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10:35 Publié dans Philosophie, Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ennemi, philosophie, philosophie politique, politologie, sciences politiques, théorie politique | |
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« Les principes régaliens de l'État »,
conférence de François de Carennac
du 10 janvier 2016 à Angers.
Durée : 31 minutes + 31 minutes de questions-réponses.
16:37 Publié dans Philosophie, Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : philosophie, philosophie politique, théorie politique, sciences politiques, politologie, principes régaliens | |
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Ma femme porte des jeans troués et j’adore ! Elle se fiche de ce qu’on pense d’elle. Elle est une femme libérée. Elle vit sa vie. Et moi aussi je vis la mienne. Je méprise toutes les conventions ! Jamais de cravate et mes jeans, s’ils ne sont pas troués, sont vieux et pas trop propres. Je les porte tous les jours sans me soucier de les laver. J’aimerais bien les trouer, comme ceux de ma femme, mais je n’ose pas encore. Curieux comme seules les femmes déchirent leurs pantalons ! Ça les place à l’avant-garde de notre grand combat pour l’émancipation. C’est ça qui m’intéresse ! Se battre pour libérer l’humanité de tout ce qui l’opprime, renverser toutes les barrières, toutes les frontières et jouir partout d’une libre circulation. Quand nous avons voté pour Schengen j’ai laissé éclater ma joie ! Finis les postes de douane. Je pouvais prendre ma voiture et aller où je voulais.
Comme il est beau notre combat pour l’émancipation de tout et de tous ! C’est ce qui donne sens à ma vie. Que deviendrais-je sans ce combat ? Que deviendrais-je sans les jeans troués de ma femme ? Nous laissons derrière nous toutes les poussiéreuses règles morales et surtout religieuses qui entravent l’humanité depuis au moins deux mille ans. Quel bonheur ! Dès 1945, les générations ont avancé en chantant sur le chemin du progrès avec, à l’horizon, un monde nouveau où chacun pourrait pleinement s’épanouir, surtout les femmes opprimées par le christianisme. On leur a parlé de la Vierge et certaines en sont devenues folles. Comment peut-on être vierge et avoir un enfant ? Non mais…
Quand on me demande quel sera le monde vers lequel nous avançons, je réponds qu’il sera un immense champ libéré où chacun pourra être ce qu’il veut, comme David Bowie. Il est vrai qu’il vient de mourir, mais peu importe. Toute la presse le célèbre en parlant de lui comme d’un immense artiste et d’un génie universel. A tel point qu’il est devenu, nous explique-t-on, immortel. Que demander de plus ? Un plein épanouissement de soi, comme celui de Bowie, fait entrer dans la vie éternelle. Plus besoin de croix, de clous plantés dans les mains ou les pieds, de sang dégoulinant partout. Désormais il suffit de se débarrasser de tous les carcans qui ont empoisonné la vie de l’humanité depuis les origines. Rousseau l’avait bien compris qui recommandait le retour à l’état de nature. D’ailleurs lui aussi s’est débarrassé un jour de ses chemises mais hélas il n’est pas allé jusqu’aux pantalons troués.
En arrivant dans la terre promise, les Juifs durent tout de suite se battre contre des ennemis. Pas question d’ennemis pour nous. Notre émancipation va coïncider avec l’avènement d’une paix éternelle et universelle. Toutes les portes vont s’ouvrir. Plus rien ne sera fermé, les frontières auront disparu. Sur les autoroutes de l’émancipation, la voie est libre ! Il faut toutefois reconnaître que, dans l’intervalle qui nous sépare de la terre promise, il y a encore beaucoup d’obstacles à la libre circulation des âmes et des corps.
Parmi ces obstacles, il y a d’affreux réactionnaires. Ils veulent rétablir les frontières, la discipline à l’école, fermer les portes aux réfugiés. Parfois j’ai envie de les étrangler ces réactionnaires, presque de les égorger. Vous croyez que je plaisante ? Pas tout à fait, parce que j’ai lu Sartre, mon grand maître à penser. Lui, il n’y va pas par quatre chemins puisqu’il nous encourage à tuer. « Abattre un Européen, a-t-il écrit, c’est faire d’une pierre deux coups, supprimer en même temps un oppresseur et un opprimé : restent un homme mort et un homme libre ». Pas impossible que les djihadistes aient trouvé là une source d’inspiration, mais passons ! L’essentiel est que nos grands intellectuels occidentaux ont, à la suite de Sartre, repris le flambeau d’une grande marche en jeans troués vers une universelle libération. D’ailleurs en 68 ils étaient tous maoïstes et avaient bien compris que le « grand timonier » montrait le chemin d’une libération universelle en proposant un grand bond en avant. Nous aussi nous allons bondir vers une nouvelle terre et de nouveaux cieux où nous pourrons être pleinement ce que nous sommes. En jeans troués !
C’était donc plein d’espoir que j’avançais dans notre quotidien pourri par les réactionnaires. Et un jour, patatras ! J’ai vu ma femme sortir avec d’élégants vêtements. Du Versace ! Je lui demandai ce qui se passait. Elle me répondit qu’elle allait voir son amant. Comme j’étais pour la libération sexuelle, j’étais coincé mais voulus savoir tout de même de quoi il avait l’air son amant. Elle me répondit qu’il était très distingué et portait costume-cravate. C’en était trop et je fondis en larmes, tandis qu’elle me quittait sur ses hauts talons.
Aujourd’hui, je sèche mes larmes sur ses jeans troués et, torturé par la jalousie, j’ai envie de la tuer, elle et son amant. Je suis dans un dilemme cornélien. Vais-je les étrangler ou les égorger ?
Notes : la citation est tirée de la préface que Sartre a écrite pour l’ouvrage de Frantz Fannon, Les damnés de la terre, 1985, p. 16. Elle m’a été rappelée par le livre d’Alain Finkielkraut, La seule exactitude, Stock 2015.
Jan Marejko, 13 janvier 2015
14:05 Publié dans Manipulations médiatiques, Réflexions personnelles | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : réflexions personnelles, philosophie | |
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par Renaud Garcia
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00:05 Publié dans Philosophie, Sociologie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : christopher lash, philosophie, philosophie politique, sociologie, narcissisme, populisme | |
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Wo sind die Massen? In einer prekären Zeit wie dieser drängen sich den meisten Lesern scheinbar wichtigere Fragen auf.
Wie sieht die Einwanderungspolitik der Zukunft aus? Wird sich Deutschland wandeln? Wie sehen unser Land, unser Leben und unsere Leute in 50 Jahren aus? Die höchst brisante Politik der schwarz-roten großen Koalition hat eine, seit langem unbekannte, Unsicherheit geschaffen, die sich wie ein omnipräsentes Leichentuch über andere, ebenfalls wichtige, gesellschaftliche Problemfelder legt. Eher glücklich haben wir das Thema der Vermassung hinter uns gelassen und es ins halbgeliebte 20. Jahrhundert gedrängt.
„Masse? So etwas gibt es nicht! Es gibt nur uns Arbeiter“, schreien die Sozialdemokraten. „Masse? Sie meinen die verdammten Progressiven?“, antworten die Konservativen. Und munter beginnt das Abstreiten. Die Soziologen verneinen den Begriff. Für sie gilt heute das Individuum. Doch was sagen die Historiker dazu? „Masse. Ein Phänomen der Faschismen“, erschallen die greisen Rufe. Die Politiker hingegen lieben jede einzelne Stimme: „Einzig allein auf die Menschen kommt es an!“
Selbst die Naturwissenschaftler sind mittlerweile glücklich, sich in Berechnungen der Quantenphysik zu stürzen, die Entfernung zu fernen Galaxien zu ermitteln oder das Geheimnis der genetischen Verschlüsselung zu lüften. Masse. Dieser muffige Klang nach der langweiligen 5. Klasse. Der Apfel fällt auf einen klugen Kopf. Wilhelm Tell war spannender. Sogar für Physiker. Jeder hasst die Massen. Und die Masse selbst, weiß nicht, dass sie Masse ist. Niemand misst der Masse eine ernsthafte Bedeutung bei. Der Begriff schwimmt durch die Wogen der Geschichte. Im Zeitalter der Überindividualisierung hat er jedoch nichts verloren.
Aber es gibt sie noch. Die Masse. Dieses Wesen amorpher Gestalt. Weder fassbar noch greifbar, nur selten klar zu definieren mit einer weltenverändernden Wucht und einer zeitenverändernden Reichweite. Sie stürzte Reiche und Länder, köpfte Könige und Herrscher, brandete auf und versickerte wieder im neu beackerten, fruchtbaren Erdreich. José Ortega y Gasset hasste die Masse, sie veränderten seine Welt. Er verarbeitete sein Empfinden in dem großartigen Buch „La rebelión de las masas“.
Die Massen rebellierten und begehrten auf. Es gab sie schon immer, aber auf einmal durchdrangen sie das öffentliche Leben, die Gesellschaft und den Staat. Die deutsche Übersetzung des Titels ist leicht abgewandelt: Der Aufstand der Massen. Diese ursprüngliche Bedeutung des Wortes „Aufstand“ trifft den Zeitgeist Ortega y Gassets zielgenau. Sie erhoben sich aus den Tiefen der Unbildung, der Armut, des Prekariats und des Proletariats. Sie standen auf und veränderten Europa und das junge 20. Jahrhundert. Niemand konnte mit ihr Schritt halten, sie kontrollieren oder zügeln. Nur dem technischen Fortschritt, kombiniert mit der arbeitsamen Schlagkraft der Masse, gelang es, einen gewaltigen Wohlstand zu generieren und damit die Zündschnur auf unbekannte Dauer zu verlängern.
Vor der Rebellion, im langen 19. Jahrhundert, lebte die Masse im Dreck, stumpf von Tag zu Tag, apolitisch und verschreckt, kauerte sie sich hinter die großen Maschinen und freute sich darüber, dass ihre Kinder nicht dem Hungertod anheimfielen. Dann entdeckte sie ihre Macht. Sie kämpfte sich nach oben, direkt durch den eigenen Willen, oder indirekt gesteuert von den alten und neuen Ideologen. Sie sprang aus dem Dunkel ihrer Fabrikhallen und machte Weltgeschichte. Wie ein Gigant hatte sie sich erhoben, hatte ihren „Aufstand“. Stehen will gelernt sein und wer allzu lange unbequem gesessen hat, den schmerzen viel zu früh die ungeübten Glieder. Die träge Masse setzte sich auf ihre neuen, bequemen Stühle und lehnte sich langsam und erschöpft zurück. Es ging der Masse gut, also stimmte sie zu und nickte ab.
In der geliebten Hälfte des 20. Jahrhunderts war sie wieder passiv, faul und benebelt vom süß-schläfrigen Wohlstand, politisch so wirkungslos wie vor Beginn ihres Zeitalters. So passiv, dass wir vergaßen, dass es sie gab. Die Masse versteckte sich. Sie tarnte sich als Bürger, doch vor allem tarnte sie sich als Konsument. Erneut beginnt die Zeit der großen Ideologien. Seit einigen Jahrzehnten kämpfen diese mit immer härteren Bandagen. Schon immer fochten Meinungen und Gruppen ihren intellektuell-ideologischen Kampf, doch nun weitet sich der Kampf aus, wird kälter und erbarmungsloser. Niemand versteht mehr die Worte seines Gegenübers. Auch hier liegt das Leichentuch über dem Nebel des Geschehens und schluckt Schlachtenlärm, Schreie und Erklärungen der Gegner.
Sie schreien sich gegenseitig ins Ohr, doch nur dumpfe Töne werden vernommen, gleich einem Ertrinkenden im tiefen Nass. Verschiedenste Weltanschauungen teilen gegenseitig Schläge aus, kleinste Partikularinteressen ringen miteinander: Die Neobolschewisten gegen die Montagsdemonstranten, die Putin-Jünger gegen die Freiheitsfanatiker, die Anti-Amerikaner gegen die EU-Föderalisten, die Euro-Kritiker gegen die Freihändler, die Grünen gegen die Kapitalisten, die Liberalen gegen die Konservativen. Schaut man aus der Distanz, erkennt man lediglich Chaos und Gebrüll. Betrachtet man die Szene aus der Nähe, erkennt man die wahren Gesichter der erbitterten Gegner. Man sieht Muster, Abfolgen, Bewegungen, welche sich nicht auf dem ersten Blick offenbaren. Nur wenn man die Blaupause der Geschichte über den stürmischen Kampfplatz legt, beginnt man endlich zu begreifen. Keine echte Schlacht wird bestritten. Eigentlich ist es ein Zweikampf der alten Rivalen: Bismarck gegen Marx.
Und während die bärtigen Männer sich mit Schwert und Sichel bekriegen, sitzt dort in der Mitte des tobenden Feldes die noch blinde und taube Masse. Sie ist es gewöhnt zu ruhen und ist feist und faul geworden. Sie trotzt noch dem Kampf und blinzelt lethargisch. Sie ist vollkommen glücklich mit Reichtum, Konsum und Sicherheit. Ihr Stuhl jedoch ist alt und wurmstichig geworden und der Kampf wird wilder und heftiger. Es wird keinen Sieg geben, bis der Dritte im Ring eine Partei ergreift. Es ist ein Zweikampf um die Gunst der fallenden Masse, denn nur diese kann den Krieg beenden.
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À bas leurs valeurs! Vivent nos vertus!
par Michel GEOFFROY
L’oligarchie n’a de cesse de nous vanter ses prétendues « valeurs ». Le mot est également repris malheureusement par une partie de la droite quand elle veut, par exemple, opposer sa conception de l’homme à celle de l’oligarchie cosmopolite. Mais que signifie vraiment le mot valeurs de nos jours ?
Les valeurs sont le faux nez de l’idéologie dominante
En réalité l’oligarchie nous présente son idéologie sous le couvert du mot « valeurs ». La manœuvre est double :
— d’une part, capter une partie de l’héritage national à son profit : ce sont les fameuses « valeurs républicaines » dont elle nous rebat les oreilles;
— d’autre part, placer son idéologie au-dessus de toute critique et de toute remise en cause, afin de placer celui qui les conteste au ban de la communauté nationale.
Mais la manœuvre est grossière.
En fait de « valeurs républicaines », on nous impose l’idéologie cosmopolite en faisant une lecture exclusivement orientée « droits de l’homme » des principes républicains.
Les valeurs : un révisionnisme historique
Il s’agit en fait d’un révisionnisme historique qui passe à la trappe le fait que les républicains français valorisaient, au contraire, la nation, la patrie et le pacte social que concluent entre eux les citoyens (et non les étrangers ou les résidents).
On veut nous faire oublier que les républicains du XVIIIe puisaient leurs références autant et sinon plus dans l’Antiquité romaine que dans la lecture des œuvres, au demeurant ambiguës, de Rousseau.
Les républicains de la IIIe République avaient, en outre, une conception unitaire de la nation : rien à voir avec la promotion actuelle du communautarisme ou avec le « droit à la différence » !
Les valeurs : un hold-up sémantique
Les « valeurs républicaines » d’aujourd’hui bafouent la citoyenneté et la nation, puisque l’oligarchie considère que les étrangers sont « chez nous chez eux » et qu’elle souhaite leur donner les mêmes droits politiques et électoraux que les citoyens français, alors qu’elle leur accorde déjà les mêmes droits sociaux, sinon des avantages supérieurs.
Ces valeurs ne sont donc absolument pas républicaines, car il n’y a pas de res publica, justement, quand on détruit la souveraineté des citoyens et les fondements de la nation. Il s’agit d’un hold-up sémantique sur le mot république, alors que le Pouvoir adopte en tout une pratique contraire aux principes républicains.
Ainsi, par exemple, quand il nous parle aujourd’hui de laïcité c’est pour faire tout le contraire de la laïcité républicaine : il ne s’agit pas de séparer l’État de l’Église, mais au contraire d’encourager les collectivités publiques à faciliter l’installation de mosquées en France !
Les valeurs : un argument terroriste
Quand l’oligarchie nous parle de « valeurs », non seulement elle ment, mais elle cherche une fois de plus à sidérer ses contradicteurs, par un argumentaire terroriste.
Ses prétendues « valeurs » ne désignent que son idéologie libérale/libertaire/cosmopolite. Il est donc tout à fait légitime de les contester, comme il est légitime de contester, par exemple, le principe de l’indépendance des banques centrales européennes, qui constituerait, paraît-il, une valeur intouchable, au motif qu’elle figurerait dans un traité international.
En procédant ainsi, l’oligarchie s’efforce de placer au-delà du débat démocratique les fondements de son pouvoir. C’est d’ailleurs exactement ce que déclarait le président de la Commission européenne : « Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens (1). »
Ce qui revient à constitutionnaliser en quelque sorte le pouvoir de l’oligarchie, en refusant, au surplus, au peuple le droit de changer de constitution !
Les valeurs qu’on veut nous imposer sont mortelles
Les « valeurs » de nos jours sont donc trompeuses. Mais elles sont au surplus mortelles pour la civilisation européenne. C’est d’ailleurs pourquoi les ennemis de l’identité européenne s’empressent de s’en réclamer.
Car que range-t-on exactement aujourd’hui dans la catégorie de nos « valeurs » prétendues : l’avortement (qui serait un droit de la femme), le mariage des homosexuels, la licence des mœurs (2), le refus de reconnaître la diversité humaine et notamment celle des sexes, la repentance permanente, l’accueil permanent des « réfugiés », c’est-à-dire en réalité des immigrants en Europe, la suppression de la peine de mort pour les criminels (mais pas pour les victimes), l’abolition des frontières, la perte de la souveraineté monétaire et financière des États au profit des banques et des marchés, le gouvernement des juges (3), l’idée que les étrangers doivent avoir les mêmes droits que les Français, même quand ils ne respectent pas nos lois (4), etc.
Et bien sûr aussi le principe dit de non-discrimination en vertu duquel nous sommes censés renoncer à une liberté essentielle : la liberté de préférer vivre au milieu de nos semblables et de rester nous-mêmes.
L’inversion des valeurs
En fait, ces « valeurs » sont morbides car elles constituent l’inversion des principes sur lesquels repose toute société humaine. Ce qui explique aussi que seuls les Occidentaux décadents s’en réclament.
En effet, celui qui s’en tient à ces commandements refuse de défendre ses frontières et son territoire; il laisse les étrangers s’installer chez lui; il considère que les croyances de ces étrangers sont respectables et même meilleures que les siennes; il abdique sa souveraineté au profit des mécanismes abstraits du marché; il laisse le crime impuni, il ne fonde pas de famille et ne se reproduit pas. En fait, il est condamné à disparaître et c’est bien ce qui est en train d’advenir en Europe, dans le cadre du Grand Remplacement !
Nous ne vivons donc pas dans un monde de « valeurs », comme veut nous le faire croire l’oligarchie occidentale, mais dans un monde où justement les valeurs ont été inversées – c’est-à-dire détruites – en Occident : elles n’incarnent pas le Bien mais assurent au contraire la promotion d’un Mal absolu : la fin de notre civilisation.
L’usage impropre du mot valeur
L’usage actuel du mot valeur traduit lui-même cette inversion radicale : car à l’origine des langues européennes le mot valeur ne désigne qu’une chose : le courage du guerrier valeureux, face à la mort.
La valeur relève ainsi de la seconde fonction (la fonction guerrière) et non du calcul marchand. Elle désigne ce qui dépasse la vie humaine et lui donne de la valeur précisément : l’honneur, la foi et la sauvegarde de sa communauté et de sa fratrie notamment.
Nous sommes donc aux antipodes de la doxa libérale/libertaire qui considère que l’individu est en lui-même sa propre finalité ou qui estime qu’il faut fonder la société sur le vice (c’est-à-dire sur l’intérêt marchand et sur l’égoïsme individuel) et non sur la vertu !
Les valeurs contre la vertu
Précisément, la promotion bruyante de ces prétendues valeurs, sert de nos jours à faire disparaître toutes les vertus civiques qui non seulement s’enracinent dans notre identité européenne, mais permettent seules à une communauté d’exister et de se projeter dans l’avenir. Car ce que l’on promeut sous le terme de valeur constitue tout simplement l’antithèse de toute vertu.
Le mot « valeur » est désormais en toutes choses suspect et devrait toujours s’écrire entre guillemets. Car il appartient à la langue de nos ennemis. Car il traduit le projet de nos ennemis.
C’est pourquoi il ne faut pas employer ce mot, qui recouvre des marchandises frelatées et des intentions perverses.
Nous avons besoin de vertus et non de valeurs
Aujourd’hui les Européens n’ont que faire de valeurs, car l’heure n’est plus aux débats scolastiques.
Nous avons, par contre, un urgent besoin de retrouver en Europe les vertus de nos ancêtres, notamment :
— le courage d’abord, y compris physique, de défendre notre civilisation, notre peuple et notre territoire, aujourd’hui menacés;
— la volonté de surmonter les obstacles à la survie de notre civilisation, au lieu de la lâche résignation à l’inacceptable;
— le dévouement à la chose publique, la préférence pour l’intérêt général sur les intérêts particuliers et l’engagement du citoyen dans la vie de sa cité, au lieu de s’en remettre en tout à l’État;
— la préférence charitable pour notre prochain dans le malheur et dans le besoin et la préférence pour nos concitoyens (et non la préférence pour les Autres);
— la tempérance, au lieu de s’abandonner au consumérisme compulsif;
— la foi dans l’avenir de notre civilisation;
— la fidélité à nos ancêtres et à leurs sacrifices (et non la repentance perpétuelle et manipulée);
— le sens de l’honneur et le respect de la parole donnée;
— le sens de la liberté, non comme une autorisation de licence, mais comme maîtrise de soi et de son destin;
— la préférence pour la vérité (alors que le Système est aujourd’hui bâti sur le mensonge).
Les « valeurs » ont la tromperie facile car elles ne sont qu’une rhétorique. C’est pourquoi les politiciens s’en parent si facilement de nos jours. Les vertus, elles, se démontrent par les actes car elles incarnent des principes de vie.
L’avenir de l’Europe ne réside pas dans les mensonges mortels qu’on veut nous imposer. Il réside dans nos anciennes vertus, qui sont aujourd’hui en dormition : les vertus gauloises, les vertus franques et scandinaves, les vertus gréco-romaines et les vertus chrétiennes. Car ce sont ces vertus seules qui ont bâti notre civilisation et qui lui ont permis de rayonner.
À bas leurs valeurs ! Vivent nos vertus !
Michel Geoffroy
Notes
1. Jean-Claude Juncker, le 29 janvier 2015.
2. On dit libération des mœurs en novlangue.
3. On dit indépendance de la justice en novlangue.
4. On dit sans-papiers ou réfugiés en novlangue.
• D’abord mis en ligne sur Polémia, le 26 novembre 2015.
Article printed from Europe Maxima: http://www.europemaxima.com
URL to article: http://www.europemaxima.com/?p=4613
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“Un tempo l’Asiatico portò tra i Greci un oscuro fuoco ed essi, con la loro poesia e il loro pensiero, ne composero la natura fiammeggiante disponendola in una forma dotata dichiarezza e di misura”.
M. Heidegger, Aufenthalte
La fortuna di Heidegger in Iran
Nel 1977 Hans Georg Gadamer notava come Was ist Metaphysik?, la prolusione tenuta da Heidegger a Friburgo in Brisgovia nel 1929, avesse avuto una vasta risonanza fuori dalla Germania e come il pensiero heideggeriano fosse rapidamente penetrato in aree culturali ascrivibili all’Oriente. “È assai rivelativo – scriveva Gadamer – che siano state tanto immediate le traduzioni in giapponese e persino in turco, in lingue cioè che non rientrano nell’area linguistica dell’Europa cristiana. Sembra pertanto che il tentativo heideggeriano di pensare oltre la metafisica abbia riscontrato una precipua disponibilità alla sua ricezione proprio dove la metafisica greco-cristiana non orientava tutto il pensiero come suo sfondo naturale”1.
Tre anni più tardi un ex allievo persiano di Heidegger, Ahmed Fardid (1909-1994), diventava l’elemento di spicco di un organismo fondato dall’Imam Khomeyni, il Consiglio Supremo per la Rivoluzione Culturale Islamica, e costituiva il punto di riferimento di un gruppo di intellettuali che si richiamava esplicitamente al pensiero heideggeriano e si contrapponeva al gruppo dei “popperiani”.
“Gli ‘heideggeriani’ – si legge nell’articolo di un loro avversario – si erano proposti un obiettivo essenziale: la denuncia della democrazia in ogni sua forma, in quanto del tutto incompatibile con l’Islam e con la filosofia. Cercavano di dimostrare che Socrate era stato giustiziato perché avversario della democrazia e sostenevano che l’ordinamento politico difeso dal suo discepolo Platone era antesignano del governo islamico. (…) Fino al 1989 gli ‘heideggeriani’ furono la forza filosofica dominante nel sistema creato da Khomeini. Il primo ministro di allora, Mir Hussein Musavi, e il giudice supremo Abdul Kerim Erdebili (…) appartenevano entrambi al gruppo degli ‘heideggeriani’. Per un breve periodo i ‘popperiani’ furono in grado di invertire parzialmente la rotta del potere, ma la loro sorte fu segnata quando la presidenza della Repubblica Islamica venne conquistata da Mahmud Ahmadinejad. Il nuovo presidente era infatti un attivo seguace di Fardid e di Heidegger”2.
La fortuna di Heidegger nella Repubblica Islamica dell’Iran venne ufficializzata dal convegno internazionale organizzato nel 2005 a Teheran dall’Istituto Iraniano di Filosofia e dall’Ambasciata della Confederazione Elvetica sul tema “Heidegger e il futuro della filosofia in Oriente e in Occidente”. Il prof. Reza Davari-Ardakani, un ex allievo di Ahmed Fardid diventato presidente dell’Accademia delle Scienze, espose i risultati dei suoi studi sul pensiero di Heidegger. Il prof. Shahram Pazouki, che oltre ad aver tenuto due corsi su Heidegger aveva assegnato tesi di dottorato su “Dio nel pensiero di Heidegger” e sulla “Filosofia dell’arte di Heidegger”, stabilì un confronto fra Sohrawardi e il filosofo tedesco, indicando la gnosi islamica e la filosofia di Heidegger come i mezzi ideali per la comunicazione spirituale tra l’Asia e l’Europa. Benché attestato su posizioni distanti da quelle degli relatori precedenti, il prof. Bijan Karimi riconobbe l’importanza fondamentale del pensiero heideggeriano dell’essere nel mantener viva la dimensione del sacro3.
Dell’attuale situazione degli studi filosofici in Iran si è occupato anche Jürgen Habermas, che l’ha riassunta in questi termini: “Davari-Ardakani è oggi presidente dell’Accademia delle Scienze e passa per essere uno dei ‘postmoderni’. Questi hanno assunto innanzitutto l’analisi heideggeriana dell’ ‘essenza della tecnica’ e la utilizzano come la critica più coerente della modernità. Suo contraltare è Abdul Kerim Sorus, che difende – in quanto ‘popperiano’ – una divisione cognitiva tra religione e scienza, anche se personalmente tende a identificarsi con una certa corrente mistica islamica. Davari è un difensore filosofico dell’ortodossia sciita, mentre Sorus, come critico, ha già perso molta della sua pur scarsa influenza”4.
L’interesse manifestato dall’intellettualità iraniana nei confronti di Heidegger può trovare una spiegazione in ciò che dice Henry Corbin, studioso di Sohravardi e traduttore francese di Was ist Metaphysik?5, circa le corrispondenze esistenti fra la teosofia islamica e l’analitica heideggeriana. “Quello che cercavo in Heidegger, quello che ho compreso grazie a Heidegger, è la stessa cosa che ho cercata e trovata nella metafisica islamico-iraniana, in alcuni grandi nomi (…) Non molto tempo fa Denis de Rougemont ricordava, con un certo umorismo, che all’epoca della nostra gioventù aveva constatato che la mia copia di Essere e tempo recava sul margine numerose glosse in arabo. Credo che per me sarebbe stato molto più arduo tradurre il lessico di un Sohravardi, di un Ibn ‘Arabi, di un Molla Sadra Shirazi, se prima non mi fossi impegnato nella traduzione dell’inaudito lessico tedesco di Heidegger. Kashf al-mahjûb significa esattamente ‘disvelamento di ciò che è occulto’. Pensiamo a tutto quello che Heidegger ha detto circa il concetto di aletheia“6.
Ma questa analogia non è la sola che possa essere citata. Lo stesso Corbin ne sottintende un’altra dello stesso genere allorché, avvalendosi di una terminologia heideggeriana, ci ricorda che “il passaggio dall’essere (esse) all’ente (ens), i teosofi islamici lo concepiscono come il porre l’essere all’imperativo (KN, Esto). È in forza dell’imperativo Esto che l’ente è investito dell’atto di essere“7.
Osiamo allora abbozzare altre corrispondenze: per esempio, quella che si può intravedere fra l’Andenken, la “rimemorazione” finalizzata a mantener vivo il problema dell’essere, e il dhikr, la “rimemorazione” rituale cui il sufismo assegna il compito di attualizzare la presenza divina nell’individuo.
Così l’Ereignis, l’”evento” che si configura come l’Essere stesso in quanto tempo originario e costituisce perciò lo spazio di un nuovo apparire divino, viene ad assumere le dimensioni di una realtà ierostorica, individuabile nel momento della Rivelazione o in corrispondenza della parusia del Mahdi o comunque su uno sfondo escatologico.
O ancora: l’essere-per-la-morte, la decisione anticipatrice in cui viviamo la morte come la possibilità più incondizionata e insuperabile, non trova un parallelo islamico nel hadîth profetico riportato da As-Samnânî “morite prima di morire” (mûtû qabla an tamûtu)?
Heidegger e l’Estremo Oriente
L’Oriente islamico non è la sola area culturale dell’Asia in cui il pensiero di Heidegger ha suscitato interesse. Non è un caso che Unterwegs zur Sprache8 cominci con un colloquio tra l’Autore e un Giapponese buddhista, Tomio Tezuka: in Giappone, dove Heidegger è il filosofo europeo più tradotto e dove sono stati affrontati temi quali “le religioni nel pensiero di Heidegger”9 o “Heidegger e il buddhismo”10, le prime pubblicazioni sul suo pensiero risalgono agli anni Venti del secolo scorso11, ossia al periodo in cui i corsi del filosofo a Friburgo e a Marburgo cominciarono ad essere frequentati da studiosi buddhisti giapponesi. Tra questi, a suscitare l’interesse di Heidegger per il Giappone pare sia stato il Barone Shûzô Kuki (1888-1941), “un pensatore che riveste nel panorama filosofico giapponese ed europeo di questo secolo una singolare importanza”12; tornato in patria, Kuki tenne corsi su Heidegger presso l’Università Imperiale di Kyôto.
