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mercredi, 16 juillet 2014

Raymond De Becker, intellectuel réprouvé

 

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Raymond De Becker, intellectuel réprouvé

par Marc Laudelout

Becker_jpg.jpgAlors que Raymond De Becker (1912-1969) vivait misérablement à Paris après la guerre, on l’aurait bien étonné si on lui avait dit qu’il ferait l’objet d’un colloque universitaire dans son pays, une quarantaine d’années après sa mort. Ce sont les actes de ce colloque qui sont édités aujourd’hui. Qui était Raymond De Becker et quel lien (indirect) avec Céline ? Ce journaliste belge, auteur du mémoriel Livre des Vivants et des Morts (1942), dirigea le quotidien Le Soir durant l’Occupation. Raison pour laquelle il fut lourdement condamné à la Libération. En mars 1941, il participa, aux côtés d’Édouard Didier, à la fondation des Éditions de la Toison d’Or derrière lesquelles se trouvait le groupe de presse allemand Mundus qui dépendait du Ministère des Affaires Étrangères allemand. Entre 41 et 44, la Toison d’Or publiaune centaine de titres dont une majorité d’ouvrages de fiction. Les essais historiques et politiques étaient sélectionnés par De Becker, les œuvres de fiction par Édouard et Lucienne Didier. En mai 1944, cette maison d’édition publia, en accord avec Robert Denoël, Guignol’s band, avec cette bande, fort recherchée par les collectionneurs : « Une révolution littéraire » (voir ci-contre). Dans les années 80, un célinien a dépouillé l’intégralité de la presse francophone belge des années d’occupation ¹. Dont le quotidien Le Soir  que De Becker dirigea jusqu’en septembre 1943. Le 29 octobre 1940, Le Soir publie en première page une lettre ouverte, « Céline, vous aviez raison », rédigée par Edmond Nasy, jeune journaliste rexiste bientôt en rupture de ban avec le chef du mouvement. C’est également dans Le Soir que Louis Carette, futur Félicien Marceau de l’Académie française, publia plusieurs chroniques littéraires. Ainsi, le 22 avril 1941, il met en parallèle le succès de Céline avec le rejet de la littérature de type symboliste. Curieusement la sortie des Beaux draps ne donna lieu à aucun compte rendu. Trois ans plus tard, Guignol’s band n’est pas davantage commenté. Pire : en juillet 1944, le journaliste Paul Modave dénonce l’aspect « décadent » de l’œuvre célinienne. À cette période, Raymond De Becker a rompu depuis un an avec la Collaboration, justifiant sa décision par l’incertitude manifestée par Degrelle de s’attacher à défendre une structure étatique belge. Mais De Becker ne fut pas que l’un des chefs de file de la collaboration intellectuelle durant la seconde Occupation allemande en Belgique. C’est tout son itinéraire qui est retracé, en plusieurs contributions distinctes, dans ce passionnant volume : d’abord sa jeunesse catholique (qui le fit côtoyer Henry Bauchau et Hergé) ; puis sa période activiste où il milite pour un régime autoritaire, corporatiste et régionaliste de type médiéval, suivie de son engagement neutraliste, puis collaborationniste ;  son séjour helvétique après sa détention et la découverte de la psychanalyse jungienne ; enfin sa participation à la maison d’édition Planète et sa revue éponyme fondées par Louis Pauwels. Recueil foisonnant qui constitue, comme l’écrivent justement les préfaciers, « une utile porte d’entrée pour aborder des thèmes aussi variés que le corporatisme, le non conformisme, l’européisme, la collaboration, l’épuration, la psychanalyse ou l’ésotérisme. »

 Marc LAUDELOUT

 

Olivier DARD, Étienne DESCHAMPS et Geneviève DUCHENNE (dir.), Raymond De Becker (1912-1969). Itinéraire et facettes d’un intellectuel réprouvé, P.I.E. Peter Lang, coll. « Documents pour l’histoire des francophonies », n° 32, 2013, 409 p. (50,30 €).

Note:

1. Marc Laudelout, « Céline dans la presse belge de l’Occupation (1940-1944) »,  Tout Céline, 5 , À la Sirène[Liège], 1990, pp. 137-149.

lundi, 14 juillet 2014

1914-1918 : LA FIN D’UN MONDE

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1914-1918 : LA FIN D’UN MONDE

par Alain Cagnat

Ex: http://www.terreetpeuple.com

« Deux armées qui se battent, c’est une grande armée qui se suicide. » (Henri Barbusse)

2008 : nous allons bientôt célébrer le 90ème anniversaire de l’armistice du 11 novembre 1918. Mais c’est aussi l’année où le dernier Poilu allemand s’est éteint. Clin d’œil du destin : le dernier Poilu français a eu l’élégance de ne lui survivre que quelques semaines. Bien sûr, il reste quelques survivants italiens, anglais ou russes, mais il est très symbolique que les deux derniers « fraternels adversaires » se soient suivis de si près dans la tombe. Il s’agit d’abord ici de rendre hommage à tous ces combattants européens. Une ou plutôt deux générations sacrifiées sur l’autel de l’aveuglement des politiques. Nous ferons largement appel aux récits de ceux qui ont vécu l’enfer des tranchées, quelle que soit leur sensibilité : communiste, pacifiste, catholique, nationaliste, fasciste ; l’un était provençal, l’autre était prussien… peu importe, tous appartenaient à ce peuple d’Europe qu’on a assassiné. Nous laisserons donc une large place aux citations de ces hommes, empreintes d’une brutale beauté. Mais c’est aussi un événement aux conséquences incommensurables, puisqu’il a provoqué non seulement la ruine de l’Europe, mais aussi son affaiblissement définitif. On relira également à ce sujet l’excellent ouvrage de Dominique Venner, Le Siècle de 1914. Enfin, c’est une terrible leçon pour les hommes d’aujourd’hui : tout peut recommencer, tout recommencera sans doute, demain…

LES DERNIERS JOURS DU VIEUX MONDE

Comment a-t-on pu en arriver là ? Il est certain qu’aucun des protagonistes du déclenchement du conflit n’avait imaginé le déroulement de cette guerre et l’effondrement du vieux monde qu’il engendrerait. S’ils avaient su… En ce début de XXème siècle, l’Europe n’a jamais été aussi puissante. Dans les décennies précédentes, elle a fini de se partager le monde. Dans les domaines intellectuel, scientifique, technique, militaire, commercial, bancaire, elle règne en maître. Toutes les anciennes puissances impériales sont à ses pieds : la Chine, le Japon… De l’autre côté de l’Atlantique, un géant est en train de s’éveiller, mais peu y font attention ; seule l’Espagne l’a vérifié à ses dépens pour avoir été la première puissance européenne vaincue par une nation non européenne et avoir ainsi perdu ses possessions nord-américaines (1898). Personne, non plus, ne s’est inquiété de la défaite de la Russie face au Japon (1904). Pour tous les Européens, l’Europe reste l’omphalos, le nombril du monde. Le réveil sera terrible.

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La Grande-Bretagne est encore la première puissance mondiale. Les Anglais rêvent d’un monde dominé par eux ; s’ils échouent, le témoin ne tardera pas à être passé aux cousins d’Amérique. L’Allemagne est la nation qui monte en puissance, dans tous les secteurs, ce qui ne laisse pas d’inquiéter les Anglo-Saxons. L’Autriche-Hongrie se voit bien affaiblie par les tendances centrifuges des peuples qui la composent. Quant à la Russie, atteinte par sa défaite contre le Japon, elle est en pleine évolution, mais le temps joue contre elle. Tout ce petit monde se connaît bien : rois et empereurs ont des liens de parenté : Guillaume II n’est-il pas le neveu d’Edouard VII ?

Parmi les Etats qui comptent en ce début de XXème siècle, il faut ajouter l’Empire ottoman, à l’agonie, dont le dépeçage vient de commencer avec les guerres balkaniques. Enfin, il y a la France, une anomalie dans cette Europe monarchiste et impériale. Une France qui exporte son idéologie égalitaire depuis qu’elle a décapité son roi, une idéologie mortifère pour l’Europe de la volonté de puissance. Une France arrogante, sûre de sa supériorité intellectuelle sur ces Etats aux « régimes du passé. » C’est enfin une France qui supporte mal la comparaison avec son rival oriental. Si les niveaux démographique et économique des deux Etats étaient équivalents en 1870, la population allemande dépasse celle de la France de 55% en 1914 (68 millions contre 40) ; quant au PIB, il a triplé en Allemagne et seulement doublé en France pendant ce même demi-siècle. Sur le plan militaire, les forces françaises et allemandes semblent s’équilibrer : 30 000 officiers et 750 000 soldats de part et d’autre, mais la puissance militaire et industrielle allemande est bien supérieure à celle de la France. Les événements le confirmeront : « Du haut d’une colline, j’avais vu l’armée française déployée dans la plaine sous de vagues canonnades comme une vieille anecdote, oubliée longtemps par le Temps et soudain reprise par lui pour être sévèrement liquidée. Cette armée qui déployait partout ses rubans bleu et rouge rappelait les tableaux de bataille peints vers 1850. Archaïque, ahurie, prise en flagrant délit d’incurie et de jactance, essayant vaguement de crâner, pas très sûre d’elle. J’avais vu passer des généraux, l’air triste, suivis de cuirassiers, conçus par leurs pères pour mourir à quelque Reichshoffen. En face, on ne voyait rien, les Allemands se confondaient avec la Nature ; je trouvais que cette philosophie avait du bon» (Pierre Drieu la Rochelle, La Comédie de Charleroi).

Ces grandes puissances se concurrencent, mais qui penserait que ces querelles de famille vont dégénérer dans l’abomination ? Des crises, il y en a eu tout au long de cette fin du XIXème et de ce début du XXème, mais elles ont été résolues par la diplomatie, avant qu’il ne soit trop tard : le camouflet de Fachoda subi par la France face à l’Angleterre (1898), les rivalités coloniales entre la France et l’Allemagne (crises de Tanger en 1905 et d’Agadir en 1911). Mais les ambitions autrichiennes et russes se heurtent dans les Balkans ; la tension y est avivée par les guerres balkaniques de 1912-1913. Et il y a surtout le contentieux franco-allemand lié à l’annexion de l’Alsace et de la Lorraine par l’Allemagne. Un peu plus de quarante années à seriner à deux ou trois générations la haine de l’autre : « Et la Revanche doit venir, lente peut-être, mais en tout cas fatale, et terrible à coup sûr ; la haine est déjà née et la force va naître ; c’est au faucheur de voir si le champ n’est pas mûr. » (Paul Déroulède). Le Kaiser est persuadé que « la France veut la guerre » et le pangermanisme est en fleurs. La Russie veut la destruction de l’Autriche-Hongrie au nom du panslavisme. La Grande-Bretagne veut réduire cette Allemagne qui lui fait de l’ombre. Depuis quelques années, toutes les puissances renforcent leur armement. Des alliances parfois contre nature se sont nouées : la Triple Entente qui réunit une France et une Angleterre réconciliées, ainsi que la Russie, pourtant jugée inconciliable avec la seconde ; d’autre part, la Triplice où l’on trouve côte à côte l’Allemagne, menacée à l’Est comme à l’Ouest, l’Autriche-Hongrie et l’Italie, ces dernières ayant pourtant des intérêts rivaux dans les Balkans. Finalement tous veulent la guerre : il suffira d’une étincelle.

LES EUROPEENS APPRENNENT LE NOM DE SARAJEVO

 

fantassin1914.jpgC’est à Sarajevo, l’ancienne capitale de la Roumélie assujettie aux Turcs, qu’elle se produit. L’Autriche avait reçu la tutelle sur la Bosnie-Herzégovine par le traité de San Stefano en 1878. En 1908, elle a mis l’Europe devant le fait accompli en l’annexant purement et simplement. Acte inadmissible pour les nationalistes serbes. Le 28 juin 1914, un exalté, Gavrilo Princip, assassine l’archiduc François-Ferdinand, l’héritier de la couronne, sur un pont de Sarajevo. L’incident aurait pu en rester là ou n’avoir que des conséquences restreintes ; au pire, l’Autriche aurait pu avoir, de la part des autres puissances continentales, l’autorisation de « punir » la Serbie... Mais cela, la Russie n’en veut à aucun prix. Et l’effrayante logique des alliances internationales va transformer cet attentat somme toute anodin en détonateur de la Première Guerre mondiale. « En cet été 1914, l’équilibre fragile et compliqué de l’Europe, les combinaisons des chancelleries et les calculs des hommes politiques ont été emportés en quelques instants par le complot d’un obscur groupuscule d’officiers et d’adolescents d’un lointain pays balkanique, qui ne savaient rien de la politique mondiale et ne voulaient qu’une chose : assouvir leur haine de l’Empire austro-hongrois » (Dominique Venner).

Quelques esprits lucides comme Jean Jaurès, Joseph Caillaux ou le maréchal Lyautey, s’opposent à cette guerre dont ils pressentent qu’elle ne sera pas une guerre comme les autres. Ils prêchent dans le désert. En Allemagne, le chancelier Bethmann-Hollweg, et en Autriche, le Premier ministre de Hongrie, le comte Tisza, se révèlent tout aussi impuissants à enrayer le cours des événements. Face à eux, les va-t-en guerre sont bien plus entreprenants, en particulier en Russie et en Autriche-Hongrie : Nicolas II, poussé par son ministre des Affaires étrangères, Sazonov, décidé à détruire l’Autriche-Hongrie ; l’Empereur autrichien François-Joseph, âgé de 84 ans et manipulé par le Premier ministre autrichien, Berchtold. Ils ne sont pas les seuls : en France, Poincaré y voit l’occasion de venger l’humiliation de 1870 ; en Allemagne, Guillaume II écoute aussi les avis bellicistes du général von Moltke et du grand état-major.

Tout au long du mois de juillet, le destin de l’Europe reste comme suspendu. Les hommes de bonne volonté finiraient-ils par l’emporter ? Hélas, le 28, l’Autriche déclare la guerre à la Serbie ; le 30, la Russie mobilise. Jaurès est assassiné par Raoul Villain le 31. A ses funérailles, Léon Jouhaux, patron de la CGT, déclare : « Acculés à la lutte, nous nous levons pour repousser l’envahisseur, pour sauvegarder le patrimoine de civilisation et d’idéologie généreuse que nous a légué l’Histoire. » Répliquant à la Russie, l’Allemagne mobilise le 31 juillet et lui déclare la guerre le 1er août. La France l’imite : « La mobilisation n’est pas la guerre », déclare hypocritement celui qu’on surnomme « Poincaré-la-Guerre ». Et L’Humanité, le journal de Jaurès, écrit : « Des entrailles du peuple, comme des profondeurs de la petite et de la grande bourgeoisie, des milliers de jeunes gens, tous plus ardents les uns que les autres, quittant leur famille, sans faiblesse et sans hésitation, ont rallié leurs régiments, mettant leur vie au service de la Patrie en danger.» L’Allemagne attaque simultanément la Belgique et la France le 3. La Grande-Bretagne rentre dans cette danse macabre le 5. « Mais songe donc que nous sommes presque tous du peuple et en France aussi la plupart des gens sont des manœuvres, des ouvriers et des petits employés. Pourquoi donc un serrurier ou un cordonnier français voudrait-il nous attaquer ? Non, ce ne sont que les gouvernements. Je n’ai jamais vu un Français avant de venir ici, et il en est de même de la plupart des Français en ce qui nous concerne » (Erich Maria Remarque, A l’Ouest, rien de nouveau).

LA GRANDE ILLUSION

Dans chaque camp, on est persuadé que les combattants – forcément victorieux – seront rentrés pour l’hiver. Ce sera une partie de plaisir. Guillaume II lui-même parle d’une « guerre courte, fraîche et joyeuse. » Les Français crient : « A Berlin ! » et les Allemands « Nach Paris ! » On ose : « Ca doit être superbe, une charge, hein ? Toutes ces masses d’hommes qui marchent comme à la fête ! Et le clairon qui sonne dans la campagne… et les petits soldats qu’on ne peut retenir et qui crient : « Vive la France ! » ou bien qui meurent en riant !...» (Henri Barbusse, Le Feu).

Les hommes ne sont pas résignés, ils n’ont pas l’esprit munichois avant la lettre, le pacifisme les dégoûte : « Jamais tant d’hommes à la fois n’avaient dit adieu à leur famille et à leur maison pour commencer une guerre les uns contre les autres. Jamais non plus des soldats n’étaient partis pour les champs de bataille, mieux persuadés que l’affaire les concernait personnellement » (Jules Romains, Les hommes de bonne volonté). Seuls les paysans, normands, souabes ou moujiks, porteurs du bon sens de la terre, savent que déjà ils vont manquer les moissons, et que le pire est sans doute à venir… « Les fleurs, à cette époque de l’année, étaient déjà rares ; pourtant on en avait trouvé pour décorer tous les fusils du renfort et, la clique en tête, entre deux haies muettes de curieux, le bataillon, fleuri comme un grand cimetière, avait traversé la ville à la débandade. Avec des chants, des larmes, des rires, des querelles d’ivrognes, des adieux déchirants, ils s’étaient embarqués » (Roland Dorgelès, Les Croix de Bois). D’autres pleurent déjà une Europe qui se meurt : « J’entendais les explosions de la chimie au fond de ces souterrains, de ce labyrinthe commun, où cinq cents Normands et cinq cents Saxons – gens de même race, sans doute, o patries abusivement partagées – se rejoignaient et se mêlaient » (Drieu la Rochelle).

Nul n’imagine que le progrès technique a définitivement périmé les guerres de soldats au profit des guerres de masses et de matériel et des boucheries sanguinaires. La Guerre de Sécession a pourtant fait 630 000 morts en quatre ans aux Etats-Unis ! « Les hommes n’ont pas été humains, ils n’ont pas voulu être humains. Ils ont supporté d’être inhumains. Ils n’ont pas voulu dépasser cette guerre, rejoindre la guerre éternelle, la guerre humaine. Ils ont raté comme une révolution. Ils ont été vaincus par cette guerre. Et cette guerre est mauvaise, qui a vaincu les hommes. Cette guerre moderne, cette guerre de fer et non de muscles. Cette guerre de science et non d’art. Cette guerre d’industrie et de commerce. Cette guerre de bureaux. Cette guerre de journaux. Cette guerre de généraux et non de chefs. Cette guerre de ministres, de chefs syndicalistes, d’empereurs, de socialistes, de démocrates, de royalistes, d’industriels et de banquiers, de vieillards et de femmes et de garçonnets. Cette guerre de fer et de gaz. Cette guerre faite par tout le monde, sauf par ceux qui la faisaient. Cette guerre de civilisation avancée » (Drieu la Rochelle).

fantassin-tenue-de-combat-1914.jpgLe plan allemand, initié par le feld-maréchal comte von Schlieffen, prévoit de tourner les forces défensives françaises par la Belgique puis de fondre sur Paris. Il est en effet indispensable de remporter rapidement la victoire sur le front occidental pour pouvoir se retourner ensuite contre les Russes. En quelques semaines, les six armées allemandes bousculent les forces françaises sur plusieurs centaines de kilomètres. La route de Paris semble ouverte. Mais lors d’un sursaut extraordinaire, les Français s’arc-boutent sur la Marne et stoppent les Allemands, arrachant au général von Moltke cet aveu : « Que des hommes, après avoir battu en retraite pendant dix jours, couchant sur le sol, épuisés de fatigue, puissent être capables de reprendre le fusil et d’attaquer quand sonnent les clairons, c’est une chose que nous n’avions jamais envisagée, une éventualité que l’on n’étudiait pas dans nos écoles de guerre. » Le Kronprinz, dans une déclaration aussi prémonitoire que pathétique, s’inquiète : « A la bataille de la Marne, s’accomplit le tragique destin de notre peuple ». Maurice Barrès lui répond : « C’est l’éternel miracle français, le miracle de Jeanne d’Arc… » Le 11 septembre, il est clair que les Français ont gagné la bataille de la Marne. Le « coup de faux » prévu par les Allemands a échoué, et avec lui la guerre-éclair qui devait libérer le front Ouest. La course à la mer qui la suit finit de figer les positions. Non, aucun soldat ne sera de retour dans ses foyers pour Noël : il y aura bien d’autres Noël de boue et de sang… « Avec mon harnais sur le dos, avec toutes ces annexes de cuir et de fer, j’étais couché dans la terre. J’étais étonné d’être ainsi cloué au sol ; je pensais que ça ne durerait pas. Mais ça dura quatre ans. La guerre aujourd’hui, c’est d’être couché, vautré aplati. Autrefois, la guerre c’étaient des hommes debout. La guerre d’aujourd’hui, ce sont toutes les postures de la honte » (Drieu la Rochelle).

Les bilans commencent à être vertigineux : lors de la bataille d’Ypres, du 13 au 25 octobre, tombent 100 000 Français et Anglais et 130 000 Allemands ! Au 31 décembre 1914, sur le seul front occidental, Français, Anglais et Belges ont déjà perdu un million d’hommes, et les Allemands 700 000. « Le matin est gris ; lorsque nous sommes partis, c’était encore l’été et nous étions cent cinquante hommes. Maintenant nous avons froid ; c’est l’automne ; les feuilles bruissent, les voix s’élèvent d’un ton las : « Un, deux, trois quatre… » Et après le numéro trente-deux, elles se taisent. Il se produit un long silence, avant qu’une voix demande : « Y a-t-il encore quelqu’un ? » Puis elle attend et dit tout bas : « Par pelotons ! » Cependant elle s’arrête et ne peut achever que péniblement : « Deuxième compagnie… deuxième compagnie, pas de route, en avant ! » Une file, une brève file tâtonne dans le matin. Trente-deux hommes » (Remarque).

« LAISSEZ ICI TOUTE ESPERANCE » (Ernst Jünger)

Les tranchées: « Ils sont sales les boyaux, pleins de tous ces débris abominables que la guerre accumule aussitôt qu’elle est là : boîtes de conserve, bras, fusils, sacs, caisses, jambes, merdes, culots d’obus, grenades, chiffons et même des papiers » (Drieu la Rochelle). « Cet asile s’enfonce, ténébreux, suintant et étroit comme un puits. Toute une moitié en est inondée – on y voit surnager des rats – et les hommes sont massés dans l’autre moitié. […] S’asseoir ? Impossible. C’est trop sale, là-dedans : la terre et les pavés sont enduits de boue, et la paille disposée pour le couchage est tout humide à cause de l’eau qui s’y infiltre et des pieds qui s’y décrottent. De plus, si l’on s’assoit, on gèle, et si on s’étend sur la paille, on est incommodé par l’odeur du fumier et égorgé par les émanations ammoniacales » (Barbusse).

Le froid : « Quand on sort du gourbi, le froid vous mordille le menton, vous pique le nez comme une prise, il vous amuse. Puis il devient mauvais, vous grignote les oreilles, vous torture le bout des doigts, s’infiltre par les manches, par le col, par la chair, et c’est de la glace qui vous gèle jusqu’au ventre » (Dorgelès). Et la pluie : « C’est un dur effort, lorsqu’on sait, comme nous, l’accroissement que la pluie apporte avec elle : les vêtements lourds ; le froid qui pénètre avec l’eau ; le cuir des chaussures durci ; les pantalons qui plaquent contre les jambes et entravent la marche ; le linge, au fond du sac, le précieux linge propre qui délasse dès qu’on l’a sur la peau, irrémédiablement sali, transformé peu à peu en un paquet innommable sur lequel des papiers, des boîtes de conserve ont bavé leur teinture ; la boue qui jaillit, souillant le visage et les mains ; l’arrivée barbotante ; la nuit d’insuffisant repos, sous la capote qui transpire et glace au lieu de réchauffer ; tout le corps raidi, les articulations sans souplesse, douloureuses ; et le départ, avec les chaussures de bois qui meurtrissent les pieds comme des brodequins de torture » (Maurice Genevoix, Ceux de 14).

Les mouches et les poux : « On traverse des multitudes de mouches qui, accumulées sur les murs par couches noires, s’éploient en nappes bruissantes lorsqu’on passe. - Ca va recommencer comme l’année dernière !... Les mouches à l’extérieur, les poux à l’intérieur » (Barbusse). Les rats et les corbeaux : « Les rats venaient les renifler. Ils sautaient d’un mort à l’autre. Ils choisissaient d’abord les jeunes sans barbe sur les joues. Ils reniflaient la joue, puis ils se mettaient en boule et ils commençaient à manger cette chair d’entre le nez et la bouche, puis le bord des lèvres, puis la pomme verte de la joue. De temps en temps ils se passaient la patte dans les moustaches pour se faire propres. Pour les yeux, ils les sortaient à petits coups de griffes, et ils léchaient le trou des paupières, puis ils mordaient dans l’œil, comme dans un petit œuf, et ils le mâchaient doucement, la bouche de côté en humant le jus. […] Le corbeau poussait le casque ; parfois, quand le mort était mal placé et qu’il mordait la terre à pleine bouche, le corbeau tirait sur les cheveux et sur la barbe tant qu’il n’avait pas mis à l’air cette partie du cou où est le partage de la barbe et du poil de la poitrine. C’était là tendre et tout frais, le sang rouge y faisait encore la petite boule. Ils se mettaient à becqueter là, tout de suite, à arracher cette peau, puis ils mangeaient gravement en criant de temps en temps pour appeler les femelles » (Jean Giono, Le grand Troupeau).

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La misère : « Plus que les charges qui ressemblent à des revues, plus que les batailles visibles déployées comme des oriflammes, plus même que le corps à corps où l’on se démène en criant, cette guerre, c’est la fatigue épouvantable, surnaturelle, et l’eau jusqu’au ventre, et la boue et l’ordure et l’infâme saleté. C’est les faces moisies et les chairs en loques et les cadavres qui ne ressemblent même plus à des cadavres, surnageant sur la terre vorace. C’est cela, cette monotonie infinie de misères, interrompue par des drames aigus, c’est cela, et non pas la baïonnette qui étincelle comme de l’argent, ni le chant de coq du clairon au soleil ! » (Barbusse). La peur : « Cet homme avait eu peur. Comme il avait eu peur. Comme j’avais eu peur, moi aussi. Comme nous avions eu peur. Quelle peur énorme, gigantesque, s’était accroupie et tordue sur ces faibles collines. Quelle immense femelle, possédée d’un aveu cynique, obscène, hystérique, délirant, s’était formée, au revers de Thiaumont, au creux de Fleury, de toutes nos peurs d’hommes accroupis, prosternés, vautrés, incrustés dans la terre gelée, fermentant dans nos sueurs, nos fanges, nos saignements. Comme cette femelle avait gémi et hurlé ! » (Drieu la Rochelle).

L’enfer : « Nos jambes se dérobent ; nos mains tremblent ; notre corps n’est plus qu’une peau mince recouvrant un délire maîtrisé avec peine et masquant un hurlement sans fin qu’on ne peut retenir. Nous n’avons plus ni chair, ni muscles ; nous n’osons plus nous regarder, par crainte de quelque chose d’incalculable. Ainsi nous serrons les lèvres, tâchant de penser : cela passera… Cela passera… Peut-être nous tirerons-nous d’affaire » (Remarque). Le déluge de fer : « C’était un déchaînement inattendu, épouvantable. L’homme au moment d’inventer les premières machines avait vendu son âme au diable et maintenant le diable le faisait payer. Je regarde, je n’ai rien à faire. Cela se passe entre deux usines, ces deux artilleries. L’infanterie, pauvre humanité mourante, entre l’industrie, le commerce, la science. Les hommes qui ne savent plus créer des statues, des opéras, ne sont bons qu’à découper du fer en petits morceaux. Ils se jettent des orages et des tremblements de terre à la tête, mais ils ne deviennent pas des dieux. Et ils ne sont plus des hommes » (Drieu la Rochelle). L’obus : « La terre s’est ouverte devant moi. Je me sens soulevé et jeté de côté, plié, étouffé et aveuglé à demi dans cet éclair de tonnerre… Je me souviens bien pourtant : pendant cette seconde où, instinctivement, je cherchais, éperdu, hagard, mon frère d’armes, j’ai vu son corps monter, debout, noir, les deux bras étendus de toute leur envergure, et une flamme à la place de la tête ! » (Barbusse). Les gaz : « Une attaque de gaz, qui vient par surprise, en emporte une multitude. Ils ne se sont même pas rendu compte de ce qui les attendait. Nous trouvons un abri rempli de têtes bleuies et de lèvres noires. Dans un entonnoir, ils ont enlevé trop tôt leurs masques. Ils ne savaient pas que dans les fonds le gaz reste plus longtemps ; lorsqu’ils ont vu que d’autres soldats au-dessus d’eux étaient sans masque, ils ont enlevé les leurs et avalé encore assez de gaz pour se brûler les poumons. Leur état est désespéré ; des crachements de sang qui les étranglent et des crises d’étouffement les vouent irrémédiablement à la mort » (Remarque). Les emmurés vivants : « L’univers éclata. L’obus arriva et je sus qu’il arrivait. Enorme, gros comme l’univers. Il remplit exactement un univers fini. C’était la convulsion même de cet univers. […] Et la porte s’était effondrée et la chambre était devenue un sépulcre vivant. Tous les hommes assis en rond s’étaient dressés à mon cri, car j’avais hurlé. Un cri, un aveu épouvantable m’avait été arraché qui les épouvanta, dit-on, plus que l’obus. Les hommes se ruèrent vers le point où avait été la porte et où maintenant se dressait un mur noir. Ils me passèrent sur le corps, ils me piétinèrent sauvagement. Me piétiner les consolait d’être emmurés. Nous étions emmurés » (Drieu la Rochelle).

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L’attaque : « La compagnie entière était entassée là, grand bouclier vivant de casques rapprochés, devant quatre échelles grossières. La couverture roulée, pas de sac, l’outil au côté : « Tenue de gala », avait blagué Gilbert. A notre droite, empilée dans la même parallèle, une compagnie d’un régiment de jeunes classes venait de mettre baïonnette au canon. Toutes les sapes, toutes les tranchées étaient pleines, et de se sentir ainsi pressés, reins à reins, par centaines, par milliers, on éprouvait une confiance brutale. Hardi ou résigné, on n’était plus qu’un grain dans cette masse humaine. L’armée, ce matin-là, avait une âme de victoire » (Dorgelès). Les corps à corps : « Ce fut un massacre à l’arme blanche, la dégoûtante besogne d’assassins qui surinent dans le dos » (Genevoix). La relève : « Pauvres semblables, pauvres inconnus, c’est votre tour de donner ! Une autre fois, ce sera le nôtre. A nous demain, peut-être, de sentir les cieux éclater sur nos têtes s’ouvrir sous nos pieds, d’être assaillis par l’armée prodigieuse des projectiles, et d’être balayés par des souffles d’ouragan cent mille fois plus forts que l’ouragan » (Barbusse).

Le fer et le feu broient les pauvres chairs des hommes : « Nous voyons des gens à qui le crâne a été enlevé, continuer de vivre ; nous voyons courir des soldats dont les pieds ont été fauchés ; sur leurs moignons éclatés, ils se traînent en trébuchant jusqu’au prochain trou d’obus ; un soldat de première classe rampe sur ses mains pendant deux kilomètres en traînant derrière lui ses genoux brisés ; un autre se rend au poste de secours, tandis que ses entrailles coulent par-dessus ses mains qui les retiennent ; nous voyons des gens sans bouche, sans mâchoire inférieure, sans figure ; nous rencontrons quelqu’un qui, pendant deux heures, tient serrée avec les dents l’artère de son bras, pour ne point perdre tout son sang ; le soleil se lève, les obus sifflent ; la vie s’arrête» (Remarque). « La douleur l’avait engourdi et il ne sentait plus ses membres ni sa tête, il ne sentait que sa blessure, la plaie profonde qui lui fouillait le ventre. […] Il n’avait pas encore osé toucher sa blessure, cela lui faisait peur, et sa main s’écartait de son ventre, pour ne pas sentir, pour ne pas savoir. […] Enfin, il se dompta et, la bande prête, résolument il toucha la plaie. C’était au-dessus de l’aine gauche. Sa capote était déchirée et, sous ses doigts craintifs, il ne sentait rien qu’une chose gluante. Lentement, pour ne pas souffrir, il déboucla son ceinturon, ouvrit sa capote et son pantalon, puis il essaya de soulever sa chemise. Ce fut horrible, il lui sembla qu’il allait s’arracher les entrailles, emporter sa chair… Torturé, il s’arrêta, sa main posée sur sa peau nue. Il sentit quelque chose de tiède qui, doucement, lui coulait le long des doigts. […] La pluie ruisselait en pleurs le long de ses joues amaigries. Puis deux lourdes larmes coulèrent de ses yeux creux : les deux dernières » (Giono). « Chauvin était renversé sur le dos au fond du trou, cassé, plié sur son ventre ; il regardait ce morceau de ciel bleu. Ses yeux étaient comme de la pierre. Il pataugeait à deux mains dans son ventre ouvert, comme dans un mortier. Ses poings faisaient le moulin ; ses tripes attachaient ses poignets. Il s’arrêta de crier. Il était tout empêtré dans ses tripes, et en raidissant ses bras, il les tira comme ça en dehors de son ventre » (Dorgelès). « Un petit convoi approchait. Il y avait cinq ou six hommes autour d’un brancard que deux hommes portaient sur leurs épaules. Un affreux gémissement vint au-dessus de moi, se jeta sur moi. Les hommes avaient un air épouvanté. Comme j’arrivais près d’eux, ils s’arrêtèrent et déposèrent le brancard. Ce fut l’occasion d’un affreux long hurlement – puis une série de cris, de gémissements, de protestations, de supplications. […] Je m’approchai avec crainte. Alors je le vis… Je n’avais pas vu ça depuis deux ans. Et c’était dans la plus horrible manière de cette sacrée nature. Un beau jeune homme, un grand corps, un officier, ce bras avec ce bracelet d’or. Et un visage arraché. Arraché. Une bouillie. Il n’avait plus d’yeux, plus de nez, plus de bouche. Et il était vivant, bien vivant ; sans doute vivrait-il. […] Et lui, il tournait sa face de tous côtés, avec son habitude de voir. Il y avait là quelque part dans cette surface énorme, dans ce chaos de viandes, une double habitude de voir qui nous cherchait » (Drieu la Rochelle).

