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samedi, 30 avril 2016

Camerone

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Officiers

Capitaine Danjou, Sous-lieutenant Maudet et Sous-lieutenant Vilain.

Sous-officiers

Sergent Major Henri Tonel, Sergents Germeys, Louis Morzycki, Alfred Palmaert et Charles Schaffner.

Caporaux

Evariste Berg, Adolphe Del Caretto, Amé Favas, Charles Magnin, Louis Philippe Maine et André Pinzinger.

Tambour

Casimir Laï.

Légionnaires

Jean Baas, Aloyse Bernardo, Gustave Bertolotto, Claude Billod, Antoine Bogucki, Félix Brunswick, Nicolas Burgiser, Georges Cathenhusen, Victor Catteau, Laurent Constantin, Constant Dael, François Daglincks, Hartog De Vries, Pierre Dicken, Charles Dubois, Frédéric Friedrich, Frédéric Fritz, Georges Fursbaz, Aloïse Gaertner, Léon Gorski, Louis Groux, Hiller, Emile Hipp, Adolphe Jeannin, Ulrich Konrad, Hippolyte Kunasseg, Jean Kurz, Félix Langmeier, Frédéric Lemmer, Jean-Baptiste Leonard, Louis Lernoud, Edouard Merlet, Joseph Rerbers, Jean-Guillaume Reuss, Louis Rohr, Hernann Schifer, Joseph Schreiblich, Jean Seffrin, Daniel Seiler, Joseph Sergers, Louis Stoller, Jean-Louis Timmermans, Clovis Pharaon Van Den Bulcke, Jacques Van Der Meersche, Luitpog Van Opstal, Henricus Vandesavel, Jean-Baptiste Verjus, Geoffroy Wensel, Karl Wittgens et Nicolas Zey.

mardi, 26 avril 2016

O. Dard: conférence sur Georges Valois

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lundi, 25 avril 2016

Route de la soie, route des épices

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Route de la soie, route des épices

Ex: http://www.huyghe.fr

Un secret est toujours loin : enfoui sous les apparences, ou hors de portée. Y compris géographiquement. Le cheminement vers sa découverte se confond alors avec le chemin concret par où transitent des hommes, des marchandises ou des informations. Tel est le cas de la soie et des épices qui ont donné leur nom à des routes : leurs secrets consistent en histoires de voyages. D'Est en Ouest, circulaient des produits rares et inconnus, de l'Occident vers l'Orient, des marchands et prédicateurs en attendant des colonisateurs.

Soie et épices sont intimement liées parce qu'ils évoquent des lieux ou tout est différent, plus chaud, plus parfumé, plus raffiné, plus luxueux, plus sensuel. Elles servent à la glorification des dieux et des puissants et à l'ornement de la beauté ; leur origine exotique stimule l'imaginaire. C'est l'idée qui ressort déjà des premières mentions de ces produits dans la littérature latine. Ne dit on pas que c'est le roi des Sères, tout à l'Orient du monde qui produit le fil merveilleux qui permet aux Romaines de laisser transparaître la peau laiteuse de leurs seins ? Ne croit-on pas que la cannelle si parfumée et qui l'hiver rend le vin meilleur, est cachée comme le sont les diamants dans une vallée protégée par des aigles immenses ? Et les moralistes se plaignent de ce que les romains se ruinent pour acquérir ces produits de luxe venus de pays inconnus. L'idée même d'exotisme, ou l'attirance pour l'Orient leur doit beaucoup ; les progrès de la connaissance, de la géographie, de la navigation, bref la découverte réelle du monde, leur doit davantage encore.

Dans les deux cas, secret d'un savoir et secret d'une origine se mêlent. Pour obtenir deux produits dont l'Occident raffole depuis Rome, le tissu et les graines qui servent autant à la médecine qu'à la cuisine, il a fallu d'abord identifier les pays d'où ils venaient, la Chine, les Indes et les îles aux épices. Il a fallu les atteindre, et pour cela lancer des expéditions. Mais il a fallu aussi s'emparer des supports du secret, des cocons de vers à soie dans un cas, de quelques graines dans l'autre.

La soie a plus souvent traversé les montagnes et les steppes à dos de chameau, les épices ont plutôt voyagé dans les cales des bateaux. Parfois leurs routes se croisaient ou fusionnaient au hasard, d'une guerre ou d'un traité pour que les marchandise parviennent à Rome, à Byzance. Il y a donc des périodes où les expressions de route de la soie et route des épices désignent les mêmes itinéraires marchands ; rouleaux de tissus et sacs odorants se mêlaient dans les mêmes caravanes et dans les mêmes soutes. Certes les deux routes n'ont pas fonctionné de même manière. Sur la route de la soie, c'est le secret, disons l'art de la sériciculture, qui a voyagé d'Orient en Occident jusqu'à ce que l'on sache produire de la soie en France. Sur la route des épices, au contraire ce sont les marchands puis les soldats qui ont progressé tant que les Européens n'ont pas atteint les terres où poussaient les épices, et que les grandes compagnies dites des Indes ne s'en sont pas assuré le monopole. Tracée par une logique de la transmission ou par une logique de la conquête, la route s'est toujours assimilée à une lente révélation.

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Un secret de quatre mille ans

Une des plus célèbres légendes chinoise raconte que la princesse Xi Ling Shi fit tomber par hasard un cocon accroché à un mûrier des jardins impériaux dans une tasse de thé bouillant. Elle déroula un fil interminable qui lui parut si beau qu'elle le fit tisser, puis fabriqua une étoffe douce et fine. Elle obtint de l'Empereur d'élever les vers qui rongeaient les feuilles de mûrier. Ce souverain serait Houang Ti à qui la légende prête également l'invention de l'écriture. Dès l'origine, la soie est liée à l'empereur. Le tissu de soie ne servait pas seulement à tisser des vêtements somptueux, mais aussi à tracer des idéogrammes. Les premiers exemples d'écriture chinoise sur soie datent de 750 avant notre ère. Et la Chine elle-même est connue pendant toute l'Antiquité comme le pays des Sères, c'est-à-dire de la soie, sera.

La sériciculture remonte au néolithique chinois et, trois mille ans avant Jésus Christ, les techniques de tissage étaient déjà sophistiquées ; elles permettaient d'obtenir de la soie unie comme de la soie brodée qui accompagnaient dans l'au-delà les puissants. C'est dans une tombe princière que se retrouve la première preuve du voyage de la soie vers l'autre extrémité de l'Eurasie, au VIe siècle avant notre ère dans une sépulture du Bade Wurtemberg. Lorsque l'on découvrit dans le tombeau de Philippe de Macédoine, le père d'Alexandre le Grand, des bandelettes de soie s'est tout de suite posée la question de leur origine : était-elle chinoise ? Quelles routes ont emprunté ces premiers échantillons, qui les a offerts aux Princes, qui les a jugés assez précieux pour qu'ils les accompagnent dans leur voyage funèbre ? L'exportation de soie avait-elle un caractère exceptionnel ? Difficile d'établir une chronologie précise d'un des plus longs secrets de l'histoire, ou plutôt d'un secret double celui de l'origine du tissu et celui de sa fabrication, la sériciculture.

Son exceptionnelle durée tient à la volonté délibérée des empereurs chinois, toutes dynasties confondues. Ces empereurs qui exercent un monopole sévère, contrôlent la production comme les marchés, décident de qui pourra porter quelle qualité. Ils édictent des arrêts de mort contre quiconque oserait faire franchir les frontières à un seul oeuf ou cocon de vers à soie. Le secret sera ainsi maintenu jusqu'au cinquième siècle de notre ère environ. Pour parvenir à ce résultat, il fallut sans doute un système de surveillance sans faille car la sériciculture occupait des milliers de gens et les plantations de mûriers couvraient des provinces entières. L'enjeu était énorme, cette industrie est un secret d'État: la soie étant tout bonnement une unité monétaire. Rare, inimitable, issue d'une source que pouvaient contrôler les autorités, de qualité relativement constante, facile à stocker, à diviser et à mesurer, la soie présente toutes les qualités d'une unité d'échange commode. A certaines époques, en Chine, les impôts se paient en rouleaux de soie, comme le salaire des fonctionnaires; la somptuosité des cadeaux impériaux, se mesure à la même aune, comme la dot des princesses ou des aristocrates. Sous les Tcheou une dizaine de siècles avant notre ère un écheveau de soie s'échange contre cinq esclaves et un cheval. Pour la Chine, laisser fuir une chose (un grain de vers à soie) et une information (toute la technique d'élevage) équivaut à une catastrophe. Cela reviendrait, pour un État moderne à perdre sa planche à billets et à laisser divulguer la formule chimique de son papier-monnaie. Soie et souveraineté chinoise étaient intimement liées.

C'est du reste pour une raison géopolitique grave que la soie franchit vraiment la Grande Muraille. Au second siècle avant notre ère, les empereurs Han assiégés par des barbares nomades ancêtres des Huns ont besoin d'alliés et de chevaux. Pour acheter les deux, la Chine doit donner ce qu'elle a de plus précieux, ce qui ne s'exportait que par infimes quantités ; la soie devient un produit d'échange. Cette décision a des conséquences incalculables : la Chine s'ouvre au commerce et au monde extérieur. Ainsi naît la fameuse Route de la soie. Par le relais des caravanes traversant l'Asie centrale ou des navires contournant le sous-continent indien, la soie et bien d'autres marchandises circulent d'une extrémité à l'autre de l'Eurasie. Vers le début de notre ère, un commerçant indien sait évaluer la valeur d'un ballot de soie en sesterces romains, et, à Rome même, l'empereur s'inquiète de la perte que provoque l'importation de soie : à certaines époques, elle s'échange exactement contre son poids en or et le Trésor du plus puissant Empire tout à l'Ouest s'épuise.

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Des élevages de mûriers à sa destination finale, la soie suit un si long chemin, passe par tant d'intermédiaires et de frontières, est si protégée et entourée de tant de légendes et de périls que, sur les bords de la Méditerranée, nul ne sait que le fil est produit par le cocon des papillons. On ignore à plus forte raison comment le traiter : les mieux informés disent que la soie "pousse sur les arbres". Les romains sont fous de cette étoffe qu'ils découvrirent, dit la légende, au cours d'une bataille contre les Parthes. Leurs étendards brillants et bruissants étaient faits de ce tissu inconnu. Il ne fallut pas longtemps pour que les patriciennes n'aient plus qu'une envie : se vêtir de robes si fines qu'elles peuvent passer à travers un anneau. Mais le tissu parvient par les pistes d'Asie Centrale, et est contrôlé par des intermédiaires, dont justement les Parthes. Aucun voyageur latin n'a franchi leur territoire, tout au plus a-t-on appris que la soie provenait du pays dit des Sères. L'Europe ignore même qui ils sont cet à quoi ils ressemblent.: "Les premiers hommes que l'on connaisse (en ce pays) sont les Sères célèbres par la laine de leurs forêts. Ils détachent le duvet blanc des feuilles en l'arrosant d'eau ; puis les femmes exécutent le double travail de dévider les fils et de les tisser. C'est avec un travail si compliqué, c'est dans des contrées si lointaines qu'on obtient ce qui permettra à une matrone de se montrer en public avec un étoffe transparente. Les Sères sont civilisés ; mais semblables eux-mêmes aux animaux sauvages, ils fuient la société des autres hommes et attendent que le commerce viennent les trouver." Ce que Pline écrit dans son Histoire naturelle est le premier texte occidental qui propose une explication de l'origine et de la fabrication la soie.

sparte10.jpgLe géographe Pausanias au second siècle de notre ère se rapproche un peu plus de la vérité quand il dit : "Quant aux fils dont les Sères font leurs vêtements, ils ne proviennent pas d'une écorce, mais ils ont une origine différente que voici. Il existe dans leur pays un petit animal, que les Grecs appellent ser, mais auquel les Sères eux-mêmes donnent un autre nom ; la grandeur de cet animal est double de celle du grand scarabée ; pour le reste, il ressemble aux araignées qui font leurs toiles sur les arbres, et il a huit pattes comme les araignées. Les Sères élèvent ces animaux en leur construisant des cages appropriées à la température de l'hiver et de l'été ; et le travail de ces animaux est une fine trame qui se trouve autour de leurs pattes". Nous sommes loin encore du secret révélé. Pour pouvoir produire de la soie, il faut pouvoir maîtriser toute une série de techniques dont les bases : sélectionner et cultiver le mûrier blanc, reconnaître le Bombyx mori, savoir l'élever et pour cela disposer de lieux humides à température constante entre 20 et 25°, protéger le vers pendant qu'il file son cocon, conserver un certains nombre de ceux ci pour la reproduction, étouffer la chrysalide avant qu'elle n'ait percé le cocon (sinon ceux-ci peuvent être cardés et donner l'équivalent de la soie sauvage), et, bien sur, dévider sans le rompre le fil qui peu mesurer entre 900 et 1200 mètres.

Il faut des mois, des années pour qu'un ballot franchisse le continent passant de mains en mains ; c'est assez pour que la vérité se perde en chemin. Y a-t-il eu des tentatives de contact ? La chronique chinoise parle d’une mission impériale envoyé en Inde en 58 ap. J.C. On sait aussi comment, aux alentours de la fin du premier siècle de notre ère, période où l’empire parthe contrôle les relations commerciales avec l’Occident, la Chine cherche à se passer de ce coûteux intermédiaire. En 97, un envoyé chinois vers l'Occident est parvenu à la frontière de la Perse mais les capitaines des navires lui racontent tant d'horreurs sur les difficultés qui l'attendent qu'il préfère renoncer. Des missions d'explorations occidentales ne donnent pas de meilleurs résultats. Vers la même période, il court sur les zones désertiques du Taklamakan des histoires de villes englouties, de mirages, d’esprits qui appellent les voyageurs pour les égarer, tout à fait semblables à celles que rapporteront onze siècles plus tard les voyageurs médiévaux. Aux facteurs multiples qui pourraient expliquer la pauvreté des renseignements conservés il faudrait ajouter que pendant l'Antiquité au moins, en un point capital du trajet, véritable borne frontière de l’Empire des Sères, le commerce se pratique “à la muette” : vendeurs et acheteurs déposent en un lieu convenu, qui la marchandise, qui le prix proposé et lorsque l’on est parvenu à un accord (parfois sans se voir) chacun remporte sa part de l’échange, toujours sans un mot. Peu importe que ces marchands muets aient eu peu de chances d’être de véritables Chinois, ce procédé d’évitement réduisant le commerce au seul échange des valeurs (et pratiqué en d’autres lieux et à d’autres époques) suffirait à expliquer bien des ignorances.

Transporter, transformer

La Route de la soie offre l'exemple d'un paradoxe. D’une part y circulent les richesses les plus rares et avec elles nombre de connaissances et d’influences culturelles. D’autre part, les hommes s’ignorent, et s’inventent sans se connaître. A Rome on dit les Chinois de très grande taille, aux yeux bleus et aux cheveux rouges. Les Chinois au contraire se plaisent à imaginer les Romains tout à fait comparables aux habitants de l’Empire du Milieu. Pareilles fables se perpétuent des siècles. Les Chinois appellent Rome le Da Qin (la grande Chine), tandis que, de leur côté les Romains rêvent du Pays des Sères, le peuple qui fabrique la soie. En dépit des relations commerciales qui s’intensifient, il faudra attendre le XIIIe siècle, avec le temps des Mongols, et quelques voyageurs médiévaux dont Marco Polo n'est que le plus illustre, pour que les mondes européen et chinois commencent à se connaître. Et ce n’est qu’au temps des missions jésuites en Chine, au XVIe siècle que les Européens acquerront des connaissances géographiques et historiques acceptables sur la Chine tandis qu’en retour celle-ci commencera vraiment à soupçonner à quoi ressemble le monde occidental. La route de la soie a donc bien fonctionné comme un lien entre les peuples de l'Eurasie, comme la grande voie des relations commerciales, religieuses et culturelles. C'est un fonctionnement à plusieurs temps : la chose (la soie marchandise), la connaissance de la chose (au sens des techniques et moyens de la sériciculture), les hommes (des marchands de l'Antiquité aux voyageurs et missionnaires médiévaux) et la connaissance des hommes (telle qu'on peut la mesurer par la diffusion de manuscrits ou de récits) ont toujours été comme décalées.

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Pourtant la soie finit par échapper à l'Empire du Milieu. Plusieurs récits proposent une description de l'évasion des graines. Comme celui rapporté par Hiuan-Tsang, un des pèlerins chinois partis à la recherche des Soutras bouddhiques en Inde. Tout au long de son voyage au milieu du VIIe siècle, il tient son journal et note ce qu'il voit et ce qu'il entend sur les pays qu'il traverse. Parmi ces histoires il raconte comment un des premiers rois du Khotan parvint à fabriquer de la soie. Au début du V° siècle la soie tissée circule entre la Chine et les pays d'Asie centrale ; elle fait même l'objet d'un trafic qui enrichit nombre d'intermédiaires, certaines tribus turques, l'Empire perse, etc., mais personne ne sait la produire. Celui qui y parviendra s'enrichira considérablement. Pour cela il faut se procurer mûriers et vers à soie. "Le roi (du Khotan), ayant appris que le royaume de l'Est (la Chine) en possédait y envoya un ambassadeur pour en obtenir. A cette époque, le prince du royaume de l'Est les gardait en secret et n'en donnait à personne, et il avait défendu sévèrement aux gardes des frontières de laisser sortir de la graine de mûriers et de vers à soie. Le roi de Khotan, dans un langage soumis et respectueux, demanda en mariage une princesse chinoise. Le prince du royaume de l'Est qui avait des sentiments de bienveillance pour les peuples lointains, accéda sur le champ à sa demande. Le roi de Khotan ordonna à un ambassadeur d'aller au devant de son épouse, et lui donna les instructions suivantes : "Parlez ainsi à la princesse du royaume de l'est : "Notre royaume n'a jamais possédé de soie : il faut que vous apportiez des graines de mûriers et de vers à soie ; vous pourrez vous même vous faire des vêtements précieux."

La princesse n'hésita pas à enfreindre les édits impériaux qui punissaient de mort quiconque exportait graines de vers et de mûriers. Pleine d'astuce elle en cacha dans la ouate de son bonnet "Quand elle fut arrivée aux barrières, le chef des gardiens fouilla partout, à l'exception du bonnet de la princesse qu'il n'osa visiter." La princesse organisa la première production de soie ordonnant par un décret gravé sur une pierre :"Il est défendu de tuer les vers à soie. Quand tous les papillons des vers à soie se seront envolés, on pourra travailler les cocons. Quiconque enfreindra cet ordre sera privé du secours des dieux". C'est pourquoi poursuit le pèlerin chinois, "ce royaume possède des vers à soie et personne n'oserait en tuer un seul."

Les premiers principes de la sériciculture venaient de quitter le pays des Sères, la princesse avait exporté l'élevage du vers à soie et l'indispensable secret du mûrier.
Monopoles

Les princes d'Asie centrale n'étaient pas les seuls à vouloir s'emparer du secret. Byzance n'en pouvait plus de payer des sommes énormes à ses ennemis perses pour importer la soie brute que ses ouvriers savaient travailler mais dont on ignorait la source. L'Empire va mener une guerre de l'ombre et multiplier les sources d'information et d'approvisionnement. Procope de Césarée, décrit comment pour éviter de passer par les Perses Justinien, vers 531, envoya des ambassadeurs chez les rois chrétiens de l'Éthiopie et d'Himyar (le sud du Yémen). Ces missions furent vaines : "Les Éthiopiens, ne pouvaient acheter de la soie aux Indiens, car les marchands perses s'installaient toujours aux ports où accostaient les navires indiens (ils vivent dans un pays voisin) et ils avaient coutume d'acheter leurs cargaisons entières. Quant aux Himyarites, il leur semblait difficile de traverser un pays qui était un désert et si grand que sa traversée était un long voyage, comme de s'opposer à un peuple bien plus guerrier qu'eux mêmes".

cb0d64b55311d9cee84edda021bfe19d_large.jpgPour conserver leur monopole les Perses étaient disposés à payer le prix fort et à acheter tout ce qui était à vendre dans tous les lieux qu'ils pouvaient atteindre. La seconde partie se joue avec le représentant d'un peuple nouvellement venu sur la scène internationale : les Sogdiens. C'est un peuple de marchands qui se répandront de la mer de Chine à Byzance en de nombreux comptoirs ou même simples communautés commerçantes installées dans des cités du bout du monde. Comme le dit la chronique officielle des Tang : "Les gens du pays de Sogdiane sont tous d'habiles commerçants ; partout où l'on peut faire du profit ils sont allés". Ils se sont fixés à l'Est de l'Oxus la mythique ville de Samarcande est leur capitale. A l'époque c'est un centre important où se croisent des commerçants et voyageurs venus du monde entiers. La fresque des ambassadeurs qui est exposé au Musée d'Afrasyab-Samarcande montre des Chinois, des Persans, des Coréens, etc.. et il ne faut pas beaucoup d'imagination pour deviner que parmi eux se glissaient des espions et des aventuriers de toutes sortes. Ils ont d'abord essayé de vendre la soie du Khotan aux Perses qui pour montrer leur mépris la brûlent. Dépités, ils sont allés voir les Byzantins. On a même conservé le nom de l'ambassadeur marchand qui est arrivé à la cour de Justinien (482-465), un certain Maniakh qui réussit au bout de son entreprise à ouvrir une route de la soie en évitant l'Empire sassanide.

Justinien utilisa aussi des agents secrets très spéciaux. C'est encore à Procope de Césarée que nous devons l'histoire. Un jour des moines arrivèrent à Byzance, ils se firent introduire auprès de l'empereur et lui offrirent le vrai secret de la soie. Ils lui expliquèrent : "Nous avons résidé longtemps dans une région où il y plusieurs cités indiennes bouddhistes et qui se nomment Serinda. L'élevage du ver à soie y est pratiqué ; si vous le voulez nous vous en rapporterons le secret." Les moines précisèrent alors que la soie était produite par "certains vers à qui la nature avait enseigné cet art et rendu aisée leur tâche". Ils ajoutèrent : "Il est impossible à cause de la distance de rapporter des chenilles vivantes, mais nous aurons recours à une ruse. Les graines de ces vers sont constituées par une multitude d'oeufs. Longtemps après la ponte, les autochtones les recouvrent de fumier en les chauffant ainsi pendant un temps suffisant pour que les animaux naissent. Ils nous sera facile de cacher ces oeufs une fois que les chenilles auront pondu". Justinien leur promis ce qu'ils voulurent. Les moines peut-être s'agissait-il de ces moines bouddhistes qui parcouraient les chemins en s'appuyant sur leur long bâton , dérobèrent les graines, les rapportèrent nous dit la légende dans leurs bâtons creux, et les livrèrent à l'Empereur. Cette fois, Byzance pouvait produire de la soie.

La nouvelle industrie fut protégée d'éventuels espions par les peines les plus lourdes. A nouveau la soie devenait synonyme de secret d'État. Les Empereurs ne prenaient pas moins au sérieux sa symbolique : peine de mort pour qui osait fabriquer certaines variétés de pourpre réservées à la cour, châtiments terribles pour qui aurait tenté de débaucher ou faire fuir les ouvriers des ateliers impériaux, stricts contrôles douaniers... Du reste la soie n'était-elle pas cotée à un prix équivalent en esclaves et sa circulation strictement contrôlée ? La soie impériale surveillée par la terrible bureaucratie servait à payer les serviteurs de l'État, à remplir ses caisses, mais aussi à doter les monastères, à glorifier Dieu et l'Empire grâce au plus désirable des ornements. Lorsque les Arabes propageant l'islam eurent conquis les terres de l'Asie centrale à l'Atlantique la sériciculture se répandit avec eux.

Après avoir conquis la Perse, ils développèrent l'élevage de la soie autour de la Méditerranée. Seuls les Européens, les Francs, étaient exclus du secret. Il leur faudra quelques siècles pour maîtriser toutes les étapes qui, depuis l'élevage de chenilles de bombyx mori aboutit aux brocarts mêlés de fils d'or et d'argent que revêtaient les princes de l'Église et du monde.

220px-Roger_II_Sicily.jpgAu XIIe siècle seulement le roi normand Roger II établit en Sicile une industrie de sériciculture ; un siècle plus tard, les tisserands s'installeront en Italie et en Espagne, en attendant la France et l'Angleterre : l'Europe est enfin en mesure de fabriquer le tissu dont elle rêve depuis longtemps. Le plus long secret de l'histoire a été gardé quatre millénaires.

Quant aux routes terrestres, leur cycle historique s’achève au XVe siècle, après la mort de Tamerlan. Il se voulait le successeur de Gengis Khan. De Samarcande, sa capitale, il avait étendu son pouvoir jusqu’à Bagdad, Hispahan et l’Indus, s’apprêtait à conquérir la Chine. Après son règne, il n’y a aura plus de grand empire des steppes au coeur des routes de la soie. Vers la même époque, la nouvelle dynastie chinoise de Ming décide de fermer l’Empire aux relations extérieures : la construction de bateaux hauturiers est punie de mort et les caravanes se font plus rares.

Routes et obstacles

Peu après d’autres acteurs entrent en scène dans le commerce entre Est et Ouest. Les Portugais lancent les grandes explorations. A la fin du XVe siècle, ils ouvrent la voie des Indes par le cap de Bonne de Espérance. Désormais les nouveaux découvreurs vont “faire des chrétiens et chercher des épices”; ils ouvrent le chemin de l’Extrême Orient aux missionnaires dont les fameux jésuites, en attendant compagnies européennes des Indes. Le négoce de la soie subsiste mais bien d’autres produits la supplantent; tout l’Ancien Monde est maintenant accessible et connu; le mythe des routes de la soie vient de mourir. La route des épices, vient, elle de connaître un renouveau décisif.

Elle n'est pourtant pas nouvelle. Dès l'expédition d'Alexandre les aromates de l'Océan Indien sont connus en Europe. Les botanistes grecs mentionnent la cannelle, la cardamome et le poivre. Avant la soie les Romains connaissent le poivre, la cannelle, le safran et toutes sortes de produits culinaires et médicaux. Pline l'Ancien cite particulièrement la cannelle "si rare et si appréciée qu'elle est vouée aux honneurs par les grands du jour. L'empereur Vespasien est le premier qui ait dédié dans le temple du Capitole et dans celui de la Paix des couronnes faites de cinnamomum (cannelle) incrustée dans de l'or ciselé." Le poivre est importé en si grandes quantités qu'il provoque une hémorragie d'or et d'argent. Quand le roi wisigoth Alaric s'emparera de Rome en 410 il réclamera une rançon payée en poivre : 5000 livres ; de même, peu après, quand Attila menace Théodose II empereur de Constantinople, il se fait payer en poivre pour épargner la ville.

Notre mot épices vient du latin species, qui signifie marchandises rares. Rares, mais pas inconnues : le monde romain sait parfaitement que les épices proviennent des Indes avec lesquelles il a établi des liens commerciaux, de l'île de Ceylan, voire de Malaisie. Depuis que le Grec Hippale a inventé l’art de naviguer en fonction de la mousson au I° siècle, les navires marchands savent se rendre aux pays des épices.

Cela annonce une course qui va durer des siècles, saigner l’Europe de ses métaux précieux. mais aussi lui faire découvrir le monde puis le conquérir. Même si la Bible et Hérodote parlent des caravanes d’épices, la partie se joue surtout sur mer. Qui circule dans l’océan Indien, y a ses escales et ses comptoirs est maître des épices. Après la chute de l'Empire romain, il y aura toujours une puissance intermédiaire qui s'interpose entre le monde occidental et les pays des épices. Il y a coupure entre l'Océan Indien et l'Europe. personne n'imagine contourner l'Afrique.

Les navires perses puis byzantins se risquent jusqu’à Ceylan et la côte de Malabar. Les triomphes de l’Islam séparent le monde méditerranéen de tout accès aux pays des plantes parfumées. Mer Rouge et golfe Persique sont interdits aux navires chrétiens. Le marin arabe, lui, est partout chez lui sur la route de la mer Rouge à la mer de Chine. Les marchands indiens ou malais avec qui il traite sont souvent des coreligionnaires et il a ses mosquées et ses entrepôts jusqu’à Canton.

Les croisades réapprendront les épices aux Occidentaux. Ils fréquenteront les marchés du Levant et seront plus avides encore d'épices, symbole de luxe par excellence. On en raffole dans la cuisine et on leur attribue mille pouvoirs curatifs. Mais ils sont achetés à Beyrouth ou au Caire, et il faut passer par l’intermédiaire vénitien qui fonde sur ce commerce une grande partie de sa puissance.

Au XVe siècle, au début des grandes découvertes européennes, les épices arrivent par deux voies. La route maritime commence par le trajet des jonques chinoises et bateaux malais. Ils amènent les épices orientales, y compris les rarissimes muscade et girofle qui ne poussent qu'aux Moluques jusqu'à Ceylan et la côte de Malabar. Là, interviennent les Perses et Egyptiens qui, par la mer Rouge, mènent les épices jusqu'aux échelles du Levant, où les Vénitiens viennent s'approvisionner. Le tout donne lieu à la multiplication du prix d'étape en étape et à la perception de lourdes taxes par les puissances intermédiaires. Par terre, les caravanes contournent le désert du Turkestan jusqu'à Bassorah et à la Perse ou encore passent par la vallée de l'Indus via l'Afghanistan : c'est le même trajet que la route de la soie. Deux épices ont un statut à part : le clou de girofle et la noix de muscade dont on dit qu'ils proviennent d'îles au delà du détroit de Malaca. Les Arabes les achètent à des intermédiaires généralement malais. Les savants de l'Islam, s'ils donnent une place à ces épices dans leurs traités de pharmacopée, se contentent très vaguement d'en situer l'origine vers Java.

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Mais, par terre ou par mer, les Européens sont incapables de s'approvisionner directement. Débarquer aux Indes, emplir ses cales de poudres odorantes, poivre de Malabar, cannelle de Ceylan s’en retourner, et les vendre vingt fois leur prix tel est longtemps le rêve des aventuriers, marchands et princes d’Europe. L'un d'eux, Henri de Portugal, dit le Navigateur lance systématiquement des expéditions le long de la côte africaine, accumule les informations géographiques ou pratiques sur la route des Indes. À ce stade, il n'y a pas de secret ou de mystère des épices à proprement parler. Chacun sait que ce sont des plantes qui poussent aux Indes, à Ceylan, dans des îles plus orientales. Certes, il court des légendes sur les Indes fabuleuses. Certes l'Europe se fait une représentation géographique erronée de l'Océan Indien que la plupart s'imaginent, sur la foi des auteurs antiques, comme une mer close. Certes, l'erreur de Christophe Colomb parti chercher les épices des Indes par la voie occidentale et prenant Cuba pour la Chine témoigne spectaculairement des aléas de la géographie de l'époque. Certes, techniques de navigation, rapports de pilotes et surtout cartes sont considérées comme de vrais secrets militaires et les histoires d'espionnage ne manquent pas. Mais les épices ne sont pas protégées par des mystères ou par la dissimulation. Il est simplement impossible d'atteindre les sources d'approvisionnement. Des voyageurs sont parvenus sur place mais pas avec une caravelle dont on puisse remplir les cales plus quelques canons pour inciter les souverains locaux à ne pas s'opposer au remplissage des dites cales.

Ce sera bientôt chose faite. En 1498, Vasco de Gama passe le cap de Bonne Espérance et parvient à Calicut après avoir contourné l'Afrique. Suivent quelques guerres, et l’arrivée des Portugais en Chine et au Japon, et leur installation au delà du détroit de Malaca. En 1557, ils installent même une enclave sur la côte chinoise, à Macao.Magellan, parti en 1519 pour son tour du monde fait escale aux Moluques, ne manque pas de faire provision de muscade et de girofle . Il incite les Espagnols à s'emparer de ces îles. Pour peu de temps : en 1529, le pape partageant l'Orient par le traité de Saragosse donne les îles aux épices aux Portugais.

Grandes compagnies et grands secrets

Le XVIIe siècle est celui des Hollandais. Tandis que les compagnies des Indes fleurissent dans toute l'Europe, en quelques décennies, les Hollandais arrachent aux Lusitaniens leurs comptoirs d’outre mer. Les Hollandais, ou plutôt la V.O.C., Compagnie Unifiée de Indes Orientales, plus puissante qu’un État, et qui s’approprie des territoires. Il n’est plus question d’exclusivité sur la cannelle qui se trouve en Inde, à Ceylan et en Indonésie, ni sur le poivre en Inde et dans tout l’Extrême Orient voire à Madagascar. Subsistent deux monopoles absolus : ceux de la muscade et surtout du clou de girofle cultivés exclusivement aux Îles aux Épices, les Moluques. Elles appartiennent à la V.O.C., dont les tribunaux et les gibets protègent le privilège. "Il n'a y a point disait un Français en 1697 d'amants si jaloux de leurs maîtresses que les Hollandais ne le sont du commerce de leurs épices"

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La V.O.C. est la première grande compagnie capitaliste, dotée de prérogatives étatiques : battre monnaie, avoir une armée, signer des traités, administrer la justice, y compris la peine de mort dont elle n'est pas avare. Les dirigeants de la compagnie, les très puissants membres du Comité des XVII, s'adressent aux États généraux de Hollande sur un pied d'égalité Ils leur écrivent qu'il considèrent leurs possessions des Indes orientales comme des propriétés privées, ne relevant que de leurs actionnaires. De ce fait, ils ont, proclament-ils, le droit de céder ces biens à qui ils veulent fut-ce au roi d'Espagne ou à tout autre ennemi de leur pays. Libérée de toute contrainte politique, les Portugais éliminés, les Européens éloignés, les populations locales sous le joug, la V.O.C. n'a à se soucier que de deux choses : protéger son monopole et maintenir le prix des épices.

Elle contrôle flux et stocks. Pour soutenir le cours des clous de girofle et noix de muscade, les Hollandais en détruisent périodiquement les réserves. La cérémonie a lieu à Batavia, l'actuelle Djakarta; elle est connue comme la "fête de l'incendie des Épices". Parfois aussi, ce sont les stocks accumulées à Amsterdam qui sont détruits. En 1760, un Français assiste ainsi à la crémation d'années d'épices accumulées dans les greniers afin d'en garantir la rareté et d'en soutenir le cours. Deux jours de suite, un brasier public consomme l'équivalent de millions d'argent de France en girofle et muscade. Les spectateurs de cette invraisemblable cérémonie de destruction ont les pieds plongés dans plusieurs centimètres de l'huile parfumée et probablement les narines pleines d'une des odeurs les plus capiteuses qui soit.

La V.O.C. a une autre obsession : le secret des plants. Elle entend interdire qu'une seule racine puisse être cultivée ailleurs que sur les terres qu'elle contrôle : une multitude d'îles difficiles à surveiller où contrebande et piraterie sont des traditions séculaires, où les roitelets locaux ne sont pas sûrs et où les agents des autres grandes compagnies, anglaises, françaises, suédoises ou autres ne demandent qu'à s'infiltrer. Il n'y a que deux solutions : restreindre les surfaces cultivées aux zones les plus faciles à contrôler, puis les truffer de gardes et soldats. Il s'agit de faire régner la terreur pour guérir contrebandiers et espions de la tentation d'exporter une racine, ou d'acheter une simple carte.

La V.O.C. instaure la monoculture chaque fois qu'elle le peut pour restreindre les zones à surveiller à quelques champs gardés comme des forteresses. Ailleurs on détruit. Parfois contre le gré des chefs locaux, parfois en les achetant pour obtenir le droit d'arracher des plants. Parfois aussi, la Compagnie s'empare par la force d'îles sans intérêt stratégique immédiat, mais où des concurrents pourraient songer à cultiver les mêmes épices ou des contrebandiers à s'installer : c'est le cas à Macassar dans les Célèbes. Par la violence, l'obstination et la discipline, la V.O.C. obtient ce qu'elle veut : la monoculture et le monopole Autre avantage : les territoires ainsi spécialisés seront plus dépendant économiquement de la Compagnie et de ses importations.

Louis-Antoine_de_Bougainville.jpgBougainville au cours de son tour du monde, est déporté par la mousson entre les Malouines et l'Inde. La mer le contraint à chercher refuge aux Moluques. Il résume le système de spécialisation des îles." Par ce moyen, tandis que la cannelle ne se récolte que sur Ceylan, les îles Banda ont été seules consacrées à la culture de la muscade ; Amboine et Uleaster qui y touche à la culture du gérofle sans qu'il soit permis d'avoir du gérofle à Banda ni de la muscade à Amboine. Ces dépôts en fournissent au-delà de la consommation du monde entier. Les autres postes des Hollandais dans les Moluques ont pour objet d'empêcher les autres nations de s'y établir, de faire des recherches continuelles pour découvrir et brûler les arbres d'épicerie et de fournir à la subsistance des seules îles où on les cultive."

