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dimanche, 31 août 2014

Julien Hervier - Ernst Jünger, dans les tempêtes du siècle

Julien Hervier - Ernst Jünger, dans les tempêtes du siècle

 

samedi, 30 août 2014

Ernst Jünger, vulnérable et reconnaissant

Ernst Jünger, vulnérable et reconnaissant

Ernst Jünger, vulnérable et reconnaissant

Ex: http://www.larepubliquedeslivres.com  

Un débat de haute volée a récemment agité certains intervenautes de la « République des livres » : était-il concevable qu’un homme tel que Ernst Jünger (1895-1998) ait pu ignorer en 1940 que le verre dans lequel il convenait de verser le champagne se nommait une « flûte », sonorité qui l’amusa ainsi que les officiers de son régiment alors qu’ils passaient par Laon ? On trouve cela dans ses carnets de guerre. La réponse à cette passionnante question ne figure pas dans la biographie, pourtant très complète, que Julien Hervier consacre à Ernst Jünger. Dans les tempêtes du siècle (538 pages, 26 euros, Fayard). On y découvrira en revanche un portrait d’une grande finesse de cet individualiste forcené, une analyse exhaustive de son œuvre, un examen attentif de sa correspondance, un panorama méticuleux de l’Allemagne de son temps, une étude éclairante de ses cercles d’amitié à ses différentes époques. Toutes choses qui rendent ce livre indispensable à tous ceux que cet écrivain singulier fascine ou intrigue quand il n’inquiète pas – du moins en France, où une véritable biographie manquait cruellement.9761372_109975988573

Pas évident d’écrire la vie d’un écrivain qui s’est déjà tant raconté tant dans ses romans que dans ses journaux intimes. Julien Hervier, son traducteur français et son éditeur dans la Pléiade, y parvient de manière convaincante en évitant l’écueil du démarquage. Il excelle à comparer les différents états des manuscrits, à confronter les préfaces successives d’un même livre. Sur les falaises de marbre, qui compta tant pour ceux qui choisirent l’exil intérieur, est bien mis en parallèle par l’auteur (dans le civil professeur de littérature comparée) avec Le Désert des Tartares de Buzatti et Le Rivage des Syrtes de Gracq, son grand admirateur. De même le dédoublement de la vision à l’œuvre dans Le Cœur aventureux, tant et si bien qu’on put parler alors de réalisme magique. Il entremêle parfaitement l’œuvre et la vie, rendant vaine toute tentative de les dissocier, comme s’y risquent certains biographes qui traitent de la vie à l’exclusion de l’œuvre, abandonnant son analyse aux universitaires. Comme s’il y avait une séparation entre les deux !

N’oubliant jamais sa qualité de traducteur, l’auteur nous éclaire sur des ambiguïtés qui ont souvent échappé au lecteur français notamment dans Le Travailleur (1932) : ainsi de Bürger qui signifie à la fois « citoyen » et « bourgeois » ; ou de Gestalt, à la fois « figure » et « forme » ; ou encore pour son Journal de guerre, de Strahlungen, à la fois « Rayonnements » et « Radiations » ; parfois, le traducteur reconnaît le « faute de mieux » s’agissant par exemple de son journal Siebzig verweht rendu en français par Soixante-dix s’efface, ce qui n’évoque pas, comme dans l’original, l’idée du sable qui s’écoule dans un verre et du vent qui emporte les jours à jamais. Passionnant, sonrécit est parfois un peu sec, à l’image de son héros, raide guerrier devenu pacifiste écologiste, doté d’une sensibilité sismographique aux grands ébranlements historiques, jamais dépris de sa fascination pour les vertus chevaleresques de l’armée prussienne, et plus encore depuis que les guerres étaient gouvernées par des techniciens.

Le récit de sa première guerre, celle qui lui valut de se voir décerner par Guillaume II à même pas 24 ans la plus haute distinction militaire allemande, l’ordre « Pour le Mérite », est bien documenté. Il montre bien le goût sportif du danger, l’autorité de fer exercée sur ses hommes, le courage à la tête des assauts, la capacité à maîtriser les situations de ce petit homme sec de 63 kgs, dont l’attitude n’est pas sans dandysme ni forfanterie. Sa stature de héros s’est façonnée là. Elle l’a longtemps protégé. Si Orages d’acier est l’un des grands livres (moins patriotique qu’on ne le croit) sur cette catastrophe, à ranger entre Le Feu de Barbusse, Ceux de 14 de Genevoix, Les Croix-de-bois de Dorgelès et La Comédie de Charleroi de Drieu la Rochelle, c’est parce que de tous les dangers qu’y a courus Jünger, celui qui le hanta le plus durablement, le plus angoissant de tous, n’est pas un corps à corps avec l’ennemi ou une course avec les obus, mais juste une errance dans les tranchées inconnues à la froide lumière du matin. Mais il y a en plus dans Orages d’acier quelque chose d’un roman d’éducation, où la guerre est considérée comme un grand jeu initiatique, sésame pour le passage à l’âge adulte, quitte à verser parfois dans ce que l’on a appelé « une esthétique de l’effroi ».

320px-Emil_Cioran_and_Ernst_JüngerOn l’a dit anarchiste conservateur, faute de mieux. Jünger était également fasciné par la politique et par la technique. Cette biographie éclaire l’influence sur sa pensée de la lecture du Déclin de l’Occident de Spengler, ou de l’amitié qui le liait au national-bolcheviste Ernst Niekisch ou au juriste Carl Schmitt, de même que la complicité intellectuelle qui le lia à son frère Friedrich Georg, ses relations avec les poètes Gottfried Benn et Paul Celan, son aversion pour Louis-Ferdinand Céline, qu’il rencontra sous l’Occupation à l’Institut allemand de Paris, et qui l’effrayait : il voyait en lui « la monstrueuse puissance du nihilisme contemporain, alliée à la mentalité d’un homme de l’âge de pierre »

N’en déplaise à ses irréductibles détracteurs (il y en a toujours eu en Allemagne comme en France, ils n’ont jamais désarmé, mais l’emphatique sérénité de cette biographie ne les calmera pas), on ne trouvera pas sous sa plume l’ombre d’un satisfecit accordé à Hitler ou au national-socialisme. Il ne l’a jamais rencontré ; mais, après avoir assisté à l’un de ses meetings, il en a retiré l’impression d’avoir affaire à un maître du Verbe « qui proposait moins des idées nouvelles qu’il ne déchaînait de nouvelles forces ». Non qu’il fut hostile par principe à un Führer, mais il estimait que celui-ci n’était « pas à la hauteur de la tâche à accomplir ». A partir de 1933, il a amendé ses écrits afin d’éviter leur instrumentalisation par les nazis, l’année même où il refusé la proposition de l’Académie allemande de poésie, passée sous la coupe des nazis, de la rejoindre. Tenir, se tenir, maintenir. Tant de lui s’explique là. Garder de la tenue, toujours.

L’un des plus violents articles qu’il ait écrits (dans Das Tagebuch, 21 septembre 1929) était clairement nihiliste, prônant la destruction de l’ordre bourgeois, ce qui lui valut d’être aussi pris à partie par le journal de Goebbels qui attribua sa conception du nationalisme à « son nouvel entourage kascher ». Quant à la question juive, il ne lui trouve aucun intérêt sur le plan politique. Il la règle d’ailleurs en une formule que Julien Hervier juge d’une détestable ambiguïté : « ou bien être Juif en Allemagne, ou bien ne pas être ». Ce qu’il explicita en associant « le Juif de civilisation » (entendez le Juif  soucieux de s’intégrer et de s’assimiler aux Allemands) au libéralisme honni. Ce qui ne l’empêche pas de démissionner, avec son frère, de l’association des anciens combattants de leur régiment lorsque les Juifs en sont exclusErnst-Jünger-1950-Wilflingen

Le 20 juillet 1944, malgré son hostilité fondamentale au régime, sa solidarité et son amicale sympathie pour les conjurés, il ne fut pas du complot avorté contre Hitler. Son biographe rappelle qu’il a toujours été hostile au principe de l’attentat, non seulement à cause des représailles mais parce que les hommes se remplacent même au plus haut niveau et qu’un attentat ne saurait amener un bouleversement de fond en comble. Il échappa « miraculeusement » à la répression. Il n’en demeura pas moins pour beaucoup un officier de la Wehrmacht, un ancien ultra du nationalisme qui s’était répandu dans maints journaux durant l’entre-deux-guerres, un théoricien de la mobilisation totale.

L’homme privé n’est pas négligé par ce biographe inspiré, doté d’admiration critique. Pas un homme religieux mais pieux au sens ancien du terme, désarmé face au caractère sacré du monde naturel. Les drogues, Jünger a commencé à y toucher en juin 1918, à l’hôpital de Hanovre : blessé au combat (il le fut quatorze fois), il en profita pour essayer l’éther, expérience qu’il poursuivra plus tard notamment aux côtés d’Albert Hofmann, l’inventeur du LSD ; mais il cessa lorsqu’il comprit que si les substances lui permettaient d’accéder à des intuitions inédites, elles étaient un obstacle majeur à la conscience lucide indispensable à la création artistique. Mais c’est sur la question de sa vulnérabilité que ce livre apporte une lumière nouvelle.

Il nous montre son héros en mélancolique miné par les effets délétères de la Sehnsucht, état qui se traduisait notamment par des périodes d’aboulie. Dans les derniers temps du contemplatif centenaire, écrivain accablé d’honneurs et de prix qui ne se plaisait que dans ses voyages aux îles, le mot qui le résume le mieux selon lui n’en est pas moins « gratitude ». Il ne cessait de payer sa dette aux hommes qui l’avaient fait, aux valeurs dans lesquelles il se reconnaissait, dans les institutions auxquelles il devait, convaincu qu’il n’était pas de plus haute vertu que la reconnaissance. Bien que d’origine catholique et paysanne, il passa pour l’incarnation de l’aristocrate prussien protestant. Beaucoup ont confondu Jünger et Junker. Question d’euphonie probablement. Sa fierté d’avoir un papillon à son nom (Pyralis jüngeri Amsel) et même un organisme monocellulaire à lui dédié (Gregarina jungeri), une vingtaine d’insectes en tout, que l’entomologiste amateur respecté des professionnels a la coquetterie de juger plus importante que sa notoriété littéraire.

 Alors oui, certes, sa capacité d’émerveillement face à la découverte de la flûte à champagne… Celle d’un homme qui avait mûri au milieu des tempêtes ainsi qu’en témoignait son ex-libris : « In tempestatibus maturesco ».

(« Ernst Jünger à différents âges – et avec Cioran » photos D.R.)

Cette entrée a été publiée dans Histoire Littéraire, Littérature étrangères.

mardi, 26 août 2014

The Immortal Death of Mishima

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The Immortal Death of Mishima

By Christopher Pankhurst

Ex: http://www.counter-currents.com

When Yukio Mishima arose on the morning of November 25th 1970 he knew that it would be his last day on Earth. It was the deadline for completion of his novel, The Decay of the Angel, the fourth book in his tetralogy, The Sea of Fertility. He placed the completed manuscript, sealed in an envelope addressed to his publisher, on a table. Mishima had given intimations that the completion of the tetralogy would be the culmination of his life’s work. A month before his death he wrote to his future biographer, “Finishing the long novel (The Sea of Fertility) makes me feel as if it is the end of the world.”[1] The previous night he had left a note on his desk saying, “Human life is limited, but I would like to live forever.”[2]

He had spent some time preparing for his last day. Just the week before, there had been a major exhibition of his life held in Tokyo. One hundred thousand people viewed the exhibition, a token of Mishima’s popularity. Only Mishima, and a few of his most trusted comrades, knew that the exhibition was also a valediction. Prominently on display was Mishima’s 16th-century samurai sword, made by Seki no Magoroku, which he would be taking with him on the morning of November 25th to stage an attempted coup d’etat.

Mishima’s co-conspirators in the plan were four members of his private army, the Tatenokai, or Shield Society. This small corps (about 100 men) was formed with the stated intention of protecting the Emperor and, due to Mishima’s prestige, was allowed to use official military facilities for its training purposes. Mishima had arranged a meeting with General Mashita on the morning of the 25th and the group of five men was escorted to his office in the Ichigaya military base in Tokyo. There they took the general hostage and demanded that all the soldiers present at the garrison be assembled on the parade ground to listen to a speech given by Mishima. Mishima delivered his halting speech to a chorus of jeers from the assembled soldiers. He concluded with the patriotic chant, “Long live the Emperor!”

Retiring back to the general’s office he concluded that, “They did not hear me very well.” He then stripped to the waist and knelt down. Again shouting, “Long live the Emperor!” he stabbed himself in the abdomen with a short sword. This was the ancient samurai form of suicide by disemboweling: hara-kiri or seppuku. He pulled the blade across his stomach spilling blood into his lap until his intestines poked out of the deep cut. His second-in-command, Masakatsu Morita, then attempted to behead Mishima to relieve his agony, as had been agreed beforehand. Morita aimed a blow but missed the neck, cutting deeply into Mishima’s back. Another blow also missed the neck and a third, though on target, failed to sever the head. Another of the Tatenokai, Hiroyasu Koga, then took over and sliced Mishima’s head from his body. Morita then attempted an unsuccessful seppuku, barely penetrating his skin, and Furu-Koga cut his head off.

Mishima’s act of seppuku was the first to take place in Japan since the end of the Second World War, when hundreds of Japanese subjects committed seppuku in the grounds of the Imperial Palace to apologize to the Emperor for having lost the war. Many of the combatants in the Pacific also committed seppuku rather than suffer the dishonor of being captured by the Americans. Mishima’s suicide was radical and atavistic; it was a complex gesture both culturally and individually; and, ultimately, despite the confusion surrounding his act, it ensured that he would make his mark on eternity.

The Japanese Prime Minister, on hearing the news of Mishima’s death commented that, “He must have been kichigai, out of his mind.”[3] This judgement had more to do with the political establishment’s sense of embarrassment at Mishima’s anachronistic act than anything else. The point was expressed more clearly by the writer Nobuko Lady Albery: “It was a political embarrassment as well because just when Japan was on the point of becoming a member of the advanced industrialized nations whom we have copied so doggedly all those years; and then, here comes this writer killing himself as if the clock were put back two centuries.”[4]

In order to understand Mishima’s radical suicide it is necessary to understand the context of suicide in Japanese society, and the specific meaning of seppuku as a form of suicide. It is also necessary to consider Mishima’s own ideas concerning ritual death; ideas which are a complex mix of the traditional and the idiosyncratic.

Yukio-Mishima-Portrait02-766x1024.jpgIn Japan suicide has never been the taboo act that it traditionally is in the West. Since the advent of Christianity suicide in the West has been forbidden by the Church and often also by law. This taboo against suicide stems from Augustine who argued that life, being a gift from God, is not to be taken away, even by one’s own hand. This taboo was enshrined in law and continues to cast a dark shadow into modern times. As recently as 1969 a teenager was birched in The Isle of Man for attempting to commit suicide.[5] And it is still the case that official investigations into suicides will try their best to remain euphemistic about the cause of death:

Religious and bureaucratic prejudices, family sensitivity, the vagaries and differences in the proceedings of coroners’ courts and post-mortem examinations, the shadowy distinctions between suicides and accidents – in short, personal, official and traditional unwillingness to recognize the act for what it is – all help to pervert and diminish our knowledge of the extent to which suicide pervades society. . . For suicide to be recognized for what it is, there must be an unequivocal note or a setting so unambiguous as to leave the survivors no alternatives: all the windows sealed and a cushion under the dead head in front of the unlit gas-fire.[6]

In addition to the religious taboo against suicide there are other significant differences in the perception of suicide in Japan and the West. Suicide in the West is now generally seen as a mental health issue, and the potential suicide is treated as a psychological problem. This diagnosis tends to come from a deeper assumption that the problem lies at the level of the individual. In Japan there is a much stronger sense of social belonging so that it is perfectly possible for someone to commit suicide for reasons that have more to do with social standing. There is a specific type of suicide that is seen to represent atonement for a social or legal misdeed (whether real or perceived). This type of suicide is known as inseki-jisatsu.

Suicide after a social scandal is called inseki-jisatsu (suicide to take responsibility for a scandal) in Japan, but the inseki-jisatsu occurs regardless of whether the person is guilty or guiltless. Inseki-jisatsu is caused by a sense of disgrace. Those who commit inseki-jisatsu think that a scandal related to them adversely affects a community which they belong to, and that the scandal disgraces their names regardless of the truth of the scandal. . . Inseki-jisatsu occurs in Japan because the Japanese people tend to possess a strong sense of belonging to their community, and they cannot imagine losing the community which forms their identity. After the inseki-jisatsu, people usually do not blame the people who have committed suicide. . . because blaming the dead is thought to be disrespectful in Japan.[7]

Whereas in the West suicide is a shameful, forbidden act, in Japan there is a long tradition of the honorable suicide. For a Japanese person suicide can be a means of making amends or redeeming himself. Suicide can also serve to make amends for another person. Inseki-jisatsu can sometimes be carried out by employees who wish to cover up for their bosses’ corruption. The suicide will thus remove a key witness whilst at the same time atoning for any sense of scandal. This is considered to be a noble act because it allows for the good name of one’s community to remain intact. The ultimate honor, in this context, is to die for the Emperor. Most famously, the kamikaze pilots in the Second World War were eager to give their lives in service to the Emperor. To be chosen for such a suicide mission was considered a great honor.

This cultural distinction between Japanese and Western attitudes to suicide also extends to “murder-suicides”:

A Japanese mother (in Los Angeles) attempted to drown herself and her two children in the sea in 1985. The mother survived, but her two children died. This mother was prosecuted for murder, and the mother was regarded as an egoistic mother who killed her children without necessity in the USA. However, Japanese society was sympathetic to the mother. The mother and her children were treated as an expression of alteregoism, and it was thought that the children could not live happily without a mother even if they were not killed. Mothers who killed their children and then attempted suicide are usually not punished severely in Japan while in the USA those mothers are severely punished for the murder of their children.[8]

Even though Japanese society has changed rapidly and has become increasingly Westernized it is still affected by its historic attitude towards suicide. According the World Health Authority, Japan has the highest suicide rate of any developed country at almost 26 per 100,000 people.[9] About a quarter of suicides in Japan are motivated by financial concerns, and the number has been increasing since the global financial crisis in 2008 led to a contraction of the Japanese economy. Often, suicide is considered an honorable solution to debt because life insurance payments will cover the amount owing. Thus, social stigma is banished and the person’s good reputation remains unblemished.

It is necessary to bear in mind this important difference of attitude between Western societies and Japan when considering Mishima’s suicide. He came from a tradition that was capable of understanding the sense of honor that could be associated with suicide. Within this culture of honorable suicide, seppuku is considered as a particularly noble act. Seppuku was the traditional form of suicide practiced by the samurai so it is associated with great courage and aristocracy. The degree of courage needed to carry out this act is both immense and self-evident. According to Toyomasa Fusé, a renowned expert on the subject:

Of all types of suicide, seppuku is considered to be the most painful. Since the lower abdomen has heavy muscle linings and fats, even the sharpest blade would not be able to pierce it easily. It is said that the deepest thrust of the sharpest blade could not be more than 7cm deep. A samurai committing seppuku is expected to stab the left side of his abdomen first and then slit it open sideways. In the process he will also cut and slit the internal organs, causing excruciating pain. It usually takes hours before one dies successfully, thereby prolonging the excruciating pain and requiring a superhuman courage and perseverance. It is understandable, then, that this form of suicide had become a way of dying and a badge of courage for a proud warrior class such as the samurai in Japan.[10]

Mishima’s autopsy found that he had a cut five inches long and up to two inches deep across his abdomen.[11] His seppuku was evidently carried out according to the superhuman standards set down by the samurai, and would have required great physical strength as well as courage. If anything, Mishima’s seppuku is even more remarkable for the fact that he was not trained to carry it out. His biographer, Henry Scott Stokes, interviewed two of Mishima’s martial arts teachers who both confirmed that he was not trained to carry out seppuku. One commented that his wrists were stiff and that he was unable to hold his kendo sword correctly, whilst the other said that Mishima had asked him for details of how to carry out seppuku, on the pretext that he was to write something on the subject.[12]

yu6133770_128960986741.jpgIn fact, Mishima had written a description of seppuku in gruesome detail some years earlier. In the short story, Patriotism, he describes a young officer who is unwilling to act against his former comrades who had taken part in the Ni Ni Roku rebellion. In order to maintain his honor, the officer commits seppuku:

The lieutenant aimed to strike deep into the left of his stomach. His sharp cry pierced the silence of the room. Despite the effort he had himself put into the blow, the lieutenant had the impression that someone else had struck the side of his stomach agonizingly with a thick rod of iron. For a second or so his head reeled and he had no idea what had happened. The five or six inches of naked point had vanished completely into his flesh, and the white bandage, gripped in his clenched fist, pressed directly against his stomach. He returned to consciousness. The blade had certainly pierced the wall of the stomach, he thought. . . With only his right hand on the sword the lieutenant began to cut sideways across his stomach. But as the blade became entangled with the entrails it was pushed constantly outward by their soft resilience; and the lieutenant realized that it would be necessary, as he cut, to use both hands to keep the point pressed deep into his stomach. He pulled the blade across. It did not cut as easily as he had expected. . . By the time the lieutenant had at last drawn the sword across to the right side of his stomach, the blade was already cutting shallow and had revealed its naked tip, slippery with blood and grease. But, suddenly stricken by a fit of vomiting, the lieutenant cried out hoarsely. The vomiting made the fierce pain fiercer still, and the stomach, which had thus far remained firm and compact, now abruptly heaved, opening wide its wound, and the entrails burst through, as if the wound too were vomiting. Seemingly ignorant of their master’s suffering, the entrails gave an impression of robust health and almost disagreeable vitality as they slipped smoothly out and spilled over into the crotch. . . Blood was scattered everywhere. The lieutenant was soaked in it to his knees, as he sat now in a crumpled and listless posture, one hand on the floor. . . The blade of the sword, now pushed back by the entrails and exposed to its tip was still in the lieutenant’s right hand. It would be difficult to imagine a more heroic sight than that of the lieutenant at this moment, as he mustered his strength and flung back his head.[13]

Mishima was viscerally aware of the gory reality of seppuku even if he was not formally trained to carry it out. He was not naïve about what seppuku would entail. But at the same time he did have a very romantic view of seppuku, glorifying it as an aesthetically pleasing, divinely sanctioned, and heroic death.

His fascination with the aesthetic aspects of violent death was first presented in his autobiographical novel Confessions of a Mask, published when he was 24 years old. In this work, Mishima recounts finding an art reproduction of Guido Reni’s St. Sebastian amongst his father’s books. As he looks at the picture of the male nude penetrated by arrows he becomes overwhelmed with sexual arousal, filled with “pagan joy,”[14] and for the first time in his life he masturbates, ejaculating into his hand. This conflation of homosexual arousal, artistic aestheticism, bloody violence, and youthful death would remain important concerns of Mishima’s throughout his life.

Mishima’s sense of “pagan joy” whilst masturbating over the painting of Sebastian is apt, as Sebastian has long been both an unofficial patron saint of homosexuals and an honorary pagan. It has long been recognised that depictions of Sebastian can attract inappropriate sexual attention. In the early 16th century a particularly lifelike depiction of a nude Sebastian by Fra Bartolommeo had to be removed from the church where it had been on display because women were admitting through the confessional that it was inspiring them to sinful thoughts.[15] More recently Derek Jarman filmed a quasi-pornographic life of Sebastian, which fell foul of the censors due to its graphic content.

The historical Sebastian was a captain in the Praetorian Guard who promulgated Christianity and actively sought to convert others to that faith. He was originally a favourite of the Emperor Diocletian but when he fell from grace due to his religious activities he was ordered to be executed. He was tied up and shot at with arrows. Although the iconography depicting his martyrdom is usually associated with this scene, he did not actually die from his wounds. He was rescued and nursed back to life by a woman, St. Irene. Sebastian then denounced the Emperor and was clubbed to death as a punishment.

The fact that Sebastian was a favourite of Diocletian but then, later in life, denounced him provides an interesting parallel with Mishima’s own life. When he was a boy, Mishima was awarded a silver watch by Emperor Hirohito for his academic achievements. As was customary for the Japanese, Mishima worshipped the Emperor. But following Japan’s defeat in 1945, Hirohito was forced by the Americans to renounce his divinity. In a speech to the nation, he stated that the Emperor was not divine, and that the Japanese were not superior to other races. For many Japanese, particularly Right wing nationalists, this was an unacceptable humiliation. Mishima was later to write a story in which the ghosts of kamikaze pilots return from the dead to berate the Emperor for renouncing his divinity. In Japan, criticism of the Emperor was a severe social taboo. Despite Mishima’s avowed, indeed somewhat extreme, Emperor worship, he became a controversial figure in Japan for this criticism of the Emperor.

Mishima saw the Emperor as a fixed, solar principle in whom was embodied the sacred potential of the Japanese people. Like Sebastian whose denunciation of Emperor Diocletian was motivated by knowledge of a higher principle, allegiance to which was more powerful than allegiance to life, Mishima’s criticism of Hirohito was inspired by the realisation that the Emperor was a divine presence, and that this divinity was the source of ultimate meaning. His allegiance is primarily to this numinous presence and only secondarily to the person of the Emperor. “Why did the Emperor have to become a human being?” he asks in Voices of the Heroic Dead. And, like Sebastian, Mishima was willing to die in service to this ultimate metaphysical allegiance.

Mishima was later to write a sort of aesthetic manifesto, Sun and Steel, in which he described how his role as a writer had become inadequate, and how he sought fulfilment through the cultivation of the body. As Mishima saw it, words had led him towards a certain conception of beauty; but due to the temporal corrosiveness of words which could only reveal beauty by segmenting reality into semantic chunks – and thereby presenting a succession of endings to the continuity and purity of life – the pursuit of literature was no longer sufficient to his ambition. He equates intellectual activity with nocturnal and weak pursuits, and he contrasts this with the practice of physical development which is solar and strong. Through this physical development he is able to aspire to an ideal form, one that can achieve a greater sense of purity than merely spiritual or intellectual development.

Because Mishima has come to see literature as hamstrung in its pursuit of beauty, due to the temporal and subjective constraints that delimit its scope, he turns instead to the body as a means of approaching the ideal. As in Confessions of a Mask, written almost twenty years earlier, he sees the death of the idealised, youthful body as a sort of perfection: “Here lies the mysterious significance of an early death, which the Greeks envied as a sign of the love of the gods.”[16] The ageing process becomes a sort of falsification, as it is a degeneration of youth, beauty and purity. Mishima has come to see youthful death as a means of cheating this degeneration; of retaining purity; and of conferring immortality.

The problem for Mishima was that at the time he was writing Sun and Steel he was no longer a young man. He had missed his opportunity to be conscripted to an early death during the Second World War. In order to achieve an ideal physical form, and so recapture the perfection of youth, Mishima takes up bodybuilding. The weights come to embody the principle of steel: a counterpoint to human flesh that confers a condition of hard immortality. By fashioning his body in this way, he is able to create a form that is somehow an unveiling of a deeper truth: “By its subtle, infinitely varied operation, the steel restored the classical balance that the body had begun to lose, reinstating it in its natural form, the form that it should have had all along.”[17] Like a sculptor, he reveals the perfect form that lies inherent in the uncarved stone. And thus, in diurnal, solar, physical activity, Mishima finally creates the sculpted form that will provide a fitting sacrifice for the Emperor. This sacrifice will allow his form to retain its recreated perfection for eternity.

The attempt to achieve an aestheticisation of the body, and an elevated sense of purity, ran concurrent with Mishima’s lifestyle which was, in many respects, deeply embedded in the Kali Yuga. His homosexuality was notable in Japan at that time, if not for its practice then for his literary depiction of it. Indeed, there was no term for homosexuality in Japanese:

In the modern idiom, one might say he was “outed as gay,” but circa 1950s Japan lacked a conceptual term that linked sexual practice to identity in this capacity. Likely for this reason Mishima felt it necessary to coin the first word of its kind, danshokuka, which translates to the effect of “man lover person.” This neologism, presented in the novel Forbidden Colors (1954), starkly broke away from traditional Japanese notions of sexual orientation in favor of a more Western construction of the self.[18]

In Confessions of a Mask, Mishima describes the masturbation fantasies he had as a teenage boy. These involve a great deal of torture, blood, and cannibalism, always inflicted on young men. The literary expressions of his homosexual desire were always explicit and morbid, and seem to jar with his fanatical pursuit of an idealised purity. Further to this, he posed for a series of somewhat avant garde photographs, collected in the book Torture by Roses. He also posed for photographs as Saint Sebastian, modelled on the Reni painting he described masturbating over in Confessions. And, he starred in a number of downmarket gangster films. His house was very large and styled as a Western colonial house at a time when Japanese houses tended to be small and modest, and of an Eastern character. So, in many respects he was unusual in being very interested in and influenced by contemporary Western tendencies whilst at the same time developing an increasingly extreme view of Japanese purity.

mishima.jpgAll of this leads many observers to conclude that the right wing nationalism that Mishima adopted in the 1960s, culminating in his formation of the Tatenokai and attempted coup d’etat, was another mask that he wore, one that provided him with a convenient pretext to commit the suicide that he had aestheticised and eroticised for so long. Whilst it would be foolhardy to try to identify the “real” motives of such a complex man, it is still possible to see that this argument is inadequate to the facts. One critic who follows this line of thought declares that Mishima’s suicide was, “the ultimate in literary irony.”[19] A rereading of the extract quoted above concerning the physical effects of performing seppuku should give appropriate context to thoughts of an ironic suicide. A person does not cut out his intestines as an act of literary irony.

Yet, at the same time, Mishima’s embrace of nationalism was somewhat problematic. In Runaway Horses, the second novel of his final tetralogy, he tells the story of Isao, a Right-wing nationalist intent on sparking an Imperial revolution. Isao is a fanatic inspired by a book, The League of the Divine Wind by Tsunanori Yamao. In The League of the Divine Wind, the story is told of a group of nationalist samurai who objected to the reforms of the Meiji restoration, such as commerce with foreigners and the prohibition on wearing a sword. They attempt to instigate a revolution to cleanse Japan of these impurities. When the revolution fails, each of the men commits seppuku. Isao is utterly enchanted with this book and gathers together a group of like-minded nationalists who attempt to follow the example of the League of the Divine Wind. His intent is to carry out a series of assassinations and attacks on infrastructure, then to commit seppuku. His idea of seppuku is utterly romantic: “Before the sun. . . at the top of a cliff at sunrise, while paying reverence to the sun. . . while looking down upon the sparkling sea, beneath a tall noble pine. . . to kill myself.”[20] When the Lieutenant to whom he describes this ideal points out that it is not possible to choose the exact circumstances of one’s death the text continues: “Isao gave no heed to the Lieutenant’s words. Subtle discourse, exegesis, the ‘on the one hand this, on the other that’ approach – all these were foreign to his way of thinking. His ideal was drawn upon pure white paper in fresh black ink. Its text was mysterious, and it excluded not only translation but also every critique and commentary.”[21]

Isao is committed to the purity of the act rather than the contingencies of its enactment or the likelihood of its success. For him, it is essential that there must be the possibility of ultimate meaning in life, and for him this meaning is effected through the figure of the Emperor. What can be seen as a pathological suicidal impulse is, in fact, rather more subtle than that. Isao cannot countenance living in a Japan that has become corrupted through internal venality and imported decadence. For him, the Emperor is the point of singularity around which all else must orbit for life to have meaning. His revolutionary act is exoterically aimed at purifying Japan and resisting the encroachment of the foreign barbarians, but esoterically it is aimed at achieving the realisation, the immanence, of the existence of an ultimate principle:

And the greatest sin is that of a man who, finding himself in a world where the sacred light of His Majesty is obscured, nevertheless determines to go on living without doing anything about it. The only way to purge this grave sin is to make a fiery offering with one’s own hands, even if that itself is a sin, to express one’s loyalty in action, and then to commit seppuku immediately. With death, all is purified. But as long as a man goes on living, he can’t move either right or left, or take any action whatever, without sinning.[22]

As Runaway Horses unfolds, Isao appears more and more as a misguided figure. He is continually coming up against the reality of the contingencies of life that jar with the beautiful ideal he has constructed for his own life. His father betrays him to the police before his group are able to carry out their attacks. His father reasons that Isao is a naïve idealist who lacks pragmatism, “There’s such a thing as the favorable moment. Determination alone counts for nothing. Thus I have to conclude that my son is too young. The necessary discernment is still beyond him. . . Rather than take action, the best course is to achieve results without acting.”[23] This assessment is a fundamental misunderstanding of Isao, and by extension, of Mishima.

The interesting thing about Runaway Horses is that the character of Isao is an exact analogue of Mishima in many respects. At the time of writing the book Mishima himself was in the process of forming a small corps of right wing nationalists who would attempt a similar, albeit less murderous, rebellion. It is also certain that Mishima was already committed to the idea of carrying out seppuku as the climax to this action. Many critics have dismissed Mishima’s politics as silly and suggested that the formation of the Tatenokai and the assault on Ichigaya were merely elaborate pretexts for the performance of Mishima’s seppuku. The characterisation of Isao tends to support this analysis as it shows that Mishima has moved on from the idealised and romantic notions of heroic seppuku that he depicted in Patriotism. Instead, we can read Isao as Mishima’s attempt to detach himself somewhat from the naïve idealism he had previously described. Unlike the officer in Patriotism, Isao is unable to achieve the death that he had envisaged. He exists in a messy world of contingency, and when he finally commits seppuku he must do so hastily, before being captured. This leads some to conclude that Mishima was far too sophisticated to really believe in the ideals of the Tatenokai, and that he simply exploited them for his own narcissistic ends.

There is some plausibility to this view but it is crucial to understand that the Tatenokaiand attempted coup were not incidental to Mishima’s intentions but were the apposite vehicle for them. He was sincere in his Right-wing nationalism and in his wish to re-establish samurai values and he was willing to die for this cause. Yet at the same time he realised that there would be no chance of his miniscule, poorly trained army succeeding in their coup. This disjunction between the purity of his idealised ambition and the pragmatic possibilities open to him also encompasses the various personal and artistic proclivities that seem out of sync with his uncompromising aesthetic of death and Emperor worship, such as his homosexuality and sadism. It would appear that his awareness of weakness, decadence and egotism was no barrier to his grasp of numinous purity. And in death he was able to transcend all of these things and realise perfection. Isao, despite not being able to commit seppuku in the manner he had dreamed of, nonetheless experiences a profound and victorious vision in death: “The instant that the blade tore open his flesh, the bright disc of the sun soared up and exploded behind his eyelids.”[24]

Lying behind all of Mishima’s diverse interests was a deeper imperative to establish the reality of an ultimate source of meaning, beyond human contingency. For Mishima this principle was embodied in the Emperor. The siege of Ichigaya was undertaken with a sincere motive but the external, real world, outcome of the event was always going to be a matter of secondary importance. The incidental details of his suicide, including his lifelong preparation, were arranged with a superior artist’s eye for the dramatic. But all of this was in service to a greater idea, one which could only be realised through transcending contingency. With his death he was able to sacramentalize his life and achieve a final victory by touching the face of the divine. As the note read, “Human life is limited, but I would like to live forever.”

Notes

1. Henry Scott Stokes, The Life and Death of Yukio Mishima (Peter Owen, 1975), p.235.

2. Ibid., p. 234.

3. Ibid., p. 51.

4. The Strange Case of Yukio Mishima (supplementary documentary on Mishima: A life in Four Chapters), 2008, DVD, The Criterion Collection.

5. A. Alvarez, The Savage God: A Study of Suicide (Penguin Books, 1971), p. 66.

6. Ibid., p. 106.

7. Aya Maeda, “How suicide has been conceived in Japan and in the Western World: Hara-kiri, Martyrdom and Group Suicide,” in Erich A. Berendt (ed.), Facing Finality: Cognitive and Cultural Studies on Death and Dying (University of Louisville Press, 2009), p.100.

8. Ibid., p. 102.

9. Rob Gilhooly, “Inside Japan’s ‘Suicide Forest’,” The Japan Times, June 26, 2011.

10. Toyomase Fusé, “Suicide and Culture in Japan: A Study of Seppuku as an Institutionalized Form Of Suicide,” Social Psychiatry, 1980, 15, pp. 57-63.

11. Scott Stokes, The Life and Death of Yukio Mishima, p. 51.

12. Henry Scott Stokes, “Headless in Ichigaya: Yukio Mishima’s Legacy,” 2006, Foreign Correspondents’ Club of Japan.

13. Yukio Mishima, Patriotism (New Directions, 1966), pp. 45-51.

14. Yukio Mishima, Confessions of a Mask (Panther Books, 1972), p. 37.

15. Richard A. Kaye, “‘Determined Raptures’: St. Sebastian and the Victorian Discourse of Decadence,” Victorian Literature and Culture, 1999, 27(1), p. 27.

16. Yukio Mishima, Sun & Steel (Secker & Warburg, 1971), p. 68.

17. Ibid., p. 24.

18. Matthew Chozick, “Queering Mishima’s Suicide as a Crisis of Language,” Electronic Journal of Contemporary Japanese Studies, 15 October 2007.

19. Peter Abelsen, ‘Irony and Purity: Mishima’, Modern Asian Studies, 30(3), pp. 651-79.

20. Yukio Mishima, Runaway Horses (Vintage Classics, 2000), p. 125.

21. Ibid., p. 125.

22. Ibid., p. 188.

23. Ibid., p. 315.

24. Ibid., p. 421.

Source: The original version of this essay was published in a Black Front Press volume on Mishima. This version is to be reprinted in a Ravenshalla Arts compilation of writings by Christopher Pankhurst.


