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mardi, 22 septembre 2015

Cartographie de l'anti-américanisme

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Cartographie de l'anti-américanisme

par Georges FELTIN-TRACOL

L’édition française sort à rythme régulier des ouvrages sur l’anti-américanisme tels L’Ennemi américain. Généalogie de l’anti-américanisme français (Le Seuil, 2002) de Philippe Roger ou L’Anti-américanisme. Critique d’un prêt-à-penser (Robert Laffont, 2004) du libéral et atlantiste Pierre Rigoulot. Si ces titres étaient réédités, ils évoqueraient probablement le nouvel essai du journaliste Martin Peltier qui donne 20 bonnes raisons d’être anti-américain.

 

La curiosité pour la grande puissance d’outre-Atlantique n’est pas neuve puisque dès 1991, le philosophe catholique de tradition d’origine hongroise et exilé aux États-Unis, Thomas Molnar, rédigea L’Américanologie. Triomphe d’un modèle planétaire ? (L’Âge d’Homme). Avec Martin Peltier, cette nouvelle discipline – l’américanologie – trouve enfin son vulgarisateur. En effet, à un moment où le virus de l’américanisme contamine tous les continents et colonise les esprits, en particulier l’imaginaire européen, Martin Peltier recense avec brio tous les méfaits de la Barbarie yankee. À la fois très informé et parfois polémique, l’essai explique que les États-Unis – qu’il ne faut surtout pas confondre avec les peuples du continent américain (Boliviens, Costaricains, Argentins, etc.) -, nuisent à l’avenir de l’Europe.

 

Le péril yankee se décline en menaces multiformes. L’une des plus redoutables concerne l’enjeu linguistique. « En tendant à détruire le français ou à le corrompre, elle amène un affaiblissement de la culture et de la pensée (p. 80). » Certes, des peuples francophones résistent à ce flot dévastateur. Si les Québécois se montrent sourcilleux sur la préservation de leur patrimoine linguistique, cela ne les empêche pas de se soumettre au Diktat du politiquement correct et de l’extrême féminisme en violant leur langue par de grotesques féminisations telles « sapeuses pompières »…

 

bonnesraisons.jpgDéfendre sa langue n’est pas un acte anodin; c’est le combat essentiel. Primordial même parce qu’« avec la langue anglaise, les États-Unis répandent leur manière de penser, ce qui leur donne un avantage en tout, dans le commerce comme dans les sciences, et ils accompagnent ce mouvement par le “ social learning ”, c’est-à-dire l’imposition de leurs normes éducatives, sociales, morales, politiques – en quelque sorte le progrès comme ils le voient, leur Weltanschauung (p. 83) ». Les sots anglicismes qui prolifèrent dans nos phrases témoignent d’une invasion mille fois plus préoccupante qu’une occupation militaire classique. La présente invasion migratoire de notre sol ancestral n’impacte pas notre civilisation, elle l’affecte prodigieusement. Il est d’ailleurs caractéristique que les groupuscules antifa et les mouvements socio-politiques issus d’une immigration extra-européenne adoptent la langue de l’envahisseur atlantiste anglo-saxon.

 

Didactique, 20 bonnes raisons d’être anti-américain expose des faits indéniables. L’auteur n’évoque pas les ignominies prévues par le détestable Traité transatlantique. Il préfère ausculter les fondements théologiques des USA et en dresse leur généalogie intellectuelle. Comme le relevait déjà notre ami Tomislav Sunic dans son excellent Homo americanus. Rejeton de l’ère postmoderne (Éditions Akribeia, 2010), les États-Unis possèdent un puissant arrière-plan religieux. Construits par les descendants de protestants dissidents qui ont fui un Vieux Monde qu’ils exècrent et maudissent, les États-Unis bénéficièrent de la bénédiction du puritanisme réformé, de la franc-maçonnerie et, un peu plus tard, du judaïsme politique. Le « messianisme était commun aux sectes protestantes, au judaïsme et à la maçonnerie (p. 145) ». Cette vocation délirante continue à imprégner tout le spectre politico-intellectuel, y compris chez les adversaires conservateurs des tarés néo-conservateurs. Outre les Noirs et les juifs, sait-on que le Ku Klux Klan vomit les catholiques ? Ainsi, le catholique J.F. Kennedy fut-il mal perçu par maints de ses compatriotes. Dans la même veine existaient les Know Nothing, une société secrète nativiste anglo-saxonne au milieu du XIXe siècle, hostiles aux arrivants irlandais de confession romaine. Ce nativisme WASP demeure toutefois paradoxal de la part d’une population d’origine européenne qui a volé les terres de peuples indigènes génocidés.

 

Il est très dommage que Martin Peltier n’évoque point le sort horrible des autochtones américains exterminés, chassés de chez eux et trahis par des traités jamais appliqués par la Maison Blanche (sinistres précédents pour les pseudo-traités euro-ricains à venir…). Il aurait pu signaler que les États-Unis détiennent aujourd’hui le plus vieux prisonnier politique du monde, l’activiste amérindien âgé de 70 ans, Leonard Peltier (sans rapport de parenté avec l’auteur !) condamné à la perpétuité en 1976, suite à une machination orchestrée par le FBI, cette véritable police politique secrète d’État.

 

Le destin tragique des vrais Américains préfigure celui des Européens et du monde. Les Étatsuniens sont imbus de la « destinée manifeste » (décennie 1840) qui leur assurerait le devoir moral d’imposer partout leur funeste mode de vie et de penser. Tous les moyens sont dès lors mobilisés pour réussir cette injonction quasi-mystique. Co-responsable du tribunal de Nuremberg vilipendé en son temps par le courageux Maurice Bardèche, Washington devient le berceau « de la religion de la Shoah (p. 133) » et en fait « la mère et la garantie ultime du politiquement correct occidental à vocation mondiale (p. 138) ».

 

L’auteur dénonce bien sûr ce pitoyable moralisme en des termes forts et incisifs : « La religion de la Shoah ne fonde pas seulement la solidarité de l’empire du bien, elle vise plus gravement encore à habituer tous les esprits du monde à la bêtise. Elle tue l’esprit critique, l’histoire, la vraie mémoire, elle déshabitue de la réflexion, elle détache de l’identité. La religion de la Shoah est la pire vérole et le meilleur instrument de la mondialisation, elle fait du cerveau qu’elle a lavé un numéro prêt à tout gober, et c’est une raison de plus de combattre, sans relâche, les États-Unis (p. 140). » Ce lavage de cerveau collectif made in USA arase l’ethno-diversité propre aux races humaines.

 

Déplorons que le malheureux roi Louis XVI ait commis la mortelle erreur de soutenir la racaille américaine en sédition contre son souverain George III de Hanovre, par ailleurs usurpateur du trône légitime des Stuarts. Loin des sempiternelles odes à la soi-disant amitié franco-américaine, Martin Peltier cite un conflit naval guère connu dans l’Hexagone : la Quasi-Guerre (1798 – 1800) qui vit l’affrontement des marines française et US. Il insiste aussi sur les milliers de Français qui périrent en 1944 – 45 sous les bombes yankees (bombes qu’on découvre encore en masse non explosées sept décennies plus tard) censées les libérer… Quant au crétin de Roosevelt, il « voulait placer la France après la guerre sous mandat de l’AMGOT, c’est-à-dire un gouvernorat direct de l’occupant américain (p. 29) ». En 1870, un autre président, Ulysse Grant, poivrot étoilé et expert notoire dans le pot-de-vin, télégraphia ses plus vives félicitations à Bismarck pour sa victoire sur le Second Empire français.

 

Ces exemples historiques avérés sont occultés par le déversement dans le monde d’images produites par Hollywood qui promeut des États-Unis oniriques et virtuels… La réalité est plus cauchemardesque avec les horreurs quotidiennes d’une société multiraciale, pluri-ethnique et multiconflictuelle en cours de fragmentation. « On se représente souvent le choc des civilisations comme un conflit international, avec une ligne de front, mais dans cet État-monde que sont les États-Unis, le choc des civilisations a lieu tous les jours au bout de la rue et à la télé, dans les concours de beauté et les réclames pour pop corn, c’est un choc de civilisation intérieure, domestique, comme on dit là-bas (p. 77). » Le Système étatsunien – ou plus exactement son puissant et redoutable « État profond » – tend à y palier en célébrant sur tous les médiats massificateurs un mirifique « vivre ensemble » alors que, libéralisme aidant, on constate l’impitoyable guerre de tous contre tous… Connaît-on en Europe l’incroyable sujétion des classes moyennes au crédit bancaire qui les enchaîne durablement ? L’endettement élevé des ménages et son corollaire – le manque d’épargne – empêche toute éventuelle rébellion préjudiciable à la bonne marche des affaires. L’auteur prévient cependant que « le marché n’est pas le maître, mais juste un contremaître, pas un dieu, juste une marionnette dans la main des prêtres mondialistes (p. 70) ».

 

Martin Peltier dénonce enfin le gouvernement des juges propre au misérable régime présidentiel adopté en 1787, le rôle dévastateur des multinationales et l’action subversive des « ONG, mains sales du mondialisme US (p. 113) ». Stipendiées par des fondations yankees, les ONG constituent une véritable cinquième colonne prête à fomenter la moindre « révolution colorée ». Certaines d’entre elles traquent la corruption dans les États tout en négligeant les États-Unis qui demeurent l’État au monde le plus corrompu avec une classe politicienne totalement achetée. Sur la colline du Capitole de Washington, les mœurs y sont bananiers… L’appui résolu des ONG à l’actuel déferlement migratoire sur notre continent apporte la preuve supplémentaire patente d’une volonté de déstabiliser nos vieilles nations blanches.

 

Martin Peltier rapporte, démonte, examine dans cet ouvrage remarquable toutes les manœuvres sordides du « Moloch à la bannière étoilée ». Il aurait peut-être pu conclure son réquisitoire par le vif intérêt qu’éprouvent maintenant quelques cénacles US pour le transhumanisme et l’idéologie du genre. De salubrité intellectuelle publique, cet ouvrage décrit un abcès de dimension mondiale. Qui aura le courage de le crever : l’État islamique, Al-Qaïda, la Chine, la Russie, l’insurrection des peuples albo-européens ? En tout cas, plus que jamais, America delenda est !

 

Georges Feltin-Tracol

 

• Martin Peltier, 20 bonnes raisons d’être anti-américain, Éditions D.I.E., 2015, 210 p., 26 € (« La Sarrazine », La Fosse Marceline, F – 10 140 Jessains, France)

 

Article printed from Europe Maxima: http://www.europemaxima.com

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samedi, 19 septembre 2015

Dominique Venner’s The Shock of History: Religion, Memory, Identity

Dominique Venner’s The Shock of History: Religion, Memory, Identity

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Dominique Venner
The Shock of History: Religion, Memory, Identity
London: Arktos, 2015
156 pages

hardcover: $37.50

paperback: $21.45

Kindle e-book: $4.50

The shock of history: we live it, neither knowing or comprehending it. France, Europe, and the world have entered into a new era of thought, attitudes, and powers. This shock of history makes clear the fact that there is no such thing as an insurmountable destiny. The time will come for Europe to awaken, to respond to the challenges of immigration, toxic ideologies, the perils of globalism, and the confusion that assails her. But under what conditions? That is the question to which this book responds. Conceived in the form of a lively and dynamic interview with a historian who, after taking part in history himself, never ceased to study and reflect upon it. In this text, the first of his major works to appear in English, Dominique Venner recounts the great movements of European history, the origin of its thought, and its tragedies. He proposes new paths and offers powerful examples to ward off decadence, and to understand the history in which we are immersed and in which we lead our lives.

Contents

Foreword
Editor’s Note
1. Introduction
2. From Action to Reflection
3. Decline or Rebirth?
4. Hidden and Heroic Europe
5. In the Face of Death
6. An Adventurous Heart
7. Where We Came From
8. Europe’s Shattered Memory
9. The Shock of History and Ideas
10. Homer: Remembering Our Origins
11. Mysticism and Politics
Epilogue: History and Memory
About the Author
Index

About the Author

Dominique Venner (1935-2013) was a French writer and historian. He wrote over fifty books about history, specialising in the history of weapons and hunting. He served as a paratrooper during the Algerian War, and was jailed for 18 months for his involvement with the Organisation of the Secret Army, which sought to retain French Algeria through armed insurrection. He was subsequently involved in a decade of intense political activism, and also worked with Alain de Benoist’s ‘New Right’ organisation, GRECE. Before his decision to publicly end his life in 2013, the goal of which was to awaken the minds of his European compatriots, he was in charge of the Nouvelle Revue de l’Histoire. His last book, Un Samouraï d’Occident, was published shortly after his death.

hardcover: $37.50

paperback: $21.45

Kindle e-book: $4.50

vendredi, 11 septembre 2015

Der legendäre Kultroman von Jean Raspail in neuer Übersetzung

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"Das Heerlager der Heiligen":

Der legendäre Kultroman von Jean Raspail in neuer Übersetzung

Ex: http://www.unzensuriert.at

Der legendäre, bitterböse, prophetische Kultroman von Jean Raspail aus dem Jahr 1973, in Frankreich ein bis heute vieldiskutierter Bestseller.

Eine Flotte aus hundert rostigen Schiffen, beladen mit einer Million not- und hungerleidender Inder, darunter viele Frauen, Kinder und Greise, bricht von den Ufern des Ganges Richtung Europa auf, um das wohlstandsverfettete „Paradies im Westen“ zu stürmen. Dessen Medien und Politiker sind unfähig, den Ansturm, der nur die Vorhut unzähliger weiterer Einwanderermassen aus der Dritten Welt bildet, als das zu erkennen, was er ist: eine Invasion, die anders als in früheren Zeiten auf „friedliche“, waffenlose Weise vonstatten geht. Stattdessen werden in salbungsvollen, gebügelten Reden Menschlichkeit und Brüderlichkeit beschworen und die Öffnung der Grenzen im Namen der Menschenrechte gefordert, wobei Heuchelei, Opportunismus, Kalkül und Massenwahn eine nicht unerhebliche Rolle spielen. Die humanitären Illusionen zerplatzen, als die „Armada der letzten Chance“ an der Küste der Côte d'Azur landet, deren Einwohner inzwischen die Flucht ergriffen haben. Die weißen Europäer werden durch einen unblutigen, aber unerbittlichen Rassen- und Klassenkampf beiseite gefegt, die Institutionen brechen zusammen, die Machtverhältnisse verschieben sich, und dies ist der Anfang vom Ende des einst so stolzen wie selbstherrlichen Abendlandes.

Das Heerlager der Heiligen: Ein „gefährliches“ Werk von Raspail

Dies ist in groben Zügen die Handlung des legendären Kultromans „Das Heerlager der Heiligen“ des französischen Schriftstellers Jean Raspail, der 1973 erstmals erschienen ist. Im Sommer 2015, in dem die seit Jahrzehnten anschwellende Einwanderungskrise einen vorläufigen Höhepunkt erreicht hat, ist der lange vergriffene Roman wieder in einer neuen deutschen Übersetzung lieferbar.

Ohne Zweifel eine der wichtigsten Bucherscheinungen des Jahres, hat dieses hochkontroverse, „gefährliche“ Werk – so formulierte es Raspail selbst allerdings nur wenig Chancen, in den etablierten Medien rezensiert, geschweige denn auch nur erwähnt zu werden: Dieses Eisen ist zu heiß, und es hat gerade erst zu glühen begonnen. 

Unzensuriert.at sprach mit dem Übersetzer

Solange „Das Heerlager der Heiligen“ nicht greifbar war, sah die Sache anders aus: Bereits 2005 wies Lorenz Jäger in der FAZ  auf die „visionäre Kraft“ dieses prophetischen Romans hin, der bereits vor über vierzig Jahren die Überschwemmung Europas durch Einwanderermassen aus der Dritten Welt voraussah – wobei die „Inder“ des Buches die Rolle von symbolischen Platzhaltern erfüllen. 2011 würdigte Jürg Altwegg, ebenfalls in der FAZ, Raspails Leistung, allerdings nicht ohne dessen Absichten und seinen Entstehungskontext verzerrt darzustellen und die politische Dimension des Romans zu relativieren. Unzensuriert.at sprach mit dem Übersetzer Martin Lichtmesz.

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Sehr geehrter Herr Lichtmesz, das Heerlager der Heiligen ist vor mittlerweile 42 Jahren erschienen; eine deutsche Ausgabe gibt es seit 1985. Wie kann ein Roman beinahe ein halbes Jahrhundert nach seiner Entstehung aktuell genug für eine Neuauflage sein?


Lichtmesz: Nun, gute Romane sind immer „aktuell“, ob sie nun vierzig oder vierhundert Jahre alt sind. Aber das „Das Heerlager der Heiligen“ ist heute durch seine Hellsichtigkeit eine besonders verblüffende, erschreckende und oft auch beklemmende Lektüre. Im Jahr 2015 bedarf sein vielgepriesener „prophetischer“ Charakter eigentlich keiner Erläuterung mehr. Die Zahl der Einwanderer, die über das Mittelmeer nach Europa strömen, hat in diesem Jahr einen neuen Höhepunkt erreicht, wobei ein Ende nicht abzusehen ist. Anders als bei Raspail sind die Invasoren jedoch in der Mehrzahl junge, kräftige Männer. Der Chor der humanitären Stimmen, der wie im Roman diese Entwicklung und ihre Konsequenzen verklärt, verschleiert und verniedlicht, wird wohl in wenigen Jahren in Heulen und Zähneklappern übergehen. Den stetig wachsenden Menschenreservoirs Afrikas und Asiens steht ein demographisch schrumpfender Kontinent gegenüber, der, wie Raspail betont, seine „Seele“ verloren hat: seine Selbstachtung und seinen Glauben – sei es an Gott, sei es an sich selbst. Diese Dynamik mündet in einen „großen Austausch“ (Renaud Camus) der europäischen Stammvölker, der in Frankreich inzwischen mit dem bloßen Auge wahrnehmbar ist.

Das „Heerlager“ gehört zur Familie der dystopischen Satiren, ist verwandt mit Büchern wie „Der Herr der Welt“ von Robert Hugh Benson, „Schöne neue Welt“ von Aldous Huxley und natürlich „1984“ von George Orwell. Alle diese Autoren wurden erst nach Jahrzehnten richtig verstanden, da sie eindringlich vor Fehlentwicklungen der Moderne gewarnt haben, die erst viel später Wirklichkeit wurden. Die Themen des „Heerlagers“ wurden anno 1973 nur von wenigen Leuten wirklich ernst genommen; man spottete über warnende Stimmen wie jene des britischen Politikers Enoch Powell, der bereits 1968 prophezeite, dass der Multikulturalismus in Blutvergießen, Bürgerkrieg und den Zusammenbruch der europäischen Kultur münden würde. Der inzwischen neunzigjährige Raspail, der wie Powell aus einer Nation stammt, die nach dem 2. Weltkrieg ein ganzes Kolonialreich einbüßte, sah gewissermaßen vier „apokalyptische Reiter“ am Horizont auftauchen: Die demographische Explosion der Dritten Welt; das ungleiche globale Anwachsen von Armut und Reichtum; die innere Schwäche und Dekadenz Europas und des Westens, die zu einem tödlichen Gemisch aus Selbsthass, Hedonismus, Geburtenschwund, Realitätsverlust und damit rapide schwindendem Selbstbehauptungswillen führt; schließlich die flächendeckende Manipulation und Gehirnwäsche der Massen durch die Medien, die sie unfähig macht, ihre eigene Lage zu begreifen. Diese Dinge werden in den nächsten Jahrzehnten über Leben und Tod unseres Kontinents, seiner Völker und seiner Kultur entscheiden.   

Die von Ihnen verantwortete Neuausgabe wird damit beworben, in einer neuen, erstmals vollständigen Übersetzung vorzuliegen. Wie umfangreich sind die Unterschiede zur älteren Übersetzung, und welcher Art sind sie? Können Sie uns ein Beispiel geben?


Lichtmesz: Die Neuausgabe im Verlag Antaios entspricht dem letzten „Director's Cut“ des Autors. Anlässlich der dritten Auflage (1985) hat Raspail den Text aus dem Jahr 1973 teils gekürzt, teils erweitert, sowie an verschiedenen Stellen modifiziert. Gestrichen wurden dabei vor allem Stellen, die sich als allzu zeitgebunden erwiesen hatten, etwa ein Kapitel, das in der Sowjetunion spielt, die von einer „gelben Flut“ aus China bedroht wird. Der Übersetzer der im Hohenrain-Verlag erschienenen Ausgabe hat jedoch die Fassung von 1973 als Vorlage benutzt und dabei eigenmächtige Kürzungen vorgenommen, die vor allem im ersten Viertel des Buches ins Gewicht fallen und so manchen interessanten Aspekt unterschlagen. So fehlt etwa ein langer Dialog zwischen einem belgischen Konsul und einem indischen Minister, in dem Raspail zeigt, dass es aus der Perspektive der Dritten Welt genug Gründe gibt, den Westen zu hassen und anzuklagen. Der wesentliche Unterschied zu der alten deutschen Übersetzung ist allerdings, dass diese sprachlich sehr dürftig ist, und zudem randvoll mit unsinnigen und zum Teil stark sinnentstellenden Passagen und oft skurrilen Fehlern. 

Typische Abwehrreaktionen

Im April dieses Jahres warf Ulrich Ladurner im Blog der ZEIT Raspail vor, ein übles Machwerk geschrieben zu haben. Der Roman bediene sich der Ängste der Europäer auf grobschlächtige Weise, um eine brachiale Untergangsvision zu rechtfertigen. Sind diese Anwürfe gerechtfertigt? Spielt der Autor lediglich auf der Klaviatur des Ressentiments?

heerlager_der_heiligen.jpgLichtmesz: Vielen Dank an Herr Ladurner, dass er an diesen wichtigen Roman erinnert hat, der besonders die Leser der ZEIT erfreuen wird, wobei mir scheint, dass er nicht viel nachgedacht hat, als er dieses den üblichen Stanzen folgende Urteil formulierte. Man muss sich schon sehr blind, taub, dumm und stumm stellen, um Raspails Visionen als bloße subjektive „Ängste“ einschachteln zu können. Dergleichen ist wohl nichts weiter als Pfeifen im dunklen Walde und eine Form von Selbsthypnose. Solche Abwehrreaktionen auf „Das Heerlager der Heiligen“ sind freilich typisch und zeigen, wie sehr dieses Buch so manchen Nerv trifft und dabei die Hunde zum Bellen bringt. Als Erzähler bedient sich Raspail gewiss einer „Klaviatur“ der Gefühle. Er thematisiert Ressentiments, „Ängste“, Xenophobie oder Rassenhass, zeigt dabei aber auf, dass diese Dinge im Menschen nicht auszurotten und keine Einbahnstraßen sind, was von unseren „Gutmenschen“ und „Antirassisten“, befangen in ihrer eigenen negativ-ethnozentrischen Perspektive, immer wieder vergessen wird. Das „Heerlager“ ist in der Tat - nicht anders als die Offenbarung des Johannes, aus der sein Titel stammt - ein „brachiales“ Buch, oft makaber, grotesk, überzeichnet, zugespitzt, stellenweise sogar obszön, und es ist maximalst politisch unkorrekt, sogar gemessen an den Standards seiner Entstehungszeit. Es ist aber auch, wie Raspail immer wieder betont hat, ein grimmig-komisches Buch, voll mit Sarkasmus und schwarzem Humor, viel subtiler und komplexer, als es auf den ersten Blick erscheinen mag. Der eigentliche Horror für Raspail ist dabei allerdings nicht die Rasse, sondern die Masse: als physische Überzahl ebenso wie als totalitäre Gleichschaltung aller Köpfe und als kollektive Regression und Hysterie.

Vor Ihrer Arbeit an der Neuübersetzung des Heerlagers der Heiligen haben Sie das Buch „Kann nur ein Gott uns retten?“ veröffentlicht. Im „Heerlager“ spielen traditionelle christliche Motive eine große Rolle, wobei man bisweilen den Eindruck bekommt, dass Raspail dem Christentum sehr negativ gegenübersteht. Was hat die Religion mit der Einwanderungsfrage zu tun? 


Lichtmesz: Nun, zum Geniestreich wird „Das Heerlager der Heiligen“ vor allem durch den Entschluss des Autors, seine europäische Apokalypse als eine Art böse Persiflage auf die christliche Heilsgeschichte zu erzählen, komplett mit dämonischen, antichristlichen Figuren, während die Einwanderer in den Augen des Westens zu einem vermeintlichen „Messias mit einer Million Köpfen“ mutieren, der just am Ostersonntag an der französischen Küste landet. In der Verblendung des Westens sieht er also eine Art „politische Religion“ frei nach Eric Voegelin am Werk, die zentrale Werte des Christentums pervertiert. Der Autor ist wohlgemerkt gläubiger, traditionalistischer Katholik. Trotzdem (oder gerade deswegen) kommt die zeitgenössische protestantische wie katholische Christenheit in dem Roman äußerst schlecht weg, vor allem die nachkonziliare römisch-katholische Kirche, die er des Verrats am Abendland und ihrer eigenen Prinzipien sowie der Verbreitung einer absurden Hypermoral und eines übersteigerten Mitleidsbegriffs beschuldigt. Und das leider zu Recht: die Kirche tut sich in Westeuropa mächtig dabei hervor, die Schleusen den Einwanderermassen zu öffnen und dabei die autochthonen Europäer mit einem schlechten Gewissen zu erpressen, um jeden Widerstand und Widerspruch zu entmutigen. Ihre Vertreter sind heute kaum mehr von Raspails böse karikierten Romanfiguren zu unterscheiden, allen voran Papst Franziskus, der dem Papst Benedikt XVI. des Buches, einem linkskatholischen Südamerikaner, mehr ähnelt als sein Vorgänger. Der wesentliche Gedanke Raspails ist von enormer Bedeutung: Dass nämlich die Krise und Krankheit des Abendlandes eine metaphysische, eine im weitesten Sinne religiöse ist, und dass hier das im „Heerlager“ refrainartig angesprochene Geheimnis seines Verfalls zu suchen ist.

Raspail hat keine Hoffnung mehr für Europa

Raspails Vision aus der Perspektive des Jahres 1973 ist düster. Nun, 2015, sieht sich Europa in der Tat einer Überschwemmung mit sogenannten "Flüchtlinge" ausgesetzt, die jedoch tröpfchenweise und nicht in Gestalt einer "Armada der letzten Chance" den Kontinent kapern. Hat der französische Bestsellerautor irgendeinen Rat für die Völker Europas parat, wie mit der aktuellen Bedrohung umgegangen werden sollte?


