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mardi, 16 novembre 2010

Nouvelle revue d'histoire, n°51: Les Années 30 - Rêves et révolutions

 

Bientôt en kiosque !

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lundi, 15 novembre 2010

Giorgio Freda: Nazi-maoïste ou révolutionnaire inclassable?

Archives - 2003

 

Giorgio Freda : Nazi-maoïste ou révolutionnaire inclassable?

 

Edouard Rix

 

 

Freda.jpg«Je hais ce livre. Je le hais de tout mon coeur. Il m’a donné la gloire, cette pauvre chose qu’on appelle la gloire, mais il est en même temps à l’origine de toutes mes misères. Pour ce livre, j’ai connu de longs mois de prison, (...) de persécutions policières aussi mesquines que cruelles. Pour ce livre, j’ai connu la trahison des amis, la mauvaise foi des ennemis, l’égoïsme et la méchanceté des hommes. C’est de ce livre qu’a pris naissance la stupide légende qui fait de moi un être cynique et cruel, cette espèce de Machiavel déguisé en cardinal de Retz que l’on aime voir en moi». Ces quelques lignes, écrites par Curzio Malaparte en introduction à son célèbre essai Technique du coup d’Etat, l’auteur de La désintégration du système, Giorgio Freda, aurait pu les faire siennes. Car, pour avoir rédigé cette modeste brochure qui, en une soixantaine de pages très denses, sape à la base le système bourgeois, ce jeune éditeur a subi des années de persécutions judiciaires et mediatiques.

LES EDIZIONI DI AR

Le 26 octobre 1963, le sénateur Umberto Terracini, membre influent de la communauté juive et du Parti communiste italien, dénonce publiquement auprès des ministres de l’Intérieur et de la Justice la diffusion, à Padoue, «d’un immonde opuscule portant le titre Gruppo di Ar qui, reprenant les plus ignobles thèses racistes du nazisme italien, qualifie ouvertement les auteurs éditeurs comme les partisans d’une idéologie antidémocratique», et demande «si des mesures et lesquelles ont été proposées et prises afin de cautériser la plaie fétide et purulente avant qu’elle n’étende la sphère de son action».

A l’origine du groupe ainsi publiquement stigmatisé, l’on trouve un jeune juriste platonicien et évolien, Giorgio Freda. Le terme d’Ar, choisi comme dénomination, se veut éminemment symbolique, puisqu’il s’agit, dans de nombreuses langues indo-européennes, de la racine sémantique connotant l’idée de noblesse, d’aristocratie.

Dès 1964, Freda doit affronter un procès pour avoir dénoncé dans une brochure la politique sioniste en Palestine. Ce n’est que le premier d’une longue série. La même année, les Edizioni di Ar, qu’il vient de fonder, publient leur premier livre, l’Essai sur l’inégalité des races d’Arthur de Gobineau. Suivront des écrits mineurs de Julius Evola, et les oeuvres de Corneliu Codreanu. Chaque titre est tiré à 2000 exemplaires.

Deux constantes dans l’engagement militant de Freda : la lutte contre le sionisme international, dont Israël, estime-t-il, n’est que la partie émergée, et le combat contre le Système libéral bourgeois, expression de l’impérialisme américain en Europe depuis 1945. Concernant l’antisionisme, Freda est l’éditeur qui, le premier en Italie, a soutenu les combattants palestiniens, alors même que la Droite, incarnée par le MSI, exaltait Israël, «rempart de l’Occident contre les Arabes asservis à Moscou». C’est lui qui organisera, en mars 1969, à Padoue, en liaison avec le groupe maoïste Potere Operairo, la première grande réunion en Italie de soutien à la résistance palestinienne, en présence de représentants du Fatah de Yasser Arafat. Le lobby sioniste ne lui pardonnera jamais. En outre, ne se contentant pas d’un simple soutien verbal, comme tant d’intellectuels distingués, il se procurera des minuteries en vus de les remettre à un représentant supposé du Fatah.

LA DÉSINTÉGRATION DU SYSTEME

Disintegrazionesistema.jpgMais Giorgio Freda est avant tout l’homme d’un texte. Et quel texte ! Il s’agit de La désintégration du système, qui voit le jour en 1969, en pleine contestation étudiante. L’Italie subit alors, non une explosion soudaine et aussi vite retombée comme en France, mais un «mai rampant». Convaincu de l’impérieuse nécessité d’une subversion radicale du monde bourgeois, Freda estime que tout doit être tenté, au moment où beaucoup de jeunes cherchent à donner un contenu véritablement révolutionnaire à la révolte étudiante, pour éviter que celle-ci ne soit récupérée par les tenants de l’orthodoxie marxiste ou du réformisme social-démocrate. C’est à ces jeunes que s’adresse La désintégration du système, qui loin d’être le programme personnel du seul Freda, synthétise des exigences communes à tout un milieu national-révolutionnaire, de Giovane Europa à Lotta di Popolo.

Le ton du texte est résolument offensif. Disciple d’Evola, Freda est le premier à ne pas se contenter de commenter doctement ses écrits, mais à passer de la théorie à la pratique, à tel point que l’on peut voir dans La désintégration du système la pratique politique de la théorie exposée dans Chevaucher le tigre, le dernier essai d’Evola. Avec cet ouvrage, le baron a donné le cadre intellectuel dans lequel s’inscrit l’action de Freda en affirmant qu’il ne saurait y avoir de compromis avec le système bourgeois. «Il y a une solution, écrit Evola, qu’il faut résolument écarter: celle qui consisterait à s’appuyer sur ce qui survit du monde bourgeois, à le défendre et à s’en servir de base pour lutter contre les courants de dissolution et de subversion les plus violents après avoir, éventuellement, essayé d’animer ou de raffermir ces restes à l’aide de quelques valeurs plus hautes, plus traditionnelles». Et le baron d’ajouter : «Il pourrait être bon de contribuer à faire tomber ce qui déjà vacille et appartient au monde d’hier, au lieu de chercher à l’étayer et à en prolonger artificiellement l’existence. C’est une tactique possible, de nature à empêcher que la crise finale ne soit l’oeuvre des forces contraires dont on aurait alors à subir l’initiative. Le risque de cette attitude est évident : on ne sait pas qui aura le dernier mot».

Dans La Désintégration, Freda n’est pas tendre avec les valeurs et les idoles de la société bourgeoise. Ordre pour l’ordre, sacro-sainte propriété privée, capitalisme, conformisme moral, anticommunisme viscéral et aveugle, pro-sionisme et philo-américanisme, mais aussi Dieu, prêtres, magistrats, banquiers, rien ni personne n’échappe à sa critique. A ce modèle marchand dominant, il propose une véritable alternative, réaffirmant la doctrine traditionnelle de l’Etat, opposée intégralement aux pseudo-valeurs bourgeoises, et élaborant un projet étatique cohérent, dont l’aspect le plus spectaculaire est l’organisation communiste de l’économie -un communisme spartiate et élitiste, qui doit plus à Platon qu’à Karl Marx -.

Homme d’action, Freda vomit les pseudo-intellectuels évolo-guénoniens enfermés dans leur tour d’ivoire. Il a des mots très durs pour certains évolomanes, «stériles apologètes du discours sur l’Etat», «adorateurs d’abstractions», «champions des témoignages conceptuels», qui ne sont, à ses yeux, que des chevaucheurs de tigres de papier. «Pour nous, écrit-il, être fidèle à notre vision du monde - et donc de l’Etat - signifie se conformer à elle, ne rien laisser de non entrepris pour la réaliser historiquement». Dans cette perspective, il manifeste clairement l’intention d’aller à la rencontre des secteurs objectivement engagés dans la négation du monde bourgeois, y compris l’ultra-gauche extra-parlementaire à laquelle il propose une stratégie loyale de lutte unitaire contre le Système. Il est alors en contact avec divers groupes maoïstes, comme Potere Operaio et le Parti communiste d’Italie-marxiste léniniste.

«Chez un soldat politique, la pureté justifie toute dureté, le désintérêt toute ruse, tandis que le caractère impersonnel imprimé à la lutte dissout toute préoccupation moraliste». C’est sur ces fortes paroles que se clôt le manifeste.

VICTIME DE LA DEMOCRATIE

Le 12 décembre 1969, une bombe explose dans la Banque nationale de l’agriculture, Piazza Fontana, à Milan, tuant 16 personnes et en blessant 87. La section italienne de l’Internationale situationniste d’ultra-gauche diffuse un manifeste intitulé Le Reichstag brûle, qui dénonce le régime comme le véritable organisateur du massacre. Les situationnistes ne cesseront de répéter que la bombe de Piazza Fontana n’était «ni anarchiste, ni fasciste».

Giorgio Freda, quant à lui, poursuit sa lutte intellectuelle contre le Système. En 1970, dans une préface à un texte d’Evola, il envisage favorablement la possibilité d’une guérilla urbaine en Italie. En avril 1971, les Edizioni di Ar publient officiellement, pour la première fois dans la péninsule depuis 1945, Les Protocoles des Sages de Sion. Le même mois, Freda est arrêté et accusé d’ «avoir diffusé des livres, des imprimés et des écrits contenant de la propagande ou instigation à la subversion violente». La machine répressive se met en branle. Pour la première fois depuis la fin du régime fasciste, un magistrat entend appliquer l’article 270 du Code Rocco. Peu après, les Edizioni di Ar publient L’ennemi de l’homme, un recueil de la poésie palestinienne de combat, provoquant la fureur des sionistes.

En juillet 1971, le juge d’instruction modifie les chefs d’accusation et reproche à Freda d’avoir fait «de la propagande pour la subversion violente de l’ordre politique, économique et social de l’Etat» par l’intermédiaire de La désintégration du système , «où il est fait allusion à la nécessité de la subversion, par des moyens violents, de l’Etat démocratique et bourgeois et de son remplacement par un organisme étatique défini et caractérisé comme Etat populaire».

Nullement impressionné par la répression, les Edizioni di Ar publient, en novembre 1971, la traduction italienne du Juif international d’Henry Ford.

Le 5 décembre 1971, Freda est de nouveau arrêté. Il n’est plus seulement poursuivi pour délit d’opinion, mais on l’accuse carrément d’avoir organisé le massacre de Piazza Fontana. Puisqu’on ne réussit pas à coincer les «anarcho-fascistes», on coincera les «nazi-maoïstes». Les accusations contre Freda reposent sur deux types d’indices: il aurait acheté des minuteries dont les débris furent retrouvés dans la banque, ainsi que les sacs de voyages dans lesquels furent déposées les bombes. Or, Freda avait bel et bien acheté des minuteries, remises à un capitaine des services secrets algériens qui les lui avait demandées pour les Palestiniens. L’hebdomadaire Candido, qui menera une enquête en RFA auprès du fabricant, recueillera les preuves que les minuteries vendues en Italie n’étaient pas 57 , comme le soutenait le juge - Freda en avait acheté 50 -, mais plusieurs centaines, et que les modèles achetés par l’éditeur différaient de ceux utilisés pour l’attentat. De plus, la commerçante de Bologne qui avait vendu quatre sacs de voyage semblables à ceux utilisés pour l’attentat ne reconnaîtra pas comme acheteur Freda, mais deux officiers de police... Bien entendu, le juge d’instruction ne tiendra aucun compte de ces preuves à décharge. Freda commence son tour des prisons italiennes Rien que pour 1972, Padoue, Milan et Trieste. Puis Rome, Bari, Brindisi, Catanzaro.

Traité de «maoïste» ou d’«agent de la Chine communiste» par la Droite, en particulier les néo-fascistes du MSI, de «raciste fanatique» ou d’«antisémite délirant» par la gauche légaliste et les milieux sionistes, rejeté peureusement par certains hommes d’ultra-gauche avec lesquels il avait collaboré activement, Giorgio Freda est alors affublé par la presse de l’étiquette, qui se veut infamante, de «nazi-maoïste». Seul point positif, grâce au battage mediatique, les 1500 exemplaires de La désintégration du système sont rapidement épuisés. Quelques années plus tard, Freda admettra que ce texte a été plus pris en considération par les ultras de gauche que par ceux de droite.

LE PROCES

En janvier 1975 s’ouvre, devant la Cour d’Assises de Catanzaro, le procès-fleuve de Piazza Fontana. Sont jugés l’anarchiste Pietro Valpreda et onze complices, le néo-fasciste Giorgio Freda et douze coinculpés. Arrivé au terme de la détention préventive, Freda est remis en liberté et assigné à résidence en août 1976. Ses convictions sont demeurées intacts. C’est ainsi qu’en 1977, alors qu’il risque une condamnation à perpétuité, il n’hésite pas, dans un entretien qu’il accorde à son camarade Claudio Mutti, à parler de la lutte armée comme de la meilleure forme d’opposition au Système en Italie !

Convaincu que les dés sont pipés et que sa condamnation ne fait aucun doute, Freda s’enfuit en octobre 1978. Il est capturé, pendant l’été 1979, au Costa-Rica, dont il n’est pas extradé, mais ramené de force par la police politique italienne.

La farce judiciaire se poursuit. En décembre 1984, s’ouvre à Bari le quatrième procès pour le massacre de Piazza Fontana. Après seize ans d’enquête, Freda est finalement acquitté de ce crime, son incarcération n’étant maintenue que pour délit d’opinion, «association subversive» selon le jargon juridique italien, qui lui vaut une condamnation à quinze ans de prison.

A sa libération, Freda fera encore parler de lui dans les media en lançant le Fronte nazionale, ce qui lui vaudra d’être une nouvelle fois arrêté et poursuivi, en juillet 1993. Décidément, bon sang ne saurait mentir !

Edouard Rix, Le Lansquenet, printemps 2003, n°17.

dimanche, 14 novembre 2010

Les trotskystes rouge-bruns du MNR

Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 2002

 

Les trotskystes rouge-bruns du MNR

 

Edouard Rix

 

JNP.gifSeptembre 1938 : le congrès fondateur de la Quatrième Internationale, regroupant les partisans de Trotsky, se tient à Paris. En France, deux groupuscules trotskystes rivaux s’agitent : d’un côté le Parti communiste internationaliste (PCI) de Raymond Molinier et Pierre Franck, qui édite le journal La Commune, de l’autre, le Parti ouvrier internationaliste (POI) de Jean Rous et Yvan Craipeau, chacun privilégiant le travail d’infiltration au sein du Parti socialiste ouvrier et paysan (PSOP) de Marcel Pivert. Juin 1940 : la France est vaincue et occupée par les Allemands. Les Trotskystes hexagonaux sont totalement désorientés : la guerre n’a pas provoqué la révolution attendue, le pacte germano-soviétique a scellé l’alliance d’Hitler et de Staline, et la Quatrième Internationale s’est révélée inutile. C’est dans un tel contexte que certains, convaincus de la victoire durable de l'Allemagne nationale-socialiste, élaborent une sorte de «trotskysme rouge-brun».

Les militants regroupés autour de La Commune décident de poursuivre leur travail d’entrisme. Les partis «ouvriers» étant tous interdits, ils jettent leur dévolu sur les mouvements collaborationnistes et créent une fraction clandestine au sein du Rassemblement national populaire (RNP) de Marcel Déat, qui incarne l’aile gauche de la collaboration et regroupe nombre d’anciens socialistes, notamment pivertistes. C’est ainsi que le frère de Raymond Molinier, Henri, présentera un rapport et prendra la parole dans un congrès du RNP. Autre taupe trotskyste, Roger Foirier, qui avait avant-guerre noyauté les jeunesses du PSOP au point de devenir membre de leur bureau fédéral de la Seine. Il réalisera, sous le pseudonyme de Roger Folk, les affiches des Jeunesses nationales populaires (JNP) pendant que sa femme, Mireille, donnera des cours de gymnastique aux jeunes filles du mouvement.

L’autre groupe trotskyste, le Parti ouvrier internationaliste, tente lui aussi de s’intégrer au paysage politique collaborationniste. En juillet 1940, ses membres créent le Mouvement national révolutionnaire (MNR), qui opte pour une stricte clandestinité, ses réunions se tenant sous le couvert d’une association des Amis de la Musique. Proche des thèses de Marcel Déat et des collaborateurs de gauche, le MNR édite deux journaux clandestins : La Révolution Française, puis Combat national-révolutionnaire. Dans son n°1 de septembre-octobre 1940, La Révolution Française, tout en s’affirmant «ni pro-Allemand, ni pro-Anglais, ni pro-Français», se déclare «partisan de la collaboration européenne avec l’Allemagne». Un slogan proclame d’ailleurs : «Collaborer ? Oui, mais pas sous la botte». Il est vrai que le MNR se rallie ouvertement aux orientations de l’Ordre nouveau européen voulu par les Allemands : «L’Etat et la nation doivent se défendre (...) contre les tentatives de domination occulte, qu’elles proviennent du judaïsme, de la maçonnerie ou du jésuitisme». Le n°1 de mars 1941 de Combat national-révolutionnaire précise que le MNR «souhaite un Etat fort, hiérarchisé, où la régulation entre les divers éléments de la population soit établie par des corporations». Outre son leader Jean Rous, qui a participé à la gauche du PSOP et à la direction du POI, l’on croise au MNR nombre de trotskystes. C’est le cas de Lucien Weitz, qui fut le principal animateur de la gauche révolutionnaire au sein de la SFIO socialiste, puis de l’aile gauche du PSOP, ou encore Fred Zeller, ancien proche de Trotsky et membre de la SFIO, futur grand-maître du Grand Orient de France. Ce dernier commentera son engagement au MNR dans son autobiographie Trois Points c’est tout, et, jouant de l’ambiguïté du groupe, insistera sur ses prises de position anti-allemandes.

L’expérience originale du MNR est totalement interrompue dès juin 1941 par les autorités allemandes qui ont introduit deux espions dans l’organisation. Jean Rous est condamné à six mois de prison, une peine mesurée pour l’époque. L’attaque de l’URSS par l’Allemagne, le 22 juin 1941 modifie radicalement la situation. La Commune cesse son entrisme au sein du RNP. La plupart des membres du MNR rallie la Résistance ou les partis de gauche, tandis qu’une poignée s’engage franchement dans la collaboration avec les Allemands.

Une page d’histoire à rappeler aux actuels boutiquiers trotskystes, Krivine, Laguiller et Lambert, qui font profession d’antifascisme.

Edouard Rix, Le Lansquenet, printemps 2002, n°15.

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lundi, 08 novembre 2010

Enrico Mattei au Proche et au Moyen Orient

Enrico Mattei au Proche et au Moyen Orient

 

par Filippo GHIRA

 

mattei2.jpgLa figure d’Enrico Mattei, le grand pétrolier italien, est encore susceptible de donner du fil à retordre à tous ceux qui, au niveau universitaire, se posent maintes questions sur l’histoire des approvisionnements énergétiques, sur l’indépendance nationale en matières énergétiques, sur le colonialisme et sur les rapports internationaux. Aujourd’hui, on se souvient principalement d’Enrico Mattei parce qu’il avait financé, plus ou moins frauduleusement, les partis politiques de la péninsule pour qu’ils ne lui mettent pas des bâtons dans les roues. En revanche, bien peu se souviennent qu’il entendait ainsi « utiliser les partis comme on utilise un taxi », afin de rendre l’Italie indépendante sur le plan énergétique et de la dégager de la tutelle des « Sept Sœurs » américaines et anglo-hollandaises. Il suffit de penser que, dans l’immédiat après-guerre, Enrico Mattei fut nommé commissaire pour la liquidation de l’AGIP et que, dans le cadre de cette fonction, il a fait preuve d’une indubitable clairvoyance. Il a réussi à convaincre le gouvernement de l’époque de renoncer à liquider l’entreprise pétrolière italienne et d’investir dans un cartel public, l’ENI, qui s’occuperait de garantir à l’Italie les approvisionnements en gaz et en pétrole dont elle avait besoin pour soutenir son envolée économique. La presse italienne, surtout celle du nord, liée aux milieux industriels et financiers nationaux et entretenant des liens solides avec des milieux analogues en Europe et aux Etats-Unis, n’a pas laissé s’échapper l’occasion d’attaquer la politique de l’ENI qui se déployait avec une autonomie quasi totale sur la scène internationale, et dont la préoccupation première était l’intérêt de la nation italienne.

 

Ce qui déterminait le succès de l’ENI dans les pays producteurs de pétrole fut essentiellement l’approche non colonialiste que lui avait conféré Mattei. Celui-ci, en effet, innovait radicalement dans l’attribution des pourcentages que retenait l’ENI pour pouvoir exploiter les gisements de pétrole découverts. Le groupe italien ne retenait que 25% des bénéfices et en octroyait 75% à la compagnie pétrolière de l’Etat recelant les gisements. Au contraire, les « Sept Sœurs » s’appropriaient un minimum de 50%. Le deuxième aspect qui séduisait dans la politique pétrolière de Mattei fut la clause suivante : si les recherches n’aboutissaient à rien sur un site spécifique, l’ENI ne réclamait rien à titre d’indemnisation à l’Etat sur le territoire duquel se trouvait le site en question. C’était là des méthodes élémentaires et simples qui contribuaient à créer un formidable courant de sympathie pour le groupe italien. Troisième aspect de la politique de Mattei, et non le moindre : former les compétences locales à l’école de l’ENI, située à San Donato dans le Milanais. Le but de cette politique était évident. Mattei voulait faire comprendre que l’ENI n’entendait pas se limiter à des rapports économiques mais voulait aussi faire évoluer professionnellement des équipes de techniciens qui, une fois formées, seraient capables de travailler sans aide étrangère et d’aider au mieux les sociétés pétrolières étrangères, sans devoir pour autant dépendre entièrement d’elles. Cette approche demeure encore vivante dans la mémoire de bon nombre de dirigeants des pays producteurs de pétrole. Ce souvenir positif fait que l’ENI, aujourd’hui encore, peut vivre de rentes en provenance de ces pays, en jouissant d’une sympathie qui ne s’est jamais estompée.

 

mattei1.jpgLa politique autonome de l’ENI s’est adressée surtout aux pays du Proche et du Moyen Orient et d’Afrique du Nord. L’Iran fut évidemment l’exemple le plus prestigieux dans le palmarès du groupe italien, qui était parvenu à s’insinuer dans un pays considéré comme chasse gardée et exclusive de la « British Petroleum ». Mais il y eut aussi l’Egypte de Nasser : elle fut le premier pays avec lequel Mattei amorça des rapports stables et durables, dès 1956. Il faut aussi évoquer l’appui financier qu’accorda Mattei au Front de Libération National algérien, ce qui irrita bien entendu la France, dont la classe dirigeante s’était faite à l’idée de perdre ses territoires d’Outremer. Les rapports entre l’ENI et le FNL étaient de fait assez étroits : le chef politique du mouvement indépendantiste algérien, Mohammed Ben Bella, avait un appartement à sa disposition à Rome.

 

L’ENI se présentait donc comme une réalité autonome qui, au nom des intérêts supérieurs de l’Italie, considérait que l’Europe possédait un prolongement naturel sur la rive méridionale de la Méditerranée, ce qui avait pour corollaire de rompre les équilibres consolidés dans toute la région. L’activisme de Mattei rencontrait l’hostilité d’Israël qui tolérait mal de voir l’ENI contribuer à la croissance économique de pays comme l’Egypte ou l’Algérie, et cela tout en maintenant leur autonomie politique. L’origine de l’attentat perpétré contre lui le 27 octobre 1962, lorsqu’une bombe placée dans son avion explosa dans le ciel au-dessus de Bascapè, doit sans doute être recherchée dans l’hostilité que lui vouait ce petit Etat, né quinze ans plus tôt. Une hostilité à son endroit que l’on retrouvait également au sein même de l’ENI. Quelques mois avant sa mort, Mattei avait obligé Eugenio Cefis, vice-président de l’ENI et président de l’ANIC, à abandonner le groupe, où il était considéré comme le leader d’un courant jugé trop proche des intérêts atlantistes et israéliens. Ce même Cefis, ancien bras droit de Mattei dans les rangs des partisans catholiques lors de la guerre civile italienne (1943-45), fut appelé à diriger l’ENI immédiatement après la mort de Mattei. Il existe d’autres hypothèses sur l’attentat mais elles sont peu crédibles. On a évoqué une intervention des « Sept Sœurs » mais Mattei avait trouvé avec elles une sorte de « gentlemen agreement ». On a aussi évoqué la main de la CIA qui aurait jugé Mattei comme un « élément déstabilisateur », surtout en ces jours où sévissait la crise des missiles soviétiques à Cuba. Il y a lieu de faire montre du même scepticisme quand on parle d’un rôle possible des compagnies pétrolières françaises qui avaient de gros intérêts en Algérie. De même, il est peu plausible que la mafia sicilienne ou la Cosa Nostra américaine aient agi pour le compte de tiers. Toutes ces hypothèses ont le désavantage de voir seulement la partie émergée de l’iceberg et de ne pas voir le problème dans toute sa substantialité. L’attentat de Bascapè a mis fin à l’existence d’une personnalité unique, d’un homme qui s’était montré capable de percevoir réalités et potentialités là où la plupart des autres ne voyaient ni n’imaginaient quoi que ce soit.

 

Filippo GHIRA.

(article tiré du site http://rinascita.eu/ , 23 février 2010).

jeudi, 04 novembre 2010

Argentine 1976: Est et Ouest unis contre les péronistes

argentine76.jpg

Argentine 1976 : Est et Ouest unis contre les péronistes

 

Paul Lecomte

Ex: http://www.voxnr.com/

 

A l’heure où Jorge Videla est poursuivi en raison de son implication dans la mort de 32 détenus politiques durant les mois qui suivirent le coup d’Etat, il est de notoriété commune que le Département d’Etat américain soutint la junte qui renversa le régime péroniste d’Isabel Perón. Un événement surprenant est néanmoins peu connu dans l’histoire argentine : l’attitude amicale de l’URSS et du Parti communiste d’Argentine (PCA) à l’égard du régime militaire.

En raison de liens commerciaux anciens avec l’Argentine et de la faiblesse du parti communiste local, l’URSS vit d’un bon œil l’apparition d’une dictature militaire qui concentrait la répression sur les péronistes de gauche des Montoneros et les trotskistes de l’Ejército revolucionario del pueblo. Contrairement à ce qui se produisit au Chili sous Pinochet, l’ambassade soviétique ne fut pas fermée, même chose pour celle de Cuba. Plus surprenant encore alors que les escadrons de la mort se déchainaient contre les militants de gauche, les activités du parti communiste ne furent que suspendues et son appareil apporta un soutien officiel à la junte du général Videla, considérée comme démocratique par rapport aux secteurs « pinochétistes » de l’armée argentine.

La lune de miel entre communistes pro-soviétiques se poursuivit sous la présidence Carter où le PCA dénonça les critiques du président américain à l’encontre des militaires comme une atteinte des USA contre la souveraineté nationale argentine. L’URSS, Cuba et leurs alliés empêchèrent l’administration Carter de faire condamner l’Argentine par la Commission des droits de l’homme des Nations unies. En 1979 l’Argentine fut un des deux seuls pays à ne pas suivre l’embargo sur les céréales visant l’Union soviétique après l’invasion de l’Afghanistan. L’URSS achetait les deux tiers de la production argentine de céréales juste avant que commencent les hostilités entre la Grande Bretagne et l’Argentine.

Lors de la Guerre des Malouines, l’URSS s’abstint de condamner l’invasion des iles par l’armée argentine et offrit des images satellites aux militaires sud-américains, comme l’ont déclaré des anciens officiers de haut rang du KGB et de l’armée rouge récemment au journaliste russe Sergei Brilev. Cuba offrit même d’envoyer des troupes contre les Britanniques au nom de l’anticolonialisme. L’aide soviétique ne permit pas à la junte de vaincre les forces armées britanniques et le régime militaire ne survécu pas à la débâcle suivant la défaite argentine.

