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mardi, 15 novembre 2016

Coup de tonnerre dans le ciel européen: le tournant pro-russe?

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Bob Woodward

Ex: http://www.decryptonewsonline.com

La Bulgarie entre en territoire inconnu lundi après la démission de son premier ministre, l'europhile Boïko Borissov, et l'élection dimanche d'un président novice, au discours conciliant vis-à-vis de la Russie.

Le premier ministre conservateur bulgare Boïko Borissov, admirateur déclaré de la chancelière allemande Angela Merkel, a remis sa démission ce lundi au Parlement, deux ans avant la fin de son mandat et au lendemain de l'élection présidentielle. Le vainqueur du scrutin de dimanche, Roumen Radev, 53 ans, n'entrera lui en fonction que le 22 janvier. Mais son programme s'annonce déjà chargé, et des élections législatives semblent inévitables.

radev.jpgLa confortable victoire de Radev - ancien chef de l'armée de l'air soutenu par les socialistes (PSB, ex-communiste) - par près de 60% des suffrages, a sonné comme un désaveu cinglant pour le premier ministre au pouvoir depuis fin 2014, qui soutenait pour sa part la candidature de la présidente du Parlement, Tsetska Tsatcheva. Roumen Radev a notamment bénéficié du mécontentement suscité par le gouvernement de centre-droit dont les efforts en matière de lutte anti-corruption et de réorganisation du secteur public auront été jugés trop lents. Cette victoire traduit également un «contexte international qui encourage la volonté de changement», selon Parvan Simeonov, directeur de l'institut Gallup, qui cite «l'écroulement des autorités traditionnelles en Europe occidentale» et l'élection de Donald Trump, aux États-Unis.

Les premiers pas de Roumen Radev sont attendus sur la scène européenne après la volonté de dialogue avec la Russie manifestée durant sa campagne. Son message anti-immigration et favorable à l'abandon des sanctions européennes contre Moscou a rencontré un écho inattendu parmi les Bulgares à l'heure où l'Union européenne doit composer avec le Brexit et la montée des partis nationalistes. Dès dimanche soir, Roumen Radev a confirmé son engagement à «travailler en vue d'une levée des sanctions» contre la Russie. «L'appartenance de la Bulgarie à l'UE et à l'Otan n'a pas d'alternative, ça ne signifie pas que nous devons nous déclarer ennemis de la Russie», avait-il affirmé durant la campagne.

Dans le système parlementaire bulgare, c'est bien le gouvernement qui définit la politique générale, sur le plan intérieur comme en matière de relations internationales. Le président est quant à lui chef des armées et représente le pays à l'étranger. Cette répartition des compétences fait douter le politologue Antoniy Todorov d'un quelconque tournant prorusse de la Bulgarie, membre de l'Union européenne et de l'Otan: «Il n'y aura pas de revirement en matière de politique étrangère» car «le président n'a pas de tels pouvoirs». Pour Evgueni Daynov, analyste et directeur du Centre de pratiques sociales, «les déclarations du général Radev ont été surinterprétées», et le nouveau président a «un raisonnement européen et pro-atlantique», affirme-t-il.

Sans être antieuropéen, le parti socialiste bulgare, qui a porté la candidature de Roumen Radev, est une formation russophile. Mais il n'est pas donné favori pour les législatives anticipées. Ces élections devraient être organisées à partir de mars 2017. Le parti Gerb de Boïko Borissov est crédité des meilleures chances de victoire.

Igor-Dodon.jpgLa victoire annoncée d’Igor Dodon, candidat ouvertement prorusse à l’élection présidentielle moldave, a bien eu lieu. Dimanche soir 13 novembre, les premiers résultats donnaient au dirigeant du Parti des socialistes moldaves un score de 56,5 %, contre 43,5 % à sa rivale pro-européenne, Maia Sandu. Celle-ci a pu espérer un miracle avec une participation en forte hausse chez les jeunes, mais elle n’améliore que peu son résultat de 38 % obtenu lors du premier tour le 30 octobre. M. Dodon, lui, avait rassemblé 47 % des suffrages.

Signe de la polarisation extrême du scrutin, les deux candidats ont dénoncé, en début de soirée, des fraudes, et le manque de bulletins disponibles pour les nombreux électeurs de la diaspora, réputés plus favorables à l’intégration européenne du pays et donc à Mme Sandu.

Ancien ministre de l’économie et du commerce qui a commencé sa carrière en soutenant le rapprochement de la Moldavie avec l’Union européenne, M. Dodon, 41 ans, entend convoquer « rapidement » un référendum consultatif sur « l’orientation géopolitique » de la Moldavie, qui pourrait menacer l’accord d’association signé entre Bruxelles et Chisinau à la fin de 2013. Cet homme à poigne, président de la fédération nationale d’échecs, voit en Vladimir Poutine un modèle, veut « ramener l’ordre » dans son pays et y défendre les « valeurs traditionnelles », expliquait-il au Monde avant le premier tour, depuis son quartier général de campagne tapissé de clichés le montrant en compagnie du président russe ou du patriarche orthodoxe de Moscou.

« C’est dans l’intérêt de la Moldavie d’avoir des relations proches avec la Russie, mais surtout avec son marché », expliquait-il, alors que le Kremlin a largement fermé la porte aux importations moldaves depuis la signature de l’accord. Moscou est aussi le principal soutien de la République de Transnistrie, amputée au territoire moldave depuis 1991.

Hormis cette menace de référendum, les pouvoirs du président sont limités. Mais le nouvel élu bénéficiera d’une légitimité populaire immense, cette élection étant la première au suffrage universel depuis vingt ans. « Face à une classe politique à bout de souffle, Dodon dispose de des leviers pour faire dérailler le processus d’intégration européenne », estime le politologue Dionis Cenusa. Reste toutefois une incertitude : la volonté russe de s’impliquer en Moldavie. « Moscou veut évidemment conserver de l’influence en Moldavie, estime un diplomate occidental, mais le pays n’a toujours été qu’une pièce rapportée dans l’empire, pour laquelle les Russes ne veulent pas trop investir. Ils en ont déjà assez de devoir financer la Transnistrie. »

Devant l’importance de l’enjeu, plusieurs candidats proeuropéens s’étaient retirés de la course avant même le premier tour, laissant le champ libre à Maia Sandu, figure de la contestation antigouvernementale de 2015 et ancienne ministre de l’éducation formée à Harvard et passée par la Banque mondiale. Sa probité unanimement reconnue – une incongruité dans le paysage politique moldave – n’a pas suffi à combler le déficit de notoriété dont elle souffrait. Mais surtout, le soutien très mou dont elle a bénéficié de la part du gouvernement proeuropéen a soulevé des doutes quant à la réalité de ce ralliement. Pour nombre d’observateurs, l’élite proeuropéenne au pouvoir s’accommoderait mieux d’un président certes prorusse, mais avant tout populiste et en bons termes avec l’oligarchie, que de cette candidate résolument opposée aux pratiques opaques de la classe dirigeante.

Quoi qu’il en soit, la victoire de M. Dodon, en même temps que celle d’un autre candidat prorusse en Bulgarie, sonne comme un coup de tonnerre dans le ciel européen et constitue, s’il en fallait, un nouvel avertissement pour Bruxelles. La désillusion est d’autant plus forte qu’au fil des ans, l’ancienne république soviétique de Moldavie s’était imposée comme le « meilleur élève » du partenariat oriental, et un modèle régional. Le pays a aussi largement bénéficié des fonds européens, Bruxelles lui octroyant plus de 800 millions d’euros pour la seule période 2010-2015. Cela n’a pas empêché le soutien de l’opinion à l’Union européenne, supérieur à 70 % il y a quelques années, de devenir minoritaire.

Les ingrédients de la méfiance moldave sont en partie les mêmes que pour le reste du continent. Après un voyage de Mme Sandu à Berlin, la presse tabloïde avait par exemple assuré que la candidate avait accepté la demande insistante de la chancelière allemande, Angela Merkel, d’accueillir 30 000 réfugiés syriens. A cela s’ajoutent la présence d’une importante minorité russophone (plus de 20 %) et la diffusion importante des télévisions russes, populaires au-delà de cette seule minorité.

Mais l’explication principale du désamour est ailleurs. Elle tient à la faillite des partis politiques proeuropéens, au pouvoir depuis 2009. L’épisode le plus saillant de cette faillite fut la découverte, à la fin de 2014, de la disparition des caisses de trois banques du pays de 1 milliard d’euros, soit 15 % du PIB, qui vont durablement plomber le budget national. Le « casse du siècle » a profondément choqué un pays où 40 % de la population vit avec moins de 5 dollars par jour.

Plus généralement, le champ politique « pro-européen » a été monopolisé par des oligarques corrompus qui ont profité de leur accès au pouvoir pour faire main basse sur de larges pans de l’économie nationale et prendre le contrôle des institutions de l’Etat, en premier lieu la justice. L’un d’eux, Vladimir Plahotniuc, dont le Parti démocrate dirige les différentes coalitions gouvernementales depuis 2009, a focalisé l’essentiel des attaques durant la campagne présidentielle, jusqu’à son vrai-faux ralliement à MmeSandu.

« Ce sont ces gens qui ont décrédibilisé l’idée européenne, tempête un diplomate occidental. L’Europe est devenue ici synonyme de cette prédation organisée. Et les Européens eux-mêmes ont une part de responsabilité, pour les avoir laissé faire leurs affaires au nom de la sacro-sainte stabilité, et parce qu’ils brandissaient un drapeau européen. »

Alexei Tulbure, ancien représentant de la Moldavie à l’Organisation des Nations unies et au Conseil de l’Europe, qui fut un temps dans le parti de M. Plahotniuc, partage cette vision, et évoque même « l’épouvantail » de la menace russe : « Cette opposition géopolitique a été gonflée pour éviter que les sujets délicats soient abordés. Plahotniuc et ses gens vont continuer à jouer de cette menace en tentant de se présenter en uniques recours face aux prorusses. »

samedi, 12 novembre 2016

The Ancient Spiritual Roots Of Russophobia

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The Ancient Spiritual Roots Of Russophobia

Ex: http://thesaker.is

This article was written for the Unz Review: http://www.unz.com/tsaker/the-ancient-spiritual-roots-of-...

Introduction

The term “russophobia” (the hatred and/or fear of things Russian) has become rather popular in the recent years, courtesy of the anti-Russian hysteria of the AngloZionist Empire, but this is hardly a new concept. In his seminal book “Russie-Occident – une guerre de mille ans: La russophobie de Charlemagne à la Crise Ukrainienne” (“The West vs Russia – a thousand year long war: russophobia from Charlemange to the Ukrainian Crisis”) which I recently reviewed here, Guy Mettan places the roots of russophobia as early as the times of Charlemagne. How could that be? That would mean that russophobia predates the birth of Russia by a full two centuries? And yet, Mettan is correct, although even he does not paint the full picture.

What I propose to do today is not to discuss modern russophobia which has numerous causes and forms, but to look far back into history for the ancient spiritual roots of this relatively modern phenomenon.

My thesis will probably trigger even more condescending smirks, expression of outrage and accusations of bigotry and racism than usual. That is fine. In fact, I will welcome them as a visceral reaction to what I propose to uncover below. One glaring weakness of my argument will be that I won’t bother presenting numerous sources as evidence for my assertions. Not only am I not writing an academic paper here, I simply don’t have the time and space needed to substantiate all my claims. Still, all the facts and claims I make below are easily verifiable for anybody with an Internet connection. My goal today is not to convince the naysayers, but to offer a few hopefully useful pointers to those seeking to connect the dots and see the full picture. This being, said, let’s now go far back in time.

A 2000 year old dispute

Those who believe that the Romans crucified Christ better stop reading here and go back to the comfort of ignorance. Those who have actually read the New Testament or, for that matter, the basic Judaic texts on this topic, know that Christ was accused and executed for the crime of blasphemy: He claimed to be the Son of God, the Son of Man (a messianic title), the messiah announced by the prophets and that He was God: “Verily, verily, I say unto you, Before Abraham was, I AM” (John 8:58) (this “I AM” is a direct reference to Exodus 3:14). This claim is what split the Jewish people into those who accepted Christ’s claims and believed Him and those who did not. What is interesting here, is the view which the Jews who did accept Christ had of those Jews who did not. As we all know, Saint John the Theologian wrote the famous words “I know the blasphemy of them which say they are Jews, and are not, but are the synagogue of Satan” (Rev 2:9). And Christ Himself said “If ye were Abraham’s children, ye would do the works of Abraham” (John 8:39). What we see here is the basis for a claim which was first made in the Apostolic times and which was later fully endorsed and further developed by the Church Fathers: those Jews who rejected Christ thereby lost their “Jewishness” and the “new Jews” are the Christians, regardless of ethnicity, which now have become the new “chosen people”. In our modern times of hyper-political correctness and generalized “ecumenical dialogs of love”, Christians are mostly ignorant of theses facts and, when they are, they dare not mention them in public. At a time when Popes declare that Jews are their “older brothers”, that they need not accept Christ and that Christians and Jews are awaiting the same 2nd coming of Christ, saying that Christianity denies Jews their very Jewish identity is definitely “mauvais ton”. But before the 20th century, this Christian claim that modern “Jews” were not really Jews anymore was common knowledge, both amongst Christians and amongst Jews.

[Sidebar: as I explained it in some details here, modern “Judaism” is not the religion of “Abraham, Isaac and Jacob” but the religion of Maimonides, Karo and Luria and has its roots in the teachings of the sect of the Pharisees, the Talmud and the Kabbalah. The closest modern heir to Christ-rejecting Jews of the times of Christ would be the Karaite sect. Modern “Judaism” really ought to be called “Phariseic Talmudism”. For a traditional Patristic look at Phariseic Talmudism, please see here and here]

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Conversely, Judaic teaching about Christ are not sympathetic either. A quick read of the Toldot Yeshu or, for that matter, the passages about Christ in the Talmud, will convince anyone in need of convincing that the Pharisees’ hatred for Christ was not satiated with His crucifixion. And lest anybody think that this is all racist drivel by blue-eyed Nazis, here is a good article on this topic from Ha’artez corroborating it all.

Nowadays an uninformed observer might erroneously conclude that there is a big love-fest between Judaics and Christians, but to the extend that this is true, this is solely due to the fact that most modern Christians and Judaics have long ceased to believe, think and act in accordance to their own traditions. The reality is that for traditional Christians, modern Judaics are fallen, lapsed, people who have failed to live up to their election by God and who now are determined to take by force what had been promised to them by God. For traditional Judaics, Christians are idolaters of the worst kind, as they worship a blaspheming magician, born of a promiscuous hairdresser and a Roman legionnaire, who was justly executed for his crimes and who now forever is confined to hell where he boils in excrements. And lest anybody believe that this hostility is only a matter of a long gone past, I would add that while the Judaics are still waiting for as their messiah, the Christian consensus patrum indicates that this Judaic messiah will be the very same person whom Christ and the Apostles called the Antichrist.

Why does all this matter? It matters because at the very core of it all is the claim that Gentiles have replaced Jews as the chosen people of God, that Christians are the “new Jews” and that modern day Jews are simply not Jews at all, not only because most of them are more Khazarian than Jewish, but because their faith, traditions and beliefs are not the ones of the ancient Jewish people as described in the Old Testament. In other words, Christianity says that Jews are not Jews.

A 1000 year old dispute

Western history books usually say that Rome was sacked in 410 and fell in 476. The former is true, but the latter is completely false as it conflates the city of Rome and the Roman Empire. Only the city of Rome and the western Roman Empire came to an end in the 5th century, but that very same Roman Empire continued to exist in the East for a full 1000 years (!), until the 1453 when the Ottomans finally captured the city of Constantinople. In fact, the imperial capital of the Roman Empire had been moved from Rome to the city of Constantinople, the “New Rome”, by the Emperor Constantine in 320. Thus, the Rome which, at various times, Visigoths, Vandals and Ostrogoths sacked was no longer the capital of the Roman Empire.

These two crucial dates, 476 and 1453, are often used to mark the beginning and the end of the Middle-Ages (along with other dates between the 5th and the 15th century). And since I am setting up the crucial dates for my argument, I will add another one here: 1054, the “official” date for the so-called “Great Schism” between, on one hand, Rome (the city) and, on the other, the other four Patriarchates founded by the Apostles: the Patriarchates of Alexandria, Antioch, Jerusalem, and Constantinople.

At this point, things get complicated and a halfway decent explanation of what really took place would require no less than 100 pages, including a discussion of dogmatic theology, culture, sociology and, of course, politics. The best I can provide at this point are a few bullet-point style sentences summarizing what happened:

The Franks, especially Charlemagne, decided that they would re-create the Roman Empire. To be truly Romans, the Franks also wanted to make their own, original, contribution to Christian theology. They did so by making an addition to the so-called “Symbol of Faith”, or “Credo” in Latin, a text which summarizes the key Christian beliefs. Furthermore, since they were now occupying Rome, the former imperial capital of the Empire, the Franks felt that they were in control of the spiritual capital of the Christian world and that, therefore, the rest of the Christian world ought to accept the primacy of the bishop of Rome – called the “Pope” – and his right to impose a new dogma on the entire Christian world. Following roughly 200 years of tensions between the (Frankish-occupied) Rome and the (still free) eastern Roman Empire the final separation took place in 1054 when the Pope excommunicated the Patriarch of Constantinople who then returned him the favor. What is important for our purposes is this: not only did the Frankish invasion of Rome mark the end of the Roman civilization in the West, it also cut-off the western world from the Roman Empire which continued to exist for another ten centuries. The process of severance between the two parts of the Empire began in the 5th century following the fall of the city of Rome and continued throughout the following centuries. During the 10th century, Rome suffered during the so-called dark ages (saeculum obscurum) and the so-called the “Rule of the Harlots” (pornokratia). At a time when the Roman Empire in the east was almost at the apex of its glory, the Franks were indulging in an orgy of destruction and corruption which completely changed the face of the western part of the European continent and completely severed the vital cultural and spiritual ties which had kept the Roman Empire together in the past centuries.

During the following 1000 years while the Roman Empire continued its existence in the East, the European Middle-Ages slowly and painfully gave birth to a new civilization, the West European civilization, which really took its first mature shape during the Renaissance with it’s re-discovery of the ancient Greek and Roman world. Whatever form this so-called “re-discovery” took, it is a fact that the 1000 years of the Middle-Ages separate modern western civilization from the Roman civilization and that modern Europe was born not of the Romans, but of the Franks. The (Orthodox) East, however, has never known any “Middle-Ages” and has maintained a cultural and religious continuity to the ancient Christian world and the Roman Empire.

rusofob_pic32.jpgIn the West, the so-called “Roman Catholic Church” (another misnomer – there is nothing Roman or “catholic” – meaning “universal” – about the Papacy as it is Frankish and local) likes to present itself as the original Church whose roots and traditions go back to the Apostolic times. This is simply false. The reality is that the religion which calls itself “Roman Catholic” is a relatively new religion, younger than Islam by several centuries, which was born in the 11th century of a rejection of the key tenets of the 1000 year long Christian faith. Furthermore, from the moment of its birth, this religion has embarked on an endless cycle of innovations including the 19th century (!) dogmas of the Papal infallibility and the Immaculate Conception. Far from being conservative or traditionalists, the Latins have always been rabid innovators and modernists.

Nowadays there are many Christian denominations out there, but only the Orthodox Churches can testify to the fact that the Frankish local Church is neither Roman, nor Catholic, that it’s roots are not in the Apostolic times, but in the (dark) Middle-Ages and that far from being a heir to the 2000 year old faith “which the Lord gave, was preached by the Apostles, and was preserved by the Fathers” to use the words of Saint Athanasios, the Latin faith is nothing but a collection of deviations from the original Christian faith.

The feared and hated witness

Now we see a pattern here. Both for the Judaics and for the Latins, the Orthodox Christians are the only witnesses out there who can (and do!) openly challenge not only their legitimacy, but their very identity. From an Orthodox perspective (and here I am referring to the traditional, Patristic, point of view) modern Jews are not Jews and the Catholics are not catholic. In both cases, we are dealing with very successful frauds, but frauds nonetheless. Orthodox Christians believe that they, and they alone, are both the real Jews and the real Catholics. Modern Jews are nothing but Pharisees while Latins are simply heretics. Jews were called to be the Chosen People while Rome used to be recognized as the “first amongst equals” by the other Patriarchates. Alas, in both cases a tragic fall from grace occurred in a manner reminiscent of Lucifer’s fall from Heaven (“How art thou fallen from heaven, O Lucifer, son of the morning!” Isa 14:12). And to those who would say that such a claim is preposterous, Orthodox Christians would simply point at the immense corpus of Patristic writings which has always supported that claim. The only option for somebody rejecting this claim is to reject Christianity itself.

My argument here is not a historical or theological one. Regardless of whether one accepts or not the Orthodox view of modern “Judaism” and “Roman Catholicism” – it is certain that both Judaics and Latin were quite aware of this view (there were plenty of polemical texts written over the centuries by all sides to this dispute) and that this challenge to their very legitimacy and identity was perceived as a monumental affront and, when supported by an immense and powerful empire like the Russian one, a mortal enemy which had to be either conquered or eliminated.

[Sidebar: Islam. It is interesting to note here that Orthodox Christianity, which Muslims called “Rum” as in Rome, in no way challenges the legitimacy or identity of Islam. While Islam and Christianity have plenty of irreconcilable theological differences, Muslims do not claim to be Jews or Christians. As for Orthodox Christians, they obviously do not claim to be the true or original, Muslims. Thus the co-existence of these two religions is not logically mutually exclusive even if their theologies are fundamentally incompatible].

The modern dispute

It would be ridiculous to claim that the cause(s) modern fear and/or hate of things Russian can all be explained by ancient theological arguments. In reality, neither Russia nor the West are all that religious nowadays. And while there is definitely a religious rebirth taking place in Russia, it remains also true that only a minority of Russians are truly religious or well-versed in Orthodox theology. Furthermore, there are plenty of reasons why some hate/fear Russia which have absolutely nothing to do with religion, including the fact that Russia is, and has always been, an unconquered military superpower, that the Soviet regime has oppressed millions of people in Eastern Europe and in the Soviet Union and that any more or less sovereign and independent regime in Russia stands as the main obstacle for the West to take control of Russia’s immense resources and many other reasons. As for (truly religious) Judaics and Latins, they are a small minority compared to the vast majority of largely agnostic people around them. In reality, modern russophobia has numerous independent “vectors” all contributing to a grand “sum vector” expressed in the West’s current policies towards Russia. And yet.

rusofob_pic27.jpgRegardless of the actual level of religiosity in Russia, Russia remains the objective historical and cultural heir to the Roman Empire: the First Rome fell in 476, the Second Rome fell in 1453 while the Third Rome fell in 1917.

[Sidebar: A Fourth Rome cannot happen simply because, unlike what happened with the First and Second Rome, the Third one could not “pass on” its role to a hypothetical Fourth one. Seventy years of Communist rule will forever remain and unsurmountable barrier between Russia the Third Rome and modern Russia and no true succession is now possible]

To ignore the historical importance of a Christian Roman civilization which lasted from the 4th to the 20th century would be a major oversight. Those 16 centuries have had a huge impact on the Russian culture, even upon those Russians who are only superficially religious or outright agnostic, and they still can be felt today. The same is true for what is called the “West” nowadays: what is the AngloZionist Empire if not the cultural continuation of the British Empire with the Zionist (and, thus, Judaic) element recently added to it? And don’t let the fact that Protestants and Anglicans are not “Roman Catholics” distract you from the reality that Protestantism itself is just the offspring from the spiritual intercourse between its Latin and Judaic parents, just as Freemasonry – the dominant ideology and worldview today – is the offspring resulting from the spiritual intercourse between of Protestantism and Phariseic Judaism. Whether we are aware of it or not, we live in “civilizational realms” which have ancient roots and our worldview and outlook on life are often shaped by a past which we often know very little about.

Conclusion

There is a clash of civilizations taking place. It does not primarily oppose a putative “Christian West” to Islam. For one thing, the modern “West” has long ceased to be Christian and should now be categorized as post-Christian. Furthermore, the Muslim world is not united and does not have the resources to meaningfully oppose the AngloZionist Empire. Until China, Latin America or some other civilization truly rises up to be able to challenge the current world order, Russia is the only country which will dare to openly challenge the very legitimacy of the western political system and the ideology it has been built upon. Modern Russia is both capable and willing to challenge the dominant western ideology (from Capitalism to the belief that homosexuality is a normal and healthy variation of human sexuality) precisely because of her position as the heir to, and continuator of, the Christian Roman Empire. True, for the past 300 years or so, Russia has been ruled by a generally westernized ruling elite, but that elite itself has always remained a foreign superstructure imposed upon the Russian nation which never truly identified with it. With Putin Russia has finally found a leader who does not represent the interests of the elites, but rather the interests of the vast majority of the population – hence Putin’s stratospheric popularity ratings. And that too frightens the West, especially the western elites who now feel that their rule is threatened by a nuclear superpower which is determined not to let them take over our entire planet. It is impossible to predict what will happen next. But it does appear likely to me that this ancient conflict between two fundamentally opposed spiritualities and civilizations will come to some kind of a resolution, for better or for worse, in the near future.

The Saker

09:12 Publié dans Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, russophobie, russie, europe, affaires européennes | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

samedi, 29 octobre 2016

Réflexions géopolitiques sur les turbulences du Donbass

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Robert Steuckers:

Réflexions géopolitiques sur les turbulences du Donbass

Maintes fois, j’ai eu l’occasion de souligner l’importance de l’Ukraine et plus spécialement de la partie orientale de cette nouvelle république née après la dissolution de l’Union Soviétique. Cette partie, le Donbass, est aujourd’hui en effervescence, une effervescence fabriquée et importée dans des buts bien précis. Cette région est en effet une région-portail (une « gateway region » disent les stratégistes américains), c’est-à-dire une région dont la maîtrise assure le contrôle et la fluidité optimale des communications entre les blocs impériaux, les vastes espaces politiquement unifiés, situés à l’Est et à l’Ouest de leur territoire. Si une puissance extérieure à cet espace finit par contrôler une telle région-portail, les communications optimales entre les empires voisins se compliquent voire se tarissent. En l’occurrence, une pacification du Donbass sans russophobie ni europhobie permettrait à l’Union européenne, à la Russie, aux petites puissances du Caucase, au Kazakhstan, à l’Iran et finalement à la Chine de construire et de consolider sur le long terme des réseaux ferroviaires, routiers et fluviaux donc à fonder des impérialités pratiques autorisant tous les échanges sur la masse continentale asiatique : nous aurions un dépassement des infra-impérialismes, des survivances des impérialismes antagonistes du passé, de tous les internationalismes secs et irrespectueux des legs du passé, etc. Les dynamismes globaux pourraient s’exprimer mais sans araser les traditions pluriséculaires voire plurimillénaires des civilisations qui ont marqué de leur sceau de vastes régions d’Eurasie.

L’histoire des théories géopolitiques nous l’enseigne : l’impérialisme britannique hier, l’impérialisme américain aujourd’hui ont toujours refusé toute synergie continentale à même d’impulser des dynamismes qui échapperaient à leur contrôle et procureraient aux peuples des fluidités qui ne seraient pas marines. On connait l’histoire du « Grand Jeu » à partir du 19ème siècle : la puissance maritime britannique, maîtresse des Indes, cherchait par tous les moyens à repousser la puissance continentale des tsars loin des « rimlands » qu’elle entendait contrôler jusqu’à la fin des temps. La guerre de Crimée n’est pas autre chose qu’une tentative de bloquer la Russie sur la rive septentrionale de la Mer Noire. Dans Kim, un roman de Kipling situé aux Indes, il s’agit de démasquer les espions russes qui se promènent, sous prétexte de recherches archéologiques, géologiques ou zoologiques, dans les montagnes de l’Himalaya ou de l’Hindou Kouch. Aujourd’hui, on n’envoie pas la Brigade Légère ou les troupes de Mac Mahon en Crimée : on pratique la guerre de quatrième génération, la guerre indirecte, le « proxy warfare ». Les combats qui se déroulent dans le Donbass à l’heure actuelle ne sont finalement que des réactualisations de ceux qui ont ensanglanté la Crimée entre 1853 et 1856.