Lichtmesz: Raspail hat in Interviews wiederholt zu erkennen gegeben, dass er im Grunde keine Hoffnung mehr für Frankreich wie Europa sieht; sein althergebrachtes Gesicht wird sich aufgrund der demographischen Entwicklung in wenigen Jahrzehnten radikal geändert haben, wenn nämlich, wie Raspail formulierte die „Stammfranzosen“ nur mehr „die am meisten gealterte Hälfte der Bevölkerung des Landes ausmachen werden, während der Rest aus schwarzen oder maghrebinischen Afrikanern und Asiaten aus allen unerschöpflichen Winkeln der Dritten Welt bestehen wird, unter der Vorherrschaft des Islams in seiner fundamentalistischen und dschihadistischen Ausprägung.“ Den Resten der europäischen Völker werden allenfalls ein paar Enklaven, Reservate und Rückzugsgebiete übrig bleiben, von denen aus vielleicht eines Tages eine „Reconquista“ ausgehen kann. Raspail hat aber auch immer wieder betont, dass er in erster Linie ein Romanautor sei, ein Erzähler, der für Rezepte und Konzepte nicht zuständig ist. Immerhin: sein Buch hat die Macht, viele Schläfer aufzuwecken und ihnen die „rote Pille“ zu verabreichen. Manchen wird es gar wie eine Roßkur vorkommen. Wer dafür reif ist, wird nach der Lektüre endgültig von allen Illusionen und vom Zuckerschleim der gängigen, verlogenen und fahrlässigen „Refugee“-Propaganda geheilt sein. Je mehr Menschen aus diesem fatalen Massenwahn erwachen, umso mehr Hoffnung dürfen wir vielleicht schöpfen, dass das Schlimmste vermieden werden kann. Aber schon jetzt steht fest, dass Europa sich grundlegend und irreversibel verändern wird, und dies, allem Gesäusel und allen Beschönigungen zum Trotz, zum Negativen. Die Samthandschuhe sind schon längst ausgezogen. Jetzt wird Ernst gemacht: die Tore sind offen, und die Länder werden geflutet wie blöd, Staaten, NGOs, Kirchen und zivile Aktivisten machen sich zu Komplizen der Schlepper und zu Invasionshelfern, wodurch der „große Austausch“ der Stammbevölkerung massiv beschleunigt wird. Die Explosivität der Lage verschärft sich, und darum ist es kein Wunder, wenn die üblichen Verdächtigen versuchen werden, ein Buch wie „Das Heerlager der Heiligen“ totzuschweigen.

„Das Heerlager der Heiligen“ kann zum Preis von 22,70 Euro hier bestellt werden.

 

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jeudi, 10 septembre 2015

Métaphysique du dandysme

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Métaphysique du dandysme

 
Le nouveau livre de Luc-Olivier d'Algange
 
Les Éditions Arma Artis, maison dirigée par Jean-Marc Tapié de Céleyran et spécialisée dans les écrits de sagesse (mystique ou philosophique), ont publié en juin 2015 Métaphysique du dandysme par Luc-Olivier d’Algange (ne pas confondre avec une étude savante qui porte le même titre, celle de l’universitaire Daniel Salvatore Schiffer, publiée en 2013). Le livre peut être commandé par chèque pour 18 € port compris (pour la France) à : Éditions Arma Artis, B.P. N°3, 26160 La Bégude de Mazence Cedex, France (pour d’autres pays, voir la page pour les contacter).
 
Qu'entend notre auteur par ce titre ? S'agirait-il de l’apologie d’une révolte esthétique cachant en son sein une crise de l’individualité dans la modernité ? Celle que, dans un ouvrage d’histoire littéraire, Émilien Carassus décrit ainsi : « Le dandysme repose sur une tension interne, un perpétuel effort d’invention. Par sa résonance éthique, il oppose aux défaillances possibles d’une volonté fragile la rigueur d’un constant rappel à l’ordre ; par sa résonance esthétique, il invite à la continuelle surprise, au choc initial de la bizarrerie sans lequel il n’est pas de beauté. Soustrait à la “répugnante utilité”, le dandy s’élève à une originalité faite de spiritualisme et de stoïcisme. (…) Le monde refuse toute unité à l’homme déchiré : le dandy s'efforce d'établir sur le plan esthétique, en se composant une attitude, cette unité autrement impossible. Être de défi et de refus, le dandy cherche sa cohérence dans la création d’un personnage. D’un personnage quasi fantomatique et de pur effet puisque son existence trouve sa seule garantie dans le regard d'autrui ; d’un personnage sans cesse menacé de destruction, puisque ce regard est un miroir vite obscurci. Le dandysme n’est dès lors qu'une “forme dégradée de l'ascèse” ; le dandy “joue sa vie faute de pouvoir la vivre”, en une continuelle provocation. Mais, dans cette attitude sans doute stérile, qui renonce à l’être pour le paraître, le dandy se pose en rival de Dieu et, dans son honneur, dégradé peut-être en point d’honneur, il condamne le Créateur au nom de la créature » (in : Le mythe du dandy, Armand Colin, 1971). L’emploi du terme “métaphysique” n'a ici rien de vain ou de galvaudé : il ne renvoie pas à une quelconque métaphysique des apparences (attribuée à tort à Nietzsche pour lequel l’apparence désigne apparition, pur paraître, et non corrélat d’une réalité idéelle) et sert encore moins à introduire pompeusement son sujet. Il nous convie à une parole méditante, celle qui interroge l'impensé de notre condition historique, celle qui dessine comme une chandelle dans le clair-obscur les formes de l’invisible. Le dandysme revêt une dimension métaphysique par son rapport à la modernité : il ne s’agit pas de savoir être de son temps mais de savoir se détacher d'un temps qui détruit tout participation à l’éternité, qui désagrège toute articulation organique entre immanence et transcendance. La révolte au cœur du dandysme n'est donc pas seulement esthétique mais aussi éthique et spirituelle. À cet égard, la lecture de cette méditation ne pourra que toucher celles et ceux pour qui l’appel à une sagesse vécue reste vital pour traverser une époque chaotique. Le style est certes celui d'un lettré mais chaque mot est pesé, et l’esprit qui y palpite transcende la lettre. En voici donc un extrait qui débute l’ouvrage :   
   

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dandysme,littératureSi l’on considère les possibilités de l’esprit humain au regard de ses exercices les plus généralement répandus, en travaux et distractions, on ne peut se laisser d’être surpris et attristé de l’écart d’intensité et de vastitude entre les mondes offerts et les mondes généralement parcourus. Une instance mystérieuse, et sans doute secourable, persiste en moi, contre l’argumentaire massif de notre temps, à voir dans cette disparité des possibles une anomalie et une défaite. Il semblerait qu’une tyrannie diffuse, mais non moins prégnante, s’évertuât, non sans efficace, contre ces ressources sensibles et intelligibles qui haussent la vie à l’existence, et celle-ci, en certaines circonstances favorables, à l’être, - et celui-ci, enfin, à ces régions subtiles et paradisiaques où, selon les mystiques persans, règne l’Archange Empourpré.
Passant d’un état d’hébétude devant des écrans, la pensée alentie ou rendue confuse par des drogues sans fastes, aux tristes procès affairés d’un activisme modificateur qui ajoute la laideur à la laideur, l’absurde à l’absurde, les hommes de ce temps semblent avoir pour dessein de passer, d’un mouvement unanime, à côté d’eux-mêmes et du monde.
 
À ce mouvement commun, grégaire, - qui est celui de la société elle-même, devenue un amas de subjectivités traquées et plaintives, nous devons la disparition de la civilisation et de la civilité qui ne survivent qu’au secret de quelques cœurs, assez hauts, assez téméraires, assez fous pour croire encore que la destinée des êtres humains ne se réduit pas à être les agents de la Machine qui va les réduire en unités interchangeables, -c’est-à-dire, les hacher menus.
 
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Il n’est rien de plus facile que de dire le plus grand mal des dandies. Eux-mêmes, non sans constance, offrent, comme s’ils étaient des adeptes de Sacher Masoch non moins que de Brummel, les verges pour se faire battre. Arrogants, insolents, vains, immoraux, ostentatoirement inutiles, agaçants dans leurs mises comme dans leurs propos, égocentriques semble-il par vocation ou par décret, aristocrates sans fief, souvent soupçonnés par surcroît de mœurs incertaines et de sympathies pour des idéologies coupables ou réprouvées, ils se plaisent au plaisir de déplaire et ajoutent à leurs dédains intimes des signes extérieurs de mépris pour les braves gens, les gens moyens, qui sont légion, qui font masse, et dont on devrait savoir, si l’on veut survivre commodément dans ces temps sans nuances, qu’ils sont l’incarnation du Bien, du Progrès et de toutes les vertus démocratiques, - seules vertus. Toutes les autres étant tenues pour criminelles par les philosophes en vogue, les journalistes, et, autorités suprêmes en la matière, les présentateurs de télévision et les chanteurs de variété.
Le dandy, tel un condamné portant beau et marchant droit au moment de monter sur l’échafaud et faisant du spectacle de son impassibilité, un défi, et peut-être un enseignement, - on pourrait croire à le voir ainsi, faisant des bons mots au bord de l’abîme, que de très-anciennes vertus de courage et de bonté l’eussent élu pour intercesseur ultime, ou pour victime, comme les derniers éclats d’un feu mourant, escarbilles qui laissent dans l’œil quelques phosphènes, - images d’une grandeur humaine à jamais perdue.
 
Or Baudelaire, Barbey d’Aurevilly, Oscar Wilde, Mishima (le plus radical d’entre eux) furent aussi de grands artistes, des ascètes du Verbe dissimulant, sous le spectacle qu’ils consentirent à offrir (peut-être non sans bonté comme un signe adressé, malgré tout, à ceux qui ne peuvent ni ne veulent comprendre), et selon la formule de Nietzsche : «  une provocation, un appel  ».
 
Ce monde est aveugle, sourd, insensible que le Médiocre régente et, procustéen, réduit à sa mesure. Il nous voudrait sans pieds pour la promenade et sans tête pour la rêverie ou pour la spéculation. Les écrivains de ce temps, intimidés par tant de suffisance collective destinée à les convaincre de la vanité ridicule de leurs ouvrages, en sont venus à faire profil bas ou à se feindre au service de quelque intérêt général. Ils se mêlent des “causes” du temps, s’improvisent journalistes bénins ou vitupérateurs et font dans l’édifiant avec des pomposités moralisatrices généralement dirigées contre des confrères plus frivoles, libres ou talentueux. Tout dans leurs tristes arguties est machine pour faire croire qu’ils sont la voix d’autres qu’eux-mêmes, - enfin qu’ils représentent ! Leur fausse modestie qui se donne à contempler est de la pire outrecuidance. L’humilité leur manque et la force de reconnaître leur singularité et ce qu’elle doit aux influences diverses et lointaines dont ils sont les hôtes passagers. Une formule revient sans cesse dans leur bouche, comme une excuse d’être, une complaisance, une lâcheté : “un petit peu”. Ils sont “un petit peu écrivain”, ils pensent ceci ou cela “un petit peu”. Mieux vaut préciser, en effet, car celui qui n’est pas dans le “petit peu” est un méchant homme qui s’écarte de la norme commune.
 
Avouons-le, ces mitrailles de “petit peu” excèdent notre patience et nous recevons comme un ressac de fraîcheur et de simplicité de belle augure quiconque, avec une inopportunité soudaine, nous parle de grandeur ; car cette grandeur dite, évoquée, est l’espace où nous sommes reçus. La grandeur grandement reçoit ; elle ignore les jugements et les classements vétilleux ; elle se fie à une intuition qui remonte plus haut que sa cause.
 
Telle est l’humilité du dandy : face à l’arrogance du Médiocre, agent de l’opinion publique, il consent à se revêtir de la fragilité de l’humanité essentielle, de la brièveté de son éclat singulier et oppose visiblement à l’uniforme et l’uniformité des hommes sans visage, la sapience presque perdue d’une civilisation d’essences rares, de gestes exquis, - une langue enfin, à la fois natale et conquérante, qui sera jugée alambiquée ou baroque par les pratiquants de l’idiome schématique, vulgaire et las de la “communication”.
 
De même que le vêtement du dandy ne lui sert pas seulement à se couvrir ou à se parer, sa langue connaît d’autres raisons d’être que la communication ou la publicité ; elle entre en des nuances qui, pour exigeantes qu’elles soient et ordonnées à des disciplines mystérieuses, s’apparentent « aux merveilleux nuages » qu’évoquait Baudelaire, qui se meuvent en une liberté grandiose dans les hauteurs, selon des lois immenses où notre liberté se perd et se réinvente.
 
Asocial civilisé, libertaire cherchant à atteindre l’ordre le plus profond pour, d’une science prompte et sûre, le faire apparaître à la surface, ennemi de l’informe qui est le pire conformisme, le dandy va calmement à sa perte, sachant, selon le mot de Baudelaire, « être un héros et un saint pour soi-même ». Sa cause perdue cependant le fait légataire de la témérité qu’il eut à la défendre,- « force qui va ».
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Sans doute le moment est-il venu, pour nous autres songeurs d’empires ou de royaumes intérieurs, de cesser de faire profil bas et de renoncer à cette trouble complaisance de nous excuser d’être. La modestie ostensible est un péché de vanité qui interdit à jamais d’atteindre à l’humilité, - dont le premier signe est de reconnaître ce que Dieu nous fit, c’est-à-dire à son image, uniques.
 
Ce n’est point une si petite chose, dans ce grand chaos planifié, que d’être un homme avec ses ressouvenirs et ses pressentiments. Ce n’est pas rien d’avoir des goûts et des dégoûts, un discernement intuitif qui nous guide vers les uns et nous éloigne des autres, qui nous offre la chance de préférer, et d’entrer en relation avec des objets de nos préférences au lieu de les réduire au rôle subalterne d’expériences. Ce n’est pas rien, et c’est même une chose bien grande et bien rare, digne d’éloges, que d’honorer ces préférences, ces civilités, et de raviver ainsi, dans le secret du cœur, le sens de la gratitude.
 
Baudelaire en donnant à son dandysme, ce « plaisir aristocratique de déplaire », ces décisives nuances héroïques et mystiques, témoigne au plus juste des longitudes morales et des latitudes métaphysiques qu’il nous reste à reconquérir si nous voulons être le principe d’un monde où nous cesserions de vivre misérablement, fût-ce au cœur du confort le plus apprêté. Car il est inutile de se leurrer, de feindre de vivre dans une civilisation et dans un monde. Les sarcasmes des dandies, leurs ironies cruelles, eurent au moins le mérite - si peu que nous les comprenions dans leurs sagesses et leurs dédains, - de nous déniaiser à cet égard.
 
Ce monde hargneux, discourtois, où la quantité règne, où l’on convoite des voitures moches, où l’on pousse, habillé d’un survêtement de sport, des “cadies” surchargés de nourritures aussi coûteuses qu’à peine comestibles, ce monde où l’on s’affale devant des écrans, ce monde ni ascétique, ni épicurien, serait à peine remarquable comme défaite insigne de l’humanitas s’il ne coïncidait avec la perte du langage, - qu’autrefois des hommes moins aveulis considéraient comme un don des dieux, voire comme leur émanation la plus certaine.
On s’est récrié devant la supposée “préciosité” des dandies, on s’est permis de médire de leurs façons, parfois, d’user de mots rares comme des gemmes enchâssées dans la syntaxe, livrés à tous les feux de la pensée et de l’imagination. C’était méconnaître l’archaïque, l’originelle beauté de leur fidélité, l’honneur ingénu qu’ils font aux mots d’exister et de resplendir, leur étonnement qui réveille celui des premiers hommes devant la puissance neuve des runes ou des hiéroglyphes.
 
À cet égard, comme à tant d’autres, le dandy (ne parlons pas des singes qui se répandent dans la mode et les mondanités) est bien le contraire d’un homme blasé de tout. S’il paraît quelquefois lassé, c’est de tout ce qui n’est pas tout, - de cette existence piteusement restreinte, tant dans le sensible que dans l’intelligible, qui nous est imposée avec toute la force irrésistible d’une inertie collective tombant, selon les lois de la pesanteur, vers la substance indifférenciée.
 
Une dose exquise de métaphysique ne saurait nuire aux considérations les plus désinvoltes qui soient. Être léger, ce n’est pas être frivole. Quelques « coups d’ailes ivres » sont nécessaires, et l’ivresse, qu’elle soit d’eau fraîche ou de vin, exige précisément la pureté des essences. Le dandy, servant le « démon des minutes heureuses » devra faire ainsi de chaque moment de sa vie une révolte de l’essence contre la substance et rejoindre au cœur de l’acte ou de l’art distingués, l’essence qui le distingue.
 
« Être un héros et un saint pour soi-même » n’est-ce pas, hors de toute représentation, de tout spectacle, éveiller, par quelque rituel, l’essence même de l’héroïsme et de la sainteté ? Il y a chez tout dandy de belle venue et de haute exigence, une révérence à quelque principe impersonnel dont le rite est l’expression et qu’il importera de servir, ainsi que de son courage, dans un combat contre l’informe et l’avilissement. Humble, et dans ce monde ruiné où il eut la disgrâce de naître, le dandy commence par lutter contre son propre avilissement ; mais ce combat pour soi, pour la « sculpture de soi », selon la formule de Plotin, est aussi, par l’exemple, un combat pour les autres, sans le mauvais goût de trop leur faire savoir.
 
Que serait le monde sans ces hommes de finesse, d’ordre secret et de nuances qui semblent ne servir que leurs goûts et n’aller qu’à leur guise ? À quelle vulgarité sans échappatoire le monde et la parole humaine eussent-ils été livrés ? Sans contredit à la marée sombre, nous eussions été engloutis, et nous le sommes presque, et ce n’est, en effet, qu’un « presque rien », un « je ne sais quoi », selon le mot de Fénelon, qui nous sépare du pur et simple anéantissement du Logos dans la “communication”. C’est l’exemple de la liberté conquise qui le rend possible et non les soi-disant “libérateurs” tout empressés de nous délivrer d’un despotisme moindre pour nous subjuguer à une tyrannie plus efficiente.
 
Le dandy, cultivant en lui les vertus stoïciennes et ascétiques d’une impersonnalité active, offre l’exemple de l’éthos le plus distinct et le plus radicalement contraire à l’individualisme moderne qui, de masse, exacerbe une subjectivité, généralement plaintive. La forme qu’il illustre et à laquelle il se dévoue, est une idée. Cette forme-idée, réfractaire à l’informe, est un legs, auquel le dandy, avec désinvolture, se sacrifie. Loin de croire valoir par lui-même, et faisant, selon la formule d’Oscar Wilde, de sa vie une œuvre d’art, il hausse la vie, la vie confuse, informe, plate et cupide à la forme désirée, platonicienne et désintéressée.
 
Détachée de la volonté qui la produit, au plus loin de la substance indistincte, au plus près de l’essence distincte, la vie comme œuvre d’art accomplit une métaphysique. Si le monde sensible est l’empreinte du monde idéal, s’il est écriture divine, n’est-ce point impie de vivre en bête repue ou en bête traquée ? Si le pouvoir nous est donné de nous exhausser hors de la nature, de voir, ou d’entrevoir, le sceau divin, l’Idée, privilège insigne et redoutable dont ne disposent pas les fourmis, les chiens ou les écureuils, ne serait-ce pas un devoir de n’y pas déroger ? Au demeurant, qu’est-ce que le “naturel” de ces gens hostiles aux artifices, sinon le plus commun et le plus vulgaire des artifices ? Si commun et si vulgaire qu’il menace à chaque instant de défaillir dans la plus torve barbarie.
 
Dans une époque bourgeoise, utilitaire et puritaine, le dandy se souvient, comme il peut, de temps empreints de formes sacerdotales et héroïques, non pour les imiter, ou se leurrer sur leur perpétuité, mais pour manifester, comme l’idée impondérable dans la forme visible, qu’elles ont trouvé en lui le plus fragile des refuges - dont la fragilité, œuvre d’un verrier alchimiste, pour cassante qu’elle soit, et parfois tranchante, garde mémoire de la haute flambée et des fusions cruelles d’une civilisation perdue.
 
***
L’extinction de la civilisation dans le carcan de la société, sous l’écorce morte de la société, pour évidente qu’elle soit aux hommes de goût, se laissera évaluer par ceux qui n’en sont pas saisis d’emblée d’horreur comme devant un charnier, par le progrès constant des interdits et la disparition proportionnelle des contraintes. Nous voici dans un monde où les aspirations les plus immémoriales et les mouvements les plus légitimes sont surveillés, bridés et punis mais où rien, vraiment rien, nous contraint à être un peu moins avachis dans la bêtise et l’ignorance la plus crasse. Le genre en est même bien considéré, tant “cool” que “démocratique”, - car il est entendu qu’il faut être “sans prétentions”.
 
On nous jette quelques colifichets technologiques, et vogue la galère des volontaires ! Google pourvoit aux mémoires inexercées ; tout s’oublie dans le meilleur des mondes amnésiques, sauf le ressentiment.
 
Que peuvent bien se dire des hommes et des femmes sans mémoire, ou de la seule mémoire qui leur reste, celle des griefs et des méfaits ? Ceux qui n’ont pas le bonheur d’avoir en mémoire, appris par cœur, quelques vers de Virgile ou d’Hölderlin, par ce cœur qui leur découvre, en ressouvenir de poèmes, les paysages et les visages aimés dans les heures heureuses, - ceux qui n’ont pas l’éloge au cœur de la mémoire, gardé par des Muses exigeantes, tourneront indéfiniment autour de leur Moi, dans un cercle de plus en plus réduit, comme l’âne attaché au piquet.
 
Les historiographes du dandysme ne remontent guère, dans leurs généalogies idéales, au-delà de Brummel ou du Prince de Ligne ; le dandysme serait le contemporain et l’alexipharmaque du poison bourgeois. D’autres, moins sociologues, voient en Alcibiade le parangon des dandies. Entre l’Antique et le Moderne, on pourrait trouver en Laurent de Médicis ou en Casanova des dandies d’instinct ou de fait. Au dandysme délicat de Robert de Montesquiou, on pourrait, en élargissant la notion, ajouter le dandysme sauvage d’Ungern von Sternberg, le dandysme luxueux de Barnabooth ou celui, ascétique, d’André Suarès, qui traverse l’Italie à pied en se nourrissant seulement de lait et de fruits. Certains dandies sont en mouvement, stendhaliens, d’autres sculptés dans quelque minéral rare, irréfragable, tel Stefan George. Certains défaillent à un parfum, ou sont réduits à l’inaction par un songe, d’autres, comme Claus von Stauffenberg, posent des bombes à bon escient. Ernst Jünger, lui, fut à la fois un homme enivré de synesthésies subtiles et un guerrier farouche. Les chemins de traverse sont nombreux et infinies les possibilités d’échapper aux normes vulgaires. Mishima met la même scrupuleuse attention choisir sa cravate que son sabre, à traduire, du vieux français, une pièce de D’Annunzio qu’à se forger un corps idéal par le soleil et l’acier.
La beauté, splendeur du vrai, resplendit en chromatismes divers, en des paysages désertés ou profus, en des âmes contemplatives ou actives, - et lorsque l’étau se resserre, lorsque les plafonds se rapprochent des planchers, lorsque pullule, comme disait Nietzsche, « la race du dernier des hommes  », lorsque les temps, selon le mot de Witkacy, sont au « nivellisme », livrés aux prédateurs mous de la pensée calculante, quelques dandies apparaissent pour signifier leur désaffection des mœurs communes.
 
Ce monde livré aux gestionnaires (par surcroît incompétents) donne supérieurement raison à quiconque veut hausser et faire briller quelques-unes des possibilités offertes de la vie, - qu’elle soit sensible ou mystique, visible ou invisible, solaire ou nocturne, aurorale ou crépusculaire. L’âme du plus morbide des “décadents” est encore d’une vivacité infiniment plus ingénue, plus hespériale que la sinistre planification des hommes à oreillettes qui, vampires sans dents et sans apparat, amoindrissent en eux et autour d’eux l’existence aux dimensions dérisoires de leurs “plans de carrière”. Plutôt crever la bouche pleine de terre que de céder à leur règne. Plutôt la mort dans l’âme, mais avec une âme, que la survie sans âme dans cette planification morte.
 
À ne s’y point tromper, il s’agit bien là d’une combat à mort, où les forces adverses sont à tel point supérieures, en nombre, en quantité et en “technicité”, - si outrancièrement, ubuesquement et pompeusement supérieures, qu’elles en deviennent ridicules. Imaginons face à quelque élégante petite bête sauvage, un renard par exemple, non le concours, déjà un peu grotesque, d’une chasse à courre, mais soixante divisions de chars, avec fanfares, porte-avions, et ogives nucléaires. La planification moderne face aux rares hommes différenciés est de cet acabit. La puissance périt dans son triomphe, sous l’estocade du ridicule et du dégoût.
 
Il faut apprendre à se déprendre, non seulement en vertu de cette sagesse essentielle qui nous fait traverser la vie en nous détachant de ses atours, un à un, et jusqu’à l’ultime battement de cœur, mais aussi dans le pur présent, qui n’est jamais si vaste ni si favorable que lorsque nous refusons de céder à l’emprise que nos semblables, par une compulsion fatale, prétendent à exercer sur nous. La plupart des tracasseries de ce monde administratif, bancaire et technologique n’ont d’autres raisons d’être que de nous forcer à nous intéresser un moment à ceux qui en sont les agents. L’affaire est sérieuse nous disent-ils, imbus de leur importance, elle vous concerne au premier chef. Ils voudraient nous en persuader pour que nous leur prêtions notre oreille et prenions en considération leur “pouvoir”, ou ce qu’ils imaginent être un pouvoir. J’annonce ainsi, sans autres ambages, la raison d’être de cet ouvrage : rien d’autre qu’un éloge de la désinvolture. Tout sérieux est frivole et toute frivolité, affreusement sérieuse. Il n’est plus une seule raison d’être, individuelle ou collective, qui ne soit, par les nouveaux maîtres du monde, reléguée aux marges extrêmes. La désinvolture à leur égard équivaudra au retour à l’essentiel : ce jour de fin d’été aux légers feuillages de brume, cette jeune passante qui éveille en ma mémoire des vers d’Ibn ’Arabî :
«  Son regard ayant tué,
Elle réanime par la parole
Comme si Jésus elle était
Quand elle rappelle à la vie.
Sa Thora, telle une lumière
Est la face brillante de ses jambes
Thora que je lis et que j’étudie
Comme si j’étais Moïse.
Prêtresse sans ornement
Parmi les filles des Grecs,
Sur elle tu contemples
Les lumières du pur bien.
  »
***
Si le monde moderne, sans que nous eussions à proprement parler de point de comparaison, puisque nous lui sommes contemporains depuis notre naissance, nous apparaît dans ses perspectives, ses modes de vie et de pensée, comme un monde étrangement rétréci, - tout y étant planifié par l’utilitarisme le plus vain et le plus abstrait (le travail devenant une distraction de l’essentiel, et la distraction, un travail, et même un bizness), si toute sollicitation supérieure en semble exclue, si les hommes y vivent généralement comme des créatures hébétées, - on ne peut s’empêcher de penser qu’il n’en fut pas toujours ainsi, qu’il ne s’agit là de rien de réel, et que ce « sinistre hypnotisme », pour reprendre le mot de Villiers de L’Isle-Adam, s’apparente moins à une fatalité ou à une nécessité invincible qu’à un mauvais sort que l’esprit humain eût jeté sur lui-même et dont il pourrait, à sa guise, se déprendre à chaque instant.
 
