaisse officiellement sont celles inscrites dans le traité de Lausanne de 1923 (grecque, juive, arménienne). Si l’on reprend la définition retenue par les Nations Unies et admise par l’UE, la Turquie compterait entre quinze à vingt millions de Kurdes, douze à vingt millions d’Alévis (chiites duodécimains), plusieurs millions de Turcs originaires de l’ancien espace ottoman (Tcherkesses, Bosniaques, Bulgares, Albanais, Abkhazes, Arabes, Circassiens), quelques centaines de milliers de minoritaires chrétiens (Arméniens, Grecs orthodoxes, Assyro-chaldéens, protestants). Ce qui inquiète l’establishment militaro-laïc dans ce genre de recension, c’est qu’en définitive, les minoritaires rassembleraient entre 32 et 45 millions d’individus sur les 74 millions d’habitants du pays. Dans cette situation, les Turcs sunnites, c’est-à-dire le reste de la population, se retrouveraient dans une situation précaire à l’image des Serbes de Yougoslavie ou des Arabes sunnites d’Irak.
Outre les clivages ethniques et religieux, il existe des clivages sociaux-culturelles. La Turquie est un pays Janus. A l’instar du dieu romain, elle regarde dans deux directions opposées. Ce dualisme se répercute dans la population. Jusqu’à une époque récente les strates supérieures de la société étaient dominées par les Turcs blancs. Ils reflètent l’homme nouveau appelé par Kemal : laïque, progressiste. Les Turcs noirs en revanche sont à l’image du pays réel, plus pauvres, plus croyants, plus conservateurs, plus nombreux.
Tant que les Turcs noirs restaient confinés au bas de la hiérarchie sociale, le pouvoir des élites occidentalisées n’était pas véritablement menacé. Tout à changé lorsque l’Etat, en retirant son emprise de la sphère économique, a libéré les énergies et a permis à ceux qui se trouvaient au bas de l’échelle sociale d’escalader un à un les barreaux. Sans difficulté, les Turcs noirs plébiscitent cette nouvelle élite qui leur ressemble. Leurs aptitudes à assimiler les règles de la mondialisation et à transformer l’argent en puissance politique et la puissance politique en argent, terrifient les vieilles élites kémalistes. Dépossédés de leur emprise économique, les Turcs blancs voient le parapluie étatique s’étioler sous les coups de boutoir conjuguer de la mondialisation et du processus d’adhésion à l’Union Européenne.
Les dirigeants de l’AKP conçoivent ce combat autant sous le prisme d’une lutte de classe que celui d’une guerre culturelle. La classe moyenne montante, tout en s’élevant, ne renonce pas à ses anciennes valeurs ; elle se contente juste de les redéfinir à l’aune de la modernité technique. L’AKP ne vise pas à l’élimination de ses adversaires mais à l’amener à se transformer de l’intérieur, à adopter une nouvelle conception de l’organisation sociale et politique. La conquête éthique des strates supérieures de la société est la meilleure manière d’enraciner durablement une assise. L’hégémonie culturelle est censée amener au final un changement global de régime.
Pouvez-vous nous éclairer sur les réseaux Ergenekon ? Qui sont les hommes qui se cachent derrière cette appellation ? Y avait-il un ou plusieurs Etats derrière eux ?
Au sud de la forêt sibérienne, les monts désolés de l’Altaï abritent le berceau originel des premiers turcs. Ces espaces désertiques occupent une place à part dans l’imaginaire national. Ils sont indissociables de la légende de l’Ergenekon. Une louve au pelage gris-bleu aurait recueilli et nourri deux enfants, les derniers survivants d’une tribu turque disparue. Le symbole a été par la suite repris par la droite radicale et l’Etat turc lui-même. Il figure sur les armes de la « République turque de Chypre ». Depuis le milieu des années 1990, le terme d’Ergenekon est associé à l’Etat profond (Derin Devlet).
L’Etat profond renvoie à l’existence d’un groupe formé de hauts fonctionnaires, de militaires, de membres des différents services de sécurité, agissant en marge du gouvernement pour œuvrer à la protection des intérêts nationaux, y compris par des moyens illégaux. L’organisation d’armées occultes remonte à l’époque ottomane. Mustapha Kemal utilise ces réseaux au cours de la guerre d’indépendance. En 1950, ces groupes sont organisés sous l’appellation d’Unité de guerre spéciale (Özel Harp Dairesi). Mission leur est confiée, dans l’hypothèse d’une invasion soviétique, d’organiser la résistance derrière les lignes ennemies. Après l’effondrement de l’URSS, l’activité de ces réseaux se déplace vers le Sud-Est du pays. Ils assurent l’élimination des membres du PKK et la collecte des renseignements. Le recrutement inclut d’anciens repentis du PKK, les Itirafci, et des militants de la droite radicale, proches des Loups Gris. Pourtant, les activités des différentes cellules n’ont jamais été contrôlées de manière centralisée. Les autorités laissent faire sans intervenir. A la fin des années 1990, les succès contre le PKK mettent en sommeil une partie des réseaux de contre-guérilla. D’autres basculent vers le banditisme. Si quelques-uns uns sont restés en relation avec les membres de l’appareil de sécurité et de l’Etat-major, il s’agit avant tout de contacts personnels très cloisonnés.
En réalité, c’est à l’occasion de l’arrivée au pouvoir de Necmettin Erbakan et surtout d’Erdogan que ces réseaux vont connaître une mue. L’anticommunisme avait vu l’arrivée d’un grand nombre de recrues séduites par la synthèse islamo-nationaliste. Avec la dénonciation du danger islamiste par l’armée, cette frange religieuse se trouve en porte à faux avec les nouveaux mots d’ordre de lutte. Il a donc fallu recentrer le vivier de recrutement en dehors des seuls rangs de la droite radicale.
Conséquence des milieux laïques « respectables », universitaires, journalistiques sont jetés dans la fournaise de la lutte clandestine sans réelle préparation. Autre problème, le Parti d’Action Nationaliste (MHP-Milli Hareket Partisi) en quête de respectabilité renâcle à fournir les cadres nécessaires aux opérations comme elle faisait précédemment avec sa branche jeune (les Loups gris).