I contatti di Heidegger col Giappone proseguirono dopo la guerra: nel 1953 egli conobbe personalmente Daisetz Teitaro Suzuki (1870-1966), il noto studioso e divulgatore del buddhismo zen, del quale aveva letto i pochi libri accessibili. “Se comprendo correttamente quest’uomo, – aveva detto di lui – questo è quanto io ho cercato di dire in tutti i miei scritti”13. Da parte sua, Suzuki rievocò così l’incontro avuto con Heidegger: “Il tema principale del nostro colloquio è stato il pensiero nel suo rapporto con l’essere. (…) ho detto che l’essere è là dove l’uomo, che medita l’essere, avverte se stesso, senza però separare sé dall’essere (…) ho aggiunto che nel Buddhismo Zen il luogo dell’essere è mostrato evitando parole o segni grafici, poiché il tentativo di parlarne finisce inevitabilmente in una contraddizione”14.
Nel 1954 ebbe luogo il colloquio con Tomio Tezuka (1903-1983), traduttore, oltre che di Goethe, Hölderlin, Rilke e Nietzsche, anche di alcuni testi di Heidegger. Dopo essere stato sollecitato a chiarire numerose questioni relative al vocabolario giapponese, Tezuka chiese a Heidegger quale fosse il suo parere circa il significato attuale del cristianesimo per l’Europa. Il filosofo definì il cristianesimo “imborghesito”, espressione di “religiosità convenzionale” e per lo più privo di una “fede viva”15.
Nel 1958 Heidegger tenne all’Università di Friburgo un seminario che vide la partecipazione di Hôseki Shin’ichi Hisamatsu (1889-1980), monaco zen di scuola rinzai e maestro di calligrafia16. Dopo che Heidegger ebbe chiesto a Hisamatsu di illustrare la nozione giapponese di arte e la relazione fra arte e buddhismo zen, ebbe luogo un dialogo sul carattere dell’opera d’arte e sulla sua origine, che Hisamatsu attribuì al libero movimento del non-ente (nicht-Seiende). Heidegger concluse il seminario riproponendo il celebre kôan del Maestro Hakuin Ekaku (1686-1769): “Ascolta il suono del battito di una sola mano!”17.
L’interesse di Heidegger per lo Zen e la consonanza esistente fra il suo pensiero e questa forma di buddhismo sono state riassunte da uno studioso nepalese nei termini seguenti: “Il disinteresse per ciò che è ‘rituale’ e l’attenzione data allo spirito da parte dello Zen potrebbero essere considerati equivalenti al rifiuto di Heidegger della struttura filosofica convenzionale delle nozioni, dei termini e delle categorie classiche in favore di un ‘filosofare vero’”18.
Nel 1963 ebbe luogo uno scambio di lettere tra Heidegger e Takehiko Kojima, direttore di un’istituzione filosofica giapponese. In una lettera aperta pubblicata su un giornale di Tokyo, Kojima si riferiva alla conferenza di Heidegger sull’era dell’atomo19 considerandola un discorso rivolto ai Giapponesi stessi. Con l’occidentalizzazione, proseguiva Kojima, è scesa sul Giappone quella notte che Kierkegaard e Nietzsche avevano già vista incombere sull’Europa. “L’unica cosa a cui possiamo credere – concludeva – è una parola tale che, precorrendo il mattino del mondo, del quale non possiamo sapere in che momento arriverà, sia in grado di scendere in questa lunga notte. Possa una tale parola sempre di nuovo giungerci vicino, richiamare il nostro passato e risuonare nel futuro”20. Nella sua risposta, prendendo atto del dominio mondiale che la scienza moderna assicura all’Occidente (“ovunque regna lostellen che provoca, assicura e calcola”), Heidegger affermava l’insufficienza del pensiero occidentale di fronte al problema posto dalla potenza dello stellen. Affermava poi che il pericolo più grande non consiste tanto nella “perdita di umanità” denunciata da Kojima, quanto nell’ostacolo che impedisce all’uomo di diventare ciò che ancora non ha potuto essere. Infine enunciava la necessità di un “passo indietro” che consentisse di meditare sulla potenza dello stellen; ma un tale meditare, concludeva, “non può più compiersi attraverso la filosofia occidental-europea finora esistente, ma neppure senza di essa, cioè senza che la sua tradizione, fatta propria in modo rinnovato, venga impiegata su una via appropriata”21.
Nel 1964 avvenne l’incontro di Heidegger col monaco buddhista Bikkhu Maha Mani, docente di filosofia all’Università di Bangkok, che era venuto in Europa per conto della Radio tailandese. “Convinto sostenitore di un uso misurato della tecnologia e dei mass media come strumenti educativi, in Germania aveva voluto incontrare Heidegger proprio per confrontarsi sul problema della tecnica”22. Nel colloquio privato che ebbe luogo fra i due il giorno prima che venisse registrato un loro dialogo sul ruolo della religione, destinato ad essere trasmesso da un’emittente televisiva di Baden-Baden, Heidegger parlò di “abbandono” e di “apertura al mistero” e domandò al suo ospite che significato avesse, per l’Orientale, la meditazione. “Il monaco risponde del tutto semplicemente: ‘Raccogliersi’. E spiega: quanto più l’uomo, senza sforzo di volontà, si raccoglie, tanto più dis-fa [ent-werde] se stesso. L”io’ si estingue. Alla fine, vi è solo il niente. Il niente, tuttavia, non è ‘nulla’, ma proprio tutt’altro: la pienezza [die Fülle]. Nessuno può nominarlo. Ma è, niente e tutto, la piena realizzazione [Erfüllung]. Heidegger ha compreso e dice: ‘Questo è ciò che io, per tutta la mia vita, ho sempre detto’. Ancora una volta il monaco ripete: ‘Venga nella nostra terra. Noi La comprendiamo’”23.
Non diverse le parole del professor Tezuka: “Noi in Giappone siamo stati in grado di intendere subito la conferenza Was ist Metaphysik? (…) Noi ci meravigliamo ancor oggi come gli Europei siano potuti cadere nell’errore d’interpretare nihilisticamente il Nulla di cui si ragiona nella conferenza accennata. Per noi il Vuoto è il nome più alto per indicare quello che Ella vorrebbe dire con la parola ‘Essere’”24.
Infatti nella prolusione del 1929, subito tradotta in giapponese dal suo allievo Seinosuke Yuasa (1905-1970), Heidegger si era soffermato sul problema del Niente, argomentando che il Niente si identifica con lo sfondo originario tramite cui l’ente appare e che, siccome tale sfondo dell’ente coincide con l’Essere, fare esperienza del Niente equivale a fare esperienza dell’Essere.
Una tale convinzione non poteva non trovare ulteriore sostegno nella dottrina taoista, secondo la quale “tutte le cose vengono all’esistenza mediante l’essere (yu), e questo mediante il wu, termine che non traduciamo semplicemente come ‘non-essere’ (…), bensì come l”essere non-essere’, cioè l’atto che trascende e determina il porsi della realtà”25. Oltre a manifestare per il Chuang-tze un interesse che è attestato da varie parti26, nell’estate del 1946 Heidegger tradusse in tedesco i primi otto capitoli del Tao-tê-ching, avvalendosi della mediazione di uno studioso cinese, Paul Shih-yi Hsiao (1911-1986)27, che del testo di Lao-tze aveva già pubblicato una versione italiana28.
Frequenti riferimenti a Heidegger si trovano nel commento che accompagna la traduzione del Tao-tê-ching iniziata nel 1973 da Chung-yuan Chang, autore di diversi studi sul taoismo e sul buddhismo ch’an. Rievocando un suo colloquio dell’anno precedente con Heidegger, Chang si sofferma sull’affinità del pensiero di quest’ultimo col taoismo, in relazione sia alla poesia sia al problema del Niente; osserva che la nozione heideggeriana di Aufheiterung (“schiarita”) è presente nella tradizione cinese e designa “un modo per entrare nel Tao”29; ricorda che Heidegger e lui concordarono nell’identificare la nozione diLichtung (“radura”) con quella taoista di ming; ecc.
L’individuazione di tutte queste analogie, lungi dal costituire un banale gioco di parole e di concetti, ci rimanda alla vitale necessità del Dasein europeo di confrontarsi con quello asiatico. Lo ha detto d’altronde lo stesso Heidegger in Aufenthalte: “Il confronto con l’asiatico fu per l’esserci greco una profonda necessità. Esso oggi rappresenta per noi, in maniera assai diversa ed entro un orizzonte molto più ampio, la decisione sul destino dell’Europa”30.
NOTE:
1. H. G. Gadamer, Prefazione, in: M. Heidegger, Che cos’è metafisica?, Libreria Tullio Pironti, Napoli 1982, p. ix.
2. Amir Taheri, Mollarin Felsefe [La filosofia dei mullah], “Radikal” (Istanbul), 8 marzo 2005.
3. Dieter Thomä, Heidegger und der Iran, “Neue Zürcher Zeitung”, 10 dicembre 2005.
4. Jürgen Habermas trifft in Iran auf eine gesprächbereite Gesellschaft, “Frankfurter Allgemeine Zeitung”, 13 giugno 2007.
5. Martin Heidegger, Qu’est-ce que la Métaphysique?, trad. par H. Corbin, Gallimard, Paris 1938.
6. Philippe Némo, De Heidegger à Sohravardî, “France-culture”, 2 giugno 1976 (www.amiscorbin.com).
7. H. Corbin, Il paradosso del monoteismo, Marietti, Casale Monferrato 1986, p. 7.
8. Trad. it.: M. Heidegger, Da un colloquio nell’ascolto del Linguaggio, in: In cammino verso il Linguaggio, Mursia, Milano 1973, pp. 83-125.
9. M. Inaba, Heideggâ no Shii no Shûkyôsei, Tokyo 1970.
10. T. Umehura e M. Oku, Heideggâ to Bukkyô, Tokyo 1970.
11. Satô Keiji, Heideggâ Hihan-sono Riron-Keitai ni tsuite, Tokyo 1926; Yoneda Shôtaro, Heideggâ no Kanshinron, Keizaironso XXVI-1, Kyoto 1928.
12. C. Saviani, L’Oriente di Heidegger, Il Melangolo, Genova 1998, p. 54.
13. W. Barrett, Zen for the West, in: Zen Buddhism: Selected Writings of D. T. Suzuki, W. Barrett ed., Doubleday Anchor Books, Garden City 1956, xi.
14. D. T. Suzuki, Erinnerungen an einen Besuch bei Martin Heidegger, in: Japan und Heidegger (hrsg. H. Buchner), Sigmaringen 1989, p. 169.
15. T. Tezuka, Drei Antworten, in Japan und Heidegger, cit., p. 179.
16. H. Sh. Hisamatsu, La pienezza del nulla, Il Nuovo Melangolo, Genova 1985; Idem, Una religione senza dio, Il Nuovo Melangolo, Genova 1996.
17. M. Heidegger – Hôseki Shinichi Hisamatsu, L’arte e il pensiero, in: C. Saviani, L’Oriente di Heidegger, cit., pp. 97-104.
18. Kumar Dipak Raj Pant, Heidegger e il pensiero orientale, Il Cerchio, Rimini 1990, p. 66.
19. Trad. it. in: M. Heidegger, L’abbandono, Il Melangolo, Genova 1986, pp. 25-43.
20. M. Heidegger, Briefwechsel mit einem japanischen Kollegen, in: Japan und Heidegger, cit., p. 220.
21. M. Heidegger, Briefwechsel mit einem japanischen Kollegen, cit., p. 226.
22. C. Saviani, L’Oriente di Heidegger, cit., p. 77.
23. H. W. Petzet, Auf einen Stern zugehen. Begegnungen mit Martin Heidegger 1929 bis 1976, Societäts Verlag, Frankfurt a. M. 1983, p. 191.
24. M. Heidegger, Da un colloquio nell’ascolto del Linguaggio, cit., p. 97.
25. P. Filippani-Ronconi, Storia del pensiero cinese, Boringhieri, Torino 1964, p. 58.
26. C. Saviani, L’Oriente di Heidegger, cit., pp. 41-42.
27. P. Shih-yi Hsiao, Heidegger e la nostra traduzione del Tao Te Ching, in: C. Saviani, L’Oriente di Heidegger, cit., pp. 105-118.
28. P. Siao Sci-Yi, Il Tao-te-King di Laotse, Laterza, Bari 1941.
29. Ch.-y. Chang, Reflections, in: Erinnerung an Martin Heidegger (hersg. G. Neske), Pfullingen 1977, p. 66.
30. M. Heidegger, Soggiorni. Viaggio in Grecia, Guanda, Parma 1997, p. 31.
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Repubblica. Le score du Front national aux récentes élections régionales constitue-t-il une surprise ?
Jean-Claude Michéa. Rien de plus logique, au contraire, que cette progression continuelle du vote FN parmi les classes populaires. Non seulement, en effet, la gauche officielle ne jure plus que par l’économie de marché (la «gauche de la gauche» n’en contestant, pour sa part, que les seuls «excès» néolibéraux), mais – comme Pasolini le soulignait déjà – elle semble mettre son point d’honneur à en célébrer avec enthousiasme toutes les implications morales et culturelles. Pour la plus grande joie, évidemment, d’une Marine Le Pen qui – une fois rejeté le reaganisme de son père – peut donc désormais s’offrir le luxe de citer Marx, Jaurès ou Gramsci !
Bien entendu, une critique purement nationaliste du capitalisme global ne brille jamais par sa cohérence philosophique. Mais c’est malheureusement la seule – dans le désert intellectuel français – qui soit aujourd’hui en prise avec ce que vivent réellement les classes populaires. Si nous ne savons pas opérer une révolution culturelle analogue à celle de Podemos en Espagne, le FN a donc un boulevard devant lui.
Comment expliquez-vous une telle évolution de la gauche ?
Ce qu’on appelle encore la « gauche » est un produit dérivé du pacte défensif noué, à l’aube du XXe siècle (et face au danger alors représenté par la droite nationaliste, cléricale et réactionnaire) entre les courants majoritaires du mouvement socialiste et ces forces libérales et républicaines, qui se réclamaient d’abord des principes de 1789 et de l’héritage des Lumières (lequel inclut aussi – on l’oublie toujours – l’économie politique d’Adam Smith et de Turgot !).
Comme Rosa Luxemburg l’avait aussitôt relevé dans ses textes sur l’affaire Dreyfus, il s’agissait donc d’une alliance particulièrement ambigüe, qui a certes rendu possibles - jusque dans les années 60 - nombre de combats émancipateurs, mais qui ne pouvait aboutir, une fois éliminés les derniers vestiges de la droite d’Ancien régime, qu’à la défaite d’un des deux partenaires en présence.
C’est exactement ce qui va se passer à la fin des années 70, lorsque l’intelligentsia de gauche – Michel Foucault et Bernard-Henri Levy en tête – en viendra à se convaincre que le projet socialiste était «totalitaire» par essence. De là le repli progressif de la gauche européenne sur le vieux libéralisme d’Adam Smith et de Milton Friedman, et l’abandon corrélatif de toute idée d’émancipation des travailleurs. Elle en paye aujourd’hui le prix électoral.
En quoi ce que vous appelez la «métaphysique du Progrès» a-t-elle pu conduire la gauche à accepter le capitalisme?
L’idéologie progressiste se fonde sur la croyance qu’il existe un «sens de l’Histoire» et donc que tout pas en avant constitue toujours un pas dans la bonne direction. Cette idée s’est révélée globalement efficace tant qu’il ne s’agissait que de combattre l’Ancien régime. Le problème, c’est que le capitalisme – du fait qu’il a pour base cette accumulation du capital qui ne connaît «aucune limite naturelle ni morale» (Marx) – est lui-même un système dynamique que sa logique conduit à coloniser graduellement toutes les régions du globe et toutes les sphères de la vie humaine.
En l’invitant à se focaliser sur la seule lutte contre le «vieux monde» et les «forces du passé» (d’où, entre autres, l’idée surréaliste – que partagent pourtant la plupart des militants de gauche – selon laquelle le capitalisme serait un système structurellement conservateur et tourné vers le passé), le «progressisme» de la gauche allait donc lui rendre de plus en plus difficile toute approche réellement critique de la modernité libérale. Jusqu’à la conduire à confondre – comme c’est aujourd’hui le cas – l’idée qu’on «n’arrête pas le progrès» avec l’idée qu’on n’arrête pas le capitalisme.
Comme si, en d’autres termes, la bétonisation continuelle du monde, l’aliénation consumériste, l’industrie génético-chimique de Monsanto ou les délires transhumanistes des maîtres de la Silicon Valley pouvaient constituer la base idéale d’une société libre, égalitaire et conviviale !
Dans ce contexte, comment la gauche peut-elle encore se différencier de la droite ?
Une fois la gauche officielle définitivement convaincue que le capitalisme était l’horizon indépassable de notre temps, son programme économique est naturellement devenu de plus en plus indiscernable de celui de la droite libérale (qui elle-même n’a plus grand-chose à voir avec la droite monarchiste et cléricale du XIXe siècle). D’où, depuis trente ans, sa tendance à chercher dans le libéralisme culturel des nouvelles classes moyennes – c’est-à-dire dans le combat permanent de ces «agents dominés de la domination» (André Gorz) contre tous les «tabous» du passé – l’ultime principe de sa différence politique.
C’était évidemment oublier que le capitalisme constitue un «fait social total». Et si la clé du libéralisme économique c’est bien d’abord – comme le voulait Hayek – le droit pour chacun de «produire, vendre et acheter tout ce qui peut être produit ou vendu» (qu’il s’agisse donc de drogues, d’armes chimiques, d’un service sexuel ou du ventre d’une «mère porteuse»), on doit logiquement en conclure qu’il ne saurait s’accommoder d’aucune limite ni d’aucun «tabou». Il conduit au contraire - selon la formule célèbre de Marx - à noyer progressivement toutes les valeurs humaines «dans les eaux glacées du calcul égoïste».
Si donc, avec George Orwell, on admet que les classes populaires, à la différence des élites politiques, économiques et culturelles, sont encore massivement attachées aux valeurs morales - notamment celles qui fondent la civilité quotidienne et le sens de l’entraide – on s’explique alors sans difficulté leur peu d’enthousiasme devant cette dérive libérale de la gauche moderne.
Cela ne signifie évidemment pas qu’il faille se désintéresser des questions dites «sociétales» (comme, par exemple, de la lutte contre le racisme ou de celle contre l’homophobie). Mais il suffit d’avoir vu Pride – le merveilleux film de Matthew Warchus – pour comprendre qu’une lutte de ce type n’est jamais si efficace que lorsqu’elle parvient à s’articuler réellement à un véritable combat populaire. Or c’est là une articulation dont la gauche moderne a clairement perdu le secret.
Vous considérez le fait que la gauche ait accepté le capitalisme comme une erreur. Certains pourraient y voir, au contraire, une preuve de réalisme. Pourquoi dans ces conditions jugez-vous nécessaire d’appeler à penser «avec la gauche contre la gauche»?
La phase finale du capitalisme – écrivait Rosa Luxemburg en 1913 – se traduira par «une période de catastrophes». On ne saurait mieux définir l’époque dans laquelle nous entrons. Catastrophe morale et culturelle, parce qu’aucune communauté ne peut se maintenir durablement sur la seule base du «chacun pour soi» et de l’«intérêt bien compris».
Catastrophe écologique, parce que l’idée d’une croissance matérielle infinie dans un monde fini est bien l’utopie la plus folle qu’un esprit humain ait jamais conçue (et cela sans même parler des effets de cette croissance sur le climat ou la santé).
Catastrophe économique et financière, parce que l’accumulation mondialisée du capital (ou, si l’on préfère, la «croissance») est en train de se heurter à ce que Marx appelait sa «borne interne». A savoir la contradiction qui existe entre le fait que la source de toute valeur ajoutée – et donc de tout profit – est le travail vivant, et la tendance contraire du capital, sous l’effet de la concurrence mondiale, à accroître sa productivité en remplaçant sans cesse ce travail vivant par des machines, des logiciels et des robots (le fait que les «industries du futur» ne créent proportionnellement que peu d’emplois confirme amplement l’analyse de Marx).
Les «néo-libéraux» ont cru un temps pouvoir surmonter cette contradiction en imaginant – au début des années 1980 – une forme de croissance dont l’industrie financière, une fois dérégulée, pourrait désormais constituer le moteur principal. Le résultat, c’est que le volume de la capitalisation boursière mondiale est déjà, aujourd’hui, plus de vingt fois supérieur au PIB planétaire !
Autant dire que le «problème de la dette» est devenu définitivement insoluble (même en poussant les politiques d’austérité jusqu’au rétablissement de l’esclavage) et que nous avons devant nous la plus grande bulle spéculative de l’histoire, qu’aucun progrès de l’«économie réelle» ne pourra plus, à terme, empêcher d’éclater. On se dirige donc à grands pas vers cette limite historique où, selon la formule célèbre de Rousseau, «le genre humain périrait s’il ne changeait sa manière d’être».
Or c’était précisément toute la force de la critique socialiste originelle que d’avoir compris, dès l’aube de la révolution industrielle, qu’un système social orienté par la seule recherche du profit privé finirait inéluctablement par conduire l’humanité dans l’impasse. C’est donc, paradoxalement, au moment même où ce système social commence à se fissurer de toute part sous le poids de ses propres contradictions, que la gauche européenne a choisi de se réconcilier avec lui et d’en tenir pour «archaïque» toute critique un tant soit peu radicale. Il était difficile, en vérité, de miser sur un plus mauvais cheval !
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Roma, 24 dic – Far passare l‘hostis, il nemico, per un criminale al fine di eliminarlo. E’ l’operazione che Carl Schmitt prevedeva avrebbero attuato i nuovi “padroni del mondo”, gli Stati Uniti. Una guerra contro l’altro da sé, a suon di missili anche, certo, ma senza rinunciare e piuttosto preferendo quello che più recentemente Joseph Nye ha definito soft power, attraverso il quale Washington avrebbe dovuto imporre un modello culturale e di vita a partire dal controllo dei media. Schmitt anticipò e comprese da subito che “l’universalismo dell’egemonia anglo-americana” avrebbe sancito un sistema unico globale cancellando distinzioni e pluralità spazio-temporali. Un mondo dominato dalla tecnologia generata da una sola potenza, da strategie economiche transnazionali e finanche da una “polizia internazionale”. Il giurista tedesco vide oltre la globalizzazione, che è sterminata perché cancella il Terminus come per Hegel l’infinito si realizza a spese del finito, e lo fece ante litteram senza essere un nano salito sulle spalle dei giganti del suo tempo. Lo fece da gigante con buona pace della crème della mediocrità intellettuale, che ancora si affanna a revisionare lui come Heidegger senza afferrarli mai se non per collocarli altrove poiché colpevoli di non essere come loro prima che essere macchiati dell’eterna colpa nazista.
Ed è proprio questo l’eterno inganno liberale, sciogliere l’individuo da ogni responsabilità, confondendo il voluttuario con la volontà prometeica che ha un’origine e per questo, soltanto per questo, è destinata a portare il fuoco che edifica e non cancella il confine e la norma. La grandezza di Schmitt sta qua, nel tracciare un solco nel diritto internazionale e nella filosofia politica, e basterebbe Il nomos della terra, inevitabile come lo è Essere e tempo di Heidegger per la metafisica, a sfidare i guardiani del caos. Alla cancellazione della definizione c’è sempre l’alternativa della definizione stessa che potrà pure essere tacciata di inattualità ma resterà certezza di fronte ad ogni dissoluzione. Come il Castello dei Pirenei di Matisse, l’opera di Schmitt resta una roccia che si erge sopra le onde che tentano di spazzare via ogni Nomos della Terra.
Eugenio Palazzini
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Les attentats du 13 Novembre 2015 visaient la France, pas seulement en tant qu’État, pas seulement à cause de ses forces armées combattant le fanatisme armé, mais la France en tant qu’idéal culturel. La Culture d’une Nation fait son identité, c’est ce qui la distingue d’une autre, mais aussi ce qui fait que ses citoyens ne soient pas des consommateurs acculturés. En voulant commettre des attentats contre des citoyens, les terroristes voulaient atteindre ce qu’ils incarnent comme représentants d’une culture pluriséculaire, qui a toujours su rayonner à travers le monde. Pourtant, loin d’exalter les valeurs culturelles de la France, les médias de masse poursuivirent leur acculturation dans une indifférence des plus sordide. La culture française, entendit-on, n’est pas sa littérature, sa richesse philosophique, et encore moins son roman national, mais au contraire « manger, boire et sortir au bistrot ». Un festivisme qui procède de l’hédonisme de masse, qu’on tente de nous élever au rang de « valeurs » au même titre que les « valeurs républicaines », sinon en mêlant les deux dans un curieux mariage sémantique que l’on put entendre dans tel ou tel plateau télévisuel. Une telle conception culturelle à l’heure d’une telle tragédie est inacceptable.
N’y allons pas par quatre chemins ; l’idée d’une assimilation du festivisme à la culture nationale que les médias de masse, appuyés parfois par des politiciens, veulent nous faire croire est une abjuration. D’abord parce qu’elle procède de l’hédonisme de masse, aussi bien dans son sens premier qu’au sens de culture de masse, mais aussi parce qu’elle veut se substituer aux véritables repères culturels. Imaginer que « boire et manger » devienne un acte de résistance car représentatif d’une culture nationale, quelle qu’elle soit, est une assertion des plus malheureuses mais aussi des plus viles. Elle symbolise le triomphe de l’hédonisme et de son acculturation ; il est désormais impossible de penser qu’un autre modèle puisse exister en-dehors du sien, au risque de se voir jeter l’opprobre. Alors que nos vies se transforment en une vaste campagne publicitaire se réglant à coups de « likes » sur Facebook, il est nécessaire de redonner sens à ce que sont les véritables valeurs culturelles.
Nous en avons mentionnées quelques-unes. La culture nationale est la somme des cultures particulières des couches sociales, mais aussi ses grandes trames. Or, la France est justement un pays à la richesse culturelle fantastique, aussi bien par son génie que par son histoire. La richesse culturelle de la France ne relève pas du festivisme, à la portée de n’importe qui, mais réside en ses écrivains, en ses philosophes, et même en ses illustres hommes d’État. La France, c’est Stendhal, Pascal ou Richelieu, pas le bistrot. Que penseraient les Allemands si on les réduisait à la fête de la bière, ou les Italiens aux spaghetti ? Il ne s’agirait que d’une démarche caricaturale, bonne à figurer dans un guide Michelin, et il est étonnant de voir que pour une majorité de personnes, c’est pourtant cela qui semble être devenu représentatif d’une culture. Que la pinte soit érigé en bouclier contre le terrorisme, c’est le signe, inquiétant, que l’acculturation poursuit sereinement sa route et que la plus grande armée dont nous disposons n’est pas composée de soldats, mais de consommateurs. Bref, les médias de masse « transforment le processus de sélection et de confirmation de la vertu politique en substituant au jugement populaire leurs propres conceptions de l’intérêt médiatique, ils transforment la consécration de l’excellence littéraire ou artistique », comme le disait Christopher Lasch, et ils y parviennent encore plus facilement du fait qu’ils reçoivent le consentement enthousiaste de la population.
En réalité, le seul triomphe, c’est celui de la République de Salò de Pasolini. Tout est conditionné par l’hédonisme ; notre manière de penser en a fait l’alpha et l’oméga d’un mode de vie total ; frivolité et résistance sont la même chose, seul le contexte permet à la première de se travestir en la seconde. « La sous-culture du pouvoir a absorbé la sous-culture de l’opposition et l’a faite sienne : avec une diabolique habileté, elle en a patiemment fait une mode », disait le poète. Le désenchantement du monde est là. Nous ne sommes plus capables d’opposer aux terroristes la beauté, la poésie ou la connaissance, mais seulement du libertarisme. Danser en minijupe est plus important pour la modernité occidentale que de brandir Bernanos. « Tant que tous, bourgeois et ouvriers, s’amasseront devant leur téléviseur pour se laisser humilier de cette façon, il ne nous restera que l’impuissance du désespoir », disait encore Pasolini. Le véritable acte de résistance, ce n’est pas de rester planté devant les journaux télévisés nous vantant le divertissement, mais de ressortir la culture de l’ombre où la culture de masse l’a dissimulée, de s’élever et de s’épanouir. Résister contre la terreur de l’obscurantisme, c’est ramener au plein jour la lueur calfeutrée de notre roman national, de nos livres, de nos provinces, bref, de ce qui fait que la France soit elle-même et pas autre chose.
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par Pierre Le Vigan,
écrivain, essayiste
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De quoi le progrès est-il le nom ?
Repenser le progrès (et l’utopie) avec Robert Redeker
Le progrès est une idéologie au double sens d’une âme collective mais aussi d’un masque. Mais c’est aussi un médium, un dispositif intermédiaire entre soi et le monde, et aucun médium n’est neutre : c’est une représentation du réel qui transforme le réel. Où en sommes-nous avec le progrès ?
Le progrès est une religion de l‘avenir – et même du temps. L’avenir, en effet, donne son sens au temps et permet de rejeter un passé toujours « moins bien » que « ce qui vient ». Le progrès est aussi une religion de la science, la science qui a besoin du temps pour se déployer dans le sens d’une nature et de la matière toujours plus et mieux maîtrisée par l’homme. Le progrès est aussi en ce sens une religion de l’homme, comme le voit bien de son côté Rémi Brague (3).
On trouve dans l’idée du progrès un messianisme (bien vu par Jean Grenier le père spirituel d’Albert Camus), une religion du salut par l’homme et par la science. Mythe créé par l’homme, le progrès est donc – et c’est ce qu’examine Robert Redeker – à la fois un scientisme et un hyperhumanisme. Le progrès, religion du salut matériel par l’homme, est aussi une religion de la sortie de toutes les autres religions, notamment celles d’un salut immatériel. Depuis Descartes, nous savons que la médecine, la mécanique et la morale doivent nous apporter le bonheur dans ce monde, « dans cette vie », comme dit encore Descartes. Tout est question de volonté, car celle-ci vaut plus que toute croyance. Elle est, en d’autres termes, la seule chose en laquelle nous devons croire : la puissance de notre volonté.
Poser l’hypothèse Dieu comme « chiquenaude » initiale (Pascal) permet ensuite à l’homme de passer aux choses sérieuses : son bien terrestre. Telle est l’hypothèse de la modernité : ce n’est pas tant de nier Dieu que de considérer que c’est une question qui ne doit pas empêcher – que l’on réponde oui ou non à la question de son existence – de passer aux choses sérieuses, c’est-à-dire « strictement » humaines, comme si l’homme pouvait être abstrait du fond sur lequel il apparaît, à savoir le monde, créé ou incréé (4). Le monde : ce qui fait lien et ouvre au sens des choses. Or, en affirmant le caractère infini de la volonté humaine, Descartes offre au pouvoir humain un champ de déploiement sans limites. Il permet la « souveraineté du sujet dans les temps modernes » (Heidegger, Nietzsche II). L’homme tend alors à s’émanciper du monde.
A partir de ce schéma, Robert Redeker enquête sur les différents aspects du culte du progrès. Nous voyons comment notre croyance a refaçonné le monde et nous-mêmes. Un des chapitres les plus novateurs met en parallèle la création du sujet comme individu et comme intériorité, cette véritable « découverte métaphysique du sujet » (Ferdinand Alquié) chez Descartes, et, moins attendu, chez Thérèse d’Avila. Dans les deux cas, il y a la négation de « cet assemblage que l’on appelle le corps humain » (Descartes). A la suite de Martin Heidegger, Robert Redeker voit dans le creusement de cette intériorité hors corps, chez Thérèse et chez Descartes, appelée cogito (mouvement de reconnaissance de soi par soi) ou « âme », la matrice du subjectivisme moderne.