Les indigènes sont parfois déportés, comme aux îles de Banda et vendus comme esclaves à Java. Opérations policières contre les trafiquants et répression militaire des révoltes alternent. Les Hollandais eux-mêmes sont épiés et contrôlés. Les marins et les employés qui travaillent sur place sont tenus, lorsqu'ils repartent, de rendre toutes les cartes et documents qu'ils posséderaient. Un malheureux Batave qui avait conservé un bout de plan et s'était fait prendre à le montrer à un Anglais est fouetté, marqué au fer, et déporté dans une île déserte. Dans d'autres cas, c'est le gibet. La Compagnie multiplie les garnissons ; elle expulse les étrangers et ne laisse débarquer les marins ou voyageurs que sous bonne garde. Bougainville lui-même, lors de son escale forcée aux Moluques est accueilli par des soldats menaçants. Le résident de l'île exige de savoir le motif de cette escale, fait remplir une déclaration écrite à Bougainville et lui interdit de mouiller dans les eaux territoriales de la Compagnie, malgré les prières que lui fait le Français au nom de la simple humanité de le laisser prendre des vivres et des secours.

Dans la course aux épices, notre pays paraît plutôt en retrait. Sous Colbert, est née une compagnie des Indes qui aura des comptoirs comme Surate, Chandernagor, Masulipatam et Pondichéry. A la suite d’une révolte à Madagascar en 1674, les Français commencent à peupler les Mascareignes où ils créent une escale pour leurs navires sur la route des Indes. Cela ne fait pas de la compagnie française une très redoutable rivale de la V.O.C. Pourtant c'est un Français qui violera le secret des épices hollandaises.

Voleur d'épices

Voler des plants et les acclimater dans nos possessions, tel est le projet d'un jeune homme téméraire, en 1748. Lyonnais et nullement marin de vocation, ancien séminariste, missionnaire indocile, auquel un boulet anglais, rencontré en mer de Chine, a enlevé le bras et la vocation ecclésiastique (on ne peut bénir sans main droite !), se pique de littérature et de science. Ce personnage imaginatif au nom prédestiné : Pierre Poivre, sera le plus grand voleur d’épices de l’histoire : mais cela lui prendra un quart de siècle.

Envoyé par la Compagnie avec une frégate pour le “commerce de la Chine” et afin de “découvrir des épiceries fines” et de les transplanter sur nos terres, Poivre rapporte d’une première expédition en Cochinchine des plants de riz et des vers à soie, mais de girofle point. Aux Philippines, il s’informe des îles aux épices et finit même en 1752, peut-être grâce à quelque trafiquant de Manille, par se procurer une poignée de noix de muscade. Il les introduit en île de France cousues dans son habit pour en tirer cinq malheureux plants qui périssent, peut-être assassinés par un botaniste jaloux. Seconde tentative en 1755 : Poivre trouve d’autres plants à Timor : nouvel échec, sans doute nouveau sabotage. Du coup, il rentre en France et s’y marie.

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Le jeune couple retourne aux Mascareignes en 1768, Pierre étant nommé intendant des îles de France et de Bourbon que la Compagnie découragée a rétrocédées au roi. Pendant ce séjour, les Poivre reçoivent des visiteurs illustres : Bernardin de Saint-Pierre qui tombe amoureux de la belle mais fidèle Françoise et Bougainville achevant son tour du monde. Poivre l’intendant n’oublie pas les rêves de Poivre l’aventurier et envoie des frégates vers les Moluques. Ses envoyés trompent la surveillance des Hollandais, et, avec la complicité d’indigènes heureux de se venger de l’occupant, finissent par réussir. En 1770 deux frégates conduites par Poivre font le voyage aux Moluques sans se faire prendre par les sbires de la V.O.C. ni par les pirates. Elles ramènent en île de France 454 pieds de muscadiers et 70 girofliers. Poivre les cultive dans le jardin des Pamplemousses à Port-Louis, capitale de l'île de France. Le jardin est devenu un centre botanique expérimental sans égal. Et pour son couronnement le roi Louis XVI recevra un cadeau dont la royauté rêvait depuis longtemps : une noix de muscade produite en Terre de France. Des plants sont envoyés à l'île Bourbon et en Guyane française. Les larcins de Poivre seront les ancêtres des cultures de Zanzibar, de Madagascar, des Antilles, des Comores et des Seychelles. À ce moment le blocus hollandais est devenu sans efficacité et leur monopole est perdu.

Giroflier et muscade ont disparu des Mascareignes ; de l’épopée des voleurs d’épices ne subsiste guère qu’une curiosité touristique : le château de Mon Plaisir construit sous la Bourdonnais et son jardin royal du quartier des Pamplemousses au nord ouest de Maurice. C’est là que l’obstiné Poivre se livrait à ses tentatives de transplantation, et, arrachant le secret des îles secrètes et odorantes, condamnait la route aux épices.

samedi, 23 avril 2016

De visie van een Duits historicus op de relatie Vlaanderen en het Keizerrijk

Door: Dirk Rochtus

Ex: http://www.doorbraak.be

'Een vroeg verloren broederstam'

De visie van een Duits historicus op de relatie Vlaanderen en het Keizerrijk

lamp0228-4Dgr.jpgOver het lot van bezet België bogen zich tijdens WO I heel wat Duitse professoren. De historicus Lamprecht wilde Vlaanderen in het 'Reich'.

Als jonge kerel van amper twintig was Hendrik De Man (1885-1953) naar Duitsland, 'land van oorsprong en van belofte van het marxisme', getrokken om er aan de universiteit van Leipzig onder meer economie, geschiedenis en wijsbegeerte te studeren. In zijn Herinneringen beschrijft de latere voorzitter van de Belgische Werkliedenpartij, meermalige minister, maar vooral socialistische denker, de indrukken die toen beroemde professoren op hem hadden gemaakt. Uit een 'meeslepend college over vergelijkende beschavingsgeschiedenis' dat hij bij de historicus Karl Lamprecht (1856-1915) bijwoonde, meende De Man begrepen te hebben 'dat de loop der geschiedenis geen progressieve ontwikkeling is, doch een telkens – zij het onder andere vormen – weder-beginnen'.[i]

'Culturele tijdperken'

Volgens Lamprecht diende de periodisering van de geschiedenis te gebeuren op basis van Kulturzeitalter (culturele tijdperken) die overeenkomen met een bepaalde economisch-culturele ontwikkeling. Lamprecht vond een vergelijkende en economisch-culturele geschiedschrijving belangrijker dan een die draaide rond personen en politieke gebeurtenissen. Hij wilde de historische wetmatigheden onderkennen die de grondslag van het politieke en sociale gebeuren vormden. Over deze opvattingen ontbrandde de Methodenstreit met de aanhangers van Leopold von Ranke (1795-1886) die de geschiedenis, met de nadruk op die van staten, voorstelde als de poging om gewoon te tonen 'wie es eigentlich gewesen'. Mocht Lamprecht in Duitsland dan op veel weerstand botsen, in Frankrijk alvast oefende hij veel invloed uit op de Ēcole des Annales, een school van historici die in hun onderzoek de nadruk legden op economie en maatschappij.

'Lokale vrijheid'

Naar aanleiding van de honderdste sterfdag van Lamprecht verscheen bij de uitgeverij Leipziger Universitätsverlag een boek waarin de vele facetten van de controversiële historicus worden belicht [ii]. Voor de Eerste Wereldoorlog had Lamprecht nog zijn steentje bijgedragen tot de internationalisering van zijn vakgebied. Zo riep hij de jeugd op om in het buitenland te gaan studeren: 'Hinaus, du Jugend [...] hinaus in die Welt, die wir ganz kennen müssen, um uns selber recht zu kennen (...)'. Universele geschiedeniswetenschap en buitenlandse culturele betrekkingen waren voor hem middelen om te komen tot 'Völkerverständigung', een betere verstandhouding tussen de volken. Maar bij het uitbreken van de oorlog trad zijn geloof in de culturele zending van Duitsland meer naar voren. Dat bleek uit de reizen die hij in december 1914 en maart/april 1915 ondernam, naar het door de Duitsers bezette België en het Westfront. België speelde een grote rol in de militaire, strategische en economische plannen van het keizerlijke Duitsland. Talloze professoren braken zich het hoofd over het lot van de 'Belgische natie' en over de vraag of er zoiets als een 'belgische Seele' (ziel) bestond. Lamprecht beschouwde de Vlamingen als 'einen früh verlorenen [...] deutschen Bruderstamm' die het Duitse Rijk terug moest winnen. Hij pleitte dan ook in een gesprek met de keizer voor 'lokale vrijheid voor de Vlamingen en van daaruit opbouw van een eigen staat onder Duitse bescherming.' Daarmee vervreemdde hij de Belgische historicus Henri Pirenne (1862-1935), zijn collega en vriend van de Duitse cultuur, van zich.

___________

[i] Herinneringen van Hendrik De Man, Antwerpen/Arnhem, MCMXLI, p. 67

[ii] Jonas Flöter, Gerald Diesener (Hg.), Karl Lamprecht (1856-1915), Durchbruch in der Geschichtswissenschaft, Leipzig, 2015

 © www.mz-web.de

(Dit artikel verscheen in de ADVN-Mededelingen nr. 51, www.advn.be)

mercredi, 20 avril 2016

Fiume à l'avant-garde de l'histoire

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Fiume à l'avant-garde de l'histoire

Ex: http://idiocratie2012.blogspot.com

Les manifestants de « La nuit debout » sont d’une telle pauvreté inventive, entre slogans éculés de la gauche radicale et pratiques désuètes de la démocratie participative, que nous leur proposons, en guise de méditation – si ce mot a encore un sens dans leurs esprits conformistes –, une décharge d’adrénaline, une plus-que-vie jouissive qu’ils ont peu de chances de rencontrer dans leurs assemblées « conviviales » dont les gestes débilitants ont même été jusqu’à remplacer les paroles creuses.

Ayant atteint ma destination, j’offris des roses rouges au Frate Francesco au Vatican, je lançais plus de roses rouges, comme preuve d’amour, pour la Reine et le Peuple au dessus du Quirinal. Sur le Montecitorio [le parlement italien], je lançais un ustensile de fer rouillé attaché à un chiffon rouge, avec quelques navets attachés à la poignée et un message : Guido Keller – Entrepris sur les ailes de la Splendeur – offre au parlement et au gouvernement qui a régné grâce aux mensonges et à la peur depuis quelques temps, une allégorie tangible de leur valeur.

Rome, 14e jour du 3e mois de la Régence.[1]

Voilà comment Guido Keller – aventurier et aéro-poète futuriste – raconte le « bombardement » du parlement italien qu’il accomplit le 14 novembre 1920 à bord de son monoplan Ansaldo SVA 5.2, afin de protester contre la signature du traité de Rapallo le 12 novembre 1920 par l’Italie et la Yougoslavie. L’équipée « aéro-romantique » du principal lieutenant de Gabrielle D’Annunzio marquait symboliquement la fin de l’une des entreprises les plus surprenantes de l’après-guerre : la prise et l’occupation de la ville frontière de Fiume et la transformation, durant un an, de la cité en un vaste champ d’expérimentation esthético-politique, que l’on peut considérer comme une matrice aussi bien de l’avant-gardisme radical européen que des nouveaux phénomènes politiques qui émergeaient à la faveur du règlement de la première guerre mondiale, en particulier le fascisme italien.

fiume 444.jpgLa ville de Fiume, ou Rijeka en croate, avait bénéficié en 1719 d’un statut de port franc autonome accordé par décret par Charles VI d'Autriche puis par l'impératrice Marie-Thérèse. En 1848, Fiume avait été brièvement occupée par la Croatie avant de retrouver son indépendance en 1868. Ville par excellence internationale, Fiume était, en 1919, peuplée d’Italiens, de Croates, de Hongrois ou d’Allemands. L’italien restait la langue dominante et le dialecte local, le « fiumien », se rapprochait du vénitien, tandis que le dialecte des campagnes alentours correspondait plus à une variante du croate. Ce métissage conférait à la ville une identité très forte et Fiume pouvait presque être considérée comme un exemple en miniature du multiculturalisme qui avait marqué, et aussi miné, l’empire austro-hongrois.

En 1919, le premier ministre Vittorio Emanuele Orlando avait quitté Paris, où se tenait la conférence de la paix entre les vainqueurs de la Première Guerre mondiale, ulcéré par les décisions prises à l’égard de son pays. Démentant leurs promesses de 1915, les alliés avaient en effet ignoré les conditions auxquelles avait été négociée l’entrée en guerre de l’Italie à leurs côtés contre les puissances centrales[2] et notamment l’attribution à l’Italie des fameux territoires irredente, dans lesquels était comprise Fiume. Néanmoins, le président du conseil, Francesco Saverio Nitti, plus préoccupé par les troubles sociaux qui secouaient l’Italie du Biennio rosso[3], avait accepté les conditions offertes à l’Italie par les puissances alliées et signé officiellement l’armistice le 10 septembre 1919. 

Parmi toutes les voix qui s’étaient élevées à ce moment pour dénoncer la politique de Nitti, celle du « poète-guerrier » Gabrielle D’Annunzio semblait couvrir toutes les autres. Non content de traiter publiquement Nitti de cagoia, D’Annunzio, entouré d’un petit groupe de fidèles et à la tête d’une véritable armée personnelle de soldats démobilisés et d’aventuriers, prit la décision de marcher sur la ville de Fiume, dont il expulsa sans difficultés les corps expéditionnaires américains, anglais et français qui l’occupaient, dans le but de restituer la ville à l’Etat italien. Le gouvernement italien déçut cependant ses attentes en refusant son offre. D’Annunzio pris alors la décision d’instaurer à Fiume un gouvernement basé sur une charte rédigée par l’anarcho-syndicaliste Alceste de Ambris, tenant lieu de constitution pour la cité de Fiume, et prévoyant la création d’une « anti-société des nations » alliée de tous les « peuples opprimés de la terre ». La « Régence du Carnaro », ainsi créée et dénommée par D’Annunzio, inaugurait une expérience politique unique en Europe qui allait s’étendre de septembre 1919 à décembre 1920. Autour de D’Annunzio se pressaient les nouveaux maîtres de la ville de Fiume : les arditi[4], mais également des futuristes, des dadaïstes, des anarchistes, des monarchistes, et toutes sortes d’aventuriers de tout acabit. La Russie bolchevique fut le seul Etat à reconnaître l’existence de cette Cité-Etat insurrectionnelle dans laquelle les notables locaux observaient, terrifiés mais impuissants, leur cité se transformer en une immense scène de théâtre où l’on organisait des mises en scènes baroques en l’honneur du Vate et des débats publics dans lesquels on discutait d’amour libre, de libération de la femme, ou d’abolition des prisons. « La mascarade, la raillerie et la dérision leur servent de langage, écrit Claudia Salaris. Futuristes, dadaïstes et anarchistes expérimentent le laboratoire fiumain, en discutant de thèmes aussi osés pour l’époque que la libération de la femme, la drogue, l’abolition de l’argent et des prisons. » [5]

On ne considère en général l’équipée de Fiume que comme une démonstration proto-fasciste de l’esprit de revanche qui anime une partie des élites d’une Italie mutilée par la victoire. Or, il convient d’appréhender l’épisode sous un angle beaucoup moins réducteur. Dès la fondation de la Régence du Carnaro, les principaux artisans de l’aventure fiumienne considèrent en effet leur entreprise comme le point de départ d’un mouvement révolutionnaire qui doit répondre aux aspirations à la fois politiques, mais aussi sociales et esthétiques les plus radicales des avant-gardes et des déclassés de l’après-guerre, conscients de faire partie d’un pays dévasté qui n’appartient plus, quant à lui, qu’à l’arrière-garde des vainqueurs. Mélange hétéroclite de revendications nationalistes, de passions anarchistes et de sensibilité libertaire, agrégat tumultueux de soldats en rupture de ban, d’aventuriers, d’artistes de la grenade, de futuristes enragés, de dadas de combat, de monarchistes désespérés, de criminels fantasques, de poètes en uniforme, de révolutionnaires sans cause et de quelques véritables candidats à l’asile psychiatrique, la « république du Carnaro », décrétée par D’Annunzio du 12 septembre 1919 au 30 décembre 1920 a constitué une expérience unique dans le chaos de l’Europe d’après-guerre. Proclamée lieu de l’amour et de la fête perpétuelle, elle attise la curiosité de Mussolini qui reste dubitatif, mais n’oublie pas de tirer pour lui-même les leçons essentielles du théâtre permanent organisée par D’Annunzio à travers sa révolution. Elle suscite au contraire le dédain de Marinetti qui ne voit dans les activistes de Fiume qu’une collection d’agitateurs jetant dans la même mêlée hystérique anarchistes, futuristes et monarchistes. La charte du Carnaro, rédigée par l’anarcho-syndicaliste italien Alceste De Ambris, montre la méfiance des nouveaux maîtres de Fiume à l’égard de l’Etat moderne et entend se fonder véritablement sur la souveraineté populaire mais elle inscrit aussi dans la nouvelle constitution un certain nombre d’avancées sociales difficilement imaginables pour l’époque. Outre le fait que la charte se soit rendue célèbre pour avoir déclaré la musique comme principe fondamental d'État, elle autorise le divorce, accorde le droit de vote aux femmes, légalise l'homosexualité, l'usage de stupéfiants et le naturisme. Le poète belge Léon Kochnitzky, proche ami de D’Annunzio, voit quant à lui le « fiumanisme » comme une entreprise révolutionnaire universelle, propre à renverser l’ordre établi du vieux monde :

Rassembler en une formation compacte les forces de tous les peuples opprimés de la terre, nations, races…etc…etc…Et utiliser ceci pour combattre et triompher des oppresseurs et des impérialistes qui veulent faire prévaloir leurs intérêts financiers sur les sentiments les plus sacrés des hommes : la foi, l’amour de la patrie, la liberté individuelle et la dignité sociale.[6]

fiume0591.jpgLudovico Toeplitz, cinéaste italien et polyglotte, était quant à lui chargé des relations extérieures de la régence du Carnaro et, à ce titre, il mit également tout en œuvre pour faire de la ligue de Fiume une véritable « antisociété des nations », selon le vœu même de Gabrielle D’Annunzio :

J’ai pris contact avec tous les mécontents de divers pays autour du monde: avec Zagloul Pascia en Egypte, pas encore premier ministre mais leader du parti des Fellah ; avec Kemal Pacha, le puissant leader du parti des Jeunes Turcs, qui prendra sans doute très prochainement le pouvoir. A Fiume, nous avons fondé l’Anti-société des Nations, en opposition à l’inique traité de Versailles.[7]

Le ravitaillement de cette cité pirate moderne, assiégée dès le début de l’année 1920 par l’armée italienne, était assuré par d’audacieux coups de mains, supervisés par le principal lieutenant de D’Annunzio : Guido Keller, un personnage si fantasque qu’il ne semble encore aujourd’hui n’avoir pu exister que dans un roman. Ancien as de l’aviation italienne, aéropoète futuriste et mystique fantasque, Keller avait réinventé dans les airs une forme de duel courtois consistant à prendre le dessus sur son adversaire avant de le laisser avec noblesse prendre la fuite. Il était également le fondateur de la confrérie des cheveux coupés, que l’on intégrait après avoir démontré que l’on était capable de se couper les cheveux en vol, et avait fait installer un service à thé dans son avion qu’il pilotait d’ailleurs la plupart du temps en pyjama.

A Fiume, au beau milieu de la joyeuse anarchie constitutionnellement instaurée par la Régence du Carnaro, il n’était pas rare de voir Keller passer une partie de la journée dans le plus simple appareil ou éventuellement grimé en Poséidon. Il dormait dans les arbres, était végétarien et considérait comme une manifestation de joie tout à fait opportune le fait de faire exploser une grenade un peu à tout propos. « Quand il avait des moments de libertés, écrivait Atlantico Ferri dans la Testa di ferro, il montait dans l’arbre, complètement nu, et, dans son aérienne demeure remplissait toutes les fonctions – y compris les plus naturelles…- que la plupart des hommes remplissent au niveau du sol. » Epaisse chevelure noire, barbe méphistophélique, Keller semble presque plus tenir du faune que de l’être humain. Il semble d’ailleurs que l’un de ses passe-temps favoris était de faire peur aux jeunes couples qui allaient s’embrasser près du cimetière de Fiume en allant y pousser la nuit des hurlements de bêtes au point que le commandante D’Annunzio alla jusqu’à mandater une compagnie de soldats pour prouver qu’aucun mort-vivant ou loup-garou ne se cachait là. Spécialiste des coups de main et actes de piraterie par lesquels la cité survivait, Keller rédigea également une circulaire invitant tous les fous d’Italie et pensionnaires d’asile à demander leur libération pour rejoindre Fiume[8] et fut aussi le fondateur de la société secrète Yoga qui entretenait en Europe des relations avec les futuristes de tous bords et de toutes nationalités ainsi qu’avec des dadaïstes allemands[9] ou les bolcheviques russes et hongrois. Lénine avait déclaré avant la guerre qu’il considérait Gabrielle D’Annunzio comme le seul véritable leader révolutionnaire en Italie[10] ; il avait omis de mentionner l’indispensable compagnon du Vate, Guido Keller, capable aussi bien d’organiser un assaut romantique et théâtral – intitulé « Le château d’Amour » - du palais de la présidence de Fiume, que de s’emparer de cinquante chevaux au nez et à la barbe de l’armée italienne. Comme d’Annunzio, Keller était convaincu que Fiume était devenue à la fois la « cité de l’Holocauste » et la « cité de l’Amour », l’épicentre du séisme qui devait ébranler l’histoire, libérer les peuples et renverser les Etats assassins et les gouvernements d’imposteurs. 

fiume6_BO1,204,203,200_.jpgL’épisode fiumain, anachroniquement moderne, semble à la fois suspendu hors du temps et en même temps installé au cœur, au point charnière, de l’histoire européenne. Les révolutionnaires de Fiume réussissent à instaurer le complet envahissement de l’existence par l’art, et dans le même temps la complète politisation de l’art. Le geste de révolte devient manifestation artistique et la révolution, la guerre, le combat une manifestation esthétique : l’allégorie ultime du mouvement de la vie, de la mort et du chaos. Les futuristes, les dadas de combat et les poètes révolutionnaires monarchistes, anarchistes ou nationalistes que l’on pouvait rencontrer à Fiume ont eu des prédécesseurs en plein XIXe siècle dont ils reprennent les slogans, reproduisent les poses et rééditent en partie les engagements, à l’échelle d’une ville et d’une expérience un peu folle au cours de laquelle esthétique et action ne forment qu’un seul geste.

La mise en place du gouvernement de Fiume s’accompagna de la prise de pouvoir partielle au sein de la cité de la société Yoga qui avait pour charge d’affirmer la vocation avant-gardiste et internationaliste du mouvement fiumien. Dans la Testa di ferro, revue de la société Yoga animée par le futuriste Mario Carli, surnommé « Notre bolchevisme » ou « Le petit père du bolchevisme », on célébrait « la cité italienne de Fiume – cité de la vie nouvelle – libération de tous les opprimés (peuples, classes, individus – discipline de l’esprit contre toute discipline formelle – destruction de toutes les hégémonies, dogmes, conservatismes et parasitismes – creuset des énergies nouvelles – peu de mots, beaucoup de substance. » [11] L’Unione Yoga appelait de ses vœux un « ordre lyrique » capable à la fois de libérer les peuples et la créativité de l’individu en combattant toute forme d’aliénation. « Révolutionnaires non contre un parti ou pour un parti, mais révolutionnaires contre ce que nous sommes », proclamait le premier numéro de la revue, publié le 13 novembre 1920. Les armes que se donnaient les membres de Yoga relevaient de l’art de la rhétorique tout autant que de celui de la guerre. Il s’agissait de « vaincre l’adversaire par l’ironie, l’exposer au ridicule en lui ôtant toute autorité barbante, ainsi que sa maladresse le méritait »[12], en d’autre terme, d’opposer l’ironie au conservatisme et à la pose :

Contre les lunettes dorées à branches

Contre les ‘Adieu mon cher’

Contre les ‘r’ gorgés

Contre la pose

Contre la folie comme il faut, organisée à domicile sérieuse et spirituelle et à des fins exhibitionnistes.[13]

La Yoga a transformé le temps d’un coup d’Etat la cité de Fiume en théâtre permanent, multipliant les coups de main et les interventions publiques et spontanées que les avant-gardistes nommeront plus tard happening, en pleine rue, sous les yeux d’une population éberluée et au grand dam des notables de la ville. On organisait aussi des consultations publiques au cours desquelles l’on abordait tous les sujets, où l’on parlait de tout, vite, avec enthousiasme pour ceux qui s’imaginaient que la parole libérée accélérerait la chute du vieux monde ou simplement avec l’ardeur des désespérés qui savaient au fond que la « cinquième saison du monde » s’achèverait sans doute bientôt :

Au cœur de la vieille ville de san Vito se trouve la place où nous nous retrouvons. Un grand arbre protège de sa plénitude l’harmonie du parler.

(…)

Un soir, on parlait de l’abolition de l’argent, un autre de l’amour libre, un autre encore, de l’homme politique, du règlement de l’armée, de l’abolition des prisons, de l’embellissement de la ville.

(…)

C’est ainsi que la conversation coule, admirable, sur la vieille place, dans une harmonie parfaite entre la prostituée et le poète, entre le navigateur et l’antiquaire, entre le banquier et l’intellectuel, tandis que la présence des animaux, dans leur mutisme, est appréciée.[14]

Alors que Margherita Keller Besozzi, cousine de Guido Keller et figure féministe décrétait que : « La femme de Fiume n’est autre que la mère de la femme moderne », les révolutionnaires, par l’entremise de leur revue, lançaient des mots d’ordres toujours plus radicaux, à mesure que semblait se rapprochait l’issue tragique de l’aventure de Fiume :

Bloquez donc les trains et les navires, inondez les mines obscènes, fermez les ateliers (cages de fous inventées par des diables), mettez le feu aux bureaux, aux ministères, aux Bourses où l’on gagne ce qui ne vaut pas la peine d’être gagné…et sauvez la vie ! […] Avec quelle volupté je mettrais le feu à vos stupides « académies », à vos putrides « musées », pleins des restes d’une beauté fanées (créées par des ouvriers pour des princes), que vous n’êtes plus capables de comprendre, à vos « écoles d’art », où en grande pompe des cadavres ensevelis enseignent à ceux qui n’ont pas de génie comment on fait pour devenir plus médiocre que son maître.[15]

fiumeHK0vsCIAE21Gp.jpgLe « Noël sanglant » du 24 décembre 1920 mit fin à l’aventure de Fiume et à la tentative de révolution ésotérique et an-historique de D’Annunzio, contraint d’évacuer la ville après une semaine de rudes combats contre l’armée italienne. Le Vate terminera sa vie presque assigné à résidence dans sa demeure du lac de Garde, devenu invalide après être mystérieusement « tombé » de sa fenêtre dans la nuit du 13 au 14 août 1922.

Pour Guido Keller, l’échec de Fiume fut le début d’une errance qui le mènera de l’Italie à l’Amérique du sud, où il tentera encore de donner vie à ses rêves libertaires. Il tenta d’abord de mettre en place une pièce de cirque aérien intitulée La conquête du soleil puis s’exila en Turquie pour y monter une école de pilotage, avant de devenir officier de l’escadrille militaire de Cyrénaïque à Benghazi. Abattu par les rebelles, il sympathisa avec eux avant d’embarquer pour l’Amérique du sud et le Pérou - « patrie de la coca – princesse généreuse » - où il se lança dans une tentative révolutionnaire, écrasée dans le sang. « Les morts sont semblables à ceux de Fiume, écrit-il à Sandro Pozzi. Je suis le chemin tracé par le destin : j’ai cherché ma lointaine terre tranquille et, comme Ulysse, j’ai échangé un cheval borgne contre une monture aveugle. » Le dernier acte de son existence le vit s’associer au peintre et sculpteur Hendrik Andersen afin de créer une « cité de vie » sur une île perdue de la mer Egée où aucune loi ou forme d'ordre ne devait avoir cours et où seuls les artistes et les aventuriers auraient été autorisés à vivre. Le projet n’aboutira jamais. En 1929, Guido Keller décède, victime d’un accident de moto sur une route d’Italie, comme Thomas Edward Lawrence, dit Lawrence d’Arabie, six ans plus tard. D’Annunzio meurt quant à lui en 1938 et Mussolini lui accorde des funérailles nationales, dont il se serait sans doute bien passé, lui qui était devenu un indésirable politique assigné à résidence par le régime fasciste. Le temps n’est plus aux rêveurs et aux poètes et dans une Europe livrée à nouveau à l’affrontement des empires, les idéologies carnivores dévoreront ensemble les utopies et les peuples. 

Notes:

[1] Guido KELLER. Feuillets autographes. in Janez JANSA. Il porto dell’amore. Texts by Domenico Cuarenta. Quis contra nos 1919-2019. www.reakt.org/fiume

[2] Des négociations qui prévoyaient que l’Italie, en échange de sa participation au conflit, obtienne, après la guerre les régions : du Trentin, du Tyrol du Sud jusqu'au Brenner, de l'Istrie, de la Dalmatie, des villes de Trieste, Gorizia et Gradisca, d'un protectorat sur l'Albanie, de la souveraineté sur le port de Vlora, de la province de Antalya en Turquie, en plus du Dodécanèse et d'autres colonies en Afrique de l'Est et Libye. La quasi-totalité de ces accords seront ignorés à la conférence de Paris en 1919.

[3] Cette expression désigne les deux années, de 1918 à 1920, qui après la fin de la guerre sont marquées en Italie par une très forte agitation sociale et la crainte d’une prise de pouvoir par les communistes, d’où le nom de « Biennale rouge ».

[4] Les « ardents ». Compagnons de D’Annunzio, pour la plupart d’anciens soldats, dont l’uniforme, le cri de ralliement, me ne frego, et l’organisation devaient par la suite grandement inspirer Mussolini lors de la création des faisceaux de combat.

[5] Claudia SALARIS. A la fête de la révolution. Artistes et libertaires avec D'Annunzio à Fiume. Paris, Éditions du Rocher, 2006. p. 11

[6] De Felice, D’Annunzio politico 1918-1938, Roma-Bari, Laterza, 1978, p. 73. Cité par Janez Jansa. Il porto dell’amore. Aksioma - Institute for Contemporary Art, Ljubljana

[7] Ludovico Toeplitz, Cial a chi tokka, Milano, Edizioni Milano Nuova, 1964, p. 49

[8] A la même époque, Marinetti proclame : « Il est temps que l’on fasse aussi de la folie (bouleversement des rapports logiques) un art conscient et évolué. » Ce genre de déclarations rappelle bien entendu les déclarations surréalistes et les tentatives réalisées en Allemagne par le SPK à la fin des années 70 pour libérer les hôpitaux psychiatriques. Tentatives qui s’étaient soldées au final par l’intervention musclée du GIGN allemand dans un établissement « autogéré par les malades. »

[9] L’expédition de Fiume fut d’ailleurs saluée avec chaleur par le club Dada de Berlin, dans un télégramme envoyé au Correrre Del Sierra : « Conquête est une grande action dadaïste, et nous emploierons tous les moyens pour assurer sa reconnaissance. L’atlas mondial Dada Dadaco reconnaît déjà Fiume comme une ville italienne. »

[10] Le gouvernement illégal de Fiume entreprit d’ailleurs très tôt de lier contact avec la Russie bolchevique qui fut le seul état à reconnaître son existence.

[11] Phrase emblématique apparaissant dans nombre de numéros de La Testa di ferro.

[12] Sandro Pozzi dans La Testa di ferro.

[13] Manifeste-affiche : « Fondation à Fiume de la Yoga »

[14] Giovanni Comisso. Il Il porto dell'amore. Longanesi [Biblioteca di narratori]. 2011.

[15] Yoga n°2. 20 novembre 1920.

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dimanche, 17 avril 2016

Le MAI 1968 dont les médias n’ont pas voulu parler

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Le MAI 1968 dont les médias n’ont pas voulu parler

Ex: http://zejournal.mobi

Soyons sérieux : le véritable anar, en mai 1968, ça n’était pas Cohn-Bendit, c’était le général de Gaulle. Il était seul, entouré d’ennemis. A 78 ans, ce vieil anticonformiste a livré ses dernières batailles, tiré ses dernières cartouches. C’était Roland à Ronceveau ! Dien bien phu !…

« La seule chose que les Américains ne lui ont jamais pardonné, m’a dit Pierre Messmer peu avant sa mort, ça n’est pas sa sortie de la défense intégrée de l’OTAN (où Sarkozy veut nous faire réentrer), ni son fameux discours de Pnom-Penh dénonçant la guerre au Vietnam, mais c’est sa remise en cause du « privilège exorbitant du dollar ». Monnaie de réserve mondiale, encore liée à l’or à l’époque, du moins symboliquement, le dollar permettait aux USA de vivre à crédit sur le dos du monde en faisant marcher à tour de bras la planche à billets (ça continue aujourd’hui en mille fois pire !)…

De Gaulle, Che Guevara de la finance (et autrement dangereux qu’un Che Guevara puisqu’il dirigeait une nation puissante munie de l’arme atomique) a envoyé la marine nationale aux Etats-unis, acte hautement symbolique, pour remporter « son or » en échange de billets verts, monnaie de singe dont il ne voulait plus. Là, il visait juste, il visait où ça fait mal. Et il a essayé d’entrainer avec lui, dans cette aventure (se débarrasser des dollars-papier), l’Afrique du sud, les pays arabes, la Russie, la Chine… Les stocks d’or US fondaient.

La presse d’outre-atlantique poussait des hauts cris, dénonçant « Gaullefinger » ! Par ailleurs, il tentait de construire une Europe « indépendante des deux blocs » qui inclurait des pays de l’est (en plein mai 68, il rendait visite en ce sens en Roumanie à Ceaucescu). Dans le même esprit il avait élaboré une défense « tous azimuts », ses missiles nucléaires devant être tournés vers l’est mais aussi vers l’ouest (le général Ailleret, metteur en œuvre de cette politique, mourrait opportunément dans un accident d’avion en mars 68, à la veille du fameux mois de mai).

Qui sait, disait de Gaulle pour justifier cette politique, qui gouvernera les Etats-unis et la Russie dans quelques décennies. En sus des Américains, de Gaulle avait à dos leurs suiveurs atlantistes, de Mitterrand à Lecanuet, sans compter Jean-Jacques Servan-Schreiber qui, en plein mois de mai, dénonçait « la dictature intellectuelle du Général qui avait tout gelé en France ». Et cela dans un magazine américain : « Life » qui par ailleurs voyait dans l’Elysée un nid d’espions du KGB. Aux USA une campagne de presse antigaulliste d’une violence et d’un bêtise inouïes battait son plein…

Participaient encore à cette curée, le banc et l’arrière banc du vichysme et de l’OAS : « mai » c’était l’occasion de régler son compte à l’homme de la France libre et au décolonisateur de l’Algérie. Sans compter les milieux d’affaire : « De Gaulle a pour opposants les mêmes gens, haute finance et classe moyenne, qui firent tomber le gouvernement Blum dans les années trente en spéculant contre le franc et en plaçant leur argent à l’étranger (écrit Hannah Arendt dans une lettre à Mary Mc Carty fin 68). Le tout non pas en réaction aux émeutes étudiantes, mais aux idées grandioses de de Gaulle sur la PARTICIPATION des travailleurs dans les entreprises »…

Autre crime impardonnable du vieux baroudeur en effet. Tandis que les pavés volaient, les stocks d’or français s’envolaient. La guerre contre le dollar, ourdie par de Gaulle se retournait en offensive spéculative contre le franc… Le paradoxe du gauchisme, __et sa vérité farcesque__ c’est que prétendant abattre la société bourgeoise, il avait derrière lui tous les notables, tous les nantis qui rêvaient d’abattre la statue du Commandeur gaullien (car la France est le seul pays où le mouvement mondial de mai a pris un tour directement politique: renverser un gouvernement).

Des « situationnistes » m’ont raconté que, lors de l’occupation de la Sorbonne, des gens « louches », manifestement de l’OAS, leur avaient proposé des armes. Au cours d’une manif, un ancien mao se rappelle que, pris dans la foule, au premier rang, des mains invisibles, par derrière, distribuaient par centaines barres de fer et manches de pioches. Provocateurs ? Qui avait intérêt à mettre de l’huile sur le feu ?