Dés lors, les recruteurs sont obligés de se rabattre sur la mouvance nationaliste autonome, moins formée et sans bases arrière véritables. Trop sûrs d’eux, ces réseaux ont eu la certitude que le fait d’agir pour le bien de la patrie, même à son corps défendant, leur vaudrait l’impunité. Or, à la différence des décennies précédentes, il ne s’agit plus de lutter contre un ennemi subversif en marge de l’Etat, mais contre le gouvernement légitime sorti des urnes. En outre, à la différence de la guerre froide, ces réseaux ne bénéficient plus d’appui à l’étranger. Certes la presse islamiste a pointé du doigt les relations de certains des conjurés avec les cercles eurasistes russes (Alexandre Douguine) ou la mouvance néo-conservatrice américaine la plus radicale (Zeyno Baran). Mais d’un côté comme de l’autre, il s’agit d’échanges de vues non de la mise en place d’un plan concerté. D’autant que la police fer de lance dans la lutte contre l’Ergenekon est massivement infiltrée par la confrérie de Fethullah Gülen dont les liens avec la CIA sont avérés.
Mais ces unités de contre-guérilla ne sont pas l’Etat profond en lui-même, tout au plus ses exécutants ponctuels. Dans son extension large, l’Etat profond désigne l’armée. Cette idée est avancée par l’ancien Premier ministre Süleyman Demirel : « L’Etat profond, c’est l’Etat lui-même. L’Etat profond, c’est l’armée. La République est une émanation de l’armée qui a toujours craint l’effondrement de celle-ci. Le pays a besoin de l’Etat profond, sans lui il est désorienté, il y est soudé ».
La crainte majeure de l’Etat profond est de voir passer l’Etat civil sous l’emprise d’organisations partisanes étrangères à son corpus de valeurs. C’est aujourd’hui le cas avec l’AKP. L’armée souhaite conserver le monopole du politique par l’Etat. Défendre l’Etat, c’est bloquer l’accès des corps intermédiaires (partis, confréries religieuses) à la formation de la volonté politique.
Le rôle de l’armée est-il vraiment réduit à une peau de chagrin désormais ou n’est-ce qu’une simple illusion ?
La République est indissociablement liée à l’institution militaire. En 1923, l’armée pose les fondements de l’Etat, et l’Etat engendre la nation. Au XIX e siècle après le massacre des Janissaires, l’armée est l’une des rares institutions où l’élément turc domine sans partage. Les élites militaires se sentent naturellement investies de l’identité nationale. L’homogénéité contre l’hétérogénéité, tel est l’enjeu du processus de construction nationale initié par les militaires. Laïcité et intégrité du territoire sont les deux piliers. Sans laïcité, pas de lien national possible, mais sans unité, pas de cohésion politique, et par conséquent pas de laïcité. L’armée est politique puisqu’elle est l’Etat. Contre les antagonismes religieux, ethniques, religieux, sociaux, l’armée assure la sauvegarde de l’Etat et sa continuité à travers le temps.
Avec l’adhésion à l’Union Européenne, cette magistrature politique est directement remise en question. Le dépassement du stade national implique la neutralisation de son gardien : l’armée. Le Conseil de sécurité national est redéfini comme un organe consultatif. Ces recommandations n’ont plus de valeurs impératives. Sa présidence est confiée à un civil et son secrétariat ouvert aux non militaires. L’ordre du jour des sujets abordés n’est plus fixé arbitrairement. La présence de membre du Conseil dans les instances de contrôle des universités (YÖK) et de l’information (RTÜK) est éliminée. En matière de justice, l’armée perd ses privilèges. Les tribunaux civils sont habilités à juger les militaires en temps de paix.
L’AKP a parfaitement intégré l’avantage qu’il pouvait tirer du processus d’adhésion et entend bien utiliser « les standards de l’Union Européenne » comme levier d’Archimède. L’armée forme la quadrature du cercle du système républicain. Abaisser l’institution militaire, c’est casser l’Etat autoritaire, libérer l’expression religieuse, briser le rigide corset jacobin, exploser les dernières traverses sur la route de Bruxelles. Erdogan a compris que la laïcité autoritaire est soluble dans l’Europe. Les islamistes et l’UE se rejoignent pour renvoyer l’armée dans ses casernes.
Il existe un très fort malaise dans les forces armées turques. La découverte des projets de complots comme l’opération Balyoz (marteau) qui projetait après une série de provocations (attentats dans les grandes mosquées d’Istanbul, incident aérien avec la Grèce) de renverser l’AKP, a considérablement écorné l’image de l’institution militaire. Les dénégations maladroites et démagogiques de l’Etat-major n’ont pas arrangé les choses. Elles ont au contraire renforcé l’irritation des cadres subalternes qui estiment que l’échelon supérieur a failli à la tache et est incapable de préserver le pays d’un changement de régime.
Les réseaux sociaux de l’armée se font régulièrement l’écho de cette mauvaise humeur. A la pointe de la contestation contre l’AKP se trouve la gendarmerie. En lutte avec la police infiltrée depuis des années par les islamistes, elle voit ses prérogatives rognées les unes après les autres. Longtemps omniprésente dans les campagnes, la figure du gendarme turc est indissociable de la République. Véritable armée intérieure, elle a été pendant des années en première ligne de la révolution kémaliste. Dans les années 20, elle n’hésitait pas à passer par les armes les récalcitrants à l’interdiction du port du fez. Par la suite, elle a été en première ligne dans la lutte contre le séparatisme kurde et la collecte de renseignements sur la réaction religieuse. Il n’est donc nullement fortuit de constater l’implication du service de renseignement de la gendarmerie, le JITEM, dans le dossier Ergenekon.
A contrario, d’autres armes apparaissent plus perméable aux changements. L’armée de l’air serait en proie à l’entrisme des confréries religieuses. Par ailleurs, le fait que régulièrement des plans d’opération ou des rapports d’Etat-major sortent dans la presse, indique que l’institution est contaminée. Les regards se tournent avec insistance en direction de la confrérie de Fethullah Gülen qui s’est faite remarquée dans le passé par des campagnes de prosélytisme dans les lycées militaires.
