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vendredi, 13 novembre 2015

Basculement à droite ou changement de paradigme?

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Basculement à droite ou changement de paradigme?

Jan Marejko
Philosophe, écrivain, journaliste

Ex: http://www.lesobservateurs.ch

Les récentes votations qui ont vu l’UDC remporter une victoire ont conduit pratiquement tous les journalistes à parler d’un basculement à droite. Il s’agit de bien plus que cela.

En 1572 Tycho Brahé était le meilleur astronome de son temps. Il connaissait parfaitement la position des étoiles et planètes. Sortant dans la rue après un dîner bien arrosé, il lève le nez vers le ciel étoilé et voit un point lumineux là où il ne devrait pas y en avoir. Il se dit qu’il est saoul. Il demande à des passants si, eux aussi, voient ce point lumineux. Ils répondent oui. Il se dit qu’eux aussi sont saouls. Pour lui, Aristote avait dit une fois pour toutes qu’il ne pouvait y avoir mort ou naissance dans les cieux. Il ne pouvait donc y avoir une nouvelle planète ou étoile. Tycho Brahé comprendra plus tard qu’il a effectivement vu un nouveau corps céleste (une nova) mais des dizaines d’années s’écouleront avant que l’Europe savante accepte que quelque chose puisse naître et mourir dans le ciel  (la nova s’éteindra après 18 mois). L’image aristotélicienne du cosmos fera place à une nouvelle image dans laquelle naissance et mort des corps célestes étaient concevables. Un nouveau paradigme était né.

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Cette histoire nous enseigne qu’il est très difficile de voir ce que nous voyons. Tycho Brahé a failli ne pas voir la nova qu’il avait vue. De même en politique, il est très difficile de voir du nouveau. Nous sommes habités par un paradigme qui nous empêche de voir ce que nous voyons et de ce paradigme, nous n’avons guère conscience. Nous croyons voir ce qui est, mais en réalité notre perception du monde naturel ou politique est déterminée par le paradigme qui nous habite.

Je soutiens que la victoire de l’UDC n’est pas un basculement de gauche à droite, tout comme la montée de partis de droite, populistes, ou conservateurs partout en Europe. La « victoire » de la « droite » annonce un changement de paradigme qui est en train de rendre obsolète la distinction entre gauche et droite.

Mon sentiment que la distinction entre gauche et droite est obsolète me semble assez largement partagé. Je constate aussi une lassitude croissante devant le discours de la presse et des médias, entièrement fondé sur cette distinction. Il y a plus encore : le paradigme désuet qui gouverne les esprits  n’est pas seulement la division droite/gauche mais aussi et plus profondément celui de l’émancipation. Selon ce paradigme, tout mouvement visant à nous « libérer » des liens qui nous rattachent à la terre ou à une communauté est quelque chose de positif. On veut entrer dans un nuage situé au-dessus de la terre et de l’histoire.

Eh bien ce dogme est aujourd’hui mis en question ! Les gens ne veulent plus vivre dans un nuage, hors sol. Ils sentent que la communauté qui les entoure, ça compte ! L’arrivée en masse de migrants met cela en évidence. Hier encore, l’ouverture tous azimuts était une norme contraignante. Aujourd’hui, les hommes regardent leurs voisins, leur ville ou leur village. Pour eux, il ne s’agit plus de s’élancer vers l’avenir radieux d’une communauté universelle,  mais de prendre soin de leur lopin de terre et de leur culture propre. Ce n’est pas une fermeture, comme la gauche nous le répète chaque jour, mais juste le contraire, une attention à ce qui nous entoure. Pendant des décennies, cette attention a été considérée comme un péché par les très hautes instances politico-médiatiques qui nous gouvernent avec leur discours sirupeux sur l’ouverture à l’autre et, cerise sur le gâteau, la libération du désir. C’est à ce point que nous avons quelque chance de découvrir du nouveau.

Les psychanalystes ont toujours souligné, à raison de mon point de vue, que notre désir ne peut être satisfait comme nos besoins. Un steak apaise ma faim, mais le corps d’un amant ou d’une amante  ne peut me satisfaire comme un steak. Pour parler comme Buñuel, l’objet du désir reste obscur. Il nous pousse sans cesse vers de nouveaux horizons. Souvent les amants s’utilisent l’un l’autre pour toucher à l’infini que leur amour leur a fait goûter. Comme disait Lacan, le désir court après un objet qu’il n’atteindra jamais. Pour faire simple, disons que je vise l’infini lorsque je désire. Par conséquent, dans un monde fini, mon désir est frustré. Mais comme je reste un être désirant, je ne peux renoncer à cet obscur infini qui me hante. Que faire ?

Cette question est terrible dans un monde complètement laïcisé. L’athéisme me dit que le monde est fini – mon désir veut l’infini, quelque chose qui n’est pas ici-bas. Encore une fois, que faire ? La réponse de la modernité a été de construire un avenir où quelque chose arrivera qui satisfera mon désir. On l’aura deviné, ce quelque chose, c’est la Révolution, c’est-à-dire un événement qui me libérera de toutes mes attaches terrestres et permettra à mon désir de ne plus se sentir étranger sur la terre. Le paradigme de la modernité,  c’est ça, une culture faisant croire que l’infini du désir sera satisfait dans un avenir radieux, dans le temps de l’histoire. La modernité a construit un futur qui nous fait croire qu’un jour nous découvrirons, sous les pavés d’un quotidien qui étouffe notre désir, une plage. La puissance de cette construction idéologique est énorme car pour elle il n’y a pas que la Révolution. Pour mesurer cette puissance, il suffit de regarder ces plages du Sud où barbotent des millions de touristes. On dira qu’entre une plage et la Révolution, il n’y a pas photo ! Si ! Courir ou marcher sur la plage est un rituel qui permet de goûter par anticipation aux futurs délices de la Révolution. L’infini de l’horizon et le bercement rythmé des vagues nous font croire qu’un jour le cosmos nous bercera. Et c’est le progrès, ce miroir aux alouettes, qui nous fait croire que ce jour est proche.

L’attente de lendemains qui chante est au fondement du paradigme de la modernité. Cette attente est partout, à gauche, à droite. Elle est nourrie par une énorme infrastructure idéologique et économique : industrie du tourisme, industrie pharmaceutique et médicale qui corrige les défaillances dans cette attente, matraquage publicitaire qui fait quotidiennement miroiter des barbotages sur les plages qui n’ont duré que quelques jours.

L’énergie des êtres humains, dans le paradigme de la modernité, est tout entière tendue vers un futur où nous serons « libérés ». Cette tension a pour effet de nous faire négliger la chair de notre quotidien et de notre environnement. La montée de la droite, en Europe et aux États-Unis, signale que cette tension vers une assomption du désir dans l’espace fantasmé d’une grande libération est en train de se relâcher. Au lieu de regarder hystériquement vers l’avenir nous commençons à accueillir notre passé, nos traditions. Nous prêtons davantage d’attention à ce qui nous entoure, à la beauté du monde telle qu’elle se donne à nous et non comme le résultat de divers processus, darwiniens ou non.

Le paradigme de la modernité est donc en train de se fissurer. Pour le meilleur ou pour le pire ! Pour le meilleur si la sortie de ce paradigme se fait en douceur, démocratiquement. Pour le pire si se dégager de toutes les infrastructures qui nous enserrent pour nous conduire à un avenir radieux provoque la violence de guerres civiles ou internationales. Prier pour que ce ne soit pas cette dernière alternative qui se réalise n’est pas interdit.

Jan Marejko, 10 novembre 2015

jeudi, 12 novembre 2015

LOUIS DUMONT, O QUANDO L’INDUISMO INCONTRA L’OCCIDENTE (E VINCE)

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LOUIS DUMONT, O QUANDO L’INDUISMO INCONTRA L’OCCIDENTE (E VINCE)

Quando un indù aggredisce un unno, non vale perché è indù contro unno

Nel pantheon degli autori di riferimento del panorama comunitarista, spicca certamente il sociologo ed antropologo Louis Dumont (1911-1998): studioso al confine tra l’interesse per le scienze sociali e gli studi legati alla Tradizione, in particolare nel contesto induista ed in parte buddhista.

Perché Il Talebano ha deciso di interessarsi a questo intellettuale? Anzitutto perché il pensiero di Dumont mette in discussione l’intero impianto culturale della postmodernità, attaccando in particolare la visione progressista che vorrebbe interpretare la storia come un lungo cammino di affinamento delle possibilità umane: al contrario, la contemporaneità viene vista come solo una fra le diverse possibilità della società e, anzi, per molti versi rappresenta un’eccezione assoluta rispetto alle civiltà tradizionali. In secondo luogo la conoscenza approfondita dello spirito indiano da parte di Dumont ci consente di dare uno sguardo lontano dagli stereotipi occidentali sulla società indù, una realtà ricca di contraddizioni che però rappresenta ancora oggi uno dei pochi esempi rimasti di civiltà in cui ancora vivono le vestigia della tradizione indoeuropea.

Louis-Dumont_7567.jpegDumont, nato a Salonicco nel 1911, si trasfersce successivamente in Francia, dove negli anni giovanili militerà nel Partito Comunista Francese, occupandosi delle varie sollecitazioni innovatrici della vivace realtà politica parigina. Presto si interessa di etnologia al punto di frequentare i corsi di Marcel Mauss al College de France, contro la volontà dei suoi genitori che lo avrebbero voluto ingegnere. Arruolato nell’esercito francese durante il secondo conflitto mondiale e finito prigioniero in un campo di detenzione tedesco, Dumont nel dopoguerra continua ad approfondire i suoi studi. Nel 1949 fa il suo primo viaggio in India, dove tornerà periodicamente per tutto il corso della sua vita. A partire dal confronto con l’India, comincia a sviluppare la dicotomia fondamentale tra l’Homo Aequalis, tipico dell’Occidente moderno, e l’Homo Hierarchicus. Proprio attorno a questa tematica, Dumont struttura alcuni dei suoi saggi più importanti e riconosciuti (si segnalano in particolare “La civiltà indiana e noi” del 1964 e “Homo Hierarchicus, saggio sul sistema delle caste” del 1966). Svincolando la sua analisi dal pregiudizio secondo il quale la società individualistica rappresenterebbe l’apice di un progresso (da leggere in contrapposizione alla barbarie di un sistema arcaico come quello delle caste), Dumont concentra la sua attenzione su uno dei testi più importanti della tradizione induista: il Sanathana Dharma.

Sarebbe veramente impossibile descrivere in un articolo la potenza del concetto di Dharma, ma approssimando in poche righe per darne un’idea al profano, qui basti sapere che con Dharma si intende l’equilibrio cosmico ispirato alle verità contenute nei Veda, un ordine trascendente che, se rispettato, è garante del Bene. La civiltà indiana ha alimentato per secoli la sua spiritualità di questa sacra legge universale, stratificando attorno ad essa una comunità organica fatta di ruoli e responsabilità, dal cui rispetto è sempre dipeso l’equilibrio della società. In questa totalità ognuno trova un posto correlato alla sua natura: il vertice della gerarchia è rappresentato dai Brahamini, una tipologia umana che vuole dedicare la sua esistenza alla ricerca del vero e del divino, viene poi la casta dei guerrieri (a cui apparteneva lo stesso Gautama Buddha) ovvero i guardiani della comunità, infine troviamo i commercianti. All’interno di questa piramide sociale che a noi occidentali ricorda così da vicino – non casualmente – la Repubblica platonica, è importante sottolineare come ad ogni ruolo corrisponda un determinato carico di responsabilità/doveri: se è vero che il brahamino riveste una posizione di grande prestigio e rispetto da parte delle altre caste, è anche vero che egli sottopone la sua intera esistenza al rispetto di una disciplina rigidissima che governa con codici di comportamento ogni aspetto della sua vita. Al contrario alla base della piramide incontriamo ruoli sicuramente più umili, ma – al di là del rispetto dello spirito comunitario – maggiore libertà di azione individuale.

A questo Homo Hierarchicus Dumont contrappone l’Homo Aequalis, punto di arrivo di un percorso le cui radici affondano forse nella rottura del cristianesimo col mondo antico; uno strappo che si rinsaldò almeno parzialmente col medioevo, ma da cui successivamente si sviluppò l’eresia protestante e tutto ciò che ne è derivato. Facendo riferimento agli studi di Karl Polany, Dumont analizza il percorso di progressivo svincolamento della sfera economica da quella comunitaria, fino alla trasformazione in realtà autoreferenziale ed autonoma tipica della modernità. In questo senso il pensiero espresso da Adam Smith nel suo saggio sulla “Ricerca sulla natura e cause della ricchezza delle nazioni” è forse l’esempio più sintetico della visione propria alla nascente scienza economica: questa nuova scienza si traduce nell’esaltazione del comportamento egoistico dell’individuo, un agire cieco nei riguardi del prossimo e senza riguardi per le ripercussioni sociali, ma che – nel sistema di Smith – è garante di un equilibrio provvidenziale in cui i vizi privati diventano sostanzialmente benefici pubblici.

homo70286492FS.gifSi comprende bene come un tale individualismo si ponga agli antipodi con la concezione olistica/tradizionale: questo non vuol banalmente significare che in passato la totalità delle persone fosse altruista, ma che la comunità viveva coesa attorno a dei valori universalmente riconosciuti. Nell’induismo, per esempio, non esiste l’idea che per essere felici bisogna gratificare il proprio ego, ma vige, piuttosto, il pensiero per cui ognuno debba scoprire il ruolo assegnatogli dal destino e vivere in armonia con esso e ciò che si ha intorno: ciò che gratifica veramente l’esistenza della persona è insomma trovare il proprio posto all’interno della comunità, non emanciparsi da essa. L’individuo induista si concepisce infatti come parte del cosmo e non come un atomo portatore di valori naturali, privo di interdipendenza. Lo stesso asceta che si allontana dalla società non lo fa in nome di un ripiegamento individualista: si tratta piuttosto dell’aspirazione ad una realizzazione metafisico-cosmica superiore a quella basata su una vita comunitaria, ma in cui trionfa sempre lo stesso spirito olistico (non si mette in discussione il valore della comunità in quanto tale), distinto sia dall’individualismo extramondano sia da quello mondano.

Louis Dumont è stato un grande studioso, capace di mostrare come l’Occidente contemporaneo non sia il culmine dell’evoluzione umana, quanto, invece, un’anomalia rispetto alle altre società. Per quanto esso voglia porsi come civiltà universale, in realtà, il suo sapere è “provinciale” ed incapace di comprendere altri orizzonti. Nel rapporto con l’India vediamo, per esempio, due tipi di reazione: da un lato c’è chi è vittima di un complesso di superiorità e non perde occasione di far notare quanta strada la barbara società indiana debba ancora fare sulla grande scala del progresso, di cui noi naturalmente rappresentiamo l’apice; dall’altro osserviamo improbabili fascinazioni new age in cui la grande sapienza indiana si svilisce in una serie di letture maldigerite e pallide imitazioni rituali. La tradizione indù invece, seppur sbiadita, rappresenta di fatto ancora oggi un sistema alternativo in cui si possono udire gli echi di un passato che infondo appartiene a tutte le civiltà indoeuropee, compresa la nostra.

Daniele Frisio

Ludwig Klages and the Biocentric View of Life

Ludwig Klages and the Biocentric View of Life

Joakim Andersen

Ex: http://www.righton.net

Klages2.jpgKlages puts Life in the centre, but he also identifies an anti-Life force that gradually infiltrated the world and took it over.

Ludwig Klages (1872–1956) was one of the most interesting thinkers of the twentieth century. He was also one of the most complex. Klages was a philosopher, a psychologist, and a leading graphologist. Together with Alfred Schuler and Karl Wolfskehl, he formed the ‘Cosmic Circle’ in Munich. The Circle consisted of the milieu around the poet Stefan George, but it did not fully adhere to George’s patriarchal worldview.

Klages was a productive and original thinker. Among other things, he was the father of the term ‘id’ which was later to be picked up by Sigmund Freud. Klages also coined the term logocentrist, which today is a term used in certain types of feminist theories. He gave his psychological school the name characterology, and wrote several classics on graphology.

Klages was a man of paradox. In his writings he was an anti-Semite, yet he spent several years editing the works of his Jewish-Hungarian colleague, the natural philosopher Melchior Palagyi, after he had passed away. Klages was not very popular in the Third Reich, but neither did he renounce his theories about Judaism even after the Second World War, either. Recently, Jürgen Habermas stated that there is much of value in Klages, given that he was such an original and interesting thinker. But his unique perspective is now largely forgotten. It is therefore of great value that Arktos Media has published two books consisting of excerpts from his writings, translated by Joseph D Pryce (Pryce has also written a valuable introduction to both collections). This present review focuses on the first of them, The Biocentric Worldview.

The Biocentric Worldview

‘Wild boar, ibex, fox, pine marten, weasel, duck and otter — all animals with which the legends dear to our memory are intimately intertwined — are shrinking in numbers, where, that is, they have not already become extinct…’
— Klages, 1913

What I appreciate the most in Klages’ thought is his so-called biocentric worldview. Klages claims that the distinction between ‘idealism’ and ‘materialism’ is rather irrelevant. In its place he describes a deeper, less well-known historical conflict. Klages puts Life in the centre, but he also identifies an anti-Life force that gradually infiltrated the world and took it over. Klages uses the German terms Seele and Geist, usually translated as Spirit and Mind. There is an intimate connection between Life and Spirit, but Mind is connected to abstractions, like ‘sin’, ‘will to power’, and similar concepts. Klages illuminates the difference:

‘Just as the philosopher of spirit considers everything that denies spirit to be a “sin”, the philosopher of life regards that which denies life to be an offense… no one speaks of a sin against a tree, but men have certainly spoken in the past — and even today many still speak — of an offense against a tree.’

Among these expressions of anti-Life he mentions moralism, Judaism, and Christianity, as well as capitalism and militarism. Nietzsche’s ‘will to power’ also risks becoming a part of the anti-Life forces and an unhealthy obsession. Klages develops a useful deep ecological perspective, related to and complementing Naess, Abbey, and Linkola. He also describes how ‘progress’ has hurt the world. In the essay ‘Man and Earth’, Klages describes how animals and plants became extinct, but also how folk cultures and authentic human emotions are pushed aside. Klages was an anti-colonialist, and discusses how both species of animals and human cultures are extinguished. In their place everything, is homogenised, and the vampire that is Geist spreads over the world. Thus Klages connects the threat against biological diversity with the threat against cultural.

‘Modern man´s conscious striving for power far surpasses that of any previous epoch… in the service of human needs, the ever-increasing mechanization has brought about the desecration of the natural world.’
— Klages

These essays are also interesting from the perspective of the history and philosophy of science. Klages analyses both psychoanalysis and Socrates, among many other things. He criticises concepts like ‘progress’ and utopianism as being hostile to Life. His perspective places primary value on Spirit and Life, and on the non-conscious and the qualitative. One does well to compare Klages with Guénon’s The Reign of Quantity and the Signs of the Times, along with Heidegger and Alexander Jacob’s De Naturae Natura.

klagesSX336_BO1,204,203,200_.jpgKlages and Romanticism

‘Man should look upon the harvested fruits of the unconscious as an unexpected windfall bestowed by Heaven above.’
— Goethe

Among Klages’ own sources we find Nietzsche and the pre-Socratic philosophers. We also find the German Romantics and Goethe. Among the Romantics, Klages focuses on the now largely forgotten Carl Gustav Carus. He demonstrates that German Romanticism has permanent value.

In one’s own life, Klages is of value in showing that too much Geist leads to a worse and less authentic life. When the process has gone too far, one loses the ability to perceive the beauty of a forest, and instead only sees it as something merely quantifiable: as a bunch of timber. Likewise, the Romantics and Klages are also of use in politics. They show that the tendency towards hyper-politicisation and ideological thinking are among the enemies of Life. Family, nature, emotions, beauty, folk culture — they are all threatened by too much Geist. When Karlheinz Weissmann identifies the living as the leitmotiv of conservatism, or when Heinrich von Leo described his mission as protecting the ‘God-given, real life, in its development following its inner forces’, they are clearly related to Klages. Conservatism, defined as taking care of the living, not only animals and plants but also such ‘organisms’ as cultures, can also be biocentric.

When it comes to the philosophy of science, Carus, Goethe, and Klages are also of great use, given their focus on the whole rather than on the parts of things, on the sub- or non-conscious, and on reality and life above the prevailing focus on the mechanical and quantifiable. Klages quotes Carus:

‘…the key to an understanding of conscious thought resides in the realm of the unconscious.’

The Biocentric Worldview is thus of great value due to its deep ecological qualities as well as Klages’ original conception of history. Klages’ description of the rise and vampire-like spread of Geist has much in common with Nietzsche’s description of how ressentiment and slave morality takes over the world. (However, some aspects of Nietzsche are also dangerously close to the vampire.)

Klages is not a determinist. He does not rule out that Spirit and Life may be defended against Mind. He also reminds us that the goal of a Spirit-oriented science is to understand, rather than to reduce and manipulate. His role models are thus heroes, poets, and gods. The anthology is highly recommended.

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About The Author

Joakim Andersen is regarded as 'the grand old man' of the Swedish New Right, and was one of the founders of the famous Scandinavian think-tank Motpol. His ideological background is Marxist, but he has since moved on to what he regards as more interesting sources of inspiration such as Julius Evola, Alain de Benoist, and Georges Dumézil. His writing focuses primarily on issues pertaining to intellectual history.

mercredi, 11 novembre 2015

Chantal Delsol: Autour de "Populisme"

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Entretien avec Chantal Delsol:

Autour de "Populisme"

par Samuel Auzanneau

Ex: http://www.actu-philosophia.com

Actu Philosophia : Dans votre ouvrage Le Souci contemporain [1], vous montrez que la leçon d’Aristote, qui voyait l’homme comme un animal politique et la politique elle-même comme une figure de l’existence, n’a pas été retenue, car une des tendances de la modernité est, selon vous, de souhaiter supprimer la politique. Bien plus, les deux siècles précédents ont vu se développer une volonté de supprimer la morale, l’antinomie du bien et du mal. Quelles furent les conséquences de ces choix, et sont-elles encore visibles aujourd’hui ?

Chantal Delsol : Il s’est produit ce qu’on appelle le paradoxe des conséquences. Essayez de supprimer la politique, elle revient sous une forme terrifiante, et de même pour la morale. Dites (chez les Soviets) que vous vous passez de l’État, et vous terminez avec l’État le plus oppressif qu’on n’ait jamais vu. C’est que les expressions de notre condition (ce que Freund appelait les essences) ont besoin d’être reconnues pour pouvoir être circonscrites, surveillées, cantonnées, et éviter les perversions. Si on fait comme si elles n’existaient pas, elles ne cessent pas d’exister, mais au contraire elles s’exacerbent et deviennent odieuses. Aujourd’hui il n’est plus question de supprimer la morale, elle constitue plutôt la seule catégorie indiscutable. On pourrait plutôt dire que tout est moral, y compris la politique. Le manichéisme qui règne sur le plan international en est un exemple frappant : le fait que les politiques prétendent combattre le Mal, alors que la politique ne doit rigoureusement combattre que l’adversité, si en tout cas elle veut demeurer dans son ordre. La justice internationale exprime de façon caractéristique cet appel d’un ordre moral mondial remplaçant la politique.

AP : Quand les Grecs parlaient de vie bonne, l’homme contemporain semble obsédé par le bien-être, et la recherche d’un bonheur immédiat et somme toute éphémère. La pensée des Grecs, et particulièrement d’Aristote, est à ce titre sans doute un recours. Quelle place tient celle-ci, dans votre œuvre ?

CD : Une place essentielle. La pensée grecque représente la véritable armature de notre culture, qui sera reprise, approfondie et sublimée par le christianisme. Il est très troublant de voir tous les aspects anthropologiques ou moraux du christianisme qui ont été pensés en avant-première par la pensée grecque, sans qu’on puisse repérer le lieu d’influence. Pour prendre un seul exemple, l’idée spécifiquement judéo-chrétienne de dignité de la personne se trouve déjà dans l’Oedipe à Colone de Sophocle.

AP : Dans L’Age du renoncement [2] , vous écrivez que la culture chrétienne fait l’objet d’un rejet en Europe, après 2000 ans d’histoire ; et qu’en la rejetant, nous en repoussons aussi tous ses fruits séculiers. Quels sont ces fruits selon vous, et ce rejet est-il inéluctable ? N’y a-t-il pas un grand danger à refuser l’irrationalité du monde ? Pourquoi est-elle aujourd’hui si vilipendée, au profit d’une raison toute-puissante ?

CD. : Ce n’est pas l’irrationalité du monde que nous refusons aujourd’hui, c’est au contraire la rationalité… La raison toute-puissante domine la modernité, c’est à dire la période qui s’étend jusqu’à la seconde guerre mondiale. Aujourd’hui nous sommes dans la post-modernité, qui d’une certaine façon poursuit la modernité et d’une autre façon la contredit – et c’est le cas en ce qui concerne la raison. En rejetant la chrétienté nous délégitimons ses fruits qui sont : la conscience et la liberté personnelles, donc la démocratie et généralement l’État de droit ; l’idée de vérité donc d’universalité ; la vision fléchée du temps donc l’espérance et le progrès. J’ai essayé de montrer dans ce livre que ces trois caractéristiques sont en train de tomber en désuétude.

AP. : La désaffection de l’homme contemporain pour la religion vient-elle seulement de sa peur du fanatisme ou peut-elle aussi s’expliquer par une organisation interne de l’Église, un peu obsolète ?

CD. : Certainement les deux. Il faut remarquer que certaines religions, comme l’évangélisme, sont en pleine progression. L’évangélisme est une religion déstructurée, ce qui peut expliquer qu’elle réponde aux deux inquiétudes légitimes de l’homme contemporain : la crainte du fanatisme et la volonté de répondre aux exigences modernes. En ce qui concerne le catholicisme, je ne me battrai pas là-dessus parce que je trouve qu’il y a des choses plus importantes, mais je pense que l’exclusion des femmes de tout ce qui est essentiel (les sacrements), représente un handicap de plus en plus important, qui pourrait assurer dans les siècles à venir la victoire complète du protestantisme.

AP. : Vous expliquez que la promotion de l’individu déraciné, hors de son espace et de son temps est un trait caractéristique de la modernité. L’homme peut-il se libérer de toute appartenance, de toute croyance, de toute coutume ?

CD. : Il ne peut pas, ces appartenances sont son tissu même, la fibre dont il est fait, il n’est rien sans elles, c’est à travers elles qu’il se façonne comme sujet. C’est la grande illusion de l’époque présente, de croire que nous pourrions devenir seulement des citoyens du monde, seulement des hybrides asexués, et, comme le disent quelques philosophes égarés, seulement des habitants des lagers, c’est à dire des nomades absolus… Privés d’appartenances, nous ne deviendrions pas plus libres, mais si vides et si assoiffés de connivence que nous serions désormais ouverts à n’importe quelle criminelle appartenance (on sait que les adhésions totalitaires naissent sur le terreau du nihilisme).

AP. : L’un des traits les plus évidents de la modernité est cette propension à nier le tragique de l’existence humaine, et à oublier ce fait qu’il est de toute façon impossible d’anéantir le Mal dans le monde. Quelles sont, à votre sens, les raisons de ces dénis aux lourdes conséquences anthropologiques ?

CD. : Cette propension à vouloir carrément sortir de notre condition, est l’aspect faustien de la culture occidentale. Il faut noter que cela n’arrive qu’ici. Pourquoi ? Parce que nous sommes structurés dans ce que j’ai appelé l’irrévérence, en raison du temps fléché (toutes les autres civilisations ont un temps circulaire) : il nous faut sans cesse nous dépasser. D’où la science, la technique etc. Mais la volonté de se dépasser doit être limitée par une réflexion anthropologique. Quand la culture religieuse qui inspirait cette réflexion n’existe plus, alors tout devient possible. C’est le totalitarisme communiste au XX° siècle, c’est le discours post-humaniste d’aujourd’hui.

AP. : Nous assistons à une technicisation de la politique, conséquence de la fin des grands récits et de la crainte ressentie par l’homme contemporain à l’endroit des conceptions du monde. Cette aseptisation de la politique, ce contrôle politiquement correct des opinions et des certitudes explique-t-elle l’émergence actuelle d’une forme d’ « américanisation » des débats, et de l’usage du droit ?

CD. : Oui l’usage du droit peut ressortir à une technicisation excessive. On peut dire qu’aujourd’hui Kelsen l’emporte sur Schmitt. Nous voudrions que tout soit encadré et nous avons peur de la décision personnelle, en raison de la responsabilité inhérente et de l’arbitraire possible. Nous cherchons à réduire la politique au droit. D’où la justice internationale, qui en vient à décréter le droit ou le non-droit de la guerre (en réalité la guerre ne peut provenir que d’une décision, parce qu’elle relève de la situation exceptionnelle – et heureusement). D’où la technocratie européenne, système de gouvernement sans décision (non pas « un tel décide » mais « ça décide »). D’où les lois dites sociétales, qui érigent les limites à partir desquelles on peut tuer ou laisser mourir, déchargeant ainsi la conscience de son poids.

AP. : Quel est selon vous le rôle des partis politiques, aujourd’hui ? Faut-il, au regard de la crise institutionnelle qui semble être la nôtre, et comme le préconisait Simone Weil dans un petit opuscule de 1940 intitulé Note sur la suppression générale des partis politiques, se débarrasser de ceux-ci, ou faut-il simplement y voir un simple élucubration, comme le pensait Raymond

CD. : Oui, il faut y voir selon moi l’élucubration d’un esprit très doué et très jeune, mais cette fois-ci incohérent. La démocratie moderne ne peut pas se passer de partis politiques, lesquels sont sa condition d’existence puisqu’ils garantissent l’expression de la diversité des opinions. En réalité je pense que Simone Weil, qui était tout à fait platonicienne, n’aimait pas la démocratie. Si elle avait vécu plus longtemps, il aurait été intéressant de voir comment elle allait résoudre ce conflit entre l’amour pour la liberté et la méfiance envers la démocratie.

AP. : Dans un monde qui sacralise les droits : droits-libertés ou droits de... ; droits-créances ou droit à... ; y a-t-il encore une place pour l’action, la grandeur, le héros ?

CD. : Beaucoup moins, et c’est logique, de toutes façons la grandeur est devenue détestable parce que nous avons souffert toutes ses perversions. Nous souhaitons nous en débarrasser. « Malheur au pays qui a besoin de héros » (Brecht).

AP. : Y a-t-il, pour vous, des limites à poser à la tolérance ?

CD. : Une société qui tolérerait tout, permettrait tous les crimes. C’est impossible. Mais je suppose que vous parlez de la liberté d’expression. Je pense que les démocraties doivent tolérer légalement la plus complète liberté d’expression, mais que celle-ci a des limites morales – les dessinateurs de Charlie qui caricaturent Mahomet sont des ordures, non pas parce qu’ils provoquent les partisans du Djihad, mais parce que c’est honteux de se moquer de ce qui est sacré pour tant de gens. Cela dit, il est tout à fait hypocrite de prétendre que chez nous la liberté d’expression est totale. On a le droit de caricaturer Mahomet mais pas le mariage gay. On encense Sade parce qu’il fait l’éloge du crime sans le mettre à exécution, mais en même temps on diabolise Céline en disant que faire l’éloge du crime c’est déjà le mettre à exécution. Autrement dit, nous prétendons tout accepter, mais nous avons nos têtes de turc comme ailleurs.

AP. : Dans l’un de vos tous derniers ouvrages, Les pierres d’angle. A quoi tenons-nous ? [3] qui constitue un prolongement des réflexions entamées dans L’Age du renoncement, vous regrettez les conséquences déshumanisantes de ce que vous appelez « la saison des Lumières ». C’est une critique que l’on retrouve à de nombreuses reprises dans toute votre œuvre. Est-ce à dire que vous vous situez dans le sillage de certains auteurs contre-révolutionnaires, tel Edmund Burke ? Penseur libéral, mais aussi traditionnel, ne réduisant pas son libéralisme à l’idéologie moderne de l’individu tout-puissant, Burke est aussi, comme vous, un aristotélicien. A-t-il fait partie de vos influences ?

CD. : Oui, je suis disciple de cette pensée libérale du XIX° qui reconnaît les bienfaits des Lumières tout en critiquant les excès révolutionnaires ou les perversions des Lumières : Tocqueville, Burke, Stuart Mill, Taine etc. Mais je ne me sens aucune affinité avec les penseurs contre-révolutionnaires traditionalistes et anti-démocrates comme de Maistre ou Bonald. Je déteste le despotisme éclairé ou soi-disant éclairé.

AP. : L’homme contemporain, expliquez-vous, dans Le Souci contemporain, est « prisonnier de sa finitude », dont il s’échappe en « parcellisant la durée de son existence ». Il vit donc de « morts successives ; car il a intégré la précarité de chaque projet ». Il s’ensuit qu’il méprise la mort, et que toute irruption de la catastrophe le laisse pétrifié. N’avons-nous pas eu la preuve, avec les attentats contre Charlie Hebdo en janvier dernier et la grande manifestation populaire qui en découla, qu’a surgi la violence dans un monde qui tant absolument à la nier ?

CD. : [Nous avons vu la brusque irruption du tragique dans une société qui croit facilement en la disparition définitive des guerres, des épidémies et de la misère en général. La réaction du Je suis Charlie a eu pour une part cette signification : on a manifesté contre l’orage, c’est à dire contre des phénomènes naturels qu’on croyait dans notre démiurgie avoir évincés pour toujours. Je connais une famille où les jeunes on pleuré pendant des jours après cet attentat, exprimant la véritable disparition d’un monde : le monde sans tragique…

AP. : Vous écrivez que nous avons renoncé à toute forme de vérité, que nous ne sommes plus capables de nous battre pour elle. Obsédé par la paix et le consensus, nous sommes pourtant dans cette culture du politiquement correct en face d’interlocuteurs qui refusent la contradiction. A votre sens cette culture du consensus mou prend sa forme la plus éclatante dans la gouvernance européenne, que vous n’hésitez pas à qualifier de « gouvernement technocratique. » Or, vous êtes fédéraliste. Quel est donc ce fédéralisme que l’UE a à ce point manqué dans sa construction pour le moins ratée, et qu’en est-il de la place des États-nations ? N’est-il pas vrai, comme l’explique Pierre Manent dans La Raison des nations [4] , que l’État-nation souverain est la version européenne de l’ « empire démocratique », qu’il est le lieu nécessaire de l’unité d’un peuple ?

