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lundi, 27 novembre 2017

René Guénon réédité

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René Guénon réédité

par Thierry DUROLLE

Les lecteurs d’Europe Maxima connaissent l’intérêt qu’une bonne partie de l’équipe rédactionnelle porte à ce grand éveilleur de la Tradition que fût René Guénon. Daniel Cologne et nous-même lui sommes redevable en bien des aspects !

Né à Blois le 15 novembre 1886 à Blois et mort au Caire le 7 janvier 1951, René Guénon est le dépositaire d’une œuvre dense issu d’un travail colossal mais aussi, comme il lui plaisait de dire, d’une « intuition intellectuelle ». Son champ d’exploration concernait les domaines de la métaphysique, de l’ésotérisme, du symbolisme et la critique du monde moderne. Ses connaissances des doctrines orientales, de la franc-maçonnerie, de l’islam (auquel il se convertit), entre autre, suscitait le respect.

Julius Evola, Guido de Giorgio et Frithjof Schuon compte parmi ceux chez qui l’œuvre de Guénon est sans doute la plus importante. Contrairement à Julius Evola, auteur politique attaché à son « européanité » – ce qui ne l’empêcha pas d’être, lui aussi, un grand connaisseur des doctrines extrêmes-orientales et de leur métaphysique –, René Guénon n’a jamais vraiment eu d’intérêt pour la politique. D’ailleurs ces deux grands éveilleurs sont souvent identifiés au Kshatriya (le guerrier, le principe royale, l’action) pour le premier, et au Brahmane (le prêtre, la contemplation) pour le second pour qui seule la chose spirituelle comptait véritablement.

RG-OV-livre.jpgHélas, une partie non négligeable des livres de René Guénon ne sont plus disponible, notamment ceux édités par les Éditions Traditionnelles. Il fallait donc chiner chez les libraires ou sur le Net afin de trouver, parfois à des prix prohibitifs, certains ouvrages. Mais ça c’était avant, car les éditons Omnia Veritas (1) viennent de rééditer les dix-sept ouvrages majeurs de René Guénon ainsi que quelques recueils posthumes tels Études sur l’hindouisme (2). C’est un véritable plaisir de redécouvre certains travaux de Guénon comme L’erreur spirite (3), Aperçus sur l’ésotérisme chrétien (4) ou L’homme et son devenir selon le Vêdânta (5) pour un rapport qualité/prix plus que correct.

Il était temps qu’arrive ces rééditions plus que bienvenues. Nombreux livres fondamentaux à notre famille de penser mériterait une nouvelle jeunesse. Les éditions Omnia Veritas confirme le vieux proverbe « Tout vient à point qui sait attendre ». Bonne lecture !

Thierry Durolle

Notes

1 : Cf. leur site https://www.omnia-veritas.com/

2 : René Guénon, Études sur l’hindouisme, Omnia Veritas, 2017, 294 p., 25 €.

3 : René Guénon, L’erreur spirite, Omnia Veritas, 2017, 402 p., 25 €.

4 : René Guénon, Aperçus sur l’ésotérisme chrétien, Omnia Veritas, 2017, 202 p., 23 €.

5 : René Guénon, L’homme et son devenir selon le Vêdânta, Omnia Veritas, 2017, 274 p. , 25 €.

vendredi, 24 novembre 2017

C’est en tous domaines que le monde se fragmente, en tous domaines que l’unité est devenue problématique

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C’est en tous domaines que le monde se fragmente, en tous domaines que l’unité est devenue problématique

Ex: http://oragesdacier.info

« Rien ne va plus », disent les mauvais joueurs. « Le monde va mal », opine la sagesse populaire. Nous disons plutôt que le monde se fragmente. On nous avait promis un nouvel ordre mondial. C’est le contraire qui se produit. On annonçait la généralisation planétaire de la démocratie libérale. Ce qui se généralise, ce sont plutôt les « insurrections électorales » contre elle et son hypocrisie, comme s’en plaignent amèrement les libéraux. Quartier suivant quartier, la fragmentation du monde se poursuit, sans ménagement, sans interruption. Et cela n’est pas qu’affaire de géopolitique. C’est en tous domaines que le monde se fragmente, en tous domaines que l’unité est devenue problématique. Il n’y a pas plus d’unité dans la « société », de nos jours, que dans la « science ». Le salariat explose en toutes sortes de niches, d’exceptions, de conditions dérogatoires. L’idée de « précariat » occulte opportunément qu’il n’y a tout simplement plus d’expérience commune du travail, même précaire. Si bien qu’il ne peut plus y avoir non plus d’expérience commune de son arrêt, et que le vieux mythe de la grève générale est à ranger au rayon des accessoires inutiles. La médecine occidentale en est réduite à bricoler avec des techniques qui font voler en éclats son unité doctrinale, telles que l’acupuncture, l’hypnose ou le magnétisme. Par-delà les usuels tripatouillages parlementaires, il n’y a plus, politiquement, de majorité pour rien. Le commentaire journalistique le plus avisé, durant le conflit parti de la loi Travail au printemps 2016, constatait que deux minorités, une minorité gouvernementale et une minorité manifestante, s’affrontaient devant le parterre d’une population spectatrice. Notre Moi lui-même se présente comme un puzzle de plus en plus complexe, de moins en moins cohérent – si bien que pour que ça tienne, en plus des séances de psy et des comprimés, il faut maintenant des algorithmes. Ce n’est que par antiphrase que l’on appelle « mur » le flux tendu d’images, d’informations, de commentaires, pour lequel Facebook essaye de donner forme au Moi. L’expérience contemporaine de la vie dans un monde fait de circulation, de télécommunications, de réseaux, d’un chaos d’informations en temps réel et d’images tentant de capter notre attention est fondamentalement discontinue. A une tout autre échelle, les intérêts particuliers des notables ont de plus en plus de mal à se faire passer pour « l’intérêt général ». Il n’y a qu’à voir comment les États peinent à mettre en œuvre leurs grands projets d’infrastructures, du val de Suse à Standing Rock, pour s’aviser que ça ne marche plus. Qu’il faille désormais faire intervenir l’armée et ses corps d’élite sur le territoire national pour le moindre chantier d’importance montre assez qu’ils sont désormais perçus pour les opérations mafieuses qu’ils sont aussi. 
 
Comité invisible, Maintenant

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mercredi, 22 novembre 2017

La concretezza geopolitica del diritto in Carl Schmitt

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La concretezza geopolitica del diritto in Carl Schmitt

La produzione teorica di Carl Schmitt è caratterizzata dalla tendenza dell’autore a spaziare in diversi settori di ricerca e dal rifiuto di assolutizzare un solo fattore o ambito vitale. Nonostante gli siano state rivolte frequenti accuse di ambiguità e asistematicità metodologica – in particolar modo da chi sostiene la “purezza” della scienza del diritto -, in una delle sue ultime interviste, rilasciata nella natia Plettenberg, Schmitt ribadì senza mezzi termini la sua radicale scelta esistenziale: «Mi sento al cento per cento giurista e niente altro. E non voglio essere altro. Io sono giurista e lo rimango e muoio come giurista e tutta la sfortuna del giurista vi è coinvolta» (Lanchester, 1983, pp. 5-34).

Un metodo definito sui generis, distante dalle asettiche teorizzazioni dei fautori del diritto positivo ma non per questo meno orientato alla scienza giuridica, sviscerata fin nelle sue pieghe più riposte per ritrovarne la genesi violenta e i caratteri concreti ed immediati, capaci di imporsi su una realtà che, da “fondamento sfondato”, è minacciata dal baratro del nulla.

In quest’analisi si cercherà di far luce sul rapporto “impuro” tra diritto ed altre discipline, in primis quella politica attraverso cui il diritto stesso si realizza concretamente, e sui volti che questo ha assunto nel corso della sua produzione.

1. Il pensiero di Schmitt può essere compreso solo se pienamente contestualizzato nell’epoca in cui matura: è dunque doveroso affrontarne gli sviluppi collocandoli in prospettiva diacronica, cercando di individuare delle tappe fondamentali ma evitando rigide schematizzazioni.
Si può comunque affermare con una certa sicurezza che attorno alla fine degli anni ’20 le tesi schmittiane subiscano un’evoluzione da una prima fase incentrata sulla “decisione” a una seconda che volge invece agli “ordini concreti”, per una concezione del diritto più ancorata alla realtà e svincolata non solo dall’eterea astrattezza del normativismo, ma pure dallo “stato d’eccezione”, assenza originaria da cui il diritto stesso nasce restando però co-implicato in essa.

L’obiettivo di Schmitt è riportare il diritto alla sfera storica del Sein – rivelando il medesimo attaccamento all’essere del suo amico e collega Heidegger -, che si oppone non solo al Sollen del suo idolo polemico, Hans Kelsen, ma pure al Nicht-Sein, allo spettro del “Niente” che sopravviveva nell’eccezione, volutamente non esorcizzato ma troppo minaccioso per realizzare una solida costruzione giuridica. La “decisione”, come sottolineò Löwith – che accusò Schmitt di “occasionalismo romantico” – non può pertanto essere un solido pilastro su cui fondare il suo impianto teoretico, essendo essa stessa infondata e slegata «dall’energia di un integro sapere sulle origini del diritto e della giustizia» (Löwith, 1994, p.134). Il decisionismo appariva in precedenza come il tentativo più realistico per creare ordine dal disordine, nell’epoca della secolarizzazione e dell’eclissi delle forme di mediazione: colui che s’impone sullo “stato d’eccezione” è il sovrano, che compie un salto dall’Idea alla Realtà. Quest’atto immediato e violento ha sul piano giuridico la stessa valenza di quella di Dio nell’ambito teologico, tanto da far affermare a Schmitt che «tutti i concetti più pregnanti della moderna dottrina dello Stato sono concetti teologici secolarizzati» (Teologia politica, 1972, p.61). Solo nell’eccezione il problema della sovranità si pone come reale e ineludibile, nelle vesti di chi decide sull’eventuale sospensione dell’ordinamento, ponendosi così sia fuori che dentro di esso. Questa situazione liminale non è però metagiuridica: la regola, infatti, vive «solo nell’eccezione» (Ivi, p.41) e il caso estremo rende superfluo il normativo.

La debolezza di tale tesi sta nel fissarsi su una singola istanza, la “decisione”, che ontologicamente è priva di fondamento, in quanto il soggetto che decide – se si può definire tale – è assolutamente indicibile ed infondabile se non sul solo fatto di essere riuscito a decidere e manifestarsi con la decisione. Contrariamente a quanto si potrebbe pensare, decisionismo non è dunque sinonimo di soggettivismo: a partire dalla consapevolezza della sua ambiguità concettuale, Schmitt rivolge la sua attenzione verso la concretezza della realtà storica, che diviene il perno della sua produzione giuridica.
Un cambio di rotta dovuto pure all’erosione della forma-Stato, evidente nella crisi della ”sua” Repubblica di Weimar. Il decisionismo rappresentava un sostrato teorico inadeguato per l’ordinamento giuridico internazionale post-wesfaliano, in cui il tracollo dello Stato[1] spinge Schmitt a individuare nel popolo e nei suoi “ordinamenti concreti” la nuova sede del “politico”.

Arroccato su posizioni anti-universaliste, l’autore elabora tesi che vanno rilette in sostanziale continuità con quelle precedenti ma rielaborate in modo tale da non applicare la prospettiva decisionista a tale paradigma cosmopolitico.

2. Il modello di teoria giuridica che Schmitt approfondì in questa tappa cruciale del suo itinerario intellettuale è l’istituzionalismo di Maurice Hauriou e Santi Romano, che condividono la definizione del diritto in termini di “organizzazione”. La forte coincidenza tra organizzazione sociale e ordinamento giuridico, accompagnata alla serrata critica del normativismo, esercitò una notevole influenza su Schmitt, che ne vedeva il “filo di Arianna” per fuoriuscire dal caos in cui era precipitato il diritto dopo la scomparsa degli Stati sovrani.

Convinto fin dalle opere giovanili che fosse il diritto a creare lo Stato, la crisi irreversibile di quest’ ultimo indusse l’autore a ricercarne gli elementi essenziali all’interno degli “ordinamenti concreti”. Tralasciando la dottrina di Hauriou, che Schmitt studiò con interesse ma che esula da un’analisi prettamente giuridica in quanto fin troppo incentrata sul piano sociologico, è opportuno soffermarsi sull’insegnamento romaniano e sulle affinità tra questi e il tardo pensiero del Nostro. Il giurista italiano riconduceva infatti il concetto di diritto a quello di società – corrispondono al vero sia l’assunto ubi societas ibi ius che ubi ius ibi societas – dove essa costituisca un’«unità concreta, distinta dagli individui che in essa si comprendono» (Romano, 1946, p.15) e miri alla realizzazione dell’«ordine sociale», escludendo quindi ogni elemento riconducibile all’arbitrio o alla forza. Ciò implica che il diritto prima di essere norma è «organizzazione, struttura, posizione della stessa società in cui si svolge e che esso costituisce come unità» (Ivi, p.27).

La coincidenza tra diritto e istituzione seduce Schmitt, al punto da fargli considerare questa particolare teoria come un’alternativa al binomio normativismo/decisionismo, “terza via” di fronte al crollo delle vecchie certezze del giusnaturalismo e alla vulnerabilità del positivismo. Già a partire da Teologia politica il pensiero di matrice kelseniana era stato demolito dall’impianto epistemologico che ruotava intorno ai concetti di sovranità e decisione, che schiacciano il diritto nella sfera del Sein riducendo il Sollen a «modus di rango secondario della normalità» (Portinaro, 1982, p. 58). Il potere della volontà esistenzialmente presente riposa sul suo essere e la norma non vale più in quanto giusta, tramontato il paradigma giusnaturalistico, ma perché è stabilita positivamente, di modo che la coppia voluntas/auctoritas prevalga su quella ratio/veritas.

L’eclissi della decisione osservabile dai primi scritti degli anni ’30 culmina col saggio I tre tipi di pensiero giuridico, in cui al “nemico” scientifico rappresentato dall’astratto normativista Schmitt non oppone più l’eroico decisionista del caso d’eccezione quanto piuttosto il fautore dell’ “ordinamento concreto”, anch’esso ubicato nella sfera dell’essere di cui la normalità finisce per rappresentare un mero attributo, deprivato di quei connotati di doverosità che finirebbero per contrapporsi a ciò che è esistenzialmente dato. Di qui la coloritura organicistico-comunitaria delle istituzioni che Schmitt analizza, sottolineando che «esse hanno in sé i concetti relativi a ciò che è normale» (I tre tipi di pensiero giuridico, 1972, pp.257-258) e citando a mo’ di esempi modelli di ordinamenti concreti come il matrimonio, la famiglia, la chiesa, il ceto e l’esercito.

Il normativismo viene attaccato per la tendenza a isolare e assolutizzare la norma, ad astrarsi dal contingente e concepire l’ordine solo come «semplice funzione di regole prestabilite, prevedibili, generali» (Ibidem). Ma la novità più rilevante da cogliere nel suddetto saggio è il sotteso allontanamento dall’elemento decisionistico, che rischia di non avere più un ruolo nell’ambito di una normalità dotata di una tale carica fondante.

3. L’idea di diritto che l’autore oppone sia alla norma che alla decisione è legata alla concretezza del contesto storico, in cui si situa per diventare ordinamento e da cui è possibile ricavare un nuovo nomos della Terra dopo il declino dello Stato-nazione.
Lo Schmitt che scrive negli anni del secondo conflitto mondiale ha ben presente la necessità di trovare un paradigma ermeneutico della politica in grado di contrastare gli esiti della modernità e individuare una concretezza che funga da katechon contro la deriva nichilistica dell’età della tecnica e della meccanizzazione – rappresentata sul piano dei rapporti internazionali dall’universalismo di stampo angloamericano.

Sulla scia delle suggestioni ricavate dall’istituzionalismo, il giurista è consapevole che solo la forza di elementi primordiali ed elementari può costituire la base di un nuovo ordine.
nomosCS.jpgLa teoria del nomos sarà l’ultimo nome dato da Schmitt alla genesi della politica, che ormai lontana dagli abissi dello “stato d’eccezione” trova concreta localizzazione nello spazio e in particolare nella sua dimensione tellurica: i lineamenti generali delle nuove tesi si trovano già in Terra e mare del 1942 ma verranno portati a compimento solo con Il nomos della terra del 1950.

Nel primo saggio, pubblicato in forma di racconto dedicato alla figlia Anima, il Nostro si sofferma sull’arcana e mitica opposizione tra terra e mare, caratteristica di quell’ordine affermatosi nell’età moderna a partire dalla scoperta del continente americano. La spazializzazione della politica, chiave di volta del pensiero del tardo Schmitt, si fonda sulla dicotomia tra questi due elementi, ciascuno portatore di una weltanschauung e sviscerati nelle loro profondità ancestrali e mitologiche più che trattati alla stregua di semplici elementi naturali. Il contrasto tra il pensiero terrestre, portatore di senso del confine, del limite e dell’ordine, e pensiero marino, che reputa il mondo una tabula rasa da percorrere e sfruttare in nome del principio della libertà, ha dato forma al nomos della modernità, tanto da poter affermare che «la storia del mondo è la storia della lotta delle potenze terrestri contro le potenze marine» (Terra e mare, 2011, p.18) . Un’interpretazione debitrice delle suggestioni di Ernst Kapp e di Hegel e che si traduceva nel campo geopolitico nel conflitto coevo tra Germania e paesi anglosassoni.

Lo spazio, cardine di quest’impianto teorico, viene analizzato nella sua evoluzione storico-filosofica e con riferimenti alle rivoluzioni che hanno cambiato radicalmente la prospettiva dell’uomo. La modernità si apre infatti con la scoperta del Nuovo Mondo e dello spazio vuoto d’oltreoceano, che disorienta gli europei e li sollecita ad appropriarsi del continente, dividendosi terre sterminate mediante linee di organizzazione e spartizione. Queste rispondono al bisogno di concretezza e si manifestano in un sistema di limiti e misure da inserire in uno spazio considerato ancora come dimensione vuota. È con la nuova rivoluzione spaziale realizzata dal progresso tecnico – nato in Inghilterra con la rivoluzione industriale – che l’idea di spazio esce profondamente modificata, ridotta a dimensione “liscia” e uniforme alla mercé delle invenzioni prodotte dall’uomo quali «elettricità, aviazione e radiotelegrafia», che «produssero un tale sovvertimento di tutte le idee di spazio da portare chiaramente (…) a una seconda rivoluzione spaziale» (Ivi, p.106). Schmitt si oppone a questo cambio di rotta in senso post-classico e, citando la critica heideggeriana alla res extensa, riprende l’idea che è lo spazio ad essere nel mondo e non viceversa. L’originarietà dello spazio, tuttavia, assume in lui connotazioni meno teoretiche, allontanandosi dalla dimensione di “datità” naturale per prendere le forme di determinazione e funzione del “politico”. In questo contesto il rapporto tra idea ed eccezione, ancora minacciato dalla “potenza del Niente” nella produzione precedente, si arricchisce di determinazioni spaziali concrete, facendosi nomos e cogliendo il nesso ontologico che collega giustizia e diritto alla Terra, concetto cardine de Il nomos della terra, che rappresenta per certi versi una nostalgica apologia dello ius publicum europaeum e delle sue storiche conquiste. In quest’opera infatti Schmitt si sofferma nuovamente sulla contrapposizione terra/mare, analizzata stavolta non nei termini polemici ed oppositivi di Terra e mare[2] quanto piuttosto sottolineando il rapporto di equilibrio che ne aveva fatto il cardine del diritto europeo della modernità. Ma è la iustissima tellus, «madre del diritto» (Il nomos della terra, 1991, p.19), la vera protagonista del saggio, summa del pensiero dell’autore e punto d’arrivo dei suoi sforzi per opporre un solido baluardo al nichilismo.

Nel nomos si afferma l’idea di diritto che prende la forma di una forza giuridica non mediata da leggi che s’impone con violenza sul caos. La giustizia della Terra che si manifesta nel nomos è la concretezza di un arbitrio originario che è principio giuridico d’ordine, derivando paradossalmente la territorialità dalla sottrazione, l’ordine dal dis-ordine. Eppure, nonostante s’avverta ancora l’eco “tragica” degli scritti giovanili, il konkrete Ordnung in cui si esprime quest’idea sembra salvarlo dall’infondatezza e dall’occasionalismo di cui erano state accusate le sue teorie precedenti.


Da un punto di vista prettamente giuridico, Schmitt ribadisce la sentita esigenza di concretezza evitando di tradurre il termine nomos con “legge, regola, norma”, triste condanna impartita dal «linguaggio positivistico del tardo secolo XIX» (Ivi, p.60). Bisogna invece risalire al significato primordiale per evidenziarne i connotati concreti e l’origine abissale, la presa di possesso e di legittimità e al contempo l’assenza e l’eccedenza. La catastrofe da cui lo ius publicum europaeum è nato, ossia la fine degli ordinamenti pre-globali, è stata la grandezza del moderno razionalismo politico, capace di avere la propria concretezza nell’impavida constatazione della sua frattura genetica e di perderla con la riduzione del diritto ad astratta norma. Ed è contro il nichilismo del Gesetz che Schmitt si arma, opponendo alla sua “mediatezza”, residuo di una razionalità perduta, l’“immediatezza” del nomos, foriero di una legittimità che «sola conferisce senso alla legalità della mera legge» (Ivi, p.63).

GEOPOLITICA & TEORIA 27/05/2015 Ugo Gaudino

BIBLIOGRAFIA ESSENZIALE

AMENDOLA A., Carl Schmitt tra decisione e ordinamento concreto, Edizioni Scientifiche Italiane, Napoli, 1999

CARRINO A., Carl Schmitt e la scienza giuridica europea, introduzione a C. SCHMITT, La condizione della scienza giuridica europea, Pellicani Editore, Roma, 1996

CASTRUCCI E., Introduzione alla filosofia del diritto pubblico di Carl Schmitt, Giappichelli, Torino, 1991

ID., Nomos e guerra. Glosse al «Nomos della terra» di Carl Schmitt, La scuola di Pitagora, Napoli, 2011

CATANIA A., Carl Schmitt e Santi Romano, in Il diritto tra forza e consenso, Edizioni Scientifiche Italiane, Napoli, 1990, pp.137-177

CHIANTERA-STUTTE P., Il pensiero geopolitico. Spazio, potere e imperialismo tra Otto e Novecento, Carocci Editore, Roma, 2014

DUSO G., La soggettività in Schmitt in Id., La politica oltre lo Stato: Carl Schmitt, Arsenale, Venezia, 1981, pp.49-68

GALLI C., Genealogia della politica. Carl Schmitt e la crisi del pensiero politico moderno, Il Mulino, Bologna, 2010

LANCHESTER F., Un giurista davanti a sé stesso, in «Quaderni costituzionali», III, 1983, pp. 5-34

LÖWITH K., Il decisionismo occasionale di Carl Schmitt, in Marx, Weber, Schmitt, Laterza, Roma:Bari,1994

PIETROPAOLI S., Ordinamento giuridico e «konkrete Ordnung». Per un confronto tra le teorie istituzionalistiche di Santi Romano e Carl Schmitt, in «Jura Gentium», 2, 2012

ID., Schmitt, Carocci, Roma, 2012

PORTINARO P. P., La crisi dello jus publicum europaeum. Saggio su Carl Schmitt, Edizioni di Comunità, Milano, 1982

ROMANO S., L’ordinamento giuridico, Firenze, Sansoni, 1946

SCHMITT C., Die Diktatur, Duncker & Humblot, Monaco-Lipsia, 1921, trad. it. La dittatura, Laterza, Roma-Bari, 1975

ID., Politische Theologie. Vier Kapitel zur Lehre der Souveränität, Duncker & Humblot, Monaco-Lipsia 1922, trad it. Teologia politica. Quattro capitoli sulla dottrina della sovranità, in Le categorie del ‘politico’ (a cura di P. SCHIERA e G. MIGLIO), Il Mulino, Bologna, 1972

ID., Verfassungslehre, Duncker & Humblot, Monaco-Lipsia 1928, trad. it. Dottrina della costituzione, Giuffrè, Milano, 1984

ID., Der Begriff des Politischen, in C. SCHMITT et al., Probleme der Demokratie, Walther Rothschild, Berlino-Grunewald, 1928, pp. 1-34, trad. it. Il concetto di ‘politico’. Testo del 1932 con una premessa e tre corollari, in Le categorie del ‘politico’, Il Mulino, Bologna, 1972

ID., Legalität und Legitimität, Duncker & Humblot, Monaco-Lipsia 1932, trad. it. Legalità e legittimità, in Le categorie del ‘politico’, Il Mulino, Bologna, 1972

ID., Über die drei Arten des rechtswissenschaftlichen Denkens, Hanseatische Verlagsanstaldt, Amburgo, 1934, trad. it. I tre tipi di pensiero giuridico, in Le categorie del ‘politico’, Il Mulino, Bologna, 1972

ID., Land und Meer. Eine weltgeschichtliche Betrachtung, Reclam, Lipsia 1942, trad. it. Terra e mare. Una considerazione sulla storia del mondo raccontata a mia figlia Anima, Adelphi, 2011

ID., Der Nomos der Erde im Völkerrecht des Jus Publicum europaeum, Greven, Colonia 1950, trad. it. Il Nomos della terra nel diritto internazionale dello “ius publicum europaeum”, Adelphi, Milano, 1991

ID., Die Lage der europäischen Rechtswissenschaft, Internationaler Universitätsverlag, Tubinga, 1950, trad. it. La condizione della scienza giuridica europea, Pellicani Editore, Roma, 1996

NOTE:

[1] «Un termine apparentato ad un periodo storico: vale solo da Hobbes ad Hegel», come scrisse in una lettera a Norberto Bobbio, cfr. P. TOMMISSEN, introduzione a C. SCHMITT, Il concetto d’Impero nel diritto internazionale, Settimo Sigillo, Roma, 1996, p.6
[2] Ricchi altresì di significati simbolici espressi mediante le figure veterotestamentali del Leviathan e del Behemoth. Rovesciando l’impostazione hobbesiana, Schmitt sembra prediligere il secondo, mostro terrestre che in battaglia penetra nel territorio nemico anziché annientarlo come fa il soffocante Leviatano (Terra e mare, 2011, pp.18-19). L’analogia con lo scontro in atto tra Germania e paesi angloamericani è lampante (Chiantera-Stutte, 2014, pp.120-121).

mardi, 21 novembre 2017

Aristide Leucate parle de Carl Schmitt

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jeudi, 16 novembre 2017

Un Front de la Tradition?...

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Un Front de la Tradition?...

Les éditions Ars Magna viennent de publier un recueil de textes d'Alexandre Douguine intitulé Le Front de la Tradition. Théoricien politique influent, un moment proche d'Edouard Limonov, Alexandre Douguine est la figure principale du mouvement eurasiste en Russie. Outre L'appel de l'Eurasie (Avatar, 2013), le texte d'une longue conversation entre lui et Alain de Benoist, plusieurs  de ses ouvrages ou recueils de ses textes sont déjà traduits en français comme La Quatrième théorie politique (Ars Magna, 2012), Pour une théorie du monde multipolaire (Ars Magna, 2013) ou Vladimir Poutine, le pour et le contre - Écrits eurasistes 2006-2016 (Ars Magna, 2017).

" Connu surtout comme le promoteur de l’idée eurasiste et comme le théoricien qui a une influence fondamentale sur les orientations géopolitiques de l’actuel maître du Kremlin, Alexandre Douguine est aussi (voire surtout) pour beaucoup de ses lecteurs celui qui a le mieux exposé l’idée traditionaliste dans notre Kali Yuga.

On reconnaît un arbre à ses fruits et ceux issus du traditionalisme de René Guénon et de Julius Evola étaient bien décevants. Ces grands penseurs avaient laissé une oeuvre gigantesque mais des disciples aussi petits que médiocres dont la seule fréquentation était de nature à dégouter de se revendiquer de la Tradition.

Puis Alexandre Douguine vint… et il ouvrit des perspectives immenses sur l’islam, l’orthodoxie, le judaïsme, sans oublier les liens entre la Tradition et la géopolitique. On peut résumer son influence en écrivant qu’il fit de ses disciples des « traditionalistes du XXIe siècle ».

D’où la nécessité impérative de rendre accessible aux lecteurs francophones la totalité de ses textes consacrés à la Tradition traduits dans notre langue. Nombre d’entre eux sont totalement inédits, d’autres ont déjà été publiés dans d’obscures revues ou sur des sites internet éphémères, tous méritent d’être lus et médités, tous vous changeront en profondeur et contribueront à faire de vous les kshatriyas que demande notre âge de fer. "

mercredi, 15 novembre 2017

Vers une authentique renaissance de la cité...

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Vers une authentique renaissance de la cité...

par Patrice-Hans Perrier

Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com

Nous reproduisons ci-dessous un point de vue de Patrice-Hans Perrier cueilli sur De Defensa et consacré aux conditions d'une renaissance de la cité. L'auteur est journaliste au Québec.

Vers une authentique renaissance de la cité

À l’heure de l’ubiquité des échanges numériques, dans un contexte où les conventions culturelles sont battues en brèche, la cité se meurt faute d’oxygène. Il ne demeure qu’un vague agrégat d’intérêts disparates mettant en scène des acteurs qui meublent l’espace civique comme des potiches. La médiation n’est plus le lot des clercs d’autrefois : les grands prêtres du spectacle médiatique arbitrent aux différents qui ne manquent de se multiplier alors que le « vivre ensemble » n’est plus qu’une vague chimère. Il convient de rassembler les gens autour d’événements construits comme autant de célébration vides de sens, le temps de célébrer une fête païenne ou chrétienne travestie en journée de la consommation, le temps d’une fugace fuite en avant.

Rituels de la cité confisqués par Hollywood

Les médias, comme l’ancien bréviaire de nos pères et mères, scandent le temps de la liturgie d’une société de la consommation qui a chassé tous les rituels qui marquaient d’une pierre blanche les fondations de la cité. Il n’y a presque plus de naissances, encore moins de baptêmes à célébrer; alors pourquoi ne pas se concentrer sur la naissance des stars du monde du spectacle qui, à l’instar des certains astres fugaces, ne font que passer le temps de nous distraire de nous-mêmes. Les récoltes se font rares : toujours moins de fêtes paysannes destinées à célébrer la corne d’abondance des produits d’un terroir laissé en friche entre les mains des promoteurs immobiliers. Plus personne ne se joint à la cohorte des foules venues assister au mouillage d’une embarcation qui transportera les pêcheurs vers le large. Chacun de son côté, prostré devant son site pornographique, pourquoi prendre la peine de rencontrer des partenaires afin de tisser des relations qui culmineront par un mariage ? Une autre célébration qui disparaît de la carte … sauf pour les vedettes d’Hollywood qui célèbrent de nouvelles épousailles au moment de changer leur garde-robe, entre deux saisons de tournage. Plus de baptêmes, presque plus de mariages et jusqu’aux enterrements de nos aïeux qui sont proscrits par cette société narcissique qui refuse de célébrer les moments charnières qui permettaient à la cité de se retrouver au gré de rituels qui survivaient à l’effondrement des empires.

Oubliez les personnages historiques, les Saints et les autres symboles qui étoffaient la Geste de la nation. Il n’y a plus rien à célébrer, hormis les potins des stars d’Hollywood qui respirent à notre place. Nous vivons par procuration au gré d’une représentation mimétique qui n’est qu’un théâtre du simulacre, puisque le temps de la cité s’est arrêté. Il s’agit d’une authentique glaciation de la vie humaine, dans un contexte où la programmation du monde inorganique vient de réussir un véritable coup d’état envers les « très riches heures » de nos antiques sociétés.

La résistance et la reconstruction

Véritable libre-penseur, philosophe avant la lettre, Hannah Arendt s’est penchée sur la catastrophe d’une postmodernité qui semble être le tombeau d’une humanité privée de son terreau. C’est avec La Condition de l’homme moderne, publié en 1958, qu’elle marque un grand coup en nous faisant prendre conscience de l’avancée de ce totalitarisme technocrate qui menace jusqu’à la raison d’être de toute société humaine. Disciple de Martin Heidegger, Arendt se penche, comme les fées du berceau, sur les modalités de l’AGIR qui fondent l’existence dans le creuset de l’humaine condition. Heidegger, le dernier des hellénistes classiques, célèbre la pensée de ces présocratiques qui avaient, déjà, mis en garde l’humanité contre les puissances démoniaques d’un hubris laissé à lui-même. Manifestement en porte-à-faux face à l’idéalisme hégélien, Arendt ambitionne de jeter les bases d’une « anthropologie politique » susceptible de nous aider à détricoter la condition humaine. Paul Ricoeur n’affirme-t-il pas qu’ « il faut lire Condition de l’homme moderne comme le livre de la résistance et de la reconstruction ». Mais, résister à quoi et comment reconstruire, serait-on tentés d’ajouter ?

Arendt travaille d’arrache-pied sur les fondamentaux de cette vita activa qui permet à l’humanité de se perpétuer à travers le temps et l’espace. Rejetant toutes conceptions essentialistes qui représenteraient la nature de l’homme en faisant abstraction de son vécu en société; elle ne tombe pas, non plus, dans le piège d’un déterminisme qui, à l’instar de notre actuelle théorie du genre, stipulerait que l’homme est un être conditionné par son milieu ou par une représentation culturelle. C’est en accomplissant ses œuvres que l’homme permet à son être de se manifester. L’Homo faber agit sur son environnement, se projette dans son vécu et protège une liberté qui est tout sauf une vue de l’esprit. Déjà, son mentor, Heidegger, avait compris que le totalitarisme de la société techniciste menaçait de ravir à l’humanité jusqu’au souvenir d’une liberté perdue à force d’être coupé de toutes les racines de l’anthropos. Arendt télescope sa pensée du côté de la polis athénienne du Ve siècle avant notre ère. C’est au cœur de l’antique cité grecque qu’ont été forgées les bornes qui séparaient le domaine privé et le domaine public, alors que l’oikos – la maisonnée – était un lieu sacré, inviolable, distinct des débats qui présidaient aux destinées de la polis.

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Un foyer familial violé

Notre modernité tardive, avec son machiavélisme froid, a détruit la maisonnée de nos pères et mères pour y substituer une agora concentrationnaire qui menace toute forme d’intimité. Véritables ilotes, sans attaches, ni liens filiaux, les consommateurs laissent le soin à une caste de politicards de présider aux destinées d’une polis pervertie par les forces du grand Capital. À contrario, les patriotes de l’antique cité grecque participaient à la magistrature d’un pouvoir qui n’avait pas été confisqué par des métèques, c’est-à-dire des forces extérieures à la cité. La polis représente, in fine, la prise de la parole au sein d’une agora qui rassemble tous les citoyens libres qui composent cette authentique société. L’oikos représente le lieu de l’intimité familiale, un espace en soustraction vis-à-vis de la polis, véritable matrice de la naissance et du travail nécessaire à la survie biologique. En outre, l’espace familiale est le lit d’une tradition propre à une lignée qui tentera de s’illustrer au cœur des débats qui président aux destinées de la cité. La cellule familiale, de l’aveu de Arendt, représente « un lieu que l’on possède pour s’y cacher ». Voilà pourquoi l’oikos est inviolable, malgré le fait que ses membres fassent partie de cette cité qui représente l’espace des échanges humains. Le vivre-ensemble n’est possible qu’au gré de la symétrie démocratique, d’une participation de tous aux affaires courantes de la polis, alors que l’intimité familiale, l’oikos, permet au citoyen de se ressourcer auprès des membres de son clan.

Les penseurs de la lucidité postmoderne, de Arendt à Francis Cousin, en passant par Guy Debord, posent un diagnostic incontournable sur nos sociétés moribondes à l’heure de l’ubiquité des médias tout-puissants. Le propre d’un univers concentrationnaire c’est d’éliminer la distinction entre l’intime et le public, pour que plus personne ne soit en mesure de prendre la parole et d’apporter sa pierre à l’édification d’une société épanouissante. Pendant que les politiciens professionnels monopolisent l’espace public, les consommateurs se réfugient dans un cocon préfabriqué – cocooning – qui n’a rien à voir avec une cellule familiale puisque l’état s’occupe de règlementer toutes les facettes de la vie de couple, prenant en charge les enfants et règlementant jusqu’aux usages domestiques pour finir par prendre en charge l’intimité de chacun. L’état totalitaire postmoderne viole les citoyens qui sont devenus des esclaves par consentement.

Paradoxalement, Arendt et consorts ont, dans un premier temps, excité la curiosité de cette gauche soixante-huitarde qui ambitionnait de révolutionner les rapports en société. De nos jours, ce sont les nouveaux conservateurs – combattant le néolibéralisme sous toutes ses formes – qui s’emparent de cette pensée féconde afin d’être en mesure de se forger des outils de combat effectifs et pérennes. Puisque le néolibéralisme ambitionne de briser toutes les frontières du langage humain, laissant au langage machine le soin de baliser l’espace transactionnel pour le plus grand profit des flux informatiques. La circulation de l’INFORMATION ne supporte aucune prise de parole au sein d’une agora qui a été transformée en parquet par les marchands du temple. C’est le Capital qui prend la parole à travers ses médias autorisés, lesquels permettent à la caste des politicards de venir y donner leur représentation factice.

Restaurer l’intimité du foyer

Ceux et celles qui se réclament du patriotisme ont très bien compris qu’il est minuit moins cinq. Dans un contexte où l’argent liquide sera bientôt retiré de la circulation et à une époque où les citoyens n’ont plus aucun mot à dire sur les destinées de leur cité moribonde, un nombre croissant de résistants est conscient qu’il devient urgent de préserver ce qui reste de la cellule familiale. Puisqu’à défaut de participer aux affaires de la polis, le néo-citoyen peut se donner les moyens de restaurer l’intégrité de son milieu de vie immédiat, tout en tissant des liens de proximité et d’entraide avec d’autres résistants face à cette impitoyable centrifugeuse que constitue le grand Capital prédateur. Il semblerait que les maîtres de la Banque soient des émules de Platon, cet ancêtre de la Maçonnerie spéculative qui percevait le philosophe comme un être supérieur à celui qui s’occupait de la chose politique. D’ailleurs, la cité utopique préconisée par Platon devrait, dans le Meilleur des mondes, être dirigée par une caste de philosophes-rois. Cette pensée délétère inaugure un distinguo entre la praxis et la theoria, dans un contexte où le commun des mortels est ravalé au rang d’un animal laborans, véritable esclave au service d’une élite de prédateurs qui, seule, a le droit de présider aux affaires et aux destinées de la cité.

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Si, à l’époque de la cité hellénique classique, seuls les citoyens libres avaient le droit de participer aux affaires de la cité – les femmes et les esclaves en étant interdits d’office – il n’empêche qu’une part substantielle du corps social avait « droit de cité ». De nos jours, seuls les professionnels de la politique – et leurs auxiliaires des médias – agissent comme représentants de ceux qui ont véritablement « droit de cité ». Le subterfuge est cynique puisque les payeurs de taxes sont ponctionnés par une caste de prévaricateurs faisant semblant de représenter la piétaille qui travaille ou qui chôme, c’est selon. La cité ayant été confisquée par les agent du Capital, le génos – tradition familiale basée sur l’occupation du territoire par une population donnée – sera liquidé au moyen de l’augmentation continue des flux d’immigrants, de l’augmentation vertigineuse des prix de l’immobilier et de la destruction des fondations pérennes de la famille. Privé de son oikos et n’ayant plus aucun droit de parole effectif au sein des affaires de la cité, le consommateur de la postmodernité n’est définitivement plus un citoyen. De fait, les femmes et les esclaves mâles se disputent au beau milieu des restes fumants de cette polis détruite par les nouveaux citoyens de l’hyperclasse technocratique.