Article printed from Counter-Currents Publishing: http://www.counter-currents.com

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mercredi, 20 août 2014

Les relations russo-ukrainiennes vues par Alexandre Soljenitsyne

Les relations russo-ukrainiennes vues par Alexandre Soljenitsyne

Le site web de la radio La voix de la Russie propose en ce moment une série d’articles puisés dans l’œuvre d’Alexandre Soljenitsyne et abordant la question des relations entre les peuples frères russe et ukrainien. Ce week-end, c’est un extrait de l’essai intitulé Comment réaménager notre Russie, paru en 1990, qui a été publié :

solzhenitsyn.jpg« Je suis presqu’à moitié Ukrainien et j’ai grandi parmi les sonorités de la langue ukrainienne. Je suis resté la majeure partie de mes années passées au front dans la sobre Biélorussie et j’ai aimé d’un amour pénétrant sa triste indigence et son peuple docile. Pour les uns et les autres je ne suis pas un étranger, je m’adresse à eux comme si j’étais l’un des leurs.

Notre peuple s’est divisé en trois branches suite aux terribles malheurs de l’invasion mongole et de la colonisation polonaise. Parler de l’existence depuis le IXème siècle d’un peuple ukrainien à part, parlant une langue non russe spécifique, est une falsification récente. Ensemble nous sommes issus de la noble Kiev « d’où provient la terre russe » selon la Chronique de Nestor, d’où nous est venue la lumière du christianisme. Nous avons été gouvernés par les mêmes princes : Iaroslav le Sage a partagé entre ses fils Kiev, Novgorod et les étendues entre Tchernigov et Riazan, Mourom et Beloozero ; Vladimir Monomaque était simultanément prince de Kiev et prince de Rostov ; la même unité est constatée dans le service des métropolites. En Lituanie et en Pologne les Biélorusses et les Ukrainiens se prenaient pour les Russes et luttaient contre la polonisation et la catholicisation. Le retour de ces terres dans le giron de la Russie était alors interprété par eux tous comme une Réunification.

En effet, il est douloureux et honteux de se souvenir des décrets de l’époque d’Alexandre II (1863, 1876) interdisant la langue ukrainienne dans le journalisme, puis dans les belles-lettres, mais cela n’a pas duré longtemps, car c’était une ossification et un égarement de l’esprit dans la politique gouvernementale et ecclésiastique qui ont préparé la chute du régime d’Etat russe.

Cependant, la Rada socialiste pleine de vanité de 1917 a été composée sur un accord entre les politiques et n’a pas été élue par le peuple. Quand elle a quitté la fédération et annoncé le détachement de l’Ukraine de la Russie, elle n’a pas demandé l’opinion du peuple.

J’ai déjà répondu à des nationalistes ukrainiens en exil qui répètent sans arrêt à l’Amérique que « le communisme est un mythe et que ce sont les Russes et non pas les communistes qui veulent s’emparer du monde » (et voilà les « Russes » ayant déjà occupé la Chine et le Tibet, ce qui demeure depuis déjà 30 ans dans une loi du Sénat américain). Le communisme est le mythe que les Russes et les Ukrainiens ont appris à leurs dépens dans les geôles de la Tcheka depuis 1918. C’est le mythe qui a réquisitionné dans la région de la Volga même les grains de semence ayant voué 29 gouvernements russes à la sécheresse et à la famine de 1921-1922. Le même mythe qui a perfidement plongé l’Ukraine dans une famine aussi impitoyable en 1932-1933. Est-ce que nous ne sommes pas liés à cette violence sanguinaire, après avoir subi en commun la collectivisation communiste menée à coup de bâton et accompagné d’exécutions ?

En Autriche en 1848, les habitants de Galicie appelaient leur conseil national Golovna Rousska Rada (Rada russe principale). Plus tard, dans une Galicie annexée et sous la houlette autrichienne, on a cultivé une langue ukrainienne non populaire, truffée de mots allemands et polonais, ainsi que l’idée pour les Carpato-Ruthènes (habitants de l’Ukraine transcarpatique, les Ruthènes) de renoncer à la langue russe et l’idée du séparatisme ukrainien complet, qui se traduit chez les dirigeants actuels de l’émigration par une ignorance élémentaire (que saint-Vladimir était un Ukrainien) ou par une démence agressive : vive le communisme pourvu que les Moscovites crèvent !

Il va de soi que nous partageons les peines mortelles de l’Ukraine à l’époque soviétique. Mais d’où vient cette envie de trancher dans le vif et de séparer l’Ukraine (même les régions qui n’ont jamais été ukrainiennes : la Nouvelle Russie ou la Crimée, le Donbass et les territoires allant presque jusqu’à la mer Caspienne). S’il s’agit de « l’autodétermination de la nation », c’est la nation qui doit décider. Le problème ne peut pas être résolu sans un vote du peuple entier.

Détacher l’Ukraine aujourd’hui, c’est diviser des millions de familles et de personnes, tellement la population est mélangée ; il y a des régions entières à prépondérance russe ; combien de personnes ont du mal à choisir leur nationalité entre deux possibles ; combien de personnes ont des origines mixtes et combien recense-t-on de mariages mixtes, bien que personne ne les ait jamais considérés comme tels. Au sein de la population il n’y a même pas de velléité à l’intolérance entre les Ukrainiens et les Russes.

Frères ! Cette séparation violente est inutile, c’est une obnubilation de l’époque communiste. Nous avons enduré ensemble l’époque soviétique, nous nous sommes retrouvés ensemble dans cette fosse et nous en sortirons ensemble.

En deux siècles, combien de noms éminents avons-nous reçu à la croisée de nos deux cultures. Mikhaïl Dragomanov a dit à ce propos : « C’est inséparable, mais ce n’est pas mélangé ». La porte de la culture ukrainienne et biélorusse doit être largement ouverte avec bienveillance et joie non seulement sur le territoire de l’Ukraine et de la Biélorussie, mais aussi de la Russie. Il ne doit y avoir aucune russification forcée (mais aussi aucune ukrainisation forcée comme cela a eu lieu à la fin des années 1920), rien ne doit empêcher le développement des cultures parallèles et l’enseignement dans les écoles doit être dispensé en deux langues, selon le choix des parents.

Si le peuple ukrainien veut en effet se détacher, personne ne devra certes le retenir par la force. Mais ce pays étendu est très varié et seule la population locale peut décider du sort de son territoire, de sa région et chaque minorité nationale apparaissant dans ce territoire doit être accueillie par la non-violence à son égard.

Tout ce qui a été dit concerne également la Biélorussie, à la seule différence que là, le séparatisme n’a pas été attisé d’une manière irréfléchie.

Pour conclure : nous devons rendre hommage à la Biélorussie et à l’Ukraine qui ont vécu la catastrophe de Tchernobyl provoquée par les arrivistes et les imbéciles du système soviétique et en éliminer les séquelles dans la mesure de nos forces. »

Baudouin Lefranc

vendredi, 01 août 2014

De la "novlangue" aujourd'hui

 

george-orwell-6.jpg

Robert Steuckers:

De la “novlangue” aujourd’hui

 

Conférence prononcée au “Club de la Grammaire”, Genève, 9 avril 2014

 

C’est à la demande de Maître Pascal Junod, Président du “Club de la Grammaire”, que j’ai composé tout récemment cette conférence sur la novlangue, suite à l’allocution que j’avais déjà prononcée, à cette même tribune en avril 2010, sur la biographie d’Orwell, sur les étapes successives de sa pensée. Cette conférence s’inscrivait dans le cadre d’un cycle consacré aux “romans politiques” (les political novels), où j’ai abordé aussi Soljénitsyne (en 2009) et Koestler (en 2011). A l’évidence, la notion orwellienne et romanesque de “novlangue” correspond aux pesanteurs actuelles de la “political correctness” ou “rectitude politique”, comme on le dit plus justement au Québec. Aborder ce thème de la manipulation systématique du langage, perpétrée dans le but de freiner toute effervescence ou innovation politiques, est, on en conviendra, un vaste sujet, vu le nombre d’auteurs qui se sont penchés sur ce phénomène inquiétant depuis la mort d’Orwell.

 

Le point de départ de cette conférence —car il faut bien en trouver un— reste le fonds orwellien, abordé en avril 2010. L’approche biographique et narrative que nous avions choisie, il y a quatre ans, permettait de pister littéralement les étapes de l’éveil orwellien, toutes étapes importantes pour comprendre la genèse de sa théorie du langage, laquelle est sans cesse réétudiée, remise sur le métier, notamment en France par un Jean-Claude Michéa, professeur de philosophie à Montpellier. Orwell, au cours de son existence d’aventurier et d’écrivain, est sorti progressivement de sa condition humaine, trop humaine, de ses angoisses d’adolescent, d’adulte issu d’une classe privilégiée un peu en marge du monde réel, en marge du monde de ceux qui peinent et qui souffrent, pour devenir, grâce à Animal Farm et à 1984, un classique de la littérature et, partant, de la philosophie, tant son incomparable fiction contre-utopique a été prémonitoire, a signalé des glissements de terrain en direction d’un monde totalement aseptisé et contrôlé.

 

Le fonds orwellien

 

Le fonds orwellien est donc incontournable, est un classique du 20ème siècle auquel on ne peut échapper si l’on veut s’armer pour faire face à un monde de plus en plus déraciné, de plus en plus contrôlé par des agences médiatiques et étatiques qui oblitèrent la luxuriance du réel, veulent empêcher les hommes de voir et d’aimer cette luxuriance et d’y puiser des recettes pour changer ou faire bouger les choses selon les rythmes d’une harmonie toute naturelle. Certes, le contexte, notamment le contexte technologique, mis en place dans l’oeuvre romanesque d’Orwell n’est plus le même. Les périodes du début du 20ème siècle, marquées par le militantisme virulent et les totalitarismes utopiques et messianiques, ne sont plus reproduisibles telles quelles. Néanmoins, la genèse de la situation actuelle, où tout est contrôlé via la NSA, les satellites et l’internet, Orwell l’a bien perçue, l’a anticipée conceptuellement. Notre réalité, plus surveillée que jamais, est un avatar mutatis mutandis d’une volonté politique de contrôle total, déjà mise en place au temps d’Orwell.

 

Quel est-il, ce contexte, où émerge l’oeuvre orwellienne? Il est celui 1) du totalitarisme ambiant et 2) de la volonté d’aseptiser la langue pour contrôler les esprits.

◊ 1. Le totalitarisme ambiant.

L’époque d’Orwell est celle où viennent d’émerger en Europe continentale deux formes de totalitarisme, le communisme et le national-socialisme, qui sont, pour reprendre le vocabulaire de Guy Debord, des “sociétés du spectacle spectaculaire”, du spectacle hystérique. Le 1984 le reproduira tout en le caricaturant à l’extrême, lui donnant finalement une “coloration” plus communiste que nationale-socialiste, aussi parce que le communisme soviétique survit à l’élimination du national-socialisme, suite à la défaite allemande de 1945. Orwell ne connaît pas encore le “spectacle diffus”, dénoncé par Debord dans les années 60, ni le “festivisme”, fustigé par Philippe Muray dans les années 90 et les premières années du 21ème siècle, où l’essentiel, le “politique politique” (Julien Freund), est submergé par des “festivités” destinées à amuser, abrutir, décérébrer et dépolitiser les masses. Le monde fictif, né de l’imagination d’Orwell, est durablement marqué par l’agitprop communiste, qui avait d’abord séduit les avant-gardes artistiques (dada, surréalisme, André Breton) dans les années 20 et 30. Pour l’Orwell de la fin des années 40, cette “agitprop” est la quintessence même de ce totalitarisme dur, constat qu’il formule après avoir eu derrière lui une existence de militant de gauche, fidèle et inébranlable, qui a participé à toutes les mésaventures des gauches radicales anglaises, s’est engagé dans les milices anarchistes de Barcelone pendant la Guerre civile espagnole. Cette aventure espagnole le rapprochera d’Arthur Koestler, lui aussi protagoniste de la guerre civile espagnole (cf. Le testament espagnol). Koestler rompt ensuite avec les services du Komintern, qu’il avait pieusement servi, notamment sous l’égide de Willy Münzenberg, un communiste allemand exilé à Paris, chargé par les instances moscovites d’organiser en Occident une propagande soviétique bien conforme aux directives du “Politburo” dirigé par Staline.

 

Willy Münzenberg et la guerre civile espagnole

 

Munzenberg.jpgA Paris, Willy Münzenberg orchestre toute la propagande soviétique antinazie et antifasciste. Lors de l’incendie du Reichstag, il est chargé de propager la version communiste des faits, au besoin en travestissant la réalité. De même, lors de la guerre d’Espagne, il fait fabriquer par ses services des brochures de propagande où les faits sont enrobés d’inventions et de mensonges délibérés de manière à susciter des vocations militantes et à couvrir l’adversaire d’opprobre. Koestler, dans son autobiographie, décrit parfaitement l’atmosphère qui régnait dans les officines parisiennes du Komintern sous la direction de Münzenberg. L’objectif était de faire éclore, dans le vaste public, la vision d’un monde manichéen où une bonne gauche, parée de toutes les vertus, et dont les communistes étaient l’avant-garde, s’opposerait dans un combat planétaire à une méchante droite, dont la perversité culminerait dans les régimes dits “fascistes” d’Allemagne, d’Italie ou d’Espagne. Pourtant, ce tableau en noir et blanc n’a jamais correspondu à aucune réalité du conflit civil espagnol: les gauches, unies selon la propagande, vont au contraire s’entre-déchirer à Barcelone et faire crouler le front catalan du “Frente Popular”, scellant définitivement le sort de la République espagnole. Orwell a été un témoin direct des événements: il a vu et entendu les communistes espagnols et étrangers enclencher une propagande virulente et dénigrante contre les autres formations de gauche.

 

C’est dans ce contexte qu’est née la fameuse expression, qui a tant fait sourire, de “vipères lubriques hitléro-trotskistes”. Orwell, blessé après un combat contre les troupes franquistes, doit fuir la métropole catalane, à peine sorti de l’hôpital, pour échapper aux équipes d’épurateurs communistes, chassant les anarchistes, les militants du POUM et les trotskistes, qui formaient le gros des troupes irrégulières de la République espagnole et des autonomistes catalans. En posant l’équation entre hitlériens et trotskistes, le manichéisme propagandiste des communistes visait à faire passer les forces de la gauche non communiste dans le même camp que les adversaires les plus radicaux du Komintern: dans le mental de la propagande, comme dans celui de la “political correctness” actuelle, il ne peut y avoir de demies teintes. Il y a toujours des “gentils”, des “purs”, et des “affreux”, des “âmes noires”. La propagande communiste, hostile aux autres gauches, et le vocabulaire hystérique et dénigrant qu’elle utilisait, vont donner à Orwell l’idée du “quart d’heure de la haine”, qu’il mettra en scène dans 1984. Les historiens actuels de la guerre civile espagnole, comme Pio Moa et Arnaud Imatz, démontrent que la République a implosé, à cause de cette guerre civile dans la guerre civile: un fait d’histoire que toutes les gauches vont tenter de camoufler après la victoire des armées de Franco, renouant avec les lignes directrices de la propagande orchestrée par Münzenberg, avant le pacte germano-soviétique d’août 1939. Travestir et camoufler la réalité deviennent des agissements politiques courants, appelés à s’amplifier considérablement au fur et à mesure que les moyens techniques se perfectionnent, aboutissant à une oblitération de plus en plus accentuée des réalités concrètes.

 

1936: année cruciale

 

Pour Orwell, 1936 est une année cruciale. Simon Leys, dans son livre Orwell ou l’horreur de la politique, rappelle un extrait de Looking Back on the Spanish War, où Orwell se souvient avoir eu une conversation sur la guerre civile espagnole avec Arthur Koestler où il aurait dit: “L’Histoire s’est arrêtée en 1936”. Pourquoi? Parce que, pour la première fois, Orwell a vu des articles de journaux, relatant les événements du front, “qui n’avaient absolument plus aucun rapport avec la réalité des faits”. Et il ajoutait: “Je vis des descriptions de grandes batailles situées là où nul combat n’avait pris place, tandis que des engagements qui avaient coûté la vie à des centaines d’hommes étaient entièrement passés sous silence. Je vis des troupes qui avaient courageusement combattu, accusées de trahison et de lâcheté, et d’autres qui n’avaient jamais vu le feu, acclamées pour leurs victoires imaginaires”. Pire: “je vis (...) des intellectuels zélés édifier toute une superstructure d’émotions sur des événements qui ne s’étaient jamais produits. Je vis en fait l’Histoire qui s’écrivait non pas suivant ce qui s’était passé, mais suivant ce qui aurait dû se passer, selon les diverses lignes officielles”.

 

 

Orwell_in_de_Lenin_Barracks.jpg

 

 

Aujourd’hui, force est de constater que les techniques de propagande mises au point par Münzenberg pour le compte du Komintern dans les années 30 du 20ème siècle sont toujours les mêmes, sauf qu’elles ne sont plus diffusées par des communistes mais par les agences de presse américaines: on se souvient des “couveuses de Koweit City” en 1990, on se souvient des “quarts d’heure de haine” aboyés par Shea, le porte-paroles de l’OTAN à accent “cockney” lors de la guerre contre la Serbie en 1999; en Crimée, aujourd’hui, le ton est quelque peu édulcoré car aux Etats-Unis mêmes, l’opposition à toutes les guerres extérieures  déclenchées par le Pentagone est plus largement répandue, surtout sur la grande toile, que dans les années 20 et 30 où certains républicains, avec le Sénateur Taft, et les populistes, autour du père et du fils LaFollette, s’étaient opposés au bellicisme hypocrite des Présidents Wilson et Roosevelt, camouflé derrière un verbiage pacifiste, moraliste et “démocratique”.

 

Si Shea n’a jamais été qu’un acteur bien payé pour éructer son “quart d’heure de haine” contre les Serbes en 1999 puis a été congédié mission accomplie pour aller amorcer ailleurs une autre comédie dûment stipendiée, Münzenberg, lui, croyait au message communiste. Il a été broyé par la propagande qu’il avait lui-même mise en place. Münzenberg était pour l’union des gauches contre le fascisme, pour l’alliance Paris-Prague-Moscou de 1935 (qui, en Belgique, a suscité tant de craintes que les accords militaires franco-belges ont été rompus par le Roi, que la neutralité a été à nouveau proclamée en octobre 1936 et que de larges strates de l’opinion publique disaient préférer “Berlin” à “Moscou”), pour l’union de toutes les gauches dures contre Franco. Son propre parti va finir par refuser cette politique unitaire qu’il avait pourtant préconisée avec insistance et à laquelle Münzenberg avait voué toutes ses forces. Au lendemain de la guerre civile espagnole, le Pacte Ribbentrop-Molotov déstabilise complètement les communistes qui avaient confondu leur combat avec l’antifascisme et l’antinazisme, quitte à s’allier à des éléments gauchistes, considérés, dans les écrits de Lénine, comme les vecteurs de la “maladie infantile du communisme”. La direction stalinienne, au lendemain de la guerre d’Espagne et de la victoire de Franco, en vient à considérer l’antifascisme et l’antinazisme comme des positions immatures, propres du “gauchisme” stigmatisé par Lénine. Willy Münzenberg, qui avait plaidé pour un large front des gauches, englobant les socialistes et les gauchistes, se rebiffe et écrit un pamphlet intitulé “Le coup de poignard russe”, fustigeant, bien entendu, le retournement stalinien et l’alliance tactique (purement tactique) avec l’Allemagne nationale-socialiste. Il tombe en disgrâce, disparaît, sans doute enlevé par des agents du Komintern. On retrouvera son corps pendu à un arbre dans une forêt de la région de Grenoble.

 

Roubachov et la ferme des animaux

 

Darkness%20at%20noon.jpgArthur Koestler relate dans ses mémoires cet épisode où les militants internationalistes du Komintern tombent dans le désarroi le plus complet après les événements de Barcelone —la guerre civile dans la guerre civile— et le Pacte Ribbentrop-Molotov. Ce retournement a lieu au moment le plus fort et le plus tragique des purges de Moscou, où de vieux militants bolcheviques sont éliminés parce qu’ils ne sont plus au diapason de la politique nouvelle amorcée par l’Union Soviétique. Les purges staliniennes en Union Soviétique forment la toile de fond du plus célèbre roman de Koestler, Darkness at Noon (en français: Le Zéro et l’infini). Le personnage central et fictif de ce roman s’appelle Roubachov: il est emprisonné, attend son jugement, sa condamnation à mort (pour le bien de la révolution) et son exécution; il avait été un révolutionnaire naïf et enthousiaste, criminel à ses heures comme tous ses semblables mais toujours animé de bonnes intentions à l’endroit du prolétariat. Aucune révolution n’est toutefois possible sans militants de ce type dont la naïveté correspond parfois à celle de la common decency d’Orwell, à l’honnêteté foncière du bon peuple qui trime et qui souffre, à la bravoure naïve du cheval dans La ferme des animaux, incarnation du prolétariat qui donne son sang sans calculer, au contraire des intellectuels et des théoriciens qui aspirent à toujours plus de pouvoirs, comme les cochons d’Animal Farm.

 

Münzenberg dans la réalité, Roubachov dans la fiction, sont des personnalités broyées, des enfants de la révolution dévorés par elle qui, erratique, cherche sa voie dans les méandres d’un réel, qu’elle rejette et qu’elle critique toute en s’affirmant “matérialiste historique”, tout en énonçant des discours simplificateurs, réductionnistes et outranciers. Ces personnalités sont broyées parce que, quelque part, elles demeurent, ontologiquement, les réceptacles naturels et inévitables d’une diversité réelle, héritée de leur famille, de leurs proches, de leurs amis d’enfance et du patrimoine du peuple dont elles sont issues. Elles sont aussi le réceptacle de sentiments diffus ou réels de fidélité que ne comprennent pas, ne veulent pas ou plus comprendre, les langages propagandistes. Ceux-ci ne peuvent exprimer cette fidélité des anciens pour les autres anciens, qui se cristallise au-delà de la détention et de l’exercice d’un pouvoir arraché aux maîtres des vieux mondes, au paysan ivrogne de la Ferme des animaux. Qui dit fidélité dit souvenir d’un passé héroïque ou glorieux, tissé de souffrances et de combats, d’efforts et de deuils. Qui dit passé dit frein à la marche en avant vers un progrès certes hypothétique, pour tous ceux qui gardent lucidité, mais posé comme “telos” inévitable de la politique par les nouveaux maîtres du pays. Pour ne pas être broyées, les personnalités révolutionnaires ou politiques doivent OUBLIER. Oublier le passé de leur peuple, oublier leur propre passé personnel, oublier leurs amis et camarades, avec qui ils avaient combattu et souffert. Dans l’univers de la politique totalitaire du communisme de mouture soviétique ou même de la politique démocratique des partis triviaux et corrompus de l’univers libéral décadent, le militant, le permanent, le candidat doivent se mettre volontairement ou inconsciemment en état d’oubli permanent et cela, sans RETARD aucun par rapport aux décisions ou aux orientations formulées par un très petit état-major de chefs ou d’intrigants, inconnus de la base militante ou de l’électeur.

 

Malheur aux personnalités “retardatrices”!

 

Si une personnalité marque un retard, elle est aussitôt posée comme “retardatrice” de l’avènement du “télos” ultime ou comme un élément passéiste et redondant, “ringard”. Dans ce cas, elle est éliminée de la course aux pouvoirs ou aux prébendes, dans les démocraties partitocratiques comme les nôtres. Dans les systèmes totalitaires, elle est liquidée physiquement ou “évaporée” comme dans le 1984 d’Orwell. Dans la Russie stalinienne, on gommait sur les photos des temps héroïques de la révolution russe la personne de Trotski, comme on efface toute trace concrète de l’hypothétique Goldstein dans le roman d’Orwell pour n’en maintenir que l’image très négativisée, générée par la propagande. Dans les démocraties libérales, on houspille hors de portée des feux de rampe médiatiques les gêneurs, les esprits critiques, les candidats malheureux, les dissidents qui ne formulent pas d’utopies irréelles mais se réfèrent au seul réel tangible qui soit, celui que nous lègue l’histoire réelle et tumultueuse des peuples. Ils subissent la conspiration du silence.

 

◊ 2. Les manipulations de la langue:

Orwell s’est toujours méfié instinctivement des volontés d’aseptiser la langue, de l’enfermer dans la cangue des propagandes. Ce jeu pervers qui s’exerce sur la langue n’est pas nécessairement une stratégie mise en oeuvre par les totalitarismes politiques, ceux qui procèdent du totalitarisme spectaculaire et tapageur, mais aussi du démocratisme libéral, que l’on peut aujourd’hui, sans guère d’hésitation, camper comme un totalitarisme mou ou diffus, bien plus subtil que les régimes forts ou autoritaires.

 

La première forme de fabrication linguistique qui hérisse Orwell est l’esperanto du mouvement espérantiste qu’anime à Paris le mari de sa tante qui y réside et qui l’héberge parfois quand il enquête sur les bas-fonds de la capitale française, prélude à son oeuvre poignante Dans la dèche à Londres et à Paris. Orwell juge farfelue l’idée de “fabriquer une langue” car une telle fabrication n’aurait pas de passé, pas d’histoire, pas de mémoire et sa généralisation provoquerait un refoulement général de tous les legs de l’humanité, plus personne n’étant alors capable de les comprendre.

 

Esperanto et “basic English”

 

Mais si les efforts des espérantistes, observés avec ironie par Orwell, n’ont pas été couronnés de succès, la généralisation du “basic English”, sous l’impulsion du tandem anglo-américain à partir des années 40, réussira à créer une koinè d’abord pour les peuples de l’Empire britannique puis pour tous les peuples plus ou moins inféodés à la sphère d’influence anglo-saxonne. Le coup d’envoi pour promouvoir cet anglais simplifié est donné en 1940, quand Orwell a déjà derrière le dos deux expériences, importantes pour la maturation de son oeuvre et de sa pensée: les efforts dérisoires des espérantistes, dont son oncle par alliance, et les jeux langagiers pervers et violents de la propagande communiste anti-gauchiste de Barcelone pendant la guerre civile espagnole. Il retient que le langage ne peut procéder de simples fabrications et qu’il doit toujours dire le réel et non pas l’oblitérer par des affirmations propagandistes péremptoires.

 

Quand les autorités britanniques lancent le projet, leur but premier —et purement pragmatique— est d’instruire les soldats indiens et africains qui vont être enrôlés dans les armées britanniques pendant la seconde guerre mondiale, tout comme aujourd’hui ce “basic English” des armées sert à instruire les soldats d’Afrique francophone dans le cadre de l’Africom, instance militaro-civile visant à arracher les pays africains de toute influence non américaine, qu’elle soit française ou chinoise. Le Rwanda, ancienne colonie allemande, devenue protectorat belge après 1918 et donc francophone, est désormais inclus dans la sphère de l’Afrique anglophone. L’objectif du “basic English” est donc d’instruire des étrangers, d’abord des soldats puis des cadres civils ou des interlocuteurs commerciaux, non plus seulement dans l’Empire britannique mais dans les pays européens ou asiatiques libérés par les armées anglo-saxonnes et appelés à devenir des comptoirs commerciaux ou des débouchés pour les productions industrielles américaines surtout, britanniques dans une moindre mesure. Dès le départ, le projet de répandre un “basic English” reçoit l’appui de Winston Churchill, adepte et signataire de la “Charte atlantique” de 1941, laquelle visait à faire advenir à terme “an English speaking world”. Cette année-là, Orwell travaille à la BBC et, dans une première phase, semble adhérer à ce projet vu qu’il plaidait pour une langue littéraire et journalistique “limpide”, capable d’exprimer le réel sans détours, sans masques, sans fioritures inutiles, avec tout à la fois une simplicité et une densité populaires, dépourvues d’ornements pompeux ou de redondances gratuites, propres à une littérature plus bourgeoise. Au bout de quelques mois, Orwell est horrifié. Il exprimera son désaccord fondamental dans un texte intitulé Politics and the Englih language. Orwell constate que l’on cherche à réduire le vocabulaire à 850 mots, que l’on simplifie la syntaxe outrancièrement, projet qui est toujours d’actualité car les universités britanniques prestigieuses, comme Oxford et Cambridge, qui ont produit jusqu’ici les meilleurs manuels d’apprentissage de la langue anglaise, cherchent désormais, depuis début 2013, à lancer sur le marché des méthodes préconisant un enseignement de l’anglais “as it is really spoken”, englobant avec bienveillance les erreurs, parfois grossières, généralement commises par les étrangers, les Afro-Américains, les classes défavorisées du Royaume-Uni ou des Etats-Unis, les non anglophones du tiers-monde vaguement frottés à l’anglais. Le “basic English” des années quarante semble encore trop compliqué pour faire advenir l’English speaking world donc, pour favoriser plus rapidement son avènement, on est prêt à généraliser sur la planète entière un affreux baragouin imprécis et filandreux! Les écoles belges n’ont heureusement pas adopté ces nouvelles méthodes! Mais ce n’est sans doute que partie remise!

 

 

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Détruire la transmission intergénérationnelle

 

Pour Churchill, ce “basic English” était l’“arme la plus terrifiante de l’ère moderne” puisqu’elle allait faire imploser de l’intérieur les polities non anglophones et détruire les môles de résistance, appuyés sur les legs du passé, dans les pays de langue anglaise eux-mêmes. Trois professeurs, Ogden, Richards et Graham, et les services de l’Université de Harvard vont alors tenter de structurer ce projet politique et linguistique de grande envergure que la politique soviétique avait anticipé quand elle avait progressivement remplacé le russe impérial par une langue soviétisée et appauvrie ou quand le jargon politisé du Troisième Reich oblitérait la langue allemande par ce que Viktor Klemperer a nommé la LTI, la lingua terterii imperii, la langue du “Troisième Reich”. Soljénitsyne, emprisonné à Moscou après la seconde guerre mondiale, avait mesuré, avec ses co-détenus, l’ampleur de cet affadissement et de cette mutilation linguistique subie par sa langue maternelle. Son oeuvre ultérieure a visé, entre bien d’autres choses, à restaurer les espaces sémantiques mutilés par la soviétisation. Mais la vision d’un “basic English” comme “arme terrifiante” à appliquer au monde anglo-saxon et à tous les espaces qu’il allait satelliser, ne nous permet plus, objectivement, en tenant compte des démarches d’Orwell, de limiter aux seuls régimes totalitaires la volonté de mutiler et de travestir les langues. La soviétisation, la LTI de Klemperer et la mise en oeuvre planétaire du “basic English”, avec l’appui enthousiaste de Winston Churchill, démontrent une commune volonté (au bolchevisme et à l’américanisme) de redéfinir en permanence la langue quotidienne du peuple, la langue de la transmission intergénérationnelle, de façon à ce qu’une politie, portée normalement par le mos majorum, soit atomisée, pulvérisée donc subrepticement exterminée.

 

Ce type de démarche s’observe également dans les rédactions successives des dictionnaires usuels: si l’on lit les définitions proposées par des dictionnaires d’avant 1914, de l’entre-deux-guerres, des années 50 et 60, on constate, très souvent, qu’elles ne concordent plus exactement avec celles suggérées aujourd’hui. Par ailleurs, bon nombre de vocables ont disparu ou leur plage sémantique s’est réduite, un grand nombre d’expressions populaires, de tournures de phrases propres au langage coloré (argotique, dialectal ou patoisant) de la population se sont effacées, sont tombées en désuétude. Ce sont là les indices d’une volonté politique d’appauvrissement général de la langue mais qui échoue, en ultime instance, parce que la littérature existante rappelle sans cesse des notions anciennes, des nuances oubliées mais revenues, crée des nouveaux mots, recourt aux argots, aux anciens patois, aux dialectes. L’anglais et les autres langues soumises, elles aussi, à manipulations retorses, restent riches, se complexifient en dépit des prophètes de l’hyper-simplification: le “best-seller” international de l’an dernier, le livre intitulé The Sleepwalkers de l’historien australien Christopher Clark, consacré aux prolégomènes de la première guerre mondiale, est l’exemple même d’un livre clair au vocabulaire riche et varié, réintroduisant des termes absents voire évacués du “basic English”.

 

Du totalitarisme dur au totalitarisme mou

 

Le “basic English” d’Ogden n’est donc pas une entreprise communiste mais une entreprise libérale et démocratique prouvant que les régimes de cette sorte ne sont nullement immunisés contre la tentation de lobotomiser leurs citoyens en réduisant la portée sémantique de leurs langues quotidiennes. C’est l’indice du passage du totalitarisme dur et spectaculaire au totalitarisme diffus et “incontestable”, dans la mesure où il ne peut plus être contesté puisqu’il est derechef campé comme “boniste” (disent aujourd’hui nos amis italiens) et comme intrinsèquement “démocratique” au sens de la Charte de l’Atlantique de 1941, laquelle représenterait l’optimum d’entre les optima et ne saurait dès lors subir la moindre critique.

 

Orwell a encore cru, dans les années noires de l’immédiat après-guerre, que les politiques contrôlantes allaient déboucher, en Occident atlantique aussi, sur une langue comme celle de son roman 1984. Il craignait l’avènement d’un totalitarisme pareil à celui de son “Oceania” imaginaire. Non, les manipulateurs et les propagandistes ont introduit dans leur stratégie linguistique oblitérante, surplombant le réel jugé imparfait et donc mauvais, d’autres ingrédients que le jargon propagandiste soviétique, que la langue de bois communiste ou autres perversions sémantiques similaires. Ces ingrédients sont ceux qu’Aldous Huxley avait envisagés dans Brave New World et Brave New World Revisited où la lobotomisation des esprits s’effectue par les drogues et la promiscuité sexuelle, artifices destinés à faire oublier le rôle majeur et incontournable de l’homme en tant que zoon politikon. Le camé et le frénétique de la quéquette s’agitent de manière compulsive sans se soucier de la Cité, sans ressentir ce que Heidegger nommait la Sorge. Avec la mode hippy puis le festivisme (Muray), qui s’en suivirent à partir des années 60, l’emprise des instances contrôlantes s’est renforcée sans en avoir l’air, provoquant à terme l’implosion des polities non hégémoniques, ou réduisant à néant les contestations au sein de l’hegemon lui-même, et la ruine des “Etats profonds” en Europe. Nous avons aujourd’hui la juxtaposition d’un festivisme impolitique —où les faits de monde, dont tout zoon politikon attentif devrait se soucier, sont délibérément noyés sous un torrent de discours ou d’images ineptes mais amusants— et de propagandes hyper-simplificatrices, très souvent guerrières quand Oceania (ou, dans notre réel, la “Communauté atlantique des valeurs”) entre en guerre contre un ennemi quelconque, qu’il s’agit de décrire non pas tel qu’il est vraiment mais tel un croquemitaine chimérique véhiculant tous les aspects du “Mal” avec un grand M. Ces discours, images et propagandes doivent induire les masses à toujours ignorer les faits du monde réel, à ne pas percevoir les interstices qui permettraient la paix ou les négociations.

 

De l’amphibologie

 

75513497.jpgC’est en ce sens qu’il faut interpréter le slogan de la propagande d’Oceania dans le 1984 d’Orwell: l’IGNORANCE, c’est la FORCE. L’ignorance, donc la force puisqu’il y a équation entre les deux termes, est générée par l’éradication de tous les souvenirs du passé, par l’éradication de la mémoire parce que la mémoire peut toujours constituer un môle de résistance face aux propagandes. La mémoire est donc une force qu’il faut percevoir comme s’opposant en tout temps et en tout lieu aux propagandes éradicatrices et oblitérantes. L’ignorance est aussi générée par la création d’une langue épurée à l’extrême, qui cherche à réduire voire à effacer ce que le penseur espagnol Eugenio d’Ors (1) nommait l’amphibologie de tous les termes du vocabulaire d’une langue. L’amphibologie, c’est la richesse sémantique des mots, richesse largement extensible, dans la mesure où tout mot peut acquérir des significations nouvelles par l’art du poète ou du littérateur, par l’imagination truculente et gouailleuse des classes populaires et des titis déclassés. L’amphibologie est donc la marque majeure de la langue ancienne par rapport à la langue nouvelle fabriquée qu’Orwell nomme la “novlangue” (newspeak) et qu’il définit dans les chapitres 4 et 5 de 1984 et dans un appendice au livre qui lui est entièrement consacré. Orwell définit dans ces chapitres et cet appendice un langage contrôlé et fabriqué par un Etat totalitaire pour en faire un instrument qui limitera la liberté de pensée (qui passe par le maintien de l’amphibologie du vocabulaire) et qui jugulera la liberté politique, l’expression de soi, formatera les individualités et les personnalités et éradiquera la prédisposition des hommes quiets et normaux à vouloir la paix, c’est à dire à vouloir un pacifisme qui n’est autre que l’expression de leur bon sens.

