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jeudi, 10 janvier 2019

Nicolas Berdiaev : l’Idée russe

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Nicolas Berdiaev : l’Idée russe

Peter King

Traduction française par Chlodomir

L’Occident est obligé de prêter attention à la Russie, mais l’Occident ne comprend pas la Russie. La Russie était sonnée pour le compte après la chute du mur de Berlin, laissant la voie libre à l’Occident pour que celui-ci réalise sa destinée manifeste et chevauche le globe triomphalement. Mais maintenant il y a de la confusion et de la consternation en découvrant que la Russie a regagné sa conscience, est à nouveau debout, et se trouve à nouveau sur le chemin de l’Occident ; ne cherchant pas seulement à donner des petits coups, mais ayant l’intention de mettre l’Occident knockout. La Russie déclare impudemment à son adversaire : « Je suis là, je reste là ! ».

Winston Churchill décrivit fameusement la Russie comme une devinette enveloppée dans un mystère à l’intérieur d’une énigme. L’Occident, ayant passé les derniers siècles à regarder son propre reflet avec admiration, trouve difficile de comprendre l’Autre, d’autant plus que c’est à l’Autre de rejoindre Narcisse dans l’appréciation de sa propre beauté, plutôt que l’inverse. Mais la Russie, pense l’Occident, semble n’avoir aucune compréhension ou d’appréciation de la beauté, laissant l’Occident s’interroger sur la raison.

La religion est un concept inévitable. Tout le monde a une religion – un ensemble d’hypothèses fondamentales sur la métaphysique, l’épistémologie et l’éthique. Comme l’a reconnu le jugement de la Cour Suprême US dans l’affaire Torcaso contre Watkins, même l’humanisme laïc est une religion. Mais si affirmer que tout le monde a une religion pose problème, alors nous pouvons au moins reconnaître que tout le monde a une Weltanschauung,  une vision-du-monde.

NB-ex.jpgEt c’est en regardant la question de la religion que l’on peut commencer à comprendre la Weltanschauung russe, l’Idée russe. L’Occident, pendant les derniers siècles, a lentement apostasié le christianisme, cette apostasie s’accélérant à partir des années 60. Aujourd’hui l’Occident souligne l’étendue de sa rébellion contre Dieu en célébrant des choses comme l’homosexualité, en appelant bien ce qui est mal et mal ce qui est bien.

Mais la Russie a maintenu le cap et a refusé de tuer et d’enterrer Dieu, comme Nietzsche a reconnu que l’Occident l’avait fait. Cela confirme dans l’esprit de nombreux Russes que le christianisme orthodoxe oriental est la forme la plus vraie et la plus fidèle du christianisme, justifiant leurs raisons originelles pour se séparer du christianisme occidental en 1054. En ce qui les concerne, la direction que le christianisme occidental prit après ce schisme ouvrit la voie à l’apostasie finale de l’Occident, menant à ce christianisme décrépit d’aujourd’hui qui a pratiquement fait son temps, réclamant même l’existence de la Gaystapo.

Nicolas Berdiaev est un penseur russe qui offre à l’étranger curieux une fenêtre dans l’âme russe. « Les Russes », explique-t-il dans son livre L’Idée russe, « appartiennent au type religieux et sont religieux dans leur constitution spirituelle ». Même durant la plus grande partie du XXe siècle où leur pays était officiellement sans Dieu,

« …ils sont croyants même lorsqu’ils professent le communisme matérialiste. Même parmi ces Russes qui non seulement ne professent pas la foi orthodoxe mais mènent même une persécution contre l’Eglise orthodoxe, il reste dans les profondeurs de leurs âmes une strate qui est formée par l’Orthodoxie. »

Il semble que même quand les Russes font leur lit en enfer, l’Orthodoxie est encore là !

Découlant de cette constitution religieuse et spirituelle russe, il y a l’idée messianique russe qui informe largement le modus operandi historique de la Russie. « Le peuple russe est un peuple porteur-de-Dieu », explique Berdiaev, faisant écho à Dostoïevski, qui inventa cette expression. Au début du livre, Berdiaev cite Pierre Tchaadaïev pour donner une idée du sentiment messianique russe :

« J’ai le profonde conviction que nous avons la vocation de résoudre un grand nombre des problèmes d’ordre social, d’amener la réalisation d’un grand nombre d’idées qui sont apparues dans les sociétés du passé, et de donner une réponse à des questions de grande importance qui préoccupent l’humanité. »

Berdiaev lui-même affirme : « Les Russes sont un peuple du futur ; ils décideront des questions que l’Occident n’a pas encore la force de décider, qu’il ne pose même pas dans leur pleine profondeur ».

Cette allusion au futur est liée à un autre thème récurrent que Berdiaev voit comme définissant l’idée russe, à savoir un type russe d’eschatologie. « La pensée russe est essentiellement eschatologique et cette eschatologie prend des formes variées », explique-t-il. Elle est « inconsciente, et exprimée dans une philosophie pitoyable, un effort vers la fin, une tension vers l’état ultime… l’enlèvement des ornements frauduleux, le refus d’accepter le monde qui ‘se trouve dans le mal’ ». L’interprétation de l’eschatologie russe par Berdiaev est « active et créative, non passive. La fin de ce monde, et la fin de l’histoire, dépend aussi de l’acte créatif de l’homme ». Ce dernier point, concernant l’acte créatif de l’homme, semble faire allusion au curieux concept de Katehon, qui fait référence à ce qui retarde l’arrivée de l’antéchrist, d’après la Deuxième Epître aux Thessaloniciens, 2: 6-7.

Une partie de cette résistance katéchonique au prince de ce monde se reflète dans l’engagement russe pour la fraternité des hommes, un motif important dans L’Idée russe. A cet égard la mentalité russe contraste avec la mentalité occidentale, qui a cherché à subjuguer et dominer l’Autre :

« Les Russes ont pensé que la Russie était un pays absolument spécial et particulier, avec sa propre vocation spéciale. Mais la chose principale n’était pas la Russie elle-même mais ce que la Russie apporte au monde, avant tout la fraternité de l’homme et la liberté de l’esprit … Les Russes ne cherchent pas un royaume de ce monde ; ils ne sont pas mus par la volonté de puissance et de pouvoir. »

NB-hist.jpgBerdiaev reproche à Nietzsche d’être une métonymie de l’Occident :

« [Nietzsche] voulait connaître le divin lorsqu’il n’y avait pas de Dieu, quand Dieu avait été tué, connaître l’extase quand le monde était si dégradé, connaître l’exaltation jusqu’aux hauteurs quand le monde était plat et qu’il n’y avait pas de hauteurs. Dans l’analyse finale il  exprima son thème religieux dans l’idée du surhomme dans lequel l’homme finit son existence. L’homme n’était qu’une transition ; tout ce qu’il avait à faire était de fertiliser le sol pour l’apparition du surhomme. Ici se produit une rupture avec la moralité chrétienne et la moralité humaniste, l’humanisme se transforme en antihumanisme. »

Si les nazis représentaient l’expression la plus prononcée de cet antihumanisme, il en voyait une expression générale dans l’Occident, même si elle était un peu moins violente. L’Autre était ethniquement purifié, asservi, ou déclaré être le lien manquant reliant l’homme à ses prédécesseurs animaux. L’Occident s’était repenti de ces péchés particulièrement depuis les années 60, mais les événements récents suggèrent une possibilité de récidive. Berdiaev explique les suppositions opposées entre l’Occident et l’Orient, qui ont conduit et conduisent à leur comportement différent :

« Il y a deux interprétations de la société ; soit la société doit être comprise comme nature, soit la société doit être comprise comme esprit. Si la société est nature, alors la violence du fort contre le faible, la sélection du fort et du mieux adapté, la volonté de puissance, la domination de l’homme sur l’homme, l’esclavage et l’inégalité, l’homme comme un loup pour l’homme, sont justifiés. Si la société est esprit, alors la plus haute valeur de l’homme et les droits de l’homme, la liberté, l’égalité et la fraternité sont affirmés. »

Un corollaire intéressant de cette vision est que les Russes « adoptent une attitude différente envers le péché et le crime », parce que leurs idées éthiques sont très différentes de celles de l’Occident. Ils ont « pitié pour les déchus et les avilis ». Ainsi on peut comprendre l’attitude étrangement indulgente des Russes envers les Allemands. « L’Etat allemand est l’ennemi historique de la Russie », dit Berdiaev. Cependant, continue-t-il, « Nous sommes attachés à désirer des relations fraternelles avec le peuple allemand qui a accompli beaucoup de grandes choses, mais à condition qu’il répudie la volonté de puissance. A la volonté de puissance et de domination, il faut opposer le pouvoir masculin de défense » (oui, la Russie a un gros bâton, le brandissant actuellement vers les Etats-Unis). Ainsi s’exprime l’engagement russe en faveur de la communauté et de la fraternité de l’homme, même pour ceux qui ont apporté tant de souffrances aux Russes.

Il est difficile, sinon impossible, de réprimer cette nature spirituelle, même avec l’athéisme officiel : « Moscou la Troisième Rome et Moscou la Troisième Internationale étaient toutes deux reliées à l’idée messianique russe ; elles en représentaient une forme déformée ». Et maintenant que l’idée russe peut à nouveau déployer ses ailes, nous voyons son impact sur le monde, la Russie poursuivant une fois de plus sa vocation.

Le livre de Berdiaev L’Idée russe donne un aperçu éclairant sur l’âme russe, la vision-du-monde russe, aidant l’étranger curieux à découvrir le mystère qu’est la Russie, à expliquer et à comprendre son énigme. Mais le gouffre millénaire séparant la pensée occidentale et la pensée orientale est tel qu’il vaut peut-être mieux commencer par quelque chose comme l’excellent livre de James R. Payton Jr. Light from the Christian East: An Introduction to the Orthodox Tradition, qui aide le chrétien occidental à commencer à comprendre ce qui autrement semblerait si étrange et même si bizarre dans l’Orthodoxie. Puisque l’Orthodoxie est au cœur de l’Idée russe, il vaut peut-être mieux apprendre d’abord à marcher avant d’essayer de courir. Dès que cela est fait, on peut alors tenter de pénétrer plus profondément dans la pensée des gens comme Berdiaev et les autres slavophiles.

17:44 Publié dans Philosophie, Philosophie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nicolas berdiaev, philosophie, russie | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

L’incroyable faillite du maintien de l’ordre macronien…

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L’incroyable faillite du maintien de l’ordre macronien…

par Dominique G. Boullier

Professeur des universités en sociologie EPFL, Lausanne

Ex: https://lesmoutonsenrages.fr 

Divide et impera, ne va pas servir à grand chose, le peuple a compris qu’uni, il serait le plus fort. Une analyse sociologique de la situation depuis le début, qui éclaire sur la volonté de la macronie de diviser les gens pour tenter de garder le contrôle. 

Source: LE BLOG DE DOMINIQUE G. BOULLIER  via ArrêtsurInfo

L’incapacité à contrôler les actions violentes reste très étonnante compte tenu des effectifs mobilisés. On paye, sur le plan technique, un aveuglement par l’état d’urgence et, sur le plan politique, une approche méprisante de tout public qui manifeste. Sans réponse politique, l’apprentissage de l’émeute qui se produit actuellement peut conduire à un «mai rampant» de funeste mémoire en Italie.

Comment peut-on en arriver à un tel désordre après des années d’état d’urgence et une pratique constante de répression de toutes les manifestations, les plus diverses, alors même qu’on y met les moyens en effectifs ? La faillite touche tous les maillons : les capteurs (le renseignement), les articulations (les transmissions), la décision (le commandement et le politique), la mise en œuvre (le personnel sur place).

Après avoir travaillé pendant plusieurs années à observer in situ et à comprendre les méthodes de maintien de l’ordre jusqu’au début 2010, et avoir publié un livre sur le sujet (« Evénements et sécurité. Les professionnels des climats urbains », Presses des Mines, 2013, avec S. Chevrier et S. Juguet), je constate une évolution catastrophique des méthodes et des principes, tout en admettant les limites de mes informations actuelles, basées sur les médias, sur les récits et sur mes observations dans le secteur des Champs Elysées.

La perte de contact avec le pays réel, la faillite du renseignement

Le mouvement des gilets jaunes n’est pas structuré, il n’a pas de leader, de service d’ordre, il vient d’émerger, etc. Doit-on en conclure qu’on ne peut rien en connaitre ? Non, certainement pas, et le suivi des réseaux sociaux par les services de renseignement français s’est d’ailleurs déplacé depuis récemment sur les mouvements dits « extrémistes » puisque le terrorisme et la radicalisation islamique semblaient se mettre en veilleuse. On a donc des infos sur ce qui se dit, sur la conversation, sur sa tonalité (beaucoup d’agences font cela pour les marques), voire sur les comptes des personnes qui parlent, qui agissent pour la plupart sans masque. On peut donc savoir le degré d’énervement, les cibles potentielles, les déplacements prévus, tout au moins en partie. Evidemment, ça ne permet pas une analyse fine in situ, au moment des manifestations et sur les barrages, car dans ce cas, il faut du personnel, sur place, infiltré ou non, pour tenter de comprendre ce qui se passe et quels sont les leaders potentiels. Si cette infiltration archi connue de la part des RG à une époque ne se fait plus, serait-ce dû à la fusion des services qui a connu quelques ratés, c’est le moins qu’on puisse dire ? ou serait-ce parce qu’on ne comprend le renseignement direct que comme une arme de répression et non un outil de pilotage ? Car avec un mouvement aussi peu structuré, le travail de renseignement devrait paradoxalement servir à les aider à se structurer (et non à les casser ou à les embarquer indistinctement).

L’affrontement comme premier réflexe pour rendre impossible une vraie manifestation

Lorsque des manifestants sont arrivés sans consigne au bas des Champs Elysées lors de l’acte II, il était possible d’aller parlementer, de chercher des leaders, de les fabriquer même, de les encourager à faire un service d’ordre, si toutefois le maintien de l’ordre s’entend aussi comme protection du droit de manifester et des manifestants. Au lieu de cela, ils ont été bombardés de lacrymo immédiatement et sans distinction en absence de toute activité à risque, ce que tous les observateurs ont noté le premier samedi matin. Toutes ces personnes ont vécu un traumatisme qui s’est répercuté toute la journée et qui a détruit la confiance dans la police. Aucune discussion, aucun pilotage en commun de la manifestation n’étaient plus possibles. Mon hypothèse était qu’il fallait surtout faire peur, faire peur à de « pauvres gens » « désorganisés » qui seraient, de cette façon, rentrés chez eux à la première alerte. Et ainsi éviter de donner le spectacle d’une grande manifestation pacifique, nombreuse et réussie sur les Champs Elysées. La décision est, me semble-t-il, politique avant tout, une gestion de crise qui croit disqualifier une dynamique sociale en lui bloquant les accès et le droit de manifester.

Petit récit du 1er décembre : à la recherche de l’ombre jaune

Le comble, c’est que la même stratégie, même si appliquée de façon totalement différente, a été mise en œuvre le samedi suivant 1er décembre. La sanctuarisation des champs Elysées a abouti à empêcher un accès de masse, à grand renfort de filtrage établi sur un seul point d’entrée. J’ai pu constater que tout accès vers la partie Nord des Champs était impossible. Les groupes de gilets jaunes erraient à chercher une entrée et se retrouvaient soit repoussés vers la place de l’Etoile, soit occupaient certains carrefours, par exemple avenue de Friedland. Vraiment pas violents mais vexés d’être repoussés en marge une fois de plus alors que certains venaient de loin. Et sans qu’on sache bien d’où venait la décision, quelques-uns, peut-être plus radicaux mais pourtant pas du tout extérieurs, décidaient de créer un début de barricade et tout le monde les regardait voire même les aidait, face à une quinzaine de CRS, pas plus, auxquels se sont joints des membres de la BAC, revêtus pour certains de gilets jaunes et qui commençaient à canarder la barricade avec des lacrymo et se repliaient aussitôt. Mais rien de tout cela n’était construit ou pensé, ni d’un côté ni de l’autre d’ailleurs. A un moment, le feu a pris et la tension est montée, puisqu’un groupe a entrepris d’attaquer l’agence bancaire tout proche en y mettant le feu. Mais les CRS présents ne pouvaient strictement rien y faire, les gilets jaunes présents soutenaient plutôt, car après tout une agence bancaire semblait un objectif plus justifié qu’autre chose. Les pompiers sont arrivés, les gilets jaunes les ont laissé intervenir, car il y avait des risques pour le reste de l’immeuble. Des voitures électriques publiques avaient aussi été incendiées tout près un peu avant. Tout cela seulement au milieu de l’après-midi (16h30), bien avant l’intervention des commandos de casseurs dont on nous a parlés et qui ont occupé le terrain plus tard, à la nuit tombante. Des compagnies avec leurs camions sont arrivées sur toute la largeur de l’avenue de Friedland et ont fait fuir tout le monde qui s’est regroupé dans les rues adjacentes en errant pour trouver un but. C’est seulement plus tard, vers saint Augustin, qu’on a pu trouver un rassemblement significatif qui tenait la place, en effrayant d’ailleurs les chevaux de la police montée, dont on se demande ce qu’ils faisaient là dans un contexte aussi dangereux. Le cortège était beaucoup plus significatif avenue de l’Opéra et on peut dire que ce fut le seul moment où la foule a trouvé son compte, c’est-à-dire celui on l’on se compte, où l’on se regarde manifester et on se dit qu’on a réussi à faire masse.

Comment favoriser l’apprentissage des émeutiers

Que cherchaient les forces de l’ordre pendant tout ce temps ? Elles couraient à droite à gauche, intervenaient quand les risques d’incendie ou de pillage (qui n’interviennent vraiment que le soir, avec une autre population) devenaient trop importants mais tout l’environnement pouvait servir aux émeutiers improvisés, puisque les chantiers n’avaient pas été nettoyés de leur matériel et les voitures particulières étaient toujours en place…. et disponibles pour les incendies ! A aucun moment, si ce n’est pour certaines manœuvres place de l’Etoile, en début de soirée, ne furent organisées des opérations de conquête réelle et durable du terrain. Pour une bonne raison, c’est que les effectifs étaient insuffisants pour tenir ce terrain regagné, puisqu’une grande partie avait été consommée pour fermer les champs et pour faire en sorte que les lieux du pouvoir fussent protégés (Beauvau et l’Elysée). Le choix de protection des Champs pouvait se comprendre mais jamais cela ne s’est traduit par une stratégie de canalisation des manifestants pour leur proposer des débouchés. Résultat, leur état groupusculaire fut encore renforcé, ce qui constitua une aubaine de plus pour les groupes radicaux qui intervenaient au fur et à mesure de la journée.

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Or, il était certainement possible de laisser cette manifestation se dérouler sur les Champs, quitte à ce qu’elle montre sa puissance et fasse image spectaculaire (ce qui entraîne un prix politique certain) tout en étant largement sécurisée par les effectifs présents tout autour (à condition de laisser des portes de sortie comme toujours). Mais pour cela il eût fallu aider à sa structuration, de façon à la couper un peu plus des radicaux. Quel choix a été fait au contraire pour empêcher toute visibilité à cette manifestation ? Celui de laisser se propager le chaos comme on l’a vu, sans avoir les moyens de le résorber, si ce n’est par épuisement très tard dans la soirée. L’effet de jonction entre les radicaux et les gilets jaunes a été renforcé, l’expérience d’une forme de guérilla urbaine a été rendue facile et attractive pour des primo-manifestants, déjà très remontés, mais pas au point de passer à l’acte si on les avait encadrés. Mais n’oublions que cet apprentissage se fait aussi dans les régions. Là aussi, comme à Marseille, la réaction brutale des forces de l’ordre, incompréhensible et injuste, encourage la rage, la haine, orientée vers la police, ce qui politiquement ne donne rien mais du point de vue de l’énergie dégagée se propage très vite car le message est très simple. Préfecture brûlée ou péages détruits semblent désormais faire partie du prix à payer pour tous les manifestants et la condamnation des violences ne se traduit plus par une condamnation du mouvement, ce qui est un signe d’échec total d’emprise sur les esprits, qui redouble l’échec dans le contrôle des corps des manifestants.

Une coupure police/ peuple organisée politiquement

Depuis les capteurs jusqu’à la mise en œuvre, des maillons importants ont failli, comme par exemple, la coordination étroite avec la Mairie de Paris. La préfecture de Police a tout concentré alors qu’il eût fallu s’assurer de l’appui de toutes les parties prenantes. Mais le maillon le plus faible est à coup sûr celui de la décision, à la fois technique et politique. Les politiques ont renforcé encore le modèle sécuritaire sans se préoccuper de la liaison avec ce mouvement insaisissable. Or, des personnels de police dédiés (et des politiques) auraient pu aussi travailler à établir cette liaison non pas pour disqualifier le mouvement mais pour aider à le structurer. Paradoxalement, la meilleure chose qu’aurait pu faire le pouvoir pour sa propre survie aurait été d’aider à cette structuration, du point de vue politique comme du point de vue sécuritaire, car ce sont désormais les radicaux qui vont faire son éducation, sur la base d’une détestation radicale de la police.

Ces erreurs se sont déjà produites en banlieue, au point de créer zones de non-droit puisque la police ne peut plus y intervenir. Elles se sont produites aussi vis-à-vis de toutes les manifestations non encadrées officiellement par les partis ou les syndicats (manifs pour les migrants, pour la Palestine, pour les ZAD, etc.). Dans tous ces cas, la réaction policière a été disproportionnée, et cela dès le début de l’état d’urgence avec une manif climat Place de la République immédiatement gazée. Cette habitude de consommation élevée de lacrymo dans des contextes très pacifiques au seul motif que ces manifestations ne sont pas déclarées, crée en fait les conditions de préparation, d’entrainement même, d’éléments de plus en plus nombreux et de plus en plus radicaux qui ne reviendront plus dans le rang ou dans un processus de co-sécurisation des manifestations. Or, c’est la seule solution pour que le droit de manifester se traduise par la sécurité des manifestants eux-mêmes et du coup de tout l’environnement.

La coupure totale du gouvernement avec la population, sur le mode technocratique qui est le sien, semble se répéter du point de vue sécuritaire puisque rien n’est fait pour créer des liens, structurer les mouvements, tous immédiatement traités comme des ennemis de la république. Cette culture finit par s’étendre dans l’esprit des fonctionnaires de terrain eux-mêmes qui peuvent se sentir tout puissants et cela d’autant plus qu’ils sont en réalité impuissants à endiguer durablement ces mouvements politiquement motivés. Mais cette culture d’ennemis s’étend aussi chez les manifestants de toutes les causes, qui peuvent aisément adopter le discours anti-flic que certains développent.

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Le commando Macron face à la haine qu’il a engendrée

C’est là le grand danger. Car au bout du compte, tous ces manifestants, gilets jaunes aujourd’hui mais ZAD auparavant, ont des objectifs politiques, et n’obtiennent aucune réponse (sauf dans le cas de la ZAD, au forceps comme on le sait et avec des dérapages dans le maintien de l’ordre là aussi incroyables, visant à disqualifier et à humilier, pour être sûr qu’ils n’enregistrent pas une victoire). Or, ces sentiments d’amertume, puis de rage se transforment petit à petit en haine, ciblée clairement contre Macron lui-même (comme l’a relevé François Ruffin), avec une contagion même dans l’administration qui ne comprend ni l’arrogance ni la rigueur de ce mode de traitement non-politique des problèmes. Car on peut dire tout le mal que l’on veut du vieux monde politique, son obsession pour sa réélection et pour sa réputation était utile pour corriger le tir dès lors que le rapport de force politique était défavorable. Ce déni de politique déteint sur la politique sécuritaire qui ne sait plus créer de lien, ni de réseau, ni offrir d’alternative. C’est déjà la façon dont Valls a procédé avec une brutalité qui est encore renforcée par le modèle technocratique de gestion des confits du commando Macron (puisqu’ils admettent avoir pris le pouvoir en mode commando). Mais le commando risque de trouver à très court terme de vrais commandos en face de lui, dans la rue voire ailleurs, car leur haine pour l’instant désorganisée commence à se cristalliser grâce à l’apprentissage actuel à grande vitesse. Et la faillite du maintien de l’ordre face à des foules désorganisées ne pourra qu’être encore aggravée par les débuts de structuration violente qui pourrait en résulter.

Le spectre d’un mai rampant et de ses conséquences

Cette évolution sera présentée comme une radicalisation mais ce genre de grille d’analyse n’est d’aucune utilité pour comprendre cette diffusion d’une forme de « sécession institutionnelle » : aucun relais institutionnel ne peut plus avoir prise sur ces colères et les plus positifs du mouvement finissent par reconnaitre que seule la violence permet de capter l’attention du pouvoir. Cette situation n’est pas inédite, contrairement à ce qu’on dit. C’est celle du « mai rampant » italien en 68. Les partis institutionnels étaient aussi disqualifiés malgré la force du PCI à l’époque ou en tous cas ne savaient pas répondre à la crise profonde des couches ouvrières du Piémont ou de Lombardie en particulier. Contrairement à la France, aucune explosion violente ni de grève générale durable n’avaient permis de faire soupape, d’obliger le gouvernement à de grandes négociations. La frustration qui est en résulté s’est transformée progressivement en terreau idéal pour le terrorisme des Brigades Rouges en particulier (mais Lotta Continua y a aussi participé). Dix ans de troubles et de blocages politiques jusqu’à l’assassinat de Aldo Moro n’ont pas permis d’ailleurs de réinventer des projets politiques attractifs. La décomposition des partis institutionnels français et la difficulté des partis mouvements à encadrer des mouvements populaires ne peuvent que créer les conditions favorables à une telle dérive, alors qu’elle avait été évitée (de peu) en France après 68.  Sans doute que la demande de grève générale et le renfort du mouvement ouvrier organisé pourraient atténuer cet effet de dérive lente mais certaine de nombreux éléments des gilets jaunes.

Le libéralisme autoritaire ou l’isolement définitif d’une oligarchie

De ce point de vue, la remarque de E. Todd, sur France 2, sur l’attrait du coup d’Etat est très judicieuse et inquiétante. Car toutes ces logiques de révoltes dans un contexte de dépolitisation délibérée par les élites libérales sont privées de toute chance de se construire un avenir, puisque nous vivons dans le monde de TINA. On peut dès lors comprendre ce qui se met en place du point de vue sécuritaire comme une préparation des esprits à la mainmise totale d’une oligarchie, déjà réussie sur le plan économique, réussie aussi sur le plan institutionnel par le commando Macron, et complétée par l’Etat autoritaire que l’expérience sécuritaire actuelle, aussi désastreuse soit-elle, ou parce qu’elle est désastreuse, prépare. La composante sécuritaire du libéralisme extrême est déjà mise en place idéalement en Chine à partir d’un tout autre référentiel et ne cesse de faire des envieux, tous ceux qui veulent se débarrasser une fois pour toutes du politique, c’est-à-dire du débat,  et du débat contradictoire, ce contradictoire le droit permet dans nos démocraties et sur lequel elles reposent mais qui semble sans cesse réduit au profit du « solutionnisme technico-libéral » que représente si bien le slogan macronien de la start up nation.

Via ArrêtsurInfo

Voir aussi :

Méfiez-vous du peuple ! Vous l’avez mis dans la rue, mais vous aurez du mal à la faire rentrer

Todd: « Face aux Gilets jaunes, le gouvernement cherche le chaos pour provoquer une rupture »

L’Union européenne vote pour les missiles USA en Europe

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L’Union européenne vote pour les missiles USA en Europe

par Manlio Dinucci 

Ex: http://www.zejournal.mobi 

Auprès du Palais de Verre des Nations Unies, à New York, se trouve une sculpture métallique intitulée “Le Mal terrassé par le Bien”, représentant Saint Georges qui transperce un dragon avec sa lance. Elle fut donnée par l’URSS en 1990 pour célébrer le Traité FNI (INF) stipulé avec les USA en 1987, qui éliminait les missiles nucléaires à courte et moyenne portée (entre 500 et 5000 km) avec base à terre. Le corps du dragon est en effet réalisé, symboliquement, avec des morceaux de missiles balistiques étasuniens Pershing-2 (auparavant basés en Allemagne de l’Ouest) et de SS-20 soviétiques (auparavant basés en URSS). 

Mais maintenant le dragon nucléaire, qui dans la sculpture est représenté à l’agonie, revient à la vie. Grâce aussi à l’Italie et aux autres pays de l’Union européenne qui, à l’Assemblée Générale des Nations Unies, ont voté contre la résolution présentée par la Russie sur la “Préservation et la mise en oeuvre du Traité FNI”, rejetée avec 46 votes contre 43 et 78 abstentions.

L’Union européenne -dont 21 des 27 membres font partie de l’Otan (comme en fait partie la Grande-Bretagne sortant de l’Ue)- s’est ainsi uniformisée à la position de l’Otan, qui à son tour s’est totalement uniformisée à celle des États-Unis. L’administration Obama d’abord, puis l’administration Trump ont accusé la Russie, sans aucune preuve, d’avoir expérimenté un missile de la catégorie interdite et ont annoncé leur intention de se retirer du Traité FNI. Ils ont en même temps lancé un programme visant l’installation à nouveau en Europe contre la Russie de missiles nucléaires, qui seraient basés aussi dans la région Asie-Pacifique contre la Chine.

Le représentant russe à l’ONU a prévenu que “cela constitue le début d’une course aux armements à part entière”. En d’autres termes il a prévenu que, si les États-Unis installaient à nouveau en Europe des missiles nucléaires pointés sur la Russie (comme l’étaient aussi les Cruise basés à Comiso dans les années 80), la Russie installerait à nouveau sur son propre territoire des missiles analogues pointés sur des objectifs en Europe (mais ne pouvant pas atteindre les États-Unis).

Faisant fi de tout cela, le représentant Ue à l’ONU a accusé la Russie de miner le Traité FNI et a annoncé le vote contraire de tous les pays de l’Union parce que “la résolution présentée par la Russie dévie de la question qui est en discussion”. En substance, donc, l’Union européenne a donné son feu vert à l’installation possible de nouveaux missiles nucléaires USA en Europe, Italie Comprise. 

Sur une question de cette importance, le gouvernement Conte, renonçant comme ses prédécesseurs à exercer la souveraineté nationale, s’est aligné sur l’Ue qui à son tour s’est alignée sur l’Otan sous commandement USA. Et de tout l’arc politique aucune voix ne s’est élevée pour demander que ce soit le Parlement qui décide comment voter à l’ONU. Et aucune voix non plus ne s’est élevée au Parlement pour demander que l’Italie observe le Traité de non-prolifération, imposant aux USA de retirer de notre territoire national les bombes nucléaires B61 et de ne pas y installer, à partir de la première moitié de 2020, les nouvelles et encore plus dangereuses B61-12.

Ainsi est à nouveau violé le principe constitutionnel fondamental que “la souveraineté appartient au peuple”. Et comme l’appareil politico-médiatique maintient les Italiens dans l’ignorance de ces questions d’importance vitale, est violé le droit à l’information, dans le sens non seulement de la liberté d’informer mais du droit d’être informés.

Ou bien on le fait maintenant ou demain il n’y aura pas de temps pour décider : un missile balistique à portée intermédiaire, pour atteindre et détruire son objectif avec sa tête nucléaire, met 6-11 minutes.

mercredi, 09 janvier 2019

Entretien sur Le Prince d'Aquitaine - Trois questions à Christopher Gérard

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Entretien sur Le Prince d'Aquitaine

Trois questions à Christopher Gérard

Propos recueillis par Bruno Favrit

Ex: http://archaion.hautetfort.com

Le Prince d’Aquitaine est votre douzième livre et votre cinquième roman. Comment qualifier ce livre et, tout d’abord, pourquoi ce titre d’inspiration nervalienne ?

Vous avez raison de souligner l’origine du titre, qui évoque de manière explicite, par le biais d’une citation des Chimères, l’un des plus mystérieux poèmes de Nerval, et l’un des plus sublimes sonnets de notre littérature – El Desdichado : « Je suis le Ténébreux, - le Veuf, -l’Inconsolé, Le Prince d’Aquitaine à la Tour abolie ; ».

Le Prince d’Aquitaine est en fait un chevalier de la suite de Richard-Cœur-de-Lion, dépossédé (tel est le sens de l’espagnol desdichado) de son trône, celui de Castille, par Jean-sans-Terre.  Ce prince évincé se réfugie en Languedoc, si l’on en croit Walter Scott dans Ivanhoe, un roman de chevalerie qu’avait dévoré Gérard de Nerval. L’Aquitaine, ici, est une terre mythique, de même que le prince est légendaire. Le sonnet tout entier baigne dans une atmosphère mystique et hermétique qui a fasciné et continue de fasciner ses lecteurs. Le Prince d’Aquitaine incarne à mes yeux la solitude du chevalier médiéval, la lente remontée depuis le monde des Enfers d’un homme frappé par le cruel destin, mais qui survit à l’épreuve. Il faut aussi savoir que l’un des manuscrits du poème, celui qui appartint à Eluard, porte comme titre non pas El Desdichado, mais Le Destin.

Mon roman illustre le combat mené, entre misère et orgueil, entre la nuit la plus noire et le soleil le plus éclatant, par un jeune chevalier contre des destins contraires – j’insiste sur le caractère symbolique, et donc universel, du récit, qui ne se réduit pas à une banale autobiographie. D’où, je pense, son caractère anachronique au sens noble – à rebours du siècle. Le dernier mot du livre, katharsis, purification en grec ancien, rappelle qu’il s’agit d’une tragédie, qui, selon Aristote, se définit par la purification qu’elle impose au spectateur. Il s’agit bien d’un roman initiatique, doublé d’une description quasi clinique d’un phénomène de résilience -  comment d’anciennes cicatrices se referment, comment une armure muée en prison tombe en pièces, désormais inutile.

princed'aquitaine.jpgDans vos deux premiers romans, Le Songe d’Empédocle et Maugis (L’Age d’Homme), vos personnages sont en quête de sacré, à rebours d’une époque anémique. Dans Le Prince d’Aquitaine, le procédé semble différent, même si le lecteur n’en sort pas indemne. Qu’en est-il ?

Deux ou trois mots sur le roman proprement dit, pour éclairer le lecteur.

Le Prince d’Aquitaine  est un itinéraire affectif, esthétique et philosophique, qui s’étend sur un siècle, des tranchées de l’automne 1914 à nos jours. C’est aussi le dialogue d’un fils avec l’ombre de son père, qui trace un portrait parfois cruel du monde « d’avant » – celui des années 50 à 80.

On y lit des réflexions sur le dandysme, sur la vision tragique de l’existence, sur les blessures trans-générationnelles – un obus allemand occasionnant ici des plaies qui durent cent ans. Drieu, Stendhal, Léautaud sont convoqués. C’est le fruit de dizaines d’années d’observations, d’expériences et de réflexions, dans un esprit antimoderne.

Comme dans mes précédents romans, le sujet central est bien ce combat millénaire que se livrent les forces du chaos, ici incarnées par un personnage littéralement possédé, le père du narrateur, et celles de la lumière, ou, pour citer Empédocle d’Agrigente, Arès aux noires prunelles, figure de la Haine et de la division, et Aphrodite aux mille parfums, figure de l’Amour et de la concorde. Mon narrateur, né dans une famille éclatée, dévastée par le nihilisme contemporain, étouffe et risque de perdre le combat qu’il mène, d’abord de manière inconsciente dans son enfance, contre ces forces infernales. Tout le récit narre comment ce fils du Soleil triomphe, malgré les blessures, et regagne son royaume, évitant ainsi d’être stérilisé et de rejoindre le vaste troupeau des âmes mortes.

On trouve, au fond, dans votre roman une opposition entre la mémoire, la tradition, le sacré et ce que leur impose « l’époque » par ses injonctions modernistes et son mépris affiché envers qui prétendrait devenir ce qu’il est. Ce qui est fascinant, c’est de suivre le narrateur tout au long d’un parcours où il s’efforce de se construire face à un père fantasque, insaisissable, et qui ne ménage pas les siens. Derrière cette figure paternelle, il y a une tension, une tragédie, n’est-ce pas ?

Exactement. Un fils s’adresse au fantôme paternel non pour régler des comptes, mais pour les apurer et pour se libérer d’une ombre maléfique, car possédée par l’autodestruction, ici symbolisée par l’alcool.

Il ne s’agissait pas de déballer je ne sais quels banals secrets de famille, besogne dépourvue d’intérêt comme de tenue. Dans ce roman, qui est avant tout une construction littéraire, l’essentiel réside dans la colère froide du narrateur, dans la tension tragique vécue par une jeune âme qui tente de surnager face au courant qui l’emporte vers le gouffre. Pour reprendre la métaphore nervalienne, le « dépossédé » au sens de déshérité se lance à la reconquista de son royaume intérieur et devient ainsi ce qu’il est. Parfois, il faut le savoir, l’ennemi n’est pas au pied de nos murailles, mais dans la place, dans notre dos, voire en nous-mêmes !

Quand je parle d’héritage, je songe surtout à cet héritage immatériel que, pour la première fois dans l’histoire de notre civilisation, une génération d’ingrats refuse de transmettre par haine de soi. Et en même temps, le narrateur, de possédé au sens d’aliéné, devient « dépossédé » au sens de libéré. Cette tension dont vous parlez se résout par la joie tragique et grâce au triomphe de l’Amour.

Christopher Gérard

Propos recueillis par le confrère Bruno Favrit.

Août XVIII

I “concetti teologici secolarizzati" della geopolitica

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I “concetti teologici secolarizzati" della geopolitica
 
Ex: https://www.eurasia-rivista.com

“Geopolitica” è uno di quei termini di cui occorre preliminarmente chiarire il significato, perché da diversi anni se ne fa un vero e proprio abuso, attribuendo ad esso contenuti che non ha ed usandolo per lo più come un sinonimo di “geografia politica”, “relazioni internazionali”, “politica estera”, “geostrategia” ecc. In realtà la geopolitica è un’altra cosa.

Pare che il termine compaia per la prima volta in un manoscritto inedito di Gottfried Wilhelm Leibniz (1646-1716) del 1679, all’epoca in cui il filosofo era consigliere di corte degli Hannover e, incoraggiato dal principe Giovanni Federico nelle sue iniziative culturali e diplomatiche, si adoperava per favorire la pace religiosa. Ma come fondatori della geopolitica vengono generalmente indicati due studiosi: il geografo ed etnologo tedesco Friedrich Ratzel (1844-1904), fondatore della geografia antropica, e il sociologo, politologo e geografo svedese Rudolf Kjellén (1864-1922). 