CD. : Les Français ont tendance à comprendre le fédéralisme à l’envers, parce qu’ils ignorent tout à fait ce que c’est – ils sont centralisateurs et jacobins de façon génétique. Pensez que le grand auteur du fédéralisme, Althusius, auteur allemand du XVII° siècle, n’a pas encore été traduit en français… Je crois pour ma part que l’Europe n’aurait pu vivre de façon harmonieuse que par le fédéralisme, qui aurait consisté à appliquer réellement le principe de subsidiarité : ne laisser à Bruxelles que le strict régalien. Or nous avons fait tout le contraire. Pour prendre des exemples, l’Europe ne pourrait vivre que si les gouvernants européens ont les moyens de lever une armée commune pour aller au Kosovo, et si les gouvernements nationaux s’occupent de la culture et de la taille des cages à poules – tandis que Bruxelles s’occupe des cages à poules et ne peut lever une armée commune, ce qui fait qu’on doit dans les cas graves appeler les Américains. Le fédéralisme (dans son acception normale et non dans l’acception fantasmée et fausse que s’en font les Français) signifie qu’il y a plusieurs centres de souveraineté. Les Français comprennent la souveraineté à la façon de Bodin : une et absolue ; tandis que pour le fédéralisme, elle est plusieurs, partagée et morcelée.

AP. : Vous êtes une philosophe libérale. Or, en France, le libéralisme subit, à notre sens, une telle caricature, qu’il est presque impossible de trouver un homme politique s’en réclamant. Ce courant de pensée est constamment assimilé à l’hubris de grandes firmes, et l’on voit constamment fleurir, même chez les philosophes les plus intéressants à gauche (Michéa, Dufour, etc.), le qualificatif « ultra-libéral », non pour désigner cet hubris, mais pour signifier que dans la philosophie libérale elle-même est contenu le germe de la société de consommation dans laquelle nous sommes. Pour eux, sortir du « libéralisme » est un devoir, une nécessité, afin de ne pas transformer le citoyen en simple consommateur. Est-ce à dire que le prisme avec lequel la plupart des philosophes français voient le monde est encore presque exclusivement marxiste, étatiste et jacobin ?

CD. : Oui on a eu raison de dire que le dernier léniniste sera un Français… Ce qui explique qu’ici le libéralisme soit constamment compris dans son extrême, afin d’être décrédibilisé. Je crois qu’il faut limiter et contrôler le libéralisme afin que ce ne soit pas la jungle. Mais être anti-libéral c’est appeler de ses vœux quelque chose comme une soviétisation. Et je crois que beaucoup de Français en sont là. Ce qu’ils aimeraient, c’est vivre dans un pays comme l’Union Soviétique (où tous ont un travail minable et peu payé avec très peu de contraintes, où tous sont logés/eau/gaz/électricité aux frais de l’Etat). Un de mes amis dit que beaucoup de Français ne se sont jamais remis d’avoir raté la prise de pouvoir par le Parti Communiste en 47, et je crois qu’il a raison…

AP. : Dans votre récent ouvrage consacré à une analyse du populisme [5], vous expliquez que l’idéologie de l’émancipation qui est née des Lumières refuse à toute velléité de défense de l’enracinement la qualité d’opinion. Précisons qu’il ne s’agit en rien pour vous de défendre les idées populistes à tout prix et dans leur totalité, mais de souligner que la post-modernité appelle à un arasement définitif des particularismes, au mépris de ce qu’est, dans ses fondements, la condition humaine... Comment analyser le populisme ? Est-il un brusque retour, violent mais prévisible, d’une fuite générale du sens ?

CD. : Il traduit un emballement de l’idéologie émancipatrice qui, parce qu’elle n’a pas pu se mettre en place par le moyen du totalitarisme léniniste, tente à présent de se réaliser par le consensus mou et la pression ironique (c’est le thème de mon prochain livre). Pour mettre en place une idéologie, il faut évincer la démocratie, et ici c’est ce que l’on fait de façon douce, non pas en interdisant les élections, mais en excluant par l’injure les partis qui ne vont pas dans le bon sens.

AP. : Peur du peuple, peur de la réaction, peur de la remise en cause des rentes (au sens où l’entendait Pareto), peur de l’élitisme, peur de la souveraineté, peur de l’autorité, peur de l’avis des autres que l’on transforme en maladie psychiatrique (la chasse aux -phobes, disait Philippe Muray) : comment peut-on définir cette morale-là ? D’abord, peut-on baser une réflexion d’ordre moral sur des peurs et une défiance à l’endroit de tout ce qui n’est pas calibré par ce qu’il est convenu d’appeler une forme « totalitaire » de rejet de l’opinion des autres ?

CD. : Je n’emploierais pas le mot totalitaire, même entre guillemets, parce que le malheur des sujets des totalitarismes était trop grand pour être comparé (nous n’avons pas de terreur ici). Il y a néanmoins aujourd’hui une tentative d’exclure les courants de pensée qui ne vont pas dans le sens de l’idéologie émancipatrice – prenez les réformes dites sociétales et regardez comment on traite ceux qui les récusent : d’attardés, de pauvres types, de salauds, bref de gens qui n’ont pas une opinion différente mais une maladie mentale ou des pensées criminelles. Les totalitarismes envoyaient les opposants au lager ou à l’hôpital psychiatrique. Nous empêchons que quiconque leur parle (il suffit de voir, exemple récent, les hurlements des journalistes quand ils ont subodoré qu’un élu de l’UMP avait déjeuné avec un élu du FN…) Tocqueville avait prédit cela.

AP. : Vous avez écrit quatre romans. Quelle est l’importance de la littérature dans votre œuvre ? Quel lien, s’il y en a un, faite-vous entre votre œuvre philosophique et vos œuvres littéraires ?

CD. : Il est difficile de vous répondre. J’aime écrire et les romans sont pour moi une sorte de récréation, l’expression du monde imaginaire. Si je n’avais pas pu être enseignante, j’aurais aimé être écrivain public. Le monde des romans est artistique et quête le beau, tandis que le monde de la philosophie quête le vrai. Ce sont deux parts de ma vie. Bien sûr il y a des ponts.

AP. : Vous écrivez avec un style clair, même si vos ouvrages sont denses et exigeants. Beaucoup de philosophes, issus de certains courants de pensée, se plaisent à jargonner, comme si densité et technicité ne suffisaient pas. Comme s’il y avait une forme de snobisme à mépriser la langue claire et distincte. Il est particulièrement frappant de voir à quel point Descartes par exemple, est un grand écrivain. On peut aussi citer Bergson ou les philosophes spiritualistes (Lavelle, Marcel, Blondel,...). Leurs styles sont clairs et ne sombrent pas dans un chaos conceptuel permanent. D’où vous vient le style de votre écriture philosophique ?

CD. : Cela vient de ce que je suis d’abord une mère de famille, quelqu’un qui a toujours passé une grande partie de son temps à s’occuper des lessives, des courses, de la couture, des menus, et à éduquer des enfants puisque j’en ai eu six avec un mari tout à fait absent, et ces occupations sont simples, concrètes, directes et sans snobisme. On ne triche pas avec les enfants, on ne jargonne pas, on ne complique pas la vie. Mon travail philosophique, pour lequel j’ai eu beaucoup moins de temps que mes collègues, est un miroir de ma vie.

AP. : Quelle influence a eue sur vous celui qui fut votre directeur de thèse, Julien Freund ?

CD. : Une influence énorme. Ses livres et sa pensée ont été un fil rouge. L’époque était peu ouverte à ce genre de pensée. J’étais seule en préparant ma thèse pendant dix ans, dans un petit pays où pas une personne ne connaissait les auteurs sur lesquels je travaillais. Aussi Freund et moi nous nous écrivions beaucoup. Il m’a énormément appris.

Notes

[1Chantal Delsol, Le Souci contemporain, Bruxelles, Complexe, 1996. Traduit en anglais, l’ouvrage a reçu le Prix Mousquetaire.

[2Chantal Delsol, L’Age du renoncement, Paris, Le Cerf, 2011.

[3Chantal Delsol, Les pierres d’angle. A quoi tenons-nous ?, Le Cerf, 2014.

[4Pierre Manent, La Raison des nations, Gallimard, collection "L’esprit de la cité", 2006.

[5Chantal Delsol, Populisme. Les demeurés de l’Histoire, éditions du Rocher, 2015

lundi, 09 novembre 2015

L’homo reactus, le progressiste et le conservateur

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L’homo reactus, le progressiste et le conservateur

Confondus à tort et à dessein dans le langage médiatique, le réactionnaire et le conservateur ont pourtant de quoi nourrir une querelle d’importance. Leur rapport au temps et à l’Histoire les distingue en même temps qu’il structure leur comportement politique et esthétique.

Rien n’est moins évident que de définir le réactionnaire, et nombreux sont ceux qui continuent d’entretenir le flou. Si Joseph de Maistre et Louis de Bonald sont parfois présentés comme les réactionnaires archétypaux, ils ne répondent pourtant pas à cette définition communément admise, qui est aussi la nôtre, selon laquelle le réactionnaire souhaite un retour en arrière. Ces penseurs dont la téléologie était avant tout chrétienne, ont laissé la place à un vague héritier que nous appellerons homo reactus. Réactionnaire contemporain manifestement plus influencé par la pensée moderne, idéaliste et républicaine héritée des Lumières, que par la tradition eschatologique catholique, à l’image de messieurs Onfray et Zemmour. Ceux-là n’en ont guère après la Révolution française, mais bien plus après la très bourgeoise et parodique révolte de mai 68. Et pendant que l’homo reactus s’écharpe avec son pendant progressiste, le conservateur s’impose, avec une vision nouvelle de l’Histoire, comme une alternative salutaire.

L’Homo reactus au pays du progrès

En réalité, la petite armée des réactionnaires médiatisés valide à son insu les postulats de ses adversaires. La modernité, dans laquelle la Révolution française nous a jetés en donnant corps aux idées des Lumières, repose sur une téléologie moralisée, héritée de la pensée d’Hegel. La pensée moderne conçoit l’Histoire de façon linéaire : des âges sombres de la nuit des temps, l’humanité progresserait sans cesse vers la « fin de l’Histoire », soit vers le triomphe des Lumières libérales et rationalistes. Le temps qui passe serait synonyme de croissance irrépressible, inévitable et nécessaire du Dieu Progrès. Le sort de l’humanité serait la convergence de tous les êtres qui, unis dans le même Esprit – au sens hégélien du terme, et selon cette idée que la raison de l’homme est semblable à celle de Dieu – peuplent la Terre. Ainsi pour Hegel, l’absolu progrès est incarné par Napoléon Ier, porteur de la lumière révolutionnaire universaliste et républicaine, entrant majestueux dans Iéna en 1806 : là est la fin de l’Histoire, le progrès absolu qui gagnera le monde entier à force de conquêtes. À l’horizon se dessine l’avènement de l’État universel et homogène rêvé par le commentateur et continuateur d’Hegel Alexandre Kojève.

Joseph de Maistre réactionnaire ?

Si Joseph de Maistre est considéré comme un réactionnaire emblématique, il faut préciser qu’il est également un réactionnaire problématique. En effet, le Savoyard ne défend pas l’idée d’un retour en arrière, c’est-à-dire la restauration d’un « temps » politique antérieur à la Révolution française. Sa phrase célèbre formulée dans Les considérations sur la France – « le rétablissement de la Monarchie qu’on appelle contre-révolution, ne sera pas une révolution contraire, mais le contraire de la révolution » – résume bien la complexité de sa position. Maistre est plus antirévolutionnaire que contre-révolutionnaire. La perspective de Maistre étant providentialiste, il ne s’agit pas de se positionner pour ou contre la Révolution mais bien plutôt de comprendre sa nature et le dessein divin. Dieu utilise le mal incarné par la Révolution pour châtier le royaume de France compromis par la Réforme et les Lumières. Maistre exprimera d’ailleurs son scepticisme lorsque Louis XVIII accédera au trône. Pour lui, la Restauration entérine définitivement la Révolution.

Matthieu Giroux

Telle est l’idée qui continue d’alimenter la logique des progressistes de tout crin. La téléologie, d’imprégnation chrétienne, a paradoxalement gagné le camp de l’athéisme en contaminant, des Lumières jusqu’au marxisme, des philosophies anti-chrétiennes. Mais telle est aussi la conception que les réactionnaires contemporains valident, en s’affirmant en hommes du passé portant des idées du passé. Des idées révolues en somme, dépassées par la marche du prétendu progrès, confondue avec celle du temps, à laquelle ils assistent hagards et néanmoins contents de leur impuissance qui pare leurs propos d’un tragique dont ils goûtent l’amertume.

Le rapport dialectique qui oppose le progressiste à l’homo reactus ne joue résolument pas en faveur de ce dernier, à moins que sa quête ne soit qu’esthétique. Lui qui valide la téléologie dominante et se place du côté des destitués, des perdants, de l’obsolescence, ne peut rien attendre du présent. Son discours est comme inopérant, inapte à influencer le cours des choses. Tout juste pourra-t-il convaincre quelques-uns de ses auditeurs les moins rongés par la morale médiatique du caractère aussi dramatique qu’inévitable de la marche du temps. Mais n’a-t-il pas tort sur ce point ?

De Burke à Mohler : une philosophie alternative de l’Histoire

Si le triomphe de la philosophie linéaire déchristianisée de l’Histoire est à dater de la Révolution française et de la controverse qu’elle a suscité dans toute l’Europe, on ne peut pas faire l’impasse sur l’intuition d’Edmund Burke, contemporain de ce grand chambardement, qui structure la pensée conservatrice. Contre l’obsession révolutionnaire de la mise à mort de l’ordre ancien au profit d’un progrès compris comme une sorte de deus ex machina, Burke croit à l’évolution. Pierre Glaudes parle de « sédimentation » : le présent se nourrit du passé et l’Histoire apparaît donc comme un mouvement de réforme ou de restauration permanente. C’est l’exact inverse de l’idéologie révolutionnaire et néo-idéaliste qui consiste en une dialectique de la destruction et de la reconstruction, le présent se construisant contre le passé.

Plus radicaux, les auteurs de la Révolution conservatrice allemande prolongent l’intuition de Burke en rupture totale avec cette conception résolument moderne de l’Histoire. Armin Mohler, disciple d’Ernst Jünger et historien de la Révolution conservatrice, nous invite à considérer l’Histoire non pas de façon linéaire, ni même purement cyclique, mais sphérique, à la suite de Friedrich Nietzsche. Si l’idée hégélienne que nous avons définie autant que la conception cyclique de l’histoire sont frappées d’un certain fatalisme, concevoir le temps comme une sphère revient à considérer que toutes les bifurcations sont toujours possibles. Il n’y a plus de sens inévitable, de début ni de fin, de progrès ou de déclin contre lesquels toute tentative humaine serait vaine ! Le cycle n’a pas non plus totalement disparu, mais c’est une infinité de cycles différents que la sphère représente.

Il y a donc une place pour l’inattendu, autant dire pour la volonté, chère aux nietzschéens. Ainsi Robert Steuckers, disciple d’Armin Mohler, écrit : « Cela signifie que l’histoire n’est ni la simple répétition des mêmes linéaments à intervalles réguliers ni une voie linéaire conduisant au bonheur, à la fin de l’histoire, au Paradis sur la Terre, à la félicité, mais est une sphère qui peut évoluer (ou être poussée) dans n’importe quelle direction selon l’impulsion qu’elle reçoit de fortes personnalités charismatiques. » L‘hypothèse de la résignation s’abolit totalement dans cette philosophie de l’Histoire, et il revient aux hommes de bonne volonté de donner forme au lendemain. Car la Révolution conservatrice allemande ne s’en remet guère à Dieu, à la Providence, ni à une vague idée de l’évolution de la société. Mais elle croit à l’incarnation et aux figures, au héros et aux chefs charismatiques.  

D’un côté, l‘enthousiasme béat et autodestructeur des progressistes dont « les conceptions linéaires dévalorisent le passé, ne respectent aucune des formes forgées dans le passé, et visent un télos, qui sera nécessairement meilleur et indépassable » (Steuckers). De l’autre, la passivité mortifère des réactionnaires qui peut conduire au nihilisme. Par contraste, on comprend que le conservatisme est un art de l’action et de l’appréhension du réel, et non pas seulement de la réflexion philosophique. Le conservatisme est une attitude qui convient à la réalité du temps présent et à la nécessité du choix, et non pas une posture contemplative.

L’attitude conservatrice ou l’agir dans l’Histoire

Le conservateur n’est pas figé dans le passé (ou dans le futur, dans la fuite en avant incarnée par le progressisme), mais bien ancré dans le présent. Non pas qu’il se contente bêtement d’approuver toute nouveauté, au contraire, son attitude consiste à préférer le familier à l’inconnu, la réalité du présent au futur incertain. Mais lorsque l’inévitable se produit, le conservateur refuse la résignation. Ainsi Michaël Oakeshott, dans Du Conservatisme, tente de décrire l’attitude conservatrice : « En outre, être conservateur ne signifie pas simplement être hostile au changement (comportement qui peut être idiosyncrasique) ; c’est également une manière de s’accommoder aux changements, activité imposée à tous. »

L’exemple de la technique dans les années 1930, après le traumatisme causé par la Première Guerre mondiale, est frappant. Le réactionnaire s’insurge, vocifère contre cette technique aliénatrice et destructrice, prométhéenne et dégénérée… À croire qu’il envisagerait qu’on puisse la dés-inventer ! Face à cette réaction sans doute légitime mais néanmoins absurde, le conservateur avise : Ernst Jünger qui, mieux que quiconque, a vu la technique destructrice en action, fait naître quelques années plus tard l’idée d’une technique dite mobilisatrice. De même que Carl Schmitt s’appropriera l’idée de démocratie. Au régime parlementaire bourgeois, il oppose sa vision d’un lien fort entre la race et les chefs qu’elle se choisit. Du socialisme au bolchévisme, des sciences à la technique, la Révolution conservatrice allemande reprend toutes les innovations de son époque à son compte. 

Le conservateur ne rejette pas par principe toute nouveauté. Il ne pourrait d’ailleurs la rejeter qu’intellectuellement, mais en aucun cas effectivement. Il l’admet, et se l’approprie. Il ne considère pas d’abord le changement comme foncièrement bon ou, à l’inverse, comme profondément mauvais, mais il entend le subordonner à des valeurs qu’il croit éternelles. Là est l’objet de sa démarche : conserver l’ordre élémentaire des choses dans l’Histoire en soumettant les réalités de son époque à quelque chose qui les transcende. Le conservateur ne s’oppose pas au temps qui passe, il s’oppose à la dégénérescence, au péril et à l’incertitude. Il n’entend pas conserver le temps passé, les idées du passé, les réalités du passé, mais simplement ce qui constitue le centre de gravité de cette sphère qu’est l’Histoire. C’est l’idée qu’un certain nombre de choses ne doit pas disparaître, à cause de la négligence, du mépris et du détachement et surtout pas de la destruction volontaire. Les progressistes l’ont dans le dos, les réactionnaires en pleine face, mais tous deux sont dans le vent. Paisible, le conservateur rit des agités des deux camps : lui, bâtit l’avenir les deux pieds dans le présent.

Une spiritualité de la Forme

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Une spiritualité de la Forme

Pourquoi l’Antiquité gréco-romaine a-t-elle toujours exercé une attraction si forte sur l’homme européen ? L’attribuer tout entière à la fascination que procure l’art antique serait superficiel, car l’art grec tire précisément son prestige du fait qu’il rend visible la nostalgie métaphysique pour un modèle tout à la fois corporel et spirituel. L’art grec, en somme, est lui-même une partie de la religiosité grecque, comme le comprirent déjà Goethe et Winckelmann, puis, à notre époque, un Schefold [archéologue allemand] et un Walter F. Otto. Mais même quand on met l’accent sur la “rationalité” de la Grèce antique — en l’opposant, le cas échéant, à “l’irrationalité” du Moyen Âge —, on ne fait qu’interpréter banalement cette rationalité, on perd de vue sa dimension la plus profonde, où la clarté devient symbole, dans le credo apollinien et olympien, d’une très haute forme de maîtrise de soi.

Dans le monde grec, c’est la préhistoire indo-européenne qui se met à parler. Le premier “verbe” articulé de la civilisation grecque est la religion olympienne. Toutes les obscures luttes préhistoriques du principe diurne contre le principe nocturne, du principe paternel contre le principe maternel, s’y donnent à voir, mais sous une forme qui atteste la victoire de la claire lumière du jour. Apollon a déjà tué Python, Thésée est déjà venu à bout du Minotaure et, sur la colline sacrée d’Arès, Oreste a été acquitté de la faute d’avoir tué “la mère”. Il s’agit là d’une “sagesse poétique”, pour reprendre l’expression de Vico, où s’exprime une conscience nouvelle, une conscience qui fit dire à Plutarque : « Rien sans Thésée. »

Les Olympiens

Un jour nouveau se lève sur les cimes boisées du plus ancien paysage européen, répandant une clarté aurorale identique à la lumière de l’Olympe chantée par Homère :

« À ces mots, l’Athéna aux yeux pers disparut, regardant cet Olympe où l’on dit que les dieux, loin de toute secousse, ont leur siège éternel : ni les vents ne le battent, ni les pluies ne l’inondent ; là-haut, jamais de neige ; mais en tout temps l’éther, déployé sans nuages, couronne le sommet d’une blanche clarté […] ». [Odyssée, chant VI, trad. V. Bérard].

Le jour olympien est le jour de l’Ordre. Zeus incarne avec la spontanéité la plus puissante et la plus digne qui soit l’idée de l’ordre comme autorité. C’est une idée qui, à travers le Deus-pater (Iuppiter) romain, répand sa lumière bien au-delà des débuts du monde antique. Il suffit pour s’en convaincre de comparer la figure de Dieu le Père dans sa version la plus humble et patriarcale du paysan chrétien avec la notion, autrement abstraite et tyrannique, de Yahvé.

Apollon, lui, incarne un autre aspect de l’Ordre : l’Ordre comme lumière intellectuelle et formation artistique, mais aussi comme transparence solaire qui est santé et purification. Il se peut que le nom d’Apollon ne soit pas d’origine indo-européenne, même si la chose n’est pas établie, car l’illyrien Aplo, Aplus (cf. le vieil islandais afl, “force”), va à l’encontre de cette hypothèse, d’autant plus qu’Apollon est le dieu dorien par excellence et que la migration dorienne et la migration illyrienne ne font qu’un. Mais surtout, quand on traite d’histoire des religions, il ne faut jamais oublier que c’est le contenu qui importe, non le contenant.

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L’Artémis dorienne, représentée comme une jeune fille dure, sportive et nordique, n’est pas l’Artémis d’Éphèse aux cent mamelles. Sous un nom préexistant prend forme une figure religieuse profondément nordique et indo-européenne, qui exprime sa nature farouche, athlétique et septentrionale. Une même désignation recouvre donc deux “expériences” religieuses bien différentes. De même, Marie — entendue comme la “Grande Mère”, par ex. dans le cas de la Madone de Pompéi — est différente de la Vierge Marie de Bernard de Clairvaux et du catholicisme gothique. Ce n’est pas seulement la différence existant entre la jeune fille blonde des miniatures gothiques et la “Mère de Dieu” des terres du Sud. C’est la même diversité de vision que celle qui sépare l’Artémis d’Éphèse de l’Artémis Orthia spartiate apparue avec la migration dorienne.

Comme toujours, l’essence de la conception religieuse réside dans la spécificité de sa vision du divin. Une vision non pas subjective ou, mieux, une vision subjective en tant que l’absolu, en se manifestant, se particularise et se fait image pour le sujet. Apollon et Artémis, le Christ et la Vierge sont avant tout des “visions”, des présences saisies par l’intuition intellectuelle, là où “les dieux”, degrés se manifestant à partir de l’Être, sont vraiment. Goethe écrivait à Jacobi : « Tu parles de foi, moi, j’attache beaucoup d’importance à la contemplation » (Du sprichst von Glaube, ich halte viel auf Schauen).

Dans les divinités olympiennes, l’âme nordique de la race blanche a contemplé sa plus pure profondeur métaphysique. L’eusébeia, la vénération éclairée par la sagesse du jugement ; l’aidos, la retenue pudique face au divin ; la sophrosyné, la vertu faite d’équilibre et d’intrépidité : telles sont les attitudes à travers lesquelles la religion olympienne s’exprime comme un phénomène typiquement européen. Et le panthéon olympien est le miroir de cette mesure. De manière significative, même ses composantes féminines tendent à participer des valeurs viriles : comme Héra, en tant que symbole du coniugium, comme Artémis, en raison de sa juvénilité réservée et sportive, comme Athéna, la déesse de l’intelligence aguerrie et de la réflexion audacieuse, sortie tout armée de la tête de Zeus. C’est pourquoi Walter F. Otto a pu parler de la religion grecque comme de l’« idée religieuse de l’esprit européen » :

« Dans le culte des anciens Grecs se manifeste l’une des plus hautes idées religieuses de l’humanité. Disons-le : l’idée religieuse de l’esprit européen. Elle est très différente des idées religieuses des autres cultures, surtout de celles qui, pour notre histoire et notre philosophie des religions, passent pour fournir le modèle de toute religion. Mais elle est essentiellement apparentée à toutes les formes de la pensée et des créations authentiquement grecques, et recueillie dans le même esprit qu’elles. Parmi les autres œuvres éternelles des Grecs, elle se dresse, majeure et impérissable, devant l’humanité. […] Les figures dans lesquelles ce monde s’est divinement ouvert aux Grecs n’attestent-elles pas leur vérité par la vie qui est encore la leur aujourd’hui, par la permanence où nous pouvons encore les rencontrer, pourvu que nous nous arrachions aux emprises de la mesquinerie et que nous recouvrions un regard libre ? Zeus, Apollon, Athéna, Artémis, Dionysos, Aphrodite… là où l’on rend hommage aux idées de l’esprit grec, il n’est jamais permis d’oublier que c’en est le sommet et, d’une certaine manière, la substance même. Ces figures demeureront tant que l’esprit européen, qui a trouvé en elles son objectivation la plus riche, ne succombera pas totalement à l’esprit de l’Orient ou à celui du calcul pragmatique » [Les Dieux de la Grèce, Payot, 1981, p. 31]

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Le monde grec

De même que le monde olympien est toujours resté vivant pour l’Européen cultivé, ainsi la civilisation grecque est demeurée exemplaire pour la civilisation européenne. Il importe cependant de comprendre correctement le sens de cette exemplarité. Si celle-ci devait valoir comme synonyme de scientificité, au sens banalement laïque du terme, alors il faudrait rappeler que l’attitude éminemment rationnelle de l’esprit hellénique n’a jamais été séparée de la foi dans le mythe comme archétype d’une raison plus haute. La rationalité de ce qui est naturel est étudiée et admirée précisément parce qu’elle renvoie à un équilibre supérieur. Chez Aristote, on trouve encore, au début de son traité de zoologie, cette citation d’Héraclite : « Entrez, ici aussi habitent les dieux » Quant à Goethe, il dira que « le beau est un phénomène originel » (Das Schöne ist ein Urphanomen). Mais c’est surtout Platon qui nous communique le sens le plus authentique de la “scientificité” de la pensée grecque, lorsqu’il compare la rationalité d’ici-bas (la “chose”) à la rationalité de là-haut (“l’idée”) et mesure la réalité empirique avec le mètre d’une réalité éternelle. Il est celui qui dans le mythe de la caverne (République, VII, 514-517) illustre la logique ultime de la connaissance : par-delà les ombres projetées par le feu, il y a la réalité supérieure de la lumière solaire. En effet, l’Être, qui est le fond obligatoire de la spéculation hellénique, est aussi ce qui l’empêche de tomber dans l’intellectualisme.

Cette myopie caractéristique qui a confondu le rationalisme des Grecs avec le rationalisme des modernes a également créé l’équivoque d’un hellénisme “adorateur du corps”. Ici aussi, la gymnastique et l’athlétisme grecs ont été saisis avec superficialité. En fait, les Grecs ont exalté l’éducation du corps comme une partie de l’éducation de l’esprit. C’est le sens hellénique de la forme qui exige que le corps également reçoive une discipline formatrice. Le kosmos est l’infiniment grand et l’infiniment petit, l’ordre de l’univers et celui du corps humain. L’instance ultime du monde des corps et de la société est l’Ordre, tout comme l’instance ultime de la connaissance est l’Être.

Mais il va de soi que l’aveuglement principal est celui qui concerne le caractère prétendument “démocratique” de l’esprit grec. Si l’on excepte une brève période de l’histoire d’Athènes, la liberté des cités grecques a toujours été la liberté pour les meilleurs. Les partis aristocratiques et les partis démocratiques ne se séparaient que sur le nombre, plus ou moins grand, de ces “meilleurs”. Mais la masse et les esclaves restèrent toujours en dehors de l’organisation politique de la cité. C’est pourquoi toute la civilisation grecque resplendit encore de cet idéal de la sélection — l’ekloghé — qui a exercé une si grande fascination sur les élites de l’Occident. Julius Evola a résumé comme suit les valeurs exprimées par la Grèce antique à son apogée :

« […] le culte apollinien, la conception de l’univers comme kosmos, c’est-à-dire comme une unité, comme un tout harmonieusement ordonné […] l’importance conférée à tout ce qui est limite, nombre, proportion et forme, l’éthique de l’unification harmonieuse des différentes puissances de l’âme, un style empreint d’une dignité calme et mesurée, le principe de l’eurythmie, l’appréciation du corps et la culture du corps […] la méthode expérimentale dans les applications scientifiques en tant qu’amour de la clarté par opposition aux nébulosités pseudo-métaphysiques et mystiques, la valeur accordée aussi à la beauté plastique, la conception aristocratique et dorienne du gouvernement politique et l’idée hiérarchique affirmée dans la conception de la vraie connaissance » [I Versi d’oro pitagorei, Atanor, Rome, 1959, p. 30].

Ce sont des valeurs qui suffisent à attribuer à l’expérience grecque une place de premier plan dans le cadre d’une tradition européenne.

* * *

La Question d’une tradition européenne, Akribeia, 2014. Tr. fr.: Philippe Baillet.

dimanche, 08 novembre 2015

Stoic indifference is a personal power

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Stoic indifference is a personal power

Ashley Bailey

© Raymond Depardon/Magnum

Ex: http://www.therussophile.org   

As legions of warriors and prisoners can attest, Stoicism is not grim resolve but a way to wrest happiness from adversity

We do this to our philosophies. We redraft their contours based on projected shadows, or give them a cartoonish shape like a caricaturist emphasising all the wrong features. This is how Buddhism becomes, in the popular imagination, a doctrine of passivity and even laziness, while Existentialism becomes synonymous with apathy and futile despair. Something similar has happened to Stoicism, which is considered – when considered at all – a philosophy of grim endurance, of carrying on rather than getting over, of tolerating rather than transcending life’s agonies and adversities.

No wonder it’s not more popular. No wonder the Stoic sage, in Western culture, has never obtained the popularity of the Zen master. Even though Stoicism is far more accessible, not only does it lack the exotic mystique of Eastern practice; it’s also regarded as a philosophy of merely breaking even while remaining determinedly impassive. What this attitude ignores is the promise proffered by Stoicism of lasting transcendence and imperturbable tranquility.

It ignores gratitude, too. This is part of the tranquility, because it’s what makes the tranquility possible. Stoicism is, as much as anything, a philosophy of gratitude – and a gratitude, moreover, rugged enough to endure anything. Philosophers who pine for supreme psychological liberation have often failed to realise that they belong to a confederacy that includes the Stoics. ‘According to nature you want to live?’ Friedrich Nietzsche taunts the Stoics in Beyond Good and Evil (1886):

O you noble Stoics, what deceptive words these are! Imagine a being like nature, wasteful beyond measure, indifferent beyond measure, without purposes and consideration, without mercy and justice, fertile and desolate and uncertain at the same time; imagine indifference itself as a power – how could you live according to this indifference? Living – is that not precisely wanting to be other than this nature? Is not living – estimating, preferring, being unjust, being limited, wanting to be different? And supposing your imperative ‘live according to nature’ meant at bottom as much as ‘live according to life’ – how could you not do that? Why make a principle of what you yourself are and must be?

senecaFUJR6XH4W_1.jpgThis is pretty good, as denunciations of Stoicism go, seductive in its articulateness and energy, and therefore effective, however uninformed.

Which is why it’s so disheartening to see Nietzsche fly off the rails of sanity in the next two paragraphs, accusing the Stoics of trying to ‘impose’ their ‘morality… on nature’, of being ‘no longer able to see [nature] differently’ because of an ‘arrogant’ determination to ‘tyrannise’ nature as the Stoic has tyrannised himself. Then (in some of the least subtle psychological projection you’re ever likely to see, given what we know of Nietzsche’s mad drive for psychological supremacy), he accuses all of philosophy as being a ‘tyrannical drive’, ‘the most spiritual will to power’, to the ‘creation of the world’.

The truth is, indifference really is a power, selectively applied, and living in such a way is not only eminently possible, with a conscious adoption of certain attitudes, but facilitates a freer, more expansive, more adventurous mode of living. Joy and grief are still there, along with all the other emotions, but they are tempered – and, in their temperance, they are less tyrannical.

If we can’t always go to our philosophers for an understanding of Stoicism, then where can we go? One place to start is the Urban Dictionary. Check out what this crowd-sourced online reference to slang gives as the definition of a ‘stoic’:

stoic
Someone who does not give a shit about the stupid things in this world that most people care so much about. Stoics do have emotions, but only for the things in this world that really matter. They are the most real people alive.
Group of kids are sitting on a porch. Stoic walks by.
Kid – ‘Hey man, yur a f**kin f****t an you s**k c**k!’
Stoic – ‘Good for you.’
Keeps going.

You’ve gotta love the way the author manages to make mention of a porch in there, because Stoicism has its root in the word stoa, which is the Greek name for what today we would call a porch. Actually, we’re more likely to call it a portico, but the ancient Stoics used it as a kind of porch, where they would hang out and talk about enlightenment and stuff. The Greek scholar Zeno is the founder, and the Roman emperor Marcus Aurelius the most famous practitioner, while the Roman statesman Seneca is probably the most eloquent and entertaining. But the real hero of Stoicism, most Stoics agree, is the Greek philosopher Epictetus.

He’d been a slave, which gives his words a credibility that the other Stoics, for all the hardships they endured, can’t quite match. He spoke to his pupils, who later wrote down his words. These are the only words we know today as Epictetus’, consisting of two short works, the Enchiridion and the Discourses, along with some fragments. Among those whom Epictetus taught directly is Marcus Aurelius (another Stoic philosopher who did not necessarily expect to be read; his Meditations were written expressly for private benefit, as a kind of self-instruction).