Les militaires ont conscience de la popularité de l’AKP, véritable incarnation du pays réel. Cependant, l’armée n’a pas renoncé à intervenir dans le champ politique. Elle attend le moment propice pour apparaître comme un recours face au désordre. La stratégie de la crise permanente orchestrée par l’AKP, a pour conséquence, de dresser les institutions les unes contre les autres (police contre armée, gouvernement contre haute-magistrature, gouvernement contre médias indépendants). Aussi, à l’occasion d’un faux pas des islamistes pris de démesure, elle pourrait se présenter comme la garante de la paix civile et de la séparation des pouvoirs. Cela ne prendrait pas la forme d’un pronunciamiento classique avec parades des chars dans les rues d’Ankara, mais plutôt celle d’un communiqué symbolique en soutient à l’opposition laïque comme en 2007 au moment de l’élection présidentielle. Cependant, cette technique a prouvé à cette occasion ses limites. Sûr de l’appui des Américains et des Européens, plébiscité triomphalement par les urnes, l’AKP avait passé outre l’ultimatum.
Un retour au kémalisme est-il encore jouable ? Si oui, comment et pourquoi ?
Le sociologue italien Vilfredo Pareto remarque que les mêmes idéaux qui sont une force pour l’élite montante, deviennent pour l’élite en place une source de faiblesse quand elle les accepte par mauvaise conscience ou sentimentalisme. Le soutient d’une fraction du patronat laïc et des intellectuels libéraux au processus de démantèlement de l’Etat autoritaire au nom de la démocratisation et de l’intégration à la mondialisation libérale, est symptomatique de cet état d’esprit. L’élite au pouvoir se laisse aller à une forme d’autodénigrement qui finit par saper sa légitimité. Or, si certaines franges de l’establishment laïc ont abandonné le combat, d’autres, à l’image de l’appareil bureaucratique et militaire, s’accrochent avec l’énergie du désespoir à leur rente.
Le problème est que le paradigme kémaliste des anciennes élites est entré en phase terminale. Trop souvent la rhétorique laïque a servi à justifier la domination des Turcs blancs, le pays légal, sur le pays réel, les Turcs noirs. De plus, avec la mondialisation, le processus d’intégration à l’Union Européenne, le projet anglo-saxon d’islam modéré, c’est l’idée même d’Etat-nation, et donc sa religion civique, la laïcité qui est battue en brèche.
Conscients de ces évolutions, les intellectuels kémalistes essayent de réactiver la matrice nationaliste révolutionnaire composante essentielle du kémalisme originel. Cette réhabilitation du concept de nation, passe par de nouvelles convergences. On assiste depuis plusieurs années à travers le mouvement souverainiste (ulusaci) à un rapprochement entre la droite radicale et la gauche kémaliste. Les tenants de cette synthèse (Suat Ilhan, Dogru Perincek, Ümit Özdag, Vural Savas) conjuguent le rejet de l’impérialisme occidental avec celui de l’affirmation d’une identité nationale et étatique forte. Hostiles au processus d’adhésion à l’UE, favorables à la constitution d’un axe continental eurasiatique avec Moscou, rejetant le libéralisme transnational, ce courant fait également appel aux grands canons du kémalisme traditionnel : refus des alliances militaires inégales et donc sortie de l’OTAN, insistance sur l’idée d’une voie particulière au monde turc.
Alternative à l’Union Européenne, l’Eurasisme, rencontre une large audience dans les rangs de l’armée. Mais elle se heurte aux réalités. Tout d’abord, l’armée turque peut difficilement se passer du soutient logistique de Washington. De plus, les deux tiers des échanges commerciaux sont réalisés avec l’Europe. Cependant, le fait que les cercles eurasistes soient directement impliqués dans le dossier Ergenekon laisse transparaître que la lutte entre l’AKP et l’armée masque deux orientations géopolitiques antagonistes.
Comment l’Europe doit-elle se positionner par rapport à cette « nouvelle » Turquie ? Quelle est la meilleure conduite à tenir ?
L’adhésion sincère de l’AKP aux principes de Copenhague ne peut masquer le fait que le processus de démocratisation soit d’abord utilisé à des fins internes. En dehors de la rhétorique convenue sur les Droits de l’homme, le discours européen de l’AKP manque de consistance. Le principal argument utilisé est que « les civilisations ont tout à gagner à échanger entre elles ».
En réalité, le discours de l’AKP essentialise la notion de civilisation. L’Europe n’est pas un club chrétien mais un carrefour, une mosaïque de civilisations bien distinctes. C’est la conclusion à laquelle est arrivée une note de synthèse du Milli Görus (matrice idéologique de tous les partis islamistes turques) : « Lorsque la Turquie sera membre à part entière de l’Union Européenne, l’Europe sera un mélange de beaucoup de cultures et de religions ».
En dehors de l’attachement aux valeurs universelles du droit et de la démocratie libérale, l’Union Européenne n’a pas à affirmer d’identité propre. Cette neutralité culturelle est la condition préalable pour permettre à chacun d’affirmer pleinement son identité. Les Turcs sans complexe jouent la carte de la civilisation, de son côté l’Union européenne continue à vivre dans l’amnésie de sa tradition. Un contraste à méditer !
Comment jugez-vous les dirigeants de l’AKP ? A commencer par Erdogan.
L’une des raisons clefs du succès de l’AKP réside dans la personnalité charismatique de ses leaders. Croyant, d’extraction modeste, en retrait du système kémaliste, l’électorat populaire peut sans peine s’identifier à Tayip Erdogan et Abdulhah Gül. Ils correspondent à deux idéaux types profondément ancrés dans l’imaginaire collectif : Gül le Magdur, Erdogan le Kabadayi. Gül devient Magdur (celui qui a subi une injustice) à l’occasion des élections présidentielles de 2007, suite au veto initial mis à sa candidature par l’armée. Un Kabayi est « un coq de village ». Autoritaire, paternaliste, il construit sa réputation sur un sens de l’honneur affirmé. Il est le protecteur des faibles contre les puissants qui en échange lui doivent allégeance.
Erdogan est né en 1954 à Rize au bord de la Mer Noire. Alors qu’il est âgé de treize ans, sa famille déménage à Istanbul dans le quartier populaire de Kasimpasa. Un quartier bigarré où s’entassent migrants des campagnes anatoliennes, gitans et caïds de la pègre locale. Erdogan est le cadet d’une fratrie de cinq enfants. Dés l’âge de seize ans, il conjugue son engagement politique au sein de la branche jeune du Parti du salut national avec sa passion pour le football. A partir du collège, il suit une scolarité dans un établissement religieux. A l’origine, les écoles imam hatip, coiffées par le ministère de l’Education ont pour mission la formation du futur desservant du culte. Mais en 1973, elles sont autorisées à préparer leurs élèves à l’enseignement supérieur. Les élèves sont socialisés dans une atmosphère où prime avant tout l’adhésion aux normes islamiques. A l’exception de ces aspects techniques, le processus d’occidentalisation y est sévèrement critiqué. Encore aujourd’hui, Erdogan ne manque jamais une occasion de rappeler ce qu’il doit à son éducation.