Quanto a Ratzel, la sua geografia è considerata “una filosofia darwiniana dello spazio, poiché è animata dalle teorie dell’evoluzione della specie e della lotta per la sopravvivenza, filtrate attraverso l’ottica sociale di Herbert Spencer”[1]. Allo Stato, concepito come un organismo biologico e spazializzato costretto ad espandersi, Ratzel assegna una funzione centrale; ma ritiene fondamentale che gli uomini politici, per comprendere il significato spaziale delle loro decisioni, si impadroniscano delle necessarie conoscenze geografiche.

La prospettiva geografico-politica di Ratzel viene integrata da Kjellén in un tipo di studio che nel 1899 riceve da lui per la prima volta la denominazione di geopolitica. Prima nei suoi corsi all’università di Göteborg, poi in un’opera del 1905, Kjellén definisce la geopolitica come “la scienza dello Stato in quanto organismo geografico o entità nello spazio: ossia lo Stato come paese, territorio, dominio o, più particolarmente, come regno. In quanto scienza politica, essa osserva fermamente l’unità statale e vuol contribuire alla comprensione della natura dello Stato”[2].

La geopolitica come “geografia sacra” secolarizzata?

Per quanto grande sia il peso attribuito dalla geopolitica ai fattori geografici, è dunque essenziale il suo rapporto con la dottrina dello Stato, sicché viene spontaneo porsi una questione che finora non risulta abbia impegnato la riflessione degli studiosi.

La questione, che si colloca tra il sacro e il profano, è la seguente: è possibile applicare anche alla geopolitica la celebre affermazione di Carl Schmitt, secondo cui “tutti i concetti più pregnanti della moderna dottrina dello Stato sono concetti teologici secolarizzati”[3]?

L’affermazione di Schmitt riprende una riflessione di Proudhon, che nel 1849 scriveva testualmente: “È sorprendente che al fondo della nostra politica noi trovassimo sempre la teologia”. (“Il est surprenant, qu’au fond de notre politique nous trouvions toujours la théologie”)[4].

Riformuliamo la questione in questi termini: è possibile ipotizzare che la geopolitica rappresenti la derivazione secolarizzata di idee collegate con quella che è stata chiamata la “geografia sacra” da René Guénon[5], autore che peraltro attrasse l’attenzione di Carl Schmitt[6]?  

Se così fosse, la geopolitica si troverebbe in una situazione per certi versi analoga non soltanto alla “moderna dottrina dello Stato”, ma anche ad altre scienze moderne (per citare due soli esempi: la chimica e l’astronomia).

Per essere più esplicito, faccio ricorso ad una citazione dello stesso Guénon: “Separando radicalmente le scienze da ogni principio superiore col pretesto di assicurar loro l’indipendenza, la concezione moderna le ha private di ogni significato profondo e perfino di ogni interesse vero dal punto di vista della conoscenza: ed esse son condannate a finire in un vicolo cieco, poiché questa concezione le chiude in un dominio irrimediabilmente limitato”[7].

Per quanto riguarda in particolare la “geografia sacra”, alla quale – secondo l’ipotesi che abbiamo formulata – si ricollegherebbe in qualche modo la geopolitica, è ancora Guénon a fornirci una sintetica indicazione al riguardo.

“Esiste realmente – egli scrive – una ‘geografia sacra’ o tradizionale che i moderni ignorano completamente così come tutte le altre conoscenze dello stesso genere: c’è un simbolismo geografico come c’è un simbolismo storico, ed è il valore simbolico che dà alle cose il loro significato profondo, perché esso è il mezzo che stabilisce la loro corrispondenza con realtà d’ordine superiore; ma, per determinare effettivamente questa corrispondenza, bisogna esser capaci, in una maniera o nell’altra, di percepire nelle cose stesse il riflesso di quelle realtà.

È per questo – prosegue Guénon – che vi sono luoghi particolarmente adatti a servire da ‘supporto’ all’azione delle ‘influenze spirituali’, ed è su ciò che si è sempre basata l’installazione di certi ‘centri’ tradizionali principali o secondari, di cui gli ‘oracoli’ dell’antichità ed i luoghi di pellegrinaggio forniscono gli esempi esteriormente più appariscenti; per contro vi sono altri luoghi che sono non meno particolarmente favorevoli al manifestarsi di ‘influenze’ di carattere del tutto opposto, appartenenti alle più basse regioni del dominio sottile”[8].

Queste ultime considerazioni di Guénon hanno un evidente rapporto con l’antica nozione del “genius loci”.

Oggi con questa espressione intendiamo semplicemente lo spirito che aleggia in un determinato luogo, la sua atmosfera specifica. Ma nella religione romana veniva chiamato genius loci il nume che presiede ad un luogo e lo protegge, tant’è vero che sul territorio dell’Impero esistevano molti altari dedicati ciascuno ad un particolare genius loci.

E questo perché non esiste alcun luogo che non abbia il suo genio: “Nullus locus sine genio”, afferma Servio commentando il passo dell’Eneide in cui Enea – vedendo sbucare dai recessi della terra un serpente che si accosta agli altari, assaggia le sacre offerte e poi scompare – non  capisce se si tratti del genio del luogo o di uno spirito ministro del padre Anchise (incertus geniumne loci famulumne parentis – esse putet)[9].

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Tracce della “geografia sacra” nella geopolitica

Non è detto, dunque, che una traccia di quella che Guénon chiama “geografia sacra” non sia individuabile in alcune caratteristiche nozioni geopolitiche, le quali potrebbero essere perciò considerate, secondo l’indicazione di Schmitt, “concetti teologici secolarizzati”.

Un caso che si può proporre a questo proposito è costituito dal concetto, eminentemente geopolitico, di confine.

Come è noto, la parola latina che significa “confine” è stata acquisita dal lessico geopolitico, tant’è vero che esiste una rivista di geopolitica intitolata proprio con questa parola: limes.

In origine il termine limes indicava una linea divisoria tracciata fra le porzioni di terreno assegnate ai coloni; in seguito “il suo valore si allargò a indicare più precisamente una strada militare, fortificata, anzi l’insieme stesso delle fortificazioni distese ai confini dell’impero (limes imperii), là dove questi non erano segnati dal mare o da un fiume, cioè da una ripa[10].

La dimensione sacrale di questa nozione diventa evidente allorché si considera che supremo tutore del limes era un dio, Terminus, quello che secondo Ovidio segna i confini di popoli e città e grandi regni: “Tu populos urbesque et regna ingentia finis[11].

Terminus è quel dio che, assieme alla dea Juventas, rifiutò di ritirarsi dal Campidoglio quando Tarquinio il Superbo avrebbe voluto sgombrare il colle dagli altri santuari per erigervi un tempio alla Triade Capitolina (Giove, Giunone e Minerva). Dalla resistenza di Terminus e Juventas si dedusse che il popolo romano non sarebbe mai invecchiato e che le sue frontiere non sarebbero mai state violate[12].

Attraverso la comparazione dei materiali indoiranici, Georges Dumézil ha mostrato che il nome Terminus, prima di essere applicato ad una divinità autonoma e particolare, corrispondeva ad una caratteristica qualità del dio sovrano adorato dai popoli indoeuropei: quella di supremo tutore dei limiti territoriali.

Insomma, la funzione di Terminus era analoga a quella che il rito dei Fratres Arvales riconosceva a Marte in quanto protettore delle messi e dell’abitato agricolo, esortandolo a prender posto sulla “soglia” (limen) dell’ager Romanus per proteggerlo dalle calamità.

D’altronde la storia di Roma ha inizio proprio con una drammatica affermazione della santità dei confini: il fondatore della Città punisce con la morte il fratello che ha violato il perimetro della Roma Quadrata.

Questo episodio illustra nel migliore dei modi l’affermazione di Carl Schmitt secondo cui il nómos – “la prima misurazione da cui derivano tutti gli altri criteri di misura”[13] e quindi la regolamentazione, la norma, la legge – “può essere definito come un muro, poiché anche il muro si basa su localizzazioni sacrali”[14], cosicché la terra, “detta nel linguaggio mitico la madre del diritto (…) reca sul proprio saldo suolo recinzioni e delimitazioni, pietre di confine, mura, case e altri edifici. Qui divengono palesi gli ordinamenti e le localizzazioni della convivenza umana”[15].

Anche il concetto di nómos proviene da una teologia, poiché nella religione greca Nomos è il dio che da Eusebeia (la Pietas) ha generato Dike (la Giustizia).

D’altronde l’originaria essenza teologica di questo concetto risulta evidente anche dalla definizione eraclitea del nómos come “divino” (theios), da quella pindarica come “sovrano” (basileús), da quella platonica e stoica come “dio” (theós). 

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Il katéchon

Ma l’episodio più drammatico in cui il muro appare come simbolo del nómos è forse quello che nella ierostoria coranica ha per protagonista il Bicorne (Dhu’l-qarnayn)[16], correntemente identificato con Alessandro Magno.

Per imprigionare le orde devastatrici di Gog e Magog e frenare i loro assalti, Alessandro fa erigere un baluardo di ferro e di rame, che le orde riusciranno ad abbattere solo alla fine dei tempi, nel momento apocalittico che precederà la parusia anticristica.

La muraglia costruita da Alessandro, in quanto trattiene le orde di Gog e Magog, rientra in quel paradigma che reca il nome greco di katéchon, altro termine che è stato acquisito dal vocabolario geopolitico.

Il katéchon è una “figura” eminentemente teologico-escatologica; ma nell’opera di Carl Schmitt, che come scrive lo stesso giurista[17]si spinge “fino alla soglia dell’escatologia”, tale  “figura” ha dato luogo ad una nozione di filosofia politica che presenta evidenti implicazioni geopolitiche.

In origine, la “figura” del katéchon compare nella Seconda Lettera di San Paolo ai Tessalonicesi.

San Paolo (o chi per lui, poiché l’autenticità della Seconda Lettera ai Tessalonicesi è ancora in  discussione) afferma che il secondo avvento del Cristo non è imminente; infatti prima della gloriosa parusia del Signore dovrà avvenire la grande apostasia e dovrà manifestarsi colui che nella Lettera viene definito come “l’Uomo dell’iniquità” o “l’Uomo del peccato” (ho ánthropos tês anomías; variante: ho ánthropos tês hamartías), “il Figlio della perdizione” (ho hyiòs tês apoleías), “l’Avversario” (ho antikeímenos), colui che si innalza al di sopra d’ogni cosa divina, fino ad insediarsi nel tempio stesso di Dio come se fosse lui Dio[18].

L’autore della Lettera afferma che il “mistero dell’iniquità” (tò mystérion tês anomías) è in atto già adesso; ma l’epifania finale dell’iniquità è frenata e ritardata da qualcosa o qualcuno che viene indicato prima con un participio neutro, tò katéchon, “ciò che trattiene”, poi con un participio maschile, ho katéchon, “colui che trattiene”; alla fine, quando questa enigmatica forza frenante e rallentatrice sarà tolta di mezzo, la potenza dell’empietà si rivelerà compiutamente e il Signore Gesù Cristo la distruggerà “col soffio della sua bocca” (tôi pneúmati toû stómatos autoû)[19].

Nella sua produzione scientifica, Schmitt utilizza per la prima volta il concetto di katéchon in un breve scritto del 1942 apparso in “Das Reich” sotto il titolo Beschleuniger wider Willen [20].

“Tertulliano e altri autori – egli scrive – vedevano nel vecchio imperium romanum di allora il rallentatore, ovvero il fattore che con la sua semplice esistenza ‘tratteneva’ l’eone, determinando un rinvio della fine. Il Medioevo europeo ha ripreso questa credenza, e molti avvenimenti essenziali della storia medioevale sono comprensibili solo in questa prospettiva”[21].

In effetti, nell’esegesi neotestamentaria l’identificazione della figura paolina del katéchon con l’Impero Romano rimase preponderante, dall’epoca patristica in poi.

Per quanto concerne l’opera di Schmitt, il katéchon vi ricorre come la forza frenante che tenta di opporsi alla distruzione di un ordinamento politico, quindi come il lato più propriamente spirituale del nómos della terra.

Ben prima che si parlasse correntemente di “globalizzazione”, Carl Schmitt aveva capito che l’egemonia anglo-americana avrebbe cancellato ogni distinzione e pluralità spaziale, unificando il mondo per mezzo della tecnica e delle strategie economiche e assoggettandolo ad una sorta di “polizia internazionale”.

A questa prospettiva di un mondo spazialmente uniforme e indifferenziato, sradicato dai suoi fondamenti terranei, Schmitt contrappone l’idea che non può esservi Ordnung senza Ortung, ossia che non può esistere un vero ordinamento mondiale senza una localizzazione geografica.

In altri termini, Schmitt sostiene la necessità di un nuovo nómos della terra, ossia di una differenziata suddivisione dello spazio terrestre. Ma dovrà trattarsi di una suddivisione che superi l’angustia territoriale dei vecchi Stati nazionali, ormai inadeguati nell’epoca degli Stati continentali, e realizzi il principio dei “grandi spazi”; al centro dei quali – questa era la speranza di Schmitt fino al 1942 – dovrebbe tornare a porsi l’Europa, autentico katéchon di fronte alla minaccia dell’uniformazione planetaria, che inevitabilmente assume un marchio anticristico.

L’Anticristo, infatti, viene presentato da San Paolo come ho ánomos, “l’iniquo”;

ma il greco anomía, che noi traduciamo correntemente con “iniquità”, è propriamente la negazione del nómos, per cui Schmitt riconosce nella anomía anticristica la radice di quella sinistra parodia dell’Impero che è il globalismo americanocentrico, forma attuale di quello che una volta veniva chiamato “imperialismo americano”, o meglio “statunitense”.

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L’Impero

Il fatto che l’esegesi neotestamentaria sia stata per lo più incline a riconoscere l’Impero romano nell’enigmatica figura paolina del katéchon ci induce a rinnovare in relazione all’idea di Impero l’interrogativo dal quale siamo partiti. Insomma, dobbiamo vedere anche nel concetto geopolitico di Impero il prodotto di un pensiero teologico?

Un glossario geopolitico compilato in ambito accademico definisce l’Impero come uno “Stato dalle grandi dimensioni al cui interno convivono, più o meno liberamente e più o meno paritariamente, diverse nazioni e, conseguentemente, il cui principio costitutivo non sia nazionale. Normalmente si tende a parlare di impero quando questa forma di Stato si è formata [sic] attorno ad una nazione che ne ha il ruolo di guida”[22].  

In maniera più adeguata, forse, l’Impero potrebbe essere definito come “un tipo di unità politica che associa delle etnie, dei popoli e delle nazioni diverse ma imparentate e riunite da un principio spirituale. Rispettoso delle identità, [l’Impero] è animato da una sovranità fondata sulla fedeltà più che sul controllo territoriale diretto”[23].

Infatti ogni manifestazione storica del modello imperiale si è configurata, al di là della sua dimensione geografica e della varietà etnica e confessionale della popolazione corrispondente, come un ordinamento unitario determinato da un principio superiore.

Se ci limitiamo a considerare le forme di Impero che nacquero nell’area del Mediterraneo e del Vicino Oriente, sembra di poter constatare che a creare il modello originario dell’ordinamento imperiale sia stata la civiltà dell’antico Iran, la quale probabilmente attinse tale concezione dal mondo assiro e babilonese.

Se entro i confini della Persia antica il fondamento di tale concezione è la dottrina dell’onnipotenza di Ahura-Mazda, il dio creatore del cielo e della terra che ha assegnato al “Re dei re” la signoria su popoli diversi, in Babilonia e in Egitto i sovrani achemenidi fanno riferimento alle forme religiose locali e in tal modo “assumono il carattere di re nazionali dei diversi paesi, mantenendo in ciascuno di quelli la tradizionale figura di monarca di diritto divino”[24]

Come sappiamo, il modello persiano ispira ad Alessandro un progetto di monarchia sovranazionale che, attraverso i regni ellenistici, si realizza nell’Impero romano, del quale sono noti i fondamenti concreti: il comune ordinamento legale (che convive con una molteplicità di fonti giuridiche), la diffusione della lingua latina (accanto al greco ed alle lingue locali), la difesa militare delle frontiere, l’istituzione di colonie destinate a diventare centri di irradiamento dell’influsso romano nelle province confinarie, una moneta imperiale comune (accanto alle monete provinciali e municipali), un’articolata rete stradale, i trasferimenti di popolazione.

La tradizione romana comporta un concetto teologico di Impero che troviamo enunciato nell’Eneide: Virgilio evidenzia il carattere metastorico dell’idea di Impero, presentandolo come l’archetipo di un ordinamento politico perfetto. 

Nel libro I del poema è Giove stesso che traccia il destino di Roma, dall’arrivo di Enea nel Lazio fino all’instaurazione del principato augusteo. Con una promessa solenne il Padre degli uomini e degli dèi assegna ai discendenti di Enea una potenza illimitata: “His ego nec metas rerum nec tempora pono; – imperium sine fine dedi[25].

Imperium sine fine” è un impero non vincolato dai limiti spaziali e temporali di altre analoghe organizzazioni geopolitiche.

Sine fine”, a mio parere, significa che la possibilità dell’Impero è perenne nella sua universalità e quindi trascende ogni contingenza storica.

Storicamente, ciò è confermato dal fatto che nel Medio Evo l’Impero Romano rinacque, per iniziativa germanica, assumendo la forma del Sacro Romano Impero.

La teologia romana dell’Impero trova il suo culmine nel libro VI dell’Eneide, al termine del lungo discorso con cui l’anima di Anchise indica ad Enea il destino delle anime che si assiepano sulle rive del fiume Lete.

Il lapidario comandamento di Anchise è formulato in questi tre versi celeberrimi: “Tu regere imperio populos, Romane, memento – (hae tibi erunt artes) paci[s]que imponere morem, – parcere subiectis et debellare superbos[26]. “Tu ricorda, o Romano, di governare i popoli – (sarà questa la tua arte) e di imporre costumi di pace, – usar clemenza a chi si arrende, ma abbattere i tracotanti”.

Imperium sine fine”: mezzo millennio dopo Cesare e dopo Augusto, viene deposto l’ultimo imperatore d’Occidente, ma l’Impero romano continua ad esistere per altri mille anni nella sua parte orientale.

Nonostante lo si chiami correntemente “bizantino”, fu un Impero romano, come sottolinea uno dei suoi massimi storici, Georg Ostrogorsky: “Struttura statale romana, cultura greca e religione cristiana sono le fonti principali dello sviluppo dell’impero bizantino. (…) L’impero, eterogeneo dal punto di vista etnico, fu tenuto unito dal concetto romano di stato e la sua posizione nel mondo fu determinata dall’idea romana di universalità. (…) Si forma tutta una complessa gerarchia di stati, al cui vertice è l’imperatore di Bisanzio, imperatore romano e capo dell’ecumene cristiana”[27].

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“Impero Romano turco e musulmano”

In seguito alla conquista di Costantinopoli da parte degli Ottomani, sorgono due nuove e distinte forme imperiali, nelle quali è possibile scorgere l’impronta dell’Impero romano. Sono l’Impero ottomano e l’Impero russo.

Come scrive un altro grande storico, Nicolae Iorga, “Dopo più di mille anni il Sultano turco rifaceva l’opera di Costantino il Grande”[28], cosicché “il dominio ottomano non significava altro che una nuova Bisanzio, con un nuovo carattere religioso per la dinastia e l’esercito”[29]. Perciò nella visione di Iorga[30] l’Impero ottomano costituì – cito ancora una volta le sue parole – “l’ultima ipostasi di Roma, (…) la Roma musulmana dei Turchi”[31].

In modo analogo si esprime Arnold Toynbee: “l’Impero Romano greco e cristiano cade per risorgere nella forma di un Impero Romano turco e musulmano”[32].

In effetti, di fronte all’evento epocale della conquista ottomana di Costantinopoli e al conseguente insediarsi della nuova dinastia nella capitale dell’Impero Romano, i principi dell’Europa cristiana si resero conto di assistere ad un trapasso di autorità e di poteri che trasferiva alla Casa di Osman l’eredità dei Cesari. Lo stesso Papa di Roma, Pio II, proponeva a Mehmed II il Conquistatore di farsi riconoscere come “legittimo imperatore dei Greci e dell’Oriente mediante un pochino d’acqua (aquae pauxillum)”, mostrandosi desideroso di battezzarlo e di accoglierlo nella cerchia dei sovrani cristiani e ammettendo in tal modo, sia pure implicitamente, che il Sultano era già, quanto meno de facto, imperatore romano.

D’altronde, come scriveva testualmente Giorgio Trapezunzio (1395-1484) in una delle due orationes indirizzate al Sultano nel 1466, a Roma “nessuno dubitava ch’egli fosse di diritto imperatore dei Romani”.

Infatti, affermava il filosofo cretese, ripetendo un’argomentazione consueta in quegli anni, “imperatore è colui che a giusto titolo possiede la sede dell’Impero, e la sede dell’Impero Romano è Costantinopoli. Chi dunque possiede di diritto Costantinopoli è imperatore”. E proseguiva: “Ma non dagli uomini, bensì da Dio tu desumi, mediante la tua spada, il possesso del trono suddetto. Quindi tu sei legittimo imperatore dei Romani! Chi dunque continua ad essere imperatore dei Romani, è anche imperatore di tutto l’orbe terracqueo!” Nessuno, concludeva il Trapezunzio, avrebbe potuto meglio di Mehmed fondere in un solo impero, con l’aiuto di Dio, tutte le genti dell’Europa e dell’Oriente[33].

Va poi menzionato il riconoscimento ufficiale ed esplicito proveniente dalla Repubblica di Venezia: Mehmed II era Imperatore di Costantinopoli e quindi gli spettavano di diritto tutti i territori dell’Impero bizantino, tra cui anche le vecchie colonie greche della Puglia: Brindisi, Taranto e Otranto.

Quanto a Firenze, Lorenzo il Magnifico fece coniare una medaglia sulla quale, accanto all’immagine del Sultano Conquistatore, si leggeva: “Mahumet, Asie ac Trapesunzis Magneque Gretie Imperat[or]”. L’espressione Magna Gretia designa qui non l’Italia meridionale, bensì quella che, a paragone di Trebisonda (Trapesus), cioè della “piccola Grecia”, è la “grande Grecia”, vale a dire Bisanzio col suo vasto entroterra.

Altre due medaglie, che parlano anch’esse un linguaggio inequivocabile in ordine al riconoscimento del carattere romano rivestito dall’imperium ottomano, furono fatte coniare nel 1481 da Ferrante d’Aragona. Le rispettive iscrizioni qualificavano Mehmed II “Asie et Gretie imperator” e “Bizantii imperator”. Dunque: imperatore bizantino, imperatore della Grecia e dell’Asia.

Ma il primo ad essere consapevole di questa eredità era lo stesso Mehmed, che sul modesto abito di panno nero portava l’aquila bicefala dei basileis. Oltre ad Alessandro Magno, il modello ideale scelto da Mehmed era Giulio Cesare; “e dice che la sede di Costantino gli è concessa dal cielo e che questa sede sembra esser in verità Roma, non Costantinopoli (hanc vero Romam esse, non Constantinopolim videri), e ciò esser giusto e corrispondere bene, come se, presa la figlia con la forza, possa prendersi anche la madre…”[34].

Insomma, “persino la corte dei sultani, eredi della potenza bizantina (…), prese ad imitare nell’organizzazione e nello splendore quella che Costantino VII Porfirogenito ci ha così efficacemente rappresentato nel suo de coeremoniis. Lo stesso titolo sultaniale di “ombra di Dio sulla terra” riecheggiava la dottrina che era stata esposta nel 527 da Agapito, diacono di Santa Sofia, in occasione dell’incoronazione di Giustiniano. Degno di nota è in particolare il fatto che Solimano il Magnifico “pretese di assumere il titolo di ‘imperatore’ e di negarlo, secondo la politica di Bisanzio nei confronti dell’occidente, a Carlo V”[35]

D’altronde Solimano I (che in turco non è chiamato “il Magnifico”, bensì Qanuni, ossia “Legislatore”, dal greco kanón, che è il “Canone” di Giustiniano, il corpus juris civilis) era solito presentarsi come “Signore dei Signori (…) Signore della Grecia, della Persia e dell’Arabia (…) Signore del Mar Nero e d’ogni altro mare, nonché della città santa della Mecca, fulgente di tutta la luce di Allah, della città di Medina e della santa e casta città di Gerusalemme; Principe di tutta l’Ungheria e sovrano di molti altri regni e territori, sui quali esercito la mia autorità imperiale (…)”[36].

Già nel 1538, dopo il trionfo moldavo, il Magnifico si era proclamato, in una sua poesia, “Scià dell’Iran, imperatore dei Romani, sultano dell’Egitto”. Nei versi di un altro sultano, viene ripetuto il titolo di zar: “Sono zar di Zarigrado (= Istanbul) – e zar di Macedonia, – zar dei greci, dei serbi e dei moldavi, – e zar di Babilonia. – Sono zar di Podolia e di Galizia, – e della nobile Crimea, – zar d’Egitto e d’Arabia – e zar di Gerusalemme”[37].

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La Terza Roma

Intanto Mosca si preparava a diventare, in una nuova metamorfosi dell’Impero, la “Terza Roma”. A coniare questa definizione fu un monaco ortodosso russo, lo starec Filofej, che tra il 1523 e il 1524, in un messaggio inviato al granduca di Moscovia Basilio III, enunciò l’idea di Mosca quale “terza Roma” nei termini seguenti.

“La Chiesa dell’antica Roma è caduta a causa dell’eterodossia dell’eresia apollinarista [che negava l’integrità dell’anima umana del Cristo]. La seconda Roma – la Chiesa di Costantinopoli – è stata fatta a pezzi dalle scuri dei figli di Agar e ora questa Terza Roma del tuo potente regno – la Chiesa santa cattolica e apostolica – illuminerà l’universo intero come fa il sole… Sappi e riconosci, pio Zar, che tutti i regni cristiani si sono compendiati nel tuo; che la prima e la seconda Roma sono cadute; e che ora si erge una terza Roma, alla quale non succederà mai una quarta: il tuo regno cristiano non cadrà in potere di nessun altro”.

Parlando di Roma e di Mosca, Filofej non intendeva indicare le due città come capitali politiche universali. Per lui “Roma” significava la prima capitale religiosa del cristianesimo, che, cadendo nell’eresia, aveva lasciato a Bisanzio, la seconda Roma, il compito di custodire la vera fede. Il crollo della prima Roma era stato un crollo spirituale; quello della seconda era stato anche un crollo politico.

Secondo gli Ortodossi, dunque, Bisanzio era stata annientata e l’Occidente cattolico era preda dell’eresia. Perciò la Russia, che aveva preservato l’indipendenza nazionale, era diventata l’unico baluardo della fede ortodossa.

Filofej non pensava alla Russia come ad una Terza Roma con connotazione politica, ma solo ad una Terza Roma religiosa. Tuttavia nella sua tesi c’era un’implicazione politica e geopolitica: l’idea di Mosca quale Terza Roma comportava l’idea della centralità della Russia.

Heartland

Arriviamo così ad un altro caso in cui un concetto religioso trasmette la sua forza ad un concetto geopolitico.

Alla centralità della Russia nel continente eurasiatico corrispondono infatti i caratteristici termini introdotti nel lessico geopolitico da Sir Halford John Mackinder (1861-1947): Heartland (lett. “territorio cuore”), pivot-state (“Stato perno”) e pivot area (“area perno”)[38].

Secondo Mackinder, che enuncia la sua tesi nel 1904, esiste una gigantesca fortezza naturale, inaccessibile alla potenza marittima: si tratta di quell’area, compresa fra l’Asia centrale e l’Oceano Artico, dalla quale si sono irradiate, fino al XVI secolo, le successive invasioni (di Unni, di Mongoli e Tartari, di Turchi) che hanno interessato la Cina, l’India, il Vicino Oriente e l’Europa. Il dominio di quest’area, che egli chiama inizialmente “area perno” (“pivot area”) e poi “territorio cuore” (“heartland”), garantirebbe il dominio della massa continentale eurasiatica e quindi del mondo. Nel 1919, quando ritiene che il pericolo per l’Inghilterra provenga dalla Germania, Mackinder sposta più ad ovest i confini occidentali dell’area-perno; li colloca più ad est nel 1943, quando giudica più pericolosa la Russia. In ogni caso, per impedire l’unità continentale ed assicurare alle potenze marittime il predominio sul resto del mondo, secondo Mackinder occorre interporre fra la Germania e la Russia, come un diaframma, un’Europa centro-orientale garantita dalla Società delle Nazioni.

Questi termini, che riprendono concetti d’origine orientale circolanti negli ambienti della Phabian Society frequentati dal geografo inglese, richiamano in maniera esplicita il simbolismo del cuore ed il simbolismo assiale e ripropongono in qualche modo quell’idea di “Centro del Mondo” che le culture tradizionali rappresentano attraverso una varietà di simboli, geografici e non geografici.

La storia delle religioni ci insegna che l’homo religiosus “aspira a vivere il più possibile vicino al Centro del Mondo e sa che il suo paese si trova effettivamente nel centro della superficie terrestre”[39]; questa convinzione non è scomparsa insieme con quella che Mircea Eliade chiama la visione “arcaica” del mondo, ma ha lasciato le sue tracce in contesti storico-culturali più recenti.  

Fino all’epoca delle grandi scoperte geografiche, fa notare Carl Schmitt, gli uomini avevano “un’immagine mitica del cielo e della terra”, per cui “ogni popolo potente si considerava il centro della terra e guardava ai propri domini territoriali come alla casa della pace, al di fuori della quale regnavano guerra, barbarie e caos”[40].

In realtà, ciò era vero già molto prima delle grandi scoperte geografiche. Per esempio, secondo la geografia sacra dell’Avesta zoroastriano, la sede originaria degli Ariani, cioè degli Irani, Airyanem Vaejah, si trova al centro di Xvaniratha, che fra i sette cosiddetti “climi” (karshvar) della terra è quello centrale, circondato dagli altri sei. Lì, nel centro della zona centrale, dove nacque Zarathustra, alla fine dei tempi nascerà l’ultimo Saoshyant (l’ultimo Salvatore), che ridurrà all’impotenza Ahriman e porterà a compimento la resurrezione e l’esistenza ventura.

Troviamo una rappresentazione analoga anche in una fase successiva della civiltà persiana. Il Kitâb al-tafhîm di Mohammad al-Birûnî (che visse nei secc. IV e V dell’Egira, ossia tra il X e l’XI dell’era volgare) contiene uno schema geografico in cui l’Iran è rappresentato dal cerchio centrale; intorno a questo cerchio centrale sono raggruppati altri sei cerchi, che a loro volta rappresentano: 1) Turkestan, 2) Cina, 3) India, 4) Arabia e Abissinia, 5) Siria ed Egitto, 6) area bizantina e mondo slavo.

Attualmente l’idea della centralità iraniana si esprime nell’uso del termine heartland in riferimento all’Iran stesso: un uso, questo, che è riscontrabile nei discorsi di alcuni esponenti della classe religioso-politica della Repubblica Islamica. In un’intervista apparsa sulle pagine di “Eurasia”, un hojjatoleslam iraniano dichiara testualmente: “Il movimento religioso e strategico della Rivoluzione Islamica ha assegnato all’Iran una funzione geostrategica. (…) L’Iran si è trasformato nell’heartland geostrategico”[41].

È vero che sono diversi i paesi e le regioni correntemente definiti come “centrali” relativamente all’area geografica alla quale appartengono: l’Europa centrale o Europa di Mezzo (Mitteleuropa, Zwischeneuropa), l’Italia centrale, l’Asia centrale, l’America centrale ed anche la Repubblica Centroafricana.

Ma l’idea di una centralità rispetto alla totalità del mondo terrestre si trova nel nome tradizionalmente usato dagli abitanti della Cina per designare il loro Paese: Chong-kuo, letteralmente “Paese del Centro”.

Il simbolismo islamico dell’Occidente

Mentre la Cina è, ancora oggi, il “Paese del Centro”, l’Europa, in seguito alle due svolte storiche del 1945 e del 1989, è stata inglobata in quella grande area geopolitica che, essendo egemonizzata dagli Stati Uniti d’America, viene chiamata “Occidente”.

Non sarà perciò privo d’interesse vedere qual è il significato che il simbolismo tradizionale assegna a questo punto cardinale.

Nella tradizione indù la distribuzione tradizionale delle caste nello spazio cittadino assegna ai brahmana i quartieri settentrionali, mentre agli kshatriya spetta l’est ed ai vaishya il sud; “per gli shudra rimane soltanto l’ovest, considerato il lato dell’oscurità”[42].

Per quanto concerne l’Islam, il simbolismo geografico si sviluppa a partire dal versetto coranico in cui Allah è chiamato “Signore dei due Orienti e dei due Occidenti” (Rabbu l-mashriqayni wa rabbu l-maghribayni)[43].

Secondo l’esegesi della gnosi sciita, il versetto allude a quattro orizzonti metafisici, quattro realtà archetipiche divine (haqâ’iq mutaassila ilâhîya); due di esse, l’Intelligenza universale e l’Anima universale, si trovano ad oriente della Realtà vera (mashriq al-haqîqat), mentre le altre due si trovano ad occidente, e sono la Natura universale e la Materia universale”[44].

Nella cosmologia di Avicenna, quale essa traspare dal Racconto di Hayy ibn Yaqzân di Ibn Tufayl[45], lo schema del mondo “divide la totalità dell’essere pensabile in un Occidente cosmico e in un Oriente cosmico”[46]. Ma questo Oriente cosmico non coincide con l’est delle nostre carte geografiche; esso è il polo celeste, il centro di ogni orientamento, e deve essere cercato nella direzione del nord cosmico, dove si trova la Terra di Luce.

In questo schema, l’Occidente “rappresenta il mondo materiale sensibile, ed è duplice: vi è il ‘clima’ [ossia la zona] della Materia terrestre sublunare, quello della nostra Terra materiale, soggetto alla generazione e alla dissoluzione; e vi è il ‘clima’ [la zona] della Materia celeste, quello delle Sfere costituite d’una sostanza eterica, diafana e incorruttibile, ma che tuttavia rientra ancora nella fisica”[47].

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Il simbolismo dantesco dell’Occidente

Se la gnosi islamica vede nell’Occidente il simbolo di una Materia che non è solo terrestre, ma acquisisce nel mondo celeste una sua dimensione più “sottile”, il Poema sacro di Dante assegna a questo punto cardinale una valenza che attiene all’aspetto più tenebroso e mortale della materia.

Infatti nel canto XXVI dell’Inferno, mentre viene confermata la santità dei confini collocati da Ercole sul limite occidentale del Mediterraneo “acciò che l’uom più oltre non si metta”[48], l’Ulisse dantesco rievoca così il discorso con cui egli aveva esortato i propri compagni ad affrontare il “folle volo”: “O frati, dissi, che per cento milia – perigli siete giunti all’occidente (…)”[49].

Se ci sforziamo di intravedere qualcosa di quel senso allegorico che, per espressa dichiarazione di Dante, si trova celato dietro il senso letterale “delli versi strani”, possiamo supporre che l’Occidente evocato da Ulisse nella sua “orazion picciola” non si esaurisca nell’accezione spaziale e geografica del termine, ma simboleggi la prossimità a quel limite che l’uomo non deve violare.

Ricordiamo che la parola “Occidente” trae origine dal participio latino del verbo occĭdo, il quale, essendo composto di ob e di cado, significa “cadere”, “morire”. Sol occĭdens è dunque il “Sole che tramonta”, il “Sole che muore”, e designa il luogo in cui ha inizio il regno della tenebra e della morte. Lì termina il cosmo degli uomini e inizia quello che Dante chiama il “mondo sanza gente”.

Non è escluso che l’Occidente dantesco, data la polivalenza semantica del simbolismo, indichi anche una fase temporale, cosicché un senso ulteriore del discorso di Ulisse sarebbe questo: i suoi compagni, in quanto “vecchi e tardi”, sono giunti “a l’occidente” della vita, cioè in prossimità della morte.

E siccome essi rappresentano la nostra umanità, l’umanità europea, in base a questa possibile accezione del simbolo saremmo indotti ad intendere che l’Europa doveva arrivare – e vi sarebbe effettivamente arrivata proprio al tempo di Dante – in prossimità di quella fase della sua esistenza che, secondo René Guénon, “ha rappresentato in realtà la morte di molte cose”.

D’altronde l’Occidente, il luogo della tenebra, è anche un simbolo di quello che Martin Heidegger ha chiamato “l’oscuramento del mondo”. “Mondo” – spiega lo stesso Heidegger – “si deve sempre intendere in senso spirituale”, sicché “l’oscuramento del mondo implica un depotenziamento dello spirito”. E la situazione dell’Europa, prosegue Heidegger, “risulta tanto più fatale e senza rimedio in quanto il depotenziamento dello spirito proviene da lei stessa”.

Secondo Heidegger, l’oscuramento del mondo, “anche se è stato preparato in passato, si è definitivamente verificato a partire dalla condizione spirituale della prima metà del secolo XIX”[50], cioè col trionfo del razionalismo contemporaneo, del materialismo, dell’individualismo liberale. D’altra parte, questo oscuramento del mondo è proceduto di pari passo con quella che Serge Latouche ha chiamata “l’occidentalizzazione del mondo”[51].

L’inferno, nel fondo del quale è finito quell’Ulisse dantesco che lasciò l’Europa per inoltrarsi nella tenebra occidentale, è un Occidente perenne, perché la luce non vi splende mai. Dante può uscire da questa eterna tenebra occidentale e infernale solo perché è guidato da Virgilio, il poeta dell’Impero; il poeta di un Impero che, come è detto esplicitamente in Paradiso, VI, 4-6, è per la sua stessa origine legato allo spazio europeo e mediterraneo: “cento e cent’anni e più l’uccel di Dio – ne lo stremo d’Europa si ritenne, – vicino a’ monti de’ quai prima uscìo”[52].

È infatti il caso di ricordare che, secondo Dante, l’Aquila imperiale (“l’uccel di Dio”) spiccò il suo volo partendo da “lo stremo d’Europa”, cioè dall’odierna Anatolia, là dove sorgeva Troia, patria di Enea, antenato di Romolo.

Della riva orientale del Mediterraneo era originaria la stessa Europa, la fanciulla che fu amata da Zeus e diede il proprio nome al nostro subcontinente (a questa “penisoletta avanzata dell’Asia”, sein vorgeschobenes Halbinselchen Europa[53], per dirla con Nietzsche).

Ciò potrebbe indurci a riflettere sul fatto che per i Greci e per i Romani, e poi ancora per gli uomini del Medioevo, l’Europa si estendeva verso oriente molto più che non nell’età moderna e in quella contemporanea; ma questo sarebbe un altro discorso, che implicherebbe questioni molto attuali e dibattute, come ad esempio quella relativa allo statuto (culturale e geopolitico) della Turchia rispetto all’Europa.


NOTE

[1] Carlo Jean, Geopolitica, Laterza, Roma-Bari 1995, p. 26.