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Nous vivons un cycle non encore clos de guerres mondiales depuis les affrontements franco-britanniques en marge de la guerre européenne de Sept Ans, à la suite de laquelle la France a perdu l’Inde et le Canada, soit toute prépondérance en Amérique du Nord et dans le sous-continent indien, dans l’Atlantique Nord et l’Océan Indien (« Océan du Milieu »). Suite à cette défaite majeure, Louis XVI poursuit une politique navale qui mènera le Royaume de France à reprendre le contrôle de l’Atlantique Nord en 1783, suite au soulèvement des « Insurgés » américains, tandis que, la même année, Catherine II, Impératrice de toutes les Russies, boute les Ottomans hors de Crimée et y installe des bases navales russes, dans l’intention de cingler vers Constantinople, de franchir les Dardanelles et de pénétrer dans le bassin oriental de la Méditerranée. Catherine II voulait créer une civilisation éclairée germano-balto-slave entre Baltique et Mer Noire, marqué par les souvenirs lumineux de l’hellénisme.

La situation est analogue aujourd’hui. Un retour de la Russie dans les ports de Crimée signifie, aux yeux des Atlantistes qui ne pensent qu’en termes de belligérance éternelle, 1) une menace permanente sur la Turquie (en dépit de l’alliance actuelle et très récente entre Erdogan et Poutine), 2) un risque de voir Moscou revenir et s’accrocher en Méditerranée orientale, au départ de la base navale de Tartous en Syrie. Pour enrayer ce processus potentiel, contraire aux intentions géopolitiques habituelles des puissances maritimes anglo-saxonnes, il faut désormais, dans la perspective des guerres de quatrième génération, soit fabriquer une nouvelle « révolution orange » analogue à celles de 2004 et de 2011, soit, si ce type de subversion ne fonctionne plus, créer un abcès de fixation durable sous forme d’un conflit chaud plus ou moins classique, afin d’atteindre un double objectif : barrer la route des Dardanelles à la Russie, imposer un verrou sur la nouvelle route de la soie entre l’Europe et la Chine, exactement à l’endroit où Génois et Vénitiens se connectaient aux voies commerciales de l’Asie centrale, vers l’Inde et la Chine, principales puissances économiques de la planète avant la révolution industrielle, la conquête définitive des Indes par les Britanniques et la destruction de la Chine impériale suite aux guerres de l’opium.

La stratégie des révolutions de couleur a certes fonctionné en Ukraine mais elle s’est aussi avérée insuffisante pour éliminer toute présence russe en Crimée et en Mer Noire ou pour gêner l’utilisation de la voie fluviale que constitue le Don, qui se jette en Mer Noire juste à l’Est de la péninsule criméenne, un Don qui lie les espaces maritimes pontique et méditerranéen au cœur des terres russes. Pour pérenniser un abcès de fixation au flanc d’une Russie qui se réaffirme, il faut bien davantage que du désordre civil permanent, que des manifestations ou des concerts de casseroles. Il faut une zone de turbulences chaudes, il faut exploiter des facteurs plus explosifs, plus incendiaires (ce n’est pas un hasard si l’on commence à reparler de « pyropolitique », c’est-à-dire de stratégies visant littéralement à livrer les pays récalcitrants  -ou les régions-portail utiles aux adversaires principaux du moment-  à un feu dévorateur, celui de la guerre chaude entretenue sur le long terme ou celui du terrorisme qui manie explosifs, voitures piégées, etc). Pour déclencher et maintenir cette pyro-stratégie, les services utiliseront des formes résiduaires de nationalisme outrancier, qui ont sans doute eu leurs raisons dans l’histoire, comme d’autres reliquats de nationalismes violents en Europe occidentale. Mais qui aujourd’hui ne servent plus qu’à asseoir des politiques belligènes et retardatrices d’une grande synergie eurasiatique. Je rappelle ici que Carl Schmitt qualifiait de « retardatrices » les puissances thalassocratiques anglo-saxonnes : ou, plus subtilement, des « accélératrices contre leur volonté » car leurs démarches retardatrices accéléraient la prise de conscience de leurs adversaires qui, pour répliquer, ne pouvaient que faire taire tous leurs antagonismes stériles et anachroniques.

Les mêmes services retardateurs (ou accélérateurs involontaires, Beschleuniger wider Wille) importeront, pour parachever l’horreur, dans l’Est de l’Ukraine ou en Crimée, une dose de djihadisme tchétchène pour pallier le manque d’enthousiasme ou de volontaires. On tentera, dans la foulée, de lier ce djihadisme, forcément marginal en Ukraine, terre uniate à l’Ouest, terre orthodoxe au centre, à l’Est et au Sud, à celui des djihadistes du Caucase ou de Syrie. Il se créera ainsi une internationale des forces subversives/retardatrices, insoupçonnée pour le commun des téléspectateurs vu son invraisemblable hétérogénéité, fabriquée au départ de nationalismes résiduaires, de souvenirs de la seconde guerre mondiale, de particularisme tatar ou d’islamisme fondamentaliste : les techniques d’ahurissement médiatique pourront alors donner leur pleine mesure ! C’est là, précisément, que réside la supériorité des internationales de fausse résistance, mises en œuvre par les puissances maritimes : elles sont vendues à un public occidental ignorant à grands renforts de campagnes médiatiques, un public qui, par le truchement d’une autre propagande biséculaire, se croit le plus éclairé de la planète où ne vivraient que des abrutis. Elles parviennent à mobiliser et à unir des forces qui seraient normalement hostiles les unes aux autres, ou qui s’ignoreraient si aucune impulsion extérieure ne s’exerçait, dans un projet destructeur dont elles seront les seules à tirer bénéfice.

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Les Etats-Unis peuvent se permettre une telle stratégie destructrice, pyropolitique, parce qu’ils sont une puissance extérieure aux espaces russe, pontique, méditerranéen oriental, proche-oriental.  Les effets destructeurs qu’ils enclenchent n’ont guère d’effets sur leur propre sanctuaire national. La bride est laissée sur le cou du milliardaire Soros pour créer ce chaos au départ de sociétés en apparence privées, d’organisations non gouvernementales qui reçoivent tout de même de larges subsides de fondations liées aux deux principaux partis américains. Ces interventions subversives sont autant d’indices de ce que la géopolitique allemande de Karl Haushofer nommait des « Wachstumsspitzen », soit des « pointes avancées d’une croissance », en l’occurrence une croissance impérialiste illégitime car anti-impériale et retardatrice de processus unificateurs et pacificateurs.

La présence américaine en Méditerranée est déjà l’indice de l’éviction des puissances maritimes européennes hors de l’espace même de leur propre aire civilisationnelle. Ce processus d’éviction s’est effectué en plusieurs étapes. Immédiatement après la première guerre mondiale, est signé le bien oublié Traité de Washington (1922). Ce Traité impose la parité du tonnage des flottes de guerre pour les Etats-Unis et le Royaume-Uni (+ /- 500.000 tonnes), octroie 300.000 tonnes au Japon qui hérite dans le Pacifique de la Micronésie allemande et ne laisse à la France que 220.000 tonnes et à l’Italie à peine 180.000 tonnes. Les puissances méditerranéennes sont lésées. L’Allemagne et la jeune URSS ne sont pas concernées par le traité, les bâtiments de la flotte austro-hongroise ont été détruits ou redistribués aux alliés vainqueurs (dont la Yougoslavie). Le tonnage et le statut de la flotte allemande sont réglés par le Traité de Versailles, qui les réduit à presque rien. Les puissances thalassocratiques sont telles parce qu’elles ont imposé un traité qui jugulait expressément le tonnage de leurs adversaires ou de leurs alliés putatifs. Aucune puissance ne pouvait égaler ou dépasser la flotte américaine en plein développement depuis 1917 ; aucune puissance maritime mineure (ou devenue mineure) ne pouvait dépasser les tonnages qui leur avaient été imposés en 1922. Ce Traité de Washington est rarement évoqué, bien qu’il soit déterminant pour l’histoire mondiale jusqu’à nos jours (où la Chine développe ses capacités maritimes en face de ses côtes…). On ne l’évoque guère car la France de la Chambre bleue-horizon, qui chante une victoire chèrement acquise au prix du précieux sang de ses classes paysannes, voit cette victoire se transformer en victoire à la Pyrrhus dès le moment où ce Traité de Washington lui barre de fait la route du large et écorne sa puissance en Méditerranée. La flotte de 220.000 tonnes est certes suffisante pour tenir les parts de l’Empire en Afrique du Nord et au Levant mais est bien insuffisante pour dominer le large, pour se projeter vers le Pacifique ou l’Atlantique Sud. Tirpitz l’avait dit : à l’aube du 20ème siècle, une puissance n’est vraiment puissante que si elle a pu développer ses capacités navales. L’Italie n’obéira quasiment jamais aux injonctions du Traité. L’Allemagne ne remontera jamais la pente, en dépit de son régime totalitaire. La France non plus, ni avant guerre ni après guerre, malgré les audaces théoriques de l’Amiral Castex à l’ère gaullienne.

En 1940, l’horrible tragédie de Mers-el-Kébir porte un coup terrible aux capacités maritimes de la France. A partir de 1945, la présence américaine en Méditerranée occidentale et orientale, dans le cœur même de l’espace civilisationnel européen, est prépondérante et se renforce par le soutien inconditionnel apporté à l’Etat d’Israël, devenu au fil des décennies le gardien des côtes les plus orientales de la Grande Bleue, à portée du Canal de Suez. Après l’affaire de Suez en 1956, Britanniques et Français sont vivement priés de cesser toute revendication dans l’espace est-méditerranéen.

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La double problématique de la Crimée et du Donbass doit être pensée dans ce contexte général d’éviction des petites et moyennes puissances maritimes hors des mers intérieures de la grande masse continentale eurasienne. Les grandes puissances thalassocratiques ont d’abord visé la Méditerranée (et l’Adriatique qui offre un tremplin vers le cœur de la Mitteleuropa germano-danubienne), ensuite le Golfe Persique par les interventions successives contre l’Irak de Saddam Hussein et par le boycott de l’Iran (précédé d’un sabotage de la flotte du Shah). Aujourd’hui, c’est la volonté de s’immiscer plus profondément encore dans cette masse continentale, en contrôlant la Mer Noire et en contenant la Russie le plus loin possible de son littoral, qui justifie les interventions en Ukraine et en Crimée, le soutien à une Géorgie en voie d’occidentalisation politique et l’appui indirect, par financement saoudien ou qatari, des djihadistes tchétchènes ou daghestanais. Demain, en déployant une double stratégie de soutien et aux djihadistes caucasiens et à un Azerbaïdjan qui, allié à la Turquie, neutraliserait l’Arménie (encore maîtresse du Nagorno-Karabagh), en organisant ensuite la subversion de l’Ouzbékistan après le récent décès de son président Karimov, la thalassocratie américaine visera à contrôler aussi la Caspienne pour en chasser Russes et Iraniens et pour arrêter la « Wachstumsspitze » économique chinoise en Ouzbékistan, qui lui livre désormais la quasi-totalité des hydrocarbures qu’il produit. Finalement, la stratégie de Brzezinski, élaborée dans son ouvrage Le Grand échiquier (1997), triomphera si aucune résistance ne se dresse, si aucune rétivité par rapport aux médias dominants ne surgit pour contrecarrer ce projet faisant fi de la diversité et de la multipolarité du grand espace eurasien et du monde. Tels sont les enjeux vitaux qui se jouent aujourd’hui au Donbass. Peu d’Occidentaux l’ont compris. Quelques-uns, des aventuriers aux cerveaux hardis, participent à ce combat pour préserver l’héritage de la triple alliance continentale du 18ème entre la France, l’Autriche et la Russie.

 (Forest-Flotzenberg, octobre 2016).

jeudi, 27 octobre 2016

Vladimir Soloviev, du slavophilisme au libéralisme

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Vladimir Soloviev, du slavophilisme au libéralisme

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Intervention à la Fondation Thiers:
Vladimir Soloviev, du slavophilisme au libéralisme
Par Nikolaï Kotrelev

Retrouvez les évènements du Cercle :
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Lisez La Relance de la Tradition: Notes sur la situation de l'Église
Broché:
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Pour liseuse:
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dimanche, 23 octobre 2016

Xavier Moreau: "La puissance militaire russe, vecteur de multipolarité"

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Xavier Moreau: "La puissance militaire russe, vecteur de multipolarité"

Cet entretien avec Xavier Moreau fait suite à notre reportage au salon militaire de Russie : "Patriot expo 2016".

Voir ici : http://www.tvlibertes.com/2016/09/26/...


Nous revenons avec le célèbre analyste sur l'actualité de la puissance militaire russe.
Parmi les thèmes abordés : le lien vital entre la nation russe et son armée, le théâtre des opérations en Syrie, le complexe militaro-industriel comme gage d'indépendance nationale ou bien encore la rupture entre mondes politique et militaire en France.
Xavier Moreau nous expose comment la puissance militaire russe devient l'un des principaux vecteurs de l’affaiblissement de l’unipolarité américaine et de l’édification d’un ordre international multipolaire plus équilibré.

Un entretien réalisé par Pierre-Antoine Plaquevent.



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lundi, 17 octobre 2016

L’exception russe

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L’exception russe

par Georges FELTIN-TRACOL

Alexandre Latsa est un Français qui vit et travaille en Russie. Avec son blogue Dissonances et par ses articles mis en ligne sur le site Sputnik, il présente au public francophone un point de vue différent de l’opinion dominante très orientée. Dans deux ouvrages de médiocre qualité, plus proche de l’enquête en pissotière que de la grande politique (1), certains plumitifs voient en lui un formidable agent d’influence du Kremlin. Qualifié de « véritable ode à la Russie poutinienne (2) », son essai, Un printemps russe, mérite mieux que ces approximations malveillantes.

Alexandre Latsa explique que depuis l’arrivée au pouvoir en 1999 de Vladimir Poutine, la Russie connaît une phase de renouveau au point que « le poutinisme est en train d’émerger comme un modèle, sorte de gaullisme amélioré et moderne qui, dans les années à venir, devrait faire de nombreux émules dans le monde et en Europe (p. 285) ». Le pays sort pourtant d’une longue transition chaotique. L’auteur a bien raison d’insister sur ces nouveaux « Temps des troubles », les années 1991 – 1999, même si le déclin commença au temps de l’URSS avec la Perestroïka de Gorbatchev.

Une décennie troublée

La soudaine disparition de l’Union Soviétique cumulée à l’application immédiate et idiote d’une politique économique ultra-libérale inadaptée au contexte psychologique et social post-soviétique plongèrent la Russie dans un désordre multiple. Des républiques fédérées telles le Tatarstan ou la Tchétchénie cherchent à se libérer de la tutelle moscovite. Parallèlement, l’armature étatique détériorée passa sous la coupe de la Sémibankirchtchina (les sept oligarques les plus puissants). Leur fortune rapidement acquise reposait sur des connivences entre jeunes loups avides de gains, hauts fonctionnaires véreux et apparatchiks ex-communistes corruptibles. Il est clair que « la prise de contrôle de groupes mafieux s’était faite de façon tout à fait “ légitime ” durant la Perestroïka et avec le soutien indirect (volontaire ?) de gouvernements étrangers, du FMI et de la Banque mondiale (p. 47) ». La Russie perdit alors son rang de grande puissance et certains misèrent sur son implosion territoriale imminente quand ils ne tablaient pas sur sa rétractation proprement européenne. Deux chercheurs français, affiliés aux cénacles atlantistes, Françoise Thom et Jean-Sylvestre Mongrenier, envisagent encore « à très long terme […], une Russie revenu aux frontières de la Moscovie, délestée de la Sibérie et de l’Extrême-Orient (3) ». Ils ne font que reprendre une hypothèse émise par le géopolitologue Yves Lacoste, auteur de Vive la nation !, il y a plus de dix ans, quand il s’interrogeait sur l’avenir de la Russie. « L’indépendance des peuples non russes inclus plus ou moins sous la contrainte dans la Fédération de Russie est sans doute le moyen pour la Russie de reprendre son développement économique, social et politique sur des bases géographiques nouvelles certes restreintes par rapport à l’ancien empire, mais encore de très grande taille, notait-il. La reconstruction de la Russie passe sans doute moins par le maintien de son autorité sur de vastes territoires où les Russes sont de moins en moins nombreux, que par la lutte contre les facteurs de l’excessive mortalité (l’alcoolisme, la misère des hôpitaux, les carences de l’habitat) qui en font un cas très exceptionnel en Europe et qui le conduisent au déclin. L’« homme malade » de l’Europe doit d’abord se guérir et une Russie convalescente, au territoire mieux organisé, pourrait alors raisonnablement demander son entrée dans l’Union européenne (4). » Ces spéculations ne sont pas nouvelles et n’appartiennent pas aux seuls nationistes républicains français. Alexandre Latsa remarque que l’« obsession anglo-saxonne de démembrement de la Russie est ancienne et a historiquement commencé dans le sud du pays, au cœur du Caucase russe (p. 27) ». Faut-il rappeler que « de 1989 à 2016, l’alliance entre les États-Unis et les islamistes radicaux s’avérera une constante de la géopolitique américaine en Eurasie, en particulier de la lutte contre la Russie (p. 45) » ? Au soir de sa vie, le géo-penseur réaliste national-grand-européen Jean Thiriart répétait que le retrait soviétique d’Afghanistan fût une erreur géopolitique considérable que les Européens regretteront. Cette défaite accéléra l’effondrement soviétique et stimula l’islamisme. En outre, « les années 1990 avaient transformé la Russie en une sorte de IVe République déformée, avec des partis éphémères, rendant le jeu politique favorable à la stratégie des alliances et à l’achat de députés (p. 79) ».

Ruinée par des krachs à répétition, victime d’une insécurité record, exaspérée par l’alcoolisme chronique d’Eltsine, la population réclamait un « Pinochet » russe. D’abord séduite par le discours nationaliste du « libéral-démocrate » Jirinovski, elle se tourne ensuite vers le Parti communiste, puis vers le général Alexandre Lebed qui obtint à la présidentielle de 1996 14,5 % des suffrages. L’entourage présidentiel sut détourner cette revendication en promouvant Evgueni Primakov. L’auteur souligne avec raison qu’avant Poutine, « c’est Evgueni Primakov qui historiquement mit la Russie sur les rails du “ grand redressement ”, même s’il ne resta pas en poste bien longtemps (pp. 49 – 50) ». Ministre des Affaires étrangères de 1996 à 1998, puis Premier ministre de septembre 1998 à mai 1999, l’ancien journaliste arabophone du KGB donna à la diplomatie russe son impulsion eurasienne actuelle. Mais de féroces querelles intestines le chassèrent du pouvoir, remplacé par quelques politiciens plus occidentalistes, libéraux et américanophiles. Sur un point, Alexandre Latsa commet une erreur. Vladimir Poutine serait selon lui le « huitième Premier ministre de la Fédération de Russie au cours des dix-huit derniers mois (p. 60) ». En fait, avant sa nomination, occupèrent successivement la fonction Sergueï Kirienko (24 avril – 23 août 1998), Viktor Tchernomyrdine (23 août – 11 septembre 1998), Evgueni Primakov et Sergueï Stepachine (19 mai – 9 août 1998).

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Indispensable restauration de l’État

La nomination surprise du chef du FSB, Vladimir Poutine, à ce poste, allait confirmer et amplifier les esquisses posées par Primakov. Ce n’est pas étonnant, car Poutine appartient à l’époque du KGB aux « réformateurs » dont le chef de file n’était autre que le directeur lui-même, Youri Andropov. Dans ses articles de Monde et Vie du début des années 2000, l’ancien résistant et journaliste spécialisé dans la guerre secrète, Pierre de Villemarest, le qualifiait de « national- soviétique ». Conscient de l’ampleur de la tâche à mener, Poutine parvient néanmoins à réduire l’influence délétère des oligarques et à restaurer une « verticale du pouvoir », ce qui assure à l’État depuis Moscou le contrôle de « cet immense territoire en quelque sorte laissé à lui-même et au sein duquel il était vital pour l’État d’accentuer son autorité afin de contrecarrer les dynamiques naturelles d’inertie territoriale dues principalement à la géographie du pays (pp. 81 – 82) ». L’administration du pays le plus étendu au monde n’est pas une mince affaire. « La recomposition du modèle russe s’opère selon une équation assez surprenante visant à reconsolider la solidarité et l’unité nationale en affirmant la diversité culturelle par l’essor du patriotisme. Ce dernier élément vise également à atténuer les tendances nationalistes jugées dangereuses, car pouvant remettre en cause l’équilibre polyethnique et multiconfessionnel russe, et surtout contribuer à l’essor du nationalisme régional et donc aux pulsions indépendantistes (p. 71). » La restauration d’un État fort accorde une priorité aux « aspirations et besoins de la communauté […] sur les aspirations individuelles, et […encourage] au maximum les cultures et identités locales en accentuant leur intégration (et leur compatibilité) avec l’identité fédérale (p. 116) ».

État-continent, la Russie dispose de spécificités qu’ignorent les États-nations d’Occident. Par exemple, elle « n’a pas besoin de l’immigration pour connaître un système naturellement pluriculturel et pluriethnique (p. 131) ». Ainsi, depuis le XIIIe siècle et l’invasion tataro-mongole, les peuples slaves de l’Est cohabitent-ils avec des peuples musulmans qui rejettent (pour combien de temps encore ?) l’islam wahhabite et ses succédanés. Sait-on à ce sujet que la Russie a depuis 2005 rang de membre observateur à l’OCI (Organisation de la coopération islamique) ? Héritière tout autant de Byzance que du khanat de la Horde d’Or, la Russie applique le polyethnisme, c’est-à-dire un cadre socio-historique et politique de cohabitation ethno-culturelle très variée agencée et ordonnée autour du noyau ethnique majoritaire, le peuple russe. Cela signifie que « le modèle de l’État-nation ne lui sied pas puisque la Russie comprend en son sein des nations et des républiques (p. 118) ». Mieux encore, « le patriotisme et le monde polyculturel sont intrinsèquement liés et […] chaque citoyen peut se sentir appartenir à la Fédération (p. 136)».

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Ni Asie, ni Europe. Russie !

Alexandre Latsa explique qu’à rebours de cette tradition politique, des nationalistes russes les plus radicaux et les plus hostiles à Poutine prônent le départ complet de toute présence russe au Caucase du Nord, voire de la Sibérie, parce qu’ils adhèrent précisément à une logique stato-nationale incompatible avec l’histoire de la Russie, l’ultime ensemble supranational au sens traditionnel du terme. « Alors que le manifestant moyen de Bolotnaïa est souvent hostile aux immigrants d’Asie centrale, nationaliste et libéral, et rêve de Rome et de Paris, son opposant politique est un patriote étatiste, croit au monde russe et rêve d’une Russie slave et orthodoxe, mais non occidentale (p. 263). » Ce constat surprend l’Occidental intoxiqué par ses médiats. Pour le patriote étatiste russe, « cette expérience historique, qui fait clairement de la Russie un empire et non un État-nation, l’éloigne non seulement de l’expérience historique de l’Europe, mais lui procure une capacité d’appartenance et de projection à cet ensemble culturel à part qu’est l’Eurasie, cette zone du monde qui se situe géographiquement entre la plaine hongroise et la frontière chinoise, et culturellement entre Moscou, Athènes et Astana (p. 273). » Par conséquent, le patriotisme politique, civique et civilisationnel russe « est en réalité nécessaire pour maintenir une unité nationale bien plus difficile à conserver qu’au sein des États-nations européens, plus homogènes sur le plan ethnique, religieux et culturel (p. 114) ». Il importe, d’une part, de relativiser cette dernière affirmation, car, suite à quatre décennies d’immigration de masse extra-européenne, les sociétés d’Europe occidentale deviennent hétérogènes sur le plan ethnique, se fragilisent et tentent de pallier ce délitement désormais quasi inévitable par l’avènement d’un État de droit sécuritaire ultra-moderne. L’auteur mentionne, d’autre part, la surprenante demande du « nationaliste » Vladimir Jirinovski qui aurait aimé « loger la moitié de la population du Japon au centre de la Russie (p. 269) ». Le chef du Parti libéral-démocrate de Russie pensait ici en homme d’Empire et non pas en politicien stato-national. Si un jour (proche ?) la guerre civile et le chaos embrasaient l’Occident européen, la Russie accueillerait peut-être des exilés (définitifs ?) venus de France, de Belgique, d’Allemagne, d’Italie ? Déjà, sous la Révolution, de nombreux émigrés vécurent dans l’Empire des tsars. Joseph de Maistre en retira ses magistrales Soirées de Saint-Pétersbourg.

« En développant une politique de puissance sur le long terme, la Russie apparaît désormais pour un nombre croissant d’Européens mais aussi d’Africains, d’Asiatiques ou de ressortissants du monde musulman comme une forme d’anti-modèle, de contre-modèle, capable de proposer une alternative à la voie sans issue dans laquelle s’est engagé le modèle dominant actuel (p. 160). » Cela agace les médiats occidentaux dirigés par des financiers et des banksters. « La censure existe autant en France qu’en Russie. […] N’est-il pas plus juste que ce soit l’État et non des oligarques ou des banquiers qui contrôlent les médias (p. 200) ? » Dans l’Hexagone, les puissances industrielles et d’argent financent les structures médiatiques. Vincent Bolloré n’a-t-il pas le groupe Canal + (iTélé, C8) et le quotidien gratuit Direct Matin ? Serge Dassault le groupe Le Figaro ? Patrick Drahi Libération, L’Obs, les télés BFMTV et N° 23, la radio RMC ? Martin Bouygues TF1, TMC et LCI ? Arnaud Lagardère Europe 1, Paris Match et Le Journal du Dimanche ? Le groupe bancaire Le Crédit mutuel de nombreux titres de la presse quotidienne régionale de l’Est de la France ? Souvent en contact avec des journalistes « dont le travail s’est, au cours des dernières années et concernant la Russie, avéré être un mélange de militantisme idéologique, d’incompréhension, de mensonge et de mauvaise foi (p. 184) », Alexandre Latsa ne cache pas ses critiques à leur égard. En effet, « majorité de gauche, parisianisme, morale petite-bourgeoise, le journalisme français est devenu la courroie de transmission d’un courant d’idées qui a tendance à négliger l’information et la vérité au profit de l’éducation du grand public (p. 195) ». Il dénonce « cette diabolisation, que certains analystes ont qualifié de guerre médiatique totale, vise essentiellement la gouvernance russe actuelle ainsi que ses prises de position internationales contribuant à l’établissement d’une nouvelle architecture mondiale, davantage multipolaire, que pourtant chacun devrait souhaiter (p. 20) ». Pis, « les années qui passent démontrent le manque d’imagination des commentateurs et leur totale incompréhension de la Russie d’aujourd’hui et de ses élites, mais surtout elles prouvent l’alignement des agences de presse avec les intérêts stratégiques américains et leurs relais actifs de relations publiques (p. 76) ». Les campagnes de presse russophobes réussissent souvent du fait de grandes lacunes sur « le front médiatique, où la Russie connaît une certaine faiblesse (p. 184) ».