Si le progrès n’a par définition pas de fin, l’utopie apparaît comme le contraire du progrès. L’utopie se veut point d’équilibre durable; elle est « remède et prévention contre la démesure ». En effet, l’utopie est, en un sens, contre l’histoire; elle arrête l’histoire. Elle arrête donc le progrès. L’idéal atteint ne requiert plus aucun progrès. Il est frappant de voir qu’une certaine droite, qui critique le progrès, critique aussi les utopies, alors qu’elles peuvent être une solution autre que le progrès et le progressisme sans fin. L’utopie s’oppose au programme. Mais l’usage du programme n’exclut pas celui de l’utopie.
Prenons un exemple allemand dans les années vingt et trente. Il y avait un programme du NSDAP. Il y avait une utopie nationale-socialiste, admirablement étudiée par Frédéric Rouvillois (5). Idem pour le marxisme léniniste. Il y avait le programme de Lénine et l’utopie d’une société où chacun s’épanouirait totalement et librement. Robert Redeker rappelle à ce sujet le lien entre marxisme et millénarisme, relevé avant lui par Ernst Bloch. Avec l’utopie c’en est fini de l’histoire et de l’avenir. L’utopie en termine avec l’avenir. Elle ex-termine l’avenir, dit, dans une formule très heureuse, Robert Redeker. Elle fait sortir l’avenir du jeu. Que voulait l’utopie nationale-socialiste ? En finir avec toute faillibilité de l’homme allemand. L’utopie, note encore Redeker, est une anti-chronie. Elle suppose l’arrêt du temps. Elle n’est, au contraire, pas sans lieu. Elle suppose au contraire un lieu définitivement limité. Elle suppose un lieu sans temps. Un pays sans histoire. Kant juge nécessaire l’idée d’une société idéale tout comme Rousseau juge nécessaire l’hypothèse de l’état originel de nature. L’utopie est moins un progressisme qu’un millénarisme qui met fin à tous les progressismes.
C’est un « arrachement au temps » qui suppose lui-même un espace arraché à l’histoire. Cette dernière devient une simple momie. L’utopie relève de la puissance du rêve, et non de la conviction par les preuves. Redeker souligne l’ambivalence de l’utopie : par son goût de la géométrie, de l’ordre parfait elle ressemble aux traits de la modernité, mais par son exposition d’un monde clos sur lui-même, où le bien est déjà et définitivement réalisé, l’utopie est antimoderne.
En même temps une certaine utopie est importée dans le système actuel, que Redeker se refuse à appeler « totalitarisme soft et gélatineux » (et c’est sans doute notre seul point de divergence avec lui). Cette utopie importée c’est celle de la santé et du bonheur. Les questions privées deviennent des questions publiques. L’Etat n’est pas seulement le grand assureur du bon collectif, ce qui est sa fonction, il devient le grand consolateur des malheurs privés, ce qui ne l’est plus. Redeker remarque que le sport, qui suppose la santé et fabrique l’euphorie, est au centre de cette utopie importée dans le monde hypermoderne.
L’utopie moderne s’y niche aussi ailleurs. Le progressisme encastrait la mort de chacun dans un rachat collectif : la nation pour Barrès et en fait toute la IIIe République, la classe des exploités pour le marxisme. Le post-progressisme, qui se veut en même temps un progressisme supérieur, veut abolir la mort en la fondant dans l’homme prothèse (on ne meurt que par petits bouts donc pas vraiment) et dans l’euthanasie qui fait de la mort, non point l’événement terminal, mais une procédure, indolore de surcroît et cool. Il s’agit toujours de modifier la condition humaine – en fait, de la nier. C’est pourquoi l’auteur a amplement raison de voir dans l’idée de perfectibilité, issue des Lumières, y compris de l’atypique Rousseau, une machine de guerre contre l’idée de péché originel, et contre le christianisme, qui s’est historiquement construit sur cette idée depuis la défaite de Pélage.
Avec le progrès les hommes se sont voulus comme « maîtres et possesseurs » de l’histoire – pas seulement de la nature. En même temps, le progrès a évidé l’homme de son propre. C’est l’ère du vide. Sauf pour ceux qui n’ont jamais cru au progrès : les hommes et les peuples mentalement hors Occident.
Pierre Le Vigan
23/12/2015
Robert Redeker, Le Progrès ? Point final, Les Carrefours d’Ariane (28 mai 2015), Editions d’Ovadia, 216 pages.
Ce texte est paru dans la revue Perspectives Libres n°15 – 2015 publiée par le Cercle Aristote http://cerclearistote.com/
Notes :
(1) Du progrès, Librio, 2001 ; Le sens du progrès, Flammarion, 2004.
(2) « Une brève histoire de l’idée de progrès » in alaindebenoist.com. Voir aussi TVLibertés, émission « Les idées à l’endroit » n°3, 2015 ; Radio Courtoisie avec Frédéric Rouvillois, mai 2014.
(3) Le règne de l’homme, Gallimard, 2015.
(4) Certes, Markus Gabriel (à la suite d’autres) croit expliquer Pourquoi le monde n’existe pas, JC Lattes, 2015. Cela vaut comme stimulant sophisme mais pas plus.
(5) Crime et Utopie, Flammarion, 2014.
Correspondance Polémia – 23/12/2015
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Propos recueillis par Nicolas Truong
Ex: http://www.contre-regard.com
Le philosophe et historien Marcel Gauchet revient sur les origines de la violence terroriste. Entretien avec Nicolas Truong. Le Monde 22 novembre 2015. L’intégralité de la version « abonnés ». À lire…
Comment penser les attaques du 13 novembre et ce déferlement de haine ?
Marcel Gauchet. Cette violence terroriste nous est spontanément impensable parce qu’elle n’entre pas dans nos grilles de lecture habituelles. Nous savons bien sûr que c’est au nom de l’islamisme que les tueurs agissent, mais notre idée de la religion est tellement éloignée de pareille conduite que nous ne prenons pas cette motivation au sérieux.
Nous allons tout de suite chercher des causes économiques et sociales. Or celles-ci jouent tout au plus un rôle de déclencheur.
C’est bien à un phénomène religieux que nous avons affaire. Tant que nous ne regarderons pas ce fait en face, nous ne comprendrons pas ce qui nous arrive. Il nous demande de reconsidérer complètement ce que nous mettons sous le mot de religion et ce que représente le fondamentalisme religieux, en l’occurrence le fondamentalisme islamique.
Car, si le fondamentalisme touche toutes les traditions religieuses, il y a une forte spécificité et une virulence particulière du fondamentalisme islamique. Si le phénomène nous échappe, à nous Européens d’aujourd’hui, c’est que nous sommes sortis de cette religiosité fondamentale. Il nous faut en retrouver le sens.
Les réactivations fondamentalistes de l’islam sont-elles paradoxalement des soubresauts d’une sortie planétaire de la religion ?
Oui, il est possible de résumer les choses de cette façon. Il ne faut évidemment pas réduire la sortie de la religion à la croyance ou à la « décroyance » personnelle des individus. C’est un phénomène qui engage l’organisation la plus profonde des sociétés.
La religion a organisé la vie des sociétés et l’originalité moderne est d’échapper à cette organisation. Or, la sortie de cette organisation religieuse du monde se diffuse planétairement.
Si le fondamentalisme touche toutes les traditions religieuses, il y a une forte spécificité et une virulence particulière du fondamentalisme islamique
D’une certaine manière, on pourrait dire que c’est le sens dernier de la mondialisation. La mondialisation est une occidentalisation culturelle du globe sous l’aspect scientifique, technique et économique, mais ces aspects sont en fait des produits de la sortie occidentale de la religion. De sorte que leur diffusion impose à l’ensemble des sociétés une rupture avec l’organisation religieuse du monde.
On ne voit pas immédiatement le lien entre le mode de pensée économique et scientifique et la sortie de la religion, et pourtant il est direct. Aussi ne faut-il pas s’étonner que la pénétration de cette modernité soit vécue dans certains contextes comme une agression culturelle provoquant une réactivation virulente d’un fonds religieux en train de se désagréger, mais toujours suffisamment présent pour pouvoir être mobilisé. Mais attention, fondamentalisme n’est pas ipso facto synonyme de terrorisme. Ce sont deux choses qui peuvent fonctionner séparément.
Ne pourrait-on pas voir au contraire dans ce fondamentalisme musulman un réarmement du religieux ?
C’est une hypothèse que l’on peut parfaitement formuler. Elle me semble démentie par les faits. Les sociétés européennes sont à la pointe, pour des raisons historiques, de la sortie de la religion. Ce sont donc elles qui devraient le plus souffrir de ce manque. Or les Européens peuvent être tourmentés à titre personnel par des questions d’ordre spirituel et beaucoup le sont, mais cette recherche ne prend absolument pas la forme d’un mouvement politique. Bien au contraire.
Le spirituel dans les sociétés européennes relève typiquement de la part la plus intime des individus. Il les éloigne de la visée d’une action sur la société. Alors que le vrai fondamentalisme est un projet politique d’inspiration révolutionnaire. Le projet de remettre la religion au pouvoir dans la vie des sociétés, dans le cadre de l’islam, est aisément symbolisé par le retour de la charia, loi embrassant tous les aspects de la vie collective.
Le fondamentalisme est un projet radical de société et c’est là toute la différence. C’est pourquoi certains comparent le fondamentalisme à un totalitarisme, ce qui ne me paraît pas éclairant. La religion est autre chose que les idéologies totalitaires qu’on a pu voir à l’œuvre dans notre histoire.
Il ne faut « pas faire d’amalgame », ne cesse-t-on de répéter. Or ces actes − perpétrés au cri d’« Allahou akbar » − ont-ils tout de même à voir avec l’islam et le moment historique qu’il traverse ?
Evidemment. Pas d’amalgame signifie qu’il ne faut pas incriminer de façon indifférenciée l’islam et accuser tous les musulmans de participer à ce phénomène. Mais, dans l’autre sens, on ne peut pas dire que l’islam n’a rien à voir là-dedans.
Je répète que le fondamentalisme n’est pas propre à l’islam, il se manifeste dans toutes les traditions religieuses du monde, sous des formes plus ou moins activistes. Toutefois, on est bien obligé de constater que le fondamentalisme islamique est particulièrement prégnant et vigoureux. C’est là que le phénomène fondamentaliste a son expression la plus forte sur la planète aujourd’hui. Il faut donc s’interroger sur ce lien entre l’islam et ses expressions fondamentalistes. C’est quelque chose que l’on ne peut pas séparer de l’état des sociétés musulmanes et de leur situation particulière, notamment dans la région moyen-orientale.
Pourquoi l’islamisme prend-il cette forme si radicale aujourd’hui ?
Le premier point dont il faut se souvenir pour comprendre l’islamisme, c’est la proximité de l’islam avec nos propres traditions religieuses, juive et chrétienne. Vu d’Orient, du bouddhisme et du confucianisme, l’Occident est très exotique, il est très loin, ce sont deux mondes différents.
Vu de l’islam, il est religieusement proche, et la proximité est plus dangereuse que la distance. Dans la proximité, il y a de la rivalité et de la concurrence. Or le tronc monothéiste sur lequel se greffe l’islam le met dans une position très particulière. Il est le dernier venu des monothéismes et se pense comme la clôture de l’invention monothéiste. Il réfléchit les religions qui l’ont précédé et prétend mettre un terme à ce qu’a été le parcours de cette révélation. Cette proximité le met dans une situation spontanément agonistique vis-à-vis des religions d’Occident.
Le spirituel dans les sociétés européennes relève de la part la plus intime des individus. Il les éloigne de la visée d’une action sur la société. Alors que le vrai fondamentalisme est un projet politique d’inspiration révolutionnaire
Il existe un ressentiment dans la conscience musulmane par rapport à une situation qui lui est incompréhensible. La religion la meilleure est en même temps celle d’une population qui a été dominée par les Occidentaux à travers le colonialisme et qui le reste économiquement. Cette position ne colle pas avec la conscience religieuse que les musulmans ont de leur propre place dans cette histoire sacrée. Il y a une conflictualité spécifique de la relation entre l’islam et les religions occidentales.
Pourquoi ce fondamentalisme fascine-t-il tant une partie des jeunes des cités européennes paupérisées ?
Le message fondamentaliste prend un autre sens une fois recyclé dans la situation de nos jeunes de banlieues. Il entre en résonance avec les difficultés de l’acculturation de cette jeunesse immigrée à une culture individualiste en rupture totale avec ses repères, y compris communautaires, qui viennent de sa tradition religieuse. Une culture individualiste, qui à la fois fascine les plus ébranlés et leur fait horreur, et je pense que c’est le cœur du processus mental qui fabrique le djihadiste occidental.
C’est un converti, qui s’approprie la religion de l’extérieur et qui reste souvent très ignorant de la religion qu’il prétend s’approprier. Son aspiration par ce premier geste de rupture est de devenir un individu au sens occidental du mot, en commençant par ce geste fondateur qu’est la foi personnelle.
Dans une religion traditionnelle, la foi personnelle compte moins que les rites observés et ce ritualisme est essentiel dans l’islam coutumier. C’est avec ce cadre que brise l’adhésion intensément personnelle du fondamentaliste. En même temps, cette adhésion très individuelle est un moyen de se nier comme individu, puisque l’on va se mettre au service d’une cause pour laquelle on donne sa vie. Cette contradiction exprime une souffrance très particulière, liée à une situation sociale et historique très spécifique. C’est dans cette zone que se détermine la trajectoire de ces jeunes gens qui nous sont si incompréhensibles.
Dans ces quartiers si spécifiques du Xe et XIe arrondissements de Paris, il y avait deux jeunesses qui se faisaient face…
Oui, un premier individualisme parfaitement tranquille, sans questions et qui se vit dans une hypersocialisation, et un second qui est vécu par une jeunesse très contradictoire, à la fois très au fait de cette réalité et complètement déstabilisée par elle. Le choix des cibles est très peu politique, mais très révélateur de ce qui constitue l’enjeu existentiel de ces jeunes. Ils ont tiré sur ce qu’ils connaissent, sur ce à quoi ils aspirent tout en le refusant radicalement. Ils se détruisent de ne pas pouvoir assumer le désir qu’ils en ont.
C’est pour cette raison que vous écrivez que « le fondamentalisme est en dépit de tout et malgré lui une voie d’entrée à reculons dans la modernité » ?
Il ne constitue pas pour moi une menace capable de remettre en question la manière d’être de nos sociétés. Bien sûr, il peut tuer beaucoup de gens, faire des dégâts épouvantables et créer des situations atroces, mais il ne représente pas une alternative en mesure de nous submerger. Affrontons-le pour ce qu’il est, sans lui prêter une puissance qu’il n’a pas.
Lire aussi, en complément ce remarquable article de Paul Berman: http://contre-regard.com/il-ny-a-pas-de-causes-sociales-au-djihadisme-par-paul-berman/
00:05 Publié dans Entretiens, Islam, Philosophie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : marcel gauchet, entretien, philosophie, islamisme, fondamentalisme islamiste, islam, djihadisme | |
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Daria DOUGUINA:
La jeune philosophe Daria Douguine évoque pour nous l'arrière plan spirituel et philosophique des rapports entre la Russie et l'Occident.
www.les-non-alignés.fr
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Me promenant l’autre matin sur Colombus Avenue, j’aperçois à ma grande surprise une manchette. New York perpétue encore un tout petit peu la vieille tradition qui consiste à afficher une première page de quotidien dans la rue. Gros titre : « Cop 21, le bon choix ». En principe dans une démocratie, lorsqu’il y a un choix, il y a ensuite un vote. Suite à l’accord de Paris sur le climat, va-t-on demander aux peuples du monde de voter sur cet accord ? Il est évident qu’on ne le demandera pas. D’autant que ce qui est en jeu n’est rien moins que le salut du monde. Ce serait difficile de demander aux gens s’ils veulent être sauvés ou non. Lorsqu’un sauveur apparaît, qu’il s’agisse d’un groupe ou d’un individu, il n’a pas besoin d’une légitimité démocratique. C’est très pratique ! Hollande et Fabius l’ont bien compris.
La légitimité démocratique est en train de s’effriter presque partout. Au nom du salut de l’humanité, mais aussi parce qu’à force de s’étendre au monde entier, la démocratie perd sa substance. A vouloir rendre la planète entière « safe for democracy » on fait d’elle tout autre chose qu’une démocratie. C’est inévitable, quelle que soit l’ardeur avec laquelle on se clame démocrate ! En effet, gouverner au nom de tous revient à ne gouverner au nom de personne et donc à cesser de gouverner, comme le montre l’ONU qui, rassemblant près de 200 peuples au nom d’une universelle inclusion démocratique, ne gouverne rien et se retrouve incapable de remplir la tâche qui lui avait été assignée, la prévention des guerres. De même, au plan national, nombre de régimes, à l’instar de la France, ont entrepris de ne laisser personne en dehors des processus démocratiques. Finies les discriminations ! Individus et groupes minoritaires doivent désormais se rendre aux urnes en chantant leur citoyenneté à gorge déployée. Marginaux, homosexuels, noirs, blancs, jaunes, criminels recyclés, handicapés lourds ou légers, tout le monde doit désormais participer aux grandes fiestas électorales. Bientôt des bonbons seront distribués dans les bureaux de vote décorés de ballons multicolores pour y attirer des adolescents. Personne ne pourra échapper aux sirènes de la participation, du débat démocratique, de la solidarité citoyenne.
En même temps que s’organisent toutes ces choses, la souveraineté illimitée de l’individu est affirmée, répétée, voire assénée. Ça surprend un peu ! Comment être souverain de soi-même et, en même temps, s’affirmer solidaire, démocrate, citoyen ? Comment rester soi-même alors que se développe une puissante volonté d’inclusion démocratique ? Il semble que plus on se veut unique, plus on veut en même temps se montrer normal, un citoyen lambda, comme François Hollande au début de son mandat. Étrange phénomène qu’on peut voir chaque jour dans nos rues où un individualisme exacerbé et donc narcissique conduit à une uniformisation de tout et de tous avec jeans en hiver et longues ou courtes culottes en été.
Le prix à payer pour être soi, c’est finalement d’être conforme et correct. Plus le moi s’affirme, plus il se lisse pour pouvoir se fondre dans la masse démocratique. On dirait que la peur d’être original nous fait raboter toute originalité ! Comment l’expliquer ?
Un être n’est humain que par son appartenance à un corps politique. Comme en ont témoigné les rescapés des camps nazis ou communistes, être un homme et rien qu’un homme, c’est n’être rien. Dans une époque qui, comme la nôtre, défait les fils qui rattachent les individus à une communauté, la menace grandit pour chacun de se voir réduit à sa seule humanité et donc comme je viens de dire, à rien. Kafka a bien senti que même dans un État de droit on peut découvrir, un beau matin, qu’on est devenu un cafard, de la vermine, un non-humain. D’où un effort dans deux directions : plonger en soi pour découvrir tout de même un fond d’humanité – ne pas se mettre en relief pour se convaincre qu’on appartient à la grande communauté des hommes, aujourd’hui synonyme d’une démocratie universelle. Deux efforts très pénibles puisque ni cette communauté, ni un moi infiniment profond n’existent. Deux efforts qui ne conduisent à rien. Si nous sommes tous uniques, comment pourrions-nous encore être gouvernés ? Un homme qui ne peut plus être gouverné n’est plus vraiment un homme, n’est plus un « zoon politikon » dirait Aristote. En esquissant une démocratie universelle dans laquelle il n’y aurait plus ni gouvernants ni gouvernés, l’Occident esquisse un régime inhumain. Dans nos efforts pour ne dépendre de rien ni de personne, nous nous préparons à entrer dans une vallée des morts dans le temps même où nous proclamons les droits de l’homme urbi et orbi. Tandis que nous perpétuons nos efforts pour construire notre moi en toute indépendance, nous essayons en même temps de laisser une place pour ce que nous pourrions encore partager. Mais comme il n’y a plus rien à partager dans la jungle de nos narcissismes, la seule manière de se dire encore un peu « zoon politikon » consiste à se proclamer humain, un individu abstrait, sans passé ni futur, un être hors sol. Ce n’est pas un remède mais, pour l’instant, ça soulage !
Rien ne pourrait mieux convenir aux pouvoirs chevrotants des démocraties modernes qu’un être hors sol. Un tel être est facile à manipuler par un pouvoir qui est lui-même devenu insubstantiel. Pour peu que l’on médite un peu sur ces choses, on voit que l’Occident se dirige à la fois vers un pouvoir qui se débonde en une insignifiante jactance et des citoyens qui perdent leur substance au nom d’abstractions qui les vident de leur sang. Si c’est ça le « processus démocratique », il sera difficile de le vendre au reste du monde pour instaurer une paix universelle. Mais peut-être qu’avec des citoyens vides et se rassurant quotidiennement avec des selfies publiés sur Facebook, la paix pourrait peut-être advenir. Mais quelle paix ?
Un pouvoir dilué par sa prétention à inclure tout le monde, ne peut évidemment plus être exercé. Alors place nette est faite pour d’autres pouvoirs, non politiques, eux ! En catimini, groupes et lobbies prennent doucement la place laissée libre par des gouvernants qui ont cessé de l’être. Ainsi poussent des champignons vénéneux dans les bas-fonds de la démocratie. Ils ne visent pas le bien commun mais la défense d’intérêts particuliers avec les droits de l’homme comme cadre et symbole de cette défense. Ces droits, outre qu’ils nourrissent l’illusion de vivre par soi et pour soi, « disqualifient tous les contenus de vie partageables au motif qu’ils n’ont pas été choisis par chacun » (Pierre Manent). Cette disqualification ouvre la porte à des mini-pouvoirs qui n’ont rien de démocratique.
Poussée à l’extrême, la démocratie engendre donc l’inverse de la démocratie. En tout cas l’inverse du bien commun, puisqu’elle favorise, au bout du compte, des intérêts sectoriels, ceux de la finance entre autres. Plus la démocratie s’étend en surface, plus émerge des profondeurs, le « Deep State », un État sous l’État.
Inconfortable position des dirigeants démocratiques : ils doivent s’efforcer de gouverner au nom de tous et plus ils le font, moins ils gouvernent. Exerçant de moins en moins de pouvoir, ils ouvrent la porte à des groupes ou individus qui exercent un pouvoir souterrain sous la surface démocratique, se réjouissant d’ailleurs que cette surface leur offre un beau terrain de jeu. Ainsi émergent des réseaux divers et contrastés allant d’une mafia à une ONG et qui profitent du « processus démocratique ».
Les gouvernants sont délégitimés par ces réseaux qui menacent les belles croisières démocratiques. Mais ces réseaux ne les menacent pas trop car ils ont besoin de ces croisières pour pouvoir continuer à jouer dans les profondeurs. Entre ces réseaux souterrains et la démocratie s’est instaurée une discrète collaboration.
La notion de forces souterraines menaçant la démocratie n’est pas nouvelle. Dans ses heures de gloire, Jean Ziegler en avait fait son fonds de commerce. Pour lui, l’horrible capitalisme était l’une de ces forces qui minait la légitimité démocratique. Aujourd’hui Jean Ziegler fait sourire tout le monde, sauf peut-être quelques trotskistes attardés sur les berges du grand soir dont ils soupçonnent, angoissés, qu’il ne viendra pas.
Révéler, à la suite de Jean Ziegler ou Edward Snowden, des forces cachées sous la façade démocratique, a toujours existé. On peut même dire que ces révélations et dénonciations accompagnent un régime démocratique comme son ombre. Mais ces révélations portent sur deux sortes de forces cachées : il y a celles qui jouent le jeu de la démocratie, comme des dauphins qui font de jolis bonds le long des paquebots du suffrage universel. Mais il y a aussi une autre force, celle qui, tel un menaçant sous-marin, s’approche des mêmes paquebots. Cette force-là passe pour intolérable, mauvaise, nauséabonde, tandis que d’autres forces souterraines sont simplement critiquées, voire invitées à participer au grand jeu démocratique. Aucune insulte n’est assez forte contre ce qu’on désigne par extrême-droite, tandis que la corruption et ses avatars jouissent d’une relative tolérance.
Aujourd’hui l’extrême droite est puissante. Il ne s’agit plus du tout de la zieglerienne et socialiste mise en accusation d’un capitalisme que la démocratie nourrirait en son sein. Il s’agit de quelque chose comme un « Deep State » qui, lui, ne veut pas seulement effectuer des sauts de dauphins à côté de belles croisières démocratiques, mais veut faire couler les paquebots. Sur le pont, il y a trop de charlatans style ONU ou Commission européenne. Il y a aussi une « jet set » mondialiste adorée par Hollande qui doit voir en elle une nouvelle Internationale. Enfin les médias, confortablement installés dans les chaises longues de ces croisières, ont un yoyo avec lequel ils s’amusent à jongler entre les propos de l’establishment et les cabrioles inoffensives des contestataires. D’un « Deep State » ils ne parlent pas sinon pour le maudire.
La mise en accusation des régimes en cours par la dite extrême-droite est beaucoup plus sérieuse que celle des marxistes d’antan. Ceux-ci ne rejetaient pas l’universalisme des Lumières, car ils s’appuyaient sur lui pour dénoncer des failles dans les démocraties modernes. Celles-ci, selon eux, n’allaient pas assez loin dans la justice sociale, l’égalité, la solidarité. Le principe démocratique n’était pas rejeté, seule sa mauvaise application l’était, raison pour laquelle l’extrême-gauche n’a jamais fait l’objet d’une critique haineuse comme l’extrême droite. Bien qu’héritière d’un communisme exterminateur par les armes, les famines et les camps, on lui manifestait de l’indulgence parce qu’elle ne contestait pas les principes universels de la modernité. Aujourd’hui, tout a changé. Ce sont en effet ces principes qui sont contestés, voire rejetés. L’establishment socialo-mondialiste l’a bien senti puisqu’il a immédiatement diabolisé ceux qu’il disait d’extrême-droite. Qu’est-ce qui se cache derrière cette diabolisation ? Les explications consistent à remonter aux années trente et à montrer qu’aujourd’hui la contestation de l’establishment reprend des thèmes qui ont conduit à la Deuxième guerre mondiale et aux exterminations. Ce genre d’explication ne vaut rien puisque les idées communistes, elles, n’ont jamais été diabolisées et qu’elles ont aussi conduit à des horreurs.
Les années trente ont d’abord été l’acmé de la démocratie et de la foi en une paix éternelle grâce à la SDN. Ensuite vint une critique radicale de la démocratie et de la modernité et, enfin, l’horreur des camps et de la guerre. On impute encore cette horreur à cette critique. C’est une erreur car cette critique était profonde. Elle était hystérique et délirante chez les nazis, certes, mais les auteurs abondent qui ont analysé avec pertinence ce qui se passait. Que se passait il ? Que voyaient ces auteurs ?
Ils voyaient que la modernité était comme un acide qui ronge les liens communautaires et réduit les hommes à des atomes manipulables. Ils faisaient donc l’éloge des traditions religieuses, de la spiritualité, de l’histoire, des racines d’une culture. Aujourd’hui cet éloge passe pour du fascisme, comme on le voit dans les critiques adressées à Finkielkraut , Onfray, Zemmour, Houellebecq. A eux tous est donné le commandement de se taire ou de rejoindre les rangs de ceux qui défendent une émancipation universelle avec son cortège de libérations diverses, surtout sexuelles. Le piquant de la chose est que ce commandement ne colle pas du tout avec la liberté d’expression, grande idole de la modernité. Elle ne colle pas non plus avec cette injonction maintenant partout répandue à négocier, dialoguer, débattre.
Comment ne pas souhaiter que dialogue il y ait entre les critiques radicales de la modernité et ses partisans, autrement dit entre ceux qui se réclament du siècle des Lumières et ceux qui se réclament de la tradition judéo-chrétienne. Chez Homère, il y a deux divinités qui prennent part à la guerre de Troie : Aphrodite pour les Troyens, Athéna pour les Grecs. Aujourd’hui, les deux divinités de l’Occident sont Lucifer, prince de lumières rationalistes et Yahvé. Y aura-t-il guerre entre eux, comme à Troie jadis ? C’est toute la question.
Jan Marejko, 21 décembre 2015
Notes : La notion de « Deep State » est courante aux Etats-Unis, comme le rappelait un article de l’International New York Times du 15 septembre 2015. Pierre Manent cité ici est l’auteur de Situation de la France, paru cette année. Sur les années trente, nous avons un ouvrage magistral, celui de Jean-Louis Loubet del Bayle, Les non-conformistes des années 30, une tentative de renouvellement de la pensée politique française, Seuil 1969.
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Conservatives and Libertarians: Uneasy Cousins
Ex: http://www.theimaginativeconservative.org
By common assent modern conservatism, as political philosophy, springs from Edmund Burke: chiefly from his Reflections on the Revolution in France, published in 1790. That book is of course more than a brilliantly prescient analysis of the Revolution and its new and fateful modes of power over individual lives; the Reflections is also, through its running asides and obiter dicta, one of the profoundest treatments of the nature of political legitimacy ever written. Modern political conservatism, as we find it in a European philosophical tradition from about 1800 on, takes its origin in Burke’s insistence upon the rights of society and its historically formed groups such as family, neighborhood, guild and church against the “arbitrary power” of a political government. Individual liberty, Burke argued–and it remains the conservative thesis to this day–is only possible within the context of a plurality of social authorities, of moral codes, and of historical traditions, all of which, in organic articulation, serve at one and the same time as “the inns and resting places” of the human spirit and intermediary barriers to the power of the state over the individual. The influence of Burke’s Reflections was immediate, and all the major works of European philosophical conservatism–those of Bonald, de Maistre, the young Lamennais, Hegel, Haller, Donoso y Cortes, Southey and Coleridge, among others–in the early nineteenth century are rooted, as their authors without exception acknowledged, in Burke’s seminal volume.
Burke, it might be stressed here, had a political-ideological record leading up to his famous Reflections that was not regarded in his time, and would not be ordinarily thought of today, as quintessentially conservative. He had been from boyhood an ardent admirer of the glorious revolution of 1688 which had taken place four decades before his birth. When troubles with the American colonies broke out in the 1760’s, Burke threw himself without reserve on the side of the colonists, and his parliamentary speeches on the Americans and on what he regarded as the hateful practices of the British government are of course classics. He may not have endorsed the colonies‘ decision to go to war, to seek a complete break with England, but his sympathies lay nonetheless with those Englishmen who had created the New World of America. It is worth recalling that, as with respect to the Americans, some of Burke’s most powerful speeches in Parliament were delivered in behalf of India and its traditional culture and in fierce opposition to Warren Hastings, whom Burke sought unsuccessfully to indict, and the British East India Company for its depredations in India. And finally, Burke, for all his love of England and English ways, was unrelenting in his criticisms of the government for its treatment of Ireland, where Burke had been born. In sum, with good reason Burke’s close friend, that essential Tory, Dr. Johnson, could worry over Burke’s Whiggism.