[2] Stormakterna. Konturer kring samtidens storpolitik, första delen. Ried. Hugo Gebers förlag, Stockholm 1911, p. 95. Trad. fr., Les grandes puissances. Des contours de la grande politique contemporaine, première partie, p. 39.

[3] Carl Schmitt, Teologia politica, in Le categorie del ‘politico’, Il Mulino, Bologna 1972, p. 61.

[4] Pierre-Joseph Proudhon, Les confessions d’un révolutionnaire, pour servir à l’histoire de la révolution de février, “La voix du peuple”, Paris, 1849, p. 61.

[5] René Guénon, Il regno della quantità e i segni dei tempi, Edizioni Studi Tradizionali, Torino 1969, p. 162. Una decina d’anni prima di pubblicare Il regno della quantità, Guénon aveva patrocinato la pubblicazione, su “Études traditionnelles”, di uno studio di Vasile Lovinescu sulla “Dacia iperborea”. L’Autore, che si firmava con lo pseudonimo di “Geticus”, dichiarava esplicitamente la propria intenzione di applicare i criteri della “geografia sacra, (…) fra tutte le scienze tradizionali la più dimenticata in Occidente” (Geticus, La Dacia iperborea, Edizioni all’insegna del Veltro, Parma 1984, p. 18.

[6] Cfr. Cristiano Grottanelli, Mircea Eliade, Carl Schmitt, René Guénon, 1942, “Revue de l’histoire des religions”, tome 219, n. 3, 2002, pp. 325-356. La crise du monde moderne è citata da Schmitt in Der Leviathan in der Staatslehre des Thomas Hobbes, Stuttgart 1982, pp. 44-45.

[7] René Guénon, La crisi del mondo moderno, Edizioni dell’Ascia, Roma 1953, p. 66.

[8] René Guénon, Il regno della quantità e i segni dei tempi, cit., ibidem.

[9] Virgilio, Eneide, V, 84-96.

[10] W. Kubitschek, Limes, in Enciclopedia Italiana, 1934.

[11] Ovidio, Fasti, II, 659.

[12] Dionigi di Alicarnasso, II, 74. “Juventas Terminusque maximo gaudio patrum vestrorum moveri se non passi” (Livio, V, 54; cfr. I, 55, 3 s.). “nempe deorum – cuncta Jovi cessit turba, locumque dedit. – Terminus, ut veteres memorant, inventus in aede, – Restitit et magno cum Jove templa tenet” (Ovidio, Fasti, II, 667-670).

[13] Carl Schmitt, Il nomos della terra, Adelphi, Milano 1991, p. 54.

[14] Carl Schmitt, Il nomos della terra, cit., p. 59.

[15] Carl Schmitt, op. cit., p. 19.

[16] Corano, XVIII, 82-98.

[17] Carl Schmitt, Lettera a Álvaro d’Ors del 13 settembre 1951, cit. nell’Epilogo di Günther Maschke in: C. Schmitt, Stato, grande spazio, nomos, Adelphi, Milano 2015, p. 492, n. 1.

[18] “Ne quis vos seducat ullo modo; quoniam nisi venerit discessio primum, et revelatus fuerit homo peccati, filius perditionis, qui adversatur et extollitur supra omne, quod dicitur Deus aut quod colitur, ita ut in templo Dei sedeat ostendens se tamquam sit Deus” (Thess. II, 2, 3-4).

[19] “Non retinetis quod, cum adhuc essem apud vos, haec dicebam vobis? Et nunc quid detineat scitis, ut reveletur in suo tempore. Nam mysterium iam operatur iniquitatis; tantum ut qui tenet nunc teneat, donec de medio fiat. Et tunc revelabitur ille iniquus, quem Dominus Iesus interficiet spiritu oris sui” (Thess. II, 2, 5-8).

[20] Trad. it.: Carl Schmitt, Acceleratori involontari, in: Stato, grande spazio, nomos, cit., pp. 199-213.

[21] Carl Schmitt, Acceleratori involontari, in: Stato, grande spazio, nomos, cit., p. 209.

[22] Enrico Squarcina, Glossario di geografia politica e geopolitica, SEB, Milano 1997, p. 82.

[23] Louis Sorel, Ordine o disordine mondiale?, in L. Sorel – R. Steuckers – G. Maschke, Idee per una geopolitica europea, Milano 1998, p. 39.

[24] Pietro de Francisci, Arcana imperii, vol. I, Roma 1970, p. 168.

[25] Verg., Aen. I, 278-279.

[26] Verg., Aen. VI, 851-853.

[27] Georg Ostrogorsky, Storia dell’impero bizantino, Torino 1993, pp. 25-26.

[28] Nicolas Iorga, Byzance après Byzance, Paris 1992, p. 48.

[29] Nicolas Iorga, Formes byzantines et réalités balkaniques, Paris-Bucarest 1922, p. 189.

[30] La visione di Iorga coincide con quella di Arnold Toynbee: “The Greek Christian Roman Empire fell to rise again in the shape of a Turkish Muslim Roman Empire” (Arnold Toynbee, A Study of History, 2a ed., London – New York – Toronto 1948, vol. XII, p. 158).

[31] Nicolae Iorga, The Background of Romanian History, Cleveland, 17 febbr. 1930, cit. da Ioan Buga, Calea Regelui, Bucureşti 1998, p. 138.

[32] Arnold Toynbee, A Study of History, vol. XII, 2a ed., London – New York – Toronto 1948, p. 158.

[33] A. Mercati, Le due lettere di Giorgio da Trebisonda a Maometto II, “Orientalia Christiana Periodica”, IX, 1943, pp. 65-99.

[34] Nicola Sagundino, in: AA. VV., La caduta di Costantinopoli, Milano 1976, II, pp. 132-133.

[35] Pietro de Francisci, Arcana Imperii, Roma 1970, III, t. II, p. 239.

[36] Fairfax Downey, Solimano il Magnifico, Milano 1974, p. 307.

[37] Gianroberto Scarcia, Storia della letteratura turca, Milano 1971, p. 68.

[38] Halford John Mackinder, The geographical pivot of history, “The Geographical Journal”, vol. XXIII, n. 4, Aprile 1904, pp. 423-444. È prevista la pubblicazione della traduzione italiana di questo fondamentale testo della geopolitica sul n. 50 di “Eurasia”.

[39] Mircea Eliade, Il sacro e il profano, Boringhieri, Torino 1967, p. 42.

[40] Carl Schmitt, Stato, grande spazio, nomos, Adelphi, Milano 2015, p. 294.  

[41] Intervista all’hojjatolislam Abolfazl Emami Meybodi, a cura di C. Mutti, “Eurasia”, 1/2018, genn.-marzo 2018.

[42] R. Guénon, Simboli della Scienza sacra, Adelphi, Milano 1994,p. 96.

[43] Corano, LV, 17.

[44] H. Corbin, L’immagine del Tempio, cit., pp. 89-90.

[45] Ibn Tufayl, Epistola di Hayy ibn Yaqzân, Rusconi, Milano 1982.

[46] H. Corbin, Corpo spirituale e terra celeste, cit., p. 94.

[47] Ibn Tufayl, Epistola di Hayy ibn Yaqzân, Rusconi, Milano 1982.

[48] Inf. XXVI, 109.

[49] Inf. XXVI, 112-113.

[50] Martin Heidegger, Introduzione alla metafisica, Mursia, Milano 1972, p. 55.

[51] Serge Latouche, L’occidentalisation du monde, La Découverte, Paris 1989.

[52] Par. VI, 4-6.

[53] Friedrich Nietzsche, Jenseits von Gut und Böse, III, 52.

Herman Wirth’s Theory of Civilization

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Herman Wirth’s Theory of Civilization

Ex: http://www.geopolitica.ru

The Cultural Circle of Thule

Bachofen’s idea of a primordial matriarchy and his theory of “cultural circles” were developed by another historian and archaeologist, a specialist in paleo-epigraphy, Herman Wirth (1885-1981).

Wirth’s theories are based on the hypothesis borrowed from the Indian author Bala Gandhara Tilak (1856-1920) [1], that the original Proto-Indo-European civilization was formed in the late Paleolithic (the Aurignacian culture) in the lands of the northern polar circle. This hypothesis was based on the interpretation of the data of Indian astrology, Vedic texts, and the myths of the Hindus, Iranians, and Greeks which speak of the existence in remote antiquity of a populated country lying in the Far North (Hyperborea). This continent was described in the Vedas as the “land of the white boar”, Varahi, and the “island of light”, or Sweta Dvipa. The Zoroastrian tradition speaks of the ancient abode of the first man, the city of Vara, located in the Far North, from which he was forced to descend southwards as the dark deity Angra Mainyu, the enemy of the god of light, Ahura-Mazda, unleashed a “great cold” across these lands. Tilak argues for the existence of this “Nordic” proto-civilization on the basis of Indian astrology, the symbolism of which, according to Tilak, becomes clear only if we accept that the constellations were originally observed in the circumpolar regions, where the day of the gods is equal to the year of men.

wirthboek.jpgWirth adopted this hypothesis and constructed his own theory upon it, the “Hyperborean theory” [2] or theory of the “cultural circle of Thule” [3], which represents the Greek name for the mythical city lying in the country of the Hyperboreans. According to this theory, before the latest wave of global cooling, the circumpolar zone in the North Atlantic Ocean was home to inhabitable lands whose inhabitants were the creators of a primordial cultural code. This culture was formed under conditions when the natural environment of the Arctic was not yet so harsh, and when its climate was similar to the modern temperate Central European climate. There were present all the annual and atmospheric phenomena which can be observed in the Arctic today: the Arctic day and Arctic night. The yearly solar and lunar cycles of the Arctic are structured differently than their counterparts in middle-range latitudes. Thus, the symbolic fixations of the calendar, the trajectory of the sun, the moon, and the constellations of the zodiac necessarily had a different form and different patterns.

On the basis of an enormous swathe of archaeological, paleo-epigraphical (cave paintings, Paleolithic symbols, ancient carvings, etc.), mythological, and philological material, Herman Wirth undertook an attempt to reconstruct the primordial system of this Arctic proto-civilization’s cultural code. At its heart he put the reconstructed proto-calendar, the last traces of which Wirth believed are constituted by the Scandinavian runes, which he attributed to remote antiquity. Wirth proposed to examine this calendar, which records the key moments of the Arctic year, as the key to all later versions of mythological, religious, ritualistic, artistic, and philosophical heritages which continued and developed this primordial algorithm over the course of the wave-like migrations of the bearers of “Thulean culture” into the southern regions. When applied to other climatic conditions, however, many of the symbolic patterns of this calendar, otherwise crystal clear in the Arctic, lost their meaning and rationale. They were partially transferred to new realities, partially frozen as relics, and partially lost their meanings or acquired new ones.

First and foremost, this change entailed a fundamentally new understanding of the basic unit of time: instead of the Hyperborean day, equal to a year, the daily circle, which is much more clearly defined in the regions south of the polar circle, became the measure of events of human life. What is more, the localizing points of the spring and autumn equinoxes changed in relation to southward movement. All of this gradually confused the crystal clarity and simplicity of the primordial matrix.

Wirth believed that his reconstruction of the sacred complex of the culture of Thule lay at the heart of all historical types of writing and language, as well as musical tones, the symbolism of colors, ritual gestures, burials, religious complexes, etc.

Studying this culture formed the basis of Wirth’s attempts at reconstructing what he called the “proto-writing” or “proto-script” of humanity. Wirth published the results of his studies in two monumental works, Der Aufgang der Menschheit (The Emergence of Mankind) [4] and Die Heilige Urschrift der Menschheit (The Sacred Proto-Script of Mankind) [5], both equipped with an enormous lot of synoptic tables, comparative illustrations of archaeological excavations, writing systems, etc.

Nordic matriarchy

Wirth embraced Bachofen’s notion of primordial matriarchy and attributed to the “Thule culture” a matriarchal form of civilization. He suggested that the belief that the female gender is inclined towards materiality, corporeality, chthonicity, and empirical specifics is purely a product of patriarchal censorship, and that matriarchy could be no less, indeed even more of a spiritual phenomenon than patriarchy. Wirth believed that societies dominated by women and female priesthoods, religions, and cults represented the more advanced types of Hyperborean culture, which he termed the “culture of White Ladies” (weisse Frauen).

wirthoera.jpgWirth thus presented an altogether peculiar view on the relationship between matriarchy and patriarchy in the archaic culture of the Mediterranean region. In his point of view, the most ancient forms of culture in the Mediterranean were those established by bearers of the Hyperborean matriarchy, who in several stages descended from the circumpolar regions, from the North Atlantic, by sea (and that ships with shamrocks on the stern were characteristic of them). These were the people mentioned in ancient Near Eastern artifacts as the “sea-peoples”, or am-uru, hence the ethnic name of the Amorites. The name Mo-uru, according to Wirth, once belonged to the very main center of the Hyperboreans, but was transmitted along with the natives of the North in their migration waves to new sacred centers. It is to these waves that we owe the Sumerian, Akkadian, Egyptian (whose pre-dynastic writing was linear), Hittite-Hurrian, Minoan, Mycenaean, and Pelasgian cultures. All of these Hyperborean strata were structured around the figure of the White Priestess.

Patriarchy, according to Wirth, was brought by immigrants from Asia, from the steppe zones of Turan, who distorted the primordial Hyperborean tradition and imposed upon the Mediterranean cultures quite different – rude, violent, aggressive, and utilitarian -values which contrasted (for worse) the pure spiritual forms of the Nordic matriarchy.

Thus, in Wirth we have the following reconstruction: the Hyperborean cultural circle’s primordial, spiritual and highly-developed type of matriarchal culture spread from a circumpolar center, mainly be sea, penetrating the Mediterranean, scraping Africa, and even reaching the southern coast of Asia all the way down to Polynesia, where the Maori culture still retains traces of the ancient Arctic tradition. Another offshoot of the center of Mo-uru in the North Atlantic migrated to North America, where it laid the foundations of the cultural code of many tribes. One of Wirth’s undertakings was to demonstrate a homology between these two branches that dispersed out of the culture of Thule – the European, Mediterranean, and further African and Pacific on the one hand, and the North-American on the other.[6]

Meanwhile, in continental Asia there formed a cultural pole which represented the embryo of proto-patriarchy. Wirth associated this culture with crude naturalism, phallic cults, and a martial, aggressive, and utilitarian type of culture, which Wirth believed to be lower and Asian. We have devoted a whole separate volume to a more detailed outline of Herman Wirth’s views.[7]

The significance of Wirth’s ideas to geosophy

Many aspects of Herman Wirth’s unjustly forgotten works deserve attention in the study of plural anthropology. First of all, his extremely fertile hypothesis of the cultural circle of Thule, which is usually discarded from the outset without any careful analysis of his argumentation, is so rich that it deserves serious attention in itself. If such an hypothesis allows for the resolution of such numerous historical and archaeological problems associated with the history of symbols, signs, myths, rituals, hieroglyphs, the calendar, writing, and the most ancient views of the structure of space and time, then this alone is enough to warrant thorough inquiry. Even though Wirth’s works contain many claims which seem either unequivocally wrong or highly controversial, we can set them aside and try to understand the essence of his theory which, in our opinion, is an extraordinarily constructive version that expands our understanding of the archaic epochs of the ancient history of mankind. The theory of the cultural circle of Thule need not be unconditionally accepted, but an assessment of its interpretive potential is necessary.

wirthdeutsch.jpgSecondly, Wirth’s positive appraisal of matriarchy is extremely interesting and adds weight to sympathy for Bachofen. Indeed, we are dealing with an interpretation of a conditionally reconstructed matriarchal civilization from the position of what is the, in the very least nominal, patriarchy to which our society has become accustomed. Wirth proposes an alternative interpretation of the female Logos, an attempt to view the Logos of the Great Mother through different eyes. This is also an extremely unconventional and fertile proposal.

Thirdly, in Wirth’s theories we can see clear analogues to the reconstructions of both Spengler and Frobenius. If Frobenius and especially Spengler took the side of Indo-European (Turanian, Eurasian) culture, i.e., the side of patriarchy as they interpreted it, then Wirth proposes to look at things from the standpoint of the civilization of the White Ladies, i.e., from the position of the primordial Mediterranean culture that preceded the invasion of the “people on war chariots.”

Footnotes:

[1] Tilak, B.G., Arkticheskaiia rodina v Vedakh (Moscow: FAIR-PRESS, 2001). In English: Tilak, B.G., The Arctic Home in the Vedas: Being Also a New Key to the Interpretation of Many Vedic Texts and Legends (Poona City: Tilak Bros, 1903).

[2] Dugin, A.G., Znaki Velikogo Norda: Giperboreiskaiia Teoriia (Moscow: Veche, 2008). English translation of introduction available here.

[3] Wirth, H., Khronika Ura-Linda. Drevneishaiia istoriia Evropy (Moscow: Veche, 2007). In German: Wirth, Herman. Die Ura-Linda Chronik (Leipzig: Koehler & Amelang, 1933).

[4] Wirth, H., Der Aufgang der Menschheit. Forschungen zur Geschichte der Religion, Symbolik und Schrift der atlantisch-nordischen Rasse (Jena: Diederichs, 1928).

[5] Wirth, H., Die Heilige Urschrift der Menschheit. Symbolgeschichtliche Untersuchungen diesseits und jenseits des Nordatlantik (Leipzig: Koehler & Amelang, 1936).

[6] The full title of Wirth’s Die Heilige Urschrift der Menschheit specifies “on both sides of the North Atlantic.” See footnote 5.

[7] See footnote 2.

Translator: Jafe Arnold

Chapter 22 of Part 2, “Theories of Civilizations: Criteria, Concepts, and Correspondences”, of Noomachy: Wars of the Mind – Geosophy – Horizons and Civilizations (Moscow, Akademicheskii Proekt, 2017).

mardi, 08 janvier 2019

La guerre commerciale aura bien lieu

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La guerre commerciale aura bien lieu

Guillaume Berlat 

Ex: http://www.zejournal.mobi

Hormis les bruits de bottes qui résonnent aux quatre coins de la planète, une guerre réelle et meurtrière à maints égards fait rage dans la plus grande indifférence. Cette guerre, c’est la guerre commerciale que mène, telle une croisade païenne, le 45ème président des États-Unis. Il fut élu, à la surprise générale des diplomates, experts, journalistes, prévisionnistes de tout poil, sur un slogan simple, pour ne pas dire simpliste, l’Amérique, d’abord et avant tout (« America First »). Les mêmes feignaient d’ignorer que Donald Trump n’était pas issu du sérail politique des bords du Potomac. Et qu’il avait un grave défaut pour un politicien traditionnel, il fait ce qu’il dit, y compris pour mener à bien ses idées les plus baroques. Le président américain n’a que faire du droit, des conventions internationales. Il veut imposer un sérieux aggiornamento des règles du commerce mondial et se lance dans un durable bras de fer avec la Chine. Pour ce qui est de la désunion européenne, il s’agit d’une simple promenade de santé tant le courage n’est pas la vertu cardinale de ce colosse aux pieds d’argile.

UN AGGIORNAMENTO DES RÈGLES DU COMMERCE MONDIAL

Donald Trump est avant tout un homme d’affaires qui sait ce que compter veut dire. Il ne s’embarrasse pas de théories fumeuses. Il est un praticien dur en négociation. Pour lui, tout échange doit être équilibré, gagnant/gagnant. Fini le temps des concessions octroyées par ses prédécesseurs aux Chinois qui inondent le marché américain de produits « made in China » tout en lui pillant ses technologies de pointe, aux Européens (plus spécialement les Allemands) qui exportent aciers, automobiles… Pour l’ancien magnat de l’immobilier new-yorkais, il était grand de temps de mettre un point final à cette symphonie d’une Amérique bienveillante, aux contrats qu’il juge léonins, à cette pétaudière multilatérale. Désormais, c’est la loi du talion qui doit gouverner les relations internationales. Au diable, l’Organisation mondiale du commerce (OMC) qui fait le jeu des Chinois alors que ces derniers ne respectent pas les règles du jeu. Au feu, les G7 et autres G20 et leurs communiqués à l’eau de rose qui servent les délinquants du commerce international. Le mot d’ordre est clair, réciprocité. Le signal est rapide, le Tweet ravageur qui règle en 140 signes un problème complexe. Le procédé est simple, sanction et extraterritorialité du droit américain. Au passage, on se débarrasse des concurrents encombrants que sont les actionnaires d’Airbus que l’on met à genou pour favoriser Boeing, sous de fallacieux prétextes(1). La méthode est brutale. Téhéran ne veut pas répondre au Diktat américain, on lui inflige des trains de sanctions dont l’Iran aura le plus grand mal à se remettre. Il n’y a plus d’alliés dans cette guerre mondiale. Il n’y a que des concurrents ennemis potentiels de l’Amérique impériale. Gare à celui à qui il viendrait l’idée saugrenue de se mettre en travers du bulldozer américain. Il lui en coûtera. Le cadre général du débat est posé. Pour ceux qui n’auraient pas compris le message de l’homme à la mèche blonde tel qu’il ressort de ses déclarations et de ses saillies, on demande au secrétaire d’État américain (l’équivalent de notre ministre des Affaires étrangères), Mike Pompeo (ex-directeur de la CIA) de faire la leçon aux Européens dans leur capitale d’opérette en carton-pâte qui a pour nom Bruxelles(2). Une sorte de village Potemkine à la sauce libérale.

UN BRAS DE FER DURABLE AVEC LA CHINE

Donald Trump considère qu’il n’est plus possible de tolérer un tel déficit commercial avec une Chine impériale et « impérieuse »(3), pas qu’un pillage systématique des technologies américaines. Il faut y donner un sérieux coup d’arrêt. Le différend prend deux dimensions.

Une dimension commerciale, tout d’abord. Washington lance ses premières fatwas qui ne sont pas suivies d’effet du côté chinois. Et comme Pékin semble ne pas comprendre la méthode douce, on passe aussitôt (mars 2018) à la méthode force : coercition et sanction pour démontrer sa détermination à ne pas laisser les choses traîner. On allume alors le deuxième étage de la fusée en imposant des droits de douane dissuasifs sur une impressionnante de produits chinois. Et ce qui devait se produire se produit. Dès le mois d’avril, la Chine réplique par l’imposition de taxes sur 123 produits américains. Et le jeu des sanctions et des contre-sanctions se prolonge. Il faudra attendre le G20 de Buenos Aires (censé traité de la réforme des règles du commerce mondial et de l’OMC) pour qu’en marge de cette réunion Donald Trump et Xi Jinping décide d’une trêve. Mais pour combien de temps encore ? Une réunion entre experts des deux pays a lieu à Pékin le 7 janvier 2018. C’est le remake de la célèbre politique du bâton et de la carotte.

Mais, le problème prend une dimension diplomatique, ensuite. Quand les États-Unis mènent une guerre commerciale, ils ne lésinent pas sur les moyens. Ils exigent et obtiennent du Canada l’arrestation à Vancouver de Meng Wanzhou, directrice financière du géant chinois des telécoms Huawei, qui est à Pékin ce qu’Apple est à Washington. Que lui reproche-ton ? Rien d’autre que d’avoir violé l’embargo américain contre l’Iran, et de tomber sous le coup d’une législation que les Américains entendent imposer au monde entier. Les Chinois réagissent en arrêtant deux Canadiens sur leur territoire. La réponse du berger à la bergère. Les États-Unis et le Canada demandent, le 21 décembre 2018, la « libération immédiate » de deux Canadiens emprisonnés en Chine et au centre d’une crise diplomatique entre Ottawa et Pékin après l’arrestation au Canada d’une dirigeante du géant chinois des télécoms Huawei. Affaire à suivre… Derrière l’affaire qui touche les géants des télécoms se joue la rivalité stratégique entre la Chine et les États-Unis(4).

« Quelle que soit l’issue de ce bras de fer, les Européens seraient bien inspirés de ne pas rester l’arme commerciale au pied, en jouant les idiots du village global »(5). Or, nous n’en sommes pas encore là !

UNE PROMENADE DE SANTÉ AVEC L’UNION EUROPÉNNE

Les Diktats commerciaux américains (menaces d’imposition de droits de douanes exorbitants sur l’acier et l’aluminium, en mars 2018, en violation des règles de l’OMC accompagnées de l’application extraterritoriale du droit américain) s’accumulent régulièrement sur l’Union européenne (ainsi que sur ses États membres, en particulier l’Allemagne). Et sans que cela ne suscite, jusqu’à présent du moins, de réactions dignes de ce nom, hormis quelques borborygmes inaudibles (Tweets du genre : « Donald Trump est du mauvais côté de l’histoire ») de la commissaire européenne au commerce, Anna Cecilia Malmström (suédoise au nom prédestiné) ou de menaces de porter l’affaire devant l’Organisation mondiale du commerce dont le fonctionnement est paralysé par l’Amérique du nord. L’Union européenne, qui exerce une compétence entière sur ces matières, a-t-elle définie une stratégie claire, un plan d’action, un dialogue stratégique ou tout autre gadget du genre dont elle a le secret ? Pas du tout. Elle préfère s’occuper à des questions techniques ou juridiques qui n’ont pas le moindre intérêt pour les citoyens européens. Laissant ainsi le soin à chacun des Vingt-Sept États membres de réagir à sa manière. Berlin va négocier directement à Washington pour faire exempter de droits de douanes ses exportations d’automobiles vers les États-Unis. Paris, par la voix de son inefficace ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, multiplie les déclarations lyriques et viriles qui ne changent rien à l’affaire. Il est vrai que l’addition de vingt-sept lâchetés n’a jamais conduit à une politique commerciale européenne courageuse et crédible face à la détermination de Donald Trump et à ses Oukases. Le fameux diviser pour mieux régner fonctionne à la perfection. Lors du sommet UE/Chine du 16 juillet 2018 à Pékin, le tandem Juncker/Tusk ne saisit pas l’occasion du différend américano-chinois pour poser le problème du commerce entre la Chine et l’Europe en termes de réciprocité et mettre des propositions concrètes sur la table. On préfère s’en tenir aux toasts diplomatiques célébrant la vigueur de l’amitié entre l’Empire du milieu et l’empire du néant.

Au-delà de sa dimension purement commerciale qui n’est pas négligeable, cette crise est avant tout une crise de la mondialisation. Crise qui n’est traitée jusqu’à présent que par des gesticulations, des provocations verbales, de coups de communication. Ces faux remèdes ne font qu’aggraver le mal. Les institutions internationales compétentes sont neutralisées. Les chefs d’État s’exposent dans une surcommunication à outrance, pratiquant le narcissisme stérile et l’irresponsabilité totale. Résultat, les crises s’ajoutent aux crises : celles de la mondialisation, de la régulation internationale, du multilatéralisme, de l’Europe, de l’autorité…, en vérité une crise géopolitique (« l’ère des cauchemars », Nicolas Tenzer). Cependant, tout cela n’aura aucun sens si l’on croit s’en tirer grâce à un remède miracle. Il faudra bien répondre un jour à la question de l’avenir de la gouvernance mondiale au XXIe siècle. Le veut-on ? Le peut-on ? Si le diplomate-écrivain, Jean Giraudoux écrivait en 1935 « La guerre de Troie n’aura pas lieu », nous pouvons dire, sans grand risque d’erreur en cette fin d’année 2018 et en ce début d’année 2018, que la guerre commerciale avec les États-Unis aura bien lieu.

Notes:

(1) Chloé Aeberhadt/Marie-Béatrice Baudet/Vincent Nouvet/Stéphanie Pierre, La justice américaine enquête sur Airbus, Le Monde, Économie & Entreprise, 21décembre 2018, pp. 1-2-3.

(2) Guillaume Berlat, Mike Pompeo : Requiem pour le multilatéralisme, www.prochetmoyen-orient.ch , 17 décembre 2018.

(3) Éditorial, La Chine, puissance impérieuse, Le Monde, 22 décembre 2018, p. 19.

(4) Alain Frachon, Huawei dans la bataille, Le Monde, 21 décembre 2010, p. 22.

(5) Jack Dion, Le symbole Huawei, Marianne, 14-19 septembre 2018, p. 30.

Frithjof Schuon on the Meaning of Race

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Frithjof Schuon on the Meaning of Race

Aside from some of Julius Evola’s writings, there is a dearth of writing on worldly matters from a Traditionalist standpoint. As John Morgan mentioned in a recent review [2], most Traditionalist writers focus solely on spirituality while evading the implications that Tradition has on more practical matters. Considering this, it was refreshing when I first discovered Frithjof Schuon’s two expansive essays, “The Meaning of Race” and “The Meaning of Caste.”[1] [3]

In these two essays, Schuon describes the significance of castes and races in regard to human nature, or more aptly, human being. His view rejects the notion of these categories as being fundamentally socially conditioned, constructed, or accidental, and instead analyzes them as expressions of human nature.

Schuon’s two essays discussing race and caste were published together and are complementary, but here I will only discuss “The Meaning of Race.” However, a quick overview of what the terms “caste” and “race” mean for Schuon is first necessary.

Unlike Evola, who put forward the idea of the “race of the Spirit,” Schuon classifies race in a completely separate category from psychic or spiritual heredity. While Evola and Schuon both believe there is a metaphysical component of the human being, Schuon denotes the “spirit” of a person strictly by the term “caste.” For those unfamiliar, “caste” for Schuon refers primarily to the fundamental character types present throughout all of humanity. The Indo-Aryan caste system, according to Tradition, was merely founded upon these natural distinctions. However, like Evola and the rest of the Traditionalist school, Schuon holds the view that the metaphysical component of a human being is more “absolute,” or more “real,” than the physical. He writes:

Caste takes precedence over race because spirit has priority over form; race is a form while caste is a spirit. Even Hindu castes, which were in origin purely Indo-European, cannot be limited to a single race: there are Tamil, Balinese and Siamese brahmins.

It is not possible, however, to hold that race is something devoid of meaning apart from physical characteristics, for, if it is true that formal constraints have nothing absolute about them, forms must nevertheless have their own sufficient reason . . . (147)

For Schuon, race has no metaphysical component, but rather is a “formal constraint” upon the expression of spirit: race is essentially a “style” through which the formless spirit is expressed, defining the “being,” and by extension the activity, of a people. In the same way that artistic genius has different ways of expressing itself depending on the particular culture it is expressed within, so spirit, which is universal, expresses itself through various racial styles. It could be compared to a single light shining through different colors of glass, the light gaining a different appearance and character depending on the color through which it shines. For Schuon, race is the root of culture, for culture is the creative activity of a race in which its inherent qualities and predispositions are exteriorized and formalized.

Schuon considers “black,” “white,” and “yellow” to be the three principal races. Of course, these are extremely broad categories, but he believes that all peoples fit into these categories, or else fit somewhere between them. The logic behind these three categories lies partly in his understanding of race as correlating to the three gunas, or modes, of Hinduism (tamas [sleep, ignorance], sattva [goodness], and rajas [passion], respectively) and lies partly in his analysis of racial styles. For example, while the Chinese and Japanese have distinct languages and cultures, Schuon would claim that they both exemplify the yellow race because both races exhibit a non-dramatic, “intuitive delicacy” in the field of art, and other qualitative similarities, such as a disdain for eloquence and a penchant for sober, elliptical expression in language. These qualities can be observed in most Asian cultures.

In elaborating on the qualities of the races, Schuon waxes rather poetic, using a method of what I would call “cultural physiognomy.” His descriptions of the qualities of the races attempt to link the physiognomies commonly found in certain peoples with the culture of a people. For example:

The originality of each of the various races is especially apparent in the eyes: those of the white man, generally deep-set, are mobile, piercing and transparent; his soul “goes out” in his look and at the same time shines, in its passivity, through it. The eyes of yellow men are quite different: physically at skin level, they are generally indifferent and impenetrable; their look is dry and light like a brush stroke on silk. As for the black man, his eyes are slightly prominent and heavy, warm and moist . . . it is the deep and latent look of the earth. (149)

schuonlion.jpgIt should be noted that Schuon’s idea of “white” is much broader than is commonly understood by the term. Under the category “white,” Schuon does not only categorize Europeans, but also Semitic whites (Arabs and Jews) and (Aryan-descended) Indians. For Schuon, there is a great diversity of style within the white race: it exemplifies a greater “disequilibrium” than the yellow and black races, which is why it has given birth to such different cultures and civilizations. The mental diversity of white peoples can be evidenced by the diversity of religions (Hinduism, Christianity, Islam, Judaism, Greco-Roman, and Germanic paganism) that have gained predominance in white cultures. However, all the languages of these peoples produce “long, rich, incisive sentences,” and all the white cultures are marked by a dramatic opposition between man and nature, at least compared to black and yellow peoples. Likewise, a higher degree of mental proclivity is present in white peoples. Schuon writes that the element of the white race is “fire.” Fire can either be tame like a burning candle, or wild, consuming, and restless. The former is best represented by the contemplativeness of the Hindus, and the latter is represented by the strong inclination towards action and expansion in Westerners.

As stated earlier, Schuon correlates the three races with the three gunas of Hinduism. According to Schuon, the white race exemplifies sattva through the bright and ascending fire element, the yellow race exemplifies rajas through the mobile and clear water element, and the black race exemplifies tamas through the heavy and inert earth element. He writes:

The precarious nature of the ascending tendency explains both the Greco-Roman and modern deviations: that which is intellectual penetration and contemplativity among Hindus has become mental hypertrophy and inventiveness among Westerners . . . The conquests of the yellow peoples swept along like a tidal wave throwing down everything in their path but not transforming their victims as did the white man’s conquests; the yellow races conserve like water and do not transmute like fire . . . As for the black race, they are, as we have said, “existential” and this explains their passivity and inaptitude for radiating outwards, even within the fold of Islam. (164)

schuoncastes.jpgAs evidenced by the Spanish rule of South America that completely reshaped the people of that continent, and the lasting British influence in India, as well as the Arab conquests, one can understand Schuon’s claim that the territorial expansion of whites completely changes the language and character of a people. English is the current lingua franca across the world. On the other hand, the imperialism of yellow peoples, such as Japan’s half-century rule over Taiwan, often leaves the subject people’s culture comparatively intact. Black peoples are mostly stagnant and self-contained, with no significant or reshaping influence on any non-black people of note in the present day.

According to Schuon, while the elements of the races are unique, they are all, in a way, contained in each other:

It could be said that the white and yellow races, insofar as they correspond to the elements “fire” and “water,” meet in the element “air.” Air has the two qualities of lightness (sattva) and mobility (rajas) . . . But there is also destructiveness (tamas) in fire and transparency (sattva) in water . . . (165-166)

While the predominant character of each race is dominated by different elements, the races are not in watertight compartments, and each race exemplifies the predominant element of another, to a greater or lesser degree, in its own predominant element. As stated above, the luminous, fiery, creative quality of Westerners (sattva) also has a certain destructiveness (tamas) about it. The earth element is heavy (tamas), but also fertile (rajas), and earth, by its nature, contains luminous crystals and minerals (sattva).

On the topic of race-mixing, Schuon has a nuanced view. Like Spengler, he believes that race-mixing can sometimes be positive for a racial stock, albeit the positivity is dependent upon the races being mixed. In his words, if the mix is compatible, race-mixing has the ability to “aerate” a stock that has become too “compact.” However, if the races are too distinct from each other, mixing will corrupt a race with unique qualities. In one of the footnotes, Schuon defends the phenomenon of black Africans mixing with Mediterranean whites in North Africa, claiming that both races have been inhabiting the same climate and environment for thousands of years, rendering a similarity of type. On the other hand, Schuon staunchly opposes race-mixing between blacks and whites in North America, where the whites are predominantly Germanic, going so far as to defend segregation between blacks and whites, if the segregation were truly “unilateral” and “conceived in the interest of both races.”

schuonfeath.jpgWhile Schuon takes a firm stance against the “anti-racists” of his day, he is quick to critique Eurocentrism with regard to the judgment of certain physical traits in other races that have historically been viewed as marks of inferiority. For Schuon, the prognathic jaw line, low forehead, and thick lips, historically referenced by Westerners to compare blacks with apes, are not marks of inferiority, but rather signify a racial type that is less predisposed to thinking, more vital, and more “centered on being” than races in which the orthogonal jawline is more common. These traits are not indicators of barbarism: he cites certain barbarous peoples that are predominantly orthogonal and civilized peoples that are predominantly prognathic. I found this particularly interesting, as it puts forth a fundamental reason for why black peoples typically have lower IQs than whites, since it is due to their consciousness being generally less mental. On the upside, blacks are usually more grounded or “down-to-earth” than whites, which is perhaps why they are underrepresented in fields that require abstract thinking, but otherwise seem less prone to the anxiety, overthinking, and unrest that engulfs many white minds.

Schuon is sure to emphasize that, for the individual of a particular race, the race to which he belongs is of secondary importance to the condition of his soul. He writes:

. . . for us the question is not: “What is our racial heritage?” but rather: “What are we making of that heritage?” To talk about racial value is, for the individual, quite meaningless, for the existence of Christ or of the Vedantic doctrine adds nothing to the value of a white man with a base nature any more than the barbarism of certain African tribes takes anything away from a black man of saintly soul; and as for the effective value, not of a race, but of an ethnic atavism, this is a question of “spiritual alchemy,” not of scientific or racist dogmatism. (168)

If Schuon can be said to be an ethnonationalist, his ethnonationalism is anti-egalitarian. As stated earlier, for Schuon and other Traditionalists, being part of the same race is no justification for disregarding the natural differences between individuals. In fact, since caste takes precedence over race, it logically follows for Schuon – and he explicitly states – that individuals of a different race, but of the same caste, are more fundamentally, or metaphysically, similar to each other than individuals who are of the same race, but of different caste. However, this view should not be confused with the view that sharing the same caste makes two people equal, regardless of race. Rather, Schuon means that they share the same type, and a “vertical” equality of caste is more real than a “horizontal” equality of race.

Schuon’s essay, like his other writings, is rather scattered and spontaneous, so this is just an attempt to lay out the essentials of Schuon’s thoughts on race. As a result, there are many remarks that were not covered here, so I would highly recommend reading the essay itself. Schuon offers an extremely balanced and fair view of the human races, and the love he has for human diversity is strongly apparent in his writing, to the extent that even an honest Leftist would be hesitant to label his views “racist.” I even think that this essay would offer a great entry point for people of a spiritual and intellectual bent to the concepts of ethnonationalism. Schuon offers a very positive view of a diverse, yet unified, humanity, in which all races are different, yet all uniquely aspire to the same divine reality.

Note

[1] [4] Language of the Self (Bloomington, Indiana: World Wisdom Books, 1999), pp. 147-175.