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Nécessaire stabilité politique et institutionnelle

Favorable au libéralisme politique, social, économique et sociétal, la caste intello-médiacratique hexagonale exècre la Russie, défenseur de la « dimension illibérale de l’État [qui] est une constante historique (p. 121) ». La particularité de son système politique, qu’on peut définir comme une démocratie charismatique ou une démocratie illibérale, se caractérise par des forces politiques agencées « dans trois cercles concentriques, en fonction de leur nature davantage que de leur corpus idéologique (p. 84) ». Le premier représente, avec Russie unie, le bloc central de gouvernement. Dans le deuxième gravite l’« opposition de gouvernance (p. 85) », à savoir les communistes, Jirinovski, Russie juste de centre-gauche (membre de l’Internationale socialiste), les libéraux de Iabloko et les libéraux-conservateurs de l’Union des forces de droite aujourd’hui dissoute. « Cercle marginal (p. 85) », le troisième rassemble tous les partis dits extrémistes, y compris les nationaux-bolcheviks d’Édouard Limonov. Les belles âmes s’offusquent du manque de renouvellement politique. Et en Afrique du Sud alors ? L’ANC gouverne depuis 1994 sans soulever les mêmes condamnations… Idem pour le géant de la Corne de l’Afrique, l’Éthiopie dirigée depuis 1991 par le Front démocratique révolutionnaire des peuples éthiopiens. Alexandre Latsa n’évacue pas les dysfonctionnements dus à une politique libérale qui assèche le secteur public, et reconnaît même volontiers que « la corruption est un problème qui fait partie de l’ADN de la Russie (p. 102) » en le replaçant sur la longue durée historique, la seule pertinente pour mieux comprendre.

Avec la politique poutinienne de redressement, « la Russie est […] incontestablement redevenue, malgré les récurrents soubresauts qui la traversent, l’un des principaux acteurs de la scène politique mondiale (p. 11) ». Pour l’auteur, on l’a vu, la Russie « apparaît également comme un nouveau modèle alternatif, que ce soit sur le plan politique, mais aussi sociétal via la promotion des valeurs traditionnelles, religieuses et familiales, qui étaient finalement celles de la “ Vieille Europe ” (p. 12) ». Vraiment ? Et la GPA ? Maria Poumier rappelle que, rémunérée, cette procédure biotechnique « y est légale depuis 2009 et connaît un boum effrayant. Mais l’Église orthodoxe s’y oppose (5) ». Elle tient toutefois à préciser que « cas unique, la législation russe permet à la mère porteuse de garder l’enfant pour elle si elle change d’avis à la naissance. La culture chrétienne orthodoxe règne donc bel et bien encore sur le pays, conclut-elle (6) ».

Alexandre Latsa se penche enfin sur le dessein géopolitique immédiat de Moscou qui se traduit à travers une Union douanière, une Union eurasiatique calquée sur le modèle de la pseudo-UE et une politique d’hydrocarbures. Le dynamisme russe exercerait un tel attrait que « l’Inde, la Moldavie, le Chili, Singapour, Israël ou la Nouvelle-Zélande ont émis le souhait de rejoindre l’Union douanière, tandis que l’Union eurasiatique pourrait s’étendre à l’est et l’ouest de l’Eurasie en englobant, par exemple, la Bulgarie, la Hongrie, la Mongolie, le Venezuela ou encore le Vietnam et la Syrie (p. 162) » ? Tous ces projets indiqueraient plutôt la résurgence, plus étendue, du COMECON soviétique. Il compare aussi la création de l’État fantoche du Kossovo avec le rattachement de la Crimée à la Russie et juge que le précédent criméen permettra aux Bélarussiens et aux Khazaks de réintégrer la Russie. En est-il si sûr ? Les régimes forts du Bélarussien Alexandre Loukachenko et du Khazak Noursoultan Nazerbaïev construisent de véritables nations reposant aux identités politico-culturelles originales dorénavant moins malléables que des Moldaves tiraillés entre Moscou, Kiev et Bucarest. Sinon pourquoi le tracé du gazoduc North Stream contournerait-il le Bélarus pourtant guère sensible aux sirènes occidentalistes ?

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La difficile question ukrainienne

Le gouvernement russe entend contester les visées néo-conservatrices occidentales. L’auteur insiste sur le rôle délétère majeur joué par Jean Monnet dans l’intégration de la construction pseudo-européenne au cadre atlantiste dont l’OTAN, le TAFTA et le CETA (le traité de libre-échange avec le Canada) parachèveront l’exclusion finale des Européens de l’histoire. En revanche, « la France, en se rapprochant de l’OCS, pourrait devenir la première puissance européenne membre stricto sensu et ainsi conforter ses positions (p. 291) ». Mais faut-il pour autant qu’une France libérée de la tutelle atlantiste rejoigne un bloc continental eurasiatique ? Certes, Alexandre Latsa a raison d’affirmer que la Russie a une vocation – méconnue – de thalassocratie potentielle. L’URSS le savait comme l’a montré en 1982 le jeune stratégiste Hervé Coutau-Bégarie avec La Puissance maritime soviétique (7).

Quant aux menées expansionnistes en Ukraine, si elles se comprennent du côté russe, elles n’en demeurent pas moins datées. Alexandre Latsa considère que « le Maidan sera donc une révolution de couleur qui verra une minorité d’activistes radicaux d’extrême droite faire basculer dans la violence des manifestants critiquant, avec sans aucun doute une réelle légitimité et une réelle sincérité, la mauvaise gestion de l’ex-président ukrainien Viktor Ianoukovitch (p. 250) ». Tous ces événements signifient-ils que « l’Ukraine pour notre pays n’est ni une zone d’influence française historique, ni un partenaire économique de poids (p. 288) » ? Et les soldats morts devant Sébastopol lors de l’odieuse Guerre de Crimée (8) ? Et la princesse Anne de Kiev qui épouse le Capétien Henri Ier et devient d’abord reine de France, puis plus tard première régente du royaume ? Et le duc de Richelieu, gouverneur général de l’Ukraine, fondateur du port d’Odessa ? L’auteur commet d’autres erreurs factuels. Il parle de l’« armistice du 8 mai (p. 113) » alors qu’il s’agit de la capitulation de l’Allemagne. Plus grave, l’Ukraine n’aurait aucun « projet national réel (p. 258) ». C’est exact pour les nabots qui dirigent ou ont dirigé l’Ukraine. C’est faux en ce qui concerne les nationalistes « néo-bandéristes ». Certes, ce projet d’ordre national n’existe pas chez Svoboda, cette sorte de FN de pacotille. Il est en revanche tangible, réfléchi et fort avancé au Prevy Sektor et surtout au sein du Bataillon Azov. Avec les Italiens de CasaPound, les Grecs d’Aube Dorée et des Espagnols, les patriotes ukrainiens ont eux aussi commémoré le sacrifice de Dominique Venner en 2013 et traduisent ses œuvres. Comprenant le caractère mortifère de l’Union soi-disant européenne, ils ne se résignent pas à rejoindre une Union eurasienne qui nierait leur identité nationale, car le peuple ukrainien existe comme existent en France les peuples corse, basque, breton ou alsacien. Les nationalistes ukrainiens postulent une véritable alternative au-delà du rapprochement avec Moscou, l’alignement obligatoire sur le complexe atlantiste ou le maintien d’une Ukraine seule et isolée. Ils ont réactivité l’ambitieuse vision de l’Intermarum, soit la coopération stratégique entre les nations de la Baltique, de la Mer Noire, voire de l’Adriatique. Le conflit dans les contrées orientales de l’Ukraine est inacceptable d’autant que les descendants de Boréens meurent dans les deux camps. Pourquoi tous ces drames, ces morts, ces familles déchirées ? Une Europe-puissance aurait certainement pu éviter cette tragédie. Aujourd’hui, la réconciliation russo-ukrainienne devient presque impossible. Les Ukrainiens en colère prouvèrent en tout cas leur indéniable courage tandis qu’à Paris, La Manif pour Tous montrait sa couardise foncière et son légalisme pathologique. versant dans la nostalgie soviétique, les républiques indépendantistes de Donetsk et du Donbass acceptent l’appui de mouvements antifas et reprennent les antiennes anti-fascistes qui abrutissent les Européens de l’Ouest depuis 1945.

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L’Ukraine est une jeune nation à qui il a manqué dans les premières années de son indépendance une colonne vertébrale politique ainsi qu’un État fort que les Khazaks apprécièrent dès 1991, les Bélarussiens à partir de 1994 et les Russes en 1999 ! Cette absence étatique favorisa l’instabilité politique et l’émergence d’oligarchies locales dans une situation comparable aux indépendances post-coloniales d’Amérique latine au début du XIXe siècle. La guerre qui dévaste l’Est de l’Ukraine est proprement intolérable pour tout authentique Européen qui ne peut que déplorer que « pour les Ukrainiens, une rupture terrible est en train de se produire avec leurs frères russes, tandis qu’il est évident que nulle intégration de l’Ukraine, ni dans l’Europe, ni dans l’OTAN, ne devrait voir le jour (p. 256) ». Anthropologiquement boréenne, la Russie – comme l’Amérique du Nord – n’est pas européenne. Elle doit suivre sa propre voie hors de toute ingérence étrangère. Enterrons donc le mythe eurosibérien et l’idée d’une Grande Europe de l’Islande au Kamtchatka. À l’heure où l’Occident ultra-moderne, cosmopolite et humanitariste subit la submersion démographique des peuples de couleurs d’Afrique et d’Asie, détournons-nous des abjectes « Lumières », récusons l’occidentalisme et privilégions plutôt une coopération boréale intelligente de Dublin à Vladivostok en passant par Paris, Madrid, Rome, Berlin, Budapest et Moscou.

Georges Feltin-Tracol

Notes

1 : Cécile Vaissié, Les réseaux du Kremlin en France, Les petits matins, 2016; Nicolas Hénin, La France russe. Enquête sur les réseaux Poutine, Fayard, 2016. Il manque cruellement une grande enquête sur l’Hexagone yankee et les larbins français de la Maison Blanche. Un ouvrage pareil serait à coup sûr plus volumineux qu’un gros bottin téléphonique.

2 : Anne Dastakian, dans Marianne, du 19 au 25 août 2016.

3 : Jean-Sylvestre Mongrenier et Françoise Thom, Géopolitique de la Russie, PUF, coll. « Que sais-je ? », 2016, p. 120.

4 : Yves Lacoste, « Dans l’avenir, une très grande Europe de l’Atlantique au Pacifique ? », dans Hérodote, n° 118, 3e trimestre 2005, pp. 211 – 212.

5 : Mari Poumier, Marchandiser la vie humaine, Le Retour aux Sources, 2015, p. 137.

6 : Idem, p. 139.

7 : Hervé Coutau-Bégarie, La Puissance maritime soviétique, Économica, 1983.

8 : Érigée en 1860 sur le rocher Corneille avec la fonte du fer des canons russes pris à Sébastopol cinq ans plus tôt, la statue de Notre-Dame de France surplombe Le Puy-en-Velay.

• Alexandre Latsa, Un printemps russe, Éditions des Syrtes, 2016, 309 p., 20 €.

jeudi, 13 octobre 2016

La géographie sacrée de Douguine: la Russie au coeur de la tradition

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La géographie sacrée de Douguine: la Russie au coeur de la tradition

Régulièrement sous le feu des projecteurs pour sa supposée influence sur le Kremlin, Alexandre Douguine a repris et développé le concept géopolitique d’Eurasie. À travers cette notion, il prône le recours à la géographie sacrée et à la tradition dans la géopolitique contemporaine.

Pour Douguine, la géopolitique n’est pas une science comme les autres. Si l’alchimie et la magie ont disparu au profit de leurs formes modernes et séculières que sont la chimie et la physique, la géographie sacrée des Anciens reste vivante à travers la géopolitique. Rappelant la théorie du Heartland du géopoliticien britannique Mackinder, Douguine fait de l’Eurasie la pièce maîtresse de la géographie sacrée. Avec la Russie en son centre, l’Eurasie incarnerait le dernier bastion de la tradition dans l’hémisphère nord, seul capable de lutter efficacement contre la modernité.

Le penseur russe prétend que la géographie façonne les idéologies, les cultures et les religions. Les civilisations des plaines, des steppes ou des déserts, propices à l’expansion et à la conquête, diffèrent par exemple des civilisations des montagnes et des forêts, lesquelles sont plus enclines à conserver les traditions des peuples. Douguine défend également la pertinence de l’opposition traditionnelle thalassocratie – tellurocratie, utilisée pour qualifier deux types distincts de puissances. Celles qui dominent par la maîtrise de la mer et celles qui dominent par la maîtrise de la terre, étant précisé que ces modes de domination ne seraient pas anodins sur le plan idéologique.

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Selon Douguine, la tellurocratie incarnerait la stabilité, la pesanteur, la fixité et le politique, tandis que la thalassocratie promouvrait la mobilité, la fluidité, la dynamique et l’économie. Alors que les empires terrestres, souvent militaires, seraient de forme tellurocratique, les empires coloniaux, plus commerciaux, seraient davantage thalassocratiques. Cependant, le géopoliticien remarque que cette typologie ne se résume pas à une simple opposition eau/terre et à un déterminisme géographique strict. Il existerait ainsi des terres maritimes (les îles) et des eaux terrestres (les fleuves et les mers intérieurs). De même, Douguine remarque que la géopolitique japonaise est de type tellurocratique malgré son caractère insulaire, tandis qu’il voit dans la puissance du continent nord américain une thalassocratie qui repose sur le dynamisme de ses interfaces maritimes et commerciales. En appliquant cette grille de lecture, le penseur russe considère que l’Eurasie, continent terrestre allant de l’Europe à l’Asie et dont le centre de gravité se situe en Russie, pourrait constituer le modèle tellurocratique opposé aux atlantistes États-Unis d’Amérique.

Géographie sacrée et religions

Dépassant le strict cadre de la géographie, ce dualisme se retrouverait au sein des systèmes religieux. Les valeurs de la terre transposées au religieux se manifesteraient par la profondeur, la tradition, la contemplation et le mysticisme. Le principe atlantiste serait au contraire plus superficiel et matérialiste, accordant la primauté au rite, à l’organisation de la vie quotidienne et pouvant aller jusqu’à méconnaître la part de divin dans l’homme. Douguine voit ainsi dans l’orthodoxie l’aspect terrestre du christianisme, tandis que le catholicisme et le protestantisme en constitueraient la face atlantiste. De même, au sein de l’islam, le principe terrestre se retrouverait davantage dans certaines branches du chiisme et dans le soufisme. Au contraire, le salafisme et le wahhabisme seraient davantage atlantistes par l’importance accordée au rite et par leur dogmatisme religieux désireux d’éradiquer les spiritualités traditionnelles des peuples convertis. Face au protestantisme américain et au salafisme saoudien, dont Douguine fait remarquer les alliances géopolitiques depuis 1945, le monde russe réunit au contraire des religions de type tellurique avec l’orthodoxie russe mais aussi l’islam caucasien et d’Asie centrale.

hassidi.jpgQuant au judaïsme, non seulement il n’échapperait pas à cette opposition interne, mais celle-ci se retrouverait aussi dans les formes séculières de la pensée juive. Douguine analyse les branches mystiques du judaïsme (hassidisme, sabbataïsme, kabbalisme) comme l’expression de l’aspect terrestre de cette religion. Au contraire, le talmudisme en représenterait l’aspect atlantiste notamment par l’accent mis sur la rigueur dogmatique et le rationalisme. Par ailleurs, rappelant l’influence du messianisme juif sur le développement du marxisme et du bolchevisme, Douguine voit dans ces derniers des formes séculières du judaïsme terrestre. Au contraire, le judaïsme atlantiste sécularisé aurait contribué à l’essor du capitalisme et de l’esprit bourgeois. Le géopoliticien russe voit dans cette tension interne au judaïsme l’explication d’un récurrent « antisémitisme juif ». Les propos de Karl Marx, affirmant notamment que l’argent serait le Dieu profane du judaïsme (La question juive), seraient l’incarnation empirique du juif mystique s’attaquant au juif talmudiste, soit une émanation de la tradition contre une forme de la modernité.

Actualisation de l’éternelle lutte entre tellurocratie et thalassocratie, mais aussi fondement sous-jacent de la guerre entre tradition et modernité, l’opposition entre eurasisme et atlantisme ne résume pas la vision de la géographie sacrée selon Alexandre Douguine. Celui-ci s’appuie également sur les dualismes Orient – Occident et Nord – Sud. Pour le chantre de l’eurasisme, l’Orient incarne l’archaïsme, la tradition et la primauté du supra-individuel sur l’individu. L’Occident représente au contraire le progrès matériel, la modernité et l’individualisme. Fidèle aux représentations géographiques de nombreuses traditions (biblique, égyptienne, iranienne ou encore chinoise), cette opposition est également corroborée par les représentations contemporaines fréquentes du « monde occidental » et de l’Orient. Cependant, dans la géographie sacrée, ce sont les valeurs orientales qui sont supérieures aux valeurs occidentales. On peut observer l’exact inverse dans la géopolitique moderne pour laquelle les valeurs occidentales de la démocratie libérale et des individualistes droits de l’homme associées à une stricte économie de marché sont érigées en modèle.

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La tradition du Nord

Aux yeux de Douguine, le couple Orient – Occident ne serait cependant qu’une transposition horizontale tardive du couple géographique primordial opposant le Nord au Sud. Terre divine par excellence, le Nord serait la terre de l’esprit et de l’être. S’il refuse l’idée d’un Nord purement objectif qui désignerait uniquement un pôle géographique, le philosophe russe écarte toutefois la définition d’un Nord réduit à une idée. Certes, la tradition primordiale serait issue du nord géographique, mais cette époque serait révolue. L’homme du Nord, presque divin, aurait aujourd’hui disparu en tant que tel mais serait toujours présent de façon diffuse et dans des proportions variables au sein de tous les peuples. Il en est de même de l’homme du Sud, celui-ci incarnant la tendance au matérialisme et à l’idolâtrie. Si l’homme du Sud vénère le cosmos, souvent sous la forme de la Terre – Mère, il ne l’appréhende que par son instinct et se montre incapable d’en saisir la part spirituelle. Ces deux types d’homme ne s’opposeraient plus aujourd’hui frontalement mais à l’intérieur même des peuples et des civilisations. En aucun cas, cette opposition ne peut être comparée à un combat manichéen du bien contre le mal. Le Nord et le Sud sont complémentaires, le premier s’incarnant dans le second. Néanmoins, Douguine estime que le respect de l’ordre divin nécessite la supériorité du principe spirituel du Nord sur le principe matériel du Sud.

Bien que l’opposition entre le Nord et le Sud prime pour lui sur celle entre l’Est et l’Ouest, le stratège russe remarque que le premier couple prend une coloration différente selon les transpositions géographiques qui s’opèrent. Diverses combinaisons peuvent être formées par la spiritualité du Nord, le matérialisme du Sud, le holisme de l’Est et l’individualisme de l’Ouest. Douguine établit ainsi que les valeurs sacrées du Nord sont conservées stérilement par le Sud, mises en valeur par l’Est et fragmentées par l’Ouest. Quant aux valeurs du Sud, selon leur milieu d’immersion elles opacifient l’esprit du Nord, transforment le holisme oriental en négation pure de l’individu, et génèrent un matérialisme individualiste en Occident. C’est sous cette dernière forme que la modernité occidentale apparaît aux yeux du philosophe eurasiste. Fruit de la combinaison la plus négative de la géographie sacrée, la réussite supposée des pays occidentaux pourtant essentiellement situés au nord géographique prône des valeurs opposées à la tradition. Cette inversion des pôles constituerait une caractéristique de l’âge sombre, ou Kali Yuga, dans lequel le monde se trouverait aujourd’hui.

Néanmoins, Alexandre Douguine ne considère pas que le salut doive venir du Sud. Stérile par essence, celui-ci serait uniquement apte à conserver des fragments de tradition nordiste que le mystique russe perçoit dans le monde islamique, dans l’Inde hindouiste, voire dans la Chine malgré sa conversion partielle à la modernité. Le salut viendrait donc de l’alliance entre ce sud conservateur et les îlots de tradition authentique encore présent au nord, et particulièrement au nord-est. Douguine situe donc dans le monde russe le cœur actuel de la tradition et de la lutte contre la modernité. Incluant la Russie mais également ses diverses périphéries, le monde russe réunirait des qualités géographiques (être situé au nord-est au sens de la géographie sacrée), religieuses (orthodoxie, islam eurasiste, judaïsme russe) et les caractéristiques d’une puissance tellurique qui lui permettraient de jouer un rôle déterminant dans la lutte contre la modernité atlantiste, occidentale et opposée à l’esprit du Nord.

mardi, 11 octobre 2016

Alep. La France doit-elle compromettre définitivement ses relations avec la Russie?

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Alep. La France doit-elle compromettre définitivement ses relations avec la Russie?

par Jean Paul Baquiast
Ex: http://www.europesolidaire.eu
 
Malgré les objurgations de Jean-Marc Ayrault, devant le Conseil de Sécurité puis depuis dans tous les médias, selon lesquelles il faut radicalement condamner l'action russe à Alep, en soutien de l'offensive du régime contre les forces islamistes qui tiennent encore certains quartiers, l'on peut difficilement soutenir la position française.

Nous l'avons plusieurs fois montré, renoncer à évincer, pour des prétextes dits humanitaires, les djihadistes d'Alep signifierait dans l'immédiat une chute de Bashar al Assad et très vite ensuite l'éviction des Russes de leur bases en Syrie. Ceci est inenvisageable par Vladimir Poutine, au moment où il est en voie de rendre ces bases, notamment celle de Tartous, permanentes.

On peut se demander pourquoi la France, au plus haut niveau, continue à soutenir une exigence que même les Etats-Unis se trouvent obligés d'accepter. Un des arguments présentés est que détruire l'occupation par l'Etat islamique des zones qu'il contrôle à Alep reviendrait à libérer pour des actions terroristes en Europe les quelques centaines de « terroristes modérés » qu'il y entretient. Mais il en sera de même de la prise de Mossoul recherchée par la coalition américaine dont la France, avec ses Rafales, fait partie. Il en sera de même, plus généralement, de l'éviction des djihadistes de toute la Syrie, objectif auquel adhère la France, si l'on a bien compris;

Se protéger du terrorisme en France supposera des méthodes plus énergiques que celle consistant à en laisser quelques éléments prospérer à Alep. Ceci d'autant plus que ce terrorisme islamique apparaît comme de plus en plus endogène, en provenance de certaines banlieues et qu'il est par ailleurs lié à un narco-trafic devant lequel la République semble avoir définitivement capitulé. Ceci au grand découragement de la police qui y laissera de plus en plus de morts.

François Hollande prend actuellement le risque de rompre toute relations avec Vladimir Poutine, en refusant à propos d'Alep de le recevoir en France. Il ferait mieux de l'inviter officiellement à l'Elysée afin d'envisager en détail les actions communes à mener contre un terrorisme islamique et mafieux qui menace les deux pays.


dimanche, 09 octobre 2016

Les Turcs bazardent les USA et l’UE

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Les Turcs bazardent les USA et l’UE

par Hakan Karakurt

Ex: http://www.reseauinternational.com

Deux mois et demi se sont écoulés depuis l’échec de la tentative de coup d’État soutenue par les Étasuniens en Turquie. L’objectif était de renverser le Président turc, Recep Tayyip Erdoğan, à cause de sa tendance à mettre en pratique une politique étrangère indépendante de celle de l’OTAN et de l’UE. Sa vision de la politique étrangère est plutôt d’associer économiquement la Turquie à ses voisins et de former des alliances politiques régionales bénéficiant à tous les membres, tout en souhaitant par ailleurs un partenariat sur pied d’égalité avec les USA et l’UE. Refusant que les politiques soient imposées par les USA et l’UE, Erdoğan veut plutôt que les pouvoirs soient partagés afin de créer un monde plus juste et équilibré. Le refus de la Turquie de s’associer à l’embargo économique imposé à la Russie et à l’Iran, a particulièrement irrité les USA et l’UE.

Après que la Turquie a rejoint l’OTAN, en 1952, les USA ont perçu la Turquie comme un poste de police à leur service. Les priorités sécuritaires US n’ont jamais pris en considération les intérêts de la Turquie. Pour les USA, il était en général préférable que la plus faible Turquie accepte leurs exigences, même s’ils étaient contraires à ses intérêts jusqu’en 2002. Mais la détérioration des relations entre les USA et la Turquie a été finalisée quand, avec le consentement de la Russie, l’armée turque a lancé dans le nord de la Syrie l’opération militaire visant à faire complètement disparaître ISIS de la frontière turque. Ironiquement, la Turquie a entamé cette opération le 24 août, le jour de la visite en Turquie du vice-président US, Joe Biden. Il ne fait aucun doute que l’accord sur le conflit syrien, dont le but est de préserver l’unité territoriale et de régler l’avenir de la Syrie en comptant uniquement sur les forces autochtones, a été conclu entre la Russie et la Turquie lors de la visite d’Erdoğan en Russie, le 9 août.

Le but premier des USA, morceler la Syrie, une stratégie US très classique visant à attiser l’instabilité au Moyen-Orient en soutenant des groupes ethniques (YPG) et sectaires (Al-Nusra), est sur le point d’être anéanti par l’alliance retrouvée entre un membre de l’OTAN, la Turquie, et le principal rival des USA, la Russie !

L’arrogance US et l’endurance et la prescience russes, ont créé une alliance non déclarée entre la Russie et la Turquie. Cette alliance n’a pas seulement modifié l’équilibre des forces en Syrie, mais aussi la grande stratégie pour à la fois les USA et les puissances eurasiennes.

L’UE considère la Turquie comme un grand marché pour ses produits (38% des importations turques) et comme un tampon entre elle et les pays du Moyen-Orient. Tout comme la russophobie vide de sens, la turcophobie est encore très banale chez les Européens. Après le coup d’État manqué, au lieu de soutenir le gouvernement légitime démocratiquement élu, l’UE a gardé le silence et les médias dominants européens ont grossièrement accusé le Président turc d’avoir conçu la mise en scène d’un coup d’État pour consolider son pouvoir autoritaire. En outre, ne tenant aucun compte de la guerre asymétrique en cours en Turquie orientale contre les terroristes séparatistes, l’UE a tenté de forcer le gouvernement turc à assouplir sa loi antiterroriste et a retardé la règle d’abolition des visas pour les Turcs [visitant l’UE]. Pendant ce temps-là, l’UE ouvre grand ses portes aux Ukrainiens dirigés en ce moment par un « gouvernement pro-européen ». C’est pourquoi, lors de la cérémonie d’ouverture du Parlement turc, le 1er octobre, Erdoğan a déclaré que les trente années de négociations sur l’adhésion à l’UE étaient juste une diversion et que la comédie avec l’UE touchait presque à sa fin.

Comprenant que l’avenir du pays se trouve dans les politiques eurasiennes, le Président et le gouvernement turcs prennent des mesures pour réassigner les engagements du pays. Néanmoins, après la fondation de la Turquie moderne en 1923, les élites dirigeantes et une partie importante de la nation turque, ont considéré, en tant que descendants d’un grand empire ayant régné pendant plus de six siècles, que s’occidentaliser était le principal objectif pour le rétablissement de la puissance de l’État. Les institutions gouvernementales, les structures économiques, et les formations militaires ont donc été copiées sur celles des USA et de l’UE. Le peuple turc considérait les USA et l’UE comme des alliés et des exemples, et espéraient et croyaient qu’un jour futur, leur pays intégrerait l’axe occidental.

Le coup d’État militaire raté du 15 juillet a marqué la fin des rêves d’intégration à l’Occident en Turquie. Le soutien des USA et de l’UE aux auteurs du coup d’État a réveillé le peuple turc qui en est venu à considérer que cette manœuvre était une attaque étrangère directe.

