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18:06 Publié dans Philosophie, Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : situationnisme, guy debord, bertold brecht, patrick marcolini, société du spectacle, spectacle, philosophie, philosophie politique, sciences politiques, théorie politique, politologie | |
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par Nicolas Bonnal
Ex: http://www.dedefensa.org
Rien de tel qu’un bon classique pour nous consoler de vivre en l’an 2017 ! Dans Les illusions du progrès, publiées à la fin du dix-neuvième siècle, (archive.org) Georges Sorel décrit des temps qui traînassaient déjà. Florilège :
« Depuis que la démocratie se croit assurée d’un long avenir et que les partis conservateurs sont découragés, elle n’éprouve plus le même besoin qu’autrefois de justifier son droit au pouvoir par la philosophie de l’histoire. »
Politique ? Finance ? : « Le spectacle écœurant donné au monde par les écumeurs de la finance et de la politique explique le succès qu’obtinrent assez longtemps les écrivains anarchistes. »
La déception de la démocratie parlementaire fut rapide. Bakounine observait qu’elle n’avait mis que cinq ans à anéantir l’Italie (Bakounine (Œuvres, 1911, Tome V).
Religion délavée ? Pape François ? :
« Un clergé, plus ou moins incrédule, qui travaille de concert avec les administrations publiques, pour améliorer le sort des hommes ; voilà ce dont se contente fort bien la médiocrité. »
Mais la source du sublime se tarit : « Les personnes religieuses vivent d’une ombre. Nous vivons de l’ombre d’une ombre. De quoi vivra-t-on après nous ? »
Sorel remarque chez les scientifiques un développement de tartuferie religieuse qui a depuis gagné tous les croyants pépères :
« Nous assistons à un spectacle qui paraît, au premier abord, paradoxal : des savants qui ont rejeté tout ce que l’Église considère comme formant le dépôt de la foi, prétendent cependant demeurer dans l’Église. »
L’Église est déjà une ONG chargée du contrôle social et de la moralisation publique :
« Aujourd’hui les catholiques sociaux voudraient que le clergé organisât des associations à la fois éducatives et économiques, propres à amener toutes les classes à comprendre leurs devoirs sociaux. L’ordre que les audaces du capitalisme troublent gravement, suivant leur petit jugement, arriverait à se rétablir.
En définitive, toute cette religion sociale manquait de valeur religieuse ; les catholiques sociaux songent à faire rétrograder le christianisme vers cette médiocrité. »
Comme Huysmans, Sorel souligne la nullité de l’art chrétien (appétit de laideur, dit Huysmans). Reconnaissez-la, dessillez-vous enfin comme ces grands esprits :
« L’extrême bassesse de l’esthétique catholique actuelle gênera beaucoup toute tentative de renaissance religieuse. »
Sur la démocratie encore Sorel ajoute :
« Il suffit de regarder autour de nous pour reconnaître que la démocratie est une école de servilité, de délation et de démoralisation.
Nous sommes descendus aux boniments électoraux, qui permettent aux démagogues de diriger souverainement leur armée et de s’assurer une vie heureuse ; parfois d’honnêtes républicains cherchent à dissimuler l’horreur de cette politique sous des apparences philosophiques, mais le voile est toujours facile à déchirer. »
La ploutocratie est plus dangereuse que l’aristocratie. Et pour cause :
« L’expérience paraît montrer que les abus de pouvoir commis au profit d’une aristocratie héréditaire sont, en général, moins dangereux pour le sentiment juridique d’un peuple que ne sont les abus provoqués par un régime ploutocratique ; il est absolument certain que rien n’est aussi propre à ruiner le respect du droit que le spectacle de méfaits commis, avec la complicité des tribunaux, par des aventuriers devenus assez riches pour pouvoir acheter les hommes d’État. »
La richesse est boursière, artificielle, déjà détachée de l’économie réelle. Sorel constate avant Gramsci et l’indice US à 22 000 :
« Dans la formation des grosses fortunes actuelles, les spéculations à la Bourse ont joué un rôle bien autrement considérable que les heureuses innovations introduites dans la production par d’habiles chefs d’industrie. Ainsi la richesse tend de plus en plus à apparaître comme étant détachée de l’économie de la production progressive et elle perd ainsi tout contact avec les principes du droit civil. »
Sorel établit alors une psychologie de la médiocrité moderne (pas besoin de Juppé ou de Lady Gaga) :
« Or, au fur et à mesure que nous avons considéré des régions dans lesquelles notre intelligence se manifeste plus librement, nous avons reconnu que la médiocrité exerce son empire d’une manière plus complète.
Ce que dans cette étude on a appelé du nom péjoratif de médiocrité, est ce que les écrivains politiques nomment démocratie ; il est donc démontré que l’histoire réclame l’introduction de la démocratie. »
À l’époque les râleurs ne sont plus les socialistes, récupérés par le système parlementaire, mais les anarchistes :
« Cette apologie de la démocratie n’est pas sans offrir des dangers sérieux ; elle a conduit à l’anarchie beaucoup de jeunes gens, il y a une vingtaine d’années… il a montré que les esprits étaient, en France, désireux de trouver de la grandeur ; il ne faut pas s’étonner si de nombreux anarchistes se jetèrent dans le syndicalisme révolutionnaire qui leur parut propre à réaliser de la grandeur. »
Et de terminer par un petit reproche à Karl Marx :
« La grande erreur de Marx a été de ne pas se rendre compte du pouvoir énorme qui appartient à la médiocrité dans l’histoire ; il ne s’est pas douté que le sentiment socialiste (tel qu’il le concevait) est extrêmement artificiel ; aujourd’hui, nous assistons à une crise qui menace de ruiner tous les mouvements qui ont pu être rattachés idéologiquement au marxisme. »
Souriez, ce n’est pas terminé !
19:33 Publié dans Philosophie, Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nicolas bonnal, georges sorel, médiocrité, philosophie, philosophie politique, théorie politique, politologie, sciences politiques | |
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18:33 Publié dans Histoire, Littérature, Livre, Livre, Philosophie, Révolution conservatrice | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : friedrich-georg jünger, révolution conservatrice, technique, technologie, philosophie, philosophie politique, philosophie écologique, écologie, allemagne, lettres, lettres allemandes, littérature, littérature allemande, ernst jünger | |
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09:21 Publié dans Philosophie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : charles péguy, france, patriotisme, philosophie, philosophie politique | |
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Les philosophes Régis Debray et Olivier Abel débattent de la synchronisation de la mondialisation avec la culture protestante américaine.
Pour quelles raisons estimez-vous que la culture protestante est aujourd’hui dominante en France ?
Régis Debray : Parce que le nouvel état des lieux qui règne dans notre pays, marqué par l’individualisme, c’est-à-dire la « désintermédiation », le contournement des institutions par l’accès à l’information, rencontre le rapport direct entretenu par les protestants avec la divinité.
Par ailleurs, la culture de l’émotion s’accorde assez bien avec le protestantisme évangélique. La nouvelle valeur du témoignage, qui a aujourd’hui la priorité sur la tradition doctrinale ou dogmatique, peut-être même une certaine désacralisation – à la fois de l’histoire et de la nature –, me conduisent à constater l’extraordinaire coïncidence entre la tradition protestante et notre postmodernité.
Olivier Abel : Cette intuition, qui me semble centrale dans les derniers livres de Régis Debray, peut surprendre un grand nombre de nos concitoyens. Mais elle a pour mérite de faire voir notre société sous un jour nouveau. Ce n’est pas seulement une réalité politique, mais la réalité de notre civilisation que Régis Debray nous encourage à regarder en face. Nous sommes à l’ère du témoignage, en effet d’abord corrélé au protestantisme évangélique, mais présent dans l’éthos de l’ensemble du monde protestant. Cela comporte un risque, je le dis tout de suite : la culture de l’immédiateté, du non-différé, la croyance d’être directement « branché ».
Mais Régis désigne aussi plusieurs aspects que les protestants plus classiques devraient revendiquer : le goût de la pluralité, l’idée que tout est profane, la prise en compte des populations déplacées, des migrations. Tout cela met en phase la civilisation occidentale actuelle avec le protestantisme.
Vous, Régis Debray, semblez associer la domination du protestantisme à un effondrement du politique. Or, les protestants ont porté et portent encore, un projet politique favorable à la République…
Régis Debray : Vous avez raison, la Réforme a permis l’intrusion de la rationalité dans la Révélation, c’est-à-dire une construction intellectuelle, rigoureuse, doublée d’une religion du cœur à la Rousseau ; l’herméneutique exigeante et le « vicaire savoyard » admirant la nature sont associés dans un élan commun. La minorité protestante a joué, pour cette raison, un rôle décisif dans l’assomption de la laïcité républicaine. En ce sens, le vieux républicain que je suis a toujours été reconnaissant à la tradition protestante d’avoir, beaucoup plus que les catholiques, suscité, soutenu l’effort républicain, notamment par l’école. Donc, nous avons historiquement une grande dette envers le protestantisme.
Quel sens donnez-vous à ce mot « protestantisme », aujourd’hui ?
Régis Debray : Le protestantisme nous est parvenu par les voies commerciales du Nord. Je le sais, vous allez m’objecter les Cévennes, le Languedoc… Et vous n’aurez pas tort ! Mais ce qui me semble plus important, de nos jours, c’est le mouvement par lequel un certain protestantisme, émigré vers l’Amérique du Nord au XIXe siècle, nous revient comme en boomerang par le Sud.
Ce réchauffement climatique du protestantisme européen, par influence afro-antillaise, par le saxophone, la batterie, le synthétiseur, par la danse et la transe, me semble savoureux, inattendu et sous-estimé en France. J’ai voulu attirer l’attention sur un phénomène qui paraît illogique et qui, pourtant, ne manque pas de logique.
Que voulez-vous dire ?
Régis Debray : Encore une fois, je pense que le protestantisme répond très bien au désir d’hyperconnexion, de recentrement individualiste, mais aussi à la recherche d’une chaleur communautaire dont ont besoin nombre de gens tout à la fois déracinés et heurtés par le désenchantement du monde. Aujourd’hui, sur le plan géopolitique et culturel, deux religions dominent: l’islam d’un côté et les protestantismes (à dominante américaine) de l’autre.
Pour faire face, pour s’adapter à l’état des lieux, l’Église catholique se « protestantise » à toute vitesse. La décentralisation à laquelle François est en train de procéder en donne un extraordinaire aperçu. Au fond, le concile de Trente a perdu la bataille et, revenant à des sources prétridentines, l’Église donne pour ainsi dire raison à la Réforme.
Olivier Abel : Oui, Régis Debray, médiologue, attire l’attention sur la chaleur de l’autre monde protestant, en phase avec les formes actuelles de communication et laisse entendre aux « vieux protestants de France » que cette chaleur humaine peut leur apporter du bon. C’est une réponse forte à l’égard de ceux qui réclament la limitation de la religion à la sphère privée, sans voir qu’elle est un élément essentiel de toute civilisation, que le foot et les stars du music-hall ne sauraient remplacer durablement. Mais ne désespérons pas, observons ce qui se passe d’un peu plus près.
L’institution romaine est marquée par la filiation. La culture protestante est plutôt de type conjugal, au sens du libre accord, de libre alliance. N’est-ce pas aussi une forme d’institution ? Ne réduisons pas les religions à des contrats de for intérieur et sachons accueillir leur diversité.
Régis Debray : Olivier Abel a raison : il n’y a pas de transmission sans institution. Si la transmission s’oppose à la communication comme le temps à l’espace, pour passer de l’émotion d’un moment à une inscription dans le temps, il faut des institutions. Maintenant, nous assistons à une transformation des figures de l’autorité. La figure de l’autorité n’est plus le père – le Saint-Père, le père de l’Église, « mon père » comme on dit chez les catholiques. La figure de l’autorité la plus communément admise aujourd’hui est fraternelle ; et c’est précisément le modèle protestant, pour lequel il n’y a qu’un seul Père et il est aux cieux. On peut admettre que cela déstabilise un certain nombre de catholiques. D’autant plus, encore une fois, quand le pape lui-même suit cette pente et se pose avant tout comme l’évêque de Rome…
Olivier Abel : Je veux signaler que le protestantisme européen et le catholicisme européen sont plus proches, culturellement, que le protestantisme européen parfois ne l’est du protestantisme africain ou d’Asie du Sud-Est – pour ne prendre qu’un exemple.
Régis Debray : Voilà qui justifie que l’on pratique la géoculture ou la climatologie. Nous partageons, historiquement, un même climat, des mœurs, des habitudes, des plis qui outrepassent les divisions confessionnelles. L’apothéose du marché, de la réussite, de la prospérité, que porte aux nues le néoprotestantisme, peut inquiéter.
Le président de la République a été élève des jésuites avant de travailler auprès de Paul Ricœur. Est-il le « président-manageur » que vous décrivez, alors qu’il veut rétablir une autorité verticale ?
Régis Debray : Disons qu’il incarne un heureux mariage entre Machiavel et Paul Ricœur. Du premier, je crois – bien que je ne le connaisse pas personnellement – qu’il dispose du sens de la ruse, d’un certain dédoublement, sinon de la duplicité, propre aux politiques classiques. Du second, il paraît avoir appris une certaine exigence intellectuelle. Cela dit, je le crois plus butineur que producteur de miel. Mais enfin, il a eu le souci de butiner, ce qui est devenu rare au sein de notre classe politique. Lorsque j’évoque, à son sujet, l’américanité, je pense plutôt à son milieu.
Que signifie, pour vous, l’américanité ?
Régis Debray : C’est la prise du pouvoir de l’économique sur le politique, la fusion entre le monde des affaires et celui du politique, les allers-retours entre le service public et le secteur privé, des pratiques dont on sait qu’elles sont monnaie courante dans le monde protestant.
Il me semble qu’Emmanuel Macron est le symptôme de cela, même si je lui concède qu’il a conscience de ses lacunes, de ses manques, ce qui l’entraîne à cultiver la symbolique du pouvoir, dont il sent bien qu’en France on ne peut pas se passer.
Olivier Abel : J’ajouterais qu’Emmanuel Macron n’est pas seulement lié à Paul Ricœur. Il puise aussi chez Habermas, Claude Lefort, d’autres encore. On peut se demander, parfois, dans quel ordre et de quelle façon tout cela s’articule en lui. Cherche-t-il à arrimer le politique au réalisme économique ? Ou bien cherche-t-il à réintroduire un sens du politique, une fonction du politique magistrale, au sein d’un monde dominé par l’économie ? Je me demande s’il n’existe pas un écart entre Emmanuel Macron et le « macronisme ». Celui-ci me semble très proche de ce que décrit Régis Debray quand il déplore le culte de l’entrepreneur de soi, l’idéologie de la capacité ; mais avec celui-là se niche un hiatus, j’en devine l’existence. Ceci étant posé, je veux rappeler qu’en pays protestant, notamment chez les Anglais et les Américains, la tradition politique est extrêmement forte. Il serait faux de réduire la culture anglo-saxonne au primat de l’économique.
Régis Debray : Oui, mais l’articulation à laquelle nous assistons en France depuis des années, entre l’économie et la politique, se fait « à l’américaine » et elle n’est pas étrangère au néoprotestantisme. L’idéal type du gagneur, de la start-up, l’idée qu’un pays est une entreprise qui doit être rentable, cette logique de management, de gestionnaire comptable, est typiquement américaine. Prenons un autre exemple si vous le voulez… Pour un républicain à la française, un président élu laisse son conjoint au vestiaire ; il n’y a pas de first lady. L’invasion du public par le privé, la charte de la transparence, un temps évoquée pour mettre en scène l’épouse du président, voilà des choses qui ne sont pas laïques pour un républicain classique et qui s’apparentent, qu’on s’en réjouisse ou qu’on le regrette, à une certaine culture protestante.
Pourtant, Angela Merkel , fille de pasteur, chancelière d’un pays dont la tradition protestante n’est pas discutable, ne met pas en avant son mari. On sait qu’il existe, qu’il accompagne son épouse au concert, mais il n’est pas un « first man »…
Régis Debray : Certes, mais elle est peut-être moins prisonnière de la vidéosphère qu’Emmanuel Macron. Je note chez notre président des façons de faire, depuis la main sur le cœur en écoutant la Marseillaise, petit mimétisme dont il s’est corrigé, jusqu’à la mise en scène de son épouse en passant par l’utilisation de la langue américaine – entre eux, les « Élyséens » parlent, par exemple, de « task force », il cède à l’atmosphère que j’appelle gallo-ricaine.
Olivier Abel : Attention : tout ce que vous dénoncez comme venu d’Amérique n’est pas seulement américain. Le progrès technique y tient sa part, qui l’emporte, même aux États-Unis, sur ce que Ricœur appelle le noyau éthico-mythique de chaque pays. La mondialisation est un patchwork.
Régis Debray : Il n’en reste pas moins que la mondialisation est standardisée selon des critères américains, ce qui est tout à fait normal puisque les Américains sont les inventeurs des nouvelles technologies qui organisent notre vie quotidienne, façonne notre imaginaire.
Olivier Abel : Ces nouvelles technologies sont aussi japonaises, et en portent l’imaginaire spécifique…
Régis Debray : Certes, mais le Japon – comme l’Allemagne – est entré dans la sphère américaine. Une civilisation dominante, ce sont des traits d’union entre un standard inventé par l’Empire et des cultures locales. Une bonne imprégnation suppose le respect d’un terreau local. Les Romains n’ont pas effacé la Gaule, mais ils l’ont épousée et formatée selon leurs normes.
Olivier Abel : Ce que vous dites est vrai, mais ne concerne pas seulement les civilisations dominantes. Une société n’existe que par des traits d’union. Toute forme de culture implique le croisement des racines, des origines, des traditions.
Régis Debray : Je suis d’accord, mais dans une alliance de ce genre, il y a toujours un formateur et un formaté. Que vous le vouliez ou non, nous sommes placés sous l’hégémonie culturelle américaine. Je ne prétends pas que cette hégémonie soit le fruit d’une volonté de nuire – je ne suis pas complotiste – mais je constate qu’elle dérive d’un nouvel état des techniques humaines : le cinéma, la musique, le numérique surtout, ce que j’appelle un état des lieux.
L’organisation de la marine à voile était britannique, celle du chemin de fer était française parce que portée par un État centralisateur. Aujourd’hui nous vivons sous l’empire du web, qui a vu le jour dans la Silicon Valley. Alors, parce que nous tenons à notre propre culture, nous essayons de la faire entrer dans le moule. Mais cela s’appelle la French Tech.
Propos recueillis par Frédérick Casadesus
Le Nouveau pouvoir
Régis Debray
Le Cerf, 112 p., 8 €.
09:03 Publié dans Actualité, Affaires européennes, Entretiens, Philosophie, Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : régis debray, olivier abel, protestantisme, france, europe, affaires européennes, entretiens, philosophie, philosophie politique, politologie, sciences politiques, théorie politique | |
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On aurait pu attendre des guillemets à « américains » dans le sous-titre car, Debray le sait mieux que personne, les Chiliens ou les Cubains sont aussi des Américains. On se fiche que la partie soit prise pour le tout comme dans Make America great again.
Mais ne boudons pas notre plaisir devant cette brillante démonstration selon laquelle si une « culture construit des lieux », une civilisation « construit des routes » avec un gros bâton (celui de la big stick policy), une flotte, des armées, aujourd’hui des drones.
Depuis qu’il a raflé le Texas, l’empire américain n’a gagné en surface que quelques centaines de milliers de kilomètres carrés. Alaska y compris. Mais les 2 000 implantations militaires sur les cinq continents ne seraient rien sans les 35 000 McDo. Et vice versa.
Au milieu des années soixante, j’habitais Montdidier, petite sous-préfecture balzacienne de la Somme. Á l’époque, une ville de 5 000 habitants comptait encore bon nombre de magasins de toutes sortes. Le magasin d’habits, qui ne désemplissait jamais, avait pour enseigne “ Aux surplus américains ”. Nous étions heureux de nous fournir pour pas cher dans une échoppe qui proclamait sans vergogne qu’elle nous vendait des rebuts, les franchisés profitant de notre naïveté pour nous refiler du trop-plein. La civilisation zunienne avait gagné chez Balzac : on ne savait pas d’où venaient ces frusques, dans quelles conditions elles avaient été stockées, ce qu’elles avaient coûté aux producteurs. Ces vêtements n’étaient même pas toujours ricains. C’était notre deuxième peau. Au XVIe siècle, le paysan d’Amboise, voisin de Léonard de Vinci, ne parlait pas un mot d’italien. Aujourd’hui, il écoute Beyoncé dans son tracteur climatisé.
Quand, demande Debray, l’Europe a-t-elle cessé de « faire civilisation » ? En 1919, au Congrès de Versailles. Les États-Unis n’ont pas alors pleinement conscience qu’ils vont devenir la première puissance mondiale. Mais le président exige que le traité soit également rédigé en anglais. Jusqu’alors, observe Debray, il y avait à l’ouest une civilisation européenne avec sa variante américaine. Dans les cinquante années suivantes, on aurait une civilisation américaine avec des variables d’ajustement européennes. Dans tous les domaines. Je n’entre pas dans les détails, mais même dans la natation, les catégories d’âge de nageurs qui dataient d’un siècle (poussins, minimes, cadets etc.) se sont alignées cette année sur les catégories zuniennes.
Plus graves que nos bassins chlorés, la République française, l’État français, les pouvoirs publics ont plié le cou devant les méthodes zuniennes. En 2008, sous Sarkozy, nos ministères furent inspectés, mieux : évalués, par une entreprise privée zunienne. Comme si le corps des inspecteurs des Finances n’existait plus. L’État français fut dès lors appréhendé dans son fonctionnement à l’aune des méthodes du privé d’outre-Atlantique. Les hôpitaux (les universités, les commissariats de police etc.) furent mis en concurrence, les partis politiques devinrent des familles et cessèrent d’élaborer des programmes en se contentant de projets, on nous obligea à aimer le modèle des primaires et les candidats à la présidentielle nous proposèrent des offres.
Á Sciences-Po, « réformée » par un chairman of the board plus ricain que ricain qui mourut dans des circonstances hollywoodiennes jamais élucidées, 60% des cours sont dispensés en anglais. Et, précise Debray, le cours sur les politiques culturelles en France est dénommé « Cultural Policy and Management ».
Á bas les anciennes catégories marxisantes (bourgeoisie, classe, capitalisme) ! Ne dites plus « prolétaires » mais « milieux défavorisées » (d’ailleurs les prolétaires ne savent plus qu’ils sont prolétaires, c’est du moins ce que pensent les bobos) ; de votre langage, « bannissez » (sic) « clochards », « SDF » étant beaucoup plus indolore. Ne dites plus « santé gratuite pour tous » mais care, « avion présidentiel » mais « Sarko One ». Et, surtout, représentez-vous Bri-Bri d’amour en termes de First Lady. Envoyez vos enfants, en bons Ricains, délirer chez les voisins avec des masques d’Halloween alors que cette fête appartient au paganisme celte. Martelez comme il convient que l’équipe de France de foot est black-blanc-beur. Forcément, puisque la quête de l’égalité a été remplacée par le mirage de la diversité et que le sociétal a étouffé le social.
La thèse fondamentale de cet essai est que l’Amérique c’est de l’espace tandis que l’Europe c’est du temps. Aux États-Unis, on part sur la Route 66 en bon Easy Rider. On conquiert un territoire – au besoin avec un colt – alors qu’en Europe on labourait un terroir (on guerroyait un peu aussi, quand même). Mais tout a changé. Il n’y a plus chez nous que des « espaces » (salle d’attente, dégustation de vin, voies piétonnières, open spaces un peu partout, surtout quand ils sont agrémentés par des open bars). Je ne te demande pas qui tu es mais où tu es grâce à ma géolocalisation à un mètre cinquante près. Dans les espaces, explique Régis Debray, pas de peuple, mais une « population », c’est-à-dire une projection préfectorale ou municipale. Un peuple, c’est autre chose : une langue, des habitus, un passé, une gastronomie, du et des liens.
Á des populations hors-temps, on peut faire gober tout ce qu’on veut. Par exemple, que les États-Unis sont la nation qui a le plus contribué à la défaite de l’Allemagne alors que les Français de 1945 pensaient que c’était l’Union Soviétique. D’ailleurs si Poutine assista au 70ème anniversaire du Débarquement en Normandie, le Young Leader Hollande ne lui rendit pas la pareille à Moscou. On peut même faire croire à tous les publics, à toutes les populations de la Terre, que Rambo a gagné la guerre.