Au-delà de la realpolitik, l’alliance objective des deux super-grands dans le soutien à une dictature d’extrême droite qui écrasa les restes du péronisme (seul mouvement d’importance de troisième voie en Amérique latine) oblige à modifier notre vision de la Guerre froide. De Yalta jusqu’à la disparition de l’Union soviétique, tous les Etats adeptes du « ni Est ni Ouest » furent impitoyablement attaqués par les deux superpuissances lorsqu’ils menaçaient leurs prés carrés respectifs, depuis l’Argentine péroniste jusqu’à l’Iran révolutionnaire. Seule la Chine en raison de son poids démographique et de son immensité parvint un temps à impulser une troisième voie avant de devenir l’allié objectif des USA contre l’URSS.

mercredi, 03 novembre 2010

Walter Darré: Bio-Ecologia del Campesinado

WALTER DARRÉ: BIO-ECOLOGÍA DEL CAMPESINADO

Ex: http://imperium-revolucion-conservadora.blogspot.com/ 

Sebastian J. Lorenz
La antigua nobleza: sangre y tierra.
Walter Darré, alemán nacido en Argentina, autor de “El campesinado como fuente de vida la raza nórdica” y de “Nueva nobleza de sangre y suelo”, y creador de la doctrina conocida como “sangre y suelo” (Blut und Boden) que propugnaba una nueva nobleza de la raza nórdica ligada a la tierra y a la tradición campesina. Fue Reichsminister de Agricultura, líder del campesinado alemán (Reichsbauernführer) y Obergruppenführer-SS, en cuya calidad ostentó el cargo de director de la Oficina de la Raza y el Reasentamiento (Rasse und Siedlungshauptamt-RusHA). Darré contó con el apoyo de Himmler y de la Ahnenerbe, como se vio en capítulos anteriores, hasta que el propio Führer prescindió de sus servicios y depositó su confianza en los abastecimientos producidos gracias a los “planes cuatrienales” de Göering.
Darré no ocultó nunca un decidido nordicismo: «Es la raza germánica – la raza nórdica según la expresión en boga- quien ha insuflado la sangre y la vida de nuestra nobleza; es esta raza la que ha dictado sus costumbres … Pudiéndose demostrar el origen de esta raza localizada en el noroeste de Europa, se llegó a un acuerdo para dar a esta especie de hombres el nombre utilizado por las ciencias naturales de “raza nórdica, también se habla de “hombre nórdico”. Muchos alemanes auténticos se oponen todavía, en su fuero interno, a que se designe como “nórdico” lo que ellos han considerado toda su vida como germánico por auténticamente alemán … Es imposible hablar de “raza germánica” pues entonces llegaríamos a la falsa conclusión de que las culturas romana, griega, persa, etc, fueron creadas por los germanos. Necesitamos una concepción que exprese esta raza, que fue común a todos estos pueblos». A Darré no le gustaban las denominaciones de “arios” ni de “indogermanos”, por tratarse de designaciones exclusivamente lingüísticas, dándose el hecho de pueblos en los que se ha extinguido la “sangre nórdica” pero que conservan una lengua “indogermánica”. La “idea nórdica”, sin embargo, expresaba la raíz misma de lo alemán y de los pueblos europeos emparentados con él, más allá incluso de lo puramente germánico.
El “ideal de la raza nórdica” sólo podía tener un objetivo posible: «conseguir por todos los medios posibles que la sangre creadora en el cuerpo de nuestro pueblo, es decir, la sangre nórdica sea conservada y multiplicada, pues de eso depende la conservación y el desarrollo del germanismo». En consecuencia, la única conclusión para Darré es que «el hecho de que constatemos hoy un fuerte mestizaje en nuestro pueblo no es razón para continuar por el mismo camino. Es, al contrario, una razón para detener indirectamente el mestizaje designando claramente un resultado a alcanzar como objetivo de selección de nuestro pueblo. Hemos absorbido tanta sangre no-nórdica, que incluso si solamente reserváramos el matrimonio a las muchachas de sangre nórdica, conservaríamos todavía durante milenio en el cuerpo de nuestro pueblo partes de sangre no-nórdica suficientes para aportar el más rico alimento a la diversidad de los temperamentos creadores. Por lo demás, toda parcialidad en el terreno de la selección es compensada siempre por una aportación prudente de la sangre deseada, incluso si es no-nórdica, mientras que la purificación de las partes de sangre extraña en el protoplasma hereditario del pueblo devenido no creador por inconscientes mestizajes es difícil … Para inspirarnos nuevamente de la experiencia de la cría de animales, deduciremos que hay que educar al pueblo alemán para reconozca como objetivo al hombre nórdico y, particularmente, sepa discernir sus rasgos en un mestizo. La selección por el físico exterior tiene la ventaja de limitar los cruces; así se aleja de nuestro pueblo la sangre verdaderamente extranjera …». Veamos ahora cómo pensaba Darré efectuar la selección de la sangre nórdica a través de la fuente pura y original del campesinado germánico.
La nobleza del campesinado nórdico.
La ruptura entre Himmler y Darré respondió, además, a dos concepciones muy distintas sobre el alma de la raza germánica, que para el primero era, sin duda, la figura del guerrero nórdico conquistador (krieger) y, para el segundo, el campesino nórdico colonizador (bauer), que Hitler sintetizaría en su doctrina racial del espacio vital: soldados para conquistar y campesinos para cultivar. Y a estas dos cosmovisiones tan dispares se había llegado mediante una reinterpretación de la historia de los germanos: Darré rechazaba, por ejemplo, que la institución más característica del medievo germánico, el régimen feudal, fuera de tradición nórdica, porque era propia de unos francos carolingios, romanizados y cristianizados, frente a los cuales se situaban sus enemigos y paganos sajones, que sí representaban los auténticos sentimientos nórdicos de libertad personal y fidelidad a la tierra. La raza nórdica no era pues la del guerrero conquistador o del aventurero nómada, sino una raza de campesinos –armados, desde luego, cuando se presentaba la ocasión para el combate- dirigidos por una nobleza electa extraída de sus mismas fuentes agrarias. La contradicción ideológica interna del marxismo obrero, que triunfó en un país desindustrializado como Rusia, se reproducía inversamente en el nacionalsocialismo de inspiración campesina que se había impuesto en un país urbano e industrial como Alemania.
El romanticismo alemán construyó una imagen idealizada de los antiguos germanos, que basculaba entre el guerrero libre y el agricultor, como una especie de campesino-soldado (wehrbauer), arraigado en la tierra, dispuesto sólo a coger las armas para defender su solar o emprender la búsqueda de otros nuevos que cultivar. Esta tesis se separaba de otras visiones que hacían de los germanos unas tribus nómadas tremendamente belicosas, contraponiendo además la figura del germano pegado a su tierra, libre de contaminación física y espiritual, frente a la tradición urbana de la decadente civilización romana, a la moral parasitaria del judío o al nomadismo depredador de eslavos y mongoles. De esta manera, se producía una comunión mística entre la sangre y la tierra que, en un mundo rural idílico, debía ser el instrumento fundamental de purificación y conservación de la raza nórdica. Aunque el modelo campesino de Darré estaba diseñado para una “renordización interna” de la propia Alemania, tanto Hitler como Himmler pensaban implementarlo en la colonización y consiguiente “nordización” (aufnordung) de los territorios conquistados a los eslavos, como ya había sucedido en otras épocas anteriores gracias al ímpetu aniquilador y colonizador de la orden teutónica.
Evola constataba cómo el campesinado de Europa central había conservado una cierta dignidad que lo volvía diferente del de países meridionales y orientales. Darré veía en el campesino alemán fiel a su tierra la fuente de fuerzas más sana de la sangre, de la raza, del volk, una tradición que fundamentaba en las antiguas civilizaciones indoeuropeas. Ya S.H. Riehl había visto en el campesinado a la única capa social, junto a la nobleza terrateniente (Junkers), los únicos sustratos que no se encontraban desarraigados: sobre estas premisas fue forjándose la consigna según la cual “la tierra libera del dinero”, representándola con el clásico esquema del viejo campesino amante de su tierra pero endeudado con el prestamista enamorado de la usura. Por eso, Darré se ocupó de proponer medidas para evitar el éxodo urbano y el desarraigo del campesino, protegiendo no sólo las tierras contra la especulación, sino también contra el endeudamiento, mediante la institución llamada Hegehof: una propiedad hereditaria inalienable (Erbhof), transmisible al heredero más cualificado en el trabajo de la tierra, y que se conservaría a través de las generaciones por “la herencia del linaje en las manos de campesinos libres”.
Sangre y suelo, raza y tierra, son pues las dos coordenadas nucleares de la ideología campesina de Darré. La raza nórdica podía conservar su primacía sobre las demás por razón de la pureza de su sangre, debiendo para ello retornar a los principios sobre la tierra, el matrimonio y la familia que habían regido las antiguas tribus germánicas. «Para el germano, el suelo y la tierra son un miembro constitutivo más de la unidad del grupo familiar». El asentamiento en las tierras de los antepasados y las uniones entre individuos arraigados en las mismas garantizaba la integridad biológica, previniendo además la contaminación de sangre foránea procedente de otras razas, por cuanto éstas no se encuentran unidas por la herencia al solar patrio. La familia nórdica, cuya existencia estaría garantizada por una unidad agrícola suficiente, sería capaz de producir niños racialmente puros, garantizando el futuro de la raza. El ideal agrario de Darré identificaba al campesino con el noble, afirmando que en el origen de los pueblos germánicos no había distinción entre uno y otro, puesto que la “nobleza de la sangre” había sido aquélla que podía demostrar su más antiguo arraigo a las tierras nórdicas, pero el cristianismo, el igualitarismo afrancesado y el marxismo corrompieron el viejo ideal alemán de nobleza y mutaron las ancestrales leyes de la herencia promoviendo el reparto indiscriminado de la tierra y fomentando las uniones entre individuos de distintos linajes raciales.
La selección del campesinado nórdico.
Para Darré la verdadera noción de nobleza, en sentido germánico, debe caracterizarse por una selección de sus dirigentes sobre la base de “núcleos hereditarios seleccionados”. Darré advertirá que «si queremos organizar la nueva nobleza alemana de acuerdo con la concepción germánica, debemos procurar que nuestra actual nobleza no-germánica desde la Edad Media vuelva a los principios de la nobleza de los antiguos germanos, basada en los valores intrínsecos. Hay que proporcionarle los medios para conservar por herencia la sangre que ha demostrado su valía, para eliminar la sangre de calidad inferior y permitirle apropiarse, en caso de necesidad, de los nuevos caracteres de valor que surjan del pueblo». Para conservar esta unidad sanguínea «hay que fundamentarla en una materialidad nutricia: así, la propiedad del suelo es fundamento obligatorio de la familia germánica», porque el progreso de la civilización se perpetúa cuando los mejores se hacen cargo del cuidado de la tierra. En definitiva, «la tierra, para el pueblo alemán, es tanto una base sana para el mantenimiento y la renovación de su sangre, como un medio para alimentarse».
Para Günther, que se adhirió a la “tesis campesina” de Darré, «la nobleza germánica, al igual que toda nobleza indogermánica, ha tenido originariamente una base biológica, y la igualdad del linaje ha significado, alguna vez en los tiempos primigenios de estos pueblos, tanto como idéntico nivel de capacidad hereditaria e igual preeminencia de las características de la raza nórdica». De esta forma, un Estado de cuño germánico dependería de la existencia de una “nobleza de nacimiento”, de una capa dirigente de familias de “alto valor hereditario” que –según Günther- sólo puede lograrse recuperando los valores biológicos y anímicos de los antepasados de raza nórdica y garantizando su transmisión y perpetuación en las generaciones venideras.
Sin embargo, Darré considera que no podía crearse una nobleza de sangre, una aristocracia racial, sino por aplicación de la idea de selección a la reproducción humana, mediante la utilización de los conocimientos sobre la herencia, llegando a afirmar que la palabra “raza” (rasse) no debía aplicarse a los alemanes, debiendo usar el concepto de “especie” (art) –Darré hacía descender a los nórdicos de una especie divina-, si bien reconoce que “raza” había pasado a convertirse en una unidad de apreciación del hombre desde el punto de vista étnico. «Es solamente con todos los medios posibles que podrá conseguirse que la sangre creativa en el cuerpo de la nación, la sangre de los hombres de raza nórdica, sea mantenida e incrementada». Pero la cuestión no era, para Darré, aumentar indiscriminadamente el número de niños alemanes, sino de garantizar la pureza biológica de sus progenitores. Y por ello, la mujer se convertía en el centro de la supervivencia de la familia, debiendo ser consciente de que su misión consistía en la conservación, fomento y multiplicación de individuos raciales sanos, si bien con el apoyo material y espiritual del Estado y de la propia comunidad popular.
Por su parte, el hombre nórdico debía ser aleccionado sobre la forma de elegir a las mujeres para procrear, no sólo desde un punto de vista sexual, sino predominantemente racial: se crearían para ello oficinas de selección de las mujeres óptimas para tener hijos, separando a las que debían ser esterilizadas, y procurando, al mismo tiempo, que cada hombre pudiera tener descendencia con varias mujeres sin sufrir ningún reproche moral, pues la inmoralidad estaba en las relaciones con hembras de otras razas. «Desde el punto de vista de la selección –escribía Darré- nuestro pueblo debe primero clasificar a sus hombres según sus capacidades, pero debe exigirles escoger como esposas, dentro de lo posible, según su coeficiente de selección nórdica». Darré rechazaba el “espiritualismo racial” de Clauss o el posicionamiento de Günther relativo a una definición de lo nórdico más allá de lo puramente antropológico, pues consideraba que en la elección de una mujer no debe subestimarse la importancia racial de las cualidades corporales: «la selección por el físico exterior tiene la ventaja de limitar los cruces y así se aleja de nuestro pueblo la sangre verdaderamente extranjera, cuyo efecto resulta incalculable sobre la herencia sanguínea de la descendencia y del pueblo».
Para ello, Darré proponía una selección biológica de las ciudadanas alemanas aptas para fecundar: la primera clase comprendería a las mujeres cuyo matrimonio era deseable para la comunidad desde todos los puntos de vista, raciales y morales; la segunda clase incluía al resto de mujeres sin objeciones desde un punto de vista racial, con independencia de valoraciones morales; la tercera clase englobaría a aquellas mujeres irreprochables moralmente pero con taras hereditarias, a las que sólo podría permitirse el matrimonio en caso de previa esterilización; y la última comprendería a aquellas mujeres cuyo matrimonio debía impedirse tanto por motivos físicos como éticos, por no adecuarse a la naturaleza biopsíquica de la raza nórdica. En definitiva, la ecología genética de Darré pretendía cultivar alemanes campesinos desde la biología, pero no desde la sociología de las costumbres y de las tradiciones.

mercredi, 27 octobre 2010

Géopolitique française

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M./ "'t Pallieterke" :

Géopolitique française

Oublions un instant que la géopolitique concerne prioritairement le conflit des civilisations, le « Grand Jeu » en Asie centrale pour la maîtrise des hydrocarbures ou les ambitions de la Chine montante. L’Europe aussi peut s’avérer un théâtre aux intrigues très fines pour les amateurs de cette discipline. Et à l’intérieur de cette Europe, la France occupe une place vraiment à part.

Jetons d’abord un coup d’œil sur une carte physique de l’Europe. Oublions les frontières politiques et ne portons attention qu’aux altitudes. La première chose qui saute aux yeux, lorsqu’on examine une telle carte, c’est qu’il existe une grande plaine nord-européenne. Qui s’étend à l’est jusqu’aux steppes russes, et à l’ouest jusqu’aux Pyrénées. La caractéristique majeure de cette plaine, c’est qu’elle présente une forte concentration de rivières navigables. Et cette concentration est la plus dense au monde, nous ont calculé les spécialistes. Ce réseau fluvial et la qualité élevée des sols qu’ils irriguent ont indubitablement constitué la base première du futur niveau de vie du continent. Autre élément important à retenir : la différence entre cette réalité nord-européenne et le contexte dans lequel se trouve l’Europe du Sud. Sans aucun doute, la caractéristique la plus prégnante de la partie méridionale du continent est la présence de la Méditerranée. Au fil des siècles, depuis l’aube des temps historiques, cette mer intérieure a été des plus commodes pour transporter des marchandises de l’est vers l’ouest et vice-versa ou du nord au sud.

En fait, les deux parties du continent sont très différentes l’une de l’autre (même si on ne peut pas vraiment parler de limites fort tranchées). Les différences géographiques ont contribué à faire émerger des différences culturelles qui se repèrent en économie, en sociologie et dans la vie politique. Et que se passe-t-il lorsque l’on mêle les deux modes de vie dans un seul pays ? On obtient une nation comme la France.

Fleuves et rivières

L’Europe possède un grand nombre de fleuves et de rivières, mais celles-ci sont simultanément fort fragmentées sur leurs cours. En d’autres termes, il s’avère très difficile de les relier entre elles, même si l’on peut citer bon nombre d’exemples de canaux. Les spécialistes de la géopolitique hydrographique parlent même d’ « un modèle précis de fragmentation ». Dans cette fragmentation hydrographique et dans la difficulté à relier les cours d’eau par des canaux, les exceptions se repèrent dans certains cas, où deux rivières ne sont séparées que par une étroite bande de terre, ce qui, dans tous les cas de figure, facilite le transit. Une situation de ce type, nous la trouvons dans la zone où voisinent les vallées de la Seine, de la Loire, du Rhône et de la Garonne. Donc uniquement en France. De surcroît, le Rhône est l’un des rares fleuves européens qui se jette dans la Méditerranée tout en servant de corridor vers l’Europe du Nord.

Dans la région où coulent la Marne et la Seine, se trouve le noyau fertile de l’agriculture française. C’est notamment la région de la Beauce, que l’on appelle parfois la « grenier à blé » du pays. Au nord de cette région, nous avons Paris. Or ce nord est le talon d’Achille de la France. Partout ailleurs, le pays a des frontières naturelles : les Alpes, les Pyrénées, les mers  (Manche, Mer du Nord, Méditerranée) et l’Océan Atlantique. Le nord ne bénéficie pas d’une telle protection : c’est par là que l’on peut entrer dans le pays sans rencontrer d’obstacle. Les années 1814 et 1815, puis la guerre de 1870-71 et les deux guerres mondiales sont à ce titre des exemples historiques instructifs. La capitale, Paris, est liée à l’Océan Atlantique par la Seine. De cette façon, elle bénéficie de tous les atouts qu’offre une ouverture sur l’océan sans risquer immédiatement une invasion venue de ce côté (encore que le débarquement de Normandie de juin 1944 tend à infirmer cette règle, ndt). Le nord est donc le point faible de l’Hexagone, tant et si bien que l’on a parfois suggéré de déplacer la capitale vers le sud, pour des raisons de sécurité.

Le facteur allemand

Au fil des années, et même des siècles, les ennemis de la France ont changé, mais non pas la géopolitique française. Depuis le 19ème siècle, Paris est obsédé par l’Allemagne (au départ par la seule Prusse). C’est bien compréhensible : chaque fois, depuis la fin de l’ère napoléonienne, le voisin de l’est semblait le plus puissant militairement et la France avait besoin d’un bon nombre d’alliés pour conjurer le danger allemand. La fin de la deuxième guerre mondiale a créé une situation intéressante. Les Britanniques ne faisaient plus le poids ; l’Espagne vivait isolée sous le régime de Franco ; les Russes se trouvaient de leur côté du Rideau de Fer et les anciennes puissances de l’Axe pouvaient désormais, sans problèmes majeurs, être incluses de force dans un projet européen. Et, de fait, l’Europe est un projet qui permet surtout à la France de « sauter plus loin que n’est longue sa perche » (comme on dit chez nous).

La fin de la Guerre Froide fut un nouveau moment charnière. Les craintes de la France ne concernaient pas vraiment l’URSS (elle n’avait pas de frontières communes avec le bloc soviétique) mais encore et toujours l’Allemagne. Or voilà que d’un coup l’Allemagne est réunifiée. Pour les élites françaises, c’est là un cauchemar : l’Allemagne va-t-elle vouloir jouer à nouveau un rôle plus indépendant ?

Malgré les très nombreux facteurs qui ont influencé l’histoire de France  —et la géographie n’en est qu’un élément parmi beaucoup d’autres—  on peut aisément déduire que le noyau de la pensée politique française est déterminé par quelques « prémisses géopolitiques ». La France est le seul pays d’Europe qui peut étendre son noyau central sans entrer en conflit avec une autre puissance. Dans la direction des Pyrénées, il existe aujourd’hui un potentiel énorme, sans qu’il ne faille outrepasser les frontières de la République. Autre prémisse géopolitique : toujours garder un œil sur l’est. La fameuse Ligne Maginot du 20ème siècle n’a jamais été que la modernisation d’une ceinture de forteresses installées dès le 16ème siècle. Autre prémisse : la cherche constante d’influence en dehors d’Europe. En fait, au départ, la France se suffisait à elle-même et n’avait nul besoin d’acquérir des colonies. L’aventure coloniale française n’avait pas de motivations économiques (ou très peu) mais principalement des motivations politiques. Les colonies françaises ont constitué un instrument commode contre les rivaux d’Europe occidentale. Rien ne permettait d’anticiper l’aventure coloniale : la France avait vendu la Louisiane pour pouvoir financer les guerres napoléoniennes. Plus tard, elle a laissé tomber l’Algérie, malgré qu’un million de Français ethniques y habitaient ! Dans les deux cas, l’objectif avait été de focaliser toutes les énergies sur des problèmes qui affectaient directement l’Hexagone.  Tel était l’option de base.

Pour conclure, nous évoquerons un dernier point : celui de la flexibilité pure et simple. Cette option n’est pas typiquement française : il suffit de se rappeler la manière dont Nixon s’est rapproché de la Chine. Mais seule la France a réussi à manier cette flexibilité à des hauteurs jusqu’ici inégalées. Tout au long de l’histoire, elle a scellé des accords avec l’Empire ottoman au détriment des pays européens de confession catholique. Jamais elle n’a hésité à se chercher et à se trouver des alliés parmi les entités politiques protestantes. Et cela, en des temps où la France se posait comme « fille aînée de l’Eglise ».

M. / «  ‘t Pallieterke ».

(article paru dans « ‘t Pallieterke », Anvers, 20 octobre 2010).

 

vendredi, 22 octobre 2010

The Yezidis: The History of a Community, Culture and Religion

The Yezidis: The History of a Community, Culture and Religion
 

Birgul Acikyildiz (author)

Hardback, £49.50

Yezidism is a fascinating part of the rich cultural mosaic of the Middle East. Yezidis emerged for the first time in the 12th century in the Kurdish mountains of northern Iraq. Their religion, which has become notorious for its associations with 'devil worship', is in fact an intricate syncretic system of belief, incorporating elements from proto-Indo-European religions, early Persian faiths like Zoroastrianism and Manichaeism, Sufism and regional paganism like Mithraism. Birgul Acikyildiz offers a comprehensive appraisal of Yezidi religion, society and culture. Written without presupposing any prior knowledge about Yezidism, and in an accessible and readable style, her book examines Yezidis not only from a religious point of view but as a historical and social phenomenon. She throws light on the origins of Yezidism, and charts its historical development - from its beginnings to the present - as part of the general history of the Kurds.

The author describes the Yezidi belief system (which considers Melek Taus - the 'Peacock Angel' - to be ruler of the earth) and its religious practices and observances, analysing the most important facets of Yezidi religious art and architecture and their relationship to their neighbours throughout the Middle East. Richly illustrated, with accompanying maps, photographs and illustrations, the book will have strong appeal to all those with an interest in the culture of the Kurds, as well as the wider region.

 

List of Illustrations 
Acknowledgements 
Abbreviations 
Introduction 

Chapter I: Origins, History and Development 

  •  
    • Yezidis in Mesopotamia and Anatolia 
    • Yezidis in Syria 
    • Yezidis in Transcaucasia 

Chapter II: Religious Belief System 

1. God, Angels and the Trinity 

  •  
    • God (Xwedê)
    • Angels 
    • The Peacock Angel (Tawûsî Melek) 
    • Sultan Êzi 
    • Sheikh ‘Ad? 

2. Yezidi Mythology 

  •  
    • Creation of Cosmos and Universe 
    • Creation of Human Being 
    • The Flood 

3. Holy Books 

4. Religious Hierarchy 

Chapter III: Religious Practices, Observances and Rituals 

  •  
    • Haircut, Baptism, Circumcision, Brother of the Hereafter, Marriage, Death 
    • Prayer
    • Fast 
    • Pilgrimage 
    • Festivals and Ceremonies 
    • Taboos 

Chapter IV: Material Culture 

  •  
    • Homeland, Landscape, Sacred Places 
    • Places of Worship 
    • The Sanctuary 
    • Mausoleums 
    • Shrines 
    • The Baptistery 
    • Caves 
    • Tombstones 

Conclusion 
Appendixes 
Glossary 
Notes



Birgul Acikyildiz is a Research Fellow at the Khalili Research Centre for the Art and Material Culture of the Middle East, Faculty of Oriental Studies, University of Oxford.



This is a major, innovative study of one of the least known religious communities of the Middle East…[it will] probably long remain the definitive work on Yezidi material culture.
– Martin van Bruinessen, Professor of the Comparative Study of Contemporary Muslim Societies, Utrecht University

A fascinating narrative and photographic journey through Yezidi religion, society and material culture.
– Nelida Fuccaro, Lecturer in Modern History of the Arab Middle East, School of Oriental and African Studies, University of London

It is particularly gratifying to see the publication of a scholarly work that takes into account both the living tradition and the archaeological and architectural aspects of the Yezidi heritage...A book that makes a real contribution to Yezidi studies.
– Philip G Kreyenbroek, Professor of Iranian Studies, Georg-August University, Göttingen

An invaluable introduction to Yezidi architectural and spiritual history…An indispensable reference book.
– Sebastian Maisel, Assistant Professor for Arabic and Middle East Studies, Grand Valley State University, Allendale

A remarkable and original interdisciplinary work on Yezidi history, religion and material culture.
– Khalil Jindy Rashow, Consular at the Ministry of Iraqi Foreign Affairs, Baghdad

Imprint: I.B.Tauris
Publisher: I.B.Tauris & Co Ltd

Hardback
ISBN: 9781848852747
Publication Date: 30 Sep 2010
Number of Pages: 304

 

 

jeudi, 21 octobre 2010

Afrique: des colonies à l'indépendance

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Des colonies à l'indépendance...

Le premier numéro hors-série de La nouvelle revue d'histoire est en kiosque. Il est entièrement consacré à l'Afrique et à l'accession des colonies à l'indépendance. On y trouve des articles de l'africaniste Bernard Lugan, de Philippe Conrad, de Jean-Joël Brégeon et de Philippe d'Hugues, notamment.

 

The Emergence of Nationalist Politics in Morocco

The Emergence of Nationalist Politics in Morocco: The Rise of the Independence Party and the Struggle Against Colonialism After World War II
 

Daniel Zisenwine (author)

Hardback, £54.50

The end of World War II intensified Morocco's nationalist struggle against French colonial rule, with the establishment of the Istiqlal ('independence') party and the Moroccan Sultan's emergence as a national leader. In this book, Daniel Zisenwine charts the rise of Morocco's leading nationalist party, and illustrates the weakness of Moroccan political parties at the outset of the anti-colonial struggle. While Morocco today faces formidable challenges, its political system remains profoundly influenced by the events charted in this book. Drawing from a wide range of previously unpublished sources, Daniel Zisenwine presents the background to the Istiqlal's establishment, its initial actions and demands, and an extensive discussion of its social activities aimed at mobilizing the Moroccan public during the anti-colonial struggle.

 

Daniel Zisenwine is Research Fellow at The Moshe Dayan Center for Middle Eastern and African Studies, Tel Aviv University.

Imprint: I.B.Tauris
Publisher: I.B.Tauris & Co Ltd
Series: International Library of Political Studies

Hardback
ISBN: 9781848853232
Publication Date: 30 Sep 2010
Number of Pages: 272

mardi, 19 octobre 2010

Etats-Unis: l'imposture messianique

11111112747572285r.jpgETATS-UNIS : L'IMPOSTURE MESSIANIQUE

Nicole Guétin


Cet ouvrage s'attache à analyser l'influence du religieux sur la politique américaine. Il focalise l'attention sur un principe commun que l'on qualifiera de messianisme, compte tenu de l'environnement religieux dans lequel naquit et vit encore la nation américaine. Il s'agit d'esquisser l'évolution de ce concept, une constante dans les préoccupations spirituelles, intellectuelles et sociales du peuple américain, depuis sa période coloniale jusqu'à nos jours. Cette conviction d'œuvrer selon les desseins d'une autorité divine a imprégné l'idéologie nationale et influencé sa politique étrangère.

ISBN : 2747572285

Nombre de pages : 126

Date : 11- 2004

lundi, 18 octobre 2010

Nationalism and Identity in Romania

Nationalism and Identity in Romania: A History of Extreme Politics from the Birth of the State to EU Accession
 

Radu Cinpoes (author)

Hardback £59.50

Romanian_Revolution_1989_1.jpgThe collapse of communism in Central and Eastern Europe produced a fundamental change in the political map of Europe. In Romania, nationalism re-emerged forcefully and continued to rally political support against the context of a long and difficult transition to democracy. Extreme right-wing party The Greater Romania Party gained particular strength as a major political power, and its persuasive appeal rested on a reiteration of nationalism and identity - and themes such as origins, historical continuity, leadership, morality and religion - that had been embedded in Romanian ideological discourse by earlier nationalist formations. Radu Cinpoes here examines the reasons for the strength and resilience of nationalism in Romania, from the formation of the state to its accession in the EU.

 

  • Preface * Nationalism - Conceptual Framework * Continuity and Discontinuity in the Romanian Nationalist Discourse * Tradition, Context and Transition to Post-Communism * The Greater Romania Party: Background, Competition and Significance * The Party and its Leader * The Decline of the Greater Romania Party * Romania in the EU: The Future of Nationalism * Conclusions
  • Radu CinpoeA specializes in nationalism and identity politics. He is lecturer in Politics and Human Rights at Kingston University, where he also obtained his PhD in 2006.