Les opinions opposées aux USA et à UE ont monté en flèche. Le mois dernier, deux sondages d’opinion sur les USA et l’UE ont été publiés par une société de recherche indépendante et une fondation. L’enquête d’opinion faite par MAK Consulting s’est axée sur l’opinion de la population turque concernant les relations entre les USA et la Turquie. Les résultats sont choquants. Quatre-vingt dix pour cent des sondés considèrent que l’on ne peu pas compter sur les USA, bien que la Turquie soit membre de l’OTAN. Seulement 50% des Turcs avaient cette opinion avant la tentative de coup d’État. Selon le PDG de la société de sondage, le peuple turc pense pouvoir vaincre les USA et, si la loi martiale n’était pas décrétée, il se pourrait que l’ambassade US soit attaquée par des citoyens en colère.

Une autre enquête d’opinion très intéressante a été faite par TAVAK (fondation pour l’éducation et la recherche scientifique en Turquie et dans l’UE) sur les relations entre la Turquie et l’UE. Seulement 22% des participants estiment que la Turquie deviendra membre à part entière de l’UE. Près de la moitié des sondés ont suggéré que l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) et les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) sont une voie novatrice pour la Turquie, à la place de l’UE. Malheureusement, 60% des sondés révèlent que l’islamophobie est la première raison du refus de l’UE d’intégrer la Turquie en tant que membre à part entière.

Il est très intéressant de noter que les Turcs, qui sont des musulmans, envisagent leur destin au sein d’alliances avec d’autres pays non-musulmans (OCS & BRICS).

Après la faillite du monde bipolaire, nous avons tous été témoins d’un nouvel épisode de l’impérialisme US déguisé sous les mots magiques, mais vides : mondialisation, libéralisme, humanitarisme, démocratie et autodétermination, qui ne visaient qu’à déployer dans le monde l’hégémonie US qui s’oppose aux intérêts de toutes les autres nations. Les objectifs irresponsables et vaniteux des USA seront sans doute déjoués par la collaboration des grandes nations eurasiennes. La fin de l’histoire viendra, comme le dit l’idéologie protestante US, mais les USA ne seront pas les vainqueurs ! L’intervention militaire russe en Syrie et l’alliance secrète entre Russie et Turquie visant à préserver l’unité territoriale de la Syrie, ont stoppé les plans US au Moyen-Orient. En intensifiant la collaboration entre les nations eurasiennes, nous verrons de nouvelles défaites US dans d’autres régions du monde.

Katehon, Hakan Karakurt

Original : katehon.com/article/turks-say-no-us-and-eu
Traduction Petrus Lombard

jeudi, 29 septembre 2016

Mathieu Slama: «Le grand drame de la modernité»

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Mathieu Slama: «Le grand drame de la modernité»

 

Vous parlez d’une croisade de Moscou contre l’Occident, mais l’offensive n’est-elle pas plutôt menée par les États-Unis, Poutine se bornant à défendre les traditions ?

Il y a sans doute une part de provocation dans le choix du mot « croisade », mais aussi deux raisons essentielles : d’abord, Poutine lui-même a décidé, depuis quelques années, de s’attaquer frontalement au modèle libéral des sociétés occidentales. Non seulement il défend les valeurs traditionnelles de la Russie, mais il s’en prend explicitement aux pays euro-atlantiques, et à l’Europe tout particulièrement, qu’il accuse de rejeter ses racines et de tomber dans le « primitivisme », au mépris des « valeurs spirituelles de l’humanité ». Ensuite, le mot « croisade » contient une dimension éminemment religieuse, et il se trouve que c’est aussi sur ce terrain que Poutine s’en prend à l’Occident. Défendant « les valeurs de la famille traditionnelle, de la vie humaine authentique, y compris de la vie religieuse des individus », il s’est attaqué à plusieurs reprises à la conception européenne de la laïcité. On connaît aussi sa proximité affichée avec l’Église orthodoxe, qu’il lie étroitement, dans ses discours, au destin national de la Russie. 

Voici l’intuition de mon livre : ce qui se joue dans le conflit entre Poutine et les pays occidentaux est bien plus fondamental qu’un simple conflit d’intérêts sur les dossiers syrien ou ukrainien. Il y a, en arrière-plan de tout cela, le retour d’un vieil affrontement entre deux grandes visions du monde concurrentes : le monde libéral d’un côté, exaltant l’individu et son émancipation ; et le monde de la tradition, exaltant la communauté et l’enracinement.

Vous présentez Poutine comme une personnalité attachée à l’égalité entre les nations. Mais est-il vraiment cet apôtre du droit international et de la non-ingérence ? Nous pensons à la Géorgie, à l’Ukraine. Stratégie rhétorique ?

Un des mots les plus souvent utilisés par Poutine est « diversité du monde ». Dans son discours, l’Occident se rend coupable de vouloir modeler le monde à son image. Il y a là un argument essentiel qu’il faut entendre (stratégie rhétorique ou non) : l’Occident est persuadé que son modèle libéral est applicable au monde entier. Il suffit de feuilleter les reportages dans les médias français sur l’Iran, par exemple : on célèbre ce pays parce qu’il s’occidentalise ! Mais on crie à l’obscurantisme dès qu’il s’agit d’évoquer ses composantes traditionnelles. C’est tout le paradoxe de nos sociétés libérales : nous exaltons l’Autre mais ce n’est que pour annihiler son altérité. Il y a, dans cet universalisme occidental, un mélange d’incompréhension et de mépris. Cet universalisme est aussi dangereux quand il se transforme en action extérieure (cf. les ingérences occidentales catastrophiques au Moyen-Orient).

En revanche, il est exact que Poutine ne s’applique pas forcément cette règle de non-ingérence. Poutine n’est pas un saint : il y a, chez lui, une ambition impériale, liée à une volonté de protéger les intérêts stratégiques de la Russie face à une Amérique agressive et intrusive. Comme le disait Soljenitsyne, qui s’inquiétait du renouveau impérialiste russe, plutôt que de chercher à s’étendre, la Russie devrait plutôt s’attacher à conserver l’âme du territoire qu’il lui reste. 

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Faisant l’éloge de l’enracinement, vous prenez l’exemple de Bilbo, un Hobbit frileux à l’idée de quitter sa terre natale pour partir à l’aventure. Attachement que vous qualifiez de « noble ». Or, il me semble plutôt que les Hobbits incarnent cette prudence petite-bourgeoise, aux antipodes de la vraie noblesse qui est lutte pour la vie, mépris du confort matériel et passion pour les équipées lointaines.

Pour illustrer les limites du modèle libéral occidental, j’évoque, en effet, la belle parabole de Tolkien sur le combat de plusieurs communautés fictives qui luttent pour leur survie face à un ennemi technicien et guerrier. Les Hobbits sont des personnages intéressants car ils vivent en vase clos, selon des rites traditionnels immémoriaux. Ils partent à l’aventure à contrecœur, ayant sans cesse la nostalgie de leur terre durant leur voyage. C’est cette nostalgie que je trouve formidable, parce qu’elle représente tout ce que nous avons perdu en Occident. Le rapport à la terre, au lieu, comme disait Levinas, le sens de la mesure, la perpétuation de vieilles traditions qui donnent un sens à notre existence : tout cela ne veut plus rien dire pour nous autres Occidentaux. Les Européens ne comprennent plus qu’un seul langage, celui des libertés individuelles. C’est cela, le grand drame de la modernité.

Entretien réalisé par Romain d’Aspremont 

Essayiste

mardi, 27 septembre 2016

Le relèvement de la Russie

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Le relèvement de la Russie

par Georges FELTIN-TRACOL

Chers Amis de Radio-Libertés,

Le 18 septembre dernier, 110 millions d’électeurs russes ont élu leurs députés à la Douma d’État pour les cinq prochaines années. Les Occidentaux dénoncèrent pour l’occasion les restrictions faites aux candidats d’opposition prévues par le code électoral. Ces âmes sensibles devraient plutôt regarder en Californie où les candidatures indépendantes sont quasi impossibles, en France et en Grande-Bretagne où des forces politiques importantes ne sont guère représentées au Parlement.

Ces législatives sont un bon prétexte pour évoquer Un printemps russe, l’essai très intéressant d’Alexandre Latsa (Éditions des Syrtes, 2016, 309 p., 20 €). Français vivant et travaillant à Moscou, l’auteur donne aussi sur des sites russes francophones un point de vue bien différent des habituels fantasmes journalistiques hexagonaux.

Dans cet ouvrage subjectif et engagé, l’auteur, s’il ne cache pas que la corruption demeure le principal problème social, estime que Vladimir Poutine a relevé la Russie, relèvement entamé, rappelle-t-il, – on l’oublie trop souvent – par Evgueni Primakov, le Premier ministre de Boris Eltsine en 1998 – 1999. Dans la décennie 1990, le pays sombrait dans le désordre, le risque d’éclatement séparatiste, une criminalité exponentielle, la paupérisation généralisée de la population et la confiscation des ressources nationales par une bande de financiers aventuriers et véreux, les futurs oligarques. Le rétablissement de l’ordre exigé et réalisé par un jeune président issu du KGB passa par la réduction de toutes les forces centripètes. C’est pourquoi le parti Russie unie monopolise la vie politique. Mais n’est-ce pas le cas avec l’ANC en Afrique du Sud ou la sociale-démocratie suédoise ?

Y appliquer les critères de l’Occident est une erreur grossière, affirme Alexandre Latsa, car la Russie est un État-continent qui abrite en son sein une très grande diversité ethnique et spirituelle. Moscou demeure la capitale de l’ultime Empire qui ne saurait être un quelconque État-nation. L’unité (dans la diversité culturelle assumée) de ce très vaste espace prime sur les droits individuels. Faut-il cependant au nom de cette unité se réjouir comme le fait l’auteur de l’annexion de la Crimée et du conflit dans l’Est de l’Ukraine ? Les Européens devraient plutôt s’entendre face à des menaces plus sérieuses : les banksters, le mondialisme, l’immigration, l’islamisme et la société de consommation.

Bonjour chez vous !

Georges Feltin-Tracol

• « Chronique hebdomadaire du Village planétaire », n° 2, d’abord diffusée sur Radio-Libertés, le 23 septembre 2016 vers 8 h 20.

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vendredi, 23 septembre 2016

A propos des élections législatives russes

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Victoire de Putinus Augustus

A propos des élections législatives russes

par Thomas Ferrier

Ex: http://thomasferrier.hautetfort.com

Le dépouillement s’étant arrêté à 99,5% des suffrages, mon analyse reposera sur ces chiffres provisoires, mais les chiffres définitifs ne devraient de toute façon différer que de manière extrêmement marginale. Le nombre d’élus de chaque parti est également connu.

united-russia.jpgAvec 54,2% des voix environ, le parti Russie Unie de Poutine et Medvedev s’impose largement, bien davantage que ce que prévoyaient les sondages, y compris ceux sortis des urnes, où le mouvement était plutôt annoncé aux alentours de 43% environ, alors qu’il est de dix points supérieurs au final. Cela alimentera toutes les spéculations, non sans raison, mais n’oublions pas qu’à l’époque d’Eltsine, les USA ne s’offusquaient pas de méthodes démocratiquement « particulières » lorsqu’il s’agissait de s’opposer aux communistes. Russie Unie obtient également 72% de la douma et 343 sièges, écrasant de tout son poids les trois formations politiques qui ont réussi à passer la barre fatidique nécessaire pour obtenir un groupe parlementaire.

Avec 13,4% et 13,2%, communistes du KPFR (Ziouganov) et nationalistes du LPDR (Jirinovski), deux formations qui existent au moins depuis 1993, les partis de l’opposition légale sont largement marginalisés. Les premiers obtiennent 42 sièges et les seconds 39 sièges. Ils auront chacun leur groupe parlementaire mais dont le poids ne sera pas déterminant pour influencer les grandes orientations décidées par Poutine. Enfin « Russie Juste », une sorte de sociale-démocratie à la russe, obtient 6,2% des voix et 23 sièges. Ces trois partis perdent en tout 108 sièges, diminuant en conséquence leurs moyens.

Les autres mouvements politiques sont très modestes. Yabloko, « La Pomme », un mouvement de centre-droit, n’obtient que 2% des voix, de même que le mouvement Parnas (0,73%), les Verts (0,76%), le Parti de la Croissance (1,29%) ou encore le Parti des Retraités pour la Justice (1,74%). L’extrême-gauche (« Communistes de Russie ») résiste mieux avec 2,3% des voix.

L’opposition modérée, patriote et/ou nationaliste, est également très affaiblie. Rodina, qui a perdu toutes ses figures marquantes, dont Rogozine et Glaziev, n’obtient qu’1,5% des voix, et encore faut-il préciser que ce mouvement est « poutinien » de fait. Patriotes de Russie obtiennent 0,59%.

Vladimir Poutine a donc largement gagné ces élections, une fois de plus, comme depuis 2000, et a même renforcé sa puissance politique, réduisant l’opposition modérée à une portion congrue, même si les communistes résistent encore, alors que certains sondages les annonçaient à 8% des voix.

La démocratie autoritaire mise en place par Poutine après l’effondrement du pays sous Eltsine ne se cache plus. Physiquement Poutine ressemble de plus en plus à Octavien, plus connu sous son nom d’Auguste. Tout comme Octavien paraissait bien timide lorsqu’il hérita de César, ce qui abusa Antoine, Poutine était un inconnu lorsqu’Eltsine le nomma premier ministre puis le choisit comme héritier politique après avoir décidé de démissionner. Il s’est révélé petit à petit à la tête du pays comme une personnalité hors norme, qui suscite à la fois crainte et respect. Son nom même peut lui paraître prédestiné.

En effet son prénom Vladimir signifie « maître du monde » ou « garant de la paix » et son nom Poutine signifie « l’homme du chemin », donc « celui qui indique le chemin ». En outre Vladimir Ier le Soleil Rouge fut le fondateur de la Rus’ de Kiev, dont la Russie est héritière au même titre que l’Ukraine, et le premier prince chrétien des Slaves de l’Est, converti en 988. Poutine dirige la Russie depuis plus de quinze ans sans discontinuité, ayant simplement laissé à son poulain Medvedev, un « homme-ours » là encore prédestiné par son nom même, un mandat présidentiel de transition.

Tout comme Octavien/Auguste, il œuvre sans relâche à la renaissance de la Russie et à son retour sur la scène internationale, à tout prix, même s’il subit des sanctions économiques de l’Occident en raison de son action supposée en Ukraine et notamment de l’annexion de la Crimée. Poutine a neutralisé les véléités séparatistes des Tchétchènes au prix d’une alliance avec Ramzan Kadyrov, qui tient cette région d’une main de fer et d’une bien insupportable main verte, qui plus est. Il a neutralisé le rapprochement de la Géorgie, de l’Ukraine et de la Moldavie en faveur de l’OTAN, et aussi en conséquence vis-à-vis de l’Union Européenne. C’est aussi pour cela que Poutine reste si populaire dans une Russie gardant la tête haute.

Thomas FERRIER (Le Parti des Européens)

GEOPOLITICA DELL’ORTODOSSIA

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GEOPOLITICA DELL’ORTODOSSIA

di Claudio Mutti*

Ex: http://www.eurasia-rivista.org

claudio mutti,géopolitique,russie,orthodoxie,religion,politique internationale,europe,affaires eruopéennesIl titolo di questo numero di “Eurasia” è stato palesemente suggerito da quello di un’omonima opera di François Thual1 che, prendendo in esame il caso esemplare del cristianesimo ortodosso, mostra come il fattore religioso, lungi dal ridursi a dato secondario o sovrastrutturale, possa fornire ad un soggetto politico un patrimonio di miti e di simboli, fino a costituire un motore determinante delle sue azioni e delle sue scelte. Certo, agli studiosi di geopolitica si offre la possibilità di sottoporre ad un’indagine analoga anche altre grandi religioni che, dopo aver occupato spazi diversi del continente eurasiatico, hanno fondato ciascuna una propria civiltà, ciascuna ispirando le dinamiche del proprio spazio rispettivo; e in effetti non mancano, nella letteratura di settore, gli studi concernenti le implicazioni geopolitiche delle varie forme religiose2.

Per quanto riguarda in modo specifico l’Ortodossia, è stato detto che a renderla particolarmente idonea all’approccio geopolitico è il suo caratteristico rapporto con la terra. “In nessun’altra area come in quella di tradizione ortodossa – scrive uno studioso – il problema della terra intesa come imperskaja zemljà (‘terra imperiale’), sacra per definizione, riveste tanta importanza. (…) il pensiero imperiale-territoriale, di matrice religiosa, è centrale nella concezione ortodossa (…) nella cultura politica di stampo bizantino-ortodosso la terra assume un carattere sacrale, che ne determina non solo l’inviolabilità, ma anche la santità dell’espansione: la Svjataja Russkaja Zemljà (‘Santa Terra Russa’) è per esempio speculare alla Srpska Sveta Zemlja (‘Santa Terra Serba’)”3.

La geopolitica dell’Ortodossia è quindi intimamente collegata ad una concezione che, formatasi in epoca bizantina, è stata trasmessa alle entità statuali che hanno ricevuto l’eredità di Bisanzio.

Tra gli elementi costitutivi di tale concezione, risulta centrale l’idea della translatio imperii, ossia del trasferimento della funzione imperiale da Roma a Bisanzio e da Bisanzio a Mosca. Tale translatio ebbe il suo inizio storico nel 324, quando Costantino fondò una seconda capitale nella parte orientale dello Stato romano, cosicché nel 381 il patriarca bizantino poteva affermare di essere secondo soltanto a Roma, dal momento che “Costantinopoli è la nuova Roma”4. Mille anni dopo, nel 1393, quando l’“eresia latina” si era ormai definitivamente installata a Roma e Bisanzio veniva minacciata da ogni parte, il patriarca costantinopolitano Antonio IV rivolse le sue aspettative verso la Russia, ricordando al “gran principe” moscovita Vasilij I che i cristiani dovevano avere una sola Chiesa e un solo basileus ton Romaion. Ancora un secolo e, nel 1492, quarant’anni dopo la conquista ottomana di Costantinopoli, il metropolita Zosimo presentò la candidatura di Mosca: “Costantino il Grande fondò la nuova Roma, san Vladimiro battezzò la Russia, ora Ivan III è il nuovo Costantino della nuova Costantinopoli, Mosca”5. Una ventina d’anni più tardi, il monaco Filoteo di Pskov formulò in una lettera allo zar Ivan III la teoria di Mosca quale terza Roma: “Tutti gl’imperi cristiani arrivarono alla loro fine e sono stati riuniti nell’unico impero del nostro sovrano, secondo i libri profetici, cioè nell’impero russo. Due Rome sono cadute, ma la terza è già in piedi e non ci sarà una quarta”6.

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A tradurre in termini geopolitici l’ideale della Santa Russia ortodossa e bizantina saranno, paradossalmente, i rappresentanti del dispotismo illuminato russo. Pietro il Grande (1682-1721) e Caterina II (1762-1796), per i quali il richiamo ai valori religiosi e alla difesa dei cristiani ortodossi costituivano una fonte di legittimazione delle loro conquiste, assoggettarono sì la Chiesa, ma ne recuperarono il messaggio ideologico. “A partire dall’inizio del XVIII secolo – scrive Thual – la geopolitica estera russa è in una fase di espansione continua; la gestione quotidiana di questo spazio imperiale e la diplomazia russa si ispireranno a due principi: la difesa dell’Ortodossia, una specie di panortodossismo che avrà un ruolo più importante del panslavismo per quanto concerne la politica estera russa. Se la nascita dei temi ideologici risale al periodo precedente a quello dei Romanov, sarà proprio questa dinastia a riattualizzarli ed a farli passare dallo stadio di mito, di suggestione collettiva, allo stadio di schema d’azione e di canovaccio per il comportamento politico”7. Caterina II, in particolare, concepì l’idea di far sorgere nella penisola balcanica una sorta di nuovo impero bizantino, alla testa del quale si sarebbe insediato un membro della famiglia imperiale russa. Tale disegno non si realizzò, ma col trattato di Küçük Kaynarca del 1774 Caterina ottenne che da quel momento in poi lo Zar di Russia parlasse a nome di tutti gli ortodossi sudditi della Sublime Porta. Da allora la fede ortodossa continuò a nutrire gli obiettivi specifici della geopolitica russa: la riconquista di Costantinopoli e delle vie di comunicazione tra il Mar Nero e il Mediterraneo, la trasformazione dei paesi ortodossi dei Balcani in Stati satelliti della Russia, il recupero dell’Armenia e dei Luoghi Santi in Palestina.

A questa visione geopolitica, incentrata sul rapporto conflittuale tra Russia e Turchia, Konstantin Leont’ev (1831-1891), il “Nietzsche russo”8, contrappone una tesi ben diversa: le due potenze eurasiatiche, in quanto espressioni di due civiltà minacciate entrambe dalla sovversione liberale e democratica proveniente da Occidente, dovrebbero trovare i termini di un’intesa e costituire una barriera di spirito tradizionale9.

Leont’ev rimase vox clamantis in deserto; ma in un certo modo  la sua tesi è stata confermata, sia pure da un punto di vista diametralmente opposto, dal teorico dello “scontro delle civiltà”, il quale fissa la frontiera della civiltà occidentale “là dove finisce il cristianesimo occidentale e iniziano l’islamismo e l’ortodossia”10. Il simbolismo geografico è eloquente: alla Mezzaluna islamica, che dai Balcani giunge al Caucaso attraverso l’Anatolia, si unisce la Croce ortodossa, l’asse della quale, radicato in Palestina, attraversa l’isola di Cipro e giunge a Costantinopoli, per dirigersi poi verso la Romania, dove si congiungono i due bracci: quello serbo e quello russo11.

* Direttore di “Eurasia”.

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  1. F. Thual, Géopolitique de l’Orthodoxie, Institut de Relations Internationales et Stratégiques, Paris 1993; ed. it. Geopolitica dell’Ortodossia, Saggio introduttivo di A. Vitale, Società Editrice Barbarossa, Milano 1995. Dello stesso autore, in italiano: Il mondo fatto a pezzi, Edizioni all’insegna del Veltro, Parma 2008.
  2. Per limitarci all’attività di François Thual, possiamo citare Géopolitique du chiisme, Arléa, Paris 1995 e Géopolitique du Bouddhisme, Editions des Syrtes, Brest 2002.
  3. A. Vitale, Saggio introduttivo a: F. Thual, Geopolitica dell’Ortodossia, cit., pp. 8-9.
  4. R. Lee Wolff, The Three Romes: The Migration of an Ideology and the Making of an Autocrat, in “Daedalus”, primavera 1959, p. 294.
  5. In Pamjatniki drevnerusskogo kanoničeskago prava, I, St-Peterburg 1908, pp. 795 ss.
  6. V. Malinin, Starec Eleazarova monastyria Filofei i ego poslanija, Kiev 1901, suppl. pp. 54.
  7. F. Thual, Geopolitica dell’Ortodossia, cit., p. 49.
  8. N. Berdjaev, Konstantin Leont’ev. Očerk iz istorii russkoj religioznoj mysli, YMCA Press, Paris 1926, pp. 37-39.
  9. K. Leont’ev, Bizantinismo e mondo slavo, Edizioni all’insegna del Veltro, Parma 1987. Per una presentazione del pensiero di Leont’ev si veda A. Ferrari, La terza Roma, Edizioni all’insegna del Veltro, Parma 1986.
  10. S. P. Huntington, Lo scontro delle civiltà e il nuovo ordine mondiale, Garzanti, Milano 2000, p. 230.
  11. 11. Cfr. O. Clément, La Chiesa ortodossa, in: Storia delle religioni a cura di Henri-Charles Puech, 10. Il cristianesimo medievale, Universale Laterza, Bari 1977, p. 165.

dimanche, 18 septembre 2016

Obama voert voorstel Donald Trump uit en geeft Syrië over aan Rusland en Turkije

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Obama voert voorstel Donald Trump uit en geeft Syrië over aan Rusland en Turkije

Geen verrassing: Amerikaanse regering laat voorheen gesteunde moslimrebellen in de steek, en levert de Koerden uit aan Erdogan

Turken mogen van Rusland 4000 km2 stuk Syrië bezetten


De Russische minister Sergei Lavrov en zijn Amerikaanse collega John Kerry. Op aandringen van de Amerikanen werden de details van de Syriëdeal niet bekend gemaakt. Dat is met duidelijke reden, want dan zou blijken dat de VS een feitelijke nederlaag heeft moeten slikken.

De media berichten met grote koppen dat Rusland en de VS akkoord zijn over een wapenstilstand in Syrië. Lezen we de artikelen, dan blijken die verbijsterend weinig details te bevatten en blijft het bij algemene termen zoals het mogelijk maken van het geven van humanitaire hulp in de belegerde gebieden, waaronder Aleppo. Dat president Obama niets loslaat over de inhoud van de deal is begrijpelijk als bedacht wordt dat hij met zijn 180 graden ommekeer niet de lijn van zijn gedroomde opvolger Hillary Clinton volgt, maar exact de voorstellen van de door hem zo gehate Republikeinse kandidaat Donald Trump heeft overgenomen.

Trump zei maanden geleden al dat het de Russische president Vladimir Putin zou moeten worden mogelijk gemaakt de oorlog in Syrië te beëindigen. Hij wees terecht op de harde feiten dat de Russen in veel kortere tijd vele malen effectiever bleken te zijn in hun strijd tegen ISIS dan de Amerikanen, die in werkelijkheid niet de jihadisten, maar de Syrische president Assad probeerden te verslaan.

Obama laat rebellen in de steek

De doorgaans goed ingelichte inlichtingen- en defensiespecialisten van het Israëlische DEBKAfile schrijven dat het geen wonder is dat de details van de Syriëdeal niet naar buiten worden gebracht, omdat daaruit zou blijken dat de moslimrebellen in het gebied rond Aleppo en misschien zelfs wel in heel Syrië, door Obama in de steek zijn gelaten. ‘De Syrische rebellen zitten nu in de val tussen zowel de Russisch-Turkse overeenkomst als de Russisch-Amerikaanse overeenkomst, waarbij de strop om hun nek schijnbaar wordt aangetrokken.’

Turken mogen van Russen groot stuk van Syrië bezetten

De eerstgenoemde Russische deal met de Turken werd beklonken in de gangen van de G20 top in het Chinese Hangzhou, waar Putin en zijn Turkse collega Erdogan besloten om gezamenlijk de Amerikanen feitelijk uit Syrië te stoten. Putin gaf Erdogan het groene licht om een circa 4000 vierkante kilometer groot stuk van het noorden van Syrië te bezetten, zogenaamd als een ‘veiligheidszone’ die onder totale controle van het Turkse leger zal komen te staan. Putin beloofde Erdogan dat de Russen daar niet langer militair zullen optreden.

In ruil daarvoor beloofde Erdogan zijn steun aan de pro-Amerikaanse en pro-Saudische rebellengroepen, die tegen het leger van Assad en diens bondgenoten vechten, op te geven. Met deze Turkse concessie in de hand kon Putin de deal aan zijn bondgenoot Assad verkopen, die zelf moest beloven om in het afgesproken gebied geen bombardementen meer uit te voeren (2). Erdogan hield het immer naïeve Europa vervolgens voor het lapje door te beweren dat de bezette zone bedoeld is als veilige haven voor Syrische vluchtelingen, waardoor de migrantenstroom naar Europa zou kunnen verminderen.