Lors du vote du Traité de Maastricht, on nous a seriné que nos enfants voyageraient, séjourneraient dans le continent et apprendraient quantités de langue européennes. Le russe et l’allemand sont cinq fois moins enseignés qu’il y a cinquante ans. Arte n’a aucune émission de débats entre intellectuels franco-allemands mais consacre dix minutes à un malaise de Mrs Clinton. Les fonctionnaires de Bruxelles communiquent dans la langue d’un pays qui ne fait plus partie de l’Union européenne. Des anciens pays de l’Europe de l’Est se sont dépêchés d’admettre sur leur sol des centres secrets de torture de la CIA. Il faut désormais endurer un président pour qui « Belgium » est une ville et qui pense avoir envoyé 59 missiles vers l’Irak alors que c’était vers la Syrie. Ça tombe où ça peut, où ça doit. L’important, c’est que ça « frappe » (plus de bombardements, des frappes), que ça terrorise, quel que soit le degré d’improvisation.
Debray nous rappelle qu’en affaires l’empire est féroce, voyou. BNP a accepté de payer une amende bidon, une rançon de 8,9 milliards de dollars (vous me direz : elle les avait) sans que nos gouvernants s’émeuvent, sans que notre médiacratie s’étonne. Quant à imaginer une réciprocité… Debray cite Pierre Lellouche, homme politique bien à droite, pas vraiment hostile à l’aigle impérial : « Un obscur accord fiscal franco-américain transformera notre ministère des Finances en supplétif de l’International revenue Service. Cet accord ne fait que traduire dans le droit français une loi américaine obligeant nos institutions financières à déclarer au fisc américain tous les comptes détenus par des citoyens ou entités américains en France dès lors que leur solde est supérieur à 50 000 dollars. Mais sans réciprocité : ce que le fisc français donnera à l’IRS, le Trésor américain ne le fera pas dans l’autre sens parce que la loi américaine ne le permet pas. »
Une des dernières réflexions de l’auteur porte sur la notion de laïcité que nous, tous seuls avec nos petites mains, avons réussi à américaniser. Je vous laisse découvrir comment.
Les moins jeunes d’entre nous s’en souviennent. Ce livre, publié en octobre 1967, fut l’un des plus énormes succès de librairie en France. Certes, il bénéficia du battage hebdomadaire de L’Express, beaucoup plus prescripteur qu’aujourd’hui. Son éditeur avait prévu un tirage de 15 000 exemplaires. Il s’en vendit 2 millions en France et 10 millions dans le monde.
(*) Régis Debray. Civilisation. Comment nous sommes devenus américains. Collection Blanche, Gallimard. 2017
Source: https://blogs.mediapart.fr/bernard-gensane/blog/150617/re...
11:21 Publié dans Actualité, Affaires européennes, Livre, Livre, Philosophie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : régis debray, livre, états-unis, europe, affaires européennes, philosophie, aliénation, gallo-ricains | |
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Par André Bellon, ancien Président de la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, auteur de Une nouvelle vassalité (Les mille et une nuits, 2007) et Président de l’Association pour une Constituante.
Le dogme est de retour, plus insidieux qu’autrefois car il se coule dans les déguisements inattendus de la raison. L’Homme peut-il résoudre cette aporie ?
Le néo libéralisme, nouvelle idéologie de la pensée économique, se pare, en effet, des attributs qui caractérisent traditionnellement la science. Ainsi des économistes tels que Kydland et Prescott, « prix Nobel*1 » 2004, appellent à enserrer dans des règles incontournables une démocratie jugée trop soumise à l’incertitude. De nouveaux grands inquisiteurs dénoncent les hérétiques et fulminent contre eux des anathèmes. Le livre intitulé « Le négationnisme économique : et comment s’en débarrasser ?*2 » dessine ainsi les buchers modernes au nom de la science.
L’esprit critique
Le développement de ces thèses s’est fait avec le soutien plus ou moins assumé des forces dites de gauche. La phrase honteuse de François Mitterrand, « Contre le chômage, on a tout essayé » fut prononcée dans le cadre d’un discours politique qui se voulait rassembleur sur la base d’une « France unie » autour d’un discours européen commun. La mondialisation sert de justification à l’extension universelle de cette pensée présentée comme une vérité.
Mais, comme le rappelle Alain Supiot*3, « les véritables scientifiques savent que les lois découvertes par les sciences de la nature sont inhérentes aux phénomènes observés, alors que celles qui donnent ordre et sens à la vie humaine sont nécessairement postulées. Les scientistes au contraire croient trouver dans une science fétichisée les vraies lois qui régiraient l’humanité et s’emploient à les faire régner ». En présentant la mondialisation comme un fait de nature et non comme une construction humaine contestable, les principales forces politiques ont fermé la discussion sur les politiques menées.
Paradoxalement donc, des méthodes dites scientifiques détruisent l’esprit critique qui est pourtant la base fondamentale de la science*4.
Méthode ou apparence ? S’interroge-t-on sur la manière dont sont conçus les chiffres qui abreuvent le public, par exemple le taux de prélèvements obligatoires*5, véritable épouvantail des faux-débats de plateaux télévisés ?
Méthode ou vocabulaire ? Je repense souvent à Horace, ce personnage d’Eugène Labiche qui déclare à un parvenu plutôt méprisant : « Nous avons de par le monde une bande de petits poseurs… sérieux, graves, avec de grands mots dans la bouche… ça étonne les imbéciles »*6.
Certes le monde est complexe, suivant une formule largement répandue. Mais la complexité doit-elle être le paravent d’un refus d’analyser ou d’une renonciation à comprendre ? Doit-elle in fine servir à empêcher toute contestation ?
La mythification de la complexité aboutit à magnifier les experts, nouvelle élite censée porter la vérité. Que des experts soient utiles pour éclairer la décision publique, pour aider aux choix démocratiques, va de soi. Mais éclairer ne veut pas dire choisir. Car l’expertise se présente de plus en plus comme le substitut à l’échange et à la confrontation des arguments. Elle permet trop souvent d’empêcher la contestation. On est loin du « débat libre et raisonné » proposé par Condorcet. L’esprit critique se méfie des évidences, il questionne, il cherche, il se confronte aux autres, il construit une pensée. A l’inverse, la vision dominante aujourd’hui tend à imposer des a priori.
Dans sa Tour en Gironde, au plafond de son bureau, sur les poutres du plafond, Montaigne avait fait peindre des maximes, généralement tirées de la bible. L’une d’elles est particulièrement d’actualité : « Malheur à vous qui vous pensez sages !*7 ». Peut-on revenir à ce précepte ?
Le peut-on alors que, de plus, les médias jouent un rôle très négatif en simplifiant à outrance les enjeux, en déséquilibrant la parole publique au profit de la pensée dominante, en plaçant sur le même plan simples témoignages et travaux scientifiques ? Qui plus est, l’absence de critique résulte également de l’évolution des contenus enseignés dans les écoles : la diminution des heures de philosophie n’est-elle pas un signe de ce refus d’analyse ?
On ne s’étonnera pas, dans ce contexte, de la propagation du complotisme et des intox (fake news). Une société qui a désappris à réfléchir et à débattre est particulièrement vulnérable à ces phénomènes et démunie pour les combattre. Mais, au fond, l’irréalisme du complotisme n’est-il pas le miroir de l’irréalisme du discours dominant ?
Au-delà de ces considérations, c’est la conception même de l’être humain qui est en jeu. Car l’esprit critique est le fondement de l’Humanisme qui donne au citoyen le rôle de décideur dans la cité, à l’homme la maitrise de son propre destin.
La défaite de la volonté
Pour sa part, la pensée dominante magnifie les émotions au détriment de la raison*8. Elle se caractérise par une justification des démissions face aux défis extraordinaires d’un tournant historique profond. Loin de mobiliser les volontés, elle privilégie les remords et les condamnations sans conséquences. Non seulement les porte-paroles les plus écoutés dégoulinent de bonne conscience, mais ils croient de plus faire œuvre novatrice en ressassant les mêmes prêches. On ne peut plus ainsi évoquer la République sans s’indigner des abominations de la colonisation, la nation sans s’apitoyer sur les malheurs de la guerre, le peuple sans évoquer les débordements de violence. Dans le panthéon des personnages historiques, la victime a remplacé le héros. Parmi les symboles de cette dérive, évoquons le choix consternant du monument érigé à Paris pour représenter le Général Dumas, père de notre grand écrivain, né esclave et devenu héros de la Révolution*9. Alors qu’un projet d’Ousmane SOW représentant la force et la fonction du général avait été proposé, la mairie de Paris a inauguré, le 4 mai 2009, une énorme chaîne d’esclave. Ainsi, un symbole de la fraternité révolutionnaire, de la promotion républicaine, de la volonté nationale, est-il réduit à son ancienne condition servile.
L’Histoire ne peut alors plus mobiliser une volonté collective. L’analyse de la Révolution française, considérée par le grand écrivain Carlos Fuentes comme « la meilleure révolution du millénaire*10» n’est présentée qu’au travers des violences, conduisant par exemple Jean-François Copé à déclarer qu’il régnait « en France, une ambiance malsaine de nuit du 4 Août*11 », anathème porté contre l’abolition des privilèges, symbole historique jusqu’alors consensuel. Nombre d’intellectuels dits de gauche se laissent aller à ces facilités. Ainsi, François Ewald et Dominique Lecourt s’indignent-ils publiquement que, « sous la Terreur, (les révolutionnaires) éliminaient les scientifiques eux-mêmes (Bailly, Condorcet, Lavoisier) » … parce qu’ils voulaient « rabaisser l’arrogance du savant que son savoir distinguait trop du peuple des sans-culottes*12 ». Analyse stupide quand on connait la fascination scientiste de la Révolution et le rôle qu’a joué, sous la Convention, le comité des savants avec Berthollet, Chaptal, Lakanal, Monge … Ces déclarations ne seraient jamais que des interjections anecdotiques absurdes si l’invasion du politiquement correct ne formatait pas les pensées des citoyens, si les lois mémorielles ne restreignaient pas la liberté de pensée au bénéfice des juges, si le champ du débat n’était pas par ces biais réduit à la peau de chagrin.
Notre propos n’est pas de justifier la violence. Mais la volonté de ne regarder l’histoire, ou du moins les moments que l’on choisit de condamner*13, qu’au travers des violences, est totalement contraire à toute utilisation de la raison. Il ne reste à l’homme ramené à une condition de pécheur qu’à demander l’absolution.
La démocratie
Ce sont alors la volonté, la souveraineté populaire, le suffrage universel, en un mot la démocratie, qui sont attaqués. On ne compte plus les déclarations ramenant le suffrage universel à sa caricature au travers d’allégations plus ou moins subtilement discutables. Ainsi, anathème commode, le suffrage universel aurait créé Hitler*14.
Que le suffrage universel soit bafoué ou que le mépris du suffrage soit amplifié par des institutions antidémocratiques est une évidence que le référendum de 2005 a particulièrement éclairée. Mais en quoi cela remet-il en cause son principe ?
Les attaques contre le suffrage universel sont en fait des attaques contre la raison humaine présentée comme dangereuse ou antisociale. Ainsi la volonté fort répandue de promouvoir le tirage au sort est une insulte à la particularité, à la parcelle de souveraineté que porte tout être humain. Au nom de l’égalité, on promeut par ce biais l’uniformité comme si tous les individus étaient interchangeables. Comme par hasard, les thuriféraires d’une telle idée proposent que les heureux gagnants de cette loterie soient entourés par des experts qui vont guider leur réflexion. Coucou, les revoila !
L’Histoire de la République est évidemment contradictoire. Rappeler ceux qui se sont battus pour ses valeurs essentielles, pour la libération de l’humanité et la démocratie, ne peut être que salutaire. C’est Jean Jaurès qui souhaitait amplifier l’œuvre républicaine et déclarait « Ceux qui prévoient la prise de possession brusque du pouvoir et la violence faite à la démocratie, ceux-là rétrogradent au temps où le prolétariat était réduit à des moyens factices de victoire*15 ». C’est Pierre Mendes-France qui, votant contre le traité de Rome, proclamait son refus « de la délégation des pouvoirs à une autorité extérieure, laquelle, au nom de la technique, exercera en réalité la puissance politique*16 ».
Nous sommes loin de telles pensées. Aujourd’hui, loin de chercher à identifier et résoudre les conflits, la vie politique cherche à imposer des consensus, à empêcher l’expression des divergences fondamentales, bref à marginaliser le rôle créatif de l’esprit critique dans la vie publique.
Demain n’est pas fatal
C’est donc la place et le rôle mêmes de l’Homme qui doivent être le cœur du débat aujourd’hui. C’est de lui que doit émaner le pouvoir car c’est la seule manière de faire face efficacement aux défis de ce moment dramatique. C’est dans cette logique que l’élection aux Etats généraux de 1789 avait été précédée par l’élaboration des cahiers de doléances.
Une telle perspective ne saurait émaner des institutions actuelles. Elle doit être construite par les citoyens en même-temps qu’elle construit les citoyens. Et, tout particulièrement, la présidentielle, élection particulièrement aliénante, ne peut rebâtir la citoyenneté. La logique du scrutin présidentiel est personnalisante et destructrice de la liberté de pensée. En acceptant les moyens, elle privilégie le « faire » par rapport au « penser ».
La reconstruction démocratique doit être un travail philosophique autour de la liberté. Il ne saurait évidemment être lié à un extérieur autoritaire qui enserre la pensée en même temps qu’il donne plus ou moins les réponses. Il doit, de plus, se construire de façon la plus décentralisée possible pour affirmer la place et la force des initiatives les plus locales possibles. La commune, aujourd’hui massacrée par les pouvoirs successifs, nationaux autant qu’européens, peut être la base de cette dynamique. C’est dans un tel cadre que les initiatives associatives nombreuses peuvent trouver une capacité de synergie.
L’objectif démocratique peut trouver ainsi sa réalisation car une telle démarche allie la liberté de l’individu à la recherche de l’intérêt général. Notre époque n’est plus à la présentation de solutions clefs en main, mais à la reconnaissance de la volonté humaine sur son propre destin.
06:09 Publié dans Actualité, Philosophie, Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : comité orwell, aliénation, philosophie, philosophie politique, théorie politique, politologie, sciences politiques | |
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Juzgado desde el punto de vista del pensamiento, Philippe Muray (1945-2006) fue un escritor y ensayista francés que, más allá de novelas, obras de teatro y otras yerbas, escribió dos libros liminares que valen la pena de ser leídos: el Imperio del Bien (1991) [1]y Festivus, Festivus (2005). Este último es una serie conversaciones de junio de 2001 a diciembre de 2004.
En el Imperio del Bien realiza como lo hicieran antes que él, Kart Lowith[2], Eric Voegelin[3] o nuestro Julio Meinvielle[4], la genealogía de la modernidad mostrando como el ocultismo, o mejor la gnosis, es la base irracional de Las Luces y la Ilustración.
Festivus, Festivus, se puede resumir así: “La ridiculización del mundo tal como va es una disciplina que está aun en pañales. Reírse de este universo lamentable, en el cual el caos se equilibra con el canibalismo y la criminalización, entre fiesta continua y la persecución, es la única manera hoy de ser rigurosamente realista”.
En Exorcismos espirituales se pregunta: “Quién es el enemigo: el mundo contemporáneo y su homegeneización totalitaria. Ningún entendimiento con él es posible”. Encontramos allí la crítica más profunda a la teoría del multiculturalismo. La matriz ideológica de lo contemporáneo en sí mismo es la indiferencia ontológica que se manifiesta en la abolición del conflicto entre el Mal y el Bien, entre identidad y diferencia, que termina con la absolutización de “lo Mismo”, exterminando a lo Otro. La ideología de “lo Mismo” termina anulando las diferencias esenciales entre hombre-animal, naturaleza –cultura, saber-ignorancia, masculino-femenino, orden natural-orden simbólico, sagrado-profano, niño-adulto, fuerza-violencia, ser-ente, nación-conglomerado, pueblo-gente.
El homo festivus termina festejando la fiesta en una frivolidad aterradora, borrando su fundamento teológico que es el culto, como lo mostraron Joseph Pieper y Otto Bollnow, entre otros.
En el fondo de este razonamiento se halla “un catolicismo de combate” como muy bien señala Paulin Césari, quien estudió su pensamiento en profundidad.[5]
Como afirmó el filósofo Jean Baudrillard en sus exequias: “Con Philippe Muray desparece uno de los raros, de los muy raros conjurados de esta resistencia subterránea y ofensiva al “Imperio del Bien”, a esa pacificación grotesca del mundo real, a todo aquello que procede de la hegemonía mundial”.
[1] En castellano tiene dos obras editadas por la editorial española El imperio del bien en 2013 y Querido Yihadistas en 2010. Además están los trabajos del joven Rodrigo Agulló o Adriano Erriguel o como quiera que se llame, pues no se sabe si es mejicano o gallego ni su verdadero nombre, pero que valen la pena leerlos.
[2] Löwith, Kart: El hombre en el centro de la historia, Ed. Herder, Madrid, 2009
[3] Voegelin, Eric: El asesinato de Dios y otros escritos políticos, Ed. Hydra, Bs.As. 2009
[4] Meinvielle, Julio: De la Cábala al progresismo, Ed. Epheta, Bs.As. 1994
[5] Césari, Paulin: Philippe Muray, penseur catolíque, Le Figaró Magazine, 16/1/2915
19:04 Publié dans Hommages, Philosophie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : philippe muray, hommage, philosophie | |
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Review: Éric Voegelin et l’Orient: Millénarisme et religions politiques de l’Antiquité à Daech. Renaud Fabbri. Editions L’Harmattan, 2016.
Renaud Fabbri is a professor of political science at l’Université de Versailles. Over the past few years he has been quietly blogging away at a post-secular age, applying the ideas of Eric Voegelin to Hinduism and Islam. Éric Voegelin et l’Orient seems to be his first book and it is a very welcome addition to Voegelinian thought indeed. Just about anyone familiar with Voegelin’s output should be able to admit that what he had to say in relation to India and Islam, two of the most important players in world history, was inattentive at best and perhaps downright woeful, Eurocentric and dismissive at worst. Voegelin was a very prolific thinker, yet one cannot do equal justice to everything one supposes. Happily, Fabbri is seeking to remedy this by charting what he sees as a decline in Hindu and Muslim luminosity into immanentism, nationalism and millenarianism in the form of contemporary phenomena such as Daesh (ISIS) and the Iranian Revolution. As one might expect a great deal of the blame for these eastern “political religions” falls squarely (and rightly) on “Gnostic” influences absorbed from the West during the colonial period: Hegel, Marx, Nietzsche, “process theology”.
At 123 pages Eric Voegelin et l’Orient is a very short text. My overwhelming sense when reading it the first time was that it is simply an opening salvo for a much larger and more detailed work we can expect from Fabbri in the near future. Moreover, one can tell Fabbri is a blog writer. Even in producing a monograph he writes in linked short bursts of a few pages on certain important figures in the history of the two religions in question. However, this is not to denigrate the book; rather we should celebrate it for its adventurousness. Fabbri is an abstract and thematic thinker, like Voegelin at his most experimental. Anyone picking up this book expecting something akin to the Voegelinian-Straussian The New Political Religions, written not long after 9/11 on the pneumatopathological history of Islamic terrorism (including its eye-opening essay on the ethics of suicide bombing), is going to be more than a little surprised.[1] Fabbri leaps around, he reads between the lines and conjures up obscure thinkers, both as nodes in the history of the decline of Islamic and Hindu religious experience, and as accessories to aid him in his explorations.
The two most important accessories Fabbri uses besides Voegelin are the French thinkers René Guénon and Henry Corbin, the former of which he uses largely in his discussions on Hinduism and the latter on Islam. Many readers may not be familiar with either of these so perhaps a little explanation is in order. Guénon is the father of an esoteric movement known commonly as Traditionalism or Perennialism. He believed that for all the diversity of the world’s religions, they call contained a transcendental unity of shared truth. Ergo, Guénon was a universalist, a very unpopular opinion in our post-colonial era. However, he was a very eccentric universalist, even for the early 20th century. The basis of Guénonian history is the idea that the cosmos passes through cycles of decline, from all quality and no quantity (=God) to all quantity and no quality. This comes to a final Kali Yuga, a scientistic “reign of quantity”. Finally the world collapses into total atomisation and spiritual decay before another Golden Age begins.[2]
However, this does not tend to make Traditionalists millenarians trying to force the Golden Age to come back. There is of course the exception of far-right outliers such as Julius Evola and Russian “New Rasputin” Aleksandr Dugin, in whom there is at least as much Nietzsche as Guénon.[3] In my experience with Traditionalists (all my teachers when I was an undergrad religious studies student were Guénonians), there is a far more profound sense of a pessimistic acceptance of a pre-determined order to things. There are no “Guns, Germs and Steel”, theories about millenarian “political religions” or Heideggerian blame-Plato-for-the-reign-of-quantity in Guénon.[4] The West simply drew the short straw in a natural cosmic process. Nonetheless, in Guénon’s successor Fritjof Schuon one can certainly find the idea that the West was metaphysically broken from the start because of Greek rationalism, scepticism and materialism. To Schuon Islam and Christianity got more out of the Greeks than they got out of themselves:
“The true “Greek miracle, if a miracle there be – and in this case it would be related to the “Hindu Miracle”- is doctrinal metaphysics and methodic logic, providentially utilized by the monotheistic Semites”.[5]
The aim for the Traditionalist becomes to find what is left of an imagined universal sophia perennis of esoteric truth in Sufism, Hinduism, the Western Hermetic traditions – the part of inferno that is not inferno, so to speak. Thus, as one might imagine, Fabbri seems to believe that the Guénonian narrative of decline can be laid over the Voegelinian narrative of pneumatopathology. There are problems with this, perhaps. Compared with Voegelin’s open-ended “order in history” as the produce of human experiences of social crisis, there is very little metacritical about the deterministic Guénonian historical narrative. All of this is amusingly epitomised by the Guénonian who put me on to Fabbri and his book: “Oh Voegelin? Too historicist for my liking. But then again you have to be if you want the academy to take you seriously.” However, I think that what Fabbri has done, nonetheless, is attempt a highly original experimental dual focus using both thinkers well, yet erring on the side closer to Voegelin and historicity.
Fabbri utilises the ideas of Guénon to patch up what he sees, quite reasonably, as Voegelin’s faults in understanding India. For Voegelin India had never been the recipient of any great historical upheavals, as occurred in the Ancient Near East with the collapse of the ancient cosmological empires. Thus no one ever really had to think about rationalising an order to history. Moreover, because God/Brahman in Hinduism is always atman (the self) and never Other, this also prevented any emergence of a “differentiation in being” to take place. Voegelin writes:
“In the culture of Hinduism, historical consciousness is muted by the dominance of late-cosmological speculations on the cosmos as a “thing” with a beginning and an end, as a “thing” that is born and reborn in infinite sequence. The hypostasis of the cosmos, and the fallacious infinite of cosmological speculation, can be identified as the stratum in the Hinduist experience of reality that has not been broken by epochal events comparable to the noetic and pneumatic theophanies in Hellas and Israel. As a consequence, the Brahmanic experience of reality does not develop the self-consciousness of the Platonic-Aristotelian philosophy as a noetic science; in its self-understanding it is a darshana, a way of looking at reality from this particular thinker’s position… The most striking manifestation of this phenomenon is the nonappearance of historiography in Hindu culture.”[6]
Now, so one might think, to Voegelin all this would be a good thing – none of the dualism and millenarianism that caused the decline of Near Eastern and Western religious experience into secular political religions. However, Voegelin simply seems to snub India as something which never really went anywhere. He shows some passing interest in the Greco-Bactrian cultural exchange, but the only thinker of note is Shankara with his advaitya vedanta. This is perhaps because of similarities between the neti neti (God is not this, not this) of Shankara and the via negativa (negative theology) of the Christian Cloud of Unknowing, which Voegelin initially took to be a Gnostic text, but later came to embrace because of its refusal of “Gnosis”- ultimate positive knowledge.[7] There are other problems, small but niggling. We are never even told by Voegelin whether, as with China and its t’ien hsien (all under heaven), anyone in Indian history ever attempted to symbolise a universal “humanity”.[8] Even more invitingly, as Fabbri (p. 39) suggests, we are left wondering why Voegelin never had anything to say about the great Indian epic the Mahabharata. Let’s hope that Fabbri or someone else in the near future gets around to fixing this. I would love to read such a thing.