Among those Epictetus has taught indirectly is a whole cast of the distinguished, in all fields of endeavour. One of these is the late US Navy Admiral James Stockdale. A prisoner of war in Vietnam for seven years during that conflict, he endured broken bones, starvation, solitary confinement, and all other manner of torture. His psychological companion through it all were the teachings of Epictetus, with which he had familiarised himself after graduating from college and joining the Navy, studying philosophy at Stanford University on the side. He kept those teachings close by in Vietnam, never letting them leave his mind even when things were at their most dire. Especially then. He knew what they were about, those lessons, and he came to know their application much better than anyone should have to.

Stockdale wrote a lot about Epictetus, in speeches and memoirs and essays, but if you want to travel light (and, really, what Stoic doesn’t?), the best thing you could take with you is a speech he gave at King’s College London in 1993, published as Courage Under Fire: Testing Epictetus’s Doctrines in a Laboratory of Human Behavior (1993). That subtitle is important. Epictetus once compared the philosopher’s lecture room to a hospital, from which the student should walk out in a little bit of pain. ‘If Epictetus’s lecture room was a hospital,’ Stockdale writes, ‘my prison was a laboratory – a laboratory of human behaviour. I chose to test his postulates against the demanding real-life challenges of my laboratory. And as you can tell, I think he passed with flying colours.

Stockdale rejected the false optimism proffered by Christianity, because he knew, from direct observation, that false hope is how you went insane in that prison. The Stoics themselves believed in gods, but ultimately those resistant to religious belief can take their Stoicism the way they take their Buddhism, even if they can’t buy into such concepts as karma or reincarnation. What the whole thing comes down to, distilled to its briefest essence, is making the choice that choice is really all we have, and that all else is not worth considering.Who […] is the invincible human being?’ Epictetus once asked, before answering the question himself: ‘One who can be disconcerted by nothing that lies outside the sphere of choice.’

Any misfortune ‘that lies outside the sphere of choice’ should be considered an opportunity to strengthen our resolve, not an excuse to weaken it. This is one of the truly great mind-hacks ever devised, this willingness to convert adversity to opportunity, and it’s part of what Seneca was extolling when he wrote what he would say to one whose spirit has never been tempered or tested by hardship: ‘You are unfortunate in my judgment, for you have never been unfortunate. You have passed through life with no antagonist to face you; no one will know what you were capable of, not even you yourself.’ We do ourselves an immense favour when we consider adversity an opportunity to make this discovery – and, in the discovery, to enhance what we find there.

How did we let something so eminently understandable become so grotesquely misunderstood? How did we forget that that dark passage is really the portal to transcendence?

Many will recognise in these principles the general shape and texture of cognitive-behavioral therapy (CBT). Indeed, Stoicism has been identified as a kind of proto-CBT. Albert Ellis, the US psychologist who founded an early form of CBT known as Rational Emotive Behaviour Therapy (REBT) in 1955, had read the Stoics in his youth and used to prescribe to his patients Epictetus’s maxim that ‘People are disturbed not by things but by their view of things.’ ‘That’s actually the “cognitive model of emotion” in a nutshell,’ Donald Robertson tells me, and he should certainly know, as a therapist who in 2010 wrote a book on CBT with the subtitle ‘Stoic Philosophy as Rational and Cognitive Psychotherapy’.

This simplicity and accessibility ensure that Stoicism will never be properly embraced by those who prefer the abstracted and esoteric in their philosophies. In the novel A Man in Full (1998), Tom Wolfe gives Stoicism, with perfect plausibility, to a semi-literate prison inmate. This monologue of Conrad Hensley’s may be stilted, but there’s nothing at all suspect about the sentiment behind it. When asked if he is a Stoic, Conrad replies: ‘I’m just reading about it, but I wish there was somebody around today, somebody you could go to, the way students went to Epictetus. Today people think of Stoics – like, you know, like they’re people who grit their teeth and tolerate pain and suffering. What they are is, they’re serene and confident in the face of anything you can throw at them.’

Which leads us naturally to ask just what it was that was thrown at them. We’ve already noted that Epictetus had the whole slavery thing going on, so he checks out. So does Seneca, in spite of what many have asserted – most recently the UK classicist Mary Beard in an essay for the New York Review of Books that asks: ‘How Stoical Was Seneca?’ before providing a none-too-approving answer. What Beard’s well-informed and otherwise cogent essay fails to allow for is just how tough it must have been for Seneca – tubercular, exiled, and under the control of a sadistically murderous dictator – no matter what access he sometimes had to life’s luxuries. It was Seneca himself who said that ‘no one has condemned wisdom to poverty’, and only an Ancient Greek Cynic would try to deny this. Besides, Seneca would have been the first to tell you, as he told a correspondent in one of his letters: ‘I am not so shameless as to undertake to cure my fellow-men when I am ill myself. I am, however, discussing with you troubles which concern us both, and sharing the remedy with you, just as if we were lying ill in the same hospital.’

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Marcus Aurelius lay ill in that hospital, too. As beneficiary of the privileges of emperor, he also endured the struggles and stresses of that very same position, plus a few more besides. I know better than to try to improve on the following accounting, provided in Irvine’s A Guide to the Good Life:
He was sick, possibly with an ulcer. His family life was a source of distress: his wife appears to have been unfaithful to him, and of the at least 14 children she bore him, only six survived. Added to this were the stresses that came with ruling an empire. During his reign, there were numerous frontier uprisings, and Marcus often went personally to oversee campaigns against upstart tribes. His own officials – most notably, Avidius Cassius, the governor of Syria – rebelled against him. His subordinates were insolent to him, which insolence he bore with ‘an unruffled temper’. Citizens told jokes at his expense and were not punished for doing so. During his reign, the empire also experienced plague, famine, and natural disasters such as the earthquake at Smyrna.

Ever the strategist, Marcus employed a trusty technique in confronting the days that comprised such a life, making a point to tell himself at the start of each one of them: ‘I shall meet with meddling, ungrateful, violent, treacherous, envious, and unsociable people.’ He could have been different about it – he could have pretended things were just hunky-dory, especially on those days when they really were, or seemed to be. But how, then, would he have been prepared to angle both into the wind and away from it – adapting, always, to fate’s violently vexing vicissitudes? Where would that have left him when the weather changed?

Lary Wallace is features editor of Bangkok Post: The Magazine. He has written for the Los Angeles Review of Books, The Paris Review Daily, The Library of America Reader’s Almanac, and others.

Oswald Spengler and the Soul of Russia

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Oswald Spengler and the Soul of Russia

By Kerry Bolton
Ex: http://katehon.com

It would be easy to regard Oswald Spengler, author of the epochal Decline of The West in the aftermath of World War I, as a Russophobe.

In so doing the role of Russia in the unfolding of history from this era onward could be easily dismissed, opposed or ridiculed by proponents of Spengler, while in Russia his insights into culture-morphology would be understandably unwelcome as being from an Slavophobic German nationalist. However, while Spengler, like many others of the time in the aftermath of the Bolshevik Revolution, regarded – partially - Russia as the Asianised leader of a ‘coloured revolution’ against the white world, he also considered other possibilities. This paper examines Spengler’s views on Russia as a distinct culture that had not yet fulfilled her destiny, while Western civilisation is about to take a final bow on the world historical stage. His views on Russia as an outsider are considered in relation to the depiction of the Russian soul by seminal Russians such as Gogol.

Russia’s ‘Soul’

Spengler regarded Russians as formed by the vastness of the land-plain, as innately antagonistic to the Machine, as rooted in the soil, irrepressibly peasant, religious, and ‘primitive’. Without a wider understanding of Spengler’s philosophy it appears that he was – like Hitler – a Slavophobe. However, when Spengler wrote of these Russian characteristics he was referencing the Russians as a still youthful people in contrats to the senile West. Hence the ‘primitive’ Russian is not synonymous with ‘primitivity’ as popularly understood at that time in regard to ‘primitive’ tribal peoples. Nor was it to be confounded with the Hitlerite perception of the ‘primitive Slav’ incapable of building his own State.

To Spengler, the ‘primitive peasant’ is the well-spring from which a race draws its healthiest elements during its epochs of cultural vigour.

Agriculture is the foundation of a High Culture, enabling stable communities to diversify labour into specialisation from which Civilisation proceeds.

However, according to Spengler, each people has its own soul, a German conception derived from the German Idealism of Herder, Fichte et al. A High culture reflects that soul, whether in its mathematics, music, architecture; both in the arts and the physical sciences. The Russian soul is not the same as the Western Faustian, as Spengler called it, the ‘ Magian’ of the Arabian civilisation, or the Classical of the Hellenes and Romans. The Western Culture that was imposed on Russia by Peter the Great, what Spengler called Petrinism, is a veneer.

The basis of the Russian soul is not infinite space – as in the West’s Faustian (Spengler, 1971, I, 183) imperative, but is ‘the plain without limit’ (Spengler, 1971, I, 201). The Russian soul expresses its own type of infinity, albeit not that of the Western which becomes even enslaved by its own technics at the end of its life-cycle. (Spengler, 1971, II, 502). (Although it could be argued that Sovietism enslaved man to machine, a Spenglerian would cite this as an example of Petrinism). However, Civilisations cannot do anything but follow their life’s course, and one cannot see Spengler’s descriptions as moral judgements but as observations. The finale for Western Civilisation according to Spengler cannot be to create further great forms of art and music, which belong to the youthful or ‘ spring’ epoch of a civilisation, but to dominate the world under a technocratic-military dispensation, before declining into oblivion that all prior world civilisations. It is after this Western decline that Spengler alluded to the next word civilisation being that of Russia. At that stage Spengler could only hint at the possibilities.

Hence, according to Spengler, Russian Orthodox architecture does not represent the infinity towards space that is symbolised by the Western high culture’s Gothic Cathedral spire, nor the enclosed space of the Mosque of the Magian Culture, (Spengler, 1971, I, 183-216) but the impression of sitting upon a horizon. Spengler considered that this Russian architecture is ‘not yet a style, only the promise of a style that will awaken when the real Russian religion awakens’ (Spengler, 1971, I, p. 201. Spengler was writing of the Russian culture as an outsider, and by his own reckoning must have realised the limitations of that. It is therefore useful to compare his thoughts on Russia with those of Russians of note.

Nikolai Berdyaev in The Russian Idea affirms what Spengler describes:

There is that in the Russian soul which corresponds to the immensity, the vagueness, the infinitude of the Russian land, spiritual geography corresponds with physical. In the Russian soul there is a sort of immensity, a vagueness, a predilection for the infinite, such as is suggested by the great plain of Russia. (Berdyaev, 1).

‘Prussian Socialism’, ‘Russian Socialism’


Of the Russian soul, the ego/vanity of the Western culture-man is missing; the persona seeks impersonal growth in service, ‘in the brother-world of the plain’. Orthodox Christianity condemns the ‘I’ as ‘sin’ (Spengler, 1971, I, 309). Spengler wrote of ‘Prussian Socialism’, based on the Prussian ethos of duty to the state, as the foundation of a new Western ethos under the return to Faith and Authority during the final epoch of Western civilisation. He contrasted this with the ‘socialism’ of Karl Marx, which he regarded as a product of English economics, (Spengler, 1919) as distinct from the German economics of Friedrich List for example, described as the ‘ national system of political economy’, where nation is the raison d’etre of the economy and not class or individual.

The Russian concept of ‘we’ rather than ‘I’, and of impersonal service to the expanse of one’s land implies another form socialism. It is perhaps in this sense that Stalinism proceeded along lines different and often antithetical to the Bolshevism envisaged by Trotsky et al. (Trotsky, 1936), and established an enduring legacy on Russia.

A recent comment by an American visitor to Russia, Barbara J. Brothers, as part of a scientific delegation, states something akin to Spengler’s observation:

The Russians have a sense of connectedness to themselves and to other human beings that is just not a part of American reality. It isn’t that competitiveness does not exist; it is just that there always seems to be more consideration and respect for others in any given situation.

Of the Russian concept of property and of capitalism, Berdyaev wrote:

The social theme occupied a predominant place in Russian nineteenth century thought. It might even be said that Russian thought in that century was to a remarkable extent coloured by socialistic ideas. If the word socialism is not taken in its doctrinaire sense, one might say that socialism is deeply rooted in the Russian nature. There is already an expression of this truth in the fact that the Russian people did not recognize the Roman conception of property. It has been said of Muscovite Russia that it was innocent of the sin of ownership in land, the one and only landed proprietor being the Tsar: there was no freedom, but there was a greater sense of what was right. This is of interest in the light that it throws upon the rise of communism. The Slavophils also repudiated the Western bourgeois interpretation of private property equally with the socialists of a revolutionary way of thinking. Almost all of them thought that the Russian people was called upon to give actual effect to social troth and righteousness and to the brotherhood of man. One and all they hoped that Russia would escape the wrongness and evil of capitalism, that it would be able to pass over to a better social order while avoiding the capitalist stage of economic development. And they all considered the backwardness of Russia as conferring upon her a great advantage. It was the wisdom of the Russians to be socialists during the period of serfdom and autocracy. Of all peoples in the world the Russians have the community spirit; in the highest degree the Russian way of life and Russian manners, are of that kind. Russian hospitality is an indication of this sense of community. (Berdyaev, 97-98).

Here again, we see with Berdyaev, as with Spengler, that there is a ‘Russian Socialism’ based on what Spengler referred to as the Russian ‘we’ in contrast to the Late Western ‘I’, and of the sense of brotherhood dramatised by Gogol in Taras Bulba, shaped not by factories and money-thinking, but by the kinship that arises from a people formed from the vastness of the plains, and forged through the adversity of centuries of Muslim and Mongol invasions.

The Russian Soul - Русская душа

The connections between family, nation, birth, unity and motherland are reflected in the Russian language.

род [rod]: family, kind, sort, genus
родина [ródina]: homeland, motherland
родители [rodíteli]: parents
родить [rodít']: to give birth
роднить [rodnít']: to unite, bring together
родовой [rodovói]: ancestral, tribal
родство [rodstvó]: kinship

Russian National Literature starting from the 1840s began to consciously express the Russian soul. Firstly Nikolai Vasilievich Gogol’s Taras Bulba, which along with the poetry of Pushkin, founded a Russian literary tradition; that is to say, truly Russian, and distinct from the previous literature based on German, French and English. John Cournos states of this in his introduction to Taras Bulba:

The spoken word, born of the people, gave soul and wing to literature; only by coming to earth, the native earth, was it enabled to soar. Coming up from Little Russia, the Ukraine, with Cossack blood in his veins, Gogol injected his own healthy virus into an effete body, blew his own virile spirit, the spirit of his race, into its nostrils, and gave the Russian novel its direction to this very day.

Taras Bulba is a tale on the formation of the Cossack folk. In this folk-formation the outer enemy plays a crucial role. The Russian has been formed largely as the result of battling over centuries with Tartars, Muslims and Mongols. Cournos writes of the Gogol myths in reference to the shaping of the Russian character through adversity and landscape:

This same Prince Guedimin freed Kieff from the Tatar yoke. This city had been laid waste by the golden hordes of Ghengis Khan and hidden for a very long time from the Slavonic chronicler as behind an impenetrable curtain. A shrewd man, Guedimin appointed a Slavonic prince to rule over the city and permitted the inhabitants to practise their own faith, Greek Christianity. Prior to the Mongol invasion, which brought conflagration and ruin, and subjected Russia to a two-century bondage, cutting her off from Europe, a state of chaos existed and the separate tribes fought with one another constantly and for the most petty reasons. Mutual depredations were possible owing to the absence of mountain ranges; there were no natural barriers against sudden attack. The openness of the steppe made the people war-like. But this very openness made it possible later for Guedimin’s pagan hosts, fresh from the fir forests of what is now White Russia, to make a clean sweep of the whole country between Lithuania and Poland, and thus give the scattered princedoms a much-needed cohesion. In this way Ukrainia was formed. (Cournos, ‘Introduction’, ibid).

Their society and nationality were defined by religiosity, as was the West’s by Gothic Christianity during its ‘Spring’ epoch. The newcomer to a Setch or permanent village was greeted by the Chief as a Christian and as a warrior: ‘Welcome! Do you believe in Christ?’ —‘I do’, replied the new-comer. ‘And do you believe in the Holy Trinity?’— ‘I do’.—‘And do you go to church?’—‘I do.’ ‘Now cross yourself’. (Gogol, III).

Gogol depicts the scorn in which trade is held, and when commerce has entered among Russians, rather than being confined to non-Russians associated with trade, it is regarded as a symptom of decadence:

I know that baseness has now made its way into our land. Men care only to have their ricks of grain and hay, and their droves of horses, and that their mead may be safe in their cellars; they adopt, the devil only knows what Mussulman customs. They speak scornfully with their tongues. They care not to speak their real thoughts with their own countrymen. They sell their own things to their own comrades, like soulless creatures in the market-place. The favour of a foreign king, and not even a king, but the poor favour of a Polish magnate, who beats them on the mouth with his yellow shoe, is dearer to them than all brotherhood. But the very meanest of these vile men, whoever he may be, given over though he be to vileness and slavishness, even he, brothers, has some grains of Russian feeling; and they will assert themselves some day. And then the wretched man will beat his breast with his hands; and will tear his hair, cursing his vile life loudly, and ready to expiate his disgraceful deeds with torture. Let them know what brotherhood means on Russian soil! (Spengler, 1971, II, 113).

Here we might see a Russian socialism that is, so far form being the dialectical materialism offered by Marx, the mystic we-feeling forged by the vastness of the plains and the imperative for brotherhood above economics, imposed by that landscape. Russia’s feeling of world-mission has its own form of messianism whether expressed through Christian Orthodoxy or the non-Marxian form of ‘world revolution’ under Stalin, or both in combination, as suggested by the later rapport between Stalinism and the Church from 1943 with the creation of the Council for Russian Orthodox Church Affairs (Chumachenko, 2002). In both senses, and even in the embryonic forms taking place under Putin, Russia is conscious of a world-mission, expressed today as Russia’s role in forging a multipolar world, with Russia as being pivotal in resisting unipolarism.
 

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Commerce is the concern of foreigners, and the intrusions bring with them the corruption of the Russian soul and culture in general: in speech, social interaction, servility, undermining Russian ‘brotherhood’, the Russian ‘we’ feeling that Spengler described. (Spengler 1971, I, 309). However, Gogol also states that this materialistic decay will eventually be purged even from the soul of the most craven Russian.

And all the Setch prayed in one church, and were willing to defend it to their last drop of blood, although they would not hearken to aught about fasting or abstinence. Jews, Armenians, and Tatars, inspired by strong avarice, took the liberty of living and trading in the suburbs; for the Zaporozhtzi never cared for bargaining, and paid whatever money their hand chanced to grasp in their pocket. Moreover, the lot of these gain-loving traders was pitiable in the extreme. They resembled people settled at the foot of Vesuvius; for when the Zaporozhtzi lacked money, these bold adventurers broke down their booths and took everything gratis. (Gogol, III).

The description of these people shows that they would not stoop to haggling; they decided what a merchant should receive. Money-talk is repugnant to them.

The Cossack brotherhood is portrayed by Gogol as the formative process in the building up of the Russian people. This process is, significantly, not one of biology but of spirit, even transcending the family bond. Spengler treated the matter of race as that of soul rather than of zoology. (Spengler, 1971, II, 113-155). To Spengler landscape was crucial in determining what becomes ‘race’, and the duration of families grouped in a particular landscape – including nomads who have a defined range of wandering – form ‘a character of duration’, which was Spengler’s definition of ‘race’. (Spengler, Vol. II, 113). Gogol describes this ‘ race’ forming process among the Russians. So far from being an aggressive race nationalism it is an expanding mystic brotherhood under God:

The father loves his children, the mother loves her children, the children love their father and mother; but this is not like that, brothers. The wild beast also loves its young. But a man can be related only by similarity of mind and not of blood. There have been brotherhoods in other lands, but never any such brotherhoods as on our Russian soil. It has happened to many of you to be in foreign lands. … No, brothers, to love as the Russian soul loves, is to love not with the mind or anything else, but with all that God has given, all that is within you. Ah! (Golgol, IX).

The Russian soul is born in suffering. The Russian accepts the fate of life in service to God and to his Motherland. Russia and Faith are inseparable. When the elderly warrior Bovdug is mortally struck by a Turkish bullet his final words are exhortations on the nobility of suffering, after which his spirit soars to join his ancestors:

‘I sorrow not to part from the world. God grant every man such an end! May the Russian land be forever glorious!’ And Bovdug’s spirit flew above, to tell the old men who had gone on long before that men still knew how to fight on Russian soil, and better still, that they knew how to die for it and the holy faith. (Gogol, IX).

The depth and duration of this cult of the martyrs attached to Holy Mother Russia was revived under Stalin during the Great Patriotic War. This is today as vigorous as ever, as indicated by the celebration of Victory Day on 7 May 2015, and the absence of Western representatives indicating the diverging course Russia is again taking from the West.

The mystique of death and suffering for the Motherland is described in the death of Tarus Bulba when he is captured and executed, his final words being ones of resurrection:

‘Wait, the time will come when ye shall learn what the orthodox Russian faith is! Already the people scent it far and near. A czar shall arise from Russian soil, and there shall not be a power in the world which shall not submit to him!’ But fire had already risen from the fagots; it lapped his feet, and the flame spread to the tree.... But can any fire, flames, or power be found on earth which are capable of overpowering Russian strength? (Gogol, XII).

The characteristics of the Russian soul that run through Tarus Bulba are those of faith, fate, struggle, suffering, strength, brotherhood and resurrection. Tarus Bulba established the Russian national literature that articulated the Russian soul.

Pseudomorphosis

A significant element of Spengler’s culture morphology is ‘Historic Pseudomorphosis’. Spengler drew an analogy from geology, when crystals of a mineral are embedded in a rock-stratum: where ‘clefts and cracks occur, water filters in, and the crystals are gradually washed out so that in due course only their hollow mould remains’. (Spengler, II, 89).

Then comes volcanic outbursts which explode the mountain; molten masses pour in, stiffen and crystallize out in their turn. But these are not free to do so in their own special forms. They must fill out the spaces that they find available. Thus there arise distorted forms, crystals whose inner structure contradicts their external shape, stones of one kind presenting the appearance of stones of another kind. The mineralogists call this phenomenon Pseudomorphosis. (Ibid.).

Spengler explained:

By the term ‘historical pseudomorphosis’ I propose to designate those cases in which an older alien Culture lies so massively over the land that a young Culture, born in this land, cannot get its breath and fails not only to achieve pure and specific expression-forms, but even to develop its own fully self-consciousness. All that wells up from the depths of the young soul is cast in the old moulds, young feelings stiffen in senile works, and instead of rearing itself up in its own creative power, it can only hate the distant power with a hate that grows to be monstrous. (Ibid.).

Russia is the example of ‘Historic Pseudomorphosis’ given by Spengler as being ‘presented to our eyes to-day’. A dichotomy has existed for centuries, starting with Peter the Great, of attempts to impose a Western veneer over Russia. This is called Petrinism. The resistance of those attempts is what Spengler called ‘Old Russia’. Spengler, 1971, II, 192). Spengler described this dichotomy:

…This Muscovite period of the great Boyar families and Patriarchs, in which a constant element is the resistance of an Old Russia party to the friends of Western Culture, is followed, from the founding of Petersburg in 1703, by the pseudomorphosis which forced the primitive Russian soul into an alien mould, first of full Baroque, then of the Enlightenment, and then of the nineteenth century. (Ibid., II, p. 192).

Spengler’s view is again in accord with what is spoken of Russia by Russians. Nikolai Berdyaev wrote in terms similar to Spengler’s:

The inconsistency and complexity of the Russian soul may be due to the fact that in Russia two streams of world history East and West jostle and influence one another. The Russian people is not purely European and it is not purely Asiatic. Russia is a complete section of the world a colossal East-West. It unites two worlds, and within the Russian soul two principles are always engaged in strife - the Eastern and the Western. (Berdyaev, 1).

With the orientation of Russian policy towards the West, ‘Old Russia’ was ‘forced into a false and artificial history’. (Spengler, II, 193). Spengler wrote that Russia had become dominated by Western culture from its ‘Late’ epoch:

Late-period arts and sciences, enlightenment, social ethics, the materialism of world-cities, were introduced, although in this pre-cultural time religion was the only language in which man understood himself and the world. In the townless land with its primitive peasantry, cities of alien type fixed themselves like ulcers – false, unnatural, unconvincing. ‘Petersburg’, says Dostoyevski, ‘it is the most abstract and artificial city in the world’.
After this everything that arose around it was felt by the true Russdom as lies and poison. A truly apocalyptic hatred was directed on Europe, and ‘Europe’ was all that was not Russia… ‘The first condition of emancipation for the Russian soul’, wrote Aksakov [1] in 1863 to Dostoyevski, ‘is that it should hate Petersburg with all this might and all its soul’. Moscow is holy, Petersburg Satanic. A widespread popular legend presents Peter the Great as Antichrist.
(Spengler, 1971, II, 193).


Berdyaev also discusses the introduction of Enlightenment doctrines from France into Russia:

The Western culture of Russia in the eighteenth century was a superficial aristocratic borrowing and imitation. Independent thought had not yet awakened. At first it was French influences which prevailed among us and a superficial philosophy of enlightenment was assimilated. The Russian aristocrats of the eighteenth century absorbed Western culture in the form of a miserable rehash of Voltaire.
(Berdyaev, 16).


domes-ancient-russian-church-11780967.jpgThe hatred of the ‘West’ and of ‘Europe’ is the hatred for a Civilisation that had already reached an advanced state of decay into materialism and sought to impose its primacy by cultural subversion rather than by combat, with its City-based and money-based outlook, ‘poisoning the unborn culture in the womb of the land’. (Spengler, 1971, II, 194). Russia was still a land where there were no bourgeoisie and no true class system but only lord and peasant, a view confirmed by Berdyaev, writing:

The various lines of social demarcation did not exist in Russia; there were no pronounced classes. Russia was never an aristocratic country in the Western sense, and equally there was no bourgeoisie. (Berdyaev, 1).

The cities that emerged threw up an intelligentsia, copying the intelligentsia of Late Westerndom, ‘bent on discovering problems and conflicts, and below, an uprooted peasantry, with all the metaphysical gloom, anxiety, and misery of their own Dostoyevski, perpetually homesick for the open land and bitterly hating the stony grey world into which the Antichrist had tempted them. Moscow had no proper soul’. (Spengler, 1971, II, 194).

The spirit of the upper classes was Western, and the lower had brought in with them the soul of the countryside. Between the two worlds there was no reciprocal comprehension, no communication, no charity. To understand the two spokesmen and victims of the pseudomorphosis, it is enough that Dostoyevski is the peasant, and Tolstoi the man of Western society. The one could never in his soul get away from the land; the other, in spite of his desperate efforts, could never get near it. (Ibid.).

Berdyaev likewise states of the Petrinism of the upper class:

Peter secularized the Russian Tsardoni and brought it into touch with Western absolutism of the more enlightened kind. The Tsardom of Moscow had not given actual effect to the messianic idea of Moscow as the Third Rome, but the efforts of Peter created a gulf between a police absolutism and the sacred Tsardom. A breach took place between the upper governing classes of Russian society and the masses of the people among whom the old religious beliefs and hopes were still preserved. The Western influences which led on to the remarkable Russian culture of the nineteenth century found no welcome among the bulk of the people. The power of the nobility increased and it became entirely alien from the people. The very manner of life of the landowning nobility was a thing incomprehensible to the people. It was precisely in the Petrine epoch during the reign of Katherine II that the Russian people finally fell under the sway of the system of serfdom. The whole Petrine period of Russian history was a struggle between East and West within the Russian soul. (Berdyaev, 15).

Russian Messianism

Berdyaev states that while Petrinism introduced an epoch of cultural dynamism, it also placed a heavy burden upon Russia, and a disunity of spirit. (Ibid.). However, Russia has her own religious sense of Mission, which is as universal as the Vatican’s. Spengler quotes Dostoyevski as writing in 1878: ‘all men must become Russian, first and foremost Russian. If general humanity is the Russian ideal, then everyone must first of all become a Russian’. (Spengler, 1963, 63n). The Russian Messianic idea found a forceful expression in Dostoyevski’s The Possessed, where, in a conversation with Stavrogin, Shatov states:

Reduce God to the attribute of nationality?...On the contrary, I elevate the nation to God...The people is the body of God. Every nation is a nation only so long as it has its own particular God, excluding all other gods on earth without any possible reconciliation, so long as it believes that by its own God it will conquer and drive all other gods off the face of the earth. At least that’s what all great nations have believed since the beginning of time, all those remarkable in any way, those standing in the vanguard of humanity...The Jews lived solely in expectation of the true God, and they left this true God to the world...A nation which loses faith is no longer a nation. But there is only one truth; consequently, only one nation can posses the true God...The sole ‘God bearing’ nation is the Russian nation... (Dostoevsky, 1992, Part II: I: 7, 265-266).

Spengler saw Russia as outside of Europe, and even as ‘Asian’. He even saw a Western rebirth vis-à-vis opposition to Russia, which he regarded as leading the ‘coloured world’ against the white, under the mantle of Bolshevism. Yet there were also other destinies that Spengler saw over the horizon, which had been predicted by Dostoyevski.

Once Russia had overthrown its alien intrusions, it could look with another perspective upon the world, and reconsider Europe not with hatred and vengeance but in kinship. Spengler wrote that while Tolstoi, the Petrinist, whose doctrine was the precursor of Bolshevism, was ‘the former Russia’, Dostoyevski was ‘the coming Russia’. Dostoyevski as the representative of the ‘coming Russia’ ‘does not know’ the hatred of Russia for the West. Dostoyevski and the old Russia are transcendent. ‘His passionate power of living is comprehensive enough to embrace all things Western as well’. Spengler quotes Dostoyevski: ‘I have two fatherlands, Russia and Europe’. Dostoyevski as the harbinger of a Russian high culture ‘has passed beyond both Petrinism and revolution, and from his future he looks back over them as from afar. His soul is apocalyptic, yearning, desperate, but of this future he is certain’. [65] (Spengler, 1971, II, 194). Spengler cites Dostoyevski’s The Brothers Karamazov, where Ivan Karamazov (Dostoyevski, 1880, 34: II: V: 3) says to his mother:

I want to travel in Europe… I know well enough that I shall be going only to a churchyard, but I know too that that churchyard is dear, very dear to me. Beloved dead lie buried there, every stone over them tell of a life so ardently lived, so passionately a belief in its own achievements, its own truth, its own battle, its own knowledge, that I know – even now I know – I shall fall down and kiss these stones and weep over them’. (Spengler, 1971, II, 195).

To the ‘Slavophil’, of which Dostoyevski was one, Europe is precious. The Slavophil appreciates the richness of European high culture while realising that Europe is in a state of decay. Berdyaev discussed what he regarded as an inconsistency in Dostoyevski and the Slavophils towards Europe, yet one that is comprehensible when we consider Spengler’s crucial differentiation between Culture and Civilisation:

Dostoyevsky calls himself a Slavophil. He thought, as did also a large number of thinkers on the theme of Russia and Europe, that he knew decay was setting in, but that a great past exists in her, and that she has made contributions of great value to the history of mankind. (Berdyaev, 70).

It is notable that while this differentiation between Kultur and Zivilisation is ascribed to a particularly German philosophical tradition, Berdyaev comments that it was present among the Russians ‘long before Spengler’, although deriving from German sources:

It is to be noted that long before Spengler, the Russians drew the distinction between ‘culture’ and ‘civilization’, that they attacked ‘civilization’ even when they remained supporters of ‘culture’. This distinction in actual fact, although expressed in a different phraseology, was to be found among the Slavophils. (Ibid.).

Tolstoi, who sought to overcome the problems of Civilisation by a ‘return-to-Nature’ in the manner of the Western Enlightenment philosopher J J Rousseau, on the other hand, is the product of the Late West, ‘enlightened and socially minded’, and sees only a problem, ‘whereas Dostoyevski ‘does not even know what a problem is’. (Spengler, 1971, II, 195). Spengler states that the problematic nature of life is a question that arises in Late Civilisations, and is a symptom of an epoch where life itself has become questionable. It is a symptom of the Late West transplanted as a weed onto the soil of Russia, represented by Tolstoi who, stands midway between Peter and Bolshevism, and neither he nor they managed to get within sight of Russian earth…. Their kind of opposition is not apocalyptic but intellectual. Tolstoi’s hatred of property is an economist’s, his hatred of society a social reformer’s, his hatred of the State a political theorist’s. Hence his immense effect upon the West – he belongs, in one respect as in another, to the band of Marx, Ibsen, and Zola. (Ibid.).

Dostoyevski, on the contrary, was indifferent to the Late West, looking beyond the physical, beyond questions of social reform and economics, and to the metaphysical: ‘Dostoyevski, like every primitive Russian, is fundamentally unaware’ of the physical world and ‘lives in a second, metaphysical world beyond’. The living reality is a religious one, which Spengler compares most closely with ‘primitive Christianity’. Dostoyevski is a ‘saint’, Tolstoi, ‘only a revolutionary’, the representative of Petrinism, as the forerunner of Bolshevism, ‘the last dishonouring of the metaphysical by the social’, and a new form of pseudomorphosis. The Bolshevists and other such revolutionaries were ‘the lowest stratum of … Petrine society’. (Ibid., II, 196). Imbued with ideas from the Late West, the Marxists sought to replace one Petrine ruling class with another. Neither represented the soul of Russia. Spengler states: ‘The real Russian is the disciple of Dostoyevski, even though he might not have read Dostoyevski, or anyone else, nay, perhaps because he cannot read, he is himself Dostoyevski in substance’. The intelligentsia hates, the peasant does not. (Ibid.). He would eventually overthrow Bolshevism and any other form of Petrinism. Here we see Spengler unequivocally stating that the post-Western civilisation will be Russian.

For what this townless people yearns for is its own life-form, its own religion, its own history. Tolstoi’s Christianity was a misunderstanding. He spoke of Christ and he meant Marx. But to Dostoyevski’s Christianity, the next thousand years will belong. (Ibid.).