 

Article printed from Counter-Currents Publishing: https://www.counter-currents.com

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[2] recent review: https://www.counter-currents.com/2018/11/history-through-the-traditionalist-lens/

[3] [1]: #_ftn1

[4] [1]: #_ftnref1

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Gli Stati Uniti fra Terra e Mare

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Gli Stati Uniti fra Terra e Mare

Ex: https://www.eurasia-rivista.com

Gli studiosi di geopolitica hanno approfondito la natura messianica dell’ideologia politica americana, collegandone l’universalismo escatologico di matrice protestante non solo alle prassi politiche filosioniste ed imperialiste, ma anche al pensiero dei moderni teorici americani – da Fukuyama a Huntington. L’ideologia dell’eccezionalismo americano non si esaurisce nel neoconservatorismo, ma, sotto diversa forma, si esprime anche nel pensiero degli “idealisti” progressisti. Gli “idealisti” sono corrente trasversale a democratici e repubblicani, così come i “realisti” – da Kissinger a Brzezinski fino a Mearsheimer – non mettono in discussione l’assunto per cui o l’America è potenza globale o non è. Pur trovando compimento nella dottrina Monroe (enunciata nel discorso al Congresso del 1823), l’origine del virulento imperialismo americano può essere ricercata anche nella prassi politica di Theodore Roosevelt (1858 – 1919, presidenza dal 1901 al 1909). È ormai diffusa anche la comprensione del livello geoeconomico del predominio del dollaro e del controllo sul Medio Oriente, nonché del contrasto all’Eurasia.

È interessante inserire nell’analisi della geopolitica americana e dei suoi riflessi un ulteriore fattore: la comprensione della sua geopolitica “interna”.

Gli Stati Uniti sono un paese animato da una marcata dialettica interna, fatta di contrasti anche aspri tra le sue componenti religiose (per quanto il cattolicesimo americano sia ormai completamente “protestantizzato” e normalizzato, opera che prosegue nell’America Latina di Bolsonaro grazie all’insipienza dei Sacri Palazzi romani) ma soprattutto razziali e, prima ancora, geopolitiche. La società americana è un coacervo di contraddizioni che vengono toccate con mano se la si vive dall’interno: è importante coglierle per comprendere le debolezze presenti e future dell’iperpotenza a Stelle e Strisce.

*

Seguendo un percorso ideale squisitamente geopolitico, di dialettica tra dimensione talassocratica e tellurica, possiamo dividere la storia americana in fasi marittime e terrestri. Le Tredici Colonie Britanniche, popolate da normali coloni in cerca di terra e fortuna nonché da esuli religiosi di sette protestanti, nascono dal mare e sul mare si affacciano, dovendo sì all’agricoltura ma soprattutto al commercio marittimo il proprio sostentamento e la propria incipiente fortuna. La dichiarazione di indipendenza arriva nel 1776 e sorge dall’indisponibilità delle colonie a sottostare all’oppressione fiscale e al monopolio commerciale della madrepatria britannica.

A questa primissima fase marittima succede una fase di terraferma e di espansione continua verso l’Ovest: un’immigrazione giunta da tutto il mondo in cerca di terra ed opportunità nella “Land of the Free” segna l’animo americano con quella fusione di senso dell’avventura e di autosufficienza e individualismo noto come “spirito della frontiera”. Vengono inglobate culture europee provenienti dal Vecchio Continente ma anche già presenti in quello nuovo: la Gran Bretagna (con la quale i rapporti rimarranno tesi per tutto il XIX secolo, fino a quando questa non rivolgerà le proprie attenzioni di nuovo al Vecchio Continente e all’emergente potere tedesco) verrà sconfitta in una nuova guerra nel 1812 senza guadagni territoriali, guadagni che arriveranno dalle sconfitte della Spagna (1898) e del Messico (1846-48), dall’acquisto delle colonie francesi o spagnole e dei territori russi, dall’annessione di Stati sovrani (la Repubblica del Vermont nel 1701 o quella del Texas nel 1845).

La visione degli Stati Uniti si concentra sulla conquista di terra contro le potenze coloniali europee, contro le tribù native (vittime di un vero e proprio genocidio) e contro il vicino messicano. È in questa fase storica che vanno ricercate le basi dell’isolazionismo americano del XIX secolo – isolazionismo rispetto agli affari europei. Per sopravvivere gli Stati Uniti devono concentrarsi sull’esclusione degli avversari dal proprio territorio e dal continente americano, senza intromettersi in vicende diplomatiche ad esso esterne. Una certa “mentalità dell’assedio” si salda con lo “spirito della frontiera”, temprando il carattere di un popolo bellicoso, ostinato e determinato. Popolo composto da popoli: la maggior parte degli americani bianchi discende da tedeschi ed irlandesi, seguiti da inglesi, italiani e polacchi (in ordine di incidenza). Né si può ignorare la presenza di una vasta popolazione di schiavi importati dal continente africano nei secoli trascorsi. Spartiacque della costruzione dell’identità e della fase geopolitica terrestre con la seconda fase marittima è appunto la Guerra Civile tra gli stati del Nord e del Sud. Due modelli politici e geopolitici, economici e sociali. Il Nord è industriale e tendenzialmente protezionista nonché tecnologicamente avanzato, mentre il Sud, assai meno popolato, è mercantile e liberoscambista, con un’economia agricola e cotoniera la cui prosperità dipende dal lavoro degli schiavi, dal libero commercio dell’oro bianco e dal controllo del Mississippi. Il Nord si proietta nella realizzazione della Dottrina Monroe di dominio sul continente: il Sud, filobritannico, continua a guardare al mare e al resto del mondo. Si tratta di due visioni della politica americana confliggenti anche sul piano istituzionale: un’Unione forte e centralista si contrappone ad una Confederazione di Stati gelosi della propria autonomia.

La prima grande linea di frattura della geopolitica americana, quella tra Nord e Sud, si risolve con la sconfitta del secondo, ma si riassume in una faglia tuttora irrisolta: la frattura razziale tra bianchi e neri e tra bianchi ricchi e progressisti del nord e bianchi poveri e conservatori del sud (paradossalmente, in origine repubblicani i primi e democratici i secondi).

Completata la conquista della terra col processo di autocostruzione di una nazione, la strategia americana torna volgersi al mare: gli Stati Uniti riunificati si affacciano saldamente su due oceani e, sconfitta la Spagna sul finire del secolo XIX, guadagneranno Cuba, Porto Rico e le Filippine. La disponibilità di terra e di risorse, lo spirito di intraprendenza degli immigrati europei, la saldezza dei diritti di proprietà e l’assenza di contrasti di classe nel senso europeo – l’operaio oppresso può semplicemente scegliere di cambiare vita spostandosi ad ovest – favoriscono un formidabile accumulo di capitale che proietta gli Stati Uniti ad essere la prima potenza economica globale già nei primi decenni del XX secolo. Se il consolidamento come primo potere militare e politico giunge con la vittoria nelle due guerre civili europee del ‘14-‘18 e del ’39-’45 che hanno come risultato l’autodistruzione del Vecchio Continente, la primazia geopolitica era in realtà già conseguita: gli Stati Uniti si possono volgere al mare e all’intervento nelle altre aree del mondo perché non hanno più rivali sul continente americano.

*

La terza fase marittima – meglio: talassocratica – è quella che dura tutt’oggi. La geopolitica interna degli Stati Uniti che permette questo volgersi al mare è in realtà una geopolitica di tutto il continente americano, “giardino di casa” degli USA, che vi dominano con trattati commerciali, tramite l’installazione di governi vassalli o saldamente alleati (i regimi castrensi dell’Operazione Condor) o tramite l’intervento diretto (a Grenada o Panama).

Possiamo identificarvi i seguenti tre cerchi concentrici.

  1. Gli Stati Uniti propriamente detti. Se il grande contrasto tra Nord industriale (diviso tra Midwest e costa orientale) e Sud cotoniero (il Mississippi e i porti del Sud e dell’Est, piegati dal blocco marittimo dall’Unione) si è risolto, non si risolve quello tra le due coste, centro cosmopolita dell’economia globalizzata, della finanza (predominio del Dollaro) e dell’innovazione (predominio tecnologico) e quindi due vere punte di lancia del potere americano globale, e gli Stati centrali agricoli e industriali, dominati da settori dell’economia più tradizionale che vede ormai minori tassi di investimento, accumulazione e crescita delle produzione e dei redditi e dove ha avuto luogo la rivolta della classe media e povera bianca (e non solo). Per la prima volta il Nord industriale e il Sud agricolo, con l’elezione di Trump, si sono saldati contro le coste, nella seconda grande frattura geopolitica e geoeconomica americana.
  2. Il primo anello marittimo: sostanzialmente il Mediterraneo del Golfo del Messico, dallo Yucatan alla Florida, con la salda base del Portorico ma con la spina nel fianco cubana (il cui tasso di effettiva pericolosità si è estremamente ridotto nei decenni). La piaga strategica che infesta quest’area (ma che costituisce anche il pretesto per il continuo intervento statunitense nell’area) è quella di un narcotraffico che ha trasformato interi paesi (come ad esempio l’Honduras) in Stati falliti.
  3. Il terzo anello marittimo e terrestre: l’America del Sud, con il cruciale canale di Panama e i paesi dell’America Latina, che dopo la stagione dei governi progressisti sono stati normalizzati dal riflusso dei governi liberisti di destra neocon (dal Cile al Brasile di Bolsonaro), con la Bolivia ed il Venezuela isolati e minacciati. L’America di Trump, per mezzo del suo grande tessitore Steve Bannon, ha riaffermato che la sua sicurezza e la sua esistenza come potenza hanno nel controllo del Continente un piedistallo non negoziabile. La politica interna dei paesi dell’America Latina è politica interna agli USA: si pensi alla passata diffusione dell’ideologia marxista e dei movimenti anticapitalisti (dalle guerriglie sino alla stagione del movimenti pacifici di Porto Alegre) o al rischio presente, rappresentato dal narcotraffico in Stati travolti da una violenza senza limiti come Brasile, Colombia e soprattutto Messico, con i conseguenti devastanti effetti sociali sul traffico di oppioidi e di cocaina. Geopoliticamente l’America Latina si concentra sulle proprie coste sin dall’epoca dei porti coloniali (molto più che non in entroterra di foreste impenetrabili, aridi deserti o gelidi e inospitali altipiani). È troppo poco per dire che alla potenza marittima basta assicurarsi il controllo dei porti: le risorse dell’America Latina, dalle acque dei fiumi, al petrolio, al rame, agli spazi agricoli, sono nel suo interno.

*

Questo sintetico excursus mira a porre il tema della complessità interna agli Stati Uniti d’America e alle loro radici geopolitiche. Visti – a ragione – come una potenza prevalentemente finanziaria, tecnologica e marittima (in una parola: talassocratica), gli Stati Uniti (non esenti in passato da contrasti giunti fino al sanguinoso conflitto civile) sono attraversati da almeno due fratture interne, una di natura sociale e una, per l’appunto, di natura geopolitica.

  1. L’irrisolto contrasto razziale tra bianchi e neri. I primi tendenzialmente più ricchi ed istruiti, i secondi tendenzialmente più poveri ed esposti a forme varie di emarginazione sociale. Si aggiunge il contrasto tra bianchi “wasp” (“white, anglo-saxon, protestant”), i bianchi portatori del nucleo culturale attorno al quale è stata edificata la costruzione statunitense dal 1776 ad oggi, e i nuovi migranti, composti sì da poveri latino-americani, ma anche da una borghesia cosmopolita di indiani, cinesi ed europei.
  2. La faglia geoeconomica che vede da un lato le due coste fulcro dell’economia globalizzata tecnologica e finanziaria, e dall’altro la fascia centrale delle tradizionali economie agricole ed industriali. Qui la vecchia classe media americana, artefice dello sviluppo votato ai consumi dei decenni passati (e spesso, ma non sempre, definibile come “wasp”) ha visto i propri redditi ristagnare nel contesto dell’economia globalizzata della quale è rimasta se non esclusa comunque ai margini. Qui si concentrano sia la classe operaia bianca e nera delle aree industriali (un tempo sicuro serbatoio elettorale democratico). Qui si trovano anche i bianchi poveri del Sud, spregiativamente definiti “redneck” (colli rossi bruciati dal sole durante i lavori agricoli) o addirittura “white trash”, “immondizia bianca”. Questa frattura riproduce lo scontro tra città e campagna, un tempo economie interdipendenti ed oggi scisse, nonché tra i centri dell’economia globalizzata (votati a finanza e tecnologia) e le periferie dell’economia tradizionale industriale ed agricola, nelle quali sopravvivono solo poche eccellenze manifatturiere, e le aree storicamente depresse. Si tratta del medesimo fenomeno in corso in Europa, per quanto su scala geograficamente assai più ridotta e con in più strumenti di coesione sociale e di welfare che agli USA sono ignoti (come del resto è ignoto all’Europa il patriottismo nazionalista americano, unico ma sin qui efficace collante sociale del paese).

Abbiamo proposto una visione in cui l’intera geopolitica del continente americano (Nord e Sud) è vista come geopolitica interna degli USA. Gli USA non possono perdere le Americhe, pena la perdita dell’inviolabilità terrestre. Se il Pacifico resta inattraversabile da forze ostili e l’Atlantico resta un “lago americano”, urge comunque porsi le seguenti domande.

  1. Sino a che punto i popoli dell’America Latina desiderano appartenere ad un proconsolato americano? La recente vittoria elettorale di governi filostatunitensi sembra indicare un forte riflusso dalla stagione delle lotte antimperialiste, ma il successo di questi governi si misurerà nel successo economico di economie deboli, a scarsa tecnologia e dominate dall’esportazione di materie prime, nonché ormai alla fine del proprio “dividendo demografico” o fortemente integrate, quando industriali, nell’economia statunitense (si pensi al Messico).
  2. Sino a che punto il confine settentrionale può restare silente e privo di minacce? Non pensiamo sicuramente al Canada – pur culturalmente molto diverso e segnato da uno stile di vita maggiormente “europeo” – integrato con l’economia americana, ricco di materie prime e spazio ma gelido e poco popolato, quanto all’eventualità che, con lo scioglimento dei ghiacci, l’Artico (e quindi l’Alaska) diventi oggetto di contesa (è già oggetto di attenzioni militari) con Russia e Cina.

Tendiamo a definire le sfide all’egemonia americana nel XXI secolo come completamente esterne all’area geopolitica statunitense, immaginando la prima potenza mondiale come un blocco geopolitico e sociale omogeneo: esse sono sempre considerate di natura economica o finanziaria (sfida al Dollaro, sfida al controllo delle materie prime delle quali pure l’America è immensa riserva), di natura militare (sfida cinese), oppure di natura sì geopolitica, ma prettamente esterna all’area americana (sfida dell’Eurasia unita, sfida dell’Africa cinese). Apprezzarne le contraddizioni sociali e persino le faglie geopolitiche interne ci porta meglio a comprendere come le istanze che gli Stati Uniti d’America dovranno e già devono affrontare siano di natura estremamente più sfaccettata. La domanda che gli osservatori dovrebbero porsi è la seguente: quanto è in primis resiliente ed in secundis flessibile la società americana per assorbire e superare queste contraddizioni in un contesto globale in cui l’America non è più una solitaria potenza egemone?

*

Finché gli Stati Uniti garantiranno a larghe fette della propria popolazione livelli enormi di benessere materiale e ai nuovi arrivati opportunità di accostarvisi, tutte le contraddizioni passeranno sotto traccia. È a questo benessere che si deve anche il primato culturale e ideologico americano (il cosiddetto “soft power”) e non certo alle astrazioni “libertà”, “democrazia”, “libera circolazione delle idee”, privilegi riservati alla ristretta cerchia degli appartenenti alle classi ricche o al massimo alle sempre più ristrette classi medie. La domanda che ci poniamo non interessa alle classi politiche ed intellettuali europee, che sembrano conquistate fino a deporre qualsiasi spirito critico. Nessuno, in nessuna corrente politica con diritto di tribuna in Europa, mette in discussione il modello americano, i valori americani, nemmeno l’imperialismo americano. Il mondo “progressista”, un tempo critico, ha applaudito l’intervento in Libia, ha invocato quello in Siria, ha taciuto su quelli degli alleati degli americani in Palestina e in Yemen. Il mondo “conservatore”, che un tempo contrapponeva valori “spirituali” al materialismo (liberale o comunista che fosse), oggi ne è completamente dimentico.

Il benessere deriva dal dominio economico del pianeta, il quale deriva dal dominio tecnologico e finanziario, che a sua volta deriva da quello militare e strategico – il quale, in un circolo virtuoso, è garantito dai due precedenti. Qualora il dominio tecnologico e finanziario dovessero infrangersi o anche solo ridursi o dovesse venir meno quello militare e strategico, l’economia americana non potrebbe più garantire livelli di benessere e consumi a tutta la popolazione né opportunità ai nuovi arrivati, cosicché le faglie sociali interne potrebbero allargarsi pericolosamente. Un paese che ai propri cittadini non concede nulla gratuitamente, né assistenza sanitaria né istruzione di qualità, dovrebbe per esempio iniziare a rendere loro conto di tutto questo, una volta esauritesi le opportunità di arricchirsi e di acquistare il meglio della sanità e il meglio dell’istruzione sul mercato privato. Il dollaro è moneta globale solo finché la potenza militare americana non conoscerà sfide reali; e la potenza militare americana non conoscerà sfide reali finché il dollaro sarà moneta globale.

Non ci è dato sapere se e quando tutto ciò verrà meno, ma quello che è certo è che l’equilibrio interno della società americana dipende dalla sua potenza esterna, dalla sua capacità di espansione nel mondo; e la sua potenza nel mondo dipende viceversa da una coesione sociale interna data dal benessere. Da questo benessere sono escluse ampie fette della popolazione americana (buona parte della popolazione nera ed ispanica nonché i bianchi poveri e della ex-classe media).

In Europa, area del mondo teoricamente democratica e caratterizzata da diritti individuali affermati, il patto socialdemocratico che scambiava pace sociale con benessere si è infranto miseramente con le crisi petrolifere degli anni ’70 e con la globalizzazione; ciò ha generato società pessimiste sino alla sterilità, diseguali, patologicamente incapaci di integrare gli immigrati, nelle quali le classi medie ristagnano e quelle povere regrediscono al livello di “lumpenproletariat”, mentre la Repubblica Popolare Cinese – paese estraneo al sistema liberaldemocratico – vanta continui successi economici e tecnologici. La partecipazione del cinese medio, dell’americano medio e dell’europeo medio al “processo democratico” è del tutto simile e passiva, nonostante la diversità dei tre sistemi: a comprare il consenso sociale sembra che sia il benessere materiale. Con questo non diciamo che vivere nelle tre aree del mondo sia indifferente e che i tre stili di vita siano intercambiabili, data la diversità di ritmi, culture e tradizioni.

*

È un dato di fatto che la natura multipolare del pianeta tende altresì a consolidarsi: da un lato il blocco eonomico-politico del continente americano – che sembra riesca a tenere in subordine l’inesistente Europa – dall’altro un blocco cinese asiatico e pacifico in formazione non senza difficoltà, con alcune potenze più (Russia) o meno (India) in fase di collocamento autonomo. In mezzo al guado, una Germania tristemente incapace di assumere la guida dell’Europa e di fare scelte finalmente autonome dall’area atlantica per insipienza della propria classe politica.

Indicatore chiarissimo di questa tendenza è il mercato dell’auto, settore trainante rispetto alla manifattura globale, tra i primi per consumo di acciaio, che muove, su programmazioni pluriquinquennali (se non pluridecennali), investimenti, strategie e forze produttive e tecnologiche immani. È notizia di questi giorni (inizi di Dicembre 2018) che la General Motors desidera chiudere stabilimenti nel Nord America licenziando un totale di 14.000 lavoratori circa per focalizzarsi sul mercato asiatico. È quanto decide di fare anche la Nissan, rompendo forse l’alleanza storica con i francesi della Renault. Questa rottura garantirebbe alle controparti giapponesi la mano libera sul mercato asiatico, mentre il gruppo italoamericano FCA sarebbe in procinto di essere venduto “a pezzi”, nel solco di una profonda rifocalizzazione produttiva e di vendite fuori dall’Europa e verso le Americhe.

Nel mondo multipolare, l’egemonia unica degli USA è già in discussione.

L’Amérique latine en quête d’indépendance

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L’Amérique latine en quête d’indépendance

par Oscar Fortin

Ex: http://www.zejournal.mobi

L’histoire de l’Amérique latine nous apprend que cette dernière a été et continue d’être considérée comme « la cour arrière des États-Unis ». La doctrine Monroe en consacre la légitimité et donne à Washington tous les pouvoirs sur le Continent.

1) Les États-Unis ont reconnu, l’année précédente, l’indépendance des nouvelles républiques latino-américaines ; en conséquence de quoi, l’Amérique du Nord et l’Amérique du Sud ne sont  plus ouvertes à la colonisation européenne.

2) Les États-Unis regardent désormais toute intervention de leur part dans les affaires du continent américain comme une menace pour leur sécurité et pour la paix.

3) En contrepartie, les États-Unis n’interviendront jamais dans les affaires européennes.

La doctrine de Monroe se résume en définitive comme suit : « l’Amérique aux Américains ».

De fait, la reconnaissance de l’indépendance des nouvelles républiques latino-américaines de la part de Washington permettait à ce dernier de se défaire de la présence des pays colonisateurs européens tout en ouvrant toute grande la porte pour qu’il puisse y régner en maître. L’indépendance de ces pays serait respectée dans la mesure où ces derniers harmoniseraient leurs politiques avec ses propres intérêts. De là l’expression bien connue qui qualifie l’Amérique latine comme étant la « cour arrière des États-Unis ».

On ne saurait comprendre ce qui se passe, présentement, en Amérique latine sans faire référence à cette Doctrine Monroe qui ne répond qu’aux intérêts de Washington. L’histoire des conflits du siècle dernier et ceux d’aujourd’hui illustrent de manière claire et sans équivoque le veto unilatéral de Washington sur l’indépendance et la souveraineté des pays du Continent latino-américain.

La révolution du Peuple cubain (1958-1959), sous la direction de Fidel Castro, visant la destitution du dictateur Batista, en était une qui reposait sur l’indépendance et la souveraineté de ce peuple. De toute évidence, Batista était l’homme de main de Washington lui permettant d’agir à sa guise à Cuba. Nous connaissons de plus en plus l’histoire de cette révolution qui fut et est toujours victime de l’interventionnisme de Washington. Le seul « blocus économique » qui dure depuis plus de 59 ans et que condamnent, année après année, les membres de l’Assemblée générale des Nations Unies représente un véritable crime contre l’humanité.

La révolution du Peuple chilien (1973) reproduit les mêmes comportements de Washington à l’endroit de l’indépendance et de la souveraineté de ce Peuple. À la différence de Cuba où régnait un dictateur, Salvador Allende prit le pouvoir en respectant le cadre démocratique prévu à la constitution chilienne.  Ses politiques se sont concentrées sur la récupération des richesses du pays, dont le cuivre occupe une place importante, pour en faire bénéficier le peuple. Il a agi avec les pouvoirs d’un État indépendant et souverain, dans le respect du droit international. C’était déjà trop. Washington avait déjà préparé tout son arsenal politique, économique et militaire, pour en finir avec le gouvernement de Salvador Allende. Nous connaissons l’histoire des bombardements de la Moneda (édifice du parlement chilien), de la trahison du général Augusto Pinochet ainsi que tous les crimes qui en ont suivi.

La révolution du peuple vénézuélien (1998), sous la direction d’Hugo Chavez s’impose par une élection libre et démocratique qu’il remporte avec grande majorité. Donnant suite à ses promesses électorales, il procède dès les premiers instants à la rédaction d’une nouvelle constitution, écrite et voulue par le peuple. Soumise à un référendum, l’année suivante, elle fut acceptée avec une très grande majorité. Il s’agit d’une révolution qui consacre la démocratie participative, donnant ainsi au peuple un droit de regard et d’intervention dans l’exercice des pouvoirs de l’État. Il s’agit également d’une révolution de format socialiste, humaniste, chrétien et anti-impérialiste. Encore là, Washington et les oligarchies locales ne l’entendirent pas de la même manière. Au diable, la démocratie, en avril 2002, le gouvernement est victime d’un Coup d’État et son président, Hugo Chavez, est enlevé de force et détenu en un endroit secret. En un rien de temps, le peuple et l’armée restée fidèle sont descendus dans les rues et ont repris le contrôle de la résidence du Président et arrêter les auteurs de ce coup d’État. Depuis lors, les tentatives d’intervention pour éliminer ce gouvernement n’ont cessé. Le 11 janvier prochain, on annonce une intervention musclée pour empêcher l’assermentation du  président Nicolas Maduro, élu avec grande majorité, en mai dernier, pour le mandat allant de 2019 à 2025.

Je pourrais ajouter à ces révolutions celles de la Bolivie, avec Evo Morales, du Brésil, avec Lula et Dilma Rousseff, de l’Équateur, avec Rafael Correa, du Nicaragua, avec Daniel Ortega, d’Argentine avec Hector y Cristina Kirchner. Le format d’intervention est toujours le même : guerre économique, désinformation sous toutes ses formes , mise à contribution des épiscopats catholiques qui s’apparentent bien souvent aux forces de l’opposition politique.

C’est dans ce contexte que se présente la grande alliance du Vatican et de Washington. Pendant que ce dernier veut récupérer ses pleins pouvoirs sur les gouvernements de l’Amérique latine, le Vatican veut se défaire de tout ce qui raisonne communisme, socialisme, anti-impérialisme, etc. À toute fin pratique, les deux s’entendent sur les mêmes ennemis sans pour autant partager les mêmes objectifs.

En 1982, à la bibliothèque du Vatican, un premier Pacte a été signé entre le pape Jean-Paul II et Ronald Reagan.  Ils en étaient à leur premier contact. Il s’agissait, à cette époque, de la Pologne et des mouvements socialistes en A.L, dont la théologie de libération qui en  faisait partie.

En 2014, un second Pacte est signé, cette fois entre le pape François et Obama. Ce dernier n’arrive toujours pas à se libérer de Maduro au Venezuela, de Lula et Dilma Rousseff au Brésil, de Daniel Ortega au Nicaragua, etc. L’aide du Vatican et des épiscopats nationaux de ces pays s’impose.

Dans certains de ces pays, les épiscopats utilisent à plein régime la « religion » avec tous ses symboles pour discréditer les gouvernements au pouvoir et soulever le peuple contre ces derniers. Ils assument, pratiquement en totalité, les fonctions d’une opposition qui a perdu toute crédibilité. Ils en arrivent eux-mêmes à perdre la leur. Ça sent beaucoup la « religion opium du peuple ».

Liens:

https://www.mondialisation.ca/nouveau-pacte-entre-le-vati...

http://www.elcorreo.eu.org/Nouveau-pacte-entre-le-Vatican...

https://www.courrierinternational.com/article/2005/04/07/...

http://www.les7duquebec.com/7-de-garde-2/lamerique-latine...


- Source : Humanisme Blogspot

lundi, 07 janvier 2019

Le soulèvement en France, l’anatomie du populisme et la remise en cause de la matrice

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Le soulèvement en France, l’anatomie du populisme et la remise en cause de la matrice

par Alexandre Douguine

 
Article original de Alexandre Douguine, publié le 27 novembre 2018 sur le site Fort Russ
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr

Les manifestations en France, symbolisées par des gilets jaunes, couvrent une part de plus en plus importante de la société. Les experts politiques ont déjà qualifié ce mouvement de « nouvelle révolution ». L’ampleur du mouvement des « gilets jaunes » est déjà si sérieux qu’il est absolument nécessaire d’analyser ce phénomène de manière détaillée.

Il s’agit d’une manifestation vivante du populisme européen moderne. Le sens du populisme en tant que phénomène issu de la structure politique des sociétés issues de la Grande Révolution française et basé sur la confrontation entre la droite et la gauche, est en train de changer radicalement.

Les mouvements populistes rejettent ce schéma politique classique gauche/droite et ne suivent aucune attitude idéologique stricte, ni de droite ni de gauche. C’est la force et le succès du populisme : il ne joue pas selon les règles préétablies. Néanmoins, le populisme a sa propre logique : malgré toute sa spontanéité, il est tout à fait possible de retracer une certaine logique et même les débuts d’une idéologie populiste qui prend forme sous nos yeux.

Tout d’abord, le fait que les mouvements populistes soient dirigés contre l’élite politique dans son ensemble, sans faire de distinction, qu’elle soit de droite ou de gauche, est frappant. C’est le « soulèvement de la périphérie de la société contre son centre ». Dans son célèbre ouvrage, le sociologue américain Christopher Lasch (1932-1994) a désigné la forme de gouvernement qui prévaut dans la société occidentale moderne comme la « révolte des élites ».
Au début du XXe siècle, il était d’usage de suivre le discours de José Ortega y Gasset sur la « révolte des masses », dont l’influence croissante sur la politique menaçait, semble-t-il, de détruire la culture occidentale – le logos européen.

Mais Christopher Lasch a noté une nouvelle tendance politique : ce sont les élites qui détruisent la culture et le logos européen aujourd’hui. Ces nouvelles élites occidentales, qui n’ont atteint le sommet du pouvoir que par leur ingéniosité et leur immense volonté de pouvoir, sont bien pires et plus destructives que les masses.
Une personne ordinaire maintient encore quelques traditions culturelles ; il est presque impossible de trouver un « prolétaire pur ». Mais les élites capitalistes modernes, qui n’ont pas de sens aristocratique, sont avides de pouvoir, de position et de confort. Dans le même temps, de plus en plus de types marginaux ont commencé à pénétrer dans la « nouvelle élite », des personnes appartenant non pas à des groupes périphériques, mais à des groupes minoritaires – ethniques, culturels, religieux (souvent sectaires) et sexuels – et sont devenus dominants parmi eux. C’est cette populace perverse, selon Christopher Lasch, qui forme la base de l’élite mondialiste moderne, qui détruit les fondements de la civilisation.
En conséquence, le populisme – y compris le populisme des gilets jaunes – peut être considéré comme un soulèvement de représailles du peuple contre les élites, qui ont complètement perdu leur lien avec la société. Les élites ont construit leur propre monde dans lequel le deux poids, deux mesures, les normes du politiquement correct, la démagogie libérale règnent.

Selon ces « nouvelles élites », le peuple et la société, dans leur état actuel, n’ont pas leur place dans ce monde. C’est pourquoi la représentante typique de la « nouvelle élite », Hillary Clinton, dégoûtée par le succès du populiste de droite Trump, a ouvertement insulté les Américains ordinaires – comme étant déplorables, ce qui veut dire « honteux ». Les « déplorables » ont choisi Trump – non pas parce qu’ils l’aimaient, mais pour répondre à la « sorcière mondialiste » Clinton.

Macron est un représentant du même type de « nouvelle élite ». Il est curieux qu’à la veille des élections, le journal français Libération ait publié le titre « Faites ce que vous voulez, mais votez Macron ». C’est une paraphrase évidente d’Aleister Crowley, qui s’est proclamé au XXe siècle comme l’Antichrist et la Bête 666 : « Fais ce que tu veux, c’est la seule Loi. » En d’autres termes, les foules obéissantes devaient voter pour Macron non pas pour des raisons rationnelles, non pas à cause de ses idées et de ses vertus, mais simplement parce que c’est la loi impérative de l’élite au pouvoir. Et le mépris des élites à l’égard des masses obéissantes et assassinées est si visible qu’elles ne se donnent même pas la peine de les séduire par des promesses qui ne seront pas tenues : « Votez pour Macron, car c’est un ordre et on n’en parle plus. » Votez et vous serez libres. Sinon, vous êtes déplorables. Et c’est tout.

En Italie, la moitié de la population a voté pour les populistes de droite de la Lega, et l’autre moitié pour les populistes de gauche 5 étoiles, et ensemble ces partis ont réussi à créer le premier gouvernement populiste de l’histoire européenne.

Et maintenant en France. Et bien qu’en France, il n’y ait pratiquement aucun contact politique entre le populisme de droite du Front national et le populisme de gauche de Mélenchon, mais il est aujourd’hui uni dans la révolte héroïque des gilets jaunes. Les gilets jaunes sont déplorables, aussi bien à droite qu’à gauche (mais pas dans la gauche libérale, ni la droite libérale). Les populistes de droite sont terrifiés par les nouvelles politiques insensées de l’élite concernant l’immigration et la destruction des vestiges de l’identité française. Les populistes de gauche sont outrés par les politiques économiques désastreuses des libéraux, qui ne défendent que les intérêts des grandes entreprises : Macron est un protégé des Rothschild et cela montre de quel côté il est…
Les gilets jaunes se rebellent contre Macron comme contre l’élite libérale au pouvoir. Mais aujourd’hui, ce n’est déjà plus un mouvement de la droite ou de la gauche classique. Macron est de gauche en faveur de la migration, de la protection des minorités, de la légalisation de la dégénérescence et du soi-disant « marxisme culturel », mais de droite (droite libérale) sur le plan économique, défendant fermement les intérêts des grandes entreprises et de la bureaucratie européenne. C’est un pur mondialiste, qui ne dédaigne pas une déclaration directe de son appartenance à la Franc-maçonnerie (son fameux signe de la main, représentant un triangle), même avec des slogans directs sataniques : « Faites ce que vous voulez, votez pour Macron. » La révolte des gilets jaunes est précisément contre cette combinaison de droite libérale et de gauche libérale.
Si Mélenchon et Marine Le Pen ne peuvent être unis politiquement, l’un trop à gauche et l’autre trop à droite, alors les gilets jaunes le feront à la place des dirigeants politiques qui cherchent à diriger un mouvement populiste. Les gilets jaunes ne sont pas seulement contre la politique économique ou l’immigration – ils sont contre Macron en tant que symbole de tout le système, contre la mondialisation, contre le totalitarisme libéral, contre « l’état actuel des choses ». Le mouvement des gilets jaunes est une révolution populiste et populaire. Et le mot « peuple » (populus, le peuple) dans le concept de « populisme » doit être compris littéralement.

Ce ne sont pas des masses abstraites ou un prolétariat impersonnel – ce sont les derniers êtres vivants en date qui se sont soulevés contre la puissance mondiale de la progéniture mondialiste, les rebelles (comme le croit Lasch) de la culture et de la civilisation, mais aussi envers l’homme comme tel, les gens, Dieu.

Aujourd’hui, il n’y a plus de droite ni de gauche : seul, le peuple est contre l’élite. Les gilets jaunes créent une nouvelle histoire politique, une nouvelle idéologie. Macron n’est pas un nom personnel, c’est une étiquette de la Matrice. Pour atteindre la liberté, il a besoin d’être annihilé. Ainsi parlent les gilets jaunes, et ils disent la vérité …

Aleksandre Gelyevich Douguine est un philosophe, un analyste politique et un géostratège russe, et un auteur – plus connu internationalement pour son livre ‘The Fourth Political Theory’. Il entretient des liens étroits avec le Kremlin et l’armée russe, ayant été conseiller du président de la Douma d’État Gennadiy Seleznyov, et membre clé du parti au pouvoir, Russie unie Sergei Naryshkin. Il réside à Moscou, supervise le travail de Géopolitika et inspire le travail du mouvement eurasien.

Traduit du Russe (RT) par Geopolitika – édité par J. Flores for FRN.

La guerre psychologique derrière l’effondrement économique

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La guerre psychologique derrière l’effondrement économique

par Brandon Smith

Article original de Brandon Smith, publié le 20 décembre 2018 sur le site alt-market.com
Traduit par le blog http://versouvaton.blogspot.fr


L’idée d’utiliser l’économie comme une arme n’est pas étrangère à la plupart des gens. En général, nous comprenons la nature du féodalisme et comment divers groupes peuvent être parqués en troupeaux dans des plantations centralisées où ils sont exploités pour leur travail. Certains y voient une conséquence du « capitalisme », d’autres une extension du « socialisme/communisme ».

Malheureusement, beaucoup de gens pensent à tort que l’un est une solution pour l’autre – ce qui signifie qu’ils pensent que le capitalisme des copains est une solution à la centralisation communiste ou que le communisme est une solution à la corruption du capitalisme des copains. La réalité, c’est que ce n’est qu’un autre faux paradigme.

Le plus troublant, c’est que la majorité de l’opinion publique n’a aucune idée de la véritable solution au problème des économies corrompues ou totalitaires : les marchés libres.

Les marchés libres n’ont pas existé au sein de l’économie mondiale à grande échelle depuis au moins cent ans. L’essor de la banque centrale a érodé tous les vestiges de la liberté de production et de commerce. Le capitalisme des copains, qui se concentre sur le pouvoir des entreprises et le monopole, n’a rien à voir avec le libre marché, malgré les arguments des socialistes plutôt naïfs qui blâment le « libre marché » pour les problèmes du monde. Si jamais vous entendez quelqu’un faire cette affirmation, je vous suggère de lui rappeler que les corporations et leurs avantages sont une création des gouvernements.

La protection du statut de personne morale, la responsabilité limitée, la taxation inéquitable de la concurrence des petites entreprises et la législation protégeant les sociétés contre les poursuites civiles sont toutes des mesures prises par le gouvernement. Par conséquent, les corporations et le capitalisme des copains sont beaucoup plus le produit de systèmes de type socialiste que des marchés libres. Dans un véritable marché libre, dépourvu d’ingérence et de favoritisme constants de la part du gouvernement, les entreprises ne pourraient exister et seraient anéanties au fil du temps par l’environnement concurrentiel. Et sans responsabilité limitée, les magnats du monde des affaires qui violent la primauté du droit et causent du tort à autrui seraient passibles de poursuites personnelles et d’emprisonnement au lieu de simplement payer une amende. Le rapport coût/bénéfice des entreprises corrompues disparaîtrait et les entreprises corrompues s’enliseraient.

Au cœur même de la combinaison du pouvoir des corporations et de la protection du gouvernement (ce que certains pourraient appeler la définition classique du fascisme), se trouvent les banques centrales, les institutions globalistes et les élites bancaires qui les soutiennent. Les banques centrales sont les gardiennes des différentes plantations (nations) et supervisent l’exploitation de ces sociétés et leur travail. Les grandes constructions globalistes comme le FMI ou la Banque des règlements internationaux sont les décideurs politiques des banques centrales nationales. Ils transmettent la stratégie et les banques centrales la mettent en œuvre de concert. Au sommet de la pyramide se trouvent les groupes des « tables rondes » et les banquiers internationaux eux-mêmes, qui récoltent les fruits du cycle de pillage.