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Koerden overgegeven aan Erdogan

Misschien wel de grootste slachtoffers naast de Syrische bevolking zijn de Koerden, want die worden nu ook officieel aan hun lot overgelaten door Obama, en uitgeleverd aan de Turkse dictator. De seinen stonden al op rood voor de Koerden nadat vicepresident Joe Biden de Koerden vorige maand beval om zich ten oosten van de Eufraat terug te trekken. De Koerden zijn de afgelopen jaren juist één van de meest effectieve krachten in de strijd tegen ISIS geweest. Nu worden deze bondgenoten ook door de Amerikanen plotseling ‘terroristen’ genoemd, precies waar Erdogan op uit was.

Putin behaalt successen op Obama

Dat de Russen geen Amerikaanse bemoeienis meer dulden bleek uit een niet gerapporteerd incident boven de Zwarte Zee, waar een Russisch SU-25 gevechtsvliegtuig een Amerikaanse P8, ontwikkeld voor elektronische oorlogsvoering tegen grond- en zeedoelen, dwong om zijn koers te wijzigen.

Putin behaalde nog een succes op Obama, namelijk door de Israëlische premier Netanyahu en Palestijnse leider Abbas zover te krijgen om onder Russische supervisie opnieuw te gaan praten over een eventueel vredesverdrag.

‘Zolang ze het met elkaar uithouden’

De conclusie van de Israëlische specialisten is overigens veelzeggend: ‘Alle spelers in de regio zullen zonder twijfel nauwlettend volgen hoe het ‘Russische pad’ van Turkije zich zal ontvouwen, en hoe lang de verstokte opportunisten het met elkaar uithouden.’ (1)

Dat brengt ons bij een herhaling van wat we al vaker schreven, namelijk dat de samenwerking tussen Rusland en Turkije –al eeuwen gezworen vijanden- er hoogstwaarschijnlijk enkel is gekomen omdat beide partijen zoveel mogelijk gebruik van elkaar willen maken om de eigen doelstellingen te verwezenlijken. Vooral Erdogan is in vrijwel al zijn internationale afspraken een uitermate onbetrouwbare partner gebleken. Hij zal de deal met Putin dan ook net zo makkelijk weer lozen als dat hij deze nu gesloten heeft.

Staakt-het-vuren maakt weinig kans

De overeenkomst moet op maandag ingaan. Dit weekend blijkt door de strijdende partijen in Aleppo te worden gebruikt om er nog eens een schepje bovenop te doen, en te proberen om een zo goed mogelijke positie te behalen zodra het staakt-het-vuren in werking treedt. Omdat diverse groepen al hebben laten weten geen enkel vertrouwen in de afspraken te hebben, vermoeden we dat er al vanaf maandag continu schendingen zullen zijn, en de burgeroorlog feitelijk gewoon doorgaat.

Xander

(1) DEBKA
(2) Zero Hedge

Zie ook o.a.:

29-08: Invasie Syrië: Turkije voert met Amerikaanse steun totale oorlog tegen de Koerden (/ Koerdische Peshmerga en YPG slaan na Amerikaans verraad handen ineen tegen Turken – Stilzwijgende instemming Europa met Turkse invasie doet denken aan Hitlers onbestrafte verovering van Sudetenland, de militaire aanloop naar WO-2)
25-08: Exact 500 jaar na eerste Turkse veroveringsoorlog is nu de tweede begonnen
09-08: Onrust in Israël over toenadering Turkije, Rusland en Iran

vendredi, 16 septembre 2016

USA, l'hyperdésordre du pouvoir à ciel ouvert

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USA, l'hyperdésordre du pouvoir à ciel ouvert

Ex: http://www.dedefensa.org

Le rapport de Bill Van Auken de WSWS.org du 16 septembre (15 septembre en version originale anglaise) (*) sur les tensions entre le Pentagone et le département d’État pour ce qui concerne l’accord de cessez-le-feu en Syrie, élaboré par les USA (Kerry) et la Russie (Lavrov), est particulièrement intéressant en ce qu’il rassemble d’une façon significative les signes publics de cette tension. Il s’agit essentiellement de ce qu’on pourrait qualifier de “révolte ouverte” (publique, donc) du Pentagone contre l’accord élaboré par Kerry-Lavrov et accepté par Obama du côté US ; “révolte ouverte”, de communication essentiellement, avec l’attente d’un effet important. Le texte de WSWS.org rassemble toutes les déclarations de chefs militaires et civils du Pentagone, avec notamment une part très importante prise par les militaires dont il s’avère de plus en plus évident que le terne Ashton Carter (le secrétaire à la défense) n’est que le porte-parole extrêmement obéissant.

Il est incontestable que les déclarations des chefs militaires sont extrêmement tranchantes et remarquables par leurs conséquences politiques. Littéralement, ces chefs, qui ont la charge opérationnelle de la région, parlent comme s’ils se réservaient le droit de décider s’ils collaboreront ou non avec les Russes ; c’est-à-dire qu’ils se réserveraient le droit de décider d’appliquer ou non un des points essentiels d’un accord négocié et signé avec les Russes par le Secrétaire d’État, et approuvé par le président lui-même. Kerry a réagi avec modération et le grand sens du compromis qu’on lui connaît à ce raidissement public des chefs militaires qui a un aspect sensationnel malgré le faible écho rencontré (mais notre attention est tant sollicitée par ailleurs...) ; qui a fort peu de précédent, sinon aucun, dans l’expression publique de ce qui ne peut être considéré dans sa logique extrême que comme un refus pur et simple d’obéissance. Vipérin, Bill Van Auken note que « [l]es remarques de Kerry expriment les relations réelles au sein de l’appareil d’État américain, l’influence prépondérante de l’immense appareil militaire et de renseignement et sa capacité à exercer de fait un droit de veto sur les responsables civils élus du pays ».

Effectivement, nous serions conduits à considérer de façon beaucoup plus dramatique l’attitude des militaires US, surtout en raison de leur expression publique dans des cadres hors du circuit militaire. Il s’agit d’une véritable volonté de s’affirmer sur la scène publique washingtonienne comme pouvoir et puissance autonomes, se jugeant eux-mêmes plus aptes que le secrétaire d’État et même que le président lui-même à déterminer ce qui représente la meilleure défense des intérêts stratégiques des USA. Le Pentagone considère depuis un certain temps, avec une irritation croissante, que Kerry manœuvre pour obtenir un accord à tout prix avec les Russes ; que le président est totalement engagé dans la politique partisane d’une campagne présidentielle en pleine crise d’une part, qu’il est surtout préoccupé d’autre part de laisser l’image d’un “président de paix” et qu’il est ainsi favorable à un accord également “à tout prix” avec les Russes sans réellement s’intéresser à son contenu. Ce point de vue du Pentagone implique également que les militaires jugent, dans la situation présente et le contexte qu’on connaît, à la fois Kerry et Obama en position de faiblesse.

En fonction de cette situation, les militaires font une sorte d’OPA publique sur le pouvoir de décision en matière stratégique, et ils le disent sans la moindre vergogne, s’adressant directement au “parti de la guerre” pour obtenir son soutien. Ils l’auront ou l’auraient sans aucun doute si besoin est/était, avec des personnages tels que McCain et Lindsay Graham au Sénat, qui exercent une influence énorme en cette matière et qui sont évidemment des maximalistes en toutes les matières possibles, y compris la psalmodie habituelle du “Assad Must Go” lorsqu’il s’agit de la Syrie, avec haine antirusse comme refrain. De ce point de vue, l’“absence de vergogne” des militaires pour intervenir de façon voyante et en publique n’est ni un défi gratuit, ni une maladresse, etc., mais bien une manœuvre tactique inhabituelle mais rendue nécessaire et assez peu risquée dans la situation actuelle pour affirmer leur position, l’expliciter, et obtenir le soutien public (du “parti de la guerre”) qu’ils recherchent.

Par conséquent et comme le montre cette analyse, nous aurions une vision assez nettement différente de celle de WSWS.org, qui tend à classer cette réaction des militaires comme une sorte d’attitude “normale”, “réglementaire” si l’on veut, en raison de la répartition des pouvoirs (l’idée d’un “droit de veto” des militaires sur la politique de sécurité nationale du pays) à l’intérieur de la machinerie du “pouvoir impérialiste” de Washington. Cela implique un rangement et un classement extrêmement précis et sérieux des différents pouvoirs, les uns par rapport aux autres, avec bien entendu une prédominance indiscutable du “pouvoir militaire”. (Cette façon de juger est très caractéristique des trotskistes, et donc de WSWS.org qui s’affirme si complètement dépositaire de la pensée et des méthodes originales et originelles du courant en question conservé dans sa vertu fondamentale. Nul doute que si les trotskistes venaient au pouvoir, nous aurions droit à un rangement également on ne peut plus sérieux et tiré à quatre épingles, avec réglementation intraitable, notamment de la liberté en première place.)

Au contraire, nous pensons que le pouvoir, d’habitude en grand désordre à Washington avec effectivement ces différents centres de pouvoir exerçant leur influence à différents degrés et avec un succès variable selon les circonstances mais toujours avec une discrétion de bon aloi, “entre copains et coquins”, est désormais plongé dans un hyperdésordre, de la sorte qui se voit sur la place publique, et même qui s’y montre sinon qui s’y pavane. La période se prête évidemment à cette sorte de démarche avec une fin de mandat extraordinairement agitée, une campagne présidentielle d’une intensité et également d’un désordre sans précédent, où le président lui-même est partie prenante simplement parce qu’il entend que “la suite” aille aux démocrates, pour poursuivre sa politique si couronnée de succès juge-t-il, et ainsi assurer son héritage aux yeux de l’histoire. La conséquence est évidemment une position présidentielle extrêmement affaiblie (le président, officier suprême, ou “juge” suprême des politiques à suivre, devenu complètement “partisan” est perçu comme ayant cédé au niveau de la fonction car l’on ne peut être “juge et partie”). Le Pentagone et les militaires jouent donc leur jeu, sans la moindre hésitation, en affichant publiquement une position qui n’est pas loin du simple refus d’obéissance sans trop de risque.

De son côté, Kerry a suffisamment montré de signes de faiblesse à diverses occasions, d’absence complet de caractère, vis-à-vis d’autres départements aussi bien que de certains de ses services (notamment les extrémistes type-Nuland), pour qu’on ne s’étonne pas de le voir lâcher du lest face aux militaires. Reste à voir jusqu’où il est prêt à reculer, soutenu par une planche pourrie nommée Obama qui n’hésiterait pas à le désavouer au profit des militaires si tel était son intérêt. Le point d’interrogation sur cette évolution en-écrevisse concerne le fait que les deux hommes (Kerry comme Obama) ont tout de même certains intérêts, ne serait-ce qu’au niveau de la satisfaction de certains traits de caractère comme la vanité ou l’autoglorification, alors que le revers de leur faiblesse (pour les militaires) est que cette faiblesse, conditionnée par un calendrier de fin de règne, signifie également qu’ils n’ont plus grand’chose à perdre dans cette aventure du strict point de vue de la politique elle-même.

Bref, le spectacle est évidemment pitoyable, exactement dans cette mesure où l’on sait, dans l ‘état des choses et la situation courante, qu’il ne peut être que pitoyable après tout. Les militaires sont très durs et presqu’anticonstitutionnels parce qu’ils ont en face d’eux une mollesse et une dissolution en pleine activité. Les Kerry-Obama reculent parce que c’est dans leurs habitudes et qu’ils n’ont plus rien à gagner du fait que le temps leur est compté ; ils seront prêts à reculer sans doute jusqu’à ce qu’ils réalisent que le “ils n’ont plus rien à gagner” peut également se décliner comme “ils n’ont plus rien à perdre”... Pour notre compte, nous estimons qu’il n’y a pas grand’chose à attendre de cette bataille d’aveugles dans un tunnel, ce qui est une façon comme une autre de décrire le pouvoir aujourd’hui à Washington. Le désordre est total, jusqu’à l’hyperdésordre, donc partout règnent l’impuissance et la paralysie.

Quant aux supputations de WSWS.org sur les réticences des militaires US à partager leurs innombrables petits secrets de procédure avec les Russes, il s’agit là d’une évidence qui ne prouve pas nécessairement la préparation d’une attaque imminente. Les militaires US procèdent de même avec leurs plus fidèles alliés, y compris les Britanniques dans les campagnes militaires, qui en sont réduits au rang d’exécutants aveugles. (Nous rappellerons l’anecdote plaisante venue d’une haute autorité militaire française à propos d’une rencontre des trois chefs du renseignement militaire d’Allemagne, de France et de UK lors de la guerre du Kosovo de 1999, avec le Britannique paradant avantageusement en affirmant qu’il en savait beaucoup grâce à ses liens “privilégiés” avec les USA, mais qu’il ne pouvait rien dire ; jusqu’à ce que les Français, qui jouait alors en indépendant, – temps heureux où la France existait encore, – s’aperçoive dans la discussion, selon ce qu’il en savait grâce à ses propres moyens nationaux, que le Britannique, bien au contraire, n’était au courant de rien au nom de ses liens “privilégiés” avec les USA et que lui, le Français, en savait beaucoup plus, notamment sur les activités des forces US, et particulièrement les vols ultrasecrets des B-2 dont les Britanniques ignoraient tout.)

... Bref et pour couper court, nous dirions que l'on n'attend plus, à Washington, que la venue d'un Trump président, lui qui entend faire valser les généraux.

dedefensa.org

Note

(*) Il est à noter que le texte de WSWS.org, que nous reprenons ci-dessous dans sa version française, a été repris intégralement par Russia Insider le 15 septembre, naturellement dans sa version anglaise. Nous signalons la chose parce que WSWS.org a une attitude bien connue, austère et extrêmement caparaçonnée dans son idéologie trotskiste, et donc ce site plus que méfiant, sinon hostile à établir des liens même de simple manipulation courante dans le monde des réseaux, avec d’autres sites, notamment ceux qui sont à haute visibilité et en anglais bien entendu, qui sont nettement de tendances politiques très différentes même s’ils sont objectivement antiSystème, – cas de Russia Insider, bien entendu. Il s’agit donc d’une entorse à une tradition bien établie qui est peut-être un signe du renforcement ponctuel des collaborations antiSystème, – à moins que RI ait agi sans aucune consultation de WSWS.org, ce qui laisse alors ouvertes toutes les possibilités de réactions et d’interprétations. Quant à dedefensa.org, qui a déjà repris des textes de WSWS.org, évoluant en français avec au cœur un penchant pour une vision suprahumaine des choses, il a jusqu’ici échappé à la vindicte possible de WSWS.org, si WSWS.org s’est aperçu de quelque chose...

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Le Pentagone défie ouvertement le cessez-le-feu USA-Russie en Syrie

Pendant que Washington et Moscou convenaient mercredi de prolonger un accord de cessez-le-feu durant encore 48 heures, les déclarations des [dirigeants] civiles et [militaires] du Pentagone ont soulevé des [réserves] sérieuses quant à savoir si les haut-gradés de l’armée américaine sont prêts à se conformer à l’accord. Derrière ces divisions il y a non seulement des préférences tactiques divergentes pour la poursuite des intérêts impérialistes américains en Syrie, mais aussi des [préoccupations] beaucoup plus graves au sujet des tensions militaires croissantes entre les États-Unis et la Russie elle-même.

L’accord de trêve, qui est entré en vigueur lundi, fut négocié entre le ministre américain des affaires étrangères John Kerry et le russe Sergueï Lavrov lors de pourparlers prolongés à Genève à la fin de la semaine dernière. Il appelle à un cessez-le-feu de sept jours, à être renouvelé toutes les 48 heures dans la mesure où il y a une cessation des violences. Après cela, les forces américaines et russes commenceraient à coordonner leurs opérations en Syrie, mettant en place un “centre conjoint de mise en œuvre” et le partage des renseignements de ciblage pour les frappes contre à la fois l’État islamique (ÉI) et le Front al-Nusra, affilié d’Al-Qaïda en Syrie, qui s’est récemment rebaptisé Jabhat Fatah al-Sham, ou Front pour la Conquête de la Syrie.

L’accord a ravivé les vives tensions au sein du gouvernement Obama au sujet de la guerre par procuration de l’impérialisme américain pour le changement de régime en Syrie. Ces divisions [avaient] violemment fait surface précédemment [lorsque] le président Barack Obama n’a[vait] pas utilisé une plus grande puissance militaire pour faire respecter sa demande que le président Bachar al-Assad quitte le pouvoir et, en particulier, en septembre 2013, après que les États-Unis avaient reculé après leur menace de mener un assaut Shock-and-Awe” (choc et effroi) sur Damas avec comme prétexte la fausse accusation selon laquelle le gouvernement Assad aurait utilisé des armes chimiques contre des civils. Washington préféra accepter un accord négocié par la Russie pour le désarmement chimique de la Syrie.

Plus récemment, quelque 50 fonctionnaires du ministère des affaires étrangères ont [diffusé] une note de dissidence interne en juin, demandant que les États-Unis lancent des frappes aériennes contre le gouvernement syrien, prétendument comme moyen de mettre un terme à l’effusion de sang des cinq ans de guerre que Washington lui-même a provoqués pour obtenir un changement de régime. Les désaccords actuels sont beaucoup plus inquiétants, cependant, [parce qu’ils] opposent les commandants militaires d’active américains à la politique du gouvernement, ce qui pose implicitement un défi au principe constitutionnel du contrôle civil de l’armée.

Selon un rapport publié mercredi dans le New York Times, le secrétaire américain à la Défense Ashton Carter a été le premier à exprimer l’opposition de l’armée la semaine dernière lors d’une conférence téléphonique dans laquelle Kerry préconisait l’acceptation de l’accord avec la Russie. Kerry « s’est [senti] de plus en plus frustré » au fur et mesure que le débat se prolongeait pendant des heures avant qu’Obama n’approuve finalement l’accord, a rapporté le Times. Même après que l’administration ait décidé de cette politique, les commandants supérieurs en uniforme ont ouvertement exprimé des réserves, sinon une opposition catégorique.

Interrogé dans une téléconférence de presse [sur le fait de savoir] si les militaires se conformeraient aux termes de l’accord et partageraient des renseignements avec les Russes après la fin de la trêve de sept jours, le lieutenant général Jeffrey Harrigian, le commandant du Commandement central des forces aériennes des États-Unis, qui dirige la campagne de bombardements en Irak et en Syrie, a répondu : « Je pense que… il serait prématuré de dire que nous allons sauter en plein dedans. Et je ne dis pas oui ou non. La décision de l’armée va dépendre de ce que le plan sera finalement », a-t-il indiqué. Harrigian a dit des Russes, « Je ne vais pas dire que je leur fais confiance ».

Cette position a été soutenue par le général Philip Breedlove, qui a quitté le poste de Commandant suprême des forces alliées de l’OTAN en mars dernier seulement. « Je reste sceptique sur quoi que ce soit à voir avec les Russes », a-t-il déclaré au Times dans un entretien. « Il y a beaucoup de préoccupations au sujet de ce que nous ferons là où nos gens se trouvent ».

Par “nos gens”, Breedlove faisait apparemment référence aux diverses milices islamistes que Washington, en collaboration avec ses alliés régionaux, l’Arabie Saoudite, la Turquie et le Qatar, a payées et armées. L’une des principales pierres d’achoppement de l’accord de cessez-le-feu est que les États-Unis sont censés faire en sorte que leurs forces par procuration se séparent des forces d’Al-Qaïda avec lesquelles elles sont alliées et desquelles, dans de nombreux cas, elles sont indiscernables.

Le ministère russe des Affaires étrangères a rapporté que dans une conversation téléphonique avec Kerry mercredi, Lavrov « a souligné que Washington devrait tenir sa promesse d’écarter les groupes de ‘l’opposition modérés’ des groupes de l’ancien Front al Nosra et d’autres qui ont littéralement fusionné avec celui-ci ». Ces forces par procuration ont exprimé leur opposition à une telle séparation et il est loin d’être [assuré] qu’[elles] puissent survivre sans être intégrées aux milices d’al-Qaïda, qui constituent l’épine dorsale des soi-disant “rebelles”.

Ces déclarations ont été suivies mercredi d’un discours prononcé à l’Institut pour l’étude de la guerre à Washington par un général de l’US Army, Joseph Votel, le commandant du Commandement central des États-Unis, qui a exprimé des réserves similaires au sujet de l’accord de cessez-le-feu syrien. « Nous devons voir comment cela va se présenter d’abord […] voir la direction que ça va prendre […] si oui ou non cela se matérialisera effectivement, je ne sais pas », a-t-il déclaré. Votel a ajouté : « Il y a un déficit de confiance avec les Russes. Leurs objectifs ne sont pas clairs pour nous. Ils disent une chose et puis ils ne s’y conforment pas forcément. »

Des sentiments similaires ont été exprimés la veille dans un discours prononcé devant le Conseil de l’Atlantique par le sous-secrétaire de la Défense pour le renseignement Marcel Lettre, qui a [pastiché] la traduction anglaise du proverbe russe répété sans cesse par Ronald Reagan au cours des négociations avec l’Union soviétique dans les années 1980 sur les traités d’armes nucléaires. « Méfiance mais vérification, a déclaré Lettre, cela peut s’appliquer un petit peu dans ce cas ». Il a convenu que les « services de renseignement et le ministère de la Défense soutiennent fortement le nouvel accord » tant que « les étapes se déroulent selon notre façon de voir les choses ».

En réponse à ce roulement des tambours d’opposition militaire, Kerry a prononcé une modeste défense de l’accord qu’il a négocié dans un entretien avec la National Public Radio mercredi insistant pour dire qu’Obama soutient l’accord et est prêt à le mettre en œuvre. « Eh bien, le président des États-Unis est prêt et je pense que l’armée sera donc prête », a-t-il dit. « Personne ne demande aux gens [de transgresser] nos principes, mais il est important pour nous de respecter notre engagement dans l’accord ». Le [secrétaire d’État] « pense » que le Pentagone est prêt à se conformer à un accord approuvé par le président américain, tout en soulignant qu’il ne demande pas aux [chefs] militaires d’« abandonner leurs normes ». Les remarques de Kerry expriment les relations réelles au sein de l’appareil d’État américain, l’influence prépondérante de l’immense appareil militaire et de renseignement et sa capacité à exercer de fait un droit de veto sur les responsables civils élus du pays.

[L’opposition] entre Kerry et les militaires est lié[e] aux priorités contradictoires dans la poursuite par les États-Unis de leur politique impérialiste à l’échelle mondiale. Le soutien de Kerry et d’autres pour le cessez-le-feu n’est motivé par aucun souci humanitaire pour l’effusion de sang en Syrie, mais par leur désir d’utiliser la collaboration avec la Russie comme un moyen de sauver au moins une partie des forces par procuration qu’ils ont soutenues, lesquelles sont au bord d’une déroute complète [face] aux forces gouvernementales soutenues par la Russie. [Kerry & Cie] espèrent pouvoir employer une combinaison de diplomatie et de menaces militaires pour faire pression sur Moscou de sorte qu[e la Russie] se résigne à quelque chose qui ressemblerait au changement de régime que Washington a recherché avec son intervention sanglante en Syrie au cours des cinq dernières années.

Pour leur part, les [orientations centrales] du commandement militaire américain se concentrent de plus en plus sur les préparatifs d’un conflit militaire direct avec la Russie. Des réserves concrètes ont été soulevées quant aux partage des informations permettant de viser des cibles de l’État islamique et du Front al Nosra – en dehors du fait que ce sont les principaux combattants soutenus par les États-Unis pour renverser le régime – car cela pourrait fournir à la Russie des renseignements sur les protocoles militaires des États-Unis que Moscou pourrait utiliser pour se défendre contre des frappes aériennes en Russie ou dans son voisinage proche.

Dans des conditions où les États-Unis renforcent leurs forces depuis l’Europe orientale et les anciens États baltes jusqu’à la mer Noire dans un encerclement de la Russie de plus en plus agressif, [cette tendance] est devenue une préoccupation majeure. L’hystérie antirusse générée par les médias capitalistes américains – avec en tête le New York Times – au sujet d’une implication supposée du Kremlin dans le piratage du Parti démocrate et d’allégations que Donald Trump serait manipulé par Poutine est entièrement liée à ces préparatifs de guerre.

L’émergence de divisions entre l’armée et le gouvernement Obama sur l’accord convenu avec Moscou sur la Syrie constitue un avertissement urgent que le risque de guerres encore plus sanglantes, et même d’une conflagration nucléaire, ne cesse de croître.

Bill Van Auken, WSWS.org

mardi, 13 septembre 2016

The Importance of Solzhenitsyn: Tom Sunic Interviews F. Roger Devlin

The Importance of Solzhenitsyn: Tom Sunic Interviews F. Roger Devlin

Réflexions sur Dostoïevski et le renouveau spirituel de la Russie

Réflexions sur Dostoïevski et le renouveau spirituel de la Russie

Avec Yvan Blot

L’âme russe a des traits particuliers qui lui donnent une forte spécificité, et des ressources qui lui permettent aujourd'hui de renaître, après un XXe siècle où le communisme soviétique, matérialiste et athée, a régné en maître. Ayant fini par rejeter le marxisme d’origine occidentale, la Russie connaît aujourd’hui un renouveau religieux conforme à sa longue histoire.
Ce pays de résistants patriotes et de mystiques assume sa destinée historique de créer un pont eurasiatique vers l’Est tout en appartenant pleinement à l’ensemble européen, par sa langue, sa culture et sa religion.

Réflexion sur un renouveau lié à la défense des valeurs traditionnelles, et se déployant dans une aire culturelle qui nous est proche.

Emission "Le florilège des arts", menée par Jean-Bernard Cahours d'Aspry.

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dimanche, 11 septembre 2016

«Le nouveau Moyen Âge»: Nicolas Berdiaev dans les pas de Joseph de Maistre

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«Le nouveau Moyen Âge»: Nicolas Berdiaev dans les pas de Joseph de Maistre

Si l’influence de Dostoïevski sur la pensée de Berdiaev est connue, celle de Joseph de Maistre l’est un peu moins. Pourtant, l’apport du Savoyard sur le travail du philosophe russe est considérable dès lors qu’il s’agit de penser le phénomène révolutionnaire. En effet, Berdiaev reprend à son compte les conclusions formulées dans les Considérations sur la France : les révolutions sont par essence sataniques et providentielles.

NB-1.jpgLe Nouveau Moyen Âge de Nicolas Berdiaev est à la Révolution russe ce que les Considérations sur le France de Joseph de Maistre sont à la Révolution de 1789. Les deux hommes partagent une même lecture théologique et providentialiste des événements historiques. Et Berdiaev n’hésite pas à rappeler tout ce qu’il doit au Savoyard. « Joseph de Maistre et le mouvement romantique du début du XIXe siècle fut une réaction contre la Révolution française et les lumières du XVIIIe siècle, mais c’était un mouvement créateur en avant qui a fécondé toute la pensée du siècle suivant », écrit-il.

Si la pensée de Maistre est réactive, elle n’est pas à proprement parler « réactionnaire ». Berdiaev dénonce d’ailleurs le caractère spécieux de certaines étiquettes politiques : « Essayez d’appliquer aux époques de l’histoire universelle vos critères de la réaction ou de la révolution, de la droite ou de la gauche. Alors apparaissent tout le ridicule de ces critères, tout le provincialisme pitoyable de la pensée qui s’infiltre dans ces catégories. » Comme l’auteur des Soirées de Saint Pétersbourg, il sait que le nouveau Moyen Âge ne pourra être un retour en arrière car il a conscience du caractère tragique et irréversible de l’Histoire.