 

Georges Orwell et Simone Weil

 

Encounter-with-Simone_Weil-Filmstill-06.jpgA ce propos deux remarques et digressions: 1) la “political correctness”, en tant qu’avatar non romanesque de la novlangue orwellienne, interdit tout renouvellement des champs politiques dans les pays qui s’y soumettent et interdit toute forme de pacifisme et de neutralité quand l’Oceania réelle de notre échiquier politique international, soit la “Communauté atlantique des valeurs”, décide de partir en guerre contre un Etat dont elle fait sa victime, et qui est alors immanquablement posé comme “voyou”; 2) à la suite d’Orwell, le formatage systématique des esprits est généralement prêté aux seuls régimes totalitaires et spectaculaires; pour Simone Weil, volontaire pour servir comme infirmière dans une ambulance anarchiste sur le front de Barcelone pendant la guerre civile espagnole, tous les partis politiques, quelle que soit leur obédience, quel que soit le signe idéologique sous lequel ils se placent, formatent les esprits qui, d’une manière ou d’une autre, se soumettent à leur bon vouloir. Simone Weil était très dure à l’endroit des partis politiques, plus dure même que certains théoriciens étiquetés autoritaires (2): elle réclamait leur suppression pure et simple, comme mesure de salut public, justement parce qu’ils enrégimentaient les âmes et ôtaient au citoyen son libre arbitre. Pour elle, l’ensemble des partis dans un pays force les citoyens à élire des “collectivités irresponsables” qui n’ont aucune relation tangible avec la volonté générale; citations: “les partis sont des organismes publiquement, officiellement constitués de manière à tuer dans les âmes le sens de la vérité et de la justice”; “en entrant dans un parti, on renonce à chercher uniquement le bien public et la justice”; “chaque parti est une petite Eglise profane armée de la menace d’excommunication”. Le PC soviétique avait exclu et gommé Trotski, exécuté la vieille garde bolchevique (pour nostalgie gauchiste de la révolution), le parti fictif du roman de Koestler Darkness at Noon (Le Zéro et l’Infini) va tuer Roubachov: ce sont là, en dimension macroscopique et sanguinaire, les mêmes phénomènes que les petites épurations mesquines qui émaillent la vie quotidienne de nos partis politiques et trouvent leur point culminant dans les exclusions des listes électorales à la veille des élections, le PS et le CdH wallons viennent d’ailleurs d’en donner l’exemple juste avant le scrutin à venir de mai 2014. L’écrivain et journaliste anglais Orwell et la petite philosophe juive et française Weil ont tous deux servi sur le front républicain de Catalogne, l’un comme combattant anarchiste, l’autre comme infirmière volontaire. Tous deux sont sortis de cette aventure espagnole avec un dégoût profond de la politique politicienne et partisane, des outrances verbales de la propagande communiste. Tous deux nous lèguent aujourd’hui les recettes pour nous donner la force intérieure (Weil est très explicite à ce sujet) de résister aux sirènes des politicailleries sordides, quelles qu’elles soient. Avec leurs conseils et leurs constats, nous pourrons dans l’avenir construire le pôle de rétivité, nécessaire pour sortir des torpeurs du système, de ses enfermements et du pourrissoir auquel il nous condamne.

 

Organiser une “rétivité générale”

 

Mais organiser cette rétivité générale, voulue notamment par Michel Foucault (dans un contexte à la mode, soixante-huitard, festiviste, transgresseur et homosexuel), implique de commettre sans cesse le thoughtcrime, le crime de la pensée, d’énoncer et de pratiquer une “pensée-crime”. Cette pensée rétive, criminalisée par les chiens de garde du système, ne s’adresse plus à aucun parti totalitaire en place, car il n’y en a plus en place dans la sphère culturelle européenne ou russe, mais, comme le préconisait Simone Weil dans son exil londonien, à tous les partis, à la forme-parti. La political correctness —qui énonce ce qui est “bon”, et qu’il faut vénérer, et ce qui est thoughtcrime, et qu’il faut abhorrer— est une pensée dépourvue de rétivité, dépourvue de richesse sémantique permettant l’exercice de la rétivité, par les jeux de la langue, par la richesse du vocabulaire. Elle énonce et impose ce qu’il convient de penser et qui ne peut jamais être brocardé ou rejetté par une quelconque rétivité, fût-elle ludique à la façon des cabarets d’antan, sous peine d’excommunication ou de “correctionalisation”, de “mise en examen”. Tout thoughtcrime, toute pensée-crime, qui enfreint les règles et conventions langagières de la bienséance, de toute forme locale ou nationale de “rectitude politique”, est désormais hissé au plus haut sommet de l’inconvenance et est passible des tribunaux. En Allemagne, c’est trop souvent le délire quand on évoque des faits gênants relevant du régime national-socialiste ou des événements de la seconde guerre mondiale, alors que ces faits sont librement discutés dans d’autres pays, Russie comprise aujourd’hui. Il me paraît utile d’ajouter que dans les pays émergents, comme la Chine ou l’Inde, ces faits d’histoire européenne, vieux de sept ou huit décennies, n’émeuvent personne. Armin Mohler et Caspar von Schrenck-Notzing ont fustigé les notions de Gehirnwäsche (le “lavage des cerveaux”) et de Vergangenheitsbewältigung (littéralement: de “maîtrise forcée du passé”) qui empoisonnaient tous les débats et toutes les réflexions politiques en RFA. Pour eux, ces stratégies d’effacement des traditions et du passé émanaient en droite ligne de la politique poursuivie par les autorités d’occupation américaines.

 

george-orwell-1984-fr.jpgEn France, on a également assisté à des procès du plus haut ridicule, voire à des procès d’intention complètement aberrants comme l’hystérie suscitée par les derniers écrits et la candidature à l’Académie Française d’Alain Finkielkraut, alors que celui-ci avait, de conserve avec d’autres têtes d’oeuf parisiennes, prescrit des règles de “rectitude politique”, imposé des conventions médiatiques par le truchement de quarts d’heure de haine lors des affrontements inter-yougoslaves des années 90, campant de braves philologues serbes du 19ème siècle (Vuk Karadzic et Ilya Garasanin), inspirés par le philosophe germano-balte Herder, comme des figures génératrices d’horreurs sans nom, alors que Wolfgang Libal, un journaliste israélite de Vienne, spécialiste des Balkans, considérait, au même moment, ces mêmes figures comme d’admirables humanistes en lutte contre la gestion cruelle des pays serbes et bosniaques par les autorités ottomanes (cf. Wolfgang Libal, Die Serben – Blüte, Wahn und Katastrophe, Europa Verlag, München/Wien, 1996). Deux sons de cloche... L’un de pure propagande, l’autre de pure scientificité: en effet, Garasanin, d’obédience grande-serbe, voulait une protection “européenne” et non pas exclusivement russe pour les peuples balkaniques soumis à la férule ottomane. En ce sens, Garasanin était un “libéral”, hostile aux traditionalistes russes et à toute forme d’autocratie, dont Leontiev, ultra-conservateur, sera au contraire le porte-parole le plus emblématique, dans la mesure où il préférait voir les Slaves des Balkans sous un joug traditionnel musulman que sous une protection occidentale/libérale. Pour le Finkielkraut d’il y a vingt ans, ce libéral balkanique Garasanin, adepte des “autres Lumières”, celles de Herder, était, bien entendu, un précurseur du “nazisme”. C’était à une époque, bien sûr, où Finkielkraut ne glosait pas encore sur le thème de l’identité, qui l’a propulsé tout récemment à l’Académie avec l’aura d’un martyr qui avait évoqué un sujet tabou et avait été vilipendé par la bien-pensance.

 

Du vocabulaire mouvant

 

Grosso modo, la novlangue de 1984, possède les mêmes structures que l’anglais, que le “basic English”, tout comme le russe soviétisé de l’ère stalinienne possédait les mêmes structures que le russe impérial. Ce qui fait sa spécificité profonde, en revanche, est le shifting vocabulary, le caractère mouvant du vocabulaire, où le mot ne désigne plus une chose tangible dont l’existence doit être considérée comme intangible, non mouvante. Dans la novlangue, un concept peut être d’abord investi d’une connotation positive, comme la paix que doivent apporter des instances comme la SdN ou l’ONU. Puis subitement ce concept positif peut, dans la bouche des mêmes dirigeants et médiacrates de l’hegemon, devenir un concept négatif, chéri seulement par des trouillards, des poules mouillées d’Européens, comme quand il s’est agi de bombarder la Serbie ou d’envahir l’Irak en 2003. Tout d’un coup, les règles édictées par Roosevelt dans l’immédiat après-guerre devenaient des vieilleries retardatrices, alliées de l’Axe du Mal, qu’il fallait détruire sans attendre. De même, la défense de l’identité des peuples slaves des Balkans, théorisée par Karadzic et Garasanin au 19ème siècle était campée dans les années 90 comme un sinistre prélude théorique du nazisme, tandis que dans la première moitié de la deuxième décennie du 21ème siècle, subitement, la notion d’identité redevenait, dans la bouche du même philosophe, la valeur à défendre par-dessus tout.

 

La novlangue et son vocabulaire mouvant expriment donc des variations récurrentes qu’il faut tout de suite saisir au vol. Il faut se mettre à leur diapason immédiatement, sous peine de subir le sort de Roubachov ou d’être fustigé par des hyènes médiatiques ou de subir une sorte de mort civile. Les exemples abondent: les droits de l’homme avaient été moqués par toutes les gauches innovatrices dans les années 60, qui voyaient en eux l’expression d’un subjectivisme individualiste et bourgeois désuet, qui devait être remplacé par des réflexes sociaux plus “groupaux” voire plus collectivistes. Dès que Carter, Président de l’hegemon, décide d’utiliser le discours sur les droits de l’homme pour faire avancer les pions de l’Oceania du réel, soit de l’hyperpuissance américaine dans le monde, une nouvelle gauche, qui se pose avec une emphase suspecte comme plus intelligente, plus humaniste et plus subtile que toutes les autres, embraye sur ce discours et en fait la nouvelle panacée qu’on ne peut plus critiquer. Ce fut le rôle de la “nouvelle philosophie” en France, de Habermas et de ses disciples en Allemagne. Pour Simon Leys, interprète de l’oeuvre d’Orwell, c’est la manipulation d’un vocabulaire mouvant chez les activistes politiques, totalitaires comme “démocrates”, c’est la succession arbitraire et erratique des variations sémantiques du vocabulaire usuel qui ont rendu Orwell profondément allergique à la politique politicienne, à la politique partisane des mouvements et partis les plus virulents et aux langages propagandistes. Ces inconstances manipulatrices, que devinent les simples citoyens soucieux de conserver la common decency, et qu’ils rejettent par instinct, nous ont conduit à honnir, nous aussi, toutes les cliques politiciennes, de quelle qu’obédience que ce soit.

 

Oldspeak, newspeak et common decency

 

Comment doit fonctionner la novlangue dans l’esprit de ses fabricateurs? Elle commence, dit Orwell, par un appauvrissement sémantique qui procède par suppression des synonymes et antonymes (surtout quand ces antonymes ont une autre forme, une autre étymologie). La novlangue dans son travail d’hypersimplification ne veut plus utiliser qu’un seul mot, alors que le vocabulaire hérité en utilisait parfois jusqu’à vingt ou trente. Les fabricateurs de la novlangue effacent donc la luxuriance et la variété du vocabulaire, l’amphibologie des mots, mise en exergue dans l’oeuvre d’Eugenio d’Ors. L’aire d’intersection entre plages sémantiques est réduite à néant, alors que, dans une langue normale, héritée, le thesaurus, avec les synonymies et les analogies qu’il nous présente, nous montre combien la richesse lexicale est luxuriante, combien le langage peut être riche en nuances subtiles, celles que toute novlangue ou tout discours “politiquement correct” veut faire disparaître. Orwell imaginait qu’en 2050, les élites au pouvoir, les cliques politiciennes héritières du langage propagandiste des communistes et de la BBC en temps de guerre, héritières aussi des fabricateurs du “basic English”, ne parleraient plus que le newspeak, tandis que les “proles”, exclus du pouvoir réel et des médias aux ordres, conserveraient la langue ancienne, l’oldspeak, capable de toujours exprimer l’idéal orwellien de la common decency. Dans la version originale anglaise, l’élite lobotomisante comprendrait 15% de la population de la future Oceania de 2050, tandis que les “proles” déclassés formeraient le reste (85%). Masse qui permet de conserver l’espoir. Dans la traduction française, rappellent Leys et Michéa, interprètes de l’oeuvre d’Orwell, ces chiffres sont inversés: la masse est du côté des locuteurs de la newspeak, de la novlangue, tandis que seule une minorité en récession constante conserverait l’oldspeak. Une vision plus pessimiste en découle. Jamais l’erreur de traduction n’a été corrigée dans les éditions françaises.

 

bakhtine.jpgL’idée d’une différence notable entre la langue des détenteurs du pouvoir et celle des strates soumises de la population se retrouve chez le philologue et romaniste russe, Mikhaïl Bakhtine, spécialiste de Rabelais, qui évoquait la “langue du peuple sur la place du marché”, une langue gouailleuse et truculente rappelant justement celle de Rabelais, un français d’avant l’ordonnance de Villers Cotterêt d’août 1539, qui a imposé une langue administrative et centralisatrice dépouillée, forcément, de toute verve populaire. Ainsi s’oppose en France, au 16ème siècle, une langue du peuple, plastique, à une langue des élites, figée, distinction qui, selon Robert Muchembled, implique aussi une différence “idéologique” entre strates élevées et strates basses de la société, flanquée, en ce 16ème si turbulent, d’une répression de la culture populaire sous le prétexte de lutter contre la sorcellerie. Pour Muchembled, une première mise au pas de la société, lors de la première phase de la modernité, s’effectue par l’imposition d’une langue épurée et administrative et par l’éradication des croyances populaires, présentées comme relevant de la sorcellerie. Le 1984 d’Orwell, en dénonçant les tentatives soviétiques et britanniques d’anémier la langue pour les besoins d’une propagande belliciste, stigmatise une entreprise nouvelle de mise au pas de la “populité” fondamentale.

 

Et dans la France contemporaine?

 

Force est de constater que les castes dirigeantes de la France actuelle articulent des discours non plus totalitaires/spectaculaires mais festivistes qui sont plus proches des méthodes hédonistes d’endormissement et d’assoupissement des instincts vitaux, imaginées par Huxley; elles participent ainsi à une entreprise hostile à la culture populaire, plus exactement hostile aux réflexes naturels d’une culture populaire fondée sur l’évidence des faits et toujours sur la common decency, qui, elle, refuse tout naturellement d’accepter comme signes d’excellence culturelle les spectacles vulgaires et sordides des femens ou des gay prides, lesquels ne sont, finalement, que des instruments destinés, une nouvelle fois, à bousculer et à marginaliser les réflexes sains du bon peuple, conformes au mos majorum, sans lequel aucune politie ne peut fonctionner, comme on le sait depuis les édits de l’Empereur Auguste. La France d’aujourd’hui est marquée par une césure mentale entre, d’une part, son peuple de base, sa populité intacte sans fioritures festivistes, et, d’autres part, ses intellocrates, médiacrates et journalistes qualifiés par Serge Halimi de “chiens de garde du système”, qui manipulent désormais la canaille crapuleuse et les dévoyés pathologiques pour se maintenir au service du pouvoir en dépit des échecs patents de celui-ci, en dépit de la faillite retentissante de ses projets idéologico-politiques. La rétivité nécessaire au maintien de toute politie —qui connait forcément l’usure du pouvoir et les affres d’un déclin inexorable, toujours à l’oeuvre, dû au facteur “temps”— vient en fait de quitter l’espace réduit des marginalités criminelles, sociales ou sexuelles où Genet et Foucault voulaient la confiner tout en voulant renforcer l’impact de ces marginalités et leur donner des micro-pouvoirs de remplacement, pour faire, pensaient-ils dès les années 60, de tous les marginaux possibles et imaginables une sorte de caste de nouveaux élus, tout en dénonçant les mises au pas antérieures, dont celles amorcées à l’âge des Lumières, à la fin du 18ème. La rétivité est désormais dans le camp de la common decency, du peuple rabelaisien qui jase et persifle sur les places publiques, une common decency qui avait été battue en brèche pendant de longues décennies. Le travail de sape et de subversion commis par des élites manipulatrices, pour briser les ressorts de la société porteuse d’Etat, s’est heurté in fine à des instincts inamovibles, qui, face aux agissements des “rétifs de cours”, des faux rétifs, des pseudo-rétifs tolérés et imposés, en appellent à la “rétivité pour tous”.

 

Rétivité pour tous!

 

Une “rétivité pour tous” —apte à subvertir un ordre (plutôt un “désordre”) établi qui, lui, parie sur des marginalités pathologiques ou incongrues ou inassimilables qu’il a délibérément hissées au rang d’avatars “sublimes” de porteurs désintéressés du “révolutionisme institutionnel”—, doit forcément recourir aux formes de “populité” prémodernes, prérévolutionnaires, antérieures au grand encadrement moderne, recourir aux langues plus colorées, plus plastiques, plus réellement amphibologiques que parlait le peuple quand il n’avait encore été ni dressé par la modernité ni oblitéré par les marginalités, mises bruyamment en exergue pour étouffer ses instincts naturels et spontanés. Jules Ferry, poursuivant le travail des “Lumières modernes”, du projet du “Panopticon” des “philanthropes anglais”, proposait un enseignement uniformisateur, au nom du principe révolutionnaire de l’égalité, qui prévoyait, au nom de ce miroir aux alouettes, l’éradication des dialectes de l’Hexagone, donc d’une immense richesse sémantique, où la langue savante ou juridique, littéraire ou médiatique, pouvait sans cesse puiser pour se rénover, pour décrire le réel tangible et échapper aux réductionnismes idéologiques.

 

Le retour et le recours aux populités refoulées de l’Hexagone est donc un acte de “rétivité fondamentale”, de rejet des “révolutionnismes institutionalisés”, soit de toute la mascarade “républicaine” qu’avancent les gauches devenues anachroniques et répressives et que défendent encore de piètres analystes dits “de droite” qui, finalement, camouflent leur variante néfaste du “révolutionnisme libéral” et leur néo-libéralisme subversif derrière un discours bancal qui n’évoque la “République” que pour stigmatiser des incongruités et des importations religieuses incompatibles avec les anciens droits coutumiers des populations hexagonales de souche et, ainsi, pour imposer des formes sociales et économiques qui ruineront les assises des populités charnelles avec autant d’efficacité que les délires des gauches. Ou pour réitérer une vieille hostilité voltairienne-jacobine, déracinante et “ritournellique”, à toutes les formes de la religiosité autochtone. La réhabilitation des parlers populaires, le recours aux anciens dialectes, à un vocabulaire riche mais refoulé, constitue dès lors une révolution plus profonde que si elle n’avait été que “politique”.

 

Un travail de retour aux sources vives de la langue

 

En effet, la prise en compte de la critique orwellienne dans son ensemble, conjointement avec la prise en compte des écrits de Simone Weil sur l’enracinement (nécessaire) du peuple dans son passé et ses traditions, et sur le caractère néfaste des partis politiques, comme vecteurs d’ahurissements collectifs et comme instances négatrices de la liberté personnelle de jugement, doivent très logiquement nous induire à amorcer un travail de retour aux sources vives de la langue, comme l’a fait aussi un Soljénitsyne, pour le russe, dès les premières années de son emprisonnement. Ce recours aux langages vivants, aux étymologies, doit s’accompagner d’un dressage des citoyens à la méfiance et à la vigilance à l’endroit de toutes les élites politiciennes, lesquelles —il faut sans cesse le rappeler— ne s’engagent que par ressentiment à l’encontre des réalités concrètes qui ne leur offrent rien: elles espèrent simplement que leurs artifices langagiers, leur phraséologie, leur sophistique et leurs manigances politiciennes vont leur apporter un pouvoir que la nature leur dénie, vu leur incompétence en tous domaines concrets. La sophistique des élites politiciennes ne procède pas, comme le souligne très justement Michéa, d’une “révolte du coeur” comme celle de Charles Dickens et ne mérite dès lors aucune considération, aucun respect, rien que le mépris le plus abyssal. Enfin, le philosophe, le moraliste, dans la perspective orwellienne/weilienne, qui est aussi celle de Michéa, doit faire confiance au bon sens populaire, au common sense des Britanniques (qui aujourd’hui l’ont bel et bien perdu), à la common decency d’Orwell.

 

Dans le nouvel engouement pour Orwell qui se dessine dans le paysage intellectuel français contemporain, c’est Bruce Bégout qui définit de la manière la plus juste et la plus précise la notion cardinale de la critique orwellienne de la politique et des médias, celle de “décence ordinaire”.

 

Des effets de la novlangue

 

Les effets de la novlangue, sont pour Orwell, 1) de gommer et donc de perdre les expressions idiomatiques les plus savoureuses, ce qui revient à réduire le vocabulaire donc à rendre les locuteurs de cette novlangue aveugles à la richesse et à la diversité du monde réel; 2) d’introduire dans les discours politiques une rhétorique pompeuse, soutenue par une diction prétentieuse, que d’aucuns, comme Nicolas Bourgeois, avaient nommé l’“hexagonal” où la célèbre tirade dans le Cid de Corneille, “ô rage, ô désespoir, ô vieillesse ennemie”, devenait “ô stress, ô breakdown, ô sénescence aliénante”; 3) d’épurer et/ou de modifier les dictionnaires pour faire correspondre les définitions qu’ils donnent aux lubies du “politiquement correct” ou aux variations induites par le shifting vocabulary; 4) de multiplier les termes creux ou rendus creux par usage abusif; ici, il faut mentionner les usages inflationnistes des termes péjoratifs que sont “fascisme”, “nazisme”, “totalitarisme”, etc; ou des termes posés comme positifs tels “liberté”, “démocratie”, “droits de l’homme” (sans que l’on ne procède jamais plus à un travail généalogique pour en comprendre l’origine et l’émergence dans l’histoire réelle des peuples européens). Ces termes sont tous désormais utilisés comme s’il n’y avait d’eux qu’une seule et unique définition fixe et immuable, fixité et immuabilité qui n’autorisent aucun travail de généalogie (d’historia, disait Foucault), aucun travail de redéfinition, de “nuanciation”, de complètement. On est dans la croyance, dans le monde aseptisé des “croyeux”, plus dans le réel.

 

Orwell reste toutefois optimiste. Pour lui, la langue est là pour refléter la réalité et celle-ci ne se laisse pas effacer, en dépit des efforts parfois démesurés dont on use pour l’oblitérer, l’estomper dans les mémoires et les perceptions. Le réel revient toujours, au grand galop. La réalité ne se laisse pas figer. On revient toujours à la case départ, au common sense, “à la langue du peuple sur la place du marché” (Bakhtine).

 

Ministère de la vérité

 

LTI.jpgRevenons aux différents aspects de la novlangue telle qu’elle a été imaginée par Orwell dans son 1984. Elle fourmille d’abréviations comme la langue soviétique ou, dans une moindre mesure, comme la langue de la NSDAP (cf. Klemperer). Les deux termes, “abréviés”, les plus connus sont l’Ingsoc (“English Socialism”) et le Minitrue (“The Ministry of Truth”, le “Ministère de la Vérité”). L’Ingsoc est l’idéologie officielle que l’on ne peut plus critiquer et le Minitrue est le ministère de la propagande qui fait triompher la vérité (mouvante selon les circonstances) de l’Ingsoc, même en cas de changement d’ennemi, de modification de la donne géopolitique (par exemple quand l’ennemi n’est plus l’Eurasia mais devient en un tournemain l’Eastasia). Il y a, dans la novlangue, produit de l’imagination romanesque d’Orwell, bien d’autres termes ou concepts révélateurs que l’on retient malheureusement un peu moins souvent malgré leur grande pertinence et leur réelle actualité. Ainsi le terme “bellyfeel”, à la fois verbe et substantif, qui désigne le sentiment d’adhésion viscéral que l’on peut ressentir à l’endroit de l’Ingsoc ou aujourd’hui à l’endroit de toutes les calembredaines hystériques de la “rectitude politique” ou des discours distillés par une gazette nauséabonde comme Le Soir à Bruxelles, spécialisé dans les discours haineux à l’endroit de la Flandre (sous tous ses aspects), de la Russie (sauf les oligarques), de l’Autriche, d’Israël, des militaires arabes, du Vatican, de l’archevêque de Malines, de la Syrie baathiste, de l’Arménie, du nazisme (imaginaire), des églises orthodoxes de Grèce, de Serbie, du monde slave ou de l’Orient, de la Chine ou de tout autre puissance ou fait social ou géopolitique qui déplait aux gauches de Washington, donc, en ultime instance, à la NSA. L’antonyme de bellyfeel est, selon les règles hypersimplificatrices de la novlangue, unbellyfeel, soit un sentiment de non-adhésion viscéral: de “feel”, “sentir” ou “ressentir”, et de “belly”, le “ventre” ou les “tripes”, les “viscères”. L’antonyme se forme par l’adjonction du préfixe “un”. Ce qui peut donner la phrase suivante: Oldthinkers unbellyfeel Ingsoc. Trois mots qui, pour Orwell, traduisent la longue phrase suivante: “Those whose ideas were formed before the Revolution cannot have a full emotional understanding of the principles of English socialism” (= “Ceux dont les idées se sont formées avant la Révolution ne peuvent comprendre émotionnellement les principes du socialisme anglais”). En bref: le bon citoyen d’Oceania (ou des pays formant la “Communauté Atlantique des Valeurs”) doit adhérer avec émotion, avec compassion (la “République compassionnelle”) aux idées que distillent les médias, sinon il est posé comme un Oldthinker, dont l’espèce est condamnée au silence ou à la disparition.

 

Aveuglement acquis et volontaire

 

Il y a ensuite le terme “blackwhite”, soit “penser en terme de tout blanc et tout noir”, de manière manichéenne et simplificatrice. Ce terme de la novlangue orwellienne recèle des connotations positives si la pensée manichéenne désignée correspond aux plans de l’Ingsoc; elle a des connotations négatives si elle contribue à rejeter les projets de l’Ingsoc. Le blackwhite est donc le contraire d’une pensée critique en adéquation avec le réel tel qu’il est, tel qu’il se présente extérieurement à nous. La présence ubiquitaire d’une pensée de type blackwhite entraîne un mécanisme, très actuel, de rejet du réel jugé incorrect (et qu’il faut corriger par des mesures coercitives ou par des appels pressants à une moralité “surréelle”). Ce rejet implique l’acceptation d’une pure fabrication irréelle laquelle doit être vue comme une “vérité” parce qu’elle est voulue telle par le pouvoir, par les médias, par le mainstream. Le blackwhite de la pensée officielle (et artificielle) fait émerger le doublethink, ou “double pensée”, soit une forme d’aveuglement acquis et volontaire vis-à-vis des contradictions contenues dans le système de pensée imposé. Le citoyen, dressé à penser de manière manichéenne (blackwhite) et émotionnelle (bellyfeel), ne perçoit plus, ne veut plus percevoir, à cause d’un processus insidieux de refoulement permanent, les contradictions du discours dominant (qui, aujourd’hui, par exemple, exalte un socialisme qui fait une politique néo-libérale ou un libéralisme soi-disant libre-penseur et dégagé de toute cangue religieuse mais qui accepte pour argent comptant toutes les dérives para-théologiennes du néo-conservatisme américain, etc.). Le réel est ainsi escamoté derrière un rideau de fumée médiatique, derrière un patchwork parfois contradictoire, tissé de brics et de brocs, présenté comme l’expression de la seule vérité vraie et acceptable, toute référence au réel concret étant assimilé à du oldthink ou à de la perversité émanant de Goldstein (ou d’un nazisme purement imaginaire ou d’un populisme mal défini mais voué d’office et a priori à devenir dangereux comme, par exemple, dans la Hongrie d’Orban).

 

Impostures intellectuelles

 

L’oldthink recèle la possibilité de tomber dans le crimethink, la pensée illicite et criminalisée, en contradiction avec les mots d’ordre du pouvoir. Le crimethink, dans le 1984 d’Orwell, est une pensée totalement incorrecte, en contradiction avec les directives du parti, des médias, de l’hegemon et de ses agences de presse chargées de faire l’opinion sur la planète entière. Toute voix critique de l’intervention de l’OTAN en Yougoslavie en 1999 commettait un crimethink, dûment réprimé à l’époque comme l’atteste l’inadmissible matraquage du Professeur Jean Bricmont à Bruxelles, qui protestait contre cette agression à proximité du Quartier Général de l’OTAN à Evere. Qui plus est, Bricmont était l’auteur d’un ouvrage intitulé Les impostures intellectuelles, lequel entendait démontrer que la fabrication d’un vocabulaire soi-disant philosophique et indirectement idéologique sur base de vocables tirés des disciplines scientifiques, dérivés des sciences physiques ou biologiques, relevait de l’imposture et donc de la manipulation médiatique et idéologique. Cette démonstration logique et réaliste avait déplu: Bricmont n’est presque plus nulle part en odeur de sainteté (ce qui l’honore). Il a aggravé son cas en 1999: il a donc ramassé une volée de coups de matraques. Le même scénario de diabolisation des adversaires de conflits inutiles et néo-impérialistes s’est répété lors de l’intervention contre l’Irak en 2003, où contrairement à l’intervention de 1990, l’opération n’avait pas reçu l’aval de l’ONU et d’alliés arabes de la coalition pro-américaine. Les machines propagandistes américaines ont alors fustigé l’Axe Paris-Berlin-Moscou, à leurs yeux, une alliance informelle de lâches, de passéistes et d’efféminés incapables de percevoir le danger, figés dans les complications de la diplomatie —celle-ci étant rejetée comme un vestige inutile et encombrant du passé— et tous fils de Vénus plutôt que du dieu Mars.

 

Novlangue et monde arabe contemporain

 

En Syrie, la machine s’est d’abord mise en branle pour charger Béchar El-Assad de tous les péchés du monde, selon le même mode de diabolisation administré en 1990 puis en 2003 contre Saddam Hussein. L’intervention de djihadistes incontrôlables en Syrie a forcé ces bellicistes en chambre à mettre un bémol à leurs excitations artificielles, les péchés véniels d’El-Assad apparaissant tout d’un coup bien pardonnables face aux atrocités commises par les salafistes et tafkiristes stipendiés par l’Arabie Saoudite et le Qatar, comme en Libye post-khadafiste d’ailleurs. Pour Khadafi, l’acharnement médiatique a conduit à une mort particulièrement hideuse. En Ukraine, où les techniques de diabolisation appliquées aux pays musulmans ne fonctionnent pas, on découvre que même Bernard-Henri Lévy trouve des vertus à des nationalistes ukrainiens qui, par antisoviétisme à une époque où le soviétisme n’existe même plus, se réclament du Troisième Reich hitlérien, parce que ce Troisième Reich a failli vaincre l’URSS de Staline, responsable de l’Holodomor, de la mort par famine de centaines de milliers de paysans des terres noires d’Ukraine! On constate dès lors que les syncrétismes raisonnables, participant d’une sorte de “rationalisme vitaliste” (Ortega y Gasset), sont pour l’Oceania occidentale actuelle des “pensées criminelles”, du crimethink, tandis que le fondamentalisme, sous toutes ses facettes, les plus bigotes comme les plus atroces, se voit parfaitement valorisé, du moins dans ses actions concrètes sur les terrains libyen et syrien, se muant du même coup en goodthink, parce que les wahhabites saoudiens incitent à la haine contre l’ennemi iranien, non seulement dans les pays du Proche et du Moyen Orient mais aussi dans les mosquées et centres “culturels” de nos banlieues ensauvagées mais les représentants de cet ensauvagement généralisé n’étant plus critiquables sous peine d’être taxé de crimethink, le système médiatique mainstream, —dont les stupides et hideux p’tits salauds haineux du Soir de Bruxelles— fait d’une pierre deux coups: sous prétexte de lutter contre le “racisme” (plus imaginaire que réel), il laisse la bride sur le coup aux prédicateurs de haine qui servent l’hegemon et ses alliés saoudiens.

 

Le système lutte contre le crimethink en imposant par la virulence propagandiste et par une terreur psychologique sournoise le réflexe du crimestop, soit un refoulement bien intériorisé, pareil aux refoulements sexuels de la société victorienne fustigés par David Herbert Lawrence, un refoulement qui empêche de recourir encore à l’oldthink ou à développer une pensée alternative qui serait automatiquement du crimethink. L’individu, comme le citoyen d’Oceania, combat, d’abord à l’intérieur de lui-même, dans ses propres cogitations, tout recours à un réel vrai car un tel recours serait du crimethink et le mettrait en marge de la société existante. Le citoyen formaté de toute Oceania, la fictive d’Orwell comme la “réellement existante” d’aujourd’hui, combat les expressions du crimethink, le dénonce chez ses concitoyens, est prêt à tuer toute personne qui émettrait des idées jugées criminelles par le pouvoir. Le crimestop, c’est-à-dire les réflexes inculqués qui permettent l’intériorisation viscérale des discours officiels, génère une abominable humanité de délateurs, de cloportes gris et visqueux, qu’Alexandre Zinoviev, dans Le communisme comme réalité, avait d’ailleurs très bien décrite, tout en précisant, surtout dans la suite de son oeuvre, que cette humanité déchue, ce “peuple-bête” (narod-zver), était certes formatée “communiste” dans sa patrie soviétique mais que l’Occidentisme était sur le point d’en générer une autre, sous le signe du libéralisme cette fois. Nous y sommes.

 

 

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Duckspeak et oppositions inconsistantes

 

Orwell évoque aussi le duckspeak, qui consiste à débiter des discours insignifiants en caquetant comme un gallinacé ou en cancanant comme un canard. Emettre des sons et des vocables sur le mode du duckspeak signifie “parler pour ne rien dire”. Le duckspeak est bon s’il répète benoîtement ce que dit le parti ou Big Brother (ou les médias dans l’Oceania non fictive); il est “non-bon” en revanche s’il balbutie des idées contraires au mainstream. Mais ce dernier a intérêt à laisser se développer une opposition ou des oppositions qui ânonnent du duckspeak peu consistant: on perçoit d’ailleurs, dans l’Oceania actuelle qu’est la “communauté atlantique des valeurs” quantité d’oppositions débiles, bruyantes, parfois mises en exergue pour maintenir le pouvoir en place ou des oppositions qui ne sont jamais que des “négatifs photographiques” du pouvoir en place, comme certaines gauches radicales à la Mélanchon ou à la Hedebouw (qui bénéficient symptomatiquement de l’attention bienveillante des médias parce que ceux-ci savent bien que leurs programmes sont archaïques et irréalisables et qu’ils feront barrage, quand on le leur demandera, à l’émergence de toute véritable innovation révolutionnaire) ou certaines droites sans profondeur qui n’abordent jamais les problèmes de fond et se focalisent sur des détails abscons qu’elles mettent en exergue tout en finissant par lasser le public et... les électeurs.

 

Aucun critère de vérité objective

 

Cependant, quand Orwell a mis le phénomène du duckspeak en évidence, il a formulé l’essentiel de sa philosophie: le duckspeak n’exprime certes que des banalités, des absurdités, des mensonges ou des critiques sans fondement et est soit “bon”, s’il ne contrarie par le parti ou le mainstream (on peut dire tout ce qu’on veut sur facebook, à condition que ce soit des conneries ou des remugles de dessous la ceinture) soit “non-bon” s’il recèle encore quelques maigres résidus de crimethink ou d’oldthink mais il est “bon” ou “non-bon” de manière totalement indépendante du critère de vérité tangible (objective). C’est ce qu’Orwell redoutait le plus au monde: l’avènement d’un langage détaché de toute réalité objective; c’est pire, bien pire, que la bombe atomique, avait-il coutume de dire. Le goodthink dégénère souvent en duckspeak dans les discours de propagande (on songe à Shea en 1999). L’exemple le plus emblématique se lit dans le 1984 quand l’orateur du parti condamne les crimes d’Eurasia dans une longue litanie enflammée puis, pendant cette logorrhée, on lui glisse un billet; il remplace alors le mot “Eurasia” par “Eastasia” dans son discours, car, entretemps, “Eastasia” est devenue l’ennemie principale d’Oceania, sans que ses auditeurs ne bronchent et ne se rendent compte de la substitution. Sans référence au réel tangible, tout goodthink ou tout duckspeak (découlant du goodthink) est interchangeable.

 

L’ère de l’interchangeabilité des discours

 

thoughtcrime.jpgLes propagandes communiste et atlantiste ont inauguré l’ère de l’interchangeabilité des discours: Saddam Hussein, Khadafi, Hafez et Bachar El-Assad ont été tour à tour bons et mauvais (bien que plus souvent mauvais que bons) et, dans le club des puissances classées dans l’“Axe du Mal”, l’Iran est subrepticement en train de redevenir “bon” après avoir été un “Etat voyou” pendant plus de trois longues décennies. Hafez El-Assad, le père de Bachar, avait échappé à cette opprobre fabriqué en 1981-82, lors du premier soulèvement anti-baathiste des Frères Musulmans, perpétré d’abord avec l’assentiment de l’Occident puis condamné suite à l’assassinat d’Anouar El-Sadate par ces mêmes Frères Musulmans en Egypte en octobre 1981. Sadate était un allié des Etats-Unis: sa disparition tragique a induit les Etats-Unis et leurs alliés à ne plus soutenir le parti de ses assassins en Syrie (que l’on soutiendra toutefois trente ans plus tard contre Moubarak lors du “fameux printemps arabe” du Caire). La répression anti-Frères d’Hafez El-Assad s’est donc déroulée avec l’accord tacite de Washington. Avant de subir une révolte appuyée par l’Occident, Sarközy et BHL en tête, et financée par le Qatar et les Saoudiens, Khadafi avait connu quelques années de grâce pour redevenir subitement “mauvais”. Ce genre d’oscillation n’est pas nouveau dans la politique pétrolière des puissances anglo-saxonnes: William Engdahl, spécialiste de l’histoire et de la géopolitique du pétrole, rappelle qu’avant 1907, le Tsar Nicolas II, pour la presse londonienne et tous ceux qu’elle influençait, était un “tyran” pour redevenir tout d’un coup un “bon empereur” quand les divisions russes devaient à terme servir les desseins de l’Entente. Les leaders révolutionnaires mexicains des vingt premières années du 20ème siècle ont également été successivement de bons défenseurs républicains de leur peuple avant de devenir ou de redevenir de méchants révolutionnaires sanguinaires désireux, bien entendu, de s’emparer des richesses pétrolières du Mexique et de les nationaliser. Staline a connu une fortune analogue: de criminel sanguinaire, il est devenu ce “bon Uncle Joe” étrillant les divisions allemandes pour redevenir, dès le début de la Guerre Froide, un monstre infréquentable. Cette propagande anglo-saxonne relative à la Russie impériale, au Mexique ou à l’URSS stalinienne ne s’appuie pas sur des faits nécessairement objectifs ou sur une prise en compte exacte des projets concrets de la puissance dont question: elle varie au gré des fluctuations économiques et ses contenus (de pure fabrication) sont chaque fois interchangeables. Il n’y a plus, comme le constatait Orwell, de socle objectif, de vérité tangible qui compte ou qui tienne. Le subjectivisme délirant fait loi: c’est le règne de l’arbitraire et de la guerre permanente.