Fabbri attempts to turn Voegelin’s remarks on their head. From a Guénonian perspective India’s atman and lack of “historicism” makes it far more spiritually healthy. To Fabbri India represents a more complete primordial view of things, spared from the dualism inherent in monotheism that leads to obsessions with mastery over nature and the millenarian immanentisation of an alien God (pp. 40-1). This only begins to come apart with the introduction of Western ideas during the colonial period (p. 43). Fabbri’s main target of interest is Sri Aurobindo, a British-educated turn of the century figure who reshaped Hinduism towards a progressive view of history – a Hegelesque “integral” view of the world. The whole world comes to be united in a futuristic enlightened communist consciousness emanating from India and its god-man sages (pp. 49-60). Indeed Aurobindo and those like him such as the Theosophists have done a lot of damage to Indian thought. Without them there would have been none of the “New Age” millenarianism of the 60s that the West (and India) came to be soaked in. What is curious, and what Fabbri fails to mention, is that Guénon initially had some enthusiasm for Aurobindo, but eventually realised that his evolutionism was a modern corruption of the traditional Hindu cyclic view of history.[9] However, the supreme sin of Aurobindo for Fabbri is the fact that he transformed Maya, the veil of illusion separating the individuated entity from realising it is part of atman, to Lila, merely the cosmic playfulness of entities coming into being and perishing (p. 57). The phenomenal world becomes a joyous, immanentised plenitude, reminiscent of “process theology”. Such views in my experience are of course extremely prevalent in New Ageism and its gutting of Hindu thought, especially the twee Spinozism of “Deep Ecology”.
This brings us to two curious absences in Fabbri’s take on India. The first is that although he traces the influences of Aurobindo down to modern Indian nationalism and communism and New Age gurus, he does this perhaps too succinctly. For instance, he mentions Radhakrishnan only in passing (p. 48). This thinker not only actively engaged in attempting to square Hindu thought with western progress narratives, science and “process thought”, but also played an enduring part on the international stage as a representative of Indian nationalism.[10] At least something on this figure would have been welcome. The second issue is that although Fabbri (p. 41) mentions the idea of the kalki-avatara, the tenth and final avatar of Vishnu, who is supposed to come at the end of this cosmic cycle to renew the world, he never queries whether even this idea might have come from the millenarianisms of the Abrahamic religions. Some thinkers have certainly asked this before, as also in regard to the closely related legend of the eschatological kalki kings and armies of Shambhala in Buddhism, for which at least some Islamic influence has been posited.[11] Nonetheless, Fabbri (p. 42) is very much right to remind us that there are thousands more years of the to go before any kalki-avatara might be expected. Anyone, especially all those dubious New Age gurus, who claim otherwise, seem testament to the idea that millenarianism should perhaps be called the opiate of the Kali Yuga. Everyone wants out but Great Disappointments keep on coming.
Fabbri then moves from India into tracing a similar history in Islam. In fact India disappears for the rest of the book. This largely seems to be because Islam is a far greater issue in relation to contemporary global politics. Fabbri’s (p. 67) understanding of Islam takes its bearings from two things. The first is the idea that Islam has always been troubled by a “noeud gordien” (Gordian Knot), wherein prophesy and empire-building have had an uneasy coexistence. He attributes the origins of this understanding to Voegelin, which does not actually seem to be the case, though the conception still seems quite valuable. Rather, if we are to look at what Voegelin has to say about Islam in The Ecumenic Age, the results are even more woeful than what he has to say about India. All we get is a couple of pages, most of which are simply block-quotes from the Koran and the declaration that Islam was little more than the combined empire-and-church approach of the Byzantine and Sassanid ecumenai. These, so Voegelin says, formed the “horizon” in which Mohammad thought:
“Mohammed conceived the new religion that would support its ecumenic ambition with the simultaneous development of imperial power. The case is of special interest as there can be no doubt that Islam was primarily an ecumenic religion and only secondarily an empire. Hence it reveals in its extreme form the danger that beset all of the religions of the Ecumenic Age, the danger of impairing their universality by letting their ecumenic mission slide over into the acquisition of world-immanent, pragmatic power over a multitude of men which, however numerous, could never be mankind past, present, and future.” [12]
Whether we are talking about “Gordian Knots” or “sliding over”, for all the briefness of Voegelin’s observations, there would certainly seem to be something profound to work with here. It seems that Islam, like Christianity with its Heavenly and Earthly City, millennium and later its “two swords” of Church and State, was troubled from the moment it began to set down concrete notions of the historical finalisation of the nature of things.
This brings us to the second basis for Fabbri’s history of Islamic spiritual decline – his reliance on the ideas of Henry Corbin (pp. 70, 83-5). Like Guénon, the name of Corbin in not well-known (except perhaps within Islamic mystical circles or in the writing of Norman O. Brown). Corbin was the first French translator of Heidegger, but his main importance comes from his enterprising work on angelology and proposed Zoroastrian influences in Shi’a Islam.[13] Corbin describes the existence of a “mundus imaginalis” (imaginal world) – a medial realm between man and God – peopled by angelic beings. This Nâ-Kojâ-Abâd, “Country of Non-Where”, or “Eighth Clime”, is accessible only through the consciousness and is the organ for the reception of the visions and prophesies that are brought to men from God via the angels. The “imaginal” is not to be confused with modern western understandings of the “imagination”, which largely view this term to mean simply a source for entertaining aesthetic produce or downright falsity. Imagination isn’t “fantasy”. However, so I am tempted to propose, if one looks closely at the history of these two terms their confusion seems to lie in the mediaeval reception of the ideas of Avicenna in Europe. Many tangled arguments ensued over which term meant a purely receptive capacity for external images and inner divine visitations, and which the organ of active creativity from pre-received material.[14]
What both Corbin and then Fabbri do is chart the history of Islam as the history of the decay and forgetting of the angelic reality – the death of ongoing prophesy. As one might imagine Fabbri finds similarities between the medial nature of this “mundus imaginalis” and Voegelin’s metaxy or In-Between and his reading of history as the breaking down of this dynamic experiential system into dualism and then immanentism. Without a “resolving third” full of intramundane spirits and myths one’s ecumene and consciousness becomes very empty indeed. Fabbri also sees this inherent in the discarding of the cult of the gods, the Ishtadevas, in Hinduism by thinks such as Aurobindo. In a later essay I would like to return to such questions in relation to the history of the West and its own loss of angels. However, for now it is more important to emphasise that all this means that both Corbin and Fabbri come down hard on the side of Shi’a rather than Sunni Islam. The root of Islam’s issues is the “tragédie fondatrice” (founding tragedy) of the Sunni-Shi’a division (the fitna), just as much as the “Gordian Knot” of prophesy and empire mentioned above. For the Shi’a, prophesy kept on going to a certain point, depending on how many Imams each faction take to be rightfully guided, up to the Great Occultation of the mahdi – the imam in hiding. For the Sunnis, Muhammad was the “seal of the prophets” and that was that. This means that those claiming to be the recipients of new prophesies and divine knowledge have always had a strained relationship with mainstream Islamic thought.
Fabbri (pp. 74-7) lays out the history of these difficulties through figures such as Al Farabi, whose mixture of Platonism and Islamic revelation produces an image of a proto-Kantean world state ruled by “philosopher kings”. Following Corbin, Fabbri (p. 75) ponders whether Farabi was a “crypto-Shiite” trying to think beyond the Grand Occultation of the last imam. Another important thinker is the Sufi Ibn Arabi who represented the rulers from Adam to Muhammad as God’s representatives on Earth, and those thereafter as simply secular rulers. History instead is controlled from the outside by the saints and angels. As Fabbri (pp. 88-9) notes there is something strongly anti-millenarian and “realist” about this. Yet, at the same time, this descacralisation of the caliphate opens up the space for a “spiritual anarchy” where the secular rulers are unimportant compared with the Gnostic claims of holy men.
The “Gordian Knot” problem leads down to the “presque schmittienne” (almost Schmittian p. 90) political theorisations of Ibn Taymiyya. Here maintaining the sharia and the temporal rule of the Islamic states against heathens becomes the onus. So too is the cult of the saints pejorated as idolatry, leaving no intermediaries or intercessors between man and God. The genesis of Islamism then emerges in a kind of dual spiritual desperation. On the one hand there is the destruction of the Caliphate by the Mongols (and later the collapse of the Ottoman Empire). On the other there in an increasing shutting out and disappearance of prophetic claims and the intercession of saints. What then emerges is a kind of panicked assumption that if the Caliphate is restored, Islamic consciousness then too will be restored to how it was during its early period. Increased persecution of Sufis, attempts to rid foreign corruptions from an imagined pure, original Islam and abject literalism ensue through Abd al-Wahhab, Sayyid ibn Qutb and other prominent thinkers among contemporary Sunni Islamists. Fabbri (pp.91-3), in comparison with The New Political Religions, only gives these influential thinkers a couple of pages and he has nothing to say about Westernised Pan-Arabist movements like Ba’aathism. He remains far more interested in the stranger, more obviously “Gnostic” cases.
Fabbri (pp. 95-101) then descends into the influence of Western political religions on Islam during the colonial period. The most important thinker here is Muhammad Iqbal, who attempted to square Einsteinian cosmology, and the “process” thought of Whitehead and Bergson with Islam, and ends up producing a series of bizarre “Gnostic” visons about modernity. Marx becomes the angel Gabriel of the new age, feminism appears manifest as a monstrous Priestess of Mars. Reading all this strongly reminds me of the way in which in the Soviet Era the old religious and heroic oral epics of “minorities” in the USSR were secularised to replace millenarian heroes such as Geser Khan and his titanic foes with Marx, Engels and Lenin flying through the cosmos battling the fifty-headed hydra of capitalism.[15] The strange syncretism of the old religions and the political religions seems to have got into everything in the twentieth century.
Finally, Fabbri (pp. 103-11) comes to Ali Shariati, Khomeyni and the Iranian Revolution. Fabbri deftly notes the influence of a number of Western thinkers such as Sartre and Marx (“red Shi’ism”) on the formation of these ideas and the degeneration into millenarian theocracies ruled by Gnostic “philosopher kings”. Yet, there is one very obvious absence in his analysis. This is Heidegger. Fabbri mentions Heidegger numerous times throughout Eric Voegelin et l’Orient in connection with globalism, subjectivity, technology and nihilism (pp. 30, 46, 50, 58, 100). However, like his references to Leo Strauss (ie. pp. 99-100), Heidegger is always cited as a kind of minor accessory – one of the “good guys” – but not as important as Corbin, Guénon and of course Voegelin himself. Fabbri does not at all mention how the influential concept gharbzadegi (“westosis/weststruckness”- being infected with western nihilism) from the Iranian Revolution is nearly entirely down to Heidegger’s influence through Ahmad Fardid, who propagated Heidegger’s ideas about cultural “authenticity” in Iran and organised a group of “Iranian Heideggerians” in the 1970s.[16] Fabbri (p.104) in passing names Jalal al-e-Ahmad who popularised the concept, but Ahmad and his Heideggerianism is never dealt with at all.
Heidegger is a very troublesome thinker, far more than the occasional ritualistic hand-wringing about his Nazi period in contemporary continental philosophy usually conveys. Heidegger’s embrace of Nazism has its basis in the idea that the Germans had a unique primordial and “authentic” link with the Greeks and Being, which was under threat by the flattening effects of capitalist and communist nihilism.[17] There is quite a profound legacy to this idea of one’s people possessing an ancient and unique manifest destiny and identity to overcome global nihilism. Shortly after Heidegger’s infamous Rektor speech in 1933, some of the Japanese philosophers of the “Kyoto School” such as Keiji Nishitani, who studied with Heidegger, took this up, replacing Being with the Zen Void, to construct a Japanese imperial manifest destiny.[18] “Reactionary” Heidegger returns in the Iranian Revolution and more recently in the “Fourth Political Theory” of Aleksandr Dugin and his obsessions with building a Eurasian Empire to combat the “post-liberal” monster of globalised American consumer culture.[19] As Foucault said of the Iranian Revolution – it was to be the first great rebellion against the Western “world system”. Just as much as Heidegger, his reputation never managed to live this down.[20] Thus, I think that Fabbri should have expended at least some attention on dealing with the millenarian and deforming aspects of Heidegger’s ideas outside the West.
In comparison, perhaps, as Chinese Heideggerian Yuk Hui has recently shown with his book The Question Concerning Technology in China, which touched upon the uneasy Heideggerian legacy in Dugin and the “Kyoto School”, there might be some hope of using Heidegger’s later ideas to undertake culturally-specific “rememberings of Being” without it all just turning into a “metaphysical fascism”. This possibility is based around re-investigating how imported Western conceptions of technology have covered over the ongoing relationship between Qi and Tao in Chinese philosophy. Knowing the dangers of an emerging China simply repeating Western global empire building and technological nihilism seems to be the first step; to live with technology China must learn to reintegrate it, the world, life and society together into a “cosmotechnics”. One can only hope this doesn’t backfire and we end up with some sort of exceptionalist Taoism with a transhumanist immortality complex.[21] Heideggerian “traditionalism” remains a dangerous animal.
Fabbri draws his book to a close by attempting to consider how to deal with contemporary Islamism. Although one is unsure of his political leanings, he does seem very much aware of the weaknesses of the contemporary left and right in Europe (though it could be America, Australia…) in understanding Islam and its history. To the liberal left Islam is a magical victim, which must be defended at all costs, often to the point of naivety; to the increasingly reactionary right and the actively anti-religious left it is simply anathema – it has no place in Western society (p. 121). Fabbri’s (pp. 116-9) beginning of an answer to this is in the vague hope he seems to find in the figure of Tariq Ramadan, a popular Islamic public intellectual. Ramadan believes that Islam needs to reform the Sharia for the “complexities” of the modern world and understand that there is a “double revelation of God” – the koran and nature.
What is it that Fabbri finds promising about Ramadan? It simply seems to be that he is not necessarily a priori against the ideas from Sufi thinkers (p. 118). This doesn’t really sound like much. Fabbri himself recognises that Ramadan’s attitude towards the metaphysical aspects involved in the nature of modernity and Islam are gravely lacking. Moreover he admits that Ramadan is rather “naïve” in his attempts to square Islam with modern science. All in all to Fabbri (p. 116), Ramadan “illustre bien la vitalité mais aussi les limites de cette literature de résistance au fondamentalisme en terre d’Islam” (illustrates well the vitality but also the limits of this literature of resistance to fundamentalism in the Islamic world). These days there seem to be “Ramadans” everywhere, many far worse than the man himself. Some of them are atheists simply flying the identity politics flag of “cultural Islam”. They people TV talk show panels and public lectures telling everyone of the wonders of some liberal Islamic reformation, which seems to exert almost no influence outside of educated liberal Western circles. As to how the Islamic world might actually go about such a thing, and moreover, how it might do so without losing even more of its spirit than it already has done through the “Gordian knot” and Western influence, seems extremely fanciful.[22] Nonetheless, it seems difficult to consider how the Islamic world might actually go about a renewal of the spirit, and moreover, how it might do so without losing even more of its spirit than it already has done through the “Gordian knot” and Western influence.
Although things might seem rather dark, Fabbri (p. 122) ends his book with the optimistic hope for a “New Axial Age”, a renewal of Islam, Hinduism (and presumably Western traditions too) that might emerge by looking back over their histories and rediscovering the moments of luminosity that produced them. Yet because of the narratives of spiritual decline inherent in Voegelinian and Guénonian perspectives, there might seem no real exit beyond simply enduring “modernity without restraint” as best one can. In the words of Peter Sloterdijk on Voegelin, one of the few popular thinkers to engage with his ideas in recent years: “defences of philosophia perennis in the twentieth century frequently become involuntary obituaries instead.”[23] Here Sloterdijk might as well have been speaking of Guénon. The elephant in the room, however, is whether announcing a new epoch like this is not an act of millenarianism in itself. In light of this one should perhaps recall Georges Sorel’s apt observation that it is pessimist desperation that gives rise to millenarian will-to-deliverance and revolution, not optimistic images of the world.[24] Maybe the best we can do is stay positive about what remains of esoteric tradition, name the devil of millenarianism for what it is, and keep an open mind to different traditions, experiences and ecumenical histories. All in all Fabbri has written an amazing little book, as much as it cannot help but seem to be slightly tinged with obituary. I look forward to finding out more about this “New Axial Age”.
Notes
[1] Barry Cooper, The New Political Religions, or, An Analysis of Modern Terrorism, University of Missouri Press, Columbia and London, 2004.
[2] René Guénon, The Essential René Guénon, World Wisdom, Sophia Perennis, Bloomington, 2009.
[3] Julius Evola, Ride the Tiger: A Survival Manual for Aristocrats of the Soul, trans. Jocelyn Goodwin, Inner Traditions, New York, [1961] 2003; Aleksandr Dugin, The Fourth Political Theory, Arktos, London, 2014.
[4] For an example of just how dependent upon the idea of deterministic primary causes in the narrative of the cosmos Guénonian thought is, compare Voegelin’s conceptions of order and history with this: Fritjof Schuon, The Essential Fritjof Schuon, edited by Seyyed Hussein Nasser, World Wisdom Publishers, Bloomington, Indiana, 2005, p. 181:”…traditions having a prehistoric origin are, symbolically speaking, made for “space” and not for “time”; that is to say, they saw the light in a primordial epoch when time was still but a rhythm in a spatial and static beatitude…the historical traditions on the other hand must take the experience of “time” into account and must foresee instability and decadence, since they were born in periods when time had become like a fast-flowing river and ever more devouring, and when the spiritual outlook had to be centred on the end of the world.”
[5] Fritjof Schuon, The Essential Fritjof Schuon, p. 144. Cf. p. 138 uses the anti-philosophical arguments of the Sufis against the philosophical obsessions with laws of causation and the “outer world”. Here Schuon refers to the “best of the Greeks” as those who saw immanent Intellect at work in the world, but even here he has to emphasise that he believes the Arabic mismatch of Plato, Plotinus and Aristotle was superior because Islamic thinkers considered them holy men and used their ideas as a combined instrument to search for the truth. Also see: Ibid, Art from the Sacred to the Profane: East and West, World Wisdom Publihsers, Bloomington, Indiana, 2007, p. 48. Perhaps an anecdote might shed some light on the occasional habit among Traditionalists to pejorate the “Western tradition” in favour of Hinduism and Islam. Many years ago when my old teacher Roger Sworder hired Harry Oldmeadow for his Philosophy and Religious Studies Department at Latrobe University Bendigo, Australia he asked him one important question over the phone: “What do you think of Guénon and Schuon’s attitudes towards the Greeks?” The appropriate answer that got him the job was “They said Plato was the best the West had available. They didn’t say enough.” Sworder spent his whole life in many ways trying to redeem the Greeks (especially the Neo-Platonic tradition) from a Traditionalist perspective. See: Roger Sworder, Mining, Metallurgy and the Meaning of Life, Sophia Perennis, San Rafael CA, [1995] 2008.
[6] Eric Voegelin, Collected Works of Eric Voegelin Vol. 17: Order in History Vol IV: the Ecumenic Age, University of Missouri Press, Columbia, 2000, p. 394. Cf. Idem, Anamnesis, trans. Gerhart Niemeyer, University of Missouri Press, Columbia and London, 1990, p. 123 on India: “but no historiography.”
[7] Idem, Collected Works of Eric Voegelin Vol. 21: History of Political Ideas Vol. III: The Later Middle Ages, University of Missouri Press, Columbia, p. 177: “the civilizational destruction perpetrated by a peasant group fighting for the perfect realm does not differ in principle from the annihilation of the world content in the…Cloud of Unknowing.” Cf. Eugene Webb, Eric Voegelin: Philosopher of History, University of Washington Press, Seattle, 1981, pp. 28-9.
[8] Eric Voegelin, The Ecumenic Age, esp. pp. 375-6.
[9] Pierre Feuga, “Rene Guenon et l’Hindouisme,” http://pierrefeuga.free.fr/guenon.html#_ftnref25 last accessed: 11th July 2017. Also see: René Guénon, Studies in Hinduism, trans. Henry D. Fohr and Cecil Bethell, Sophia Perennis, Hillsdale NY, 2004, p. 168 where he quotes Aurobindo at length against the Freudian unconsciousness.
[10] See: Radhakrishnan, An Idealist View of Life, Unwin Books, London, 1970.
[11] Mahabharata Vol. II, trans. and ed. by J. A. B. van Buitenen University of Chicago Press, Chicago and London, 1975, Book III. section 188.86-189.12. See: A. L. Basham, The Wonder that Was India, Rupa, Calcutta, 1986, p. 309 which mentions similarities with Christ’s second coming on a white horse as a similarity with Kalki; Zoroastrianism and Buddhism are mentioned as possible sources for the myth too. Wendy Doniger, The Hindus: An Alternative History, Oxford University Press, Oxford, 2010, pp. 486-7. On Shambhala, Kalki and Islam see: Alexander Berzin, “Holy Wars in Buddhism and Islam,” Alexander Berzin Archive:www.studybuddhism.com/en/advanced-studies/history-culture...islam last accessed: 19th June 2016; Jan Elvserskog, “Ritual Theory Across the Buddhist-Muslim Divide in Late Imperial China,” in A. Akasoy, C. Burnett and R. Yoeli-Tlalim, (eds) Islam and Tibet: Interactions Along the Musk Road, Ashgate, Farnham UK, 2011, pp. 1-16 and 293-312. On the Soviet use of the Shambhala myth to spread communism: Alexander Znamenski, Red Shambala: Magic, Prophesy and Geopolitics in the Heart of Asia, QuestBooks, Theosophical Publishing House, Wheaton, 2011.
[12] Eric Voegelin, The Ecumenic Age, pp. 198. The koranic quotes are carried over onto pp. 199-201. Perhaps Voegelin didn’t like Islam very much, as is suggested in The New Science of Politics, University of Chicago Press, Chicago, 1952, pp. 139-42 where he uses the term “koran” pejoratively to indicate the Gnostic habit of writing heretical third testaments to biblical history.
[13] Henry Corbin, Creative Imagination in the Sufism of Ibn Arabi, trans. Ralph Manheim, Princeton University Press, Princeton N.J., 1969. Idem, “Mundus Imaginalis, or, The Imaginary and the Imaginal,” Zurich, Spring 1972, available from: https://ia600201.us.archive.org/28/items/mundus_imaginali... last accessed: 6th July 2017.
[14] For a commensurate overview see: Dennis L. Sepper, Descartes’ Imagination: Proportions, Images and the Activity of Thinking, University of California Press, Berkeley, 1996, pp. 19-25.
[15] Jonathan Ratcliffe, “The Messianic Geser: from Religious Saviour to Communism,” Paper delivered at Geser Studies Conference, 23rd June 2016, Buryat Scientific Centre, Ulan Ude. English and Russian versions. http://anu-au.academia.edu/JonathanRatcliffe last accessed: 6th July 2017.
[16] Mohammad Rafi, “Re-Working the Philosophy of Martin Heidegger: Iran’s Revolution of 1979 and its Quest for Cultural Authenticity,” Telos Press, 19th April 2013, http://www.telospress.com/re-working-the-philosophy-of-ma... last accessed: 6th July 2017.
[17] Martin Heidegger, “The Self-Assertion of the German University,” in Richard Wolin, The Heidegger Controversy, MIT Press, London, 1993, pp. 29-39; idem, Nature History and the State 1933-1934, trans. Gregory Fried and Richard Polt, various contributors, Bloosmbury, London, 2015.
[18] Yuk Hui, The Question Concerning Technology in China: An Essay in Cosmotechnics, Urbanomic, Falmouth, UK, 2016, pp. 241-69.
[19] Aleksandr Dugin, The Fourth Political Theory; Alexander S. Duff, “Heidegger’s Ghosts,” The American Interest 11/5 25th February 2016, http://www.the-american-interest.com/2016/02/25/heidegger... last accessed: 17th September 2016.
[20] Janet Afary and Kevin B. Anderson, Foucault and the Iranian Revolution, University of Chicago Press, Chicago, 2005. Cf Slavoj Žižek, In Defence of Lost Causes, Verso, New York, 2008, esp. pp. 107-17.
[21] Yuk Hui never talks about transhumanism, but is very much dependent upon Joseph Needham, Science and Civilisation in China Vol II: History of Scientific Thought, Cambridge University Press, Cambridge, 1956. However as noted by one of the most millenarian thinkers of the last century: Norman O. Brown, Life Against Death, Wesleyan University Press, Middletown Connecticut, 1959, p. 311: “But Needham’s enthusiasm for Taoism as a human and organismic response to life in the world must be qualified by recognising that the Taoist perfect body is immortal: Taoism does not accept death as part of life.”