Même les morts ne connaissent aucune délivrance : « En touchant du pied ce fond mou, un dégoût surhumain me rejeta en arrière, épouvanté. C’était un entassement infâme, une exhumation monstrueuse de Bavarois cireux sur d’autres déjà noirs, dont les bouches tordues exhalaient une haleine pourrie ; tout un amas de chairs déchiquetées, avec des cadavres qu’on eût dits dévissés, les pieds et les genoux complètement retournés, et pour les veiller tous, un seul mort resté debout, adossé à la paroi, étayé par un monstre sans tête. Le premier de notre file n’osait pas avancer sur ce charnier : on éprouvait comme une crainte religieuse à marcher sur ces cadavres, à écraser du pied ces figures d’hommes » (Dorgelès). « Les morts bougeaient. Les nerfs se tendaient dans la raideur des chairs pourries et un bras se levait lentement dans l’aube. Il restait là, dressant vers le ciel sa main noire toute épanouie ; les ventres trop gonflés éclataient et l’homme se tordait dans la terre, tremblant de toutes ses ficelles relâchées. Il reprenait une parcelle de vie. Il ondulait des épaules, comme dans sa marche d’avant. […] Et les rats s’en allaient de lui. Mais, ça n’était plus son esprit qui faisait onduler ses épaules, seulement la mécanique de la mort, et au bout d’un peu, il retombait immobile dans la boue. Alors les rats revenaient » (Giono). « Il en est qui montrent des faces demi-moisies, la peau rouillée, jaune avec des points noirs. Plusieurs ont la figure complètement noircie, goudronnée, les lèvres tuméfiées et énormes : des têtes de nègres soufflées en baudruche. […] Plus loin, on a transporté un cadavre dans un état tel qu’on a dû, pour ne pas le perdre en chemin, l’entasser dans un grillage de fil de fer qu’on a fixé ensuite aux extrémités d’un pieu. Il a été ainsi porté en boule dans ce hamac métallique, et déposé là. On ne distingue ni le haut, ni le bas de ce corps ; dans le tas qu’il forme, seule se reconnaît la poche béante d’un pantalon. On voit un insecte qui en sort et y rentre. […] L’homme est sur le ventre ; il a les reins fendus d’une hanche à l’autre par un profond sillon ; sa tête est à demi retournée ; on voit l’œil creux et sur la tempe, la joue et le cou, une sorte de mousse verte a poussé. […] A côté des têtes noires et cireuses de momies égyptiennes, grumeleuses de larves et de débris d’insectes, où des blancheurs de dents pointent dans des creux ; à côté de pauvres moignons assombris qui pullulent là, comme un champ de racines dénudées, on découvre des crânes nettoyés, jaunes, coiffés de chéchias de drap rouge dont la housse grise s’effrite comme du papyrus. […] Je cherche les traits de l’un d’eux : depuis les profondeurs de son cou jusqu’aux touffes de cheveux collés au bord de son calot, il présente une masse terreuse, la figure changée en fourmilière – et deux fruits pourris à la place des yeux. L’autre, vide, sec, est aplati sur le ventre, le dos en loques quasi flottant, les mains, les pieds et la face enracinés dans le sol. […] Un feldwebel est assis, appuyé aux planches déchirées qui formaient, là où nous mettons le pied, une sorte de guérite de guetteur. Un petit trou sous l’œil : un coup de baïonnette l’a cloué aux planches par la figure. Devant lui, assis aussi, les coudes sur les genoux, les poings au cou, un homme a tout le dessus du crâne enlevé comme un œuf à la coque… A côté d’eux, veilleur épouvantable, la moitié d’un homme est debout : un homme, coupé, tranché en deux depuis le crâne jusqu’au bassin, est appuyé, droit, sur la paroi de terre. On ne sait pas où est l’autre moitié de cette sorte de piquet humain dont l’œil pend en haut, dont les entrailles bleuâtres tournent en spirale autour de la jambe » (Barbusse).

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Les animaux n’échappent pas à cette folie : « Les cris continuent. Ce ne sont pas des êtres humains qui peuvent crier si terriblement. Je n’ai encore jamais entendu crier des chevaux et je puis à peine le croire. C’est toute la détresse du monde. C’est la créature martyrisée, c’est une douleur sauvage et terrible qui gémit ainsi… Quelques uns continuent de galoper, s’abattent et reprennent leur course. L’un d’eux a le ventre ouvert ; ses entrailles pendent tout du long. Il s’y entrave et tombe, mais pour se relever encore… On peut dire que nous sommes tous capables de supporter beaucoup ; mais en ce moment, la sueur nous inonde. On voudrait se lever et s’en aller n’importe où pourvu qu’on n’entende plus ces plaintes. Et pourtant ce ne sont pas des êtres humains, ce ne sont que des chevaux » (Remarque).

Le chagrin et la pitié : « Quand Wedelstädt vit tomber cet homme, le dernier de sa compagnie, il s’appuya la tête au rebord de la tranchée et se mit à pleurer. Lui non plus ne devait pas survivre à ce jour » (Jünger). « Autour de lui, avec ses yeux vitreux qui semblaient se refuser à la vision précise des choses, il avait vu ses trois mille camarades du départ disparaître par masses ou paquets, jusqu’au dernier, et les avait vu remplacer par d’autres dont la plupart n’avaient fait aussi que passer, en route pour l’hôpital ou la mort, puisque quinze mille hommes avaient roulé à travers nos trois mille numéros matricules » (Drieu la Rochelle). « Et jusqu’à la nuit, je fume, je fume, pour vaincre l’odeur épouvantable, l’odeur des pauvres morts perdus par les champs, abandonnés par les leurs, qui n’ont même pas eu le temps de jeter sur eux quelques mottes de terre, pour qu’on ne les vît pas pourrir » (Genevoix). « Il allait encore pleuvoir ; le jour était d’une blancheur livide qui aveuglait. A terre, des lambeaux de pluie traînaient en flaques jaunâtres que le vent fripait, et quelques gouttes espacées y faisaient des ronds. La pluie n’espérait pourtant pas laver cette boue, laver ces haillons, laver ces cadavres ? Il pourrait bien pleuvoir toutes les larmes du ciel, pleuvoir tout un déluge, cela n’effacerait rien. Non, un siècle de pluie n’effacerait pas ça » (Dorgelès). « En même temps que le jour, montait au-delà du désert le roulement sourd d’un grand charroi. C’étaient ces fleuves d’hommes, de chars, de canons, de camions, de charrettes qui clapotaient là-bas dans le creux des coteaux ; les grands chargements de viande, la nourriture de la terre » (Giono). « On oubliera. Les voiles de deuil, comme des feuilles mortes, tomberont. L’image du soldat disparu s’effacera lentement dans le cœur consolé de ceux qu’ils aimaient tant. Et tous les morts mourront une seconde fois. Non, votre martyre n’est pas fini, mes camarades, et le fer vous blessera encore, quand la bêche du paysan fouillera votre tombe. […] Je songe à vos milliers de croix de bois, alignées tout le long des grandes routes poudreuses, où elles semblaient guetter la relève des vivants, qui ne viendra jamais faire lever les morts […] Combien sont encore debout, des croix que j’ai plantées ? Mes morts, mes pauvres morts, c’est maintenant que vous allez souffrir, sans croix pour vous garder, sans cœur pour vous blottir. Je crois vous voir rôder, avec des gestes qui tâtonnent, et chercher dans la nuit éternelle tous ces vivants ingrats qui déjà vous oublient » (Dorgelès).

Des ennemis ? non, des frères : « Les occupants des tranchées des deux partis avaient été chassés par la boue sur leurs parapets, et il s’était déjà amorcé, entre les réseaux de barbelés, des échanges animés, tout un troc d’eau-de-vie, de cigarettes, de boutons d’uniforme et d’autres objets. […] Nous commençâmes à parlementer en anglais, puis, un peu plus couramment, en français, tandis que les hommes de troupe alentour prêtaient l’oreille. […] Mais nous bavardâmes longtemps encore sur un ton où s’exprimait une estime quasi sportive, et pour finir, nous aurions volontiers échangé des cadeaux en souvenir. Pour en revenir à une situation sans équivoque, nous nous déclarâmes solennellement la guerre sous trois minutes à compter de la rupture des négociations » (Jünger). « A la jumelle, je vois sur un chemin deux blessés qui se traînent, deux Français. Un des uhlans les a aperçus. Il a mis pied à terre, s’avance vers eux. Je suis la scène de toute mon attention. Le voici qui les aborde, qui leur parle ; et tous les trois se mettent en marche vers un gros buisson voisin de la route, l’Allemand entre les deux Français, les soutenant, les exhortant sans doute de la voix. Et là, précautionneusement, le grand cavalier gris aide les nôtres à s’étendre. Il est courbé vers eux, il ne se relève pas. Je suis sûr qu’il les panse » (Genevoix).

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L’HOLOCAUSTE EUROPEEN

Au début de la guerre, les états-majors des deux camps n’ont aucune considération pour la vie de leurs hommes, comme Joffre : « A ce jeu, il était certain que nous nous userions ; mais l’ennemi s’userait aussi, et toute la question était de mener nos affaires avec sagesse pour pouvoir durer plus que lui. A la guerre, ce sont les derniers bataillons qui emportent la victoire. » Autrement dit, s’il ne doit rester qu’un survivant, il suffira qu’il soit français… Nos généraux ne connaissent que l’attaque à tout prix, qui voit les Poilus à pantalon garance se faire hacher par les mitrailleuses allemandes soigneusement enterrées : 40 000 tués fin août pendant l’offensive française en Lorraine. Nivelle se révèlera un élève zélé de Joffre. Une seule stratégie : le « grignotage », ou comment gagner quelques centaines de mètres (vite reperdus) au prix de centaines de morts et parfois de centaines de milliers de morts ! « Là, sur notre sol, dans un pays évolué, de vieille civilisation, a eu lieu l’un des massacres les plus abominables de l’histoire de l’humanité. Et nous avons accepté de rentrer dans cette barbarie » (Marc Dugain). Il faudra que des régiments se mutinent, non par peur, défaitisme ou pacifisme, mais simplement parce qu’il était devenu insupportable de continuer ces boucheries inutiles. Le général Pétain mettra fin à celles-ci et ramènera l’ordre et le calme dans les unités au prix de 49 exécutions.

Pétain, c’est l’homme de Verdun. Verdun, c’est non seulement une bataille, mais c’est un sanctuaire : « Tous vinrent à Verdun comme pour recevoir je ne sais quelle suprême consécration. Ils semblaient par la Voie Sacrée monter pour un offertoire sans exemple à l’autel le plus redoutable que jamais l’homme eût levé » (Paul Valéry). Il faut savoir que 66 des 95 divisions françaises se battirent à tour de rôle à Verdun, pour tenir, tenir coûte que coûte. Les deux tiers des soldats français y ont peu ou prou combattu. Le chef d’état-major allemand, le général Falkenhayn, avait voulu Verdun pour « saigner la France à blanc ! » Erreur funeste, les deux peuples s’avérèrent incapables de se départager, 21 millions d’obus déversés par les Français, 22 par les Allemands. Même dans le décompte des morts : 163 000 Gaulois et 143 000 Germains ! Au total, près d’un million de morts et de blessés ! « Plus d’arbres, plus de maisons, plus d’animaux à cinq lieues à la ronde. Des divisions détruites avant d’arriver en première ligne. […] Or, il y avait déjà pour les siècles dans ce paysage de Verdun une mélancolie irrésistible. Ces vues immenses, ces échappées sans fin entre des masses immobiles et résistantes, et vers la droite au-delà de la Meuse, cette immense fuite d’horizon. Et autour de nous, plus près, ces pentes émaciées, ces hérissements à ras de terre de souches noires, ce million de cadavres sous nos pieds, ce cinquième hiver qui commençait, ce délire soudain qui m’avait ramené à ces lieux que j’avais fuis à jamais, ce délire qui semblait la fatalité masquée – tout cela poussait un grand cri » (Drieu la Rochelle). Henry de Montherlant écrira plus tard : « Les hommes de Verdun s’étaient rassemblés sur cette étroite bande de sol pour y verser comme de l’eau, le plus pur de leur vie, puis leur vie ; ils avaient fait d’elle une matière sensible, imbibée d’âme comme certain marbre l’est de lumière, plus vivante avec sa croûte de morts qu’aucun des lieux où la vie pullule. »

Chaque peuple eut droit à son sanctuaire. Pour les Allemands, ce fut Langemarck, où combattirent Jünger et Hitler. Le bulletin de l’armée du 11 novembre 1914 est ainsi rédigé : « Les régiments de jeunes ont donné l’assaut à l’ouest de Langemarck contre les premières lignes ennemies et les ont vaincues en chantant « Deutschland, Deutschland über alles ! » Il fallait sublimer cet événement : 145 000 jeunes Teutons y tombèrent pour que le mythe puisse exister : « Il n’y a de bonheur que dans la guerre sacrificielle » (Theodor Körner). Pour les Anglais, ce fut la Somme où, le 1er juillet 1916, en quelques heures, 60 000 hommes sur 100 000 furent mis hors de combat par les Allemands solidement retranchés. En quelques jours, les pertes, morts et blessés confondus, y furent de 420 000 Anglais, 200 000 Français et 440 000 Allemands. Pour quelques centaines de mètres pris à l’ennemi !

imag0473.jpgAuparavant, il y avait eu l’aventure des Dardanelles (1915) et le désastre de Gallipoli : 145 000 Français et 225 000 Anglo-Saxons liquidés. Le coût de l’offensive française en Champagne et en Artois (1914-1915) est de 600 000 morts ; pour rien ou si peu : la seconde des trois batailles de Vimy a permis de « grignoter » 2,5 km aux Allemands au prix de 95 000 morts ! Autrichiens et Italiens laissent 300 000 soldats lors des douze batailles de l’Isonzo, dont l’unique objet était de prendre le contrôle du port de Trieste. L’inutile boucherie du Chemin des Dames couche 200 000 morts de part et d’autre. Et combien d’autres terres de souffrance disséminées aux quatre coins de l’Europe, car le front oriental et le front méridional (Balkans) affichent des bilans tout aussi effroyables : les Serbes perdent ainsi 200 000 des leurs dans les montagnes enneigées d’Albanie… « Je fis avancer les chefs de groupes au rapport et appris que nous comptions encore soixante-trois hommes. C’est avec plus de cent cinquante que j’étais parti la veille au soir, plein d’entrain » (Jünger).

La Première Guerre mondiale a causé la mort de 9 millions d’hommes ; les blessés, mutilés, invalides représentent à peu près le double. « … Non, on ne peut pas se figurer. Toutes ces disparitions à la fois excèdent l’esprit. Il n’y a plus assez de survivants. Mais on a une vague notion de la grandeur de ces morts. Ils ont tout donné ; ils ont donné, petit à petit, toute leur force, puis, finalement, ils se sont donnés, en bloc. Ils ont dépassé la vie : leur effort a quelque chose de surhumain et de parfait » (Barbusse). De tous les belligérants exténués, la France est la plus touchée : 1,5 million de morts (15% des soldats, 22% des officiers), 3,5 millions de blessés dont 900 000 mutilés et invalides. Oui, la France a bien été saignée à blanc. Le quart nord-est du pays est ravagé : 2,4 millions d’hectares sont devenus impropres aux cultures, 9 300 usines sont détruites. La Grande Faux se montrera vraiment insatiable, puisque la grippe espagnole tuera encore 20 millions de personnes en Europe en quelques mois.

UNE NOUVELLE RACE D’HOMMES

« Je crois que cette guerre est un défi lancé à l’époque et à chaque individu. L’épreuve du feu va nous obliger à mûrir, à devenir des hommes, des hommes capables d’affronter les événements prodigieux des années à venir » (Otto Braun, engagé volontaire en 1914). Cette guerre fut en effet une « rude école » : « Le front attire invinciblement parce qu’il est, pour une part, l’extrême limite de ce qui se sent et se fait. Non seulement on y voit autour de soi des choses qui ne s’expérimentent nulle part ailleurs, mais on y voit affleurer en soi un fond de lucidité, d’énergie, de liberté, qui ne se manifeste guère ailleurs dans la vie commune» (Teilhard de Chardin).

Une nouvelle race d’hommes est ainsi née dans l’enfer des tranchées et a pour origine la camaraderie des combattants. Ernst Jünger lui a consacré un ouvrage, La Guerre comme aventure intérieure. Remarque a également décrit ce phénomène : « Nous devînmes durs, méfiants, impitoyables, vindicatifs, brutes et ce fut une bonne chose. Nous ne fûmes pas brisés, bien au contraire, nous nous adaptâmes. Mais le plus important ce fut qu’un ferme sentiment de solidarité pratique s’éveilla en nous, lequel au front, donna naissance ensuite à ce que la guerre produisit de meilleur : la camaraderie. » Plus loin : « Brusquement une chaleur extraordinaire m’envahit. Ces voix, ces quelques paroles prononcées bas, ces pas dans la tranchée derrière moi m’arrachant tout d’un coup à l’atroce solitude de la crainte et de la mort à laquelle je me serais presque abandonné. Elles sont plus que ma vie, ces voix ; elles sont plus que la présence maternelle et que la crainte ; elles sont ce qu’il y a au monde de plus fort et de plus efficace pour vous protéger : ce sont les voix de mes camarades. »

Car ces hommes ont franchi des frontières qui sont devenues totalement incompréhensibles pour la majorité de nos contemporains : « Quand je demandai des volontaires, j’eus la surprise de voir – car nous étions tout de même à la fin de 1917 – se présenter dans presque toutes les compagnies du bataillon près des trois quarts de l’effectif » (Jünger). « Avec mes hommes, nous nous élancions le long de ce bois où la plupart d’entre nous seraient enterrés, dans ce bois devenu aujourd’hui, pour quelques années, un charmant cimetière » (Drieu la Rochelle). La mort, n’est plus pour eux, source d’effroi ; ils l’ont tellement côtoyée qu’ils l’ont apprivoisée : « La mort avait perdu ses épouvantes, la volonté de vivre s’était reportée sur un être plus grand que nous, et cela nous rendait tous aveugles et indifférents à notre sort personnel. […] Le no man’s land grouillait d’assaillants qui, soit isolément, soit par petits paquets, soit en masses compactes, marchaient vers le rideau embrasé. Ils ne couraient pas, ni ne se planquaient quand les immenses panaches s’élevaient au milieu d’eux. Pesamment, mais irrésistiblement, ils marchaient vers la ligne ennemie. Il semblait qu’ils eussent cessé d’être vulnérables. […] Quand nous avançâmes, une fureur guerrière s’empara de nous, comme si, de très loin, se déversait en nous la force de l’assaut. Elle arrivait avec tant de vigueur qu’un sentiment de bonheur, de sérénité me saisit » (Jünger). Cet élan et cette fureur sont également décrits par Drieu la Rochelle : « Nous nous regardâmes avec plaisir, avec confiance. Nous nous reconnaissions comme des braves, comme de ceux qui sont le sel d’une armée. Et chacun devenait encore plus brave en regardant l’autre. Et si nous regardions autour de nous, notre courage méprisait et menaçait toutes ces peurs qui s’aplatissaient sur le sol autour de nous. […] Nous criions. Qu’est-ce que nous criions ? Nous hurlions comme des bêtes. Nous étions des bêtes. Qui sautait et criait ? La bête qui est dans l’homme, la bête dont vit l’homme. La bête qui fait l’amour et la guerre et la révolution. »1418dardanelles.jpg

Ces hommes se donnent des chefs, qu’ils choisissent en fonction de leurs qualités plutôt que de leurs galons : « Mais de même que je m’étais reconnu, ils se reconnaissaient en moi. Aussi étonnés que moi – non, tout de même plus étonnés que moi. Mais bientôt, ils couraient, comme s’ils n’avaient jamais été que cela, des nobles. La noblesse est à tout le monde. J’étais grand, j’étais immense sur ce champ de bataille. Mon ombre couvrait et couvre encore ce champ de bataille. Il y avait ainsi un héros tous les vingt kilomètres. Et c’est pourquoi la bataille ne mourait pas, mais rebondissait » (Drieu la Rochelle). Et quand les officiers tombent, il en est toujours pour prendre la relève : « Mais on ne voit plus le lieutenant. Plus de chefs, alors… Une hésitation retient la vague humaine qui bat le commencement du plateau. - En avant ! crie un soldat quelconque. Alors tous reprennent en avant, avec une hâte croissante, la course à l’abîme » (Barbusse).

Lorsque la fin de la guerre arrive, ils retournent dans un monde qui leur est devenu étranger. Ils ont connu l’amitié virile, découvert les satisfactions d’une communauté constructive et solidaire, développé un système de hautes valeurs, « la loi, la moralité, la vertu, la foi, la conscience » (Theodor Körner) et poussé le sens du devoir jusqu’au sacrifice suprême… Ils n’acceptent pas de vivre dans une société où les valeurs sont souvent inversées : intérêt, mesquinerie, mensonge, médiocrité, individualisme... Certains sombrent alors comme le capitaine Conan du roman éponyme de Roger Vercel : « Te rappelles-tu ce que je te disais à Gorna, qu’on était trois mille, au plus, à l’avoir gagnée, la guerre ?... Ces trois mille-là, t’en retrouveras peut-être parfois un ou deux, par-ci, par-là, dans un patelin ou un autre… Regarde-les bien, mon vieux Norbert : ils sont comme moi ! » Mais la plupart sont décidés justement à appliquer ce système de vertus propres à régénérer les individus et le pays : « C’était un idéal physique, esthétique et moral : force et courage s’allient aux proportions harmonieuses du corps et à la pureté de l’âme » (George L. Mosse, De la Grande Guerre au totalitarisme).

PLUS RIEN NE SERA JAMAIS COMME AVANT

« Et, des ruines de cette catastrophe qui accouchaient à la fois de la mondialisation américaine et des nihilismes socialistes (communisme et nazisme), l’Europe ne devait jamais se remettre » (Aymeric Chauprade). La Première Guerre mondiale est la matrice d’événements capitaux qui ont bouleversé l’Europe et même le monde. En premier lieu, les Allemands, après l’échec du plan Schlieffen, inversent le raisonnement. Pour affaiblir la Russie, ils lui inoculent le « bacille de la peste », en y acheminant Lénine jusqu’alors réfugié en Suisse. On connaît la suite : la victoire des bolcheviks, l’effondrement du front russe et la paix séparée de Brest-Litovsk. Plus tard, l’Allemagne en paiera le prix fort, qui sera quasiment détruite par l’URSS en 1944-1945, et dont la moitié sera occupée pendant 45 autres années. La moitié de l’Europe partagera l’addition pendant la même période.

Les survivants des tranchées, cette nouvelle race, ne peuvent que se lever contre la vermine rouge qui tente de conquérir le vieux monde et dont les valeurs sont aux antipodes de celles qu’ils exaltent : collectivisme, égalitarisme, étatisme. Cela commence par les Corps-Francs allemands du Baltikum et les Russes blancs de Dénikine, Koltchak et Wrangel. Mais les Alliés prennent peur d’un rétablissement de la Russie aristocratique et d’une éventuelle alliance entre celle-ci et une Allemagne revancharde. Ils leur préféreront les bolcheviks, avec les conséquences que l’on sait. Mais le fascisme – ou plutôt les fascismes, dont le nazisme - éclot dans tous les pays menacés par les communistes. Idéologie de « l’énergie vitale », il est avant tout une réaction contre la gangrène marxiste. Pour preuve, en Espagne, qui était restée à l’écart du premier conflit du siècle, le phalangisme et le franquisme se sont développés en réaction contre les Rouges du Frente Popular.

La Grande-Bretagne, réfugiée dans son île d’où elle croit diriger encore le monde, échappe à ce phénomène. La France également, mais pour d’autres raisons : si elle est sortie victorieuse du conflit, elle est aussi épuisée. Elle a trop souffert : les femmes qui, pendant des années, ont remplacé les hommes dans les champs comme dans les usines, y ont en quelque sorte pris le pouvoir : elles éduquent leurs enfants dans la haine de la guerre. Les Français se repaissent dans les délices médiocres du Front populaire et ne voient pas arriver la tragédie. Liquidée en quelques jours en juin 1940, la France ne se relèvera jamais de cette affreuse honte.

Il faut aussi parler des traités infâmes qui ont redessiné l’Europe : la culpabilisation des vaincus (« la victoire de la civilisation sur l’empire du Mal », déjà), l’humiliation de l’Allemagne, le démantèlement de l’Autriche-Hongrie, la création d’une multitude d’Etats ingérables, aux innombrables minorités, comme la Yougoslavie et la Tchécoslovaquie, qui ne suscitent que haine et frustration. C’est l’œuvre des démocrates Wilson, Lloyd George, Clemenceau… mus par une haine féroce à l’égard de l’ancien monde. Ce dernier n’a-t-il pas déclaré en préambule à Versailles : « L’heure de notre lourd règlement de comptes est venu » ? C’est tout dire. Ce sont eux qui ont labouré et ensemencé les champs de la Seconde Guerre mondiale. Ce ne sont pas des héros, ce sont les responsables de dizaines de millions de morts ! Ainsi, l’Europe sera une nouvelle fois emportée dans un conflit apocalyptique, dont le bilan sera de plus de 50 millions de victimes. Le fascisme, et avec lui le nazisme, disparaîtront dans les ruines de Berlin. Et avec eux, la vieille Europe, cette Europe qu’on avait crue éternelle. Il faudra attendre encore 45 ans pour que le communisme sombre également.

Maintenant que se sont évanouies les idéologies dites totalitaires, il faut remonter à la Première Guerre mondiale pour comprendre les clés de la situation actuelle. La Grande Guerre marque l’intrusion des Etats-Unis d’Amérique dans la politique européenne. Ce sont les Européens qui les ont appelés à l’aide. Lloyd George et Wilson exaltaient « l’amitié, les liens du sang, les mêmes idéaux et un destin commun » entre leurs deux pays. Mais cet allié providentiel, dont l’entrée en guerre, avec son inépuisable réservoir industriel et humain, est décisive, a l’étreinte du python : « Cet appel à l’arbitrage des Etats-Unis revient à confier le sort de l’Europe à la grande puissance qui s’était édifiée dans le rejet de sa tradition historique » (Dominique Venner). A travers ses « Quatorze Points », Wilson impose à l’Europe, au moins à l’état embryonnaire, l’universalisme, le libéralisme, la mondialisation, l’anti-colonialisme, la religion des droits de l’homme, thèmes hérités du Siècle des Lumières et revus par le messianisme protestant des Anglo-Saxons. En bref, un poison mortel pour l’Europe.

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Pour achever ce réquisitoire, on rappellera les mots de Romain Rolland, alors trop âgé pour être mobilisé : « Cette jeunesse avide de se sacrifier, quel but avez-vous offert à son dévouement magnanime ? L’égorgement mutuel de ces jeunes héros ! La guerre européenne, cette mêlée sacrilège, qui offre le spectacle d’une Europe démente, montant sur le bûcher et se déchirant de ses mains comme Hercule ! Ainsi les trois plus grands peuples d’Occident, les gardiens de la civilisation, s’acharnent à leur ruine et appellent à la rescousse les Cosaques, les Turcs, les Japonais, les Cinghalais, les Soudanais, les Sénégalais, les Marocains, les Egyptiens, les Sikhs et les Cipayes. » Quelle lucidité ! Pourquoi les Européens ont-ils introduit dans leurs jeux guerriers les peuples qu’ils avaient soumis aux quatre coins de la planète ? Non seulement, c’était injuste : qu’avaient-ils à faire de nos querelles, et quel prix ont-ils dû payer ? Qui plus est, ce crime contre ces peuples qui n’avaient rien demandé marqua le début des mouvements de libération coloniale. Le retour de manivelle est si fort, qu’après une décolonisation lamentable, ce sont les peuples d’Europe qui agonisent sous le poids de leurs anciennes assujettis : immigration massive, métissage, islamisation. Le pire est à venir.

Erich Maria Remarque demandait des comptes aux responsables de cette horreur : « Que feront nos pères si, un jour, nous nous levons et nous nous présentons devant eux pour réclamer des comptes ? Qu’attendent-ils de nous lorsque viendra l’époque où la guerre sera finie ? Pendant des années nous avons été occupés à tuer ; ça a été là notre première profession des l’existence. Notre science de la vie se réduit à la mort. Qu’arrivera-t-il donc après cela ? Et que deviendrons-nous ? » Nous aussi, nous leur demandons des comptes, à eux et à leurs successeurs, qui n’ont rien compris et qui ne comprennent toujours rien, pour tous les malheurs qu’ont connus les peuples d’Europe depuis ce funeste début de XXème siècle, et tout ce qu’ils vont encore endurer au cours de ce XXIème siècle. Parlera-t-on encore de « peuples d’Europe » lorsque celui-ci se finira ?

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Ne perdons cependant pas espoir : « Les jours, les semaines, les années de front ressusciteront à leur heure et nos camarades morts reviendront alors et marcheront avec nous. Nos têtes seront lucides, nous aurons un but et ainsi nous marcherons, avec, à côté de nous, nos camarades morts et, derrière nous, les années de front : nous marcherons… contre qui, contre qui ? » Ainsi s’exprimait Remarque. Il ne savait pas contre qui ; nous, depuis, nous avons appris.

Alain Cagnat

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Habsburg betekende meer voor de Zuidelijke Nederlanden dan Oranje

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Hoch Habsburg!

Habsburg betekende meer voor de Zuidelijke Nederlanden dan Oranje

door Xavier Everaert

Ex: http://www.doorbraak.be

Op de vooravond van 200 jaar Willem I houdt Xavier Everaert een betoog om de orangistische euforie te temperen.

Voor een groot deel van de Vlaamse Beweging is 2015 een feestjaar om reikhalzend naar uit te kijken. Ik grijp dit graag aan om, een discussie te openen die zich tegenwoordig enkel ontspint tussen pot en pint van het iets belezener segment van de Vlaamse Beweging. Een discussie die vroeger wel eens de ‘legitimistische versus ultralegitimistische kwestie’ werd genoemd. .

Voor de orangistische lezer wil ik beginnen met het werk van misschien wel Vlaanderens meest belezen orangist Karim Van Overmeire te prijzen. Zijn boek Het Verloren Vaderland, het Verenigd Koninkrijk der Nederlanden 1815-1830 (Uitgeverij Egmont, 2005) is een aanrader voor elke orangist, groot- en heel-Nederlander. Doch ben ik van mening dat de lofzang op het Verenigd Koninkrijk en in het bijzonder koning Willem eerder is ingegeven door een gevoel van overcompensatie en cognitieve dissonantie dan een historisch-feitelijke bilan. Willem was in geen geval de ‘bevrijder’ van de Zuidelijke Nederlanden en evenmin de wegbereider van de latere Belgische pioniersrol in de continentale industriële economische ontwikkeling. Een belangrijke periode die men, zeker in orangistische kringen, graag lijkt te vergeten is de belangrijke periode van autonomie die de Zuidelijke Nederlanden genoten tussen 1715 en 1790, onder de Oostenrijkse tak van de Habsburgers. Een betoog ter (her)waardering van de Oostenrijkse periode, in tijden van (nakende) oranjegekte.

Oostenrijkse Nederlanden

Als gevolg van de Spaanse Successieoorlog en de afkondiging van de Vrede van Utrecht van 1713 werden de Zuidelijke Nederlanden overgeheveld van de Spaanse naar de Oostenrijkse tak van de Habsburgers. De Franse pretendent Filips van Anjou werd door de Europese mogendheden erkend als de nieuwe legitieme vorst van Spanje, in ruil voor verzaking aan zijn aanspraken op de Franse troon en het verlies van de Spaanse gebieden in Italië en de Nederlanden. De Vrede van Utrecht was het sluitstuk van een grote pacificatiestrategie van de economische grootmachten Engeland en Nederland. Met de Engelse erkenning van Filips van Anjou werden de relaties met Spanje genormaliseerd en de dood van Lodewijk XIV in 1715 betekende ook meteen het einde van Franse oorlogszucht. De Nederlandse Republiek had aangestuurd op een buffer tussen Nederland en Frankrijk, zonder dat het zelf wou instaan voor de militaire implicaties daarvan. Bij een eventuele Franse inval wou de Republiek voornamelijk tijd kopen om zich te bewapenen. Een bevriende mogendheid die de militaire verdedigingsgordel die de Zuidelijke Nederlanden uiteindelijk moesten worden kon bekostigen, werd gevonden in Oostenrijk. De Oostenrijkse Habsburgers stonden niet te springen om de Zuidelijke Nederlanden over te nemen van de Spanjaarden. Meermaals hebben zij de Zuidelijke Nederlanden proberen betrekken in ruilovereenkomsten met de hertog van Savoye in 1720, en met de hertog van Beieren in 1778. Beide zonder succes. Laat nu net deze desinteresse een belangrijke rol gespeeld hebben in de economische ontwikkeling van de Zuidelijke Nederlanden in de 18e eeuw.

 

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Terwijl Oostenrijk zich bestuurlijk hervormde en een sterkere centralistische koers ging varen, genoten de Zuidelijke Nederlanden een tot dan toe ongekende autonomie. Dit stond uiteraard in schril contrast met de strategie van de Spaanse Habsburgers, die steeds een bikkelharde bedenpolitiek voerden en ongemeen harde represailles hadden genomen. Karel VI, die regeerde via landvoogdes Maria Elisabeth, schroefde de publieke uitgaven drastisch terug en zette duidelijk in op een verzoening met de Staten in de Zuidelijke Nederlanden. Karels non-interventiebeleid resulteerde in een sterke economische groei, na meer dan een halve eeuw economische terugval na de sluiting van de Schelde in 1648. Onder Karels opvolger Maria Theresia kenden de Zuidelijke Nederlanden hun grootste economische bloei sinds keizer Karel V, tot groot ongenoegen van de Engelsen. Engeland had met de toekenning aan Oostenrijk een totale militarisering van de Zuidelijke Nederlanden voor ogen. Een zwaarbewapende regio die élke mogendheid in Europa moest ontmoedigen om militaire actie tegen een andere mogendheid te ondernemen. Een grote blunder van Engeland. In 1722 werd de Oostendse Compagnie opgericht naar het model van de VOC, die toen al over haar hoogtepunt heen was. In de periode 1725-28 had de Oostendse Compagnie een marktaandeel van 58% in de West-Europese thee-invoer, en liet daarmee de VOC met 13% ver achter zich. De oprichting van de Oostendse Compagnie was in onmiddellijke overtreding van het Verdrag van Münster, dat Vlaamse overzeese handel ten stelligste had verboden, om zo de Nederlandse commerciële vloot te bevoordelen.