 

Autre concept de la novlangue mis en évidence par Orwell: l’ownlife, le fait d’avoir une vie propre dégagée des impératifs du parti. Il est subversif, dans le 1984, d’être solitaire et individualiste. Aujourd’hui, l’idéologie du mainstream ne raisonne plus de cette façon, qui était le propre des systèmes totalitaires spectaculaires comme le communisme et le national-socialisme (Du bist nichts, dein Volk ist alles). Christian Salmon souligne, dans son excellent ouvrage intitulé Verbicide, que le contrôle total par déréalisation s’opère non pas par une sorte de coercition collectiviste tambourinée par la propagande, mais par le storytelling. De quoi s’agit-il?

 

Grands récits et narrations alternatives

 

Les “grands récits”, d’origine hégélienne, qui avaient façonné les discours du mainstream de gauche, et la vulgate “progressiste”, ne mobilisent plus, ont cessé de séduire, suite à la répression du soulèvement de Budapest en 1956, à l’effervescence plus dionysiaque de mai 68, à l’amplification des pensées relativistes post-modernes, etc. Il a donc fallu inventer et promouvoir des narrations alternatives comme celles du féminisme, de l’altérité immigrée soi-disant persécutée par le racisme ambiant, du néo-libéralisme hostile à toute “régulation” et vainqueur de l’histoire (Fukuyama), des droits de l’homme (et non pas du citoyen) imparfaitement appliqués, de la “différence” homosexuelle à laquelle les blocages de la “common decency” ne donnent pas un droit de cité plein et entier, etc. Ces narrations alternatives vont, avec la rectitude politique induite depuis les projets de “Grand Society” de Lyndon B. Johnson, servir la promotion d’un goodthink de nouvelle mouture, en apparence pluriel et pluraliste.

 

Mais ces narrations alternatives ne séduisent pas le gros de la population: quand, comme la majorité des citoyens des pays de la “communauté atlantique des valeurs”, on n’est ni une névrosée hystérique ni un immigré en difficulté d’assimilation ou d’intégration ni un spéculateur en bourse frénétique ni un juriste besogneux en quête de causes perdues ni un homosexuel revendicateur, on ne s’intéresse pas à ces narrations alternatives, désintérêt qui freine, bien entendu, le déploiement planétaire du nouveau goodthink revu par les femens, Harlem Désir, Francis Fukuyama, le Président Carter et Hilary Clinton, BHL ou le lobby gay. Ces narrations n’intéressent finalement pas grand monde, n’intéressent pas ceux qui oeuvrent et peinent dans la vie quotidienne (et que défendent Péguy, Orwell et Michéa). Comment impliquer dès lors cette masse, comment la contrôler? Comment faire en sorte qu’elle s’insère volontairement dans le cadre du nouveau goodthink? On va, via Facebook notamment, la faire basculer dans la narratomanie, et contourner ainsi Orwell, qui raisonne comme à l’âge des totalitarismes anti-individualistes, en présentant aux lecteurs de son 1984 l’ownlife comme une première étape dans le glissement progressif d’un individu vers le crimethink. Le système, suite à l’effondrement des “grands récits” théorisé jadis par Jean-François Lyotard, va tout à la fois déployer des narrations alternatives, celles que nous avons évoquées ici, et multiplier à l’infini les petites narrations individuelles pour briser et la common decency, partagée par tous les hommes sains d’esprit, et la cohésion des sociétés encore composées de zoon politikon, rétifs aux embrigadements des grands ou des petits récits et surtout des récits alternatifs. Le système et ses psychologues savent que le cerveau humain est capable d’absorber une bonne histoire donc aussi de bonneS histoireS. On va donc faire en sorte qu’elles se multiplient à l’infini via des instruments comme Facebook ou Twitter, où le sujet va irrésistiblement, de son plein gré, se dépouiller de sa “ownlifeness”, jusqu’ici tenue secrète en son for intérieur par manque de moyens adéquats pour la projeter vers l’extérieur, l’Unique de Stirner va abandonner son “propre” (Der Einzelne und seine Eigenschaft). Il va le partager. Il va l’offrir aux “services” pour qu’ils fabriquent des “stories” qui vont complètement oblitérer le réel, avec une efficacité encore plus redoutable que les sbires de Big Brother qui, finalement, ne contrôlent complètement que 15% de la société d’Oceania.

 

Un délit de “sale gueule” politiquement correct

 

ThoughtSearch.jpgPour Orwell, il n’y avait pas que le thoughtcrime, il y avait aussi le facecrime, soit l’expression faciale qui trahit la présence intérieure d’un crimethink. En Allemagne, en effet, un traducteur-interprète a été condamné pour avoir traduit, avec un air, un ton et une expression faciale considérés comme approbateurs, le discours d’un non conformiste américain, peut-être un peu révisionniste (mais aux Etats-Unis de telles positions ne sont pas considérées comme illégales et qu’en sa qualité de citoyen des Etats-Unis, il a le droit, protégé par son ambassade, d’exprimer ses opinions partout dans le monde sans avoir à craindre les foudres d’un juriste obtus, hargneux et hystérique, au service d’un Etat-croupion ou d’une quelconque république bananière). Ce cas allemand est la variante, agréée par la “rectitude politique”, du “délit de sale gueule”. A quand la condamnation d’un obèse amateur de mets gras qui ferait la moue lors d’un colloque de végétariens?

 

La notion “novlanguiste” de prolefeed, littéralement de “pitance de prolo”, désigne l’ensemble des spectacles sans substance, la plupart du temps cinématographiques, qu’un régime politique contrôleur produit pour distraire les classes laborieuses, pour oblitérer leur common decency ou ce qu’il en reste. Depuis les années 50, les pays occidentaux ont subi, bien plus que les pays communistes du temps de la guerre froide, une avalanche continue de variétés dépourvues de valeur culturelle: films idiots, revuettes ineptes, romans sans envergure, pornographie à deux balles ont envahi le quotidien des classes non dominantes dans toutes les sociétés occidentales, lesquelles ne peuvent plus faire la distinction entre ce qui est valable (et sérieux) et ce qui est dépourvu de valeur culturelle (mais est amusant). Cette irruption ininterrompue de junk thought, selon l’expression de Susan Jacoby, auteur de The Age of American Unreason, a fait basculer nos sociétés dans la médiocrité intellectuelle, dans l’incapacité à transmettre des valeurs héritées, et, par voie de conséquence, met en danger l’avenir de toute démocratie réelle, laquelle, pour pouvoir fonctionner, doit être composée de zoon politikon, dotés de la plus longue mémoire possible, et non pas de décérébrés et d’amnésiques. De son côté, Benjamin R. Barber, auteur d’un ouvrage célèbre, Jihad vs. McWorld, démontre, dans Consumed. How Markets Corrupt Children, Infantilize Adults and Swallow Citizens Whole, que le marché transforme bien plus sûrement les citoyens des pays à économie libérale en des êtres sans consistance que le totalitarisme dur, porté par un parti ubiquitaire, imaginé par Orwell dans 1984. Les citoyens de l’Oceania réelle et non pas fictive sont désormais des “kidults” (de “kid”, gamin, et “adult”, adulte) qui ne s’identifient plus à une politie, dotée d’une histoire et d’une mémoire, mais, entre autres choses, à des marques d’objets divers offerts par le marché. Ce processus donne l’illusion de la pluralité, chère à Hannah Arendt, mais elle “totalise” la société, l’uniformise bien plus sûrement que les totalitarismes d’avant la seconde guerre mondiale ou que le soviétisme de Staline à Andropov ou que le sino-communisme de Mao, pour la simple et bonne raison que des cerveaux occupés par des choix entre marques, par une hyper-consommation et par le paraître qu’elle induit, par des variétés innombrables, etc. ne focalisent plus leur attention sur les ressorts vivants d’une Cité et, ipso facto, se font confisquer subrepticement leurs droits fondamentaux, en dépit des rituels électoraux, organisés à intervalles réguliers. Le prolefeed ou junk thought ou kidult culture sont des armes redoutables, comme le basic English soutenu par Churchill, qui permettent de réduire à néant une politique, plus sûrement que la bombe atomique.

 

“Rectifier” les archives

 

Autre terme intéressant dans la novlangue d’Orwell, le recdep, ou “Departement of Records”, le “département des souvenirs” ou “des archives”. Il s’agit d’utiliser celles-ci, en mettant tantôt quelques faits en exergue, après les avoir longtemps conservés dans le frigo de l’oubli, tantôt en les occultant, en les arrachant à la mémoire collective. Le recdep n’a pas vraiment la tâche facile: les traces subsistent dans les mémoires, elles reviennent après avoir été refoulées ou occultées, elles demeurent dans l’ombre du junk thought: l’instinct de la figure centrale du 1984 la porte à aimer, à bellyfeel, les choses anciennes et vénérables, à les palper, à imaginer le monde où elles ont émergé et servi. Le pouvoir peut certes “rectifier les archives”, comme les Soviétiques staliniens rectifiaient celles qui montraient ou évoquaient Trotski, il ne peut pas entièrement les gommer.

 

En Belgique, il a fallu attendre avril 2012 pour que l’université organise enfin un colloque sur l’homme-orchestre du non-conformisme des années trente, Raymond De Becker. Sans une analyse méticuleuse de son itinéraire et de ses fréquentations multiples, l’histoire du royaume et les prolégomènes de la question royale demeurent incompréhensibles. De 1945 à 2012, il fallait évidemment qu’elle le demeurât pour ôter auprès des générations nouvelles de l’après-guerre un patrimoine idéologique complexe, varié, chatoyant et riche en potentialités diverses pour déverser dans les cerveaux le junk thought occidental, celui de l’Oceania réelle. Cette réhabilitation tardive, quand tous les témoins directs sont passés de vie à trépas, va sans doute donner, pour le futur, une image à jamais incomplète de cet homme-orchestre, de ce “passeur” étonnant, actif au point d’intersection de toutes les idéologies qui se télescopaient pendant les années 30, dans l’espoir de faire germer puis éclore une synthèse nouvelle. Il a fallu l’insistance opiniâtre de l’écrivain Henry Bauchau, heureusement devenu quasi centenaire, pour que des professeurs se mobilisent pour connaître enfin le contexte idéologique réel des années 30, pour juger correctement l’histoire des idées en Belgique pendant l’entre-deux-guerres, histoire qui montre à côté de quels possibilités sublimes nous sommes passés, alors que nous nous vautrions dans l’horreur technocratique, l’horreur économique, le festivisme imbécile, l’écophobie pathologique, la haine de soi assortie d’une xénophilie d’écervelé, la plomberie d’un être veule comme Jean-Luc Dehaene, les corruptions les plus écoeurantes des socialistes dévoyés et de la bêtise intrinsèque et incurable des libéraux pour qui toute forme de culture doit disparaître au nom des lubies acquisitives des analphabètes friqués.

 

Seberechts interdit d’archives!

 

Ainsi, dans un centre de documentation destiné à recueillir les témoignages des Juifs de Belgique sur les événements des années 30 et 40, les manuscrits apportés par des gens simples qui souhaitaient que l’on conservât leur histoire personnelle étaient systématiquement jetés à la poubelle et donc non archivés par ce mini-recdep, tout simplement parce que ces histoires réelles, pourtant toutes de souffrance, ne correspondaient pas à l’image de ces tragédies que l’on voulait promouvoir dans les médias. Plus récemment, l’historien flamand Frank Seberechts, qui a pignon sur rue, qui n’en est pas à ses premières publications, a sorti un ouvrage bien documenté sur les déportations de citoyens belges et non belges de confession israélite, de ressortissants du royaume de convictions communiste, rexiste ou nationaliste flamande, vers les camps de concentration pyrénéens de la Troisième République. Seberechts prouvait que les listes de proscription puis la déportation, qui s’ensuivit, des juifs antifascistes réfugiés en Belgique et originaires d’Allemagne ou d’Autriche, d’abord ordonnée par les Belges ensuite exécutée par les Français de la Troisième République, avaient permis, ultérieurement, aux autorités nationales-socialistes de mettre la main sur ces personnes et de les déporter à leur tour. Cette thèse déplaisait: on a refusé à Seberechts l’accès aux archives du ministère de l’intérieur, du ministère des affaires étrangères et d’autres centres de documentation officiels, comme s’il y avait beaucoup de choses gênantes à dissimuler. Ce ne fut pas le cas en France, où les services officiels ont accueilli le chercheur flamand sans rechigner, alors qu’il prouvait l’existence d’un système concentrationnaire français particulièrement mortifère, attesté notamment par les mémoires d’Arthur Koestler ou d’Hannah Arendt (cf. Frank Seberechts, De weggevoerden van mei 1940, De Bezige Bij, Antwerpen, 2014).

 

La novlangue prévoit également la notion de rectify, de rectifier le passé, c’est-à-dire de procéder à son altération délibérée pour servir des desseins présents. Dans le royaume de Belgique, on procède, ou on a longtemps procédé, à ce type de “rectification”, en “oubliant” ou en diabolisant des personnages clefs de l’histoire intellectuelle du royaume (comme De Man, De Becker ou Colin), en jetant au rebut les mémoires de petites gens honnêtes ou en barrant l’accès aux archives à des historiens qui n’ont rien de “fasciste”.

 

Transformer les citoyens en pions crédules

 

La novlangue sert donc à transformer chaque citoyens en pion crédule dans un contexte où 15% adhèrent à l’équivalent local de l’Ingsoc (l’UMPS de la France actuelle, les partis traditionnels en Belgique ou en Allemagne, les “Republicrats” aux Etats-Unis,...) et 85% de la population demeurent d’une certaine façon fidèle à l’oldthink ou à des bribes d’oldthink, tout en étant au maximum neutralisés. Elle sert également à isoler les dissidents, à leur infliger la conspiration du silence, même avec internet, où, par exemple, en Allemagne, récemment, les éditions Antaios, néo-conservatrices, ont été chassés des rayons virtuels du distributeur mondial “amazon.com”. Façon de tuer une maison d’édition publiant des essais d’une grande pertinence. Elle sert aussi à promouvoir des politiques réalisables (p. ex. l’Obamacare aux Etats-Unis) en même temps qu’à poursuivre des objectifs démesurés, pareils à ceux d’Oceania, notamment la poursuite des guerres lancées par les néo-conservateurs des père et fils Bush, des guerres voulues par ce que le Prof. Peter Dale Scott nomme la “politique profonde” de Washington que déterminent les manigances des pétroliers et des narcotrafiquants et à augmenter l’ampleur planétaire de la surveillance totale par la NSA. La novlangue actuelle, sous Obama, sert donc une politique de promesses sociales, qu’on ne tiendra pas, pour mieux poursuivre les buts de la “politique profonde” analysée et dénoncée par Dale Scott. Elle sert enfin à imposer l’autodiscipline dans les rangs des démocrates, des décideurs américains, des alliés et vassaux européens (et autres) et des instances du soft power médiatique. Les “lanceurs d’alerte” (ou whistleblowers) comme Snowden prouvent que la novlangue a donc pour fonction principale la DISSIMULATION de ce qu’est réellement l’Etat profond ou les intentions d’un parti (totalitaire ou non). Cette novlangue dissimulatrice indique la présence d’un système plus fort que les dictatures classiques ou que les totalitarismes de la première moitié du 20ème siècle, qui visibilisaient outrancièrement leurs buts, stratagèmes et intentions.

 

Verbicide et linguicide

 

Deux pistes complémentaires me semblent utiles à explorer pour compléter l’appareil critique, celui de la “rétivité pour tous” en gestation, que cette conférence appelle de ses voeux. Ces pistes sont celles que Jacques-Olivier Granjouan et Christian Salmon ouvrent en définissant l’un la notion de “linguicide”, l’autre la notion de “verbicide”. Grandjouan appelle “linguicide” les processus qui conduisent à faire émerger une vulgate médiatique truffée de fautes de langage, de barbarismes et d’incongruités. Ces fautes participent à la destruction de la précision de la langue, de l’idiomatie. Les traducteurs (surtout de l’anglais) et les journalistes transposent des vocables anglais en français, sans tenir compte ni des subtiles différences sémantiques entre les deux langues ni des “faux amis”, les traductions d’Euronews étant, à l’heure actuelle, emblématiques pour illustrer ce genre de dérives. Grandjouan relève, dans son livre (cf. bibliographie) un nombre impressionnant d’erreurs de ce type: bornons-nous à citer le terme “escalade” qui sert, depuis la guerre du Vietnam, à décrire une augmentation ou une aggravation voire une intensification dans un conflit armé; les médias nous parlent de l’“Administration Clinton”, alors qu’il faudrait dire le “gouvernement de Clinton”; quand les médias évoquent la représentation parlementaire américaine, ils parlent du “Congrès”, ce qui est inapproprié en français, etc.

 

Plus intéressante pour notre propos est la notion de “verbicide”, telle que nous la propose Christian Salmon. Orwell avait posé l’écrivain comme le gardien du vocabulaire, immédiatement après 1944, après son expérience à la BBC, après son bref engouement pour le basic English. Salmon ressort un texte d’André Breton, datant de 1949. Dans ce texte, le chef de file des surréalistes français disait que l’écrivain doit veiller à ce que le sens des mots ne se corrompe pas, dénoncer impitoyablement ceux qui font profession de le fausser, s’élever avec force contre le monstrueux abus de confiance que constitue la propagande d’une certaine presse. Ces injonctions de Breton sortent donc de ce texte exhumé par Salmon et significativement intitulé Pour un dégagement des intellectuels, ce qui revenait à prendre le contre-pied de Sartre, qu’Orwell traitait par ailleurs de bag of wind (“sac de vent”). Ce texte est resté inédit jusqu’en 1999!! Salmon, fort de la lecture de ce texte peu connu de Breton, écrit, page 64, que “l’intellectuel engagé s’est rangé désormais aux côtés de ceux qui exercent le pouvoir et non plus de ceux qui le subissent, aux côtés de ceux qui déclenchent des guerres” (Finkielkraut en Serbie, BHL partout ailleurs). Dans un tel contexte, “l’intello de gauche s’empresse de se montrer réceptif aux codes médiatico-marchands, docile à l’air du temps” (p. 65). Ensuite, la censure, qui était défensive au 19ème siècle, devient offensive: elle ne s’occupe plus vraiment des droits individuels, elle opère par inondation, répétition, saturation. L’espace culturel en devient standardisé, homogénéisé, dominé par les agences médiatiques. Les voix dissidentes sont noyées, comme l’avait constaté Soljénitsyne, quasiment dès son arrivée en Occident (le communisme, c’est “Ferme ta gueule!”, l’occidentisme, c’est “Cause toujours tu m’intéresses!”). La censure n’est plus le fait d’officines policières et étatiques mais est exercée par les médias publics et privés, par le “quatrième pouvoir”, par les “chiens de garde” du système (Serge Halimi). Elle revêt ensuite, surtout en France, une dimension judiciaire. En effet, le code pénal depuis 1994 autorise les poursuites par de simples citoyens, ce qui implique que le juge peut intervenir dans des productions littéraires ou artistiques, alors que droit et art sont deux domaines foncièrement différents et où le juriste n’a pas à s’immiscer dans le travail de l’artiste ou de l’écrivain et où l’artiste ne doit pas intervenir dans le domaine du droit.

 

LQR et “experts”

 

Toujours dans le contexte du néo-orwellisme français, Eric Hazan rappelle, avec un clin d’oeil à Klemperer, que les novlangues de bois du communisme ou de la LTI ont fait place en France, et par ricochet dans tout l’espace politico-médiatique de la francophonie, à la LQR, la Lingua Quintae Respublicae, la “Langue de la Cinquième République”. Celle-ci s’est amorcée dès les années soixante, où émergeait le phénomène de la télévision (analysé avec brio tant par Martin Heidegger à Messkirch en 1961 que par mon compatriote Raymond De Becker, réprouvé et proscrit, dans les colonnes de Planète). Elle était marquée en cette première période par le paternalisme gaulliste mais au fil des temps elle s’est faite le véhicule du prêchi-prêcha mitterandien, souvent pur cynisme, pour déboucher, comme le dénonce très justement Hazan, sur un discours justifiant les folies du néo-libéralisme. Hazan: “La LTI visait à galvaniser, à fanatiser; la LQR s’emploie à assurer l’apathie, à prêcher le multi-tout-ce-qu’on-voudra du moment que l’ordre libéral n’est pas menacé” (p. 14). Il ne s’agit plus, ajoute-t-il, de remporter la guerre civile comme le voulaient les staliniens à Barcelone en 1936-37 mais “d’escamoter les conflits, de les rendre invisibles et inaudibles”. Cette tâche est parachevée par les “experts”, qui segmentent les affaires de la collectivité en “séries de problèmes techniques”, sans avoir la moindre légitimité démocratique et sans être le moins du monde en phase avec la common decency.

 

Dans Verbicide, Christian Salmon comme Orwell constate que les pouvoirs en place, qu’ils soient totalitaires ou soi-disant “démocratiques”, sont animés par une logophobie tenace. Les pouvoirs et les idéologies ultra-simplificatrices, abrutissantes et bêtifiantes, qui les sous-tendent sont marqués par une haine du langage, du parler vrai, par une haine du langage que Heidegger définissait comme “la maison de l’Etre”. La langue d’un peuple est effectivement le conteneur de sa mémoire, le réceptacle de recettes potentielles pour faire advenir des alternatives de toutes natures, dont, bien sûr, des alternatives politiques: voilà pourquoi il faut en permanence et avec un acharnement frénétique le rectifier, pourquoi il faut organiser l’amnésie collective, pourquoi il faut laisser s’abâtardir et s’ankyloser le parler quotidien, pourquoi il faut tolérer, au nom de la “tolérance”, l’effondrement calamiteux de toute syntaxe ordonnante. L’objectif de tous ces pouvoirs figeants et crispés est de maintenir partout et toujours des majorités et des oppositions politiques conformes, tout comme Goldstein ou le nazisme imaginaire de nos médias sont de pure fabrications propagandistes et des croquemitaines sempiternellement inchangés, répétés à satiété selon la méthode Coué. L’objectif, pour nous, doit être de s’opposer avec constance et fermeté à cette avalanche permanente et médiatique de conformismes fabriqués, de défendre ce qu’Orwell appelait l’oldspeak ou l’oldthink. Maintenir leur richesse sémantique, leur luxuriance lexicale envers et contre tout, afin d’être toujours les derniers d’hier et de s’apprêter à devenir les premiers de demain.

 

Robert Steuckers

(Forest-Flotzenberg, Fessevillers, Genève, mars-avril 2014).

 

Notes:

 

  1. Robert STEUCKERS, “L’ironie contre la political correctness”, cf/ http://robertsteuckers.blogspot.com

  2. Simone WEIL, Oeuvres complètes, V, Ecrits de New York et de Londres, vol. 2, Gallimard, Paris, 2013.

     

Bibliographie

(à l’exception de l’oeuvre d’Orwell elle-même):

 

    • Fernando ARRABAL, “Le grand théâtre du monde totalitaire”, in: Le magazine littéraire, n°202, décembre 1983.

    • Benjamin BARBER, De infantiele consument. Hoe de markt kinderen bederft, volwassenen klein houdt en burgers vertrapt, Ambo/Manteau, Amsterdam, 2007.

    • Bruce BEGOUT, De la décence ordinaire, Editons Allia, Paris, 2008.

    • François BORDES, “French Orwellians? La gauche hétérodoxe et la réception d’Orwell en France à l’aube de la guerre froide”, in: Orwell entre littérature et politique, Agone, n°45, 2011.

    • Paul CHILTON, “Orwell’s opvattingen over taal”, in: Bzzlletin, n°111, december 1983.

    • James CONANT, Orwell ou le pouvoir de la vérité, Agone, Marseille, 2012.

    • John CROWLEY & S. Romi MUKHERJEE, “Le peuple d’Orwell”, in: Orwell entre littérature et politique, Agone, n°45, 2011.

    • Eric DIOR, “George Orwell – L’enragé de la lucidité”, in: Le magazine littéraire, n°492, décembre 2009.

    • Jacques-Olivier GRANDJOUAN, Les linguicides, Martorana Editions, Les Milles/Aix-en-Provence, 1989.

    • Eric HAZAN, LQR – La propagande au quotidien, Ed. “Raisons d’Agir”, Paris, 2006.

    • Karel HELLEMANS, “Always the eyes watching you – Conditionering in “1984””, in: Bzzlletin, n°111, december 1983.

    • Susan JACOBY, The Age of American Unreason – Dumbing Down and the Future of Democracy, Old Street Publishing, London, 2008.

    • Dr. Mario KANDIL, “George Orwells “1984” – von der Realität überholt”, in: Neue Ordnung, Graz, III/2013.

    • Simon LEYS, Orwell ou l’horreur de la politique, Plon, Paris, 2006.

    • Jean-Claude MICHEA, Orwell éducateur, Climats, Paris, 2003-2009.

    • Jean-Claude MICHEA, Orwell anarchiste tory, Climats, Paris, 1995-2008.

    • Martha NUSSBAUM, “Un monde sans pitié”, in: Le magazine littéraire, n°492, décembre 2009.

    • Jean-Jacques ROSAT, “Ni anar ni tory: socialiste”, in: Le magazine littéraire, n°492, décembre 2009.

    • Jean-Jacques ROSAT, “Ni anarchiste ni tory. Orwell et “la révolte intellectuelle”’, in: Orwell entre littérature et politique, Agone, n°45, 2011.

    • Frédéric ROUVILLOIS, “Mieux qu’un bâillon, la langue de bois”, in: Le magazine littéraire, n°492, décembre 2009.

    • Christian SALMON, Verbicide. Du bon usage des cerveaux humains disponibles, Actes Sud, Paris, 2007.

    • Eberhard STRAUB, Die Götterdämmerung der Moderne – Von Wagner bis Orwell, Manutius Verlag, Heidelberg, 1987.

    • Samuel TODEDANO BUENDIA, “La neolengua de Orwell en la prensa actual. La literatura profetiza la manipulacion mediatica del lenguaje”, in: Revista Latina de Comunicacion Social, enero-diciembre de 2006, La Laguna/Tenerife/Canarias.

    • Lyman TOWER SARGENT, “Sociale controle in de eigentijdse dystopie”, in: Bzzlletin, n°111, december 1983.

    • General Dr. Franz UHLE-WETTLER, “Geschichtsfälschung – Der Einfluß der “political correctness” auf unser Geschichtsbild”, in Neue Ordnung, Graz, I/2006.

    • Chris van der HEIJDEN, “Op zoek naar kristal – Orwell in Spanje achterna”, in: Bzzlletin, n°111, december 1983.

    • Michael WALZER, “La défense d’une démocratie radicale” (entretien), in: Le magazine littéraire, n°492, décembre 2009.

    • Raymond WILLIAMS, “Schrijver zijn in Orwells tijd”, in: Bzzlletin, n°111, december 1983.

    • Frank WINTER, “Nieuwspraak en de proles – de politieke revolutie in Orwells 1984”, in: Bzzlletin, n°111, december 1983.

       

lundi, 21 juillet 2014

ORWELL'S QUAD AND THE NEW WORLD DISORDER

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ORWELL'S QUAD AND THE NEW WORLD DISORDER


George Orwell, in 1984, described a chaotic world of perpetual warfare: a large part of the planet was forever fought over and constantly changing hands, with the lives of the inhabitants assigned minimal value.
“Between the frontiers of the super-states, and not permanently in the possession of any of them, there lies a rough quadrilateral with its corners at Tangier, Brazzaville, Darwin, and Hong Kong, containing within it about a fifth of the population of the earth. It is for the possession of these thickly-populated regions, and of the northern ice-cap, that the three powers are constantly struggling. In practice no one power ever controls the whole of the disputed area. Portions of it are constantly changing hands, and it is the chance of seizing this or that fragment by a sudden stroke of treachery that dictates the endless changes of alignment.” 1984, Chapter 9
Due to the decline of both moral and pragmatic qualities caused by the West's dominant ideology of Universal Liberalism, our "geopolitical organs" are now creating a similar zone of chaos and anarchy to the one envisioned by Orwell. This has been dramatically driven home by the recent rise to prominence of the Islamic State of Iraq and Syria (ISIS) across a large and geographically ill-defined sector of the Middle East, at a time when many other parts of Orwell's quad – Gaza, Somalia, Sudan, Libya, Mali, and Yemen – are also deep in chaos.

 
Another stop on the road paved with Liberal intentions.
 
The great flaw of Washington and its allies in recent years has been a tendency to start things without finishing them. This is a tendency that has accelerated in recent years and is driven by the following factors:

  • Increasing geopolitical ignorance caused by a growing misunderstanding of how the world actually works
  • A drastic decline in political pragmatism because it is viewed as inconsistent with a new Western morality  infused with narratives of feminism, gay rights, and anti-racism  
  • A steep decline in the West's original moral qualities of courage, honour, loyalty, masculinity, moral fiber, and commitment

The West feels 'morally' driven to destabilize or depose the natural power elites of various Third World states, often with an unacknowledged economic back story, but it now lacks the qualities that enabled it to succeed in the past.

Liberal elites, unlike the old Conservatives or the 'rednecks’ and 'flyovers' they so detest, are unable to fulfill the duties their actions assume. For the liberal ruling class, it is enough to make the moral gesture, get the buzz, and then sidle away from the mess they have created and look for the next humanitarian interventionist thrill.

Rather than imposing "totalitarian humanism," as some fear, this irresponsible attitude has instead created a toxic brew of "hegemonic anarchy," characterized by chaos, civil war, massacres, mutilations, religious insanity, and growing contempt for the West. Boko Haram, the group in Nigeria that hit the headlines earlier this year when it kidnapped over 200 schoolgirls, expresses this contempt in its name, which literally means "Western education is sin." Iraq and Afghanistan, the scenes of the West's greatest commitments and sacrifices, are clearly being lost to any semblance of order; while the hashtag offensive "Bring our Girls Back" that was supposed to bring Boko Haram to its knees is struggling even to make an impact on social media.

Against this background, some countries in the danger zone, like Algeria, Egypt, and Thailand, have found temporary reprieve by reverting to old-style military dictatorships with a bit of PR – the promise of "free elections," a high-profile female appointment, etc. – to keep the liberal commentariat from becoming too interested in their affairs.

 
The secular strongman – the optimum
solution for the fractious Third World state?
Iraq is a classic example of the kind of country that either requires pragmatic or principled treatment, but which in Western interventionist hands just turns to mush. Like most Third World countries, it has badly-drawn borders that do not correspond to organic cultures and nations, but instead throw together diverse and antagonistic thedes.

Thanks to the former predominance of the Turks in the region, the natural ruling elite has been rooted in the Sunni Arab part of the population. This group also occupies a relatively central position, with the numerically superior Shiite Arabs to the south and the non-Arabic Kurds to the northeast.

Despite its inherent flaws and weakness, Iraq, with the right kind of strong and pragmatic leader, could be relatively stable. Although Saddam Hussein was clearly deeply flawed, he may well have been an optimum solution for the country in a way that the present underpowered 'strongman,' Prime Minister Nouri al-Maliki, clearly isn't.

A well-managed partition of the country into three separate sections, corresponding to the three main groups in the population, may have been another option at one time, but that moment has clearly passed. Whatever new borders arise will now have to be drawn in blood, while any strongmen that arise to keep the country united are likely to get on the wrong side of Western Liberals at some point and meet the same end as Saddam or Gaddafi.

The truth is that "humanitarian" Western liberals prefer anarchy to a convenient tyrant: anarchy says "we tried" rather than "we connived," and, as the somewhat Orwellian phrase "humanitarian intervention" hints, it helps them to feel better about themselves. But rather than orderly humanism, what the Liberal West is pioneering is a form of hegemonic anarchy.

Orwell's quad: wreaking havoc in the 21st century.


A version of this article was previously published at Theden.

mercredi, 16 juillet 2014

Bulletin célinien n°365

 

 
Le Bulletin célinien n°365
juillet/août 2014
 
Vient de paraître : Le Bulletin célinien n°365.
 
Au sommaire :

- Marc Laudelout : Bloc-notes [Société des études céliniennes]
- Frédéric Saenen : Les Entretiens avec le Professeur Y au miroir de Sainte-Beuve
- Philippe Alméras : « La littérature à travers Céline » ou les bonheurs et les tourments du célinien discret
- Éric Mazet : Voyages [mars-décembre 1926]

Le Bulletin célinien, c/o Marc Laudelout, Bureau Saint-Lambert, B. P. 77, BE 1200 Bruxelles.

Abonnement annuel : 55 € (onze numéros). Courriel : bulletinlfc@gmail.com

mardi, 15 juillet 2014

Ernst Jünger’s The Forest Passage

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A Tribe Among the Trees:
Ernst Jünger’s The Forest Passage

By Jack Donovan

Ex: http://www.counter-currents.com

Ernst Jünger
The Forest Passage [2]
Translated by Thomas Friese
New York: Telos Press, 2013

We all live in deserts.

Urban deserts. Suburban deserts. Even in rural areas it is difficult to escape the commercially refined silicates of mechanized and meaningless modernity that blow over and bury the fossilized remains of dead gods and old ways. The desert — The Nothing [3] — grows and obscures and stifles all.

Describing the terrorized boredom of modern men, Ernst Jünger, quoting Nietzsche, warns: “woe to him in whom deserts hide.”

Jünger was writing in the aftermath of World War II about the chafing of his own individualism against the bureaucratic machine of Nazi Germany, and The Forest Passage makes mention of dictatorships. But, with uncanny foresight, he predicted our Twenty-First Century predicament, from the pointlessness of voting to near-constant surveillance and the neurotic need to know the news numerous times throughout the day. Jünger prophesied our states that make technicians into priests, while paving over institutions, like churches, which facilitate an inner spiritual life that the secular state is unable to control. That which cannot be counted, measured, or taxed cannot be permitted. This unquantifiable grain of existence that survives beyond the reach of the mechanized world is what Jünger identifies as freedom, and woe to him who knows only the desert, “woe to him who carries within not one cell of that primal substance that ensures fertility, again and again.”

Jünger’s forest is a spiritual oasis. It is not in the desert, but within it. The forest is everywhere — in the desert, in the bush, and in the enemy’s’ own backcountry — like an invisible layer of transcendent humanity and creative life energy that is seen only by those who choose to see it.

. . . it is essential to know that every man is immortal and that there is eternal life in him, an unexplored and yet inhabited land, which, though he himself may deny its existence, no timely power can take from him.

He doesn’t reference it directly, but one wonders if the forest is some kind of allusion to the Garden of Eden — some memory of pure, sinless and untainted man living in harmony with nature. Throughout the book, Jünger seems to be equating pure, primal human morality with Christ-like morality — which will seem an obvious error to everyone who is not a Christian, and a natural fact to anyone who is. The forest rebel — one who takes the forest passage — is so morally certain that, “he allows no superior power to dictate the law to him, neither through propaganda nor force.” This is somewhat problematic, because this kind of individualism-at-all-costs makes tribal life impossible, and therefore makes a new, better society impossible. Without hope for a better society and the ability to integrate into it and trust one’s peers, the forest rebel is just raging against the machine, and seems like a mere contrarian or malcontent.

The Christian morality of The Forest Passage is an integral part of it, but Jünger’s conception of it is so amorphous that it often seems Jungian or similar to the work of Joseph Campbell — it’s as if he’s superimposing Christian morality on all myths.

This brings me to my favorite line in the book, which opens up a point of entry for those of us who see a somewhat different forest: “Myth is not prehistory; it is timeless reality, which repeats itself in history.”

If we use the forest as a code for the timeless world of myth that exists in us, and choose to perceive it as being alive in something as cold and dead as shopping mall parking lot or a government building, we can experience life differently.

In a recent interview I did with Paul Waggener from the Wolves of Vinland [4], he said that Germanic mysticism was his life, and that the aim of ritual was to plant a seed that spreads out like the branches of a tree and affects every aspect of one’s life, until everything becomes ritual. One could say that a man who achieves this state of being is living in the forest, despite the desert.

The work of spiritual revolt in the desert, of keeping the forest alive and planting seeds of it in the sidewalk cracks of the mechanized world is what Jünger referred to as “the forest passage.”

In old Iceland, Jünger wrote, “A forest passage followed a banishment; through this action a man declared his will to self-affirmation from his own resources.” A man on the forest passage “‘takes the banishment in stride” and becomes his own warrior, physician, judge and priest.

Jünger warned forest rebels away from the controlled, predictable and pointless forms of rebellion, like voting “no,” and offered that a man scrawling “no” on a wall would have a greater impact on the minds of those around him. Spreading dissenting and destructive ideas and information can have a greater impact than making an official gesture that can be easily tracked, quantified and punished.

One can never know the true motives for the sniping of anonymous online characters today, and it is difficult to gauge their sincerity because they are ultimately accountable only to themselves and can easily change positions or be complete hypocrites. However, it is possible and likely that some are truly sincere and have chosen the forest passage because it allows them to do greater harm to the desert forces. Those who fund the operations of more public figures and organizations are also examples, as they must remain covert to continue to generate the income that they funnel into insurgent operations.

Jünger did understand that change would not come from ideas alone, and that action would also be necessary. In several passages, he predicted the necessity of service-disrupting fourth generation warfare tactics of the type outlined in John Robb’s Brave New War. The forest rebel,

. . . conducts his little war along the railway tracks and supply routes, he threatens bridges, communication lines, and depots. His presence wears on the enemy’s resources, forces them to multiply their posts. The forest rebel takes care of reconnaissance, sabotage, dissemination of information in the population.