Une fois diplômé, Erdogan commence à travailler pour l’organisme public de transport public de la municipalité d’Istanbul, emploi qu’il abandonne rapidement pour le secteur privé à la suite d’un incident avec l’un de ses supérieurs qui lui reprochait sa barbe. Il travaille pour la grande firme de l’agroalimentaire, Ülker, proche de la mouvance islamiste. En 1984, le Parti de la prospérité a pris la suite du Parti du salut national interdit par les militaires. Erdogan devient responsable pour le quartier de Beyoglu (l’un des plus occidentalisés de la ville).
Il se fait remarquer dès cette époque pour sa plasticité. Il utilise des jeunes filles non voilées pour faire du porte à porte chez les particuliers. Cette stratégie élastique s’avère payante puisqu’il est élu en 1994 comme maire d’Istanbul.
A la tête d’un ensemble de plusieurs millions d’habitants, Erdogan fait preuve de qualités de gestionnaire reconnues, y compris par ses adversaires politiques. A cet échelon, la politique est une question de solutions pratiques. Il faut d’abord répondre aux besoins élémentaires de la population en matière de services. Cette méthode sera transposée au niveau national avec succès à partir de 2002. Symbole fort, il réhabilite le passé ottoman de l’ancienne capitale impériale et fait du jour de la chute de Constantinople (Fetih-29 mai 1453) un événement culturel majeur.
La vision de l’islam d’Erdogan est triple : la religion est un ciment identitaire, le vecteur d’un réseau social, un capital spirituel dont les exigences peuvent être réinvesties en politique.
En 1998, Erdogan est condamné à une peine de prison ferme pour incitation à la haine parce qu’il a déclamé en public un an auparavant à Sirt, dans le Sud-Est anatolien, un poème de Ziya Gökalp (père du nationalisme turc) : « Les minarets sont nos baïonnettes, les mosquées nos casernes ». Dans ce discours controversé, Erdogan se démarquait des nationalismes ethniques et vantait l’islam comme lien commun aux Kurdes et aux Turcs. L’identité nationale dans l’esprit d’Erdogan, c’est l’islam.
Cette césure avec la conception traditionnelle de l’Etat-nation marque la ligne de partage des eaux avec les nationaux-républicains du CHP et les nationaux-radicaux du MHP. Elle explique en grande partie l’approche plus souple de l’AKP sur le dossier kurde et chypriote. La détention d’Erdogan a fait de lui aux yeux de la frange conservatrice de l’opinion une victime de l’arbitraire d’un système. Beaucoup de Turcs vivant en marge de la légalité (construction illégale, économie informelle, croyance, style de vie) s’identifient sans peine à cet homme comme eux en rupture de ban.
Comment voyez-vous évoluer la situation turque dans les dix ans ?
Il est très périlleux de faire des prévisions précises mais depuis trois décennies des tendances lourdes sont perceptibles. A partir des années 1980, la mondialisation associée à la libéralisation de l’économie, l’adhésion à l’Union Européenne, ouvrent la Turquie. Les échelles sont progressivement brouillées. Le cadre national se retrouve compressé entre le local et le global.
A la différence de l’élite laïque aux rigides conceptions jacobines, les élites islamistes se sont coulées dans la nouvelle donne. Une classe entrepreneuriale est née. La Turquie expérimente un double et simultané processus d’intégration et de polarisation. Alors que le fossé entre ville et campagne, masses conservatrices et Etat, s’est réduit, les secteurs les plus laïcs sont expulsés des couloirs des instances dirigeantes. Entre 1999 et 2006, le segment de la population se définissant d’abord comme musulman est passé de 36 à 45%. Bousculant le triptyque Etat-laïc, Etat-unitaire, Etat-nation, les valeurs traditionnelles alliées à l’économie de marché ont remporté la bataille culturelle. Cette éthique entrepreneuriale (tüccar siyaseti) se propage. L’individu s’enrichit et en fait bénéficier la communauté. Loin des foudres de l’Etat kémaliste, les groupes confrériques nakshibendis ou nurcu ont su investir, les réseaux de l’information ou de l’éducation. La société civile prend le relais de l’Etat providence et le retrait de l’Etat devient synonyme de renouveau spirituel. Ces changements vont de pair avec une approche moins pessimiste de l’existence ; la richesse engendrée par la libération des énergies ruisselle sur la société et prévient la tentation nihiliste.
Avec le soutien d’Européens candides et d’Américains manipulateurs (même si des nuances existent entre les diplomates favorables à l’AKP et le Pentagone plus sceptique), la Turquie est en train d’opérer une véritable révolution conservatrice et de basculer. Synonyme d’archaïsme social, d’obscurantisme religieux, l’islam était le miroir négatif de l’identité turque. Aujourd’hui, l’AKP veut en faire le ciment du futur pacte social. Les premiers cercles du pouvoir sont solidement tenus en main par des islamistes formés dans le moule du Milli Görus. Les organes de sécurité : police, services de renseignements sont tombés dans l’escarcelle des confréries. Le parcours du nouveau directeur du MIT ( Milli Istihbarat Teskilati-service national de renseignement) est à cet égard éloquent. Un deuxième cercle constitué de ralliés et de décideurs économiques soutient le noyau dur par opportunisme et intérêt bien compris.
La démocratie est le dernier pilier de cette Turquie nouvelle. Elle légitime l’expression des aspirations profondes du pays réel, jusqu’alors brimé par le pays légal. La démocratie passe avant la satisfaction des besoins de l’Etat, par conséquent elle prend le pas sur la laïcité.
Propos recueillis par Maurice Gendre
Man’s Devolution Across Cycles:
Radical Traditionalism on Anthropogenesis
Michael Bell
Ex: http://www.counter-currents.com/
The other theory is “Divergent Evolution,” which posits that the various races of mankind were spawned out of continuous admixtures between the different proto-humans (Homo-erectus, Cro-Magnon, Neanderthal, etc.) many millennia ago. The countless hybrid amalgams then underwent localized evolution like the single ancestor of the “Out of Africa” process.