To the true Russia, as Dostoyevski stated it, ‘not a single nation has ever been founded on principles of science or reason’. Dostoyevski continues, with the character Shatov explaining:

[N]ot a single nation has ever been founded on principles of science or reason. There has never been an example of it, except for a brief moment, through folly. Socialism is from its very nature bound to be atheism, seeing that it has from the very first proclaimed that it is an atheistic organisation of society, and that it intends to establish itself exclusively on the elements of science and reason. Science and reason have, from the beginning of time, played a secondary and subordinate part in the life of nations; so it will be till the end of time. Nations are built up and moved by another force which sways and dominates them, the origin of which is unknown and inexplicable: that force is the force of an insatiable desire to go on to the end, though at the same time it denies that end. It is the force of the persistent assertion of one's own existence, and a denial of death. It’s the spirit of life, as the Scriptures call it, ‘the river of living water’, the drying up of which is threatened in the Apocalypse. It’s the æsthetic principle, as the philosophers call it, the ethical principle with which they identify it, ‘the seeking for God’, as I call it more simply. The object of every national movement, in every people and at every period of its existence is only the seeking for its god, who must be its own god, and the faith in Him as the only true one. God is the synthetic personality of the whole people, taken from its beginning to its end. It has never happened that all, or even many, peoples have had one common god, but each has always had its own. It’s a sign of the decay of nations when they begin to have gods in common. When gods begin to be common to several nations the gods are dying and the faith in them, together with the nations themselves. The stronger a people the more individual their God. There never has been a nation without a religion, that is, without an idea of good and evil. Every people has its own conception of good and evil, and its own good and evil. When the same conceptions of good and evil become prevalent in several nations, then these nations are dying, and then the very distinction between good and evil is beginning to disappear. Reason has never had the power to define good and evil, or even to distinguish between good and evil, even approximately; on the contrary, it has always mixed them up in a disgraceful and pitiful way; science has even given the solution by the fist. This is particularly characteristic of the half-truths of science, the most terrible scourge of humanity, unknown till this century, and worse than plague, famine, or war. (Dostoyevski, 1872, II: I: VII).

Here we have the expression of the Russian soul, its repudiation of Petrinism, and in a manner similar to Spengler’s, the identification of faith, not darwinian zoology or economics, as the premise of culture-nation-race-formation, and the primacy of rationalistic doctrines as a symptom of decay.

‘Conflict Between Money & Blood’

Spengler states that at the Late – ‘Winter’ - epoch of a Civilisation where money-thinking dominates, a point is reached where there is a reaction: a ‘Second Religiousness’ which returns a decaying Civilisation to its spiritual foundations. There proceeds a revolt against oligarchy and a return to authority, or what Spengler called ‘Cæsarism’, and from there the fulfilment of a destiny before being eclipsed by a new high culture.

The Second Religiousness is the necessary counterpart of Cæsarism, which is the final political constitution of a Late Civilisation… In both phenomena the creative young strength of the Early Culture is lacking. But both have their greatness nevertheless. That of the Second Religiousness consists of a deep piety that fills the waking-consciousness… (Spengler, 1971, II, 310).

Spengler states that the ‘profoundly mystical inner life feels “thinking in money” as a sin’. The money-thinking imposed on Russia as Communism was ‘Western’ insofar as Marxism reflects the economic thinking of Western civilisation in its Late epoch, (Ibid., II, 402):

[A]n upper, alien and civilised world intruded from the West (the Bolshevism of the first years, totally Western and un-Russian, is the lees of this importation), and a townless barter-life that goes on deep below, uncalculating and exchanging only for immediate needs. We have to think of the catchwords of the surface as a voice, in which the Russian, simple and busied wholly with his soul bears resignedly the will of God. Marxism amongst Russians is based on an inward misunderstanding. They bore with the higher economic life of Petrinism, but they neither created it nor recognised it. The Russian does not fight Capital, but he does not comprehend it. Anyone who understands Dostoyevski will sense in these people a young humanity for which as yet no money exists, but only goods in relation to a life whose centre of gravity does not lie on the economical side. (Ibid., II, 495n)

dome.jpgSpengler states above that the Russians do not ‘fight’ capital. (Ibid., 495). Yet their young soul brings them into conflict with money, as both oligarchy from inside and plutocracy from outside contend with the Russian soul for supremacy. It was something observed by both Gogol and Dostoyevski. The anti-capitalism and ‘world revolution’ of Stalinism took on features that were drawn more from Russian messianism than from Marxism, reflected in the struggle between Trotsky and Stalin. The revival of the Czarist and Orthodox icons, martyrs and heroes and of Russian folk-culture in conjunction with a campaign against ‘ rootless cosmopolitanism’, reflected the emergence of primal Russian soul amidst Petrine Marxism. (Brandenberger, 2002). Today the conflict between two world-views can be seen in the conflicts between Putin and certain ‘oligarchs’ and the uneasiness Putin causes among the West.

The conflict that arises is metaphysical, but oligarchy and plutocracy can only understand the physical. Hence, ‘money-getting by means of money is an impiety, and (from the viewpoint of the coming Russian religion) a sin’. (Ibid.). ‘Money-getting by means of money’ manifests in speculation and usury. It is the basis upon which the economics of the Late West is founded, and from which it is now tottering. That this was not the case in the Gothic era of the West’s ‘high culture’ is indicated by the Church’s strident condemnation of usury as ‘ sin’.

Spengler predicted that in answer to the money-ethos a ‘third kind of Christianity’, based on the ‘John Gospel’, would arise, ‘looking towards Jerusalem with premonitions of coming crusades’. (Ibid.). The Russian also eschews the machine, to which Faustian man is enslaved, and if today he adopts Western technics, he does so ‘with fear and hatred of wheels, cables, and rails’, and will ‘blot the whole thing from his memory and his environment, and create about himself a wholly new world, in which nothing of this Devil’s technique is left’. (Ibid., II, 504).

Has time proved Spengler wrong in his observation that the Russian soul is repelled by the materialism, rationalism, technics and scientism of the Late West, given that the USSR went full throttle to industrialise? Spengler also said that Russia would adapt Western technics for her own use, as a weapon. Anecdotally, in our time, Barbara Brothers, a psycho-therapist, while part of a scientific delegation to Russia in 1993, observed that even among Russian scientists the focus is on the metaphysical:

The Russians seem not to make the divorce between ‘hard’ science and heart and soul that we do in the United States. Elena is probably a classic example. In her position as a part of the Academy of National Economy, a division of the Academy of Science, she works in facts and statistics all day long; when you ask her how (how in the world!) she thinks they will make it, she gives you a metaphysical answer. The scientist part of her gave a presentation that showed us how it was absolutely impossible for the economy to begin to work. Yet, she says, ‘I am not pessimistic’.

Again, Spengler’s observations of the Russian soul are confirmed by this anecdote: the true Russian – even the scientist and mathematician - does not comprehend everything as a ‘problem’ in the Late Western sense. His decisions are not made by Western rationalism, but by metaphysics and instinct. It is an interesting aside to recall that under the USSR, supposedly predicated on dialectical materialism, the metaphysical and the psychic were subjects of serious investigation to an extent that would be scoffed at by Western scientists.
(Kernbach, 2013).


By the time Spengler had published The Hour of Decision in 1934 he was stating that Russia had overthrown Petrinism and the trappings of the late West, and while he called the new orientation of Russia ‘Asian’, he said that it was ‘a new Idea, and an idea with a future too’. (Spengler, 1963, 60). To clarify, Russia looks towards the ‘East’, but while the Westerner assumes that ‘Asia’ and East are synonymous with Mongol, the etymology of the word ‘Asia’ comes from Greek Aσία, ca. 440 BC, referring to all regions east of Greece. (Ibid., 61). As an ethnic, historical, cultural or religious designation it means as little as as the World War I propaganda reference to Germans as ‘Huns’. During his time Spengler saw in Russia that,

Race, language, popular customs, religion, in their present form… all or any of them can and will be fundamentally transformed. What we see today then is simply the new kind of life which a vast land has conceived and will presently bring forth. It is not definable in words, nor is its bearer aware of it. Those who attempt to define, establish, lay down a program, are confusing life with a phrase, as does the ruling Bolshevism, which is not sufficiently conscious of its own West-European, Rationalistic and cosmopolitan origin. (Ibid.).

Of Russia in 1934 Spengler already saw that ‘of genuine Marxism there is very little except in names and programs’. He doubted that the Communist programme is ‘really still taken seriously’. He saw the possibility of the vestiges of Petrine Bolshevism being overthrown, to be replaced by a ‘nationalistic’ Eastern type which would reach ‘gigantic proportions unchecked’. (Spengler, 1963, 63).Spengler also referred to Russia as the country ‘least troubled by Bolshevism’, (Ibid.,182) and the ‘Marxian face [was] only worn for the benefit of the outside world’. (Ibid., 212). A decade after Spengler’s death the direction of Russia under Stalin had pursued clearer definitions, and Petrine Bolshevism had been transformed in the way Spengler foresaw. (Brandenberger, 2002).

Conclusion

As in Spengler’s time, and centuries before, there continues to exist two tendencies in Russia : the Old Russian and the Petrine. Neither one nor the other spirit is presently dominant, although under Putin Old Russia struggles for resurgence. Spengler in a published lecture to the Rheinish-Westphalian Business Convention in 1922 referred to the ‘ancient, instinctive, unclear, unconscious, and subliminal drive that is present in every Russian, no matter how thoroughly westernised his conscious life may be – a mystical yearning for the South, for Constantinople and Jerusalem, a genuine crusading spirit similar to the spirit our Gothic forebears had in their blood but which we can hardly appreciated today’. (Spengler, 1922).

Bolshevism destroyed one form of Petrinism with another form, clearing the way ‘for a new culture that will some day arise between “Europe” and East Asia. It is more a beginning than an end’. The peasantry ‘will some day become conscious of its own will, which points in a wholly different direction’. ‘The peasantry is the true Russian people of the future. It will not allow itself to be perverted or suffocated’. (Ibid.).

The ‘Great Patriotic War’ gave Stalin the opportunity to return Russia to its roots. Russia’s Orthodox foundations were returned on the basis of a myth, an archetypically Russian mysticism. The myth goes that in 1941:

The Virgin appeared to Metropolitan Ilya of the Antiochian Church, who prayed wholeheartedly for Russia. She instructed him to tell the Russians that they should carry the Kazan Icon in a religious procession around the besieged city of Leningrad (St Petersburg). Then, the Virgin said, they should serve a molieben [2] before the icon in Moscow. The Virgin said that the icon should stay with the Russian troops in Stalingrad, and later move with them to the Russian border. Leningrad didn’t surrender. Miraculously, Moscow was also saved. During the Battle of Stalingrad, the icon was with the Russian army on the right bank of the Volga, and the Nazi troops couldn’t cross the river. The Battle of Stalingrad began with a molieben before the Kazan Icon. Only when it was finished, did the troops receive the order to attack. The Kazan Icon was at the most important sectors of the front, and in the places where the troops were preparing for an offensive. It was like in the old times, when in response to earnest prayers, the Virgin instilled fear in enemies and drove them away. Even atheists told stories of the Virgin’s help to the Russian troops. During the assault on Königsberg in 1945, the Soviet troops were in a critical situation. Suddenly, the soldiers saw their commander arrive with priests and an icon. Many made jokes, ‘Just wait, that’ll help us!’ The commander silenced the jokers. He ordered everybody to line up and to take off their caps. When the priests finished the molieben, they moved to the frontline carrying the icon. The amazed soldiers watched them going straight forward, under intense Nazi fire. Suddenly, the Nazis stopped shooting. Then, the Russian troops received orders to attack on the ground and from the sea. Nazis died in the thousands. Nazi prisoners told the Russians that they saw the Virgin in the sky before the Russians began to attack, the whole of the Nazi army saw Her, and their weapons wouldn’t fire. (Voices from Russia).

The message to Metropolitan Ilya from The Theotokos [3] for Russia was that:

‘The cathedrals, monasteries, theological seminaries and academies have to be opened in the whole country. The priests have to be sent back from the front and released from incarceration. They must begin serving again…. When the war will be over, Metropolitan Elijah has to come to Russia and witness how she was saved’. The metropolitan contacted both Russian church representatives and Soviet government officials. Stalin then promised to do everything God indicated. (Russia before the Second Coming).

During ‘The Great Patriotic War’ 20,000 churches were opened. In 1942 the Soviet Government allowed Easter celebrations. On 4 September 1943 Stalin invited the hierarchs of the Russian Orthodox Church to the Kremlin to discuss the need for reviving religious life in the USSR and the prompt election of a Patriarch.

This is the type of Myth that is nation-forming. It exists as a constant possibility within Russia. Spengler stated in his lecture to the German businessmen in 1922 that,

There can be no doubt: a new Russian people is in the process of becoming. Shaken and threatened to the very soul by a frightful destiny, forced to an inner distance, it will in time become firm and come to bloom. It is passionately religious in a way that we Western Europeans have not been, indeed could not have been, for centuries. As soon as this religious drive is directed towards a goal, it possesses an immense expansive potential. Unlike us, such a people does not count the victims who die for an idea, for it is a young, vigorous, and fertile people. (Spengler, 1922).

The arch-Conservative anti-Marxist, Spengler, in keeping with the German tradition of realpolitik, considered the possibility of a Russo-German alliance in his 1922 speech, the Treaty of Rapallo being a reflection of that tradition. ‘A new type of leader’ would be awakened in adversity, to ‘new crusades and legendary conquests’. The rest of the world, filled with religious yearning but falling on infertile ground, is ‘torn and tired enough to allow it suddenly to take on a new character under the proper circumstances’. Spengler suggested that ‘perhaps Bolshevism itself will change in this way under new leaders’. ‘But the silent, deeper Russia,’ would turn its attention towards the Near and East Asia, as a people of ‘great inland expanses’. (Ibid.). Berdyaev, discussing the Slavophil outlook, wrote:

Russian reflections upon the subject of the philosophy of history led to the consciousness that the path of Russia was a special one. Russia is the great East-West; it is a whole immense world and in its people vast powers are confined. The Russian people are a people of the future; they will decide questions which the West has not yet the strength to decide, which it does not even pose in their full depth. (Berdyaev, 70).

There are no certainties. While Spengler postulated the organic cycles of a High Culture going through the life-phases of birth, youthful vigour, maturity, old age and death, it should be kept in mind that a life-cycle can be disrupted, aborted, murdered or struck by disease, at any time, and end without fulfilling itself. Each has its analogy in politics, and there are plenty of Russophobes eager to stunt Russia’s destiny with political, economic and cultural contagion. The Soviet bloc fell through inner and outer contagion.

What Spengler foresaw for the possibilities of Russia, yet to fulfil its historic mission, messianic and of world-scope, might now be unfolding if Russia eschews pressures from within and without. The invigoration of Orthodoxy is part of this process, as is the leadership style of Putin, as distinct from a Yeltsin for example. Whatever Russia is called outwardly, whether, monarchical, Bolshevik or democratic, there is an inner – eternal – Russia that endures and awaits its time on the world historical stage. We see it now with the re-emergence of Eurasianism, for example; not of the ‘East’ nor the ‘West’, but of Russia.

Notes

1. Ivan Sergyeyevich Aksakov (1823-1886) a Pan-Slavic leader, established the ‘Slavophil’ group at Moscow to restore Russia to its pre-Petrine culture.
2. Orthodox service for the sick.
3. Mary.

References

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Brandenberger, D. National Bolshevism: Stalinist culture and the Formation of Modern Russian National Identity 1931-1956. Harvard University Press, Massachusetts, 2002.
Brothers, Barbara J. Psychiatry Today, 1 January 1993, http://www.psychologytoday.com/articles/199301/russia-soul
Chumachenko, T.A. Church and State in Soviet Russia, M. E. Sharpe Inc., New York, 2002.
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Trotsky, Leon. The Revolution Betrayed: what is the Soviet Union and where is it going?, 1936.
Voices from Russia, 15 January 2008, http://02varvara.wordpress.com/2008/01/15/the-wonderworking-icon-of-kazan-of-the-most-holy-mother-of-god/

samedi, 07 novembre 2015

Jornadas de Actualidad de Carl Schmitt a 30 años de su muerte

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Jornadas de Actualidad de Carl Schmitt a 30 años de su muerte

Jornadas

Actualidad de Carl Schmitt a 30 años de su muerte.

18, 19 y 20 de noviembre de 2015, Santiago del Estero 1029, CABA.

Facultad de Ciencias Sociales, UBA.

Para consultar el programa, hacé click aquí: 

Jornadas Carl Schmitt – Programa

vendredi, 06 novembre 2015

The Punishment Society

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The Punishment Society

By

PaulCraigRoberts.org

Once upon a time, a dental or medical exam was an opportunity to read a book. No more. The TV blares. It was talking heads discussing whether a football player had been sufficiently punished. The offense was unclear. The question was whether the lashes were sufficient.

It brought to mind that punishment has become a primary feature of American, indeed Western, society. A baker in Colorado was punished because he would not bake a wedding cake for a homosexual marriage. A county or state clerk was punished because she would not issue a marriage license for a homosexual marriage. University professors are punished because they criticize Israel’s inhumane treatment of Palestinians. Whistleblowers are punished—despite their protection under federal law—for revealing crimes of the US government. And children are punished for being children.

But not by their parents. Police can slam children around and seriously injure them. But parents must not lay a hand on a child. If a child gets spanked, as everyone in my generation was, in comes the Child Protective Services Gestapo. The child is seized, put into “protective custody,” and the parents are arrested. The CPS Gestapo receives a federal bonus for every child that they seize, and they want the money.

About all parents can do today is to restrict TV or video game playing time. Even this is dicey, because the kids are taught at school to report abusive behavior of parents. For many kids being told what to do by parents is abusive behavior. Kids have learned that they can pay back parents for disciplining them by reporting the parents to teachers or by themselves calling CPS. Kids who retaliate in this socially approved manner do not realize that they run a high risk of ruining the lives of their parents as well as their own and ending up in foster care where the risk of sexual abuse is present.

As society has made it possible for kids to prevail over parents, the kids think this right also applies to teachers, school administrators, and School Resource Officers, psychopaths with police badges who maintain discipline with force and violence. The kids quickly discover,as Shakara discovered in her encounter with Ben Fields, that whereas parents are constrained from using corporal punishment, School Resource Officers are not. Shakara’s desk was overturned as she sat in it. She was slammed onto the floor, dragged across the floor and handcuffed. Any parent who did that would be facing jail time.

pilori.jpegSchools are no longer places of learning. They are places of punishment. Kids are punished for the most absurd reasons. Nothing more than behaving as a child brings on punishment. As Henry Giroux has written, schools have become places of control, repression, and punishment.

17,000 American public schools have a police presence. All common sense has long departed.Five and six year-olds who get into a shoving match are arrested and carried off in handcuffs. Police issue tickets and fines to students for what was ordinary behavior in my school days. Suspensions result as do police records that hamper a child’s prospect of success.

The violence that Ben Fields used against Shakara is routine. Mother Jones reports that a Louisville goon thug, Jonathan Hardin punched a 13-year old in the face for cutting into the cafeteria line and of holding another 13-year old in a chokehold until the student became unconscious. A dispute over cell phone use resulted in a Houston student being hit 18 times with a police weapon.

The police violence extends beyond the schools. Any American unfortunate enough to have a police encounter risks being tasered, beaten, arrested, and even murdered.

Protesters, war and otherwise, are beaten, tear gassed, arrested. The American police state is working hard to criminalize all criticism of itself. Violence has become the defining hallmark of the United States. It is even the basis of US foreign policy. In the 21st century millions of peoples have been killed and displaced by American violence against the world.

With our public schools and police forces working overtime to teach the children who will comprise the future generations that violence is the solution and submission is the only alternative, expect the United States to be unliveable at home and an even worse danger to the rest of the world.

jeudi, 05 novembre 2015

Libérer la parole par la liberté d’expression?

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Libérer la parole par la liberté d’expression?

Jan Marejko
Philosophe, écrivain, journaliste
Ex: http://www.lesobservateurs.ch

Prendre la parole était l’un des slogans de 68 et il m’est resté cher. A cette époque, il fallait prendre la parole comme sujet libre, autonome, indépendant. Ça me fascinait, j’allais me libérer et j’applaudissais la liberté d’expression. Je ne savais pas que le désir de liberté peut conduire dans le néant, le terrorisme, le désespoir. Je n’avais pas lu Dostoïevski, celui qui a inspiré Svetlana Alexievitch, cette année prix Nobel de la paix.

Ce désir de libérer la parole, comme on dit encore aujourd’hui, n’était pas vraiment  nouveau : c’était déjà celui de la psychanalyse avec un patient qui, au début, balbutie mais en vient progressivement à s’exprimer comme sujet et non comme le réceptacle des discours qui l’entourent, celui du père surtout. C’était si peu nouveau que déjà les prophètes de l’Ancien Testament s’efforçaient de prendre la parole indépendamment de tout ce qui enchainait Israël. La différence était que les prophètes s’appuyaient sur la parole d’un Autre, l’Eternel, et qu’eux, contrairement aux soixante-huitards, ne visaient pas à se poser comme sujets émancipés. Au contraire ! L’Eternel était tout-puissant et eux ne l’étaient pas. En outre, ils avouaient qu’ils comprenaient mal ce que le tout-puissant leur disait, « ses pensées n’étant pas leurs pensées » (Esaïe,  55 : 8).

Sommes-nous aujourd’hui, suite à mai 68, dans un monde où chacun prend la parole en son nom propre ? Poser la question, c’est y répondre. Les êtres que nous côtoyons sont souvent des perroquets, et nous aussi le sommes parfois. Ne répétons-nous pas quotidiennement un discours sur les droits de l’homme, la nécessaire émancipation de tel ou tel groupe opprimé, les processus de paix. Ce n’est pas nous qui parlons alors, mais ce qu’on appelait en Grèce antique la « doxa », et que nous appelons aujourd’hui le politiquement correct.

Se demander si c’est vraiment un individu libre qui parle est une question importante. On se l’est posée à Jérusalem. La parole des prophètes était-elle libre ? La réponse fut parfois négative, comme aujourd’hui elle l’est pour la plupart de nos contemporains. Pour eux, ce n’est d’ailleurs même pas une réponse, parce qu’ils sont en pilotage automatique contre toute religion. A Athènes, les choses se sont passées différemment. On a cherché une parole libre en songeant à Socrate. Mais il ne « prenait » pas la parole, il dialoguait.

Je ne crois pas que nous pourrons jamais développer une parole libre. En même temps, je suis convaincu qu’il faut s’efforcer de le faire. Position inconfortable mais dont je ne vois pas qu’on puisse lui échapper.

Ce qui me frappe beaucoup aujourd’hui est que ceux qui parlent dans l’espace public prétendent  toujours parler librement grâce à la liberté d’expression, mais qu’en réalité ils parlent au nom de quelqu’un ou quelque chose d’autre : la science, le progrès et surtout les faits, dont on nous dit qu’ils parlent d’eux-mêmes. Devant des faits, pas question de prendre la parole. On oublie qu’un fait doit être dit, doit passer par la parole, pour parvenir à la conscience. Il n’y a pas d’individus libres et autonomes devant des faits qui parlent d’eux-mêmes.

Tout se passe comme si nous n’arrivions pas à parler par nous-mêmes et que nous devions placer nos propos sous l’autorité de quelque « père », (pour parler en termes psychanalytiques ou théologiques). Parfois, pour nous faire entendre, nous nous réclamons d’une entité toute-puissante dans une vaine tentative d’imposer ces propos d’en-haut. C’est surtout une rationalité étroite qui, aujourd’hui, est devenue notre « père tout-puissant ». La soi-disant extrême droite et aussi la gauche extrême sont sévèrement tancés pour ne pas respecter les chiffres, les statistiques et donner dans des émotions, respectivement la peur et un enthousiasme délirant. Les gardiens de la rationalité n’ouvrent les portes du temple qu’à des individus lisses et corrects, les pharisiens de la modernité. Au côté des politiciens locaux qui aiment s’appuyer sur l’autorité indiscutable des chiffres, comme le parti libéral-radical en Suisse, il y a encore des pouvoirs supranationaux, des pères presque célestes. La cour européenne des droits de l’homme ou, tout récemment, l’OMS qui, sur la base d’impitoyables calculs nous a dit comment nous devons nous comporter devant notre assiette. Les risques de cancer sont plus élevés chez ceux qui mangent de la viande rouge d’où un commandement : « tu ne mangeras pas ou peu de viande rouge ». Le « père » a parlé. Des experts ou chercheurs de L’OMS récitent ce  commandement, mais sans prendre du tout la parole. Plus les propos s’adossent à un « père » terrestre et tout-puissant, moins ils proviennent d’un individu libre et autonome. Le père tout-puissant de la Bible fait horreur, mais pas l’OMS.

En nous débarrassant du père tout-puissant de la Bible, nous ne nous sommes pas libérés. Nous en avons seulement choisi un autre ou plusieurs autres. Saint Paul l’a senti qui restait perplexe devant la loi, allant même jusqu’à dire qu’elle conduisait à la mort. Effectivement, un individu dont le comportement et les propos sont calqués sur une loi devant laquelle il n’a rien à dire, ne peut exister, est mort, comme le savent bien les psychanalystes.

Seul le Christ me semble avoir parlé pleinement à partir de lui, de sa chair. Mais ce que je viens de dire est faux, puisqu’il déclare : « les paroles que je vous dis, je ne les dis pas de moi-même » (Jean : 14).

Ce passage de Jean signale une voie de salut hors du dilemme stérile entre parler comme sujet libre ou « être parlé », conditionné, par divers « pères » terrestres qui courent les rues comme autant de petits diables vendant leur marchandise médiatique à la criée. De quoi s’agit-il ?

Dans nos misérables existences, n’avons-nous pas senti, parfois, que nous ne parlions pas à partir de nous-mêmes et que pourtant, nous étions miraculeusement libres ? Que nos paroles étaient transportées par un souffle venu d’ailleurs ? La manière dont nous nous sommes alors exprimés, ne révélait-elle pas que nos paroles ne provenaient pas de nous et que pourtant nous n’étions pas asservis à une parole morte comme l’est la parole médiatique aujourd’hui ? Conclusion : parler à partir de soi-même est peut-être un principe régulateur au sens de Kant (un objectif inatteignable), mais au fond, nous cherchons surtout à être portés par l’esprit plutôt que par les tristes ruminations de notre petit moi ou les glaciales déductions de notre intellect.

Depuis la « belle époque » (mai 68) des aspirations à une parole libre et autonome, la situation a basculé. A force de vouloir parler comme sujet libre, on en vient à se faire le porte-parole de préjugés ou d’idées toute faites. Pas seulement un porte-parole mais un esclave pavlovien. A force de se vouloir libre, on est tombé dans la servitude. Normal ! Le moi souverain à partir duquel on veut prendre la parole est une chimère, une coquille vide. Dès lors, pour continuer à dire quelque chose, il faut meubler ce vide avec des chiffres ou quelque autre entité toute-puissante et intimer à tout le monde de suivre sans broncher.

Des discours politiques nous sont ainsi assénés comme s’ils provenaient d’un Autre irréfutable, des commandements d’un « père » qu’on ne discute pas. Tandis que la notion de père céleste dans la Bible provoque aujourd’hui des ricanements, les esprits sont asservis à une toute-puissance de la science ou des faits, autrement plus tyrannique que le discours d’un leader charismatique.

A chacun de choisir son asservissement. Comme me l’a dit une fois un commentateur sur ce site, notre seule liberté est de choisir nos chaînes. Il y a des chaînes qui asservissent au point d’abrutir, d’autres non. A chacun de choisir.

Jan Marejko, 3 novembre 2015

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mercredi, 04 novembre 2015

Entrevista al autor de "Ayn Rand y Leo Strauss" y "Crónicas del austericidio"

Entrevista al autor de "Ayn Rand y Leo Strauss" y "Crónicas del austericidio"

Entrevista a Francisco José Fernández-Cruz Sequera realizada en el programa "Una hora en libertad" de Radio Inter el 10-10-2015, con motivo de la publicación de los libros "Ayn Rand y Leo Strauss. El capitalismo, sus tiranos y sus dioses" y "Crónicas del austericidio"

Pour commander le livre/To order the book: http://editorialeas.com/shop/

mardi, 03 novembre 2015

F.T. Marinetti - Caffeina d'Europa

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F.T. Marinetti

Caffeina d'Europa

Tentare di definire Filippo Tommaso Marinetti a più di 70 anni dalla morte è un esperimento difficile. Possiamo definirlo un “rivoluzionario”, un “cortocircuito” della storia culturale europea, ma soprattutto, un profetico anticipatore, ai limiti dell'incredibile. Dalla propaganda allo scandalo all'editoria, Marinetti è stato il protoideatore dei fenomeni di comunicazione di massa che oggi caratterizzano le nostre vite; nei suoi scritti compaiono descrizioni fantascientifiche di nuove tecnologie e abitudini, pienamente rintracciabili oggi in computer e social networks.
 
Ex: http://www.linttelletualedissidente.it 

Scuotere l’Italia “a suon di schiaffi e dinamite”, scrive Giordano Bruno Guerri nella biografia dedicata a Marinetti, era la missione del padre del Futurismo e di tutte le sue declinazioni. Lo schiaffo, la dinamite: la rinascita artistica che comincia da una particella elementare, il suono, una rifondazione che parte dal segno, dalla radice, per sconvolgere le fondamenta di un’intera cultura.

«Col preannunzio sciroccale del Hamsin e dei suoi 50 giorni taglienti di sanguigne scottature desertiche nacqui il 22 dicembre 1876 in una casa sul mare ad Alessandria d’Egitto». Secondogenito di una giovane coppia milanese, F.T. nasce in terra africana per volere del padre Enrico, avvocato, convinto al trasferimento dalle buone prospettive di lavoro offerte dall’apertura del Canale di Suez. Insieme al fratello Leone viene educato al Collegio Internazionale San Francesco Saverio, un istituto gesuitico dove incontrerà un altro illustre innovatore della poesia italiana del Novecento, Giuseppe Ungaretti. Grazie alle ingenti somme guadagnate dagli affari del padre, perfeziona gli studi con un baccalaureato a Parigi nel 1894. Dopo il soggiorno parigino, eccolo in territorio italiano, a Pavia, dove raggiunge il fratello per studiare legge, facoltà che abbandonerà presto a causa della morte di Leone. Conclude gli studi universitari a Genova e vince nel frattempo il concorso parigino Samedis populaires con il poemetto Les vieux marins. Il componimento è il taglio del nastro agli ambienti intellettuali francesi: in breve tempo viene pubblicata la sua prima raccolta di poesie, La Conquete des Étoiles, la carriera giuridica definitivamente accantonata. Continua a comporre versi in stile liberty e simbolista, guardando a Mallarmé e D’Annunzio – stimato rivale quest’ultimo, amato e odiato, lui stesso si definì “figlio di una turbina e di D’Annunzio, da cui sarà definito “cretino fosforescente”. Nel 1905 fonda la rivista Poesia, la nuova palestra del verso parolibero firmato F.T. Nel 1908 eccolo tirato fuori da un fossato a Milano, nella sua automobile, uscito fuori strada per evitare due ciclisti; l’episodio si farà aneddoto – come poi molti altri – e diventerà per Marinetti la chiave di lettura della rivoluzione culturale programmata per il prossimo anno: l’uomo estratto dall’automobile è l’uomo nuovo futurista che dopo aver vinto l’inferno della tradizione ed aver accantonato lo stile liberty e decadentista rappresentato dai due «noiosi» ciclisti, può volgersi all’istituzione di un’arte nuova, rivoluzionaria.

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Il febbraio 1909 è arrivato. Tutto è pronto per il lancio della bomba. F.T. ha sedotto Rose Fatine, 20 anni, figlia di Mohamed el Rachi Pascià, un vecchio egiziano, ricco azionista de LeFigaro. Grazie alla buona intesa dei giovani amanti, l’uomo asseconda la bizzarra richiesta dell’italiano, ignaro del privilegio di partecipare ad un evento storico mondiale: pubblicare sul giornale il suo Manifesto. Il 20 febbraio 1909 sul quotidiano nazionale francese viene lanciata la bomba: esce il Manifesto del Futurismo, undici punti, con appendice. Il Futurismo è fondato. Sintetizzerà Marinetti: «E’ un movimento anticulturale, antifilosofico, di idee, di intuiti, di istinti, di schiaffi, pugni purificatori e velocizzatori. I futuristi combattono la prudenza diplomatica, il tradizionalismo, il neutralismo, i musei, il culto del libro.» La parola d’ordine è “Velocità”. Come dinamismo, come simultaneità, come meccanicismo e libertà. Marinetti stravolge ogni dogma della poesia e delle arti e ne ritaglia un vestito nuovo, “moderno”, diremmo oggi, come il secolo XX. Protagonista di quest’ultimo, annuncia F.T., sarà la Macchina, metafora dell’impeto prometeico dell’uomo nuovo. Per evitare una volta per tutte l’associazioni del poeta Marinetti e del futurismo all’idea infantile e brutale dell’adorazione della macchina e della modernolatria, ecco un passo del discorso che F.T. stesso tenne nel 1924 alla Sorbona:« Io intendo per macchina tutto ciò ch’essa significa come ritmo e come avvenire; la macchina dà lezioni di ordine, disciplina, di forza, di precisione, d’ottimismo e di continuità. […] Per macchina, io intendo uscire da tutto ciò che è languore, chiaroscuro, fumoso, indeciso, mal riuscito, trascuratezza, triste, malinconico per rientrare nell’ordine, nella precisione, la volontà, lo stretto necessario, l’essenziale, la sintesi». Il Manifesto è discusso in tutta Europa, i giornali lo chiamano “Caffeina d’Europa”. Intanto Marinetti continua a scrivere poesie, romanzi e testi teatrali, tra cui si ricordano “ Gl’Indomabili”, il censuratissimo “Mafarka il futurista” e la sceneggiatura “ Re Baldoria”. La fama di Marinetti si diffonde per tutto il Vecchio Continente, legata soprattutto alle esuberanze e ai modi “futuristi” di F.T. & Co. In particolar modo diventano celebri le serate-futuriste: spettacoli teatrali in cui vengono fuse performance di vario genere, dalla declamazione alla piéce teatrale, durante cui il futurismo fa da protagonista e le bagarre e gli scontri con il pubblico sono la norma, e ne alimentano la curiosità. Il 1911 inaugura la stagione dei viaggi del poeta e della maggiore sperimentazioni linguista e letteraria. Scoppiata la guerra con la Libia, parte al fronte come reporter per un quotidiano d’oltralpe. Poi è a Mosca e San Pietroburgo, invitato dai futuristi russi a fare propaganda. Nel frattempo in Lacerba, la rivista fiorentina diretta da Papini e Soffici, il futurismo trova il miglior canale di diffusione in Italia parallelamente alla pubblicazione di Zang Tumb Tumb, un reportage bellico scritto in parole in libertà. La prima guerra mondiale fa esplodere il cuore di Marinetti, che, in seguito all’attentato di Sarajevo, si arruola volontario: è a Caporetto ma anche a Vittorio Veneto. Tornato dal conflitto si interessa alla politica cui lo spirito rivoluzionario affascina Mussolini che si avvarrà di molti futuristi nel giorno della proclamazione dei fasci di combattimento, nel 1919 al San Sepolcro. Giudicate passatiste e reazionarie le idee di Mussolini, se ne allontanerà, pur sempre rimanendo rispettato e considerato dal Duce. Si lega nel frattempo a Benedetta Cappa, pittrice e poetessa che accompagnerà Marinetti fino alla fine dei suoi giorni, sua «eguale, non discepola». Nel ’35 parte volontario in Africa Orientale, nel ’42 si arruola per la campagna di Russia. Marinetti viene rimpatriato con l’arrivo dell’autunno, spossato e in precario stato fisico. La morte lo coglie il 2 dicembre 1944, a Bellagio sul Lago di Como, all’alba dopo una notte di lavoro poetico consacrato al Quarto d’ora di poesia della X mas, complice il cuore.