However, Jünger wanted to be clear that while the forest rebel does not fight “according to martial law,” he does not fight like a bandit. He wasn’t clear what the difference is between a bandit and a rebel, and distinctions like this seem like little more than moral posturing. The controlled masses will see the actions of any forest rebel the way they see the acts of terrorists and criminals. After all, he saw how fragile our status as non-criminals was and would be, and wrote:

None of us can know today if tomorrow morning we will not be counted as part of a group considered outside the law. In that moment the civilized veneer of life changes, as the state props of well-being disappear and are transformed into omens of destruction. The luxury liner becomes a battleship, or the black jolly roger and the red executioner’s flag are hoisted on it.

This is one of the great strengths of The Forest Passage, and a good reason to read and contemplate it. Any of us could be forced into a position — such as prison — where solitary and spiritual revolt is the only form of revolt left available to us. Understanding the nature of power and the nature of the modern bureaucratic systems means understanding that you will receive no justice from the system, and that you may find yourself completely alone.

The resistance of the forest rebel is absolute: he knows no neutrality, no pardon, no fortress confinement. He does not expect the enemy to listen to arguments, let alone act chivalrously. He knows that the death penalty will not be waived for him. The forest rebel comes to learn a new solitude . . .

Like any prisoner of war who knows he will not be rescued, he is ultimately alone with his honor.

However useful, this focus on solitude and the absolute moral authority of the individual requires some sort of caveat. This kind of alienation and absolute individualism limits human connections and makes human relationships disposable. It is a product of and the way of the desert. It is the way of the inveterate consumer who chooses one identity today and another tomorrow, fearful of the risks associated with true commitment to other people.

The forest passage is a strategy for desperate and fearful times. It is a tool for the prisoner, whether behind bars, or behind a desk typing with a camera over his shoulder and some algorithmic authoritarian tagging and monitoring his keystrokes.

Any vision of a forest worth preserving must include a reconnection not only with myth, but with men. The end must be to find a tribe among the trees, or the forest itself, however magical, will forever be a lonely and fearful place, and it will offer little comfort from the encroaching desert.

 


Article printed from Counter-Currents Publishing: http://www.counter-currents.com

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[1] Image: http://www.counter-currents.com/wp-content/uploads/2014/06/ForestPassage.jpg

[2] The Forest Passage: http://www.amazon.com/gp/product/0914386492/ref=as_li_tl?ie=UTF8&camp=1789&creative=390957&creativeASIN=0914386492&linkCode=as2&tag=countecurrenp-20&linkId=OFSI2UZ5WKZGALOV

[3] The Nothing: http://www.amren.com/features/2014/05/identity-defies-the-global-marketplace/

[4] In a recent interview I did with Paul Waggener from the Wolves of Vinland: http://www.jack-donovan.com/axis/2014/06/start-the-world-podcast-episode7-the-wolves-of-vinland/

samedi, 12 juillet 2014

Fiodor Dostoyevski contra el Homo Festivus

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El grito desde el subsuelo. Fiodor Dostoyevski contra el Homo Festivus

por Adriano Erriguel

Ex: http://culturatransversal.wordpress.com

“Soy un hombre enfermo, soy un hombre rabioso. No soy nada atractivo. Creo que estoy enfermo del hígado. Sin embargo no sé nada de mi enfermedad y tampoco puedo precisar qué es lo que me duele…” Así arrancan las “Memorias del subsuelo”, la obra que en menor número de páginas concentra más contenido filosófico de todas las que escribió Fiodor M. Dostoyevski. Estas páginas vigorosas y dramáticas constituyen la más potente carga de profundidad que desde la literatura se haya lanzado jamás contra los pilares antropológicos del liberalismo moderno: el mito de la felicidad, el mito del interés individual, el mito del progreso.

A través del narrador anónimo de estas memorias Dostoyevski se interna en los meandros del subconsciente para iluminar los aspectos más incoherentes, sórdidos y contradictorios de la naturaleza humana. Y la perorata del “hombre del subsuelo” – este individuo lúgubre, retorcido, quisquilloso y cruel – nos muestra que la ensoñación de un mundo pacificado por la razón universal, por la consciencia moral y por la armonía de los intereses individuales no es más que una hipócrita impostura, un horror aún peor que los horrores que depara la vida real. Porque los dogmas sedantes de la fraternidad universal y el moralismo invasivo del hombre progresista quedan desarmados frente a una pregunta muy simple: ¿Y qué sucede si el hombre, a fin de cuentas, prefiere sufrir?

En materia de sufrimiento Fiodor M. Dostoyevski no hablaba de oídas.

Más allá de la casa de los muertos

¡Alto! ¡Este es tu dolor! ¡Aquí está! ¡No intentes salir de esta como hacen los muertos vivientes! ¡Sin dolor y sacrificio no tendríamos nada! ¡Te estás perdiendo el momento más grande de tu vida!

TYLOR DURDEN en el film: “El club de la lucha”

Hijo de un médico de hospital, la infancia de Dostoyevski transcurrió en las proximidades de un orfanato, de un manicomio y de un cementerio de criminales. Epiléptico desde los 18 años, a los 28 fue arrestado por formar parte de un grupo de conspiradores y fue sometido a un simulacro de ejecución. Cuatro años de prisión y de trabajos forzados en Siberia arruinaron su salud. Durante gran parte de su vida se vio asediado por las deudas, por la adicción al juego y por sus tendencias depresivas, y hubo además de padecer las muertes de su primera mujer y de dos de sus hijos. Falleció a los 59 años. “Para ser buen escritor es preciso haber sufrido”, dijo hacia el final de su vida. Él se encargó de demostrarlo. Con creces.

¿Un buen escritor? En su caso mejor decir: un gran escritor. Porque el autor ruso es la demostración más rotunda de que escribir bien y ser escritor son cosas diferentes. De hecho, probablemente él escribía mal. Su prosa fluye espasmódica y a borbotones, en tiradas que se disparan en todas direcciones para condensarse de nuevo en un amasijo caótico, al límite de la coherencia. Desde el punto de vista de pura técnica novelista la arquitectura de sus historias es a veces deficiente, la caracterización de sus personajes errática y los recursos dramáticos que emplea discutibles (1). Dicho lo cuál, da igual. Porque lo de Dostoyevski era otra cosa.

Realismo superior. Así definía el autor ruso su arte. Su objetivo no era experimentar con el lenguaje sino dar salida a su cosmovisión. En su escritura no hay lugar para manierismos ni para gorgoritos literarios. Las descripciones del tiempo o de la naturaleza, los cuadros costumbristas o los inventarios de valor sociológico brillan por su ausencia. Toda la acción transcurre en el interior de las personas. Porque ésa es la única realidad que a él le interesa: la oculta y espiritual, y ésta se revela a través de las acciones, las palabras y los pensamientos de sus personajes. Unos personajes casi siempre al límite yque se bañan en una atmósfera alucinada, como si vivieran “en espacios y en tiempos muy diversos de los reales, más consonantes con su existencia espiritual y profunda”. En las novelas de Dostoyevski – dice el filósofo Luigi Pareyson – “todo lo visible se transforma en fantasma y a su vez ese fantasma se convierte en la figura de una realidad superior. La visión de esa realidad superior es tan vigorosa que nos hace olvidar la visión de lo visible”. Nada es lo que parece. Los héroes de Dostoyevski “no trabajan en el sentido literal del término. No tienen ocupaciones, obligaciones o labores, pero van y vienen, se encuentran y entrecruzan, no cesan jamás de hablar (…) ¿Qué hacen? …meditan sobre la tragedia del hombre, descifran el enigma del mundo ¿Quiénes son en realidad? Son ideas personificadas, ideas en movimiento” (2).

¿Qué ideas? Con su largo historial de penalidades a cuestas Dostoyevski bien podría haberse entregado a una literatura dolorista y lastimera, a un mensaje filantrópico y edificante de denuncia social – como toda esa literatura oficial que hoy se cotiza en galardones “a la coherencia personal” o “al compromiso”. Pero el autor ruso era demasiado grande como para caer en bagatelas progresistas. Cuando Dostoyevski volvió de la casa de los muertos – el presidio siberiano a donde fue condenado por las autoridades zaristas – lo hizo convertido en un patriota, en un defensor de la misión universal de Rusia ante una Europa en la que él ya veía el germen de la decadencia. ¿Cómo fue eso posible?

Amor fati – la ley más fecunda de la vida, según Nietzsche. El amor por su destino – dice Stefan Zweig – “impedía a Dostoyevski ver en la adversidad algo diferente a la plenitud, y ver en la desgracia otra cosa que un camino de salvación”. Protestar contra el sufrimiento sería como protestar contra la lluvia. No hay en toda su obra un ápice de exhibicionismo victimista. Ni tampoco de orgullo o vanidad personal. Siempre practicó una impersonalidad activa. Volcó todo su orgullo en aquello que le sobrepasaba: en la idea de su pueblo y en la misión que a éste atribuía. Si bien la preocupación moral es una constante en su obra, no hay en ella rastro alguno de moralina. Porque vivir bien, para él, era “vivir intensamente en el bien y en el mal, incluidas sus formas más violentas y embriagadoras; nunca buscó la regla, sino la plenitud” (3). Siempre a la escucha de su lado oscuro, en perpetuo diálogo con su parte maldita, Dostoyevski es el escritor dionisíaco por excelencia. Odia los términos medios, abomina de todo lo que es moderado, armonioso. Sólo lo extraordinario, lo invisible, lo demoníaco le interesa. Sus obras nos muestran las puertas de salida del mundo burgués. Y la primera puerta se abre desde el subsuelo.

El reaccionario salvaje

Se me ocurre plantear ahora una pregunta ociosa: ¿Qué resultaría mejor? ¿Una felicidad barata o unos sufrimientos elevados?

FIODOR M. DOSTOYEVSKI

Un individuo resentido, cicatero, cruel. Una risotada brutal que procede de la noche de los tiempos. El “hombre del subsuelo” es el primer antihéroe de la historia de la literatura. Con él Dostoyevski comienza a ser Dostoyevski. Décadas antes de Sigmund Freud el autor ruso desciende al sótano del subconsciente y da la palabra a ese hombrecillo oculto, aherrojado en los grilletes de la civilización y del progreso. Un individuo que se revela como un reaccionario salvaje. Y que la emprende contra una de las manías favoritas de la modernidad y del progreso: ¿a qué viene esa obligación de ser, a toda costa, felices? ¿Es eso de verdad lo que queremos?

“¿Por qué estamos tan firmemente convencidos – dice el hombre del subsuelo – de que sólo lo que es normal y positivo, de que sólo el bienestar es ventajoso para el hombre? ¿No pudiera ser que el hombre no ame sólo el bienestar, sino también el sufrimiento? Porque ocurre que a veces el hombre ama terrible y apasionadamente el sufrimiento (…) Podrá estar bien o mal, pero la destrucción resulta también a veces algo muy agradable. (…) Yo no defiendo aquí ni el sufrimiento ni el bienestar. Yo defiendo…mi propio capricho”.

¿Qué diría el hombre del subsuelo sobre nuestra época? La felicidad como deber, la euforia como disciplina, el festivismo como religión. He ahí nuestros horizontes insuperables. Ninguna época anterior a la nuestra había convertido la infelicidad en un signo de anormalidad o en un estigma de oprobio. Y sin embargo la depresión es nuestro “mal del siglo”. Dostoyevski ya lo había previsto. Porque él sabía que el hombre “no busca ni la felicidad ni la quietud. Lo que desea es una existencia a su medida, realizarse conforme a su voluntad, abrazar lo irracional y lo absurdo de su naturaleza” (4). Sin embargo Occidente es la única civilización que ha querido eliminar la tragedia de la faz de la tierra. ¿Y luego qué? ¿Para qué nos serviría ese único, universal e imperecedero universo de la razón y de la ciencia, si su único fruto será la grisácea uniformidad de una sociedad tabulada, aseptizada y computarizada? ¿Qué sucederá cuando ya no existan aventuras, ni pueblos, ni religiones, ni actos individuales y descabellados… cuando todo esté explicado y calculado a la perfección – incluido el propio aburrimiento?

¡Qué no se inventará por aburrimiento! dice el hombre del subsuelo. En contra de lo que enseña la filosofía del liberalismo, el móvil profundo de las grandes hazañas del hombre nunca ha sido el interés racional e individual. Sólo así se explica que, a lo largo de la historia, tantos y tantos que comprendieron perfectamente en qué consistían sus auténticos intereses individuales “los dejaran en segundo plano y se precipitaran por otro camino en pos del riesgo y del azar, sin que nada les obligara a ello, más que el deseo de esquivar el camino señalado y de probar terca y voluntariamente otro, más difícil y disparatado” (5). Sólo así se explican las ideas – disparatadas y absurdas desde el estricto punto de vista del interés individual – que han llevado a tantos hombres, a lo largo de la historia, a matar y a morir. Y así se explican, en última instancia, las patrias, las religiones y todas las constelaciones de mitos y de creencias que conforman las identidades de los pueblos y que tantas veces pertenecen al dominio de lo arbitrario y absurdo. “Ni un solo pueblo se ha estructurado hasta ahora sobre los principios de la ciencia y de la razón”, afirma Dostoyevski (6). De ahí la ineptitud última del empeño liberal en sostener toda convivencia colectiva sobre un contrato social, sobre un “patriotismo constitucional” racionalista y aséptico. Porque un proyecto colectivo, si ha de ser duradero, sólo puede sostenerse sobre un núcleo pasional más allá de la razón, sobre las creencias y sobre los mitos.

El sueño del progreso produce monstruos

El antiprogresismo de las “Memorias del subsuelo” no se queda en una diatriba contra la felicidad. En sus páginas aparece una imagen premonitoria: el “Palacio de Cristal” como símbolo del progreso, del fin de la historia. El Palacio de Cristal – pabellón de la exposición universal de Londres que Dostoyevski visitó en 1863– es la representación del universo definitivamente pacificado, estandarizado, homogeneizado. La mirada profética de Dostoyevski anticipa así la desazón posmoderna y nos alerta sobre el mundo del futuro: la sociedad de la transparencia, un inmenso panóptico nivelado y desinteriorizado en el que todos somos vigilados y vigilantes. Un mundo en el que las inquietudes y las apetencias humanas estarán totalmente codificadas – digitalizadas, diríamos nosotros – de forma que, al final, lo más probable es que el habitante de este mundo deje ya de desear, porque “todo se ha disuelto ya en una descomposición química, junto al instinto básico de supervivencia, pues para entonces ya se tendrá todo bien asegurado al milímetro. En cuestión de poco tiempo se pasará de la bulimia a la abulia más cruel con que las salvajes leyes de la naturaleza amenazarán al civilizado homúnculo, producto artificial de una probeta de laboratorio” (7).

Dostoyevski intuye la edad del vacío. La época en la que se abandona cualquier búsqueda de sentido, la época en la que el individuo es rey y maneja su existencia a la carta… pero también la edad en que el individuo es más banal, mediocre y limitado; en la que el hombre es más pusilánime, más dependiente del confort y del consumo; en la que el hombre es menos autónomo en sus juicios, más gregario, servil y victimista. “¡Nos pesa ser hombres, hombres auténticos, de carne y hueso” – exclama el “hombre del subsuelo” –. “Nos avergonzamos de ello, lo tomamos por algo deshonroso y nos esforzamos en convertirnos en una nueva especie de omnihumanos. Hemos nacido muertos y hace tiempo que ya no procedemos de padres vivos, cosa que nos agrada cada vez más. Le estamos cogiendo el gusto”.

El homúnculo: la palabra que el autor ruso acuña para designar al habitante de ese mundo transparente en el que la felicidad dosificada lo es todo. Una criatura en la que Dostoyevski barrunta ya ese “Último hombre” que guiña un ojo y piensa que ha inventado la felicidad (8). A ese “Homo Festivus” del que hablaba Philippe Muray: el consumidor en bermudas,flexible, elástico y cool, desprovisto de toda trascendencia y destinado a heredar la tierra (9).

El homúnculo vive de espaldas a la “auténtica vida”, a la “vida viva”: dos conceptos clave para Dostoyevski. “No hay nada más triste para el autor de Memorias del subsuelo ­– señala Bela Martinova – que una persona que no sabe vivir; que un hombre que ha perdido el instinto, la intuición certera de saber dónde habita la “fuente viva de la vida”. Dostoyevski es uno de los primeros que olfatea ese progresivo distanciamiento entre el hombre europeo y la realidad primigenia, ese ocultamiento de lo real. Dostoyevski ya había calado al urbanita de nuestros días, desarraigado y alienado, perdido en una realidad virtual de necesidades inducidas, arrancado de la “vida viva”. El hombre del subsuelo agarra al ese hombre por las solapas, lo zarandea violentamente y le obliga a mirarse en el espejo: ¡Ecce Homo Festivus!

Dostoievski_Possedes_C1.jpgPero Dostoyevski siempre atisba una salida. Tarde o temprano – nos dice el hombre del subsuelo “aparecerá un caballero que, con una fisonomía vulgar, o con un aspecto retrógrado y burlón (un reaccionario, diríamos nosotros…) se pondrá brazos en jarras y nos dirá a todos: “bueno señores ¿y por qué no echamos de una vez abajo toda esa cordura, para que todos esos logaritmos se vayan al infierno y podamos finalmente vivir conforme a nuestra absurda voluntad?”” ¡Dos más dos son cuatro! Sí, ya lo sabemos. Pero el hombre del subsuelo escupe sobre eso. Tal vez le resulte más atractivo el “dos más dos son cinco”. Porque el “dos más dos son cuatro” ya no es vida… sino el inicio de la muerte.

El grito del hombre del subsuelo es un grito de rebelión contra la futura armonía universal, contra la religión del progreso, contra el mundo de los esclavos felices. Porque la auténtica libertad del espíritu humano – viene a decirnos Dostoyevski – es incompatible con la felicidad. O libres o felices. Y la libertad es aristocrática, no existe más que para algunos elegidos. Algo que sabía muy bien el personaje mítico que culmina su obra, y el que mejor compendia la dialéctica de sus ideas.

Grandes y pequeños Inquisidores

La era tecnotrónica implica la aparición gradual de una sociedad cada vez más controlada y dominada por una elite desembarazada de los valores tradicionales. Esa élite no dudará en alcanzar sus fines políticos mediante el uso de las tecnologías más avanzadas (…) para modelar los comportamientos públicos y mantener a la sociedad bajo estrecha supervisión y control.

ZBIGNIEW BRZEZINSKI

El Gran Inquisidor es demócrata y socialista a su manera. Está lleno de compasión por la gente, alienta un sueño de fraternidad universal y su objetivo es asegurar la felicidad del género humano. El Gran Inquisidor toma el partido de los humildes, de los débiles, de la mayoría. La idea de superación personal le indigna por aristocrática. El Gran Inquisidor guarda un secreto: no cree en Dios. Pero tampoco cree en el hombre. Su misión es organizar el hormiguero humano en una tierra sin Dios.

La “Leyenda del Gran Inquisidor” – inserta en la novela “Los hermanos Karamazov” – consiste en el largo monólogo de este enigmático personaje ante otro al que ha hecho arrestar y que permanece en silencio: Jesucristo, de nuevo entre los hombres. Y en su monólogo el Gran Inquisidor se justifica. Y explica por qué se ha visto obligado a corregir Su obra, por qué ha instaurado una tiranía en Su nombre, en el nombre de una religión puramente formal.

Se trata, según él, de una tiranía necesaria. Porque él sabe que los hombres no quieren ser libres sino felices. Y sabe que no hay nada que torture más al hombre que la ausencia de un porqué, que la falta de un sentido. Pero Cristo, en vez de abrumar al hombre con las pruebas de su divinidad, ha dejado las puertas abiertas a todas las dudas. Porque Él ha querido que la fe sea un acto de libertad. Y el Gran Inquisidor sabe que esa libertad de espíritu es incompatible con la felicidad. Y sabe que los hombres no quieren la libertad, sino la certeza. O mejor aún: sabe que en realidad prefieren no tener que pensar. Y por eso les ha convertido en una masa domesticada.

La felicidad en la tierra. Ésa es la única preocupación del Gran Inquisidor, la única verdad que él reconoce. Porque él sabe que Dios no existe. Y él – un asceta, un hombre de ideas – oculta esa dolorosa verdad al resto de los hombres. Además él sabe que la fe es una responsabilidad con consecuencias demasiado gravosas, y que no está al alcance de todos. Y el Gran Inquisidor, lleno de compasión por los hombres, no puede tolerarlo. ¿Por qué sólo algunos serían los elegidos? ¿Por qué no todos? Y por ello proporciona a los hombres un cúmulo de verdades maleables, flexibles y confortables, adaptadas a la debilidad de la mayoría. Y frente a la religión del pan celestial les ofrece la religión del pan terrenal, el dogma del bienestar en la tierra, la felicidad del rebaño.

“Les daremos una felicidad tranquila, resignada, la felicidad de unos seres débiles, tal y como han sido creados…les obligaremos a trabajar, pero en las horas libres les organizaremos la vida como un juego de niños, con canciones infantiles y danzas inocentes. Les permitiremos también el pecado… ¡son tan débiles e impotentes! y ellos nos amarán como niños a causa de nuestra tolerancia (…) y ya nunca tendrán secretos para nosotros (…) y nos obedecerán con alegría” (10). Un paraíso de beatitud y de simplicidad infantil. ¿Una crítica a la Iglesia católica?

Dostoyevski, ortodoxo militante, no albergaba simpatías por la Iglesia de Roma. Pero es imposible reducir el mito del Gran Inquisidor a una crítica pasajera del catolicismo. Tampoco puede reducirse – como han hecho algunos comentaristas – a una premonición de las utopías totalitarias y socialistas que por aquél entonces ya despuntaban en Rusia. El potencial visionario de Dostoyevski exige una lectura postmoderna, mucho más ambiciosa.

Lo que el autor ruso vaticina – en una intuición tan pasmosa como profética – son los principios básicos de una sociedad decontrol total, postreligiosa y posthistórica. Una sociedad de la que el espíritu – o cualquier otro elemento de auténtica trascendencia – ha quedado desterrado. El Gran Inquisidor es la primera aparición literaria del Gran Hermano.

Y un mentor para los tiempos actuales. El Gran Inquisidor se alza contra Dios y corrige Su obra en el nombre del hombre. Sus ideas se resumen en dos: rechazo de la libertad en nombre de la felicidad y rechazo de Dios en nombre de la humanidad (11). Su objetivo es globalizador: la unión de todos los hombres en un “hormiguero indiscutible, común y consentidor, porque la necesidad de una unión universal es el último tormento de la raza humana”. El único paraíso posible está aquí, en la tierra. Y la única beatitud posible consiste en el retorno a la inocencia infantil.

¿Y qué mejor para ello que un totalitarismo soft? Un totalitarismo hecho de hipertrofia sentimental, de intervencionismo humanitario, de felicidad como imperativo y de infantilización en el gigantesco parque de atracciones del hiperfestivismo. ¿Algo que ver con los tiempos actuales?

Pero hoy ya no se trata de un Gran inquisidor, sino de muchos. En nuestros días los Grandes Inquisidores anidan en las estructuras de poder del Nuevo Orden Mundial y forman parte de un directorio tecnocrático, financiero y policíaco que vela por la pureza del pensamiento global único. Un pensamiento New Age, festivo y nihilista que se acompaña de un moralismo agresivo. Y armado, si es preciso.

El Gran Inquisidor de Dostoyevski es un personaje trágico, no exento de cierta grandeza. Toma sobre sí toda la carga de la dolorosa verdad y dispensa una felicidad en la que él no puede participar. Pero nuestros tiempos son prosaicos. Los Grandes Inquisidores de nuestros días están encantados de haberse conocido, se reúnen y ríen entre ellos sus ocurrencias, como la de aquél conocido Gran Inquisidor que anunció la buena nueva del “Entetanimiento” (tittytainment): una mezcla de entretenimiento vulgar, propaganda, bazofia intelectual y elementos psicológica y físicamente nutritivos, la fórmula ideal para mantener sedada a la mayoría de la población y evitar estallidos sociales (12).

Pero por muy importante que sea el papel de los Grandes Inquisidores, lo que hace realmente posible que el entetanimiento funcione es todo el entramado de pequeños inquisidores – políticos y economistas, intelectuales de derecha y de izquierda, periodistas y think-tanks, ONGs, “sociedad civil” a sueldo, miembros del show-busines, corporaciones de ocio y entretenimiento – que funcionan como terminales de los poderes hegemónicos, como sus vigilantes, pequeños inquisidores domésticos cuya función consiste en encuadrar a la población en el discurso de valores dominante, en la idea de que no hay alternativas al pensamiento único:un pensamiento liberal-libertario, que no de libertad.

El problema de la libertad es precisamente el gran tema de la obra de Dostoyevski, la cuestión que más le obsesiona. La libertad entendida siempre como libre albedrío, como capacidad de opción moral. Un problema que se sitúa en el núcleo de su concepción religiosa. Una concepción mesiánico-apocalíptica – al decir de sus críticos – que, unida a su intenso patriotismo ruso, es la que más le ha valido su sulfurosa reputación de reaccionario.

DOSTOYEVSKI contra el Homo Festivus VELA

Para acabar con el buenismo

Dostoyevski es un escritor del lado oscuro. Sus novelas exploran el componente maligno y demoníaco que anida en la naturaleza humana. Por eso pocas cosas le indignaban tanto como los intentos de “contextualizar” o de negar el mal en el hombre, de atribuirlo a las “condiciones sociales” o a las “circunstancias del entorno”. Dostoyevski se subleva contra esa visión humanitario-progresista – tan vieja como recurrente – según la cuál bastaría con transformar las mencionadas condiciones sociales para que el mal desaparezca, porque en el fondo “todo el mundo es bueno”. Para el autor ruso el mal no es el resultado inevitable de unos condicionantes sociales sino una opción del hombre. El mal es hijo de la libertad, y si reconocemos que el hombre es un ser libre estamos obligados a admitir la existencia del Mal.

La lectura de Dostoyevski es el mejor antídoto contra el buenismo. El autor ruso consideraba el no-reconocimiento del mal como una negación de la naturaleza profunda del hombre, como un atentado contra su responsabilidad y dignidad. Su postura no es ni optimista ni pesimista: no es optimista porque no se minimiza la realidad del mal, y no es pesimista porque no se afirma que el mal sea insuperable. Se trata más bien de una concepción trágica: la vida del hombre está bajo el signo de la lucha entre el bien y el mal (13).

Una concepción trágica y también dialéctica: el bien no sería tal – en expresión de Luigi Pareyson – si no incluye en sí mismo la realidad o posibilidad del mal como momento vencido y superado. Y el dolor es el punto de inflexión de esa dialéctica: al hombre no le queda otra posibilidad para llegar al bien que padecer hasta el fondo el proceso autodestructivo del mal. Porque el mal, por su propia naturaleza, tiende a autodestruirse (14). Dostoyevski siempre encuentra una salida.

Dostoyevski es un pensador cristiano. Y ello a pesar de que el mal y el sufrimiento humano – constantemente presentes en su obra – son los mayores obstáculos para la fe en cuanto conducen a la desesperanza. Pero no es el suyo un cristianismo melifluo del tipo “sonríe Dios te ama”. El suyo es un cristianismo trágico, agónico, forjado en el sufrimiento y en la duda.Dostoyevski quería – dice Nikolay Berdiaev – que toda fe fuese aquilatada en el crisol de las dudas. Porque para él convertir el mensaje de Cristo en verdad jurídica y racional significaba pasar del camino de la libertad al camino de la coacción – como en el caso del Gran Inquisidor –. El autor ruso fue probablemente el más apasionado defensor de la libertad de conciencia que ha conocido el mundo cristiano, y sabía que “si en el mundo hay tanto mal y sufrimiento es porque en la base del mundo se encuentra la libertad. En la libertad está toda la dignidad del mundo y la dignidad del hombre. Sólo sería posible evitar el mal y los sufrimientos al precio del rechazo de la libertad” (15).

“Rusia es un pueblo portador de Dios”, afirma Dostoyevski. El cristianismo y la idea de Rusia se funden para él en una visión mesiánica en la que reverbera la vieja idea de Moscú como “Tercera Roma”, portadora de un mensaje de salvación universal. Una visión en la que asoma ese fondo místico-apocalíptico del espíritu tradicional ruso que resulta tan chocante para el hombre actual. ¿Rusia como nuevo pueblo elegido? ¿Rusia como portadora de un dogma universalista? ¿Rusia destinada a unificar la humanidad, a concluir la historia? Veremos que, como casi todo en Dostoyevski, el camino utilizado es el más tortuoso para decirnos algo bastante diferente. Casi incluso lo contrario.

Los dioses y los pueblos

Quien renuncia a su tierra renuncia también a su Dios

FIODOR M. DOSTOYEVSKI

“El pueblo ruso cree en un cristo ruso. Cristo es el dios nacional, el dios de los campesinos rusos, con rasgos rusos en su imagen. Se observa en ello una tendencia pagana en el seno de la ortodoxia”. El filósofo Nikolay Berdiaev explicaba en esos términos la importancia del cristianismo ortodoxo en la formación de la identidad rusa. La religión ortodoxa hizo a Rusia, y en ese sentido se trata de una religión con un carácter comunitario y patriótico similar al que antaño tenían las religiones paganas que eran, ante todo, religiones de la polis. Rusia se celebra a sí misma a través del Dios ortodoxo, por el cuál participa en el misterio de lo sagrado.

Pero según el cristianismo la verdad es sólo una, la misma para todos los pueblos. De la identificación de Rusia con esa verdad universal nace su conciencia mesiánica, la misma que el monje Filoteo sintetizó en el siglo XVII en la idea de Moscú como “Tercera Roma”. La ortodoxia rusa oscila por tanto entre esos dos polos: por un lado ese populismo religioso que hace de ella una especie de religión tribal, y por otro lado el mensaje universalista y expansivo propio del cristianismo. Esa bipolaridad se da también en Dostoyevski. El autor ruso se adhiere a la verdad universal del cristianismo, pero al mismo tiempo – y ahí está lo novedoso de su pensamiento – parece rechazar el universalismo, es decir, la pretensión de homogeneizar a la humanidad en torno a un único credo. Más bien el contrario, lo que hace es una defensa de las religiones enraizadas: cuanto más vigorosa sea una nación tanto más particular será su Dios.

Especialmente reveladoras son las siguientes frases de su novela Demonios: “Dios constituye la personalidad sintética de todo un pueblo desde su nacimiento hasta su fin. Nunca se ha dado el caso de que todos los pueblos, o muchos de ellos, hayan adorado a un mismo Dios, sino que cada uno de ellos ha tenido siempre el suyo propio (…) Cuando los dioses comienzan a ser comunes es el inicio de la destrucción de las nacionalidades. Y cuando lo son plenamente, mueren los dioses y la fe en ellos, junto con los mismos pueblos”.

¿Instinto pagano en Dostoyevski? El autor ruso expresa la idea de que todos los grandes pueblos tienen que sentirse portadores, de un modo u otro, de una simiente divina, tienen que rodear sus orígenes de un aura mítica. “Ni un solo pueblo se ha estructurado hasta ahora sobre los principios de la ciencia y de la razón”. Siempre había sido así en el pasado hasta que la modernidad comenzó a desencantar el mundo.

Y prosigue:

“Jamás ha existido un pueblo sin religión. O sea, sin un concepto del mal y del bien. Cada pueblo posee su noción del mal y del bien y un bien y un mal propios. Cuando muchas naciones empiezan a comulgar en un mismo concepto del mal y del bien, perecen los pueblos y comienzan a desdibujarse y a desaparecer las diferencias entre el mal y el bien”.

¿Pronóstico de futuro? La época de relativismo en la que vivimos es a su vez la época en la que el sistema de valores occidental – la moralina “derecho-humanista”, la corrección política, la ideología de género y similares – intentan imponerse, por la fuerza incluso, sobre toda la humanidad. Lo que el autor ruso parece decirnos es que, para frenar el relativismo – es decir, para restaurar las ideas del mal y del bien – sería más bien preciso adoptar el enfoque contrario: aceptar el pluralismo de los valores, respetar las sensibilidades de los pueblos, reconocer el mundo como pluriverso.

Los dioses y los pueblos. Dos conceptos que discurren en paralelo y que en Dostoyevski se ligan de forma indisoluble: los pueblos nacen como resultado de una búsqueda de Dios. Continúa el personaje de Demonios:

“Los pueblos se constituyen y mueven en virtud de otra fuerza imperativa y dominante, cuyo origen es tan desconocido como inexplicable. Esa fuerza radica en el inextinguible afán de llegar hasta el fin, más al mismo tiempo niega el fin (…) el objetivo de este movimiento popular, en todas las naciones y en cualquier período de su existencia, se reduce a la búsqueda de Dios, de un Dios propio, infaliblemente propio, y a la fe en él como único verdadero” (16).

Lo que Dostoyevski parece afirmar es que la fuerza del cristianismo – religión de la divinidad encarnada, encastrada por tanto en el tiempo histórico –, consiste en encarnarse a su vez en esas grandes fuerzas motrices de la historia que son las naciones y los pueblos. El momento triunfal del cristianismo se produce cuando toma como vehículo a naciones poderosas, cuando se convierte a su vez en hacedor de naciones. Pero cuando el cristianismo pasa a convertirse en un mero gestor de buenos sentimientos, en un moralismo universalista y desencarnado, entonces se diluye y muere. La historia de Europa es un buen ejemplo de ello.

Una Europa que en tiempos de Dostoyevski se encontraba en la cúspide de su poder. Pero él veía más allá de eso.

Por Europa, contra occidente

“Quiero ir a Europa. Sé que sólo encontraré un cementerio, pero ¡qué cementerio más querido! Allí yacen difuntos ilustres; cada losa habla de una vida pasada ardorosa, de una fe apasionada en sus ideales, de una lucha por la verdad y la ciencia. Sé de antemano que caeré al suelo y que besaré llorando esas piedras convencido de todo corazón de que todo aquello, desde hace tiempo, es ya un cementerio y nada más que un cementerio” (17).

Estas palabras resumen a la perfección los sentimientos de su autor frente a Europa. Dostoyevski fue un ferviente y apasionado patriota europeo. Frente a la imagen que suele tenerse de los eslavófilos como chauvinistas antieuropeos, el autor de Crimen y Castigo dedica sus páginas más tiernas y vehementes a hacer el elogio de Europa en términos que pocos occidentales han empleado jamás.

“Europa, ¡qué cosa tan terrible y santa es Europa! ¡Si supieran ustedes, señores, hasta que punto nos es querida – a nosotros, los soñadores eslavófilos, odiadores de Europa según ustedes – esa Europa! (…) ¡Como amamos y honramos, de un amor y una estima más que fraternales, las grandes razas que la habitan y todo lo que ellas han culminado de grande y de bello! Si supieran ustedes hasta que punto nos desgarran el corazón (…) las nubes sombrías que cada vez más velan su firmamento” (18).

Dostoyevski nunca llegó a ser un auténtico eslavófilo – o fue tan sólo un eslavófilo sui generis –. Mucho menos era occidentalista. Rechazaba el europeísmo mimético que consistía en importar a Rusia las ideas y la forma de vida occidentales. Para él ser radical y apasionadamente ruso era la mejor forma de servir a Europa. Una civilización sobre la cuál él ya veía abatirse una implacable condena a muerte. La Europa “occidentalista” – la Europa del “Palacio de cristal” y de la triunfante civilización burguesa – no era ya su Europa.

¿Europa u Occidente? Conviene tener bien clara esta distinción. Europa es una cultura y una civilización milenaria, geográficamente delimitada. Occidente es un proyecto de civilización global y homogénea fundada sobre la economía. La victoria de la segunda representa la muerte de la primera. Y eso Dostoyevski lo vio perfectamente. Y no sólo él, en Rusia. Pero lo que él hizo fue expresar, de la forma más contundente y más literariamente elevada, esa idea que ya estaba presente en los principales filósofos religiosos y en el pensamiento metapolítico del país euroasiático. Ese pensamiento era hostil a la Europa Occidental sólo y en la medida en la que en ella triunfa la civilización burguesa. Dostoyevski – al igual que Nietzsche – levantó acta de la muerte de Dios. Y vio que Europa había dejado de ser cristiana. También vio que los proclamados ideales de libertad, igualdad y fraternidad que habían sustituido al cristianismo no eran más que una farsa, en cuanto no puede haber auténtica libertad sin poder económico – idea ésta en la que curiosamente coincidía con Karl Marx – (19).

En ese tesitura ¿qué hacer? ¿Cuál sería la misión de Rusia? Para Dostoyevski la idea de patria es inseparable de la idea de misión. Su patriotismo – y en eso se separaba de los eslavófilos – era ajeno a toda connotación etnicista o nacionalista. Para él la misión de Rusia es universal, ajena a cualquier autoafirmación nacional exclusiva. “Todo gran pueblo ha de creer, si quiere seguir vivo mucho tiempo, que en él y sólo en él está la salvación del mundo; que vive para estar a la cabeza de los pueblos, para unirlos en un común acuerdo y conducirlos hacia el objetivo que les está predestinado”. En el caso contrario “la nación deja de ser una gran nación y se transforma en simple material etnográfico. Una gran nación, cuando verdaderamente lo es, nunca se conforma con un papel secundario en la historia de la humanidad” (20). En un célebre discurso pronunciado meses antes de morir, declaraba:

“Creo firmemente que los rusos del futuro comprenderán en qué consiste ser un verdadero ruso: en esforzarse por aportar la reconciliación definitiva a las contradicciones europeas, en mostrar ante el malestar europeo la salida que ofrece el alma rusa, humana, universal y unificadora (…) pronunciar la palabra definitiva… de la concordia fraternal de todas las razas según la Ley evangélica de Cristo” (21).