    Imprint: I.B.Tauris
    Publisher: I.B.Tauris & Co Ltd
    Series: International Library of Political Studies

    Hardback
    ISBN: 9781848851665
    Publication Date: 21 Sep 2010
    Number of Pages: 320

     

    dimanche, 17 octobre 2010

    Britain and the Weimar Republic

    Britain and the Weimar Republic: The History of a Cultural Relationship

    Colin Storer (author)

    Between the two world wars, Germany managed - despite all the political upheavals it was experiencing - to attract extremely large numbers of British travellers and tourists. During the Weimar period in particular, Germany attracted visitors from virtually every section of British society. In this book, Colin Storer moves beyond the traditional scholarly focus on figures such as Christopher Isherwood and John Maynard Keynes to provide the first broad comparative study of British intellectual attitudes towards Weimar Germany. Based on original research and using striking examples from intellectual life and literature it highlights the diversity of British attitudes, challenges received opinions on areas such as the 'inevitable collapse' of the Republic, and seeks to establish why Weimar Germany was so appealing to such a variety of individuals.

    Imprint: I.B.Tauris
    Publisher: I.B.Tauris & Co Ltd

    Hardback
    ISBN: 9781848851405
    Publication Date: 30 Sep 2010
    Number of Pages: 264
    Height: 216
    Width: 134

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    samedi, 16 octobre 2010

    Cyrpus in World War II

    Cyprus in World War II: Politics and Conflict in the Eastern Mediterranean

    Anastasia Yiangou (author)

    World War II marked a pivotal point in the history of Cyprus, yet surprisingly, this period of the island's history has been little studied to date. Anastasia Yiangou here provides the first major study of the impact of World War II on the political development of Cyprus. In doing so, she traces shifting Cypriot attitudes to the war and the formation of a triangular conflict in the island between the Left, Right and British colonial power. She explains how the British and Cypriots fought a war alongside each other, yet remained far apart in discussions on the future of the island. Yiangou's original and compelling analysis highlights how the post-1945 landscape of Cypriot political struggles was shaped by forces set in motion during the war itself.

    Anastasia Yiangou holds a PhD from the Institute of Commonwealth Studies, University of London in 2009. She has taught at the University of Cyprus and the G.C. School of Careers, Cyprus.

    Imprint: I.B.Tauris
    Publisher: I.B.Tauris & Co Ltd
    Series: International Library of Twentieth Century History

    Hardback
    ISBN: 9781848854369
    Publication Date: 30 Sep 2010
    Number of Pages: 304
    Height: 216
    Width: 134

    Cyprus: Diplomatic history

    Cyprus: Diplomatic History and the Clash of Theory in International Relations

    William Mallinson (author)

    Hardback £54.50

    What are the mainsprings of international rivalry and conflict and how are they to be uncovered - by international relations theory, history or by the practice of diplomacy? Cyprus is ideal for thoroughly testing theory and practice. The island has been at the epicentre of international relations rivalry throughout its history and to this day Cyprus remains a geopolitical tinder-box with acute tension between Cyprus and Turkey over the Turkish occupation of a third of the island. Hostility has now been transferred to the forum of the EU, with Cyprus as a member and the US and Britain pushing for Turkey to join. Meanwhile in the geopolitical hinterland, Russia remains suspicious of the island's British bases which project NATO power in the Eastern Mediterranean and the Middle East. William Mallinson's approach in analyzing Cyprus' problems and the dangers for international relations is unique. He applies practical hands-on experience of international diplomacy with academic research as an historian and international relations theorist.

    Mallinson applies international theory to his minute analysis of revealing documents - the life-blood of the historian of diplomacy - and shows how historical research provides the essential basis for international relations theory.

    Imprint: I.B.Tauris
    Publisher: I.B.Tauris & Co Ltd

    Hardback
    ISBN: 9781848854161
    Publication Date: 30 Sep 2010
    Number of Pages: 256

    mercredi, 13 octobre 2010

    Regering moet banken redden - anno 1934

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    Regering moet banken redden, anno 1934

     
    Met de bankencrisis en de grote regeringsinspanningen om de banken te redden is ons vaak wijsgemaakt dat dit een uniek, eenmalig en vooral precedentloos gebeuren was. Daarbij wordt echter wel vergeten dat in 1934 in België een ongeveer gelijk fenomeen plaatsvond. In die tijd werd België geregeerd door de toenmalige “bankiersregering” Theunis II (*). In het boek “De Jaren ’30 in België: de massa in verleiding”, uitgegeven door nota bene de toenmalige ASLK, kan men op pagina’s 148 en 149 het volgende lezen:

    Enkele spectaculaire faillissementen in de banksector bewezen hoe precair de toestand van de Belgische economie was geworden. De bankdeposito’s die eind 1930 meer dan 23 miljard frank bedroegen, waren eind 1933 tot 25 miljard frank gedaald. De deposito’s namen bovendien voortdurend verder af door oppotting en door kapitaalvlucht naar het buitenland, veroorzaakt door de sfeer van wantrouwen. Banken die door slinkende deposito’s en door de algemene achteruitgang van het zakenleven ernstig werden getroffen kwamen in zware liquiditeitsmoeilijkheden. Vaak hadden zij immers hun kortlopende deposito’s aangewend voor het verlenen van ruime kaskredieten en voorschotten aan de door hen gepatroneerde bedrijven. Veel bedrijven slaagden er echter niet langer in hun financiële verplichtinge nna te komen. De banken konden evenwel moeilijke een onmiddellijke vereffening van de achterstallige betalingen eisen. Daardoor zouden de bedrijven immers onvermijdelijk het faillissement worden ingejaagd en zouden de banken hun vaak aanzienlijke participaties en kredieten zien verloren gaan. In de loop van 1932 en 1939 stond de Nationale Bank aan meerdere banken voorschotten als overbrugginskrediet toe. Deze hulp bleek echter vaak onvoldoende om onhei lte voorkomen. [...]

    Op 28 maart 1934 moest de socialistische Bank van de Arbeid haar loketten sluiten. [...] Om de algemene onrust te temperen en panische reacties te voorkomen, vaardigde de regering enkele ingrijpende maatregelen uit. Door het Koninklijk Besluit van 22 augustus 1934 werd de splitsing van de gemende banken in portefeuillemaatschappijen en depositobanken beter te beschermen, het vertrouwen in het bankwezen te herstellen en een algemene bankcrisis te voorkomen. [...]

    In de loop van 1934 werd steeds duidelijker dat de Algemeene Bankvereeniging, de grootste Vlaamse bank, enorme verliezen had geleden in riskante beleggingen. In haar val dreigde zij de Belgische Boerenbond mee te sleuren. Deze dominerende landbouworganisatie had immers via haar Middenkredietkas, centrale kas van 1200 landelijke Raiffeissenkassen, circa 85% van de aandelen in handen. Om paniek te vermijden liet de regering op 7 december 1934 een wet goedkeuren waarbij een nieuwe instelling, het  Centraal Bureau voor de Kleine Spaarders, werd opgericht met een werkkapitaal van één miljard frank. Het moest hulp bieden in het volksspaarwezen. In realiteit moest het in de eerste plaats de spaargelden van de Raiffeisenkassen redden, een delicate opdracht waarin het ook slaagde.

    Het is maar dat u weet dat bankcrisissen geen uniek gebeuren zijn, maar in een systeem van speculatie met een zekere regelmaat zullen voorkomen.

    (*) Het kabinet van Georges Theunis, dat de regering van de bankiers wordt genoemd wegens de aanwezigheid in haar schoot van Francqui (Société Générale), Gutt (Groep Lambert) benevens Theunis zelf (Groep Empain), is één van de meest verwenste ministeries geweest die ons land ooit heeft gehad. Bron

    Spirit and Resistance - Vive la contre-révolution!

    Spirit and Resistance

    Vive la Contre-Révolution

     
     
     
    Spirit and Resistance
     

    Traditionalists are often painted as partisans of lost causes. The ideologues of modernity and “progress” thus consign actual rightist movements to history’s dark remnants, all the while leading humanity’s march into a radiant future of equality and liberty.

    We have witnessed their future, and all its supposed radiance is but an artifice. Modern civilization offers a plethora of material goods to mask the denial of the one true Good; it creates virtual worlds of distractions and amusements to convince man to forget how he abandoned the one true God.

    Ivan Ilyin, the philosopher and premier theorist of the White Russian movement, saw this earlier than most. The Whites were first into battle in the confrontation with one particularly savage program of the Revolution, Soviet Bolshevism. As an unabashedly faithful Christian, monarchist and patriot, Ilyin understood the full gravity of the threat and how to combat it; above all else, he knew victory could only be achieved through the will to spiritual resistance, in a war beginning in our own hearts.

    Ilyin’s notions may have seemed fantastic at the time of his speech below, but where is Soviet power today? The immutable principles of faith, loyalty and honor show themselves ultimately triumphant over the destruction wrought by the materialist ideologies of our age. Contemporary Russia’s survival, like that of any nation, cannot be guaranteed, but she also shows signs of hope and rebirth. We in the West would do well to remember that not all lost causes are lost.

    ***

    The Sovereign Meaning of the White Army

    Speech delivered by Ivan A. Ilyin in Berlin, November 19th, 1923 (The 6th Anniversary of the  Russian Volunteer Army). Translated by Mark Hackard from the text "Rodina i My"; italics are from the original.

    One of the most genuine and spiritually significant victories accomplished in the history of man is the triumph of the Russian White Army. If we can take everything from this victory that was laid into it, then Russia will soon be reborn in power and glory and evince still unseen greatness. And this greatness will be a living edification and support for the rebirth of other nations. This is the primary meaning of our “White” existence and suffering.

    Strategic naivete, historical ignorance, the inertia of prejudice or reactionary stubbornness are nowhere behind this claim. Our opponents and enemies can be sure that we are fully possessed of sufficient factual knowledge, historical cognition and political realism to understand the elementary and superficial, what they “understand”. But the fates of nations and states have yet a different, deeper dimension open to the religious spirit and closed to the heart without God. And to abide in this dimension allows the discovery of unique meaning behind all strategic, historical and political events…

    First, we shall establish that the entire struggle of Russian patriots, both military and civilian, who attempted to prevent Russia’s defeat in the Great War and her complete decomposition in the Revolution, who attempted by armed force to overturn the power of internationalist adventurers, did not reach its direct goal. The war prematurely ended with the opening of the front, and the Revolution flooded into the entire country and sank, both in quality and intensity, to the very bottom. All of Russian culture, all Russian people, and all the land were made to stand face to face with revolutionary possession: with the blasphemy of the godless, the assault of bandits, the shamelessness of the madman, the attempts at murder. All of us had to look into the eyes of Satan, tempting us with his latest seductions and frightening us with his newest terrors.

    Behind the entire external appearance of the Revolution- from documentation to execution, from the ration to the tribunal, from round-up to exile and emigration, from torture by hunger, cold, degradation and fear to stolen wealth and pretension to world power - behind all this is concealed the Revolution’s single and central reason, in relation to which all of these phenomena are but changing forms, a shell, the outer shape of things. This reason is given through the words spiritual seduction and religious inquiry.

    The secret and deepest meaning of the Revolution is held in the fact that it is most of all a great spiritual seduction; a harsh, cruel test; it burns through souls and tempers them by fiery trial.

    This test posed to every Russian soul the same direct question: Who are you? By what do you live? What do you serve? What do you love? Do you love that which you “love”? Where is the center of your life? And are you devoted to it, and are you loyal to it? The hour has struck. There are no more delays and there’s nowhere to hide. And there are not many paths before you- only two: to God or against God. Stand up and reveal yourself. For if you do not do so, you will be made to stand and show who you are: the tempters will find you in the fields and at home, at the mill and at the altar, in your property and in your children, in the spoken word and in silence. They’ll find you and place you in the light- that you announce without ambiguity whether you are with God or against Him.

    And if you are against God, then you’ll be left to live. They won’t take everything from you, and they’ll make you serve the His enemies. They’ll feed you, indulge you and reward you; they’ll let you harm others, torment them and take away their property; they’ll give you power, profit and all the appearance of disgraceful esteem.

    And if you are for God and choose the path to God, then your property will be seized, and your wife and children will be disinherited. And you will be wearied with deprivations, humiliations, darkness, interrogations and terror; you’ll see how your mother and father, your wife and children slowly, like a candle, melt away in hunger and disease- and you can’t help them. You will see how your obstinacy will not save your Motherland from downfall, souls from corruption, or churches from abuse. You will gnash your teeth in powerlessness and slowly grow feeble. And if you openly resist, then you will be killed in a basement and buried, unrecognized, in some unmarked pit.

    Choose and decide…

    No one in Russia escaped this trial; this test overtook every man: from the Tsar to the soldier, from the Most Holy Patriarch to the last atheist, from the rich to the destitute. And each was put to an unprecedented test- to stand before the face of God and testify: either by the word, which became equivalent to the deed, or by the deed, which became equivalent to death.

    The ordeal was fiery and deep, for what began and took place- and what still takes place- is not based upon party or class, or even the whole people, but is an inquiry of man across the world, a spiritual division, a religious selection, a religious differentiation of humanity. This differentiation is still far from finished, and it has only just begun; Europe, already associated with it, will sooner or later see it roaring through her own depths. The twentieth century has only just begun its business of purification and settling accounts.

    In this religious trial, taking the form of a world cataclysm, the victor will be neither the man who seizes power for a time somewhere, nor he who occupies some territory; for power can expose, can compromise and ruin an invader. And the occupation of territory can turn out to be fatal for the occupier. But the one who resists, who has already withstood the storm; that endured the trial and remained loyal; who found within himself love and the force of love for his choice; that found within himself a word equivalent to action, and committed an action equivalent to the resolve to die.

    The victor is neither he who temporarily and physically overcame, and perhaps in so doing condemning himself; nor is it the man who became strong on another’s weakness, another’s nothingness and failure, the baseness of the mob and the darkness of the masses. For the true man of strength is strong within himself, by his creation, which opens in him ever newer power from the original charge of life; no, the victor is he who rose against: rose against seduction, not falling to it, and rose against terror, not taking fright.

    It is he who in that terrible moment of choosing, that moment of great solitude- when no one will decide for you, and no one will notice when another’s advice is of no help- in that moment of great solitude, when man stands, longing- choosing between a shameful life and an honorable death; when man inquires into his own last darkness and depth- and instinct begs for life, even a shameful one, and the spirit demands loyalty, even in death; so the victor is he who in this moment of solitude before the face of God would not accept the dishonor of life.

    And it is possible that death will not come, and that he will keep living, but namely then and therefore his life will not be shameful, and he will be a conqueror

    He triumphs who agrees to lose everything to save something of God’s.

    mardi, 12 octobre 2010

    12 octobre 1943: les Alliés anglo-saxons occupent les Açores

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    12 octobre 1943 : les Alliés anglo-saxons occupent les Açores

     

    Les Alliés pourront occuper les Açores, y établir des bases aéronavales et faire relâche dans les ports de l’île, suite à des accords secrets anglo-portugais où Londres force la main à Lisbonne, en lui rappelant un traité signé au 19ème siècle et scellant une alliance entre les deux pays. Par cet accord, plusieurs centaines de kilomètres sur le territoire océanique ne seront plus livrés au bon vouloir des sous-marins allemands. Hitler perd définitivement la bataille de l’Atlantique. Rétrospectivement, nous pouvons en conclure que les Açores sont un archipel de très grande importance stratégique pour l’Europe et pour le contrôle de l’Atlantique à partir des côtes du Vieux Continent. Elles permettent notamment de contrôler la route vers les Amériques et de surveiller les côtes marocaines. Il ne s’agit pas seulement de « confettis d’Empire », de résidus de la grandeur passée du Portugal mais d’une position stratégique de toute première importance qu’il ne s’agit pas de perdre.

    dimanche, 10 octobre 2010

    La critica alla democrazia in Henri de Man

    La critica alla democrazia in Henri de Man

    Ex: http://fralerovine.blogspot.com/ 

    La democrazia come forma di dominio borghese

    Il giovane De Man è ancora fedele al marxismo ortodosso, in linea con la Seconda Internazionale, ma già si delineano alcuni temi che saranno centrali nel suo pensiero. In particolare, in “L’era della democrazia” (1907) emergono tre punti fondamentali. In primo luogo, il suo socialismo ha una base volontaristica, secondo cui lotta di classe e istinto di sopravvivenza – “volontà di potenza” per usare un termine nietzscheano” – coincidono. In secondo luogo – e qui viene ribadita la sua linea radicale e non riformista –, il proletariato dovrà essere attento a non cedere agli inganni della borghesia, bensì mantenersi puro e intransigente per conquistare il potere. Egli, infatti, riconosce il carattere precedentemente rivoluzionario della borghesia, ma ammonisce a non confondere la rivoluzione borghese con quella proletaria.

     

    1. La crescita parallela dei movimenti socialisti dei lavoratori e del movimento democratico di parte della borghesia, come abbiamo visto negli ultimi anni, in particolare da noi in Francia, Inghilterra, Olanda e Belgio, ha portato molti membri del nostro partito alla conclusione che, siccome entrambi i fenomeni sono portati avanti dalla medesima causa e per lo stesso scopo (la “democrazia” che infine diverrà “socialista”), così il progresso della democrazia e quello del movimento dei lavoratori sarà simile, combinato, inseparabile. Bene, questa conclusione è erronea, questa conclusione è falsa, questa conclusione è pericolosa.

     

    In terzo luogo, però, il proletariato, man mano che acquisterà coscienza di classe, sarà in grado di vincere la borghesia con le proprie forze, sfruttando le stesse condizioni della democrazia borghese.

     

    2. Sarebbe il peggior tipo di pessimismo concludere che non dobbiamo aspettarci immediati miglioramenti politici, che dobbiamo fermarci e riporre tutta la nostra speranza nel sovvertimento rivoluzionario della società capitalista. No; la democrazia politica – cioè, un minimo di diritti politici e legalità – è la condizione assolutamente indispensabile per il successo della rivoluzione sociale […]. Ma il proletariato sarà sempre più l’unica forza a sostenere tutte le battaglie per la democrazia e dovrà dipendere sulle sue risorse per la realizzazione della democrazia. Man mano che la democrazia diventa più indispensabile per il proletariato, diviene più pericolosa per la borghesia, e man mano che la lotta per ogni frammento di libertà e legalità diventa più difficile, sempre più s’avvicina a quella lotta finale in cui non ci sarà quartiere, dove la posta sarà il controllo del potere politico, la stessa esistenza dello sfruttamento capitalistico e della democrazia a uno e a un medesimo tempo.

     

    Fin dall’inizio, quindi, il rapporto con la democrazia borghese, in quanto sistema politico reale e quotidiano in cui ci si trova ad operare e che occorre affrontare, risulta fondamentale nell’opera di De Man, il quale però ammonisce che la democrazia può spianare la strada al proletariato ma non è in sé una condizione sufficiente, tale da condurre automaticamente al socialismo.

     

    3. Dunque, nella nostra lotta, non lasciamo che illusioni sulla misericordia della borghesia, né fiducia nella sincerità delle loro convinzioni democratiche, confondano la consapevolezza di classe del proletariato. La posta della battaglia è ben maggiore che un po’ di legalità o solo una riforma, ben più grande di quanto una rivoluzione borghese abbia mai tentato. E il proletariato ha un’arma molto più forte e formidabile di quanto la borghesia ne abbia mai usate. Non l’ha forgiata a partire dall’idea democratica – e dal fraseggio di un impotente classe in declino. Come il giovane eroe nel Sigfrido di Wagner, vede ciò con distacco […]. E forgerà la sua spada per salvare il mondo a partire dalla forte organizzazione di classe e con eroica coscienza di classe.

     

    Infatti, approfondendo la sua preparazione teoretica e la sua conoscenza della democrazia liberale, De Man sarà sempre più cauto e guardingo relativamente all’attrazione del liberalismo e del riformismo sul proletariato. Particolarmente interessanti sono le sue lettere da London, pubblicate nel 1910 sul “Leipziger Vokszeitung” come “Lettere di viaggio socialiste”, laddove egli descrive come il partito laburista sia del tutto integrato in quello liberale e, perciò, funzionale agli stessi interessi borghesi, mentre invece quelli dei proletari sono ignorati o calpestati.

     

    4. È del tutto ovvio che la natura della competizione elettorale tra i due grandi partiti borghesi, che almeno a Londra monopolizza quasi il campo di battaglia, è una competizione per catturare i voti del lavoratore attraverso trucchi pubblicitari da poco, così che il partito che ha meno scrupoli e più denaro vincerà. Perché alla fine, l’essenza del senso politico nel sistema elettorale inglese è questo: trasformare il potere finanziario delle classi proprietarie in potere politico in modo che il diritto di voto dei lavoratori sia reso un modo di preservare la loro dipendenza intellettuale e politica dai partiti borghesi.

     

    L’analisi e la critica del sistema democratico inglese prosegue toccando altri punti fondamentali, quali la legge elettorale in sé, la quale esclude il voto femminile, riduce l’elettorato ai soli possidenti o affittuari benestanti, garantisce il voto plurale a laureati e proprietari terrieri, ed è basata su un sistema maggioritario, per cui in ogni collegio è eletto solo il singolo candidato che ottiene la maggioranza relativa. Inoltre, egli descrive la conduzione della campagna elettorale presso i lavoratori con distribuzione gratuita di alcoolici, propaganda di massa e addirittura l’organizzazione delle masse stesse al voto. Il termine che meglio descrive l’atteggiamento delle classi dominanti verso la classe operaia è “condiscendenza”.

     

    5. Il movimento socialista operaio è trattato dalla classe dominante in Inghilterra in completo contrasto con il socialismo e con il movimento operaio. Mi esprimerò più chiaramente: il socialismo come teoria sociale e filosofica non appare come minaccioso per il corpo della borghesia, finché esso non trova sostenitori nei circoli intellettuali borghesi […]. In breve, il socialismo qui è ancora socialmente accettabile, come non lo è stato per lungo tempo in Germania. La borghesia inglese molto tempo fa ha fatto pace con il movimento dei lavoratori a patto che non fosse socialista, cioè, con il movimento sindacale di vecchio stampo.

     

    Tuttavia, come fa notare De Man, alla “carota” viene affiancato il “bastone”: i metodi repressivi non sono meno assenti nella democrazia liberale, semplicemente essi sono usati con maggiore parsimonia e oculatezza. Questo è particolarmente evidente nel modus operandi della polizia inglese, in realtà non molto dissimile da quella prussiana, nonostante la differenza di regime, in linea teorica.

     

    6. Alla fine il parallelo tra i “bobbies” e i “Bleus” riflette fondamentalmente quello tra le due forme di governo, il borghese liberale e lo Junker reazionario, in generale. Queste sono le due forme democratiche di oppressione politica del proletariato nell’era capitalista; la prima è la più ragionevole, la seconda la più brutale. Questo non significa che la polizia di Londra non possa e non si sia comportata in modo brutale. Ma questo ha luogo non regolarmente ma solo in circostanze straordinarie, cioè, quando è considerato davvero indispensabile.

     

    In sintesi, il giovane De Man prende una posizione molto dura verso la democrazia borghese, liberale o autoritaria che sia. Se da una parte, infatti, riconosce che all’interno di essa è possibile trovare gli strumenti per portare avanti la lotta di classe, pure è consapevole che a un certo punto sarebbe risultata inevitabile la rivoluzione.

    La democrazia come tappa intermedia

    Nel 1914, con l’invasione del Belgio da parte tedesca, questa visione secondo cui non c’era differenza tra i vari regimi borghesi e imperialisti doveva cambiare radicalmente. Le democrazie occidentali parevano, infatti, garantire maggiori possibilità ai movimenti operai rispetto agli imperi centrali. Altrettanto importanti furono le sue esperienze di viaggio in Unione Sovietica e negli Stati Uniti, che lo convinsero della necessità di un ordinamento democratico come tappa intermedia tra il capitalismo e il socialismo. In quest’ottica egli arrivò a contrapporre all’URSS, che egli accusava di eccessiva furia nel tentare d’imporre le conquiste del socialismo a un proletariato ancora impreparato, gli Stati Uniti, dove invece vedeva quasi compiute le basi democratiche del socialismo.

    Henri De Man, ne traccia una sintesi nell’articolo “La lezione della guerra”, comparso su “Le Peuple” nel 1919. Egli è però attento a sottolineare come la sua posizione non fosse stata immediatamente interventista come molti altri socialdemocratici e socialisti europei, bensì meditata alla luce degli eventi da lui vissuti tra il 1915 e il 1918, e frutto di una coscienza tormentata dalla consapevolezza delle contraddizioni.

     

    7. Al fine di evitare ogni incomprensione, devo dichiarare che, anche se io ero un ufficiale associato all’azione del governo durante la guerra con due missioni ufficiali all’estero – in Russia nel 1917 e negli Stati Uniti nel 1918 – non sono mai stato tra quelli che hanno perso la loro autonomia morale per l’intossicazione del patriottismo ufficiale e dello sciovinismo militarista. Io ero un socialista antimilitarista e internazionalista prima della guerra. Credo di esserlo ancora di più ora. Forse lo sono in modo differente, ma certamente non in misura meno profonda o meno sentita. È precisamente perché io considero il socialismo una realtà urgente e ancora più ineluttabile che mai che esso mi appare da una prospettiva differente dalle mie opinioni del 1914. La revisione delle mie idee è dovuta soprattutto al fatto che per tre anni sono state letteralmente sottoposte alla prova del fuoco.

     

    De Man propone in queste pagine però una svolta di entità non indifferente, anzi una vera e propria revisione del marxismo, dovuta ad esperienze che traspaiono come traumatiche. Egli trasvaluta tutti i valori, alla ricerca di una dottrina politica che gli consenta di comprendere davvero gli eventi.

     

    8. Non penso più che possiamo capire i nuovi fatti della vita sociale con l’aiuto di una dottrina stabilita sulla base di fatti precedenti e differenti. Non penso più che la toeria che vede le guerre contemporanee unicamente come il risultato di conflitti economici tra governi imperialisti sia giusta. Non penso più che i soli fenomeni economici possano fornirci la trama di tutta l’evoluzione storica. Non penso più che il socialismo possa essere realizzato indipendentemente dallo sviluppo della democrazia politica. Non penso più che al socialismo basti fare appello agli interessi di classe del proletariato industriale, disdegnando il supporto che certi interessi e ideali comuni all’intera nazione o a tutta l’umanità possono darci. Non penso più che la lotta di classe proletaria, che rimane il mezzo principale per la realizzazione del socialismo, possa condurre ad esso senza ammettere certe forme di collaborazione di classe e di partito. Non credo più che il socialismo possa consistere semplicemente nell’esproprio dei mezzi di produzione di base da parte dello Stato, senza una profonda trasformazione dei processi amministrativi per portare allo sviluppo illimitato della produttività sociale. Non penso più che una società socialista possa essere sostenuta domani se rinuncia allo stimolante che oggi è fornito dalla competizione d’imprese private e di un ineguale frutto del lavoro, proporzionato alla sua produttività sociale. Credo in un socialismo più a portata di mano, più pragmatico, più organico – in una parola, più umano.

     

    Egli spiega poi le sue motivazioni di contro al marxismo internazionalista, adducendo come tappa necessaria sul cammino verso il socialismo l’autonomia nazionale e la democrazia politica, entrambe ancora da raggiungere nelle due grandi nazioni europee dove era stata tentata la rivoluzione bolscevica, ovvero Russia e Germania, in quanto nazioni ancora rette da una monarchia di diritto divino. In quest’ottica, la guerra delle potenze dell’Intesa era giustificata anche da un punto di vista socialista proprio perché portava a termine quella rivoluzione borghese di cui parlava Marx. De Man continua a fare riferimento al filosofo di Treviri, anche se ne critica l’economicismo.

     

    9. Il metodo del materialismo storico fondato da Marx ci ha abituati troppo a vedere solo il lato economico dei fatti della vita sociale. D’altra parte, il marxismo è stato represso troppo fortemente dal socialismo di Germania e Russia, due Paesi dove la mancanza d’istituzioni democratiche e, quel che è peggio, di tradizioni democratiche ha necessariamente avuto ripercussioni sul punto di vista dei lavoratori.

     

    Egli ha ben presente che non è stata una guerra rivoluzionaria socialista, ma nondimeno è stata una guerra rivoluzionaria democratica. Passando poi a confrontare Stati Uniti e Russia, sottolinea le migliori condizioni del primo Paese, in confronto al secondo dove il proletariato, mancando di un’educazione democratica, non è stato in grado di gestire il potere conquistato.

     

    10. In Russia, ho visto socialismo senza democrazia. In America, ho visto democrazia senza socialismo. La mia conclusione è che, per parte mia, preferirei, se dovessi scegliere, vivere in una democrazia senza socialismo che in un regime socialista senza democrazia. Questo non significa che io sia più democratico che socialista. Molto semplicemente significa che la democrazia senza socialismo è pur sempre democrazia, mentre il socialismo senza democrazia non è nemmeno socialismo. La democrazia, essendo il governo della maggioranza, può condurre al socialismo, se la maggioranza è a favore di esso; il socialismo, se non è basato sul governo della maggioranza, è un regime dispotico, il che significa o guerra civile o stagnazione.

