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vendredi, 08 octobre 2010

Olivier Bardolle - Petit traité des vertus réactionnaires

 

 

Vient de paraître chez L'Editeur, ce Petit traité des vertus réactionnaires d'Olivier Bardolle, que nous vous conseillons.

Présentation de l'éditeur
En Occident, depuis près d'un demi-siècle, les idées progressistes tiennent le haut du pavé. Il semblerait pourtant que l'on redécouvre aujourd'hui certaines vertus à la pensée réactionnaire. Ne serait-ce qu'une capacité de résistance certaine aux ravages de l'hypermodernité et aux bienfaits immodérés de la pensée unique. Sans tomber dans le manichéisme propre à l'époque, ce petit traité, particulièrement tonique, dénonce les fausses valeurs avec jubilation et poussera chacun, qu'il se prétende de droite ou de gauche, à réviser son catéchisme idéologique. C'est ainsi qu'Eric Naulleau, réputé de gauche, n'a pas hésité à préfacer ce texte en toute indépendance d'esprit. A lire sans modération

L'auteur
Olivier Bardolle, né en 1952, est un essayiste reconnu et un interlocuteur recherché (on l'a vu plusieurs fois dans l'émission de Frédéric Taddeï, Ce soir ou jamais). Du Monologue implacable (Ramsay, 2003) à De la prolifération des homoncules sur le devenir de l'espèce (L'Esprit des Péninsules, 2008) ou à ce Petit traité des vertus réactionnaires, Olivier Bardolle tisse, dans la lignée de Philippe Muray (à qui ce dernier ouvrage est dédié), le portrait de l'hypermodernité avec sagacité, ironie, mordant et, ce qui n est pas encore interdit : érudition. Chacun de ses essais épingle la bien-pensance et les idées toutes faites de ses chers contemporains.

Olivier Bardolle, Petit traité des vertus réactionnaires, L'Editeur, 2010.
Commande possible sur Amazon.fr.

 

Werner Lass et Karl-Otto Paetel, deux nationaux-bolcheviques allemands

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Werner Lass et Karl-Otto Paetel, deux nationaux-bolcheviques allemands

Moins connus qu’Ernst Niekisch, Werner Lass et Karl-Otto Paetel  sont deux figures atypiques du national-bolchevisme, décrit par Louis Dupeux comme le courant le plus fascinant  de la Révolution Conservatrice.

Au coeur de la jeunesse bundisch

Né à Berlin le 20 mai 1902, Werner Lass appartient aux Wanderwogel de 1916 à 1920. En 1923, il est élu chef du Bund Sturmvolk dont une partie s’unit, en 1926, avec la Schilljugend du célèbre chef de corps-francs Gehrardt Rossbach (1). En 1927, Lass  fait scission pour fonder la Freischar Schill, groupe bündisch dont Ernst Jünger devient rapidement le mentor (« Schirmherr ») et qui place au cœur de ses activités le « combat pour les frontières », les randonnées à l’étranger et la formation militaire (2).

D’octobre 1927 à mars 1928, Lass et Jünger s’associent pour éditer la revue Der Vormarsch (« L’Offensive »), créée en juin 1927 par un autre célèbre chef de corps-francs, le capitaine Ehrhardt. Désireux de dépasser les limites étroites du simple mouvement de jeunesse, il fonde le Wehrjugendbewegung ou Mouvement de jeunesse de défense. Il s’agit pour lui de lier la « dureté de l’engagement du soldat du front avec la force de réalisation et la profondeur du mouvement de jeunesse » afin de créer un nouveau type d’homme.

En août 1928, la Freischar Schill participe au Congrès mondial des organisations de jeunesse, à Ommen, en Hollande. Lass fait un coup éclat en protestant contre la « colonisation » de l’Allemagne et la non attribution d’un visa aux délégués russes. La même année il est emprisonné, accusé d’avoir participé à la révolte paysanne de Claus Heim qui secoue alors le Schlewig-Holstein, et son mouvement sera interdit dans plusieurs villes.

En 1929, la Freischar Schill entreprend des négociations avec le NSDAP, qui échouent du fait des prétentions exorbitantes de la Hitlerjugend. En septembre 1929, Lass fonde une ligue regroupant les membres les plus âgés, le Bund der Eidgenossen ou Ligue des Conjurés, qui adopte très vite des positions nationales-bolcheviques.

Die Kommenden et les nationalistes sociaux-révolutionnaires

Quelques mois plus tard, en janvier 1930, Werner Lass et Jünger prennent la direction de l’hebdomadaire Die Kommenden, qui exerce alors une grande influence auprès de toute la jeunesse bündisch. Lass y écrira de rares articles.

C’est à la rédaction de Die Kommenden qu’il croise la route d’une autre figure du national-bolchevisme des années 30 : Karl-Otto Paetel. Celui-ci est également né à Berlin, le 23 novembre 1906. Tout comme Lass, il a commencé à militer dans les rangs de la jeunesse bündisch, à la Deutsche Freishar et au Bund der Köngener. Issu d’un milieu très modeste, il a dû arrêter ses études quand la bourse dont il bénéficiait lui a été retirée après qu’il ai manifesté contre le plan Young. Esprit décidemment rebelle, il sera aussi exclu de la Deutsche Freishar, en 1930, à la suite d’un article jugé insultant envers le maréchal Hindenburg.

Animateur, de 1928 à 1930, du mensuel Das Junge Volk, Karl-Otto Paetel lie dans ses écrits, dès 1929, combat de libération nationale et lutte des classes : « Tout pour la nation !… Le mot d’August Winning, d’après lequel la lutte libératrice de la nation doit être le lutte du travailleur allemand mène ici à la seule conséquence possible : approuver la lutte des classes comme un fait, la pousser dans l’intérêt du peuple tout entier (…) l’emprunter comme une voie pour la victoire du nationalisme ».

En 1930, Paetel se voit proposer par Lass et Jünger la direction de Die Kommenden. Dans un article paru dans le premier numéro de l’année 1930, il appelle à « en faire un porte-parole de toutes les nouvelles impulsions et pensées qui partout sont à l’œuvre dans la jeune Allemagne, pour toutes les tentatives révolutionnaires de renouvellement » et à rejeter les « aboiements du libéralisme et de la réaction, en qui nous reconnaissons nos ennemis mortels » (3). Et d’assigner au journal une ligne résolument révolutionnaire : « Nous reprendrons à l’intérieur et à l’extérieur de l’espace allemand le combat contre le système de l’exploitation capitaliste, qui a toujours empêché l’intégration du prolétariat dans l’ensemble du destin allemand » (4).

Quelques mois plus tard, fin mai 1930, il crée le Gruppe sozialrevolutionarër nationalisten (Groupe des nationalistes sociaux-révolutionnaires). Une série d’articles, publiés dans le numéro du 27 juin 1930 présente la déclaration-programme du GSRN.  Pour Paetel, « le sens de toute économie est uniquement la couverture des besoins de la nation et non pas la richesse et le gain » (5). Il en appelle à une « révolution mondiale »,  considère le bolchevisme comme un mouvement de libération nationale et souhaite  l’alliance avec l’URSS pour faire pièce à l’esclavage exercé par les nations occidentales : « Nous nationalistes sociaux-révolutionnaires, nous en exigeons l’alliance avec l’Union soviétique . Nous voyons dans tous les peuples opprimés, à quelques races qu’ils appartiennent, nos alliés naturels »(6).

National-bolchevisme et national-socialisme

Pendant l’été 1930, Paetel est débarqué de Die Kommenden par les tenants d’un nationalisme plus classique. En janvier 1931, il lance le mensuel Die sozialistische Nation, qui se réclame du national-bolchevisme, prône la lutte des classes, la collaboration avec le PC et l’instauration de « l’Allemagne des conseils », et entend alors représenter « le secteur non marxiste, non matérialiste du front socialiste ». De son côté, Lass publie, en septembre 1932, une nouvelle revue, Der Umsturz (La Subversion), qui se veux l’organe « des nationalistes radicaux, des socialistes radicaux, des activistes révolutionnaires de toutes tendances » et se réclame ouvertement du national-bolchevisme. « Bolchevisme est présenté comme la quintessence de tout ce qui est destructeur et décomposant. Alors, c’est vrai, nous sommes nationaux-bolcheviks, car précisément, la voie de la nation ne passe que par cette destruction créatrice » (7) peut-on y lire.

L’orientation NB semble corroborée par les évènements des années 1930-1931, scission de l’aile gauche du NSDAP d’une part, politique « nationale » du KPD d’autre part. En ce qui concerne le NSDAP d’Hitler, les NB estiment qu’il s’est embourgeoisé. En 1931, Lass écrit ainsi : « Aujourd’hui au nationaliste convaincu du NSDAP peut seulement être accordé la tâche de radicaliser la large masse de la bourgeoisie et de contribuer au délitement national »(8). Rien de plus. Le 4 juillet 1930, Otto Strasser quitte le parti pour fonder la Communauté nationale-socialiste révolutionnaire. Mais très vite les NB se montrent critiques vis à vis des thèses strassériennes, stigmatisant son «  socialisme à 49 % »  et ses hésitations sur la question de l’alliance russe.

Le fossé entre NB et NS de gauche s’élargit encore du fait de l’espoir mis dans l’évolution du KPD. Le 24 août 1930, l’organe central, Die Rote Fahne, publie une « Déclaration programme pour la libération nationale et sociale du peuple allemand », qui accorde une large place à la question nationale. Il s’agit pour les communistes d’enrayer la radicalisation des classes moyennes, en développant une argumentation nationaliste appuyée sur un appel à une « alliance de classes » de tous les travailleurs contre le petit groupe de possédants capitalistes. Cette stratégie parvient à faire passer dans le camp communiste des nationalistes (9). Croyant naïvement qu’une ligne NB est à l’œuvre au KPD, Paetel multiplie les débats avec les communistes, prenant même la parole lors de leurs meetings. En 1932, il appelle même à voter pour le candidat communiste à l’élection présidentielle, Thaelmann . Début 1933, il publie un Manifeste national-bolchevik, dont les premiers exemplaires, imprimés le 29 janvier, sont distribués le soir même de l’arrivée au pouvoir d’Hitler.

Werner Lass sera arrêté, en mars 1933, pour détention d’explosifs et mis en prison. Après une instruction interrompue, la Freischar Schill et le Bund der Eidgenossen ayant été interdits, il intègre la Hitlerjugend, ce qui représente un cas unique parmi tous les chefs NB. Il en sera d’ailleurs exclu en 1934. De son côté, Paetel sera emprisonné à plusieurs reprises après l’arrivée au pouvoir d’Hitler, avant de parvenir à gagner Prague en 1935, puis la Scandinavie.

Edouard Rix

NOTES

 

(1)  Son nom perpétue le souvenir du major Schill, tombé au cours de la lutte de libération contre l’occupation napoléonienne.

(2) Ses jeunes membres subissent une formation paramilitaire selon le « Reibert », manuel de l’infanterie allemande.

(3) K.O. Paetel, « Unser Weg », Die Kommenden, 1930, n°1, p. 2.

(4) Idem.

(5) T. Münzen « Gwendsätzeiches zum sozialistischen Wirtschaftsarfbau », Die Kommenden, 1930, n°26, p. 307.

(6) K. Baumann, « Sozialistische Revolution », Die Kommenden, 1930, n°26, p. 301.

(7) « Wir Nationalbolchewisten », Der Umsturz, n°6-7.

(8) W. Lass, « Vom vormarsch des Nationalismus », Die Kommenden, 1931, n°7, p. 76.

(9) C’est le cas du capitaine Beppo Romer, chef du bund Oberland, du sous-lieutenant Richard Scheringer, directeur de la revue Aufbruch, de Bruno von Salomon, frère d’Ernst et dirigeant du Landvolkbewegung, ou encore d’Harro Schulze-Boyser, animateur du journal Der Gegner.

Source : Réfléchir & Agir, été 2008, n°29, pp. 48-49.

 

Theory & Practice

Theory & Practice

Greg Johnson

Ex: http://www.counter-currents.com/

theory_practice1-233x250.jpgThe aim of Counter-Currents Publishing and our journal North American New Right is to create an intellectual movement in North America that is analogous to the European New Right. We aspire to learn from the European New Right’s strengths and limitations and to tailor its approach to the unique situation of European people in North America. Our aim is to lay the intellectual groundwork for a white ethnostate in North America.

To achieve this aim, we must understand the proper relationship of social theory to social change, metapolitics to politics, theory to practice. We must avoid drifting either into inactive intellectualism or unintelligent and therefore pointless and destructive activism.

Guillaume Faye’s visionary new book Archeofuturism, newly translated into English and published by Arktos Media, offers many important lessons for our project. Chapter 1, “An Assessment of the Nouvelle Droite,” is Faye’s settling of accounts with the French New Right. In the late 1970s and early 1980s, Faye was a leading thinker and polemicist of the French New Right before quitting in disillusionment. In 1998, after 12 years, he returned to the battle of ideas with Archeofuturism, which begins with an explanation of his departure and return.

In the 1970s and 1980s, the Nouvelle Droite, led by Alain de Benoist, was a highly visible and influential intellectual movement. The Nouvelle Droite published books and periodicals like Nouvelle École and Éléments; it sponsored lectures, conferences, and debates; it engaged the intellectual and cultural mainstreams. The Nouvelle Droite did more than receive coverage in the mainstream press, it often set the terms of debates to which the mainstream responded.

The Nouvelle Droite was deep; it was highbrow; it was radical; it was relevant; and, above all, it was exciting. It was based on the axiom that ideas shape the world. Bad ideas are destroying it, and only better ideas will save it. It had the right ideas, and it was increasingly influential. Its metapolitical strategy was a “Gramscianism” of the Right, i.e., an attempt to shape the ideas and ultimately the actions of the elites—academics, journalists, businessmen, politicians, etc.—as envisioned in the writings of Italian Marxist Antonio Gramsci.

However, according to Faye, as the 1980s came to a close, the Nouvelle Droite became less influential: “Regrettably, it has turned into an ideological ghetto. It no longer sees itself as a powerhouse for the diffusion of energies with the ultimate aim of acquiring power, but rather as a publishing enterprise that also organizes conferences but has limited ambitions” (pp. 24–25). The causes of this decline were based partly on objective conditions, partly on the movement’s own weaknesses.

Two of Faye’s points seem particularly relevant here. I should note that even if these points do not turn out to be entirely fair to the Nouvelle Droite, they still contain universal truths that are applicable to our project in North America.

 

1. The rise of the Front National of Jean-Marie Le Pen caused a decline in the visibility and influence of the Nouvelle Droite, whereas one would have thought that the Front National’s good fortunes would have magnified the Nouvelle Droite. After all, the two movements share much in common, and there can be little doubt that the Nouvelle Droite influenced the Front National and brought new people into its orbit.

Faye claims, however, that there are many “airlocks” that seal off the different circles of the French Right. Faye claims that the Nouvelle Droite never really tried to engage the Front National, because its members fundamentally misunderstood Gramsci. Gramsci’s cultural battle was organically connected with the economic and political struggles of the Italian Communist Party. The Nouvelle Droite, however, treated the battle as entirely cultural and intellectual. Thus they were not really Gramscians. They were actually followers of Augustin Cochin’s theory of the role of intellectual salons in paving the way for the French Revolution. Under the autocracy of the old regime, of course, one could ignore party and electoral politics. But after 1789, one cannot.

The North American New Right aims to change the political landscape. To do that, we must influence people who have power, or who can attain it. That means we must engage with organized political parties and movements. No, in the end, white people are not going to vote ourselves out of the present mess. But we are not in the endgame yet, and it may be possible to influence policy through the existing system. Moreover, there are other ways that parties attain power besides voting. Just look at the Bolsheviks.

We know that the present system is unsustainable, and although we cannot predict when and how it will collapse, we know that collapse will come. It is far more likely that whites can turn a collapse to our benefit if we already have functioning political organizations that aim at becoming the nucleus of a new society. Yet we will not have functioning political organizations unless we engage the presently existing political institutions, corrupt, sclerotic, and boring though they may be.

2. Even though the Nouvelle Droite did not engage with organized politics, it was organized according to “an outdated ‘apparatus logic’ of the type to be found in political parties, which was not appropriate for a movement and school of thought, as well as journalistic or editorial policy, and which led cadres to flee on account of ‘problems with the apparatus’” (p. 27). By an “apparatus logic,” Faye seems to mean a hierarchical organization in which an intellectual and editorial “party line” is promulgated.

Although Faye does not say so, the inability of the Nouvelle Droite to interface with the Front National may in fact be based on the fact that they shared the same structure and thus naturally perceived each other as rivals promulgating slightly different “party lines” and competing for the adherence of the same public.

The North American New Right is an intellectual movement with a political agenda, but it is not a political party. We do not have a rigorous and detailed party line, but we do share certain basic premises:

(a) Ideas shape history and politics.

(b) The survival of whites in North America and around the world is threatened by a host of bad ideas and policies: egalitarianism, the denial of biological race and sex differences, feminism, emasculation, racial altruism, ethnomasochism and xenophilia, multiculturalism, liberalism, capitalism, non-white immigration, individualism, consumerism, materialism, hedonism, anti-natalism, etc.

(c) Whites will not save ourselves unless we (i) speak frankly about the role of Jews around the world in promoting ideas and policies that threaten our race’s survival and (ii) work to reduce Jewish power and influence.

(d) Whites will not survive unless we regain political control over a viable national homeland or homelands.

These premises leave a great deal of latitude for interpretation and application. But that is good. As an intellectual movement, we embrace a diversity of opinions and encourage civil debate. We believe that this is the best way to  attract talented and creative people who will advance our agenda. We also believe that debating diverse perspectives on these issues is the best way to arrive at the truth, or a workable approximation of it.

The North American New Right, therefore, is not a hierarchical intellectual sect. Instead, it is a network of independent authors and activists who share certain basic principles and aims. We collaborate where collaboration is possible. Where differences exist, we seek to build consensus through dialogue and debate. Where differences persist, we agree to disagree and either change the subject or part ways. Because we are a loose network, we can overlap and interface with any number of hierarchical organizations without competing with them.

Even though the North American New Right is a metapolitical movement, and everything we do bears in some way on politics, there will be times when the connections will seem remote and tenuous. Thus we will surely be mocked as pointy-headed, ivory-tower intellectuals or apolitical dandies, poseurs, and wankers.

That’s fine. A vibrant and effective intellectual movement has to be exciting to intellectuals, and intellectuals get excited by the damnedest things. Besides, I have learned from ample experience that bullet-headed pragmatists who see no value in any ideas that cannot contribute to an immediate change in poll numbers tend to give up or sell out anyway.

What does that mean for the editorial policy of Counter-Currents and the journal North American New Right? It means, first of all, that those of you who might be holding back because you imagine you diverge from the party line around here can relax. There is no party line beyond the basic agenda outlined above. Second, it means that we welcome civil debate and commentary on our articles, interviews, and reviews, including this one (here are the guidelines).

jeudi, 07 octobre 2010

Deutsch im Elsass und in der Tschechei

Deutsch im Elsaß und in der Tschechei

Von Thomas Paulwitz

Ex: http://www.jungefreiheit.com/

Strasbourg15.jpgIn der Regel hat es die deutsche Sprache im Osten leichter als im Westen. Die Zahl derjenigen, die Deutsch als Fremdsprache lernen, sinkt in den westlichen Ländern schneller als in den östlichen. Eine Ausnahme bilden offenbar Frankreich und die Tschechische Republik. Im Elsaß zum Beispiel gibt es kräftige sprachpolitische Maßnahmen, das Deutsche zu fördern, während die tschechische Regierung den Einfluß der deutschen Sprache zugunsten von Englisch systematisch eindämmt.

Bemerkenswert ist in beiden Fällen, daß die Frage der Identität eine entscheidende Rolle spielt. Ausgerechnet der fortgeschrittene Verlust des Bewußtseins, daß das Elsaß historisch zum deutschen Sprach- und Kulturraum gehört, ermöglicht eine Wiederbesinnung auf die deutsche Sprache. Denn die wirtschaftliche Anziehungskraft der Bundesrepublik wird nunmehr wichtiger genommen als die kulturelle Absetzbewegung nach Frankreich. In elsässischen Tageszeitungen enthalten siebzig Prozent der Stellenangebote den Hinweis, daß der Arbeitgeber Deutschkenntnisse voraussetzt.

Elsässischer Werbefeldzug für Deutsch

Folglich erklärt Philippe Richert, der Präsident des elsässischen Regionalrats: „Das Beherrschen der deutschen Sprache ist für unsere Region längst nicht mehr nur eine Identitätsfrage. Deutschkenntnisse sind ein ausschlaggebender wirtschaftlicher Trumpf.“ Zwei Drittel der elsässischen Schüler und fast alle Grundschüler der 3. bis 5. Klasse lernen Deutsch. Zehn Prozent der Grundschüler werden sogar in zweisprachigen Klassen unterrichtet. Doch das erscheint vielen noch nicht als genug. Daher werben mittlerweile die Behörden für das Lernen der deutschen Sprache. Die Mittel für den Werbefeldzug wurden von 2009 auf 2010 auf 190.000 Euro verdreifacht. Das Werben für Deutsch wird von den wichtigsten politischen Instanzen gemeinsam mit der Straßburger Schulbehörde getragen.

Ganz anders sieht es in der Tschechischen Republik aus. Die dortige Regierung will sich in ihren sprachpolitischen Entscheidungen offenbar noch weiter von Deutschland entfernen. Anfang August beschloß das Parlament auf Vorschlag des rechtskonservativen Ministerpräsidenten Petr Nečas, daß Deutsch künftig nicht mehr als erste, sondern frühestens als zweite Fremdsprache gelehrt werden darf. Der Koalitionsvertrag legt außerdem fest, daß ab 2012 Englischunterricht ab der dritten Klasse verpflichtend ist. Bereits jetzt lernen schon 618.000 Schüler Englisch, aber nur noch 111.000 Deutsch.

Deutsch als erste Fremdsprache in der Tschechei verboten

Wirtschaftliche Gesichtspunkte haben bei der Entscheidung der Prager Regierung offenbar keine Rolle gespielt, denn Deutschland ist der größte ausländische Investor. Der Handel mit der Bundesrepublik macht fast ein Drittel des gesamten Außenhandels der Tschechischen Republik aus. Die Leiterin der Spracharbeit des Prager Goethe-Instituts befürchtet, daß die tschechischen Schüler im späteren Berufsleben ohne Deutschkenntnisse Schwierigkeiten haben werden. Da erscheint es als wirtschaftlich wenig sinnvoll, die Bürger vom Deutschunterricht abzuhalten.

Es scheint also so zu sein, daß man sich in Prag lieber der Amerikanisierung an den Hals wirft, als die Standortvorteile zu nutzen, zu denen die derzeit noch verbreitete Kenntnis der deutschen Sprache gehört. Ein Leser tadelt auf der Facebook-Seite der Deutschen Sprachwelt die Prager Entscheidung: „Meines Erachtens sollte man überall in Europa Englisch als 1. Fremdsprache verbieten. Wer diese erste Fremdsprache lernt, lernt keine zweite. Es handelt sich nicht um ein Bildungsprogramm, sondern um ein Kulturassimilierungsprogramm.“

Arabia Saudita: Un perfetto controesempio negli annali della geo-strategia globale

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Arabia Saudita: Un perfetto controesempio negli annali della geo-strategia globale

di René Naba

Fonte: eurasia [scheda fonte]

Ancora una volta recidiva nella diversione, l’Arabia Saudita incoraggiò Saddam Hussein ad andare in guerra con l’Iran per contenere la minaccia del fondamentalismo sciita, deviando la potenza irachena dal campo di battaglia arabo-israeliano. In un nuovo tentativo di destabilizzare la Siria, il principale alleato arabo dell’Iran, Arabia favorì una rivolta dei Fratelli Musulmani repressa brutalmente dai siriani, ad Hama, nel febbraio 1982, a quattro mesi dall’invasione israeliana del Libano, fomentata da un tandem composto da primo ministro israeliano Menachem Begin e da Bashir Gemayel, il leader della milizia cristiana libanese.

L’Arabia Saudita, il nemico più intransigente di Israele, in teoria, aveva effettuato la più grande diversione della lotta araba, sostenendo l’Iraq contro l’Iran nella guerra convenzionale più lunga della storia moderna (1979 – 1988), deviando il colpo dal campo di battaglia principale, la Palestina, dirottando i giovani musulmani e arabi dal campo di battaglia della Palestina all’Afghanistan. A colpi di dollari e di Mujahidin, spesso ex detenuti nel loro paese, combatterà non contro Israele, ma a migliaia di chilometri di distanza, a Kabul, dove migliaia di giovani arabi e musulmani si batteranno per un decennio contro le forze atee comuniste, voltando le spalle, al tempo stesso, di nuovo alla Palestina, con l’incoraggiamento degli intellettuali occidentali, troppo contenti per questa opportunità. Cinquantamila arabi e musulmani si arruolarono sotto la bandiera dell’Islam, sotto la guida di Usama bin Ladin, ufficiale di collegamento dei sauditi e degli statunitensi, combatterono in Afghanistan l’ateismo sovietico in una guerra finanziata, in parte dalle petromonarchie del Golfo, con fino a venti miliardi di dollari, una somma equivalente al bilancio annuale di un quarto dei paesi membri dell’organizzazione panaraba. In confronto, i combattenti di /Hezbollah/ libanese, con un numero di molto inferiore, stimato in duemila combattenti, e con un budget ridotto rispetto a quello impegnato a finanziare gli arabi afghani, ha causato sconvolgimenti psicologici e militare più consistenti della legione islamica, nel rapporto tra le potenze regionali (6).

L’Afghanistan ha avuto una funzione trascinante sulla gioventù saudita, e i diplomatici statunitensi non cercarono di nascondere questo aspetto del conflitto. Rispondendo alla rivoluzione islamica iraniana, che minacciava la leadership saudita, la guerra in Afghanistan ha permesso all’Arabia Saudita di deviare il malcontento dei giovani dal problema palestinese, a quello anti-comunista (7), ammise, in seguito, senza mezzi termini l’ambasciatore USA a Riad, Chass Freeman. I finanziamenti per la jihad anti-sovietica sarebbero, di per sé, andati a carico del bilancio saudita, con un importo sostanzialmente pari al finanziamento concesso dall’Arabia Saudita ai “/paesi del campo di battaglia/”, Egitto, Siria e OLP (8), come contributo allo sforzo di guerra arabo.

L’Islam wahhabita, che aggregava i leader arabi sunniti in una alleanza filo-statunitense (i principati del Golfo, la Giordania, Egitto, Marocco, Tunisia), indicati dal termine popolare colla definizione sprezzante di “Arabi d’America” (A/rab Amérika/) -l’asse della moderazione per gli occidentali- si lascerà così soppiantare sul proprio terreno, l’islam combattente, dai nazionalisti islamici, il libanese Hezbollah, Hamas e la Jihad palestinesi. Feconda, l’alleanza Arabia-USA nella guerra contro l’Unione Sovietica in Afghanistan (1980-1989), ha certamente accelerato l’implosione del blocco comunista, ma col loro allineamento incondizionato con gli Stati Uniti, sostenendo il miglior alleato strategico del loro nemico principale, Israele, (nonostante l’aggiunta del disprezzo che gli statunitensi hanno mostrato verso le loro aspirazioni, i fautori dell’Islam politico, principalmente l’Arabia Saudita, l’Iran imperiale della dinastia Pahlavi, il Marocco e l’Egitto di Sadat) hanno devastato l’area, evidenziandone la sua dipendenza e il suo ritardo tecnologico. Peggio ancora, la presa statunitense in Iraq, che l’Arabia ha incoraggiato, ha promosso la nascita del potere sciita nella ex capitale dell’impero abasside, facendo planare sull’Arabia Saudita, attraverso la sua affiliazione con l’Iran di Khomeini, il rischio di cadere in una trappola sciita.

L’alleanza esclusiva dell’Islam sunnita con gli USA, che ha assicurato la pace del trono wahabita durante un mezzo secolo tumultuoso, finora non ha garantito la sua sopravvivenza futura. L’Arabia Saudita sarebbe riuscita nell’impresa di ottenere il rispetto del mondo musulmano, senza sparare un colpo verso Israele, senza ottenere alcuna concessione da parte degli statunitensi sul problema palestinese, mentre si applicano metodicamente a distruggere le vestigia del nazionalismo arabo.

Ma il regno, che aveva lanciato due piani di pace per risolvere il conflitto arabo-israeliano (Piano Fahd, nel 1982, Piano Abdullah, 2002), senza la minima eco sia statunitense, che israeliana, non deviò mai dalla sua linea, nonostante questo rifiuto, probabilmente dovuto al fatto che, a livello subliminale, la dinastia wahhabita è stata la principale beneficiaria del sabotaggio operato per 30 anni dagli statunitensi e dagli israeliani, per ridurre la resistenza del nocciolo duro del mondo arabo-islamico: la neutralizzazione dell’Egitto da parte del trattato di pace con Israele (1979), la distruzione dell’Iraq (2003), lo strangolamento della Siria (2004), la ‘/caramellizzazione/’ della Libia (2005), l’isolamento dell’Iran (2006), al punto che Israele è, in definitiva il migliore alleato oggettivo dei wahhabiti, la rara combinazione di due regimi teocratici in tutto il mondo, no essendo lo Stato ebraico democratico che per la frazione ebraica della sua popolazione. In questo contesto, l’organizzazione clandestina al-Qaida di Usama bin Ladin e la rete transnazionale araba /Al-Jazeera/, appaiono, in retrospettiva, come delle escrescenze ribelli all’egemonia saudita sull’ordine interno Arabo, sia in politica che nei media.

L’arma del petrolio che ha brandito durante la guerra di ottobre del 1973, se ha portato un notevole prestigio nel mondo arabo musulmano e ripristinato un equo prezzo del carburante, in cambio ha indebolito le economie in particolare dell’Europa e del Giappone, alleati naturali nel mondo arabo. Il proselitismo religioso che ha schierato in Asia centrale, nelle ex repubbliche sovietiche musulmane, ha tagliato la strada per un’alleanza con la Russia, facendo spazio all’egemonia USA. Un camuffamento supplementare che riflette gli errori della strategia saudita e il suo impatto negativo sullo spazio arabo, il wahhabismo che ha lottato instancabilmente contro l’Unione Sovietica, ridiventata l’eterna Russia, vede profilare, con il pretesto della lotta contro il terrorismo, un pericoloso movimento a tenaglia, che può chiudersi con la tacita alleanza tra la Russia, Israele e gli Stati Uniti, per gli attentati commessi dai seguaci dell’Arabia Saudita, dagli islamisti di Al-Qaida in Occidente e dai separatisti ceceni in Russia e Ossezia. Colmo del cinismo che rivela comunque una grande paura: l’apertura della prima conferenza mondiale sul terrorismo, il 5 e 6 febbraio 2005, a Riad. Che una tale conferenza si tenesse in casa della Jihad Islamica, dove i finanziatori principali a livello mondiale dei movimenti islamici, quattro anni dopo il raid anti-Usa del settembre 2001, hanno ottenuto la cauzione dell’Occidente per una tale operazione di riabilitazione, da la misura della confusione dei leader wahhabiti e dei loro sponsor statunitensi.

L’Arabia Saudita è prigioniera e vittima delle sue scelte.