Force est de constater, hélas, que ce mauvais sort a sa durée propre qui excède la brève durée de nos vies individuelles. Il n’en demeure pas moins ce qu’il est : un pouvoir très-vague et très-vain dont les manifestations, aussi titanesques et planétaires que l’on voudra, n’existent et ne s’imposent à notre entendement que par l’immensité des mondes sensibles et intelligibles qu’elles nient.
 
L’œuvre d’Ibn ’Arabî nous entretient de cette immensité-là, qui n'existe pour nous que parce que Dieu voulut qu’elle existât pour Lui, trésor caché soudain révélé par la Création. Le génie individuel, certes, existe, mais il est, ce qu’oublia parfois le Romantisme, à l’exacte mesure de l’oubli de soi. Pour Ibn ’Arabî, comme pour Platon, la connaissance est réminiscence. Ce qui nous revient ainsi, vient par nous mais du monde lui-même, en resplendissements de beautés et de vérités. De cette vérité belle et de cette beauté vraie nous sommes les instruments. Au-delà du Calame est la main qui tient le Calame, et plus secrète encore que la main, est l’encre de la nuit des temps où plonge le Calame.
 
La réminiscence ravive un espace dont, emprisonnés que nous étions dans le ressassement de la subjectivité, nous étions exclus. Libératrice, au sens le plus haut du terme, elle nous restitue au Réel dans ses longitudes et ses latitudes, ses gradations, ses états et ses stations, son mouvement et son immobilité. Or, et c’est à cette élucidation vibrante qu’œuvre Ibn ’Arabî, l’essence de l’amour n’est autre que réminiscence. Dans ses plus beaux resplendissements le monde semble se souvenir de la puissance qui le fit apparaître : il est alors apparition à l’instant de l’apparition, absolue fraîcheur castalienne, recommencement du recommencement, anamnésis. Le temps qui vient sur nous comme une ondée de bénédictions n’est plus le temps profane, le temps linéaire de la durée ou de l’usure, le temps de l’action planificatrice, mais bien le temps de la contemplation, de l’accord, de l’hospitalité intérieure aux instigations ardentes et subtiles de la réminiscence.
 
Toutefois ce monde contemplé n’existe pas sans le contemplateur. Le contemplateur déploie par sa contemplation le monde contemplé, et celui-ci reçoit le regard qui le révèle à son essence, à sa divine antériorité. Le contemplateur et monde contemplé, qu’unissent des réminiscences en ressac, sont l’un à l’autre comme l’Amant et l’Aimée. Leurs sucs et leurs sèves se mêlent dans une essence intime, un œcuménisme de parfums.
 
Les plus obtus des agnostiques prennent volontiers argument contre la Théologie, de ce qu’elle nous entretient de l’enfer, du purgatoire et du paradis. Ces esprits schématiques, qui se vantent d’être “rationalistes” passent ainsi à côté de cette haute, vénérable et très-ancienne pragmatique, qui est à l’origine du Discernement, faculté, à la fois intuitive et intellectuelle qui nous permet, selon le langage de la Table d’Émeraude, de séparer le subtil de l’épais, et de nous orienter avec bonheur dans les troubles et les confusions de l’existence. À moins d’être déjà de ces « derniers des hommes » dont Nietzsche prévoyait et redoutait la venue, et s’il reste en nous quelque désir de lointain, de songes et d’étoiles, ou seulement le goût d’être là où nous sommes, en plénitude, si lors le « pareil au même », selon la formule de Renaud Camus, ne s’est pas installé dans nos cœurs comme une sournoise et tyrannique apologie de la médiocrité, il vient une seconde magique où nous reconnaissons qu’ici ou ailleurs, dans l’immobilité comme dans le mouvement, ce monde s’offre à nous dans une triple possibilité infernale, purgatorielle ou paradisiaque ; et que cette science suffit amplement à faire de nous, selon le juste principe du libre-arbitre, le plus malheureux ou le plus heureux des hommes ; à tout le moins à certains moments.
 
Contrairement à une idée commune, il n’est pas nécessaire d’être absolument mort pour savoir ce que sont l’enfer, le purgatoire et le paradis. Si tel était le cas, ces notions si familières nous seraient probablement inconnues, à moins que nous ne les supposions transmises par d’hypothétiques revenants. Or, une science nous est donnée en cette matière, variable, incertaine, comme l’est toute science, qui permet à chacun de s’en faire une image.
Une ambition belle, et, je gage, peu courue, serait avec la désinvolture humble qu’exigent les sujets profonds, d’esquisser la renovatio d’une sapience du Paradis, sinon dans son essence, du moins dans ses attributs. Qu’en est-il, de nos jours, du paradisiaque ? L’ennui est que là où nous sommes, il faut commencer par l’enfer. Passons vite, la description en est presque superflue ; cette contrée est la plus connue et la plus démocratiquement partagée. Chacun y travaille à son propre enfer et à celui des autres  ; chacun travaille dans une infernale solidarité à passer à côté des éclats, des promesses, et à s’incarcérer dans cet individualité collective, dans cet collectivité individualisée, chacun accuse chacun de son malheur. Ce monde semble sans issue car il n’existe pas ; l’existence lui est refusée. On ne s’évade pas de ce qui n’existe pas ; on y fait apparaître ce qui est, et qui fait mal à force d’être beau, d’une beauté terrible, numineuse… L’effroi que nous en ressentons sera notre purgatoire. Ensuite, voyez comme il faut bien se hâter, se présente à nous le seuil du Paradis ; là où les hautes sciences théologiques et poétiques nous serons secourables.
 
Il ne s’agit pas de faire le paradis, de le planifier (ce qui se nomme paver l’enfer), mais de le laisser entrer dans le néant où nous nous sommes réfugiés par effroi des grands bonheurs.
Une conversion du regard est nécessaire, une sapience, voire une morale. Toutes nos volontés seront vaines si nous ne discernons pas ce qui en nous et, accessoirement, autour de nous, marque le fatal coup d’arrêt à la chance pleine de prodiges. Une Machine travaille, disions-nous. Le bruit de fond du monde moderne est son grondement sourd. Machine uniformisatrice, mue par le ressentiment fondamental du médiocre à l’égard du génie ou du talent qui lui échappent. Et ce ne sont pas seulement, et de moins en moins, tant ils deviennent indiscernables, le génie et la talent individuels qui sont l’objet de la vindicte du médiocre, mais aussi le génie des lieux, des peuples et des langues, dont le génie individuel n’est que l’intercession. La Machine travaille, sans relâche, avec son insistance de Machine, à détruire tout ce qui, dans la haute culture européenne fut l’intercession des génies favorables orientés vers l’exercice magnifique de la vie.
 
Le fondamentalisme démocratique n’a pas fait disparaître le pouvoir et l’abus de pouvoir, le népotisme et l’accaparement, il s’est appliqué à les placer dans les mains les plus médiocres, les plus irresponsables et les plus illégitimes, - et cela non seulement à la tête de l’État, mais partout, dans les plus infimes et plus insignifiantes occurrence du monde social. Le moindre guichetier est un despote. Le plus ridicule notable de province, avec quelques accointances politiques et un peu d’argent, peut abuser de tout et de tous, comme le seigneur féodal le moins scrupuleux, à la différence que sa place fut conquise par quelque ruse et non par le sang ; et son nom jamais n’aura à répondre de rien, car il n’est point un maître auquel on peut demander des comptes, mais un “agent”. Un dispositif est ainsi mis en place, dans un consentement général, qui bétonne toute expression ou transmission du génie (terme, on l’aura compris, que nous n’utilisons pas dans son acception néoromantique de subjectivité exacerbée mais, tout au contraire, d’abandon à de plus vastes et calmes desseins, de plus lointaines et profondes fidélités).
 
Il nous reste, à nous qui sommes héritiers de toutes les outrances modernes, à réinventer le moment présent, - à lui redonner cette teneur, ce timbre, cette couleur, ce vibrato. Il nous reste à revenir au cœur du temps, au cœur ardent. Il nous reste à inventer des “feux légers”. Que la vie ne soit pas survie asservie à des finalités quantifiables mais une suite de feux légers, et peu importe, et tant mieux, si nous y disparaissons sans laisser d’autres traces que le ressouvenir d’une flamme blonde, insolente, à peine discernable dans le faste du jour !
Le monde moderne qui ne croit plus au péché originel, ni à Dieu, ni à rien, semble pourtant devoir son existence à la seule volonté farouche de nous faire expier, ici et maintenant, tous les bonheurs vécus ou possibles. Sans doute le Moderne soupçonne-t-il que chaque bonheur est une réponse à une prière, une flamme allumée dans l’oraison. Cette évidence, insupportable à son outrecuidance mécréante, le conduit à nier, non seulement la surnature, mais la nature sensible elle-même qui en est l’empreinte.
 
À l’oraison, le Moderne opposera la volonté, puis la volonté de volonté, crispation maniaque, qui détruit sans anéantir, qui détruit en encombrant. Voyez comme les êtres humains sont devenus encombrés, comme ils respirent mal, comme il se supportent difficilement, comme ils se trouvent toujours offensés, offusqués, victimes, rats traqués les uns par les autres, et comme ils se laissent peu de temps pour être, ou, plus exactement, selon la belle formule d’Heidegger, pour être là, dans «  l’éclaircie de l’être  », dans la clairière paradisiaque.

lundi, 07 septembre 2015

Standardbearers: British Roots of the New Right

The Search for a Usable Past

Standardbearers.jpgStandardbearers: British Roots of the New Right [2]
Edited by Jonathan Bowden, Eddy Butler, and Adrian Davies.
With a Foreword by Professor Anthony Flew
Beckenham, Kent: The Bloomsbury Forum, 1999

Somewhere between the “hug-a-hoodie” Toryism of David Cameron’s Conservatives, and those far-right parties considered beyond the pale, is believed to lie a broad “respectable” middle ground of British nationalist politics. Whether or not it really exists, contenders keep trying to fill it.

The most recent is Nigel Farage’s UKIP, which officially backs a program of ultra-Tory economic nationalism (anti-EU) but now finds that its main appeal is really to regional anti-immigration Labour voters.[1]  Sir Oswald Mosley tried to strike a middle way with his Union Movement in the 1950s and ’60s, but that venture was doomed (of course) because Mosley means not-mainstream.

The Monday Club in the Conservative Party seemed to fill the gap well for a good long while in the 1960s-’80s: it opposed Kenyan independence, supported Rhodesia, opposed nonwhite immigration, and generally took a staunchly nationalist, anti-Left stance on the things that mattered. However, the experience of Thatcherism and Political Correctness in the ’80s and ’90s pushed the Monday faction into a kind of dotty irrelevance (“I really cannot bear the Monday Club. They are all mad . . .” wrote Alan Clark in his diary)[2], until the Party finally cut ties to the Monday Club in a “purge of rightwing extremists.”[3][4]

enochpowell1-242x300.jpgThe volume at hand, Standardbearers, seems to have been assembled in the late 1990s to help forge a new middle-way Rightism. It was the early Tony Blair years. The Conservatives were in the wilderness, in thrall to Political Correctness, and the respectable Right had lost its way. Tony Blair had a way of dismissing his opponents’ arguments by describing them as “the past.” As Antony Flew describes in the Foreword:

[A]t the Commonwealth Heads of Government meeting in Edinburgh in 1997 everything traditionally Scottish was out. No Scottish regiment marched up the Royal Mile with its band playing. Instead the visiting ministers were shown a video announcing: “There is a new British identity,” and displaying pop stars and fashion designers.[5]

Picture: Enoch Powell

This corrective to national amnesia and Cool Britannia is not a collection of political tracts. It doesn’t assail broad issues of race and culture, or ride obscurantist hobbyhorses about IQ standard-deviations or Austrian Economics, or explain how Free Markets are the backbone of a Free Society. It has no specific axe to grind. It is merely an old-fashioned collection of profiles of eminent men, in the manner of Plutarch or Strachey or JFK. If it has any overarching objective, it that of moral rearmament by finding a usable past. The writers look at discarded national aspirations, and take a keen look at half-forgotten or misremembered Englishmen from the 18th century onward.

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G. A. Henty

We begin by rehabilitating the spirit of national and imperial greatness, and this is done with studies on G. A. Henty and John Buchan (by Eddy Butler and William King, respectively). The first was the originator of the “ripping yarns” genre of derring-do and imperial adventure that filled Boys’ Own type of magazines in the latter 19th century and had enormous influence on popular and serious literature. Kipling’s fiction, and Buchan’s, and even some of Hemingway’s and Orwell’s, derive in part from Henty.

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John Buchan

John Buchan’s influence in turn is even more marked today because Buchan (journalist, speechwriter, and at one point Governor-General of Canada) wrote The Thirty-Nine Steps, which was the ur-espionage thriller, giving rise both to the novels of both John LeCarré and Ian Fleming. Thus, George Smiley and James Bond both have their roots in the high noon of the late 19th century British Empire. Though the memory of that Empire has been derided as something embarrassing for the past 60 or 70 years, its ultimate product, Mr. Bond, still stands, exciting and new.

The book’s authors find nationalism flowering in odd places. There is a short, fascinating essay called “Bax” by Peter Gibbs, and while it initially appears to be a tribute to the 20th century orchestral composer Sir Arnold Bax, it quickly moves on to a kind of rhapsody to exemplars of English (or “British”) national culture. Two whom Gibbs prizes the most are the composer Ralph Vaughn Williams, whose “folk-song settings and arrangements certainly reveal a nationalist outlook”; and the wildly romantic and mystical cinema of filmmaker Michael Powell (The Life and Death of Colonel Blimp, A Canterbury Tale).

Some of the book’s portraits are very predictable for a rightist anthology (Samuel Johnson, Edmund Burke, Hilaire Belloc, G. K. Chesterton), while others are unexpected and appear to reflect an author’s expertise or passion (Benjamin Disraeli, John Maynard Keynes). One curious cultural figure well known to Counter-Currents readers but otherwise obscure, is the final portrait in the book, Bill Hopkins, here profiled and interviewed by the late Jonathan Bowden. Bill Hopkins was perhaps the most obscure of the Angry Young Men of 1955-59. As he recounts here, he was a working journalist who was given a contact for a novel, The Divine and the Decay, which was eventually withdrawn and pulped, because someone at the publishing house bad-mouthed him as a subversive of the fascistic tendency. Thereafter Hopkins lay low, wrote under pseudonyms, edited the very first issue of Penthouse in the mid-1960s, and slowly amassed a fortune. The one true rebel and bohemian in the book, he is also the only character who was alive in the 1990s and able to tell his story in his own querulous voice.

On the political side, I was glad to see the almost entirely neglected Bonar Law here (in a brief biography by Adrian Davies). Law was perhaps the last Conservative PM to be truly conservative. The main reason we hardly ever hear of him today is that there were so many sparkly and opportunistic Liberal politicians on the scene (Winston Churchill, Lloyd George, H. H. Asquith) when he was in opposition; and when Law finally succeeded to the premiership in 1922, he served only a short time before succumbing to throat cancer. Here and in his treatment of Field Marshal Sir Henry Wilson, Adrian Davies spends a good deal of space describing the Home Rule crisis on the eve of the Great War: how Army officers were threatening to mutiny if asked to put down rebellions in Ulster, and how Asquith and the Liberals exploited the whole Home Rule issue for political gain. (A portrait of Sir Edward Carson, by Ralph Harrison, covers parallel ground.)

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Bonar Law

As this is partisan history, these retellings are sometimes tendentious. Bonar Law, Edward Carson, and the Unionists/Conservatives were at least as pragmatic and opportunistic as the Liberals. After all, their opposition to enactment of Irish Home Rule 1912-1914 rested upon the odd position that the little patch of Ireland around Belfast was a sanctuary, a special spot, which must never be ruled by a Dublin parliament, unless and until Belfasters give their collective permission. (Presumably Ulstermen had not made such special pleading back in 1800, when the Act of Union was passed and the Dublin parliament abolished.) The writers’ reference to the northeast corner of Ireland as “North” and the remainder of the island as “South,” is a quaint example of political cant, but a useful and enduring one.

Another Englishman whose career got snagged on the Irish problem was the classics scholar Enoch Powell, here profiled by Sam Swerling. For most of his long tenure as MP, 1950-1987—first for the Conservatives, then for the Ulster Unionists—Powell was a steady, unswerving champion of national integrity and self-reliance. “He regarded the Commonwealth as a farcical institution and the United Nations as a vehicle for American aggrandisement and sabre rattling.”[6] Powell was perennially suspicious of America and even more so of the EEC, Britain’s membership in which he considered to be a political question, not an economic one.

Today he is largely remembered for his April 1968 “Rivers of Blood” speech, decrying nonwhite immigration. Although this made screaming headlines and caused Edward Heath to dismiss Powell from his shadow cabinet, the speech was not the watershed it is usually made out to be. Powell was not the first Conservative to speak out on the Caribbean black problem, and his concern was not race per se but rather preservation of national integrity. Nevertheless, with his oratorical verve and his mustache, Enoch Powell excited some nationalist hearts longing for a new Mosley.

But that role was quite inapposite to this poet/classicist’s tastes and abilities. “Powell never quite saw himself as a latter-day Mussolini marching on London with nationalist legions in his wake.”[7] Moreover, any racial-nationalist movement that might have been aborning in 1968, was effectively smothered in its crib. As though on cue, civil-rights marchers began agitating in Belfast, and by accident or design, these new developments so distracted Powell and the Conservatives that nothing more was heard from them on the New Immigration issue.

One useful figure I wish had been in here and is not, is Alan Clark MP, the arch-Tory historian, diarist, animal-lover, and cabinet secretary who never let political expediency get in the way of his wit, and died the same year this was published.[8]

I highly recommend this book [2] to all who search for foundations for a New Right.

Notes

1. Financial Times, 30 August 2015 [7].

2. Alan Clark, Diaries: Into Politics. London: Weidenfeld & Nicolson. 2000. p. 337.

3. Conservative leader Iain Duncan Smith broke ties with the Monday Club in October 2001 because of its “inflammatory views on race, such as the voluntary repatriation of ethnic minorities.” http://www.theguardian.com/politics/2001/oct/19/uk.race [8]

4. A few months later, in May 2002, IDS publicly sacked a minor shadow minister, Ann Winterton, for telling attendees at a rugby dinner a mild joke about a Cuban, a Japanese, and a Pakistani. http://www.theguardian.com/uk/2002/may/06/race.conservatives [9]

5. Standardbearers,  p. V.

6. ibid., p. 128

7. ibid., p. 126.

8. When someone called Clark a fascist in the Guardian, he is supposed to have written the editor: “I am not a fascist. Fascists are shopkeepers. I am a Nazi.” (Alas, I have been unable to locate the letter.)

Article printed from Counter-Currents Publishing: http://www.counter-currents.com

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[1] Image: https://secure.counter-currents.com/wp-content/uploads/2012/06/enochpowell1.jpg

[2] Standardbearers: British Roots of the New Right: https://secure.counter-currents.com/standardbearers/

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[6] Image: https://secure.counter-currents.com/wp-content/uploads/2015/09/bonarlaw2.jpg

[7] Financial Times, 30 August 2015: http://www.ft.com/cms/s/0/e789b666-4b44-11e5-b558-8a9722977189.html#axzz3kRpTtJLj

[8] http://www.theguardian.com/politics/2001/oct/19/uk.race: http://www.theguardian.com/politics/2001/oct/19/uk.race

[9] http://www.theguardian.com/uk/2002/may/06/race.conservatives: http://www.theguardian.com/uk/2002/may/06/race.conservatives

samedi, 05 septembre 2015

NIETZSCHE - LA DÉTRESSE DU PRÉSENT

NIETZSCHE - LA DÉTRESSE DU PRÉSENT

de Dorian Astor (folio) Ed. Gallimard

Pierre Lance*
Ex: http://metamag.fr

astornietz.jpgJ’avoue avoir manqué de prudence lorsque j’ai promis à MÉTAMAG de rédiger une note de lecture sur cet ouvrage. Car je n’avais encore rien lu de l’auteur et je ne m’attendais pas à recevoir un pavé de 650 pages constituées de commentaires sur l’oeuvre de Nietzsche. 


Certes, je salue bien bas la performance. Noircir 650 pages de considérations d’une utilité très contestable, il faut le faire ! Pourtant j’ai un préjugé favorable envers tous les écrivains qui se passionnent pour Nietzsche, le plus grand philosophe et psychologue de l’ère contemporaine, mais j’attends d’eux qu’ils apportent un éclairage original et des réflexions pertinentes sur les écrits flamboyants du prophète de la surhumanité. 


A mon grand regret, je n’ai rien trouvé de ce genre dans aucune de toutes les pages que j’ai lues, soit environ le quart du total en différents endroits, car je n’ai pas pu m’astreindre à lire la totalité de ce pensum, indigeste au plus haut point. L’avant-propos déjà m’avait laissé perplexe. D’abord parce que l’auteur y abuse des mots «moderne», «modernité» et «post-modernité» qui sont pour moi des termes dépourvus de sens, du moins sur le plan philosophique. Car la philosophie s’attache à l’essentiel qui, par nature, est intemporel. Ensuite parce qu’une phrase de ce texte m’a fait bondir. Dorian Astor nous affirme en effet : «Il ne fait aucun doute que la lecture de Nietzsche est douloureuse». J’en suis resté pantois ! Car mes premières lectures de Nietzsche me plongèrent immédiatement dans un bain de joie et d’enthousiasme sans pareil. Enfin quelqu’un qui avait tout compris ! (Et je ne peux imaginer de douleur à cette lecture que dans les esprits congelés par une religion ou idéologie quelconque). Si bien que je n’ai eu de cesse d’avoir absorbé les oeuvres complètes de ce magnifique trublion, sans oublier les Fragments posthumes, ni, bien entendu, la correspondance. C’est dans cette dernière que Nietzsche renie sans équivoque sa vision de l‘Éternel Retour (dont les petits professeurs de philosophie se gargarisent encore à qui mieux mieux), dans une note relevée par son excellent biographe Daniel Halévy dans une lettre à Peter Gast du 10 juin 1887. 


Le biographe écrit et cite : «Sans doute Nietzsche a-t-il voulu, une fois de plus, mettre sa pensée au clair». Quelques mots, deux lignes à peine, jetés comme un cri, interrompent cet exposé. Les voici : «Le Retour éternel est la forme la plus extrême du nihilisme : le néant (l’absurde) éternel !». Quel soulagement ce fut pour moi de voir Nietzsche reconnaître à ce propos son erreur, laquelle ne cessait de me tarabuster. Tant il me paraissait évident que l’idée d’un éternel retour de toutes choses est absolument incompatible  avec un univers éternel et infini (ce qu’il est inexorablement), donc indéfiniment renouvelé. (Nous abandonnerons à leurs rêveries pseudo-scientifiques et crypto-théocratiques les ridicules adorateurs du Big-Bang). À vrai dire, Nietzsche avait déjà quasiment tordu le cou à l’Éternel Retour dans l’aphorisme 335 du Gai savoir, dans lequel il écrit : «Qui juge encore: «dans tel cas tout le monde devrait agir ainsi», n’a pas encore fait trois pas dans la connaissance de soi-même; sans quoi il n’ignorerait pas qu’il n’y a pas, qu’il ne saurait y avoir d’acte semblable, que tout acte qui a été fait le fut d’une façon unique et irréproductible, qu’il en sera ainsi de tout acte futur...».
Dorian Astor s’est fort empêtré lui-même dans l’Éternel Retour, mais je porterai à son crédit ce paragraphe de la page 518 de son livre, dans lequel il écrit : «... Il me semble que dans l’Éternel retour, c’est la question de l’Éternel qui est centrale, et qui forme le point où se nouent le problème de la connaissance et celui de la vie. Le Retour n’est «que» l’une des formes hypothétiques ou expérimentales d’un exercice ou ascèse de la pensée et de la vie philosophiques en vue de répondre au problème de l’éternité.»  (Soit dit en passant, je ne vois pas en quoi l’éternité est un problème. C’est au contraire son impossible absence qui en serait un). Cette tentative de «justification» intéressante et astucieuse de l’absurdité fondamentale de l’Éternel Retour ne saurait pourtant remplacer la vérité toute nue : Nietzsche a lui-même donné congé à sa vision première de ce Retour sempiternel et illogique. A la décharge de tous ceux qui l’ignorent (et qui sont trop pauvres en intuition philosophique pour découvrir cela par eux-mêmes), il est vrai qu’il ne l’a fait qu’en une seule courte phrase, alors qu’il avait consacré des pages et des pages à vanter sa «vision» de 1880. 


Toutefois je m’étonne que Dorian Astor, qui a manifestement lu et relu toute l’oeuvre de Nietzsche avec grande vigilance, autant que moi-même s’il se peut, n’ait pas relevé la dénégation nietzschéenne de l’Éternel Retour. Aurait-il négligé la correspondance avec Peter Gast, le grand ami et confident de Nietzsche ? J’ai peine à le croire. A moins qu’il n’ait pas osé diffuser cette révélation capitale ? Car l’on a tant glosé sur cet impossible Retour depuis un siècle et sur toute la planète que cette révélation tardive causerait une véritable secousse sismique dans le landerneau universitaire, où l’éternel retour de l’Éternel Retour constitue en quelque sorte la rente viagère des cerveaux dévitaminés. Il n’y a donc probablement qu’un chien fou de mon espèce qui soit capable de jeter un tel brûlot dans les cimetières de la culture.


Dorian Astor, Nietzsche. La détresse du présent, Collection Folio essais (n° 591), Gallimard 10,20 € . 

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lance348-1338573363.jpgPierre Lance fut en 1969 le fondateur de la «Société Nietzsche», qui publia jusqu’en 1977 la revue «Engadine». Il est l’auteur d’une vingtaine d’ouvrages, dont notamment «Charles de Gaulle, ce chrétien nietzschéen» (1965, épuisé), «Au-delà de Nietzsche» (1976, réédité en 1992, épuisé), «En compagnie de Nietzsche» (recueil d’articles, 1991) et «Le Fils de Zarathoustra» (Editions Véga-Trédaniel, 2006). Il publie actuellement un billet quotidien abordant tous les sujets sur le site www.nice-provence.info.

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mardi, 01 septembre 2015

POPULISME : LES DEMEURÉS DE L’HISTOIRE

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POPULISME : LES DEMEURÉS DE L’HISTOIRE

Chantal DELSOL aux éditions du Rocher

Auran Derien
Ex: http://metamag.fr

chantalcapture_9.jpgPour réfléchir, il convient de prendre du recul. En France, le recul remonte aux Grecs, à l’aurore de la pensée, lorsque la question fondamentale fut exprimée ainsi : Pourquoi y-a-t-il quelque chose plutôt que rien? La superstition, la croyance, laissèrent peu à peu la place à la connaissance et la pensée politique émergea pour réfléchir sur l’organisation communautaire lorsque les niaiseries concernant les dieux, la caste sacerdotale qui parle en leur nom, etc. fut abandonnée en faveur de questionnements plus honnêtes, plus rationnels et plus humains.