Turning now to the foundations of contemporary libertarianism, of classical liberalism, we can go back at least as far as John Locke’s Second Treatise if we choose, to the writings of Montesquieu in France in the eighteenth century, those of Jefferson in America, and Adam Smith in England. But the securest and most vivid source of libertarianism seems to me to lie in J. S. Mill’s On Liberty, published in 1859, the same year in which Darwin’s Origin of the Species appeared (which has its own relation to classical liberalism and thus contemporary libertarianism, through its central thesis of natural selection, the biological version of what the classical liberals called the free market, using the phrase in its widest sense).
It is in On Liberty that Mill expresses at the beginning of the essay the famous “one very simple principle.” Mill writes: “The sole end for which mankind are warranted, individually and collectively, in interfering with the liberty of action of any of their number is self-protection. . . , His own good, either physical or moral, is not a sufficient warrant.” I suggest that Mill’s “one very simple principle” is the core of contemporary libertarianism. It is necessary, though, to note Mill’s immediate qualifications to the principle, qualifications which may or may not be acceptable to the majority of libertarians in our own day. Thus we learn that the principle does not apply to those below their legal majority, an abridgement that large numbers of high school and college students today would ridicule and reject. Nor does the principle hold for those Mill rather cryptically identifies as being “in a state to require being taken care of by others,” a state that must include all those on any form of welfare in our society as well as those whom Mill probably had chiefly in mind, the chronically ill and the mentally deficient. Mill categorically excludes from this principle of liberty all peoples on earth who are in what he calls “backward states of society.” For them, he declares, despotism remains necessary, albeit as enlightened as possible, until through social evolution these peoples reach the level of the modern West in civilization.
Robert Nisbet
Later in the essay Mill goes so far as to deny the principle of liberty to those around us who are, in his word, “nuisances” to others. And, he continues, “no one pretends that actions should be as free as opinions.” In its bald statement Mill’s one very simple principle would most certainly give legitimacy to contemporary pornography in all spheres as well as to noisy, order-disrupting, potentially violent street demonstrations. But with the qualifications just cited, it is far from evident that Mill’s view of legitimate freedom would give sanction to contemporary license-moral, political, religious whatever. It is impossible not to believe that even in bald, abstract statement, Mill’s single, simple principle was intended to apply only to people formed intellectually and morally as Mill himself was. But such observations do not affect the sheer power that has been exerted, especially during the past half-century, by Mill’s principle-in philosophy, the social sciences, theology, law, and most recently in popular morality. (Looking at the scene around us, who can seriously doubt that the counterculture won the important battles in its war against traditional American morality, commencing in the 1950’s and reaching its high-point in the late 1960’s? And in essence these battles were waged in the spirit of Mill’s one very simple principle. Mill may have taken seriously the checks and limits he prescribed, but others, looking at the principle in the discrete, abstract, and categorically imperative form in which Mill set it down, have felt no similar obligation.)
II
So much for the roots of conservatism and libertarianism. What I shall now do is turn to the more important growths from these roots which lie around us at the present time. What are they, what are their likenesses, and what are the differences, assessed by the criteria of the conservative and the libertarian mind respectively? For the sake of clarity I shall begin with what the two minds would appear to have in common.First is common dislike of the intervention of government, especially national, centralized government, in the economic, social, political, and intellectual lives of citizens. Edmund Burke was quite as adamant in this regard (see his strictures on French centralization and nationalization in the Reflections) as Mill or any other classical liberal was or would be, and that position has been maintained to the present day. Doubtless conservatives are more willing than libertarians to see the occasional necessity of suspension or abrogation of this position toward national government–as with respect to national defense, which I shall come back to later, but in general, over a substantial period of time, conservatism may be seen quite as clearly as libertarianism as a philosophy anchored in opposition to statism. Certainly by comparison with what today passes for liberalism, progressivism, populism, and social democracy or socialism, there is very little difference to be found between libertarians and conservatives in respect to attitudes toward the political state.
Second, and again by comparison with the other groups I have just cited, there is a great deal of consensus among conservatives and libertarians as to what legitimate equality in society should consist of. Such equality is, in a word, legal. Again we may hark back to Burke and Mill on this matter. For one as much as the other, equality before the law was vital to the flourishing of individual freedom. I see nothing in the contemporary writings of libertarians and conservatives to suggest that anything more than an occasional nuance or emphasis separates the two groups when it comes to equality. There is equal condemnation of what has come to be called equality of result, of social condition, or income or wealth.
Third, there is a common belief in the necessity of freedom, and most notably, economic freedom. Again, on the record, there appear to be more conservatives than libertarians who on occasion are prepared to endorse occasional infringements upon individual economic freedom through laws and regulatory agencies designed to protect or lift up one or other disadvantaged group. One thinks of British Toryism in the nineteenth century or of Senator Robert Taft on public housing in the late 1940’s. Inasmuch as few if any all-out libertarians have yet faced the kinds of pressure in high public office which come from groups demanding one or other entitlement or exemption, it is not possible to compare libertarians and conservatives in terms of demonstrated adherence to philosophical principles when political practicalities and long-range ends are involved.
Fourth, there is a common dislike of war and, more especially, of war-society, the kind of society this country knew in 1917 and 1918 under Woodrow Wilson and again under FDR in World War II. Libertarians may protest this, and with some ground. For, the complete libertarian is certainly more likely to resist in overt fashion than is the conservative–for whom respect for nation and for patriotism is likely to be decisive even when it is a war he opposes. Even so, I think there is enough common ground, at least with respect to principle, to put conservatives and libertarians together. And let us remember that beginning with the Spanish-American War, which the conservative McKinley opposed strongly, and coming down through each of the wars this century in which the United States became involved, the principal opposition to American entry came from those elements of the economy and social order which were generally identifiable as conservative-whether “middle western isolationist,” traditional Republican, central European ethnic, small business, or however we wish to designate such opposition. I am certainly not unmindful of the libertarian opposition to war that could come from a Max Eastman and a Eugene Debs and from generally libertarian conscientious objectors in considerable number in both world wars, but the solid and really formidable opposition against American entry came from those closely linked to business, church, local community, family, and traditional morality. (Tocqueville correctly identified this class in America as reluctant to engage in any foreign war because of its predictable impact upon business and commerce chiefly, but other, social and moral activities as well.) This was the element in American life, not the miniscule libertarian element, that both Woodrow Wilson and FDR had to woo, persuade, propagandize, convert and, in some instances, virtually terrorize, in order to pave the way for eventual entry by U.S. military forces in Europe and Asia.
As some of the foregoing has already suggested, there is shared dislike by libertarians and conservatives of what today passes for liberalism: the kind that is so widely evident in the schools, the established churches, the universities, and, above all, the media, most spectacularly the electronic media. In passing, I would like to suggest that conservatism, on the historical record, has done more to oppose, circumvent, or defeat specific manifestations of this so-called liberalism than has libertarianism. I can recall many a conservative in the 1930’s speaking out against Social Security, the AAA, the NRA, and the free-wheeling, increasingly arrogant National Education Association with its canonization of progressive libertarianism for tots in kindergarten. Perhaps there were some libertarians then also active, but I don’t recall. However, I’m not cavilling. History decides these things. There were far more conservatives than libertarians in the America of that day, or at least identified, politically active conservatives. In the next decade or two, things may well become reversed in this sphere.
III
Now to the differences, or some of them, at any rate. These are important, very important! For everything at the moment suggests that the differences between conservatism, all-out or neo-, and libertarianism, anarcho-or constitutional, are going to loom increasingly large and divisive. By and by, it will be impossible, I would guess, for the phrases “libertarian-conservative’’ and “conservative- libertarian” to be other than oxymoronic: like referring to a mournful optimist or a cruel kindness. Here too I shall avoid cases and cling to principles and perspectives.
First is the contrasting way in which the two groups perceive the population. Conservatives, from Burke on, have tended to see the population much in the manner medieval legists and philosophical realists (in contrast to nominalists) saw it: as composed of, not individuals directly, but the natural groups within which individuals invariably live: family, locality, church, region, social class, nation, and so on. Individuals exist, of course, but they cannot be seen or comprehended save in terms of social identities which are inseparable from groups and associations. If modern conservatism came into existence essentially through such a work as Burke’s attack on the French Revolution, it is because the Revolution, so often in the name of the individual and his natural rights, destroyed or diminished the traditional groups–guild, aristocracy, patriarchal family, church, school, province, etc.–which Burke declared to be the irreducible and constitutive molecules of society. Such early conservatives as Burke, Bonald, Haller, and Hegel (of The Philosophy of Right) and such conservative liberals as the mature Lamennais and of course Tocqueville, saw individualism–that is, the absolute doctrine of individualism, as being as much of a menace to social order and true freedom as the absolute doctrine of nationalism. Indeed, they argued, it is the pulverizing of society into a sandheap of individual particles, each claiming natural rights, that makes the arrival of collectivist nationalism inevitable.
Libertarians are not blind to the existence of groups and associations, nor to the traditions and customs which are their cement, and it would be absurd to characterize libertarians as undiscriminating enemies of all forms of association. They do not propose return to the Enlightenment’s vaunted state of nature. Only rarely does a libertarian sound like a clone of Max Stirner. They are as devoted to the principle of voluntary association as any conservative. And we should not forget that the libertarian anarchism of a Proudhon or Kropotkin was based upon a social order of groups, not abstract, Godwinian individuals. Even so, reading the libertarian journals and reviews of the last several years, I am convinced that there is a much larger egoist-hormone in libertarian physiology than there is in conservative. More and more, one has the impression that for libertarians today, as for natural law theorists in the seventeenth century, individuals are alone real; institutions are but their shadows. I believe a state of mind is developing among libertarians in which the coercions of family, church, local community, and school will seem almost as inimical to freedom as those of the political government. If so, this will most certainly widen the gulf between libertarians and conservatives.
Which leads me to a second major difference between the two groups. The conservative philosophy of liberty proceeds from the conservative philosophy of authority. It is the existence of authority in the social order that staves off encroachments of power from the political sphere. Conservatism, from Burke on, has perceived society as a plurality of authorities. There is the authority of parent over the small child, of the priest over the communicant, the teacher over the pupil, the master over the apprentice, and so on. Society as we actually observe it, is a network or tissue of such authorities; they are really numberless when we think of the kinds of authority which lie within even the smallest and human groups and relationships. Such authority may be loose, gentle, protective, and designed to produce individuality, but it is authority nevertheless. For the conservative, individual freedom lies in the interstices of social and moral authority. Only because of the restraining and guiding effects of such authority does it become possible for human beings to sustain so liberal a political government as that which the Founding Fathers designed in this country and which flourished in England from the late seventeenth century on. Remove the social bonds, as the more zealous and uncompromising of libertarian individualists have proposed ever since William Godwin, and you emerge with, not a free but a chaotic people, not with creative but impotent individuals. Human nature, Balzac correctly wrote, cannot endure a moral vacuum.
To argue, as some libertarians have, that a solid, strong body of authority in society is incompatible with individual creativity is to ignore or misread cultural history. Think of the great cultural efflorescences of the 5th century B.C. in Athens, of 1st century, Augustan Rome, of the 13th century in Europe, of the Age of Louis XIV, and Elizabethan England. One and all these were ages of social and moral order, powerfully supported by moral codes and political statutes. But the Aeschyluses, Senecas, Roger Bacons, Molieres, and Shakespeares flourished nonetheless. Far from feeling oppressed by the hierarchical authority all around him, Shakespeare–about whose copious individuality there surely cannot be the slightest question–is the author of the memorable passage that begins with “Take but degree away, untune that string, and hark! what discord follows; each thing meets in mere oppugnancy.” As A. L. Rowse has emphasized and documented in detail, the social structure of Shakespeare’s England was not only solid, its authority ever evident, but nothing threw such fear into the people as the thought that authority–especially that designed to repulse foreign enemies and to ferret out traitors–might be made too loose and tenuous. Of course such authority could become too insistent at times, and ingenious ways were found by the dramatists and essayists to outwit the government and its censors. After all, it was strong social and moral authority the creative minds were living under–not the oppressive, political-bureaucratic, limitless invasive, totalitarian governments of the twentieth century.
It might be noted finally that the greatest literary presences thus far to appear in the twentieth century Western culture have nearly all been votaries of tradition and cultural authority. Eliot, Pound, Joyce, Yeats, and others all gave testimony to authority in poem, essay and novel, and all, without exception, saw the eventual death of Western culture proceeding from annihilation of this authority in the names of individualism and of freedom. To be sure there is–and this is recognized fully by the conservative–a degree of liberty below which nothing of creative significance can be accomplished. Without at least that degree of freedom, no Shakespeare, no Marlowe, no Newton. But what is less often realized, conservatives would say, is that there is a degree of freedom above which nothing of creative significance can be, or is likely to be, accomplished. Writers in the late twentieth century do their work in the freest air writers have ever breathed, while composing their literary works. But it is apparent from the wretched mess of narcissism, self-abuse, self-titillation, and juvenile, regressive craving for the scatological and obscene that the atmosphere has become so rareified as to have lost its oxygen.
On balance, I would hazard the guess that for libertarians individual freedom, in almost every conceivable domain, is the highest of all social values–irrespective of what forms and levels of moral, aesthetic, and spiritual debasement may prove to be the unintended consequences of such freedom. For the conservative, on the other hand, freedom, while important, is but one of several necessary values in which the good or just society, and not only may but should be restricted when such freedom shows signs of weakening or endangering national security, of doing violence to the moral order and the social fabric. The enemy common to libertarians and to conservatives is what Burke called arbitrary power, but from the conservative viewpoint this kind of power becomes almost inevitable when a population comes to resemble that of Rome during the decades leading up to the accession of Augustus in 31 B.C.; of London in the period prior to Puritan and then Cromwellian rule; of Paris prior to the accession of Napoleon as ruler of France; of Berlin during most of Weimar; and, some would say, New York City of the 1970’s. It is not liberty but chaos values in the good or just society, and not only but from the conservative viewpoint this kind and license which, conservatives would and do say, come to dominate when moral and social authorities–those of family, neighborhood, local community, job, and religion–have lost their appeal to human beings. Is it likely that the present age, that of, say, the last forty years and, so far as we can now see, the next couple of decades at very minimum, will ever be pronounced by later historians as a major age of culture? Hardly. And can it seriously be thought in this age of The Naked Lunch, Oh! Calcutta, The Hustler, and Broadway Sex Live and Explicit that our decadent mediocrity as a culture will ever be accounted for in terms of excessive social and moral authority?
Libertarians on the other hand appear to see social and moral authority and despotic political power as elements of a single spectrum, as an unbroken continuity. If, their argument goes, we are to be spared Leviathan we must challenge any and all forms of authority, including those which are inseparable from the social bond. Libertarians seem to me to give less and less recognition to the very substantial difference between the coercions of, say, family, school, and local community and those of the centralized bureaucratic state. For me it is a generalization proved countless times in history that the onset of ever more extreme political-military power has for its necessary prelude the erosion and collapse of the authorities within the social bond which serve to give the individual a sense of identity and security, whose very diversity and lack of unconditional power prevents any escape-proof monopoly, and which in the aggregate are the indispensable bulwarks against the invasion of centralized political power–which of course is unconditional. But I do not often find among libertarians these days any clear recognition of the point I have just made.
There is a final area in which the difference between conservatives and libertarians is likely to grow steadily: the nation. I stand by everything I have said in support of social authority, diversity and pluralism, and in opposition to concentration of national power. I do not have to be instructed on the number of times war, and mobilization for and prosecution of war have led to “temporary” centralizations and nationalizations which, alas, proved to be permanent. War is, above any other force in history, the basis of centralization and collectivization of the social and economic orders. No conservative can relish, much less seek, war and its attendant militarization of social and civil spheres of society.
Unfortunately we do not live in a clement world so far as conservative and libertarian ideals are concerned. It is a world in which despotisms as huge and powerful as the Soviet Union and China survive and prosper-at least in political and diplomatic respects. For the United States to ignore or to profess indifference to the aggressive acts of these and many other military, aggressive despotisms would be in time suicidal. As Montesquieu wrote in a different context: it takes a power to check a power. Nothing short of a strong, well armed, alert and active American nation can possibly check the Soviet or Chinese or Cuban nation.
No conservative to my knowledge has ever renounced or reviled the nation, conceived as a cultural and spiritual, as well as political entity. Burke adored the nation. He merely insisted upon in seeing it–in vivid contrast to the Jacobins in his day–as a community of communities, as one built upon a diversity of what he called “the smaller patriotisms” such as family and neighborhood. So have conservatives, or the great majority of them, ever since chosen to see the nation. But what conservatives also see in our time, and with a sharpness of perception lacking among libertarians, is the tenuous condition of the American nation-and the English and French as well. There is good nationalism and bad. But even good nationalism has become an object of either nostalgia or revulsion in our time. Patriotism, the cement of the nation, has come to be an almost shameful thing. The weakness of American government right now in the world of nations, a weakness that increasingly draws contempt and distrust from nations we desire close cooperation with, and the dearth of leadership in America in whatever sphere, are rooted in a nation that shows increasing signs of moribundity.
Libertarians, whom I herewith stipulate to be as patriotic and loyal American as any conservatives, do not, in my judgment, see the national and world picture as I have just drawn in. For them the essential picture is not that of a weakened, softened, and endangered nation in a world of Soviet Unions and Chinas and their satellites, but, rather, an American nation swollen from the juices of nationalism, interventionism and militarism that really has little to fear from abroad. Conservatives remain by and large devoted to the smaller patriotisms of family, church, locality, job and voluntary association, but they tend to see these as perishable, as destined to destruction, unless the nation in which they exist can recover a degree of eminence and international authority it has not had since the 1950’s. To libertarians on the other hand, judging from many of their writings and speeches, it is as though the steps necessary to recovery of this eminence and international authority are more dangerous to Americans and their liberties than any aggressive, imperialist totalitarianisms in the world.
Conservatives will, or certainly should, also be alert to these dangers and seek with every possible strength to reduce them, all the while the American nation is recovering its lost leadership, in domestic as well as international affairs. But for conservatives the overriding, the supreme danger will be, I imagine, and personally hope, the danger posed by current American weakness in a world of dangerously aggressive military despotisms. Nothing at the moment suggests that this consideration will be overriding for libertarians. And it is on this rock above all others I have mentioned that conservatives and libertarians will surely break off altogether what has been at least from the start an uneasy relationship.
Books mentioned in this essay may be found in The Imaginative Conservative Bookstore. This article is a revised version of an address delivered before the Philadelphia Society at its annual national meeting, held in Chicago in April of 1979. Reprinted with the gracious permission of Modern Age (Winter 1980).
00:05 Publié dans Philosophie, Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : théorie politique, robert nisbet, conservatisme, libertariens, libertariens américains, conservatisme américain, politologie, sciences politiques, philosophie, philosophie politique | |
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Review of Austrian Economics, Volume 8, No. 2 (Summer 1995).
The Alleged Self-Evidence of Equality
One of the great glories of mankind is that, in contrast to other species, each individual is unique, and hence irreplaceable; whatever the similarities and common attributes among men, it is their differences that lead us to honor, or celebrate, or deplore the qualities or actions of any particular person. It is the diversity, the heterogeneity, of human beings that is one of the most striking attributes of mankind.
This fundamental heterogeneity makes all the more curious the pervasive modern ideal of “equality.” For “equality” means “sameness” — two entities are “equal” if and only if they are the same thing. X = y only if they are either identical, or they are two entities that are the same in some attribute. If x, y, and z are “equal in length,” it means that each one of them is identical in length, say 3 feet. People, then, can only be “equal” to the extent that they are identical in some attribute: thus, if Smith, Jones and Robinson are each 5 feet, 11 inches in height, then they are “equal” in height. But except for these special cases, people are heterogeneous, and diverse, that is, they are “unequal.” Diversity, and hence “inequality,” is therefore a fundamental fact of the human race. So how do we account for the almost universal contemporary worship at the shrine of “equality,” so much so that it has virtually blotted out other goals or principles of ethics? And taking the lead in this worship have been philosophers, academics, and other leaders and members of the intellectual elites, followed by the entire troop of opinion-molders in modern society, including pundits, journalists, ministers, public school teachers, counselors, human relations consultants and “therapists.” And yet, it should be almost evidently clear that a drive to pursue “equality” starkly violates the essential nature of mankind, and therefore can only be pursued, let alone attempt to succeed, by the use of extreme coercion.
The current veneration of equality is, indeed, a very recent notion in the history of human thought. Among philosophers or prominent thinkers the idea scarcely existed before the mid-eighteenth century; if mentioned, it was only as the object of horror or ridicule. The profoundly anti-human and violently coercive nature of egalitarianism was made clear in the influential classical myth of Procrustes, who “forced passing travelers to lie down on a bed, and if they were too long for the bed he lopped off those parts of their bodies which protruded, while racking out the legs of the ones who were too short. This was why he was given the name of Procrustes [The Racker].”
One of the rare modern philosophers critical of equality made the point that “we can ask whether one man is as tall as another, or we may, like Procrustes, seek to establish equality among all men in this respect.” But our fundamental answer to the question whether equality exists in the real world must be clearly that it does not, and any quest “to establish equality” can only result in the grotesque consequences of any Procrustean effort. How, then, can we not regard Procrustes’s egalitarian “ideal” as anything but monstrous and unnatural? The next logical question is why Procrustes chooses to pursue such a clearly anti-human goal, and one that can only lead to catastrophic results?
In the context of the Greek myth, Procrustes is simply pursuing a lunatic “aesthetic” goal, presumably following his personal star of every person being precisely equal in height to the length of his bed. And yet, this sort of non-argument, this bland assumption that the ideal of equality needs no justification, is endemic among egalitarians. Thus, the argument of the distinguished Chicago economist Henry C. Simons for a progressive income tax was that he found inequality of income “distinctly evil or unlovely.” Presumably, Procrustes might have used the same sort of “argument” in behalf of the “unlovely” nature of inequality of height had he bothered to write an essay advocating his particular egalitarian program. Indeed, most writers simply assume that equality is and must be the overriding goal of society, and that it scarcely needs any supporting argument at all, even a flimsy argument from personal esthetics. Robert Nisbet was and is still correct when he wrote, two decades ago, that
It is evident that … the idea of equality will be sovereign for the rest of this century in just about all circles concerned with the philosophical bases of public policy. … In the past, unifying ideas tended to be religious in substance. There are certainly signs that equality is taking on a sacred aspect among many minds today, that it is rapidly acquiring dogmatic status, at least among a great many philosophers and social scientists.
The Oxford sociologist A. H. Halsey, indeed, was “unable to divine any reason other than ‘malevolence’ why anyone should want to stand” in the way of his egalitarian program. Presumably that “malevolence” could only be diabolic.
“Equality” in What?
Let us now examine the egalitarian program more carefully: what, exactly, is supposed to be rendered equal? The older, or “classic,” answer was monetary incomes. Money incomes were supposed to be made equal.
On the surface, this seemed clear-cut, but grave difficulties arose quickly. Thus, should the equal income be per person, or per household? If wives don’t work, should the family income rise proportionately? Should children be forced to work in order to come under the “equal” rubric, and if so at what age? Furthermore, is not wealthas important as annual income? If A and B each earn $50,000 a year, but A possesses accumulated wealth of $1,000,000 and B owns virtually nothing, their equal incomes scarcely reflect an equality of financial position. But if A is taxed more heavily due to his accumulation, isn’t this an extra penalty on thrift and savings? And how are these problems to be resolved?
But even setting aside the problem of wealth, and focussing on income, can incomes ever really be equalized? Surely, the item to be equalized cannot be simply monetary income. Money is, after all, only a paper ticket, a unit of account, so that the element to be equalized cannot be a mere abstract number but must be the goods and services that can be purchased with that money. The world-egalitarian (and surely the truly committed egalitarian can hardly stop at a national boundary) is concerned to equalize not currency totals but actual purchasing-power. Thus, if A receives an income of 10,000 drachmas a year and B earns 50,000 forints, the equalizer will have to figure out how many forints are actually equivalent to one drachma in purchasing power, before he can wield his equalizing axe correctly. In short, what the economist refers to as “real” and not mere monetary incomes must be equalized for all.
But once the egalitarian agrees to focus on real incomes, he is caught in a thicket of inescapable and insoluble problems. For a large number of goods and services are not homogeneous, and cannot be replicated for all. One of the goods that a Greek may consume with his drachmas is living in, or spending a great deal of time in, the Greek islands. This service (of continuously enjoying the Greek islands) is barred ineluctably to the Hungarian, to the American and to everyone else in the world. In the same way, dining regularly at an outdoor cafe on the Danube is an estimable service denied all the rest of us who do not live in Hungary.
How, then, is real income to be equalized throughout the world? How can the enjoyment of the Greek islands or dining on the Danube be measured, much less gauged by the egalitarian against other services of location? If I am a Nebraskan, and exchange rate manipulations have allegedly equated my income with a Hungarian, how is living in Nebraska to be compared with living in Hungary? The bog gets worse on contemplation. If the egalitarian considers that Danube-enjoyment is somehow superior to enjoying the sights and scenes of Omaha, or a Nebraska farm, on exactly what basis is the egalitarian going to tax the Hungarian and subsidize everyone else? How is he to measure, in monetary terms, the “value of dining on the Danube?” Obviously, the stern rigors of natural law prevent him, much as he would clearly like to do so, from taking the Danube physically and parceling it out equally to every inhabitant throughout the world. And what of people whoprefer the views of and life in a Nebraska farm community to the sins of Budapest? Who, then, is to be taxed and who subsidized and by how much?
Perhaps in desperation, the egalitarian might fall back on the view that everyone’s location reflects his preferences, and that we can therefore simply assume that locations can be neglected in the great egalitarian re-ordering. But while it is true that virtually every spot on the globe is beloved by someone, it is also true that, by and large, some locations are greatly preferred to others. And the location problem occurs within as well as between countries. It is generally acknowledged, both by its residents and by envious outsiders, that the Bay Area of San Francisco is, by climate and topography, far closer to an earthly Paradise than, say West Virginia or Hoboken, New Jersey. Why then don’t these benighted outlanders move to the Bay Area? In the first place, many of them have, but others are barred by the fact of its relatively small size, which (among other, man-made restrictions, such as zoning laws), severely limits migration opportunities. So, in the name of egalitarianism, should we levy a special tax on Bay Area residents and on other designated garden spots, to reduce their psychic income of enjoyment, and then subsidize the rest of us? And how about pouring subsidies into specially designated Dismal Areas, again in the pursuit of equal real incomes? And how is the equalizing government supposed to find out how much people in general, and a fortiori each individual resident, love the Bay Area and how much negative income they suffer from living in, say, West Virginia or Hoboken? Obviously, we can’t ask the various residents how much they love or hate their residential areas, for the residents of every location from San Francisco to Hoboken, would have every incentive to lie — to rush to proclaim to the authorities how much they revile the place where they live.
And location is only one of the most obvious examples of non-homogeneous goods and services which cannot be possibly equalized across the nation or the world.
Moreover, even if wealth and real incomes are both equalized, how are people, their abilities, cultures, and traits, to be equalized? Even if the monetary position of each family is the same, will not children be born into families with very different natures, abilities, and qualities? Isn’t that, to use a notorious egalitarian term, “unfair”? How then can families be made equal, that is, uniform? Doesn’t a child in a cultured and intelligent and wise family enjoy an “unfair” advantage over a child in a broken, moronic, and “dysfunctional” home? The egalitarian must therefore press forward and advocate, as have many communist theorists, the nationalization of all kids from birth, and their rearing in legal and identical state nurseries. But even here the goal of equality and uniformity cannot be achieved. The pesky problem of location will remain, and a state nursery in the Bay Area, even if otherwise identical in every way with one in the wilds of central Pennsylvania, will still enjoy inestimable advantages — or, at the very least, ineradicable differences from the other nurseries. But apart from location, the people — the administrators, nurses, teachers, inside and outside of the various encampments — will all be different, thus giving each child an inescapably different experience, and wrecking the quest for equality for all.
Of course, suitable brainwashing, bureaucratization, and the general robotization and deadening of spirit in the state encampments may help reduce all the teachers and nurses, as well as the children, to a lower and more common denominator, but ineradicable differences and advantages will still remain.
And even if, for the sake of argument, we can assume general equality of income and wealth, other inequalities will not only remain, but, in a world of equal incomes, they will become still more glaring and more important in weighing people. Differences of position, differences of occupation, and inequalities in the job hierarchy and therefore in status and prestige will become even more important, since income and wealth will no longer be a gauge for judging or rating people. Differences in prestige between physicians and carpenters, or between top executives and laborers, will become still more accentuated. Of course, job prestige can be equalized by eliminating hierarchy altogether, abolishing all organizations, corporations, volunteer groups, etc. Everyone will then be equal in rank and decisionmaking power. Differences in prestige could only be eliminated by entering the Marxian heaven and abolishing all specialization and division of labor among occupations, so that everyone would do everything. But in that sort of economy, the human race would die out with remarkable speed.
The New Coercive Elite
When we confront the egalitarian movement, we begin to find the first practical, if not logical, contradiction within the program itself: that its outstanding advocates are not in any sense in the ranks of the poor and oppressed, but are Harvard, Yale, and Oxford professors, as well as other leaders of the privileged social and power elite. What kind of “egalitarianism” is this? If this phenomenon is supposed to embody a massive assumption of liberal guilt, then it is curious that we see very few of this breast-beating elite actually divesting themselves of their worldly goods, prestige, and status, and go live humbly and anonymously among the poor and destitute. Quite the contrary, they seem not to stumble a step on their climb to wealth, fame, and power. Instead, they invariably bask in the congratulations of themselves and their like-minded colleagues of the high-minded morality in which they have all cloaked themselves.
Perhaps the answer to this puzzle lies in our old friend Procrustes. Since no two people are uniform or “equal” in any sense in nature, or in the outcomes of a voluntary society, to bring about and maintain such equality necessarily requires the permanent imposition of a power elite armed with devastating coercive power. For an egalitarian program clearly requires a powerful ruling elite to wield the formidable weapons of coercion and even terror required to operate the Procrustean rack: to try to force everyone into an egalitarian mold. Hence, at least for the ruling elite, there is no “equality” here — only vast inequalities of power, decisionmaking, and undoubtedly, income and wealth as well.
Thus, the English philosopher Antony Flew points out that “the Procrustean ideal has, as it is bound to have, the most powerful attraction for those already playing or hoping in the future to play prominent or rewarding parts in the machinery of enforcement.” Flew notes that this Procrustean ideal is “the uniting and justifying ideology of a rising class of policy advisors and public welfare professionals,” adding significantly that “these are all people both professionally involved in, and owing to their past and future advancement to, the business of enforcing it.”