[22] Exemplary is this book: Paul Berman, The Flight of the Intellectuals, Scribe, Melbourne, 2010. This is little more than a kind of rather ineffectual beat-up about Ramadan, all based on his father’s connections with the Muslim Brotherhood rather than the thinker’s own character. The conclusions of its author were simple: replace the public intellectual Ramadan with another, Ayaan Hirsi Ali. What’s so special about Ali? She’s an ex-muslim, she loathes Islam and campaigns against it. Ergo, the only good Islam in Europe (or possibly everywhere) is no Islam.
[23] Peter Sloterdijk, In the World Interior of Capital, trans. Wieland Hoban, Polity, Cambridge UK, 2016, p. 283 n.4.
[24] Georges Sorel, Reflections on Violence, trans. J. Roth and T.E. Hulme, Collier Books, New York, 1961, pp. 34-6.
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Ex: http://www.lesobservateurs.ch
Savoir s’informer, savoir accéder à des informations alternatives, se réinformer donc est vital pour garder une capacité d’analyse et d’action. Ne se fonder que sur les medias dominants, la pensée unique libérale et des valeurs de la gauche bobo est risqué. Et l’on sait que la plupart des citoyens, y compris les militants politiques critiques sont biberonnés en permanence à l’idéologie désincarnée du libéralisme individualiste et de la non-discrimination systématique absurde. Tout est à déconstruire, tout est motif à arranger la réalité, bidouiller l’Histoire, écrire un nouveau roman historique et social qui veut gommer le passé, culpabiliser. Ceux qui pensent qu’il ne faut que s’occuper de l’Economie, du Marché, du développement économique se trompent lourdement. Il faut se préoccuper du fonctionnement de la Gouvernance, être vigilant et attentif face au Système Big Brother, ne pas déléguer trop du pouvoir aux politiciens de la fausse Démocratie représentative mais garder sa capacité de dire non, de résister, de cultiver l’autonomie critique, le droit de se construire une opinion indépendante, de ne pas se laisser formater par la propagande médiatique unique. Lire « 1984 » d’Orwell et « Le meilleur des Mondes » d’Aldous Huxley sont des antidotes incontournables. Le descriptif est hallucinant quant à la justesse de l’anticipation d’un monde totalitaire qui est devenu réel : société de guerre permanente, contrôle des pensées et des individus, incitation à la haine d’ennemis fantasmés ( redoutés et diabolisés), stratification hiérarchique de la société, disparition de la sexualité et des différences, usage de drogues permettant de supporter le Réel, détestation de la Nature au bénéfice du Profit et de l’Utopie indifférenciée et de la dictature des droits individuels.
Le descriptif des mécanismes de fonctionnement du Système mondialisé ne suffit malheureusement pas. La construction de la résistance, individuelle et collective est à écrire. Comment se mêler de la politique, contre-balancer le Pouvoir et sa propagande, se donner les moyens de l’indépendance et de l’autonomie ?
Une stratégie de la tension et la guerre asymétrique
La stratégie de la tension migratoire, amplifiée depuis la guerre d’ingérence en Syrie est à analyser sur le plan géopolitique, du conditionnement négatif de l’opinion (impuissance acquise) et d’une tactique asymétrique qui interdit toute résistance et critique, immédiatement estampillée comme « raciste ».Les partisans sophistiqués de l’Etat de Droit juridique sont impuissants face à des vagues de victimes agressives et harcelantes, sûres de leur bon droit, appuyées par des supplétifs qui les appuient au niveau financier et illégal.
Un ouvrage très bien documenté mérite la lecture. « La huitième plaie », éditée en 2016 et rédigé par Stratediplo, donc on nous dit qu’il est de formation militaire, financière et diplomatique, est assez décourageant dans sa description de l’imposition de plus de deux millions de migrants illégaux en 2015. Son éclairage porte surtout sur le rôle de l’islamisme politique (Turquie, Arabie saoudite) et financier (Qatar) dans la subversion des régimes arabes laïques. Le renversement de Kadhafi, catastrophique dans ses conséquences de disparition de l’Etat, remplacé par des milices islamistes et des trafiquants d’esclaves, fait partie du forcement des portes d’entrées de l’Europe. Fort heureusement, la même opération en Syrie n’a pas pu être menée à terme. Même si l’exode d’une partie de la population a servi à déstabiliser le Liban et a été rentabilisé par la Turquie qui se fait « payer trois milliards d’euros par an» pour finalement exporter non seulement des syriens vers l’Allemagne, mais aussi le flot qui vient d’Afghanistan, d’Irak, d’Erythrée, d’Afrique subsaharienne. L’on sait que la majorité sont des hommes seuls, qu’il n’y avait finalement que 20% de syriens (dont 30% ont des « vrais passeports »).On a assisté à un renversement complet, unilatéral et décrété par la Mère mondialiste Merkel, des accords de Dublin avec la garantie que 800'000 migrants seraient acceptés en Allemagne, appel d’air et déstabilisation des pays de transit débordés. Pauvre Grèce, envahie par les sauterelles, alors qu’elle est déjà saignée par les banques centrales et l’Union européenne. Etranges financements qui tombent du ciel, arrivée de mandats pour les migrants, dotés de téléphones avec application permettant de contourner les contrôles aux frontières, rupture de masse lorsqu’il est possible de passer en force (comme à Ceuta). Aide à la désobéissance et incitation aux incivilités « légitimes » par les no-borders, perce-frontières agressifs et autres « Antifa » qui ne sont pas condamnés puisque leurs motifs sont « humanitaires et désintéressés ».
Sans oublier la complaisance des Autorités politiques européennes sous Diktat germano-français, appliquant les directives de l’Onu sur le Droit à migrer et à s’installer où l’on veut . Surtout où il y a des femmes faciles et libres et des prestations sociales généreuses. Une véritable campagne de publicité mensongère leur a fait croire à une Terre promise, que le Vivre Ensemble était une bénédiction indispensable pour que les européens puissent toucher leurs retraites et enfin s’ouvrir à la Rédemption christique inévitable par le Grand Remplacement et le rééquilibrage inéquitable de la mondialisation. Toute critique ou réticence est le problème principal pour les autorités qui sévissent avec détermination, alors qu’on ferme les yeux sur les problèmes massifs qui vont arriver ( financements supplémentaires, révolte des autochtones dépossédés et priés de se serrer, arrivage massif de maladies lourdes et non triables ( tuberculose résistante, paludisme, hépatite) alors qu’on fait vacciner en masse pour des maladies futiles comme la grippe.
Condamnés à voir la déferlante s’installer sans frein légal ou politique efficace, avec la perspective du regroupement familial inéluctable (prévision : 1 arrivant illégal attirera 10 proches de la famille, en étant optimiste ?), les citoyens se voient dépossédés de leur propriété privée, condamnés à se serrer la ceinture par repentance et seront agressés par les Talibans sectaires et violents que sont les supplétifs antifas du Système en cas de réticence. On ne parle plus d’immigrés économiques qui viennent travailler, de réfugiés transitoires, de clandestins illégaux, mais uniquement de migrants qui font valoir leur droit incontestable à venir s’installer sans limites et règles légales. Il est évident que cette masse ne répondra pas aux besoins de main-d’œuvre spécialisée, ni de remplissement des caisses de retraite. Le chômage est élevé, la robotisation et le numérique créent des emplois surtout à temps partiel, A qui sert la vague migrante. A la déstabilisation politique, à la création de sentiment d’impuissance d’abord, puis de colère qui justifiera la répression et le contrôle de l’opposition. C’est une arme de destruction et de déstabilisation, dont l’islamisme politique et économique se sert également de manière opportuniste, en plus du business du trafic d’êtres humains de diverses mafias qui prolifèrent dans le non-Droit et la faillite des Etats Nations.
Une religion totalitaire et intolérante, plus dangereuse que l’Islam
Un autre livre indispensable est celui de Mathieu Bock-Côté ( Boréal, 2017), Le Nouveau Régime. Essais sur les enjeux démocratiques actuels. Les concepts de multiculturalisme de Droit Divin, d’étouffement des passions politiques, de Parti immigrationiste et de Désincarnation du Monde sont passionnants et éclairants. En fait, le multiculturalisme/ antiracisme est une religion, totalitaire, sûre d’elle-même et dominatrice, qui renvoie ses critiques dans l’Enfer de la diabolisation, de la psychiatrisation, de la mort sociale des espèces qui doivent renoncer à penser les différences. Le meilleur des Mondes orwellien, avec ses terroristes moralistes, ses inquisiteurs antifas, dénonciateurs, guetteurs vigilants sur les medias sociaux. Plus que jamais, il faut exiger la séparation des pouvoirs, la séparation des religions et de l’Etat, dont le multiculturalisme et l’antiracisme et revendiquer le Droit à la libre expression, à la libre croyance, à la diversité des opinions et des racines qu’il faut cultiver contre l’Utopie totalitaire de l’uniformisation.
Dominique Baettig, 3.9.2017
00:23 Publié dans Actualité, Réflexions personnelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : chaos, tension, dominique baettig, suisse, actualité, réflexions personnelles, philosophie | |
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par Nicolas Bonnal
Ex: http://www.dedefensa.org
Relire Ortega Y Gasset, pourquoi faire ?
Pour y trouver les éléments expliquant notre présent effondrement moral, intellectuel et psychique, qui ne frappe pas encore tout le monde, comme il ne frappait pas encore tout le monde à l’époque d’Hitler, Staline et Mussolini !
Sous un masque libéral d’emprunt britannique, Ortega a surtout célébré l’homme traditionnel, l’élite traditionnelle, et a il a regretté l’avènement de l’homme-masse, le dernier homme nietzschéen, qui est toujours plus content, toujours plus massifié et toujours plus soumis.
Comme Tocqueville, le très modéré (en apparence) auteur espagnol voit arriver un homme bien nouveau et bien inquiétant :
« Symptôme d'une autre réalité, d'une réalité très grave : l'effroyable homogénéité de situation où le monde occidental tout entier sombre de plus en plus. Depuis que ce livre a paru, et par les effets de la mécanique qui y est décrite, cette identité s'est développée d'une manière angoissante. »
Au fait, laissons de côté la palingénésie sur l’homme de droite ou de gauche à laquelle ce grand penseur est ramené par les ilotes et les aborigènes de la culture. Le mot important ici, comme sous la plume de Bernanos, celui de la France contre les robots, est celui d’imbécile.
« Etre de gauche ou être de droite c'est choisir une des innombrables manières qui s'offrent à l'homme d'être un imbécile; toutes deux, en effet, sont des formes d'hémiplégie morale. »
Ortega Y Gasset reprend la comparaison coutumière avec le vieil et décati empire romain, mais avec quelle subtilité :
« A suivre la route où nous nous sommes engagés, nous aboutirons tout droit, par la diminution progressive de la « variété des situations », au Bas-Empire, qui fut lui aussi une époque de masses et d'effroyable homogénéité.
Déjà sous le règne des Antonins on perçoit clairement un phénomène étrange qui aurait mérité d'être mieux mis en évidence et analysé par les historiens : les hommes sont devenus stupides. »
C’est d’ailleurs vrai, il n’y a plus eu de grand écrivain, de grand poète romain, ni même de grand compositeur, après le début du deuxième siècle. Comme pour nous pour le début du misérable (horreur puis divertissement) vingtième siècle.
Ortega souligne l’effondrement du langage (Nietzsche le fait bien sûr, quand il parle de David Strauss et de la presse – de la langue pressée – qui bouffe le verbe allemand)…
« Mais le symptôme et, en même temps le document le plus accablant de cette forme à la fois homogène et stupide - et l'un par l'autre - que prend la vie d'un bout à l'autre de l'Empire se trouve où l'on s'y attendait le moins et où personne, que je sache, n'a encore songé à le chercher : dans le langage. Le premier est l'incroyable simplification de son organisme grammatical comparé à celui du latin classique… »
Après la langue, ce qui nourrit le crétinisme est non pas la politique, mais le politicisme. On écoute le grand homme :
« Le politicisme intégral, l'absorption de tout et de tous par la politique n'est que le phénomène même de la révolte des masses, décrit dans ce livre. La masse en révolte a perdu toute capacité de religion et de connaissance, elle ne peut plus contenir que de la politique - une politique frénétique, délirante, une politique exorbitée puisqu'elle prétend supplanter la connaissance, la religion, la « sagesse », en un mot les seules choses que leur substance rend propres à occuper le centre de l'esprit humain. »
Le politicisme a une fonction anti-spirituelle, comme le sport d’ailleurs qui accompagnait le développement des fascismes :
« La politique vide l'homme de sa solitude et de sa vie intime, voilà pourquoi la prédication du politicisme intégral est une des techniques que l'on emploie pour le socialiser. »
Ortega n’est guère optimiste. Nous sommes condamnés à nous standardiser (de l’étendard de Jeanne d’Arc à la standardisation fordienne, un beau programme de civilisation, pas vrai ?)
« L’homme de vingt ans constatera bientôt que son projet se heurte à celui du voisin, il sentira combien la vie du voisin opprime la sienne. Le découragement le portera à renoncer, avec la facilité d'adaptation propre à son âge, non seulement à tout acte, mais encore à tout désir personnel ; il cherchera la solution contraire, et imaginera alors pour lui-même une vie standard, faite des desiderata communs à tous; et il comprendra que pour obtenir cette vie, il doit la demander ou l'exiger en collectivité avec les autres. Voilà l'action en masse.
C'est une chose horrible… »
Bien avant la prison planète, le camp de concentration électronique, Ortega Y Gasset note :
« Dans une prison où sont entassés beaucoup plus de prisonniers qu'elle n'en doit contenir, personne ne peut changer de position de sa propre initiative ; le corps des autres s'y oppose. »
Enfin une jolie notation qui fera plaisir aux partisans du général Lee (le refus de l’Etat centralisé totalitaire – dixit Murray Rothbard, philosophe juif libertarien).
« Ces mois derniers, tout en traînant ma solitude par les rues de Paris, je découvrais qu'en vérité je ne connaissais personne dans la grande ville, personne sauf les statues. »
Ortega remet d’ailleurs l’Amérique à sa place :
« Le vieux lieu commun: « l'Amérique est l'avenir », avait obscurci un instant leur perspicacité. J'eus alors le courage de m'inscrire en faux contre cette erreur et j'affirmai que l'Amérique, loin d'être l'avenir, était en réalité un passé lointain, puisqu'elle était une façon de primitivisme… »
Tout cela est dans ses géniales préfaces. Voyons le corpus de cette révolte des masses. Après un éprouvant et larmoyant trimestre de tourisme, il est bon de se replonger dans un Ortega Y Gasset :
« Ce trait, d'une analyse complexe, est bien facile à énoncer. Je le nommerai le phénomène de l'agglomération, du « plein ». Les villes sont pleines de population ; les maisons, de locataires. Les hôtels sont remplis de pensionnaires ; les trains, de voyageurs; les cafés, de consommateurs ; les promenades, de passants. Les salles d'attente des médecins célèbres sont envahies de malades, et les spectacles - à moins qu'ils ne soient trop déconcertants, trop intempestifs - regorgent de spectateurs. Les plages fourmillent de baigneurs. Ce qui, autrefois, n'était jamais un problème, en devient un presque continuel aujourd'hui : trouver de la place.
Restons-en là. »
Un homme nouveau, un mutant est apparu : l’homme-masse. Ortega :
« … autrefois, aucun de ces établissements et de ces véhicules n'était habituellement plein. Aujourd'hui, ils regorgent de monde, et, au dehors, grossit une foule impatiente d'en profiter à son tour. Bien que ce fait soit logique, naturel, il est hors de doute qu'il ne se produisait pas auparavant, et qu'il se produit aujourd'hui. »
Une observation naturelle. La Guerre et le divertissement de masse made in USA (lisez mon Céline, le chapitre sur Hermann Hesse et son Loup des steppes) ont produit un homme qui aime l’amoncèlement.
« Les individus qui composent ces foules ne sont pourtant pas surgis du néant. Il y a quinze ans, il existait à peu près le même nombre d'êtres qu'aujourd'hui. »
Cette masse est fière d’elle :
« Aujourd'hui, au contraire, les masses croient qu'elles ont le droit d'imposer et de donner force de loi à leurs lieux communs de café et de réunions publiques… »
L’époque aussi craint ; elle se dit moderne et elle enterre tout le reste (d’où la disparition des statues, livres, histoire, peuples, sexes, etc. qui embarrassent notre modernité devenue abusive en ce début de vingt-et-unième siècle) :
« Il est inquiétant qu'une époque se nomme elle-même « moderne », c'est-à-dire dernière, définitive, comme si toutes les autres n'étaient que des passés morts, de modestes préparations, et des aspirations vers elle… »
Je parle tout le temps de présent perpétuel, notion présente chez Hegel, Kojève, Debord. On le rencontre dès le début du dix-neuvième siècle en lisant Balzac, Gogol, Tocqueville, Edgar Poe. Plus génialement, Ortega parle lui d’un présent définitif qui accompagne nos crétins du progrès.
« Sous le masque d'un généreux futurisme, l'amateur de progrès ne se préoccupe pas du futur; convaincu de ce qu'il n'offrira ni surprises, ni secrets, nulle péripétie, aucune innovation essentielle; assuré que le monde ira tout droit, sans dévier ni rétrograder, il détourne son inquiétude du futur et s'installe dans un présent définitif. »
C’est tellement beau qu’on le répète en espagnol, langue aujourd’hui interdite sur le tiers du territoire espagnol :
« Bajo su máscara de generoso futurismo, el progresista no se preocupa del futuro: convencido de que no tiene sorpresas ni secretos, peripecias ni innovaciones esenciales; seguro de que ya el mundo irá en vía recta, sin desvíos ni retrocesos, retrae su inquietud del porvenir y se instala en un definitivo presente.”
Ortega insiste après Bloy ou Flaubert sur l’autosatisfaction de cet homme masse moderne qui exécute partout des jugements sommaires (Guy Debord) :
« L'homme-masse se sent parfait… En revanche, l'homme médiocre de notre temps, ce nouvel Adam, ne doute jamais de sa propre plénitude… Sa confiance en lui-même est paradisiaque.
Le sot ne soupçonne pas sa sottise : il se croit très spirituel. De là cette enviable tranquillité avec laquelle il se complaît et s'épanouit dans sa propre bêtise. »
Il cite une belle phrase d’Anatole France…
« Le méchant se repose quelquefois, le sot jamais. »
Le con, pour reprendre Audiard, qui reprenait saint Thomas (1), ose en effet tout, mais surtout tout le temps.
Notre humaniste remet à leur place fascisme et bolchévisme, mais on n’insistera pas.
« C'est pourquoi bolchevisme et fascisme, les deux essais « nouveaux » de politique que tentent l'Europe et ses voisines, sont deux exemples évidents de régression essentielle. »
Il observe comme Alexis Carrel ou la Boétie que l’homme est victime du luxe, et qu’il sombre dans l’imbécillité. J’ai étudié cette notion chez Pearson, et bien sûr chez Pétrone et Juvénal.
« Nous aurions tendance à nous imaginer qu'une vie engendrée dans l'abondance excessive serait meilleure, de qualité supérieure, plus « vivante » que celle qui consiste précisément à lutter contre la disette. Mais il n'en n'est pas ainsi. »
Bizarrement, Ortega n’aime ni le sport ni la plage ! La culture et l’amour étaient mal vus dans la société de bronzés qui s’annonçait…
« Par exemple, la tendance à faire des jeux et des sports l'occupation centrale de la vie; le culte du corps – régime hygiénique et souci de la beauté du costume; l'absence de tout romantisme dans les relations avec les femmes; se distraire avec l'intellectuel, mais le - mépriser au fond, et le faire fouetter par les sbires et les laquais; préférer une vie soumise à une autorité absolue plutôt qu'à un régime de libre discussion, etc.). »
Sur le sport et les plages, notre auteur se montre une rare fois optimiste :
« Tout, depuis la manie du sport physique (la manie, non le sport lui-même), jusqu'à la violence en politique, depuis l' « art nouveau » jusqu'aux bains de soleil sur les ridicules plages à la mode. Rien de tout cela n'a vraiment de racines profondes, car tout cela n'est au fond que pure invention, dans le mauvais sens du mot, dans le sens de caprice frivole. »
Le caprice frivole est prêt à en reprendre pour un troisième siècle ! Enfin il donne une bonne définition de l’homme-masse :
« Je m'attarde donc loyalement, mais avec tristesse, à montrer que cet homme pétri de tendances inciviles, que ce barbare frais émoulu est un produit automatique de la civilisation moderne. »
Barbare automatique est une belle expression, un oxymore pour nous qui allons bientôt être remplacés ou dépecés par les robots.
Mais Ortega Y Gasset évoque aussi un effondrement moral, un encanaillement :
« L'avilissement, l'encanaillement n'est pas autre chose que le mode de vie qui reste à l'individu qui s'est refusé à être celui qu'il fallait qu'il fût. Son être authentique n'en meurt pas pour cela. Mais il se convertit en une ombre accusatrice, en un fantôme qui lui rappelle constamment l'infériorité de l'existence qu’il mène, en l'opposant à celle qu'il aurait dû mener. L'avili est un suicidé qui se survit. »
Qui vit trop meurt vivant, dit Chateaubriand. L’occident ne peut pas mourir puisqu’il est déjà zombie.
Nouvelle pique contre les américains :
« Quand la masse agit par elle-même, elle ne le fait que d'une seule manière - elle n'en connaît point d'autre. Elle lynche. Ce n'est pas par un pur hasard que la loi de Lynch est américaine : l'Amérique est en quelque sorte le paradis des masses ».
Mais ne nous acharnons plus sur eux ! Que sommes-nous devenus, Français, Italiens, Allemands, pour jeter la pierre aux pauvres américains ?
Ortega Y Gasset consacre ensuite un beau chapitre à la catastrophe étatique (voyez Nietzsche et son monstre froid, Tocqueville et sa puissance tutélaire) :
« Aujourd'hui, l'Etat est devenu une machine formidable, qui fonctionne prodigieusement, avec une merveilleuse efficacité, par la quantité et la précision de ses moyens. Etablie au milieu de la société, il suffit de toucher un ressort pour que ses énormes leviers agissent et opèrent d'une façon foudroyante sur un tronçon quelconque du corps social.
L'Etat contemporain est le produit le plus visible et le plus notoire de la civilisation. »
L’étatisme suppose la fin de la vie et de sa spontanéité :
« Voilà le plus grand danger qui menace aujourd'hui la civilisation: l'étatisation de la vie, l' « interventionnisme » de l'Etat, l'absorption de toute spontanéité sociale par l'Etat; C'est-à-dire l'annulation de la spontanéité historique qui, en définitive, soutient, nourrit et entraîne les destins humains. »
L’étatisation suppose bureaucratisation et stérilisation, elle est la clé de notre suicide. Nous sommes assassinés par l’Etat (il nous ôtera la peine de vivre, pronostique Tocqueville), par le super-Etat européen, et par l’Etat mondial techno-totalitaire.
« L'Etat pèse avec une suprématie antivitale sur la société. Celle-ci commence- à devenir esclave, à ne plus pouvoir vivre qu'au service de l'Etat. Toute la vie se bureaucratise. Que se produit- il? La bureaucratisation provoque un appauvrissement fatal de la vie dans tous les domaines.
La richesse décroît et les femmes enfantent peu. Alors l'Etat, pour subvenir à ses propres besoins, renforce la bureaucratisation de l'existence humaine. »
La bureaucratisation aboutit à la guerre moderne :
« Cette bureaucratisation à la seconde puissance est la militarisation de la société. »
Je vous laisse relire ce classique qui n’a pas encore révélé tous ses secrets, comme on dit à la télé !
(1) Thomas : Et propter eandem rationem etiam omnes stulti, et deliberatione non utentes, omnia tentant, et sunt bonae spei
Nicolas Bonnal – Céline, la colère et les mots (Avatar) ; Chroniques sur la fin de l’histoire ; le livre noir de la décadence romaine (Amazon.fr)
Chateaubriand – Mémoires d’outre-tombe, la Conclusion
Ortega Y Gasset – la révolte des masses
Alexis de Tocqueville – De la démocratie en Amérique, II
Hermann Hesse – le loup des steppes
Nietzsche – Ainsi parlait Zarathoustra ; considérations inactuelles (David Strauss)
Edgar Poe – Entretiens avec une momie
20:13 Publié dans Philosophie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : espagne, josé ortega y gasset, philosophie | |
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19:54 Publié dans Philosophie, Révolution conservatrice | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : walter schubart, allemagne, russie, révolution conservatrice, philosophie, anthropologie | |
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Many people, I suspect, find themselves in this position. They have heard that Eric Voegelin is a great philosopher of history, much esteemed by such eminent conservatives as Willmoore Kendall, Russell Kirk, and Mel Bradford, and that he and Leo Strauss rank as the most influential political theorists of the contemporary American Right.1 They eagerly obtain a copy of Voegelin’s most comprehensive work, Order and History. They are intrigued by the book’s opening: “The order of history emerges from the history of order”; but after reading a few pages, they turn away in bafflement. Though he can on occasion write with great beauty, Voegelin’s style is often dense and his train of thought difficult to follow. Even the great economist Murray Rothbard once told me that he found Voegelin’s “leap in being” unfathomable.