Éduquer le peuple


Pour faire participer des personnes à un débat sur le bien commun d’un groupe, il est important que les égoïsmes personnels s’effacent en faveur d’une ouverture sur ce qui sera meilleur pour tous. Il faut convaincre, séduire, ouvrir les esprits à ces nécessités car, par nature, rien ne prédispose à sortir de son groupe, de sa secte, pour faire société avec d’autres, mais pas n’importe quel autre justement. Le débat, la discussion ne fonctionnent qu’à l’intérieur d’enceintes qui reconnaissent les règles du discours argumenté. Une culture préalable est sous-jacente à la fonction politique démocratique, qui s’appuie sur des personnes, dont les meilleures cherchent à convaincre les autres de résister à la tentation de ne penser qu’en fonction de leur intérêt personnel et immédiat.

L’éducation politique en Grèce était d’une grande importance, de même que le débat réglé et la formation d’une élite sortie du peuple pour guider, éclairer les choix collectifs, ceux qui paraissent déboucher sur un rayonnement de la Cité, ou parfois simplement sa survivance. Dans ce cadre général, Chantal DELSOL explique que l’idiotés de l’époque, qui donnera naissance au mot actuel idiot, désignait alors celui qui restait soucieux de sa particularité, plus que du bien commun. 

Assimilation de l’idiotés au populisme


Le peuple, lorsqu’il s’agit d’une communauté qui dispose d’un instinct social fondé sur une hiérarchie acceptée et des idéaux partagés, se préoccupe essentiellement de son bien-être matériel et de la continuité de ses traditions car elles donnent sens à sa vie. Aujourd’hui, l’auteur cherche à comprendre les continuités et dérapages des quatre acteurs concernés par un régime dit “démocratique” : le peuple et l’élite - l’idiotés et les meilleurs - la culture et l’éducation (les valeurs partagées et l’amélioration de chacun). Or, force lui est de constatée que rien ne va plus dans le meilleur des mondes globalitaires.

D’abord, le dédain à l’égard du peuple, les idiotes, s’est transformé en haine car l’élite n’est plus la même. Aux aristocrates, mot qui signifiait les meilleurs, ont succédé « les riches ». Dès lors, comment prendre au sérieux ceux qui veulent faire la morale ?
Puis, l’élite contemporaine a un fil à la patte. Dans un monde obsédé par l’économique, mis à part les actionnaires et ceux qui gèrent les fonds, chacun est un employé, donc un esclave selon la tradition Aristotélicienne. Il ne s’appartient pas, mais obéit aux ordres. Cela est vrai dans les médias, dans l’enseignement, dans les universités car l’auteur est bien placée pour savoir que la police de la pensée règne partout depuis que les centres autonomes, qui permettaient une formation sans préjugés ont disparu, entraînant la fin des élites européennes, remplacées par des « élites » formatées au sein d’écoles de commerce où l’on apprend rien de ce qui concerne la fonction politique, l’esthétique, l’éthique, mais où l’on devient un fanatique appliquant partout les mêmes dogmes, affirmant que la fiction doit soumettre le réel. Le contraire d’une élite éclairée dirige aujourd’hui des peuples qui ont conservé la lanterne de Diogène. La haine des gérants est donc sans limites envers ceux qui rient de leur médiocrité. 

Le temps de la mafia


Un véritable membre de l’élite intellectuelle comme Mme Chantal Delsol a bien compris que “le partage mafieux du pouvoir se fait au nom de la démocratie” (p.168). L’honnêteté de sa recherche sur le populisme la conduit à consacrer un chapitre à la différence entre démagogie et populisme, car c’est une facilité des médias que de disqualifier depuis qu’ils ne sont plus capables d’argumenter. Ils ne possèdent ni formation intellectuelle suffisante ni liberté d’agir, depuis que la globalisation les a transformé en affidés des patrons de médias. Peu à peu, l'auteur a pu noter la montée aux extrêmes de la haine des riches, qui ne sont plus que des oligarques, contre le peuple, qui souhaite suivre ses traditions, manifestant en cela l'essence de l’éternité. Elle en déduit que l´”élite” actuelle dans les pays européens préfère tout détruire afin de continuer son business en toute tranquillité. Ils en sont d'ailleurs à l'ultime phase, le changement de peuple par l’immigration brutale et massive. 


Conclusion : le temps de l’inhumanité


La connaissance parfaite des origines grecques, la compréhension de cette ouverture au monde à partir d’un lieu, permet à l’auteur de conclure que les maîtres actuels, formatés à l’économie irréelle, débouchent obligatoirement sur le despotisme de la pensée pieuse, la leur étant proclamée représentative de l’humanité. En réalité donc, nous laisse entendre Chantal Delsol, nous avons régressé à la pensée religieuse primitive, dogmatique, pré-politique, pré-scientifique voire pré-logique. les médias surveillent tout le monde afin de dénoncer les infidèles, les hérétiques. Il n’y a plus d’un côté des élites ouvertes au monde et des peuples un peu trop préoccupés de leur singularité de l’autre, mais des trafiquants qui hurlent des slogans prétentieux mais vides car leur seule expérience de l’universel est finalement le bilan des entreprises et la même chambre d’hôtel où ils s’abrutissent, quelque soit le lieu, en calculant les gains de leurs maîtres. Ceux-ci leur paient ici ou là quelques réjouissances car leurs esclaves doivent avoir accès à la seule chose vraiment universelle dont parlait Nietzsche, le cul.


Chantal DELSOL : Populisme. Les demeurés de l’histoire. Ed. du Rocher, 268 p., 2015, 17.90€.

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vendredi, 21 août 2015

Fanny Truilhé et Mathilde Gibelin, "Tour d'Europe"

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Chronique de livre :

Fanny Truilhé et Mathilde Gibelin, "Tour d'Europe"

Ex: http://cerclenonconforme.hautetfort.com

Fanny Truilhé et Mathilde Gibelin, Tour d'Europe

(Les Amis du Livre Européen, 2015)

Enfin nous pouvons lire le récit de ce fameux tour d'Europe à pied! La question sera donc : à quelle place insérerons-nous ce livre, à côté de quels autres ? Je crois que sa place serait dans la catégorie des "livres qui poussent à l'action". Ces derniers sont rares et précieux, et ont donc une place de choix. Dans sa longue formation, tout militant devra digérer les doctrines des uns et des autres, de la philosophie, des réflexions diverses, mais viendra parfois le moment où il recherchera des témoignages pratiques, plus proches de ses réalités quotidiennes, des ouvrages militants.

Si je me suis tout de suite plongé dans la lecture de ce journal de bord, c'est que j'étais intrigué par la démarche en elle-même. Ayant entendu leur témoignage sur l'émission de radio Méridien Zéro, je trouvais que la réappropriation de sa terre par la marche était une idée audacieuse et tout à fait cohérente. Cela me rappela un passage marquant du roman Ravage de René Barjavel : "En une seconde, l'Amérique, tout à l'heure si proche, venait de reprendre sa place ancienne, à l'autre bout du monde. [...] Chacun allait se retrouver dans un univers à la mesure de l'acuité de ses sens naturels, de la longueur de ses membres, de la force de ses muscles."

Car l'Homme en effet, est "la mesure de toute chose" et lire ce journal c'est un peu prendre la mesure de l'Europe grâce à nos deux vagabondes enracinées (le grand paradoxe indo-européen).

Vous verrez qu'au bout de quelques pages, vous aurez peut-être envie de cesser la lecture ou de fermer le livre, non pas parce que la lecture est ennuyeuse, mais poussé(e) par l'envie de vous chausser solidement et d'aller découvrir la nature inexplorée qui vous entoure. Mais attention, on voit ici que nos aventurières sont formées (scouts depuis l'âge de 8 ans) et une telle marche n'est pas envisageable pour tout le monde. Le moindre désagrément peut vite devenir un cauchemar, loin de chez soi, lorsqu'il fait froid, humide, et que la nuit tombe sur le paysage désertique d'un pays inconnu. Chaussures trop petites, individus louches, toutes sortes de choses renversées dans son sac, froid, chaleur, neige, barrière de la langue, agacement vis à vis de l'autre, moustiques (!!!) on n'imagine pas toujours les difficultés qu'une telle aventure peut entraîner. L'écriture sous forme de journal permet de décrire et de transmettre parfaitement le stress et les inquiétudes de ces petits désagréments, mais aussi les joies des bonnes rencontres et des heureuses surprises. Tout au long du récit, vous découvrirez que nos jeunes filles ne se contentent pas d'un simple exploit sportif. Bien entendu, je parle de "simple exploit sportif", car des tours du monde, d'Europe, de France, à pied, à vélo, en stop, des traversés à la nage, ce n'est pas ce qui manque. Ces prouesses sont honorables, et bien que plutôt sportif je m'en sens parfaitement incapable. Ce que je veux dire par là, c'est qu'en plus d'un exploit physique et sportif, les filles ont réalisé un véritable acte politique et spirituel. C'est en cela que la démarche est cohérente et qu'elle n'entre pas du tout dans le cadre de cette société du spectacle et de la performance où l'on voit fleurir toutes sortes de records absurdes.

Au-delà de la marche et des péripéties, le livre nous offre un tas de réflexions, parfois contemplatives, parfois personnelles, ou d'autres liées à notre identité européenne, accompagnées d'un certain nombre de références littéraires. C'est ce qui rend la lecture enrichissante car il m'aurait semblé rébarbatif de lire plus de 200 pages sur comment mettre un pied devant l'autre... Je vous rassure, ici ce n'est pas le cas!

Autre chose, on pourrait se demander, en mauvaise langue, si "elles l'ont vraiment fait". Et bien oui, je crois qu'on peut dire qu'il s'agit d'un vrai tour d'Europe à pied. Même s'il y a quelques étapes en train ou en stop, cela se justifie toujours dans le récit. Donc non, si vous vous posiez la question, elles n'ont pas triché! Alors si 6000 kilomètres à pied vous paraissent encore insurmontables, du moins dans l'avenir proche, vous pourrez toujours lire ce Tour d'Europe préalablement paru en version numérique il y a quelques mois. En plus, les filles (je deviens familier avec elles mais pourtant je ne les connais pas vraiment), nous offrent la liste du matériel utilisé (très pratique si l'idée germe en vous) et un cahier photo très sympathique qui permet une immersion encore plus forte dans cette aventure.

Franck / C.N.C.

Note du C.N.C.: Toute reproduction éventuelle de ce contenu doit mentionner la source

jeudi, 20 août 2015

« Choc et Simulacre » par un collectif européen d’auteurs

« Choc et Simulacre » par un collectif européen d’auteurs, présenté par Michel Drac

par Georges Feltin-Tracol

Ex: http://www.polemia.com

Écrit par un collectif d’auteurs dont certains avaient déjà participé à la rédaction du roman d’anticipation politique Eurocalypse et qui ont assimilé l’œuvre de Jean Baudrillard, Choc et Simulacre est un ouvrage dense qui interprète, d’une manière décapante, les grands événements en cours.

choc2NRnL._SX350_BO1,204,203,200_.jpgLes auteurs s’intéressent à la genèse récente du projet hégémonique des États-Unis. Ils rappellent que, sous la présidence de Bill « Tacheur de robe » Clinton (1993 – 2001), des intellectuels préparaient la domination mondiale de leur pays à travers le Project for a New American Century. Ce programme ambitieux parvint à regrouper « conservateurs réalistes », mondialistes patentés et néo-conservateurs malgré des tensions inhérentes incessantes. Au sein du néo-conservatisme même, le collectif relève que « la base militante […] était à l’origine composée de trois groupes dont les valeurs ne sont pas totalement compatibles, et dont les intérêts divergent largement : le “ big business ”, les milieux pro-Israël, la “ moral majority ” (p. 26) ».

Sommes-nous en présence d’une « entente idéologique » factuelle qui œuvre à la suprématie planétaire de Washington ? Oui, mais sans chef d’orchestre patenté puisqu’il s’y concurrence et s’y affronte divers clivages, d’où les ambiguïtés intrinsèques du « conservatisme étatsunien » au début du XXIe siècle. Le collectif prend pour preuve les études de Samuel Huntington. Son « choc des civilisations » était au départ un article répondant à la thèse de Francis Fukuyama sur la fin de l’histoire et le triomphe final du libéralisme. Certes, Huntington y exprimait une vision étatsunienne du monde en distinguant l’Occident euro-atlantique d’une civilisation européenne orthodoxe et en niant toute particularité à l’Europe. Pourtant, même si son thème du « choc des civilisations » va être instrumentalisé au profit du mondialisme yanqui conquérant, Huntington comprit ensuite, dans son dernier essai, Qui sommes-nous ?, que le « choc des civilisations » atteignait les fondements des États-Unis avec une lente « latino-américanisation » de sa patrie…

Les méandres du pouvoir réel à Washington

Les interventions militaires en Afghanistan (2002) et en Irak (2003) marquent l’apogée du néo-conservatisme et donc le début de son déclin à l’intérieur de la « coalition » dominante. « La fracture entre néo-conservateurs d’une part, mondialistes et conservateurs réalistes d’autre part, continue à perdurer, mais désormais, ce sont à nouveau les conservateurs réalistes qui mènent la danse, ayant récupéré le soutien clair et fort des milieux mondialistes (p. 63). » Par ailleurs, le plan « néo-con » a échoué auprès de la population U.S. qui réagit maintenant par le phénomène du Tea Party. Cette nébuleuse mouvementiste présente de fortes inclinations libertariennes et isolationnistes (mais pas toujours !).

Avec ce retour au réel géopolitique, on assiste au regain d’influence de Zbigniew Kazimierz Brzezinski – que les auteurs désignent par ses initiales Z.K.B. -, qui est probablement le plus talentueux penseur géopolitique des États-Unis vivant. Bien que démocrate, ce conservateur réaliste s’active en faveur d’« un ordre mondial aussi unifié que possible, au sein duquel les élites anglo-saxonnes sont prédominantes (p. 47) ». Z.K.B. réactualise de la sorte les vieux desseins de Cecil Rhodes, de la Fabian Society et de l’« Anglosphère » en partie matérialisée par le système Échelon. Ainsi, « l’objectif de la conquête de l’Asie centrale doit être, selon Z.K.B., d’assurer la victoire non de l’Amérique proprement dite, mais plutôt celle d’un Nouvel Ordre Mondial entièrement dominé par les grandes entreprises multinationales (occidentales principalement). Le Grand Échiquier se présente d’ailleurs comme un véritable hymne aux instances gouvernantes du mondialisme économique (Banque mondiale, F.M.I.). Z.K.B. est le premier patriote du Richistan – un pays en surplomb de tous les autres, où ne vivent que les très, très riches (p. 49) ».

Faut-il ensuite s’étonner d’y rencontrer le chantre des « sociétés ouvertes », le co-directeur de la célèbre O.N.G. bien-pensante Human Rights Watch et l’instigateur occulte des révolutions colorées, Georges Soros ? Il soutient de ses deniers « l’Open Society Fund […qui] est destiné officiellement à “ ouvrir des sociétés fermées ” (en clair : empêcher les États de réguler l’activité des grands prédateurs financiers mondialisés) (p. 55) ». Le collectif évoque une « méthode Soros » qui consiste à « semer le chaos souterrainement pour proposer ensuite la médiation qui rétablit l’ordre (p. 82) ». Il n’y a pourtant ni complot, ni conspiration de la part d’un nouveau S.P.E.C.T.R.E. cher à Ian Fleming et à son héros James Bond…

En analysant la production éditoriale d’outre-Atlantique, les auteurs observent néanmoins une nette « difficulté de la coordination entre le tendances de l’oligarchie fédérée U.S. – une oligarchie qui ne parvient à surmonter son incohérence que par la fuite en avant (p. 77) ». En effet, les différentes tendances de la « coalition hégémoniste » veulent d’abord défendre leurs propres intérêts. Ils rappellent en outre l’importance du lobby israélien aux États-Unis, groupe d’influence qui ne se recoupe pas avec l’emprise de la communauté juive sur le pays. Ils signalent aussi les liens très étroits tissés entre le Mossad et la C.I.A. au point que « la coopération entre les deux appareils de renseignement va si loin qu’on peut parler d’intégration mutuelle (p. 70) ». Via l’A.I.P.A.C. (American Israel Public Affairs Committee) et d’autres cénacles spécialisés dont l’Anti Defamation League, « spécialisée dans le harcèlement des opposants. Elle utilise très largement l’accusation d’antisémitisme et, d’une manière générale, promeut un “ souvenir ” de la Shoah qui ressemble à s’y méprendre à une stratégie d’ingénierie des perceptions visant à développer, dans la population juive, le syndrome de Massada (p. 67) », Israël est bien défendu outre-Atlantique. Or la diplomatie de la canonnière néo-conservatrice des années 2000, en chassant du pouvoir les Talibans et Saddam Hussein, a favorisé l’Iran et affaibli les soutiens arabes traditionnels des États-Unis (Égypte, Arabie Saoudite, Jordanie). Prenant acte de cette nouvelle donne non souhaitée, « il y aurait donc renversement d’alliance latent entre W.A.S.P. conservateurs réalistes de l’appareil d’État U.S., mondialistes financés par la haute finance londonienne et lobby pro-israélien néoconservateur, avec Z.K.B., le mondialiste réaliste, en médiateur (pp. 64 – 65).»

L’heure du « médiaterrorisme »

Il ne faut surtout pas se méprendre : ces conflits internes, inévitables, n’empêchent pas l’unité en cas de nécessité ou de but commun. Par ailleurs, cette « entente » emploie avec aisance le mensonge, la désinformation, l’intox et le truquage qui « est l’imprégnation progressive de la cible (p. 17) ». L’hyper-classe étatsunienne pratique une nouvelle forme de guerre : la guerre de quatrième génération (G4G). « Faisant suite à la guerre des masses en armes, à celle de la puissance de feu et à la Blitzkrieg, cette quatrième génération est définie comme la guerre de l’information, impliquant des populations entières dans tous les domaines (politique, économique, social et culturel). L’objectif de cette guerre est le système mental collectif de l’adversaire. Et par conséquent, le mental des individus qui composent sa collectivité (pp. 13 – 14). »

Selon les circonstances et les modalités d’emploi, cette G4G s’utilise diversement. « Le terrorisme est un moyen, pour un pouvoir occulte, de conserver le contrôle soit en éliminant un adversaire (instrumentalisation de l’assassin politique), soit en perturbant un processus sociopolitique (stratégie de la tension), soit en poussant un groupe assimilable à l’ennemi à commettre un acte odieux (stratégie du renversement des rôles, l’agresseur réel se faisant passer pour l’agressé – cas le plus célèbre : la conspiration des poudres, dès le XVIIe siècle, en Angleterre) (p. 106). » Les États-Unis ne sont pas en reste dans l’application régulière de cette tactique, de l’explosion de leur navire, U.S.S. Maine, dans la rade du port espagnol de La Havane en 1898 au 11 septembre 2001 en passant par le transport clandestin d’armes pour les Britanniques dans les soutes des navires neutres – dont le Lusitania – coulés entre 1915 et 1917 et l’attaque de Pearl Harbor, le 7 décembre 1941, après avoir imposé un blocus pétrolier contre le Japon et décrypter dès 1936 les codes secrets nippons… Cessons d’être naïfs ! Comme l’avait déjà bien perçu le situationniste italien Censor (1), « la manipulation du terrorisme, voire sa fabrication, est une vieille stratégie de l’oligarchie américano-britannique. Quelques exemples : Giuseppe Mazzini, au service de l’Empire britannique, pour déstabiliser l’Autriche; ou encore l’instrumentalisation notoire de la Rote Armee Fraktion par les services anglo-américains; ou encore l’instrumentalisation des Brigades Rouges par les services U.S. pour se débarrasser d’Aldo Moro, qui voulait associer le P.C. italien au gouvernement démocrate-chrétien (p. 105) ». N’oublions pas le financement et l’entraînement d’Oussama Ben Laden et d’Al-Qaïda par la C.I.A. ou bien le téléguidage de certains éléments des Groupes islamiques armés algériens par quelques agents anglo-saxons en mission commandée contre les intérêts français en Afrique du Nord, au Sahara et au Sahel…

Le terrorisme se voit compléter par l’arme médiatique. « Aux U.S.A., le storytelling est en train de devenir non seulement une méthode de gouvernement (ce qu’il était depuis longtemps), mais le gouvernement lui-même, l’acte de gouverner. La révolution amorcée pendant le Watergate vient de s’achever : désormais, la gestion de la communication est au centre de l’acte de gouverner, elle n’est plus chargée d’accompagner l’action politique, elle est l’action politique. Désormais, la politique est l’art de parler non du pays réel, mais de l’imaginaire (pp. 99 – 100, souligné par les auteurs). » Le collectif expose ensuite des cas flagrants de « médiaterrorisme » à partir des exemples irakien, afghan et iranien.

Et là encore, les auteurs apportent un tiers point de vue. Pour eux, « que l’Irak ait possédé des armes de destruction massive ne fait aucun doute, et les Anglo-Américains étaient bien placés pour le savoir : pour l’essentiel, c’est eux qui avaient fourni ces armes à Saddam Hussein. […] Il est possible qu’en franchissant la ligne séparant armes chimiques et armes bactériologiques, Saddam ait outrepassé les autorisations de ses soutiens occidentaux (pp. 91 – 92) », d’où les rétorsions financières, l’incitation suggérée par Washington de s’emparer du Koweït, la guerre du Golfe, le blocus et l’invasion de l’Irak par les gars de Bush fils.

Quant à la situation iranienne, il est clair que « l’Iran inquiète les Américains précisément parce qu’il est en train de réussir ce que les payas arabes sunnites échouent à accomplir : définir une voie musulmane vers la modernité. Les Iraniens sont en train d’entrer dans l’ère du progrès technologique sans pour autant s’occidentaliser en profondeur. La société iranienne se libère, mais pas pour s’américaniser. Téhéran menace de briser l’alternative piégée où l’Occident a jusqu’ici enfermé le monde musulman : s’occidentaliser ou végéter dans l’arriération (p. 121) ». Bref, « l’Iran est un pays musulman qui a des ambitions… et les moyens de ses ambitions (p. 123) ».

Les auteurs dénoncent le détournement médiatique par les Occidentaux des propos du président Ahmadinejad qui n’a jamais parlé de rayer Israël de la carte ! On nuancera en revanche leur appréciation convenue quand ils estiment que « l’Iran n’est pas une démocratie au sens où les pays occidentaux sont démocratiques [sic ! Nos États occidentaux sont-ils vraiment démocratiques ?], mais c’est un État de droit, où le peuple est consulté régulièrement, à défaut d’être reconnu comme pleinement souverain (p. 131) ». Comme si les électeurs français, britanniques, allemands ou espagnols étaient, eux, pleinement souverains ! La Grasse Presse a orchestré un formidable tintamarre autour de la magnifique réélection en juin 2009 d’Ahmadinejad comme elle déplore l’extraordinaire succès populaire du président Loukachenko au Bélarus le 19 décembre 2010. En fait, les premiers tours des présidentielles iranienne et bélarussienne sont plus justes, conformes et légitimes que l’élection de Bush fils en 2000 ou le second tour de la présidentielle française de 2002 ! Ce n’était pas en Iran ou au Bélarus que se déchaînèrent télés serviles et radios soumises aux ordres contre le candidat-surprise du 21 avril !

On aura compris que, dans cette perspective, « avec la G4G, l’armée des U.S.A. avoue donc qu’elle est l’armée du capitalisme globalisé, et que son arme principale est le marketing. Fondamentalement, dans l’esprit de ses promoteurs, la G4G est la guerre de contre-insurrection d’une armée d’occupation planétaire à la solde du capital (p. 14) ».

Un champ de bataille parmi d’autres…

Et la France ? Craignant « le conflit métalocal, c’est-à-dire à la fois totalement local et totalement mondial (p. 8, souligné par les auteurs) » et pensant que « le retour des nations n’est donc pas forcément celui des États-nations : seuls les États-nations cohérents sous l’angle culturel seront cohérents sous l’angle national (p. 37) ». L’État-nation est-il encore un concept pertinent avec une population de plus en plus hétérogène sur les plans ethnique, religieux et cognitif ? Le sort de France préoccupent les auteurs qui insistent fortement sur l’acuité de la question sociale. Ils notent que les fractures françaises deviennent de très larges béances. Ils décèlent dans ce contexte d’angoisse sociale les premières manœuvres de la G4G. « La guerre civile visible, entre groupes au sein de la population, constitue un terrain propice à la conduite souterraine d’une autre guerre, qui l’encourage et l’instrumentalise, c’est-à-dire la guerre des classes dirigeantes contre les peuples. Par ailleurs, avec le trafic de drogues, on a précisément un exemple de contrôle exercé par des forces supérieures sur les quartiers “ ethniques ”. D’où l’inévitable question ? : et où, derrière la constitution en France de “ zones de non-droit ”, il y avait, plus généralement, une stratégie de déstabilisation latente, constitutive du pouvoir de ceux qui peuvent déstabiliser ? (p. 145, souligné par les auteurs). » La G4G emploie des leurres et des simulacres. « Le simulacre, c’est le choc des “ civilisations ”, c’est-à-dire l’affrontement des peuples et familles de peuples. La réalité, c’est le conflit entre le haut et le bas de la structure sociale, et parfois la recherche d’une entente horizontale entre les composantes du haut de cette structure. Le simulacre, c’est presque exactement l’inverse : conflit obligé entre les structures sur une base civilisationnelle, recherche de l’entente verticale au sein de chacune d’elle (p. 152). » Attention toutefois à ne pas tomber dans le piège réductionniste et à se focaliser sur un seul problème comme l’islamisation par exemple. Les auteurs prennent bien soin de ne pas nier les chocs de civilisations qui parcourent l’histoire. Ils se refusent en revanche d’entériner tant sa version néo-conservatrice que dans sa variante angélique. « Énoncer, par exemple, qu’il n’existerait pas d’antagonisme entre populations d’origine européenne et populations d’origine extra-européenne en France serait non seulement dire une contre-vérité manifeste (et se décrédibiliser), mais encore s’inscrire dans la grille de lecture de l’adversaire, qui veut que la question de l’antagonisme soit placé au centre du débat (p. 153). »

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Au bord de l’explosion générale, l’Hexagone se retrouve au centre d’une imbrication de luttes d’influence variées. « Les tensions observées en France ne peuvent se comprendre indépendamment de l’action des réseaux d’influence géopolitiques. On citera en particulier l’action des réseaux F.L.N. au sein de la population d’origine algérienne, le poids de l’islam marocain au sein de l’islam “ de France ”, l’influence certaine des services israéliens (Mossad) au sein de la population juive, à quoi il faut sans doute ajouter des influences construites par les services U.S. (pp. 141 – 142) (2) ». Écrit avant la publication des documents diplomatiques par WikiLeaks, les rapports secrets du département d’État des États-Unis prouvent l’incroyable sape des services yankees auprès des médias hexagonaux, du microcosme germano-pratin et dans les banlieues. Sur ce dernier point, Luc Bronner rapporte que « les Américains rappellent la nécessité de “ discrétion ” et de “ tact ” pour mettre en œuvre leur politique de soutien en faveur des minorités (3) ». L’objectif de Washington demeure d’éliminer une puissance gênante… Loin d’être des combattants de l’islam radical, la racaille des périphéries urbaines est plutôt l’auxiliaire zélé de l’américanisme globalitaire ! Ils en ignorent ses richesses métaphysiques et les expériences soufies et singent plutôt les Gangasta Rap yankees : on peut les qualifier sans erreur d’« Islaméricains ».