Tentare di definire Filippo Tommaso Marinetti a più di 70 anni dalla morte è un esperimento difficile, che richiede capacità di sintesi ben collaudate; sicuramente possiamo definirlo un “rivoluzionario”, nonostante le ideologie e i numerosi detrattori che F.T. ha avuto. Sicuramente possiamo definirlo un “cortocircuito” della storia culturale europea, ma fu soprattutto un profetico anticipatore, ai limiti dell’incredibile. Dalla propaganda allo scandalo all’editoria, Marinetti è stato il protoideatore dei fenomeni di comunicazione di massa che oggi caratterizzano le nostre vite; nei suoi scritti compaiono descrizioni fantascientifiche di nuove tecnologie e abitudini, pienamente rintracciabili oggi in computer e social networks. Nonostante le ortodosse e insipide categorizzazioni a cui è stato sottoposto, Marinetti resta nella sua natura contraddittoria un personaggio tanto affascinante quanto enigmatico. Intellettuale rivoluzionario, dissidente, fervente agitatore aderì al fascismo cui si allontanò disprezzando leggi marziali e reazionarismo; libertino, don Giovanni, promotore del libero amore e del tradimento e fautore dell’emancipazione totale e disinibita delle donne, fu padre modello di tre figlie e marito presente; anticlericale al fulmicotone, accesissimo nemico della Chiesa, si sposò cristianamente, fece battezzare e cresimare le figlie, e non si privò né dell’estrema unzione né dei funerali religiosi.

Se è vero che ognuno è figlio del suo secolo, sarà vero in questo caso anche il contrario. Il secolo delle contraddizioni e dello stravolgimento totale che il Novecento rappresenta ha un padre illustre. Permettendoci di citare Bontempelli diremmo: le parole gridate da Marinetti sono quelle che partoriscono un nuovo secolo.

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Oskar Freysinger: Contre l'Homme nouveau

Vidéo-entretien: Oskar Freysinger Contre l'Homme nouveau

Source: http://www.bvoltaire.fr 

La servitude est volontaire

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La servitude est volontaire

Vivien Hoch
Doctorant en philosophe, consultant en communication

Ex: http://www.lesobservateurs.ch

La « pensée correcte » ou le conformisme, autrement dit « bienpensance », est l’un des fruits de la normalisation, c’est-à-dire du pouvoir des normes invisibles et non juridiques. Nul ne rédige une norme : elle s’impose à travers un réseau de pouvoirs et d’oppressions psychologiques où s’exerce moins le pouvoir d’un seul que la servitude de tous. La norme asservit les intelligences, et leur est tellement présente qu’elle est les bornes immanentes de la créativité, de la raison et de la lucidité. Toute cette oppression ne sert qu’à une chose : rendre volontaire la servitude.

Boetie_1.jpgComment cette tyrannie diffuse opère-t-elle, et nous coupe de toute possibilité d’exercer une quelconque liberté ? Etienne de la Boétie, dans De la servitude volontaire, montre que la liberté est très simple à obtenir : le tyran et ses amis ne pèsent rien face au peuple tout entier. Seulement, pour désirer quelque chose, il faut l’avoir connu. C’est pourquoi le tyran et ses amis tentent par-dessus tout de supprimer la mémoire de la liberté pour asseoir sa tyrannie. Pour cela, pas besoin de prendre la peine de supprimer la mémoire de la masse : l’abrutir suffit largement. Du pain et des jeux, disaient déjà les romains : nous avons les séries télévisuelles de masse, qui servent à saturer l’intelligence avec le non sens et l’affect primaire. Ce qui permet, par exemple, de faire passer tranquillement l'acceptation d'une arithmétique électorale étrange, comme en Suisse récemment.   Une tyrannie bien entretenue s’enracine dans l’ignorance et se perpétue par l’oubli de la liberté.

Un autre thème obsédant du discours sur la servitude d’Étienne de la Boétie, c’est celui des masques derrière lesquels se cachent le tyran et ses amis afin de tromper le peuple. Quel est le masque de nos tyrans ? C’est celui de la révolte. Nos tyrans mettent en exergue les cas-limites (insistance sur les différentes indignations dialectiques, mise en avant du monde LGBT, accueil de la « différence » étrangère et le financement des officines d’extrême-gauche mobilisées contre les « oppressions » « patriarcales », « colonialistes », « raciales », ect.), pour asseoir leur domination idéologique. La normalisation de la « révolte » ne cache en fait qu’un horrible conformisme à une pensée unique, qui vise à rendre invisibles les libertés. « L’époque qui ose se dire la plus révoltée n’offre à choisir que des conformismes. », écrivait Albert Camus.

Peu de périodes ont eu aussi peur de la liberté. Tâchons de ne pas l’oublier.

Vivien Hoch, 23 octobre 2015

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lundi, 02 novembre 2015

Philippe Jumel: «Comprendre les mécanismes de la grande crise à venir»

Philippe Jumel: «Comprendre les mécanismes de la grande crise à venir»

Conférence de Philippe Jumel du 23 mars 2015 : « Comprendre les mécanismes de la grande crise à venir ».
Pour aller plus loin sur ce sujet, l'ouvrage de P. Jumel et M. El Hattab publié aux éditions Perspectives Libres est disponible sur notre site : http://cerclearistote.com/sortie-des-....

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et sur Facebook : https://www.facebook.com/Cercle-Arist... .

dimanche, 01 novembre 2015

Crise syrienne, paysage intellectuel français et «Grand Remplacement»

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Crise syrienne, paysage intellectuel français et «Grand Remplacement»

Entretien avec Robert Steuckers

Propos recueillis par Adriano Scianca pour « Primato nazionale »

1.     Que pensez-vous de la manière dont l'Europe a géré la crise de l'immigration suite à la crise syrienne?

L’Europe est inexistante en tant que puissance politique qui compte dans la région hautement stratégique qu’est le Levant. Elle n’a su ni impulser une politique de stabilité qui aurait joué dans son intérêt le plus légitime ni faire face aux catastrophes que l’intervention des Etats-Unis et de leurs alliés dans la région ont entraînées. Parmi ces catastrophes, la plus visible aujourd’hui en Europe, de la Grèce à l’Allemagne en passant par tous les pays des Balkans, est bien sûr cet afflux massif de réfugiés que les Etats européens ne sont pas capables d’intégrer à l’heure d’un certain ressac de l’économie européenne, perceptible même en Allemagne. L’intérêt de l’Europe aurait été de maintenir la stabilité au Levant et en Irak. C’était le point de vue du fameux « Axe Paris-Berlin-Moscou » qui s’était insurgé contre l’intervention de Bush en Irak en 2003. Les Etats-Unis, qui ne sont pas une puissance romaine au sens classique du terme et au sens où l’entendait Carl Schmitt, ne font donc pas comme Rome, ils n’apportent ni « pax romana » ni « pax americana » mais génèrent le chaos, auquel les populations essaient tout naturellement d’échapper, au bout d’une douzaine d’années voire d’un quart de siècle si l’on tient compte de la première intervention en Irak en 1990. Ces pays, jadis structurés selon les principes de l’idéologie baathiste (personnaliste, transconfessionnelle et étatiste), avaient le mérite de la stabilité et faisaient l’admiration d’un grand diplomate néerlandais, Nikolaos Van Dam, docteur en langue et civilisation arabes, qui a consacré un ouvrage en anglais à la Syrie baathiste qui mériterait bien d’être traduit en toutes les grandes langues d’Europe. Cette stabilité, maintenue parfois avec rudesse et sévérité, a été brisée : on a cassé la forme d’Etat qui finissait vaille que vaille par s’imposer dans une région, soulignait aussi Van Dam, marquée par le tribalisme et allergique à cette forme étatique et européenne de gestion des « res publicae ». L’Europe a fait du « suivisme », selon la formule d’un observateur flamand des relations internationales, le Prof. Rik Coolsaet. Elle a benoîtement acquiescé aux menées dangereuses et sciemment destructrices de Washington, puissance étrangère à l’espace européen et à l’espace du Levant et de la Méditerranée orientale. Elle paie donc aujourd’hui les pots cassés car elle est la voisine immédiate des régions où l’hegemon-ennemi a semé le chaos. Celui-ci cherche à éviter ce que j’appellerais la « perspective Marco Polo », la cohésion en marche des puissances d’Eurasie (Europe, Russie, Inde, Chine), par le truchement des télécommunications, des nouvelles voies maritimes et ferroviaires en construction ou en projet, du commerce, etc. Par voie de conséquence, l’hegemon hostile doit mener plusieurs actions destructrices, « chaotogènes » dans les régions les plus sensibles que les géopolitologues nomment les « gateway regions », soit les régions qui sont des « passages stratégiques » incontournables, permettant, s’ils sont dominés, de dynamiser de vastes espaces ou, s’ils sont neutralisés par des forces belligènes, par un chaos fabriqué, de juguler ces mêmes dynamismes potentiels. La Syrie et le Nord de l’Irak sont une de ces « gateway regions » et l’étaient déjà au moyen-âge car ce Levant, avec sa projection vers l’hinterland mésopotamien, donnait accès à l’une des routes de la soie, menant, via Bagdad, à l’Inde et la Chine. L’Ukraine est une autre de ces « gateway regions ». L’abcès de fixation du Donbass est un verrou sur la route du nord, celle empruntée, avant la première croisade d’Urbain II, par les Coumans turcs, tandis que leurs cousins seldjouks occupaient justement les points-clefs du Levant, dont on reparle aujourd’hui : cette tenaille turque, païenne au nord et musulmane au sud, barrait la route de la soie, la voie vers l’Inde et la Chine, enclavait l’Europe à l’Est et risquait de la provincialiser définitivement.

Par ailleurs, dans un avenir très proche, d’autres zones de turbulences pourront éclore autour de l’Afghanistan, non pacifié, dans le Sinkiang chinois, base de départ d’une récente vague d’attentats terroristes en Chine, en Transnistrie/Moldavie ou ailleurs. L’Europe, dans cette perspective, doit être cernée par des zones de turbulence ingérables, afin qu’elle ne puisse plus se projeter ni vers l’Afrique ni vers le Levant ni vers l’Asie centrale au-delà de l’Ukraine. L’Europe a la mémoire courte et ses établissements d’enseignement ne se souviennent plus ni de Carl Schmitt (surtout le théoricien du « grand espace » et le critique des faux traités pacifistes dictés par les Américains) ni surtout du géopolitologue Robert Strausz-Hupé (1903-2002) qui, pour le compte de Roosevelt et de Truman, percevait très clairement les atouts de la puissance européenne (allemande à son époque), que toute politique américaine se devait de détruire. Ces atouts étaient, entre bien d’autres choses, l’excellence des systèmes universitaires européens, la cohésion sociale due à l’homogénéité des populations et la qualité des produits industriels. Le système universitaire a été détruit par les nouvelles pédagogies aberrantes depuis les années 60 et par ce que Philippe Muray appelait en France l’idéologie « festiviste » ; l’homogénéité des populations est sapée par des politiques migratoires désordonnées et irréfléchies, dont l’afflux massif de ces dernières semaines constitue l’apothéose, une apothéose qui détruira les systèmes sociaux exemplaires de notre Europe, qui seront bientôt incapables de s’auto-financer. Les Européens seront dès lors dans l’impossibilité de consacrer des budgets (d’ailleurs déjà insuffisants ou inexistants) à l’insertion de telles quantités de nouveaux venus. L’Europe s’effondre, perd l’atout de son excellent système social et ne peut plus distraire des fonds pour une défense continentale efficace ou pour la « recherche & développement » en technologies de pointe. Avec le scandale Volkswagen, qui verra le marché américain lui échapper, un coup fatal est porté à l’industrie lourde européenne. La boucle est bouclée.

2.     Partout en Europe des mouvements hostiles à l'immigration ont beaucoup de succès. Dans bon nombre de ces cas, cependant, ces partis n'ont pas très clairement compris qu’attaquer l'immigration sans se battre contre la vision du monde libérale et les mécanismes du capitalisme est une bataille qui ne touche pas les racines du Système. Que pensez-vous?

Votre question pointe du doigt le problème le plus grave qui soit : effectivement, les succès récents de partis ou mouvements hostiles à cette nouvelle vague migratoire, considérée comme ingérable, sont dus à un facteur bien évident : les masses devinent inconsciemment que les acquis sociaux des combats socialistes, démocrates-chrétiens, nationalistes, communistes et autres, menés depuis la fin du 19ème siècle, vont être balayés et détruits. Le paradoxe que nous avons sous les yeux est le suivant : depuis 1979 (année de l’accession au pouvoir de Thatcher en Grande-Bretagne), la vogue contestatrice de l’Etat keynésien, jugé trop rigide et mal géré par les socialistes « bonzifiés » (Roberto Michels), a été la vogue néolibérale, mêlant, en un cocktail particulièrement pernicieux, divers linéaments de l’idéologie libérale anti-étatique et anti-politique. Une recomposition mentale erronée s’est opérée : elle a injecté dans toutes les contestations des déviances et errements politiques régimistes une dose de néolibéralisme, dorénavant difficilement éradicable. Quand ces partis et mouvements anti-immigration acquièrent quelque pouvoir, même à des niveaux assez modestes, ils s’empressent de réaliser une partie du vaste programme déconstructiviste des écoles néolibérales, préparant de la sorte l’avènement d’horreurs comme le Traité transatlantique qui effacera toute trace des Etats nationaux et tout résidu d’identité populaire et nationale. On combat l’immigration parce qu’on l’accuse de porter atteinte à l’identité mais on pratique des politiques néolibérales qui vont bientôt tuer définitivement toute forme d’identité. Le combat contre le néolibéralisme et ses effets délétères doit être un combat socialiste et syndicaliste musclé (retour à Sorel et Corridoni), pétri, non plus des idées édulcorées et dévoyées des pseudo-socialistes actuels, mais des théories économiques dites « hétérodoxes », dérivées de Friedrich List, des écoles historiques allemandes et de l’institutionnalisme américain (Thorstein Veblen). Parce que ces écoles hétérodoxes ne sont pas universalistes mais tiennent compte des contextes religieux, nationaux, civilisationnels, culturels, etc. Elles ne théorisent pas un homme, un producteur ou un consommateur abstrait mais un citoyen ancré dans une réalité léguée par l’histoire. Etre en rébellion contre le système, négateur des réalités concrètes, postule d’être un hétérodoxe économique, qui veut les sauver, les réhabiliter, les respecter.

3.     Que pensez-vous des positions actuelles, plus ou moins «identitaires» des intellectuels comme Zemmour, Onfray, Houellebecq, Finkielkraut, Debray?

Tous les hommes que vous citez ici sont bien différents les uns des autres : seuls les praticiens sourcilleux de la médiacratie contrôlante et du « politiquement correct » amalgament ces penseurs en une sorte de nouvel « axe du mal » au sein du « paysage intellectuel français » (PIF). Zemmour dresse un bilan intéressant de la déconstruction de la France au cours des quatre dernières décennies, déconstruction qui est un démantèlement progressif de l’Etat gaullien. En ce sens, Zemmour n’est pas un « libéral » mais une sorte de personnaliste gaullien qui estime qu’aucune société ne peut bien fonctionner sans une épine dorsale politique.

 

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Onfray a toujours été pour moi un philosophe plaisant à lire, au ton badin, qui esquissait de manière bien agréable ce qu’était la « raison gourmande », par exemple, et insistait sur l’homme comme être de goût et non pas seulement être pensant à la façon de Descartes. Onfray esquissait une histoire alternative de la philosophie en ressuscitant des filons qu’une pensée française trop rationaliste avait refoulés ou qui ne cadraient plus avec la bien-pensance totalitaire inaugurée par Bernard-Henry Lévy à la fin des années 70, période où émerge le « politiquement correct » à la française. Plus récemment, Onfray a sorti un ouvrage toujours aussi agréable à lire, intitulé « Cosmos », où il apparaît bien pour ce qu’il est, soit un anarchiste cosmique, doublé d’un nietzschéen libertaire, d’un avatar actuel des « Frères du Libre Esprit ». Certaines de ses options le rapprochent des prémisses organicistes, dionysiaques et nietzschéennes de la fameuse « révolution conservatrice » allemande, du moins dans les aspects non soldatiques qu’elle a revêtus avant la catastrophe de 1914. D’où un certain rapprochement avec la nouvelle droite historique, observable depuis quelques jours seulement.

 

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Houellebecq exprime, mieux que personne en Europe occidentale aujourd’hui, l’effondrement moral de nos populations, leur dé-virilisation sous les coups de butoir d’un féminisme exacerbé et délirant, ce qui explique, notamment, le succès retentissant de son ouvrage Soumission aux Etats-Unis. Houellebecq se déclare affecté lui-même par la maladie de la déchéance, qui, qu’on le veuille ou non, fait l’identité européenne actuelle, radical contraire de ce que furent les fulgurances héroïques et constructives de l’Europe d’antan. L’homo europaeus actuel est un effondré moral, une loque infra-humaine qui cherche quelques petits plaisirs furtifs et éphémères pour compenser le vide effroyable qu’est devenue son existence. Pour retrouver une certaine dignité, notamment face à ce féminisme castrateur, cet homo europaeus pourrait, pense Houellebecq, se soumettre à l’islam, le terme « islam » signifiant d’ailleurs soumission à la volonté de Dieu et aux lois de sa création. Ce passage à la « soumission », c’est-à-dire à l’islam, balaierait le féminisme castrateur et redonnerait quelque lustre aux mâles frustrés, où ceux-ci pourraient reprendre du poil de la bête dans une Oumma planétaire, agrandie de l’Europe.

Le parcours de Finkielkraut est plus étonnant, dans la mesure où il a bel et bien fait partie de ces « nouveaux philosophes » de la place de Paris, en lutte contre un totalitarisme qu’ils jugeaient ubiquitaire et dont ils étaient chargé par la « Providence » ou par « Yahvé » (Lévy !) de traquer les moindres manifestations ou les résurgences les plus ténues. Ce totalitarisme se percevait partout, surtout dans les structures de l’Etat gaullien, subtilement assimilé, surtout chez Bernard-Henri Lévy, à des formes françaises d’une sorte de nazisme omniprésent, omni-compénétrant, toujours prêt à resurgir de manière caricaturale. Ces diabolisations faisaient le jeu du néolibéralisme thatchéro-reaganien et datent d’ailleurs de l’avènement de celui-ci sur les scènes politiques britannique et américaine. Finkielkraut a été emblématique de ces démarches, surtout, rappelons-le, lors de la guerre de l’OTAN contre la Serbie. Finkielkraut avait exhumé des penseurs libéraux serbes du 19ème siècle inspirés par le philosophe différentialiste allemand Herder, pour démontrer de manière boiteuse, en sollicitant les faits de manière pernicieuse et malhonnête, que deux de ces braves philologues serbes, espérant se débarrasser du joug ottoman, étaient en réalité des précurseurs du nazisme (encore !). Ce travail de Finkielkraut était d’autant plus ridicule qu’au même moment, à Vienne, un journaliste très connu, Wolfgang Libal, également israélite mais, lui, spécialiste insigne du « Sud-Est européen », écrivait un ouvrage à grand tirage pour démontrer le caractère éminemment démocratique (national-libéral) des deux philologues, posés comme pionniers de la modernité dans les Balkans !!

9782070415526.jpgAprès son hystérie anti-serbe, Finkielkraut, sans doute parce qu’il prend de l’âge, s’est « bonifié » comme disent les œnologues. Son ouvrage sur la notion d’ingratitude, qui est constitué des réponses à un très long entretien accordé au journal québécois Le Devoir, est intéressant car il y explique que les malheurs de notre époque viennent du fait que l’homme actuel se montre « ingrat » par rapport aux legs du passé. J’ai lu cet entretien avec grand intérêt et beaucoup de plaisir, y retrouvant d’ailleurs une facette de l’antique querelle des anciens et des modernes. Je dois l’avouer même si le Finkielkraut serbophobe m’avait particulièrement horripilé. A partir de cette réflexion sur l’ingratitude, Finkielkraut va, peut-être inconsciemment, sans doute à son corps défendant, adopter les réflexes intellectuels des deux Serbes herdériens qu’il fustigeait avec tant de fureur dans les années 90. Il va découvrir l’« identité » et, par une sorte de tour de passe-passe qui me laisse toujours pantois, défendre une identité française que Lévy avait posée comme une matrice particulièrement répugnante du nazisme !

Debray est un penseur plus profond à mes yeux. Le début de sa carrière dans le paysage intellectuel français date des années 60, où il avait rencontré et accompagné Che Guevara en Bolivie. Cet aspect suscite toutes les nostalgies d’une époque où l’aventure était encore possible. Jean Cau, ancien secrétaire de Sartre (entre 1947 et 1956) qui, ultérieurement,  ne ménagera pas ses sarcasmes à l’encontre des gauches parisiennes, consacrera en 1979 un ouvrage au Che, intitulé Une passion pour Che Guevara ; en résumé, nous avons là l’hommage d’un ancien militant de gauche, passé à « droite » (pour autant que cela veuille dire quelque chose…), qui ne renie pas la dimension véritablement existentielle de l’aventure et de l’engagement pour ses idées, fussent-elles celles qu’il vient explicitement de rejeter. Debray a donc mis, dans une première phase de sa carrière, sa peau au bout de ces idées. Peu ont eu ce courage même si d’aucuns ont cherché plus tard à minimiser son rôle en Bolivie.

51EqyovmguL._SX302_BO1,204,203,200_.jpgDans les années 80, Debray, devenu, plutôt à son corps défendant, faire-valoir du mitterrandisme ascendant, participera à toutes les mascarades de la gauche officielle, en voie de « festivisation » et d’embourgeoisement, où les cocottes et les bobos se piquent d’eudémonisme et se posent en « belles âmes » (on sait ce que Hegel en pensait…). Les actions qu’il mène, je préfère les oublier aujourd’hui, tant elles ont participé des bouffonneries pariso-parisiennes. Mais entre l’épisode du militant guevariste et celle du néo-national-gaulliste d’aujourd’hui, il n’y a pas eu que cette participation à la lèpre républicano-mitterrandiste, il y a eu le passage du Debray militant et idéologue au Debray philosophe et « médiologue » (une science visant à cerner l’impact des « médiations », des images, dont éventuellement celles des médias, sur la formation ou la transformation des mentalités et des aspirations politiques). C’est dans le cadre de ce statut de « médiologue », qui commence en 1993, que Debray va glisser progressivement vers des positions différentes de celles imposées par le ronron médiatique ou le « politiquement correct » des « nouveaux philosophes » (Lévy, etc.) « qui », dit-il, « produisent de l’indignation au rythme de l’actualité ». Debray, comme l’indique alors le titre d’un de ses ouvrages récents, Dégagements, se « dégage » de ses engagements antérieurs, l’espace de la gauche, de sa gauche, ayant été phagocyté par de nouveaux venus qui se disent « occidentaux » et participent à la pratique perverse de la table rase, notamment en Amérique latine : leur travail de sape serait entièrement parachevé si des hommes comme Evo Morales, qu’il qualifie positivement d’« indigéniste », ne s’étaient pas dressés contre son vieil ennemi l’impérialisme américain, appuyé par les bourgeoisies compradores.

Enfin, les révolutions socialistes (et communistes) sont d’abord des nationalismes, écrit-il en 2010 : en dépit de l’omniprésence du Front National dans la vie politique de l’Hexagone, Debray ne craint plus le mot, à l’heure où les nouvelles gauches « néo-philosophiques » perdent et ruinent tout sens historique et basculent dans la moraline répétitive et incantatoire, dans le compassionnel et l’indignation programmée. Debray se déclare aussi « vieux jeu » : ce n’est pas le reproche que je lui ferai ; cependant, l’abus, dans ses œuvres polémiques récentes, est d’utiliser trop abondamment le vocable (également incantatoire) de « République » qui, pour tout observateur non parisien, est un véhicule d’éléments délétères de modernité donc d’ignorance du véritable tissu historique et populaire. De même, sa vision de l’« Etat » est trop marquée par l’idéologie jacobine, figée au fil des décennies depuis le début du 19ème siècle. Ceci dit, ses remarques et ses critiques (à l’adresse de son ancien camp) permettent de réamorcer un combat, non pas pour rétablir la « République » à la française avec son cortège de figements et d’archaïsmes ou un Etat trop rigide, mais pour restaurer ce que Julien Freund, à la suite de Carl Schmitt, nommait « le politique ». Combat qui pourrait d’ailleurs partir des remarques excellentes de Debray sur la « représentation », sur le « decorum », nécessaire à toute machine politique qui se respecte et force le respect : Carl Schmitt insistait, lui aussi, sur les splendeurs et les fastes du catholicisme, à reproduire dans tout Etat, sur la visibilité du pouvoir, antidote aux « potestates indirectae », aux pouvoirs occultes qui produisent les oligarchies dénoncées par Roberto Michels, celles qui se mettent sciemment en marge, se dérobent en des coulisses cachées, pour se soustraire au regard du peuple ou même de leurs propres militants. Schmitt hier, Debray aujourd’hui, veulent restaurer la parfaite visibilité du pouvoir : nous trouvons là une thématique métapolitique offensive qu’il serait bon, pour tous, d’articuler en nouveaux instruments de combat. Debray est sans nul doute une sorte d’enfant prodigue, qui a erré en des lieux de perdition pour revenir dans un espace à l’air rare et vif. L’histoire des idées se souviendra de son itinéraire : nous jetterons dès lors un œil narquois sur les agitations qu’il a commises dans les années 80 dans les allées du pouvoir mitterrandien et vouerons une admiration pour l’itinéraire du « médiologue » qui nous aura fourni des arguments pour opérer une critique de la dictature médiatique et pour rendre au pouvoir sa visibilité, partageable entre tous les citoyens et donc véritablement « démocratique » ou plutôt réellement populiste. Derrière cela, les quelques « franzouseries » statolâtriques et « républicagnanates », qu’il traine encore à ses basques, seront à mettre au rayon du folklore, là où il rangeait lui-même le vieux et caduc « clivage gauche/droite », dans quelques phrases bien ciselées de Dégagements.

4.     Êtes-vous d'accord avec la thèse du Grand Remplacement?

Camus—Identitaires.jpgJe ne considère pas la notion de « Grand Remplacement » comme une thèse mais comme un terme-choc impulsant une réflexion antagoniste par rapport au fatras dominant, comme une figure de rhétorique, destinée à dénoncer la situation actuelle où le compassionnel, introduit dans les pratiques politiques par les nouveaux philosophes, évacue toute éthique de la responsabilité. Vous avez vous-même, en langue italienne, défini et explicité la notion de « Grand Remplacement » (http://www.ilprimatonazionale.it/cultura/grande-sostituzione-32682/ ). Vous l’avez fait avec brio. Et démontré que Marine Le Pen comme Matteo Salvini l’avaient incluse dans le langage politico-polémique qui anime les marges dites « droitières » ou « populistes » des spectres politiques européens d’aujourd’hui. Renaud Camus, père du concept, a le sens des formules, du discours (selon une bonne tradition française remontant au moins à Bossuet). Il est aussi le créateur de deux autres notions qui mériteraient de connaître la même bonne fortune : la notion de « nocence », contraire de l’« in-nocence », puis la notion de « dé-civilisation ». Renaud Camus se pose comme « in-nocent », comme un être qui ne cherche pas à nuire (« nocere » en latin). Les régimes politiques en place, eux, cherchent toujours à nuire à leurs citoyens ou sujets, qu’il haïssent au point de vouloir justement les remplacer par des êtres humains perdus, venus de partout et de nulle part, attirés par les promesses fallacieuses d’un paradis économique, où l’on touche des subsides sans avoir à fournir des efforts ni à respecter des devoirs sociaux ou citoyens. Les établis forment donc le parti de la « nocence », de la nuisance, auquel il faut opposer l’idéal, peut-être un peu irénique, de l’« in-nocence », sorte d’ascèse qui me rappelle tout à la fois le bouddhisme de Schopenhauer, le quiétisme de Gustav Landauer, but de son idéal révolutionnaire à Munich en 1919, et l’économie empathique de Serge-Christophe Kolm, inspiré par les pratiques bouddhistes (efficaces) qu’il a observées en Asie du Sud-est (cf. notre dossier : http://www.archiveseroe.eu/kolm-a118861530 ). Si la « nocence » triomphe et s’établit sur la longue durée, la civilisation, après la culture et l’éducation, s’effiloche, se détricote et disparait. C’est l’ère de la « dé-civilisation », du « refus névrotique de l’héritage ancestral », commente l’écrivain belge Christopher Gérard. Ce pessimisme n’est pas une idée neuve mais, à notre époque, elle constitue un retour du réalisme, après une parenthèse trop longue de rejet systématique et pathologique de nos héritages.

arton70.jpgJe mettrais en parallèle la double idée de Renaud Camus d’une « dé-culturation » et d’une « dé-civilisation » avec l’idée de « dissociété », forgée par le philosophe Marcel De Corte au début des années 50. Pour De Corte, monarchiste belge et catholique thomiste, l’imposition des élucubrations libérales de la révolution française aux peuples d’Europe a conduit à la dislocation du tissu social, si bien que nous n’avons plus affaire à une « société » harmonieuse, au sens traditionnel du terme comme l’entendait Louis de Bonald, mais à une « dissociété ». L’idée, en dépit de son origine très conservatrice, est reprise aujourd’hui par quelques théoriciens d’une gauche non-conformiste, dont le Prof. Jacques Généreux qui constate amèrement que les pathologies de la dissociété moderne sont une « maladie sociale dégénérative qui altère les consciences en leur inculquant une culture fausse ». Généreux, socialiste au départ et rêvant à l’avènement d’un nouveau socialisme capable de gommer définitivement les affres de la « dissociété », quitte, déçu, le PS français en 2008 pour aller militer au « Parti de Gauche » et pour figurer sur la liste « Front de Gauche pour changer l’Europe », candidate aux élections européennes de 2009. En mars 2013, les idées, pourtant pertinentes, de Généreux ne séduisent plus ses compagnons de route et ses co-listiers : il n’est pas réélu au Bureau politique ! Preuve que la pertinence ne peut aller se nicher et prospérer au sein des gauches françaises non socialistes, bornées dans leurs analyses, sclérosées dans des marottes jacobines et résistancialistes qui ne sont qu’anachronismes ou tourneboulées par les délires immigrationnistes dont l’irréalisme foncier est plus virulent et plus maladivement agressif en France qu’ailleurs en Europe.

Ceci dit, l’idée de « Grand Remplacement » est à mes yeux un des avatars actuels d’un ouvrage écrit en 1973, le fameux récit Le Camp des Saints de Jean Raspail, où l’Europe est envahie par des millions d’hères faméliques cherchant à s’y installer. Les grandes banlieues des principales villes de France étaient déjà occupées par d’autres populations, complètement coupées des Français de souche. Dorénavant on voit la bigarrure ethnique émerger, à forte ou à moyenne dose, dans de petites villes comme Etampes, Vierzon ou Orléans, où elle semble effectivement « remplacer » les départs antérieurs, ceux de l’exode rural, ceux du départ vers les grandes mégapoles où dominent les emplois du secteur tertiaire. La France donne l’impression de juxtaposer sur son territoire deux ou plusieurs sociétés (ou dissociétés) parallèles, étanches les unes par rapport aux autres. Personne n’est satisfait ; d’abord les « remplacés », bien évidemment, dont les modes de vie et surtout les habitudes alimentaires sont dénigrées et jugées « impures » (ce qui fâche tout particulièrement les Français, très fiers de leurs traditions gastronomiques) mais aussi les « remplaçants » qui ne peuvent pas reproduire leur mode de vie et manifestent dès lors un mal de vivre destructeur. Le plan satanique du libéralisme se réalise dans cette bigarrure : la société est disloquée, livrée à la « cash flow mentality », déjà décriée par Thomas Carlyle au début du 19ème siècle. Le néolibéralisme, amplification monstrueuse de cette « mentality », étendue à la planète entière, ne peut survivre que dans des sociétés brisées, de même que les « économies diasporiques » ou les réseaux mafieux, pourfendus par les gauches intellectuelles non conformistes mais non combattus sur le terrain, dans le concret de la dissociété réellement existante.

5.     Dans le parlement italien, on est en train de changer les lois sur la citoyenneté, en introduisant le principe de la citoyenneté par le lieu de naissance (jus soli) à la place de celui fondé sur la nationalité des parents (jus sanguinis). Selon vous quelles conséquences cela aura sur le tissu social de notre pays?