Reading Voegelin is well worth the effort his demanding books require, and Jeffrey C. Herndon’s insightful new book Eric Voegelin and the Problem of Christian Order offers a useful guide to an important part of Voegelin’s work.2 Before turning to it, however, it will be helpful to look at the historical situation that formed Voegelin’s thought. Mark Lilla here grasps the essential point. In an excellent survey article on Voegelin, Lilla remarks: “In the twentieth century, European history writing became a kind of Trümmerliteratur, a look back at the civilization that collapsed in 1933 . . . or 1917, or 1789, or further back still. . . . Edmund Husserl spoke for many German thinkers when he declared, in a famous lecture just before the Second World War, that ‘the “crisis of European existence” . . . becomes understandable and transparent against the background of the teleology of European history that can be discovered philosophically.’”3
How did the Nazis, a gang of brutal thugs, succeed in gaining power in Germany? Once Hitler attained power, why did the Western powers fail to stop him before his bid for European mastery? To Voegelin, as the quotation from Lilla suggests, these questions were of prime importance. Only a spiritual collapse could explain the failure to resist such an obvious menace.
But we must here avoid a misleading impression. Voegelin was by no means a head-in-the clouds philosopher who was never willing to descend from the empyrean to analyze mundane events. Quite the contrary; he often had penetrating and unusual insights on political affairs. He once told me he thought that Britain, blinded by ideology, had wrongly insisted on sanctions against Italy after its invasion of Ethiopia, thus driving Mussolini into alliance with Hitler. He also contended that Christian Science had exercised a deleterious pacifist influence on such British appeasers as Lord Lothian and recommended that I read Christopher Sykes’s biography Nancy: Lady Astor for background on the issue. (Although I’m fairly familiar with the literature on World War II origins, I’ve never seen anyone else make this point.)
His insights were by no means confined to the 1930s. He sharply rejected the influential book by Fritz Fischer, Griff nach der Weltmacht (1961), which placed near-exclusive blame on Germany for the First World War. (He thought that the only decent German prose in the book was in some of the letters of Kaiser Wilhelm that it included.) He said that the diplomatic crisis after the Austrian ultimatum to Serbia should have been settled though a conference of the Great Powers. The smaller nations such as Serbia should have been told, “taisez-vous!”
To cope with political upheaval, Voegelin believed that severe measures were required. He points out in The New Science of Politics, his most popular book, and elsewhere that if one adds the votes for the Nazis and the Communists in the last years of the Weimar Republic, one obtains a large majority of the population in favor of revolutionary overthrow of the existing order. In this circumstance, the ruling authorities would have been justified in suspending ordinary democratic rule. Voegelin supported for this reason the clerical regime of Engelbert Dollfuss, which was willing to act forcibly to counter revolutionary violence; and in his The Authoritarian State, buttressed with learned citations from Ernest Renan and the French jurist Maurice Hauriou, he offers a detailed defense of emergency authoritarian rule.4
This might stave off immediate disaster, but as I suggested earlier, a deeper problem—spiritual crisis—finally had to be confronted. Voegelin believed that order in society is much more than a political problem in the conventional sense. Besides the everyday world, there is a transcendent realm: human beings exist in tension between it and the world we grasp through the senses. Voegelin calls this tension the In-Between or, using a term of Plato’s, the Metaxy. The transcendent cannot be described in language that is literally true: myth and symbol are our only recourse. As he puts the point in his philosophically deepest book, The Ecumenic Age, Plato “is aware of the limits set to the philosopher’s exploration of reality by the divine mystery. . . . Since the philosopher cannot transcend these limits but has to move in the In-Between, the Metaxy, . . . the meaning of his work depends on an ambiance of insight concerning the divine presence and operation in the cosmos that only the myth can provide.”5
But what has all this to do with politics? Voegelin thought that the rulers of a society must mirror their society’s conception of cosmic order in the way they organize the government. In doing so, it is vital that the governing authorities preserve the tension between the human and divine realms.
If this requirement is flouted, disaster threatens. If, e.g., a society thinks that God’s kingdom on earth can be established, its futile attempt to overcome the tension in which human beings exist will result in tyranny or chaos. Voegelin thought that this “derailment of being” paralleled the ideas of the Gnostics, a movement that flourished in the first few centuries of the Christian era. As the name suggests, the Gnostics believed in salvation through the possession of esoteric knowledge. In like fashion, Voegelin argues, Comte’s positivism, Marxism, and Nazism contend that human nature can be completely remade under the guidance of a revolutionary elite. In seeking to bring an end to the tension between human beings and the divine, these movements “immanentize the eschaton,” as Voegelin famously put it in The New Science of Politics.6 That is to say, these movements treat the symbol of the end of history as if it were a project that can be achieved in ordinary time.
Voegelin’s analysis of totalitarianism differs on a crucial point from the view of Hannah Arendt in her famous The Origins of Totalitarianism. Voegelin and Arendt knew each other, and he clarified the difference between them in a notable review of her book, to which she responded. He thought that she correctly saw that totalitarian movements aimed to change human nature. “This is, indeed, the essence of totalitarianism as an immanentist creed movement.” But “I [Voegelin] could hardly believe my eyes” that Arendt did not rule out such a change as impossible. For Voegelin, the structure of being is unchangeable: precisely because of this, attempts to alter it lead to disaster.7
Voegelin’s view that society represents cosmic order may strike those new to it as hard to grasp. Here Herndon’s book offers considerable help. Before Voegelin wrote Order and History he planned a massive History of Political Ideas. This he abandoned as unsatisfactory, but Herndon thinks that, to a large extent, it reflects Voegelin’s mature views. The History has the advantage of presenting certain aspects of Voegelin’s thought in more detail than is available elsewhere. Herndon gives us a detailed account of one part of this massive treatise; he covers the period from the rise of Christianity to the Reformation.8 Someone new to Voegelin who reads Herndon’s book will get a good grasp of the basics of Voegelin’s thought.
Herndon brings out that for Voegelin, Saint Paul devised a series of “compromises” that enabled the Christian community to survive and grow in the world. These compromises preserved the necessary tension between the divine and human: in doing so they enabled the members of the community to achieve concord (homonoia). Herndon remarks, “Christian homonoia as understood by Saint Paul was no mean achievement in history.”9 Herndon ably expounds the extensions and alterations of the Pauline compromises in the Middle Ages, culminating in the thought of Thomas Aquinas.10(Herndon might have mentioned the great influence on Voegelin’s account of the Holy Roman Empire of Alois Dempf’s Sacrum Imperium.) The Reformation overthrew the delicate balance between the divine and the human described at its best in Aquinas’s thought, though never fully achieved in practice; and Voegelin is scathing in his account of Luther and Calvin as political thinkers. Luther divorced the political world from the sacred; worse yet, Calvin attempted to construct an immanent universal Christianity. Herndon comments, “If Voegelin’s treatment of Luther was harsh, his examination of Calvin borders on the scandalous.”
What are we to make of all this? I find Voegelin’s thought impressive and his erudition staggering; but it seems to me that he fails to address a fundamental issue. Why should we accept what he says about the nature of being? Voegelin often does not give arguments for his views; indeed, in these matters, he distrusts the use of propositions altogether. For him, the mystical insights of certain great thinkers, Plato foremost among them, are primary, and Voegelin devotes most of his philosophical attention to an exposition of the myths and symbols of these thinkers. He was certainly capable of argument: to see this one has only to examine in The Authoritarian State the nimble dialectics he uses to analyze the new constitution proposed for the Dollfuss regime. But he thought that its place in philosophy was distinctly minor. I well remember one conversation in which he several times corrected me for referring to a philosopher’s “position,” a word he deemed unacceptably ideological.11
Voegelin also is open to challenge about the way he thinks society represents the cosmic order. Why must it be the ruling authorities who establish the order of society? In the classical liberal view, such matters belong entirely to civil society. Why should the police and defense departments decide how human society represents God? To ask this question is not at all to challenge Voegelin’s assumption that society mirrors cosmic order.12
Although Voegelin had been a member of the private seminar of the great Austrian economist Ludwig von Mises and had a good understanding of free-market economics, he dismissed what he considered extreme or dogmatic classical liberalism. He treated John Locke with scorn, hardly viewing him as a major thinker at all. The great classical liberal Charles Comte was for him someone who wished to overthrow the order of being. For Voegelin a strong state is essential.
I disagree with Voegelin here, for reasons set out elsewhere. But accept or reject the fundamental tenets of Voegelin’s thought, no one who studies him can fail to benefit from his insights and synoptic vision.13
Notes
. This article is reprinted with the author’s permission.
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par Nicolas Bonnal
Ex: http://www.dedefensa.org
J’ai écrit sur ce sujet, citant le fameux texte de Swift qui se demande avec quoi on pourra remplacer le christianisme en 1707 (voyez Paul Hazard). Dans ses lettres si perçantes, Montesquieu se moque du pape, « vieille idole qu’on encense par habitude. » Un siècle après Michelet se demande, à propos de la fin du moyen âge, ce que la religion fait encore en occident (elle attendait Bergoglio !) et impute son maintien à l’habitude et à l’éducation, ce qui n’est pas si faux, la natalité catholique dans les classes privilégiées s’étant bien maintenue. Seule une poignée de chrétiens, souvent socialistes alors, se révoltèrent contre l’involution des bourgeoisies dévotes, des patrons bien féroces, des clergés plus ou moins pédophiles et les démocraties chrétiennes que Bayrou ou Merkel ont célébrées et accompagnées comme une cohorte d’euphoriques démoniaques. Car on ne m’empêchera pas de dire ce que j’ai à dire sur ce sujet pointu. L’Eglise catholique romaine est un des bras désarmants de Soros, du mondialisme et du trotskysme de la fin.
Et si cette Eglise n’a peut-être pas de divisions au sens de Staline, elle en est une.
J’en viens à Ludwig Feuerbach.
Feuerbach est un grand philosophe athée qui a exercé une grande influence, y compris stylistique, sur des maîtres tels que Karl Marx ou Guy Debord.
Dans l’introduction à la deuxième édition de son livre sur le christianisme, il écrit ces phrases très justes et très sensées, qui annoncent notre ère postmoderne du simulacre et de la simulation, pour reprendre une expression que Baudrillard puis le film Matrix ont rendue célèbre. On est à l’époque de Flaubert ou Dostoïevski qui eux aussi se moquent comme ils peuvent du pseudo-christianisme de leur époque (voyez l’ignoré Idiot ou bien sûr Bouvard et Pécuchet).
Et cela donne :
« Pour ce temps-ci, il est vrai, qui préfère l’image à la chose, la copie à l’original, la représentation à la réalité, l’apparence à l’être, cette transformation est une ruine absolue ou du moins une profanation impie, parce qu’elle enlève toute illusion. Sainte est pour lui l’illusion et profane la vérité. »
Feuerbach pressent la falsification de la société de l’image avant que celle-ci n’apparaisse. Mais le télégraphe, mais la presse, mais l’agence Reuters, mais la photographie sont déjà là… La société de l’ineptie actuelle est déjà là, et son abjection spirituelle qui se reconnaît dans le nullissime pape François qu’elle accepte sans broncher.
Feuerbach comprenait comme le jeune Marx de la question juive que Rome n’est plus dans Rome, que le chrétien moderne n’est pas vraiment chrétien. Il est coquet et sans caractère (pensez au mensch ohne eigenschaften, l’homme sans qualités de Robert Musil):
« J’ai déclaré par conséquent que, pour trouver dans le christianisme un digne objet d’étude, j’avais été obligé de faire abstraction du christianisme moderne, dissolu, confortable, épicurien, coquet et sans caractère, et de me reporter dans ces temps où la fiancée du Christ, vierge encore, chaste et pure, n’avait pas mêlé à la couronne d’épines de son fiancé céleste les roses et les myrtes de la Vénus païenne, dans ces temps où, pauvre en vérité des trésors de la terre, elle était riche et heureuse dans la jouissance des mystères d’un amour surnaturel. »
Puis Feuerbach enfonce le clou ; et à notre époque de culte papiste (papimane, disait déjà le pauvre Rabelais), ces phrases ne feront pas de mal à certains – et en confirmeront d’autres dans leurs prévarications (comme le remarque à ses frais mon amie Béatrice du site Benoit-et-moi.fr, on adore encore, on adore toujours les chasses aux sorcières et on est toujours prêt à accompagner la police de la pensée athée et multiculturelle pour les mener en humant l’odeur de la chair rôtie) :
« Depuis longtemps la religion a disparu et sa place est occupée par son apparence, son masque, c’est-à-dire par l’Eglise, même chez les protestants, pour faire croire au moins à la foule ignorante et incapable de juger que la foi chrétienne existe encore, parce qu’aujourd’hui comme il y a mille ans les temples son encore debout, parce qu’aujourd’hui comme autrefois les signes extérieurs de la croyance sont encore en honneur et en vogue. »
Feuerbach parle déjà, parle déjà, assez génialement je dois dire, de monde moderne, ce monde que les vrais chrétiens comme Léon Bloy ou Chesterton condamneront une génération plus tard en invoquant à tort ou à raison le moyen âge :
« Ce qui n’a plus d’existence dans la foi, — et la foi du monde moderne, comme cela a été prouvé à satiété par moi et par d’autres, n’est qu’une foi apparente, indécise, qui ne croit pas ce qu’elle se figure croire ; — ce qui n’existe plus dans la foi, doit, on le veut à toute force, exister dans l’opinion; ce qui en vérité et par soi-même n’est plus saint doit au moins le paraître encore. »
La foi est remplacée par l’opinion. Le mot doxa est ainsi promis à une riche manipulation. Je vous laisse découvrir ce grand auteur, qui n’est pas là vous ôter la foi, mais vos illusions sur la religion modernisée, cent ans avant le culte de l’abjection vaticane.
J’ajouterai ce morceau du meilleur guide de voyages de tous les temps, le voyage en Espagne de Théophile Gautier :
« Le peuple aussi commence à calculer combien vaut l’or du ciboire ; lui qui naguère n’osait lever les yeux sur le blanc soleil de l’hostie, il se dit que des morceaux de cristal remplaceraient parfaitement les diamants et les pierreries de l’ostensoir ; l’église n’est plus guère fréquentée que par les voyageurs, les mendiants et d’horribles vieilles, d’atroces duenhas vêtues de noir, aux regards de chouette, au sourire de tête de mort, aux mains d’araignée, qui ne se meuvent qu’avec un cliquetis d’os rouillés, de médailles et de chapelets, et, sous prétexte de demander l’aumône, vous murmurent je ne sais quelles effroyables propositions de cheveux noirs, de teints vermeils, de regards brûlants et de sourires toujours en fleur. L’Espagne elle-même n’est plus catholique ! »
Léon Bloy, encore et toujours :
«Et ce cortège est contemplé par un peuple immense, mais si prodigieusement imbécile qu'on peut lui casser les dents à coups de maillet et l'émasculer avec des tenailles de forgeur de fer, avant qu'il s'aperçoive seulement qu'il a des maîtres, — les épouvantables maîtres qu'il tolère et qu'il s'est choisis. »
Ludwig Feuerbach – L’essence du christianisme (préface à la deuxième édition)
Théophile Gautier – Voyage en Espagne, ch.14.
Paul Hazard – La crise de la conscience européenne
Nicolas Bonnal – Comment les peuples sont devenus jetables (Amazon.fr)
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par Yannick Jaffré
Ex: http://www.katehon.com/fr
Si les États-Unis ont été le laboratoire social du post-modernisme, des Européens, Français à l'avant-garde, en furent les théoriciens. Comme souvent, les Américains font d'abord, pensent ensuite et, philosophiquement, presque jamais par eux-mêmes. Ainsi la dissolution du patriarcat, l’individualisme économico-juridique, le règne du consumérisme et le relativisme moral ont-ils été expérimentés aux États-Unis avec plus de spontanéité et de radicalité qu’en Europe. Mais la vague post-moderne a dû ses concepts au travail de philosophes français. Sans l'hégémonie américaine combinant puissance matérielle et mimétisme social, hard et soft power, l'anti-monde des quarante dernières années aurait bien sûr été impossible ; mais sans les élaborations, ou élucubrations, menées en Europe par certains penseurs, il n'aurait pas exercé la même séduction intellectuelle.
Des deux côtés de l'atlantique, cependant, cette hégémonie n'a jamais été complète. L'histoire n'a pas de fin, aucune époque n'est parfaitement synchronique, et toute domination trouve ses contrepoids. Contre le nihilisme post-moderne, le katekhon a bien opéré. - Par l'inertie des traditions culturelles et des structures familiales, par un patriotisme imprégné de religiosité et un populisme qui viennent de porter Trump au pouvoir en Amérique, par un mouvement de réaction contre la « moraline » droit-de-l'hommiste qui doit encore trouver en Europe sa traduction politique. Je suis de ceux qui considèrent que la configuration nihilo-mondialiste est morte, dans l'ordre de l'esprit comme dans celui de la matière. Mais le cadavre poursuit ses destructions, comme un zombie. Il faut donc encore en disperser les restes.
Il n'est pas utile en revanche d'entrer dans les subtilités, somme toute bien facultatives, de la déconstruction philosophique. La diversité interne de ses courants, réelle, n'est pas essentielle. Toutes ses variantes sont rassemblées sur la même ligne de front par leurs cibles communes : l'enracinement historique, la substantialité philosophique, la décence morale et, au strict plan politique, les nations dans leur identité et les États dans leur souveraineté. Somme toute, la déconstruction croise les deux principales idéologies soixante-huitardes : le post-marxisme et le libertarisme, qui ont rapidement surmonté leur antagonisme initial. La première peut être représentée par Toni Negri1 dont les « multitudes mondiales », qui succèdent aux classes nationales, ont pour première passion, plus que la lutte anti-capitaliste, de détruire « cette merde d’État-nation2 » (sic…). Quant à l'autre coulée répandue par mai 68, libertaire et « alterolâtre », cosmopolite et « autophobe », elle débouche sur la « gauche morale » immigrationniste. C'est elle que j'aborde ici à travers ses maîtres à penser Deleuze, Foucault et Derrida.
Les Américains, qui leur ont offert chaires sur chaires, les ont regroupés avec quelques autres sous le label « French Theory ». Cette faveur renseigne sur leur compte. Si elles touchent par endroits à l’éternité des grandes œuvres d’art, les philosophies majeures restent en effet, pour une part décisive, filles de leur temps. Il n’est pas seulement permis, il est nécessaire de les apprécier d’après leurs patries d'élection. Cette « géolocalisation » devient même indispensable quand une philosophie prétend lutter contre ce qui domine son époque. On pourrait sous ce rapport s’amuser de la popularité intellectuelle dont jouissent les déconstructeurs chez ceux qu’aux États-Unis on appelle liberals : occupant l’aile gauche du parti démocrate, progressistes en matière de mœurs, laissant intacts les piliers du libéralisme économique, ils sont, autrement dit, des libéraux-libertaires. Acteurs majeurs du capitalisme post-moderne dans sa superstructure idéologique, et bénéficiaires de son infrastructure économique, ils ont fait des déconstructeurs français leurs serviteurs érudits - semblables à ces esclaves grecs qui, dans l'antiquité, chapitraient la jeunesse romaine décadente. A cette différence près que ceux-ci entretenaient les fondements de l'histoire européenne que ceux-là veulent terminer. Pour parler « années 1970 », ces philosophes ont été les « valets du capital » post-moderne.
Lus de Berkeley à Columbia, donc, Deleuze, Foucault et Derrida sont les plus célèbres figures de la French theory. Je vais brièvement entourer le foyer commun de leur pensée. Ayant fait litière de la sentence opportuniste d’Heidegger selon laquelle la biographie des penseurs compterait pour rien3, je dirai aussi quelques mots de leurs parcours politiques personnels.
Deleuze forge des concepts puissants, nietzschéens, animés par les forces de l’art et de la vie. Naturaliste, il croit en suivre les croissances dans le « biotope » politique. Ainsi propose-t-il, dans l’Abécédaire qui a tant contribué à populariser sa pensée, la notion de « devenir révolutionnaire ». Une situation devient à ce point insupportable, dit-il, qu’elle cesse dans une explosion de liberté qui déracine les « arbres » - métaphores de tous les ordres oppressifs. Sur cette terre retournée fourmillent alors des « rhizomes » qui désignent dans la botanique deleuzienne d’imprévisibles ramifications libertaires. Car la liberté pousserait là, dans des « flux », entre les « branches », indisciplinée, anarchique, avant que les arbres liberticides reprennent vite et comme fatalement racine. Deleuze constate avec placidité que les révolutions « tournent mal » sans vraiment dire pourquoi, l’oppression lui paraissant devoir « arriver » à la liberté dans une sorte de balancement cosmique.
On ne peut à l'évidence concevoir avec lui un éventuel rôle positif de l’État, ni la valeur de la substance, au sens stoïcien de ce qui dure, tandis qu’on est happé par des flux « désirants ». Flux dont le potentiel consommateur-destructeur habite l’angle mort de cette pensée. Et c’est sans injustice flagrante que le vocabulaire deleuzien du « nomadisme », de la « déterritorialisation » et donc des « flux », se retrouve aujourd’hui dans la langue du capitalisme financier apatride. Et c'est aussi sans surprise qu'il sert à dissoudre par l'immigration l'identité des peuples et, avec elle, leur souveraineté politique. Deleuze, rétif aux rigueurs de la dialectique hégelienne, méprise les points d’arrêts, de repos et de contrainte, autrement dit les institutions indispensables à la liberté collective. Il renvoie ainsi les moments négatifs politiquement nécessaires – coercition, institution, autorité - aux « passions tristes » spinozistes, aux « forces faibles » nietzschéennes, autrement dit aux pathologies de la soumission. Et sa pensée offre l'aspect d’une sorte d'anarcho-naturalisme artiste qui, par constitution, supporte très mal l'épreuve historique. Ne comprenant l'histoire européenne qu'à travers ses grandes œuvres culturelles, il l'ignore superbement comme destin civilisationnel. Pour ceux qui font de ce destin leur combat, Deleuze n'offre que des armes piégées.
Quant à son parcours personnel, on peut y reconnaître une certaine fidélité et une probité stoïcienne. Il a certes cultivé le fétichisme des marges dans le joyeux (?) désordre de l'université de Vincennes, esquivé ensuite les questions embarrassantes sur les conséquences sociales et existentielles du gauchisme, refusé, en somme, de regarder en face le soleil noir de Mai. Mais après avoir embrassé la veine vitaliste de 68, sans jamais y revenir, il n’a jamais personnellement couru après les bénéfices, narcissiques ou matériels, de l’avant-garde.
On lit chez Foucault une prose théorique parfois étincelante, ainsi dans les inoubliables ouvertures de ses deux œuvres maîtresses, Surveiller et punir et Les mots et les choses. On y apprend aussi beaucoup car un corpus de faits - historiques, scientifiques et esthétiques -, donne à chaque proposition essentielle un appui probatoire. Mais en dépit d’une telle volonté positiviste, le concept foucaldien de pouvoir glisse entre les doigts comme l’eau de Thalès : élément universel imprégnant toute chose, il serait à ce point répandu dans les institutions, les discours et les pratiques quotidiennes, qu’il en devient impensable. Avec cette conséquence logique qu’on ne peut échapper à un pouvoir partout oppresseur qu’en se projetant le long de lignes de fuite extraordinaires. Cédant comme Deleuze à l’idolâtrie des marges cultivée par son époque, Foucault réserve ainsi l’expérience de la liberté aux déments, aux criminels, aux parricides, aux transsexuels. Dès lors en effet que l’État (et toutes les institutions qui en émanent) ne serait qu’un pur agent d’oppression, n’importe quoi, à la lettre - du maoïsme aux droits de l’homme en passant par la révolution iranienne -, devient contre lui une ressource envisageable. Ayant bien saisi pourtant le passage des sociétés hiérarchisées « verticales » aux sociétés de contrôle « horizontales », Foucault, tout à sa répugnance pour l’État, n’imagine pas de le mobiliser contre les nouvelles dominations. Quant aux « subjectivations » individuelles dont il entreprend l’histoire originale depuis les Grecs, éprouvant chez eux, sans qu’œuvre ici le hasard, une dilection particulière pour les cyniques, elles se logent aujourd’hui à merveille dans le nouveau capitalisme de consommation. Celui-ci absorbe tous les modes de vie alternatifs dès lors qu'ils ne touchent pas, à travers une pensée rigoureuse et substantielle, au cœur de son réacteur. Il accumule les bénéfices de sa propre critique en y employant une armée de serviteurs « impertinents » (dont la « rebellocratie » du spectacle, selon l'expression de Philippe Murray, occupe au bout de la laisse la tête la plus avancée).