Ce dont le sympathique et, dans une certaine mesure, naïf Cohn-Bendit ne se vante pas, c’est que depuis mars 68, il était suivi pas à pas par Paris-Match et RTL, entre autres, qui l’ont transformé en « star révolutionnaire ». Reportage-photos sur Cohn-Bendit dans sa cuisine, se préparant un café; ou faisant joujou avec les enfants de son frère; ou bien, comble de l’ironie, cliché en double-page le montrant en blouson, portant une valise de « bolchevique errant », devant la porte de Brandebourg, avec en légende : « ET MAINTENANT IL PART PRECHER L’ANARCHIE DANS TOUTE L’EUROPE ». Cela, je le dis bien, dans Match, feuille de choux « gauchiste » s’il en est !!!

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C’est dans la voiture de Match, une ID 19, que Cohn-Bendit a quitté la France au milieu de mai 68, c’est dans la voiture de Match qu’il y est entré à nouveau: ses cheveux roux teints en noir. De la commedia dell’arte ! A qui appartenait Match à l’époque (et en partie RTL): à Jean Prouvost qui, en sa personne, résume un bonne part de tout ce que de Gaulle comptait d’ennemis: le notable, le nanti, le grand industriel, le sympathisant vichyste (frappé d’indignité nationale en 45). Prouvost figure comme rédacteur en chef de Match, début juin 68, ayant purgé son équipe: grand-patron-journaliste et supervisant donc directement le contenu du journal !… Non sans ironique finesse politique, Cohn-Bendit lançait, en plein 68: « En fait on roule pour Mitterrand ». Pour l’atlantisme ? Les manipes, il les a senties lui aussi.

En juin 68 Cohn-Bendit déclare à Hervé Bourges: « Il semble que la CIA se soit intéressée à nous ces derniers temps: certains journaux et associations américaines, filiales et intermédiaires de la CIA, nous ont proposé des sommes importantes; inutile de vous dire l’accueil que nous leur avons fait… »(1). Les sentiments de la CIA à l’égard de de Gaulle, nous les connaissons grâce à un rapport de Richard Helms au président Johnson du 30 mai 1968 dénonçant dans le général un dictateur qui ne pourra se maintenir au pouvoir qu’en versant des fleuves de sang (2).

Les gaullistes, me direz-vous, ont gagné les législatives de juin 1968. Certes. Mais de Gaulle les a perdues. Il a perdu sa guerre: « Notre monnaie était profondément atteinte, écrirait Georges Pompidou. Nos réserves avaient fondu comme neige au soleil…La France du général de Gaulle était ramenée à ses vraies dimensions et on ne s’en réjouissait pas moins. Finie la guerre au dollar. Finies les leçons données aux grands de ce monde. Fini notre leadership en Europe occidentale. Telle était la réaction mondiale et, si je ne le montrais guère, j’éprouvais de tout cela une immense tristesse »(3). Mai 68 ça n’est pas que cela sans doute. Mais c’est AUSSI cela…

Notes:

1-Farkas, Jean Pierre: 1968, le Pavé,Phonurgia nova éditions,1998.

2-Jauvert, Vincent: L’Amérique contre de gaulle, Seuil, 2000.

3- Pompidou, Georges: Pour rétablir une vérité, Plon 1982.

Photo: Charles de Gaulle et Nicolae Ceausescu en Roumanie


- Source : Comité Valmy

jeudi, 14 avril 2016

Aspects pratiques des convergences eurasiennes actuelles

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Aspects pratiques des convergences eurasiennes actuelles

Conférence prononcée par Robert Steuckers pour les « Deuxièmes journées eurasistes » de Bordeaux, 5 septembre 2015

Bonjour à tous et désolé de ne pouvoir être physiquement présent parmi vous, de ne pouvoir vous parler qu’au travers de « Skype ».

 Je vais essentiellement vous présenter un travail succinct, une ébauche, car je n’ai que trois quarts d’heure à ma disposition pour brosser une fresque gigantesque, un survol rapide des mutations en cours sur la grande masse continentale eurasiatique aujourd’hui. Je ne vous apporterai ce jour qu’un squelette mais vous promets simultanément un texte bien plus étoffé, comme ce fut d’ailleurs le cas après les « journées eurasistes » d’octobre 2014 à Bruxelles. 

L’incontournable ouvrage du Professeur Beckwith

Lors de ces premières rencontres eurasistes de Bruxelles, tenues dans les locaux du vicariat à deux pas de la fameuse Place Flagey, je me suis concentré sur les grandes lignes à retenir de l’histoire des convergences eurasiatiques, en tablant principalement sur l’ouvrage incontournable, fouillé, du Professeur Christopher I. Beckwith de l’Université de Princeton. Pour le Prof. Beckwith, la marque originelle de toute pensée impériale eurasienne vient de la figure du Prince indo-européen, ou plutôt indo-iranien, qui émerge à la proto-histoire, un Prince qui a tout le charisme et l’exemplarité nécessaires, toutes les vertus voulues, pour entraîner derrière lui une « suite » de fidèles, un « comitatus », comme l’attestent d’ailleurs la figure mythologique du Rama védique et celle de Zarathoustra, fondant ainsi une période axiale, selon la terminologie philosophique forgée par Karl Jaspers et reprise par Karen Armstrong. Le Prince charismatique et son « comitatus » injectent les principes fondamentaux de toute organisation tribale (essentiellement, au départ, de peuples cavaliers) et, par suite, de tout organisation territoriale et impériale, ainsi que le montre le premier empire de facture indo-européenne sur le Grand Continent eurasiatique, l’Empire perse. Ce modèle est ensuite repris par les peuples turco-mongols. Cette translatio au profit des peuples turco-mongols ne doit pas nous faire oublier, ici en Europe, le « droit d’aînesse » des peuples proto-iraniens. 

J’espère pouvoir aborder la dimension religieuse des convergences eurasiatiques lors de futures rencontres eurasistes, en tablant sur des œuvres fondamentales mais largement ignorées dans nos contextes de « grand oubli », de « grand effacement », car nous savons, depuis les travaux de feue Elisabeth Noelle-Neumann que le système dominant procède par omission de thématiques dérangeantes pour n’imposer que du prêt-à-penser, pour ancrer l’oubli dans les masses déboussolées. Parmi ces œuvres à ré-explorer, il y a celle de l’explorateur et anthropologue italien Giuseppe Tucci, dont Payot avait jadis publié l’immense travail sur les religiosités d’Asie centrale, sur les syncrétismes du cœur de l’Asie. Ceux-ci ont émergé sur un socle shamaniste, dont toutes les variantes du bouddhisme, surtout au Tibet, en Mongolie, dans les confins bouriates, ont gardé des éléments clefs. Le « Baron fou », Fiodor von Ungern-Sternberg, commandeur de la division de cavalerie asiatique du dernier Tsar Nicolas II, était justement fasciné par cette synthèse, étudiée à fond par Tucci. Ensuite, comme le préconise Claudio Mutti, le directeur de la revue de géopolitique italienne Eurasia, une relecture des travaux de Henry Corbin s’avère impérative : elle porte sur les traditions avestiques, sur le culte iranien de la Lumière, sur la transposition de ce culte dans le chiisme duodécimain, sur l’œuvre du mystique perse Sohrawardî, etc. Mutti voit en Corbin le théoricien d’une sagesse eurasiatique qui émergera après l’effacement des religions et confessions actuelles, en phase de ressac et de déliquescence. Le culte de la Lumière, et de la Lumière intérieure, du Xvarnah, de l’auréole charismatique, également évoquée par Beckwith, est appelé à prendre la place de religiosités qui ont lamentablement basculé dans une méchante hystérie ou dans une moraline rédhibitoire. L’avenir ne peut appartenir qu’à un retour triomphal d’une religiosité archangélique et michaëlienne, au service de la transparence lumineuse et du Bien commun en tous points de la planète. 

Aujourd’hui, cependant, je me montrerai plus prosaïque, davantage géopolitologue, en n’abordant que les innombrables aspects pratiques que prennent aujourd’hui les convergences eurasiatiques. Les initiatives sont nombreuses, en effet. Il y a la diplomatie nouvelle induite par la Russie et son ministre des affaires étrangères Sergueï Lavrov ; il y a ensuite les initiatives chinoises, également diplomatiques avec la volonté d’injecter dans les relations internationales une manière d’agir qui ne soit pas interventionniste et respecte les institutions et les traditions des peuples autochtones, mais surtout la volonté de créer de multiples synergies en communications ferroviaires et maritimes pour relier l’Europe à la Chine. Ensuite, l’Inde, sans doute dans une moindre mesure, participe à ces synergies asiatiques. Le groupe des BRICS suggère un système bancaire international alternatif. L’ASEAN vise à annuler les inconvénients de la balkanisation de l’Asie du Sud-est, en cherchant des modes de relations acceptables et variés avec la Chine et, parfois, avec l’Inde ou la Russie. 

D’Alexandre II à Poutine

alexander22006.jpgPour le dire en quelques mots simples, la Russie actuelle cherche à retrouver la cohérence du règne d’Alexandre II, qui avait tiré les conclusions de la Guerre de Crimée lorsqu’il avait accédé au trône à 37 ans, en 1855, alors que cette guerre n’était pas encore terminée. La Russie de Poutine et de Lavrov rejette en fait les facteurs, toujours présents, toujours activables, des fragilités russes du temps de Nicolas II et de la présidence d’Eltsine, période de la fin du XXe siècle que les Russes assimilent à une nouvelle « Smuta », soit à une époque de déliquescence au début du XVIIe siècle. L’idée de « smuta », de déchéance politique totale, est une hantise des Russes et des Chinois (leur XIXe siècle, après les guerres de l’opium) : pour les Européens de l’Ouest, la « smuta » première, c’est l’époque des « rois fainéants », des mérovingiens tardifs et les historiens, dans un avenir proche, considèreront sans nul doute l’Europe des Hollande, Merkel, Juncker, etc., comme une Europe affligée d’une « smuta » dont les générations futures auront profondément honte. 

Aujourd’hui, les risques auxquels la Russie est confrontée restent les mêmes que du temps de la guerre de Crimée ou du règne de Nicolas II. Elle est en effet tenue en échec en Mer Noire malgré le retour de la Crimée à la mère-patrie : l’OTAN peut toujours faire jouer le verrou turc. Elle est menacée dans le Caucase, où elle avait soumis les peuples montagnards après des campagnes extrêmement dures, très coûteuses en hommes et en matériels. Sous Alexandre II, elle franchit la ligne Caspienne-Aral pour s’avancer en direction de l’Afghanistan : cette marche en avant vers l’Océan Indien s’avère pénible et Alexandre II prend parfaitement conscience des facteurs temps et espace qui freinent l’élan de ses troupes vers le Sud. Le temps des campagnes doit être réduit, les espaces doivent être franchis plus vite. La solution réside dans la construction de chemins de fer, d’infrastructures modernes. 

Des ONG qui jouent sur tous les registres de la russophobie

La réalisation de ces projets de grande ampleur postule une modernisation pratique et non idéologique de la société russe, avec, à la clef, une émancipation des larges strates populaires. Le nombre réduit de la classe noble ne permettant pas le recrutement optimal de cadres pour de tels projets. Dès 1873, dès l’avancée réelle des forces du Tsar vers l’Afghanistan donc potentiellement vers le sous-continent indien, clef de voûte de l’Empire britannique dans l’Océan Indien, dit l’« Océan du Milieu », commence le « Grand Jeu », soit la confrontation entre la thalassocratie britannique et la puissance continentale russe. De 1877 à 1879, la Russie prend indirectement pied dans les Balkans, en tablant sur les petites puissances orthodoxes qui viennent de s’émanciper du joug ottoman. Entre 1879 et 1881, la Russie d’Alexandre II est secouée par une vague d’attentats perpétrés par les sociaux-révolutionnaires qui finiront par assassiner le monarque. La Russie faisait face à des révolutionnaires fanatiques, sans nul doute téléguidés par la thalassocratie adverse, tout comme, aujourd’hui, la Russie de Poutine, parce qu’elle renoue en quelque sorte avec la pratique des grands projets infrastructurels inaugurée par Alexandre II, doit faire face à des ONG mal intentionnées ou à des terroristes tchétchènes ou daghestanais manipulés de l’extérieur. Alexandre III et Nicolas II prennent le relais du Tsar assassiné. Nicolas II sera également fustigé par les propagandes extérieures, campé comme un Tsar sanguinaire, modèle d’une « barbarie asiatique ». Cette propagande exploite toutes les ressources de la russophobie que l’essayiste suisse Guy Mettan vient de très bien mettre en exergue dans Russie-Occident – Une guerre de mille ans. Curieusement, la Russie de Nicolas II est décrite comme une « puissance asiatique », comme l’expression féroce et inacceptable d’une gigantomanie territoriale mongole et gengiskhanide, alors que toute la littérature russe de l’époque dépréciait toutes les formes d’asiatisme, se moquait des engouements pour le bouddhisme et posait la Chine et son mandarinat figé comme un modèle à ne pas imiter. L’eurasisme, ultérieur, postérieur à la révolution bolchevique de 1917, est partiellement une réaction à cette propagande occidentale qui tenait absolument à « asiatiser » la Russie : puisque vous nous décrivez comme des « Asiates », se sont dit quelques penseurs politiques russes, nous reprenons ce reproche à notre compte, nous le faisons nôtre, et nous élaborons une synthèse entre impérialité romano-byzantine et khanat gengiskhanide, que nous actualiserons, fusionnerons avec le système léniniste et stalinien, etc. 

Pour affaiblir l’empire de Nicolas II, en dépit de l’appui français qu’il reçoit depuis la visite d’Alexandre III à Paris dans les années 1890, l’Angleterre cherche un allié de revers et table sur une puissance émergente d’Extrême-Orient, le Japon, qui, lui, tentait alors de contrôler les côtes du continent asiatique qui lui font immédiatement face : déjà maître de Taiwan et de la Corée après avoir vaincu la Chine déclinante en 1895, le Japon devient le puissant voisin tout proche de la portion pacifique de la Sibérie désormais russe. Londres attisera le conflit qui se terminera par la défaite russe de 1904, face à un Japon qui, suite à l’ère Meiji, avait réussi son passage à la modernité industrielle. Les navires russes en partance pour le Pacifique n’avaient pas pu s’approvisionner en charbon dans les relais britanniques, au nom d’une neutralité affichée, en toute hypocrisie, mais qui ne l’était évidemment pas... 

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Le Transsibérien bouleverse la donne géostratégique

Les troupes russes au sol, elles, s’étaient déplacées beaucoup plus rapidement qu’auparavant grâce aux premiers tronçons du Transsibérien. L’état-major britannique est alarmé et se rappelle du coup de bélier des armées tsaristes contre la Chine, lorsqu’il s’était agi de dégager le quartier des légations à Pékin, lors du siège de 55 jours imposé aux étrangers, suite à la révolte des Boxers entre juin et août 1900. Le géographe Sir Halford John Mackinder énonce aussitôt les fameuses théories géopolitiques de la dialectique Terre/Mer et de la « Terre du Milieu », du « Heartland », inaccessible à la puissance de feu et à la capacité de contrôle des rimlands dont disposait à l’époque la puissance maritime anglaise. Le Transsibérien permettait à la Russie de Nicolas II de sortir des limites spatio-temporelles imposées par le gigantisme territorial, qui avait, au temps des guerres napoléoniennes, empêché Paul I de joindre ses forces à celles de Napoléon pour marcher vers les Indes. Henri Troyat explique avec grande clarté à ses lecteurs français tous ces projets dans la monographie qu’il consacre à Paul I. De même, la Russie avait perdu la Guerre de Crimée notamment parce que sa logistique lente, à cause des trop longues distances terrestres à franchir pour fantassins et cavaliers, ne lui avait pas permis d’acheminer rapidement des troupes vers le front, tandis que les navires de transport anglais et français pouvaient débarquer sans entraves des troupes venues de la métropole anglaise, de Marseille ou d’Algérie. L’élément thalassocratique avait été déterminant dans la victoire anglo-française en Crimée. 

La Russie de Nicolas II, bien présente en Asie centrale, va dès lors, dans un premier temps, payer la note que les Britanniques avaient déjà voulu faire payer à Alexandre II, le conquérant de l’Asie centrale, assassiné en 1881 par une bande de révolutionnaires radicaux, appartenant à Narodnaïa Voljia. La Russie d’Alexandre II pacifie le Caucase, le soustrayant définitivement à toute influence ottomane ou perse, donc à toute tentative anglaise d’utiliser les empires ottoman et perse pour contribuer à l’endiguement de cette Russie tsariste, conquiert l’Asie centrale et affirme sa présence en Extrême-Orient, notamment dans l’île de Sakhaline. Au même moment, les marines passent entièrement des voiles et de la vapeur (et donc du charbon) au pétrole. La Russie détient celui de Bakou en Azerbaïdjan. La possession de cette aire sud-caucasienne, la proximité entre les troupes russes et les zones pétrolifères iraniennes fait de la Russie l’ennemi potentiel le plus redoutable de l’Angleterre qui, pour conserver l’atout militaire majeur qu’est sa flotte, doit garder la mainmise absolue sur ces ressources énergétiques, en contrôler une quantité maximale sur la planète. 

L’assassinat de Stolypine

StolypinCrop.JPGComme le danger allemand devient aux yeux des Britannique plus préoccupant que le danger russe,  ­ -parce que la nouvelle puissance industrielle germanique risque de débouler dans l’Egée et en Egypte grâce à son alliance avec l’Empire ottoman moribond-  l’Empire de Nicolas II est attiré dans l’alliance franco-anglaise, dans l’Entente, à partir de 1904. Stolypine, partisan et artisan d’une modernisation de la société russe pour faire face aux nouveaux défis planétaires, aurait sans doute déconstruit progressivement et habilement le corset qu’impliquait cette alliance, au nom d’un pacifisme de bon aloi, mais il est assassiné par un fanatique social-révolutionnaire en 1911 (les spéculations sont ouvertes : qui a armé le bras de ce tueur fou ?). Stolypine, qui aurait pu, comme Jaurès, être un frein aux multiples bellicismes qui animaient la scène européenne avant la Grande Guerre, disparaît du monde politique sans avoir pu parachever son œuvre de redressement et de modernisation. La voie est libre pour les bellicistes russes qui joindront leurs efforts à ceux de France et d’Angleterre. Ce qui fait dire à quelques observateurs actuels que Poutine est en somme un Stolypine qui a réussi. 

Dès que la Russie s’ancre plus solidement dans l’Entente, la propagande hostile à Nicolas II, orchestrée depuis Londres, fait volte-face : le Tsar cesse d’un coup d’être un abominable monarque sanguinaire et devient, comme par miracle, un empereur bon, paternel, qui aime ses sujets. Staline connaîtra un destin similaire : horrible boucher sanguinaire pour ses purges des années 1930, « bon petit père des peuples » pendant la seconde guerre mondiale, tyran antidémocratique dès que s’amorce la guerre froide. Avant Orwell, Lord Ponsonby décortiquera les mécanismes de cette propagande bien huilée, capable de changer de cap, de désigner comme ennemi l’ami d’hier et vice-versa, exactement comme dans l’Oceania de Big Brother. La Russie entre dans la Grande Guerre aux côtés des autres puissances de l’Entente : ce sera sa perte. Dmitri Merejkovski l’avait prévu. Les analyses de Soljénitsyne abondent également dans ce sens. L’affaire désastreuse des Dardanelles, voulue par Churchill en 1915, avait pour objectif inavoué d’arriver à Constantinople avant les Russes et de verrouiller les détroits turcs comme en 1877-78 : la duplicité londonienne ne s’était pas effacée au nom de la fraternité d’armes de 1914. 

Au temps des deux « géants rouges »

La Russie actuelle, celle de Poutine, entend conserver la cohérence territoriale de l’Union Soviétique défunte mais sans la rigidité idéologique communiste. Le communisme était une « idéologie froide » (Papaioannou) et un « système réductionniste » (Koestler), dont les retombées pratiques s’avéraient désastreuses, notamment sur le plan de la nécessaire autarcie agricole que devrait détenir toute grande puissance de dimensions continentales. Toute puissance de cet ordre de grandeur a pour obligation pratique de maintenir une « cohérence territoriale », de colmater toutes les brèches qui pourraient survenir au fil du temps, que celles-ci soient le fait de dissidences intérieures ou d’une subversion organisée par l’ennemi. Sous d’autres oripeaux que ceux du communisme, Poutine cherche à rétablir les atouts dont disposait l’Union soviétique entre 1949 et 1972, quand elle formait, avec la Chine, un bloc communiste de très grande profondeur territoriale. La Chine maoïste et l’URSS, de Staline à Brejnev, étaient certes des puissances continentales dont l’idéologie officielle était posée comme « progressiste ». Elles ont toutefois été marquées par une régression industrielle et technologique permanente par rapport aux Etats-Unis, au Japon ou à l’Europe occidentale, corroborant la théorie américaine du technological gap. Les développements internes à l’ère communiste ont certes balayé quelques archaïsmes, il faut le reconnaître, mais à quel prix ? Aujourd’hui, la situation est différente. La Chine est à la pointe de nombreuses innovations techniques. Elle est capable de développer des réseaux de chemins de fer performants, de construire des infrastructures aéroportuaires ultra-modernes, de gérer les flux de trafic urbain par d’audacieuses innovations technologiques, de fabriquer des porte-avions à double piste, etc. 

Même si on ne peut pas dire que la Russie et la Chine n’ont plus aucun contentieux, le binôme sino-russe tient parce qu’à Moscou comme à Beijing les diplomates savent que le déclin de l’URSS a commencé en 1972 quand Nixon et Kissinger déploient une intense activité diplomatique en direction de la Chine et transforment celle-ci en un allié de revers contre Moscou. 1972, il faut s’en souvenir, a été une année charnière : l’URSS était encerclée, coincée entre l’OTAN et la Chine, son déclin s’est automatiquement amorcé, tandis que la Chine, attelée à cette alliance de facto avec les Etats-Unis, était contrainte d’opter pour un développement continental, soit de tourner le dos au Pacifique, de ne plus y contrarier les intérêts stratégiques américains. Kissinger faisait ainsi d’une pierre deux coups : il affaiblissait la Russie et détournait la Chine maoïste des eaux du Pacifique (ce qui n’est plus le cas aujourd’hui, comme l’attestent les incidents récurrents en Mer de Chine du Sud). 

De l’alliance sino-américaine au déclin de l’Union Soviétique

mao_wideweb__470x282,0.jpgWashington consolidait ainsi son hégémonisme planétaire et unipolaire : De Gaulle était mort, l’Allemagne et l’Europe toujours divisées, les stratégistes américains planifiaient déjà la chute du Shah, coupable d’avoir soutenu les revendications des pays producteurs de pétrole et de développer une puissance régionale sérieuse, appuyée par des forces aériennes et navales efficaces, dans une zone hautement stratégique. Pour le monde musulman, 1979, année de la prise du pouvoir par Khomeiny, appuyé par les services américains, britanniques et israéliens dans un premier temps, sera l’année-charnière car, dès ce moment, il sera travaillé par des forces hostiles à l’ordre du monde de type « westphalien », ce qui nous conduira au chaos non maîtrisable que nous connaissons aujourd’hui. Avec ce désordre anti-westphalien sur son flanc sud, Poutine cherche tout simplement un pôle de stabilité alternative, permettant un développement normal de la Fédération de Russie dans un cadre impérial cohérent, combinant in fine les acquis d’Alexandre II ­ -qui avait déclenché le « Grand Jeu »-  et la sécurité stratégique obtenue par l’URSS après la seconde guerre mondiale et surtout à l’époque entre 1949 et 1972, quand la Chine ne dépendait en aucune façon des Etats-Unis et de leurs alliances sur les rimlands d’Eurasie. Cette sécurité, offrant la stabilité, doit aussi se refléter sur les plans religieux et idéologique : la pluralité des confessions ou des approches idéologiques ou, encore, des politiques économiques, ne doit pas nécessairement provoquer des dynamiques centrifuges. Au-delà de tous les clivages établis par l’histoire sur la masse continentale centre-asiatique, la politique générale doit être convergente et ne plus admettre les divergences qui conduisent inexorablement à une « smuta ». Cette volonté de convergence devrait valoir aussi pour l’Europe, au sens le plus strict du terme : cette idée était déjà présente chez le Tsar Alexandre I qui, après les troubles de l’ère révolutionnaire et napoléonienne, avait envisagé une convergence religieuse en Europe, une fusion de l’orthodoxie, du catholicisme et du protestantisme, pour consolider la première ébauche d’union eurasienne qu’était la Sainte-Alliance. 

Ukraine et « Corridor 5 »

Suite à la petite « smuta » de l’ère eltsinienne, la Russie n’a même pas pu conserver le projet d’une union entre les trois républiques slaves de l’ex-URSS, rêvée par Alexandre Soljénitsyne dès son exil américain. Les forces hostiles à toute union (formelle ou informelle) de l’Eurasie, à toute résurrection de la Sainte-Alliance, aux convergences générées par des communications optimales ont visé l’Ukraine, appelée à se détacher de la symbiose voulue par Soljénitsyne. Deux raisonnements historico-stratégiques ont conduit à cette politique : 

1)     l’Ukraine redessinée par Khrouchtchev dans les années 1950 contenait la Crimée, presqu’île dans l’espace maritime pontique sans laquelle la Russie n’a plus aucune projection vers la Méditerranée et ne peut plus être une grande puissance qui compte ;

2)     ensuite, l’Ukraine, dans la partie occidentale de la masse continentale eurasiatique, est un espace de transit, que les géopolitologues appellent, en anglais, a gateway region. Pour infliger une paralysie à l’adversaire, il convient en effet de bloquer tout transit en de telles régions, a fortiori si l’on veut bloquer les communications entre les puissances situées de part et d’autre de cet espace de transit. De Cadix à Kiev, l’Europe est traversée par ce qu’il est convenu d’appeler le « Corridor 5 ». A partir de Kiev, ce « corridor », poursuivi, mène en Inde, en Chine et sur les côtes du Pacifique : ce sont les tronçons de l’antique « route de la soie », empruntés par Marco Polo. 

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Pour toute puissance hégémonique hostile à la fois à la Russie et à l’Europe (centrée autour du pôle industriel allemand), le « Corridor  5 » doit être bloqué en tout lieu où l’on peut réanimer un conflit ancien moyennant les stratégies habituelles de subversion. La subversion de l’Ukraine -au nom de conflits anciens et au bénéfice apparent de forces idéologiques autochtones, ultranationalistes, dont on combat pourtant les homologues partout ailleurs dans le monde-  est par conséquent, un modèle d’école. On a délibérément choisit l’Ukraine parce qu’elle est une zone de transit des gazoducs russes en direction de l’Europe. En transformant l’Ukraine en une zone de turbulences, on oblige Russes et Européens à investir inutilement dans des projets alternatifs, pour contourner un pays désormais hostile, non pas parce qu’il entend défendre ses propres intérêts légitimes, mais, au contraire, parce qu’il veut, en dépit du bon sens, faire triompher les intérêts d’une puissance hégémonique, étrangère aux espaces russe et européen. Le nouveau gouvernement ukrainien se détache de la sorte de l’espace civilisationnel européen dont il fait partie. 

Par ailleurs, la subversion, inspirée par certains préceptes de Sun Tzu, vise aussi à anéantir les ressorts traditionnels d’une puissance ennemie : à l’heure des grands médias, cette forme de subversion déploie des spectacles ou des provocations déliquescentes, à l’instar des « pussy riots » ou des « femens ». Ce type d’actions subversives sape les fondements éthiques d’une société, en tablant sur les bas instincts et les carences en discernement du grand nombre, et, partant, détruit la cohésion de la politie, en ruine les structures sociales, les assises religieuses. La Russie de Poutine a veillé à annuler les capacités de nuisance de ces entreprises, fautrices de déliquescence irrémédiable, au grand dam des officines, généralement américaines, qui les avaient activées dans la ferme intention de saper les assises de la société russe et d’ébranler l’édifice étatique de la Fédération de Russie. 

Le mythe occidental des « sociétés ouvertes »

La Russie de Poutine, comme toute autre Russie qui chercherait à se consolider sur le long terme, doit donc retrouver une stabilité territoriale et géopolitique englobant les atouts de la Russie d’Alexandre II et ceux de l’URSS entre 1949 et 1972, quand la longue frontière centre-asiatique avec la Chine était sécurisée : face à la Chine post-communiste, Poutine ne répétera pas l’hostilité sourde et sournoise de Staline et de ses successeurs à l’égard de la Chine maoïste, en dépit d’une unité idéologique de façade qui faisait parler des deux « géants rouges ». La cohérence qu’il vise, à la fois tsariste et communiste, doit se compléter par une ouverture à d’autres zones de grande importance géostratégique dans le monde, afin de pallier les désavantages énormes que les fermetures communistes avaient entrainés. Dans la dialectique Sociétés ouvertes / Sociétés fermées, imaginée par Karl Popper, les sociétés russe et chinoise d’aujourd’hui optent pour un équilibre entre ouverture et fermeture : elles refusent l’ouverture tous azimuts, préconisée par les tenants du globalisme néolibéral (Soros, etc.) ; elles refusent tout autant les fermetures rigides pratiquées par les communismes stalinien, brejnevien, albanais et maoïste. Ce double refus passe par un retour en Chine à la pensée pragmatique de Confucius (condamné par les nervis maoïstes de la « révolution culturelle » des années 1960) et en Russie à des étatistes pragmatiques et bâtisseurs tels qu’en a connus l’histoire russe de la fin du XIXe siècle à 1914. Cette synthèse nouvelle entre ouverture et fermeture, pour reprendre la terminologie inaugurée par Popper, postule un rejet de l’extrémisme néolibéral, un planisme souple de gaullienne mémoire, une volonté de provoquer la « dé-dollarisation » de l’économie planétaire et de créer une alternative solide au système anglo-saxon, manchestérien et néolibéral. Cette synthèse, que l’on vise mais qui n’a pas encore été réalisée, loin s’en faut, permet déjà de forger des économies hétérodoxes, chaque fois adaptées aux contextes historiques et sociaux dans lesquelles elles sont censées s’appliquer. Disparaît alors la volonté enragée et monomaniaque de vouloir imposer à toutes les économies du monde un seul et même modèle. 

Le monde est un « pluriversum »

Russes et Chinois espèrent trouver dans le BRICS des cohérences nouvelles dans une diversité bien équilibrée, dans un « pluriversum » apte à respecter la diversité du monde contre toutes les tentatives de l’homogénéiser. Le groupe BRICS constitue une alternative plurielle au système dominant et américano-centré, le monde des Etats n’étant pas un « univers » mais bien un « plurivers » comme le disait le philosophe allemand du politique Bernhard Willms, décédé en 1991, et comme l’affirme aujourd’hui l’analyste géopolitique russe Leonid Savin. La recherche d’une économie hétérodoxe, souple et contextualisée (selon le vocabulaire du MAUSS, « Mouvement Anti-Utilitariste dans les Sciences Sociales »), correspond aussi à la volonté chinoise de déployer, à l’échelle planétaire, une diplomatie souple, hostile à toute pratique hystérique de l’immixtion, comme celles que préconisent les néo-conservateurs américains, les nouveaux philosophes regroupés peu ou prou derrière le pompon de Bernard-Henri Lévy ou les extrémistes salafistes stipendiés par l’Arabie Saoudite. 

La Chine préconise ainsi une diplomatie de la non-intervention dans les affaires intérieures des Etats tiers. La généralisation de ce principe, plus doux et plus pacifique que les modes de fonctionnement occidentaux actuels, devrait conduire à terme à supprimer ces facteurs d’ingérence et de conflits inutiles que sont bon nombre d’ONG américaines : en Chine, elles ne fonctionnent guère, sauf quand elles font appel à des fondamentalistes salafistes du Turkestan chinois, soutenus par les Turcs et les Saoudiens, ou à des sectes pseudo-religieuses farfelues ou quand elles instrumentalisent le Dalaï Lama. La Russie a commencé ce travail de neutralisation des organismes fauteurs de troubles et de guerres en jugulant le travail subversif des ONG d’Outre-Atlantique, considérées à juste titre comme des facteurs de « smuta », et en amorçant le contrôle des médias, de Google, etc. 

Le but premier d’un mouvement eurasien serait dès lors de participer à ces nouvelles forces à l’œuvre sur la planète, à favoriser les innovations qu’elles apportent pour nous sortir d’impasses mortifères. 

Empêcher le basculement de l’Europe vers la Russie, l’Eurasie, la Chine et l’Iran

Mais cette vaste panoplie d’innovations, qui cherchent à s’imposer partout dans le monde, va, bien entendu, provoquer une riposte de l’hegemon. Les conflits d’Ukraine et de Syrie ont été activés par des stratégistes mal intentionnés pour entraver la marche en avant de cet ensemble alternatif, englobant l’Europe. En effet, l’objectif premier des stratégistes de l’hegemon est d’empêcher à tout prix le glissement de l’Europe vers les puissances eurasiennes du groupe BRICS et vers l’Iran. C’est donc en premier lieu vers les zones possibles de connexion entre notre sous-continent et le reste de l’Eurasie que l’hegemon doit agir pour bloquer cette synergie grande-continentale. L’Ukraine avec, notamment, les ports de Crimée, était en quelque sorte l’interface entre la civilisation grecque, puis byzantine, et les voies terrestres vers le centre de l’Asie, l’Inde et la Chine ; elle a gardé cette fonction aux temps médiévaux des entreprises génoises qui demeuraient branchées sur les « routes de la soie » du nord, en dépit des tentatives de blocage perpétrées au Sud et au niveau du Bosphore par les Seldjouks puis par les Ottomans. La façade maritime méditerranéenne du Levant, soit du Liban et de la Syrie actuels, donnait accès aux routes de la soie menant, par la Mésopotamie et l’espace perse, aux Indes et à la Chine. Aujourd’hui, la Chine a développé les capacités de créer des réseaux ferroviaires trans-eurasiens, où les territoires de la Fédération de Russie, du Kazakhstan et de quelques autres anciennes républiques majoritairement musulmanes de l’ex-URSS, servent de jonction entre les deux espaces, l’européen et le chinois, que Leibniz jugeait déjà les « plus élevés en civilisation ». 

Les stratégistes mal intentionnés prévoient d’autres blocages dans la zone de connexion entre notre Europe et le reste de l’Eurasie. D’abord il y a la possibilité de créer une zone de turbulences durables, un abcès de fixation, en Transnistrie et en Moldavie, en bloquant tout transit entre l’Ukraine et l’Europe, tandis que le territoire du Donbass empêche déjà toute communication fluide entre l’Ukraine et la Russie du Don, de la Volga et de la Caspienne. Au sud, un général américain, Ben Hodges, commandant de l’OTAN jusqu’en 2014, envisage de soulever le Caucase du Nord en réactivant les conflits russo-tchétchène et russo-ingouche, de façon à troubler l’acheminement des hydrocarbures de la Caspienne et de créer une zone de turbulences sur le long terme entre les territoires russe et iranien. De même, ces stratégistes envisagent de réanimer le conflit russo-géorgien, placé au frigidaire depuis août 2008. Ou de déclencher un nouveau conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan pour la région du Nagorny-Karabach, ce qui aurait pour effet de bloquer toute liaison territoriale entre la Russie et l’Iran, surtout après le faux dégel entre l’Occident et Téhéran que l’on observe depuis les dernières semaines de l’année 2015. Plus à l’est, les mêmes stratégistes envisagent un projet de « chaotisation complète » de l’Asie centrale post-soviétique. Au départ de l’Afghanistan, ils envisagent de faire pénétrer au Turkménistan, au Tadjikistan, au Kirghizistan voire en Ouzbékistan des éléments fondamentalistes (talibans, partisans d’Al Qaeda, avatars de l’Etat islamique, etc., les golems ne manqueront pas…) qui feront subir à ces pays, s’ils se montrent récalcitrants, le sort de l’Irak ou de la Syrie. Le Turkménistan, riverain de la Caspienne et voisin de l’Afghanistan, pourrait être transformé en une zone de turbulences s’il ne cède pas aux pressions de l’OTAN qui lui fait miroiter une aide économique. Des terroristes afghans, que l’on posera comme « incontrôlables » en dépit de la présence américaine là-bas, passeront la frontière pour semer le chaos dans ce pays qui est un producteur d’hydrocarbures et un riverain de la Caspienne. 

Un chaos créé artificiellement

Ce chaos créé artificiellement est une application agressive de la stratégie ancienne de l’«endiguement». Non seulement il freinera l’acheminement de matières premières et d’hydrocarbures vers l’Europe mais troublera durablement les voies de communication entre la Russie, l’Inde et la Chine, où un pari possible sur des fondamentalistes pakistanais permettrait aussi de bloquer à nouveau les régions du Cachemire-Jammu et de l’Aksai Chin, ruinant toutes les tentatives d’apaisement entre Beijing et New Delhi, lesquelles avaient toujours été laborieuses. 