Le débat opposant le jus sanguinis au jus soli est ancien. Il remonte à l’époque napoléonienne. Napoléon voulait accorder automatiquement la nationalité française à toute personne vivant en France et ayant bénéficié d’une éducation (scolaire) française. Le but était aussi de recruter des soldats pour les campagnes militaires qu’il menait partout en Europe. Les rédacteurs du Code civil optent toutefois pour le jus sanguinis. Ces dispositions seront modifiées en 1889, vu l’afflux massif d’immigrés dans la France du 19ème siècle, essentiellement belges et italiens, dans une moindre mesure allemands et espagnols. Même visée que celle de Napoléon : la France de souche connait un ressac démographique, encore léger toutefois, face à une Allemagne qui, elle, connaît un véritablement boom démographique, en dépit des émigrations massives vers les Etats-Unis (plus de 50 millions de citoyens américains sont aujourd’hui d’origine allemande). Il faut à cette France angoissée devant son voisin de l’Est une masse impressionnante de soldats. De même, il faut envoyer des troupes dans un Outre-Mer souvent en révolte où les effectifs de la « Légion étrangère » ne suffisent pas. Dans Paris, sur les monuments aux morts de la première guerre mondiale, on lit plus de 10% de noms germaniques, allemands, suisses ou flamands, quelques noms italiens (ou corses ?), ce qui ne mentionne rien sur les immigrés romans de Suisse ou de Wallonie, parfois de Catalogne, dont les patronymes sont gallo-romans, comme ceux des Français de souche. La France s’est voulue multiethnique dès la fin du 19ème siècle, forçant parfois les immigrés européens, notamment en Afrique du Nord, à acquérir la nationalité française. Tant que cet apport volontaire ou forcé était le fait de peuples immédiatement périphériques, l’intégration et la fusion s’opéraient aisément. Après l’horrible saignée de 1914-18, quand les villages de la France profonde sont exsangues, une immigration plus exotique prend le relais de celle des peuples voisins. La départementalisation de l’Algérie et l’entrée, d’abord timide, de travailleurs algériens, puis subsahariens, colore la nouvelle immigration. Rien à signaler dans un premier temps. Ou rien que des broutilles. A partir du moment où certaines banlieues deviennent à 90% exotiques, le projet d’intégration et d’assimilation cafouille : pourquoi s’intégrer puisque l’environnement de l’immigré n’est en rien « Français de souche » ? Il lui est désormais possible de vivre en complète autarcie par rapport à la population d’origine. La société devient « composite » comme le déplorent les théoriciens indiens du RSS et du BJP qui estiment aussi que de telles sociétés n’ont pas d’avenir constructif, sont condamnées au chaos et à l’implosion. Pour les sociétés européennes, l’avenir nous dira si ces prophéties des théoriciens indiens s’avèreront exactes ou fausses. En attendant, l’introduction du jus soli, au détriment de tout jus sanguinis, en Italie comme ailleurs en Europe, est le signe d’un abandon volontaire de toute idée de continuité, d’héritage. Avec les théories du genre (le « gendérisme ») et les pratiques du néolibéralisme   ­-dont la délocalisation et la titrisation soit l’abandon de toute économie patrimoniale et industrielle au profit d’une économie de la spéculation boursière-   ce glissement annonce l’éclosion d’une société nouvelle, éclatée, amnésique, jetant aux orties l’éthique wébérienne de la responsabilité, pour la remplacer par des monstrations indécentes de toutes sortes d’éthiques de la conviction, prononcée sur le mode de l’hystérie « politiquement correcte » et travestie d’oripeaux festivistes et compassionnels. Bref, un Halloween planétaire et permanent.

Forest-Flotzenberg, octobre 2015.

Recension du livre d’Alain Finkielkraut, La Seule Exactitude

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Recension du livre d’Alain Finkielkraut, La Seule Exactitude

par Jean-Gérard Lapacherie

Ex: http://cerclearistote.com

Alain Finkielkraut, La Seule Exactitude, Stock, 2015

alfinkk8JXCL._SX317_BO1,204,203,200_.jpgCe livre s’inscrit dans la lignée des grands livres d’Alain Finkielkraut, La Défaite de la pensée, le Mécontemporain, Nous autres Modernes, Un Cœur intelligent, L’Identité malheureuse, L’Imparfait du présent, et comme ces livres, il se lit d’un trait. Alain Finkielkraut a été et reste un brillant élève qui maîtrise à merveille l’art de la dissertation, tel qu’il était enseigné naguère (jadis ?) dans les lycées : clarté, sûreté du jugement, équilibre, précision des références, fermeté de l’expression, élégance. Il est, comme Chateaubriand, un enchanteur. Ce qu’il déploie, ce ne sont pas seulement les artifices rhétoriques du « bien dire », c’est surtout la pensée, l’intelligence, la haute culture. L’atteste l’usage qu’il fait des citations, non pas pour éblouir les pharisiens, mais pour dialoguer avec les morts, avec les grands ancêtres, avec ceux qui ont pensé avant soi ou qui ont pensé eux aussi la question que l’on traite.

La thèse d’Alain Finkielkraut peut se résumer ainsi : la gauche n’est plus la (ou à) gauche. En un mot, il ne reconnaît pas sa gauche dans les positions que prennent les hommes dits « de gauche » sur des sujets importants (école, culture, morale, France, société, histoire, connaissance, état du monde, institutions publiques, conflits). Elles n’ont plus rien en commun avec les grands principes qui ont – ou auraient – été établis par la gauche. Le présent n’est pas saisi, analysé, pensé pour ce qu’il est ; il n’est qu’un passé qui se répète, les années trente et les heures sombres de « notre » histoire. Oubliés les 40 heures et les congés payés, qui sont les conquêtes sociales des années trente ; vouées aux gémonies la France Libre et la résistance qui sont la lumière des heures « sombres ». Pour les hommes de « gauche », l’amélioration de la condition ouvrière, le respect des travailleurs, la dignité des gens de peu n’ont plus de sens et le peuple français s’est massivement prosterné devant l’occupant. Si les choses sont ce qu’ils en disent, on ne comprend pas pourquoi ils adulent des « penseurs » qui n’ont jamais éclairé les « heures sombres », Sartre, Beauvoir, Blanchot, Grass, etc., pourquoi ils ont porté au pouvoir un pilier de Vichy qui a été un ardent partisan des guerres coloniales et approuvé un ancien du PPF, pourquoi ils ont soutenu par le vote des fils et filles de collabos, Jospin, Tasca, Védrine, Rebsamen, Royal, Hollande, etc. Cette histoire qu’ils prétendent être « nôtre » est leur. La haine de leur propre passé alimente la croyance en un progrès illimité vers plus d’égalité, plus de fraternité, plus d’indifférenciation (qu’elle soit sexuelle, culturelle, religieuse, etc.), plus de métissage, plus de culturel (inter ou multi). En un mot, la gauche réelle fait « table rase » du passé pour faire advenir « les lendemains qui chantent ». Ce programme se nourrit de la détestation de tout ce qui n’est pas soi, c’est-à-dire de tout ce qui n’est ni bobo, ni multi, ni homo, ni islamique, et de l’assurance que le monde sera meilleur, si celui-ci est façonné suivant leurs plans. De ce point de vue, le « retournement » qu’Alain Finkielkraut vit dans sa propre pensée n’est pas fondamentalement différent de celui qu’ont connu avant lui Péguy, Vargas Llosa, Jean Cau, Aron, Souvarine, Soustelle, Flaubert, Soljenitsyne, Malraux, Jacques Rossi, Leroy-Ladurie, Gallo, et des millions d’autres, dont Onfray et Brighelli…

Le problème, car il y en a un, est que la gauche idéale, au nom de laquelle Alain Finkielkraut se détourne de la gauche réelle, n’a jamais existé. Il n’y a que la gauche réelle, comme les seuls communisme et socialisme sont le communisme et le socialisme réels, et non le communisme démocratique et le socialisme à visage humain, ou inversement, dont se sont gargarisés pendant un siècle les hommes de gauche, bien que ces oxymores n’aient de réalité que dans le verbiage… La gauche réelle avance masquée. Elle s’approprie tout et surtout ce qu’elle n’a pas créé : les droits de l’homme déclarés universels en août 1789, l’abolition des privilèges, la fin des trois ordres, la sécurité sociale, l’Etat-providence, le progrès social, le progrès économique, la fin des colonies, la résistance… En revanche, elle occulte soigneusement les horreurs qu’elle a commises ou incité à commettre : les massacres de septembre 1792, le populicide de l’Ouest de la France, la guerre contre tous les peuples d’Europe, puis du monde, la République impériale, les manifestations réprimées à la baïonnette et au canon (1795, 1848, 1871, Algérie de 1956 à 1958) ou par la « troupe » (Fourmies, 6 février 1934, Isly), les conquêtes coloniales, la ruée à Vichy, les guerres dans les colonies, etc. Alain Finkielkraut forge une gauche idéale à son image. Il est persuadé qu’elle est, comme lui, attachée aux humanités, à la littérature, aux grands textes, à la pensée. Rien n’est plus faux. Déjà au début du siècle dernier, les hommes de la gauche réelle, soucieux de développement industriel, ont voulu renforcer l’enseignement technique et les écoles formant ingénieurs, ouvriers qualifiés et techniciens. Pourquoi pas ? Mais ils n’ont envisagé cela qu’en remplacement des humanités, le latin étant tenu pour la langue des curés honnis et la littérature pour un divertissement de mondaines oisives. La laïcité, à laquelle Alain Finkielkraut est attaché, est, elle aussi, morte et enterrée.

alfinkhL._SX304_BO1,204,203,200_.jpgAlain Finkielkraut consacre une courte réflexion à la disparition possible de la gauche, ce qu’a prédit Manuel Valls. Non, la gauche n’est pas mortelle, elle est éternelle, comme le sont les mensonges, les falsifications, les déformations, les censures, les doubles ou triples discours, les promesses, la démagogie, le cynisme, la soif de pouvoir. En décembre 1965, Mitterrand accorde un long entretien à deux journalistes du Nouvel Observateur et pas des moindres, Daniel et Galard. Il se présente comme un résistant. Vingt ans après la fin de la guerre, il ne lui est posé aucune question sur ses engagements avant 1939 et en 1942-44 à Vichy. Il se présente comme le défenseur du tiers-monde, parce qu’il critique les généraux brésiliens qui ont pris un pouvoir que des civils élus n’ont pas voulu exercer. Il ne lui est pas rappelé ses engagements contre les tiers-mondistes d’Algérie à partir du 1er novembre 1954 ; le soutien qu’il a apporté à l’intervention militaire en Egypte, pays du tiers-monde, en 1956 ; les pleins pouvoirs que le gouvernement auquel il participait a donnés à l’armée pour rétablir par la torture et les exécutions sommaires l’ordre « républicain » à Alger. Il ne lui a même pas été objecté les 61 condamnés à mort exécutés pendant 15 mois, le garde des sceaux qu’il était alors ayant refusé que soient transmises au président Coty, pour signature, des demandes de grâce. La gauche a réécrit l’histoire pour fabriquer un politicien. Les communistes ont procédé de la même manière quand ils ont falsifié la « biographie » de Marchais, leur Premier secrétaire. Que M. Valls ne s’inquiète pas sur le sort de la gauche : dans dix ou vingt ans, un nouveau leader apparaîtra qui pourra redonner le pouvoir à la gauche. Et la machine à mensonges fabriquera les mêmes fables.

Contrairement à ce que pense Alain Finkielkraut, ce n’est pas l’idéologie, de gauche ou non, qui importe. L’idéologie est plastique, malléable, fluctuante ; elle se retourne aussi facilement qu’un gant ; elle peut dire blanc à midi et noir à minuit ; oui à 12 h 47 et non dans la minute qui suit. Ce qui importe, c’est le lieu d’où « ça parle » ou le statut de la voix qui discourt. Ces lieux sont les palais du pouvoir et les forteresses de l’autorité, des privilèges et des avantages acquis. La gauche exerce le pouvoir, que ce soit celui de la politique, des idées, de l’université ou du savoir, des médias et de la communication, de Canal + ou du Monde. La gauche n’aspire qu’à étendre et accroître son emprise sur la culture, sur les idées, sur l’art et sur tout ce qui est : pensées individuelles, expression publique, émotion, langages. Ils sont les dominants, fussent-ils sociologues. Nous sommes leurs dominés. Ce qui fait l’essence de la gauche – sa « nature » en quelque sorte -, c’est la cupidité, la soif de pouvoir, les bas instincts, tout cela étant masqué par les beaux discours. Les adversaires d’Alain Finkielkraut sont fonctionnaires ou assimilés ou, s’ils ne le sont pas, ils vivent – et fort bien – de prébendes. Comme tous les fonctionnaires, ils ne rêvent que promotions, gratifications, crédits, avancements, subventions. Ils défendent donc bec et ongles les positions dont ils jouissent dans les médias, l’édition, la politique, le showbiz. L’enjeu, ce sont des milliards d’euros d’argent public. Les lieux d’où parle la gauche cachent des coffres-forts. Gomez Davila disait : « L’intelligence n’aspire pas à se libérer, mais à se soumettre ». En réalité, elle n’aspire qu’à soumettre les autres à son ordre.

alfinkL._SX302_BO1,204,.jpgSur quelques points, Alain Finkielkraut reste « de gauche », comme en témoigne la critique qu’il fait du Suicide français. A Zemmour, il prête des simulacres de thèses, le transformant sinon un négationniste, du moins un complice des négationnistes. L’antienne est banale. Zemmour étudie 40 années, de 1970 à 2010, qui ont défait la France. En 1981, l’historien américain Paxton accuse Vichy d’avoir participé à l’extermination des Juifs. Cette thèse rend caduque celle de l’historien français Aron, qui tenait Vichy pour un « bouclier », certes peu protecteur, des juifs français. C’est ce fait-là, à savoir le basculement de l’historiographie, que Zemmour analyse, le livre de Paxton mettant fin aussi à la thèse gaulliste sur les années 1940. Pour les Français libres, la France était à Londres. Paxton a replacé la France à Vichy et il l’a rendue responsable des crimes commis sur son territoire. Autre exemple : Alain Finkielkraut a été enthousiasmé par le 11 janvier. Ce jour-là, le chef de l’Etat a organisé une manifestation monstre avec tous les moyens dont dispose l’Etat et le soutien de tous les médias, qu’ils soient d’Etat ou privés. Dans de nombreux pays au monde, de semblables manifestations « officielles » ou étatiques sont propres aux Etats despotiques ou totalitaires. Le 11 janvier a eu pour mot d’ordre la « liberté d’expression » Or, seul l’Etat et ses institutions, dont la « justice », ou les associations lucratives sans but, la menacent. Ce n’est pas la liberté d’expression qui a été attaquée les 7, 8, 9 janvier ; ce sont des crimes racistes qui ont été commis. Des juifs ont été tués parce qu’ils étaient juifs et des dessinateurs ont été exécutés au nom de la loi islamique, parce que les infidèles n’ont pas le droit de représenter le rasoul, ou « messager », d’Allah. Or, le 11 janvier, personne n’a protesté et surtout pas l’Etat contre l’application sur le territoire de la République d’une loi, décidée par on ne sait qui et qui n’a force de loi qu’en Arabie saoudite ou en Afghanistan ou dans les territoires contrôlés par Boko Haram ou par l’Etat islamique. Il n’est pas étonnant que, les choses étant ce qu’elles sont, Alain Finkielkraut ait été dépité par l’après-11 janvier.

Alain Finkielkraut n’est pas encore tombé dans l’hérésie. Pour cela, il faudrait qu’il marche sur les brisées de Soljenitsyne, qui, en 1974, dans sa Lettre ouverte aux dirigeants de l’Union Soviétique, s’est adressé à la gauche réelle en ces termes : « Qu’importe si le mensonge recouvre tout, s’il devient maître de tout, mais soyons intraitables au moins sur ce point : qu’il ne le devienne pas PAR MOI ! ».

Jean-Gérard Lapacherie

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Les progrès de la médecine, est-ce fini ? C’est peut-être pire encore.

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Les progrès de la médecine, est-ce fini ? C’est peut-être pire encore

 
Jan Marejko
Philosophe, écrivain, journaliste
Ex: http://www.lesobservateurs.ch

Anne-Laure Boch est une pasionaria de la vie de l’esprit mais aussi de la vie du corps. Elle a d’abord étudié la médecine, ce qui l’a conduite à devenir neurochirurgienne à  l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière. Ensuite elle a obtenu un doctorat en philosophie. Elle voulait  comprendre ce qu’elle faisait comme médecin, et pourquoi. C’est cette méditation sur le sens de la médecine qu’elle a partagé avec les étudiants de l’institut Philanthropos à Fribourg. Devant eux, elle a posé la question de savoir si l’on pouvait encore attendre des progrès en médecine. Elle en doute et craint que la médecine ne produise désormais plus de méfaits que de bienfaits.

Elle n’a évidemment pas nié que la médecine occidentale a fait d’énormes progrès dans les trois derniers siècles.  Mais rien ne nous garantit que des progrès passés engendrent des progrès pour l’avenir. Les communistes croyaient dur comme fer aux progrès de la science et ils ont bien placé Gagarine en orbite. Mais au-delà, plus rien ou presque. Ce n’est pas seulement que le progrès peut s’arrêter mais que, sur sa lancée, il peut produire du déclin, l’accélérer même. Une fusée, en retombant, peut faire des dégâts. La fusée de la médecine et des recherches qui lui sont associées est-elle en train de retomber ? On peut le craindre et c’est à repérer les raisons de cette crainte qu’Anne-Laure Boch s’est attachée.

La vocation de la médecine est de guérir. A-t-elle guéri le cancer par exemple ? Non, elle a fait de lui une maladie chronique, mais de guérison, point ! Si le but de la médecine est de faire survivre à n’importe quel prix, alors, oui, elle parvient effectivement à faire vivre plus longtemps les malades du cancer ? Mais le but de la médecine est la guérison du malade, pas son maintien en vie avec acharnement thérapeutique. Là, c’est l’échec, malgré les milliards investis dans la recherche depuis 50 ans. Faut-il se résigner à voir dans la médecine ce qui nous amène aux chaises roulantes, au semainier avec ingestion quotidienne de pilules, à un cheminement de plus en plus chevrotant avant la tombe ? Anne-Laure Boch ne s’y est jamais résignée. Pourquoi ?

Parce que, pour elle, l’être humain n’est pas un « tas de molécules » dont il faudrait comprendre le fonctionnement pour les rendre plus performantes. Elle a noté en passant que si nous ne sommes qu’un tas de molécules, l’amour se réduit à un frottement de chairs suivis de l’émission d’un liquide gluant. Pouvons-nous encore aimer si nous sommes un tas de molécules ?

La science ne connaît que des choses, et la technique « désanime » les êtres. De plus en plus dominée par la science, la médecine est devenue une « grande découpeuse » qui coupe le corps en tranches de plus en plus fines, comme le font d’ailleurs les images produites par un scanner médical. Plus encore, ce découpage conduit aujourd’hui à des greffes d’organes qui, à terme et selon certains, devraient nous permettre de vivre des centaines d’années (pour peu que les banques d’organes s’enrichissent…) Le philosophe Jean-Luc Nancy a témoigné de son expérience de greffé du cœur et du sentiment qu’il a eu d’être devenu « autre » après son opération. Or devenir autre, c’est se sentir aliéné. La médecine moderne s’est engagée sur un chemin qui, si elle le poursuit, pourrait non seulement faire de nous des assistés en chaise roulante, mais aussi des êtres qui se sentiraient étrangers à eux-mêmes. J’entends déjà caqueter les vautours de la vie à tout prix : « Au moins ils seraient vivants ! » Une vie mortelle, peu importe comment ! Étrange caquetage, puisque cette vie, nous devrons la quitter. Anne-Laure Boch n’est pas allée aussi loin mais je crois qu’elle me pardonnera de le faire. Je ne résiste pas toujours au plaisir d’extrapoler.

Nous ne sommes pas des choses dont la destination ultime serait de fonctionner le mieux possible dans le temps et dans l’espace. Si tel était le cas, alors oui, il faudrait tout faire pour nous rendre plus performants, plus propres, plus sains. Qui serait cet homme performant dont la figure transparaît en filigrane dans toutes les injonctions à ne pas fumer, à ne pas manger de viande, à ne pas boire le gras du lait, pour… éviter le cancer, les maladies cardiovasculaires, le diabète ou même la grippe lorsqu’arrive l’automne ? Cet homme, a souligné Anne-Laure Boch, serait un « homme nouveau ». Il serait si propre, si fonctionnel que, dans l’imaginaire des peuples modernes, il  échapperait à la mort. Il suffit de se tourner vers les propositions du transhumanisme pour voir se dessiner le visage de cet homme nouveau ou surhomme. Pas tout à fait un visage encore, puisqu’il est question, dans ce transhumanisme, d’utérus artificiel ou de cerveau agrandi, mais le visage apparaîtra bien un jour. Il y a des chances pour que ce soit celui de Frankenstein, couturé de cicatrices en raison des greffes subies, le regard perdu en raison des pilules absorbées.

Voilà ce qui inquiète Anne-Laure Boch : l’image presque toute-puissante d’un homme nouveau qui a échappé à la condition humaine, à sa condition d’homme mortel. C’est cette image qui guide, oriente, soutient la médecine moderne qui a oublié sa vocation première, guérir, pour participer à une grande marche vers une nouvelle terre et de nouveaux cieux. Chacun connaît la formule prononcée aux enterrements : « tu es né de la poussière et tu redeviendras poussière ». Eh bien, pas du tout pour la médecine d’aujourd’hui qui promeut un homme nouveau ! Elle n’est pas consciente, ajouterai-je, de s’être faite le promoteur de cet homme, mais elle n’en est pas moins orientée par lui. Était-il conscient de ce qu’il promouvait, cet expert de l’OMS qui expliquait récemment que la viande rouge augmente les risques de cancer du côlon ? Il est probable qu’interrogé, il aurait nié vouloir promouvoir un homme que la mort ne limiterait plus. Pour autant, le rapport de L’OMS sur la viande rouge tueuse n’en suggérait pas moins qu’à long terme, la mort pourrait être éradiquée non seulement par les greffes d’organes mais aussi par une prévention systématique dont on devinait que, une fois mise en place, elle nous conduirait vers d’enchantés pâturages où broutent déjà les adeptes du « véganisme ».

Les gardiens ou gargouilles d’une médecine orientée par pilotage automatique vers un homme nouveau abondent. Mais il n’y a pas que cela. Anne-Laure Boch nous a rendus attentifs au fait que différentes infrastructures se sont mises en place autour de la promotion de l’homme nouveau : structures d’accueil pour la fin de vie, personnel soignant pour ces structures, industrie pharmaceutique qui renforce le mythe d’une nouvelle vie grâce au viagra et autres pilules roses.

Notre époque n’aime pas les dogmes religieux, mais elle avale tout cru le dogme du progrès en général, le dogme du progrès de la médecine en particulier. C’est contre lui qu’Anne-Laure Boch s’est élevée avec, comme bélier pour enfoncer les portes de cette nouvelle citadelle dogmatique, Ivan Illich. Ce prêtre philosophe a en effet montré combien le dogme du progrès conduit à penser que, quoi qu’il arrive, on va vers le mieux, plus de bien-être, plus de bonheur. Staline déclarait en 1936 que les Russes étaient de plus en plus heureux, juste après avoir fait mourir de faim des millions d’Ukrainiens et juste avant d’organiser des grandes purges avec des centaines de milliers d’assassinats. Mais les gens l’ont cru, tant la soif de bonheur et d’immortalité est grande en nous.

Est-ce que, parmi des déambulateurs, des chaises roulantes, des drogués au Prozac, nous continuerons à bêler notre credo sur les bienfaits de la médecine et de la recherche ?

Pour Anne-Laure Boch ce n’est pas sûr. Nous voyons grandir la proportion des gens qui préfèrent mourir plutôt que d’être pris en charge par une médecine qui risque de faire d’eux des morts-vivants. Rejoindre le cortège des chevrotants ne les tente guère. Un autre facteur est que la schizophrénie s’aggrave chez les soignants : d’un côté ils sont encouragés à manifester de la bienveillance envers les malades – d’un autre côté, on leur dit que ces mêmes malades sont un « tas de molécules ». Viendra un jour où soigner des patients « molécularisés » n’aura plus de sens. Ce jour-là, il sera peut-être possible de retrouver une médecine qui se contente de guérir plutôt que de s’acharner à faire survivre à n’importe quel prix.

Jan Marejko, 28 ocotobre 2015

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vendredi, 30 octobre 2015

Le fascisme : un « étymon spirituel » à découvrir ?

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Le fascisme: un «étymon spirituel» à découvrir?

Sur le dernier ouvrage de Philippe Baillet

par Daniel COLOGNE

 

Note de la rédaction: Daniel Cologne rend ici hommage à Philippe Baillet qu'il a côtoyé notamment au "Cercle Culture & Liberté", structure qui a précédé la création de la revue évolienne "Totalité" (1977), dirigée ultérieurement par Georges Gondinet. Philippe Baillet, traducteur de Julius Evola, a été par la suite secrétaire de rédaction de "Nouvelle école", avant d'être évincé par le directeur de cette publication, qui pratiquait là son sport favori. L'intérêt du nouveau livre de Baillet réside surtout dans le fait qu'il rend hommage à Giorgio Locchi et poursuit la quête de ce dernier qui a donné à la "nouvelle droite" ses impulsions majeures avant d'être évincé de manière particulièrement inélégante par ce même directeur. 

 

* * *

 

Parmi les rencontres que j’ai faites durant ma période parisienne (1977 – 1983), celle de Philippe Baillet fut pour moi une des plus enrichissantes.

 

Co-fondateur de la revue Totalité, Baillet est l’un des principales artisans de la réception de l’œuvre de Julius Evola dans les pays francophones.

 

Sa maîtrise de l’italien lui permet de lire dans le texte original et de traduire avec fidélité de nombreux auteurs transalpins, dont l’énumération impressionne au chapitre 2 de la première partie de l’ouvrage ici recensé : Le Parti de la Vie. Clercs et guerriers d’Europe et d’Asie.

 

Il s’agit d’un recueil de textes initialement parus dans divers périodiques, dont Rivarol et Écrits de Paris, où j’ai moi-même collaboré entre 1977 et 1979.

 

Je reste reconnaissant à Philippe Baillet de m’avoir accordé son amical soutien, non exempt de critique toujours courtoisie, lors d’une conférence que j’ai prononcé en février 1979 au Cercle Péguy de Lyon. Dans la salle, il y avait une charmante et prometteuse étudiante nommée Chantal Delsol. Cette soirée rhodanienne demeure parmi les plus beaux souvenirs de mon séjour dans l’Hexagone.

 

L’émotion nostalgique s’efface devant la rigueur comptable de l’index, où Evola est cité douze fois, Guénon apparaît à trois reprises et Coomaraswamy ne récolte qu’une seule mention, en note infra-paginale.

 

Revenu à Nietzsche « comme référence essentielle » après « un très long détour (p. 15) » par le « traditionalisme intégral » des trois penseurs susdits, Baillet semble toutefois toujours considérer Evola comme inspirateur incontournable dans la perspective de La Désintégration du Système.

 

L’ouvrage de Giorgio Freda était abondamment commenté vers 1975 dans les milieux nationalistes-révolutionnaires. Il ne contenait rien d’original. Tout y était originel. Présents dans la préface du livre de Freda, les deux adjectifs s’opposent aussi dans la conclusion du recueil de Baillet.

 

Celui-ci évoque la haute figure de Lao-tseu : « Le vrai taoïste, lui, est insouciant de sa propre insouciance, qu’il ne donne pas en spectacle pour paraître “ original ”. Il est bien plutôt tourné vers l’originel (p. 233, c’est Baillet qui souligne). »

 

Quand on se rappelle que Révolte contre le monde moderne s’ouvre sur un extrait du Tao tö king, on peut conclure que l’ombre d’Evola plane sur ce florilège divisé en deux parties inégales, la première (six chapitres) relevant de la littérature et de l’histoire des idées, la seconde (deux chapitres) d’orientation plus nettement philosophique.

 

Le cloisonnement n’est toutefois pas étanche. L’auteur nous remet en mémoire l’œuvre littéraire de Mishima, extraordinaire en regard de sa courte existence : « Près de quarante romans, vingt recueils de nouvelles, dix-huit pièces de théâtre et quelques essais (p. 183). »

 

Parallèlement, quelques-uns des écrivains français analysés dans la première partie ont été attirés par l’Extrême-Orient. Même André Malraux, « un cabotin qui rêvait de s’inscrire dans la lignée des grands esthètes armés (p. 112) », connut une période japonisante, controversée, il est vrai. Rappelons aussi que La Condition humaine se passe en Chine.

 

En Chine : tel est précisément le titre d’un « ouvrage remarquable et devenu très rare (p. 79) » d’Abel Bonnard, dont Philippe Baillet se plaît à exhumer quelques brillantes phrases aux allures de maximes. « La Mort nous cache le regret de quitter le monde dans le bonheur de quitter les hommes (p. 108). »

 

Pierre Drieu connut aussi ce que le Belge Firmin Vandenbosch appelle « la tentation de l’Orient ». À l’auteur du Feu Follet, qui dirigea la Nouvelle revue Française sous l’Occupation, Baillet concède « l’élégance et l’honnêteté du désespoir ». Elles « forcent l’estime, voire l’admiration, que ne mérite sans doute pas l’œuvre, avec son ton trop souvent sentencieux, son style parfois médiocre, ses essais très inégaux, dans lesquels les meilleures intuitions s’arrêtent la plupart du temps au stade de l’esquisse (p. 111) ».

 

Étendues à Gabriele d’Annunzio et Ezra Pound, sommairement négatives en ce qui concerne Louis Aragon, les considérations d’ordre littéraire ne constituent pas l’essentiel du message délivré par Philippe Baillet.

 

Les amateurs de rapprochements inattendus goûteront celui effectué entre Nietzsche et Lao-tseu partageant « une vision biocentrique du monde (p. 202) ». Dans le cadre de cette étonnante parenté entre « deux univers de pensée » et en dépit de leur « éloignement racial, temporel, spatial et civilisationnel (p. 216) », Philippe Baillet redéfinit l’idée tant débattue de « volonté de puissance », « catégorie ontologique suprême (p. 218) », « sens originaire (p. 225) » non réductible au simple vitalisme bergsonien.

 

La « volonté de puissance » est synonyme de la « persévérance dans l’être ». Une filiation philosophique directe relie dès lors Nietzsche et Heidegger, et peut-être, en amont de l’histoire de la pensée européenne, le Wille zur Macht de Nietzsche et le conatus de Spinoza. En tout cas, la « volonté de puissance » s’affranchit de tout rapetissement tel que voudrait lui faire subir une certaine critique guénonienne en la confondant avec le jaillissement de « l’élan vital », avec « la création incessante d’imprévisible nouveauté », avec un vitalisme priapique et éjaculatoire.

 

Ailleurs dans l’ouvrage, certains guénoniens sont implicitement ciblés dans la mesure où ils jugent toute révolution anti-moderne impossible en raison des conditions cosmiques défavorables. Ce point de vue revient à catamorphoser le « traditionalisme intégral » en un mythe démobilisateur. L’Histoire n’est pas un progrès linéaire, mais elle n’est pas davantage une décadence unidirectionnelle. Comme le répétait souvent notre regretté ami Dominique Venner, elle a sa part d’imprévu, même si une véritable « astrologie mondiale », apte à saisir la respiration du mouvement historique, pourrait y introduire une frange de prévisibilité.

 

En l’occurrence, l’important est de ne pas « déserter la lutte pour la défense de la cité en raison du dégoût que celle-ci nous inspire (p. 104) ». Il ne faut pas « attendre que tout s’arrange grâce à la divine Providence (p. 105) », par une sorte de retournement automatique inscrit dans la marbre de la fatalité, par une espèce de choc en retour ou d’effet boomerang contre la pesanteur plurimillénaire de l’Âge Sombre (Kali Yuga).

 

À défaut de compter sur une improbable metanoïa de ce type, vers où convient-il de tourner le regard d’une espérance en une « régénération de l’Histoire (p. 133) », face au « mouvement irréversible » (François Hollande) que veut lui imprimer le finalisme égalitaire ?

 

Ce n’est ni du Front national ni des divers partis « populistes » européens qu’il faut attendre une salutaire réaction contre ceux qui souhaitent suspendre le vol du temps, non pas comme Lamartine sur les rives romantiques du lac du Bourget, mais au bord du bourbier social-démocrate perçu comme « horizon indépassable ».

 

Je partage totalement le point de vue qu’exprime Baillet dans les lignes qui suivent et dans son jugement sur le parti lepéniste.

 

« Je tiens évidemment pour acquis que les lecteurs auxquels je m’adresse ne nourrissent pas l’illusion de penser que les différents mouvements “ populistes ” qui engrangent des succès électoraux dans l’Europe d’aujourd’hui sont une résurgence du phénomène fasciste (p. 161). »

 

Quant au Front national, il « entretient désormais le comble de la confusion » en se présentant comme « le défenseur par excellence du républicanisme et du laïcisme (p. 101) ».

 

Philippe Baillet nous invite à rechercher « l’essence du fascisme », selon l’expression de Giorgio Locchi, dont une conférence est retranscrite (pp. 164 à 182) entre les deux parties du livre. Il s’agit en quelque sorte de trouver pour le fascisme l’équivalent de ce que le grand critique littéraire allemand Leo Spitzer, fondateur de la stylistique, veut faire surgir dans sa lecture des écrivains : un « étymon spirituel ».

 

Philippe Baillet s’interroge à propos d’un « nouveau regard (p. 21) » que la science et la recherche universitaires semblent porter, depuis quelque temps, sur le national-socialisme.

 

Johann Chapoutot affirme que le national-socialisme est porteur d’une Kulturkritik « prolixe et plus argumentée qu’on ne le dit (p. 22) ».

 

Plusieurs expéditions scientifiques en Amazonie, au Libéria et au Tibet, la reconversion de Leni Riefenstahl comme cinéaste du Sud-Soudan : voilà autant de faits avérés qui plaident en faveur d’une ouverture du nazisme au monde non européen. Ces réalités « sont encore largement méconnues dans nos propres rangs, quand elles ne sont pas purement et simplement ignorées (p. 247) ».

 

En revanche, on ne peut que constater l’hostilité de « beaucoup de hauts responsables nationaux-socialistes […] à la postérité d’Abraham, aux serviteurs de la Loi, de la Croix et du Livre, bref à tout l’univers mental du “ sémitisme ” au sens le plus large (p. 29) ».

 

Dans le sillage de Giorgio Locchi, Philippe Baillet diagnostique une « tendance époquale (p. 136) » dont nous subissons les effets pernicieux depuis deux millénaires : un sémitisme lato sensu, un judéo-christiano-islamisme, auquel doit s’opposer une « tendance époquale » surhumaniste.

 

Vie2.jpgRespectivement consacrés à Renzo de Felice et Giorgio Locchi, les chapitres 1 et 6 de la première partie posent les questions les plus fondamentales pour notre famille de pensée. Jusqu’où faire remonter la recherche de notre « moment zéro » (François Bousquet) ? Les étapes de la « tendance époquale » surhumaniste se succèdent-elles de manière continue ? Le fascisme lato sensu (dont le national-socialisme est provisoirement la forme la plus achevée) a-t-il été « prématuré (p. 142) », comme le laissent supposer certains passagers de Nietzsche prophétisant un interrègne nihiliste de deux siècles ?