Comme l’a écrit Carroll Quigley dans son livre Tragedy And Hope, spécialiste, initié globaliste et mentor de Bill Clinton :

« Les puissances du capitalisme financier avaient un autre objectif de grande portée, rien de moins que de créer un système mondial de contrôle financier aux mains d’entités privées capable de dominer le système politique de chaque pays et l’économie du monde dans son ensemble. Ce système devait être contrôlé de manière féodale par les banques centrales du monde entier agissant de concert, par des accords secrets conclus lors de fréquentes réunions et conférences privées. Le point culminant du système devait être la Banque des règlements internationaux à Bâle, en Suisse, une banque privée détenue et contrôlée par les banques centrales du monde entier qui étaient elles-mêmes des sociétés privées. Chaque banque centrale cherchait à dominer son gouvernement par sa capacité à contrôler les prêts du Trésor, à manipuler les devises étrangères, à influencer le niveau de l’activité économique dans le pays et à influencer les politiciens coopératifs par des récompenses économiques ultérieures dans le monde des affaires. »
C’est une notion facile à comprendre, je pense. C’est-à-dire que l’idée d’oligarques, le 1% si vous voulez, qui contrôlent les 99% restants par le biais d’un levier économique est quelque chose dont la plupart des gens peuvent convenir, qu’ils s’identifient à la droite politique ou à la gauche politique. Ils n’ont peut-être qu’une vague idée des faits derrière cette conspiration, mais ils l’ont vue en action dans leur vie quotidienne et ils savent qu’elle est réelle. C’est ici que la plupart d’entre eux commencent à perdre de vue l’ensemble de la situation….

Pour beaucoup, la conspiration est un sous produit de la recherche du profit. C’est-à-dire qu’ils ne voient pas cela comme un effort conscient et organisé, mais plutôt comme une avidité inconsciemment motivée. Cela me rappelle la réplique la plus célèbre du film « The Usual Suspects » :

« Le plus grand tour que le diable ait jamais joué était de convaincre le monde qu’il n’existait pas. »

Toutes les preuves nous assurent de façon écrasante que la conspiration est pleinement consciente, organisée et délibérée. Ce n’est pas un sous-produit affreux ou aléatoire de la recherche du « profit ». C’est absurde si l’on considère l’ampleur de la coordination nécessaire ou le nombre de groupes de réflexion et de conférences secrètes qui ont lieu chaque année, du Council on Foreign Relations au Tavistock institute, à la Commission trilatérale, au Brookings Institute, à Davos, au Bilderberg et à des milieux encore plus étranges comme le Bohemian Grove. Ce sont de véritables centres de pouvoir qui peuvent avoir une grande influence dans notre vie quotidienne.

Ignorer tout cela et le réduire à une extension « naturelle » de la cupidité, c’est poser stupidement sa tête molle et spongieuse dans les mâchoires du mal organisé tout en prétendant ne pas sentir l’odeur de sa gingivite.

Les mécanismes de contrôle des globalistes sont cependant beaucoup plus complexes que la simple exploitation des flux monétaires ou de l’accumulation de la dette. De nombreux militants de la liberté qui ont accepté la réalité du contrôle institutionnalisé de l’économie refusent encore de reconnaître un autre mécanisme de contrôle très réel – l’utilisation de l’effondrement économique. Je ne sais pas pourquoi cette idée est prise de façon aussi farfelue par des gens qui sont déjà versés dans les faits derrière le globalisme. Leurs préjugés ne leur permettent tout simplement pas de considérer l’environnement de façon objective et de voir l’utilité de l’effondrement comme une tactique pour obtenir plus de levier et d’influence.

Je crois que la clé pour comprendre l’économie et le monde en général est d’accepter la vérité que presque tout ce qui est fait dans le monde de la politique et des finances l’est pour manipuler la psychologie publique à certaines fins. C’est-à-dire que le véritable champ de bataille est l’esprit humain ; tout le reste est secondaire.

Mais à quelles fins fais-je allusion ? Pour être plus précis, les masses sont constamment poussées à plus de dépendance, plus de peur, moins d’autosuffisance et moins de conscience du grand projet. Nous sommes encouragés à boxer avec nos propres ombres, à produire pour le système mais pas pour nous-mêmes, à lutter pour des gains minimes dépensés au hasard pour des objectifs insignifiants, à nous battre les uns avec les autres pour des miettes tout en restant aveugles aux énormes parasites collés sur notre dos, à nous associer à des causes sans intérêt menées par des politiciens fantoches et une opposition contrôlée, à ne rien construire nous-mêmes, à attendre toujours un héros sur un cheval blanc qui viendra nous sauver.

Essentiellement, nous sommes constamment distraits ou mis en garde contre notre tendance naturelle à vouloir établir des marchés libres – des marchés libres en terme de pensée, dans le commerce, dans l’information, au gouvernement, etc. Les globalistes sont même prêts à faire effondrer des systèmes économiques entiers pour empêcher ce résultat et pour nous garder piégés dans la centralisation. Cette prison est une prison mentale, en grande partie. À tout moment, nous pourrions nous éloigner du modèle totalitaire et construire nos propres systèmes de marché libre. Mais arriver à ce point, psychologiquement, amener les gens à faire les premiers pas, c’est la partie la plus difficile.

L’économie, telle qu’elle est mise en œuvre par les globalistes, n’est pas une question de profit. Il s’agit parfois de pressurer la population pour en extraire du travail ou des biens matériels, mais c’est un avantage secondaire. En réalité, l’économie consiste à façonner les esprits ; elle vise à changer la psychologie de millions de personnes. Il s’agit d’effacer la conscience innée et la boussole morale. Il s’agit de détruire des principes sociétaux et un patrimoine enraciné. Et parfois, il s’agit d’effacer complètement l’histoire, de tuer la plus grande partie d’une génération, puis d’écrire une nouvelle histoire mieux adaptée à l’idéal globaliste, ce qui est beaucoup plus facile quand il y a si peu de gens qui se souviennent de la vérité pour en débattre.

Les globalistes présentent la plupart, sinon tous les traits des sociopathes narcissiques, qui s’organisent parfois en groupes coopératifs tant qu’il y a une promesse de gain mutuel et une structure de domination par le haut. Les sociopathes narcissiques sont connus pour utiliser la crise comme un moyen de garder les gens autour d’eux en déséquilibre et de servir leurs intérêts. Leur but ultime est rarement le profit. Au lieu de cela, ils cherchent le pouvoir, le pouvoir sur tous les aspects de la vie de chaque personne qui les entoure. Un minimum de pouvoir ne suffit pas. Ils veulent un contrôle total, et ils utiliseront tous les moyens pour l’obtenir, y compris les menaces d’ingénierie sociale et les catastrophes pour obtenir la conformité ou pour se présenter comme un héros ou un « protecteur » nécessaire.

Un sociopathe ne se contente pas de contrôler les gens par la peur ou la violence. Il veut que ses victimes l’aiment, qu’elles le considèrent comme un sauveur et non comme un tyran.

Pour être bien clair, le but de la subversion économique est de briser l’esprit humain et de le changer en quelque chose d’autre ; quelque chose de moins humain ou, à tout le moins, de moins rebelle. On ne peut contrôler les gens par l’endettement et les fausses récompenses pendant si longtemps avant qu’ils ne commencent à reculer et à se révolter. L’effondrement économique, par contre, peut changer fondamentalement les gens par une terreur persistante et par une tragédie. Par le traumatisme, les globalistes espèrent faire des hommes des monstres ou des robots.

Le système actuel n’a jamais été conçu pour durer. Notre économie est vouée à échouer, mais peu de gens semblent se demander pourquoi ? Ils se disent que c’est parce que la cupidité a conduit l’élite financière à l’auto-sabotage, mais c’est un fantasme. Ce n’est pas seulement que le système est conçu pour échouer, mais qu’il est conçu pour échouer selon un calendrier organisé.

Le magazine globaliste The Economist a annoncé en 1988 l’avènement d’un système monétaire mondial unique, qui serait lancé en 2018 et qui nécessiterait le déclin de l’économie américaine et du dollar pour ouvrir la porte à une remise à zéro. Ce n’est pas un hasard si nous assistons aujourd’hui au début d’un crash financier majeur au dernier trimestre de 2018. Ce crash a été provoqué à partir de 2008 par les banques centrales, d’abord par l’inflation d’une bulle historique englobant presque toutes les catégories d’actifs au moyen de mesures de relance et de taux d’intérêt proches de zéro, cette bulle est aujourd’hui crevée par ces mêmes banques centrales, qui utilisent des mesures de resserrement pour affaiblir leur économie.

Ce n’est pas non plus un hasard si les globalistes ont annoncé en 2018 leur intention de s’adapter à un système monétaire numérique utilisant la technologie de la chaîne de blocs et la crypto-monnaie. C’est-à-dire que le système monétaire mondial prévu dans The Economist est déjà en place. Ils n’attendent qu’une crise assez importante pour faire pression sur la société afin qu’elle accepte la centralisation totale à l’échelle mondiale comme solution.

Forcer le public à adopter la centralisation à l’échelle mondiale exigerait plusieurs mesures. Premièrement, le système actuel, qui, comme on l’a dit, est voué à l’échec, devrait être autorisé à s’effondrer. Deuxièmement, il faudrait blâmer quelqu’un d’autre que les globalistes et leur idéologie du globalisme.
Troisièmement, les opposants philosophiques au globalisme (conservateurs, nationalistes et activistes de la décentralisation) devraient être diabolisés ou éliminés pour que les globalistes puissent construire leur nouvel ordre mondial sans opposition. Quatrièmement, il faudrait que la population soit suffisamment traumatisée au point d’être psychologiquement soumise et désespérée pour que, lorsque le nouveau système sera mis en place, elle en soit reconnaissante, ce qui empêcherait toute rébellion future en faisant du public un coopérateur volontaire à son propre esclavage.

Le succès d’un tel plan n’est pas garanti. En fait, je crois que les globalistes échoueront en fin de compte dans leur entreprise, comme je l’ai souligné dans des articles précédents. Cela ne veut pas dire qu’ils ne vont pas essayer. Les militants de la liberté doivent accepter le fait que le plan des globalistes implique la destruction délibérée de notre économie actuelle. Ceux qui refusent se sentiront déconcertés par l’issue des développements financiers futurs, au lieu d’être préparés. Ils se trouveront facilement subjugués, au lieu d’être prêts à se rebeller. Et ils se demanderont pourquoi ils ne l’ont pas vu venir alors que la fin du match était si évidente.

Brandon Smith

René Guénon sur notre société festive

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René Guénon sur notre société festive
 
par Nicolas Bonnal
 
Ex: https://echelledejacob.blogspot.com
 
Comme prévu la société festive est de plus en plus sinistre, et comme prévu elle est de plus en plus autoritaire et orwellienne, avec un arrière-fond imbibé de satanisme. Voyez Vigilantcitizen.com qui recense le bal illuminé de l’UNICEF. Ici, on passe de la fête de la musique à l’arrestation de Drouet et à l’épuration du web parce qu’on est cool, ludique État-de-droit dans ses bottes....

Philippe Muray a brillamment « tonné contre » la société festive. On l’a rappelé ici-même. Mais on va remonter plus haut et examiner le corps du délit avec notre René Guénon. Qu’était une fête dans le monde traditionnel ? Une subversion momentanée de l’ordre. Guénon, dans ses admirables Symboles de la science sacrée :

« Il n’est pas inutile de citer ici quelques exemples précis, et nous mentionnerons tout d’abord, à cet égard, certaines fêtes d’un caractère vraiment étrange qui se célébraient au moyen âge : la « fête de l’âne », où cet animal, dont le symbolisme proprement « satanique » est bien connu dans toutes les traditions, était introduit jusque dans le chœur même de l’église, où il occupait la place d’honneur et recevait les plus extraordinaires marques de vénération ; et la « fête des fous », où le bas clergé se livrait aux pires inconvenances, parodiant à la fois la hiérarchie ecclésiastique et la liturgie elle-même. Comment est-il possible d’expliquer que de pareilles choses, dont le caractère le plus évident est incontestablement un caractère de parodie et même de sacrilège, aient pu, à une époque comme celle-là, être non seulement tolérées, mais même admise en quelque sorte officiellement ? »

Guénon évoque aussi les saturnales :

« Nous mentionnerons aussi les saturnales des anciens Romains dont le carnaval moderne paraît d’ailleurs être dérivé directement, bien qu’il n’en soit plus, à vrai dire, qu’un vestige très amoindri : pendant ces fêtes, les esclaves commandaient aux maîtres et ceux-ci les servaient ; on avait alors l’image d’un véritable « monde renversé », où tout se faisait au rebours de l’ordre normal… »

La fête a donc pour but de canaliser (aujourd’hui on dirait défouler) les forces inférieures de l’homme déchu. Guénon rappelle :

« …c’est là, en effet, quelque chose qui est très propre, et plus même que quoi que ce soit d’autre, à donner satisfaction aux tendances de l’« homme déchu », en tant que ces tendances le poussent à développer surtout les possibilités les plus inférieures de son être. Or, c’est justement en cela que réside la véritable raison d’être des fêtes en question : il s’agit en somme de « canaliser » en quelque sorte ces tendances et de les rendre aussi inoffensives qu’il se peut, en leur donnant l’occasion de se manifester, mais seulement pendant des périodes très brèves et dans des circonstances bien déterminées, et en assignant ainsi à cette manifestation des limites étroites qu’il ne lui est pas permis de dépasser. S’il n’en était pas ainsi, ces mêmes tendances, faute de recevoir le minimum de satisfaction exigé par l’état actuel de l’humanité, risqueraient de faire explosion, si l’on peut dire et d’étendre leurs effets à l’existence… »

Guénon conclut : « le fait qu’il n’y a là rien d’imprévu « normalise » en quelque sorte le désordre lui-même et l’intègre dans l’ordre total. »

Guénon parle alors des masques (voyez mon livre sur Kubrick et mes analyses symboliques sur les masques dans Eyes Wide Shut calqué de l’admirable Sarabande de Dearden, avec Stewart Granger)). Le masque ne masque pas, il révèle :

« En effet, les masques de carnaval sont généralement hideux et évoquent le plus souvent des formes animales ou démoniaques, de sorte qu’ils sont comme une sorte de « matérialisation » figurative de ces tendances inférieures, voire même

« infernales », auxquelles il est alors permis de s’extérioriser. Du reste, chacun choisira tout naturellement parmi ces masques, sans même en avoir clairement conscience, celui qui lui convient le mieux, c’est-à-dire celui qui représente ce qui est le plus conforme à ses propres tendances de cet ordre, si bien qu’on pourrait dire que le masque, qui est censé cacher le véritable visage de l’individu, fait au contraire apparaître aux yeux de tous ce que celui-ci porte réellement en lui-même, mais qu’il doit habituellement dissimuler. »

Guénon ajoute sur le retournement parodique : « Il est bon de noter, car cela en précise davantage encore le caractère, qu’il y a là comme une parodie du « retournement » qui, ainsi que nous l’avons expliqué ailleurs, se produit à un certain degré du développement initiatique ; parodie, disons-nous, et contrefaçon vraiment « satanique », car ici ce « retournement » est une extériorisation, non plus de la spiritualité, mais, tout au contraire des possibilités inférieures de l’être. »

Ce retournement parodique momentané servait certainement à détourner les attaques du Malin.

Tout se retourne comme toujours au dix-septième qui marque le déclin ou la sanction/récupération des carnavals. Et dans le monde moderne la fête devient permanente pour pousser la consommation-consumation des âmes et des forces : Halloween, Black Friday, Noël, Pride machin, Saint-Valentin toutes les fêtes sont là qui se succèdent et puent. Comme dit Tocqueville, en démocratie on laisse le corps pour aller droit à l’âme (on dira au croyant que la mission est de remplir les enfers).

Guénon sur cette extension du domaine du mal :

« Si les fêtes ne semblent même plus éveiller qu’à peine l’intérêt de la foule, c’est que, dans une époque comme la nôtre, elles ont véritablement perdu leur raison

d’être : comment, en effet, pourrait-il être encore question de « circonscrire » le désordre et de l’enfermer dans des limites rigoureusement définies, alors qu’il est répandu partout et se manifeste constamment dans tous les domaines où s’exerce l’activité humaine ? »


Et le coup de massue final :

« Ainsi, la disparition presque complète de ces fêtes, dont on pourrait, si l’on s’en tenait aux apparences extérieures et à un point de vue simplement « esthétique », être tenté de se féliciter en raison de l’aspect de « laideur » qu’elles revêtent inévitablement, cette disparition, disons-nous, constitue au contraire, quand on va au fond des choses, un symptôme fort peu rassurant, puisqu’elle témoigne que le désordre a fait irruption dans tout le cours de l’existence et s’est généralisé à un tel point que nous vivons en réalité, pourrait-on dire, dans un sinistre « carnaval perpétuel ».
 
Nicolas Bonnal
 

Sources

René Guénon, Symboles de la science sacrée. Chapitre XXI. Sur la signification des fêtes «carnavalesques»

http://classiques.uqac.ca/classiques/guenon_rene/Symboles_science_sacree/symboles_sc_sacree.html

Nicolas Bonnal – Stanley Kubrick, génie du cinéma (Amazon.fr)

http://www.dedefensa.org/article/philippe-muray-face-au-d...

https://en.wikipedia.org/wiki/Saraband_for_Dead_Lovers

https://vigilantcitizen.com/vigilantreport/inside-unicefs...

Le Système et l’enjeu populiste

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Le Système et l’enjeu populiste

Ex: http://www.dedefensa.org

Le ministre de l’Intérieur et vice-Premier ministre italien, Matteo Salvini, doit effectuer un voyage en Pologne le 9 janvier, pour envisager une alliance avec le parti PiS au pouvoir, de tendance populiste et eurosceptique comme l’est Salvini. (Tout de même, le PiS est plus de type traditionnaliste-conservateur que de pur populisme, mais ils se retrouvent sur une ligne approchante.) Breitbart-UK donne des indications sur cette visite, et également sur les opérations de rassemblement populiste déjà réalisées par Salvini avant les européennes.

« Le ministre populiste italien de l'Intérieur, Matteo Salvini, doit s'entretenir avec le chef du parti du droit et de la justice polonais, Jarosław Kaczynski... [...] Salvini et Kaczynski se rencontreront le 9 janvier à Varsovie pour discuter de la possibilité de l’alliance entre la Liga et le PiS en vue des élections au Parlement européen de mai, a rapporté la chaîne de télévision polonaise TVN24. La porte-parole de PiS, Beata Mazurek, a déclaré aux médias italiens : “Les sujets des discussions intéressent les deux parties, polonaises et italiennes.”

» Cette visite constitue la première visite officielle de Salvini en Pologne depuis son arrivée au pouvoir l'an dernier. Le vice-Premier ministre devrait également discuter de questions économiques pendant son séjour dans le pays.

» Au cours des derniers mois, M. Salvini a noué des liens avec plusieurs autres dirigeants conservateurs et populistes de premier plan en vue de constituer une grande alliance avant les élections au Parlement européen, notamment le Premier ministre hongrois Viktor Orbán, qui a qualifié Salvini de “mon héros” et lui a promis de travailler avec lui. En octobre, Salvini a annoncé que la dirigeante populiste française Marine Le Pen rejoindrait également son alliance aux élections européennes, le couple annonçant la création d'un "front de la liberté" réunissant les autres partis pro-souverainetés opposés à la domination de l'UE. Salvini a également rencontré le dirigeant du Parti de la liberté autrichien, Heinz-Christian Strache, et aurait cherché à obtenir le soutien du leader des démocrates suédois, Jimmie Åkesson. »

Cette visite de Salvini en Pologne est très intéressante parce qu’il s’agit d’un éventuel partenaire puissant dans le rassemblement populiste que veut mettre en place Salvini, mais surtout d’un partenaire qui a des vues diamétralement opposées à celles de Salvini (et de la plupart des autres populistes) sur quelques points très importants de politique étrangère et de sécurité : les Polonais sont hyper-antirusses et hyper-atlantistes, fortement au contraire de Salvini.

La question qui se pose est de savoir si cette divergence très sérieuse et très exacerbée essentiellement de la part des Polonais sera écartée pour permettre l’alliance populiste. Selon la logique de l’essentiel et de l’accessoire, cela devrait être aisément surmontée parce que le caractère essentiel, significatif, fondamental qui est jeu ici est le populisme, tandis que les positions vis-à-vis de la Russie sont complètement, essentiellement du côté polonais, corrodées, toxiques, sinon complètement inverties par une passion déchaînée ; la position polonaise vis-à-vis de la Russie est injustifiée, déraisonnable, et fait le jeu du Système.

(Les rapports avec les USA constituent un aspect plus complexe, puisque les USA, aujourd’hui, suscitent effectivement une sujétion transatlantique des pays européens qui est difficilement acceptable surtout d’ailleurs par rapport aux ambitions du populisme ; mais les USA, c’est aussi un Trump et son trumpisme qui ont tendance à appuyer la poussée populiste et qui sont anti-UE. Ainsi Trump peut-il dire« Je me fiche de l’Europe » lorsqu’il parle des pouvoirs en place et des Européens-UE et -OTAN ; et il peut dire également, comme il l’a fait, « Je pourrais être la personne la plus populaire en Europe », si l’on considère sa position sur les questions du populisme.)

Il s’agit d’un test intéressant, qui donnera une bonne mesure de la puissance et de la diversité possible du mouvement populiste. C’est en effet la problématique qui est aujourd’hui développée, de la capacité et de la signification de la dynamique populiste si forte en Europe, considérée d’un point de vue transnational. 

Sur le site Spiked, Frank Furedi donne une analyse générale du mouvement populiste en Europe, estimant qu’il est arrivé à un degré de maturation où ce mouvement commence à distinguer les véritables enjeux de son propre développement. Il s’agit du remplacement, – une autre sorte de “Grand Remplacement”, – des traditionnelles questions socio-économiques par les questions désormais brûlantes de type sociétal-culturel dans le sens le plus large. Dans son article, Furedi estime que le courant populistes est arrivé à un point où il doit rechercher une expression politique opérationnelle efficace, – ce à quoi, nous semble-t-il, Salvini, qui a certainement la plus forte personnalité et un très fort soutien populaires, est en train de travailler :

« À moins que le populisme puisse développer une plus grande clarté politique et développer une vision inspirante de la citoyenneté démocratique, il aura du mal à progresser. Face au pouvoir considérable des institutions politiques et culturelles, il ne peut progresser que s'il développe une alternative cohérente aux valeurs de l'ordre dominant. Il y a beaucoup en jeu dans les années à venir. Nous avons besoin d’une version éclairée et démocratiquement informée de la politique populiste. »

Pour nous, il s’agit d’une évolution décisive de la question de ces “valeurs” qui dépendent des enjeux socio-économiques auxquels elles doivent donner après coup une dimension pseudo-morales qui fait le jeu des élitesSystème ; vers la question des “principes” qui doivent être dans le sens contraire les déterminants des questions sociétales-culturelles (identité, souveraineté, etc.) et présupposent une dimension structurante au-dessus de la morale déterminant le cadre de ces questions, selon un processus rejeté par les élitesSystème parce que hors de leur contrôle et de leur orientation idéologique. Les “valeurs” sont déduites des enjeux socio-économiques et dépendent donc de domaines maîtrisés par le Système ; les “principes” induisent à partir d'une logique hors-Système les enjeux sociétaux-culturels et échappent par conséquent à la maîtrise du Système.

L’irruption massive des enjeux sociétaux-culturels depuis trois à quatre décennies, avec une accélération pressante et très grande ces dernières années, s’est faite jusqu’ici sans se référer aux “principes” dont ils devraient dépendre. L’enjeu suprême est donc de réaliser effectivement cette connexion, ce qui devrait être le rôle d’une véritable “politique-populiste”. Les élitesSystème s’y opposent de toutes leurs forces en imposant une morale correspondantes à leurs propres privilèges socio-économiques. C’est à ce point que se noue l’affrontement. Les “principes” constituant des valeurs structurantes échappant au Système (hors-Système), doivent s’imposer naturellement dans l'affrontement comme antiSystème, par leur forme même, quel que soit leur contenu (mais ce contenu ne pouvant être que structurant).

C’est pour cette raison qu’à notre sens, toutes les poussées populistes, et notamment celle des GJ (Gilets-Jaunes) qui est nécessairement populiste, se définissent nécessairement en termes d’affrontement contre le Système puisque poussées par des principes structurants. Les GJ ont tant de mal à formuler leurs revendications parce que ces revendications mettant en cause le Système ne prennent corps qu’à partir d’une position permettant d'embrasser le Système dans sa globalité pour conclure à l'impossibilité absolue de sa réforme. De ce point de vue et selon les moyens disponibles et les arguments débattus, on en déduit que le mouvement des GJ, comme le populisme lui-même, ne peut être ni satisfait, ni apaisé, ni étouffé. Il s’agit d’une lutte à mort.

dimanche, 06 janvier 2019

Le Saint Empire Romain peut aider à inspirer une Union Européenne différente

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Le Saint Empire Romain peut aider à inspirer une Union Européenne différente

Peter Wilson

Traduction française par Chlodomir

Le passé de l’Allemagne projette encore son ombre. L’été dernier, les Grecs protestant contre les termes rigoureux du renflouement de l’UE brandissaient des portraits d’Angela Merkel portant une moustache à la Hitler et un brassard nazi avec la croix gammée à la place du symbole de l’euro.

De telles images restent puissantes mais elles empêchent de poser les vraies questions concernant la manière dont l’Allemagne utilisera son actuelle influence économique et politique et dans quelle mesure l’UE peut ou doit endiguer cette puissance. Pour répondre à cela, nous devons regarder dans le passé, à l’époque où l’Allemagne faisait partie du Saint Empire Romain.

L’empire semble à peine digne de discussion aujourd’hui. S’il conserve une résonance minime, c’est généralement grâce à la formule de Voltaire selon qui l’empire n’était « ni saint, ni romain, ni un empire ». Fondé par Charlemagne le jour de Noël de l’an 800, l’empire sembla se diriger vers le déclin presque immédiatement jusqu’à ce qu’il soit balayé comme une chose obsolète et inutile par Napoléon en 1806. Selon les mots de James Madison, quatrième président des Etats-Unis, l’empire était « un corps sans nerfs, incapable de réguler ses propres membres, sans défense contre les dangers extérieurs et agité de fermentations incessantes dans ses propres entrailles ».

Savoir pourquoi l’empire a été interprété de cette manière peut nous aider à comprendre la position de l’Allemagne actuelle en Europe, en particulier son rôle dirigeant dans l’UE.

L’héritage des deux guerres mondiales a encouragé les voisins de l’Allemagne à craindre son leadership comme une hégémonie potentielle, mais l’histoire du Saint Empire Romain révèle une époque où l’Allemagne faisait partie d’un ordre plus large et pacifique.

L’interprétation négative de l’empire vient du fait qu’on le voit comme une série de tentatives manquées pour créer un Etat-nation allemand. Dans cette version de l’histoire, une succession de monarques tenta de créer des institutions centrales capables d’imposer un système uniforme de gouvernement, et n’en fut empêchée que par les ambitions égoïstes des petits princes allemands.

En fait, l’empire ne fut jamais seulement l’« Allemagne ». Il recouvrait ce qui est maintenant l’Autriche, la Suisse, la Belgique, le Luxembourg, les Pays-Bas, la République Tchèque, une bonne partie de l’Italie, et certaines parties de la France et de la Pologne.

empireotto.jpgDans tous ces pays, les historiens ne trouvèrent pas d’intérêt à l’empire lorsqu’ils entreprirent d’écrire leurs histoires nationales au XIXe siècle. Pour eux, comme les manifestants grecs, « empire » signifiait domination étrangère.

L’aspect impérial de l’empire est peut-être le plus difficile à comprendre pour nous aujourd’hui, en grande partie parce que nous tendons à concevoir l’empire à travers l’expérience de la puissance coloniale européenne.

Nous nous attendons à ce que les empires aient un noyau clair et stable habité par un peuple impérial imposant sa volonté aux régions périphériques. Mais le Saint Empire Romain n’avait pas de noyau central, parce qu’il ne posséda jamais un clair centre de gouvernement, ni même de capitale officielle. Au contraire, le pouvoir fut toujours multiple et pluriel. L’organisation de la vie quotidienne était laissée à des pouvoirs plus locaux.

Le changement le plus important au cours des siècles ne fut pas une fragmentation progressive d’un pouvoir originellement centralisé, comme le crurent les précédentes générations d’historiens.

Ce fut plutôt un renforcement graduel des pouvoirs locaux qui tiraient leur légitimité de leur relation avec l’empire dans son ensemble. Les chartes et les lois impériales reconnaissaient les droits locaux et les libertés locales.

Des couches additionnelles furent ajoutées avec le temps en réponse aux circonstances, plus particulièrement durant les XVIe et XVIIe siècles, quand les protestants obtinrent les mêmes droits juridiques que les catholiques romains.

Cependant, longtemps avant cela les Juifs avaient reçu des droits protecteurs qui fonctionnaient généralement mieux que ceux garantis par les monarques dans les royaumes plus centralisés d’Europe.

Et c’est ici que nous voyons le plus clairement ce que l’empire peut nous dire sur l’avenir possible de l’Europe. Ses habitants s’identifiaient généralement positivement avec lui, parce qu’il préservait leurs autonomies et leurs modes de vie.

Cela ne peut pas être un plan pour l’UE d’aujourd’hui, parce que l’ordre social qui étayait cette autonomie locale était aussi criblé d’inégalités que nous trouverions inacceptables.

Pourtant cela suggère une alternative au difficile choix entre l’UE conçue comme un super-Etat unique et homogène et un affaiblissement fatal de la position mondiale de l’Europe par sa fragmentation en une mosaïque d’Etats nationaux.

FT

Bogdan Herzog : sortez le pétrole du pétrodollar, sortez le dollar du narcodollar

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Bogdan Herzog : sortez le pétrole du pétrodollar, sortez le dollar du narcodollar

Bogdan Herzog

Traduction française par Chlodomir

Conférence Internationale “Financial capitalism and its alternatives for the 21st century. Contributions to the 4th Economic Theory” (Le capitalisme financier et ses alternatives pour le XXIe siècle. Contributions à la 4e Théorie économique).

Chișinău, 15 décembre 2017

J’ai récemment lu l’interview du Pr. Douguine dans le magazine The Economist. C’est une interview très intéressante qui permet d’exprimer notre vision-du-monde à une audience non-eurasiste plus grande. J’ai moi-même distribué le matériel à un certain nombre de gens et il a été apprécié même par des personnes qui n’ont pas forcément la même perception de la réalité que nous. Le professeur s’avère être un intellectuel hautement distingué, un digne adversaire du libéralisme et cela peut être apprécié par des gens neutres et même par des ennemis.

Cependant, je prends l’exemple d’une question posée par l’interviewer et de la réponse du Pr. Douguine, où je proposerais une approche différente. La question posée était : « Pourquoi pensez-vous que l’autre civilisation, l’anglo-saxonne, réussit économiquement mieux que la civilisation eurasienne ? », et la réponse fut la suivante : « Précisément parce que l’économie est, pour vous, le destin. Pour nous, c’est l’esprit qui est le destin. Si vous placez une valeur matérielle comme la plus haute valeur, alors vous avez mieux réussi en cela ».

Bien que je comprenne le raisonnement philosophique et religieux qui se trouve derrière la réponse, incluant que l’on ne peut pas servir deux maîtres, Dieu et Mammon, je préférerais une approche plus directe et économiquement orientée à une telle question. Etonnamment ou pas, Marx, du moins dans ses premiers écrits, avait une approche similaire à celle du Pr.  Douguine sur cette question.

En ce qui me concerne, je voudrais d’abord noter la manière dont la question est structurée. C’est une affirmation : « L’Occident est meilleur pour développer des systèmes économiques », déguisée en une question. Répondre à la question en tentant de donner une explication revient à accepter la supposition de l’interviewer. C’était un piège. A mon avis, la réponse aurait dû être la suivante : « La civilisation anglo-saxonne n’est pas meilleure pour développer des systèmes économiques. Sa prospérité actuelle est due au fait qu’elle peut imprimer une quantité illimitée d’argent à partir de rien et qu’elle a la capacité militaire et politique à obliger les autres à l’accepter comme moyen de paiement ». C’est un vol déguisé. Obliger les autres à abandonner leurs valeurs pour rien est une forme de vol. C’est la source de leur prospérité, pas seulement leur obsession pour les biens matériels. En d’autres mots, l’Occident est meilleur pour imposer son point de vue dans le monde entier, pas pour développer des systèmes économiques supérieurs.

Et ils sont très bons pour quelque chose d’autre aussi, pour présenter leur propre intérêt comme étant, d’une manière ou d’une autre, dans l’intérêt général de l’humanité, de l’humanité en général. Ils sont les maîtres du culot ! C’est comme si un dealer de drogue, ou un voleur, demandait à un enseignant ou à un ouvrier : « Pourquoi pensez-vous que je suis plus riche que vous ? ». La réponse peut être philosophique : « Vous êtes préoccupé par l’argent », mais elle peut aussi être plus directe : « Parce que vous êtes un voleur ».

C’est un aspect important, ce n’est pas quelque chose à négliger. Puisque nous sommes en guerre, du moins dans le domaine des idées, ne laissons pas l’ennemi tenir le haut du pavé. Stratégiquement nous ne voulons pas mener une bataille pénible. Nous avons l’avantage moral même dans le monde de l’économie, et il faut rappeler cela à l’ennemi et au grand public. Nous avons affaire à un empire bâti par des voleurs, des pirates et des dealers audacieux, qui arrivent toujours au nom d’idées généreuses, comme la « liberté » et le « libre-échange », et qui repartent les poches pleines d’argent. Ce sont les gens qui nous font la leçon aujourd’hui !

Donc, mon premier message est : ne laissez pas l’ennemi prendre l’avantage moral. J’étayerai mes affirmations plus tard, avec quelques cours d’histoire, plus précisément sur les guerres de l’Opium.

Mais nous allons faire une très brève récapitulation de la nature de l’actuel système économique, et des manières possibles de le rendre plus juste.

Comme je l’ai dit avant, la prospérité de l’Occident est basée sur deux facteurs : l’impression de monnaie et la capacité d’obliger les autres à l’accepter. Puisque n’importe qui, n’importe quelle nation ou même des non-nations peut émettre de la monnaie (à Hong-Kong par exemple les billets de banque sont imprimés par des banques commerciales), il est évident que dans cette équation le facteur important est la capacité à imposer son usage. L’actuel système monétaire a un nom, le pétrodollar. Ce n’est pas par hasard. Cela vient du fait qu’en 1971, quand les Américains mirent fin à la convertibilité du dollar en or, ils la remplacèrent par la convertibilité en matières premières, et spécialement, mais pas exclusivement, en pétrole. La capacité militaire et politique des Américains à imposer leurs vues aux producteurs de pétrole, et à les obliger à vendre leurs produits en dollars, est la clé du système. La même logique peut être étendue à toutes les matières premières et au commerce international en général. La présence de troupes américaines au Moyen-Orient assure la domination du dollar sur le marché pétrolier, leur présence en Europe assure une certaine parité entre l’euro et le dollar, et ainsi de suite. Je n’entrerai pas dans les détails, mais je voulais souligner qu’en fin de compte tout se ramène au pouvoir. Ce pouvoir n’est pas limité à la capacité d’imposer un certain accord commercial à une troisième nation, mais aussi à sécuriser les voies d’approvisionnement ainsi que certaines régions.

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Pour créer un système économique meilleur et plus juste, il ne suffit pas de signer des accords de commerce bilatéraux exprimés dans d’autres monnaies. Des corridors de transit et de protection pour les pays désireux de commercer en utilisant d’autres monnaies devront être assurés. Bien sûr ce sont des réalités bien connues. L’initiative chinoise de la Nouvelle Route de la Soie et les événements du Moyen-Orient sont la preuve du fait que ces idées de base ont été comprises et que des pas sont faits dans la bonne direction. Nous devons sortir le pétrole du pétrodollar. C’est le second message du jour.

Enfin, je voudrais attirer votre attention sur une zone plus cachée, opaque, que je considère comme importante. Il y a un précédent historique au pétrodollar, en tant que monnaie fiduciaire basée sur la projection de pouvoir. Je parle de la narco-livre (britannique). Au début du XIXe siècle, les Britanniques enregistrèrent des déficits considérables dans leur commerce avec la Chine. A ce propos, c’est la Chine, et non l’Occident comme l’affirme erronément le reporter de The Economist, qui, sauf pendant 150 ans, fut le centre de l’activité économique de la planète.

Au début du XIXe siècle, exactement comme aujourd’hui, la Chine n’était pas intéressée par les produits que les Britanniques pouvaient lui offrir en échange et demandait que les dettes commerciales soient réglées par le paiement d’argent réel sous la forme de lingots d’argent. Quelle fut la solution découverte par les Britanniques pour stopper l’écoulement du « fleuve » d’argent ? Ils obligèrent les Chinois à s’adonner à la drogue, et quand ces derniers tentèrent de s’y opposer, ils déclarèrent la guerre à la Chine. Deux fois. Tout cela au nom du libre-échange et de la paix, bien sûr. Je voudrais ajouter que certaines des plus grandes banques et sociétés commerciales d’aujourd’hui ont leurs racines dans cette affaire infâme : HSBC, Jardine Matheson, Swire, etc. On peut dire la même chose de nombreuses familles « nobles », qui devinrent des lords, des pairs et des chevaliers de l’Empire britannique. Mais nous ne les nommerons pas aujourd’hui.

Pourquoi cela est-il important aujourd’hui ? Parce qu’aujourd’hui, tout comme 200 ans auparavant, le trafic de drogue est entre les mains des mêmes réseaux. L’opium est produit en Afghanistan à des niveaux record, même selon les statistiques officielles de l’ONU. Même chose pour la cocaïne de Colombie, un autre protectorat. Pourquoi cela a-t-il lieu ?

Certains disent que c’est parce que l’argent généré par les drogues est nécessaire pour financer les opérations clandestines, les dénommées « black-ops ». Peut-être, mais pour moi cette réponse est insuffisante. Ce genre d’argent est requis pour des pays de second ordre. Le système qu’utilisent la CIA et le Pentagone dispose déjà de la machine à imprimer l’argent ! Il peut envoyer tout l’argent qu’il veut, partout où il le désire. Il peut créer des sociétés fictives et leurs comptes peuvent être remplis à volonté. Donc pourquoi ont-ils besoin de contrôler le marché de la drogue et en quoi cela est-il relié au pétrodollar ?

Le système monétaire lui-même est dirigé exactement comme un cartel de la drogue. La FED américaine est l’équivalent du producteur, les banques nationales représentent les réseaux de distribution, et les banques commerciales représentent les dealers de rue. Un système de blanchiment assure la distribution des fonds et des profits. Le produit fini, l’argent, génère bien sûr sa propre addiction.

Crude-Oil-268x300.pngL’argent qui provient des drogues a deux caractéristiques : il est en grandes quantités et il est généré en cash. Le problème pour le syndicat de l’argent est de s’assurer que cet argent est réintégré dans le système bancaire, sinon il pourrait finir dans de mauvaises mains, qui pourraient demander des avoirs réels en retour. Cela pourrait bien sûr générer des déséquilibres majeurs et des fluctuations de la monnaie. Alors que dans le système bancaire, l’argent sera blanchi et distribué à travers le mécanisme du blanchiment.