Umiliazione suprema è il fatto che il presidente USA George W. Bush, ex dipendente delle società Saudite, è stato il più fermo sostegno del Primo Ministro di Israele più aggressivo, in nome proprio del fondamentalismo religioso, avallando anche il confinamento di Yasser Arafat, il leader legittimo del popolo palestinese, e riconoscendo il diritto di Ariel Sharon di modificare unilateralmente il tracciato dei confini internazionali, in spregio della legalità internazionale. La risposta più lancinante a questa cecità potrebbe essere, simbolicamente, la scelta obbligata di dover rassegnarsi a denominare il proprio nuovo canale televisivo pan-arabo “Al Arabia”, un termine che aveva bandito dal suo lessico diplomatico per mezzo secolo, riprendendolo adesso a malincuore, nella speranza di essere ascoltato di fronte alla concorrenza, con tono meno sottomesso all’ordine statunitense. Questo paese che ha consacrato la maggior parte dei suoi sforzi a combattere, più di ogni altro paese, il nazionalismo arabo, fino a stabilire l’Organizzazione della Conferenza Islamica (OIC), una struttura diplomatica parallela e concorrente alla Lega Araba, che evolse, stranamente, a campione dell’arabismo a seguito della sconfitta militare israeliano in Libano, nell’estate del 2006, con grande stupore di quasi tutti gli osservatori internazionali. L’apostolo della fratellanza islamica per mezzo secolo, il paese la cui bandiera mostra il credo cardinale dell’Islam, accusò , senza vergogna, la Siria di aver fatto un patto con l’Iran, l’antica Persia, un paese musulmano ma non arabo, lasciando planare la minaccia di una nuova guerra di religione tra sunniti e sciiti, arabi e musulmani non-arabi, un comportamento che assomiglia a una mistificazione, illustrazione patetico della confusione del Regno.

*Tra la dinastia wahhabita e Bin Ladin, la battaglia nell’ordine simbolico di un conflitto di legittimità*

Il coinvolgimento di un membro della cerchia familiare del principe Bandar bin Sultan, figlio del ministro della Difesa e presidente del Consiglio nazionale di sicurezza, nella riattivazione dei simpatizzanti di Al-Qaida in Siria e nel Libano del Nord, nella regione del campo palestinese di Nahr el-Bared, ha dimostrato il grado di infiltrazione dei circoli pan-islamisti nella cerchia dei governanti sauditi, mentre mina il Regno nei confronti dei suoi interlocutori sia arabi che statunitensi. Sheikh Maher Hammoud, un muftì sunnita della moschea “/Al Quds/” di Saida (sud del Libano), ha apertamente accusato il principe Bandar, dalla rete /Jazeera/, sabato 26 giugno 2010, di finanziare i disordini in Libano, in particolare contro le aree cristiane, portando gli USA a dichiarare “/persona non grata/” Bandar, l’ex beniamino degli Stati Uniti, il “/Grande Gatsby/” dall’establishment statunitense.

Circostanza aggravante, la disgrazia di Bandar sarebbe correlata a informazioni che affermano che egli ha l’intenzione di impegnarsi in un colpo di stato contro l’establishment saudita, per infrangere la legge della primogenitura che disciplina le regole alla successione dinastica in Arabia. Ciò prevede l’accesso al potere del decano della generazione più anziana. Il gruppo dirigente saudita conta molti gerontocrati, compresi alcuni in posizioni chiave, che soffrono di malattie debilitanti: il principe ereditario Sultan, ministro della Difesa, il ministro degli esteri, principe Saud al Faisal e il Governatore di Riyadh, principe Salman, mentre novecento nipoti scalpitano con impazienza per saltare nei posti di responsabilità, in un clima di intensa concorrenza. La congiura, concepita con l’aiuto di alti ufficiali della base aerea di Riyadh, sarebbe stata alimentata dai servizi segreti russi. L’operazione doveva avvenire a fine 2008, durante la guerra di Gaza, durante la transizione di poteri tra George Bush jr e il democratico Barack Obama. Con il sostegno di neo-conservatori statunitensi, di cui il principe saudita era un amico stretto, la transizione doveva, nello spirito dei suoi promotori, ridurre il divario generazionale del paese, in cui il 75 per cento della popolazione ha meno di 25 anni anni, mentre la classe dirigente ha un numero significativo di ottantenni. Il fatto che gli Stati Uniti, che controllano il regno con una rete di circa 36 posizioni dell’FBI e della CIA, non avesse avvisato il potere, da la misura della cautela statunitense.

Yemen e Iraq, due paesi confinanti con l’Arabia Saudita, avrebbero costituito i due baluardi della difesa strategica del Regno, il primo nel sud, il secondo a nord dell’Arabia Saudita. E’ in questi due paesi che l’Arabia Saudita ha cominciato la lotta per garantire la continuità della dinastia, in due occasioni negli ultimi decenni, Lo Yemen che è servito da campo dello scontro tra repubblicani e monarchici arabi, al tempo della rivalità Faisal-Nasser negli anni ’60, e l’Iraq, teatro dello scontro tra sciiti rivoluzionari e sunniti conservatori, al tempo della rivalità Saddam Hussein- Khomeini negli anni ’80. Questi due paesi costituiscono, ormai, una fonte di pericolo, con l’eliminazione della leadership sunnita in Iraq, e con la reintroduzione di al-Qaida, nello Yemen, nel gioco regionale. L’inserimento di al-Qaida nella penisola arabica dallo Yemen, in questo contesto è una sfida di grande importanza. L’ancoraggio di una organizzazione principalmente sunnita, l’escrescenza del rigorismo wahhabita, sul fianco meridionale dell’Arabia Saudita, porta il segno di una sfida personale di bin Ladin agli ex padroni, poiché porta sul posto stesso della loro antica alleanza, la lite sulla legittimità tra la monarchia e il suo ex agente. Potrebbe avere un effetto destabilizzante sul regno, dove vive quasi un milione di lavoratori yemeniti. L’allarme è stato ritenuto abbastanza serio da condurre il re Abdullah ad impegnare le sue forze nei combattimenti in Yemen, nell’autunno del 2009, accanto alle forze governative, e ad attenuare la disputa con la Siria, incitando il suo uomo ligio in Libano, il nuovo primo ministro libanese Saad Hariri, a riprendere il cammino per Damasco.

In tutti gli aspetti, la strategia saudita, sia nei confronti del mondo musulmano che dell’Iraq è un caso esemplare di suicidio politico. La partecipazione di quindici sauditi su 19 all’incursione di al-Qaida contro gli Stati Uniti, l’11 settembre 2001, come negli attacchi mortali che hanno colpito Riyadh il 12 maggio 2003, un mese dopo la caduta di Baghdad, uccidendo 20 morti, tra cui 10 statunitensi, hanno suonato un campanello d’allarme come forma di avvertimento. Adulato all’eccesso, il regno è ora oggetto di sospetti quasi universale da parte dell’opinione pubblica occidentale, e la sua strategia è criticata in tutta l’arabo.

*Il re dell’Arabia Saudita, un pompiere incendiario *

Sponsor originale dei taliban in Afghanistan, l’Arabia Saudita si dice sia stata la finanziatrice principale del programma nucleare pakistano, in cambio dell’assistenza fornita dal Pakistan nella supervisione della forza aerea saudita, che ha fornito per 20 anni l’addestramento ai suoi piloti e la protezione del suo spazio aereo. Un buon affare, simbolicamente materializzato dal nome della terza città di Faisalabad, in Pakistan, l’ex Lyallpur, in omaggio al contributo di Re Faisal di Arabia nella composizione delle controversie tra il Pakistan, secondo più grande paese musulmano dopo l’Indonesia, e il Bangladesh, durante la secessione della sua ex provincia, sotto la guida dello sceicco Mujibur Rahman, leader della /Lega Awami/ (10). Nonostante queste forti analogie, in particolare il patrocinio congiunto del regno saudita al miliardario saudita libanese e al Pakistan, come i loro posizionamenti simili in termini di geopolitica degli Stati Uniti; Rafik Hariri avrà diritto ad un tribunale internazionale speciale, per giudicare i suoi presunti assassini, ma non Benazir Bhutto, di cui è stata decimata tutta la dinastia. In questa prospettiva, il destino di Benazir Bhutto è stranamente simile a quello dell’ex primo ministro libanese Rafik Hariri e a quello dell’ex presidente egiziano Anwar Sadat, assassinato nel 1981, e all’effimero presidente del Libano Bashir Gemayel, leader delle milizie cristiane, assassinato nel 1982. I leader più utili alla diplomazia israeliano-statunitensi, più da morti che da vivi.

Al culmine della diplomazia saudita, in seguito all’invasione dell’Iraq nel 2003, i due leader arabi, Hariri (Libano) e Ghazi al Yaour (Iraq) che si sono trovati contemporaneamente al potere nei rispettivi paesi, erano titolari della nazionalità saudita. In questo contesto, non è irrilevante notare che Rafik Hariri è stato assassinato nei quindici giorni che seguirono l’elezione di un curdo, Jalal Talabani, a capo dell’Iraq, e l’attribuzione a un sciita della presidenza del Consiglio dei Ministri, scartando un sunnita dal governo della ex capitale abasside, su cui sventolava, d’altronde, all’epoca, il nuovo emblema iracheno disegnato dal proconsole Paul Bremer, dai colori curdo-israeliani (blu-bianco e giallo-bianco). Cosa che, inoltre, innescò un’ondata senza precedenti di attacchi contro i simboli dell’invasione statunitense dell’Iraq e dei suoi alleati regionali.

Pompiere piromane, il monarca ottuagenario (86 anni), al potere da quindici anni, si trova all’epicentro di un conflitto che ha continuato ad alimentare, e con cui potè avallare l’invasione statunitense dell’Iraq, con ripercussione l’eliminazione dei sunniti del potere centrale, con il ruolo pioniere del falso testimone siriano presso gli investigatori internazionali, Zuhair Siddiq, un factotum del generale Rifa’at al-Assad, zio e rivale del presidente siriano Bashar al_Assad, e soprattutto cognato del re dell’Arabia Saudita, per destabilizzare il presidente libanese Emile Lahoud e sostituirlo con il secondo cognato del re, il deputato libanese Nassib Lahoud.

Sfidato sul fianco meridionale, nello Yemen, dalla principale organizzazione fondamentalista sunnita del mondo musulmano, dalle dimensioni planetarie, al-Qaida, escrescenza ribelle del modello wahabita, il re Abdullah è contestato dall’equazione rappresentata dalla gloriosa storia militare di /Hezbollah/, la principale organizzazione paramilitare del Terzo Mondo, di osservanza sciita. Abdullah appare come l’apprendista stregone di una questione che lo trascende, il demiurgo di questioni che lo sovrastano sia in Iraq che in Libano, prima che in Afghanistan. In questa prospettiva, l’affare del secolo concluso nel settembre 2010 tra Arabia Saudita e Stati Uniti, di circa 90 miliardi di dollari in armi, tra cui quasi trecento aerei e missili, mira ufficialmente a rafforzare il Regno nei confronti dell’Iran, non d’Israele, potenza nucleare che occupa Gerusalemme, il 3° luogo santo dell’Islam, ma anche e soprattutto a consolidare la dinastia nel suo ruolo di gendarme regionale, mentre i due paesi baluardo dell’Arabia (Yemen e Iraq) sono destabilizzati e l’arco dell’Islam, che va dalla Somalia all’Indonesia attraverso l’Asia Centrale e il Golfo, diviene il nuovo centro di gravità strategico del pianeta, con l’emergere di Cina e India e il loro accerchiamento dell’Occidente dall’Africa.

Indice complementare del suo vassallaggio, il nuovo contratto militare da 90 miliardi di dollari, firmato tra Stati Uniti e Arabia Saudita.

Il più grande affare d’armi nella storia mira a “rafforzare la capacità combattiva del Regno contro l’Iran”, senza porre rischi su Israele. Gli aerei sauditi saranno privati delle armi a lungo raggio, per garantire lo spazio aereo israeliano e le loro prestazioni, sia in termini di attrezzature come di maneggevolezza, saranno in ogni caso, meno potenti del nuovo velivolo che gli Stati Uniti prevedono di vendere a Israele, i 20 caccia-bombardieri F-35 /Lightning II/ (JSF-35), il super-bombardiere da superiorità tecnologica, il cui enorme costo unitario ammonta a 113.000.000 di dollari ciascuno.

Così, con un sotterfugio che gli scienziati politici statunitensi definiscono nella voce “Politica della paura”, la politica dell’intimidazione, che consiste nel presentare l’Iran come uno spauracchio, per cui l’Arabia Saudita è costretta a creare, non una difesa a tutto tondo, ma una posizione di difesa contro l’Iran, che rafforzi il regno “/contro l’Iran/”, potenza sulla soglia nucleare, e non Israele, una potenza nucleare completa e, inoltre, potenza occupante di Gerusalemme, il terzo luogo santo dell’Islam. In totale, l’ammontare degli accordi militari tra le monarchie petrolifere del Golfo e gli Stati Uniti, nel 2010-2011, sarà pari a 123 miliardi di dollari. Il resto sarà diviso tra Emirati Arabi Uniti, Kuwait e il sultanato di Oman, che sbloccheranno, nei quattro, una somma colossale per ridurre la disoccupazione negli Stati Uniti, mantenere un bacino di lavoro di 75.000 posti in cinque anni e giustificare, sotto l’apparenza di un falso equilibrio, una transazione qualitativamente superiore tra gli Stati Uniti e Israele.

Settantotto anni dopo l’indipendenza, la triade su cui è stato stabilito il regno (Islam, Petrolio e wahabismo) sembra assumere una nuova configurazione. Se l’Islam, la sua rendita di posizione, è assicurata per sempre, il petrolio è destinato a prosciugare o degradare a causa delle energie alternative, come anche la dinastia wahhabita, a meno di una sfida della sua visione monolitica dell’Islam e del mondo, dalla sua concezione dello Stato e dei suoi rapporti con i cittadini, del suo rapporto con la realtà col mondo arabo, non composto solo da musulmani, o da soli sunniti, o da soli arabi (curdi e cabili), ma anche dagli arabi sciiti spesso patrioti, e da patrioti non sempre musulmani (arabi cristiani), non sempre necessariamente in permanente stato di prostrazione davanti gli Stati Uniti d’America, e ai suoi benefici e danni.

La famiglia reale saudita ha seguito un percorso curioso per rimanere al potere, il perfetto contro-esempio negli annali della geopolitica mondiale.* *Avendo troppo manipolato i suoi alleati islamici, si è indebolita, dando loro la possibilità di rivoltarsi contro il loro ex mentore. Strumentalizzando le sue formazioni pan-islamiche in operazioni diversive (Afghanistan) o di destabilizzazione (Siria, Egitto e Algeria), senza mai rinnegarle o controllarle, l’Arabia Saudita si troverà caricata dal peso negativo della distruzione islamista dei Buddha di Bamiyan da parte dei Taliban, degli attacchi anti-USA dell’11 settembre 2001, sottoposta al sospetto dell’opinione pubblica occidentale e alla vendetta dei suoi ex protetti islamisti.

Come spiegare un simile comportamento? Che i leader abbiano potuto, in un periodo così lungo, confinarsi nel ruolo di subappaltatori, accettando di correre alla cieca in un combattimento contro dei nemici, assegnatili dai loro tutori, senza accennare a un momento di esitazione, a un lampo di orgoglio nazionale? Amputarsi consapevolmente di alleati naturali, senza sollevare la questione della compatibilità con l’interesse nazionale? Condannare l’avanguardia rivoluzionaria araba, sacrificarla per la soddisfazione degli interessi stranieri, senza entrare nel merito della fondatezza di una tale politica? A quale logica risponde un tale comportamento singolare. Follia o megalomania? Machiavellismo o cinismo servile? Incoscienza o aberrazione mentale? Postura o impostura? Quasi quaranta anni dopo i fatti, la rilevanza di una tale politica non è stata provata, ma si è rivelato un dato di fatto che “/ci sia qualcuno peggio del boia: il suo servo/”(9). Una frase su cui riflettere mentre il Regno, banca centrale del petrolio, pianifica per la prima volta nella sua storia, di mettere fine alla ricerca di idrocarburi nel suo sottosuolo, al fine di salvare la sua ricchezza, in modo da trasmetterla “/alle generazioni future/”(10), mentre la sua ricchezza rischia di prosciugarsi, e di conseguenza la sua impunità, proprio mentre la Cina è pronta a sfidare la leadership globale degli USA.

*Riferimenti *

7 – Precisazioni di Chass Freeman, ex ambasciatore statunitense in Arabia Saudita (1989-1993) basato sulla funzione deviante della guerra in Afghanistan verso la gioventù saudita dal problema palestinese, al centro del documentario di Jihane Tahri

8 – “/Una Guerra Empia. La CIA e l’estremismo islamico (1950-2001)/” di John Cooley, un ex corrispondente dal Medio Oriente per il quotidiano di Boston Christian Science Monitor e ABC News. Edizioni Eleuthera, 2001.

9 – Definzione del conte Honoré Gabriel de Mirabeau (1749-1791), uno degli oratori più brillanti della Rivoluzione francese, autore di «/Essai sur les lettres de cachet et les prisons d’état/».

10– Cfr. Le Monde 7 luglio 2010 «/Le roi Abdallah annonce l’arrêt de l’exploration pétrolière en Arabie Saoudite/». Un freno in più (e notevole) per rallentare il declino della produzione mondiale.

L’Arabia Saudita, primo produttore mondiale di petrolio, avrebbe messo fine alla esplorazione sul suo suolo, al fine di salvare la sua ricchezza e trasmetterla alle generazioni future, secondo una dichiarazione da re Abdullah in data 1° luglio. L’annuncio è stato dato a Washington davanti a degli studenti sauditi, dice l’agenzia di stampa ufficiale saudita. Pronunciato due giorni dopo un incontro tra il re saudita e il presidente Barack Obama, suona come un avvertimento. L’arresto dello sviluppo di nuovi campi petroliferi in Arabia Saudita, rischia di complicare ulteriormente il futuro della produzione mondiale di petrolio, di fronte all’aumento della domanda. Infatti, l’Arabia Saudita da sola detiene il 20% delle riserve mondiali di oro nero. Temperando il disagio innescato dal bando, un ufficiale del ministero saudita del Petrolio ha detto all’agenzia /Dow Jone/s, che la dichiarazione dell’organismo non significa una decisione definitiva, “/ma in realtà voleva dire che le esplorazioni future dovrebbero essere condotte con saggezza/”, dice il Financial Times. Il quotidiano economico londinese ha detto che la compagnia petrolifera nazionale saudita Aramco, dovrebbe compiere oggi delle prospezioni nel Mar Rosso e nel Golfo Persico.

Traduzione di Alessandro Lattanzio

 

 


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Céline et L'Oréal

Céline et L’Oréal

Ex: http://lepetitcelinien.blogspot.com/ 

 

Il a beaucoup été question, cet été, de l’affaire Bettancourt. Elle oppose, comme on sait, Liliane Bettencourt à sa fille, avec en outre des interférences avec le gouvernement français. Quel rapport avec Céline ? Le 17 février 1942, dans une lettre à Lucien Combelle, il eut des mots très vifs à l’égard du père de Liliane, Eugène Schueller (1881-1957) : « Votre Shoeller [sic] avec toutes ses pitreries me semble bien youtre. Il ne parle jamais des juifs dans ses livres. Il paraît que son conseil d’administration recèle de forts puissants youtres, anglais et américains. » C’est que deux jours auparavant, dans son journal Révolution nationale, Combelle avait publié un grand article d’Eugène Schueller sur « Le salaire proportionnel ». Dans une société libérée du capitalisme libéral et des syndicats, qu’il appelait de ses vœux, les ouvriers eussent touché un triple salaire : un salaire d’activité, un salaire familial calculé en fonction de leur nombre d’enfants, et un salaire de productivité. Schueller avait déjà traité ce thème dans son livre, La Révolution de l’économie, paru l’année précédente et que l’auteur des Beaux draps avait certainement lu. Si Céline se méfiait de Schueller, c’est parce qu’il participait à la direction du RNP de Marcel Déat. Lequel était également suspect aux yeux de Céline en raison de ses liens avec la franc-maçonnerie et de son appartenance au monde parlementaire de la IIIe République que l’écrivain n’avait guère en haute estime. Coïncidence : en exil, Céline sympathisera avec le représentant de L’Oréal au Danemark, Georges Sales, et sa jeune épouse. « Ma compatriote, la petite bretonne... » dira d’elle Céline (1).
Qui était Eugène Schueller ? Ce chimiste génial mit au point les premières teintures capillaires de synthèse puis créa en 1909 la Société française de teintures inoffensives pour cheveux, futur L’Oréal. Devenu riche, le père de Liliane Bettencourt finança la fameuse Cagoule dans les années trente. C’est après la victoire du Front populaire que Schueller s’intéressa au mouvement nationaliste et devint l’intime d’Eugène Deloncle, l’un des chefs cagoulards. Avec ce dernier, Jean Fontenoy et Jacques Dursort, il fonda en octobre 1940 le Mouvement Social-Révolutionnaire (MSR) qui fit long feu. Les réunions de la direction du MSR se tenaient au siège de L’Oréal (14, rue Royale à Paris) (2). L’année suivante, il devint le président de la Commission des Affaires Économiques du RNP. Après la guerre, nombreux seront ceux qui, soit épurés, soit ayant appartenu au mouvement cagoulard, se verront embauchés chez L’Oréal. Dont Pierre Monnier qui fit toute sa carrière dans ce groupe à partir des années 50. À propos de Schueller, Céline, qui l’avait rencontré avant guerre chez Denoël, lui dira : « Il était aussi intelligent et intuitif que vous le dites, et bien entendu paranoïaque !... ». À l’Oréal, Monnier eut comme patron François Dalle (1918-2005) auquel l’homme d’affaires Jean Frydman reprocha publiquement – mais en 1995 seulement – d’avoir fait de l’entreprise un refuge d’anciens cagoulards et de collaborateurs.
André Bettencourt (1919-2007) ne fut pas davantage exempt de reproches. On lui fit grief des articles parus dans La Terre française (dont il assurait la direction) qui soutenaient activement la Révolution Nationale. Et qui étaient parfois franchement antisémites. Ensuite, l’histoire de L’Oréal est intimement liée à celle de la IVe et de la Ve République. Si Bettencourt fut plusieurs fois ministre, ce fut aussi le cas de son ami de jeunesse (qui témoigna à la Libération en faveur d’Eugène Schueller) : un certain François Mitterrand, beau-frère d’une nièce de Deloncle. Et l’on sait qu’il dirigea pendant deux ans Votre beauté, mensuel du groupe L’Oréal. On imagine les commentaires sarcastiques que toute cette histoire inspirerait aujourd’hui à Céline !

Marc LAUDELOUT

1. Pierre Monnier, Ferdinand furieux, L’Age d’homme, 1979, p. 14.
2. Schueller faisait partie du Comité exécutif du MSR, présidait et dirigeait « toutes les Commissions techniques et Comités d’études » du mouvement (Révolution Nationale, n° 3, 26 octobre 1941).
Pour plus de détails, voir l’article de Bruno Abescat, « Les secrets de la première fortune de France », L’Express, 30 novembre 2000 (disponible sur http://www.lexpress.fr).

Les origines du communisme expliquent bien des choses

Les origines du communisme expliquent bien des choses

red-flag.jpgDans quelques jours sortira de presse une réédition (1) que je crois capitale. Il s'agit en effet d'une "Histoire du communisme" publiée sous ce titre en 1848. Autrement dit, on y découvre le Communisme avant Marx. Ceci nous montre ce que va devenir à nouveau la même utopie. On se complaît à penser désormais que "Marx est mort". Pourtant nombre de bons esprits cherchent à le réhabiliter. Et, sous divers faux nez, ils tenteront de le faire de plus en plus impunément.

Pour plusieurs générations, et depuis un siècle, le mot communisme n'a eu de sens que pour désigner les disciples du prophète du British Museum. Plus précisément encore, parmi eux, il désigne ceux qui, à la suite de Lénine et de Trotski, ont choisi la violence "accoucheuse de l'Histoire". Tous les sympathisants de cette interprétation du marxisme professent, comme chacun devrait le savoir, un profond mépris pour la sociale démocratie. (2)

La même année, où le livre de Sudre était publié (3) paraissait le fameux Manifeste communiste. Il était écrit par Marx et Engels, à la demande d'une petite organisation révolutionnaire. Celle-ci s'appelait initialement la ligue des Justes. Or cette quasi secte prétendra dès lors rompre avec la grande tradition de l'utopie communiste, celle que Marx appelle dédaigneusement "socialisme utopique".

On sait la suite. Ou plutôt on croit la connaître. Car l'expérimentation marxiste puis léniniste ne fait que confirmer toute l'Histoire de l'Utopie ; elle n'en forme que la continuation.

Alfred Sudre en suit la trame, à partir du Platon de "La République", admirateur des institutions de Sparte et de la Crète. Dès l'échec de sa propre théorie, lui-même la remet en cause.

Il examine ensuite toutes les hérésies, folies, et autres aventures sectaires du Moyen Âge et de la Renaissance. Certaines, à tort, et Alfred Sudre le démontre, ont été accusées, – y compris les chrétiens de l'Antiquité tardive, y compris certains ordres monastiques, et aussi les cathares, – de vouloir l'abolition de la propriété privée. D'autres ont bel et bien préfiguré le bolchevisme. Ainsi les anabaptistes de Münzer, responsables de la terrible Guerre des paysans qui ravagea l'Allemagne du sud au XVIe siècle, propageront leur pestilence jusqu'en Amérique.

De même, l'Utopie de Thomas More, apparue en 1516 en Angleterre, contient en germe toutes les idées subversives ultérieures. Marx ne leur donnera qu'un vernis de théorie économique. Son apparente pertinence se veut tirée des fondateurs classiques de cette discipline : Adam Smith et David Ricardo. Le co-auteur du Manifeste lui-même reconnaît que sa pensée tend à associer l'économie anglaise, la philosophie dialectique allemande et ce qu'il considère comme le socialisme français.

Ce mot de "socialisme" est en effet apparu en France au XIXe siècle. Il revient à Pierre Leroux, auquel Alfred Sudre consacre son dernier chapitre de lui avoir donné en 1834 sa signification contemporaine.

Les représentants de celui-ci se trouvent particulièrement actifs, aux côtés de "communistes" et utopistes plus caractérisés, comme Cabet et Fourrier dans les milieux révolutionnaires français. Et ces derniers vont, précisément en cette même année 1848, où toute l'Europe est secouée d'une vague de révolutions, les unes nationales, les autres républicaines, mettre l'accent, d'une façon toute particulière sur la dimension sociale des événements. Ce dernier point, combiné avec d'autres intentions philosophiques, conférera au marxisme tel que nous l'avons connu, tel qu'il subsiste malheureusement encore dans une partie résiduelle de l'intelligentsia, son apparence d'originalité

De nos jours, 20 ans après l'effondrement du "communisme", le sens que le XXe siècle donnait à ce mot se trouve peu à peu oublié. Cette chose, ce fait sociologique que Jules Monnerot décrira en 1949 comme "l'entreprise" (3) marxiste-léniniste, ose dire de la dictature de son "parti" qu'elle correspond à celle du "prolétariat".

Il peut donc sembler à certains que rien de bien nouveau ne soit apparu dans la sphère des idées.

Auteur de cette "Histoire du communisme" avant Marx, Alfred Sudre montre à vrai dire la permanence, depuis l'Antiquité grecque et le Moyen Âge européen de deux familles de doctrines sociales dans l'Histoire des idées. Elles se sont affrontées, de tous temps, depuis "la République" de Platon.

Face à ceux qui, très majoritaires, reconnaissent le droit de propriété, s'affirment les partisans de la communauté. Les intéressées apprécieront beaucoup, de nos jours, que cette dernière doctrine consistât le plus souvent en la mise en commun, par les hommes, des biens mais aussi des femmes, considérées comme leur appartenant.

Parmi les mérites de cet ouvrage, on lui doit aussi un chapitre particulièrement passionnant, résumant les aspects les plus radicaux de l'œuvre de Pierre-Joseph Proudhon pour qui j'ai toujours éprouvé une grande tendresse. Alfred Sudre nous permet de retrouver des citations réjouissantes. Quand il aborde le point de vue de l'économiste, Proudhon devient lumineux, presque irréfutable.

Ici j'en choisirais une seule (4):
"Le communisme, pour subsister, supprime tant de mots, tant d'idées, tant de faits, que les sujets formés par ses soins n'auront plus le besoin de parler, de penser, ni d'agir : ce seront des huîtres attachées côte à côte, sans activité ni sentiment, sur le rocher de la fraternité. Quelle philosophie intelligente et progressive que le communisme !"
… mais je ne voudrais pas déflorer ce que le livre souligne par ailleurs.

Oui, les origines du communisme expliquent bien des choses.
JG Malliarakis

Apostilles
  1. Jusqu'au 15 octobre les lecteurs de l'Insolent peuvent commander directement ce livre de 459 pages proposé en souscription au prix franco de port de 18 euros. Il sera ultérieurement commercialisé au prix de 25 euros.
  2. On retrouve la trace d'un tel dédain à l'époque de la refondation du "nouveau" parti socialiste (c'est-à-dire de l'actuel), de son congrès fondateur d'Epinay, et du programme commun de 1972 rédigé par Jean-Pierre Chevènement. À noter que dès 1976, ce dernier osera assurer que "si le Général [De Gaulle] était vivant, il soutiendrait le programme commun de la gauche."
  3. Son sous-titre original le présente comme une "réfutation historique des utopies socialistes". Très rapidement épuisé, cet ouvrage reçut en mai 1849 le prix Montyon décerné l'Académie française et fit l'objet cette année-là d'une seconde édition aux dépens de Victor Lecou, rue de Bouloi, imprimé par Gustave Gratiot, rue de la Monnaie. Quoique réimprimé depuis, dans divers pays non-francophones, par procédé "anastatique", il avait été, durant des décennies, superbement ignoré de l'édition et plus encore des bibliographies parisiennes.
  4. Cf. sa "Sociologie du communisme" où, caractérisant cette aventure révolutionnaire il y voit (Tome Ier) "l'islam du XXe siècle"
  5. Cf. "Histoire du communisme avant Marx" par Alfred Sudre page 356.

Vous pouvez entendre l'enregistrement de cette chronique

sur le site de Lumière 101

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Les thèmes de la géopolitique et de l'espace russe dans la vie culturelle berlinoise de 1918 à 1945

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 2002

Les thèmes de la géopolitique et de l'espace russe dans la vie culturelle berlinoise de 1918 à 1945

Karl Haushofer, Oskar von Niedermayer & Otto Hoetzsch

Intervention de Robert Steuckers à la 10ième Université d'été de «Synergies Européennes», Basse-Saxe, août 2002

Analyse : Karl SCHLÖGEL, Berlin Ostbahnhof Europas - Russen und Deutsche in ihrem Jarhhundert, Siedler, Berlin, 368 S., DM 68, 1998, ISBN 3-88680-600-6. 