     

    Per risolvere questo problema, il proletariato dovrebbe includere non solamente gli operai, ma anche i tecnici e gli intellettuali, i quali vendono anch’essi la loro forza lavoro, sia pure più specializzata, il che fa di loro dei proletari.

     

    11. Non sarei un socialista se non credessi che questa capacità si può trovare in nuce nel proletariato – a condizione che l’espressione includa oltre ai lavoratori manuali coloro, come i tecnici, i colletti bianchi, gli ingegneri, gli studiosi e gli artisti, che oggi vendono la loro forza lavoro intellettuale sul mercato del mondo capitalista. Ma poiché questo nucleo possa svilupparsi e rendere più che non solo vantaggi temporanei, un lungo periodo di adattamento della classe lavoratrice ai nuovi compiti di gestione sociale deve aver luogo.

     

    Questa collaborazione tra le classi inferiori, sostiene De Man, ha già in realtà visto in parte la luce nelle trincee, laddove la maggioranza dei combattenti erano appunto proletari (in questo senso allargato). Qui sono state poste le basi sociali per un socialismo democratico, del tutto differente dal socialismo dittatoriale del bolscevismo sovietico.

    Riguardo agli Stati Uniti, troviamo interesse nella “Lettera d’America” comparsa, sempre su “Le Peuple”, l’anno successivo. Ciò che l’autore sottolinea, sono le ottime condizioni materiali dei lavoratori americani, in particolare i contadini, rispetto a quelli europei. E a queste si accompagna una superiore istruzione e dunque una vera e propria coscienza di classe, che porrebbe le basi per un movimento socialista di successo.

     

    12. Questo è un Paese che dimostra che non è la povertà che crea la più vigorosa coscienza di classe, e che un regime di sfruttamento capitalistico è più minacciato dove la gente comune ha acquisito il più alto grado di benessere materiale ed istruzione, come nel Far West americano. Tutto questo Paese è proprio ora lo sfondo di una grande rinascita della coscienza di classe, sia tra la popolazione rurale, sia tra i lavoratori urbani. È un fenomeno sorprendente, specialmente per un periodo immediatamente successivo a una guerra. La sua espressione più caratteristica è l’alleanza dei sindacati e delle organizzazioni agrarie per sostenere un programma esplicitamente collettivista.

     

    La democrazia nel planismo

    Il successivo percorso di studio di De Man lo portò a toccare e ad approfondire ben altri argomenti, in particolare relativamente alla critica e al superamento del marxismo da un punto di vista psicologico, come espresso in “Psicologia del socialismo” (1926). La sua critica del marxismo è funzionale però a una radicalizzazione del movimento socialista. Secondo l’autore, infatti, è nella dottrina di Marx che devono essere rintracciati quei tratti filosofici positivisti come il meccanicismo, il razionalismo, l’edonismo materialista, che favoriscono l’imborghesimento dei movimenti marxisti. Un altro problema è la tendenza alla divisione, specie nei partiti di stampo bolscevico, tra dirigenti attivi e masse passive (“Masse e capi”, 1932). Il lato più propriamente psicologico è poi approfondito in “La lotta per la gioia del lavoro” (1927), laddove esamina i moventi psicologici che influenzano positivamente il lavoratore, ovvero principalmente l’utilità sociale, l’interesse personale, e il senso dell’obbligazione sociale; e quelli che lo influenzano negativamente, come l’insicurezza e la precarietà delle condizioni di vita e di lavoro o l’impossibilità di promozione sociale.

    Con “L’idea socialistica” (1933) viene finalmente approfondito un altro tema cruciale, quello dell’imborghesimento del proletario. De Man ricostruisce prima storicamente il passaggio da una borghesia lavoratrice a una borghesia proprietaria e sfruttatrice e poi osserva il processo analogo nel proletariato contemporaneo. Secondo lui, indubbiamente, ha un forte peso il miglioramento delle condizioni di vita, ma il fattore cruciale, che mina a suo parere il marxismo alla base, è il materialismo: la classe operaia lotta non per il bene dell’umanità, ma egoisticamente per il proprio benessere, mirando essenzialmente a rovesciare il dominio borghese e sostituirvisi. In questo senso, riprendendo il pensiero di Spengler e Sombart, il marxismo non è tanto un movimento opposto al capitalismo, quanto interno ad esso. Il socialismo invece doveva prescindere dagli interessi specifici della classe operaia, che a suo parere avrebbero potuto anche essere soddisfatti dal capitalismo, come negli Stati Uniti.

    È proprio su queste premesse, che De Man scriverà il “Piano del lavoro” nel 1933, come programma pragmatico di riforma dello Stato dal punto di vista tanto sociale quanto economico.

     

    13. L’obiettivo di questo piano è una trasformazione economica e politica del Paese, consistente in: 1) L’istituzione di un sistema economico misto che includa, oltre a un settore privato, un settore nazionalizzato che comprenda il controllo del credito e delle principali industrie che sono già monopolizzate di fatto; 2) La sottomissione dell’economia nazionale così riorganizzata a lle direttive del benessere comune mirante all’allargamento del mercato interno così da ridurre la disoccupazione e da creare condizioni che portino a un’accresciuta prosperità economica; 3) La realizzazione all’interno della sfera politica di una riforma dello Stato e del sistema parlamentare tale da creare le basi per una vera democrazia sociale ed economica.

     

    Scendendo in maggiori dettagli riguardanti quest’ultimo punto, che delineino come sia mutata la concezione della democrazia propugnata da De Man, occorre consultare la settima e ultima parte del piano.

     

    14. Per rinforzare le basi della democrazia e per preparare istituzioni parlamentari per la realizzazione delle trasformazioni economiche che sono delineate, la riforma dello Stato e del sistema parlamentare deve soddisfare le seguenti condizioni: 1) Tutti i poteri derivano dal suffragio universale non adulterato; 2) L’esercizio delle libertà costituzionali è pienamente garantito a tutti i cittadini; 3) Il sistema politico ed economico assicurerà l’indipendenza e l’autorità dello Stato e del potere pubblico rispetto al potere finanziario; 4) il potere legislativo sarà esercitato da una singola camera, di cui tutti i membri siano eletti con suffragio universale; 5) questa camera, i cui metodi di lavoro saranno semplificati e adattati alle necessità della moderna organizzazione sociale, saranno assistiti nell’elaborare leggi da consigli consultativi, i cui membri saranno scelti in parte fuori dal Parlamento, sulla base della loro riconosciuta competenza; 6) per evitare i pericoli dello statalismo, il Parlamento darà alle agenzie responsabili per legge della gestione dell’economia quei poteri d’implementazione indispensabili alla rapidità d’azione e alla focalizzazione delle responsabilità.

     

    Nelle successive tesi di Pontigny del 1934, stabilirà il ruolo del partito all’interno della pianificazione qui delineata, ovvero la piena partecipazione, all’interno del sistema legale e politico democratico alla riforma dello Stato. Questo interventismo, unito alla delusione per l’inerzia del regime borghese e democratico sarà alla base della sua scelta, nel 1940, di appoggiare il fascismo, sperando che potesse compiere quella riorganizzazione dello Stato che né il socialismo né la democrazia erano stati in grado di intraprendere.

    vendredi, 08 octobre 2010

    Hurra, der Erste Weltkriege ist jetzt auch für uns Deutsche zu Ende

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    Hurra, der Erste Weltkrieg ist jetzt auch für uns Deutsche zu Ende

    Michael Grandt - Ex: http://info.kopp-verlag.de/

     

    Bis zum 3. Oktober 2010 musste der deutsche Steuerzahler für einen Krieg bezahlen, der vor fast 100 Jahren begann und für den das deutsche Volk die alleinige Verantwortung übernehmen musste, obwohl dies historisch nachweislich falsch ist.

     

     

     

     

    Am Sonntag, den 3. Oktober 2010 war es soweit: Der Erste Weltkrieg war, 96 Jahre nach seinem Ausbruch, auch für Deutschland zu Ende. Bis zu diesem Zeitpunkt musste der deutsche Steuerzahler als »Verursacher« des Ersten Weltkrieges Reparationen sprich Wiedergutmachung an die Alliierten bezahlen.

    Die letzte Rate betrug 69,9 Millionen Euro. Im Bundeshaushalt 2010 wird dieser Betrag unter Punkt 2.1.1.6 als »Bereinigte Auslandsschulden (Londoner Schuldenabkommen)« verklausuliert.

    Die Reparationszahlungen nach dem Ersten Weltkrieg wurden im Versailler Vertrag im Jahr 1919 festgelegt. Adolf Hitler hatte die Zahlungen einst gestoppt, doch nach 1945 übernahm die Bundesrepublik Deutschland dann die »Schulden« und zahlte bis zum Jahr 1983.

    Die Restzahlung von 125 Millionen Euro für Zinsen auf Auslandsanleihen war erst nach der deutschen Wiedervereinigung fällig. Seit 1996 stottert der deutsche Steuerzahler die Schuld aus dem vor knapp 100 Jahren ausgebrochenen Krieg ab. Die letzte Rate war 20 Jahre nach der Wiedervereinigung fällig. Mit dessen Zahlung ist der Erste Weltkrieg nun auch für Deutschland finanziell beendet.

    Über die Ursachen des Ersten Weltkrieges, die tatsächliche Kriegsschuld, die Folgen und den Aufstieg Adolf Hitlers werde ich in den nächsten Wochen eine umfangreiche Contentserie hier auf KOPP-Online starten.

    Anmerkung: Vielen Dank für den Hinweis an den Leser, dessen Namen ich leider nicht mehr eruieren kann.

     

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    Quelle:

    http://www.express.de/news/politik-wirtschaft/sonntag-ist...

     

    Werner Lass et Karl-Otto Paetel, deux nationaux-bolcheviques allemands

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    Werner Lass et Karl-Otto Paetel, deux nationaux-bolcheviques allemands

    Moins connus qu’Ernst Niekisch, Werner Lass et Karl-Otto Paetel  sont deux figures atypiques du national-bolchevisme, décrit par Louis Dupeux comme le courant le plus fascinant  de la Révolution Conservatrice.

    Au coeur de la jeunesse bundisch

    Né à Berlin le 20 mai 1902, Werner Lass appartient aux Wanderwogel de 1916 à 1920. En 1923, il est élu chef du Bund Sturmvolk dont une partie s’unit, en 1926, avec la Schilljugend du célèbre chef de corps-francs Gehrardt Rossbach (1). En 1927, Lass  fait scission pour fonder la Freischar Schill, groupe bündisch dont Ernst Jünger devient rapidement le mentor (« Schirmherr ») et qui place au cœur de ses activités le « combat pour les frontières », les randonnées à l’étranger et la formation militaire (2).

    D’octobre 1927 à mars 1928, Lass et Jünger s’associent pour éditer la revue Der Vormarsch (« L’Offensive »), créée en juin 1927 par un autre célèbre chef de corps-francs, le capitaine Ehrhardt. Désireux de dépasser les limites étroites du simple mouvement de jeunesse, il fonde le Wehrjugendbewegung ou Mouvement de jeunesse de défense. Il s’agit pour lui de lier la « dureté de l’engagement du soldat du front avec la force de réalisation et la profondeur du mouvement de jeunesse » afin de créer un nouveau type d’homme.

    En août 1928, la Freischar Schill participe au Congrès mondial des organisations de jeunesse, à Ommen, en Hollande. Lass fait un coup éclat en protestant contre la « colonisation » de l’Allemagne et la non attribution d’un visa aux délégués russes. La même année il est emprisonné, accusé d’avoir participé à la révolte paysanne de Claus Heim qui secoue alors le Schlewig-Holstein, et son mouvement sera interdit dans plusieurs villes.

    En 1929, la Freischar Schill entreprend des négociations avec le NSDAP, qui échouent du fait des prétentions exorbitantes de la Hitlerjugend. En septembre 1929, Lass fonde une ligue regroupant les membres les plus âgés, le Bund der Eidgenossen ou Ligue des Conjurés, qui adopte très vite des positions nationales-bolcheviques.

    Die Kommenden et les nationalistes sociaux-révolutionnaires

    Quelques mois plus tard, en janvier 1930, Werner Lass et Jünger prennent la direction de l’hebdomadaire Die Kommenden, qui exerce alors une grande influence auprès de toute la jeunesse bündisch. Lass y écrira de rares articles.

    C’est à la rédaction de Die Kommenden qu’il croise la route d’une autre figure du national-bolchevisme des années 30 : Karl-Otto Paetel. Celui-ci est également né à Berlin, le 23 novembre 1906. Tout comme Lass, il a commencé à militer dans les rangs de la jeunesse bündisch, à la Deutsche Freishar et au Bund der Köngener. Issu d’un milieu très modeste, il a dû arrêter ses études quand la bourse dont il bénéficiait lui a été retirée après qu’il ai manifesté contre le plan Young. Esprit décidemment rebelle, il sera aussi exclu de la Deutsche Freishar, en 1930, à la suite d’un article jugé insultant envers le maréchal Hindenburg.

    Animateur, de 1928 à 1930, du mensuel Das Junge Volk, Karl-Otto Paetel lie dans ses écrits, dès 1929, combat de libération nationale et lutte des classes : « Tout pour la nation !… Le mot d’August Winning, d’après lequel la lutte libératrice de la nation doit être le lutte du travailleur allemand mène ici à la seule conséquence possible : approuver la lutte des classes comme un fait, la pousser dans l’intérêt du peuple tout entier (…) l’emprunter comme une voie pour la victoire du nationalisme ».

    En 1930, Paetel se voit proposer par Lass et Jünger la direction de Die Kommenden. Dans un article paru dans le premier numéro de l’année 1930, il appelle à « en faire un porte-parole de toutes les nouvelles impulsions et pensées qui partout sont à l’œuvre dans la jeune Allemagne, pour toutes les tentatives révolutionnaires de renouvellement » et à rejeter les « aboiements du libéralisme et de la réaction, en qui nous reconnaissons nos ennemis mortels » (3). Et d’assigner au journal une ligne résolument révolutionnaire : « Nous reprendrons à l’intérieur et à l’extérieur de l’espace allemand le combat contre le système de l’exploitation capitaliste, qui a toujours empêché l’intégration du prolétariat dans l’ensemble du destin allemand » (4).

    Quelques mois plus tard, fin mai 1930, il crée le Gruppe sozialrevolutionarër nationalisten (Groupe des nationalistes sociaux-révolutionnaires). Une série d’articles, publiés dans le numéro du 27 juin 1930 présente la déclaration-programme du GSRN.  Pour Paetel, « le sens de toute économie est uniquement la couverture des besoins de la nation et non pas la richesse et le gain » (5). Il en appelle à une « révolution mondiale »,  considère le bolchevisme comme un mouvement de libération nationale et souhaite  l’alliance avec l’URSS pour faire pièce à l’esclavage exercé par les nations occidentales : « Nous nationalistes sociaux-révolutionnaires, nous en exigeons l’alliance avec l’Union soviétique . Nous voyons dans tous les peuples opprimés, à quelques races qu’ils appartiennent, nos alliés naturels »(6).

    National-bolchevisme et national-socialisme

    Pendant l’été 1930, Paetel est débarqué de Die Kommenden par les tenants d’un nationalisme plus classique. En janvier 1931, il lance le mensuel Die sozialistische Nation, qui se réclame du national-bolchevisme, prône la lutte des classes, la collaboration avec le PC et l’instauration de « l’Allemagne des conseils », et entend alors représenter « le secteur non marxiste, non matérialiste du front socialiste ». De son côté, Lass publie, en septembre 1932, une nouvelle revue, Der Umsturz (La Subversion), qui se veux l’organe « des nationalistes radicaux, des socialistes radicaux, des activistes révolutionnaires de toutes tendances » et se réclame ouvertement du national-bolchevisme. « Bolchevisme est présenté comme la quintessence de tout ce qui est destructeur et décomposant. Alors, c’est vrai, nous sommes nationaux-bolcheviks, car précisément, la voie de la nation ne passe que par cette destruction créatrice » (7) peut-on y lire.

    L’orientation NB semble corroborée par les évènements des années 1930-1931, scission de l’aile gauche du NSDAP d’une part, politique « nationale » du KPD d’autre part. En ce qui concerne le NSDAP d’Hitler, les NB estiment qu’il s’est embourgeoisé. En 1931, Lass écrit ainsi : « Aujourd’hui au nationaliste convaincu du NSDAP peut seulement être accordé la tâche de radicaliser la large masse de la bourgeoisie et de contribuer au délitement national »(8). Rien de plus. Le 4 juillet 1930, Otto Strasser quitte le parti pour fonder la Communauté nationale-socialiste révolutionnaire. Mais très vite les NB se montrent critiques vis à vis des thèses strassériennes, stigmatisant son «  socialisme à 49 % »  et ses hésitations sur la question de l’alliance russe.

    Le fossé entre NB et NS de gauche s’élargit encore du fait de l’espoir mis dans l’évolution du KPD. Le 24 août 1930, l’organe central, Die Rote Fahne, publie une « Déclaration programme pour la libération nationale et sociale du peuple allemand », qui accorde une large place à la question nationale. Il s’agit pour les communistes d’enrayer la radicalisation des classes moyennes, en développant une argumentation nationaliste appuyée sur un appel à une « alliance de classes » de tous les travailleurs contre le petit groupe de possédants capitalistes. Cette stratégie parvient à faire passer dans le camp communiste des nationalistes (9). Croyant naïvement qu’une ligne NB est à l’œuvre au KPD, Paetel multiplie les débats avec les communistes, prenant même la parole lors de leurs meetings. En 1932, il appelle même à voter pour le candidat communiste à l’élection présidentielle, Thaelmann . Début 1933, il publie un Manifeste national-bolchevik, dont les premiers exemplaires, imprimés le 29 janvier, sont distribués le soir même de l’arrivée au pouvoir d’Hitler.

    Werner Lass sera arrêté, en mars 1933, pour détention d’explosifs et mis en prison. Après une instruction interrompue, la Freischar Schill et le Bund der Eidgenossen ayant été interdits, il intègre la Hitlerjugend, ce qui représente un cas unique parmi tous les chefs NB. Il en sera d’ailleurs exclu en 1934. De son côté, Paetel sera emprisonné à plusieurs reprises après l’arrivée au pouvoir d’Hitler, avant de parvenir à gagner Prague en 1935, puis la Scandinavie.

    Edouard Rix

    NOTES

     

    (1)  Son nom perpétue le souvenir du major Schill, tombé au cours de la lutte de libération contre l’occupation napoléonienne.

    (2) Ses jeunes membres subissent une formation paramilitaire selon le « Reibert », manuel de l’infanterie allemande.

    (3) K.O. Paetel, « Unser Weg », Die Kommenden, 1930, n°1, p. 2.

    (4) Idem.

    (5) T. Münzen « Gwendsätzeiches zum sozialistischen Wirtschaftsarfbau », Die Kommenden, 1930, n°26, p. 307.

    (6) K. Baumann, « Sozialistische Revolution », Die Kommenden, 1930, n°26, p. 301.

    (7) « Wir Nationalbolchewisten », Der Umsturz, n°6-7.

    (8) W. Lass, « Vom vormarsch des Nationalismus », Die Kommenden, 1931, n°7, p. 76.

    (9) C’est le cas du capitaine Beppo Romer, chef du bund Oberland, du sous-lieutenant Richard Scheringer, directeur de la revue Aufbruch, de Bruno von Salomon, frère d’Ernst et dirigeant du Landvolkbewegung, ou encore d’Harro Schulze-Boyser, animateur du journal Der Gegner.

    Source : Réfléchir & Agir, été 2008, n°29, pp. 48-49.

     

    jeudi, 07 octobre 2010

    Les thèmes de la géopolitique et de l'espace russe dans la vie culturelle berlinoise de 1918 à 1945

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    Archives de SYNERGIES EUROPEENNES - 2002

    Les thèmes de la géopolitique et de l'espace russe dans la vie culturelle berlinoise de 1918 à 1945

    Karl Haushofer, Oskar von Niedermayer & Otto Hoetzsch

    Intervention de Robert Steuckers à la 10ième Université d'été de «Synergies Européennes», Basse-Saxe, août 2002

    Analyse : Karl SCHLÖGEL, Berlin Ostbahnhof Europas - Russen und Deutsche in ihrem Jarhhundert, Siedler, Berlin, 368 S., DM 68, 1998, ISBN 3-88680-600-6. 

    En 1922, après l'effervescence spartakiste qui venait de secouer Berlin et Munich, un an avant l'occupation franco-belge de la Ruhr, le Général d'artillerie bavarois Karl Haushofer, devenu diplômé en géographie, est considéré, à l'unanimité et à juste titre, comme un spécialiste du Japon et de l'espace océanique du Pacifique. Son expérience d'attaché militaire dans l'Empire du Soleil Levant, avant 1914, et sa thèse universitaire, présentée après 1918, lui permettent de revendiquer cette qualité. Haushofer entre ainsi en contact avec deux personnalités soviétiques de premier plan: l'homme du Komintern à Berlin, Karl Radek, et le Commissaire aux affaires étrangères, Georgi Tchitchérine (qui signera les accords de Rapallo avec Rathenau). Dans quel contexte cette rencontre a-t-elle eu lieu? Le Japon et l'URSS cherchaient à aplanir leurs différends en entamant une série de négociations où les Allemands ont joué le rôle d'arbitres. Ces négociations portent essentiellement sur le contrôle de l'île de Sakhaline. Les Japonais réclament la présence de Haushofer, afin d'avoir, à leurs côtés "une personnalité objective et informée des faits". Les Soviétiques acceptent que cet arbitre soit Karl Haushofer, car ses écrits sur l'espace pacifique —négligés en Allemagne depuis que celle-ci  a perdu la Micronésie à la suite du Traité de Versailles—  sont lus avec une attention soutenue par la jeune école diplomatique soviétique. Qui plus est, avec la manie hagiographique des révolutionnaires bolcheviques, Haushofer a connu les frères Oulianov (Lénine) à Munich avant la première guerre mondiale; il aimait en parler et relatera plus tard ce fait dans ses souvenirs. L'intérêt soviétique pour la personne du Général Haushofer durera jusqu'en 1938, où, changement brusque d'attitude lors des grandes procès de Moscou, le Procureur réclame la condamnation de Sergueï Bessonov, qu'il accuse d'être un espion allemand, en contact, prétend-il,  avec Haushofer, Hess et Niedermayer (cf. infra). Les mêmes accusations avaient été portées contre Radek, qui finira exécuté, lors des grandes purges staliniennes.

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    Ces trois faits d'histoire —la présence de Haushofer lors des négociations entre Japonais et Soviétiques, le contact, sans doute fort bref et parfaitement anodin, entre Haushofer et Lénine, les condamnations et exécutions de Radek et de Bessonov—  indiquent qu'indépendamment des étiquettes idéologiques de "gauche" ou de "droite", la géopolitique, telle qu'elle est théorisée par Haushofer à Munich et à Berlin dans les années 20, ne s'occupe que du rapport existant entre la géographie et l'histoire; elle est donc considérée comme une démarche scientifique, comme un savoir pratique et non pas comme une spéculation idéologique ou occultiste, véhiculant des fantasmes ou des intérêts. A l'époque, on peut parler d'une véritable "Internationale de la géopolitique", transcendant largement les étiquettes idéologiques, tout comme aujourd'hui, un savoir d'ordre géopolitique, éparpillé dans une multitude d'instituts, commence à se profiler partout dans un monde où les grands enjeux géopolitiques sont revenus à l'ordre du jour : la question des Balkans, celle de l'Afghanistan, remettent à l'avant-plan de l'actualité toutes les grandes thématiques de la géopolitique, notamment celles qu'avaient soulignées Mackinder et Haushofer.

     

    Une démarche factuelle et matérielle, sans dérive occultiste

     

    A partir de 1924, Haushofer publie sa Zeitschrift für Geopolitik (ZfG; "Revue pour la géopolitique"), où il met surtout l'accent sur l'espace du Pacifique, comme l'attestent ses articles et sa chronique, rédigée notamment grâce à des rapports envoyés par des correspondants japonais. La teneur de cette revue est donc politique et géographique pour l'essentiel, contrairement aux bruits qui ont couru pendant des décennies après 1945, et qui commencent heureusement à s'atténuer; ces "bruits" évoquaient une fantasmagorique dimension "ésotérique" de la Zeitschrift für Geopolitik (ZfG);  on a raconté que Haushofer appartenait à toutes sortes de sectes ésotériques ou occultes (voire occultistes). Ces allégations sont bien sûr complètement fausses. De plus, l'intérêt porté à Haushofer et à ses thèses sur l'espace du Pacifique par la jeune diplomatie soviétique, par Radek et Tchitchérine, est un indice complémentaire  —et de taille!—  pour attester de la nature factuelle et matérielle de ses écrits; les sectes étant par définition irrationnelles, comment un homme, que l'on dit plongé dans cet univers en marge de toute rationalité scientifique, aurait pu susciter l'intérêt et la collaboration active de marxistes matérialistes et historicistes? De marxistes qui tentent d'expurger toute irrationalité de leurs démarches intellectuelles?  L'accusation d'occultisme portée à l'encontre de Haushofer est donc une contre-vérité propagandiste, répandue par les services et les puissances qui ont intérêt à ce que son œuvre demeure inconnue, ne soit plus consultée dans les chancelleries et les états-majors. Il va de soi qu'il s'agit des puissances qui ont intérêt à ce que le grand continent eurasien ne soit pas organisé ni aménagé territorialement jusqu'en ses régions les plus éloignées de la mer.

     

    Le principal ouvrage géopolitique et scientifique de Haushofer est donc sa Geopolitik des Pazifischen Raumes ("Géopolitique de l'espace pacifique"), livre de référence méticuleux qui se trouvait en permanence sur le bureau de Radek, à Berlin comme à Moscou. Karl Radek jouait le rôle du diplomate du PCUS ("Parti communiste d'Union Soviétique"). Il a cependant plaidé, au moment où les Français condamnent à mort et font fusiller l'activiste nationaliste allemand Albert Leo Schlageter, pour un front commun entre nationaux et communistes contre la puissance occidentale occupante. Plus tard, Radek sera nommé Recteur de l'Université Sun-Yat-Sen à Moscou, centre névralgique de la nouvelle culture politique internationale que les Soviets entendent généraliser sur toute la planète. Radek organisera, au départ de cette université d'un genre nouveau, un échange permanent entre universitaires, dont le savoir est en mesure de forger cette nouvelle culture diplomatique internationale.

     

    Trois figures emblématiques

     

    Dans le cadre de cette Université Sun-Yat-Sen , trois figures emblématiques méritent de capter aujourd'hui encore notre attention, tant leurs démarches peuvent encore avoir une réelle incidence sur toute réflexion actuelle quant au destin de la Russie, de l'Europe, de l'Asie centrale et quant aux théories générales de la géopolitique: Mylius Dostoïevski, Richard Sorge et Alexander Radós.

     

    Mylius Dostoïevski est le petit-fils du grand écrivain russe. Qui, rappelons-le, a jeté les bases d'une révolution conservatrice en Russie, au-delà des limites de la slavophilie du début du 19ième siècle, et a consolidé, par ricochet, la dimension russophile de la révolution conservatrice allemande, par le biais de ses réflexions consignées dans son Journal d'un écrivain, ouvrage capital qui sera traduit en allemand par Arthur Moeller van den Bruck. Mylius Dostoïevski s'était spécialisé en histoire et en géographie du Japon, de la Chine et de l'espace maritime du Pacifique. Il appartiendra à la jeune garde de la diplomatie soviétique et sera un lecteur attentif de la ZfG; pour rendre la politesse à ces jeunes géographes soviétiques, selon sa courtoisie habituelle, Karl Haushofer rendra toujours compte, avec précision, des évolutions diverses de la nouvelle géopolitique soviétique. Il estimait que les Allemands de son temps devaient en connaître les grandes lignes et la dynamique.

     

    Richard Sorge, autre lecteur de la ZfG, était un espion soviétique en Extrême-Orient. On connaît son rôle pendant la seconde guerre mondiale. En 1933, au moment où Hitler prend le pouvoir en Allemagne, Sorge était en contact avec l'école géopolitique de Haushofer. Il le restera, en dépit du changement de régime et en dépit des options anti-communistes officielles, preuve supplémentaire que la géopolitique se situe bien au-delà des clivages idéologiques et politiciens. Au cours des années qui suivirent la "Machtübernahme" de Hitler, il écrivit de nombreux articles substantiels dans la ZfG. Sa connaissance du monde extrême-oriental  —et elle seule—  justifiait cette collaboration.