That the necessary consequence of an egalitarian program is the decidedly inegalitarian creation of a ruthless power elite was recognized and embraced by the English Marxist-Lenist sociologist Frank Parkin. Parkin concluded that “Egalitarianism seems to require a political system in which the state is able to hold in check those social and occupational groups which, by virtue of their skills or education or personal attributes, might otherwise attempt to stake claims to a disproportionate share of society’s rewards. The most effective way of holding such groups in check is by denying the right to organize politically, or, in other ways, to undermine social equality. This presumably is the reasoning underlying the Marxist-Leninist case for a political order based upon the dictatorship of the proletariat.”
But how is it that Parkin and his egalitarian ilk never seem to realize that this explicit assault on “social equality” leads to tremendous inequalities of power, decisionmaking authority, and, inevitably, income and wealth? Indeed, why is this seemingly obvious question never so much as raised among them? Could there be hypocrisy or even deceit at work?
The Iron Law of Oligarchy
One reason that an egalitarian political program must lead to the installation of a new coercive political elite is that hierarchies and inequalities of decisionmaking are inevitable in any human organization that achieves any degree of success in attaining its goals.
Robert Michels first observed this Iron Law of Oligarchy, in seeing the Social Democratic parties of Europe in the late nineteenth century, officially committed to equality and abolition of the division of labor, in practice being run by a small ruling elite. And there is nothing, outside of egalitarian fantasies, wrong with this universal human fact, or law of nature. In any group or organization, there will arise a core leadership of those most able, energetic, and committed to the organization, I know, for example, of a small but increasingly successful volunteer, musical society in New York. Although there is a governing board elected annually by its members, the group has for years been governed by the benevolent but absolute autocratic rule of its president, a lady who is highly intelligent, innovative, and, though employed full-time elsewhere, able and willing to devote an incredible amount of time and energy to this organization. Several years ago some malcontent challenged this rule, but the challenge was easily beaten back, since every rational member knew full well that she was absolutely vital to the success of the organization.
Not only is there nothing wrong with this situation, but blessed be the group where such a person exists and can come to the fore! There is, in fact, everything right about a rise to power, in voluntary or market organizations, of the most able and efficient, of a “natural aristocracy,” in Jeffersonian terms. Democratic voting, at its best when shareholders of a corporation vote the aliquot share of their ownership of a company’s assets, is only secondarily useful as a method of displacing natural aristocrats or “monarchs” gone sour, or, in Aristotelian terms, who have deteriorated from “monarch” to “tyrants.” Democratic voting, therefore, is even at its best scarcely even a primary good, let alone a good-in-itself to be glorified or even deified.
During a period in the mid-1960s, the New Left, before it hived off into Stalinism and bizarre violence, was trying to put into effect a new political theory: participatory democracy. Participatory democracy soundedlibertarian, since the idea was that majority rule, even in a private and voluntary organization, is “coercive,” and therefore that all decisions of that organization must be stripped of oligarchic rule. Every member would then participate equally, and furthermore, every member would have to give his or her consent to any decision. In a sense, this Unanimity Rule foreshadowed and paralleled the Unanimity Rule of James Buchanan and of Paretian “welfare economics.”
A friend of mine was teaching about the history of Vietnam at the New Leftist Free University of New York, originally a scholarly organization founded by a young sociologist couple. The Free University set out to govern itself on participatory democratic principles. The governing body, the board of the Free University, therefore consisted of the “staff” — the sociologist couple — plus any students (who paid a modest tuition) or teachers (unpaid) who cared to attend the board’s meetings. All were equal, the founding staff was no more powerful than any teacher or wandering student. All decisions of the school, from courses taught, room assignments, and on down to whether or not the school needed a paint job and what color the paint should be, were decided by the board, never by voting but always by unanimous consent.
Here was a fascinating sociological experiment. Not only, as one might expect, were very few decisions of any sort reached, but the “board meeting” stretched on endlessly, so that the board meeting expanded to becomelife itself — a kind of Sartrian No Exit situation. When my friend left the perpetual meeting each day at 5:00 pm to go home, he was accused of abandoning the meeting and thereby “betraying the collective” and the school by attempting to live some sort of private life outside the meeting. Perhaps this is what the current leftist political theorists who exalt the “public life” and “civic virtue” have in mind: private lives being forsaken on behalf of the permanent floating “civically virtuous” collective meeting of “the community!”
It should not come as any surprise to reveal that the Free University of New York did not last very long. In point of fact, it quickly deteriorated from a scholarly outfit to the “teaching” of New Left astrology, tarot cards, channeling, eurythmics, and whatnot as the scholars all fled before the mass man, or as a sociological Gresham’s Law came into action. (As for the founding couple, the female wound up in jail for unsuccessfully trying to blow up a bank, while the male, getting increasingly glassy-eyed, in a feat of sociological legerdemain, talked himself into the notion that the only moral occupation for a revolutionary sociologist was that of radio repairman.)
New Left educational theory, during that period, also permeated more orthodox colleges throughout the country. In those days, the doctrine was not so much that teaching had to be “politically correct,” but that the normal teacher-student relation was evil because inherently unequal and hierarchical. Since the teacher is assumed to know more than the student, therefore, the truly egalitarian and “democratic” form of education, the way to put teacher and student on an equal footing, is to scrap course content altogether and to sit around discussing the student’s “feelings.” Not only are all feelings in some sense equal, at least in the sense that one person’s feelings cannot be considered “superior” to others, but those feelings are supposedly the only subjects “relevant” to students. One problem that this doctrine raised, of course, is why the students, or more correctly their long-suffering parents, should pay faculty who are qualified in knowledge of economics, sociology, or whatever but not in psychotherapy, to sit around gabbing about the students’ feelings?
Institutionalizing Envy
As I have elaborated elsewhere, the egalitarian impulse, once granted legitimacy, cannot be appeased. If monetary or real incomes become equalized, or even if decisionmaking power should be equalized, otherdifferences among persons become magnified and irritating to the egalitarian: inequalities in looks, intelligence, and so on. One intriguing point however: there are some inequalities that never seem to outrage egalitarians, namely income inequalities among those who directly supply consumer services — notably athletes, movie and TV entertainers, artists, novelists, playwrights, and rock musicians. Perhaps this is the reason for the persuasive power of Robert Nozick’s famous “Wilt Chamberlain” example in defense of market-determined incomes. There are two possible explanations: (1) that these consumer values are held by the egalitarians themselves and are therefore considered legitimate, or (2) that, with the exception of athletics, these are fields implicitly recognized as dominated nowadays by forms of entertainment and art that require no real talent. Differences in income, therefore, are equivalent to winning at a lottery, and lottery or sweepstake winners are universally lauded as purely “lucky,” with no envy of superior attributes to be attached to them.
The German sociologist Helmut Schoeck has pointed out that modern egalitarianism is essentially an institutionalization of envy. In contrast to successful or functional societies, where envy is always considered a shameful emotion, egalitarianism sets up a pervasive attitude that the exciting of envy by manifesting some form of superiority is considered the greatest evil. Or, as Schoeck put it, “the highest value is envy-avoidance.” Indeed, communist anarchists explicitly aim to stamp out private property because they believe that property gives rise to inequality, and therefore to feelings of envy, and hence “causes” crimes of violence against those with more property. But as Schoeck points out, economic egalitarianism would then not be sufficient: and compulsory uniformity of looks, intelligence, etc. would have to follow.
But even if all possible inequalities and difference among individuals could somehow be eradicated, Helmut Schoeck adds, there still would remain an irreducible element: the mere existence of individual privacy. As Schoeck puts it, “if a man really makes use of his right to be alone, the annoyance, envy, and mistrust of his fellow citizens will be aroused. … Anyone who cuts himself off, who draws his curtains and spends any length of time outside the range of observation, is always seen as a potential heretic, a snob, a conspirator.” After some amusing comments about suspicion of the “sin of privacy” in American culture, particularly in the widespread open-door policy among academics, Schoeck turns to the Israeli kibbutz and to its widely and overly revered philosopher, Martin Buber. Buber maintained that to constitute a “real community,” the absolutely equal members of the kibbutz must “have mutual access to one another and [be] ready for one another.” As Schoeck interprets Buber: “a community of equals, where no one ought to envy anyone else, is not guaranteed by absence of possessions alone, but requires mutual possession, in purely human terms. … Everyone must always have time for everybody else, and anyone who hoards his time, his leisure hours, and his privacy excludes himself.”
The New Group Egalitarianism
So far we have been describing what may be called “classical,” or the Old, egalitarianism, aimed to make all individuals in some sense equal, generally in income and wealth. But in recent years, we have all been subjected to a burgeoning and accelerating New Egalitarianism, which stresses not that every individual must be made equal, but that the income, prestige, and status of a seemingly endless proliferation of “groups” must be made equal to each other.
At first blush, it might seem that the new group egalitarianism is less extreme or unrealistic than the old individual creed. For if every individual is really totally equal to every other in income, wealth, or status, then it will follow logically that any subset of groups of such individuals will be equal as well. Shifting emphasis from individual to group egalitarianism must therefore imply settling for a less severe degree of equality. But this conclusion misconceives the whole point of egalitarianism, old or new. No egalitarian actually expects ever to be in a state of absolute equality, still less does he begin his analysis with that starting point.
Perhaps we can illuminate the true nature of the egalitarian drive, and the relationship between the Old and the New movements, by focusing not, as is usually done, on their patently absurd and self-contradictory ostensible goals of equality, but on the required means to attain such goals: namely the coming to power of the Procrustean State apparatus, the new coercive elite. Who are the Procrustean elite? That is, which groups are needed to constitute such an elite? By an odd coincidence, the makeup of such groups seems to correspond, almost one-to-one, to those people who have been most enthusiastic about egalitarianism over the years: intellectuals, academics, opinion-molders, journalists, writers, media elites, social workers, bureaucrats, counselors, psychologists, personnel consultants, and especially for the ever-accelerating new group egalitarianism, a veritable army of “therapists” and sensitivity trainers. Plus, of course, ideologues and researchers to dream up and discover new groups that need egalitarianizing.
If these groups of what might very loosely be called the “intelligentsia” are the driving force of the Old and the New embodiments of egalitarianism, how does this minority hope to convince a majority of the public to turn over an apparatus of despotic power into its hands? In the first place, the intellectuals start with a huge advantage far beyond their relative smallness of number: they are dominant within the “opinion-molding class” that attempts to shape public opinion, and often succeeds in that task. As is always the case, the State rulers need the support of an opinion-molding class to engineer the consent of the public. In the Old Egalitarianism, the would-be rulers sought to bring into their camp, in the first place, the seeming economic beneficiaries of the egalitarian program — the lower-income groups who would be recipients of much of the transfer, or soaking of the wealthy (part of the transfer from the rich, of course, would go into the coffers of the Procrustean elites themselves, the brokers of the egalitarian wealth-transfer). As for the plundered wealthy,they would be induced to support the system by being persuaded that they must expiate their “guilt” at being wealthier than their impoverished fellow-citizens. Infusion of guilt is a classic path of persuading the wealthy victim to surrender his wealth without a struggle.
Any success in the Old Egalitarian program led, of course, to expansion of the number, the wealth, and the power of the new Procrustean elite, resulting in an ever lower income definition of “the wealthy” to be plundered, and an ever higher definition of “the poor” to be subsidized. This process has been all too clearly at work in the United States and in the western world in the twentieth century. From being confined to the highest income brackets, for example, the payers of income tax have descended into the ranks of the far more numerous middle class. At the same time, the “poverty level” to be subsidized and cosseted has marched steadily upward, as the “poverty line” is continually revised upward, and the subsidized escalate from the very poor to the unemployed to the more affluent “working poor.”
From the point of view of the egalitarians, however, the weakness of the Old Egalitarianism is that it has only one category of beneficiary — “the poor,” however defined, and one category of the plundered, “the rich.” (That they themselves are notable beneficiaries is always discreetly left hidden behind the veil of altruism and alleged expertise. For anyone else to bring up to the point would be considered ungentlemanly, or, even worse, to be engaging in the much-derided “conspiracy theory of history.”)
In the light of this analysis, then, let us examine the New Group Egalitarianism. As we all know, the new egalitarians search for “oppressed” groups who are lower in income, status, or prestigious jobs than others, who become the designated “oppressors.” In classic leftism or Marxism, there was only one alleged “oppressed group,” the proletariat. Then the floodgates were opened, and the ranks of the designated oppressed, or “accredited victims,” have proliferated seemingly without end. It began with the oppressed blacks, and then in rapid succession, there were woman, Hispanics, American Indians, immigrants, “the disabled,” the young, the old, the short, the very tall, the fat, the deaf, and so on ad infinitum. The point is that the proliferation is, in fact, endless. Every individual “belongs” to an almost infinite variety of groups or classes. Take, for example, a Mr. John Smith. He may belong to an enormous number of classes: e.g., people named “Smith,” people named “John,” people of height 5 feet 10 inches, people of height under 6 feet, people who live in Battle Creek, Michigan, people who live north of the Mason-Dixon line, people with an income of … etc. And among all these classes, there are an almost infinite number of permutations. It has gotten to the point where the only “theory” of “oppression” needed is if any such group has a lower income or wealth or status than other groups. The below-average group, whatever it is, is then by definition, “discriminated against” and therefore is designated as oppressed. Whereas any group above the average is, by definition, doing the discriminating, and hence a designated oppressor.
Every new discovery of an oppressed group can bring the egalitarian more supporters in his drive to power, and also creates more “oppressors” to be made to feel guilty. All that is needed to find ever-new sources of oppressors and oppressed is data and computers, and, of course, researchers into the phenomena — the researchers themselves constituting happy members of the Procrustean elite class.
The charm of group egalitarianism for the intellectual-technocratic-therapeutic-bureaucratic class, then, is that it provides a nearly endless and accelerating supply of oppressed groups to coalesce around the egalitarians’ political efforts. There are, then, far more potential supporters to rally around the cause than could be found if only “the poor” were being exhorted to seek and promote their “rights.” And as the cause expands, of course, there is a multiplication of jobs and an acceleration of taxpayer funding flowing into the coffers of the Procrustean ruling elite, a not-accidental feature of the egalitarian drive. Joseph Sobran recently wrote that, in the current lexicon, “need” is the desire of people to loot the wealth of others; “greed” is the desire of those others to keep the money they have earned; and “compassion” is the function of those who negotiate the transfer. The ruling elite may be considered the “professional compassionate” class. It is easy, of course, to be conspicuously “compassionate” if others are being forced to pay the cost.
This acceleration of New Egalitarianism leads, relatively quickly, to inherent problems. First, there is what Mises called “the exhaustion of the reserve fund,” that is, the resources available to be plundered and to pay for all this. As a corollary, along with this exhaustion may come the “backlash,” when the genuinely oppressed — the looted, those whom William Graham Sumner once called the Forgotten Man — may get fed up, rise up and throw off the shackles which have bound this Gulliver and induced him to shoulder the expanding parasitic burdens.
The New Egalitarian Elite
We conclude with one of the great paradoxes of our time: that the powerful and generally unchallenged cry for “equality” is driven by the decidedly inegalitarian aim of climbing on its back to increasingly absolute political power, a triumph which will of course make the egalitarians themselves a ruling elite in income and wealth as well as power. Behind the honeyed but patently absurd pleas for equality is a ruthless drive for placing themselves at the top of a new hierarchy of power. The new intellectual and therapeutic elite impose their rule in the name of “equality.” As Antony Flew tellingly puts it: equality “serves as the unifying and justifying ideology of certain social groups … the Procrustean ideal has, as it is bound to have, the most powerful attraction for those already playing or hoping in the future to play prominent or rewarding parts for the machinery of its enforcement.”
In a brilliant and mordant critique of the current ascendancy of left-liberal intellectuals, the great economist and sociologist Joseph Schumpeter, writing as early as World War II, pointed out that nineteenth-century free-market “bourgeois” capitalism, in sweeping away aristocratic and feudal political structures, and challenging the “irrational” role of religion and the heroic virtues in behalf of the utilitarianism of the counting-house, foolishly managed to destroy the necessary protections for their own free-market order. As Schumpeter vividly puts it: “The stock exchange is a poor substitute for the Holy Grail.” Schumpeter continues:
Capitalist rationality does not do away with sub- or super-rational impulses. It merely makes them get out of hand by removing the restraint of sacred or semi-sacred tradition. In a civilization that lacks the means and even the will to guide them, they will revolt. … Just as the call for utilitarian credentials has never been addressed to kings, lords, and popes in a judicial frame of mind that would accept the possibility of a satisfactory answer, so capitalism stands its trial before judges who have the sentence of death in their pockets. They are going to pass it, whatever the defense they may hear; the only success victorious defense can possibly produce is a change in the indictment.
The capitalist process, Schumpeter adds, “tends to wear away protective strata, to break down its own defenses, to disperse the garrisons of its entrenchments.” Moreover,
capitalism creates a critical frame of mind which, after having destroyed the moral authority of so many other institutions, in the end turns against its own; the bourgeois finds to his amazement that the rationalist attitude does not stop at the credentials of kings and popes but goes on to attack private property and the whole scheme of bourgeois values.
As a result, Schumpeter points out, “the bourgeois fortress becomes politically defenseless.” But,
defenseless fortresses invite aggression especially if there is rich booty in them. … No doubt it is possible, for a time, to buy them off. But this resource fails as soon as they discover that they can have all.
Schumpeter notes that his explanation for rising hostility to free market capitalism at a time when it had brought to the world unprecedented freedom and prosperity, is confirmed by the striking fact that,
there was very little hostility [to free-market capitalism] on principle as long as the bourgeois position was safe, although there was then much more reason for it; it [the hostility] spread pari passu with the crumbling of the protective walls.
At the head and the nerve center of the driving force to take advantage of this bourgeois weakness have been the left-liberal intellectuals, a class multiplied vastly in number by the prosperity of capitalism and particularly by continuing and vast government subsidies to public schools, to formal literacy, and to modern communications. These subsidies not only helped create a huge class of intellectuals, but also have provided them — as well as the state apparatus — for the first time in history with the tools necessary to indoctrinate the mass of the public at large. Moreover, since the bourgeois free-market order is deeply committed to the rights of private property, and hence to freedom of speech and the press, by the very principles at the heart of their system, they find it impossible to “discipline” the intellectuals, in Schumpeter’s phrase “to bring the intellectuals to heel.” Thus, the intellectuals, nurtured in the bosom of free-market capitalist society, take the earliest opportunity to turn savagely on their benefactors, “to nibble at the foundations of capitalist society,” and finally to organize a drive for power using their virtual monopoly of the opinion-molding process by perverting the original meaning of such words as “freedom,” “rights,” and “equality.” Perhaps the most hopeful aspect of this process is that, as the late sociologist Christopher Lasch points out in his new work, the values, attitudes, principles and programs of the increasingly arrogant liberal intellectual elite is so out of sync, so much in conflict, with those of the mass of the American public, that a powerful counter-revolutionary backlash is apt to occur, and indeed at this very moment seems in the process of spreading rapidly throughout the country.
In his sparkling essay, “Equality as a Political Weapon,” Samuel Francis gently chides conservative opponents of egalitarianism for expending a large amount of energy in philosophical, historical, and anthropological critiques of the concept and the doctrine of equality. This entire “formal critique,” however rewarding and illuminating, declares Francis, is really wide of the mark:
In a sense, I believe that it has been beating a dead horse — or more strictly, a dead unicorn, a beast that exists only in legend. The flaw, I believe, is that the formal doctrine of equality is itself nonexistent or at least unimportant.
How so? The doctrine of equality is “unimportant,” Francis explains, “because no one, save perhaps Pol Pot or Ben Wattenberg, really believes in it, and no one, least of all those who profess it most loudly, is seriously motivated by it.” Here Francis quotes the great Pareto:
a sentiment of equality … is related to the direct interests of individuals who are bent in escaping certain inequalities not in their favor, and setting up new inequalities that will be in their favor, the latter being their chief concern.
Francis then points out that “the real meaning” of the “doctrine of equality,” as well as its “real power as a social and ideological force,” cannot be countered by merely formal critiques. For:
the real meaning of the doctrine of equality is that it serves as a political weapon, to be unsheathed whenever it is useful for cutting down barriers, human or institutional, to the power of those groups that wear it on their belts.
To mount an effective response to the reigning egalitarianism of our age, therefore, it is necessary but scarcely sufficient to demonstrate the absurdity, the anti-scientific nature, the self-contradictory nature, of the egalitarian doctrine, as well as the disastrous consequences of the egalitarian program. All this is well and good. But it misses the essential nature of, as well as the most effective rebuttal to, the egalitarian program: to expose it as a mask for the drive to power of the now ruling left-liberal intellectual and media elites. Since these elites are also the hitherto unchallenged opinion-molding class in society, their rule cannot be dislodged until the oppressed public, instinctively but inchoately opposed to these elites, are shown the true nature of the increasingly hated forces who are ruling over them. To use the phrases of the New Left of the late 1960s, the ruling elite must be “demystified,” “delegitimated,” and “desanctified.” Nothing can advance their desanctification more than the public realization of the true nature of their egalitarian slogans.
from https://www.lewrockwell.com/2015/12/murray-n-rothbard/oligarchs-love-equality/
00:05 Publié dans Philosophie, Sociologie, Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : égalité, égalitarisme, oligarchie, sociologie, philosophie, philosophie politique, politologie, théorie politique, sciences politiques | |
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Entretien avec Bernard Stiegler
Ce qui se passe en Syrie et ses conséquences en France sont le résultat d’une guerre économique qui détruit des sociétés entières, selon le philosophe Bernard Stiegler.
Ex: http://lactualite.com
Il fut un temps où Bernard Stiegler cambriolait des banques. Jusqu’au jour où ce Français fut condamné à cinq ans de prison. Ce qui lui permit de suivre des cours de philosophie par correspondance. Il est aujourd’hui directeur de l’Institut de recherche et d’innovation, à Paris. (Photo: 123RF)
En mettant l’ouvrier chinois en concurrence avec l’ouvrier européen, en abandonnant les valeurs collectives au profit de la spéculation, nous avons créé les germes du chaos actuel, dit le philosophe Bernard Stiegler. L’actualité s’est entretenu avec lui.
François Hollande dit que la France est en guerre; avez-vous le sentiment d’être en guerre?
Non. En tout cas, ce n’est pas ma guerre. Si je devais mener une guerre, ce ne serait pas celle-là. Tout ce qui se passe en ce moment relève d’une guerre économique dont on ne parle pas — même si elle fait énormément de dégâts et détruit des villes entières, des sociétés entières. Ce qui se passe en Syrie et ses conséquences en France en sont le résultat.
Vous êtes un ex-militant communiste, vous avez «fait» Mai 68 et braqué des banques. Vous comprenez la motivation des djihadistes en France?
C’est compliqué de vous répondre. Si j’affirme que je comprends, cela veut presque dire que j’approuve, alors que non, je n’approuve absolument pas. Oui, je crois qu’il y a des causalités que l’on peut expliquer et combattre. Il y a des explications à tout ça. Ce n’est pas du tout une fatalité. Je ne veux pas dire «comprendre», parce que cela veut aussi dire approuver d’une certaine manière ou pardonner. Je ne dirais pas ça. Mais «expliquer», oui. On peut parfaitement expliquer ce qui se passe, ce qui signifie qu’on peut lutter contre ça — et certainement pas en déclarant l’état d’urgence. Si moi, je suis en guerre, c’est contre la bêtise. Ce n’est pas seulement Daech qui produit ces gens-là ; c’est nous aussi. Il est important de rappeler que beaucoup de ces jeunes désespérés — y compris de nombreux Européens de souche — n’ont pas de pratique religieuse et n’en ont jamais eu.
Quand vous évoquez une guerre économique, vous parlez du chômage en France ou du pétrole au Proche-Orient?
Je parle de la disruption, c’est-à-dire le capitalisme spéculatif à l’échelle planétaire, qui consiste à mettre les pays en concurrence les uns avec les autres, à mettre en concurrence l’ouvrier chinois et l’ouvrier européen ou américain, qui bientôt n’aura plus d’emploi. Tout ça crée un système totalement autodestructeur, parce qu’il n’est plus solvable.
«Disruption» serait-il un synonyme de «révolution industrielle»?
Non, des révolutions industrielles, il y en a eu plusieurs, et ce n’étaient pas des disruptions. Ce qu’on appelle la disruption, c’est ce qui doit «saisir» [NDLR: au sens de sidérer] la société en allant beaucoup plus vite qu’elle pour qu’elle ne puisse pas, elle-même, s’approprier l’innovation technologique. L’innovation — c’est ce que dit Bertrand Gille dans son Introduction à l’histoire des techniques — a longtemps consisté à socialiser la technique sans détruire la société. La manière dont les sociétés s’emparaient de la technique augmentait le potentiel de ce qu’on appelait autrefois les structures sociales (le langage, la famille, l’éducation, etc.).
Depuis une trentaine d’années, cela a changé, sous l’effet de la révolution néoconservatrice, qui a posé comme principe que le capitalisme occidental devait renoncer à la production et se contenter de contrôler la finance, ce qui a conduit au capitalisme spéculatif, l’«économie casino», qui a craqué en 2008.
La disruption repose sur une accélération de l’innovation; n’était-elle pas inévitable?
Si, c’est ce que je crois. Ce qui n’est pas inévitable, c’est la manière de la pratiquer. Il est tout à fait possible de pratiquer cette accélération pour qu’elle ne détruise pas les systèmes sociaux, mais qu’on mette plutôt le Web, qui a accéléré tout ça, au service de leur transformation.
Vous avez dit être inquiet pour l’avenir de vos propres enfants. Quel conseil leur avez-vous donné en matière d’emploi?
De ne plus chercher d’emploi! De plutôt réfléchir en fonction du travail. C’est évident que l’emploi va massivement régresser. Je crois qu’il va devenir marginal. Ce n’est pas forcément très grave. Ce qu’il faut, c’est réinventer le travail, redonner aux gens la possibilité de produire des choses originales. Aujourd’hui, l’emploi, c’est ce qui est standardisé, prolétarisé. Comme on peut remplacer cette soumission par des robots, on met les gens à la porte. Par contre, la société de demain aura besoin d’intelligence collective pour s’attaquer à des sujets comme le réchauffement climatique, une question d’extrême urgence.
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10 décembre 2015 – Avec ce texte, nous ajoutons une nouvelle forme de travail dans cette rubrique Glossaire.dde qui rassemble les principaux concepts, analyses, lignes de pensée qui fondent notre approche générale de la situation crisique qui embrase notre époque. Dans ce cas, il s’agit d’une re-publication d’un texte déjà ancien, offrant une première approche d’une des poutres-maîtresses de notre conception générale – le déséquilibre de notre civilisation, entre son agir et son être, entre une action marquée par une hyperpuissance technicienne devant laquelle rien ne peut résister, et un être caractérisé par un vide devenu si abyssal (à la mesure inverse de sa dynamique de surpuissance) qu’on pourrait le qualifier de complet, qui prive par conséquent cette action de tout sens. (La séquence actuelle comme résultante d’une dynamique de nombreuses années sinon de décennies des évènements au Moyen-Orient, par rapport à Daesh et au reste, est une démonstration à la fois claire et éblouissante, – paradoxe bienvenu, – de ce phénomène.) Nous considérons bien entendu ce déséquilibre comme mortel, et très rapidement mortelle par conséquent notre civilisation.
L’idée n’est pas nouvelle, comme d’ailleurs toutes les idées fondamentales que la pensée croit développer aujourd’hui, selon une autre de nos conceptions qui est d’observer que notre pensée, à l’image de cette hyperpuissance technicienne, n’a cessé de régresser et de se subvertir dans les détails descriptifs de notre action, depuis plusieurs siècles qui nous font remonter à la Renaissance et au-delà, et engagés dans un processus infernal depuis la charnière des XVIIIe et XIXe siècle où nous situons le “déchaînement de la Matière”. Les idées de base contenues dans le texte reproduit ci-dessous ont depuis, été largement développées et enrichies. Elles doivent figurer en bonne place dans La Grâce de l’Histoire (Tome II), et des extraits d’un des textes intermédiaires du livre en ont déjà été publiés le 4 novembre 2013.
Ce qui est “nouveau”, par contre, c’est la situation de pression extrême où nous nous trouvons, du fait de la Grande Crise générale, qui nous conduit à une psychologie typique tirant la conséquence da la situation exposée, ici (dans le texte ci-dessous) à son origine pour notre compte : la nécessité que nous comprenons de plus en plus à mesure qu’elle pénètre notre psychologie – d’où la désignation d’une “psychologie-de-l’apocalysme”, – qu’il faut détruire cette civilisation pour nous libérer d’une dynamique qui est celle de notre anéantissement, ou de notre entropisation. C’est dans ce contexte qu’il nous paraît intéressant de re-publier ce texte, car cela constitue d’une part une incitation bien plus pressante à le lire que la simple mention de son existence dans nos archives, et cela incite d’autre part à mesurer l’existence de cette conception sur ce site et de son évolution depuis.
Le texte a donc été primitivement mis en ligne le 27 juillet 2002, et il s’agit d’un texte de la rubrique Analyse, de la Lettre d’Analyse dedefensa & eurostratégie (dd&e), encore active à cette époque, du numéro 20 du Volume 17, du 10 juillet 2002. Cette publication était précédée de l’annonce suivante : « Nous publions ci-après le texte de notre rubrique Analyse, de l'édition du 10 juillet de notre Lettre d'Analyse de defensa. Nous pensons que ce texte vient utilement compléter, élargir et prolonger le texte d'analyse sur Arnold Toynbee que nous avons récemment publié le 19 juin 2002. » Les titres et sous-titre ont été conservés, le texte est repris intégralement dans sa version de 2002 (y compris certaines expressions qui sont devenues courantes depuis dans notre dialectique, souvent dans une orthographe différente, – comme “anti-système” devenu antiSystème).
Nous développons l'hypothèse d'une explication générale satisfaisant en l'éclairant l'impression que nous ressentons tous, plus ou moins confusément, de façons parfois très différentes, voire opposées, de vivre une période exceptionnelle de rupture. A nouveau, nous insistons sur ce phénomène, sans précédent parce que son origine est mécanique et due à nos capacités technologiques, ce phénomène où il nous est donné de vivre ce temps de rupture et, en même temps, de nous observer en train de vivre ce temps de rupture. C'est à la fois une circonstance troublante et, pour qui réalise cette circonstance et entend l'utiliser à son profit, l'occasion d'une exceptionnelle lucidité. Nous avons les moyens, par la distance que nous pouvons prendre avec les événements, de vivre ces événements, d'être touchés par leur apparence, mais aussitôt de nous en dégager et, distance prise, de distinguer aussitôt les tendances fondamentales et nécessairement souterraines dissimulées derrière l'apparence des choses, derrière « l'écume des jours »
On voit par ailleurs (notre rubrique de defensa par exemple, et bien d'autres choses) que nous estimons nous trouver dans une période marquée par des excès extraordinaire. Le plus considérable est, selon nous, le conformisme auquel s'est accoutumé l'essentiel de la population humaine. La force de la complicité (ah, nous insistons sur ce terme) établie entre le citoyen et le mensonge virtualiste qu'on lui présente comme explication de son temps est à couper le souffle. Mais reprenons vite notre souffle. Si nous savons y faire, cette extraordinaire supercherie doit nous donner des ailes en fait d'audace dans l'examen d'hypothèses enrichissantes pour expliquer cette fabuleuse et mystérieuse confusion qu'on nous présente comme le meilleur des mondes déjà accompli. Si nous savons y faire, nous pouvons utiliser à notre profit les structures de liberté que le système se contraint lui-même à respecter, parce que de cette liberté dépendent aussi les bénéfices dont il se nourrit. (Liberté de commercer, d'être informé sur le commerce, de faire circuler l'information qui entretient impérativement le conformisme général, tout cela nécessite de laisser subsister ces structures de liberté. Internet est le plus bel exemple du phénomène, structure de liberté pour faire circuler le commerce et l'information favorable au système et qui aboutit également, et surtout, à permettre la circulation de l'information anti-système dans une mesure qui était inespérée il y a 5 ans.)