En 1922, après l'effervescence spartakiste qui venait de secouer Berlin et Munich, un an avant l'occupation franco-belge de la Ruhr, le Général d'artillerie bavarois Karl Haushofer, devenu diplômé en géographie, est considéré, à l'unanimité et à juste titre, comme un spécialiste du Japon et de l'espace océanique du Pacifique. Son expérience d'attaché militaire dans l'Empire du Soleil Levant, avant 1914, et sa thèse universitaire, présentée après 1918, lui permettent de revendiquer cette qualité. Haushofer entre ainsi en contact avec deux personnalités soviétiques de premier plan: l'homme du Komintern à Berlin, Karl Radek, et le Commissaire aux affaires étrangères, Georgi Tchitchérine (qui signera les accords de Rapallo avec Rathenau). Dans quel contexte cette rencontre a-t-elle eu lieu? Le Japon et l'URSS cherchaient à aplanir leurs différends en entamant une série de négociations où les Allemands ont joué le rôle d'arbitres. Ces négociations portent essentiellement sur le contrôle de l'île de Sakhaline. Les Japonais réclament la présence de Haushofer, afin d'avoir, à leurs côtés "une personnalité objective et informée des faits". Les Soviétiques acceptent que cet arbitre soit Karl Haushofer, car ses écrits sur l'espace pacifique —négligés en Allemagne depuis que celle-ci  a perdu la Micronésie à la suite du Traité de Versailles—  sont lus avec une attention soutenue par la jeune école diplomatique soviétique. Qui plus est, avec la manie hagiographique des révolutionnaires bolcheviques, Haushofer a connu les frères Oulianov (Lénine) à Munich avant la première guerre mondiale; il aimait en parler et relatera plus tard ce fait dans ses souvenirs. L'intérêt soviétique pour la personne du Général Haushofer durera jusqu'en 1938, où, changement brusque d'attitude lors des grandes procès de Moscou, le Procureur réclame la condamnation de Sergueï Bessonov, qu'il accuse d'être un espion allemand, en contact, prétend-il,  avec Haushofer, Hess et Niedermayer (cf. infra). Les mêmes accusations avaient été portées contre Radek, qui finira exécuté, lors des grandes purges staliniennes.

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Ces trois faits d'histoire —la présence de Haushofer lors des négociations entre Japonais et Soviétiques, le contact, sans doute fort bref et parfaitement anodin, entre Haushofer et Lénine, les condamnations et exécutions de Radek et de Bessonov—  indiquent qu'indépendamment des étiquettes idéologiques de "gauche" ou de "droite", la géopolitique, telle qu'elle est théorisée par Haushofer à Munich et à Berlin dans les années 20, ne s'occupe que du rapport existant entre la géographie et l'histoire; elle est donc considérée comme une démarche scientifique, comme un savoir pratique et non pas comme une spéculation idéologique ou occultiste, véhiculant des fantasmes ou des intérêts. A l'époque, on peut parler d'une véritable "Internationale de la géopolitique", transcendant largement les étiquettes idéologiques, tout comme aujourd'hui, un savoir d'ordre géopolitique, éparpillé dans une multitude d'instituts, commence à se profiler partout dans un monde où les grands enjeux géopolitiques sont revenus à l'ordre du jour : la question des Balkans, celle de l'Afghanistan, remettent à l'avant-plan de l'actualité toutes les grandes thématiques de la géopolitique, notamment celles qu'avaient soulignées Mackinder et Haushofer.

 

Une démarche factuelle et matérielle, sans dérive occultiste

 

A partir de 1924, Haushofer publie sa Zeitschrift für Geopolitik (ZfG; "Revue pour la géopolitique"), où il met surtout l'accent sur l'espace du Pacifique, comme l'attestent ses articles et sa chronique, rédigée notamment grâce à des rapports envoyés par des correspondants japonais. La teneur de cette revue est donc politique et géographique pour l'essentiel, contrairement aux bruits qui ont couru pendant des décennies après 1945, et qui commencent heureusement à s'atténuer; ces "bruits" évoquaient une fantasmagorique dimension "ésotérique" de la Zeitschrift für Geopolitik (ZfG);  on a raconté que Haushofer appartenait à toutes sortes de sectes ésotériques ou occultes (voire occultistes). Ces allégations sont bien sûr complètement fausses. De plus, l'intérêt porté à Haushofer et à ses thèses sur l'espace du Pacifique par la jeune diplomatie soviétique, par Radek et Tchitchérine, est un indice complémentaire  —et de taille!—  pour attester de la nature factuelle et matérielle de ses écrits; les sectes étant par définition irrationnelles, comment un homme, que l'on dit plongé dans cet univers en marge de toute rationalité scientifique, aurait pu susciter l'intérêt et la collaboration active de marxistes matérialistes et historicistes? De marxistes qui tentent d'expurger toute irrationalité de leurs démarches intellectuelles?  L'accusation d'occultisme portée à l'encontre de Haushofer est donc une contre-vérité propagandiste, répandue par les services et les puissances qui ont intérêt à ce que son œuvre demeure inconnue, ne soit plus consultée dans les chancelleries et les états-majors. Il va de soi qu'il s'agit des puissances qui ont intérêt à ce que le grand continent eurasien ne soit pas organisé ni aménagé territorialement jusqu'en ses régions les plus éloignées de la mer.

 

Le principal ouvrage géopolitique et scientifique de Haushofer est donc sa Geopolitik des Pazifischen Raumes ("Géopolitique de l'espace pacifique"), livre de référence méticuleux qui se trouvait en permanence sur le bureau de Radek, à Berlin comme à Moscou. Karl Radek jouait le rôle du diplomate du PCUS ("Parti communiste d'Union Soviétique"). Il a cependant plaidé, au moment où les Français condamnent à mort et font fusiller l'activiste nationaliste allemand Albert Leo Schlageter, pour un front commun entre nationaux et communistes contre la puissance occidentale occupante. Plus tard, Radek sera nommé Recteur de l'Université Sun-Yat-Sen à Moscou, centre névralgique de la nouvelle culture politique internationale que les Soviets entendent généraliser sur toute la planète. Radek organisera, au départ de cette université d'un genre nouveau, un échange permanent entre universitaires, dont le savoir est en mesure de forger cette nouvelle culture diplomatique internationale.

 

Trois figures emblématiques

 

Dans le cadre de cette Université Sun-Yat-Sen , trois figures emblématiques méritent de capter aujourd'hui encore notre attention, tant leurs démarches peuvent encore avoir une réelle incidence sur toute réflexion actuelle quant au destin de la Russie, de l'Europe, de l'Asie centrale et quant aux théories générales de la géopolitique: Mylius Dostoïevski, Richard Sorge et Alexander Radós.

 

Mylius Dostoïevski est le petit-fils du grand écrivain russe. Qui, rappelons-le, a jeté les bases d'une révolution conservatrice en Russie, au-delà des limites de la slavophilie du début du 19ième siècle, et a consolidé, par ricochet, la dimension russophile de la révolution conservatrice allemande, par le biais de ses réflexions consignées dans son Journal d'un écrivain, ouvrage capital qui sera traduit en allemand par Arthur Moeller van den Bruck. Mylius Dostoïevski s'était spécialisé en histoire et en géographie du Japon, de la Chine et de l'espace maritime du Pacifique. Il appartiendra à la jeune garde de la diplomatie soviétique et sera un lecteur attentif de la ZfG; pour rendre la politesse à ces jeunes géographes soviétiques, selon sa courtoisie habituelle, Karl Haushofer rendra toujours compte, avec précision, des évolutions diverses de la nouvelle géopolitique soviétique. Il estimait que les Allemands de son temps devaient en connaître les grandes lignes et la dynamique.

 

Richard Sorge, autre lecteur de la ZfG, était un espion soviétique en Extrême-Orient. On connaît son rôle pendant la seconde guerre mondiale. En 1933, au moment où Hitler prend le pouvoir en Allemagne, Sorge était en contact avec l'école géopolitique de Haushofer. Il le restera, en dépit du changement de régime et en dépit des options anti-communistes officielles, preuve supplémentaire que la géopolitique se situe bien au-delà des clivages idéologiques et politiciens. Au cours des années qui suivirent la "Machtübernahme" de Hitler, il écrivit de nombreux articles substantiels dans la ZfG. Sa connaissance du monde extrême-oriental  —et elle seule—  justifiait cette collaboration.

 

Alexander Radós et "Pressgeo"

 

Indubitablement, le principal disciple soviétique de Karl Haushofer a été l'Israélite hongrois Alexander Radós, un géographe de formation, qui a servi d'espion au profit de la jeune URSS, notamment en Suisse, plaque tournante de nombreux contacts officieux. Radós est l'homme qui a forgé tous les nouveaux concepts de la géographie politique soviétique. Il est, entre autres, celui qui forgea la dénomination même d'«Union des Républiques Socialistes Soviétiques». Radós fut principalement un cartographe, qui a commencé sa carrière en établissant des cartes du trafic aérien, lesquelles constituaient évidemment une innovation à son époque. Il enseignait à l'«Ecole marxiste de formation des Travailleurs» ("Marxistische Arbeiterschulung"). Il fonde ensuite la toute première agence de presse cartographique du monde, qu'il baptise "Pressgeo", où travaillera notamment une future célébrité comme Arthur Koestler. La fondation de cette agence correspond parfaitement aux aspirations de Haushofer, qui voulait vulgariser  —et diffuser au maximum au sein de la population—  un savoir pragmatique d'ordre géographique, historique et économique, assorti d'un esprit de défense. La carte, esquisse succincte, instrument didactique de premier ordre, sert l'objectif d'instruire rapidement les esprits décisionnaires des armées et de la diplomatie, ainsi que les enseignants en histoire et en science politique qui doivent communiquer vite un savoir essentiel et vital à leurs ouailles.

 

Haushofer parlait aussi, en ce sens, de "Wehrgeographie", de "géographie défensive", soit de "géographie militaire". L'objectif de cette science pragmatique était de synthétiser en un simple coup d'œil cartographique toute une problématique de nature stratégique, récurrente dans l'histoire. Pédagogie et cartographie formant les deux piliers majeurs de la formation politique des élites et des masses. Yves Lacoste, en France aujourd'hui, suit une même logique, en se référant à Elisée Reclus, géographe dynamique, réclamant une pédagogie de l'espace, dans une perspective qu'il voulait révolutionnaire et "anarchique". Lacoste, comme Haushofer, a parfaitement conscience de la dimension militaire de la géographie (et, a fortiori, de la "Wehrgeographie"), quand il écrit, en faisant référence aux premiers cartographes militaires de la Chine antique: «La géographie, ça sert à faire la guerre!».

 

De l'utilité pédagogique de la cartographie

 

Michel Foucher, professeur à Lyon, dirige aujourd'hui un institut géographique et cartographique, dont les cartes, très didactiques, illustrent la majeure partie des organes de presse français, quand ceux-ci évoquent les points chauds de la planète. Dans ce même esprit pluridisciplinaire,  à volonté clairement pédagogique,  —qui, en France et en Allemagne, va de Haushofer à Lacoste et à Foucher—  Alexander Radós, leur précurseur soviétique, publie, en URSS et en Allemagne, en 1930, un Atlas für Politik, Wirtschaft und Arbeiterbewegung  ("Atlas de la politique, de l'économie et du mouvement ouvrier"). Radós est ainsi le précurseur d'une manière innovante et intéressante de pratiquer la géographie politique, de mêler, en d'audacieuses synthèses, un éventail de savoirs économiques, géographiques, militaires, topographiques, géologiques, hydrographiques, historiques. Les synthèses, que sont les cartes, doivent servir à saisir d'un seul coup d'œil des problématiques hautement complexes, que le simple texte écrit, trop long à assimiler, ne permet pas de saisir aussi vite, d'exprimer sans détours inutiles. Ce fut là un grand pas en avant dans la pédagogie scientifique et politique, dans le sens inauguré, un siècle auparavant, par le géographe Carl Ritter.

 

Cette cartographie facilite le travail du militaire, du géographe et de l'homme politique; elle permet, comme le soulignait Karl August Wittfogel, de sortir d'une impasse de la vieille science géographique traditionnelle (et "réactionnaire" pour les marxistes), où, systématiquement, on avait négligé les macro-processus enclenchés par le travail de l'homme et, ainsi, le caractère "historique-plastique" de ce que l'on croyait être des "faits éternels de nature". C'est dans cette position épistémologique fondamentale,  qu'au-delà des clivages idéologiques, fruits d'"éthiques de la conviction" aux répercussions calamiteuses, se rejoignent Elisée Reclus, Haushofer, Radós, Wittfogel, Lacoste et Foucher. Wittfogel , qui se pose comme révolutionnaire, reconnaît cette "plasticité historique" dans l'œuvre du "géopolitologue bourgeois" Karl Haushofer. Les deux écoles, l'haushoférienne et la marxiste, veulent inaugurer une géographie dynamique, où l'espace n'est plus posé comme un bloc inerte et immobile, mais s'appréhende comme un réseau dense de relations, de rapports, de mouvements, en perpétuelle effervescence (on songe tout naturellement au "rhizome" de Gilles Deleuze, qui inspire les "géophilosophes" italiens actuels). Au sein de ce réseau toujours agité, le temps peut apporter des époques de repos, de plus grande quiétude, comme il peut injecter du dynamisme, de la violence, des bouleversements, qui contraignent les personnalités politiques de valeur à œuvrer à des redistributions de cartes. Le travail de l'homme, qui domestique certains espaces en les aménageant et en créant des moyens de communication plus rapides, est un travail proprement "révolutionnaire"; les hommes politiques qui refusent d'aménager l'espace, dans un esprit de défense territoriale ou dans l'esprit d'assurer aux générations futures communications et ressources, sont des "réactionnaires", des lâches qui préfèrent de lents pourrissements à la dynamique de transformation. Des capitulards qui font ainsi le jeu pervers des thalassocraties.

 

Par conséquent, évoquer des hommes comme Mylius Dostoïevski, Richard Sorge, Alexander Radós ou Karl August Wittfogel,  nous apparaît très utile, intellectuellement et méthodologiquement, car cela prouve:

◊ que l'intérêt général pour la géopolitique aujourd'hui ne peut plus être mis en équation avec un intérêt malsain pour le passé national-socialiste (contexte dans lequel Haushofer a dû œuvrer);

◊ qu'aucune morbidité d'ordre ésotérique ou occultiste ne se repère dans l'œuvre de Haushofer et de ses disciples allemands ou soviétiques;

◊ que ces écoles ont posé d'important jalons dans le développement de la science politique, de la géographie et de la cartographie;

◊ qu'elles ont laissé en héritage un bagage scientifique de la plus haute importance;

◊ que nous devrions davantage nous intéresser aux développements de la géopolitique soviétique des années 20 et 30 (et analyser l'œuvre de Radós, par exemple).

 

Oskar von Niedermayer, le "Lawrence allemand"

 

Niedermayer.jpgOutre Haushofer, une approche du savoir géopolitique, tel qu'il sera déployé à Berlin dans les années 20, 30 et 40, ne peut omettre d'étudier la figure du Chevalier Oskar von Niedermayer, celui que l'on avait surnommé, le "Lawrence d'Arabie" allemand. Né en 1885, Oskar von Niedermayer embrasse la carrière d'officier, mais ne se contente pas des simples servitudes militaires. Il étudie à l'université les sciences naturelles physiques, la géographie et les langues iraniennes (ce qui lui permettra d'avoir des contacts suivis avec la Communauté religieuse Ba'hai, qui, à l'époque, était quasiment la seule porte ouverte de l'Iran sur l'Occident). De 1912 à 1914, il effectue un long voyage en Perse et en Inde. Il sera ainsi le premier Européen à traverser de part en part le désert de sable du Lout (Dacht-i-Lout). En 1914, quand éclate la première guerre mondiale, Oskar von Niedermayer, accompagné par Werner Otto von Henting, sillonne les montagnes d'Afghanistan pour inciter les tribus afghanes à se soulever contre les Anglais et les Russes, afin de créer un "abcès de fixation", obligeant les deux puissances ennemies de l'Allemagne à dégarnir partiellement  leurs fronts en Europe, dans le Caucase et en Mésopotamie. Cette mission sera un échec. En 1919, Niedermayer se retrouve dans les rangs du Corps Franc du Colonel Chevalier Franz von Epp qui écrase la République des Conseils de Munich. En dépit de son rôle dans l'aventure de ce Corps Franc anti-communiste, Niedermayer est nommé dans la foulée officier de liaison de la Reichswehr auprès de la nouvelle Armée Rouge à Moscou. Dans ce contexte, il est intéressant de noter qu'il était, avant toutes choses, un expert de l'Afghanistan, des idiomes persans et de toute cette zone-clef de la géostratégie mondiale qui va de la rive sud de la Caspienne à l'Indus. C'est donc Niedermayer  qui négociera avec Trotski et qui visitera, pour le compte de la Reichswehr, dans la perspective de la future coopération militaire entre les deux pays, les usines d'armement et les chantiers navals de Petrograd (devenue "Leningrad"). Oskar von Niedermayer a donc été l'une des chevilles ouvrières de la coopération militaire et militaro-industrielle germano-russe des années 20. En 1930, il devient professeur de "Wehrgeographie" à Berlin.

 

Le "marais" et ses éthiques de conviction

 

La principale leçon qu'il tire de ses activités politiques et diplomatiques est une méfiance à l'endroit des politiciens du "centre", du "marais", incapables de comprendre les grands ressorts de la politique internationale, du "Grand Jeu". Ses critiques s'adressaient surtout aux sociaux-démocrates et aux centristes de tous plumages idéologiques; avec de tels personnages, il est impossible, constate von Niedermayer dans un rapport où il ne cache pas son amertume, d'articuler sur le long terme une politique étrangère durable, rationnelle et constante. Il les accuse de tout critiquer publiquement, par voie de presse; de cette façon, aucune diplomatie secrète n'est encore possible. Pire, estime-t-il, par le comportement délétère de ces bateleurs sans épine dorsale politique solide, aucun ressort habituel de la diplomatie inter-étatique  ne fonctionne encore de manière optimale. Car les éthiques de conviction (terminologie de Max Weber: "Gesinnungsethik") qui animent toutes les vaines agitations politiciennes de ces gens-là, altèrent l'esprit de retenue, de sérieux et de service, qui est nécessaire pour faire fonctionner une telle diplomatie traditionnelle. La priorité accordée aux convictions revient à trahir les intérêts fondamentaux de l'Etat et de la nation. L'amertume de Niedermayer est née à la suite d'un incident au Reichstag, où le socialiste Scheidemann, animé par un pacifisme irréaliste et de mauvais aloi, avait dénoncé un accord militaire secret entre l'URSS et le Reich, sous prétexte que le commerce et l'échange d'armements ne sont pas "moraux". Le lendemain, comme par hasard, la presse londonienne à l'unisson, reprend l'information et amorce une propagande contre les deux puissances continentales, qui avaient contourné les clauses de Versailles relatives aux embargos. Cet incident montre aussi que bon nombre de journalistes servent des intérêts étrangers à leur pays. En cela, rien n'a changé aujourd'hui: les Etats-Unis bénéficient de l'appui inconditionnel de la plupart des ténors de la presse parisienne.

 

Youri Semionov, spécialiste de la Sibérie

 

Dans les années 30, Niedermayer rencontre Youri Semionov, Russe blanc en exil et spécialiste de l'économie, de la géographie, de la géologie et de l'hydrographie sibériennes. Semionov est l'auteur d'un ouvrage, toujours d'actualité, toujours compulsé en haut lieu, sur les trésors de la géologie sibérienne. Egalement spécialiste de l'empire colonial français, Semionov a compilé ses réflexions successives dans un volume dont la dernière édition allemande date de 1975 (cf. Juri Semjonow, Erdöl aus dem Osten - Die Geschichte der Erdöl- und Erdgasindustrie in der UdSSR, Econ Verlag, Wien/Düsseldorf, 1973 & Sibirien - Schatzkammer des Ostens, Econ Verlag, Wien/Düsseldorf, 1975). Né en 1894 à Vladikavkaz dans le Caucase, Youri Semionov a étudié à l'Université de Moscou, avant d'émigrer en 1922 à Berlin, où il enseignera l'histoire et la géographie de la Russie, et plus particulièrement celles des territoires sibériens. Après la chute du IIIe Reich, il émigre en 1947 en Suède, où il enseignera à Uppsala et finira ses jours. Dans Sibirien - Schatzkammer des Ostens, il retrace toutes les étapes de l'histoire de la conquête russe des territoires situés au-delà de l'ex-capitale des Tatars, Kazan. Il démontre que la conquête de tout le cours de la Volga, de Kazan à Astrakhan, permet à la Russie de spéculer sur une éventuelle conquête des Indes. Semionov replace tous ces faits d'histoire dans une perspective géopolitique, celle de l'organisation du Grand Continent, de la Mer Blanche au Pacifique. Les chapitres sur le 19ième siècle sont particulièrement intéressants, notamment quand il décrit la situation globale après la décision du Tsar Alexandre III de faire financer la construction d'un chemin de fer transsibérien.

 

Cet extrait du livre de Semionov (pp. 356-357) résume parfaitement  cette situation : «Nous savons que toute la politique de "concentration des forces sur le continent", telle celle que l'on avait envisagée en Russie, provoquait une inquiétude faite de jalousie en Angleterre. Tout mouvement de la Russie en Asie y était considéré comme une menace pesant sur l'Inde. L'Amiral Sterling a vu cette menace se concrétiser dès l'installation de la présence russe le long du fleuve Amour. L'écrivain anglais, oublié aujourd'hui, mais très connu à l'époque, Th. T. Meadows, évoquait en 1856, dans un de ses écrits, un "futur Alexandre le Grand" russe, qui s'en irait conquérir la Chine, puis, sans difficulté aucune, détruirait l'empire britannique et soumettrait le monde entier. Ce cri d'alarme pathétique, répercuté par la presse anglaise, est apparu soudain très réaliste, lorsque, dans les années 80 du 19ième siècle, les Russes avancent en Asie centrale et s'approchent de la frontière afghane. En 1884, se déroule le fameux "incident afghan"; un détachement russe s'empare d'un point contesté sur la frontière; ensuite, les Afghans, qui agissaient sur ordre des Anglais, attaquent ce poste, mais sont battus et dispersés par les Russes. Le premier ministre britannique Gladstone déclare, face au Parlement de Londres, que la guerre avec la Russie est désormais inévitable. Seul le refus de Bismarck, de soutenir les Anglais, empêcha, à l'époque, le déclenchement d'une guerre anglo-russe». Toute l'actualité récente semble résumée dans ce bref extrait.

 

Les chapitres consacrés à l'œuvre de Witte, père du Transsibérien, sont également lumineux. Semionov rappelle que Witte est un disciple de l'économiste Friedrich List, théoricien de l'aménagement des grands espaces. Il existait, avant la première guerre mondiale et avant la guerre russo-japonaise, une véritable idée grande continentale. Elle était partagée en France (Henri de Grossouvre nous a rappelé l'œuvre de Gabriel Hanotaux), en Allemagne (avec le souvenir de Bismarck) et en Chine, avec Li Hung-Tchang, qui négociera avec Witte. L'Angleterre réussira à briser cette unité, ce qui entraînera le cortège sanglant de toutes les guerres du 20ième siècle.

 

Oskar von Niedermayer  rencontre également le Professeur Otto Hoetzsch, dont nous allons retracer l'itinéraire dans la suite de cette intervention. En dépit de leurs itinéraires bien différents et de leurs options idéologiques divergentes, Haushofer, Niedermayer, Semionov et Hoetzsch se complètent utilement et la lecture simultanée de leurs œuvres nous permet de saisir toute la problématique eurasienne, sans la mutiler, sans rien omettre de sa complexité.

 

Du professorat à la 162ième Division

 

En 1937, Hitler ordonne la fondation d'un "Institut für allgemeine Wehrlehre" (= "Institut pour les doctrines générales de défense"). Niedermayer, bien que sceptique, servira loyalement cette nouvelle institution d'Etat, dont l'objectif, recentré sur l'ethnologie vu l'intérêt des nationaux-socialistes pour les questions raciales, est d'étudier les rapports mutuels entre peuple(s) et espace(s). Hostile à la "Gesinnungsethik" des nationaux socialistes, comme il avait été hostile à celles des sociaux démocrates ou des centristes, Niedermayer proteste contre les campagnes de diffamation orchestrées contre des professeurs que l'on décrit comme des "intellectuels  apolitiques", comportement hitlérien qui trouve parfaitement son pendant dans les campagnes de diffamation orchestrées par un certain journalisme contemporain contre ceux qui demeurent sceptiques face aux projets d'éradiquer l'Irak, la Libye ou la Serbie et d'appuyer des bandes mafieuses comme celles de l'UÇK ou du complexe militaro-mafieux turc. Aujourd'hui, on ne traite pas ceux qui entendent raison garder d'"intellectuels apolitiques", mais d'"anti-démocrates". 

 

De la prison de Torgau à la Loubianka

 

Comme la plupart des experts ès-questions russes de son temps, Niedermayer déplore la guerre germano-soviétique, déclenchée en juin 1941. En 1942, sur la suggestion de Claus von Stauffenberg, futur auteur de l'attentat du 20 juillet 1944 contre Hitler, Niedermayer est nommé chef de la 162ième Division d'Infanterie de la Wehrmacht, où servent des volontaires et des légionnaires de souche turque (issus des peuples turcophones d'Asie centrale). Cette unité connaît des fortunes diverses, mais l'échec de la politique nationale-socialiste à l'Est, accentue considérablement le scepticisme de Niedermayer. Stationné en Italie avec les restes de sa division, il critique ouvertement la politique menée par Hitler sur le territoire de l'Union Soviétique. Ce qui conduit à son arrestation; il est interné à Torgau sur l'Elbe. Quand les troupes américaines entrent dans la ville, il quitte la prison et est arrêté par des soldats soviétiques qui le font conduire immédiatement à Moscou, où il séjourne dans la fameuse prison de la Loubianka. Il y mourra de tuberculose en 1948.

 

La mort de Niedermayer ne clôt pas son "dossier", dans l'ex-URSS. En 1964, les autorités soviétiques utilisent les textes de ses dépositions à Moscou en 1945 pour réhabiliter le Maréchal Toukhatchevski. Il faudra attendra 1997 pour que Niedermayer soit lui-même totalement réhabilité. Donc lavé de toutes les accusations incongrues dont on l'avait chargé.

 

Le pivot indien de l'histoire et la nécessité du "Kontinentalblock"

 

Nous avons énuméré bon nombre de faits biographiques de Niedermayer, pour faire mieux comprendre le noyau essentiel de sa démarche d'iranologue, d'explorateur du Dacht-i-Lout, d'agitateur allemand en Afghanistan et de commandeur de la Division turcophone de la Wehrmacht. Deux idées de base animaient l'action de Niedermayer: 1) l'idée que l'Inde était le pivot de l'histoire mondiale; 2) la conscience de la nécessité impérieuse de construire un bloc continental (eurasien), le fameux "Kontinentalblock" de Karl Haushofer (projet qu'il a très probablement repris des hommes d'Etats japonais du début du 20ième siècle, tels le Prince Ito, le Comte Goto et le Premier Ministre Katsura, avocats d'une alliance grande continentale germano-russo-japonaise). Si Niedermayer reprend sans doute cette idée de "bloc continental" directement de l'œuvre de Haushofer, sans remonter aux sources japonaises —qu'il devait sûrement ignorer—  l'idée de l'Inde comme "pivot de l'histoire" lui vient très probablement du Général Andreï Snessarev, officier tsariste passé aux ordres de Trotski, pour devenir le chef d'état-major de l'Armée Rouge. Ce général, hostile aux thalassocraties anglo-saxonnes, représentant d'un idéal géopolitique grand continental transcendant le clivage blancs/rouges, se plaisait à répéter: «Si nous voulons abattre la tyrannie capitaliste qui pèse sur le monde, alors nous devons chasser les Anglais d'Inde».

 

Principes thalassocratiques, libéralisme à l'occidentale, permissivité politique et morale, capitalisme dont les ressorts annihilent systématiquement  les traditions historiques et culturelles (cf. Dostoïevski et Moeller van den Bruck), logique marchande, étaient synonymes d'abjection pour cet officier traditionnel: peu importe qu'on les combatte sous une étiquette blanche/traditionaliste ou sous une étiquette rouge/révolutionnaire. Les étiquettes sont des "convictions" sans substance: seule importe une action constante visant à réduire et à détruire les forces dissolvantes de la modernité marchande, car elles conduisent le monde au chaos et les peuples à une misère sans issue. Comme nous le constatons encore plus aujourd'hui qu'à l'époque, l'industriel, le négociant  et le banquier, avec leur logique d'accumulation monstrueuse, apparaissent comme des êtres aussi abjects qu'inférieurs, foncièrement malfaisants, pour cet officier supérieur russe et  soviétique qui ne respecte que les hommes de qualité: les historiens, les prêtres, les soldats et les révolutionnaires. Les impératifs de la géopolitique sont des constantes de l'histoire auquel l'homme de longue mémoire, seul homme valable, seul homme pourvu de qualités indépassables, se doit d'obéir. A la suite de ce Snessarev, qu'il a sans doute rencontré au temps où il servait d'officier de liaison auprès de l'Armée Rouge, Niedermayer, fort également de ses expériences d'iranologue, d'explorateur du Dacht-i-Lout et de spécialiste de l'Afghanistan, clef d'accès aux Indes depuis Alexandre le Grand, savait que le destin de l'Europe en général, de l'Allemagne, son cœur géographique, en particulier, se jouait en Inde (et, partant, en Perse et en Afghanistan). Une leçon que l'actualité a rendue plus vraie que jamais.

 

Exporter la révolution et absorber le "rimland"

 

Pour Niedermayer, officier allemand, ce rôle essentiel du territoire indien pose problème car son pays ne possède aucun point d'appui dans la région, ni dans son environnement immédiat. La Russie tsariste, oui, et, à sa suite, l'URSS, aussi. Par conséquent, les positions militaires soviétiques au Tadjikistan et le long de la frontière afghane, sont des atouts absolument nécessaires à l'Europe dans son ensemble, à toute la communauté des peuples de souche européenne. C'est la possession de cet atout stratégique en Asie centrale qui doit justifier, aux yeux de Niedermayer, l'indéfectible alliance germano-russe, seule garante de la survie de la culture européenne dans son ensemble. Pour les tenants du bolchevisme révolutionnaire autour de Trotski et Lénine, la solution, pour faire tomber le capitalisme, c'est-à-dire la puissance planétaire des thalassocraties libérales, réside dans la politique d'"exporter la révolution", d'agiter les populations colonisées et assujetties par un bon dosage de nationalisme et de révolution sociale. Ainsi, les puissances continentales de la "Terre du Milieu" pourront porter leurs énergies en direction du "rimland" indien, persan et arabe, réalisant du même coup les craintes formulées par Mackinder dans son discours de 1904 sur le "pivot" sibérien et centre-asiatique de l'histoire. Propos qu'il réitèrera dans son livre Democratic Ideals and Reality  de 1919. Cependant, pour pouvoir libérer l'Inde et y exporter la révolution, il faut déjà un bloc continental bien soudé par l'alliance germano-soviétique, prélude à la libération de toute la masse continentale eurasiatique.