While these hypotheses are considered to be at loggerheads, they are united by one key concept: the idea of progress. While each gives a different origin to mankind, both proceed from the assumption that as time goes on, mankind has become better. Although evolutionary theory does not imply that superior adaptations are also superior in terms of intelligence or beauty, this notion is particularly hard to shake with regard to human evolution.
Radical Traditionalism rejects the modernist assumption of progressive human evolution, regarding it as the exact opposite of how the universe functions. For Traditionalism, all things begin at their zenith and gradually degenerate, through a series of stages, into mere shadows of their former glory, a pattern no less true of human beings. The purpose of this essay is to explain how this rule has applied to mankind, who has not risen to mastery of the world from the lowly origins of some apelike ancestor, but rather has fallen from godhood into his current, all-too-human condition.
To do so, it will first be necessary to describe the Radical Traditionalist understanding of history. Like all tenets of Traditionalism, this conception of history is held to be a revealed truth passed down through a chain of initiation. What recommends the Traditionalist outlook to the non-initiate is its coherence and explanatory power. In the following essay, I show that Traditionalism explains archaeological and historical records and harmonizes with ancient myths as well. The modern empiricist will likely disregard such myths as the fancies of primitive imaginations, but that begs the question, for it is just another version of the progress thesis that Traditionalism rejects.
Cyclical History
Radical Traditionalism shares the same view of human history as our ancient forerunners from nearly every corner of the globe. As opposed to the linear model of history—whether ruled by an overriding purpose of by mere chance—the ancients accepted a cyclical model. This is evident in the texts of virtually every civilized race. The Hindus traced man’s descent across four ages or yugas, from the age of Truth (Satya Yuga) to the Dark Age (Kali Yuga), with the series comprising a single Great Age (Mahayuga). The Hellenic Hesiod, in his Works and Days, described the procession from a Golden Age to Silver, Bronze, and Iron Ages, which corresponds to the Persian rendition of the cycles. The Old Testament reveals that the Semitic peoples also shared this cyclical understanding. In a dream experienced by the Chaldean king Nebuchadnezzar, there stood a statue with a head made of gold, a chest and arms of silver, thighs of bronze, and legs and feet made of iron and clay, all of which eventually crumbled upon being struck by a stone.[1] The list can go on, with discussions of peoples from the Aztecs to the Japanese, but the examples provided are sufficient to reveal the universality of this cyclical concept.
The ancients also agreed that with each successive age, man becomes more and more distant from a primordial state of perfection. In the Golden Age, man lived in harmony with divine beings and according to absolute, transcendent principles that brought happiness, wholeness, and near immortality to individuals while it brought order and prosperity to collective life. With the ushering in of the Silver Age came a fall from this state of grace and the establishment of an imperfect existence, where those old principles were abandoned, the gods lost much of their divine nature, and man took a step away from cosmic harmony toward chaos. For the purposes of this essay, we shall elaborate on the Golden and Silver Ages, for it was in these prehistoric periods that humanity underwent processes that bestowed our multitude of contemporary mental and physical forms upon us.
The Atlantean Silver Age
The Golden Age was a period of perfection on all levels. Human life was directly guided by the gods themselves and therefore orderly, plentiful, and enjoyable. Though the Golden Age was long ago and its location long since lost, its memory is kept alive by the mythical traditions of nearly every people on the planet. Hesiod, writing in the eighth century B.C., describes this “Age of Gold” thusly:
Men spent a Life like Gods in Saturn’s Reign,
Nor felt their Mind a Care, nor Body Pain;
The fields, as yet untill’d, their Fruits afford,
And fill a sumptuous, and enevy’d, Board.
From Labour free they all Delights enjoy,
Nor could the Ills of Time and Peace destroy;
They dy, or rather seem to dy, they seem
From hence transporting in a pleasing Dream.
Thus, crown’d with Happyness their ev’ry Day,
Serer, and joyful, pass’d their Lives away.[2]
Hesiod is one of few writers to directly mention the Golden Age and describe its qualities. Using his work as a reference point, however, the scholar can detect allusions to the same period in other ancient texts. For example, in Book 6 of the Mahabharata, the author discusses Mount Meru, “made of gold,” where the “measure of human life is 10,000 years” and “men are all of a golden complexion . . . [and] without sickness, without sorrow, and always cheerful.”[3] Outside the Aryan tradition, the Book of Lieh-Tzu (fourth century B.C.) describes what appear to be the inhabitants of the Golden Age:
All were equally untouched by the emotions of love and sympathy, of jealousy and fear. Water had no power to drown them, nor fire to burn; cuts and blows caused them neither injury nor pain, scratching or tickling could not make them itch. They bestrode the air as though treading on solid earth; they were cradled in space as though resting in a bed. Clouds and mist obstructed not their vision, thunder-peals could not stun their ears, physical beauty disturbed not their hearts, mountains and valleys hindered not their steps. They moved about like gods.[4]
Finally, we have in the Semitic memory the Garden of Eden, where man was first established on Earth at God’s decree. According to the Book of Genesis, those who dwelled there lived for nearly 1000 years in a blissful paradise.[5] The allusions to this pristine setting are numerous, from the Avestic recollection of a distant period in the Airyana Vaego, where man was under the aegis of the creator god Ahura Mazda himself, to the Buddhist remembrance of Shambhala, roughly translated “land of peace” or “tranquility.”
In tracing anthropogenesis, it is crucial to establish the physical location of this primordial paradise. Unfortunately, no material archaeological evidence lends any insight into this question. We are thus forced to rely solely on the mythological memories of our ancestors. Among the Greeks, this land “beyond the pole” where neither “pestilence nor wasting eld approach” the inhabitants was referred to as Hyperborea, meaning “beyond the north wind.”[6]
In his book Arctic Home in the Vedas, the Hindu nationalist and scholar Bal Gangadhar Tilak, writing in the early twentieth century, presents a vast array of clues from Vedic and Avestic literature to argue that the primordial paradise was located in the Arctic. Tilak explains that if one were stationed at the North Pole, the sky above would appear to be rotating around one “from left to right, somewhat like the motion of a hat or umbrella turned over one’s head.”[7] He also explains that one would see the sun continuously in the sky for roughly six months, followed by a period of dusk, night, and dawn of two months each. Thus for the Arctic inhabitant, a full year would appear to unfold as a single day.