La perte du monde commun

Jean-Claude Poizat, dans son opuscule intitulé « Hannah Arendt – une introduction », ne coupe pas les cheveux en quatre lorsqu’il affirme que « … la modernité nous renvoie à l’expérience de la perte du monde commun. Or, au-delà de la dimension historique, cette expérience porte atteinte à deux conditions fondamentales de l’existence humaine : l’appartenance au monde et la pluralité ». En effet, il faut être en mesure de préserver nos liens de filiation – l’intimité de la cellule familiale – si l’on souhaite pouvoir participer aux destinées d’une cité qui, normalement, représente le DIA-LOGOS en action. D’où l’importance pour l’Imperium d’éradiquer toutes traces de cultures authentiques, ce qui inclut le langage et ses manifestations. Le philosophe et théologien Paul Ricoeur, à travers ses études sur l’altérité – ou rapport à la différence – estime que le propre du totalitarisme absolu c’est d’abolir toutes les bornes qui agissaient comme des sas permettant de préserver l’intimité de l’être, condition essentielle d’une authentique communication. Le monde commun c’est l’espace public où il est possible de partager un part de soi avec autrui, de faire connaissance et de nouer des liens féconds et durables. Le civisme représentant, donc, une prise de conscience citoyenne qui, seule, permet de bâtir les fondations d’une cité qui ne soit pas concentrationnaire.

On parle du « commun des mortels », afin d’identifier ceux et celles qui composent les fondations de la cité. La plèbe ne représente pas un agrégat d’esclaves incultes; à contrario ce terme réfère à l’humus, c’est-à-dire ceux qui cultivent la terre. Le monde commun c’est l’espace où les patriciens – oublions la confrontation entre patriarcat et matriarcat – peuvent se rencontrer afin de partager les fruits de la terre et de présider aux affaires courantes de la polis. L’homme postmoderne « hors-sol », coupé de ses racines, est comparables à un ilote corvéable à merci puisqu’il ne participe plus d’un génos effectif. Son identité lui est conférée par son numéro d’assurance sociale et sa marge de crédit. Hors du lexicon informatique, l’humanoïde ne représente plus rien : sa liberté est déterminée par son pouvoir d’achat et rien d’autre. À tout moment, la Banque peut lui couper les vivres et le déposséder de cette identité factice qui lui permettait de nouer des liens transactionnels avec d’autres consommateurs aliénés comme lui.

Le droit de parole

Tout le monde parle, tout le temps, sur son portable et les internautes éructent des commentaires disgracieux sur les médias sociaux qui ne sont que des perchoirs à perroquets. Ce babil incessant trahit l’énorme angoisse qui pèse sur le monde actuel, dans un contexte où les citoyens ne participent plus aux débats politiques. Même la classe politique ne préside plus vraiment aux destinées de la polis; elle se contente de jouer sa partition au beau milieu d’une agora qui a été transformée en amphithéâtre médiatique. La classe politique donne le la, alors que les commentateurs et autres chroniqueurs de l’air du temps improvisent à partir de cette partita pipée. Les consommateurs se chargent de faire circuler les racontars du jour, tout en les ponctuant avec force éructations. La machine à rumeur s’emballe et, au même moment, les donneurs d’ordres passent leurs commandes sur les parquets des grandes places boursières. C’est le Capital qui tient le crachoir.

Les-Origines-de-la-pensee-grecque.jpgJean-Pierre Vernant, dans « Les origines de la pensée grecque », souligne que « le système de la polis, c’est d’abord une extraordinaire prééminence de la parole sur tous les autres instruments du pouvoir ». C’est ce qui explique l’importance accordée au fait de « tenir parole » chez les peuples primitifs. « Donner sa parole » signifie que le locuteur implique toute sa personne dans son discours et qu’il ne sert point d’obscurs intérêts qui agissent par procuration. L’orateur de la Grèce antique prend la parole afin d’apporter sa pierre à l’édification d’une polis qui ne peut se concevoir sans la participation effective de ses constituants, les citoyens.

Concluons sur ce passage de Jean-Claude Poizat qui nous rappelle que « l’égalité de tous les citoyens devant la loi se mue en participation effective à toutes les magistratures du pouvoir. Un tel régime politique implique, en particulier, que l’action politique des citoyens soit une action sans modèle et en quelque sorte improvisée, par opposition au travail productif qui est une activité réservée au spécialiste et qui requiert un savoir particulier – comme c’est le cas chez l’artisan ». Il n’y a pas à dire, la caste politicienne ne sert à rien, sinon qu’à ponctionner les finances publiques et à tenir lieu d’interface qui brouille la communication au profit d’un Capital qui a tout loisir de mener ses projets à terme. Étienne Chouard, économiste et politologue iconoclaste, a parfaitement raison de proposer d’élargir le spectre de la participation citoyenne aux affaires de la cité; ce qui pourrait, in fine, conduire à une marginalisation de la classe politique telle que nous la connaissons.

Le commun des mortels – tous les hommes et les femmes qui participent à « l’être du monde » – ne doit plus accepter cette démocratie représentative qui n’est qu’un des rouages de la grande machination du monde de la « politique spectaculaire », pour paraphraser Guy Debord, notre mentor. Ce n’est plus la rue qu’il faut occuper : la plèbe devrait revêtir ses plus beaux atours et investir l’espace du Parlement. Le dèmos c’est l’ensemble des citoyens qui devraient, normalement, faire partie de l’assemblée patricienne du « grand peuple ». Le kratos – ou pouvoir effectif sur les affaires de la cité – ayant été confisqué par la ploutocratie – ceux qui détiennent les richesses et qui représentent le plousios –, il y a urgence que les forces vives de la nation prennent en main les rênes de cette démocratie qui n’est plus qu’un simulacre fétide. À contrario des stars et des ploutocrates, soyons humbles comme l’humus afin de nous réconcilier les uns avec les autres et d’être en mesure de renouer avec le radical de notre humaine condition. Nos racines profondes.

Patrice-Hans Perrier (De Defensa, 5 novembre 2017)

mardi, 14 novembre 2017

Enracinement et mondialité: l’Europe entre nations et régions

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Enracinement et mondialité: l’Europe entre nations et régions

Gérard Dussouy
Universitaire, essayiste

Ex: https://metamag.fr

La notion d’enracinement ne va pas de soi, même si elle suggère l’attachement à un territoire, à des traditions ; enraciner voulant dire faire racine. C’est qu’elle n’implique pas la fixité, comme l’on peut être tenté de le penser, et comme le prouve l’expérience historique de plusieurs communautés humaines.

Néanmoins, cette notion d’enracinement est mise en avant aujourd’hui. Et si elle soulève tant d’intérêt, c’est parce qu’elle répond à une évidente perte de repères. Celle que provoquent les mouvements, les flux ininterrompus, qui caractérisent la mondialité ; ce nouveau cadre de vie des humains. Et qui correspond à un changement radical, intervenu en quelques décennies.


La mondialité est, en effet, le nouvel état du monde (celui qui résulte des différents processus de la mondialisation). Elle signifie que les individus et les peuples sont désormais tous inscrits dans un même monde connexe et synchrone, dans lequel la référence ultime ne semble plus être le local, mais le global. Dans lequel, le temps mondial absorbe toutes les temporalités régionales ou locales.

Cette nouvelle donne suscite, à la fois, de plus en plus d’instabilité dans les activités humaines et de crispations identitaires ou sociales, et elle soulève nombre d’interrogations. Toutes celles qui se trouvent au cœur de la relation problématique entre la tendance forte à l’homogénéisation du monde et ses propres hétérogénéités (dont les enracinements). Et, à propos de laquelle, on risquera ici quelques hypothèses.

La relativité de l’enracinement

On peut définir l’enracinement comme un contexte de vie, un espace-temps individuel ou collectif marqué par un lieu précis, une histoire locale, des traditions, des métiers, des habitudes de consommation, d’alimentation, de comportement.
Le village a pu être considéré comme l’idéal-type de l’enracinement. Symbolisé par son clocher, ou par son minaret en d’autres lieux, et marqué par le mythe du paysan-soldat. Ce qui n’est plus vrai suite à la révolution industrielle et à l’urbanisation des sociétés, facteurs de déracinement et d’uniformisation, à la fois.

enrac1.jpgAujourd’hui la transformation est largement accentuée avec la métropolisation du monde : l’interconnexion des capitales et des grandes villes fait qu’il existe souvent plus de liens entre elles qu’entre chacune d’elles et son propre arrière-pays. D’où, parfois, un sentiment d’abandon au sein des périphéries rurales (thème devenu récurrent en France).

Mais l’espace-temps va au-delà de l’horizon villageois (région ou nation), comme il peut relever d’un contenu plus social que territorial (monde paysan ou monde ouvrier). Enfin, l’enracinement n’interdit pas des affiliations multiples. Dans tous les cas, son apport essentiel est qu’il fixe des repères de vie, et on pourrait dire presque, pour la vie.

En contrepartie, l’enracinement génère nécessairement une vision du monde ethnocentrique. Tout individu ou tout groupement d’individus a une vision circulaire du monde qui l’entoure ; une vision autoréférentielle qui implique des perceptions faussées de l’environnement. C’est sans aucun doute là, le principal obstacle à la construction de l’Europe politique.

Contrairement à l’étymologie même du terme, il existe une réelle dynamique de l’enracinement.

D’abord, il n’est pas synonyme d’immobilité, et l’enracinement n’interdit pas l’échange, le déplacement. Le voyage est parfois le meilleur moyen d’apprécier ses racines. Quant à l’échange commercial, tant qu’il a été un échange de biens, et non pas un transfert de ressources financières ou technologiques, il était effectué entre des entités économiques enracinées.

Ensuite, le déracinement lui-même n’implique pas, systématiquement, la perte des racines (l’éradication proprement dite). Il est à l’origine de nombreuses recontextualisations de vie qui s’accompagnent de ré-enracinements. On en veut pour preuve, les nombreuses Little Italy ou China Towns que l’on connaît dans le monde. A plus grande échelle, l’Argentine est comme une nation hispano-italienne, en tout cas cela y ressemble, installée en Amérique du Sud. Quant à Israël, quoique l’on puisse penser des conséquences géopolitiques de sa création, c’est une remarquable réussite de ré-enracinement, dans la terre des ancêtres après des siècles de dispersion. Mais la diaspora n’avait pas fait disparaître les racines culturelles des Juifs.

De nos jours, la dynamique de l’enracinement est également la cause de la communautarisation des sociétés occidentales avec le ré-enracinement, au moins partiel, parce qu’il faut compter avec les phénomènes d’acculturation, des populations immigrées. En effet, partout dans le monde, les groupes qui migrent ont tendance à reconstruire leur histoire, et ils reconfigurent leur projet ethnique.

La mondialité en cause : culture globale ou communautarisation globale ?

C’est tout le problème aujourd’hui : les flux humains, matériels, et immatériels de la mondialité défient toutes les formes d’enracinement. Que peut-on en attendre ?

Une culture globale ? Dans le monde connexe et synchrone qui est désormais le nôtre, une impression de mouvement perpétuel s’est installée. L’interchangeabilité des lieux, des espaces-temps individuels et collectifs  semble presque être devenu la normalité. Par exemple, jeunes migrants africains en Europe contre retraités européens en Afrique du Nord.

Et la numérisation des sociétés vient ajouter au phénomène éminemment territorial du déracinement/ré-enracinement, celui, a-territorial, des multiples communautés virtuelles qui vient modifier les affiliations, les allégeances et les solidarités traditionnelles.

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Tout cela s’accompagne-t-il de l’émergence d’une culture globale ?

Des sociologues la perçoivent déjà. Ils la comprennent comme une symbiose des cultures particulières. Ou, et c’est quelque peu différent, comme une hybridation d’éléments culturels nationaux, étrangers les uns aux autres et déformés, et d’éléments sans identité, apparus dans la sphère des réseaux sociaux, qui se transmettraient instantanément d’un lieu à un autre, grâce aux supports médiatiques et numériques.

En quelque sorte, la culture globale serait, ni plus ni moins que, la culture du technocosme (à savoir, le système technologique, médiatique et numérique) qui enveloppe toutes les activités humaines et qui tend à se substituer au milieu naturel (avec toutes les rétroactions négatives que l’on connaît). Mais aussi, par la même occasion, des communautés virtuelles qui mettent en réseau des individus éparpillés dans le monde, lesquels peuvent finir par entretenir entre eux plus de relations qu’avec leurs proches ou leurs voisins immédiats. Il est clair que l’enracinement local, régional ou national n’est plus alors prioritaire.

Pour des sociologues comme R. Robertson, la culture globale est devenue l’ensemble humain au sein duquel le processus de l’intégration mondiale a pris son autonomie, en raison de l’expansion et de l’intensification des flux culturels globaux. Mais, cet avis ne fait pas l’unanimité parce que le rétrécissement du monde et le raccourcissement du temps créent aussi de la promiscuité entre les groupes humains qui entendent, malgré tout, conserver leurs particularités.

Une communautarisation globale ?

Et si la proximité, au lieu de promouvoir l’unité, malgré une globalisation relative des cultures, entraîne alors une communautarisation générale des sociétés concernées, à quoi peut-on s’attendre ?

Pour les plus optimistes, cette communautarisation pourrait prendre la forme d’une « fédération de diasporas », soit la cohabitation globale des groupes humains installés et déplacés. La rencontre des migrations de masse et des médias électroniques sans frontières, en permettant la restructuration des identités à distance, en d’autres lieux, serait ainsi fondatrice d’une ethnicité moderne qui caractériserait les nouvelles sociétés multicultures ; celle de la coexistence de différents espaces ou « lieux post-nationaux ». Et ce n’est plus là seulement une hypothèse d’école (propre au sociologue indien Appaduraï), puisque le Premier ministre canadien Trudeau a fait sienne la doctrine de l’Etat postnational qui fait qu’au Canada, à ses yeux, les communautés d’origine anglaise ou française n’ont pas plus de droits à faire valoir, du fait de leur antécédence, que les nouvelles communautés d’immigrés. Il est d’ailleurs fort possible que son successeur à la tête de la Confédération soit bientôt un ressortissant de la minorité indienne.

Néanmoins, conséquemment à ses travaux sur les minorités indiennes (Sikhs notamment) installées aux USA, Appaduraï, avec amertume, mais aussi avec lucidité et honnêteté, a fini par constater que la globalisation culturelle pouvait exacerber les différences. Et que d’une manière générale, il fallait admettre l’aspect schizophrène qu’engendre l’hybridité de la culture de ceux qui depuis les pays du sud viennent s’installer en Occident. Ce qui paraît une évidence quand on parcourt les banlieues françaises.

La fin des luttes hégémoniques ?

Une culture globale ou une « fédération de diaspora », l’une ou l’autre, peut-elle mettre fin aux luttes hégémoniques ? Rien n’est moins sûr. L’historien et sociologue I. Wallenstein (d’obédience néo-marxiste et par conséquent plus politiquement correct que S. Huntington) a qualifié l’arrière-plan culturel de la mondialisation de « champ de bataille du système-monde moderne ». Pour lui, comme pour beaucoup d’autres, le champ culturel demeure un espace structuré par les rapports de puissances. Il reste le terrain des luttes hégémoniques entre les communautés les mieux enracinées et les mieux technologiquement équipées. Dès lors, bien que l’avantage aille encore aux Etats-Unis, il est certain qu’il n’y aura pas d’occidentalisation du monde, contrairement à ce qui a été proclamé tous ces derniers temps. Comme l’a parfaitement dit le philosophe américain R. Rorty, la pensée moderne et la théorie des droits de l’homme qui va avec n’auront jamais été, prises ensemble, qu’une originalité de la bourgeoisie libérale occidentale.

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Car, ce n’est pas maintenant qu’elle est devenue la première puissance économique mondiale, en attendant d’accéder à ce même rang militaire et technologique, à l’horizon 2050, comme vient de le promettre son premier dirigeant, que la Chine va renoncer à ses valeurs et à ses croyances. Bien au contraire, leur retour est à l’ordre du jour. Il va de soi que la culture chinoise, enracinée dans une masse plus que milliardaire, et portée par sa diaspora, va compter de plus en plus dans la structuration mentale de la mondialité.

Nul doute aussi que la mouvance musulmane, malgré ses divisions, en raison de la multitude qu’elle représente et du profond enracinement de la religion qui l’anime doit être considérée, également, comme l’un des principaux challengers de la lutte hégémonique. L’instrumentalisation diplomatique de l’islam par la Turquie, mais elle n’est pas la seule, atteste déjà de ce potentiel.

Trois hypothèses pour une relation problématique

Le changement du contexte mondial, dans ses dimensions technologique et démographique/migratoire surtout, complique sérieusement la compréhension de la nature de l’enracinement. Pour évaluer ce dont il pourrait advenir de cette notion, relative en soi comme on l’a vu, il nous faut faire appel à la relation contradictionnelle qui existe entre la tendance à l’homogénéisation du monde avec toutes ses hétérogénéités (c’est-à-dire, comme on l’a dit tous ses enracinements), et qui ouvre trois hypothèses :
celle de l’homogénéisation forte ou complète.
Elle est la négation des enracinements, car dans cette hypothèse, le local ne serait plus que du global localisé. On en revient à cette culture globale générée par les technologies de la communication, mais aussi par l’uniformisation des styles de vie tournés vers la consommation et le confort.

Mais, le global peut lui-même être imprégné d’éléments locaux globalisés. Il n’est donc pas incompatible avec la présence d’une hégémonie culturelle. Une sorte de global sous hégémonie. Comme cela en a l’allure depuis 1945, et surtout depuis la fin de l’Urss, en raison de la domination écrasante des USA en matière de productions culturelles. Cependant, comme on l’a noté, dans quelques décennies, cela pourrait être le tour de la Chine tant il est vrai que l’influence culturelle est la continuité de la puissance.
celle de l’hétérogénéité triomphante et de la fragmentation planétaire.

Pour différentes causes, la tendance à l’homogénéisation du monde, et à son intégration, par le marché notamment, pourrait s’interrompre. Car rien n’est irréversible. On peut en percevoir trois, parmi d’autres moins évidentes : les catastrophes naturelles engendrées par le changement climatique ; les crises économiques et sociales alors que l’économie mondiale est annoncée, par beaucoup d’économistes, se diriger vers un état stationnaire (insuffisant pour satisfaire à tous les besoins grandissants de la population mondiale en pleine croissance) ; les guerres démographiques structurelles. Trois causes qui peuvent s’avérer, bien entendu, interactives.

Si de tels événements devaient survenir ou de tels phénomènes s’enclencher, il est sûr que l’on assisterait à une fragmentation du système mondial sous l’effet d’un vaste mouvement de reterritorialisation, de renationalisation, de relocalisation…et finalement de ré-enracinement.

Ce nouveau désordre mondial, engendré par les luttes pour la survie, tous les groupements humains, toutes les nations, ne seraient pas en mesure de le surmonter. Parmi les entités politiques les mieux en situation d’y parvenir, on trouverait celles dotées d’un fort mythomoteur (complexe de symboles, de valeurs partagées, de styles et de genre de vie), selon la terminologie du sociologue anglais Anthony Smith. On pense ici au Japon dont le mythomoteur a survécu (et la nation japonaise avec lui) aux avanies subies depuis 1945, malgré la crise d’identité de sa jeunesse, et en dépit d’un déclin démographique prononcé.
Mais le chaos aggraverait les inégalités et les crispations identitaires seraient, pour la plupart, sans apporter de solution, tant les unités reterritorialisées seraient faibles.

En Europe, dans cette hypothèse comme dans la première, c’est la fin des modèles nationaux qui est annoncée. Et que l’on constate déjà, en raison du dépassement structurel des États concernés et de la décomposition de leur nation (dénatalité, vieillissement, communautarisation).

Dès lors, entre l’homogénéisation de la culture mondiale, probablement sous hégémonie, destructrice des identités, et la dispersion régressive ou mortelle dans le chaos, une voie de salut existe du côté de la mise en place de nouveaux cadres politiques à la mesure des défis inventoriés. En recherche de sécurité et de régulation, fondés sur des affinités culturelles et/ou civilisationnelles, ces cadres seront nécessairement plurinationaux. Ce qui, inéluctablement, renvoi à la thématique du fédéralisme.

En effet, face aux réalités de la géopolitique mondiale, et en présence de la diversité culturelle européenne, le seul recours réside dans la restauration du politique grâce à l’ancrage de sa verticalité dans les réalités historiques et locales européennes. Il s’agit de construire l’Europe par le haut et par le bas, de façon simultanée, et d’édifier des institutions à forte réflexivité collective, c’est-à-dire en mesure de s’auto-corriger (en jouant de la subsidiarité, dans un sens comme dans l’autre). Malheureusement, on n’en est pas là ! Malgré le constat d’impuissance, la logique du chacun pour soi l’emporte, jusqu’à engendrer de pathétiques querelles d’Européens.

La question de fond demeure toujours la même : les Européens ont-ils conscience d’avoir des intérêts vitaux communs, et sont-ils prêts à s’organiser en conséquence ? Ou bien, considèrent-ils qu’ils peuvent s’en sortir, chaque État-nation ou chaque État-région, chacun de son côté, et sauver ce qui lui reste de prospérité et d’identité? Ou bien encore les Européens sont-ils résignés à leur autodissolution, ou sont-ils prêts à se replier dans des isolats au sein même de leur propre Etat. L’avenir donnera la réponse !

Contribution aux Assises de l’enracinement, Ligue du Midi.

Gérard Dussouy, professeur émérite à l’université de Bordeaux,  a publié un Traité de Relations internationales, en trois tomes, Editions L’Harmattan, 2009. Et en 2013, Contre l’Europe de Bruxelles, fonder un État européen, Editions Tatamis. Une édition italienne de ce dernier livre, mise à jour et adaptée, est parue.

vendredi, 10 novembre 2017

Lovers of Sophia

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Lovers of Sophia

Jason Reza Jorjani

Ex: https://manticorepress.net

Introduction to Lovers of Sophia

JRJ-sophia.jpgThis mammoth volume is a collection of twenty distinct philosophical reflections written over the course of a decade. Most of them are essays, some almost of book length. Others would be better described as papers. A few are well structured notes. There is also one lecture. A magnum opus like Prometheus and Atlas does not emerge from out of a vacuum, and an alternative title to these collected works could have been “The Path to Prometheus and Atlas.” While there are a few pieces that postdate not only that book but also World State of Emergency, most of the texts included here represent the formative phase of my thought. Consequently, concepts such as “the spectral revolution” and “mercurial hermeneutics” are originally developed in these essays.

In addition to revealing the context for the genesis of specific concepts that I have developed, these reflections also have certain stylistic features and central concerns that, when taken together with my two published books, make it possible to discern the key characteristics of my philosophical standpoint. For example, I reject any subdivision of Philosophy into distinct and specialized fields such as Ontology, Epistemology, Aesthetics, Ethics, and Politics. The main reason that I have included “An Introductory Lecture on Ethics” is because it exemplifies my integral conception of what it means to philosophize. From the essay, “Philosophy, Science, and Art” it becomes clear that beyond a rejection of specialization within Philosophy, I go so far as to argue against any fundamental differentiation of Philosophy from the arts and sciences. It is my contention that philosophers (such as Aristotle and Descartes) determine the deep structure of successive scientific paradigms, at least at their inception, and that philosophical thought can take place in an artistic and literary medium. This is why several of the pieces here are interpretations of literary or cinematic works, such as The Trial of Franz Kafka, or two films based on the writings of Philip K. Dick. In my view, aesthetic intuition is a necessary (but not a sufficient) condition for being a philosopher.

While on the subject of what it means to be a philosopher, let me point out that it is only with the publication of these essays that I reconcile myself to making the claim that I am one. Thus far I have described myself only as “an aspiring philosopher”. In addition to the aforementioned “Introductory Lecture on Ethics” and reflection on the relationship between “Philosophy, Science, and Art”, my diatribe “Against Perennial Philosophy” makes it quite clear that I do not recognize the majority of academics in the field of Philosophy as “philosophers” even though they disrespect the great thinkers of the past by referring to themselves as that. “Against Perennial Philosophy” actually disqualifies the majority of so-called “philosophers” in the Canon as well, and it suggests that there has hardly been any philosophy worthy of the name outside of the Indo-European civilizations (including Buddhist Asia).

A philosopher is someone whose thought engages with fundamental questions concerning Truth, Beauty, and Justice, in a way that leads to the discovery of concepts with a potential to catalyze scientific and political revolutions. The philosopher’s ethics and politics must be grounded on his ontology and epistemology, and, as I have already suggested, this integral thought has to be guided by an aesthetic intuition comparable to that of the most extraordinary geniuses in literature and the arts. This is a definition that disqualifies scientists as innovative as Khayyam, Galileo, and Newton, political theorists like Cicero, Rousseau, and Strauss, or artists such as Ferdowsi, Dostoyevsky, and Kubrick. That I reflect philosophically on the brilliant works of Franz Kafka and Philip K. Dick, does not mean that I consider them philosophers. On this definition, there are probably not many more than two dozen philosophers known to recorded history. (This qualifier “recorded history” is important since I am certain that we have lost a great deal of legitimate philosophy to vicissitudes such as the burning of the Library of Alexandria or the Islamic Conquests of Iran and India.) On account of the development of at least four original concepts thus far, namely the “spectral revolution” and “mercurial hermeneutics” in Prometheus and Atlas, the concept of a “world state of emergency” in the book by that name, and the terrifying idea of a “destructive departure in worldview warfare” from the essay “Black Sunrise” that appears in this volume, I now see myself as (just barely) having joined the ranks of these fellow lovers of Sophia.

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The backbone of this collection is constituted of critical, and in some cases iconoclastic, contemplation of the work of my predecessors in the Canon: Plato, Aristotle, Spinoza, Kant, Hegel, Nietzsche, James, and Wittgenstein. The interpretation of Plato ventured in “The Pharmakon Artist” and that of Aristotle in “Building the Theater of Being” are totally original and extremely destabilizing to received tradition. The essay on Hegel’s “Paranormal Phenomenology”, which also adopts and adapts certain ideas from Maurice Merleau-Ponty, is the point of origin for the concept of “mercurial hermeneutics” further developed in Prometheus and Atlas.

But it is by no means the case that these philosophical reflections are limited to the Western Canon. Rather, one of the distinguishing characteristics of Prometheus and Atlas as well as World State of Emergency is the cosmopolitan scope of my thought. My “Critique of Shiite Esotericism” and exegesis of “Verse 4:34” from the Quran, are incisive philosophical critiques of Islam. They were instrumental scholarly exercises on the way to the anti-Islamic argument of World State of Emergency. Essays like “Serpent Power of the Superman”, where I argue that Hindu Tantra is more Nietzschean than Nietzsche, reaffirm that I recognize no distinction between ‘Western’ and ‘Eastern’ philosophy. Although most of what could be called philosophical thought in the East is Indo-European or Aryan in origin, my “Notes on the Tao of Bruce Lee” suggest that Aryan traditions like Buddhism can be augmented by assimilating elements of non-Aryan traditions such as Taoism. As I argued in both Prometheus and Atlas and World State of Emergency, I see this innovatively evolving cosmopolitan humanism as one of the most distinctive qualities of the Indo-European community. Bruce Lee is Aryan, not Chinese – and I say that mainly on account of the form of his thought, rather than his half-German genetic inheritance or his upbringing in the British colonial culture of Hong Kong.

By the way, as “Trial Goddess” strongly suggests, I also consider Franz Kafka to be an Aryan. Fragmentary as his writings may be, in my view Kafka is the peak of German literature – or rather the cathedral gloom of its most horrifyingly abyssal depth. How integral Jews have been to defining the most Aryan of attitudes and ideas in the Western Canon is also clear from the overwhelming influence of Baruch Spinoza on the development of the core structure of Nietzsche’s thought, which I trace in the essay, “Spinoza, the Untimely One.” Nietzsche, the progenitor of the Aryan Superman, himself recognized the Jews as a world-historical community who, as compared to their small numbers, have demonstrated an incomparable genius in every field of human endeavor, producing some of the most brilliant philosophers, scientists, artists, and mystics.

To the horror of those who consider cosmopolitan Jews to be nothing other than crafters of corrupting golem, in the essay “Prisoners of Property and Propriety” I argue that Karl Marx was a devotee of Prometheus – the most Aryan of all divinities. Moreover, it is in this essay on Marx and other radical Marxists that I first developed the concept of the “spectral revolution” as early as 2010. I synthesized Prometheus and Atlas from this essay with Deleuze’s idea of conceptual personae in “Philosophy, Science, and Art” and Merleau-Ponty’s understanding of spectrality as I interpret it in “Paranormal Phenomenology”, in order to produce the core structure of my magnum opus. Reflecting on Ludwig Wittgenstein’s concept of language games was also instrumental to arriving at the idea of “worlds at war over Earth” in Prometheus and Atlas.

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My thinking defies all binaries. More than that – it mocks them. Those who know how to read esoterically, as I know how to write esoterically, ought to have discerned that in Prometheus and Atlas. Hermes or Mercury, the Trickster, is not the book’s villain. Like the figure of The Joker in the essay “Gotham Guardian”, he (or she, another false binary) is an agent of chaos and a de-structuring force required for any new world order. This is what the Alt-Right never understood about Pepe, the incarnation of the ancient Egyptian god Kek. Of all the figures in the leadership of the Alt-Right, I was Kek’s most faithful emissary. Richard Spencer and Daniel Friberg are just the devil’s playthings.

This brings me to “Black Sunrise”, which is by far the most disturbing essay in this collection and the only one in which I develop a new concept beyond those of my first two books. While a superficial reading might leave one with the impression that this is a Fascist manifesto, those who are attentive will find no explicit endorsement. Even more thoughtful people would recognize that the text carries out what occultists call “revelation of the method.” The method in question is the means whereby a global Fascist state could be established on this planet, well within this century. I conceptualize this method as “destructive departure in worldview warfare” – a loose translation from the much more evocative German phrase that I coined to express this idea: Abbauende Aufbruch ins Weltanschauungskrieg. This is not a hypothetical idea.

It is, in practice, the most radical form of psychological warfare imaginable. It presupposes an anarchical existential ontology on the basis of which one can captivate entire societies through the manipulation of false binaries that form the fabric of their weltanschauung. The societies are broken down and then re-conquered by a breakaway civilization, in comparison to which the target societies are simulacra with programmable mytho-poetic variables. I disclose the modus operandi of this occulted Fascist breakaway civilization. But what is more interesting, from a philosophical standpoint, is the way in which this disclosure serves as the context for an exploration of some radical ideas about the nature of space-time and the possible non-linearity of human history reaching all the way back to the antediluvian civilization of Atlantis.

These questions about Time, and specifically whether it is possible for the future to re-write the past, are at the heart of the debate over free will and determinism. One of the oldest philosophical debates, it is central to at least four of the pieces in this book: “Free Will vs. Logical Determinism”, “Rewriting God’s Plan”, “Changing Destiny”, and “An Introductory Lecture on Ethics.” Readers who are familiar with Prometheus and Atlas will know that my argument for Free Will, which draws heavily on the metaphysics of William James, also featured prominently in that text. Consequently, this concern with the metaphysical preconditions of human freedom, conscientious action, and genuine creativity can rightly be seen as one of the most defining characteristics of my thought. These four essays on free will should leave no doubt that I am, above all, a freedom fighter. It is because, like Zarathustra and Buddha before me, I recognize that superhuman gods are real but unjust and deceptively manipulative that I reject democracy as a political form that is capable of protecting the creative power of the precious individual genius. Democracies will always be instruments of these master manipulators, whether through their direct power over the psyche of the ignorant mob or through their dealings with oligarchs who hide behind the façade of democracy in order to outlast other more forthright forms of tyranny.

My philosophical project ultimately represents a rebellion against all forms of tyranny, including the tyranny of the majority. Its goal is the highest human self-consciousness and the most creative self-determination. One reason that this has not been understood is that my detractors, and those who have defamed me, are not capable of seeing past their own noses. At its deepest and most esoteric level, my thought, like that of Plato or Nietzsche, is scaled to thousands of years of human and post-human evolution. People who think that John Rawls is a philosopher and waste their time writing about him are ants laboring in the shadow of my obelisk. What is written in these pages is not for them. It is for you, lovers of Sophia – all of you, across the ages into the distant future, into the lighthouses of a galactic Alexandria. From Zarathustra onwards, we are all flames of the same undying cosmic fire. We are the glowing forge of futures past.

jeudi, 09 novembre 2017

De la contradiction du système : État total VS État minimal

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De la contradiction du système: État total VS État minimal

Michel Lhomme
Philosophe, politologue

Ex: https://metamag.fr

Le terme du « pari multiculturaliste » exposé judicieusement il y a peu par Eric Werner  peut surprendre et en aura même irrité quelques uns qui croient encore à l’assimilation quand il n’y a plus rien à assimiler. C’est que, pour la première fois, le dictateur n’a ni visage, ni frontières, ni armées.

Ce n’est pas seulement l’axe horizontal gauche/droite qui est mort mais le principe même de la République. Il n’y a plus de partis parce qu’il n’y a plus que des tribus ou des ethnies éparses sur un territoire en sécession. Les citoyens ne peuvent plus adhérer mais ils sont « en marche », en mouvement perpétuel sans aucune possibilité d’intégration sauf par l’argent puisqu’il n’y a plus d’identité collective autre que commerciale. L’État total est ainsi devenu la seule finalité du gouvernement cosmopolite et multiculturel mais sans plus aucun espoir de grand lendemain collectif. Certes, il y aura encore quelques luttes sociales sporadiques mais sans conflit proprement politique puisque les syndicats ont été dressés pour tout dépolitiser par le consensus.

A l’extrême droite comme à l’extrême gauche, on entend aujourd’hui des phrases comme « les riches doivent payer », « la finance est mon ennemi… », on entend critiquer l’« oligarchie », parler même de « ploutocratie » mais sans se donner les moyens d’envisager l’union ou la conjonction des forces de renversement. Nous sommes ainsi prisonniers sur la scène critique d’un théâtre d’ombres politiques et l’idiotie des masses croissant avec la pédagogie de la compétence, la contestation finira par ne représenter plus rien d’autre que des intérêts tribaux, raciaux et pire religieux. Au final, la dictature sans visage, l’autoritarisme soft du libéralisme risque de s’avérer plus puissant que l’ancienne tyrannie des frontières et des armées sauf que ce ne sera jamais que le contrôle de territoires endettées à hauteur de plusieurs milliards d’argent fictif. L’État total pour « pacifier» le multiculturalisme est bien en construction mais sur la base de l’idéologie qui en est son oxymore même à savoir l’idéologie de l’État minimal.

Concrètement, face aux gigantesques moyens de fabrication et de manipulation de l’opinion, il n’y a plus ,face à la dépolitisation régnante du multiculturalisme que la dictature sans visage de l’État total, le grand État orwellien du contrôle généralisé et de la trace informatique. Mais ce futur suppose l’existence de prisons à l’infini, d’agents de contrôle postés à tous les carrefours, de forces de police  alors que la logique économique du système vise à la privatisation radicale et à la suppression massive des fonctionnaires. Entre l’État total, garant pacifique du multiculturalisme et l’État minimal, pivot du système économique du multiculturalisme, la contradiction est telle qu’il leur faudra bien un jour l’autre descendre dans la rue comme au temps des Versaillais de la Commune .

GO-couv.jpgAinsi, face à la désorientation du pouvoir qui veut faire croire qu’il n’existe plus qu’un modèle de société, que “there is no alternative” et que cette non alternative est toute couleur métisse, l’État total  se heurtera très vite à un sérieux problème de moyens et de compétences au point qu’au final, les citoyens ne pourront et surtout ne devront se défendre que seuls, en somme ne compter finalement pour leur sécurité que sur eux-mêmes.

La France de 2017 a choisi l’option apolitique de la gouvernance technocratique , l’alternance du grand remplacement cosmopolite pour débrider la consommation intérieure. Elle a opté en libertarienne conséquente, la dématérialisation numérique comme mode de gestion des citoyens et commence à prôner la démonétarisation radicale des échanges mais les carotte sont cuites, il ne reste plus à l’Etat de carottes à offrir.

C’est la fin à la française de la République, de l’État-nation et de l’État-Providence, de l’idéal démocratique au sens où l’ultralibéralisme a détruit pour partie la part sociale du rôle de l’État : la main gauche de l’Etat, son côté féminin, la solidarité qui s’exerce dans les écoles, les hôpitaux, l’aide sociale. Tout cela est effectivement mis à mal, saboté, sabordé. De fait, il ne reste plus alors pour lier les tribus que la part masculine, patriarcale, la main droite de l’État, c’est-à-dire la part répressive, ce que l’on appelle le rôle régalien, dont le terme rappelle bien évidemment son origine archaïque.

Dans cette part régalienne de l’État minimal en construction se trouvent l’armée, la police, la justice mais ces institutions sont elles-mêmes appauvries. L’Europe multiculturelle assiste ainsi à un déferlement de violence «légitime» et de restriction des libertés mais les années qui passent nous montrent aussi ce qu’il en advient : on peut tout faire dans l’économie du laisser-faire. La dépolitisation et la déculturation marquent aussi la crise d’efficacité et de légitimité du régime puisque gouverner dans ces conditions à savoir sans penser mais avec des états d’âme éthique s’avérera de plus en plus difficile. L’impuissance idéologique caractérise ainsi de plus en plus le pouvoir sans visage du contrôle total. En plus de cette incapacité à résoudre le plus souvent les problèmes quotidiens des gens, la dictature au visage d’enfant les laisse démunis puisqu’à la fois abandonnés socialement à la misère et à la pauvreté et livrés au fanatisme religieux.

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Quand l’efficacité a prétendu primer pendant des années sur l’identité en cassant les communautés organiques, ces dernières finissent nécessairement par manquer aussi à l’appel pour maintenir le système en équilibre et assurer les nécessaires corps intermédiaires. Dans la décomposition politique de la société multiculturelle, il n’y a effectivement plus alors que trois remèdes : la violence nihiliste des gens d”en bas”, la technocratie de contrôle des ”gens d’en-haut” ou le repli sur la société civile. L’enjeu est terrible puisqu’il en va de la survie même de la liberté c’est-à-dire de quelque chose qui normalement ne se négocie pas.

L’État total du pari multiculturaliste n’est donc pas une plaisanterie. Il s’y dessine la « gouvernance », l’administration de la société par une élite cooptée, sur le modèle des sociétés commerciales. Ainsi, les élites ont-elles décidé depuis longtemps que la démocratie représentative traditionnelle n’est plus adaptée à un monde globalisé fondé sur la libre circulation du capital, sur le métissage, sur l’État minimal et elles ont opté comme principe le multiculturalisme et comme pratique le grand remplacement des populations. Elles ont choisi la fin des peuples mais sur une antinomie intenable : l’État minimal et l’État total. Nous savons que cette antinomie est une aporie et donc par là qu’ils ont déjà perdu la partie.

The Youth, Evola and the rise of a true Right

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The Youth, Evola and the rise of a true Right

by Thierry Durolle

As traditionalists (1), we believe in the doctrine of cosmic cycles (2) and therefore we know that our present time matches with the last cycle, the one which is known by the name of Kali-Yuga (3). This particular cycle is the darkest one of all four cycles and affects every aspects of life in general. Thus human beings, civilizations and politics cannot escape its corrupting power. This is an important fact to keep in mind.

However, the cycle ends only to start up again with the first one, the Golden age or Krita-Yuga, the dark days leaves room for a new era. Yet in the meantime some of us, the youth, feels the urge for political action but need a strong formation to face the abominations of our post-modern societies. Right-wing is a wide concept after all, as it is the same for the Left. In France – we give this example because we know the situation of this country very well – the Right means ‘Economic Right’, even if it appears sometimes more progressive, sometimes more conservative. Within its scale of principals, the economic principle is always the highest and all the others are subordinated to it. Here is a clear example of a final stage of involution.

The definition of what should be considered the real Right is an imperative task. Among the numerous topics he dealt with through his writings, Julius Evola wrote numerous articles about that question. The Italian philosopher, often reduced to an ‘esoteric fascist’, embodies himself the man of the Right. His writings but especially his deeds made him a living example of the uprightness one would try to attain. The neo-fascist youth of post WW2 Italy was not wrong to seek all the gems herein Evola’s books in order to build its doctrine.