     

    Alexander Radós et "Pressgeo"

     

    Indubitablement, le principal disciple soviétique de Karl Haushofer a été l'Israélite hongrois Alexander Radós, un géographe de formation, qui a servi d'espion au profit de la jeune URSS, notamment en Suisse, plaque tournante de nombreux contacts officieux. Radós est l'homme qui a forgé tous les nouveaux concepts de la géographie politique soviétique. Il est, entre autres, celui qui forgea la dénomination même d'«Union des Républiques Socialistes Soviétiques». Radós fut principalement un cartographe, qui a commencé sa carrière en établissant des cartes du trafic aérien, lesquelles constituaient évidemment une innovation à son époque. Il enseignait à l'«Ecole marxiste de formation des Travailleurs» ("Marxistische Arbeiterschulung"). Il fonde ensuite la toute première agence de presse cartographique du monde, qu'il baptise "Pressgeo", où travaillera notamment une future célébrité comme Arthur Koestler. La fondation de cette agence correspond parfaitement aux aspirations de Haushofer, qui voulait vulgariser  —et diffuser au maximum au sein de la population—  un savoir pragmatique d'ordre géographique, historique et économique, assorti d'un esprit de défense. La carte, esquisse succincte, instrument didactique de premier ordre, sert l'objectif d'instruire rapidement les esprits décisionnaires des armées et de la diplomatie, ainsi que les enseignants en histoire et en science politique qui doivent communiquer vite un savoir essentiel et vital à leurs ouailles.

     

    Haushofer parlait aussi, en ce sens, de "Wehrgeographie", de "géographie défensive", soit de "géographie militaire". L'objectif de cette science pragmatique était de synthétiser en un simple coup d'œil cartographique toute une problématique de nature stratégique, récurrente dans l'histoire. Pédagogie et cartographie formant les deux piliers majeurs de la formation politique des élites et des masses. Yves Lacoste, en France aujourd'hui, suit une même logique, en se référant à Elisée Reclus, géographe dynamique, réclamant une pédagogie de l'espace, dans une perspective qu'il voulait révolutionnaire et "anarchique". Lacoste, comme Haushofer, a parfaitement conscience de la dimension militaire de la géographie (et, a fortiori, de la "Wehrgeographie"), quand il écrit, en faisant référence aux premiers cartographes militaires de la Chine antique: «La géographie, ça sert à faire la guerre!».

     

    De l'utilité pédagogique de la cartographie

     

    Michel Foucher, professeur à Lyon, dirige aujourd'hui un institut géographique et cartographique, dont les cartes, très didactiques, illustrent la majeure partie des organes de presse français, quand ceux-ci évoquent les points chauds de la planète. Dans ce même esprit pluridisciplinaire,  à volonté clairement pédagogique,  —qui, en France et en Allemagne, va de Haushofer à Lacoste et à Foucher—  Alexander Radós, leur précurseur soviétique, publie, en URSS et en Allemagne, en 1930, un Atlas für Politik, Wirtschaft und Arbeiterbewegung  ("Atlas de la politique, de l'économie et du mouvement ouvrier"). Radós est ainsi le précurseur d'une manière innovante et intéressante de pratiquer la géographie politique, de mêler, en d'audacieuses synthèses, un éventail de savoirs économiques, géographiques, militaires, topographiques, géologiques, hydrographiques, historiques. Les synthèses, que sont les cartes, doivent servir à saisir d'un seul coup d'œil des problématiques hautement complexes, que le simple texte écrit, trop long à assimiler, ne permet pas de saisir aussi vite, d'exprimer sans détours inutiles. Ce fut là un grand pas en avant dans la pédagogie scientifique et politique, dans le sens inauguré, un siècle auparavant, par le géographe Carl Ritter.

     

    Cette cartographie facilite le travail du militaire, du géographe et de l'homme politique; elle permet, comme le soulignait Karl August Wittfogel, de sortir d'une impasse de la vieille science géographique traditionnelle (et "réactionnaire" pour les marxistes), où, systématiquement, on avait négligé les macro-processus enclenchés par le travail de l'homme et, ainsi, le caractère "historique-plastique" de ce que l'on croyait être des "faits éternels de nature". C'est dans cette position épistémologique fondamentale,  qu'au-delà des clivages idéologiques, fruits d'"éthiques de la conviction" aux répercussions calamiteuses, se rejoignent Elisée Reclus, Haushofer, Radós, Wittfogel, Lacoste et Foucher. Wittfogel , qui se pose comme révolutionnaire, reconnaît cette "plasticité historique" dans l'œuvre du "géopolitologue bourgeois" Karl Haushofer. Les deux écoles, l'haushoférienne et la marxiste, veulent inaugurer une géographie dynamique, où l'espace n'est plus posé comme un bloc inerte et immobile, mais s'appréhende comme un réseau dense de relations, de rapports, de mouvements, en perpétuelle effervescence (on songe tout naturellement au "rhizome" de Gilles Deleuze, qui inspire les "géophilosophes" italiens actuels). Au sein de ce réseau toujours agité, le temps peut apporter des époques de repos, de plus grande quiétude, comme il peut injecter du dynamisme, de la violence, des bouleversements, qui contraignent les personnalités politiques de valeur à œuvrer à des redistributions de cartes. Le travail de l'homme, qui domestique certains espaces en les aménageant et en créant des moyens de communication plus rapides, est un travail proprement "révolutionnaire"; les hommes politiques qui refusent d'aménager l'espace, dans un esprit de défense territoriale ou dans l'esprit d'assurer aux générations futures communications et ressources, sont des "réactionnaires", des lâches qui préfèrent de lents pourrissements à la dynamique de transformation. Des capitulards qui font ainsi le jeu pervers des thalassocraties.

     

    Par conséquent, évoquer des hommes comme Mylius Dostoïevski, Richard Sorge, Alexander Radós ou Karl August Wittfogel,  nous apparaît très utile, intellectuellement et méthodologiquement, car cela prouve:

    ◊ que l'intérêt général pour la géopolitique aujourd'hui ne peut plus être mis en équation avec un intérêt malsain pour le passé national-socialiste (contexte dans lequel Haushofer a dû œuvrer);

    ◊ qu'aucune morbidité d'ordre ésotérique ou occultiste ne se repère dans l'œuvre de Haushofer et de ses disciples allemands ou soviétiques;

    ◊ que ces écoles ont posé d'important jalons dans le développement de la science politique, de la géographie et de la cartographie;

    ◊ qu'elles ont laissé en héritage un bagage scientifique de la plus haute importance;

    ◊ que nous devrions davantage nous intéresser aux développements de la géopolitique soviétique des années 20 et 30 (et analyser l'œuvre de Radós, par exemple).

     

    Oskar von Niedermayer, le "Lawrence allemand"

     

    Niedermayer.jpgOutre Haushofer, une approche du savoir géopolitique, tel qu'il sera déployé à Berlin dans les années 20, 30 et 40, ne peut omettre d'étudier la figure du Chevalier Oskar von Niedermayer, celui que l'on avait surnommé, le "Lawrence d'Arabie" allemand. Né en 1885, Oskar von Niedermayer embrasse la carrière d'officier, mais ne se contente pas des simples servitudes militaires. Il étudie à l'université les sciences naturelles physiques, la géographie et les langues iraniennes (ce qui lui permettra d'avoir des contacts suivis avec la Communauté religieuse Ba'hai, qui, à l'époque, était quasiment la seule porte ouverte de l'Iran sur l'Occident). De 1912 à 1914, il effectue un long voyage en Perse et en Inde. Il sera ainsi le premier Européen à traverser de part en part le désert de sable du Lout (Dacht-i-Lout). En 1914, quand éclate la première guerre mondiale, Oskar von Niedermayer, accompagné par Werner Otto von Henting, sillonne les montagnes d'Afghanistan pour inciter les tribus afghanes à se soulever contre les Anglais et les Russes, afin de créer un "abcès de fixation", obligeant les deux puissances ennemies de l'Allemagne à dégarnir partiellement  leurs fronts en Europe, dans le Caucase et en Mésopotamie. Cette mission sera un échec. En 1919, Niedermayer se retrouve dans les rangs du Corps Franc du Colonel Chevalier Franz von Epp qui écrase la République des Conseils de Munich. En dépit de son rôle dans l'aventure de ce Corps Franc anti-communiste, Niedermayer est nommé dans la foulée officier de liaison de la Reichswehr auprès de la nouvelle Armée Rouge à Moscou. Dans ce contexte, il est intéressant de noter qu'il était, avant toutes choses, un expert de l'Afghanistan, des idiomes persans et de toute cette zone-clef de la géostratégie mondiale qui va de la rive sud de la Caspienne à l'Indus. C'est donc Niedermayer  qui négociera avec Trotski et qui visitera, pour le compte de la Reichswehr, dans la perspective de la future coopération militaire entre les deux pays, les usines d'armement et les chantiers navals de Petrograd (devenue "Leningrad"). Oskar von Niedermayer a donc été l'une des chevilles ouvrières de la coopération militaire et militaro-industrielle germano-russe des années 20. En 1930, il devient professeur de "Wehrgeographie" à Berlin.

     

    Le "marais" et ses éthiques de conviction

     

    La principale leçon qu'il tire de ses activités politiques et diplomatiques est une méfiance à l'endroit des politiciens du "centre", du "marais", incapables de comprendre les grands ressorts de la politique internationale, du "Grand Jeu". Ses critiques s'adressaient surtout aux sociaux-démocrates et aux centristes de tous plumages idéologiques; avec de tels personnages, il est impossible, constate von Niedermayer dans un rapport où il ne cache pas son amertume, d'articuler sur le long terme une politique étrangère durable, rationnelle et constante. Il les accuse de tout critiquer publiquement, par voie de presse; de cette façon, aucune diplomatie secrète n'est encore possible. Pire, estime-t-il, par le comportement délétère de ces bateleurs sans épine dorsale politique solide, aucun ressort habituel de la diplomatie inter-étatique  ne fonctionne encore de manière optimale. Car les éthiques de conviction (terminologie de Max Weber: "Gesinnungsethik") qui animent toutes les vaines agitations politiciennes de ces gens-là, altèrent l'esprit de retenue, de sérieux et de service, qui est nécessaire pour faire fonctionner une telle diplomatie traditionnelle. La priorité accordée aux convictions revient à trahir les intérêts fondamentaux de l'Etat et de la nation. L'amertume de Niedermayer est née à la suite d'un incident au Reichstag, où le socialiste Scheidemann, animé par un pacifisme irréaliste et de mauvais aloi, avait dénoncé un accord militaire secret entre l'URSS et le Reich, sous prétexte que le commerce et l'échange d'armements ne sont pas "moraux". Le lendemain, comme par hasard, la presse londonienne à l'unisson, reprend l'information et amorce une propagande contre les deux puissances continentales, qui avaient contourné les clauses de Versailles relatives aux embargos. Cet incident montre aussi que bon nombre de journalistes servent des intérêts étrangers à leur pays. En cela, rien n'a changé aujourd'hui: les Etats-Unis bénéficient de l'appui inconditionnel de la plupart des ténors de la presse parisienne.

     

    Youri Semionov, spécialiste de la Sibérie

     

    Dans les années 30, Niedermayer rencontre Youri Semionov, Russe blanc en exil et spécialiste de l'économie, de la géographie, de la géologie et de l'hydrographie sibériennes. Semionov est l'auteur d'un ouvrage, toujours d'actualité, toujours compulsé en haut lieu, sur les trésors de la géologie sibérienne. Egalement spécialiste de l'empire colonial français, Semionov a compilé ses réflexions successives dans un volume dont la dernière édition allemande date de 1975 (cf. Juri Semjonow, Erdöl aus dem Osten - Die Geschichte der Erdöl- und Erdgasindustrie in der UdSSR, Econ Verlag, Wien/Düsseldorf, 1973 & Sibirien - Schatzkammer des Ostens, Econ Verlag, Wien/Düsseldorf, 1975). Né en 1894 à Vladikavkaz dans le Caucase, Youri Semionov a étudié à l'Université de Moscou, avant d'émigrer en 1922 à Berlin, où il enseignera l'histoire et la géographie de la Russie, et plus particulièrement celles des territoires sibériens. Après la chute du IIIe Reich, il émigre en 1947 en Suède, où il enseignera à Uppsala et finira ses jours. Dans Sibirien - Schatzkammer des Ostens, il retrace toutes les étapes de l'histoire de la conquête russe des territoires situés au-delà de l'ex-capitale des Tatars, Kazan. Il démontre que la conquête de tout le cours de la Volga, de Kazan à Astrakhan, permet à la Russie de spéculer sur une éventuelle conquête des Indes. Semionov replace tous ces faits d'histoire dans une perspective géopolitique, celle de l'organisation du Grand Continent, de la Mer Blanche au Pacifique. Les chapitres sur le 19ième siècle sont particulièrement intéressants, notamment quand il décrit la situation globale après la décision du Tsar Alexandre III de faire financer la construction d'un chemin de fer transsibérien.

     

    Cet extrait du livre de Semionov (pp. 356-357) résume parfaitement  cette situation : «Nous savons que toute la politique de "concentration des forces sur le continent", telle celle que l'on avait envisagée en Russie, provoquait une inquiétude faite de jalousie en Angleterre. Tout mouvement de la Russie en Asie y était considéré comme une menace pesant sur l'Inde. L'Amiral Sterling a vu cette menace se concrétiser dès l'installation de la présence russe le long du fleuve Amour. L'écrivain anglais, oublié aujourd'hui, mais très connu à l'époque, Th. T. Meadows, évoquait en 1856, dans un de ses écrits, un "futur Alexandre le Grand" russe, qui s'en irait conquérir la Chine, puis, sans difficulté aucune, détruirait l'empire britannique et soumettrait le monde entier. Ce cri d'alarme pathétique, répercuté par la presse anglaise, est apparu soudain très réaliste, lorsque, dans les années 80 du 19ième siècle, les Russes avancent en Asie centrale et s'approchent de la frontière afghane. En 1884, se déroule le fameux "incident afghan"; un détachement russe s'empare d'un point contesté sur la frontière; ensuite, les Afghans, qui agissaient sur ordre des Anglais, attaquent ce poste, mais sont battus et dispersés par les Russes. Le premier ministre britannique Gladstone déclare, face au Parlement de Londres, que la guerre avec la Russie est désormais inévitable. Seul le refus de Bismarck, de soutenir les Anglais, empêcha, à l'époque, le déclenchement d'une guerre anglo-russe». Toute l'actualité récente semble résumée dans ce bref extrait.

     

    Les chapitres consacrés à l'œuvre de Witte, père du Transsibérien, sont également lumineux. Semionov rappelle que Witte est un disciple de l'économiste Friedrich List, théoricien de l'aménagement des grands espaces. Il existait, avant la première guerre mondiale et avant la guerre russo-japonaise, une véritable idée grande continentale. Elle était partagée en France (Henri de Grossouvre nous a rappelé l'œuvre de Gabriel Hanotaux), en Allemagne (avec le souvenir de Bismarck) et en Chine, avec Li Hung-Tchang, qui négociera avec Witte. L'Angleterre réussira à briser cette unité, ce qui entraînera le cortège sanglant de toutes les guerres du 20ième siècle.

     

    Oskar von Niedermayer  rencontre également le Professeur Otto Hoetzsch, dont nous allons retracer l'itinéraire dans la suite de cette intervention. En dépit de leurs itinéraires bien différents et de leurs options idéologiques divergentes, Haushofer, Niedermayer, Semionov et Hoetzsch se complètent utilement et la lecture simultanée de leurs œuvres nous permet de saisir toute la problématique eurasienne, sans la mutiler, sans rien omettre de sa complexité.

     

    Du professorat à la 162ième Division

     

    En 1937, Hitler ordonne la fondation d'un "Institut für allgemeine Wehrlehre" (= "Institut pour les doctrines générales de défense"). Niedermayer, bien que sceptique, servira loyalement cette nouvelle institution d'Etat, dont l'objectif, recentré sur l'ethnologie vu l'intérêt des nationaux-socialistes pour les questions raciales, est d'étudier les rapports mutuels entre peuple(s) et espace(s). Hostile à la "Gesinnungsethik" des nationaux socialistes, comme il avait été hostile à celles des sociaux démocrates ou des centristes, Niedermayer proteste contre les campagnes de diffamation orchestrées contre des professeurs que l'on décrit comme des "intellectuels  apolitiques", comportement hitlérien qui trouve parfaitement son pendant dans les campagnes de diffamation orchestrées par un certain journalisme contemporain contre ceux qui demeurent sceptiques face aux projets d'éradiquer l'Irak, la Libye ou la Serbie et d'appuyer des bandes mafieuses comme celles de l'UÇK ou du complexe militaro-mafieux turc. Aujourd'hui, on ne traite pas ceux qui entendent raison garder d'"intellectuels apolitiques", mais d'"anti-démocrates". 

     

    De la prison de Torgau à la Loubianka

     

    Comme la plupart des experts ès-questions russes de son temps, Niedermayer déplore la guerre germano-soviétique, déclenchée en juin 1941. En 1942, sur la suggestion de Claus von Stauffenberg, futur auteur de l'attentat du 20 juillet 1944 contre Hitler, Niedermayer est nommé chef de la 162ième Division d'Infanterie de la Wehrmacht, où servent des volontaires et des légionnaires de souche turque (issus des peuples turcophones d'Asie centrale). Cette unité connaît des fortunes diverses, mais l'échec de la politique nationale-socialiste à l'Est, accentue considérablement le scepticisme de Niedermayer. Stationné en Italie avec les restes de sa division, il critique ouvertement la politique menée par Hitler sur le territoire de l'Union Soviétique. Ce qui conduit à son arrestation; il est interné à Torgau sur l'Elbe. Quand les troupes américaines entrent dans la ville, il quitte la prison et est arrêté par des soldats soviétiques qui le font conduire immédiatement à Moscou, où il séjourne dans la fameuse prison de la Loubianka. Il y mourra de tuberculose en 1948.

     

    La mort de Niedermayer ne clôt pas son "dossier", dans l'ex-URSS. En 1964, les autorités soviétiques utilisent les textes de ses dépositions à Moscou en 1945 pour réhabiliter le Maréchal Toukhatchevski. Il faudra attendra 1997 pour que Niedermayer soit lui-même totalement réhabilité. Donc lavé de toutes les accusations incongrues dont on l'avait chargé.

     

    Le pivot indien de l'histoire et la nécessité du "Kontinentalblock"

     

    Nous avons énuméré bon nombre de faits biographiques de Niedermayer, pour faire mieux comprendre le noyau essentiel de sa démarche d'iranologue, d'explorateur du Dacht-i-Lout, d'agitateur allemand en Afghanistan et de commandeur de la Division turcophone de la Wehrmacht. Deux idées de base animaient l'action de Niedermayer: 1) l'idée que l'Inde était le pivot de l'histoire mondiale; 2) la conscience de la nécessité impérieuse de construire un bloc continental (eurasien), le fameux "Kontinentalblock" de Karl Haushofer (projet qu'il a très probablement repris des hommes d'Etats japonais du début du 20ième siècle, tels le Prince Ito, le Comte Goto et le Premier Ministre Katsura, avocats d'une alliance grande continentale germano-russo-japonaise). Si Niedermayer reprend sans doute cette idée de "bloc continental" directement de l'œuvre de Haushofer, sans remonter aux sources japonaises —qu'il devait sûrement ignorer—  l'idée de l'Inde comme "pivot de l'histoire" lui vient très probablement du Général Andreï Snessarev, officier tsariste passé aux ordres de Trotski, pour devenir le chef d'état-major de l'Armée Rouge. Ce général, hostile aux thalassocraties anglo-saxonnes, représentant d'un idéal géopolitique grand continental transcendant le clivage blancs/rouges, se plaisait à répéter: «Si nous voulons abattre la tyrannie capitaliste qui pèse sur le monde, alors nous devons chasser les Anglais d'Inde».

     

    Principes thalassocratiques, libéralisme à l'occidentale, permissivité politique et morale, capitalisme dont les ressorts annihilent systématiquement  les traditions historiques et culturelles (cf. Dostoïevski et Moeller van den Bruck), logique marchande, étaient synonymes d'abjection pour cet officier traditionnel: peu importe qu'on les combatte sous une étiquette blanche/traditionaliste ou sous une étiquette rouge/révolutionnaire. Les étiquettes sont des "convictions" sans substance: seule importe une action constante visant à réduire et à détruire les forces dissolvantes de la modernité marchande, car elles conduisent le monde au chaos et les peuples à une misère sans issue. Comme nous le constatons encore plus aujourd'hui qu'à l'époque, l'industriel, le négociant  et le banquier, avec leur logique d'accumulation monstrueuse, apparaissent comme des êtres aussi abjects qu'inférieurs, foncièrement malfaisants, pour cet officier supérieur russe et  soviétique qui ne respecte que les hommes de qualité: les historiens, les prêtres, les soldats et les révolutionnaires. Les impératifs de la géopolitique sont des constantes de l'histoire auquel l'homme de longue mémoire, seul homme valable, seul homme pourvu de qualités indépassables, se doit d'obéir. A la suite de ce Snessarev, qu'il a sans doute rencontré au temps où il servait d'officier de liaison auprès de l'Armée Rouge, Niedermayer, fort également de ses expériences d'iranologue, d'explorateur du Dacht-i-Lout et de spécialiste de l'Afghanistan, clef d'accès aux Indes depuis Alexandre le Grand, savait que le destin de l'Europe en général, de l'Allemagne, son cœur géographique, en particulier, se jouait en Inde (et, partant, en Perse et en Afghanistan). Une leçon que l'actualité a rendue plus vraie que jamais.

     

    Exporter la révolution et absorber le "rimland"

     

    Pour Niedermayer, officier allemand, ce rôle essentiel du territoire indien pose problème car son pays ne possède aucun point d'appui dans la région, ni dans son environnement immédiat. La Russie tsariste, oui, et, à sa suite, l'URSS, aussi. Par conséquent, les positions militaires soviétiques au Tadjikistan et le long de la frontière afghane, sont des atouts absolument nécessaires à l'Europe dans son ensemble, à toute la communauté des peuples de souche européenne. C'est la possession de cet atout stratégique en Asie centrale qui doit justifier, aux yeux de Niedermayer, l'indéfectible alliance germano-russe, seule garante de la survie de la culture européenne dans son ensemble. Pour les tenants du bolchevisme révolutionnaire autour de Trotski et Lénine, la solution, pour faire tomber le capitalisme, c'est-à-dire la puissance planétaire des thalassocraties libérales, réside dans la politique d'"exporter la révolution", d'agiter les populations colonisées et assujetties par un bon dosage de nationalisme et de révolution sociale. Ainsi, les puissances continentales de la "Terre du Milieu" pourront porter leurs énergies en direction du "rimland" indien, persan et arabe, réalisant du même coup les craintes formulées par Mackinder dans son discours de 1904 sur le "pivot" sibérien et centre-asiatique de l'histoire. Propos qu'il réitèrera dans son livre Democratic Ideals and Reality  de 1919. Cependant, pour pouvoir libérer l'Inde et y exporter la révolution, il faut déjà un bloc continental bien soudé par l'alliance germano-soviétique, prélude à la libération de toute la masse continentale eurasiatique.

     

    Pour structurer l'Europe: un chemin de fer à voies larges

     

    Pour parfaire l'organisation de cette gigantesque masse continentale, il faut se rappeler et appliquer les recettes préconisées par le Ministre du Tsar, Sergueï Witte, père du Transsibérien. Dans le Berlin des années 20, un projet circule déjà et prendra corps pendant la seconde guerre mondiale: celui de réaliser un chemin de fer à voie large ("Breitspurbahn"), permettant de transporter un maximum de personnes et de marchandises, en un minimum de temps. Cette idée, venue de Witte, n'est pas entièrement morte, constitue toujours un impératif majeur pour qui veut véritablement travailler à la construction  européenne: le Plan Delors, esquissé dans les coulisses de l'UE, préconisait naguère des grands travaux publics d'aménagement territorial, y compris un système ferroviaire rapide, désormais inspiré par le TGV français. En 1942, Hitler, en évoquant le Transsibérien de Witte, donne l'ordre à Fritz Todt d'étudier les possibilités de construire une "Breitspurbahn", avec des trains roulant entre 150 et 180 km/h pour le transport des marchandises et entre 200 et 250 km/h pour le transport des personnes. Le projet, confié à Todt, ne concerne pas seulement l'Europe, au sens restreint du terme, n'entend pas seulement relier entre elles les grandes métropoles européennes, mais aussi, via l'Ukraine et le Caucase, les villes d'Europe à celles de la Perse. Ces projets, qui apparaissaient à l'époque comme un peu fantasmagoriques, n'étaient nullement une manie du seul Hitler (et de son ingénieur Todt); en Union Soviétique aussi, via des romans populaires, comme ceux d'Ilf et de Petrov, on envisage la création de chemins de fer ultra-rapides, reliant la Russie à l'Extrême-Orient.

     

    Le destin tragique du Professeur Otto Hoetzsch

     

    ottohoetzsc.jpgLe volet purement scientifique de cet engouement pour le Grand Est sera incarné à Berlin, de 1913 à 1946 par un professeur génial, autant que modeste: Otto Hoetzsch. Il a connu un destin particulièrement tragique. Après avoir accumulé dans son institut personnel une masse de documents et de travaux sur la Russie, pendant des décennies, les bombardements sur Berlin en 1945, à la veille de l'entrée des troupes soviétiques dans la capitale allemande, ont réduit sa colossale bibliothèque à néant. Cette tragédie explique partiellement le sort misérable de tout le savoir sur la Russie et l'Union Soviétique à l'Ouest. La majeure partie des documents les plus intéressants avait été accumulée à Berlin. La misère de la soviétologie occidentale est partiellement  le résultat navrant de la destruction de la bibliothèque du Prof. Hoetzsch. En 1945 et en 1946, celui-ci, âgé de 70 ans, erre seul dans Berlin, privé de sa documentation; cet homme, brisé, trouve néanmoins le courage ultime de rédiger une conférence, la dernière qu'il donnera, où il nous lègue un véritable testament politique (titre de cette conférence : "Die Eingliederung des osteuropäischen Geschichte in die Gesamtgeschichte"; = L'inclusion de l'histoire est-européenne dans l'histoire générale).

     

    Slaviste et historien de la Russie, Otto Hoetzsch s'était aperçu très tôt que les Européens de l'Ouest, les Occidentaux en général, ne comprenaient rien de la dynamique de l'histoire et de l'espace russes; ce que les Russes repèrent tout de suite, ce qui les navrent et les fâchent. Cette ignorance, assortie d'une prétention mal placée et d'une irrépressible et agaçante propension à donner des leçons, vaut également pour l'espace balkanique (sauf en Autriche où les instituts spécialisés dans le Sud-Est européen ont réalisé des travaux remarquables, dont les chancelleries occidentales ne tiennent jamais compte). Hoetzsch constate, dès le début de sa brillante carrière, que la presse ne produit que des articles lamentables, quand il s'agit de commenter ou de décrire les situations existantes en Russie ou en Sibérie. Il va vouloir remédier à cette lacune. A partir de 1913, il se met à rassembler une documentation, à étudier et à lire les grands classiques de la pensée politique russe, à lire les historiens russes, ce qui le conduira à fonder en 1925, quelques mois après la sortie du premier numéro de la ZfG de Haushofer, une revue spécialisée dans les questions russes et centre-asiatiques, Osteuropa. Captivé par la figure du Tsar Alexandre II, sur lequel il rédigera un maître-ouvrage, dont le manuscrit sera sauvé in extremis de la destruction à Berlin en 1945; Hoetzsch le transportait dans sa valise en fuyant Berlin en flammes. Pourquoi Alexandre II? Ce Tsar est un réformateur social, il lance la Russie sur la voie de l'industrialisation et de la modernisation, ce que ne peuvent tolérer les thalassocraties. Il périra d'ailleurs assassiné. En dépit du ressac de la Russie sous Nicolas II, de sa lourde défaite subie en 1905 face au Japon, armé par l'Angleterre et les Etats-Unis, en dépit du terrible ressac que constitue la prise du pouvoir par les Bolcheviques, l'œuvre d'Alexandre II doit, aux yeux de Hoetzsch, demeurer le modèle pour tout homme d'Etat russe digne de ce nom.