Après la Révolution d’octobre, Berdiaev renverse la perspective en affirmant que la volonté de conservation de l’idéal des Lumières en décomposition constitue le véritable visage de la réaction. Le monde d’hier, celui qui se meurt et vers lequel il ne peut y avoir de retour, c’est celui de l’histoire moderne. La Révolution française, elle-même héritière de l’Humanisme de la Renaissance, entérinait le déclin du Moyen Âge, organisé de manière théocratique et aristocratique. La Révolution de 1917 marque la fin des principes philosophiques qui se sont imposés au XVIIe puis au XVIIIe siècle.  « L’ancien monde qui s’effondre […] est aussi le monde de l’histoire moderne avec ses lumières rationalistes, avec son individualisme et son humanisme, avec son libéralisme et son démocratisme, avec ses brillantes monarchies nationales et sa politique impérialiste, avec son monstrueux système d’économie industriel capitaliste, avec sa puissante technologie, ses conquêtes et ses succès extérieurs, avec sa concupiscence sans retenue et effrénée de la vie, avec son athéisme et son apathie, avec sa lutte furieuse des classes et avec le socialisme comme couronnement de toute la voie de l’histoire moderne », martèle Berdiaev.

Le communisme est le signe de l’échec des valeurs du monde moderne

NB-2.jpgBerdiaev, comme Maistre, pense la révolution sur le modèle du châtiment et de la purification. Mais la Russie possède un statut particulier et son destin historique n’est pas analogue à celui de la France. « La Russie n’est jamais définitivement sortie du Moyen Âge, de l’époque sacrale, et elle est en quelque sorte presqu’imméditament passée des restes de l’ancien Moyen Âge, de l’ancienne théocratie, au nouveau Moyen Âge, à la nouvelle satanocratie », précise l’écrivain. La Russie a connu une modernisation partielle et tardive avec Pierre le Grand qui accéda au trône en 1682. Son régime politique est resté aristocratique jusqu’à la Révolution de 1917 et la société est demeurée structurellement inégalitaire jusqu’à l’abolition du servage en 1861. La Russie n’a pas connu de grands mouvements d’émancipation philosophique et individuelle comparables à ceux qui eurent lieu en France ou en Angleterre. La bourgeoisie, et l’idéologie qui l’accompagne, ne s’est pas imposée en tant que classe dominante comme ce fut le cas à l’ouest du Vieux Continent. En d’autres termes, la sécularisation de la société russe n’a pas eu lieu et le matérialisme qui est la matrice conceptuelle du communisme est tout imprégné de sacré. Pour Berdiaev, le monde moderne a enfanté deux monstres : le capitalisme et le communisme. Si le premier a pour volonté d’affaiblir le spirituel en l’homme par la négation, le second poursuit le même dessein mais sur le mode de l’inversion. « Le communisme […] annule le principe autonome et séculier de l’histoire moderne, il exige une société “sacrale”, une culture “sacrale”, la soumission de tous les aspects de la vie à la religion du diable, à la religion de l’Antéchrist », souligne l’auteur de L’Esprit de Dostoïevski.

NB-3.gifAux yeux de Berdiaev, le communisme est le signe de l’échec des valeurs du monde moderne. C’est tout particulièrement l’individualisme qui est mis en cause car il a montré toute la vacuité d’un concept de liberté anthropocentrique. « Il est impossible de libérer l’homme au nom de la liberté de l’homme, l’homme lui-même ne peut-être le but de l’homme », assure le philosophe. Or le communisme a un mérite incontestable : il réunit les hommes. Et pour Berdaiev « la Vérité est réunion et non désunion et démarcation ». De même, le bolchévisme se caractérise par son rejet virulent de la démocratie « liée à la suprématie de la couche bourgeoise » et « au système capitaliste industriel ». Pour reprendre l’analogie avec Maistre, la Révolution russe est donc un Mal – elle est à proprement parler satanique – mais elle est également providentielle dans la mesure où elle permet l’avènement du nouveau Moyen Âge, bien qu’elle n’en soit pour l’instant que son expression négative.

Le nouveau Moyen Âge éclairé, celui que Berdiaev appelle de ses vœux, renversera les valeurs qui avaient fondé le monde moderne. À l’individualisme, il substituera la communion des hommes ; au matérialisme, il substituera l’amour pour les choses de l’esprit ; au rationalisme, il substituera la théosophie et le retour aux sciences occultes ainsi qu’à la magie ; à la démocratie, il substituera la monarchie. Le progrès sera quant à lui regardé comme une idole dangereuse, comme le Dieu illégitime d’une époque révolue.

Erdogan ou Janus, le dieu aux deux visages

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Erdogan ou Janus, le dieu aux deux visages

par Jean-Paul Baquiast

Ex: http://www.europesolidaire.eu

Apparemment Moscou attendait beaucoup d'un rapprochement avec Erdogan. Comme nous l'avions montré dans des articles précédents, Poutine espérait détacher la Turquie de l'Otan et de l'influence américaine, ceci au profit d'une nouvelle alliance Syrie, Turquie et Iran soutenant la présence russe en Syrie. Nous mêmes ici y avions cru, parlant naïvement d'un recul peut-être décisif de l'influence américaine au Moyen-Orient, tout au moins dans la partie chiite.
 
Mais il semble aujourd'hui que Erdogan, plus sultan que jamais, soit en train  selon l'expression familière, de rouler tout le monde dans la farine, Moscou, Ankara, Damas et sans doute aussi Washington. Il a obtenu d'eux qu'il laisse faire l'offensive turque à Jarabius en Syrie et au delà. Or, loin de s'en prendre à Daesh, comme initialement affirmé, cette offensive elle dirigée essentiellement contre les Kurdes, eux-mèmes adversaires déclarés de Daesh. Bien plus, elle vise la mise en place le long de la frontière turco-syrienne d'une zone d'exclusion, aérienne mais aussi terrestre, qui serait interdite aux Kurdes et aux soutiens qu'ils pourraient recevoir d'autres pays.

On ne voit pas aujourd'hui ce que gagne la Russie en fermant les yeux sur cette offensive turque, sinon s'attirer l'hostilité, non seulement des kurdes eux-mêmes mais de tous ceux, notamment en Europe, pour qui les revendications kurdes à l'autonomie représentent un facteur d'équilibre au Moyen-Orient et un élément important de la lutte contre l'islamisme radical.

Après avoir rencontré brièvement Poutine au G20 à Hangzou, Erdogan a longuement discuté avec Obama de la possibilité d'une opération militaire conjointe visant à libérer Raqqa, dans le nord de la Syrie, de la présence de l'Etat islamique. La démarche ne serait pas critiquable en soi, sauf qu'elle est manifestement dirigée contre l'Iran et la Russie. Elle vise sinon à éliminer, du moins sensiblement atténuer leur présence militaire dans la région. Comme la nature a horreur du vide, ce seraient les Etats-Unis et leurs alliés, notamment l'Arabie saoudite, qui assureraient la relève. Dans le même temps, Erdogan confirmerait, aux yeux du monde entier, y compris de l'Europe, le caractère incontournable de son influence au Moyen Orient et même auprès des Etats du Caucase.

Les Russes devraient dans ces conditions mieux tenir compte des avertissements de Téhéran leur conseillant de rester prudents avec Erdogan. Les Iraniens, d'après ce que l'on sait, avaient averti Moscou du fait que Erdogan, maître du double jeu, avait certainement un agenda (selon le mot à la mode) qu'il cachait de Poutine. Dans celui-ci figure la volonté de rester actif à l'Otan, ce qu'a confirmé la toute récente visite à Ankara du secrétaire général de celle, Jens Stoltenberg. Le ministre des affaires étrangères saoudien Adel al-Jubeir doit se rendre également à Ankara. L'un et l'autre veulent, selon les informations, négocier avec la Turquie un nouveau plan pour chasser Bashar al Assad. Dans le même temps, il semblerait que la Turquie, se prévalant de ses bonnes intentions occidentales, se prépare à relancer son entrée dans l'Union européenne et dans l'immédiat, l'obtention de visas pour les voyageurs turcs.

De l'observation des experts militaires, Moscou et Damas n'ont plus d'autres choix que chasser définitivement Daesh d'Alep, quelles que soient les pertes collatérales. Sans cela, ce sera la Turquie qui prétendra faire le travail, pour le meilleur bénéfice de son allié renouvelé, l'Amérique – sans pour autant renoncer aux aides diverses qu'elle a toujours prodigué, non sans contreparties financières, à ce même Daesh. 

samedi, 10 septembre 2016

Europe, mondialisation et «grands récits géopolitiques»

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Europe, mondialisation et «grands récits géopolitiques»

par J.C. Empereur

Ex: http://www.breizh-info.com

Haut fonctionnaire honoraire, co-fondateur de la Convention pour l’Indépendance de l’Europe, Jean-Claude Empereur a bien voulu autoriser Breizh-info à reprendre cet  article paru dans la dernière livraison de la Revue politique et parlementaire(avril-juin 2016),consacrée à » l’Europe dans la tourmente » . Une réflexion fondamentale sur l’avenir de l’Europe à l’heure de la mondialisation. 

Longtemps, pour les « Occidentaux », le concept de mondialisation fut associé à l’idée d’une hiérarchie des puissances.

Il semblait naturel que cette hiérarchie se maintienne pour des décennies. En témoigne cette idée que des Etats-continents tels que l’Inde ou la Chine ne pouvaient être que des suiveurs voire des supplétifs destinés à accompagner le développement économique et industriel de l’Occident. Leur destin ne pouvait être que « l’outsourcing » ou la « sous-traitance »  leur horizon se transformer, pour les uns en « bureau  du monde » et pour  les autres en « atelier du monde », en aucun cas de laboratoire ou de financier de la planète, ce qu’ils sont pourtant  en train de devenir.

Ces nouveaux arrivants dans l’économie mondiale ne pouvaient que se rallier docilement à cette vision apparemment rationnelle et rassurante de la mondialisation heureuse ou chacun allait pouvoir prendre sa place dans une sorte de logique chère aux théoriciens du management, celle de la chaîne de valeur globalisée  et  du « juste à temps ».

Les occidentaux étaient tombés sans s’en rendre compte dans le double piège de Ricardo et de Colin Clark, la théorie des avantages comparatifs établirait au plan mondial une sorte de principe de subsidiarité économique tandis que celle des trois secteurs, primaire, secondaire et tertiaire assurerait aux pays les plus développés la maitrise des domaines technologiquement les plus innovants , garantissant ainsi au monde une stabilité définitive et la « fin de l’histoire ».

Lisse comme une boule de billard, la sphère planétaire mondialisée et globalisée, sans cesse  polie à la double idéologie du doux commerce et des droits de l’homme, s’acheminerait sans heurts vers la paix et la prospérité.

DE LA MONDIALISATION HEUREUSE A LA MONDIALISATION RUGUEUSE

Cette vision irénique d’une mondialisation commandée par l’économie, unifiée et pacifiée par les seules forces du marché a cédé la place à celle plus agressive d’une compétition multipolaire exacerbée dans tous les domaines : économiques, technologiques, culturels et militaires entre Etats–continents animés par des visions géopolitiques qui projettent leurs ambitions bien au-delà de préoccupations purement économiques ou mercantiles.

C’est ainsi que depuis quelques années, sous l’impulsion des principaux acteurs mondiaux apparaissent, de « Grands récits géopolitiques » : Projet pour un Nouveau Siècle Américain et Grand marché Transatlantique, Route et Ceinture Maritime de la Soie, Union Eurasiatique, BRICS etc.

Plus que le concept de « fin de l’histoire », imprudemment forgé par Francis Fukuyama à la suite de la disparition de l’Union soviétique, c’est  le concept géologique de « tectonique des plaques » continentales et sa vision d’entrechoquements et de chevauchements telluriques qu’évoque la nouvelle géopolitique mondiale.

Ces « Grands récits » mobilisateurs, américains, chinois, russes, indiens, sont le résultat d’une volonté de projection dans les grands espaces et le temps long, en même temps que  d’une maîtrise accélérée de l’ensemble des technologies d’avant-garde, principal moteur de l’histoire.

Ces espaces géoéconomiques, innervés et structurés par des réseaux numériques, logistiques et financiers, sans cesse plus intégrés et ramifiés, défendus par des moyens militaires toujours plus puissants, façonnent un nouveau monde  que l’on pourrait qualifier d’ hyper-westphalien.

LE VISAGE NOUVEAU DE LA MONDIALISATION : LA CONFRONTATION DE GRANDS RECITS GEOPOLITIQUES

Le Grand récit géopolitique se caractérise par une double projection :

  • Dans le temps long
  • Sur les grands espaces

Il mobilise des masses importantes de population, parfois très diverses, dans une perspective conquérante ou défensive, l’unité de compte étant le plus souvent le milliard d’individus : jusqu’à 40 % de la population mondiale.

Il s’appuie sur une organisation multinationale ou sur un système d’alliances  entrelacées, souvent préexistantes, qui intègrent une dimension stratégique affichée: OTAN, Organisation de coopération de Shanghai, BRICS.

Il se dote d’institutions financières puissantes à fort potentiel de développement, parfois  destinées à faire pièce aux institutions existantes. Banque des BRICS, Asian Investment Infrastructure Bank.

Il projette de structurer son territoire par la mise en place d’infrastructures de transport  multimodales, ou de  communication de dimension planétaire voire spatiales.

Il fait jouer à plein la multiplicateur puissance démographique/capacité d’innovation technologique, ampleur territoriale/accès aux matières premières, profondeur stratégique/sécurité.

La finalité de ces Grands récits, est, soit dans le cas des Etats–Unis de maintenir leur hégémonie, soit pour l’ensemble des autres de contester celle-ci, voire, à terme, de la supplanter.

La conception de ces Grands récits est souvent le fruit d’un mélange de volonté gouvernementale, d’influence de lobbys  ou de forces politiques organisées mais aussi de think tanks plus ou moins indépendants et de médias influents.

La construction des Grands récits se fait par complémentarité économique, le plus souvent par contiguïté territoriale ou convergence d’intérêts géopolitiques et non par contrainte et conquête. Elle est beaucoup plus géoéconomique qu’idéologique.

Leur volonté mobilisatrice, tant de l’opinion que de la société civile, des milieux politico-médiatiques, industriels et bien entendu de défense est manifeste. Les masses qu’ils animent, les outils de transformation du monde auxquels ils font appel sont le moteur de cette géopolitique des « plaques continentales » qu’ils mettent délibérément en mouvement. (cf. interview de Maria Zakharova, porte-parole du ministère russe des affaires étrangères, RT 21/O2/2016).

La confrontation planétaire de ces Grands récits s’inscrit dans un monde hyper-westphalien qui n’est plus tout à fait celui de Metternich ou de Kissinger mais qui  doit néanmoins s’inspirer de leurs méthodes de résolution des conflits.

LA NOUVELLE GÉOPOLITIQUE DES GRANDS RÉCITS

Etats-Unis, Russie, Chine, Inde, Brésil, État islamique, etc.,  forgent leurs Grands récits à l’image de leur vision du monde, de leurs ambitions, de leurs craintes  mais aussi pour certains de leurs frustrations ou de leurs ressentiments.

Les Européens, dépourvus de toute vision géopolitique, semblent laisser à d’autres le soin d’écrire leur Grand récit. Pour combien de temps encore ?

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Etats-Unis. Du « Project for a New American Century » au « TAFTA » : l’hégémonie sans partage

Lorsque Madeleine Albright qualifia les Etats-Unis de « Nation indispensable » elle se référait explicitement au concept de « Manifest destiny » apparu dès 1845 sous la plume du journaliste  John O’Sullivan à l’occasion de l’annexion du Texas. C’est dans cette perspective que les néoconservateurs élaborèrent, sous la présidence de G. W. Bush, grâce à de puissants et très influents think tanks, le « Project for a New American Century » (PNAC),Grand récit très élaboré visant à la domination du monde, qui orienta  et, de fait, oriente  toujours la diplomatie américaine qu’elle soit républicaine ou démocrate.

L’administration Obama s’inspira, en effet, sans trop le dire, de cette conception dominatrice, reprenant à son compte le principe intangible et non négociable de « full spectrum dominance » emprunté au vocabulaire stratégique mais parfaitement adapté à la vision géopolitique américaine du monde telle qu’elle a été formulée depuis par John Halford Mackinder et Nicholas Spykman.

Le projet de Traité de Grand marché transatlantique (TAFTA)  négocié, dans la plus grande opacité par une Union Européenne en état de sidération géopolitique, n’a d’autre objet que d’étendre cette stratégie  de domination  à l’Europe en l’arraisonnant grâce à un système de normes techniques et juridiques irréversibles.

Chine. « La route et la ceinture maritime de la soie » : le recentrage de l’Empire du milieu

Ce projet lancé en 2014 par le président Xi Jinping, se concentre sur la connectivité et la coopération entre des pays principalement situés  en Eurasie et se compose de deux éléments principaux, l’un terrestre, la “CeintureEconomique de la Route de la Soie” et l’autre maritime, la “Route Maritime dela Soie”.Parmi les propositions phares de cette initiative soutenue par l’Organisation de Coopération de Shanghai on retrouve des projets d’infrastructures (dont une ligne de trains à grande vitesse reliant directement Pékin à Moscou, voire à Berlin) ainsi qu’une banque l’AIIB (Asian Infrastructure Investment Bank),qui s’annonce comme un concurrent direct de la Banque Mondiale sous leadership américain. Par son ampleur, ses multiples dimensions, le nombre de partenaires engagés, sa projection temporelle (le XXI ème siècle) la complémentarité qu’il affiche entre développement territorial et stratégie financière, le projet« One belt one road », qui concerne  près de 40% de la population mondiale,comporte tous les éléments d’un Grand récit géopolitique planétaire et séculaire.

Russie. L’Union économique eurasiatique : la déception européenne et la tentation asiatique

Créée  en 2014 puis élargie en 2015 cette union, assez proche dans sa conception de l’Union européenne regroupe autour de la Russie, la Biélorussie, l’Arménie, le Kazakhstan et le Kirghizistan.

A terme son potentiel est important mais elle souffre actuellement de difficultés économiques ainsi que des problèmes politiques liés notamment au conflit en Ukraine. Il lui faut trouver aussi le moyen de se coordonner avec le projet précédent initié par la Chine, beaucoup plus ambitieux, qui pourrait  à terme le tenir en lisière.

Ce projet inspiré en partie des doctrines eurasistes en exprime aussi certaines  ambiguïtés géopolitiques.

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« LES BRICS » : le contre-endiguement

Cet acronyme inventé naguère, ironie de l’histoire, par un dirigeant de Goldman Sachs associe les noms de cinq pays : Brésil, Russie Indes, Chine, Afrique du Sud. Cet ensemble rassemble 40 % de la population du monde et près de 30% de son PIB.

A la différence des projets précédents il ne dispose pas de la continuité territoriale mais, comme eux, il met l’accent, néanmoins, sur la mise en place d’institutions financières indépendantes (banque des BRICS) et la création d’infrastructures  de télécommunication notamment (organisation d’une architecture Internet indépendante et sécurisée).

Destiné à s’élargir, le projet des BRICS constitue un  Grand récit atypique par ses origines, son évolution, ses territoires. Il est sans doute celui qui suscite la plus grande inquiétude aux Etats-Unis, notamment du fait de la présence du Brésil en son sein, ceci  en totale opposition avec la doctrine de Monroe, mais aussi  à cause des perspectives d’association de l’Iran  qui pourraient, à terme, être envisagées.

Il suffit de regarder une carte pour s’en convaincre, les BRICS obéissent à une logique de « contre-endiguement » par rapport aux stratégies américaines  de « containement » du bloc eurasiatique, « pivot géographique du monde » selon la formule de Mackinder.

L’État islamique : l’extension du domaine de la Charia

Il serait imprudent d’un point de vue géopolitique de ne considérer la stratégie de l’État islamique que du simple point de vue du terrorisme.

Cette dimension est, bien entendu, essentielle. Le terrorisme doit être combattu sans relâche avec tous les moyens dont dispose la communauté internationale, mais se limiter à cet aspect des choses et se refuser à voir dans le projet de retour du califat une forme de Grand récit serait une erreur majeure.

Ce Grand récit repose sur le salafisme djihadiste, il vise à la création d’un État totalitaire dans une perspective mondiale, utilisant, pour arriver à ses fins, tout le moyen de la guerre classique, révolutionnaire ou hybride. À ce titre, il jouera un rôle essentiel dans les affrontements géopolitiques du monde à venir.

UN GRAND RÉCIT EUROPÉEN EST-IL ENCORE POSSIBLE ?

Cette nouvelle vision du monde ne semble pas préoccuper les Européens  que l’aveuglement géopolitique, l’angélisme mondialisateur et le réductionnisme gestionnaire a condamné, depuis longtemps, à oublier qu’ils sont eux-mêmes issus d’une série de Grands récits, le dernier en date étant la réconciliation franco-allemande.

Les Européens  n’ont pas encore pris conscience du fait  qu’après avoir été les instigateurs des rivalités de puissance ils en sont devenus les enjeux.

Tous ces Grands récits, qu’on le veuille ou non,  sont tous fondés sur une expression de la souveraineté et sur une vision géopolitique du monde.  Or sur ces deux plans les Européens ont abandonné la partie.

Bien plus, animés par une  consternante phobie de la puissance et de la  souveraineté, ils ont, au fil de ces soixante dernières années, construit une machine à aspirer les souverainetés nationales, sans créer en contrepartie une  souveraineté européenne originale qui serait seule capable d’affronter les bouleversements géopolitiques actuels. Coup sur coup, les crises financières, migratoires, et fondamentalistes ont mis en évidence les faiblesses de ce système et provoqué un reflux sans précédents du sentiment européen.

Ce reflux se trouve encouragé par un discours purement gestionnaire dépourvu de souffle, coercitif et culpabilisant.

Une société à ce point  inconsciente de l’ordre de ses fins et de son destin ne tarde pas à devenir, une société d’indifférence et d’autodestruction.

Inverser le mouvement  suppose la conception d’un Grand récit européen. Sa mise en œuvre, attendue par des opinions en plein désarroi est devenue un impératif de survie. Quelles pourraient  en être les grandes lignes ?

Parmi beaucoup d’autres trois priorités se dégagent :

  • Maîtriser la relation euro-africaine
  • Eviter la séparation continentale de l’Europe et renouer avec le partenariat euro-russe
  • Se désarrimer d’un atlantisme  de soumission

Maîtriser la relation euro-africaine

Il s’agit d’une priorité absolue, commandée par les évolutions démographiques. Les derniers chiffres publiés par l’ONU parlent d’eux-mêmes : 2,4 milliards d’habitants en 2050 et 4,4 en 2100.

On ne pourra s’aveugler encore longtemps sur le fait que le face à face Europe/Afrique consiste à mettre en miroir  les populations parmi  les plus démunies du globe avec les plus riches, les plus fécondes avec les plus stériles, les plus jeunes avec les plus âgées, celles à l’espérance de vie la plus courte avec celles possédant l’espérance la  plus longue.

Fort heureusement l’Afrique s’engage dans une croissance très significative de son économie mais beaucoup reste à faire et  le co-développement Europe –Afrique est une impérieuse nécessité. De ce point de vue, le projet d’Union pour la Méditerranée magnifique programme, préfiguration d’un Grand récit euro-africain  constituait un modèle malheureusement engagé trop tardivement.

Il reste encore sans doute la clef d’une grande communauté euro-africaine dont les fondements restent comme pour tous les grands récits : les infrastructures de transport, l’énergie, le développement durable et bien entendu les financements.

Refuser la séparation continentale de l’Europe

Les géopolitologues Etats-Uniens tels que George Friedman ou Zbigniew Brzezinski prônent le maintien et la consolidation de la séparation entre ce qu’ils appellent l’Europe péninsulaire c’est-à-dire l’Europe occidentale augmentée des anciennes démocraties populaires et l’Europe continentale (Mainland).

La gestion du conflit ukrainien et les avancées de l’OTAN reflètent parfaitement cette tendance obsessionnelle de la diplomatie d’outre atlantique.

Les Européens ne doivent pas tomber dans ce piège .Il est temps de sortir de cette situation et de relancer le partenariat euro-russe dans une perspective d’équilibre entre le monde atlantique océanique et le monde eurasiatique continental et  de recherche de complémentarité et de profondeur stratégique en s’appuyant sur le lien tripartite Paris Berlin Moscou.

Se désarrimer d’un atlantisme de soumission

La crise économique et financière, d’origine anglo-saxonne, aux conséquences géopolitiques de plus en plus évidentes, dans laquelle est plongé le monde, aurait dû être, pour les Européens, l’occasion d’un sursaut d’indépendance et de solidarité et leur permettre une souveraineté qu’aucun des autres acteurs du monde multipolaire n’a jamais songé à abandonner.

C’est l’inverse qui s’est produit, la crise a accru la vassalisation de l’Union Européenne dans des proportions encore jamais connue auparavant.

Le développement d’une économie numérique globale, entièrement sous contrôle américain, la perte de contrôle de fleurons de certaines industries stratégiques notamment françaises, la réactivation de l’OTAN, et la préparation d’un traité de libre-échange ;antichambre d’une future intégration  politique euro-atlantique annoncent une perte définitive d’indépendance et l’impossibilité de définir un Grand  récit européen. Il est temps de se dégager d’un protectorat asservissant pour retrouver ce qui aurait dû rester un partenariat entre égaux.

En se projetant ainsi sur trois fronts : au sud, à l’est et à l’ouest, le Grand récit géopolitique européen fondé sur une quadruple volonté de solidarité, de puissance, d’indépendance et de souveraineté, mais dépourvu de toute volonté hégémonique devrait atteindre un double objectif :

  • Rendre au sentiment européen le souffle qui lui fait défaut depuis qu’une approche purement économique et constructiviste l’a étouffé.La logique des « petits pas » chère aux Pères fondateurs est impuissante face aux grands défis.
  • Restituer à l’Europe la centralité qui fut la sienne au cours des siècles, gage d’équilibre, dans un monde soit disant globalisé mais en réalité redevenu instable et dangereux.

Il faudra pour concevoir, faire accepter et  mettre en œuvre ce Grand récit : une opinion informée et motivée, des élites imaginatives et visionnaires, des dirigeants courageux et déterminés.

Le système européen aux allures d’empire bureaucratique est-il encore capable d’organiser cette triple mobilisation ?

Le temps nous est compté.

Jean-Claude Empereur

lundi, 05 septembre 2016

Russia and Japan: Necessary Rapprochement

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Russia and Japan: Necessary Rapprochement

Ex: http://www.katehon.com

Russian President Vladimir Putin and Japanese Prime Minister Shinzo Abe held talks in the framework of the Eastern Economic Forum in Vladivostok. The meeting precedes the Russian president’s upcoming visit to Japan, where the Japanese prime minister is preparing to meet Russia’s president in the “hereditary” Yamaguchi Prefecture from where he has continually been elected a member of parliament. Speaking at the forum, the Japanese prime minister urged Russia and Japan to seek compromise to solve the South Kuril Islands issue and conclude a peace agreement as soon as possible. 

Russia is ready to compromise with Japan

On the eve of the meeting with the Japanese leader, Vladimir Putin spoke on cooperation with Japan and negotiations on the status of the South Kuril Islands (Iturup, Shikotan, Kunashir and Habomai group of islands).

The president of Russia noted the need for signing a peace treaty with Japan. According to Putin, the issue of “northern territories” so painful for the Japanese side must also be solved in a consistent manner so that none of the parties feel like a loser. The main factor that could render moving forward possible, according to the Russian president, is expanding Russo-Japanese cooperation. The president said that compromise will be reached once the level of mutual trust between Japan and Russia is comparable to that observed between Russia and China. Putin expressed the same point of view in his speech at the forum. 