Originally published in Hungarian at the end of 2012 as an anthology of Evola’s articles about the youth and the Right, A Handbook For Right-Wing Youth is now available thanks to Arktos in English. We hope that a french version will see the day sooner or later. Indeed, Evola’s influence on the now famous french Nouvelle Droite and all its heirs (from identitarians to national-revolutionary and traditionalist-revolutionary militants), not to mention the founder of this website Georges Feltin-Tracol (4), contributors Daniel Cologne (5) and ourselves, is simply huge.

A Handbook For Right-Wing Youth contains seventeen texts, mostly press articles but also some excerpts from books like The Bow and the Club and the entire essay Orientations. It includes a foreword by Gabor Vona who is the Chairman of Jobbik and bibliographical notes by Robert Horvath. We also must stress the numerous footnotes and the quality of their explanations. The reader ends up with a handbook intended for militants but also for anyone yearning to discover Julius Evola.

As the title suggests, the two main subjects are the Right and the Youth. The first one was a common topic developed by the author along his writings. In fact the Right follows the Italian writer like his shadow. Julius Evola remains the most political awakener of the Tradition. He always considered himself a man of the Right, he wrote about the Right and his critics and stances outlined a doctrine, even better, a view of the world from the Right:

Yet it is also possible to leave all institutional assumptions aside and speak of the Right as a spiritual orientation and worldview. Aside from opposing democracy and all ‘socialists’ myths, belonging to the Right means upholding the values of Tradition as spiritual, aristocratic, and warrior values (possibly with references to a strict military tradition, as in the case of Prussianism, for instance). Moreover, it means harboring a certain contempt for intellectualism and for the bourgeois fetishism of the ‘cultured man’ [...]’ (p.50.).  

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Throughout the different texts herein the book, Julius Evola stresses how the real Right is: anti-egalitarian, anti-materialistic, anti-democratic but spiritual and heroic. In one word traditionalist: ‘In this sense, the concept of Tradition applies to a system in which ‘all activities are in principle ordered from above and have an upward direction’ (p.37.). In addition, Julius Evola aims at the main sources of infection which must be fought according to him (Marxism, Psychoanalysis, existentialism and Darwinism) and give some clues on the cultural domains that the Right should focus on, one of them being the historiography.

About the second subject Robert Harvath points out ‘that the subject of youth was not among Evola’s central concerns; it’s a thin, but visible, line that runs throughout his entire oeuvre’ (p.150.). When writing about the Youth, Julius Evola either encourages an autre jeunesse or, on the contrary, criticizes it. The latter belongs to the average youth so to speak and Evola focused especially his critics on students and beatniks like in Against the Youth or Some Observations on the Student Movement, both featuring in this handbook.

Julius Evola wrote his first post WW2 writings for the young Italian neo-fascist militants. He does not write about what has to be done but how to be:

‘Not letting oneself go is what is crucial today. In this society gone astray, one must be capable of the luxury of having a character. One ought to be such that, even before being recognized as the champion of a political idea, one will display a certain conduct of life, an inner coherence, and a style consisting of uprightness and intellectual courage in every human relationship’(p.1).

As spirit there exists something that can serve as an outline for the forces of resistance: it is the legionary spirit. It is the attitude of one who knows how to choose the hardest life, to fight even when he knows that the battle is substantially lost, and to confirm the words of the ancient saga: ‘loyalty is stronger than fire’. Through him the traditional idea is affirmed’(p.7).

Inner action must precede all other actions’(p.3).

We believe that these advice are of first-hand importance even if Evola wrote about more strictly political themes like the imperial idea, corporatism, occult war or the ‘demonic possession of the economy’. Some people like Claudio Mutti hastily made Evola an admirer of islam since he positively showed to his readers the warlike mentality of this particular religion and its concept of greater jihad. What he wanted to show (and mostly liked) is this ascetic process, this almost alchemical transformation of oneself to reach something higher. His interests for magic, which he explored in company of Arturo Reghini (6) in the Ur-group, his interest for vamachara tantra or mountaineering are facts that tend to prove our point.

Concerning this collection of texts, we could have appreciated if the last parts of Evola’s Ride the Tiger (6) which consist in a bunch of precepts to be and become in this dark age of Kali-Yuga could have been added. Also, and this would have been a necessary addition according to us, some texts or excerpts from his writings about race, which would have been an excellent correcting concerning racialism.

To conclude, A Handbook For Right-Wing Youth is definitely a must have for any political and metapolitical militants, for every men of the Right in its true essence. We strongly believe that Western societies need a renewal of the Right, not to say a revolution. Gabor Vona pointed out a real problem in nowadays ‘real right’:

The tragedy of this situation is that the tools of the Left are infectious. This creates a political catastrophe, which is extremely common nowadays: the landscape of the so-called Right is in reality becoming more and more filled with Leftist ideas, and allows the Left’s borders to approach closer and closer, displaying and mainstreaming the pseudo- or fake Rightism. Of course, this results in total confusion, schizophrenia, and a chaos of ideas’ (p.11. Of the foreword).

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This is the greater danger the real Right faces now. National-Bolshevism and nazi-maoism left aside (even if their Third-Worldism was ideologically harmful), we clearly identify a strong ‘leftisation’ of the French Nouvelle Droite (especially of one of its prominent figure Alain de Benoist) and what the mass media names Far-Right. The prevalence of the social and economic question, the critics of liberalism from a marxist perspective and worse, the abandonment of the defense of our people’s race – the number one emergency for most of western European countries – and the will to even avoid such words and topics are true signs of degeneracy. We do not have the time and should not bother analyzing the causes; the fruit is too far rotten. The time to rebuild a true Right is now. Julius Evola’s books and A Handbook For Right-Wing Youth are more than necessary readings in order to set les idées à l’endroit!

Thierry Durolle

états-unis,altright,nouvelle droite,nouvelle droite américaine,american new right,philosophie,tradition,traditionalisme,julius evolaFootnotes:

(1) By ‘traditionalist’ we mean someone who refers to the meaning of the word explained by René Guénon.

(2) The doctrine of cosmic cycles is often understood as Hindu concept, yet it corresponds to Hesiod’s ages of Man as well.

(3) It is the same than Hesiod’s age of iron or Nordic age of the wolf.

(4) Born in 1970, Georges Feltin-Tracol is the editor-in-chief of the Europe Maxima website as well as the author of numerous books and articles. Being a long time militant for the Greater Europe, he always claimed Julius Evola’s influence on his work.

(5) Born in 1946, Daniel Cologne is a journalist and essayist. He wrote several books about Tradition and worked with the traditionalist magazine Totalité.

(6) Born in 1878, Arturo Reghini was an Italian free-mason and was considered as the most famous Italian Pythagorean.

(7) Julius Evola, Ride the Tiger: A Survival Manual for the Aristocrats of the Soul, Inner Traditions, 2003, 256 pages.

Les quatre scandales de Machiavel...

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Les quatre scandales de Machiavel...

par Robert Redeker

Ex: http://metapoinfos.hautetfort.com

Nous reproduisons ci-dessous un article de Robert Redeker, cueilli sur son journal en ligne, La Vanvole, et consacré à Machiavel et à son traité Le Prince. Philosophe, Robert Redeker a dernièrement publié L'éclipse de la mort (Desclée de Brouwer, 2017).

Les quatre scandales de Machiavel

La puissance et la vérité de la pensée de Machiavel (1469-1527) sont intimement liées au caractère scandaleux de son maître-ouvrage Le Prince. De fait, peu de noms sont aussi maudits que le sien. La malédiction commença tôt. Dès les années 1540-1550 les camps catholiques et protestants s’entre-attribuent polémiquement la paternité de ce livre, accusé d’athéisme. On se lance le nom de Machiavel à la figure, en guise d’injure: l’adversaire serait machiavélique, ses idées seraient celles du secrétaire florentin. Son nom fixe les haines : le machiavélisme est, au choix, l’anglicanisme, le calvinisme, l’athéisme, le jésuitisme, le gallicanisme, l’averroïsme; il est toujours l’Autre dans ce qu’on imagine de pire. De son côté, l’intolérance de la Contre-Réforme se convainc que Le Prince a été écrit de la main même de Satan, conduisant le concile de Trente à le mettre à l’index ; il en suivra des autodafés un peu partout en Europe jusqu’au milieu du XVIIème siècle. En 1615, à Ingolstadt, on élève un bûcher pour y brûler en place publique l’effigie de Machiavel. Des nuées de théologiens, catholiques et réformés, parcourent le vieux continent clamant urbi et orbi que Machiavel est une incarnation du Diable, qu’il s’est échappé de l’enfer pour perdre l’humanité, errant à cette sinistre fin de pays en pays. On torture son nom en quête de l’aveu de son origine diabolique: Match-evill, Matchivell, “ Match-evill, that evill none can match ” répète-t-on. En France l’antimachiavélisme se développe sous les couleurs de l’italianophobie, de l’aversion suscitée par la princesse Catherine de Médicis et son entourage. En Italie, Machiavel est haï pour d’autres raisons : il accusé de justifier un pouvoir se constituant aux dépens de la richesse, de la morale et de la religion. Multiforme, la haine antimachiavélienne poursuit sa course de nos jours.

Imaginons qu’un mage de foire nous offre l’occasion de remonter le temps – l’inverse des Visiteurs – jusqu’au XVIème siècle. Que verrions-nous ?  Une époque agitée et terrible ! Un temps tourmenté, violent, créatif ! Fils de petite noblesse, Nicolas Machiavel commence à exercer des responsabilités après l’épisode Savonarole, qui, postérieurement à son excommunication par le pape Alexandre VI, fut condamné à la pendaison suivi du bûcher en 1498. L’aventure politique de Jérôme Savonarole, moine exalté et fanatique dont le gouvernement théocratique culmina dans l’organisation d’un “ bûcher des vanités ” destiné à consumer dans les flammes toutes les richesses “ superflues ”, y compris les instruments de musique, les œuvres d’art et les poèmes de Pétrarque, de Florence en 1497, marqua puissamment Machiavel qui en tira la leçon selon laquelle “ tous les prophètes désarmés furent vainqueurs, et les désarmés déconfits ”. Savonarole fut un “ prophète désarmé ”, n’ayant pu, de ce fait, conserver le pouvoir obtenu au gré de circonstances exceptionnelles. Machiavel commence sa carrière officielle de secrétaire politique et de diplomate quelques jours après le supplice de Savonarole. Cette existence de secrétariat et d’ambassade, dangereuse au sein de jeux politiques aussi subtils que cruels où l’erreur se paie comptant, lui fournit le terrain d’observation d’où jaillira son œuvre. Il composa ses livres politiques  pendant sa période d’éloignement forcé de la vie publique, entre 1512, année de l’écroulement de la république, et 1526, année où, il se met au service de la famille Médicis. Quel homme rencontrons-nous grâce à ce voyage rétrospectif? Pas le diable assurément, n’en déplaise aux sombres fanatiques et à leurs autodafés. Pas non plus un théoricien – un philosophe au sens de l’antiquité classique ou de l’intellectuel médiéval – ni un héros ou un prince, mais un observateur désabusé et un diplomate fidèle.

Que trouve-ton dans Le Prince, réputé le bréviaire des méchants ? Essentiellement de l’histoire naturelle prenant pour objet non les plantes et les animaux, mais l’univers de la politique. Les postures religieuses s’intègrent à leur tour dans la description en termes d’histoire naturelle. Un prince doit paraître posséder les qualités exigées par la religion – “ faisant beau semblant de les avoir, elles sont profitables ” – tout en évitant de les pratiquer trop scrupuleusement, car alors elles deviendraient nuisibles, conduisant à la perte. Histoire, dans “ histoire naturelle ”, se dit au sens grec de description et enquête: description froide et désillusionnée de la conduite des affaires politiques. Pourtant, Machiavel se sépare des Grecs. Dans Les Parties des animaux, Aristote inventa l’histoire naturelle, dont Machiavel suit l’esprit si ce n’est la méthode. Cependant, Aristote appliqua à toute la nature la notion de finalité, ce qui faussa son regard, quand, parallèlement, il mit à part de l’histoire naturelle les activités humaines tenues pour les plus hautes, l’éthique et la politique. Machiavel fait sauter ces deux verrous : d’un côté, il décrit ce monde politique comme si nulle finalité autre que la soif de pouvoir n’existait, et de l’autre, son regard de naturaliste porte beaucoup plus loin que celui d’Aristote, puisqu’il intègre dans sa logique quasi mécanique, l’univers de l’existence collective des hommes. Que les Borgia et les Médicis agissent comme il le firent, voilà qui est dans l’ordre de la nature!

Il appuie ses analyses sur une idée de l’homme issue de l’observation, non sur un présupposé métaphysique radical comme le feront Hobbes et Rousseau. Sur une anthropologie en situation. Qu’est-ce que l’homme ? Regardez-le en situation, observez-le dans les intrigues de cabinet, les empoisonnements de banquets,  dans l’assaut d’une cité ou bien la défense d’une place forte, vous en apprendrez plus sur lui que dans les traités des philosophes et des théologiens ! Mais justement, regarder et observer sont des activités difficiles – il faut, pour y voir, pour ne point avoir la berlue, s’être guéri de la métaphysique et de morale, avoir jeté par-dessus bord tous ces filtres empêchant d’apercevoir la logique des choses. Le premier grand scandale que causa Le Prince, qu’il continue de causer, réside dans cette posture : écrire une histoire naturelle des activités humaines tenues pour les plus élevées, une histoire naturelle de la politique.

Le contenu du Prince s’éclaire par ce choix initial – décrire sans juger. Nous ne sommes plus, en cette première décennie du XVIème siècle, dans l’Antiquité, où la politique s’articulait intimement à l’éthique (Aristote, Platon), ni au Moyen Age, où elle s’ordonnait à Dieu, s’articulant à la théologie. En même temps, nous sommes pas encore dans la modernité,  où la politique trouvera une configuration différente comme expression et organisation de la justice (de Rousseau à Rawls en passant par Marx). Machiavel occupe une position singulière dans cet entre-deux ères. La Renaissance est un mouvement de retour à l’antique ; le secret de Machiavel est de prendre des exemples dans l’Antiquité pour développer une conception de la politique a-éthique que l’Antiquité aurait repoussée,  impensable dans l’univers gréco-romain. De ce point de vue, Machiavel n’est pas un homme de la renaissance italienne! Pas plus qu’un homme d’une autre époque – il n’est pas pour autant un homme de tous les temps, mais un type anthropologique que Nietzsche aurait appelé “ un intempestif ”, un homme à contre-temps.

Que dit-il, cet intempestif, dans Le Prince ? Le politique doit se conduire selon une exacte observation des hommes. Les “ hommes changent volontiers de maître, pensant rencontrer mieux ”. Cette propension à la versatilité explique l’instabilité des régimes tout en procurant une leçon de politique : il faut toujours être sur ses gardes, nul pouvoir ne se possédant définitivement. Des traits constants dessinent l’humanité : “ les hommes se doivent ou se caresser ou s’occire ; car ils se vengent des légères injures, et des grandes ils ne peuvent ; de sorte que le tort qui se fait à l’homme doit être tel qu’on n’en craigne point la vengeance… ”. Ou bien : “ c’est certes chose fort ordinaire, et selon nature, que le désir de conquérir ”. Et ceci : “ les hommes hésitent moins à nuire à un homme qui se fait aimer qu’à un autre qui se fait redouter ”. Les événements surviennent non en fonction d’une finalité ou de la volonté de Dieu, mais d’une logique aussi observable que celle guidant les comportements humains. Sur cette logique des événements, Machiavel est disert : “ une guerre ne se peut éviter, mais seulement se  diffère à l’avantage d’autrui ”. Ou encore : “ celui qui est cause qu’un autre devient puissant se ruine lui-même ”, ainsi “ causant en Italie la grandeur du Pape et de l’Espagne, les Français y ont causé leur propre ruine ”. La logique des armes mercenaires : “ si on perd on reste battu, et si on gagne on demeure leur prisonnier ”. Logique aussi : “ la haine s’acquiert autant par les bonnes œuvres que par les mauvaises ” par suite le prince, pour conserver ses Etats “ est souvent contraint de n’être pas bon ”.

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Et le prince, figure passagère de l’éternel politique, comment l’envisager ? On peut se faire prince par talent (tel François Sforza), on le peut par fortune (tel César Borgia). Le fondement de la politique repose dans la guerre (Julien Freund et Carl Schmitt le retiendront) : “ un prince ne doit avoir ni autre objet ni autre penser, ni prendre autre matière à cœur que le fait de la guerre et l’organisation militaire ”. Le prince doit savoir imiter et le lion et le renard : “  être renard pour connaître les filets, et lion pour connaître les loups ”. Toute l’attention du prince doit se porter sur les sentiments du peuple à son endroit. L’énoncé “ qui devient prince par l’aide du peuple, il le doit toujours maintenir en amitié ” en appelle un autre, encore plus important : tout prince “ doit sur toutes choses chercher à gagner à soi le peuple ”. Ne voyons pas ici le concept moderne de peuple, un sujet politique; le peuple s’identifie à la plèbe, une force passionnelle. Un conseil en découle:  “ les princes doivent faire tenir par d’autres les rôles qui attirent rancune, mais ceux qui apportent reconnaissance les prendre pour eux-mêmes ”. La politique est la guerre entre les loups, pas la guerre contre la plèbe. Ainsi la pensée de Machiavel se situe-telle à mille lieues de la tyrannie anti-populaire, de la dictature et du totalitarisme. Elle n’est pas non plus une utopie, forme pensée pour la première fois par un contemporain de Machiavel, Thomas More. L’utopie est totalitaire, tandis que la principauté machiavélienne est un lieu de violence parce que la liberté du désir de conquête ne peut jamais être contenue définitivement.

Pourquoi tant de haine contre Machiavel ? Son livre convoque à paraître une vérité dont l’humanité veut ignorer l’existence sans pouvoir l’éloigner de ses yeux. Quelque chose dont le germe ou le grain sommeille en chacun de nous, hommes et femmes ordinaires. Quelle chose? Ni héros grec, ni monarque médiéval oint de Dieu, le prince machiavélien n’est pas d’une autre nature; il est chacun d’entre nous, possédant l’anneau de Gygès, il fait ce que nous ferions tous dans des circonstances analogues, et, il est aussi ce que nous faisons en petit, chacun d’entre nous, en dehors de la politique, chaque jour. Le prince, c’est l’homme ordinaire en grand, l’homme ordinaire libéré. Le second scandale de l’œuvre de Machiavel se dévoile: le prince n’est personne d’autre que chacun d’entre nous. La révélation de notre parenté secrète avec le prince rend Machiavel insupportable. En décrivant la politique, Machiavel nous tend un miroir, renvoyant une image si vraie et si difforme de nous-mêmes que nous ne la supportons pas.

Mais peut-être la haine se justifie-t-elle de la définitive déception que la vérité machiavélienne adresse à toutes les illusions humaines ? Dans ce cas, la haine anti-machiavélienne serait comparable à la haine anti-freudienne. La Bible et le Capital dessinent conjointement un horizon de salut, livres prophétiques promettant à l’humanité la fin de la vallée des larmes, un avenir radieux. Le Prince au contraire ne promet rien. Si gît une prophétie en lui, elle s’appelle répétition : dans le futur, se répétera ce que nous avons sous les yeux, qui s’est déjà produit. Ecoutons-le : “ les hommes marchent toujours par les chemins frayés par d’autres […] ils se gouvernent en leurs faits par imitation ”. Les cités changent, les techniques progressent, les hommes se répètent. Cette répétition ne repose nullement sur l’affirmation d’une nature humaine – ce qui serait de la métaphysique, tour d’esprit éloigné de Machiavel – mais sur la considération de la logique des situations humaines et des passions qui les investissent – ce qui est une mécanique des forces et des passions. Ce point de vue sur l’homme est beaucoup plus subtil qu’un banal pessimisme anthropologique. L’homme est toujours en situation, donc il est toujours méchant. Il est méchant, et non mauvais – mauvais est un terme de morale, renvoyant à une essence, un jugement n’entrant pas dans la perspective machiavélienne, tandis que méchant demeure un  terme descriptif, suggérant qu’il ne peut en aller autrement. Se montre alors le troisième scandale de Machiavel: le mal n’est pas condamnable, puisque, loin de résulter d’une mauvaise nature des hommes (écho du  péché originel), il suit de la logique situationnelle s’imposant à eux. L’homme n’est pas mauvais, il est méchant: la méchanceté est constante sans pour autant être de nature.

Machiavel prend place dans la galerie des auteurs tenus à jamais pour ennemis de l’humanité. Et cela, du fait que sa pensée n’est en aucune façon sauvable par la morale ou l’optimisme anthropologique. Il est beaucoup plus désespérant que Hobbes, chez qui le contrat neutralise la méchanceté, spontanée plutôt que naturelle, de l’homme. Au contraire, cette méchanceté spontanée forme chez Machiavel la matière sur laquelle travaille le politique. Elle est la toile dans laquelle la politique taille son habit (la cité, l’Etat). Tandis que chez Hobbes la politique inhibe cette méchanceté, chez Machiavel elle se sert de cette méchanceté comme le sculpteur se sert du marbre pour sa statue. Ici se présente le quatrième scandale de Machiavel: la politique ne promet aucune rédemption de la méchanceté, mais sa reconduction à l’infini.

Nulle doctrine politique ne se trouve dans Le Prince. Plus: on n’y rencontre aucune critique directe des théories politiques existantes. Machiavel est un penseur politique sans philosophie politique. Construit sur ce vide philosophique, son ouvrage est une éclaircie, un dévoilement : la clairière de la politique. Elle livre à la visibilité la pure politique. Avant Machiavel, la politique était recouverte par des philosophies, des mythes, des religions, des considérations morales; elle demeurait invisible. La pensée politique – sous la forme des philosophies politiques – empêchait de voir et regarder la politique dans son effectivité (“ il m’a semblé plus convenable de suivre la vérité effective de la chose que son imagination ”). Après lui, après l’émergence de l’Etat moderne comme solution aux déchirements de l’Europe, se développeront les idéologies politiques, le progressisme, le marxisme, l’anarchisme, le libéralisme, tout un ensemble de dispositifs théoriques qui, du point de vue de la connaissance de la politique, reviendront au même que celui qui précéda Machiavel, empêcher de voir. L’œuvre de Machiavel est l’éclaircie entre deux nuits politiques, deux périodes où la politique tout en continuant de se pratiquer est occultée par les philosophies politiques. L’absence de philosophie politique conditionne l’accès à la vérité.

Les quatre scandales du Prince de Machiavel (la politique traitée comme une histoire naturelle; l’identité entre le prince et chacun de nous; l’homme étant méchant sans être mauvais; aucun horizon de rédemption ne se dégageant de la politique) se ramènent à un seul: Machiavel rend visible par l’écriture ce qui est fait pour ne pas être regardé, pour demeurer caché. Comme la nature selon Héraclite, la politique, en son essence, aime à se cacher,  à se rendre invisible derrière ces voiles que sont les doctrines, les idéologies, les philosophies. L’écriture de Machiavel est analogue à la peinture, occupée à rendre visible l’invisible. Mais Le Prince peint ce qu’il ne faut pas peindre, visibilise ce qui, par nature, répugne à la visibilité: la politique. D’où son éternel scandale : demain comme hier.

Robert Redeker (La Vanvole, 21 juin 2017)

mercredi, 08 novembre 2017

Comment Tocqueville inspira Soljenitsyne

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Comment Tocqueville inspira Soljenitsyne

par Nicolas Bonnal

Ex: http://www.dedefensa.org

La dégénérescence médiatique et intellectuelle fait de Soljenitsyne un grand-russe orthodoxe; or Tocqueville n’est jamais loin de lui. On fait quelques rappels et puis on établira quelques puissantes et frappantes ressemblances entre la pensée du libéral français et du grand-russe réactionnaire:

Rappelons ces extraits de Harvard (1978)  :

« Il y a trois ans, aux États-Unis, j'ai été amené à dire des choses que l'on a rejetées, qui ont paru inacceptables.

Aujourd'hui, nombreux sont ceux qui acquiescent à mes propos d'alors...

Le déclin du courage est peut-être le trait le plus saillant de l'Ouest aujourd'hui pour un observateur extérieur. Le monde occidental a perdu son courage civique, à la fois dans son ensemble et singulièrement, dans chaque pays, dans chaque gouvernement, dans chaque pays, et bien sûr, aux Nations Unies. »

Fatigués de nos fonctionnaires et bureaucrates européens ? Soljenitsyne :

« Les fonctionnaires politiques et intellectuels manifestent ce déclin, cette faiblesse, cette irrésolution dans leurs actes, leurs discours et plus encore, dans les considérations théoriques qu'ils fournissent complaisamment pour prouver que cette manière d'agir, qui fonde la politique d'un État sur la lâcheté et la servilité, est pragmatique, rationnelle et justifiée, à quelque hauteur intellectuelle et même morale qu'on se place. »

Cette fatigue de la volonté dénoncée par Soljenitsyne (comparez Vladimir Poutine aux ludions et pions de l’Europe, ou aux marionnettes US) est aussi devinée cent ans par notre Tocqueville à propos de notre enseignement de… l’histoire :

« On dirait, en parcourant les histoires écrites de notre temps, que l’homme ne peut rien, ni sur lui, ni autour de lui. Les historiens de l’Antiquité enseignaient à commander, ceux de nos jours n’apprennent guère qu’à obéir. Dans leurs écrits, l’auteur paraît souvent grand, mais l’humanité est toujours petite.

Si cette doctrine de la fatalité, qui a tant d’attraits pour ceux qui écrivent l’histoire dans les temps démocratiques, passant des écrivains à leurs lecteurs, pénétrait ainsi la masse entière des citoyens et s’emparait de l’esprit public, on peut prévoir qu’elle paralyserait bientôt le mouvement des sociétés nouvelles et réduirait les chrétiens en Turcs. »

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Soljenitsyne remarque que l’argent ne fait pas le bonheur, que le bonheur matérialiste, démocratique est pauvre :

« Aujourd'hui, enfin, les décennies passées de progrès social et technique ont permis la réalisation de ces aspirations : un État assurant le bien-être général. Chaque citoyen s'est vu accorder la liberté tant désirée, et des biens matériels en quantité et en qualité propres à lui procurer, en théorie, un bonheur complet, mais un bonheur au sens appauvri du mot, tel qu'il a cours depuis ces mêmes décennies. »

L’âme matérialiste est inquiète en occident, comme chez Tocqueville :

« Au cours de cette évolution, cependant, un détail psychologique a été négligé : le désir permanent de posséder toujours plus et d'avoir une vie meilleure, et la lutte en ce sens, ont imprimé sur de nombreux visages à l'Ouest les marques de l'inquiétude et même de la dépression, bien qu'il soit courant de cacher soigneusement de tels sentiments. Cette compétition active et intense finit par dominer toute pensée humaine et n'ouvre pas le moins du monde la voie à la liberté du développement spirituel. »

Voilà Tocqueville :

« L’aspect de la société américaine est agité, parce que les hommes et les choses changent constamment ; et il est monotone, parce que tous les changements sont pareils. Les hommes qui vivent dans les temps démocratiques ont beaucoup de passions ; mais la plupart de leurs Passions aboutissent à l’amour des richesses ou en sortent. Cela ne vient pas de ce que leurs âmes sont plus petites, mais de ce que l’importance de l’argent est alors réellement plus grande. »

Ailleurs :

« J’ai vu en Amérique les hommes les plus libres et les plus éclairés, placés dans la condition la plus heureuse qui soit au monde ; il m’a semblé qu’une sorte de nuage couvrait habituellement leurs traits ; ils m’ont paru graves et presque tristes jusque dans leurs plaisirs. »

Le confort selon Soljenitsyne corrompt l’âme…

« Même la biologie nous enseigne qu'un haut degré de confort n'est pas bon pour l'organisme. Aujourd'hui, le confort de la vie de la société occidentale commence à ôter son masque pernicieux »

Tocqueville, dans une page sublime :

« L’habitant des États-Unis s’attache aux biens de ce monde, comme s’il était assuré de ne point mourir, et il met tant de précipitation à saisir ceux qui passent à sa portée, qu’on dirait qu’il craint à chaque instant de cesser de vivre avant d’en avoir joui. Il les saisit tous, mais sans les étreindre, et il les laisse bientôt échapper de ses mains pour courir après des jouissances nouvelles. »

Plus loin :

« Le goût des jouissances matérielles doit être considéré comme la source première de cette inquiétude secrète qui se révèle dans les actions des Américains, et de cette inconstance dont ils donnent journellement l’exemple. »

Et la presse ?  Pensez à Tocqueville qui écrit que « le seul moyen de neutraliser les effets des journaux est d'en multiplier le nombre ». Soljenitsyne :

« La presse, aussi, bien sûr, jouit de la plus grande liberté. Mais pour quel usage ? ... Quelle responsabilité s'exerce sur le journaliste, ou sur un journal, à l'encontre de son lectorat, ou de l'histoire ? S'ils ont trompé l'opinion publique en divulguant des informations erronées, ou de fausses conclusions, si même ils ont contribué à ce que des fautes soient commises au plus haut degré de l'État, avons-nous le souvenir d'un seul cas, où le dit journaliste ou le dit journal ait exprimé quelque regret ? Non, bien sûr, cela porterait préjudice aux ventes. De telles erreurs peut bien découler le pire pour une nation, le journaliste s'en tirera toujours. »

Soljenitsyne se soucie des Fake news. La pensée en devient jetable, vulgaire et superficielle, comme les hommes qu’elle informe :

« Ces mensonges s'installent dans la mémoire du lecteur. Combien de jugements hâtifs, irréfléchis, superficiels et trompeurs sont ainsi émis quotidiennement, jetant le trouble chez le lecteur, et le laissant ensuite à lui-même ? »

tocam.jpgBien avant Daech, Soljenitsyne observe :

« La presse peut jouer le rôle d'opinion publique, ou la tromper. De la sorte, on verra des terroristes peints sous les traits de héros, des secrets d'État touchant à la sécurité du pays divulgués sur la place publique, ou encore des intrusions sans vergogne dans l'intimité de personnes connues, en vertu du slogan : « tout le monde a le droit de tout savoir ».

Et comme avant lui Théophraste, Thoreau ou Guy Debord, le grand auteur tape sur les ragots et sur cette préoccupation pour les vétilles :

« Mais c'est un slogan faux, fruit d'une époque fausse ; d'une bien plus grande valeur est ce droit confisqué, le droit des hommes de ne pas savoir, de ne pas voir leur âme divine étouffée sous les ragots, les stupidités, les paroles vaines. Une personne qui mène une vie pleine de travail et de sens n'a absolument pas besoin de ce flot pesant et incessant d'information... »

Soljenitsyne reprend aussi le concept de tyrannie de la majorité :

« …on découvre un courant général d'idées privilégiées au sein de la presse occidentale dans son ensemble, une sorte d'esprit du temps, fait de critères de jugement reconnus par tous, d'intérêts communs, la somme de tout cela donnant le sentiment non d'une compétition mais d'une uniformité. Il existe peut-être une liberté sans limite pour la presse, mais certainement pas pour le lecteur : les journaux ne font que transmettre avec énergie et emphase toutes ces opinions qui ne vont pas trop ouvertement contredire ce courant dominant. »

Le conformisme intellectuel est terrible, et la morale, du troupeau :

« Vos étudiants sont libres au sens légal du terme, mais ils sont prisonniers des idoles portées aux nues par l'engouement à la mode. Sans qu'il y ait, comme à l'Est, de violence ouverte, cette sélection opérée par la mode, ce besoin de tout conformer à des modèles standards, empêchent les penseurs les plus originaux d'apporter leur contribution à la vie publique et provoquent l'apparition d'un dangereux esprit grégaire qui fait obstacle à un développement digne de ce nom. »

Soljenitsyne évoque notre irréligiosité :

« Mais il est une catastrophe qui pour beaucoup est déjà présente pour nous. Je veux parler du désastre d'une conscience humaniste parfaitement autonome et irréligieuse. Elle a fait de l'homme la mesure de toutes choses sur terre, l'homme imparfait, qui n'est jamais dénué d'orgueil, d'égoïsme, d'envie, de vanité, et tant d'autres défauts. »

Mais Tocqueville disait, toujours dans sa Démocratie jamais lue :

« …je jugerais que les citoyens risquent moins de s’abrutir en pensant que leur âme va passer dans le corps d’un porc, qu’en croyant qu’elle n’est rien. »

Et Soljenitsyne d’ajouter :

« Nous avions placé trop d'espoirs dans les transformations politico-sociales, et il se révèle qu'on nous enlève ce que nous avons de plus précieux : notre vie intérieure. À l'Est, c'est la foire du Parti qui la foule aux pieds, à l'Ouest la foire du Commerce : ce qui est effrayant, ce n'est même pas le fait du monde éclaté, c'est que les principaux morceaux en soient atteints d'une maladie analogue. »

Sur le commerce, je citerai mon Louis-Ferdinand Céline :

« Ma lassitude s’aggravait devant ces étendues de façades, cette monotonie gonflée de pavés, de briques et de travées à l’infini et de commerce et de commerce encore, ce chancre du monde, éclatant en réclames prometteuses et pustulentes. Cent mille mensonges radoteux. »

Ce Soljenitsyne est bien proche de nos auteurs…

Bibliographie

Nicolas Bonnal – Céline, pacifiste enragé (Amazon.fr)

Céline -Voyage.

Soljenitsyne – Discours de Harvard (téléchargeable partout)

Tocqueville – De la démocratie en Amérique, II, deuxième partie, chapitre XIII et XX ; troisième partie, chapitre XVII

mardi, 07 novembre 2017

The Magic Cancellation of Crisis and the “Physiognomic Method” of Ernst Jünger

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The Magic Cancellation of Crisis and the “Physiognomic Method” of Ernst Jünger

Robert Steuckers

Ex: https://institutenr.org

Jünger saw in the figure of the Arbeiter the central category around which the modern world, subjected to the planetary domination of technology, was called to organize itself, in “total mobilization” though and in labor. More precisely, a response adapted to the rise of nihilism in the modern era could be deployed through the technological mobilization of the world. With it, he salutes the advent of a new figure of man, modeled on the Nietzschean superman.

Among the adepts of Marxist ideology, very few have analyzed the thought of those they call “pre-fascist”, or outright “fascist”, including Ernst Jünger, who would evidently be one of the figureheads. Armin Steil is one of the rare Marxist ideologues who has analyzed the paths of Georges Sorel, Carl Schmitt, and Ernst Jünger with pertinence, depth, and especially clarity in his work Die imaginäre Revolte : Untersuchungen zur faschistischen Ideologie und ihrer theoretischen Vorbereitung bei Georges Sorel, Carl Schmitt und Ernst Jünger (The Imaginary Revolt: Inquiries on Fascist Ideology and its Preparation with Georges Sorel, Carl Schmitt, and Ernst Jünger).

Focusing on Der Arbeiter, Steil notes that Jünger’s logic, starting from his “fascism” or more precisely his “revolutionary conservatism,” is not a theoretical logic, a constructed logic, based on the observation of causes and effects, but a metaphorical, poetic, imagistic logic and language. Facing a chaotic socio-economic and political reality, facing the crisis of German society and culture, Jünger wanted to master its perverse effects, its dysfunctions through aesthetics: so his “fascism,” his “revolutionary conservatism,” would essentially be aesthetic in nature, contrary to Marxism, which molds itself on material realities and resolves crises by operating on socio-economic matters themselves, without idealist recourse, without recourse to transcendence or to an aesthetic. Steil very justly concludes: “The book [Der Arbeiter] wants to teach [men] to have a sovereign attitude in the face of social attitudes.” Cold, dispassionate, microscopic observation thus forms the “magic key” that would permit an elite to master the crises, to put an end to chaos and the corrosive disparities that hinder the proper functioning of societies that are subject to them.

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To be Hyper-Perceptive Eyes

The willing spirits that thus desire “to take the bull by the horns,” to act on the political terrain, to fight against crises and their effects, should not bind themselves to building a mechanical system of ready made ideas that perfectly match and fit together, but should be hyper-perceptive “eyes,” capable of describing the phenomena of everyday life: what Jünger calls the “physiognomic method.” It allows one to see the essence of a thing in its simple appearance, grasping the unity of essence and appearance, which is the “form” (Gestalt), invisible to all inattentive, distracted observers, not used to wielding the “physiognomic method” with the desired dexterity. All valuable, fruitful phenomena thus bear in themselves a “form,” more or less hidden, a potential force that it captures and puts in the service of a political or historic project. On the other hand, every phenomenon that only appears as “normal” is consequently a phenomenon without further “form”, without “force.” Such a phenomenon would be an early warning sign of decadence, a sign indicating a reshuffling of the cards, forms die, thus obeying a hidden logic, which prepares the advent of new forms, of unbroken forces.

The observation of the phenomena of everyday life, of the details of our daily settings, gives a glimpse of where the fall and death of forms manifest themselves: neon, garish lights, loud and artificial modern cities, are a patent indication of this fading of forces, masked by colors and intensities without real life. Modern traffic in the big cities burdens the pedestrian, the only physical being in this universe of concrete, asphalt, and metal, on the barely tolerated margins are the sidewalks, tracks reserved for the “least speedy.”

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The “Arbeiter” uses the “Physiognomic Method”

So the “Arbeiter” is the figure that makes use of the “physiognomic method,” observes, deciphers, plunges into this universe of artifice to seek buried forces, in order to mobilize them for a purely imagined project, “Utopian” in the Marxian and Engelsian sense of the term, Steil explains. This recourse to the imaginary, as the Marxist Steil explains, proceeds from a logic of doubt, which aims to give meaning to that which does not have it, at any cost. It aims to convince us that behind the phenomena of decline, of de-vitalization, an “Order” and laws emerge, which are avatars of the one God refused by the advocates of historical materialism. This “Order”, this Gestalt, this “form”, integrates the infinite diversity of observations posed by people, but it is not, like in the case of historical materialism, a reflection of social relations, but rather a total vision, intuitive, going directly to the essence, that is to say the original form. It is not the objective and positive enumeration of causes and effects that allows one to decide and act, but, on the contrary, a piercing look what allows one to see and grasp the world as the theater where forms confront or cooperate with each other.

The “Arbeiter” is precisely the one who possesses such a “piercing look”, and who replaces the bourgeois, who reasons strictly in simple cause and effect. Steil notes the gap between this vision of the “Arbeiter” and the Marxist and empirical vision of the “Proletarian”: the figure forged by Jünger places himself high above socio-economic contingencies; while the proletarian conscious of his dereliction operates at the heart of these contingencies, without taking any distance, without detachment. The “high flight” of the Arbeiter, his aquiline perspective, gives him a mask: metallic or cosmetic, the gas mask of the combatant, the drivers helmet with the men, makeup with the women. Individual traits disappear behind these masks, as should individual human, all too human, imperfections disappear. The figures of the Arbeiter are certainly imaginary figures, excessively idealized, de-individualized and examined: they act like Prussian soldiers in the Frederician era of practice. Following their leaders, these lesser (but nevertheless necessary) avatars of the Arbeiter and the Prussian soldiers from the “war in lace” [Translator’s note: referring to the ornate uniforms worn by soldiers of the 17th and 18th century] certainly lose the imperfections of their individuality, but also abandon their doubts and disorientation: rules and Order are safety anchors offered by the new elite community of “Arbeiters,” virtuosi of the “physiognomic method.”