L’objectif impératif que doivent se fixer les cercles eurasistes, c’est d’œuvrer et de militer pour ne pas que nos contemporains s’embarquent dans de telles manœuvres bellicistes, pour qu’ils soient toujours rétifs aux sirènes des propagandes.  

Cependant, saper la cohésion européenne, œuvrer à disloquer les sociétés européennes et à affaiblir ses économies nationales et régionales ne passe pas seulement par l’organisation de conflits à ses frontières (Libye, Donbass, Syrie, Caucase) mais aussi, comme certains faits des années 1990 et 2000 semblent l’attester, de provoquer de mystérieux accidents dans le tunnel du Mont Blanc pour bloquer le « Corridor 5 » (toujours lui !), d’organiser des grèves sauvages pour paralyser les communications dans l’Hexagone et autour de lui, comme en 1995 pour mettre Chirac sous pression afin qu’il abandonne son programme nucléaire  –Jean Parvulesco se plaisait à le signaler et à rappeler les liens anciens entre certains syndicats socialistes français et l’OSS ou la CIA. Aujourd’hui, les clandestins bloquent parfois le tunnel sous la Manche à Calais, avec l’appui d’associations bizarres, se réclamant d’une xénophilie délirante ou d’une forme d’antifascisme fantasmagorique, dont l’objectif ne peut nullement être qualifié de « rationnel ». Est-ce pour rompre les liens entre la Grande-Bretagne et l’Europe ?

Cet ensemble de pressions constantes, s’exerçant sur les communications entre l’Europe et le reste de la masse continentale eurasiatique, a pour but essentiel d’empêcher la constitution d’un réseau efficace, la réalisation du vœu de Leibniz : faire de la « Moscovie » le pont entre l’Europe et la Chine. Les actuels projets ferroviaires chinois sont en effet très impressionnants. Le nouveau poids de la Chine, certes relatif, pourrait, estiment les stratégistes américains, provoquer un basculement de l’Europe vers l’Asie. Une telle éventualité a été un jour explicitée par Dominique de Villepin : celui-ci estimait que la concrétisation finale des projets ferroviaires et des routes maritimes envisagées par la Chine offrait potentiellement à la France et aux autres pays européens d’innombrables occasions de forger des accords lucratifs avec la Russie, les pays d’Asie centrale et la Chine dans les domaines des transports et des services urbains. Dans un article des Echos, de Villepin écrivait : « C’est là une tâche qui devrait non seulement mobiliser l’Union Européenne et ses Etats membres mais aussi les autorités locales, les chambres de commerce et les hommes d’affaires pour ne même pas mentionner les universités et les boîtes-à-penser ». Grande sagesse. Et clairement exprimée ! En termes très diplomatiques, de Villepin poursuit : le projet de route de la soie « est une vision politique qui induit les pays européens à renouveler le dialogue avec des partenaires du continent asiatique, permettant de forger, par exemple, des projets souples avec la Russie, notamment pour trouver les fonds nécessaires pour re-stabiliser l’Ukraine. Le lien entre l’Est et l’Ouest doit se maintenir ». Mieux : « Nous avons là une vision économique qui adapte la planification chinoise à la coopération économique internationale. Dans un monde financièrement volatile et instable, il s’avère nécessaire d’opter pour la bonne approche dans les projets à long terme, utilisant des outils nouveaux, de type multilatéral ». 

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Le grand projet OBOR des Chinois

La Chine envisage l’émergence de six corridors économiques, à replacer dans un projet plus vaste, baptisé OBOR (« One Belt, One Road » - soit « Une ceinture (maritime), Une route »). Cet OBOR entend consolider une route maritime de la Chine à l’Iran voire à la Mer Rouge et créer de solides liaisons ferroviaires entre l’Europe et la Chine. Il vise surtout à relier la Chine à soixante pays. Les six corridors majeurs sont : le CMREC ou Corridor économique Chine / Mongolie / Russie ; le NELB ou « Nouveau Pont Terrestre eurasien » (« New Eurasian Land Bridge ») ; le CCWAEC ou Corridor économique Chine / Asie centrale et occidentale ; le CICPEC ou Corridor économique Chine / Péninsule indochinoise ; le CPEC ou Corridor économique Chine / Pakistan ; et, enfin, le BCIMEC ou Corridor économique Bengladesh / Chine / Inde / Myanmar. A ces projets chinois, tous nécessaires d’un point de vue asiatique, s’ajoute celui du « Canal Eurasia », élaboré par les Russes et les Kazakhs. Ce canal doit relier la Caspienne à la Mer d’Azov (face à la Crimée !), permettant notamment d’acheminer du brut vers la Mer Noire donc vers les confins orientaux de l’Europe. L’enjeu ukrainien/criméen prend ici toute son ampleur. 

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De Marx à List

Ces projets, dont on pourrait dresser une longue liste, démontrent que les puissances du BRICS, du moins la Chine et la Russie, ne sont plus guère affectées, comme jadis, par l’idéologie prêtée à Marx et à Engels mais tentent d’appliquer ou de ré-appliquer les principes pragmatiques de l’économiste Friedrich List (1789-1846). Ce dernier était considéré comme un « libéral » mais, à coup sûr, un libéral « hétérodoxe », soucieux de tenir compte des contextes historiques dans lesquels se déployait l’économie. List était un idéologue du développement. Pour qu’une économie puisse se développer à un rythme correct, l’Etat ne doit nullement jouer un rôle de « veilleur de nuit », à l’instar de ce que souhaitent les théoriciens libéraux anglo-saxons. Au contraire, List pose l’Etat comme une instance constructrice, investisseuse. L’Etat est là pour construire des lignes de chemin de fer et des canaux. C’est List qui planifiera le premier réseau ferroviaire allemand, au sein du Zollverein, de l’Union douanière, dont il fut aussi un père fondateur. En Belgique et aux Etats-Unis, il préconisera le creusement de canaux. En France, il inspirera les praticiens de la « colonisation intérieure ». L’idée du Transsibérien en Russie, les suggestions pratiques des économistes et ingénieurs du Kuo Min Tang chinois s’inspirent toutes d’idées dérivées de List, après sa mort. La politique des grands projets gaulliens est « listienne », de même que le sont les pratiques chinoises, après la parenthèse maoïste et le ressac dû à la tristement célèbre « révolution culturelle » des années 1960. A partir de Deng Xiaoping, la Chine redevient « listienne » et « confucéenne » : c’est à cette double mutation de référence qu’elle doit son succès actuel. Ce serait à un retour à Aristote et à List que l’Europe pourrait devoir son hypothétique renaissance, du moins si l’avenir permettra l’élimination impitoyable des pseudo-élites déchues et abjectes qui nous gouvernent actuellement, exactement comme la Chine maoïste a éliminé sa « bande des quatre », pour ne pas sombrer dans les délires manichéens et idéologiques, dans un remake de la calamiteuse « éthique de conviction » de la « révolution culturelle » et de ses avatars malsains. 

Le clivage dans le monde ne passe plus par la dichotomie capitalisme / communisme ni par la piètre distinction entre sociétés ouvertes et sociétés fermées mais par une dichotomie entre « listiens » et néolibéraux qui recoupe aussi la distinction qu’opérait Max Weber entre « éthique de la conviction » et « éthique de la responsabilité ». Les néolibéraux, et le cortège à la Jérôme Bosch que constituent leurs alliés festivistes, gauchistes ou féministes, adhèrent à des éthiques farfelues de la conviction. Leurs adversaires les plus sérieux à une éthique « listienne » de la responsabilité. 

L’Allemagne dans ce grand jeu eurasien

Les projets chinois séduisent les Allemands. Ce n’est ni nouveau ni étonnant. Le moteur économique de l’Europe participe aux synergies suggérées par Beijing, en tire de substantiels bénéfices que la délirante « juridification » de la sphère économique tente de réduire par l’artifice de procès farfelus comme celui intenté contre Volkswagen en 2015. Est-ce la raison pour laquelle on tente de faire basculer l’Allemagne de Merkel dans le chaos, en lui imposant des flots d’hères inassimilables, flanqués d’activistes formés au terrorisme et à d’autres formes de guerres de la « quatrième génération », qui n’y produisent que du désordre et de la violence ? 

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Jusqu’ici, l’Allemagne avait réussi à desserrer la cangue américaine en se branchant sur les gazoducs russes, dont la gestion a été placée sous le patronage et l’impulsion des anciens chanceliers Helmut Schmidt et Gerhard Schröder. Leur socialisme, pragmatique et non idéologique, « listien » et wébérien, conjuguait ses efforts pour parfaire une diplomatie de l’apaisement, une Ostpolitik fructueuse. Ces efforts avaient abouti aux accords permettant, à terme, de construire le tracé des gazoducs « North Stream 1 & 2 », accentuant certes la dépendance allemande par rapport au gaz russe mais déconstruisant simultanément son extrême dépendance politique face au système atlantiste, tandis que le « South Stream » alimente l’Italie, l’Autriche et la Hongrie (où Orban refuse les sanctions contre la Russie, sur fond d’un revival marginal de l’idéologie eurasiste en pays magyar). 

Hans Kundnani, dans un article magistral de la revue américaine Foreign Affairs (janvier-février 2015), évoque une « Allemagne post-occidentale », c’est-à-dire une Allemagne qui se serait détachée de ses liens avec l’Occident anglo-saxon, de sa Westbindung, pour se mouvoir vers un espace essentiellement industriel, commercial et énergétique dont les pôles majeurs seraient la Russie et la Chine voire l’Inde. Pour la première fois dans l’histoire de la République Fédérale, une minorité de 45% seulement est encore en faveur du statu quo pro-occidental, impliquant l’adhésion à l’OTAN et/ou à l’UE comme seules possibilités diplomatiques. 49% des Allemands contemporains sont désormais en faveur d’une « position médiatrice », où l’Allemagne équilibrerait le jeu de ses relations entre l’Europe occidentale et la Russie. C’est le résultat tangible d’un anti-américanisme qui s’est sans cesse amplifié depuis la guerre du Golfe, déclenchée par Bush junior en 2003 et depuis les révélations d’Edward Snowden sur l’espionnage systématique pratiqué par la NSA. Les liens commerciaux avec la Russie et la Chine se sont considérablement accrus, accroissement qui permettait, jusqu’il y a peu de temps, le maintien de l’opulence allemande, assorti de l’espoir de voir celle-ci se consolider et se perpétuer. Ce lent glissement de l’Allemagne, cœur industriel et territorial du sous-continent européen, vers un Est eurasien très vaste, explique sans nul doute les attaques qu’elle subit depuis le printemps 2015. Par ailleurs, des stratégistes de l’ombre veillent à créer un espace pro-occidental, agité ou non de turbulences, entre l’Allemagne et la Russie que l’on baptisera pompeusement « Intermarium ». Cet « Intermarium », cet entre-deux-mers entre la Baltique et la Mer Noire, est la ré-activation d’un projet concocté à Londres pendant la seconde guerre mondiale par les gouvernements polonais et tchèque en exil, avec la bénédiction de Churchill, que l’alliance avec Staline avait rendu nul et non avenu : on a sacrifié, à Londres, les velléités d’indépendance polonaises et tchèques pour pouvoir exploiter à fond la chair à canon soviétique. Moscou ne voulait pas de ce bloc polono-tchèque, même à un moment où la guerre contre l’Allemagne hitlérienne atteignait un paroxysme inégalé. 

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Du « Cordon sanitaire » de Lord Curzon à l’Intermarium

Même si l’on peut considérer que ce projet d’un Intermarium n’est pas, a priori, une mauvaise idée en soi, qu’il est une application actuelle de projets géopolitiques très anciens, visant toujours à relier les mers du nord à celles du sud parce l’Europe, petite presqu’île à l’ouest de la très grande Eurasie, est géographiquement constituée de trois axes nord/sud : celui qui va de la Mer du Nord au bassin occidental de la Méditerranée (l’espace lotharingien du partage de Verdun en 843), celui envisagé mais non réalisé au moyen-âge par le roi de Bohème Ottokar II Premysl qui va de la Baltique à l’Adriatique (de Stettin à Venise ou Trieste, cités aujourd’hui reliées par une voie de chemin de fer directe et rapide) et, enfin, l’axe dit « gothique », reliant depuis les Goths, bousculés par les Huns, la Baltique à la Mer Noire et à l’Egée, au bassin oriental de la Méditerranée. Aujourd’hui, les stratégistes ennemis de toute vigueur européenne et de toute synergie euro-russe, veulent constituer un Intermarium, sur l’ancien axe gothique, qui serait une résurrection du « cordon sanitaire » de Lord Curzon, destiné à empêcher toute influence de l’Allemagne et de ses dynamismes sur la Russie, posée depuis le géopolitologue Halford John Mackinder comme le « cœur du monde » mais un « cœur de monde » qui ne peut être optimalement activé que par une forte injection d’énergie allemande. Toute alliance germano-russe étant, dans cette optique, considérée comme irrémédiablement invincible, invincibilité qu’il faut toujours combattre et réduire à néant, avant même qu’elle n’émerge sur la scène internationale. 

La submersion démographique que subit l’Allemagne depuis les derniers mois de l’année 2015, qui provoquera des troubles civils et ruinera le système social exemplaire de la République Fédérale, qui compte déjà plus de 12 millions de pauvres, a été plus que probablement téléguidée depuis certaines officines de subversion : plusieurs observateurs ont ainsi constaté que les nouvelles alarmantes sur la présence de migrants délinquants en Allemagne viennent de serveurs basés aux Etats-Unis ou en Angleterre, de même que les tweets ou autres messages sur Facebook incitant les migrants à commettre des déprédations ou des viols ou, inversement, incitant les Allemands à manifester contre la submersion démographique ou contre la Chancelière Merkel. Le conflit civil semble être fabriqué de toutes pièces, avec, au milieu du flot des réfugiés, l’armée de réserve du système, composée de djihadistes qui combattent le régime baathiste syrien ou le pouvoir chiite irakien ou l’armée russe en Tchétchénie mais se recyclent en Europe pour déborder les polices des Etats de l’UE en menant la guerre planétaire selon d’autres méthodes.

Spykman, les « rimlands » et l’endiguement

spykmanlivre.pngSi la submersion de l’Allemagne a pour but essentiel de briser les potentialités immenses d’un tandem germano-russe, elle vise aussi, bien sûr, à ruiner les bonnes relations économiques entre l’Allemagne et la Chine, d’autant plus que les chemins de fer allemands, la Deutsche Bundesbahn, sont partie prenante dans la construction des voies de trains à grande vitesse entre Hambourg et Shanghai. L’Allemagne et, partant, les pays du Benelux, sont fortement dépendants du commerce avec la Chine. Le but de l’hegemon est donc de briser à tout prix ces synergies et ces convergences. Affirmer cela n’est pas l’expression d’un complotisme découlant d’une mentalité obsidionale mais bel et bien un constat, tiré d’une analyse de l’histoire contemporaine : la réalisation du Transsibérien russe sous l’impulsion du ministre Witte a entraîné la théorisation et la mise en pratique de la stratégie de l’endiguement par Halford John Mackinder d’abord, par son disciple hollando-américain Nicholas Spykman ensuite. Sans Mackinder et Spykman, les Etats-Unis n’auraient sans doute jamais élaboré leur géostratégie planétaire visant à rassembler des alliances hétéroclites, parfois composées d’ennemis héréditaires, sur les franges du grand continent eurasien, avec l’OTAN de l’Islande à la frontière perse, le CENTO du Bosphore à l’Indus et l’OTASE en Asie du Sud-Est. 

Finalement, ces stratégies de l’endiguement sont une application de la fameuse « Doctrine de Monroe », dite de « l’Amérique aux Américains ». Derrière cette apparente revendication d’indépendance se camouflait une volonté de soumettre totalement l’Amérique ibérique au bon vouloir des Etats-Unis. Mais elle s’opposait aussi à la terrible menace qu’aurait pu faire peser sur le continent américain une Sainte-Alliance européenne inébranlable qui s’étendait de l’Atlantique Nord au Pacifique, puisque l’empire du Tsar Alexandre Ier en faisait partie. Cette Sainte-Alliance aurait parfaitement pu défendre les intérêts espagnols dans les Amériques ou les européaniser. A l’époque, la Russie avait une frontière commune avec l’Espagne en… Californie, à hauteur du poste russe de Fort Ross, abandonné seulement en 1842. Le Vieux Monde européen était uni –mais cette union n’allait durer qu’une petite quinzaine d’années- tandis que le Nouveau Monde américain était fragmenté. La Sainte-Alliance, pour le Nouveau Monde et pour les Etats-Unis, encore en gestation mais sûrs de pouvoir mener à terme une mission civilisatrice déduite de leur idéologie religieuse puritaine, constituait par voie de conséquence un double danger : celui de perpétuer le morcellement politique du Nouveau Monde au bénéfice de l’Euro-Russie et celui de se maintenir comme une unité indissoluble et de contrôler le monde pour le très long terme. 

« Doctrine de Monroe » et pratique de la table rase

monroeODA0OTcxNzI2OTY0MjM3.jpgLa « Doctrine de Monroe » est donc un rejet de l’Europe et des vieilles civilisations qu’elle représentait, de même qu’un rejet malsain et pervers de toute civilisation ancienne, quelle qu’elle soit, et, surtout, de toute grande profondeur temporelle : là, les délires puritains des sectes protestantes farfelues hostiles à la culture classique gréco-latine de l’Europe catholique ou même anglicane-élisabéthaine, rejoignait les folies de certains avatars incontrôlés de l’idéologie des Lumières. La conjonction de ces deux formes de folie et de nuisance idéologique, qui sévit toujours aujourd’hui, génère un fantasme criminel de destruction systématique d’acquis positifs et de legs historiques. 

La « Doctrine de Monroe », bien davantage que les socialismes messianiques qui pointaient à l’horizon avec la maturation des idées de Karl Marx, est donc une pratique perverse et sournoise de la table rase que tente de parachever de nos jours le néolibéralisme, né aux Etats-Unis à partir de la fin des années 1960 : toute démarche eurasiste constitue donc une révolte contre ce projet d’arasement total, représente une défense des vieilles civilisations, des traditions primordiales, et une revendication du primat de toute profondeur temporelle par rapport à des innovations-élucubrations inventées par des iconoclastes avides de pouvoir absolu, un pouvoir total qui ne peut s’exercer que sur des masses amorphes et amnésiques. 

Face aux avatars actualisés de la « Doctrine de Monroe », qui est passée d’une défense affichée de l’autonomie des Etats américains et des Etats créoles de l’Amérique ibérique à la volonté de contrôler les rives atlantiques et pacifiques qui font face à la bi-océanité étatsunienne, l’eurasisme bien compris vise, au contraire, à éradiquer les blocages et fermetures que génèrent les pratiques géopolitiques et la pactomanie américaines sur le continent eurasien, d’abord en Europe et en Asie. Ce rejet des verrouillages incapacitants induit tout naturellement la promotion volontaire d’une politique grande-continentale d’ouvertures rationnelles aux flux qui vivifient et ont jadis vivifié les territoires eurasiatiques. 

Ce volontarisme eurasiste réduit à néant le discours stratégique né de la distinction opérée par Karl Popper entre sociétés ouvertes et sociétés fermées, où les Etats-Unis se posent comme les promoteurs et les garants des « sociétés ouvertes », tout en pratiquant des fermetures calamiteuses dues à la pactomanie qu’ils pratiquent sur les rimlands eurasiens de l’Europe à l’Indochine. A l’Eurasie des fermetures, produit de la Guerre Froide, doit succéder une Eurasie des communications sans entraves entre l’Europe et la Chine : le monde réellement fermé est donc celui qu’ont établi les tenants de la « société ouverte » (de Popper et de Soros), tandis que l’Eurasie des communications ouvertes est le fait en gestation de ceux qui sont accusés, dans les médias dominants, d’être les adeptes des « sociétés fermées », d’hégélienne ou de marxienne mémoires. Sur cette contradiction flagrante, mais ignorée délibérément dans les discours médiatiques occidentaux, reposent toutes les ambigüités de la propagande, tout le flou incapacitant dans lequel marinent nos décideurs et nos concitoyens. 

Trois ouvertures historiques

Trois ouvertures historiques en Eurasie doivent nous servir de modèles : l’Empire de Kubilaï Khan, visité par Marco Polo, qui ne s’opposait pas à la libre circulation des biens, des caravanes et des idées, contrairement aux verrouillages seldjouk et ottoman ; les rapports espérés entre la Chine et l’Europe quand le jésuite Ferdinand Verbist exerçait son haut mandarinat en Chine au XVIIe siècle ; l’alliance informelle sous Louis XVI entre la France, l’Autriche et la Russie, où la première veillait à contrôler l’Atlantique Nord, les seconde et troisième à faire sauter le verrou ottoman. A ces trois modèles, il convient d’ajouter la notion de syncrétisme religieux, porté par une volonté de ne rien éradiquer, d’opérer des fusions fécondes et de générer de l’harmonie : c’était la préoccupation principale d’Alexandre Ier après les tumultes révolutionnaires et napoléoniens ; c’est la notion de « djadidisme » qui prévaut aujourd’hui dans l’islam de la Fédération de Russie, notamment au Tatarstan où se situe le grand centre spirituel de Kazan ; le djadidisme s’interdit de chercher querelle avec les autres confessions, contrairement aux formes diverses et pernicieuses qu’un certain islam a prises ailleurs dans le monde, soit le salafisme, le wahhabisme ou le mouvement des Frères musulmans, formes virulentes aujourd’hui en Occident et génératrices à court terme de graves conflits civils ; ces formes inacceptables ont cherché à s’implanter en Russie, à partir de la période de « smuta » que fut le premier gouvernement d’Eltsine : elles ont échoué ; ce n’est qu’à Kazan et au Tatarstan qu’un véritable « euro-islam » s’est constitué ; il n’y en a pas d’autres possibles et les constructions boiteuses d’un Tarik Ramadan, dont les prédécesseurs et collatéraux ont été financés et soutenus par les services américains, ne sont que des déguisements maladroits pour gruger les Occidentaux écervelés. Outre la volonté de convergence religieuse du Tsar Alexandre Ier, outre le syncrétisme centre-asiatique promu en Asie centrale au temps de la domination mongole, outre le djadidisme actuel de la Fédération de Russie, nous ne voyons guère d’autres filons religieux traditionnels qui tiennent vraiment compte de la profondeur temporelle voire immémoriale, nécessaire à l’établissement de véritables ferveurs structurantes, indispensables pour contrer les déliquescences du monde moderne. L’ouverture des communications, le rejet des véritables sociétés fermées par les intransigeances occidentales ou wahhabites/salafistes implique l’émergence d’un syncrétisme harmonisateur qui ne raisonne pas par exclusion (« ou bien… ou bien… ») mais par inclusion (« et… et… »). 

Quelques mots sur l’Inde

Cachemire-aujourd-hui-carte-simplifiee.gifMa démonstration, ici, que j’annonçais d’emblée « succincte » et incomplète, ne peut donc prétendre à l’exhaustivité. Mais elle ne saurait omettre d’évoquer l’Inde dans ce survol des convergences eurasiatiques. Depuis son indépendance en 1947, l’Inde est traditionnellement alliée à la Russie, hostile à la Chine, contre laquelle elle a mené une guerre sur les hauteurs de l’Himalaya. La volonté de convergence eurasiatique s’occupe de gommer ce conflit. Les régions himalayennes contestées permettraient, une fois pacifiées, un passage entre l’Inde et les territoires anciennement soviétiques et entre l’Inde et la Chine. L’affaire se corse parce que la Chine, du temps de son conflit avec l’Inde, avait soutenu le Pakistan pour obtenir un port sur l’Océan Indien et des voies de communications entre ces installations portuaires avec la région chinoise de Kachgar, via le tracé en montagne dit de « Karakoroum », partant d’Islamabad pour rejoindre le poste-frontière d’Aliabad au Cachemire. Le gros problème est que l’Inde revendique cette partie du Cachemire pour avoir un lien avec le Tadjikistan ex-soviétique. Par ailleurs, comme le soulignent deux historiens insignes des faits indiens, le Britannique Ian Morris et l’Indien Pankaj Mishra, l’Inde souhaite consolider la cohésion du commerce entre le Golfe et la Mer Rouge d’une part, le Golfe du Bengale et les eaux de l’Asie du Sud-Est, d’autre part. L’objectif géopolitique de l’Inde est d’affirmer sa présence dans l’Océan Indien, surtout dans l’archipel d’Andaman et dans les Iles Nicobar, face aux côtes thaïlandaises. Cette volonté entend créer un chapelet de relais entre la Mer Rouge et l’Insulinde, le même que celui voulu par la Chine, qui le prolongerait jusqu’à ses propres ports du Pacifique, ce qui explique le conflit actuel pour les îles et îlots, naturels ou artificiels, dans la Mer de Chine du Sud.  La consolidation de ce chapelet de relais maritimes, sans possibilité de le couper ou de le fragmenter, rendrait à l’ensemble des Etats d’Eurasie une autonomie commerciale et navale sur son flanc sud, tandis que la Russie rétablirait les communications par l’Arctique, de Hambourg au Japon. Une Egypte militaire, débarrassée du danger que représentent les Frères musulmans et les autres adversaires des syncrétismes féconds, ouvrirait, par Suez, l’espace méditerranéen au commerce eurasien, réalisant du même coup le vœu des Génois et des Vénitiens de notre moyen-âge, tout en isolant la Turquie, du moins si cette dernière entend encore jouer le rôle d’un verrou et non pas d’un pont, comme le souhaitent les Chinois qui leur proposent la construction, entre l’Iran et l’Egée, d’un chemin de fer les liant tout à la fois à l’Asie et à l’Europe. Erdogan se trouve devant un choix : abandonner les « otâneries » et les sottises fondamentalistes ou renouer avec un laïcisme et un syncrétisme turcs qui n’apporteraient que des bienfaits. 

La Chine, le chapelet de relais et l’Océan Pacifique

La consolidation du chapelet de relais maritimes de Cadix à Shanghai permettrait à l’Europe, à son centre germanique et à la Russie de se projeter vers le Pacifique, impératif géopolitique qu’avaient compris des hommes aussi différents que Louis XVI, La Pérouse, Lord Kitchener et Karl Haushofer. Kitchener prévoyait, dans une conversation avec Haushofer, que les puissances européennes (Royaume-Uni compris !) qui n’auraient pas de bases solides dans le Pacifique, seraient irrémédiablement condamnées au déclin. Haushofer avait tiré la conclusion suivante : l’Allemagne, présente dans les Mariannes, suite au retrait espagnol, avait des chances ce consolider ses positions mais, dans la foulée, rencontrait automatiquement l’hostilité des Etats-Unis qui cherchaient  -depuis 1848, date à laquelle ils acquièrent l’atout géostratégique majeur de la bi-océanité-  à dominer le marché chinois, quantitativement le plus important à l’époque, comme de nos jours. Le destin a décidé qu’après la rétrocession des Mariannes à Tokyo par l’Allemagne au Traité de Versailles de 1919, la lutte pour le Pacifique se déroulerait entre un Japon, agrandi de cette immense Micronésie, et les Etats-Unis, maîtres des Philippines depuis leur victoire sur l’Espagne en 1898. La seconde guerre mondiale donnera aux Etats-Unis la maîtrise absolue du Pacifique, atout qui scelle leur hégémonisme planétaire. Aujourd’hui, le télescopage géopolitique ne s’effectue pas entre une puissance européenne présente au centre du Pacifique (comme le furent successivement l’Espagne puis l’Allemagne de Guillaume II) ou le Japon shintoïste et les Etats-Unis, mais entre les Etats-Unis et la Chine, où cette dernière est endiguée par une chaîne de petites puissances (Japon vaincu en 1945 compris) entièrement contrôlées par le système des alliances américaines. Cette chaîne vise à empêcher la Chine de s’élancer vers le large et à doter les Etats-Unis des bases insulaires nécessaires pour harceler, le cas échéant, les convois et l’acheminement d’hydrocarbures vers les ports du littoral pacifique chinois, pour rendre précaire cette ligne vitale de communications maritimes. 

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Chine : double stratégie maritime et continentale

L’application de cette stratégie de harcèlement en Mer de Chine du Sud pourra soit étouffer la Chine soit épuiser les Etats-Unis (où le taux de pauvreté augmente dangereusement). La Chine avait jadis deux stratégies possibles : une stratégie continentale, d’expansion vers le Tibet et le Turkestan/Sinkiang, qui ne dérangeait pas les Américains puisqu’elle inquiétait les Soviétiques. Ou une stratégie maritime, à laquelle le maoïsme avait renoncé, permettant, à partir de 1972, de nouer une alliance informelle avec les Etats-Unis. Aujourd’hui, la Chine cherche à échapper à son endiguement par une double stratégie : à la fois continentale, vers le Kazakhstan et au-delà, par le truchement de chemins de fer trans-asiatiques, et maritime, par la consolidation d’un chapelet de relais dans le Pacifique et l’Océan Indien, dans la mesure du possible en harmonie avec son concurrent potentiel, l’Inde. L’Europe, centrée sur l’Allemagne, et, partant, le tandem euro-russe ont donc intérêt à assurer des projections sans obstacles vers l’Inde et la Chine, tout en évitant qu’une puissance comme le Japon continue à faire partie de la barrière maritime américaine. Or le Japon se débat de nos jours, coincé qu’il est dans le dilemme suivant : éviter l’absorption par la Chine, ce qui serait humiliant, eu égard aux conflits sino-japonais depuis 1895 et éviter l’inféodation perpétuelle à une puissance étrangère à l’espace asiatique comme les Etats-Unis. Attiser les contentieux sino-japonais va dans le sens des intérêts de l’hegemon. Harmoniser les rapports futurs entre le Céleste Empire et l’Empire du Soleil Levant est une tâche des cénacles eurasistes partout dans le monde.

La pacification des rapports entre toutes les composantes de la masse continentale eurasiste (flanquée du Japon) permettra l’avènement de ce que Jean Parvulesco appelait l’ « Empire eurasiatique de la Fin », dans toute son acception eschatologique. Cela signifie-t-il une « fin de l’histoire », un peu comme celle qu’avait envisagée Francis Fukuyama au moment de l’effondrement du système soviétique et de la plongée de la Russie dans la « smuta » eltsinienne ? Non, Fukuyama a déjà été réfuté par les faits : l’histoire ne s’est pas arrêtée, bien au contraire, elle s’est accélérée. Cet « Empire eurasiatique de la Fin » signifierait essentiellement la fin des divisions rédhibitoires, des interventions belligènes potentielles, inutiles et néfastes que déploraient Carl Schmitt ou Otto Hoetzsch. Ce serait le retour définitif de l’alliance informelle du XVIIIe siècle ou, enfin, un retour de la Sainte-Alliance, de l’Atlantique au Pacifique. 

Douze pistes pour une « pax eurasiatica »

J’emprunte ma conclusion au géopolitologue italien Alfonso Piscitelli qui suggère une douzaine de pistes pour aboutir à cette pax eurasiatica :

  1. Ne jamais renoncer à la coopération énergétique, ce qui signifie poursuivre envers et contre tout la politique des gazoducs North et South Stream, selon les modalités fixées par l’ancien Chancelier allemand Gerhard Schröder.
  1. Re-nationaliser les sources énergétiques pour les soustraire aux fluctuations erratiques d’un libéralisme mal conçu.
  1. Parier sur les BRICS et s’acheminer progressivement vers un « Euro-BRICS ».
  1. Viser des continuités politiques sur un plus long terme en généralisant les régimes présidentiels, façon gaullienne, avec élection directe du Président comme en France et en Russie, assorti d’un re-dimensionnement des pouvoirs non élus (des potestates indirectae, des pouvoirs indirects, dont la nuisance a été soulignée par Carl Schmitt). Le but final est un retour à une sorte de « monarchie populaire ».
  1. Proposer un islam modéré, calqué sur le djadidisme soviétique, russe et tatar, compatible, dans le monde arabe, avec des régimes militaires et civils détachés des extrémismes religieux, comme ce fut le cas dans l’Egypte nassérienne, dans l’Iran du Shah, dans la Libye de Khadafi et dans les régimes baathistes de Syrie et d’Irak. Toute pensée politique exprimée par les musulmans des diasporas doit s’inspirer de ces formes de panarabisme, de personnalisme baathiste, de kémalisme ou de valorisation de la chose militaire et non plus de délires salafistes ou wahhabites qui n’ont apporté que le chaos et la misère dans le monde arabo-musulman. 
  1. Favoriser l’intégration militaire de l’Europe, puis de l’Europe et de la Russie et, enfin de l’Euro-Russie et des BRICS, le tout évidemment hors de cette structure vermoulue qu’est l’OTAN qui ne peut conduire qu’au ressac européen, comme on l’observe très nettement aujourd’hui. 
  1. Plaider pour un monde multipolaire contre l’unipolarité voulue par Washington, selon les axes conceptuels mis au point par les équipes eurasistes russe autour d’Alexandre Douguine, Natella Speranskaya et Leonid Savin. 
  1. Travailler à une réglementation positive des migrations, comme l’ont préconisé le Président Poutine dans son discours à la Douma, le 4 février 2013, et Philippe Migault, quand il a plaidé pour une entente euro-russe en Méditerranée, sur fond du triple enjeu grec, syrien et cypriote.
  1. Favoriser une politique familiale traditionnelle comme en Russie pour pallier le ressac démographique européen.
  1. Entamer un dialogue culturel inter-européen qui inclut les linéaments de la pensée organique russe, comme l’avaient souhaité des figures allemandes comme l’éditeur Eugen Diederichs dès la fin du XIXe siècle ou le Prof. Otto Hoetzsch, grand artisan d’un réel dialogue germano-russe ou euro-russe de l’ère wilhelminienne à Weimar et de Weimar à l’ère nationale-socialiste, malgré l’hostilité du régime en place.
  1. Entamer un dialogue entre civilisations et grandes traditions religieuses, comme le voulait le Tsar Alexandre Ier et selon certains axes préconisés par les leaders religieux iraniens, comme le Président Rohani.
  1. Revenir à l’idée universelle romaine. L’eurasisme est un projet impérial, pan-impérial, qui est une actualisation des pouvoirs impériaux romain (et donc byzantin, allemand et russe), perse et chinois. 

J’ajouterai à cette douzaine de pistes une treizième, celle qui doit déboucher sur une dé-dollarisation définitive de l’économie mondiale. Quelques initiatives, surtout au départ des BRICS, ont déjà marqué des points dans ce sens.

Pour réaliser ce programme suggéré par Alfonso Piscitelli, il convient évidemment d’éviter deux écueils :

  1. Présenter ces pistes sous la forme d’un discours d’excité, truffé de rêveries ridicules, risquant de faire interpréter toute démarche eurasiste comme un irréalisme extrémiste, lequel serait automatiquement discrédité dans les médias.
  1. Eviter les polémiques gratuites contre les autres sujets de l’histoire européenne : pas de russophobie ou de germanophobie anachroniques, pas de sinophobie rappelant les discours sur le « péril jaune », etc. Et pas davantage de discours anti-grecs, sous prétexte que la Grèce aurait mal gérée ses finances, ou de discours hispanophobes, prenant le relais des « légendes noires » colportées contre l’Espagne impériale par les protestants dès la XVIe siècle.

Vous constaterez qu’il y a un immense chantier devant nous. Au travail !

Robert Steuckers,

Forest-Flotzenberg, septembre 2015, février 2016.

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-          Moscou ou la technique du rhinocéros, http://leblancetlenoir.com , repris sur http://euro-synergies.hautetfort.com, 12 novembre 2015.

mercredi, 13 avril 2016

100 Jahre Osteraufstand

100 Jahre Osteraufstand

von Christoph George

Ex: http://www.blauenarzisse.de

risingpg03-5.jpgDieses Jahr begeht Irland den 100. Jahrestag des Osteraufstandes. Ein Grund, die Ereignisse von damals Revue passieren zu lassen. Ein Beitrag von Christoph George.

Die Geschichte der irischen Aufstände gegen die britische Kolonialmacht ist lang und reicht über die Jahrhunderte bis in die Frühphase der englischen Kolonisation zurück. So unterschiedlich all diese Rebellionen auch gewesen sein mögen, hatten sie doch letztlich eines gemeinsam: sie waren allesamt erfolglos. Das Imperium erwies sich stets als zu stark, Irland stets als zu schwach, um sich aus den Fängen des ungeliebten Nachbarn gänzlich befreien zu können. Nicht anders verhielt es sich mit dem Aufstand um die Osterzeit 1916, welcher sich hauptsächlich auf Dublin konzentrierte. Und dennoch kamen die Unabhängigkeitsbestrebungen der Iren mit diesem Osteraufstand entschieden voran.