Honnies par le penseur, les institutions de la république ne furent pas si mauvaises mères pour l’universitaire. Il y menait jusqu’en 68 une belle carrière sans vagues, qu’il poursuivit ensuite au Collège de France. Il devient peu après Mai un « compagnon de route » des maoïstes spécialisé dans la question carcérale, avant d’abonder intellectuellement la Révolution islamique iranienne en même temps que, sans solution de continuité, les « nouveaux philosophes » (Deleuze, lui, avait eut le bon goût de les tenir sur-le-champ dans le mépris qui leur revient). Il achève avec eux sa trajectoire en rejoignant le droit-de-l’hommisme4 qui, envahissant le champ politique à partir de la fin des années 70, va former avec l’hédonisme le couple infernal des deux décennies suivantes. Les choses s’aggravent encore post-mortem puisque le principal légataire éditorial de Foucault, François Ewald, allait conseiller, en plus de la Fédération française des sociétés d’assurance, Denis Kessler l’ex-maoïste dirigeant du Medef. Je crois qu’il n’est plus à craindre qu’un jour contre son ambiance apparente, mais conformément à ses lames de fond, le foucaldisme devienne un libéralisme. C'est fait. De son vivant, Foucault avait adopté les uns après les autres les états de la critique institutionnelle, majoritaire, permise et sans risque. A telle enseigne qu’on peut soupçonner son positivisme revendiqué, qui devrait a priori loger sa déontologie dans le respect des faits, d’avoir abrité une sourde servilité au Fait hégémonique s’insinuant, honteuse ou inconsciente d’elle-même, sous la flamboyance des concepts et des poses.
Derrida, enfin. Il livre quelques puissants textes à l’époque de L’écriture et la différence (1967) avant de se fortifier dans l’idée qu’entre le concept et la métaphore, la philosophie et la littérature, les frontières devaient s’effacer au profit de la notion d’« écriture »5 - qui ne peut chez lui, lecture faite, être confondue avec le style. Se plaçant dans le sillage de Heidegger, Derrida entend « dé(cons)truire » l’équation fondamentale du projet philosophique grec : la saisie de l’être des choses par la pensée rationnelle. S’il n’y a pas lieu de soustraire ce projet à la critique, qui est un de ses gestes essentiels, elle n’en épuise sans doute pas toutes les virtualités. On pourrait au risque de passer pour un humble naïf s’attarder un instant, quels dégoût, mélancolie ou consternation que nous inspire le devenir de l’Occident contemporain, sur les plus hautes réalisations du Logos. Il serait donc pour Derrida à déconstruire d’urgence ou, plus subtilement, il connaîtrait une déconstruction interne que la pensée devrait recueillir. Mais alors que Heidegger entendait pour ce faire une Voix « gréco-allemande » plus ancienne que les calculs de la rationalité technicienne, Derrida reçoit son inspiration là, près de lui-même, dans la lettre hébraïque. Et il fait glisser, après Lévinas et tant d'autres intellectuels juifs, la philosophie d’Athènes à Jérusalem. Elle s'y perd sans retour. Dès lors que le monde est supposé échapper au logos qui s’efforce de l’éclairer, qu’il se renferme désormais dans une écriture indéfiniment déchiffrable, on prend en effet le chemin du désert théologique.
Derrida, adoptant assez naturellement le ton de l’Ecclésiaste rabaissant les vains édifices humains, renvoie ainsi les grandes philosophies à leurs impensés, leur logique consciente à ce qu’elle refoule, leurs intentions rationnelles à une lettre qui, « disséminante » et « différante », les déborde parce que l’infini travaille en elle6. Il passe au rouleau compresseur kabbalistique les distinctions sur lesquelles repose la pensée occidentale (cause et effet, substance et accident, sujet et objet, etc.) avec un acharnement formel qui exprime une sorte de haine froide. Dans une telle atmosphère de confusion, on marche à rebours de l’esprit du logos avec ses déterminations habitables. Rien ici ne paraît pouvoir subsister, durer, s’établir ou s’affirmer sinon, peut-être, la figure du philosophe prophète qui semble posséder, lui et lui seul, la consistance du particulier et le magistère de l’universel. Il juge en effet sans bienveillance, en brandissant une Loi aussi absolue que retirée du commun, les œuvres politiques, les cultures et les mondes particuliers des peuples (moins Israël...) qui veulent être quelqu’un dans l’histoire. Restent alors, pour tout solde, un empêchement de pensée et une théologie judaïque de contrebande.
Quand Deleuze s’installe avec ses concepts vivants dans une affirmation sans dialectique, Derrida administre au sens une correction infinie qui, n’affirmant jamais que l’imperfection du monde, porte en chaire un maître de l’obscurité. On passe donc, d’un French theorist à l’autre, du refus libertaire de la dialectique à son engloutissement dans les eaux glacées d’une théocratie négative. Pour un résultat somme toute équivalent : partageant les mêmes hostilités - métaphysique contre la substance, politique contre la nation-, ils ligotent la philosophie au cosmopolitisme des droits de l'homme.
Derrida s’est montré publiquement plus discret que Foucault. Jouissant dans l’université française d’une marginalité confortable, il empile les chaires américaines, soutient les dissidents tchèques, rentre en 1995 au comité de soutien à Lionel Jospin, duquel il s’éloigne en 2002 parce qu’il juge sa politique d’immigration impitoyable... Il accomplit en définitive le parcours sans faute d’une grande conscience de gauche pétitionnaire – Antigone séfarade d’amphithéâtre contre les méchants Créon d’État - qui ne se risque sur le champ de bataille qu'abrité sous le Paraclet du droit naturel cosmopolitique.
A moins de croire à la stratégie du cheval de Troie, douteuse en général, il faut bien se rendre à l’évidence : ces pensées sont à tel point aspirées par les pôles du monde capitaliste « post-moderne », qui mêle hédonisme et juridisme, qu’elles sont impropres à en combattre les toxines. Pire, elles les répandent. Émasculant intellectuellement la capacité politique des peuples, la déconstruction méprise l’État et la Nation - l’acteur du pouvoir et sa source légitime – au profit de résistances introuvables. Par la Nature chez Deleuze, par les Faits avec Foucault, par la Loi aux termes de Derrida, on finit par perdre la mesure dans les choses, l’autorité des faits vacille et l’esprit des lois devient impensable. En pourchassant avec les gauchistes sa configuration patriarcale, nationale et industrielle, ils ont prêté leurs amples pensées à l’ennemi capitaliste qui, disais-je, passait avec eux au stade puéril, mondial et consumériste. A travers leurs cas particuliers le magistère de 68 est en cause, avec son « héritage impossible7 ».
Les French theorists déconstruisent, critiquent ou subvertissent les catégories de la tradition philosophique occidentale. Mais le poids des choses contrarie sans cesse leur prétention avant-gardiste de dépasser par la pensée ce qui, dans cette tradition, abrite les conditions d’un monde habitable. Même quand ils l’abordent plus humblement, la logique même de leur pensée leur fait maltraiter l’histoire. « Post-modernes », ils ne cherchent dans leur époque, et donc n’y trouvent, que des dates de péremption, frissonnant de plaisir à chaque acte de décès qu’ils croient pouvoir prononcer. En réalité, complaisamment postés partout où le « vieux monde » est déjà mort, ils ne conjurent que des menaces révolues en s'aveuglant avec métier sur les dangers présents.
Qu’on me comprenne bien : je ne pointe pas ici le retard sur le Temps des intellectuels en question. Non, je suis tout au contraire frappé par leur collusion avec le capitalisme dont ils semblent instruire la critique. S’ils étaient « inactuels » ou « intempestifs », ils joueraient du marteau nietzschéen. S’ils surmontaient leur époque, ils suivraient le totem des philosophes selon Hegel, « chouettes de Minerve prenant leur envol au crépuscule ». Bref, s’ils pensaient leur époque en s’écartant d’elle, pour la subvertir, la surmonter ou la dépasser, ils rempliraient le rôle moderne auquel ils prétendent. Mais, épousant la trajectoire du 68 des élites, ils sont passés d’une révolution libertaire parlant marxiste au « droit de l’hommisme » antiraciste millésimé « années 80 ». Via, donc, les universités américaines. Mais ils subissent aujourd'hui, le temps de leur splendeur passé, le retour d'une logique implacable : à force d’ignorer les permanences au fond des choses pour se précipiter à l’avant-garde de la critique de la domination, on est irrémédiablement condamné à épouser les formes que la domination prescrit à sa critique.
C'est au fond le vieux Jacques Duclos qui avait raison. Dans un opuscule paru dès l'été 19688, le dirigeant stalinien mettait en garde contre les descendants de Bakounine jetant des pierres au quartier latin. Ces gauchistes, avertissait-il, propagent un désastreux « amorphisme » révolutionnaire : leur haine des formes, des mœurs et des institutions, les condamne à définir la liberté comme une pure négation ou, ce qui revient au même, comme un pur plastique. « Détruire c’est créer » disait ainsi Bakounine, l’éternel adolescent.
Aux aurores de la modernité, Descartes avait pressenti les audaces terribles qui s’ouvraient devant la volonté infinie, illimitée et prométhéenne à laquelle la science nouvelle faisait découvrir sa puissance. Puissance qui pourrait s’exercer non seulement contre une tradition intellectuelle imparfaite mais aussi, et c’était la crainte de Descartes, contre tous les ordres moraux et politiques. Ainsi ne cesse-t-il dans le Discours de la méthode de mettre en garde contre une extension « démocratique » du doute radical qu’il pratique dans le domaine de la connaissance pure. De la grandeur inquiète de ces commencements, nous sommes passés au gauchisme de consommation « post-soixante-huitard ». S’il recule dans le passé, il continue d’irradier notre présent comme une strate géologique recouverte mais encore active.
Depuis quarante ans, la liberté moderne échoue ainsi sur une plage artificielle qui, après 68, a recouvert les durs, les vertueux pavés « gaullo-communistes ».
Un haïssable petit « moi » s'y agite, formant des pâtés capricieux, qui exige, revenu à la maison, de consommer sans ranger sa chambre. Bientôt père en rollers chantonnant Vincent Delerm, il n’hésite pas à porter des dreads-locks qui, bien acceptées dans son « job », aggravent son cas devant l’Éternel juge de tous les styles. Il prend avec l’âge l'aspect d’un vieux poupon arrogant et vagissant, réclamant l'air méchant de jouir encore et encore, et qui, gênant, tout le monde, ressemble trait pour trait à Dany Cohn-Bendit... Mais Cohn-Bendit va mourir bientôt, son monde est en phase terminale, et la déconstruction restera dans l'histoire de la pensée européenne comme le symptôme d'une dépression passagère. Le réalisme politique, la décence éthique et la consistance philosophique ont commencé leur insurrection. Mais c'est une autre histoire. Elle s'ouvre devant nous.
Notes:
Le site katehon.com ne donne malheureusement pas les notes de cet article !
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Ex: http://www.rowmaninternational.com
Martin Heidegger's thought has had a truly global impact. Yet, while his influence on European philosophers is well documented, we cannot say the same regarding other parts of the world, like China, Iran, and Japan. Heidegger's influence in the countries of the former Soviet bloc is an especially rich case, in part because of the powerful brand of resistance to western thought that has taken root most noticeably in Russia. Indeed, these radical strains of resistance to the west have become more important than ever now that at least one advisor of a sitting president of the United States has openly cited Russian extremists in what seems to be a subversive gesture of solidarity. Heidegger has perhaps never been more directly influential in politics - world politics - than he is now, despite the various scandals that attend his thought in the west.
Before returning to this point, let me give a brief sketch of the history of Heidegger reception in Russia and Eastern Europe.
The crucial factor here is of course political. In the earliest years of Heidegger's fame, the 1920s and 1930s, the Soviet Union was actively engaged in the creation of the world's first socialist state whose primary philosophical allegiance was to dialectical materialism or 'diamat.' After the relative openness of the 1920s, the restrictive ideological controls imposed in the 1930s ensured that almost any other form of philosophy was censured as bourgeois, reactionary or counter-revolutionary. Heidegger's open support for the National Socialist party in 1933 did nothing to improve matters. Phenomenology made greater inroads into Eastern Europe during the interwar period, perhaps most notably in Czechoslovakia, but the consolidation of Soviet power throughout Eastern Europe after the German defeat in 1945 meant that Heidegger's thought could not be openly studied there either prior to the momentous changes of 1989. As all witnesses concur, it was neither easy nor safe to study Heidegger in the post-war period, neither in the Soviet Union, nor in the countries of the Eastern block.
With the collapse of the Soviet Union, formalised by the official dissolution of the latter in December of 1991, the situation changed radically. But this radical change had been prepared for some years in advance. Heidegger's thought became already in the 1960s a furtive source of resistance, primarily to the rigid dogmas of dialectical materialism. But it also became later on a source of inspiration for broader resistance to the hegemony of western modes of thinking itself. If the former applies to Heidegger's reception both in Eastern Europe and the Soviet Union, the latter applies almost exclusively to the post-Soviet situation in Russia where traditional forms of resistance to the west exploited Heidegger's critique of metaphysics for their own purposes. It is well to emphasise this astonishing conjuncture since it features two levels of Heideggerian influence, both of which were and are perceived as emancipatory, although that emancipation itself is far more problematic.
It is far more problematic precisely because emancipation from the strictures of dogmatic Marxism seems more acceptable than emancipation from the west in toto, moreover as emancipation that condemns western culture as tyrannous, banal and numbing 'Americanism.' This distinctively Russian phenomenon will occupy me for the rest of my brief essay.
Heidegger's thought came to prominence in the post-Soviet era through the work of a remarkable polyglot translator and charismatic philosopher, Vladimir Bibikhin (1938-2004). Not only did Bibikhin translate Being and Time into Russian, he also cultivated a generation of young philosophers through his widely-attended lectures at the University of Moscow. It is difficult to apply a label to Bibikhin's thought, and I shall not try to do so. Suffice it to say that Bibikhin attempted to graft Heidegger onto central currents in Russian thought in such a way as to renovate Russian culture in the post-Soviet era, not as a wholesale rejection of western thought but as an effort at correcting its sometimes baleful influence, especially in regard to the insensate selfishness and venality that made strong inroads into post-Soviet Russia under the guise of promoting a free market and capitalist democracy. Bibikhin fought against the hypocrisy of American democracy as reflected in Russia, the ostensibly principled pursuit of freedom concealing there, as elsewhere, naked greed and exploitation.
Alexander Dugin took a different path. Dugin emerged from the shadows of far-right nationalist movements in the 1990s and seems to have come into his own in the Putin era as an advocate of a harshly anti-liberal, anti-American political stance. His 'fourth political theory' encourages resistance to the hegemony of modern liberalism, epitomized in its decadence by the United States, and develops a concept of multi-polarity whereby different cultural identities might be free to co-exist without having to submit to the hegemony of the United States. If this thinking may seem to reflect platitudes of post-colonialist thought, Dugin's advocacy of 'Eurasianism,' of Russia's destiny as a mediating entity between West and East, often referred to as an ideology of empire, as well as his reliance on thinkers such as Julius Evola and Carl Schmitt, suggest a profoundly conservative orientation not typically associated with post-colonialism.
Heidegger's thought has grown increasingly prominent as a source of inspiration for Dugin. Rather than grafting Heidegger's thought onto central currents of the Russian tradition, Dugin views Heidegger as offering a powerful productive example to Russian thought. For it is Heidegger, according to Dugin, who shows most clearly that western thought is exhausted and at an end such that it can - and indeed must - be totally overcome. The other beginning Heidegger proclaims in the 1930s as an overcoming of the exhaustion and sterility of western thought becomes a rallying cry for Dugin as well: Russian thought may offer a corresponding example by freeing itself of the suffocating hegemony of the west, of Americanism, to create a new multi-polar world. Yet, it should be noted that Russia becomes thereby a new beacon of freedom, a new centre in a multi-polar world. The ostensibly liberating proclamation of multi-polarity thus ends up reflecting little more than the venerable tradition of Russian 'Messianism' whereby it falls to Russia to save the world - in this case to save the world from the west, as the beneficent'star arising in the East' referred to by another unrepentant nationalist, Fyodor Dostoevsky in The Brothers Karamazov over 136 years ago.
Jeff Love
Author of Heidegger in Russia and Eastern Europe
19:00 Publié dans Philosophie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : philosophie, martin heidegger, russie, vladimir bibikhin, alexandre douguine | |
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par Nicolas Bonnal
Ex: http://www.dedefensa.org
La culture moderne veut détruire tout ce qu’il y a eu avant elle. L’idéologie du progrès l’a rendue folle (idem en 93 !) et elle est convaincue qu’elle peut juger et refaire le monde. Tout ce qui aura été conçu par le mâle blanc, bourgeois dont se moquait Sartre dans son plaidoyer aux étudiants japonais. Voyez Lost in translation pour voir ce qu’on a fait depuis du Japon.
Nietzsche, toujours lui, écrit :
« Les historiens naïfs appellent « objectivité » l’habitude de mesurer les opinions et les actions passées aux opinions qui ont cours au moment où ils écrivent. C’est là qu’ils trouvent le canon de toutes les vérités. Leur travail c’est d’adapter le passé à la trivialité actuelle. Par contre, ils appellent « subjective » toute façon d’écrire l’histoire qui ne considère pas comme canoniques ces opinions populaires ». »
Je me moque que la lie de notre bonne société ne s’intéresse plus aux humanités. Je l’avais dit chez Dechavanne. Mais qu’au moins elle ne détruise pas les statues, Versailles (roi facho), la sainte Chapelle (roi bigot) pour soulager sa bonne conscience. Les nazis faisaient de même, et on ne peut que comparer cette volonté de détruire les statues à celle de brûler des livres, dont plus de la moitié était écrite par des Allemands.
Le célèbre juriste allemand Carl Schmitt, un temps passé au nazisme, et inspirateur indirect des néocons, avait indiqué que tout ce qui avait été écrit par un juif dans le domaine culture, juridique ou autre devait être estampillé Judaïque. Or le prix Nobel péruvien Mario Vargas LLosa a remarqué qu’on ne se repère plus comme jadis dans les bibliothèques universitaires américaines. Comme chez les nazis vous êtes jugés en fonction de votre sexe ou de votre race.
Je cite ce libre esprit dans un espagnol très simple :
« A las anticuadas secciones de antaño — literatura, filosofía, arte, cine, crítica— habían reemplazado las posmodernas de teoría cultural, clase y género, raza y cultura y un estante titulado «el sujeto sexual», que me dio cierta esperanza, pero no tenía nada que ver con el erotismo, sino con la patrología filológica o machismo lingüístico.
La poesía, la novela y el teatro habían sido erradicados; la única forma creativa presente eran algunos guiones cinematográficos. En un puesto de honor figuraba un libro de Deleuze y Guattari sobre nomadología y otro, al parecer muy importante, de un grupo de psicoanalistas, juristas y sociólogos sobre la deconstrucción de la justicia.”
Vargas Llosa accuse les intellos français, la déconstruction (mais Derrida avait attaqué la démocratie à venir et la notion abjecte d’Etat-voyou), etc. Je pense que les intellectuels nazis comme Schmitt ont aussi leurs responsabilités. Tout cela a fourni un background culturel pour permettre au maire black de Baltimore de détruire les statues sudistes comme les nazis détruisaient les livres. Comme ça on ne parlera pas du chômage et des massacres de rue à Baltimore (je sais, c’est aussi la faute du blanc).
Notre culture comme arme de destruction massive va détruire tout : tout le passé est décrété blanc, macho, fasciste, il sera donc exterminé. Et alors ? Diront certains pressés de voir la suite de Walking dead.
Le reste sera adapté aux narratives officiels et on peut faire confiance à la technologie du clic et à la sous-culture, à la prostration de nos masses anesthésiées (Stanley Payne sur les espagnols) pour ne pas réagir plus que de raison !
Le journaliste Charlie Nash dans Breitbat.com parlait de la fin du free speech ordonnée par les ingénieurs ilotes, les robots et les logiciels de la Silicon Valley.
Silly con, encore un mot qui va loin.
Ils cassent le monde, disait Boris, il en reste assez pour moi.
Nicolas Bonnal – La culture comme arme de destruction massive (Amazon.fr)
Jean Baudrillard – Simulacres et simulation
Friedrich Nietzsche – Deuxième considération inactuelle
Macdonald – The culture of critique (pour la référence à Schmitt)
Mario Vargas LLosa – La civilisation du spectacle
18:42 Publié dans Actualité, Philosophie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : culture, occidentisme, occidentalisme, philosophie, philosophie politique, nicolas bonnal | |
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We must change back to the vision of the living cosmos; we must.
The oldest Pan is in us, and he will not be denied.
The Plumed Serpent is the story of an Aztec pagan revolution that spreads through Mexico during the time of the Mexican Revolution (the 1910s). Published in 1926, it also has themes of anti-capitalism, anti-Americanism, romanticism, nationalism, and primal and traditional roles for men and women.
The protagonist is 40-year-old Kate Leslie, the widow of an Irish revolutionary. She’s not particularly close to her grown children from her first husband, and seeking solitude and change in the midst of her grief she settles temporarily in Mexico.
Soon she meets Don Ramón Carrasco, an intellectual who’s attempting to rid the country of Christianity and capitalism and replace them with the cult of the Aztec god Quetzalcoatl (“the plumed serpent”) and Mexican nationalism. He’s assisted in his vision by Don Cipriano Viedma, a general in the Mexican army. Ramón provides the leadership, poetry, and propaganda that helps the movement take off, and Cipriano lends a military counterpoint.
Ramón writes hymns, then distributes copies to the villagers who quickly become fascinated by the idea of the old gods returning to Mexico:
Your gods are ready to return to you. Quetzalcoatl and Tlaloc, the old gods, are minded to come back to you. Be quiet, don’t let them find you crying and complaining. I have come from out of the lake to tell you the gods are coming back to Mexico, they are ready to return to their own home.
The Mexican commoners flock to listen as hymns are read (Mexico’s illiteracy rate was about 78 percent in 1910) (Presley). Soon the villagers are inspired to dance and drum in the native trance-inducing style that’s foreign to Christian worship, and they refuse the Church’s orders to quit listening to the Hymns of Quetzalcoatl. According to Smith, Lawrence was “interested in two related concepts of male homosociality: Männerbund and Blutbrüdershaft,” and there certainly are aspects of this in The Plumed Serpent among the Men of Quetzalcoatl. Ramón also employs an array of craftsmen to create the aesthetics for the Quetzalcoatl movement—ceremonial costumes, the Quetzalcoatl symbol in iron, and traditional Indian dress that’s adopted by the male followers.
The Plumed Serpent has been called D. H. Lawrence’s “most politically controversial novel” (Krockel). Despite its fascinating plot and the brilliant prose readers expect from Lawrence, it’s been called every name modernists can sling at a book—fascist, sexist, racist, silly, offensive, propaganda, difficult, an embarrassment. So many people have slammed the novel that when literary critic Leslie Fiedler said Lawrence had no followers—at a D.H. Lawrence festival, no less—William S. Burroughs interrupted to say how influenced he was by The Plumed Serpent (Morgan).
A primary reason Lawrence’s book is criticized is because his vision for Mexico may have been inspired by a trip to the Weimar Republic in the 1920s, after which he spoke positively of the growing völkisch movement and its focus on pagan traditions, saying in a 1924 letter: “The ancient spirit of pre-historic Germany [is] coming back, at the end of history” (Krockel). This is a misguided view because the Quetzalcoatl movement has none of the vitriol and racism that later characterized National Socialism (a Christianity ideology). Instead, the Quetzalcoatl leaders’ plan is to unite the various ethnicities in Mexico into one pagan culture, and whites living in the country will be allowed to stay if they are peaceful.
In The Plumed Serpent, Ramón speaks of the need for every country to have its own Savior, and his vision for a traditional, anti-capitalistic society includes a rebirth of paganism for the entire world:
If I want Mexicans to learn the name of Quetzalcoatl, it is because I want them to speak with the tongues of their own blood. I wish the Teutonic world would once more think in terms of Thor and Wotan, and the tree Igdrasil. And I wish the Druidic world would see, honestly, that in the mistletoe is their mystery, and that they themselves are the Tuatha De Danaan, alive, but submerged. And a new Hermes should come back to the Mediterranean, and a new Ashtaroth to Tunis; and Mithras again to Persia, and Brahma unbroken to India, and the oldest of dragons to China.