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The Apparent Independence of the Proletarian

Steil protests that Order, as an imaginary projection, and the “physiognomic method” are instruments against the empirical and Marxist notion of “class struggle,” before clearly giving Jünger’s version: to leave the laborer, the worker, in the grasp of socio-economic contingencies is to leave him in a world entirely determined by the bourgeoisie, arising from the bourgeoisie and ultimately controlled by the bourgeoisie. By occupying a designated place in the bourgeois order, the worker only enjoys an apparent independence, he has no autonomy. Every attack launched against the bourgeois order from this apparent position is also only apparent, destined to be recollected and reinforce the establishment. “Theoretically, every move takes place in the context of an outdated social and human utopia; practically, each brings to dominion, time and again, the figure of the clever business man, whose art consists in bargaining and mediating,” writes Jünger. For Steil, this definition radicalizes the Sorelian vision of socialism, which desires to transform politics into pure means, without a limiting objective, inscribed in contingencies.

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To Restore “Auratic” Work

A Marxist will see, in this idealism and in this purification of politics as pure means, an eliminations of politics, a will to put an end to the destructive violence of politics, which is only, in the Marxist view, “class struggle.” But technology operates to sweep away the dead forms in order to establish new forms following a planetary confrontation of extant forms, still endowed with more or less intact forces. So technology destroys residual or obsolete forms, it makes the permanent war of forms planetary and gigantic, but the “Arbeiter,” by coldly instrumentalizing the “physiognomic method,” gives a final form to technology (a desire that is never realized!). This final form will be artistic and the beauty emerging from it will have a magic and “sacral” function, like in so-called “primitive” societies. The restoration of these forms, writes Steil, will be achieved through the restoration of “auratic” work, eclipsed by technological standardization. The Aura, the impalpable expression of form, of the essence of represented phenomenon, restores the sacred dimension, proclaims the return of the cult of beauty, by qualitative replacement of the dead religiosity from the bourgeois era.

“Heroic realism,” the foundation of the new socio-political Order, will be carried by a dominant caste simultaneously exercising three functions: that of retainer of knowledge, that of new warrior forged during the battles of material in the Great War, and that of producer of a new aesthetic, a medium integrating social differences.

Armin Steil, in his Marxist critique of the “pre-fascism” of Sorel, Jünger and Schmitt, clearly lays out the essence of a work as capital as Der Arbeiter, where the mania for fabricating systems is refused in favor of great idealist affirmations, disengaged from the overly heavy contingencies of bourgeois society and proletarian misery. The Jüngerian path, in this view, appears as a disengagement from the yoke of the concrete, as a haughty retreat ultimately leading to a total but external domination of this concreteness. But in the piercing look, demanded by the physiognomic method, is there not, on the contrary, an instrument to penetrate concreteness, much more subtle than simple surface considerations of phenomena?

Reference: : Armin STEIL, Die imaginäre Revolte. Untersuchungen zur faschistischen Ideologie und ihrer theoretischen Vorbereitung bei Georges Sorel, Carl Schmitt und Ernst Jünger, Verlag Arbeiterbewegung und Gesellschaftswissenschaft, Marburg, 1984

lundi, 06 novembre 2017

L’éclipse de la mort, de Robert Redeker

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L’éclipse de la mort, de Robert Redeker

par Benoît Couëtoux du Tertre

Ex: http://institut-iliade.com

C’est une stimulante réflexion sur la mort que le philosophe Robert Redeker nous offre avec son dernier essai L’éclipse de la mort (Desclée de Brouwer, septembre 2017). « Banale et mystérieuse » tout à la fois, la mort, horizon pourtant indépassable de la condition humaine, est désormais occultée dans nos sociétés contemporaines qui souhaiteraient se figer dans un éternel présent.

Enrichi de multiples références tant antiques que chrétiennes ou philosophiques, ce petit livre nous propose la vision du philosophe sur le sens de la mort et son occultation du monde contemporain. Il revient pour ce faire sur différents thèmes déjà évoqués dans ses précédents ouvrages (Bienheureuse vieillesse, Egobody, Le soldat impossible), dénonçant les dérives et délires de nos sociétés nihilistes rêvant de faire disparaître la détresse et la mort. La mort pourtant doit être considérée, selon Robert Redeker, comme la grande éducatrice des hommes, celle sans qui nous ne pourrions pas mener des vies dignes de ce nom.

La mort occultée

La mort est aujourd’hui devenue invisible, disparaissant de notre existence collective, rejetée à l’extérieur des remparts de la cité, refoulée du monde des vivants. Dans une société en miettes, l’ensemble des rites communautaires et de la symbolique qui accompagnaient la mort ont aujourd’hui disparu. Enfouis, les rites funèbres qui accompagnaient les deuils, perdue la confrontation au Sauvage et à la Nature cruelle, oubliée la mort héroïque sous les orages d’acier. Autrefois événement public, la mort se retrouve désormais refoulée dans la sphère privée la plus intime.

Et pourtant, jamais les images de la mort n’ont été aussi présentes sur tous les écrans, s’étalant à travers divertissement et information — « ces deux mamelles de l’hébétude ». Cette profusion des images, considère le philosophe, désymbolise la mort, c’est-à-dire qu’elle la prive de sens, « la réduisant ainsi d’un univers à trois ou quatre dimensions (l’univers de la donation de sens) à un univers à deux dimensions, celui de l’écran ». L’irruption de la mort dans la cité sous la forme du terrorisme islamiste participe de cette désymbolisation. Les djihadistes qui disent « aimer la mort » la réduisent à une péripétie de jeu vidéo, s’inscrivant pleinement dans le spectacle de la modernité, confirmant que la mort ne veut plus rien dire pour eux.

Ce spectacle télévisuel de la mort ainsi mise en scène sur grand écran « vide le réel de la réalité et change le plein en vide », cette prolifération des images se conjuguant à une raréfaction du symbolique. Comme Nietzsche, Robert Redeker considère que « le désert croît », remplaçant un monde chargé de sens en ère du vide…

Le règne du « dernier homme »

Et sous ce ciel désormais silencieux, privé de toutes valeurs spirituelles, l’unique préoccupation individuelle comme collective de nos contemporains consiste à améliorer, sauvegarder, prolonger la vie réduite à sa seule dimension biologique et à la satisfaction de besoins matériels.

La mort n’est pas seule occultée, sa messagère la vieillesse doit être aussi refoulée. Fitness, jogging, viagra, botox et autre médecine réparatrice, à l’ère de l’homo trottinettus, le vieil Occident s’emplit de perpétuels jeunots qui se refusent à vieillir… Or « cette regénération, qui commence par les cosmétiques des dames entre deux âges mais dont l’aboutissement s’accomplit dans l’effacement de la mort, est l’ennemi de la génération, de la jeunesse du monde » estime Robert Redeker. Si Nietzsche craignait de voir se multiplier des générations d’enfants « aux cheveux gris », le philosophe s’inquiète davantage de cette vieillesse grimée en éternelle jeunesse faisant disparaître la vraie jeunesse, rompant la chaîne de la transmission, occultant la différence entre passé et présent, hypothéquant l’avenir.

Cette « parodie de l’immortalité » ne représente que la « continuation sempiternelle dans l’existence du corps de la jouissance ordinaire ». L’homme contemporain n’est plus réduit qu’à une sorte de « moi-corps », réduit à sa seule dimension biologique, « qui aurait oublié de mourir et dont le divertissement serait l’atmosphère et le but de l’existence », semblable au « dernier homme » de Nietzsche, « assoiffé d’une immortalité d’entrée de gamme que, par ailleurs, il ne mérite pas. »

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À l’ombre des tombeaux

« Tout commence par la fin » nous résume pourtant le philosophe, rappelant que les lieux d’inhumation constituent les premiers sanctuaires. « Inhumer, c’est humaniser », la tombe représentant le point de départ de l’humanité. Face à la nature qui veut l’oubli afin que les générations nouvelles puissent croître, la sépulture fait barrage, elle institue le souvenir et, au-delà du souvenir et de l’âme, considère que les restes humains déposés au sein de la terre sont dignes de rester. Outre que le culte des morts donne du sens à travers ses rites et ses symboles, Robert Redeker souligne les deux raisons, métaphysique et politique, qui motivent ce culte issu du fond des âges : il retient les morts dans l’humanité et permet le gouvernement des vivants par les morts.

Mais aujourd’hui, déplore l’écrivain, nous rêvons d’évoluer dans une société sans cadavres et sans ancêtres. Le développement de la crémation qu’il distingue des incinérations antiques illustre cette illusion. La crémation moderne transforme la mort en une abstraction vide, elle supprime le cadavre qui représente l’incarnation de la mort. Dans une perspective hygiéniste, Robert Redeker établit un parallèle entre crémation et euthanasie, cachant d’un voile pudique ce que nos contemporains s’emploient soigneusement à éviter : la douleur et la peur face à l’agonie et à la mort physique.

La mort, notre mère

Mais alors, qu’est-ce que la mort ? Et bien, la mort comme simple événement biologique n’est rien, répond le philosophe. Elle est avant tout un sentiment purement humain, celui de « la peur la plus haute ». Mais la peur de la mort humanise quand elle est conscience féconde, créatrice, de la mort et elle déshumanise quand nous la fuyons, l’oublions…

Selon Heidegger, l’homme est « l’être-au-devant-de-la-mort ». Il doit accepter la tragédie de l’existence, c’est-à-dire sa propre mort à venir, vécue comme une initiation : « la pensée anticipatrice de la mort fait découvrir à l’homme la valeur de la vie (…) la transformant en une aventure, une expédition. » Elle nous enseigne tout d’abord au renoncement au moi, ce « vain moi », cet ego méprisable tout à la fois boursouflé et vide qu’il nous faut détruire pour libérer l’âme. En des mots qui ne sont pas sans rappeler la dernière lettre de Dominique Venner au jour de son sacrifice volontaire, Robert Redeker nous enseigne que c’est en sachant mourir que l’on saura vivre.

Face au règne du virtuel et du vide, même si elle est occultée, « la mort reste le réel, en ce qu’elle résiste au divertissement, représentant l’ultime refuge du sérieux de l’existence ».

Sans la mort, le temps n’est plus sensible, il n’est plus durée, il n’est plus que chiffres, nous figeant dans un éternel présent sans profondeur. C’est pourquoi le refus de la mort annonce le règne des « inhéritiers » selon l’expression de Renaud Camus, car « la mort est la condition ontologique sine qua non de l’héritage, de la transmission, de l’éducation ». Dans la grande roue des générations, pour laisser un héritage, il faut savoir mourir comme d’autres sont morts avant nous pour nous transmettre leur héritage. En mourant « nous donnons ce que nous fûmes, ce que nous avons aimé et par dessus-tout, ce dont nous avons hérité ». La mort est un don figurant « l’une des beautés les plus précieuses de l’existence ». Ainsi à travers elle, le tragique peut se faire éthique et esthétique.

Ce livre aussi bref que dense doit être lu et médité en ce mois des morts où nous entrons dans la saison sombre, aux jours où la lumière se fait basse et où l’on fleurit les tombes des aïeux. Ceux qui croient au ciel comme ceux qui n’y croient pas y trouveront matière à réflexion. A condition de refuser le monde de chimères que veulent créer des apprentis sorciers. A condition également de respecter et transmettre à notre tour, quand le jour viendra, l’héritage des ancêtres.

Benoît Couëtoux du Tertre

jeudi, 02 novembre 2017

Quelques notes sur Julien Freund

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Quelques notes sur Julien Freund

« Il n’y a de politique que là où il y a un ennemi réel ou virtuel. »  (Julien Freund)

« Une société sans ennemi qui voudrait faire régner la paix par la justice, c’est-à-dire par le droit et la morale, se transformerait en un royaume de juges et de coupables. »  (Julien Freund)

Ce que des esprits diversement « distingués » ne semblent pas vouloir comprendre, c’est que la notion d’AMI et la notion d’ENNEMI (envisagées dans un sens précis, nullement idéalisé) sont indispensables à la vie. Le « On-est-tous-frères » s’apparente à une mauvaise pub, à un mauvais jingle. L’ennemi explicitement désigné comme tel est nécessaire au décisionnisme politique. La désignation ami/ennemi doit être envisagée sans trêve et d’abord parce que si nous la refusons d’autres se chargeront de la placer en lettres de feu devant nos yeux. Et il sera probablement trop tard pour nous, car ces lettres nous auront rendu aveugles, incapables de porter des coups d’attaque et de défense.

JF-EsPol.jpgLa rencontre Carl Schmitt et Julien Freund, à Colmar, en 1959, Julien Freund qui confia : « J’avais compris jusqu’alors que la politique avait pour fondement une lutte opposant des adversaires. Je découvris la notion d’ennemi avec toute sa pesanteur politique, ce qui m’ouvrait des perspectives nouvelles sur les notions de guerre et de paix ». Ce concept ami/ennemi est inconfortable puisqu’il donne une consistance à la guerre, ce que refusent les pacifistes qui envisagent l’avènement de la paix perpétuelle comme d’autres envisagent la Parousie.

Pour Carl Schmitt : « La distinction spécifique du politique (…)  c’est la discrimination de l’ami et de l’ennemi. Elle fournit un principe d’identification qui a valeur de critère et non une définition exhaustive ou compréhensive ». La dialectique ami/ennemi est un concept autonome qui ne doit dans aucun cas ni sous aucun prétexte accepter l’immixtion de la morale (bien/mal) ou de l’esthétique (beauté/laideur). Pour Julien Freund le concept ami/ennemi (voir détails) est un présupposé parmi d’autres. Il n’est pas comme chez Carl Schmitt un critère ultime du politique.

Chez Julien Freund, le présupposé ami/ennemi est garant de la permanence des unités politiques. La lutte qui est propre à cette relation dialectique a des formes aussi diverses que variées. Elle s’affirme dès que l’ennemi s’affirme. Chez Carl Schmitt la notion de l’unicité du concept ami/ennemi dans l’essence du politique peut contribuer à renverser la formule de Clausewitz et admettre que la guerre ne serait plus le prolongement de la politique mais sa nature même. Ce n’est pas ce que Freund envisage.

Une politique équilibrée, une politique qui se respecte, doit donc identifier avec précision l’ennemi et pour diverses raisons ; d’abord parce que c’est avec lui que l’on conclue la paix et non avec l’ami. Identifier l’ennemi, c’est aussi éloigner un danger majeur : un ennemi qui n’est pas reconnu comme tel est autrement plus dangereux qu’un ennemi clairement reconnu. Julien Freund écrit : « Ce qui nous paraît déterminant, c’est que la non reconnaissance de l’ennemi est un obstacle à la paix. Avec qui la faire, s’il n’y a plus d’ennemis ? Elle ne s’établit pas d’elle-même par l’adhésion des hommes à l’une ou l’autre doctrine pacifiste, surtout que leur nombre suscite une rivalité qui peut aller jusqu’à l’inimitié, sans compter que les moyens dits pacifiques ne sont pas toujours ni même nécessairement les meilleurs pour préserver une paix existante ». Qui dit mieux ? On commence par du simple bon sens – comment faire la paix s’il n’y a pas d’ennemi ? – et on est sans illusion sur les moyens pacifiques – le pacifisme qui n’a empêché aucun désastre et qui en a même suscités. Il faut déchirer ces écrans qui empêchent de voir et de porter les coups nécessaires, attaque et défense.

Il faut se battre pour la paix, bien sûr – jouer les va-t’en-guerre, c’est faire preuve d’immaturité politique –, tout en se délestant des illusions pacifistes. Il ne faut pas se chercher des ennemis, s’en créer, compulsivement, à la manière des États-Unis depuis les années 1990 et leur guerre avec l’Irak, par exemple. Mais il ne peut y avoir de politique (le jeu des nations dans le jeu mondial) si les collectivités n’identifient pas leurs ennemis, des ennemis qui ne sont pas nécessairement d’autres États, qui sont de moins en moins d’autres États, et qui peuvent être par exemple des organisations telles que des O.N.G. L’ennemi est plus diffus dans un monde diffus, plus liquide dans notre liquid modernity, il n’en existe pas moins ; et il faut l’identifier pour survivre car une nation ne peut pas ne pas en avoir ; elle peut l’ignorer, il n’en existe pas moins.

JF-Dec.jpgLes conflits sont de plus en plus économiques. Ils l’ont toujours été d’une manière ou d’une autre mais dans des proportions variables et parfois assez limitées. Aujourd’hui, l’économique draine tout à lui, et toujours plus frénétiquement, ce qui explique la liquidité des conflits, le fait qu’ils se jouent des frontières et se dématérialisent. Fini les lignes de front et les tirs de barrage. Le conflit est permanent et de ce fait d’une intensité moindre ; mais il est permanent – plus de trêve. Les médias sous toutes leurs formes ne cessent de nous le rappeler, implicitement ou explicitement. Mais comment départager vainqueur et vaincu ? Il n’y en a tout simplement plus, le conflit est devenu perpétuel.

Le postulat ami/ennemi que propose Julien Freund s’inspire de la vision de Carl Schmitt tout en s’en différenciant. Il reste pertinent. Le livre central de Julien Freund, « L’Essence du politique », peut être le point de départ d’une réflexion aussi ample que profonde sur notre monde et un moyen de l’appréhender dans sa violence, ses enjeux et ses compétitions. « L’Essence du politique » a été publié chez Dalloz, en 2003, avec une préface de Pierre-André Taguieff, auteur d’un essai, « Julien Freund. Au cœur du politique ».

Dans une présentation à un petit volume d’études de Julien Freund, Jean-René Tréanton écrit : « Ce qui irrite au plus haut point Julien Freund, c’est (…) la pensée sentimentale, le penchant à éluder les problèmes, l’indulgence et l’humanitarisme qui ne sont que des faux-fuyants ». Nos petits mielleux qui répandent leur sirop poisseux sur les plateaux de télévision et dans les colonnes des journaux devraient lire et relire Julien Freund, cet ennemi du faux-fuyant et de la langue de bois qui se qualifiait volontiers de réactionnaire de gauche.

Ci-joint, un passionnant article de Jean-Michel Le Bot intitulé « Julien Freund et L’Essence du politique » :

https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01060003/docum...

Ci-joint, un article à caractère synthétique de Bernard Quesnay intitulé « La grande leçon de politique de Julien Freund » :

http://grece-fr.com/?p=3717

Et rien de mieux pour entrer dans la pensée d’un homme que l’interview. Ci-joint donc, une conversation entre Julien Freund et Pierre Bérard :

http://grece-fr.com/?p=3510

Enfin, divers documents sur Julien Freund, dont un entretien :

http://www.archiveseroe.eu/julien-freund-a48392378

« (…) vous pensez que c’est vous qui désignez l’ennemi, comme tous les pacifistes. Du moment que nous ne voulons pas d’ennemis, nous n’en aurons pas, raisonnez-vous. Or c’est l’ennemi qui vous désigne. Et s’il veut que vous soyez son ennemi, vous pouvez lui faire les plus belles protestations d’amitiés. Du moment qu’il veut que vous soyez son ennemi, vous l’êtes. Et il vous empêchera même de cultiver votre jardin. » (Julien Freund)

« Une collectivité politique qui n’est plus une patrie pour ses membres, cesse d’être défendue pour tomber plus ou moins rapidement sous la dépendance d’une autre unité politique. Là où il n’y a pas de patrie, les mercenaires ou l’étranger deviennent les maîtres. » (Julien Freund)

 

Olivier Ypsilantis

lundi, 30 octobre 2017

Hervé Juvin - Le gouvernement du désir

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Hervé Juvin - Le gouvernement du désir

Hervé Juvin invité du Cercle Aristote le 5 décembre 2016 pour présenter son dernier ouvrage : 'Le gouvernement du désir'.
 
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dimanche, 29 octobre 2017

Yves Blot: LA POLITIQUE D'ARISTOTE

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LA POLITIQUE D'ARISTOTE

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Conférence au Cercle de l'Aréopage:
LA POLITIQUE D'ARISTOTE
Par Yvan Blot
 
Retrouvez les évènements du Cercle : http://cercleareopage.org/conf%C3%A9r...

samedi, 28 octobre 2017

Het Avondland in het licht van Spengler en de Islam

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Het Avondland in het licht van Spengler en de Islam

door Sid Lukkassen

De nu volgende tekst is een ingekorte versie van een voordracht die Sid Lukkassen op 23 oktober jl. hield voor het KVHV Leuven.

Het motto van deze voordracht is: “Ducunt fata volentem, nolentem trahunt”: de gewillige leidt het lot, de onwillige wordt erdoor meegesleept; het lot zal leiden wie wil, wie niet wil zal het dwingen.Uitgeverij Boom voltooide een vertaling van Der Untergang des Abendlandes (1918) van Oswald Spengler. Boom onderstreept met de publicatie (terecht) de urgentie en relevantie van Spenglers werk voor de huidige tijd. In deze verhandeling maak ik u deelgenoot van mijn omgang met Spengler en de waarde van zijn werk voor een politiek filosoof.

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Culturen voorgesteld als levensvormen

Over Spengler moet allereerst gezegd worden dat zijn levensloop in alles naar de conceptie voert van Der Untergang des Abendlandes. Daarop volgt de receptie van dat werk en ten slotte wordt Spenglers leven geheel beheerst en getekend door zijn reacties op die receptie. Steeds keert daarbij terug dat er volgens Spengler ‘culturen’ bestaan; wezenlijk van elkaar te onderscheiden ‘levensvormen’. In de geschiedenis maken zij een analoge ontwikkeling door die in essentie de levenscyclus van een mensenwezen volgt.

Spenglers uitgangspunt wijkt af van het ‘maakbaarheidsdenken’ van de Verlichting en het techno-utopisme – daarom wordt zijn werk verworpen in progressieve kringen. Ook botst de cyclische uitleg van de historie met de lineaire voorstelling van het christendom (vanaf de schepping tot de openbaring gevolgd door de Apocalyps en de verlossing). Ook de nazi’s maakten Spengler het leven zuur: zijn geschiedsopvatting zou het onderwerp ‘ras’ verwaarlozen en werd als ‘fatalistisch’ aangemerkt.

Deze auteur overstijgt zijn tijdsgewricht

Spengler was groot vóór de machtsovername van de nazi’s en dit maakte hem tot een van de enkelen die nog in een positie was om het nieuwe regime te kunnen bekritiseren; dit scenario kan zich in onze toekomst makkelijk herhalen. Het zijn er maar weinigen die intrinsiek gedreven zijn om in alle omstandigheden objectief en kritisch te blijven – dit type mensen keert maar zelden terug op verkiesbare lijstplaatsen: partijbesturen kunnen dit persoonlijkheidstype simpelweg niet aan.

Het is ook precies waarom Spengler zijn tijdsgeest kon overstijgen en waarom het nazi-regime dat niet kon, evenzeer als dat de Westerse politieke partijen zichzelf vandaag overbodig maken. Permanent gevangen in de noodzaak om stemmen te trekken kijken partijleiders niet vooruit maar raken zij blijvend verweven in de waan van de dag. Populariteit, meeklappen en meeglibberen boven inhoud: de buitendienstcultuur in een notendop.

Wat de hofintriges van het politieke spel betreft zag Spengler scherp de schaduwzijden. Hij herkende die in de massapolitiek als voorwaarde voor plebiscieten en demagogie. Zoals toen grote aantallen mensen werden samengeperst in de straten van Rome; zuchtend naar vermaak en afleiding waren zij gevoelig voor bespeling en ophitsing door populaire volksleiders. Kijkend naar hoe joviaal de huidige leiders zich profileren zult u de buitendienstcultuur moeiteloos in hen herkennen: besef dat achter deze gemoedelijke façades meedogenloze partijhiërarchieën schuilgaan. De leden zijn aanvankelijk noodzakelijk om de partij op de kaart te zetten en populair te maken; zij worden gaandeweg op de achtergrond geplaatst en vervangen door teams van professionele spindoctors en imagomakers.

Spengler zou het daarom met ons eens zijn dat de oplossing van onze huidige malaise niet ligt in partijen met hun fladderige leiders – steeds vluchtig en jachtig op zoek naar bekende individuen wier populariteit op hen moet afstralen en die zij vervolgens weer afdanken en aan de kant schuiven – maar ligt in de geaarde binding aan een gemeenschap; een gemeenschap zoals zij vorm krijgt en wortels aanmaakt in een Nieuwe Zuil.

Dit project begrenst tegelijk de libertijnse en hedonistische ego’s van politici: het is de politicus die de zuil dient en politiek vertegenwoordigt; het is de zuil die de politicus corrigeert. De politicus kan omgekeerd niet leven zonder de zuil – zonder de zuil is het geen bestendigd gedachtegoed dat hem draagt maar slechts het vergankelijke beeld dat de spindoctor produceert. Daarmee – zonder zuil – ligt de macht bij de spindoctor en niet bij de gekozen volksvertegenwoordiger. Het zijn zuilen die democratieën überhaupt mogelijk maken, want zonder verankering in gewortelde gemeenschappen, in intellectuele arbeid en in Bildung, is het de wispelturigheid van het moment die de democratie beheerst; zo’n democratie is decadent en gedraagt zich min of meer als tirannie. Ook Spengler constateert in Der Untergang des Abendlandes dat de handel in imago’s een decadente democratie typeert.

Het boek zelf las ik voor het eerst in de vroege lente van 2008. Ik nam het boek mee op studiereis naar Berlijn, de hoofdstad van wat eens “het noordelijke Sparta” werd genoemd. Als er eens een uur was waarin de leerlingen zichzelf vermaakten, dan trok ik mij terug om in rust wat pagina’s te lezen – ik zette daarbij de ramen open en voelde hoe de lentebries zich binnenliet vanuit de skyline van de betonnen metropool. Zo werkte ik het boek in zijn totaliteit door, van kaft tot kaft – als een roman.

Duiding van het thema ‘Avondland’

Volgens Spengler is ‘alleen zijn in het woud’ de diepste religieuze ervaring van Europeanen. Gotische kathedralen bootsen die ervaring na – de meest geslaagde bouwwerken raken iets van het eindeloos ronddolen, wat we ook zien in de epische verhalen van de Westerse cultuur: het ronddolen van koning Arthur, Parsifal en The Lord of the Rings gaat terug op Odin: “Veel heb ik gereisd, veel heb ik gezien, veel van goden ervaren.” aldus het Vikinggedicht Vafþrúðnismál. Ook verwees Spengler vaak naar Gauss en Leibniz – naar ontdekkingsreizen en wiskundige formules. Het Westerse brein heeft een existentiële behoefte aan doorgronding en expansie: de oer-Europeaan vecht tegen de elementen en vormt het leven op het aambeeld van zijn wilskracht.

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Europa is voor Spengler het ‘Avondland’ omdat het met zijn westelijke ligging de grond verbeeldt waarachter de zon verdwijnt wanneer de avond valt. Verkenningsschepen doorkruisten kolkende oceanen, zoekend naar nieuwe gebieden met helwitte stranden, waar de zon tot aan de einder loopt – dit was een tijd waarin de schepen van hout waren en de mannen van staal. “Westerse kunst staat gelijk aan het weghakken van de overvloedigheid der natuur” schrijft Camille Paglia. “De Westerse geest maakt definities; dat wil zeggen – deze trekt lijnen.” Het Europees intellect schept een logica die zich exponentieel doorzet, voorbij de grenzen van tijd en ruimte – het oneindige, het lineaire, het abstracte – raketten lancerend door een ijl heelal, afkoersend op onbekende bestemmingen. Dit is een belangrijk verschil met de Oosterse religies – in het boeddhistische Morgenland ligt het einddoel juist in het ophouden te streven. Vanuit deze tegenstelling denkend is ‘Avondland’ tevens een overkoepelend begrip voor de geestelijke cultuur van de Europese beschaving.

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In Avondland en Identiteit wees ik vooral op de invloed van Spengler tegen de achtergrond van het fin de siècle. De meesters van de achterdocht, zoals Marx, Nietzsche en Freud brachten het Europese zelfvertrouwen aan het wankelen. Was die indrukwekkende Westerse beschaving niet een façade voor allerlei economische klassenbelangen, machtswellust en seksuele driften? Ook bleek het zelfnuancerende, zelfreflexieve bewustzijn van het christendom gevolgen te hebben voor het zelfbeeld van de Europese beschaving. Het Bijbelboek Daniël beschrijft een opeenvolging van wereldrijken die ten val komen: mede hierdoor hebben Euro­peanen de neiging om zichzelf te duiden binnen een geschiedenis die eigenlijk al is afgerond – als een uitvloeisel van een tijdperk dat reeds is afgesloten. Dit leidde tot relativisme en uiteindelijk tot schuldbesef, vermoeidheid en verlamming. Het is tegen deze achtergrond dat Spengler Der Untergang des Abendlandes schreef.

Een mogelijk dilemma is de lastige falsifieerbaarheid van Spenglers voorspellingen. Ieder fenomeen van verval is uit te leggen als een voorteken van het naderende instorten van een beschaving; dat verval is immers aangekondigd en vervolgens wordt alles in dat licht gezien. Alexis de Tocqueville, toch niet de minste, stelde het zeer krachtig: iedere nieuwe generatie biedt weer vers materiaal om te vormen naar de wensen die wetgevers vooropstellen. Als de wetgevers eenmaal decadent worden, dan is er een groter probleem.

Vervreemding van de eigen cultuur

Spinoza merkte al op dat wetten niet zijn opgewassen tegen de gebreken waarin mensen vervallen die te veel vrije tijd hebben – gebreken die niet zelden de val van een rijk veroorzaken. Zo stelt hij in hoofdstuk tien van Tractatus Politicus (1677) dat in het lichaam van een staat zich net als in een natuurlijk lichaam kwalijke stoffen ophopen, die zo nu en dan moeten worden gereinigd en doorgespoeld. De staat moet dan terugkeren naar haar uitgangspunt – naar de normen en waarden die de grondslag vormen van de bijbehorende cultuur. Blijft deze omwenteling uit, dan zullen het karakter van het volk en het karakter van haar staat volgens Spinoza twee verschillende paden inslaan. “Waardoor men er ten slotte toe komt de vaderlijke zeden te minachten en zich vreemde eigen maken, wat erop neer komt zichzelf te knechten.”

Vanuit deze verandering van heersende zeden komen wij vanzelf op de actuele migratiekwestie en het ‘Heimatgefühl’. Dit wil zeggen dat mensen, wanneer ze niet in de toeristische modus zijn, het liefst in een omgeving verkeren waar ze zich thuis, vertrouwd en geborgen voelen. Het woord ‘goed’ hangt oorspronkelijk samen met dat wat je ervaart als het eigene – vandaar ook een woord als ‘landgoed’. Met de instroom van andere culturen maakt dit thuisgevoel plaats voor maatschappelijke versplintering en sociaal atomisme. Mensen identificeren zich minder met elkaar waardoor solidariteit verdwijnt voor berekenend gedrag. De tradities die voor maatschappelijke samenhang zorgen verwaaien en men krijgt er enclavevorming voor terug.

Als een beschaving de fase van cultuurvervreemding heeft bereikt, dan treedt het onderscheid naar voren dat Spengler in Der Untergang des Abendlandes aanbracht tussen ‘slapende’ en ‘wakende’ zielen. De slapende zielen vertegenwoordigen de onderstroom van een beschaving: ze overdenken hun cultuur niet bewust maar beleven deze gevoelsmatig. Ze zijn verbonden met een oerkracht en sluimeren tussen met mos begroeide ruïnes waaruit een lichte nevel opstijgt. Soms komen ze spontaan in roering – precies om de “giftige stoffen uit te spoelen”. De wakkere zielen daarentegen staan volgens Spengler meer op hun eigen oordeelskracht: ze denken systemen uit en zijn op abstracties gericht, op ‘hoe de wereld in theorie zou moeten functioneren’.

In theorie kan men inderdaad zeggen: “Hoe erg is het als er duizenden of zelfs honderdduizenden immigranten naar Europa komen? Geen enkele cultuur is statisch – we passen ons vanzelf aan.” In de praktijk redeneren alleen mensen op deze wijze die voortdurend in een toeristische modus zijn: het slag mensen voor wie cultuur, geschiedenis en erfgoed geen intrinsieke waarde hebben, en voor hen volledig inwisselbaar zijn. Het is hierom dat Spengler in het tweede deel van zijn magnum opus concludeert dat ontworteling en doorgedreven kosmopolitisme kenmerkend zijn voor oude en stervende beschavingen. 

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Nu eerst meer over de invloed van de islam op het Avondland. Daarvoor verdiepen wij ons in een bespiegeling op Michel Houellebecqs roman Onderworpen. Het is in 2015 geschreven als Soumission en naar het Nederlands vertaald door Martin de Haan, dat onze gedachten in die richting stuurt. Het boek verscheen in Frankrijk op exact dezelfde dag dat de moordaanslag op Charlie Hebdo plaatsvond, waarbij tekenaars van onwelgevallige cartoons door moslimfundamentalisten met machinegeweren werden doorzeefd. De provocatieve titel verwijst naar de significantie van het woord islam, wat letterlijk “onderwerping” betekent en uitdraagt dat het leven van de individuele gelovige niet aan hemzelf toebehoort maar aan diens opperwezen.

Integratie tussen de lakens?

In mijn leven deed zich een ontmoeting voor die het voorgaande bevestigt. Dit was toen ik tijdens een wetenschappelijke conferentie een knappe jongedame trof met een migratieachtergrond. Ze kwam me zeer Westers voor. Niet alleen was ze als een veelbelovend wetenschapper uitgekozen voor de bijeenkomst: ook accentueerde de dunne stof van haar kleding haar zandloperfiguur. De rok die ze droeg benadrukte hoe haar venusheuvel afstak tegen de musculatuur van haar onderbuik. Haar ontblote schouders boden uitzicht op de verfijnde pezen en zelfs de amberkleurige huid van haar bescheiden borsten was bij de juiste invalshoek te zien. Plots vertelde ze dat ze de relatie met haar Nederlandse vriend had verbroken vanwege de islam.

Hij was naar haar zeggen goed op weg. Drie jaar geleden had hij zich voor haar bekeerd en sindsdien hadden ze een relatie. Hij had echter laten doorschemeren dat hij voor haar alcohol en varkensvlees liet staan. Met een verzoekende ondertoon vroeg hij haar of er dan ook een punt was waarop zij concessies kon doen. “Hij moet zich aan Allah geven ter wille van Allah,” zei ze resoluut. “niet ter wille van mij.” Precies, zo vulde ik aan, “want zijn overgave moet absoluut zijn.” Haar okerkleurige ogen begonnen te fonkelen: “Absoluut, volkomen en totaal. De kern van ons geloof is onderwerping. Onderwerping aan Allah vanwege Allah en niet vanwege je vriendin.”

Onderworpen is het levensverhaal van een docent in de negentiende-eeuwse Franse literatuur aan een prestigieuze universiteit. Buiten enige affaires met studentes is zijn leven eigenlijk bar saai. Dat verandert zodra de Moslimbroederschap in Frankrijk aan de macht komt en salafistische oliesjeiks zich met het onderwijsbeleid gaan bemoeien. In Onderworpen vertegenwoordigt de islam niet zozeer een bedreiging voor Europa alswel de redding van Europa:

“Want in dezelfde mate als het liberale individualisme wel moest zegevieren zolang het alleen tussenstructuren zoals vaderlanden, corporaties en kasten ontbond, had het zijn eigen doodvonnis getekend toen het zijn aanval richtte op de ultieme structuur van het gezin, en dus op de demografie; daarna kwam logischerwijs de tijd van de islam.” (blz 212).

“De massale komst van immigrantenpopulaties die waren doordrongen van een traditionele cultuur waarin de natuurlijke hiërarchieën, de onderworpenheid van de vrouw en het respect voor ouderen nog niet waren aangetast, vormde een historische kans voor de morele en familiale herbewapening van Europa. Dit opende de weg voor een nieuwe bloeitijd van het oude continent.” (blz 215).

Dit brengt ons terug op wat ik zei over de politieke filosofen van de twintigste eeuw. Als politiek filosoof vermoed ik dat de politieke wijsbegeerte na de voornoemde ‘grote leermeesters’ feitelijk stil kwam te staan. De literatuur blijkt ons te hebben ingehaald en drukt ons nu met de neus op de feiten. Ik bedoel hiermee de enorm visionaire kracht van Houellebecq: terwijl liberalen en socialisten elkaar bevechten met economische vertogen (Piketty) voelt de schrijver haarfijn aan dat het politieke debat zich verplaatst naar identiteit. Politieke botsingen zullen gaan om de demografische voorwaarden die een beschaving nodig heeft om überhaupt te kunnen voortbestaan.

“De Moslimbroederschap is een bijzondere partij – voor hen zijn demografie en onderwijs de hoofdpunten: de bevolkingsgroep die de beste vruchtbaarheidscijfers heeft en die zijn waarden weet door te geven trekt aan het langste eind. Zo simpel is het in hun ogen, economie en zelfs geopolitiek zijn maar bijzaak: wie de kinderen heeft, heeft de toekomst, punt uit.” (blz 64).

Wat Onderworpen nóg controversiëler maakt is dat het Front National in het verhaal een verzetsbeweging wordt, als de enige groep die nog bereid is voor de traditionele Westerse waarden te vechten. Sociaal-liberalen zijn bezig met ‘lauwe’ economische compromissen en ondertussen verplaatst het ‘bezielend-ideologische vuur’ zich naar de rechterkant van het politiek spectrum. Zoals in een debat tussen filosoof Etienne Vermeersch en politicus Bart de Wever al werd gezegd “zijn de mensen nu wel een beetje klaar met de holle vertogen over wereldburgerschap die ze vanuit hun maatschappelijke elites krijgen opgedrongen”. Rond dezelfde tijd omschreef Martin Bosma zichzelf als leider van een club rebellen die zich verzet tegen de afschaffing van Nederland. Dit was in een interview over zijn boek Minderheid in eigen land (2015). Ook de recente oprichting van een nieuwe groep in het Europees Parlement, met daarin onder meer Front National, PVV en Vlaams Belang, is een teken aan de wand.

Westerse zelfopheffing?

Minder visionair was de bijeenkomst in Utrecht op 16 mei 2015 waar de schrijver optrad ondersteund door diens vertaler. Wie in de ban is van Houellebecqs boeken is dat wegens de aangrijpende thema’s: de invloed van feminisme op man-vrouw verhoudingen, de pornografisering van de samenleving en de botsing tussen de islam en het Westen. Het vraaggesprek ging echter over technische trivialiteiten omtrent het vertalingsproces. “Hoe vaak herhaal je een woord binnen een alinea – volg je daarin Flaubert of Balzac?” Helaas kreeg het publiek maar vijf minuutjes om vragen te stellen en het debat te ontketenen.

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In een interview met Paris Review (2 januari 2015) noemde Houellebecq Frankrijk juist een verzetshaard tegen deze collectieve zelfopheffing; dat maakt het land vrij uniek in vergelijking met andere Europese landen (zoals Zweden). De uitspraak is interessant omdat de discussie «wel of geen Westerse zelfopheffing en zo ja, in hoeverre?» de inhoud van zowel politieke filosofie als geopolitiek zal bepalen. Deze kwestie is de ultieme inleiding tot mijn nieuwe boek Levenslust en Doodsdrift: essays over cultuur en politiek, dat op de boekenbeurs van Antwerpen gepresenteerd zal worden en uitvoerig ingaat op de laatstgenoemde vraag.

Une vie, une oeuvre: Simone Weil ou la brûlure de l'écoute

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Une vie, une oeuvre: Simone Weil ou la brûlure de l'écoute

Une courte vie dédiée passionnément à l'exercice de la vérité, une soif d'absolu que, ni l'engagement politique aux côtés des plus humbles ni même l'Eglise catholique qu'elle rencontre dans les dernières années de sa vie, ne parviendront à combler. Nourrie par la pensée grecque, la tradition égyptienne en Osiris, les Upanishads et la Bhagavad-Gita, bouleversée par la vérité de la Croix qu'elle vit dans son corps même, Simone Weil tente, à travers toutes les traditions mystiques non chrétiennes, de découvrir le sens universel de la rédemption christique.
 
Juive malgré elle, contre elle, sa pensée rigoureuse et implacable se heurtera au judaïsme qu'elle méconnaît et balaie d'un revers de mots : c'est sans doute la limite qu'elle ne pouvait franchir et où, telle un fleuve immobile, son attention à Dieu ne se démentira jamais plus.
 