 

Pour structurer l'Europe: un chemin de fer à voies larges

 

Pour parfaire l'organisation de cette gigantesque masse continentale, il faut se rappeler et appliquer les recettes préconisées par le Ministre du Tsar, Sergueï Witte, père du Transsibérien. Dans le Berlin des années 20, un projet circule déjà et prendra corps pendant la seconde guerre mondiale: celui de réaliser un chemin de fer à voie large ("Breitspurbahn"), permettant de transporter un maximum de personnes et de marchandises, en un minimum de temps. Cette idée, venue de Witte, n'est pas entièrement morte, constitue toujours un impératif majeur pour qui veut véritablement travailler à la construction  européenne: le Plan Delors, esquissé dans les coulisses de l'UE, préconisait naguère des grands travaux publics d'aménagement territorial, y compris un système ferroviaire rapide, désormais inspiré par le TGV français. En 1942, Hitler, en évoquant le Transsibérien de Witte, donne l'ordre à Fritz Todt d'étudier les possibilités de construire une "Breitspurbahn", avec des trains roulant entre 150 et 180 km/h pour le transport des marchandises et entre 200 et 250 km/h pour le transport des personnes. Le projet, confié à Todt, ne concerne pas seulement l'Europe, au sens restreint du terme, n'entend pas seulement relier entre elles les grandes métropoles européennes, mais aussi, via l'Ukraine et le Caucase, les villes d'Europe à celles de la Perse. Ces projets, qui apparaissaient à l'époque comme un peu fantasmagoriques, n'étaient nullement une manie du seul Hitler (et de son ingénieur Todt); en Union Soviétique aussi, via des romans populaires, comme ceux d'Ilf et de Petrov, on envisage la création de chemins de fer ultra-rapides, reliant la Russie à l'Extrême-Orient.

 

Le destin tragique du Professeur Otto Hoetzsch

 

ottohoetzsc.jpgLe volet purement scientifique de cet engouement pour le Grand Est sera incarné à Berlin, de 1913 à 1946 par un professeur génial, autant que modeste: Otto Hoetzsch. Il a connu un destin particulièrement tragique. Après avoir accumulé dans son institut personnel une masse de documents et de travaux sur la Russie, pendant des décennies, les bombardements sur Berlin en 1945, à la veille de l'entrée des troupes soviétiques dans la capitale allemande, ont réduit sa colossale bibliothèque à néant. Cette tragédie explique partiellement le sort misérable de tout le savoir sur la Russie et l'Union Soviétique à l'Ouest. La majeure partie des documents les plus intéressants avait été accumulée à Berlin. La misère de la soviétologie occidentale est partiellement  le résultat navrant de la destruction de la bibliothèque du Prof. Hoetzsch. En 1945 et en 1946, celui-ci, âgé de 70 ans, erre seul dans Berlin, privé de sa documentation; cet homme, brisé, trouve néanmoins le courage ultime de rédiger une conférence, la dernière qu'il donnera, où il nous lègue un véritable testament politique (titre de cette conférence : "Die Eingliederung des osteuropäischen Geschichte in die Gesamtgeschichte"; = L'inclusion de l'histoire est-européenne dans l'histoire générale).

 

Slaviste et historien de la Russie, Otto Hoetzsch s'était aperçu très tôt que les Européens de l'Ouest, les Occidentaux en général, ne comprenaient rien de la dynamique de l'histoire et de l'espace russes; ce que les Russes repèrent tout de suite, ce qui les navrent et les fâchent. Cette ignorance, assortie d'une prétention mal placée et d'une irrépressible et agaçante propension à donner des leçons, vaut également pour l'espace balkanique (sauf en Autriche où les instituts spécialisés dans le Sud-Est européen ont réalisé des travaux remarquables, dont les chancelleries occidentales ne tiennent jamais compte). Hoetzsch constate, dès le début de sa brillante carrière, que la presse ne produit que des articles lamentables, quand il s'agit de commenter ou de décrire les situations existantes en Russie ou en Sibérie. Il va vouloir remédier à cette lacune. A partir de 1913, il se met à rassembler une documentation, à étudier et à lire les grands classiques de la pensée politique russe, à lire les historiens russes, ce qui le conduira à fonder en 1925, quelques mois après la sortie du premier numéro de la ZfG de Haushofer, une revue spécialisée dans les questions russes et centre-asiatiques, Osteuropa. Captivé par la figure du Tsar Alexandre II, sur lequel il rédigera un maître-ouvrage, dont le manuscrit sera sauvé in extremis de la destruction à Berlin en 1945; Hoetzsch le transportait dans sa valise en fuyant Berlin en flammes. Pourquoi Alexandre II? Ce Tsar est un réformateur social, il lance la Russie sur la voie de l'industrialisation et de la modernisation, ce que ne peuvent tolérer les thalassocraties. Il périra d'ailleurs assassiné. En dépit du ressac de la Russie sous Nicolas II, de sa lourde défaite subie en 1905 face au Japon, armé par l'Angleterre et les Etats-Unis, en dépit du terrible ressac que constitue la prise du pouvoir par les Bolcheviques, l'œuvre d'Alexandre II doit, aux yeux de Hoetzsch, demeurer le modèle pour tout homme d'Etat russe digne de ce nom.

 

Ami des Russes blancs et "Républicain de Raison"

 

Hoetzsch est un libéral de gauche, proche de la sociale démocratie, mais il déteste les Bolcheviques, car, pour lui, ce sont des agents du capitalisme anglais, dans la mesure où ils détruisent l'œuvre des Tsars émancipateurs et modernistes; ils ont comploté contre ceux-ci et contre d'excellents hommes d'Etat comme Witte et Stolypine (qui sera également assassiné). Hoetzsch fréquente l'émigration blanche de Berlin, consolide son institut grâce aux collaborations des savants chassés par les Bolcheviques, mais reste ce que l'on appelait à l'époque, dans l'Allemagne de Weimar, un «Républicain de Raison» ("Vernunftrepublikaner"), ce qui le différencie évidemment d'un Oskar von Niedermayer. Son institut et sa revue connaissent un essor bien mérité au cours des années 20; ce sont des havres de savoir et d'intelligence, où coopèrent Russes et Allemands en toute fraternité. En 1933, avec l'avènement au pouvoir des nationaux socialistes, Hoetzsch cumule les malchances. Pour le nouveau pouvoir, les "Vernunftrepublikaner" sont des émanations du "marais centriste" ou, pire, des "traîtres de novembre" ("Novemberverräter") ou des "bolchevistes de salon" ("Salonbolschewisten"). L'institut de Hoetzsch est dissous. Hoetzsch est "invité" à prendre sa retraite anticipée. La fermeture de cet institut est une tragédie de premier ordre. Le destin de Hoetzsch est pire que celui de l'activiste politique et éditeur de revues nationales révolutionnaires, Ernst Niekisch. Car on peut évidemment, avec le recul, reprocher à Niekisch d'avoir été un passionné et un polémiste outrancier. Ce n'était évidemment pas le cas de Hoetzsch, qui est resté un scientifique sourcilleux.

 

Pour une approche grande-européenne de l'histoire

 

Dans la conférence qu'il prépare dès août 1945, et qu'il prononcera peu avant de mourir en 1946, dans sa chère ville de Berlin en ruines, Otto Hoetzsch nous a laissé un message qui reste parfaitement d'actualité. L'objectif de cette conférence-testament est de faire comprendre la nécessité impérieuse, après deux guerres mondiales désastreuses, de développer une vision de l'histoire, valable pour l'Europe entière, celle de l'Ouest, celle de l'Est et la Russie ("gesamteuropäische Geschichte"). Personnellement, nous estimons que les prémisses pratiques d'une telle vision grande européenne de l'histoire se situent déjà toutes en germe dans l'œuvre politique et militaire du Prince Eugène de Savoie, qui parvient à mobiliser et unir les puissances européennes devant le danger ottoman et à faire reculer la Sublime Porte sur tous les fronts, au point qu'elle perdra le contrôle de 400.000 km2 de terres européennes et russes. Le Prince Eugène a définitivement éloigné le danger turc de l'Europe centrale et a préparé la reconquête de la Crimée par Catherine la Grande. Plus jamais, après les coups portés par Eugène de Savoie, les Ottomans n'ont été victorieux en Europe et leurs alliés français n'ont plus été vraiment en mesure de grignoter le territoire impérial des Pays-Bas espagnols puis autrichiens; les Ottomans n'ont même plus été capables de servir de supplétifs à cette autre puissance anti-impériale et anti-européenne qu'était la France avant Louis XVI.

 

Le testament de Hoetzsch nous interpelle !

 

Mais le propos de Hoetzsch, dans sa dernière conférence, n'était pas d'évoquer la figure du Prince Eugène, mais de jeter les bases d'une méthodologie historique et sociologique pour l'avenir; elle devait reposer sur les acquis théoriques de Karl Lamprecht, de Gustav Schmoller (inspirateur du gaullisme dans les années 60 du 20ième siècle) et d'Otto Hintze. Il faut, disait Hoetzsch, développer une histoire intégrante et comparative pour les décennies à venir. En affirmant cela, il n'avait aucune chance de se voir exaucer en 1946, encore moins en 1948 quand, après le Coup de Prague, le Rideau de Fer s'abat sur l'Europe pour quatre décennies. En 1989, immédiatement après l'élimination du Mur de Berlin et l'ouverture des frontières austro-hongroises et inter-allemandes, l'Europe et la Russie auraient eu intérêt à remettre les propositions de Hoetzsch sur le tapis. Au niveau scientifique, des études remarquables ont été réalisées effectivement, mais rien ne semble transparaître dans la presse, faute de journalistes professionnels capables d'appliquer les leçons pédagogiques de Haushofer et de Radós. Les journalistes ne sont plus des hommes et des femmes en quête de sujets intéressants, innovateurs, mais bel et bien ceux que Serge Halimi nomme avec grande pertinence les "chiens de garde" du système. Les journaux et les revues constituaient la voie de pénétration vers le grand public dont disposaient jadis les instituts de sciences humaines et les universités; pour tout ce qui est véritablement innovateur, pour tout ce qui va à l'encontre des poncifs répétés ad nauseam, cette voie est désormais bien verrouillée, dans la mesure où les journalistes ne sont plus des hommes libres, animés par la volonté de consolider le Bien public, mais d'ignobles et méprisables mercenaires à la solde du système et des puissances dominantes.  Toutefois, le défi que nous a lancé Brzezinski en 1996, en publiant son fameux livre, The Grand Chessboard, où sont étalées sans vergogne toutes les recettes thalassocratiques pour neutraliser l'Europe et la Russie, avec l'aide de cet instrument qu'est le complexe militaro-mafieux turc,  —potentiellement étendu à toute la turcophonie d'Asie centrale—  montre une nouvelle fois qu'une riposte européenne et russe doit nécessairement passer par une vision claire de l'histoire, vulgarisable pour les masses. Le destin tragique de Hoetzsch, son courage opiniâtre qui force l'admiration, sa modestie de grand savant, nous interpellent directement: notre amicale paneuropéenne a pour devoir de travailler, modestement, dans son créneau, à l'avènement de cette historiographie grande européenne que Hoetzsch a voulu. Au travail!

 

Robert STEUCKERS.

(Forest-Flotzenberg, Vlotho im Weserbergland, août 2002).

mercredi, 06 octobre 2010

Guillaume Faye's Archeofuturism in English Version ! A Must !

Guillaume Faye's Archeofuturism in English Version ! A Must !
This book is the most fundamental work by Guillaume Faye. Faye believes that the future of the Right requires a transcendence of the division between those who wish for a restoration of the traditions of the past, and those who are calling for new social and technological forms - creating a synthesis which will amplify the strengths and restrain the excesses of both: Archeofuturism. Faye also provides a critique of the New Right; an analysis of the continuing damage being done by Western liberalism, political inertia, unrestrained immigration and ethnic self-hatred; and the need to abandon past positions and dare to face the realities of the present in order to realise the ideology of the future. He prophesises a series of catastrophes between 2010 and 2020, brought about by the unsustainability of the present world order, which he asserts will offer an opportunity to rebuild the West and put Archeofuturism into practice on a grand scale.

Guillaume Faye: Archeofuturism (Hardback)

Product Description

Archeofuturism, an important work in the tradition of the European New Right, is finally now available in English. Challenging many assumptions held by the Right, this book generated much debate when it was first published in French in 1998. Faye believes that the future of the Right requires a transcendence of the division between those who wish for a restoration of the traditions of the past, and those who are calling for new social and technological forms - creating a synthesis which will amplify the strengths and restrain the excesses of both: Archeofuturism.

Faye also provides a critique of the New Right; an analysis of the continuing damage being done by Western liberalism, political inertia, unrestrained immigration and ethnic self-hatred; and the need to abandon past positions and dare to face the realities of the present in order to realise the ideology of the future. He prophesises a series of catastrophes between 2010 and 2020, brought about by the unsustainability of the present world order, which he asserts will offer an opportunity to rebuild the West and put Archeofuturism into practice on a grand scale.

Archeofuturism, an important work in the tradition of the European New Right, is finally now available in English. Challenging many assumptions held by the Right, this book generated much debate when it was first published in French in 1998. Faye believes that the future of the Right requires a transcendence of the division between those who wish for a restoration of the traditions of the past, and those who are calling for new social and technological forms - creating a synthesis which will amplify the strengths and restrain the excesses of both: Archeofuturism.

Faye also provides a critique of the New Right; an analysis of the continuing damage being done by Western liberalism, political inertia, unrestrained immigration and ethnic self-hatred; and the need to abandon past positions and dare to face the realities of the present in order to realise the ideology of the future. He prophesises a series of catastrophes between 2010 and 2020, brought about by the unsustainability of the present world order, which he asserts will offer an opportunity to rebuild the West and put Archeofuturism into practice on a grand scale.

This book is a must-read for anyone concerned with the course that the Right must chart in order to deal with the increasing crises and challenges it will face in the coming decades.

Guillaume Faye was one of the principal members of the famed French New Right organisation GRECE in the 1970s and '80s. After departing in 1986 due to his disagreement with its strategy, he had a successful career on French television and radio before returning to the stage of political philosophy as a powerful alternative voice with the publication of Archeofuturism. Since then he has continued to challenge the status quo within the Right in his writings, earning him both the admiration and disdain of his colleagues.

'Archeofuturism is thus both archaic and futuristic, for it validates the primordiality of Homer's epic values in the same breath that it advances the most daring contemporary science.' --Michael O'Meara, from the Foreword

Additional Information

Author Guillaume Faye
Full Title Archeofuturism: European Visions of the Post-Catastrophic Age
Binding Hardback
Publisher Arktos Media (2010)
Pages 249
ISBN 978-1-907166-10-5
Language English
Short Description This book is the most fundamental work by Guillaume Faye. Faye believes that the future of the Right requires a transcendence of the division between those who wish for a restoration of the traditions of the past, and those who are calling for new social and technological forms - creating a synthesis which will amplify the strengths and restrain the excesses of both: Archeofuturism. Faye also provides a critique of the New Right; an analysis of the continuing damage being done by Western liberalism, political inertia, unrestrained immigration and ethnic self-hatred; and the need to abandon past positions and dare to face the realities of the present in order to realise the ideology of the future. He prophesises a series of catastrophes between 2010 and 2020, brought about by the unsustainability of the present world order, which he asserts will offer an opportunity to rebuild the West and put Archeofuturism into practice on a grand scale.
Table of Contents Foreword by Michael O'Meara
A Note from the Editor
Introduction

1. An Assessment of the Nouvelle Droite
2. A Subversive Idea: Archeofuturism as an Answer to the Catastrophe of Modernity and an Alternative to Traditionalism
3. Ideologically Dissident Statements
4. For a Two-Tier World Economy
5. The Ethnic Question and the European
6. A Day in the Life of Dimitri Leonidovich Oblomov – A Chronicle of Archeofuturist Times

L'Europe, cette idée d'un autre siècle

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L’Europe, cette idée d’un autre siècle

Ex: http://fortune.fdesouche.com/

Et si la construction européenne, avec sa souveraineté partagée si délicate à manier entre États-membres, était une idée révolue à l’heure paradoxale du grand métissage mondial et du retour effréné des frontières? L’idée, ces temps-ci, se répand peu à peu. Le sommet Asie-Europe des 4 et 5 octobre à Bruxelles pourrait accentuer le débat.

«L’Europe à 27 est vouée à l’échec!» La formule, cinglante, ne vient pas d’un opposant notoire à la construction européenne mais de l’ancien premier ministre français Edouard Balladur, interrogé récemment par Le Monde. «Quand ça ne va pas, il faut le dire. ajoute-t-il. C’est la passivité et le silence qui peuvent conduire au sentiment anti-européen que vous décrivez et qui se répand dans bien des pays de l’Union.»

Suivent, cités par M. Balladur, les exemples électoraux qui ont défrayé la chronique ces derniers mois: la percée fulgurante du mouvement d’extrême droite «Jobik» en Hongrie, la victoire du populiste anti-islam Geert Wilders aux Pays-Bas, la poussée forte de l’extrême droite en Suède… Exemples auxquels l’on doit ajouter la «déconstruction» en cours de la Belgique sous la pression des nationalistes flamands arrivés en tête des législatives du 13 juin. Car tout en plaidant la cause des régions dans l’Europe unie, ceux-ci, dans la réalité, sapent le modèle communautaire actuel.

La réalité du monde ne peut pas être ignorée. Nous ne sommes plus au vingtième siècle. Nous ne sommes (peut-être) plus dans le siècle de l’Europe.

Ainsi, l’Europe serait en danger de devenir un concept désuet, mal adapté aux réalités du monde global où l’arme suprême de la concurrence est le rapport de forces (et non la norme, chère à Zaki Laidi), la rapidité (et non le compromis forgé avec difficulté) et la capacité des États à se trouver des alliés ponctuels en fonction des défis qu’ils affrontent (au lieu de s’efforcer de présenter un front uni). La thèse, il faut le reconnaître, mérite un examen approfondi. D’autant qu’elle vient de recevoir un autre soutien de poids en la personne de l’ancien ministre français des affaires étrangères Hubert Védrine, dans un article publié par Libération et longuement relayé par le blog du correspondant de ce journal à Bruxelles, Jean Quatremer.

Védrine a souvent dit, y compris à l’auteur de ces lignes dans Le Temps, toute l’inquiétude que suscite chez lui une Union européenne dominée par les naïfs «droits de l’hommiste» et les bureaucrates communautaires prisonniers de leur bulle bruxelloise. Son propos, là, revient à la charge. «Les inspirateurs de la construction européenne, écrit-il, ont fait du rejet absolu du nationalisme leur fil conducteur, […] les intérêts nationaux étant taxés d’égoïsme, aidé en cela par une Allemagne divisée qui faisait de la surenchère européiste. À la recherche d’un être philosophique pur et parfait, ils auraient voulu qu’entre l’individu et l’universel, il n’y ait rien. C’est la négation par des élites abstraitement universalistes du caractère normal de ce besoin qui nourrit les extrêmes». Le piège serait donc en train de se refermer. Le déclin de l’Europe serait annoncé, confirmé par des nombreux dossiers comme ceux, récents, des mensuel «Philosophie Magazine» (Le déclin de l’empire européen) ou «L’histoire» (Comment meurent les empires…?).

Il est évidemment réducteur, dans cette analyse, de ne citer que deux sources hexagonales. Mais la montée en puissance de ce grand doute européen, sur fond de clash récurrent entre Paris et Bruxelles, est très révélatrice car on ne peut oublier la nationalité de Jean Monnet, Robert Schuman ou Jacques Delors… Il y a, et beaucoup de pays-membres s’en lassent et le récusent, beaucoup d’esprit (et de défauts) français dans la construction européenne, si bureaucratique et centralisée autour de la Commission. Notons juste que ces remarques correspondent parfaitement au constat dressé par l’historien britannique Tony Judt, décédé en 2009. Dans son magistral ouvrage «Après-guerre» (Ed. Armand Colin) consacré à l’Europe depuis 1945, celui-ci s’attardait très peu sur la construction européenne. Manière de questionner sa portée historique…

Bruxelles, qui accueille les 4 et 5 octobre le 8ème sommet ASEM (Asie-Europe meeting), regroupant les 27 pays membres de l’UE et 21 pays d’Asie (la Nouvelle-Zélande, l’Australie et la Russie doivent rejoindre cette année le groupe, ce qui compliquera d’ailleurs la donne en Extrême-Orient), ne peut pas ignorer ces critiques de fond. L’Asie, nouveau centre économique du monde, n’a aucun goût pour la souveraineté partagée, bien au contraire. Le choc est par conséquent programmé, et l’appétit des Européens pour les marchés émergents ne fait que renforcer les dissensions de l’UE. On peut bien sûr le regretter car derrière l’éloge des identités nationales asiatiques, souvent tronquées et manipulées par les pouvoirs en place, se terrent des risques évidents d’affrontements et des défis majeurs. Mais la réalité du monde ne peut pas être ignorée. Nous ne sommes plus au vingtième siècle. Nous ne sommes (peut-être) plus dans le siècle de l’Europe.

Le Temps

Rasmus B. Anderson: Mythologie scandinave, la légende des Eddas

Rasmus B. Anderson,

 Mythologie scandinave, la légende des Eddas

Thor.jpgRasmus Bjorn Anderson est un auteur américano-norvégien né à Albion dans le Wisconsin, le 12 janvier 1846, de parents qui étaient des immigrants de Stavanger dans le Rogaland norvégien. Ses parents appartenaient à un petit groupe de Quakers qui organisèrent la première émigration norvégienne vers l’Amérique au début des années 1820. Il fut professeur d’université et diplomate au Danemark, ainsi qu’éditeur et traducteur de textes consacrés à l’histoire et aux romans de l’Europe du Nord. C’est lui qui a notamment popularisé l’idée que les Vikings furent les premiers découvreurs du Nouveau Monde, réussissant même à imposer une journée Leif Erikson dans plusieurs états américains. Sa connaissance parfaite de l’islandais lui permit d’avoir accès aux textes fondamentaux de la littérature norroise et d’en devenir l’un des grands spécialistes de son époque.

 

Premier titre de la collection Au Nord du Monde des Editions d’Héligoland, le livre Mythologie scandinave de Rasmus Bjorn Anderson, publié aux éditions Ernest Leroux en 1886, méritait une réédition qui n’a jamais eu lieu jusqu’à présent. Jean Mabire, invétéré chineur de livres, le mentionnait en 1978 comme un ouvrage introuvable « dont il n’existe aucun équivalent contemporain ». Nous avons à notre tour cherché, fouillé, chiné pendant des années, jusqu’à ce qu’un beau jour nous découvrions l’objet de notre assiduité sous la forme d’un vieux bouquin fatigué, relié en percaline brune. Le trésor tant attendu, sous un aspect austère, allait enfin livrer ses secrets !

 

Certes, la recherche aujourd’hui a progressé vers une meilleure connaissance dans le domaine nordique, mais ses publications en restent souvent difficiles d’accès pour des néophytes qui veulent découvrir le fascinant Royaume du Nord et les mœurs, coutumes, croyances et traditions des hommes qui y ont vécu et fait souche depuis des temps assurément fort reculés. Conjointement, depuis les années quatre-vingt, une littérature foisonnante, côtoyant allègrement ésotérisme « œcuménique » et mode New Age, a pris le contre-pied des études universitaires en mêlant de manière univoque la pratique magique et le chamanisme à l’étude anthropologique, sociologique, culturelle, historique et à l’érudition. Les mondes traditionnels, dans notre époque troublée et chagrine, en perte de repères, noyée dans le relativisme le plus chaotique, passionnent pour leurs sorciers, chamanes, magiciens, mages et autres mystagogues : une nouvelle forme de « quête de pouvoir » sur le monde subtil, presque aussi matérialiste que celle fondée sur le rationalisme s’est emparée d’un public friand de fantastique. Elle ressemble fort à cette forme de « religiosité seconde » dénoncée par Oswald Spengler comme signe de déclin de sociétés aux croyances déjà vacillantes. Il est à craindre qu’irrationalisme, auto-suggestion et fuite hors de la réalité n’en soient les mamelles.

 

Rien de tel avec cet ouvrage que nous publions et qui se situe en un juste milieu, parce qu’il restaure avant tout la dimension poétique des mythes du Nord, ce qui est peut-être bien l’essence même du sacré dans un domaine où toute tentative de ritualisation se heurte véritablement à un problème de continuité et de légitimité. Laissons la mythologie et ses symboles parler au plus profond de nous de manière franche et directe, laissons-nous séduire par leur beauté et leur simplicité, sachons y voir des tableaux grandioses se dévoiler, une dynamique s’esquisser, une vision du monde et une sagesse se mettre en place, un esprit et une âme s’exprimer. Les mythes parleront en nos tréfonds, exigeant de nous le plus profond respect à défaut d’un culte parfait devenu aujourd’hui problématique et aléatoire.

 

Du « culte » passons à la « culture » qui est la prolongation du premier terme, et cultivons notre « jardin secret » pour engranger tant de belles images qui s’enracinent sur une terre septentrionale aux contours si attrayants, et dans un psychisme modelé par une nature sauvage et vaste, espace de liberté, de solitude et d’indépendance. Les territoires de l’antique et mythique Thulé qui se confondent géographiquement et sentimentalement avec les pays de « l’arc nordique » aux parages du cercle polaire arctique, au Nord de notre Europe, sont les chemins d’un « recours aux forêts » pour l’homme libre conscient des limites du monde moderne et de sa tolérance à sens unique.

 

Voilà la raison d’être de notre collection dont la future ligne éditoriale est bien représentée par le beau livre de Rasmus Bjorn Anderson. De la Finlande et des Pays Baltes, à l’extrême Occident des Celtes et de l’Islande en passant par la Scandinavie et la vieille Germanie, notre volonté est de dévoiler une part des « mystères » et de la poésie originelle des mondes nordiques, afin d’accéder à une meilleure connaissance de ces lieux aux paysages romantiques, à cette Europe romanesque et « barbare » d’où sourd véritablement la « Sehnsucht », cette nostalgie qui s’empare de l’homme en quête de sens, en recherche d’idéaux nobles au spectacle de la beauté, de la grandeur du monde et de son immanence.

 

Honoré de Balzac annonçait fièrement : « J’ai fait de fabuleux voyages, embarqué sur un livre ». En tant que directeur de collection telle est notre volonté d’emmener des lecteurs prêts à entamer de nouvelles traversées où ils découvriront une part d’eux-mêmes, ainsi qu’un héritage ancestral. Cette passion pour le livre, petit objet anodin, qui certes, comme la langue, peut être « la pire et la meilleure des choses », représente encore un formidable espace de liberté qui peut forger des « esprits libres » et permet de se construire soi-même dans un élan basé sur l’amour de la culture authentique et la connaissance des racines de l’âme européenne.

 

 

heligoland.gifPierre BAGNULS

Rédacteur en chef de la revue Figures de proues

Directeur de la collection «Au nord du monde»


• Éditions d’Héligoland 2010, ISBN : 978-2-914874-67-0, 1 volume 16 x 24, 268 pages, 25,00 € (vente par correspondance : 29 € franco). À commander chez le diffuseur EDH, BP 2, 27 290 Pont-Authou.

Cf; : http://www.editions-heligoland.fr/

Les Hellènes en Mer du Nord

Les Hellènes en Mer du Nord

 

Germ350_B23757-9_U1D.gifAprès bien des tâtonnements, confinant à l’archéologie-fiction, l’itinéraire de l’expédition grecque de Pythéas en Mer du Nord, autour des Iles Britanniques et le long des côtes norvégiennes vient d’être reconstitué par une équipe de chercheurs de la « Technische Universität Berlin ». La tradition des hellénistes rapporte, en effet, que Pythéas a quitté Massalia (Marseille), vers 330 avant J. C., pour cingler vers le nord et atteindre, dit-on, la mystérieuse île de Thulé, que les Anciens considéraient comme l’extrémité septentrionale du monde. C’est ici que les spéculations allaient bon train : cette île de Thulé était-elle l’Islande, la Norvège (prise erronément pour une île), les Shetlands, les Orcades ou les Féroé ?

 

L’équipe des chercheurs berlinois s’est concentrée sur l’étude des longitudes et latitudes et sur tous les éléments issus des textes antiques et signalant une durée de voyage, une distance évaluée par les marins de Massalia. L’équipe pluridisciplinaire, comptant des mathématiciens, des spécialistes de la géodésie et des historiens de l’antiquité, a pu finalement décrypter, grâce à tout un éventail de technologies modernes, ce que fut le trajet accompli par Pythéas et ses compagnons.

 

Le résultat est aussi intéressant que révolutionnaire. Après avoir contourné la péninsule ibérique par cabotage, Pythéas a traversé la Manche de Brest aux Cornouailles, pour poursuivre sa route, toujours par cabotage, le long de la face occidentale de la Grande-Bretagne, jusqu’aux Shetlands. De là, il a pris le risque de s’aventurer en haute mer, poussé par les vents, pour arriver en Norvège dans le Fjord de Trondheim. D’après les sources antiques, ce voyage des Shetlands à Trondheim, la Thulé des Grecs anciens, aurait duré six jours (soit 90 km par journée de trajet). Cette durée paraît réaliste, d’autant plus que cela correspond à la journée quasi boréale que décrit Pythéas : « le soleil, là-bas, ne prend que deux à trois heures de repos ». Tel est effectivement le cas, en été, dans la région de Trondheim.

 

On suppose que Pythéas a entrepris son expédition vers le nord pour le compte des marchands grecs de Massalia, afin de repérer des sites où se procurer de l’étain (Cornouailles) ou de l’ambre (que l’on trouve partout dans la région baltique et le long des côtes danoises de la Mer du Nord), deux matières jugées utiles ou précieuses dans l’antiquité et introuvables dans le bassin méditerranéen.  

 

(source : « Der Spiegel », n°32/2010, p. 109).

 

Les résultats obtenus par l’équipe berlinoise peuvent se lire dans un ouvrage paru auprès d’un prestigieux éditeur scientifique :

 

- A. KLEINEBERG, C. MARX, E. KNOBLOCH, D. LELGEMANN, Germania und die Insel Thule, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, Darmstadt, 176 p., 29,90 euro.

 

Notice de l'éditeur

 

Kleineberg, Andreas / Marx, Christian/ Knobloch, Eberhard / Lelgemann, Dieter
Germania und die Insel Thule

Die Entschlüsselung von Ptolemaios’ ›Atlas der Oikumene‹

Forschung
2010. 131 S. mit 4 farb. Vorsatzkt., 8 s/w Kt. u. 10 Tab., Sachverz. u. Index. 17 x 24 cm, Fadenh., geb. mit SU.
Lieferbar
B 23757-9


Langtext
»It is one of the most puzzling riddles of antiquity« galt seit 1952 für den Weltatlas des Klaudios Ptolemaios aus dem zweiten Jh. n. Chr. Doch was ist daran so rätselhaft? Die Schrift des großen Mathematikers und Geographen enthielt mutmaßlich keine Landkarten, wohl aber mehrere Tausend Städtenamen mit Angabe ihrer geographischen Koordinaten, deren heutige Lage bislang nicht entschlüsselt werden konnte. Durch interdisziplinäre Zusammenarbeit zwischen Geodäten und Wissenschaftshistorikern ist es einem Forscherteam der TU Berlin gelungen, die Angaben für ›Germania Magna‹ und der sagenhaften Insel Thule zu decodieren. Das Ergebnis ist nichts weniger als revolutionär, weil sich praktisch Hunderte Verortungen erstmals schlüssig klären lassen. Das Weltbild der Antike muss hierdurch mit völlig neuen Augen betrachtet werden!

Autoreninfo

Christian Marx, geb. 1976, ist wissenschaftlicher Mitarbeiter am Institut für Geodäsie und Geoinformationstechnik der TU Berlin.

Dieter Lelgemann, geb. 1939, ist emeritierter Professor für astronomische und physikalische Geodäsie an der TU Berlin. Er beschäftigt sich u. a. mit der Geschichte der antiken Geodäsie in den hellenistischen und chinesischen Kulturen. Sein 2009 bei der WBG erschienenes Buch ›Die Erfindung der Messkunst‹ fand breite Beachtung in der wissenschaftlichen Fachwelt. Zudem war er an dem 2010 bei der WBG erschienenen Buch ›Germania und die Insel Thule‹ als Autor beteiligt.