Nach dem Osteraufstand vereinigten sich die verschiedenen Gruppen zur IRA

Die Idee einer Unabhängigkeit vom britischen Imperium stieß am Anfang des 20. Jh. in Irland keineswegs auf große Zustimmung. Anders als in vergangenen Zeiten waren die zurückliegenden Jahrzehnte politisch und wirtschaftlich zu ruhig, als daß der Unmut des durchschnittlichen Iren zu einer Unabhängigkeit gedrängt hätte. So waren es auch nur verhältnismäßig kleine Gruppen wie die Irish Republican Brotherhood (IRB), welche mit dem Ausbruch des Ersten Weltkrieges eine bewaffnete Rebellion gegen die englische Besatzung beschlossen. Während viele Iren freiwillig in den Reihen der britischen Armee kämpften, nahm die IRB Kontakte nach Deutschland auf, um im Kaiserreich den entscheidenden Verbündeten für ihr Vorhaben zu finden.

So wurde von Seiten der Iren die Idee eines deutschen Landungsunternehmens im Westen Irlands vorgeschlagen, um die Engländer mit einem Schlag von der Insel zu fegen. Dies lehnte man jedoch von deutscher Seite aus ebenso ab, wie die Bitte um Entsendung deutscher Ausbilder für einen Guerillakrieg. Letztlich einigte man sich auf die Lieferung von 20.000 französischen und russischen Beutegewehren an die irischen Aufständischen. Mit ihnen sollte der akute Mangel an Waffen behoben werden, der ansonsten über 10.000 potentielle Rebellen zur Untätigkeit verdammte. Die Auslieferung sollte mit einem unter norwegischer Fahne getarnten Handelsschiff am Vorabend des Osterwochenendes 1916 erfolgen. Dieses wurde jedoch kurz vor der irischen Küste von einem englischen Kriegsschiff aufgebracht und entzog sich anschließend durch Selbstversenkung seiner Beschlagnahmung.

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Ausrufung der Republik am 24. April 1916

Mit dieser geplatzten Waffenlieferung wurde dem irischen Aufstand das Rückgrat gebrochen, noch bevor auch nur ein Schuß fallen konnte. Seitens der Anführer der irischen Rebellen, unter welchen heute berühmte Namen wie James Conolly, Roger Casement und Patrick Pearse zu finden waren, entschloß man sich dennoch zu dem Vorhaben – jedoch im kleineren Maßstab. Wurde ursprünglich ein Aufstand über das ganze Land hinweg geplant, um britische Kasernen, Häfen und wichtige Punkte der Infrastruktur zu besetzen, sollte sich der Aufstand nun – der fehlenden Waffen wegen – auf die Hauptstadt Dublin konzentrieren. Aus 15.000 Aufständischen, wurden so lediglich 1200.

Der deswegen verunsicherten Masse an verbleibenden Kämpfern sagte man, sie würden nun durch die Einnahme von Schlüsselpositionen der Stadt diese unter Kontrolle bringen, um anschließend von hier aus den Aufstand über das ganze Land auszuweiten. Insgeheim waren sich jedoch die Anführer des Osteraufstandes darüber im Klaren, daß ihr Unternehmen in einem militärischen Desaster enden mußte. England, welches zur damaligen Zeit noch als das mächtigste Land der Welt galt, war schlichtweg zu stark. Der Aufstand sollte ab jetzt nur noch durchgeführt werden, um ein Fanal für die Geschichte Irlands zu schaffen; eine Tat des selbstlosen Aufbäumens gegen den ewigen Besatzer, welche zur Inspiration zukünftiger Generationen werden möge.

Und eben so kam es dann auch: am 29. April 1916 blieb den Rebellen nach nur fünf Tagen verheerender Straßenkämpfe, welche die größten Zerstörungen einer europäischen Großstadt seit den napoleonischen Feldzügen mit sich brachte, nichts weiter übrig, als angesichts der hoffnungslosen Überlegenheit der Briten die Waffen zu strecken. Die am Beginn des Aufstandes von James Conolly ausgerufene Republik mußte vorerst weiterhin ein Traum bleiben.

“Ireland unfree shall never be at peace.” (Patrick Pearse)

Am Ende des Aufstandes zählte man 130 tote britische Soldaten, 60 tote Rebellen und ca. 250 tote Zivilisten und die Masse der überlebenden Aufständischen wurde über Jahre in England interniert. Doch mit der Exekution ihrer 15 Anführer im Mai 1916 begannen die Briten jenen für sie fatalen Fehler, welcher die Grundlage für das Scheitern ganzer Imperien legen kann: sie schufen Märtyrer. Mit diesen Hinrichtungen schlug die Ablehnung der Rebellen in der irischen Öffentlichkeit nun in Zustimmung um, und die Idee der irischen Unabhängigkeit bekam Rückenwind. In den Folgejahren konnten denn auch durch einen Unabhängigkeitskrieg größere Zugeständnisse seitens der Briten erkämpft werden, was vor allem mehr Selbstverwaltung und niedrigere Pflichten gegenüber London betraf. Die wirkliche politische Unabhängigkeit kam jedoch erst 1949 mit der Gründung der Republik Irland auf gänzlich politischem Weg, wobei bis heute das 1921 von London einbehaltene Nordirland ein Teil Großbritanniens blieb.

Für die irische Republik ist der Osteraufstand von 1916 ihr ideeller Gründungsakt, der deswegen auch Jahr für Jahr traditionell mit Militärparaden und Nachstellung der Ausrufung der Republik in Dublin begannen wird. Zum 100. Jahrestag finden am anstehenden Osterwochenende zudem zahlreiche weitere Veranstaltungen rund um die damaligen Ereignisse statt, um jene patriotische Tat auch dem jungen Irland in lebendiger Erinnerung zu halten.

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Het enigma Victor Leemans

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Door: Karl Drabbe

Het enigma Victor Leemans

Ex: http://www.doorbraak.de

Van nationaalsocialist tot Europees Parlementsvoorzitter. Filosoof en socioloog Victor Leemans was van vele markten thuis.

Victor-Leemans.jpgSyndicalisten en sociologen hebben nooit bij bosjes rondgelopen in de Vlaamse Beweging. Victor Leemans bundelde de drie eigenschappen. Hij was een Vlaams-nationalist, studeerde sociologie, en ijverde voor het samensmelten van de katholieke en de meer autoritair-Vlaamse syndicaten tijdens de Tweede Wereldoorlog.

Leemans is het typische van de rechtse, nationaal denkende intellectueel, zoals het interbellum er wel meerdere voortbracht, maar slechts weinige in Vlaanderen. Hij stond met beide voeten in de Conservatieve Revolutie, en eindigde als senator voor de CVP en zelfs de eerste voorzitter van het Europees Parlement. Een opvallende carrière en toch is het zoeken naar biografische informatie te vergelijken met de spreekwoordelijke zoektocht naar een speld in een hooiberg.

Wijlen professor Piet Tommissen is decennia bezig geweest met de biografie van Victor Leemans. Of hij ooit tot schrijven is toegekomen, weet ik niet. Maar Leemans' naam viel in elk gesprek met Tommissen. Of er met het door hem verzamelde materiaal ooit een biografisch werk zal (kunnen) gemaakt worden, is maar de vraag.

Alvast Pieter Jan Verstraete - zowat de hofbiograaf van de Vlaamse Beweging uit interbellum en WO II - vond het zijn plicht om die leemte op te vullen. Want veel meer dan een lemma in de Nieuwe Encyclopedie van de Vlaamse Beweging was er niet. Met het 40 blz. tellende brochure hebben we nu iets meer over Leemans. Maar helaas nog veel te weinig.

Waarom helaas? Enkele weken terug stelde Patrick Loobuyck - de godsdienstwetenschapper en filosoof van de UAntwerpen die het LEF-vak bedacht - de vraag op Twitter of er ook 'rechtse sociologen' zijn. De vraag sloeg op vandaag, als ik antwoordde dat alvast Lode Claes en Victor Leemans géén linkse jongens waren.

Lezing van Verstraetes ondertussen biografisch verschenen schets, leert dat ook dat weer met een flinke korrel zout moet genomen worden. Leemans publiceerde immers zijn eerste artikels in De Gids op Maatschappelijk Gebied, wat vandaag het studieblad is van debeweging.net (het vroegere ACW). 

Leemans kwam van het Wase platteland (Stekene), werd onderwijzer en actief in de 'Jonge Wacht' en het Davidsfonds ginds. Als schrijver kon hij terecht in het nieuwe weekblad Jong Dietschland, in het interbellum een erg gezaghebbend leidend katholiek en Vlaams-nationalistisch blad met medewerkers als Cyriel Verschaeve en Maurits Geerardyn. In dat blad publiceerde Leemans over de Duitse en de Oostenrijkse corporatistische beweging en zette hij uiteen wat er in Duitsland en Italië allemaal aan het gebeuren was. Fascisme en nationaalsocialisme fascineerden hem in die mate dat hij die 'stelsels' wel moést beschrijven. 

In de jaren 1930 ging Leemans in Berlijn en Münster sociologie studeren. Hij woonde volksmeetings van de NSDAP bij, zag Adolf Hitler spreken. Hij bracht er verslag over uit in De Standaard en - eens terug in Vlaanderen - voor allerlei verenigingen en in velerlei tijdschriften. Nationaalsocialisme kreeg in zijn ogen een plaats in het nationale Duitse socialisme, zoals decennia na hem socioloog J.A.A. Van Doorn dat ook schreef.

Leemans schreef over corporatisme, economie, socialisme, sociologie. Zijn Politieke sociologie is allicht zijn belangrijkste werk, dat ook een hele generatie jonge intellectuelen, vooral studenten aan de KU Leuven inspireerde. De Politieke Academie van het KVHV, waar Lode Claes een rol speelde, hing aan Leemans' lippen.

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Na de oprichting in 1933 kon het VNV hem niet bekoren. Pas in 1936 zet hij een stap in de richting van die partij. 'Hij aanvaarde de leiding te willen nemen van de nieuw opgerichte Vlaamsche Arbeidsorde.' Nochtans grossierde het VNV allesbehalve in intellectuelen. Waarom dan die zet? Verstraete speculeert: 'misschien zocht hij een vaste bron van inkomsten om zijn groeiend gezin te kunnen onderhouden.'

Tijdens de Tweede Wereldoorlog werd hij secretaris-generaal van Economische Zaken. Het zijn de secretarissen-generaal die de uitvoerende macht bevolken tijdens de oorlog. Leemans zat na verloop van tijd op één lijn met de Belgische economische elite die in België was gebleven tijdens de oorlog. Politici hadden België verlaten, de industriëlen voerden - conform de zogenaamde Galopin-doctrine - een accommodatiepolitiek, daarbij geholpen door een Leemans die in die functie veel verantwoordelijkheidszin aan de dag legde.

Dat laatste is dan ook de reden waarom hij aan de terreur van de straatrepressie kon ontkomen. Zijn echtgenote overleed in januari 1945 wel aan de mishandelingen. Maar Leemans en zijn kinderen werden nadien door de politie beschermd. Eén jaar gevangenisstraf was zijn deel. In mei 1948 werd hij 'door de krijgsraad definitief buiten vervolging gesteld'. 

Nadien ging het snel. Opgepikt door de katholieke werkgeversvereniging Landelijk Algemeen Verbond van Christelijke Werkgevers, werd hij door de CVP binnengehaald als 'verruimer' met Vlaams-nationale collaboratieachtergrond om de CVP te helpen een absolute meerderheid te halen in 1949. De CVP misgunde de 'scheurmakers' van de Vlaamse Concentratie electoraal succes en plaatste daartoe onder andere Victor Leemans en Joz. Custers op de lijst. Leemans werd senator in 1949 en fractievoorzitter in de Senaat in 1964. In 1958 trok hij naar het Europees Parlement (dat toen nog niet rechtstreeks verkozen werd), waar hij het tot voorzitter schopte in 1965. Oud-weerstanders verslikten zich dat een 'volbloed nazi' voorzitter kon worden.

De Vlaams-nationalistische catacombenpers van de eerste naoorlogse dagen stak de draak met de 'overloper' en bedacht hem met koosnaampjes als 'De Grote Denker' en 'de filosoof van Stekene'. De filosoof schreef inderdaad na de oorlog studies over Kierkegaard en had een economische rubriek in De Standaard.

Over zijn denken en op de inhoud van zijn publicaties gaat Verstraete in deze bescheiden brochure niet in. Het zou nochtans een meerwaarde zijn voor de geschiedschrijving van de geesteswetenschappen in het interbellum in Vlaanderen. Over de revolutie van rechts is nog te weinig gepubliceerd. Olivier Boehme vermeldt hem zijdelings in zijn gelijknamige boek. Mark Van den Wijngaert beschrijft Leemans' rol als secretaris-generaal goed in Nood breekt wet. Het is wachten op de intellectuele biografie van Leemans.

Het boekje is te verkrijgen via overschrijving van 6,85 euro op rek. BE64462728679152 van Pieter Jan Verstraete; pieterjan.verstraete@skynet.be

Beoordeling : * * *
Titel boek : Victor Leemans
Subtitel boek : Een biografische kennismaking
Auteur : Pieter Jan Verstraete
Uitgever :
Aantal pagina's : 40
Prijs : 6.85 €
ISBN nummer :
Uitgavejaar : 2016

samedi, 19 mars 2016

Een les van de Indianen: massa immigratie kan levensgevaarlijk zijn

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De Indianen en wij
 
In Gent loopt deze dagen in het Provinciaal Cultuur Centrum Caermerklooster een tentoonstelling die de naam kreeg: The call of the Rockies- Pieter Jan De Smet en de Indiaanse tragedie.

Deze korte reactie is bedoeld voor wie haar bezoekt of belangstelling voor het onderwerp koestert.

Een les van de Indianen: massa immigratie kan levensgevaarlijk zijn

call061- np.jpgMevrouw, mijnheer,

Uw bezoek aan deze tentoonstelling of uw interesse voor het onderwerp ervan bewijst uw belangstelling en respect voor de Indiaanse volkeren die eeuwenlang op eigen grond hun eigen identiteit en cultuur in de prachtige natuur van het Rotsgebergte en van de uitgestrekte Amerikaanse prairie in volle vrijheid konden beleven.

In de negentiende eeuw werden ze echter systematisch onder de voet gelopen door een massa migranten uit gans de wereld maar voornamelijk uit Europa. Mensen die op de vlucht waren voor armoede, hongersnood, vervolgingen om godsdienstige en/of politieke opvattingen, epidemieën, de oorlog etc. etc. Kortom mensen die meestal goede redenen hadden om hun land te verlaten maar waarvan de stroom de oorspronkelijke inwoners van wat nu de VS zijn, letterlijk overspoelde. Deze laatste hadden dit in het begin zeker niet zien aankomen vermits ze er zelf mee instemden om grond te verkopen aan die nieuwkomers van overzee die ze plots aan hun kusten hadden zien verschijnen Peter Minuit betaalde de Lenape-Indianen met goederen die een waarde van 60 florijnen hadden (ongeveer 700 euro) om het eiland Manhattan te kopen en er vervolgens in naam van de republiek der Verenigde Nederlanden  Nieuw-Amsterdam te stichten.
 
indam2-0PpREM@350x470.jpgVanaf de tweede helft van de negentiende eeuw, toen de migratie tsunami steeds verder naar het westen trok, was het lot van de Indianen bezegeld. Ze werden systematisch van hun gronden verjaagd, bizons die de basisvoeding van bepaalde stammen waren, werden massaal uitgeroeid en vaak de Indianen zelf ook. Uiteindelijk kwamen ze in reservaten terecht die hen door de bezetters van hun land werden toebedeeld. Op enkele uitzonderingen na leiden ze er een soort vegetatief en vrij doelloos bestaan. Hun oorspronkelijke cultuur wordt er bovendien gereduceerd tot een soort folklore waarmee toeristen kunnen worden geëntertaind en soms zelfs tot min of meer spectaculaire circusattracties (dat was al zo in de tijd van Buffalo Bill). De Indianen werden overigens nooit opgenomen in de Amerikaanse melting pot maatschappij want in die smeltkroes van immigranten van over gans de wereld horen zij als enige echte autochtonen niet thuis.

Kortom: de Indianen hebben ondervonden hoe nefast de gevolgen van een massa-immigratie kunnen zijn.
 
Vandaag de dag wordt ook ons Europa geconfronteerd met een steeds maar aanzwellende stroom van vluchtelingen en migranten die naar verluidt ook meestal goede redenen hebben om hun land te verlaten. Onze situatie is nog niet zo erg als deze die de Indianen hebben meegemaakt maar ze wordt toch met de dag nijpender. Hoog tijd dus om lessen te trekken uit de tragische ervaringen van de volkeren uit het Rotsgebergte en de prairie en dus te eisen dat de grenzen van Europa streng en zorgvuldig zouden worden bewaakt. We mogen ook zeker niet toegeven aan de sentimentele chantage waarmee we steeds worden geconfronteerd. Het is immers al lang duidelijk: “Wir schaffen das nicht”. Als solidariteit met vluchtelingen in nood een menselijke plicht is, dan is het voor deze mensen veel beter zo dicht mogelijk bij hun land van oorsprong te worden opgevangen. Van vluchtelingen mag immers verwacht worden dat zij naar hun vaderland zullen terugkeren zodra dit mogelijk zal zijn.
 
Francis Van den Eynde
 

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Tekos 161: Ierse strijd in perspectief

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INHOUDSOPGAVE

    • Editoriaal
       
    • De Ierse onafhankelijkheidsverklaring van 1916
      vertaald door Francis Van den Eynde
       
    • De Ierse paasopstand van 1916 in historisch perspectief
      door Francis Van den Eynde
       
    • Sinn Fein en het "Left Republicanism"
      door Geert Struyve
       
    • De Finse Lapua-beweging
      door Pieter Jan Verstraete
       
    • De crisis van de hedendaagse identiteiten
      door Thibault Isabel vertaald door Peter Logghe
       
    • Sprokkels uit de moestuin
      door Björn Roose

 

 

jeudi, 17 mars 2016

Du livre de Rémi Tremblay consacré aux Acadiens...

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Du livre de Rémi Tremblay consacré aux Acadiens...

«Le premier génocide moderne, bien avant les Vendéens…»

Ex: http://synthesenationale.hautetfort.com

Entretien avec Rémi Tremblay, auteur du livre Les Acadiens: du Grand Dérangement au Grand Remplacement, éditions Dualpha, préface de Jean-Claude Rolinat.

Pourriez-vous revenir sur le Grand Dérangement, événement clé de l’histoire acadienne ?

Le Grand Dérangement est effectivement un moment crucial de l’histoire des Acadiens. Ce peuple, qui est français de langue, de foi, de culture et de race vit sur une terre passée sous contrôle britannique en 1713. Coincée entre les colonies américaines britanniques et la Nouvelle-France, elle représente un territoire géopolitique capital pour les deux puissances en conflit à l’époque. Les Acadiens, peuple n’ayant aucun objectif de puissance, se cantonnent dans une position de neutralité qui finalement ne fait ni l’affaire des Français, ni des Anglais. Ces derniers, jugeant la politique de neutralité acadienne suspecte et considérant ces Catholiques francophones comme une menace potentielle décident alors de se débarrasser des Acadiens en tant que peuple. Commence alors le Grand Dérangement, soit la déportation des Acadiens vers d’autres colonies ou vers l’Europe. En les dispersant aux quatre vents, la couronne britannique espère qu’ils s’assimileront aux colons anglais des autres colonies et disparaitront donc en tant que peuple. Cet épisode représente le premier génocide moderne, bien avant les Vendéens, et comme dans le cas de ces derniers, il est aujourd’hui peu connu, même chez les Canadiens français.

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Quelles sont aujourd’hui les perspectives d’avenir des Acadiens ?

Les Acadiens, malheureusement, risquent de disparaître s’ils ne changent pas leur fusil d’épaule. La disparition d’un peuple n’est pas que théorique en Amérique. Les Cajuns et les Canadiens français du Manitoba ont disparu au fil des dernières décennies, s’assimilant à la masse anglo-saxonne qui compose la grande majorité du continent. Un destin pareil attend les Acadiens si rien n’est fait.

Je m’explique. De un, les Acadiens comme la plupart des autres peuples occidentaux font face à une décroissance due à un taux de natalité excessivement bas, qui peut être mis en lien avec l’abandon de la religion. En parallèle, une immigration massive vient faire diminuer son importance relative. Ça, c’est vrai pour tous les peuples occidentaux, seulement, chez les Acadiens, ceux-ci sont déjà minoritaires sur leur propres terres ancestrales. Alors non seulement ils tendent à devenir une minorité parmi tant d’autres dans la grande mosaïque canadienne, mais leur statut de minorité est de plus en plus fragilisé par l’arrivée d’immigrants. Il faut aussi ajouter que l’assimilation des Acadiens aux Anglo-Saxons n’est pas un phénomène aussi marginal qu’on le pense. Bien qu’il s’effectue lentement, il est impossible de nier ce problème majeur pour la survivance acadienne.

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Comment expliquez-vous la méconnaissance actuelle des Acadiens ?

L’Acadie représente un petit peuple numériquement parlant, surtout comparativement à son voisin le Québec, peuplé de millions de Canadiens français. Déjà, le Québec est peu connu en France, alors la petite Acadie l’est évidemment moins. Même au Québec, l’Acadie est peu connue et ce malgré le fait que nombre d’Acadiens vivent sur le territoire québécois. Est-ce du nombrilisme, du chauvinisme ? Dur à dire. Seulement, comme le disait Raoul Roy, chantre de la Francité, les peuples français (et non pas francophones), doivent resserrer les rangs et c’est dans cet esprit que j’ai voulu faire connaître le monde acadien à nos cousins français.

Les médias modernes ont tendance à vouloir susciter la sympathie pour des causes aussi lointaines de nous que possible et ce alors qu’une partie de notre peuple risque de s’éteindre lentement dans le silence assourdissant du reste de la Francité.

Les Acadiens : du Grand Dérangement au Grand Remplacement de Rémi Tremblay, Préface de Jean-Claude Rolinat, éditions Dualpha, collection « Vérités pour l’Histoire », dirigée par Philippe Randa, 158 pages, 23 euros, cliquez ici

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samedi, 05 mars 2016

La franko-latinisation de l’Europe

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La franko-latinisation de l’Europe

par Alain Santacreu

romancier, essayiste

Ex: http://metamag.fr

De quelque côté que l’on se tourne, aucun intellectuel n’est aujourd’hui en mesure de répondre à cette question : « Qu’est-ce qu’être français ? »

Et pour cause : les prémisses de tout raisonnement sont instantanément faussées par la falsification de l’histoire elle-même. Ce n’est donc pas le moindre mérite du théologien grec Jean Romanidès (sous le titre Théologie empirique est récemment paru chez L’Harmattan, dans la coll. « Contrelittérature », la première édition française d’un ouvrage de Jean Romanidès) d’avoir réactualisé une vision rectificatrice de l’Histoire de France, marginalisée ou ridiculisée par la doxa universitaire, celle illustrée par des historiens totalement oubliés comme l’abbé Sieyès, Jules Michelet ou encore Augustin Thierry.

Selon Jean Romanidès, les fondements véritables de la démocratie et de la liberté ont été annihilés très tôt en Europe par la théologie politico- racialiste de la noblesse frank qui engendra Charlemagne et Napoléon. En écrivant Frank(e), avec un « k », nous reprenons l’orthographe proposée par Augustin Thierry qui la justifiait ainsi : « Frank est le mot tudesque, le nom national des conquérants de la Gaule, articulé suivant leur idiome ; Franc est le mot français, le terme qui dans notre vieille langue exprimait la qualité d’homme libre, puissant, considérable ; d’un côté, il y a une signification ethnographique et, de l’autre, une signification sociale correspondant à deux époques bien distinctes de notre histoire ; c’est cette diversité de sens que j’ai voulu marquer d’un signe matériel par la différence d’orthographe. » (Augustin Thierry, Lettres sur l’Histoire de France, Paris, 1884, lettre II, p.20, note 2).

romanides18674842.jpgDans Qu’est-ce le Tiers-État ? Sieyès montre que la Révolution française de 1789 fut l’expression de la révolte des Gallo-Romains asservis contre les nobles Franks — qui représentaient à peine 2% de la population. Napoléon Bonaparte était un Frank de la petite noblesse de Toscane qui avait pu suivre une école d’officiers. Il usurpa la Révolution des Gallo- Romains et la retourna au bénéfice des Franks. Près de neuf mille officiers franks, en grande majorité issus de la petite noblesse, appartenant à vingt cinq loges militaires de la franc-maçonnerie, participèrent à la Révolution française aux côtés des Gallo-Romains. Ces officiers, payés avec l’argent de l’impôt que le roi prélevait sur la classe moyenne et non plus par l’attribution de fiefs, comme cela s’était fait durant des siècles jusqu’au quinzième, prétendaient devenir les égaux de la haute noblesse. Cette dernière, avec la royauté, possédait en effet les grandes propriétés foncières. Les officiers franks, ainsi acculés à une pauvreté relative eu égard à leurs richissimes confrères, surent utiliser la révolte du peuple gallo-romain pour confisquer le pouvoir. Napoléon était de ceux-là.

Nombre de ces officiers franks avait pris part à la révolution américaine dont ils avaient promulgué l’idéologie dans les loges maçonniques. Après le régicide, la plupart des officiers franks abandonnèrent la Révolution qui évolua en une guerre « raciste » des Franks contre les Gallo-Romains. C’est à partir de cette clef qu’il faut envisager le génocide vendéen. Environ trois mille officiers franks restèrent dans les rangs de la Révolution, les uns par loyauté, comme Barras, d’autres par félonie, comme Bonaparte. Les félons se lièrent au futur empereur qui, à travers ses frères et la franc-maçonnerie, abolit toutes les garantiesdémocratiques, prévues par la constitution de l’abbé Sieyès, pour acquérir un pouvoir dictatorial. Couronné empereur, le 2 décembre 1804, Napoléon reprit les symboles carolingiens : couronne, sceptre, glaive, globe.

À l’entrée de Notre-Dame, on voyait les statues de Clovis et de Charlemagne, les fondateurs de l’empire et de la monarchie franks. Les Franks connaissaient la force du monachisme. Lorsqu’ils conquirent la Gallo-Romanie, au cinquième siècle, le monachisme orthodoxe d’un Cassien avait alors atteint son apogée. Aussi cessèrent-ils de choisir les évêques parmi les moines, et transformèrent-ils les évêques en administrateurs responsables du peuple asservi.

Le totalitarisme d’État se construisit dans le royaume de France à partir de la théologie politique franko-latine. Enfin, les Franks carolingiens chassèrent les évêques romains. Ils s’instituèrent eux-mêmes évêques et abbés, cooptèrent leurs concitoyens franks dans les charges les plus prestigieuses, devinrent des policiers oppresseurs du peuple qu’ils maintinrent dans une obéissance servile par l’institution d’une religion de la terreur et de la crainte. Le monachisme carolingien inquisitorial culminera dans l’ordre cistercien de Bernard de Clairvaux, un des principaux instigateurs du génocide des cathares albigeois. Sans doute est-ce pour cela que tant de clercs franks furent massacrés par les Gallo-Romains pendant la Révolution.  Un siècle et demi plus tard, en 1936, en Espagne, on retrouvera un phénomène similaire avec les exécutions de prêtres et de religieux par le peuple en lutte contre le fascisme. D’une façon générale, cette vision rectifiée de l’Histoire permet d’envisager les deux types de socialismes : le socialisme d’État « allemand » (Frank)  et le socialisme de la commune « français » (Gallo-romain).

La controverse du Filioque fut l’arme politico-théologique utilisée par les Franks carolingiens afin de provoquer le schisme qui, en scindant la Romanité, consacrerait le triomphe de l’Église franko-latine et son hégémonie dans le monde.

Nous assistons maintenant à l’ultime phase de la franko-latinisation de l’Europe qui vise à éteindre à jamais les dernières étincelles civilisationnelles de la Romanité. La politique immigrationniste d’Angéla Merckel, moralement justifiée par le Grand Inquisiteur mondialiste, ignore cyniquement le génocide des chrétiens Romains d’Orient.

La haute classe financière et sa garde politico-médiatique, dans la lignée des Franks usurpateurs de la Révolution, représente les mêmes 2% de la population globale, non seulement de la France mais de l’Europe  en voie de mondialisation.

Durant des siècles, des multitudes de Romains occidentaux furent asservis par les rois et les nobles des dynasties frankes de l’Europe, tandis que l’empire ottoman asservissait les Romains d’Orient. De nos jours, les vagues migratoires stratégiquement suscitées, visent à exterminer les derniers survivants gallo-romains.

Si quelques étincelles de Romanité demeurent encore parmi les peuples de l’ancienne Rome, nous assisterons bientôt à d’apocalyptiques jacqueries contre les pseudo-élites franko- latines mondialisées, sinon les peuples d’Europe s’éteindront pour toujours, sous le déferlement désespéré d’ultimes hordes manipulées.

Alain Santacreu est également directeur de la collection Contre Littérature chez L’Harmattan et responsable du site du même nom .

lundi, 29 février 2016

Le dernier coup de Jarnac de François Mitterrand

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Salan/’t Pallieterke :
Le dernier coup de Jarnac de François Mitterrand


mittben2259248617_h430.jpgNaguère, nous avions évoqué dans cette rubrique française l’avalanche de livres récemment publiés à l’occasion du vingtième anniversaire du décès de l’ancien Président français François Mitterrand. Dans cette masse de bouquins, un seul n’a pas vraiment été recensés mais il mérite une attention toute particulière : Dites-leur que je ne suis pas le diable (Plon, 2016, 188 p.). Ce livre est dû à la plume de Georges-Marc Benamou. Ce journaliste a suivi Mitterrand de très près au cours des dernières années de sa vie. Juste après la mort du Président, Benamou avait écrit Mémoires interrompues, soit les mémoires incomplètes de Mitterrand. En 1997, parait Le dernier Mitterrand, ouvrage consacré aux mille derniers jours de la vie du président socialiste. Dites-leur que je ne suis pas le diable en est une sorte de complément. On y trouve un florilège de commentaires et d’analyses posés par Mitterrand dans ses dernières années. Il s’agit de citations non encore publiées à ce jour. Benamou analyse en profondeur une série de controverses relatives au Mitterrand âgé, malade et mourant. Ainsi, Benamou analyse la dernière allocution de Mitterrand à la télévision, à la fin de l’année 1994. Mitterrand avait dit qu’il « croyait en les forces de l’esprit ». Et qu’à la fin de l’année 1995, il écouterait le message du Nouvel An du nouveau Président du « lieu où il se trouverait ». Ce fut donc un discours à connotations religieuses évidentes. En France, où l’église et l’Etat sont strictement séparés, ce ton religieux était inédit. Mitterrand avait éprouvé du plaisir en assistant au tollé que son discours avait suscité. « Vous avez vu ? », demandait à Benamou un Mitterrand rigolard, « j’ai osé ! ». A la fin de sa vie, Mitterrand était fasciné par la mort. Ou mieux : par le passage de la vie après la mort. Il en parlait à des médecins, des philosophes, des théologiens.


La controverse des ortolans


Le nouveau livre de Benamou nous apprend que Mitterrand a cessé de s’alimenter le jour du Nouvel An, 1 janvier 1996. Il ne prit plus aucun médicament. Le 8 janvier, il mourut. Le soir de la Saint-Sylvestre, il avait pris un ultime repas. Benamou l’avait déjà évoqué dans Le dernier Mitterrand. L’ancien président avait d’abord ingurgité quelques bonnes huîtres. Ensuite, il prit une délicatesse du Pays des Landes, une région du Sud-ouest de la France, où Mitterrand possédait une résidence, à Latche, où il passa sa dernière Saint-Sylvestre.

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Dead-Man-ortolan-photo-copy1-289x300.jpgCette délicatesse du dernier repas de Mitterrand consistait en ortolans. Ce sont de petits oiseaux que l’on capture, que l’on engraisse et puis que l’on noie vivants dans l’armagnac. Ils sont ensuite rôtis au four. On doit les manger tout entiers, os et viscères compris. Pour manger ce met de manière traditionnelle, on doit se pencher sur le récipient contenant les ortolans, se placer une serviette sur la tête pour se régaler des odeurs de l’armagnac.


Lorsque Benamou raconta cette anecdote pour la première fois, cela provoqua une avalanche de critiques. Quelques personnages de l’entourage de Mitterrand se sont empressés de dire que le Président moribond n’avait nullement avalé ces oiseaux. Car les ortolans sont une espèce désormais protégée. Ce démenti est faux, affirme Benamou dans son dernier ouvrage de 2016. Les faits sont exacts, nous dit-il. Ce fut par ailleurs un camarade du PS français, Henri Emmanuelli, qui fit livrer à temps les ortolans à Latche. Benamou voit dans ce plat traditionnel des Landes tout un symbole : les ortolans, dans les œuvres de La Fontaine et de Balzac sont un repas de roi.

Les avocats de province


miitttder6080743_200x323.jpgMitterrand n’aurait pas été lui-même s’il n’avait pas donné, en ses heures ultimes, quelques coups de canifs, bien acérés, à la classe politique. Le livre Dites-leur que je ne suis pas le diable contient quelques belles perles à ce niveau. Quand il s’agit du PS, Mitterrand est vraiment assassin. Dans le lot des socialistes français, il ne voit personne capable de lui succéder. Il ne cite même pas le Président actuel, François Hollande. Les dirigeants du PS sont, selon les Mitterrand des derniers mois, des « avocats de province », ce qu’il était lui-même dans ses jeunes années, dans sa Charente natale. En 1995, lors des Présidentielles, il a soutenu implicitement le néo-gaulliste Jacques Chirac contre le candidat socialiste Lionel Jospin. Mitterrand n’avait pas une haute opinion des autres dirigeants socialistes, comme Pierre Mendès-France. Quant à l’agitation gauchiste de mai 68, il eut ces mots : « Tous des fous ! » ou « Des enfants gâtés de la petite bourgeoisie catholique ».


A propos du jeune homme qu’était encore Nicolas Sarkozy en 1995, Mitterrand disait qu’il fallait s’en méfier : « C’est un grand cynique ». Alain Juppé, disait-il, « avait certes les allures d’un homme d’Etat ». Mais il n’y aurait plus jamais de grand président, selon Mitterrand. Il disait de lui-même qu’il était le dernier grand président de la France. Ultérieurement, l’Europe dominera tout, pensait-il. Il ne pouvait évidemment pas prévoir la crise actuelle qui frappe l’Europe.


10.000 Français seulement ont entendu De Gaulle en juin 1940


A la fin de sa vie, Mitterrand donna également un coup de canif au prestige de son grand rival, Charles De Gaulle. Selon Mitterrand, son appel du 18 juin 1940, lancé depuis Londres pour inciter les Français à reprendre le combat contre l’Allemagne nationale-socialiste, n’a eu aucun impact au départ. Seulement 10.000 Français l’auraient entendu, affirmait Mitterrand. Et : « entendu par hasard. Le 18 juin en soi, ce ne fut rien. C’est plus tard qu’on en fit un mythe ». Mitterrand a toujours indirectement défendu le Maréchal Pétain et le régime de Vichy, jusqu’à la fin de sa vie. Il considérait la résistance intérieure, dont il fit partie, comme plus importante que celle orchestrée depuis Londres.


Salan/’t Pallieterke.
(article paru dans « ‘t Pallieterke », Anvers, 25 février 2016).

vendredi, 19 février 2016

Marcus Aurelius: Life of the Famous Roman Emperor and Philosopher

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Marcus Aurelius: Life of the Famous Roman Emperor and Philosopher

Ex: http://www.ancient-origins.net

Marcus Aurelius Antoninus, known more commonly as Marcus Aurelius, was the 16th emperor of Rome, who reigned from 161 AD to his death in 180 AD. Marcus Aurelius is remembered as the last of the Five Good Emperors (the other four being Nerva, Trajan, Hadrian and Antoninus Pius). Apart from being a Roman emperor, Marcus Aurelius is also known today for his intellectual pursuits, and is considered as one of the most important Stoic philosophers.

The Life of Marcus Aurelius

Marcus Aurelius was born into an aristocratic family in Rome in 121 AD. His uncle was Titus Aurelius Antoninus (Hadrian’s successor, the emperor Antoninus Pius), who was adopted by Hadrian, after his earlier choice of successor died suddenly. Hadrian also arranged for the adoption of Marcus Aurelius by Antoninus. As a result of this adoption, the youth once known as Marcus Annius Verus became renamed as Marcus Aurelius Antoninus.   

Marble bust of Hadrian at the Palazzo dei Conservatori.