Elle meurt à 34 ans, en Angleterre, en exil de tout et d'elle-même, coïncidant enfin, à son corps défendant, avec ce qu'elle avait vainement et obscurément cherché toute sa vie : être mendiante parmi les mendiants, pauvre d'entre les plus pauvres.
 
Cette émission se propose de faire mieux connaître au public une pensée méconnue, exigeante, irremplaçable, qui s'inscrit dans la tradition mystique la plus pure et la plus haute : les écrits de Simone Weil se placent désormais aux côtés de ceux de Saint François d'Assise et de Saint Jean de la Croix.
 
Par Marie-Christine Navarro.
 
Réalisation :
Isabelle Yhuel. Rediffusion de l'émission du 16/03/1989.
Avec la collaboration de Vanessa Nadjar et d'Annelise Signoret.
Intervenants
- Bertrand Saint-Serni (philosophe)
- Etienne Ostier (prêtre)
- Michel Narcy (professeur de philosophie)
- Joseph-Marie Perrin (père dominicain)
- Florence de Lucy (conservateur en chef à la Bnf)
 

02:06 Publié dans Philosophie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : mystique, religion, simone weil, philosophie | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

jeudi, 26 octobre 2017

L'histoire à l'épreuve de l'Europe selon Denis Crouzet

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L'histoire à l'épreuve de l'Europe selon Denis Crouzet

L’historien français Denis Crouzet, spécialiste mondialement reconnu du XVIe siècle français et européen, livre ici en avant-première au Grand Continent l’avant-propos d’Historiens d’Europe, historiens de l’Europe, ouvrage qu’il a dirigé, à paraître le 5 octobre prochain chez Champ Vallon et dédié à la place de l’Europe comme échelle et objet géopolitiques dans la pensée de nombre des plus célèbres historiens européens du XXe siècle.

Cet avant-propos est l’occasion d’une réflexion d’une formidable richesse problématique sur la possibilité d’écrire une nouvelle histoire de l’Europe. Dans la lignée des préoccupations du Grand Continent, entre les apories d’une accumulation d’histoires nationales autosuffisantes et, parfois, les insuffisances théoriques d’une histoire globale automotrice ou réduite à une somme d’histoires parallèles, Denis Crouzet nous invite, fort de quarante années de recherches consacrées notamment à une analyse anthropologique des phénomènes de violence et de pacification en France et en Europe, à considérer les inestimables vertus heuristiques d’une échelle d’analyse intermédiaire européenne dans la compréhension des phénomènes historiques.

Loin de sacrifier aux mythes d’une Europe donnée en propre ou de la lente genèse d’une civilisation partagée, c’est peut-être surtout dans le cadre d’un « jeu d’échelle » que Denis Crouzet envisage l’Europe. Aux prémisses du raisonnement est l’impossibilité de donner sens à des phénomènes historiques sans les inscrire dans un cadre de compréhension qui est avant tout celui de l’Europe davantage peut-être que celui du monde et en tout cas de la nation. C’est parce que l’Europe est par nature une succession de contingences historiques qu’elle est d’ailleurs la métaphore même de l’histoire et mérite donc de sortir de l’impensé et du refoulé. C’est parce qu’à rebours de toute téléologie elle est non hypostase mais hypothèse qu’elle éclaire peut-être si bien le passé. Elle permettrait de réévaluer à la hausse les mérites d’une histoire qui, sans être utilitariste, refuserait en tout cas de définir son objet comme l’impératif catégorique et autosuffisant de la simple connaissance historique et viserait plutôt l’hypothétique, condition d’une pensée libre et vivante intéressée au contemporain et à ses enjeux géopolitiques. Une histoire « thérapie », magister vitæ, serait donc possible en somme, entendu qu’en empruntant ce chemin de sortie de la plus sèche neutralité axiologique positiviste l’on ne débouche pas sur une essentialisation civilisationnelle de l’Europe mais sur une ligne de crête où résonne depuis la vallée de l’histoire l’écho de la quête, depuis le XVIe siècle et l’éclatement de la chrétienté, d’une unité et d’une totalité d’être ; au bout de cette ligne, le sommet de l’universel ? – P.S.


 

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L’intuition qui a donné naissance à la rencontre d’où est issu ce livre est que la crise idéologique subie par l’Europe actuelle relève autant d’un déficit d’historicisation, et donc de nomination, que de la projection de peurs ambiantes ou de fictions négatives issues moins de l’Europe même que d’une fantasmagorie excitatoire liée à l’accélération d’un processus de globalisation. Un processus qui n’est jamais qu’une mise en hypervisibilité, peut-être plus perceptible qu’auparavant, de faits de longue durée que, pourtant, un simplisme démagogique porte à ignorer, à dissimuler, à encore charger de culpabilité. Tout se passe comme si s’était produite la dilatation d’un vide dans la mémoire, un trou noir, une sorte de maladie d’Alzheimer lentement infusée dans les sphères de la pensée commune par des procédures tant conscientes qu’inconscientes, aux ressorts paniques.

Il n’est pas alors étonnant que l’Europe en vienne toujours plus subrepticement à être appréhendée en tant qu’une déraison de l’histoire, le contresens d’une histoire que l’imaginaire ne voudrait voir programmée simultanément, téléologiquement et antinomiquement, qu’en termes de « nation » ou de « patrie », voire plus encore naïvement d’« identité ». C’est-à-dire d’une forme d’atomisation ou d’absolutisation contradictoire du concept de culture démocratique dans laquelle prime l’égalité des individus et qui est conditionnée par, précisément, l’acceptation de la désidentification. L’identité est la relation toujours expansive, sans limite, de la relation à l’autre, et non pas un cercle clos et fini relevant d’un refoulement loin de soi de l’altérité. Elle est par là même mobile et transgressive, moins composite que composée et, pourrait-on dire, de l’ordre de l’irreprésentable, l’indicible tant elle se doit de s’excentrer.

Il ne s’agit pas ici de dire que l’Europe souffre d’un manque d’histoire et que là se trouverait l’explication de la distorsion qui ouvre à tous les possibles négativistes. Là n’est pas le problème, car l’Europe est aussi victime d’un trop d’histoire qui n’est pas, précisément, son histoire, qui l’oblitère plus qu’elle ne l’éclaire. Parce qu’il faut postuler que son histoire ne peut pas s’écrire avec les normes convenues et les outils conventionnels.

Ceci parce que l’histoire n’a pas inventé de manière efficace un discours pouvant « conscientiser » l’Europe autrement que comme une discontinuité d’états, plus ou moins fragiles ou provisoires, de conscience ou de non-conscience de soi. Tout le problème, qui ouvre aux dérives néo-identitaires, relève du langage et de sa dispersion sémiotique. L’Europe est réduite bien souvent à un agrégat d’histoires parallèlement concordantes, quand sa virtualité n’est pas artificieusement rapportée aux concepts problématiques de « civilisation » et de « culture » qui, lentement, au fil des siècles, auraient suivi une progression ascendante conduisant à une situation actuelle voyant le continent osciller entre le méta-national et le global. Plusieurs axes énonciatifs ont été valorisés dans cette double optique.

Une constatation préliminaire intéresse le premier de ces axes. Il n’existe pas d’histoire générale récente de l’Europe en français qui puisse prétendre être à jour des problématiques et des évolutions récentes de la discipline pas plus que présenter un champ interprétatif nouveau adapté aux doutes, aux interrogations du présent. Ainsi le fil directeur apparaît ici être une certaine désidéologisation. Si, peut-être, la conceptualisation « moderniste » d’une histoire de l’Europe peut remonter à François Guizot et à l’Histoire générale de la civilisation en Europe depuis la chute de l’Empire romain jusqu’à la Révolution française (1838), il n’en est pas moins vrai que rien de véritablement ambitieux n’a été écrit depuis la grande tentative du grand historien belge Henri Pirenne et les quatre volumes de l’Histoire de l’Europe – dont le premier volume seul (jusqu’au XVIe siècle) est en réalité de sa plume. Cette histoire est européenne en ce qu’elle appréhende de manière transversale l’ensemble des phénomènes structurant le continent depuis la fin du monde romain, qu’ils soient d’ordre intellectuel ou religieux, socio-économique ou politique. Elle est européenne en ce qu’elle met en rapport ces phénomènes structurants avec l’espace européen dans sa totalité et à travers les configurations successives qu’ils contribuent à déterminer, y compris les divisions qu’ils ont générées.

Cette démarche a servi de modèle à bien des tentatives ultérieures qui n’en ont guère dépassé les fondements ou la méthode. Certes, on peut noter l’existence d’une Histoire générale de l’Europe en trois volumes sous la direction de Georges Livet et Roland Mousnier (Paris, 1980), qui suit une segmentation triséquentielle très classique (« L’Europe des origines au début du XIVe siècle » ; « L’Europe du début du XIVe siècle à la fin du XVIIIe siècle » ; « L’Europe de 1789 à nos jours »). Conçue selon les mêmes normes et entrant dans la sphère des manuels de vulgarisation, on citera l’Histoire de l’Europe donnée par Serge Berstein et Pierre Milza (tome 1 : « L’héritage antique » ; tome 2 : « De l’Empire romain à l’Europe, Ve-XIVe siècle » ; tome 3 : « États et identité européenne, XIVe siècle-1815 » ; tome 4 : « Nationalismes et concerts européens 1815-1919 », etc.). Mais on en demeure à des problématiques périodisées et surtout à des cadres hypothético-déductifs peu renouvelés, quand le créneau chronologique ne se limite pas aux XIXe et XXe siècles – cf. Jean- Michel Gaillard et Antony Rowley, L’Histoire du continent européen (1850-2000) (Paris, 2001). Le principe de base est celui, au sein d’une temporalité qui est présumée posséder une unité d’action, de la succession d’études de cas territoriaux ou étatiques. Dans le même filon d’une temporalité coagulée et coupée en tranches, il est possible d’évoquer un ouvrage synthétique : Histoire de l’Europe de Jean Carpentier et François Lebrun (dir.) (Paris, 1992). Enfin, peut être relevée une tentative d’écriture européenne, qui reste toutefois éclatée en histoires nationales tout en n’échappant pas totalement à une certaine tentation téléologique, l’Histoire de l’Europe par douze historiens européens, sous la direction de Frédéric Delouche (Paris, 1992).

Puis, alors que précisément l’Europe devenait une réalité toujours plus politique, rien ou presque rien, ou des livres qui, sous le couvert d’une globalité européenne, période par période historiographique, sont des successions de monographies « nationales » et débouchent téléologiquement sur la césure d’après une seconde guerre mondiale pensée comme ouvrant sur un moment de sublimation ; ceci, alors que prolifèrent parallèlement les histoires « nationales » retraçant bien souvent, par exemple pour ce qui est de la France, les données présupposées d’une construction logique reposant sur divers enracinements originels et enquêtant, jusqu’à aujourd’hui, sur les conditions ayant présidé à cette logique et sur les permanences ou les ruptures… Sans se poser la question que l’histoire et la logique des continuités ne sont pas synonymes…

7667884.jpgLa même constatation d’une situation de relative déshérence historiographique et surtout de la priorité donnée au choix de coupures par périodes (Renaissance, XVIIe siècle) peut être constatée pour ce qui est de la recherche anglo-saxonne, après les deux volumes de l’History of Europe de H. A. L. Fisher (Londres, 1935). Citons l’exemple de la Short Oxford History of Europe qui, si elle est récente, n’en est pas moins très traditionnelle dans sa conception clivant le passé en grandes séquences classiques si ce n’est anachronisantes, à commencer par « Classical Greece » ou « Roman Europe » ; citons aussi, plus originales, les New Approaches to European History de Cambridge Uni- versity Press et les Fontana History of Europe Series qui reposent sur un projet thématico-chronologique. À quoi s’ajoute The Penguin History of Europe, de J. M. Roberts (1996), fort heureusement renouvelée dans les Penguin History of Europe Series grâce aux contributions de grands spécialistes comme Chris Wickham ou Mark Greengrass. Là est le paradoxe, c’est la Grande-Bretagne du Brexit d’aujourd’hui qui a donné récemment les ouvrages scientifiques les plus parachevés sur une Europe désanachronisée et pensée comme une totalité d’histoire ayant fonctionné plus sur des connexions que sur des spécificités ou sur des collections de particularités. Pour aller dans cette direction, l’histoire de l’Europe se trouve travaillée outre-Manche surtout systématiquement sur le plan de l’histoire économique, avec The Cambridge Economic History of Europe et The Fontana Economic History of Europe. Un peu à part, original, et soupçonné aujourd’hui d’européo-centrisme parce que donnant le primat à la question de l’exceptionnalité du continent désormais passé de mode, il y a le livre important d’Eric Jones, The European Miracle (Cambridge, 1981) à l’inverse du plus superficiel Europe. A History, de Norman Davies (Oxford, 1996). Il faudrait signaler encore Eugen Weber et Une histoire de l’Europe, Paris (2 vol., Paris, 1986-1987), qui insiste sur le concept postromantique d’héritage légué au monde mais noie le lecteur sous une avalanche factuelle donnant une certaine invisibilité à l’objet même Europe.

Pour ce qui est de la production allemande, mêmes stratégies d’édition et d’écriture par voie de compartimentages spatio-temporels, avec, par exemple, les sept tomes du Handbuch der europaïschen Geschichte, publié par Theodor Schieder (Stuttgart, 1968-1991) ou les dix volumes du Handbuch der Geschichte Europas, dirigé par Peter Bickle (Stuttgart, 2000). L’histoire en tranches face à laquelle s’est dressé Wolfgang Schmale, dans sa Geschichte Europas (Stuttgart, 2000), qui est peut-être le seul pari vraiment « européiste » mais ayant privilégié l’angle culturel pour le moins réductionniste. Pour l’Italie, il faudrait citer bien sûr ensuite la récente Storia d’Europa de Giuseppe Galasso (Bari, 2001) qui envisage l’Europe comme sous l’angle de « contrasioni e di espansioni di un grande spazio di civiltà ». Le thème problématique d’un espace de convergence postulée entre une identité géographique et une identité qui serait « psychoculturelle ». Le mythe de la civilisation partagée… Un autre danger…

Second axe : arrêtons-nous sur la tradition de l’essai centré sur l’histoire d’une conscience ou d’une préconscience européenne. Y appartiennent des livres importants, au premier rang desquels figure l’ouvrage de Lucien Febvre, L’Europe, genèse d’une civilisation. Ce cours, professé au Collège de France en 1944-1945, pose l’Europe non comme un déterminisme, géographique, naturel voire biologique, mais comme un fait historique qui doit être analysé en termes de culture, de civilisation, et au final, de manière implicite, de projet politique relevant d’une série de dynamiques. Doit être encore citée de manière privilégiée la Storia dell’idea d’Europa de Federico Chabod (1961), qui a une tonalité particulière dans la mesure où l’important de la démonstration tient dans la succession et la réaccommodation de valeurs morales et spirituelles d’identification collective depuis le temps des Grecs jusqu’au XVIIIe siècle. Jean-Baptiste Duroselle a fait figure de pionnier tant en 1965 dans son Idée d’Europe dans l’Histoire, mettant en relief une conscience commune, que dans L’Europe, histoire de ses peuples (Paris, 1990), qui se situe dans la perspective de Pirenne et de Febvre ; y est dégagée une succession de scansions, depuis les mégalithes ou l’expansion celte jusqu’à la démocratisation des nations de l’Est, qui ont fini par déterminer un mouvement de dépassement des langues, des cultures, des conflits politiques ou économiques. Et là encore, on retrouve le mythe de la civilisation partagée…

9782070719365_1_75.jpgOn peut, entre autres travaux individuels ou collectifs, ajouter à cette sphère d’écriture Krzysztof Pomian, L’Europe et ses nations (Paris, 1990), puis Jacques Le Goff, La Vieille Europe et la nôtre (Paris, 1994) ou L’Europe est-elle née au Moyen Âge ? (Paris, Seuil, 2003). L’ouvrage de Denis de Rougemont, Vingt-huit siècles de l’Europe, la conscience européenne à travers les textes d’Hésiode à nos jours (Paris, 1961), est un produit militant issu de la réflexion de l’un des fondateurs du projet européen de l’après-1945. Notons encore Identités nationales et conscience européenne, sous la direction de Joseph Rovan et Gilbert Krebs (Paris, 1992). Et encore, L’Europe dans son histoire. La vision d’Alphonse Dupront, publié par François Crouzet et François Furet (Paris, 1998). Ou Penser l’Europe, d’Edgar Morin (Paris, 1987), qui met l’accent sur la complexité européenne, et sur le dialogue des pluralités ou l’interculturalité étant le moteur interne de l’histoire de l’Europe, « unitas multiplex ».

En troisième lieu, il faut relever l’axe très actif de l’histoire de la construction européenne, donc une histoire du terminus ad quem à épistémologie courte. Une étonnante prolifération d’ouvrages oscillant entre manuels et études d’intérêt général. Citons entre autres, et au milieu d’un océan textuel, Pierre Gerbet, La Construction de l’Europe (Paris, 1996), Serge Bernstein et Pierre Milza, Histoire de l’Europe contemporaine (2 t., Paris, 1992), Marie-Thérèse Bitsch, Histoire de la construction européenne, Paris, 1996, Gérard Bossuat, Les Fondateurs de l’Europe (Paris, 1994), P. Fabre, Histoire de l’Europe au XXe siècle, 1945-1974 (2 vol., Paris, 1995), Michel Foucher, Fragments d’Europe (Paris, 1993), etc. Une prolifération d’ouvrages érudits dont le propre est de gommer ou estomper, au profit d’analyses détaillées des mécanismes du processus de la construction européenne, la durée longue et en conséquence le questionnaire de la dialectique des possibles en amont de l’immédiate contemporanéité. Tout se passe comme si l’histoire de l’Europe devait être écrite et sur-écrite de manière nécessairement positiviste, sans qu’il soit tenu compte de la réflexion de Mark Mazower, pour qui la question est de savoir si « l’Europe a une histoire au sens habituel du mot1 ».

Le danger serait de partir à la recherche d’un invariant identifié, qui serait appelé Europe, qui aurait une histoire plus ou moins sinusoïdale, mais qui aurait « une histoire » en développement fait d’avancées et retraites, d’émergences et d’occultations, donc de significations et de désignifications se neutralisant dans une logique de l’incertitude ; alors qu’il faudrait articuler précisément « histoire » à ce qui serait sa négation même, une aporie autogénérée d’une pluralité de contingences négatives ou positives. Aporie au sens donné par Diodore Kronos dans l’analyse de Jules Vuillemin  : « Est contingent ce qui est possible et ce qui est non nécessaire, c’est-à-dire la conjonction logique de ce qui est ou sera et de ce qui n’est pas ou ne sera pas. Cette définition a pour effet qu’est contingent ce qui n’est pas et sera ou ce qui est et ne sera pas ou ce qui sera et ne sera pas2. »

En quatrième lieu, un autre axe a pris forme autour d’histoires de l’Europe œuvrant sur la longue durée mais en se fixant sur une chronologie particularisée pour les uns, autour d’une approche thématique pour d’autres. Citons, à titre d’exemples, les ouvrages qui ont fait le choix, sur une période distincte, d’analyser, dans les années 1960-1970, l’Europe par le biais de la problématique de la « civilisation » : La Civilisation de l’Occident médiéval (Jacques Le Goff), La Civilisation de la Renaissance (Jean Delumeau), La Civilisation de l’Europe classique (Pierre Chaunu), La Civilisation de l’Europe des Lumières (Pierre Chaunu), L’Europe des Lumières (Jean Meyer, 1989), Napoléon et l’Europe. Regards d’historiens (Thierry Lentz dir., Paris, 2004), etc. D’autres ont pris le parti d’analyser l’histoire européenne sous l’angle des villes, avec l’Histoire de l’Europe urbaine, sous la direction de Jean-Luc Pinol, Paris 2003 (t. I, « De l’antiquité au XVIIIe siècle, genèse des villes européennes » ; t. II, « De l’Ancien Régime à nos jours. Expansion et limites d’un modèle »)…

51CKH8GF8EL._SX327_BO1,204,203,200_.jpgOn pourrait encore évoquer le centrage sur la démographie, avec l’Histoire des populations de l’Europe éditée par Jean-Pierre Bardet et Jacques Dupaquier (3 vol., Paris, 1997), sur l’histoire de l’écosystème, avec l’Histoire de l’environnement européen de Robert Delort (préface de Jacques Le Goff, Paris, 2001). L’Europe peut encore s’écrire dans la longue durée de son histoire économique tendant vers une « unité organique » malgré ses « diversités », avec L’Histoire de l’économie européenne 1000-2000 de François Crouzet (Paris, 2000) : « On essaiera constamment de considérer l’Europe comme un ensemble, et de prêter attention aux relations entre ses diverses parties : au commerce intra-européen, qui s’est développé de bonne heure, notamment sur la base des dotations différentes en ressources de l’Europe du Nord et de celle du Sud ; à la diffusion des institutions, des organisations et des technologies, aux migrations de main-d’œuvre et de capitaux. On recherchera les forces qui ont rapproché les régions européennes et contribué à créer une économie européenne intégrée – même si ce ne fut que de façon lâche. Cependant, ni les forces centrifuges, ni les rapports avec le monde extérieur ne seront négligés… ». D’autres enquêtes se sont fixées dans la problématique de Les Racines de l’identité européenne, de Francis Dumont (Paris, 1999) ou de La Conscience européenne au XVIe siècle de Françoise Autrand et Nicole Cazauran (éd.) (Paris, 1983) ; ou dans le champ de l’histoire des relations internationales avec L’Ordre européen du XVIe au XXe siècle, dirigé par Georges-Henri Soutou (Paris, 1998) ou La Société des princes (Paris, 1999), de Lucien Bély.

L’Europe, malgré toutes ces tentatives, pâtit donc de la dispersion ou de la division de son histoire, d’une dramatique occultation de sens tenant en grande partie à ce que cette histoire est le contraire de ce qu’elle devrait chercher à être. Elle pâtit de ce que son histoire est écrite comme si elle était n’importe quelle histoire. Alors qu’elle doit s’analyser différenciellement. Écrire l’histoire revient à produire un système de contingences et intermittences multiples et pas seulement à fabriquer un discours cumulatif de données inspirant des parallélismes ou des convergences. Et c’est ce « faire comprendre » qui a manqué et qui toujours manque aujourd’hui. Le projet de ceux qui ont pris part à la confection de cet ouvrage est de prendre part à une autre écriture de l’histoire de l’Europe, qui serait « nouvelle » parce qu’elle serait moins facticiste ou téléologique que dialectique.

Le but est de fournir au lectorat universitaire comme non universitaire les lignes de forces d’une anthropologie historique des possibles, qui ne doit pas être subvertie par les forces démagogiques qui instrumentent les incertitudes, les angoisses, les fixations collectives. L’Europe ne serait pas alors à évaluer sous l’angle d’une quête de ses origines, de sa lente maturation, de ses échecs, de ses antagonismes internes, de ses expériences plus ou moins brèves et marquantes. L’Europe historique a en effet un trait comme structurel : elle est contingence et par là même elle se révèle en tant qu’herméneutique. Il y eut une Europe des humanistes, une Europe de la république des Lettres, une Europe des idéaux de 1789…, comme il y a eu à partir de 1951 et de la CECA le déclenchement de la mise en œuvre d’une Europe économique. Comme il y a eu une Europe des clivages de religion, des nations et nationalismes, des haines et des atrocités… L’Europe existe aussi, c’est ce que l’on tend à ignorer ou euphémiser, dans le sang et la violence.

C’est cette discontinuité dans l’ambivalence, qui est bien souvent gommée au profit d’une téléologie simpliste. D’où l’hypothèse que pour trouver un point d’origine à une réflexion qui se prévaut d’une histoire « magister vitæ », il faut aller vers les grands historiens qui ont tous croisé durant le XXe siècle, avec une intensité variable et des modes de polarisation différents, la nécessité herméneutique des possibles contingents de l’Europe ; qui ont pensé par l’Europe et pour certains pour l’Europe, parce que l’Europe donnait sens à l’histoire qu’ils entendaient réécrire ou reconstruire, donnait sens tout simplement. L’histoire est une succession de possibles plus ou moins réalisés et donc plus ou moins perdus, et l’Europe est alors la métaphore de l’histoire. Elle existe parce qu’elle se confond avec l’histoire.

C’est dans cette perspective qu’ont été ainsi distinguées dix-neuf grandes figures britanniques, allemandes, hollandaises, belges, italiennes, russes et bien sûr françaises qui, selon des stratégies différenciées, ont été conduites de manière plus ou moins parachevée et englobante à observer ou constater que l’Europe pouvait ou pourrait avoir eu sur le long comme les moyen et court termes une histoire conjointe transcendant les frontières établies et surtout les cadres analytiques présumés. Une histoire collective permettant autant de regarder vers un avenir dédramatisé que de déphaser dialectiquement l’étude de chaque construction géopolitique du passé vers la structure métasignifiante qu’est ou a été le cadre européen. Si l’on y réfléchit, tous ces grands historiens ont participé au grand changement de l’épistémologie historique parce que l’Europe, avec plus ou moins de centralité ou d’intensité, s’est glissée entre eux et leurs objets de recherche, qu’elle les a guidés dans leurs analyses de manière directe ou indirecte. Il ne s’est pas agi de faire l’inventaire de « tous » les historiens ayant intégré l’Europe dans leur épistémologie, mais de travailler sur les caractérisations et les déterminations d’approches tentant de produire l’Europe comme relevant autant de la distinction d’un référent commun que de mises en problèmes ouvrant au dépassement des habitus historiographiques et opérant sur les plans soit autonomes soit solidaires de l’histoire économique, sociale, culturelle, politique… De la nécessité donc de l’Europe dans la conscience des Européens parce que leur histoire, à tous ses niveaux travaillée et expertisée scientifiquement par les plus grands historiens, se pense par l’Europe, qu’ils ont été et sont historiquement des Européens de la dialectique des possibles et des impossibles de l’Europe, dans les temps de paix comme de guerre, malgré eux bien souvent…

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Répétons-le, il ne s’est agi ici que de procéder par une sorte de carottage dans les profondeurs du discours historique, car l’objectif n’a pas été de dresser un inventaire de tous les grands historiens ayant pensé par ou pour l’Europe. L’exhaustivité aurait entraîné trop loin, jusqu’à une remontée vers la seconde moitié du XVIe siècle ; alors les inventeurs de l’histoire parfaite tentaient en effet de tirer les leçons de la fin de l’unité chrétienne et des atroces déchirements qui étaient vécus dans le présent en opérant un dépassement géopolitique, comme Lancelot Voisin de La Popelinière avec L’histoire de France enrichie des plus notables occurrances survenues ez provinces de l’Europe & pays voisins, soit en paix soit en guerre : tant pour le fait séculier qu’eclésiastic. Quand les rêves les plus destructeurs et barbares s’emparaient des imaginaires dans le royaume de France du temps des guerres de Religion, l’Europe autorisait la prise de conscience d’une unité qui était douloureuse certes, mais aidait ceux qui étaient persécutés et qui étaient troublés au point de voir l’avenir fermé, à conserver l’espérance. Il aurait donc été possible de s’engager dans cette veine herméneutique sur la longue durée et de composer un ouvrage sur la distanciation positive que l’Europe a pu générer par rapport à l’immédiateté de son histoire. Une Europe qui était une thérapie.

Mais il a été préféré de mettre en action une dynamique de focalisation sur certains des historiens ayant participé du grand renouvellement historiographique du XXe siècle. Des historiens ayant mis en œuvre des procédures décentrant leur écriture de l’histoire « nationale » ou campaniliste ou de l’histoire globale (histoire des civilisations, World History, Connected History…) ; ceci soit en expérimentant que c’est par le détour obligé vers l’Europe que peuvent se construire les processus de compréhension de l’histoire dans tous ses points d’imputation, soit en usant d’une optique européenne leur permettant de penser ou de repenser un passé qui serait matriciel dans le présent de l’Europe en fonction de la détection de possibles contingents, et donc un futur en rupture avec les drames et conflits que cette dernière a connus. L’Europe donc pour penser l’histoire, ou l’histoire pour penser l’Europe. L’Europe pour ne pas rester enfermé en soi, mais pour se situer dans toutes les virtualités de ce « soi ». 

Il a fallu procéder à des choix. Georges Duby, pour ne citer que lui, est un des grands absents du livre, tout comme Benedetto Croce, ou Alphonse Dupront qui n’a pas été retenu puisque ayant donné occasion à une publication axée précisément sur son « européité » – L’Europe dans son histoire. La vision d’Alphonse Dupront (Paris, PUF, 1998). Quant à un autre grand absent du livre, Marc Bloch, c’est une absence subie qui doit être cette fois déplorée puisque l’auteur de la communication, pourtant spécialiste incontesté et donc incontournable, n’a pas daigné rendre son texte.

Le principe a été empiriquement d’isoler quelques parcours intellectuels qui ont lié la quête d’une alternative aux déchirements guerriers et nationalistes ayant affecté historiquement le continent au XXe siècle, et une écriture s’étant donné pour objectif le discernement, par voie comparatiste ou structuraliste et hors de toute téléologie, de ce que l’on peut appeler un « sens » transcendant les spécificités et les différences. L’Europe comme « matrice d’unité » s’imposant à l’écriture même à la fois de son histoire et de l’histoire, et dont l’évocation des jeux possibles et impossibles est aujourd’hui nécessaire en un temps peut-être périlleux de fragilisation. Comme quoi la nécessité exige bien, comme cela a été entrevu, une herméneutique de la contingence.

L’Europe n’a pas été alors pour nombre d’historiens l’objet d’une déclaration de foi les portant à chercher dans l’histoire un sens leur permettant de poser les cadres d’un dépassement heuristique. Elle a bien souvent été moins une finalité qu’un instrument cognitif fournissant un support ou une impulsion à leur réflexion, selon des objectifs et des procédures très variables, voire multiples. Une « matrice nourricière » selon l’expression d’Alphonse Dupront.

Elle peut se dissimuler, d’après Jean-Pierre Poussou, dans l’arrière-fond du travail du grand historien Trevelyan3 et ce à travers une fascination pour une Italie qui serait portée à « importer le modèle anglais sur le continent » et, de la sorte, à initier une autre histoire européenne, le paradigme libéral d’une supériorité de la civilisation anglaise s’enracinant dans les autres paradigmes de la république romaine et des républiques de la Renaissance signifiant l’avenir de l’histoire. Paradoxalement ou du moins en apparence, l’affirmation d’une supériorité britannique s’accompagne d’un regard sur l’Europe.

Pour le Russe Aaron Gourevitch, décrypté par son ancien secrétaire Pavel Ouvarov, ce furent sans doute ses propres études sur l’Angleterre du haut Moyen Âge puis sur la Scandinavie qui l’entraînèrent dans une mutation heuristique capitale remettant en cause les postulats marxistes obligés et façonnant une image de l’Europe médiévale concordant avec celle que présentait synchroniquement Jacques Le Goff. L’Europe, parce qu’elle avait un rôle historique particularisé dont l’anthropologie permettait de dessiner les contours et parce qu’elle nécessitait de penser autrement, fut ainsi l’agent d’une grande remise en cause idéologique anticipatrice puis accompagnatrice de l’effondrement de l’URSS. Un effondrement qui rendit à l’Europe une partie d’elle-même.

Quant à John Bossy, on peut deviner qu’il polarisa ses enquêtes sur l’Europe moderne parce que l’Angleterre, son premier champ d’études, le conduisit à faire le tableau d’un catholicisme résiduel, fonctionnant en parallèle des sectes protestantes, et que cette situation de marge sollicitait à ses yeux la remontée dans un espace-temps européen antérieur aux ruptures du XVIe siècle ; d’où la nécessité d’analyser, dans leurs impacts civilisationnels, les mécanismes des changements religieux conditionnant le phénomène de grand basculement d’un temps vers un autre. Seule l’Europe semble permettre de penser et de comprendre, et pour l’historien, de compenser, selon Joseph Bergin, la sensation de « vide » que pouvait éprouver un catholique dans un univers majoritairement protestant. Elle renvoie en tant qu’objet analytique à des expériences personnelles diverses et divergentes mais surtout à la prise de conscience de la nécessité de comprendre celles-ci à partir du principe d’un dépassement géopolitique qui fait donc dialoguer le passé avec le présent et le présent avec le passé.

41LnlLCKwkL._SX290_BO1,204,203,200_.jpgOn peut poursuivre avec Ernst Kantorowicz et son parcours qui le mène tout d’abord de Frédéric II, empereur-sauveur, et d’un attachement à un Reich imaginé régénérateur, de la foi dans le génie de la nation allemande, au boycott de ses cours par les étudiants nazis, puis à son exfiltration d’Allemagne. Parvenu aux USA et nommé à Berkeley, il doit affronter le maccarthysme en se faisant le défenseur d’une conception européenne de l’université à laquelle il reste attaché. Et son œuvre, qui est alimentée de multiples sources puisées dans des espaces et des temps différents, Gérald Chaix l’écrit, dépasse les évidences dans un paradoxe apparent : parce que sa « perspective est d’emblée européenne, même si, dans sa lecture impériale, il attribue à une Allemagne imprégnée de romanité un destin privilégié. Elle le demeure lorsque les circonstances, mais aussi ses propres choix, l’en éloignent. Elle se précise lorsque étudiant la conception anglaise des deux corps du roi, il situe explicitement celle-ci dans la construction chronologique et géographique d’une histoire européenne nullement close sur elle-même. » Kantorowicz pense par l’Europe. L’Europe conditionne sa pensée et son inventivité d’historien.

C’est paradoxalement encore que Reinhardt Koselleck a posé les fondements, ambigus sans aucun doute parce que déterminés au sein d’une dialectique plus ou moins consciente de la culpabilité/déculpabilisation, si l’on suit l’étude de Thomas Maissen, d’une construction conceptuelle certifiant que c’est par l’Europe que s’expliquerait l’aventure nazie inscrite dans un phénomène de « guerre civile » européenne ayant désormais réalisé sa migration dans une guerre civile mondiale, mais enracinée dans le champ conceptuel de Lumières du XVIIIe siècle qui ont été européennes. Ici l’Europe fixe l’écriture parce qu’elle sert à déspécifier une histoire, à la désintégrer en la sortant en quelque sorte d’elle-même, de ses jeux particularisés.

À l’inverse, peut-on souligner à travers l’analyse de Jean-François Dunyach, le travail de Hugh Trevor-Roper sur la crise générale du XVIIe siècle, s’il permet de définir une Europe frappée par un continuum de crise, de scansions ayant des origines et des conséquences identifiables selon les différents pays, n’en ouvre pas moins à la valorisation d’« une communauté, unique, de destins au pluriel » et donc à la restitution d’une histoire dialectique qui fait travailler ensemble l’unité et la multiplicité.

Et avec Robert Lopez, Jean-Claude Marie Vigueur démontre que l’Europe médiévale est un moyen de penser l’histoire à l’échelle du monde puisqu’elle permet de partir à la recherche de ce qui a fait sa spécificité, l’essor de l’individualisme et donc ce que l’on pourrait appeler un état d’esprit. L’Europe autorise la désignation de ce qu’il faudrait nommer « une révolution mentale » articulée à la révolution commerciale, il faut aussi voir que le processus de changement doit être mis en rapport avec les grandes catastrophes qui ont marqué le reste du monde et dont l’Europe n’a pas connu l’intensité destructrice. Finalement l’histoire de l’Europe aide à saisir le pourquoi de l’agencement du mouvement en histoire et donc de la dynamique dialectique des contingences. Elle veut moins assurer d’une identité que produire une théorie expérimentale de l’histoire mettant en avant la part de l’individualisme.

La réflexion de Fernand Braudel, originellement méfiant quant à déterminer ce que peut être l’Europe face à l’unité qu’il détecte dans la Méditerranée, est aussi une réflexion sur le « mouvement », le changement qui donne « un destin » à l’Europe. Sans l’Europe rien ne peut se comprendre car l’Europe est investiguée comme devenant la « plus vaste Europe » qui tend à se confondre avec le monde ; elle ne se caractérise plus par sa géographie continentale car elle est un cheminement vers la totalité, vers le sens de l’histoire. Elle fait glisser l’historien vers une forme de philosophie de l’histoire, de la nécessité de l’histoire telle qu’elle s’est à l’échelle du monde inventée. Ainsi pour Braudel, la grammaire de l’Europe serait devenue la grammaire du monde, et le monde serait devenu l’Europe dans une sorte d’englobement rétroactive d’une totalité par une autre. Où l’on retrouve toujours et encore, d’une autre façon proposée, l’idée que l’Europe, pour les historiens, a été le moyen pour penser l’histoire, parvenir à la conceptualiser dans une dialectique mettant en action le particulier et le général, l’un et le tout. À la faire basculer dans une « nouvelle histoire ».

Johan-Huizinga-1872-1945-historian.jpgPenser par l’Europe, mais aussi penser pour l’Europe. La seconde partie du livre s’attache à une autre modalité de mise en problème historique de l’Europe. Avec en ouverture bien sûr, Johan Huizinga qui traduit une volonté d’écrire une histoire de l’Europe dans la perspective d’une fin de durée, un « automne » du Moyen Âge d’abord franco-bourguignon caractérisé par une exacerbation d’affects contradictoires, l’exubérance d’une vie contrastée mais commune. Et ensuite, après les idéaux chevaleresques, il y eut les idéaux renaissants qui transcendèrent la diversité des hommes et des nations. Et Jean-Baptiste Delzant d’insister sur un point : l’Europe de Huizinga est d’abord un « esprit » transhistorique qui en appelle à un « besoin d’unité civilisatrice » et donc à une exigence morale partagée et conceptualisée, entre autres, par Érasme. L’histoire apparaît tel un bouclier, une mise en défense contre les idéologies négatives ultranationalistes, contre les ruines qui en adviennent et en sont advenues au cours du XXe siècle, et pour Huyzinga, de ce fait, elle a un avenir et un présent : « donner corps à une unité désirée… ».

Henri Pirenne et son Histoire de l’Europe peuvent alors intervenir. Marc Boone et Sarah Keymeulen, d’emblée, insistent sur l’aspect thérapeutique de l’écriture, qui fait penser l’Europe comme « une communauté dynamique » se renouvelant après des séquences de dépressivité dont l’une, celle d’après 1918 et plus encore des années trente, contraint l’historien belge de la Belgique, avec d’autres, à repenser son métier dans le sens d’une dénonciation des divagations racisto-nationalistes des nazis. Mais cette prise de position résolument « internationaliste », humaniste, libérale et pacifiste se combine avec une affirmation de la Belgique comme môle symbolique : « l’idée d’une certaine Europe ne servait pas uniquement à démontrer l’existence d’une identité belge […], mais également à souligner la mission diplomatique du pays pour promouvoir en Europe la coopération, la paix et le progrès ». L’historien est le révélateur d’un fonctionnement du particulier au général et du général au particulier…

Il n’est peut-être pas absurde alors de faire un parallèle avec Norbert Elias, parvenant à une histoire européenne par les biais de la sociologie, de la psychologie, des émotions, mais aussi guidé, selon Francisco Bethencourt, sans aucun doute dans la mise en exergue de la formation d’une civilisation des mœurs courant en Europe depuis Érasme par le désir d’identification historique d’un contre-monde qu’il subissait et qui l’avait chassé de son Allemagne natale. Ou plutôt d’une contre-impulsion replaçant la violence au cœur de la vie des hommes. Car la civilisation des mœurs sur laquelle Elias se met au travail, et qu’il scrute attentivement, associe une pacification des relations sociales à une régulation passant par l’autocontrainte des individus. L’histoire à nouveau comme une thérapie qui ne se dit pas, mais qui cherche à analyser la disciplination sociale jadis structurée autour des pouvoirs étatiques au moment même où elle se défait en une sauvagerie encadrée, légitimée par des idéologues animés par une pensée mortifère et criminelle. Ou plutôt en une décivilisation des mœurs.