On the same note, the Russian president hinted that the resolution of border disputes with China, when the latter received a number of territories formerly controlled by the Soviet Union and then Russia, had been possible because China acted as an independent and friendly power for Russia. The real problem facing the resolution of territorial disputes between Japan, in Russia’s view, is Japan’s strategic cooperation with the United States and its de facto occupation by the Americans which has lasted since Japan’s defeat in World War II. Under these conditions, the transfer of the Kuril Islands to Japan would de facto mean transferring them to the US, Russia’s main geopolitical rival. 

US opposition

The Russian president referred to the Declaration of 1956 as a precedent which opened the way to a peace treaty. In 1956, the Soviet Union and Japan signed the Moscow Declaration that officially ended the war between the two countries. According to the document, the Soviet Union agreed to hand over the Shikotan and Habomai islands to Japan following a peace treaty’s conclusion. However, the contract was torpedoed by the US. They threatened not to return Okinawa to Japan and cease funding for the war-torn country if Japan compromise with Moscow. Tokyo thus eventually refused to sign a peace treaty. 

In 1960, after the Treaty on Mutual Cooperation and Security between the United States and Japan was signed, the Soviet Union officially refused to consider the question of territorial concessions to Japan, as this would have led to the expansion of territory used by the main geopolitical enemy of Soviet Russia, the USA.

The Russian side has repeatedly stated its readiness to return to negotiations, starting precisely with this declaration. This in itself is a big concession to the Japanese. Moreover, the principle of “two islands first” in addition to nurturing economic and political relations between the two countries was put forth by Japanese diplomats themselves in the 1990’s. This was done by the so-called “Suzuki Group.” The basis of this group was the lower house deputy Muneo Suzuki and the senior foreign ministry official and expert on Russian foreign relations Masaru Sato. They recognized the need to develop closer relations with Russia. A new approach to territorial issues was worked out, but in 2001 Suzuki became too uncomfortable of a figure for the new leadership of the country, and was removed from power by means of a corruption scandal unleashed in 2002. Sato was arrested a few days before Suzuki on charges of abuse and misse of financial resources of the foreign ministry. 

Nevertheless, de facto, the group strategy and focus on multilateral cooperation between the two countries and the development of personal contact between the heads of states formed the basis for a new Japanese approach to problems with Russia. 

Japanese interests

Over the past several years, Japan has expressed interest in closer ties with Russia. Joining anti-Russian sanctions under US pressure provoked a negative reaction by Japanese businesses interested in cooperating with Russia, including in the defense industry sphere. Prime Minister Shinzo Abe has repeatedly, unofficially expressed interest in meeting with the Russian president despite the negative position of the United States in this respect.

Japan needs Russia from an economic point of view, especially as a transportation corridor to Europe that is alternative to the Chinese "Silk Road", as well as a military and political partner.

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Japan is concerned about the rising military and political power of China and its claim to supremacy in the Pacific. China has in particular put forward territorial claims against the Japan-controlled Senkaku Islands. From the Japanese point of view, the Chinese pretension to leadership in the region is dangerous and unfounded, and Japan is striving to resist such. Russia, as a state which is closely tied to China, can be viewed by the Japanese as a lever of pressure on the Celestial Empire. Russia may also act as an intermediary between the two countries if the need arises. Finally, the diversion of Russia’s resource potential from China to Japan reduces the potential power of China.

Japan also needs Russia to balance its relations with the United States. On the one hand, the government of Shinzo Abe, made up of right-wing conservatives, has passed an agreement on a military alliance with the United States and has adopted a law on collective self-defense expanding military cooperation with the USA and opening the way for increased presence of American troops in Japan. However, on the other hand, under the pretext of "aid to The US”, the Japanese Self-Defense Forces have been empowered and are now turning into a real armed forces threatening imminent review of the 9th article of the pacifist Constitution of Japan. 

In fact, the expansion of cooperation with the Americans is necessary for the current Prime Minister and the Japanese conservatives to implement large-scale domestic reforms where the main goal is changing the Constitution developed by the American occupation administration. 

So far, the Japanese right-wing establishment includes the influential “Nippon Kaigi” organization, involves the majority of Shinzo Abe’s cabinet who remained committed to an alliance with the US. But reforms desired by Japanese conservatives in the long run could put the alliance into question. The Constitution is supposed to be less liberal to address concerns about the spread of liberal values by the American occupants. Before her appointment as defense minister, Tomomi Inada advocated the creation of Japan’s own nuclear forces which would no longer necessitate “protection” by the United States. 

However, this is a case for the future, and the imbalance in the relationship in favor of the US side must be corrected immediately. A multi-vector policy, in principle, would create more space for maneuvering and bargaining even with allies. It is possible to bring forth the historical analogy of the Anglo-Japanese alliance in 1902. Then, for the first time, Japan was closely drawn for 19 years into the sphere of influence of the Atlanticist powers. However, many Japanese politicians consider this treaty to be enslaving and more consistent with the UK’s interests, whose main goal was keeping Russia out of the Pacific. Karl Haushofer recalled: 

“'If the German and Japanese navies cooperate with the Russian land army, then the ocean agreement would cease to be highly biased towards England, and would become an equal contract,’ - such was the position of the far-sighted Japanese, with whom I spoke on this subject, and they obviously held this position much earlier. "

In light of this historical experience, Abe’s shift towards multi-vector policies and counterbalancing the alliance with the US by increasingly close relations with Russia is understandable. The establishment of a ministerial post for economic relations with Russia in his office needs to be understood in this light. While economic cooperation is not so large, some large-scale projects have been announced which are most important as a political signal that Japan should be closer to Russia. 

Russian interests

In geopolitical terms, Japan is the most coveted partner of Russia in the Far East. Despite its insular position, Japan is a classic continental power in terms of cultural values. This paradox was noticed by German geopoliticians in the first half of the 20th century. The leading German geopolitician Karl Haushofer even proposed the idea of a continental bloc along a “Berlin-Moscow-Tokyo” axis. Like China, Japan has serious economic and innovative potential which could contribute to the development of the Russian Far East.  At the same time, it does not pose any danger to the sparsely populated border regions of Russia from a demographic point of view.

After Japan's defeat in World War II the country was transformed into a power dependent on the US. US naval bases were spread on the country’s territories as part of the “Anaconda Belt,” i.e., the zone of American-Controlled states surrounding Russia from all sides. Japan’s escape from American control is thus a geopolitical priority for Russia in the Pacific. 

On the threshold of World War II, the German geopolitician Karl Haushofer on the threshold of World War II, even proposed the idea of ​​a continental bloc along the “Berlin-Moscow-Tokyo" axis. Haushofer correctly pointed out the British and Americans’ efforts to prevent the establishment of a Eurasian geopolitical alliance uniting Europe, Russia, and East Asia, as well as he noted the numerous attempts by the Germans, Russians, and Japanese to create such an alliance. In particular, he recalled the names of Count Witte, Japanese Prince Ito Hirobumi, who was several times prime minister of Japan in the late 19th and early 20th century, and Count Gotō Shinpei, a prominent Japanese statesman and diplomat of the early 20th century.

Conservative Union

A series of actions are now needed at both the level of state agencies and the public level of both countries to move this course forward. From Japan, Russia expects greater autonomy and the realization of economic projects which have been discussed for so long. 

Japan expects more tact in relations from Russia and an understanding of the political situation within the country. The usage of Soviet jingoistic myths and cliches of “Japanese militarism” are not acceptable. The question of amending the Constitution and acquiring a normal armed forces is an internal matter of Japan’s.

The sympathies of experts especially among the older generation of the Japanese left on protecting Article 9 of the Constitution are understandable, but this has little to do with the conservative orientation of today’s Russia. The 2016 elections to the upper house of the Japanese parliament following the adoption of a package of self-defense laws indicate only one thing: Abe’s course is supported by the majority of the population. 

Russia should be be able to understand Japanese conservatives and right-wing monarchists, including members of the influential Nippon Kaigi. And, of course, it should establish contact with them, as well as with the anti-American right-wing such as Issuy-Kai. Although this is a marginal group, it is quite strong and, under the conditions of global perturbations in the decline of US hegemony, the wave of history can raise enough of such forces up.

It should also be understood that among the Japanese right-wing there are many people with views similar to the American neoconservatives, such as the current president of Nippon Kaige, Tadae Takubo. It is unimportant for Russia whether the Japanese love us or not. What is important is that they be freed from US tutelage. 

jeudi, 01 septembre 2016

L’humanisme comme illusion

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« Si l’Europe veut survivre, elle doit réviser de fond en comble son humanisme »

ANTIPRESSE N° 39

L’humanisme comme illusion

Par Slobodan Despot

Si l’Europe veut survivre, elle doit réviser de fond en comble son humanisme. L’humanisme tel que nous le connaissons est une promesse impossible lancée vers l’avenir et les peuples qui la poursuivent laisseront leurs dernières forces au bord du chemin.

En 1704, à Constantinople, un diplomate et voyageur serbe au service de Russie, Savva Vladislavitch, rachète au sultan un otage noir, le fils d’un prince africain capturé aux alentours du Lac Tchad et l’expédie à la cour du Tsar. Pierre le Grand entendait réaliser, avec ce jeune Africain, une expérience inédite : prouver que les Noirs ne sont en rien moins doués pour les arts et les sciences que les Blancs européens.

Le pari réussira au-delà de toute espérance. Baptisé Abram Pétrovitch en 1705, avec Pierre pour parrain, le jeune homme suivra les meilleures écoles. Loin de servir d’ornement exotique comme dans les cours européennes — car il était fashionable, au XVIIIe, d’avoir « son Nègre » —, il deviendra secrétaire du Tsar, polyglotte, ingénieur, officier au service du roi de France et portera dès lors le surnom d’Hanibal. Il sera anobli, accèdera par la suite au grade de major-général, deviendra gouverneur de Tallinn et favorisera, paraît-il, la vocation militaire de celui qui sera le plus grand chef de guerre russe, le général Souvorov.

Sa première femme, une Grecque, le rejette, le trompe, lui donne une fille toute blanche qu’Hanibal reconnaît quand même, et tente avec son amant de l’empoisonner. Il la fait jeter en prison et épouse la fille d’un capitaine suédois, Christina Sjöberg. Parce qu’il n’a pas attendu le divorce et qu’il s’est mis temporairement en bigamie, Hanibal sera mis à l’amende et châtié.

Zakomelski.jpgLe prince africain racheté au Turc par un aventurier serbe et devenu filleul du tsar russe fera dix enfants à la Scandinave tirant ses origines de la noblesse suédoise, norvégienne et danoise. Leur fils aîné Ivan, né hors mariage, fondera la ville de Kherson et accédera en 1898 au titre de général en chef, le deuxième grade le plus élevé de la hiérarchie impériale russe. Leur petite-fille Nadejda fera encore mieux : elle donnera naissance à Alexandre Pouchkine, l’un des plus grands génies littéraires de tous les temps… Pouchkine, dont le huitième de sang africain sera encore bien présent, tant dans sa physionomie que dans son tempérament.

Pourquoi vous raconter cette prodigieuse histoire ? Parce que, très vraisemblablement, personne ne vous l’a jamais racontée et que l’omission est significative. Si vous êtes d’éducation francophone, toute votre instruction repose sur le socle humaniste développé, justement, au cours du XVIIIe siècle européen. Cet héritage universaliste et droitdelhommier imprègne jusqu’au dernier ouvrage scolaire. Il influence même, souvent comme « antimodèle », ceux des écoles libres de tradition catholique.

L’épopée d’Alexandre Pouchkine et de ses ancêtres maternels aurait pu — aurait dû — servir de parabole et de preuve éclatante pour les postulats essentiels de l’humanisme européen. Elle illustre, entre autres choses, l’audace et l’ouverture d’esprit de celui qui fut, avant Gorbatchev, le plus occidental des empereurs de Russie. Or elle a été complètement oubliée à l’ouest, malgré l’amitié du chef de lignée avec les philosophes français: selon son biographe, Voltaire appelait Abram l’« étoile noire des Lumières ». De cette saga familiale qui préfigure le melting pot du XXIe siècle, le public européen n’aura retenu qu’une chose : que le fougueux poète russe Pouchkine fut tué en duel par un officier français, d’Anthès, pour une affaire d’adultère. Qu’il soit l’arrière-petit fils d’un esclave noir devenu noble, général et gouverneur dans l’empire russe à une époque où les Noirs, en Europe, étaient considérés comme des animaux, est un fait qui déborde trop du cadre pour pouvoir être expliqué, et a fortiori assimilé, en Occident.

La France connaît, il est vrai, un exemple comparable : celui du général Thomas Alexandre Dumas (1762–1806), père d’Alexandre Dumas (à croire que les militaires ont la littérature… dans le sang !). Exemple comparable, mais de loin seulement. Le général Dumas arrive deux générations plus tard, d’une colonie française. Il est, déjà, un métis antillais, fils de noble créole. Et, surtout, il doit son ascension à la Révolution, c’est-à-dire à un chamboulement fondamental, et voulu, de l’ordre établi et des valeurs de la société française. L’ascension d’Abram Pétrovitch, Noir de père et de mère et originaire d’un pays totalement inconnu, a pour cadre la société considérée — malgré les innovations superficielles de Pierre le Grand — comme la plus traditionnelle, la plus conservatrice et la moins « humaniste » d’Europe. Si sa carrière a connu des obstacles, ceux-ci n’étaient en tout cas pas, prioritairement, d’ordre « raciste ».

C’est probablement la raison pour laquelle son « cas » n’a pas été retenu par la philosophie des Lumières qui nous a éduqués. Il est arrivé bien trop tôt. Son exemple illumine, par contrecoup, l’arriération de la société européenne de son temps — y compris des élites dites « éclairées ». Les intellectuels du XVIIIe siècle ont-ils jamais réellement, concrètement envisagé l’égalité des races ? Voltaire appréciait sans doute beaucoup l’« étoile noire des Lumières » : il ne s’est pas départi pour autant de ses actions dans la traite des Noirs. Le passage de l’étoile noire dans le ciel des Lumières fut donc recouvert d’un épais voile de pudeur. Un voile que la décolonisation elle-même n’a pas permis de lever.

Cette belle anecdote nous en dit long sur toute une série de certitudes et de valeurs que la société « progressiste » occidentale s’attribue comme des vertus déterminantes. Elle rappelle, en premier lieu, que le racisme en tant qu’idéologie est une invention du scientisme moderne. Elle illustre également le degré d’ignorance dans laquelle est tenue la société occidentale sur la nature et le fonctionnement des sociétés qui lui sont extérieures. Et cette ignorance à son tour fait surgir le grand paradoxe de l’universalisme occidental.

L’Occident est universel ou il n’est pas. Il a pour vocation programmatique d’« ouvrir » les yeux du monde entier sur la « vraie » condition de notre vie sur terre, car il pense en détenir les clefs grâce à son avance scientifique, à sa connaissance des lois objectives de la nature, valables partout et pour tous. Sa mission est d’élever la conscience de l’humanité entière à l’âge adulte. Comme l’a noté le socialiste gnostique Raymond Abellio, l’Occident n’est pas l’Europe, il n’est pas même une géographie : « L’Occident est partout où la conscience devient majeure ». L’Occident est dès l’origine de ses idées, au début de la Renaissance, une civilisation globale. Sa philosophie, l’humanisme, pose en dogme l’égalité (voire l’inexistence) des races et la dignité de tous les êtres humains, quelle que soit leur origine et leur condition. Elle condamne les systèmes de caste et les discriminations de rang, de fortune et de naissance. Elle affirme l’autonomie de l’être humain et de sa destinée vis-à-vis de tout créateur transcendant. Elle est le fondement de la première civilisation scientiste et athée de l’histoire, celle justement où nous avons été élevés.

Mais là est aussi sa limite. La promesse que l’humanisme occidental fait à l’Homme (un homme abstrait, idéal, à venir) est trop grande. Elle est intenable : « tu remplaceras Dieu ». « Nous remplacerons Dieu » est la formule la plus juste, car l’expansion de l’humanisme a toujours impliqué l’existence d’élites « éclairées » dispensant à des masses ignares une vérité qu’elles ne peuvent ni éprouver empiriquement, ni découvrir toutes seules — car les masses ont, hélas, l’amour de Dieu chevillé à l’âme. L’humanisme est dès l’origine un « dressage » de la majorité par une minorité initiée. Comme ce « dressage » n’a jamais marché, la marche vers l’idéal humaniste est jonchée de ratages qui sont autant de démentis. Au lieu de la concorde des peuples, la guerre élevée au rang d’industrie. Au lieu de l’égalité des races, un racisme fantasmatique (l’Allemagne de Hitler fut aussi la nation scientifiquement la plus avancée), devenu aujourd’hui un pilier central — sous son expression à rebours, l’antiracisme — de l’idéologie occidentale.

Sous l’étiquette d’humanisme, l’Occident a avant tout développé un discours sur l’idéal humain, plutôt qu’il n’a instauré cet idéal. L’extension de ce discours idéologique à toutes les sphères de la vie sociale et privée a réprimé et finalement asséché l’enseignement de la morale atavique et naturelle de l’humanité civilisée, dont la bienveillance à l’égard de l’étranger et l’équité faisaient partie. Bien plus : afin de préserver la crédibilité de son idéal non réalisé, il lui fallait couper la population des modèles qui le démentaient. C’est pourquoi, pour une bonne partie, l’éducation « universaliste » reçue par des générations d’élèves européens était en réalité une éducation étroitement provincialiste impliquant le mépris et la méconnaissance profonde des civilisations et des cultures extérieures au dominium occidental. Pour un esprit conditionné par cette éducation, l’aventure d’Abram Hanibal et de sa lignée est tout simplement impossible hors d’une civilisation parfaitement humaniste qui n’est même pas encore réalisée sur Terre. Et simplement impensable dans le cadre d’un empire théocratique, barbu et autoritaire !

Ce provincialisme des Européens dits cultivés est l’une des premières choses qui frappent le voyageur « persan » — ou russe, ou indien — qui découvre l’Europe de l’intérieur. En même temps, du fait du manque de repères et de recul que lui confère son orgueil d’être supérieur (matériellement et moralement), l’Européen dit cultivé demeure incapable d’identifier cet « angle mort » de son éducation. Le juriste et historien Pierre Legendre en a évoqué certains aspects dans ses conférences au Japon (Ce que l’Occident ne voit pas de l’Occident). Et le grand philosophe Wittgenstein a totalement renversé ce rapport civilisation-barbarie dans sa prodigieuse déconstruction de l’ethnologie coloniale (Remarques sur le Rameau d’Or de Fraser).

La civilisation russe, avec tous ses excès, et malgré les ravages apocalyptiques de la Révolution de 1917, tend aujourd’hui à l’Europe un miroir de ce qu’elle serait peut-être sans son humanisme tyrannique. Un monde injuste, inique, barbare, inepte souvent, mais un monde qui veut vivre. « Cela ressemble tellement à l’Europe. Et c’en est tellement loin ! », notais-je dans Le Syndrôme Tolstoïevsky. Le point qui nous sépare le plus, de l’Atlantique à Vladivostok, est exactement celui-là : le refus, par les Russes (et la plupart des Slaves) d’adopter cet humanisme intégral, abstrait et paradoxal, qui est en train d’ôter à l’Europe ses raisons de vivre. Cet humanisme-rhétorique où l’aventure du « nègre » Pouchkine et de ses ancêtres constituerait une fable idéale, mais jamais une réalité.

Par Slobodan Despot | 28.8.2016

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mardi, 26 juillet 2016

Dostoïevski et la dégénérescence du monde par le réseau

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Dostoïevski et la dégénérescence du monde par le réseau

par Nicolas Bonnal

Ex: http://www.dedefensa.org

Car il est poussé dans le filet par ses propres pieds ; et il marche sur les mailles du filet...

Job, 8, 18

J'ai souvenance d'un brillant texte de notre cher Guy Sorman (qui redonna jadis ses lettres de prosaïsme au Figaro magazine) dans le journal de la « droite » espagnole ABC (BHL est chargé lui de distraire et surtout d'instruire les maigres sections d'assaut du mondialisme dans El Pais). Et Guy Sorman, essayiste pourtant renommé pour ses piles d'invendus, et entre deux éloges des réfugiés considérés comme des forces vives du capital selon les Marx Brothers et Merkel, présentait ainsi son argumentaire : « même la Russie finira un jour par être démocratique et progressiste et globalement dans le global ». Sans oublier la Chine, l'Iran, la Turquie et tous les autres bons copains de ses modèles Américains.

La Russie n'est donc pas progressiste, branchée et dans le coup, et ce surtout depuis que – selon Marc Ferro – elle a déçu les aspirations prolétariennes d'une gauche que l'on croyait portée plutôt à servir la soupe à la vieille bourgeoisie américanisée.

Sur la Russie et le progrès j'ai heureusement mieux que Sorman ou BHL : Dostoïevski. Je l'ai aussi sur le thème des « réseaux », sociaux ou numériques, qui aujourd'hui captent, détournent et recyclent toutes les énergies et intellects de la planète terre devenue nervalienne. On cite brièvement cette vision du mage dans Aurélia :

« Cette pensée me conduisit à celle qu'il y avait une vaste conspiration de tous les êtres animés pour rétablir le monde dans son harmonie première, et que les communications avaient lieu par le magnétisme des astres, qu'une chaîne non interrompue liait autour de la terre les intelligences dévouées à cette communication générale, et les chants, les danses, les regards, aimantés de proche en proche, traduisaient la même aspiration. La lune était pour moi le refuge des âmes fraternelles qui, délivrées de leurs corps mortels, travaillaient plus librement à la régénération de l'univers. (1) »

Dostoïevski a abordé le thème de la confrontation de la Russie et du progrès, de la Russie et de l’Occident dans plusieurs de ses plus grands livres, en particulier dans l'Idiot et dans Les Possédés, qui eux font allusion à une origine américaine de la prochaine révolution.

krokodil_dostojewski.JPGDans le récit satirique Crocodile (2), il le fait d’une manière parodique, s’en prenant aux préjugés modernistes du dernier homme à venir (et surtout à durer). Il y a l’épisode humanitaire – ne pas maltraiter un pauvre animal, fût-ce un croco –, l’épisode pédagogique – de l’importance de la question économique ! – et pour finir l’épisode gastronomique qui résout la question – en dévorant le crocodile.

Depuis deux siècles nous nous gorgeons de ce progrès technique et économique, et il semble que l'imbécillité satisfaite qui l’accompagne n’a jamais été plus remise en question qu'à l’époque de Flaubert ou de Dostoïevski. Mais à la même époque un Walt Whitman célèbre les achèvements de ce qu’il est convenu de nommer à la télé la modernité...

Dans Passage to India ou Song of the Exposition (à comparer avec le cadre médiéval et traditionnel des Tableaux, le chef d'oeuvre pianistique de Moussorgski), le trop célébré Walt Whitman chante et célèbre sur tous les tons le canal de Suez, ce passage qui va réunir l’orient et l’occident, notions fort disparues auxquelles on fait mine de croire encore : car «dans un monde unifié on ne peut s’exiler » (Debord). Avec une accumulation dont il a le secret, le « pohète » américain fait l’état des lieux, et il nous étourdit avec son clinquant verbalisme, chaque mot faisant office de paradigme roturier de la modernité aboyante:

With latest connections, works, the inter-transportation of the world,

Steam-power, the great express lines, gas, petroleum,

These triumphs of our time, the Atlantic’s delicate cable,

The Pacific railroad, the Suez canal, the Mont Cenis and Gothard and

Hoosac tunnels, the Brooklyn bridge,

This earth all spann’d with iron rails, with lines of steamships threading in every sea,

Our own rondure, the current globe I bring.

Barde « tendance » avant l’heure, Maïakovski un rien couillon, « animal verbal » (Daudet) plus que poète, Whitman est en extase devant ce qui pétarade. Il admire nos exploits à Suez (dont bien sûr Dostoïevski se moque avec son crocodile du Nil), et il célèbre le chemin de fer unificateur, celui des Anglais aux Indes ou des Américains :

I see the tracks of the railroads of the earth,

I see them in Great Britain, I see them in Europe,

I see them in Asia and in Africa.

I see the electric telegraphs of the earth,

I see the filaments of the news of the wars, deaths, losses, gains, passions,

Of my race.

Or précisément sur ces chemins de fer qui ont vidé les campagnes et ruiné le contribuable français (la moitié des lignes servant à faire élire un député), ou ont justifié une bonne moitié des crises boursières de l’époque (comme les actions techno d’aujourd’hui), Dostoïevski a quelque chose de peu aimable à dire, et qu'il va dire dans l’Idiot. C’est un autre idiot métaphorique (un simple d’esprit qui voit l’Esprit) que le Prince, l’ivrogne Lebedev qui s’exprime sur les chemins de fer et leur réseau qui selon lui s’en prend aux formes de vie.

Montrez-moi donc quelque chose qui approche de cette force dans notre siècle de vices et de chemins de fer…

dostoidiot3458352037-fr-300.jpgLebedev voit dans tout réseau moderne un affaiblissement à la fois spirituel et physique de l’homme, lié au progrès de la matrice du confort matériel. L’homme va être coupé de ses sources de vie et de son tellurisme. C’est aussi la leçon d’Andersen (La Vierge des glaces), de Novalis ou de Vigny (« avant vous j’étais belle et j’allais parfumée »…). Mais Tocqueville nous a aussi prévenus sur les risques que faisaient peser l’égalité et le réseau fort sur les hommes dits modernes. Dans le tome II de sa somme, il décrit, dans un texte mal compris, cet affaiblissement des forces de vie liées au développement étatique:

« C’est ainsi que tous les jours il rend moins utile et plus rare l’emploi du libre arbitre ; qu’il renferme l’action de la volonté dans un plus petit espace, et dérobe peu à peu à chaque citoyen jusqu’à l’usage de lui-même. L’égalité a préparé les hommes à toutes ces choses : elle les a disposés à les souffrir et souvent même à les regarder comme un bienfait… il ne tyrannise point, il gêne, il comprime, il énerve, il éteint, il hébète, et il réduit enfin chaque nation a n’être plus qu’un troupeau d’animaux timides et industrieux, dont le gouvernement est le berger (3). »

Retournons à l’Idiot. Lebedev voit le premier, cent-vingt ans avant Tchernobyl, un lien entre l’étoile absinthe de l’Apocalypse (Tchernobyl désigne comme on sait l’absinthe en russe) et l’extension du réseau en Europe :

« Le collégien lui affirma que l’"Étoile Absinthe" qui, dans l’Apocalypse, tombe sur terre à la source des eaux, préfigurait, selon l’interprétation de son père, le réseau des chemins de fer étendu aujourd’hui sur l’Europe. »

Lebedev dégage comme le prince Muichkine une aura d’imperfection, d’inadéquation à la mondanité. C’est souvent le cas chez Dostoïevski : le porteur de la vérité doit être ridiculisé ou caricaturé – pour ne pas être pris au sérieux par la compagnie qui doit continuer de se tordre, comme dit Allais.

Lebedev va désigner une autre cible, qui nous rapproche de la petite société actuelle: l’idéologie du bonheur matériel universel ; le dernier homme dont parle Francis Fukuyama après bien d'autres.

Vous n’avez pas d’autre fondement moral que la satisfaction de l’égoïsme individuel et des besoins matériels. La paix universelle, le bonheur collectif résultant du besoin !

Lebedev n’est bien sûr pas un sot : il n’incrimine pas la machine en tant que telle. Il incrimine plutôt la notion de réseau. Par ailleurs il a pleinement conscience que son expression des forces de vie est incompréhensible à un esprit moderne :

« Par eux-mêmes les chemins de fer ne peuvent corrompre les sources de vie. Ce qui est maudit, c’est l’ensemble ; c’est, dans ses tendances, tout l’esprit scientifique et pratique de nos derniers siècles. Oui, il se peut que tout cela soit bel et bien maudit ! »

Sur le ton de l’imprécation, emporté par cette inspiration religieuse, Lebedev adresse un défi au monde matérialiste et satisfait, monde sans gouvernail et sans cap même :

« Je vous lance maintenant un défi à vous tous, athées que vous êtes : comment sauverez-vous le monde ? Quelle route normale lui avez-vous ouverte vers le salut, vous autres, savants, industriels, défenseurs de l’association, du salariat et de tout le reste ? Par quoi sauverez-vous le monde ? Par le crédit ? Qu’est-ce que le crédit ? À quoi vous mènera-t-il? »

Ainsi Dostoïevski n'encenserait pas ce monde et son crédit ?