Que faire alors ? « La réponse adaptée à la guerre de quatrième génération, c’est la guerre de cinquième génération : la guerre faite pour préserver la structure générale du sens (p. 154) », soit élaborer une métapolitique liée au militantisme de terrain sans portée électorale immédiate. Et puis, ajoutent-ils, « fondamentalement, il faut faire un travail de formation (p. 154) ». Que fleurissent mille séminaires discrets d’où écloront les rébellions française et européenne ! Que se développe un ordonnancement réticulaire, polymorphe et viral des milieux de la dissidence régionale, nationale et continentale ! L’heure des hommes providentiels et des sauveurs suprêmes est révolu ! Dorénavant, l’impersonalité active doit être un impératif pour tous les militants ! Choc et Simulacre nous aide dans la juste compréhension des enjeux actuels.

Georges Feltin-Tracol

Europe maxima

Notes :

  1. Alias Gianfranco Sanguinetti. Il publia en 1975, sous ce nom de plume, un Véridique Rapport sur les dernières chances de sauver le capitalisme en Italie, puis en 1980, Du terrorisme et de l’État, la théorie et la pratique du terrorisme divulguées pour la première fois révélant le rôle trouble des services secrets italiens dans les activités des Brigades Rouges.
  2. Il serait bienvenu (un vœu pieu ?) qu’un éditeur traduise en français l’ouvrage récent du journaliste Giovanni Fasanella et du juge anti-terroriste, Rosario Priore, qui, dans Intrigo Internazionale (Chiarelettere éditeur, Milan, 2010), dévoilent la véritable guerre secrète opposant dans les décennies 1970 – 1980 les différents « services » des puissances occidentales et atlantistes. Qui nous dit que les États-Unis ne chercheraient pas à transposer en France ce que l’Italie des « années de plomb » a connu avec une nouvelle « stratégie de la tension », cette fois-ci, activée dans les banlieues ? Par ailleurs, dans une bande dessinée politique intitulée La Droite ! : petites trahisons entre amis (scénario de Pierre Boisserie et Frédéric Ploquin, dessin de Pascal Gros et couleur d’Isabelle Lebeau, Éditions 12 bis, 2010), les auteurs assènent dans une vignette que dans les années 1970, le S.D.E.C.E. (le contre-espionnage extérieur français) était partagé entre les obligés des Anglo-Saxons et les affidés des services israéliens…
  3.  Luc Bronner, Le Monde, 2 décembre 2010. • Collectif européen pour une information libre présenté par Michel Drac, Choc et Simulacre, éditions Le Retour aux Sources, 2010, 164 p.

 

Correspondance Polémia – 30/01/2011

00:05 Publié dans Actualité, Livre, Livre, Sociologie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : actualité, livre, sociologie, michel drac | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

Le divin Chesterton, de François Rivière

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Le divin Chesterton, de François Rivière

par Francis Richard

Ex: http://www.francisrichard.net

Le divin Chesterton est la première biographie écrite en français de Gilbert Keith Chesterton (1874-1936), G.K.S., universellement connu des amateurs de romans policiers à énigme. Ce fanatique de littérature policière est en effet le créateur du célèbre père Brown, un curé détective qui mène l'enquête...

G.K.S. n'est évidemment pas seulement l'auteur des aventures du père Brown, même si ce sont les aventures de ce détective en soutane qui l'ont définitivement rendu célèbre. Il a en effet une centaine d'ouvrages à son compteur et parle même du n°999 des livres qu'il n'a jamais écrits dans son... Autobiographie.

Cette biographie en français, qui ne correspond à la commémoration d'aucun anniversaire, est la bienvenue pour découvrir ou redécouvrir l'oeuvre de ce polygraphe hyper-actif et dessinateur précoce et talentueux: le livre de François Rivière reproduit d'ailleurs des illustrations originales de l'Anglais.

chesterton-riviere.jpgEnfant, Gilbert aime la fiction merveilleuse. Elle "sert d'antidote aux monstres cauchemardesques qui l'empêchent souvent de dormir mais qu'il tente d'exorciser avec ses dessins." Aussi, avant de lire Walter Scott, Thackeray et Dickens, aura-t-il lu MacDonald, Charles Kingsley et Barrie.

A ses qualités précoces de lecteur impénitent et de dessinateur - c'est surtout un excellent caricaturiste -, il faut ajouter celles, tout aussi précoces, de poète et de débatteur - il aime les joutes verbales où, avec sa voix haut perchée, il fait preuve d'humour, manie l'ironie, cultive le paradoxe et exerce son sens de la répartie.

Jeune homme, il travaille dans l'édition et est journaliste. Dans la presse, il pourfend les idées reçues et s'en prend notamment à celles de George Bernard Shaw et de H.G. Wells, membres très actifs de la "Société fabienne, dont naîtra un jour le Parti travailliste", incompatibles avec son "sens de l'émerveillement qui sert de socle à la spiritualité et au nonsense".

Pour Chesterton, Shaw, Wells, ou encore Kipling, sont des hérétiques. "Un hérétique est un homme dont la vision des choses a l'impudence de différer de la mienne", définit-il, avec humour. Le fait est que leur vision diffère de la sienne: le premier est un socialiste athée, le deuxième un utopiste immodeste et le troisième un cosmopolite portant l'uniforme.

Une rencontre va être déterminante, celle avec le père John O'Connor: il va faire de lui le "confident de ses préoccupations les plus intimes" et ce prêtre ne sera pas pour rien dans sa conversion au catholicisme. Lequel correspond davantage que l'anglicanisme à son rejet du déterminisme, qu'il oppose à la vérité transcendante.

Chesterton va, à l'évidence, s'inspirer du père O'Connor pour créer son personnage du père Brown, "un détective d'un genre nouveau, héros d'une fiction associant passion littéraire déplorable au regard de la gent cultivée (ou supposée telle) à l'essence même de sa réflexion métaphysique".

Certes Chesterton peut paraître excentrique, et il l'est, mais il est aussi très cultivé, très brillant. Son physique de géant, binoclard et obèse, grand buveur de vin et de bière devant l'Eternel, est un démenti apporté à la subtilité de ses raisonnements et de son style.

Comme nobody is perfect, Chesterton sera adepte de l'utopique troisième voie du distributisme, "un système s'opposant à la fois au capitalisme et au socialisme et prônant une économie fondée sur la petite propriété, avec un retour à la paysannerie et à l'artisanat", dont cet anti-moderne, hostile au progrès technique, a la nostalgie.

La biographie de François Rivière explique la genèse et le développement de l'oeuvre diverse et variée de cet homme rayonnant, qui mènera de front des activités d'écrivain, de journaliste et de conférencier: "Cet homme est tellement joyeux qu'on se dit qu'il a rencontré Dieu", écrira Franz Kafka.

L'oeuvre de Chesterton comprend des romans, des nouvelles, des essais, des poésies et des biographies non conformistes - Browning, Dickens, William Blake, Saint François d'Assise, William Cobett, Stevenson, Chaucer, Saint Thomas d'Aquin -, et même une pièce de théâtre, Magie.

Kafka ne sera pas le seul à lire et à louer Chesterton. Citons parmi ses contemporains, Shaw et Wells, qu'il a pourtant souvent pris pour cibles, et, parmi des auteurs de romans policiers plus jeunes que lui, Agatha Christie, Dorothy Sayers ou John Dickson Carr.

Jorge Luis Borges dresse ce portrait perspicace de Chesterton, qu'il appelle son maître:

"Il aurait pu être Kafka ou Poe mais, courageusement, il opta pour le bonheur, du moins feignit-il de l'avoir trouvé. De la foi anglicane, il passa à la foi catholique, fondée, selon lui, sur le bon sens. Il avança que la singularité de cette foi s'ajuste à celle de l'univers comme la forme étrange d'une clé s'ajuste exactement à la forme étrange de la serrure."

Francis Richard 

Le divin Chesterton, François Rivière, 224 pages, Rivages

mercredi, 19 août 2015

Le temps d’Antigone, d’Eric Werner

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Le temps d’Antigone, d’Eric Werner

 
par Francis Richard
Resp. Ressources humaines
Ex: http://www.lesobservateurs.ch

"Certaines grandes oeuvres de la littérature occidentale ont pénétré l'inconscient collectif au point de s'y imprimer durablement, au point d'y prendre racine, contribuant par là même à faire de nous ce que nous sommes." écrit Eric Werner dans son essai, Le temps d'Antigone.

Au nombre de ces oeuvres, il y a justement l'Antigone de Sophocle: "Tout le monde, naturellement, n'est pas amené à devenir Antigone. Mais cette possibilité-là (devenir Antigone) est inscrite en nous, nous n'avons donc pas à l'inventer, tout au plus, peut-être, à la (re)découvrir, à l'exhumer."

antigone-werner.jpgAlors Eric Werner (re)découvre, exhume cette oeuvre mythique. Et il faut reconnaître que sa (re)découverte, son exhumation, la fait apparaître sous un jour on ne peut plus moderne. Quoi de neuf? Sophocle, vingt-cinq siècles plus tard...

On sait (ou on ne sait pas) que, dans cette pièce, pour la seule raison que c'est un ennemi, Créon s'oppose à ce que soit donnée une sépulture à Polynice qui s'est mis du côté des envahisseurs de Thèbes: celui qui contreviendra à cette loi sera puni de mort.

Antigone brave l'interdit de Créon, parce que cette loi personnelle s'oppose aux lois non écrites et inébranlables des dieux, lois qui "ne datent ni d'aujourd'hui, ni d'hier", qui sont "éternelles". Ce qui fait penser inévitablement à ces innombrables lois humaines fabriquées au gré des circonstances, et qui s'opposent aux droits naturels...

Selon Eric Werner la phrase peut-être la plus importante de la pièce est celle que dit le choeur au tout début: "Les combats d'hier sont finis; il faut les oublier." Ce que, justement, Créon ne veut pas. Il veut aller jusqu'au bout de sa vengeance, quitte à offenser les dieux, quitte à en assumer les conséquences funestes.

Antigone est une pièce sur la guerre et sur les limites à lui donner: Créon ne veut pas admettre qu'il y ait des limites à la guerre et il refuse cette première limite à la guerre qu'est le respect dû aux morts, que les dieux commandent, fussent-ils des ennemis. Cette absence de limites est caractéristique de sa démesure, de l'hybris, qui est le propre de l'homme au sein du monde.

De prime abord Créon et Antigone semblent, l'un comme l'autre, n'écouter qu'eux-mêmes, mais, en réalité, Antigone se distingue de Créon, parce qu'elle écoute en elle quelqu'un d'autre que les autres. Ce quelqu'un d'autre, Eric Werner l'appelle Dieu, et ce "n'est pas une instance externe, mais bien interne", contrairement à la représentation usuelle.

Pour Eric Werner, Sophocle appartient au camp humaniste - "il croit en l'homme, il a confiance en l'homme" -, mais "il est nécessaire, dans l'intérêt même de l'humain, que l'humain s'articule au divin, car, à défaut, l'humain a toute chance de virer à l'inhumain". Antigone personnifie ce dépassement de l'opposition entre raison et religion.

Pour Sophocle, qui doit beaucoup à Héraclite, l'homme est un être en mouvement, ce qui est bien. Ce qui le met en mouvement, ce sont ses affects, "l'amour, l'espoir, le plaisir pris à l'audace", mais pour que cette autonomie conduise à choisir le bon chemin, comme Antigone, il faut qu'elle adhère aux lois non écrites, sinon elle conduit à errer, comme Créon.

Dans Antigone, trois personnages sont des archétypes: Créon, ou l'autonomie sans Dieu, Tirésias, ou Dieu sans l'autonomie, et Antigone, ou l'autonomie avec Dieu. Ce sont des archétypes qui se retrouveront plus tard dans la parabole évangélique du fils prodigue, où les deux fils représentent deux extrêmes, Dieu sans l'autonomie pour l'aîné et l'autonomie sans Dieu pour le prodigue.

Une autre façon de décrire ces trois possibilités d'autonomie est de dire que le progressiste est l'impie qui recherche le mouvement pour le mouvement, le traditionaliste le pieux qui s'oppose à tout mouvement, et le défenseur du mouvement respectueux des lois non écrites celui qui, de fait, défend la civilisation, où se réconcilie deinotès et justice des dieux.

Ces grandes lignes de l'essai d'Eric Werner sont bien sûr réductrices des raisonnements qui le sous-tendent, dont certains lui sont propres et dont d'autres s'appuient, de manière critique, par exemple sur Oedipe Roi, l'autre pièce de Sophocle, où ne subsistent plus que les deux premiers archétypes; ou sur les réflexions de Georges Steiner dans son livre Les Antigones; ou sur les points de vue opposés d'Ernst Jünger et de Martin Heidegger.

Selon Eric Werner, au XXe siècle, nous serions entrés dans la post-civilisation, dans une ère de démesure. Les hommes auraient fini par succomber à leur tentation innée de la démesure, qui serait devenue idéologique et avancerait masquée. Et les Antigones - "il y a bien des manières d'être Antigone" - seraient "le petit nombre"...

Eric Werner fait sienne la vision de Naomi Klein qui, "dans le contexte de l'après-guerre froide et du redéploiement néolibéral consécutif à la chute du mur de Berlin" parle de "capitalisme du désastre" - "qu'on pourrait aussi qualifier de jusqu'au-boutiste", qui se caractériserait par l'élimination "de tout ce qui ferait obstacle aux lois du marché", et où le mouvement pour le mouvement prendrait "la forme de la croissance pour la croissance".

Il est dommage qu'Eric Werner fasse sienne une telle vision caricaturale, idéologique. Car peut-on encore parler de libéralisme dans ce qu'il décrit, et même de capitalisme? Quand il reproche à Heidegger d'avoir "un problème de noms" - pour Heidegger, "la dikè [la Justice] n'est que l'autre nom de l'hybris [la démesure]" - ne peut-on pas lui faire un reproche analogue?

Le libéralisme authentique ne repose-t-il pas sur les postulats fondateurs que sont:

- la liberté des échanges, de la concurrence et du travail (ce qui suppose le respect des contrats);

- la non-intervention de l'État limité dans l'activité économique (tout le contraire de ce qui se passe aujourd'hui où l'État démesuré ne connaît plus de limites);

- la primauté de la propriété privée (y compris la propriété de soi, ce qui suppose la non-agression physique et matérielle) et de la responsabilité individuelle (ce qui suppose de réparer les dommages commis à autrui);

c'est-à-dire sur autant de limites, de règles de bonne conduite pour reprendre l'expression de Friedrich Hayek?

Mario Vargas Llosa ne dit-il pas que le terme de néolibéralisme a été "conçu pour dévaluer sémantiquement la doctrine du libéralisme"?

Francis Richard

Le temps d'Antigone, Eric Werner, 160 pages, Xenia (à paraître)

Publication commune Lesobservateurs.ch et Le blog de Francis Richard

Livres précédents chez le même éditeur:

Portrait d'Eric (2011)

De l'extermination (2013)

Une heure avec Proust (2013)

L'avant-guerre civile (2015)

dimanche, 16 août 2015

¿Quienes fueron Ayn Rand y Leo Strauss?

¿Quienes fueron Ayn Rand y Leo Strauss? 

¿Qué relaciones existen entre estos dos filósofos, el sionismo y el Nuevo Orden Mundial?

¿Quienes son los dioses y los tiranos en el capitalimo?

¿Conoces la teoría de la 'guerra permanente'?

 

¡¡NOVEDAD EDITORIAL!!

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En esta obra se analiza un aspecto puntual del asalto a la cultura occidental realizado desde el capitalismo a lo largo del pasado siglo, como es el de las corrientes ideológicas que mueven el sistema norteamericano, que ha puesto de manifiesto que esta concepción de la existencia representa el mayor desafío que se ha planteado nunca a la supervivencia de Europa como civilización. El estudio de esta ofensiva cultural contra el alma europea, nos conduce directamente, una vez más, a la caja torácica que contiene el corazón del capitalismo: los Estados Unidos.


El pensamiento anarcocapitalista de Ayn Rand junto con el pensamiento neoconservador de Leo Strauss y los herederos políticos de ambos, han intentado en la recta final del siglo pasado y lo transcurrido del presente, afrontar la crisis histórica de la nación ‘elegida por Dios’, como campeones intelectuales del capitalismo, luchando por mantener a cualquier precio su hegemonía mundial. Y lo han hecho, una, como la mano izquierda, y el otro, como la mano derecha del Leviatán capitalista.

 

AYN RAND Y LEO STRAUSS
EL CAPITALISMO, SUS TIRANOS Y SUS DIOSES

 
una obra de
Francisco José Fernandez-Cruz Sequera

 
Coleccion Khronos
 
Edición en rústica con solapas
Páginas: 171
Tamaño: 21 x 15 cm
Peso: 300 gr.
Papel blanco: 90 gr.
Cubierta estucada en mate de 260 gr.
ISBN: 
978-84-944210-1-3


P.V.P.: 14,50 € 
(
gastos de envío incluidos para España peninsular)

Web: www.editorialeas.com


Contacto: info@editorialeas.com

jeudi, 13 août 2015

Eric Bogosian’s Operation Nemesis

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Eric Bogosian’s Operation Nemesis

Ex: http://www.counter-currents.com

Eric Bogosian
Operation Nemesis: The Assassination Plot that Avenged the Armenian Genocide
New York: Little Brown, 2015

For years I have been waiting for a book on Operation Nemesis, the secret Armenian organization that in 1921 and 1922 assassinated virtually the entire leadership of the deposed and exiled Young Turk regime for being the architects of the Armenian genocide. Thus I was delighted that Eric Bogosian’s Operation Nemesis was published this spring to coincide with the 100th anniversary of the beginning of the Armenian genocide, on April 24, 1915.

The Armenians are an ancient Near Eastern Caucasoid people, closely related genetically to Kurds, Georgians, and other peoples of Upper Mesopotamia, Eastern Anatolia, and the Caucasus. Like the Persians, as well as the ancient Hittites and Mittanians, Armenians speak an Indo-European language. The Armenians are probably a continuation of the kingdom or Urartu, which appears in Assyrian chronicles in the 13th-century BC. Because of its location between larger empires to the East and West, Armenia frequently lost its independence, but often regained it by serving as a buffer state between its larger rivals. In 301, Armenia became the first Christian kingdom. In 1071, Armenia was conquered by the Seljuk Turks. From 1198 to 1375, an Armenian kingdom existed in Cilicia but fell to the Egyptian Mameluks. Eventually, all of Armenia was absorbed by the Ottoman and Persian Empires

In 1915, about 3 million Armenians lived in the Ottoman Empire, most of them in the ancestral Armenian homeland in Eastern Anatolia. (Persian Armenia had been absorbed by the Russian Empire.) During the 19th century, the Ottomans had an “Armenian Question”: as one Christian land after another threw off the Ottoman yoke — Greece, Romania, Serbia, Bulgaria, etc. — and the Russian Empire encroached on Ottoman territory, the Sultans naturally regarded the rising national consciousness of the Armenians with some anxiety. They were a populous, ancient Christian people, solidly entrenched in the Ottoman heartland, in the upper and middle classes of the empire, and even in the Ottoman bureaucracy. The personal fortune of the Sultans, for instance, was traditionally managed by an Armenian. (Armenians played similar roles in the Byzantine Empire. Indeed, many Byzantine Emperors were ethnically Armenian.)

In 1894-’96, the “Red Sultan” Abdul Hamid II, who was under Western pressure to give greater autonomy to Armenians, launched as series of massacres in which 80,000 to 300,000 Armenians were killed. This naturally gave rise to an armed Armenian resistance movement, which killed Turkish leaders and Armenian collaborators and almost blew up the Sultan himself on July 21, 1905. When Abdul Hamid was removed from power in the July 1908 Young Turk Revolution, Armenians and other oppressed minorities were elated.

The Young Turks, however, inherited the Ottoman Armenian Question. They wished not only to preserve but expand the Ottoman Empire to include all Tukic peoples across Central Asia to the borders of China, and an independent Armenia would have blocked this Ostpolitik. So, under cover of the night and fog of the First World War, the Young Turks hatched a plan to exterminate the Armenians and other Christian minorities in the East, including Greeks and Assyrians. (A minor flaw of Bogosian’s book is that he does not place the Armenian genocide in the context of a wider policy of exterminating Christian minorities.)

bogNNON-blog427.jpgChristian soldiers — who, thanks to their new constitutional equal rights, could now serve in the military — were disarmed and put in work battalions, after which they were worked to death or slaughtered outright. On April 24, 1915, the Armenian community was decapitated. Some 250 prominent Armenians in Constantinople were arrested and subsequently murdered. In the Armenian homelands in the East, the genocide took place under the pretext of deportation and resettlement. Armenians packed and cataloged their valuables, handed over assets, and were marched out of their towns, where they were plundered and massacred, often with sickening Oriental sadism. Those who were not killed outright were marched to desert internment camps where they perished through disease, hunger, and violence. Between 800,000 and 1.4 million Armenians died, as well as more than half a million Greeks and Assyrians. Hundreds of thousands became refugees. By the end of the war, the Ottoman Empire had virtually eliminated its Armenian population.

In 1918, after the fall of the Russian Empire, Russian Armenia became the first sovereign Armenian state since 1375, but in late 1920, it was conquered by the Red Army and incorporated into the Soviet Union. On August 23, 1990, Armenia seceded from the Soviet Union. Modern Armenia is but a sliver of the Greater Armenia of old. Its population stands at just under three million, and another seven million Armenians live in a diaspora around the world, the largest populations being in Russia, the United States, France, Georgia, and Iran.

At the end of World War I, Constantinople was occupied by the British, who wished to try the Young Turk leadership for war crimes, including the Armenian genocide. Before they could stand trial, however, they fled the country. Thus they were tried in absentia, and five were sentenced to death: the Three Pashas, Talat Pasha (Interior Minister and later Grand Vizier), Enver Pasha (Minister of War), and Djemal Pasha (Minister of the Navy), as well as Dr. Mehmet Nazim and Dr. Behaeddin Shakir, the leaders of the Special Organization that coordinated and executed the genocide.

As the Paris Peace Conference dragged on and the Allies dithered about their plans for Turkey, General Mustapha Kemal, the hero of Gallipoli, rallied Turkish forces in Anatolia and began its reconquest from British, French, and Italian occupiers, Armenian guerrillas, and Greek invaders and insurgents. In the meantime, the Young Turk leaders, exiled in Berlin, Rome, Moscow, and elsewhere, plotted their return to power.

The Armenian exiles, however, had other plans. A small group of Armenian businessmen, intellectuals, ex-diplomats, and guerrilla fighters came together to form Operation Nemesis, as it was christened in Boston on July 8, 1920 at the 27th Regional Conference of the Armenian Revolutionary Association. Operation Nemesis was funded primarily by Armenian-American businessmen and based in the United States.

Although the primary purpose of Operation Nemesis was to assassinate both the Turkish architects and the Armenian collaborators responsible for the genocide, it did, in fact, mark the emergence of a new leadership caste for a nation that — save for the small, embattled, and doomed Armenian Republic — was decapitated and stateless. Operation Nemesis performed the function of a sovereign as defined by Carl Schmitt: standing above all human laws and institutions, in the space opened up by the existential clash between two peoples, it made life and death decisions to preserve a people facing the ultimate emergency, genocide. In Bogosian’s words, “. . .  Operation Nemesis did what governments could not. They were appealing to a higher, final justice. One that exists somewhere between heaven and earth” (p. 302).

The assassinations served several purposes: for the dead, vengeance; for the living, the well-needed feeling of winning a round; for the enemy, a warning; for the world, an occasion to learn of the plight of the Armenian people.

The first assassination was of Talat Pasha in Berlin, on March 15, 1921, by Soghomon Tehlirian. His mission was not merely to kill Talat but to stand trial for his murder and use it as a platform to tell the world about the Armenian genocide. As Bogosian demonstrates, to protect the operation, Tehlirian claimed he acted alone and perjured himself extensively about the details of his life and travels. But the core of his testimony was true, and he very successfully publicized the plight of the Armenians to the world. Astonishingly, Tehlirian was acquitted.

Nemesis also assassinated Djemal Pasha. The third Pasha, Enver, escaped Operation Nemesis. A longtime collaborator with the Soviets, they killed him on August 4, 1922 after he raised an army against them in Central Asia. Other Nemesis victims were Said Halim Pasha, a former Grand Vizier; Behbud Khan Javanshir, Minister of Interior of Azerbaijan, who presided over massacres of Armenians in Baku; Cemal Azmi, Governor of Trebizond, who massacred the local Armenian community; and Dr. Behaeddin Shakir, one of the leaders of the Special Organization. The other Special Organization leader, Dr. Mehmet Nazim, escaped Operation Nemesis and eventually returned to Turkey, where in 1926 he was tried and hanged for plotting to assassinate Mustapha Kemal, now known as Ataturk, the father of modern Turkey.

Decades after the end of Operation Nemesis, the story slowly surfaced as the various conspirators published their memoirs. We can thank Eric Bogosian, the Armenian-American author of Operation Nemesis, for surveying these obscure sources, including Armenian-language ones, and synthesizing them masterfully, with a dramatist’s eye for detail. Bogosian is a novelist and playwright, but he is probably best known as an actor. (He did four seasons of Law and Order: Criminal Intent as Captain Danny Ross.) Generally, his flair for drama serves him well, but I found his account of Sogomon Tehlirian’s life and trial overly detailed and somewhat draggy.

The Armenian genocide illustrates the necessity of ethnonationalism, for stateless peoples are far more likely to be victimized than peoples with their own sovereign homelands. Bogosian, being a typical liberal, indicts Turkish nationalism for the genocide, but the problem was Turkish imperialism. The underlying problem was too few nation-states rather than too many.

Operation Nemesis itself illustrates how a decapitated and stateless people can form a leadership caste, capable of exercising sovereign functions. Indeed, Operation Nemesis was what Turks today call a “deep state” apparatus, namely an organization that operates outside of a state and its laws, performing sovereign acts to preserve the state — or, in this case, a people — in an existential crisis in which the state cannot protect them, or when there is no state to protect them.

I highly recommend Operation Nemesis, not just as a historical study but as food for political thought.

 

mardi, 11 août 2015

Asatru: A Native European Spirituality

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Stephen A. McNallen’s Asatru: A Native European Spirituality

Mcnallen-200x300.jpgStephen A. McNallen
Asatru: A Native European Spirituality
Runestone Press, 2015

The Good Preacher

Steve McNallen is a serious character. A former U.S. Army Ranger, he has hitchhiked across the Sahara Desert and traveled to such exotic locales as Tibet and Burma, usually to report on military conflicts. His articles have appeared in Soldier of Fortune magazine (a periodical that fascinated me when I was a teenager, especially the classified ads in the back). McNallen has also worked as a jailer, a juvenile corrections officer, and has served in the National Guard (he was witness to the Rodney King riots back in 1992). Oh, and he taught math and science for six years in an American high school, using his summer vacations like Indiana Jones, setting off on foreign adventures.