Handel en industrie

De Oostenrijkse periode was van vitaal belang voor de renaissance van de Vlaamse handelsgeest, die onder druk van de Republiek en Engeland sinds 1648 werd gefnuikt. Niet alleen de wedergeboorte als zeevarende natie, ook de aanleg van de verbeterde steenwegen kende haar hoogtepunt onder de Habsburgers, en niet – zoals vele orangisten beweren - onder Willem. Tijdens de Oostenrijkse periode werd maar liefst 2841 km wegen aangelegd in de Zuidelijke Nederlanden, waarvan het merendeel in het oude Graafschap Vlaanderen (1141 km)[1]; een veelvoud van de aanleg onder Willem (zelfs gecorrigeerd in de tijd). Vermeldenswaardig hierbij is dat van de traditionele centralistische planning van wegen in de Oostenrijkse periode geen sprake was. De wegenbouw was grotendeels een private aangelegenheid, en gericht op commercieel in plaats van militair transport. De ongeschiktheid van de ‘Belgische’ wegen voor militaire doeleinden zou honderd jaar later Napoleon duur komen te staan, terwijl het intensieve commerciële wegennet de weg zou vrijmaken voor het regionale specialistische wegennet, en dus een belangrijke verklarende factor is in het vraagstuk over de Belgische leidersrol in de continentale industrialisering. Ook de hardnekkige mythe van Willems rol in de aanleg van het kanaal Gent-Terneuzen moet tegen dit kritische licht gehouden worden: het kanaal werd uitgediept in de bestaande bedding van het kanaal Gent-Zelzate, dat door de Nederlandse blokkade van Zeeland een doorgang tot Terneuzen steeds in de weg had gestaan.

Dankzij de uitbouw van het wegennet en de afwezigheid van fysiocratische centrale planning, in schril contrast met de protectionistische politiek van Frankrijk en Engeland op dat moment, groeiden de Zuidelijke Nederlanden uit tot de belangrijkste uitvoerder van graan, tarwe, rogge en vlas van Europa[2]. Voor het eerst in de geschiedenis boekten de Zuidelijke Nederlanden een overschot op hun handelsbalans en behoorden hongersnoden definitief tot het verleden[3]. Engelands leidende rol in de industrialisering ging gepaard met een sterke bevolkingsgroei die het politieke draagvlak voor een protectionistisch landbouwbeleid aanzienlijk vergrootte. In 1757 werd de export van graan naar het continent vrijwel volledig opgeschort. Hiermee werd de Republiek plots geconfronteerd met een hardnekkig tekort aan landbouwproducten. Internationale handel, vooral over zee, was op dat moment erg duur geworden door het einde van de monopolistische vaarroutes, waardoor de handel over land steeds belangrijker werd. Hierdoor werden de Oostenrijkse Nederlanden de belangrijkste voedselleverancier van de Republiek. De enorme vraag vanuit de Republiek voor landbouwproducten uit de Zuidelijke Nederlanden zorgde voor een belangrijke en doorgedreven diversificatie van de Vlaamse en Waalse agrarische industrie[4]. De eigen bevolking ging ook steeds veel minder verbruiken onder invloed van de opkomende aardappelcultuur. De belangrijke economische verstrengeling tussen de Zuidelijke Nederlanden (producent) en de Republiek (consument) was de voornaamste garantie op vrede tussen beide gebieden tot 1830[5]. In dit opzicht is het ook niet verwonderlijk dat Lieven Bauwens in 1800 met de Mule Jenny naar Vlaanderen en niet naar Nederland kwam. De economische goederenstroom van Zuid naar Noord bleek ook een belangrijke doorslaggevende factor te zijn in de oprichting van de Société Générale in 1822.

Een niet onbeduidende kanttekening, zeker in het licht van de vermaledijde Brabantse Omwenteling: de populariteit van ‘Belgische’ producten op buitenlandse markten werd hevig tegengewerkt door de Staten, die zo goedkoop mogelijke prijzen nastreefden op de nationale markt, in overeenstemming met de protectionistische politiek van Engeland en Frankrijk[6].

De missers van keizer Jozef

De eerlijkheid gebiedt mij, ook als overtuigd ‘ultralegitimist’, een paragraaf te wijden aan de politieke missers van keizer Jozef, God hebbe zijn ziel, die in de tien woelige jaren voorafgaand aan de Brabantse Omwenteling, over onze gewesten regeerde. Inderdaad, keizer Jozef had de goede relaties tussen de ‘Belgen’ en de Oostenrijkse monarchie op enkele jaren tijd erg verzuurd. Zijn schromelijke onderschatting van de Roomse greep op de Zuidelijke Nederlanden en de macht van de Staten hebben tot de jammerlijke opstand geleid die wij vandaag kennen als de Brabantse Omwenteling, wat in feite niet meer was dan een opportunistisch los verbond tussen de verarmde clerus (de Vrede van Münster had hun rol als wereldlijke machthebbers aanzienlijk beperkt), de ambachten (wier rol in een groeiende en diversifiërende markt uitgespeeld leek) en de vrijmetselarij (Van der Noot, die tot de corrupte oligarchie van de ‘Zeven Geslachten van Brussel’ behoorde) in een wanhopige poging om hun greep op de samenleving opnieuw te verstevigen. Het verzet tegen Jozefs afschaffing van de Staten en de herroeping van de Blijde Inkomst moet tegen dit kritische licht gehouden worden: dit waren instituties die niet werden ontmanteld om de greep van de keizer op de Zuidelijke Nederlanden te verstevigen, maar om de Zuidelijke Nederlanden te wapenen tegen de nakende uitdagingen van de 19e eeuw: de industrialisering en het vrij ondernemerschap. Keizer Jozef was misschien wel politiek ongeletterd, economisch was hij een ongeëvenaarde visionair van het kaliber dat Vlaanderen nu zo hardnekkig ontbeert.

Toen keizer Jozef overleed in 1790, wist zijn broer keizer Leopold de vrede te herstellen. Op de Conventie van Den Haag verbond Oostenrijk er zich uitdrukkelijk toe om de autonomie van de Oostenrijkse Nederlanden te respecteren. Keizer Leopold, in al zijn goedheid, verleende de opstandelingen gratie en voerde een aantal belangrijke fiscale hervormingen door in 1790-‘91, voornamelijk de afschaffing van de accijnzen en een uniformering van de personele belasting en de zegelrechten, alsook de afschaffing van de lokale belastingen, de zogenaamde octrooien (stedelijke douanerechten).

'Brabantse' Omwenteling

Wanneer de Oostenrijkse Nederlanden in 1794 onder de voet werden gelopen door de Franse revolutionairen zagen de samenzweerders van de Brabantse omwenteling hun kans schoon om een onafhankelijk ‘België’ te stichten onder Franse voogdij, maar Napoleon weigerde de eis van de Comité des Belges et Liégeois Unis, en annexeerde de Zuidelijke Nederlanden bij Frankrijk. In 1797 erkenden de Oostenrijkers het verlies middels de Vrede van Campo Formio, en het jaar erop werden de accijnzen en de lokale belastingen die Leopold had afgeschaft terug ingevoerd.

Op het Congres van Wenen (1815) zetten de Britten hun verkeerde inschatting van 1713 recht en kenden ze de Zuidelijke Nederlanden toe aan Nederland. De Oostenrijkers, die geruïneerd uit de Napoleontische oorlogen kwamen, bleken niet in staat hun rol als ‘politieman van Europa’ naar behoren te vervullen, en werden vervallen verklaard van hun zeggenschap over de Zuidelijke Nederlanden.

Verenigd Koninkrijk der Nederlanden

Iets waar ik de orangisten binnen de Vlaamse Beweging op attent wil maken, is hun inconsistentie houding ten aanzien van de Belgische en de heel-Nederlandse kwestie. Artikel 1 van de Acht Artikelen van Londen bepaalde dat het nieuwe Verenigd Koninkrijk een unitaire natie zou zijn onder de bestaande Nederlandse grondwet. De stemming over die grondwet zou met een meerderheid in de Zuidelijke Nederlanden worden weggestemd, maar die stemming werd ongeldig verklaard, en de grondwet werd schaamteloos aangenomen. Terwijl de Zuidelijke Nederlanden 3,5 miljoen inwoners telde en de Noordelijke 2, werden de parlementaire zetels paritair verdeeld: 55 elk. Het Zuiden moest bijspringen in het afbetalen van de Nederlandse oorlogsschuld van 1726 miljoen gulden, een schuld waar het helemaal geen aandeel in heeft gehad. Drie op vier ambtenaren waren Noord-Nederlanders en alle publieke instellingen bevonden zich in het Noorden. Terwijl het Zuiden katholiek was, voorzag de Nederlandse grondwet de uitdrukkelijke bepaling dat de koning der Nederlanden nooit een katholiek kon zijn. Vijf op de zes legerofficieren kwamen uit het Noorden. Er was geen persvrijheid, althans niet voor de pers in het Zuiden, en geen godsdienstvrijheid of onderwijsvrijheid voor de katholieken. Ondanks het grote aandeel Franstalige Nederlanders, was de enige officiële landstaal Nederlands, en werden Franstalige medeburgers in het Nederlands berecht en door de overheid bediend. Willem weigerde de Zuidelijke vraag naar ministeriële verantwoordelijkheid in te willigen, waardoor parlementaire controle op de uitvoerende macht onmogelijk was. De Raad van State, op dat moment een adviesorgaan van Willem, kon wetgeving aannemen zonder parlementaire goedkeuring. De waslijst met voorbeelden van autocratische waanzin is vrijwel eindeloos, en het ondemocratische dna van het Verenigd Koninkrijk, waar menig orangist mee dweept, doet pijnlijk denken aan het België van heden.

In 1822 richtte Willem de Société Générale op. Officieel om de economie in het Zuiden te stimuleren.Mmaar zijn onorthodoxe praktijken – die vandaag zou worden gecatalogeerd onder de term ‘handel met voorkennis’ – kwam in feite neer op het verzekeren van noordelijke controle op de productie en investeringen in het Zuiden. Om het in hedendaagse termen te zeggen: een garantie op ‘transfers’ van Zuid naar Noord. Dit verklaart ook waarom amper Zuiderlingen intekenden op de aandelen van de Société Générale. Het latere België werd volledig afgesneden van de internationale kapitaalmarkt en zo in zijn industriële groei gefnuikt. De economische welvaart die de Zuidelijke Nederlanden onder de Oostenrijkse Habsburgers hadden opgebouwd na de economische isolatie sinds 1648, en de pioniersrol in de industrialisering die België via het Gent van Lieven Bauwens speelde rond 1800, werd onder Willem een halt toegeroepen en trok pas na de Belgische revolutie terug aan.

 

*

* *

 

Zo, een broodnodige kanttekening bij de nakende oranjegekte van 2015, die de Vlaamse Beweging ongetwijfeld in haar greep zal hebben, is bij deze geschetst. Laat dit vooral een aanzet zijn om het debat over de mythe van Willem te voeren, en de nodige caveats te plaatsen bij zijn hagiografie. Misschien kan dit wel een aansporing zijn om meer aandacht te besteden aan de Oostenrijkse periode, een belangrijk cesuur van vrede en voorspoed in de anders zo woelige en bloedige geschiedenis van de Zuidelijke Nederlanden.

Xavier Everaert is doctoraatsstudent in de rechtseconomie aan de Universiteit van Turijn.


[1] A.R.A., Raad van Financiën, nrs. 5748-5805.

[2] Algemeen Rijksarchief Brussel, Raad van Financiën, nrs. 5748-5805.

[3] E. Scholliers, De levensstandaard in de XVe en XVIe eeuw te Antwerpen, Antwerpen 1960.

[4] P. Lindemans, Geschiedenis van de landbouw in België, Brussel, 1852.

[5] J.A. Faver, Het probleem van de dalende graanaanvoer uit de Oostzeelanden in de tweede helft van de XVIIe eeuw, in AAG Bijdragen, nr. 9, Wageningen 1963, 3-28.

[6] A.R.A., Oostenrijkse Kanselarij der Nederlanden, nr. 505.

vendredi, 27 juin 2014

Une escroquerie: l’Union européenne, facteur de paix

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Une escroquerie: l’Union européenne, facteur de paix

Ex: http://www.blogapares

Par Ivan Blot sur La Voix de la Russie

Un mythe se porte bien : s’il n’y a pas eu de guerre majeure après 1945 en Europe, on le devrait à l’Union européenne. Cette légende a été sacralisée par l’octroi du prix Nobel de la Paix à l’Union européenne en 2012.
 

Or, chacun peut le vérifier : dans les compétences de l’Union européenne, il n’y a aucune compétence militaire ou de maintien de la paix. La paix en 1945 a été réalisée par un accord entre les deux principales puissances victorieuses de l’Allemagne nazie, les Etats-Unis et l’Union soviétique. C’est l’équilibre de la terreur produite par les stocks d’armes nucléaires américains et soviétiques qui a permis le maintien de la paix.

D’ailleurs, les pays demeurés en dehors de l’Union européenne comme la Suisse ou la Norvège n’ont pas été, qu’on le sache, facteurs de guerre.

La preuve que l’équilibre des forces militaires entre les Etats-Unis et l’URSS a été le facteur de paix déterminant en Europe a été faite lorsque l’URSS s’est effondrée. L’OTAN n’ayant plus de partenaire de même force face à elle en a profité pour entrer en guerre en Bosnie puis au Kossovo. L’UE n’a joué aucun rôle réel pour prévenir ces guerres.

Les réels héros de la paix en Europe ne sont pas les négociateurs européens Jean Monnet ou Robert Schuman mais les chefs de la résistance militaire contre le nazisme les généraux De Gaulle, Eisenhower, Montgomery ou Joukov. On voudrait effacer la mémoire de ces grands militaires au profit des  » pères de l’Union européenne  » que furent Robert Schuman et Jean Monnet.

Tout le monde ou presque a oublié que Robert Schuman, réformé de l’armée pour raison médicale, hostile à toute résistance (déclaration du 12 juin 1940) a voté les pleins pouvoirs au maréchal Pétain (dont il fut secrétaire d’Etat), comme parlementaire le 10 juillet 1940 et qu’il fut frappé d’une peine d’indignité nationale à la Libération.

Quant à Jean Monnet, négociant en cognac par héritage sans avoir eu le baccalauréat, réformé lui aussi, ennemi de De Gaulle (il écrit au conseiller de Roosevelt Harry Hopkins :  » de Gaulle est un ennemi du peuple français et de la construction européenne (…) il doit être détruit « ), il est un agent d’influence américain. Il a par ailleurs créé une banque américaine à San Francisco après s’être enrichi dans le commerce de l’alcool pendant la prohibition. Après la guerre il fait créer la  » haute autorité du charbon et de l’acier  » sur le modèle des agences fédérales américaines et dont il sera le président.

Un condamné à la Libération et un banquier américain enrichi sous la prohibition, comme patriotes français, on pouvait faire mieux !

S’il avait fallu faire confiance à ces deux pères de l’Europe qui n’ont jamais pris les armes contre les armées nazies, pour faire de la résistance, on aurait été fort déçus. Il aurait fallu pour Monnet attendre fin 1942 : jusque-là, les Etats-Unis de 1939 à fin 1942 (3ans) ont soutenu Vichy et ont maintenu un ambassadeur l’amiral Leahy. Pour eux, De Gaulle n’était pas juridiquement fréquentable.

Encore une fois, les pères de la Paix en Europe ont été concrètement les généralissimes qui ont vaincu Hitler et donc les armées nationales mues par le patriotisme. Les deux Etats qui ont vaincu Hitler, même si la France libre et le Royaume uni ont joué leur rôle, ne sont pas des Etats de la petite Europe : ce sont les USA et l’URSS. Ce n’est aucunement les institutions technocratiques européennes créées bien après la guerre qui ont maintenu la paix depuis lors en Europe. Le révisionnisme historique qu’on veut nous imposer en déclarant l’Union européenne prix Nobel de la Paix est inadmissible : c’est une escroquerie politique que tous les démocrates honnêtes se doivent de dénoncer.

Source: La Voix de la Russie

A lire également: «L’Europe de la paix», cette grande illusion

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jeudi, 26 juin 2014

Der vielleicht letzte Nolte

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Der vielleicht letzte Nolte

von Robin Classen

Ex: http://www.blauenarzisse.de 

Mit Ernst Nolte wagt einer der kontroversesten deutschen Historiker des 20. Jahrhunderts einen Rückblick auf sein Leben und Werk.

Der 1923 geborene Historiker und Philosoph gilt als Auslöser des Historikerstreits über die Bedeutung von Holocaust und Nationalsozialismus im Gefüge der (deutschen) Geschichte. Er erreichte internationale Bekanntheit durch sein in viele Sprachen übersetztes Werk Der Faschismus in seiner Epoche.

Ein Buch für bisherige Nolte-​Skeptiker

Rückblick auf mein Denken und Leben heißt das vielleicht letzte Buch des über Neunzigjährigen, in welchem er seine Erfahrungen mit dem Dasein als zeitlebens polarisierender Wissenschaftler niedergeschrieben hat. Wie ein roter Faden durchzieht das Buch das Vorhaben des Autors, seine Positionen, deren Entwicklung und sein Verhalten für den Leser nachvollziehbarer und verständlich zu machen. Man merkt, dass das Buch nicht unbedingt an seine größten Bewunderer, sondern viel eher an neutrale oder skeptische Verfolger seines Werkes gerichtet ist.

Ernst Nolte setzt wenig als bekannt voraus und erspart sich tiefgehende Abhandlungen in der Materie, sondern beschränkt sich auf die grundlegenden, einfachen Gedankengänge und Erlebnisse, die ihm den Impuls zum wissenschaftlichen Studium eines so kontroversen Phänomens wie dem Faschismus gegeben haben.

Parallelen von Nationalsozialismus und Kommunismus

Er beginnt mit einer Beschreibung seiner Kindheit. Er wuchs in bürgerlichen, katholischen Verhältnissen in der Nähe von Witten an der Ruhr auf. Sein Vater ließ durchaus Sympathien für den Kommunismus erkennen und war ein Gegner des Nationalsozialismus. Auf Grund von Berichten über die entwürdigende Behandlung von Priestern in der Sowjetunion schrieb Nolte schon in jungen Jahren eine polemische Schrift gegen den Bolschewismus, die er heute als sehr einfach, in der Stoßrichtung jedoch richtig beschreibt.

Eine einschneidende Erfahrung war für ihn die Deportation einer greisen Jüdin durch die SS, deren Zeuge er selbst wurde und welche ihn zur Erkenntnis brachte, dass auch der Nationalsozialismus in derselben Intensität abzulehnen sei wie der Kommunismus. Diese Erkenntnis war für Noltes spätere Positionen von wesentlicher Bedeutung: Er klassifizierte den Nationalsozialismus und den Kommunismus als sich ähnelnde Widerstandsbewegungen gegen die Moderne, deren Verbrechen in KZ und Gulag sehr wohl vergleichbar seien und bezeichnete den Faschismus als „linke Rechtspartei“.

Prägendstes Lebensereignis war der Historikerstreit

Der Zweite Weltkrieg ging an Nolte mehr oder minder spurenlos vorbei, da er aus gesundheitlichen Gründen und später aufgrund seiner akademischen Stellung nicht zum Wehrdienst herangezogen wurde. Nach dem Krieg prägte den Historiker die Bekanntschaft mit dem Philosophen Heidegger, zu dem er auch freundschaftliche Bande pflegte. Schon bald traf er im Rahmen seiner wissenschaftlichen Karriere an Universitäten auf die 68er, die einen erbitterten Krieg gegen ihn führten.

Nolte gründete mit anderen Wissenschaftlern schließlich den „Bund Freiheit der Wissenschaft“, in dem sie sich gegen geistige Zensur und Gesinnungsterrorismus der Neostalinisten aussprachen. Längst hatte Nolte nicht mehr nur Studenten zum Feind, sondern auch einflussreiche Personen wie den ehemaligen Vorsitzenden des Zentralrats der Juden, Ignatz Bubis, und andere Wissenschaftler wie Adorno. Daraus erwuchs schließlich der Historikerstreit, in welchem sich Nolte zusammen mit einigen weiteren Protagonisten einer schieren Übermacht an 68ern erwehrte, aber letztlich gegen den damaligen Zeitgeist unterlag.

Die geistige Emigration

In den 90ern wurde der Druck auf ihn schließlich so groß, dass er seine mittlerweile aufgebauten internationalen Verbindungen nutzte und geistig nach Italien und Frankreich emigrierte, wo der „deutsche Revisionist“ skurrilerweise auf mehr Resonanz stieß, als in der eigenen Heimat. Auch von einer Reise nach Asien berichtet Nolte mit Wohlwollen. Dort seien in Europa heikle Themen noch völlig normal diskutiert worden.

Schließlich überrascht Nolte mit der Feststellung, sein eigentliches Hauptwerk sei gar nicht Der Faschismus in seiner Epoche (1963), sondern das tiefergehende und weiter gefasste, aber weniger beachtete Buch Historische Existenz. Zwischen Anfang und Ende der Geschichte.

Auch wenn Rückblick auf mein Leben und Denken vornehmlich als Biographie zu verstehen ist, blitzen immer wieder Ansätze aus Noltes Arbeit und Denken hervor und er spart auch nicht mit politisch inkorrekten, konzentrierten Feststellungen. So verweist er auf den herannahenden Volkstod der europäischen Nationen und den Umstand, dass in Deutschland Geschichte per Gesetz festgelegt werde.

Gleichgewicht zwischen Freiheit und Gleichheit finden

Im letzten des in drei Teile unterteilten Werkes mit dem resignierenden Titel „Der Abschwung“ behandelt Nolte dann schließlich die heute besonders einflussreiche dritte Widerstandsbewegung gegen die Moderne in Form des politischen Islams. Der Nachwelt gibt Nolte auf der letzten Seite mit auf den Weg, dass der Universalismus sich zwar durchgesetzt habe, das Ziel aber seien müsse, zwischen Freiheit und Gleichheit ein Gleichgewicht zu finden, anstatt eines der beiden durch die Herrschaft einer totalitären Ideologie absolut zu setzen.

Als Schlusswort, das bezeichnend für das Lebenswerk Noltes ist, eignet sich aber vielmehr eine Feststellung aus einem Aufsatz von ihm, die auf Seite 142 wiedergegeben wird: In Deutschland sei die Wissenschaft zur Partei geworden und das sei der Tiefpunkt in der Geschichte eines Staates, in dem es keine Höhepunkte gegeben habe.

Ernst Nolte: Rückblick auf mein Denken und Leben. 272 Seiten, Lau Verlag 2014. 27,90 Euro.

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mercredi, 25 juin 2014

1914: pourquoi le suicide de l'Europe?...

1914: pourquoi le suicide de l'Europe?...

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Le huitième numéro hors-série de La Nouvelle Revue d'Histoire est en kiosque. Il est consacré au déclenchement de la première guerre mondiale à l'été 1914.

Au sommaire de ce numéro :

Éditorial : L'Eté tragique de 1914
Par Philippe Conrad

France-Allemagne, un antagonisme insurmontable
Par Philippe Conrad

La Grande Guerre est-elle née des réalités économiques?
Par Pascal Cauchon

Les impérialismes coloniaux fauteurs de guerre
Par RémyPorte

Une guerre née de l'engrenage des alliances ?
Par RémyPorte

La course aux armements en Europe de 1880 à 1914
Par Olivier Lahaie

La Royal Navy face au défi allemand
Par MartinMotte

Les états-majors ont-ils poussé à la guerre?
Par le généralAndré Bach

Sarajevo. L'attentat du 28 juin 1914
Par Frédéric Le Moal

Le gouvernement de Vienne face à la crise
Par Max Schiavon

Poincaré en Russie
Par Philippe Conrad

La Serbie en juillet 1914
Par Alexis Troude

Guillaume Il et l'Europe d'avant 1914
Par Henry Bogdan

Les hésitations britanniques face à la crise européenne
Par Gérard Hocmard

Août 1914. L'échec du pacifisme socialiste
Par Maurice Martin

Été 1914. La papauté face-à la guerre .
Par Martin Benoist

Exposition : 1914, 100 affiches pour un centenaire
ParVirginie Tanlay

La mémoire de la Grande Guerre
Entretien avec J. - P. Tubergue
Propos recueillis par V. Tanlay

La Grande Guerre dans les livres
ParJean Kappe
!

L’Echelle du monde de Patrick VERLEY

ESSAI SUR L'INDUSTRIALISATION DE L'OCCIDENT - L’Echelle du monde de Patrick VERLEY
ESSAI SUR L'INDUSTRIALISATION DE L'OCCIDENT
 
L’Echelle du monde de Patrick VERLEY
 
par Auran Derien
Ex: http://metamag.fr

Les plaisirs intellectuels de la société du spectacle sont rares. Il est difficile de lire une œuvre rédigée par un véritable Maître tant les animaux ont envahi le champ culturel. Le livre de Patrick Verley invite à penser avec prudence mais fermeté, à argumenter, à analyser avec finesse des données multiples, et finalement à rendre hommage à ceux qui gardent le cap de l’ancienne tradition érudite. 

Penser le processus d’industrialisation


Penser en Europe est devenu dangereux. Le renouveau de l’inquisition a perdu de réputation l’histoire, désormais lieu de la vérité révélée et donc légale. L’époque qui s’étend du XVIIIème siècle à 1880 - à peu près - connaît ses idéologues bornés malgré que le thème général soit l’étude de l’industrialisation. Si la tyrannie a cessé, laquelle obligeait à penser le développement selon les lois de la science prolétarienne appuyée sur le Goulag, la science occidentale l’a remplacée avantageusement en imposant les analyses du FMI, de la Banque mondiale, de l’OMC. Mais Patrick Verley mène son enquête avec des méthodes éprouvées et nous convainc d’une absence de lois générales et a-temporelles pour expliquer le processus d’industrialisation. 

Un processus d’industrialisation en partie autonome 


Il est impossible de prouver et donc d’accepter l’idée qu’il y aurait des recettes pour se développer. Ce phénomène résulte de certains changements dans les structures traditionnelles, s’appuie sur des marchés nouveaux et accepte divers modèles d’organisation du travail. Il est aussi fondamental de considérer que le marchand a toujours été plus parasitaire que le fabricant, car les marchands veulent un taux de profit très supérieur à celui qui est obtenu par les producteurs. Dès lors, on peut observer la chute d’un pays ou d’un secteur lorsque les rapports de forces politiques évoluent, comme pour les Pays-Bas à la fin du XVIIème siècle et au début du XVIIIème. 


La transformation des transports est un facteur clef du développement. Transporter des personnes et du courrier dans de meilleures conditions a des répercussions sur la consommation de biens et services, sur la mobilité de la main d’œuvre, sur les circuits des marchandises et les types de services qui accompagnent les ventes. L’auteur fait ressortir la spécificité et la valeur intrinsèque des industriels qui ont du se faire leur place, dans un univers composé de banquiers. Même quand des changements produisent des ruptures, leurs effets sociaux nécessitent des années avant d’être significatifs. Un cas bien expliqué est celui de la première ligne régulière, mensuelle, de cargos transatlantiques en 1817. 

Les Etats, acteurs principaux de la lutte pour les débouchés

Les situations française et anglaise sont étudiées en détail et on suit avec intérêt les investigations minutieuses sur les échanges. Les exportations, au XVIIIème siècle, ne représentaient pas une part majeure du Revenu National. La grande affaire de l’Angleterre est l’Inde. Entre la Grande-Bretagne et ses colonies s’établit une immense zone de libre-échange favorable à la vente de produits de bonne qualité. Les rythmes de croissance des industries des deux pays sont comparables, mais la France domine les marchés continentaux, quoique l’Europe orientale soit un espace relativement vide. Un produit comme le coton est connu avec suffisamment de détails pour qu’on puisse savoir quelle fut l’importance de Saint-Domingue pour la France. On prend conscience de la haine anglo-saxonne contre la France, héritage possible de différences religieuses mais surtout en raison de la présence des deux nations sur des marchés similaires. Lorsque l’auteur décrit les pays orientaux, il est important d’être conscient de ce que l’Inde, la Chine et le Japon commenceront à dépendre de la technologie européenne au cours du XIXème siècle uniquement. Au XVIIIème, la passion des européens pour les produits exotiques était telle qu’un certain protectionnisme fut nécessaire avant que la technique crée la différence en leur faveur. Il y a donc bien une évolution spécifique liée à la technique qui n’avait jamais existé avant et ne se renouvèlera pas en Europe, comme l’enseigne le cas de la décadence industrielle des Pays-Bas. 

Le développement est multifactoriel, et le financement est fondamental 


Les marxistes avait mis dans la tête des « intellectuels » l’idée qu’il fallait une accumulation primitive. Pourtant, les travaux recensés laissent apparaître des investissements limités. Le commerce mobilisait beaucoup d’argent, non l’industrie. La Hollande exerça la fonction de centre monétaire européen alors même que son industrie avait été malmenée. Le négociant se préoccupe à la fois de marchandises et d’argent, alors que les initiatives industrielles demandent d’autres motivations. Le commerçant, le financier préexistent à l’industriel et lui survivent, comme on peut s’en rendre compte dans l’Europe actuelle où s’accumulent les friches d’une industrie détruite par les moutons de Panurge de la globalisation. La monnaie-signe, ou monnaie fiduciaire, dont le pouvoir libératoire dépend d’une autorité en laquelle les utilisateurs ont confiance n’apparaît qu’au XXème siècle. Les paiements s’effectuent grâce à des techniques de compensation qui ne différent pas, sur le principe, de ce qui continue à exister aujourd’hui. On est ainsi en mesure de ne pas surestimer le rôle du crédit dans le processus de développement et, par comparaison, on comprend que le poids actuel de la finance n’est qu’un moyen pour piller les populations et les Etats. 

Accepter la contingence


La situation économique ne s’explique pas seulement par ses propres composantes. Certaines interdépendances sont fondamentales, dans des configurations datées. Les relations importantes s’établissent entre le pouvoir politique et le pouvoir industriel. Sans cela, aucune industrialisation n’est possible contre les puissances du moment. Les guerres changent les rapports de puissance et on comprend mieux la raison du fanatisme destructeur fomenté par la finance anglo-saxonne. Pour avoir du succès, il faut savoir rompre les liens d’assujettissement, ce qui fut possible durant l’épopée napoléonienne, par exemple, avec l’auto-blocus du continent européen contre l’Angleterre. De toutes les relations pertinentes, l’auteur rappelle celles qui lient le processus d’industrialisation aux classes moyennes d’une part, et à la répartition des revenus d’autre part. Un enseignement qui a été retiré de la formation des domestiques européens, là où on détruit justement les classes moyennes et où les revenus suivent la voie pyramidale de l’ancienne Egypte. Le développement industriel est fragile, et les mythiques innovateurs-entrepreneurs très rares. Les organisations patronales sont frileuses. L’industrialisation est articulée à la transformation globale de la société. Il existe simultanément l’urbanisation, l’administration, la forme de l’Etat, les « marchés étrangers », tout ceci fonctionne de manière autonome et en relation avec le reste. La réussite a toujours été contingente, temporaire et fragile. L’Echelle du monde de Patrick Verley, un ouvrage à méditer.


L’Echelle du monde, Essai sur l'industrialisation de l'Occident de Patrick VERLEY, Collection Tel (n° 399), Gallimard,952 pages, sous couverture illustrée, 125 x 190 mm, 24€

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mardi, 10 juin 2014

Pourquoi De Gaulle n'a jamais commémoré le 6 juin

De Gaulle Bayeux 1944.jpg

Pourquoi De Gaulle n'a jamais commémoré le 6 juin

Ex: http://aucoeurdunationalisme.blogspot.com

Celui dont le tout un chacun du sérail politique s'arrache la filiation l'a clairement expliqué selon Peyrefitte qui reprend dans son ouvrage, ces paroles suivantes du général De Gaulle : 
 
DG0606
DG0606 2
A bon entendeur de la cohérence intellectuelle, salut!

La leçon de la chute de l’Empire romain

La leçon de la chute de l’Empire romain

perkroma22.gifLisez d’urgence La chute de Rome, fin d’une civilisation, de Bryan Ward-Perkins, traduit de l’anglais chez Alma Éditeur.  Cet ouvrage de l’historien, universitaire et archéologue britannique, est un pavé dans le jardin de l’idéologie dominante. La thèse défendue, avec toutes les précautions de langage d’un éminent professeur à Oxford, au rebours de toute l’historiographie bien pensante contemporaine, est que la chute de l’Empire romain, de la romanité, fut un recul de civilisation, une régression qu’il faudra plus de dix siècles pour rattraper. Et encore…

La thèse de Ward-Perkins renoue avec le sentiment d’admiration qu’on avait pour l’Antiquité gréco-romaine, pensée comme supérieure, du Moyen-Âge nostalgique au XIXe siècle. Selon l’auteur la « post-romanité », à partir du catastrophique Ve siècle, c’est-à-dire le début du Moyen-Âge, fut une régression de la civilisation dans pratiquement tous les domaines. Voire même, dans certaines régions, comme la Grande-Bretagne, un retour à l’âge de fer… 

Les conclusions de Ward-Perkins, essentiellement fondées sur les plus récentes recherches archéologiques, mais aussi sur l’épigraphie et le décryptage des textes du Bas-Empire, ont de quoi choquer. On les croyait oubliées, tant l’idéologie pollue la recherche historique. Les historiens médiévistes (” la grande clarté du Moyen-Âge ”) essaient de nous persuader que leur période fut la naissance d’une ”autre” civilisation, qu’il n’y eut pas recul et déclin, mais transition progressive. Non, pour l’historien d’Oxford, il y eut un effondrement dans tous les domaines, dont on mettra plus de dix siècles à se remettre. 

En réalité, le haut Moyen-Âge fut pour lui une période de régression de civilisation dans pratiquement tous les secteurs : technique, économique, démographique, sanitaire, culturel … Le niveau de vie et de confort de la ” bourgeoisie” de l’Empire romain, de la cour impériale aux casses moyennes, (par exemple, chauffage central, égouts et eau courante) ne sera retrouvé qu’à l’aube des temps modernes. En l’an 100, 50% de la population des Gaules savait lire et écrire, même imparfaitement ;  en l’an mil, à peine 1%. Les techniques architecturale, sculpturale, picturale de l’Empire ne furent retrouvées progressivement qu’entre le XIIe et le XVIe siècle. Les infrastructures routières et les vitesses de transports terrestres du IIe siècle ne seront égalées qu’au XVIIIe siècle.  Il fallut attendre le début du XIXe siècle pour que des villes, comme Londres, dépassent le million d’habitant, alors que Rome et Alexandrie atteignaient les deux millions à l’apogée de l’Empire, au IIe siècle. 

perkins.jpgMême Charlemagne, auteur de la ”renaissance carolingienne”, qui voulut succéder aux Empereurs romains en se faisant couronner en 800 dans une Rome en ruine et dépeuplée, et rétablir l’éducation de la jeunesse, était un semi illettré. Le Moyen-Âge (du Ve au XVe siècles, mille ans) fut, pour l’historien et archéologue, un âge de déclin brutal et de très lente renaissance.