 

Selon Locchi et Baillet, le « phénomène fasciste » de nature « transnationale et transpolitique (p. 136) » prend racine dans « la seconde moitié du XIXe siècle (p. 137) ». Baillet précise dès sa préface : « la grande réaction antirationaliste de la fin du XIXe siècle (p. 12) » marque l’origine du fascisme en tant qu’essence apte à « détrôner le cogito (p. 221) », cette formule finale soulignant la remarquable cohérence de l’auteur.

 

Mais pourquoi ne pas remonter encore plus loin, par exemple jusqu’à cet équivoque XVIIIe siècle qui préoccupe Renzo De Felice avant qu’il se spécialise dans la période mussolinienne ?

 

Car le siècle des prétendues « Lumières » et de l’Aufklarung ne fut pas seulement celui des philosophes néo-cartésiens instaurant « pour la première fois une culture de masse (p. 146) ». Il fut aussi celui des « illuminés » dont le « mysticisme révolutionnaire (p. 44) » fournit à l’historien l’occasion de réhabiliter « la dignité historiographique de l’irrationnel (p. 47) ». Le propos de De Felice est « d’insérer le “ fait mystique ” dans l’histoire, alors même que, selon lui, des tentatives dans ce sens n’ont été faites que par l’histoire littéraire à propos du Sturm und Drang et du romantisme (p. 44) ». Je rejoins Philippe Baillet dans son appel à compulser plus systématiquement les revues culturelles gravitant dans l’orbite du fascisme (allemand en l’occurrence) pour dévoiler certaines facettes d’un “ sens originaire ” ou d’un “ étymon spirituel ” chez Klinger, Lenz, Schiller, Herder, Hölderlin et Novalis, disait un jour Robert Steuckers cité en page 155. À titre anecdotique, je signale qu’un des plus brillants germanistes que j’ai croisés à l’Université libre de Bruxelles était d’origine togolaise et faisait une thèse de doctorat sur le Sturm und Drang.

 

Sur la « Révolution conservatrice », c’est bien entendu le travail de rassemblement d’Alain de Benoist (cité pages 134 et 155) qu’il faut saluer, tout en insistant sur un thème commun à Locchi et Baillet : la parfaite continuité de ce mouvement et du national-socialisme, même si certains « révolutionnaires-conservateurs (comme Armin Mohler, par exemple) ont « tenté de tourner les difficultés liées à cet incommode voisinage (p. 149) ».

 

Sous la forme du national-socialisme, la « tendance époquale surhumaniste » a-t-elle émergé trop tôt ? On peut le penser dans la mesure où la « tendance époquale » opposée, de nature « sémitique », n’était pas encore en état d’épuisement. Elle refait surface aujourd’hui dans « le panislamisme radicalisé », ses « formes exacerbées de ressentiment culturel » et sa « haine raciale patente (p. 161) ».

 

Le seul passage du livre de Baillet qui puisse laisser le lecteur sur sa faim est celui où l’islamisme est ainsi réduit à l’influence de facteurs psychologiques. Je conseille la lecture de l’analyse plus fine de François Bousquet, cité plus haut, dans la revue Éléments (n° 156, pp. 22 à 24).

 

Selon Bousquet, toute religion est coextensive d’un devenir historico-culturel et un exemple éloquent en est fourni par le Christianisme, qui peut être « interprété comme une métamorphose complexe de l’ancestrale religion païenne (p. 137) ». En l’occurrence, Baillet fait écho aux idées de Wagner, l’un des pôles de la « tendance époquale surhumaniste » (l’autre pôle étant évidemment Nietzsche).

 

Mais la mondialisation post-moderne favorise, par une sorte de mutation génétique, l’émergence de religions d’un type nouveau qui, à l’instar des « frères ennemis » de l’évangélisme et du salafisme, aspirent à renouer avec leur « moment zéro », leur origine immaculée, leur paléo-tradition non encore entachée par les vicissitudes de l’Histoire et les contraintes de ce que Charles Péguy appelle la nécessaire « racination » du spirituel dans le charnel.

 

À la lumière de l’article de Bousquet, le « panislamisme radicalisé » apparaît motivé par quelque chose de bien plus essentiel que la « haine » et le « ressentiment ».

 

Par ailleurs, une question mérite d’être posée : la recherche d’une essence fasciste « transpolitique » et « transnationale » (adjectif également utilisé par Bousquet dans son examen des « religions mutantes ») n’est-elle pas assimilable à la quête du « moment zéro », hors sol, hors temps et antérieur à toute « racination » ?

 

Rechercher l’essence du fascisme revient à découvrir son arché (le principe, l’origine) sans perdre de vue sa coextensivité à une genosis (le devenir).

 

C’est à dessein que j’emploie les termes inauguraux de l’Ancien Testament, car je ne suis convaincu, ni de la corrélation du « sémitisme » et de l’égalitarisme, ni de la désignation des monothéismes sémitiques comme ennemi global et principal.

 

Le mépris des Juifs pour les goyim, l’hostilité des Chrétiens envers les mécréants, l’aversion de l’Islam pour les infidèles sont analogues au dédain que peuvent ressentir les disciples de Nietzsche face aux « derniers hommes » qui se regardent en clignant de l’œil et se flattent d’avoir inventé le bonheur.

 

D’autre part, plutôt que « désigner l’ennemi », ne faut-il pas prioritairement identifier celui qui nous désigne comme ennemi ? À mes yeux, il ne fait pas de doute que c’est le laïcisme stupidement revendiqué par le Front national.

 

Quelle que soit l’étymologie basse-latine (laicus, commun, ordinaire) ou grecque (laos, le peuple, dont le pluriel laoi signifie « les soldats »), le laïcisme est à la fois égalitaire et profanateur.

 

D’un côté, il réduit les êtres humains à ce qu’ils ont de plus ordinaire en commun. De l’autre, il déclare une guerre permanente à tout ce qui relève du spirituel, du métaphysique, du cosmologique et du sacré.

 

René Guénon a très bien vu que l’égalitarisme ne serait qu’une première étape de la modernité. Dans un second temps sont appelées à émerger une « contre-hiérarchie » et une « parodie » de spiritualité. S’il faut éviter les pièges de l’apolitisme et du fatalisme tendus par certains guénoniens, il convient tout autant de garder en mémoire le message d’un maître à penser dont le diagnostic de « chaos social », entre autres analyses prémonitoires, se révèle d’une brûlante actualité.

 

Le mérite de Philippe Baillet est de dire clairement les choses : une révolution anti-moderne ne peut qu’être synonyme de rétablissement des valeurs d’ordre, d’hiérarchie et d’autorité. Je demeure réservé quant à l’adjectif « surhumaniste », trop nettement corollaire de la référence nietzschéenne, alors que la quête du « sens originaire » de la contre-modernité peut nous faire remonter au moins jusqu’au pré-romantisme, pour nous en tenir à l’aire culturelle allemande.

 

Nous autres révoltés contre le monde moderne devons poursuivre le combat contre la « tendance époquale » égalitaire qui est loin d’être épuisée. Mais il nous incombe aussi de nous préparer à l’affrontement décisif entre, d’une part l’élite « transnationale » de clercs et de guerriers tels que nous les présente Philippe Baillet, et d’autres part « l’hyper-classe mondialiste » (Pierre Le Vigan), dont il est encore aujourd’hui difficile de cerner les contours, mais qui incarnera davantage l’aspect profanateur du laïcisme que sa facette égalitaire, si tant est qu’il faille diviser l’action anti-traditionnelle en deux étapes successives. Égalitarisme et « contre-hiérarchie » apparaissent plutôt comme des phénomènes simultanés, dès qu’on y regarde d’un peu plus près.

 

Cet enchevêtrement complexe d’influences négatives rend d’autant plus urgente la tâche de redéfinir un fascisme essentialisé, capable de riposter aux formules lapidaires et diffamatoires – comme « l’islamo-fascisme » de Manuel Valls – qui visent à confondre dans la même brutalité tous les ennemis du Nouvel Ordre Mondial.

 

Mais une essence ne persévère dans l’Être que sous les conditions historiques, culturelles, géographiques, voire ethniques d’une substance qui, dans le livre de Philippe Baillet, hormis les pénétrantes ouvertures vers l’Extrême-Asie, épouse un vaste courant germanique continu : le Sturm und Drang, Nietzsche, Wagner, la « Révolution conservatrice » et le national-socialisme.

 

L’« étymon spirituel » de Leo Spitzer ne perdure qu’en s’incarnant dans « une race, un milieu, un moment », selon la formule d’Hippolyte Taine, qui fut également un grand critique littéraire.

 

À notre époque de désinformation calomnieuse, Philippe Baillet a le courage d’écrire que le national-socialisme est « la seule forme historique de révolte anti-égalitariste que le monde moderne ait connue (p. 15) ».

 

Le cadre limité de la présente recension ne permet pas de mettre au jour toute la richesse du livre de Philippe Baillet.

 

Il faudrait s’attarder davantage sur le chapitre consacré à Bernard Faÿ, dont l’itinéraire « conduit de l’avant-garde artistique et littéraire au pétainisme, des sympathies initiales pour Roosevelt à la collaboration avec des responsables de la SS dans le cadre du combat anti-maçonnique, d’un cosmopolitisme snob à la passion du redressement national (p. 116) ».

 

Il conviendrait de commenter plus en détail les pages remarquables qu’inspire à Philippe Baillet la lecture d’Abel Bonnard, pour qui « l’ordre est le nom social de la beauté (p. 92) ».

 

« Face à l’uniformisation croissante des modes de vie et des cultures, face à la laideur moderne qui s’étend partout, le clerc authentique est appelé à témoigner pour les valeurs de l’esprit, d’abord en se faisant le chantre de l’ordre et de la civilisation (p. 78) ».

 

Baillet décèle chez Bonnard un « penchant pour la poésie de l’ordre, que résumait si bien, au Japon, l’alliance du tranchant du sabre et de la pureté du chrysanthème dans l’âme du guerrier (p. 93) ».

 

La « ligne de force générale » que l’auteur a vu émerger, au fur et à mesure de la relecture et de la ré-écriture augmentée de ses articles initiaux, mériterait d’être approfondie.

 

Cette « ligne de force » ne renvoie « jamais, fondamentalement, à un discours, une spéculation, des concepts, des idéologies, une dialectique, mais à leurs opposés : un mythe, une vision du monde, des images, une esthétique (p. 12) ».

 

Ce culte de la Beauté, qui n’est pas sans rappeler la poésie d’Émile Verhaeren, pourtant compagnon de route du socialisme, cette nécessité de percevoir le Beau même « dans ce qui peut être tragique (p. 19) », cet esthétisme se combine à un « conservatisme vital (p. 199) », à une vigoureuse dénonciation du « caractère absolument suicidaire de toutes les idéologies prétendant faire abstraction des lois de la vie au profit d’un monde artificiel entièrement recomposé dans une perspective où l’homme est la mesure de toutes choses (p. 20) ».

 

La célèbre proposition de Protagoras fut vivement critiquée par Platon, dont La République et Les Lois figurent, comme le De Monarchia de Dante ou l’Arthashâstra indien, parmi les grands textes « qui ignorent superbement les anti-principes démocratiques (p. 85) ».

 

C’est également à ces sources antiques et médiévales que doivent s’abreuver tous les non-conformistes désireux de penser « par delà les clichés (p. 117) », de dépasser les clivages manichéens et de partir en quête d’une fascisme essentialisé, coextensif d’un mouvement historique bien plus ample que celui amorcé par les prétendues « Lumières ».

 

Philippe Baillet nous offre une chatoyante galerie de portraits de clercs et de guerriers dans un livre réunissant la cohésion de la pensée, la brillance de l’écriture et la magistrale organisation du savoir.

 

L’auteur a choisi de nous dévoiler le « versant ensoleillé (p. 24) » de la montagne au sommet de laquelle, sur un équivoque et périlleux chemin de crête, le fascisme a proposé un parcours politique et un itinéraire métapolitique.

 

Les voyageurs de haute altitude s’exposent fatalement à des chutes au fond du précipice, dans l’abîme de l’autre versant.

 

Philippe Baillet ne se voile pas la face lorsqu’il stigmatise, par exemple, « le traitement réservé aux prisonniers russes (p. 28) » par les nazis dans les territoires de l’Est occupés.

 

La caste médiatique aujourd’hui dominante aurait certes préféré d’autres illustrations des excès meurtriers où le fascisme allemand a basculé.

 

Mais ce livre ne s’adresse pas à cette caste experte en victimisation préférentielle.

 

Il interpelle plutôt tous les membres de notre famille de pensée conscients de ne pouvoir se permettre l’économie d’une étape intellectuelle en compagnie des régimes et mouvements anti-égalitaires du XXe siècle.

 

Daniel Cologne

 

• Philippe Baillet, Le Parti de la Vie. Clercs et guerriers d’Europe et d’Asie, Akribeia, Saint-Genis-Laval, 2015, 243 p., 22 € (à commander à Akribeia, 45/3, route de Vourles, 69230 Saint-Genis-Laval).

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PhB_1.JPGLe Parti de la vie

 

Clercs et guerriers d’Europe et d’Asie

Philippe Baillet

Le « parti de la vie » est constitué de tous ceux en qui sont encore présents et actifs les éléments originaires du réel occultés par la modernité : la voix de la race et du sang, les instincts élémentaires de légitime défense et de protection des siens, la solidarité ethnoraciale, la grande sagesse impersonnelle du corps, le sens de la beauté conforme aux types. Qu’il s’agisse de réalités méconnues du régime national-socialiste ou de l’anti-intellectualisme fasciste, de l’ordre en tant que « nom social de la beauté » chez Abel Bonnard ou de Giorgio Locchi insistant sur le caractère nécessairement « mythique » du discours surhumaniste, de l’intimité possible de la chair avec les idées selon Mishima ou de la nature « biocentrique » de la vision taoïste du monde, etc. – tout ici renvoie à une esthétique incarnée, radicalement étrangère à la postérité d’Abraham, aux serviteurs de la Loi, de la Croix et du Livre, aux « Trois Imposteurs » (Moïse, Jésus, Mahomet). Apparemment inactuel, ce livre explore donc avec rigueur le « versant ensoleillé » d’une Cause diffamée, enracinant ainsi les convictions dans la dynamique même des lois de la vie.

Contient un texte inédit en français de Giorgio Locchi.

Index.

248 p.

Pour commander:

http://www.akribeia.fr/akribeia/1712-le-parti-de-la-vie.html

jeudi, 29 octobre 2015

Vico, der Vorläufer Spenglers

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Vico, der Vorläufer Spenglers

von Carlos Wefers Verástegui

Ex: http://www.blauenarzisse.de

Der Geschichtstheoretiker und Kulturphilosoph Giambattista Vico (16681744) ist, wenn überhaupt, nur als „Vorläufer Spenglers“ bekannt.

Zu Unrecht, denn der Neapolitaner Vico ist Spengler in Sachen Eingebungskraft, Selbständigkeit und Reichhaltigkeit des Denkens überlegen. Er verdient es, als Bildungsmacht neben den ganzen Deutschen Idealismus gestellt zu werden, aber auch Wilhelm Dilthey, Friedrich Nietzsche – vor allem der geniale Nietzsche von „Lüge und Wahrheit im außermoralischen Sinne“ – und Ferdinand Tönnies sind Vico ebenbürtig. Vicos leidenschaftliche, aber dennoch den Tatsachen auf den Grund gehende Beschäftigung mit der Geschichte lassen ihn vorteilhafter als Spengler erscheinen. Anders als die herkömmlichen Geschichtsphilosophen neigt Vico nicht zu Ideologie und politischer Auswertung der Vergangenheit.

Bedeutung Vicos für den Konservatismus

Dass Vico immer noch so wenig bekannt ist, liegt vor allem daran, dass er im Gegensatz zu Spengler keinen durch Zeitumstände bedingten Erfolg hatte. Sein Hauptwerk, die „Neue Wissenschaft“ (Scienza Nuova), war seiner Zeit derart voraus, dass es über ein Jahrhundert lang einsam dastand und auch später meist unverstanden blieb.

Erst die Arbeiten des italienischen Philosophen Benedetto Croce sowie die Forschungen Deutscher, wie Richard Peters, aber auch Karl Löwith, haben die Viquianische Methode der historischen Einsicht in ihrem Wert wiedererkannt. Auch konservative Gelehrte, wie Werner Sombart und Carl Schmitt, haben Vico durchaus die Wertschätzung zuteil kommen lassen, die er verdient. Der ehemalige Spann-​Schüler Eric Voegelin hat in ausdrücklicher Anlehnung an Vico seinem Hauptwerk den Titel „Die neue Wissenschaft der Politik“ gegeben.

Gemäß ihrem Schöpfer ist die neue Wissenschaft eine teologia civile e ragionata della provvidenza divina, frei übersetzt: eine „auf Vernunftbelege gegründete politische Theologie der göttlichen Vorsehung“. Hinter dem barocken Ausdruck verbirgt sich eine Philosophie des Geistes, ähnlich imposant wie die Hegelsche. Dazu gesellen sich noch eine empirische Geschichte oder, wie Croce präzisiert, „eine Gruppe von verschiedenen Geschichten“, sowie eine Gesellschaftswissenschaft. Obwohl Vico den Begriff nicht gebraucht, ist sein Werk als eine umfassende Kulturphilosophie zu bezeichnen, die sich bereits im Übergang zu einer konservativen Soziologie befindet.

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Ideale ewige Geschichte

Nach Vico bezeichnet seine Wissenschaft eine „ideale ewige Geschichte“. Dieser idealistische Begriff geht auf zwei Gegenstände Viquianischer Eingebung zurück: durch die Erfassung des Heroenzeitalter Homers ist er im Mythos verankert, die römische Geschichte hat ihm als Vorlage für alles Weitere gedient – sie stand geradezu Modell für Vicos geschichtliche Zyklenlehre der corsi und recorsi. Vicos Geschichtsbild gemäß dieser „idealen ewigen Geschichte“ ist aufs innigste verwand mit romantischen Naturgeschichtsvorstellungen, wie denen Heinrich Leos oder Wilhelm Roschers, aber auch Othmar Spanns universalistische Geschichtstheorie gehört hier her.

Das Geschaffene ist das Wahre

Wie leicht es ist, Vico mißzuverstehen, beleuchtet Spanns Fehlurteil über Vico als eines „naturalistischen Geschichtsphilosophen“. Der Ernst von Vicos System ist, wie bei Spann, „objektiver Idealismus“. Auch führte Vico konsequent die fundamentale Unterscheidung zwischen Natur und Kultur, zwischen physischer Welt und Welt des Geistes als erkenntnistheoretischer Grundlage einer von den Naturwissenschaften geschiedenen und, im Gegensatz zu diesen, wahren Wissenschaft – der vom menschlichen Geist nämlich – ein.

Dadurch, dass Vico seinen Gottesglauben gedanklich ausführte, kam er zu der Feststellung: In Gott sind Einsicht, Erkennen und Schaffen eins. Nur Gott, als dem Schöpfer, gebührt vollkommene Einsicht in sein Werk, nur er besitzt wahres Wissen über alles. Der Mensch aber findet sich in einer natürlichen Welt zurecht, die er nicht geschaffen hat, und über die er deshalb nur „Gewissheit“, niemals aber „wahres Wissen“ erlangen kann. Nur was der Mensch selbst schafft, vermag er auch vollkommen zu erkennen, wahres Wissen erlangt er nur über seine eigenen Erzeugnisse.

Vico stützt sich in seinen Untersuchungen auf die Fähigkeit des menschlichen Geistes, Erkenntnis über sich selbst zu erlangen, auf die Einheit des Menschengeschlechtes sowie die (relative) Unveränderlichkeit der Menschennatur. Relativ unveränderlich ist die Menschennatur deshalb, weil Vico sich der Geschichtlichkeit des Menschen sowie seiner individuellen Abhängigkeit vom geschichtlichen Schicksal der „Völker und Nationen“ sicher ist.

Gegen Naturrecht, Rationalismus und Atheismus

Diese dogmatische Erkenntnisvoraussetzung nimmt bei Vico die Gestalt einer Kritik des Rationalismus sowie der utilitaristischen Naturrechtslehren, vor allem von Hobbes und Spinozas, an. Am Ende dieser Kritik steht bei Vico eine entschieden fromme Philosophie der Autorität, die für sich beansprucht, die gesamte Überlieferung, den Mythos, die Phantasie und überhaupt die Intuition wieder in ihr angestammtes Recht eingesetzt zu haben. Überhaupt ist die Frömmigkeit bei Vico erster und letzter Begriff.

Erst der Fromme besitzt den Schlüssel zum wahren, nämlich einfühlsamen Verständnis der gesellschaftlich-​geschichtlichen Welt. Gegenüber dem Frommen und seiner wahren Einsicht nehmen sich die Naturrechtler und Rationalisten toll und hochmütig aus; die Wahrheit bleibt ihnen auf immer verschlossen, und sie merken es nicht einmal. Derselbe tolle Hochmut macht für Vico auch die Atheisten so hassenswert. Über hundert Jahre später übernimmt der spanische Reaktionär Juan Donoso Cortés dieses Viquianischen Argument in seinem Kampf gegen die politischen Nachfahren der Rationalisten und Naturrechtler, die Liberalen und Sozialisten.

Die Rolle der „Vorsehung“

Vico_La_scienza_nuova.gifAls strenger Theist ist Vico der Ansicht, dass die Geschichte, die ihm immer eine Geschichte der „Völker und Nationen“, niemals von Individuen ist, zwar von Menschen gemacht ist, dass aber hinter den Menschen und selbst durch die Menschen hindurch unentwegt die göttliche Vorsehung wirkt. Die Selbsterkenntnisfähigkeit des menschlichen Geistes ist ein Beweis für dieses Wirken der Vorsehung, ja, sie nähert den Menschen selbst in gewisser Weise an Gott an.

Dieses Vergnügen in der Gewissheit, in der Erkenntnis der menschlichen Dinge über sich selbst als Menschen herausgewachsen zu sein, macht Vico zu einem würdigen Nachfahren und Geistesverwandten Machiavellis, der für sich – und für intelligente Leser ebenfalls – stillschweigend beanspruchte, die politischen Dinge sowohl von der Ebene als auch zugleich von der Anhöhe aus zu betrachten. Was aber bei Machiavelli verhohlener Stolz und eine kleine Eitelkeit gegenüber den Fürsten ist, ist bei Vico freudige Demut ob der errungenen wahren Einsicht im Angesicht Gottes.

Gott besitzt die vollkommene Einsicht, nur er besitzt die ganze Wahrheit, und sich ein wenig zu ihm emporgerungen zu haben, ist keine Kleinigkeit für den menschlichen Geist. Darauf ist Vico stolz. Die Menschen spielen sich nämlich dauernd selbst Streiche, sie irren über die wahren Beweggründe ihres Handelns. Sie meinen, etwas zu wollen oder zu tun, erreichen aber etwas ganz anderes, was ihnen nicht aufgeht – es ist die Vorsehung, die die Selbstsucht, die Triebe, den Ehrgeiz, die Laster, die Leidenschaften, die Irrtümer und überhaupt alles Streben der Menschen dazu benutzt, das Allgemeinwohl hinter dem Rücken der Akteure und über ihre Köpfe hinweg zustande zu bringen.

Machiavellischer Realismus und geschichtliche Dialektik

Vicos „Vorsehung“ hat zwar auf den ersten Blick etwas von Adam Smiths „unsichtbarer Hand“, die gerade da die allgemeine Wohlfahrt befördert, wo jeder seinem eigenen Vorteil nachgeht. Ihre genaue Entsprechung ist jedoch Hegels List der Vernunft: dadurch, dass die Menschen sich in ihren wesentlichen Überzeugungen, Glaubensartikeln, Ansichten und Zwecksetzungen täuschen bzw. sich grundsätzlich irren, machen sie sich letzen Endes selbst, nämlich freiwillig und ohne dass sie irgendetwas davon ahnten, zu Werkzeugen der Vorsehung.

Diese eigentümliche dialektische Spannung zwischen Existenz, Bewusstsein und Handeln des Individuums und dessen eigentlicher, ungeahnter Bewandtnis innerhalb von Gottes Vorsehung, sagt trotz ihrer, für heutiges Empfinden mythologischen Einkleidung, tatsächlich etwas über die Struktur der menschlichen Wirklichkeit aus. Sie tut es auf die gleiche Weise, wie es Machiavelli mit dem Hinweis getan hat, dass der Fürst sich auch darauf verstehen müsse, nach Notwendigkeit böse zu handeln. Nur ist bei Vico das Aktivistische von Machiavellis individualistischer Handlungstheorie eben zum überindividuellen Prozess der Vorsehung ausgeweitet, der so zur geschichtlichen Dialektik wird. Die Vorsehung ist gerade deshalb, weil sie göttlichem Ratschluss, Gottes Vernunft und Autorität in einem, entsprungen ist, gut und gerecht; in der Notwendigkeit des geschichtlichen Verlaufs rechtfertigt, d.h. reinigt, heilt und korrigiert sie diesen.

Sympathie für barbarische Heroen

vico1zs1fqL._UY250_.jpgAls tief einem in der Tradition verwurzelten Katholiken fehlte Vico jeder Begriff von „Fortschritt“. Trotzdem beinhaltet seine „Neue Wissenschaft“ eine intensive Auseinandersetzung mit dem Aufstieg und Verfall der Völker und Nationen. Nach Vico liegt der Anfang der Völker in einem dunklen Heroenzeitalter. Dies ist gekennzeichnet durch barbarische Gefühlsausbrüche und körperliche Sinnlichkeit. Doch gerade dieses unmenschliche Zeitalter der rohen Gewalt und Barbarei ist ganz im Sinn der Vorsehung, und zwar zum Besten der Menschen: sie sind der Urkeim eines wahrhaft geselligen Zustandes, der erst ein menschenwürdiges Zusammenleben möglich macht. Obwohl Vico nicht mit groben Bezeichnungen für seine barbarischen Helden spart, behandelt er diese Vorzeit mit Liebe und Verständnis, ja sogar mit Sympathie für die „Riesen und Polypheme“, wie er die Barbaren nennt. Ihr Zeitalter ist das einer unschuldigen Jugend, reichlich ausgestattet mit Phantasie und ursprünglicher Schaffenskraft.

Sind es auch Barbaren, so sind sie doch edelmütig und aufrichtig bei aller Gewalttätigkeit. Indem sie ihr zyklopisches Heroenrecht gegenüber anderen Barbaren und, vor allem, den nichtheroischen Schwachen durchsetzten, wurden sie zu Stiftern der Zivilisation. Die Schwachen machten sie sich unterwürfig, nahmen sie in ihre Obhut und gewährten ihnen so ein erträgliches Dasein.

Den weiteren Fortschritt der Kultur zeichnet Vico, hauptsächlich anhand der römischen Geschichte, als eine Folge von Kämpfen, Klassenkämpfen und Bürgerkriegen, zwischen Adligen und Niedriggeborenen, einheimischen Patriziat und fremdstämmigen Plebejern. Nach jedem dieser Kämpfe kommt es zu einem Ausgleich, der immer mehr diese „Gemeinen“, die für Vico die eigentliche Menschheit ausmachen, begünstigt. Dadurch, dass die Plebejer in der Geschichte gegenüber den sich immer mehr weibischen Adligen an Boden gewinnen, wird die mildeste und den Schwachen gemäße Zeit eingeläutet: das „menschliche Zeitalter“. In diesem sichert ein rechtlicher Zustand den Schwachen das Dasein, die „Gesellschaft“ – im Gegensatz zur Gemeinschaft. Auch die Regierungsformen ändern sich während dieses Prozesses: die Aristokratenrepublik, bestehend aus Heroennachkommen, weicht dem demokratischen „Volksstaat“, welcher am Ende in einen Cäsarismus bei bloß „sozialer“ Demokratie ausläuft.

Demokratie bloß eine Durchgangsphase

Die gesellschaftliche Entwicklung geht dabei vom Notwendigen zum Nützlichen. Darauf folgen nacheinander das Bequeme, das Gefällige und, schließlich, der völkerverderbende Luxus. Die „humanen Zeiten“ sind nicht dazu bestimmt, eine den Leuten zuträgliche demokratische Staatsform zu stabilisieren. Nach Vico wissen die „Menschen“ mit ihrer Sicherheit und ihrem Wohlsein nichts Besseres anzufangen, als sich immer mehr in ihrem Eigennutz und ihrer Genussucht gehen zu lassen.

Auch ihren hochentwickelten Verstand benutzen sie nur zu Falschheiten – zur Gemeinheit und Niedertracht. Entgegen den Behauptungen eines Forschers zeigt Vico überhaupt kein besonderes Interesse an der „Demokratie“, sondern sieht diese nur in ihrer geschichtlichen Notwendigkeit und Bestimmung in Egoismus und Unrecht umzuschlagen. Auf sie folgt wieder der ungesellige Zustand, es wird unerträglich für alle. Wegen dieser unerträglichen Ungerechtigkeit des Daseins legt nun die Vorsehung bei der idealen ewigen Geschichte als einem obersten Weltgericht „Berufung“ – ricorso – ein.

Drei Möglichkeiten sind es nun, die sich dabei auftun: 1. Der Retter kommt, gleich Oktavian-​Kaiser Augustus, aus den eigenen Reihen. Es ist die cäsarische Lösung. 2. Es kommt ein fremder Eroberer, der über die erwiesenermaßen sich selbst zu regierenden Unfähigen herrscht – zu ihrem eigenen Besten. 3. Es ist zu spät, die zivilisatorisch überfeinerte Gemeinheit und die Barbarei des Verstandes gehen so lange weiter, bis die Völker sich total heruntergebracht haben. Hier greift nun die Vorsehung rettend ein und gewährt der Menschheit nach all dem Schmerz und Unrecht eine zweite Chance – ein neues Mittelalter bricht an. Nur dieser völlige Rückfall in eine ganz ursprüngliche und gewalttätige Barbarei, wie die, die das Mittelalter ermöglichte, ist in der Lage, die zivilisierte Menschheit zu läutern und von sich selbst, als einem leidigen Übel, zu kurieren.

mardi, 27 octobre 2015

Réponses de Julien Rochedy au questionnaire de la Nietzsche académie

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Réponses de Julien Rochedy au questionnaire de la Nietzsche académie
 
Ex: http://nietzscheacademie.over-blog.com 

Julien Rochedy est l'auteur d’un essai d’inspiration nietzschéenne Le Marteau sous-titré Déclaration de guerre à notre décadence, auteur d’un mémoire universitaire sur Nietzsche et l’Europe et ancien directeur national du FNJ.

Nietzsche Académie - Quelle importance a Nietzsche pour vous ?

Julien Rochedy - Une importance fondamentale puisque je pense véritablement, sans pathos, qu'il a changé ma vie. Sa lecture, précoce, a fait office d'un baptême, d'une sorte de renaissance. Je l'ai lu si tôt (entre 14 et 17 ans) qu'on ne peut pas dire qu'il s'agissait de lecture à proprement parler, avec le recul et la distance que cela suppose. Je l'ai littéralement ingurgité, je l'ai fait mien, sans aucune interface entre ses livres et le jeune « moi » qui était en pleine formation. Dès lors, quoique je lise, quoique j'entende, quoique je voie ou quoique j'ai envie de faire, je ne peux l'appréhender qu'avec le regard nietzschéen qui me fut greffé si jeune.

N.A. - Etre nietzschéen qu'est-ce que cela veut dire ?

julien_rochedy_carre_sipa.jpgJ.R. - Je tiens Nietzsche pour une paire de lunettes. Il est, pour moi, avant tout une façon de regarder le monde. Une grille de lecture. Un filtre d'exactitude et, surtout, de sincérité. C'est s’entraîner à percevoir ce qui se mue et s'agite autour de soi en se débarrassant des grilles de lectures morales (le bien et le mal) ou idéalistes (au sens de la primauté de l'Idée). C'est donc regarder les choses et les hommes par delà bien et mal, par le prisme des valeurs aristocratiques ou des esclaves (le sain et le malade, le bon et le mauvais), en s'attardant plutôt sur la psychologie, et en fin de compte, la physiologie (l'importance du corps comme heuristique de l'esprit) pour comprendre les idées d'un homme, au lieu de se mentir sur la capacité « raisonnante » et abstraite des humains. Et c'est aussi sentir profondément ce qui appartient au nihilisme, au déclin, au mensonge vénéneux, à la maladie et à la mort, plutôt qu'à la vie, à la grande vie et l'immense « oui » qui va avec.

Je vous parlai de sincérité à propos de ce que nous oblige Nietzsche. Avec lui, après lui, on ne peut plus se mentir à soi-même. S'il m'arrive par exemple d'avoir une idée pour m'économiser, même si mon cerveau se met à fonctionner, comme de mise chez tous les hommes, pour me trouver une justification, morale ou raisonnable (toute « idée » est une justification de soi), je sais qu'en réalité cette idée ne fait que découler de ma faiblesse. Tout le reste est prétexte.

N.A. - Quel livre de Nietzsche recommanderiez-vous ?

J.R. - Je ne recommanderai pas un livre en particulier, même si « Par delà bien et Mal » et, bien sûr, « Zarathoustra », surnagent. Je recommanderai plutôt une succession de livres pour celui qui voudrait se lancer dans Nietzsche. D'abord Généalogie de la morale, qui suscite directement un immense doute sur ce que l'on croyait établi sur la nature du bien et du mal. Puis Par delà bien et mal, pour approfondir. Ensuite Zarathoustra, l'apothéose poétique de sa philosophie. Après, l'ordre compte moins. Je conseillerai toutefois particulièrement les œuvres de Nietzsche de l'après Zarathoustra, c'est à dire à partir de 1883, car j'ai toujours pensé qu'il y avait un Nietzsche, à la fois en tant qu'auteur (le style) et philosophe (la puissance), avant son Zarathoustra et après son Zarathoustra. L'auteur du Gai Savoir est encore un peu académique. Celui de Crépuscule des Idoles est pur génie.

N.A. - Le nietzschéisme est-il de droite ou de gauche ?

J.R. - Tout dépend bien sûr de ce que l'on entend par droite et gauche. Ces concepts peuvent signifier tellement de choses différentes selon les personnes qu'il est difficile d'enfermer Nietzsche dans des espaces si vagues. Toutefois, en me permettant de les prendre d'un point de vue philosophique, si toutefois ce point de vue peut exister, je dirais bien entendu que Nietzsche est de droite. L'importance qu'il donne à l'inégalité, aux valeurs aristocratiques, au goût raffiné, à la sélection et à la force, ainsi que son mépris souverain pour la populace, les valeurs égalitaires, la féminisation, la démocratie, le matérialisme grossier, etc, font que Nietzsche ne peut évidemment pas être reconnu comme un auteur de gauche.