     

    Ami des Russes blancs et "Républicain de Raison"

     

    Hoetzsch est un libéral de gauche, proche de la sociale démocratie, mais il déteste les Bolcheviques, car, pour lui, ce sont des agents du capitalisme anglais, dans la mesure où ils détruisent l'œuvre des Tsars émancipateurs et modernistes; ils ont comploté contre ceux-ci et contre d'excellents hommes d'Etat comme Witte et Stolypine (qui sera également assassiné). Hoetzsch fréquente l'émigration blanche de Berlin, consolide son institut grâce aux collaborations des savants chassés par les Bolcheviques, mais reste ce que l'on appelait à l'époque, dans l'Allemagne de Weimar, un «Républicain de Raison» ("Vernunftrepublikaner"), ce qui le différencie évidemment d'un Oskar von Niedermayer. Son institut et sa revue connaissent un essor bien mérité au cours des années 20; ce sont des havres de savoir et d'intelligence, où coopèrent Russes et Allemands en toute fraternité. En 1933, avec l'avènement au pouvoir des nationaux socialistes, Hoetzsch cumule les malchances. Pour le nouveau pouvoir, les "Vernunftrepublikaner" sont des émanations du "marais centriste" ou, pire, des "traîtres de novembre" ("Novemberverräter") ou des "bolchevistes de salon" ("Salonbolschewisten"). L'institut de Hoetzsch est dissous. Hoetzsch est "invité" à prendre sa retraite anticipée. La fermeture de cet institut est une tragédie de premier ordre. Le destin de Hoetzsch est pire que celui de l'activiste politique et éditeur de revues nationales révolutionnaires, Ernst Niekisch. Car on peut évidemment, avec le recul, reprocher à Niekisch d'avoir été un passionné et un polémiste outrancier. Ce n'était évidemment pas le cas de Hoetzsch, qui est resté un scientifique sourcilleux.

     

    Pour une approche grande-européenne de l'histoire

     

    Dans la conférence qu'il prépare dès août 1945, et qu'il prononcera peu avant de mourir en 1946, dans sa chère ville de Berlin en ruines, Otto Hoetzsch nous a laissé un message qui reste parfaitement d'actualité. L'objectif de cette conférence-testament est de faire comprendre la nécessité impérieuse, après deux guerres mondiales désastreuses, de développer une vision de l'histoire, valable pour l'Europe entière, celle de l'Ouest, celle de l'Est et la Russie ("gesamteuropäische Geschichte"). Personnellement, nous estimons que les prémisses pratiques d'une telle vision grande européenne de l'histoire se situent déjà toutes en germe dans l'œuvre politique et militaire du Prince Eugène de Savoie, qui parvient à mobiliser et unir les puissances européennes devant le danger ottoman et à faire reculer la Sublime Porte sur tous les fronts, au point qu'elle perdra le contrôle de 400.000 km2 de terres européennes et russes. Le Prince Eugène a définitivement éloigné le danger turc de l'Europe centrale et a préparé la reconquête de la Crimée par Catherine la Grande. Plus jamais, après les coups portés par Eugène de Savoie, les Ottomans n'ont été victorieux en Europe et leurs alliés français n'ont plus été vraiment en mesure de grignoter le territoire impérial des Pays-Bas espagnols puis autrichiens; les Ottomans n'ont même plus été capables de servir de supplétifs à cette autre puissance anti-impériale et anti-européenne qu'était la France avant Louis XVI.

     

    Le testament de Hoetzsch nous interpelle !

     

    Mais le propos de Hoetzsch, dans sa dernière conférence, n'était pas d'évoquer la figure du Prince Eugène, mais de jeter les bases d'une méthodologie historique et sociologique pour l'avenir; elle devait reposer sur les acquis théoriques de Karl Lamprecht, de Gustav Schmoller (inspirateur du gaullisme dans les années 60 du 20ième siècle) et d'Otto Hintze. Il faut, disait Hoetzsch, développer une histoire intégrante et comparative pour les décennies à venir. En affirmant cela, il n'avait aucune chance de se voir exaucer en 1946, encore moins en 1948 quand, après le Coup de Prague, le Rideau de Fer s'abat sur l'Europe pour quatre décennies. En 1989, immédiatement après l'élimination du Mur de Berlin et l'ouverture des frontières austro-hongroises et inter-allemandes, l'Europe et la Russie auraient eu intérêt à remettre les propositions de Hoetzsch sur le tapis. Au niveau scientifique, des études remarquables ont été réalisées effectivement, mais rien ne semble transparaître dans la presse, faute de journalistes professionnels capables d'appliquer les leçons pédagogiques de Haushofer et de Radós. Les journalistes ne sont plus des hommes et des femmes en quête de sujets intéressants, innovateurs, mais bel et bien ceux que Serge Halimi nomme avec grande pertinence les "chiens de garde" du système. Les journaux et les revues constituaient la voie de pénétration vers le grand public dont disposaient jadis les instituts de sciences humaines et les universités; pour tout ce qui est véritablement innovateur, pour tout ce qui va à l'encontre des poncifs répétés ad nauseam, cette voie est désormais bien verrouillée, dans la mesure où les journalistes ne sont plus des hommes libres, animés par la volonté de consolider le Bien public, mais d'ignobles et méprisables mercenaires à la solde du système et des puissances dominantes.  Toutefois, le défi que nous a lancé Brzezinski en 1996, en publiant son fameux livre, The Grand Chessboard, où sont étalées sans vergogne toutes les recettes thalassocratiques pour neutraliser l'Europe et la Russie, avec l'aide de cet instrument qu'est le complexe militaro-mafieux turc,  —potentiellement étendu à toute la turcophonie d'Asie centrale—  montre une nouvelle fois qu'une riposte européenne et russe doit nécessairement passer par une vision claire de l'histoire, vulgarisable pour les masses. Le destin tragique de Hoetzsch, son courage opiniâtre qui force l'admiration, sa modestie de grand savant, nous interpellent directement: notre amicale paneuropéenne a pour devoir de travailler, modestement, dans son créneau, à l'avènement de cette historiographie grande européenne que Hoetzsch a voulu. Au travail!

     

    Robert STEUCKERS.

    (Forest-Flotzenberg, Vlotho im Weserbergland, août 2002).

    mercredi, 06 octobre 2010

    Les Hellènes en Mer du Nord

    Les Hellènes en Mer du Nord

     

    Germ350_B23757-9_U1D.gifAprès bien des tâtonnements, confinant à l’archéologie-fiction, l’itinéraire de l’expédition grecque de Pythéas en Mer du Nord, autour des Iles Britanniques et le long des côtes norvégiennes vient d’être reconstitué par une équipe de chercheurs de la « Technische Universität Berlin ». La tradition des hellénistes rapporte, en effet, que Pythéas a quitté Massalia (Marseille), vers 330 avant J. C., pour cingler vers le nord et atteindre, dit-on, la mystérieuse île de Thulé, que les Anciens considéraient comme l’extrémité septentrionale du monde. C’est ici que les spéculations allaient bon train : cette île de Thulé était-elle l’Islande, la Norvège (prise erronément pour une île), les Shetlands, les Orcades ou les Féroé ?

     

    L’équipe des chercheurs berlinois s’est concentrée sur l’étude des longitudes et latitudes et sur tous les éléments issus des textes antiques et signalant une durée de voyage, une distance évaluée par les marins de Massalia. L’équipe pluridisciplinaire, comptant des mathématiciens, des spécialistes de la géodésie et des historiens de l’antiquité, a pu finalement décrypter, grâce à tout un éventail de technologies modernes, ce que fut le trajet accompli par Pythéas et ses compagnons.

     

    Le résultat est aussi intéressant que révolutionnaire. Après avoir contourné la péninsule ibérique par cabotage, Pythéas a traversé la Manche de Brest aux Cornouailles, pour poursuivre sa route, toujours par cabotage, le long de la face occidentale de la Grande-Bretagne, jusqu’aux Shetlands. De là, il a pris le risque de s’aventurer en haute mer, poussé par les vents, pour arriver en Norvège dans le Fjord de Trondheim. D’après les sources antiques, ce voyage des Shetlands à Trondheim, la Thulé des Grecs anciens, aurait duré six jours (soit 90 km par journée de trajet). Cette durée paraît réaliste, d’autant plus que cela correspond à la journée quasi boréale que décrit Pythéas : « le soleil, là-bas, ne prend que deux à trois heures de repos ». Tel est effectivement le cas, en été, dans la région de Trondheim.

     

    On suppose que Pythéas a entrepris son expédition vers le nord pour le compte des marchands grecs de Massalia, afin de repérer des sites où se procurer de l’étain (Cornouailles) ou de l’ambre (que l’on trouve partout dans la région baltique et le long des côtes danoises de la Mer du Nord), deux matières jugées utiles ou précieuses dans l’antiquité et introuvables dans le bassin méditerranéen.  

     

    (source : « Der Spiegel », n°32/2010, p. 109).

     

    Les résultats obtenus par l’équipe berlinoise peuvent se lire dans un ouvrage paru auprès d’un prestigieux éditeur scientifique :

     

    - A. KLEINEBERG, C. MARX, E. KNOBLOCH, D. LELGEMANN, Germania und die Insel Thule, Wissenschaftliche Buchgesellschaft, Darmstadt, 176 p., 29,90 euro.

     

    Notice de l'éditeur

     

    Kleineberg, Andreas / Marx, Christian/ Knobloch, Eberhard / Lelgemann, Dieter
    Germania und die Insel Thule

    Die Entschlüsselung von Ptolemaios’ ›Atlas der Oikumene‹

    Forschung
    2010. 131 S. mit 4 farb. Vorsatzkt., 8 s/w Kt. u. 10 Tab., Sachverz. u. Index. 17 x 24 cm, Fadenh., geb. mit SU.
    Lieferbar
    B 23757-9


    Langtext
    »It is one of the most puzzling riddles of antiquity« galt seit 1952 für den Weltatlas des Klaudios Ptolemaios aus dem zweiten Jh. n. Chr. Doch was ist daran so rätselhaft? Die Schrift des großen Mathematikers und Geographen enthielt mutmaßlich keine Landkarten, wohl aber mehrere Tausend Städtenamen mit Angabe ihrer geographischen Koordinaten, deren heutige Lage bislang nicht entschlüsselt werden konnte. Durch interdisziplinäre Zusammenarbeit zwischen Geodäten und Wissenschaftshistorikern ist es einem Forscherteam der TU Berlin gelungen, die Angaben für ›Germania Magna‹ und der sagenhaften Insel Thule zu decodieren. Das Ergebnis ist nichts weniger als revolutionär, weil sich praktisch Hunderte Verortungen erstmals schlüssig klären lassen. Das Weltbild der Antike muss hierdurch mit völlig neuen Augen betrachtet werden!

    Autoreninfo

    Christian Marx, geb. 1976, ist wissenschaftlicher Mitarbeiter am Institut für Geodäsie und Geoinformationstechnik der TU Berlin.

    Dieter Lelgemann, geb. 1939, ist emeritierter Professor für astronomische und physikalische Geodäsie an der TU Berlin. Er beschäftigt sich u. a. mit der Geschichte der antiken Geodäsie in den hellenistischen und chinesischen Kulturen. Sein 2009 bei der WBG erschienenes Buch ›Die Erfindung der Messkunst‹ fand breite Beachtung in der wissenschaftlichen Fachwelt. Zudem war er an dem 2010 bei der WBG erschienenen Buch ›Germania und die Insel Thule‹ als Autor beteiligt.

    Eberhard Knobloch, geb. 1943, ist emeritierter Professor für Geschichte der exakten Wissenschaften und der Technik an der TU Berlin und Projektleiter an der Berlin-Brandenburgischen Akademie der Wissenschaften. Von 2001 bis 2005 war er Präsident des deutschen nationalen Komitees für Wissenschaftsgeschichte. Seit 2006 ist er Präsident der European Society for the History of Sciences.

    Andreas Kleineberg, geb. 1970, ist wissenschaftlicher Mitarbeiter am Institut für Geodäsie und Geoinformationstechnik der TU Berlin.


    mardi, 05 octobre 2010

    La place de la Russie dans l'histoire de la diplomatie européenne

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    Archives de SYNERGIES EUROPEENNES- 1997

    La place de la Russie dans l'histoire de la diplomatie européenne

     

    Intervention de Robert Steuckers lors du 1er Colloque de l'Atelier régional d'Ile-de-France de Synergies Européennes, le 8 mars 1997

     

    On ne peut évaluer la place et l'importance de la Russie dans la tradition diplomatique européenne que sur base des textes existants. Les premiers textes valables pour juger l'émergence de la Russie dans la réalité politique européenne datent de l'époque de Pierre le Grand. Ce Tsar a manifesté durant son règne la volonté de faire de la Russie un Etat organisé à l'européenne, participant pleinement au concert des Etats européens. Cette volonté peut se concrétiser dès l'effondrement de la puissance polono-lithuanienne qui conduira aux partages successifs de la Pologne, achevés tout à la fin du XVIIIième siècle.

     

    Cependant, en dépit de la volonté de Pierre le Grand, la Russie ne se laissera jamais appréhender par les mêmes concepts politiques et géographiques que le reste de l'Europe. Cette différence est due à la qualité, aux dimensions et à l'immensité de son territoire, qui fait charnière entre l'Europe et l'Asie. Dès le départ, dès les premiers textes rédigés en Europe sur la Russie et destinés aux chancelleries, on perçoit la dimension eurasienne de la Russie, malgré la volonté de Pierre le Grand de s'aligner exclusivement sur l'Europe.

     

    Aujourd'hui, les cercles politiques et culturels européens, toutes tendances confondues, font désormais face à une Russie complexe, immense, tout à la fois européenne et asiatique, échappant aux règles des idéologies occidentales. Ils ne font plus face à une URSS à l'idéologie monolithique, parfois plus aisée à comprendre, encore que les arcanes peu déchiffrables de la soviétologie ont souvent induit en erreur des soviétologues patentés comme Alain Besançon ou Hélène Carrère d'Encausse... Récemment, pendant l'été 1993, la presse à sensation de Paris a parlé d'une alliance entre “rouges” et “bruns”, de l'émergence inquiétante d'un bloc “national-communiste”, en embrayant sur des phénomènes somme toute superficiels et sans tenir nullement compte de la longue histoire des rapprochements et des ruptures entre la Russie, d'une part, et les autres puissances européennes, d'autre part. La phobie du complot “rouge-brun” a fait long feu car les connaissances historiques la­cunaires des quelques journalistes fort prétentieux et très braillards qui ont déclenché le scandale étaient bien maigres. Leur bricolage n'était qu'un jeu médiatique. Quant à ceux qui se sont déclarés “rouges-bruns”  dans la foulée, pour entrer dans le jeu des hystéries médiatiques et faire parler de leurs personnes, on décèle aisément chez eux une volonté d'apparaître comme de “grands scandaleux”, de “grands méchants loups”, additionnant toutes les rigueurs des totalitarismes stalinien et hitlérien de ce XXième siècle.

     

    Pour éviter la répétition malheureuse de telles sensations médiatiques, pour échapper aux hypersimplifications de la presse parisienne, il m'apparaît nécessaire de retourner à l'histoire de la diplomatie européenne et de voir comment le rapport Europe/Russie est perçu dans les chanceleries et comment il transcende et chevauche les étiquettes de “gauche” et de “droite”. Il convient d'examiner comment les concepts de la géopolitique sont nés il y a près de 300 ans, au départ de ré­flexions sur l'immensité du territoire russe, ensuite de voir comment ils ont été articulés dès l'époque napoléonienne. Il con­vient de déceler quelles polarités ont été mises en exergue dans le contexte tourmenté des guerres de la Révolution et de l'Empire, de voir comment les conflits ont été explicités.

     

    Accusé d'avoir fait partie de ce complot “rouge-brun” pour avoir participé à un débat avec Ziouganov, président du PCFR, et Volodine, son ajoint et conseiller, à Moscou en avril 1992, débat portant sur une alternative éthique au néo-libéralisme (!), sur l'œuvre de François Perroux, sur l'anti-utilitarisme, débat retransmis ensuite dans la presse russe (Dyeïnn) et serbe (Duga), j'étais redevable d'une explication, non pas aux ignares de la presse parisienne mais à mes lecteurs et à mes abonnés. Je m'étais déjà expliqué par bribes dans un interview (cf. NdSE n°2; versions portugaise et néerlandaise également disponibles). J'entends, dans cette allocution qui deviendra très prochainement texte, être plus exhaustif. J'avais le devoir d'approfondir la question pour confondre les piteux, médiocres et minables journalistes parisiens du Monde et d'autres gazettes de bas étage qui se sont donnés en spectacle pendant l'été 1993. J'avais le devoir intellectuel de retourner au réel pour réduire à néant les simplifications esthétisantes des néodroitistes et nationaux-révolutionnaires parisiens, relevant de la même engeance journa­listique que leurs adversaires, qui n'ont pas de projets cohérents ni de discours étayés, mais qui aiment à répéter “je suis un grand méchant” ou un “grand-pervers-qui-pense-tout-ce-qui-est-interdit-de-penser”. Afin, bien sûr, de ne plus jamais se lais­ser embarquer dans un jeu médiatique aussi stérile que celui de l'été 1993.

     

    Les spéculations sur la nature politique et géographique de la Russie commencent dans l'œuvre de Leibniz, qui a cumulé les positions de philosophe, de mathématicien, de conseiller du Prince et de diplomate. Pour la première fois, Leibniz livre à ses lecteurs européens une réflexion politique profonde sur la Russie. Leibniz a forgé des concepts instrumentalisables pour faire face à la nouvelle réalité géographique et politique qui se présentait aux portes de l'Europe. Pierre le Grand venait en effet d'annoncer qu'il ferait de la Russie un Etat européen, participant au concert des nations européennes. En 1669, Leibniz réagit face à la question polonaise. La Pologne, voisine de la Russie, était, avant l'émergence de celle-ci, la puissance la plus “orientale” de l'Europe. Cette Pologne était une “république aristocratique”, tolérante sur le plan religieux, fantaisiste sur le plan culturel et littéraire, brillante dans les arts, fébrile et mobile sur le plan militaire, avec sa cavalerie portée par un “mythe sar­matique”, où l'aristocratie polonaise se décrivait comme la descendante de cavaliers sarmates venus d'Iran, du Caucase et des régions pontiques. La monarchie de cette Pologne était élective. Avant l'élection du nouveau monarque, l'Allemand Leibniz donne son avis: il est alors “russophobe”, se méfie de cet immense pays dont on connaît finalement peu de choses, et espère la défaite du candidat qui a les faveurs de la Moscovie. Sinon, dit-il, le “rempart polonais” qui protège l'Europe va tomber, ce qui amènera les “barbares asiatiques” au centre de notre sous-continent et aux frontières du Reich. Ceci est la première posi­tion de Leibniz et elle est anti-russe.

     

    Mais très vite, cette position se juxtaposera à une deuxième: il faut inclure la Russie dans une grande alliance européenne anti-turque («Quid si ergo posset Moscus quoque in anti-turcicum foedus pellici»). En effet, avant sa longue désagrégation, la Pologne était forte. Rappelons l'intervention des troupes de Jan Sobiesky et du Hongrois Janos Hunyadi lors des Croisades anti-ottomanes dans les Balkans et lors de la défense de Vienne aux XVième et XVIième siècles. La Russie de Pierre le Grand devra reprendre à son compte la fonction de cette puissante Pologne de Sobiesky. Telle est la seconde position de Leibniz.

     

    Dans la troisième position qu'il adopte face à la Russie montante, Leibniz jette les bases de ce qu'il est convenu d'appeler l'“eurasisme”. Dans son texte de 1697, Novissima Sinica, Leibniz écrit que la masse continentale euro-asiatique compte deux anciennes civilisations: 1. Rome/Europe (le Reich); 2: La Chine. La Russie, poursuit-il, doit faire le lien entre ces deux civili­sations en organisant son propre territoire. L'Europe acquerra un avantage si c'est elle qui communique à la Russie les re­cettes de la “bonne” organisation politique, territoriale, administrative, etc.

     

    Dans sa quatrième position, Leibniz parle de la Russie comme d'une tabula rasa, comme d'un espace vierge, où l'on pourra tester toutes sortes d'expériences. La Russie est un pays qui offre des milliers de possibilités (comme on le dira plus tard des Etats-Unis). Il permettra d'absorber une immigration paysanne allemande.

     

    Dans sa cinquième position, prise en 1712 lors de la guerre entre la Suède et la Russie pour la maîtrise de l'axe fluvial “gothique”, joignant la Baltique à la Mer Noire, afin d'assurer la translation de l'héritage polono-lithuanien. Leibniz, Allemand, s'oppose à toute expansion de la Russie vers le Nord, mais favorise toute expansion vers le Sud. Cette position allemande est une constante: on l'a vu se manifester lors de l'indépendance des Pays Baltes (en 1919 comme en 1991), de la Finlande, dans les intentions lisibles en filigrane dans les clauses du Pacte germano-soviétique de 1939, dans les concessions accordées en théorie par Jirinovski aux Suédois et aux Allemands dans son projet de “grande avancée vers le Sud”. Symptomatique est le fait que Jirinovski insiste si fortement en Allemagne et en Suède sur l'orientation méridionale des hypothétiques efforts de “sa” future Russie.

     

    Dans sa sixième position, Leibniz approfondit sa réflexion sur la qualité de tabula rasa  du territoire russe. La Russie est vierge, dit-il, on peut y importer tant les vices que les vertus de l'Europe. Mais Leibniz est pessimiste, conservateur. Pour lui, l'Europe décadente est travaillée et minée par ses vices. Il raisonne binairement en opposant une Europe décadente à une Russie pure. Adepte de l'idéologie des Lumières à ses débuts, Leibniz poursuit un objectif pédagogique: si la Russie est pure, vierge et “mineure”, elle peut devenir l'objet d'une pédagogie vertueuse et éviter ainsi d'entrer directement en décadence à cause de ses nouveaux contacts avec l'Europe malade.

     

    En résumé: l'Europe, par la voix de Leibniz, est favorable à la Russie quand elle avance ses pions vers le Sud contre les Turcs, vers la Mer Noire, mais pas encore vers les Balkans, territoire réservé à l'époque aux Hongrois et aux Autrichiens, protecteurs des Serbes, après la libération de Belgrade en 1717/18. En revanche, l'Europe se montre hostile à la Russie quand elle avance ses pions vers le Nord. Comme Leibniz, elle se montre pro-suédoise, pro-polonaise (puis pro-ukrainienne), car, pour elle, l'axe gothique est un espace intermédiaire entre la Russie et l'Europe, qui a une logique propre qu'il convient de con­server, tandis que l'espace balte est un indispensable espace de transition entre Russes, Suédois et Allemands

     

    Herder précisera cette vision d'un espace balte d'échange culturel. Herder est le père des nationalismes germaniques et slaves, le théoricien de la relativité culturelle, des différences, de la valorisation des origines de toute culture au détriment des époques plus tardives, jugées déclinantes. En 1769, dans le journal qu'il a écrit au cours de son voyage de la Livonie (en Lettonie actuelle) à Nantes, Herder écrit que l'Europe est vieillie, décadente, qu'elle a épuisé ses potentialités. Face à elle, la Russie possède encore des atouts, des potentialités. Il faut travailler la Russie, dit Herder, pour en faire un modèle pour le reste de l'humanité. La pensée de Herder est à la fois liée aux Lumières car elle est pédagogique, elle veut étendre au monde entier des idées européennes qui ne sont ni le rationalisme occidental ni le césaro-papisme catholique. Mais si cette pensée de Herder est liée aux Lumières, elle est en même temps critique à leur égard. La critique de Herder s'articule surtout autour de l'optimisme et de la prétendue unicité du modèle des Lumières. Pour Herder, théologien protestant, toute culture est une manifestation voulue par Dieu et celui-ci se manifeste de multiples façons, donc seule la pluralité des cultures est légitime, est œuvre de Dieu. L'histoire d'un peuple particulier est simultanément l'histoire d'un possible humain, universellement valable.

     

    Sur base de ces principes, Herder énonce des projets pour l'Europe orientale et la Russie. Il privilégie les Pays Baltes, dont il est issu, comme espace d'échanges entre l'Europe germanique et la Russie. Mais il concocte également des projets sédui­sants pour l'Ukraine, la Crimée et la rive septentrionale de la Mer Noire. La mission de la Russie, à ses yeux, est de recréer un nouvel hellénisme sur le pourtour de la Mer Noire et de faire de la Crimée sa capitale. En énonçant ce grand projet, il re­prend l'idée allemande d'un “Drang nach Süden” russe et souligne l'importance capitale de la Crimée sur le plan géopolitique (pendant la guerre civile entre Blancs et Rouges, la Crimée, sous le Général Wrangel, a été un enjeu majeur du conflit; le IIIième Reich concoctait également des plans germanisants/hellénisants pour la Crimée et le conflit russo-ukrainien d'aujourd'hui rappelle l'importance géopolitique de cette presqu'île). Le “Projet grec” de Herder sera repris par Catherine II et instrumentalisé contre l'Empire ottoman que la fougueuse Tsarine chassera des rives septentrionales de la Mer Noire.

     

    Le jugement que porte Herder sur l'œuvre de Pierre le Grand est également fort intéressant. Herder reproche au Tsar Pierre d'avoir négligé la culture “naturelle” de la Russie, de ne pas avoir tablé sur ses atouts nationaux et surtout d'avoir fait de la Russie une “pyramide inversée” qui risque de s'effondrer tôt ou tard dans la catastrophe. Herder prédit ainsi pour la première fois la révolution russe de 1917.

     

    De 1789 à 1820, c'est-à-dire de la Révolution française à l'avènement de la Monarchie de Juillet, la réflexion sur la Russie va s'articuler autour de trois oppositions:

    1. L'opposition entre liberté et despotisme, où l'Ouest est la liberté et la Russie, le despotisme (Marx reprendra cette di­chotomie russophobe, et, dans le marxisme, on parlera parfois de “despotisme oriental”).

    2. L'opposition entre légitimité et révolution, où la Russie est le bastion de la contre-révolution. Nous avons là ante litte­ram une dialectique Est-Ouest, où la droite légitimiste est pro-orientale et anti-occidentale, contrairement à ce que nous avons connu pendant la guerre froide. Dans l'Allemagne de la “révolution conservatrice”, Moeller van den Bruck, traducteur de Dostoïevski, réfléchit sur l'itinéraire de ce dernier: révolutionnaire dékabriste, il deviendra légitimiste, en percevant l'insuffisance des idées occidentales. Moeller et, à sa suite, les diplomates allemands conserveront l'espoir légitimiste-con­servateur en la Russie, en dépit de la révolution bolchevique.

    3. L'opposition Terre/Mer ou Russie/Angleterre. Ces réflexions ont annoncé la géopolitique de McKinder et de Haushofer, ainsi que l'œuvre de Carl Schmitt. Face à cette dualité Terre/Mer, notons la position intermédiaire prise par la France. La France est une “civilisation équilibrée” entre Terre et Mer, elle s'oppose également au “navalisme anglais” et au “despotisme exclusivement tellurique” de la Russie. Quand, sous Napoléon, la France s'identifie à l'Europe, comme l'Allemagne s'y identi­fiera pendant les deux guerres mondiales, les Continentaux percevront l'Europe comme le centre du monde et de l'histoire mondiale.

     

    La période qui s'étend de 1789 à 1830 est une période de grande effervescence. Pour reprendre la terminologie de Carl Schmitt, c'est la fin du jus publicum europæum. L'idée révolutionnaire veut se planétariser, ne connaît ni repos ni mesure. Au cours de cette période, les diplomates écrivent une quantité impressionnante de rapports dont la teneur est proprement géopolitique. Nous allons examiner ceux qui concernent notre propos d'aujourd'hui: la Russie.

     

    En 1791, un rapport anglais anonyme, intitulé Russian Armament, jette les bases de l'hostilité anglo-saxonne à l'encontre de la Russie. La Russie est désignée clairement comme l'ennemi car elle vise l'élimination de la présence ottomane en Mer Noire et dans les Balkans. Nous avons là le premier indice de l'alliance réelle et tacite entre Londres et la Turquie, entre la thalasso­cratie anglo-saxonne et la Sublime Porte. Le rapport poursuit: l'avancée de la Russie vers Constantinople menace 1) l'Egypte (on prévoit déjà en Angleterre le percement du Canal de Suez) et 2) le commerce du Levant. Donc, pour les diplomates an­glais, l'existence de l'Empire Ottoman, y compris sa présence dans les Balkans, garantit l'équilibre européen (l'argument sera repris lors de la Guerre de Crimée); l'Empire Ottoman est un barrage contre la Russie qu'on soupçonne vouloir s'emparer des Indes (en 1800-1801, effectivement, le Tsar Paul I, allié de Napoléon, projette l'invasion des Indes). Dans d'autres mani­festes anonymes parus entre 1792 et 1793, des observateurs anglais envisagent une alliance entre la France, l'Angleterre et la Turquie, pôle de la liberté, contre l'Autriche, la Prusse et la Russie, pôle du despotisme.