Eberhard Knobloch, geb. 1943, ist emeritierter Professor für Geschichte der exakten Wissenschaften und der Technik an der TU Berlin und Projektleiter an der Berlin-Brandenburgischen Akademie der Wissenschaften. Von 2001 bis 2005 war er Präsident des deutschen nationalen Komitees für Wissenschaftsgeschichte. Seit 2006 ist er Präsident der European Society for the History of Sciences.

Andreas Kleineberg, geb. 1970, ist wissenschaftlicher Mitarbeiter am Institut für Geodäsie und Geoinformationstechnik der TU Berlin.


Dichtersoldat und Künder neuen Lebens

Archives - 2003

 

Dichtersoldat und Künder neuen Lebens

Vor 65 Jahren starb der aristokratische Nationalist Gabriele D’Annunzio

 

d'annunzio_3.jpgDas 20. Jahrhundert bot geistigen Abenteurern Entfaltungsmöglichkeiten, von denen wir Heutige angesichts einer »verwalteten Welt« nur träumen können. Eine dieser abenteuerlichen Biographien des letzten Jahrhunderts hatte der italienische Dichter, Krieger und Nationalist Gabriele D’Annunzio (1863–1938). Beeinflußt von der Lebensphilosophie Friedrich Nietzsches, eroberte er nach Ende des Ersten Weltkriegs handstreichartig die Adriastadt Fiume und errichtete eine nationalistische Herrschaft des totalen Lebens.

Seit dem 18. Januar 1919 tagte die Pariser Friedenskonferenz unter dem Vorsitz des französischen Deutschenhassers Clemenceau und beriet über das Schicksal der Mittelmächte. Als die Sieger des Weltkrieges am 28. Juni 1919 unter der Drohung einer vollständigen militärischen Besetzung des Reiches und der Aufrechterhaltung der Hungerblockade die deutsche Unterzeichnung des Versailler Vertrages erzwangen, war die Empörung des gedemütigten deutschen Volkes über alle Parteigrenzen hinweg groß. Mit eiserner Hand zeichneten die Mitglieder des »Rates der Vier« völlig willkürlich eine neue Staatenkarte Nachkriegseuropas, die die Volkstumsgrenzen vielfach mißachtete. So sprach man Italien, das im Mai 1915 Österreich den Krieg erklärt hatte, völkerrechtswidrig den Süden Tirols zu.

Obwohl der italienische Regierungschef Orlando dem Vierer-Gremium der Sieger angehörte und eine reiche Kriegsbeute zulasten Deutsch-Österreichs aushandelte, fühlte man sich in Italien um den gerechten Lohn des Krieges betrogen. Der Tradition des sogenannten Irredentismus folgend, der italienische »Heimaterde« an das Mutterland anzuschließen gedachte, warf man auch begehrliche Blicke auf die gegenüberliegende Adriaküste.

So entbrannte zwischen Italien und dem künstlich geschaffenen Königreich der Serben, Kroaten und Slowenen 1919 ein politischer Streit um die in der Nähe Triests liegende Grenz- und Hafenstadt Fiume, das heutige Rijeka. In den Versailler Verhandlungsrunden beschloß man die Entsendung einer alliierten Truppe in die strittige und gemischt-ethnische Stadt. Nun sollte die geschichtliche Stunde des Gabriele D’Annunzio schlagen.

An der Spitze mehrerer hundert Soldaten der italienischen Sturmtruppen, der Arditi, rückte der weltbekannte Dichter und italienische Kriegsheld widerstandslos in die Adriastadt ein. In seiner ersten Rede verkündete er »die Heimkehr Fiumes, das in der tollen und niedrigen Welt der Verworfenheit die einzige Wahrheit, die einzige Liebe, das strahlende Flammenzeichen des italienischen Widerstandes ist.«

Was sich in den nächsten fünfzehn Monaten in dieser Stadt des nietzscheanischen Lebens abspielte, kann politische Romantiker und revolutionäre Enthusiasten noch heute in Begeisterung versetzen. Es war ein die Sinne betörender Reigen aus nationalistischen Reden und Festen, aus Liebe, Rausch und Gesang, aus klirrenden Waffen, wehenden Fahnen und schwarzen Uniformen. In einem Brief fing D’Annunzio diese wohl einmalige Atmosphäre ein: »Gestern abend habe ich eine große Rede gehalten, mitten im brennenden Delirium. Du kannst dir dieses merkwürdige Leben in Fiume nicht vorstellen, wir verbringen die Nächte mit coup de mains, wie Diebe und Piraten.«

 

Antibürgerliches Traumreich

 

Die gewöhnlichen Gesetze der Politik waren außer Kraft gesetzt; das Leben spielte sich in einem Traumreich ab. Der Historiker Ernst Nolte bemerkte dazu: »All das war sehr viel mehr als das gigantische Theater eines genialen Regisseurs. Es waren nicht zuletzt englische Gäste, die vom Charme des Kommandanten bezaubert und von dem staatlichen Gegenbild zur alltäglichen Nüchternheit der bürgerlichen Gesellschaft hingerissen waren.«

Neben D’Annunzio prägten vor allem die schwarzuniformierten italienischen Elitesoldaten, die Arditi, das Leben der Stadt. Im Weltkrieg für die gefährlichsten Unternehmen eingesetzt, lebten sie die Nietzsche-Forderung: Lebe gefährlich! Stirb stolz! Ihr Lied, die »Giovinezza«, wurde später die Hymne des italienischen Faschismus; ihr weißer Totenkopf auf schwarzem Hemd symbolisierte die Macht über Leben und Tod. Mit kurzen, glühenden Worten schrieb D’Annunzio:

»Bei den Arditi. Gegen Abend. Das wahre Feuer. Die Rede, die gierigen Gesichter – Die Rasse aus Flammen. Die Chöre – die offenen, klangvollen Lippen – Die Blumen, der Lorbeer. Der Ausgang. Die Dolche nackt in der Faust. Eine ,Grandezza‘, die ganz römisch ist. Alle Dolche hoch. Die Rufe. Der begeisterte Lauf der Kohorte. Das Fleisch auf Holzglut gebraten. Die auflodernde Flamme brennt im Gesicht – Das Delirium des Mutes. Rom: das Ziel!«

Der dichtende Volkstribun schmetterte vom Balkon des Gouverneurspalastes seine mitreißenden Reden und versetzte die Menge in Zustände der Ekstase. D’Annunzio feierte sich, die Jugend, das Leben und das Vaterland. Wenn der »Comandante« die Frage »Wem gehört Italien?« in die Menge seiner Landsleute schleuderte, donnerte es ein »Uns!« zurück. Für den alternden Kriegsheld war Fiume mehr als ein Jungbrunnen, es war die glutvolle Revolte gegen eine rationale, materialistische Bürgerwelt: »Hier bin ich, ecce Homo (…). Ich bitte nur um das Recht, Bürger der Stadt des Lebens zu sein. In dieser närrischen und feigen Welt ist heute Fiume ein Zeichen der Freiheit.«

Fiume wurde mit den Monaten aber auch Zeichen der Dekadenz: Vielfältige sexuelle Ausschweifungen prägten das Nachtleben, Drogen machten die Runde und die zahlreichen Fest- lichkeiten und Kulturveranstaltungen zerrütteten die Stadtfinanzen. Um die Anflüge von nationaler Anarchie einzudämmen und dem gemeinschaftlichen Leben wieder eine feste Form zu geben, erließ der Comandante im August 1920 eine neue Verfassung, die Carta del Canaro, die nationalistische, syndikalistische und aristokratische Elemente in sich vereinigte. Dieser Neuordnung sollte aber keine lange Dauer beschieden sein.

Nachdem sich Rom und Belgrad über den zukünftigen Status von Fiume als »Freistaat« geeinigt hatten, wurde der D’Annunzio zum Verlassen der Stadt aufgefordert. Als er dieser Forderung nicht nachkam, eröffnete das italienische Schlachtschiff »Andrea Doria« Ende Dezember 1920 das Feuer auf die Stadt, dem fast 40 Arditi zum Opfer fielen. Auf diese Weise endete das römische »Gesamtkunstwerk« Fiume. In einer letzten Rede verabschiedete sich D’Annunzio von der Adriaperle mit den Worten: »Wir werfen heute nacht den Trauerruf ,Alala‘ über die ermordete Stadt.«

 

Ästhetisierung der Politik

 

Was von dieser Nachkriegsepisode aber blieb, war der dort kreierte »faschistische Stil«, der für die nationalistischen Massenbewegungen bis 1945 bestimmend blieb. Sein Erfolgsgeheimnis war die Ästhetisierung der Politik und nicht die Politisierung der Kunst, wie sie die Kommunisten betrieben.

Das Fiume-Abenteuer mit seinem ungezügelten Leben, den Selbstinszenierungsmöglichkeiten und dem Ausleben eines heroischen Ästhetizismus war dem 1863 als Sohn eines Bürgermeisters geborenen Gabriele auf den Leib geschnitten. Von Eltern und Schwestern umhätschelt und von den Musen geküßt, entwickelte er früh ein außerordentliches Selbstbewußtsein: »Ich bin sechzehn Jahre alt und schon spüre ich in der Seele und im Geist das erste Feuer jener Jugend erglühen, die naht: in meinem Herzen ist tief eingeprägt ein maßloser Wunsch nach Wissen und Ruhm, welcher oft über mich mit einer düsteren und quälenden Melancholie herfällt und mich zum Weinen zwingt: ich dulde kein Joch.«

Schnell machte er sich in Künstlerkreisen einen Namen und lebte seinen heidnischen Schönheits- und Sinnenkult in vollen Zügen aus. Er liebte extravagante Kleidung, Luxus in jeder Form und vor allem die Frauen, denen er in notorischer Untreue verfallen war. Seine großen Bücher »Lust« (1889), »Der Triumph des Todes« (1894) und »Feuer« (1900) drehen sich alle um stürmische Liebschaften und harsche Enttäuschungen großer Ästheten. Im ersten Jahrzehnt des 20. Jahrhunderts erreichte der Dichter bereits den Zenit seines künstlerischen Schaffens. Als der extrovertierte Dandy 1910 wieder einmal in eine finanzielle Krise geriet, siedelte er nach Frankreich über, wo sein politisches Bewußtsein und sein Draufgängertum reifte. Als 1914 der Weltkrieg ausbrach, forderte D’Annunzio den Kriegseintritt Italiens: »Ich hoffe, daß wir in zwei Wochen Österreich den Krieg erklären. Das wäre für mich eine freudige und schöne Gelegenheit, um in die Heimat zurückkehren zu können.«

Als Italien dem deutschen Verbündeten 1915 den Krieg erklärte, wofür auch der damalige Sozialist Benito Mussolini kräftig getrommelt hatte, meldete sich der 52-jährige D’Annunzio freiwillig an die Front. Schnell erwarb er sich legendären Kriegsruhm. Noch nachdem er bei einer Flugzeuglandung ein Auge verloren hatte, steuerte er 1918 ein Flugzeug bis nach Wien, wo er anti-österreichische Flugblätter abwarf und nach der Überlieferung über dem Parlamentsgebäude einen Topf mit Exkrementen entleerte. Zugegebermaßen ein origineller Ausdruck seiner Parlaments- und Habsburgerverachtung.

Das Ende des Krieges und damit der Steigerung aller Lebenskräfte im Waffengang entließ ihn wieder in das fade Leben der westlichen Gesellschaft. »Was soll ich mit dem Frieden anfangen?«, fragte er sich. Doch dann rief ihn Fiume!

D’Annunzios Verhältnis zum seit 1922 regierenden Faschismus war distanzierter als man vielleicht annehmen möchte. Als Mussolini nach dem Tode des Dichtersoldaten vor 65 Jahren dessen Anwesen besuchte und mit ihm Zwiesprache hielt, sagte er: »Nein, Comandante, du bist nicht tot, und du wirst niemals sterben, solange es, eingepflanzt inmitten des Mittelmeeres, eine Halbinsel gibt, die man Italien nennt«

Als Repräsentant eines elitären deutschen Nationalismus wäre Gabriele D’Annunzio mit seinen schweren Anflügen von Dekadenz undenkbar gewesen. Georg L. Mosse stellt deutlich den Unterschied des italienischen »Fascho-Dandys« etwa zum deutschen Dichterkreis um Stefan George und dessen Ideal der Reinheit und Zucht heraus:

»Sie hätten jedwede Bezichtigung der Dekadenz von sich gewiesen, und wirklich hätten die ihnen eigene Harmonie der Form, die Klarheit des Ausdrucks und die Ergebenheit gegenüber dem nationalen Anliegen keinen Platz in der Dekadenzbewegung gefunden. Gabriele D’Annunzios mystische Ekstasen, seine erotische Hemmungslosigkeit waren ihnen fremd. Sein überbordender italienischer Nationalismus steht im Gegensatz zu ihrem ernsthaften und eindringlichen Versuch, das wahre Deutschland zu enthüllen.«

 

Jürgen W. Gansel

 

mardi, 05 octobre 2010

Les portes de l'UE sont grande ouvertes

Dietmar HOLZFEIND :

Les portes de l’UE sont grande ouvertes

 

Un rapport interne de l’UE le révèle : 900.000 illégaux pénètrent chaque année dans l’Union !

 

Lega-Nord-Abbiamo-fermato-linvasione.jpgUn document interne de l’Union Européenne révèle sans ambiguïté ce que la classe politique dominante cache à la population européenne. L’immigration vers l’Europe est de plus en plus forte, le débordement menace. Le chiffre des illégaux atteint des proportions vertigineuses. Ainsi, le nombre d’illégaux est estimé à 900.000 personnes par an. Si l’on ajoute à cela le chiffre de l’immigration légale, on peut dire, comme Andreas Mölzer depuis 1991 sur le ton de la sombre prophétie, que l’on assiste carrément à un remplacement accéléré de la population européenne par de nouveaux arrivants (à une « Umvolkung »). Les calculs, qui prévoient qu’en 2050 les immigrants récents seront plus nombreux que la population de souche dans certains pays membres de l’UE, doivent désormais être révisés, sur base des connaissances nouvelles que révèle ce rapport, et la date fatidique de 2050, avancée de quelques années.

 

L’étude, qui plus est, établit un rapport direct entre cette immigration vers l’Europe et le développement hors proportions de la criminalité organisée et du trafic de stupéfiants. L’UE offre une plateforme attirante pour les criminels, explique le rapport, parce qu’y vivent des citoyens relativement aisés, parce qu’il y règne une économie libre de marché et surtout parce qu’on y trouve une liberté de circulation pour les personnes, inexistante ailleurs. Jadis, tous ces éléments favorables à une immigration débridée étaient freinés sinon annulés par les contrôles frontaliers nationaux. Après la signature des accords de Schengen, la situation a changé radicalement : des plaques tournantes pour les trafics d’êtres humains, pour l’immigration ou pour les négoces illicites se sont aussitôt constituées aux frontières de l’Union.

 

La crise économique et financière, provoquée par les Etats-Unis et les spéculateurs internationaux, une crise qui est loin d’être terminée, a contribué partiellement à augmenter encore la pression démographique sur l’Europe. L’étude révèle que la Turquie, pays candidat à l’adhésion à l’UE, est devenue le principal pays de transit pour les illégaux. Au départ de la Turquie, en effet, les immigrants arrivent sur le territoire de l’Union par la Grèce, la Bulgarie ou Chypre. 75% de toutes les arrestations d’immigrants illégaux se font en Grèce. Ce fait démontre, plus que tout autre, que la Turquie, qui, depuis des années, perçoit des millions d’euro au titre d’une « aide à l’adéquation », n’est vraiment pas encore mure pour l’adhésion. A l’évidence, ces sommes d’argent ne sont pas utilisées à bon escient. Car, ne l’oublions pas, la Turquie est aussi le principal pays par où transite le trafic d’héroïne vers l’Europe.

 

Les contrôles effectués aux frontières extérieures de l’UE sont tout, sauf efficaces. On peut encore lire dans le document, dont question, que le nombre d’arrestations d’illégaux a fortement augmenté à l’intérieur des frontières de l’UE et que ces arrestations se font alors que ceux-ci circulent à bord d’automobiles ou de camions, ce qui atteste que les véhicules sont mal contrôlés au moment où ils entrent dans l’UE.

 

La falsification de documents préoccupent grandement les fonctionnaires qui ont rédigé cette étude sur l’immigration illégale. Ils ont constaté que de plus en plus d’actes de naissance ou de documents similaires sont falsifiés, afin d’obtenir des visa temporaires, aussi via de fausses invitations pour des manifestations sportives ou des séjours d’étude. Conséquence de ces falsifications : les personnes qui utilisent de tels faux en écriture resteront plus longtemps à l’intérieur des frontières de l’UE. D’après les calculs établis par l’agence de protection des frontières, Frontex, ces pratiques entrainent plus de 350.000 séjours illégaux par an. 

 

Ce document interne de l’UE s’en prend très nettement aux escroqueries que permet le droit d’asile. A l’aide de documents falsifiés, bon nombre d’immigrants obtiennent l’asile politique et, par suite, peuvent bénéficier frauduleusement des allocations sociales. Les systèmes sociaux bien structurés de certains pays de l’UE constituent par conséquent un pôle d’attraction pour les illégaux. La liste des fraudes peut être allongée à l’infini et les auteurs du document ne s’en privent pas ; cependant, le regard bref que nous y lançons dans le présent article, devrait suffire à étayer les arguments des partis populistes et patriotiques et à balayer le reproche qu’on leur adresse habituellement, celui de répandre des propos alarmistes ou haineux, alors que, jusqu’ici, avant la rédaction de ce rapport officiel de l’UE, ils ne dénonçaient finalement que la partie émergée de l’iceberg. Il faut pourtant ajouter que la rétention de telles informations et de pareils documents, qui ont été distribués et lus dès le mois de mai de cette année 2010 dans tous les départements de l’UE, constitue le véritable et le seul scandale en la matière : la classe politique dominante s’est une fois de plus discréditée.

 

Pour lire le document original, dont nous n’évoquons ici que les grandes lignes, on peut se rendre sur le site personnel du député européen de la FPÖ autrichienne, Andreas Mölzer : http://www.andreas-moelzer.at/

 

Dietmar HOLZFEIND.

(article paru dans « zur Zeit », Vienne, n°39/2010 ; http://www.zuzeit.at/ ).   

Cold Front: Conflict Ahead in Arctic Waters

Cold Front: Conflict Ahead in Arctic Waters

The Arctic: land of ice and the six-month day; irresistible goal for explorers and adventurers; enduring source of romance and mystery - and now also a poignant and unavoidable indicator of the impact of climate change. As the ice cap shrinks, the geography of the entire Arctic region changes: clear shipping channels replace immovable ice and inaccessible oil resources become available. What will be the long-term consequences of these cataclysmic changes - not only environmental but also social and political? How will the lives of the many individuals who depend upon the natural resources of the Arctic be changed? And how will the global powers who wish to exploit the region's many assets respond? Cold Front is not just another attempt to predict the outcome of global warming. Instead it offers a clear-sighted and penetrating investigation of the Arctic's pivotal role in international relations, placing the polar region in its historical, political and legal context. The thawing of the ice-cap creates huge opportunities for trade and transport - and therefore also for conflict between the Arctic nations.

This important and timely addition to the literature on the region will be essential reading for anyone interested in humanity's effect on the Arctic - or the Arctic's effect on humanity.

  • Foreword
  • Introduction
  • The Arctic arena
  • Frozen Assets
  • The law of the sea
  • Strategic and military implications
  • History
  • The Russians in the Arctic
  • Arctic navigation
  • The Northern Sea Route (NE Passage) today
  • The North West Passage today
  • Assessment
  • A chronology

Schopenhauer, philosophe de la volonté

arthur_shopenhauer.jpg

Schopenhauer, philosophe de la volonté et archétype du solitaire méprisant la politique

 

 Baal MÜLLER :

 

 

Il y a 150 ans mourrait Arthur Schopenhauer

 

« L’absence d’esprit prend toutes les formes pour se dissimuler : elle se camoufle en pathos, en emphase ; elle prend le ton de la supériorité et se donne des grands airs et tout cela de cent autres façons »

 

Arthur Schopenhauer (1788-1860).

 

La philosophie allemande classique du 19ème siècle peut se subdiviser, grosso modo, en deux courants majeurs qui, tous deux, commencent avec Kant. Celui-ci avait accompli dans sa « Critique de la raison pure » une « révolution copernicienne » passant ainsi de l’ontologie à la théorie de la connaissance ; il avait aussi affirmé que la capacité humaine de connaître était intrinsèquement liée aux formes de la représentation que sont le temps et l’espace, d’une part, les douze catégories de la raison, d’autre part, parmi lesquelles le principe de causalité. Pour faire en sorte que la raison ne produise pas elle-même ces propres objets, Kant s’était vu contraint d’accepter une « chose en soi » transcendantale, qui, pour le sujet connaissant, n’était pas connaissable au-delà de cet appareil fonctionnel.

 

Côté subjectif de ce monde coupé en deux par Kant, nous trouvons vers 1800 la philosophie idéaliste, qui culminera dans les grands systèmes de Hegel et de Schelling, puis, sous le signe du matérialisme, sera poursuivie par Marx et Engels. L’autre courant est moins visible, il est plutôt souterrain et cherche à saisir la face objective, en dépit de la césure kantienne. Ce courant-là commence avec Arthur Schopenhauer et nous amène, au-delà de Nietzsche, vers la modernité, une modernité qui n’est pas seulement philosophique.

 

Schopenhauer, né le 22 février 1788 à Danzig dans le foyer d’un négociant, est un penseur et une personnalité de la transition. Selon la tradition philosophique allemande, et surtout selon cet idéalisme allemand contre lequel il engage la polémique, Schopenhauer participe lui aussi à cette volonté de systématiser, c’est-à-dire de chercher à expliquer les principes métaphysiques du monde en un seul ouvrage : en effet, c’est ce qu’il tentera de faire dans son ouvrage principal, « Die Welt als Wille und Vorstellung » (= « Le monde comme volonté et comme représentation »), dont le premier volume paraît dès 1819 et dont le second ne paraitra qu’en 1844. Il amorce ses réflexions au départ du principe fondamental de Kant, celui de la subjectivité de la faculté de connaître, et le soumet à une métaphysique volontariste, dans la mesure où il identifie la « chose en soi » avec la volonté, qu’il interprète comme une pulsion d’existence, agissant derrière tous les phénomènes. Contrairement à l’usage habituel, il entend la volonté comme un principe irrationnel, que l’on n’expérimente pas seulement lorsque l’on procède à une analyse introspective de soi et, partant, comme une pulsion vitale et sexuelle, mais qui se manifeste, compénétrante, à travers la nature toute entière voire aussi dans le déroulement causal non vivant.

 

En dépit du caractère universel de la volonté qui se combat elle-même éternellement par le truchement des phénomènes qu’elle génère et qui détermine ainsi tout élan individuel de volonté, comme l’explique Schopenhauer dans un écrit de 1839, qui lui vaut un prix de la Société Royale Norvégienne des Sciences, et qui a pour titre « Über die Freiheit des menschlichen Willens » (= « De la liberté de la volonté humaine »), eh bien, en dépit de cela, il existe tout de même deux portes dérobées par lesquelles l’homme peut se dégager de la souffrance que lui inflige le monde : l’une est constituée par la morale, l’autre par l’esthétique. Par empathie avec les autres créatures souffrantes, l’homme peut dépasser son isolement apparent et reconnaître la même volonté de vivre (et en fin de compte se reconnaître lui-même) en tous les autres êtres, ce que Schopenhauer exprime par les mots « tat twam asi » (« cela, tu es »), empruntés aux Upanishads de l’Inde ancienne. Dans son éthique de la compassion, qu’il explicite dans « Über das Fundament der Moral » (= « Du fondement de la morale »), il se tourne, de manière radicale, contre l’impératif catégorique de son maître Kant, dont il mésinterprète l’appel à toujours penser aux conséquences de sa propre action pour l’universalité (pour la chose publique), comme une obligation à se soumettre à une pensée obéissante à l’autorité. Tout anti-étatiste pourrait, en se soumettant à une telle pensée, considérer que les lois ne sont que contraintes et non par autant de formules dont la validité est universelle.

 

L’autre échappatoire vers le paradis (toutefois sans Dieu) est la « contemplation détachée de tout intérêt » qu’offre la contemplation esthétique : en jouissant d’une œuvre d’art, surtout une œuvre musicale, l’homme peut aussi dépasser le « principium individuationis » et s’unir au fond cosmique de l’univers.

 

Schopenhauer comme précurseur de la psychanalyse freudienne

 

Aujourd’hui on ne juge pas tant l’importance de Schopenhauer à la teneur de ses principales idées philosophiques qu’à ses multiples influences postérieures. De son vivant, son ouvrage principal n’a quasiment pas été pris en considération. Il a fallu attendre le dernier tiers du 19ème siècle, donc après la mort de Schopenhauer, pour assister à une réception de son œuvre d’une rare intensité. Schopenhauer a amorcé ses réflexions philosophiques à l’époque dite des « Biedermeier » en Allemagne ; dans sa jeunesse, il a encore connu Goethe. Sa mère, Johanna Schopenhauer, écrivait des romans et tenait un salon littéraire à Weimar. Sa célébrité posthume, Schopenhauer la doit au fait qu’il fut un contemporain de Richard Wagner, dont « L’Anneau des Nibelungen » avait été fortement imprégné par la pensée de notre philosophe. Il la doit également à Friedrich Nietzsche qui, dans ses « Considérations inactuelles », évoque « Schopenhauer comme éducateur » et fait l’éloge de sa « volonté de vérité » et de son pessimisme héroïque. C’est justement au départ de cette réflexion nietzschéenne sur Schopenhauer qu’un filon s’amorce en direction de la critique révolutionnaire/conservatrice du vingtième siècle. En effet, l’archétype du solitaire et du précepteur oisif, méprisant la politique, se repère dans le philosophe grognon des « Considération d’un apolitique » de Thomas Mann. Celui-ci reconnaît encore sa dette à l’endroit de Schopenhauer dans quelques-uns de ces récits, dont la nouvelle « Tobias Mindernickel », où il traite de l’éthique de notre philosophe.

 

L’œuvre de Schopenhauer a eu un impact considérable sur des écrivains aussi importants que Hermann Hesse, Samuel Beckett et Thomas Bernhard. Dans l’univers des philosophes, l’impact a d’abord été moindre et ce sont, dans un premier temps, des figures marginales du monde universitaire du début du 20ème siècle qui se sont intéressées à lui : songeons à Georg Simmel et à Max Scheler qui, tous deux, font démarrer leurs réflexions à la suite de Schopenhauer. La plupart du temps, les philosophes universitaires l’ont considéré d’abord, et souvent à raison, comme un disciple original de Kant ou comme un précurseur de Nietzsche. Certes, il fut l’un des principaux précurseurs de Nietzsche mais il fut surtout l’une des principales figures anticipatrices de la psychanalyse. La réduction freudienne de la vie sentimentale à la pulsion sexuelle se retrouve, bien avant Freud, dans l’œuvre de Schopenhauer, et sans la moindre ambiguïté. Dans la conception schopenhauerienne de la volonté comme une puissance irrationnelle dépassant la conscience individuelle, nous trouvons les prémisses essentielles de l’inconscient collectif de Carl Gustav Jung.

 

Schopenhauer nous a transmis aussi la sagesse indienne, ce qui ne fut pas le moindre de ses mérites. Le premier contact qu’il a eu avec l’univers mental indien date de 1813, lorsqu’il séjournait à Weimar et qu’il y rencontra pour la première fois l’orientaliste Friedrich Majer, disciple de Herder. Sous l’influence des études de Majer, Schopenhauer finit par se considérer comme « le premier bouddhiste d’Europe ». Ainsi débuta l’histoire d’une méprise créatrice, comparable à l’interprétation quiétiste de l’antiquité classique, dont on vantait « la noble simplicité et la grandeur tranquille ». Les conséquences de cette méprise résident surtout dans une interprétation fausse du bouddhisme comme nihilisme, un nihilisme qui reposerait sur une rétention vis-à-vis de tout agir et verrait le but le plus élevé de l’existence dans une immersion dans le « néant ». On a vu l’effet de cette mésinterprétation du bouddhisme sévir dans la décennie qui suivit la Grande Guerre, où régnait une ambiance de déclin, comme, plus tard, dans la vogue bouddhiste qui se retrouve en Occident jusque aujourd’hui.

 

Petit bourgeois réactionnaire et ennemi des bourgeois étriqués

 

Schopenhauer_mit_Pudel.jpgSchopenhauer est lié à son temps quand il exprime son système philosophique basé sur la volonté ; il l’est également dans l’insouciance relative dont il fait montre à l’endroit de toute recherche empirique, ainsi que dans sa prétention à pouvoir présenter une interprétation générale du monde qui sera à jamais irréfutable. Mais les impulsions qui partent de son œuvre pour aboutir à notre temps sont fort nombreuses. Parmi elles : son « habitus » non académique de philosophe artiste et de littérateur. Il y a aussi son attitude ambivalente face à la classe bourgeoise : d’une part, Schopenhauer est très nettement un petit bourgeois réactionnaire qui méprise la période prérévolutionnaire d’avant 1848, le « Vormärz » ; d’autre part, en tant que demi bohémien, il est un ennemi de la mentalité bourgeoise étriquée (le « Spiessertum »), qui se manifeste surtout dans l’institution du mariage, cible de sarcasmes perpétuels pour ce misogyne grognon et animé par ses pulsions. Pour s’assurer un certain équilibre émotionnel, notre célibataire endurci s’est flanqué pendant toute sa vie d’un compagnon canin, un caniche : dès que l’un de ces animaux favoris mourrait, il s’en procurait un nouveau qu’il baptisait invariablement « Atman », comme tous ses prédécesseurs. Ce nom signifiait en sanskrit « souffle de vie » ou « âme individuelle », car, croyait-il, il y avait, actif, dans chaque caniche un seul et même principe de vie, le « Pudels Kern », le « noyau du caniche ».

Arthur Schopenhauer meurt le 21 septembre 1860, comme un vieil original, peu célèbre et bizarre, à Francfort sur le Main, ville où, après ses années de pérégrination et d’études, il s’était fixé pour y passer la seconde moitié de sa vie. Quelques années après son passage de vie à trépas, Léon Tolstoï le nomme « le plus génial de tous les hommes ».

 

Baal MÜLLER.

(article paru dans « Junge Freiheit », Berlin, n°38/2010 ; http://www.jungefreiheit.de/ ).

 

 

Atlantropa...