Ahí reside la célebre concepción mesiánico-apocalíptica de Dostoyevski, que tan extravagante resulta a los ojos actuales. Una idea en la que confluyen siglos de pensamiento tradicional ruso. ¿Rusia como pueblo elegido? ¿Un ideal de dictadura teocrática? ¿Una justificación del imperialismo ruso?

El mesianismo del autor de Crimen y castigo es grandioso, resplandeciente, místico, apasionado, paradójico… y totalmente utópico. Es decir, está más allá de cualquier análisis racional. Parece además contradictorio con otras posiciones de su autor. ¿Acaso no se rebelaba el “hombre del subsuelo” contra los cánticos a la armonía universal? ¿Acaso no era Dostoyevski – señalábamos antes – partidario de un pluralismo de los valores, absolutamente contrario a cualquier forma de imposición hegemónica? ¿Cómo se concilia eso con su idea del pueblo ruso como agente mesiánico-universal?

En realidad su mesianismo está alejado de cualquier espíritu de cruzada. También de cualquier idea de totalitarismo teocrático. Sí tiene mucho que ver con una idea central en su pensamiento: la visión del mundo como “una unidad espiritual y moral, una “comunidad fraternal” que debería existir de forma natural, pero que no puede ser creada artificialmente” (22).  Una idea que no cesa de repetir en su obra al mostrar una y otra vez lo nefasto de cualquier intento de forzar esa unidad: tal es el caso de los protagonistas de Demonios con su violencia revolucionaria; y – el ejemplo más notorio – tal es el caso del Gran Inquisidor. Tanto el catolicismo como el socialismo eran a sus ojos intentos de imponer la unidad del género humano por medios mecánicos y externos – lo que él llamaba “la hermandad del hormiguero”–. Por el contrario la Iglesia Ortodoxa rusa – de carácter más “nacional” que proselitista – era para él más respetuosa con la libertad, porque siempre habría esperado que la unidad venga por sí sola, de forma espontánea y sin coacciones.

El mesianismo de Dostoyevski se formula en términos más bien humildes: “lo que más tememos es que Europa no nos comprenda y que, como antaño y como siempre, nos acoja desde su orgullo, desde su desprecio y desde su espada, como a bárbaros salvajes indignos de tomar la palabra delante de ella” (23). Se trata de un mesianismo que aspira ante todo a dar testimonio. Testimonio de la existencia de una vía alternativa, específicamente rusa, que trataría de alcanzar una síntesis de elementos espirituales y comunitarios frente al individualismo y el materialismo occidentales. Rusia como nación “portadora de Dios” (nación teófora) que estaría llamada a dar testimonio y a sufrir en nombre de la humanidad. Una intuición que, a tenor de la historia rusa en el siglo XX, parece que tampoco iba tan descaminada.

En Dostoyevski nada hay lineal y cartesiano, todo es complejo y tortuoso. Aunque pueda parecer lo contrario no predica el angelismo. Mucho menos la globalización y el “fin de la historia”. Todo lo contrario. Para él la nación – ese vector de la historia – es la condición del retorno a Dios. Y Dios es “la condición de la perennidad de la nación. Ni un Dios tribal, ni un pueblo-dios, sino el Dios de un pueblo elegido por ese Dios que ha sido, a su vez, reconocido por ese pueblo” (24). El ideal mesiánico de Dostoyevski es una llamada a actuar sobre la historia, no a salir de ella; es una invocación a la fraternidad entre los pueblos, no a su homogeneización o mestizaje.

Y es también una llamada a Europa. Para que ataje su decadencia, para que asuma las riendas de su misión, codo con codo junto a Rusia. Como todos los eslavófilos el autor de Crimen y Castigo era un acérrimo defensor de lo que consideraba como misión histórica de Rusia: la defensa de los pueblos eslavos y de la religión ortodoxa. En su labor de publicista siempre señaló como objetivo de Rusia la reconquista de Constantinopla para la cristiandad: unas páginas tal vez obsoletas que denotan, no obstante, el entusiasmo de un espíritu quijotesco al servicio de Europa (25).

Apocalíptico y no integrado

Albert Camus afirmaba que el auténtico profeta del siglo XIX no era Karl Marx, sino Dostoyevski. El rasgo más sobresaliente del autor ruso es, sin duda alguna, su talento visionario, su capacidad de situarse en el futuro y de percibir el mundo como una lejanía. Eso explica también su contemporaneidad: Dostoyevski no sólo habla al hombre de hoy sino que hace parecer irremediablemente viejos a muchos escritores actuales.

Eso es así porque la suya es una literatura de ideas, no una literatura “literaria”. Su finísima percepción podía captar las corrientes subterráneas del espíritu, las fuerzas profundas que mueven la historia. Se trata por lo tanto del primer gran escritor metapolítico de la historia. Escritor gramscista antes de Gramsci, su obra es la demostración de que toda acción verdadera viene precedida por una idea, de que las ideas tienen consecuencias. Por eso sus grandes personajes son ante todo intelectuales, ideas en acción. Él sabía que en la historia “lo que triunfa no son las masas de millones de hombres ni las fuerzas materiales, que parecen tan fuertes e irresistibles, ni el dinero ni la espada ni el poder sino el pensamiento, casi imperceptible al inicio, de un hombre que frecuentemente parece privado de importancia” (26).

¿Dostoyevski profeta? De todas sus intuiciones, la primera que alcanzó sorprendente cumplimiento fue la revolución rusa. El autor de Demonios – señala Berdiaev – fue “el profeta de la revolución rusa en el sentido más indiscutible de la palabra. La revolución se realizó según Dostoyevski: él reveló su dialéctica interior y le dio forma. Con una presciencia genial él percibió los cimientos ideológicos y el carácter de lo que se preparaba. La novela Demonios trata, no sobre el presente, sino sobre el provenir” (27).

Pero entre sus premoniciones hay otras que hoy nos tocan más a fondo. “Si Dios no existe, todo está permitido”– decía Iván Karamazov. Dostoyevski fue el primero que captó – antes que Friedrich Nietzsche – que el más incómodo de todos los huéspedes, el nihilismo, había llegado para quedarse y que ya nada sería lo mismo. Dostoyevski dedicó toda su vida a combatirlo. Como lo hizo – por un camino tan diferente como lleno de grandeza – el vagabundo de Sils-María. Sus obras son como espadas que se cruzan. Pero también hay paralelismos y coincidencias sorprendentes. Crimen y castigo nos ofrece la prefiguración – y la refutación – del superhombre. La imagen de Cristo del uno se asemeja a la del Zaratustra del otro – “el mismo espíritu de orgullosa libertad, la misma altura pasmosa, el mismo espíritu aristocrático”– (28). Y sobre todo, tanto el uno como el otro aseguraban que sólo la belleza salvaría al mundo. El litigio entre ambos no está resuelto y será posiblemente eterno. Pero la solución al problema del nihilismo, si existe, posiblemente se sitúe en alguna zona de intersección entre estos dos espíritus superiores.

Tras Dostoyevski y Nietzsche se hace imposible volver al antiguo humanismo racionalista. Una nueva corriente, el existencialismo, se abre paso de la mano del autor de Crimen y castigo. Él supo que la libertad humana es la realidad radical, que el hombre está condenado a ser libre, que la libertad es trágica, una carga y un sufrimiento. Él supo también que hoy es imposible proponerle al hombre los remedios de antaño, y eso es lo que hace de él un escritor de nuestro tiempo. Porque – en palabras de Luigi Pareyson – “tras la intensa experiencia nihilista del hombre contemporáneo, la afirmación de Dios ya no puede trasmitirse a través del dulce y familiar hábito de una costumbre o heredarse en el seguro patrimonio de una tradición. Afirmarla ahora exige el trabajo de una verdadera reapropiación personal (…) Dios debe ser objeto de una auténtica recuperación: es necesario saberlo descubrir en el corazón de la negación”. Por eso Dostoyevski – subraya Berdiaev – “no puede ser considerado un escritor pesimista y tenebroso. La luz brilla siempre en las tinieblas”. El cristianismo de Dostoyevski – aunque permanezca fiel a los dogmas milenarios – es un cristianismo de nuevo cuño, un cristianismo existencialista que no mira hacia el pasado sino hacia el nuevo milenio.

Dostoyevski rechaza los mitos optimistas de la razón y del progreso. Sabe perfectamente que el progreso sólo consiste en mera acumulación de conocimientos, y que esa acumulación no garantiza un mayor grado de desarrollo moral, de inteligencia o de felicidad. Pero eso no hace de él un reaccionario o un conservador – al menos no en el sentido habitual del término. Él era demasiado apocalíptico como para pensar que una vuelta atrás sería deseable; demasiado marginal como para pensar en la restauración del antiguo y tranquilo modo de vida. Él era un revolucionario del espíritu. No en vano su mensaje caló hondo en los movimientos vanguardistas que, a comienzos del siglo XX, orquestaron la primera gran rebelión cultural contra el orden racionalista, liberal y burgués. Paradoja suprema: a partir de Dostoyevski la mejor reacción intelectual se torna en vanguardia estética. Modernismo reaccionario o revolución conservadora, tanto da. En el imaginario de la época el autor de Crimen y Castigo representaba el “Este”: una dirección geográfica, una opción política y un universo “mágico” capaz de suministrar una alternativa enérgica frente a la decadencia occidental (29). “Doestoyevski – decía Stefan Zweig – parece abrirse las venas para pintar con su propia sangre el retrato del hombre del futuro”.

Metapolítica de Rusia

Un pueblo sólo puede tener una vida robusta y profunda si está sostenido por ideas. Toda la energía de un pueblo consiste en tomar conciencia de sus ideas ocultas.

FIODOR M. DOSTOYEVSKI

Todo en él era desmesurado, y en eso expresa como ningún otro un rasgo sustantivo de su pueblo. Rusia es un mundo cuya historia sobrepasa lo humano y lo racional, un mundo barroco y excesivo, un imaginario propenso al mito y la utopía. Con Dostoyevski penetramos en “ese mundo primario y elemental en el que nos espera la tensión cósmica del alma rusa: obsesiones, vislumbres alucinantes, humor desgarrado, inesperadas intuiciones” (30) Pero el mesianismo de Dostoyevski – por muy quijotesco, místico y lejano que nos parezca – encierra una metapolítica con contenidos ajustados a la hora actual.

En primer lugar, la crítica de Dostoyevski hacia la civilización europea de su época prefigura algo que Alexander Solzhenitsyn expresaría un siglo más tarde: entre el socialismo totalitario – que anula la libertad humana – y el capitalismo libertario – que llama tolerancia a la permisividad moral necesaria para el desarrollo del mercado – no hay diferencia sustantiva, en cuanto ambos expresan una falta de respeto a la dignidad profunda del hombre.

En segundo lugar Dostoyevski vislumbra ya a la Europa-cementerio, la Europa-museo, esa almoneda de recuerdos santos y heroicos que sólo le inspira tristeza y compasión. Presiente un mundo en proa a la disolución y aspira a un revulsivo que le saque de su letargo.

En tercer lugar, su obra expresa un designio que explica la trayectoria histórica de Rusia a lo largo de siglos: la idea de la complementariedad profunda entre Europa y Rusia. La convicción – que aparece de forma recurrente en los mejores pensadores rusos – de que el porvenir de Rusia está vinculado al de Europa, y que el porvenir de Europa debe incluir a Rusia. Una idea que se corresponde con todas las realidades geopolíticas, históricas y culturales del viejo continente. Eso que alguien definió hace décadas como la “Europa del Atlántico hasta los Urales” (31).

Decía Ortega y Gasset que Rusia es un pueblo de una edad diferente a la nuestra, un pueblo aún en fermento, es decir, juvenil. Los pueblos jóvenes – que suelen ser considerados como pueblos “bárbaros” – son todavía capaces de experiencias radicales y se encuentran más cerca de aquello que Dostoyevski llamaba “las fuentes vivas de la vida”: los valores arquetípicos que hemos olvidado, los vínculos comunitarios que hemos perdido. Es bien sabido que, frente a la decadencia, los “bárbaros” son siempre una terapia de choque. Tal vez hoy sería conveniente “ponerse a la escucha” de lo que puedan decirnos los bárbaros. Y tal vez viendo lo que no somos podamos recuperar un día el pulso de lo que fuimos.

Por de pronto los hombres del fin de historia – los “hombres festivos”, los “homúnculos” – continúan su progreso hacia el Palacio de Cristal, pastoreados por los Grandes Inquisidores de turno. Pero puede que algún día se oiga un grito procedente del subsuelo. Un grito que parezca venir de la noche de los tiempos; o tal vez de un hombrecillo de ojos rasgados como los de un tártaro; o tal vez desde el fondo de nuestra conciencia. Y será una llamada a recomenzar la historia. Como Dostoyevski no cesaba de repetir, tarde o temprano siempre hay una salida.

Notas:

(1) El profesoral y relamido Vladimir Nabokov califica a Dostoyevski de “escritor mediocre” en su Curso de literatura rusa, Ediciones B 1997, pags 193 y ss. Por su parte el crítico Solomon Volkov hace un símil eficaz: “la gente que se maravilla en los museos ante la densidad de los originales de Van Gogh y siente la descarga de cada brochazo nervioso, y luego ve esos mismos originales en reproducciones, entenderá lo que digo: Dostoyevski debe leerse en ruso”. Solomon Volkov, Romanov Riches. Russian Writers and artists under the Tsars. Kindle Edition.

(2) “En Dostoyevski – añade Pareyson – los príncipes no son príncipes, los empleados no son empleados, las prostitutas no son prostitutas, sino que todos tienen algo de otro y todos poseen algo de más, y solamente ese algo de más es lo que cuenta.”. Luigi Pareyson, Dostoievski. Filosofía, novela y experiencia religiosa. Ediciones Encuentro 2007, pags. 34 -40

(3) Stefan Zweig, Dostoïevski. Essais III. La Pochotèque- Le Livre de Poche1996, pags 127 y 135.

(4) Sémion Frank, en La legende du Grand Inquisiteur de Dostoïevski, commentée par Léontiev, Soloviev, Rozanov, Boulgakov, Berdiaev, Frank. L´Age d´Homme 2004, pag 365.

(5) Dostoyevski, Memorias del subsuelo.

(6) En la novela Demonios.

(7) Bela Martinova, Introducción a Memorias del subsuelo. Dostoyevski. Cátedra Letras universales 2009, pag. 60.

(8) Nietzsche, Así habló Zaratustra.

(9) Sobre la obra de Philippe Muray, el artículo de Rodrigo Agulló: Philippe Muray y la demolición del progresismo: http://www.elmanifiesto.com/articulos.asp?idarticulo=3936

(10) Fiodor M. Dostoyevski, La leyenda del Gran Inquisidor.

(11) Nikolay Berdiaev en La legende du Grand Inquisiteur de Dostoïevski, commentée par Léontiev, Soloviev, Rozanov, Boulgakov, Berdiaev, Frank. L´Age d´Homme 2004, pag 329.

(12) Zbigniew Brzesinski – antiguo asesor del Presidente EEUU Jimmy Carter, ideólogo neoliberal y miembro de la Comisión Trilateral– formuló la doctrina del Tittytainment ante una reunión de líderes mundiales organizada por el Global Braintrust en el Hotel Fairmont de San Francisco en octubre 1995. Gabriel Sala, Panfleto contra la estupidez contemporánea. Laetoli 2007.

En un registro intelectual bastante más elevado la figura del filósofo judeo-norteamericano Leo Strauss (1899-1973) guarda una inquietante similitud con algunos aspectos del Gran Inquisidor. Strauss defendía la utilidad de la religión y la patria como instrumentos de control social, y se complacía en la idea de una elite intelectual atea y con un nivel superior de gnosis que le facultaría para guiar a la gran masa durmiente. Leo Strauss y sus discípulos serían la principal fuente intelectual del movimiento “neocon” norteamericano, una cantera especialmente fecunda de “Grandes Inquisidores”.

(13) ¿Maniqueísmo? Señala Pareyson que “Dostoyevski no quiere reducir la dialéctica del bien y del mal a un grandioso suceso cósmico, como en el maniqueísmo. Para él es una tragedia humana, más aún, la tragedia del hombre, pero es necesario que sea enteramente implantada sobre la libertad”. Luigi Pareyson, Dostoievski. Filosofía, novela y experiencia religiosa. Ediciones Encuentro 2007, pags. 96 y 187.

(14) Luigi Pareyson, Obra citada, pags. 101, 110 y 185. Para Dostoyevski el dolor forma parte de un proceso de redención. Por eso considera que, frente al delito, la imposición de castigo es mucho más respetuosa para la dignidad humana que la ausencia del mismo, porque al considerar al hombre como culpable del mal perpetrado se le reconoce libertad, dignidad y responsabilidad.

(15) Nikolay Berdiaev, El espíritu de Dostoyevski Nuevoincicio 2008, pags 80, 89 y 217. En relación al cristianismo como experiencia dubitativa y agónica la comparación entre Dostoyevski y Miguel de Unamuno se hace inevitable.

(16) Es interesante poner en paralelo esta idea del nacimiento de los pueblos con los conceptos – cargados de mística aunque procedan de un antropólogo – de “pasionariedad” y de “etnogénesis” teorizados por el eurasista Lev Gumilev (1912-1992). Para este autor la “pasionariedad” es el fenómeno por el cuál determinadas etnias o grupos de individuos se comportan a veces, sin motivo racional aparente, de una manera extraña, acometiendo actos y realizando hazañas que sobrepasan el horizonte de su vida cotidiana. Es una especie de energía exposiva “misteriosa” e inexplicable que pone en marcha a los pueblos y a las tribus. Para Gumilev el etnos accede a la existencia por una explosión de energía de pasionariedad. (Alexandre Dougine, L´appel de L´Eurasie. Conversation avec Alain de Benoist. Avatar Éditions 2013).

Todas estas ideas – procedentes de la novela Demonios – son expresadas por Shatov: un personaje a través del cuál, según Berdiaev, Dostoyevski estaría criticando precisamente el “populismo religioso”. Conviene por tanto no descartar cierta distancia de Dostoyevski respecto a ellas. No obstante, también es cierto que este discurso está significativamente próximo a lo expresado por Dostoyevski en otras obras, así como a las ideas que expresa en primera persona en su Diario de un escritor (obra que contiene lo esencial de su pensamiento político).

(17) Fedor M. Dostoyevski, Los hermanos Karamazov.

(18) Fiodor M. Dostoyevski, Confesión de un eslavófilo, en “Diario de un escritor” (julio-agosto 1877).

(19) En la crítica rusa al occidente burgués destacan los filósofos Konstantin Léontiev (1831-1891) y Vladimir Soloviev (1853-1900). En algunos autores rusos – Dostoyevski entre ellos – se rastrean elementos del espíritu colectivista presente en la tradición rusa, de eso que Berdiaev llamaba “un anarquismo y un socialismo cristiano particulares, muy diferentes del anarquismo y del socialismo ateo”. Se trata del ideal de la obshina, la comunidad campesina popular, exaltada por los primeros eslavófilos. En Dostoyevski el “hombre del subsuelo” sería el hombre que ha roto su contacto con la obshina y que se encuentra desarraigado, perdido en la urbe.

(20) Fiodor M. Dostoyevski, en Diario de un escritor y Demonios.

(21) Discurso pronunciado el 8 de junio en Moscú ante la Sociedad de los amigos de la literatura rusa, con ocasión del aniversario de Pushkin. Este discurso conviertió a Dostoyevski en un símbolo nacional.

(22) Kyril FitzLyon, prefacio a: Winter notes on summer impressions, de Fiodor M. Dostoevsky. Alma classics 2013, pag. VIII.

(23) Fiodor M. Dostoyevski, Confesión de un eslavófilo, en “Diario de un escritor” (julio-agosto 1877).

(24) Jean-Francois Colosimo, L´Apocalypse russe. Dieu au pays de Dostoïevski. Fayard 2008, pag 198.

(25) La obra de Cervantes constituía para Dostoyevski la cima de la literatura universal. A este respecto es ilustrativo el extraordinario ensayo que en 1957 publicó el profesor Santiago Montero Díaz: Cervantes, compañero eterno (Linteo, 2005)

(26) Luigi Pareyson, Obra citada, pag. 46

(27) Nikolay Berdiaev, Obra citada, pags. 143-144.

(28) Nikolay Berdiaev, Obra citada, pag. 223.

(29) Alain de Benoist, Arthur Moeller Van der Bruck, une “question à la destinée allemande” Nouvelle Ecole numéro 35/hiver 1979-1980, pag.44.

Alemania fue, con diferencia, el país donde la obra de Dostoyevski tuvo mayor impacto: en la patria del romanticismo el terreno estaba bien abonado. Especialmente relevante fue la fascinación que ejerció sobre la juventud alemana y sobre los autores de la “Revolución conservadora, de quienes el autor ruso puede considerarse – junto a Nietzsche – como una especie de mentor. Arthur Moeller Van der Bruck (1876-1925) preparó – en colaboración con el escritor ruso Dimitri Merezhovski (1866-1941) – una edición alemana de sus obras completas en 22 tomos que obtuvo un inmenso éxito.

(30) Santiago Montero Díaz, Cervantes, compañero eterno. Linteo 2005, pag. 61.

(31) Y que más recientemente se ha reformulado en expresiones como: “el eje París-Berlín-Moscú” o “la gran Europa, desde Lisboa hasta Vladivostok”.

Hors Série/Le Monde: Céline

 

En kiosque!

Céline est toujours vivant : sans cesse réédité, il est aussi l’un des auteurs français les plus traduits. Entre morgue et provocation, il affirmait avoir démodé tous les écrivains de son temps. Et il avait raison. Il y a, en littérature, un avant et un après Céline. Mais ses pamphlets antisémites jettent sur l’œuvre une ombre qui fait qu’on ne peut l’admirer sans s’interroger. Ainsi, vouloir lui rendre hommage dans ce hors-série reste un exercice périlleux. C’est autour de ce constat que s’articulent les contributions que Le Monde publie, en particulier celles de Pierre Assouline, Delfeil de Ton, Jean-Pierre Martin, Yann Moix et de Jean-François Balmer, où chacun fabrique son Céline, avec une certitude : le bonheur de l’avoir lu et relu.

Le portrait
Auteur d’une biographie de Céline en trois tomes, François Gibault retrace les grands chapitres de La Vie et de l’œuvre de l’écrivain, d’un de ses premiers textes, La Vie et l’Œuvre de Philippe Ignace Semmelwels, rédigé pour sa thèse alors qu’il était étudiant en médecine, à Rigodon, le dernier opus de la « trilogie allemande ». Il met également en perspective le pamphlétaire dont les textes doivent se lire comme ceux d’un homme selon lui « chargé de haine pour les juifs mais aussi pour l’humanité tout entière ».
L’œuvre
Les extraits de textes proposés dans ce hors-série procèdent d’un choix subjectif mais rendent compte de l’œuvre de Céline. On y retrouve toujours la même voix ; entre les romans, les pamphlets ou les chroniques de la « trilogie allemande », seul le ton diffère. Au-delà des polémiques suscitées par l’écrivain, notre intention est de faire éprouver au plus grand nombre le plaisir intense et l’émotion que procure la lecture des romans et d’assurer ceux qui ne l’ont pas encore lu qu’ils ignorent le bonheur que les attend.
L’entretien
Spécialiste du roman français du XXe siècle, Henri Godard a consacré une partie de sa vie à l’étude et à l’édition, notamment dans « La Pléiade », de l’œuvre de Céline. Il a raconté dans son dernier ouvrage, À travers Céline, la littérature (Gallimard), sa recherche de la bonne distance avec l’écrivain, entre horreur morale et enthousiasme littéraire. Dans l’entretien que nous publions, il évoque ce qu’il reste à découvrir sur une écriture et un imaginaire devenus à ce point familiers. L’essentiel, peut-être, selon lui.
Débats et hommages
Il est difficile de ne pas admirer Louis-Ferdinand Céline, mais comment ne pas la haïr ? C’est autour de cette question que les textes prédentés dans les parties « Débats » et « Hommages » s’organisent, avec en toile de fond le bouleversement radical imposé à la langue par l’écrivain. Parmi les textes proposés, nous publions les contributions originales de quatre auteurs, Pierre Assouline, Delfeil de Ton, Jean-Pierre Martin et Yann Moix, et du comédien Jean-François Balmer. Des approches très différentes, chacun fabriquant son Céline.
 

mardi, 01 juillet 2014

Ernst Jünger: "Ich widerspreche mir nicht..." (1977)

 

Ernst Jünger:

"Ich widerspreche mir nicht..."

(1977)

lundi, 30 juin 2014

Julien Hervier:E. Jünger et l'écriture de la guerre

Julien Hervier:

Ernst JÜNGER et l'écriture de la guerre

samedi, 21 juin 2014

Bulletin célinien n°364

Le Bulletin célinien n°364
(juin 2014)
 
 
Vient de paraître : Le Bulletin célinien n°364.
 
Au sommaire :

- Marc Laudelout : Bloc notes (Henri Godard)
- Henri Thyssens : Une bibliographie des Éditions Denoël et Steele
- Emmanuelle de Boysson : Le manuscrit de Voyage disponible
- M. L. : Le retour de l’agité du bocal
- Éric Mazet : Voyages [mai 1925 – février 1926]
- M. L. : In memoriam André Bernot

Le Bulletin célinien, c/o Marc Laudelout, Bureau Saint-Lambert, B. P. 77, BE 1200 Bruxelles.
Abonnement annuel : 55 € (onze numéros).
 
Courriel : celinebc@skynet.be.

vendredi, 20 juin 2014

A la rencontre de Jean Raspail

A la rencontre de Jean Raspail

Propos recueillis par Alain Sanders

— Jean Raspail, quand vous avez lancé ce « jeu du roi », cette aventure patagonne donc, pensiez-vous que le « phénomène » prendrait une telle ampleur ?

— C’est en 1976 que j’ai écrit Le Jeu du Roi. Dans ce roman, un roi, légitiment roi, mais roi de Patagonie, vivait seul dans un fort quasiment en ruines de la côte du Ponant. En attendant « l’héritier » qui recueillerait son rêve avec sa royauté. Il va en trouver un en la personne d’un petit garçon qui rêvait d’un royaume. Je vivais alors en Provence, dans le village de Sablet, et un jour – pourquoi ? Je serais incapable de le dire – j’ai hissé le drapeau patagon sur un mât. Et je me suis « bombardé » consul de Patagonie. Comme l’a écrit Roger Caillois, bien oublié aujourd’hui, hélas ! « le rêve est un facteur de légitimité ».

— Et cela aurait pu en rester là…

— Effectivement. Mais il y eut ce jour où je décidais d’organiser une petite réception à la maison, c’est-à-dire au « consulat de Patagonie ». Il faut dire que ce drapeau claquant au vent m’avait déjà valu bien des questions. Bref, il y avait beaucoup de monde, des gens de toutes origines sociales et culturelles. Parmi ces invités, mon voisin (on voisinait tous dans ce coin de Provence) l’amiral britannique Templeton (qui par la suite deviendra le premier attaché militaire du royaume de Patagonie). Cette première réception patagonne ayant eu beaucoup de succès, j’en organisais une seconde l’année suivante. Avec un même succès, encore plus de gens, dont le préfet et le maire d’Orange à l’époque. Notez qu’à ce moment-là de l’histoire, je n’avais pas encore écrit Moi, Antoine de Tounens, roi de Patagonie, livre qui ne paraîtra qu’en 1981.

— Mais quelque chose se mettait déjà en place…

— A vrai dire, ces réceptions avaient été prétexte à réunir des amis. Mais, lors de la seconde, j’avais prononcé un petit laïus « patagon » du haut du balcon de la maison, une sorte de discours sur l’état du royaume. Ce qui, à mon étonnement, marqua mes invités plus que je n’aurais pu le penser. Une sorte d’adhésion patagonne… A la fin du discours, l’amiral Templeton me prit à l’écart et me dit : « Ce que vous faites est very British. »

— Et puis paraît Moi, Antoine de Tounens

— Oui. Dans ce livre, j’avais d’ailleurs cité le Céline du Voyage au bout de la nuit : « Et puis d’abord tout le monde peut en faire autant. Il suffit de fermer les yeux. C’est de l’autre côté de la vie… » Moi, Antoine de Tounens va recevoir le Grand Prix du Roman de l’Académie française. Ce qui va contribuer à le faire connaître, bien sûr. J’avais écrit dans l’épilogue : « Par les temps qui courent et par les temps qui viennent, je tiens désormais pour honneur de me déclarer patagon. Du cimetière de Tourtoirac, en Dordogne, où Antoine de Tounens a transporté son gouvernement et son siège jusqu’à la fin des temps, j’ai reçu lettres de créance, moi, Jean Raspail, consul général de Patagonie. » Le reste appartient déjà à l’histoire du royaume…

— Justement ! Les demandes de naturalisation patagonne – et de personnalités prestigieuses parfois – vont affluer au consulat général. C’était en marche…

— En effet et, je peux le dire, à mon grand étonnement ! Certes, à l’époque, Mitterrand venait d’être élu président de la République, mais ce « phénomène », comme vous dites, transcendait le paysage politique, social, culturel. Les demandes étaient si nombreuses que je fus quelque peu dépassé. Je publiais alors quelques petits bulletins, de simples feuilles ronéotypées, pour répondre aux questions posées et essayer de canaliser un tel engouement.

— Mais cela restait – cela reste – un jeu ?

— Et même un jeu d’enfant ! Parce qu’un jeu d’enfant, c’est sérieux. Il faut jouer sérieusement sans se prendre au sérieux. Celui qui n’a pas gardé son âme d’enfant ne sait pas jouer au jeu du roi. Et il est du même coup hors jeu. J’ai eu à refuser la naturalisation à des gens qui ne l’avaient pas compris. Pour la suite de l’histoire, mes livres seront dès lors, comment dire, fédérateurs. Avec des effets qui m’épatent toujours. Pensez qu’en Afghanistan, pour prendre cet exemple, des officiers généraux ont porté sur leur treillis l’écusson du 1er Régiment étranger de Patagonie. Un jour que j’embarquais sur La Foudre, on annonça que le consul général de Patagonie montait à bord dans le même temps que l’on hissait, à la drisse de courtoisie, le pavillon patagon ! Des anecdotes de cet ordre, je pourrais vous en raconter des dizaines, toutes plus étonnantes – et épatantes – les unes que les autres. John Cowper Powys a écrit : « Toute culture réelle, belle et noble, est fondée sur le rêve. » Il avait tout compris.

— Depuis sa parution en 1973, Le Camps des Saints n’a cessé d’être réédité (et encore récemment avec une préface qui a fait quelque bruit…). Quel effet cela fait-il d’avoir été bon « prophète » ?

— Prophète, le mot est fort… Mais je vais vous confier qu’Henri Amouroux m’a dit un jour, très sérieusement : « Au moins, j’aurai connu un prophète dans ma vie ! »Le Camp des Saints est un livre inspiré. Ne me demandez pas comment ou par qui, mais c’est comme ça. J’ai travaillé dessus quasiment un an. En y pensant nuit et jour. Aidé et porté par les circonstances, par ce que je sentais, ressentais, pressentais. Ce livre, c’est une parabole. Un roman qui fait le bilan de la décadence française et occidentale, un livre sur les idées altruistes, sur le détournement de l’esprit de charité chrétien.

— Un 1984 pour notre temps ?

— Je suis content que vous évoquiez George Orwell et son Big Brother. Je ne veux évidemment pas me comparer à Orwell, mais ce n’est pas un hasard si la préface de la dernière réédition en date du Camp des Saints est intitulée « Big Other ». Je ne suis pas un « voyant ». Mais j’ai vu venir ce que je raconte dans ce livre. Quand je l’ai écrit, je séjournais à Boulouris. Avec une vue à cent-quatre vingts degrés sur la mer et le grand large. Un matin, je me suis dit : « Et s’ils arrivaient ? » C’est ainsi que tout a commencé. Oui, si un livre fut un jour inspiré, c’est bien celui-là…

Ex: http://www.zentropaville.tumblr.com

jeudi, 19 juin 2014

Spécial Céline n°13

Le trimestriel Spécial Céline sort son treizième numéro (juin, juillet, août 2014). En vente en kiosque, 19,50 €.

Le trimestriel Spécial Céline sort son treizième numéro (juin, juillet, août 2014). En vente en kiosque, 19,50 €.

mardi, 17 juin 2014

Michel Houellebecq’s Sexual Anti-Utopia

Michel_Houellebecq.jpg

“I get my kicks above the waistline, Sunshine”
Michel Houellebecq’s Sexual Anti-Utopia

By James J. O'Meara 

Ex: http://www.counter-culture.com

particles.jpgMichel Houellebecq
The Elementary Particles [2]
Translated from the French by Frank Wynne
New York: Knopf, 2000

“I get my kicks above the waistline, Sunshine.”[1]

“The universe is nothing but a furtive arrangement of elementary particles. . . . And human actions are as free and as stripped of meaning as the unfettered movements of the elementary particles.” — Michel Houellebecq, H. P. Lovecraft: Against the World, Against Life

“Frolicking has never been so depressing.”—MST3k Episode 609: Coleman Francis’ Skydivers.

It really does seem odd that I have until now managed to avoid reading the novels of Michel Houlelebecq. It’s especially odd I didn’t plunge right in after reading his excellent essay on Lovecraft, [2] and even quoting it my very own first essay on Lovecraft, published right here on Counter Currents.[3] Why, we even share the same year of birth![4]

The appeal of Houellebecq to elements of the Right should be obvious; his enemies seem to be our enemies, from American consumer culture to modernity itself, as well as not just the French versions of PC but French culture itself, at least in its postwar state.[5]

His basic notion is that, contrary to the foolish dreams of the ’68ers, and dogmatically enforced today by both academic and consumer establishments, “The ‘decentred self’ remains a selfish unit; the death of hierarchy merely nurtures the cult of the individual and an incoherent, deviant society.”[6]

These fiercely individualized entities are the elementary particles left to spin aimlessly by the smashing of the bonds of traditional society.

It is interesting to note that the “sexual revolution” was sometimes portrayed as a communal utopia, whereas in fact it was simply another stage in the historical rise of individualism. As the lovely word “household” suggests, the couple and the family would be the last bastion of primitive communism in liberal society. The sexual revolution was to destroy these intermediary communities, the last to separate the individual from the market. The destruction continues to this day.

This is pretty consistent with the model explored by Baron Evola in, for example, Ride the Tiger: A Survival Manual for the Aristocrats of the Soul.[7] Liberalism has atomized[8] society by a Nietzschean smashing of all our idols. All members are now “free” to “realize themselves” and “become what they are.” The problem being, Nietzsche intended this to apply to an elite, the potential Supermen — what Evola calls “differentiated [from the social herd] men” — not society at large. Left to his own devices, the Underman resorts to what he knows best: sensation, and thus to shopping and sex.

Houellebecq’s characters are notable for how completely they embrace the consumerist ethos: believing that youth is society’s primary index of value, that sex is the only pleasure and is eminently commodifiable, that disposability is natural, that quality is ultimately reducible to quantity [cf. Guénon], that the quest for novelty is our only genuine tradition, that secular materialism has triumphed once and for all over atavistic spirituality. [9]

So far, he seems to be on our team. Of course, someone who hates as much as Houellebecq is apt to be an uncomfortable ally.

I know that Islam — by far the most stupid, false and obfuscating of all religions – currently seems to be gaining ground, but it’s a transitory and superficial phenomenon . . . [All but Guénon & Co. shout Yah!]

. . . in the long term, Islam is even more doomed than Christianity. [Crickets][10]

And just to be clear on that: “I was talking about the stupidity of all monotheistic religions.”[11]

Alrighty then, moving along . . . Besides being a fountain of opinions either bold and scintillating or mean and stupid, depending on whose ox is being gored,[12] Houellebecq is a damned good, clear — lucid, the French would say, I suppose — writer; here, if anywhere, worthy of the comparisons made to Camus. [13]

But unlike Camus, he’s a funny guy[14] (though perhaps rather like Joe Pesci is “funny” in Goodfellas[15]):

As a teenager, Michel believed that suffering conferred dignity on a person. Now he had to admit that he had been wrong. What conferred dignity on people was television.

Rumor had it that he was homosexual; in reality, in recent years, he was simply a garden-variety alcoholic

The beach at Meschers was crawling with wankers in shorts and bimbos in thongs. It was reassuring.

Whatever, in the showers at the gym I realized I had a really small dick. I measured it when I got home—it was twelve centimeters, maybe thirteen or fourteen if you measured right to the base. I’d found something new to worry about, something I couldn’t do anything about; it was a basic and permanent handicap. It was around then that I started hating blacks.

Not that Old Grumpypuss will let you just have your fun:

Irony won’t save you from anything; humour doesn’t do anything at all. You can look at life ironically for years, maybe decades; there are people who seem to go through most of their lives seeing the funny side, but in the end, life always breaks your heart. Doesn’t matter how brave you are, or how reserved, or how much you’ve developed a sense of humour, you still end up with your heart broken. That’s when you stop laughing. In the end there’s just the cold, the silence and the loneliness. In the end, there’s only death.

And, as in liberal society, until then, when all else fails, there’s also the sex.[16] Perhaps I’ve consumed more than my share of pornography, but it did not seem as overwhelming or perverse as reviewers would have us believe. I suppose it serves the purpose of shocking the shockable, but if you find it off-putting, or just boring, go ahead and skip it, it really adds nothing to the message of the book.

Now, at this point, fifteen years later, there’s little to be gained in adding yet another review; so with the book taken as read, I’d like to take a look at that message and try to place it in relation to some other, rather grander works.