With these astral phenomena in mind, Tilak proceeds to pinpoint allusions to them in the Aryan texts. For example, in the Mahabharata, Mount Meru is discussed in one passage as a place where the “sun and the moon go round from left to right every day and so do all the stars” and “The day and the night are together equal to a year to the residents of the place.”[8] He supports this with a selection from the post-Vedic Laws of Manu, which says “A year (human) is a day and a night of the Gods; thus are the two divided, the northern passage of the sun is the day and the southern the night.”[9] Tilak corroborates this evidence with clues from Persian tradition. From the Avesta we have reference to an “enclosure” in the Airyana Vaejo in which “the stars, the moon, and the sun are only once (a year) seen to rise and set, and a year seems only as a day.”[10]
The present conditions in the Arctic make it uninhabitable. According to Tilak, however, modern scientists have conceded that at one time in distant prehistory, perhaps in pre-Glacial times, the region was hospitable, fertile, and filled with life. Among these scientists is the geologist James Geikie, who in 1893 argued that “during the Inter-Glacial period the climate was characterized by clement winters and cool summers so that the tropical plants and animals, like elephants, rhinoceroses, and hippopotamuses, ranged over the whole of the Arctic region, and in spite of numerous fierce carnivora, the Paleolithic man had no unpleasant habitation there.”[11] Joscelyn Godwin confirms that such conditions were indeed possible when, as “numerous authorities” claim, “the earth was not tilted, but spun perfectly upright with . . . its axis perpendicular to the plane of its orbit around the sun,” which was the case in “primordial times.”[12]
Since the Arctic Golden Age took place many eons before recorded history, assessing its actual place in time is troublesome. Using Hindu calculations, Traditionalist René Guénon concluded that this Golden Age took place nearly 65,000 years ago.[13] We must prefer this number over Tilak’s hypothesized 12,000 years, as the latter would place the subsequent Silver Age far too near recorded history to be possible, especially considering that the fourth, Dark Age, “is said” to have begun only 6000 years ago.[14] In addition, it would be implausible to place man’s origins only 12,000 years ago, as the devolutionary processes that reduced him to his modern form could not have fully unfolded within that short span.
Eventually, the Arctic seat and its Golden Age met a catastrophic end for a number of reasons, both physical and metaphysical. In his magnum opus, Revolt Against the Modern World, Julius Evola argues that the Earth’s axis shifted positions slightly, ushering in a cataclysmic climate change.[15] As a result, the Polar Regions became inhospitable to most life forms. In ancient texts one finds numerous references to this tilting of the axis. The Taoist tradition recalls when the “pillar which connects Heaven and earth” was “snapped” (the axis is essentially an invisible pillar that unites the sky with Earth), explaining “why Heaven dips downwards to the north-west, so that sun, moon and stars travel towards that quarter.”[16] The Hebrew story of the crumbling of the Tower of Babel, which connected Heaven to Earth, is another example. The Avesta explains the onset of the climate change in a dialog between the creator god and his disciple, king Yima: “And Ahura Mazda spake unto Yima, saying: ‘O fair Yima, son of Vîvanghat! Upon the material world the fatal winters are going to fall, that shall bring the fierce, foul frost; upon the material world the fatal winters are going to fall, that shall make snow-flakes fall thick.”[17] As this event would have occurred tens of thousands of years ago, it likely coincides with the beginning of one of the various Ice Ages.
One more event, metaphysical in nature, is explained to us by the Old Testament. It tells of how the “sons of God” mated with the “daughters of man” and spawned a race of mighty giants, whose evil behavior, driven by the appetites of the flesh, made God unleash elemental forces against them.[18] These sons are likely parallels to the “celestial gods” who dwelled in Airyana Vaego, as well as the other gods and demigods that the ancient texts say lived in this primordial paradise. From the clues above, we can paint the following picture regarding the end of the Golden Age. Human beings lived harmoniously with divine beings in the Arctic paradise until the two entered sexual unions that produced powerful, semi-divine half-breeds. This action caused such a rupture in the cosmic balance of the universe that the Earth’s axis shifted, bringing on the Ice Age that turned the paradise into a cold wasteland.
Following the destruction of Airyana Vaego/Mount Meru/Eden/ Hyperborea, the semi-divine survivors were forced to migrate southwards. In their exodus they retained the memory of their Polar homeland, evinced by polar symbols such as the swastika (a bent cross revolving about a fixed point) and the axial World Tree, which traditionally links Midgard (Earth) with the realms above. Some settled in areas of North America and Northern Europe, but the majority regrouped in an Atlantic location to reconstitute their civilization.
If we are to make any conjectures about the race of our Hyperboreans, we must look to those people who carried with them the memory of the primordial home. By Hyperboreans, I mean the Arctic race of “men” who lived among the gods. Discerning the features of the latter is impossible, as they are not bound by the limitations of material existence; they could have been anthropomorphic, ethereal, or capable of alternating between the two. Our only clue is that they were “Golden,” which may be an allusion to vibrant blondness.[19]
In all of the civilizations discussed above, as well as in others, our concern would be with the upper castes, namely the priests and the military aristocracy, who preserved the memories of Hyperborea. Among the Aryan peoples of Europe, this task is simpler due to the abundance of physical evidence available, namely statues, frescoes, engravings, and physical remains. The ancestors of classical Greece and Rome, Germania, and Celtia, who brought with them the worship of Zeus, Saturn, Tuisto, and Dana, were evidently of a tall, robust, fair-haired, and fair-skinned Nordic stock. The fourth century A.D. physician, Adamantios, gives us a picture of the early Hellenes, claiming that “Wherever the Hellenic and Ionic race has been kept pure, we see proper tall men of fairly broad and straight build, neatly made, of fairly light skin and blond; the flesh is rather firm, the limbs straight, the extremities well made.”[20]
As we push further east, the evidence becomes less plentiful but nonetheless revealing. The Brahmins who carried to India the oldest extant accounts of the Golden Age in Mount Meru were of that same Nordic race. If one juxtaposes a modern Brahmin or Kshatriya with a member of the lower castes, it often appears that the former has something quite different “in his woodpile.” He would tend to be taller and fairer in complexion and occasionally possess blue or green eyes and, more rarely still, fair hair. Lower caste individuals generally tend to be shorter and darker, and although many have fine Caucasoid features, others display an Australoid phenotype. Kaiyata, writing in the second century B.C., affirms that White Brahmins once “flourished in a previous cycle of existence” but that their “descendants are rarely met with even now.”[21] The sixth century B.C. Kshatriya noble, Siddhartha Gautama (Buddha), is described in the Pali Canon as having abhi nila netto, or “very blue eyes,” a typical Nordic trait.