Les causes de cette chute de l’Empire romain, c’est-à-dire d’une civilisation supérieure, furent provoquée non pas tant par des facteurs endogènes (crise économique, christianisation et abandon du paganisme) que par les invasions barbares, notamment germaniques, qui désorganisèrent et ravagèrent la complexe organisation de l’immense Empire, qui s’étendait des marches de l’Écosse au Moyen-Orient. Dans la partie occidentale de l’Empire, ce furent les invasions germaniques qui s’avérèrent responsables de la régression, et dans la partie orientale, un peu plus tard, les invasions arabo-musulmanes. La catastrophe s’étala du IVe au VIIIe siècle.    

À notre époque où la notion de progrès est intouchable, quoi qu’on en dise, Ward-Perkins se demande pourquoi la notion de déclin est rejetée. Pour lui, c’est le signe d’un aveuglement et d’un optimisme obtus. Le mérite de l’historien anglais est aussi  de réhabiliter la notion de ”civilisation” face à celle de barbarie, ce qui est un scandale face à l’idéologie actuelle, égalitariste, ”ethnopluraliste”, pour laquelle toutes les ”cultures” se valent.

En cela, Ward-Perkins conteste donc le concept germanique et égalitaire de kultur, selon lequel tous les peuples sont égaux dans leurs productions historiques, pour lui opposer le concept de civilisation, fondamentalement gréco-romain, selon quoi les peuples sont inégaux. Vaste débat.   

Bien sûr, l’essai de Ward-Perkins peut choquer parce qu’il réhabilite l’image de ”la grande nuit du Moyen-Âge”, qui n’est pas acceptée par les historiens actuels. Il peut aussi inspirer les auteurs d’uchronie qui pourraient penser que si l’Empire romain  ne s’était pas  effondré, au Ve siècle, Louis XIV aurait surfé sur Internet. On ne refait pas l’histoire. Si la civilisation antique gréco-romaine ne s’était pas écroulée du IVe au VIIe siècles sous le double choc des invasions germaniques et arabes, le niveau technologique des XXe et XXIe siècles aurait peut-être été atteint dès l’an mil.

Citons, pour conclure, sans commentaires, le diagnostic de l’historien britannique :

 « J’affirme que les siècles post-romains connurent un déclin spectaculaire de la prospérité économique et de modèles élaborés, et que ce déclin frappa l’ensemble de la société, de la production agricole à la haute culture et des paysans jusqu’aux rois. Un effondrement démographique se produisit très probablement, et l’ample circulation des marchandises de qualité cessa tout à fait. Des outils culturels de haut niveau, tels que l’écrit, disparurent de certaines régions et se restreignirent dans toutes les autres. » Pour l’auteur, « l’hypertrophie que prennent les thématiques religieuses » participent du déclin intellectuel de l’Antiquité tardive et du haut Moyen-Âge.

Il lui semble très nocif « d’éliminer toute notion de crise grave et de déclin dans la vision que l’on a du passé. Cela me semble dangereux, aujourd’hui et maintenant ». Il s’en prend en ces termes à l’aveuglement des élites contemporaines :

« La fin de l’Occident romain s’accompagna d’un grand nombre d’horreurs et d’un processus de dislocation tel que j’espère sincèrement ne jamais m’y trouver confronté dans ma vie présente. Une civilisation complexe fut détruite, ramenant les habitants de l’Occident à des manières de vivre telles qu’aux temps préhistoriques. Les Romains, avant la chute, étaient aussi convaincus que nous le sommes, nous aujourd’hui, que leur monde resterait, pour l’essentiel, tel qu’il était. Ils avaient tort. À nous de ne pas répéter leur erreur et de ne pas nous bercer d’une fallacieuse assurance. »   

dimanche, 08 juin 2014

De la permanence insurectionnaire de l'Etre de l'homme contre la civilisation de l'Avoir

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De la croisade communeuse des Pastoureaux, de la Commune de Paris, de ce qu'elles disent de leur temps et de ce qu'elles signalent de la permanence insurectionnaire de l'Etre de l'homme contre la civilisation de l'Avoir

par Gustave Lefrançais

Pâques d’avril 1251; à l’heure où Louis IX de France se retrouve prisonnier en Égypte, se lèvent en tout lieu des terres du royaume, des bandes de paysans extrémistes qui font ainsi naître la croisade communière des Pastoureaux…

Le 28 mai 1871, au dernier jour de la Semaine sanglante, Eugène Varlin, ouvrier communard, est arrêté et amené à Montmartre où il est lynché par la foule de la dernière heure puis finalement fusillé par la troupe versaillaise

 

« Tous les mouvements de masse au Moyen Âge portèrent nécessairement une figure religieuse et ils apparaissaient toujours comme des restaurations radicales du christianisme primitif à la suite d’une corruption envahissante… »

Engels, Contributions à l’Histoire du Christianisme primitif

 

« La Commune ne fut donc pas une révolution contre telle ou telle forme de pouvoir d’État, légitimiste, constitutionnelle, républicaine ou impériale… Ce ne fut pas une révolution faite pour transférer ce pouvoir d’une fraction des classes dominantes à une autre, mais une révolution pour anéantir cet horrible appareil même de la domination de classe. »

Marx, La Guerre civile en France, 1871

 

Le corps unitaire et invariant de la tendance générique à retrouver la communauté de l’Être, à compter du moment où les sociétés de l’Avoir ont, à partir de la révolution néolithique des stocks échangés et des échanges stockés, disloqué les ancestrales organicités primordiales, se résume parfaitement dans le fil du temps insurrectionnaire de cette vérité immuable universellement confirmée par la totalité de l’arc historique humain : depuis que la séparation généralisée de l’homme et de sa production a abouti à la perte de tout point de vue unitaire sur l’activité accomplie, l’homme ne cesse cependant de vouloir révolutionnairement re-trouver l’acte d’une ex-istence non séparée de la vraie vie.

 

Sur ce terrain, les espaces vivants de la turbulence européenne ont fait surgir un continent spécifiquement in-subordonné, aboutissement dé- chaîné et dé-chaînant comme l’explicitèrent Marx et Engels, de la collision historique entre la décadence civilisationnelle romaine et l’archaïque propriété communiste germanique revivifiée par les invasions barbares. De la sorte, l’Europe fut bien toujours cet espace-temps permanent si particulier d’une propagation radicaliste qui généra partout la reviviscence ancestrale des communaux de la terre laquelle deviendrait ultérieurement par l’exaspération du déracinement capitaliste le mouvement théorico-pratique contemporain de l’insoumission communiste de l’internement urbain dénoncé…

 

C’est d’ailleurs pourquoi le Livre I du Capital a si bien pré-vu et détaillé à la source les mécanismes du grand remplacement démographique contemporain assis sur l’armée de réserve immigrée puisque la substitution d’un nouveau peuplement à histoire immobile et de conscience duplicative à l’ancien d’histoire remuante et de conscience déferlante, se présente aujourd’hui comme le cœur stratégique des manèges capitalistes destinés à éviter le retour des grandes grèves sauvages du type des larges réveils communards qu’a pu connaître l’Europe autour des années 1968.

 

La temporalité médiévale fut là un mouvement historique rythmé cardinalement par la dialectique des cheminements contradictoires où se posaient et s’opposaient de manière croissante la structure féodale de la propriété foncière rurale et la propriété corporative urbaine du métier. La division entre le commerce et l’industrie qui existait déjà dans des villes anciennes se développa plus tard dans des formes de plus en plus élaborées et ravageuses lorsqu’à partir de la révolution capitalistemédiévale des villes neuves italiennes émergea un premier marché d’importance. Alors quand les Cités entrèrent ainsi en rapport les unes avec les autres dans des extensions et des termes tels que la vieille rente foncière de l’avant dut finalement se plier toujours davantage aux exigences de présentation de la rente commerciale et fiscale, il se prépara peu à peu l’émergence de l’État royal moderne comme antichambre financière du devenir des lumières marchandes qui conduiraient inévitablement à la révolution mercantile de 1789.

 

Par-delà la perte éminemment symbolique du Saint-Sépulcre par les chrétiens pourtant alors encore prédominants en terre d’Orient, les forces productives de la géo-politique particulière qui vont faire apparaître les croisades viennent indiquer très symptomatiquement que se formalise alors dorénavant une nouvelle donne considérable de l’économie et de la politique puisque la puissance de domestication des hommes qui était encore jusque là l’expression d’une domination essentiellement terrienne, tenue par la noblesse, laisse désormais indiquer qu’une domination nouvelle, expression d’une domestication essentiellement de nature commerciale, tenue par les marchands et les représentants des républiques italiennes, est en train de survenir et qu’elle va se répandre en un nouvel ordonnancement du monde.

 

Concomitamment au progrès déterministe du travail civilisationnel de la servitude qui allait faire passer l’assujettissement d’un stade essentiellement stable et auto-reproductif à une phase de bouleversement systémique constamment élargi, le devenir des marchés qui s’agrandissaient sans cesse allait faire peu à peu de chaque réalité humaine une simple valeur d’échange. C’est pourquoi à côté mais à l’envers des croisades étatiques réalisées avec la bénédiction du christianisme institutionnel papiste ou byzantin, se sont toujours levées des croisades sauvages et spontanées qui, au nom d’un regard christique révolutionnaire, n’entendaient point se perdre dans les réaménagements trans-continentaux générés par l’histoire des bourses de valeurs qui avait fait surgir les cités marchandes italiennes comme plate-forme centrale du bénéfice des pèlerinages armés.

 

Ainsi, de croisades des gueux en croisades des vagabonds, des paysans, des enfants ou des marginaux, tout l’espace-temps officiel de la machinerie étatique des croisades du pouvoir des aristocraties foncières et financières fut doublé en négatif radical par un espace-temps prohibé et parallèle continûment en récusation de toutes les machineries financières et foncières du pouvoir de l’État.

 

Alors que l’on embrigadait ainsi massivement les populations pour la défense économique et militaire des frontières physiques d’un Royaume de Jérusalem immobilier et mobilier où les républiques maritimes italiennes du Capital en expansion, à l’ombre des couronnes d’Europe, entendaient toujours investir davantage pour l’élargissement continu des rendements de leurs routes commerciales, il y avait toujours quelque part en contre-point factieux, un emplacement de parole frondeuse qui appelait ici et maintenant à la Jérusalem céleste de la communauté de vie contre toutes les puissances d’argent et en négation absolue du Temple de la marchandise.

 

Conséquemment, la croisade dite des Pastoureaux renvoie, à ce moment là, à deux insurrections paysannes de masse dont l’histoire se mêle originellement à celle des croisades populaires qui virent le jour non seulement hors des sphères des puissances politiques et religieuses d’alors mais même souvent et d’abord à leur encontre. Ces croisades eurent lieu en 1251 et 1320.

 

La première croisade des Pastoureaux surgit lors de la septième croisade lorsque Louis IX, plus connu sous le nom de Saint Louis, se trouva enlisé dans les effets de la bataille de Mansourah et qu’il finit par s’y retrouver emprisonné avec toute son armée. Lorsque la nouvelle du désastre parvient en terre de France, elle engendra – sur le terrain d’une crise sociale généralisée de la rente foncière féodale de plus en plus déficiente – scepticisme, défiance, ébullition et émeutes. Comment un roi si pieux avait-t-il donc pu être ainsi abandonné si visiblement de Dieu ?

 

L’explication, sur le terrain des luttes de classes réellement existantes, apparu très vite dans le parler incendiaire et radical des prédicateurs communeux, en particulier celui d’un moine hongrois cistercien extrémiste. Ce moine d’enthousiasme et de passion intransigeante, nommé Maître Jacques, soutint avoir été directement avisé par la Vierge Marie que les oppresseurs du pouvoir, les aliénés de la richesse et de l’orgueil ne pourraient jamais reprendre la Jérusalem du Christ puisque seuls pouvaient y parvenir les hommes de l’Être, les cœurs purs, les pauvres, les humbles, les bergers, dont il se devait, lui, d’être l’éclaireur. L’arrogance et l’insolence de la chevalerie, ajoutait le moine hongrois, avaient considérablement mécontenté Dieu et c’est pourquoi ce dernier appelait à une totale transformation incendiaire de l’administration des choses.

 

En ce temps, le terme de pastoureaux qui désignait d’abord les bergers, donna ainsi son nom à cette croisade maximaliste. Une alarme solennelle eut lieu pour la Pâques 1251. Alors, des milliers de bergers et de paysans prirent la croix et se mirent en marche vers la capitale du royaume, armés de haches, de piques, de faux, de couteaux et de bâtons. Partis à plus de plus de 30 000 d’Amiens, ils dépassèrent rapidement les 50 000 puis approchèrent les 100 000 parvenus à Paris, où Blanche de Castille fut contrainte de les recevoir.

 

Dans un premier temps, la reine feignit de leur donner son approbation mais leur mouvement de sédition généralisée était bien trop dangereux socialement pour être toléré durablement par les puissances établis de la domestication politique et religieuse. En accusant nommément les marchands et les nobles, les abbés et les prélats, de vacuité et de cupidité, d’orgueil et de malfaisance, et en s’en prenant même frontalement à la Chevalerie, accusée de mépriser les pauvres et de tirer profit de la croisade, les pastoureaux se désignaient là eux-mêmes comme des indomptables inacceptables.

 

À mesure que se développait le mouvement de cette sédition inapprivoisable, des conflits de plus en plus violents et exacerbés ne cessaient partout de s’ensuivre en touchant aussi bien les campagnes que les villes et le mouvement qui s’étendait désormais de la Normandie à la Rhénanie jusqu’à aller toucher le nord de l’Italie, rendait hautement nécessaire que l’étouffement, l’intimidation et la répression furent alors prestement mis en mouvement pour que l’ordre des traditions de soumission fut restauré.

 

Sous la pression du tumulte en mouvement, Jacques put cependant finalement obtenir l’autorisation de prêcher en chaire à Notre Dame de Paris. À la fin mai, au cours d’une homélie enragée, il réclama l’abolissement de toutes les pauvretés et la totale communauté des biens, aujourd’hui tout de suite et non pour plus tard après la mort, incitant ainsi directement les assemblées factieuses à l’in-soumission généralisée. Le prêche terminé, les insurgés se répandirent dans toutes les rues de la capitale, où, comme à Amiens au début du mois, elles s’en prirent aux clercs, aux bourgeois, aux nobles et à tous les agents du fiscalisme étatique. Malgré l’intervention des officiers du guet à la Sorbonne et dans le quartier de l’Université, les barricadiers demeurèrent les plus forts et de nombreux représentants de l’appareil de répression furent massacrés pour avoir tenté de s’opposer à l’escalade agitatrice.

 

Ce n’est donc qu’avec très grandes difficultés et multiples tergiversations que la classe dirigeante parvint finalement et péniblement à contraindre les pastoureaux à quitter Paris. Le mouvement se scinda alors en deux colonnes : l’une fit route vers Rouen pendant que l’autre plus imposante cheminait vers Orléans. Là, en cet endroit ou se combina militairement la résistance acharnée et conjointe des milices communales de la bourgeoisie ascendante et des corps seigneuriaux de la féodalité déclinante, l’incendie put en fin de compte être contenu et ses restes continuèrent ensuite pour une partie vers Tours et pour l’autre vers Bourges. Blanche de Castille comprit alors finalement toute la gravité de ce danger impérieux que les rapports de ses intendants avaient souligné en lui rapportant les progressions inquiétantes de cette croisade d’en bas qui s’était progressivement transmuté en jacquerie fermement jusqu’au- boutiste.

 

Aussi, commanda-t-elle qu’on débarrasse le royaume de ce fléau dissident et d’abord de l’homme de Hongrie, qualifié désormais d’hérétique, d’égaré et de sorcier. Le 11 juin, à Villeneuve-sur-Cher, à la suite d’un nouvel engagement hautement violent, la troupe paysanne fut cette fois disloquée et celui que l’on dénommait Jacob capturé puis mis à mort. Leur animateur disparu, les assemblées de paysans combattants se dispersèrent d’elles-mêmes, et la grande révolte, confrontée aux massacres, exécutions, coercitions et chantages, finit insensiblement par se dissiper.

 

Néanmoins, l’on retrouve une nouvelle fois le nom et la trace de cet embrasement historique lors du grand soulèvement de 1320, connu sous le nom de seconde croisade des pastoureaux qui partie de Normandie à la Pâques de 1320 mit en branle des milliers de paysans rejoints par des masses fiévreuses de vagabonds, de bergers et de brigands. Ce flot grossissant se dirigea ensuite vers l’Aquitaine et le Périgord et ne fut finalement arrêté qu’en Aragon lorsque des milliers d’entre eux furent massacrés.

 

Il est aisé de la sorte de constater que le trouble social fort, aigu et incisif est une constante des pays d’Europe, plus notablement là d’ailleurs où la culture vivace des communaux de la terre et de l’âme revivifiée par les invasions germaniques a doté le malcontentement des hommes d’un puissant levier de résistance collective au mouvement oppressif des transformations agraires et de la fiscalité étatique.

 

Jacqueries, guerres de classe millénariste et convulsions urbaines rappelaient sans cesse que le soulèvement de l’ancien monde paysan serait le frein principal à la naissance de la paysannerie propriétarienne moderne telle qu’elle naîtrait de la révolution capitaliste de 1789 en laquelle réside la négation accomplie de l’être de la communauté de terre propre aux communautés paysannes communières d’avant la modernité des échanges.

 

À mesure que les États nationaux du futur devenir-monde de la marchandise commençaient à se formaliser sur les décombres d’un monde féodal qui avait lui-même ouvert tout grand les portes de ses châteaux à la monnaie en croyant naïvement que le despotisme de la liberté de l’argent serait domptable, la vie communautaire du jadis non monnayé se heurtait aux exigences ravageuses d’une culture de plus en plus intensive et tributaire tout à la fois des normes du rendement et des dogmes du surplus agraire puis industriel.

 

Ce qui est essentiel ici c’est de saisir – en dépit des différences, discordances et contrastes – la continuité matricielle entre l’antériorité médiévale qui mènera à l’avènement de la grande monarchie classique telle qu’elle validera la mort du vieux rapport non mercantile à la terre et sa postériorité républicano-financière au sens où les agitations médiévales de 1251 et de 1320 qui conduisent à la grande jacquerie de 1358 puis aux embrasements de Guyenne en 1548, aboutissent aussi par la métamorphose des longues durées insurrectionnistes, aux Croquants et Nu-pieds et ce jusqu’à la Grande Peur de 1789, aux soulèvements chouans et vendéens qui annonceront la mort irrévocablement advenue au XIXe siècle de l’ancestrale communauté rurale désormais pleinement absorbée par le paysage agricole du destin capitaliste.

 

Le son multiséculaire des cloches proclamant, de paroisse en paroisse, le tocsin de la dés-obéissance a été l’écriture vivante et charnelle de dizaines et de dizaines de générations campagnardes qui s’obstinaient à ne point accepter de disparaître dans la tyrannie montante des attractions de l’abstraction capitaliste exercée par la civilisation des villes. Cette immense, abondante et constante lutte de classe qui a d’ailleurs traversé toute l’histoire européenne pour la défense de la joie du terroir contre l’anonymat et la solitude du citadisme du profit, a finalement échoué mais pour passer le flambeau à un type de soulèvement bien plus vaste, beaucoup plus corpulent et immensément plus dangereux; celui de l’irréversible colère des prolétaires, c’est-à-dire de tous les hommes d’aujourd’hui privés de toute autorité sur leur propre vie par le spectacle démocratique de la dictature salariale de l’argent omni-présent.

 

En même temps que l’exode rural de la rentabilisation inévitable a vu l’appel de la ville faire partir les hommes de l’humus de la sensation vers l’urbanisme mental et physique du froid absolutisme du nombre, les vieux villages se vidaient de leur substance ardente pendant que la pathologie individualiste du narcissisme entrepreneurial devenait le commandement collectif de tous les territoires de l’urbanisation voulue par la croissance capitaliste de l’expansionnisme du marché.

 

C’est donc dans les villes que les héritiers prolétaires contemporains de tous ces remuements et transports de fourches et de faux venus de leurs lignages paysans allaient s’attaquer aux portes citadines de l’économie politique de l’exploitation et c’est pour cela qu’après les ébauches ensanglantées de 1830 et 1832, la République du progrès capitaliste sut réprimer publiquement et très ostensiblement dans la désolation et le carnage la révolution parisienne de 1848, en continuation du robespierrisme avancé qui avait simultanément conduit le populicide vendéen et l’écrasement de la sans-culotterie parisienne ultra.

 

En prolongement, répercussion et retentissement dialectiques, la Commune de Paris est cette période insurgée de l’histoire prolétaire qui voulait ouvrir le passage vers l’abolition de la condition prolétarienne et qui dura un peu plus de deux mois, du 18 mars 1871 à la Semaine sanglante, du 21 au 28 mai 1871. Bondissement d’in-discipline et de subversion contre le gouvernement de l’argent, la Commune ébaucha alors pour un futur de véritable qualité humaine une organisation qui s’essaya à se rapprocher de la communauté anti-mercantile de la nécessaire vie générique contre les errances de la recette et du pécule. Dans cette impressionnante fermentation crisique, Louis Eugène Varlin, né le 5 octobre 1839 à Claye en Seine-et-Marne se présente bien comme un militant radical majeur de l’époque, membre en même temps de la Commune de Paris et de la Première Internationale.

 

Eugène Varlin naît dans une famille de paysans très modeste. Il est d’abord apprenti peintre avant de devenir artisan relieur à Paris. Il découvre alors, dans ses premières luttes, les œuvres de Proudhon mais ne s’arrêtera pas à la vision étroite et illusoire d’une marchandise rééquilibrée réformistement par le crédit mutuel puisqu’il en viendra assez rapidement au point de vue communiste de la nécessaire liquidation révolutionnaire de la marchandise et du salariat. En 1857, il participe à la fondation de la société de secours mutuels des relieurs. En 1864-1865, il est l’un des principaux animateurs de la grève des ouvriers relieurs parisiens. En 1864 est créée l’Association internationale des travailleurs (A.I.T.), plus connue sous l’appellation de Première Internationale. Varlin y adhère en 1865 et participe énergiquement à la première grève des relieurs, avec son frère Louis et Nathalie Lemel, militante maximaliste qui participera, sur les barricades à la Commune et qui sera déportée en Nouvelle-Calédonie avec Louise Michel. Il se retrouve ainsi délégué en 1865 et 1866 aux premiers congrès de l’A.I.T., à Londres et à Genève. À la même époque, il encourage la création de la Société de solidarité des ouvriers relieurs de Paris. Son acharnement contribue à la création, le 14 novembre 1869, de la Fédération parisienne des sociétés ouvrières. Varlin, présent sur tous les terrains de la bataille sociale, contribue à la création d’une coopérative, La Ménagère, en 1867, et à l’ouverture, en 1868, d’un restaurant coopératif, La Marmite. Ce dernier comptera jusqu’à plusieurs milliers d’adhérents et ne fermera qu’après la Commune.

 

À la fin des années 1860, Varlin est arrêté et emprisonné plusieurs fois en raison des diverses grèves impulsées ou soutenues par l’A.I.T. en France. En 1870, la section parisienne de l’A.I.T. publie un manifeste contre la guerre. Eugène Varlin constitue des sections de l’Internationale à Lyon, au Creusot et à Lille. À la chute de l’Empire, en septembre 1870, Varlin fait partie, du comité central des Vingt arrondissements de Paris et il devient alors membre du comité central de la garde nationale au titre du 193ebataillon, dont il est le commandant.

 

Pendant l’hiver et le siège de Paris par les Prussiens, il s’occupe de l’alimentation des nécessiteux en fournissant les fameuses marmites de Varlin avec l’aide, notamment, de Nathalie Lemel et il devient secrétaire du conseil de l’A.I.T. pour la France. C’est alors que va arriver le célèbre soulèvement du 18 mars 1871 qui est la riposte des Parisiens à la décision du gouvernement d’Adolphe Thiers de leur retirer leurs armes et leurs canons. C’est le début de la Commune de Paris. Lors des événements de ce 18 mars 1871, Varlin s’implique très activement dans la prise de la place Vendôme. Le 24 mars, il prend part à la rédaction du manifeste-programme des sections parisiennes de l’A.I.T. Il est élu le 26 mars au conseil de la Commune et nommé à la commission des finances. Il assure dès lors la liaison entre la Commune et les sociétés ouvrières.

 

Le 1er mai, Varlin, comme la majorité des internationalistes, s’oppose à la création du Comité de Salut public qui représente fondamentalement tous les vieux courants républicano-blanquistes qui s’imaginent que c’est la question militaire qui règlera la question sociale et il signe le manifeste de la minorité qui lui exprime a contrario l’idée que seules les mesures sociales de radicalisation auto-diffusée peuvent faire avancer le mouvement subversif. Pendant la Semaine sanglante, il tente en vain et valeureusement de s’opposer à une pitoyable exécution d’otages, rue Haxo, et participe audacieusement aux derniers combats de Belleville. La Commune est finalement vaincue durant la Semaine sanglante qui débute avec l’entrée des troupes versaillaises dans Paris le 21 mai pour s’achever par les derniers combats au cimetière du Père-Lachaise le 28 mai. La répression contre les communards est implacable. De nombreuses exécutions sommaires seront ainsi commises par les troupes versaillaises qui frapperont ainsi tous ceux dont les mains portent ou semblent porter des traces de poudre qui révéleraient ainsi l’emploi récent d’armes à feu.

 

Dans son Histoire de la Commune, Hippolyte Prosper Lissagaray, raconte ainsi la mort d’Eugène Varlin, ce dramatique 28 mai 1871, à la fin de la Semaine Sanglante : « Place Cadet, il fut reconnu par un prêtre qui courut chercher un officier. Le lieutenant Sicre saisit Varlin, lui lia les mains derrière le dos et l’achemina vers les Buttes où se tenait le général de Laveaucoupet. Par les rues escarpées de Montmartre, ce Varlin, qui avait risqué sa vie pour sauver les otages de la rue Haxo, fut traîné une grande heure. Sous la grêle des coups sa jeune tête méditative qui n’avait jamais eu que des pensées fraternelles, devint un hachis de chairs, l’œil pendant hors de l’orbite. Quand il arriva rue des Rosiers, à l’état-major, il ne marchait plus on le portait. On l’assit pour le fusiller. Les soldats crevèrent son cadavre à coup de crosse. Sicre vola sa montre et s’en fit une parure. »

 

L’Hôtel de ville et un certain nombre de grands monuments officiels ont alors été incendiés par les communards à compter du 24 mai 1871. La bibliothèque de l’Hôtel de Ville et la totalité des archives de Paris furent ainsi anéanties, ainsi qu’une grande partie de l’état civil parisien. Les communards de la ville agirent là spontanément comme les chouans et vendéens du bocage et du marais le firent auparavant quand ils pénétraient dans les agglomérations de l’archivage esclavagiste. Ils brûlèrent de rage avant de périr tous ces papiers écrits qui témoignaient administrativement de leur dépendance en tant que la paperasse officielle représentait bien avant tout le récit gouvernementaliste des formalités de la domination.

 

Toutefois, pour com-prendre, il faut prendre en soi la dimension profonde du véridique en ad-venir, ceci en négatif des apparences premières. Les dizaines de milliers de fusillés désarmés ne sont point là que de simples cadavres entassés dans des charniers sordides, ils sont des flambeaux d’énergie et de courage dont le souvenir de radicalité se trouvera transfiguré par toutes les luttes de classe extrémistes à venir, en claire conscience de leur pro-venance historique la plus lointaine. Thiers a voulu supprimer la lutte des classes par un acte de boucherie industrielle tout aussi horrible qu’inefficace. Il lui aura en fait simplement offert la possibilité de prendre par d’autres voies, des démarches et des parcours de compréhension encore plus in-disciplinables… De même que les sociaux-démocrates allemands en assassinant les spartakistes de 1919 et les lénino-trotskystes en immolant les marins et ouvriers insurgés de 1921, crurent bannir de l’histoire le danger du feu social de la conscience réfractaire, l’exécution sordide de Varlin fut certes un moment tragique qui désigne l’horreur de la démocratie capitaliste cannibale mais cet épisode nauséeux s’auto-dépasse dans le fil du temps historique qui annonce bel et bien la fin de plus en plus rapprochée du système terrible des objets rampant.

 

Ce qui est mis en perspective par la défaite pratique de la Commune c’est aussi l’acquis théorique décisoire qui signale que tant que le Capital n’est point parvenu à réaliser le procès de caducité de sa crise terminale, il continue à s’étendre en intégrant au procès de sa modernité tous les revers ouvriers qui étaient justement inévitables et qui sont là les leviers innovateurs à partir desquels il se débarrasse de ses vétustés inutiles. La Commune ne fut pas écrasée parce qu’elle ne sut pas se généraliser, elle fut balayée car elle était in-diffusable en un temps où la force encore neuve du Capital possédait, elle, toute la puissance de se généraliser jusqu’à atteindre les limites de sa dégénérescence présente. À partir de l’expérience de Varlin qui pose les jalons jusqu’auboutistes de la Première Internationale en anticipant de manière subversive le nécessaire refus tranchant de tous les remodelages mystifiants du capitalisme, social-démocratique, bolchévique ou écolo-décroissantiste, nous savons que l’émancipation humaine est le mouvement conscient vers le communisme qui se définit comme mouvement révolutionnaire de critique de l’économie politique, face à la gauche du Capital stade suprême de la mystification démocratique de la marchandise et contre le gauchisme, imposture supérieure de la liberté de l’argent pour toutes les époques.

Le mouvement communier abouti est une affirmation négative totale (contre le salariat, l’État, les syndicats…), qui ne se dégagera d’ailleurs pleinement qu’après la Commune de Paris autour de maximalistes comme Gustave Lefrançais compagnon survivant de Varlin et il n’en est qu’une conséquence logique. Si l’on veut en effet détruire définitivement les racines objectives du capitalisme et non l’organiser autrement pour mieux en répartir l’abondance des richesses chosifiantes, on doit s’attaquer fondamentalement à tout ce qui fonde les fonctionnalités de son faire et surtout tend à l’améliorer et l’optimiser. À partir de la Commune de Paris, s’ouvre le cheminement qui va mener aux Communes de Berlin, Kronstadt, Barcelone… et qui positionnera toute l’ampleur anti-étatiste rampante du mai 68 contre les polices syndicales. Le communisme n’est pas un nouveau mode de production de l’aliénation et du travail mais avant tout le mode d’existence de la communauté humaine refondée autour de l’auto-produire humain dans un monde sans argent. Le communisme est d’abord activité cosmique de l’être générique communautaire. Il ne se construit pas avec des appareils politiques ou économiques mais surgit de l’auto-mouvement anti- politique et anti-économique de la jouissance humaine véridique liquidant enfin toutes les entraves capitalistes.

 

Comme Marx et Engels à la suite de Hegel l’ont toujours expliqué, c’est la souche communeuse de l’intentionalité historique profonde du spécifique mouvement réel propre à l’éco-système social et mental né à la fin de l’Antiquité, de l’entre-choquement entre l’écroulement économique de Rome et l’avancée de la vieille marche germanique qui a fait émerger l’Europe comme berceau de tous les agir les plus subversifs et de toutes les pensées les plus extrémistes. Alors que partout ailleurs les vestiges de la communauté première sombraient peu à peu dans les endormissements immobilistes d’un simple répétitif étatique, le cœur dynamique du vieux continent ne cessait, lui, de se produire comme endroit sulfureux où les hommes intrinsèquement accordés aux communaux ontologiques des vibrations de terre, n’interrompirent jamais leur combat pour la défense dynamique et constamment poursuivie de l’usage communier contre le développement économique progressif du système de construction de l’appropriation et de la valeur d’échange.

 

De la paysannerie communeuse à l’ouvrier communard, tout se tient parfaitement dans l’arc historique évident qui mena les derniers hommes de la terre communautaire de l’Europe rétive à devoir progressivement devenir les premiers hommes de la révolution agro-industrielle de la possession et de la valorisation capitaliste. C’est pourquoi de la première jacquerie rencontrée à la dernière lutte ouvrière rencontrable demeure cette constance irréductible qui veut que derrière toute lutte réformiste même la plus limitée pour mieux sur-vivre dans l’âge du contrefait et du mutilé, se profile pourtant l’aspiration générique et transcendante à retrouver, malgré tout, l’immanence de l’humaine communauté.

 

Le prolétariat est l’ensemble des hommes de la terre aspirés par l’urbanisme machinique de la ville et contraints d’y fournir salarialement le travail vivant dont la domination par les mécaniques du travail mort constitue le rapport de production réificateur appelé Capital. Notre époque en tant que synthèse effectuée de toutes les précédentes est celle où le prolétariat, luttant en tant que classe contre le Capital de la domination réalisée de la capitalisation universelle, va devoir se remettre lui-même en cause et porte le dépassement révolutionnaire de sa propre condition par la production incandescente du communisme comme l’abolition de toutes les classes, le jaillissement générique de la communauté de l’Être.

 

La lutte de classe entre le prolétariat et le Capital cesse d’être réformiste et régénératrice du Capital lorsqu’elle s’arrête de s’annoncer comme une simple réaction, une défense du prolétariat face au Capital sur le terrain du Capital et qu’elle se retourne réellement en contradiction pleine et entière entre le prolétariat et le Capital sur le terrain de l’humain.

 

Le communisme, c’est-à-dire la communauté de l’Être est évidemment une réalité à venir, mais c’est au présent qu’il convient d’en parler car la communisation est déjà préparée dans les luttes actuelles chaque fois que le prolétariat se heurte à sa propre existence aliénée comme classe majeure de l’aliénation, dans son action en tant que classe soumise, contre le Capital, à l’intérieur du rapport d’exploitation de la soumission, dans le cours même de ces luttes qui restructurent simplement la valeur. Chaque fois que l’existence même du prolétariat est produite comme quelque chose d’étranger à l’humain et d’inhérent à l’argent, ce à quoi il se heurte dans sa lutte en tant que classe qui doit liquider les classes, c’est à une contrainte objective extériorisée dans l’existence même de l’économie politique et issue de son lui-même réifié contre son lui-même de vraie vie.