First off, the book has an odd structure that only becomes apparent with the Epilogue. “Despite the essentially elaborate scope of the plot revealed in the novel’s conclusion (i.e. the eventual emergence of cloning as a replacement for the sexual reproduction of the human race) . . .”[17] It’s not entirely mind-shattering, but if, like Ulysses, you’ve been told it’s just a book about sex, you might wonder what the point is. Even the New Yorker reviewer found himself frustrated by what he called “editorials” cropping up throughout the text, which he felt were Houellebecq putting in his two cents.[18]

 

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Actually, they are another feature of, and clue to, the structure and intent of the book. Certainly other odd features, such as the long poem that opens the book, become clearer at this point. What you have here is another one of those “future histories” that I’ve been reviewing here recently; [19] a biography, from the near future (apparently around 2030) of the main protagonist, the geneticist Michel, and the effects of his work in our near future (actually, now right about today).

In particular, though, it reminded me of a far older, and much more substantial one than those. Then it finally hit me: Hermann Hesse’s The Glass Bead Game [4].[20]

Hesse’s novel takes place around 2500 and presents itself as a biography of a recently deceased and rather controversial Game Master, one Joseph Knecht. To orient the reader (both fictional and real) to both the Game and the history out of which it emerged (which is our own, of course) it opens with a long section presenting “A General Introduction” to the Game’s history “For the Layman.”[21] It ends with a supposed selection of poems from Knecht’s student days documenting his struggle to assimilate the game, and to allow himself to be assimilated by it.

The Game, we learn, arose out of the ruins of The Century of Wars, which was, not coincidentally, the “Age of the Feuilleton,” symbol of journalistic and scholarly frivolity.[22] At the last moment, Europe pulled back from the brink, and initiated a movement dedicated to Truth rather than Interest, to Platonically purify and uplift society by purifying the arts and sciences of fraud, triviality, and irrelevance; above all, by demonstrating their unity and interconnection.

Fortunately, the same Zeitgeist was expressing itself by the slow development of The Game; conveniently indescribable, it seems to be a system, akin to music or mathematics,[23] by which the content of any science can be stated, developed, and, most importantly, interwoven with any other, in a kind of scientific or cultural or spiritual counterpoint. The result is a spiritual exercise, akin to meditation but often performed publicly and ceremonially, “an act of mental synthesis through which the spiritual values of all ages are seen as simultaneously present and vitally alive.” The celibate scholars of the province of Castalia are the secular monks of this new quasi-religious order that orders society as Catholicism did mediaeval Europe.

While there is a certain intellectual thrill in contemplating this picture (perhaps a clue as to whether the reader would be a suitable candidate for the Order) the dramatic heart of the work is the Bildungsroman in the center, in which Joseph Knecht is initiated into the game and the Order, rises to the very highest position, only to abdicate and return to the world when he begins to sense that the Game itself has become arrogant, sterile, and alien to human society, which may someday decide they no longer need to support it; and as Marx would say, the same shit would start all over again.

What does this have to do with The Elementary Particles? Houellebecq has essentially inverted Hesse’s novel, both structurally and thematically.

Structurally, he has placed at the beginning an unattributed poem that strikes the same themes as Hesse’s work, resembling one of Knecht’s final poems of contentment with the Game, “Stages.”

We live today under a new world order
The web which weaves together all things envelops our bodies
Bathes our limbs,
In a halo of joy.
A state to which men of old sometimes acceded through music
Greets us each morning as a commonplace.
What men considered a dream, perfect but remote,
We take for granted as the simplest of things.
But we are not contemptuous of these men,
We know how much we owe to their dreaming,
We know that without the web of suffering and joy which was their history, we would be nothing.

Now, rather than Hesse’s long, clear, conveniently labeled Introduction to the Game and our history we have the unexpected and puzzling epilogue, which details Michel’s self-exile to Ireland (land of monks where “most of them around here are Catholics”) and his breakthrough in genetics that results in the replacement of sexual reproduction with perfect, immortal clones. The bulk of the novel shows us the modern, secular society that Michel comes to doubt and reject.

Genetics, of course, easily lends itself to metaphors of weaving, but Michel’s breakthrough, which somehow bases itself on quantum mechanics, seems especially Game-like: “Any genetic code, however complex, could be noted in a standard, structurally stable form, isolated form disturbances and mutation . . . every animal species could be transformed into a similar species . . .”

Moreover, the description of his thought processes and inspirations constantly recur to similar tropes; he takes inspiration from the Book of Kells and writes works like “Meditations on Interveaving” — “Separation is another word for evil; it is also another word for deceit. All that exists is a magnificent interweaving, vast and reciprocal.” — while a his protégé’s article “Michel Djerzinki and the Copenhagen Interpretation” is in fact a “long meditation on a quotation from Parmenides” while another attempts “a curious synthesis of the Vienna Circle and the religious positivism of Comte.”

Meanwhile, the popularizing of Michel’s ideas adds to the popular ferment. We live in “the age of materialism (defined as the centuries between the decline of medieval Christianity and the publication of Djerzinki’s work)” whose “confused and arbitrary” ideas have led to a 20th century “characterized by progressive decline and disintegration.” But now, “There had been an acceptance of the idea that a fundamental shift was indispensable if society was to survive – a shift which would credibly restore a sense of community, of permanence and of the sacred.”

The key to this is “the global ridicule in which the works of Foucault, Lacan, Derrida and Deleuze had suddenly foundered, after decades of inane reverence,” which “heaped contempt on all those intellectuals active in the ‘human sciences.’” Now “they believed only in science; science was to them the arbiter of unique, irrefutable truth.”

What we have, then, is in effect a re-write of Hesse’s novel, but now centered on the (in Hesse’s work, anonymous by choice[24]) inventor of the Game, rather than his later descendant; the celibate monks of Castalia, selected in childhood and separated forever from their mundane families, have now been generalized to the entire population of the Earth: “Having broken the filial chain that linked us to humanity, we live on. We have succeeded in overcoming the forces of egotism, cruelty and anger which they [us!] could not.”[25]

While it’s pretty cool and all, one can’t help but think, especially if one has already read Hesse’s novel, that Houellebecq has simply passed the buck. Remember that whole middle section about Joseph Knecht? Hesse had played around with the idea of a utopian society devoted to intellectual contemplation for years; who hasn’t, from Leibniz all the way back to Plato? And he, like Plato, had seen, living through the Century of Wars himself, that it was the only hope for mankind, or at least for culture.

The problem was, however, less one of how to do it — Step One, invent cloning — than Step Two, how would it work; or rather, how would it be maintained? Houellebecq’s narrator speaks with the same placid self-satisfaction as the narrator of Hesse’s introduction: “Science and art are still a part of our society; but without the stimulus of personal vanity, the pursuit of Truth and Beauty has taken on a less urgent aspect.” Indeed. What Joseph Knecht realizes is that dealing with the “less urgent aspect” (his scholars can, if they choose, while away whole careers freely pursuing research so inane that even our Federally-funded researchers would be embarrassed) may be the key to avoiding sterility (admitted, not a problem perhaps with cloning) and self-defeating social irrelevance.

Simultaneously and synchronistically, while Hesse was writing away in Switzerland Thomas Mann was comfortably ensconced in LA, writing his own very similar book, Doctor Faustus : The Life of the German Composer Adrian Leverkuhn As Told by a Friend [5].[26] Given its resemblances to Hesse’s novel, it’s not surprising to find similarities to Houellebecq’s. Mann’s narrator is contemporary with us, not a few decades in advance, but also writing about our own (then) recent times — Germany from Bismarck to Hitler. His subject, Adrian Leverkuhn is, like Houellebecq’s Bruno, an artist, though also, like Michel, a whiz at mathematics, at least of the cabalistic kind (thus relating him to Hesse’s Castalians). Like Bruno, he is sexually twisted, though in a Wilhemine German way — like Nietzsche, he has sexual contact once, with a prostitute, in order to deliberately infect himself, like Nietzsche, with syphilis. Like both Bruno and Michel, his one, last object of love, his nephew, is torn away from him through an agonizing, grotesque death.

But most significantly, after that last catastrophe, he conceived his ultimate work, before sinking, again like Nietzsche and Bruno, into madness — The Lamentations of Dr. Faustus, an blasphemous atonal work by which he intends “to take back the Ninth.” I think Houellebecq’s novel can be seen as performing a similar function — taking back The Glass Bead Game, or at least its dramatic sections, where the personal and historical conflicts are lived through and at least somewhat resolved; instead settling comfortably in with the rather pompous narrator of the Introduction, refusing to face the task of working out the problems of the interactions of the human particles and simply saying, “Oh, sure, the modern world sure sucks so let’s just let Science clone us and be done with it!”

Notes

[1] “One Night In Bangkok,” from Chess [6] by Tim Rice and Benny Andersson

[2] Michel Houellebecq, H. P. Lovecraft: Against the World, Against Life [7] (McSweeney’s, Believer Books, 2005).

[3] Now republished in the collection The Eldritch Evola … & Others (Counter Currents, 2014).

[4] Although not, like Thomas Ligotti, the same city of birth, college and first job.

[5] His narrator from the future laconically notes that “Foucault, Lacan, Derrida, and Deleuze” have fallen into “global ridicule” and “suddenly foundered, after decades of inane reverence.”

[6] “Confused extremes: Platform, Michel Houellebecq’s follow-up to Atomised [aka The Elementary Particles]” by Anna Lynskey, here [8].

[7] 1961; first English translation (by Joscelyn Godwin and Constance Fontana) published by Inner Traditions in 2003. See especially “Part Two: In the World Where God is Dead.”

[8] The title of the UK edition of the book.

[9] “Death Dreams” by Rob Horning, here [9].

[10] Of course, some on the Right would be fine with that: “Ben Jeffery makes a comment on this, saying: ‘It is not that Houellebecq is a reactionary writer exactly. For example, it is never suggested that religious faith is the solution to his character’s dilemmas; the books are all resolutely atheist.’ But I guess Jeffery has never heard of the likes of Mencius Moldbug [10], neoreactionary atheist….” “Ben Jeffery’s Anti-Matter: Michel Houellebeq and Depressive Realism” by Craig Hickman; May 19, 2013, here [11].

[11] Suzie Mackenzie, Interview with Michel Houellebecq, The Guardian. August 31, 2002.

[12] “I don’t begin by wanting to be provocative exactly, no. But when I realize that what I say is provoking, I don’t change it because of obstinacy. It’s up to me. Nobody asked me to say it again.” — The Guardian. August 31, 2002.

[13] No, really [12].

[14] “Yet Houellebecq possesses one quality in which the Left Bank existentialists of the ’40s and ’50s were notably lacking, namely, humor. Houellebecq’s fiction is horribly funny. Often the joke is achieved by a po-faced conjunction of the grandiloquent and the thumpingly mundane.” – “Futile Attraction: Michel Houellebecq’s Lovecraft” by John Banville, Bookforum (April/May 2005), here [13].

[15]  Henry: You’re just funny, y’know, the story. It’s funny. You’re a funny guy.

Tommy: Whattya mean? The way I talk? What?

Henry: It’s just, y’know, it’s just funny, you know the way you tell the story and everything . . .

Tommy: Funny how? I mean, what’s funny about it?

Anthony (Frank Adonis): (worried) Tommy, no, you got it all wrong . . .

Tommy: Whoa, whoa Anthony! He’s a big boy, he knows what he said. What’d you say? Funny how? What?

Henry: Just you know you’re funny.

Tommy: You mean, let me understand this . . .  cuz I . . . maybe it’s me, maybe I’m a little fucked up maybe. I’m funny how, I mean funny, like I’m a clown? I amuse you. I make you laugh? I’m here to fuckin’ amuse you? Whattya you mean funny? Funny how? How am I funny?

Henry: I don’t know just . . . you know how you tell the story. What?

Tommy: No, no I don’t know. You said it. How do I know? You said I’m funny. (yelling now) How the fuck am I funny? What the fuck is so funny about me? Tell me. Tell me what’s funny?

[16] “Now the wife and I are going to have the sex.” — MST3k, Experiment #0612 — The Starfighters.

[17] Wikipedia, here [14].

[18] “Paris Journal: Noel Contendere: A political impasse gives way to a literary scandal” by Adam Gopnick; Dec. 28, 1998 & Jan. 4, 1999, p61.

[20] Das Glasperlenspiel, 1943; English as Magister Ludi (1949) and The Glass Bead Game (1969).

[21] If you have a kindle, you can download the whole Introduction as a “sample” from Amazon.

[22] Imagine American Idol, although Hesse couldn’t think of anything more degrading than crossword puzzles and popularizing literary biographies.

[23] Music, of course, properly understood, is mathematics. For this, and the Traditional doctrine by which musical systems are methods of creation rather than arbitrary systems of pleasant noise, see the material presented in my essay “Our Wagner, Only Better: Harry Partch, The Wild Boy of American Music” in The Eldritch Evola . . . & Others.

[24] See Guénon’s The Reign of Quantity, Chapter 9, “The Twofold Significance of Anonymity.”

[25] “Our people have forgotten, they have been made to forget. For centuries. But I have learned how it once was. Families. Brothers and sisters. There was happiness . . . there was love.” — Teenagers from Outer Space (1959).

[26] Theodore Ziolkowski explores the remarkable parallels in his “Foreword” to the 1969 translation.

 


Article printed from Counter-Currents Publishing: http://www.counter-currents.com

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[1] Image: http://www.counter-currents.com/wp-content/uploads/2014/06/ElementaryParticles.jpg

[2] The Elementary Particles: http://www.amazon.com/gp/product/0375727019/ref=as_li_tl?ie=UTF8&camp=1789&creative=390957&creativeASIN=0375727019&linkCode=as2&tag=countecurrenp-20

[3] Image: http://www.counter-currents.com/wp-content/uploads/2014/06/michel_houellebecq.jpg

[4] The Glass Bead Game: http://www.amazon.com/gp/product/0312278497/ref=as_li_tl?ie=UTF8&camp=1789&creative=390957&creativeASIN=0312278497&linkCode=as2&tag=countecurrenp-20

[5] Doctor Faustus : The Life of the German Composer Adrian Leverkuhn As Told by a Friend: http://www.amazon.com/gp/product/0375701168/ref=as_li_tl?ie=UTF8&camp=1789&creative=390957&creativeASIN=0375701168&linkCode=as2&tag=countecurrenp-20

[6] Chess: http://en.wikipedia.org/wiki/Chess_%28musical%29

[7] H. P. Lovecraft: Against the World, Against Life: http://www.amazon.com/gp/product/1932416188?ie=UTF8&tag=countecurrenp-20&linkCode=as2&camp=1789&creative=390957&creativeASIN=1932416188

[8] here: http://www.oxonianreview.org/issues/1-2/1-2-5.htm

[9] here: http://thenewinquiry.com/essays/death-dreams/

[10] Mencius Moldbug: http://unqualified-reservations.blogspot.com/

[11] here: http://darkecologies.com/2013/05/19/ben-jefferys-anti-matter-michel-houellebeq-and-depressive-realism/

[12] really: https://www.google.com/search?q=houllebecq&ie=utf-8&oe=utf-8&aq=t&rls=org.mozilla:en-US:official&client=firefox-a&channel=sb#channel=sb&q=houllebecq+camus&rls=org.mozilla:en-US:official&safe=off

[13] here: http://www.bookforum.com/archive/apr_05/banville.html

[14] here: http://en.wikipedia.org/wiki/Atomised#Plot_summary

[15] Jeff Frankas’s De-World: http://www.counter-currents.com/2014/05/jeff-frankas-de-world/

[16] Ann Sterzinger’s The Talkative Corpse: http://www.counter-currents.com/2014/04/the-talkative-corpse-a-love-letter/

vendredi, 13 juin 2014

The Anti-Modernism of G. K. Chesterton

Neither Progressive nor Conservative: The Anti-Modernism of G. K. Chesterton

By Keith Preston

AlternativeRight.Com & http://attackthesystem.com

 
 
Gilbert Keith Chesterton (1874-1936) bears the distinction of being a writer who resisted virtually all of the dominant trends of his era. He lived during the late nineteenth and early twentieth century, precisely the time that modernity was fully consolidating itself within Western civilization more than a century after the apex of the Enlightenment and the French Revolution. Chesterton began his writing career as a young man and as the twentieth century was just beginning. As much as any other writer from his era, he predicted the horrors that century would entail.
 
A man of many talents and interests, Chesterton was a playwright, novelist, lecturer, journalist, poet, critic of literature and art, philosopher, and theologian. His work in many of these areas stands out as being among the very best of the era and continues to offer immense insight even in the present day. Among Chesterton’s circle of friends and intellectual sparring partners were such luminaries as H. G. Wells, Bertrand Russell, and George Bernard Shaw. His relationships with these men are themselves highly significant as each of them were among the leading “progressive” intellectuals of the era and fully committed to the modernist values of rationalism, secularism, and socialism. As these were all systems of thought that Chesterton adamantly opposed, it is striking that he could also count some of these figures as friends and engage them in amiable debate. It was during an era when the old liberal values of rational discourse and gentlemanly civility still prevailed, even among those who in many ways held polar opposite world views. It was before the time of the radical political polarization of modern intellectual life that began with the growth of the totalitarian movements of the early to middle twentieth century. The friendly exchanges between Chesterton and Shaw, for instance, even on topics of intense disagreement in many ways serve as a refreshing contrast to the rhetorical brutality that dominates much of today’s public discourse.

The dramatic changes that had occurred in Western society over the course of the nineteenth century had dramatically impacted the thinking of its leading intellects. The growth of industrial civilization has raised the general standards of living to levels that were hitherto not even dreamed of, and the rising incomes of the traditionally exploited industrial working class were finally allowing even the proletariat to share in at least some middle class comforts. The rise of new political ideologies such as liberalism and democracy had imparted to ordinary people political and legal rights that were previously reserved only for the nobility. Health standards also increased significantly as industrial civilization expanded and life expectancy began to grow longer. Scientific discovery and technological innovation exploded during the same era and human beings began to marvel at what they had accomplished and might be able to accomplish in the future. Religion-driven superstitions had begun to wane and the religious persecutions of the past had dwindled to near non-existence. Societies became ever more complex and out of this complexity came the need for an ever expanding class of specialists and more scientific approaches to social management. While only a hundred years had passed between the world as it was in 1800 and the world of 1900, the changes that had occurred in the previous century were so profound that the time difference might as well have been thousands of years.

The profundity of this civilization-wide change inspired the leading thinkers of the era to tremendous confidence and optimism regarding the future and human capabilities. If one surveys the literature of utopian writers of the era one immediately observes that many of these authors expressed a confidence in the future that now seems as quaint as it is absurd. The horrors of the twentieth century, with its genocides, total wars, atomic weaponry, and unprecedented levels of tyranny would subsequently shatter the naïve idealism of many who had previously viewed the advent of that century with great hopes that often approached the fantastic. The early twentieth century was a time of joyous naivete. Bertrand Russell would later insist that no one who was born after the beginning of the Great War which broke out in 1914 would ever know what it was like to be truly happy.

“Pick a star, any star” – the retro-futuristic optimism of the past

But G. K. Chesterton, while far from being a cynical or overly pessimistic figure, was not one who shared in this optimism. Indeed, he was one who understood the potential horrors that could be unleashed by the new society and new modes of thought as clearly as any other. To Chesterton, the progressives of his time were over confident to the point of arrogance and failed to recognize the dangers that might befall mankind as humanity boldly forged its way into the future. Perhaps one of Chesterton’s most prescient works of social criticism is Eugenics and Other Evils, published in 1917. [1] At the time the eugenics movement that was largely traceable to the thought of Darwin’s cousin, Francis Galton, had become a popular one in the world’s most advanced nations such as England, America, and Germany. It was a movement that in its day was regarded as progressive, enlightened and as applying scientific principles to the betterment of human society and even the human species itself. Its supporters included many leading thinkers and public figures of the era including Winston Churchill, Sidney and Beatrice Webb, John Maynard Keynes, Anthony Ludovici, Madison Grant, and Chesterton’s friends Wells and Shaw. Yet Chesterton was one of the earliest critics of the eugenics movement and regarded it as representing dangerous presumptions on the part of its proponents that would likely lead to horrific abuses of liberty and violations of the individual person which it eventually did.

One of Chesterton’s most persistent targets was the growing secularism of his era, a trend which continues to the present time. That Chesterton was a man of profound faith even as religion was being dwarfed by science among thinking and educated people during his time solidifies Chesterton’s role as a true intellectual maverick. It is this aspect of Chesterton’s thought that as much as anything else continues to win him the admiration of those who remain believers even during the twenty-first century. Chesterton was always a man of spiritual interests and even as a young man toyed with occultism and ouija boards. The development of his spiritual thinking later led him to regard himself and an “orthodox” Christian and Chesterton formally converted to Catholicism in 1922 at the age of forty-six. His admirer C. S. Lewis considered Chesterton’s writings on Christian subjects to be among the very best works in Christian apologetics.

In the intellectual climate of the early twenty-first century, religious thinking has fallen into even greater disrepute than it possessed in the early twentieth century. In relatively recent times, popular culture has produced a number of writers whose open contempt for religious believers has earned them a great deal of prominence. While intelligent believers who can offer thoughtful defenses of their views certainly still exist, it is also that case that religious belief or practice is at its lowest point yet in terms of popular enthusiasm in the Western world. Less than five percent of the British population attends religious services regularly and even in the United States, with its comparatively large population of religious fundamentalists, secularism has become the fastest growing religious perspective. Chesterton would no doubt be regarded as a rather anachronistic figure in such a cultural climate.

Abandoned church

The contemporary liberal and left-wing stereotype of a religious believer is that of an ignorant or narrow-minded bigot who is incapable of flexibility in his thinking and reacts with intolerance to those holding different points of view. Certainly, there are plenty of religious people who fit such stereotypes just as overly rigid and dogmatic persons can be found among adherents of any system of thought. Yet, a survey of both Chesterton’s writings on religion and his correspondence with friends of a secular persuasion indicates that Chesterton was the polar opposite of a bigoted, intolerant, religious fanatic. In his Christian apologetic work Orthodoxy, Chesterton wrote,

“To hope for all souls is imperative, and it is quite tenable that their salvation is inevitable…In Christian morals, in short, it is wicked to call a man ‘damned’: but it is strictly religious and philosophic to call him damnable.” 

Of his friend Shaw, he said, “In a sweeter and more solid civilization he would have been a great saint.”

In his latter years when he knew he was dying, H. G. Wells wrote to Chesterton, “If after all my Atheology turns out wrong and your Theology right I feel I shall always be able to pass into Heaven (if I want to) as a friend of G.K.C.’s. Bless you.” Chesterton wrote in response:

“If I turn out to be right, you will triumph, not by being a friend of mine, but by being a friend of Man, by having done a thousand things for men like me in every way from imagination to criticism. The thought of the vast variety of that work, and how it ranges from towering visions to tiny pricks of humor, overwhelmed me suddenly in retrospect; and I felt we have none of us ever said enough…Yours always, G. K. Chesterton.” [2]

It was also during Chesterton’s era that the classical socialist movement was initially starting to become powerful through the trade unions and labor parties and virtually all leading intellectuals of the era professed fidelity to the ideals of socialism. Yet just as Chesterton was a prescient critic of eugenics, he likewise offered an equally prescient critique of the totalitarian implications of state socialism. Because of this, he was often labeled a reactionary or conservative apologist for the plutocratic overlords of industrial capitalism by the Marxists of his era. But Chesterton was no friend of those who would exploit the poor and workings classes and was in fact a staunch critic of the industrial system as it was in the England of his era. “Who except a devil from Hell ever defended it?” he was alleged to have said when asked about capitalism as it was practiced in his day. [3]

Indeed, Chesterton’s criticisms of both industrial capitalism and state socialism led to the development of one of the most well-known and interesting aspects of his thought, the unique economic philosophy of distributism. Along with his dear friend and fellow Catholic traditionalist Hilaire Belloc (Shaw coined the term “Chesterbelloc” to describe the pair as inseparable as they were), Chesterton suggested the creation of an economic system where productive property would be spread to as many owners of capital as possible thereby producing many “small capitalists” rather than having capital concentrated into the hands of a few plutocrats, trusts, or the state itself.

The prevailing trends of the twentieth century were towards ever greater concentrations of power in large scale, pyramid-like institutions and ever expanding bureaucratic profligacy. Chesterton’s and Belloc’s economic ideas were frequently dismissed as quaint and archaic. However, technological developments in the cyber age have once again opened the door for exciting new possibilities concerning the prospects for the decentralization of economic life. Far from being anachronistic reactionaries, perhaps Chesterton and his friend Belloc were instead futuristic visionaries far ahead of their time.

It is clear enough that Chesterton was in many ways a model for what a public intellectual should be. He was a fiercely and genuinely independent thinker and one who stuck to his convictions with courage. Chesterton never hesitated to buck the prevailing trends of his day and was not concerned about earning the opprobrium of the chattering classes by doing so. He was above all a man of character, committed to intellectual integrity, sincere in his convictions, tolerant in his religious faith, and charitable in his relations with others. In his intellectual life, he wisely and quixotically criticized the worst excesses of the intellectual culture of his time. The twentieth century might have been a happier time if the counsel of G. K. Chesterton had been heeded.

NOTES:

[1] Chesterton, Gilbert Keith. Eugenics and Other Evils. Reprinted by CreateSpace Independent Publishing Platform; 1st edition (November 20, 2012). Originally published in 1917.

[2] Babinski, Edward T. Chesterton and Univeralism. Archived at http://www.tentmaker.org/biographies/chesterton.htm. Accessed on March 12, 2013.

[3] Friedman, David D. G. K. Chesterton-An Author Review, The Machinery of Freedom: Guide to Radical Capitalism. Second Edition. Archived at http://daviddfriedman.com/The_Machinery_of_Freedom_.pdf. Accessed on March 12, 2013.

Originally published in Chesterton: Thoughts & Perspectives, Volume Thirteen (edited by Troy Southgate) published by Black Front Press.

lundi, 09 juin 2014

A Leveling Wind:Reading Camus’ The Stranger

A Leveling Wind:
Reading Camus’ The Stranger

By Greg Johnson

Ex: http://www.counter-currents.com

camus.jpgAlbert Camus’ The Stranger [2] had a powerful effect on me when I first read it at the age of 18. Recently I had cause to pick it up again when I re-read Bill Hopkins’ The Leap! (a.k.a. The Divine and the Decay [3]) with the aim of writing an essay on it, and Hopkins’ manner of constructing a plot out of seemingly trivial, tedious, and disconnected events that suddenly come together in an emotionally shattering climax — a climax that seems utterly surprising yet in hindsight utterly inevitable — brought to mind The Stranger

The Stranger is a literary presentation of atheistic existentialism as incarnated by Camus’ anti-hero Patrice Meursault, a Frenchman in Algiers who, through a chain of absurd contingencies, impulsively kills an Arab, yet is successfully portrayed as a depraved, cold-blooded killer who must be sentenced to death for the protection of society.

Yet the real danger Meursault poses is not to the lives of his fellow citizens, but to their worldview. He is an outsider (another translation of the French title L’Etranger). Meursault does not think and feel as other people do. He is an intelligent man denied higher education by poverty. He bases his beliefs on his own experiences, not on what other people believe. He does not believe in God or Providence or Progress.

Meursault sees life as a series of contingencies without an overall meaning or purpose, whereas his fellow men insist on seeing patterns of significance that simply do not exist, whether they be divine Providence, premeditated criminality, or the expressions of a depraved character. Thus, after a darkly comic trial, he is sentenced to die for what is essentially an act of manslaughter simply because he does not believe in God and did not cry at his mother’s funeral, which signify depravity to judge and jury alike.

There really is something unsettling about Meursault. Is he a sociopath, as the prosecutor claims? The answer is no. He does not lack feeling for his mother, for his elderly neighbor and his mangy dog, or for his mistress Marie. But he is emotionally distant and undemonstrative. I imagine him as a taciturn Nordic — a strong, silent type — who does not easily show or speak about his feelings. Indeed, he is not sure what certain words like “love” even mean. This does not mean he is incapable of love, but merely that he is loath to use words loosely.

Meursault’s characteristic idleness, benign indifference, and lack of ambition strike one as depressive. He turns down a promotion and a transfer to Paris because he is content where he is. On weekends, he lounges around smoking until noon, then whiles away the afternoon and evening watching the street. When he is in jail, he sleeps 16 hours a day.

But Meursault is not an unhappy man. He is never bored. The secret to his happiness lies in his ability to live in the present. Since he does not employ concepts he does not understand, he experiences the world directly, with a minimum of social mediation. He is intelligent, but not over-burdened with reflectiveness. When in jail, he occupies himself by recalling vivid, fine-grained experiences of ordinary things. He is complacent simply because he is easily contented. He is a particular kind of outsider: a naif, a savage — and to all appearances, not a particularly noble one.

Meursault’s naive immersion in the present may be his happiness, but it is also his undoing. He is rendered almost senseless by the oppressive Algerian sun — another reason to picture him as a Nordic rather than a Mediterranean type — particularly on the day of his mother’s funeral and on the day he shot the Arab. In both cases, he reflexively reacts to his environment, because his sun-baked brain is simply not capable of reflective action, of premeditated agency, of raising him out of sensuous immersion in the present. But others interpret his acts as springing from a lack of feeling rather than an excess — from premeditation rather than blind reflex.

Meursault is a kind of existentialist Christ who is martyred because of the threat that his naive authenticity poses to those who live second-hand, conventional lives. But Camus thinks that Meursault’s life is not exemplary until the very end of the book, when he overcomes his naivete and comes to reflectively understand and affirm the life he had previously lived only thoughtlessly.

After Meursault is condemned to die, he files an appeal then awaits either reprieve or execution. In his cell, he falls into a kind of hell built on the hope and desire to escape or master his fate. He lies awake all night because he knows that the executioner comes at dawn, and he does not want to be caught sleeping. Only when he knows that he has another 24 hours, does he allow himself to rest. During his waking hours, he runs through all the possible outcomes, trying to construct consoling arguments even in the face of the worst case scenario.

It is only when Meursault has to endure an exacerbating visit from a priest offering  supernatural solace that he comes to his senses. In a burst of anger, he rejects the false hopes offered by the priest — and his own apparatus of false hopes as well. He realizes that all mankind erect such rationalizations as barriers to evade the certitude of death. We picture death as out there in the future somewhere, at a safe distance. Or we picture ourselves as somehow surviving it. But Meursault realizes that “From the dark horizon of my future a sort of slow, persistent wind had been blowing toward me, my whole life long, from the years that were to come. And in its path, that wind have leveled our all the ideas that people tried to foist on me in the equally unreal years that I was living through.” This wind, of course, is death, and it comes to us all. Or, to be more precisely, it is a possibility that we carry around inside ourselves at all times. It is a possibility that we must face up to.

etrenger.jpgPart of Pascal’s wager is that if we believe in Christianity and turn out to be wrong, we will have lost nothing. Camus disagrees: if we believe in any system of false consolation in the face of death, we will still die, but he will have lost everything — everything real — for we will never have truly lived in the real world around us. Hope for an unreal world deprives us of the real one. So perhaps we should at least try to live without supernatural consolation. But to do that, we must embrace the leveling wind, allowing it to carry away false hopes. We must squarely confront the terrifying contingency and finitude of life. We must let go of our fear of death in order to truly live life. For if we cease to fear death, we should be free of all lesser fears as well, which will give us the freedom to make the most of our lives. But this does not merely allow us to accept death, but to love it as a principle of freedom.

This realization brings Meursault peace. He understand why his mother, as she neared her death in an old folks’ home took on a fiance: “With death so near, mother must have felt like someone on the brink of freedom, ready to start life all over again. No one, no more in the world, had any right to weep for her.” And Meursault did not weep, although at the time he did not know the reason why.

Now that Meursault had faced his mortality, he too “felt ready to start life all over again. It was as if that great rush of anger had washed me clean, emptied me of hope . . .” It is the the absence of false hope that allows him to face death and to experience freedom. The priest mentions that he is certain that Meursault’s appeal will be granted, but at this point, it does not matter, because whether his death comes sooner or later, Meursault has embraced his death as a potentiality he carries at all time.

He continues: “. . . gazing up at the dark sky spangled with its signs and stars, for the first time, the first, I laid my heart open to the benign indifference of the universe. To feel it so like myself, indeed, so brotherly, made me realize I’d been happy, and that I was happy still.” Meursault had always lived his life as if the universe were benignly indifferent, i.e., there is no cosmic plan, divine or secular, but merely a play of contingencies. To “lay his heart open” to such a universe means that Meursault is for the first time coming to reflective awareness of the previously unstated presuppositions of his life. And he realizes that his life is good. That he was happy, and that he is happy still.

etranger01.jpgThe Stranger ends with defiant, enigmatic words: “For all to be accomplished, for me to be less lonely, all that remained to hope was that on the day of my execution there should be a huge crowd of spectators and that they should greet me with howls of execration.” Why would Meursault be more lonely if his fellow men did not hate him? Because he has embraced his mortality and recognized his kinship with a Godless, aimless universe. He is no longer a stranger to the real world. Thus his estrangement from the unfree, inauthentic human world that condemned him is complete.

Note: There are several translations of The Stranger [2]. On purely literary grounds, I prefer Stuart Gilbert’s 1946 Knopf translation over more recent efforts.


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[1] Image: http://www.counter-currents.com/wp-content/uploads/2014/06/camus.jpg

[2] The Stranger: http://www.amazon.com/s/?_encoding=UTF8&camp=1789&creative=390957&field-keywords=camus%20the%20stranger&linkCode=ur2&tag=countecurrenp-20&url=search-alias%3Daps&linkId=23VGRUP4OUGOL7ME

[3] The Divine and the Decay: http://www.counter-currents.com/tag/the-divine-and-the-decay/

Céline: plein Nord

Le Quesnoy, Valenciennes, Lille, Hazebrouck… mais aussi le Brandebourg ou le Danemark, autant de points qui jalonnent le parcours des ancêtres de Céline et son propre périple à travers les deux guerres mondiales du 20e siècle.

Le Nord, qu’il évoque souvent dans ses œuvres, que ce soit pour revendiquer ses origines « flamandes » ou pour dire l’aimantation qui l’attire vers cette destination féerique, est, pour Céline, un lieu essentiel, à la fois des origines de la vie et de destination de « l’outre-là ».

Lieu de naissance et lieu d’une mort qui nous ramènerait aux origines d’avant la vie et son horrible réalité, le Nord est aussi le lieu de l’écriture qui, seule, peut accomplir cette boucle fantasmatique.

D’où le fait que Céline donne le titre de Nord à un roman qui une des bornes de cet itinéraire. En quatre articles consacrés aux origines familiales nordistes de Céline, à son séjour, en 1914, à l’hôpital d’Hazebrouck et ses amours avec l’infirmière-chef, à sa mission pour la SDN qui, en 1925, le mène de Lille à Zuydcoote en passant par Douai, et, enfin, à tout ce que signifie le Nord dans l’écriture de Céline, Pierre-Marie Miroux s’attache à le suivre dans ce voyage vers un pôle aimanté que Céline accomplit avec, comme il l’écrit dans sa dernière œuvre, sa « boussole autour du cou » !

dimanche, 08 juin 2014

Ernst Jünger: yo soy la acción

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por José Luis Ontiveros

Ex: http://culturatransversal.wordpress.com

En torno a la obra del escritor alemán Ernst Jünger se ha producido una polémica semejante a la que preocupó a los teólogos españoles en relación con la existencia del alma de los indios. De alguna manera, el hecho de que se le haya discutido en medios intelectuales mundiales con asiduidad, y el que una nueva política literaria tienda a revalorizarlo, le otorga, como lo hizo a los naturales el Papa Paulo III, la posibilidad de una lectura conversa; ya no traumatizada por su historia maldita, absolutoria de su derecho a la diferencia, y exoneradora de un pasado marcado por la gloria y la inmundicia.

La polémica sobre Jünger que en medio de lamentaciones previsorias sobre su “ceguera histórica” ha reconocido la posibilidad de que también poseía un alma personal, se ha mantenido, sin embargo, en los límites del conocimiento de su obra.

Pareciera que profundizar en Jünger puede indicar de alguna manera una proclividad secreta, una oscura complicidad con este peligroso ”junker”, intelectual orgánico de los desarraigados, al que se suele evocar como el cazador y animal de presa, que en la adolescencia se enrola en la Legión Extranjera francesa, testimonio que deja en Juegos Africanos; se le presenta como situado ”de pronto a la sombra de las espadas” (1), y esta exaltación hecha tipología se presenta como el truco con que se evade el contenido de su obra. Por ello debe partirse de un principio: Jünger sigue siendo el mismo, es un réprobo permanente y resuelto, una conciencia erguida y soberana: “yo siempre he tenido las mismas ideas, sólo que la perspectiva ha cambiado con los años” (2). En Jünger hay una sola línea ascendente, un impulso de creación unívoco que arranca en 1920 con Tempestades de Acero, se afirma en Juegos Africanos, obra intermedia, que precede a En los acantilados de mármol (1939), Heliópolis (1940), y Eumeswil (1977).

Resulta entonces necesario para llegar a Heliópolis y a un acercamiento a su comprensión, hacer referencia a un problema histórico. Jünger en la línea de Saint-Exupéry y de Henry de Montherlant ama la acción como el supremo valor de la vida: no existe una renuncia a las pompas del mal, a los frutos concretos de la acción. Hay, al contrario, a lo largo de su obra, un reflejo centelleante que nace de la negación deliberada de la bondad; un aliento nietzscheano de que ”no encontraremos nada grande que no lleve consigo un gran crimen”. Por ello es que debe ahorrarse la gratuidad de perdonarlo, de ver en Jünger al intelectual víctima de sus demonios. De esta forma si Jünger ha padecido un Núremberg simbólico, la actitud rectora de su creación ha permanecido firme sobre la marejada, sobre los prejuicios políticos y aún sobre la ”conmiseración” que nunca ha necesitado. No hay en su obra, como producto de la derrota de Alemania en la II Guerra Mundial, una disociación de un antes y un después; una versión suavizada del mal, que habría retrocedido de su estado agudo a su estado moderado.