Donc, — audace et liberté, et audace fortement liée à la liberté, audace parce que liberté, voilà les antidotes dont il faut faire usage. La question que nous nous posons aujourd'hui concerne une hypothèse sur notre civilisation. Au contraire de ce qu'on en fait d'habitude (civilisation triomphante, civilisation en déclin, débat entre les deux, etc), nous avançons l'hypothèse que nous nous trouvons dans une civilisation caractérisée dans sa substance même (et non seulement par ce qu'elle produit) par l'imposture. Cette explication est nécessairement imprécise mais il n'existe pas de dérivé qualificatif du mot “imposture” (il est impossible d'en inventer un : “imposteuse” serait trop laid) qui résumerait mieux notre pensée. Alors, nous offrons simplement comme expression fabriquée l'expression “civilisation-imposture”, se rapprochant le mieux possible de ce que nous voulons dire.
L'hypothèse que nous émettons est bien que notre civilisation usurpe le terme de civilisation, et même, pire encore, qu'elle ne devrait plus être là, à sa place de civilisation triomphante. A part le fondement intellectuel qu'on peut lui trouver, cette hypothèse a-t-elle quelque cohérence historique? C'est là où nous voulons en venir, et nous développerons pour cela la substance de l'argumentation étayant notre hypothèse. C'est là où nous nous tournons vers Arnold Toynbee.
Arnold Toynbee, cet historien des civilisations, d'origine anglo-saxonne, publie en 1949-51 (versions anglaise et française) un ouvrage (La civilisation à l'épreuve) rassemblant conférences et essais, tout cela écrit ou récrit avec l'actualisation qui convient à l'époque de l'immédiat après-guerre (période 1945-47). L'intérêt de l'ouvrage est de cerner l'appréciation contemporaine de Toynbee de la position et du développement de la civilisation occidentale. A partir de là, nous élargirons notre appréciation et en viendrons à notre hypothèse.
Il y a dans ce Toynbee qui écrit en 1945-47 une convergence intéressante. D'une part il y a une vision historique extrêmement large, embrassant l'histoire des hommes et des civilisations de la façon la plus générale ; d'autre part, l'observation plus spécifique de sa période contemporaine, qui est caractérisée par l'installation par le pan-expansionnisme américaniste de son empire sur le monde. Dans l'essai intitulé L'Islam, l'Occident et l'avenir, Toynbee observe la situation contemporaine générale du point de vue des rapports de l'Islam et de l'Occident. Il y observe ce qu'il qualifie de «mouvement [...] par lequel la civilisation occidentale ne vise à rien moins qu'à l'incorporation de toute l'humanité en une grande société unique, et au contrôle de tout ce que, sur terre, sur mer et dans l'air, l'humanité peut exploiter grâce à la technique occidentale moderne ». On voit la similitude remarquable entre l'interprétation du mouvement de « la civilisation occidentale » aussitôt après la guerre de 1945, pour les années 1945-49, et l'interprétation qu'une école historique classique pourrait avancer des événements en cours aujourd'hui.
Quelques lignes après la citation ci-dessus, Toynbee poursuit : « Ainsi, la rencontre contemporaine entre l'Islam et l'Occident n'est pas seulement plus active et plus intime qu'en aucune autre période de leur contact dans le passé : elle est également remarquable du fait qu'elle ne constitue qu'un incident dans une entreprise de l'homme occidental pour “occidentaliser” le monde — entreprise qui comptera peut-être comme la plus considérable, et presque certainement comme le fait le plus intéressant de l'histoire, même pour une génération qui aura vécu les deux guerres mondiales. » Cette appréciation sonne plus triomphante qu'en d'autres occasions où Toynbee examine le même phénomène à la lumière plus générale du phénomène de l'histoire des civilisations.
Aujourd'hui, elle pourrait être reprise pour leur compte, pour interpréter nos événements contemporains, disons par les sympathisants d'une école triomphaliste, en général constituée d'historiens anglo-saxons néo-colonialistes (on y ajoutera quelques philosophes d'origine plus exotiques, tel l'excellent Premier ministre italien Silvio Berlusconi). Ces triomphalistes néo-colonialistes voient dans cette période post-9/11, au-delà des avatars de l'affrontement avec les terroristes, si l'on veut au-delà du Choc des civilisations de Huntington, quelque chose comme une phase décisive de ce qu'esquissait Toynbee il y a un gros demi-siècle.
Mais Toynbee offre d'autres points de vue moins optimistes, moins triomphants, sur la situation de notre civilisation occidentale. C'est sa position la plus intéressante et la plus enrichissante, celle où il est pleinement historien des civilisations. D'abord, il remet constamment la civilisation occidentale à sa place, dans la relativité de l'histoire des civilisations, hors du regard déformé d'un contemporain occidental dont « l'horizon historique s'est largement étendu, à la fois dans les deux dimensions de l'espace et du temps », et dont la vision historique « s'est rapidement réduite au champ étroit de ce qu'un cheval voit entre ses oeillères, ou de ce qu'un commandant de sous-marin aperçoit dans son périscope ». Ensuite, c'est l'essentiel, il aborde l'appréciation de notre civilisation du point de vue de ce qu'on pourrait nommer de l'expression néologistique de “continuité civilisationnelle”, qui pourrait résumer son appréciation du phénomènes des civilisations, sa thèse si l'on veut.
L'historien des civilisations Toynbee observe que l'histoire de l'humanité organisée, avec son partage entre ces mouvements nommés “civilisations”, se déroule au long d'une vingtaine de ces civilisations, et nous constituons effectivement la vingtième. Sa vision des rapports entre ces civilisations est du type cyclique ou s'en rapprochant, avec des rapports qu'il juge établis entre les civilisations. Par exemple, ayant rappelé les rapports entre la civilisation gréco-romaine et la civilisation chrétienne qui lui succède tout en lui rempruntant beaucoup, Toynbee écrit que dans «une douzaine d'autres cas, on peut observer la même relation entre une civilisation déclinante et une civilisation ascendante. En Extrême-Orient, par exemple, l'Empire des Ts'in et des Han joue le rôle de l'Empire romain tandis que celui de l'Église catholique est assumé par l'école Mahayana du bouddhisme. » Toynbee note aussitôt le reproche fait par la pensée occidentale, ou « juive et zoroastrienne », à cette conception cyclique. Elle réduit l'histoire à « un récit fait par un idiot et ne signifiant rien » remarque-t-il, paraphrasant Shakespeare. Au contraire, la conception judéo-zoroastrienne voit dans l'histoire « l'exécution progressive et conduite de main de maître ... d'un plan divin ... »
Faut-il trancher entre l'une et l'autre ? Toynbee tend à suggérer des compromis (« Après tout, pour qu'un véhicule avance sur la route que son conducteur a choisi, il faut qu'il soit porté par des roues qui tournent en décrivant des cercles et encore des cercles »), suggérant en cela une conception cyclique de l'histoire en spirale (chaque passage à un même point vertical se fait dans un plan horizontal supérieur). C'est finalement la thèse que nous recommande Toynbee, en acceptant l'idée d'un sens général de progrès mais qui se constituerait au travers d'expériences accumulées d'affirmations et de chutes successives de civilisations, correspondant effectivement au schéma cyclique. Notons enfin ceci qui vaut aujourd'hui, qui n'existait pas aussi fortement en 1945-47: le sentiment contemporain très fort que le sens progressiste de l'histoire (« l'exécution progressive ... d'un plan divin ») lié à notre civilisation et contredisant la théorie cyclique est une notion fortement critiquée et plus assimilée à une illusion idéaliste qu'à une loi historique.
Allons à un autre point que Toynbee met en évidence dans ces analyses, qui concerne particulièrement notre civilisation occidentale. Il parle de « ce récent et énorme accroissement du pouvoir de l'homme occidental sur la nature, — le stupéfiant progrès de son “savoir-faire technique” — et c'est justement cela qui avait donné à nos pères l'illusoire imagination d'une histoire terminée pour eux ». Cette puissance nouvelle a imposé l'unification du monde et permis à l'homme occidental de prendre sur le reste, quel qu'il soit et quelle que soit sa valeur civilisationnelle, un avantage déterminant. Cette puissance constitue un avantage mécanique fonctionnant comme un verrou et donnant l'avantage décisif dans les rapports de forces, quelque chose que les lois de la physique et autres des mêmes domaines du fonctionnement du monde interdisent de pouvoir changer.
Ce fait a bouleversé la marche cyclique par laquelle Toynbee définit les rapports des civilisations, et par laquelle il mesure la possibilité pour l'humanité de progresser au travers cette succession de civilisations. « Pourquoi la civilisation ne peut-elle continuer à avancer, tout en trébuchant, d'échec en échec, sur le chemin pénible et dégradant, mais qui n'est tout de même pas complètement celui du suicide, et qu'elle n'a cessé de suivre pendant les quelques premiers milliers d'années de son existence? La réponse se trouve dans les récentes inventions techniques de la bourgeoisie moderne occidentale. » Voilà le point fondamental de Toynbee: notre puissance technicienne, transmutée aujourd'hui en une affirmation soi-disant civilisatrice passant par la technologie, révolutionne l'évolution des civilisations et bouleverse leur succession.
On ne sait pas précisément le jugement que porte Toynbee sur ce fait. S'en réjouit-il? S'en effraie-t-il? A certaines occasions c'est l'un, à d'autres c'est l'autre. Surtout, il ne le développe pas vraiment, c'est-à-dire dans toutes ses implications. Il insiste ici et là sur la responsabilité particulière de la civilisation occidentale, ce qui est une évidence à la lumière de ce qu'il nous expose, mais il ne prononce ni diagnostic, ni jugement définitif; surtout, il passe sous silence cette possibilité d'un jugement ou d'un diagnostic. En d'autres termes, on le sent gêné ou prudent, comme s'il estimait devoir respecter quelque chose qui ressemblerait à une consigne ou simplement ne pas être en position de pouvoir spéculer trop précisément. Et lorsqu'il évoque, a contrario dirons-nous, une hypothèse défavorable à notre civilisation, il se récrie (sans avoir explicité de façon satisfaisante l'hypothèse favorable). « De plus, quand nous étudions en détail les histoires de ces civilisations défuntes ou moribondes, et quand nous les comparons entre elles, nous trouvons l'indication de quelque chose qui ressemble à une forme récurrente dans le processus de leurs dislocations, de leurs déclins, de leurs chutes. [...] Cette forme de déclin et de chute est-elle gardée en réserve pour nous, comme une sentence à laquelle aucune civilisation ne peut échapper? Dans l'opinion de l'auteur, la réponse est absolument négative. » ... Voire.
Si nous disons que nous sommes mal à l'aise avec de telles affirmations de Toynbee, c'est qu'à d'autres occasions et, disons, par des biais qui prennent le problème différemment, c'est-à-dire sans l'évoquer précisément mais en y aboutissant tout de même, sa réflexion est différente. Alors, il laisse à penser et il laisse penser que son soutien au développement de la civilisation occidentale ressemble à celui de Tocqueville pour la démocratie (Sainte Beuve : « Tocqueville m'a tout l'air de s'attacher à la démocratie comme Pascal à la Croix : en enrageant. ... pour la vérité et la plénitude de conviction cela donne à penser. »).
Autre exemple, encore. Retrouvant ses réflexions sur les rapports de l'Occident et de l'Islam, Toynbee note une succession de constatations: que l'une des plus grandes vertus de l'Islam est d'avoir écarté toutes les haines entre races (le racisme quand il est suprématisme); que « le triomphe des peuples de langue anglaise peut rétrospectivement apparaître comme une bénédiction pour l'humanité; mais, en ce qui concerne ce dangereux préjugé de race, on ne peut guère contester que ce triomphe ait été néfaste. Les nations de langue anglaise qui se sont établies outremer dans le Nouveau Monde n'ont pas, en général, fait office de “bons mélangeurs”. La plupart du temps, elles ont balayé, chassé les primitifs qui les précédaient; et là où elles ont permis à une population primitive de survivre, comme en Afrique du Sud, ou bien importé du “matériel humain” primitif, comme en Amérique du Nord. [...] En outre, là où on ne pratiquait pas l'extermination ou la ségrégation, on pratiquait l'exclusion ... [...] A cet égard, le triomphe des peuples de langue anglaise a donc soulevé pour l'humanité une “question raciale”, ce qui n'aurait guère été le cas, tout au moins sous une forme aussi aiguë, et dans une aire aussi vaste, si les Français, par exemple, au lieu des Anglais, étaient sortis victorieux de la lutte pour la possession de l'Inde et de l'Amérique du Nord au XVIIIe siècle. Au point où en sont les choses, les champions de l'intolérance raciale sont dans leur phase ascendante, et si leur attitude à l'égard de la question raciale devait prévaloir, cela pourrait finalement provoquer une catastrophe générale. »
Alors qu'ailleurs il fait l'apologie d'une civilisation technicienne et technologique dont on sait que, dès cette époque, elle est complètement anglo-saxonne, voilà que Toynbee met en garde, dans ce texte, contre le “racisme” des Anglo-Saxons qui pourrait conduire à « une catastrophe générale ». (On comprend combien cette idée pourrait être acceptée et exploitée aujourd'hui.) Cette sorte de propos nous semble justifier la réticence qu'on manifeste à propos de certains enthousiasmes de Toynbee pour sa civilisation contemporaine, qui nous semble alors plutôt du convenu (se rappeler que ces textes furent dits, sous forme de conférences, devant des auditoires anglo-saxons, que Toynbee lui-même est Anglais). Au contraire, les diverses remarques de lui qu'on rapporte ici nous paraissent susceptibles de constituer un dossier intéressant, et particulièrement intéressant aujourd'hui, s'il s'agit d'avancer une appréciation sur la situation de notre civilisation dans une époque si propice à être interprétée comme un temps de rupture.
Résumons les arguments que nous donne Toynbee :
• Son idée d'une approche en partie cyclique de l'évolution des civilisations nous paraît très intéressante. Elle implique qu'on ne peut envisager l'évolution des civilisations indépendamment les unes des autres, qu'il existe une certaine continuité de l'ordre du spirituel autant que de l'accidentel ; que toute civilisation, c'est l'essentiel, a une sorte de responsabilité par rapport à l'histoire, y compris dans son décadentisme, dans sa façon d'être décadente ...
• Sa deuxième idée concernant notre civilisation est que, la disposition d'une telle puissance technique et technologique utilisable dans tous les recoins et dans une géographie terrestre totalement maîtrisée et contrôlée impose à notre “civilisation” (les guillemets deviennent nécessaires, par prudence) une ligne de développement même si ce développement s'avère vicié et qu'elle interdit tout développement d'une civilisation alternative et/ou successible.
• Une autre idée, implicite et qui nous semble renforcée de nombreux arguments aujourd'hui, voire du simple constat de bon sens, est ce constat, justement, que l'hypertrophie technologique de notre civilisation s'est accompagnée d'une atrophie des comportements et des valeurs intellectuelles et spirituelles de civilisation, que ce soit du domaine de la pensée, de la croyance, de la culture au sens le plus large. Toynbee nous le suggère, après tout, lorsqu'il dit ce qu'il dit des Anglo-Saxons, qui mènent cette civilisation, de leur racisme qui conduit éventuellement aux pires catastrophes par opposition aux musulmans et (c'est plus notable et intéressant) par opposition aux Français.
Ainsi pouvons-nous en venir à la spéculation que nous entendions proposer à propos de notre temps de rupture et d'incertitude du sens. Nous avons déjà noté à plus d'une reprise combien il nous paraissait assez vain de faire le diagnostic des maux de notre civilisation, tant celui-ci avait été fait, et fort bien fait, dans les années de l'entre-deux-guerre, avant la polarisation idéologique de l'immédiat avant-guerre (avant 1939), c'est-à-dire dans les années entre 1919 et 1934.
Notre hypothèse serait alors double, et fondée sur cette idée de la civilisation qui bascule lorsque l'équilibre entre ses capacités techniques et ses vertus spirituelles et intellectuelles se rompt au profit d'une des deux composantes, ce déséquilibre s'accentuant à la vitesse du développement des capacités technologiques dans notre cas et démentant les espérances des esprits rationnels qui espéraient voir en même temps les esprits s'élever, et, au contraire, ces esprits s'abaissant au fur et à mesure qu'ils sont gagnés par l'ivresse de la puissance mécanique.
Il s'agit bien d'une première rupture, dont la guerre de 14-18 fut la marque la plus terrible. Cette rupture permet une perversion générale, y compris du processus de décadence. Alors que la décadence est une chute, notre puissance technique et technologique permet de dissimuler cette chute et plus encore, de la transformer en une évolution accélérée, une fuite en avant avec toutes les apparences de la puissance, protégés par cette puissance technologique qui empêche les lois naturelles de l'histoire des civilisations de jouer. A côté de cela, et comme on l'a souvent mis en évidence dans nos analyses, une architecture puissante d'information et de communication bâtie grâce au puissant apport de ces mêmes technologies où nous excellons permet d'offrir une interprétation flatteuse, rassurante, voire exaltante, de cette évolution; elle permet même, dans les cas extrêmes dont notre temps est l'exemple, d'offrir une reconstruction ordonnée et crédible de la réalité en une autre réalité (phénomène du virtualisme, devenu, selon notre appréciation, une véritable idéologie en soi).
Une seconde rupture est celle dont nous proposons le constat et l'interprétation pour notre temps précisément, celle qui survient dans notre temps historique, particulièrement précisée depuis le 11 septembre 2001. Les événements figurés par le virtualisme sont d'une telle puissance que même l'architecture d'information et de communication ne suffit plus. Ce à quoi l'on assiste aujourd'hui est à la fois à l'affirmation totale de la nécessité de l'emploi du virtualisme, et à la mise en évidence parallèle des limites de cette méthode. Ce constat est visible dans l'appel à une “guerre contre le terrorisme” perpétuelle par Washington, artifice de préservation de sa puissance, et la mise en évidence, à mesure, de l'impossibilité d'imposer cette affirmation virtualiste au reste du monde; et, par conséquent, l'éloignement de facto du reste du monde des thèses américaines et de la représentation qui en est faite.
Nous nous trouvons dans une situation inédite dans l'histoire. La valeur de notre civilisation, sa “vertu civilisationnelle” n'est plus laissée aux lois de l'histoire et à l'habituel processus historique de déclin et de décadence, mais à notre propre appréciation. Cette situation est d'autre part contestée par une partie de plus en plus importante des élites et de l'opinion au sein même de ce qui est nommé “civilisation occidentale”. D'où un débat d'une effrayante puissance et d'une vigueur incroyable, entre ceux, au sein de notre “civilisation”, qui affirment que notre civilisation avec le développement qu'elle impose à tous est plus que jamais l'avenir du monde et qu'il faut la développer sans restrictions ; et ceux qui pensent, plus ou moins confusément, que notre civilisation a trahi son contrat avec l'histoire, qu'elle a perdu son sens de la responsabilité historique à cause de l'ivresse de sa puissance, et par conséquent qui contestent de plus en plus précisément l'orientation qu'elle a prise.
Cette situation inédite remet en cause l'idée même de “civilisation occidentale”, et cela est effectivement rendu possible, paradoxalement, par la puissance de cette civilisation et son maintien usurpé comme référence du développement humain. L'idée de Toynbee d'une civilisation remplaçant l'autre, d'une chaîne de civilisation, idée finalement contredite par la puissance de la civilisation occidentale qui impose son maintien en position dominante qu'on pourrait juger comme une imposture, pourrait laisser place à l'idée d'un schisme à l'intérieur de cette civilisation. Certains pourraient objecter que c'est ce qui s'est déjà passé avec la Réforme mais il nous semble que la description que nous faisons de l'état de notre “civilisation”, qui est incontestablement fille du schisme, montre que le schisme a tourné à l'imposture. Notre civilisation étant devenue aujourd'hui, par la force de sa technique, la civilisation universelle (d'où les bruits de “la fin de l'Histoire” type Fukuyama et renvoyant au XIXe siècle), la mise en cause de cette civilisation ne peut plus venir que de l'intérieur, et du coeur même de cette civilisation. C'est pourquoi l'on devra prêter attention à deux faits : en quoi la tension des rapports entre l'Amérique et l'Europe ne porte pas sur des notions effectivement schismatiques (de l'Europe par rapport à l'Amérique) ; en quoi la retrouvaille de la nécessité de retrouver des références transcendantes chez ceux-là même qui mettent en question notre civilisation ne réconcilie pas deux pôles perçus pendant des siècles comme ennemis : le besoin de justice (tempo progressiste) et la nécessité des traditions (tempo conservateur, voire réactionnaire).
00:05 Publié dans Définitions, Philosophie, Théorie politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : définition, civilisation, civilisation imposture, contre-civilisation, arnol toynbee, toynbee, philosophie, philosophie politique, théorie politique, politologie, sciences politiques | |
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Dans son essai intitulé Le Mur de l’Ouest n’est pas tombé, Hervé Juvin analyse l’impérialisme américain et tente de rétablir l’idée de nation comme seule unité politique stable.
La crise financière de 2008 n’a rien changé. L’argent roi n’a pas été déchu de son trône. Hervé Juvin montre comment l’économie et la finance dictent les mouvements de nos sociétés aujourd’hui. L’impératif de croissance entraîne la destruction des fonds marins, l’explosion des ressources alimentaires et le mal-être social en Europe.
Il pointe un paradoxe : alors que nous vivons dans des pays développés parmi les premières richesses mondiales, où la production de biens est abondante, les individus vont bientôt être obligés de travailler jusqu’à 70 ans et disposent de moins en moins de libertés.
De quelle liberté d’expression un salarié dispose-t-il face aux riches actionnaires d’une entreprise, quand il a contracté un crédit sur trente ans et une famille à nourrir ? Aucune.
L’économie contrôle les cerveaux et les estomacs
La financiarisation de l’économie, l’augmentation des revenus du capital face à ceux du travail (les dividendes augmentent nettement plus vite que les salaires depuis trente ans) ont eu raison de la libertés des citoyens.
Pour Hervé Juvin, l’économie et le capital décident de tout et ont même jeté leur dévolu sur le vivant. Des milliards de dollars sont investis dans les matières premières alimentaires, font grimper les prix et peuvent provoquer des famines dans les pays pauvres qui ne peuvent pas suivre cette inflation.
Plus dangereux pour l’avenir de nos sociétés, les intérêts financiers contrôlent les savoirs. La connaissance est devenue une marchandise. Le web, créé pour offrir un accès universel au savoir, est en train de se privatiser, de se monétiser, comme Google qui vend le référencement des mots comme des espaces publicitaires aux entreprises, dégradant ainsi la diversité du langage. Seuls les plus riches peuvent accéder aux savoirs les plus évolués et se payer des inscriptions dans les grandes écoles (100 000 dollars l’année pour Harvard, 60 000 dollars l’année dans les meilleures écoles primaires chinoises.)
La libido sciendi (le plaisir désintéressé du savoir), qui a rendu possible les grandes inventions du XIXe siècle, a laissé la place à une recherche et une innovation totalement soumises aux intérêts financiers et industriels.
La libido sciendi (le plaisir désintéressé du savoir), qui a rendu possible les grandes inventions du XIXe siècle, a laissé la place à une recherche et une innovation totalement soumises aux intérêts financiers et industriels.
Les chercheurs, s’ils ne veulent se faire éjecter du milieu scientifique, n’ont pas intérêt approfondir leur travail sur les dangers des OGM pour la santé. Ces recherches seraient un frein à la croissance.
Les droits de l’individu, couverture du marché
Pour Hervé Juvin, ce modèle de société où l’argent et le marché sont rois a été imposé par les Etats-Unis et sont une forme de leur impérialisme. Le pays de la conquête de l’Ouest (rendue possible avec le génocide des Indiens, précise l’auteur) promeut des valeurs universelles de libertés individuelles et des droits de l’homme, pour inonder le marché mondial de ses produits et tenter de continuer à dominer le monde, via ses grandes entreprises multinationales.
C’est notamment l’objectif du traité de libre-échange entre l’Union européenne et le pays de l’Oncle Sam, actuellement en cours de négociation, qui vise à créer un grand marché transatlantique. Hervé Juvin explique que sous un voile de liberté et d’ouverture, se joue une grande guerre économique. Les Etats-Unis défendent avant tout l’intérêt de leur nation et n’hésitent pas à faire payer de lourdes amendes aux entreprises étrangères sur leur sol comme la banque française BNP Paribas, condamnée à payer 9 milliards d’euros, pour avoir violé certains embargos américains.
L’impérialisme américain se réalise aussi dans le domaine culturel en inondant les marchés des produits US et en faisant barrage à certains produits étrangers, comme les fromages français, lors de confilts commerciaux ou diplomatiques.
On peut répondre à Hervé Juvin que les Etats-Unis ne sont pas le seul pays à exercer ce type de pression pour préserver ses intérêts et que la Russie de Vladimir Poutine use aussi de l’embargo sur les produits alimentaires pour asseoir ses positions dans le conflit ukrainien et favoriser sa production agricole nationale dans les supermarchés russes.
La nation, seule unité politique ?
Impérialisme rimerait aussi avec protectionnisme. Hervé Juvin prend même la Russie comme exemple d’une nation qui défend ses intérêts économiques en protégeant ce qui est aujourd’hui le nerf de la guerre économique : sa dette souveraine. Il explique qu’à son arrivée au Kremlin, Vladimir Poutine a nationalisé la dette russe, pour la retirer des marchés financiers, ce qui expliquerait son taux actuel très bas : 17% du PIB.
Pour faire tomber le “mur de l’Ouest” et sortir de la crise de l’économie mondialisée, Hervé Juvin propose le retour des nations sur l’échiquier, et notamment en Europe.
Selon lui, une nation plus unie mettrait fin à la crise des identités qu’entraîne le multiculturalisme occidental. Il prône avec enthousiasme le modèle du royaume du Bhoutan, classé comme l’un des pays les plus heureux au monde. Son bonheur, il le doit à son unité culturelle et religieuse et à sa fermeture à l’intégration de toute diversité dans sa culture. L’unité d’une nation offre au monde une diversité de cultures stables, plus riches que la culture mondiale uniforme que les Etats-Unis diffusent depuis le siècle dernier. Mais on peut se demander pourquoi la seule diversité à protéger serait celle des différentes nations dans le monde, et non pas une diversité de cultures, de religions et d’individus à l’intérieur de la nation.
Sur le plan économique, Hervé Juvin montre que l’Etat nation permettrait de soumettre l’économie à un projet de société. Le marché devrait obéir à des règles basées sur des valeurs sociales, environnementales et culturelles de l’Etat qui contrôle ce marché. Elle rendrait possible le passage de l’économie de marché à l’économie politique, au service des intérêts de la société. Mais il étonnant d’observer qu’Hervé Juvin imagine dans son livre une économie politique de l’Union européenne (qui pourrait réguler le marché sur le plan environnemental) et non de la France. Un Etat transnational pourrait donc être bénéfique aux peuples sans être impérialiste ?
Les Etats-Unis, épouvantail et modèle
Une contradiction essentielle réside dans le Mur de l’Ouest n’est pas tombé. Il pointe du doigt avec pertinence l’impérialisme américain dans l’économie de marché mondialisée. Mais dans le retour des nations qu’il imagine en Europe pour se protéger de tout impérialisme, il s’appuie sur le sentiment national très fort aux Etats-Unis. Si l’aigle américain sort souvent vainqueur d’une bataille économique, c’est parce qu’il sait mettre l’ouverture au marché au service de l’intérêt national. Les Etats-Unis ne défendent pas la liberté pour la liberté mais pour garder leur position dominante dans le village mondial.
Pour Hervé Juvin, l’Europe et la France devraient donc s’inspirer de ce sentiment national américain pour s’imposer davantage sur la scène économique.
Même si l’essayiste affirme que la nation est gage de stabilité face aux ambitions impérialistes, il montre implicitement que le sentiment national n’est pas dénué d’ambition colonisatrice pour se conserver. Et que le marché est un moyen de renforcer la nation.
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Ex: http://www.philitt.fr
Pierre Le Vigan est un historien des idées proche de la Nouvelle Droite. Ses réflexions portent sur une critique radicale du capitalisme et ses multiples implications sur l’homme et son environnement. Il est l’auteur d’Inventaire de la modernité avant liquidation (2007), Le malaise est dans l’homme et La banlieue contre la ville (2011).
PHILITT : Vous avez édité cette année, un ouvrage intitulé Soudain la postmodernité (La Barque d’or). D’où vient ce terme, « postmodernité » ?
Pierre Le Vigan : Je ne connais pas l’origine exacte du terme. Ce qui est certain, c’est que Jean-François Lyotard a beaucoup contribué à diffuser le thème de la postmodernité. La notion de postmodernité désigne ce qui vient après la modernité, donc ce qui vient après le culte du progrès, le culte de l’homogénéité, de l’égalité, du jacobinisme. La postmodernité est ce qui vient après les grands récits historiques, tels le communisme, la social-démocratie, le fascisme, qui n’ont été qu’une brève parenthèse, et d’une manière générale, redisons-le, après la religion du progrès. Il y a bien sûr des éléments de postmodernité dans les temps actuels, mais il y a aussi des éléments qui relèvent en fait de l’intensification de la modernité. Prenons l’exemple de la théorie du genre : en un sens, on peut croire qu’elle valorise les différences entre les sexes en mettant en lumière leur dimension culturelle, en un autre sens, elle les minimise puisque avant d’appartenir à un sexe, nous serions en quelque sorte sans détermination et choisirions « librement » notre genre. Le genre prétendument choisi serait plus important que la sexuation héritée. Sur le fond, en fait, la théorie du genre pousse à l’extrême et jusqu’à l’absurde le constructivisme. Or, le constructivisme est un élément de la modernité. Il est pourtant bien évident que la France déjà moderne des années 1960 était à des années-lumière de la théorie du genre. Tout dépend donc du niveau où l’on situe l’analyse. S’agit-il de l’histoire des idées ? De leur généalogie ? Ou sommes-nous au contraire dans le domaine de la sociologie historique ? Il faut à chaque fois préciser quel est le niveau d’analyse choisi. Ce qui est certain, c’est que, sous couvert d’apologie des différences, nous vivons, comme le voyait déjà Pasolini il y a plus de quarante ans, dans « un monde inexpressif, sans particularismes ni diversités de cultures, un monde parfaitement normalisé et acculturé » (Écrits corsaires).