 

C’est l’aggravation illimitée de la crise de la domination réalisée du fétichisme de la marchandise qui produit la révolution sociale lorsque l’action du prolétariat dans la crise réalisée du fétichisme de la domination en vient à produire le communisme comme nécessité dialectique d’un spectacle de la production qui ne peut plus re-produire son spectacle. La défense de ses intérêts immédiatistes va dès lors amener le prolétariat au point où il sera conduit à agir pour la destruction du système de la marchandise quand il y a aura saut qualitatif radical et trans-croissance critique complète des luttes, c’est à dire relation d’auto-débordement à cette défense, conjugaison d’auto- suppression dans la forme et le contenu, c’est-à-dire articulation critique avec toutes les luttes antérieures de réforme jusqu’au brisement de tous les réformismes de l’antériorité.

 

Face aux délocalisations, c’est au cours de cette défense pourtant acharnée de l’outil de travail que la production de l’existence de classe comme contrainte extériorisée dans le travail outillé peut se changer en saut commencé d’une articulation qualitative critique telle qu’elle peut déboucher en un moment novateur à proprement parler révolutionnaire où la défense auto-surpassée de ses intérêts immédiats amène le prolétariat à passer à un autre monde, celui de la fin du travail et de l’argent. Cela parce que positivement le prolétariat trouve ici en l’histoire ancestrale de son lui-même contradictoire enfin conscientisé, la capacité de se produire contre le Capital, à partir de ce qu’il est comme classe (c’est-à-dire, rapport contradictoire aux contradictions du Capital) mais alors en tant que dimension nouvelle anti-classiste pour balayer humainement le rapport–Capital.

 

Lorsque le prolétariat annihilera les moyens de production du spectacle du fétichisme démocratique de la marchandise, il le fera comme dia- lectique dont la forme et le contenu lui seront fournis par ce que la crise finale du mode production capitaliste aura rendu irrépressible l’impossibilisation pratique advenue de la valorisation, c’est à dire que l’abolition de l’échange, de la valeur, du travail et des classes deviendront la seule base objective de tout déploiement de vie.

 

La crise finale est avant tout la crise concrétisée de l’implication réciproque entre le travail et le Capital, la crise de l’auto-présupposition du Capital, intégrant tout ce qui fut l’histoire passée de l’avant-Capital qui contenait toutefois le Capital depuis le troc échangiste néolithique, en tant que la détermination future est toujours nécessairement pré- contenue dans le produire antécédent. La classe prolétarienne trouve alors, dans ce qu’elle est dans le Capital devenu infaisable, la capacité de trouver ce qu’elle est contre le Capital pour communiser le monde, au moment où, simultanément, le Capital cesse de pouvoir extérioriser la nature de classe des prolétaires comme vampirisation de leur nature humaine.

Le communisme est ce que produit le prolétariat, de par ce qu’il est dans sa contradiction avec le Capital, au moment où il abolit la capitalisation lorsque cette dernière devenue totalité du développement mondial ne parvient plus malgré l’orgie de manipulations monétaires et terroristes mises en mouvement par le gouvernement du spectacle mondial, qu’à accoucher de son auto-dissolution objective. La crise actuelle de suraccumulation et de saturation mondiale des marchés est la crise du taux de profit qui se présente comme crise mondiale permanente de la reproduction des rapports capitalistes en train de déboucher sur la crise de légitimation du spectacle de la marchandise en tant que tel.

 

Le communisme est le mouvement contradictoire terminé du mode de production capitaliste, le procès de sa caducité achevée. L’exploitation comme contradiction dialectique entre le prolétariat et le Capital se définit simultanément comme implication réciproque de ces deux termes et production de la spécificité de chacun d’eux quant à sa place historique dans le cours de la lutte des classes. Et si le développement du mode de production capitaliste porte en soi son dépassement, il ne le porte que par la situation et l’activité spécifique du prolétariat comme classe révolutionnaire d’aujourd’hui issue des paysanneries communeuses d’hier et en tant qu’il est la seule classe révolutionnaire de la crise cataclysmique du mode de production capitaliste.

 

La contradiction entre le prolétariat et le Capital est simultanément la dynamique du développement du mode de production capitaliste, de ses crises et de son dépassement lors de la crise finale de la valeur. il en résulte que la révolution sociale se définit en totalité comme ce rapport spécifique entre, d’une part le cours quotidianiste de la lutte de classe et, d’autre part, la fin de l’argent et la communisation dans leur contenu historique ontologique d’émergence de la communauté de l’être générique quand la quotidianisation chosifiante échoue justement à pouvoir continuer de chosifier le quotidien.

 

Désormais, l’exploitation comme rapport de valorisation entre le prolétariat et le Capital est une contradiction devenue explosive en ce qu’elle est un procès en contradiction de plus en plus impossible avec sa propre reproduction matérialisée par la baisse croissante du taux de profit en tant que la transformation de la plus-value en capital additionnel est bien sûr de plus en plus problématique en ce temps où le poids du travail mort machinique étouffe sans cesse la part déclinante de travail humain productif.

 

La crise économique du chaos spectaculaire de l’indistinction généralisée et sa débauche de crédit hallucinatoire qui n’a pas eu d’autre effet que d’intensifier ce qu’il était censé réduire est d’abord la crise du rapport social d’exploitation. Les années qui viennent vont nous montrer que la restructuration planétaire actuelle est la dernière phase de la domination réalisée du travail sous le Capital. La crise de l’économie du crédit en se convertissant en crise du crédit de l’économie va signifier universellement que par delà tous les conflits géo-politiques où s’affrontent secondairement toutes les classes capitalistes intéressées par la course aux derniers débouchés solvables, le grand affrontement primordial sera celui qui les opposera toutes, ensemble et unitairement, au mouvement d’auto-émancipation inter-national du prolétariat car comme surent si bien le démontrer tous les Thiers et les Bismarck qu’a connus l’histoire, l’ensembles des rackets économiques et politiques de la terre se retrouvent toujours solidaires face au réveil de ces Communes où l’homme clame clairement son refus d’obtempérer à l’autocratie spectaculaire de la raison marchande de tous les États.

 

Dans la filiation communeuse de la croisade des Pastoureaux et de tous les Varlin inconnus ou anonymes des Commune de Paris et d’ailleurs, tous les mouvements de la conscience des racines de l’Être de la vie s’incarnent radicalement, en sachant que pour enfin devenir lui- même, l’humain doit se produire comme acte cosmique de subversion absolue vers la constitution de la communauté universelle pour un monde sans salariat ni argent ni État.

 

Gustave Lefrançais,

pour l’inter-collectif L’Internationale (avril – mai 2014)

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mercredi, 04 juin 2014

JAPON COLONIAL

JAPON COLONIAL (1880-1930) - Les voix de la dissension (1880-1930)
JAPON COLONIAL (1880-1930)
 
Les voix de la dissension (1880-1930)

Rémy Valat
Ex: http://metamag.fr
 
L'adhésion à la politique japonaise d’expansion coloniale en Asie n’était pas unanime. Très tôt, des intellectuels s'élevèrent contre cette tendance impérialiste : des universitaires, journalistes ou militants émirent des avis critiques et incisifs, parfois pertinents sur l'orientation suivie par leur gouvernement. Ces voix de la dissension nous ont laissé une trace matérielle, et c'est tout à l'honneur du Groupe de Genève, dirigé par Pierre-François Souyri, professeur à l'université de Genève, ancien directeur de la Maison Franco-japonaise de Tôkyô et spécialiste de l'histoire médiévale nippone, de nous les faire entendre. Chaque traduction est précédée d'une brève présentation de son auteur et de ses idées. Ces documents sont un témoignage de la pluralité des opinions au Japon et de l'engagement personnel des opposants dans un contexte de montée en puissance du militarisme et d'une forte censure dont le conformisme et la pression sociale étaient peut-être le terreau.
 
La période étudiée s'arrête à l'année 1930, après cette date, la politique impériale en Asie change de visage : la Chine et les zones du sud-est asiatiques et des îles du pacifique sont occupées militairement et font l'objet d'une exploitation économique. Le Japon est déjà entré dans la Seconde Guerre mondiale. Avant cette date, la jeune nation japonaise menait une politique extérieure de rupture en adoptant le « système westphalien », la vision européenne du droit et des relations internationales. Le Japon clarifia la situation et annexa les territoires sur lesquels sa souveraineté était jusqu’alors partielle ou théorique ( Hokkaidô, archipel des Ryûkyû ) ; leurs populations fut soumises à un statut particulier les soumettant à un régime semi-colonial. S’ensuivit une politique d’annexion consécutives aux fulgurantes victoires militaires japonaises contre la Chine et la Russie : le Japon étend sa souveraineté à la Corée, à Taïwan et à la partie méridionale de Sakhaline ( 1895-1910 ), puis à la Mandchourie ( 1931 ).

Les dirigeants du Japon ont embrassé et imité les règles régissant les relations internationales occidentales, ont réagi par la force à la politique de la canonnière et bâti un empire colonial asiatique : pour les thuriféraires du Grand Japon et quelques intellectuels ( le plus connu est Nakae Chômin, 1847-1901 ) arguent à juste titre d’une « hypocrisie » et d'une « voracité » occidentale en inédéquation avec leurs discours officiels. Les opposants, eux aussi, ont adopté une pensée inspirée des idées et des courants politiques européens ( anarchisme, marxisme, droit-de-l’hommisme, indigénophiles ). Nous retrouvons au Japon, à peu près les mêmes arguments, entre partisans et opposants à la politique coloniale française. Parmi les seconds, Fukuzawa Yukichi ( 1835-1901 ), défend le rôle d’un Japon civilisateur qui s’imposerait pacifiquement comme le chef intellectuel ( voire spirituel ) de l’Asie ( il est vrai que le Japon a été le pôle d’attraction de nombreux intellectuels chinois et coréens jusqu’à ce que sa politique extérieure se radicalise ). Beaucoup prônaient en réalité une politique dite du « Petit Japon », pays démocratique, dont la vraie richesse serait celle de son peuple ; leur rêve est devenu la réalité du Japon contemporain. Ces hommes et ces femmes étaient-ils de visionnaires ? La guerre en Asie aurait-elle pu être évitée ? Difficile de croire le contraire, au regard de l’histoire des pays voisins du Japon : la présence occidentale et l’adoption mimétique de ses valeurs, dont le communisme, a bel et bien été à l’origine de conflits civils et inter-asiatiques.

Japon colonial,1880-1930 ; les voix de la dissension, par Pierre-François Souyri,  Editeur : Belles Lettres, Collection : Japon, Date de parution : 23/04/2014, 22 x 16 cm, 35€

Pour découvrir ou approfondir la question de la politique coloniale japonaise : Lionel Babicz, Le Japon face à la Corée à l’époque Meiji (Maisonneuve et Larose, 2002) et la traduction des Dialogues politiques entre trois ivrognes, de Nakae Chômin, CNRS éditions, 2008.

 

lundi, 02 juin 2014

Histoire de la Belgique par Robert Steuckers

Histoire de la Belgique, par Robert Steuckers | 1/4 |

Antiquité et Moyen-Âge 

Histoire de la Belgique, par Robert Steuckers 2/4

Le contexte de 1830

Histoire de la Belgique par Robert Steuckers 3/4

Le 20ème siècle

Histoire de la Belgique par Robert Steuckers 4/4

La situation actuelle

 

Emission réalisée

par Parrhésia-Belgique & le "Cercle des Volontaires"

(février 2014)

mercredi, 28 mai 2014

Aktenzeichen RAF ungelöst

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Aktenzeichen RAF ungelöst

von Gereon Breuer

Ex: http://www.blauenarzisse.de

Die RAF-​Terroristin Ulrike Meinhof wurde in der Wohnung von Fritz Rodewald verhaftet. Er ist untrennbar mit der letztlich unverarbeiteten Geschichte der RAF verbunden.

An Fritz Rodewald scheiden sich noch immer die Geister. Der Mann, dessen Hinweis am 15. Juni 1972 zur Verhaftung von Ulrike Meinhof führte, ist rechts wie links nur ungern gesehen. Die Linke hat ihm den „Verrat“ bis heute nicht verziehen. Die Konservativen sehen es ihm nicht nach, dass er die Belohnung für die Meinhof-​Verhaftung an die „Rote-​Hilfe“ spendete – zwar anonym, aber trotzdem.

Fluchthelfer verrät Terroristen

Zunächst die Fakten: Fritz Rodewald wird am 14. Juni 1972 gegen Abend von einer Frau aufgesucht, die ihn bittet, zwei Personen – einem Mann und einer Frau – am nächsten Tag Unterschlupf zu gewähren. Das ist für Rodewald nicht ungewöhnlich, denn er ist engagierter „Fluchthelfer“ für desertierende US-​Soldaten, die vor ihrer Dienstpflicht nach Schweden fliehen. Bei ihm sind oft Personen zu Gast, die er nicht kennt. Zu diesem Zeitpunkt weiß er noch nicht, dass es sich bei den beiden Personen, die bei ihm unterkommen sollen, um Ulrike Meinhof und Gerhard Müller handeln wird – zwei europaweit gesuchte Topterroristen, Schwerverbrecher von linkem und damit ganz besonderem Kaliber.

Rodewald bespricht die Sache zunächst mit seiner Frau, die als erste den Verdacht hegt, es könne sich bei den beiden Personen um Angehörige der RAF handeln. Am nächsten Tag bespricht sich Rodewald mit einem Freund, der ihm rät, zur Polizei zu gehen. Beim Landeskriminalamt in Hannover nimmt man ihn nur mäßig ernst, will seinem Hinweis aber nachgehen. Als Fritz Rodewald am Abend des 15. Juni von einem Schulausflug zurückkehrt – Rodewald war Volksschullehrer – da wird er in seiner Wohnung unter anderem von zwei Polizisten mit Maschinenpistolen erwartet. Ulrike Meinhof und Gerhard Müller sind zu diesem Zeitpunkt schon in Haft, obgleich noch niemand genau weiß, wer dort festgenommen wurde. Erst eine Röntgenaufnahme von Ulrike Meinhofs Schädel leistet ihre zweifelsfreie Indentifizierung: Aufgrund einer Tumor-​Operation wurde ihr eine Silberklammer in den Schädel eingesetzt und – Ironie der Geschichte – am Tag ihrer Festnahme trug sie eine Ausgabe des Spiegel bei sich, in der mit Bildbeweis von dieser Besonderheit berichtet wurde.

Er lehnt Ehrungen ab – die Linken lehnen ihn ab

Rodewald, der für seinen maßgeblichen Beitrag im Kampf gegen den linken Terrorismus alle Ehren verdient, lehnte alle Ehren ab – so unter anderem das Bundesverdienstkreuz. Als Verräter gebrandmarkt schaffte er es kaum, im Anschluss an die Verhaftung der beiden RAF-​Terroristen ein normales Leben zu führen. Mit dem Tode aus dem linken Milieu bedroht, musste er lange Zeit untertauchen. Noch mehr als dreißig Jahre nach der Festnahme schaffte er es nur unter Schwierigkeiten, in einern Hannoveraner Boule-​Club aufgenommen zu werden. Viele der dortigen Mitglieder, bei denen es sich zu einem großen Teil um ehemalige Angehörige der Sponti-​Szene handelt, wollten den „Verräter“ Rodewald nicht in ihren Reihen haben.

So ist Fritz Rodewald untrennbar mit der letztlich unverarbeiteten Geschichte der RAF verbunden. Sein Bruder Bernd Rodewald arbeitete in einem Vortrag fundiert heraus, dass eine Aufarbeitung der Geschichte der RAF bis heute weitgehend unterblieben sei. Insbesondere der schulische Geschichtsunterricht vernachlässige das Thema konsequent. Offene Fragen hat das Thema RAF indes genug. So ist etwa bis heute ungeklärt, durch wen Ulrike Meinhof zu Tode kam. Niemand weiß, warum der Vorsitzende Richter des Stammheimer Prozesses ihr Angebot zur Zusammenarbeit mit den Ermittlungsbehörden am Vortag ihres Todes ablehnte und ob hier ein Zusammenhang besteht.

Viele Antworten schlummern noch in den Archiven

Eine ähnliche Unwissenheit herrscht bezüglich der Verantwortlichen für die meisten Opfer der RAF. Schleyer, Buback, Rohwedder, von Braunmühl, Herrhausen – um nur einige zu nennen. Wer war es, der sie ermordete und warum? Niemand weiß es mit Sicherheit zu sagen. Wo aber wären Antworten auf diese Fragen zu finden, wenn man sie denn wirklich finden wollte?

Ein Ansatzpunkt könnten etwa die CIA-​Akten aus der Zeit der Teilung Berlins aus den 70er-​Jahren sein. Deren Sperrfrist läuft nun Jahr für Jahr aus. Es könnten sich darin Erkenntnisse finden, etwa über die genaue Beteiligung des SED-​Regimes an Organisation und Finanzierung der RAF. Auf eine Auswertung dieser Akten zu dringen wäre weitaus produktiver, als in der Causa NSA in Washington zu Kreuze zu kriechen – auch und besonders für Angela Merkel. Zudem hätte dies den unschlagbaren Vorteil, den seit Jahrzehnten ins Kraut schießenden Verschwörungstheorien in Sachen RAF endlich einen Riegel vorzuschieben. Vorausgesetzt natürlich, dass das seitens der Bundesregierung überhaupt gewollt ist.

Bild: Ulrike Meinhof als junge Journalistin

mardi, 27 mai 2014

Aristote au Mont Saint-Michel

Bréviaire de "réinformation" historique: Aristote au Mont Saint-Michel 

par Jean d'Omiac

Ex: http://anti-mythes.blogspot.com

 

msg.jpgDans une société qui se réclame d’un adogmatisme absolu, le seul dogme intangible est la croyance en l’homme et à ses progrès, qui implique la fausseté du christianisme, religion traditionnelle par excellence. Pour lutter contre cet ennemi irréconciliable, la soi-disant "Renaissance" et les prétendues "Lumières" ont usé de toute une mythologie désinformatrice, devenue aujourd’hui le catéchisme de l’extrême majorité de nos contemporains.
 
Mensonge
 
Parmi les points fondamentaux de cette mythologie figure l’apport islamique. Cette théorie est trop connue pour que l’on s’y arrête. On se contentera de la résumer d’un mot : les "ténèbres" culturelles du Moyen Âge n’ont été dissipées que grâce aux lumières d’une société musulmane brillante et cultivée, infiniment plus tolérante que nos temps féodaux, qui aurait transmis à l’Occident l’essentiel de l’héritage de la Grèce classique. C’est contre cette idée, bien évidemment fausse, que s’inscrit le salutaire ouvrage de Sylvain Gouguenheim, Aristote au Mont Saint-Michel - Les racines grecques de l’Europe chrétienne, dans lequel il démontre, de façon très érudite, que l’héritage grec de l’Occident chrétien ne doit presque rien à l’islam.
 
Le but de la vulgate moderne étant d’amoindrir le prestige de tout ce qui occidental et chrétien, on ne pourra s’étonner des mensonges et des falsifications commises pour augmenter l’importance des traductions des auteurs de l’antiquité du grec vers l’arabe, nombreuses dans l’Espagne musulmane, traduits par la suite en latin par des clercs et des savants chrétiens. Ce qui est beaucoup plus incroyable est la haine de soi, consciente ou non, qui a pu conduire certains universitaires, tels Alain de Libéra, spécialiste d’une mystique rhénane fortement influencée par les Pères hellénophones, à souscrire à cette légende qui ne peut tenir qu’en minimisant les contacts entre l’Occident latin et l’Empire chrétien d’Orient.
 
La chrétienté médiévale connaissait la philosophie, la science et la médecine grecques grâce à un mouvement de traduction directe du grec vers le latin, « étonnant effort pluriséculaire dont la constance et l’opiniâtreté témoignent de l’intime conviction que là résidait la matrice de sa civilisation ». La langue grecque, qui fut celle de la rédaction des Évangiles, n’a jamais perdu de son prestige au cours du Moyen Âge, bien qu’elle ne fût plus parlée par le peuple, jadis bilingue. On rencontrait à Rome beaucoup d’orthodoxes hellénophones et leurs monastères étaient très nombreux, notamment en Calabre. La bibliothèque du Latran, enrichie par les papes successifs, fut un centre de redistribution des oeuvres grecs grâce à l’activité de nombreux copistes.
 
Les musulmans et le grec
 
Sylvain Gouguenheim fait de Jacques de Venise, clerc italien qui vécut longtemps à Constantinople avant de devenir moine au Mont-Saint-Michel, l’exemple archétypal de ce lien constant, bien que distendu par les différences culturelles, mais surtout théologiques, entre ce qui fut les deux parties du même empire chrétien. C’est au mont Saint-Michel que ce moine traduisit en latin, dès le début du XIIe siècle une grande partie des oeuvres d’Aristote, bien avant que celles-ci fussent traduites de l’arabe.
 
Alors que l’auteur insiste sur les "renaissances" successives de l’Occident chrétien, toujours liées avec le savoir antique, non sans que cela représente des inconvénients pour la pureté de la foi, il brosse, en revanche, un tableau sans complaisance du rapport de ce savoir avec l’Islam. Si certains musulmans furent des érudits, ils furent toujours mal perçus par les autorités religieuses, pour lesquelles le Coran était non seulement une Révélation, mais la Parole même de Dieu, ce qui rendait difficile, voire impossible, toute recherche métaphysique. Ce n’est pas un hasard si la mystique "musulmane" est pleine d’emprunts au néoplatonisme ou au christianisme, car la lettre même de cette religion rend impensable la relation avec un dieu lointain et moralement ambigu, confiné dans sa transcendance, et décidant du bien comme du mal que font des hommes privés de liberté.
 
Il est d’ailleurs intéressant de constater à quel point, toujours pour minimiser le christianisme et les chrétiens, il est rarement fait mention du fait que la plupart des musulmans ignoraient le grec et furent initiés aux auteurs antiques grâce aux Syriaques chrétiens, qui les traduisirent dans leur langue dès le IVe siècle, puis en arabe à partir du VIIe siècle, début de l’occupation musulmane de ces terres jadis romaines.
 
La livre de Sylvain Gouguenheim constitue ainsi un véritable traité de "réinformation" dont la nécessité ne fait que s’accroître à mesure que les gouvernements démocratiques se font les complices de l’islamisation de l’Occident, par intérêt et par lâcheté, mais avant tout par haine de l’Europe chrétienne et monarchique.
 
Jean D’Omiac
L’Action Française 2000 du 3 au 16 juillet 2008
 
* Sylvain Gouguenheim : Aristote au Mont-Saint-Michel – Les racines grecques de l’Europe chrétienne. Seuil, 280 p. 21 euros

dimanche, 25 mai 2014

Dominique Venner: un regard inspiré sur l’Histoire

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Dominique Venner: un regard inspiré sur l’Histoire

par Philippe Conrad

Ex: http://www.zentropaville.tumblr.com

Quand j’ai fait sa connaissance au début des années 1960, rien ne semblait destiner Dominique Venner à un parcours intellectuel au long duquel l’Histoire allait prendre une place toujours plus grande. Engagé à dix-huit ans dans l’Armée avant d’être entraîné très tôt dans l’action politique, il milite pour l’Algérie française et contre la politique d’abandon alors mise en œuvre par le général De Gaulle, avant de faire l’expérience de la clandestinité et d’effectuer deux longs séjours en prison pour reconstitution de ligue dissoute.

La « critique positive » et l’expérience du terrain

Quand se tourne la page du conflit algérien, il formule sa « critique positive »  de l’échec que vient de connaître son camp et s’efforce de créer un mouvement politique porteur d’un « nationalisme » européen qu’il juge nécessaire dans le nouvel ordre du monde en train de s’établir. Les limites de l’action politique lui apparaissent toutefois rapidement et, soucieux  de préserver sa pleine indépendance,  il y renonce quelques années plus tard. Spécialiste des armes et amoureux de la chasse, de son histoire et de ses traditions, il va dès lors vivre de sa plume en conservant ses distances vis à vis d’un monde dans lequel il ne se reconnaît plus guère. Esprit cultivé et curieux, il est davantage tourné, à l’origine, vers la réflexion politique que vers l’histoire et le jeune militant activiste cherche surtout dans celle des grands bouleversements du XXème siècle les clés d’un présent qu’il entend transformer. L’expérience de l’action, le fait d’avoir été directement mêlé au dernier grand drame de l’histoire française que fut l’affaire algérienne lui ont toutefois fourni de multiples occasions  d’observer et de juger les acteurs auxquels il s’est trouvé confronté , d’évaluer concrètement des situations complexes, d’établir le bilan des succès et des échecs rencontrés. Autant d’expériences qui se révèleront utiles ultérieurement pour apprécier des moments historiques certes différents mais dans lesquels certains ressorts fondamentaux identifiés par ailleurs demeuraient à l’œuvre. Cette expérience de terrain, qui fait généralement défaut aux historiens universitaires, combinée avec une exigence de rigueur et une distance suffisante avec son propre parcours, s’est révélée précieuse pour aborder certaines séquences de notre histoire contemporaine, voire des épisodes plus lointains dans le cadre desquels passions et volontés fonctionnaient à l’identique.

L’historien spécialiste des armes et de la chasse renouvèle le genre

Dominique Venner s’est d’abord imposé comme un spécialiste des armes individuelles et c’est en ce domaine qu’il a d’abord séduit un vaste public, en introduisant l’histoire vivante en un domaine où ses pairs limitaient leurs approches aux seules données techniques. Exploitant la grande Histoire des conflits, les aventures personnelles ou les anecdotes significatives, il sut renouveler complètement ce genre bien particulier de la production historique. Ce fut en recourant à une inspiration identique qu’il réussit, auprès d’un vaste public, à rendre à l’art de la chasse sa dimension traditionnelle. Ce fut ensuite à travers l’histoire militaire que l’ancien combattant d’Algérie, qui avait rêvé enfant de l’épopée napoléonienne , retrouva le chemin de la grande Histoire. Il y eut ainsi la collection  Corps d’élite  qui rencontra auprès du public un succès d’une ampleur inattendue.

L’historien critique règle son compte à quelques mensonges bien établis…

Aux antipodes des idées reçues et des préjugés dominants, l’ancien militant se pencha également sur la guerre de Sécession en réhabilitant, dans Le blanc soleil des vaincus, la cause des Confédérés, l’occasion de régler leur compte à quelques mensonges bien établis. En écho aux Réprouvés d’Ernst von Salomon, il y eut ensuite Baltikum, qui retraçait l’épopée des corps francs allemands  engagés contre les révolutionnaires spartakistes, puis contre les bolcheviks russes en Courlande et en Livonie. L’intérêt porté à l’histoire de la révolution  communiste – la Critique positive de 1962 avait été comparée par certains au  Que faire  de Lénine -  conduit ensuite cet observateur des temps troublés nés de la première guerre mondiale et de la révolution soviétique à se pencher sur la genèse de l’Armée rouge. Il collabore entre temps, avec son ami et complice Jean Mabire, à Historia, la revue du grand public amateur d’Histoire, que dirige alors François-Xavier de Vivie. D’autres travaux suivront. Une Histoire critique de la Résistance, une Histoire de la Collaboration qui demeure l’ouvrage le plus complet et le plus impartial sur la question, Les Blancs et les Rouges. Histoire de la guerre civile  russe, une Histoire du terrorisme.  Après Le coeur rebelle,  une autobiographie dans laquelle il revient sur ses années de jeunesse et d’engagement, il réalise un De Gaulle. La grandeur et le néant.

L’historien méditatif et de la longue durée

Au cours des dix dernières années de sa vie et alors qu’il dirige la Nouvelle Revue d’Histoire – créée en 2002 pour succéder à Enquête sur l’Histoire disparue trois ans plus tôt – il oriente ses réflexions vers la longue durée et s’efforce de penser la genèse de l’identité européenne et les destinées de notre civilisation à travers des ouvrages tels que Histoire et tradition des Européens,  Le siècle de 1914 ou Le choc de l’Histoire.

Dominique Venner n’était pas un historien « académique » et n’a jamais prétendu l’être mais son insatiable curiosité et  l’ampleur du travail de documentation auquel il s’astreignait lui ont permis d’ouvrir des pistes  de réflexion nouvelles et de porter un regard original sur la plupart des sujets qu’il a abordés. D’abord tourné vers l’histoire contemporaine – de la Guerre de Sécession  aux années quarante en passant par la révolution russe ou les diverses formes que prit le « fascisme « – il a mesuré ensuite le poids de la longue durée en se tournant vers les sources gréco-romaines, celtiques ou germaniques de l’Europe. Il a ainsi trouvé chez Homère une œuvre fondatrice de la tradition européenne telle qu’il la ressentait. Contre l’image largement admise d’une Antiquité unissant l’Orient et la Méditerranée, il distinguait l’existence d’un monde « boréen » dont l’unité profonde, révélée par les études indo-européennes,  lui paraissait plus évidente. Il entretenait avec la culture antique, entendue comme allant du IIème millénaire avant J-C au IVème siècle de notre ère, une proximité qu’il entretenait à travers ses contacts et ses échanges avec des auteurs tels que Lucien Jerphagnon, Pierre Hadot, Yann Le Bohec ou Jean-Louis Voisin. Cette approche de la longue durée faisait qu’il inscrivait sa réflexion dans le cadre d’une civilisation européenne antérieure à l’affirmation des Etats nationaux et appelée éventuellement à leur survivre. Contre l’Etat administratif tel qu’il s’est imposé avec Richelieu et Louis XIV, ce « cœur rebelle » rêvait de ce qu’aurait pu être, à la manière du « devoir de révolte » qui s’exprimait dans les frondes nobiliaires,  une société aristocratique maintenant les valeurs traditionnelles d’honneur et de service face à celles, utilitaires, portées par l’individualisme et par la bourgeoisie. Il mesurait enfin combien la rupture engendrée par les Lumières et la Révolution française avait conforté  la « modernité » apparue en amont, au point de conduire aux impasses contemporaines et à la fin de cycle à laquelle nous sommes aujourd’hui confrontés.

Le visionnaire inspiré de la renaissance européenne

Contre les lectures canoniques, sottement engendrées par l’optimisme progressiste, de ce que fut en réalité le « sombre XXème siècle », il évaluait l’ampleur de la catastrophe survenue en 1914, point de départ de la suicidaire « guerre de trente ans » européenne. Générateur du chaos que l’on sait et de l’effacement de ce qui avait constitué cinq siècles durant, pour reprendre le mot de Valéry, « la partie précieuse de l’Humanité » cet effondrement de la « vieille Europe » n’avait cependant, selon Dominique Venner, rien de fatal. La part d’imprévu que recèle le cours  de l’Histoire, tout comme la volonté et le courage de générations capables de renouer avec leur identité faisaient, selon lui, que l’actuelle « dormition » de l’Europe n’était pas, dans le nouvel ordre du monde en train de s’établir, le prélude à sa disparition. Intimement pénétré de la dimension tragique de l’Histoire, l’auteur du Cœur rebelle demeurait convaincu que les seuls combats perdus sont ceux que l’on refuse de livrer. Contre les prophètes ahuris d’une mondialisation heureuse qui vire au cauchemar, les nombreux signaux qui s’allument en Europe et en Russie montrent, en lui donnant raison, que l’avenir n’est écrit nulle part et que les idées et les sentiments qui se sont imposés depuis les années soixante sont en passe de rejoindre les poubelles de l’Histoire. Attaché à sa liberté d’esprit et plaidant pour la lucidité nécessaire à l’historien, Dominique Venner apparaît ainsi, un an après sa disparition, comme le visionnaire inspiré d’une renaissance européenne toujours incertaine mais que  l’on peut considérer aujourd’hui comme une alternative vitale au processus mortifère engagé depuis près d’un demi-siècle.

Philippe Conrad

samedi, 24 mai 2014

Le Luxembourg pendant la première guerre mondiale

Le Luxembourg pendant la première guerre mondiale

Un petit Etat victime de la géographie

Le Plan Schlieffen avait été conçu en 1905: selon ce plan, le corridor mosellan constitue l’axe majeur et médian de la marche en avant de toutes troupes allemandes censées envahir la France. Par conséquence, les voies de pénétration prévues par les armées allemandes pendant l’été 1914 passaient immanquablement par le territoire du Grand-Duché du Luxembourg, Etat juridiquement neutre (et dont la Prusse était une puissance garante) depuis le Traité de Londres de 1867.

Marie-Adélaïde,_Gran.jpgMais on ne peut parler d’une indépendance luxembourgeoise que depuis 1890, l’année où le Grand-Duché s’est émancipé des Pays-Bas. Le Roi Guillaume III des Pays-Bas meurt effectivement cette année-là et sa fille Wilhelmine hérite de la couronne néerlandaise. Mais de celle de Hollande seulement car au Grand-Duché, on appliquait la “Loi salique” (“in terram salicam mulieres ne succedant”, “en terre salique les femmes ne succèdent pas”). C’est ainsi que prit fin l’union personnelle néerlando-luxembourgeoise et que, de facto, le Grandc-Duché acquit l’indépendance. Le nouveau Grand-Duc est Adolphe, issu d’une branche annexe et luthérienne de la dynastie des Orange-Nassau (la branche principale étant calviniste), celle de la maison de Nassau-Weilburg. Le fils d’Adolphe du Luxembourg, Guillaume IV, meurt sans descendance masculine. La famille décide alors de se débarrasser de la Loi salique le 16 avril 1907, afin que la fille aînée de Guillaume IV, Marie-Adelaïde, puisse accéder au trône grand-ducal. Comme sa mère portugaise, elle est catholique de stricte obédience. Le pays a donc à nouveau un souverain de confession catholique-romaine. Lorsque Marie-Adelaïde prend en mains les rênes du pouvoir le 18 juin 1912, le Luxembourg a enfin un souverain né dans le pays: cela n’avait plus été le cas depuis la naissance en 1296 du Duc Jean l’Aveugle. Très rapidement, après l’accession au trône de Marie-Adelaïde, le petit pays mosellan est secoué par de graves troubles politiques intérieurs, justement parce que la nouvelle Grande-Duchesse veut intervenir activement dans la gestion du gouvernement.

Le 2 août 1914, vers trois heures du matin, les premières troupes allemandes entrent dans le pays en franchissement le pont de Wasserbillig. Vers six heures du matin, un train blindé entre dans la gare de Luxembourg-Ville: en sortent un capitaine et une troupe de 150 soldats du génie. Le capitaine a reçu l’ordre de sécuriser la gare et la voie de chemin de fer contre toute intervention française. A neuf heures, cinq automobiles, avec, à leur bord, des militaires allemands, pénètrent dans la capitale. Sur ordre du premier ministre Paul Eyschen, le commandant des faibles troupes luxembourgeoises, le Major Van Dijk, remet une note de protestation officielle aux officiers allemands.