N.A. - Quels auteurs sont à vos yeux nietzschéens ?

J.R. - Je pourrai vous faire une liste non exhaustive, de Drieu à Jünger en passant par London, mais ça n'aurait pas vraiment de sens, dans la mesure où ces auteurs peuvent être nietzschéens pour différentes raisons, et que des auteurs, nés avant Nietzsche, pourraient être considérés comme nietzschéens. Les grecs par exemple, Héraclite, Alcibiade, Périclès, sont des nietzschéens avant l'heure. Encore une fois, Nietzsche est une façon de voir le monde, et cette façon fut partagée mille fois dans l'Histoire, la plupart du temps par les hommes les plus grands, les plus intelligents et les plus honnêtes avec eux mêmes.

N.A. - Pourriez-vous donner une définition du surhomme ?

J.R. - Avec une lecture simple, mais tout de même pas trop mal, je pourrais vous répondre : c'est le kalos kagathos des Grecs, l’homme idéal, celui qui a la vie la plus remplie et dont la santé débordante s'enrichit de toujours plus de passions et d’aventures, de pensées, de force et de beauté. Mais ce serait bien trop banal. Le surhomme est celui qui accepte le tragique, le destin, et qui l'accepte en riant. C'est le Dieu Thor qui va à la guerre en riant aux éclats dans sa barbe rousse. Le monde n'a manifestement pas de sens, la vie est précaire, je suis imparfait, rien ne vaut rien, mais je cours au charbon quand même. Le pied dansant. Et là, à ce moment là, tout trouve son sens : la vie n'a comme seule justification qu'elle même. C'est le pessimiste actif dont parle Heidegger dans ses écrits sur Nietzsche.

N.A. - Votre citation favorite de Nietzsche ?

J.R. - Je n'en ai pas une en particulier, mais laissez moi vous raconter une anecdote :

Un jour que j'étais dans un bar et que je réfléchissais, avant de l'écrire, à mon livre le Marteau (d'inspiration largement nietzschéenne comme vous l'avez rappelé), je vois un grand gaillard venir s'accouder à côté de moi. Et sur l'un de ses avants bras, je vois tatoué « Amor fati ». J'exulte. Je vois cela comme un signe. Je me mets à délirer en mon for intérieur. Je lui fais signe et lui dit, bêtement, un truc du genre « aux nietzschéens ! » en levant mon verre. Il me répond, interloqué : « quoi ? ». Je lui répète et m’aperçois qu'en réalité il ne connaît pas Nietzsche. Il s'était tatoué ça juste « parce que ça sonnait bien ».

Alors finalement, je vous répondrai « amor fati ». Ça résume tout.

Et en plus ça sonne bien.

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samedi, 24 octobre 2015

Modernisme et totalitarisme

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Modernisme et totalitarisme

Bernard Plouvier
Ex: http://metamag.fr
 

Tous les esprits obsessionnels et/ou enthousiastes (l’un ne va pas forcément de pair avec l’autre) sont d’essence manichéenne. Ils se différentient très fortement de ceux qui ne partagent pas leur conviction, intensément vécue, assimilée à La Vérité. La distinction entre « eux » et « nous » tourne très facilement à l’alternative « eux » ou « nous ». C’est l’essence même du phénomène totalitaire, vieux comme l’humanité, infiniment plus répandu qu’on ne le croit.    Tout le monde l’aura compris : le suffixe « - isme » indique l’exposé d’une doctrine, qu’elle soit d’inspiration (ou « d’essence ») religieuse, politique, scientifique ou artistique.


A – Le Totalitarisme n’a rien de spécifiquement moderne ! 


C’est, par définition, un État où le détenteur de l’autorité exige l’obéissance absolue de ses ouailles, en « totalité », c’est-à-dire non seulement dans leur corps (travail, service armé, participation à la vie sociale), mais aussi de leur esprit (par une idéologie officielle imposée au peuple sous la forme d’une pensée unique)… voire de leur « âme » pour ceux qui croient en une ou plusieurs divinités. Toutes les théocraties anciennes (soit les civilisations où le monarque était réputé « de droit divin » ou était lui-même souverain pontife du culte officiel) ont été des totalitarismes au même titre que le communisme, le fascisme ou le nazisme, et si les musulmans sunnites parviennent à s’accorder sur la personne d’un nouveau calife, celui-ci deviendra un potentat de droit divin, absolu s’il cumule les fonctions de sultan (chef politico-militaire).


Le totalitarisme est une manière d’envisager la domination des êtres humains. Il est indépendant du type de régime politique : le Pouvoir peut appartenir à un seul homme, dictateur omnipotent, à deux hommes ou à un consortium d’hyper-capitalistes. Il peut être fondé sur une foi, sur le culte de l’État ou de la race, sur un dogme économique et/ou social. 


Le dictateur (si l’on préfère : l’autocrate) dirige lui-même :


- l’Exécutif, soit le pouvoir qui fait respecter les lois et la puissance de l’État : administration, fiscalité, polices généralement nombreuses et très puissantes, armée, prisons, relations étrangères

- le Législatif, en décidant seul des lois, avec ou sans la fiction d’un parlement à sa botte ; il n’existe en totalitarisme moderne qu’un parti unique, ce qui procure au despote des élections sans surprise

- le Judiciaire (même remarque que pour le parlement : des magistrats vautrés devant le maître ou convaincus sincèrement de son génie)

- l’Économie, étatisée, dans le cas du marxisme, ou plus ou moins fermement dirigée, dans les régimes populistes

- la Propagande, soit l’information domestiquée : les médias, qui vont du ministre de l’Information aux « réseaux sociaux », en passant par la presse, la radio, le cinéma et la télévision, les organismes culturels et les « sociétés dépensées », voire un clergé aux ordres ; la jeunesse est l’objet d’un endoctrinement spécifique dans un espoir, assez rarement vérifié, d’assurer la pérennité du régime

- le Spirituel, enfin. C’est un peu plus rare, mais cela fut le cas sous l’Empire romain préchrétien où l’Imperator était aussi Pontifex Maximus et dans les États pontificaux jusqu’en 1871 où le pape était souverain au temporel comme au spirituel. Dans les dictatures communistes, ce pouvoir était soit serf – ce fut le cas, en URSS, sous Staline et successeurs à partir de 1941 – soit hors la loi, au Mexique dans les années 1925-35, ou en Chine maoïste.


Un totalitarisme à deux dirigeants peut exister si le souverain temporel et le souverain spirituel s’entendent. Ce fut le cas, au Japon, des Shogun (maîtres militaires et politiques) et des Mikado (empereurs et chefs du culte shintoïste), jusqu’à la révolte de l’empereur Meïji en 1867, ainsi qu’au Tibet, où coexistaient le pouvoir politico-militaire du Panchen Lama et le pouvoir spirituel et intellectuel du Dalaï Lama jusqu’à l’invasion chinoise de 1950.


Une démocratie, parlementaire ou présidentielle, peut devenir un totalitarisme en cas de guerre : ce fut le cas de la France de 1914 à 1918, des USA et de la Grande-Bretagne durant la Seconde Guerre mondiale (suspension des libertés individuelles ; économie dirigée ; justice sommaire et enfermement des suspects ; information transformée en « bourrage de crânes »).


D’une manière générale, il est difficile d’instaurer un totalitarisme quand le ou les maîtres de l’Économie, des médias et de la politique doivent coexister avec un maître spirituel. On n’y parvient qu’en domestiquant l’un ou l’autre. Ce fut l’origine des querelles médiévales entre les papes et les rois ou empereurs ; la coexistence n’était pacifique que si le pape était faible ou si les rois tremblaient devant l’éventualité d’une excommunication personnelle ou de la mise en interdit du royaume. De nos jours, les chefs spirituels pratiquent généralement une grande souplesse, largement rétribuée, face au vrai pouvoir : l’économique. Notre société mondialiste, dans laquelle tous les médias officiels racontent la même histoire sous des apparences un peu diversifiées, sont des totalitarismes de fait, où seule la fantaisie de l’électeur peut se manifester, à échéances fixes, en hissant à l’apparence du pouvoir le groupe de pantins à la mode du jour, qui ne sera probablement pas celle de la prochaine élection. Que les polichinelles soient de droite, du centre ou de gauche, ils font tous la même politique, quelle que soient leur propagande électorale : tous obéissent aux vrais potentats.


Ceux-ci, qui sont les patrons de l’Économie, subventionnent tous les partis susceptibles d’obtenir une majorité ou de former une coalition gouvernementale. La mondialisation est l’uniformisation de la politique et de l’information dans les États où règne l’économie globale (délocalisations des entreprises et des services vers des régions de bas salaires et de minime protection sociale, sauf pour les productions qui exigent des salariés hautement intellectualisés)… donc États dinosaures marxistes et fantaisistes islamistes exclus. Les maîtres de notre monde monnaient la complaisance des chefs spirituels (ou font déposer les réfractaires : le cas de Benoît XVI, opposé à l’accueil généreux par la Banque vaticane de l’argent mafieux, fera peut-être école). Leur unique souci actuel est représenté par le Net qui demeure difficile à censurer. 


Le risque de cette mondialisation-globalisation est le retour du marxisme, par désarroi de peuples exploités, paresseux et abrutis par la propagande et l’alcoolisme : le marxisme est  « soluble dans l’alcool », on le sait depuis fort longtemps, mais les Occidentaux ne l’ont découvert qu’en 1968. Le cas grec risque, lui aussi, de faire école, où un peuple se refuse à régler ses dettes extérieures, accumulées par un régime de démagogues, conseillés par des requins d’affaires… c’est le commencement, non de la sagesse, mais du populisme.


Les doctes universitaires (presque tous issus de la riche bourgeoisie) qui ont savamment disserté sur le « phénomène totalitaire » sont tous passés à côté de l’essentiel, ayant insisté lourdement sur la répression policière (très inégale, en fait, selon les États) et omis l’enthousiasme populaire, généralement né du charisme du chef de l’État (ce fut évident pour Mussolini, Hitler, Kemal Atatürk ou Perón, voire Mao Tsé-toung). Cet enthousiasme était le meilleur soutien de ces régimes, jusqu’à la déréliction finale, liée à une guerre perdue (fascisme, nazisme), à une catastrophe économique (communisme), à l’intervention massive des services secrets US (pour le Péronisme) ou au retour en force de l’islam, dans son fanatisme premier. Il ne s’agit nullement d’un « délire collectif », mais d’un rêve : bâtir un monde nouveau, fonder de nouvelles relations sociales, redonner vie à un Empire. Ce ne peut être qu’un mouvement de jeunes, non encore désillusionnés !  

 

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B – Le modernisme est une doctrine très floue  


Il est née durant la Grande Guerre (un peu avant pour sa part artistique, qui, seule, fut durable, mais a passé initialement pour accessoire), au contact de l’effarante guerre de matériel, au cours de laquelle l’homme avait perdu sa position d’étalon de mesure. De 1914 à 1918, on fit la guerre avec du « million d’hommes » et des tonnes d’explosifs, avec des chars d’assaut, des avions de combat volant à 100 voire 200 km/h, des sous-marins. Et tout cela parut neuf, provoquant chez les survivants un engouement pour la modernité. 


Le culte de la vitesse et de la masse naquit de façon parallèle à la reconnaissance de la fin de l’efficacité de l’individu (sauf position exceptionnelle, mais même un pilote de chasse, prototype du guerrier solitaire moderne, a besoin d’une énorme logistique pour effectuer ses exploits).


Le modernisme, c’est aller plus vite et plus haut, frapper plus fort, construire davantage, produire plus et différemment, grâce à une rationalisation du travail. Le pétrole et l’électricité – déjà bien utilisés avant 1914 – deviennent des matières premières essentielles, à obtenir en énormes quantités et le moins cher possible, au besoin par des guerres à motif économique. Débute également le règne des produits artificiels, nés du génie chimique. Commence surtout la société de consommation envisagée comme le nec plus ultra (la « course au standing de vie » et au confort pour tous) chez les Nord-Américains et les Occidentaux à leur traîne. C’est l’aspect du modernisme qui est renié par les idéalistes nationalistes qui veulent adapter le monde industriel au culte de l’État, né en France au XVIIe siècle (sous Louis XIV) et rationalisé en Prusse aux XVIIIe (Frédéric II) et XIXe (Fichte, Hegel) siècles… et, pour certains, le culte de la race (nazisme ; mouvements panslave, panarabe, pantouranien, de « la plus grande Asie » etc.). 


Les populistes y ajoutent une idée de justice sociale : minimum de protection sociale (l’application est également prussienne, mais date des années 1880-90, grâce à Bismarck, puis à Guillaume II – pourtant présentés comme des « réactionnaires » par les universitaires, alors qu’ils furent d’assez performants « despotes éclairés »), et meilleurs salaires (ce fut la grande idée de l’entrepreneur populiste des USA Henry Ford, judéophobe acharné jusqu’à ce qu’il fasse sa soumission, en 1926, à la finance omnipotente).


Le modernisme, c’est aussi libérer les êtres de la tutelle du clergé, lorsqu’il est jugé rétrograde, mais ce n’est nullement bafouer la morale universelle, que l’on peut nommer l’éthique : ne pas voler ni violer ; ne pas tuer, sauf cas de légitime défense ; aider et protéger les faibles qui le méritent ; s’occuper de sa famille ; faire honnêtement son travail etc. Le travail féminin entraîne une diminution de la fécondité, un accroissement des divorces et des avortements de complaisance, chez les femmes insatisfaites pour toutes sortes de raisons qui ne sont pas exclusivement d’ordre sexuel ; la psychanalyse, l’une des plaies du XXe siècle, a fait errer un nombre ahurissant de « penseurs » sociaux. Les régimes modernistes vont s’opposer sur ces points, selon qu’ils sont populistes (favorables au boom démographique, donc luttant contre les avortements et limitant les divorces aux seuls cas de force majeure) ou marxistes (très permissifs, voire partisans de « l’amour libre »… 


On peut affirmer, sans trop de risque de se tromper, que le modernisme est la réactualisation, grâce à l’industrie et aux moyens nouveaux de communication des êtres et des idées, du « despotisme éclairé » du siècle (autoproclamé en toute modestie) des Lumières… « Il n’est rien de nouveau sous le soleil », soupirait, trois siècles avant notre ère, le rédacteur de l’Ecclésiaste.

vendredi, 23 octobre 2015

The New Cultural Marxism and the Infantilization of College Students

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The New Cultural Marxism and the Infantilization of College Students

By

Ex: http://www.lewrockwell.com

When socialism finally collapsed all around the world in the late ‘80s/early ‘90s the academic Marxists did not just throw in the towel and face reality.  Indeed, not one of them has ever apologized for providing intellectual support for some of the worst mass murderers in world history – Stalin, Mao, Castro, and the rest of the communist/socialist gangsters.  Instead, they reinvented themselves in several different ways, including posing as “environmentalists,” and as “cultural Marxists.”

Taking their cue from socialist economist Robert Heilbroner in a September 10, 1990 New Yorker article entitled “After Communism,” many Marxists began promoting socialist central planning of the economy and of society as a whole (a.k.a. totalitarianism) in the name of “saving the planet” from capitalism.  The old Marxism was sold in the name of “the people”; the new Marxism said “to hell with people, we’re for the ants, the lizards, snakes, rocks, trees, etc. – Mother Earth.  People Schmeople.  Hence the “watermelons” were born:  green on the outside, red on the inside.

The cultural Marxists take a different approach.  They replaced the Marxist theory of class confict between the capitalist “class” and the working class with a new set of classes.  Now the supposed eternal conflict is between an “oppressor” class and an “oppressed” class.  In essence, the oppressor class consists of white heterosexual males.  The oppressed class is everyone else.  Armed with this new totalitarian ideology, egalitarianism is still the secular religion of the academic Marxists, with “diversity” being the mating call of the modern academic administrator.

Now that the cultural Marxists are in charge of so many colleges and universities, they no longer even pretend to defend academic freedom and free speech.  Silencing dissenting opinions (to Marxist totalitarian ideology) is now taught to students as the only moral position.  One of their gurus is the Marxist intellectual Herbert Marcuse, who has been called “the evangelist of cultural Marxism.”  He is of course a “celebrated intellectual” who has taught at Harvard, Yale, and Columbia Universities.  Marcuse first became famous among academics in the 1950s with his book, Eros and Civilization, in which he advised young people to “don’t work, have sex.”  (It apparently never occurred to him that the two things are not necessarily mutually exclusive).  This was in keeping with the hoary Marxian theme that all work is slavery.

Marcuse also taught that science and the scientific method is “the enemy” for it “denies the reality of utopia,” by which he meant communism.  In today’s world, we see this same idea expressed by the watermelon socialists when they use the quintessentially unscientific language of “settled science” in reference to the global warming hoax.  Science is never “settled.”  If it were, it would still be “settled science” that the world is flat.  Settled science watermelons like Al Gore are the new flat earthers.

Marcuse also opposed freedom of speech, which he said was a tool of “the oppressors” since it was responsible for too many criticisms of communism.  “There is no need for logic, debate and free exchange of ideas,” he said, for communism supposedly “provides all the answers.”  Certainly libertarian or conservative views should not be permitted on campuses since they support “the status quo.”

Only the “oppressed classes,” as defined by the cultural Marxists, deserve tolerance, preached Marcuse; all others deserve intolerance, and students must be indoctrinated in this thinking, he said.  All of these things are now, and have been for a long time, common features of academe.

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In addition to Marcuse, the work of law professor Catharine McKinnon,  the high priestess of cultural Marxism, also inform today’s university administrators and their cultural Marxist faculty.  Dissenting views (to their verision of totalitarian Marxism) threaten to create a “hostile  work environment,” she says.  And if the work environment becomes so hostile that it interferes with work effort, the source of the “hostility” should be fired.  Thus, if a libertarian or conservative academic should somehow sneak by the university interviewing committee and become employed, and then reveal himself to be a dissenter, he can always be fired – even if he has tenure – under the guise of having created a “hostile work environment” with his dissenting views about free speech, the Constitution, free-market exchange, or Heaven forbid, gun ownership.

Herbert Marcuse ✆ Sergio Cena © La Página de Omar Montilla.pngAccording to Catharine McKinnon, the new mantra that should be taught to children is:  “Sticks and stones may break my bones, but words are infinitely worse.” 

Cultural Marxist academic administrators lie through their teeth when they make speeches or write articles in the university alumni magazine praising academic freedom.  They are lying because they supervise a strict censorship of dissenting views at the same time.  One method that is used to achieve this is to declare that “insensitivity” and “hurt feelings” are caused by dissenting campus speakers.  For example, when Dr. Walter Block was maliciously libeled by the president of Loyola University Maryland, one Brian Linnane, several years ago, the mechanism of libel was textbook cultural Marxism:  the Marxists on campus sent one student to Dr. Block’s invited economics lecture with instructions to complain to them later that something he said was “insensitive.”  Brian Linnane then sent an email to all students, staff, faculty, and alumni apologizing for the “insensitive” remark while never mentioning what the remark was.  In fact, what Dr. Block said was a very mainstream idea in economics –that wage discrimination based on gender or race penalizes discriminating employers in a free-market economy.  It does so by providing a profit opportunity for the discriminating employer’s competitors.  For example, if in my accounting firm I discriminate against a woman who generates say, $100,000/year in revenue for me by paying her $50,000/year while paying equally-productive male employees $90,000/year, a competitor can hire her away for say, $60,000  and make $40,000 in profit.  Eventually, I will be left with all higher-paid male empoyees which will reduce my profitability. The same story goes for employer discrimination based on race.

The cultural Marxist mantra, on the other hand, is that capitalist America is such a hopelessly racist and sexist society, that only the “legacy of slavery” and the white male “war on women” are  permissible on college campuses as the one and only causes of male/female or black/white wage differences.  Anyone who shows up on a college campus who says otherwise is not to be debated with logic and facts, as Marcuse said, but libeled, smeared, and called a racist and a sexist.

Most American colleges and universities take their cues from the Ivy League schools, such as Brown University.  According to a March 21, 2015 article in the New York Times,  the cultural Marxists at Brown set up a “safe room” whenever a renegade student organization invites a non-Marxist speaker to campus.  These rooms are filled with cookies, coloring books, Play-Do, calming music, pillows, blankets, videos of frolicking puppies, and “trauma experts” according to the Times. This is the business that most American colleges and universities are in these days: the infantilization of college students.  Faculty are instructed to place “trigger warnings” on their course syllabi warning students that a disseting (to cultural Marxism) opinion may be found there.  Safe rooms are set aside just in case.   Students are routinely taught to boycott or disrupt any campus speakers who dissent from cultural Marxist orthodoxy, and to participate in vicious, malicious campaigns of character assassination orchestrated by faculty and administrators.

Cultural Marxism may be bred in academe, but it has spread throughout society.  When Rush Limbaugh attempted to become part owner of an NFL team the cultural Marxists lied, as they routinely do, by spreading the false rumor that he “defended slavery” on his radio program!  When the American Enterprise Institute in Washington, D.C. sponsored a public debate on immigration policy, something Americans have been doing since the Louisiana Purchase, inviting both sides to air their views, the hardcore left-wing hate group, the Southern Poverty Law Center (SPLC), accused AEI of “mainstreaming hate.”  The SPLC routinely conflates mainstream organizations like AEI with say, the KKK, by using the same language of “hate” and “hate group” to describe all of them.

When Rand Paul first ran for the U.S. Senate the SPLC issued a “report” on “dangerous characters” running for state and local political office.  Next to a photo of a genuinely crazy-looking neo-Nazi from the mountains of Idaho was, naturally, a photo of Rand Paul.  When a group of military, police, and firefighters pledged their devotion to the U.S. Constitution by creating the group, Oathkeepers, the SPLC also branded them as a “hate group.”  And when Ron Paul was running for president the SPLC talked the Department of Homeland Security into issuing a public warning that people with “Ron Paul for President” bumper stickers were potential “terrorist threats.”

The heavy-handed, totalitarian censorship that now exists on most American college campuses is so ingrained that comedians Chris Rock and Jerry Seinfeld no longer perform on college campuses.  Too many students have been turned into dour, humorless, left-wing cultural Marxist scolds in the image of their professors and university administrators.   One thoroughly-brainwashed twenty-year-old even wrote a letter to Seinfeld, whose comedy television show was the most successful in all of television history, on the “proper” way to perform a comedy routine.

In his famous book, The Road to Serfdom, F.A. Hayek presciently described the effects of this kind of censorship under totalitarianism in a chapter (11) entitled “The End of Truth.”  Such propaganda in a totalitarian society is “destructive of all morals,” wrote Hayek, because “it undermines one of the foundations of all morals; the sense of and the respect for the truth” (emphasis added).  Moreover, “in the disciplines dealing directly with human affairs and therefore most immediately affecting political views, such as history, law, or economics, the disinterested search for truth cannot be allowed in a totalitarian system . . . .  These disciplines have . . . in all totalitarian countries become the most fertile factories for the official myths which the rulers use to guide the minds and wills of their subjects.”  This of course is what cultural Marxism and political correctness are all about:  spreading Official Myths to promote a totalitarian, socialist society.

“The word truth itself ceases to have its old meaning” in such a society, wrote Hayek, for “It describes no longer something to be found, with the individual conscience as the sole arbiter of whether in any particular instance the evidence warrants a belief; it becomes something to be laid down by authority. . .” and “intolerance is openly extolled.”  Herbert Marcuse could not have said it better.

This article is based on a speech delivered at the Mises Circle in Ft. Worth on October 3, 2015.

jeudi, 22 octobre 2015

Las raíces religiosas del pacifismo

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Las raíces religiosas del pacifismo

por Manuel Fernández Espinosa

Ex: http://culturatransversal.wordpress.com

La insustancialidad del pacifismo rebañego

El pacifismo viene definido por el diccionario de la RAE como: “Conjunto de doctrinas encaminadas a mantener la paz entre las naciones”. Pero esas doctrinas de las que se nutre el pacifismo son muy variadas y es por ello que me propongo hacer una inspección sobre este asunto.

Aunque se pueden traer a colación muchos antecedentes del pacifismo diremos que el pacifismo tiene una médula religiosa, como vamos a tener ocasión de ver abajo. Sin embargo, en un occidente desacralizado, el pacifismo que se estila prescinde de esta dimensión religiosa, ofreciéndose una versión apta para todos los públicos, sin que comporte mayor compromiso que la escenificación más o menos patética de un deseo de paz evanescente.

A falta de un compromiso real que sí puede encontrarse de forma plena en lo religioso hasta el “heroísmo pacifista” (sea la religión que sea), el “pacifismo” occidentalista no deja de ser una ideología que sirve como instrumento de dominio de masas. Su funcionalidad está desnaturalizada y no deja de ser un recurso que el poder económico y político emplea a su conveniencia. Y el mecanismo que este “pacifismo rebañego” sigue es tan simple como lo podemos ver en no pocas de sus manifestaciones de la historia más reciente.

Image: Gandhi en Italie dans les années 20, conversant avec des jeunes garçons du mouvement "Balilla"

BalillaGandhi1931-30b19.jpgUn suceso trágico de índole bélica impacta en la opinión pública, mediante los medios de intoxicación de masas (llamarle “medios de comunicación” sería convertirse en cómplices de las conspiraciones del poder), inmediatamente se desencadena un efecto sobre las masas, recogiéndose lo que se había calculado recoger: lo mismo la adhesión masiva a una intervención militar que la recepción de “refugiados”. El pacifismo fue empleado magistralmente por el comunismo soviético que, durante la Guerra Fría, lo exportó a sus sucursales en todos los países que permanecían bajo la férula estadounidense: se minaba así la combatividad de la opinión pública de los países capitalistas y se neutralizaba cualquier esfuerzo bélico procedente de los gobiernos. Dábase el caso paradójico de que, mientras en occidente los comunistas reclamaban la “paz”, los países comunistas seguían rearmándose. La lección ha sido aprendida por las demás potencias, independientemente de su signo político.

El pacifismo de las religiones de extremo oriente

Prevalece una enorme ignorancia en cuanto a las religiones y no parece que nadie quiera remediarla. Es por ello que se tiende a generalizaciones totalmente equivocadas. Se ha llegado a admitir una clasificación de las religiones en:

Religiones violentas.

Religiones pacifistas.

Entre las religiones violentas, el Islam y el Cristianismo cargan con la peor de las famas: el Islam por su “yihad” y el Cristianismo por sus “Cruzadas” de antaño. Y esto se hace con el máximo desdén intelectual hacia la complejidad que podemos hallar tanto en el Islam (sunnitas y chiítas) como en el cristianismo (protestantes, ortodoxos y católicos). Por ser enormente problemático, este tema lo dejamos a un lado, para centrarnos en el “pacifismo religioso” que es el que nutre al “pacifismo rebañego”. Éste, el rebañego, tiene una imagen parcial de la realidad de las religiones consideradas como “pacifistas”, las de Extremo Oriente y, como es de esperar, no actúa en consecuencia como sí que actuaron los grandes ejemplos del “pacifismo religioso”, el mismo ejemplo que -sin “religión” y degradado a icono o eslogan publicitario- reclama para sí.

Las religiones del Extremo Oriente son conceptuadas como “pacifistas”, lo que muestra el abrumador desconocimiento que el occidental tiene de las mismas.

He dicho más arriba que el pacifismo, en efecto, es de índole religiosa. Puede verse en sus dos figuras mundialmente más representativas: Lev Tolstoi y Mahatma Gandhi. Gandhi ha sido convertido en un icono del pacifismo rebañego, prescindiéndose de sus motivaciones y, por supuesto, sin animar a nadie a reproducir el ejemplo de su determinación.

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Gandhi y la “Ahimsa”

Mahatma Gandhi (1869-1948) empleó el pacifismo por razones estrictamente religiosas, sin dejar por ello de perseguir una finalidad política: luchar incruentamente por expulsar a Gran Bretaña de la India y alcanzar la independencia de su nación. Y este pacifismo gandhiano nunca fue obstáculo para que Gandhi admirara a Benito Mussolini y al fascismo italiano (algo que ignora la mayoría de pacifistas de rebaño). Es cierto que Tolstoi ejerció una formidable influencia sobre el pensamiento de Gandhi, pero la inspiración de Gandhi no hay que encontrarla en el “El Reino de Dios está en Vosotros” de Tolstoi, sino en el concepto religioso y filosófico de la tradición india: la “Ahimsa”. Y aquí debemos aclarar un poco la procedencia de este término sánscrito.

La “Ahimsa” suele traducirse como “no-violencia”, pero sería más apropiado traducirlo como “no hacer daño”. Puede encontrarse en los textos de la “Upanishads”, pero la “Ahimsa” fue asimilada por algunas modalidades del hinduísmo, del budismo y del jainismo. Sin embargo, es tal el desconocimiento de las diversas tradiciones de Extremo Oriente que se considera que todo el hinduísmo, todo el budismo y todo el jainismo la acepta con el mismo rigor. Eso ha dado una imagen de “benevolencia” (muy buen rollo) a estas religiones que está muy lejos de hacerles justicia.

Ahimsa en el hinduísmo

Estas tres religiones son tan antiguas como para haberse ido complicando en su despliegue y su complejidad es más de la que puede sospechar el necio occidental, ese que se apresura a identificar hinduísmo y budismo con la “no-violencia”.

El hinduísmo fue el suelo sobre el que surgieron tanto el budismo como el jainismo. Pero en el hinduísmo la “Ahimsa” no puede entenderse como un concepto permanente en el tiempo ni tampoco generalizado socialmente, dado que la doctrina de las “varnas” (las castas) establece con claridad meridiana que la sociedad hindú se halla estratificada en cuatro órdenes sociales con obligaciones y derechos muy distintos: los brahmanes, los ksatryas (guerreros), los vaisyas (mercaderes) y los siervos (sudras). Atendiendo a la segunda de las castas hindúes vemos que esta religión antiquísima admite la función militar como algo necesario para la defensa de la sociedad. A lo largo de su historia, el hinduísmo ha manifestado que, si bien es cierto que existe una tendencia por el “no hacer daño”, la violencia es algo necesario. Lo vemos clamorosamente en el “Bhagavad Gita” (perteneciente al Mahabharata, aproximadamente siglo III a. C.) En el “Bhagavad Gita”, Krisna (avatar de Visnú) le dice a Arjuna (que duda si combatir a sus parientes):

“¿De dónde este decaimiento
te ha invadido en el riesgo,
impropio de un noble, que aleja del cielo,
que no trae gloria, oh Arjuna?

No vayas a caer en cobardía, hijo de Prtha.
Es algo que no es propio de ti.
La vil debilidad del corazón
arrojando lejos, yérguete, Destructor de enemigos”.

Krisna termina convenciendo a Arjuna de la necesidad de entrar en batalla y aniquilar físicamente a sus adversarios mediante la guerra, en la persuasión de que los muertos que siembre sobre el campo de batalla, bien mirado por encima del mundo de las apariencias, no mueren, puesto que se reencarnarán.

Según el cómputo de las edades que rigen para el hinduísmo, estamos (en nuestros presentes días) en el llamado “Kali Yuga” (la edad oscura) en que abunda la contienda, la ignorancia, la irreligión y el vicio y se vaticina en el hinduísmo que para dar fin al colmo de este exceso del mal vendrá otro avatar de Visnú, Kalki, que destruirá a los demonios para abrir la siguiente edad llamada “Satya Yuga”. Es interesante reparar en el asombroso parecido que muestra la iconografía del Kalki hindú con nuestro Santiago Matamoros.

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Ahimsa en el budismo

El budismo que goza en occidente de tantas simpatías y una proyección considerable no puede tampoco decirse que sea pacifista en bloque. Si bien es cierto que la “Ahimsa” es el primero de los diez preceptos y el primer elemento de la disciplina moral, sería imposible comprender el fenómeno de los samuráis japoneses (budistas) si la “Ahimsa” fuese un precepto practicado en toda su radicalidad. Esto se debe al mismo despliegue del budismo que tan diversos frutos ha dado dependiendo del terreno sobre el que ha florecido, hasta tal punto que no puede decirse que el budismo zen o el budismo tibetano sean lo mismo, por mucho que participen de una base común. La tendencia occidental de considerar el budismo como algo “puro” es un error de enfoque. El budismo tuvo sus propios sincretismos allí donde aterrizó, como ocurrió con el Bön (chamanismo prebudista) tibetano y el shintoísmo japonés.

Ahimsa en el jainismo

Si hinduísmo y budismo son bastante desconocidos en occidente (ver una fotografía del Dalai Lama no es comprender el budismo tibetano, p. ej.), mucho más se ignora el jainismo, cuyo fundador Mahavira (llamado Jina, el Conquistador) fue contemporáneo de Buda. Los jainas están divididos desde el año 79 d. C. en “svetambaras” (tradición más relajada) y los “dighambaras” ´(los más estrictos) que practican el nudismo. Los jainas tienen, a modo de mandamientos, los Grandes Votos (mahavratas) para los religiosos y los Pequeños Votos (anuvratas) para los laicos y aquí la “Ahimsa” se estipula para ambos.

Gandhi encontró en su propia tradición la inspiración para su “Ahimsa”, elemento fundamental del “pacifismo” religioso de Extremo Oriente, pero -como podemos ver- se trata de una de las muchas vías que se proponen en el abigarrado y complejo mundo donde tienen arraigo aquellas religiones. Y, lejos de ser una actitud ampliamente generalizada, el pacifismo religioso es una vía muy particular, abrazada por algunos singulares personajes, no por la sociedad en su conjunto; lo que nunca se les ha ocurrido a los hindúes y budistas es practicar a rajatabla el “pacifisimo religioso”, pues ello, ante la amenaza de un enemigo violento, significaría el exterminio de sus feligresías.

Conclusión

El pacifismo puede dividirse, a nuestro juicio, en dos grandes clases:

-El Pacifismo religioso que nos merece todo el respeto en sus grandes figuras, algunas veces heroicas, pero que es un fenómeno bastante extraño incluso en las religiones que son consideradas como sustancialmente “pacifistas”.

-El Pacifismo rebañego que no es más que la occidentalización del pacifismo religioso, desustanciado y convertido en ideología que sirve a intereses políticos, sobre todo para dominar y debilitar a las masas. Y que no nos merece ningún respeto, como no nos lo merece cualquier cosa que ha dado esa perversión de la Cristiandad que se llama “occidente”.

Fuente: Raigambre