Marble bust of Hadrian at the Palazzo dei Conservatori. (Public Domain)

Hadrian died in 138 AD, and was succeeded by Antoninus, who reigned till his death in 161 AD. During the early part of Marcus’ reign, he ruled the empire with a co-emperor, Lucius Verus, who was his ‘half-brother’. Lucius’ father was Lucius Aelius, Hadrian’s first choice of successor. Lucius became Marcus’ ‘half-brother’ when he was adopted by Antoninus Pius. In 169 AD, Lucius Verus died, and Marcus was left as the sole ruler of the Empire. In 177 AD, Marcus once again took a co-emperor, this time, his son, Commodus. Marcus died three years later, in 180 AD.

Portrait of Lucius Aelius (101–138 AD) inserted afterwards in a heroic statue

Portrait of Lucius Aelius (101–138 AD) inserted afterwards in a heroic statue (CC BY 2.5)

Marcus in ‘The Caesars’ and Other Texts

Marcus Aurelius is considered by some to have been the best emperor that Rome ever had. In a short comic sketch known as The Caesars, written by the 4th century AD Roman Emperor, Julian the Apostate, Marcus is depicted as attending a banquet (along with the gods and other dead Roman emperors) given by Romulus during the festival of the Cronia. Marcus is depicted quite positively by Julian. For instance, Silenus, a companion and tutor of Dionysus, would mock each emperor as they arrived at the banquet. When Marcus arrived, however, he had nothing bad to say about him:

“Next entered the pair of brothers, Verus [Marcus Aurelius] and Lucius. Silenus scowled horribly because he could not jeer or scoff at them, especially not at Verus.”

A contest was then held at the banquet to determine who the best emperor was, in which Marcus, as expected, emerged victorious.

Marcus Aurelius’ virtuous deeds have also been recorded in the historical sources. For instance, in the Historia Augusta, it is claimed that:

“When he (Marcus) had drained the treasury for this war (the Marcomannic war), moreover, and could not bring himself to impose any extraordinary tax on the provincials, he held a public sale in the Forum of the Deified Trajan of the imperial furnishings.”

The emperor is also viewed positively by the historian Cassius Dio, who wrote, amongst other things, that:

“… [Marcus] had been emperor himself nineteen years and eleven days, yet from first to last he remained the same and did not change in the least. So truly was he a good man and devoid of all pretence.”

The Meditations of Marcus Aurelius

Apart from sources written about Marcus Aurelius, his own thoughts can be found in one of his works known as The Meditations. This piece of writing is in the form of a personal notebook, and is speculated to have been written whilst the emperor was on a military campaign in central Europe. It was due to this piece of work that Marcus received a reputation as a philosopher. Marcus’ Stoic philosophy can be seen in phrases such as these:

“Be like the promontory against which the waves continually break, but it stands firm and tames the fury of the water around it.” 

“A cucumber is bitter. - Throw it away. - There are briars in the road. - Turn aside from them. - This is enough. Do not add, And why were such things made in the world?” 

“But fortunate means that a man has assigned to himself a good fortune: and a good fortune is good disposition of the soul, good emotions, good actions.”

Lucius Verus, Marcus' co-emperor from 161 to Verus' death in 169 (Metropolitan Museum of Art lent by Musée du Louvre)

Lucius Verus, Marcus' co-emperor from 161 to Verus' death in 169 (Metropolitan Museum of Art lent by Musée du Louvre). (CC 1.0)

Although Marcus Aurelius is regarded as one of the greatest Roman emperors, it may be pointed out that it was during his reign that the empire was constantly threatened by external forces, namely the Parthians and the Germanic tribes. The emperor and his generals, however, were mostly able to successfully counter these threats.

However, the emperor’s biggest mistake, perhaps, was the appointment of his son, Commodus, as co-emperor in 177 AD. Commodus became the sole ruler of the Roman Empire when his father died in 180 AD, and is often regarded as a bad emperor. Moreover, his reign is regarded as the end of Rome’s golden age as Commodus failed to follow in his father’s famous footsteps.

Featured image: The Statue of Marcus Aurelius (detail) in the Musei Capitolini in Rome. Photo source: Public Domain.

By Ḏḥwty

References

Anon., Historia Augusta: The Life of Marcus Aurelius [Online]

[Magie, D. (trans.), 1921. Historia Augusta: The Life of Marcus Aurelius.]

Available at: http://penelope.uchicago.edu/Thayer/E/Roman/Texts/Histori...

Cassius Dio, Roman History [Online]

[Cary, E. (trans.), 1914-27. Cassius Dio’s Roman History.]

Available at: http://penelope.uchicago.edu/Thayer/E/Roman/Texts/Cassius...

Cavendish, R., 2011. Marcus Aurelius becomes Emperor of Rome. [Online]
Available at: http://www.historytoday.com/richard-cavendish/marcus-aure...

Julian, The Caesars [Online]

[Wright, W. C. (trans.), 1913. Julian’s The Caesars.]

Available at: http://www.attalus.org/translate/caesars.html

Marcus Aurelius, The Meditations [Online]

[Long, G. (trans.), 1957. Marcus Aurelius’ The Meditations]

Available at: http://classics.mit.edu/Antoninus/meditations.html

Mark, J. J., 2011. Marcus Aurelius. [Online]
Available at: http://www.ancient.eu/Marcus_Aurelius/

Sellars, J., 2016. Marcus Aurelius (121—180 C.E.). [Online]
Available at: http://www.iep.utm.edu/marcus/

www.biography.com, 2016. Marcus Aurelius. [Online]
Available at: http://www.biography.com/people/marcus-aurelius-9192657#c...

dimanche, 07 février 2016

Calvinism: The Spiritual Foundation of America

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Calvinism: The Spiritual Foundation of America

Ex: http://www.geopolitica.ru

Calvinism caught on like wild fire in North America (even among the White masses), where an austere spiritual-cultural-political-economic worldview was needed in order to: (1) inspire endless thrift and hard work among the masses, (2) tame the vast American wilderness (considered by settlers to be the biblical “Promised Land” or “Canaan”), and (3) subjugate the “heathen” Indians (also considered by settlers to be immoral “Canaanites”).

To comprehensively understand any of the world’s nations it is imperative to first understand a nation’s spiritual foundation or “Soul.” Without this basic understanding it is impossible to even begin to seriously form opinions about a nation and the broader civilization to which it is bound by culture and history – it would also be impossible to accurately compare and contrast the development of a particular nation with other countries and civilizations.What differentiates the United States culturally and historically from all other nations (even its closest European allies) is its unequivocal Calvinist spiritual foundation, which at some point – while North America was still only a series of colonies of the British Crown – organically morphed into the well-known “Protestant” or “Puritan” Ethic.This ideological transmutation signaled the arrival of Calvinist extremism in the New World – a development championed by the Anglo-Saxon elites of New England.

This religious-based ideology was originally developed in Europe by the Frenchman John Calvin (born Jehan Cauvin) during the Protestant Reformation. Eventually Calvinism made its way to the New World with the Puritans, and would greatly influence the development of the Enlightenment and the Industrial Revolution in both Western Europe and North America. To this day, Calvinism remains a “founding” ideological influence in the religious and secular worldviews of America’s political, economic, and cultural elites. Before we continue, however, it is important to understand a little bit about John Calvin and the historical context of his time.

calvinRJ97200_2769.jpgJohn Calvin (1509-1564) appeared as a player on the historical stage during an intense developmental period for Western civilization. The Roman Catholic Church had wielded power in the West for over a millennium, and during that time it had become increasingly corrupt as an institution – so much so that by the 16th century the Church hierarchy was funded (to a large degree) by a direct marketing scheme known as “indulgences.” How the indulgences worked were as follows: No matter how grievously someone might have “sinned,” one could buy a piece of paper signed by either a Bishop or a Cardinal, which guaranteed a place in heaven for that particular person or a loved one of the person’s own choosing. These “get-out-of-hell-free” cards were sold by members of the clergy through franchises granted by the Church hierarchy. The typical indulgence erased one’s previous sins, but for a larger fee there was a twisted kind of“super”indulgence which erased any future sins one might commit as well, no matter how great or blasphemous.

Much of the proceeds from this religiously based corporate swindle went straight to Rome and financed the wars waged by Papal armies, the sexual orgies of the clergy, the sadism of Grand Inquisitors, the genocide of non-Europeans, and other earthly “indulgences.” Theselling of indulgences is precisely what the most famous of all 16th century “whistle blowers,” Martin Luther, railed against and exposed in his 95 Theses – one of the first works published (alongside the Bible) using Guttenberg’s new movable type printing press technology.

As one of the 16th century’s most important Protestant reformers (second only to Luther), Calvin established himself as a minister in Basel and then later in Geneva. It was in these Swiss cities that he preached his distinctive brand of “reformed” Christianity, which advanced the premise that all human beings were innately depraved and totally undeserving of God’s salvation. Such total pessimism was tempered by Calvin’s belief that the Deity did happen to nevertheless hand-pick a minority of people, by means of his loving grace, to be the beneficiaries of eternal salvation. Calvin’s unique spin on all this was that none of the lucky beneficiaries (or the “elect”) deserved to go to heaven, no matter how profound their piety or copious their good works. In other words, no amount of good faith or good deeds could compensate for mankind’s utterly irredeemable nature. If one was “chosen” by God it was not due to that person’s own individual merits, it was merely an act of divine grace.

This dismal view of both God and humanity not only caught on in Europe and North America, but it became one of the key ideological underpinnings of post-feudal Europe, influencing every facet of revolutionary change, from the Enlightenment and the Industrial Revolution to the development of Capitalism and the exploitation of the entire planet by European imperialists. In time, it was essentially the countries of the Anglosphere – specifically Britain and its bastard offspring the United States – which embraced and promoted the Calvinist attitude most passionately.

It was precisely Calvinism that was needed in order to further advance the geopolitical and cultural interests of the Anglosphere. In order to employ large sums of money for the construction and staffing of industrial factories in Europe and in order to explore and commercially exploit the rest of the non-European world, a very specific ideology was needed; one which could re-legitimize the institution of usury (which the prior Medieval order adamantly opposed), and one which could legitimize unbridled avarice and exploitation – i.e. the accumulation of great wealth amidst even greater misery – and all within a preordained religious context. Calvinism, or a somewhat modified secular form of Calvinism, was a perfect fit.

For if it is true that the innate depravity of man is universal and no one deserves salvation, then it necessarily follows that the genocide of non-Europeans, the oppression of marginalized groups, the impoverishment of the working class and the annihilation of human life in ever bloodier conflicts are all nothing more than “natural” off shoots of man’s incorrigible depravity. It does not matter, then, how many “Red savages” one kills in extending God’s plan of Manifest Destiny for his cherished elect, nor does it matter how many paupers, workers, “infidels” or even common people are sacrificed in carrying out the absolute INSANITY of the Calvinist God’s decrees.

In this context it is easy to see how the new Calvinist mercantile class in Europe and North America utilized their beliefs to justify their growing brutality against all classes, races and religious denominations which represented the “Other.” Indeed, this new class of religiously motivated entrepreneurs totally believed that they were God’s chosen people and the fortunate (though undeserving) recipients of His limited atonement. The pessimistic attitude the Calvinists held about their own good fortune – i.e. that they did not deserve it – helped keep them somewhat humble (at least outwardly) and fixated on their business matters. Thus, “Calvinist pessimism” was a useful ideological tool for those who would become known as the “Pilgrims” and “Puritans” in North America (those comprising the White Anglo-Saxon Protestant elite) to exploit, enslave and annihilate ever greater numbers of people, to accrue even more undeserved wealth for the “glory of God,” so long as they did not (paradoxically) squander their holdings on “sinful” endeavors.  And if they did succumb to any amount of sinful degradation (as they most certainly did) – oh well! That was merely the natural result of mankind’s innate depravity. One could simply confess one’s sins and commit oneself to doing better, since God’s grace isinevitable in the end.

Needless to say, Calvinism caught on like wild fire in North America (even among the White masses), where an austere spiritual-cultural-political-economic worldview was needed in order to: (1) inspire endless thrift and hard work among the masses, (2) tame the vast American wilderness (considered by settlers to be the biblical “Promised Land” or “Canaan”), and (3) subjugate the “heathen” Indians (also considered by settlers to be immoral “Canaanites”).

With the exception of a handful of Catholics in Maryland, the vast majority of European-American colonists subscribed to an ever increasing variety of Protestant sects which had their fundamental ideological roots in the reformist ideas of John Calvin and Martin Luther. Both commoners and elites thus embraced the intertwined religious and secular manifestations of the Calvinist ethos – a philosophy defined by the idea that, instead of merely working for one’s living (in order to survive), one must “live to work.”

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By the time of the American War of Independence, the Calvinist ethos had been firmly planted in the minds of the majority of colonists for a period of no less than a century and a half. In order to galvanize support for a successful war of secession against England – and, more to the point, against England’s perceived anti-American mercantile policies – the American elites manipulated popular Puritan religious zeal for their own political and economic objectives.

Specifically, the landowning White American upper classes wanted to replace the British nobility as the sole rulers and exploiters of the North American continent. And so, a large-scale anti-British propaganda campaign was initiated.

Thomas Paine and other pro-American agitators of the time portrayed America as nothing other than “God’s kingdom” and (long before Reagan) as a “shining city upon a hill” – in other words, as a place that was worth fighting for in the name of God. At the same time, Paine and his cohorts painted King George III in the most negative of lights – as a “Papist” and a bloodthirsty tyrant (patently false accusations).

And although the colonial smear campaign was obviously initiated in order to provide the majority Protestant colonists (the “useful idiots” as it were) with a common villain whom they could all rally against, the small farming class (which comprised the majority of all colonists) did not support the so-called “Revolution” (i.e. elite bourgeois uprising).The majority waseither disinterested in political decisions that did not directly affect themselves and their families, or they were (as many modern historians believe) “under the radar” loyalists who still considered themselves proud “Britons,” regardless of religious affiliation. Nevertheless, the pro-independence faction won the day, and this was due, in no small way, to successful Calvinist propaganda among the town and city based American bourgeoisie – a demographic which was also very tied to the growing Freemasonic movement.

The defeat of the British in North America was a profound moment in American and indeed world history. More than a mere military/political victory for the colonists, the defeat of the British symbolized the defeat of the traditionalism of the Old World and the cultural and political ascendancy of liberalism in the New World – an outcome which owed a great deal to the powerful underlying influence of Calvinism, with its ideological conception of innate depravity and “chosenness,” its self-righteous exploitation of man and nature, and its “live to work” ethos. In time, these concepts would be coopted by the 19th century’s triumphant liberal bourgeois capitalist spirit, which replaced religion (as the dominant force in people’s lives) with secular humanism – an ideology which is no less draconian in its “all or nothing” quest to control the planet.

A secular “civil religion” evolve dafter the separation from Britain, which promoted the United States as God’s chosen nation – one which is historically unique, preeminent in world affairs and deserving of a special (almost “divine”) status; hence, the corresponding offshoot beliefs of Manifest Destiny and American exceptionalism. The view that it is somehow virtuous to spend long, grueling hours at work beyond the need of economic survival – as opposed to leading a more balanced, healthier lifestyle – is yet another facet of Calvinism which was coopted by secular liberalism.

To conclude, it is accurate to say that extreme religious Calvinism constitutes the spiritual foundation of the United States. Certainly, Freemasonry is another part of the ideological substructure on which the U.S. was founded, and indeed much has been written on this topic and the injurious influence Freemasonry has had on traditional society, particularly with its rabid promotion of liberalism in all faces of human life. However, when one considers the role of Calvinism as it is – as being the spiritual catalyst of liberal American and/or “Freemasonic” values – one is forced to conclude that Calvinism (this great bastardization of genuine Christianity) is chiefly responsible for the creation and widespread acceptanceamong U.S. citizens of the dogma of American exceptionalism. And this latter represents, by far, the greatest ideological threat to the future welfare of all mankind.

Spiritual Roots of Russo-American Conflict

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Spiritual Roots of Russo-American Conflict

Whatever Russia is called outwardly, there is an inner eternal Russia whose embryonic character places her on an antithetical course to that of the USA.

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The rivalry between the USA and Russia is something more than geopolitics or economics. These are reflections of antithetical worldviews of a spiritual character. The German conservative historian-philosopher Oswald Spengler, who wrote of the morphology of cultures as having organic life-cycles, in his epochal book The Decline of The West had much to say about Russia that is too easily mistaken as being of a Russophobic nature. That is not the case, and Spengler wrote of Russia in similar terms to that of the ‘Slavophils’. Spengler, Dostoyevski, Berdyaev, and Solzhenistyn have much of relevance to say in analyzing the conflict between the USA and Russia. Considering the differences as fundamentally ‘spiritual’ explains why this conflict will continue and why the optimism among Western political circles at the prospect of a compliant Russia, fully integrated into the ‘world community’, was so short-lived.

Of the religious character of this confrontation, an American analyst, Paul Coyer, has written:

Amidst the geopolitical confrontation between Vladimir Putin’s Russia and the US and its allies, little attention has been paid to the role played by religion either as a shaper of Russian domestic politics or as a means of understanding Putin’s international actions. The role of religion has long tended to get short thrift in the study of statecraft (although it has been experiencing a bit of a renaissance of late), yet nowhere has it played a more prominent role—and perhaps nowhere has its importance been more unrecognized—than in its role in supporting the Russian state and Russia’s current place in world affairs.[1]

spengmermmmm.jpgRussia’s ‘Soul’

Spengler regarded Russians as formed by the vastness of the land-plain, as innately antagonistic to the Machine, as rooted in the soil, irrepressibly peasant, religious, and ‘primitive’. Without a wider understanding of Spengler’s philosophy, it appears that he was a Slavophobe. However, when Spengler wrote of these Russian characteristics, he was referring to the Russians as a still youthful people in contrast to the senile West. Hence the ‘primitive’ Russian is not synonymous with ‘primitivity’ as popularly understood at that time in regard to ‘primitive’ tribal peoples. Nor was it to be confounded with the Hitlerite perception of the ‘primitive Slav’ incapable of building his own State.

To Spengler, the ‘primitive peasant’ is the wellspring from which a people draws its healthiest elements during its epochs of cultural vigor. Agriculture is the foundation of a High Culture, enabling stable communities to diversify labor into specialization from which Civilization proceeds.

However, according to Spengler, each people has its own soul, a conception derived from the German Idealism of Herder, Fichte et al. A High Culture reflects that soul, whether in its mathematics, music, architecture; both in the arts and the physical sciences. The Russian soul is not the same as the Western Faustian, as Spengler called it, the ‘Magian’ of the Arabian civilization, or the Classical of the Hellenes and Romans. The Western Culture that was imposed on Russia by Peter the Great, what Spengler called Petrinism, is a veneer.

Spengler stated that the Russian soul is ‘the plain without limit’.[2] The Russian soul expresses its own type of infinity, albeit not that of the Westerner’s Faustian soul, which becomes enslaved by its own technics at the end of its life-cycle.[3] (Although it could be argued that Sovietism enslaved man to machine, a Spenglerian would cite this as an example of Petrinism). However, Civilizations follow their life’s course, and one cannot see Spengler’s descriptions as moral judgements but as observations. The finale for Western Civilization according to Spengler cannot be to create further great forms of art and music, which belong to the youthful or ‘spring’ epoch of a civilization, but to dominate the world under a technocratic-military dispensation, before declining into oblivion like prior world civilizations. While Spengler saw this as the fulfilment of the Western Civilization, the form it has assumed since World War II has been under U.S. dispensation and is quite different from what might have been assumed under European imperialism.

It is after this Western decline—which now means U.S. decline—that Spengler alluded to the next world civilization being Russian.

According to Spengler, Russian Orthodox architecture does not represent the infinity towards space that is symbolized by the Western high culture’s Gothic Cathedral spire, nor the enclosed space of the Mosque of the Magian Culture,[4] but the impression of sitting upon a horizon. Spengler considered that this Russian architecture is ‘not yet a style, only the promise of a style that will awaken when the real Russian religion awakens’.[5] Spengler was writing of the Russian culture as an outsider, and by his own reckoning must have realized the limitations of that. It is therefore useful to compare his thoughts on Russia with those of Russians of note.

Nikolai Berdyaev in The Russian Idea affirms what Spengler describes:

There is that in the Russian soul which corresponds to the immensity, the vagueness, the infinitude of the Russian land, spiritual geography corresponds with physical. In the Russian soul there is a sort of immensity, a vagueness, a predilection for the infinite, such as is suggested by the great plain of Russia.[6]

The connections between family, nation, birth, unity and motherland are reflected in the Russian language:

род [rod]: family, kind, sort, genus

родина [ródina]: homeland, motherland

родители [rodíteli]: parents

родить [rodít’]: to give birth

роднить [rodnít’]: to unite, bring together

родовой [rodovói]: ancestral, tribal

родство [rodstvó]: kinship

Western-liberalism, rationalism, even the most strenuous efforts of Bolshevik dialectal materialism, have so far not been able to permanently destroy, but at most repress, these conceptions—conscious or unconscious—of what it is to be ‘Russian’. Spengler, as will be seen, even during the early period of Russian Bolshevism, already predicted that even this would take on a different, even antithetical form, to the Petrine import of Marxism. It was soon that the USSR was again paying homage to Holy Mother Russia rather than the international proletariat, much to Trotsky’s lament.

rusoc677099.jpg‘Russian Socialism’, Not Marxism

Of the Russian soul, the ego/vanity of the Western culture-man is missing; the persona seeks impersonal growth in service, ‘in the brother-world of the plain’. Orthodox Christianity condemns the ‘I’ as ‘sin’.[7]

The Russian concept of ‘we’ rather than ‘I’, and of impersonal service to the expanse of one’s land, implies another form socialism to that of Marxism. It is perhaps in this sense that Stalinism proceeded along lines often antithetical to the Bolshevism envisaged by Trotsky, et al.[8] A recent comment by an American visitor to Russia, Barbara J. Brothers, as part of a scientific delegation, states something akin to Spengler’s observation:

The Russians have a sense of connectedness to themselves and to other human beings that is just not a part of American reality. It isn’t that competitiveness does not exist; it is just that there always seems to be more consideration and respect for others in any given situation.[9]

Of the Russian traditional ethos, intrinsically antithetical to Western individualism, including that of property relations, Berdyaev wrote:

Of all peoples in the world the Russians have the community spirit; in the highest degree the Russian way of life and Russian manners, are of that kind. Russian hospitality is an indication of this sense of community.[10]

Taras Bulba

Russian National Literature starting from the 1840s began to consciously express the Russian soul. Firstly Nikolai Vasilievich Gogol’s Taras Bulba, which along with the poetry of Pushkin, founded a Russian literary tradition; that is to say, truly Russian, and distinct from the previous literature based on German, French, and English. John Cournos states of this in his introduction to Taras Bulba:

The spoken word, born of the people, gave soul and wing to literature; only by coming to earth, the native earth, was it enabled to soar. Coming up from Little Russia, the Ukraine, with Cossack blood in his veins, Gogol injected his own healthy virus into an effete body, blew his own virile spirit, the spirit of his race, into its nostrils, and gave the Russian novel its direction to this very day.

Taras Bulba is a tale on the formation of the Cossack folk. In this folk-formation the outer enemy plays a crucial role. The Russian has been formed largely as the result of battling over centuries with Tartars, Muslims and Mongols.[11]

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Their society and nationality were defined by religiosity, as was the West’s by Gothic Christianity during its ‘Spring’ epoch, in Spenglerian terms. The newcomer to a Setch, or permanent village, was greeted by the Chief as a Christian and as a warrior: ‘Welcome! Do you believe in Christ?’ —‘I do’, replied the new-comer. ‘And do you believe in the Holy Trinity?’— ‘I do’.—‘And do you go to church?’—‘I do.’ ‘Now cross yourself’.[12]

Gogol depicts the scorn in which trade is held, and when commerce has entered among Russians, rather than being confined to non-Russians associated with trade, it is regarded as a symptom of decadence:

I know that baseness has now made its way into our land. Men care only to have their ricks of grain and hay, and their droves of horses, and that their mead may be safe in their cellars; they adopt, the devil only knows what Mussulman customs. They speak scornfully with their tongues. They care not to speak their real thoughts with their own countrymen. They sell their own things to their own comrades, like soulless creatures in the market-place…. . Let them know what brotherhood means on Russian soil![13]

Here we might see a Russian socialism that is, so far from being the dialectical materialism offered by Marx, the mystic we-feeling forged by the vastness of the plains and the imperative for brotherhood above economics, imposed by that landscape. Russia’s feeling of world-mission has its own form of messianism whether expressed through Christian Orthodoxy or the non-Marxian form of ‘world revolution’ under Stalin, or both in combination, as suggested by the later rapport between Stalinism and the Church from 1943 with the creation of the Council for Russian Orthodox Church Affairs.[14] In both senses, and even in the embryonic forms taking place under Putin, Russia is conscious of a world-mission, expressed today as Russia’s role in forging a multipolar world, with Russia as being pivotal in resisting unipolarism.

Commerce is the concern of foreigners, and the intrusions bring with them the corruption of the Russian soul and culture in general: in speech, social interaction, servility, undermining Russian ‘brotherhood’, the Russian ‘we’ feeling that Spengler described.[15]

The Cossack brotherhood is portrayed by Gogol as the formative process in the building up of the Russian people. This process is not one of biology but of spirit, even transcending the family bond. Spengler treated the matter of race as that of soul rather than of zoology.[16] To Spengler, landscape was crucial in determining what becomes ‘race’, and the duration of families grouped in a particular landscape—including nomads who have a defined range of wandering—form ‘a character of duration’, which was Spengler’s definition of ‘race’.[17] Gogol describes this ‘race’ forming process among the Russians. So far from being an aggressive race nationalism it is an expanding mystic brotherhood under God:

The father loves his children, the mother loves her children, the children love their father and mother; but this is not like that, brothers. The wild beast also loves its young. But a man can be related only by similarity of mind and not of blood. There have been brotherhoods in other lands, but never any such brotherhoods as on our Russian soil.[18]

The Russian soul is born in suffering. The Russian accepts the fate of life in service to God and to his Motherland. Russia and Faith are inseparable. When the elderly warrior Bovdug is mortally struck by a Turkish bullet, his final words are exhortations on the nobility of suffering, after which his spirit soars to join his ancestors.[19] The mystique of death and suffering for the Motherland is described in the death of Tarus Bulba when he is captured and executed, his final words being ones of resurrection:

‘Wait, the time will come when ye shall learn what the orthodox Russian faith is! Already the people scent it far and near. A czar shall arise from Russian soil, and there shall not be a power in the world which shall not submit to him!’[20]

Petrinism

A dichotomy has existed for centuries, starting with Peter the Great, of attempts to impose a Western veneer over Russia. This is called Petrinism. The resistance of those attempts is what Spengler called ‘Old Russia’.[21] Berdyaev wrote: ‘Russia is a complete section of the world, a colossal East-West. It unites two worlds, and within the Russian soul two principles are always engaged in strife—the Eastern and the Western’.[22]

With the orientation of Russian policy towards the West, ‘Old Russia’ was ‘forced into a false and artificial history’.[23] Spengler wrote that Russia had become dominated by Late Western culture:

Late-period arts and sciences, enlightenment, social ethics, the materialism of world-cities, were introduced, although in this pre-cultural time religion was the only language in which man understood himself and the world.[24]

Pierre_le_grand_1305833229.jpg‘The first condition of emancipation for the Russian soul’, wrote Ivan Sergyeyevich Aksakov, founder of the anti-Petrinist ‘Slavophil’ group, in 1863 to Dostoyevski, ‘is that it should hate Petersburg with all this might and all its soul’. Moscow is holy, Petersburg satanic. A widespread popular legend presents Peter the Great as Antichrist.

The hatred of the ‘West’ and of ‘Europe’ is the hatred for a Civilization that had already reached an advanced state of decay into materialism and sought to impose its primacy by cultural subversion rather than by combat, with its City-based and money-based outlook, ‘poisoning the unborn culture in the womb of the land’.[25] Russia was still a land where there were no bourgeoisie and no true class system, but only lord and peasant, a view confirmed by Berdyaev, writing: ‘The various lines of social demarcation did not exist in Russia; there were no pronounced classes. Russia was never an aristocratic country in the Western sense, and equally there was no bourgeoisie’.[26]

The cities that emerged threw up an intelligentsia, copying the intelligentsia of Late Westerndom, ‘bent on discovering problems and conflicts, and below, an uprooted peasantry, with all the metaphysical gloom, anxiety, and misery of their own Dostoyevski, perpetually homesick for the open land and bitterly hating the stony grey world into which the Antichrist had tempted them. Moscow had no proper soul’.[27] Berdyaev likewise states of the Petrinism of the upper class that ‘Russian history was a struggle between East and West within the Russian soul’.[28]

Berdyaev2.jpgKatechon

Berdyaev states that while Petrinism introduced an epoch of cultural dynamism, it also placed a heavy burden upon Russia, and a disunity of spirit.[29] However, Russia has her own religious sense of mission, which is as universal as the Vatican’s. Spengler quotes Dostoyevski as writing in 1878: ‘all men must become Russian, first and foremost Russian. If general humanity is the Russian ideal, then everyone must first of all become a Russian’.[30] The Russian messianic idea found a forceful expression in Dostoyevski’s The Possessed, where, in a conversation with Stavrogin, Shatov states:

Reduce God to the attribute of nationality? … On the contrary, I elevate the nation to God…. The people is the body of God. Every nation is a nation only so long as it has its own particular God, excluding all other gods on earth without any possible reconciliation, so long as it believes that by its own God it will conquer and drive all other gods off the face of the earth…. The sole ‘God bearing’ nation is the Russian nation….[31]

This is Russia as the Katechon, as the ‘nation’ whose world-historical mission is to resist the son of perdition, a literal Anti-Christ, according to the Revelation of St. John, or as the birthplace of a great Czar serving the traditional role of nexus between the terrestrial and the divine around which Russia is united in this mission. This mission as the Katechon defines Russia as something more than merely an ethno-nation-state, as Dostoyevski expressed it.[32] Even the USSR, supposedly purged of all such notions, merely re-expressed them with Marxist rhetoric, which was no less apocalyptic and messianic, and which saw the ‘decadent West’ in terms analogous to elements of Islam regarding the USA as the ‘Great Satan’. It is not surprising that the pundits of secularized, liberal Western academia, politics, and media could not understand, and indeed were outraged, when Solzhenitsyn seemed so ungrateful when in his Western exile he unequivocally condemned the liberalism and materialism of the a ‘decadent West’. A figure who was for so long held up as a martyr by Western liberalism transpired to be a traditional Russian and not someone who was willing to remake himself in the image of a Western liberal to for the sake of continued plaudits. He attacked the modern West’s conceptions of ‘rights’, ‘freedom’, ‘happiness’, ‘wealth’, the irresponsibility of the ‘free press’, ‘television stupor’, and referred to a ‘Western decline’ in courage. He emphasized that this was a spiritual matter:

But should I be asked, instead, whether I would propose the West, such as it is today, as a model to my country, I would frankly have to answer negatively. No, I could not recommend your society as an ideal for the transformation of ours. Through deep suffering, people in our own country have now achieved a spiritual development of such intensity that the Western system in its present state of spiritual exhaustion does not look attractive. Even those characteristics of your life which I have just enumerated are extremely saddening.[33]

These are all matters that have been addressed by Spengler, and by traditional Russians, whether calling themselves Czarists Orthodox Christians or even ‘Bolsheviks’ or followers of Putin.

Spengler’s thesis that Western Civilization is in decay is analogous to the more mystical evaluations of the West by the Slavophils, both reaching similar conclusions. Solzhenitsyn was in that tradition, and Putin is influenced by it in his condemnation of Western liberalism. Putin recently pointed out the differences between the West and Russia as at root being ‘moral’ and religious:

Another serious challenge to Russia’s identity is linked to events taking place in the world. Here there are both foreign policy and moral aspects. We can see how many of the Euro-Atlantic countries are actually rejecting their roots, including the Christian values that constitute the basis of Western civilization. They are denying moral principles and all traditional identities: national, cultural, religious and even sexual.[34]

Spengler saw Russia as outside of Europe, and even as ‘Asian’. He even saw a Western rebirth vis-à-vis opposition to Russia, which he regarded as leading the ‘colored world’ against the whites, under the mantle of Bolshevism. Yet there were also other destinies that Spengler saw over the horizon, which had been predicted by Dostoyevski.

Once Russia had overthrown its alien intrusions, it could look with another perspective upon the world, and reconsider Europe not with hatred and vengeance but in kinship. Spengler wrote that while Tolstoi, the Petrinist, whose doctrine was the precursor of Bolshevism, was ‘the former Russia’, Dostoyevski was ‘the coming Russia’. Dostoyevski as the representative of the ‘coming Russia’ ‘does not know’ the hatred of Russia for the West. Dostoyevski and the old Russia are transcendent. ‘His passionate power of living is comprehensive enough to embrace all things Western as well’. Spengler quotes Dostoyevski: ‘I have two fatherlands, Russia and Europe’. Dostoyevski as the harbinger of a Russian high culture ‘has passed beyond both Petrinism and revolution, and from his future he looks back over them as from afar. His soul is apocalyptic, yearning, desperate, but of this future he is certain’.[35]

To the ‘Slavophil’, Europe is precious. The Slavophil appreciates the richness of European high culture while realizing that Europe is in a state of decay. We might recall that while the USA—through the CIA front, the Congress for Cultural Freedom—promoted Abstract Expressionism and Jazz to Europe (like it now promotes Hi-Hop, which the State Department calls ‘Hip-Hop diplomacy’), the USSR condemned this as ‘rootless cosmopolitanism’. Berdyaev discussed what he regarded as an inconsistency in Dostoyevski and the Slavophils towards Europe, yet one that is comprehensible when we consider Spengler’s crucial differentiation between Culture and Civilisation:

Dostoyevsky calls himself a Slavophil. He thought, as did also a large number of thinkers on the theme of Russia and Europe, that he knew decay was setting in, but that a great past exists in her, and that she has made contributions of great value to the history of mankind.[36]

It is notable that while this differentiation between Kultur and Zivilisation is ascribed to a particularly German philosophical tradition, Berdyaev comments that it was present among the Russians ‘long before Spengler’:

It is to be noted that long before Spengler, the Russians drew the distinction between ‘culture’ and ‘civilization’, that they attacked ‘civilization’ even when they remained supporters of ‘culture’. This distinction in actual fact, although expressed in a different phraseology, was to be found among the Slavophils.[37]

dostoTTTT.jpgDostoyevski was indifferent to the Late West, while Tolstoi was a product of it, the Russian Rousseau. Imbued with ideas from the Late West, the Marxists sought to replace one Petrine ruling class with another. Neither represented the soul of Russia. Spengler stated: ‘The real Russian is the disciple of Dostoyevski, even though he might not have read Dostoyevski, or anyone else, nay, perhaps because he cannot read, he is himself Dostoyevski in substance’. The intelligentsia hates, the peasant does not. He would eventually overthrow Bolshevism and any other form of Petrinism. Here we see Spengler unequivocally stating that the post-Western civilisation will be Russian.