Vous souvenez-vous de Pablo Escobar qui cachait des milliards de dollars en cash dans la jungle colombienne ? Je suis certain que c’est l’une des principales raisons de son élimination. Ce n’était sûrement pas pour éliminer le trafic de drogue, qui a explosé depuis. Nous devons sortir le dollar du narcodollar. C’est le troisième et dernier message pour aujourd’hui.  Pourquoi ?

Pour l’instant le système n’a pas besoin du trafic de drogue pour financer les opérations clandestines « black-ops », mais il a besoin de s’assurer que ce trafic, comme tout trafic, soit effectué dans sa monnaie et que l’argent cash revienne dans le système. De même que le pétrole, l’énergie, le cuivre ou le zinc, l’héroïne et la cocaïne doivent être payés en argent généré à partir de rien, en dollars.

Il est aussi important d’avoir la capacité de cibler avec des drogues la population des Etats rivaux. De ce point de vue, l’Afghanistan est idéalement situé à la frontière des deux principaux rivaux du système, la Chine et la Russie. En même temps, ce pays présente l’avantage que les réseaux de distribution qui en proviennent traverseront les pays musulmans d’Asie Centrale, et donc des réseaux de distribution de drogue à base ethnique peuvent être développés, créant des prémisses pour de futurs conflits interethniques.

L’annihilation des centres de production de drogue n’est pas seulement nécessaire pour le bien de la population. Leur sortie hors du système du dollar créera d’importants déséquilibres monétaires. La monnaie sortira du système et ne reviendra plus jamais, ajoutant une pression supplémentaire aux déficits commerciaux existants. Les bénéficiaires secondaires dans les pays secondaires devront être financés directement et cela requerra la redistribution des ressources.

C’est une ironie du destin, ou une justice karmique peut-être, qu’en sortant le dollar du narcodollar, l’Eurasie pourra rendre au monde anglo-saxon le cadeau empoisonné que ce dernier lui a donné il y a 200 ans. Nous ne parlons pas d’encourager la consommation de drogue de la manière dont l’ont fait les Anglo-Saxons, parce que ce serait une infamie, mais la neutralisation de cette arme, aujourd’hui encore entre les mains du système, tout en concurrençant le pétrodollar, fera renaître le « fleuve d’argent » qui sortait de l’Occident et entrait en Eurasie au XVIIIe siècle. Cela signifierait le retour à l’économie réelle.

Bogdan Herzog.

 

 

Une magnifique trilogie pour l'Europe !

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Une magnifique trilogie pour l'Europe !

par Georges FELTIN-TRACOL

Après avoir publié un excellent livre d’entretiens de Laurent Ozon et les souvenirs de Frédéric Lynn au Donbass, les éditions Bios ont fait paraître, il y a un an, trois recueils d’articles, d’entretiens et de conférences de Robert Steuckers consacrés à l’histoire, à la géopolitique et à l’avenir de l’Europe. Quelle prodigieuse triple somme ! Certes, un esprit chagrin pourrait regretter de lire ici ou là quelques répétitions, mais c’est la loi du genre; ces inévitables répétitions demeurent didactiques.

Bruxellois parlant depuis l’enfance le français, le néerlandais flamand et l’allemand, Robert Steuckers enseigne l’anglais et connaît l’italien et l’espagnol. C’est un « bon Européen » au sens que l’entendait le Grand Frédéric. Infatigable militant métapolitique et culturel de la cause identitaire européenne, il se considère pleinement comme un sujet de l’Âme sacro-impériale romaine germanique et de ses déclinaisons historiques, bourguignonne, habsbourgeoise et hispanique. Ce n’est pas un hasard si Robert Steuckers apprécie la Franche-Comté, cette terre bourguignonne puis espagnole annexée sous Louis XIV et dont maintes familles paysannes se faisaient enterrer pendant plus d’un siècle en tournant le dos à Paris pour signifier leur allégeance véritable à la Couronne espagnole.

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Fidélité à l’Empire

Robert Steuckers estime que l’idée impériale a une histoire et donc un avenir qu’il importe de forcer. Cependant, « toute notion d’empire aujourd’hui doit reposer sur les quatre vertus de Frédéric II Hohenstaufen : justice, vérité, miséricorde et constance. L’idée de justice doit se concrétiser aujourd’hui par la notion de subsidiarité, donnant à chaque catégorie de citoyens, à chaque communauté religieuse ou culturelle, professionnelle ou autre, le droit à l’autonomie, afin de ne pas mutiler un pan du réel. La notion de vérité passe par une revalorisation de la “ connaissance ”, de la “ sapience ” et d’un respect des lois naturelles. La miséricorde passe par une charte sociale exemplaire pour le reste de la planète. La notion de constance doit nous conduire vers une fusion du savoir scientifique et de la vision politique, de la connaissance et de la pratique politicienne quotidienne (I, p. 138) ». Il regrette bien sûr les tentatives impériales avortées à la fin du Moyen Âge et à la Renaissance. Le décès de la reine Mary Tudor a des « conséquences […] catastrophiques pour l’Espagne, les Pays-Bas, le Saint-Empire et, finalement, l’Europe entière (I, p. 102) ». Avant que l’Espagne et le Portugal ne forment pour six courtes décennies l’Union ibérique (1580 – 1640), on oublie qu’« en 1554, l’héritier de la couronne d’Espagne et du Cercle de Bourgogne (les Pays-Bas), Philippe II, épouse Mary Tudor, reine d’Angleterre. […] Pendant quatre ans donc, les Pays-Bas, l’Angleterre, l’Espagne, le Milanais et le Royaume de Naples et des Deux-Siciles connaîtront une direction unique, celle de Philippe II, allié aux Habsbourg d’Autriche, qui détiennent la titulature impériale (I, p. 101) ».

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Outre la Sainte-Alliance post-napoléonienne imaginée par le chancelier Metternich, Robert Steuckers se félicite à rebours de Mélancolie française d’Éric Zemmour (Fayard – Denoël, 2010) du « renversement des alliances » de 1756 validé par Louis XV et poursuivi par son petit-fils Louis XVI. « Nous avons une alliance tacite, eurasienne avant la lettre […], entre la France de Louis XVI (réconcilié avec l’Autriche par son mariage avec Marie-Antoinette de Habsbourg-Lorraine), l’Autriche de Marie-Thérèse puis de Joseph II et la Russie de Catherine II la Grande. Cette alliance tacite […] offrait un espace stratégique de la Bretagne atlantique, voire de l’Espagne des Bourbons éclairés notamment sous le règne de Carlos III, jusqu’aux confins pacifiques de la Sibérie orientale. Cette alliance eurasienne a permis, entre l’avènement de Louis XVI en 1774 et la révolution française, d’esquisser une unité géostratégique entre les trois principales puissances continentales européenne (où la France avait acquis une supériorité navale dans l’Atlantique Nord suite à la guerre d’indépendance des États-Unis) (II, p. 4). »

Judicieux rappels historiques pour quiconque souhaite la libération et l’affirmation de la civilisation européenne ! « L’Europe-croupion, que nous avons devant les yeux, est une victime consentante de la globalisation voulue par l’hegemon américain (II, p. 17). » En effet, pour la puissance thalassocratique étatsunienne, « l’ennemi, c’est l’Europe qu’il faut ré-enclaver et qu’il faut faire imploser de l’intérieur en la livrant en permanence à des politiciens écervelés et en y déversant constamment des populations hétérogènes et inassimilables, débarquant à Lampedusa et sur les îles de l’Égée grecque (II, p. 63) ». Dans ces conditions, il importe d’éliminer impitoyablement ses trois ennemis prioritaires : « L’intégrisme religieux / terroriste de pure fabrication, le banditisme organisé et les cénacles manipulateurs et pervers d’économistes néo-libéraux (II, p. 150). » Ce n’est hélas ! pas gagné…

L’influence hydrologique

N’y aurait-il donc plus aucun espoir ? Non, si l’on accepte enfin de renouer avec l’héritage du Grand-Duché d’Occident. « Comme Philippe le Bon entendait reconstituer la dorsale lotharingienne pour mieux unir l’Europe et comme l’Ordre de la Toison d’Or était destiné à devenir l’instrument de cette politique, l’épine dorsale spirituelle et militaire d’une future Europe unifiée, la “ matière bourguignonne ”, dans sa rutilante diversité, recèle in toto les linéaments de notre “ mission nationale et impériale ”. Il n’y en a pas d’autre (II, p. 170). » Robert Steuckers fait sien ce projet grandiose « repris par Maximilien Ier, dès son mariage avec Marie de Bourgogne; le projet bourguignon fusionne, dès la fin du XVe siècle, avec l’impérialité romaine – germanique; il y a donc continuité entre ce projet bourguignon et les actions du binôme austro-hongrois d’une part, et avec celles de l’Espagne et de l’Ordre de Malte en Méditerranée, d’autre part (II, p. 168) ».

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Outre la dimension historique, il s’attarde en outre sur les aspects religieux et culturels ainsi qu’aux données géographiques au point qu’il recourt au concept perspicace d’« hydropolitique ». Les cours d’eau principaux et leurs affluents expliquent en dernière analyse la configuration des espaces politiques. « La dynamique de l’histoire romaine […] ou la logique de l’expansion territoriale romaine, repose in fine sur la bonne maîtrise de ces trois bassins fluviaux d’Europe (I, pp. 151 – 152) » : le Rhône, le Rhin et le Danube. D’antiques logiques stratégiques continuent leur œuvre aujourd’hui.

L’autre précision qu’apporte Robert Steuckers concerne le caractère forcément bigarré des empires européens. Il souligne le côté polyculturaliste de tout cadre impérial conséquent et réel. Polyculturalisme et non multiculturalisme, nuance de taille ! Le polyculturalisme est l’agencement politique des cultures autochtones européennes tandis que le multiculturalisme fait cœxister sur le même sol des peuples à l’esprit divergent. « Dans un empire cohabitent diverses communautés et, partant, vu l’extension territoriale importante de tout empire, divers peuples, que l’on ne songe pas à fusionner dans un magma insipide et indifférencié. Les empires sont généralement pluri-ethniques. C’était le cas de la monarchie austro-hongroise, dernière détentrice de l’impérialité romaine-germanique, où des hommes de toutes origines ethniques ont servi (I, pp. 157 – 158). » S’il ne croit pas au cadre stato-national réductionniste normativiste forcené et négateur des différences ethno-culturelles vivantes, il n’en est pas moins favorable au concept d’État. En lecteur attentif et assidu de Carl Schmitt et de Julien Freund, il estime que l’État s’adapte aux manifestations géographiques du politique, qu’il se fonde en cité, en région, en nation ou en empire. Là encore intervient l’influence des aires hydrologiques. « La dynamique de l’histoire allemande est centrifuge parce que les bassins fluviaux qui innervent le territoire germanique sont parallèles les uns aux autres et ne permettent pas une dynamique centripète comme en Russie d’Europe et en France. Un pays dont les fleuves sont parallèles ne peut être aisément centralisé. Les bassins fluviaux restent bien séparés les uns des autres, ce qui sépare également les populations qui se fixent dans les zones très œcuméniques que sont les vallées (III, p. 2). »

Une vision originale

Tout étudiant en histoire, en géographie et en sciences politiques devrait se procurer cette trilogie Europa de Robert Steuckers ou, pour le moins, demander aux fonds universitaires d’acquérir cette somme magistrale mille fois plus profitable qu’une énième étude quelconque sur le prétendu genre. On pourrait toutefois être dérouté par l’ampleur du champ de vision de l’auteur. Très mobilisé par le sort de notre grande patrie européenne, Robert Steuckers n’hésite pas à aborder d’autres champs sur d’autres continents. Dès le tome II, il se prononce « pour une “ grande alliance ” eurasienne et ibéro-américaine (p. 133) », se manifestant entre autres par un « soutien total à l’Arménie (II, p. 143) », la rupture de « l’alliance entre Washington et Ankara (II, p. 141) » et un « soutien total à Chavez (II, p. 144) ». Certes, cette prise de position paraît maintenant dépassée avec le naufrage, en partie prémédité par Washington, du Venezuela de Maduro et au moment où l’Amérique du Sud retrouve des dirigeants de droite libérale-conservatrice atlantiste (Chili, Argentine, Colombie, Brésil). La démarche demeure néanmoins actuelle en s’appuyant sur le justicialisme argentin et l’indigénisme andin présent au Bolivie, en Équateur et au Pérou.

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Dans les trois volumes se trouvent aussi ses notes sur l’Afghanistan, l’Iran, le monde arabe, le Tibet, le Japon ou le Pakistan. À chaque fois, une vision historique de la très longue durée se combine aux interprétations psychologiques des peuples, aux faits géopolitiques les plus complets possibles et à l’arrière-plan – primordial – de la spiritualité et de la culture. Il s’agit de saisir à un instant précis la vigueur des civilisations, des peuples, des États et des nations face au « monothéisme globaliste » d’essence marchande. Le réveil et l’affirmation des peuples constituent d’excellentes nouvelles pour tous ceux qui estiment que « le monde est un “ pluriversum ” (II, p. 104) ». Il revient par conséquent aux Européens les plus éveillés la délicate mission d’obtenir une « synthèse nouvelle entre ouverture et fermeture, pour reprendre la terminologie inaugurée par Popper, [qui] postule un rejet de l’extrémisme néo-libéral, un planisme souple de gaullienne mémoire, une volonté de provoquer la “ dédollarisation ” de l’économie planétaire et de créer une alternative solide au système anglo-saxon, manchestérien et néo-libéral (II, p. 104) ». Tel est donc le combat engagé par Robert Steuckers depuis plus de quarante ans. Gageons que les nombreux jalons qu’il a dès à présent posés indiqueront aux peuples albo-européens et à leurs véritables élites organiques la juste direction à suivre.

Georges Feltin-Tracol

• Robert Steuckers, Europa. Valeurs et racines profondes de l’Europe, Éditions Bios, 2017, 338 p., 25 €; Europa. De l’Eurasie aux périphéries, une géopolitique continentale, Éditions Bios, 2017, 316 p., 25 €, et Europa. L’Europe, un balcon sur le monde, Éditions Bios, 2017, 342 p., 25 €, les trois volumes à 80 € (75 € + 5 € de frais de port).

Pour toute commande directe chez l'éditeur: https://editionsbios.fr

lundi, 31 décembre 2018

Peur des élites

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Peur des élites

par François Bernard Huyghe

Ex: http://www.huyghe.fr


Derrière toute force politique, il y a toujours une passion dominante. Dans le cas des Gilets jaunes, il s’agit du mépris (ou plutôt du sentiment d’être méprisés). D’où sa quête de reconnaissance (nous sommes le peuple) et sa méfiance envers l’autorité, surtout médiatique. Mais les élites ? La réponse semble de plus en plus évidente : la peur.

Après la promesse de la mondialisation heureuse, la fierté d’avoir éliminé le communisme, ou la confiance en la technologie libératrice, après le multiculturalisme, et, chez les Européens, après l’avènement d’une UE universaliste, protectrice, post-politique, pacifique… Ne reste plus que la peur, d’où l’impératif de repousser l’inacceptable (c’est-à-dire l’illibéral). Ou bien nous, les ouverts, les raisonnables, les véridiques ou bien le chaos populiste. Ce n’est plus le triomphalisme des années 90 (la soft-idéologie, ni celui plus tempéré des années 2000 (mondialisation heureuse après élimination du radicalisme)-. C’est la grande panique d’un système qui ne veut plus être jugé que sur dangers qu’il nous épargne. Le problème de la panique est qu’elle abrutit.

Des gens très brillants se mettent à penser en termes de causalité diabolique : tous les ennuis du monde viennent de la méchanceté de méchantes gens. Leur système mental semble incapable de concevoir que des attitudes politiques soient dictées par des intérêts nationaux (Russie) ou de classe (Gilets jaunes), ou que des gens ne partagent pas les valeurs occidentales libérales (il y en a pourtant des milliards à travers le monde). Confrontées à une monstrueuse panne de soft-power, les dirigeants, les membres de l’hyperclasse, les couches urbaines diplômées, les responsables du pouvoir symbolique, les experts, commentateurs et éditorialistes, bref tous les détenteurs du pouvoir économique, politique et culturel réduisent la question du conflit à celle de l’anomalie. Anomalie géopolitique : les puissances « révisionnistes » que sont la Russie et la Chine refusent de se soumettre à l’ordre international universel et exercent une influence suspecte. Anomalie électorale : votes Trump, Brexit, italien, brésilien, etc. Anomalie sociologique de cette France périphérique qui se révolte contre l’impôt et pour la démocratie directe. Anomalie intellectuelle : ces gens s’imaginent qu’il y a un complot des riches et des puissants.. Anomalie cognitive : nous sommes à l’ère de la post-vérité où, au lieu de se fier aux médias et aux sachants, toute une partie de la population se gave de fake news et de rumeurs. Anomalie psychologique : les masses semblent en proie à d’incompréhensibles contagions (peur de l’Autre, crispation identitaire). Anomalie éthique : le discours de haine et l’autoritarismes, inconnus des catégories supérieures, nous menace et nous renvoie aux heures sombres... Pensecomplexepadamalgam.

Bien entendu notre thèse n’est pas que Xi Jinping soit cool, Poutine libertaire ou qu’il n’y ait pas d’abrutis racistes et castagneurs parmi les populistes du monde entier. Notre thèse est que le discours qu’on aurait dit en d’autres temps dominant est dépolitisant : il réduit les conflits collectifs pour le pouvoir à des bizarreries individuelles ou à des conspirations de services et d’officines (tout en proclamant le ridicule du complotisme). Le registre des puissants est devenu celui de l’indignation. Leur analyse un réquisitoire. Leur solution : plus de contrôle et de rééducation.

Défendre son hégémonie en expliquant que ceux qui la menacent sont très méchants et très dangereux, c’est la meilleure façon de rappeler que c’est une hégémonie.

Donald Trump va-t-il remplacer l'armée américaine par Blackwater

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Donald Trump va-t-il remplacer l'armée américaine par Blackwater

par Jean Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

La société privée de sécurité, véritable armée privée, nommée précédemment Blackwater a changé de nom depuis. Elle s'était renommée Constellis, mais aujourd'hui, il est difficile de l'identifier clairement sous ses différentes identités. Elle avait été créée par un certain Erik Prince, qui officiellement n'aurait pas de responsabilité dans les nouvelles sociétés.

En Irak, où les précédents présidents américains avaient officiellement fait appel à Blackwater, celle-ci s'était fait connaître par les crimes multiples, des massacres de civils notamment, qu'il l'avaient quelque peu discréditée. Mais les mercenaires formant ses effectifs sont restés sur place, lourdement armées. Ils sont toujours également très actifs en Afghanistan. Aujourd'hui, il semble qu'ils soient toujours présents en Syrie et dans les différents conflits régionaux où l'armée américaine n'intervient pas officiellement. Leur présence semble très appréciée par Israël. Qui les finance ? Mystère. Sans doute en partie des fonds secrets de la Présidence.

Or aujourd'hui Blackwater ferait un grand retour 1). Elle s'en vante 2). James Mattis a bruyamment démissionné de son poste de secrétaire à la défense, au prétexte du retrait de l'armée américaine de Syrie et bientôt sans doute d'Afghanistan. Mais selon les informations qui filtrent et dont nous ne pouvons évidemment pas garantir la fiabilité , Donald Trump aurait décidé de maintenir les mercenaires de l'ex-Blackwater dans ces territoires. Ils sont quelques milliers et pourraient fort bien remplacer les 2.000 à 4.000 militaires américains qui seront progressivement retirés. Erik Prince a toujours été un conseiller privé de Donald Trump. Il l'est encore. C'est sans doute lui qui a inspiré à Trump ces récentes décisions.

Donald Trump aurait une telle confiance dans Prince et dans ses mercenaires qu'il envisagerait par ailleurs de leur confier le rôle de garde de sécurité privée à la Maison Blanche, en doublure de première ligne des militaires jouant encore ce rôle. Il craindrait en effet à la suite des menaces actuellement formulées contre lui d'être enlevé ou assassiné avec la complicité des militaires.

Il faut cependant se demander quel rôle auraient joué les militaires dans la décision de Donald Trump de faire appel à Blackwater. A lire l'article de Military Times, Blackwater est fort mal vu par les généraux, ces mêmes généraux qui avaient jusqu'ici inspiré à Trump ses précédentes interventions militaires. Mais l'on pourrait supposer que ce serait avec l'accord de ces généraux que Trump avait décidé le retrait de Syrie. La condition qu'ils auraient mise serait que Blackwater reste sur place et continue à faire le travail de « containment » de l'Iran et de la Russie. La société de sécurité, convenablement financée, en serait tout a fait capable.

Ceci voudrait dire qu'il ne faudrait pas se fier en apparence. Les généraux verraient d'un très bon œil Blackwater se substituer à l'US Army en Syrie et en Afghanistan. Cela éviterait à cette dernière de futures pertes humaines toujours fort mal vues par l'opinion. Ils garderaient celle-ci disponible pour intervenir sur d'autres théâtres, dans le Pacifique, mais aussi en Ukraine, dans la perspective d'un affrontement direct avec l'armée russe.  3)

On pourra relire à ce sujet notre article du 25/12. 4)

Références

1) https://www.militarytimes.com/news/your-military/2018/12/...

2) Blackwater USA took out a full page ad in the January/February 2019 issue of "Recoil" magazine with the company's logo and a message: "We are coming."

3) http://www.atimes.com/recent-us-moves-reflect-its-shiftin...

4)  http://www.europesolidaire.eu/article.php?article_id=3404...?

Note au 28/12

En fait, la visite surprise de Trump en Irak la veille de Noël montre bien qu'il ne veut pas se désengager de la guerre au Moyen Orient. Il s'est seulement débarassé de Mattis, sans doute pour incompatibilité d'humeur

https://www.wsws.org/en/articles/2018/12/28/pers-d28.html

10:55 Publié dans Actualité | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, états-unis, blackwater, mercenariat, donald trump | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Un nouvel ordre mondial vu de Russie

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Un nouvel ordre mondial vu de Russie

A new world order: A view from Russia

par Jean Paul Baquiast

Ex: http://europesolidaire.eu

RGAff.jpgCet article, référencé ci-dessous, écrit par deux spécialistes russes de science politique internationales, Sergey Karagonov et Dmitry Suslov, est à lire d'urgence. Il présente, loin de la façon dont en France, sous l'influence des « think tanks » américains, l'on se représente la diplomatie russe, un point de vue très balancé de ce que pourrait être le rôle de la Russie dans la construction de ce que l'on commence à nommer une grande puissance eurasiatique.
Celle-ci pourrait constituer, face à un ensemble dit euro-atlantique dominé par les intérêts politiques et économiques américains, un contrepoids essentiel permettant d'éviter une guerre mondiale. Une puissance eurasiatique comprendrait, comme le nom l'indique, la Russie et certains grands pays européens ouverts au monde, comme devrait être la France. Il permettrait aussi d'associer à la Russie et à l'Europe la puissance chinoise en voie de devenir un facteur autour duquel se construira le monde de cette fin de siècle.
Mais la lecture de cet article s'impose aussi parce que celui-ci pourra faire connaître en France une revue russe de politique internationale, Russia in Global Affairs, dont on peut penser que s'inspirent Vladimir Poutine et Sergei Lavrov dans leur effort pour jouer un rôle modérateur au sein des actuels conflits militaires au Moyen-Orient.

Bref résumé de la première partie de l'article.
Nos commentaires en caractères italiques 

1. Un nouvel ordre du monde

L'ordre du monde international qui s'était imposé depuis plus d'un siècle s'est trouvé remis en cause depuis 2017-2018. une cause en a été l'élection de Donald Trump et la volonté américaine d'éliminer la Russie et la Chine des institutions en charge de le définir et le protéger. Mais plus en profondeur cet ordre du monde s'est heurté aux conflits grandissants entre puissance qui jusqu'ici s'était accordés sur la nécessité d'un tel ordre du monde. Tout laisse penser que l'ordre du monde ancien est en cours d'effondrement et qu'un nouvel ordre pourrait s'imposer. La Russie a de bonnes chances de pouvoir être un des principaux moteurs de cette transformation. Sous son influence, le nouvel ordre du monde pourrait plus équitable, stable et pacifique.

Les auteurs de l'article sont russes. On pourra objecter qu'ils défendent une thèse favorable à la Russie. Mais dans la suite de l'article ils apportent des arguments très sérieux en faveur de leur point de vue. Nous pensons que la plupart de ceux-ci mériteraient d'être pris en considération.

Malheureusement, ce nouvel ordre du monde demandera beaucoup de temps pour s'imposer. En attendant, l'état actuel des relations entre les Etats-Unis et la Russie ne contribue pas à prévenir le risque d'une 3e Guerre Mondiale qui verrait la disparition de ces deux puissance, comme sans doute de toutes les autres.

Dans ce domaine, la Russie s'efforce d'agir comme un facteur de sécurité à travers ses politiques internationales et de défense. Les réalisations actuelles de la Russie dans le domaine de nouvelles armes, exposées par Vladimir Poutine dans son discours de 2018, devraient jouer un rôle essentiel. Il s'agira d'une force de dissuasion visant à décourager les politiques d'agression des Etats-Unis.

Ceci paraîtra peu crédible au lecteur mal informé, car de nouvelles armes, aussi efficaces soient-elles en termes dissuasif, peuvent également être mises au service de politiques d'agression. Mais nous avons nous-même à l'époque indiqué que cela ne devrait pas être le cas. Un simple missile hypersonique du type de celui mis au point par la Russie, qui pourrait à lui seul détruire un porte-avions, ne pourrait jamais, à moins d'être doté d'une charge nucléaire – ce que Moscou refuse - soutenir une politique d'agression, au contraire de la flotte de porte-avions dont s'est dotée l'Amérique . Ceci étant la Russie dispose en Europe de forces terrestres largement supérieures à celles de l'Otan. Là encore il sera essentiel que la Russie continue, comme elle l'a fait jusqu'à présent, à maintenir une politique de non-agression, essentielle pour un éventuel dialogue constructif avec Washington.

Le « pivot » vers l'Asie de la Russie, se traduisant par un rapprochement avec la Chine, contribuera à créer une « Grande Eurasie ». Vu l'étendue des territoires et l'importance des forces concernées, cet ensemble pourra être un élément essentiel pour le futur ordre du monde, contrairement à ce que serait une Chine livrée à ses propres forces pour se faire respecter. De plus, la Russie s'efforcera de développer un partenariat étendu avec l'Inde et une coopération avec des alliés de l'Amérique, notamment le Japon, la Corée du sud et si possible les Etats européens. Ces différents pays cherchent à atténuer les confrontations entre l'occident et la Russie, comme entre les Etats-Unis et la Russie. Aucun n'a à y gagner.

Ceci dit, notamment pour des raisons de politique intérieure, aucun des Etats occidentaux ne paraît prêt dans les 10 prochaines années à accepter un nouvel ordre international incluant la Russie. Lorsque les élites actuellement au pouvoir auront été remplacées dans les 10 ou 20 ans prochains par d'autres plus ouvertes, c'est-à-dire vers 2030-2040, le nouvel ordre devrait devenir possible.

2) Pourquoi l'ordre du monde international actuel est-il en voie d'effondrement ?
3) La situation de l'Occident
4) Une Russie victorieuse, mais non sans problèmes
5) Les enjeux de sécurité
6) Le rôle de la Russie pour créer autour de l'Eurasie de futures politiques internationales plus ouvertes


Notes et sources

 

Référence de l'article
 https://eng.globalaffairs.ru/pubcol/A-new-world-order-A-v...

dimanche, 30 décembre 2018

Grégoire Canlorbe interviewe Jared Taylor

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Grégoire Canlorbe interviewe Jared Taylor

Jared Taylor

(traduction français par Chlodomir)

Samuel Jared Taylor est un défenseur américain de la race blanche, né au Japon. Il est le fondateur et le rédacteur du magazine online American Renaissance. Taylor est aussi le  président de l’organisation parente d’American RenaissanceNew Century Foundation.

Grégoire Canlorbe : Avec le bénéfice de la vision rétrospective, quel fut l’Age d’Or des relations raciales aux USA ? Cela aurait-il pu être la ségrégation ?

Jared Taylor : Il n’y a jamais eu d’Age d’Or des relations raciales. Je pense que c’est impossible d’avoir un Age d’Or des relations raciales, parce que les relations raciales sont intrinsèquement conflictuelles.

La ségrégation était meilleure au sens où quand les Noirs et les Blancs n’entrent pas en  contact, il y a moins de conflits. Elle était aussi meilleure à certain égards pour les Noirs parce qu’aujourd’hui, un Noir intelligent et travailleur peut sortir d’un quartier noir et vivre dans un quartier blanc. Pendant la ségrégation, les Noirs compétents et intelligents vivaient dans les quartiers noirs et ils pouvaient être des modèles. Pour cette raison, beaucoup de Noirs disent que la ségrégation était meilleure pour les Noirs parce qu’ils avaient une série complète de gens riches et pauvres, travailleurs et non-travailleurs, mariés et célibataires, alors qu’aujourd’hui les quartiers noirs ont souvent seulement les pires des Noirs. Beaucoup sont devenus des zones de grande dégénérescence, qui sont très mauvaises pour les Noirs et très mauvaises pour le pays.

Beaucoup de lecteurs ne le croiront pas, mais du moins dans le Sud, lorsqu’il y avait une claire hiérarchie avec les Blancs en haut et les Noirs en bas, il était plus facile d’avoir des relations d’affection authentiques. Personne n’ose en parler aujourd’hui, mais il y avait souvent un sentiment qui ne peut être décrit que comme de l’amour entre les Blancs et les Noirs qui travaillaient pour eux. Je crois que c’était possible seulement parce que la hiérarchie était claire – les gens des deux races savaient à quoi s’attendre les uns des autres. La description de Huck et Jim dans Huckleberry Finn donne une idée de ce genre d’affection. Il est beaucoup plus difficile d’avoir une amitié authentique qui traverse les lignes raciales dans notre actuelle ère d’égalité par décret en dépit de l’inégalité biologique et à une époque de politique identitaire noire insistante.

Grégoire Canlorbe : Thomas Jefferson dit qu’il était en faveur de l’affranchissement et de la déportation [= rapatriement] des esclaves afro-américains. Au vu de cela, pensez-vous qu’il serait en faveur de la remigration des colonisateurs congoïdes et arabes hors d’Europe ?

Jared Taylor : Certainement. Il aurait fortement soutenu cela. Thomas Jefferson n’était pas du tout le seul à vouloir rapatrier les Africains noirs. Beaucoup d’Américains éminents voulaient la même chose. Le président James Monroe fut très étroitement impliqué dans l’établissement du pays du Liberia. La capitale Monrovia est nommée d’après James Monroe parce qu’il aida à établir le Liberia. Même Abraham Lincoln – bien qu’il soit révéré aux Etats-Unis comme le Grand Emancipateur – voulait envoyer les Noirs affranchis en-dehors des Etats-Unis. Il ne voulait pas que les Etats-Unis soient composés de Noirs libres et de Blancs libres vivant ensemble. Il voulait que tous les Noirs quittent les Etats-Unis.

Ces gens n’auraient jamais pu imaginer une Europe où il y aurait beaucoup de Noirs, beaucoup d’Arabes, beaucoup d’Asiatiques. Ils auraient considéré cela comme une terrible  forme de suicide national, racial et culturel. 

Grégoire Canlorbe : Comparée à celle des Pères Fondateurs, la conscience de race est-elle une question politique importante pour le président Trump ?

Jared Taylor : Je ne pense pas que Donald Trump pense sérieusement à la race. Il est toujours accusé d’être raciste, mais, bien qu’il comprenne, par exemple, que les musulmans ne s’intègrent pas très bien aux Etats-Unis et qu’il n’aime pas les immigrants illégaux entrant aux Etats-Unis et bénéficiant de l’aide sociale, je ne pense pas que Donald Trump comprenne que pour que les Etats-Unis continuent de faire partie de la civilisation occidentale, ils doivent avoir une majorité blanche. Il comprend peut-être cela et il est peut-être simplement effrayé de le dire tout haut, mais je pense qu’il est plus probable qu’il ne le comprenne simplement pas.

Grégoire Canlorbe : On pense souvent à l’Amérique comme au pays calviniste par excellence. Pourtant les Pères Fondateurs étaient imprégnés de la culture païenne du vieux monde gréco-latin. De nos jours, que reste-t-il de cela dans le mode de vie américain ?

Jared Taylor : Il est vrai que les Etats-Unis furent fondés par des gens qui étaient nominalement protestants. Je ne suis pas sûr qu’on doive les appeler calvinistes. Ils étaient anglicans, ils étaient presbytériens, et ils étaient catholiques, même au début. L’Etat du  Maryland fut fondé par des catholiques, par exemple. Mais des parties de la Scandinavie et de l’Allemagne étaient aussi protestantes. Je ne suis pas sûr qu’il serait correct de dire que les Etats-Unis ont été davantage formés par ce genre de protestantisme que l’Allemagne ou la Scandinavie. Les Etats-Unis deviennent de moins en moins religieux.

Il serait incorrect, je pense, de dire que les Etats-Unis, culturellement ou politiquement, reflètent le calvinisme. Cela aurait pu être le cas dans certaines zones, certaines parties du pays. Quelqu’un comme le général Stonewall Jackson croyait en une forme sévère et punitive du presbytérisme. Donc, ce courant de pensée était certainement présent aux Etats-Unis jusqu’à une certaine période. Mais aujourd’hui, je ne dirais pas que les Etats-Unis soient calvinistes. Les Etats-Unis sont même de moins en moins chrétiens. Et beaucoup des gens qui prétendent être chrétiens sont tout aussi libéraux ou multiculturalistes, ou tout aussi pro-immigrants que les athées.

L’Américain ordinaire, je pense, est complètement détaché de tout ce qui pourrait être appelé gréco-latin. Bien sûr, les monuments de l’architecture américaine – le bâtiment du Capitole, ou le bâtiment des archives, ou même la Maison Blanche : tous reflètent l’architecture gréco-latine. Notre chambre haute est appelée le Sénat ; la littérature et la loi sont parsemées de phrases latines. Mais en termes d’appréciation de l’Iliade et de l’Odyssée, et des classiques de la littérature romaine, de la tragédie grecque, la plupart des Américains ont très peu de contact avec cela. Et s’ils ont un contact avec, c’est pendant une brève période à l’université. Je pense que si vous demandiez aux étudiants d’université : « Avez-vous déjà lu une pièce grecque ? » ou « Avez-vous déjà lu l’Iliade ou l’Odyssée ? », la plupart répondraient probablement non.

Grégoire Canlorbe : « Une autre chose qui m’a frappé [chez l’Américain] », écrivit le psychiatre et philosophe Carl Gustav Jung, « fut la grande influence du Nègre, une influence  psychologique naturellement, non due au mélange de sang. La manière émotionnelle dont un  Américain s’exprime, spécialement la manière dont il rit, peut être étudiée le mieux dans les suppléments illustrés des journaux américains ; l’inimitable rire de Teddy Roosevelt se trouve dans sa forme primordiale chez le Nègre américain. La démarche particulière décontractée, ou le déhanchement si fréquemment observé chez les Américains, vient aussi du Nègre. La musique américaine tire sa principale inspiration du Nègre, et la danse aussi. L’expression du  sentiment religieux, les meetings du revival, les Holy Rollers et autres anormalités sont fortement influencés par le Nègre. La vivacité de l’Américain moyen, qui apparaît non seulement dans les parties de base-ball mais tout particulièrement dans son extraordinaire amour du bavardage – l’incessant baratin des journaux américains en est un exemple éloquent – peut difficilement être attribué à ses ancêtres germaniques, mais ressemble bien plus au bavardage d’un village nègre. Le manque presque total d’intimité et la sociabilité de masse dévorant tout me rappellent la vie primitive dans des huttes, où il y a une identité complète avec tous les membres de la tribu ».

Comment évaluez-vous l’analyse de Jung, d’après laquelle les Américains blancs sont  psychologiquement mélanisés ?

Jared Taylor : Je pense que concernant la musique américaine, il y a une certaine vérité là-dedans. Et il y a une chose que Jung ne mentionne pas, c’est la cuisine américaine. Les Noirs ont contribué à une certaine sorte de cuisine sudiste. Mais l’idée que le comportement des Blancs – leur manière de rire ou de parler – est influencé par les Noirs, je ne suis pas d’accord avec cela. Je pense qu’en-dehors de la musique et de la cuisine – je ne sais pas quand cette citation a été écrite –, il y a certainement très peu de choses dans les habitudes et les activités quotidiennes des Américains qui doivent beaucoup à une influence africaine, à mon avis. Il y a un certain nombre de jeunes Blancs qui sont influencés par la musique rap, par exemple. Il y a des gens qui souhaitent agir comme des Noirs, mais ils ont un nom particulier : ils sont appelés « wiggers ». C’est une abréviation pour « white Niggers » [Nègres blancs]. Ce sont des Blancs qui pensent que c’est cool de parler et d’agir et de s’habiller d’une manière qui imite les Noirs. Mais ils forment un groupe distinct – un groupe très distinct – et ils ne sont pas représentatifs de la plupart des Américains.

Grégoire Canlorbe : On dit parfois qu’un individu est d’abord défini par sa caste (soi-disant naturelle), et seulement secondairement par sa race. En d’autres mots, un aristocrate guerrier blanc est – au niveau psychologique aussi bien que physiologique – plus proche d’un samouraï japonais et d’un kshatriya indien que d’un marchand blanc ou d’un travailleur blanc.  Un exemple souvent évoqué est celui de Jules Brunet, un officier de l’armée française qui vint au Japon pour aider l’empereur et qui finalement rejoignit la rébellion des samouraïs contre lui. Cet homme, qui devint un samouraï, fut accepté par les Japonais comme l’un des leurs. Le film avec Tom Cruise, bien qu’étant une fiction complète, a été basé sur cette histoire. Etes-vous d’accord avec cette vision des choses ?

Jared Taylor : C’est une question intéressante. Je ne suis pas sûr qu’on trouve toutes les mêmes castes dans toutes les différentes races. Je ne suis pas sûr qu’un pays africain ait produit le genre d’aristocratie – un genre d’aristocratie « noblesse oblige » – que nous pouvons trouver en Europe. Les Etats-Unis n’ont pas non plus produit tout à fait ce même genre d’aristocrate. Je suppose que si vous parlez d’un aristocrate européen médiéval, et que vous tentez de comparer cet état d’esprit à celui d’un samouraï japonais, vous trouverez certaines similarités, c’est vrai, mais ils seraient séparés par certaines choses très profondes. Ils seraient séparés par la religion. Ils seraient divisés par la culture. Ils pourraient avoir un sentiment similaire de supériorité inhérente. Ils pourraient avoir aussi un sentiment d’être responsables du gouvernement de leur pays. Mais je crois que le gouffre entre de tels groupes serait très grand. Auraient-ils assez de choses en commun pour les rendre plus similaires entre eux que vis-à-vis de la paysannerie environnante ? C’est une question à laquelle il est difficile de répondre.