Por ello, si su texto La Guerra, nuestra madre escrito en 1934 ha recorrido una suerte semejante a Bagatelas para una masacre de Louis Ferdinand Céline, en el sentido de que ambos son unánimemente ”condenados” y prácticamente inencontrables a excepción de fragmentos; el joven escritor alemán, que afirmaba que: ” la voluptuosidad de la sangre flota por encima de la guerra como una vela roja sobre una galera sombría” (3), es el mismo que canta el poder de la sangre, treinta y un años después de cieno, fuego y derrota: ”los gigantescos cristales tienen forma de lanzas y cuchillos, como espadas de colores grises y violetas, cuyos filos se han templado en el ardiente soplo de fuego de fraguas cósmicas” (4).

El nuevo intelectual

El viejo ”junker”, ha nacido como hijo de la burguesía industrial tradicional, en Heidelberg, el 29 de marzo de 1895, ha permanecido a sus 93 años de edad como un fiel artesano de sus sueños, un celoso guardián de sus obsesiones, un claro partidario de la acción. Por otra parte, se presenta el problema histórico. Jünger, herido siete veces en la I Guerra Mundial, portador de la Cruz de Hierro de primera clase y de la condecoración “Pour le Mérite” (la más alta del Ejército Alemán); miembro juvenil de los “cascos de acero” y de los ”bolcheviques nacionales”; y ayudante del gobernador militar de París durante la ocupación alemana, es un nuevo intelectual, que rompe con el molde tradicional que tiene de la función intelectual la Ilustración y la cultura burguesa. En cierta medida corresponde a los atributos que describe Gramsci del “nuevo” intelectual: “el modo de ser del nuevo intelectual ya no puede consistir en la elocuencia motora, exterior y momentánea, de los efectos y de las pasiones, sino que el intelectual aparece insertado activamente en la vida práctica, como constructor, organizador, persuasivo permanentemente” (5). En este sentido Jünger va más allá de la “elocuencia motora”, de la relación productiva y mecánica de una condición económica precisa.

Puede decirse entonces que si bien Jünger tiene atributos de “junker” prusiano, teniendo parentesco con la ”casta sacerdotal militar que tiene un monopolio casi total de las funciones directivas organizativas de la sociedad política” (6), esta relación funcional y productiva está rota en el caos, en el nihilismo y la decepción que acompañan a la derrota de Alemania en la I Guerra Mundial. Jünger, que quizá en la época guillermina del orgulloso II Reich, hubiera podido reproducir las características de su clase, se encuentra libre de todo orden social como un intelectual del desarraigo, de la tribu de los nómadas en el poderoso grupo disperso de los solitarios que han luchado en las trincheras.

Detengámonos en el análisis de este estado espiritual y de esta circunstancia histórica, cuya trascendencia se manifiesta en toda su narrativa, especialmente en el carácter unitario de su obra y en su posición ideológica, lo que a su vez nos permitirá comprender la clave de una de sus novelas más significativas del período de la última postguerra: Heliópolis, cuyos nervios se hallan ya entre el tumulto que sobrecoge al joven Jünger, como un brillante fruto de la acción interna que sujetará su espíritu.

Así podremos apreciar cabalmente a este autor central de la literatura alemana del siglo XX, para determinar cuál es el rostro que se ha cincelado, en la multiplicidad de espectros que lo reflejan con caras distintas. ¿Acaso es Jünger, como quiere Erich Kahler, al que “incumbe la mayor responsabilidad por haber preparado a la juventud alemana para el estado nazi, aunque él mismo nunca haya profesado el nazismo?” (7). ¿Se trata del escéptico autor de la ”dystopía” o utopía congelada que se expresa en su relato Eumeswil? ¿Quién es entonces este contardictorio anarquista autoritario?

La trilogía del desarraigo

Podemos intentar responder con un juego de conceptos en los que se articulase su radiografía espiritual, con su naturaleza compleja y una historia convulsionada y devoradora. Esta visión nos dará un Jünger revelado en una trilogía: se trata del demiurgo del mito de la sangre, del cantor del complejo de inferioridad nihilista de la cultura alemana, del emisario del dominio del hombre faústico y guerrero. Sólo así podremos entender cómo Jünger pudo dirigir desde “fuera de sí” un pelotón de fusilamiento, certificar la estética del dolor con una “segunda conciencia más fría” o experimentar los viajes místicos del LSD o de la mezcalina. Requerimos verlo en su dimensión auténtica: la del “condottiero” que huye hacia delante en un mundo ruinoso.

Memorias de un condottiero

Ernst%20Junger%202.jpgLa aventura de Jünger cobra el símbolo de una organicidad rotunda enla relación social del intelectual con la producción de una clase concreta; se trata fundamentalmente de una personalidad que de alguna manera expresa Drieu la Rochelle: ”(es) el hombre de mano comunista, el hombre de las ciudades, neurasténico, excitado por el ejemplo de los fascios italianos, así como por el de los mercenarios de las guerras chinas, de los soldados de la Legión Extranjera” (8). Se verdadera patria son las llamas, la tensión del combate, la experiencia de la guerra. Su conformación íntima se encuentra manifestada en otro de aquellos que vivieron ”la encarnación de una civilización en sus últimas etapas de decadencia y disolución”, así dice Ernst Von Salomon en Los proscritos: ”sufríamos al sentir que en medio del torbellino y pese a todos los acontecimientos, las fatalidades, la verdad y la realidad siempre estaban ausentes” (9). Es este el territorio en que Jünger preparará la red invisible de su obra, recogiendo las brasas, los escombros, las banderas rotas. Cuando todo en Alemania se tambalea: se cimbran los valores humanitarios y cristianos, la burguesía se declara en bancarrota y los espartaquistas establecen la efímera República de Münich, aparecen los elementos vitales de su escritura, que atesorará como una trinchera imbatible heredera del limo, con la llave precisa que abrirá las puertas de la putrefacción a la literatura.

Es la época en que Jünger, interpretando la crisis existencial de una generación que ha pretendido disolver todos sus vínculos con el mundo moribundo, toma conciencia de sí con un poder vital que no quiere tener nada que deber al exterior, que se exige como destino: ”nosotros no queremos lo útil, práctico y agradable sino lo que es necesario y que el destino nos obliga a desear”. Participa entonces en las violentas jornadas de los ”cascos de acero”. Sin embargo, pese a ser un colaborador radical del suplemento Die Standart, ógano de los ”Stahlhelm”, se mantendrá siempre con una altiva distancia del poder. Llegará a compartir páginas incendiarias en la revista Arminius con el por entonces joven doctor en letras y ”bolchevique nacional” Joseph Goebels y con el extraño arquitecto de la Estonia germana, Alfred Rosenberg.

Cuando Jünger escribe en 1939 En los acantilados de mármol (que se ha interpretado como una alegoría contra el orden nacionalsocialista), han pasado los días ácratas en que ”los que volvían de las trincheras, en las que por largos años habían vivido sometidos al fuego y a la muerte, no podían volver a las escuálidas vivencias del comprar y el vender de una sociedad mercantilista” (10). Ahora una parte considerable de los excombatientes se ha sumado a una revolución triunfante, en que la victoria es demasiado tangible. Jünger decide separarse en el momento del éxito. Hay un brillo superlativo, una atmósfera de saciedad, una escalera ideológica para arribar a la prosperidad de un nuevo orden.

En el momento en que Jünger ha decidido replegarse, abandonar el signo de los tiempos, batirse a contracorriente, encuentra, una vez más, la salida frente a la organización del poder en la permanente rebeldía y en la conciencia crítica. Mas esta fuga no es una deserción: hasta el crepúsculo wagneriano sigue vistiendo el uniforme alemán. Su revuelta se manifiesta en la creencia en las ”situaciones privilegiadas”, es decir, en los instantes en que la vida entera cobra sentido mediante un acto definitivo. Resuelve así, en la rápida decisión que impone la guerra, retornar a una selva negra personal con la desnudez irrenunciable de sus cicatrices, aislado del establecimiento y de la estructura del poder.

El color rojo, emblema del ”condottiero”, baño de fuego sobre la bandera de combate se ha vuelto, finalmente, equívoco: ”la sustancia de la revuelta y de los incendios se transformaba con facilidad en púrpura, se exaltaba en ella” (11); Jünger, mirando las olas de la historia restallar sobre los acantilados de mármol, asistiendo al naufragio de la historia alemana, desolado en el retiro de las letras, exalta en la acción la única emergencia que no se descompone, ”el juego soberbio y sangriento que deleita a los dioses”.

El tambor de hojalata

Hemos mencionado que una parte significativa del materail de sueños que forma su novela Heliópolis, se encuentra en el poderoso torrente de la aventura en que Jünger se desenvuelve desde sus años juveniles. En realidad, de sus dos grandes novelas de la última postguerra, quizá Heliópolis sea más profundamente Jüngeriana que Eumeswil en el sentido en que su universo estámás nítidamente plasmado, de que no existe el ”pathos” de una mala conciencia parasitaria, y de que, a diferencia del usufructo de la fácil politización en que la literatura se manipula como una parábola social o histórica , retine un poder metapolítico, esto es, un orbe estético que se explica a sí mismo, que se sustenta como un valor para sí.

No está de más subrayar que, independientemente de la opinión de una gran parte de la crítica sobre En los acantilados de mármol y sobre Eumeswil como un mensaje críptico antihitleriano, la primera, y como una denuncia contra el totalitarismo, la segunda, su interés real sobrepasa la circunstancia política, concediendo que ésta haya sido la intención del autor. Intencionalidad difícil de mantener en un análisis que busque la esencialidad de Jünger, por encima del escándalo y del criterio convencional.

Heliópolis reconquista la tensión narrativa, el libre empleo de una simbología anagógica, el espacio de expresión que se ha purificado de lo inmediato y de las presiones externas del quehacer literario. Ello quizá se explique por razones propiamente literarias y en este caso también históricas. Usamos la palabra ”reconquista” como aquella que designa un esfuerzo que surge de la derrota, que se elava sobre la postración, que recupera el valor existencial de la experiencia.

De alguna manera, y luego de un sordo y pertinaz silenciamiento, el universo de Jünger ha recobrado su sentido original, su autónomo impulso poético. Más allá de la tramposa equivalencia entre sus imágenes y una determinada concepción de la realidad. Si bien ha manifestado ya “que no existe ninguna fortaleza sobre la tierra en cuya piedra fundamental no esté grabada la aniquilación”, trátese de un mito, de un movimiento social o de una organización del poder. Heliópolis encarna la idea de que si los edificios se alzan sobre sus ruinas, ”también el espíritu se eleva por encima de todos los torbellinos, también por encima de la destrucción” (12).

Esta es, entonces, una de las características fundamentales de la novela: el tiempo histórico siguiendo su cauce se ha absorbido. Lo ocurrido (su propia participación en la historia alemana contemporánea) se ha filtrado entre las simas de los heleros como un agua nueva e incontaminada. Su escritura se ha librado del lastre y ha retomado un vuelo límpido, en el que narra la épica y eclipse de La ciudad del Sol, como la crónica del reino de Campanella, más distinta a la construcción intelectual de la utopía. Hallamos en Heliópolis nuevamente al Jünger de siempre, al artista independiente, que ha sepultado con el relámpago de su lenguaje, las bajas nubes sombrías del rapsoda de la eficacia militar y despiadada.

Notas y bibliografía

1.- Michael Tournier, Ernst Jünger Libreta Universitaria nº 58 UNAM, Acatlán, 1984.
2.- Nigel Jones, Una visita a Ernst Jünger, La Gaceta del FCE nº 165.
3.- Roger Caillois, La cuesta de la guerra, Tres fragmentos de la Guerra Nuestra Madre, Ed. FCE breviarios nº 277, México.
4.- Ernst Jünger, Heliópolis, Ed. Seix Barral, Barcelona.
5.- Antonio Gramsci, Los intelectuales y la organización de la cultura, Jaun pablos Edr. México.
6.- Antonio Gramsci. Obra cit.
7.- Erich Kahler, Los alemanes Ed. FCE breviarios nº 165, México.
8.- Pierre Drieu La Rochelle, Notas para comprender el siglo.
9.- Ernst Von Salomon, Los proscritos Ed. L. De Caralt, Barcelona.
10.- Carlos Caballero, Los Fascismos desconocidos, Ed. Huguin.
11.- Ernst Jünger. Obra cit.
12.- Idem.
(Texto publicado en la revista Fundamentos para una Nueva Cultura N° 11, Madrid, 1988.)

vendredi, 30 mai 2014

Remembering Louis-Ferdinand Céline

Remembering Louis-Ferdinand Céline:
May 27, 1894 – July 1, 1961

By Greg Johnson 

celine à Meudon.jpgLouis-Ferdinand Céline was the pen name of French novelist, essayist, and physician Louis-Ferdinand-Auguste Destouches, who was born on this day in 1894. Céline is one of the giants of 20th-century literature. And, like Ezra Pound and so many other great writers of the last century, he was an open and unapologetic racial nationalist. For more on Céline, see the following works on this website: 

The best online resource about Céline is Le Petit Célinien, http://lepetitcelinien.blogspot.com/ [12]


Article printed from Counter-Currents Publishing: http://www.counter-currents.com

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lundi, 26 mai 2014

Jeff Frankas’ De-World

Jeff Frankas’ De-World

By James J. O'Meara

Ex: http://www.counter-currents.com

big_1671Jeff Frankas
De-World
Amazon Kindle, $2.99

“The world today is nothing more than a world built on lies, illusions, and false narratives. The so-called masters of governance and economics feed the masses events based off their own narratives seeking to have them believe whatever it is they want them to believe.”[1]

De-World is Jeff Frankas’s first novel, and it’s self-published. Ordinarily, these would be signals to run for the hills. Like most stereotypes, there’s some solid truth behind that, but it’s my job as your Trusted Reviewer to let you know when exceptions should be made, and this is one of those times.

De-World takes place some years after a mini-sub in the Potomac takes out Washington with a mini-nuke. The reconstruction of the government in Denver gives The Movement their chance to shit-can the moldy old Constitution and let the creepy old America of Hate just die, replaced by a new America of love and equality, whose rules are embodied in a new document, The Sanct. It’s kinda like you woke up to find Amy Goodman is absolute ruler.

The new reality is constantly delivered and promoted by the latest communications technologies, networked or implanted. “People need to hear what they want to hear.” The foolish oldsters who cling to their guns and God and still think elections matter are sneeringly known as “derelicans.” Our boy Geroy is an ambitious Federal Teacher who thinks his new job at De-World, the company that manufactures the new reality and massages the messages into the masses is the next step in his advancing career. But things, as they say, are not what they seem. Truth really is Hate.

Frankas claims to be “a part of the group of emerging New Right authors” and that his book is “an expression of the emerging New Right pop literature style, displaying a unique glimpse into the next America,” but don’t let all that frighten you. There’s no heavy-handed symbolism or didacticism — none at all, in fact — nor does the author have the Answer or a Plan. And the writing makes no attempt to emulate Trollope or some other model from the Good Old Days. These two points — New Right sensibility and New Right style — are connected with the two hurdles a “futuristic” novel must overcome, and Frankas clears both.

First, the language problem. The author has to suggest, with more or less subtlety, that this is, of course, the Future. Languages evolve, slang goes in and out of fashion, and new developments in technology and elsewhere in culture lead to plenty of new vocab. The lazy way is some variation of “space X.”[2] Anthony Burgess is the gold standard here, A Clockwork Orange going almost but not quite too far in its Joycean game, using barbarous adaptations of Russian to suggest a post-Cold War world where the economic and cultural differences have been drowned rather than overcome.[3]

Frankas succeeds by crafting a believable mashup of entertainment jargon, Techno-hip babble, and the frankly infantile. HOM (home online monitor, government issued and controlled, of course) where you can watch “sodies” (although I might have preferred “sods”) of your favorite shows, perhaps augmented by pulse screamers (legal amphetamine) and then polishing off the night with Luciax (prescription lucid dreams). Rivetheads are the new wave of state bureaucrats — “know the rivethead” as Frank Herbert might say, “by his glossy black Mohawk.” The learning curve is a bit steep but not imposingly so, and Frankas has even provided a little YouTube tutorial [3] to get you up to speed.

Other coinages suggest the mentality of the new, post-Hate America. The homeless are now “vagwalkers,” free to roam the walled-off “post-funct zones”; immigrants are “improve settlers”; both types might be qualified as “wayward,” meaning what we might call “criminal.”

de_world_cover3 [4]These words suggest the smarmy, warm and snuggly nature of post-Hate America, which gets us to the second hurdle, constructing a believable development of our current situation. The great problem here is imagining the Left’s tyranny as some kind of “liberal fascism” — i.e., buying right into the Left’s basic mind control device: fascism as the greatest imaginable evil. Neocons and talk radio “conservatives” always fall into this: “jackbooted” Feds, “barbed wire FEMA camps,” “Mussolini would call bailing out GM just his kind of fascism,” etc. Baby Neocon Joshua Goldberg even wrote a whole treatise on the subject — liberals are so evil, they’re nothing but . . . fascists!

Frankas gets it right: the liberal future is endless bureaucracy, endless red tape, and of course endless control. Not Nietzsche’s Superman, however distorted, but his Last Man, seeking nothing but comfort and pleasure, and actually welcoming anyone willing to take charge and make things better.

This is perhaps best illustrated by an early scene that at first might seem a bit unnecessary; getting to an event in Denver, Geroy needs to take a plane. Anyone familiar with post-9/11 hassles can imagine what air travel would be like after Washington is nuked, and that leads to us to a low-key but hilarious airport interrogation at the hands of a barely functionally literate Third World female FSA goon. It perfectly encapsulates the mind-bendingly irritating and banal nature of life in Good America.

This is how Frankas’s New Right — I would prefer to say, alt-Right — sensibility helps him craft a dystopian future that’s more believable than the usual Right-wing fantasies. Now, to get back to New Right style, it’s future oriented pop rather than backward glancing establishment. Style and sensibility come together when this boring, over-controlled future seems to lead out protagonist to space out periodically, represented by interludes in which a kind of computer mini-program or script takes over the narration. I thought this was an interesting reiteration of the “Penny Arcade Peepshow” routines that are interspersed throughout Burrough’s The Wild Boys, serving, I think, the same function — suggesting ways in which the script, as both authors would call it, can be subverted from within, challenging the illusion of Total Control.

If I have any real problem with the book, it is, at the risk of sounding rather PC myself, the lack of female characters. There are really only two, admittedly playing major roles, but definitely coming out of the Emma Peel/Trinity/Agent Scully realm of adolescent fantasy, right down to the preference for wardrobe of the leather, catsuit and high heeled boots variety. Even “in black camo. It makes her a little scruffier, more in command of the task at hand. The rugged pin-up, solution can-do woman on the offensive.”

Not that I have any problem with that myself — like the jackbooted Feds, it’s more evidence that, as Jonathan Bowen has observed, the Right retains its hold on the unconscious — but it seems out of place in the overly maternal world of the Left. If Amy Goodman were President, would the Veep travel around with his own squad of Solid Gold Dancers, as the grotesque Samoan Veep does here?

On the other hand, Geroy is an interesting, though ultimately repulsive, character, rather than the dull ciphers they usually are (hello, Neo?). For one thing, he has an odd sense of fashion and design, that crops up in his thoughts, habitually turning to the question of his re-worked backsplash, or whether visitors find his new prints banal. He knows precisely what kind of chair he’s in at any time.

He’s not so much metro-sexual — Frankas makes his interest in women clear (“I see determination. I see honesty. I see cleavage.”) but rather an interesting mutation resulting from several generations of exposure to DIY design and home improvement cable shows. For Geroy and the other TV-mutated Leftists of our time, it’s all about Me, as he frankly admits over and over.[4] It makes him the ideal candidate for Operation Mirror Image — like Manhunter’s Tooth Fairy, what feeds his fantasy is what he sees reflected in the eyes around him, despite his frequent attacks of scopophobia– which is also his fitting punishment.

It also makes him far more effective as a first person narrator; as he says, “I notice things.” But then, “Everyone notices something. The real art is getting them to notice forever, to stay with it, coming away awestruck with a lasting impression.”

I’d say Frankas has succeeded at that, too, crafting a kind of fusion of Brave New World, Neuromancer, and The Man in the High Castle. He deserves your notice.

Notes

1. “The Great Forest of the Overman: Dismantling the Illusion from Within” by Conor Wrigley at Aristokratia, here [5].

2. Duly noted on MST3k, “Manhunt in Space” : Joel: “Movies like this are always trying to show how futuristic they are by putting the word ‘space’ in front of everything.” For an exhaustive listing of the “Space X” trope, see TVTropes, here [6].

3. Close attention to Kubrick’s film shows he gets it too — the Top Ten chart Alex views (or viddies) lacks the cliché “Space Disco” or “Gas Music from Jupiter” nonsense, instead featuring Mungo Jerry’s recent hit “In the Summertime”; Alex’s droogs turned cops wear “E[lizabeth] R[egina] II” badges. Kubrick clearly intends the film to take place a few years, not decades or centuries, after 1972; though even he likely didn’t think Elizabeth would still be around in 2014.

4. Identifying an approaching thug’s suit as “probably Versace” is so odd that it must link him, I think, to that other post-modern airhead, the protagonist of Showgirls whose name — Nomi, get it? — suggests that there is less to Geroy’s “Me” than he thinks.


Article printed from Counter-Currents Publishing: http://www.counter-currents.com

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[1] Image: http://www.counter-currents.com/wp-content/uploads/2014/05/big_1671.jpg

[2] De-World: http://www.amazon.com/gp/product/B00K5HGM6E/ref=as_li_tl?ie=UTF8&camp=1789&creative=390957&creativeASIN=B00K5HGM6E&linkCode=as2&tag=countecurrenp-20&linkId=DPBDJG5Z546YHHQA

[3] YouTube tutorial: https://www.youtube.com/watch?v=GklQZF562dM

[4] Image: http://www.counter-currents.com/wp-content/uploads/2014/05/de_world_cover3.jpg

[5] here: http://www.aristokratia.info/the-great-forest-of-the-overman.html

[6] here: http://tvtropes.org/pmwiki/pmwiki.php/Main/SpaceX

dimanche, 18 mai 2014

El sueño de Dostoyevsky

por Antonio García Trevijano y Roberto Centeno

Ex: http://paginatransversal.wordpress.com

dostoevsky310.jpgComo es sabido, Tocqueville llegó a predecir que el porvenir del mundo estaría bajo el dominio político de dos grandes potencias, Estados Unidos y Rusia. Desde luego había que ser muy sagaz en asuntos internacionales y un profundo conocedor de las tendencias históricas para profetizar casi siglo y medio antes de que sucediera el condominio del mundo por las dos grandes potencias de la posguerra mundial. Más fácil resulta hoy predecir que el porvenir de Rusia está en Europa y el de Europa en Rusia. Esto quiere decir que, a corto plazo, hablando en términos históricos, el único camino de futuro que se presenta a la encrucijada rusa y a la ruina de la mayor parte de países europeos para mayor gloria de Alemania está en la integración en una magna empresa político-económica europea, que abarque desde Lisboa a Vladivostok.

No se trata ya de imaginar, como Kissinger, que la integración de Rusia en unos Estados Unidos de Europa alcanzaría desde el primer momento la supremacía mundial en todos los terrenos. Pero basta mirar hacia un pasado no demasiado lejano para darse cuenta de que la veleta de la historia, empujada por los templados vientos del progreso, apunta inequívocamente hacia la integración de Rusia en Europa. A propósito de esta idea tan tranquilizadora para el espíritu colectivo como tan necesaria para la paz mundial, es sumamente sugestivo recordar el sueño que tuvo el gran Fyodor Dostoyevsky cuando, medio adormilado ante un hermoso cuadro de Claude Lorraine en el museo de Dresde que refleja “una puesta de sol imposible de expresar en palabras”, concibió la grandiosa misión eslava de Rusia, salvando a Europa de su decadencia.

“El francés no era más que francés, el alemán, alemán; jamás el francés ha hecho tanto daño a Francia, ni el alemán a Alemania, sólo yo en tanto que ruso era entonces, en Europa, el único europeo. No hablo de mí, hablo de todo el pensamiento ruso. Se ha creado entre nosotros, en el curso de los siglos, un tipo superior de civilización desconocido en otras partes que no se encuentra en todo el universo: el sufrir por el mundo. Ese es el tipo ruso de la parte más cultivada del pueblo ruso, pero que contiene en sí mismo el porvenir de Rusia. Tal vez no seamos más de un millar de individuos, tal vez más o tal vez menos. Poco para tantos millones, pero según yo no es poco”. ¿Puede acaso alguien presumir hoy de ser tan europeo como Dostoyevsky o de esas élites rusas que describe?

Alejados en el espacio, cercanos en el espíritu

El sueño de Dostoyevsky no sólo significó un llamamiento a las élites rusas, que hasta ahora ha sido desoído, sino sobre todo una admonición a las minorías culturales europeas que se permitían aires de superioridad sobre el alma eslava. Sin embargo, aquella angustiosa apelación a las elites rusas ha tenido eco especial en España. Si eran pocos los individuos rusos conscientes de este maravilloso destino de su país, menos aún había en los países europeos. Siendo así que los dos pueblos europeos más alejados espacialmente de Rusia, como son España y Portugal, estaban mejor preparados que todo el resto de Europa para comprender el insólito mensaje de Dostoyevsky.

Los dos pueblos de la Península Ibérica tienen algo común con el pueblo ruso. Algo muy profundo que marcó su destino cristiano y su alejamiento de las civilizaciones asiáticas y africanas. Tanto España como Portugal o, hablando con más precisión, los pueblos cristianos de la Península, se negaron a someterse a la esclavitud del islam y lucharon sin descanso para reconquistar de los árabes y de las sucesivas oleadas de pueblos norteafricanos el territorio perdido y así no abandonar el cristianismo. Unamuno es el único pensador español que, advertido de esta singularidad, entró en la contradicción de considerar, por un lado, que África comenzaba en los Pirineos y, por otro, reconocer el paralelismo entre la singularidad española y la rusa: la religión cristiana orientó a España y a Rusia en una misma dirección histórica, adquiriendo su personalidad cultural en una larga lucha contra una cultura africana y otra asiática, respectivamente.

El enemigo declarado de España, amigo de reyes africanos caníbales a cambio de sus diamantes, protector de los asesinos de ETA y máximo exponente del desprecio al alma eslava, el ruin y miserable Valéry Giscard d´Estaing, excluiría expresamente de la Constitución Europea su verdadero origen: sus raíces cristianas, sin las cuales Europa sería ininteligible. Que este canalla, prepotente y corrupto haya redactado la Constitución Europea, imponiendo la multiplicidad del particularismo sobre la unicidad de Europa, a la vez que excluía deliberadamente el espíritu unificador europeo del cristianismo, no tiene perdón de Dios, y creó las bases políticas de la actual carrera centrífuga de la Unión Europea, donde cada uno va a lo suyo salvo España, que va a lo alemán.

Historias paralelas

España y Rusia tienen muchas cosas en común, cosas por las que Europa debería haberse sentido agradecida, pero nada más lejos. Han sido los grandes escudos de Europa, la primera frente al islam y la segunda frente a los mongoles. Durante 500 años –hasta las Navas de Tolosa–, España tuvo que combatir sin descanso a un enemigo fanático, implacable y cruel, cuyo objetivo era la conquista de Europa. En 1212, el objetivo declarado de Muhammad An-Nasir al mando de las fanáticas hordas almohades era llevar sus caballos a abrevar a las fuentes de Roma y crucificar al Papa, algo que sin duda habría hecho de no haber sido literalmente aniquilado en las Navas de Tolosa, una de las batallas más decisivas de la historia.

El 16 de julio de 1212 tres reyes de España, Alfonso VIII de Castilla, Pedro II de Aragón y Sancho VII de Navarra, cabalgaron hacia la victoria o hacia la muerte, cuya vanguardia estaba al mando de Diego López de Haro, señor de Vizcaya. Fue una de las batallas más sangrientas conocidas jamás. Los reyes cristianos no se detuvieron un segundo a repartirse el inmenso botín, sino que persiguieron al enemigo hasta su total exterminio. De los 300.000 guerreros de An-Nasir, apenas sobrevivieron algunos miles. Desde entonces las invasiones árabes y norteafricanas cesarían para siempre. El Reino de Granada, que quedaría aislado y como vasallo de Castilla más de dos siglos, no recibiría ayuda significativa alguna cuando fue finalmente reconquistado por los Reyes Católicos.

En el otro lado de Europa, los mongoles invadieron Rusia en 1223 y derrotaron a los príncipes rusos en la batalla del río Kalka, una batalla que permanece desde entonces en la memoria del pueblo ruso como para nosotros la fatídica del río Guadalete. En los años siguientes los mongoles aniquilaron a más del 90% de la población, llamando a los territorios conquistados la ‘Horda de Oro’. Kiev jamás se recuperaría de esta devastación, pero en los siglos siguientes Moscú tomaría el relevo, luchando sin descanso contra los mongoles, que son derrotados definitivamente en la gran batalla del río Ugra en 1480, las ‘Navas de Tolosa rusas’, y rechazados después hasta más allá de los Urales. Casi simultáneamente, entre 1480 y 1492, los invasores musulmanes y mongoles habían sido expulsados definitivamente. Gracias a Rusia y España, que construyeron a partir de entonces sendos imperios, Europa se había salvado,pero ni agradecido ni pagado.

Son lamentables los acontecimientos de Ucrania, donde la rapiña una vez más de los saqueadores alemanes y franceses, en connivencia con los corruptos gobernantes ucranianos, han llevado a un enfrentamiento grotesco entre la Unión Europea y la Federación Rusa, ya que es del interés de los pueblos de Europa y de la Federación Rusa una gran unión económica y política desde Lisboa a Vladivostok, excluyendo al Reino Unido. Del interés de los pueblos, aunque no lo sea de muchos líderes y menos aún de los expoliadores habituales, porque como vaticinaba Henry Kissinger –una de las mentes más preclaras del siglo XX–, una Unión Europea más Rusia desbancaría del primer plano económico y político a EEUU y Reino Unido.

Rusia más UE, primera potencia mundial

No hace falta tener grandes conocimientos de economía para darse cuenta de lo que es obvio: una unión económica, que no monetaria –porque el euro es un auténtico desastre para todos sus miembros excepto para Alemania–, entre la UE y Rusia daría lugar a la mayor potencia mundial, incluso sin el Reino Unido. No porque la suma de los PIB, algo irrelevante, diera lugar al mayor del planeta, sino porque la complementariedad y las gigantescas sinergias entre la Federación Rusa y la Unión Europea harían crecer como la espuma a sus países, al contrario que la situación actual, donde el expolio inmisericorde alemán de los países periféricos está empobreciéndolos hasta límites absolutamente inaceptables, algo que jamás ocurriría si existiera una federación con Rusia.

Este es un tema crucial para nuestro futuro como nación, para nuestra pobreza o para nuestra riqueza, y sobre el que el ignorante egoísmo que nos gobierna ni siquiera se ha percatado. Al igual que Aznar y su ministro basura Rato, que fue expulsado del FMI por inepto -algo que nunca había ocurrido antes-, al meternos en el euro, un auténtico desastre para nuestro país, cuando las funestas consecuencias estaban ya previstas y analizadas por Robert A. Mundell en su famosa teoría de las áreas monetarias óptimas: España no lo era ni de lejos. El tema, aparte de esencial para nuestro futuro, es de tanta envergadura, que hoy solo podemos apuntar los hechos clave, aunque dedicaremos dos o tres artículos a desarrollar en profundidad lo que hoy solo podemos esbozar.

El PIB 2012 a paridad de poder adquisitivo sería de 18,3 billones de dólares para la UE más la Federación Rusa, frente a 15,6 de EEUU. Pero lo importante es que la Federación Rusa posee los recursos energéticos, minerales y de todo tipo que Europa necesita, mientras que la UE tiene la tecnología y el mercado que Rusia requiere para explotar sus inmensas riquezas. Un ejemplo: las técnicas de fracking están permitiendo a EEUU obtener gas y electricidad a unos precios que son la mitad que los europeos y la tercera parte que en España; como consecuencia, numerosas industrias energético-intensivas europeas se están trasladando a los EEUU, en un proceso de desindustrialización masivo que no ha hecho más que empezar. Por otro lado, al tener industrias complementarias y no competitivas, el expolio de los pobres por los ricos en que hoy se ha convertido la UE en general y la Eurozona en particular terminaría de raíz.

¿A qué expolio me estoy refiriendo? Alemania y Francia han comprado a precio de saldo toda la industria y la agricultura ucranianas apoyados de forma entusiasta por sus corruptos gobernantes, como la Sra. Timoshenko, la gran ladrona del gas ante la que Sra. Cospedal se inclinó como si estuviera ante su Santidad el Papa, avergonzando a todos los españoles de bien. Las industrias siderometalúrgicas, una vez compradas por alemanes y franceses, están siendo cerradas y en vez de producir los miles de productos de primera necesidad que fabricaban las empresas ucranianas, los están importando de Alemania y Francia. Igual que hicieron con España en los 80, forzándonos a destruir nuestros astilleros, nuestras plantas siderúrgicas, nuestra cabaña lechera, nuestra flota pesquera –entonces la primera de Europa–; fue el precio que pagó para la homologación del PSOE y demás partidos estatales, que compraban a ese precio ruinoso su “certificado de democracia”.

Como dijo entonces González, ”hay que entrar como sea”, en lugar de esperar unos años, pues habríamos entrado de igual manera, pero sin destruir nuestra industria a favor de otros. Por ejemplo, la de la leche: después de haber sacrificado nuestra cabaña, empezamos a importarla de Francia. E igual con todo lo demás. Y luego el euro, que ha dado a Alemania la primacía absoluta y la imposibilidad de nuestras economías de competir al no poder devaluar y ni siquiera fluctuar entre dos bandas como en el antiguo Sistema Monetario Europeo, que es hoy lo único que podría salvarnos del desastre. De todo esto trataremos a fondo después de Semana Santa. El camino actual de siervos de Alemania nos lleva a la ruina. Por eso necesitamos a Rusia.

* Antonio García Trevijano es pensador.

Fuente: El Espía Digital

lundi, 12 mai 2014

Le Bulletin célinien n°363 - mai 2014

Le Bulletin célinien n°363

mai 2014

Vient de paraître : Le Bulletin célinien n°363.

Au sommaire : 

- Marc Laudelout : Bloc notes (In memoriam Serge Perrault — Vera Maurice)


- M. L. : François Gibault, notable hors norme


- Arina Istratova & Marc Laudelout : Rencontre avec Serge Perrault


- Eric Mazet : Le docteur Destouches à l'école de la Société des Nations


- M. L. : Jean Guenot

 

Le Bulletin célinien, c/o Marc Laudelout, Bureau Saint-Lambert, B. P. 77, BE 1200 Bruxelles.


Abonnement annuel : 55 € (onze numéros).

Courriel : celinebc@skynet.be.

mercredi, 07 mai 2014

Un monde de moins en moins sédentaire

La revanche des nomades
 
Un monde de moins en moins sédentaire

Jean Ansar
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orsenna.pngLors d’une conférence de présentation de son dernier livre Mali ô Mali, l’académicien Eric Orsenna a développé l’une de ses réflexions sur l’évolution des sociétés. Elle mérite d’être reprise et méditée.

L’histoire du monde a été une histoire de migration avec une suprématie des nomades. L’apogée de l’impérialisme nomade terrorisant le monde agricole et urbain est sans doute à fixer lors des conquêtes mongoles pendant et après Gengis khan. La fortification et l’artillerie ont marqué le début du reflux des nomades. Le nomade a été marginalisé et parfois sédentarisé de force comme les indiens de l’Amérique du nord. Les peuples du désert que sont les Bédouins et les Touaregs ou ceux des steppes d'Asie centrale pratiquent encore ce mode de vie. Néanmoins, les États que ces nomades traversent tentent le plus souvent de les sédentariser.

Le nomadisme résiduel est une survivance du passé

L'humanité a vécu à l'état nomade durant tout le Paléolithique, avec l'Australopithèque, Homo habilis, Homo erectus, Homo heidelbergensis, Homo neandertalensis et, vers la fin du Paléolithique, avec Homo sapiens. Il y a ensuite l'époque mésolithique durant laquelle elle est devenue peu à peu semi-nomade pour commencer à se sédentariser durant le Néolithique.
Le nomadisme est souvent associé à une organisation sociale de type tribal ou à ce que les anthropologues appellent « une société segmentaire » c'est-à-dire une société structurée en lignages, clans, tribus et éventuellement confédérations tribales : de nos jours, seul ce type de sociétés pratique une économie nomade ou semi-nomade.

9782234063365FS.gifOr le nomadisme est de retour. C’est incontestable. Orsenna a raison et voit juste sur ce point. Le terrorisme islamiste est nomade et s’empare de territoires vastes où ses combattants font du nomadisme. La piraterie, nomadisme des mers est  également revenue. Les entreprises qui délocalisent sont nomades, la finance internationale est nomade et surtout le monde de l'internet est par définition un monde nomade. La civilisation sédentaire, quant à elle, doute de ses valeurs.

Le nomadisme islamiste est une résurgence du passé avec une forte identité religieuse, il s’oppose presque à l’autre nomadisme celui, sans racines historiques, de la technologie. Nomadisme du passé que l’on veut rétablir contre modernité coupé justement du passé.

On peut donc aller au-delà de la réflexion d’Orsenna et  considérer que le grand affrontement de demain sera entre un nomadisme du désert, un nomadisme archaïque et un nomadisme moderniste de la toile, de la finance et de la technologie. Quand le passé réinvente le futur, l’avenir peut vite se trouver dépassé.

Mali, ô Mali, d'Erik Orsenna, Editions Stock, 416 pages, 21.50€.