Eyschen remet ensuite une note de protestation, émanant cette fois du gouvernement luxembourgeois et adressée au ministre d’Allemagne, Wilhelm von Buch. La Grande-Duchesse Marie-Adelaïde évoque la protestation de son gouvernement dans un télégramme à l’Empereur Guillaume II et demande à celui-ci “de garantir en tous cas les droits du Grand-Duché”. A onze heures, le Commandant prussien von Bärensprung déclare au ministre Eyschen qu’il a reçu l’ordre d’occuper militairement la ville et ses environs, de ne pas intervenir dans la gestion civile des affaires et de maintenir le trafic ferroviaire. Le gouvernement du Reich justifie en ces termes l’occupation du Luxembourg: “Les mesures militaires que nous avons prises au Luxembourg ne signifie pas que nous agissons de manière inimicale contre ce pays mais que nous nous bornons à prendre des mesures pour assurer la sécurité des chemins de fer qui se trouvent entre nos mains afin de les protéger contre toute attaque française”.

Le Kaiser Guillaume II fixe d’ailleurs son quartier général dans la ville de Luxembourg de la fin août à la fin septembre 1914. Il demande à être reçu par la Grande-Duchesse au château de Berg. Cette réception a permis, plus tard, de dire que la Grande-Duchesse avait des sympathies pro-allemandes. Celles-ci et son gouvernement restent d’ailleurs en place. L’industrie de l’acier, située dans le sud du pays, se voit inféodée à la machine militaro-industrielle allemande. De 1914 à 1918, les habitants des villes luxembourgeoises connaissent la famine et l’inflation y est galopante.

Pendant la guerre, la Grande-Duchesse, ainsi que sa mère et ses soeurs, s’occupe personnellement des malades et dirige la Croix-Rouge luxembourgeoise. A la fin de la première guerre mondiale, les socialistes et les libéraux, foncièrement hostiles au principe monarchique et cherchant l’appui de la France laïcarde et républicaine et de la Belgique, décrivent la Grande-Duchesse comme une “germanophile” invétérée, tout simplement parce qu’elle avait reçu une seule fois le Kaiser, à la demande expresse de celui-ci, sans avoir la possibilité de se dérober! Socialistes et libéraux demandent alors l’annexion à la Belgique. Les chrétiens-sociaux, eux, refusent cette politique. En décembre 1918, les partisans de l’annexion au royaume voisin échouent: la Chambre vote contre, par 29 voix contre 11.

Le 15 janvier 1919, Marie-Adelaïde renonce au trône grand-ducal parce que le Parlement l’a suspendue et parce que l’Entente fait pression pour qu’elle se retire. Elle abdique au profit de sa soeur Charlotte qui règnera très longtemps, jusqu’en 1964. A la fin de l’année 1919, l’ancienne souveraine quitte le pays pour se fixer d’abord à Montreux. Quelques mois plus tard, elle s’en va résider en Italie et rencontre à Rome le Pape Benoît XV. Sous l’influence de ce dernier, elle se réfugie à l’automne 1920 dans un couvent de carmélites à Modène. Mais elle y sombre dans la mélancolie. Elle doit dès lors renoncer à la vie monastique.

En avril 1922, Marie-Adelaïde s’installe au château de Hohenburg en Bavière et décide de devenir infirmière diplômée: dans ce but, elle s’inscrit en 1923 à l’Université de Munich. Peu de temps après, elle commence à souffir de parathyphoïde, une maladie qui ne pardonnait pas avant l’invention des antibiotiques. Elle mourra le 24 janvier 1924 dans l’intimité familiale, à peine âgée de 30 ans, sans jamais s’être mariée. Son corps sera rapatrié en 1947 et placé dans la crypte de la cathédrale de Luxembourg.

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Charlotte et Félix: un couple qui s’est aimé...

Dès l’automne 1918, la défaite des Puissances Centrales était imminente. Cela n’empêcha pas la princesse Charlotte de Luxembourg de se fiancer, le 6 octobre 1918, dans le château de Berg, au frère de l’Impératrice Zita, le Premier Lieutenant de l’armée impériale et royale austro-hongroise Félix de Bourbon-Parme. Le 11 novembre 1917, il avait sauvé l’Empereur Charles des flots tumultueux du Tore Torrente. Après la guerre, Félix, en tant qu’ancien officier d’une armée ennemie, ne peut revenir au Luxembourg qu’à l’automne 1919, après que les Français et les Belges aient retiré leur veto.

Pour cette raison, Charlotte et Félix concluent un mariage par procuration au château de Wartegg, près de la commune suisse de Rorschach, elle-même à un jet de pierre de la commune de Höchst dans le Vorarlberg autrichien. Aux côtés du fiancé se trouvent l’ancien Empereur Charles et son épouse Zita. A 10 h 30, le Père capucin Cölestin Schwaighofer scelle le mariage dans la chapelle du château. La fiancée, désormais chef d’Etat, avait dû rester au Luxembourg parce que la dynastie était encore vacillante: seul le référendum de septembre a donné une majorité nette de 78% en faveur de son maintien. Charlotte est représentée par sa soeur aînée, l’ancienne Grande-Duchesse Marie-Adelaïde. Le mariage officiel a lieu le 6 novembre 1919 dans la capitale luxembourgeoise, ce mariage religieux ne constituant que la confirmation du sacrement déjà scellé à Wartegg.

(articles parus dans “zur Zeit”, Vienne, n°16-17/2014; http://www.zurzeit.at ).

vendredi, 23 mai 2014

L'Albanie en 1914

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L’Albanie en 1914

Par Erich Körner-Lakatos

Une construction étatique fragile dans les Balkans

En 1479, l’Albanie était devenue turque. Dans les dernières décennies du 19 siècle, on imaginait qu’elle le resterait encore longtemps. En effet, plus des deux tiers des habitants du pays étaient musulmans et fournissaient au Sultan de la lointaine Istanbul d’excellents et fidèles soldats. Le plus célèbre d’entre eux fut Mehmed Ali, devenu en 1841le khédive (ou: vice-roi) d’Egypte. Il mit un terme à la domination des mamelouks et fonda une dynastie qui perdura jusqu’en 1952. Le dernier souverain égyptien de cette dynastie fut le roi Farouk I.

L’Albanie resta un solide bastion ottoman, même quand l’Empire turc vacillait et était contraint, dans les Balkans, d’accorder l’indépendance à la Serbie, à la Bulgarie et à la Grèce puis d’accepter l’occupation de la Bosnie par l’Autriche-Hongrie.

En 1910, les temps changent: les Skipetars se révoltent. La conscience nationale émerge chez eux aussi, comme auparavant chez leurs voisins slaves. Dans le Kosovo, on assiste à des massacres. Le soulèvement est d’abord maté à grand peine par les Turcs, parce qu’au même moment, ils doivent affronter les Italiens en Tripolitaine.

A partir d’octobre 1912 se déclenche la première guerre balkanique. Les Ottomans sont durement étrillés par les armées de la Ligue Balkanique, qui regroupe la Serbie, la Bulgarie, la Grèce et le Monténégro. Les armées bulgares ne sont finalement arrêtées par les soldats du Sultan qu’à quelques kilomètres d’Istanbul, le long de la ligne de défense de Çatalça. Les Albanais profitent de l’opportunité pour se proclamer indépendants le 28 novembre par la voix du Musulman Ismail Kemal Bey, siégeant dans sa ville natale de Valona.

Aucun voisin de cette nouvelle Albanie n’est heureux: Nikola du Monténégro veut étendre son petit royaume vers le sud; son concurrent de Belgrade évoque l’histoire pour obtenir le Kosovo et, qui plus est, la Serbie souhaite détenir une fenêtre sur l’Adriatique. Les Grecs, eux, se souviennent des minorités grecques qui peuplent le Nord de l’Epire.

Un autre Etat, non balkanique cette fois, énonce des revendications: l’Italie. Celle-ci avait subi les moqueries des chanceleries européennes pendant longtemps, surtout après la défaite d’un corps expéditionnaire italien en Abyssinie en 1896, vaincu par des troupes indigènes éthiopiennes. Mais l’Italie avait vengé l’affront: elle venait de vaincre l’Empire ottoman et lui avait arraché la Libye et l’archipel de Rhodes. Elle briguait désormais la rive orientale de l’Adriatique de façon à contrôler entièrement ce prolongement de la Méditerranée vers le nord et d’en verrouiller l’accès.

Lors de la conférence des ambassadeurs à Londres en juillet 1913, l’Autriche-Hongrie a plaidé pour la création d’une Albanie ethniquement homogène. La double monarchie austro-hongroise n’avait nul intérêt à un accroissement de puissance des Serbes et des Monténégrins. Le Tsar russe, lui, soutenait les revendications serbes et monténégrines, qui voulaient une Albanie aussi réduite que possible. Les tiraillements entre diplomates ont débouché, comme d’habitude, sur un compromis. Le Kosovo est attribué à la Serbie, si bien que deux Albanais sur trois seulement vivent désormais dans la nouvelle principauté. Le Roi Nikola du Monténégro revient de Londres les mains vides. Il voulait obtenir la ville de Skutari, sur le lac du même nom, mais les diplomates européens ne donnent aucune suite à ses desiderata . Il est obligé de retirer ses troupes quand l’Autriche menace d’entrer dans le pays et bloque avec sa flotte les côtes du Monténégro, de concert avec d’autres puissances.

Guillaume-I-2.jpgLe 6 février 1914, les grandes puissances européennes s’accordent pour donner la couronne princière d’Albanie au Prince allemand Wilhelm zu Wied, devenu de ce fait le “Mbret des Skipetars”. Sa ville de résidence devient Durazzo, sur la côte adriatique. L’autre candidat, un noble d’origine albanaise, le Prince Ahmed Fuad, descendant de Mehmed Ali, est débouté.

Le Prince Wilhelm zu Wied était né le 26 mars 1876 à Neuwied près de Coblence. L’épouse du Roi de Roumanie Carol I, Elisabeth zu Wied (connue sous le nom de “Carmen Sylva”), est une tante de Wilhelm d’Albanie. Celui-ci est protestant, une confession qui n’est pas représentée en Albanie. En soi, c’est un avantage car le pays est déjà suffisamment divisé: les 800.000 habitants de la nouvelle principauté indépendante sont aux deux tiers musulmans; un cinquième est orthodoxe; 10% sont catholiques. A cela s’ajoute un clivage d’ordre linguistique entre les Albanais du Nord, qui se servent d’un dialecte particulier, et les Albanais du Sud qui parlent “tosque”. C’est ce parler des régions méridionales qui va s’imposer comme langue officielle dans le pays.

Le Prince Wilhelm n’a aucune fortune personnelle digne de ce nom. Quand il achète un yacht anglais, c’est grâce à des spéculations sur les devises. Le nouveau souverain s’embarque sur un navire autrichien, le “Taurus” qui prend la mer en direction de Durazzo, où il arrive le 7 mars 1914. Le Prince et sa famille y résideront dans des conditions fort modestes, comparées à celle des princes d’Europe centrale.

Le pouvoir que détient ce prince de sang allemand est très réduit. Un homme, avec sa tribu, est fidèle au Prince zu Wied: Ahmed Zogu qui, plus tard, deviendra le Roi du petit Etat.

Wilhelm, lui, ne parvient pas à s’adapter au monde albanais, totalement étranger pour lui. Un soulèvement populaire l’oblige à quitter le pays au bout de quelques mois, le 3 septembre 1914. Le nouvel homme fort est Essad Pacha Toptani.

Pendant la première guerre mondiale, les forces de l’Entente occupent le pays. A partir de janvier 1916, le Nord de l’Albanie est placé sous administration autrichienne, ce qui procure à la population de meilleures conditions de vie. Le front divise le pays jusqu’à la fin du conflit, de l’Adriatique au Lac d’Ohrid.

Erich Körner-Lakatos.

(article paru dans “zur Zeit”, Vienne, n°13-14/2014; http://www.zurzeit.at ).

Le Roi Zog: une vie mouvementée

Albanie-Zog-I.jpgLa journée du 8 octobre 1895 est un jour de joie pour Djemal Pacha Zogu, un chef de tribu de la région de Mati en Albanie centrale. Un fils, Ahmed, vient de naître dans la résidence fortifiée de ce spadassin. Plus tard, le jeune Ahmed recevra sa formation dans une école du Bosphore. Après la guerre, il entame une carrière fulgurante: en 1920, il devient ministre de l’intérieur; deux ans plus tard, il est premier ministre. En janvier 1925, il est le président de l’Etat albanais. Il survivra à cinquante-cinq attentats! Pendant l’été de l’année 1928, le Parlement albanais décide que le pays doit devenir une monarchie. Le couronnement a lieu le 1 septembre. Le nouveau roi, Zogu I, jure sur le Coran et sur la Bible.

Le 27 avril 1938, il épouse une aristocrate hongroise désargentée, la Comtesse Géraldine Apponyi. Le 5 avril 1939, nait le Prince Leka. Deux jours plus tard, des hôtes indésirés ruinent le bonheur personnel du Roi: les troupes italiennes —22.000 hommes— débarquent sur les côtes albanaises. Le Duce a toujours rêvé de la “Mare Nostrum”... Zogu fuit vers la Grèce, au volant du cabriolet Mercedes-Benz 540K, de couleur rouge écarlate, qu’il avait reçu en cadeau du chef de l’Etat allemand...

En exil, Zogu a vécu à Londres, en Egypte et en France, où il mourra, seul roi d’Albanie de l’histoire, le 9 avril 1961. Son épouse Géraldine lui survivra quatre décennies. Elle était revenue à Tirana en 2001, où elle décédera paisiblement à son tour, quelques mois plus tard, à l’âge de 87 ans. Son fils Leka est mort en novembre 2011.

EKL.

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dimanche, 18 mai 2014

Heroen einer Jugendkultur

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Heroen einer Jugendkultur

von Egon W. Scherer

Ex: http://www.jungefreiheit.de

Genau hat sie damals keiner gezählt. Bis zu 3.000 Teilnehmer aus alles Teilen des Reiches strömten Anfang Oktober 1913 in die tiefe Provinz des Osthessischen Berglandes zwischen Kassel und Eisenach. Am Meißner, der im Jargon der Jugendbewegung damals bereits „Hoher Meißner“ genannt wird, wollen sie den Ersten Freideutschen Jugendtag abhalten. Die verschiedenen Strömungen der Bewegung von Wandervögeln, Lebensreformern, reformierten Studenten möchten in geschlossener Form einen Kontrapunkt zu den „hurra-patriotisch“ und als oberflächlich empfundenen offiziellen Festlichkeiten anläßlich des 100. Jubiläums der Völkerschlacht bei Leipzig 1813 setzen.

In einer Kurzform faßten die Anwesenden ihren Geist in einem Bekenntnis zusammen, welches die versammelte Jugend öffentlich ablegte. Diese „Meißner-Formel“ sollte der ganzen Jugendbewegung die Richtung weisen. „Die Freideutsche Jugend will ihr Leben nach eigener Bestimmung, vor eigener Verantwortung und in innerer Wahrhaftigkeit selbst gestalten. Für diese Freiheit tritt sie unter allen Umständen geschlossen ein.“

Der „Wandervogel“ als wirkungsmächtige Bewegung

Zu dieser Zeit war der „Wandervogel“ schon eine Organisation mit rund 25.000 Mitgliedern in 800 Ortsgruppen in Deutschland, Österreich und der Schweiz – also eine so wirkungsmächtige Bewegung, daß bereits eine erste Geschichte dieses Jugendbundes geschrieben werden konnte, als deren Verfasser Hans Blüher, Philosoph mit jugendbewegter Herkunft, weithin bekannt wurde. Auch seiner wird ebenfalls mit einem Stein gedacht.

Keine zwölf Jahre zuvor, am 4. November 1901, wurde in Berlin-Steglitz der Wandervogel gegründet. Das war die Geburtsstunde der deutschen Jugendbewegung. Mit ein paar wanderfreudigen Gymnasiasten in einem Berliner Vorort fing es an, breitete sich dann innerhalb weniger Jahre geradezu ansteckungsartig im ganzen deutschen Sprachraum aus und hatte schließlich nahezu die gesamte organisierte deutsche Jugend erfaßt. Der Zeit des Wandervogels von 1901 bis zum Ersten Weltkrieg folgte in der Weimarer Republik die Phase der „Bündischen Jugend“, bis die Gleichschaltungspolitik der Nationalsozialisten schließlich auch die Jugend Deutschlands unter die Hakenkreuzfahne zwang.

Ehrenhain im Hunsrück für prominente Protagonisten

Markante Gestalten sind es gewesen, die der Jugendbewegung das Gepräge gegeben haben. Heute sind diese Namen auf Gedenksteinen im Ehrenhain der deutschen Jugendbewegung verzeichnet, um so die Erinnerung an diese Wegweiser deutscher Jugend wachzuhalten. Hüter dieses Ehrenhains ist der „Nerother Wandervogel“, der sich mit der in jahrzehntelanger Eigenarbeit errichteten „Rheinischen Jugendburg“ Waldeck im Hunsrück, die auf den Ruinen einer mittelalterlichen Burg entstand, ein noch heute bestehendes Zentrum geschaffen hat.

An einem Wiesenhang im Vorfeld der Burg ist der Ehrenhain angelegt, in dem inzwischen über dreißig Steine aufgestellt wurden. Von Steinmetzen formschön gestaltet, tragen die Steine den Namen und das Bundeszeichen der jeweiligen Persönlichkeit. Erinnert wird da etwa an Karl Fischer, als Gründer des Steglitzer Jugendbundes sozusagen der „Urwandervogel“. Er war ein junger Mann von starker Ausstrahlungskraft und mit großen Führungsqualitäten, allerdings auch ein recht diktatorisch waltender Herrscher im Jugendreich. Aber ohne sein Charisma hätte sich der „Wandervogel“ nicht so rasch ausgebreitet. 1930, im Jahr der Rheinlandbefreiungsfeiern nach dem Abzug der französischen Besatzung, machte ihn der Nerother Wandervogel zum Ehrenmitglied.

Prägende Gestalten zwischen Weltkrieg und Drittem Reich

Einer weiterer Gedenkstein im Ehrenhain erinnert an den Schulreformer Gustav Wyneken, eine der Hauptfiguren beim Meißner-Treffen. Erinnert wird im Ehrenhain auch dem 1918 vor Verdun gefallenen Hans Breuer, der als Student in Heidelberg mit dem „Zupfgeigenhansl“ das damals weitverbreitetste Liederbuch in Deutschland schuf – es erreichte, 1908 erstmals erschienen, schließlich eine Gesamtauflage von über einer Million.

Der „Bündischen Jugend“ zwischen Weltkrieg und Drittem Reich drückten dann wieder andere Jugendführer ihren Stempel auf. Da ist Ernst Buske zu nennen, der Führer der mitgliederstarken „Deutschen Freischar“, einem Zusammenschluß von Pfadfindern und Wandervögeln – ein Mann von so unbestrittener Autorität, daß man ihn, obwohl aufgrund eines Geburtsfehlers einarmig, den „General“ nannte. Die Zwillingsbrüder Robert und Karl Oelbermann gründeten den Nerother Wandervogel, den wohl originellsten aller Jugendbünde, der durch seine weltweiten, abenteuerlichen Fahrten berühmt wurde.

Nach 1945 entstanden viele Bünde nicht mehr neu

Eberhard Köbel, genannt „Tusk“, ging als Gründer und Führer der elitären „Deutschen Jungenschaft dj. 1. 11.“ (nach dem Gründungsdatum 1. November 1929) in die Geschichte der Jugendbewegung ein. Er war ein Mann von solcher Dymanik, daß er Jungen weit über seinen eigenen Bund hinaus zu begeistern verstand und in seinem Bestreben, die ganze Jugendbewegung nach seinen Vorstellungen zu formen, schließlich an seinem übertriebenen Ehrgeiz scheiterte. Er träumte von einer politischen Jugend mit sich als Führer und endete, von seiner Schar nicht mehr verstanden, im Parteikommunismus.

Auch Fred Schmid, ein Schweizer Professor, Gründer des „Grauen Corps“, und Karl Christian Müller, ein Lehrer aus dem Saarland, Führer der „Jungentrucht“, setzten ebenfalls starke Akzente in der damaligen Jugendarbeit. Aus dem Nerother Wandervogel ging der Schriftsteller Werner Helwig hervor, der neben Romanen und Reisebüchern eine weitere Geschichte der Jugendbewegung schrieb: „Die blaue Blume des Wandervogels“. Karl Buschhüter war der Architekt der Nerother Jugendburg. An sie alle erinnern Gedenksteine im Ehrenhain.

Jugendmusikbewegung und Pfadfinderbund

Auch die Erinnerung an die Jugendmusikbewegung wird wachgehalten, mit Gedenksteinen für Walther Hensel, bekanntgeworden durch seine „Finkensteiner Singwochen“, den jugendbewegten Musikpfleger Fritz Jöde und den Musikpädagogen Georg Götsch. Die Pfadfinder sind vertreten mit Steinen der Erinnerung für Maximilian Bayer und Alexander Lion, die Gründer des Deutschen Pfadfinderbundes, sowie für Erich Mönch, der die Pfadfinderschaft „Grauer Reiter“ gründete, und für den Pfarrer und Dichter Fritz Riebold von den Christlichen Pfadfindern (CPD).

Ein Stein steht für den im Ersten Weltkrieg gefallenen Dichter Walter Flex, der zwar selbst nicht der Jugendbewegung angehörte, aber mit seinem Roman „Wanderer zwischen beiden Welten“ zum Idol der Jugendbewegten wurde. Flex gab mit seiner Schilderung des Wandervogelführers Ernst Wurche ein gültiges Bild des Empfindens im Wandervogel wieder, geprägt von Haltung, Romantik und Ideal.   

Der Nerother Wandervogel geht noch immer auf Fahrten

Ursprünglich war der Ehrenhain an Burg Waldeck nur für Mitglieder des Nerother Bundes gedacht. Erste Steine wurden schon Ende der zwanziger Jahre gesetzt, beginnend mit einem Stein für den Nerother Wilhelm Brauns, der auf einer Fahrt in der Wüste am Toten Meer verdurstet war. Auch wurde hier der Weltkriegs-Gefallenen aus den Reihen der Nerother gedacht.

Nach dem Zweiten Weltkrieg entstanden viele Bünde nicht mehr neu, wohl aber waren Kreise von Ehemaligen geblieben, die ihre Erinnerung an die jugendbewegte Zeit bewahrten. Aus diesen Älteren-Gemeinschaften wurde dann der Wunsch an die Nerother im Hunsrück herangetragen, ob nicht in ihrer Obhut und bei ihrer Burg eine Gedenkstätte entstehen könne, die insbesondere an die Kriegsopfer der Jugendbewegung erinnern solle. Die Nerother waren bereit, und im Wandel dieses Gedankens entstand schließlich eine Anlage, die nicht nur dem Andenken an die Opfer der Kriege, sondern überhaupt an die starken Gründerpersönlichkeiten der gesamten Jugendbewegung gewidmet ist.

Hier im Hunsrück lebt Jugendbewegung aber auch heute noch nicht nur in der Erinnerung, sondern auch in der Tat, denn der kleingewordene Nerother Wandervogel geht wie von alters her noch immer auf weltweite, abenteuerliche Fahrten.

JF 41/13

vendredi, 16 mai 2014

Waren de Beatles Ierse nationalisten?

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Waren de Beatles Ierse nationalisten?
 
Francis Van den Eynde
 
Ex: Deltapers - Nieuwsbrief - Nr. 83 - Mei 2014
 
Je hoeft geen fan van de popmuziek te zijn en ook niet zelf de beruchte ‘sixties’ meegemaakt te hebben om te weten dat de wispelturige en incidentrijke muziekgeschiedenis van de Beatles grosso modo in drie periodes kan worden opgedeeld.

Tijdens de eerste, die ongeveer duurde van 1960 tot 1965, werden ze formidabel populair op wereldniveau met het coveren van bekende Amerikaanse rock and roll en al even Amerikaanse rhythm and blues nummers: I Got a Woman van Ray Charles, That’s all Right Mama van Elvis Presley, Roll over Beethoven van Chuck Berry, enz. De eigen muziek die ze tijdens die jaren uitbrengen, is hierop volledig geïnspireerd: I Want to hold your Hand, I Saw Her Standing There … Vanaf 1965 wagen ze zich verder en beginnen ze te experimenteren. Eerst vrij schuchter, voor het nummer Norvegian Wood schakelen ze bijvoorbeeld een sitar in en het overbekende Yesterday laten ze door een strijkorkest begeleiden. Van af dan zullen ze op veel radicalere wijze het ingeslagen pad blijven volgen. In die mate dat wanneer ze in 1967 de LP Sgt. Peppers Lonely Hearts Club Band op de markt brengen, deze door de recensent van de oerdeftige Britse Times een mijlpaal in de popgeschiedenis wordt genoemd. Het zijn de jaren van Let it Be, Hey Jude, Penny Lane, Strawberry Fields for Ever, Eleanor Rugby (deze opsomming is niet chronologisch) en zo vele andere. Ze hebben op dat ogenblik met hun meer gesofisticeerde muziek definitief de Merseybeat (genoemd naar de rivier Mersey, die door hun geboortestad Liverpool stroomt) ver achter zich gelaten. Ook de teksten die ze zingen hebben een hele verandering ondergaan. Misschien spreken ze u niet aan, geachte lezer, maar u zult moeten toegeven dat de inhoud van pakweg Let it Be of Eleanor Rugby heel wat meer diepte heeft dan die van She Loves You of die van A Hard Day’s Night. Ze durven zich zelf aan politiek wagen. Ze hebben uiteraard een links pacifistische reputatie, maar dit weerhoudt er hen niet van, in het nummer Revolution de draak met Mei 68 te steken. Oordeel zelf:
 
 
You say you'll change the constitution
Well, you know
We all want to change your head
You tell me it's the institution
Well, you know
You better free your mind instead
 
 
Liever de IRA dan het Brits leger
 
De derde fase van de muzikale evolutie van leden van deze popgroep wiens populariteit tot hiertoe door niemand werd geëvenaard, kan best het Post Beatle tijdperk worden genoemd. Ten gevolge van allerlei interne strubbelingen valt de ploeg in 1970 uiteen. Alhoewel ze af en toe nog eens  met een paar andere leden van de groep musiceren,  beginnen John Lennon en Paul McCartney met succes een eigen carrière uit te bouwen. Lennon gaat solo, denk aan het lied Imagine. Je kan het met de teneur van de tekst totaal oneens zijn maar niemand kan tegenspreken dat het een prachtig stuk is. McCartney van zijn kant sticht een nieuwe groep, The Wings, en brengt onder meer het prachtige en onvergetelijke Mull of Kintyre uit.

Ondertussen staat Noord-Ierland in rep en roer. De bewoners uit de zogenaamde katholieke wijken van dat stukje Ierland waren in 1969 een vreedzame campagne voor gelijke burgerrechten begonnen (het censitair kiesrecht was er nog altijd van toepassing). De campagne werd door de Britsgezinde protestanten met veel geweld beantwoord. In die mate zelfs dat de IRA er zich toe verplicht zag haar wapens boven te halen om een aantal wijken tegen ware pogroms te beschermen. De Britse troepen die de politie te hulp kwamen, gingen zich algauw als een brutaal bezettingsleger gedragen. De situatie werd met de dag erger. Op 13 augustus 1971 gingen de Engelsen over tot de arrestatie van honderden Ieren die allemaal zonder vorm van proces voor onbepaalde tijd in het pas gebouwde concentratiekamp van Long Kesh werden opgesloten. Het trieste hoogtepunt werd bereikt op 30 januari 1972 (Bloody Sunday) toen Britse soldaten In Derry (op dat moment nog Londonderry) 13 burgers die aan een vreedzame manifestatie deelnamen, doodschoten. Dit alles liet John noch Paul onberoerd. Ze kwamen immers uit Liverpool, een stad die ten gevolge van de massale immigratie in de negentiende eeuw qua bevolking eerder Iers dan Brits is. Beiden zijn ze trouwens van Ierse afkomst: Lennon is de verengelste vorm van de Ierse familienaam O Lionnain die veel voorkomt in het Noord-Ierse graafschap Fermanagh en de ongehuwde moeder van Paul droeg de typisch Ierse naam Mary Mohin McCartney. Beiden zullen dan ook fel reageren. McCartney schrijft het lied Give Ireland Back to the Irish, dat hij met de Wings op plaat uitbrengt. Het refrein luidt:
 
 
Give Ireland Back To the Irish
Don't Make Them Have To Take It Away
Give Ireland Back To the Irish
Make Ireland Irish Today
 
 
Lennon reageert nog feller met twee liederen die volledig in de Ierse rebelsongtraditie thuis horen, The Luck of the Irish en Sunday Bloody Sunday, dezelfde titel als het gekende nummer van Bono en U2, maar veel harder qua tekst. We kunnen er dan ook niet aan weerstaan, het u in extenso te laten lezen:
 
 
Sunday Bloody Sunday (Lennon-Ono)

Well it was Sunday bloody Sunday
When they shot the people there
The cries of thirteen martyrs
Filled the Free Derry air

Is there any one amongst you
Dare to blame it on the kids?
Not a soldier boy was bleeding
When they nailed the coffin lids!

Sunday bloody Sunday
Bloody Sunday's the day!

You claim to be majority
Well you know that it's a lie
You're really a minority
On this sweet emerald isle
When Stormont bans our marches

They've got a lot to learn
Internment is no answer
It's those mothers' turn to burn!

Sunday bloody Sunday
Bloody Sunday's the day!
Sunday bloody Sunday
Bloody Sunday's the day!

You anglo pigs and Scotties
Sent to colonize the North
You wave your bloody Union Jack
And you know what it's worth!
How dare you hold to ransom
A people proud and free
Keep Ireland for the Irish
Put the English back to sea!

Sunday bloody Sunday
Bloody Sunday's the day!

Well, it's always bloody Sunday
In the concentration camps
Keep Falls Road free forever
From the bloody English hands

Repatriate to Britain
All of you who call it home
Leave Ireland to the Irish
Not for London or for Rome!

Sunday bloody Sunday
Bloody Sunday's the day!


(bekijk en beluister op youtube)
 
 
Een toemaatje: zowel Lennon als McCartney werden meer dan eens in pro Ierse demonstaties opgemerkt en Lennon die ooit verklaarde dat hij de IRA boven het Britse leger verkoos, werd er door de FBI van verdacht het Iers geheim leger te financieren. Meent u ook niet dat de vraag die als titel voor dit stuk wordt gebruikt, positief mag worden beantwoord?
 
Francis Van den Eynde

jeudi, 15 mai 2014

La Teoría del Corazón Continental de Mackinder y la contención de Rusia

por Niall Bradley*

Ex: http://paginatransversal.wordpress.com

“Lo que ha ocurrido en Crimea es una respuesta al modo en que colapsó la democracia en Ucrania. Y hay una única razón para esto: la política antirrusa de EE.UU. y algunos países europeos. Ellos buscan cercar a Rusia para debilitarlo y eventualmente destruirlo… Existe una cierta élite transnacional que durante 300 años ha anhelado este sueño.”

Lo que ha estado ocurriendo recientemente en Ucrania tiene muy poco sentido si no se ve en un amplio contexto histórico y geopolítico; así que en la búsqueda de un firme entendimiento de los eventos que se están desarrollando, he estado consultando libros de historia. En primer lugar es necesario decir que Ucrania ha sido históricamente parte de Rusia. Se constituyó como “una nación independiente” sólo en nombre a partir de 1991, pero ha sido completamente dependiente de la ayuda externa desde entonces. Y la mayoría de esta “ayuda” no ha sido, al menos, en su mejor interés.

La respuesta corta a por qué EE.UU. ha puesto en acción su descabellado plan para derrocar a Yanukoych recientemente en noviembre, es que el verdadero objetivo es Rusia, quien se interpone constantemente en los planes de dominación mundial de la élite bancaria, cuyo imperio se centra en los EE.UU. La respuesta larga es algo más compleja, pero en el proceso de trabajar sobre ella hemos descubierto sorprendentes precedentes históricos para todo lo que está ocurriendo en la actualidad, y hasta en los mismos fundamentos políticos se vislumbra una respuesta de por qué hacen lo que hacen.

Desde la desastrosa invasión de Napoleón a Rusia en 1812 (y quizá desde antes, si alguien pudiera resolverlo porque el Presidente de Venezuela, Nicolás Maduro, se refirió a “300 años”), han existido esfuerzos sostenidos por parte de los poderes Occidentales por “contener a Rusia”. ¿De dónde proviene este deseo? Bien, en la actual narrativa Occidental en relación a la “agresiva incorporación de Crimea” por parte de Rusia, proviene de la necesidad de “contener el intento de Putin de recrear el Imperio Soviético”, y “evitar que la Rusia de Putin actúe como la Alemania Nazi”.

En el centro de esta narrativa está toda la retórica sobre que la Unión Soviética fue un “Imperio Malvado” del cual Ucrania y otras Repúblicas ex-soviéticas, Asia Central y ex-estados miembros del Pacto de Varsovia en Europa del Este, como Polonia, se liberaron para unirse al Libre Mercado Mundial alrededor de 1990, cuando “el Imperio Soviético colapsó”. Y todo esto, por supuesto, está basado en la narrativa Occidental de que el Comunismo Soviético fue “la raíz de todos los males”, y que tenía que ser erradicado de donde fuera que él se instalara o propagara (o se sospechara que se propagaba) tras la Segunda Guerra Mundial.

De hecho, podemos ir más lejos, pero antes de hacerlo, vamos a considerar en primer lugar la participación del FMI durante el último cuarto de siglo en Europa del Este. El FMI no está apareciendo en escena sólo recientemente con la “muy necesitada inyección de dinero” a la economía ucraniana. Los economistas occidentales, los académicos, banqueros e industriales, han estado, efectivamente, operando desde el terreno en las economías de Europa del Este desde que ellas “recuperaron su libertad al independizarse de Rusia”. Lea este reporte del parlamento ucraniano para hacerse una idea del daño que sufrió Ucrania durante los 90 – su población se redujo en un número mayor a los muertos durante la Segunda Guerra Mundial.

Los préstamos del FMI, generalmente, no están destinados a incrementar las arcas de los países que se suscriben a su “asistencia”; más bien están orientados al pago de los intereses devengados por las deudas de las naciones. A cambio, los suscriptores a estos préstamos mortales reciben “consejos” que deben seguir si quieren el dinero – entregado a cuentagotas – para seguir adelante con respecto a sus deudores y así evitar que sus deudas crezcan aún más. Dichos consejos – “condicionamientos estructurales” en términos técnicos – esencialmente se reducen a: “Vender absolutamente todo… a nosotros”.