Atlantropa…

landgewinnung-400-kopie-kopieCe paradoxe apparent s’explique aisément. Les grands projets pour changer le monde impliquaient une intention et une mise en œuvre uniques et concertées. Il fallait donc une volonté forte pour qu’ils passent du rêve à la réalité. Une nécessité indiscutée en était presque la condition nécessaire. A quoi bon de telles dépenses sur un si long terme si ce n’est pas dans un but précis ? A l’opposé, ce que notre modernité tardive nous offre, c’est la possibilité pour chacun de changer un tout petit morceau du monde, pour son confort, en toute innocence. Ce n’est qu’en voyant l’impact global de milliers de décisions individuelles que l’on prend la mesure des conséquences pour le monde.

afrika2Ainsi donc, si quelqu’un avait eu le projet d’abolir, pour ainsi dire, la nuit, sans doute l’aurait-on regardé pour fou. Certes, l’éclairage public urbain limite la criminalité (du moins, le faisait-il de par le passé — n’est-ce pas l’inverse aujourd’hui ?), mais à quoi bon parsemer la campagne de lumières qui défigurent les paysages et le ciel, assassinent la Lune, tuent les étoiles, troublent les rythmes naturels des animaux, des plantes et des hommes, etc. ? Pourtant c’est à cela que nous en sommes venus en diffusant l’éclairage public à chaque commune, en donnant la possibilité à tout propriétaire d’un pavillon d’y installer qui des veilleuses pour mettre en valeur ses nains de jardin, qui un puissant halogène pour éviter qu’on lui vole sa voiture.

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La solution n’est certainement pas dans l’interdiction. A vrai dire, je ne sais où elle se trouve. Tout cela m’est inspiré par une ancienne lecture qui m’a fait m’intéresser sur ce problème de la plasticité du monde face à l’action humaine. Au lendemain de la première Guerre mondiale, l’Europe était saignée à blanc, affaiblie, lucide sur la mortalité des civilisations, mais aussi sur leur létalité — l’ambiguïté était dans le célèbre mot de Valéry. Elle avait tout aussi conscience du caractère fondamentalement insatisfaisant d’une économie s’appuyant exclusivement sur l’industrie lourde, laquelle était aliénante pour les ouvriers les plus intelligents et impuissante à assurer l’autosuffisance alimentaire du continent. L’idée d’un relatif et partiel retour à la terre se faisait donc jour.

Né en 1885, à Ratisbonne, en Allemagne, Herman Sörgel était un architecte pacifiste qui a vu une solution à ce problème dans l’idée d’un grand projet, d’un projet d’une ampleur et d’une ambition sans précédent dans l’histoire humaine. Sans doute y avait-il dans le crâne de cet Allemand un peu de cette âme faustienne dont parlait Spengler, un soupçon de Prométhée déchaîné prêt à défier les dieux. Son idée ? Clore la Méditerranée par des barrages hydroélectriques, en faire une mer fermée, plus basse qu’aujourd’hui, libérant ainsi de nouvelles terres agricoles et ouvrant la porte d’une unité de l’Europe avec ses colonies du Sud. Après sa rencontre avec Oswald Spengler, en 1923, alors que ce dernier venait de publier l’année précédente la seconde partie de son maître ouvrage, Der Untergang des Abendlandes, Herman Sörgel a eu l’intuition profonde que ce serait « soit le déclin de l’Occident, soit l’Atlantropa comme tournant et nouvel objectif ».

L’Atlantropa, nouveau continent réunissant l’Europe aux immenses espaces vides de l’Afrique, voilà le rêve de Sörgel. Une Europe de Thulée au Cap en quelque sorte. Certainement, un tel projet était de l’ordre du rêve quoique sans doute du rêve réalisable, mais son ampleur témoigne d’une époque où l’humanité se pensait actrice de son destin et non victime de celui de chacun de ses membres pris individuellement. Certes, encore aujourd’hui il existe des mégaprojets, mais rien de comparable à la réalisation physique de l’assèchement de la Méditerranée ni à l’ambition politique de créer une nouvelle entité sur deux continents.

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Le rêve d’une Méditerranée transformée en lac puis en terre arable par l’action commune des peuples occidentaux a été remplacé par le cauchemar de voir son niveau monter (ainsi que celui de toutes les mers et océans) par l’action égoïste de chacun. Peu importe la faisabilité de l’espoir ou l’irréalité de la peur, seul compte qu’il vaut mieux le premier à la seconde, surtout quand l’un témoigne de la plus haute expression de l’âme faustienne de l’Occident alors que l’autre émane de l’irrationalité de l’animal humain pris au piège.

George Sorel disait que l’homme, pour se révolter, avait besoin d’un grand rêve. De même, ce que je veux dire ici en prenant l’exemple d’Herman Sörgel, c’est que pour perdurer, il a besoin de grands projets. Il n’y a pas de marche en arrière possible. Le passé est le passé. L’innocence perdue ne se retrouve pas. Toutes ces évidences doivent nous amener à une seule chose : penser qu’en dehors de la marche de l’Occident vers lui-même sans doute n’y a-t-il point de salut.


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La place de la Russie dans l'histoire de la diplomatie européenne

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Archives de SYNERGIES EUROPEENNES- 1997

La place de la Russie dans l'histoire de la diplomatie européenne

 

Intervention de Robert Steuckers lors du 1er Colloque de l'Atelier régional d'Ile-de-France de Synergies Européennes, le 8 mars 1997

 

On ne peut évaluer la place et l'importance de la Russie dans la tradition diplomatique européenne que sur base des textes existants. Les premiers textes valables pour juger l'émergence de la Russie dans la réalité politique européenne datent de l'époque de Pierre le Grand. Ce Tsar a manifesté durant son règne la volonté de faire de la Russie un Etat organisé à l'européenne, participant pleinement au concert des Etats européens. Cette volonté peut se concrétiser dès l'effondrement de la puissance polono-lithuanienne qui conduira aux partages successifs de la Pologne, achevés tout à la fin du XVIIIième siècle.

 

Cependant, en dépit de la volonté de Pierre le Grand, la Russie ne se laissera jamais appréhender par les mêmes concepts politiques et géographiques que le reste de l'Europe. Cette différence est due à la qualité, aux dimensions et à l'immensité de son territoire, qui fait charnière entre l'Europe et l'Asie. Dès le départ, dès les premiers textes rédigés en Europe sur la Russie et destinés aux chancelleries, on perçoit la dimension eurasienne de la Russie, malgré la volonté de Pierre le Grand de s'aligner exclusivement sur l'Europe.

 

Aujourd'hui, les cercles politiques et culturels européens, toutes tendances confondues, font désormais face à une Russie complexe, immense, tout à la fois européenne et asiatique, échappant aux règles des idéologies occidentales. Ils ne font plus face à une URSS à l'idéologie monolithique, parfois plus aisée à comprendre, encore que les arcanes peu déchiffrables de la soviétologie ont souvent induit en erreur des soviétologues patentés comme Alain Besançon ou Hélène Carrère d'Encausse... Récemment, pendant l'été 1993, la presse à sensation de Paris a parlé d'une alliance entre “rouges” et “bruns”, de l'émergence inquiétante d'un bloc “national-communiste”, en embrayant sur des phénomènes somme toute superficiels et sans tenir nullement compte de la longue histoire des rapprochements et des ruptures entre la Russie, d'une part, et les autres puissances européennes, d'autre part. La phobie du complot “rouge-brun” a fait long feu car les connaissances historiques la­cunaires des quelques journalistes fort prétentieux et très braillards qui ont déclenché le scandale étaient bien maigres. Leur bricolage n'était qu'un jeu médiatique. Quant à ceux qui se sont déclarés “rouges-bruns”  dans la foulée, pour entrer dans le jeu des hystéries médiatiques et faire parler de leurs personnes, on décèle aisément chez eux une volonté d'apparaître comme de “grands scandaleux”, de “grands méchants loups”, additionnant toutes les rigueurs des totalitarismes stalinien et hitlérien de ce XXième siècle.

 

Pour éviter la répétition malheureuse de telles sensations médiatiques, pour échapper aux hypersimplifications de la presse parisienne, il m'apparaît nécessaire de retourner à l'histoire de la diplomatie européenne et de voir comment le rapport Europe/Russie est perçu dans les chanceleries et comment il transcende et chevauche les étiquettes de “gauche” et de “droite”. Il convient d'examiner comment les concepts de la géopolitique sont nés il y a près de 300 ans, au départ de ré­flexions sur l'immensité du territoire russe, ensuite de voir comment ils ont été articulés dès l'époque napoléonienne. Il con­vient de déceler quelles polarités ont été mises en exergue dans le contexte tourmenté des guerres de la Révolution et de l'Empire, de voir comment les conflits ont été explicités.

 

Accusé d'avoir fait partie de ce complot “rouge-brun” pour avoir participé à un débat avec Ziouganov, président du PCFR, et Volodine, son ajoint et conseiller, à Moscou en avril 1992, débat portant sur une alternative éthique au néo-libéralisme (!), sur l'œuvre de François Perroux, sur l'anti-utilitarisme, débat retransmis ensuite dans la presse russe (Dyeïnn) et serbe (Duga), j'étais redevable d'une explication, non pas aux ignares de la presse parisienne mais à mes lecteurs et à mes abonnés. Je m'étais déjà expliqué par bribes dans un interview (cf. NdSE n°2; versions portugaise et néerlandaise également disponibles). J'entends, dans cette allocution qui deviendra très prochainement texte, être plus exhaustif. J'avais le devoir d'approfondir la question pour confondre les piteux, médiocres et minables journalistes parisiens du Monde et d'autres gazettes de bas étage qui se sont donnés en spectacle pendant l'été 1993. J'avais le devoir intellectuel de retourner au réel pour réduire à néant les simplifications esthétisantes des néodroitistes et nationaux-révolutionnaires parisiens, relevant de la même engeance journa­listique que leurs adversaires, qui n'ont pas de projets cohérents ni de discours étayés, mais qui aiment à répéter “je suis un grand méchant” ou un “grand-pervers-qui-pense-tout-ce-qui-est-interdit-de-penser”. Afin, bien sûr, de ne plus jamais se lais­ser embarquer dans un jeu médiatique aussi stérile que celui de l'été 1993.

 

Les spéculations sur la nature politique et géographique de la Russie commencent dans l'œuvre de Leibniz, qui a cumulé les positions de philosophe, de mathématicien, de conseiller du Prince et de diplomate. Pour la première fois, Leibniz livre à ses lecteurs européens une réflexion politique profonde sur la Russie. Leibniz a forgé des concepts instrumentalisables pour faire face à la nouvelle réalité géographique et politique qui se présentait aux portes de l'Europe. Pierre le Grand venait en effet d'annoncer qu'il ferait de la Russie un Etat européen, participant au concert des nations européennes. En 1669, Leibniz réagit face à la question polonaise. La Pologne, voisine de la Russie, était, avant l'émergence de celle-ci, la puissance la plus “orientale” de l'Europe. Cette Pologne était une “république aristocratique”, tolérante sur le plan religieux, fantaisiste sur le plan culturel et littéraire, brillante dans les arts, fébrile et mobile sur le plan militaire, avec sa cavalerie portée par un “mythe sar­matique”, où l'aristocratie polonaise se décrivait comme la descendante de cavaliers sarmates venus d'Iran, du Caucase et des régions pontiques. La monarchie de cette Pologne était élective. Avant l'élection du nouveau monarque, l'Allemand Leibniz donne son avis: il est alors “russophobe”, se méfie de cet immense pays dont on connaît finalement peu de choses, et espère la défaite du candidat qui a les faveurs de la Moscovie. Sinon, dit-il, le “rempart polonais” qui protège l'Europe va tomber, ce qui amènera les “barbares asiatiques” au centre de notre sous-continent et aux frontières du Reich. Ceci est la première posi­tion de Leibniz et elle est anti-russe.

 

Mais très vite, cette position se juxtaposera à une deuxième: il faut inclure la Russie dans une grande alliance européenne anti-turque («Quid si ergo posset Moscus quoque in anti-turcicum foedus pellici»). En effet, avant sa longue désagrégation, la Pologne était forte. Rappelons l'intervention des troupes de Jan Sobiesky et du Hongrois Janos Hunyadi lors des Croisades anti-ottomanes dans les Balkans et lors de la défense de Vienne aux XVième et XVIième siècles. La Russie de Pierre le Grand devra reprendre à son compte la fonction de cette puissante Pologne de Sobiesky. Telle est la seconde position de Leibniz.

 

Dans la troisième position qu'il adopte face à la Russie montante, Leibniz jette les bases de ce qu'il est convenu d'appeler l'“eurasisme”. Dans son texte de 1697, Novissima Sinica, Leibniz écrit que la masse continentale euro-asiatique compte deux anciennes civilisations: 1. Rome/Europe (le Reich); 2: La Chine. La Russie, poursuit-il, doit faire le lien entre ces deux civili­sations en organisant son propre territoire. L'Europe acquerra un avantage si c'est elle qui communique à la Russie les re­cettes de la “bonne” organisation politique, territoriale, administrative, etc.

 

Dans sa quatrième position, Leibniz parle de la Russie comme d'une tabula rasa, comme d'un espace vierge, où l'on pourra tester toutes sortes d'expériences. La Russie est un pays qui offre des milliers de possibilités (comme on le dira plus tard des Etats-Unis). Il permettra d'absorber une immigration paysanne allemande.

 

Dans sa cinquième position, prise en 1712 lors de la guerre entre la Suède et la Russie pour la maîtrise de l'axe fluvial “gothique”, joignant la Baltique à la Mer Noire, afin d'assurer la translation de l'héritage polono-lithuanien. Leibniz, Allemand, s'oppose à toute expansion de la Russie vers le Nord, mais favorise toute expansion vers le Sud. Cette position allemande est une constante: on l'a vu se manifester lors de l'indépendance des Pays Baltes (en 1919 comme en 1991), de la Finlande, dans les intentions lisibles en filigrane dans les clauses du Pacte germano-soviétique de 1939, dans les concessions accordées en théorie par Jirinovski aux Suédois et aux Allemands dans son projet de “grande avancée vers le Sud”. Symptomatique est le fait que Jirinovski insiste si fortement en Allemagne et en Suède sur l'orientation méridionale des hypothétiques efforts de “sa” future Russie.

 

Dans sa sixième position, Leibniz approfondit sa réflexion sur la qualité de tabula rasa  du territoire russe. La Russie est vierge, dit-il, on peut y importer tant les vices que les vertus de l'Europe. Mais Leibniz est pessimiste, conservateur. Pour lui, l'Europe décadente est travaillée et minée par ses vices. Il raisonne binairement en opposant une Europe décadente à une Russie pure. Adepte de l'idéologie des Lumières à ses débuts, Leibniz poursuit un objectif pédagogique: si la Russie est pure, vierge et “mineure”, elle peut devenir l'objet d'une pédagogie vertueuse et éviter ainsi d'entrer directement en décadence à cause de ses nouveaux contacts avec l'Europe malade.

 

En résumé: l'Europe, par la voix de Leibniz, est favorable à la Russie quand elle avance ses pions vers le Sud contre les Turcs, vers la Mer Noire, mais pas encore vers les Balkans, territoire réservé à l'époque aux Hongrois et aux Autrichiens, protecteurs des Serbes, après la libération de Belgrade en 1717/18. En revanche, l'Europe se montre hostile à la Russie quand elle avance ses pions vers le Nord. Comme Leibniz, elle se montre pro-suédoise, pro-polonaise (puis pro-ukrainienne), car, pour elle, l'axe gothique est un espace intermédiaire entre la Russie et l'Europe, qui a une logique propre qu'il convient de con­server, tandis que l'espace balte est un indispensable espace de transition entre Russes, Suédois et Allemands

 

Herder précisera cette vision d'un espace balte d'échange culturel. Herder est le père des nationalismes germaniques et slaves, le théoricien de la relativité culturelle, des différences, de la valorisation des origines de toute culture au détriment des époques plus tardives, jugées déclinantes. En 1769, dans le journal qu'il a écrit au cours de son voyage de la Livonie (en Lettonie actuelle) à Nantes, Herder écrit que l'Europe est vieillie, décadente, qu'elle a épuisé ses potentialités. Face à elle, la Russie possède encore des atouts, des potentialités. Il faut travailler la Russie, dit Herder, pour en faire un modèle pour le reste de l'humanité. La pensée de Herder est à la fois liée aux Lumières car elle est pédagogique, elle veut étendre au monde entier des idées européennes qui ne sont ni le rationalisme occidental ni le césaro-papisme catholique. Mais si cette pensée de Herder est liée aux Lumières, elle est en même temps critique à leur égard. La critique de Herder s'articule surtout autour de l'optimisme et de la prétendue unicité du modèle des Lumières. Pour Herder, théologien protestant, toute culture est une manifestation voulue par Dieu et celui-ci se manifeste de multiples façons, donc seule la pluralité des cultures est légitime, est œuvre de Dieu. L'histoire d'un peuple particulier est simultanément l'histoire d'un possible humain, universellement valable.

 

Sur base de ces principes, Herder énonce des projets pour l'Europe orientale et la Russie. Il privilégie les Pays Baltes, dont il est issu, comme espace d'échanges entre l'Europe germanique et la Russie. Mais il concocte également des projets sédui­sants pour l'Ukraine, la Crimée et la rive septentrionale de la Mer Noire. La mission de la Russie, à ses yeux, est de recréer un nouvel hellénisme sur le pourtour de la Mer Noire et de faire de la Crimée sa capitale. En énonçant ce grand projet, il re­prend l'idée allemande d'un “Drang nach Süden” russe et souligne l'importance capitale de la Crimée sur le plan géopolitique (pendant la guerre civile entre Blancs et Rouges, la Crimée, sous le Général Wrangel, a été un enjeu majeur du conflit; le IIIième Reich concoctait également des plans germanisants/hellénisants pour la Crimée et le conflit russo-ukrainien d'aujourd'hui rappelle l'importance géopolitique de cette presqu'île). Le “Projet grec” de Herder sera repris par Catherine II et instrumentalisé contre l'Empire ottoman que la fougueuse Tsarine chassera des rives septentrionales de la Mer Noire.

 

Le jugement que porte Herder sur l'œuvre de Pierre le Grand est également fort intéressant. Herder reproche au Tsar Pierre d'avoir négligé la culture “naturelle” de la Russie, de ne pas avoir tablé sur ses atouts nationaux et surtout d'avoir fait de la Russie une “pyramide inversée” qui risque de s'effondrer tôt ou tard dans la catastrophe. Herder prédit ainsi pour la première fois la révolution russe de 1917.

 

De 1789 à 1820, c'est-à-dire de la Révolution française à l'avènement de la Monarchie de Juillet, la réflexion sur la Russie va s'articuler autour de trois oppositions:

1. L'opposition entre liberté et despotisme, où l'Ouest est la liberté et la Russie, le despotisme (Marx reprendra cette di­chotomie russophobe, et, dans le marxisme, on parlera parfois de “despotisme oriental”).

2. L'opposition entre légitimité et révolution, où la Russie est le bastion de la contre-révolution. Nous avons là ante litte­ram une dialectique Est-Ouest, où la droite légitimiste est pro-orientale et anti-occidentale, contrairement à ce que nous avons connu pendant la guerre froide. Dans l'Allemagne de la “révolution conservatrice”, Moeller van den Bruck, traducteur de Dostoïevski, réfléchit sur l'itinéraire de ce dernier: révolutionnaire dékabriste, il deviendra légitimiste, en percevant l'insuffisance des idées occidentales. Moeller et, à sa suite, les diplomates allemands conserveront l'espoir légitimiste-con­servateur en la Russie, en dépit de la révolution bolchevique.

3. L'opposition Terre/Mer ou Russie/Angleterre. Ces réflexions ont annoncé la géopolitique de McKinder et de Haushofer, ainsi que l'œuvre de Carl Schmitt. Face à cette dualité Terre/Mer, notons la position intermédiaire prise par la France. La France est une “civilisation équilibrée” entre Terre et Mer, elle s'oppose également au “navalisme anglais” et au “despotisme exclusivement tellurique” de la Russie. Quand, sous Napoléon, la France s'identifie à l'Europe, comme l'Allemagne s'y identi­fiera pendant les deux guerres mondiales, les Continentaux percevront l'Europe comme le centre du monde et de l'histoire mondiale.

 

La période qui s'étend de 1789 à 1830 est une période de grande effervescence. Pour reprendre la terminologie de Carl Schmitt, c'est la fin du jus publicum europæum. L'idée révolutionnaire veut se planétariser, ne connaît ni repos ni mesure. Au cours de cette période, les diplomates écrivent une quantité impressionnante de rapports dont la teneur est proprement géopolitique. Nous allons examiner ceux qui concernent notre propos d'aujourd'hui: la Russie.

 

En 1791, un rapport anglais anonyme, intitulé Russian Armament, jette les bases de l'hostilité anglo-saxonne à l'encontre de la Russie. La Russie est désignée clairement comme l'ennemi car elle vise l'élimination de la présence ottomane en Mer Noire et dans les Balkans. Nous avons là le premier indice de l'alliance réelle et tacite entre Londres et la Turquie, entre la thalasso­cratie anglo-saxonne et la Sublime Porte. Le rapport poursuit: l'avancée de la Russie vers Constantinople menace 1) l'Egypte (on prévoit déjà en Angleterre le percement du Canal de Suez) et 2) le commerce du Levant. Donc, pour les diplomates an­glais, l'existence de l'Empire Ottoman, y compris sa présence dans les Balkans, garantit l'équilibre européen (l'argument sera repris lors de la Guerre de Crimée); l'Empire Ottoman est un barrage contre la Russie qu'on soupçonne vouloir s'emparer des Indes (en 1800-1801, effectivement, le Tsar Paul I, allié de Napoléon, projette l'invasion des Indes). Dans d'autres mani­festes anonymes parus entre 1792 et 1793, des observateurs anglais envisagent une alliance entre la France, l'Angleterre et la Turquie, pôle de la liberté, contre l'Autriche, la Prusse et la Russie, pôle du despotisme.

 

Cette tentative de rapprochement, en pleine guerre, de l'Angleterre avec la France révolutionnaire peut s'expliquer clairement si l'on a lu le livre de l'historien français Olivier Blanc, Les hommes de Londres. Histoire secrète de la Terreur (Albin Michel, 1989). Blanc nous y démontre les mécanismes d'organisation de la guerre civile en France, mis en œuvre depuis Londres, afin de venger la bataille de Yorktown (1781) qui avait donné la victoire aux insurgés américains avec l'appui de troupes et de vaisseaux français. Par ailleurs, l'Angleterre visait à détruire les ressorts de la politique navale de Louis XVI, qui avait connu quelques succès militaires. Les manifestes anonymes réclamant une alliance avec la France demandent implicitement l'arrêt de cette politique secrète d'organisation de la guerre civile en France, d'autant plus que les troupes autrichiennes et prus­siennes avancent dans le Nord et en Lorraine, risquant d'affaiblir définitivement la France et de souder au Nord et au centre de l'Europe un bloc germanique et impérial solide. L'Angleterre, au nom de l'équilibre continental, cherche à changer d'alliés et à se ranger du côté du plus faible. Mais, coup de théâtre, la France est victorieuse à la bataille de Fleurus en 1793: elle devient la plus forte puissance européenne, s'installe en Brabant et à Anvers, ce qui, pour Londres, est intolérable. L'Angleterre, pour respecter sa politique d'équilibre, doit lui faire la guerre, de concert avec les Prussiens et les Autrichiens. Quand l'Allemagne, après Bismarck, sous Guillaume II et avec la politique navale de von Tirpitz, deviendra la plus forte des puissances euro­péennes, l'Angleterre fera la guerre contre elle, en utilisant les ressources humaines de la France.

 

C'est sur cet arrière-plan que Wilhelm von Byern en 1794 propose une alliance germano-russe contre la France révolution­naire et E. von Zimmermann une alliance germano-franco-anglo-russe contre le challengeur qui pointe à l'horizon, l'Amérique. Mais le théoricien le plus pointu qui a esquissé les grandes lignes d'une politique générale pour vertébrer l'Europe, pendant cette époque de troubles et de désorientements, reste le Français Bertrand Barère de Vieuzac. En 1798, il rédige un manifeste intitulé La liberté des mers ou le gouvernement anglais dévoilé;  ce texte fondamental annonce et anticipe véritable­ment le noyau central des doctrines géopolitiques allemandes de ce siècle (Haushofer) et les positions telluriques et anti-tha­lassacratiques de Carl Schmitt. Pour Barère de Vieuzac, le véritable principe dissolvant n'est pas tant la révolution que le “principe industriel”, générateur de flux incontrôlables. L'industrie anglaise, dit Barère de Vieuzac, découle de la navigation, dès lors les flots générés par la production de marchandises correspondent aux flots océaniques, sur lesquelles rien ne peut se construire. L'industrie induit une démonie de la technique, qui abolit toutes les barrières, frontières, etc. Elle abolit le prin­cipe traditionnel de la famille avec son ancrage dans la Terre. C'est au départ de ce texte de Barère de Vieuzac que le poète Rudolf Pannwitz (cf. NdSE n°19) chantera son apologie de la Terre et de l'Imperium Europæum et que le Carl Schmitt d'après 1945 élaborera son anti-thalassocratisme fondamental (cf. Terre et Mer & Glossarium). Pour Barère de Vieuzac, l'Europe est une terre de civilisation et d'enracinement qui s'oppose tout naturellement à l'Angleterre, qui domine l'espace fluide de la mer sur lequel aucune civilisation ne peut éclore, et à la Russie, qui domine un espace mouvant de terres non travaillées. Son dis­ciple Eschasserieux propose dès lors une alliance franco-prussienne contre l'Angleterre et la Russie. C'est dans les travaux de Barère de Vieuzac et d'Eschasserieux qu'on trouve l'origine des rapprochements franco-allemands, depuis le napoléo-gaullisme de Pannwitz jusqu'à la réconcialisation préconisée par Adenauer et De Gaulle en 1963 et à la présence d'un Ernst Jünger lors de la visite de Kohl et Mitterand à Verdun.

 

Chez les nationalistes allemands de la première génération, nous trouvons d'autres approches, qui, elles aussi, ont connu une postérité. Pour Ernst Moritz Arndt, auteur de Deutsche Volkswerdung,  l'analyse est plus subtile: l'opposition fondamentale, pour Arndt, n'est pas tant la révolution ouest-européenne contre la contre-révolution russe, ou la civilisation française, alle­mande et européenne contre la barbarie russe (comme le voulaient les russophobes napoléoniens), mais l'opposition entre pays fermés non organisés et pays ouverts à la mer (sans pour autant être thalassocratiques). Arndt préfigure là la géopo­litique de Ratzel.

 

Quant au poète Jean-Paul en 1810, il se moque de la russophobie qui décrit les Russes comme des “barbares”, mais reste attaché à l'idée pédagogique de l'Aufklärung (que l'on a repérée de Leibniz à Herder). Selon cette idée laïque et missionnaire, la Russie est certes encore “barbare” mais elle se civilisera sous l'influence européenne. Remarquons que la russophilie de Jean-Paul n'est pas encore celle des narodniki russes: il ne rejette pas l'intellectualisme de l'Aufklärung mais ne parie pas sur les ressorts naturels du peuple russe, qu'il juge encore “inférieurs” et “mineurs”.

 

Heinrich von Kleist, dans son essai Über das Marionettentheater  (1810) décrit un monde futur totalement technicisé et ratio­nalisé, mais, dans ce monde figé, tout à coup, un ours déboule sur la scène; il est le symbole de l'Est, de la Russie; il repré­sente la force de l'instinct qui domine toute technique. Contre l'instinct, inutile de se battre, il ne faut attendre aucune victoire. L'Ouest, c'est Napoléon, l'ours, c'est la Russie. Cette argumentation sera reprise par Niekisch dans ses articles “nationaux-bolcheviques” de la revue Widerstand.

 

En France, c'est le traditionalisme anti-révolutionnaire qui développera des réflexions intéressantes sur la Russie. Pour Louis de Bonald (1754-1840), dans ses Discours politiques sur l'état actuel de l'Europe  (1802), la Russie est, depuis la chute de l'Empire romain, la plus grande force d'expansion à l'œuvre en Europe. Mais, ajoute-t-il, son christianisme est “byzantin”, donc, du point de vue catholique de Bonald, il est un mélange de “superstitions” d'“idolâtrie” et de “morceaux de christia­nisme”. Dans les droites catholiques et françaises, Bonald introduit un ferment russophobe d'anti-byzantinisme, contre lequel s'insurgera le Russe Leontiev (cf. Vouloir n°6/1996). A cet anti-byzantinisme, Bonald ajoute un jugement sur l'œuvre de Pierre le Grand: il estime qu'avoir voulu l'européanisation de la Russie est une bonne initiative, mais, déplore Bonald, “il a introduit la corruption avant de former la raison”. Bonald veut dire par là que Pierre le Grand a d'abord favorisé le commerce et l'industrie avant d'établir des lois. Il aurait dû favoriser les classes rurales, puis assurer le primat de la chose militaire, de la souverai­neté et de la paysannerie sur les fonctions de négoce. Bonald développe une critique conservatrice de l'idéologie marchande, vectrice de corruption, mais souhaite la conversion de la Russie au catholicisme. Il introduit ainsi un motif de russophobie ré­current dans la pensée politique conservatrice en France.

 

Joseph de Maistre (1753-1821) critique à son tour l'œuvre de Pierre le Grand, qui s'est laissé entraîner par “l'esprit de fabri­cation”. Comme cet esprit de “fabrication” (on dirait aujourd'hui: ce “constructivisme”) s'est insinué dans la vie politique russe dès l'origine de son européanisation, il est appelé à s'accentuer en dépit des barrières traditionnelles et provoquera une révo­lution (avec la critique de Herder qui voit dans la Russie de Pierre le Grand une “pyramide inversée” prête à basculer, la cri­tique de J. de Maistre est la seconde prédiction de la révolution russe, un siècle avant les faits).

 

La fin de l'aventure napoléonienne se déroule sous le règne du Tsar Alexandre I. Celui-ci fournit le gros des troupes de la coa­lition anti-napoléonienne, si bien qu'il acquiert le titre de “Libérateur de l'Europe”. Il est forcément peu perçu comme tel en France mais bien en Allemagne ou en Belgique (où le souvenir de “Pietje le Cosaque”, à Gand, au moment des premières manifestations flamingantes, reste dans les mémoires). L'idée motrice d'Alexandre I était de constituer une “Sainte-Alliance” en Europe. La mission de la Russie est de donner corps à cette initiative, visant à terme la “monarchie universelle”, que ses adversaires déclareront bien vite “despotique”. Cette idée du Tsar Alexandre I provient de deux sources:

1) La “pansophie” de Louis-Claude de Saint-Martin, qui visait à transcender les clivages religieux en Europe entre orthodoxes, protestants et catholiques.

2) Le “Mouvement du Réveil” de l'Allemand Jung-Stilling.

 

Jung-Stilling (1740-1817) veut fusionner le piétisme et la mystique protestante. Il élabore le concept de “nostalgie” (Heimweh, également titre d'un roman). La nostalgie est toujours nostalgie de la patrie céleste, de l'Empire de Dieu à construire. Pour Jung-Stilling, cet empire commencera à l'Est. Le christianisme s'est développé d'Est en Ouest et a décliné. Il faut faire le chemin inverse. Son disciple Johann Albrecht Bengel voit dans la Russie l'instrument de Dieu pour punir les nations: Napoléon est l'Antéchrist, Alexandre I, l'Ange de l'Apocalypse. En 1817, quand une famine éclate en Allemagne du Sud, les paysans adeptes du “Mouvement du Réveil” (catholiques et protestants confondus) émigrent vers la Russie, afin de s'installer dans l'antichambre du futur paradis et de fuir l'Europe qui allait subir une punition méritée.

 

Franz von Baader (1765-1841) recueille l'héritage de la mystique allemande de Jakob Boehme, de Louis-Claude de Saint-Martin, de Jung-Stilling et de Görres. Son objectif se confond avec celui d'Alexandre I: réconcilier catholiques et protestants dans l'orthodoxie, raviver la dimension religieuse eschatologique et mystique, faire de la Russie le site de la synthèse de ce renouveau religieux et de son armée l'instrument destiné à sauver l'Europe de la dissolution révolutionnaire.