Steve McNallen is also the man principally responsible for the revival of Asatru in North America. He gives us a brief overview of his life, written with typical modesty and understatement, in this wonderful new book, several years in the making. McNallen tells us that he decided to follow the gods of his ancestors while he was in college “in either 1968 or 1969” (p. 61).

I like the honesty of this. A lot of men, if they were uncertain which year it was, would have just picked one, perhaps even giving a specific date: e.g., “Walpurgisnacht 1969!” But McNallen is not concerned to make an impression, or create an image for himself. His sincerity, earnestness, and lack of pretension have a great deal to do with why he has become a genuine religious leader.

Steve_McNallenWhen I first met McNallen I thought “this man is a born preacher.” I come from a long line of Methodists, and some of my ancestors were clergy. One was a “circuit rider,” a preacher assigned to travel around the countryside (usually on horseback) ministering to settlers and establishing congregations. My use of the term “preacher” is not pejorative. I share the faith of my very distant ancestors, not the more recent ones — but I honor them all. And being a preacher is an honorable profession.

A good preacher has the ability to form people into a genuine community through appealing to their better nature. No easy task. And a good preacher establishes his authority not through his book learning or some seal of approval from a Council of Elders, but rather through the force of his personality. Just what that consists in is a complex issue. Partly, it’s a simple matter of “good character.” Aristotle said that one of the necessary conditions of being an effective speaker is that the audience must perceive the speaker as having good character. Otherwise they will not be convinced by what he says, no matter how cogent his arguments are.

However, “force of personality” also involves strength of conviction. A good preacher is someone whose faith is so strong that others believe because he believes. Privately, they may suffer doubts. But just being in the presence of a good preacher, a man with real strength of conviction, is often enough to bolster them. And I do not necessarily mean listening to him preach. A good preacher communicates his faith and sincerity in his every act, even in the way he moves across a room or eats a meal.

I experienced McNallen’s force of personality for the first time one evening several years ago on a beach in California. I was one of about 25 people who gathered together around a bonfire to participate in a blot led by McNallen. It was truly a mixed crowd, running the gamut from university professors to skinheads. I had driven there with McNallen and his wife Sheila, on the way picking up a cake at a local supermarket. My job was to ride shotgun and serve as navigator, directing McNallen to the beach. He was in an extraordinarily good mood and as I gave him each direction (“turn left here . . .” etc.) he responded in crisp military fashion: “Roger that!”

I wasn’t sure how this was going to play out. I am a lone wolf by nature, and Asatru for me has always been a pretty solitary affair. On those occasions when I participated in rituals with others it usually felt like we were LARPing (Live Action Role Playing). In other words, I felt a bit silly. But on the beach something strange and uncanny happened. It was a constellation of factors. One was the natural setting: fall on a northern California beach, nighttime, waves crashing, bonfire crackling and roaring. But the key factor was McNallen. As he spoke, mead horn in his hand, Asatru came alive for me (and, I think, everyone else) in a way it never had before.

I am a philosopher, and that means that my life is mostly about theory. And this is true of my relation to Asatru: theory, to the neglect of practice (though, to be clear, not the total neglect). A few hours prior to heading for the beach, McNallen had asked me what rituals I perform. I confessed to him that I performed few rituals, and very seldom. He seemed disappointed, and I felt slightly ashamed. Such is the power of a good preacher! I had encountered the same disappointment with others on revealing to them my neglect of ritual, and my standard response had been to quip “I’m a Protestant” (i.e., as opposed to a “Catholic” follower of Asatru, who needs rituals and candles and incense). But I knew I couldn’t be so glib with McNallen.

When he led that blot on the beach I felt a real sense of connection to my ancestors, and to the gods. It was a transformative experience. However, it wasn’t a “mystical experience”: I didn’t feel suddenly at one with all things, or that the Being of beings had been revealed to me. No, it was something more basic than this: it was a religious experience. And a key part of this was the presence of others. As I said, it was a constellation of factors. There was the natural setting, and McNallen’s charisma, and the truth that came through his words. But in addition there was an absolutely essential component, without which this religious experience would not have been possible: others — others like me.

A few years ago I wrote a controversial article titled “Asatru and the Political” (it’s included in my recent book What is a Rune? And Other Essays). The major point of the piece was that since Asatru is a folk religion, born of the spirit of European people, we followers of Asatru must take an interest in the survival and flourishing of the race that gave rise to it. In short, I argued that commitment to Asatru entails what is sometimes called today “white nationalism” (not the same thing, as I explain in the essay, as “white supremacism”). In Asatru: A Native European Spirituality, McNallen makes essentially the same point (without using the term “white nationalism”). I hasten to add that McNallen was making such arguments long before I was — a point to which I will return later.

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In any case, in that same essay I argued that every religion is really a way in which a people confronts itself, for every religion is an expression of a people’s spirit, born of the encounter between a distinct ethnic group, with its own inherent (i.e., genetic) characteristics and a place. What I did not emphasize is a corollary point: that religion is inherently communal. It is often asserted that the word “religion” comes from a root meaning “to bind,” and on this basis it has been speculated that “religion” means “to bind together.” If this is correct (and no one really knows), two interpretations are possible. The first is that religion binds or connects individuals to the divine (sort of like the literal meaning of “yoga,” as that which yokes us to the divine). The second is that religion binds us together in a community.

Anthropologists and sociologists favor the latter interpretation, with some going so far as to suggest that the “purpose” of religion is really nothing more than making communities cohesive. This is a vulgar, flat-souled notion that I discuss elsewhere (see my essay “The Stones Cry Out,” also in What is a Rune?). The truth is that religion binds together a community, through binding it to the divine. Both of the interpretations just mentioned are correct. Through religion, I achieve connection with the gods — but that is only possible through connection with others who have the same aim, and worship the same gods.

Religion is not the only way of making some “connection” to the divine. Mysticism is another way. So are philosophy and theology. Even art and poetry are means. But these can all be solitary activities. We may want an audience for our poetry (or our philosophy), but we don’t need one in order for poetry (or philosophy) to occur.

For religion to “occur” we need others. There can be no such thing as a private religion. Elsewhere I have discussed at length my commitment to Odinism (see “What is Odinism?” in Tyr Volume 4). Odinism is the path of one who follows Odin — really of one who seeks to become him. It is not about “worshipping” Odin, and it is not a religion. It would be accurate to call Odinism (as I define it[1]) a cult within Asatru. Though by its very nature it is a cult arguably best suited for lone individuals (at least, that’s how it is for me): a cult whose “cells” consist of isolated individuals. Until that night on the beach in California, Odinism really was Asatru for me. It was when the blot had ended that I realized my error.

What happened when the blot ended? There was silence. We ate our cake and sat around the bonfire, speaking in hushed tones. There was a kind of electricity in the air, and I think I speak for everyone there when I say that I felt lifted out of myself. I felt connected. Connected to the divine but also — and this is very unusual for me — connected to the others. I felt part of a religious community. It was then that I realized that my Odinism, while entirely legitimate, was not enough.

Imagine the absurdity of a Christian theologian who said that the practice of theology was sufficient unto itself and that he had no need of belonging to a church. But this was exactly my own position: an Odinist, a Germanic neo-pagan philosopher who never practiced his neo-paganism. And by “practice” here I mean practice with others. I was an irreligious neo-pagan. A Protestant indeed.

Of course, there’s an Odinic response to this — or one that seems plausibly Odinic: “Odin is the lone wanderer, he does not need others. If you aspire to be Odin, you do not need blots and such.” But there are two problems here. First, Odin clearly needed the company of the other gods: he returned to them from his wanderings again and again. The second problem is that while there is a part of me that is Odin, and my Odinism is the cultivation of this (again, see my essay in Tyr #4), it is only a part of me. I am still a man, and man is a social animal. And the supreme, most elevated and sublime aspect of his sociability is his religiosity. My experience on the beach didn’t teach me that I ought to come together with others and practice Asatru; it taught me that I needed to, but hadn’t been aware of the need.

Of course, the blot on the beach and the important realization I had there was more than three years ago. And I am still a lone Odinist, keeping an eye on Asatru from the periphery but seldom ever joining with others. Old habits die hard. There are many people who have a much stronger desire to come together with others than I do, but simply cannot because they don’t live near anyone. In one way I am not alone: many of us have been solitary cultists, for a great many years. Then there’s that other big problem: sometimes when you meet others who claim to follow Asatru you are very, very disappointed.

The Rise and Fall and Rise of the AFA

But all of this seems to be changing. And primarily we have Steve McNallen to thank for it. McNallen is well aware that Asatru must be about community; that the solitary practice of Asatru is ultimately insufficient. In recent years, there have been more and more occasions for people who follow the ancestral gods to come together. More people — serious, sincere, and sane people — are being drawn to Asatru and forming local kindreds, or assemblies. McNallen’s organization, the Asatru Folk Assembly (AFA) has organized several events each year for a number of years now. The most successful of these have been “Winter Nights in the Poconos,” held in the fall at a camp in Pennsylvania. And, of course, the internet is helping people to find each other.

McNallen’s own experience of Asatru — which he narrates in this new book — is one that also began in isolation. As noted earlier, McNallen decided to follow the gods of his ancestors when he was in college in the late sixties, serving in the ROTC. This was the Age of Aquarius, and I was in diapers. But I was nonetheless very much aware of the “Occult Revival” when I was a small child in the early seventies. I still remember the weird shop in the strip mall, down the block from Rose’s Department Store, where (at the age of eight or so) I bought my copies of The Sorcerers Handbook and Illustrated Anthology of Sorcery, Magic and Alchemy. (However, once my mother figured out that it was also a head shop she stopped letting me go in there.) Wicca was certainly on the scene, but Asatru was nowhere to be found.

McNallen thought that he was totally alone. In desperation, he took out ads in magazines like Fate, looking for others like himself. Slowly, he formed a small group which he called the Viking Brotherhood: the first Asatru organization in the U.S. McNallen began publishing his own periodical, The Runestone, in 1971, and by the following year the Viking Brotherhood had become a tax-exempt religious organization. He told me once that at the time he and his comrades were making Thor’s hammers out of the keys from sardine cans. (Today, of course, Thor’s hammers are available with two-day Prime shipping from Amazon — largely thanks to McNallen spreading the faith.)

But almost as soon as he had launched the Viking Brotherhood, McNallen had to report for active duty as an officer in the Army. Needless to say, this severely restricted his work on behalf of Asatru. At the time, by the way, Asatru was not Asatru. McNallen did not begin using that term until 1976, after reading it in a book by Magnus Magnusson. Up until then, he had called his religion “Norse Paganism,” or sometimes “Odinism.” It is important to note that our ancestors did not have a name for their religion at all. (“Asatru” which means “true to the Aesir,” is a term coined in the 19th century.)

Names for religions have come into use as a result of the rise of universalist faiths like Christianity, Islam, and Buddhism. These religions needed to call themselves something because they imparted an ideology, and sought to convert people away from their folk religions: they needed to be able to approach people and say “we represent x.” As to the names traditionally given to folk or ethic religions, typically they do not distinguish a member of the ethnic group from an adherent to the religion. The term “Hinduism” is derived from the Persian word “Hindu,” which actually just denotes the Indian people. The etymology of “Judaism” is similar, derived from a word that simply means “Jew.”

By all rights, Asatru — which is an ethnic religion — ought to be called “Germanism,” or “Teutonism,” or something like that. Though both of these are problematic choices, for a number of reasons. But “Asatru” is problematic as well (though it looks like we are stuck with it — which is fine). Imagine if Judaism changed its name to “Yahwism,” the religion of those who worship Yahweh.[2] Inevitably, along would come a gentile who felt entitled to describe himself as a “Yahwist,” because he has decided to worship Yahweh. But if “Yahwist” had the same denotation as “Jewish,” he would have to be taken aside and politely told that the Yahwists are a people, a tribe, not just a collection of believers in a particular theology. And so he cannot be a Yahwist. (Wisely, the Jews — like most Hindus — have remained aware of the ethnic identity of their religion, and are not particularly eager to embrace converts.)

Our term “Asatru” invites a similar problem. If the religion is literally being “true to the Aesir” (“true” as in being loyal to or believing in) well then why can’t a man whose ancestors came from Niger decide that he wants to be true to Odin, Freya, and Thor? McNallen came to face this problem squarely in the seventies:

It was in about 1974 that I began to realize that there was an innate connection between Germanic paganism and the Germanic people. I had resisted the idea as being somehow racist, but I could not ignore the evidence. Within a year or two I had shifted from a “universalist” to a “folkish” position — even though neither of those terms would enter our vocabulary for many years. (pp. 62-63)

It was around the time that McNallen adopted the term “Asatru,” after his discharge from the Army, that he formed the Asatru Free Assembly as successor to the Viking Brotherhood. This is not to be confused with the Asatru Folk Assembly, his present organization. As the above quotation implies, the folkishness of the “first AFA” was largely implicit, for the simple reason that McNallen was surrounded by like-minded people. The Asatru Free Assembly went from being a small group meeting in the back of an insurance agency in Berkeley, California, to a national organization. It published booklets and audio tapes, and beginning in 1980 held an annual summit, the Althing. “Guilds” formed within the first AFA, each with its own newsletter.

There was no other Asatru organization in North America until the mid-1980s. The AFA was it. But by the mid-’80s it was dying. McNallen and his wife were both holding down full-time jobs, and trying to run the AFA on the side. The ideal situation, of course, would have been if they could have turned the AFA into their full-time work. But when they tried that, soliciting financial support from AFA members, they were accused of being “money hungry.” Some people just expect something for nothing. (A problem with which the editor of this website is all too familiar.) It was an impossible situation, and eventually McNallen had to close the AFA, the remains of which morphed (with his blessing) into Valgard Murray’s Asatru Alliance.

Then came McNallen’s years of wandering, writing for Soldier of Fortune, interviewing Tibetan resistance fighters, serving in the National Guard. With characteristic frankness, he admits that while he never wavered from being true to the Aesir during this period, the collapse of the first AFA left him quite bitter. For a long time, he simply gave up on being involved (at least in a leadership capacity) with organized Asatru. What drew him back in was precisely the realization that circumstances had forced those true to the Aesir to make explicit what had been the movement’s implicit folkishness. McNallen writes:

In 1994, I saw signs that a corrupt faction was making inroads into the Germanic religious movement in the United States. Individuals and groups had emerged which denied the innate connection of Germanic religion and Germanic people, saying in effect that ancestral heritage did not matter. This error could not be allowed to become dominant. I decided to reenter the fray and throw my influence behind Asatru as it had been practiced in America since the founding of the Viking Brotherhood back in the 1970s. I formed the Asatru Folk Assembly. (pp. 65-66)

The change from “Free” to “Folk” made things pretty explicit. (And, I will add, has the further advantage of disabusing those who thought that commitment to Asatru cost nothing.) McNallen is too much of a gentleman to name names here, but the “corrupt faction” he is referring to is typified by folks (and I use the term loosely) like the ultra-PC “Ring of Troth,” who are truer to the Frankfurt School than to the Aesir. I won’t say anything else about such people here, as their attempt to turn Asatru into a universalist creed is unworthy of serious discussion.

Article Two of the Declaration of Purpose of the Asatru Folk Assembly states:

Ours is an ancestral religion, one passed down to us from our forebears from ancient times and thus tailored to our unique makeup. Its spirit is inherent in us as a people. If the People of the North ceased to exist, Asatru would likewise no longer exist. It is our will that we not only survive, but thrive, and continue our upward evolution in the direction of the Infinite. All native religions spring from the unique collective soul of a particular people. Religions are not arbitrary or accidental; body, mind and spirit are all shaped by the evolutionary history of the group and are thus interrelated. Asatru is not just what we believe, it is what we are. Therefore, the survival and welfare of the Northern European peoples as a cultural and biological group is a religious imperative for the AFA.

As always, the cunning of reason — or the hand of the gods — has been at work: as I noted earlier, the new AFA has wings the old AFA never possessed. If the old organization had never fallen apart, and McNallen had not lived his wilderness years, we would never have seen the birth of the Asatru Folk Assembly, and the Asatru Renaissance that it has helped bring about.

There is more to the tale of the new AFA — such as the saga of its involvement in the “Kennewick Man” controversy — but for the rest you will have to read the book.

Asatru: A Native European Spirituality fills a void. It is intended to introduce readers to Asatru — readers with no prior acquaintance. As such, it is written in a highly-accessible style. And yet there is much here that will be of interest to those already well acquainted with Asatru: the fruits of almost 50 years not just of McNallen’s experience as a leader and exponent of Asatru, but of his deep reflection upon the meaning of the religion, and its integral relation to the Northern European peoples and their spirit. There is no other book I know of that is as comprehensive and illuminating an introduction to folkish Asatru.

Why Asatru?

Before I close this review there is one more issue that I need to address. There is a tendency among those in the New Right to either embrace Asatru, or simply to tolerate it (usually on the basis that it might — repeat, might — be a useful political tool). Those who tolerate it typically think it’s a bit silly — or at least not something for them. And so a lot of my readers may find this review interesting, but conclude that McNallen’s book and the AFA are for those already converted. I’d like to encourage those folks to think about things differently.

McNallen actually takes no position on whether or not the gods “really exist.” In the AFA, one can be a “hard polytheist,” who actually believes there’s an Odin riding around out there on Sleipner, or a “soft polytheist” who thinks the gods are inflections of some ultimate Brahman-like principle — or even that they are just poetic constructs that hold up a mirror to our Northern souls. There are tricky issues here, and my own position doesn’t readily fall into any of these categories. But one thing is certain: whether or not the gods “really exist,” the gods and the myths about them most certainly do poetically mirror our Northern souls. This is the first thing I’d like New Right “sceptics” about Asatru to consider. Asatru is us.

As I put it in my essay “Asatru and the Political”:

Ásatrú is an expression of the unique spirit of the Germanic peoples. And one could also plausibly claim that the spirit of the Germanic peoples just is Ásatrú, understanding its myth and lore simply as a way in which the people projects its spirit before itself, in concrete form. And this leads me back to where I began, to the “political” point of this essay: to value Ásatrú is to value the people of Ásatrú; to value their survival, their distinctness, and their flourishing. For one cannot have the one without the other.

Here I was enjoining followers of Asatru to defend the interests of people of European ancestry. But now I am enjoining those who already believe in that cause to value Asatru. Because, you see, valuing “the people of Asatru” — European (or Northern European) people — must mean, at its most basic level, coming together with them in a community.

What Asatru offers to the New Right is a community of people of European ancestry focused around the celebration of that ancestry, and common culture. I have already discussed the progress the AFA has made in building this community — in genuinely bringing people together. McNallen writes:

We console each other in times of death, and celebrate the birth of new children. We share favorite books, career tips, and recipes. We make plans to meet down at a local pub, or to attend an event the next state over. Locally, we gather for rituals and for birthday parties, or to load a truck for someone moving to a new home. (p. 69)

The Fourth Article of the AFA’s Declaration of Purpose states that it is devoted to “The restoration of community, the banishment of alienation, and the establishment of natural and just relations among our people.” The banishment of alienation — the condition so many of us on the Right suffer from. And often it is our own doing. The idea of a community of people of European ancestry celebrating that ancestry sounds really good — but there’s all that stuff about Odin . . .

Well, I mentioned earlier that I come from a long line of Methodists. And my mother attended the local Methodist church all her life. But here’s something that will surprise you: she wasn’t particularly “religious.” Yes, she believed in God and in Heaven in some sense, and she thought that the Bible was mostly a good influence on people (though I think she never read it). But my mother thought it unbecoming to carry things to extremes. In particular she looked down on people who talked about Jesus all the time: “Jesus loves you” made her flesh crawl. She thought that people who talked that way were a bit “touched” (in the bad sense), and a bit low class.

For my mother, church was about community. It was a place where you met what she called “decent people,” and often had the satisfaction of helping each other. It was a place where people were brought together by a shared desire, to one degree or another, to orient their lives to an ideal (or at least to be seen to be doing so). And it was a place where people were brought together by common ancestry — for my mother’s church was implicitly white (a fact she would have readily admitted). Yes, some of the people there were, in her eyes, a little too “Jesusy.” And others not enough. Some took the Bible just a little too seriously, and said and did peculiar things. They were cranks. But in my mother’s eyes they were “our cranks.” She derived enormous satisfaction and comfort from her participation in that community. This was something I didn’t understand until much later in life.

So, if you are skeptical about Asatru just start here — I mean just with the kind of tentative, minimalist recommendation I’ve made in the last few paragraphs. Asatru as a community of people like you. This is actually quite a lot. More may come later. Or perhaps not. Perhaps you’ll always think that people who talk about Odin are a bit “touched.” But you’ll be with your people; with people who are aware that they are your people. As Steve McNallen says in this book, “Asatru is about roots. It’s about connections. It’s about coming home.”

You can access the AFA’s splendid new website here.

Postscript: I have just learned that the AFA is raising money to buy its own hall. You can read more about it, and donate, here.

Notes

1. I derive my understanding of Odinism from Edred Thorsson. See Edred Thorsson, Runelore: A Handbook of Esoteric Runology (York Beach, Maine: Samuel Weiser, 1987), 179.

2. This term actually is used by scholars, to denote the cult of Yahweh among the ancient Hebrews — the cult that eventually became Judaism.

samedi, 04 juillet 2015

Pour commémorer la Grande Guerre autrement

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Pour commémorer la Grande Guerre autrement

par Georges FELTIN-TRACOL

Depuis le 3 août 2014, la France, plus généralement l’Europe ainsi que leurs anciennes possessions d’outre-mer commémorent le déclenchement dramatique, puis le déroulement tragique de la Première Guerre mondiale. Films, émissions d’archives, séries télévisées, expositions muséographiques déferlent autour de ces événements qui constituent le point nodal et la matrice primordiale du XXe siècle au point que Dominique Venner avait raison de parler à ce propos du « Siècle de 1914 ». Les éditeurs ne sont pas en retraite de cette actualité historique brûlante.

 

Dans le flot considérable de mémoires, de récits plus ou moins romancés, d’études universitaires et de témoignages, soulignons la présence de deux ouvrages qui tranchent par rapport à l’offre publiée. Il est intéressant de souligner que les deux maisons d’éditions, de modestes structures si on les compare à leurs homologues parisiennes, sont lorraines, l’une installée à Metz, l’autre à Nancy. Cette dualité de localisation n’est pas anodine d’autant que leur perception de la Grande Guerre ne peut que diverger avec celle qui prévaut à Brest, à Bordeaux, à Marseille ou à Grenoble. Le traité de paix de Francfort en 1871 scinda en deux ensembles distincts la Lorraine : une partie qui correspondait au département de la Moselle (Metz) germanophone fut intégrée avec sa voisine alsacienne dans un Reichsland du tout nouvel empire allemand; l’autre partie autour de Nancy demeura française. Afin d’éviter de possibles contentieux politico-juridiques, le traité autorisait les Alsaciens-Lorrains volontaires et attachés à la nationalité française de déménager en « France de l’intérieur », voire en Algérie…

 

Cependant, de nombreuses familles alsaciennes et lorraines, guère fortunées, préférèrent rester et acceptèrent la tutelle de Berlin. C’est le cas de Pierre Jacques (1879 – 1948). Cet enseignant catholique de Metz, parfait bilingue, rédigea pendant l’Entre-Deux-Guerres un roman métaphorique sur les Lorrains mobilisés sous l’uniforme allemand. Inapte physiquement pour la guerre, Pierre Jacques n’effectua que sept mois de service militaire au cours de laquelle il se liait avec un certain Robert Schuman. Pour ce Prussien malgré lui, il utilisera surtout les témoignages de ses frères et amis qui souffrirent dans les tranchées de l’Ouest.

 

Prussien malgré lui n’est donc pas une autobiographie. C’est une sorte de prise de distance nuancée avec des événements sanglants au nom de la réconciliation franco-allemande en prenant l’exemple de la Lorraine désormais duale. Le héros de Prussien malgré lui, Paul Lorrain, travaille dans les forges industrielles de Moyeuvre, non loin de la France et du Luxembourg. « Originaire de Sierck, petite cité vénérable des bords de la Moselle (p. 26) », Paul Lorrain est un dynamique chef d’équipe trentenaire. Régulièrement, une fois la journée de travail terminée, il apprécie les discussions avec ses collègues et amis dont certains sont de nationalité française. Si les tensions dans les Balkans les préoccupent en cet été 1914, ils pensent qu’une éventuelle guerre se limiterait à cette partie lointaine du continent.

 

Quand le beau temps le lui permet, Paul aime se promener dans la campagne et n’hésite pas à franchir une frontière franco-allemande peu contrôlée. Il va souvent saluer les Stadtfelder dont le fils est un ami d’enfance et la fille, Jeanne, sa fiancé. Sa future belle-famille a opté pour la France en 1871 et attend la « Revanche », d’où une certaine rugosité dans l’appréciation des rapports franco-allemands. Au contraire de Paul Lorrain qui « avait été éduqué […], sans chauvinisme dans un véritable amour de la terre natale. […] Ainsi, Paul était davantage lorrain qu’allemand ou français (p. 48) ». Cette affirmation régionale désarçonne ses interlocuteurs. N’explique-t-il à son futur beau-père qu’« un fort pourcentage de la population actuelle n’est plus de souche lorraine ou alsacienne; il ne serait pas correct d’expulser les immigrés allemands; car beaucoup sont nés chez nous et n’ont pas d’autre patrie (pp. 51 – 52) » ? Or, en 1918 – 1919, la République française, grande donneuse de leçon à la Terre entière, pratiqua – c’est peu connu dans l’Hexagone – une vaste épuration ethnique, chassant sans ménagement de l’ancien Reichsland les populations d’origine allemande au moyen de « commissions de triage » qui agirent aussi en véritable police politique à l’égard des autochtones alsaciens-lorrains. Seul point positif : ce triste précédent étayera l’inévitable réémigration de populations allogènes indésirables en France et en Europe un jour prochain…

 

 

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Quand Paul Lorrain reçoit son ordre de mobilisation, il s’exécute et se dirige vers la caserne où convergent Lorrains et Allemands. Là, « un adjudant tenant à la main les listes des classes d’âge fit l’appel et nota avec satisfaction la présence de frontaliers aux noms français. Lorrain, lui aussi, s’étonna du petit nombre d’absents parmi les frontaliers (pp. 64 – 65) ». Incorporé dans un régiment, le héros entend les bobards sur la trahison intrinsèque des élites lorraines francophones et leurs actions subversives. Il pâtit aussi de l’animosité d’un de ses sous-officiers qui voit dans chaque Alsacien-Lorrain un traître potentiel… L’accueil est en revanche plus fraternel avec les soldats allemands venus d’autres régions qui découvrent leurs nouveaux frères d’arme.

 

Paul Lorrain connaît rapidement les premiers combats et reçoit pour sa bravoure la Croix de Fer. Son âme reste toutefois tiraillée surtout après l’occupation par les Allemands du village détruit de sa fiancée. Il affronte plus tard au front son beau-frère ! Gravement blessé, Paul Lorrain décède finalement du fait de ce déchirement intérieur entre Lorraine, France et Allemagne !