Comment définir, ou du moins comment situer, la « postmodernité » par rapport à la « prémodernité » et à la « modernité » ?
Votre question me permet de préciser un point. J’ai expliqué que la postmodernité était avant tout la fin des grands récits, et surtout du récit du progrès sous ses différentes formes (qui incluaient par exemple le nazisme, qui était un darwinisme social et racial « progressiste » puisqu’il voulait « améliorer la race »). Sous une autre forme, qui amène à en souligner les aspects néfastes, la postmodernité c’est aussi l’excès inverse de la modernité. C’est le présentisme, c’est la jouissance (je n’ai rien contre, mais elle doit avoir sa place, rien que sa place) contre la raison, c’est le laisser-aller (l’esprit « cool ») contre l’effort, c’est l’informe contre la tenue. Voilà la question que pose la postmodernité : si on ne croit plus au progrès, qu’est ce qui nous fait tenir debout ? Nous : je veux dire nous en tant qu’individus, et il faudrait dire en tant que personne humaine, mais aussi nous en tant que peuple. C’est là qu’intervient la référence à la pré-modernité. Si on prend comme exemple de moment de pré-modernité la période du Moyen Âge, avant le culte du progrès, mais aussi avant le culte de l’homme, et en fait avant le culte de la puissance et surpuissance de l’homme, la pré-modernité faisait se tenir debout les hommes par la religion, et en l’occurrence par le christianisme (je parle bien sûr de l’Europe). Cela amène bien sûr à relever qu’il y eut plusieurs pré-modernités, précédant elles-mêmes plusieurs modernités. Les modernités des pays catholiques et des pays protestants n’ont ainsi pas tout à fait été les mêmes.
Il est certain que la postmodernité ne peut qu’avoir des points communs avec certains aspects de la pré-modernité. On pourrait espérer, au lieu du culte du présent, une attention au présent, au lieu d’un enlisement dans le présent, la recherche d’une transcendance dans l’immanence. Le dépassement de la modernité a bien des aspects positifs. Qui peut regretter le nationalisme agressif entre peuples européens qui a mené aux guerres du XXème siècle ? Mais qui peut sérieusement penser que ce dépassement d’un certain nationalisme doive amener à nier tous les enracinements, toutes les mémoires historiques ? Il faut redécouvrir toutes les communautés, dont certaines ont été broyées par un nationalisme (plus exactement un stato-nationalisme) niveleur mais il ne faut pas pour autant se défaire des constructions nationales qui figurent parmi les réalisations les plus belles du politique en Europe. Autant, par exemple, je suis pour l’autonomie de la Catalogne, autant je suis hostile à sa sécession d’avec l’Espagne.
Vous écrivez que la seule libre-circulation dont ne veut pas le libéralisme, c’est la libre-circulation des idées (p. 32). Comment expliquer que l’actuel triomphe du libéralisme s’accompagne d’un recours étatique à la censure ?
L’intolérance actuelle du pouvoir, et plus largement du système face à tout ce qui relève de l’indépendance d’esprit et face à tous les propos non consensuels est d’un niveau assez stupéfiant. L’intolérance des hommes du système est, à beaucoup d’égards, proportionnelle à leur inculture. Il y a aussi un formidable formatage des esprits, qui va du plus haut niveau à tous les cadres intermédiaires de la société. Dans les faits, le libéralisme économique se développe sur fond de libéralisme politique. Ce libéralisme politique est une démocratie purement procédurale qui est de moins en moins démocratique. Le peuple ne peut se prononcer sur les sujets importants et, plus encore, quand il se prononce, on ne tient pas compte de son avis. Ce « règne de l’On » est en fait le règne de l’hyperclasse. Cette dernière mène une guerre de classe contre le peuple. En matière de relations internationales, nous sommes face à un système à tuer les peuples, qui s’appuie sur les États-Unis et ses relais, dont malheureusement la France, parfois même à l’avant-garde de l’atlantisme belliciste et déstabilisateur. Au plan intérieur, institutionnel et politique, nous avons un système à tuer le peuple, basé sur le mépris de celui-ci. Ce sont les deux faces d’un même système.
« L’écologie poussée jusqu’au bout amène inévitablement à deux rejets. Rejet du libre-échangisme économique, rejet de l’immigration de masse » (p. 31). N’est-il pas pourtant en vogue, dans le monde de l’entreprise et au sein de la politique française, de parler d’« écologie », de « développement durable» ?
Le développement, c’est une façon de dire « toujours plus ». C’est souvent le cache-sexe de la pure et simple course aux profits. Si on souhaite un développement vraiment durable, il y a des choses à ne pas développer, par exemple le développement de l’automobile. C’est la contradiction du terme « développement durable ». Il faut donc demander aux partisans du développement durable ce qu’ils veulent vraiment développer. S’agit-il des systèmes d’échanges locaux ? Nous serons alors d’accord. S’agit-il des biens collectifs qui échappent à la marchandisation ? Très bien. S’agit-il de développer toujours plus de routes qui éventrent les paysages ? Ou de stupides créations d’aéroports inutiles ? Alors non. Faut-il toujours plus de smartphones ? Toujours plus d’informatisation de tous les processus de décision ? Encore non.
Prenons l’urbanisme comme exemple. Une ville durable, ce n’est pas forcément une ville qui se « développe », ce peut être une ville qui se stabilise, qui améliore ses équilibres. La notion de développement durable est donc ambiguë. Il faut pousser ses partisans dans leurs retranchements et les amener à reconnaître, s’ils sont de bonne foi, qu’il y a des choses à ne pas développer.
Quant à l’écologie, tout le monde est pour. C’est comme la santé et la bonne humeur : comment ne pas être pour ? Mais, concrètement, les gens qui se réclament de l’écologie sont pour l’immigration de masse. Alors, que se passe-t-il ? L’écologie s’appliquerait aux petits oiseaux, mais pas aux hommes ? (La critique de l’immigration qui est la nôtre ne saurait occulter ce que nous pensons être les responsabilités énormes de l’Occident dans le chaos au Proche-Orient et donc dans les flux migratoires vers l’Europe, et cela a commencé dès la première guerre du Golfe déclenchée après le rattachement de la « 19ème province », le Koweït à l’Irak, un piège, sous beaucoup d’aspects, tendu à l’Irak).
Revenons à l’immigration, qui n’est qu’un des aspects des équilibres humains, de l’écologie humaine et de l’éthologie humaine. Le respect des équilibres s’appliquerait à la nature mais pas aux hommes, qui pourtant ne cessent d’agir sur la nature ? L’écologisme des « Verts » n’a ainsi guère de rapport avec l’écologie. La thèse du réchauffement climatique anthropique (dû à l’homme) n’est elle-même pas prouvée. L’écologie officielle sert en fait de nouveau totalitarisme et d’instrument de contrôle social renforcé. Il est pourtant parfaitement exact que l’homme détruit ou abîme son propre environnement mais ce ne sont pas les écologistes, le GIEC ou les gouvernements qui « font de l’écologie » une sauce additionnelle à leur prêchi-prêcha culpabilisateur et moralisateur qui aideront à trouver des solutions. Il leur faudrait d’abord rompre avec le culte du progrès et de la croissance, et avec une vision de l’homme qui est fausse car les écologistes ne croient pas qu’il existe des différences entre les peuples : les écologistes, tout comme nos libéraux et socio-libéraux, pensent que les hommes et les peuples sont parfaitement interchangeables.
Or, avant de vouloir sauver l’homme et la planète, il faudrait commencer par les comprendre. Les écologistes, tout comme nos gouvernements mondialistes, pensent que les hommes sont tous pareils. Leur vision du monde est une vision de touriste. Pourquoi ne peut-on pas s’installer dans n’importe quel pays, de même que quand on part en voyage on regarde le catalogue ou le site adéquat ou autre et on coche la case « soleil », « bain de mer », etc. Croire que les migrations relèvent de la « liberté » est la dernière des imbécillités. Les migrations ont toujours été essentiellement des actes de guerres. Croit-on que les Allemands des Sudètes ont quitté leur pays en 1945 parce que les paysages bavarois sont plus gais, ou que les dancings de Munich sont d’un standing supérieur à ceux de Pilsen ? C’était parce qu’ils avaient le choix entre l’expulsion ou le massacre. Croit-on que les Juifs ont quittés l’Allemagne en 1933 par simple fascination pour l’Amérique ? Ou bien plutôt parce qu’on (les nazis) voulait les réduire à la misère, à l’humiliation, au suicide ou à la déportation ?
Vous écrivez que vous avez souvent été considéré « comme un homme de gauche par les gens de droite et comme un homme de droite par les gens de gauche » (p. 85). Est-ce là pur esprit de contradiction ou bien assiste-t-on à un effacement du clivage gauche-droite ?
Esprit gratuit de contradiction : non. Goût de la complexité, oui. « La complexité est une valeur », écrit Massimo Cacciari. J’aime avant tout les nuances. Quant aux contradictions, il peut être fécond de les creuser si elles permettent d’arriver à une synthèse de plus haut niveau. Je crois au juste milieu non comme médiocre moyenne mais comme médiété. C’est ce qu’Aristote appelait : éviter l’excès et le défaut. Telle est la vertu selon Aristote. Ainsi, le courage n’est ni la témérité (l’excès) ni la lâcheté (le défaut). Mais le stagirite expliquait que l’opposé du courage reste néanmoins la lâcheté – et non la témérité.
Les notions de droite et de gauche n’ont cessé d’évoluer. C’est un clivage qui a toujours été mouvant. Aujourd’hui, ce qui est très clair, c’est que c’est un rideau de fumée. Droite et gauche sont d’accord sur l’essentiel : l’Europe du libre-échange et du dumping social, le partenariat privilégié avec les États-Unis, l’antirussisme primaire, la société de marché, l’idéologie des droits de l’homme contre le droit des peuples et l’immigrationnisme forcené. C’est en fait une fausse droite qui fait face à une fausse gauche. Les deux en sont au degré zéro de la pensée. Fausse droite et fausse gauche partagent la même croyance que l’Occident peut continuer à fabriquer de l’universel seul dans son coin et à l’imposer au reste du monde.
Tous les intellectuels qui pensent vraiment finissent par se fâcher avec le système politico-médiatique. Alors, celui-ci les exclut au motif de pensées « putrides », d’arrières-pensées encore plus « nauséabondes », d’appartenance à la « France moisie », de « relents de pétainisme », de statut d’ « ennemis de l’avenir » (Laurent Joffrin) et autres anathèmes. Michel Onfray, Jean Claude Michéa, Alain Finkielkraut, Alain de Benoist et d’autres sont mis dans le même sac, ce qui dispense de les lire. Or, ces intellectuels sont très différents. Ils ont comme seul point commun d’essayer de penser vraiment les problèmes même s’ils arrivent à des conclusions qui ne sont pas conformes à l’irénisme dominant : les richesses des cultures qui « se fécondent mutuellement » en se mélangeant, les « bienfaits de la diversité », les vertus d’un « vivre-ensemble » toujours plus épanouissant, le bonheur de la société « inclusive », etc. Michel Onfray est ainsi accusé d’avoir « viré à droite ». Cela ne devrait pas être une accusation mais une hypothèse non infamante en soi, relevons-le. Mais, au demeurant, c’est faux. Michel Onfray a toujours été un libertaire et il n’a pas changé. C’est toujours au nom des mêmes idées qu’il se heurte désormais aux esprits étroits du système, notamment depuis qu’il a relevé les responsabilités de Bernard-Henri Lévy dans le désastre libyen dont l’une des conséquences est le déferlement migratoire. Les propos de Michel Onfray sont dans le droit fil de sa conception du rôle de l’intellectuel, conception qu’il a notamment développée dans son livre sur Albert Camus, mais aussi dans nombre de chapitres de sa Contre-histoire de la philosophie.
Plutôt qu’une fausse droite et une fausse gauche, j’aimerais voir une vraie droite et une vraie gauche. Mais je crois aussi que les vraies droites sont toujours quelque peu de gauche à leur façon (voir Bernanos), tandis que les vraies gauches sont en un sens aussi de droite (voir Auguste Blanqui ou Georges Sorel).
Surtout, la vraie question me parait être de sortir de l’abjection anthropologique qu’est la modernité, et sa version récente l’hypermodernité. Le « chacun dans sa bulle », avec son oreillette et son smartphone me parait être un recul formidable de l’humain, la joignabilité tout azimut me parait une horreur. Je dis : abjection des temps modernes. De quoi s’agit-il ? Ce sont les gens qui sont appareillés d’oreillettes dans les transports en commun, qui restent les yeux figés sur leur téléphone cellulaire ou sur leur tablette numérique, ce sont les gens qui filment un drame ou une brutalité sans jamais intervenir, ce sont les gens qui ne proposent jamais à un clochard en perdition de l’aider à se relever, ce sont les gens qui veulent bien être témoin mais à condition de ne rien risquer (« Je ne crois que les histoires dont les témoins se feraient égorger », disait Pascal. On voit que nous en sommes loin). Ce sont les hommes de la société de l’insignifiance. En sweat-shirt du nom d’une compagnie aérienne d’un émirat pétrolier, ou en capuche de survêtement, parlant fort dans les transports en commun pour faire profiter tout le monde de leurs préoccupations égotistes, ils représentent le summum du mauvais goût. C’est le tsunami de l’abjection. Faut-il préciser qu’un Africain en habit traditionnel lisant le Coran ne me fait pas du tout la même impression ? Serait-ce là le dernier refuge de l’humanité ? Ce n’est pas le seul. Reste une évidence : le coefficient de modernité est exactement équivalent au coefficient d’abjection.
Cette question de la modernité, postmodernité par rapport aux années soixante et soixante-dix, ou simple hypermodernité, est très liée aux nouvelles formes du capitalisme, analysées par exemple fort bien par Pierre Dardot et Christian Laval. Sortir de l’hypermodernité, ce sera nécessairement aussi sortir du turbocapitalisme. Or, le dépassement du capitalisme ne se fera par les droites telles qu’on les connaît, mais se fera encore moins par la gauche actuelle. Celle-ci est devenue l’avant-garde du turbocapitalisme, elle déblaie le terrain, elle détruit les enracinements, les industries et la classe ouvrière. Elle a détruit les ethos (manière d’être au sens de demeure anthropologique) ouvriers. Elle est pour cela plus efficace qu’aucune extrême-droite n’aurait pu l’être. L’hypermodernité a permis de comprendre ce qu’était la modernité. Marx écrit « L’anatomie de l’homme est une clef pour l’anatomie du singe. Les virtualités qui annoncent dans les espèces animales inférieures une forme supérieure ne peuvent au contraire être comprises que lorsque la forme supérieure est elle-même connue. Ainsi l’économie bourgeoise fournit la clef de l’économie antique » (Introduction à la critique de l’économie politique, 1857). Dans le même temps, l’hypergauche actuelle a permis de comprendre ce qu’était la logique de la gauche : faire la table rase de tout être. Nier toutes différences, faire des nouveaux codes (théorie du genre, nouvel antiracisme négateur des races et des cultures) le contraire de l’histoire, en allant plus loin que Rabaut Saint-Etienne avec sa fameuse formule (« L’histoire n’est pas notre code »). Il s’agit en fait de liquider pour l’Europe la possibilité de faire une quelconque histoire.
La vraie question est donc de comprendre qu’on ne peut dépasser le capitalisme par la gauche (surtout celle de Pierre Bergé). La vraie question est aussi de prendre conscience à la fois que les thèses du GIEC sont biaisées par l’idéologie officielle du réchauffement dû à l’homme, mais que l’homme abîme vraiment la terre, que la pollution est une réalité, la croissance une impasse pour notre environnement, qu’elle détruit et enlaidit. La question est de prendre conscience que, comme dit le pape François, « l’heure est venue d’accepter une décroissance dans quelques parties du monde et d’en finir avec le mythe moderne du progrès matériel sans limite » (encyclique Laudato si’). L’heure est venue de la postcroissance pour une vraie postmodernité qui soit autre chose que l’intensification de la modernité.
La polémique autour des propos de Michel Onfray sur Alain de Benoist a révélé qu’il existe encore une « gauche du non » (Jacques Sapir, Christophe Guilluy, Jean-Claude Michéa…). Qu’en pensez-vous ?
Le phénomène va au-delà d’une « gauche du non » (au référendum sur le traité de 2005). Jean-Claude Michéa est un historien des idées, novateur et important. Jacques Sapir est un géopolitologue, un économiste et d’une manière générale un intellectuel atypique comme il y en a peu. Christophe Guilluy est un sociologue qui apporte un éclairage neuf mais n’est pas un intellectuel généraliste. Michel Onfray est un littéraire et un philosophe touche à tout doué et attachant – quoique, cela n’aura échappé à personne, un peu dispersé. Ce qui est important s’agissant de cette « gauche du non » qui est, plus largement, une gauche rebelle aux séductions de l’hypermodernité capitaliste, c’est de comprendre qu’un certain nombre de dissidents du système (certains l’étaient depuis longtemps et d’autres le sont devenus) commencent à se parler. Leurs réponses ne sont sans doute pas les mêmes mais du moins certains comprennent-ils qu’il n’y a pas de questions tabous.
Il y a un autre élément de reclassement entre les intellectuels : la question de la pauvreté spirituelle de notre temps émerge tout comme la question de la nécessaire préservation des cultures qui consiste à ne pas les noyer dans un grand mélange informe.
Face à la postmodernité, pensez-vous qu’il faille adopter un positionnement conservateur ? Réactionnaire ?
Réactionnaire n’est pas un gros mot. On a le droit, voire le devoir de réagir face à certains processus. Mais réagir ne suffit jamais. Conservateur ? Tout dépend de ce qu’il convient de conserver. Certainement pas le système capitaliste et productiviste. Certainement pas le nouvel ordre mondial dominé par les États-Unis. Certainement pas les orientations internationales de la France depuis trente ans et le retour dans l’Otan. Certainement pas l’Union européenne telle qu’elle est. Il faut conserver le meilleur de la France. Mais existe-t-il encore ? Bien plutôt, il faut le retrouver, le réinventer. En retrouver l’esprit plus que les formes, par nature périssables. Pour conserver le meilleur, il faut révolutionner l’existant. C’est la formule du conservatisme révolutionnaire. Elle me convient bien.
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Review:
Daniel Friberg
The Real Right Returns: A Handbook for the True Opposition [2]
London: Arktos, 2015
As with any revealed religion, you have to be skeptical when a political text promises to show you the Way. Ah, so you know a secret about power relations in society that isn’t apparent to the naked eye? Where have we heard that before, Comrade?
Daniel Friberg’s recent mini-hit The Real Right Returns [3]—billed as “A Handbook for the True Opposition”—sounds, at first glance, a bit too historically inevitable.
But (disclosure) I’ve been working with Friberg at his new website Right On [4] for a couple of months, and he seems down-to-Earth. He told me The Real Right focuses on European cultural preservation from a Swedish viewpoint, a subject about which I know far too little, so I figured at least I would learn something if I gave it a chance. (Also, I will dip into anything if you send it to me free of charge.)
As it turns out—though the Swedish mainstream will tell you that every native Swede who questions the Left is a kerosene-breathing Nazi sideshow freak—this is one of the most well-moderated, least ideologically shrill books I’ve read about politics. Though it is charming, with a clear and wry wit, there’s precious little of the messianic; in fact, it works hard to debunk the more mystical facets of contemporary politics—including White exceptionalism—in favor of common sense and paying attention to the facts on the ground.
For instance: even as millions of people who do not speak European languages pour into their continent, why is it still unthinkable to suggest that European peoples defend themselves, as we concede everyone else the moral right to do? As humorous podcaster The Bechtloff [5] likes to say: I know people hate it when you say that Liberals are “the real racists,” but . . . they kind of are.
What besides racism would lead you to assert that White people are especially powerful and evil? Why would you assume that White countries, in their infinite might, are immune to hostile invasion and colonization—and that all other groups are packs of lambs to be led dopily off to slaughter? Sub specie aeternitatis, these ideas will seem as goofy a few decades hence as thinking Black people have magic voodoo powers—especially if native Europeans are thoroughly overrun, as per the most dire predictions, and reduced to living on reservations and dancing polkas in Lederhosen for Chinese tourists between downing bottles of rubbing alcohol. Won’t we feel silly then?
As a White American, perhaps I failed to grow up on the magical dirt of the homeland and absorb its juju, but my experience is this: I don’t have any evil wizard powers, or any other supernatural attributes; I seem to be as vulnerable as anyone to death, domination, and especially taxes. Only a strange and noxious combination of white supremacy and white guilt would make me try to claim otherwise (as much as I enjoy those dreams where you can fly and shoot fire out of your eyes).
As Bill Burr said at Thanksgiving about the Native Americans: they really screwed up when they didn’t let the Pilgrims starve. And European White Leftists, in their smug belief in their own all-powerfulness, seem to have failed to learn anything from the Indians’ mistake. “You can’t be racist against White people, because we are as gods!”
Friberg, on the other hand, despite being an irrational bigot himself in the eyes of the Left, tends to think of White Europeans as just another ethnic group. This group faces, has faced, and will continue to face the same dangers and pressures as any other in history, with the same right to defend itself, but with no guarantee that it will go on existing; Friberg happens to love it because it is his. Which is pretty ordinary for a primate, like it or not.
In fact, in the educational glossary of metapolitics included in the book, Friberg shares Alain de Benoist’s term for the New Right’s version of anti-racism: differential anti-racism, as opposed to the Left’s universalist version.
Differential anti-racism is the answer of the New Right . . . to what is viewed as a lack of respect for differences which is characteristic of universal anti-racism. . . . Benoist proposes a differential anti-racism that opposes racial hierarchies and respects the differences between different peoples. He rejects all attempts to assign value judgments such as ‘better’ or ‘worse’ to races.
Such a wild idea: that peoples should respect each other’s differences without having to crawl up inside each other’s infidel fundaments. Friberg argues for the preservation of European culture, but not at the expense of everyone else; his prescription for avoiding external entanglements, for example, should fit any sane person’s politics, both pragmatically and morally:
The fanatical group of warmongers who, while mouthing platitudes about human rights and democracy, kill millions throughout the world . . . must be deprived of any influence on the foreign policy of the West. Opinions on the way other peoples handle their affairs should be expressed solely through diplomacy and example, not through the wars of aggression and attempts at subversion which time and again in recent decades have come back to haunt us.
On the other hand:
Mass immigration to Europe must cease. The Americanisation and the importation of stupid political ideas and an infantilizing popular culture must be limited.
My fellow Americans: we’re right up there with the jihad.
(I’m not entirely joking; for more in this vein, check out the chapters on Americanization in Éric Zemmour’s Le Suicide français [6].)
The main strategic thrust of the book is metapolitics, which Friberg defines as “a war of social transformation, at the level of worldview, thought, and culture”; metapolitics must be dealt with before anyone can tinker with political power.
Friberg cites Gramsci’s Prison Notebooks as a crucial source for the Left’s success on this turf—and also as a source from which the Right can learn. Till now the Left has painted anything outside its accepted range of thought as nefastus: hateful, filthy, and most important, unholy. The concepts of fastus (holy) and nefastus [7] have been primal to human social behavior for a very long time; without them we would have died from rolling in our own feces. But when they’re attached to political ideas, then even where there is nominal free speech, they choke the debate. Thus the Right must work to remove the stigma of nefastus from any and all political ideas within the culture—preferably in order to transfer the stigma to those who would gag their enemies with it.
Though the volume is a lean 117 pages, Friberg crams in a primer on the history and prehistory of the contemporary European Alt-Right, and the slow rise of oppositional metapolitics in Sweden. But he also offers two separate and refreshing guides to reclaiming your power as a man or as a woman. In the name of freeing us from gender roles, postmodernity has crammed us into a unisex mold that fits nobody, and an invitation to escape it is a relief.
There’s a gem of observation on nearly every page; I don’t stick my neck out and say such things lightly (or out of cronyism). Friberg is even moderate when it comes to everyone’s favorite false dichotomy: Laissez-faire or socialism? Instead of harping on the glories of untrammeled market jungle-craft or the evils of unequal outcomes, he echoes de Benoist’s affection for economic pragmatism:
Economics is not the absolute fundament of society, and a dogmatic approach to its functions is never prudent. Alain de Benoist’s words are ours as well: we’ll gladly welcome a society with a market, but not a market society. Conversely, demands for economic equality for the people of Europe for its own sake must not be allowed to limit the positive, wealth-generating effects of market forces.
He points out the failure of Marxist income redistribution in no uncertain terms, however. Instead of taking from the rich and giving to the poor, modern socialism has taken from the middle, working classes to dole out booty to the poor and the rich alike. Despite the Left’s stranglehold on discourse, it “achieves little more than to fill the role of global capitalism’s court jester.”
He goes on to note that the Right here has a tactical advantage in that its ideas are more in tune with regular people’s experience, by contrast with the airy-fairy, top-down Utopias of the Left. (The fact that the Left has parted ways with free speech in Europe doesn’t help their cause either.)
What he hints at but doesn’t spell out is the fact that, in vital ways, the Left has swung further right than the Right, if by right you mean Libertarian—for example, in its merciless cheerleading for globalized economic liberalism and the devastation of the Western working livestock.
In a healthy social order, genuine and sincere Left and Right partisans work to balance each other’s more extreme tendencies. In a hellscape such as ours, opportunists wave the “Left” and “Right” team flags, shouting platitudes. They cobble together whatever bits of each ideology will score them the most points with the super-wealthy while drawing enough voters to the booths to make the eerie puppet of democracy jerk its legs about.
The Left appears to be so detached from reality that they’re beyond hope. But Friberg offers a prescription for a healthy and vital Right. I’m no optimist, but there’s a slim chance this may succeed.
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Une barbarie peut en cacher une autre
par Jure Georges VUJIC
Jure Georges Vujic est un écrivain franco-croate, avocat et géopoliticien, diplômé de la Haute-École de guerre des forces armées croates. Directeur de l’Institut de géopolitique et de recherches stratégiques de Zagreb, il contribue aux revues de l’Académie de géopolitique de Paris, à Krisis et à Polémia. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages dans le domaine de la géopolitique et de la politologie.
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Les derniers attentats parisiens constituent une étape supérieure dans la surenchère de la terreur et révèlent l’impact psychologique de cette nouvelle stratégie de la tension employée par l’État islamique en France et en Europe.
En effet, alors que les attentats contre Charlie Hebdo étaient ciblés contre la rédaction du journal, les attentats de ce week-end touchent au cœur de la population, avec plusieurs frappes simultanées et essentiellement dirigées contre la population civile. La spirale attentat – répression et les bombardements aériens en Syrie n’empêcheront pas, hélas, la prolifération du terrorisme islamiste en Europe qui manipule et infiltre les vagues migratoires, alors que les technocrates bruxellois s’offusquent à la vue du moindre barbelé aux frontières européennes. On s’achemine tout droit vers le scénario d’une transposition pure et simple sur le sol européen d’une guerre civilisationnelle et ethno-confessionnelle longtemps programmée dans les laboratoires de l’oligarchie mondialiste.
En écoutant les réactions des officiels de l’Establishment qui fustigent la « barbarie » de l’État islamique, comment ne pas constater l’impuissance politique et morale de l’Occident à se confronter aux véritables causes de cette « barbarie » au lieu de persister dans l’erreur et d’assainir les symptômes ? En effet, persister dans l’alignement sur une politique belliciste atlantiste néo-coloniale au Moyen-Orient en s’appuyant sur l’Arabie Saoudite wahhabite, principale exportatrice du fondamentalisme islamiste, est bel et bien une posture schizophrène et suicidaire. En effet, une barbarie peut en cacher une autre, et la « barbarie » bestiale et meurtrière de l’État islamique sert trop souvent de repoussoir compassionnel à une autre « barbarie civilisationnelle », celle d’un Occident matérialiste et mondialisé, qui souffre d’une perte de sens identitaire, historique et ontologique.
Cette barbarie intérieure, intime, indolore et sournoise qui, derrière le drapeau de la civilisation matérielle, marchande et libérale et les tintamarres républicains et les mélopées pleurnichardes de La Marseillaise, semble encore une fois prêcher par déraison. C’est pourquoi il faudra traquer et châtier sans scrupules les auteurs de ces abominables massacres. Mais il faudra aussi garder à l’esprit la responsabilité des chiens de garde et des porte-paroles de cette barbarie civilisationnelle et mondialiste qui depuis des décennies plonge les peuples européens dans l’irénisme pacifiste et humanitariste, ceux qui depuis apprennent à nos jeunes générations à baisser sa garde, à avoir honte de soi, de sa propre culture, de sa nation, ceux qu’on assomme depuis la décolonisation à coups de marteau culpabilisateur. Il faut se souvenir de cette phrase de Lacordaire : « Les peuples s’éteignent et disparaissent dans l’agonie insensible d’un repos confortable. D’autres disparaissent dans l’ivresse des fêtes en chantant des hymnes à la victoire et l’éternité. » C’est pourquoi l’hyperfestif et la liberté illimitée de jouir comme mode de vie occidental est soluble dans l’humanitarisme compassionnel qui n’a jamais rien résolu.
Rendons-nous une fois à l’évidence, au nom de la civilisation occidentale, rationaliste et marchande, au nom de la sacro-sainte démocratie de marché, une nouvelle barbarie indolore et insidieuse s’est installée chez nous, dans nos têtes, notre habitus mental. C’est pourquoi il ne suffit pas de s’en référer pathétiquement à la défense de « notre façon de vivre » comme si notre culture européenne millénaire était réductible aux images d’Épinal, d’un parisianisme bobo de pacotille, à l’hystérie ostensible de la consommation, la permissivité et l’hédonisme généralisés, le cynisme moqueur qui se rit de tout, tout ce qui fait les matrices sociétales et idéologiques de l’occidentisme post-moderne. Le politologue américain Benjamin Barber décrit ce « village mondial » anglo-saxon et occidental comme une civilisation McWorld, une sorte d’Oumma anglo-saxonne en tant que contre-monde en opposition au « califat de l’Âge d’Or », une sorte d’Oumma originelle et fantasmagorique. J’écoutais le témoignage d’un passant à proximité des lieux d’attentats dire que « c’est la faute au communautarisme » et que « la France était avant tout une nation à laquelle il faudrait croire et adhérer ». Oui, mais avant d’adhérer à la nation, il faudrait préalablement qu’il existe un sentiment partagé d’appartenance à une communauté nationale, une volonté de vivre ensemble un certain « projet commun » dans les sens renanien du terme. Or, c’est cela qui fait défaut : le marché, la consommation, la laïcité, l’égalitarisme républicain, le multiculturalisme ne constituent plus les vecteurs de référence des deuxièmes, voire des troisièmes générations d’immigrés le plus souvent plongées dans le désarroi social dans les banlieues et cités-dortoirs des grandes villes françaises. Le mode intégrationniste français ou communautariste anglais ont failli partout en Europe et il va falloir reconstruire sur de nouvelles bases culturelles et sociales le lien d’appartenance nationale.