A ce propos le psalmiste dit :

« Que l’usurier jette le filet sur tout ce qui est à lui... (4) »

Cent ans avant l’effet de serre et le réchauffement climatique du cerveau qui va avec, Lebedev voit l’avènement de l'homoncule affaibli par sa si riche information et la « thermocratie » (5). Il constate l’absence de la force dans notre société :

« Et osez dire après cela que les sources de vie n’ont pas été affaiblies, troublées, sous cette “étoile”, sous ce réseau dans lequel les hommes se sont empêtrés. Et ne croyez pas m’en imposer par votre prospérité, par vos richesses, par la rareté des disettes et par la rapidité des moyens de communication !  Les richesses sont plus abondantes, mais les forces déclinent ; il n’y a plus de pensée qui crée un lien entre les hommes ; tout s’est ramolli, tout a cuit et tous sont cuits ! Oui, tous, tous, tous nous sommes cuits !… Mais suffit ! (6) »

Nicolas Bonnal

Notes

(1) Nerval, Aurélia, 2ème partie, VI.

(2) Lisez mon étude sur france-courtoise.info/pdf/BonnalDostoievskiCrocodile.pdf. Voyez aussi Internet, nouvelle voie initiatique (les Belles Lettres, 2000)...

(3) De la Démocratie II, IV, ch.6

(4) Psaumes, 109, 11

(5) Gilles Châtelet, Vivre et penser comme des porcs (2000).

(6) L'Idiot, III, chapitre  IV

jeudi, 14 juillet 2016

Le « néo-eurasisme » d’Alexandre Douguine: une revanche de la géographie sur l’histoire?

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Le « néo-eurasisme » d’Alexandre Douguine: une revanche de la géographie sur l’histoire?

Depuis l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine, il est souvent question d’un « retour » de la Russie sur la scène internationale. Avec une politique étrangère plus offensive et moins conciliante que dans les années 1990, Moscou semble à la fois agacer et fasciner. Mais pour bien comprendre la Russie d’aujourd’hui, il est nécessaire de comprendre les courants d’idées qui la traversent : la fameuse bataille gramscienne pour « l’hégémonie culturelle ». Dans cet article, nous avons décidé de nous intéresser à un courant en particulier, souvent décrit comme la principale source d’influence de l’actuel pouvoir en place : le courant eurasiste.

eurasianmission.jpgIl faut remonter à l’un des fondateurs du mouvement eurasiste né dans l’émigration russe des années 1920, à savoir le prince Nicolaï Troubetzkoï (1890-1938), pour bien comprendre le socle idéologique sur lequel repose le « néo-eurasisme » actuel. Comme le rappelle l’historien des idées et slavisant Georges Nivat[1], Troubetzkoï s’intéresse à la problématique de la connaissance de soi, à la question « qui sommes-nous ? ». Et pour y répondre, il déconstruit la tradition slavophile : la Russie serait plus asiatique et touranienne que slave. Et c’est scientifiquement que les historiens, géographes, ethnologues et linguistes eurasistes, installés en Europe, veulent le démontrer. Fidèle à sa discipline, le prince Troubetzkoï développe des arguments d’ordre linguistique. Prenons un exemple rapporté par Georges Nivat : « [Le] mot russe verit (croire) qu’il rapproche de l’avestique (langue du livre sacré zoroastrien) varayaiti, lequel veut dire « choisir » et signifie donc que les premiers Slaves comprenaient l’acte religieux de la même manière que les zoroastriens, c’est-à-dire comme un « choix », entre les principes jumeaux et opposés du bien et du mal, d’Ahrimane et d’Ormuzd… »[2] Nous n’avons pas affaire ici à un penseur farfelu en quête de fantaisies, mais à un linguiste reconnu. Troubetzkoï développe notamment la notion d’ « alliance linguistique » où domine la proximité géographique plutôt que l’origine commune.

Mais l’eurasisme n’est pas qu’une affaire de langue. Troubetzkoï glorifie l’héritage byzantin, par opposition à un « Occident » romano-germanique. Georges Nivat résume ainsi cette opposition : « Tout ce qui était reçu de Byzance était organiquement intégré et servait de modèle pour une création qui adaptait tous ces éléments aux exigences de la psychologie nationale. Cela est particulièrement pertinent pour les sphères de la culture spirituelle, de l’art, et de la vie religieuse. Au contraire, rien de ce qui était reçu de l’« Occident » n’était intégré organiquement, ni n’inspirait aucune création nationale. »[3] Pour le slavisant, nous ne sommes pas loin ici du nationalisme russe du XIXe siècle identifiant l’influence occidentale comme un carcan. Dans un livre en particulier, le prince Troubetzkoï délivre son message eurasiste sans ambages, dès le titre de l’ouvrage et dès son ouverture : Héritage de Gengis Khan. Un regard sur l’histoire russe non depuis l’Occident, mais depuis l’Orient. L’ouverture achève de donner le ton : « La conception qui régnait auparavant dans les manuels d’histoire, selon laquelle le fondement de l’État russe fut posé dans la prétendue « Russie kiévienne », ne résiste guère à l’examen. L’État, ou plutôt le groupe de petits États, de principautés plus ou moins indépendantes, qu’on groupe sous le nom de Russie kiévienne, ne coïncide absolument pas avec cet État russe qu’aujourd’hui nous regardons comme notre patrie. »[4] Ce travail de déconstruction historiographique de l’héritage kiévien s’accompagne d’une réhabilitation de ce que beaucoup d’historiens ont coutume d’appeler le « joug tatar » (la Horde d’Or). Pour Troubetzkoï, la Russie d’Ivan IV « le Terrible » (1530-1584) n’est autre qu’une Horde « russifiée » et « byzantinisée ». Cette thèse eurasiste s’appuie sur un raisonnement géographique : la Russie moscovite, héritière de la Horde, est un empire eurasien. Un large espace façonné par quatre bandes parallèles allant du Danube à l’océan Pacifique : la toundra, la forêt, la steppe et la montagne. Empire que Gengis Khan unifia le premier. Sur la Horde d’Or, le regard de Troubetzkoï était à l’exact opposé de celui de Karl Marx (reprenant Nicolaï Karamzine[5]) dont la sévérité transparaît ici : « La boue sanglante du joug mongol ne fut pas seulement écrasante, elle dessécha l’âme du peuple qui en était la victime. »[6]

Entre une émigration russe blanche sceptique et un marxisme hostile, l’eurasisme connaît un succès très limité. Porteur d’une pensée véritablement géopolitique (et donc géographique), il faut attendre la chute de l’Union soviétique et les débats des années 1990 pour qu’il soit propulsé comme courant incontournable de la nouvelle Russie. Parallèlement, la géopolitique connaît un essor comparable à la fois comme discipline et comme substitut idéologique à un marxisme délaissé.

Géopolitique et « néo-eurasisme » dans les années 1990 : une réponse à l’effondrement soviétique

Si le présent article n’a pas vocation à revenir sur l’histoire politique récente de la Russie, il convient de faire au moins deux rappels préliminaires. Le premier rappel concerne le statut même de la dislocation de l’Empire soviétique. Le texte de la Commission Ambartsoumov[7] évoque le « calvaire de l’enfantement d’une Russie fédérale telle qu’elle n’a jamais existé, sur un territoire nouveau et réduit ne correspondant pas à la Russie prérévolutionnaire »[8]. On retrouve cette idée de sacrifice dans une célèbre formule de Vladimir Poutine, prononcée au Kremlin en 2005 : un « désastre géopolitique ». Seulement, c’est bien la Russie postsoviétique elle-même, à travers la personne de Boris Eltsine, qui a contribué à ce « désastre géopolitique »[9]. Un rapport aussi ambigu au passé soviétique ne peut qu’annoncer une crise identitaire[10]. Le second rappel concerne l’idée de rupture associée à l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine. Les années 1990 produisent certes un libéralisme débridé et un occidentalisme ostentatoire, mais aussi une résistance qui prend diverses formes : une opposition communiste solide, un nationalisme décomplexé, un retour des idées eurasistes et quelques inflexions concédées par Eltsine. La plus notable demeure la nomination d’Evgueni Primakov à la tête de la diplomatie russe, puis à la tête du gouvernement. Un inlassable défenseur d’un monde multipolaire qui conseillera Vladimir Poutine, notamment sur les questions relatives au Moyen-Orient.

Et c’est aussi dans les années 1990 qu’émerge Alexandre Douguine. Il contribue largement à réhabiliter une discipline reléguée au rang de « pseudoscience bourgeoise » et associée au fascisme (la géopolitique), et à réactiver un courant de pensée qui promeut l’idée d’un vaste ensemble civilisationnel eurasiatique (l’eurasisme). Plus généralement, émerge en Russie une géopolitique civilisationnelle qui séduit, tout comme séduisent les idées de Samuel Huntington[11]. Anastasia Mitrofanova[12], professeur à l’Académie diplomatique de Russie, explique cet appétit par deux arguments majeurs : l’intérêt pour la géopolitique s’explique par une crise méthodologique au sein des sciences politiques et sociales russes qui se manifeste par un abandon de la grille de lecture marxiste ; la notion de « civilisation » permet la coexistence dans une Russie hétérogène, là où le choix de l’État-nation porte le risque d’un conflit permanent entre groupes ethniques et contre l’État lui-même.

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L’idée d’une géopolitique qui vient se substituer au marxisme rappelle une évolution décrite par Edith W. Clowes[13] : le passage d’une identité soviétique définie temporellement (idée d’avant-garde de l’histoire et de lendemains qui chantent) à une identité postsoviétique définie géographiquement (centre versus périphérie, Europe versus Eurasie …). C’est peut-être chez Georges Nivat que cette intuition prend la forme la plus radicale : il va jusqu’à affirmer une destruction de l’histoire « au profit de la géographie, de l’espace, un espace qui différencie à jamais la Russie eurasienne de l’Europe des petits cantons »[14].

« L’Empire postmoderne » d’Alexandre Douguine

Les divers portraits auxquels Douguine a eu droit vont presque tous dans le même sens : il est présenté comme un personnage fantasque, excessif, érudit et assez influent. Dans son roman consacré à Edouard Limonov, Limonov, Emmanuel Carrère le décrit dans ces termes : « D’une façon générale, Douguine semble tout savoir », puis plus loin, sur son influence sur Limonov, il ajoute en s’exprimant sur ce dernier : « Sa pensée politique était confuse, sommaire. Sous l’influence de Douguine, elle devient encore plus confuse mais un peu moins sommaire. »[15] Il est vrai que son parcours peut donner l’impression d’une certaine confusion. Il se distingue autant par le nombre incroyable de ses publications que par son parcours et ses idées. Dans les années 1985-1990, il est très proche des milieux conservateurs, voire monarchistes. En 1994, il se rapproche du nouveau Parti national-bolchevik (de Limonov) qu’il quitte en 1998. Il conseillera par la suite des hommes politiques plus ou moins influents comme Routskoï (conservateur, ancien vice-président d’Eltsine), Jirinovski (nationaliste) ou encore Ziouganov (communiste). Marlène Laruelle l’associe volontiers aux mouvances nationalistes, mais elle lui reconnaît une place singulière[16]. Une place qu’il résumait lui-même dans ces termes dans un texte de 2004 : « n’a de perspective qu’un projet nationaliste intellectuel, correct, présentable. Un nationalisme éclairé. »[17] Elle compare cette posture élitiste à celle d’Alain de Benoist, l’un des chefs de file de la « nouvelle droite » française. En réalité, nous pouvons identifier un certain nombre de points communs entre les deux hommes. Le premier point commun est précisément le rejet du nationalisme au profit d’une vision civilisationnelle. Notre échange avec Alexandre Douguine indique bien que ce nationalisme évoqué par Marlène Laruelle est clairement rejeté au profit de ce qu’elle a su identifier comme une « identité impériale ». Alain de Benoist parle de « fédéralisme intégral ». Le deuxième point commun est plus évident : un net rejet du libéralisme et de l’individualisme. Enfin, le troisième point commun est probablement le plus important : une récupération conservatrice de la bataille culturelle gramscienne. L’idée selon laquelle la bataille politique passe par la bataille des idées pour « l’hégémonie culturelle ».

Notre entretien avec Alexandre Douguine a permis quelques réponses claires sur le projet politique eurasiste (ou néo-eurasiste, si la notion de « postmodernité » devait imposer un nouveau terme que l’auteur lui-même évite d’utiliser). La nation moderne est perçue comme une idée bourgeoise qui ne mérite aucunement d’être sauvée. Il milite plutôt pour une réhabilitation de la civilisation et de l’empire. Sa manière d’appréhender l’idée de « postmodernité » peut étonner. Si Jean-François Lyotard[18] la définissait comme le constat du chamboulement et de l’éclatement des grands récits d’une modernité émancipatrice (avec la science et la politique mises au service du progrès), Douguine n’y trouve rien à redire. Tout en étant fidèle à la religion (le christianisme orthodoxe), et en se définissant lui-même comme un « fondamentaliste » et un « traditionnaliste », il préfère le pas en avant de la postmodernité au pas en arrière de la réaction. Résolument opposé à la postmodernité libérale, il rêve d’une postmodernité susceptible de réhabiliter l’idée impériale (traduction politique de l’idée civilisationnelle), une sorte de postmodernité porteuse de pré-modernité qui rappelle la formule de Régis Debray : « La postmodernité sera archaïque ou ne sera pas »[19]. Fidèle aux premiers eurasistes, l’Empire eurasiatique qu’il imagine devrait refléter la civilisation touranienne.

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Pour Douguine, il existe deux luttes majeures à mener. La première lutte serait à mener à l’échelle de la Russie. Le communisme et le nationalisme étant pour lui négligeables, voire insignifiants, l’avenir de la Russie dépendrait du résultat de la confrontation entre eurasisme et libéralisme. Contrairement à des analyses qui associent la présidence de Vladimir Poutine (ou du moins son actuel mandat) à un triomphe de l’eurasisme[20], Douguine se montre plus prudent : le libéralisme est loin d’être battu. L’autre lutte serait à mener à l’échelle mondiale : la lutte contre le libéralisme devrait aussi prendre la forme d’une lutte des civilisations terrestres contre la civilisation maritime à prétention hégémonique (les États-Unis). Opposition géopolitique classique entre puissances terrestres héritières de Sparte et puissances maritimes héritières d’Athènes[21].

Contredisant les affirmations sur son implication directe dans la fabrique de la politique étrangère russe[22], Douguine définit son implication en utilisant le terme anglais « trendsetter » (que l’on pourrait traduire par « faiseur de tendance »). En se comparant à des équivalents américains (Huntington, Fukuyama, etc.), et en rappelant l’importance de la bataille des idées, il déclare vouloir formuler des aspirations collectives présentes en puissance. Aspirations susceptibles de prendre la forme d’orientations que des conseillers peuvent ensuite présenter aux dirigeants russes. Cette idée selon laquelle il est largement préférable d’agir sur la métapolitique est aussi présente dans les milieux conservateurs français : c’est par exemple le choix revendiqué d’un fervent admirateur de Vladimir Poutine, à savoir l’ancien ministre Philippe de Villiers. C’est aussi l’ambition du journaliste Eric Zemmour qui prétend s’exprimer au nom d’une majorité silencieuse, mettre « des mots sur les maux des gens », selon sa formule. Cette tendance dépasse donc largement le seul cadre russe.

Mais un élément autrement plus important a attiré notre attention. En échangeant avec lui sur des dossiers de politique étrangère précis (les dossiers ukrainien et syrien, par exemple), Alexandre Douguine donne lui-même l’impression d’être influencé par la politique de Vladimir Poutine. Ou plus exactement, il donne l’impression d’être enclin à donner des brevets d’eurasisme à une politique étrangère classiquement réaliste. La défense affichée de la souveraineté nationale par Moscou semble d’ailleurs assez peu compatible en théorie avec l’idée impériale, fût-elle « postmoderne ». Ce paradoxe résume bien la complexité de l’identité politique russe : entre l’empire et la nation, la Russie n’a jamais véritablement tranché.

[1] Georges Nivat, « Les paradoxes de l’ “affirmation eurasienne” », Esprit, 10/2007, pp. 118-135.

[2] Ibid.

[3] Ibid.

[4] Ibid.

[5] Nicolaï Karamzine (1766-1822) est un historien russe, connu notamment pour son Histoire générale de la Russie.

[6] Georges Nivat, op. cit. L’auteur cite Chantal Lemercier-Quelquejay, La paix mongole, Paris, Flammarion, 1970.

[7] Président de la Commission des Affaires étrangères du Soviet suprême.

[8] Jean-Christophe Romer, « La politique étrangère russe sous Boris Eltsine », Annuaire Français des Relations Internationales, vol. 2, 2001, pp. 49-62.

[9] Nous faisons ici référence à l’Accord de Minsk du 8 décembre 1991 (regroupant le président russe Eltsine et ses homologues biélorusse et ukrainien) qui entérine cette dislocation et donne naissance à la Communauté des États indépendants (CEI).

[10] Au sens d’identité politique.

[11] Samuel Huntington, The Clash of Civilizations and the Remaking of World Order, New York, Simon & Schuster, 1996.

[12] Anastasia Mitrofanova, « La géopolitique dans la Russie contemporaine », Hérodote, n°146-147, 3-4/2012 pp. 183-192.

[13] Edith W. Clowes, Russia on the Edge: Imagined Geographies and Post-Soviet Identity, Ithaca et New York, Cornell University Press, 2011.

[14] Georges Nivat, op. cit.

[15] Emmanuel Carrère, Limonov, Paris, P.O.L., 2011.

[16] Marlène Laruelle, La quête d’une identité impériale. Le néo-eurasisme dans la Russie contemporaine, Paris, PETRA, 2007, p. 162.

[17] Ibid.

[18] Jean-François Lyotard, La Condition postmoderne, Paris, Les Éditions de Minuit, 1979.

[19] Régis Debray, « Les révolutions médiologiques dans l’Histoire », Bulletin des bibliothèques de France (BBF), n°1, 2000, pp. 4-12.

[20] Andreï Gratchev, « D’ouest en est : les ambitions eurasiennes de Vladimir Poutine », Bertrand Badie et Dominique Vidal (dir.), L’état du monde 2014, Puissances d’hier et de demain, Paris, La Découverte, 2013.

[21] Cette opposition centrale est notamment à retrouver chez le Britannique Halford Mackinder. Selon lui, la partie continentale de l’Eurasie constitue un pivot dont le contrôle permet de menacer les puissances maritimes. Une lecture instrumentalisée par Alexandre Douguine.

[22] Anton Barbashin et Hannah Thoburn, “Putin’s Brain”, Foreign Affairs, 31 mars 2014. URL : https://www.foreignaffairs.com/articles/russia-fsu/2014-0....

jeudi, 07 juillet 2016

Fronts du Donbass et de Syrie : deux théâtres d’une même guerre

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Robert Steuckers :

Fronts du Donbass et de Syrie : deux théâtres d’une même guerre

Dans plusieurs articles et dans deux conférences données pour les « Journées eurasistes », patronnées par Laurent James à Bruxelles puis à Bordeaux, j’ai eu l’occasion de dire et de répéter que ces deux théâtres de guerre sont liés sur le plan stratégique. Je le répéterai ici car la prise de conscience de ces tragiques faits d’actualité peut contribuer à redonner aux Européens (et aux Russes) la conscience d’un destin commun : celui d’une civilisation bicéphale, ottonienne et rurikide en ses premiers fondements, non plus triomphante mais assiégée, martyre, conspuée comme un Heliand non reconnu par les homme triviaux, sans foi ni loi.

Revenons aux deux fronts de la guerre en cours : il serait sot d’imaginer que la situation en Syrie n’a rien à voir avec celle, bloquée, qui afflige les régions de l’Est de l’Ukraine. L’histoire nous enseigne que les deux régions sont des « régions-portails », des « gateway regions » sur les « rimlands » entourant le « heartland », la terre du milieu, dominée par la Russie. La notion géopolitique de « gateway région » ou « région-portail » a été mise en exergue par le stratégiste américain Saul B. Cohen dans plusieurs de ses essais et ouvrages. L’importance d’immobiliser, de détruire ou de bloquer les régions-portail est cruciale pour la stratégie globale actuelle et passée des Etats-Unis puisque celle-ci a toujours consisté à interdire le déploiement de synergies continentales sur la masse territoriale eurasiatique, dans le Vieux Monde ou sur l’Ile-monde du géopolitologue britannique Halford John MacKinder. Cette stratégie globale implique d’empêcher toute coopération sur le long terme entre l’Europe centrale et la Russie. La pratique consiste dès lors à créer artificiellement des conflits dans les régions-portail afin qu’elles ne puissent plus jouer leur rôle d’interface entre grandes régions d’Eurasie. On y créera des turbulences permanentes ou des guerres de longue durée en appuyant indirectement des intermédiaires, des « proxies », dont l’idéologie est toujours farfelue, délirante, criminelle et fanatique. Pendant des décennies, les régions-portail seront inutilisables, ne pourront plus servir à joindre des énergies constructives.

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La partie de l’Ukraine située à l’Est de la Crimée a relié jadis l’Europe (représentée par les comptoirs génois et partiellement vénitiens) au reste de l’Asie aux temps de Marco Polo, des grands khans mongols et plus tard encore, bien que dans une moindre mesure. La côte syrienne était la porte d’entrée des longues routes terrestres vers l’Inde et la Chine. La nécessité vitale de contrôler cette voie d’accès a amené l’Europe occidentale à lancer huit croisades durant notre moyen-âge (Spengler nous expliquait toutefois que la notion de « moyen-âge » n’est valide que pour nous).

Les réalités géographiques sont stables et permanentes. Elles seules sont significatives, au-delà des régimes ou des personnalités politiques, des idéologies ou même des religions. Tous les oripeaux idéalistes, utilisés pour susciter des guerres inutiles ou, pour être plus exact et précis, des guerres retardatrices (Carl Schmitt), sont autant de dérivatifs lourds et parasitaires pour aveugler les naïfs. MacKinder a voulu nous l’expliquer dans son livre magistral et plus ou moins oublié aujourd’hui, Democratic Ideals and Realities, qui a connu plusieurs éditions, chaque fois remaniées, entre 1919 et 1947.

Aujourd’hui, si les deux régions-portail en ébullition étaient pacifiées, les puissances économiques situées à l’Est et à l’Ouest de celles-ci, pourraient permettre l’acheminement de biens et de matières premières par voies terrestres, oléoducs et gazoducs, chemins de fer entre l’Asie orientale, l’Iran et l’Europe (dans le cas de la Syrie) et entre la Chine, la Russie et l’Allemagne (dans le cas de l’Ukraine). Ce qui est important aujourd’hui, et donc ne pourrait subir d’entraves artificielles, ce sont les projets postmarxistes et « listiens » de la Chine : elle les a imaginés et a commencé à les mettre en œuvre grâce aux surplus qu’elle a pu engendrer en devenant le principal atelier du monde. Elle envisage de les réaliser dans le cadre des BRICS et/ou du Groupe de Shanghai, avec l’assentiment de la Russie et du Kazakhstan.

Je parle ici très spécifiquement de projets « listiens » dans le cadre de cette grande organisation continentale car Friedrich List fut le principal théoricien du développement dans l’histoire du monde. Il demeure un classique de la pensée politique concrète et reste d’une grande actualité. Il ne faut jamais oublier que List impulsa le développement des chemins de fer dans l’Allemagne non encore industrialisée de la première moitié du 19ème siècle, initiative qui a permis l’unification territoriale des Etats allemands (du Zollverein à la proclamation du II° Reich à Versailles en 1871) et leur industrialisation fulgurante. Sans List, personne n’aurait jamais parlé d’une puissance allemande, politique et économique. Ce fut aussi List qui dressa les plans du creusement de canaux économico-stratégiques aux Etats-Unis (il fut fait citoyen américain), de façon à relier les régions des Grands Lacs aux ports de la côte est. En Allemagne encore, il propose aux cercles d’avant-garde politique, qui ne souhaitaient pas végéter dans l’aimable désordre de la Kleinstaaterei, de relier par canaux les bassins fluviaux de la Vistule à la Meuse dans la plaine nord-européenne alors dominée par la Prusse. Sans le génie de List, personne n’aurait jamais pu parler de la puissance agricole globale des Etats-Unis : en effet, l’Etat américain n’aurait jamais pu exploiter correctement le « wheat belt », la « ceinture de blé », du Middle West sans l’existence précoce d’un moyen de transport de masse vers les ports de l’Atlantique. De plus, l’approvisionnement aisé des grandes villes de la côte atlantique a permis d’attirer une immigration de grande ampleur venue d’Europe. Le ravitaillement était assuré.   

Selon List, qui songeait en termes de multipolarité continentale et favorisait les projets d’unification pacifiques sous l’égide du développement technologique, le rôle de l’Etat est justement de soutenir et de subventionner les moyens de communication pour susciter le développement de forces créatrices, industrielles, techniques et privées, appelées à croître. En ce sens, Joseph Schumpeter est son disciple. List appartient donc à une école libérale constructive, non handicapée par un fatras de notions idéologiques nauséeuses, présentées comme eudémonistes. Il est la figure de proue d’une école pragmatique efficace et non stupidement conservatrice de statu quo handicapants, qui a pu, dans le cadre des Lumières actives et non des Lumières bavardes, rejeter les aspects négatifs de l’idéologie libérale vulgaire qui oblitère l’Europe et l’eurocratisme aujourd’hui.

Les pionniers chinois du développement de l’Empire du Milieu se réclamaient de List, à la fin de l’ère impériale moribonde à la fin des années 1890 et aux débuts du défi lancé par les Républicains nationalistes de Sun Yatsen (qui réussit sa révolution en 1911). List a eu beaucoup de disciples chinois. Après les crises subies par la Chine au cours de la première moitié du 20ème siècle, les guerres civiles, les troubles provoqués par les « warlords » en lutte les uns contre les autres, l’occupation japonaise, l’ère communiste et la révolution culturelle, la Chine a décidé de se débarrasser tacitement du marxisme de l’époque maoïste, sans faire trop de tapage pour ne pas ameuter les masses auparavant conditionnées et les membres du parti. Cette « dé-marxisation » silencieuse est en fait une redécouverte de List et de ses disciples actuels, des plans qu’ils ont pensés et qui ressemblent à ceux que le maître initial avait forgés pour l’Allemagne ou pour les Etats-Unis.

Ces plans ont donné la puissance économique, industrielle et agricole à ces deux pays. Les divagations idéologiques actuelles créent la confusion et font émerger des conflits empêchant l’éclosion et la mise en œuvre de développements utiles dans le domaine des communications, dont l’humanité toute entière pourrait bénéficier. C’est une politique belliciste et retardatrice (Carl Schmitt) qui a provoqué les guerres horribles et inutiles de Syrie et du Donbass. Et ces conflits pourraient, on l’imagine bien, être rapidement étendu au Caucase (Tchétchénie, Daghestan, Ossétie), aux provinces de l’Est de la Turquie (les Kurdes contre l’établissement turc), bloquant pour de longues décennies toute possibilité d’étendre les voies de communication ferroviaires, les oléoducs et gazoducs et les routes terrestres.

Robert Steuckers.