 

Le beau récit de Pierre Jacques démontre l’absurdité de la Guerre civile européenne et les dégâts considérables qu’elle provoqua dans les familles. Prussien malgré lui fait aussi découvrir au lecteur toute la complexité de l’âme lorraine-mosellane.

 

L’absurdité du grand conflit continental entre 1914 et 1945 se retrouve dans la belle nouvelle de Jean-Jacques Langendorf. Historien militaire suisse de renom international et aventurier – écrivain, Jean-Jacques Langendorf narre (romance ?) la vie d’Albéric Magnard. Fils unique du gérant du Figaro, Francis Magnard, Albéric fut un célèbre compositeur français né en 1865. Élève de Massenet et D’Indy, il s’inspire de ses maîtres ainsi que de Wagner et de Beethoven. Très tôt orphelin de mère, c’est son père, un « homme [qui] avait toujours été un solitaire doublé d’un cynique, qui méprisait l’humanité et qui trempait sa plume dans le venin distillé inlassablement par son cerveau, ce qui était loin de déplaire aux lecteurs de ses chroniques (p. 8) », qui l’élève.

 

Misanthrope et casanier, Albéric Magnard « ne tolérait pas la présence de domestiques dans son entourage (p. 22) » et préférait lui-même cirer le parquet et cuisiner pour ses enfants. Bien que ne goûtant guère les voyages, il accepte néanmoins de séjourner à Berlin où il dirige avec succès un orchestre qui joue ses œuvres. Il reçoit même les félicitations d’un officier de carrière qui l’admire.

 

Quand éclate la guerre, Albéric Magnard vit dans son Manoir des Fontaines à Baron dans l’Oise, détesté par le voisinage. Le dictionnaire encyclopédique Larousse précise que « l’auteur mourut dans l’incendie de sa demeure par l’armée allemande lors de l’offensive d’août 1914 ». Jean-Jacques Langendorf détaille les circonstances de la mort du compositeur. Irrité par l’intrusion des troupes allemandes dans sa résidence, le propriétaire irascible tire sur eux. En représailles, les Allemands incendient son domicile. Magnard se suicide alors. Ô ironie ! Le responsable allemand qui commande la destruction n’est autre que l’officier berlinois qui le complimentait naguère… Cet Allemand comme d’ailleurs Paul Lorrain n’a fait qu’obéir « à la loi, à la dure loi de la guerre (p. 34) ». Saloperie de guerre civile européenne !

 

Georges Feltin-Tracol

 

• Pierre Jacques, Prussien malgré lui. Récit de guerre d’un Lorrain 1914 – 1918, Éditions des Paraiges (4, rue Amable-Taste, 57000 Metz) – Éditions Le Polémarque (29, rue des jardiniers, 54000 Nancy), 2013, 128 p., 12 €.

 

• Jean-Jacques Langendorf, La mort d’Albéric Magnard. 3 septembre 1914, Éditions Le Polémarque, 2014, 34 p., 8 €.

 


 

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vendredi, 03 juillet 2015

Robert Musil: Der deutsche Mensch als Symptom

Robert Musil: Der deutsche Mensch als Symptom – eine Rezension

aus Sezession 65 / April 2015

von Konrad Gill

Ex: http://www.sezession.de

Robert-Musil1.jpgAus der nicht eben abwechslungsarmen österreichischen Literaturlandschaft ragt Robert (von) Musils Mann ohne Eigenschaften als markanter Gipfel heraus. Mit diesem umfangreichen Werk schrieb der promovierte Philosoph sich in die Literaturgeschichte ein. Der unvollendet gebliebene Roman nahm fast 20 Jahre Arbeitszeit in Anspruch und zehrte Musils ganze Schaffenskraft auf. Daneben blieb sein Œuvre schmal. Die vorliegende Sammlung will Musils politisches Werk wieder ins Bewußtsein seiner Leserschaft bringen.

Sie präsentiert tastende Versuche und in sich vollständige, aber unreife Pamphlete. Neben Fragmente aus dem Nachlaß treten Gelegenheitsschriften aus politischen und Soldatenzeitschriften. Selbst diese Texte haben etwas Fragmentarisches, gerade die Gedanken der früheren Schriften wirken ungeordnet, teils unfertig. Die verheißungsvoll betitelten Aufsätze »Europäertum, Krieg, Deutschtum« sowie »Der Anschluß an Österreich« und »Die Nation als Ideal und als Wirklichkeit« sind letztlich Konjunkturschriften ohne großen Wert über den Tag hinaus. Der Essay, der dem Band seinen Namen gab, ist ein offensichtlich unfertiges Elaborat, das keinen der aus großer Themenvielfalt gewonnenen Gedanken überzeugend zu Ende führt, sondern sich zwischen Zeitkritik, Ansätzen einer eigenen philosophischen Linie und Feuilleton verliert.

Ohne Gewinn bleibt die Lektüre nicht. So verteidigt etwa der Kriegsheimkehrer Anfang 1919 die Nation als Ordnungsmacht und »natürlichen Leistungsverband« – um sodann mit bissigem Humor auszukeilen gegen den »unbefriedigte[n] Staats-Spieltrieb der Tschechen, der sich jetzt in ihrem Puppenstuben-Imperialismus auslebt« und die nationale Hoffnung der Italiener, »die sich mit einem knabenhaften Pathos gab, das für erwachsene Kaufleute und Advokaten natürlich reichlich falsch war«. Eine realitätsblinde deutschnationale Romantik der eigenen Landsleute wird dabei nicht vergessen. Als konservativ deuten läßt sich die Skepsis des späteren Musil vor seinen eigenen Erkenntnissen, ebenso wie die Warnung vor Ideologien und der Aufruf zur Erneuerung des Geistes.

musil.jpgAlle in dem Band veröffentlichten Texte wurden bereits veröffentlicht, so daß der Musil-Kenner keine Sensationen zu erwarten hat. Auch die Nachbemerkung des Herausgebers ist mit zwei Seiten äußerst kurz; ein Nachwort mit Erläuterungen zur Entstehungsgeschichte der Texte wäre angesichts ihrer stark differierenden Entstehungszeiten, Themen und auch gedanklichen Ansätze hilfreich gewesen.

Jedem an den Diskussionen um die Nation in den Jahren zwischen den Weltkriegen interessierten Leser wird die Aufsatzsammlung willkommen sein. Etwas mehr als die bloße Zusammenstellung bereits zugänglicher Texte mit einem schmalen Nachwort hätte man aber erwarten dürfen.

Robert Musil: Der deutsche Mensch als Symptom. Reden und Aufsätze zur Politik, Wien: Karolinger 2014. 206 S., 23 €, hier bestellen

mercredi, 01 juillet 2015

Jure Georges Vujic présente son livre "Nous n'attendrons plus les barbares",

Jure Georges Vujic présente son livre "Nous n'attendrons plus les barbares", publié aux éditions Kontre Kulture


vendredi, 26 juin 2015

Un alegato a favor de la diversidad. Por una ecología de las civilizaciones

juvinwwww.jpgUn alegato a favor de la diversidad. Por una ecología de las civilizaciones

por Javier Elzo

Ex: http://culturatransversal.wordpress.com

Leyendo el libro de Hervé Juvin La grande separation. Pour une écologie des civilisations (Gallimard, 2013), podemos decir que una de las características de la civilización occidental reside en el rechazo del otro como otro, pero no por afirmación indebida del nosotros, de un nosotros excluyente de los otros (nefasta característica, por ejemplo, de los nacionalismos etnicistas) sino por la voluntad de imponer la mismidad universal, la uniformidad de las personas en el mundo, personas reducidas a individuos. Pero hay que añadir, además, que esta obsesión de la uniformización es otra forma, más sibilina pero a la vez más real de racismo, (siempre a salvo de experiencia de exterminación en tiempos pasados, con el colonialismo, el nazismo, el estalinismo, etc.), pues es un racismo que niega al otro obligándole a fundirse en el magma de la mismidad universal. La apuesta de Hervé Juvin es un alegato a favor del otro, de todos los otros. En efecto, como escribe Juvin, el otro no nos encierra en una relación binaria (vascos y españoles, por situarlo en nuestro contexto) sino que, en su relación (no en su oposición) nos abre a terceros. Si hay otro, hay otros, luego no hay soledad posible, no estaríamos solos ante el mal, ante el enemigo. El otro reconocido suprime toda noción de monopolio del campo del bien, de lo bueno (que estaría solamente en nosotros), elimina toda idea de exterminación del enemigo, todo frenesí genocida porque el otro es la expresión de la infinita diversidad de todo lo que se siembra y palpita en nuestro derredor. De ahí el alegato por la diferencia y la pluralidad, pues si se reconoce a los otros se reconoce, al mismo tiempo, lo repito, una infinidad de otros lo que, a la inversa, es una salvaguarda del nosotros.

El dilema en este momento se sitúa entre universalismo versus pluralidad y es la apuesta por la pluralidad lo que supone una auténtica bocanada de aire fresco en este mundo globalizado. La humanidad ha constatado estos últimos decenios que la globalización nos ha llevado –es ya una banalidad decirlo– a un individualismo despersonalizado e incapaz de oponerse a sus fundamentos básicos que Juvin describe en estos términos: «La proclamación de na era posnacional, las agresiones organizadas contra las naciones europeas y los pueblos del mundo tienen un mismo objetivo: asegurar a la revolución capitalista el control de un mundo único y de una sociedad planetaria de individuos a su disposición»”.

Aunque no hay que olvidar, me permito añadir, que el capitalismo no es uniforme. Recuérdese el importante estudio de Michel Albert Capitalismo contra capitalismo (Paidós, 1992). Hoy lo trasladaríamos a la distinción entre el capitalismo productivo en un Estado de Bienestar y el capitalismo financiero, desgraciadamente imperante (por el momento) que es en el que piensa Juvin cuando escribe que «los índices macro económico-financieros son los que dictan las decisiones y los comportamientos sin que su verdadero fundamento sea jamás examinado».

No otra cosa decía, el gran sociólogo Edgar Morin, a sus 93 años de edad, en septiembre de 2014 en na conferencia en París: «La mundialización es un movimiento totalmente incontrolado pues está propulsado por la ciencia a su vez incontrolada. La técnica incontrolada sirve básicamente para esclavizar al hombre. La economía está igualmente incontrolada».

De ahí, sostendrá con fuerza Juvin en las conclusiones de su libro, la necesidad de trabajar por una ecología humana, una ecología de la diversidad de civilizaciones que es lo contrario de la pretendida unidad del género humano. Una ecología que tenga en cuenta las fuerzas de separación, las lógicas de la distinción y de las pasiones y gustos discriminantes que conforman el honor y la vida de las sociedades humanas. “Una nación que no decide las condiciones de acceso a la nacionalidad y a la residencia sobre su suelo no es una nación libre. Se pueden criticar esas condiciones, juzgar que unas son mejores que otras… pero no se puede impedir a una nación que las tenga”. En efecto, unas son mejores que otras, me permito apostillar. Hay pueblos y naciones que acogen al diferente, al emigrante más precisamente; otros quieren construir cada vez más muros de contención y más exigencia para permitir la residencia del otro en su suelo.

Pero es cierto también que «una nación que se ve dictar del exterior las condiciones de acceso a la nacionalidad, de residencia sobre su suelo, no es una nación libre. Es una nación abierta a la invasión. Es una nación cuya lengua, leyes y costumbres no son ya las propias sino la de los movimientos de población que ella constatará, en su suelo, sin haberlos escogido, soportará sin haberlos querido, y que decidirán, lengua, leyes y costumbres, en su lugar». Pero, afortunadamente, Juvin puntualiza estas afirmaciones para no caer en el gueto. En efecto, escribe que «no se trata de encerrarse unos y otros en un peligroso esencialismo iletrado, que atribuya caracteres definitivos a la religión, el origen, la raza o la nacionalidad (de cada nación). No se trata, ni muchos menos, de encerrarse cada uno en su etnia, en su fe o en sus orígenes en un determinismo absoluto. Pero, menos aún, identificar a los pueblos en un modelo único, reducirlos a lo mismo, a la conformidad y a la regla de lo único».

Como se ve, estamos en plena confrontación entre lo singular y lo global, lo local y lo planetario. El autor apuesta claramente por lo primero. Lo dice así: «la ecología de las civilizaciones se desarrolla en la expresión política de la primacía de la diversidad cultural e identitaria sobre la unidad operacional de las técnicas y de las reglas (el autor piensa en la nuevas TIC y en la preponderancia abusiva, a su juicio, del derecho)».

Y concluye Juvin afirmando que Juvin «nuestra tarea histórica es considerable: debemos hacer renacer la diversidad colectiva. Redescubrir que la historia, el origen, la raza, la lengua, la fe, la cultura tienen un sentido, y que ese sentido no es el de las jerarquías actuales, el de los niveles o estados de desarrollo y el de las barreras sucesivas en la escala del progreso».

Fuente: El Manifiesto

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vendredi, 19 juin 2015

La Matrice des Sept piliers de la sagesse: La révolte dans le désert

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THOMAS EDWARD LAWRENCE
 
La Matrice des Sept piliers de la sagesse: La révolte dans le désert

Rémy Valat
Ex: http://metamag.fr

lawrence424_329117.gifThomas Edward Lawrence était farouchement hostile à la parution de son vivant des mémoires et comptes-rendus de ses aventures et opérations militaires conduites en Arabie entre 1916 et 1918. Il fit imprimer, en 1922, une édition privée qui circula dans un cercle très restreint. Lawrence estimait que certains passages des Sept Piliers étaient trop personnels, voire compromettants. Il ne souhaitait pas non plus embarrasser ses supérieurs hiérarchiques de la Royal Air Force : l’ancien colonel, héros de guerre de notoriété internationale, était alors devenu à sa demande un simple subalterne engagé sous un pseudonyme.


Des lecteurs éminents de la première mouture des Sept Piliers, dont l’écrivain George Bernard Shaw, obtinrent une concession : certes pas d’édition de l’œuvre intégrale, qui sera publiée après sa mort, mais une version abrégée et grand public : La révolte dans le désert


Des coupes franches (3/5ème du manuscrit original) opérées au ciseau et à la colle, quelques mots et phrases de coordination pour lier le tout et le tour fut joué !


Son viol supposé par un colonel turc à Deraa, l’horrible souffrance des blessés turcs entassés dans les hospices de Damas, son énigmatique expédition dans les confins de la Syrie (juin 1917), les massacres de prisonniers et les exactions commises par les irréguliers arabes placés sous son commandement  furent censurés. La révolte dans le désert, parue en 1927, connue un succès immédiat. Ce texte est l’essence même des Sept piliers de la sagesse  qui sont un texte plus littéraire, plus difficile d’accès (des descriptions géomorphologiques des paysages, des réflexions et des questionnements personnels et un style plus ampoulé), mais ô combien plus belle. La révolte dans le désert est une version plus courte, plus dynamique avec des titres pour chaque chapitre... Mais les deux textes dégagent une énergie et un souffle extraordinaires : un talent littéraire de premier ordre mettant en valeur l’action et le vécu d’un homme d’exception, d’un « dangereux rêveur de jour ». Il est extrêmement rare que la plume et l’épée puisse atteindre un tel niveau, reléguant Ernesto Guevara de la Serna au rang de guérillero scribouilleur.... 

"La révolte dans le désert"  rééditée par les éditions Perrin (collection Tempus), précédée d’une présentation de l’orientaliste Christian Destremau, biographe de Lawrence.

Christian Destremau - Lawrence d'Arabie

A l'occasion du Salon du Livre 2014, Christian Destremau vous présente son ouvrage "Lawrence d'Arabie" aux éditions Perrin.
http://www.mollat.com/livres/destrema...

 

mardi, 16 juin 2015

Laurent Davezies, Le nouvel égoïsme territorial,

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Chronique de livre :

Laurent Davezies, Le nouvel égoïsme territorial, Seuil, 2015

Ex: http://cerclenonconforme.hautetfort.com

livD059559779.jpgLaurent Davezies est économiste. Il est professeur au Conservatoire National des Arts et Métiers. D'après le site internet du CNAM, il est le responsable pédagogique pour les enseignements sur le Territoire. Son équipe « a pour vocation de former des professionnels "généralistes" de la ville, de l'urbanisme et de l'environnement ». Il est également expert auprès de différentes institutions, organisations et collectivités (DATAR, INSEE, OCDE, …). Il publie en mars 2015 un essai d'une centaine de pages intitulé Le nouvel égoïsme territorial et sous titré Le grand malaise des nations. Ce livre est à la croisé des chemins entre la géographie, la science politique et l'économie, en particulier en ce qui concerne la fiscalité.

La thèse centrale de l'ouvrage colle avec l'actualité à l'heure où les élus indépendantistes écossais se sont arrogés la majorité des sièges aux dernières élections. En effet Laurent Davezies constate que le régionalisme est un courant d'idée qui prend de l'importance au XXIeme siècle et combine revendications identitaires et revendications économiques, souvent fiscales, mettant en péril la solidarité interne des nations et donc leur cohésion et le développement global du pays. Le « nouvel égoïsme » est cette attitude des régions riches qui consiste à refuser de « payer pour les autres », c'est à dire les régions plus pauvres. Ainsi l'Ecosse grâce au pétrole, la Flandre qui s'ouvre sur la mer du Nord, ou la Catalogne autour de la métropole de Barcelone sont des exemples de régions historiques qui cherchent à faire sécession au moins autant pour des raisons « identitaires » que pour des raisons économiques. Mais d'autres facteurs peuvent également entrer en ligne de compte et Laurent Davezies brosse un tableau des différentes revendications régionalistes à travers le monde. Il y cite entre autre le cas épineux du Kosovo qu'il voit comme un précédent négatif. Quoi qu'il en soit, pour l'auteur, les conséquences de « cet égoïsme » peuvent être désastreuses car les mécaniques de solidarité entre les territoires, garanties au sein des Etats-nations, disparaissent au profit de logiques concurrentielles qui ne vont profiter qu'à une minorité de petits Etats. Dans le même temps, les territoires sinistrés réclament « plus d'Etat », ce qui signifie que les logiques qui conduisent au vote populiste et celles qui conduisent au vote régionaliste sont liées mais totalement opposées. Grossièrement on pourrait dire qu'un Français du Nord-Pas-de-Calais va voter FN car il se sent abandonné et déclassé alors qu'un Flamand de l'autre côté de la frontière va voter N-VA pour conserver ses richesses.

En effet, l'un des paradoxes de la mondialisation, c'est que bien loin de « diluer » l'espace géographique comme on a tendance à le penser trop souvent, elle a au contraire tendance à renforcer la territorialité et la polarité de certains territoires. Ainsi il y a les territoires « gagnants » qui veulent conserver leurs richesses pour eux et les territoires perdants qui se paupérisent. Ce paradoxe en rejoint un autre, le régionalisme porté dans la deuxième moitié du XXeme siècle en grande partie par des mouvements de sensibilité « sociale-démocrate » ou même communiste pourraient voir leur rêve se réaliser grâce à la mondialisation libérale. Ainsi en Ecosse, il y a quelques semaines (et après la sortie de l'ouvrage), les travaillistes ont été balayés par les indépendantistes. Tout un symbole. Le parti porteur du projet keynésien bâti autour de logiques redistributives a cédé face aux indépendantistes prônant par exemple l'autonomie fiscale. A travers le monde, ce sont de « petits Etats » qui sont également gagnants à côté des puissances continentales, comme la cité-Etat de Singapour ou un grand nombre de paradis fiscaux. Ainsi l'auteur est extrêmement méfiant sur tous les discours prônant le « petit », le local et parle de « nouvelle idéologie du local ». Il constate à la suite d'Emile Durkheim que les solidarités mécaniques locales des sociétés traditionnelles ont laissé place avec la modernité à des « solidarités organiques » en raison de la prolifération des rôles ou encore de la division du travail. Cette « nouvelle idéologie du local » serait un retour à des solidarités mécaniques, non pas sur le plan économique, du fait de la mondialisation, mais sur le plan du peuplement. Page 24 l'auteur écrit que « Cette nouvelle idéologie du local [...] inclut aussi ceux qui détestent la mondialisation dans un contexte de peur pour l'avenir écologique de la planète, et qui portent les idées de « décroissance », de « circuits courts » et de repli territorial. » Un exemple m'est venu à l'esprit à la lecture de l'ouvrage et illustre que le local ne peut pas être la seule planche de salut. L'attribution des permis de construire par de nombreuses municipalités s'est parfois fait au détriment du bon sens et pour ne servir que des intérêts particuliers et locaux (augmentation du nombre de contributeurs aux impôts locaux, activité pour les PME locales, ...). Laurent Davezies poursuit en citant les travaux d'Elinor Ostrom, prix nobel d'économie, sur la notion de « bien commun », c'est à dire des biens « qui ne peuvent être gérés ni par les politiques publiques, ni par le marché, mais par les « gens » eux-mêmes, organisés collectivement. » Il conclue son développement page 25 par ces quelques phrases à méditer : « Pourtant, cette approche, par une troisième voie, entre politique publique et marché, fournit un secours intellectuel et une caution prestigieuse aux idéologies anti-Etats et anti-mondialisation (des libertariens de l'extrême droite aux marxistes en quête de réactualisation idéologique, en passant par les écologistes). Le marxisme étant largement remisé, l'idée des « biens communs » offre un nouveau véhicule aux penseurs radicaux. »

D'autres éléments de l'ouvrage sont intéressants comme le fonctionnement de l'Union Européenne dont les mécanismes de solidarité paraissent, au-delà des discours, totalement absents. Ainsi c'est à l'échelle d'une nation que s'exerce la solidarité inter-territoriale et non à l'échelle européenne. Les régions riches d'un pays prennent en charge les régions pauvres du dit pays ce qui crée déséquilibres et mécontentements. Chiffres à l'appui, l'auteur montre qu'en Allemagne, la région « pauvre » de Chemnitz est plus riche que la région « riche » de Lisbonne au Portugal. De fait le coût qui pèse sur la région de Lisbonne est très important, car sa richesse – relative – doit permettre dans le même temps un « rééquilibrage » avec d'autres régions portugaises, alors que Chemnitz bénéficie de la richesse de nombreuses régions Allemande, comme celle d'Hambourg, qui n'intervient de son côté dans aucune redistribution à l'égard d'autres régions européennes. Cela démontre l'absence d'harmonisation fiscale et de politique fiscale européenne et c'est en partie cette différence qui permet aux-uns et aux autres de se faire concurrence, sur le même continent et avec la même monnaie. Pour l'auteur, à la suite d'une démonstration de plusieurs pages dans la dernière partie de l'essai, si on est attaché à la solidarité, il y a plus d'avantages à plébisciter le « grand » par rapport au « petit » ce qui entre en contradiction par exemple avec la pensée proudhonienne. En effet pour lui les grands défis du siècle ne peuvent se réaliser qu'à l'échelle nationale, continentale ou mondiale. Une mosaïque de petits états aurait par exemple selon lui des effets désastreux dans la signature des différents traités que ce soit pour la question de l'armement ou du réchauffement climatique. La réussite et les progrès de quelques-uns se ferait au détriments de tous les autres.

Un point très important de l'ouvrage, qui est développé à la fin de celui-ci, concerne la décentralisation. Laurent Davezies pointe du doigt le fait qu'il n'existe pas vraiment de « théorie de la décentralisation ». L'idée qui sous tend la décentralisation est le fait de pouvoir traiter un domaine à l'échelle qui lui correspond le mieux. La décentralisation est consubstantielle de la subsidiarité mais elle a comme particularité, d'une certaine façon et comme l'avait noté Jacques Ellul, d'être une diffusion de l'administration à toutes les échelles du territoire national. Après une présentation du thème, une sous-partie intitulée « Allocation, stabilisation, redistribution » page 93 permet de clarifier la fonction des budgets publics à la suite de Richard et Peggy Musgrave : « La première vise à utiliser, de la façon la plus efficace, un argent public rare. La deuxième vise à utiliser le budget comme instrument de politique macroéconomique conjoncturelle. La troisième s'efforce d'opérer les redistributions entre personnes, ménages ou territoires pour servir l'objectif de justice de la société considérée ». Ces diverses fonctions sont pertinentes à des échelles différentes. Le principe allocatif au local et le principe stabilisateur et redistributif à l'échelle la plus élevée. Sur ce dernier point cela a pour effet de limiter l'évitement de l'impôt et de rendre plus efficace et plus équitable la redistribution. L'auteur poursuit en expliquant « que toute fiscalité territoriale (locale et, dans une moindre mesure, régionale) assise sur le revenu ou le patrimoine contribue mécaniquement à la spécialisation sociale des territoires […]. Comme le dise beaucoup d'économistes qui prennent le risque de défendre la poll tax mort-née de Mme Thatcher, il n'y a pas de bons impôts locaux. » Sans rentrer dans les détails et la suite de l'argumentation, il est vrai que la question de la fiscalité des territoires est un enjeu majeur à l'heure où les communes doivent par exemple faire face à de lourdes dépenses et où mécaniquement les impôts locaux ne cessent d'augmenter. Il est un fait indéniable que la décentralisation a conduit à une augmentation de la fiscalité et de la bureaucratie et n'a absolument pas atténué les inégalités territoriales qui ne font que s’accroître depuis le tournant des années 80 car elle coïncide également avec l'abandon progressif des politiques keynésiennes, le renforcement de l'intégration européenne, la mondialisation « néo-libérale », etc... . L'auteur conclue son ouvrage en proposant une « décentralisation démocratique ». Il s'agit entre autre d'un plaidoyer, pragmatique, pour la nation, considérée comme la seule échelle actuellement opérationnelle d'organisation territoriale et sociale. Il note que la logiques de « découpage » et « redécoupage » du territoire s'opposent à la nécessité de « renforcer les liens » et que la gestion des aides sociales par les départements est source d'inégalités.

Au final, malgré des désaccords de fond avec l'auteur sur le local ou la décroissance, il s'agit d'une lecture vivifiante qui amène à remettre en question ou à redéfinir certaines de nos conceptions. L'analyse conduite avec une rigueur certaine s'appuie également sur des graphiques et aura le mérite d'approfondir notre approche de la question territoriale qui est au cœur des enjeux actuel.

Jean / C.N.C.

Note du C.N.C.: Toute reproduction éventuelle de ce contenu doit mentionner la source.

Un juste éloge du populisme

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Un juste éloge du populisme

Pierre Le Vigan
lEx: http://metamag.fr

popu2.jpgTrois ans après la parution de L’éloge du populisme par Vincent Coussedière, ce que les médias appellent le « danger » du populisme, ou la « marée noire » du populisme n’a cessé de prendre de l’ampleur. Occasion de revenir sur ce thème. Le populisme est souvent défini comme la démagogie dans la démocratie. C’est à peu de choses près la définition de Pierre-André Taguieff. Et s’il était autre chose ? Et si c’était l’irruption du peuple dans la politique, quand le peuple juge que ses dirigeants ne sont pas à la hauteur ? C’est l’hypothèse défendue par le philosophe Vincent Coussedière. Comme auparavant Chantal Delsol (Populisme. Les demeurés de l’histoire),mais en apportant un éclairage neuf, Vincent Coussedière réhabilite le populisme. Le réduire à de la démagogie est ne pas voir son essence. Le populisme est une protestation qui apparaît quand les hommes politiques ne font plus de politique. C’est pourquoi on ne peut donner au populisme un contenu précis : le populisme n’est pas inévitablement xénophobe, il n’est ni ultra-libéral, même s’il comprend les difficultés du petit patronat, ni socialiste, même si ses électeurs sont souvent ouvriers ou modestes salariés. Le populisme vote aujourd’hui souvent Front national, ou ne vote pas, mais il pourrait voter autre chose si tel parti qui a ses préférences s’avérait aussi politicien et surtout aussi impuissant que les autres à résoudre les problèmes du pays. 