Así que no fue el “espontáneo caos del momento” lo que provocó las extendidas calamidades económicas en Europa del Este en los 90. El desastre resultante fue consecuencia directa de la política monetaria y económica impuesta por Occidente sobre la región. Así se pudo observar la miseria extrema de millones de polacos repentinamente impedidos para comprar alimentos que estaban siendo exportados con el único fin de pagar las deudas contraídas – deudas que implicaban indefectiblemente un intercambio por las verdaderas riquezas de esos países, en especial sus recursos naturales y las industrias nacionales.

Rusia también obtuvo su parte de esta “terapia de shock”. Échele un vistazo al capítulo 11 de La Doctrina del Shock de Naomi Klein para ver la auténtica historia de horror de lo que pasó allí (“La Hoguera de una Democracia Joven: Rusia elige la opción Pinochet”). El Pueblo ruso sin embargo no sucumbió al genocidio económico. Para el año 1993, se dieron cuenta de que la única “libertad y democracia” que iban a obtener era, de hecho, una forma extrema de “terapia de shock económica” de la derecha. Ocuparon edificios gubernamentales en Moscú en un esfuerzo por detener el saqueo de su país y restaurar el orden. En medio de un tenso punto muerto, he aquí que “francotiradores desconocidos” aparecieron de la nada y comenzaron a disparar a la gente a la cabeza. Yetsin pensó que las balas estaban viniendo de una facción del ejército atrincherada en la Casa Blanca de Moscú y ordenó a fuerzas leales a él atacar el edificio. Cientos de personas resultaron muertas y, junto con ellas, murió la primera (y última) incursión rusa en la Democracia Liberal Occidental ®.

Así es como la “Mafia de Estado” de la oligarquía “cercana a Yeltsin” apareció. Fueron enteramente criaturas nacidas de los Intereses Financieros de Occidente. No había billonarios en Rusia antes de 1991. Y a través de todo esto, los medios de comunicación occidentales cantaron alabanzas a Rusia puesto que había implementado las “difíciles pero necesarias reformas” que redujo el Estado del bienestar, la base industrial y la población en general. Rusia entonces fue “libre y liberal” y todo fue maravilloso. ¡Ay de nosotros ahora que Putin ha dado la vuelta a la tortilla y Rusia está en posición nuevamente de frustrar la propagación de la Libertad y la Democracia ®! Rusia es una vez más “autoritaria y antidemocrática”, es decir, lisa y llanamente “pura maldad”.

Cuanto buscamos en retrospectiva a través de la historia, encontramos una serie de abruptos desplazamientos de la actitud de Occidente en relación a Rusia, donde esta nación pasa de ser “amiga” a “enemiga” casi de la noche a la mañana. Lo vemos claramente al final de la Segunda Guerra Mundial cuando la Unión Soviética de Stalin pasó de ser “nuestro increíble aliado” a el “nuevo Hitler”, incluso cuando la esfera de influencia de Europa del Este y el Oeste fue discutida a fondo y acordada por las potencias aliadas mientras que duró la guerra (ver La Controversia de Zion de Douglas Reed).

Previo a la Primera Guerra Mundial, Rusia fue “nuestro aliado” a partir de la coalición del “Triple Entente” conformada junto a Gran Bretaña y Francia; para el final de la guerra, se transformó en la “amenaza bolchevique”. Y comprensiblemente Rusia ahora es vehementemente antiimperialista y anticapitalista. Pero menos conocido es el hecho de que los bolcheviques también fueron enteramente criaturas nacidas de los Intereses Financieros Occidentales (ver Wall Street y la Revolución Bolchevique de Anthony Sutton).

A lo largo de la historia del siglo XX, todas o casi todas las acciones de Rusia fueron defensivas en naturaleza. Ahora bien, no pretendo subestimar ninguno de los delitos de sus líderes – de los cuales hay varios, a los países vecinos y a los propios – sino que, en términos de “imperialismo comparado” por decirlo de algún modo, no recuerdo a las milicias rusas a 13.000 Km. de distancia causando “conmoción y terror” y aniquilando en el proceso a millones de personas de otras naciones – personas que, por cierto, no tenían ninguna conexión con el pueblo ruso.

Mackinder y la Teoría del Corazón Continental

Antes del Imperio Norteamericano existió el Imperio Británico, y antes de Zbigniew Brzezinski existió Halford Mackinder. Este gurú académico de Oxford devenido en político fue ostensiblemente un “geógrafo”, aunque también el poseedor de una cierta “diligencia” que lo llevó a ser un hacedor de reyes de Gran Bretaña, en nombre de los Estados de Europa del Este y en detrimento de los imperios caídos de Europa después de la Primera Guerra Mundial. En 1904 Mackinder envió un artículo a la Sociedad Geográfica Real titulado “El pivote geográfico de la historia”, en el cual formulaba la “Teoría del Corazón Continental”, que él mismo, tiempo después, reduciría a esto:

“Quien domine Europa del Este controlará el Corazón Continental; quien domine el Corazón Continental controlará la Isla Mundial; quien domine la Isla Mundial controlará el mundo”. Mackinder, Ideales democráticos y realidad, p.194.

Podrías estar preguntándote ¿qué diablos significan esos términos arcaicos? “Europa del Este” es suficientemente obvio: los Balcanes, Ucrania, Belarús, Polonia, la Rusia “Europea” y los estados Bálticos. El “Corazón Continental” se extiende desde el río Volga hasta el Yangtze y desde el Himalaya hasta el Océano Ártico. La “Isla Mundial”… se lo imagina… es toda la masa de tierra contigua de Europa, Asia, Oriente Medio y África – así que, básicamente, todo el mundo salvo América y Australia. Échele una mirada a su mapa mundial.

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Etiquetando a América como la “Isla de la periferia”, y a las islas británicas como las “Islas Exteriores”, Mackinder estaba remarcando el hecho de que eran periféricos al “centro”, la “zona de pivote”, que sencillamente pasa a ser Rusia. Aquí es donde la contribución como geógrafo de Mackinder finaliza, y su contribución como sirviente del imperio comienza. Él entendió hace 100 años que era (y es) una quimera para los administradores de imperios como los actuales de EE.UU. y la Unión Europea (la Alianza del Atlántico) obtener completa dominación sobre la “Isla Mundial” a través de los medios convencionales, simplemente porque las poblaciones y los recursos combinados de la vasta, interconectada y mutuamente dependiente masa de territorios opacarían sus “Islas Periféricas” como Gran Bretaña y EE.UU. Así que ¿qué hacer?

Mientras su propaganda constantemente proyecta “el permanente peligro de Rusia” (y a la vez de otros poderes de Eurasia, pero mayormente de Rusia) como una amenaza global que está presta a romper la contención ceñida sobre ella y tomar el control de la “Isla Mundial” y luego de las “Islas de la periferias”, el verdadero propósito de su “Gran Juego” es “contrarrestar esos factores físicos y tecnológicos que favorecieron la formación de grandes imperios continentales en la masa terrestre de Eurasia” [1].

En otras palabras, dándose cuenta de que fueron naturalmente excluidos del centro de la acción por su posición marginal en las “Islas de la periferia”, ellos se figuraban que la única esperanza de poder establecer un imperio global era organizar periódicamente “escaramuzas destructivas”, manipulando a los países del Corazón Continental poniéndolos unos contra otros, de modo tal que antes de que cualquiera de éstos pueda recuperarse del shock y volverse lo suficientemente fuerte económica y militarmente, se apresurarán a volver a cero la relación entre los pueblos, intentando de este modo que la situación sea favorable para mantener y avanzar en la hegemonía Anglo-Americana.

A propósito, Mackinder estuvo directamente involucrado en el nuevo trazado del mapa de Europa del Este como lo conocemos hoy en día. Participando en la Conferencia de Paz de París al final de la Primera Guerra Mundial a favor de la Oficina de Relaciones Exteriores Británica, directamente supervisó la disolución de cuatro imperios eurasiáticos (el alemán, el austro-húngaro, el otomano y el ruso) en arbitrarios pequeños estados “con el fin de cerrar las puertas de las tierras centrales de Eurasia a los enemigos de Gran Bretaña y mantener un status quo internacional favorable a los intereses de la nación Anglosajona” [2]. Esta es exactamente la misma “lógica” que se sigue en la actualidad.

The Eurasian Landmass (M.D. Nazemroaya).JPG

Por supuesto, esta “lógica” precede a la Teoría del Corazón Continental de Mackinder y nuevas formulaciones han sido “inventadas” desde entonces, pero la mente en la cual surgen tales ideas sigue siendo tan estéril y ajena a la percepción humana normal como siempre. William Engdahl sugiere en La Guerra del Siglo: La política Anglo-Americana del petróleo y el Nuevo Orden Mundial que la teoría del Corazón Continental fue simplemente la más clara explicación del concepto de “balance de poder” que fue “venerado” por la élite británica en el siglo XIX:

La diplomacia británica cultivó [la] doctrina cínica [de balance de poder], la cual dictaba que Gran Bretaña nunca debería mantener relaciones sentimentales o morales con otras naciones como respetables socios soberanos, sino más bien debería obrar únicamente en favor de sus propios “intereses”. Las alianzas estratégicas británicas fueron dictadas estrictamente por lo que ellos determinaron en un período dado que podría servir mejor a sus propios “intereses”.

Esta forma paramoralista y psicopática de ver el mundo nos muestra a las claras el lenguaje dominante de la “diplomacia” y las relaciones internacionales – “el Gran Juego”, “el Gran Tablero de Ajedrez”, “el balance de poder”, “los intereses especiales”, etc… Esto no significa que todos los países y todas las alianzas mundiales perciben el mundo en estos términos. Ellos ciertamente tienen que responder a veces como si estuvieran envueltos en un juego de ajedrez geopolítico, pero esto suele deberse a que “el Juego”, como tal, es impuesto a ellos por la dominación de Occidente. Tome nota, por ejemplo, de Putin menospreciando la jerga diplomática y describiendo su asombro en relación a los juegos mentales de occidente en una conferencia de prensa tras el golpe de Estado armado en Kiev en febrero:

“La lengua de los diplomáticos, como sabemos, está allí para ocultar sus pensamientos. [...] A veces siento que en algún lugar cruzando el charco, en Norteamérica, hay gente sentada en un laboratorio conduciendo experimentos, como con ratas, sin en realidad entender las consecuencias de lo que ellos están haciendo. ¿Por qué necesitan hacer esto? ¿Quién puede explicarlo? No hay ninguna explicación en absoluto para esto”.

Lo que nos permite ver la “Teoría del Corazón Continental” – y similares formulaciones como la “Teoría del Juego” – ideada por la mente psicopática, es un sentido del complejo insular eterno de las élites de Occidente. Esto puede verse claramente cuando acusan a Eurasia o a otros de todas las cosas que ellos mismos hacen, y de poseer “el mal” que ellos mismos padecen: ese insaciable impulso por dominar absolutamente todo. El hecho mismo de que existan ciertas personas en este planeta quienes ven el mundo de este modo megalomaníaco, es lo que da lugar a este “Gran Juego” y el metódico esfuerzo por dominar y controlar el planeta entero. Sí, es psicopático, y es conducido por la codicia ciega y por sea cual sea la forma en que sople el viento en ese momento, pero también hay un método para su locura. Si pudieran, colonizarían otros mundos también.

Pero no hace falta que me crea a mí…

El mundo esta dividido casi en su totalidad, y lo que queda está siendo dividido, conquistado y colonizado. Pienso en esas estrellas que vemos sobre nuestras cabezas cada noche, esos vastos mundos a los que nunca podremos llegar. Anexaría los planetas si pudiera, con frecuencia pienso en ello. Siento tristeza al verlos tan claros y aún tan lejos. Cecil Rhodes

Mientras tanto, quizá el lector quiera escuchar nuestra entrevista a Eric Wallberg en el <SOTT Talk Radio del último domingo. Autor de Imperialismo posmoderno: Geopolítica y el Gran Juego, pienso que Wallberg ha hecho un buen trabajo dándole sentido a la “geopolítica” y sobre cómo este imperio mundial tomó forma en los últimos 150 años más o menos.

Notas

1. “Geopolítica, Federalismo, y Defensa Imperial: Halford Mackinder y Europa del Este, 1919-20″, artículo presentado en “Europa Central y del Este en la política mundial después de Versalles: Hacia una Nueva Historia Internacional”, Universidad de Oxford, Facultad de Historia, 4-5 de Octubre del 2013

2. Ibid.

* Niall Bradley es editor de Sott.net desde 2009.

Fuente: El Espía Digital

Les ressorts psychologiques des pilotes Tokkôtai

Kamikaze.jpg

Manipulation esthétique et romantisme

Les ressorts psychologiques des pilotes Tokkôtai

Kamikazes, fleurs de cerisiers et nationalismes

Rémy Valat
Ex: http://metamag.fr

花は桜木人は武士(hana wa sakuragi hito wa bushi).

« La fleur des fleurs est le cerisier, la fleur des hommes est le guerrier. »


Les éditions Hermann ont eu la bonne idée de publier le livre d’Emiko Ohnuki-Tierney, Kamikazes, Fleurs de cerisier et Nationalismes, paru précédemment en langue anglaise aux éditions des universités de Chicago (2002) sous le titre Kamikaze, Cherry Blossoms, and Nationalisms : The Militarization of Aesthetics in Japanese History. La traduction de cette étude magistrale est de Livane Pinet Thélot (revue par Xavier Marie). Emiko Ohnuki-Tierney enseigne l’anthropologie à l'université du Wisconsin ; elle est une spécialiste réputée du Japon. Sa carrière académique est exceptionnelle : elle est présidente émérite de la section de culture moderne à la Bibliothèque du Congrès de Washington, membre de l’Avancées de Paris et de l'Académie américaine des arts et des sciences. 

Kamikazes, Fleurs de cerisier et Nationalismes n’est pas une histoire de bataille. L’auteure s’est intéressée aux manipulations esthétiques et symboliques de la fleur de cerisier par les pouvoirs politiques et militaires des ères Meiji, Taishô et Shôwa jusqu’en 1945. La floraison des cerisiers appartient à la culture archaïque japonaise, elle était associée à la fertilité, au renouveau printanier, à la vie. L’éphémère présence de ces fleurs blanches s’inscrivait dans le calendrier des rites agricoles, lesquels culminaient à l’automne avec la récolte du riz, et étaient le prétexte à libations d’alcool de riz (saké) et festivités. Au fil des siècles, les acteurs politiques et sociaux ont octroyé une valeur différente au cerisier : l’empereur pour se démarquer de l’omniprésente culture chinoise et de sa fleur symbole, celle du prunier ; les samouraïs et les nationalistes pour souligner la fragilité de la vie du guerrier, et, surtout pour les seconds, institutionnaliser une esthétique valorisant la mort et le sacrifice. Emiko Ohnuki-Tierney nous révèle l’instrumentalisation des récits, des traditions et des symboles nippons, ayant pour toile de fond et acteurs des cerisiers et des combattants : le Manyôshû (circa 755 ap. JC), un recueil de poèmes mettant en scène les sakimori (garde-frontières en poste au nord de Kyûshû et sur les îles de Tsushima et d’Iki) ont été expurgés des passages trop humains où les hommes exprimaient leur affection pour leurs proches de manière à mettre en avant la fidélité à l’empereur.  L’épisode des pilotes tokkôtai survint à la fin de la guerre du Pacifique et atteint son paroxysme au moment où le Japon est victime des bombardements américains et Okinawa envahi. Ces missions suicides ont marqué les esprits (c’était l’un des objectifs de l’état-major impérial) et donné une image négative du combattant japonais, dépeint comme un « fanatique »... Avec une efficacité opérationnelle faible, après l’effet de surprise de Leyte (où 20,8% des navires ont été touchés), le taux des navires coulés ou endommagés serait de 11,6%....Tragique hasard de l’Histoire, la bataille d’Okinawa s’est déroulée au moment de la floraison des cerisiers, donnant une touche romantique à cette irrationnelle tragédie, durant laquelle le Japon va sacrifier la fine fleur de sa jeunesse.

suzuki.jpgFine fleur, car ces jeunes hommes, un millier environ, étaient des étudiants provenant des meilleures universités du pays, promus hâtivement officiers-pilotes pour une mission sans retour. 3843 pilotes (estimation maximale incluant toutes les catégories socio-professionnelles et classes d’âge) sont morts en tentant de s’écraser sur un bâtiment de guerre américain. L’étude des journaux intimes de ces jeunes kamikazes, journaux parfois entamés plusieurs années auparavant constitue une source inestimable car elle permet de cerner l’évolution psychologique et philosophique des futurs pilotes. L’analyse, centrée sur 5 cas, révèle que l’intériorisation de la propagande militaire et impériale était imparfaite, individualisée. Toutefois, le panel étudié (5%de la population) est la principale faiblesse de l’argumentation d’Emiko Ohnuki-Tierney (l’auteure aurait eu des difficultés à trouver des sources originales et complètes). Il ressort de son analyse que peu de pilotes, dont aucun n’était probablement volontaire, aurait réellement adhéré à l’idéologie officielle. Ironie, les étudiants-pilotes étaient pétris de  culture : la « génération Romain Rolland » (lire notre recension du livre de Michael Lucken, Les Japonais et la guerre).


L’opposition entre la culture occidentale prônant le libre arbitre et l’obligation de se donner la mort en mission commandée a ouvert la porte à l’irrationalité et au romantisme. Leur dernière nuit était un déchirement, mais tous ont su trouver la force de sourire avant le dernier vol. Kasuga Takeo (86 ans), dans une lettre au docteur Umeazo Shôzô, apporte un témoignage exceptionnel sur les dernières heures des kamikazes : « Dans le hall où se tenait leur soirée d’adieu la nuit précédant leur départ, les jeunes étudiants officiers buvaient du saké froid. Certains avalaient le saké en une gorgée, d’autres en engloutissaient une grande quantité. Ce fut vite le chaos. Il y en avait qui cassaient des ampoules suspendues avec leurs sabres. D’autres qui soulevaient les chaises pour casser les fenêtres et déchiraient les nappes blanches. Un mélange de chansons militaires et de jurons emplissaient l’air. Pendant que certains hurlaient de rage, d’autres pleuraient bruyamment. C’était leur dernière nuit de vie. Ils pensaient à leurs parents et à la femme qu’ils aimaient....Bien qu’ils fussent censés être prêts à sacrifier leur précieuse jeunesse pour l’empire japonais et l’empereur le lendemain matin, ils étaient tiraillés au-delà de toute expression possible...Tous ont décollé au petit matin avec le bandeau du soleil levant autour de la tête. Mais cette scène de profond désespoir a rarement été rapportée. » (pp. 292-293).


Quel sens donner à leur sacrifice ?

 
Outre celui de protéger leurs proches, l’idée de régénération est forte. Un Japon nouveau, épuré des corruptions de l’Occident (matérialisme, égoïsme, capitalisme, modernité) germerait de leur sublime et suprême offrande. La méconnaissance (source d’interprétations multiples) et l’archaïsme du symbole a, semble-t-il, éveillé et mobilisé des sentiments profonds et primitifs, et pourtant ô combien constitutifs de notre humanité. Ironie encore, ce sont contre des bâtiments américains que viennent périr ces jeunes hommes, ces « bâtiments noirs, venus la première fois en 1853, obligeant le Japon à faire face aux défis de l’Occident et de la mondialisation. Il ne faut pas oublier que l’ultranationalisme japonais est une réponse à ce défi... Le Japon ne s’est pas laissé coloniser comme la Chine ; les guerres de l’opium ont donné à réfléchir aux élites japonaises. Mieux, les Japonais ont su s’armer, réfléchir et chercher le meilleur moyen de retourner les armes de l’agresseur. Le Japon a été un laboratoire intellectuel intense, et le communisme, idéologie sur laquelle la Chine habillera son nationalisme, est un import du pays du Soleil Levant... Ernst Nolte explique les excès du nazisme comme une réaction au danger communiste (La guerre civile européenne) : il en est de même au Japon. La menace des navires américains est un retour à l’acte fondateur du nationalisme nippon expliquerait l’irrationalité des actes de mort volontaire...


Le livre d’Emiko Ohnuki-Tierney, qui professe aux Ėtats-Unis, est remarquable, mais peut-être marqué par l’esprit du vainqueur. « Ce qui est regrettable par-dessus tout, écrit-elle (p. 308), c’est que la majorité de la population ait oublié les victimes de la guerre. Ces dernières sont tombées dans les oubliettes de l’histoire, ont été recouvertes par la clameur des discussions entre les libéraux et l’extrême-droite, au lieu d’être le rappel de la culpabilité de la guerre que chaque Japonais devrait partager ». La culpabilité (la repentance) est une arme politique ne l’oublions pas : une arme qui sert peut-être à garder le Japon sous influence américaine, car même si le Japon s’achemine vers une « normalisation » de sa politique et de ses moyens de défense, l’interdépendance des industries d’armement et de communication ainsi que l’instrumentalisation du débat sur la Seconde Guerre mondiale en Asie entravent le processus d’une totale indépendance politique de ce pays. Si les Japonais devraient partager la culpabilité des victimes de la guerre ? Qui doit partager celles des bombardements de Tôkyô, de Hiroshima et de Nagasaki ? Enfin, on ignore l’état d’esprit de ce qui ont le plus sincèrement adhéré à l’idéologie impériale au point de sacrifier leurs vies pour elle (Nogi Maresuke, Onishi Takijiro, fondateur des escadrilles tokkôtai, pour les plus illustres). Orages d’acier ou À l’Ouest rien de nouveau, deux expériences et deux visions, radicalement opposées, sur une même guerre...


Emiko Ohnuki-Tierney, Kamikazes, Fleurs de cerisier et Nationalismes, éditions Hermann, 2013, 580 p., 38 euros.

mardi, 06 mai 2014

Identité et devenir de l'Europe...

Identité et devenir de l'Europe...

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La Nouvelle Revue d'Histoire est en kiosque (n° 72, mai - juin 2014).

Le dossier central est consacré à l'Europe, son identité et son devenir. On peut y lire, notamment,  des articles

de Philippe Fraimbois ("Charlemagne, fondateur du premier empire européen"),

de Bernard Fontaine ("Le XIIIe siècle des cathédrales et des universités"),

de Jacques Berrel ("La Hanse, une Europe de marchands"),

de Philippe Conrad ("L'Europe rassemblée face au péril ottoman"),

de Jean-Joël Brégeon ("Quand l'Europe des Lumières parlait français"),

de Robert James Bellairs ("Les relations anglo-allemandes de 1871 à 1991")

de Christophe Réveillard ("L'Europe de Jean Monnet" ; "De Gaulle et l'Europe"),

de Guillaume Bernard ("La construction d'une Europe... introuvable"),

de Paul-Marie Coûteaux ("Qu'est-ce que le souverainisme ?" ; "Pour un Etat européen").

Hors dossier, on pourra lire, en particulier, deux entretiens, l'un avec Gérard-François Dumont ("Histoire et démographie") et l'autre avec Andreas Kappeler ("Quelle identité historique pour l'Ukraine") ainsi que des articles d'Emma Demeester ("Olympe de Gouges, une victime de la Révolution"), de Philippe Maxence ("Honoré d'Estienne d'Orves. Une jeunesse française") et de Virginie Tanlay ("1944. La Normandie sous les bombes").

The Iran/Iraq War: Mutual Assured Destruction

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The Iran/Iraq War: Mutual Assured Destruction

(Excerpted from Chapter 10: The Iran/Iraq War: Big Oil & Their Bankers…)

In 1979, as Iranian revolutionaries were taking charge in Tehran, Carter National Security Adviser, Afghan Frankenstein godfather and Trilateral Commission co-founder Zbigniew Brzezinski was in Kuwait City meeting with Kuwaiti Emir Sheik Jaber Ahmed al Sabah, House of Saud envoys and Iraqi President Saddam Hussein.  The group decided that Saddam’s Republican Guard would seize the oil-rich Iranian province of Khuzistan.

In 1980 Iraq invaded Iran.  That same year Kuwait’s Ambassador to the UN shed light on the forces which used Brzezinski to goad Hussein into his attempt to partition Iran’s oilfields.  He informed the UN General Assembly of, “a cabal which controls, manipulates and exploits the rest of humanity by controlling the money and wealth of the world”.

Silent Weapons for Quiet Wars

The cabal which Kuwait’s UN Ambassador was referring to controls the JASON Society which, according to author William Cooper’s book Behold a Pale Horse, emerged from a 1952 alliance between Europe’s Black Nobility, the Illuminati and the Vatican.  The JASON Society is also known as The Order of the Quest, the exact name of the Afghan Roshaniya “all-seeing ones”.  The power structure for JASON is recruited from Skull & Bones, Scroll & Key, Britain’s Group of Oxford and the German Thule Society.  JASON has close ties to the Trilateral Commission and the CFR. [1]  Its name comes from the story of Jason and the Golden Fleece, which denotes a search for truth.

President Eisenhower commissioned JASON to investigate the UFO question. Many of the group’s top scientists came from the Manhattan Project which developed the atomic bomb.  The group was behind the advent of submarine warfare and President Reagan’s Star Wars initiative.  JASON is the driving force behind secret US military technology being developed at places like Area 51 near Groom Lake, Nevada.

Cooper, a former Naval Intelligence officer, states that JASON scientists have come to the conclusion that the greenhouse affect may actually lead to a new Ice Age.  The Pentagon Papers revealed that JASON was behind an electromagnetic barrier placed over the DMZ (demilitarized zone) during the Vietnam War. [2]  JASON, through the Black Nobility, serves the Bilderberger Group, whose Policy Committee, at its first known meeting in 1954, endorsed a JASON document titled Silent Weapons for Quiet Wars.  Research for the document was done at the Rockefeller Foundation’s Harvard Economic Research Project.  What follows are excerpts of the document, which Cooper claims to have had in his possession:

“This publication marks the 25th anniversary of the Third World War, called the ‘Quiet War’, being conducted using subjective biological warfare…implying extensive objectives of social control and destruction of human life, i.e., slavery and genocide…dominance revolved around the subject of energy sciences…bookkeeping can be made king if the public can be kept ignorant of the methodology…it was agreed that a nation or world of people who will not use their intelligence are no better than animals…Such people are beasts of burden and steaks on the table by choice and consent…consequently …it was decided to privately wage a quiet war…shifting the natural and social energy of the undisciplined and irresponsible many into the hands of the self-disciplined, responsible and worthy few.

In order to achieve a totally predictable economy, the low-class elements of the society must be brought under total control, i.e., must be housebroken, trained and assigned a yoke…the lower class family unit must be disintegrated by the process of increasing preoccupation of the parents…The quality of education given to the lower class must be of the poorest sort…with such an initial handicap, even the bright lower class individuals have little hope of extricating themselves from their assigned lot in life.  This form of slavery is essential to maintaining some measure of social order, peace and tranquility for the ruling upper class.

The public cannot comprehend this weapon, and therefore cannot believe they are being attacked and subdued.  The general public…has become a herd of proliferating barbarians…a blight upon the face of the earth…it is possible to program computers…(to) bring about the complete control and subjugation of the public…the simplest form of economic amplifier is advertising.  If a person is spoken to by a TV advertiser as if he were a 12-year-old, then…he will reach into his economic reservoir to buy that product…achieved by disengaging their minds…engaging their emotions…the more confusion, the more profit.  Create problems, then offer solutions…keep the public entertainment below the 6th grade level…keep the public busy…back on the farm with the other animals…silent weapons technology is an outgrowth of a simple idea discovered, succinctly expressed and effectively applied by…

Mr. Mayer Amschel Rothschild…Rothschild discovered the missing passive component of economic theory known as economic inductance…That principle is ‘when you assume the appearance of power, people soon give it to you’…Rothschild discovered that currency or deposit loan accounts had the required appearance of power that could be used to induce people into surrendering their real wealth in exchange for a loan of promissory notes (paper money).

Mr. Rothschild loaned his promissory notes to individuals and governments.  Then he would make money scarce, tighten control of the system, and collect collateral through the obligation of contracts (debt)…The pressures could be used to ignite war.  Then he would control the availability of currency to determine who would win the war.  That government which gave him control of its economic system got his support…balanced by the negation of population (genocide)…war is therefore the balancing of the system by killing the true creditors…the politicians are publicly hired hit men that justify the act (of war)…take control of the world by the use of economic silent weapons in the form of ‘quiet warfare’ and reduce economic inductance of the world to a safe level by the process of benevolent slavery and genocide…if the lower classes can be postponed long enough, the elite can achieve energy dominance…the ‘Presidential’ level of commander-in-chief is shared by the international bankers.”

Arming the Iranians

While Brzezinski gave Saddam the green light to invade Iran, CIA Director Bill Casey met Iranian Shah loyalist Cyrus Hashemi in Madrid, ostensibly to plan a new round of “energy domination” and “economic inductance”.  The US would now arm both Iran and Iraq then send them to war, hoping to decimate both oil price-hawk nations.

In 1981 while Hashemi was panhandling Princess Ashraf, the Shah of Iran’s sister, for $20 million to launch Hardy Boy John Shaheen’s Hong Kong mujahadeen fronts, brother Jamshid bought a Greek freighter and made four trips between the Israeli Port of Eliat and the Port of Bandar Abbas on Iran’s Arabian Sea coast.  His cargo was $150 million in weapons and ammunition produced by Israeli Defense Industries under US license.

Arif Durfani, a Pakistani arms dealer, ran another Enterprise cell that delivered hundreds of millions of dollars in weaponry to the Iranians.  Durfani was a close friend of BCCI-founder Aga Hasan Abedi, whose bank financed the operation.  He was also tight with the Saudi Gokal brothers, who shipped the weapons from Israel to Iran. [3]  While the Iranian port at Bandar Abbas was humming with activity, other shipments of TOW missiles were entering Iran from the north at Tabriz.

Overseeing the arming of Iran was Assistant Secretary of Defense Richard Armitage, the Far East Trading Company godfather and Valerie Plame leaker.  Armitage was assured a steady supply of weapons by Chief White House Liaison to Saudi Arabia Richard Secord.  In 1985 Ted Shackley met with Cyrus Hashemi in Hamburg, where Hashemi introduced him to Manucher Gorbanifar, another former SAVAK agent who now worked for Israeli Mossad.  Gorbanifar was a friend of Iranian President Hashemi Rafsanjani, whose family owned pistachio groves in Iran.  He worked with BCCI’s Black Network and often procured financing for his weapons deals from Saudi billionaire Adnan Khashoggi.  Gorbanifar became the key Iranian contact to Secord’s Enterprise.

BCCI paid Southern Air Transport pilots like Eugene Hasenfus to fly Enterprise weapons to both the Nicaraguan contras and the Iranian mullahs.  In 1978 42% of Southern Air’s CIA contracts were for flights to Iran.  In 1997 the Mobile Register reported an incident in that Alabama city involving a Southern Air Transport plane.  The aircraft landed at Mobile Aerospace Technologies.  Mechanics working on the plane popped off a fiberglass panel and found hundreds of kilos of cocaine.  The Southern Air flight had originated in Latin America and was en route to Miami, but had taken a rather circuitous detour to Germany along the way. [4]

The US sent Hawk and Phoenix missiles to protect Iran’s oil installations, especially the vast Kharg Island facility which includes the massive Abadan refinery at the strategic mouth of the Shatt al-Arab waterway on the Persian Gulf.  Mansur Rafizadeh, former SAVAK intelligence officer and CIA liaison, said the US had thrown its support behind Ayatollah Khomeini, thinking Islamic fundamentalism the best defense against communism in the Middle East.  This strategy was certainly playing out in Afghanistan, where the CIA was funding the most fanatical faction of mujahadeen Assassins.

Despite releasing the US hostages the day Reagan was inaugurated, the Iranians had saved a powerful trump card.  Iran is the main supporter of Hezbollah, the militia group battling Israel’s occupation of southern Lebanon.  The Israelis continually thumb their noses at UN Resolution 3236, which calls for a Palestinian state. They have seized additional Arab lands in Egypt, Syria, Jordan and Lebanon through invasions in 1956, 1967 and 1973.  In 1978 Israeli troops marched into southern Lebanon where they remained until 2001.  In 1984 the US vetoed a unanimous UN resolution calling on Israel to respect international law and pull out of Lebanon.  In June 2006 Israel bombed Beirut and sent troops into Lebanon after two of its soldiers were allegedly kidnapped.  Over 500 Lebanese civilians were killed.

Lebanon was for decades an offshore banking haven utilized by the CIA via Edmund Safra’s Republic Bank and a web of Beirut drug and gold smugglers. Henry Kissinger is a friend of Safra. Both sat on the board of American Express.  When Syrian-backed Arab nationalists took control of Lebanon they cracked down on drug money laundering.  Republic moved its headquarters to New York where it continued to be a major player in the gold market.  In 1999 Republic was bought by a bigger goldfish- HSBC.

British, Israeli and American bankers were forced to move their operations to Dubai and Bahrain, while their MI6, Mossad and CIA goons harassed the new Lebanese government.  In 1982 the USS New Jersey shelled Beirut in its backing of pro-Israeli Lebanese militia leader Amin Gemayel. That same year Israeli Defense Minister Ariel Sharon, now the country’s prime minister, oversaw the massacre of hundreds of Lebanese at Sabra and Shatila.  In January 2002 Gemayel, who took part in the massacre under Sharon’s command, was gunned down as he was about to testify on the ordeal before a Belgian court. [5]  The court indicted Sharon for war crimes anyway.

Hezbollah retaliated to the massacres by kidnapping CIA Chief of Middle East Operations William Buckley.  Buckley had been the CIA contact to the mid-1970’s Argentine fascists, who tossed 30,000 suspected leftists into the Atlantic Ocean. [6]  Buckley was tortured and left for dead, but not until Hezbollah made videotapes of Buckley singing about CIA black operations in the region.  Hezbollah was still holding five other CIA agents as hostages.

In 1983 Hezbollah bombed a US Marine barracks in Beirut killing 283 American soldiers and precipitating a US withdrawal from Lebanon.  The CIA countered with a March 1985 car bomb in a crowded Shi’ite suburb of Beirut, killing 80 civilians and injuring 200.  Few people will ever know what Buckley confessed to his Hezbollah interrogators, but apparently the CIA thought the tapes embarrassing enough to cut a deal with Hezbollah’s Iranian backers.