     

    Cette tentative de rapprochement, en pleine guerre, de l'Angleterre avec la France révolutionnaire peut s'expliquer clairement si l'on a lu le livre de l'historien français Olivier Blanc, Les hommes de Londres. Histoire secrète de la Terreur (Albin Michel, 1989). Blanc nous y démontre les mécanismes d'organisation de la guerre civile en France, mis en œuvre depuis Londres, afin de venger la bataille de Yorktown (1781) qui avait donné la victoire aux insurgés américains avec l'appui de troupes et de vaisseaux français. Par ailleurs, l'Angleterre visait à détruire les ressorts de la politique navale de Louis XVI, qui avait connu quelques succès militaires. Les manifestes anonymes réclamant une alliance avec la France demandent implicitement l'arrêt de cette politique secrète d'organisation de la guerre civile en France, d'autant plus que les troupes autrichiennes et prus­siennes avancent dans le Nord et en Lorraine, risquant d'affaiblir définitivement la France et de souder au Nord et au centre de l'Europe un bloc germanique et impérial solide. L'Angleterre, au nom de l'équilibre continental, cherche à changer d'alliés et à se ranger du côté du plus faible. Mais, coup de théâtre, la France est victorieuse à la bataille de Fleurus en 1793: elle devient la plus forte puissance européenne, s'installe en Brabant et à Anvers, ce qui, pour Londres, est intolérable. L'Angleterre, pour respecter sa politique d'équilibre, doit lui faire la guerre, de concert avec les Prussiens et les Autrichiens. Quand l'Allemagne, après Bismarck, sous Guillaume II et avec la politique navale de von Tirpitz, deviendra la plus forte des puissances euro­péennes, l'Angleterre fera la guerre contre elle, en utilisant les ressources humaines de la France.

     

    C'est sur cet arrière-plan que Wilhelm von Byern en 1794 propose une alliance germano-russe contre la France révolution­naire et E. von Zimmermann une alliance germano-franco-anglo-russe contre le challengeur qui pointe à l'horizon, l'Amérique. Mais le théoricien le plus pointu qui a esquissé les grandes lignes d'une politique générale pour vertébrer l'Europe, pendant cette époque de troubles et de désorientements, reste le Français Bertrand Barère de Vieuzac. En 1798, il rédige un manifeste intitulé La liberté des mers ou le gouvernement anglais dévoilé;  ce texte fondamental annonce et anticipe véritable­ment le noyau central des doctrines géopolitiques allemandes de ce siècle (Haushofer) et les positions telluriques et anti-tha­lassacratiques de Carl Schmitt. Pour Barère de Vieuzac, le véritable principe dissolvant n'est pas tant la révolution que le “principe industriel”, générateur de flux incontrôlables. L'industrie anglaise, dit Barère de Vieuzac, découle de la navigation, dès lors les flots générés par la production de marchandises correspondent aux flots océaniques, sur lesquelles rien ne peut se construire. L'industrie induit une démonie de la technique, qui abolit toutes les barrières, frontières, etc. Elle abolit le prin­cipe traditionnel de la famille avec son ancrage dans la Terre. C'est au départ de ce texte de Barère de Vieuzac que le poète Rudolf Pannwitz (cf. NdSE n°19) chantera son apologie de la Terre et de l'Imperium Europæum et que le Carl Schmitt d'après 1945 élaborera son anti-thalassocratisme fondamental (cf. Terre et Mer & Glossarium). Pour Barère de Vieuzac, l'Europe est une terre de civilisation et d'enracinement qui s'oppose tout naturellement à l'Angleterre, qui domine l'espace fluide de la mer sur lequel aucune civilisation ne peut éclore, et à la Russie, qui domine un espace mouvant de terres non travaillées. Son dis­ciple Eschasserieux propose dès lors une alliance franco-prussienne contre l'Angleterre et la Russie. C'est dans les travaux de Barère de Vieuzac et d'Eschasserieux qu'on trouve l'origine des rapprochements franco-allemands, depuis le napoléo-gaullisme de Pannwitz jusqu'à la réconcialisation préconisée par Adenauer et De Gaulle en 1963 et à la présence d'un Ernst Jünger lors de la visite de Kohl et Mitterand à Verdun.

     

    Chez les nationalistes allemands de la première génération, nous trouvons d'autres approches, qui, elles aussi, ont connu une postérité. Pour Ernst Moritz Arndt, auteur de Deutsche Volkswerdung,  l'analyse est plus subtile: l'opposition fondamentale, pour Arndt, n'est pas tant la révolution ouest-européenne contre la contre-révolution russe, ou la civilisation française, alle­mande et européenne contre la barbarie russe (comme le voulaient les russophobes napoléoniens), mais l'opposition entre pays fermés non organisés et pays ouverts à la mer (sans pour autant être thalassocratiques). Arndt préfigure là la géopo­litique de Ratzel.

     

    Quant au poète Jean-Paul en 1810, il se moque de la russophobie qui décrit les Russes comme des “barbares”, mais reste attaché à l'idée pédagogique de l'Aufklärung (que l'on a repérée de Leibniz à Herder). Selon cette idée laïque et missionnaire, la Russie est certes encore “barbare” mais elle se civilisera sous l'influence européenne. Remarquons que la russophilie de Jean-Paul n'est pas encore celle des narodniki russes: il ne rejette pas l'intellectualisme de l'Aufklärung mais ne parie pas sur les ressorts naturels du peuple russe, qu'il juge encore “inférieurs” et “mineurs”.

     

    Heinrich von Kleist, dans son essai Über das Marionettentheater  (1810) décrit un monde futur totalement technicisé et ratio­nalisé, mais, dans ce monde figé, tout à coup, un ours déboule sur la scène; il est le symbole de l'Est, de la Russie; il repré­sente la force de l'instinct qui domine toute technique. Contre l'instinct, inutile de se battre, il ne faut attendre aucune victoire. L'Ouest, c'est Napoléon, l'ours, c'est la Russie. Cette argumentation sera reprise par Niekisch dans ses articles “nationaux-bolcheviques” de la revue Widerstand.

     

    En France, c'est le traditionalisme anti-révolutionnaire qui développera des réflexions intéressantes sur la Russie. Pour Louis de Bonald (1754-1840), dans ses Discours politiques sur l'état actuel de l'Europe  (1802), la Russie est, depuis la chute de l'Empire romain, la plus grande force d'expansion à l'œuvre en Europe. Mais, ajoute-t-il, son christianisme est “byzantin”, donc, du point de vue catholique de Bonald, il est un mélange de “superstitions” d'“idolâtrie” et de “morceaux de christia­nisme”. Dans les droites catholiques et françaises, Bonald introduit un ferment russophobe d'anti-byzantinisme, contre lequel s'insurgera le Russe Leontiev (cf. Vouloir n°6/1996). A cet anti-byzantinisme, Bonald ajoute un jugement sur l'œuvre de Pierre le Grand: il estime qu'avoir voulu l'européanisation de la Russie est une bonne initiative, mais, déplore Bonald, “il a introduit la corruption avant de former la raison”. Bonald veut dire par là que Pierre le Grand a d'abord favorisé le commerce et l'industrie avant d'établir des lois. Il aurait dû favoriser les classes rurales, puis assurer le primat de la chose militaire, de la souverai­neté et de la paysannerie sur les fonctions de négoce. Bonald développe une critique conservatrice de l'idéologie marchande, vectrice de corruption, mais souhaite la conversion de la Russie au catholicisme. Il introduit ainsi un motif de russophobie ré­current dans la pensée politique conservatrice en France.

     

    Joseph de Maistre (1753-1821) critique à son tour l'œuvre de Pierre le Grand, qui s'est laissé entraîner par “l'esprit de fabri­cation”. Comme cet esprit de “fabrication” (on dirait aujourd'hui: ce “constructivisme”) s'est insinué dans la vie politique russe dès l'origine de son européanisation, il est appelé à s'accentuer en dépit des barrières traditionnelles et provoquera une révo­lution (avec la critique de Herder qui voit dans la Russie de Pierre le Grand une “pyramide inversée” prête à basculer, la cri­tique de J. de Maistre est la seconde prédiction de la révolution russe, un siècle avant les faits).

     

    La fin de l'aventure napoléonienne se déroule sous le règne du Tsar Alexandre I. Celui-ci fournit le gros des troupes de la coa­lition anti-napoléonienne, si bien qu'il acquiert le titre de “Libérateur de l'Europe”. Il est forcément peu perçu comme tel en France mais bien en Allemagne ou en Belgique (où le souvenir de “Pietje le Cosaque”, à Gand, au moment des premières manifestations flamingantes, reste dans les mémoires). L'idée motrice d'Alexandre I était de constituer une “Sainte-Alliance” en Europe. La mission de la Russie est de donner corps à cette initiative, visant à terme la “monarchie universelle”, que ses adversaires déclareront bien vite “despotique”. Cette idée du Tsar Alexandre I provient de deux sources:

    1) La “pansophie” de Louis-Claude de Saint-Martin, qui visait à transcender les clivages religieux en Europe entre orthodoxes, protestants et catholiques.

    2) Le “Mouvement du Réveil” de l'Allemand Jung-Stilling.

     

    Jung-Stilling (1740-1817) veut fusionner le piétisme et la mystique protestante. Il élabore le concept de “nostalgie” (Heimweh, également titre d'un roman). La nostalgie est toujours nostalgie de la patrie céleste, de l'Empire de Dieu à construire. Pour Jung-Stilling, cet empire commencera à l'Est. Le christianisme s'est développé d'Est en Ouest et a décliné. Il faut faire le chemin inverse. Son disciple Johann Albrecht Bengel voit dans la Russie l'instrument de Dieu pour punir les nations: Napoléon est l'Antéchrist, Alexandre I, l'Ange de l'Apocalypse. En 1817, quand une famine éclate en Allemagne du Sud, les paysans adeptes du “Mouvement du Réveil” (catholiques et protestants confondus) émigrent vers la Russie, afin de s'installer dans l'antichambre du futur paradis et de fuir l'Europe qui allait subir une punition méritée.

     

    Franz von Baader (1765-1841) recueille l'héritage de la mystique allemande de Jakob Boehme, de Louis-Claude de Saint-Martin, de Jung-Stilling et de Görres. Son objectif se confond avec celui d'Alexandre I: réconcilier catholiques et protestants dans l'orthodoxie, raviver la dimension religieuse eschatologique et mystique, faire de la Russie le site de la synthèse de ce renouveau religieux et de son armée l'instrument destiné à sauver l'Europe de la dissolution révolutionnaire.

     

    Les idées traditionalistes, la coalition anti-napoléonienne, le “Mouvement du Réveil” poursuivaient un même objectif. D'où la théocratie chrétienne et pansophique, l'utopie tirée du “Mouvement du Réveil”, l'“entremission organique” (organische Vermittlung) participent du “Principe d'Etat” qui s'oppose à l'Etat mécanique des révolutionnaires (procédant de l'“esprit de fa­brication”) et au “Dieu mécanique” des philosophes. Mais la grande différence entre, d'une part, Baader et les catholiques pan­sophiques et pro-orthodoxes et, d'autre part, et Bonald, de Maistre et les catholiques stricto sensu, c'est que Baader est mo­niste (il veut façonner le futur et affirme que la bonne politique organique adviendra) tandis que Bonald et de Maistre sont dua­listes et prétendent que la bonne politique est une chose définitivement passée. Face à la position pro-orthodoxe de Baader, de Maistre avance que l'orthodoxie est figée. Baader lui répond que cela la rend imperméable aux idées révolutionnaires. Pour Baader en revanche, c'est le “papisme” qui est figé car il jette le soupçon sur l'intelligence et le savoir (selon l'adage: “point trop de science”). Le protestantisme selon Baader laisse libre cours au savoir et l'accumulation de “science” désoriente les hommes, incapables de maîtriser les flux de la connaissance. Pour Baader, science et foi ne doivent pas être distinctes: telle est la mission d'Alexandre I, de la Sainte-Alliance, du “Mouvement du Réveil”, de la Russie et de l'orthodoxie, face à l'“Ouest pourri” (gniloï zapad). Mais les forces les plus conservatrices de l'Eglise orthodoxe russe refusent la démarche d'Alexandre, jugé trop ouvert aux Catholiques et aux Protestants, les “Réveillés” sont expulsés de Russie, de même que Baader, qui ne peut plus s'y rendre et tire les conclusions de sa tentative avortée: «Le retour à une politique ecclésiale conservatrice va pro­voquer l'expansion du matérialisme en Russie et, sous le manteau d'une Eglise d'Etat, les tendances anti-chrétiennes pourront agir plus secrètement, donc plus destructivement». Troisième prévision de la révolution bolchevique...

     

    Autre figure-clef de l'époque, l'Abbé Dufour de Pradt (1759-1837), archevêque et confesseur de Napoléon. Pour Dufour de Pradt, le monde contient “deux zones de principes et de langage”, la zone de l'“ordre absolu” et la zone de l'“ordre constitution­nel à des degrés divers”. Ces deux zones se livreront une lutte à mort. Dufour de Pradt annonce au fond la bipolarité de la guerre froide... L'Europe n'a plus le choix qu'entre devenir un protectorat anglais et devenir un protectorat russe. En 1819, Dufour de Pradt prévoit que l'Amérique remplacera l'Angleterre sur mer, avant même que le Président Monroe ne proclame sa célèbre “doctrine” en 1823. Pourquoi? Parce que tant la Russie que l'Amérique disposent d'espace. Dufour du Pradt écrit: «La Russie jouit de tous les avantages dont sont privés les anciens Etats de l'Europe, dans lesquels les espaces sont occupés par la population et par les cultures destinées à la subsistance. On a calculé l'époque à laquelle les Etats-Unis d'Amérique possèderaient une population de cent vingt millions d'habitants, la progression a même dépassé les prévisions. Pourquoi, dans un temps donné, la Russie ne s'élèverait-elle pas au même degré, car elle possède des éléments parfaitement semblables et égaux à ceux qui promettent aux Etats-Unis ce rapide accroissement? La faculté de nourrir sa famille est la limite de la popu­lation; c'est elle qui, dans les Etats peuplés, réduit les mariages à un si petit nombre. Mais il faut un long cours de siècles pour que cette limite sera atteinte en Russie, comme en Amérique; elle se peuplera donc à l'infini...».

     

    Aux Etats-Unis, le diplomate Alexander H. Everett (1790-1847) constate que tous les mouvements politiques de son époque sont les conséquences de la Révolution, cherchent à poursuivre la Révolution. L'Europe, dit-il, doit s'unir sinon elle subira le sort des cités grecques, face à la puissante machine militaire et administrative romaine. Mais pour que cette unification ait lieu dans l'équilibre des forces, il faut en exclure la Russie, parce qu'elle a beaucoup d'espace et rompt cet équilibre. Néanmoins, elle va sauver l'Europe en l'unifiant de force: c'est alors que prendra fin l'ère révolutionnaire.

     

    En Allemagne le Baron von Haxthausen (1792-1866) écrit que l'atout slave/russe majeur dans le concert politique européen de l'époque est le sens intact de la communauté (mir/obchtchina). Haxthausen influencera directement la pensée populiste russe, tant dans l'expression qu'elle s'est donnée chez Alexander Hertzen que dans celle des narodniki  (les slavophiles) ou des marxistes russes. Entre les uns et les autres, face à cette revendication de la “communauté”, il y tout de même des diffé­rences d'approche: les “progressistes” voient dans le mir une condition sociale favorisant l'avènement du socialisme, tandis que les narodniki y voient une suprématie morale. Pour Haxthausen, les “communautés” russes sont le fondement de l'ordre social car elles empêchent l'émergence d'un prolétariat. Haxthausen était conscient de la différence entre démocrarie orga­nique et démocratie atomisée.

     

    Vu d'Europe, voici donc un vaste éventail de réflexions sur la Russie qui inspirent toujours les chanceleries. Elles apparais­sent limpides dans leur simplicité et continuent à structurer toute la pensée géopolitique, même si les noms de leurs auteurs sont aujourd'hui tombés dans un oubli non mérité.

     

    Il nous reste à dire quelques mots sur l'Eurasisme. Les Anglais ont un mot pour désigner la lutte planétaire pour le contrôle de l'Asie Centrale et himalayenne: “The Great Game”, “le Grand Jeu”. ce “Grand Jeu” consiste à contrôler les espaces vides entre les grands pôles civilisationnels de l'Inde, de la Chine et de l'Europe. Car la maîtrise de ces espaces assure la domina­tion de la planète. Leibniz s'en était déjà confusément aperçu en rédigeant sa Novissima Sinica en 1697. Dès la fin du XVIIIième siècle, en 1796-97, les Anglais devinent que l'Europe (allemande ou française) et la Russie vont un jour ou l'autre contester ses positions en Inde. Pour les Anglais, il y avait des signes avant-coureurs, comme la conquête de Sébastopol par les troupes de Catherine II en 1783, qui devient port russe en 1784, prélude à l'annexion complète de la côte pontique entre le Dniester et le Boug à la suite de la Paix de Jassy en 1792. La Mer Noire devient un lac russe, tandis que les Pays-Bas méri­dionaux tombent aux mains des hordes révolutionnaires.

     

    Napoléon, lui, se rend compte du désastre que constitue pour la France la perte de ses comptoirs indiens. D'où son plan de couper la route des Indes en s'installant en Egypte. Avant de se lancer dans cette entreprise, il dévore tous les livres sur l'Egypte: «J'étais plein de rêves. Je me voyais fondateur d'une nouvelle religion, marchant à l'intérieur de l'Asie monté sur un éléphant, avec un turban sur la tête et à la main le nouveau Coran que j'aurais écrit pour répondre à mes besoins». Le 19 mai 1798 une armada française, avec 40.000 hommes, quitte Toulon et Marseille pour se diriger vers l'Egypte. Aussitôt les Anglais envoient tous leurs navires du Cap et de Calcutta pour bloquer la Mer Rouge. Nelson détruit la flotte française en mouillage à Aboukir (1 août 1798).

     

    En 1801, le Tsar Paul I suggère à Napoléon d'envahir l'Inde par la terre et met 35.000 cosaques à la disposition de ce projet. Pour les appuyer, il demande à Napoléon de lui envoyer une armée française par le Danube, la Mer Noire et la Caspienne. Napoléon juge le projet irréalisable. Le 24 janvier 1801, 22.000 cosaques et 44.000 chevaux quittent le sud de la Russie pour se diriger vers l'Asie centrale. Mais le 23 mars 1801, Paul I est assassiné et Alexandre I monte sur le trône. Les Anglais réagissent en envoyant au Moyen-Orient le jeune John Malcolm, un orientaliste, spécialiste de la Perse, nommé officier dès l'âge de 13 ans. Malcolm a pour mission de forger une alliance avec l'Iran, pour bloquer sur le “rimland” toute avancée française (ou russe ou européenne ou, plus tard, allemande) dans la zone s'étendant de la Syrie au Béloutchistan. La réaction russe est immédiate: le Tsar annexe la Géorgie en septembre 1801. En juin 1804, les Russes sont en Arménie, mettent le siège devant Erivan et engagent la guerre contre la Perse pour forcer le passage vers les Indes.

     

    En 1804, les Perses appellent les Anglais au secours. Mais 1804 est également l'année où Napoléon devient “empereur”, pro­voquant un renversement des alliances et un rapprochement entre Russes et Anglais. Les Anglais ne font plus pression sur le Tsar pour qu'il rende à la Perse la Géorgie et l'Arménie. Le Shah n'a plus d'autre alternative que de se tourner vers la France. De 1804 à 1807, les tractations entre le Shah et Napoléon sont ininterrompues, la Perse devant servir de tremplin pour une re­conquête française des Indes. L'armée persane est entraînée par des instructeurs français. En 1807, à Friedland, Alexandre se rapproche à nouveau de Napoléon et participe au blocus continental; Français et Russes sont à nouveau alliés contre les Anglais. A Tilsit, la France et la Russie envisagent de bouter les Ottomans hors d'Europe, de s'allier avec la Perse pour mar­cher de concert sur les Indes, mais la France ne peut plus demander aux Russes de rendre la Géorgie et l'Arménie, poussant les Perses dans une nouvelle alliance anglaise!

     

    Tels ont été les préludes du “Grand Jeu”. L'affrontement Terre/Mer entre la Russie et l'Angleterre se poursuivra pendant tout le XIXième siècle, véritable épopée avec, de part et d'autre, des héros sublimes et des aventuriers extraordinaires. Parmi les autres facettes du “Grand Jeu”, il y a eu la volonté de contrôler le Tibet (et surtout les sources des grands fleuves chinois, indochinois et birmans), de maîtriser la “Route de la Soie” et surtout le Turkestan chinois (ou Sinkiang). Des missions allemandes tenteront de forger une “alliance diagonale” entre le Reich, l'Empire Ottoman, la Perse, l'Inde et l'Indonésie. Le pantouranisme sera instrumentalisé par les Allemands en 1914, par les Britanniques après 1918. Pendant la guerre civile russe, les Anglais ont tenté de détacher le Caucase de la Russie, en incitant au massacre des commissaires communistes arméniens. Le Japon y participera en soutenant Koltchak et Unger-Sternberg en Asie. Aujourd'hui, avec la tentative de souder à la Turquie, alliée des Etats-Unis, toutes les républiques musulmanes de l'ex-Union Soviétique, le “Grand Jeu” est loin d'être terminé. Pour nous, il s'agit d'en étudier tous les mécanismes, d'en connaître l'histoire jusqu'en ses moindres détails.

     

    Robert STEUCKERS

    dimanche, 03 octobre 2010

    Gli intellettuali tedeschi e la crisi di Weimar

    Gli intellettuali tedeschi e la crisi di Weimar

    Francesco Lamendola

    Ex: http://www.centrostudilaruna.it/

    In tempo di crisi – economica, politica, sociale e culturale -, gli intellettuali possono costituire un faro nella nebbia per i cittadini “comuni”? E, se lo possono, lo devono anche?

    Qual è il loro ruolo, esattamente, nel contesto della società? È giusto aspettarsi da loro che siano la nostra coscienza critica? O forse non commettiamo l’errore, quando essi – specialmente in tempi di crisi – ci additano la Luna, di guardare il dito anziché la Luna, ossia di prendere troppo alla lettere ciò che essi dicono, invece di cogliere lo spirito che li muove e l’orizzonte cui aspirano e che cercano di dischiudere, per sé e per noi?

    È facile fraintenderli, quando li si prende alla lettera: come nel caso dei surrealisti. Tutto essi volevano, tranne che fondare una scuola; il loro credo fondamentale era la rivolta contro ogni sistema, quindi anche contro il surrealismo. E invece che cosa fa il pubblico, davanti agli intellettuali che contestano un sistema ormai agonizzante? Li innalza sugli altari di un nuovo sistema; li promuove a profeti di una nuova religione – che essi lo vogliano o no. E, anche se lo vorrebbero – come nel caso di Spengler, di cui tra poco parleremo – non è detto che noi rendiamo loro un buon servizio, accontentandoli; certamente non lo rendiamo a noi stessi.

    Tutte queste domande e queste considerazioni ci sono venute alla mente rileggendo un famoso brano del libro di H. Kohn (I Tedeschi, traduzione italiana Edizioni di Comunità, Milano, 1963), dedicato agli intellettuali tedeschi di fronte al nazismo.

    Non è un brano molto breve, tuttavia ci sembra indispensabile riportarlo integralmente, per non correre il rischio di falsare, semplificandolo, il pensiero dell’Autore; dopo di che svilupperemo le nostre riflessioni, portandole dal piano storico contingente (la crisi della Repubblica di Weimar e l’avvicinarsi del nazismo al potere) a quello della riflessione storico-filosofica generale, per cercar di trarne qualche utile insegnamento per il presente.

    «In poco più di un decennio gli intellettuali furono in grado di condurre il popolo tedesco nell’abisso. Non ci sarebbero riusciti se non fossero stati preceduti da generazioni di preparazione, in cui germanofilismo e antioccidentalismo erano divenuti sempre più caratteristici del pensiero nazionale. Nell’ultimo stadio il nazionalismo tedesco respinse non solo la civiltà occidentale, ma anche la validità della vita civile. «Il nuovo nazionalismo – ammonì Ernest Robert Curtius nel 1931 – vuole buttar via non solo il diciannovesimo secolo, attualmente tanto calunniato, bensì addirittura tutte le tradizioni storiche». I pensatori nazionalisti francesi – Charles Maurras,o Maurice Barrès – non si spinsero mai fino al punto di rivoltarsi contro la civiltà. In Germania gli antintellettuali non erano plebaglia, ma intellettuali di primo piano, uomini spesso di gusti raffinati e di grande erudizione.

    Mettendosi a considerare ogni cosa dall’angolo visuale tedesco, essi si convinsero che la civiltà occidentale fosse dappertutto profondamente minata come in Germania. Partendo da osservazioni parziali arrivarono alle conclusioni più estreme. Identificarono la situazione tedesca, com’era peraltro da essi interpretata, con quella dell’umanità, addirittura con quella dell’universo. Gottfried Benn non dubitava che il periodo quaternario dell’evoluzione geologica stessa approssimandosi alla fine, che l’homo sapiens stesse diventando sorpassato. Nessuna espressione era tanto forte da riuscire a manifestare tutto l’odio nutrito per la civiltà occidentale, il liberalismo, l’umanitarismo. La filosofia di Martin Heidegger, la dottrina politica di Carl Schmitt, la teologia di Karl Barth contribuirono per parte loro a convincere gli intellettuali che l’umanità aveva raggiunto una svolta decisiva, una crisi senza precedenti causata dal liberalismo. Questi intellettuali guardavano dall’alto in basso l’Occidente con lo stesso disprezzo più tardi manifestato dai capi nazisti. Allo stesso tempo si mostravano arrogantemente sicuri che il pensiero tedesco, proprio per la sua consapevolezza della crisi, fosse l’unico degno della nuova epoca storica. […]

    “La comprensione classica della tradizione, così viva in Goethe, fu perduta negli anni trenta in Germania come in Russia. L’arte divenne ‘popolare’, ‘nuova’ e ‘utilitaria’; la forma non contò più. Nadler si sentì autorizzato a criticare Goethe perché «un uomo come lui non poteva trasformare un popolo». Ora il popolo si stava «trasformando»; perlomeno i suoi portavoce se ne vantavano. Un periodico molto stimato, Hochschule und Ausland, dedicato al mantenimento dei contatti fra le università tedesche e quelle straniere, nell’aprile del 1937 cambiò testata assumendo il nuovo nome di Geist der Zeit (Spirito dei tempi). Il suo editoriale dichiarò con appropriata modestia: «Non c’è alcuna nazione in Europa, e non ce n’è mai stata alcuna al di fuori della Grecia, in cui lo spirito è così vivo come nell’odierna Germania». Ma gli intellettuali tedeschi sbagliavano scambiando il loro spirito dei tempi con l’effettivo spirito del tempo. Nella loro cieca antipatia per l’Occidente essi interpretavano erroneamente la storia. […]

    Moeller, Spengler e Jünger ritenevano che la guerra perduta si sarebbe trasformata in vittoria, se i tedeschi si fossero resi conto di rappresentare lo spirito dei tempi – Moeller aveva iniziato la sua attività come critico letterario e principale traduttore tedesco di Dostoevskij. La guerra comunque lo trasformò da uomo di cultura in pensatore politico. Nel Diritto dei popoli giovani, apparso all’inizio del 1919, egli chiedeva che fosse riconosciuto il diritto all’espansione delle giovani nazioni, che avevano idee nuove, mentre il decrepito Occidente non era altro che una continuazione del sorpassato diciottesimo secolo. Fra i popoli giovani era la Prussia che avrebbe assunto la funzione di guida. «Verrà il momento in cui tutti i popoli giovani, in cui tutti coloro che si sentono giovani, riconosceranno nella storia prussiana la più bella, la più nobile, la più virile storia politica dei popoli europei». […]

    “Nel 1923, due anni prima di suicidarsi, Moeller pubblicò il suo libro più autorevole, Das Dritte Reich. Il titolo non può essere tradotto con ‘Terzo Impero’. Il Reich è nella sua essenza molto più di un impero. Ci sono più imperi, c’è un unico Reich. «Il nazionalismo tedesco – scriveva Moeller – è un campione del Reich finale: sempre ricco di promesse, mai concluso… C’è un unico Reich, come c’è un’unica Chiesa. Gli altri pretendenti al titolo non possono essere altro che uno stato, una comunità o una setta. Esiste solo Il Reich». Creando il Reich, i tedeschi non agivano per se stessi, ma per l’Europa. Il loro Reich era urgentemente necessario perché la civiltà occidentale aveva non elevato, bensì degradato l’umanità. «Circondato dal mondo in sfacelo che è il mondo vittorioso di oggi, il tedesco cerca la sua salvezza. Cerca di preservare quei valori imperituri, che sono tali per propria natura. Cerca di assicurare la loro permanenza nel mondo riconquistando il rango a cui hanno diritto i loro difensori. Allo stesso tempo combatte per la causa dell’Europa, per ogni influenza europea che si irradia dalla Germania in quanto centro dell’Europa… L’ombra dell’Africa si proietta sull’Europa. È nostro compito fare da sentinella sulla soglia dei valori».