 

Les idées traditionalistes, la coalition anti-napoléonienne, le “Mouvement du Réveil” poursuivaient un même objectif. D'où la théocratie chrétienne et pansophique, l'utopie tirée du “Mouvement du Réveil”, l'“entremission organique” (organische Vermittlung) participent du “Principe d'Etat” qui s'oppose à l'Etat mécanique des révolutionnaires (procédant de l'“esprit de fa­brication”) et au “Dieu mécanique” des philosophes. Mais la grande différence entre, d'une part, Baader et les catholiques pan­sophiques et pro-orthodoxes et, d'autre part, et Bonald, de Maistre et les catholiques stricto sensu, c'est que Baader est mo­niste (il veut façonner le futur et affirme que la bonne politique organique adviendra) tandis que Bonald et de Maistre sont dua­listes et prétendent que la bonne politique est une chose définitivement passée. Face à la position pro-orthodoxe de Baader, de Maistre avance que l'orthodoxie est figée. Baader lui répond que cela la rend imperméable aux idées révolutionnaires. Pour Baader en revanche, c'est le “papisme” qui est figé car il jette le soupçon sur l'intelligence et le savoir (selon l'adage: “point trop de science”). Le protestantisme selon Baader laisse libre cours au savoir et l'accumulation de “science” désoriente les hommes, incapables de maîtriser les flux de la connaissance. Pour Baader, science et foi ne doivent pas être distinctes: telle est la mission d'Alexandre I, de la Sainte-Alliance, du “Mouvement du Réveil”, de la Russie et de l'orthodoxie, face à l'“Ouest pourri” (gniloï zapad). Mais les forces les plus conservatrices de l'Eglise orthodoxe russe refusent la démarche d'Alexandre, jugé trop ouvert aux Catholiques et aux Protestants, les “Réveillés” sont expulsés de Russie, de même que Baader, qui ne peut plus s'y rendre et tire les conclusions de sa tentative avortée: «Le retour à une politique ecclésiale conservatrice va pro­voquer l'expansion du matérialisme en Russie et, sous le manteau d'une Eglise d'Etat, les tendances anti-chrétiennes pourront agir plus secrètement, donc plus destructivement». Troisième prévision de la révolution bolchevique...

 

Autre figure-clef de l'époque, l'Abbé Dufour de Pradt (1759-1837), archevêque et confesseur de Napoléon. Pour Dufour de Pradt, le monde contient “deux zones de principes et de langage”, la zone de l'“ordre absolu” et la zone de l'“ordre constitution­nel à des degrés divers”. Ces deux zones se livreront une lutte à mort. Dufour de Pradt annonce au fond la bipolarité de la guerre froide... L'Europe n'a plus le choix qu'entre devenir un protectorat anglais et devenir un protectorat russe. En 1819, Dufour de Pradt prévoit que l'Amérique remplacera l'Angleterre sur mer, avant même que le Président Monroe ne proclame sa célèbre “doctrine” en 1823. Pourquoi? Parce que tant la Russie que l'Amérique disposent d'espace. Dufour du Pradt écrit: «La Russie jouit de tous les avantages dont sont privés les anciens Etats de l'Europe, dans lesquels les espaces sont occupés par la population et par les cultures destinées à la subsistance. On a calculé l'époque à laquelle les Etats-Unis d'Amérique possèderaient une population de cent vingt millions d'habitants, la progression a même dépassé les prévisions. Pourquoi, dans un temps donné, la Russie ne s'élèverait-elle pas au même degré, car elle possède des éléments parfaitement semblables et égaux à ceux qui promettent aux Etats-Unis ce rapide accroissement? La faculté de nourrir sa famille est la limite de la popu­lation; c'est elle qui, dans les Etats peuplés, réduit les mariages à un si petit nombre. Mais il faut un long cours de siècles pour que cette limite sera atteinte en Russie, comme en Amérique; elle se peuplera donc à l'infini...».

 

Aux Etats-Unis, le diplomate Alexander H. Everett (1790-1847) constate que tous les mouvements politiques de son époque sont les conséquences de la Révolution, cherchent à poursuivre la Révolution. L'Europe, dit-il, doit s'unir sinon elle subira le sort des cités grecques, face à la puissante machine militaire et administrative romaine. Mais pour que cette unification ait lieu dans l'équilibre des forces, il faut en exclure la Russie, parce qu'elle a beaucoup d'espace et rompt cet équilibre. Néanmoins, elle va sauver l'Europe en l'unifiant de force: c'est alors que prendra fin l'ère révolutionnaire.

 

En Allemagne le Baron von Haxthausen (1792-1866) écrit que l'atout slave/russe majeur dans le concert politique européen de l'époque est le sens intact de la communauté (mir/obchtchina). Haxthausen influencera directement la pensée populiste russe, tant dans l'expression qu'elle s'est donnée chez Alexander Hertzen que dans celle des narodniki  (les slavophiles) ou des marxistes russes. Entre les uns et les autres, face à cette revendication de la “communauté”, il y tout de même des diffé­rences d'approche: les “progressistes” voient dans le mir une condition sociale favorisant l'avènement du socialisme, tandis que les narodniki y voient une suprématie morale. Pour Haxthausen, les “communautés” russes sont le fondement de l'ordre social car elles empêchent l'émergence d'un prolétariat. Haxthausen était conscient de la différence entre démocrarie orga­nique et démocratie atomisée.

 

Vu d'Europe, voici donc un vaste éventail de réflexions sur la Russie qui inspirent toujours les chanceleries. Elles apparais­sent limpides dans leur simplicité et continuent à structurer toute la pensée géopolitique, même si les noms de leurs auteurs sont aujourd'hui tombés dans un oubli non mérité.

 

Il nous reste à dire quelques mots sur l'Eurasisme. Les Anglais ont un mot pour désigner la lutte planétaire pour le contrôle de l'Asie Centrale et himalayenne: “The Great Game”, “le Grand Jeu”. ce “Grand Jeu” consiste à contrôler les espaces vides entre les grands pôles civilisationnels de l'Inde, de la Chine et de l'Europe. Car la maîtrise de ces espaces assure la domina­tion de la planète. Leibniz s'en était déjà confusément aperçu en rédigeant sa Novissima Sinica en 1697. Dès la fin du XVIIIième siècle, en 1796-97, les Anglais devinent que l'Europe (allemande ou française) et la Russie vont un jour ou l'autre contester ses positions en Inde. Pour les Anglais, il y avait des signes avant-coureurs, comme la conquête de Sébastopol par les troupes de Catherine II en 1783, qui devient port russe en 1784, prélude à l'annexion complète de la côte pontique entre le Dniester et le Boug à la suite de la Paix de Jassy en 1792. La Mer Noire devient un lac russe, tandis que les Pays-Bas méri­dionaux tombent aux mains des hordes révolutionnaires.

 

Napoléon, lui, se rend compte du désastre que constitue pour la France la perte de ses comptoirs indiens. D'où son plan de couper la route des Indes en s'installant en Egypte. Avant de se lancer dans cette entreprise, il dévore tous les livres sur l'Egypte: «J'étais plein de rêves. Je me voyais fondateur d'une nouvelle religion, marchant à l'intérieur de l'Asie monté sur un éléphant, avec un turban sur la tête et à la main le nouveau Coran que j'aurais écrit pour répondre à mes besoins». Le 19 mai 1798 une armada française, avec 40.000 hommes, quitte Toulon et Marseille pour se diriger vers l'Egypte. Aussitôt les Anglais envoient tous leurs navires du Cap et de Calcutta pour bloquer la Mer Rouge. Nelson détruit la flotte française en mouillage à Aboukir (1 août 1798).

 

En 1801, le Tsar Paul I suggère à Napoléon d'envahir l'Inde par la terre et met 35.000 cosaques à la disposition de ce projet. Pour les appuyer, il demande à Napoléon de lui envoyer une armée française par le Danube, la Mer Noire et la Caspienne. Napoléon juge le projet irréalisable. Le 24 janvier 1801, 22.000 cosaques et 44.000 chevaux quittent le sud de la Russie pour se diriger vers l'Asie centrale. Mais le 23 mars 1801, Paul I est assassiné et Alexandre I monte sur le trône. Les Anglais réagissent en envoyant au Moyen-Orient le jeune John Malcolm, un orientaliste, spécialiste de la Perse, nommé officier dès l'âge de 13 ans. Malcolm a pour mission de forger une alliance avec l'Iran, pour bloquer sur le “rimland” toute avancée française (ou russe ou européenne ou, plus tard, allemande) dans la zone s'étendant de la Syrie au Béloutchistan. La réaction russe est immédiate: le Tsar annexe la Géorgie en septembre 1801. En juin 1804, les Russes sont en Arménie, mettent le siège devant Erivan et engagent la guerre contre la Perse pour forcer le passage vers les Indes.

 

En 1804, les Perses appellent les Anglais au secours. Mais 1804 est également l'année où Napoléon devient “empereur”, pro­voquant un renversement des alliances et un rapprochement entre Russes et Anglais. Les Anglais ne font plus pression sur le Tsar pour qu'il rende à la Perse la Géorgie et l'Arménie. Le Shah n'a plus d'autre alternative que de se tourner vers la France. De 1804 à 1807, les tractations entre le Shah et Napoléon sont ininterrompues, la Perse devant servir de tremplin pour une re­conquête française des Indes. L'armée persane est entraînée par des instructeurs français. En 1807, à Friedland, Alexandre se rapproche à nouveau de Napoléon et participe au blocus continental; Français et Russes sont à nouveau alliés contre les Anglais. A Tilsit, la France et la Russie envisagent de bouter les Ottomans hors d'Europe, de s'allier avec la Perse pour mar­cher de concert sur les Indes, mais la France ne peut plus demander aux Russes de rendre la Géorgie et l'Arménie, poussant les Perses dans une nouvelle alliance anglaise!

 

Tels ont été les préludes du “Grand Jeu”. L'affrontement Terre/Mer entre la Russie et l'Angleterre se poursuivra pendant tout le XIXième siècle, véritable épopée avec, de part et d'autre, des héros sublimes et des aventuriers extraordinaires. Parmi les autres facettes du “Grand Jeu”, il y a eu la volonté de contrôler le Tibet (et surtout les sources des grands fleuves chinois, indochinois et birmans), de maîtriser la “Route de la Soie” et surtout le Turkestan chinois (ou Sinkiang). Des missions allemandes tenteront de forger une “alliance diagonale” entre le Reich, l'Empire Ottoman, la Perse, l'Inde et l'Indonésie. Le pantouranisme sera instrumentalisé par les Allemands en 1914, par les Britanniques après 1918. Pendant la guerre civile russe, les Anglais ont tenté de détacher le Caucase de la Russie, en incitant au massacre des commissaires communistes arméniens. Le Japon y participera en soutenant Koltchak et Unger-Sternberg en Asie. Aujourd'hui, avec la tentative de souder à la Turquie, alliée des Etats-Unis, toutes les républiques musulmanes de l'ex-Union Soviétique, le “Grand Jeu” est loin d'être terminé. Pour nous, il s'agit d'en étudier tous les mécanismes, d'en connaître l'histoire jusqu'en ses moindres détails.

 

Robert STEUCKERS

lundi, 04 octobre 2010

Erste Schüsse im Cyber-Krieg

Michael WIESBERG:

„Erste Schüsse im Cyber-Krieg“

Ex: http://www.jungefreiheit.de/

CyberWar_May%202009-thumb-400x299-thumb-400x299.jpgTausende Rechner im Iran sind, das haben dortige staatliche Stellen mittlerweile eingeräumt, mit dem Computer-Schadprogramm „Stuxnet“ infiziert. Es handelt sich bei „Stuxnet“ um einen sogenannten „Trojaner“, der laut der Sicherheitsfirma „Kaspersky Lab“ entwickelt worden ist, um Fabriken und Industrieanlagen zu sabotieren.

Eugene Kaspersky, Chef und Mitbegründer der Firma „Kaspersky Lab“, sieht in „Stuxnet“ den Auftakt zu „einem neuen Zeitalter“ , das durch „Cyberterrorismus, Cyberwaffen und Cyberkriege“ geprägt sei. „Stuxnet“ könnte ein neuerliches, diesmal elektronisches Wettrüsten in Gang setzten. Der bekannte US-Journalist und Blog-Betreiber Bob Woodward äußerte sich in eine ähnliche Richtung: „Sind wir gerade Zeugen der ersten Schüsse in einem Cyber-Krieg gegen den Iran geworden?“

Drahtzieher Mossad?

Nicht wenige Kommentatoren mutmaßen, daß die Drahtzieher des Trojaners „Stuxnet“ in Israel, genauer: beim Mossad, zu verorten seien. Der israelische Geheimdienst Mossad bemüht sich intensiv, das angebliche Atomwaffenprogramm des Iran zu stören. Nicht einsichtig ist allerdings, warum dann gerade die Atomanlage in Bushehr einer der Schwerpunkte infizierter Rechner geworden ist. Hier handelt es sich nämlich allen Erkenntnissen nach um eine Anlage, die ausschließlich der friedlichen Nutzung dient.

Naheliegender wäre ein Angriff auf die Urananreicherungsanlage in Natanz. Diesen Angriff könnte es nach Frank Rieger vom Chaos Computer Club bereits im Frühjahr oder Mitte 2009 gegeben haben, worauf unter anderem der Rücktritt des Leiters der iranischen Atomenergiebehörde Gholam Reza Aghazadeh in diesem Zeitraum hindeute. Seitdem seien, so Rieger, auch die von der Internationalen Atomenergiebehörde ausgewiesenen Anreicherungszentrifugen des Iran rückläufig. Rieger wörtlich: „Tausende Zentrifugen müssen in Serie geschaltet werden, um am Ende die nötige Anreicherung des spaltbaren Atommaterials zu erreichen.

Ohne entsprechende Computersteuerung ist eine solche Anlage effektiv nicht zu betreiben.“ Die Analyse von „Stuxnet“ weise ein faszinierendes Detail auf: „Ein Teil der Schadsoftware, die in die Steuerungsprozesse eingreift, scheint darauf ausgelegt, sich auf viele einzelne Steuercomputer in einem Netz zu verbreiten und die Schadensroutinen zeitlich zu synchronisieren.“

Dieser Trojaner soll laut Analysen der Sicherheitsfirma „Symantec“ weiter in der Lage sein, bereits desinfizierte Computer, die unter „Windows“ laufen, erneut zu infizieren. Der enorme Aufwand, der hinter der Programmierung einer derartigen Software stehe, deute jedenfalls darauf hin, daß hinter diese Attacke staatliche Stellen stehen könnten. Es handelt sich bei „Stuxnet“ also mit einiger Sicherheit um einen „Staatstrojaner“.

Stuxnet-„Epizentrum“Indien

Viele der Kontrollsysteme für die Steuerungssysteme stammen von der Firma Siemens. Den in Bushehr verwendeten Siemens-Modulen fehlt allerdings die Zulassung für Atomkraftwerke, was aber nur vordergründig dagegen sprechen würde, daß Bushehr nicht doch das eigentliche Ziel der Attacken gewesen ist. Es kann nämlich nicht ausgeschlossen werden, daß die russischen Kraftwerksbauer von Atomstroyexport die nicht zugelassenen Siemens-Module verwendet haben könnten.  

Die russischen Kraftwerkbauer lassen im übrigen noch ganz andere Mutmaßungen zu. So wies die Sicherheitsfirma „Kaspersky Lab“ darauf hin, daß das eigentliche „Epizentrum“ der „Stuxnet“-Aktivitäten Indien sei. Die dort auch tätigen Kraftwerkbauer von Atomstroyexport (Atomkraftwerk Kudankulam), könnten den Trojaner also in den Iran eingeschleppt haben. Nicht ausgeschlossen werden kann vor dem Hintergrund der Rivalitäten zwischen Indien und China, das seine Fähigkeiten im „Cyberwar“ ja bereits einige Male unter Beweis gestellt hat, das staatliche chinesische Stellen hinter „Stuxnet“ stehen könnten.

Dies gilt ungeachtet der Meldung, daß in China angeblich Millionen von Rechnern von „Stuxnet“ befallen sein sollen. Womöglich handelt es sich hier um gezielte Desinformation. Es bleibt dabei: Neben „westlichen“ Geheimdiensten kommen durchaus auch chinesische Dienste als Entwickler von „Stuxnet“ in Frage.

Wie sicher sind deutsche Anlagen?

Beunruhigend aus deutscher Sicht ist an diesem Szenario ist nicht nur das Tappen im Dunkeln, was die Entwickler von „Stuxnet“ angeht, sondern auch die Frage, wie sicher eigentlich deutsche Industrieanlagen vor derartigen Angriffen sind. Die USA haben im übrigen bereits reagiert: Dort baut das Heimatschutzministerium gerade ein Spezialistenteam auf, das auf Angriffe auf Industrieanlagen umgehen reagieren soll. 

L'ex-Chancelier Helmut Schmidt sur l'affaire Sarrazin

L’ex-Chancelier Helmut Schmidt sur l’affaire Sarrazin

 

Extraits d’un entretien avec Helmut Schmidt à « Zeit Magazin », supplément illustré de l’hebdomadaire « Die Zeit » (Hamburg)

Propos recueillis par Giovanni di Lorenzo

 

schmidt.jpgQ. : Quel est le nerf que Sarrazin a effectivement touché ?

 

HS : Apparemment, il en a touché plusieurs en même temps. Parmi ces nerfs, il y a ceux d’un certain groupe de personnes. Par exemple, parmi nos concitoyens juifs, il y en a quelques-uns qui se sentent visés par une remarque, tout à fait en marge d’ailleurs du discours de Sarrazin, sur le « gène juif ». Toutefois, l’intérêt général pour les thèses de Sarrazin a au moins deux racines. Premièrement : la situation, qu’il décrit, sur laquelle il prend son point de départ et pour laquelle il propose une thérapie et énonce des conclusions, eh bien, cette situation est ressentie de manière identique par beaucoup de gens en Allemagne.

 

Q. : Vous voulez dire le déficit d’intégration…

 

HS : Oui. Car les autres affirmations de Sarrazin ne sont pas partagées par tous. Deuxièmement : ces autres affirmations ont provoqué beaucoup de gens, surtout ceux de la presse et de la classe politique. Ces gens-là ont commencé par prendre une attitude très prononcée de mépris à l’égard de Sarrazin et ont jugé négativement ce qu’il disait. Jusqu’au jour où ils ont remarqué, journalistes en tête, qu’une bonne part de l’opinion publique pensaient très différemment d’eux. Alors ils se sont mis à réfléchir. Il faut ensuite ajouter un troisième point : le parti de Sarrazin, auquel il appartient depuis trente ou quarante ans, je veux dire celui des sociaux-démocrates, pense aujourd’hui à le jeter hors de ses rangs. Beaucoup de gens estiment que ce n’est pas correct.

 

Q. : Et vous-même ?

 

HS : Je pense aussi que ce n’est pas correct.

 

Q. : Et pourquoi n’est-ce pas correct ?

 

HS : Il faut d’abord écouter, poser des questions, discuter. Jadis, nous avons eu toutes sortes de déviants au sein de la sociale démocratie allemande et Sarrazin n’est pas le premier qui se voit menacer d’une exclusion. Mais, dans le temps, nous les avons supportés, ces esprits rebelles. Au-delà de la cuisine interne de la SPD, ce qui est important, c’est le fait que la liberté de proclamer son opinion haut et fort pour que l’entende toute l’opinion publique, est désormais perçue comme mise en danger dans l’affaire Sarrazin. En réalité, elle n’est pas mise en danger. Mais lorsque quelqu’un dit quelque chose, qui ne me plait pas, et qu’alors je lui dis tout de go, que je ne lui serrerai plus la main, que je ne veux plus le voir, une telle attitude est perçue comme un mépris à l’endroit de l’opinion que l’autre a formulée. La constitution fédérale allemande autorise les bonnes politiques comme les fausses. La liberté d’opinion, garantie par l’article 5, est valable pour les opinions justes comme pour les opinions fausses. Alors si le social-démocrate Sarrazin, ancien sénateur de Berlin pour les finances, connaît le succès en formulant des assertions provocatrices  —et il n’y a aucun doute qu’elles sont provocatrices—  je lui aurais dit, moi, s’il me l’avait demandé, de modérer ses propos.

 

(…)

 

Q. : Considérez-vous que l’identité allemande et que l’existence même de l’Allemagne sont en danger vu le taux de naissance beaucoup plus élevé que l’on constate dans les couches les plus défavorisées de la population, surtout chez les immigrés ?

 

HS : Non, je ne perçois pas ce danger pour le moment. Mais je dois vous avouer qu’au début des années 70, j’ai demandé à ce que l’on freine l’immigration en provenance d’aires civilisationnelles trop étrangères à l’Allemagne, que j’ai considéré une telle mesure comme nécessaire et que je l’ai favorisée. Lorsque j’ai pris les fonctions de chef de gouvernement, nous avions 3,5 millions de travailleurs étrangers, ici en Allemagne ; quand j’ai quitté les affaires, nous en avions encore 3,5 millions. Aujourd’hui, nous avons à peu près 7 millions d’étrangers en Allemagne.

 

Q. : Mais, vous, vous n’avez pas réclamé un frein à l’immigration au nom de principes tirés de la génétique…

 

HS : C’est juste. Tout cela n’a rien à voir avec l’hérédité et la génétique. Si vous prenez par exemple une personne issue d’une culture ouest-européenne, comme celles de l’Espagne ou du Portugal, et que vous la transplantez à Hambourg Eimsbüttel, et que ses enfants vont là à l’école, en règle générale, tout va bien, tout se passe dans le bon ordre.  Avec ceux qui nous arrivent de Pologne, tout se passe même fort bien. Mais si vous transplantez une personne qui nous arrive d’Afghanistan ou du Kirghizistan pour s’installer au même endroit, sans que ses enfants ne comprennent le moindre mot d’allemand, alors vous récolterez tôt ou tard de sérieux problèmes à l’école.

 

Q. : Depuis peu, nous avons une jeune collègue, que vous verrez souvent assise en face de vous lors des conférences politiques du vendredi. Ses parents sont arrivés de Turquie il y a près de quarante ans. Ils étaient ouvriers d’usine ; la mère ne connaissait quasiment pas un mot d’allemand et elle devait imiter le caquètement des poules chez le boucher pour signifier qu’elle voulait du poulet. Mais leur fille est devenue journaliste à « Die Zeit »…

 

HS : Je n’ai pas dit que cela devait irrémédiablement mal se passer. Bien au contraire. Il y a beaucoup de cas où l’intégration réussit. Mais il y a aussi beaucoup d’autres cas, où elle ne réussit pas du tout. C’était la raison pour laquelle j’avais fait en sorte qu’on mette un terme au recrutement des « travailleurs-hôtes », comme on disait alors, et qu’on leur offre davantage de possibilités de retour au pays. Il est vrai que ces travailleurs avaient été recrutés dans l’idée qu’ils étaient effectivement des « hôtes » et que tout hôte, un jour ou l’autre, rentrerait chez lui. Mais beaucoup d’entre eux, de fait, ne le désiraient pas.

 

Q. : Pourquoi personne n’a envisagé, à l’époque, que ces travailleurs resteraient ?

 

HS : Parce que tous les Espagnols ne sont pas restés ; beaucoup d’Italiens et de Portugais les ont imités. Dans la plupart des cas, ne sont restés que les gens qui provenaient de pays où, sur les plans économique et social, tout allait beaucoup plus mal qu’ici en Allemagne.

 

Q. : Vous voulez dire des Musulmans issus de Turquie…

 

HS : Par exemple, mais pas seulement de Turquie, aussi des anciennes républiques de l’ex-Union Soviétique, de l’actuelle Fédération de Russie ou de pays du Proche Orient, comme le Liban notamment. De tous ceux qui sont venus de ces pays, beaucoup ont aimé demeurer en Allemagne. Or on aurait parfaitement pu prévoir que leur intégration allait s’avérer difficile. En réalité, le problème fondamental est le suivant, et il est juste que l’on en discute dorénavant sur la place publique : nous, les Allemands, n’avons pas été capables d’assimiler ou d’intégrer sept millions d’immigrés. Nous n’avons pas réussi car nous n’avons pas fait suffisamment d’efforts et nous n’avons pas entrepris les démarches qu’il fallait entreprendre. Nous avons intégré une grande partie de ces travailleurs, certes, mais une autre partie d’entre eux, et une partie considérable, nous ne l’avons pas intégrée. Malheureusement. Ce n’est pas tant la faute de ces immigrés, comme on dit aujourd’hui. La faute principale incombe aux Allemands eux-mêmes. Et cette faute vient du fait que nous n’avons pas discuté de la chose. On peut dire de Sarrazin ce que l’on veut, il a fait mouche et a osé aborder un sujet qui était quasiment tabou jusqu’ici.

 

(extrait d’un entretien paru dans « Zeit Magazin », n°38/2010).

Le gouvernement turc protège les sociétés parallèles turques en Europe

Andreas MÖLZER :

Le gouvernement turc protège les sociétés parallèles turques en Europe

 

Le premier ministre turc Erdogan entendait naguère inoculer à la culture européenne quelques solides germes turcs. Et voilà maintenant que le ministre turc des affaires étrangères Davutoglu veut « multiculturaliser » l’Europe. Déclarations ou intentions qui devraient conduire à une rupture définitive des négociations en vue de l’adhésion turque à l’UE.

 

mafiaturque.jpgL’UE devrait immédiatement rompre les négociations en vue de l’adhésion turque, a exigé le chef de la délégation libérale autrichienne (FPÖ) au Parlement Européen, Andreas Mölzer, vu les déclarations du ministre turc des affaires étrangères Ahmet Davutoglu, lors d’une interview accordée aux quotidiens autrichiens. « Lorsque Davutoglu exige que l’Europe doit devenir multiculturelle et affirme que si les Turcs étaient poussés dans les marges de la société européenne, la mère patrie turque devraient ouvrir la voie aux sociétés parallèles turques », a rappelé Mölzer.

 

De toute évidence, Ankara ne voit aucune nécessité pour les Turcs, vivant en Europe, de s’assimiler ou de s’intégrer, ajoute le mandataire FPÖ du Parlement Européen. « Les déclarations de Davutoglu ne sont rien d’autre qu’un complément aux propos tenus par le premier ministre turc Erdogan, qui, c’est désormais de notoriété publique, avait déclaré, dans son fameux et controversé discours de Cologne en 2008, que toute assimilation d’un Turc dans la société allemande procédait « d’un crime contre l’humanité » et qu’il entendait inoculer des germes turcs dans le corps de la culture européenne. Ce que laissent entendre Erdogan et Davutoglu n’est rien moins qu’une menace : ils laissent prévoir ce qui adviendra à l’Europe si un jour la Turquie devient membre de l‘UE », nous avertit Mölzer.

 

De surcroît, rappelle le mandataire FPÖ, Ankara ne comprend qu’une seule chose quand on évoque le partenariat : faire passer exclusivement les positions turques. « Les Turcs ne connaissent ni compromis ni concessions mais attendent de l’Europe et compromis et concessions. De ce fait, on peut en conclure qu’une adhésion turque à l’UE n’européaniserait pas la Turquie, mais turquiserait l’Europe : voilà pourquoi il faut rompre toutes les négociations visant l’adhésion sans pour autant abandonner les pourparlers pour aboutir à un partenariat privilégié », a conclu Mölzer.

 

(communiqué de presse paru sur http://www.andreas-moelzer.at/ ).   

Dos Passos, questo sconosciuto

dospassos.jpg

Dos Passos, questo sconosciuto

di Marco Iacona


Fonte: Linea Quotidiano [scheda fonte]

Lost generation. La “generazione perduta”, per chi non lo sapesse, è un gruppo di scrittori americani giunti in Europa nella prima parte del Novecento e del quale fanno parte Ernest Hemingway, Ezra Pound e Francis Scott Fitzgerald; tre riferimenti essenziali per i contestatori non solo stelle-e-strisce che verranno dopo, compresa l’arcinota Beat generation di Allen Ginsberg e Jack Kerouac. Entrambe le “generazioni” rappresentano quell’America che ci piace, capace di rappresentare con sincerità fatti e personaggi, di autorappresentarsi (contemporaneamente) con afflitta “gagliardia” o affilata confidenza; ma senza trascurare sogni e aspirazioni seppur camuffati da rigide e fredde disillusioni… un atteggiamento pienamente anticonformista, (chi più di loro?), riconoscibile a fatica (con una prosa particolarmente schietta, curata o meno), che affascinerà intellettuali e narratori italiani fino ai nostri giorni. Due nomi su tutti: Italo Calvino e Cesare Pavese. Tante altre notizie su www.ariannaeditrice.it

Del gruppo di contestatori d’inizio Novecento, fra i primi peraltro a toccare con mano le degenerazioni della società del nuovo secolo (guerra compresa, ovviamente), è parte integrante anche John Dos Passos del quale vogliamo ricordare in queste pagine i quarant’anni dalla morte (28 settembre 1970). Come definirlo innanzitutto? Come definire quell’intellettuale e scrittore che nei primi anni Sessanta venne in Italia invitato da Giano Accame per partecipare agli “Incontri romani della cultura” grazie anche all’organizzazione del “Centro di vita italiano” di Ernesto De Marzio, e insieme a lui Gabriele Marcel, Michel Déon, Odysseus Elytis (futuro premio Nobel) e James Burnham? Anarchico sicuramente, anarchico nella misura in cui Dos Passos, da un punto di vista politico, fu definitivamente poco etichettabile. Di “destra” nel secondo dopoguerra (anche con posizioni maccartiste), e di “sinistra” filocomunista negli anni precedenti, i Venti e i Trenta (ricordiamo l’impegno civile, il rifiuto dell’evento bellico e la collaborazione alla rivista “New Masses”), anni nei quali si registra – dicono i critici – un apparentamento quasi “perfetto” fra impegno politico, temi e forme sperimentali dell’attività dell’ex studente di Harvard. In anni diciamo così “intermedi” (quasi simbolicamente, fra le due posizioni) il nostro venne anche catturato dalle prospettive del “New Deal” americano. Dos Passos può essere considerato allora un anticipatore ideale e pratico (fece volontariato, fra le altre istituzioni, presso la Croce Rossa), dell’intellettuale mai fermo su posizioni rigide, capace di “riposizionarsi”, e pronto a sfidare le (immancabili) vestali dell’ortodossia politica. Sovente le “peregrinazioni” politiche coincideranno con le fortune o le sfortune del romanziere, abilmente decretate dalla critica internazionale.