La civilisation occidentale n’est pas synonyme de la culture européenne. L’Occident matérialiste et marchand ayant proclamé le nouveau règne de l’Individu-roi, du fondamentalisme séculier, a chassé et banni le culturel européen, l’organique, l’enraciné et le différencié, le point de référence et de liaison social, politique et identitaire. De l’autre côté en évacuant le fondement culturel la référence historique et le principe territorial, un autre islam hybride a-culturel a-historique et globalisé s’est autogénéré tel un rejeton du globalisme, dans la fantasmagorie d’un retour á l’âge d’or du Califat. Entre ces deux hydres globalistes, il sera extrêmement difficile de réinstaller en Europe des valeurs stabilisatrices fondées sur le civisme, la loyauté, le respect de la souveraineté mais il faut pourtant s’y attacher. Les institutions qui permettent de vivre dans la paix, la liberté et la sécurité exigent la loyauté (pas nécessairement aveugle), et la loyauté exige en retour un sens de l’identité. D’autre part, comment ne pas s’interroger sur les appels pathétiques à la guerre totale contre le terrorisme de l’État islamique, comme si l’on faisait la guerre aux menaces terroristes asymétriques et à un ennemi invisible et intérieur, de front avec des moyens de guerre conventionnels. Le démantèlement des réseaux islamistes, des centres logistiques et des réseaux financiers supposera l’engagement de forces et d’actions spéciales en profondeur dont l’envergure et la nature dépassent les législations européennes pointilleuses quant à la défense des droits de l’homme et des immigrés sans oublier les relais médiatiques « antiracistes ».
La « culture globale » dominante est une mono-culture capitaliste marchande qui broie les identités et les cultures enracinées, y compris musulmanes. Le fondamentalisme islamiste sectaire et violent se présente alors en tant que réponse-réaction à cette culture dominante unique. La mondialisation facilite la diffusion de modes de représentation adaptés à la logique du marché et non à la dynamique des peuples. De la transmission générationnelle nous sommes passés à une transaction commerciale de la culture, du moins dans la culture dominatrice, la culture dite « occidentale ». Cette incidence est à l’origine de la crise de sens que nous connaissons et subissons. C’est pourquoi il est vain et illusoire d’en appeler au rassemblement fraternel sous l’égide de la liberté, l’égalité et la fraternité, car l’espace public n’est plus le fruit d’une transmission et d’une représentation générationnelles communes mais est déterminé par la capacité discriminatoire d’un compte en banque et de l’appartenance à une des tribus privilégiées de l’Establishment dominant. D’autre part, parallèlement à cette perte de repères d’identité et d’anomie sociale, le continent européen est voué au constat d’une population autochtone en cours de remplacement accéléré. Et c’est la raison pour laquelle le combat contre l’hydre islamiste et l’occidentisme marchand supposera indéniablement une réappropriation de la souveraineté sur le sol et les frontières européennes.
Jure Georges Vujic
• D’abord mis en ligne sur Polémia, le 23 novembre 2015.
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A l’exception de la Suisse et quelques autres pays, les démocraties modernes sont des machines à diluer le pouvoir. Ce n’est plus d’une communauté que s’occupent les gouvernants, mais de la promotion d’un individu affranchi de toutes les limites imposées par la nature ou la tradition. Pour stimuler cette promotion, il faut transformer les hommes politiques en gestionnaires d’individus autosuffisants. Plus question de les déranger, ces individus, parce que chacun d’eux est tout absorbé par son désir de s’épanouir sans ne rien devoir à personne. Ce ne sont plus les nations qui sont souveraines mais des petits « moi » arc-boutés sur les droits de l’homme. Les voûtes de nos cathédrales consuméristes n’abritent plus une collectivité parce que, désormais, chacun a sa petite voûte sous laquelle il cultive le petit jardin de ses petits caprices.
Dès lors, un gouvernant qui dirigerait un pays au nom du bien commun serait très malvenu. Il pourrait ignorer, voire mépriser ces petits jardins. Non, vraiment, ce n’est pas un gouvernant que veulent les démocraties modernes, mais un jardinier général attentif à la santé de toutes les petites plantes infiniment diverses qui poussent dans des âmes avides de jouissances anodines qui ne dérangeront jamais l’ordre des choses.
François Hollande remplit cette condition. Cet individu sans substance est à la tête d’un des plus grands pays occidentaux. La Suisse n’est pas épargnée par ce phénomène qui consiste en la production d’une classe politique terne, comme on vient de le voir avec la mise à l’écart d’Oskar Freysinger par son propre parti. Parviennent à obtenir des sièges dans des exécutifs ou des législatifs des individus lisses et lissés. Pour notre pays ce n’est pas trop grave, puisque nous sommes toujours neutres et que nous n’avons pas besoin d’un de Gaulle pour conduire notre politique étrangère en attendant d’elle qu’elle nous fasse exister. Autrement dit, nous pouvons faire l’économie du charisme mais la France, elle, ne le peut pas. Sa cohérence nationale a toujours dépendu de sa posture face à l’étranger. Il lui faut un leader et François Hollande n’en n’est pas un, raison pour laquelle les attentats de Paris et la COP21 ont été une divine surprise pour lui. Ces deux événements lui ont en effet permis de se poser d’une part en grand défenseur de la France et d’autre part en sauveur de la planète. Ce n’est pas rien et ça aide à mettre de la substance dans un gouvernement qui n’en a pas. Mais va-t-il pouvoir se maintenir à cette hauteur ?
Non, pour deux raisons. La première est qu’il ne peut continuer indéfiniment à orchestrer des lamentations avec manifestations et défilés soutenus par la communauté internationale. Il ne peut pas non plus continuer pour longtemps à fayoter les chefs d’État de cette communauté qui n’est d’ailleurs pas une. La deuxième raison est qu’il ne va pas pouvoir rester sauveur de la planète. Un sauveur ne mégote pas sur quelques degrés de plus ou de moins dans 50 ou 100 ans.
La légitimité de François Hollande est donc fragile comme l’est la légitimité démocratique un peu partout. Cette fragilité n’est pas grave dans le train-train des votes et élections, mais en temps de crise, elle éclate au grand jour. C’est ce qui va se passer en France une fois calmés les chœurs de pleureuses et les dénonciations outragées d’affreux barbares. Les dénoncer avec des trémolos dans la voix, ça ne mange pas de pain, mais à la longue, ça fait sourire les barbares et ça décourage les troupes censées les combattre.
Que se passera-t-il lorsque les cavalcades hollandaises s’essouffleront ? Certains parlent de guerre civile. Une chose est sûre : si une telle guerre devait advenir, ce ne sont pas de telles cavalcades qui pourraient l’empêcher. En fait, elles pourraient même provoquer une telle guerre.
Jan Marejko, 4 décembre 2015
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Marcel Gauchet est philosophe. Il enseigne à l’EHESS (Écoles des hautes études en sciences sociales) et au Centre de recherches politiques Raymond Aron. Il dirige également la revue Le Débat. Nous avons interrogé avec lui la notion de modernité qu’il a tenté de cerner dans de nombreux ouvrages tel Le Désenchantement du monde, La Révolution des droits de l’homme ou, plus récemment, les trois tomes de L’Avènement de la démocratie.
PHILITT : Certains considèrent que la modernité commence avec la subjectivité et le cogito cartésien, d’autres comme Péguy situent sa naissance vers 1880, d’autres encore comme Alain de Benoist font coïncider christianisme et modernité. Quand débute-t-elle à vos yeux ?
Marcel Gauchet : C’est un problème canonique sur lequel beaucoup d’esprits se sont échinés. Il y a beaucoup de propositions. Vous en évoquez quelques unes, il y en a bien d’autres. Il y a une origine chrétienne de la modernité, je le crois tout à fait, mais une origine n’est pas une entrée dans l’explicite des propositions de la modernité. Il y a un commencement de la modernité qui a été repéré intuitivement il y a assez longtemps. Quand on parle des « Temps modernes » quelle est la date exacte qui permet de les caractériser ? La proposition la plus absurde à mes yeux est la chute de Constantinople. Une coupure importante mais qui ne dit rien de substantiel sur ce qui se passe après. Dans les bons manuels que j’ai utilisés quand j’étais petit, on évoquait les Grandes découvertes : Christophe Colomb, Gutenberg, Copernic… Il s’agit de comprendre ce phénomène afin d’y intégrer tous les critères distinctifs. C’est ce à quoi je me suis efforcé en proposant une perspective permettant de fédérer ces différents critères, à la fois philosophiques mais aussi bien événementiels ou matériels, dans une totalisation qui fait du sens. C’est à ça que répond la proposition selon laquelle la modernité est le mouvement de sortie de la religion. C’est une définition maximale, englobante puisqu’à partir de là, on peut lier des phénomènes a priori sans rapport.
PHILITT : Qu’appelez-vous exactement « sortie de la religion » ?
Marcel Gauchet : La sortie de la religion, ce n’est pas le fait que les gens ne croient plus en Dieu. Ils n’y croyaient pas tellement plus avant ! L’un des premiers signes flagrant de l’entrée en modernité comme sortie de la religion, c’est la Réforme protestante qui va, par contre-coup, susciter la réforme catholique, lesquelles se traduisent par un renforcement de la foi, au sens du vécu personnel, de l’adhésion religieuse des personnes. Mais ce n’est pas parce qu’il y a plus d’adhésion personnelle des individus qu’il y a plus de religion au sens où je veux l’entendre, c’est-à-dire comme mode d’organisation collective. La sortie de la religion, c’est la sortie de l’organisation religieuse du monde. C’est pour ça que nous ne comprenons pas les sociétés anciennes : elles étaient structurées religieusement et définissaient à la fois le type de pouvoir qui y régnait, le type de rapport entre les personnes, la forme des collectivités… C’est l’ensemble de cette structuration qui peu à peu se défait dans un travail qui va occuper cinq siècles jusqu’à nous. Parallèlement à la Réforme religieuse, vous avez un événement qui se signale comme absolument contemporain. C’est le surgissement du politique moderne qui va donner sur un siècle l’émergence de la notion d’État qui est une notion tout à fait moderne. Vous voyez comment un processus politique et un processus religieux changent complètement les données de la foi…
PHILITT : Cela rejoint ce que dit Péguy, sur la chute de la mystique dans la politique…
Marcel Gauchet : Oui. Mais c’est la moitié de la vérité. Il y a une chute de la mystique dans la politique mais il y a un investissement mystique sur la politique. Péguy en a d’ailleurs été un excellent témoin… Il a oublié ce mouvement premier au profit du second. En mystique, il a cru dans la politique ! Il en est revenu. Mais cela va se poursuivre tout au long du XXe siècle. On y est encore.
PHILITT : Processus religieux, processus politique et donc ?
Marcel Gauchet : Processus scientifique. À partir de là, vous avez un procédé qui va révolutionner toute la pensée moderne : la science. Copernic, Kepler, Galilée… Cela va nous mener à ce que nous connaissons comme l’institution de la science, laquelle en retour change complètement l’idée de la connaissance. Et c’est là qu’on retrouve le cogito cartésien. Qui est Descartes ? Celui qui tire les conséquences philosophiques de la science moderne. En fonction du fait que nous avons cette nouvelle voie de la connaissance qui s’appelle la science. C’est ça le cogito. Ça ne tombe pas du ciel. C’est une idée inspirée par la pratique scientifique. Il ne faut pas oublier l’émergence, à travers la Révolution anglaise, d’un type de pensée complètement nouveau : l’idée du contrat social qui va engendrer l’individualisme moderne. Vous voyez donc comment, à partir d’une perspective unique, on peut décrire dans leur cohérence une série d’événements théoriques et pratiques. Il faut échapper aux querelles stériles qui cherchent à donner un point de départ unique (Descartes, Luther…).
PHILITT : Péguy dit 1880…
Marcel Gauchet : Il n’a pas tort. Il a détecté quelque chose de très vrai, une nouvelle étape très forte de ce processus général. Cette nouvelle étape qui va donner le XXe siècle, environ jusqu’à 1980. Et aujourd’hui, nous sommes repartis. Il y a peut-être, en ce moment, un petit Péguy qui nous écrit que le monde moderne commence en 1980 (rire)… Il faut raisonner en terme d’étapes d’un processus largement cumulatif, contradictoire et hétérogène. Je me méfie des gens qui font des scansions. Il faut éviter la naïveté qui consiste à en faire un point de départ absolu. L’étape de Péguy est tout à fait significative. Le monde change en 1880, c’est sûr ! Nous avons mis un siècle à comprendre ce qu’il nous arrivait et c’est reparti aujourd’hui. Nous ne comprenons à nouveau rien à ce qui nous arrive. Nous avons toujours un temps de retard. Il faut en tirer les conclusions et se mettre au boulot.
PHILITT : S’il faut parler d’étapes et qu’on considère qu’il est valide de voir dans le christianisme une forme de modernité, quelles sont les étapes qui vont de la naissance de Jésus Christ aux Grandes découvertes ?
Marcel Gauchet : Il y en a beaucoup ! La première étape a un nom propre, c’est Saint Paul. Sans Saint Paul, il n’y a pas de christianisme, au sens où nous le connaissons. Deuxième étape : Saint Augustin, c’est-à-dire le christianisme occidental qui va être très différent de celui qui se développe et s’installe à Byzance. Saint Augustin est le créateur d’un certain type de sensibilité moderne, à bien des égards. Notre monde est augustinien. Le christianisme oriental ne va pas être du tout augustinien. Autre étape déterminante, ce qui se passe au XIe siècle avec la Réforme grégorienne, la création d’une nouvelle Église, très différente de tout ce qu’on avait connu jusqu’à présent : la révolution pontificale, comme disent certains historiens. Étape accompagnée d’un argument théologique très puissant, celui de la toute-puissance divine auquel les philosophes vont réfléchir pendant des siècles et des siècles.
PHILITT : Pour le christianisme originel, Dieu n’est pas tout-puissant ?
Marcel Gauchet : Si, mais c’est un problème de spéculation. Quelles sont les implications rationnelles ? Quel est le sens de cette proposition ? À la fin du siècle, vous avez le théologien qui crée la théologie catholique telle que nous la connaissons : Saint Anselme, esprit absolument extraordinaire. Le XIe siècle que je me propose d’appeler « la grande bifurcation occidentale » engage le christianisme intellectuellement autant que pratiquement dans une voie complètement différente. À partir de là vous avez cinq siècles d’incubation très agités qui vont produire la rupture du début du XVIe siècle. Je pense qu’on peut écrire une histoire tout à fait censée de ce parcours.
PHILITT : Quelle est la différence entre un antimoderne et un réactionnaire ? Aujourd’hui on traite tout le monde de réactionnaire.
Marcel Gauchet : Oui ! Moi y compris (rire)… L’écrivain (Édouard Louis, NDLR) dont il s’agit n’est qu’un pantin entre les mains d’un manipulateur qui, lui, sait où il va. Le vrai péché mortel que j’ai commis, c’est de porter une main sacrilège sur les maîtres de la subversion que sont Michel Foucault et Pierre Bourdieu. À partir du moment où vous osez dire qu’il n’y a pas, peut-être pas, le meilleur ordre logique dans ce genre de pensées, vous êtes forcément un ultra-réactionnaire.
PHILITT : Il faudrait demander à ces personnes ce qu’elles entendent par réactionnaire…
Marcel Gauchet : Ils n’y ont jamais réfléchi. Ils sont incapables de produire une définition de quoi que ce soit (rire)… Mais pour revenir à la différence entre réactionnaire et antimoderne… Je pense qu’il y a une vraie différence et qu’elle est tout à fait intéressante. Un réactionnaire, dans la rigueur du terme, est quelqu’un qui est attaché à une forme de société ancienne et qui croit possible d’y revenir : une monarchie, des hiérarchies sociales, des corporations, un ordre familial construit autour de la figure paternelle… Il y aurait donc une forme parfaite, éternelle des sociétés aux yeux des réactionnaires. C’est un mode de pensée très noble qui a donné des expressions tout à fait remarquables. Il faut être très naïf et inculte pour l’ignorer. L’argument le plus fort est que toutes les sociétés humaines jusqu’à une date récente ont été organisées comme ça. Il faut donc se justifier fortement si on pense que cet ordre peut être changé. Pour les réactionnaires, les modernes sont des égarés complets qui tentent une expérience suicidaire.
Les antimodernes sont beaucoup plus sceptiques que les réactionnaires, d’abord sur les vertus de ce modèle ancien des sociétés. En fait, les antimodernes sont assez modernes dans le sens où ils trouvent que c’est plutôt mieux maintenant (rire)… Ils ne croient pas qu’on puisse revenir à la société patriarcale, nobiliaire, cléricale, monarchique… Mais ça ne les empêche pas de détester le monde qui remplace celui-là. Ils lui sont hostiles esthétiquement. L’homme de la rue n’est pas antimoderne, il est plutôt moderne, plutôt pour le progrès, plutôt pour gagner plus à la fin du mois. Pour les antimodernes, la valeur des valeurs, c’est la beauté, c’est l’art, c’est l’esthétique de l’existence au sens large, ce qui inclut la manière de se conduire.
PHILITT : Le dandysme…
Marcel Gauchet : Le dandysme bien entendu. Les dandys sont antimodernes. Ils peuvent être avant-gardistes sur certains plans d’où l’ambiguïté mais ils pensent que l’homme moyen tourne le dos au véritable code de l’esthétique existentielle. Il y aurait donc une aristocratie particulière à reconstituer. Pour les antimodernes, le monde moderne est le monde de la laideur, de la médiocrité, de la banalité et, contre cela, ils dressent toutes les valeurs de l’exception. D’où le caractère très littéraire de l’attitude antimoderne. Littéraire mais pas seulement : artistique, artisanal. Une commode Boulle, ce n’est pas une commode Ikea ! La valeur du travail est dans le chef d’œuvre. L’importance du travail bien fait, dans le monde d’aujourd’hui, est évacuée.
PHILITT : Y-a-t-il une différence de degré ou de nature entre modernité, post-modernité et hyper-modernité ?
Marcel Gauchet : À mon avis, ce sont des mots dépourvus de sens. Distinguons les raisons légitimes pour lesquelles les gens cherchent à faire des scansions dans les séquences temporelles et la valeur de fond de ces catégories. Elles n’ont aucune valeur conceptuelle mais signalent des sensibilités à des moments de rupture réels. Oui il y a eu une rupture vers 1980 lorsqu’on commence à parler de post-modernisme en art, en architecture, en politique, dans les croyances collectives… Appeler ça post-modernité est complètement superficiel. Ce n’est pas faux, mais c’est totalement superficiel. La bonne attitude intellectuelle, c’est d’accueillir avec tranquillité ce genre de choses en se demandant les raisons qui les accréditent. Ce ne sont pas des imbécillités, ce sont des naïvetés. Ce sont des notions journalistiques, épidermiques. Dès qu’on creuse, on découvre que c’est toujours la même modernité qui s’aggrave.
PHILITT : Pour Péguy, le monde moderne est le monde qui fait le « malin », un monde à la fois arrogant et mauvais. Rejoignez-vous son point de vue ?
Marcel Gauchet : Je crois que cette formule touche à quelque chose d’extrêmement important qu’il faut prolonger. Le monde moderne est en effet arrogant : « Nous, modernes, nous sommes différents des peigne-cul d’avant qui ne savaient pas qu’ils étaient modernes » (rire). Après Péguy, ça ne va pas s’arranger, cela va devenir dramatique. La modernité, c’est l’histoire humaine qui se comprend et qui de ce fait arrive en possession des moyens de se faire complètement. Cela va donner l’idée de révolution telle qu’elle va entrer en pratique au XXe siècle. Grâce à la science, ils pensent pouvoir finir l’histoire. C’est l’idée majeure du XXe siècle, celle qui a fait le plus de dégâts. Le monde moderne ne fait donc pas seulement le « malin », il est aussi victime d’une démesure dans la prétention qui est terrible. Depuis, nous avons fait une petite découverte, très modeste mais qui est en partie responsable du marasme psychologique dans lequel nous sommes plongés. Nous savons maintenant qu’avec le recul chaque époque comprend mieux celle qui l’a précédée. Cela veut dire que nos descendants comprendront mieux que nous ce que nous étions, ce que nous pensions, ce que nous faisions. Nous sommes dépossédés par l’avenir du sens de nos actions et de la compréhension exacte de la situation qui est la nôtre. Voilà en quoi réside à mes yeux le secret de de la dépression de nos sociétés. C’est une perspective très décourageante. Il y a un anéantissement de la confiance collective dans l’action qui me semble un des éléments clés du trouble contemporain.
PHILITT : Alain Finkielkraut, dans L’identité malheureuse écrit « Le changement n’est plus ce que nous faisions mais ce qui nous arrive. » Cela rejoint ce que vous dites.
Marcel Gauchet : Il s’est en effet produit une inflexion de la marge de nos sociétés qui nous a totalement surpris, que personne n’avait anticipé et dont nous avons été activement acteurs sans nous rendre compte de ce que nous faisions. Nous modernes, comprenons mieux le passé mais est-ce que cela nous donne des éléments pour comprendre notre présent ? La réponse est non. Le monde moderne est sous le signe de l’ignorance. Il ne se comprend pas. Il y a un découragement de l’action qui est terrible. Nous sommes pessimistes mais sans nous l’avouer, ce qui est pire. Nous avons comme une espèce de surmoi qui nous dit « vous n’êtes rien du tout ». Nous sommes angoissés par l’œil du futur posé sur nous.
PHILITT : Vous définissez le monde moderne comme le monde de « sortie de la religion », pourtant on semble vivre aujourd’hui un retour à l’intégrisme religieux. Comment expliquez-vous ce paradoxe ?
Marcel Gauchet : Ce n’est pas un paradoxe. Le mouvement de sortie de la religion qui concernait jusque là l’Occident devient planétaire. Il arrive de l’extérieur sous un jour peu sympathique (colonial, impérialiste, capitaliste) à des populations qui ne connaissaient comme mode d’organisation collective que cette structuration religieuse qui était le lot de l’humanité depuis qu’on la connaît.
PHILITT : C’est une réaction…
Marcel Gauchet : C’est une réaction. Tout simplement. C’est en ça que réside la différence entre les nouveaux intégrismes et les religions traditionnelles. Pour lutter contre le monde moderne, les intégristes utilisent les armes du monde moderne. En s’emparant des armes, on s’empare aussi des modes de pensée. Dès lors, il y a une surenchère. Les confessions des anciens otages sur leurs ravisseurs sont très intéressantes. On est loin de la piété. Les intégristes détruisent la religiosité traditionnelle qu’ils prétendent restaurer. Ils sont d’ailleurs perçus comme ça. Les gens qui ont une vraie foi traditionnelle détestent les intégristes. À leurs yeux, ce sont des fous nihilistes.
PHILITT : Le corps politique a été supplanté, selon vous, par l’idée de société, au sein de laquelle le politique n’est plus qu’un sujet parmi d’autres, un élément secondaire. Peut-on renverser ce mouvement ?
Marcel Gauchet : C’est un des grands changements du monde contemporain. Je ne vais pas refaire l’histoire complète des formes qu’ont pu revêtir les sociétés religieuses du passé mais un de leurs traits les plus frappants, c’est d’être en général dominées par un pouvoir politique qui tombe d’en haut (le divin, les ancêtres…). Un pouvoir vertical qui met le monde en ordre parce qu’il est lui-même en communication avec l’ordre de l’au-delà. Cette structure va survivre à la religion pendant très longtemps dans le monde occidental sous le nom d’État qui est un appareil de domination et de coercition. Il n’est plus autorisé par les dieux mais il domine la société au nom d’une science supérieure de l’ordre qui la conditionne. À partir de la Révolution française, le pouvoir devient petit à petit une représentation de la société. On élit les gens. Cette société se sépare du pouvoir et devient indépendante. C’est l’essor de l’économie. Désormais, ce qui compte ce n’est plus l’ordre insufflé par le politique, mais la dynamique sociale de l’initiative individuelle. On passe de la domination du politique à la domination de l’économie qui est l’emblème de l’indépendance de la société, laquelle acquiert son nom de société qu’elle n’avait pas. La société, telle que la sociologie basique nous l’enseigne, c’est une notion qui ne s’impose vraiment qu’à la fin du XIXe siècle. Cette société, qui vit sous le signe de l’économie, devient de plus en plus indépendante mais elle subordonne de plus en plus l’appareil politique. Aujourd’hui, les politiques sont les larbins de la société.
PHILITT : On rejoint ici la critique de Péguy…
Marcel Gauchet : Oui, il a saisi le début de ce phénomène. L’inversion devient absolument manifeste. Peut-on renverser ce mouvement ? Je ne pense pas qu’il faille raisonner ainsi. Le politique n’est plus organisateur par en haut, c’est un fait. Il est maintenant organisateur par en bas. L’infrastructure de nos sociétés, c’est le politique. Pas la politique des politiciens et des marchands de cravates mais le politique, c’est-à-dire un appareil qui fait tenir la société non pas par en haut, par la contrainte, mais par une immense infrastructure. Il y a une mise en ordre fondamentale de la société qui est cachée. Le problème politique de nos sociétés, à mes yeux, est très simple : les gouvernants qui manient cet appareil par en haut ne savent pas ce qu’ils font et les gens le perçoivent. L’enjeu n’est donc pas de renverser le mouvement et de remettre le politique au dessus, c’est de trouver des personnes pertinentes pour gouverner, des personnes qui comprennent le rôle du politique dans nos sociétés.
PHILITT : Vous pensez que les politiques méprisent la structure politique que vous décrivez ?
Marcel Gauchet : Ils ne la voient même pas. Ils sont irresponsables. Je pense que si François Hollande, qui est par ailleurs un homme fort intelligent, m’entendait, il ne comprendrait même pas de quoi je suis en train de parler. Pour lui, la politique c’est s’arranger avec Cécile Duflot, magouiller avec Martine Aubry (rire)… Du coup, les gens ont l’impression d’avoir élu des individus qui ne comprennent pas quelle est leur fonction. Il ne s’agit pas seulement d’appliquer un programme politique mais de travailler à la coexistence des individus dans la société.
PHILITT : C’est ce qu’on appelle naïvement le vivre-ensemble…
Marcel Gauchet : Oui, naïvement. Mais c’est beaucoup plus profond que ça. Vivre ensemble, ça ne va pas du tout de soi. C’est une œuvre énorme, complètement artificielle qui coûte dans nos sociétés modernes entre le tiers et la moitié des ressources nationales. Il faut se demander pourquoi c’est si cher. Au Japon et aux États-Unis c’est un tiers, en France c’est la moitié. Il n’y a donc pas de différence d’essence, mais des différences d’appréciation. Ce qui varie, c’est le niveau de gaspillage. Il y a des gens économes et des gens prodigues. Nous faisons partie des plus prodigues. C’est un titre de fierté nationale comme un autre (rire)…
PHILITT : Une crise existentielle ne serait-elle pas le fruit, en dernière analyse, d’une liberté morale anémiée ?
Marcel Gauchet : Nous ne sommes pas dans un monde euphorique. Nous sommes de plus en plus riches. Techniquement, de plus en plus puissants. Mais l’avenir de l’humanité ne se résoudra pas par la généralisation de la possession d’un Iphone 8 ! Et pourtant j’ai un Iphone… mais je m’en passerais très bien. L’étrange de notre monde, c’est qu’il est habité par un malaise profond que l’on ne sait pas nommer. À la fin du XIXe siècle, période très troublée, les réponses sont claires. Pour les réactionnaires comme Maurras, c’est parce que l’on vit dans une forme politique aberrante. Pour les marxistes, c’est l’exploitation capitaliste qui appelle la révolution. Pour quelqu’un comme Péguy, c’est la corruption morale de la République. Quelle est la réponse pour notre époque ? Nous avons tous conscience que nous sommes gangrenés par ce que nous dénonçons. Nous n’avons plus la naïveté et la vigueur des hommes du siècle dernier qui pensaient qu’ils pouvaient être radicalement contre. Nous sommes tous complices. Nous n’arrivons pas à nommer ce qui est déréglé dans le monde.
PHILITT : Le républicanisme est-il possible dans un monde sans transcendance ?
Marcel Gauchet : Ce n’est plus un républicanisme. Il y a plein de gens qui se proposent de redéfinir cette République. Si République veut dire régime sans pouvoir autoritaire alors nous sommes tous républicains. Mais ce n’est pas ça le républicanisme auquel vous pensez, c’est-à-dire un régime guidé par la conscience morale des acteurs. Le républicanisme, ainsi compris, n’est plus possible dans notre monde . Mais cela va au delà de la disparition de la transcendance. Le problème vient de l’effondrement de la dimension morale des relations entre les citoyens au profit de la dimension juridique. Nous sommes dans un monde juridiquement plus exigeant. La République c’est le régime de la morale publique. Si la distinction République / démocratie a un sens, cela revient au déplacement de la morale à la loi. Je pense que c’est un énorme changement dans la manière de concevoir les relations entre les êtres.
PHILITT : Comment vous situez-vous sur la question anthropologique ? Êtes-vous pessimiste ou optimiste ?
Marcel Gauchet : L’homme est l’espèce contradictoire par excellence. Une chose et son contraire sont vrais. Le premier à l’avoir pointé dans une formule géniale est le vieux Kant : « insociable sociabilité ». Je pense que c’est très vrai. L’homme est l’espèce la plus insociable et la plus sociable. Il est capable du pire comme du meilleur. Il faut comprendre cette contradiction qui nous habite tous et à tout moment. Pourquoi sommes-nous comme ça ? Cela va au delà de la question classique du bien et du mal. Nous sommes travaillés de part en part par des pulsions complètement contradictoires. Le même homme est jouisseur et ascétique.
PHILITT : Comment votre pensée s’articule-t-elle avec celle de René Girard ? D’un côté, le christianisme compris comme la religion qui sort de la sacralité archaïque, fondée sur la violence (la désignation du bouc-émissaire fonde un ordre sacré) et, de l’autre, le christianisme compris comme la religion de la sortie de la religion, qui ouvre la voie au désenchantement.
Marcel Gauchet : Je pense que nous ne nous articulons pas. Il y a des choses qui se recoupent, il y a des tas d’analyses intéressantes chez Girard. Mais sa vision du mécanisme universel et du désir mimétique me laissent perplexe. Elles n’éclairent rien des choses que je cherche à comprendre et m’apparaissent assez triviales. Cette idée du bouc émissaire qu’on nous ressert quotidiennement me convainc très peu. Je rejoins néanmoins son diagnostic sur le fait que le christianisme représente une rupture par rapport à la sacralité archaïque mais j’en fais une lecture complètement différente dans le détail.
PHILITT : Nous arrivons aujourd’hui au bout de la logique du désenchantement. Peut-on espérer un retournement, un ré-enchantement ?
Marcel Gauchet : S’il faut être optimiste, je ne pense pas qu’il faille aller chercher cet optimisme du côté d’un ré-enchantement. Allons au bout du désenchantement et de l’espèce de liberté qu’il nous donne. Cet exercice de notre liberté sans pareil dans l’histoire est une des choses les plus extraordinaires que l’on puisse souhaiter.
00:05 Publié dans Actualité, Entretiens, Philosophie | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : actualité, entretien, philosophie, philosophie politique, marcel gauchet, france | |
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