Si l’histoire s’écrit comme une défense face à l’angoisse de voir un monde se défaire, à la peur, elle peut aussi être édictée par un désir militant d’action et donc de paix. Et alors il est difficile de savoir ce qui guide la pensée de Henri Hauser, ce qui façonne son engagement d’historien, du passé et de ses conflits, de ses développements économiques ou de ses modes de domination, ou du présent. Comme l’écrit Claire Dolan, « L’histoire devient alors le témoin des idées qu’il défend », mais ses idées, par exemple celles qui touchent à l’application du droit et qui lui font mettre en avant le principe de compromis, lui viennent aussi de son expérience de l’analyse historique. « Par l’histoire, Hauser place donc la France au cœur d’un ensemble beaucoup plus vaste dont il faudra gérer les relations entre les éléments. L’apport français est intellectuel, il fournit les arguments pour penser l’Europe, mais laisse aux diplomates le soin d’en imaginer l’organisation concrète. »

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Federico Chabod

En Italie, il y a eu Federico Chabod qui s’attacha à construire le lien opératoire du Risorgimento et du Rinascimento, en passant par les Lumières et la Révolution française. Donc une autre voie analytique intégrant cependant un cadre dialectique puisque sans l’Italie, rien n’aurait pu être possible mais puisque aussi sans l’Europe il n’y aurait eu, en Italie et ailleurs, que de la non-conscience de soi. Le Prince de Machiavel, si l’on suit Guido Castelnuovo, joue alors comme paradigme donné par l’Italie à l’Europe puisque posant les fondations d’un mode de pensée et d’action défini, au-delà de la morale, par « la liberté et la grandeur de l’action politique, la force et l’autorité du pouvoir central ». L’histoire est, pour Chabod, l’histoire de l’idée d’Europe, de ses « traditions morales et culturelles, nous oserions dire plus que son présent, son passé… », mais dans une nécessité de s’interroger sur ce qu’a pu être la trame inventive d’une conscience de l’Europe et sur ce que cette conscience peut dicter au présent comme sens… Un Chabod proche d’Alphonse Dupront dans son épistémologie mettant en valeur le concept de « matrice ».

Avec Lucien Febvre, l’historien « pour l’Europe » acquiert une grande densité, même si le livre qui aurait pu être écrit n’a jamais vu le jour. L’Europe est une « civilisation », mais dont les points d’ancrage sont des terres et des eaux méditerranéennes, puis des tracés de voies et de routes dans l’espace, et enfin des métissages advenus avec les invasions. Febvre s’engage dans une vision filmographique, d’une Europe carolingienne qui doit son unité à l’Église avant tout, une Europe dont le tissé de la trame passe et repasse du politique au religieux, puis à l’économique et au culturel : jusqu’à, après la Renaissance, un XVIIIe siècle au cours duquel l’Europe est devenue une « patrie ». Le grand drame découle de l’événement pourtant positif qu’a été la Révolution, avec l’émergence des nations et des nationalismes, quand deviennent anachroniques les rêves d’équilibre et de paix et quand le malheur surgit d’une succession de guerres intraeuropéennes. L’historien se voit donc récepteur d’une mission, la mission de comprendre comment un sens de l’histoire s’est perdu et comment un autre sens a pu prendre le dessus, et donc empêcher que par l’oubli du passé les chemins de la haine demeurent libres d’accès. D’où un appel, parce que l’Europe est aussi mondiale, à produire de l’espoir, en créant une Europe. L’historien se doit d’inventer une herméneutique que lui seul peut agencer et qu’il a le devoir éthique de formuler, car lui seul connaît les mystères du passé puisqu’il a secoué les blocages d’une histoire engoncée dans ses anachronismes structurels et dans ses illusions facticistes. « Penser l’Europe, pour Febvre, c’est aussi la penser en fonction des cadres de pensées, de l’outillage mental qui forment l’architecture d’une civilisation. »

Avec Eric Hobsbawm examiné par Mark Greengrass, un autre paradigme est à l’œuvre, parce que jouent le marxisme et donc un engagement politique affirmé. L’Europe est présente d’abord parce que l’historien a vécu une vie européenne et qu’en conséquence sa propre expérience formate son écriture, et aussi parce que l’internationalisme faisait partie de lui-même ; mais elle s’estompa dans la mesure où ce sont les mutations du monde qui se lisent pour lui au filtre des événements européens et de la pluralité historique des transformations révolutionnaires que ces derniers suggèrent. Ce qui compte plutôt alors, c’est « la diversité et le caractère indéterminé des “nombreuses Europes” » qui jouent historiquement ; et alors le fait essentiel est que l’Europe, moins qu’un « sujet d’étude », est un « processus ».

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Pierre Chaunu

Ces Europes plurielles, elles sont mises en scène par Pierre Chaunu dont Yann Rodier reconstitue les cheminements intellectuels : impossibilité de penser l’Europe moderne sans faire référence à l’européanisation du monde, impossible de penser la modernité européenne sans postuler que ses origines sont d’ordre démographique, impossible de penser l’Europe triomphante sans intégrer dans son histoire sa « révolution » scientifique ; impossible de penser l’Europe sans partir de son histoire religieuse pour assimiler ce qu’a été un « système de civilisation » lisible des débuts de l’âge classique à l’âge des Lumières ; impossible de lire l’histoire du temps présent sans user de la focale de l’histoire du passé, sans donc faire mouvement vers une écriture qui n’a de sens que son présent et qui rêve prophétiquement d’une Europe confédérale marquant une ultime étape de la modernité dans la transition de l’État nation à une communauté humaine du futur. Une Europe qui transcenderait l’angoisse d’une décadence que l’histoire suggère aussi à l’historien…

L’itinéraire de Jean-Baptiste Duroselle retient ensuite l’attention de Laurence Badel. Flexible et évolutive au fur et à mesure que les années avancent, l’histoire se fixe la visée de venir en appui de la construction européenne, jusqu’à aller vers la vision d’une identité de longue durée qui serait celle d’une « civilisation européenne » intégratrice. « En historien engagé, Duroselle alimente le topos de l’heure, celui de l’Europe “close”, de l’Europe-forteresse qui s’est développé au tournant des années 1980-1990, en Europe et sur d’autres continents et, contre “Bruxelles”, il prend position pour la transformation de l’Europe en une confédération qui respecterait la diversité des cultures et institutions nationales et serait susceptible de susciter la “passion des peuples”. »

Cette succession de grandes figures s’achève avec Jacques Le Goff. Être historien de l’Europe médiévale, c’était, selon Jacques Chiffoleau, entrer dans un monde parallèle de l’Europe scindée par un mur et dire que ce mur n’était pas inéluctable. Aborder ensuite l’histoire de l’Europe médiévale par le biais de l’anthropologie, c’était briser les clivages de frontières temporelles et spatiales, briser des champs épistémologiques étroits et dépassés. Enfin quand commence à s’obscurcir ou se complexifier l’horizon européen, écrire l’histoire, c’était écrire une histoire pour l’Europe. « Faire l’Europe par l’histoire et imaginer ce que peut être l’Europe, dans l’oscillation entre unité et diversité, à travers ce qu’a pu être son Moyen Âge – peut-être mythifié, euphémisé toutefois. Une histoire qui n’est pas d’abord politique mais plutôt culturelle, même si les difficultés de la construction européenne renvoient toujours au poids des états nationaux. »

Ainsi se clôt ce livre, sur l’hypothèse que si aujourd’hui il y a une crise du projet européen, c’est aussi parce que l’histoire n’accomplit plus son travail…, qu’elle tend à ne pas poursuivre dans les chemins parcourus au XXe siècle par de grands historiens en dépassant leurs intuitions : c’est-à-dire en appréhendant l’Europe non pas comme une fin, mais comme le premier pallier d’une anthropologie humaniste de la globalité permettant d’aller dans un second mouvement vers la certitude d’une universalité4Screenshot 2017-08-24 23.44.37

Denis Crouzet (dir.), Historiens d’Europe, historiens de l’Europe. Défense et illustration de l’histoire de l’Europe, Ceyzérieu, Champ Vallon, 5 octobre 2017, 388 p., ici p. 7-21.

Reproduction avec l’aimable autorisation de l’auteur et de Champ Vallon. En dehors des italiques, les emphases sont celles du GEG. 


Denis Crouzet est professeur d’histoire moderne à l’université Paris-Sorbonne, titulaire de la chaire d’histoire du XVIe siècle, Corresponding Fellow de la British Academy et auteur d’une œuvre immense consacrée à l’anthropologie des violences religieuses, aux processus de pacification en Europe, à l’histoire des imaginaires et à la pensée politique des débuts de l’époque moderne. Ses ouvrages incluent notamment Les guerriers de Dieu : la violence au temps des troubles de religion, vers 1525-vers 1610 (Champ Vallon, 1990, rééd. 2005), La nuit de la Saint-Barthélemy : un rêve perdu de la Renaissance (Fayard, 1994), La Sagesse et le Malheur : Michel de l’Hospital, chancelier de France (Champ Vallon, 1998), Dieu en ses royaumes : une histoire des guerres de Religion (Champ Vallon, 2008) et Charles Quint : empereur d’une fin des temps (Odile Jacob, 2016). Avec Jean-Marie Le Gall, il est également l’auteur d’un essai sur le rôle que peut jouer l’histoire dans la compréhension de la violence sacrale contemporaine (Au péril des guerres de Religion, PUF, 2015).

Nous reviendrons prochainement plus en détail avec Denis Crouzet sur le contenu de l’ouvrage et sur le tissage de nouveaux liens entre histoire et géopolitique de l’Europe. L’abonnement à notre lettre hebdomadaire vous permettra d’en être tenu informé.

mercredi, 25 octobre 2017

Identity, Theism & The Religion Of Capital

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Identity, Theism & The Religion Of Capital

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Ex: http://www.usa.forzanuova.info

In the modern world, and particularly in the “West”, we have slipped into a devastating pattern of deconstructionism. We’ve deconstructed with pseudo-intellectual lines of attack all of the traditional institutions and paradigms that have held our society together; gender, race, sexuality, religion – the list could potentially be perennial. Anything and everything that held together a people within a group identity has been deconstructed, thereby removing its inherent value and purpose.

Religion is perhaps the greatest example of this and certainly the battleground in which we first encountered the deconstructionist. With the advent of the modern era, with science and the values of enlightenment, we have “disproved” many previously held religious axioms. Most notably of course, and an example with which everyone is familiar, the belief in Darwin’s evolutionary theory as an antithesis of creationism. Once science can effectively disprove the opening chapter of the Holy Bible, the door has been wedged open for the great deconstructionist to begin extracting the value from the rest of the book.

Never mind the fact that the bible contains many lessons from which one might come to lead a better life; never mind the fact that much of the bible should be understood as metaphor as opposed to magic and miracles; once they can defeat one area in the field of battle, they will not stop until there remains no value in a concept.

Thus the Christian way of life was brought down in the west – and I lament this, despite practising a different faith myself. I lament the passing of this system due to the simultaneous loss of group identity it has caused as a side effect, or perhaps the former was a catalyst for the latter. Whatever the cause of the process, the action and reaction, the facts remain the same; the loss of group identity on a community and national level has occurred in direct proportion with the decline of religious faith.

The reason for this is quite simply. Our societies and communities, on a micro and macro level, were built around the Church. The Church was the focal point of the community, a place where one’s fellow kith and kin would gather at least once a week in unified faith. Every major event in our lives was in the domain of the Church; birth, marriage and even death. We celebrated Easter together, the Harvest together, Christmas and Lent and so on and so forth. Even social issues that have now been taken over by the state – with charity being the greatest example of this – were previously under the remit of the Church.

British society is a great example of this. For better or worse, the Church and faith in the Christian religion held society together, even offering legitimacy to the royals and morale for the armies. Whilst I am not a Christian and I believe that a different faith and ethics system is preferable, that’s just personal taste – the focus point of this discussion isn’t necessarily the particular religion, but the system of society that collective belief in a religion generally brings about; cooperation, a sense of belonging, goodwill to one’s neighbour, charity, asceticism.

Another example of this, and perhaps useful for a “compare and contrast” exercise, is the Islamic world. The Islamic world has soundly rejected atheism as a theory and has instead embraced a more traditionalist, more conservative approach to their faith, which in many cases has become almost reactionary as a response to Western-backed atheism. Whilst many of you may not agree with the values of Islam, not one of you can deny that their collective faith gives Muslims a strong sense of identity that many of us in the Western world sorely lack.

The great lie that the deconstructionists fed to us is that one can either be rational, or spiritual. These concepts are, to those who seek to remove the latter, absolutely mutually exclusive. The implication being that by entertaining a degree of spirituality one is by definition, lacking in a logical understanding of the world and their environment. This is false; very few theists claim that their religion should be practised like a child with blind faith in Santa. The belief in a “man in the sky” is not a prerequisite for theism – on the contrary, many theologists will confirm that one can be an ardent Christian without believing literally in the book of Genesis, for instance.

Yet this is how we’ve been taught to view such issues, in grossly absolutist terms that do a disservice to those who do follow a spiritual path. We are given a black and white interpretation that says you’re either with science – and by definition against religion – or against science – and by definition, stupid. The mockery directed at those who practise faith, that sometimes extends to borderline social ostracism, has been weaponised by the deconstructionists to deprive the collective of its identities.

The free-market also has a lot to answer for in this regard. The pressure by free-marketeers to loosen traditionally restricted trading hours, most notably the Sunday Trading Hours laws that have been introduced in the United Kingdom, have turned what used to be time for reflection, community, charity and family, into yet more time for materialist pursuits and mindless, atomised consumerism. In this way, a religiously traditional society is a great threat to the free-market, as it restricts the number of hours the giant capitalists have to make money.

More broadly, neo-liberal Western capitalism has been one of the driving forces behind the challenges to traditionally spiritual societies – hence why Islamic societies fight so vehemently against the doctrine. The proponents of such doctrines – ironically the “conservatives” who claim a Christian foundation – only have one belief system, one faith, and one God: capital. Money and only money is their raison d’etre. They live for no higher purpose, no greater collective mission and nothing other than the accumulation of capital – what a sad existence that must be!

But its effects on Western societies have been momentous. Many in Europe often claim Islam is the fastest growing religion in the continent and, of course, they’re not wrong, but one cannot overlook the fact that the atheistic are the fastest growing demographic more generally. And in any case, it is difficult to separate atheism from the umbrella term of “religious groups”, given their undying profession of eternal love for and their steadfast belief in capital – in a way, this in itself amounts to a religion. It certainly has characteristics of religion that they themselves overlook.

As we know, the belief in money and the accumulation of capital as the only notion to hold inherent value serves no greater purpose than to remove collective identities. Whether it be from the right, the neo-liberal capitalists, or from the left, the individualist social democrats, the prevailing political paradigm of our time is money above all, and identity below everything.

Thus it can be said that, rather than the irreligious being the fastest growing demographic in Western societies, it is in fact those bereft of collective identity who are truly prevailing. As I alluded to earlier on in this piece, I’m not a Christian, and nor do I believe that the rise of Islam is a good thing purely because it’s a religious doctrine combatting an irreligious doctrine. Rather an atheist West than a theist East – yet I can’t help feel somewhat envious of those in the Islamic world, for they have retained their belief in the spiritual and their comradeship of the collective.

Perhaps the West, as opposed to their perennial cycle of teaching foreigners liberal democracy, should take a step back and ask what lessons we could learn from them.

mardi, 24 octobre 2017

Friedrich Schleiermacher: The Father of Modern Theology & a Prophet of German Nationalism

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Friedrich Schleiermacher:
The Father of Modern Theology & a Prophet of German Nationalism

Part 1

“I feel sure that Germany, the kernel of Europe, will arise once more in a new and beautiful state, but when this will happen, and whether the country will not first have to experience even greater difficulties […] God alone knows.” — Friedrich Schleiermacher, 1806[1] [3]

“. . . were you not mine, I should not have felt so conscious of how true is my patriotism and my courage. As it is, however, I know that I may place myself on a level with whomsoever it may be, that I am worthy of having a country I can call my own, and that I am worthy of being a husband and a father. […] Now, this is just my vocation – to represent more clearly that which dwells in all true human beings, and to bring it home to their consciences.” — Friedrich Schleiermacher, in a letter to his wife to be, Henriette von Willich, 1808[2] [4]

Friedrich Schleiermacher is generally recognized as the father of modern theology,[3] [5] and considered the most influential Protestant theologian since John Calvin. At the beginning of the nineteenth century, Schleiermacher redirected the course of Protestant theology by breaking the stalemate of rationalism and orthodoxy.[4] [6] The rise of neo-orthodoxy in the twentieth century, led by Karl Barth, was in many ways a reaction to the influence of Schleiermacher. After World War Two, Schleiermacher was treated with suspicion, since he was a Romantic, a German idealist, and an advocate of nationalism, culturally conditioned Protestantism, and the German Volksgeist.[5] [7] To him, the essence of religion was an inward disposition of piety, rather than outward practices or written dogmas.[6] [8]

Early Life

Friedrich Daniel Ernst Schleiermacher was born in 1768 in the Silesian town of Breslau in Prussia (now Wroclaw in Poland). He was the son of a Reformed pastor who served as a chaplain in the Prussian army.[7] [9] At fourteen, Schleiermacher was placed in a school of the Moravian Brethren, or Herrnhuters, a Pietist congregation. The Moravians emphasized an intense devotion to Jesus and a vivid communion with him, resulting in the immediate presence of God, experienced within the self. This had a profound influence on Schleiermacher. At the Moravian school he also got a humanistic education based on the study of Latin and Greek.[8] [10] He enrolled in a Moravian seminary at sixteen to become a pastor. At the seminary, the students were forbidden from reading modern writers like Goethe, or the investigations of modern theologians and philosophers into the Christian system and the human mind. Schleiermacher asked his father for permission to enroll at the University of Halle instead, telling him that he no longer believed in Christ’s vicarious atonement. His father reluctantly agreed, believing that “pride, egotism, and intolerance” had taken possession of him.[9] [11] “Go then into the world whose approval you desire,” he told his son.[10] [12]

Schleiermacher matriculated at Halle in 1787. The leading philosopher at Halle then was Johann August Eberhard, who acquainted his students with a thorough knowledge of Kant’s philosophical system, and introduced them to the history of philosophy, and philosophers like Plato and Aristotle. For many years, Schleiermacher devoted himself to the study of Kant’s philosophy,[11] [13] and for a while he thought he’d lost all faith except in Kantian ethics.[12] [14]

In 1796, Schleiermacher moved to Berlin when he was appointed as a Reformed chaplain at Berlin’s main hospital, the Charité Hospital. There, he became acquainted with a circle of Romantics, who sought unity in their lives by completely devoting themselves to something they thought worthy of devotion. Their ideas centered around inward feeling, idealism and the growth of individuality. There, Schleiermacher met the poet Friedrich Schlegel who became his friend and had a significant influence on him.[13] [15] Schleiermacher understood individuality to be the designation of each individual in the order of things by divine providence: “Your obligation is to be what the consciousness of your being bids you to be and become.”[14] [16] His relationship with the Romantics was somewhat ambivalent. He noted that all people with artistic nature had “at least some stirrings of piety.” But ultimately, Schleiermacher wrote, “imaginative natures fail in penetrative spirit, in capacity for mastering the essential.” Wilhelm Dilthey wrote about Schleiermacher’s time with the Romantics: “Like every genius he was lonely in their midst and yet needed them. He lived among them as a sober man among dreamers.”[15] [17] Schleiermacher was repeatedly embarrassed and humiliated by their social impropriety and inability to function in the real world.[16] [18]

Together, Schleiermacher and Friedrich Schlegel decided to begin the monumental task of producing the first German translation of Plato’s works. But Schleiermacher could not count on Schlegel, and soon he had had to work on the translation alone. The work took many years and the volumes were published intermittently between 1804 and 1828, although not all dialogues were translated. Still today, Schleiermacher’s translations are the most sold paperback editions of Plato in Germany and are authoritative translations for scholars. Dilthey claimed that through them, “knowledge of Greek philosophy first became possible.”[17] [19] The work on the translation was to have a profound effect on the development of Schleiermacher’s philosophy.

The Speeches on Religion

Bothered by the Romantics’ hostility toward religion, Schleiermacher wrote his most famous work, On Religion: Speeches to Its Cultured Despisers (Über die Religion: Reden an die Gebildeten unter ihren Verächtern), in 1799, which made him instantly famous. In it, Schleiermacher attempted to discern the spirit or idea of pure religion, just as Kant had done for pure reason. In this early work his philosophical and theological ideas were still unformed and would evolve in the following years.

9780521357890-us-300.jpgSchleiermacher thought that the Romantics’ criticism of religion applied only to external factors such as dogmas, opinions, and practices, which determine the social and historical form of religions. Religion was about the source of the external factors. He noted that, “as the childhood images of God and immortality vanished before my doubting eyes, piety remained.”[18] [20] He distinguished religion from “vain mythology” that conceived God as an outside being who interfered in history or natural events, although he thought Christianity should retain its mythical aspects and language as long as it was recognized as myth. Beliefs or knowledge about the nature of reality were also to be separated from religion.[19] [21] After Kant, the old-world view with its metaphysical idea of God was no longer possible. Martin Redeker explains: “On the basis of critical transcendental philosophy God cannot be the object of human knowledge, since human knowledge is bound to space and time and the categories of reason, i.e., the finite world.”[20] [22]

True religion, according to Schleiermacher was the “immediate consciousness of the universal being of all finite things in and through the infinite, of all temporal things in and through the eternal.”[21] [23] Feeling was the essence of his idea of religion, feeling of the eternal in all that has life and being. Feeling was only religious though, if it imparted a revelation of the spirit of the whole. That was God, the highest unity, being felt.[22] [24] Schleiermacher defined feeling as the pre-conceptual organ of subjective receptivity that makes thought and experience possible. Feeling is self-consciousness itself, the unifying property of the self that pre-reflectively apprehends the world as a whole.[23] [25] It is the primal act of the spirit before reality is divided into subject and object. An existential experience of revelation is the basis of faith and the certainty of salvation, not correct doctrines or theological formulations.[24] [26]

In contrast to Romantic religious individualism, Schleiermacher claimed that religion was social or nothing at all, since it was “man’s nature to be social.” The more one is stirred by religious feelings, “the more strongly his drive toward sociality comes into play.” A religious person, therefore, must interact with other people and do his part in the Christian church, which is the social form of the idea of true religion. Although, corruption is to be expected when the eternal steps down into the sphere of the temporal and must adapt to historical and political realities.[25] [27]  What characterizes Christianity is the conflict of the infinite and finite in human history, and through Christ’s reconciliation this conflict is overcome. Thus, Christianity is by nature a polemical religion, critical of culture, of religion, and above all of itself.[26] [28]

Many readers, including Johann Wolfgang von Goethe, found Schleiermacher’s account of the essence of religion wonderful, but his attempt to justify church Christianity disappointing. Georg W. F. Hegel admired On Religion, but later the admiration would turn to hate. It has been suggested that it was partly because Hegel envied Schleiermacher’s work on Plato, Heraclitus, and the dialectic, although their later rivalry at the University of Berlin seems an adequate cause.[27] [29]

In this early work, Schleiermacher shows some prejudice toward his neighboring countries, when he asks who could fathom his testimony: “To whom should I turn if not to the sons of Germany? Where else is an audience for my speech? It is not blind predilection […] that makes me speak thus, but the deep conviction that you alone are capable, as well as worthy, of having awakened in you the sense for holy and divine things.”[28] [30] According to Schleiermacher, the English, “whom many unduly honor,” are incapable of attaining true religion, for they are driven by the pursuit of “gain and enjoyment.” He continues, “their zeal for knowledge is only a sham fight, their worldly wisdom a false jewel, […] and their sacred freedom itself too often and too easily serves self-interest. They are never in earnest with anything that goes beyond palpable utility.”[29] [31] The French are worse: “On them, one who honors religion can hardly endure to look, for in every act and almost in every word, they tread its holiest ordinances under foot.” The “barbarous indifference” of the French people and the “witty frivolity” of their intellectuals towards the historical events taking place in France at the time, (the French Revolutionary Wars) shows how little disposition they have for true religion. “What does religion abhor more than that unbridled arrogance by which the leaders of the French people defy the eternal laws of our world? What does religion more keenly instill than that humble, considerate moderation for which they do not seem to have even the faintest feeling?”[30] [32]

Professor at Halle and Christmas Eve

In 1804, the Prussian government called Schleiermacher to the University of Halle as professor and university preacher.[31] [33] The following year, he wrote Christmas Eve (Die Weihnachtsfeier), a work in the style of Plato’s dialogues. It is a conversation among a group of friends gathered on Christmas eve, discussing the meaning of the Christmas celebration and Christ’s birth.[32] [34]

10954134.jpgThe dialogue begins with the historical criticism of the Enlightenment, claiming that although the Christmas celebration is a powerful and vital present reality, it is hardly based on historical fact. The birth of Christ is only a legend. Schleiermacher rejects the historical empiricism of the Enlightenment since it results only in the discovery of insignificant causes for important events and the outcome of history becomes accidental. This is not good enough, “for history derives from epic and mythology, and these clearly lead to the identity of appearance and idea.” Therefore, he says, “it is precisely the task of history to make the particular immortal. Thus, the particular first gets its position and distinct existence in history by means of a higher treatment.”[33] [35]

Speculation and empiricism must be combined for historical understanding: “However weak the historical traces may be if viewed critically, the celebration does not depend on these but the necessary idea of a Redeemer.”[34] [36] Since men lack the unity and harmony of primordial nature and whose nature is the separation of spirit and flesh, they need redemption.[35] [37] The birth of Christ, “is founded more upon an eternal decree than upon definite, individual fact, and on this account cannot be spoken of in a definite moment but is rather elevated above temporal history and must be maintained mystically.” Festivals like Christmas simply create their own historical background.[36] [38] But the myth of Christmas is far from arbitrary: “Something inward must lie at its basis, otherwise it could never be effective nor endure. This inner something, however, can be nothing else than the ground of all joy itself.”[37] [39]

Schleiermacher understands Christmas as the event when eternal being enters the finite becoming of history, influenced by the Platonic ideas, the archetypes of pure being. The spirit thus reveals himself in history and brings mankind to self-consciousness.[38] [40] The celebration of the eternal is what sets Christmas apart from other festivals.

Some, to be sure have attempted to transfer the widespread joy that belongs to the Christmas season to the New Year, the day on which the changes and contrasts of time are pre-eminent. […] The New Year is devoted to the renewal of what is only transitory. Therefore, it is especially appropriate that those who, lacking stability of character, live only from year to year should make an especially joyful day of it. All human beings are subject to the shifts of time. That goes without saying. However, some of the rest of us do not desire to have our live in what is only transitory.[39] [41]

The joy of Christmas bespeaks an original undivided human nature where the antitheses between time and eternity, thought and being have been overcome, an eternal life in our temporal existence.[40] [42] The celebration of Christmas also brings to the fore the divine relationship of mother and child. Mary symbolizes every mother, and mother’s love for her child is the eternal element in every woman’s life, the essence of her being.[41] [43]

Schleiermacher’s life changed when Napoleon defeated the Prussian army in 1806. After battles in the streets, Halle was captured and occupied. Schleiermacher’s house was plundered and occupied by French soldiers.[42] [44] “Unlike Goethe and Hegel, who admired the French conqueror, Schleiermacher seethed with rage at the crushing of old Prussia.”[43] [45] When he was asked by a French official to witness Napoleon’s entry into the city, Schleiermacher asked to be excused. The students were expelled and the University dissolved. Yet Schleiermacher remained, convinced that greatness awaited Prussia and Germany. The destruction of Prussia was only a transition, the old and feeble had to fall for something stronger to emerge. He wrote: “The scourge must pass over everything that is German; only under this condition can something thoroughly beautiful later arise out of this. Bless those who will live to see it; but those who die, may they die in faith.”[44] [46] He was convinced that God had ordained that Germany, this glorious cultural entity, would also be realized politically.[45] [47]

Prussia’s defeat and Napoleon’s occupation brought Schleiermacher to consciousness of the spirit of nationalism. He joined the movement for reform in Prussia, based on the emerging Protestant ethics, and the values of Volk, state, and fatherland. Schleiermacher’s ethics had until then been based on individuality. The individual self now found its freedom by serving the nation and the state. Moreover, Providence was at work in history as peoples and states evolved into social individuals. The old idea of history as a process of continuous perfection, harmony, and peace, gave way to a history as a life of struggle, decisions, and sacrifice, but also catastrophe and destruction. This was the will of God for the realization of justice and truth.[46] [48] In the collapse of the Prussian state, Schleiermacher sensed the will of God leading his people through defeat to victory. Germans had to recognize God’s work in the ethos and spirit of the German nation and the historical state, and obey his will. God would protect those who wanted to preserve themselves, and their unique meaning and spirit. For the fatherland and its freedom, one must risk his life. A Christian cannot rely on others or only himself, but should trust in the power of God when standing up for his Fatherland.[47] [49]

Up until the defeat, Schleiermacher had seen Prussia as his Fatherland, but he now started to question its existence. He wondered whether God was using the defeat to awaken the Prussian people to their destiny in Germany. This humiliation could only have been prevented by a unified Germany.[48] [50] He felt that the struggle of nationalism had been made almost impossible by the Enlightenment, its ideas masked decay with a false sense of progress. “Every last moment is supposed to have been full of progress. Oh, how much I despise this generation, which adorns itself more shamelessly than any other ever did.”[49] [51]

Professor at the University of Berlin

The University of Berlin was founded in 1809 by Wilhelm von Humboldt. Schleiermacher played an important role in the founding of the university, working as one of Humboldt’s closest collaborators. Schleiermacher, like Fichte, opposed the idea of the university as a technical school of higher learning and special studies, based on those that had been established in France after the Revolution. Science was supposed to be universal and coherent, a unified and universal system of man’s total knowledge.[50] [52]

220px-Friedrich_Daniel_Ernst_Schleiermacher_2.jpgSchleiermacher and Fichte based their idea of university on the transcendental idealist philosophy and its new conception of science. A mere technical academy could not represent the totality of knowledge. According to Schleiermacher, “the totality of knowledge should be shown by perceiving the principles as well as the outline of all learning in such a way that one develops the ability to pursue each sphere of knowledge on his own.” All genuine and creative scholarly work must be rooted in the scientific spirit as expressed in philosophy.[51] [53] The philosophical faculty was to predominate over the other faculties in the university because, “there is no productive scientific capacity in the absence of the speculative spirit.”[52] [54] The students were to be captivated by the idea of knowledge, and all specialized learning was to be understood in accordance with the entire framework of knowledge. From this, the students would derive the impulse for their own research.[53] [55]

In 1810, Schleiermacher joined the Prussian Academy of Sciences and became permanent secretary of the philosophical division in 1814. There he worked to establish a new field, cultural-historical studies, in which he emphasized a new study of antiquity that combined philosophy with the history of philosophy, law, and art. A critical edition of Aristotle’s works was also prepared at his recommendation. Because of the importance of the new studies, Schleiermacher urged the appointment of Hegel to Berlin, but Hegel became isolated, and they had no personal relationship.[54] [56] Hegel soon took issue with Schleiermacher’s theology of feeling and blasted Schleiermacher in every lecture cycle.[55] [57] Schleiermacher, in turn made sure that Hegel was kept out of the Academy of Sciences, ostensibly on the grounds that Hegel’s speculative philosophy was no science.[56] [58]

Schleiermacher served as a pastor alongside his academic appointments his whole career. During the French occupation he used his pulpit in the Berlin Charité to raise the spirits of his congregation and instill in them the spirit of nationalism. The philosopher Henrik Steffens, a friend of Schleiermacher’s, described his sermons thus: “How he elevated and settled the mind of [Berlin’s] citizens […]; through him Berlin was as if transformed […]. His commanding, refreshing, always joyful spirit was like a courageous army in that most troubled time.”[57] [59] In 1808 he joined a secret group of agitators, who sought to prepare a popular uprising and a war against Napoleon. There he befriended prominent patriots like general Gerhard von Scharnhorst and field marshal August von Gneisenau, whose names were later given to famous German battleships. Political maneuvers of Russia and Austria ruined the work of the secret group and the possibility of war against Napoleon would have to wait a few years.[58] [60]

Then in 1813, Prussia prepared to fight Napoleon again. That year, Schleiermacher preached a sermon before young soldiers in Berlin who were going to fight the coming war. He told them that they should think only of the nation when fighting. That should be their inspiration for bravery. They were fighting for the Fatherland and not for personal liberties. If a soldier died fighting to preserve his personal liberties, his death was a total waste since one had to be alive to enjoy the liberty. To die fighting for the Fatherland, on the other hand, was only an “utterly insignificant casualty.” Schleiermacher, valued death from a mystical point of view, as it united the soul with God. He knew what tragedy the death of a soldier was, but he wanted them to know that the only meaningful death for a soldier would be for the sake of the Fatherland. He himself served in the Landsturm reserve unit for the defense of Berlin. The Landsturm was supposed to be a second line of defense behind the newly established Landwehr.[59] [61]

The struggle against France and the ineffective political organization in Prussia caused Schleiermacher to begin to question the rule by divine right, on which the monarchy was based. Germany was ruled by many monarchs who all claimed to rule by the will of God, but to Schleiermacher, God would only approve a unified Germany. A rule by a monarch was only justified by the will of the nation as expressed in its traditions. He also blamed the conceited aristocracy for Germany’s troubles, for they were more concerned with their own status than with the welfare of the Fatherland. [60] [62]

It was during a crisis period over the defense of Berlin that Schleiermacher also noted that one particular group was very unwilling to participate in the Landsturm reserve units. He had no sympathy for those who left Berlin only to avoid their obligations, and conspicuous among them were the Jews. In 1799, Schleiermacher had advocated full civil rights for the Jews. Now he saw no place for them in Prussia, nor could he foresee one in a unified Germany. Before 1813 he had also never criticized Jewish theology, traditions, or culture. That was to change too.[61] [63]

In the summer of 1813, Schleiermacher was appointed as a journalist and editor of a newspaper called The Prussian Correspondent, where he began to criticize the Prussian government for its handling of the war. He regarded a peace treaty with France as a betrayal since it would doom the chance to unify Germany. King Friedrich Wilhelm was furious with Schleiermacher and had him dismissed from the newspaper and expelled from Berlin. The order was later eased, and Schleiermacher got to stay and keep his position in the University and as pastor.[62] [64]

After the defeat of Napoleon in 1814, a period of reaction began in Prussia, and Schleiermacher found himself almost an enemy of the state. Despite official opposition and knowing that he would never live to see the unification of Germany, Schleiermacher still preached and taught the ideals of German nationalism in the church and in his lectures. He decided to be patient and prepare the groundwork for a unified German state, or as much as the Prussian government would tolerate.[63] [65] For fifteen years he had to live with the fear of persecution, and many friends and colleagues were forced to choose between him and the government.[64] [66] Yet he remained publicly committed to German nationalism, certain that those who frustrated the nationalist effort would ultimately have to answer to God for their crime.[65] [67] We now turn to Schleiermacher’s ideas as they appear in his mature writings.

Notes

[1] [68] Jerry F. Dawson, Friedrich Schleiermacher: The Evolution of a Nationalist, (Austin: University of Texas Press, 1966), p. 66.

[2] [69] Friedrich Schleiermacher, The Life of Schleiermacher, as Unfolded in His Autobiography and Letters, vol. II, trans. Frederica Rowan, (London: Smith, Elder and Co., 1860), p. 125.

[3] [70] Jacqueline Marina, “Introduction”, The Cambridge Companion to Friedrich Schleiermacher, ed. Jacqueline Marina, (Cambridge: Cambridge University Press, 2005), p. 1.

[4] [71] Richard R. Niebuhr, Schleiermacher on Christ and Religion, (London: SCM Press LTD, 1964), p. 6.

[5] [72] Niebuhr, p. 12.

[6] [73] Robert Merrihew Adams, “Faith and Religious Knowledge”, The Cambridge Companion to Friedrich Schleiermacher, ed. Jacqueline Marina, (Cambridge: Cambridge University Press, 2005), p. 37.

[7] [74] Robert P. Scharlemann, “Friedrich Schleiermacher”, Encyclopædia Britannica, (2006, September 22), retrieved from https://www.britannica.com/biography/Friedrich-Schleiermacher.

[8] [75] Martin Redeker, 9-10.

[9] [76] Gary Dorrien, Kantian Reason and Hegelian Spirit: The Idealistic Logic of Modern Theology, (Chichester: John Wiley & Sons, 2015), p. 86.

[10] [77] Martin Redeker, Schleiermacher: Life and Thought, trans. John Wallhausser, (Philadelphia: Fortress Press, 1973, p. 14.

[11] [78] Redeker, p. 15.

[12] [79] Dorrien, p. 87.

[13] [80] Dorrien, pp. 88-89.

[14] [81] Redeker, p. 22.

[15] [82] Redeker, pp. 62-63.

[16] [83] Dawson, p. 47.

[17] [84] Julia A. Lamm, “Schleiermacher as Plato Scholar, The Journal of Religion, Vol. 80, No. 2, (Chicago: The University of Chicago Press, 2000), pp. 206-207.

[18] [85] Dorrien, pp. 89-90.

[19] [86] Dorrien, p. 93.

[20] [87] Redeker, p. 38.

[21] [88] Dorrien, p. 92.

[22] [89] Dorrien, p. 93.

[23] [90] Dorrien p. 93.

[24] [91] Redker, p. 39-40.

[25] [92] Dorrien, pp. 93-94.

[26] [93] Redeker p. 48.

[27] [94] Michael Inwood, “German Philosophy”, The Oxford Companion to Phiosophy, ed. Ted Honderich, (Oxford: Oxford University Press, 2005), p. 336.

[28] [95] Friedrich Schleiermacher, On Religion: Speeches to its Cultured Despisers, trans. John Oman, (London: Kegan Paul, Trench, Trübner & Co., 1893), p. 9.

[29] [96] Schleiermacher, On Religion, pp. 9-10.

[30] [97] Dorrien, p. 94.

[31] [98] Redeker, p. 76.

[32] [99] Redeker, p. 82.

[33] [100] Redeker, p. 83.

[34] [101] Redeker, p. 83.

[35] [102] Redeker, p. 83.

[36] [103] Niebuhr, pp. 60-61.

[37] [104] Niebuhr, pp. 62-63.

[38] [105] Redeker, p. 85.

[39] [106] Friedrich Schleiermacher, Christmas Eve Celebration: A Dialogue, trans. Terrence N. Tice, (Eugene: Cascade Books, 2010), pp. 75-76.

[40] [107] Niebuhr, p. 63.

[41] [108] Redeker, p. 82.

[42] [109] Redeker, p. 86.

[43] [110] Dorrien, p. 96.

[44] [111] Redeker, p. 86.

[45] [112] Dorrien, pp. 96-97.

[46] [113] Redeker, p. 88.

[47] [114] Redeker, p. 89.

[48] [115] Dawson, pp. 63-64.

[49] [116] Dawson, p. 41.

[50] [117] Redeker, pp. 95-96.

[51] [118] Redeker, p. 96.

[52] [119] Redeker, p. 96.

[53] [120] Redeker, p. 97.

[54] [121] Redeker, p. 186.

[55] [122] Dorrien, p. 212.

[56] [123] Dorrien, p. 208.

[57] [124] Redeker, p. 91.

[58] [125] Redeker, p. 91.

[59] [126] Dawson, p. 104.

[60] [127] Dawson, pp. 108-110

[61] [128] Dawspon p. 115.

[62] [129] Dawspon pp. 118-120.

[63] [130] Dawspon pp. 123-124.

[64] [131] Dawspon p. 132.

[65] [132] Dawspon p. 98.