Dos Passos, e questo lo rese diverso da buona parte degli scrittori della sua generazione, amava anche “volare basso”, fondendo i grandi ideali (chi mai non ne ebbe?) a pagine di critica ordinaria e di schietto giornalismo; scrisse pagine seducenti sui grandi miti del cinema (miti pop, ma allora quasi nessuno lo sapeva), James Dean e Rodolfo Valentino che vide morire l’uno dopo l’altro, confermandosi in questo settore uno scrittore senza molte “regole”, se non la propria volontà e il proprio gusto. Ma anarchico o difensore degli anarchici il nostro lo fu soprattutto in relazione alle vicende legate ai due anarchici italiani in terra americana, vale a dire Nicola Sacco e Bartolomeo Vanzetti, sfortunati protagonisti di una storia mai dimenticata. Nel 1926, un anno prima della loro condanna a morte (erano anarchici ma non comunisti), l’uno operaio l’altro pescivendolo, Dos Passos dava alle stampe e per conto di un “Comitato di difesa” per i due italiani detenuti dal 1921 Facing the Chair, un libro nel quale da perfetto libertario biasimava il comportamento dei giudici americani vittime, a suo dire, di pregiudizi politici. In quel periodo, con largo anticipo rispetto alla “caccia alle streghe” del prossimo dopoguerra, in America si viveva infatti un clima repressivo rivolto alla cosiddetta sovversione politica. A farne le spese, fra gli altri, i due anarchici italiani emigrati nel 1908 e accusati di rapina e duplice omicidio benché già scagionati da un testimone. Con Dos Passos altri intellettuali illuminati si schiereranno dalla parte degli italiani “Nick” e “Bart”: da Bertrand Russel a Dorothy Parker, da G. B. Shaw a H. G. Wells. Tutto inutile, naturalmente. Fra le proteste generali i due verranno uccisi tramite sedia elettrica nell’agosto del 1927. Successivamente riabilitati (cinquant’anni dopo!) ma penosamente sacrificati sull’“altare della fermezza” di un’America oppressiva e giustizialista, un’America violenta che a, questo punto, non poteva essere per lo scrittore libertario nato a Chicago nel 1896.

Malgrado la ricca biografia, e malgrado il sentimento di apertura verso un mondo che dal secondo decennio del Novecento offriva più canali di comunicazione (soprattutto: il cinema di Eisenstein, la radio e il teatro sperimentale), Dos Passos è un autore oggi poco conosciuto ad eccezione - forse - di due volumi Manhattan Transfer del 1925 e Il 42° parallelo del 1930. In molti, da tempo, hanno dimenticato gli attestati di stima ricevuti (da J. Paul Sartre nel 1947, per esempio: «considero Dos Passos il più grande degli scrittori del nostro tempo»), ma hanno dimenticato, soprattutto, i suoi libri della fase giovanile e quelli dell’ultimo periodo. I primi sono tout court lo specchio di un’epoca il cui “superamento” condurrà l’autore ad abbracciare quelle posizioni radicali che i più conoscono; le posizioni che negli anni hanno affascinato la critica di sinistra, per intenderci... Come per esempio il “libro di guerra” One Man’s Initiation, interessante in proiezione di una crescita “ideale” di Dos Passos (con timbri espressionisti alla maniera di Ernst Jünger, ma assai diverso per ragioni e architetture), e non del tutto differente dalla copiosa narrativa di guerra che conquisterà i mercati occidentali dagli anni Venti in poi, o come Three Soldiers (1921), che si può considerare un romanzo di “tradizione” decadentista, pessimista, diretto a rivelare i tremendi meccanismi di una società moderna attraverso l’esperienza della guerra.

Ma le capacità di narratore-plurale di Dos Passos (qui sì, anticipatore di quella postmodernità che ama rilegare in capitoli unici le fonti che giungono dagli angoli diversi dello scibile), emergono all’interno del romanzo-denuncia sulla condizione del mondo investito dal progresso tecnologico (Manhattan Transfer). Accanto alla denuncia di un’epoca ove hanno preso il sopravvento le divinità malvagie del macchinismo («le turbine, i motori a scoppio e la dinamite … sono le nostre divinità crudeli e vendicative…»), in questo periodo, in Dos Passos, è possibile reperire una quantità importante di citazioni capaci di posizionare l’autore al crocevia di due percorsi essenziali della letteratura mondiale: fra i più classici come Mark Twain alle avanguardie europee e prim’ancora a Walt Whitman inteso alla maniera radicale. Qui la “sociologia” di Dos Passos ci mostra con linguaggio contemporaneo quel grigio mondo, ancora una volta: a lui contemporaneo, che autori anche molto diversi (si pensi a Chaplin o a Garcia Lorca) ci hanno rivelano nelle pieghe più comiche o sentimentali. Norman Mailer e William Burroughs terranno conto, e tanto, delle sue lezione narrative. 

Dos Passos possiede la “fortuna” di trovarsi a raccontare un periodo storico che rappresenta l’alfa della nostra epoca, credendo inoltre di scorgerne, da “buon radicale” militante, “sperimentatore” e “proletario d’elezione” (ma borghese d’estrazione) anche l’inevitabile omega. È questo che affascina i militanti d’ogni “estrazione”. I suoi lavori degli anni Trenta (la ben nota trilogia U.S.A formata dal 42° parallelo, 1919 e Un mucchio di quattrini), rappresentano il punto di massimo impegno “guerrigliero”, si tratta di affreschi complessi di vita americana (con apoteosi del collettivismo), composti con tecniche sperimentali di “finto” realismo. Ma è in codesti stessi capitoli che si consuma anche politicamente il ribellismo anticapitalistico “a sinistra” di Dos Passos. Resosi finalmente conto dell’incolmabile iato esistente fra idea e prassi comunista, già a metà degli anni Trenta lo scrittore cercherà di indirizzare le sue attitudini libertarie verso sponde liberali di “destra”. Era ora… È questo il periodo (c’era da aspettarselo dopotutto), nel quale tutti parleranno di “crisi”, “declino”, eccetera. È questo il periodo (mancheranno ancora più di trent’anni dalla morte!) nel quale Dos Passos comincia a essere un grande dimenticato (“perduto” di nome e adesso anche di fatto). Eppure l’autore di saggi e testi teatrali e di oltre quaranta romanzi (alcuni dei quali, i più famosi e già citati, tradotti da Pavese), continuerà il proprio lavoro fino alla morte, pubblicando fra gli altri un’altra trilogia di vita americana, District of Columbia, una storia degli avi portoghesi, saggi su Jefferson, diari ed epistolari. A nulla servirà la sua indignazione (a parte la dimensione collettiva e militante, resta il tema del pericolo corso dall’individuo nel mondo contemporaneo). A nulla serviranno (anzi!) gli attestati di stima degli intellettuali anticonformisti di “destra”. A quarant’anni dalla morte cos’altro possiamo aggiungere allora, rispetto alla circostanza che Dos Passos sia ancora un autore quasi tutto da scoprire?

 

"Le Héros" de Baltasar Gracian

« LE HÉROS », de Baltasar GRACIÁN

 

Traduit de l’espagnol, préfacé et annoté par Catherine VASSEUR

Par Pierre Marcowich

Ex: http://www.oswald-spengler-le-retour.net/

 

 

 

   

Baltasar-gracian.gifÉcrit vers 1636 par un jésuite espagnol, Baltasar GRACIÁN, l’ouvrage « LE HÉROS » (1), petit opuscule de 104 pages, nous enseigne comment devenir un personnage hors du commun, non pas en trompant son entourage, contrairement à l’enseignement de MACHIAVEL, mais en combattant ses penchants. 

C’est en acquérant le sens de l’honneur qu l’on parvient à réussir. Telle est la thèse de l’auteur. L’honneur ! C’est donc bien un Espagnol qui a écrit ce livre.  

On peut comprendre son entreprise, si l’on sait que Baltasar GRACIÁN fut, en 1644, l’aumônier militaire des troupes espagnoles qui battirent près de la ville de LÉRIDA les troupes françaises qui tentaient de s’emparer de la CATALOGNE pour le compte du Roi de France, LOUIS XIV, âgé de 6 ans, le Cardinal MAZARIN exerçant la réalité pouvoir. On dit qu’il y fit preuve d’une grande bravoure. 

L’auteur nous propose de pratiquer toutes les vertus de l’honneur dans la vie mondaine pour parvenir au succès. Cependant, Baltasar GRACIÁN ne semble pas trop croire à l’efficacité absolue de sa recette, puisqu’à la fin du livre, le lecteur apprend que le « héros » est finalement banni, ostracisé par la société, parce que, peut-être, les hommes du commun ne peuvent pas le comprendre. 

Mais le bannissement inéluctable du « héros » de Baltasar GRACIÁN, qui, plus tard, va récidiver avec un autre ouvrage (EL CRITICON en 1651), est peut-être aussi le pressentiment de l’incompréhension sévère qu’il allait rencontrer, de la part de ses supérieurs de l’Ordre des Jésuites, soucieux de ne pas donner prise aux critiques des jansénistes qui tenaient alors le haut du pavé « médiatique ». 

Pour exposer les qualités de son Héros, tel qu’il l’envisage, Baltasar GRACIÁN prend pour exemples des héros incontestables que l’Histoire a reconnus et dont il fait ressortir les qualités de chacun que le héros doit adopter. Tout au long de l’ouvrage, Baltasar GRACIÁN fait défiler tout de son ouvrages des héros, tels que  TIBÈRE, LOUIS XI, ISABELLE LA CATHOLIQUE, le Roi SALOMON, ALEXANDRE, CÉSAR, CHARLES VII (« le roi de Bourges »), le GRAND TURC, PHILIPPE II (d’Espagne), et bien d’autres encore. 

Voici, succinctement exposées, les principales règles qu’il nous propose : 

1) ne jamais dévoiler toutes les ressources dont on dispose ;

2) dissimuler sa sensibilité ;

3) faire preuve d’intelligence ;

4) montrer de la grandeur dans ses actes ;

5) disposer d’un goût en conformité avec son rang ;

6) ne jamais se trouver le second dans son art ;

7) être le meilleur avec excellence ;

8) être réaliste dans ses engagements ;

9) rechercher l’emploi où l’on se trouvera le meilleur ;

10) évaluer sa chance (fortune) et celle de ses adversaires ;

et ainsi de suite. Les qualités sont présentées en gradation, chacune par rapport à la précédente, jusqu’à la 17ème qualité, le « bouquet final », par laquelle il est exigé que le héros doit pratiquer une sorte d’émulation avec les héros du passé. 

Ce sont donc 17 qualités que le héros doit cumulativement posséder.  

On est droit de se demander pourquoi de si grands efforts, quasi surhumains, alors que le héros va finir banni, ostracisé par son entourage, tel un moderne ALCIBIADE, dont Baltasar GRACIÁN évoque formellement la figure. (2) 

1697-1707.jpgDans sa préface, Catherine VASSEUR nous donne une clef pour comprendre la problématique de Baltasar GRACIÁN : 

« Car la sagesse, la puissance, le courage, la sainteté, les terres inconnues ont déjà été conquis par ceux qu’il cite en exemple. Le héros de Baltasar GRACIÁN est l’héritier d’un monde qui n’est plus à conquérir. Aussi lui reste-t-il à se conquérir soi-même. » (3) (souligné par P.M.) 

 

 

La réponse de Danilo Zolo à l'émergence de Cosmopolis

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 1997

 

III. Encuentro Iberoamericano de Metapolitica

Intervention de Robert STEUCKERS

 

La réponse de Danilo Zolo à l'émergence de Cosmopolis

 

ANALYSE: Danilo ZOLO, Cosmopolis. La prospettiva del governo mon­diale, Feltrinelli/Campi del sapere, Milano, 1995, 218 p., Lire 35.000, ISBN 88-07-10189-0.

 

zolo.jpgLe philosophe Danilo Zolo (photo), né à Rijeka/Fiume en 1936, aujourd'hui ensei­gnant à Florence (Firenze), membre de l'Academia Europæa, constate avec amertume que l'idéologie cosmopolite, mondialiste, prétendant gé­néraliser un “nouvel ordre mon­dial”, s'est imposée avec la violence d'une idole au monde entier depuis l'effondrement de l'URSS et la Guerre du Golfe. Dans un tel contexte, les Etats-Unis dirigent une sorte de “Nouvelle Sainte Alliance”, qui n'est qu'un modèle hiérarchique rigide. Zolo oppose à cette logique de la coercition l'idée d'un “pacifisme faible”, c'est-à-dire d'un pacifisme non utopique et de basse in­tensité, qui ne nie pas les com­pétitions inéluctables entre les hommes ou les entités politiques et qui res­pecte les diversités culturelles qui animent la planète.

 

Aujourd'hui, le constat est clair: les Nations-Unies en dépit de leurs vœux et de leur puissance militaire, démontrée lors de la Guerre du Golfe, ne sont pas à même de garantir une paix véritable dans le monde. Au con­traire, nous voyons se dessiner à l'horizon une aggravation des conflits (mort de centaines de milliers de civils innocents en Irak, en Somalie et au Rwanda) et l'émergence d'un système de police internationale impo­sant le respect obligatoire d'une juridiction planétaire, en dépit des cir­constances particulières dans lesquelles certains peuples peuvent se dé­battre. Zolo entend faire œuvre d'iconoclaste à l'encontre de cette situa­tion. Il entend détruire l'image que se donnent les Nations Unies, celle de détenir seules la rationalité morale, juridique et politique dans le monde. A ce monisme onusien, il s'agit d'opposer une conception “complexe” des rela­tions internationales, c'est-à-dire une conception tout à la fois plura­liste, dynamique et conflictuelle, reposant sur d'autres pré­supposés phi­losophiques, tenant compte des travaux en éthologie humaine (Eibl-Eibesfeldt). Zolo réfute les arguments de Hans Kelsen (adversaire en son temps de Carl Schmitt) qui sous-tendent encore et toujours les raisonne­ments des juristes internationaux. Contrairement à Kelsen qui est mo­niste et ne prévoit à terme qu'un seul sujet du droit international, c'est-à-dire l'humanité unifiée, Zolo veut un droit international foncièrement dif­férent, tenant compte de la diversité (donc d'une pluralité de systèmes de droit et de sujets de droit), du changement (où le changement n'est plus automatiquement ni une entorse au droit international ni une agression du mal absolu) et de la différenciation (où le processus naturel de diffé­renciation est considéré comme la règle usuelle et non comme une excep­tion dangereuse). Dans une telle perspective réaliste, la guerre n'est plus bannie totalement, mais on tente de la canaliser et d'en diminuer ses ef­fets destructeurs par la négociation.

 

Les effets pervers de l'idéologie kelsenienne des Nations-Unies sont, pour Zolo:

a) Un centralisme outrancier du pouvoir politique réel sur la planète.

b) Une hiérarchie beaucoup trop asymétrique, où une poignée de pays riches et privilégiés domine une immense majorité de pays à la souverai­neté écornée ou trop pauvres pour faire valoir leurs droits.

c) Les pays dominants ont le loisir d'intervenir à leur gré dans les affaires des pays dominés et ne reconnaissent pas d'emblée la capacité des gou­vernements locaux à exprimer sans détours les volontés de leurs citoyens.

d) L'idéologie kelsenienne, par son refus des changements et du proces­sus naturel de différenciation, gèle la carte géopoli­tique, économique et militaire de la planète, parce que sa conception de la paix s'oppose non seulement au fait de monde qu'est la guerre mais, implicitement, à toutes les formes de changement social, de développement et de conflit qui se manifes­tent dans les pays du monde.

Plus sévère encore, Zolo dénonce les avatars du kelsenisme, y compris les principes du Président américain Woodrow Wilson, en les décrivant comme une “aspiration utopique commune chez les adolescents, les vi­sionnaires et les mystiques”. Il est aberrant que cet utopisme sans consis­tance soit justement l'idéologie manipulée par les forces politiques domi­nantes d'aujourd'hui.

 

Les principaux arguments critiques que l'on peut adresser à cet utopisme sont, toujours d'après Zolo:

a) L'idéologie moderne, occidentale et kelsenienne, part de critères mo­raux, décrits comme “communément acceptés” et dont le caractère serait soi-disant “universel” et “rationnel”. C'est placer la complexité du monde sub specie aeternitatis, c'est-à-dire refuser de voir au sein de cette com­plexité une myriade de déterminations psychologiques, sociologiques et historiques, lesquelles sont évidemment changeantes, se combinent et se recombinent à l'infini. Les critères moraux occidentaux et kel­seniens ne sont pas universels, car aucun jeu de critères moraux n'est universel: le monde est traversé et travaillé par un “polythéisme moral”. En dépit des professions de foi, type Kelsen, la subjectivité des valeurs et leur contin­gences semblent caractériser concrètement le plurivers moderne, nonobs­tant un discours idéal affirmant le contraire. La pluralité des codes éthiques et des civilisations qui en dérivent ne sont pas les “survivances larvaires” des vieux mécanismes de légitimation des ordres sociaux (nationaux) (p. 87). “En somme, conclut Zolo, l'ordinary morality, à la­quelle les moralistes internationalistes font référence, semble n'être rien de plus qu'une hypothèse académique, plutôt qu'un fait sociologique à ac­cepter sans discus­sion” (p. 87).

b) Les Etats décident encore et toujours, en dépit de la vulgate kelsenienne dominante, sur base de critères “politiques”, c'est-à-dire de critères dé­pourvus d'impartialité et de justifications éthiques universelles. Donc, toute application du droit internatio­nal est arbitraire et relève de la pure casuistique (p. 93). Tel gouvernement est bon, tel autre est mauvais, même s'ils appli­quent tous deux la même politique.

 

Si l'on tient compte de ce polythéisme des valeurs et du caractère casuis­tique du droit internationaliste, on est bien forcé de conclure que l'éthique internationaliste-kelsenienne finira un jour par perdre tout sens, parce qu'incompatible avec les exi­gences fonctionnelles de la politique interna­tionale. Dégager l'éthique internationale des contingences historiques, po­litiques, économiques et culturelles constitue un refus de l'éthique de la responsabilité, au sens où l'entendait Max Weber. “L'école réaliste”, sou­ligne Zolo, “de Machiavel à Pareto, de Weber à Schumpeter et à Luhmann, fait de la politique un art, une disci­pline et un sous-système spécifique, régulé par un code fonctionnel différencié, garantissant l'exercice du pouvoir et la sécu­rité” (p. 105). Le reniement de ces spécifici­tés et de ces différenciations constitue un déficit théorique majeur pour l'éthique in­ternationaliste (kelsenienne): elle s'interdit et, même, juge immoral, de procéder à une archéologie de la violence politique, à scruter l'histoire des peuples pour comprendre les conflictualités qui se déchaî­nent à intervalles réguliers. Sans une telle ar­chéologie, l'éthique interna­tionale-kelsenienne-onusienne se met dans l'incapacité d'apporter des réponses adéquates aux problèmes et de limiter les effets destructeurs d'un conflit. Le refus de prendre en compte les racines profondes des con­flits relève d'une option “statique” rigide.

 

De plus, l'apologie médiatique de cette idéologie kelsenienne est une ma­nipulation orchestrée par les nations ou les groupes de nations domi­nants, en vue de perpétuer leur suprématie (p. 107).

 

Zolo constate que dans le plurivers actuel deux modèles normatifs s'affrontent (pp. 117-121): le “modèle de Westphalie” et le “modèle de la Charte des Nations-Unies”. Cette distinction entre les deux modèles avait déjà été théorisée par Leo Gross, Richard Falk et Antonio Cassese. Pour Falk et Cassese, le “modèle de Westphalie” implique:

a) les Etats sont les seuls sujets du droit international (et non les ethnies, les organisations économiques, les associations vo­lontaires, etc.).

b) il n'y a pas de “législateur international”.

c) le système ne prévoit aucune juridiction obligatoire, ni aucune police habilitée à réprimer préventivement ou consécutive­ment les contreve­nants.

d) le droit international n'énonce aucune norme à appliquer impérativement dans l'élaboration du droit interne aux Etats.

e) Tout Etat a le droit de recourir à la guerre.

 

Toujours pour Falk et Cassese, le “modèle de la Charte des Nations-Unies” implique:

a) Les Etats ne sont plus les seuls sujets du droit international. Les orga­nisations internationales le sont tout autant, ainsi que les groupes so­ciaux et les peuples dotés d'une organisation représentative. Ce modèle amorce une érosion partielle des juri­dictions domestiques (p. 119).

b) Les Etats ne peuvent plus recourir à la guerre qu'en cas de légitime dé­fense. Ce principe conduit à “geler” la carte du monde.

 

Falk et Cassese concluent à l'évolution du monde vers ce second modèle et annoncent la caducité du “modèle de Westphalie”. Sa disparition inaugu­rera l'ère du cosmopolitisme juridique, impliquant le primat du droit in­ternational, la réduction effective des souverainetés étatiques, considérées comme des obstacles sur le chemin de l'ordre juridique mondial, de l'avè­nement d'un centralisme juridictionnel, d'un pacifisme juridique (qui interdit à la guerre de se manifester en dépit de sa nature humaine incon­tournable), de l'avènement, enfin, d'un “constitutionalisme global” repo­sant sur l'idéologie des droits de l'homme.

 

Cette vision messianique se heurte à un fait de monde pourtant patent, souligne Zolo (p. 120): le monde est marqué par une césure de plus en plus profonde entre un nombre de plus en plus restreint de pays riches et un nombre de plus en plus impor­tant de pays pauvres ou en voie de sous-dé­veloppement. Le centralisme juridictionnel est dès lors une entorse au principe de l'égalité de tous les peuples et induit une hiérarchie rigide, où, statisme oblige, les dominants sont appelés à rester les domi­nants ad vitam aeternam. La globalisation, rêvée à New York, est en réalité une “occidentalisation du monde”. Zolo: «Ce pro­cessus d'homologation des modèles d'existence, des styles de pensée et des pratiques de production peut-il être interprété comme un trend  en direction de l'intégration cul­turelle de la société mondiale, qui prélude à la formation d'une “société ci­vile globale” et rend possible l'avènement d'un “constitutionalisme mon­dial” et d'une “démocratie transnationale”?» (p. 161). La ré­ponse des par­tisans du cosmopolitisme est évidemment “oui”, constate Zolo. D'autres auteurs sont plus circonspects: ils parlent plutôt de “créolisation du monde”, où les populations indigènes adoptent une culture technique, in­dustrielle et scienti­fique qui n'est pas la leur et ne leur fournit pas de pa­trons (patterns, frames)  valables pour favoriser et accélerer l'intégration de leurs propres communautés. Au contraire, l'adoption irréfléchie du modèle techno-scientifique occidental provoque, comme au départ en Occident, des désordres, des dislocations et des crises difficilement gé­rables. Zolo se met à la remorque de trois auteurs pour montrer les effets pervers de cette occidentalisation: Hedley Bull, Serge Latouche et Pier Paolo Portinaro. Bull souligne que l'adoption du modèle occidental crée un divorce entre les élites des pays pauvres et les autres citoyens. Latou­che, dans son livre La planète des naufragés, attire l'attention sur les phé­nomènes calamiteux de déculturation et de déracine­ment. Portinaro démontre que la globalisation n'effacera pas du tout la conflic­tualité, mais que celle-ci reprendra vigueur sur base des dyssimétries de pouvoir, des asynchronies dans le développement et de l'hétérogénéité des intérêts et des valeurs. Avec le risque ultime d'une catastrophe écologique planétaire...

 

A cette globalisation, grosse de risques incalculables, il faut opposer un “réalisme”, tiré de l'anthropologie d'Arnold Gehlen et de son disciple Niklas Luhmann, explique Zolo (p. 177). Gehlen et Luhmann ont constaté que l'homo sapiens est caractérisé par une “pauvreté instinctuelle”, par une “fragilité ontologique”, par des “lacunes organiques”. Pour y pallier, l'homme a besoin de “béquilles institutionnelles” et de “structures so­cia­les”, qui lui évitent, face à chaque défi, de repenser entièrement la stra­té­gie à suivre. L'homme se réfère alors à un cadre institutionnel prééta­bli, qui facilite son action dans le monde et oriente ses choix existentiels. L'ab­sence de cadres institution­nels,dans le sens où l'entendent Gehlen et Luh­mann, suscite l'angoisse et l'agressivité. La disparition des cadres éta­tiques, qui sont à leur ma­nière des macro-cadres institutionnels, gé­nè­re une an­goisse et de l'agressivité, problème auquel l'idéologie kelsenien­ne est incapable de ré­pondre. Les cadres institutionnels sont autant de mé­canismes qui inhi­bent automatiquement l'agressivité, née de l'an­gois­se et du désoriente­ment.

 

Le processus de différenciation continu contraint, par une loi de l'an­thro­pologie, les hommes à se donner des institutions tail­lées à la me­sure des circonstances de leur vie politique et communautaire: circons­tances et institutions variables à l'infini dans leurs formes et leurs mani­festations, déterminées par des paramètres historiques, économiques et sociologi­ques chaque fois spécifiques. Par conséquent, l'usage d'un ins­trument mi­litaire répressif pour mater les forces politiques émergentes, transfor­ma­trices du statu quo et effervescentes à moyen ou long terme est une aberration théorique et pratique. La Guerre du Golfe, définie par Zolo comme “la première guerre cosmopolite”, a été une guerre purement des­tructrice, une opération qui n'a pas du tout inauguré l'application de principes pacifiants et satisfaisants pour toutes les parties: elle s'est con­tenté de bloquer un processus de réaménagement régional, sans apporter d'alternative acceptable. Elle semble avoir eu pour objet premier de rendre définitivement caduc le principe de “non ingérence”, cardinal dans le “mo­dèle de Westphalie”. Si la “non ingérence” est abolie, mais que, par ailleurs, les contradictions irrésolues s'accumulent dans les pays les plus pauvres ou en voie d'apprauvrissement (y compris en Europe!), les con­flits internes vont forcément se multiplier et les Nations-Unies vont devoir s'immiscer toujours plus dans les affaires intérieures des Etats en proie aux guerres civiles ou aux conflits inter-ethniques. L'idéologie kelse­nien­ne dominante s'avère dès lors trop simpliste pour le monde d'aujour­d'hui: elle entend répliquer aux dé­sordres par une violence élé­mentaire, par une coercition brutale. Elle révèle son incapacité à penser la requisite variety, indis­pensable pour ouvrir la voie d'une paix réelle dans un mon­de qui devient chaque jour plus complexe. Cette complexité donnera lieu à des rapprochements, certes, mais aussi à des nouveaux conflits. L'idée d'a­bolir la guerre, propre du “pacifisme juri­dique” kelse­nien, rencontre là ses limites. C'est pourquoi Zolo oppose à ce “pacifisme juridique” inopé­rant, reposant sur l'éthique de la conviction, l'idée d'un “pacifisme faible” (pa­cifismo debole)  ou de “basse intensité”, reposant sur le réalisme politi­que européen classique et sur l'éthique de la responsabi­lité. Répondre aux guerres locales, déclenchées par des nécessi­tés di­verses, par une guerre totale et répressive, comme celle qui a été menée naguère contre l'Irak de Saddam Hussein, s'avère inadéquat. Le “pacifisme faible” entend rempla­cer la répression par la diplomatie pré­ventive et la négociation.

 

A cause des principes qu'elles ont voulu généraliser, les Nations-Unies se sont engagées dans une impasse. Cette instance internationale n'est plus réformable. Si les Etats nationaux sont souvent trop petits pour faire face à l'accroissement d'échelle, la globalisation, elle, est trop schématique pour tenir compte des circonstances locales incontournables. Pour dépas­ser le statu quo, les regroupements régionaux comme le Mercosur ou l'unification européenne sont des réponses adéquates, accen­tuant le poly­centrisme dans le monde, ce polycentrisme indispensable pour deux mo­tifs: a) la nécessité anthropologique d'avoir des institutions pour pallier aux déficits de l'homme; b) la nécessité de conserver les acquis culturels pour éviter la dispersion, le désorientement et l'anomie.

 

Robert Steuckers, Forest, 25 & 26 août 1997.

 

dimanche, 03 octobre 2010

Per Jimmie Akesson, démocrate suédois et garçon modèle

Ansgar LANGE :

Per Jimmie Akesson, démocrate suédois et garçon modèle

 

La percée électorale des « démocrates suédois » a suscité en tollé en Europe. Question : qui est son leader ? Portrait.

 

akesson.jpgEn Allemagne, il n’était guère connu : Per Jimmie Akesson est le nom d’un homme jeune, de 31 ans, qui est le président des « démocrates suédois » (SD). En septembre 2010, son parti a obtenu le score de 5,7% et a réussi ainsi une percée politique. Dès l’âge de dix-neuf ans, ce diplômé de sciences politiques siégeait au conseil municipal de Sölvesborg. Douze ans après ce premier et modeste mandat politique, il est devenu le chef d’un parti conservateur de droite qui s’oppose à l’islamisation du pays et s’insurge contre le prix exorbitant que coûte l’expérience multiculturelle en Suède. Et il a mené cette formation politique à siéger au Parlement de Stockholm.

 

La presse internationale décrit Akesson (cf. : www.jimmieakesson.se ), qui aime, dit-il, les romans policiers suédois et les bouquins de Dan Brown, comme « le nouveau visage du populisme de droite ». Au regard de ceux qui le critiquent, ce ne sont pas ses goûts pour une littérature plutôt ennuyeuse qui le rendent suspect, mais son aspect personnel, sa manière d’être. Il n’a rien « de l’imposant type viking qui correspond au cliché de l’habituel extrémiste de droite suédois », concède le journal « Die Presse ». En effet, son aspect est celui d’un brave garçon, le cheveu enduit de gel, portant un beau petit costume et le nez affublé d’une monture de lunettes en écaille. Il ressemble à un employé de caisse d’épargne et n’a rien du profil de lansquenet d’un Le Pen. Mais, avertit la presse conformiste, tout cela n’est que façade, n’a été mis en scène que pour transformer cet « extrémiste de droite suédois » en mondain, acceptable dans les salons où l’on cause.

 

Mais lorsqu’Akesson déclare que « tous les immigrés ne sont pas des criminels mais qu’il y a néanmoins des liens », cela ne devrait nullement faire scandale mais, tout simplement, être considéré comme une pure et simple description de la réalité ambiante, y compris dans un pays comme la Suède, où presque 20% de la population a désormais des racines étrangères. Pour de larges strates de la population suédoise, Akesson n’est pas tant un visage qu’une voix.

 

Finalement, cela n’a aucune importance de pinailler quant à savoir si le jeune homme politique que l’établissement cherche (encore) à éviter, est un bon petit bourgeois ou un incendiaire. Ce qui importe, c’est le mérite d’Akesson ; en l’espace de cinq ans seulement (il a remplacé Mikael Jansson à la présidence du parti en 2005), il a mené habilement les « démocrates suédois » à une bonne place dans le club des partis européens sur lesquels on colle l’étiquette de « populistes de droite ».

 

L’aspect extérieur d’Akesson correspond au langage dont il use : un parler maîtrisé et mesuré. Jamais il ne s’est exprimé sur le ton du racisme. Cependant ce jeune homme n’est pas encore un véritable professionnel de la politique. Dans un film de propagande électorale mis en ligne sur la grande toile par son parti, Akesson s’exprime avec une certaine crispation : « ses yeux dirigés fixement vers un seul et unique point indiquent qu’il doit lire le texte, exprimant ses positions simples, sur un écran en face de lui », écrit le « Financial Times Deutschland », qui qualifie toutefois le jeune poulain de l’équipe populiste en Europe, comme la « figure du jour ». Sans doute la malice de ce journal-là à l’égard d’Akesson s’explique : il n’envisage que les intérêts de l’économie dans une problématique comme celle de l’immigration. Ceux qui ne regardent le monde qu’au travers des lunettes du globalisme n’auront évidemment aucune sympathie pour un homme politique qui entend maintenir le modèle qu’est l’Etat-Providence suédois et qui, s’il faut trancher, estimera que les intérêts des retraités suédois sont plus importants que les émois des porteuses de burqa.

 

Ansgar LANGE.

(article paru dans « Junge Freiheit », Berlin, n°40/2010 ; http://www.jungefreiheit.de/ ).