For what this townless people yearns for is its own life-form, its own religion, its own history. Tolstoi’s Christianity was a misunderstanding. He spoke of Christ and he meant Marx. But to Dostoyevski’s Christianity, the next thousand years will belong.[38]

To the true Russia, as Dostoyevski stated it, ‘not a single nation has ever been founded on principles of science or reason’.[39]

By the time Spengler’s final book, The Hour of Decision, had been published in 1934 he was stating that Russia had overthrown Petrinism and the trappings of the Late West. While he called the new orientation of Russia ‘Asian’, he said that it was ‘a new Idea, and an idea with a future too’.[40] To clarify, Russia looks towards the ‘East’, but while the Westerner assumes that ‘Asia’ and East are synonymous with Mongol, the etymology of the word ‘Asia’ comes from Greek Aσία, ca. 440 BC, referring to all regions east of Greece.[41] During his time Spengler saw in Russia that,

Race, language, popular customs, religion, in their present form… all or any of them can and will be fundamentally transformed. What we see today then is simply the new kind of life which a vast land has conceived and will presently bring forth. It is not definable in words, nor is its bearer aware of it. Those who attempt to define, establish, lay down a program, are confusing life with a phrase, as does the ruling Bolshevism, which is not sufficiently conscious of its own West-European, Rationalistic and cosmopolitan origin.[42]

Of Russia in 1934, Spengler already saw that ‘of genuine Marxism there is very little except in names and programs’. He doubted that the Communist program is ‘really still taken seriously’. He saw the possibility of the vestiges of Petrine Bolshevism being overthrown, to be replaced by a ‘nationalistic’ Eastern type which would reach ‘gigantic proportions unchecked’.[43] Spengler also referred to Russia as the country ‘least troubled by Bolshevism’,[44] and the ‘Marxian face [was] only worn for the benefit of the outside world’.[45] A decade after Spengler’s death the direction of Russia under Stalin had pursued clearer definitions, and Petrine Bolshevism had been transformed in the way Spengler foresaw.[46]

Conclusion

As in Spengler’s time, and centuries before, there continues to exist two tendencies in Russia : the Old Russian and the Petrine. Neither one nor the other spirit is presently dominant, although under Putin Old Russia struggles for resurgence. U.S. political circles see this Russia as a threat, and expend a great deal on promoting ‘regime change’ via the National Endowment for Democracy, and many others; these activities recently bringing reaction from the Putin government against such NGOs.[47]

Spengler in a published lecture to the Rheinish-Westphalian Business Convention in 1922 referred to the ‘ancient, instinctive, unclear, unconscious, and subliminal drive that is present in every Russian, no matter how thoroughly westernized his conscious life may be—a mystical yearning for the South, for Constantinople and Jerusalem, a genuine crusading spirit similar to the spirit our Gothic forebears had in their blood but which we can hardly appreciated today’.[48]

Bolshevism destroyed one form of Petrinism with another form, clearing the way ‘for a new culture that will some day arise between Europe and East Asia. It is more a beginning than an end’. The peasantry ‘will some day become conscious of its own will, which points in a wholly different direction’. ‘The peasantry is the true Russian people of the future. It will not allow itself to be perverted or suffocated’.[49]

The arch-Conservative anti-Marxist, Spengler, in keeping with the German tradition of realpolitik, considered the possibility of a Russo-German alliance in his 1922 speech, the Treaty of Rapallo being a reflection of that tradition. ‘A new type of leader’ would be awakened in adversity, to ‘new crusades and legendary conquests’. The rest of the world, filled with religious yearning but falling on infertile ground, is ‘torn and tired enough to allow it suddenly to take on a new character under the proper circumstances’. Spengler suggested that ‘perhaps Bolshevism itself will change in this way under new leaders’. ‘But the silent, deeper Russia,’ would turn its attention towards the Near and East Asia, as a people of ‘great inland expanses’.[50]

While Spengler postulated the organic cycles of a High Culture going through the life-phases of birth, youthful vigor, maturity, old age and death, it should be kept in mind that a life-cycle can be disrupted, aborted, murdered or struck by disease, at any time, and end without fulfilling itself. Each has its analogy in politics, and there are plenty of Russophobes eager to stunt Russia’s destiny with political, economic and cultural contagion. The Soviet bloc fell through inner and outer contagion.

Spengler foresaw new possibilities for Russia, yet to fulfil its historic mission, messianic and of world-scope, a traditional mission of which Putin seems conscious, or at least willing to play his part. Coyer cogently states: ‘The conflict between Russia and the West, therefore, is portrayed by both the Russian Orthodox Church and by Vladimir Putin and his cohorts as nothing less than a spiritual/civilizational conflict’.[51]

The invigoration of Orthodoxy is part of this process, as is the leadership style of Putin, as distinct from a Yeltsin for example. Whatever Russia is called outwardly, whether, monarchical, Bolshevik, or democratic, there is an inner—eternal—Russia that is unfolding, and whose embryonic character places her on an antithetical course to that of the USA.

References

[1] Paul Coyer, (Un)Holy Alliance: Vladimir Putin, The Russian Orthodox Church And Russian Exceptionalism, Forbes, May 21, 2015, http://www.forbes.com/sites/paulcoyer/2015/05/21/unholy-a...

[2] Oswald Spengler, The Decline of The West, George Allen & Unwin, London, 1971, Vol. I, 201.

[3] Ibid., Vol. II, 502.

[4] Ibid., Vol. I, 183-216.

[5] Ibid., 201

[6] Nikolai Berdyaev, The Russian Idea, Macmillan Co., New York, 1948, 1.

[7] Oswald Spengler, The Decline, op. cit., Vol. I, 309.

[8] Leon Trotsky, The Revolution Betrayed: what is the Soviet Union and where is it going?, 1936.

[9] Barbara J. Brothers, From Russia, With Soul, Psychology Today, January 1, 1993, https://www.psychologytoday.com/articles/199301/russia-soul

[10] Berdyaev, op. cit., 97-98.

[11] H Cournos,‘Introduction’, N V Gogol, Taras Bulba & Other Tales, 1842, http://www.gutenberg.org/files/1197/1197-h/1197-h.htm

[12] N V Gogol, ibid., III.

[13] Ibid.

[14] T A Chumachenko, Church and State in Soviet Russia, M. E. Sharpe Inc., New York, 2002.

[15] Spengler, The Decline, op. cit., I, 309

[16] Ibid., II, 113-155.

[17] Ibid., Vol. II, 113

[18] Golgol, op. cit., IX.

[19] Ibid.

[20] Ibid., XII.

[21] Spengler, The Decline, op. cit., II, 192.

[22] Berdyaev, op. cit., 1

[23] Spengler, The Decline, op. cit., II, 193

[24] Ibid., II, 193

[25] Ibid., II, 194

[26] Berdyaev, 1

[27] Spengler, The Decline, op. cit., II, 194

[28] Berdyaev, op. cit., 15

[29] Ibid.

[30] Spengler, The Hour of Decision, Alfred A Knopf, New York, 1963, 63n.

[31] Fyodor Dostoevski, The Possessed, Oxford University Press, 1992, Part II: I: 7, 265-266.

[32] Ibid.

[33] Alexander Solzhenitsyn, A World Split Apart — Commencement Address Delivered At Harvard University, June 8, 1978

[34] V Putin, address to the Valdai Club, 19 September 2013.

[35] Spengler, The Decline, op. cit., II, 194

[36] Berdyaev, op. cit., 70

[37] Ibid.

[38] Spengler, The Decline, op. cit., Vol. II, 196

[39] Dostoyevski, op. cit., II: I: VII

[40] Spengler, The Hour of Decision, Alfred A Knopf, New York, 1963, 60

[41] Ibid., 61

[42] Ibid.

[43] Ibid., 63.

[44] Ibid.,182

[45] Ibid., 212

[46] D Brandenberger, National Bolshevism: Stalinist culture and the Formation of Modern Russian National Identity 1931-1956. Harvard University Press, Massachusetts, 2002.

[47] Telegraph, Vladimir Putin signs new law against ‘undesirable NGOs’, May 24, 2015, http://www.telegraph.co.uk/news/worldnews/europe/russia/1...

[48] Spengler, ‘The Two Faces of Russia and Germany’s Eastern Problems’, Politische Schriften, Munich, February 14, 1922.

[49] Ibid.

[50] Ibid.

[51] Paul Coyer, op. cit.

mardi, 02 février 2016

Maurice Genevoix, l'appel d'un homme

Maurice Genevoix, l'appel d'un homme

genenvoix258081222.GIFEn 1915, Maurice Genevoix, jeune lieutenant de l'armée française, échappe de justesse à la mort. On est à Verdun, sur le front des Eparges. Choqué, meurtri, révolté, mais nourri par la beauté de ses hommes, leur bravoure, leurs souffrances, leurs doutes, leurs peurs, il n'aura de cesse toute sa vie de chanter un hymne à la vie, jailli du fond des tranchées boueuses.

Il écrira. D'abord un immense recueil de six volumes «ceux de 14», puis des romans, des poèmes, des essais... Injustement méconnu des jeunes générations, cet écrivain d'une incroyable modernité, nous appelle à découvrir ce qu'il y a de plus précieux chez l'homme : sa capacité à contempler pour exister, libre.

Réalisation : Caroline Puig-Grenetier
Durée : 52mn
Année : 2012
Production : CLC Productions, Normandie TV, Mirabelle TV

Combats soldats Français 1915 - l'enfer des Eparges

Extrait de l'épisode 4 "Les Eparges" de la série "Ceux de 14" diffusée sur France 3 le 28/10/2014 et le 04/11/2014. De très loin l'épisode le plus 'intéressant' car s'occupant beaucoup plus des combats. La série vaut le coup d'œil, c'est un bel effort même si on n'est pas dans un grand film de guerre (c'est mon avis) ni dans une excellente adaptation de l'œuvre de Maurice Genevoix (d'après ceux qui l'ont lu).

 

dimanche, 31 janvier 2016

Entretien avec Robert Steuckers sur la « révolution conservatrice » allemande

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Entretien avec Robert Steuckers sur la « révolution conservatrice » allemande

Propos recueillis par Rémi Tremblay pour le magazine canadien "Le Harfang" (Québec)

Vous placez la genèse de la Révolution conservatrice allemande au
XIXème siècle. Qui en furent les précurseurs et à quelles idées se
ralliaient-ils ?


KR-1.jpgEn effet, il me paraît très important de replacer la révolution conservatrice allemande dans un contexte temporel plus vaste et plus profond, comme d’ailleurs Armin Mohler lui-même l’avait envisagé, suite à la publication des travaux de Zeev Sternhell sur la droite révolutionnaire française d’après 1870, qui représente une réaction musclée, une volonté de redresser la nation vaincue : après la défaite de 1918 et le Traité de Versailles de juin 1919, c’est ce modèle français qu’évoquait explicitement l’Alsacien Eduard Stadtler, un ultra-nationaliste allemand, bilingue, issu du Zentrum démocrate-chrétien, fondateur du Stahlhelm paramilitaire et compagnon de Moeller van den Bruck dans son combat métapolitique de 1918 à 1925. L’Allemagne devait susciter en son sein l’émergence d’un réseau de cercles intellectuels et politiques, d’associations diverses, de sociétés de pensée et de groupes paramilitaires pour redonner au Reich vaincu un statut de pleine souveraineté sur la scène européenne et internationale.


Mohler étudie la révolution conservatrice pour la seule période qui va de la défaite allemande de 1918 à l’année 1932, celle qui précède l’accession d’Hitler au pouvoir. Cette révolution conservatrice n’est pourtant pas envisageable intellectuellement si l’on fait abstraction du 19ème siècle allemand, de la postérité des « autres Lumières » de Herder, de l’inflexion vers le religieux et l’organique qu’impulse la philosophie de Schelling, des démarches philologiques explorant lettres et passés nationaux des peuples, perçus comme entités vivantes, auxquelles il serait navrant et criminel d’imposer des abstractions, a fortiori si elles sont étrangères. Nul mieux que le Britannique Peter Watson, dans son épais volume consacré au « German Genius », n’a su démontrer, récemment, que les démarches philosophiques, scientifiques, musicales, artistiques allemandes ont constitué une « troisième renaissance » européenne, après les renaissances carolingienne et italienne. Avant lui, le professeur strasbourgeois Georges Gusdorf, dans ses volumes sur la pensée romantique, expliquait, sans jargon, quel avait été l’apport des pensées allemandes avant 1850 : cet apport était organique, était l’avènement d’une pensée organique hostile aux mécanicismes et aux constructivismes simplistes, dont ceux des vulgates édulcorées et répétitives, issues des idéologèmes de la révolution française. Dilthey va systématiser ultérieurement, sur les plans philosophique et sociologique, l’herméneutique du Verstehen, mode d’appréhension du réel non matériel, propre aux forces et instances vivantes qui animent les communautés humaines. La lecture des volumes de Gusdorf sur le romantisme allemand est un must pour tout francophone qui veut entrer dans le vif du sujet.

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shr2_b10.jpgA la fin du siècle, l’Europe, par le truchement de ces « sciences allemandes », dispose d’une masse de connaissances en tous domaines qui dépassent les petits mondes étriqués des politiques politiciennes, des rabâchages de la caste des juristes, des calculs mesquins du monde économique. Rien n’a changé sur ce plan. Quant à la révolution conservatrice proprement dite, qui veut débarrasser les sociétés européennes de toutes ces scories accumulées par avocats et financiers, politicards et spéculateurs, prêtres sans mystique et bourgeois égoïstes, elle démarre essentiellement par l’initiative que prend en 1896 l’éditeur Eugen Diederichs. Il cultivait l’ambition de proposer à la lecture et à la réflexion une formidable batterie d’idées innovantes capables, à terme, de modeler une société nouvelle, enclenchant de la sorte une révolution véritable qui ne suggère aucune table rase mais au contraire entend ré-enchanter les racines, étouffées sous les scories des conformismes. La même année, le jeune romantique Karl Fischer fonde le mouvement des Wandervögel, dont l’objectif est d’arracher la jeunesse à tous les conformismes et aussi de la sortir des sinistres quartiers surpeuplés des villes devenues tentaculaires suite à la révolution industrielle. Eugen Diederichs veut un socialisme non matérialiste, une religion nouvelle puisant dans la mémoire du peuple et renouant avec les mystiques médiévales (Maître Eckhart, Ruusbroec, Nicolas de Cues, etc.), une libéralisation sexuelle, un néo-romantisme inspiré par des sources allemandes, russes, flamandes ou scandinaves.


Ces idées sont propulsées dans le paysage intellectuel allemand par une politique éditoriale moderne et dynamique qui propose à la réflexion du plus grand nombre possible, sur un mode équilibré, serein et doux, toutes ces idées jusqu’en 1914. La première guerre mondiale va ruiner ces projets de rénovation tout à la fois révolutionnaire et conservatrice des sociétés européennes. C’est bel et bien la fin de la « Belle Epoque ». Socialistes, anarchisants, lecteurs des productions de Diederichs, Wandervögel, néoromantiques germanisants, « médiévisants » mystiques, nietzschéens de toutes moutures, artistes avant-gardistes avaient rêvé calmement de transformer nos sociétés en un monde plus juste, plus enraciné dans son passé idéalisé, plus religieux, plus esthétique. La guerre ruine la possibilité d’accéder à ce monde nouveau par le biais d’une transition douce, laquelle, il faut l’avouer, par manque de rudesse, risquait de bien vite s’enliser en un magma sans levain ou en des parodies parfois bouffonnes. Un grand nombre d’idéalistes mystiques, germanisants, nietzschéens vont alors penser, entre autres avec les futuristes italiens, que la guerre constituera une hygiène, favorisera une sorte de grande lessive qui, après des carnages que l’on imaginait héroïques et chevaleresques, permettrait enfin l’avènement de ce « règne de l’esprit » (envisagé par Merejkovski et Moeller van den Bruck).


Au lendemain de la défaite, les Allemands se rendent compte qu’ils ne sont plus considérés dans le monde comme les porteurs de cette « troisième renaissance européenne », dont les composantes, pourtant sublimes, ont été décrites comme les expressions d’une barbarie intrinsèque par les propagandes alliées. Balayé par les horreurs de la guerre, l’idéalisme d’avant 1914 subit une transformation après la défaite : plus tragique, plus âpre aussi, il accentuera son nietzschéisme, non plus en se référant au nietzschéisme des artistes (moqué par les droites et adulé par les sociaux-démocrates avant la Grande Guerre) mais à un Nietzsche plus « démasqueur », plus incisif et offensif. Le communisme bolchevique est désormais un facteur avec lequel il faut compter ; la radicalité communiste n’est plus marginale et intérieure, elle a désormais pour instrument une grande puissance politique aux dimensions impériales. Les mécontents, qui n’admettent pas la défaite ni les capitulations qu’elle implique, prennent des positions ambivalentes : ils posent le communisme comme inacceptable à l’intérieur du Reich mais la nouvelle Union Soviétique de Lénine comme un allié potentiel contre un Occident qui impose des réparations impossibles à satisfaire.

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Les penseurs les plus audacieux, en l’occurrence Ernst et Friedrich-Georg Jünger, élaborent un « nationalisme révolutionnaire », soit un radicalisme forcené à connotations communisantes et collectivistes, doublé de l’affirmation d’un nationalisme porté par une phalange inébranlable de combattants politiques soudés, par des liens de camaraderie extrêmement forts, comme l’étaient les Stosstruppen, les troupes d’assaut, lors de la Grande Guerre. Les frères Jünger, leurs homologues au sein du « nationalisme soldatique » comme Franz Schauwecker ou Werner Beumelburg, le penseur Friedrich Hielscher, etc. caresseront l’espoir de voir se déclencher un putsch militaire (par Corps Francs interposés, comme la phalange orchestrée par le Capitaine Ehrhardt) qui porterait au pouvoir une élite de combattants issus des Stosstruppen. Cette élite aurait eu pour tâche historique de créer un système politique radicalement différent des héritages politiciens du 19ème , de l’époque de Guillaume II et de la nouvelle République de Weimar, de la démocratie occidentale et de ses dérives rationalistes ou ploutocratiques (France, Angleterre), tout en dépassant la radicalité bolchevique russe et en renouant avec la fougue iconoclaste d’un Marinetti ou avec les projets audacieux et grandioses des architectes futuristes, avec les fureurs d’un Léon Bloy fustigeant les dévots au nom d’une foi incandescente, non pas au nom d’un voltairisme réactualisé mais d’un feu intérieur mystique qui n’accepte pas que le religieux s’enlise dans un conformisme quelconque, dans un pharisaïsme sec et ridicule.
Les traités de Locarno et de Berlin ramènent un espoir de paix en Europe qui isole les partisans de cette révolution incandescente des combattants, des futuristes, des bolcheviques non matérialistes et des mystiques enflammés. Locarno et Berlin sonnent le glas des idéalismes révolutionnaires : à ceux-ci, que l’ouvrage Le Travailleur d’Ernst Jünger illustre pleinement, succèdera un néonationalisme plus apte à s’inscrire dans les luttes politiques balisées par les institutions de la République de Weimar.

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Les projets politiques audacieux le resteront mais s’exprimeront par un langage plus « scientifique » : les idées de Rathenau d’un tandem politico-économique germano-soviétique -un Rathenau pourtant assassiné par des anciens des « Corps Francs »- et celles d’une revue pionnière comme Die Tat, flanquées des théories géopolitiques exprimées dans la revue du Général Haushofer (Zeitschrift für Geopolitik) vont créer un corpus qui stabilisera d’abord Weimar sur la scène internationale, innervera les politiques de grands travaux infrastructurels du Troisième Reich puis celle de la CEE et de l’UE (jusqu’à ce que celle-ci soit totalement neutralisée par les élucubrations néolibérales) mais sans donner à l’Allemagne une géopolitique cohérente, en dépit de la qualité des travaux de Haushofer et de ses équipes de géopolitologues chevronnés.


Dans cette optique d’une politique de développement national et/ou européen autarcique, la référence reste l’économiste Friedrich List, inspirateur au 19ème du développement ferroviaire de l’Allemagne, de la politique de colonisation intérieure en France et aux Etats-Unis et, surtout, des politiques chinoises de développement autocentré et eurasiatique actuelle, du Kuo Mintang à nos jours, en passant par le réformateur Deng Xiaoping qui a réussi à dépasser la phase de la stagnation maoïste. List, à l’origine des idées hétérodoxes de l’école historique allemande du 19ème siècle, est plus actuel et plus efficace que jamais, quand on observe les formidables projets ferroviaires eurasiens ébauchés par la Chine d’aujourd’hui. Preuve que réfléchir aux idées considérées à tort ou à raison comme « révolutionnaires-conservatrices » n’est pas un anachronisme de penseur en chambre mais une option politique et impériale valable éternellement, prouvant, par là-même, qu’une entité continentale comme l’UE ou comme tout autre grand-espace civilisationnel, qui ne s’inscrit pas dans la dynamique inaugurée par List est condamné à la stagnation et à l’implosion. L’Europe implosée d’aujourd’hui en est la preuve emblématique.

Le terme Révolution conservatrice englobe de nombreux penseurs et
écrivains qui s’unissent notamment par un rejet de la démocratie
libérale. Quel genre de modèles ou de sociétés prônait-on ? Quelle
ligne directrice unissait tous les courants de la Révolution
conservatrice ?


Political_Parties_by_Robert_Michels.jpgIl faut se rappeler que le rejet le mieux charpenté de la démocratie libérale et surtout de ses dérives partitocratiques ne provient pas d’un mouvement ou cénacle émanant d’une droite posée comme « conservatrice-révolutionnaire » mais d’une haute figure de la social-démocratie allemande et européenne, Roberto Michels, actif en Belgique, en Allemagne et en Italie avant 1914. Ici aussi, je ne fais pas d’anachronisme : à l’université en 1974, on nous conseillait la lecture de sa critique des oligarchies politiciennes (sociaux-démocrates compris) ; après une éclipse navrante de quelques décennies, je constate avec bonheur qu’une grande maison française, Gallimard-Folio, vient de rééditer sa Sociologie du parti dans la démocratie moderne (Zur Soziologie des Parteiwesens), qui démontre avec une clarté inégalée les dérives dangereuses d’une démocratie partitocratique : coupure avec la base, oligarchisation, règne des « bonzes », compromis contraires aux promesses électorales et aux programmes, bref, les maux que tous sont bien contraints de constater aujourd’hui en Europe et ailleurs, en plus amplifiés ! Michels suggère des correctifs : référendum (démocratie directe), renonciation (aux modes de vie matérialistes et bourgeois, ascétisme de l’élite politique se voulant alternative), etc. Dans cet ouvrage fondamental des sciences politiques, Michels vise à dépasser tout ce qui fait le ronron d’un parti (et, partant, d’une vie politique nationale orchestrée autour du jeu répétitif des élections récurrentes d’un certain nombre de partis établis) et suggère des pistes pour échapper à ces enlisements ; elles annoncent les aspirations ultérieures des conservateurs-révolutionnaires (ou assimilés) d’après 1918 et surtout d’après Locarno, sans oublier les futurs non-conformistes français des années 30 et ceux qui, aujourd’hui, cherchent à sortir des impasses où nous ont fourvoyés les établis. Ces pistes insistent sur la nécessité d’avoir des élites politiques ascétiques, sur une virulence correctrice que Michels croyait déceler dans le syndicalisme révolutionnaire (et ses versions italiennes comme celles activées par Filippo Corridoni avant 1914 – Corridoni tombera au front en 1915), dans les idées activistes de Georges Sorel et dans certaines formes d’anarchisme hostiles aux hiérarchies figées. L’idée-clef est de traquer partout, dans les formes de représentation politique, les éléments négatifs qui figent, qui induisent des répétitions lesquelles annulent l’effervescence révolutionnaire ou la dynamique douce/naturelle du peuple, oblitèrent la spontanéité des masses (on y reviendra en mai 68 !). En ce sens, les idées de Michels, Corridoni et Sorel entendent conserver les potentialités vivantes du peuple qui, le cas échéant et quand nécessité fait loi, sont capables de faire éclore un mouvement révolutionnaire correcteur et éradicateur des fixismes répétitifs.


La social-démocratie, en laquelle s’inscrivait Michels (avant de suivre son camarade socialiste italien Mussolini), ne se réclamait pas tant de Marx et des marxistes (c’est-à-dire de ceux qui se sont ingéniés à figer Marx, ce qui les distingue des « marxiens » comme un Werner Sombart, par exemple, ou des marxo-listiens à la Deng Xiaoping, auquel je pourrais personnellement m’identifier…). Elle était surtout inspirée par Schopenhauer et par Nietzsche comme l’ont démontré plusieurs chercheurs britanniques ou américains. Or l’essence du nietzschéisme, c’est d’induire une rétivité permanente à l’endroit de ce qui se rigidifie, se pétrifie. Il faut créer, façonner du nouveau sur base de matériaux immémoriaux, toujours prêts à accepter de nouvelles jouvences mais ne jamais conserver ce qui a perdu tout souffle et toute vitalité. On détruit le vermoulu à coups de marteau pour remettre en place des créations vivantes ou raviver des sources pérennes. On conserve donc les sources pérennes mais on détruit révolutionnairement ce qu’elles n’irriguent plus. Avant 1914, les sociaux-démocrates, non encore « marxistes » (au sens polémique du terme), veulent une société rajeunie par les idées de Nietzsche et prônant la justice sociale, assortie d’un élargissement maximal de la citoyenneté pleine et entière (suffrage universel pour clore l’ère bourgeoise et injecter du neuf dans la Cité, ce qui sera, bien entendu, une amère illusion…).


La première guerre mondiale balaie cette vision idéaliste et un peu naïve du fonctionnement d’une société en phase de mutation politique et/ou révolutionnaire. La guerre européenne restaure des hiérarchies de type militaire. Et soude les hommes au-delà des classes sociales d’avant-guerre, efface bon nombre de distinctions divisantes. Ce qui, à la fin des hostilités, a pour corollaire un rejet du monde civil jugé inessentiel, fade, désuet, comme l’attestent les écrits des Jünger, Schauwecker ou autre Hugo Fischer. Le modèle est toujours agonal, bien évidemment, mais la communauté populaire, la vraie, n’est plus unie autour de paisibles revendications politiques ou socio-économiques, c’est-à-dire matérielles voire matérialistes, mais elle est soudée par le combat révolutionnaire, poursuite du combat pur livré sous les « orages d’acier », expurgé de toutes les naïvetés propres aux belles âmes d’avant-guerre. Ceux qui ont porté le combat pur sont aussi ceux qui donneront le coup fatal à l’édifice weimarien posé comme vermoulu ou incapable de transmettre un feu mystique et révolutionnaire, selon l’adage nietzschéen : « Was fällt, soll man nog stossen » (Ce qui est ébranlé, il faut le jeter bas !).

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L’alternative à la démocratie libérale de Weimar, chez les maximalistes du nationalisme soldatique, est donc une « milice » politique et futuriste qui se passe des mécanismes électoraux conventionnels et s’inspire, en fin de compte, de l’expérience de Gabriele d’Annunzio à Fiume en 1919-1921, sans pour autant retenir les dimensions franchement anarchistes de cette expérience italienne. Sorel, les bolcheviques et Fiume représentent des alternatives dont on peut combiner les éléments à l’infini. Chez les Allemands, contrairement aux Italiens qui se posent depuis l’interventionnisme de 1915 comme germanophobes pour qui tous les archaïsmes sont germaniques, les scories inutiles sont celles de l’Occident français et britanniques, surtout quand il s’exprime en des termes rationalistes caricaturaux tels ceux prisés par le personnage Settembrini dans le roman La Montagne magique de Thomas Mann (anti-occidentaliste entre 1914 et la fin des années 20).


arditi.jpgReste aussi un autre problème que l’époque et ses avant-gardes politiques et littéraires ont tenté de résoudre dans la pétulance et l’intempérance : celui de la vitesse. Chez les futuristes, c’est clair, surtout dans certaines de leurs plus belles œuvres picturales, la vitesse est l’ivresse du monde, le mode exaltant qui, maîtrisé ou chevauché, permet d’échapper justement aux fixismes, au « passatismo ». A gauche aussi, la révolution a pour but de réaliser vite les aspirations populaires. Le prolétariat révolutionnaire des bolcheviques, une fois au pouvoir, maîtrise les machines et les rapidités qu’elles procurent. Le conseillisme bavarois, quant à lui, ne souhaitait pas effacer les spontanéités vitales de la population. Le fascisme de Mussolini, venu du socialisme et du syndicalisme sorélien et corrodinien, ne l’oublions jamais, entend réaliser en six heures ce que la démocratie parlementaire et palabrante (et donc lente, hyper-lente) fait en six ans. Les réactionnaires, que les futuristes ou les bolcheviques jugeront « passéistes », rappelaient que la prise de décision du monarque ou du petit nombre dans les anciens régimes était plus rapide que celle des parlements (d’où la présence récurrente de figures de la contre-révolution française dans les démarches intellectuelles d’Ernst Jünger, fussent-elles les plus maximalistes avant 1925). Un système politique cohérent, pour les avant-gardes des années 20, doit donc pouvoir décider rapidement, à la vitesse des nouvelles machines, des bolides Bugatti ou Mercedes, des avions des pionniers de l’air, des vedettes rapides des nouvelles forces navales (d’Annunzio). Une force politique nouvelle, démocratique ou non (Fiume est une démocratie avant-gardiste !), doit être décisionnaire et rapide, donc jeune. Si elle est parlementaire et palabrante, elle est lente donc vieille et cette sénilité pétrifiée mérite d’être jetée bas. La double idée de décision et de rapidité d’exécution est évidemment présente dans le nationalisme soldatique et explique pourquoi le coup de force est considéré comme plus efficace et plus propre que les palabres parlementaires. Elle apparait ensuite dans la théorie politique plus élaborée et plus juridique de Carl Schmitt, qui rejette le normativisme (comme étant un système de règles figées finalement incapacitantes quand le danger guette la Cité, où la « lex », par sa lourde présence, sape l’action du « rex ») et le positivisme juridique, trop technique et inattentif aux valeurs pérennes. Schmitt, décisionniste, prône évidemment le décisionnisme, dont il est le représentant le plus emblématique, et insiste sur la nécessité permanente d’agir au sein d’ordres concrets, réellement existants, hérités, légués par l’histoire et les traditions politiques de la Cité (ce qui implique le rejet de toute volonté de créer un « Etat mondial »).

Malgré le terme « conservateur », ce courant de pensée fut également
proche de l’extrême-gauche, notamment d’Ernst Niekisch. Quel fut
l’apport de Niekisch à la Révolution conservatrice et en quoi s’en
inspira-t-il ?


pr_10.jpgErnst Niekisch est un révolutionnaire de gauche pur jus. Il a participé à un gouvernement des Conseils en Bavière, lesquels seront balayés par les Corps Francs de von Epp. Dans ce gouvernement, figurait également Gustav Landauer, penseur anarchiste éminemment fécond, puisant à des sources intéressantes du 19ème siècle et développant une anthropologie compénétrée de mystique. Ce premier gouvernement des Conseils, non explicitement communiste, sera renversé par les bolcheviques du KPD, provoquant chez Landauer une immense déception. Pour lui, la politique révolutionnaire bavaroise sombrait, par ce coup de force, dans les rigidités léninistes et perdait son originalité unique. Niekisch était sans nul doute plus marqué par le marxisme de la social-démocratie d’avant 1914 mais sous l’influence d’un camarade aussi subtil que Landauer, il a dû ajouter à sa formation initiale des éléments moins conventionnels, notamment plus communautaires-anarchisants (héritage de Bakounine et Kropotkine). Cet anarchisme, hostile à toute rigidité et répétition, Niekisch le couple à des idéaux paysans/ruralistes présents dans les « sources du communisme russe » (explorées par Berdiaev) ou chez Tolstoï (édité par Diederichs) et, bien entendu, chez les folcistes (Völkischen) allemands, lesquels étaient plutôt classés « à droite ». Cette mythologie nouvelle devient alors chez Niekisch un mixte de prolétarisme socialiste et de ruralisme germano-russe, saupoudré de quelques oripeaux libertaires légués par Landauer, le tout pour favoriser une révolution allemande philo-soviétique, destinée à libérer les ouvriers et les paysans d’Allemagne d’une bourgeoisie pro-occidentale qui acceptait les réparations imposées par l’Ouest lors du Traité de Versailles, au détriment de son propre peuple, et les crédits américains des Plans Young et Dawes, limitant la souveraineté nationale.


L’apport majeur de Niekisch réside dans l’édition de revues « national-bolcheviques », telles Widerstand et Entscheidung. Leurs titres sont révélateurs : Niekisch privilégie le cadre national pour organiser et installer la révolution et le régime révolutionnaire. Il nie l’internationalisme comme impraticable. Il veut une démocratie prolétarienne spontanée donc sans médiation inutile, sans la médiation de « bonzes » qui s’encroûtent et finissent par nier leur idéalisme initial, comme le voulait aussi Landauer. Mais cette démocratie prolétarienne doit produire, pour le bien de la nation, des équipes ascétiques capables de poser les bonnes décisions. Ces revues donneront aux frères Jünger l’occasion d’exprimer leurs idées politiques extrêmes et raffinées. Elles sont donc essentielles pour comprendre la genèse de leurs œuvres, toujours lues et de plus en plus abondamment commentées de nos jours. Même si les frères Jünger ont abandonné toute politique radicale pour se pencher sur les problèmes écologiques (Friedrich-Georg avec, après 1945, le revue Scheidewege, qui annonce les problématiques actuelles de la déconnexion et de la « dé-célération » ou Entschleunigung) ou, chez Ernst, sur un esthétisme très personnel, celui de l’homme détaché des manies de ses contemporains, les tentatives politiques extrêmes sont, d’une certaine façon, la première phase de leur rejet complet d’un monde bourgeois hypertechnicisé ou désenchanté, qu’ils mépriseront tous deux jusqu’à leur dernier souffle. Ernst Jünger, dans les années 50, n’a pas souhaité qu’Armin Mohler réactive le corpus national-révolutionnaire, dont il avait tiré la substantifique moëlle pour écrire les pages les plus offensives de son Von rechts gesehen (« Vu de droite ») et ses meilleurs articles de la revue Criticon dans les années 70 et 80..


Pour moi, les deux livres de Niekisch qui me paraissent les plus intéressants à lire et relire sont ses souvenirs de prison (à partir de 1937, quand il est condamné à la perpétuité pour complot), intitulés Das Reich der niederen Dämonen et l’ouvrage Das dritte imperiale Figur (« La troisième figure impériale ») qui révèle son anthropologie et son idéal révolutionnaire et que l’on place généralement en parallèle avec le Travailleur de Jünger.

Grâce à Dominique Venner, von Salomon et Ernst Jünger sont connus d’une
grande partie de la mouvance identitaire. Leur renommée est-elle
proportionnelle à leur influence dans la Révolution conservatrice et
en quoi les Corps Francs influencèrent cette école ?


Reprouves_7720.jpegPour ma génération qui a exactement vingt ans en 1976, c’est effectivement le livre Baltikum de Dominique Venner qui fait découvrir la geste des Corps Francs allemands d’après 1918. Par la suite, nous avons découvert assez rapidement Ernst von Salomon, dont Les Réprouvés étaient édités en « livre de poche » et que nous trimbalions dans nos cartables de collégiens.

Ernst von Salomon est bien entendu davantage un activiste, un aventurier, qu’un théoricien, bien que sa voie existentielle soit riche d’enseignements, plus riche, bien évidemment, que les cogitations oiseuses d’un professeur en chambre. Il fut notamment impliqué dans les préparatifs de l’assassinat du ministre Walther Rathenau, artisan du pacte germano-soviétique de Rapallo en 1922. La vision politique de Rathenau était pourtant planiste, soucieuse de la santé économique de la nation, toujours apte à mon sens d’inspirer notre présent, et son intention, en signant le traité de Rapallo, était de donner à l’Allemagne, pressurée par les réparations exigées par la France, une solide marge de manœuvre en s’ouvrant à l’Est, source de matières premières, dont le pétrole du Caucase. Ernst von Salomon avouera que les fauteurs de l’attentat avaient été manipulés par les services britanniques, soucieux de maintenir le cœur géographique de l’Europe dans une dépendance énergétique occidentale. Ce dossier reste ouvert, cette vue reste à débattre, mais les thèses énoncées aujourd’hui par le spécialiste de la géopolitique énergétique, William F. Engdahl, ont démontré que les assassinats politiques en Allemagne ont toujours visé des hommes d’Etat, des banquiers ou des industriels qui cherchaient à diversifier les relations économiques de l’Allemagne pour réduire les dépendances du pays en matières premières et en débouchés extérieurs : en ce sens, Rathenau précède les victimes de la Rote Armee Fraktion ; sous Obama quand on pratique systématiquement les guerres de quatrième génération, nous avons, pour ruiner le dynamisme allemand, les récentes attaques contre Volkswagen ou l’actuelle submersion ethnique, assortie de l’effondrement parfaitement prévisible du système social allemand. Parce que l’industrie allemande prospère grâce aux commandes et au gaz russes et au commerce avec la Chine. Deux époques bien différentes, certes, mais même scénario de guerre indirecte, avec ou sans assassinats spectaculaires.


Ernst von Salomon se tiendra tranquille sous le nouveau régime national-socialiste, du moins extérieurement : l’exclusion le guettait en permanence car sa femme était d’origine juive. Son « immigration intérieure » consistera à créer des scénarios pour films. Il finira la guerre comme officier du Volkssturm dans une petite ville du sud de la Bavière. Arrêté par les Américains comme sympathisant du régime et aussi pour son passé « terroriste », il devient célèbre en répondant ironiquement au questionnaire des commissions de dénazification auxquelles il fut livré, alors qu’il n’avait jamais été ni adhérent formel ni sympathisant affiché de la NSDAP; il noircit alors des centaines de pages qui deviendront un best-seller (Der Fragebogen ou Le Questionnaire), aussi en France, dès les années 50. L’écrivain, l’ancien Cadet, le réprouvé qui a lutté dans les rangs des Corps Francs, doit, à ses yeux, traiter les établissements, quels qu’ils soient, par le sarcasme. Les qualités éthiques de ces figures héroïques ne peuvent se laisser enfermer dans des formes étriquées, qu’elles soient morales ou politiques. Avant l’accession des nationaux-socialistes au pouvoir en 1933, von Salomon, à peine sorti de prison, avait gardé l’idéal des Corps Francs, manière plus propre, pensait-il, comme Jünger, de faire de la politique que les compromissions politiciennes et partisanes. Il s’était placé dans le sillage du Capitaine Ehrhardt, ultérieurement poursuivi par la Gestapo. Il s’était désintéressé du combat légaliste du mouvement hitlérien, tout en étant déçu, comme beaucoup d’hommes jeunes et ardents, par les communistes, dirigés par une vieille dame respectable, féministe avant la lettre, menue et à la voix chevrotante, Clara Zetkin, qui, malgré son incontestable sincérité, ne parvenait pas à captiver les jeunes chevaux fougueux de l’époque, pressés de sortir de la terrible crise de 1929.