Although Lawrence’s novel has been criticized numerous times for post-colonial themes, such is an intellectually lazy and incomplete reading. According to Oh, “What Lawrence tries to do in The Plumed Serpent is the reverse of colonialist eradication of indigenous religion. The restoration of ancient Mexican religion necessarily accompanies Lawrence’s critiques of Western colonial projects.”
Ramón performs public invocations to the Aztec god and plans to proclaim himself the living Quetzalcoatl. (When the time is right, his friend Cipriano will be declared the living warrior god Huitzilopochtli, and Kate is offered a place in the pantheon as the goddess Malintzi.) But Ramón’s wife is a devout Catholic and fervently tries to convince him to stop the pagan revolution. Nietzsche was a major influence on Lawrence by the 1920s, and Ramón’s harsh diatribe to his Christian wife sounds straight out of The Genealogy of Morals:
But believe me, if the real Christ has not been able to save Mexico—and He hasn’t—then I am sure the white Anti-Christ of charity, and socialism, and politics, and reform, will only succeed in finally destroying her. That, and that alone, makes me take my stand.—You, Carlota, with your charity works and your pity: and men like Benito Juarez, with their Reform and their Liberty: and the rest of the benevolent people, politicians and socialists and so forth, surcharged with pity for living men, in their mouths, but really with hate . . .
The Plumed Serpent has been compared to Thus Spoke Zarathustra as well. Both feature religious reformers intent on creating the Overman, both use pre-Christian deities in their mythos, and both proclaim that God is dead (Humma). (In a priceless scene, Ramón has Christ and the Virgin Mary retire from Mexico while he implores the villagers to call out to them, “Adiós! Say Adiós! my children.”) A brutal overturning of Christian morality is present in both narratives. In addition, Ramón teaches his people to become better than they are, to awaken the Star within them and become complete men and women.
The Plumed Serpent is an engaging handbook for initiating a pagan revival in the West. The methods employed by Ramón would be more effective in a rural society 100 years ago, but readers will likely find inspiration in the Quetzalcoatl movement’s aesthetics and success. It’s an immensely enjoyable read for anyone interested in reconstructionist paganism or radical traditionalism.
Humma, John B. Metaphor and Meaning in D.H. Lawrence’s Later Novels. University of Missouri (1990).
Krockel, Carl. D.H. Lawrence and Germany: The Politics of Influence. Editions Rodopi BV (2007).
Morgan, Ted. Literary Outlaw: The Life and Times of William S. Burroughs. W. W. Norton (2012).
Oh, Eunyoung. D.H. Lawrence’s Border Crossing: Colonialism in His Travel Writing and Leadership Novels. Routledge (2014).
Presley, James. “Mexican Views on Rural Education, 1900-1910.” The Americas, Vol. 20, No. 1 (July 1963), pp. 64-71.
Smith, Jad. “Völkisch Organicism and the Use of Primitivism in Lawrence’s The Plumed Serpent.” D.H. Lawrence Review, 30:3. (2002)
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par Nicolas Bonnal
Ex: http://www.dedefensa.org
On va laisser en parler un qui a le don de les énerver, les médias et les « élites », j’ai nommé Alexis Carrel. Prix Nobel de médecine quand même, et grande star en Amérique à l’époque de Roosevelt. Le chirurgien avait enlevé ses gants pour dire ses quatre vérités, car il savait avant les Orlov, Kunstler et autres collapsologues que nous étions bien condamnés. On cite l’édition américaine que le prestigieux Carrel avait présentée à New York avant la Guerre :
« En somme, la société moderne, cette société engendrée par la science et la technologie, commet la même faute que toutes les civilisations de l’Antiquité. Elle crée des conditions de vie où la vie de l’individu et celle de la race deviennent impossibles. Elle justifie la boutade du doyen Inge : Civilization is a disease which is almost invariably fatal. Bien que la signification réelle des événements qui se passent en Europe et aux Etats-Unis échappe encore au public, elle devient de plus en plus claire à la minorité qui a le temps et le goût de penser. Toute la civilisation occidentale est en danger. Et ce danger menace à la fois la race, les nations, et les individus. Chacun de nous sera atteint par les bouleversements causés par une guerre européenne. Chacun souffre déjà du désordre de la vie et des institutions, de l’affaiblissement général du sens moral de l’insécurité économique, des charges imposées paries défectifs et les criminels. La crise vient de la structure même de la civilisation. Elle est une crise de l’homme. L’homme ne peut pas s’adapter au monde sorti de son cerveau et de ses mains. Il n’a pas d’autre alternative que de refaire ce monde d’après les lois de la vie. Il doit adapter son milieu à la nature de ses activités organiques aussi bien que mentales, et rénover ses habitudes individuelles et sociales. Sinon, la société moderne rejoindra bientôt dans le néant la Grèce et l’Empire de Rome. Et la base de cette rénovation, nous ne pouvons la trouver que dans la connaissance de notre corps et de notre âme. »
A propos de Rome et de la Grèce, lisez mon livre noir : Juvénal, Suétone, Sénèque ont vu et vécu notre situation. Sans oublier Pétrone !
Carrel ramène la démocratie à une idéologie, et on est bien d‘accord :
« Aucune civilisation durable ne sera jamais fondée sur des idéologies philosophiques et sociales. L’idéologie démocratique elle-même, à moins de se reconstruire sur une base scientifique, n’a pas plus de chance de survivre que l’idéologie marxiste. Car, ni l’un ni l’autre de ces systèmes n’embrasse l’homme dans sa réalité totale. »
Le culte moderne de la laideur, de la hideur même, est une tare universelle maintenant.
Carrel explique :
« Le sens esthétique existe chez les êtres humains les plus primitifs, comme chez les plus civilisés. Il survit même à la disparition de l’intelligence car les idiots et les fous sont capables d’œuvres artistiques. La création de formes ou de séries de sons, qui éveillent chez ceux qui les regardent ou les entendent, une émotion esthétique, est un besoin élémentaire de notre nature. L’homme a toujours contemplé avec joie les animaux, les fleurs, les arbres, le ciel, la mer, et les montagnes. Avant l’aurore de la civilisation, il a employé ses grossiers outils à reproduire sur le bois, sur l’ivoire, et la pierre, le profil des êtres vivants. »
Nous sommes moins que des fous alors ?
Puis Carrel soulève la menace de la civilisation qui pèse sur les ouvriers et artisans condamnés à disparaître :
« Aujourd’hui même, quand son sens esthétique n’est pas détruit par son éducation, son mode de vie, et le travail de l’usine, il prend plaisir à fabriquer des objets suivants son inspiration propre. Il éprouve une jouissance esthétique à s’absorber dans cette œuvre. Il y a encore en Europe, et surtout en France, des cuisiniers, des charcutiers, des tailleurs de pierre, des menuisiers, des forgerons, des couteliers, des mécaniciens, qui sont des artistes. Celui qui fait une pâtisserie de belle forme, qui sculpte dans du saindoux des maisons, des hommes et des animaux, qui forge une belle ferrure de porte, qui construit un beau meuble, qui ébauche une grossière statue, qui tisse une belle étoffe de laine ou de soie, éprouve un plaisir analogue à celui du sculpteur, du peintre, du musicien, et de l'architecte. »
Carrel plaint comme le Chaplin des Temps modernes les ouvriers :
« Si l’activité esthétique reste virtuelle chez la plupart des individus, c’est parce que la civilisation industrielle nous a entourés de spectacles laids, grossiers, et vulgaires. En outre, nous avons été transformés en machines. L’ouvrier passe sa vie à répéter des milliers de fois chaque jour le même geste. D’un objet donné, il ne fabrique qu’une seule pièce. Il ne fait jamais l’objet entier. Il ne peut pas se servir de son intelligence. Il est le cheval aveugle qui tournait toute la journée autour d'un manège pour tirer l’eau du puits. »
Un petit procès d’intention contre la civilisation – procès très mal vu maintenant qu’elle est jugée fantastique et parfaite :
« L’industrialisme empêche l’usage des activités de la conscience qui sont capables de donner chaque jour à l’homme un peu de joie. Le sacrifice par la civilisation moderne de l’esprit à la matière a été une erreur. Une erreur d’autant plus dangereuse qu’elle ne provoque aucun sentiment de révolte, qu’elle est acceptée aussi facilement par tous que la vie malsaine des grandes villes, et l’emprisonnement dans les usines. Cependant, les hommes qui éprouvent un plaisir esthétique même rudimentaire dans leur travail, sont plus heureux que ceux qui produisent uniquement afin de pouvoir consommer. Il est certain que l’industrie, dans sa forme actuelle, a enlevé à l’ouvrier toute originalité et toute joie. »
Le grand savant met enfin les points sur les I :
« La stupidité et la tristesse de la civilisation présente sont dues, au moins en partie, à la suppression des formes élémentaires de la jouissance esthétique dans la vie quotidienne. »
Ensuite le docteur Carrel aggrave son cas. Il célèbre en effet la beauté artisanale. Appréciez au passage ses grandes qualités littéraires qui nous changent des stylistes de science et vie ; et des alphabètes actuels sélectionnés au QCM :
« La beauté est une source inépuisable de joie pour celui qui sait la découvrir. Car elle se rencontre partout. Elle sort des mains qui modèlent, ou qui peignent la faïence grossière, qui coupent le bois et en font un meuble, qui tissent la soie, qui taillent le marbre, qui tranchent et réparent la chair humaine. Elle est dans l’art sanglant des grands chirurgiens comme dans celui des peintres, des musiciens, et des poètes. Elle est aussi dans les calculs de Galilée, dans les visions de Dante, dans les expériences de Pasteur, dans le lever du soleil sur l’océan, dans les tourmentes de l’hiver sur les hautes montagnes. Elle devient plus poignante encore dans l’immensité du monde sidéral et de celui des atomes, dans l’inexprimable harmonie du cerveau humain, dans l’âme de l’homme qui obscurément se sacrifie pour le salut des autres. Et dans chacune de ses formes elle demeure l’hôte inconnu de la substance cérébrale, créatrice du visage de l’Univers… »
L’atrophie esthétique donc morale peut survenir :
« Le sens de la beauté ne se développe pas de façon spontanée. Il n’existe dans notre conscience qu’à l’état potentiel. A certaines époques, dans certaines circonstances, il reste virtuel. Il peut même disparaître chez les peuples qui autrefois le possédaient à un haut degré. C’est ainsi que la France détruit ses beautés naturelles et méprise les souvenirs de son passé. »
Comme on sait la meilleure manière de détruire tout cela reste le tourisme de masse.
L’atrophie morale et intellectuelle nous rend inaptes à recréer de la beauté et nous accoutume à une laideur épouvantable (souvenez-vous du Muriel de Resnais où la ville bombardée renaît de ses cendres, mais en béton et grands ensembles) :
« Les descendants des hommes qui ont conçu et exécuté le monastère du Mont Saint-Michel ne comprennent plus sa splendeur. Ils acceptent avec joie l’indescriptible laideur des maisons modernes de la Bretagne et de la Normandie, et surtout des environs de Paris. De même que le Mont Saint-Michel, Paris lui-même et la plupart des villes et villages de France ont été déshonorés par un hideux commercialisme. Comme le sens moral, le sens de la beauté, pendant le cours d’une civilisation, se développe, atteint son apogée, et s'évanouit ».
La culture ? Tout le monde consomme la série US ou le Da Vinci code ; un copain kiosquier me disait jadis qu’il vendait jusqu’à 300 revues de bagnole… Alexis Carrel :
« Le goût de la lecture est plus grand. On achète beaucoup plus de revues et de livres qu'autrefois. Le nombre de gens qui s’intéressent à la science, à la littérature, à l’art, a augmenté. Mais ce sont les formes les plus basses de la littérature et les contrefaçons de la science et de l'art qui, en général, attirent le public. Il ne paraît pas que les excellentes conditions hygiéniques dans lesquelles on élève les enfants, et les soins dont ils sont l’objet dans les écoles, aient réussi à élever leur niveau intellectuel et moral. On peut même se demander s’il n’y a pas souvent une sorte d’antagonisme entre leur développement physique et leur développement mental. Après tout, nous ne savons pas si l’augmentation de la stature dans une race donnée n’est pas une dégénérescence, au lieu d’un progrès, ainsi que nous le croyons aujourd'hui. »
L’individu d’aujourd’hui ? Avant l’obésité (42% d’enfants obèses où je vis), avant l’abrutissement techno et média, avant l’effondrement du QI, Carrel écrit :
« Dans la civilisation moderne, l’individu se caractérise surtout par une activité assez grande et tournée entièrement vers le côté pratique de la vie, par beaucoup d’ignorance, par une certaine ruse, et par un état de faiblesse mentale qui lui fait subir de façon profonde l’influence de milieu où il lui arrive de se trouver. Il semble qu’en l’absence d’armature morale l’intelligence elle-même s’affaisse. C’est peut-être pour cette raison que cette faculté, jadis si caractéristique de la France, a baissé de façon aussi manifeste dans ce pays. Aux Etats-Unis, le niveau intellectuel reste inférieur, malgré la multiplication des écoles et des universités. »
Carrel remarque aussi :
« Le chauffage des maisons à la vapeur, l’éclairage électrique, les ascenseurs, la morale biologique, les manipulations chimiques des denrées alimentaires ont été acceptés uniquement parce que ces innovations étaient agréables et commodes. Mais leur effet probable sur les êtres humains n'a pas été pris en considération… On est arrivé ainsi à la construction des maisons géantes qui accumulent en un espace restreint des masses beaucoup trop considérables d'individus. Ceux-ci y habitent avec plaisir, car jouissant du confort et du luxe ils ne s’aperçoivent pas qu'ils sont privés du nécessaire. La ville moderne se compose de ces habitations monstrueuses et de rues obscures, pleines d’air pollué par les fumées, les poussières, les vapeurs d’essence et les produits de sa combustion, déchirées par le fracas des camions et des tramways, et encombrées sans cesse par une grande foule. Il est évident qu’elle n’a pas été construite pour le bien de ses habitants. »
On ne fait aucun progrès depuis, il ne manquerait plus que cela. Sur la médecine ou le pain blanc, Carrel avait tout dit aussi :
« Notre vie est influencée dans une très large mesure par les journaux. La publicité est faite uniquement dans l’intérêt des producteurs, et jamais des consommateurs. Par exemple, on a fait croire au public que le pain blanc est supérieur au brun. Aussi des quantités de produits alimentaires et pharmaceutiques, inutiles, et souvent nuisibles, sont-ils devenus une nécessité pour les hommes civilisés. C'est ainsi que l’avidité des individus assez habiles pour diriger le goût des masses populaires vers les produits qu’ils ont à vendre, joue un rôle capital dans notre civilisation. »
On dirait du Frédéric Bernays (lisez mon textes). Cerise sur le gâteau :
« On dirait que la civilisation moderne est incapable de produire une élite douée à la fois d’imagination, d’intelligence et de courage. Dans presque tous les pays, il y a une diminution du calibre intellectuel et moral chez ceux qui portent la responsabilité de la direction des affaires politiques, économiques et sociales. »
Notre penseur écrit sur l’apocalypse touristique dont la mission est essentiellement profanatrice, ensuite consumériste (il faut traîner, faire du hanging around) :
« L’attitude des touristes qui profanent les cathédrales d’Europe montre à quel point la vie moderne a oblitéré le sens religieux. L’activité mystique a été bannie de la plupart des religions. Sa signification même a été oubliée. A cet oubli est liée probablement la décadence des églises. »
Dans une société d’imbéciles, on ne propose pas des solutions. On les oublie. Carrel a aussi souligné le déclin qualitatif et quantitatif de nos populations :
« La France se dépeuple déjà. L’Angleterre et la Scandinavie se dépeupleront bientôt. Aux États-Unis, le tiers supérieur de la population se reproduit beaucoup moins rapidement que le tiers inférieur. L’Europe et les Etats-Unis subissent donc un affaiblissement qualitatif aussi bien que quantitatif... La civilisation occidentale ne s’est jamais trouvée en aussi grave péril qu’aujourd’hui. Même si elle évite le suicide par la guerre, elle s’achemine vers la dégénérescence grâce à la stérilité des groupes humains les plus forts et les plus intelligents. »
On le laisse conclure !
« Il faut nous lever et nous mettre en marche. Nous libérer de la technologie aveugle. »
Tel quel !
Terminons. Je sais qu’on peut lui reprocher ici et là quelques phrases (Carrel est notamment russophobe, comme nos élites, mais il a l’excuse de la peur du stalinisme). Mais avant de lui jeter la première pierre, on relit son Nietzsche :
« Les historiens naïfs appellent « objectivité » l’habitude de mesurer les opinions et les actions passées aux opinions qui ont cours au moment où ils écrivent. C’est là qu’ils trouvent le canon de toutes les vérités. Leur travail c’est d’adapter le passé à la trivialité actuelle. Par contre, ils appellent « subjective » toute façon d’écrire l’histoire qui ne considère pas comme canoniques ces opinions populaires. »
Alexis Carrel – l’homme cet inconnu
Nietzsche – Deuxième considération (sur l’histoire)
Nicolas Bonnal – Céline, la colère et les mots (Avatar éditions) ; apocalypse touristique (Amazon.fr)
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Friedrich P. Ost
Les fossoyeurs de la civilisation occidentale
Le « marxisme culturel » comme instrument de la rééducation s’utilise depuis des décennies pour saper les assises conservatrices de nos sociétés
La déclaration de guerre des Etats-Unis d’Amérique au Reich allemand puis à l’Empire austro-hongrois pendant la première guerre mondiale, respectivement les 6 avril et 7 décembre 1917, a sauvé l’Entente d’un effondrement prévisible et a scellé le destin des puissances dites « centrales » un an plus tard. Les bellicistes anglo-américains se rendaient toutefois compte que leur but de guerre –la défaite et l’annihilation de l’Europe et de sa civilisation- ne pouvait pas être atteint par les seuls moyens militaires mis en œuvre mais qu’il leur fallait aussi déployer des moyens « civils » parallèles. Des experts en guerre psychologique ont alors planifié la rééducation des vaincus et la subversion de leur culture par l’intérieur : l’avènement de l’école de Francfort était donc à l’ordre du jour.
En 1924, Felix Weil, fils d’un millionnaire germano-argentin, négociant en céréales, fonde l’ « Institut des Etudes sociales », rapidement inféodé à l’Université de Francfort sous l’appellation synonymique d’ « Ecole de Francfort », nom par lequel il allait connaître une notoriété mondiale. Georg Lukacs, rejeton richissime d’une famille hongroise dirigeant une banque d’investissement, tenait absolument à saper les assises de la culture européenne/occidentale. Pour y parvenir en Allemagne, il se rappelait ses propres expériences pratiques en Hongrie, lorsqu’il était Commissaire du peuple pour la culture et l’enseignement sous le régime bolchevique de Bela Kun en 1919. A cette époque-là, Lukacs avait déjà imaginé une forme d’éducation sexuelle pour les enfants des écoles dans le but de détruire les valeurs familiales. Cette expérience fit de lui un spécialiste des méthodes de rééducation qui, au bout de plusieurs décennies, allaient nous donner le « gender mainstream » (GM) ou « gendérisme ». Cet avatar des élucubrations de Lukacs se répand aujourd’hui dans le monde entier.
Peu après la première guerre mondiale, les idéologues de gauche se préoccupaient surtout d’un phénomène patent qui les contrariait : pourquoi la classe ouvrière, à l’exception de la Russie soviétique, avait failli dans le rôle qu’ils lui avaient assigné, à savoir d’être la porteuse de la révolution partout dans le monde. Contrairement aux prévisions de Karl Marx, les ouvriers de tous les pays belligérants étaient partis, volontaires, à la guerre pour combattre pour leur patrie au lieu de déclencher des révolutions. Antonio Gramsci (1891-1937), écrivain, homme politique et chef de file des idéologues de gauche en Italie, croyait avoir trouvé la réponse : il avançait désormais l’idée qu’une révolution communiste n’était possible qu’après « une longue marche à travers les institutions ». Si cette longue marche n’avait pas lieu, les masses resteraient accrochées à la culture et aux valeurs religieuses de leurs pères. Il fallait donc éradiquer les habitudes avérées des peuples. Pour y parvenir, il fallait, poursuivait-il, placer des intellectuels révolutionnaires dans toutes les institutions culturelles et scolaires afin d’infléchir les sociétés vers le cours nouveau. Les institutions culturelles devaient véhiculer, par des livres, par les mass media et par le cinéma, des idées révolutionnaires et préparer ainsi l’avènement de « l’homme nouveau ».
Le premier directeur de l’Ecole de Francfort fut Carl Grünberg. Son successeur immédiat fut Max Horkheimer, qui prit ses fonctions en 1930. Son objectif était de poursuivre l’œuvre théorique de Georg Lukacs. Horkheimer décréta que la classe ouvrière était incapable de déclencher une révolution et posa la question : quelle catégorie de la population la remplacera dans le rôle d’initiatrice des révolutions ? Au contraire de Karl Marx, dont les positions théoriques étaient déduites de causes économiques, Horkheimer estimait que les influences culturelles étaient primordiales, influences qu’il interprétait aussi par les théories de Sigmund Freud. Il finit par affirmer que les ruptures dans l’ordre culturel en place annonçaient toujours les véritables révolutions politiques.
Herbert Marcuse, Theodor Adorno et Erich Seligmann Fromm ont formé une deuxième vague de « francfortistes », non moins déterminante sur le plan théorique. Ils ont fondé leurs doctrines sur les recherches d’anthropologues contemporains renommés, comme par exemple celle du Britannique Joseph D. Unwin, auteur de Sex and Culture en 1934. Unwin confirmait, dans ce travail, ce que la plupart des anthropologues avaient toujours admis : toute promiscuité sexuelle débordante, contemporaine d’une inversion des rôles sexuels, avait toujours conduit les sociétés, qui la pratiquaient et la toléraient, à un déclin irréversible. Cela s’était observé dans toute l’histoire humaine au cours de ces cinq mille dernières années. Fromm part de ce constat d’Unwin pour, a contrario, propager la thèse d’une libération sexuelle sans freins. Il ajoute à cette thèse et ce projet l’idée que le sexe d’une personne n’est pas une donnée naturelle mais le produit des conditions sociales, déterminées par la société. Nous avons affaire, là, à une aberration scientifique mais elle s’est maintenue envers et contre tout jusqu’à nos jours, avec la promotion des « Gender Studies ».
L’expression « gender », dans l’usage qu’en fait la langue anglaise et, à sa suite, les tenants du « marxisme culturel », signifie le sexe mais seulement selon les critères sociaux (et non naturels-biologiques). L’expression « gender » a moins de connotations érotiques que le terme « sexe », ce qui permet son usage dans toutes les conférences mondiales organisées par les féministes et patronnées par les Nations Unies. Il faut aussi ajouter que le terme n’est guère compris en dehors de la sphère occidentale. Il permet aux rééducateurs de gauche de dissimuler habilement leurs véritables intentions, derrière des phrases pompeuses ou en apparence inoffensives (comme l’égalité des sexes ou la libération des sexes), contre lesquels personne ne soulève d’objections. Ainsi, jusqu’en 2014, en Allemagne, quelque 200 « professeurs » et des milliers d’assistants, dans plus de cinquante universités, ont pu enseigner la pseudo-science des « gender studies ». En 1998, un citoyen honnête et préoccupé fit un procès à l’Université Humboldt pour pouvoir exercer un droit de regard sur le matériel pédagogique des dites « gender studies ». Au départ, l’Université refusait cet accès sans doute parce qu’elle craignait que le public allait bien vite s’apercevoir qu’il s’agissait d’un matériel pseudo-scientifique, dont l’utilisation abusive et manipulatrice constituait un délit punissable par la loi.
En 1933, les représentants de l’Ecole de Francfort déménagèrent à Genève d’abord puis, un an après, aux Etats-Unis, où ils furent reçus amicalement à la Columbia University. On peut avancer l’hypothèse suivante : vu leur passé puritain, les Etats-Unis se montrent généralement réceptifs à toutes les entreprises sectaires. La nouvelle base américaine de l’Ecole de Francfort a offert à ses protagonistes la possibilité de réaliser leur mission de rééducation, visant la destruction des valeurs et traditions existantes, la déconstruction de toute autorité, la dissolution de la famille et le démantèlement de l’Etat national. Ce programme a d’abord visé l’Allemagne vaincue après 1945, ensuite tous les Etats de la sphère occidentale.