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Friedrich Schleiermacher:
The Father of Modern Theology & a Prophet of German Nationalism

Part 2

Schleiermacher’s Philosophy of Mind

According to Schleiermacher, the task of philosophy is the “immersion of the Spirit into the innermost depths of itself and of things in order to fathom the relations of their [spirit and nature] being-together.”[1] [3] Schleiermacher’s philosophy, like German idealism in general, was very influenced by, and a reaction to, the critical transcendental philosophy of Immanuel Kant. His philosophy was also influenced by Plato, of whom Schleiermacher was the chief scholar in Germany in his time.[2] [4] In his major work, The Christian Faith (Der christliche Glaube), published in 1821–22, Schleiermacher put forth his philosophy of consciousness.

The experience of consciousness discloses that it has both an unchanging identity and is also changing and various in its different moments. The two constitutive elements of self-consciousness are, according to Schleiermacher, the self-caused element and the non-self-caused element, the ego and other. The self is constituted only in relation to an other, it cannot be thought of without an object.[3] [5] He says:

Now these two elements, as they exist together in the temporal self-consciousness, correspond in the subject [to] its receptivity and its activity. […] The common element in all those determinations of self-consciousness which predominantly express a receptivity affected from some outside quarter is the feeling of dependence. On the other hand, the common element in all those determinations which predominantly express spontaneous movement and activity is the feeling of freedom.[4] [6]

Self-consciousness, “which accompanies our whole existence, […] is itself precisely a consciousness of absolute dependence; for it is the consciousness that the whole of our spontaneous activity comes from a source outside of us in just the same sense in which anything towards which we should have a feeling of absolute freedom must have proceeded entirely from ourselves.”[5] [7] But a feeling of absolute freedom is impossible since it would require consciousness without an object.[6] [8] Schleiermacher adds that, “the whence of our receptive and active existence, as implied in this self-consciousness, is to be designated by the word ‘God’, and that is for us the really original signification of that word. […] To feel oneself absolutely dependent and to be conscious of being in relation with God are one and the same thing.”[7] [9]

It is therefore not an object which is the determinative element in the feeling of absolute dependence, but a transcendental eternal and absolute now, which can only be God. God is the absolute infinite unity, the decisive power which unifies the inherent contradictions in the world, e.g., thought and being, reason and sensibility, ego and other. God thus vitally permeates the world and creates and preserves life. Schleiermacher describes the feeling of absolute dependence as an “immediate existential relation.”[8] [10] According to him, self-consciousness has two levels, the sensible, dealing with objects, perceptions and ideas, and the immediate self-consciousness which grounds and unifies thinking and willing. Feeling is related to immediate self-consciousness, the pre-conceptual and undivided essence of the self, before there is an ego and other.[9] [11]

Theology and Philosophy of Religion

Schleiermacher defined theology as self-reflection of the church, or believers, on their own beliefs and practice. Church teaching, worship and polity is to be analyzed phenomenologically and pneumatically. Church life is to be unified with the scientific spirit. Faith and a critical spirit of inquiry are not contradictory, although church-mindedness is a precondition of theology.[10] [12]

517v45Um+vL.jpgSchleiermacher does away with the reliance on scriptural proof or the creeds as the basic structure of his theology. Faith is not awakened by obedience to doctrinal norms, but through a community of believers and their relation to the Redeemer. Scripture and creeds take on a special meaning only after one has been brought to faith.[11] [13] Availing himself of the new concept of science from German transcendental philosophy, Schleiermacher’s theology is determined by the differentiation between idea and appearance, and by the idea of an organic whole. Attempting to overcome the opposition between a historical-empirical approach on the one hand, and metaphysical speculation about God on the other, the idea, or the nature and truth of Christianity, becomes manifest in the present and historical life of Christianity.[12] [14]

For Schleiermacher, the omnipotence of God does not mean that God can do whatever he wills, but rather that he is the cause of everything. A scientific worldview based on critical transcendental philosophy should not necessarily end in pantheism or atheism, but be open to the reality of God as the Lord of nature and history. Schleiermacher wanted to make clear that religion is a necessary element of human life in history, that it alone provides the foundation for the unity of the human spirit with the ground of being, thus protecting human life from degeneration.[13] [15] God as the world’s unity and totality is the power that brings together the antithesis of matter and spirit, and is the source of all finite life.[14] [16]

Man is, however, unaware of God as the vital power and is unable to have a relationship with him. This, Schleiermacher calls unredeemed God-consciousness, or sin. Only through redemption in Christ, can the God-consciousness be restored, and God’s omnipotence and final purpose be comprehended. It is the experience of a living communion with Christ and the unity with God as the ground of being that is the new assurance of faith.[15] [17] In Christ was first formed the perfect and archetypal God-consciousness, and through the Christian community, preaching, and the Gospel stories, this God-consciousness is awakened in the believer and a relationship established.[16] [18]

Schleiermacher does not consider Christianity to be a continuation of Judaism. The essential element in the both religions is eternally constituted, meaning that if they did not exist or have a historical beginning, they would have to be created by necessity. But rather than being a religion, Judaism represents for Schleiermacher the absence of religion:

Judaism has long been a dead religion, and those who still wear its livery only sit lamenting at the imperishable mummy, bewailing its departure and the mournful state of being left behind. But I do not talk about it as were it in some way a predecessor of Christianity: I hate such historical connections in religion; its necessity is one that is far higher and eternal, and every beginning in it is original […] the whole thing [is] such a strange example of the corruption and total disappearance of religion.[17] [19]

He also held that among the early Christians, heathens had less to overcome than the Jews, which is why more heathens became Christians. Jews found it very difficult forsake their law and Abrahamic promises.[18] [20] Schleiermacher identified the New Testament exclusively as the Christian canon.[19] [21] His hermeneutical rule for Old Testament exegesis was: “Whatever is most definitely Jewish has least value.”[20] [22] He even found it hard to believe that Jesus had much in common with the people among whom he was born:

And where indeed was that narrowing and isolating race-prejudice keener than just where our Lord was born? The nation that regarded all other nations as unclean, and avoided intercourse with them; […] such a people could not of themselves have produced, nurtured and instructed Him who is the Fountain of universal love.[21] [23]

Schleiermacher’s Hermeneutics

Friedrich Schleiermacher has had a great influence on the field of hermeneutics. Richard E. Palmer, in his book Hermeneutics, states: “Schleiermacher […] is properly regarded as the father of modern hermeneutics as a general study.”[22] [24] According to Schleiermacher, hermeneutics is to be both creative and scientific, it is the imaginative reconstruction of the writer’s selfhood. It therefore ventures beyond the principles of philological science and becomes an art.[23] [25] Johann Gottfried Herder was a primary influence on the hermeneutical thinking of Schleiermacher.[24] [26]

Thinking has, according to Schleiermacher, a moral and historical character that involves an awareness of the relatedness of the individual consciousness to a community of other minds. Thinking also necessarily involves an awareness of conflict between the judgements of one’s own self and those of others. The self is then situated in a dialogical relation where it struggles to overcome conflict. Thought is a constant reproduction of the social matrix in which the self finds itself and from which the impulse to critical reflection stems. Thinking also involves the mediation of one’s thoughts and to deposit them in the public language and to respond to the thoughts of others. And since all men learn to speak within some given, historical language, their historical mold also impresses their thinking.[25] [27]

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The interpreter, Schleiermacher claims, must master the grammar of the language of the author he is studying, as well as the history and physical conditions of the language. The author is to be considered as an expression of the language or an event in its life. The language is moreover an inheritance that qualifies the author’s spirit and demarcates the direction and progress of his thought. A thorough knowledge of the author’s language is therefore required to know the limits of his mind and to avoid anachronism in textual exegesis. Schleiermacher stated that the goal of hermeneutics is “to understand the text just as well and then better than the author himself understood it.” That is, the interpreter must be conscious of the history of the language and culture of the author, things that the author may have been unconscious of.[26] [28] In addition, the text of an author also arises from his own being and inner history, which is separate from the history of the language. Therefore, acquaintance with the author’s own personal history is required, helping the interpreter to fathom the author’s sense of identity and purpose.[27] [29]

What Schleiermacer called the psychological method deals with an author’s decision, or his freedom. Its goal is “the thorough understanding of the style.” He explains this further:

We are accustomed to understand by ‘style’ only the way in which the language is handled. But thoughts and language always inform each other, and the distinctive way in which the object is grasped informs the arrangement [of the elements of the composition] and thereby also the handling of the language.[28] [30]

The task of the psychological method is twofold. One part, which he calls the “technical” method, is to analyze the form in which the author organizes and presents his thoughts. The other part, the “pure psychological” part, is the attempt to fully grasp the significance of the author’s decision to make this particular writing and to communicate these ideas. They mean little if the interpreter can’t understand why and how a rational will chose them as his instruments.[29] [31]

Schleiermacher defined interpretation as an art, and therefore the interpreter must possess certain talents that only a few have in the requisite measure. He must not only have an extensive knowledge of the language, but also be able to grasp the language as a vital reality and to penetrate “into the core of the language in its relation to thought.” He must have the ability to gain a direct understanding of men and to grasp the “genuine meaning of a man and his distinctive characteristics in relation to the [essential] idea [Begriff] of the man.”[30] [32]

Schleiermacher extended the concept of the so called “hermeneutic circle,” the idea that the understanding of the whole text is gathered from the individual parts, and then each part is interpreted in light of the whole. It is not enough for Schleiermacher, to interpret the part in light of the whole text, but the whole text must also be interpreted in light of the author’s whole mind and being and his historical linguistic and cultural setting. The hermeneutic circle is in fact much more than a tool for interpretation. It is an essential part of the mind. “Every child comes to understand the meanings of words only through hermeneutics,” Schleiermacher wrote.[31] [33] Hermeneutics is how any understanding is possible at all through a dialogical process, it is the art of understanding. In conversation, we construct the meaning of a sentence by hearing a series of words that otherwise would have little meaning individually.[32] [34] Sometimes, we can know what our interlocutor wants to say and even construct the development of his thought before we have heard the whole speech.[33] [35] According to Hans-Georg Gadamer:

Schleiermacher’s grounding of understanding on dialogue and on interhuman understanding establishes a foundation for hermeneutics at a deeper level than before, and in a way that allows one to erect a system that is scientific and scholarly on a hermeneutical basis. Hermeneutics becomes the foundation not just for theology but for all historically based humanistic disciplines.[34] [36]

Philosophical Ethics, or Reason in History

Schleiermacher defined ethics thus: “Ethics, as the depiction of the way in which reason and nature coexist, is the science [of the principles of] history.”[35] [37] He does not conceive of ethics as a normative science that only deals with the “ought to be,” rather, it is to deal with the “is,” like the natural sciences. He has therefore little sympathy with Kant’s categorical imperative. Morality is not to obey any specific commands, it is a principle that permeates all of life.[36] [38] Ethics is the science of the organizing activity of the ideal principle in nature.[37] [39]

Schleiermacher divides science into two main branches, ethics and physics:

Ethics is, accordingly, the representation of being under the power of reason, that is from that side in which, in the co-inherence of the polarity, reason is the active term, and the real that which is acted upon; and physics is the representation of finite being under the power of nature, that is, as the real is the active term and the ideal that which is acted upon.[38] [40]

9780061300363-us-300.jpgSchleiermacher constructs his theory of ethics on the fundamental antithesis of ideal and real. All finite being never represents the pure unity of the ideal and real. Its actual existence cannot be inferred from its form and its form cannot be inferred from its existence. Both ideal and real fall outside of human experience, which is limited to that which is involved in becoming. The intellect can never grasp it and reduce it to a single term. Therefore, we cannot ascribe primacy to either form without matter or matter without form, since both transcend our experience. This is so because of our own existence in body and soul. Experience cannot be reduced to either pure reason or pure matter.[39] [41] Therefore, all real knowledge is only possible within the world and is delimited by human history.[40] [42]

Schleiermacher says: “The work which is the activity of the spiritual [ideal] within nature is always shape; the work of the material [real] in reason is always consciousness.”[41] [43] He continues:

Body and soul in man is the highest tension of the antithesis, a twofold interpenetration of the objective [real] and the spiritual [ideal]. We see it diminish in the animal and the vegetable world, but we never see it quite disappear. Where there is form, there is also consciousness corresponding to it, and vice versa. This antithesis, which was first found in our own being […] extends through the whole of reality.[42] [44]

In this world of human experience, the world of becoming, it is the real which predominates in everything over the ideal, except in human beings. Man alone express the proper nature of the ideal principle, he is the turning point. Man manifests the ideal principle through the knowledge process, as thought organizes experience into science. Thought, the work of reason in man, is what prevents total chaos in human conduct, a conflict of purposes. Reason thus manifests itself in advanced social life, the organization of the state, commerce and the exploitation of natural resources for its ends.[43] [45] Schleiermacher divides ethics into branches such as industry, agriculture, commerce, science, art, religion, and friendship, according to the impact of the ideal principle on nature.[44] [46]

Schleiermacher was influenced by the idea, or form, of the good in Plato’s Republic, a book he considered “the most glorious composition of antiquity.” Man, as a reflection of the divine world, with the ability to regulate himself, inwardly and outwardly, according to the pattern of eternal ideas, was the most important, yet undeveloped implication of the idea of the good in the history of ethics, Schleiermacher thought.[45] [47] But for him, it meant not conformity to a universal maxim of reason, but the concrete realization of the rational principle through man. Man is thus an organism of reason, and through him reason finds concrete expression in institutions, such as family, nation, university and state. He defines the good simply as the progressive organization of nature by reason. Everything which is produced in this process is good, and everyone who works toward its end partakes in the good itself.[46] [48]

According to Schleiermacher, reason is given to us only through our embodiment and natural constitution, which cannot be dismissed as mere accidents, but are essential to the life of the soul. The soul is then, always rooted in a particular man, his family, nation and race, and shares in his destiny. Man is therefore never an absolute agent but is defined by his historical, social and biological setting.[47] [49] Our existence is also ethically, always an expression and extension of the organizing wills of others. Primarily, of our parents through procreation, but of other members of the community and nation from which we come and exist. The individual begins his life already as an organized being, he is determined both by the soul-body existence, and by the character and destiny his community.[48] [50] Schleiermacher rejects the basis of the social contract theory, that the freedom of the natural man is inimical to social order. Society is rather an expression of freedom, not a limitation of it.[49] [51]

Man and State

For Schleiermacher, mankind is not an abstract universal idea about the human race or the essence of man. Mankind has a concrete being whose essence is expressed in three forms of community: in friendship, marriage, and Fatherland. Against the spirit of the Enlightenment, he did not think that the sole purpose of man was the progressive domination of nature, increased well-being and the advance of civilization. Martin Redeker explains:

The national state, for instance, is not a necessary evil, not an external community of the material world for the increase of property and protection against misfortune and calamity. The state is the finest work of human art by which man raises his being to the highest level. The state is for Schleiermacher the concretion of mankind as moral community and higher life.[50] [52]

According to Schleiermacher, a state is necessary if a society is to progress beyond a certain point. His idea of society and the state is very influenced by his reading of The Republic. When a state is established, the customs of the social organism are sanctioned and expressed in its laws. The state thus furthers the ends of the organism and expresses its individuality, it represents the completion of the good life.[51] [53] He wrote: “When such an institution is founded, it is one of the greatest steps forward possible for our race. […] It follows that patriotism is good, and those who think it is not for them are like guests or aliens.”[52] [54] The idea of a multi-ethnic state did not impress Schleiermacher:

Variation in political dignity is always a sign that several hordes have been fused together. […] Particularity in common is the basis of the state, partly to the extent that it is also a family bond and partly because only to that extent will every individual posit the totality of the external sphere of the state as his own moral, particular sphere (that is, as absolutely holy and inviolable), for on this alone does the defence of the state rest.[53] [55]

The state must be active in the life of the nation, otherwise the nation will degenerate: “To transform the state into a mere legal institution, […] would be to reverse the direction of the ethical process.”[54] [56] Schleiermacher also claims that: “Essentially people and soil belong together. […] State is the identity of people and soil. […] The determining power of the soil is an essential element in the character of the people…”[55] [57] War for living space is justified:

Every state needs a sufficiency of soil because it ought not to be dependent [on others] for its essential needs. These essential needs increase, however, if the community of peoples gains in size. The state strives to push back its frontiers, in order to acquire what is lacking; these are wars of need. Thus we can distinguish three different sorts of natural warfare: wars of unification which form the state, frontier wars, or wars which maintain a state of equilibrium, and wars of need which defend the state; the usual distinction, on the other hand, between offensive wars and defensive ones, is an entirely empty one.[56] [58]

Schleiermacher.jpgFolk traditions (Volkstümlichkeit) and race mark the boundaries for the possibility of a moral community according to Schleiermacher: “. . . people from different folk traditions, or who speak different languages, and to an even greater extent people of different races, find themselves separated in a way that is specifically different to any other. It is within these natural boundaries that moral relationships are determined . . .”[57] [59] It is history and geography that make a nation, they can never be brought about deliberately, “on the contrary, the fusing of different elements into a single people can only come about where it is physically predetermined, only ever, no doubt, within the confines of the race; for a people has never yet been formed from half-breeds.”[58] [60] The separation of the races is part of the divine order, “. . . for God has imparted to each its own nature, and has therefore marked out bounds and limits for the habitations of the different races of men on the face of the earth.”[59] [61] The idea of a state is inherent in the nature of a race and it is actualized by a powerful leader when the time is right:

Let us now suppose that some person for the first time combines a naturally cohesive group into a civil community (legend tells of such cases in plenty); what happens is that the idea of the state first comes to consciousness in him, and takes possession of his personality as its immediate dwelling place. Then he assumes the rest into the living fellowship of the idea. He does so by making them clearly conscious of the unsatisfactoriness of their present condition by effective speech. The power remains with the founder of forming in them the idea which is the innermost principle of his own life, and of assuming them into the fellowship of that life. The result is, not only that there arises among them a new corporate life, in complete contrast to the old, but also that each of them becomes in themselves new persons – that is to say, citizens. And everything resulting from this is the corporate life – developing variously with the process of time, yet remaining essentially the same – of this idea which emerged at that particular point of time, but was always predestined in the nature of that particular racial stock.[60] [62]

Schleiermacher’s ideal ruler is the philosopher king of The Republic, who is the source of all freedom and justice, who has no private interest above the state, and who personifies the spirit of the nation.[61] [63]

The End of Schleiermacher’s Life

A wave of revolutions went through Europe in 1830 and 1831. Schleiermacher was deeply hurt by the prospect of seeing the German people having to go through revolutions before a unified Germany could be realized. In September 1832, seventeen months before his death, he wrote in a letter to his wife Henriette: “It often makes me sad to think, that after all our bright hopes and good beginnings, I shall, when I depart this life, leave our German world in such a precarious state – for this will most probably be my lot.”[62] [64]

Although Schleiermacher never lived to see the unification of Germany himself, he used his sermons and classes to infuse his listeners with the ideals of German nationalism. Some of them would be influential in German politics in the following decades. It seems providential almost, that in Schleiermacher’s confirmation class of 1830 was one sixteen year old, Otto von Bismarck, who would later realize what Schleiermacher had long believed was God’s destiny for Germany.[63] [65] Many Prussians who knew little of Schleiermacher’s theology, recognized him as a national hero and patriot.[64] [66]

Friedrich Daniel Ernst Schleiermacher died in February 1834 from pneumonia. On the day of his funeral around 30,000 Berliners joined the funeral procession, including the king, which was unparalleled at the time for an academic.[65] [67] His friend, Steffens reported of the funeral:

Never has a funeral similar to this taken place. It was not something arranged but a completely unconscious, natural outpouring of mourning love, an inner boundless feeling which gripped the entire city and gathered about his grave; these were hours of inward unity such as have never been seen in a metropolis of modern times.[66] [68]

Notes

[1] [69] Redeker, p. 185.

[2] [70] Redeker, p. 154.

[3] [71] Dorrien, p. 100.

[4] [72] Friedrich Schleiermacher, Friedrich Schleiermacher: Pioneer of Modern Theology, ed. Keith W. Clements (Minneapolis: Fortress Press, 1991), p. 100.

[5] [73] Schleiermacher, Friedrich Schleiermacher: Pioneer of Modern Theology, p. 103.

[6] [74] Schleiermacher, Friedrich Schleiermacher: Pioneer of Modern Theology, p. 102.

[7] [75] Schleiermacher, Friedrich Schleiermacher: Pioneer of Modern Theology, pp. 103-104.

[8] [76] Redeker, p. 114.

[9] [77] Dorrien, pp. 100-101.

[10] [78] Redeker, p. 105.

[11] [79] Redeker, p. 107.

[12] [80] Redeker p. 107.

[13] [81] Redeker, p. 111.

[14] [82] Redeker, p. 122.

[15] [83] Redeker, p. 123.

[16] [84] Redeker, p. 132.

[17] [85] Anders Gerdmar, The Roots of Theological Anti-Semitism: German Biblical Interpretation and the Jews, from Herder and Semler to Kittel and Bultmann (Leiden: Brill, 2009), p. 65.

[18] [86] Dorrien, p. 102.

[19] [87] Christine Helmer, “Exegetical Theology and the New Testament,” The Cambridge Companion to Schleiermacehr, ed. Jacqueline Marina (Cambridge: Cambridge University Press, 2005), p. 236.

[20] [88] Dorrien, p. 102.

[21] [89] Friedrich Schleiermacher, Selected Sermons of Schleiermacher, trans. Mary F. Wilson (Eugene, Or.: Wipf and Stock Publishers, 2004), p. 292.

[22] [90] Richard E. Palmer, Hermeneutics: Interpretation Theory in Schleiermacher, Dilthey, Heidegger and Gadamer (Evanston: Northwestern University Press, 1969), p. 97.

[23] [91] Niebuhr, p. 79.

[24] [92] Michael Forster, “Friedrich Daniel Ernst Schleiermacher,” Stanford Encyclopedia of Philosophy (September 20, 2017), retrieved from https://plato.stanford.edu/entries/schleiermacher/ [93].

[25] [94] Niebuhr, p. 81.

[26] [95] Niebuhr, p. 83.

[27] [96] Niebuhr, p. 84.

[28] [97] Niebuhr, p. 84.

[29] [98] Niebuhr, p. 84.

[30] [99] Niebuhr, p. 85.

[31] [100] Friedrich Schleiermacher, Hermeneutics: The Handwritten Manuscripts, ed. Heinz Kimmerle, trans. James Duke and Jack Forstman (Missoula, Mt.: Scholars Press, 1977), p. 52.

[32] [101] Palmer, p. 86.

[33] [102] Niebuhr, p. 86.

[34] [103] Hans-Georg Gadamer, “Classical and Philosophical Hermeneutics,” Theory, Culture and Society, vol. 23, no. 1 (January 2006), p. 35.

[35] [104] Friedrich Schleiermacher, Lectures on Philosophical Ethics, p. 8.

[36] [105] Redeker, p. 159.

[37] [106] Richard B. Brandt, The Philosophy of Schleiermacher: The Development of His Theory of Scientific and Religious Knowledge (New York: Harper & Brothers Publishers, 1941), pp. 170-71.

[38] [107] Niebuhr, p. 105.

[39] [108] Niebuhr, p. 98.

[40] [109] Niebuhr, p. 102.

[41] [110] Friedrich Schleiermacher, Lectures on Philosophical Ethics, trans. Louise Adey Huish (Cambridge: Cambridge University Press, 2002), p. 148.

[42] [111] Brandt, p. 254.

[43] [112] Brandt, pp. 255-56.

[44] [113] Brandt, p. 171.

[45] [114] Niebuhr, p. 95.

[46] [115] Brandt, p. 173.

[47] [116] Niebuhr, p. 104.

[48] [117] Niebuhr, pp. 114-15.

[49] [118] Niebuhr, p. 117.

[50] [119] Redeker, 57.

[51] [120] Theodore Vial, “Schleiermacher and the State,” The Cambridge Companion to Friedrich Schleiermacher, ed. Jacqueline Marina (Cambridge: Cambridge University Press, 2005), pp. 272-73.

[52] [121] Theodore Vial, p. 277.

[53] [122] Friedrich Schleiermacher, Lectures on Philosophical Ethics, p. 72.

[54] [123] Friedrich Schleiermacher, Lectures on Philosophical Ethics, p. 74.

[55] [124] Friedrich Schleiermacher, Lectures on Philosophical Ethics, pp. 77-78.

[56] [125] Friedrich Schleiermacher, Lectures on Philosophical Ethics, p 79.

[57] [126] Friedrich Schleiermacher, Lectures on Philosophical Ethics, p. 201.

[58] [127] Friedrich Schleiermacher, Lectures on Philosophical Ethics, p. 202.

[59] [128] Friedrich Schleiermacher, Selected Sermons of Schleiermacher, p. 73.

[60] [129] Friedrich Schleiermacher, The Christian Faith, eds. H. R. Mackintosh and J. S. Stewart (London: T&T Clark, 1928), p. 429.

[61] [130] Dawson, p. 151.

[62] [131] Dawson, p. 158.

[63] [132] Redeker, p. 205.

[64] [133] Dorrien, p. 206.

[65] [134] Dorrien, p. 206.

[66] [135] Redeker, p. 213.

 

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lundi, 23 octobre 2017

Le katechon selon Carl Schmitt: de Rome à la fin du monde

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Le katechon selon Carl Schmitt: de Rome à la fin du monde

Le retour du Christ sur Terre, la parousie, ne surviendra pas tant que le katechon​, cette figure « ​qui retient » le déchaînement du mal, agira efficacement. C’est ce qu’affirme l’apôtre Paul dans sa seconde épître aux Thessaloniciens. Si le texte biblique continue de faire débat chez les théologiens,​ ​certains​ ​pensent​ ​avoir​ ​identifié​ ​cette​ ​mystérieuse​ ​figure.

L’idée du katechon (κατέχων), que l’on pourrait traduire par « rétenteur » ou « retardateur », est largement ignorée des chrétiens eux-mêmes. Saint Paul s’adressant aux Thessaloniciens affirme pourtant, s’agissant de l’Antéchrist : « Maintenant vous savez ce qui le retient, de sorte qu’il ne se révélera qu’au temps fixé pour lui. Car le mystère d’iniquité est déjà à l’œuvre ; il suffit que soit écarté celui qui le retient à présent » (II Thessaloniciens 2, 6-7). Puissance qui empêche l’avènement du mal absolu et la fin du monde, le katechon atténue profondément l’eschatologie chrétienne dans son acception la plus fataliste, qui tend à considérer que le cours de l’histoire est tout entier entre les seules mains de la Providence.

Cette puissance qui retient semble devoir s’analyser en une entité théologico-politique. Vraisemblablement inspirée par Dieu pour la défense du bien chrétien, mais néanmoins libre des ses décisions comme l’est toute figure de la Création, elle réconcilie le déterminisme eschatologique avec une conception sphérique de l’histoire qui postule que l’homme, par l’action politique fondatrice de tout ordre, joue un rôle décisif dans le cours des événements et la lutte contre le règne du mal. C’est ce que notait Carl Schmitt, dernier grand penseur du katechon, lorsqu’il écrivait que « la foi en une force qui retient la fin du monde jette le seul pont qui mène de la paralysie eschatologique de tout devenir humain jusqu’à une puissance historique aussi imposante que celle de l’Empire chrétien des rois germaniques. » Cette conception schmittienne du katechon est issue du Nomos de la Terre, paru en 1950. Elle nous semble plus aboutie que celle utilisée en 1944 dans Terre et Mer, plus vague et générique, qui a pu conduire certains commentateurs à identifier le katechon à toute puissance étatique résistant à la marche forcée du monde vers une hypothétique anomie globale.

Le katechon est donc mû par une volonté propre et n’est pas la marionnette de Dieu sur terre. Il est une puissance décisive dont l’action concrète fonderait un ordre conforme à l’idée chrétienne du bien là où le désordre tendrait à s’insinuer. Chez Schmitt, le bien n’est pérenne que dans l’ordre, et la capacité à le conserver en décidant du cas d’exception est au souverain ce que le miracle est à Dieu. Cela suppose d’abord que la « vraie foi » soit établie et transmise, pour que l’idée chrétienne du bien contenue dans le décalogue et les « lois non écrites » puisse être poursuivie et défendue efficacement. L’institution de l’Église catholique romaine, vecteur et garante du dogme, est donc naturellement une composante du katechon selon Carl Schmitt, reprenant à son compte l’idée développée par nombre de théologiens et de Pères de l’Église. Mais parce que le katechon ne saurait se réduire à une autorité spirituelle, et suppose aussi la force d’action concrète du pouvoir politique, c’est plus précisément dans le Saint Empire romain germanique que le juriste en voyait une incarnation historique.

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Une​ ​figure​ ​duale

L’Église latine est une institution indéfiniment ancrée dans le sol romain, comme une garantie de sa permanence, pour fonder un ordre à vocation universelle. Et l’association au sein de l’Empire d’Occident des deux ordres distincts de l’imperium et du sacerdotium, dévolus respectivement à l’Empereur et au Pape, formait une authentique communauté dans la Respublica Christiana. Ordre éternellement chrétien, puisque bâti sur la pierre angulaire de l’Église (le tombeau de Pierre) et sur lequel le mal, se propageant dans le monde, finirait toujours par buter.

C’est donc véritablement une figure duale, à la fois théologique et politique, que celle du katechon. Et si elle apparaît clairement dans la Respublica christiana, c’est justement par la distinction formelle de ces deux ordres d’imperium et de sacerdotium, qui renvoie à la distinction entre un pouvoir (potestas) et une autorité qui le légitime et le transcende (auctoritas), là où les sociétés traditionnelles réunissaient pouvoir temporel et autorité spirituelle sous la figure unique du roi-prêtre. Cet imperium avait d’ailleurs acquis une dimension proprement chrétienne, se définissait comme le commandement utile à maintenir l’ordre chrétien, et s’ajoutait aux prérogatives des rois chaque fois qu’il était nécessaire. Un évènement historique important est situé au XIe siècle, date de la réforme grégorienne au cours de laquelle l’Église s’affirme, avec force, indépendante et supérieure aux pouvoirs temporels. Mais cette distinction n’a pas immédiatement provoqué une opposition frontale, ni même l’exclusion mutuelle des deux domaines. Il y avait au contraire, initialement, la recherche d’une synergie, d’une conciliation, que Carl Schmitt résume dans l’expression de « lutte pour Rome ». 

Or cette conception de la « puissance qui retient » ne pouvait valoir que dans un monde où tous les chemins menaient à Rome, où toute l’Europe chrétienne regardait vers le tombeau de Pierre comme vers le centre du monde et espérait la bénédiction de ses décisions politiques par les autorités romaines. L’autorité spirituelle ressemblait alors à un rempart au pouvoir politique, objet des passions potentiellement destructrices et contraires à l’ordre chrétien établi d’après Rome. Or, de ce romanisme médiéval concentrique, où le pouvoir cherchait à s’adjoindre l’autorité de l’Église, l’Europe a basculé vers un romanisme excentrique. C’est désormais à l’Église romaine de gagner le monde par ses propres moyens résiduels, d’imposer son bien par le bas, dépourvue de son autorité politique depuis l’émergence de la conception moderne et exclusive de la souveraineté. L’imperium et le sacerdotium, jusqu’alors distingués mais néanmoins liés, sont désormais deux ordres qui tendent à s’exclure mutuellement. L’État s’est divinisé.

L’Église se voit ainsi exclue des affaires politiques, contrainte à se plier aux exigences d’un monde où les États comptent sans elle. Si l’on peut certes reconnaître aux papes contemporains un rôle politique certain, celui-ci ne semble plus que ponctuel et exceptionnel et relève de l’influence bien plus que de la décision. On pense notamment à l’anticommunisme de Jean-Paul II et au soutien qu’il apporta à Solidarnosc en Pologne, peu avant l’implosion du bloc soviétique.

Symboliquement, la métamorphose de l’Église est acquise depuis le Concile « Vatican II », au cours duquel fut adopté l’usage des langues vernaculaires au détriment du latin dans les célébrations. L’Église qui s’adressait au monde entier dans un même langage s’est comme dissoute dans les particularismes. Elle est devenue une institution mondaine parmi d’autres, et sa lutte ne peut plus guère être menée en association avec les pouvoirs politiques en qui Carl Schmitt voyait les pierres fondatrices et les garanties de tout ordre. Non seulement les dimensions théologique et politique du katechon tendent à s’exclure, mais l’ordre romain du sacerdotium semble considérablement affaibli face à un imperium hypertrophié et dépourvu de sa dimension chrétienne ancienne. Pour bien des dépositaires du pouvoir politique, la parole de l’Église semble compter autant que celle d’une quelconque organisation non gouvernementale.

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Rome​ ​éternelle​ ​ou​ ​troisième​ ​Rome​ ​?

Certes, il convient de nuancer une approche trop européocentrique de la figure du katechon, le monde chrétien ne se limitant ni à Rome ni à l’Occident, et l’Église catholique latine n’étant pas la seule Église au monde. Cependant, sa forme historique sui generis lui a certainement confié une légitimité particulière. Et c’est l’Empire d’Occident qui conserva le lien géographique avec le tombeau de Pierre, assise tellurique déterminante aux yeux de Carl Schmitt et de nombreux théologiens occidentaux, car elle permettait un rayonnement universel puissant, une « juridiction universelle » partant d’un seul et unique centre de gravité. L’Église orthodoxe, en revanche, s’est développée dans une relation toute différente à la localité, témoignage d’un enracinement nécessairement moins imposant symboliquement, voyant le siège de Pierre en celui de chaque évêque.

L’idée que le katechon serait aujourd’hui incarné par la Russie orthodoxe fleurit pourtant ça et là depuis une dizaine d’années, notamment dans les courants eurasistes, comme une réminiscence de l’idéal d’une « troisième Rome » incarnée par Moscou. Le Patriarche Cyrille de Moscou, à la tête de l’Église orthodoxe russe, affirme régulièrement l’importance de la foi comme guide essentiel à la conduite des affaires politiques. Certes, il reproche aux sociétés d’Occident de s’estimer capables de fonder un ordre sain sur la négation de la chrétienté. De son côté, le gouvernement russe actuel manifeste ostensiblement son identité chrétienne. Il n’y a cependant là rien de comparable avec l’articulation historique de l’imperium et du sacerdotium, ni avec le rayonnement universel de l’Église romaine d’autrefois.

Ironie du sort, c’est peut-être aujourd’hui l’Organisation des Nations Unies qui constitue l’autorité la plus universelle et qui continue le mieux l’autorité autrefois dévolue au Pape ! Un exemple parmi tant d’autres : la colonisation des Amériques par l’Espagne était fondée juridiquement sur un mandat de mission pontificale, tout comme l’ONU délivre aujourd’hui des mandats fondant des opérations dites de « maintien de la paix ». L’arbitrage moral quant à l’emploi de la violence armée par les puissances dominantes se fait au sein de cette organisation, au nom de principes aussi généraux que généreux. On a longtemps justifié les conquêtes et les pillages par la nécessité de répandre le christianisme sur les terres inexplorées, puis par celle de « civiliser » les « sauvages ». Désormais, on apporte les Droits de l’Homme. Ce que l’on appelait le droit des gens, le droit international applicable aux étrangers non chrétiens, se retrouve aujourd’hui sous l’appellation pudique de « droit international humanitaire », autrement appelé droit de la guerre. Mais l’Évangile ne figurant pas parmi les références de l’Organisation, et l’ordre qu’elle fonde ne semblant pas inspiré par les exigences chrétiennes, elle ne serait qu’une sorte de katechon laïque, de toute façon dépendante des États souverains. Or, purement théologique, un katechon n’aurait pas le pouvoir de fonder un ordre social ; purement politique, il serait condamné à dévier.

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Le katechon sous sa forme historique, tel que Carl Schmitt l’a conçu, est-il alors une figure morte ? Elle semble éteinte, et les métamorphoses juridiques et politiques l’ont certainement mené à prendre une forme nouvelle qui peine à se dévoiler. Mais une menace plane : ne le voyant plus, l’Occident ne semble plus croire au katechon, et donc ne plus se penser capable, et encore moins destiné, à l’incarner. Il faut dire que les prophéties hégéliennes modernes de la « fin de l’Histoire » et de l’avènement d’un « État universel et homogène » (Kojève) idyllique vont encore bon train, privant l’idée du katechon de sa raison d’être. C’est d’abord de son urgente nécessité qu’il faudra se convaincre pour pouvoir l’incarner à nouveau. Suivant l’intuition schmittienne, c’est certainement dans la redécouverte de la doctrine chrétienne véritable et ordonnée que se trouve la vitalité du katechon, ce qui conforte aujourd’hui les conservateurs dans l’Église face à un Pape controversé et souvent décrit comme progressiste. Mais se pose encore la question de la portée politique de cette doctrine dans le monde contemporain. Il n’y a plus guère de pieux monarque qui règne, et les souverainetés déjà diluées dans les foules démocratiques se partagent désormais entre une infinité de monstres bureaucratiques. Si le diable est celui qui divise, le katechon ne peut sans doute se retrouver que dans une convergence théologico-politique, une tendance à la réunification des deux ordres en équilibre.

La identidad posmoderna como imagen especular

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La identidad posmoderna como imagen especular

 
Ex: http://www.posmodernia.com
Después del énfasis puesto en la libertad y la igualdad, la identidad se ha convertido en una cuestión clave, en un bien esencial. Desde hace un tiempo, a la preocupación por las diferencias está sucediendo un interés creciente por las hibridaciones entre la mismidad y la otredad. Las ciencias sociales han saturado ya los niveles de reflexividad de la categoría binaria nosotros/otros, pero no a partir de la lógica de la observación científica, sino de diversas categorías de la construcción política que van desde el nivel jerárquico, a su contrario, el igualitario.

De un modo análogo a como sucede con la autoconstitución del ser, por contraposición al no-ser, la sociedad se auto-instituye en términos del nosotros del interior frente a los otros del exterior, construcción creada, pues, bien por un acto de distinción que designará al “nosotros” como diferente frente a los “otros”, o bien por un acto de indistinción que indicará que el “nosotros” es igual que los “otros”. Sin embargo, nuestra reflexión sobre las problemáticas posmodernas conduce, de forma inexorable, a la defensa de la identidad y del derecho a la diferencia, sean éstas individuales o colectivas.

La modernidad liberal

La cuestión de la identidad, siempre marginada por la modernidad, nunca ha tenido mayor pertinencia que en nuestra edad pos(hiper)moderna. La reducción de todo el planeta a los dictados de los imperativos del mercado, patrocinados por las fuerzas norteamericanas de la globalización, presenta actualmente una fase de desarraigo y desestructuración de todos los pueblos del mundo, sin precedentes dignos de mención, destruyendo las filiaciones tradicionales y modernas que, una vez, constituyeron las bases de la identidad –y con ello también, los fundamentos de la sociabilidad y su significado.

En las sociedades premodernas o tradicionales, la cuestión de la identidad era difícilmente concebible respecto a los “individuos” que, en este tipo de sociedades, se identificaban en términos de linaje, casta o grupo social. En la Edad Media europea, por ejemplo, la pregunta no era “¿quién soy yo?”, sino “¿a quién soy leal?”

La cuestión de la identidad surgió sólo como respuesta a la disolución de los vínculos sociales tradicionales, provocada por el advenimiento de la modernidad. La cuestión, por otra parte, tuvo un ámbito netamente europeo, porque era la “interioridad” moral de la validación del alma, alimentada por el cristianismo y, más tarde, legitimado secularmente por el racionalismo subjetivo de Descartes, la que produjo como resultado un individuo emancipado moderno e independiente dentro de una organización.

Estimulado por el individualismo humanista del Renacimiento y la Reforma y por las “revoluciones duales” de finales del siglo XVIII, el emergente sistema social moderno-liberal, centrado en los mercados nacionales, exigió, por lo tanto, liberar a la “persona” de la herencia de esas comunidades orgánicas y de los sistemas de relaciones sociales, las cuales “restringían” su autorrealización, como si el “individuo”, liberado de sus vínculos con la sangre, el espíritu y el patrimonio (que le situaban en el “tiempo”), de alguna manera pudiera tener una existencia más plena si se le privaba de todo lo que le había convertido, precisamente, en quién era.