    Moeller definiva il Reich «una vecchia bella idea tedesca che risale al Medioevo, ed è associata all’attesa di un regno millenario». Esso sarebbe stato genuinamente socialista e antiliberale. Il terzo capitolo del libro portava come motto le significative parole «Col liberalismo il popolo perisce».Il socialismo tedesco non aveva nulla in comune col materialismo storico marxista e con la lotta di classe internazionale. Era la solidarietà nazionale di un popolo sfruttato dalla plutocrazia straniera; era l’idea dell’altruismo al servizio del bene comune anziché del perseguimento del profitto personale. «Dove finisce il marxismo – scriveva Moeller – lì comincia il socialismo: un socialismo tedesco, la cui missione è quella di soppiantare nella storia intellettuale dell’umanità ogni specie di liberalismo. Il socialismo tedesco non è compito di un Terzo Reich. È piuttosto la sua base». Moeller accettava la rivoluzione antiliberale e antiplutocratica di Lenin come un tipo di socialismo nazionale peculiarmente adatto alla Russia e si dichiarava propenso a collaborare con essa purché dirigesse la sua espansione verso l’Asia e ammettesse la legittimità della missione della Germania nelle terre di confine russo-tedesche.[…]

    Oswald Spengler in Preussentum und Sozialismus [Prussianesimo e Socialismo] (1919) fece un altro passo avanti: «Solo quello tedesco è vero socialismo! Il vecchio spirito prussiano e il socialismo, benché oggi sembrino contrari l’uno all’altro, sono in realtà tutt’uno». Questo libro relativamente beve di Spengler rimase sconosciuto al pubblico inglese, ma attrasse molti più lettori tedeschi dei due grossi volumi della sua opera principale. Le idee esposte in Preussentum und Sozialismus furono, come egli stesso confessò, il nucleo (Kern) da cui si sviluppò tutta la sua filosofia. Il libro è basilare non solo per la conoscenza dell’autore, ma anche per la conoscenza del periodo weimariano. Naturalmente Spengler contrapponeva i suoi prussiani socialisti agli individualisti inglesi attaccati al denaro, che facevano ognuno per conto proprio, mentre i primi erano legati l’uno all’altro. Quando gli inglesi lavoravano, lo facevano per smania di successo; i prussiani lavoravano invece per amore del dovere da compiere. In Inghilterra era la ricchezza che contava, in Prussia l’azione. Il socialismo marxista era profondamente influenzato dalle idee inglesi. Marx infatti, al pari degli inglesi, non ragionava dal punto di vista dello stato, bensì da quello della società. Per lui, come per gli inglesi, il lavoro era qualcosa da comprare e vendere, una merce dell’economia di mercato, mentre per i prussiani ogni lavoro, da quello del più alto funzionario a quello del più umile manovale, era un dovere, compiuto come un servizio reso alla comunità. A detta di Spengler, Federico Guglielmo I, il re-soldato prussiano del diciottesimo secolo, e non Marx, era stato «il primo socialista cosciente». Soltanto la Prussia era uno stato reale, e quindi uno stato socialista. «Qui, nel senso stretto del termine, non esistevano individui isolati. Chiunque viveva nell’ambito del sistema, che funzionava con la precisione di una buona macchina, faceva parte della macchina».

    Spengler andava a ritroso nella storia per spiegare la differenza fra inglesi e prussiani; il carattere inglese derivava dai saccheggiatori vichinghi, quello prussiano dai devoti Cavalieri Teutonici. Malgrado lo storicismo, ora brillante, ora falso, gli scritti di Spengler intendevano essere non distaccate opere di studio, bensì littérature engagée [letteratura impegnata]. Il suo Preussentum und Sozialismus era infatti un fervido appello alla gioventù tedesca, lanciato nell’ora della disfatta e dello sconforto. «Nella nostra lotta – egli scriveva nell’introduzione – conto su quella parte della nostra gioventù che sente profondamente, al di là di tutti gli oziosi discorsi quotidiani, […] l’invincibile forza che continua a marciare in avanti malgrado tutto, una gioventù […] romana nell’orgoglio di servire, nella umiltà di comandare, preoccupata di chiedere non diritti dagli altri, bensì doveri da se stessa, senza eccezione, senza distinzione, per realizzare il destino che sente nel suo intimo. In questa gioventù vive una tacita coscienza che integra l’individuo nel tutto, nella nostra cosa più sacra e profonda, un patrimonio di duri secoli, che distingue noi fra tutti i popoli, noi, i più giovani, gli ultimi della nostra civiltà. A questa gioventù io mi rivolgo. Possa essa comprendere quello che ora diventa il suo compito futuro. Possa essere fiera di aver l’onore di affrontarlo.»

    L’appello di Spengler alla gioventù si faceva ancora più fervido alla fine del libro: «Chiamo a raccolta coloro che hanno midollo nelle ossa e sangue nelle vene… Diventate uomini! Non vogliamo più discorsi sulla cultura, sulla cittadinanza mondiale, sulla missione spirituale della Germania. Abbiamo bisogno di durezza, di ardito scetticismo, di una classe di dominatori socialisti. Ancora una volta: socialismo significa potenza, potenza, ancora e sempre potenza. La via verso la potenza è chiaramente segnata: i più valenti lavoratori tedeschi devono unirsi ai migliori rappresentanti del vecchio spirito politico prussiano, gli uni e gli altri decisi a creare uno stato rigidamente socialista, una democrazia nel senso prussiano, gli uni e gli altri legati da un comune senso del dovere, dalla coscienza di un grande compito, dalla volontà di obbedire per dominare, di morire per vincere, dalla forza di compiere tremendi sacrifici per realizzare il nostro destino, per essere quel che siamo e quel che senza di noi non esisterebbe. Noi siamo socialisti. Noi non intendiamo esser stati socialisti invano».

    La filosofia spengleriana della storia era concisamente esposta in un brano di Preussentum und Sozialismus: «La guerra è eternamente la più alta forma di esistenza umana, e gli stati esistono per la guerra; essi manifestano per la guerra essi manifestano la loro preparazione alla guerra. Anche se un’umanità stanca e smorta desiderasse rinunciare alla guerra, essa diventerebbe, anziché il soggetto, l’oggetto della guerra per cui e con cui gli altri guerreggerebbero».

    Lo stesso tema viene ripetuto nel secondo volume del Tramonto dell’Occidente, apparso nel 1922: «La vita è dura. Essa lascia un’unica scelta, quella tra vittoria e sconfitta, non quella fra guerra e pace.» E nell’ultimo libro pubblicato, undici anni dopo, Anni della decisione, egli affermava con ripetitività quasi hitleriana: «La lotta è il fatto fondamentale della vita, è la vita stessa. La noiosa processione di riformatori, capaci di lasciare come loro unico monumento montagne di carta stampata, è ora finita… La storia umana in un periodo di civiltà altamente evoluta è storia di potenze politiche. La forma di questa storia è la guerra. La pace è soltanto […] una continuazione della guerra con altri mezzi […] Lo stato è l’essere in forma di un popolo, che è da esso costituito e rappresentato, per guerre attuali e possibili». Questa filosofia della storia ultrasemplificata portava la priorità della politica estera su quella interna, tipica di Ranke, a un estremo palesemente assurdo. Civiltà e religioni, istituzioni e costituzioni, economia e benessere nazionale non contavano più nella storia; non rimaneva che la politica estera, ridotta essa stessa alla guerra e alla preparazione della guerra. Le guerre non erano più eccezioni o incidenti, erano il fatto centrale della vita e della storia, il loro significato e coronamento. La prima nazione moderna che l’aveva compreso era, secondo Spengler, la Prussia, che su questa consapevolezza basava la sua pretesa di supremazia nella nuova era. «La Prussia – egli scriveva – è soprattutto priorità incondizionata della politica estera su quella interna, la cui sola funzione è quella di mantenere la nazione in forma per quel compito.»[…]

    Le teorie politiche proclamate da Spengler col tono di un veggente furono esposte, in veste più erudita, da Carl Schmitt, professore di diritto internazionale e costituzionale all’università di Bonn, per due decenni il più autorevole maestro di diritto pubblico in Germania. I suoi scritti, legati a quelli di Spengler, introdussero una nuova concezione della politica, che riceveva il suo significato non più da quella che era considerata la vita normale della società, bensì da situazioni estreme. Il normale non tendeva più a controllare l’anormale. […]

    La guerra era un momento importante della vita politica e della vita in genere; l’inevitabile relazione amico-nemico dominava ogni settore. «I punti culminanti della grande politica – sosteneva Schmitt – sono quelli in cui si discerne il nemico con estrema concreta chiarezza come nemico». Questa teoria politica corrispondeva al presunto primordiale istinto combattivo dell’uomo che tendeva a considerare chiunque si frapponesse all’appagamento dei suoi desideri come un avversario da toglier di mezzo. La tradizionale arte di governo dell’Occidente, invece, consisteva nel trovare e vie e i mezzi per superare l’istinto primitivo col negoziato paziente, col compromesso, con uno sforzo di reciprocità, soprattutto con l’osservanza di leggi universalmente vincolanti.

    La totalitaria filosofia di guerra fu così riassunta da Schmitt: «La guerra è l’essenza di ogni cosa. La natura della guerra totale determina la forma naturale dello stato totale». Comprensibilmente, egli nutriva un profondo disprezzo per il diciannovesimo secolo, «un secolo pieno d’illusione e frode.» Nel suo stato ideale di quest’epoca, ovviamente immune da illusioni e frode, la vita nella sua interezza era subordinata al conflitto armato. in tale ordine d’idee Karl Alexander von Müller, direttore della Historische Zeitschrift [Rivista storica], l’organo ufficiale degli storici tedeschi, concluse, nel numero di settembre del 1939, un editoriale sulla guerra con le parole: «In questa battaglia d’animi troviamo il settore delle trincee che è affidato alla scienza storica della Germania. Essa monterà la guardia. La parola d’ordine è stata data da Hegel: lo spirito dell’universo ha dato l’ordine di avanzare; tale ordine sarà ciecamente obbedito».

    In questo brano di riflessione storica emergono, a nostro avviso, alcuni tipici difetti della storiografia d’impostazione liberal-democratica, primo fra tutti quello di presentarsi (e percepirsi essa stessa) come la storiografia, immune da passioni e pregiudizi, e perciò titolata a giudicare, davanti al tribunale della storia, tutte le altre ideologie. Intendiamoci: molti giudizi sono pertinenti e perfettamente condivisibili. Giusto porre l’accento sulle responsabilità politiche ed etiche degli intellettuali tedeschi dell’epoca di Weimar nell’aver spianato la strada al nazismo; giusto evidenziare la rozzezza e le eccessive semplificazioni della filosofia della storia di Moeller, Spengler, Schmitt; e giusto anche aver richiamato il fatto che il successo di quella impostazione dei problemi politici, nella cultura e nella società, non sarebbe stato possibile se non vi fosse stata una lunga preparazione, da parte di generazioni e generazioni di intellettuali che li avevano preceduti.

    In che cosa verte, dunque, la nostra perplessità, davanti all’approccio storiografico di Kohn? Essenzialmente nel fatto che egli, tutto preso dal suo pathos moralistico, sembra essersi scordato che il compito primo e fondamentale del mestiere di storico (e anche dello storico del pensiero) non è quello di giudicare, ma di sforzarsi di capire. Il che, naturalmente – giova ripeterlo, onde evitare il solito malinteso tanto caro ai moralisti in male fede – non significa giustificare alcunché. Nel caso specifico, a Kohn è sfuggita la comprensione di quanto di originale poteva esservi nella “rivoluzione conservatrice” che ha coinvolto, oltre a Moeller, Spengler e Schmitt, anche personalità della statura di Heidegger, Jünger, Frobenius, Gogarten e, per certi versi, anche Jung; per non parlare, fuori della Germania, di Hamsun, Pound, Evola, Gentile, Ungaretti, Pirandello, Unamuno, Barrés, Eliade, … dobbiamo continuare? E occorre ricordare che alcuni di questi intellettuali, anche fra quelli particolarmente presi di mira da Kohn, ebbero il coraggio di opporsi al nazismo, o ad aspetti significativi della sua politica, esponendosi in prima persona? Il tanto vituperato Spengler rifiutò di aderire al fanatico antisemitismo nazista e avrebbe subito gravi rappresaglie, se la morte non fosse giunta in buon punto, nel 1936, per metterlo al riparo da esse. Jünger, col romanzo Sulle scogliere di marmo, presentò apertamente Hitler come un malvagio e dissennato timoniere che porta la nave della Germania verso la catastrofe; e suo figlio venne ucciso dai nazisti. Heidegger, come è noto, si dissociò al regime e si chiuse in un cupo silenzio, pur non schierandosi esplicitamente contro di esso.

    Ma, si dirà, Kohn non accusa costoro di essere stati dei cripto-nazisti, bensì di avere oggettivamente spianato il terreno della cultura tedesca all’influsso nefasto del nazismo. Senonché, è proprio quell’avverbio, oggettivamente (che ricorda, guarda caso, altri climi politici e altre condanne spicciole), che ci sembra ingeneroso e poco corretto dal punto di vista del metodo. In un’epoca di crisi, morale non meno che materiale, gli intellettuali vanno anch’essi a tentoni e non li si può accusare con troppa disinvoltura di aver preparato le catastrofi a venire, istituendo per loro una sorta di retroattività morale. Lungi da noi voler minimizzare le responsabilità degli intellettuali; senz’altro alcuni di essi sono stati dei cattivi maestri, e ne portano tutta intera la responsabilità. Occorre, però, distinguere bene i due piani della riflessione: quello storico e quello etico. Se il libro di Kohn, I Tedeschi, vuol essere un libro di storia, è necessario che del metodo storico accetti le premesse e l’impostazione generale: la priorità rivolta allo sforzo di comprendere, innanzitutto. E non ci pare che egli abbia fatto molto in tal senso. Non ha tenuto conto del punto di vista interno della società tedesca nel periodo della Repubblica di Weimar; e non ha tenuto conto della frustrazione e del risentimento, in parte comprensibili, con i quali il popolo tedesco visse quel periodo, dopo che a Versailles Clemenceau era riuscito a far prevalere la logica della pace “punitiva” e dopo che l’inflazione aveva polverizzato non solo i risparmi e i frutti del lavoro di una intera generazione, ma anche – apparentemente – le speranze di rinascita del popolo tedesco.

    Se la famosa pugnalata alla schiena è, infatti, un mito bello e buono, inventato dalla cricca militare prussiana per scaricare sulla società civile, e specialmente sulla socialdemocrazia, la responsabilità della sconfitta in quella guerra che essa aveva fortemente voluto, considerandola – a torto o a ragione – necessaria e inevitabile per la sopravvivenza della Germania come grande potenza, vi sono pochi dubbi – a nostro parere – che il popolo tedesco, al termine della prima guerra mondiale (e, di nuovo, con la crisi della Ruhr del 1923), fu vittima di una grossa ingiustizia storica. Se si fa astrazione da ciò, si rischia di non capire come le parole e gli slogan degli intellettuali conservatori tedeschi ebbero tanta risonanza e tanto successo, specialmente fra la gioventù, negli anni Venti e all’inizio degli anni Trenta. Lo storico, invece – anche e, per certi aspetti, soprattutto lo storico del pensiero – deve sempre e rigorosamente contestualizzare. Non si può comprendere Lutero fuori del proprio tempo e della propria situazione storica; non si può comprendere Kant; non si può comprendere Hegel o Nietzsche o Heidegger. In verità, non si può comprendere niente; a meno che si immagini che il pensiero non vada in nulla debitore della società che lo esprime.

    Un’altra riflessine di carattere generale che ci sembra opportuno fare è che la sconfitta, così nella vita del singolo individuo come in quella dei popoli, è portatrice di una crisi che può anche essere salutare, perché costringe, letteralmente, a prendere atto di una inadeguatezza e a elaborare delle strategie per superare le presenti difficoltà. La società tedesca non era stata certo l’unica responsabile della tragedia del 1914-1918; ma, alla fine della guerra, si trovò dalla parte del perdente e quindi, automaticamente, dalla parte del torto (cosa che si sarebbe ripetuta di lì a ventisette anni). Una clausola del trattato di pace imponeva ai rappresentanti della Germania di firmare una dichiarazione in cui la loro patria si assumeva, tutta intera, la responsabilità di quanto era accaduto: e questo sotto la minaccia di una ripresa immediata della guerra. Mai si era vista una simile prepotenza giuridica, per giunta sotto l’ipocrita bandiera del democraticismo wilsoniano; ma Erzberger dovette trangugiare, a nome del suo popolo, l’amaro boccone (cosa che ne provocò la condanna a morte da parte dell’estremismo nazionalista: condanna che fu eseguita, pochi anni dopo, da un giovane assassino).

    Né basta. Per tre volte – nel 1919, nel 1923 e nel 1929 – l’economia tedesca fu travolta dalla terribile bufera della crisi economica, che spazzò il risparmio e creò milioni e milioni di disoccupati. Ogni volta la società tedesca riusciva a rimettersi in piedi, compiendo degli sforzi veramente titanici, un intervento esterno la rigettava a terra. Nel 1919 la pace punitiva – con le mutilazioni territoriali, la perdita delle colonie e della marina, l’enorme indennità di guerra da pagare agli Alleati; nel 1923 l’occupazione francese e belga del bacino minerario della Ruhr, che rendeva ancor più impossibile soddisfare quei pagamenti; nel 1929 il crollo della borsa di Wall Street, cui gli speculatori della finanza ebraica newyorkese non furono certo estranei: e la terza volta spianò la strada a Hitler. C’è da chiedersi, semmai, come poté resistere tanto a lungo la società tedesca alle sirene del nazismo, con la comunità internazionale ben decisa a distruggerne la volontà di ripresa e la Lega delle Nazioni, comodo paravento giuridico-morale delle plutocrazie britannica e francese, a fare da cane da guardia alle assurde decisioni politiche e territoriali della Conferenza di Versailles.

    Tale il contesto del decennio preso in esame da Kohn (1923-33), e che egli chiama “la marcia verso l’abisso”, attribuendone tutta la responsabilità morale agli intellettuali tedeschi, che avrebbero dissennatamente predicato la violenza e l’esasperazione del darwinismo sociale e del machiavellismo politico. Egli conclude affermando che, per opera di Schmitt e di Spengler, penetrò nella cultura tedesca “una nuova concezione della politica, che riceveva il suo significato non più da quella che era considerata la vita normale della società, bensì da situazioni estreme. Il normale non tendeva più a controllare l’anormale”. Omette però di precisare che la Germania, a causa della miopia e dell’egoismo delle classi dirigenti britanniche, francesi e americane, da oltre un decennio non viveva affatto in una situazione “normale”; che potenti forze economico-finanziarie internazionali facevano di tutto per tenerla in una condizione di cronica e disperata anormalità.

    Così pure, quando Spengler afferma che «La vita è dura. Essa lascia un’unica scelta, quella tra vittoria e sconfitta, non quella fra guerra e pace», Kohn omette di precisare che questa visione cinica e brutale della vita umana era stata ampiamente diffusa (anche se non “inventata”) dall’egoismo e dalla cecità dei vincitori di Versailles. Era stata la loro politica ad insegnare agli sconfitti la dura legge del vae victis, la legge inumana secondo la quale la pace è un lusso degli oziosi e degli imbelli o un’utopia dei sognatori, e che la sola cosa che conta è la forza. Per giunta, i brutali vincitori avevano ammantato tale machiavellismo con le vesti rispettabili dell’umanitarismo wilsoniano e della democrazia liberale, sanzionando a posteriori, con una capillare opera di propaganda e di diplomazia internazionale, il puro e semplice trionfo della forza. Come avrebbero fatto col processo di Norimberga (e con quello di Tokyo) alla fine della seconda guerra mondiale. Un processo ove i crimini tedeschi (e giapponesi) vennero giudicati dagli stessi vincitori, ragion per cui nessun fiatò sui crimini anglo-americani e sovietici.

    Ma veniamo allo specifico, e cioè alle caratteristiche fondamentali della cultura tedesca nel decennio 1923-33, in cui Kohn vede solo e unicamente una marcia verso l’abisso, una preparazione del diluvio nazista, mentre gli sfuggono completamente le esigenze autentiche e legittime di rinnovamento che si esprimevano in quel contesto e con quella tradizione storica: elementi dai quali non è lecito prescindere, a meno di fare un’operazione culturale altamente anti-storica. Non entriamo ora nel merito della filosofia di Mueller, Spengler, Schmitt, e neanche di Jünger, Wittgenstein o Gogarten, perché ciò esulerebbe, e di molto, dai limiti che ci siamo prefissi. Desideriamo piuttosto far notare che questi autori (che, fra l’altro, non vanno arbitrariamente omologati, pena il perdere di vista la specificità intellettuale di ciascuno d’essi) testimoniano uno sforzo del pensiero per trovare nuove certezze dopo le tremende delusioni e i traumi del periodo precedente e, al tempo stesso, un tentativo di ridefinire lo spazio culturale della Mitteleuropa, e anche dell’Europa in generale, nei confronti di un “Occidente” sentito ormai come una realtà socio-culturale al tempo stesso obsoleta e artificiale. In questo senso, furono i promotori di un’autocritica del pensiero europeo: autocritica, ripetiamo, nata dalla sconfitta e dall’umiliazione nazionale; mentre nulla di simile fu neanche immaginato dalla cultura delle nazioni vincitrici, tutte intente a godersi il bottino di Versailles e, semmai, a giocare cinicamente sulle rivalità dei nuovi, piccoli Stati dell’Europa centrale (Cecoslovacchia, Jugoslavia, ecc.) sorti dallo sfacelo del vecchio ordine europeo.

    È vero, gli intellettuali inglesi e francesi degli anni Venti non hanno seminato idee ultranazionaliste e guerrafondaie. Non ve n’era bisogno: la cultura di quei Paesi si godeva la meravigliosa sensazione di aver affrontato e superato una dura prova e, alla fine, di aver contribuito al trionfo della giustizia, della libertà, della democrazia. Gli intellettuali tedeschi – e, a maggior ragione, quelli austriaci o dell’area ex asburgica: Musil, Roth, Kafka, von Rezzori, Cioran – erano costretti a interrogarsi non solo sulla sconfitta e sulla disintegrazione della vecchia Mitteleuropa, ma anche sull’incipiente disintegrazione dello spirito europeo, sulla stessa disintegrazione dell’Io come soggetto unitario della coscienza. Avevano a che fare con una situazione estrema, e fecero del loro meglio per trovare un raggio di luce, una indicazione che li guidasse fuori dalla crisi, verso il futuro. Possiamo discutere la saggezza della via da essi battuta e dissentire da alcuni aspetti della loro polemica; tuttavia, se vogliamo essere onesti, dobbiamo riconoscere che non tutte le ragioni della loro polemica erano infondate.

    Quando Spengler, ad esempio, affermava che “per Marx, come per gli inglesi, il lavoro era qualcosa da comprare e vendere, una merce dell’economia di mercato, mentre per i prussiani ogni lavoro, da quello del più alto funzionario a quello del più umile manovale, era un dovere, compiuto come un servizio reso alla comunità”, non ci sembra che dicesse cosa molto lontana dal vero. Anche l’osservazione che nel vecchio sistema prussiano erano impliciti elementi di socialismo e che, ad ogni modo, in Germania il senso dei valori collettivi prevaleva sull’individualismo, non era peregrina; come non era infondata la convinzione di Moeller che il regime bolscevico, per le sue istanze profonde antiplutocratiche, fosse – nonostante le apparenze – ideologicamente più vicino agli interessi e al sentire del popolo tedesco di quanto non lo fossero i sistemi liberal-democratici dell’Europa occidentale e degli Stati Uniti. La polemica degli intellettuali tedeschi contro l’umanitarismo era sicuramente riprovevole, così come pericoloso il loro continuo soffiare sul fuoco del nazionalismo esasperato. Però bisogna rendersi conto di una cosa: essi sentivano il dovere di ricorrere a ogni mezzo per rimettere in piedi un popolo che era stato ridotto in ginocchio e che era tuttora vittima di una ingiustizia storica. La spettacolare crescita economica, culturale e sociale tedesca del Secondo Reich, fra il 1871 e il 1918 (sì, anche sociale: con una delle legislazioni del lavoro fra le più avanzate al mondo) era stata letteralmente strangolata da una coalizione mondiale che adesso era ben decisa a impedire che la Germania si rialzasse e tornasse a mettere in pericolo i privilegi acquisiti dalle potenze mondiali più vecchie.

    Gli storici come H. Kohn, implicitamente o esplicitamente, rimproverano agli intellettuali tedeschi di quel periodo di non aver fatto nulla per convogliare le simpatie dei loro compatrioti verso gli istituti della democrazia. Così facendo, sembrano dimenticare un elemento fondamentale, che oggi si ripete in Iraq e in varie altre parti del mondo: la democrazia era stata, per la Germania, non il punto d’arrivo di un processo interno e naturale, ma la conseguenza della sconfitta e, in un certo senso, una imposizione dei vincitori. Quantomeno, gli Alleati si erano serviti della Repubblica democratica di Weimar per presentare al popolo tedesco il conto salatissimo della Conferenza di Versailles e della pace-capestro. Portata al potere dal doppio trauma della disfatta militare e del diktat dei vincitori, la Repubblica non era amata e, soprattutto, non era sentita come parte della tradizione storica nazionale.

    Si può, naturalmente, chiamare in causa la scarsa maturità politica della classe dirigente tedesca e, più in generale, la tradizione filistea del ceto medio, sempre pronto – in particolare dal 1870 – ad applaudire il vincitore di turno, ossia qualunque governo capace di portare al successo l’affermazione dello Stato con la forza materiale. Questo, certamente, era il peccatum originalis del Secondo Reich: il “patto col diavolo” della borghesia tedesca che, nel 1866 e nel 1870, si era inchinata davanti alla politica di Bismarck solo perché, sul piano della pura forza, si era dimostrata vincente. Ma sarebbe antistorico e ingeneroso addossare tutte le colpe agli intellettuali che, negli anni Venti, dovettero procedere alla liquidazione del vecchio mondo e delle vecchie certezze a prezzi fallimentari; e che, contemporaneamente, dovettero cercare in tutta fretta di fornire nuovi orientamenti al loro popolo traumatizzato e demoralizzato.

    Più in generale, ci sembra che la vicenda della cosiddetta “rivoluzione conservatrice” segni l’ultimo sprazzo di vitalità della cultura europea, l’ultima sua reazione davanti alle forze inumane e omologanti che oggi chiamiamo della globalizzazione, ma che già allora venivano percepite come una americanizzazione del vecchio continente, capace di fare piazza pulita, in nome della borsa, del profitto e dei metodi tayloristici di organizzazione scientifica del lavoro, dell’anima stessa del vecchio continente. Si può interpretare l’opera filosofica di Mueller, Spengler, Schmitt e Jünger come una reazione, aristocratica e popolare al tempo stesso, contro gli aspetti più minaccioso della modernità, primo fra tutti il prevalere delle logiche del mercato su quelle della società civile, della quantità sulla qualità, dell’egoismo privato sull’interesse collettivo. In breve, si può interpretare il pensiero di quegli autori come un tentativo disperato, nostalgico e anti-moderno, di ripristinare i valori tramontati dell’aristocrazia davanti al trionfo degli aspetti più massificanti ed egoistici dello spirito borghese.

    Certo, vi furono molte, troppe scorie all’interno di un tale tentativo; vi fu un uso irresponsabile di slogan aggressivi e razzisti; vi fu un disprezzo esagerato e irragionevole per tutto quanto, a torto o a ragione, era considerato parte di quello spirito borghese e, pertanto, parte di quel quadro internazionale che aveva penalizzato così duramente la patria tedesca. Vi furono molte semplificazioni assurde, molti facili luoghi comuni e un uso troppo disinvolto di formule dall’intrinseco potere distruttivo, che avrebbero sospinto alla catastrofe la società tedesca per la seconda volta nel volgere di una sola generazione. Però, lo ripetiamo, occorre tener conto della particolare situazione tedesca, anche sul piano internazionale. Da una parte la Russia staliniana, dall’altra i vincitori di Versailles, chiusi e sordi a ogni senso di equità e di saggezza, protesi unicamente a sfruttare al massimo i loro immensi imperi coloniali e i profitti giganteschi che la guerra stessa, come nel caso degli Stati Uniti, aveva portato loro.

    La Germania, pertanto, si sentiva come una cittadella assediata e abbandonata alle sue risorse; o trovava in se stessa la forza di reagire, o sarebbe perita, forse per sempre. Questo videro i Mueller, gli Spengler e gli Schmitt. Bisognerebbe tener conto del dramma che stava vivendo il loro popolo, prima di giudicarli con una severità dettata dal senno di poi e da una serie di pregiudizi ideologici che derivano proprio dal fatto che la storia, una volta di più, l’hanno fatta e continuano a farla i vincitori. Basti pensare al destino riservato, circa vent’anni dopo, al cuore della Germania, la vecchia Prussia: smembrata, svuotata dei suoi abitanti con una spietata pulizia etnica, cancellata totalmente dalla carta geografica. Vae victis, appunto: gli Alleati, nel 1945 come nel 1918, non amavano i toni rozzi e aggressivi alla Spengler, ma agivano esattamente in base a quei criteri, brutali e machiavellici, che tanto li disgustavano quando a teorizzarli erano i Tedeschi.