Il est de plus en plus difficile de tracer des distinctions entre un aristocrate occidental et un Occidental ordinaire. Un sentiment de caste, d’être destiné par naissance à régner, a presque complètement disparu d’Occident. Nous avons : une classe ouvrière, une classe moyenne, une classe supérieure. Nous avons des intellectuels. Maintenant, diriez-vous qu’un intellectuel européen a beaucoup plus en commun avec un intellectuel asiatique au point que l’Européen serait plus à l’aise avec l’Asiatique qu’avec un Européen de la classe ouvrière ou même de la classe moyenne ? Selon les individus, cela pourrait être le cas. Des gens pourraient trouver une certaine communauté du fait de leurs intérêts particuliers, mais en fin de compte, sur le long terme, des gens qui partagent la même race, la même religion, la même culture auront probablement plus en commun que vis-à-vis de gens qui sont d’une race différente, d’une religion différente, et d’une culture différente, même si leur rôle dans la société est similaire.

Je n’ai jamais entendu parler de ce Français, Jules Brunet. Peut-être a-t-il existé. A-t-il vécu assez longtemps au Japon pour vraiment maîtriser la langue japonaise ? S’est-il converti au shintoïsme ou au bouddhisme ? A-t-il épousé une femme japonaise ? A quel point s’est-il vraiment immergé dans la culture japonaise ? Parce que, même aujourd’hui, à une époque où il est plus facile de traverser les frontières et les barrières, et où les gens acceptent beaucoup mieux les différences, il est très difficile pour un Européen, même s’il a maîtrisé le japonais, même s’il est marié à une femme japonaise, d’être accepté comme authentiquement japonais. Je connais un certain nombre d’Américains qui sont allés au Japon, et qui sont finalement tombés amoureux du Japon, mais qui à la fin ont compris que le Japon n’est pas tombé amoureux d’eux. Ils peuvent être ici pendant de nombreuses années, et ils comprennent l’étiquette, les manières, la culture, l’histoire et la langue japonaises, mais ils ne sont pas acceptés parce qu’ils ne sont pas biologiquement japonais. Donc, je soupçonne que l’expérience de ce Français, même s’il était techniquement parlant un samouraï – je serais très surpris s’il était considéré comme Japonais d’une manière fondamentale, parce que les Japonais ne considèrent pas les non-Japonais comme faisant vraiment partie de leur peuple.

Grégoire Canlorbe : Il n’est pas rare de mettre sur le même plan l’Empire du Japon (qui dura depuis la Restauration Meiji en 1868 jusqu’à la mise en œuvre de la Constitution du Japon moderne en 1947) et les entreprises impérialistes des régimes nazi et fasciste. Ayant passé votre enfance au Japon, et connaissant intimement la culture japonaise, pensez-vous que cette affirmation soit une comparaison honnête ?

Jared Taylor : Ils étaient alliés, mais seulement dans un sens minimal. Il n’y eut jamais de coopération ou de planification stratégique entre le Japon et l’Allemagne nazie, et l’impérialisme du Japon existait bien avant l’impérialisme national-socialiste. L’idée de l’Empire japonais était basée sur les empires européens. Les Japonais étaient furieux d’avoir été tenus à l’écart de la Chine, par exemple, ou d’Afrique. Ils n’avaient pas d’intérêt particulier pour l’Afrique, mais ils basaient leur empire colonial sur le modèle européen. Le Japon annexa Taiwan et la Corée après les guerres sino-japonaise et russo-japonaise en 1895 et 1905. C’était bien avant les débuts des nazis. Les annexions et la colonisation de la  Mandchourie, par exemple – cela fut fait au nom de l’expansion de l’empire japonais, pour s’assurer des matières premières. C’était bien plus une imitation des empires européens en Afrique que quelque chose de similaire à la conquête nazie.

Et durant ces périodes, les Japonais firent de gros efforts pour transformer les Coréens et les Taïwanais en locuteurs du japonais – pour les rendre culturellement japonais. Je ne pense pas que les Allemands aient eu l’idée de transformer les Russes ou les Polonais en germanophones. Ainsi, la mentalité des Japonais et de l’empire japonais ressemblait beaucoup plus à celle des Européens qui apprenaient aux Africains à parler leurs langues. Les Britanniques ne pensaient pas que les Indiens deviendraient un jour comme les Britanniques, mais ils leur enseignaient l’anglais. Ils leur enseignaient certaines coutumes britanniques. Mon impression est que la conquête allemande de l’Est fut, franchement, plus exploiteuse que la construction de l’empire japonais.

Grégoire Canlorbe : Concernant la quête de l’Amérique pour l’hégémonie, voyez-vous la politique étrangère de Trump comme une continuation de la stratégie classique visant à assurer une présence guerrière en Europe et à isoler la Russie ?

Jared Taylor : Je ne pense pas que Trump lui-même ait une grande vision stratégique. Je ne pense pas qu’il ait sérieusement réfléchi à ces questions. Il y a des gens autour de lui qui ont divers plans plus stratégiques et plus élaborés. Mon impression est certainement que quelqu’un comme John Bolton n’est pas favorable à un rapprochement avec la Russie. Steve Bannon était plus intéressé à rétablir des relations amicales avec la Russie, mais Bolton ne l’est pas. Et je ne pense pas que Donald Trump ait un contrôle suffisamment cohérent sur la politique étrangère américaine et une vision suffisamment cohérente pour établir le genre de rapprochement qui serait à mon avis souhaitable pour les Etats-Unis et la Russie. Instinctivement, il semble penser que la Russie pourrait être une amie, que Vladimir Poutine n’est pas un mauvais homme. Mais il y a beaucoup, beaucoup de gens dans l’establishment de la politique étrangère des Etats-Unis qui sont profondément soupçonneux envers la Russie, et à mon avis pour des raisons superficielles et erronées. Donald Trump a un sentiment instinctif que les Russes peuvent être et devraient être nos amis. Mais je ne pense pas qu’il ait la cohérence ou une personnalité assez forte pour imposer à lui seul une politique étrangère à un establishment qui est profondément soupçonneux envers la Russie.

Photo: Jared Taylor en compagnie de Grégoire Canlorbe, Paris, septembre 2018.

taylorcanblorbesept18.jpgGrégoire Canlorbe : Comment résumez-vous les conséquences à long terme de la tristement célèbre Guerre Civile américaine – décrite dans Autant en emporte le vent – sur le destin des Américains blancs et sur le visage de la société américaine ?

Jared Taylor : Eh bien, imaginons ce qui serait arrivé si les Etats Confédérés d’Amérique avaient réussi à devenir indépendants. Imaginons qu’Abraham Lincoln ait été incapable de vaincre la Confédération et qu’elle soit devenue indépendante. Il est clair que cela aurait réduit la puissance globale des Etats-Unis d’Amérique. L’Amérique serait loin d’être aussi dominante qu’aujourd’hui. Imaginons-la sans les 13 Etats confédérés. Elle serait une puissance importante, incontestablement, mais pas aussi dominante.

L’un des objectifs de la Confédération était d’importer encore plus d’esclaves noirs. La traite des esclaves avait pris fin en 1808. Les Etats Confédérés d’Amérique, s’ils avaient réussi, auraient importé encore plus de Noirs d’Afrique. Je pense que cela aurait été une catastrophe. L’esclavage n’aurait pas pu continuer, même dans le Sud. Il est impossible d’imaginer l’esclavage se poursuivre au XXe siècle. Et finalement il y aurait probablement eu une sorte de pression égalitaire sur le Sud. La Confédération serait-elle devenue comme l’Afrique du Sud d’aujourd’hui, avec une majorité noire aujourd’hui dominante et discriminant les Blancs ? Je ne sais pas. J’aimerais penser que la Confédération n’aurait pas été réduite à un tel Etat.

Il devient très difficile d’imaginer un futur pour une Confédération indépendante avec un grand nombre de Noirs. Combien de temps aurait survécu l’esclavage ? Quelle sorte d’organisation sociale y aurait-il eu entre les races après l’abolition de l’esclavage ? Y aurait-il une ségrégation ? Y aurait-il une sorte d’apartheid ? Combien de temps cela aurait-il duré ? Nous pouvons imaginer un futur – un présent – où la Confédération tenterait encore de maintenir une population hiérarchiquement ségrégée. Elle serait mise à l’écart. Elle serait expulsée des Nations Unies. Elle serait soumise à toutes sortes de sanctions commerciales. C’est une idée fascinante, si vous imaginez une Confédération victorieuse, mais il est impossible d’imaginer les détails.

Mais il n’y a pas de doute que s’il y avait eu deux nations anglophones en Amérique du Nord, la force combinée des Etats-Unis aurait été loin d’être aussi grande. Et si vous imaginez des Etats-Unis divisés, les Etats-Unis seraient-ils entrés en guerre – la Première Guerre mondiale – aux cotés de la France et de la Grande-Bretagne ? Peut-être pas. S’il y avait eu deux Etats-Unis, y aurait-il eu une grande puissance anglophone pour entrer en guerre contre l’Allemagne nazie ? Le Japon aurait-il attaqué les Etats-Unis ? Il est impossible de le savoir. Mais, si la Confédération avait été victorieuse, il est possible d’imaginer un futur où l’Allemagne aurait pu gagner la Première Guerre mondiale, ou bien où elle aurait pu gagner la Seconde Guerre mondiale. Il aurait pu y avoir d’immenses conséquences de ce genre. Maintenant, quelles auraient été les relations avec la Russie, il est impossible de le dire.

Grégoire Canlorbe : Merci pour votre temps. Y a-t-il quelque chose que vous aimeriez ajouter ?

Jared Taylor : Si les Européens doivent être remplacés, je préférerais de loin que nous soyons remplacés par des Asiatiques plutôt que par des Africains ou des Moyen-Orientaux et,  certainement, par des musulmans. J’espère bien sûr que la civilisation occidentale survivra,  que les Blancs conserveront leur civilisation et leur substrat biologique pour toujours dans le futur. J’espère que c’est ce qui arrivera. Mais si nous devons nous éteindre – si nous nous éteignons vraiment –, ou si nous ne nous reproduisons pas, si le continent de l’Europe devient non-blanc, si l’Amérique du Nord devient de plus en plus non-blanche, je préférerais qu’ils deviennent asiatiques plutôt qu’africains, moyen-orientaux, ou latinos.  Les Asiatiques sont un groupe à haut QI, et ils organiseraient des sociétés supérieures, alors que si les Etats-Unis devenaient peuplés par des gens comme les Guatémaltèques, les Haïtiens, les Syriens, alors les Etats-Unis deviendraient un fouillis du Tiers-Monde.

Cette conversation entre Jared Taylor et Grégoire Canlorbe, vice-président du Parti National-Libéral (nationaliste, archéofuturiste, et libre-échangiste) a eu lieu à Paris, en septembre 2018.

 

 

L’abbé Wallez, l’éminence noire de Degrelle et Hergé

Marcel Wilmet, écrivain et ancien journaliste, publie un ouvrage consacré à ce personnage et intitulé : L’abbé Wallez, l’éminence noire de Degrelle et Hergé.

Ce livre, qui émane d’un spécialiste de Tintin et de la bande dessinée, s’adresse également aux personnes qui s’intéressent au nationalisme belge et à son histoire. En effet, les deux pères du héros à la houppe – l’abbé Wallez et Hergé –, ainsi que Léon Degrelle, évoluent, pendant l’entre-deux-guerres, au sein du milieu qui véhicule ces idées politiques. Durant la IIe Guerre mondiale, ils appartiendront à la minorité des nationalistes belges qui navigueront dans les eaux de la Collaboration.

Sous la coupe de l’abbé Wallez

L’auteur décrit l’abbé : « Avec son mètre quatre-vingt-dix et ses plus de cent kilos, le nouveau patron du XXe Siècle en imposait et il en était parfaitement conscient. Dans sa soutane noire, Norbert Wallez, à l’époque âgé de 45 ans, déboulait dans les couloirs du journal, sa voix tonitruante résonnant dans l’ensemble du bâtiment situé au numéro 11 du boulevard Bischoffheim, près du jardin botanique à Bruxelles ».

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« D’emblée, Hergé peut aussi faire montre de sa maîtrise de la calligraphie lorsque Wallez lui demande de créer un nouveau logo pour le journal. Sous sa plume, Le XXe Siècle devient alors Le Vingtième Siècle, écrit en toutes lettres, titre nettement plus gracieux et dynamique ».

petit20.jpg« Les premières années de sa carrière de dessinateur, Hergé doit tout à son patron, sauf son talent bien entendu. Le directeur Wallez lui offrit des opportunités et le mentor Wallez lui prodigua de précieux conseils et d’indispensables encouragements. L’abbé le prit sous son aile et lui apprit qu’il devait être plus exigeant envers lui-même, qu’il devait davantage travailler à son développement spirituel, tenter de répondre à des normes morales toujours plus rigoureuses, mettre la barre toujours plus haut. C’est lui qui incita Hergé à inventer lui-même une histoire et à ne plus illustrer les idées des autres. Il l’encouragea à créer un petit personnage qui serait un exemple pour les jeunes lecteurs du journal. On peut dire que Wallez a été, avec Hergé, à l’origine de Tintin. Il est de notoriété publique que c’est lui, et non le dessinateur, qui a décidé d’envoyer le sympathique petit reporter successivement au pays des Soviets et au Congo, tout d’abord pour mettre les jeunes en garde contre les dangers du bolchévisme et ensuite pour leur montrer le formidable travail accompli par les missionnaires belges dans la colonie. Mais Wallez fit encore bien plus. Il fut le premier “agent littéraire” de Hergé et parvint à vendre les aventures de Tintin à l’étranger, plus précisément à l’hebdomadaire français Cœurs Vaillants dirigé par l’abbé Gaston Courtois, avec qui il était lié d’amitié et partageait les mêmes opinions conservatrices ».

WallezPqpas.jpgLe jeune Léon Degrelle publie des articles au sein du Vingtième Siècle sur les taudis, puis sur la situation des Cristeros, les paysans catholiques mexicains se soulevant contre le gouvernement anticatholique. Degrelle est appelé ensuite à exercer des fonctions ailleurs.

Wallez, ayant dénoncé des affaires qui touchent des membres de la mouvance politique catholique, est évincé de l’organe de presse qui appartient à ce milieu politique. Il devient prêtre à Aulne, un petit village, et ne fait plus parler de lui.

La germanité des Wallons

Si l’ouvrage a le mérite de réunir des connaissances accumulées sur la vie de Norbert Wallez, il présente aussi l’intérêt d’apporter un éclaircissement sur l’influence exercée par ce dernier sur le concept de germanité des Wallons, idée éminemment importante pendant la IIe Guerre mondiale au cours de laquelle la Belgique est occupée par un régime qui prône la supériorité des Germains. (Notons par ailleurs que la question de la germanité des Wallons sous-entend que les Wallons sont un peuple et que la Wallonie existe, ce qui est discutable).

Marcel Wilmet soumet au sein du livre l’hypothèse que l’abbé Wallez a insufflé l’idée de la germanité des Wallons à Léon Degrelle, qui l’a utilisée à des fins politiques en vue de séduire les dirigeants nationaux-socialistes. Il explique aussi comment l’abbé Wallez a influencé l’attaché culturel au sein de l’administration militaire allemande pour la Belgique occupée et le nord de la France, Franz Petri, auteur, avant-guerre, de l’ouvrage Germanisches Volkserbe in Wallonien u. Nord- frankreich (Patrimoine ethnique germanique en Wallonie et dans le nord de la France) (1), lu par Adolf Hitler le 5 mai 1942 (2).

Wilmet écrit que, durant la guerre, l’abbé Wallez revient sur le devant de la scène en prenant part en tant qu’orateur à cinq conférences sous l’égide de la Communauté Culturelle Wallonne (CCW), une organisation dont l’objectif est de resserrer les liens culturels entre la Wallonie et l’Allemagne :

« Le lundi 30 mars 1942, Norbert Wallez se retrouve sous les feux de la rampe à Liège où il est le dernier conférencier à prendre la parole lors du congrès de trois jours organisé par la Communauté Culturelle Wallonne (CCW), une organisation nationaliste ayant pour but de resserrer les liens culturels entre la Wallonie et l’Allemagne. La CCW avait été fondée par la Propaganda Abteilung allemande et était contrôlée par Franz Petri, un des principaux responsables de la politique culturelle allemande dans notre pays. Il reçut le nom de “pape culturel” du national-socialisme en Belgique. Lors du congrès, ce professeur allemand et officier siégeant au conseil de guerre de la Militärvervaltung (l’administration militaire) fit un exposé fort remarqué, avançant notamment que si la Belgique avait, entre le nord et le sud, une frontière linguistique précise, elle ne possédait pas “une frontière raciale clairement circonscrite”, en tout cas pas selon les dernières études raciales pas encore confirmées. Deux jours plus tard, sur le même podium, l’abbé Wallez bravera sans vergogne la prudence de Petri en déclarant sans détour « […] Wallons et Flamands ont des origines ethniques communes : ils sont, les uns et les autres, de race germanique ».

Le curé d’Aulne clôture ainsi les journées culturelles wallonnes de Liège par un sérieux coup de théâtre. Les Allemands dans la salle n’en croient pas leurs oreilles, le reste de l’auditoire est abasourdi. Wallez est néanmoins longuement et chaleureusement ovationné par le millier de personnes présent dans la salle. Ce jour-là, il déclenche quelque chose qui sera lourd de conséquences au sein de la collaboration wallonne. Quelle mouche l’a donc piqué ? ».

petri.jpgLe professeur Petri (photo), qui a assisté au discours de l’abbé Wallez, attend ce dernier à la sortie de la salle et le félicite pour « […] son élévation, sa vigueur et la nouveauté de plusieurs de ses aperçus ».

Après Liège, l’abbé Wallez prend la parole à Namur, Charleroi, Bruxelles et La Louvière.

Emprisonné à la fin de la guerre

À la Libération, Norbert Wallez passe seize mois en prison puis est libéré pour raison de santé. Il séjourne dans une maison de repos. Son procès débute le 28 mai 1947. Il lui est reproché d’avoir pris part aux conférences et d’avoir frayé avec des rexistes.

« Le vendredi 13 juin 1947, le conseil de guerre de Tournai condamne, en vertu de l’article 118 bis du Code pénal, Norbert Wallez à quatre ans de prison et une amende de 200 000 francs pour collaboration politique (propagande en faveur de l’ennemi). Pour avoir commis ce crime contre la sécurité extérieure de l’État, il est également déchu à vie de ses droits civiques et politiques. La cour précise avoir toutefois tenu compte des circonstances atténuantes – il n’a pas agi par appât du gain – et de son comportement méritoire durant la Première Guerre mondiale. L’abbé n’est pas non plus poursuivi pour le cas présumé de délation ».

petrilivre.jpgLe 28 février 1948, Wallez comparaît en appel. La peine est alourdie d’un an de prison supplémentaire. Il retourne à la maison de repos. Le dimanche 25 avril, il y est arrêté et ensuite emprisonné. Il est finalement relâché pour raison de santé, admis dans un hôpital et opéré.

« Mais l’abbé est tellement affaibli qu’il ne pourra retourner chez les sœurs de Charité du Beau-Vallon qu’en septembre 1948. Il y séjournera encore un peu plus de trois ans, mais assigné à résidence, avec interdiction d’aller se promener au-delà des murs du jardin de la maison de repos. Heureusement pour lui, l’abbé y recevra régulièrement la visite du couple Remi, toujours aussi prévenant envers leur ancien directeur ».

Ci-contre, une édition récente d'un ouvrage de Petri sur la frontière linguistique romano-germanique. Aujourd'hui, l'ex-Communauté française, devenue "Communauté Wallonie-Bruxelles, accepte les thèses de Petri (et, partant, de Wallez) dans un ouvrage de référence, très fouillé, sur l'histoire de la langue française en Wallonie.

« L’abbé ne profita pas longtemps de sa liberté retrouvée. Ses plus beaux moments de l’année 1952, il les passa à Céroux-Mousty, un petit village du Brabant wallon, où Georges et Germaine Remi venaient d’acheter une villa spacieuse, entourée d’un grand jardin. Le couple l’invita à séjourner chez eux et le vieux mentor accepta avec grande joie l’hospitalité de ses anciens protégés. Mais après environ trois mois, l’abbé se vit obligé de retourner au Beau-Vallon car il avait besoin de soins médicaux intensifs. Les dernières lettres qu’il envoya par la suite à Georges et Germaine – missives signées “votre vieux parrain” – témoignèrent de son immense gratitude et de l’affection qu’il ressentait pour ce couple.

Le mercredi 24 septembre, l’abbé Wallez décédera à l’âge de 70 ans à la maison de repos de Beau-Vallon près de Namur, au terme d’une longe maladie. Quelques jours plus tard, il fut enterré dans son village natal de Hacquegnies près de Tournai. Les rues étaient désertes, seuls des membres de sa famille l’accompagnaient, un étranger toutefois tint à aider les employés des pompes funèbres à porter le cercueil, c’était le père de Tintin et Milou » (Citation du témoignage écrit de Georges Mariage, ami de Norbert Wallez, qui, lui aussi, aida à porter le cercueil de l’abbé).

ugeux.jpgHergé, recyclé par la Résistance

Au sein des notes de fin de chapitre, Marcel Wilmet met en avant le rôle joué par les frères Ugueux dans le recyclage de Hergé après la guerre (3) : « En fait, le père spirituel de Tintin avait bel et bien deux bonnes connaissances – si pas amis – qui n’avaient pas trempé dans la collaboration : les deux frères Ugeux ! William, le dernier directeur du Vingtième Siècle que nous avons déjà souvent cité dans cet ouvrage, et son frère Pierre, qui, lui aussi, avait travaillé à la rédaction de ce quotidien et plus particulièrement dans l’équipe du Petit “Vingtième”. Les deux hommes avaient sympathisé avec Hergé et lui étaient restés très attachés, même lorsqu’il avait choisi de dessiner pour Le Soir volé, alors qu’eux avaient décidé de rejoindre la Résistance. Après la libération, William Ugeux fut nommé secrétaire général du tout nouveau ministère de l’Information. Sa tâche consistait à faire en sorte que la presse belge puisse redémarrer comme avant la guerre et que tous ceux qui avaient mis leur plume au service de l’occupant ne fassent plus partie des nouvelles rédactions. C’était donc un homme de grande influence dans le monde de la presse et il eut accès au dossier judiciaire que la Sécurité de l’État avait constitué contre les journalistes du Soir volé et contre Hergé. En ce qui concernait ce dernier, Ugeux déclara après lecture du dossier “Rien de grave”. Cet avis favorable suivi de sa recommandation en faveur de Georges Remi auprès de son ancien grand patron à Londres, Walter Ganshof Van der Meersch, l’auditeur général à la Cour militaire, et auprès du bras droit de ce dernier, le substitut Vinçotte (également un copain de Londres), qui était en charge du dossier Le Soir, fut sans aucun doute à l’origine du classement sans suite du dossier Hergé. William Ugeux ne s’en est d’ailleurs pas caché. Des années plus tard il déclara qu’il était intervenu personnellement en 1944 pour que “l’on n’embête plus Hergé pour sa collaboration au Soir” ».

L’ouvrage est publié sous une couverture cartonnée et vendu au prix de 20 euros + les frais de port. Infos : m.wilmet@ART9experts.com

Notes

(1) https://www.persee.fr/doc/rbph_0035-0818_1938_num_17_1_12...

(2) https://www.persee.fr/doc/socco_1150-1944_2000_num_39_1_1...

(3) http://eurolibertes.com/histoire/herge-obtint-certificat-...

Source : WILMET Marcel, L’abbé Wallez, l’éminence noire de Degrelle et Hergé, Art9experts, Dilbeek, 2018.

 

samedi, 29 décembre 2018

L’Idée d’« Europe »

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L’Idée d’« Europe »

par Kerry Bolton

Traduction français de Chlodomir

L’Europe est plus qu’une région économique d’où des bureaucrates gavés et des non-entités politiques tirent des salaires et des avantages divers. Avant la connivence du comte Kalergi et de ses amis banquiers, et avant les cabales comme le Groupe de Bilderberg, il y avait l’Europe comme un organisme vivant et dynamique, dont la culture, la foi et les héros ont été étouffés dans un marais de sous-culture américaine, dans la dette des banquiers, et la possibilité pour n’importe qui de s’appeler « Européen ». L’Europe a été détournée et souillée par des ennemis extérieurs et des traîtres intérieurs. Paradoxalement, les Européens qui ont les instincts les plus sains sont parmi ceux qui rejettent et s’opposent à l’entité aujourd’hui appelée « Europe », comme un récent sondage sur le Brexit l’a indiqué. Cependant, le dégoût envers le projet européen mis en œuvre par les humanistes laïcs, les francs-maçons, les banquiers, les bureaucrates et les stratèges géopolitiques américains est si puissant que la noble Idée de la Nation Europe, qui s’était développée au cours des siècles, a été remplacée par ceux qui devraient la promouvoir le plus ardemment par l’étatisme-étroit qui fut inauguré par la Révolution Française et les forces de désintégration libérales ultérieures. L’Europe a été transformée en une parodie d’elle-même, et rejetée par ceux qui devraient être ses champions parce qu’ils ne voient pas au-delà de plusieurs siècles de trahison, de corruption et de maladie-de-la-culture.

La naissance de l’« Europe »

Généralement une nation, une ethnicité, ou un peuple n’est pas conscient d’elle-même ou de lui-même tant qu’il ne fait pas face à un ennemi ou à quelque chose qui est complètement différent d’elle ou de lui. Le Romain savait qui il était vis-à-vis du « barbare », et le Grec aussi avant lui. Il n’y avait « pas de Maori sur le continent qui devint la Nouvelle-Zélande tant qu’il n’y eut pas de ‘Pakeha’ », d’étranger. De même, des ethnicités disparates peuvent se coaguler en un plus grand groupement ethnique lorsqu’elles font face à un danger commun. Les Etats-nations se sont formés de cette manière, mais l’Etat-nation moderne n’est pas plus sacro-saint que les Etats précédents basés sur les mariages dynastiques et les alliances, et pourraient tout aussi bien se disloquer. Ainsi quand le nationaliste étatiste-étroit voit sa nation comme une finalité, et craint d’être « submergé » par une Europe unie, il n’y a pas de base historique pour la persistance de son « Etat-nation » sous sa présente forme, ni pour que l’Europe ne puisse pas renaître si elle a la volonté de le faire.

La conscience d’être un « Européen » et celle de l’« Europe » se développa vis-à-vis des païens, des Mongols, des Juifs et des Maures, et définit ce qu’on était par rapport à l’étranger. L’impulsion en faveur de l’Europe vint de la reconnaissance d’un « ennemi extérieur ».

En décrivant la bataille de Poitiers contre les Arabes en 732, la Chronique espagnole d'isidore parle des armées chrétiennes de Charles Martel comme composées d' « Européens ». L’empire de Charlemagne (768-814) est nommé « Europe » par les chroniqueurs contemporains. En 755, le prêtre Cathwulf loua Charlemagne comme régnant sur « la gloire de l’empire d’Europe ». En 799 Angilbert, gendre de Charlemagne et poète de la cour, décrivit l’Empereur comme « le père de l’Europe » : Rex, pater Europae. Le « Royaume de Charles » fut appelé « Europa » dans les Annales de Fulda. Alcuin (735-804), maître de l’école du palais, théologien et rhétoricien de la cour, l’appela « le continent de la foi ». Durant l’ère de Charlemagne, son empire était l’« Europe ».

belloceurope.jpgL’auteur franco-anglais Hilaire Belloc dans L’Europe et la Foi décrivit la conscience-de-soi qui animait la Haute Culture de l’Age Médiéval avec son style distinctement « européen », gothique :

« Dans la période suivante – les Ages Sombres – le Catholique commence à voir l’Europe sauvée de l’attaque universelle du Mahométan, du Hun, du Scandinave : il remarque que la férocité de l’attaque était telle que quelque chose qui n’aurait pas été divinement institué aurait été anéanti. Le Mahométan parvint à trois jours de marche de Tours, le Mongol fut aperçu depuis les murs de Tournus sur la Saône, au milieu de la France. Le sauvage scandinave s’engouffra dans les embouchures de tous les fleuves de la Gaule, et submergea presque la Grande-Bretagne. Il ne restait rien de l’Europe à part un noyau central. Néanmoins l’Europe survécut. »

Dans la nouvelle floraison qui suivit cette époque sombre – le Moyen-Age –, le Catholique ne note pas des hypothèses mais des documents et des faits ; il voit les Parlements naître non d’un modèle « teutonique » imaginaire – un produit de l’imagination des académies – mais des très réels et présents grands ordres monastiques, en Espagne, en Grande-Bretagne, en Gaule, jamais en-dehors des anciennes limites de la Chrétienté. Il voit l’architecture gothique jaillir, spontanée et autochtone, d’abord dans le territoire de Paris et ensuite se répandant vers l’extérieur dans un anneau vers les Highlands écossais et vers le Rhin. Il voit les nouvelles universités, un produit de l’âme de l’Europe, réveillées – il voit la merveilleuse civilisation nouvelle du Moyen-Age surgir comme une transformation de la vieille société romaine, une transformation entièrement interne, et motivée par la Foi.

Il y avait un style architectural commun, le gothique, qui ne devait rien à des influences extérieures à l’Europe, rien au Mongol, ni à l’Arabe. Le style gothique, avec ses arches et ses flèches particulières, était unique : il reflétait la vision-du-monde gothique occidentale de l’envol vers l’infini, complètement différente de celle de la mosquée arabe ou du caractère sinueux de l’architecture orientale. Il y avait une science, des mathématiques et une technique occidentales, comme Lawrence Brown l’a remarqué il y a des décennies dans son livre aujourd’hui oublié, The Might of the West. Là encore, celles-ci ne devaient pas leur existence à l’Arabe, à l’Hindou, au Chinois, ni même au Grec. Il y avait un art spécifiquement occidental, culminant dans la perspective de la peinture à l’huile des « vieux maîtres », et une musique gothique, qui donnait le même sentiment d’atteindre le ciel. Ce n’était pas italien, anglais, allemand, français ou espagnol… C’était occidental, gothique, européen ; cela faisait partie d’une Haute Culture commune qui ne fut pas enseignée par les Chinois ou les Arabes, mais grandit organiquement à partir du sol de l’Europe.

Il y avait une économie régulée par une éthique sociale et religieuse, qui favorisait le « juste prix », regardait l’usure comme un « péché » et l’artisanat comme une vocation divine, et qui était encadrée par des guildes. La Chevalerie était l’idéal pour les affaires de la guerre et de la paix entre les guerriers et les dirigeants honorables. Le dernier vestige de plusieurs siècles de chevalerie disparut durant la Première Guerre mondiale, avec la pratique des aviateurs enterrant avec les honneurs leurs ennemis abattus. L’ordre social et économique basé sur les guildes fut décrit par l’historien américain, le Rév. Dr. W. D. P. Bliss :

« Ces guildes d’une sorte ou d’une autre s’étendirent sur toute l’Europe germanique et durèrent dans la plupart des pays jusqu’à l’époque de la Réforme et dans certains cas jusqu’au XIXe siècle. Le Moyen-Age fut une période de prix coutumiers et non compétitifs, et l’idée de laisser des accords être décidés par le ‘hasard du marché’ était une impossibilité, parce que d’autres lois du marché n’étaient pas laissées au libre arbitrage des parties contractantes. » (W. D. P. Bliss, New Encyclopaedia of Social Reform, New York: Funk and Wagnalls, 1908, pp. 544-545)

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Bliss disait que c’était une ère où l’artisanat dominait le capital et où « le maître travaillait à coté de l’artisan » (Ibid., p. 546). Il n’y avait pas de « lutte des classes », puisque chaque individu et chaque famille fonctionnait comme une cellule dans un organe (guilde et état) et chaque organe était une partie nécessaire de l’organisme social dans sa totalité. Bliss décrivit la nature sociale organique de l’Europe en prenant comme exemple la cité allemande de Nuremberg :

« Aucun habitant de Nuremberg ne pensait même sérieusement à laisser le commerce ou l’art ou la manufacture, ou en fait la moindre portion de la vie, au hasard et à l’incident de la compétition illimitée. L’habitant de Nuremberg aurait dit : ‘La compétition est la mort du commerce, la destructrice de la liberté, et surtout la destructrice de la qualité’. Chaque habitant de Nuremberg, comme tout homme médiéval, se considérait non pas comme une unité indépendante, mais comme une partie dépendante, bien que composante, d’un plus grand organisme, église ou empire ou cité ou guilde. C’était l’essence même de la vie médiévale. » (Ibid., p. 842p)

« La guilde déterminait quelles matières premières seraient utilisées dans une manufacture, combien il fallait en acheter, le nombre d’apprentis qu’un maître pouvait employer, les salaires, les méthodes de production, et les prix fixés. » (Ibid.)

« La guilde ne permettait pas au travailleur non-formé ou au commerçant à l’esprit mauvais de casser les prix pour dépouiller ou voler le marché. Les guildes mesuraient et pesaient et testaient tous les matériels, et déterminaient combien chaque producteur pouvait avoir. (…) Elles mesuraient aussi ou comptaient, pesaient et testaient le produit fini. (…) En 1456 encore, deux hommes furent brûlés vifs à Nuremberg pour avoir vendu des vins frelatés (…). Nuremberg voyait donc très bien que la compétition ne servait que le riche et le fort. Ce commerce collectif était l’espérance des pauvres et des gens simples. (…) L’argent ne devait pas être prêté avec usure (intérêt). (…) L’extorsion, les fausses mesures, l’adulation des biens, étaient des abominations dans une cité commerciale et généralement punies de mort. » (Ibid.)

Désintégration

Qu’est-ce qui n’a pas marché ? Il semble que selon une loi générale de l’histoire, les révolutions entreprises au nom du « peuple » sont une façade pour la prise du pouvoir par des intérêts financiers contre les souverains et les règles traditionnels. Remontant même jusqu’à la civilisation romaine, l’historien Oswald Spengler dans son monumental Déclin de l’Occident nota que Tiberius Gracchus commença sa révolte au nom du « peuple », mais avec le soutien de la riche classe des chevaliers (Equites) ; Spengler étant d’avis que même à notre époque il n’y a pas de mouvement révolutionnaire des travailleurs, incluant le communisme, qui ne serve pas les intérêts et la direction de l’« argent ». Aujourd’hui, voyez Soros, le National Endowment for Democracy, les « révolutions de couleur », etc. Chaque révolte, au nom de la liberté, signifie une liberté plus grande pour les classes émergeantes de la nouvelle richesse. La Réforme d’Henry VIII détruisit l’ordre social qui avait été maintenu par l’Eglise, le monastère, le prêtre de village, et qui fut remplacé par les oligarques. La Révolution puritaine de Cromwell ouvrit la voie à la Banque d’Angleterre.

SCRF.jpgLa Révolution française, d’où sortirent le libéral-capitalisme et le socialisme, détruisit les derniers vestiges des guildes, abolies par la loi au nom du « marché libre ». Le syndicalisme fut une réaction à l’industrialisme, par laquelle les travailleurs tentaient de tirer autant de rémunération que possible des propriétaires d’usines, pendant qu’ils étaient eux-mêmes exploités par l’usure des banques, dont Marx et d’autres socialistes ne parlèrent presque pas. Disparu était l’organisme social qui, en dépit de ses défauts et tribulations, avait été la norme de l’Europe précapitaliste, organisé autour de la guilde et du village et regardé comme l’ordre divinement ordonné.

L’Europe divisée

L’unité organique spirituelle et culturelle appelée « Europe » se brisa en royaumes et en fédérations princières après Charlemagne. L’unité temporelle fut sapée ; cependant l’unité spirituelle était encore maintenue par la Papauté. Cependant au XIe siècle le manteau de (saint) Henri II pouvait encore être décoré de la légende : « Ô béni César Henri, honneur de l’Europe, puisse le Roi qui règne dans l’éternité accroître ton empire ». Après la mort d’Henri un chant funéraire eut pour refrain : « L’Europe, aujourd’hui décapitée, pleure » (Denis de Rougemont, The Idea of Europe, New York: Macmillan Co., 1966, pp. 47-49).

Un autre schisme fut causé par Philippe le Bel de France durant le XIVe siècle, lorsqu’il défia à la fois le pouvoir temporel du Saint-Empire et le pouvoir spirituel du pape Boniface VIII. Ce fut la première manifestation des « droits souverains » qui devait finalement provoquer l’émergence des petits Etats-nations et la désintégration de l’unité spirituelle-culturelle-politique de l’Europe. L’Age des Grandes Découvertes conduisant aux empires coloniaux mit l’accent sur l’Atlantique et sur la rivalité commerciale entre les Etats. La Réforme sapa l’unité spirituelle, et les instigateurs comme Luther et Calvin ne parlaient pas de l’Europe (Ibid., p. 76). Le protestantisme cherchait à remplacer le Saint-Empire et la Papauté par des Etats fédérés (Ibid., p. 90), donnant finalement naissance à ce que nous connaissons aujourd’hui comme des plans pour des combinaisons fédérées et régionales dans l’intérêt du commerce et d’autres facteurs économiques. Les partisans de la fédération européenne commencèrent à parler de cela au XVIIe siècle comme du prélude à l’unité mondiale (Ibid.).

La Réforme apporta non seulement le schisme à l’Europe dont celle-ci ne s’est jamais remise, mais inaugura aussi la présente ère du capitalisme. L’auteur franco-anglais Hilaire Belloc écrivit :

« Quand nous en arrivons à l’histoire de la Réforme en Grande-Bretagne, nous verrons comment la forte résistance populaire à la Réforme triompha presque de cette petite classe fortunée qui utilisa l’excitation religieuse d’une minorité active comme un moteur pour obtenir un avantage matériel pour elle-même. Mais en fait en Grande-Bretagne la résistance populaire à la Réforme échoua. Une persécution violente et presque générale dirigée, dans l’ensemble par les classes plus riches, contre la religion de la populace anglaise, et la fortune qui la finançait finit par réussir. En un peu plus d’un siècle, les nouveaux riches avaient gagné la bataille. » (Belloc, Europe and the Faith, Londres, 2012, chapitre 5).