La modernidad, como tal, favorecía, según Alain de Benoist, «una visión atomista de la sociedad… constituida por individuos fundamentalmente libres y racionales, que actúan como seres desvinculados, liberados de cualquier determinación apriorística y que pueden elegir por sí mismos los medios y valores para guiar sus acciones».

Este ideal liberal, para el que la identidad individual se considera primaria y la identidad colectiva resulta meramente incidental, surgió, como era de esperar, a partir del mismo proceso histórico que llevó a la homogeneización y neutralización de las “diferencias naturales” en la esfera pública, convirtiendo a la modernidad en una “ideología de lo mismo”, y a los hombres, aislados de sus “vínculos orgánicos”, en objeto de una identidad estandarizada, desarraigados ya de todos los lazos comunes y lugares trascendentales de referencia.

Los individuos, en este sentido, fueron vistos como inherentemente iguales entre sí, al igual que la humanidad se percibió como una masa indiferenciada de sujetos individuales, un conjunto en el que todos aparecen iguales en el ser constituyente del futuro mercado global.

La anomia social que siguió a esta atomización “liberal”, que disolvía los vínculos sociales y espirituales que tradicionalmente habían hecho de la vida una experiencia significativa, provocó entre los europeos numerosas contratendencias para restablecer formas alternativas de identidad, solidaridad y significado.

Por lo tanto, en contra de los ideales de la individualidad burguesa y las estructuras de homogeneización de la esfera pública moderna, indiferentes a la distinción y la diferencia, surgieron identidades basadas en la formación de partidos anticapitalistas y sindicatos, en la defensa del catolicismo y de las prácticas morales tradicionales, en la resistencia regionalista o agraria a la centralización del Estado, en la oposición étnica al “universalismo humanitario”, así como en ciertas instituciones del Estado, como el ejército o la escuela, formas, todas ellas, que forjaron nuevas identidades para reemplazar las que habían sido perdidas con la desaparición del Antiguo Régimen.

Y es que la dinámica liberal ha arrebatado al hombre de su comunidad, de sus vínculos sociales, de sus estilos de vida diferenciados, poniendo en marcha un confuso proceso de indistinción. Con el surgimiento de la modernidad, el racionalismo de Descartes y la metafísica de la subjetividad, la identidad individual prevalece sobre las identidades colectivas, ruptura llevada a cabo por los objetivos homogeneizadores del Estado-nación occidental y que culmina con la disolución de los vínculos tradicionales y espirituales para liberar al individuo en aras de su integración uniforme en la razón mercantil.

Es, por ello, que esta amenaza explica el resurgimiento, con más fuerza, de ciertas identidades culturales, políticas e ideológicas. La identidad es un bien autoconstitutivo: se construye y reconstruye en su relación con el conocimiento y el reconocimiento del otro. Pero así como existe un ámbito legítimo de reclamación/reconocimiento de la identidad, también existe una correlativa patología de afirmación/exclusión de esa identidad.

La pregunta ¿qué es la identidad?, no puede responderse acudiendo a las ideologías igualitarias y universalistas, como el cristianismo, el liberalismo, el racismo o el nacionalismo. Estas ideologías comparten la absurda tendencia a interpretar al otro sólo a través de uno mismo, pero ello impide no sólo la comprensión del otro sino también el conocimiento de uno mismo, en la medida en que no se puede llegar a ser plenamente consciente de la propia identidad sino mediante la confrontación de una variación externa: en definitiva, necesitamos al otro para ser plenamente conscientes de nuestra diferencia. La actitud ciega para ver en la alteridad de los otros un valor en sí mismo, niega por su propia lógica interna, toda posibilidad de identificar la propia mismidad.

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La ideología de la mismidad

Se trata, según Alain de Benoist, de la «ideología de lo mismo» (o de la «forma de lo uno», según Marcel Gauchet), que aparece primero en Occidente, en el plano teológico, con la idea cristiana de que todos los hombres, cualesquiera que sean sus características propias, son iguales por naturaleza, consecuencia de la dignidad –el alma– de haber sido creados a la imagen del Dios único. El problema consiste en que la “ideología de lo mismo” sólo puede exigir a través de la exclusión radical de lo que no puede ser reducido a “lo mismo” (la igualitarista ideología de la mismidad se opone a la pluralista ideología de la otredad). Todas las ideologías totalitarias coinciden: la alteridad irreductible se convierte en el enemigo prioritario que se debe erradicar. La lógica contradictoria del universalismo y del individualismo no es la única contradicción que corroe la “ideología de lo mismo”, que unas veces parte de la idea de “naturaleza humana” y otras afirma que todas las determinaciones naturales son secundarias y accesorias, que el hombre sólo asume su “mejor humanidad” cuando se libera de ellas.

Así que, en definitiva, entre la igualdad y el igualitarismo existe más o menos la misma diferencia que entre la libertad y el liberalismo, o lo universal y el universalismo, o el bien común y el comunismo. El igualitarismo tiene como objetivo introducir la igualdad donde no tiene lugar y no se corresponde con la realidad, como la idea de que todas las personas tienen la misma identidad, un espejo universal que es incapaz de devolver la imagen de uno mismo, ni de reflejar la figura del otro ajeno. Las doctrinas igualitaristas entiende la igualdad como “un todo excluyente”, es decir, lo contrario de la diversidad. Sin embargo, lo contrario de la igualdad es la desigualdad, no la diversidad.

De ahí la denuncia de la “ideología de la igualdad”, es decir, la ideología universalista que, en sus formas religiosas o profanas, busca reducir la diversidad del mundo –es decir, la diversidad de las culturas, los sistemas de valores y las formas arraigadas de la vida– a un modelo uniforme. La implementación de la ideología de la “mismidad” conduce a la reducción y erradicación de las diferencias. Siendo básicamente etnocéntrica, a pesar de sus pretensiones universalistas, legitima sin cesar todas las formas de imperialismo. Hoy, en el nombre del sistema capitalista, la ideología de “lo mismo” reduce todo a los precios del mercado y transforma el mundo en un vasto y homogéneo mercado-lugar donde todos los hombres, reducidos al papel de productores y consumidores –para luego convertirse ellos mismos en productos básicos– deben adoptar la mentalidad del homo oeconomicus. En la medida en que trata de reducir la diversidad, borrar la identidad y negar el derecho a la diferencia, que son las auténticas riquezas de la humanidad, la “ideología de la mismidad” es, en sí misma, una caricatura de la igualdad.

Así que, hoy, estas identidades también han desaparecido. La desestructuración radical causada por la capitalización total y la globalización de la vida social está actualmente erosionando las –aún existentes– remanentes identitarias de las comunidades. Las instituciones a gran escala creadas por el Estado-nación, que una vez ofrecieron identidades alternativas y grupos sociales integrados sobre la base de “espacios unificados y construidos de arriba hacia abajo”, también están en crisis.

El comunitarismo

Es contra esta desestructuración nihilista que algunos pensadores se replantean la cuestión sobre la identidad, articulada en gran medida en el discurso de la escuela norteamericana de pensamiento –crítica del atomismo social del orden liberal– conocida como «comunitarismo», y cuyos pensadores principales son Charles Taylor, Alasdair MacIntyre, Michael Sandel y Michael Walzer. Una reflexión que se inserta entre los principios “diferencialistas” y las propuestas “comunitaristas”.

Pero, ¿cómo superar este proceso mundializador de las identidades? Alain de Benoist, en su intento por superar un devaluado multiculturalismo, adopta el comunitarismo, una corriente de pensamiento –curiosamente arraigada en el ámbito angloamericano– que denuncia el ideal antropológico liberal de un individuo aislado de todo contexto histórico, social y cultural. Según las tesis comunitaristas, «no puede haber autonomía individual si no hay autonomía colectiva, ni es posible una creación de sentido individual que no se inscriba en una creación colectiva de significado». Sin embargo, la sociedad-mundo encarnada por el liberalismo, al no asignar al individuo un lugar estable en la comunidad a la que pertenece, le ha arrebatado su legítimo deseo de identidad, de tal forma que el gran descubrimiento de la modernidad ya no es la necesidad de reconocimiento de las identidades, sino la triste constatación de que esa necesidad ya no puede ser satisfecha en el Gran Supermercado Global.

De hecho, con el fin de la Guerra Fría y el triunfo de la globalización, la necesidad de que la “comunidad” tomara un nuevo significado, hizo que las “sociedades occidentales” reaccionaran frente al aumento de la disfuncionalidad de sus propias instituciones nacionales, reacción que tuvo también su respuesta con la “emancipación” progresiva de los pueblos del Tercer Mundo, culturas y comportamientos en los más “diversos” espacios públicos.

Sin embargo, a pesar de que el comunitarismo promovía la creación de nuevos espacios públicos, estructurados por las diferencias, en lugar de serlo por la homogeneidad y la neutralidad (la nefasta “tolerancia”) liberales, esta corriente de pensamiento parece resueltamente “centrista”, esto es, opuesta a cualquier alteración radical o significativa de las relaciones sociales existentes. Puede que éste haya sido el motivo de su rápida aceptación y asimilación por las oligarquías gobernantes del mundo político y financiero.

El liberalismo, no cabe duda, ha socavado las identidades religiosas cristianas y tradicionales, pero de ninguna manera el comunitarismo, en su laicidad, pretende restablecer el carácter sagrado en los lugares públicos, o reprimir el materialismo subversivo de los intereses económicos dominantes. Del mismo modo, el feminismo puede haber socavado la institución familiar y demonizado la identidad masculina pero, una vez más, el comunitarismo, en su centralidad, no pretende el restablecimiento de la familia tradicional jerárquica, ni cuestiona los publicitarios roles emergentes de las mujeres que provocan la desvirilización del mundo. Cristianos y no cristianos, feministas y no feministas, fueron simplemente relegados a sus respectivas “comunidades”, sin ningún pensamiento real relativo a cómo estas comunidades antagónicas debían coexistir o cómo sus diferencias podían mejorar la cohesión social.

Y lo que todavía es más grave, el antiliberalismo comunitarista se fundamenta, de forma contradictoria, en uno de los más básicos principios liberales, porque, a pesar de su oposición formal a las políticas anticomunitarias del liberalismo, que favorecen el desarrollo de las fuerzas del mercado y la descomposición de las comunidades orgánicas, su llamamiento a la renovación de los vínculos comunitarios buscaba, en última instancia, la recuperación de la “sociedad civil”, la misma sociedad civil cuyos valores burgueses y mercantiles son los principios operativos básicos que inspiraron originalmente al liberalismo.

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Al igual que los posmodernistas, Alain de Benoist, por ejemplo, acepta que cada individuo pueda participar en múltiples identidades: una mujer, por ejemplo, puede ser potencialmente capaz de identificarse –sucesiva o simultáneamente– a sí misma, como una feminista, una madre, un miembro del partido demócrata, y/o una fundadora de empresa. Acepta también que las identidades subjetivas/adquiridas tengan prioridad sobre las objetivas/adscritas; y que estas identidades posmodernas, cuyas diferencias deben ser reconocidas y comprometidas en la esfera pública, se han convertido en características de las actuales “diferencias” que fluyen y explotan de forma indistinta, a diferencia de la “permanencia relativa” de las identidades históricas, clásicas o, incluso modernistas, basadas en adscripciones o afiliaciones “orgánicas”. La presunción aquí es que el lenguaje, el territorio, la familia, incluso la cultura (aun la cultura en su sentido “pluricultural”), siendo a menudo la base de las comunidades, ya no son necesarias para la formación de las identidades.

No hay necesidad, por tanto, de volver a considerar “lo que ha pasado, lo que pasa, o lo que está por pasar”. Lo que es importante es permitir y aceptar que los individuos y sus comunidades sean “diferentes” los unos de los otros, a fin de garantizar la simbiosis armónica de la “diferencia” que se les reconoce en la esfera pública, en forma de algún tipo de institucionalidad o corporativismo supervisada por el Estado. Alain de Benoist no rechaza las concepciones históricas europeas sobre la identidad y la comunidad, aunque sí que cuestiona el desarrollo jacobino de las ideas de “pueblo” o “nación”, así como las formas de sutil colonización tercermundista. Además, insiste, en que el reconocimiento de “todas” –¿todas, incluso las que niegan el reconocimiento de las identidades distintas a la suya?– las diferencias identitarias y comunitarias son un seguro para revitalizar la “ciudadanía democrática”, aunque Carl Schmitt creyera que la homogeneidad es el fundamento de la democracia. Porque, ¿es posible la democracia dentro de un Estado étnicamente fracturado, socialmente desvinculado, desterritorializado, cuyos ciudadanos carecen de una cultura común compartida y un sentido general de la herencia y el parentesco? ¡Abandonad vuestra tierra, vuestra lengua, vuestra cultura, vuestra familia, vuestro pueblo! Europa retorna a las tribus nómadas, que buscan un oasis y acaban en el bazar.

Después de todo, parece bastante controvertida la necesidad de sostener unas estructuras multiculturales que proporcionen diversas opciones a los individuos en cuanto a sus afiliaciones identitarias. Tenemos que mantener nuestro compromiso con la tradición pues, finalmente, es a ella a quien debemos, en gran parte, nuestra identidad. Proteger la herencia cultural heredada y transmitirla, en toda su riqueza, a las futuras generaciones. Desde luego, no hay que aceptar incondicionalmente, como principio, que la identidad de un individuo se identifique automáticamente con su pertenencia a una determinada comunidad, pues aquél mantiene con ésta vínculos que no ha elegido y que, en consecuencia, puede ciertamente poner en cuestión. Éste es el problema acuciante en nuestras sociedades tan complejas y multiculturales, donde la diversidad de criterios es bien patente. Desde esta perspectiva sí que puede ser válido el comunitarismo, cuando reclama sociedades homogéneas en las que los individuos que no compartan –o se resistan a compartir– un mínimo común denominador de la herencia cultural recibida y mayoritaria, sean “invitados” a “salir de la comunidad”, de la misma manera que los ciudadanos de las antiguas polis griegas practicaban el “ostracismo”.

Pero no es conveniente juzgar la bondad de ciertas prácticas socioculturales –de determinadas identidades construidas de forma ficticia y al margen de la comunidad previamente establecida– por su éxito en el mercado global del sueño neoliberal, porque ello convertiría nuestras creencias, nuestras vidas y nuestras culturas en objeto de mercancía. La identidad de “nosotros” no puede depender de la tolerancia de los “otros”.

09:42 Publié dans Philosophie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : philosophie, postmodernité, modernité | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

dimanche, 22 octobre 2017

Decline of the Western Male

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Decline of the Western Male


Martin Heidegger, Oswald Spengler – “Martin Spengler” – these two 20th-century thinkers provide the main source of inspiration behind this project. Both sought to understand the times we live in, and to bring into view the deeper historical and philosophical significance underlying many of the political, economic, social, and cultural issues before us today. Both offer profound insight, and our goal here will be to lean on them in order to tease out what is at stake in many of the day to day problems, challenges, and controversies that grip our attention across the Western world.

Spengler’s masterpiece is his Decline of the West, which first appeared in Germany in the years immediately following World War One. His contribution is to set contemporary events within a civilizational context, as milestones in the development of a culture whose evolution has been dictated by its own internal laws and dynamics, apparent at its very birth 1,000 years ago. Spengler allows us to see how the impulse that drove Medieval European craftsmen to construct magnificent Gothic cathedrals that soared towards the heavens, while betraying ever more intricate detail in their stonework, is the same motivating force behind the transgenderism agenda today, Hollywood’s obsession with the Superhero genre, and in the attractive power of the dream to travel in space.

For Heidegger the key event has been the rise of Modern science and technology, and it is the implications of this development he seeks to reveal. It is Heidegger who helps us to understand how the Modern project is in its essence nihilistic; if followed through to its logical conclusion it means no less than the annihilation of both the world and humanity. This is a cataclysmic perspective, but Heidegger’s reasons for sounding the alarm apply with a monumentally increased force since he first raised this prospect during the 1930s. It was Heidegger who understood that the “subjectivism” which reduces the world to a “standing reserve,” a resource to be used at our convenience, is at its core empty, that the desire for comfort and ease is in fact a death wish. Nietzsche understood this too. The danger does not lie so much in an ecological disaster, the consequence of reckless actions such as the use of GMO crops, but from the success of technology rather than its failure. We can see this with “climate change,” first global warming will be successfully held at bay, then extreme weather events prevented, and then . . . the outside world will be made to look and feel no different from the carefully controlled environment we have inside every shopping mall. After all, if you could push a button from your beachside mansion to stop an oncoming hurricane in its tracks, and instead select for a pleasant view offshore, why wouldn’t you?

No one openly articulates such an agenda, and it does not matter whether it is realistic or complete fantasy, the logic is there nonetheless. It has been present for a thousand years, and it is immensely powerful. Our entire civilization is testimony to its power. This is the value both Heidegger and Spengler bring to a discussion of such issues, they allow us to approach topical subjects such as climate change or transgenderism from a very different angle, to understand why these are the battlegrounds today, and what is at stake.

A third dimension, however, is also needed. It is one neither “Martin” nor “Spengler” were aware of in their lifetime, nor is it a question that has ever concerned Western philosophy to any significant extent in its 2,500-year history. It is a product of our time, and as such is the key to understanding everything. In this respect, “the West” is unique, and at its heart lies a contradiction.

Civilisation by its nature is a masculine project, but Western civilization is in its essence – feminine.

The driving purpose behind the science and technology of the West is to make life easy, comfortable, safe, and amusing. These are feminine desires not masculine ones. Western men have striven for centuries to deliver such a lifestyle to their women, and over the last 70 years or so this effort has borne fruit in the unsurpassed standard of living enjoyed by large sections of the population in Western countries. But the more it has done so, the more the essentially feminine character of the West has come into play. Masculine values, masculinity, men, these were all necessary to bring us to this point, the achievements of science and technology are products of the masculine impulse to make an impact on the world, to understand it, shape it, to create with it, to build with it, for their enjoyment in part but most of all for their women and children, and for the sake of the larger civilizational project to whose success they are committed. But to the extent this project is realized, and life does become easy, comfortable, safe, and amusing, masculinity becomes increasingly redundant, and fades into the background. In its place the feminine becomes primary, a process that has accelerated to an enormous extent over the past half-century with the arrival of the “sexual revolution” in the 1960s.

In the world that is emerging, there are no limits, nothing that women cannot do, nor anything that requires the masculine impetus to turn outwards towards the wider world, to discover its secrets, confront its dangers, for there is no longer is an outside world. Once we reach the point where everything that exists is either an oversized shopping mall, an air-conditioned office building, a campus safe space, a theme park, or a McMansion, masculinity has served its purpose and has no further place, other than to supply routine maintenance services in the background. In this world everything is self-referential, reality is what we make it, truth is what we decide it to be, on the basis of what makes us feel comfortable, safe, and amused. This is why the internet and social media are so central to our culture, why reality TV is our iconic genre, celebrities our key figures, entertainment our main industry, marketing our critical skill set, and brand value our ultimate asset. It is also why #fakenews is a thing.

This self-referentiality is Heidegger’s “subjectivism.” It is extending its influence everywhere, even such former bastions of masculinity as the military. Western militaries are completely feminized, with the partial exception of Special Forces, the only units who actually experience real combat. This is not to say that US or NATO forces do not kill and destroy, they do on a massive scale, their mostly male members also die, but they do not fight, they do not even engage their “enemy.” Instead they conduct operations against fictitious opponents who are figments of their own imagination, and take casualties at the hands of real adversaries about who they know nothing. The disastrous British campaign in Helmand, Afghanistan, from 2006-10 is the classic example of this, launched against an insurgent force that did not exist at that time, but which soon did come into being with a vengeance as a result of the “counter-insurgency” operation.

Helmand is the rule rather than the exception. It is no accident that the weakest branch of the US military machine has always been Intelligence, because this is the one element that cannot be self-referential if it is to be effective.

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The Eclipse of Truth

We see the contradiction that runs through the West above all in the current state of science as an institution. In spite of its critical role in the Western civilizational project, science today is in an appalling state of disrepair. This is so even though vast amounts of data and new information are becoming available to many scientific disciplines due to earlier developments in technology, and also to the enormous resources being thrown into research and academia. Astronomy is a good example of this. However, the ability to intellectually process these sources into theoretical advances, to improve our understanding, has been all but lost, at least in the mainstream. Instead, astronomically related areas such as cosmology and astrophysics have disappeared into a fantastical set of rabbit holes that bear no relation to any reality outside of their own mathematical set of fictions. As a result they are completely sterile, there has been no progress in these branches of science for decades, in sharp contrast to the revolutionary breakthroughs that marked the first half of the 20th century. These gave us the technological advances that make the present possible, although the irony lies in that they also have contributed in large part to the dead end we now find ourselves in. This includes its poster boy Albert Einstein, who in spite of his personal integrity has been the single greatest catastrophe ever inflicted on the scientific enterprise. It is no accident that this individual was the first ever science “celebrity,” in no other period could a set of intellectually incoherent nonsense be mistaken for genius, but then again, it did so because it suited certain purposes . . . long before #fakenews came #fakescience.

The reason for this is the eclipse of truth, which is a masculine value, as the determining factor in decisions over what ideas to accept, papers to publish, research to fund, who to appoint, and who is selected to go viral, at least on the media circuit. Science as a practice has to balance its inquiry into the world as it really is with a whole series of competing interests. These might be commercial, political, ideological, institutional, or personal. The more important a branch of science is to Western society as a whole, the more corrosive these other influences, so that when we get to a central political issue such as “climate change,” we soon find that the quality of the science being produced on this question is utterly corrupted, and from a scientific standpoint completely worthless. This is because its purpose is not to find the truth, but to support an agenda, which it does by creating “models” of how the world should be and then using these to justify policy decisions whose motivation always lay elsewhere – self-referentiality once again. The reality is that climate “science” is not science at all, which goes to explain why its proponents refuse to honor any of the principles that guide genuine scientific inquiry – honest debate, transparency of data, willingness to admit uncomfortable facts, or explore alternative hypotheses.

An indication of the West’s true character and current state of decay can be seen in some of the intractable problems that plague modern society. Many of these revolve around health, arguably the area that provides the greatest source of pride to those who believe in the achievements of Western civilization. But while it is true that life expectancy is at record levels, infant mortality at its lowest, and that a cut finger is unlikely to result in death from a ravaging infection, it can hardly be argued that the population of a nation such as the United States is “healthy” in any meaningful sense. If we look at the obesity epidemic, for example, what is most significant about this problem is less that people are getting fat, but that Western medicine has proved totally incapable of making even a small dent in the constantly rising numbers of the obese. A different approach is clearly needed, but one will only be found on the basis of civilizational values that understand medical treatment in terms that do not involve drugs or surgery. Counter currents of this nature do exist, such as the ancestral health movement, or the advocates of LCHF, but these are defined precisely by their rejection of the Western project and its conception of what a healthy way of life is. The same applies to mental health issues, or the unbelievably high rates of addiction across the West, to everything from pain killers, shopping, gambling, gaming, porn, anything that offers an escape from an otherwise entirely meaningless, but materially quite comfortable, existence.

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The Desire to Escape

It is Spengler who shows us that this desire to “escape,” in his words towards “the infinite,” was present at the very birth of the West, and is in fact its driving force. This too needs to be understood in terms of masculinity and femininity. The masculine impulse is not to escape the world but to go out and engage with it, to learn how to navigate through it, to understand it, and with this knowledge to create and to build with it. A man may seek an escape from the wind and the rain for his family, but the shelters he constructs are made from real materials, and if they are not built according to the natural laws that govern civil engineering they will fall down. This is why truth is the paramount masculine value, and this truth is never self-referential, it is truth about the external world, so that humanity can live within this world.

The feminine impulse is the opposite, it is an attractive force and its ultimate point of reference is the woman herself and her children. If the masculine seeks to expand outwards towards the infinitely large, to ever extend knowledge and understanding, then the feminine measures this in terms of what it means to her, how it affects her, whether she likes what emerges around her as a result of this, or not. Men build houses, but women decide whether they want to live in these structures, and turn them into homes. The feminine is in its essence aesthetic, its measure is beauty, and the beautiful is appreciated through emotion, how it makes her feel.

During the rise of the West, this masculine impulse is harnessed and the Modern world takes shape over time. The feminine character of the Western project, however, is expressed in the ultimate end state Western civilization sets as its objective. This is Spengler’s “infinity,” but in everyday terms it goes under the slogan of “freedom.” The dominant motive behind the entire development of the West has been the desire to be free, and this means freedom from any and all constraints. Science and technology emerge as the means by which to escape the constraints of nature, but alongside this there is also the desire to escape social constraints. During the first centuries of the West, this mostly involved the struggle to overcome the Catholic Church, which dominated the social and cultural landscape of medieval Europe, and this lead to the Protestant Reformation. Later it becomes the desire to be free of any religious imposition on life whatsoever, whether through moral codes or the law of the land. Western society becomes secular.

Freedom is a feminine value, not a masculine one.  Femininity resents any external constraints on it, whether natural or social, because its reference point is the woman herself, in her singularity. There is no such thing as a feminine morality, because even two women form a set of entirely different compass points for any moral code. These might coincide, the two might agree and cooperate well together, but they also might not, there is no force behind the agreement, as soon as it feels like a constraint to either of them it will be abandoned. Women approach all relationships in this way, except with their children, there the rules change.

Masculinity does not strive for freedom, it seeks to serve. A man is measured by his contribution to something larger and outside of himself, his family, his tribe, his nation, his civilisation, its Gods, the truth. This service must be voluntary, and it must be valued. The Roman slave in revolt may kill his master but he will also willingly give up his life in the army of Spartacus, and ask only that in battle his general not throw this away cheaply.

For the same reason, equality is not a masculine value either. Men contribute to the best of their ability, because that is the source of their worth, but the end results are measured externally. The input is irrelevant, only the output. Masculinity naturally gravitates towards hierarchy, because some are more talented, experienced, or able than others, and what matters is the common venture, success or failure, victory or defeat. Men will accept the leadership, and even the domination of others, if this leads to a good outcome, because that is all that counts. Better to follow the victorious general, than lead an army to its destruction.

The feminine, on the other hand, does aspire to equality, because like freedom it is an abstract concept, it means the removal of any expectations placed upon her by anyone, which she might perceive as a constraint. Equality is the stepping stone towards freedom, which is the ability of a woman to act as her own point of reference in any aspect of her life. Today this goes under the term, “empowerment,” or “You go girl!” This is one form of the “tendency towards abstraction” we will try to elaborate on further.

Masculinity, however, acts as a counter-balance to this female “solipsism.” The masculine overrides this impulse and it is the woman who benefits, because it allows her to serve something greater – children, to become something larger than herself, to contribute, to leave her mark on the earth, to attain a slice of immortality. Men do this by imposing an order that serves the civilizational project they are committed to, in other words they impose social constraints on women. This is the “patriarchy,” it ensures that a society will continue because there will be future generations, that women will bear children. It is a civilizational project that makes women have babies, and this is its greatest gift to femininity, to those same women, it overcomes their own drive to “self-referentiality” and allows them to be something more, to participate in something larger.

The project of Western civilization, on the other hand, has been to escape this very civilizational constraint. By the 1960s it had achieved an important milestone along this path through the application of science and technology, with the invention of the contraceptive pill. As a result, birth rates have plummeted, well below the numbers required to reproduce the population. This is one reason why it is safe to predict the coming demise of the West, a social order can not survive if its women do not have children.

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Transhumanism — The Final Showdown

The West, in its essence, is neither a human nor a natural society. The current debate – is gender real ? – is not directed at finding truth but is instead a program of action – “we will make it so that there is no such thing as gender.” Masculinity and femininity, their polarity, will be abolished. This process is already well advanced, especially in the urban centers, and can be objectively measured by tracing the plummeting levels of testosterone in Western men. It is also the meaning behind the pronoun controversy that catapulted Jordan Peterson into the spotlight during 2015, and why his stance is so important.

Transgenderism is only the prelude, the real showdown is still to come. This will go under the title, “transhumanism,” and if its proponents are successful it will mean the end. Humanity will cease to exist. The technology is not yet fully developed, but the work is being undertaken, and rapid progress is being made. Starting with heart implants, prosthetic limbs, and wearable tech, the ultimate goal will be to overcome the limitations of the human body and achieve immortality. This will be done through packages whose benefits are undeniable – the replacement of legs lost by soldiers to IEDs, the extension of life expectancy, early detection of disease onset, and for this reason will be hard to resist.

An idea of what this means for humankind can be seen in the stresses and strains already affecting peak human activity, the Olympic Games. On the one side, the dissolution of gender difference will destroy women’s sport, a foretaste of which can be seen in the controversy surrounding South African runner Caster Semenya. On the other, advances in prosthetics mean Paralympians will increasingly overtake “able-bodied” athletes in their achievements, this already being the case for the 1500m event. In the background lies the ever more murky divide between legitimate diet and nutrition supplementation, and performance enhancing drugs, an indeterminancy that is also being exploited for political ends, as in the blatantly unjust treatment of Maria Shaparova over her use of meldonium. The point here is that the ruling to outlaw this drug in 2015, after years of its legally sanctioned use, was entirely arbitrary. The same applies to the earlier ban on blood doping.

All these trends lead in the same direction, a loss of meaning to the entire enterprise of elite sport as a human activity. This is nihilism playing itself out; it is Nietzsche’s “devaluation of all values.” The Paralympics for example, whose entire purpose is a celebration of the human spirit in the face of adversity, loses any sense of this once artificial limbs become a source of advantage rather than disadvantage, and replacing body parts becomes a desirable option. We approach the point in the first Robocop film where the decision is taken, “lose the arm,” even though it is undamaged. This has already happened on a small scale, with Australian Football League player Daniel Chick choosing to amputate an injured finger because it was harming his performance on field.

At the time, the idea of removing a body part for the sake of a sport was shocking. But the reasoning is clear, after all, what is there in our society that is not a game of some kind of other ? What better use could he have for his finger other than play a game in which he had attained a high level of mastery and was being well rewarded for doing so. Here it is important to understand what games are, and how they are essentially feminine in nature. This is because they are self-referential, defined by rules of their own making, and pursued for their own purpose – for fun. The value of a game is measured by whether it is enjoyable to play, or in our time, to watch. This applies with equal force to games that make a concession to masculinity – Call of Duty – and are therefore fun for boys to play. Such games are not masculine at all, in spite of feminist protests to the contrary, precisely because they are games – nothing is at stake. They are the safe forms of play a protective mother is happy to let her boys engage in, but they are forms that will also never allow these boys to grow into men, because for men failure has to matter, it has to hurt, physically not emotionally, it has to leave scars, it has to shape future behavior, it has to teach, the hard way. This still happens at the elite level, but only so the rest of us can spectate from the comfort of our sofas.

This helps us understand why, once a society becomes feminine primary, as the West is, it also takes on a more and more childish character. If everything is a game, with well-defined rules to prevent anyone from being harmed, and whose sole purpose is to be fun, then it is entirely legitimate to cry “not fair” whenever someone or something interrupts the proceedings. This was Donald Trump’s greatest sin, he spoiled Hillary’s party, he didn’t play by the rules, he didn’t accept that the 2016 election was never supposed to be a contest, but a game with only one outcome. This is how girls like to play, it was a crowning ceremony not a fight, and then that nasty boy ruined it. The massive display of infantilism that followed her defeat, the historically unprecedented tantrum that ensued, reflects just how far this process has gone.

This is again why Spengler and Heidegger are so useful. By standing back and adopting a perspective that spans 500 or a 1,000 years, it is possible to see how all these various strands interweave and form part of the same picture. There is a logic to this madness.

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The Masculine-Feminine Polarity: The Key Battleground

It also helps us to understand what it is that needs to be defended, if all is not to be lost. First and foremost, it is this – masculine-feminine polarity.

Masculinity and femininity are opposite impulses, but not only do they complement one another, they are mutually dependent on each other if either is to fulfill its true nature. Masculine without feminine can no more be itself than feminine can be so without the masculine. This is why our current feminine primary world is so at risk of annihilation; it has lost the counter-balance it requires to avoid oblivion. Femininity alone is a black hole, it is an attractive force that has no limit, and as such will consume everything, including itself. Masculinity left to its own devices would be no different, exploding outwards into nothingness, just as the Mongol horde was able to roam the known world and conquer vast expanses of territory, but whose heartland was left a depopulated desert as a result, much as was Alexander’s Macedonia at the height of his empire.

Both Alexander and the Mongols were conquerors, but they were not builders. In their modes of warfare lay truth, they were victorious in battle, but they left nothing of beauty. They did not create a space for the feminine, no architecture to admire, no style to imitate, no structures to dwell in. As a result, they came and went, in a very short span of time, and they did so because they lacked internal cohesion, their territories were broken up from within, not without.

These were masculine primary civilizations, in which one polarity is taken to such an extreme that the absence of its opposite became its downfall. A feminine primary society works in a different way, in that what it does is undermine polarity itself. This is because the feminine impulse is singular, solipsistic, so that anything external that has shape or definition is experienced as a constraint, and as such must be neutralized or eliminated. Gender roles are by definition oppressive, not because they disadvantage women, but because they are defined, and as such are limiting, only non-gendered, abstract beings can be truly free.

This is the “tendency towards abstraction.” It is being applied to human bodily constraints, to social, ethical, and moral codes of conduct, and also to time and space. This goes under the name of “globalization.”

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Globalization: The Loss of Any Meaning for Time and Place

Once again Heidegger assists us to understand what globalism is, in its essence. He does so in his classic work, “On the Question of Technology.” Here he takes the river Rhine as an example, whose role and function in modern Germany is primarily to serve as a source of hydroelectric power. This statement is usually interpreted as a kind of pro-environment stance, that the earth should not simply be seen as a set of resources for human beings to exploit. Heidegger certainly did believe that, but it is not the main point he wants to make. We see this when he introduces Holderlin’s 1808 poem, “Der Rhein,” into the discussion. For Heidegger, this poem represents the possibility of history, in which a people can emerge, a specific point in time that is their moment, and in a place that is their’s too. “Der Rhein” is not only a poetic work, it is the river, except that in the hands of Holderlin it becomes more than a moving body of water, but a historical location, the site of “Germanien,” the people whose language the poem is written in, the people for who this river is “Der Rhein.”

It is this kind of possibility the river as hydroelectricity denies. The current it produces is distributed through a grid. It is made available to anyone, anywhere, at any time. Who they are, and what they do with it, is irrelevant, in fact through the network the precise power source for any single wall socket might be any river, or any one of the various types of generating plant. This means that whatever people manage to create or achieve thanks to the availability of this electricity, it cannot bear the same relationship to the river Rhine we find in Holderlin’s poem. The connection has been severed, even if what comes into being is an online community of “Rhine lovers,” arrangements for a tourist cruise along its course, or a Heidegger fan page on Facebook. All of these can be enjoyable activities for those who participate, they can take on great significance in their personal life stories, but they do not have the capacity to be moments in historical time, where a “Germanien” is founded. There is no longer any possibility of history being made, of a “Der Rhein” coming into being.

This is globalization. It is the rupture of any meaningful link between place, time, and people. This is the postmodernist “end of the grand narrative,” which creates a lived experience of complete disorientation and disconnection, it is why our reality always feels so “artificial.” The problem is not so much that everywhere becomes the same, although this tendency is also present, but in the fact that any differences that do exist between locations are entirely random and meaningless. Even if a particular site has historical merit, or architectural splendor, this is now preserved purely for the benefit of tourists, who are visitors from nowhere in particular, who have come solely in order to be entertained, and whose value is entirely abstract – the money they spend. The great pyramids of Egypt may be the country’s main source of foreign currency earnings, but they bear no more relationship to the present nation’s culture, religion, language, or way of life, than they do to those who flock to see them. This is one reason why genuine study of these monuments has been effectively shut down for decades, in case any new understanding emerges that might have a negative impact on the tourism industry.

It is also why we can travel to Victoria in Australia and stumble across a large scale copy of the Sphinx, at what turns out to be a suburban gambling venue. Why a Sphinx? Who knows? Who cares? We can imagine future generations of archaeologists attempting in vain to decipher its meaning, because there is none, no greater relevance to the former manufacturing center and woolen industry export hub of Geelong than the original does to present day Cairo. Instead, the inspiration for this choice of design is more likely to have come from Las Vegas, where such total disregard for history and geography is taken to its logical extreme.

Las Vegas provides a good example of the “tendency towards abstraction” at work. The city’s location was chosen precisely because it was in the middle of nowhere, inside a state without any legal restrictions on gambling. Its founding was enabled by the availability of technology that overcame the natural constraints presented by the desert. Its central economic activity consists solely in the manipulation of symbolic values, games, whose appeal lies in their entertainment value. These games require as little skill acquisition as possible, and are governed purely by luck. Physical input is kept to an absolute minimum, no more demanding than pushing a button, the environment is carefully controlled for comfort, safety, and security, and no concession to time is made – venues are open 24/7 and no indication of whether it is day or night permitted. The entire enterprise is either entirely abstract or seeking to become so. Casinos, however, are not the final word in this process, their main competition now coming from the online gambling industry.

We see a similar tendency across the economy, which takes on an ever more “immaterial” character. This has two major forms. The first consists purely of symbols, above all banking and finance, which generate capital flows in various directions, but also the world of information technology that provides the platform for this kind of activity. These bear some relation to the “real” economy of tangible goods and services, but as the global financial crisis showed, this link is tenuous at best, and at times is broken entirely. The second is made up of “cultural” production – entertainment, fashion, style, brand identity, academic research, social media content, also dependent on IT to a large extent. As with finance capital, this constantly strives for autonomy from outside “reality,” it seeks to become self-referential, and in this it is becoming increasingly successful.

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The Impossibility of Beauty without Truth and Truth without Beauty

This is why a defense of male-female polarity is so important. Without this, both truth, the masculine value, and beauty, the feminine value, collapse. We see this in the Geelong Sphinx, which has neither truth nor beauty – it is tacky and looks ridiculous. We also see it in trends such as the “fat acceptance movement,” whose express purpose is to separate truth from beauty by denying that there is any such thing as a naturally beautiful female human form. On this question Gad Sa’ad has provided an overwhelming mass of evidence, but his argument only stands if we hold truth to be a value, and in a feminine primary world this is simply not the case. This is because the entire objective is to escape the truth, it is to create a world free of such constraints, so that any female, no matter how morbidly obese, can be considered beautiful. It is not a matter for debate, it is an agenda to be realized, and once again it is making rapid progress, as can be seen in the overwhelming number of Western women who are seriously overweight.

Beauty requires truth, it needs to be real in order to be truly beautiful. At the same time, truth needs beauty, because reality can be ugly too. There is a truth to female genital mutilation – by making sexual intercourse a painful act it serves as a powerful reinforcer in a patriarchal order whose goal is to subordinate women’s sexuality to family and property interests. As such, female genital mutilation works. Male genital mutilation, which is much more widespread in the West than female, also achieves its original purpose, almost identical to FGM, by reducing men’s enjoyment of sex. These truths do not make either practice any the less cruel or barbaric.

The masculine-feminine polarity is the central battleground today. It is why feminist ideology is the main opponent, because this is where the insurgent forces of annihilation are currently deriving their inspiration. What is at stake here is not simply an assertion of masculinity, or men’s rights, although our society is increasingly hostile to men; it is also a defense of femininity, because there is no single force on the planet more misogynistic than feminism, especially its radical wing, which detests everything feminine with the utmost venom.

In order to combat this misogyny and androgyny, it is necessary to set it in its proper historical perspective, to understand its source, and to appreciate the critical roles played by the concepts of “freedom” and “equality.” This is not to promote “unfreedom” or “inequality,” especially in relations between the sexes, but to grasp that the masculine and the feminine are forces that run in opposite directions, have different values at their core, but who ultimate complement and are necessary for one another to flourish. It is to protect a world in which truth and beauty both have a place, and it is to preserve the possibility of a new civilizational project, or projects, arising to replace a West now well into its terminal phase of decline.