Le principe de tout réduire à du fascisme, ou d’accuser de « fascisme » tous ceux qui n’entendent pas suivre le programme à la lettre, dérive des théories et du livre de Theodor Adorno, « Die autoritäre Persönlichkeit ». Dans cet ouvrage, Adorno stigmatise tous les citoyens qui tiennent encore aux valeurs héritées : il les traite de « fascistes » (réels ou potentiels). La méthode a connu son succès jusqu’à nos jours. Même un Vladimir Poutine est insulté de « nazi » dans la presse mensongère de la sphère occidentale alors que l’Union Soviétique a subi le poids le plus lourd de la seconde guerre mondiale dans son combat contre le Troisième Reich.
Après la guerre, Horkheimer et Adorno sont revenus en Allemagne. Demeuré aux Etats-Unis, Herbert Marcuse, entretemps, croyait avoir trouvé la catégorie sociale appelée à remplacer la classe ouvrière comme moteur de la révolution : pour lui, c’était l’ensemble des minorités. Celles-ci sont variées dans le menu proposé : cela peut être, tour à tour, les étudiants, les chômeurs, les peuples de couleur, les femmes, les mal doués pour les études, les homosexuels, les lesbiennes, les pédophiles, les criminels, les objecteurs de conscience, les militants d’extrême-gauche, les immigrés clandestins, tous ceux qui ont besoin de protection, etc. En optant pour cette survalorisation des minorités, la gauche se détache des théories de Karl Marx : les marxistes classiques n’auront que mépris pour les marcusiens, para-marcusiens et post-marcusiens. Pour eux, c’est là une pseudo-gauche ou une bande de socialistes de salon. Pour la gauche marcusienne, la révolution culturelle ne se fera donc que par le biais d’un prolétariat diplômé, alimenté par l’Etat. Les ouvriers sont dès lors considérés comme une vieillerie et la figure de Karl Marx ne sert plus qu’un but : servir de cheval de Troie pour les nouveaux vertueux auto-proclamés et pour gruger les gens du peuple encore fascinés par le socialisme traditionnel.
Marcuse est rapidement devenu le héros de la « nouvelle gauche » et a exercé une forte influence sur la génération de mai 68. Dans son ouvrage « Eros et la civilisation », il s’attaque à toutes les limitations imposées à la sexualité dans les sociétés équilibrées et plaide en faveur d’une « perversion polymorphe », comme celle que l’on peut voir à l’œuvre dans les « Life Balls » actuels, notamment ceux qui animent notre bonne ville de Vienne. Marcuse est aussi devenu l’un des représentants les plus emblématiques de la « rectitude politique » et de la « tolérance répressive ». Seuls les adeptes du « marxisme culturel » peuvent être traités avec tolérance. Tous les autres, tous ceux qui pensent autrement, doivent être traités avec la plus extrême des intolérances.
Pour faire face à la « terreur vertuïste » et à la « tolérance répressive » du marxisme culturel, le citoyen normal et décent n’a plus qu’un choix : soit il émigre et quitte le « paradis occidental », soit il se convertit et devient un « homme bon » selon les critères mis en place par l’Ecole de Francfort, en respectant les dix commandements de la « nouvelle rectitude ». Les voici :
Ce « marxisme culturel » et cette rééducation se sont étendus sur près de quatre générations et ont laissé des traces profondes de déclin et de déchéance dans les sociétés régies par les Etats occidentaux. Ce qui nous oblige à dire que les alternatives à cette déliquescence, alternatives qui nous assureront seules un avenir et une évolution réellement constructives, se trouvent aujourd’hui en Europe orientale et en Asie !
Friedrich P. OST.
(article paru dans « zur Zeit », Vienne, n°21/2017, http://www.zurzeit.at ).
10:21 Publié dans Histoire, Philosophie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : école de francfort, philosophie, sociologie, allemagne, états-unis, gender studies, gendérisme | |
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Les espoirs suscités par des événements politiques électoraux (Brexit, retour à la promotion des intérêts économiques américains avec Trump, poussée de partis eurocritiques et souverainistes) ont laissé place à un certain désenchantement. Trump est englué par la capacité de nuisance de la classe politique et de « l’Etat Profond, néoconservateur, impérialiste, appuyé par les lobbies militaro-industriels et l’oligarchie financière globaliste ». Le lynchage médiatique permanent et outrancier, qui devient presque ridicule, des medias en sont le relais. Le Brexit n’avance guère mais on voit bien que pour les conservateurs anglais, qui accumulent revers sur bourdes, l’essentiel est de faire croire qu’ils avanceront sur un dossier interminable dont la classe politique européenne, soumise à des forces centripètes , antifédéralistes et anti souverainistes, ne veut rien entendre. Quant à la France, un putsch médiatico-politique a imposé un candidat surgi de nulle part, fils spirituel du président Hollande failli, qui s’appuie sur une majorité improbable d’amateurs et de bobos béats mais qui vont donner les pleins pouvoirs à l’américano-européen Macron, dont le Moi est aussi gonflé que l’agité Sarkozy.
L’opposition, Le Pen, Dupont-Aignan, Mélenchon ont été rendus inaudibles et marginalisés au Parlement, ce qui est de mauvaise augure pour la démocratie citoyenne et de proximité. Marine Le Pen a tout fait pour se couler dans le moule du politiquement correct, avoir accès aux medias, quitte à purger son mouvement des militants de conviction, mais elle s’est fait piéger et a servi d’épouvantail à pigeons. Elle restera toujours « diabolique » pour le Système, sous l’influence de la gauche moraliste et de religion multiculturaliste totalitaire qui ne tolèrent que la pensée unique. Son désir de sortir de l’euro, légitime et souhaitable, a été utilisé comme un boomerang qui s’est retourné contre elle car sa clientèle électorale naturelle a craint pour ses retraites. Elle a laissé de côté la critique des flux migratoires imposés par ceux (les perce-frontières, l’économie globaliste, les redistributeurs de richesses clientélistes, les profiteurs de l’économie parallèle et criminelle) qui en tirent profit ou croient, les grands naïfs, en l’impact « christique » ou révolutionnaire, selon les goûts, de l’arrivée massive de migrants économiques.
La priorité est là. Rester autonome, garantir la souveraineté économique et agricole, contribuer à un modèle de décroissance raisonnable et antiglobaliste. Maintenir l’accès à des informations pluralistes, développer l’esprit critique, le droit à penser différemment sans se faire criminaliser ou psychiatriser. Tirer la prise de l’information en flux continu (amplifié par le numérique) qui modèle opinion et pensée, démotive, conditionne sans alternative.
La résistance au modèle de l’imposition migratoire inéluctable, où l’on fait croire à l’aspect « humanitaire ou rédempteur » du trafic d’esclaves moderne, l’obligation de laisser entrer et de répartir à partir du ventre mou de l’Union européenne (Grèce, Italie) est fondamentale. On ne réglera pas les problèmes écologiques en déplaçant des millions de personnes, on ne pourra pas aborder la décroissance si l’économie continue d’attirer forces de travail à concurrence déloyale, consommateurs ou futurs assistés, ou bénéficiaires de l’économie parallèle en masse, soit-disant pour sauver les retraites. L’Etat n’est plus souverain et ne défend plus les intérêts des autochtones ou des citoyens intégrés dans la communauté de destin. On peut voir à quel point le bateau européen identitaire, qui voulait mettre son nez dans les détails du trafic idéologique et économique de la migration imposée a dérangé. La priorité du Système et de ses pit-bulls, antifas d’opérette et journalistes qui mordent tout ce qui bouge en dehors de leur pensée unique, est d’empêcher une source d’information alternative qu’ils criminalisent en accusant, c’est un comble, de « fausse nouvelle ». Il faut s’organiser soi-même, créer des liens de solidarité, créer des structures de proximité autonomes, promouvoir les valeurs d’enracinement, de démocratie de proximité, du localisme. Voter pour les partis du Système ne suffira pas.
Dominique Baettig ancien conseiller national, militant souverainiste
30.7.2017
14:49 Publié dans Actualité, Philosophie, Réflexions personnelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : esprit de résistance, résistance, dominique baettig, suisse, actualité, philosophie, réflexions personnelles | |
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par Nicolas Bonnal
Ex: http://www.dedefensa.org
C’est l’été et avec lui les marronniers de l’été : la liste des milliardaires de la répugnante revue Forbes reprise par les perroquets caquetants. On apprend en même temps que 30% des Allemands font la queue pour décrocher un deuxième boulot. Il y a trente ans Louis Althusser disait dans une revue marxiste qui l’interviewait que la misère que l’exploitation plutôt avait été déplacée : voyez des images industrielles de Chine, du Bengladesh et du Mexique pour vous distraire. Par ailleurs, « cet heureux temps n’est plus », comme dit Racine, et on trouve aujourd’hui de bonnes vieilles usines de misère en Europe. Pas de parti communiste, pas de revendications salariales, etc. Le capital a gagné.
Voyons d’où nous venons.
Voyageur impénitent, anglophile renommé, Tocqueville décrit ainsi les horreurs de la modernité émergente :
« Quelques-unes de ces rues sont pavées, mais le plus grand nombre présente un terrain inégal et fangeux, dans lequel s'enfonce le pied du passant ou le char du voyageur. Des tas d'ordures, des débris d'édifices, des flaques d'eau dormantes et croupies se montrent çà et là le long de la demeure des habitants ou sur la surface bosselée et trouée des places publiques. Nulle part n'a passé le niveau du géomètre et le cordeau de l'arpenteur. »
Après il en devient lyrique, poétique, certainement plus que Hugo avec ses misérables ; car il suffit de voir, pas de jouer au voyant, au pochetron humanitaire :
« Mais qui pourrait décrire l'intérieur de ces quartiers placés à l'écart, réceptacles du vice et de la misère, et qui enveloppent et serrent de leurs hideux replis les vastes palais de l'industrie ? Sur un terrain plus bas que le niveau du fleuve et domine de toutes parts par d'immenses ateliers, s'étend un terrain marécageux, que des fosses fangeux tracas de loin en loin ne sauraient dessécher ni assainir. Là aboutissent de petites rues tortueuses et étroites, que bordent des maisons d'un seul étage, dont les carreaux brisés annoncent de loin comme le dernier asile que puisse occuper l'homme entre la misère et la mort. Cependant les êtres infortunés qui occupent ces réduits excitent encore l'envie de quelques-uns de leurs semblables. Au-dessous de leurs misérables demeures, se trouve une rangée de caves à laquelle conduit un corridor demi-souterrain. Dans chacun de ces lieux humides et repoussants sont entasses pêle-mêle douze ou quinze créatures humaines. »
On est dans le Dante de Gustave Doré et la civilisation industrielle étend son ombre, son « aventure satanique » (retrouvez mon texte sur Drieu La Rochelle) qui ne finira jamais :
« Levez la tête, et tout autour de cette place, vous verrez s'élever les immenses palais de l'industrie. Vous entendez le bruit des fourneaux, les sifflements de la vapeur. Ces vastes demeures empêchent l'air et la lumière de pénétrer dans les demeures humaines qu'elles dominent ; elles les enveloppent d'un perpétuel brouillard ; ici est l'esclave, là est le maître; là, les richesses de quelques-uns ; ici, la misère du plus grand nombre ; là, les forces organisées d'une multitude produisent, au profit d'un seul, ce que la société n'avait pas encore su donner.»
C’est le Mordor au propre – au sale – et au figuré. Les troupes misérables sont innombrables et ont abandonné tout espérance, comme au début de la divine :
« Une épaisse et noire fumée couvre la cité. Le soleil paraît au travers comme un disque sans rayons. C'est au milieu de ce jour incomplet que s'agitent sans cesse 300.000 créatures humaines. »
De ce plomb on fait de l’or :
« C'est au milieu de ce cloaque infect que le plus grand fleuve de l'industrie humaine prend sa source et va féconder l'univers. De cet égout immonde, l'or pur s'écoule. C'est là que l'esprit humain se perfectionne et s'abrutit ; que la civilisation produit ses merveilles et que l'homme civilisé redevient presque sauvage. »
On fait de l’or de ces cloaques et de ce plomb parce que l’ordre nouveau britannique s’est établi et qu’il est fondé sur les « dark satanic mills » (on sait qu’elles ne sont pas littérales et contiennent une dimension anagogique, comme dit l’autre) et sur l’argent :
« L’argent est la vraie puissance. La richesse n’est donc pas devenue seulement en Angleterre un élément de considération, de plaisirs, de bonheur ; mais encore un élément, et on pourrait dire le seul élément du pouvoir, ce qui ne s’était jamais vu, à ce que je sache, chez aucune autre nation et dans aucun autre siècle. »
Les conséquences morales et planétaires de cette catastrophe :
« … toute l’âme humaine fut entraînée de ce côté. On a attribué à la richesse ce qui lui revient naturellement, et aussi ce qui ne lui revient pas… Dans tous les pays il semble malheureux de n’être pas riche. En Angleterre c’est un horrible malheur d’être pauvre. »
No comment, comme on dit aujourd’hui. Tout le monde rase les murs en redoutant de se faire remplacer par un robot.
Karl Marx écrivait quelques années après Tocqueville :
« De nos jours ces aspirations ont été de beaucoup dépassées, grâce à la concurrence cosmopolite... Il ne s'agit plus seulement de réduire les salaires anglais au niveau de ceux de l'Europe, mais de faire descendre, dans un avenir plus ou moins prochain, le niveau européen au niveau chinois. Voilà la perspective que M. Stapleton, membre du Parlement anglais, est venu dévoiler à ses électeurs dans une adresse sur le prix du travail dans l'avenir. « Si la Chine, dit-il, devient un grand pays manufacturier, je ne vois pas comment la population industrielle de l'Europe saurait soutenir la lutte sans descendre au niveau de ses concurrents. »
Ce qu’il y a de bien avec le capital, c’est qu’il ne se lasse jamais de frapper.
Tocqueville, Voyage en Angleterre, œuvres complètes, tome VIII, éditions Michel Lévy, 1865 (sur archive.org)
Marx – Le capital, livre I, section VI
Nicolas Bonnal – Comment les peuples sont devenus jetables (Amazon.fr)
09:25 Publié dans Actualité, Philosophie, Réflexions personnelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : marx, tocqueville, philosophie, réflexions personnelles | |
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par Jure VUJIC
Ex: http://www.polemia.com
Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Jure Vujic, cueilli sur Polémia et dans lequel il s'interroge sur les conditions de l'efficacité d'une action conservatrice-révolutionnaire visant à abattre le système dominant. Il rappelle notamment la nécessité de penser politiquement le « système des objets » qui enserre nos vies et conditionne nos façons de penser...
Une praxis révolutionnaire et conservatrice est-elle encore possible ?...
Trop souvent on oublie que la reconduction au pouvoir du Système dominant et de la classe gouvernementale tient plus à l’internalisation et la reproduction des modes de pensée dominants au niveau social, culturel, sur le plan individuel comme sur le plan collectif.
On se souvient que la praxis, notion philosophique théorisée par Aristote dans l’Ethique à Nicomaque et qui initialement renvoyait à l’idée d’une pratique ou une action qui, transformant le sujet, a été plus tard reprise par les marxistes, par Antonio Gramsci et les situationnistes pour lesquels la philosophie de la praxis désignait la pratique qui se reconnaît elle-même par la théorie qui découle de son action, mais qui, de par sa fonction révolutionnaire, devait transformer les esprits.
Force est de constater que depuis Mai 68, le discours libertaro-marxiste a fait bon ménage avec le capitalisme libéral qui se traduit aujourd’hui par une praxis sociétale parfois schizophrène d’hyper-individualisme festif et de domination capitaliste marchande que l’on accepte comme une fatalité irréversible. Promouvoir une politique de gauche et des valeurs de droite, employer un discours à la fois révolutionnaire et conservateur impliquerait au préalable de reconnaître, en dépit des avancées les plus fines sur le plan social et politique, l’absence d’une praxis adéquate, susceptible de transformer les rapports sociaux, les façons de sentir, de penser. En effet, face à la praxis bien rodée du marché déstructurant du social, il faudra jeter les bases d’une praxis de restructuration des valeurs. D’autre part, on oublie souvent que la technique, les gadgets omniprésents dans notre société hightech constituent de puissants vecteurs d’individuation et de socialisation et trop souvent d’aliénation plus que les principes de l’éducation familiale et scolaire. Il s’agit ici de ce que Jean Francois Dufour appelle les percipiens (le principe de sentir), l’idée de forces mécaniques pesant sur notre pensée et notre entendement et qui préexistent et façonnent notre comportement, notre agir, notre praxis. Jean Baudrillard parle de « système des objets » pour rendre compte de cette mutation dans nos sociétés postmodernes du sens et du rȏle des objets de l’utilité vers la matérialité autonome (qui annule le symbolique), indéfiniment modulables et constituant un ensemble systémique cohérent de signes.
Notre rapport au monde se réduit le plus souvent au rapport aux objets quotidiens avec lesquels nous nouons une complicité profonde entre les investissements psychologiques, souvent induits et extorqués, et les impératifs sociaux de prestige, entre les mécanismes projectifs et le jeu complexe des modèles et des séries. Pier Paolo Pasolini parlait du vrai visage du fascisme qu’il voyait dans la société de consommation, mais non plus celle d’une mécanique d’exploitation extérieure à nous-mêmes, mais d’un système de pensée et de comportement internalisé par nos sens et notre mental.
Introduire une nouvelle praxis réellement révolutionnaire et non purement expérimentale sur le plan social et culturel suppose alors de dégager un nouveau sens du social, de produire de nouvelles formes de vivre-ensemble qui remettraient en cause de façon profonde la praxis dominante de la « valeur marché », le « fonctionnement » dont parle Gilbert Simondon, qui réside, non plus dans l’usage, mais « dans sa dimension anthropologique », dans le marché en tant que valeur et mode de reproduction des rapports sociaux.
Même si les résultats des dernières élections parlementaires et présidentielles dans de nombreux pays européens confirment la poussée de mouvements anti-Système populistes de gauche comme de droite, on est loin d’une remise en cause générale et massive du Système libéral marchand dominant, susceptible de menacer l’ordre établi. Le conditionnement médiatique, la manipulation mentale et politique des masses semblent encore marcher à merveille en tant que mécanique à discréditer et à démoniser les alternatives politiques potentielles. La victoire de Macron en France, qui l’opposait au second tour de la présidentielle à Marine Le Pen, en est une parfaite illustration. L’abrutissement politico-médiatique et la production de la peur sociale principalement dans les classes moyennes déclassées permet encore de reproduire les schémas de domination et de gouvernance oligarchique. On se rappellera à ce titre du Prince de Machiavel qui renvoie à l’emploi de la ruse, de la fraude et de la corruption, les armes de la ruse du «renard », afin d’empêcher la violence de masse et les soulèvements révolutionnaires, un softpower qui constitue le moyen de domination principal de la classe gouvernante.
Pourtant ce constat d’échec nous permet de nous interroger sur l’avenir du discours anti-Système qui articule à raison le fossé grandissant qui se creuse entre l’oligarchie et le peuple, et plus précisément sur la question de l’existence et l’efficacité d’une praxis réellement révolutionnaire et son adéquation avec ce que l’on peut appeler les valeurs, le discours, le narratif conservateur. Car si une infime minorité se reconnaît dans le discours et les valeurs anti-Système, lesquelles circulent par les réseaux d’informations alternatifs, on est encore loin de l’assentiment de larges masses de citoyens qui baignent dans le breuvage quotidien des médias officiels et se contentent très bien de ce déni de vérité. « L’esprit » d’une époque dépend de l’ensemble de ses faits sociaux, y compris le développement technique. Dans ce sens, les objets techniques qui s’autonomisent de plus en plus portent avec eux un impact considérable sur la manière dont nous nous représentons le monde, même des notions très abstraites comme le temps ou l’espace. Bien sûr, le rȏle des idées et le combat des idées tiennent encore une place importante dans la transformation des esprits, mais le changement de paradigme dans la praxis sociale comme cela été le cas pour le rȏle de la technique dans les révolutions scientifiques étudiées par T. Kuhn (dans La Structure des révolutions scientifiques) sera déterminant.
Le mérite de Kuhn a été celui de développer la thèse selon laquelle une science progresse de manière fondamentalement discontinue, c’est-à-dire non par accumulation mais par ruptures. Ces ruptures, appelées révolutions scientifiques, sont selon Kuhn analogues à un renversement des représentations (ce que les psychologues de la perception appellent un gestalt switch). Appliqué à la sphère sociale et politique, ce renversement des valeurs, qui correspondrait à une rupture épistémologique de paradigmes, aboutirait donc à l’issue de cette crise de légitimation à l’avènement d’un nouveau paradigme de système de valeurs. Pourtant, nul ne sait à quel moment, dans quelle situation de crise survient ce facteur d’anomalie perturbateur qui préside à la naissance d’un nouveau paradigme révolutionnaire, processus cyclique de gestation qui peut très bien perpétuer une longue agonie avant sa pleine reconnaissance et son adoption sociale.
Alors que les grands systèmes d’idées ne mobilisent plus, il faudra s’interroger sur quelles bases praxistes et idéologiques reconstruire. Alors que l’on dit volontiers que la révolution est une nostalgie de la gauche, force est de constater que la contre-révolution, voire les nombreux mythes de la « renaissance » de la « restauration », de l’ordre, constituent aussi une certaine forme de mélancolie de la droite, dont il est difficile de faire le deuil. A ces mythes sotériologiques et holistes se sont substitués, de façon indolore, des mythes technicistes consuméristes : le mythe de l’ouverture, le mythe de la communication, le présentisme, comme celui d’une mythologie du portable beaucoup plus attrayant pour les jeunes générations que celui des grandes luttes politiques et sociales ou du mythe Sorelien de la grève générale.
Cette praxis du marché est celle de l’ostensible, du conditionnement opérant que génèrent les concepteurs de produits par la dissémination de besoins artificiels vérifiables dans le domaine numérique de la communication. Un conditionnement basé sur une stratégie de dépendance qu’on dissimule derrière le leurre d’une utilisation agréable et supposée enrichissante, pouvant préparer le terrain de l’addiction. Le facteur du libre choix et de la personnalité diminue considérablement, alors que l’emprise manipulatrice et l’autorégulation des comportements sociaux neutralisent la capacité réactive de résistance au stress social à mesure que s’amoindrissent les facultés de concentration et de l’intelligence émotionnelle. Il s’agit bien d’une praxis de la narcomanie sociétale qui fonctionne sur un mode de dépendance-approvisionnement marché/dealeur et junkies/consommateur, une oniomanie organisée et généralisée, qui se traduit par de nombreuses pathologies sociales. Cette consommation compulsive est surtout visible sur le marché du smartphone par une hausse constante de la dépendance ou l’addiction au smartphone, une cyberaddiction (dépendance à Internet), pathologie s’exprimant par un curieux mélange d’anxiété phobique, d’euphorie hystérique et de dépression.
A l’administration des choses il faudra pourtant, tout comme le soutient Bruno Latour, re-politiser le « système des objets » et substituer le gouvernement des hommes, dire que tous les objets, la technique, ne sont pas neutres et même nocifs. En effet, alors que l’on a dépolitisé les questions de nature, il conviendra de re-politiser la question de l’impact sociétal des objets Il faudra se réapproprier l’utilité et la finalité des choses et dénoncer les stratégies de l’ostensible du marché. L’homme occidental n’est plus « mobilisable » au sens de l’ « Homme-masse », il est un agent-réseau autoconstitué connectable à l’infini, volontairement soumis à une discipline de dé-virilisation, du féminisable et de l’infantilisation à outrance. En un mot, c’est un objecteur de dé-conscience né, récalcitrant à toute forme d’engagement, de conscientisation, à la fois un nomade-déserteur. Lorsque Salvador Dali parlait de la télévision comme « instrument de crétinisation universelle », il annonçait déjà l’ouverture vers une humanité « homononcule » en voie de trollisation.
Jure Georges Vujic (Polémia, 7 juillet 2017)
7/07/2017
Notes
– Jean Baudrillard, Le Système des objets, Gallimard, 1968 [1978].
– Gilbert Simondon, Du mode d’existence des objets techniques, Aubier, Paris 1958 ; dernière réédition corrigée et augmentée, Flammarion, Paris 2012.
– Thomas Kuhn, La Structure des révolutions scientifiques, Coll. « Champs/791 », Flammarion, Paris 2008.
– Bruno Latour, Enquête sur les modes d’existence : Une anthropologie des modernes, La Découverte, Paris 2012.
08:50 Publié dans Actualité, Philosophie, Révolution conservatrice, Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, révolution conservatrice, philosophie, philosophie politique, théorie politique, politologie, sciences politiques | |
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