In the Far East, we have a non-Aryan milieu entirely. However, there is ample genetic evidence that tall, fair Whites roamed both Western[22] and Eastern[23] China long before the present-day Mongoloids. Taken with the racial description of the Buddha, we have enough to surmise a heavy influence upon China’s culture by Nordics or a stalwart white race akin to them. Since Buddhism influenced the development of Japanese religious culture, the same rule applies to Japan.
The list can go on, but we have already given sufficient proof that the bearers of the oldest and clearest recollections of Hyperborea were tall, fair, blue-eyed, and red or blonde-haired whites. It would thus be fair to conclude that the Hyperboreans, from whom they claim descent, were likely of a proto-Nordic race.
The Atlantean Silver Age
Hesiod’s poem continues with a discussion of a second age, “which the Celestials call the Silver years.”[24] In this period, man became subject to sickness and mortality. He no longer lived according to the absolute principles provided by his divine tutors during the Golden Age, and paid the gods themselves “no honors.”[25]
It is with the dawning of this era that the Arctic inhabitants, now a race mixed with divine and human elements, traveled as refugees from their destroyed Urheimat to a southern location somewhere in the Atlantic. There they founded the famed city of Atlantis in mimicry of their original homeland. After establishing themselves, they embarked on a colonizing campaign across the world, passing the “Pillars of Hercules” (the Straits of Gibraltar) and reaching deep into the Mediterranean Sea. There they established their hegemony, holding “sway . . . over the country within the Pillars as far as Egypt and Tyrrhenia.”[26] It is reasonable to assume that they also sent voyagers to the Americas, as Atlantis would have lain between them and Europe.
As this new civilization was built before recorded history, it is difficult to ascertain its precise chronology. Plato asserts that Atlantis crumbled 9000 years before his own time, while Guénon, relying once again on Vedic mathematics, says this occurred several thousand years earlier. This would, therefore, place its origins even further back. Regardless, our concern is the racial state of those dwelling within Atlantis.
The Boreal race inhabiting the Arctic was probably quite Nordic in appearance. When they mixed with the gods, however, they spawned “men of monstrous size” according to Hesiod, paralleling the Nephilim of the book of Genesis. Given that modern Nordics are some of the tallest humans, and that they themselves are merely degenerated descendants of something greater, the mythological testimony seems plausible. Thus, the Atlanteans sired from the union of gods and men were likely much taller than today’s tallest people and probably more muscular; they would have been frightfully imposing giants. Further credence is given to this idea by the fact that in Numbers, the Hebrews refer to the Anakim as “Nephilim” due to their immense stature, which made the Hebrews feel like “grasshoppers.”
These giants were not the norm, however. Plato speaks of them becoming “diluted too often and too much with the mortal admixture,” suggesting that unmixed Boreal humans also lived within Atlantean borders. This was also the cause of Atlantis’s inevitable downfall, much like that of Hyperborea. After several generations of unchecked miscegenation with their human subjects, the Atlantean giants forfeited their angelic constitution and “grew visibly debased, for they were losing the fairest of their precious gifts.”[27] When this happened, the cosmic balance was once again disrupted. Evidence from the myths, sometimes suggestive and other times affirmative, leads us to believe that a massive earthquake occurred, causing Atlantis, the seat of the Silver Age, to sink beneath the Atlantic. The Mesopotamian story of the deluge that submerged the first cult-centers, linked to the Biblical flood that Noah overcame, is an example.[28]
With the Atlantean admixture with humans came a race almost entirely sapped of divinity. They were the direct ancestors of modern Northern Europeans (proto-Nordics), retaining the fair complexion and keen intellect but losing their titanic build and strength. Forced to flee their sinking kingdom, these people migrated in an East-West trajectory, bringing significant numbers into the Americas and Europe.
There is some physical and genetic evidence to substantiate this claim.
Firstly, there is the link between the 18,000 year old Solutrean weapon culture of France and the 13,500 year old American weapon culture of Clovis, New Mexico. Archaeologists Bruce Bradley and Dennis Stanford concluded in 2004 that there was a striking similarity between the manufacturing methods of each culture, particularly because they both used a very difficult and rare technique called overshot flaking.[29] They also noted that a weapon culture discovered in Virginia, dating to 16,000 years ago, appeared to be a “technological midpoint between the French Solutrean style and the Clovis points.”[30]
Our second piece of evidence is genetic. Scientists have found that among the genes of Native American populations, the mitochondrial DNA (mtDNA) of haplogroups A through D, which are common in Asia, predominates. However, it has been found that a significant number of Native Americans in the Eastern United States possess mtDNA from haplogroup X, which is only also found in Western European populations and in some parts of Mongolia. One might argue that the presence of this mtDNA in Mongolia debunks the argument that Whites settled North America first, but this simply is not so when combined with all the other evidence provided here. Significantly, the mtDNA of pre-Columbian Native American skeletons has been studied, revealing that X was present in that race’s genes before the conquistadores arrived.[31]
Thirdly, we have the controversial Kennewick Man corpse. This 9300 year old skeleton, unearthed in Washington State in 1996, was discovered by anthropologist James Chatters to be of Caucasoid origin. In a clay reconstruction the face even ended up resembling that of British actor, Patrick Stewart.[32]
These bits of evidence indicate that a race of people predating the Mongoloid Native Americans split up and branched out into Europe and America from the Atlantic. They carried with them the same genes and tool-making methods, which they adapted to the available resources. An alternative possibility would be that this Upper Paleolithic race migrated first into Europe, with a group then splitting off and migrating eastward to America.
The Children from the Earth
As our Hyperborean ancestors ventured across the globe, first to the Atlantic and then in an East-West trajectory, they encountered preexisting societies in the lands they traversed. As the Golden and Silver Ages took place tens of thousands of years ago, these indigenous peoples were likely from the countless breeds of hominids, including Neanderthalensis and Soloensis. Whatever stock of proto-human they were, our ancestors characterized them as either chthonic, Earth-spawned beings or creatures originating from the chaotic waters. In most cases, their interaction resulted in conflict, but in others the two coexisted and even intermixed. These events have been vividly preserved in the various myths of Hyperborean origin: the epic struggle between the Tuatha da Danaan and the Fomors (people “from the water”); the battles between the Olympians and the various monsters spawned by Gaia (Earth); the vitriolic relationship between the Aesir (the Nordic sky gods) and the Vanir (trolls, giants, and other monsters); even the Anglo-Saxon epic Beowulf recaptures this theme in the fight between the hero and Grendel, a humanoid demon that lives beneath a lake.