Victoire de l’Argent

En Angleterre avant Henry VIII il n’y avait pas de propriétaires terriens rapaces. Les monastères et les couvents étaient basés sur les œuvres de charité et sur les vœux de pauvreté personnelle. Du VIe au XVe siècle, c’était une société qui assurait la liberté contre le besoin et la tyrannie. L’ordre social traditionnel fut détruit par Henry VIII avec le pillage et la fermeture des Maisons religieuses, qui avaient fourni une éducation gratuite à la jeunesse du voisinage, et la nourriture et un abri à ceux qui étaient dans le besoin. En 1536 par un Acte du Parlement, les monastères et les couvents furent fermés et leurs biens confisqués au bénéfice d’Henry et de ses favoris. Le commentateur social William Cobbett (1763-1835) dit qu’avec cet Acte, frappant la base même de la vie sociale et économique locale du peuple :

cobbetterural.jpg« …commença la ruine et la dégradation du corps du peuple d’Angleterre et d’Irlande ; car ce fut la première mesure prise, sous forme légale, pour voler les gens sous prétexte de réformer leur religion ; car ce fut le précédent sur lequel les futurs pillards s’appuyèrent, jusqu’à ce qu’ils aient complètement appauvri le pays ; car ce fut le premier de cette série d’actes de rapine, par laquelle ce peuple autrefois bien nourri et bien habillé a finalement été réduit à des guenilles et à une pitance pire que celle des prisons ; je citerai son préambule menteur et infâme dans sa totalité. Les Anglais supposent en général qu’il y a toujours eu des lois pour les pauvres et des indigents en Angleterre. Ils devraient se souvenir que, pendant neuf cent ans (…), il n’y en eut pas. » (William Cobbett, The History of the Protestant Reformation in England and Ireland, 1824, p. 166 ; online at: http://www.wattpad.com/171334-History-of-the-protestant-Reformation-by-William-Cobbett)

Cobbett, un auteur plus perspicace que Karl Marx, connaissant intimement le pays anglais, écrivit :

« La Réforme dépouilla les classes ouvrières de leur patrimoine, elle leur arracha ce que la nature leur avait attribué ; elle leur vola cette aide pour les nécessiteux qui était la leur par un droit imprescriptible, et qui leur avait été confirmée par la Loi de Dieu et la Loi de la Terre. Elle leur apporta un mode artificiel d’aide obligatoire et rancunière, calculée pour que le pauvre et le riche se haïssent, au lieu de les lier par les liens de la charité chrétienne. » (Ibid.)

Belloc écrivit, parlant du processus historique conduisant au système économique mondial aujourd’hui contrôlé par l’usure :

« Finalement, parmi les conséquences majeures de la Réforme il y eut ce phénomène que nous avons fini par appeler ‘capitalisme’, et que beaucoup, reconnaissant sa malignité universelle, considèrent à tort comme le principal obstacle au juste règlement de la société humaine et à la solution de nos tensions modernes aujourd’hui intolérables. Ce qui est appelé ‘capitalisme’ naquit directement dans toutes ses branches de l’isolement de l’âme. Cet isolement permit une compétition illimitée. Il donna à la ruse supérieure et même au talent supérieur une carrière sans limite. Il donna toute licence à l’avidité. Et d’un autre coté il brisa les liens collectifs par lesquels les hommes se maintiennent dans une stabilité économique. Par celui-ci surgit en Angleterre d’abord, plus tard dans toutes les nations protestantes plus actives, et plus tard encore à divers degrés dans tout le reste de la Chrétienté, un système sous lequel un petit nombre possédait la terre et la machinerie de production, et le grand nombre fut graduellement dépossédé. Le grand nombre ainsi dépossédé ne pouvait exister que par des allocations accordées par les possédants, et la vie humaine n’était pas un souci pour ces derniers. » (Belloc, chapter X).

bellocheresy.jpgLes libéraux, les Jacobins et leurs sponsors maçonniques commencèrent à appeler à la création d’une Europe fédérée, mais comme un prélude à un monde fédéré. Pour cette raison, de nombreux membres de la Droite Nationaliste supposent qu’ils doivent soutenir l’étatisme étroit [= les Etats-nations] et s’opposer à la Nation Europe pour pouvoir résister au « nouvel ordre mondial ». L’Europe jacobine du type que nous avons aujourd’hui est l’anti-Europe par rapport à l’Europe, comme l’Antéchrist par rapport au Christ. L’Antéchrist est décrit dans la Bible comme possédant beaucoup des traits du Christ, et comme pouvant tromper même les purs.

Jean Baptiste déclara à l’Assemblée Nationale française le 13 juin 1790 que les « Droits de l’Homme », la nouvelle loi devant remplacer les Dix Commandements, devaient être adoptés par toute l’humanité, et qu’il ne devait plus exister de nations souveraines. Ce fut le précurseur des « Quatorze Points » du président Woodrow Wilson et de la Charte de l’Atlantique du président Franklin Roosevelt, et de la Déclaration des Nations Unies sur les Droits de l’Homme. Le 2 avril 1792, à la Convention, Baptiste appela à la création de « La République Universelle ».

La Nation Europe n’est pas un prélude à un « nouvel ordre mondial », c’est la seule manière de résister au globalisme ; avec l’espace géographique, la population, et les ressources pour former un bloc souverain, où les différences régionales et ethniques seraient encouragées et non oblitérées, parce que la Nation Europe serait un développement organique, reprenant la croissance qui a été retardée et avortée il y a des siècles [= avec la naissance des Etats-nations] ; pas une construction artificielle conçue dans des salles de réunion et des loges comme une étape vers le globalisme.

Les mesures initiales d’après-guerre commençant par des accords économiques entre nations européennes, jusqu’à la CEE et finalement jusqu’à l’actuelle Union Européenne faisaient partie d’un processus graduel. C’est à partir de ces manœuvres des ploutocrates et des membres de sociétés secrètes que l’actuelle fausse « Europe » a été constituée. Comment cette anti-Europe peut-elle être prise pour l’Europe qui est notre héritage ? L’Europe n’est pas et ne doit pas être la création d’oligarques, de bureaucrates et d’initiés ténébreux des loges. Rejeter l’Europe parce qu’elle a été transformée en prostituée malade par des pathogènes-de-la-culture au service des ennemis extérieurs et des traîtres intérieurs, c’est nier ce que l’Europe pourrait redevenir. N’est-ce pas plutôt le devoir de ceux qui résistent à la décadence de l’ère moderne de travailler à la restauration de la santé de l’Europe, au lieu de maintenir sa division par l’étatisme-étroit ?

 

[Caractères gras/vert clair (sauf intertitres) ajoutés par le traducteur.]

 

jeudi, 27 décembre 2018

Tarmo Kunnas: The Fascination of an Illusion

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Tarmo Kunnas: The Fascination of an Illusion

Tarmo Kunnas
Faszination eines Trugbildes: Die europäische Intelligenz und die faschistischeVersuchung 1919­-1945
Brienna Verlag, 2017

TK-fasc.jpgFaszination eines Trugbildes (The Fascination of an Illusion) by Tarmo Kunnas is an unusual book in several respects. It sets out to examine what in the subtitle to the book is described as “the European intellectual and the fascist temptation, 1919-1945.” “Here,” Kunnas explains, “the tragedy of fascism is seen through the opera glasses of the person it has captivated, and my book for its part is intended to complete a picture of the fascist movements.” (p. 9) In his Foreword, Kunnas tells us that his book deals with the relationship of more than seventy European intellectuals from fifteen nations who were “tempted” by fascism.

The writer is Finnish, and this lengthy work of over seven hundred pages was first published in Finnish as Fasismin Lumous (The Enchantment of Fascism) in 2013, translated into German, and published by Brienna Verlag, a small, Right-wing German language publishing house, in 2017. Two works on Friedrich Nietzsche by Kunnas have previously been published by the same imprint. Indeed, Kunnas has had several of his works published in French and German, and yet there has been nothing to date in English. Is the potential interest in the subject reckoned to be so low among the potentially much larger Anglophone readership?

The translation under review was subsidized by a body called the Finnish Literature Exchange, a non-profit organization which helps Finnish writers by bearing some of the costs of translating, printing, and publishing their works in other languages. It is interesting that this book has so far found no English-language publishing house willing to take on the commercial risk of issuing such a wide-ranging study of fascist thinkers.

Kunnas does not take the reader through the customary knee-jerk procedure almost mandatory when writing about fascist writers and intellectuals, which is to say that he refrains from intimating that the writers studied here are not intellectuals or thinkers in the true sense of the word by using the supercilious quotation marks around those terms that are dear to the professional mainstream critic, indicating that the said critic is impervious to the blandishments of the fascist beast. This book is mercifully free of this and other anti-fascist “health warnings.”

The German title of Kunnas’ book raises a question. The word Trugbild has a mainly negative connotation in German. A more obvious translation, assuming the online dictionary translations of lumous are correct and correspond to the Latin root, might be “illusion,” or Täuschung in German; lumous can apparently also mean something like “chimera,” “illusionary dream,” or “delusion”; likewise “charm,” “spell,” or “dream.” There is a considerable difference between the fascination of a charm and the fascination of an illusion. This is not quibbling, for while Kunnas is well-focussed when he examines and quotes the political statements of the many writers he considers here, he is (deliberately?) ambiguous when it comes to his own approbation or otherwise of “fascist temptation.” Calling this work Trugbild tilts it in the direction of a negative interpretation.

In this book, Kunnas seeks to provide a wide-ranging overview of the writings of creative writers and philosophers in the inter-war years who felt attracted in at least some respects to fascism. They include Gottfried Benn, Robert Brasillach, Louis-Ferdinand Céline, Hanns Johst, José Antonio Primo de Rivera, Alphonse de Chateaubriant, Emil Cioran, Wyndham Lewis, Filippo Marinetti, Örnulf Tigerstedt, Knut Hamsun, Martin Heidegger, and many more. There are, perhaps inevitably, omissions likely to surprise: D. H. Lawrence, T. S. Eliot, and Evelyn Waugh receive hardly a mention. While Scandinavian countries are well-covered, as is to be expected, with the exception of Romania, Central European writers hardly feature at all. This is probably owing to Kunnas’ personal familiarity with Scandinavian writers and his ignorance of Central European languages, but it creates doubt as to whether this work constitutes a balanced assessment. Did Hungary and Bulgaria have no intellectuals of note to merit inclusion?

brasillach-4008-bis.jpgIn his Foreword, Kunnas says his objective is to examine “why fascism in the inter-war years held such attraction for the European intelligentsia and on the people of the time.” In fact, this study does not look at the attraction fascism held for people in general; it focuses exclusively on writers. The organization of the book is unusual. Instead of covering his ground with chapters devoted to specific writers or nations, Kunnas works through chapters which revolve around given themes, and then scrutinizes in each an array of writers in relation to its theme. Here are the titles of a few of the many chapters: “Exactness is not Truth,” “Mistrust of the Good in People,” “Social Darwinism,” “Puritanism,” “The Weakness of Parliamentarianism,” and “Against Faith in Progress.” For each of these, Kunnas provides the reader with an abundance of examples of how, within the perspective of the given theme, many intellectuals inclined towards fascism and a fascist solution, or towards an interpretation of the theme. This unusual approach has the advantage that it shifts focus from a biographical account to a philosophical and theoretical one so that the reader is compelled to think about the matter at hand firstly, and about the writers and thinkers drawn to it secondly; that is to say, he looks at the subject in respect of the theme itself and how fascist thinkers and fascist thought approached and evaluated each given theme. This is an original alternative to the standard presentation in critical assessments of the relation of writers to certain themes, as in potted biographies and the organization of such books into the intellectual, political, and literary career of one writer per chapter.

However, there is a significant downside to this approach. Because the writer is necessarily drawing attention to individuals by pointing to their writing, and the books abound with quotations from primary texts, in each chapter Kunnas is compelled to switch abruptly from one writer to the next in the context of the theme. Thus, the reader has the experience of being constantly “jolted” from one writer to the next, thrown from the quotations of one writer into quotations from the next. Kunnas is like a conjurer, pulling one writer out of his hat after the other, not giving the reader time to consider one writer’s relation to a theme before the next writer is presented for consideration. The book more closely resembles a collection of examples and quotations than a balanced thesis or study. This reviewer felt mentally seasick after being constantly driven from one writer to the next. Here is a brief example of Kunnas’ style:

Jünger’s thought was free from the race-mysticism of the National Socialists, and even as a nationalist, he was open to outside influences. In this respect, he was closer to young Italian Fascists than to his National Socialist compatriots. It is a historical paradox that those very young Italians had lifted their battle cry against Jünger’s fatherland. There was no question of inter-fascist solidarity then.

Hans Grimm displayed social Darwinism in his essays and in his novel Volk ohne Raum. Any nation has a right which it can seize by force. Strong nations respect one another, but weak peoples earn no respect. (p. 266)

The last remark in this example is provided with a reference to Hans Grimm’s work. This brings me to another unusual feature of this book, one in which I see no advantage. Instead of reference numbers taking the reader to the name of the work and page number cited as is customary, the reader is taken to a name and date – in this case not Grimm, but someone called Gümbel, and from there to another number, which is the page number from which the quotation is taken in Gümbel’s work, listed under another index of writers. Finally, the patient reader will discover that the quotation is from page 115 of a work by Annette Gümbel that was published in Darmstadt in 2003 by the Hesse Historical Commission. Every reference in the book involves a “redirection” of this kind from page reference to source.

Faszination eines Trugbildes lies uneasily between an academic study and a handbook, but fails to convince as either. There are too many references and abrupt changes of theme and writer for this long essay to remain cogent, yet there is too much lengthy philosophical discourse for it to serve as a handy, practical reference work. It is nevertheless a mine of new information about different writers, especially Scandinavian writers who suffer from that obscurity which is liable to be the fate of those whose mother tongue is not known by many people. Not only does Kunnas write at length on Knut Hamsun, but also on much less-known writers from the North such as Sven Hedin, Loavi Paavolainen, Örnulf Tigerstedt, and Maila Talvio. The philosophical discourses in this book, as for example on Martin Heidegger, are intelligent and informative and largely free of retrospective value judgements.

Nevertheless, the book fails to clearly define who qualifies for inclusion in the work and who does not. It seems that any reasonably well-known European author or philosopher whose most famous writing (practitioners of other arts, such as architecture or music, are not covered) appeared between 1918 and 1945, and who was in at least one respect sympathetic to either Italian Fascism or German National Socialism, qualifies. This ambitious study thus centers on the relationship between fascism, philosophy, and literature, and the attraction the fascist movements held for intellectuals, in the inter-war years. Its assessment of literature falls short, however, when compared to its assessment of political theory. Kunnas seems much more comfortable in the role of political commentator than literary critic. While he ably describes the manner in which particularly irrational or anti-rational thought easily morphs into fascism (and there are times when Leftists would approve of his analysis), he is not very convincing in showing the extent to which this is reflected in literature.

Kunnas collects information like a magpie, and he offers a vast collection of quotations which he liberally scatters throughout the book. But while his assertions concerning views expressed didactically by writers in his study are supported by quotations from original texts, Kunnas much more rarely quotes from poetry or fictional works. He quotes at length from political statements by such writers as Pierre Drieu La Rochelle, Luigi Pirandello, and Henry de Montherlant, but hardly ventures into the world of their plays, poems, or novels. But isn’t it their creative work and not their political theses for which these writers are justly revered and remembered? Most of the writers studied here were firstly creative writers, although from reading this book one might be forgiven for supposing that they were mainly political theorists who used creative writing only as a welcome vehicle for their political ideas.

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The novelists and poets covered by Kunnas overlap with many writers who are frequently mentioned – typically with brief approval – in the publications of the European New Right. The European New Right is more inclined to praise writers for their political engagement than for their merits as writers. Indeed, their publications tend to highlight creative writers who happen to be broadly in the same political orbit without feeling it incumbent upon them to argue for their literary merits. But why should a Right-winger presume that D. H. Lawrence, for instance, is a “better” or less “decadent” writer than E. M. Forster only because Lawrence’s ideas are more in accord with his own? This is merely the usual Leftist bias in reverse. It is no different from the obtuseness of the novelist Patrick O’Brian, who once told this reviewer that he did not consider Drieu La Rochelle a serious writer because he had been a fascist, and that “nobody with anti-humanist views is capable of writing a good novel.” This attitude prevails in schools and university literature courses. Jean-Paul Sartre and Albert Camus are standard syllabus fare for French literature courses; Robert Brasillach and Drieu La Rochelle are not. Thus, the objective assessment of literary merit is sacrificed on the altar of political bias.

Anyone looking in Faszination eines Trugbildes for praise or even a defense of the writers studied in it, either as exponents of a specific political point of view or as highly talented creative writers, will be disappointed. What Kunnas does is to go primarily to neglected writers and examine the specifically “fascist” aspects of their writing while ignoring the rest – not with a view toward condemning or praising them, but to examine the correspondence between their own beliefs and the tenets of fascism. It can even be argued that by doing so, Kunnas is providing supportive evidence to those who wish to keep the likes of Brasillach and Drieu La Rochelle off the academic syllabi. Some of the quotations provided make the intellectuals cited sound very extravagant. Their words have not been taken out of context in an obvious sense, but the quotations mainly come from writings penned with a sense of urgency spurred by the approaching war, in which intellectuals felt compelled to take sides. But most of the writers presented are remembered primarily for their literary achievements, not for their political statements of faith. If Kunnas wrote a comparable study of intellectuals and the “Communist temptation,” would he comment at length on J. B. Priestley’s statements in praise of Stalin while ignoring Time and the Conways? Would he raise his critical eyebrows at George Bernard Shaw’s suggestion that certain criminals be put to sleep in their beds at a time of the state’s choosing, in a study in which he hardly mentioned St. Joan or Pygmalion?

Here is Kunnas writing on Pirandello in a chapter revealingly entitled “Mistrust of the Good in People”:

The image of man which the Nobel Prizewinner Luigi Pirandello presents in his novels and plays is frequently described with negative attributes. His figures are recognized as impressionistic, tragic, even nihilistic, and he has been alleged to despise humanity. The protagonists in Pirandello’s novels and plays are often close to grotesque . . . (p. 179)

Here, in contrast to all references to what artists and intellectuals wrote in the form of opinion or broadsheet, no quotation is offered, either from Pirandello’s own works or from those critics who Kunnas claims regarded the characters in Pirandello’s drama as “close to grotesque.”

What is common in the “fascist temptation” which links the many European intellectuals and writers studied in this book? In a chapter entitled “Compensating for the Versailles Treaty of Disgrace,” Kunnas refers (pp. 73-74) to Armin Mohler’s well-known Die Konservative Revolution in Deutschland, which Mohler himself described as a “handbook of German conservatism between 1918 and 1933,” a work which may have given Kunnas the idea for writing Faszination eines Trugbildes. Mohler identified five groups or tendencies in German conservatism, which embraced lovers of nature and futurists, Christians and pagans, staunch conservatives and “National Bolsheviks” in their entirety. Mohler identified characteristics common to what were in many respects contradictory and rival currents: a positive notion of homeland, a dismissal (or at the very least distrust) of parliamentarianism, and a rejection of the rule of lucre; and he might have added what I would take to be a key element for any writer remotely sympathetic to fascism: a denunciation of decadence. These (including a sense that society is in decline or has become decadent) are the points of departure in Kunnas’ work, and to these may be added many subjects treated chapter by chapter, among which the tendencies which Kunnas views as being the most important for disposing an intellectual toward fascism are puritanism, aesthetics, and a willingness to sacrifice oneself for a higher end beyond oneself.

TK-drieubras.gifKunnas is good at highlighting contradictions and paradoxes which abound in fascist theory. How does an avowed Roman Catholic like Giovanni Papini, for example, reconcile his religious faith with the evident amoralism and ruthlessness of the militaristic foreign policy enacted by the Fascist government which he so ardently supported? By way of answer, according to Kunnas (p. 358), Papini’s early work Il tragico quotidiano (The Daily Tragic) accepts the notion that evil is a necessary part of God’s creation, and that without sin, there could be no poets, artists, or philosophers; indeed, no leaders of a people and no heroes. Vice may be the necessary condition of virtue, and evil may need to exist in order for good to do so likewise. Kunnas does not go far down the thorny and well-trodden theological path of speculation which he opens here. However, he is well aware of this and other conundra and contradictions within fascist thought, including in the writings of those intellectuals who were attracted by fascism, especially the notion that the warring poles of good and evil, war and peace, and pain and pleasure constitute the very fabric of life.

Kunnas quotes many passages from these writers in which they proclaim their distrust or even outright rejection of rationalism. The lodestar here is Nietzsche, whose rejection of God and declaration of an ethic “beyond good and evil” provides the fertile ground out of which various projections of anti-rational faith have sprung. Another glaring contradiction here is between the anti-rationalist justification of emotions such as patriotism and the positivism which is at the heart of the case for racial differences, which humanist thought all over the world dismisses out of the deeply irrational rejection of the possibility that races are fundamentally different.

On the whole, however, Kunnas does not spend much time or effort on differences within fascist thought, and this is a major weakness of his study. He hardly examines at all the gulf which separates those who believe in God from those who seek a return to the pagan gods, as well as those who believe in no gods at all but who hold that life is absurd, or else that force is proof of worthiness. All these aspects are examined in this work, but they are not positioned against one another. Kunnas does not seem interested in doing more than noting the wide-ranging views on such subjects among those he studies. For example, there is no discussion or contrasting of intellectuals who were drawn to fascism for conservative or Christian rationales such as Alphonse de Chateaubriant, who welcomed Fascism as the means to restore the old order, and those like Marinetti, who were sympathetic to Fascism for the exact opposite reason: Fascism as the means to destroy the old order. In scarcely one of the scores of examples and citations Kunnas provides would I take specific issue with what is stated, but I do wonder if Kunnas can see the ideological wood for all the thematic trees he painstakingly examines.

Faszination eines Trugbildes abounds with observations which are undoubtedly true about the writers examined, and which are often supported by excerpts from their works. At the same, there are many observations and remarks which at the very least need to be properly explained and not, as they are often here, thrown in as one more accumulative fact. In writing about Céline, for instance, Kunnas makes the entirely valid point that there is a contrast between the amorality, fanatical callousness of Céline’s support for the National Socialist attacks on Poland and the Soviet Union and the human empathy which is evident throughout his novels. Kunnas leans in favor of the more diabolical Céline, however, by concentrating on his polemical writing and hardly quoting from his literary work at all. Apparently not seeing anything further to discuss here, Kunnas moves on to make a more general statement about Drieu La Rochelle, and then moves on again to make a general comment on Nietzsche. Here is the passage (another example of the kind of abrupt style of writing characteristic of this work):

Sporadically, another Céline appears to the hard and amoral one, a Céline mellow and humane, even when he conceals this behind caricature, exaggeration, and mask. Drieu did not have any such compensatory personality, but he did have aristocratic magnanimity and pride, which can also be found in another form in Henry de Montherlant.

By the time of Nietzsche at the latest, humanitarian rhetoric in the European literary tradition had been put in a bad light. Alongside the inflated moralizing, we see an aesthetic of hardness, one which virtually all of fascism’s fellow travellers drew upon. (p. 370)

This study casts its net too wide. It seeks to be a reference work, a collection of essays on fascist writers providing a broad outline of the relation of fascism to certain strands of artistic and intellectual thought. It partially succeeds in all these aims, but wholly succeeds in none of them.

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Exhaustively, and at least for this reviewer exhaustingly, Kunnas examines writer after writer in order to throw up evidence of key elements of fascism, including among other things a notion that life is perpetual struggle, leading to a willingness to accept the inevitability of war, an identification of liberalism with decadence, a rejection of materialism accompanied by some kind of religious notion of a “higher sense” to life, a welcoming of austerity in life, a love of discipline and what might be crudely summarized as the belief that there if there is “no pain” there is “no gain,” a rejection of the belief that all men are equal, and a deep distrust or rejection of democracy. What does Kunnas himself think of all this? While there seems to be some lingering sympathy with Fascism in him, there seems to be little or none for National Socialism. Writing about the German playwright Hanns Johst, Kunnas has this to say:

Here, Johst’s rejection of liberalism and intellectualism is evident. Johst was fired with the belief that he stood in the middle of a permanent social Darwinian struggle . . . Johst’s attitude had taken him into the dead-end of National Socialism. (p. 324)

In a later comment on Johst, Kunnas notes that he:

. . . seems to have all too readily believed in the existence of various self-sufficient races, even when he described these in terms of cultural, and not biological, entities. (p. 461)

This implicitly critical assessment of Johst’s position on race (a position which can hardly be characterized as exclusively National Socialist) strongly suggest that Kunnas himself does not believe in the existence of biologically distinct human races. Who can say? Since his work is conceived as an objective academic examination of a trend, Kunnas is able to evade the responsibility of taking a position on the subject himself. But at least we can be grateful that this work is no hatchet job. Any writer undertaking this task who works for a living in the halls of academia, or who enjoys power and prestige in the West, would have been obliged to issue intermittent anathema throughout the book upon these naïve victims of the fascist Comus in order to ensure readers and publishers that he was not for a moment seduced by the subjects of his study. Had Faszination eines Trugbildes been published by a mainstream or academic publisher, it would have required drastic “revising” in order to slant the entire work to read as a cautionary exercise. Fortunately, it is free of sermonizing.

By noting many contradictions and differences among his writers, Kunnas implicitly accepts that the term “fascist” defies adequate definition. Although most fascist thinkers share most points of view on a given array of topics, no fascists share the same point of view on any one topic. Most fascists accept the necessity of struggle, and by extension, that war is an inherent facet of life, and on this basis they will accuse pacifists of “naïvety,” but even here there is not unanimity: Henry Williamson was undoubtedly a pacifist, as Sir Oswald Mosley professed to be on the basis of his experiences in the trenches; and Céline’s Journey to the End of the Night famously ridicules war.

There is a paradox, if not hypocrisy, here: While fascist writers criticize war when carried out by democracies or in the name of democracy, most of them praise what they see as the sacrifice and creative nobility of war. Dulce et decorum est pro patriae mori? Wilfried Owen did not think so, and Ezra Pound echoed anti-war sentiments in his own poetry, although Pound, unlike Owen, had never risked his life in combat.

Kunnas is painstaking in pointing out the differences and quoting from numerous primary sources to make his points. He is able to uncover many other contradictions, as for example between Ezra Pound’s contempt for utilitarianism and hyper-efficiency in contrast to the economic rationality of National Socialist Germany, for which Pound never expressed, so far as I know, great enthusiasm. However, two writers who might be – and, indeed, frequently have been – brought into association with “fascist tendencies,” or who were, to use Kunnas’ words, “tempted by fascism,” namely Ludwig Klages and D. H. Lawrence, were both anti-militarist. Nevertheless, they receive hardly a mention in this book. They are only drawn indirectly into this study to be briefly mentioned in an account by Kunnas of the Jewish and Marxist writer Ernst Bloch’s assessment of C. G. Jung. The comment is used more to underline a recurring stress which Kunnas puts on the fact that fascist views lean strongly towards a negative rejection of eighteenth- and nineteenth-century optimism regarding progress than to offer any insight into the thought-processes of either Klages or Lawrence themselves:

The aborigine’s primitive subconscious, as understood by Jung, Klages, and D. H. Lawrence, had apparently unsettled Bloch’s optimistic faith in the development and future of humanity. (p. 187)

There is also a cryptic remark regarding the modern reader, with a peculiar reference to his “ideological determinism,” which presumably means, “Don’t think that just because someone loves their country, they are fascist”:

It may be hard for the modern reader, subjected to ideological determinism, to grasp that it was possible to stress a sense of kinship with homeland, family, and tribe, without being a National Socialist. (p. 464)

This comment provides a clue as to the writer’s own views, which seem to be that many of the sentiments felt by the many writers examined are praiseworthy, but when taken too far, or if caricatured and divested of moderating elements, might tempt the person having such sentiments into fascism or, even worse, the “dead-end” of National Socialism:

. . . National Socialism was a fraudulent, unscientific, overweening doctrine of race, not to be compared with the mystical yearning which, for example, could be felt in the art, poetry, and music which emerged at the end of the nineteenth century. (p. 187)

All the failings of this book notwithstanding, it would be ungracious not to acknowledge the huge amount of work which Kunnas has put into this sweeping account of the views of scores of writers. I know of no other single work which comes near to capturing and quoting so many fascist or fascist-inclined writers. However, I was nevertheless dissatisfied. I found myself all the time wanting to return to primary sources as opposed to being presented with “bleeding chunks” of essays, novels, and poems. Besides, I find the creative writing of a Drieu La Rochelle or Henry de Montherlant more interesting than their political essays, and as I have mentioned, this book is weighted heavily in favor of theoretical over fictional writing, particularly so far as quotations are concerned. Of course, it is considerably easier to measure theoretical or even philosophical writings against fascist preoccupations than it is to measure creative works against them. In the case of fiction or poetry, it is easy to overlook that what may have been fascist preoccupations were common themes and preoccupations of the time as a whole. For example, the ideal of Blut und Boden (blood and soil), which is so strongly associated with National Socialism, was in fact coined in Oswald Spengler’s The Decline of the West as an ideological rallying cry in opposition to Blut und Eisen (blood and iron). It was a strong theme in much European fiction, and not necessarily of writers “tempted by fascism” at all.

There is also the case of the French novelists Jean Giono and Henri Bosco, who were very much alike, both having Italian roots, and the setting of their novels in both cases having been Provence (many people willingly confess to confusing these Rosencrantz and Guildensterns of French literature!). Their novels are characteristic expressions of the virtues of, if not blood, very definitely soil. Neither writer could be described as “fascist.” Henri Bosco is not mentioned once by Kunnas (either because he never expressed a political opinion in writing which could be construed as sympathetic to fascism, or presumably because Kunnas detects no tendencies worthy of note in Bosco’s novels), and Giono only briefly, being given a “get out of jail” ticket with these words:

The National Socialist Blut und Boden idea had never been absorbed by Giono in a racialist form, as little as Heidegger on the other side of the frontier had done. Giono displayed a loyalty to the province [Treue gegenüber der Provinz], which had nothing to do with racism. (p. 91)

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This attempt to exonerate Giono recalls the efforts made by most commentators and critics to exculpate writers who they acknowledge to be good writers, but who they know were for a time implicitly sympathetic to fascism (as, for example, D. H. Lawrence, T. S. Eliot, and Henry de Montherlant). Where such sympathies are explicit and cannot be ignored, as in the case of Ezra Pound, Knut Hamsun, Martin Heidegger, or Gottfried Benn, then effort is made to stress words such as “temptation,” “error,” “poor judgement,” and “naïvety” to exculpate the writer in question from the most serious charge of having been earnestly committed to an ideology which is now condemned without appeal by all “civilized opinion” as “the face of barbarism.”

Although scrupulously fair in allowing the subjects of his study to have their say (one reason that this book is so long is that Kunnas quotes his writers frequently and at length), Kunnas is so focussed on the individual assertions and pieces of writing which confirm the pattern which unfolds that he ignores the wider contexts of a writer’s total opus, as well as the movements of the time. Neither E. M. Forster nor Alain Fournier receive a mention here, but Howard’s End is arguably a plea for the essential values of Blut und Boden, while Alphonse de Chateaubriant’s La Réponse du Seigneur (The Lord’s Answer) -“tout est rêve dans la jeunesse, sauf la faim” (“all of youth is a dream save hunger”) calls to my mind, at least, Alain-Fournier’s Le Grand Meaulnes (The Lost Domain). Yeats’ “Second Coming” (p. 218) is quoted, but not his “Prayer for My Daughter,” which has lines warning against the preachers of hatred:

If there’s no hatred in a mind
Assault and battery of the wind
Can never tear the linnet from the leaf.

An intellectual hatred is the worst,
So let her think opinions are accursed.

Kunnas’ book is certainly not an “anti-fascist” work, but it shares with resolute “anti-fascist” writing the determination to highlight all aspects of each writer’s work which can be put in a fascist light and ignores all those elements, such as Romanticism and existentialism, which cannot. For example, Kunnas writes at great length on Pierre Drieu La Rochelle, the French novelist and German collaborator who committed suicide in 1945. He quotes from the end of Drieu’s novel, Gilles. The final scene of this novel is set during a battle in the Spanish Civil War, where the neutral but nationalist sympathizer Gilles is in the company of a Spanish nationalist garrison when it falls under attack from the Republicans. These are the final lines of the novel, quoted in full by Kunnas:

He turned on the stairwell. A wounded man on the steps moaned, “Santa Maria.”

Yes, the Mother of God, the Mother of God who made Man. God who created, who suffered in his creation, who dies and is reborn. I shall always be heretical. The gods who die and are reborn: Dionysus, Christ. Nothing is created but through blood. There must be ceaseless dying for ceaseless rebirth. The Christ of the cathedrals, the great god white and virile. A king son of a king.

He found a rifle, went to the loophole, and began to shoot, with application.

In this closing scene of the novel, according to Kunnas, “Drieu’s anti-Christian and Nietzschean religiousness becomes apparent” (p. 326). What is equally apparent to me is that Drieu is writing not only in full acceptance of the notion of sacrifice, and the sacrifice in this case may indeed be seen as willingly and consciously pro-nationalist, religiously mystical, and fascist, but he is also writing – and this Kunnas ignores – in the existentialist tradition. Gilles, it should be noted, was published in 1939, before For Whom the Bell Tolls (1940) and Sartre’s Chemins de la Liberté (The Roads to Freedom, 1945), and all three novels have strikingly similar endings. They end with the hero or anti-hero finding fulfilment, even the meaning of life, in action – action which will in each case almost certainly end in death. Gilles is an existentialist novel as much as it is a fascist one, a novel in which the central figure makes sense of his life through action, the action which is a commitment to life and at the same time to death, because life and death depend on one another for meaning. To accept the necessity of death is to embrace the meaning of life. While Kunnas is not wrong in his many, albeit sometimes dogmatic, judgements (the call to Santa Maria from a dying man in the quoted passage “goes unanswered,” Kunnas assures his readers), here as elsewhere he omits all those aspects of these writers – all their activities and style – which mitigate against his thesis of their “temptation by an illusion.”

Kunnas’ work will hopefully serve as an inspiration to his readers to find or return to the primary sources and read them, or reread them, better equipped with the knowledge of the extent of the writer’s dallying or commitment to those movements whose shattering defeat in 1945 continues to cast a shadow over the politics of the entire world.

 

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Les Gilets Jaunes, une révolte de la dignité…

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Les Gilets Jaunes, une révolte de la dignité…

par Pierre LE VIGAN

Révolte de la dignité. C‘est le mot qui convient pour désigner les Gilets Jaunes. On parle de pouvoir d’achat. Le mot est faible et le mot est faux. Bien entendu, les Gilets Jaunes veulent vivre dignement de leur travail. Ils ne veulent pas être des assistés. Pour cela même, leur révolte est bien autre chose qu’une question de pouvoir d’achat. Leur revendication ? C’est de voir leur travail reconnu et estimé. C’est de pouvoir se déplacer sans quémander un bon d’essence à une administration.

Mais cette révolte de la dignité, c’est aussi un écœurement devant l’indignité de nos gouvernants. Car qu’est-ce que la macronie ? C’est d’abord, bien sûr, un regroupement autour de Macron. Mais ce dernier est un simple exécutant du capitalisme le plus financier. La macronie, c’est aussi et surtout une branche « de gauche », et une branche « de droite ». C’est une pince qui étrangle le peuple. La branche de droite est constituée d’un Juppé ou d’un Raffarin, et de l’habile Édouard Philippe, qui s’avère beaucoup plus solide que Macron (mais pas mieux orienté pour autant). N’ayant jamais été gaullistes, ces macroniens « de droite » se sont ralliés depuis bien longtemps à la mondialisation capitaliste et à l’interventionnisme occidental qui a déstabilisé l’Afrique et l’Orient et a permis d’accélérer l’immigration.

La branche « de gauche » de la macronie, ce sont en partie les réseaux de feu Richard Descoings, qui était à lui seul une préfiguration de la macronie. Leur credo est l’immigrationnisme alimentaire, consistant à capter des fonds publics au nom du social, la culture d’entreprise à l’américaine tendance Bill Gates, l’apologie de la « diversité » permettant la promotion éclair d’hommes de main, et la création d’une clientèle de bons-à-rien mais prêts-à-tout qui finissent par trouver leur utilité dans des opérations glauques dont un pouvoir discrédité a de plus en plus besoin (infiltrations, manipulations, diversions, opérations sous faux drapeaux, etc. C’est aussi vieux que l’Okhrana).

C’est le contraire de l’entrepreneuriat industriel et c’est une économie de prédation, parfaitement parasitaire que celle qui vit de la macronie et qui a voulu la macronie. Ainsi, la protestation du peuple des Gilets Jaunes vise-t-elle, très justement, voyous d’en haut, la fraction la plus putride, corrompue et corruptrice, du capitalisme financier, parasitaire et prédateur, et voyous d’en bas – du type de ceux que Macron approche de très près à Saint-Martin –, petits trafiquants qui pourront devenir grands et pourrissent la vie des honnêtes gens, y compris les dignes travailleurs immigrés (ceux que Macron ne rencontre jamais).

Les voyous d’en bas, c’est le Lumpenprolétariat que dénonçait Marx, « ce produit passif de la pourriture des couches inférieures de la vieille société » et dont il disait : « Il peut se trouver, çà et là, entraîné dans le mouvement par une révolution prolétarienne; cependant, ses conditions de vie le disposeront plutôt à se vendre à la réaction. »

C’est le mélange de casseurs de banlieue et de groupes, se disant « antifa » avec 75 ans de retard, qui cassent, volent, et font le jeu du pouvoir – ce pour quoi ils sont généralement protégés. Les voyous d’en haut, ce sont les hommes du Capital et leurs idéologues prônant toujours plus de « libération des énergies », c’est-à-dire de dérégulation, de déréglementation, de casse du Code du travail et des acquis sociaux.

Voyous d’en haut et voyous d’en bas sont ainsi les deux bornes témoins de l’horizon anthropologique de la macronie. Ce sont ceux-là qui soulèvent le cœur des Gilets Jaunes. Ils ont compris que le pouvoir se radicalise. La radicalisation qui vient, c’est celle, menaçante, cynique d’un pouvoir qui est celui de l’extrême-capitalisme, face à la poussée populaire imprévue, libre et venue du pays profond. La macronie ploutocratique devient plus que jamais un pouvoir de classe, celui des très riches, qui détruit les classes moyennes et appauvrit les classes populaires. C’est une guerre de classe qu’a engagée le pouvoir macronien. C’est pourquoi la révolte des Gilets Jaunes est sociale, ouvrière, populaire et patriotique. Le mouvement des Gilets Jaunes a amené Macron à se contredire. Il lui a imposé un recul symbolique déjà énorme. Or, tout recul de Macron est un recul du Capital. C’est ce que le Capital ne lui pardonnera d’ailleurs sans doute pas.

Pierre Le Vigan

• D’abord mis en ligne sur Eurolibertés, le 18 décembre 2018.