Le populisme est avant tout une protestation contre le mépris du peuple par les élites, une réaction de défense contre ce qui est vécu comme une agression. Le gauchisme sociétal et l’européisme ont en effet convergé et fusionné. Le Monde et Libération représentent le fruit intellectuel de leur unification. Il est désormais de bon ton de se méfier du peuple. Les modes de scrutin sont modifiés en fonction de nécessités tactiques à court terme (modifications qui peuvent s’avérer à double tranchant). Méprisé par les élites, dont le bilan n’est pourtant pas fameux depuis plus de trente ans, le peuple se sent dépossédé de sa liberté de choisir son avenir. 


Le populisme « correspond à ce moment de la vie des démocraties, où le peuple se met à contrecoeur à faire de la politique, parce qu’il désespère de l’attitude des gouvernants qui n’en font plus ». C’est pourquoi l’idée que le populisme est une protestation contre les « dérives monarchiques » du pouvoir ou contre des gouvernants pas assez « proches des gens » est un contresens complet. Le peuple aimerait bien que nos gouvernants soient vraiment « monarques », au sens de souverains de la nation France. Il constate qu’ils ne maîtrisent rien, et c’est cela qu’il ne supporte plus : l’impuissance des prétendus puissants. Alors, le peuple réagit. Le populisme du peuple est un bricolage habile et vernaculaire. Il n’est pas une aspiration identitaire, car le peuple connait sa propre diversité. Il ne peut être réduit à une aspiration à plus de démocratie directe. En effet, le peuple ne conteste pas la nécessité qu’existent des gens qui le représentent. Le peuple ne veut pas tout faire par lui-même. Il admet la délégation. Il veut, par contre, que ceux dont le métier est de diriger les affaires le fassent, et le fassent bien. Il ne veut pas des gens qui se défaussent de leur responsabilité. Il ne veut pas non plus d’une démocratie réduite à une « concertation », et de surcroît la plupart du temps sur des sujets volontairement mineurs. Il aurait sans doute aimé, par contre, qu’on lui demande son avis sur la politique d’immigration et de regroupement familial. Il veut des gens qui assument leurs choix politiques et qui n’attendent pas pour se prononcer sur tel sujet d’être « en situation » (sic). L’essence du politique peut se trouver à la fois dans le peuple et dans un grand homme. Depuis le retrait du général de Gaulle cette essence ne se trouve plus, en France, que dans le peuple. Tout le climat intellectuel actuel, et tout le travail des communicants, consiste à rendre impossible toute émergence d’un véritable homme d’Etat. La déception causée par Sarkozy de 2007 à 2012 est toute l’histoire de cet échec du retour au politique. 


Dès lors, le populisme – celui du peuple lui-même –est à la fois inévitable et sain. « Le populisme est l’entrée en résistance d’un peuple contre ses élites, parce qu’il a compris que celles-ci le mènent à l’abîme ». 

Vincent Coussedière, Éloge du populisme, Voies nouvelles, Elya éditions, 162 pages, 16 €.

vendredi, 12 juin 2015

Spronck le visionnaire

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Spronck le visionnaire

par Georges FELTIN-TRACOL

À l’orée du XXe siècle gravitent autour d’une Action française naissante pas encore subjuguée par les qualités intellectuelles de Charles Maurras quelques personnalités qui célèbrent l’héroïsme et le vitalisme. Les plus éminentes sont Hugues Rebell et Maurice Spronck. Le premier est le pseudonyme de Georges Grassal de Choffat (1867 – 1905). Auteur d’une abondante œuvre pornographique, il déteste le gaz et l’électricité, préfère le chauffage au bois et l’éclairage à la bougie, et se proclame « royaliste et réactionnaire ». Ce connaisseur de Schopenhauer, de Wagner et de Nietzsche qui voyage en Belgique, aux Pays-Bas, en Grande-Bretagne et en Allemagne, écrit en 1894 Les Chants de la pluie et du Soleil profondément païens et une Union des trois aristocraties, dans lequel il prône l’alliance de l’hérédité, du talent et de l’argent. Le second se nomme Maurice Spronck. Dans La République ou le Roi (1), Maurice Barrès et Charles Maurras le mentionnent à quatre reprises dans leurs échanges épistolaires.

 

Avocat brillant, président de la conférence Molé – Tocquenville en 1889, Maurice Spronck naît le 18 février 1861 à Paris. Élu conseiller municipal de sa ville natale en 1900, il est envoyé deux ans plus tard à la Chambre des députés grâce aux électeurs du VIIe arrondissement qui le rééliront constamment jusqu’à son décès en 1921. Ce nationaliste anti-dreyfusard participe à la fondation de l’Action française avant de s’en détacher pour cause de divergences institutionnelles. Comme Barrès, Spronck se proclame en effet républicain. Mais sa République se veut nationale et autoritaire. Membre de la Ligue des Patriotes, il défend son président, Paul Déroulède, exilé en Espagne après sa fumeuse tentative de coup d’État en 1899.

 

Le VIIe arrondissement, foyer contre-révolutionnaire parisien

 

Tribun redoutable et redouté qui siège assez paradoxalement à l’Union libérale, Maurice Spronck combat l’oligarchie avec outrance. Cette exagération lui assure une belle popularité auprès du petit peuple du VIIe arrondissement. Aussi étonnant que cela puisse paraître aujourd’hui, l’arrondissement de la fastueuse Rachida Dati est sous la IIIe République un « vrai réduit de chouans au cœur de Paris républicain [qui] n’a aucun attrait pour les idées nouvelles (2) ». Cette particularité politique perdurera en partie sous les Républiques suivantes avec les députations successives d’Édouard Frédéric-Dupont (1902 – 1995) qui en sera même l’édile de 1983 à 1995. Tantôt indépendant, tantôt gaulliste, tantôt élu du Rassemblement national derrière Jean-Marie Le Pen en 1986 avant de redevenir chiraquien en 1988, le « député des concierges » avait saisi et su profiter de l’esprit foncièrement protestataire de cet arrondissement avant que le remplacement sociologique de la population n’en fasse un fief droitard.

 

msp82865532629.jpgInfluencé par Nietzsche et Carlyle, Maurice Spronck publie en 1894 une contre-utopie (ou dystopie). Thomas More, Francis Bacon, Tommaso Campanella pariaient sur l’avenir ou l’onirisme pour élaborer des systèmes politiques et sociaux parfaits dans lesquels les êtres humains s’épanouiraient harmonieusement au contraire de la dystopie popularisée par les écrivains de science-fiction et d’anticipation (Eugène Zamiatine, écrivain de Nous autres, Aldous Huxley dans Le meilleur des mondes, George Orwell avec 1984, René Barjavel pour Ravage, Ray Bradbury et son Fahrenheit 451). L’an 330 de la République fait de Maurice Spronck un étonnant précurseur.

 

Les Éditions Jean-Cyrille Godefroy viennent de le rééditer agrémenté d’une présentation d’E. Marsala, collaborateur à Causeur. Spronck situe son histoire à venir en 2105 à Orléans. Les États se sont effacés au profit de communes libres autogérées. En 112 de la République, soit 1904, un terrible conflit a dévasté l’Europe. « En cinq semaines, quinze millions de baïonnettes avaient été levées des confins de l’Oural au détroit de Gibraltar. […] En cinq mois, les milliards engloutis ne se chiffraient plus; quatre millions d’hommes avaient péri (p. 60). » La paix revint finalement par le triomphe immédiat de la Révolution universelle fraternitaire. La société européenne se donna au Progrès et entra dans la « Fin de l’Histoire ».

 

La société du dernier homme

 

En 313 de la République, une atmosphère béate de paix perpétuelle domine les esprits. L’égalité sexuelle est complète. Les mets naturels, végétaux et carnés, sont remplacés par une « chimie alimentaire [… qui donne] à profusion […] une nourriture falsifiée aussi savoureuse et presque aussi saine que la véritable (pp. 37 – 38) ». L’obésité touche toutes les classes d’âge d’autant que chaque citoyen se déplace uniquement dans un fauteuil roulant électrique si bien que « passé vingt-cinq ou trente ans, tout le monde s’en servait et ne le quittait guère que pour dormir (p. 42) ». On pense en outre à l’excellente nouvelle de Marc Dem intitulée « Le dernier piéton » (3). Il est probable qu’il connaissait la contre-utopie de Spronck… De nombreux contes rapides dépeignent à l’avance une société abjecte et matérialiste qui émerge sous nos yeux. Bientôt, la navigation aérienne « supplanta tous les autres modes de locomotion à grandes distances, de manière à annihiler les vastes organisations plus ou moins gouvernementales qui dominaient les sociétés européennes et maintenaient le souvenir vague des centralisations de jadis (p. 66) ». N’annonce-t-il pas la mondialisation ? Spronck décrit même une société automatisée sinon robotisée : « l’outillage des manufactures se chargeait amplement de subvenir aux besoins, de la consommation, pourvu que chaque citoyen lui consacrât quelques instants de sa semaine (p. 64). »

 

L’ère radieuse de la République garde cependant quelques défauts. Les communes entretiennent par exemple « collectivement un certain nombre d’ouvriers chinois; et, comme il était à craindre que la présence de ces étrangers constituât un péril, chaque commune se composa par prudence une milice de mercenaires musulmans (pp. 64 – 65) », soit l’immigration de main-d’œuvre surveillée par des vigiles de couleur… En outre, acmé de l’homo festivus cher à Philippe Muray, l’Européen dystopique récuse toute violence et condamne la moindre agressivité. « La dislocation des nationalités avait entraîné la suppression presque complète de toute marine et de toute artillerie sérieuse (pp. 88 – 89). » Riche, désarmée et impuissante, l’Europe devient une proie tentante.

 

La prospérité sans fin dans laquelle se satisfait le dernier homme de Nietzsche engendre inévitablement un ennui pesant vite insupportable pour certains qui ne s’en échappent que par le suicide. Par ailleurs, la mode est à l’ovariotomie (l’amputation des ovaires) chez les jeunes filles au point que « l’excédent des décès sur les naissances augmentait avec une régularité déconcertante (p. 71) ». On demeure pantois devant ce récit ultra-réaliste tant il paraît prémonitoire.

 

L’administration des choses et le pacifisme intégral admis par tous excluent totalement le politique. Or celui-ci revient via le tragique. En 300 de la République, l’Islam incarné par un royaume chérifien au Maroc envahit l’Andalousie. Les communes andalouses ont beau protesté, négocié, cherché à apitoyer leur conquérant de leur sort, voire résisté, elles sont éliminées ! Face à ce péril, de rares Européens tels Frédéric Ledoux réclament une forte réaction et créent une Ligue contre la paix. Mais l’avachissement intellectuel et moral étant à son apogée, « elle mourut faute d’adhérents (p. 103) ».

 

L’islam conquérant

 

Les conquérants mahométans se contentent d’abord de l’ancienne Ibérie. Le successeur du sultan, son fils Ibrahim III futur el-Kébir, parvient à regrouper sous sa seule autorité les peuples africains. « Descendant de Mahomet, il affirma recevoir directement l’inspiration du prophète; et il le fit croire. En même temps qu’il démolissait et reconstruisait à sa guise un continent immense, il osait retoucher les textes coraniques; et sa réforme, au lieu de le perdre, portait son renom de sainteté et son influence morale aux derniers confins du monde asiatique Un jour vint où se réalisa en sa personne le rêve le plus prodigieux de despotisme absolu qui ait jamais pu hanter un cerveau humain. Il fut à la fois le pape infaillible et le césar vainqueur de cinq cents millions d’hommes fanatiques et belliqueux (p. 110). » En 330 donc, il attaque la péninsule italienne et la Provence tandis que l’Est européen subit une double offensive asiatique : « L’Asie et l’Afrique barbares débordaient à la fois sur l’Europe (p. 113) » comme aujourd’hui à Lempedusa et aux Cyclades !

 

Tout le continent européen tombe comme un fruit pourri dans les mains de ce sultan, hormis « les cantons de la Suisse montagneuse et de l’Écosse, où persistent encore aujourd’hui quelques débris de familles européennes (p. 122) ». Précédemment, « moyennant une soumission immédiate, les communes étaient respectées; sous promesse solennelle de se convertir à la religion du Prophète et de reconnaître l’autorité du sultan, les citoyens avaient la vie et la liberté sauves, et conservaient la pleine propriété de leurs biens (pp. 99 – 100) », sinon ils abandonnent sans retour leurs foyers.

 

L’histoire de Maurice Spronck retentit cent vingt-et-un ans plus tard avec une acuité certaine en Orient. Embryon avancé du futur califat universel, l’État islamique du dénommé Ibrahim qui se dit apparenté à la famille de Mahomet, pourrait être cet islam conquérant qui étend ses métastases du Levant à l’Afrique du Nord, du Sahel au Nigéria, ainsi que dans les banlieues de l’immigration en Europe. Michel Houellebecq a-t-il eu connaissance de L’an 330 de la République avant d’écrire Soumission (4) ? L’éditeur a profité avec raison du tintamarre fait autour de ce roman pour présenter ce petit bijou pessimiste. Maurice Spronck avait pressenti que la civilisation occidentale moderne serait médiocre, eudémoniste et fémelline. Le message de sa dystopie est par conséquent évident : les autochtones européens ne se sauveront des périls extérieurs grandissants que si et seulement si ils entreprennent enfin leur révolution intérieure et renouent avec leur essence archaïque et ancestrale en dégageant libéraux, féministes, gendéristes, humanistes, multiculturalistes et autres métrosexuels occidentaux ultra-modernes.

 

Georges Feltin-Tracol

 

Notes

 

1 : La République ou le Roi. Correspondance inédite 1898 – 1923, Plon, 1970, réunie et classée par Hélène et Nicole Maurras, commentée par Henri Massis, introduction et notes de Guy Dupré.

 

2 : Bruno Fuligni, La Chambre ardente. Aventuriers, utopistes, excentriques du Palais-Bourbon, Éditions de Paris – Max Chaleil, coll. « Essais et documents », 2001, pp. 60 – 61.

 

3 : Marc Dem, 70 contes rapides, Les éditions Choc, 1989.

 

4 : Michel Houellebecq, Soumission, Flammarion, 2015.

 

• Maurice Spronck, L’an 330 de la République. XXIIe siècle de l’ère chrétienne, présenté par E. Marsala, Éditions Jean-Cyrille Godefroy (12, rue Chabanais, 75002 Paris), 2015, 127 p., 12 €.

 


 

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mercredi, 10 juin 2015

"Nous n’attendrons plus les barbares"

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"Nous n’attendrons plus les barbares"

Recension du livre de Jure George Vujic par Pierre Saint-Servant

Ex: http://www.egalitetreconciliation.fr

Les livres qui analysent le déclin occidental ne manquent pas. Récemment, Le Suicide français d’Eric Zemmour s’est, sur ce thème, imposé comme l’un des plus beaux succès d’édition de l’année. Cependant, rares sont ceux qui, une fois le constat établi avec précision, tentent de poser les bases d’une refondation. C’est ce à quoi s’est attaché Jure Vujic qui, avec sa double culture franco-croate, se positionne d’ailleurs plus en défenseur de la civilisation européenne que d’un Occident hypothétique, qui est désormais l’incarnation de tout ce contre quoi nous luttons. Un Occident qui n’est plus que l’autre nom du modèle américano-luthérien souhaitant imposer sa vision unipolaire au monde entier.

vujicpng-ef7ef75-1a584.pngÀ partir du vers du poète grec Cavafy « En attendant les barbares », Jure Vujic file l’image d’une attente rendue vaine par la présence des barbares à l’intérieur même de l’espace européen, les élites s’étant depuis bien longtemps barbarisées. C’est à un véritable examen de conscience que nous appelle Vujic en nous proposant de traquer en nous cette part de barbarie, cet assentiment coupable, qui s’est imposé et s’étend. L’origine de l’apathie des peuples européens est bien là. La colonisation du « mental, de l’imaginaire individuel et collectif européen ». Les peuples de la Vieille Europe sont devenus incapables de réagir à la gravité du réel car leur esprit demeure anesthésié par plusieurs décennies de propagande. Désarmés spirituellement et philosophiquement, privés de leurs ressorts intérieurs, les Européens n’ont plus les ressources nécessaires pour s’opposer aux nombreux assauts venus de l’extérieur.

Détruire le mythe progressiste

Nous n’attendrons plus les barbares est un ouvrage vivifiant en ce qu’il n’hésite pas à rétablir le primat de l’esprit. Dans une époque qui ne raisonne plus qu’en termes économiques et matérialistes, voilà qui sonne neuf. Car il est une évidence que nos élites ne jurant plus que par la sacro-sainte croissance ont oubliée : un peuple ne perdure pas grâce à la prospérité économique, il perdure si demeure, pour le structurer, un socle de valeurs assez solide pour s’imposer au réel et le modeler. La chute de l’Empire Romain ne fut pas une faillite (économique) mais une décadence (spirituelle).

Bien que la pensée de Vujic s’égare quelquefois en circonvolutions complexes, l’idée centrale est que « la refondation culturelle [suppose] de renouer avec une vision radicalement anti-progressiste de l’histoire ». C’est donc à la linéarité de l’histoire et au mythe rationaliste d’un progrès continu de l’humanité que s’attaque Vujic. Au rationalisme, aux idéologies, à la virtualisation intellectuelle de toutes les réalités humaines, Vujic oppose une pensée vitaliste. Nietzsche est souvent évoqué, mais sans caricature, et le philosophe au marteau est mis en perspective de manière heureuse avec, entre autres, le mystique russe Nicolas Berdiaev.

Instituer des îlots de résistance

Ne philosophant pas dans les étoiles, Vujic n’oublie pas de confronter sa vision du monde aux difficiles contraintes du réel. Partant du Traité du rebelle d’Ernst Jünger, il prend parti pour les tenants de l’autonomie, retrouvant ici tant la logique communautariste d’un Jean Raspail que la stratégie du grain de sable qui séduit de plus en plus dans les milieux dissidents. Plutôt que l’opposition frontale, préférer « instituer spontanément des îlots de résistance multiformes autocentrés, autarciques et déconnectés des schémas préétablis de la contestation institutionnelle, bref de vrais espaces de liberté autonomes ». C’est parce qu’elles offrent des pistes concrètes et des directions proposées avec clarté que les vingt dernières pages de l’ouvrage nous semblent essentielles. Nous n’attendrons plus les barbares doit être dans toute bonne bibliothèque de combat.

Pierre Saint-Servant

mardi, 09 juin 2015

L'oligarchie au pouvoir (Yvan Blot)

 
Politique & Eco n°45 :
 
L'oligarchie au pouvoir (Yvan Blot)
 

Olivier Pichon et Jean-Christophe Mounicq reçoivent Yvan Blot pour son livre paru chez Economica « L’oligarchie au pouvoir ».


1. L’oligarchie contre la démocratie.
2. Identification de l’oligarchie comme caste oppressive en France.
3. La bestialisation de l’homme par le système technico-occidental et la destruction de l’humain par l’utilitarisme et la séduction consumériste.
4. L’enlaidissement du monde par le marché spéculatif de l’art.
5. Retrouver nos racines, les groupes sociaux capables de résister.
6. Riposte à l’oligarchie, les raisons d’espérer.

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dimanche, 07 juin 2015

L’autre Europe d’Adinolfi

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L’autre Europe d’Adinolfi

par Georges FELTIN-TRACOL

Après Nos belles années de plomb (2004), Pensées corsaires (2008), Orchestre rouge (2013) et Années de plomb et semelles de vent (2014), Gabriele Adinolfi commence à être bien connu du public français. Ce court essai consacré à la question européenne contribue au grand combat des idées. Outre un prix modique, l’impression d’opuscules facilite la diffusion de pensées concises et ramassées. Déjà, à la fin des années 1970, la rédaction évolienne francophone de la revue Totalité et, précédemment, le Cercle Culture et Liberté. Pour une Europe libre et unie sortaient des brochures, véritables munitions pour la réflexion, signées du Belge Daniel Cologne (Éléments pour un nouveau nationalisme en 1977) et d’autres auteurs activistes italiens tels le « Groupe des Dioscures » (L’assaut de la vraie culture, 1979), Giorgio Freda (La désintégration du système, 1980) ou Adriano Romualdi (La Droite et la crise du nationalisme, 1982). Le texte d’Adinolfi est d’ailleurs dédié à Romualdi, à Pierre Drieu La Rochelle et à Jean Thiriart.

 

Penser une autre monnaie européenne

 

l-europe.jpgRomain et Italien, Gabriele Adinolfi est aussi un ardent Européen et souhaite ouvrir un débat non convenu sur notre destin commun. Certes, il est le premier à pester contre cette « Europe que nous n’aimons pas (p. 41) ». Son propos déstabilise parfois le lecteur eurosceptique ou souverainiste national béat. Ainsi est-il « favorable au maintien de l’euro mais avec d’autres paramètres (p. 62) ». Dans le cadre des activités du Centre d’études Polaris qu’il a fondé, Adinolfi a en effet demandé à des économistes et à des juristes de travailler sur une Banque centrale européenne dépendante des banques nationales re-étatisés. Il envisage par exemple un « système de monnaie complémentaire (M.C.) […qui] se base sur un certificat nommé R.A.S. (reçu autoliquidant de souscription) (pp. 66 – 67) » dont l’inspirateur serait le théoricien des monnaies fondantes, Silvio Gesell.

 

Liant idée européenne et ambition économique continentale, l’auteur se réclame d’une économie solidaire et enracinée, relocalisée, dans laquelle prospéraient de petites et moyennes entreprises, propriétés de leurs employés. Partisan d’une logique corporative rénovée, Adinolfi entend surtout « rassembler et représenter toutes les classes au lieu de favoriser les consortiums au dépend des producteurs locaux et des salariés (p. 61) ».

 

Contrairement donc aux souverainistes nationaux et aux nationalistes qui se déclinent en « stato-nationaux », en séparatistes régionaux et en communautaristes superficiels, Gabriele Adinolfi insiste sur « l’Europe comme nécessité (p. 17) ». Aux temps de la Guerre froide et du condominium planétaire États-Unis – U.R.S.S., l’unité européenne indépendante vis-à-vis de ces deux blocs gémellaires était une obligation. « Aujourd’hui, encore plus qu’hier, l’Europe – c’est-à-dire nous tous – est menacée d’extinction et son unité de puissance est à la fois nécessité et identité (p. 34). » Toutefois, le recours à l’Europe exige au préalable l’ouverture sur une dimension psychologique cruciale qui prépare des cadres spirituels qui ne peuvent être en Europe de l’Ouest que des références antiques et médiévales. l’urgence impose de retrouver l’être européen alors que des hordes surgies d’Asie et d’Afrique franchissent chaque jour la Méditerranée et ses détroits. La communauté européenne se sait maintenant encerclée par de multiples menaces toutes mortelles les unes des autres (invasion migratoire, atlantisme, théocratie obscène des droits de l’homme, gendérisme, sociétalisme, islamisme, primat de l’économie devenue folle…). Néanmoins, les Européens qui commencent peu à peu à réagir ne doivent pas à leur tour s’engluer dans les miasmes mortifères de l’économisme. Adinolfi constate qu’en « se limitant aux revendications socio-économiques, ceux qui devraient être les héritiers d’une ligne nationale-révolutionnaire ont perdu le sens de l’Ennemi (p. 33) ».

 

Misère du militantisme pantouflard

 

Il y a du boulot ! Militant exemplaire, Gabriele Adinolfi admoneste les nouveaux militants qui forment « un milieu de fachos consommateurs, de fachos plaintifs, de fachos présomptueux, et de fachos de bar aux concepts enfoncés dans le crâne sans avoir jamais pensé à les peser ou les radiographier (p. 12) ». Naguère, « le militant n’était pas un consommateur d’idées reçues ou un télévotant, il n’obéissait pas au langage binaire et ne s’imaginait pas la révolution comme un flash sur la vitrine d’un “ social network ” ou comme une rafale de “ tweet ” ou de “ textos ” (p. 10) ». Eux aussi pâtissent du grand changement anthropologique en cours qui valorise l’hyper-individualisme si bien qu’au final « on ronronne, on grogne, on se réfugie dans des dogmes, on hululule aigri parce qu’insatisfait de soi et de la vie, mais on ne se remet presque jamais en cause (p. 13) ». Une Europe consciente d’elle-même serait au contraire capable de réhabiliter, voire d’inventer de nouvelles manières d’être.

 

Sachant que l’Europe est devenue auprès des opinions publiques continentales un sujet négatif, déprécié et stérile, Adinolfi examine différentes idées reçues contre elle. Il observe qu’une Europe unie et forte entraverait l’hégémonie étatsunienne, que ce n’est pas qu’un projet franc-maçon (le Vatican le souhaitait aussi) et que les actuelles institutions de l’Union pseudo-européenne ne servent pas exclusivement le mondialisme et les intérêts bancaires. Il serait quand même préférable de redonner aux Européens le sens de « l’idéal universel des Révolutions nationales et de l’Imperium (p. 46) ».

 

Gabriele Adinolfi apprécierait-il de rectifier « des populismes, qui n’iront nulle part s’ils ne sont pas dotés d’une conception stratégique, active, positive, révolutionnaire et s’ils ne sont pas guidés par d’authentiques classes dirigeantes militantes (p. 46) » ? Les amorces existent pourtant ! Malgré des persécutions de plus en plus vives,  CasaPound et le Blocco Studentesco en Italie, et Aube dorée en Grèce réussissent un fantastique maillage territorial complété par des initiatives culturelles et sociales qu’on doit encourager, reproduire ici et maintenant et étendre aux questions environnementales, scolaires, de loyers, de cadre de vie, etc. Notre Europe libérée retrouvée – car identitaire et tiercériste – ne se réalisera qu’au contact de la seule réalité et auprès de populations autochtones pour l’instant déboussolées. Leur rendre une orientation véritable digne de leur histoire représente un enjeu majeur. Oui, « l’Europe est une nécessité absolue, mais elle ne se fera jamais si elle n’est pas d’abord une identité consciente et combattante, à la hauteur du Mythe qu’elle représente (p. 79) ». La mobilisation totale pour notre cher continent, l’Alter-Europe, commence par la lecture de L’Europe d’Adinolfi.

 

Georges Feltin-Tracol

 

• Gabriele Adinolfi, L’Europe, Les Bouquins de Synthèse nationale (116, rue de Charenton, 75012 Paris), 80 p., 2015, 10 €.

 


 

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