Wherever the newcomers settled down and mixed with the natives, new races were spawned representing further bastardizations of the semi-divine Arctic prototype. Thus our giant, proto-Nordic race ramified into various hybrid breeds, each differing in appearance and attributes depending upon the areas they settled in, the stocks with which they mixed, and just how far they allowed this miscegenation to continue. From these mixed unions sprung the various Mongoloid, Semitic, Australoid, and Negroid races, with the latter two probably representing the farthest debasement from the original Hyperborean phenotype. In instances where mixing was less pronounced, or where adaptation to the environment and other factors had their effect, the various white races were generated (i.e. Nordics, Mediterraneans, Alpines, etc.).
Conclusions
In summary, anthropogenesis was a process of devolution, not evolution. Sixty-five thousand years ago, a race of gods described as “Golden” lived harmoniously with a race of advanced early humans, characterized by fair skin, fair hair, and light eyes, in a joyous, orderly Golden Age somewhere in the Arctic. At some point, the two races intermixed and bred giant demigods. As the Arctic seat froze over in one of the Ice Ages, these demigods led the remaining human survivors south into the Atlantic, with some remaining in different lands along the way. Those who did so, encountered autochthonous races with whom they ultimately mixed, debasing their divine nature and giving rise to a new, Silver Age that corresponded to the Atlantean civilization vividly described by Plato and remembered by many traditions as a “Western” land. It sent explorers out across the world from the Americas to the Far East. Thousands of years later this second super-civilization floundered due to continued mixing between the demigods and their human companions, generating the Upper Paleolithic proto-Nordic race.
With the sinking of Atlantis, these beings, now human in nature but still retaining a divine spark, migrated in an East-West trajectory. On this second great exodus, corresponding to a Bronze Age, some intermarried with indigenous peoples and further debased their line while others maintained their purity. The latter would later erect the most revered civilizations and empires of recorded history, such as Sumeria, Vedic India, Egypt, Hellas, Rome, China, and much later, the feudal regimes of Western Europe. The mixed peoples would be remembered as the Pelasgians, Minoans, Etruscans, Hebrews, Arameans, Iberians, and all other chthonic ethnicities that were subdued and restricted to a plebeian caste. Unfortunately, the vast empires noted above served as little more than dim reflections of the original Hyperborean civilization, precluded from fulfilling their true potential by the prevailing metaphysical conditions of the age in which they flourished.
We have now entered into the terminal phase of the Dark Age, and the type of humanity that is to inherit the succeeding Mahayuga remains to be seen; however, if the races of the world continue down the path of profligate inter-mixing, that divine spark, which drove the white peoples of the world to erect history’s grandest civilizations, and is now harbored by so few, will be completely extinguished. Humanity will then be forced to pass the torch of greatness to a succeeding species.
Notes
1. Dan. 2:35.
2. Hesiod, Works and Days, 1.154–63.
3. Mahabharata, 6.1.6.
4. Lieh-Tzu, The Book of Lieh-Tzu, trans. Lionel Giles (1912), 36.
5. Gen. 5:5.
6. Pindar, Pythian Odes, 10.29, 10.41.
7. Lokamanya Bal Gangadhar Tilak, Arctic Home in the Vedas (Poona City, India: 1903), 43.
8. Mahabharata, 3.7.163. Quoted in Tilak, 64.
9. The Laws of Manu, 1.67. Quoted in Tilak, 63.
10. Vendidad, 2.40. Quoted in Tilak, 350.
11. James Geikie, Fragments of Earth Lore: Sketches and Addresses, Geological and Geographical (1893), 266. Quoted in Tilak, 22–23.
12. Joscelyn Godwin, Arktos: The Polar Myth in Science, Symbolism, and Nazi Survival (Kempton: Adventures Unlimited Press, 1996), 13.
13. René Guénon, Traditional Forms and Cosmic Cycles (Paris: Gallimard, 1970), 24.
14. René Guénon, The Crisis of the Modern World, trans. Marco Pallis (Hillsdale: Sophia Perennis, 2001), 7.
15. Julius Evola, Revolt Against the Modern World (Rochester, Vt.: Inner Traditions International, 1995), 189.
16. Lieh-Tzu, 79.
17. Vendidad, 2.22.
18. Gen. 6: 2–7.
19. Julius Evola, Revolt Against the Modern World, 185. In his chapter “The Golden Age,” Evola contends that gold symbolizes the gods’ divine nature, which is “incorruptible, solar, luminous, and bright.” I see no reason, however, to reject the possibility that it could be a reference to something phenotypical.
20. Hans F. K. Gunther, The Racial Elements of European History, trans. G. C. Wheeler (London: Methuen, 1927), 157.
21. R. P. Chanda, The Indo-Aryan Races: A Study of the Origin of Indo-Aryan People and Institutions, Part I (Rajshahi: Varendra Research Society, 1916), 24.
22. “Genetic Testing Reveals Awkward Truth About Xinjians’s Famous Mummies,” Khaleej Times Online, April 19, 2005.
23. Li Wang et al, “Genetic Structure of a 2500-Year-Old Human Population in China and Its Spatiotemporal Changes,” Molecular Biology and Evolution, 17 (2000): 1396–1400.
24. Hesiod, Works and Days, 1.175.
25. Hesiod, Works and Days, 1.189.
26. Plato, Timaeus, 25.
27. Plato, Critias, 120.
28. “A Sumerian Myth: The Deluge,” trans. S. N. Kramer, The Ancient Near East, ed. James Pritchard, vol. 1 (Princeton: Princeton University Press, 1953), 29.
29. Bruce Bradley and Dennis Stanford, “The North Atlantic ice-edge corridor: a possible Paleolithic route to the New World,” World Archaeology 36 (2004): 465.
30. “Stone Age Columbus-programme summary,” BBC, 21 Nov. 2002. <http://www.bbc.co.uk/science/horizon/2002/columbus.shtml>. 1 Sept. 2008.
31. Maggie Villiger, “Tracing the Genes,” PBS, July 20, 2004, http://www.pbs.org/saf/1406/features/dna.htm.
32. Timothy Egan, “Old Skull Gets White Looks, Stirring Dispute,” The New York Times, April 2, 1998.
TOQ, vol. 10, no. 1 (Spring 2010)