Former SAVAK agent and CIA liaison Mansur Rafizadeh said the CIA was pursuing a two-track strategy in Iran.  On the one hand they were arming the Ayatollah and helping him crush the Iranian left.  On the other hand they were working to destabilize the Khomeini regime in a variety of ways.  The CIA was funding Iranian exile groups like the Paris-based Front for the Liberation of Iran and the Cairo-based Radio Nejat.

In 1986 the CIA recruited the Shah’s exiled son to deliver an 11-minute derision of the mullahs which was piped into Iran with CIA help and shown on the nation’s television networks.  Robert Sensi, a CIA agent who worked with BCCI money launderer Faisal Saud al Fulaij’s Kuwaiti Airways, set up CIA front companies in Iran with the help of Habib Moallem.  Through these fronts, they recruited Iranian agents who would spy on the mullahs and help destabilize the government.

Arming the Iraqis

The Saudis and Kuwaitis agreed to fund Saddam Hussein’s attack into Iran’s oil-rich Khuzistan Province at Brzezinski’s request.  The idea was to sever Khuzistan from the rest of Iran, then install a pliable government with which the Four Horsemen could do business.  Khuzistan contains the strategic Shatt al-Arab Waterway, which flows into the Persian Gulf and forms the Iran/Iraq border.  Kharg Island, in the waterway’s delta, is home to the bulk of Iran’s oil processing facilities, including the Abadan and Ahwaz refineries.

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Khuzistan is also home to 90% of Iranian oil reserves and most of Iran’s significant natural gas reserves, which are surpassed only by those in Russia and Turkmenistan.  Khuzistan is the stronghold of the Tudeh and People’s Mujahadeen Parties, thorns in the side of the Ayatollah, the Shah and Big Oil alike.  The population of the province is largely Arab and Kurdish, while Persians predominate elsewhere in Iran.  The CIA hoped to exploit these ethnic differences as it so often does.

Brzezinski told Saddam that his Revolutionary Guard would be seen entering Khuzistan as, “great Arab liberators”.  Hussein was also assured control of the Shatt al-Arab, which former Iraqi President al-Bakr had ceded to Iran under the 1973 Algiers Agreement in return for a cessation of Shah and CIA backing of Iraqi Patriotic Union of Kurdistan rebels.  In 1980 Hussein’s troops invaded Iran.  Iraq gained control of the prized Shatt al-Arab only briefly. Its troops were seen by the Khuzistanis for what they really were- tools of US imperialism.  The real US goals were quite different from what Brzezinski had told Saddam Hussein.

While the CIA was funneling information to the Ayatollah and his goons on Iranian nationalists, Saddam Hussein’s troops now pounded the leftists as a rear guard.  Iranian dissidents, who had backed Mohammed Mossadegh’s calls to nationalize Iran’s oil in the 1950’s, and who later launched the oilfield strikes against the Iranian Consortium that brought the Shah to his knees, were now caught in a crossfire of the CIA’s making.

Iraqi forces also targeted Iran’s oil infrastructure.  MIG-27 fighters strafed the refineries at Abadan and Ahwaz on Kharg Island, while Revolutionary Guard troops laid waste to facilities at Iran’s largest port of Khorramshahr on the Persian Gulf. [7]  By disrupting Iranian oil exports, the CIA hoped to starve the mullahs of foreign exchange, a situation which would lead to a devaluation of the Iranian rial and subsequent hyperinflation.  The CIA could then exploit the economic decay to turn the country against the Khomeini government.  Iran, which had become a modern nation state, saw decades of progress destroyed during the war with Iraq.  The nation was literally de-modernized.

The CIA’s goals toward Iraq were no different.  Throughout the war GCC members Kuwait, Saudi Arabia and the UAE provided Saddam with interest-free loans.  The Saudis and Kuwaitis sent Iraq over $120 billion. [8]  Kuwait, the UAE and Jordan all made their ports available to the Iraqi Navy.  Saudi Arabia and Oman provided landing rights for Iraqi MIG-27 fighters.  The US was joined by Israel, Russia, Italy, France, Egypt and Brazil in sending Iraq weapons through the Jordanian Port of Aqaba.  US corporations such as Honeywell, Rockwell, Unisys and Hewlett Packard sent over $40 million in dual-use items to both Iran and Iraq during the war.

The CIA took a shine to Saddam Hussein for the same reason they worked with Ayatollah Khomeini.  In 1974, as Revolution Command Council Internal Security Chief, Hussein attacked leftist political parties in Iraq. Jalal Talabani’s Patriotic Union of Kurdistan worked for CIA and the Shah of Iran in attacking the al-Bakr government in Baghdad.  Al-Bakr was an influential OPEC price hawk leader who railed against Big Oil dominance over Arab oil.

Saddam was doing everything he could to suppress these voices.  From 1974-75 250,000 Iraqi Kurds fled to Iran.  In April 1979, while his Ba’ath Party thugs were brutalizing Shi’ite Muslims, leftists and renegade Kurd factions, Saddam signed a security agreement with Saudi Arabia.  By 1980 Saddam, a Sunni Muslim, banned two major Shi’ite political parties in Iraq- al-Dawah al Islamiyya and al-Mujahidin.  Iranian-born Shi’ites were deported, along with 3,000 leftists.  Twenty-two Ba’ath leaders accused of collaborating with Syria were executed. [9]

Hussein’s purges looked so similar to the ones being conducted by the Ayatollah that one had to wonder if Saddam had not also received a Company hit list.  Thrilled with Saddam’s fascist killing spree, Western multinationals flocked to Iraq where a massive agricultural privatization was under way.  Cooperative land that had grown staple foods for Iraqi peasants for decades was now for sale to the highest bidder.  A handful of wealthy Iraqis got most of the land and their diras (estates) began cultivating crops for export.

Iraq was forced to import basic foods like wheat and rice to feed its suddenly landless people.  Western grain giants Cargill and Continental Grain (now merged), Louis Dreyfus, Andre and Bunge & Born moved in to fill the void.  In 1982 Iraq imported 820,000 tons of US grain. [10]

Other segments of Iraq’s economy were ceded to multinationals as well.  Had Saddam cut a deal with the West, whereby US corporations got greater access to Iraq’s economic spoils in return for US support in his war with Iran?

Until 1984 the US publicly favored Iran in the war with Iraq.  Then Iran reclaimed the Shatt al-Arab Waterway and Khuzistan Province.  The tide of the war was turning in Iran’s favor.  In 1984 the US began re-flagging Kuwaiti oil tankers in the Persian Gulf which, it claimed, came under attack by Iranian gunboats.  Actually it had been the Iraqis who started the tanker war that year.  By 1987 the Iraqi Navy had damaged 219 oil tankers. [11]

The shift was on. In 1984 Reagan removed Iraq from the State Department list of nations that support terrorism.  That year marked the beginning of the War of Cities, when numerous major cities in both countries were reduced to rubble, including the capitals Tehran and Baghdad.  Both countries targeted the economic infrastructure of the other.  A 1985 CIA memo to Director Casey stated, “Our tilt to Iraq was timely when Iraq was against the ropes and the Islamic Revolution was on a roll”.

Picture.jpgIn 1987 85,000 Iranian troops overran Fao, Iraq’s main oil terminal for its vast Rumaila oilfields near the Kuwaiti border.  Under the pretext of a US Navy re-flagging operation, forty-two US Naval vessels arrived in the Persian Gulf.  US gunboats shelled Iranian oil installations at the mouth of the Shatt al-Arab and shot down an Iranian passenger jumbo jet, killing everyone on board.  When Iraq used mustard gas against its own Kurdish people in 1987, the US looked the other way and began to arm Saddam Hussein.

The House of Saud, which had been bankrolling the Iraqi war effort all along, now began to work through BCCI to arm the Iraqis.  In addition to the $1 billion/month they were sending Saddam, the Saudis now provided intelligence, logistics and weapons, including NK-84 helicopters.  The Saudis entered a joint venture to help strengthen Baghdad’s nuclear capabilities, which the Israelis had wiped out in a 1981 bombing raid commanded by Ariel Sharon. [12]

Saudi Arabia and Iraq set up Gulf International Banks to supplement the BCCI channel.  A 1989 Defense Department study showed US military aid to the Saudis landing in Iraqi accounts in Switzerland.  US AWAC surveillance planes flew from Saudi bases and gathered intelligence for Iraq.  The US/Saudi collaboration was so blatant that many believed the Americans were directing Saudi security agencies. [13]

Mutual Assured Destruction

The US continued to play both sides in the Iran/Iraq War, backing one country until it had a military advantage, before switching sides to back the other.  The US resisted any moves to negotiate a peace treaty. Both countries saw their infrastructure leveled, their economies crippled and their people decimated.  In Iraq 750,000 people were killed.  A 1979 memo to President Carter from NSA Brzezinski, explains the US policy, “the Iran-Iraq conflict is a unique opportunity to consolidate our security position”.

The Export Import Bank provided $200 million in taxpayer insured loans to Iraq, most of which were funneled through Banco Nacionale de Lavoro.  The Commodity Credit Corporation provided a similar amount of taxpayer-insured loans so Iraq could buy grain from Cargill and Continental Grain.  As much as 20% of the US rice crop was sold to Iraq. By the first quarter of 1990 Iraq was the United States’ third largest trading partner. [14]  Iraq owed $241 billion to global creditors: $120 billion to Kuwait and Saudi Arabia, $9 billion to Russia and $3 billion to Japan.  In 1989 Japan cut Iraq off.

iran_iraq_stalemate.jpgCarter NSA Gary Sick, said later that, “the US has resisted all moves in the United Nations toward a negotiated settlement of the tanker war”. [15]  The US Navy’s re-flagging operation established a permanent US presence in the Persian Gulf.  Reagan Defense Secretary Casper Weinberger, who was later Knighted by Queen Elizabeth II for his genocidal efforts, characterized the re-flagging as a “trade-off for basing rights”, in GCC countries.  The monarchs had been slow to cooperate with US security plans in the region.  The Iran/Iraq War had the effect of scaring the daylights out of the emirates and getting them on board with US plans to modernize bases in Saudi Arabia and to build new ones in the other GCC emirates.

Saudi/US relations became very cozy during this time, especially on the military front.  The Saudis became the biggest annual recipient of US military aid.  In 1983 the Saudis received $17 billion in US military hardware.  In 1984 that jumped to $22.7 billion.  Richard Secord was in the thick of it- brokering the sale of five AWACs to the Saudis the night Reagan was sworn into office.  Hidden in the $8.5 billion package was a provision that beefed up the Kingdom’s C3 system at bases, some of which contain underground nuclear command centers that only US personnel can control.

By 1993 the Saudis had spent $156 billion on the joint Saudi/US military buildup within the Kingdom.  The US now effectively occupied Saudi Arabia, guarding the 261 billion barrels of Four Horsemen oil.  Many members of Congress were not even aware of what was going on.  As Rep. Howard Metzenbaum (D-OH) said, “The US/Saudi relationship is different because only a tiny White House club is in the know”. [16]

Iran and Iraq are the only two OPEC nations with large enough oil reserves to challenge Saudi/GCC control over oil prices.  Iraq is second only to the Saudis with 112 billion barrels of oil reserves and much of the country remains unexplored.  Iran has close to 100 billion barrels of crude.  Both are firmly in the camp of the OPEC price hawks.  By disrupting oil flows from these two nations, Big Oil eliminated competition and kept the price hawks busy rebuilding their shattered economies instead of rallying for OPEC unity.

Both Iran and Iraq’s primary oil exporting facilities- Khorramshahr and Fao respectively- were demolished during the war.  Iran’s entire Kharg Island facilities were leveled.  Iraq was now deeply in debt to the Saudis and Kuwaitis.  Many of both nations’ oil tankers were damaged in the tanker war.  The cities of both countries required billions of dollars and a decade to be rebuilt as a result of the war of the cities.  It was a war of attrition with each side suffering untold loss of life and $25-35 billion worth of damage.

In CIA-think, a decisive victory by either Iran or Iraq would have left the winner in a position to take on the Saudis militarily.  A staggering defeat by either might breed internal revolutionary forces who would challenge the Ayatollahs or Saddam, who had been quite useful to the CIA in wiping out nationalistic elements and in providing a pretext for the US military buildup in the Persian Gulf.  But a long war of attrition would leave both nations crippled and focused on rebuilding.  Neither would have the luxury of mounting any sort of challenge to Four Horsemen control over Persian Gulf oil.

Big Oil used the war as another excuse to hike gas prices in the US.  The GCC sheiks filled the oil shortfall which the war created, pumping out more than enough crude to move wholesale prices lower on world markets.  The Four Horsemen pocketed the difference, while stockpiling crude oil.  A memo uncovered by Edwin Rothschild, energy adviser for the group Public Citizen, sums up US policy towards Saudi/GCC overproduction and the misery it brings the poor countries of OPEC.  The memo, sent by Undersecretary of State Richard Murphy to the Saudi government, said simply, “Let the market rule”.

Lower wholesale prices made it more difficult for Iraq and Iran to rebuild. In 1988 Iran earned 90% of its hard currency through oil exports. Iraq gained 99% of its foreign exchange from oil.  Both the Iraqi dinar and the Iranian rial plummeted.  In 1994 the rial lost 100% of its value.  Before the war Iraq had $40 billion in hard currency reserves. Afterwards, it had zero and huge debts to pay.

The Israelis worked hand-in-hand with the US to destroy both nations.  While supplying Mustafa Barzani’s Kurds in their attacks on Iraq, the Israelis duplicitously provided missile targeting to Saddam Hussein for his attacks on Iranian cities via US spy satellites.  In 1988 Mossad launched Operation Brush Fire, a psychological warfare campaign designed to draw the US military further into the Middle East conflagration.  Their ultimate goal was to have the US destroy Iraq’s powerful military, while leaving their “perfect villain” Saddam in power.

The campaign was launched when Israeli commandos bombed an Iraqi weapons plant at Al-Iskandariah in at attempt to make “Iraqi weapons of mass destruction” a global household phrase.  Mossad set up a London Observer freelance journalist named Farzad Bazroft to take the story international.  Bazroft had been investigating the death of Shah-loyalist tuned Mossad arms dealer Cyrus Hashemi and had gotten too close to the truth, which was that Mossad had eliminated Hashemi.  Knowing Bazroft would be seen as a foreign spy by Baghdad after the Mossad terrorism at the weapons plant, they sent him into Iraq.  Saddam took the bait and Bazroft was hung as a spy creating an even bigger international incident.  To speed things along, Mossad leaked secret documents on Iraqi weapons programs to ABC News.

US and Israeli arms merchants made a killing during the war.  The US refused to supply spare parts to either side, so when a weapons system broke Iran or Iraq would be expected to buy a whole new system.  This policy bolstered the bottom lines of US defense contractors and assured that battlefield weapons malfunctions could not be fixed on the spot, thus negating the momentum which the side on the offensive had attained. This helped keep the war in a constant state of stalemate.

Israeli Defense Minister Ariel Sharon used the conflict as an opportunity to bomb Baghdad’s nuclear facilities in 1981.  In 1982 Sharon declared that Israel was siding with Iran, but his exact words were more revealing.  Sharon declared at a conference in Paris that, “Israel has a vital interest in the continuing war in the Persian Gulf and in Iran’s victory.”  In 1986 retired Mossad Chief General Aharon Yariv declared the US and Israeli position more succinctly when he stated bluntly, “It would be good if the Iran/Iraq War ended in a tie, but it would be better if it continued”.

[1] Behold a Pale Horse. William Cooper. Light Technology Press. Sedona, AZ. 1991. p.81

[2] Ibid. p.83

[3] The Outlaw Bank: A Wild Ride into the Secret Heart of BCCI. Jonathan Beaty and S.C. Gwynne. Random House. New York. 1993. p.268

[4] The Spotlight. June 1997

[5] BBC World News. January 2002

[6] The Great Heroin Coup: Drugs, Intelligence and International Fascism. Henrik Kruger. South End Press. Boston. 1980. p.217

[7] The Reign of the Ayatollahs: Iran and the Islamic Revolution. Shaul Bakhash. Basic Books, Inc. New York. 1984. p.193

[8] Iraq and Kuwait: A History Suppressed. Ralph Schoenman. Veritas Press. Santa Barbara, CA. 1990. p.21

[9] Beyond the Storm: A Gulf Crisis Reader. Phyllis Bennis and Michel Monshabeck. Olive Branch Press. Brooklyn, NY. 1991. p.31

[10] Iraq Since 1958: From Revolution to Dictatorship. Marion Farouk-Sluglett and Peter Sluglett. I.B. Tauris & Company, Inc. 1990. p.260

[11] “The Gulf Between Pretense and Reality”. Larry Everest. In These Times. 7-20-88. p.9

[12] “The Arming of Saudi Arabia”. Frontline. PBS. 2-16-93

[13] The Gulf: Scramble for Security. Raj Choudry. Sreedhar Press. New Dehli. 1983. p.108

[14] March to War. James Ridgeway. Four Walls Four Windows. New York. 1991. p.13

[15] Everest. p.9

[16] Frontline

Dean Henderson is the author of five books: Big Oil & Their Bankers in the Persian Gulf: Four Horsemen, Eight Families & Their Global Intelligence, Narcotics & Terror Network, The Grateful Unrich: Revolution in 50 Countries, Das Kartell der Federal Reserve, Stickin’ it to the Matrix & The Federal Reserve Cartel.  You can subscribe free to his weekly Left Hook column @ www.deanhenderson.wordpress.com

mardi, 29 avril 2014

Charles Péguy: Alle unsere Häuser sind Festungen im Meer

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Charles Péguy: Alle unsere Häuser sind Festungen im Meer

Martin Lichtmesz

Ex: http://www.sezession.de

Charles Péguy (1873-1914) war Sozialist, „Dreyfusard“, Humanist, Publizist, Polemiker, Dichter, Patriot, Katholik. Er fiel als Freiwilliger am 5. September 1914, zu Beginn des 1. Weltkrieges, am Vorabend der Marne-Schlacht.  Sein Werk hat heute in Frankreich den Status eines „kleineren“, inzwischen etwas verblassten Klassikers.

In Deutschland ist Péguy so gut wie völlig vergessen (allenfalls Robert Spaemann [2] erinnert gelegentlich an ihn), zumal sein Prosawerk im Gegensatz zu seinen recht voluminösen Versdichtungen nur bruchstückhaft übersetzt wurde. Das hat verschiedene Gründe.

Hans Urs von Balthasar schrieb, das „ungeheure“ Prosawerk Péguys sei „selbst für Franzosen ein Urwald“: „Vieles daraus, und einiges vom Schönsten, wird immer unübersetzbar bleiben. Manches ist Gestrüpp und würde eine Übertragung nicht rechtfertigen. Sehr vieles ist leidenschaftliche, zeitgebundene politische Diskussion und Polemik und setzt, um verstanden zu werden, bereits ein historisches Studium voraus.“ Hinzu kommt noch der eigentümliche, in endlose Arabesken und „Litaneien“ ausufernde Stil des Autors, der dem Leser oft viel abverlangt. Wenn sie aber ihre Wirkung entfaltet, hat Péguys Prosa eine bewegende suggestive Kraft.

Balthasar gab 1953 eine von ihm selbst übersetzte Auswahl unter dem Titel „Wir stehen alle an der Front“ heraus. Um über all dem tagespolitischen Theater die übergeordnete Perspektive nicht zu vergessen, möchte ich als Ostergabe ein herrliches Stück aus Péguys Schrift “ Un nouveau théologien“, aus dem Jahr 1911  bringen. Auch unsere un- und nichtchristlichen Leser werden es ohne Zweifel mit Gewinn lesen, sofern ihr Herz in einem ähnlichen Rhythmus schlägt.

Charles Péguy: Alle unsere Häuser sind Festungen im Meer

Man redet von einem Zeitalter des Glaubens. Will man damit sagen, daß jahrhundertlang, Jahrhunderte der Christenheit, des Liebesgesetzes, der Gnadenherrschaft, anno Domini, anno gratiae Domini, der Glaube, die angenommene Wahrheit etwas Gemeinsames war, sozusagen und buchstäblich etwas Öffentliches, das im Blut und in den gemeinsamen Adern floß, im Volke lebte, sich von selber verstand, einen Teil des anerkannten Rechtes bildete, etwas, das nicht nur Zustimmung fand, sondern eine öffentliche, feierliche, amtliche Begehung, und daß es sich heute nicht mehr gleicherweise verhält: so hat man recht. Man hat historisch recht. Man hat bloß ein geschichtliches Faktum festgestellt und zur Kenntnis genommen.

Aber diese Kenntnisnahme muß mit der äußersten Vorsicht geschehen. Denn es ist die große Frage, ob unsere heutige Treue, unser heutiger Christenglaube, wie er so badet in der modernen Welt und unangetastet hindurchgeht durch die moderne Welt, das moderne Zeitalter, die modernen Jahrhunderte, die zwei oder mehreren intellektuellen Jahrhunderte, dadurch nicht eine seltsame Schönheit erhalten hat, eine bisher unerreichte Schönheit, eine einzigartige Größe in den Augen Gottes. Es ist eine ewige Frage, ob unsere moderne Heiligkeit, das heißt unsere christliche Heiligkeit, eingetaucht in die moderne Welt, in diese vastatio [3], diesen Abgrund von Unglauben und Untreue in der heutigen Welt, vereinsamt wie ein Leuchtturm, der seit bald drei Jahrhunderten vergeblich von einem ganzen Meer berannt wird, nicht doch – vielleicht – angenehmer ist in den Augen Gottes.

Nolite judicare. Wir werden darüber nicht richten. Nicht wir (man vergißt es zu oft) sind mit dem Gericht beauftragt. Aber ohne bis zu den Heiligen zu gehen, zu unseren modernen Heiligen (der Zeit nach modern): auch wir Sünder sollten uns hüten, in Hochmut zu verfallen. Zu sehen, was ist, ist aber vielleicht kein Hochmut. Festzustellen, daß unsere moderne Beständigkeit, unser moderner Glaube, von allen Seiten angegriffen, bedrängt, aber in keiner Weise erschüttert, vereinsamt in dieser modernen Welt, im Wellenschlag einer ganzen Welt, unerschöpflich von Wogen und Sturm gepeitscht, immer aufrecht, allein in einer ganzen Welt, aufrecht in einem unerschöpflich entfesselten Meer, einsam im Ozean, unangetastet, vollständig, nie und in keiner Weise erschüttert, nie und in keiner Weise schartig und angenagt, zuletzt doch ein schönes Denkmal errichtet vor dem Angesicht Gottes. Zur Verherrlichung Gottes.

Vor allem ein bisher nie gesehenes Denkmal. Daß unsere Lage neu ist, daß unser Kampf neu ist, das zu betonen, ist vielleicht nicht unsere Sache, aber schließlich: wer sieht nicht, daß unsere Lage neu, daß unser Kampf neu ist? Daß diese moderne Kirche und Christenheit, christlich tauchend in der modernen Welt, christlich schreitend durch die moderne Zeit, die moderne Periode, eine Art von großer eigentümlicher tragischer Schönheit besitzt, beinahe die große Schönheit nicht zwar einer Witwe, aber einer Frau, die allein eine Festung bewacht. Eine dieser tragischen Schloßherrinnen, die Jahre und Jahre das Schloß unversehrt bewahrten für den Herrn und Meister, für den Gemahl.

Wer sieht nicht, daß unsere Glaubenstreue mehr denn je eine Lehenstreue ist. Daß unsere Standhaftigkeit, unser Glaube, unsere Treue, ein eigenes, bisher unbekanntes Gewicht besitzen, weil sie durch bisher unbekannte Prüfungen hindurchgegangen sind. Es ist eine ewige Frage, ob die Unwissenheit näher bei Gott ist oder die Erfahrung, ob die Unwissenheit schöner ist in den Augen Gottes oder die Erfahrung, ob die Unwissenheit Gott angenehmer ist oder die Erfahrung. Aber eines können wir sagen, weil wir es sehen: unsere Glaubenstreue hat eine gewisse besondere Schönheit, die wir gleichsam erfunden haben. Die wie geschaffen wurde für die heutige Welt. Unsere Treue ist  gleichsam treuer als die einstige Treue. Wie gesteigert. Wie ins Licht gehoben. Mehr als je ein Glaube, der durchhält.

Miles Christi. Jeder Christ ist heute Soldat. Kämpfer Christi. Es gibt keine ruhigen Christen mehr. Diese Kreuzzüge, die unsere Väter in den Ländern der Ungläubigen suchten, sie kommen heute von selbst auf uns zu, wir haben sie bei uns zu Hause. Unsere Glaubenstreue ist ein Kastell. Jene Kreuzzüge, die ganze Völker versetzten, die einen Erdteil auf den anderen warfen, sind zurückgeflutet auf uns, bis in unsere Häuser. Die Ungläubigen, einzeln oder gebündelt, umrißlos oder bestimmt, unförmig oder geformt, allenthalben verbreitet, verankert im öffentlichen Recht – und mehr noch die Ungläubigkeiten, die Treulosigkeiten haben den Kampf bis zu uns zurückgeschlagen.

Der Geringste von uns ist ein Soldat. Der Geringste von uns ist buchstäblich ein Kreuzfahrer. Alle unsere Häuser befinden sich heute in periculo maris, sind vom Meer bedroht. Der Heilige Krieg ist überall. Er währt ununterbrochen. Das ist längst kein hundertjähriger Krieg mehr. In diesem Moment (1911) befindet er sich in seinem zweihundertsten oder hundertfünfzigsten Jahr. Er ist überall, darum braucht er auch nirgends mehr gepredigt zu werden. An keinem bestimmten Ort.

Dieser Krieg, der sich einst wie ein großer Fluß bewegte, dessen Namen man kannte, dieser Krieg umspannt nun den Kontinent, geht über den Kontinent hinaus, bewegt sich wie ganze Völker, wie ganze kontinentale Armeen von einem Kontinent zum anderen, ist heute in tausend Flüsse aufgespalten, er steht heute vor unserer Schwelle, er schlägt an unsere Tore. Wir alle sind Inseln, gepeitscht von einem unaufhörlichen Sturm, und alle unsere Häuser sind Festungen im Meer.

Und das heißt, daß die Tugenden, die einst von einer bestimmten Fraktion der Christen verlangt waren, heute von der gesamten Christenheit eingefordert werden. Ein Kampf, eine Tugend, die einst freiwillig waren, da sie den Gegenstand eines Gelübdes bildeten, sind heute benötigt, gefordert, gebieterisch auferlegt, ohne daß und bevor wir noch dazu Stellung nehmen könnten. Ohne daß wir befragt würden. Ohne daß wir unsere Ansicht dazu äußern müßten. Hier gilt die Redensart: Jeder ist Soldat trotz seiner Einwilligung. Welcher Vertrauensbeweis an die Truppe! Es gilt buchstäblich der obligatorische Militärdienst; und es ist äußerst beachtlich, daß die weltlichen Staaten genau das gleiche Gesetz erlassen haben, das für die Christenheit gilt. Es ist Massenaushebung (levée en masse).

Was Sache des Gelübdes war und infolgedessen der Freiheit des Einzelnen überlassen blieb, ist Gesetz für alle geworden. Man hat so sehr auf uns gezählt, daß, wo die andern frei waren, wir gezwungen sind. Was den andern angeboten war, ist uns auferlegt. Was für die anderen außergewöhnlich war, ist für uns gewöhnlich, macht uns selbst aus. Aus diesem Stoff ist unser ganzes Leben gemacht, aus diesem Stoff ist unser Mut gemacht.

Unsere Väter mußten selber „das Kreuz nehmen“ und mit ihm fortziehen, in den Kreuzzug. Uns gibt Gott das Kreuz (welcher Vertrauensbeweis!) für einen unaufhörlichen Kreuzzug am Ort. Die schwächsten Frauen, die Kinder in der Wiege sind schon belagert. Der Krieg steht auf der Schwelle und klopft an unsere Pforten. Wir müssen ihn nicht suchen, wir müssen ihn nicht hinaustragen. Er ist es, der uns sucht. Er ist es, der uns findet. Die Tugenden, die einst den Soldaten, den bewaffneten Männern, den Edelleuten in ihren Rüstungen vorbehalten waren, sie werden heute von dieser Frau und von diesem Kind abverlangt.

Von dort erwachsen uns unsere Standhaftigkeit, unsere Treue, unsere Pflicht, von dort empfangen wir diese einzigartige Größe, diese tragische, auf der Welt einzigartige Schönheit der Belagerten, diese Schönheit der Treue in der Einkesselung, der die Größe entspringt, die tragische Schönheit der großen militärischen Belagerungen, der Belagerung von Orléans, der Belagerung von Paris. Wir werfen uns heute alle in die Bresche. Wir stehen heute alle an der Front. Ihre Grenze ist überall. Der Krieg ist überall, in tausend Stücke aufgespalten, zerteilt, zerbröselt. Wir stehen heute alle auf den Stufen des Königreiches.

Aus: Charles Péguy, Wir stehen alle an der Front. Eine Prosa-Auswahl von Hans Urs von Balthasar (1953). Bearbeitung und zusätzliche Übertragungen von Martin Lichtmesz.


Article printed from Sezession im Netz: http://www.sezession.de

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[1] Image: http://www.sezession.de/44818/charles-peguy-alle-unsere-haeuser-sind-festungen-im-meer.html/peguy

[2] Robert Spaemann: http://www.kath-info.de/frustration.html

[3] vastatio: http://dela.dict.cc/?s=vastatio

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samedi, 26 avril 2014

La fière et discrète République de Gagaouzie

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La fière et discrète République de Gagaouzie

Territoire oublié d’Europe d’environ 150 000 habitants seulement, sa petitesse (18323 km²) pouvant pousser à croire que c’est un artefact (ou l’origine d’une célèbre chanson britannique). Au contraire, c’est l’héritage d’une riche histoire, celle de turcs chrétiens ayant une filiation avec les peuplades mongoles qui dominèrent un temps l’Europe, de l’Est en particulier.

Peuple turcophone donc, creuset des tribus Oghouzes qui immigraient vers l’Ouest de l’Europe entre les X et XIIe siècle ap. J.-C.

Ils ont été christianisés au cours du XIXe siècle à partir d’un échange de territoires entre les empires russe et ottoman en 1812 (l’Empire russe obtenant la Bessarabie).

Le chemin de l’indépendance de la Gagaouzie débute dès le XXe siècle. Ainsi, et dès 1906, la République de Komrat est proclamée, sa durée de vie ne dépasse pas les 15 jours. Puis, en 1917 les députés Gagaouzes votent l’indépendance de la Moldavie et leur rattachement à la Roumanie. Rétrospectivement, c’est assez ironique avec la configuration de la fin du XXe siècle. Enfin, en 1940 la Moldavie est annexée à l’URSS. Sous administration soviétique, les revendications gagaouzes sont gêlées.

Le cheminement de l’accession à l’indépendance des Gagaouzes débute, comme beaucoup de choses en Europe de l’Est, par l’invitation du président Boris Eltsine à prendre autant de libertés que possible. Ou plutôt, la célèbre formule eltsienne ne sera là que pour sanctionner un mouvement largement entamé. Les revendications nationalistes gagaouzes se font jour dès les années 1980. En 1990, les Gagaouzes se révoltent lors de la chute de l’empire soviétique. En août 1990 la République de Gagaouzie est autoproclamée. Le leader indépendantiste Sepan Topal est élu à la présidence du Soviet suprême le 31 octobre 1990.

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© Wikipédia.

La Moldavie ne peut que trouver une solution avec cette turbulente république. Chose pressante puisque les évènements gagaouzes sont simultanées à ceux de Transdniestrie… La souveraineté et l’intégrité territoriale de la Moldavie se fera au prix d’une certaine souplesse. Après trois années de conflit, en 1994, la région autonome de Gagaouzie est créée entraînant l’officialisation du gagaouze comme langue de cette région autonome. Les gagaouzes gèrent aussi leur politique éducative désormais.

Les Gagaouzes parlent une langue altaïque qui est relativement différente de la langue turque. Cela n’empêche pas la Turquie d’entretenir des liens culturels fort avec ce territoire. Depuis la dissolution de l’URSS, Ankara conserve des liens par les créations d’un centre culturel turc et d’une bibliothèque en République de Gagaouzie.

Le partage des population s’est fait relativement pacifiquement. Toutes les localités comprenant plus de 50% de Gagaouzes ont été intégrées. Dans les autres au peuplement plus métissés des référendums furent organisés.

Les relations avec les autorités centrales restent encore aujourd’hui très tendues. Par exemple, en janvier 2014, la région autonome de Gagaouzie annonçait son intention de consulter ses administrés par référendum. Ce serait une réaction à l’agenda pro-européen du gouvernement moldave. Il trahirait la volonté de s’unir à terme à la Roumanie. Les résultats du référendum du 2 février 2014, qui a atteint un taux de participation de plus de 70% (présence d’observateurs bulgares, polonais et ukrainiens, entre autres), ont été connu le 3 février : 98,4% des électeurs ont voté pour l’intégration de la Gagaouzie à l’Union douanière (Russie, la Biélorussie et le Kazakhstan) et 98,9% à avoir voté en faveur du droit de la Gagaouzie à déclarer son indépendance, si la Moldavie devait perdre ou abandonner sa propre souveraineté.

Enfin, il reste la question de l’accès à la mer. Sans cela, il y a de quoi s’interroger sur la crédibilité et la profondeur de la volonté d’engagement dans la communauté économique russe. C’est bien en raison de la proximité de la mer Noire et de l’importance de la crise de Crimée de 2014 qui pousse à imaginer que Moscou a quelques gains territoriaux à négocier pour offrir cet accès à la mer.

© Inconnu.

Le drapeau non-officiel des Gagaouzes de tous pays est très original. Il détonne dans le concert européen des drapeaux. Il est à ne pas confondre avec l’emblême de la maison Stark de la fiction « Game of Thrones » (George R. R. Martin). Ainsi qu’il est dit dans l’ouvrage précité (et très bien expliqué à la page 116), ce drapeau est constitué d’une tête de loup rouge (mémoire de l’empire Couman du XIe siècle, peuple turcophone originaire des bords de la Volga ayant émigré en Europe dont les Gagaouzes sont des descendants) dans un cercle blanc, sur fond bleu azur, ce qui détonne en Europe où le lion est roi (et le coq l’exception culturelle). Ce bleu clair est la couleur traditionnelle des Turcs et des Mongols.

Le drapeau officiel est des plus classiques.

Le marquis de Seignelay

Bibliographie :

Atlas des Nations sans Etat en Europe – Peuples minoritaires en quête de reconnaissance, dirigé par BODLORE-PENLAEZ Mikael, éditions Yoran Embanner, Fouesnant, 2010.