S’il faut trouver, dans les mouvances non-conformistes actuelles, une influence de l’existentialisme, du vrai, qu’ont incarné von Salomon et ses compagnons, on le cherchera dans un certain désintérêt pour tout combat politique inscrit dans l’électoralisme, même si d’aucuns, et non des moindres, trouveront cette posture vaine et improductive.

Si ce fut un phénomène essentiellement allemand, ce mouvement eut-il
des sympathies à l’extérieur de Weimar ?


Il est évident que la périphérie du Reich, où l’on parle des langues germaniques et où la langue de Goethe est correctement enseignée, comme la Suisse, la Scandinavie, les Pays-Bas ou la Flandre, a subi l’influence de la pensée allemande plus facilement que les pays de parlers romans ou slaves, exceptés sans soute ceux qui, comme la Hongrie, firent partie de la monarchie austro-hongroise. Certes, la Suisse, les pays scandinaves et la Hollande ont conservé une culture plus a-politique que les Allemands vaincus, comme le déplorait amèrement une figure peu connue, mais importante, de la « révolution conservatrice », Christoph Steding, auteur qui fustigeait la « culture neutre », purement esthétisante, de cette périphérie germanique, dégagée des obligations impériales, apanage de la nation allemande depuis Othon I, vainqueur des Magyars à Lechfeld en 955. Armin Mohler, originaire de la ville suisse de Bâle, a été sensible à cette critique, de même que certains « révolutionnaires conservateurs » de confession catholique en Hollande, influencé par Carl Schmitt. La protestation de Mohler -et aussi ses différends avec le Jünger des années 50 et 60 qui ne voulait plus entendre parler d’activisme politique- vient tout droit de sa posture personnelle initiale, d’adolescent et de jeune homme en révolte contre les milieux protestants et marchands bâlois : il rejetait toute la culture apolitique de sa ville natale, engoncée dans ses conventions sans relief.


andlerN.PNGEn France, la veine nietzschéenne et les progrès des études germaniques, sous l’impulsion de Charles Andler, introduisaient des ferments similaires à ceux qui agitaient la scène culturelle wilhelminienne en Allemagne avant 1914. Le filtre de la Grande Guerre fait que partout en Europe les postures politiques acquièrent une dimension plus « quiritaire ». En Angleterre, certains avant-gardistes optent pour des sympathies profascistes. David Herbert Lawrence rejette le puritanisme victorien, comme les Allemands avant 1914 avaient rejeté d’autres formes de rigorisme, en injectant dans la littérature anglaise des ferments d’organicisme à connotations sexuelles (« L’amant de Lady Chatterley »), en insistant sur la puissance tellurique inépuisable des religions primitives (du Mexique notamment), en démontrant dans Apocalypse que toute civilisation doit reposer sur un cycle liturgique naturel intangible ; il induit ainsi des ferments révolutionnaires conservateurs (il faut balayer les puritanismes, les rationalismes étriqués, etc. et maintenir les cycles liturgiques naturels, au moins comme le fait le catholicisme) dans la pensée anglo-saxonne, qui, liés aux filons celtisants et catholiques du nationalisme culturel irlandais, partiellement dérivés de Herder, s’insinuent, aujourd’hui encore, dans une quantité de démarches culturelles fécondes, observables dans les sociétés anglophones. Même si ces démarches ont parfois l’agaçant aspect du « New Age » ou du post-hippysme.


Les mondes de la pensée sont poreux : rien n’arrête les idées, qui se diffusent avec la subtilité d’un gaz, en empruntant le moindre interstice, la moindre lézarde. Il n’y avait pas de barrières étanches avant 1914, ni après 1918 ou 1945 ni aujourd’hui. Les filons exploités par la « révolution conservatrice », pour forger une société alternative, pour donner une épine dorsale aux Etats qu’elle entendait forger ou transformer, peuvent tous se retrouver dans le programme éditorial d’Eugen Diederichs, amorcé dès 1896. Socialisme organique, enraciné, pétri d’éthique religieuse, religiosité dégagée de toutes les cangues confessionnelles, mélange de Tolstoï, de Bergson, de thèses de la Fabian Society anglaise, plongée dans l’héritage mystique de l’Europe médiévale, sont autant d’éléments, toujours activables, pour se débarrasser de régimes politiques devenus répétitifs, ennuyeux voire insupportables à cause des mille et une balises qu’ils placent pour juguler les élans de l’âme humaine, prolixe, féconde, « in-encadrable ».

Notre époque meurt des répétitions ad nauseam du même corpus libéral arrosé de moraline hypocrite : le retour aux sources de la « révolution conservatrice » s’impose donc, à condition, bien sûr, que l’on remonte au programme du brave et bon éditeur Diederichs. Mieux : Diederichs ne s’est jamais cantonné dans un germanisme pacifique, mystique, néoromantique, activable en Allemagne seule voire peut-être en Scandinavie. Son programme annexe des éléments irlandais/celtiques, romantiques anglais, slaves et orthodoxes, flamands (les auteurs flamands seront privilégiés dans sa maison d’édition). L’Europe entière peut y retourner sans que les uns ou les autres n’aient à craindre d’y trouver des nationalismes tiers hostiles et vexants, pour sa propre identité ethno-nationale. La trajectoire politique et artistique du peintre et homme politique belgo-flamand War Van Overstraeten est emblématique d’un itinéraire à imiter pour tous : ce fondateur du parti communiste belge retrouve, dès le début des années 30, grâce à un engouement pour la mystique espagnole, les racines religieuses et personnalistes que Diederichs avait voulu généraliser en Europe avant 1914. L’itinéraire de Van Overstraeten mérite une étude approfondie en dehors de Flandre (où sa trajectoire a été minutieusement étudiée) pour montrer que même un engagement de gauche virulent doit nécessairement ramener aux idées que Diederichs avait voulu répandre dans notre continent tout entier et aussi en Amérique du Nord car il s’intéressait, entre autres œuvres, aux dimensions mystiques et naturalistes de Walt Whitman et aux idées de Ralph Waldo Emerson.

La Révolution conservatrice s’éteint-elle avec l’accession des nazis
au pouvoir ?


Le national-socialisme a procédé à une « mise au pas », que l’on nommait en allemand la Gleichschaltung. Celle-ci touche surtout la frange national-révolutionnaire et les plus turbulents activistes regroupés autour du Capitaine Ehrhardt. Niekisch est emprisonné en 1937. Ceux qui rejoignent les complots anti-hitlériens, comme celui qui a débouché sur l’attentat de Stauffenberg le 20 juillet 1944, seront impitoyablement éliminés. Les mouvements de jeunesse sont contraints d’adhérer aux organisations du parti. D’autres, c’est bien connu, se replient sur une « immigration intérieure », après avoir flirté brièvement avec le régime ou non. On pense au poète Gottfried Benn. Jünger cesse toute activité politique et entreprend sa longue série de voyages vers des terres vierges, non encore violentées par la modernité. Il devient aussi le mémorialiste inégalé qu’il demeurera pour les siècles des siècles. Mais dire que ces filons cessent d’être féconds parce qu’un régime, quel qu’il soit, prend le pouvoir par les urnes ou par un coup de force, est aberrant. Tous les idéologèmes de la « révolution conservatrice » sont restés vivants dans la pensée, même s’ils ne peuvent plus s’exprimer que partiellement, pour illustrer l’une ou l’autre facette éphémère du système libéral, beaucoup plus totalitaire que les régimes qui se voient attribuer cet adjectif désormais infâmant. Il y a un exemple tout récent : en Belgique, l’économiste et historien des idées économiques Paul Jorion vient de valser hors de son université parce qu’il travaillait sur des filons non orthodoxes de la pensée économique, filons hétérodoxes parce que tenant compte des facteurs sociaux et historiques dans la nécessaire démarche de l’économiste politique. Une économie, pense Jorion, surtout à la suite du Marx sociologue et de Keynes, est nécessairement imbriquée dans une société qui, elle, a une histoire dont tout praticien dans la sphère publique est obligé de tenir compte. Une économie ne peut se résumer à un fatras de théories mathématiques ou de statistiques toujours éphémères par définition. Les travaux de Jorion peuvent être lus en parallèle avec ceux de l’école canadienne dite de l’« écosociété », qui dénonce avec brio et minutie la « tyrannie de la valeur ». La recherche d’une telle hétérodoxie non oblitérante se retrouvait déjà dans le programme socialiste de Diederichs, dans les grands noms de l’école historique allemande, dans l’œuvre de François Perroux aux temps bien révolus (hélas !) de la France gaullienne d’après l’aventure algérienne. Aujourd’hui, ce que les historiens français de l’économie Jean-Marie Albertini et Ahmed Silem ont appelé justement les théories hétérodoxes, dans un manuel très répandu mais trop peu écouté et mis en pratique, sont le réservoir des idées rénovatrices que le monde attend. Preuve, une fois de plus, que les idées de la « révolution conservatrice », qui prônaient des pratiques hétérodoxes de l’économie, sont bel et bien immortelles.

Les auteurs de la Révolution conservatrice sont toujours cités par de
nombreux penseurs actuels, en quoi les idées qu’elle mettait de
l’avant sont elles encore actuelles ?


En fait, je viens de répondre à votre question mais, forcément, de manière partielle car le corpus assimilable à la « révolution conservatrice » et à la renaissance allemande du 19ème siècle englobe l’ensemble des sciences humaines que je ne peux aborder de façon exhaustive dans le cadre d’un modeste entretien. La pertinence actuelle de cet ensemble très vaste vient qu’il table sur des pensées organiques, celles mises en exergue par Gusdorf (cf. supra), alors que le système se pétrifie sous nos yeux à cause de son mécanicisme méthodologique initial et de son économisme statistique qui ne résout aucun problème. Pour camoufler cet échec, le système peinturlure ses discours incantatoires d’une forte couche de moraline insipide à laquelle plus aucune personne intelligente ne peut encore croire. En politique internationale, le refus de prendre en compte les linéaments des autres civilisations, dont celles de Chine et d’Inde qui sortent d’une longue léthargie, dont les filons chiites et alaouites du Levant et d’Iran, conduit à l’impasse. Il y a d’autres valeurs que celles énoncées à Washington ou dans le Paris de BHL. Armin Mohler, suite à Karl Jaspers qui patronnait sa thèse, disait que la « révolution conservatrice » (et nous ajouterions le romantisme décrit par Gusdorf et la renaissance allemande explicitée par Watson) inaugurait une nouvelle « période axiale » de l’histoire. Or, Max Weber et Julien Freund nous ont appris que les valeurs, générées par les périodes axiales, sont immortelles. Elles peuvent connaître des périodes de dormition, disait aussi Venner, mais, inévitablement, irrémédiablement, elles reviendront à l’avant-scène, en dépit et au grand dam des forces du non-être (Parvulesco) qui ont cherché à les étouffer.


(Forest-Flotzenberg, octobre 2015).

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Steuckers/Révolution conservatrice

mardi, 26 janvier 2016

L’enseignement de l’histoire est nécessaire pour l’orientation

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L’enseignement de l’histoire est nécessaire pour l’orientation

L’abandon programmé de l’histoire

par Carl Bossard*

Ex: http://www.horizons-et-debats.ch

Pour les réformateurs scolaires, l’«histoire» en tant que matière indépendante est superflue. Dans le meilleur des cas, cette tendance restera une note de bas de page… de l’histoire. Remarques concernant un fourvoiement.


Quiconque travaille avec des jeunes gens connaît leur intérêt historique et leur fascination pour les époques et les cultures. Il connaît leur désir de comprendre leur propre univers et les univers étrangers. Mais leurs connaissances factuelles et celles des relations d’interdépendances entre les faits sont minimes. Détourner les yeux n’est pas une solution; l’école doit faire contrepoids. Mais elle préfère supprimer l’histoire en tant que matière indépendante.

KlioClementino291.jpgTout appartient au présent

«Actuellement, les jeunes gens vivent de manière interconnectée, dans l’horizontale», déclare l’écrivain zougois Thomas Hürlimann. Et d’ajouter: «Ils sont simultanément à Tokyo, à New York et à Berlin; mais la dimension historique n’est pour eux qu’une page de Wikipédia.» Tout appartient au présent.
Tout ce qu’on ne peut pas se représenter n’existe pas, pourrait-on en conclure. Voici encore une citation de Hürlimann: «Ma génération, au contraire, a grandi dans la verticale: au début, il y eut l’ancien testament, puis Rome, puis l’histoire de l’ancienne Suisse. Les gens se comprenaient comme une prolongation de ce qui fut autrefois.»1


Là, Thomas Hürlimann a raison: les dates et les faits restent dans l’horizontale.

Les connaissances ne naissent pas incidemment

Elles sont les signatures du présent. Les connaissances et la formation contiennent une verticalité. L’école est donc confrontée à d’importantes tâches. On peut certes distiller des informations utiles des données amassées (cf. «Big Data»), mais elles sont uniquement complémentaires. Elles ne génèrent guère des connaissances. Les connaissances ne naissent pas incidemment. Elles sont le résultat du travail et non l’effet accidentel du fait d’essuyer et de trouver. Apprendre et comprendre, c’est ce que chaque élève doit faire personnellement.


C’est astreignant. Il faut un enseignement stimulant, un discours basé sur le dialogue et des enseignants très présents. Ce qui importe, ce sont des enseignants exigeant et confrontant leurs élèves à des structures dont les jeunes ne feraient jamais connaissance dans leur propre monde du présent. Donc, un enseignement représentant une force opposante, rempli de courage d’aller à contre-courant. L’horizontale a besoin de la verticale.

Enseigner de réels contenus sans date d’échéance

L’école, dans sa mission de conduire les enfants dans le développement de leurs facultés d’apprentissage, est plus importante que jamais. Et c’est pourquoi les plans d’études doivent se concentrer sur les contenus et les connaissances formelles de base permettant de rester durablement capable d’apprendre – et non sur les actualités: de réels contenus sans date d’échéance. Dans une société basée sur les services et la communication, il faut avoir, dans sa langue maternelle, des connaissances linguistiques orales et écrites bien développées. Il est de grande importance d’avoir aussi des capacités élémentaires en mathématiques et en sciences naturelles; une condition absolue est également la qualification en langues étrangères.


Un autre élément important de formation est de connaître sa propre histoire pour être capable de relier l’origine et l’avenir. Dans notre civilisation moderne, nous avons besoin du sens historique – plus que jamais. Ce n’est qu’ainsi que nous pouvons entrer en relation avec l’étrangeté qui se rapproche de nous et l’étrangeté de notre propre passé, dont nous nous éloignons rapidement, suite au continuel progrès. Une telle attitude permet de coopérer et d’affronter l’avenir positivement. La pensée historique en est la base.

L’histoire doit être présente en tant qu’histoire

Mais les écoles suisses ont supprimé l’histoire en tant que matière indépendante. L’histoire erre comme un essaim nébuleux dans le domaine disciplinaire «Sciences de l’Homme et de la société» sous forme de pièces détachées incohérentes: un peu de Lacustres, un peu de Romains, une dose de chevalerie. Aucune vue d’ensemble, aucune connaissance liant les différents aspects, aucune structure, pas même au niveau temporel. L’histoire a été systématiquement dévaluée.


Aucun nombre d’heures garanti. Guère de contrôles. Le Plan d’études 21 n’y corrige rien, tout au contraire. Il efface l’histoire même au collège. La matière devient une partie du domaine disciplinaire «Espaces, époques, sociétés» – avec la géographie. Y sont définies douze exigences principales. L’histoire n’y apparaît plus qu’en fragments dispersés. Leur valeur n’est pas définie. Ce sont les enseignants qui décident de leur importance. Ces constructions individuelles ne donnent aucune nouvelle valeur à la matière «Histoire».

Espaces, époques, sociétés

Aussitôt qu’une discipline disparaît en tant que domaine indépendant, le contenu disparaît également. Dans les têtes des enfants, cela va de soi: «Si l’histoire ne se manifeste pas en tant qu’histoire, elle n’est pas présente dans leurs têtes», précise une didacticienne d’histoire. «La notion ‹Histoire› indique de manière programmatique le contenu principal de la science de l’histoire, son maniement de la temporalité, sa manière de la réflexion et l’analyse du passé», critique l’historien Lucas Burkart.2 Dans un domaine disciplinaire «Espaces, époques, sociétés», cela se perd, ajoute-t-il. L’histoire enseigne de faire des liens dans le sens de la largeur, mais aussi entre le passé et le présent.


François E. Weinert, psychologue du développement renommé et vice-président de la Société Max-Planck, a déjà mis en garde contre de telles matières groupées: «Les matières en tant que systèmes de connaissance pour l’apprentissage cognitif sont irremplaçables. Il n’y a aucune raison de créer un pêle-mêle hétérogène des matières.» La seule exception étant l’enseignement par projets; là, des phénomènes réels ou des problèmes de notre monde forment le point de départ.

Une boussole dans un monde complexe

La dynamique civilisationnelle est effrénée. Mais le regard en avant a besoin du rétroviseur. Plus la société change rapidement, plus la connaissance de sa propre histoire est importante – et la conscience: «Nous venons de là.» Si nous perdons cette dimension, nous perdons la verticale. Si nous nous plaçons uniquement dans l’horizontale et ne nous rapportons qu’au présent, nous perdons nos liens avec l’histoire et donc l’orientation – et sans orientation, il n’y a pas de valeur fondamentale de cohésion possible, et pas d’idée de la raison d’être de la Suisse. L’école permet un regard en arrière; mais ce regard est toujours aussi dirigé en avant. L’avenir a besoin de connaître les origines, pour rappeler l’expression souvent citée d’Odo Marquard.


C’est pourquoi l’histoire est si importante. Elle raconte des histoires captivantes. Les gens ont besoin des bonnes histoires. Elles éveillent l’intérêt. Elles mènent vers des événements, telles la Révolution française de 1789 et la Révolution helvétique de 1798 ou vers la création de l’Etat fédéral en 1848. Non pas comme des événements isolés, comme un ensemble sans contexte, comme un voisinage sans nom. Ce ne sont pas de simples dates ou de simples faits, appris par cœur et reproduit mécaniquement. Non. Chaque événement est relié au présent dans un large cadre.


Cela peut être démontré, par exemple, avec l’époque de 1798 à 1848 – l’une des époques les plus passionnantes de l’histoire suisse. Aussi pour les adolescents. C’était la lutte pour la modernisation de la Suisse et de son essor vers l’avenir, le conflit entre l’Etat unitaire et la fédération d’Etats, le conflit entre le centralisme napoléonien français – symbolisé par la pomme – et l’ancien particularisme helvétique – symbolisé par la grappe de raisins. La lutte pendant 50 ans entre la pomme et la grappe fut intensive. Il y eut la guerre; le sang coula. La Suisse en fut presque dissolue. L’Etat fédéral de 1848 amena le compromis – symbolisé par l’orange: un pays varié avec des Etats membres aussi autonomes que possible – grâce à une structure étatique fédérale.


La parallèle avec le présent est évidente – et voilà donc le postulat de l’historien suisse Herbert Lüthy: «Toute l’histoire est histoire du présent parce que le passé en tant que passé ne peut pas être vécu, mais seulement en tant que passé dans le présent.»

Les liens sont la clé vers le monde de l’avenir

C’est uniquement quand nous reconnaissons les choses dans leur contexte, que les mondes historiques apparaissent. La compréhension des liens historiques développe la sensibilité pour les dimensions temporelles et les processus de développement, concernant ce qui a changé et ce qui est actuel. Les liens sont alors la clé vers le monde de l’avenir. Ce n’est pas un hasard si le philosophe Hans Blumenberg qualifia, il y plusieurs années, la formation non pas d’un «arsenal», mais d’un «horizon». Ce n’est pas un assemblement de dates et de faits, mais un moyen de s’orienter. L’enseignement permet de s’orienter dans les mondes intellectuels et historiques.


Cela ne vient pas tout seul. Chaque compréhension importante – aussi historique – doit être élaborée mentalement. Dans la verticale. Aucune machine à données ne pourra nous épargner cela, dans l’avenir non plus. Et la matière scolaire «Histoire» est une espèce d’assurance de base. Le Land de Hesse, très progressif, avait supprimé cette matière et entre-temps l’a réintroduite – après que l’actualité leur ait fourni les preuves qu’ils étaient dans l’erreur.    •

*    Carl Bossard a été directeur du gymnase/lycée Alpenquai de Lucerne et recteur-fondateur de la Haute Ecole pédagogique de Zoug.

Source: www.journal21.ch/geschichtsvergessenheit-als-programm

1    Alexandra Kedves. Thomas Hürlimanns Kirschgarten. In: Tages-Anzeiger du 5/6/15, p. 25
2    Lucas Burkart. Jugendliche sollten eine Faszination für andere Zeiten entwickeln. In: Neue Zürcher Zeitung du 18/3/12

15:13 Publié dans Ecole/Education, Histoire | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, enseignement, école, éducation | |  del.icio.us | | Digg! Digg |  Facebook

samedi, 23 janvier 2016

The Holy Roman Empire can help inspire a different European Union

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The Holy Roman Empire can help inspire a different European Union

Peter Wilson

Ex: http://www.ft.com

We should look to the example of Charlemagne, writes Peter Wilson

Germany’s past casts a long shadow. Last summer, Greeks protesting against the stringent terms of the EU bailout brandished pictures of Angela Merkel sporting a Hitler moustache and a Nazi armband, with the swastika replaced by the euro sign.

Such images remain potent but they hinder real engagement with the questions of how Germany will use its current economic and political influence, and how far the EU can or should contain that power. For answers we should look back in time to when Germany was part of the Holy Roman Empire.

The empire scarcely seems worthy of discussion today. If it has any resonance at all, it is usually thanks to Voltaire’s quip that it was “neither holy, Roman nor an empire”. Founded by Charlemagne on Christmas Day 800, the empire appeared to go into decline almost immediately until being swept away as an obsolete irrelevance by Napoleon in 1806. In the words of James Madison, the fourth president of the US, the empire was “a nerveless body; incapable of regulating its own members; insecure against external dangers and agitated with unceasing fermentations in its own bowels.”

Knowing why the empire has been interpreted this way can help us to understand present-day Germany’s position in Europe, particularly its leading role within the EU.

The legacy of two world wars has encouraged those outside Germany to fear its leadership as potential hegemony but the history of the Holy Roman Empire reveals a time when Germany was part of a wider pacific order.

The negative interpretation of the empire rests on seeing it as a series of failed attempts to create a German nation state. In this version of history, a succession of monarchs tried to create central institutions capable of imposing a uniform system of rule, only to be thwarted by the selfish ambitions of petty German princes.

In fact, the empire was never simply “Germany”. It covered what is now Austria, Switzerland, Belgium, Luxembourg, Netherlands, the Czech Republic, much of Italy, and parts of France and Poland.

Historians in all these countries found no use for the empire when they came to write their national stories in the 19th century. For them, like the Greek protesters, “empire” meant foreign domination.


"Power was always multiple and plural. The management of daily life was devolved to more local

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The imperial aspect of the empire is perhaps the hardest for us to grasp today, largely because we tend to conceive empire through the experience of European colonial power.

We expect empires to have a clear and stable core inhabited by an imperial people that imposes its will on peripheral regions. But the Holy Roman Empire had no core, because it never possessed a clear centre of government or even an official capital. Instead, power was always multiple and plural. The management of daily life was devolved to more local powers.

The most significant change across the centuries was not a progressive fragmentation of an originally centralised power, as previous generations of historians believed.

Rather, it was a gradual thickening of local power that drew its legitimacy from its relationship to the empire as a whole. Imperial charters and laws sanctioned local rights and liberties.

Additional layers were added over time in response to circumstances, most notably during the 16th and 17th centuries, when Protestants acquired the same legal safeguards as Roman Catholics.


"Its inhabitants generally identified with it positively because it preserved their own autonomy and ways of life"

However, long before this Jews had received protective rights which generally functioned better than those granted by monarchs in Europe’s more centralised kingdoms.

And it is here that we see most clearly what the empire can tell us about Europe’s possible future. Its inhabitants generally identified with it positively because it preserved their own autonomy and ways of life.

It cannot be a blueprint for today’s EU, because the social order which underpinned that local autonomy was also riddled with inequalities we would find abhorrent.

Yet it does suggest an alternative to the stark choice between the EU as a single, homogeneous superstate or fatally weakening Europe’s global position by fragmenting it into a mosaic of national states.

The writer is Chichele professor of the history of war at the University of Oxford and the author of The Holy Roman Empire

Hinterhalt in Germanien - Kampftechniken germanischer Krieger

Hinterhalt in Germanien - Kampftechniken germanischer Krieger

Germanien im Jahr 9 nach Christus: Die Römer sind auf dem Höhepunkt ihrer Macht und verfügen über die größte und stärkste Armee der Welt. Doch bei der Schlacht im Teutoburger Wald werden der römische Feldherr Varus und seine Legionen von den germanischen Stammeskriegern regelrecht niedergemetzelt. Was war das Geheimnis der germanischen Krieger? Der Ex-Berufssoldat und Kämpfer eines US-Sonderkommandos, Terry Schappert, ist Moderator der Reihe "Die Krieger". Er führt die Zuschauer durch die Welt der Krieger und Kämpfer aus allen Epochen der Geschichte.

vendredi, 22 janvier 2016

Boudicca: Königin und Kriegerin

Boudicca: Königin und Kriegerin

Wir schreiben das Jahr 60 n. Chr. In einer weit entfernten Provinz des römischen Reiches, in Britannia, stieg aus einem Aufruhr eine Königin und Kriegerin namens Boudicca hervor. Das unbeholfene Geschick der römischen Besatzer erregte den Zorn der Briten. Der Tropfen, der das Fass schließlich zum überlaufen brachte, war die befohlene Vergewaltigung der Töchter Boudiccas durch römische Soldaten und die Auspeitschung der Kriegerin selbst. Boudiccas Antwort war die Erschaffung einer mächtigen Armee, die den Kampf mit Rom aufnehmen sollte.

jeudi, 21 janvier 2016

Carnuntum - Weltstadt im Land der "Barbaren"

Carnuntum - Weltstadt im Land der "Barbaren"

Der römische Offizier und Historiker Villeius Paterculus berichtete sechs nach Christus, dass ein unter dem Feldherrn Tiberius stehendes römisches Heer sein Winterlager im keltischen Königreich Noricum errichtete. Der genaue Ort der Niederlassung wird als "Carnuntum" bezeichnet. Das war die Geburtsstunde der legendären, römischen Großstadt im "Land der Barbaren", später auch als Klein-Rom an der Donau bezeichnet.

Mit 3-D-Animationen und Spielszenen wird das Leben und Treiben in der antiken Metropole wieder zum Leben erweckt.

Besonders ausführlich beschäftigt sich der Film mit den ganz alltäglichen Dingen des römischen Lebens vor 2.000 Jahren, die aus heutiger Sicht besonders interessant erscheinen. Wie hat die normale Zivilbevölkerung gelebt? Und wie der einfache Soldat? Was wurde gegessen und was wurde getrunken?

Antworten auf diese und viele Fragen mehr sind in den aufwendig inszenierten Spielszenen verpackt. Der Zuschauer erfährt, wie der so genannte "Puls", der Eintopf, in der römischen Armee zubereitet wurde, aber auch, was die so genannte High Society tafelte: Die Oberschicht Carnuntums genoss kulinarisch nahezu jeden Luxus. Sogar frische Austern, die man in salzwasserbefüllten Holzfässern von der Adria bis an die Donaumetropole transportierte, standen auf der Speisekarte. Doch nicht nur "was" gekocht wurde, sondern auch "wie" gekocht wurde, zeigt der Film in hyperrealistischen Bildern.

samedi, 16 janvier 2016

Osteuropäer gegen Osmanen

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Osteuropäer gegen Osmanen

Ex: http://www.blauenarzisse.de 

Die osteuropäischen Nationen lehnen die muslimische Masseneinwanderung ab. Sie wollen sie nicht und haben dafür gute Gründe. Ein Blick in die Geschichte von Young German.

Die Osteuropäer besitzen auch eine historische Erfahrung mit den Türken oder Osmanen, die sie in dem Gefühl bestärkt, dass dieser Flüchtlingsandrang aus der islamischen Welt sehr viel Ungutes im Kielwasser mit sich führen könnte. Die Erinnerungen an die heftigen Abwehrkriege gegen die muslimischen Armeen der Sultane, welche bis ins heutige Polen vorstießen und auch schon vor Wien standen, sind noch frisch. Es sind eigentlich nur knapp einhundert Jahre vergangen, seit die Türken aus Osteuropa vertrieben wurden. Mit der Niederlage des osmanischen Reiches im Ersten Weltkrieg zerbrach auch die Herrschaft der Türken auf dem Balkan und in nördlicheren Gebieten wie zum Beispiel der Ukraine. Was Erdogan für die Türkenheit restaurieren möchte, wurde erst „kürzlich“ von den europäischen Nationalbewegungen der verschiedensten Färbungen von der Herrschaft Istanbuls befreit.

Die Schlacht von Vaslui

In Vaslui, heute ein Teil von Rumänien und im Jahre 1475 ein Teil von Moldawien, kam es zu einer gewaltigen Schlacht zwischen den Heerscharen der Osmanen und der Koalitionsarmee der Polen, Ungarn und Moldawier. 40.000 Christen standen 120.000 Muslimen (und christlichen Sklavensoldaten) gegenüber, welche von Hadim Suleiman Pasha angeführt wurden. Eine dreifache Übermacht stand den europäischen Christen gegenüber. Der Fall von Konstantinopel im Jahre 1453 und die scheinbar unaufhaltsame Expansion der Muslime nach Westen hatte die Nationen in unmittelbarer Nachbarschaft zu den Türken in eine Schockstarre versetzt. Rom hatte keine Illusionen über die Chancen der von Stefan III. von Moldawien angeführten Koalitionstruppen.

Niederlage auf Niederlage hatten die Europäer bis dato erdulden müssen. Einer dreifachen Übermacht siegestrunkener Osmanen würden sie nicht gewachsen sein. Für den König der Moldawier bestand kaum Hoffnung auf einen Sieg. Von den Polen und Ungarn hatte er zwar Hilfe erhalten. Doch seine Armee war bis auf wenige tausend Reitertruppen eine Ansammlung von Bauern, welche mit Knüppeln und Äxten bewaffnet waren. Alle wehrfähigen Männer ab 14 Jahren wurden von dem König in seiner Verzweiflung herangezogen. Die Armee, welche sich den Osmanen bei Vaslui entgegenstellte, war geradezu lächerlich. 30.000 Männer gingen zu Fuß. Auf der osmanischen Seite gingen 90.000 zu Fuß und die restlichen 30.000 waren Reiter. Schwere und leichte Kavallerie. Die türkische Streitmacht war Symbol des aufsteigenden Großreiches und vereinte viele Völker unter dem Halbmond. Christliche Vasallenfürsten aus der Wallachei und Transylvanien hatten sich den Osmanen angebiedert um ihre Kronen zu behalten und etliche Janitschare, christliche Sklavensoldaten, die man in deren Kindheit aus Europa geraubt hatte und im muslimischen Kriegsschulen ausgebildet hatte, dienten ebenfalls als Elitetruppen in der osmanischen Armee.

hussardail&d926355dc2d739056a0aac.jpgTaktik der „Verbrannten Erde“

Bis auf kleine lokale Siege und den Widerstand kleinerer Nationen war der Balkan und große Teile Osteuropas bisher erfolglos in der Abwehr des islamischen Dschihad gewesen. Doch dieses Mal sollte alles anders kommen. Stefan III. kannte sein Land und nutzte es. Obwohl er vermutlich keinen Zugriff auf die „Kunst des Krieges“ hatte, beherzigte er die vielleicht wichtigste Regel und wählte selbst den Ort der Schlacht aus. Durch die Taktik der „Verbrannten Erde“ entzog er der anrückenden osmanischen Armee viel ihrer Vitalität und erschöpfte das gewaltige Heer des Pascha. Aus der Stärke der feindlichen Armee, ihrer Größe, machte er eine Schwäche. Die sich schwerfällig bewegende und mit viel Kriegsgerät beladene Streitmacht fand kaum Nahrung auf dem Weg durch Moldawien und überall hatte Stefan die Brunnen und Gewässer vergiften lassen.

Die sich wie eine Schlange durch die Landschaft bewegende Armee der Muslime war zudem immer wieder an verschiedenen Punkten ihrer länglichen Formation in Hinterhalte geraten. Ähnlich der Taktik des Arminius im Kampf gegen die Römer, schwächte Stefan die Armee des Sultans beständig durch kleine Nadelstiche. Statt seine Bevölkerung der Plünderung und der Mordlust der Feinde preiszugeben, hatte er diese über die Berge evakuieren lassen. So fanden die Osmanen nichts außer ödem Land und verpestetem Wasser. Und überall lauerten Partisanen, welche die große Armee langsam ausbluten ließen.

Stefan lockte die Osmanen bei Podul Înalt am Fluss Bârlad in eine vorbereitete Falle. Marschland und ein in sich durch Forst und Gebirge abgeschlossenes Tal ließ die große osmanische Streitmacht in einen Flaschenhals schlüpfen. Wie die Perser bei den Thermopylen, nutzte die Größe ihrer Streitmacht auf dem ungangbaren Terrain wenig.

Die Osmanen in der Flaschenhalsöffnung

Am 10. Januar lag schwerer weißer Nebel über dem Tal und dem Morast. Nieselregen fiel und die ermüdeten Truppen der Osmanen hörten zunächst nur die Trompeten der Moldawier. Suleiman, der glaubte es auf der anderen Seite mit der versammelten Streitmacht der Christen zu tun zu haben, befahl den sofortigen Angriff. Aber in dieser Flaschenhalsöffnung konnte sich die osmanische Übermacht nicht richtig entfalten und nur kleine und mittelgroße Kontingente erreichten überhaupt die andere Seite, wo jedoch nicht die Moldawier warteten, sondern eine Mulde. Darüber standen die Kanonen und Schützenkompanien der christlichen Armee, welche von dort aus ein Taubenschießen eröffneten und die Fußtruppen der Osmanen regelrecht massakrierten. Von den Hilferufen der Fußtruppen erschrocken, befahl der Pascha seine schwere Kavallerie über die Brücke, welche daraufhin kollabierte und viele Reiter mit in den Tod riss.

Bogenschützen und Kanoniere ließen große Salven auf die völlig desorientierten Infanteristen der Osmanen niedergehen, welche sich daraufhin bestürzt über das flache Marschland zur Flucht wandten. Von der Unübersichtlichkeit der Lage überfordert, versäumte der Pascha die Tatsache, dass überall um ihn herum die christlichen Streiter bereits im Hinterhalt lagen. In den Wäldern, Mooren und Binsenfeldern hatten sich die Ritter und Bauernsoldaten von Stefan versteckt gehalten. Auf das Zeichen des Königs hin, begann der Angriff von allen Seiten. Vier Tage lang fochten die beiden Armeen im Schneeregen und Frost, ehe die osmanische Streitmacht die chaotische Flucht antrat.

45.000 getötete Osmanen

Wo die Formation der Osmanen nicht völlig aufgelöst war, bestand noch Hoffnung auf Überleben. Andernorts hatten die Scherenschnitte der Christen tiefe Wunden in das Gefüge der muslimischen Armee geschnitten. Die gesamte Streitmacht des Sultans zerfiel vor seinen Augen in unzählige kleine Teile, die ziellos durch die Wälder irrten und versuchten ihr nacktes Leben zu retten. Wer versuchte zu flüchten, wurde oft von den Rittern seiner Majestät erschlagen. Wer blieb und weiterkämpfte, konnte nicht in kleiner Gruppe gegen die geordneten Verbände der Christen bestehen.

Polnische Quellen sprechen von 45.000 getöteten Osmanen und nur wenigen tausend toten Koalitionstruppen. Ganze Wälder von aufgespießten Leibern der gefallenen Muslime sollen aufgesteckt worden sein. Der erste große, ja womöglich größte Sieg bis dato, sollte die Osmanen abschrecken und ihnen die Lust an der Eroberung ein wenig verderben.

Bild: Battle of Cecora during the Polish-​Ottoman wars

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